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A. Le temps de la mécanique
L'histoire géologique d'une région : modification des paysages, des climats, vol-
canisme, formation d'une chaîne de montagne, transformation d'un minéral, est comme
un conte : "il était une fois...". Il y a un commencement, un déroulement, parfois une fin.
Le temps joue donc un rôle central dans l'éventail des paramètres. Ce temps est une
notion diversifiée et cela a des implications précises en géologie.
Les varves sont des feuillets sédimentaires lacustres où alternent des couches sa-
bleuses claires et des couches argileuses sombres, cela sur des dizaines, des centaines
ou même des milliers d'unités. Ces couches sont millimétriques. Elles sont liées à un
apport fluviatile à la périphérie des inlandsis, les grandes calottes glaciaires quater-
naires. Le couple argile-sable est lié à la variation saisonnière du débit des cours
d'eau. C'est donc un dépôt qui permet un enregistrement précis du temps, avec une
définition d'une année.
Figure 7-1.
Lamines
annuelles de
croissance
d’une sta-
lagmite.
B. Le temps de la radioactivité
N = N0e-λt
F = N0 - N = N0[1 - e-λt]
On définit également le temps de demi-vie T1/2 qui est la durée nécessaire pour que la moi-
tié des atomes de l'élément père ait disparu. On a la relation bien connue :
T1/2 = ln2/λ
La mesure d'un temps relatif est donc possible dans le monde sédimentaire, qui
permettrait de construire une échelle temporelle théoriquement depuis qu'il existe des
couches de sédiments. Mais le problème fondamental posé est l'absence d'une colonne
de sédiments qui soit complète, c'est-à-dire témoignant d'une sédimentation continue
depuis le début des temps sédimentaires. Il faut donc trouver des points de repère pour
associer telle couche à telle autre, dans le temps et dans l'espace, pour que cette échelle
soit utilisable. Les fossiles jouent un rôle fondamental, ainsi que certains événements
qui se produisent à échelle mondiale. Comme ils apparaissent surtout il y a quelques
545 M.A. (M.A. = millions d'années), l'échelle des temps fossilifères débute à cette
époque.
A. La coupe géologique
Le problème est d'étudier les diverses couches de roches qui constituent un en-
semble géologique. Pour cela, le géologue doit pouvoir dessiner la suite de ces couches
en les observant sur le terrain (ou en sondage, mais cela revient en principe au même).
Le concept pratique de base du stratigraphe est la coupe.
Examinons la figure 7-3. La paroi recoupée par la route montre une succession
de bancs rocheux de diverse nature. C’est une coupe artificielle, dans ce cas, mais qui
pourrait être naturelle si cette paroi avait été recoupée par une rivière. Le géologue peut
sur cette "tranche" de roches étudier la succession des diverses couches de roche : épais-
seur, nature, recherche des fossiles, etc. Qu'y voyons-nous?
Figure 7-3. Coupe dans les roches du Dévonien inférieur en Meuse française entre Re-
vin et Givet.
La coupe débute en bas à gauche par des gros bancs résistants en grès. Les
couches inférieures peuvent être vues en se dirigeant vers la gauche, puisque leur incli-
1. Le principe de superposition
Une couche sédimentaire est plus récente que celle qu'elle recouvre.
Figure 7-4a. Principe de superposition. La strate 1 est plus vieille que la 2, plus vieille que
la 3. Calcaires marins tertiaires, Minerve, France.
Bien-sûr, des événements peuvent infirmer ce principe. Il faut tout d'abord que
la sédimentation ait été horizontale. Ensuite, la série géologique doit être normale. Des
événements tectoniques sont capables d'inverser complètement une série géologique
que l'on appelle alors inverse. On voit ainsi l'importance des critères de polarité qui per-
Il faut bien faire la distinction entre une série et une séquence. Une série est
un ensemble de couches sédimentaires qui se succèdent stratigraphiquement.
On parle de la série des calcaires de Tournai, par exemple. La séquence est un
ensemble de niveaux sédimentaires de nature différente, se succédant dans
un ordre déterminé, limité au mur et au toit par d'importantes discontinuités
stratigraphiques. Cet ensemble stratigraphique a une signification soit sédi-
mentologique (séquence dans les flyschs de la figure 7-5), soit paléogéogra-
phique (séquence transgressive, voir plus loin).
LES FOSSILES EN POSITION DE VIE indiquent le haut de la couche. Il faut un grand nombre
de fossiles pour avoir une représentation statistique (figure 7-6). Le dépôt de sédiments
à l’intérieur d’une coquille vide après la mort de l’animal indique aussi le haut ; on
parle de structure géopétale.
Une couche sédimentaire limitée par un plancher et par un toit et définie par un
faciès donné est de même âge en tous ses points.
Le faciès est une notion très importante en géologie. Le faciès d'une couche sé-
dimentaire comprend les caractéristiques lithologique de cette couche (faciès gréseux
par exemple : lithofaciès) et le contenu paléontologique (craie phosphatée à bélemnites
par exemple : biofaciès). Mais on utilise aussi ce terme pour définir un milieu de sédi-
mentation (faciès littoral, faciès récifal).
Deux couches contenant les mêmes fossiles stratigraphiques ont le même âge.
Le fossile étant la trace d'un être vivant, il est caractérisé par le milieu de vie de
cet être vivant. Ce dernier peut donc être soit caractéristique d'un milieu très restreint
(par exemple un récif corallien), soit largement représenté (les foraminifères plancto-
niques).
D'autre part, on sait que les êtres vivants évoluent ; ils se transforment les uns
dans les autres ; parfois ils disparaissent de la surface de la terre (les dinosaures). Pour
bien définir une tranche de temps, il faut un fossile qui présente des caractères morpho-
logiques bien précis durant un laps de temps le plus court possible. S'il est largement
représenté (dans beaucoup de milieux), c'est mieux. Or, on sait maintenant que l'espèce
évolue de façon continue avec transformation statistique continue des individus (anage-
nèse). Il faut aussi tenir compte qu'à côté de ces variations dans le temps, il existe aussi
des variations dans l'espace. Cela explique le soin qu'il faut prendre pour bien définir
Figure 7-8. Un fossile marqueur dans le Crétacé des Aurès (Algérie). Hemipneuste Afri-
canus est un oursin gros comme un poing.
A. La formation
Une formation est une série de couches sédimentaires situées dans une région et
qui prennent le nom de cette région. Elle est définie pour servir de repère grâce à ses
caractéristiques lithologiques et paléontologiques. Par exemple, la craie phosphatée du
bassin de Mons est une craie riche en phosphates qui contient de nombreux fossiles
comme les bélemnites ou des grands reptiles nageurs. A l’intérieur d’une formation, on
peut effectuer des divisions plus fines, comme celle d’horizons qui n’ont qu’un déve-
loppement vertical limité. On peut parler d’un horizon calcaire au sein de marnes par
exemple. Dans la région considérée, la formation a souvent un sens chronologique. La
craie phosphatée de Mons date de la fin de l'Ere secondaire, du Maastrichtien.
B) le stratotype
C) l'étage
Pour dépasser la notion de stratotype qui dépend trop de l'historique des re-
cherches, la stratigraphie moderne a créé la notion de biozone : association de faune ou
de flore caractéristique ayant vécu un laps de temps donné. Les fossiles-marqueurs ont
l'aire de répartition maximale. Ces divisions, basées en gros sur les fossiles, constituent
la biostratigraphie (figure 7-11). La division des temps géologiques en étages s’appelle
la chronostratigraphie. D’une manière générale, les divisions entre les étages s’appuie
sur la biostratigraphie mais aussi sur des phénomènes de nature mondiale comme une
variation climatique ou un repère géochimique par exemple. L’équivalent de la série est
l’époque, du système est la période. La chronostratigraphie a fait de grands progrès avec
l’avènement des datations absolues, basées sur la radioactivité, ainsi que nous l’avons
vu au début de ce chapitre.
D. L’histoire de la Terre
Il est sous-jacent à toute la stratigraphie qu'il est possible d'établir des corréla-
tions entre les différentes formations, corrélations ayant une valeur mondiale. C'est la
motivation pour les paléontologues de rechercher les biozones les plus universelles
possibles. La stratigraphie moderne ajoute d'autres méthodes, complémentaires de la
paléontologie qui reste la science de base dans ce domaine. Les pétroliers ont joué un
rôle déterminant dans ces travaux. Ils travaillent en effet souvent soit à partir de don-
nées de sondages, soit à partir de données géophysiques. Les sondages, s'ils sont carot-
tés, fournissent des échantillons bien-sûr, mais petits et très chers! La recherche des mi-
crofossiles est devenue prioritaire dans ce cas, vis-à-vis des macrofossiles. C'est la pre-
mière avancée dans laquelle les pétroliers se sont engouffrés. Cela ne suffisait souvent
pas. De plus, pour réduire les frais et augmenter les vitesses d'investigation, les son-
dages sont souvent creusés en destructif : seuls des "cuttings", roches broyées par les
outils, remontent à la surface. Elles peuvent parfois être exploitées par la micropaléon-
tologie, mais d'autres méthodes s'imposaient.
Les couches rocheuses investiguées par un sondage ont une identité physique et
chimique : résistivité électrique, densité, teneur en eau, porosité, radioactivité, etc. Ces
paramètres sont accessibles par des mesures géophysiques effectuées dans les trous
(figure 7-14). Un sondage devient ainsi un diagramme dans lequel de nombreux para-
mètres varient de concert avec la profondeur. C’est un chapitre important de la géo-
physique que l’on appelle la diagraphie. Cet ensemble de données corrélées peut à son
tour être comparé avec d'autres ensembles se rapportant à d'autres sondages du bassin
sédimentaire investigué. On établit de la sorte des corrélations spatiales entre les séries
géologiques, sur base de leurs propriétés physiques et chimiques. Bien sûr, de grandes
précautions doivent être prises pour interpréter une stratigraphie à l’échelle d’un bassin
sédimentaire à partir de sondages car ces derniers sont ponctuels. On peut passer à côté
d’importantes variations latérales de faciès, ou encore des phénomènes tectoniques
(failles, charriages).
La séquence appelée série positive ou série virtuelle car comprenant tous les
termes sédimentaires, va du détritique au chimique. La série oligocène du bassin du
Puy en Velay l'illustre parfaitement (figure 7-17). L'interprétation classique fait interve-
nir l'érosion d'un continent tectoniquement soulevé. Les sables inférieurs proviennent
de l'érosion de reliefs vigoureux. Ensuite, l'énergie diminuant, seules des argiles par-
viennent au bassin de sédimentation. Sur un continent arasé, la végétation se développe
et seules des solutés arrivent dans le bassin : Mg++, Ca++ qui donnent des calcaires. Des
évaporites terminent parfois cette séquence, traduisant le confinement du bassin.
Figure 7-18. Série oligocène du Puy en Velay. Il s'agit d'un bassin d'effondrement (graben,
voir chapitre IX) dans lequel s'installe un bassin de sédimentation. Les sables inférieurs pro-
viennent de l'érosion du socle en surrection mais sont typiques d'une phase rhexistasique. La
tendance rouge est due à d'anciennes accumulations pédologiques de fer, datant de phases
climatiques antérieures. Les bancs marneux traduisent le lessivage des bases alcalino-
terreuses suite à une pédogenèse de type savane, à saison contrastée. Enfin, les calcaires supé-
rieurs confirment l'installation d'une végétation plus protectrice et d'une phase biostasique.
Tiré d'AUBOIN, BROUSSE et LEHMAN, 1975.
A. L’eustatisme
Les lignes de rivage sont changeantes, nous l'avons évoqué plus haut. Les varia-
tions des lignes de rivage modifient la position des plate-formes et des talus, donc les
modalités de la sédimentation.
L'eustatisme est la modification du niveau moyen des mers par rapport aux continents
supposés stables.
Figure 7-22. Une régression climatique : le niveau des mers il y a 20.000 ans au
maximum de la dernière glaciation. Constatons par exemple le lien continental entre les
îles indonésiennes et Philippines avec l’Asie, ainsi que le recul du rivage européen de
l’Océan Atlantique.
Nous venons de voir que les climats jouent un rôle sur l’eustatisme en contrôlant
le volume de glace perchée sur les continents. Les périodes glaciaires sont plutôt une
exception dans l’histoire de la Terre : Précambrien terminal, Ordovicien supérieur-
Silurien inférieur, Carbonifère supérieur-Permien inférieur, Miocène supérieur-actuel.
En fait, le climat chaud et tempéré est la règle, ce que l’on constate en examinant la
courbe des paléotempératures depuis la fin de l’Ere Primaire (figure 7-24). Le climat
chaud durant la plus grande partie de l’Ere Secondaire et le début de l’Ere Tertiaire est
dû tout d’abord à une conséquence de la tectonique des plaques et de la mobilité des
continents. Lorsqu’on examine une carte du monde au temps de la Pangée, on constate
qu’une grande partie des terres émergées se trouvent sur le pôle sud, permettant ainsi
la formation d’une calotte de glace (figure 7-25). Plus la glace s’étend, plus l’effet
d’albédo est important avec un réfléchissement de plus en plus fort de l’énergie solaire
et un accroissement du refroidissement. Au Crétacé par contre, l’Antarctique n’occupe
plus sa place centrée sur le pôle. De plus, l’activité volcanique due aux dorsales injecte
beaucoup de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, provoquant un effet de serre. Le
climat devient donc plus chaud.
C. La stratigraphie séquentielle
Le Bassin de Mons est le nom donné à une dépression subsidente qui s’est peu à
peu remplie de sédiments durant le Crétacé et le Paléogène (figures 7-27 & 7-28). C’est
donc typiquement un bassin de sédimentation post-hercynien, c’est-à-dire qui a suivi
l’érosion de la chaîne de montagnes qui s’est édifiée à la fin de l’Ere secondaire et qui a
donné l’essentiel des roches ardennaises.
La lithostratigraphie du bassin indique que son histoire commence avec les for-
mations de faciès wealdiens de la base du Crétacé supérieur (figure 7-29). Ce sont des
sables, des argiles, des lignites continentaux s’épandant au débouché de rivières venant
du Massif du Brabant au nord et s’écoulant vers le sud. Ensuite, la sédimentation car-
bonatée et siliceuse s’installe progressivement, d’abord avec des marnes, puis des craies
et des silex. C’est l’installation de la « mer de la craie » qui correspond à la grande
transgression du Crétacé et au régime généralisé de biostasie sous climat chaud (figure
7-30). Il faut noter que cette sédimentation n’est pas continue. Elle est entrecoupée de
régressions qui s’inscrivent dans les roches par des niveaux durcis (« hard-ground »)
correspondant à l’altération et à la cimentation du sommet des formations carbonatées
(figure 7-31). S’ensuit un intervalle transgressif avec de minces dépôts phosphatés
Figure 7-31. La stratigraphie des craies. Les craies sont positionnées en formations, souvent
séparées par des lacunes soulignées par les niveaux de poudingues et de hard-grounds (d’après
Robaszynski et al. 2001).
Figure 7-33a. Le passage du banc durci de la craie phosphatée de Ciply (en bas) à la cal-
carénite de Ciply (en haut).