Vous êtes sur la page 1sur 37

LA STRATIGRAPHIE

I. L’ENREGISTREMENT DU TEMPS EN GEOLOGIE

A. Le temps de la mécanique

L'histoire géologique d'une région : modification des paysages, des climats, vol-
canisme, formation d'une chaîne de montagne, transformation d'un minéral, est comme
un conte : "il était une fois...". Il y a un commencement, un déroulement, parfois une fin.
Le temps joue donc un rôle central dans l'éventail des paramètres. Ce temps est une
notion diversifiée et cela a des implications précises en géologie.

Le temps, en physique, est un paramètre que l'on désigne habituellement par t.


Ce paramètre physique est lui aussi une notion diversifiée. Le temps de la mécanique
est, par exemple, celui qui apparaît dans les équations de mécanique céleste. Les hor-
loges sont constituées par le mouvement régulier (ou presque...) des corps célestes. Pra-
tiquement, ce temps est enregistré par certains phénomènes géologiques. Les varves en
constituent un bon exemple. Certaines stalagmites montrent aussi en coupe une suc-
cession de couches de calcite double dont chacune représente une année.

Les varves sont des feuillets sédimentaires lacustres où alternent des couches sa-
bleuses claires et des couches argileuses sombres, cela sur des dizaines, des centaines
ou même des milliers d'unités. Ces couches sont millimétriques. Elles sont liées à un
apport fluviatile à la périphérie des inlandsis, les grandes calottes glaciaires quater-
naires. Le couple argile-sable est lié à la variation saisonnière du débit des cours
d'eau. C'est donc un dépôt qui permet un enregistrement précis du temps, avec une
définition d'une année.

Figure 7-1.
Lamines
annuelles de
croissance
d’une sta-
lagmite.

Géologie générale – Chapitre 7 page 1


Le temps de la mécanique est, par essence, un temps qui n'a pas de sens précis.
Le renversement du temps, [t] en [-t], ne change aucunement les équations de la méca-
nique. Or, l'expérience quotidienne, ainsi que les études géologiques, contredisent ce
concept philosophique : les événements qui se déroulent ou se sont déroulés sur notre
planète sont irréversibles. Nous avons déjà évoqué ce sujet. La vie de la Terre est celle
d'un système dissipatif : la transformation de l'énergie aboutit à sa dégradation (aug-
mentation de l'entropie) mais aussi à une structuration spatiale et temporelle. La me-
sure de ce temps demande d'autres phénomènes liés au paramètre temporel.

B. Le temps de la radioactivité

La radioactivité est un phénomène physique qui dépend explicitement du


temps. Un ensemble N0 d'atomes radioactifs de l'élément "père" voit, au cours du
temps, leur nombre diminuer par leur transformation radioactive en un autre ensemble
d'atomes de l'élément "fils". Après un temps t, il reste un nombre N d'atomes de l'élé-
ment père non encore désintégrés et N - N0 atomes de l'élément "fils" créé (figure 7-2).
L'équation de base de la radioactivité est :

N = N0e-λt

λ est la constante radioactive de l'élément radioactif considéré. Le nombre d'atomes fils


est donné par la relation :

F = N0 - N = N0[1 - e-λt]

On définit également le temps de demi-vie T1/2 qui est la durée nécessaire pour que la moi-
tié des atomes de l'élément père ait disparu. On a la relation bien connue :

T1/2 = ln2/λ

Figure 7-2. Loi de


la décroissance
radioactive.

Géologie générale – Chapitre 7 page 2


Toutes les observations, toutes les expériences ont montré que la constante ra-
dioactive est une caractéristique du radio-isotope considéré, quelques soient les condi-
tions auxquelles sont soumis les atomes. Depuis la naissance de la Terre, le temps de
demi-vie des radio-isotopes est donc une constante inaltérable. En déterminant les va-
riables d'un système géochimique (nombre d'atomes actuellement présents du "père" et
du "fils" par exemple), on peut calculer le temps qui s'est écoulé depuis que le système
dans lequel les atomes de l'élément "père" se sont accumulés s'est refermé. La mesure
du rapport entre le nombre d'atomes de ces deux éléments "père-fils" permet de mesu-
rer le temps qui s'est écoulé depuis la fermeture du système. Il s'agit donc d'un temps
quantifiable : le temps de la radioactivité.

C. La géochronologie relative : le temps de la sédimentation

La datation isotopique s'applique surtout aux roches magmatiques, également


aux roches métamorphiques, peu aux roches sédimentaires. Il faut en effet trouver des
systèmes dont on peut concevoir la fermeture. Dans le cas d'un granite, d'un basalte, la
fermeture est la solidification. Les isotopes se retrouvent donc véritablement emprison-
nés dans la roche à un moment précis. Pour les roches sédimentaires, il faut trouver la
genèse d'un minéral particulier qui emprisonne aussi les isotopes (la glauconie, dans
certains cas, est l'un de ces minéraux). Cela n'est pas fréquent.

Néanmoins, l'ordonnancement des couches sédimentaires, comme l'exemple des


varves cité plus haut, est également une mesure du temps. Le dépôt d'une épaisseur
donnée de sédiments (transformés en roche sédimentaire ultérieurement) dans des
conditions écologiques particulières a mis un temps t pour se constituer. Bien-sûr, cette
durée peut difficilement être "universelle". Une crue du fleuve apporte une grande
quantité de sable qui se sédimentera, par exemple, en une couche de 20 cm dans le delta
en quelques heures, voire quelques jours, tandis que le débit d'étiage ne verra qu'une
couche d'argile de 2 cm d'épaisseur se sédimentera en plusieurs mois. On se rend bien
compte que la vitesse de sédimentation, et donc la mesure du temps, est sous la dépen-
dance de tous les paramètres environnementaux du milieu de sédimentation.

La mesure d'un temps relatif est donc possible dans le monde sédimentaire, qui
permettrait de construire une échelle temporelle théoriquement depuis qu'il existe des
couches de sédiments. Mais le problème fondamental posé est l'absence d'une colonne
de sédiments qui soit complète, c'est-à-dire témoignant d'une sédimentation continue
depuis le début des temps sédimentaires. Il faut donc trouver des points de repère pour
associer telle couche à telle autre, dans le temps et dans l'espace, pour que cette échelle
soit utilisable. Les fossiles jouent un rôle fondamental, ainsi que certains événements
qui se produisent à échelle mondiale. Comme ils apparaissent surtout il y a quelques
545 M.A. (M.A. = millions d'années), l'échelle des temps fossilifères débute à cette
époque.

Géologie générale – Chapitre 7 page 3


II. LA STRATIGRAPHIE : PRINCIPES GENERAUX

A. La coupe géologique

Le problème est d'étudier les diverses couches de roches qui constituent un en-
semble géologique. Pour cela, le géologue doit pouvoir dessiner la suite de ces couches
en les observant sur le terrain (ou en sondage, mais cela revient en principe au même).
Le concept pratique de base du stratigraphe est la coupe.

Examinons la figure 7-3. La paroi recoupée par la route montre une succession
de bancs rocheux de diverse nature. C’est une coupe artificielle, dans ce cas, mais qui
pourrait être naturelle si cette paroi avait été recoupée par une rivière. Le géologue peut
sur cette "tranche" de roches étudier la succession des diverses couches de roche : épais-
seur, nature, recherche des fossiles, etc. Qu'y voyons-nous?

Figure 7-3. Coupe dans les roches du Dévonien inférieur en Meuse française entre Re-
vin et Givet.

La coupe débute en bas à gauche par des gros bancs résistants en grès. Les
couches inférieures peuvent être vues en se dirigeant vers la gauche, puisque leur incli-

Géologie générale – Chapitre 7 page 4


naison permet de les examiner vers le bas. Suivent une série de couches moins définies,
plus irrégulières : des phyllades. Plus haut, après une zone de transition qui débute par
un banc de grès solitaire, recommencent une série de gros bancs gréseux. Les bancs
s'appellent des strates et les surfaces de discontinuité qui séparent les bancs sont les
plans de stratification qui s'expriment en coupe par des joints de stratification. La
strate est le résultat du dépôt supposé continu, plus ou moins rapide selon les cas, de
sédiments qui constitueront par la suite la roche sédimentaire. Une couche se définit
par sa base (mur) et par son sommet (toit). Les plans de stratification visualisent une
rupture dans la sédimentation. Les fractures verticales qui hachent les strates perpendi-
culairement sont des diaclases. Elles n'ont plus rien à voir avec la stratification ; ce sont
des cassures provoquées par les contraintes mécaniques subies par le massif rocheux
(voir le chapitre sur la tectonique).

B. Les règles de la stratigraphie

1. Le principe de superposition

Une couche sédimentaire est plus récente que celle qu'elle recouvre.

C’est la transcription du dépôt des couches de sédiments au fond du bassin.

Figure 7-4a. Principe de superposition. La strate 1 est plus vieille que la 2, plus vieille que
la 3. Calcaires marins tertiaires, Minerve, France.

Géologie générale – Chapitre 7 page 5


Figure 7-4b. Principe de
superposition. Les calcaires
de Soignies sont ici figuré
sur une coupe stratigra-
phique, parfois appelée
« log ». Le figuré est utilisé
de telle manière
d’individualiser les forma-
tions (voir plus loin). L’ordre
de superposition est donc :
cliquantes, petit granit et
raches.

Bien-sûr, des événements peuvent infirmer ce principe. Il faut tout d'abord que
la sédimentation ait été horizontale. Ensuite, la série géologique doit être normale. Des
événements tectoniques sont capables d'inverser complètement une série géologique
que l'on appelle alors inverse. On voit ainsi l'importance des critères de polarité qui per-

Géologie générale – Chapitre 7 page 6


mettent de définir le haut et le bas d'une couche. Trois critères principaux existent. Les
deux premiers sont particulièrement utilisables dans les bancs de grès.

LE GRANOCLASSEMENT VERTICAL définit la diminution de la taille des grains de bas en


haut (diminution de compétence du courant dans le temps). Ce granoclassement se dé-
finit à l'échelle du banc, ou à l'échelle de la séquence (figure 7-5).

Figure 7-5. Grano-


classement vertical.
Le flysch à Helmin-
thoïdes (traces fossiles
animales) est une série
séquentielle qui se met
en place durant la
structuration d’une
chaîne de montagne.
C’est l’expression de
courants de turbidité.
Les grés s'ordonnent
verticalement du plus
grossier en bas au plus
fin au sommet.

Il faut bien faire la distinction entre une série et une séquence. Une série est
un ensemble de couches sédimentaires qui se succèdent stratigraphiquement.
On parle de la série des calcaires de Tournai, par exemple. La séquence est un
ensemble de niveaux sédimentaires de nature différente, se succédant dans
un ordre déterminé, limité au mur et au toit par d'importantes discontinuités
stratigraphiques. Cet ensemble stratigraphique a une signification soit sédi-
mentologique (séquence dans les flyschs de la figure 7-5), soit paléogéogra-
phique (séquence transgressive, voir plus loin).

LES FOSSILES EN POSITION DE VIE indiquent le haut de la couche. Il faut un grand nombre
de fossiles pour avoir une représentation statistique (figure 7-6). Le dépôt de sédiments
à l’intérieur d’une coquille vide après la mort de l’animal indique aussi le haut ; on
parle de structure géopétale.

Géologie générale – Chapitre 7 page 7


Figure 7-6. Rudiste en position de vie et un cal-
caire montrant les fossiles en position de vie.
Le rudiste indiqué en hachuré n'est plus en posi-
tion de vie. Les rudistes constituent un groupe de
lamellibranches récifaux : ils vivent fixés. Leur
coquille est épaisse. Ils vivaient dans les mers
chaudes du Jurassique et du Crétacé.

LA STRATIFICATION ENTRECROISEE est formée de laminations sécantes. Les couches en


recoupent d'autres. Le critère de polarité est que toute lamination qui en recoupe une
autre lui est postérieure (figure 7-7).

Figure 7-7. Stratifications


entrecroisées dans les
grès. Les laminations re-
coupent celles qui lui sont
inférieures : c’est un dû à
un phénomène d’érosion.
Par contre, les lamines
supérieures viennent se
raccorder tangentiellement
à la lamination inférieure.

Géologie générale – Chapitre 7 page 8


2. Le principe de continuité

Une couche sédimentaire limitée par un plancher et par un toit et définie par un
faciès donné est de même âge en tous ses points.

Ce principe admet que les conditions de sédimentation sont les mêmes en de


nombreux points du milieu de sédimentation. Le problème est bien-sûr de définir cor-
rectement et complètement les caractères de la couche sédimentaire bien délimitée. Cela
est hasardeux si on ne dispose pas de fossiles dits "stratigraphiques".

En effet, le phénomène de variation latérale de faciès peut entraîner de graves er-


reurs dans les corrélations. On conçoit bien qu'une couche de sable, correspondant à un
milieu littoral, correspond à une couche d'argile du même âge mais plus loin vers le
large. Le principe de continuité est là rompu, mais la couche est bien du même âge.
C'est ici que les fossiles jouent un rôle particulièrement important.

Le faciès est une notion très importante en géologie. Le faciès d'une couche sé-
dimentaire comprend les caractéristiques lithologique de cette couche (faciès gréseux
par exemple : lithofaciès) et le contenu paléontologique (craie phosphatée à bélemnites
par exemple : biofaciès). Mais on utilise aussi ce terme pour définir un milieu de sédi-
mentation (faciès littoral, faciès récifal).

3) le principe d'identité paléontologique

Deux couches contenant les mêmes fossiles stratigraphiques ont le même âge.

Le fossile étant la trace d'un être vivant, il est caractérisé par le milieu de vie de
cet être vivant. Ce dernier peut donc être soit caractéristique d'un milieu très restreint
(par exemple un récif corallien), soit largement représenté (les foraminifères plancto-
niques).

D'autre part, on sait que les êtres vivants évoluent ; ils se transforment les uns
dans les autres ; parfois ils disparaissent de la surface de la terre (les dinosaures). Pour
bien définir une tranche de temps, il faut un fossile qui présente des caractères morpho-
logiques bien précis durant un laps de temps le plus court possible. S'il est largement
représenté (dans beaucoup de milieux), c'est mieux. Or, on sait maintenant que l'espèce
évolue de façon continue avec transformation statistique continue des individus (anage-
nèse). Il faut aussi tenir compte qu'à côté de ces variations dans le temps, il existe aussi
des variations dans l'espace. Cela explique le soin qu'il faut prendre pour bien définir

Géologie générale – Chapitre 7 page 9


des fossiles stratigraphiques que l'on appelle des fossiles-marqueurs. Le fossile-marqueur
doit être caractérisé par la plus grande répartition géographique possible pour avoir de
fortes chances de le découvrir dans divers faciès et par la plus faible extension tempo-
relle possible dans les dépôts.

Figure 7-8. Un fossile marqueur dans le Crétacé des Aurès (Algérie). Hemipneuste Afri-
canus est un oursin gros comme un poing.

Figure 7-9a. Reconstitution d’un fond de


mer de la fin du Tournaisien (Carboni-
fère, Ere Primaire). C’est le paléoenviron-
nement qui a donné naissance au Petit Gra-
nit (figure 7-9b). On voit en d les crinoïdes.
En a, une ammonite primitive : une gonia-
thite. En b, un hydrozoaire est fixé sur le
fond : il s’agit de fenestella. Enfin, on a
aussi indiqué des brachiopodes c fixés eux
aussi sur le fond.

Géologie générale – Chapitre 7 page 10


Figure 7-9b. Une dalle de petit granit avec ses fossiles.

Figure 7-10. Résumé schématique des principes de la stratigraphie. Cette coupe de


principe recoupe une vallée qui dévoile sur ses versants les trois formations considérées et
une carrière qui descend au toit de la seconde formation. L’application des principes de la
stratigraphie permet de prévoir qu’un sondage implanté à côté de la carrière recoupera la
formation inférieure, à moins d’une importante variation latérale de faciès. Les fossiles
sont utilisés à titre uniquement illustratif.

Géologie générale – Chapitre 7 page 11


III. LE DECOUPAGE DU TEMPS

A. La formation

Une formation est une série de couches sédimentaires situées dans une région et
qui prennent le nom de cette région. Elle est définie pour servir de repère grâce à ses
caractéristiques lithologiques et paléontologiques. Par exemple, la craie phosphatée du
bassin de Mons est une craie riche en phosphates qui contient de nombreux fossiles
comme les bélemnites ou des grands reptiles nageurs. A l’intérieur d’une formation, on
peut effectuer des divisions plus fines, comme celle d’horizons qui n’ont qu’un déve-
loppement vertical limité. On peut parler d’un horizon calcaire au sein de marnes par
exemple. Dans la région considérée, la formation a souvent un sens chronologique. La
craie phosphatée de Mons date de la fin de l'Ere secondaire, du Maastrichtien.

B) le stratotype

Quand la formation devient un point de repère international grâce à ses caracté-


ristiques (mais aussi par l'historique des recherches), elle peut devenir un stratotype. Les
différents principes de la stratigraphie doivent y être respectés ; cela implique que ces
stratotypes sont choisis de préférence dans des bassins sédimentaires peu perturbés par
la tectonique et, évidemment, par le métamorphisme : le calcaire de Mons, l'argile
d'Ypres.

C) l'étage

L'étage est la division fondamentale du temps de la géologie sédimentaire. C'est


le stratotype qui donne son nom à l'étage. On ajoute le suffixe -ien au nom du strato-
type, comme par exemple, l'Yprésien, le Givétien. La coupure temporelle est la base ou le
sommet d'un étage. Plusieurs étages peuvent constituer une série. Le niveau supérieur
de division temporelle est le système (Crétacé, Dévonien), puis l'ère (figure 7-11). Par
exemple, l’étage Maastrichtien appartient au système Crétacé de l’Ere Mésozoïque.

Pour dépasser la notion de stratotype qui dépend trop de l'historique des re-
cherches, la stratigraphie moderne a créé la notion de biozone : association de faune ou
de flore caractéristique ayant vécu un laps de temps donné. Les fossiles-marqueurs ont
l'aire de répartition maximale. Ces divisions, basées en gros sur les fossiles, constituent
la biostratigraphie (figure 7-11). La division des temps géologiques en étages s’appelle
la chronostratigraphie. D’une manière générale, les divisions entre les étages s’appuie
sur la biostratigraphie mais aussi sur des phénomènes de nature mondiale comme une
variation climatique ou un repère géochimique par exemple. L’équivalent de la série est
l’époque, du système est la période. La chronostratigraphie a fait de grands progrès avec
l’avènement des datations absolues, basées sur la radioactivité, ainsi que nous l’avons
vu au début de ce chapitre.

Géologie générale – Chapitre 7 page 12


Figure 7-11. Importance biostratigraphique relative des principaux groupes d'inver-
tébrés. 1. Importance pour les corrélations à grande distance. 2. Intérêt pour les corréla-
tions régionales. 3. Faible intérêt pour les corrélations. (D’après BABIN, 1980, extrait de
COTILLON, 1988).

D. L’histoire de la Terre

En combinant toutes les méthodes de datation, relatives, indirectes et absolues,


on est arrivé à reconstituer l'histoire de la Terre en y donnant des âges. Cette histoire est
avant tout jalonnée par l'évolution de la vie (figure 7-12). Bien-sûr, elle intéresse surtout
les derniers 600 M.A., c'est-à-dire le Phanérozoïque. Les quelques 3.900 M.A. qui précè-
dent l'explosion de la vie sont datés par les méthodes radiométriques appliquées aux
vieux socles continentaux. Des phénomènes importants trouvent leur place dans cette
histoire (figures 7-13) : l'apparition de l'oxygène dans l'atmosphère, la création de
l'Océan Atlantique, etc. La formation des principales chaînes de montagnes également
(voir chapitre 9).

On constate que l’histoire de la Terre est jalonnée de nombreux évènements de


type « catastrophes » comme la disparition brutale de nombreux embranchements
d’êtres vivants (les extinctions), ou la formation de la lune au début de l’histoire par une
collision avec un autre planète. Parallèlement, la tectonique des plaques nous apprend
que des grandes masses lithosphériques se déplacent d’une façon plus ou moins conti-
nue en provoquant le modelage de la surface du globe. Le temps joue ainsi un rôle fon-
damental, ainsi que sa division. Suivant l’échelle à laquelle on se place, les évènements
apparaissent continus ou discontinus. Un séisme, pour l’homme, est un évènement de
type catastrophique, alors qu’à l’échelle du déplacement de la plaque lithosphérique, ce

Géologie générale – Chapitre 7 page 13


n’est qu’un jalon dans un déplacement continu. Il est donc primordial, dans la méthode
d’étude de tel ou tel phénomène ou corps géologique utilisée, de faire la part des
choses. Un autre exemple est le découplage entre l’échelle temporelle et l’échelle verti-
cale observée sur le terrain. Un mince plan de stratification de quelques millimètres
d’épaisseur peut représenter un laps de temps de plusieurs millions d’années.

Figure 7-12. Echelle chronostratigraphique. Cette échelle implique un développement


des temps fossilifères, ainsi appelés parce que la vie explose vraiment sur la Terre au début
du Cambrien, ce qui ne représente que 1/9 de l’histoire de la Terre ! Sont également indi-
qués les différentes apparitions des êtres vivants de plus en plus organisés : poissons au
Dévonien, reptiles au Permien, etc. Notons néanmoins que tous les autres êtres vivants
continuent à se développer, en particulier les bactéries qui constituent la moitié des êtres
vivants. Enfin, les principales orogenèses (formation des chaînes de montagne) sont posi-
tionnées.

Géologie générale – Chapitre 7 page 14


Figure 7-13. Quelques
évènements marquants
de l’histoire de la Terre.

Géologie générale – Chapitre 7 page 15


Figure 7-14. Echelle stratigra-
phique de la Belgique.

Géologie générale – Chapitre 7 page 16


IV. LES CORRELATIONS

Il est sous-jacent à toute la stratigraphie qu'il est possible d'établir des corréla-
tions entre les différentes formations, corrélations ayant une valeur mondiale. C'est la
motivation pour les paléontologues de rechercher les biozones les plus universelles
possibles. La stratigraphie moderne ajoute d'autres méthodes, complémentaires de la
paléontologie qui reste la science de base dans ce domaine. Les pétroliers ont joué un
rôle déterminant dans ces travaux. Ils travaillent en effet souvent soit à partir de don-
nées de sondages, soit à partir de données géophysiques. Les sondages, s'ils sont carot-
tés, fournissent des échantillons bien-sûr, mais petits et très chers! La recherche des mi-
crofossiles est devenue prioritaire dans ce cas, vis-à-vis des macrofossiles. C'est la pre-
mière avancée dans laquelle les pétroliers se sont engouffrés. Cela ne suffisait souvent
pas. De plus, pour réduire les frais et augmenter les vitesses d'investigation, les son-
dages sont souvent creusés en destructif : seuls des "cuttings", roches broyées par les
outils, remontent à la surface. Elles peuvent parfois être exploitées par la micropaléon-
tologie, mais d'autres méthodes s'imposaient.

Les couches rocheuses investiguées par un sondage ont une identité physique et
chimique : résistivité électrique, densité, teneur en eau, porosité, radioactivité, etc. Ces
paramètres sont accessibles par des mesures géophysiques effectuées dans les trous
(figure 7-14). Un sondage devient ainsi un diagramme dans lequel de nombreux para-
mètres varient de concert avec la profondeur. C’est un chapitre important de la géo-
physique que l’on appelle la diagraphie. Cet ensemble de données corrélées peut à son
tour être comparé avec d'autres ensembles se rapportant à d'autres sondages du bassin
sédimentaire investigué. On établit de la sorte des corrélations spatiales entre les séries
géologiques, sur base de leurs propriétés physiques et chimiques. Bien sûr, de grandes
précautions doivent être prises pour interpréter une stratigraphie à l’échelle d’un bassin
sédimentaire à partir de sondages car ces derniers sont ponctuels. On peut passer à côté
d’importantes variations latérales de faciès, ou encore des phénomènes tectoniques
(failles, charriages).

La géophysique est également à la base de découpages stratigraphiques. La sis-


mique repère de fortes discontinuités qui peuvent parfois être assimilées à des discor-
dances, elles-mêmes en relation avec les variations du niveau des mers (cycles trans-
gression-régression).

Les modifications périodiques dans la sédimentation, modifications qui sont


sous la dépendance d'influences externes comme les variations climatiques ou les cycles
transgression-régression, si les milieux de sédimentation s'y prêtent, sont elles-aussi
utilisables dans les corrélations stratigraphiques. Il s'agit alors de faire correspondre des
séquences variationnelles type (figure 7-15).

Géologie générale – Chapitre 7 page 17


Figure 7-15. Sondage au travers
du sommet du Bassin de Mons, au
niveau de la craie phosphatée de
Ciply. Les deux courbes en grisé
expriment les teneurs en phosphates,
calculées à partir des mesures de
radioactivité naturelle. En effet, dans
ce bassin, on a mesuré une propor-
tionnalité entre la teneur en phos-
phates et la teneur en uranium.
Comme, dans ces formations carbo-
natées, il n’y a pas d’autres radioé-
léments, la radioactivité totale donne
la teneur en uranium, et par là la
teneur en phosphate. La formation
des craies phosphatées de Ciply est
donc parfaitement localisée par sa
radioactivité. On peut donc faire des
corrélations de sondage à sondage.
Remarquons aussi la radioactivité
plus forte au passage des sables verts
du Thanétien (Formation du Landé-
nien). Elle est là due aussi au tho-
rium et au potassium 40 présent dans
la glauconie.

Géologie générale – Chapitre 7 page 18


Figure 7-16. Corrélations par séquences sédimentaires. Ces deux séries sont prises
dans le Jurassique moyen du Quercy (d'après Delfaud, 1972 ; tiré de Cotillon, 1988). Les
rythmes successifs A, B1, B2, C sont reconnus dans les deux séries et corrélés grâce à la
reconnaissance de la suite de leurs caractères. 1. Marnes ligniteuses. 2. Micrite à pseudo-
morphoses de gypse. 3. Brèche. 4. Micrite algaire. 5. Sparite à oolithes.

Enfin, les variables magnétiques et géochimiques constituent un dernier apport


des méthodes modernes à la connaissance stratigraphique. Les variations du champ
magnétique terrestre sont par essence mondiales. Nous en avons vu l'utilisation fon-
damentale en tectonique des plaques. Elles sont également utilisable en stratigraphique
où on développe ainsi une magnéto-stratigraphie. Les variations isotopiques sont de
même espèce. Le climat est lui-aussi une donnée mondiale, bien que plus complexe que
le magnétisme. Les variations climatiques se marquent par exemple par les rapports
isotopiques de l'oxygène [18O/16O] dans les tests de foraminifères (figure 7-16). Ces va-
riations peuvent être corrélées de façon globale ("global change"). Lors des périodes gla-
ciaires, l’océan s’enrichit en 18O. En effet, l’évaporation de l’eau favorise
l’enrichissement en 16O dans la vapeur. A chaque condensation du nuage en pluie, au
fur et à mesure qu’il se déplace vers le pôle, l’eau du nuage « s’allège » puisque
l’isotope lourd passe de façon privilégiée dans la pluie. La glace des calottes polaires est
ainsi formée d’eau plus riche en 16O. Les foraminifères qui capte l’eau des océans de-
viennent aussi enrichit en 18O pendant les périodes froides.

Géologie générale – Chapitre 7 page 19


Figure 7-17. Courbe « specmap »
obtenue en traitant de nom-
breuses courbes obtenues par dif-
férents sondages au fond des
océans. Elle résulte ainsi de corréla-
tions entre colonne stratigraphique,
sur base de rapports isotopiques. Les
« pics rouges » illustrent les inter-
glaciaires, les « creux bleus » mar-
quent les périodes glaciaires. Les
numéros caractérisent les périodes
isotopiques. Les ordonnées sont des
âges exprimés en milliers d’années.

Géologie générale – Chapitre 7 page 20


V. LES SEQUENCES CARACTERISTIQUES

A. Séquences positives et négatives

La séquence appelée série positive ou série virtuelle car comprenant tous les
termes sédimentaires, va du détritique au chimique. La série oligocène du bassin du
Puy en Velay l'illustre parfaitement (figure 7-17). L'interprétation classique fait interve-
nir l'érosion d'un continent tectoniquement soulevé. Les sables inférieurs proviennent
de l'érosion de reliefs vigoureux. Ensuite, l'énergie diminuant, seules des argiles par-
viennent au bassin de sédimentation. Sur un continent arasé, la végétation se développe
et seules des solutés arrivent dans le bassin : Mg++, Ca++ qui donnent des calcaires. Des
évaporites terminent parfois cette séquence, traduisant le confinement du bassin.

Figure 7-18. Série oligocène du Puy en Velay. Il s'agit d'un bassin d'effondrement (graben,
voir chapitre IX) dans lequel s'installe un bassin de sédimentation. Les sables inférieurs pro-
viennent de l'érosion du socle en surrection mais sont typiques d'une phase rhexistasique. La
tendance rouge est due à d'anciennes accumulations pédologiques de fer, datant de phases
climatiques antérieures. Les bancs marneux traduisent le lessivage des bases alcalino-
terreuses suite à une pédogenèse de type savane, à saison contrastée. Enfin, les calcaires supé-
rieurs confirment l'installation d'une végétation plus protectrice et d'une phase biostasique.
Tiré d'AUBOIN, BROUSSE et LEHMAN, 1975.

Géologie générale – Chapitre 7 page 21


Comme on le constate, cette série fait intervenir des phénomènes pédologiques,
ce qui nous conduit tout naturellement à envisager la série qui, suivant la théorie bior-
hexistasique de Erhard, traduit une suite biostasique-rhexistasique. Cette série va du
chimique au détritique (figure 7-19). Sur un continent formé de silicates et recouverts de
forêts, seuls arrivent dans le bassin de sédimentation les ions solubles libérés par la pé-
dogenèse : calcium et magnésium, ainsi que la silice colloïdale provenant de l'hydrolyse
des silicates. Se forment alors des calcaires, des dolomies et des cherts siliceux. Cet épi-
sode est illustré par les craies crétacées du bassin de Mons. Une rupture rhexistasique se
marque alors par l'arrivée dans le bassin de couches charbonneuses résultant de la des-
truction de la forêt, suivie des sédiments provenant de l'érosion des sols : argiles kaoli-
nitiques, latéritiques, bauxites, hydroxydes de fer, sables ou grès. Enfin, la phase post
rhexistasique voit des grès à minéraux primaires (arkoses), parfois des conglomérats,
notamment si une orogénèse est en cours. Les sables et argiles du Paléogène dans le
bassin de Mons, qui surmontent les craies, illustrent cette tendance à la dégradation
climatique, couplée avec des modifications tectoniques. Notons que la nature des sédi-
ments dépend évidemment de la nature des roches mère et des dispositions paléogéo-
morphologiques.

Figure 7-19. Séquence sédimentaire biorhexistasique


théorique. 1 : calcaires, dolomies, cherts siliceux. 2 :
couches organiques (charbons, lignites). 3 : Argiles à
dominance de kaolinite. 4 : mélange d'argile et d'éléments
détritiques du socle plus ou moins altérés. 5 : grés. 6 :
conglomérats.

Géologie générale – Chapitre 7 page 22


B. Séquences transgressives et régressives

Elles rendent compte de l'avancée (transgression) ou du recul (régression) de la


mer par rapport à un continent. Une série transgressive commence par des sédiments
détritiques grossiers (le conglomérat de base), puis de plus en plus fins pour finir par
des sédiments plus pélagiques comme les calcaires. On retrouve en fait là une série po-
sitive. Une série régressive a une suite inversée (figure 7-20).

Figure 7-20. Séries transgressive (à gauche) et régressive (à droite). En 1, 2, 3 et 4 :


mouvements de la mer. P : poudingues ; G : grès ; P : pélites ; C : calcaires. Les sondages
A-A’ donnent une série positive dans le modèle transgressif et négative dans le modèle
régressif.

V. CYCLES SEDIMENTAIRES ET TECTONIQUE DES PLAQUES

A. L’eustatisme

La sédimentation en un endroit dépend des apports et de la morphologie ma-


rine. Les apports sont sous la dépendance des climats par l'intermédiaire de la bior-
hexistasie et de l'évolution des reliefs. La morphologie marine dépend de la tectonique
des plaques, au travers du relief des fonds océaniques (plateau continental, fonds abys-
saux, etc.) et de la variation du niveau des mers.

Les lignes de rivage sont changeantes, nous l'avons évoqué plus haut. Les varia-
tions des lignes de rivage modifient la position des plate-formes et des talus, donc les
modalités de la sédimentation.

L'eustatisme est la modification du niveau moyen des mers par rapport aux continents
supposés stables.

Géologie générale – Chapitre 7 page 23


Figure 7-21. Evolu-
tion du niveau des
mers depuis le Juras-
sique. Deux types de
variations sont à distin-
guer. Les variations de
premier ordre sont les
variations de grande
ampleur. La courbe
enveloppe exprime une
grande transgression
qui culmine au Crétacé
et redescend jusque
l’actuel. Les variations
de second ordre ont des
fréquences plus ra-
pides.

Géologie générale – Chapitre 7 page 24


Les transgressions sont ainsi la conséquence de phases eustatiques positives des
mers. Or, le volume des océans dépend de deux facteurs essentiels. Le premier est
l'existence de glaciations qui immobilisent des eaux sous forme de glace. C'est ainsi que,
lors de la dernière phase glaciaire il y a environ 20.000 ans, le niveau des océans est des-
cendu de quelques 90 mètres (figure 7-22). Cette cause ne peut être invoquée que pour 4
périodes des temps géologiques : Précambrien terminal, Ordovicien supérieur-Silurien
inférieur, Carbonifère supérieur-Permien inférieur, Miocène supérieur-actuel.

Figure 7-22. Une régression climatique : le niveau des mers il y a 20.000 ans au
maximum de la dernière glaciation. Constatons par exemple le lien continental entre les
îles indonésiennes et Philippines avec l’Asie, ainsi que le recul du rivage européen de
l’Océan Atlantique.

Le second facteur est lié à la tectonique des plaques. Lorsque la création de


croûte océanique augmente aux dorsales, le niveau de cette croûte s'élève parce qu'il y a
apport important de matériel mantélique chaud et de faible densité. Dans la situation
de la Pangée, l’Océan Pacifique devient un « océan mondial » avec une profondeur
moyenne égale à celle atteinte par une croûte océanique mature, aux environs de 4.700
m. L’ouverture d’un nouvel océan, avec une profondeur moindre puisque la dorsale est
jeune, donc peu profonde, revient à remplacer une partie d’un océan profond par un
océan moins profond. Il y a donc apport de matière rocheuse : l’eau doit monter. Il y a
alors transgression. Ceci s'est produit pendant le Jurassique et le Crétacé à cause du
fractionnement de la Pangée et de l’ouverture de l’Océan Atlantique. La mer envahit
d’énormes étendues de plateau continental, notamment les anciennes plaines côtières. Il
se forme de cette manière de vastes bassins de sédimentation peu profonds, analogue à
la mer du Nord actuelle (figure 7-23).

Géologie générale – Chapitre 7 page 25


Figure 7-23. Le monde au milieu du Crétacé. La surface des continents est beaucoup
plus faible qu’actuellement. Les plate-formes marines résultant de la transgression sont le
siège d’une façon générale d’une sédimentation carbonatée, craie aux latitudes élevées et
moyennes, calcaires dans la zone intertropicale (calcaires récifaux).

B. Le problème des climats

Nous venons de voir que les climats jouent un rôle sur l’eustatisme en contrôlant
le volume de glace perchée sur les continents. Les périodes glaciaires sont plutôt une
exception dans l’histoire de la Terre : Précambrien terminal, Ordovicien supérieur-
Silurien inférieur, Carbonifère supérieur-Permien inférieur, Miocène supérieur-actuel.
En fait, le climat chaud et tempéré est la règle, ce que l’on constate en examinant la
courbe des paléotempératures depuis la fin de l’Ere Primaire (figure 7-24). Le climat
chaud durant la plus grande partie de l’Ere Secondaire et le début de l’Ere Tertiaire est
dû tout d’abord à une conséquence de la tectonique des plaques et de la mobilité des
continents. Lorsqu’on examine une carte du monde au temps de la Pangée, on constate
qu’une grande partie des terres émergées se trouvent sur le pôle sud, permettant ainsi
la formation d’une calotte de glace (figure 7-25). Plus la glace s’étend, plus l’effet
d’albédo est important avec un réfléchissement de plus en plus fort de l’énergie solaire
et un accroissement du refroidissement. Au Crétacé par contre, l’Antarctique n’occupe
plus sa place centrée sur le pôle. De plus, l’activité volcanique due aux dorsales injecte
beaucoup de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, provoquant un effet de serre. Le
climat devient donc plus chaud.

Géologie générale – Chapitre 7 page 26


Figure 7-24.
Evolution de la
température
moyenne globale
depuis la fin de
l’Ere Primaire.

Géologie générale – Chapitre 7 page 27


Figure 7-25. Le globe à la fin de l’Ere Primaire. Une grande chaîne de montagnes barre
d’est en ouest les terres vers l’équateur : c’est la chaîne hercynienne. Nous nous y trouvons. La
présence d’une importante masse continentale sur le pôle sud a permis le développement d’une
calotte polaire.

La montée de la concentration en dioxyde de carbone dans l’atmosphère favorise


les réactions d’hydrolyse des silicates. Or, cette réaction transforme une molécule de
gaz en un ion bicarbonate. Ce dernier sera utilisé dans la mer par les organismes pour
constituer leurs tests. La conséquence en est une formation accrue de carbonates, cal-
caires, dolomies et craies très abondants au Crétacé. De plus, la montée du niveau des
mers a dégagé nous l’avons vu d’importants plateaux continentaux propices au déve-
loppement des plate-formes carbonatées.

C. La stratigraphie séquentielle

La conséquence de ces modifications du niveau des océans a des répercussions


fondamentales sur la sédimentation, ainsi que le montre la figure 7-26. Cela entraîne
des différences dans les séries géologiques, pour un même laps de temps, selon que l'on
se trouve sur la plate-forme ou dans le bassin. Il peut en résulter d'importantes lacunes
de sédimentation qui se marquent peu dans la lithostratigraphie. Par exemple, dans le
bassin, durant la transgression, la sédimentation est faible. Ces processus doivent être
pris en compte en même temps que les autres : bio-rhexistasie, géographie, tectonique,
pour dresser une image de la sédimentation et de la stratigraphie. Les formations méso-
cénozoïques du Bassin de Mons fournissent un exemple.

Géologie générale – Chapitre 7 page 28


Figure 7-26. Sédimentation lors d'un cycle complet de variation du niveau marin
(d'après Robaszynski & Amedro, 1993). En A, le bas niveau marin voit l'édification d'un
prisme de bas niveau (PBN) provenant de l'érosion du continent et de la plate-forme (LS :
limite de séquence). Les sédiments sont détritiques, avec des fossiles de la plate-forme rema-
niés. Lors de la transgression (B), seule une mince couche sédimentaire se dépose sur la plate-
forme pendant l'envahissement. Les sédiments sont argileux, avec des phosphates et de la
glauconie faisant intervenir des upwellings (courants de fond). En C, le haut niveau marin
provoque la formation d'un prisme de haut niveau (PHN) caractérisé par des sédiments plus
carbonatés, surtout vers le large. Si le niveau marin baisse un peu (D), il se crée un prisme de
bordure de plate-forme (PBPF). On constate que ce cycle introduit des lacunes, qui peuvent
expliquer pourquoi les anciens paléontologistes voyaient des disparitions brutales de fossiles
et les considéraient ainsi comme des fossiles repères favorables, alors que certains ne faisaient
que disparaître parce qu'il y avait une lacune!

Géologie générale – Chapitre 7 page 29


VI. UN EXEMPLE : LE BASSIN DE MONS

Le Bassin de Mons est le nom donné à une dépression subsidente qui s’est peu à
peu remplie de sédiments durant le Crétacé et le Paléogène (figures 7-27 & 7-28). C’est
donc typiquement un bassin de sédimentation post-hercynien, c’est-à-dire qui a suivi
l’érosion de la chaîne de montagnes qui s’est édifiée à la fin de l’Ere secondaire et qui a
donné l’essentiel des roches ardennaises.

Figure 7-27. Esquisse géologique du Hainaut et position du Bassin de Mons(d'après


Godfriaux, 1994). 1. Socle regroupant les schistes siluriens du Massif du Brabant et leur
couverture du Dévonien moyen et supérieur. 2. Dévonien du Plateau de Blaugies appar-
tenant à la fois au Bassin autochtone de Namur au nord et au Bassin de Dinant allochtone
au sud. 3. Mésozoïque du Bassin subsident de Mons. 4. Calcaires carbonifères. F.M.
Faille du Midi, faille de charriage séparant au sud le massif de Dinant allochtone sur le
Bassin de Namur au nord. N’ont pas été indiquées sur cette figure les formations ter-
tiaires.

Géologie générale – Chapitre 7 page 30


Figures 7-28. Esquisse géologique et coupe du Bassin de Mons. Le bassin apparaît
comme un golfe de terrains méso-cénozoïques enclavé dans les formations paléozoïques.
La « Faille du Midi » est un grand accident tectonique chevauchant qui marque le char-
riage de la nappe de charriage du Dinant sur le Massif de Namur.

La lithostratigraphie du bassin indique que son histoire commence avec les for-
mations de faciès wealdiens de la base du Crétacé supérieur (figure 7-29). Ce sont des
sables, des argiles, des lignites continentaux s’épandant au débouché de rivières venant
du Massif du Brabant au nord et s’écoulant vers le sud. Ensuite, la sédimentation car-
bonatée et siliceuse s’installe progressivement, d’abord avec des marnes, puis des craies
et des silex. C’est l’installation de la « mer de la craie » qui correspond à la grande
transgression du Crétacé et au régime généralisé de biostasie sous climat chaud (figure
7-30). Il faut noter que cette sédimentation n’est pas continue. Elle est entrecoupée de
régressions qui s’inscrivent dans les roches par des niveaux durcis (« hard-ground »)
correspondant à l’altération et à la cimentation du sommet des formations carbonatées
(figure 7-31). S’ensuit un intervalle transgressif avec de minces dépôts phosphatés

Géologie générale – Chapitre 7 page 31


riches en glauconie et en accumulations de fossiles. Puis, un niveau de poudingue
marque le retour de la mer avec une nouvelle formation calcaire.

Figures 7-29. Lithostratigraphie du Bassin de Mons. La colonne de droite indique le


nom des formations et les lacunes de sédimentation (zones grisées qui sont les périodes
continentales. P : poudingues. HG : hard-ground.

Géologie générale – Chapitre 7 page 32


Figures 7-30. La
mer de la craie.
Cette mer épi-
continentale est re-
présentée en bleu
clair. Les continents
émergés sont en
rose. Les océans
profonds sont en
bleu foncé.

Figure 7-31. La stratigraphie des craies. Les craies sont positionnées en formations, souvent
séparées par des lacunes soulignées par les niveaux de poudingues et de hard-grounds (d’après
Robaszynski et al. 2001).

Géologie générale – Chapitre 7 page 33


Figure 7-32. Le passage de la craie de Trivière (en bas) à la craie d’Obourg (en haut). On
l’appelle le « durillon », riche en bélemnites et fossiles de toutes sortes : c’est l’intervalle
transgressif.

Figure 7-33a. Le passage du banc durci de la craie phosphatée de Ciply (en bas) à la cal-
carénite de Ciply (en haut).

Géologie générale – Chapitre 7 page 34


Figure 7-33b. Gros plan de la photo précédente. On distingue sous le marteau les galets
phosphaté du poudingue de la Malogne.

La fin de la sédimentation du Bassin de Mons est détritique. C’est une séquence


régressive avec le départ de la mer.

Figures 7-34. Les


coccolites de la
craie.

Géologie générale – Chapitre 7 page 35


Figure 7-35. Annexe 1 : l’échelle stratigraphique internationale en 2006.

Géologie générale – Chapitre 7 page 36


Figure 7-36 (ci-dessus). An-
nexe 2 : L’histoire de la vie en
deux bandes.

Figure 7-37 (à gauche). La


jeunesse de la Terre.

Géologie générale – Chapitre 7 page 37

Vous aimerez peut-être aussi