Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
INTRODUCTION
1
2
I.1. PROBLEMATIQUE
Les Cônes de piedmont ou « Mégafan » (Gohain & Parkash, 1990) sont des
éventails alluviaux de très grande extension que l’on rencontre au débouché de
cours d’eau puissants. On les rencontre préférentiellement sur les piedmonts des
orogènes. Leur mise en place ainsi que leur histoire morphologique et
sédimentologique est directement liée à l'évolution de leur bassin d'alimentation et
par conséquent à celle de l'orogène en avant duquel ils se forment. Ce sont donc
des objets privilégiés pour l’étude des relations entre tectonique et sédimentation
fluviatile. Leur étude est un élément clé de la compréhension de la chronologie de
la déformation superficielle, ceci est particulièrement vrai dans l'évolution du
prisme chevauchant des basins d'avant-pays.
Dans se contexte, le but de cette étude est d'illustrer la mise en place et l'évolution
d'un mégafan. Nous nous attacherons à en déterminer la signature sédimentaire,
en terme d'architecture stratigraphique, mais aussi par l'étude de sa morphologie
actuelle. De par les relations qui lient un mégafan à son bassin d'alimentation
nous serons à même de mette en évidence :
3
– L'évolution du bassin d'alimentation par le traçage des sources de sédiments.
– Les relations entre la morphologie du cône et son bassin d'alimentation en
terme de relation entre leurs surfaces et de sources de sédiments.
I.2.1. Objectifs
4
Cette thèse permettra de comprendre la dynamique de mise en place d’un
système de bassin d’avant-pays atypique comme le Bassin Oriente (Christophoul
et al., 2002a), les processus orogéniques qui ont contrôlé un telle évolution, et les
conséquences que peut avoir cette évolution sur un des bassins pétroliers les plus
prolifiques d’Amérique du Sud.
I.2.2. Approches
Pour cette étude, la mise en oeuvre de diverses méthodes a été nécessaire, parmi
lesquelles :
5
(Ro, Tmax), qui permettent de calibrer l’histoire sédimentaire cénozoïque
et l’évolution des systèmes pétroliers.
Du fait du grand nombre de méthodes mises en jeu dans chaque chapitre de cette
étude, la où les méthodes principales utilisées seront détaillées au début de
chaque chapitre.
I.3. GENERALITES
Cette étude tendant à montrer les relations entre la sédimentation d’un cône de
piedmont ou Mégafan (voir § 1.3.2) et la tectonique, dans le cadre de la
structuration d’un bassin d’avant-pays, nous allons débuter par quelques
généralités sur les bassins d’avant-pays en mettant l’accent sur les paramètres
contrôlant la sédimentation et les cônes alluviaux (classification, fonctionnement
autocyclique, morphologie fluviale).
6
actif ou non, crée par la subduction d’une croûte océanique (Jordan, 1995), dans
ce cas on parle de « rétro-bassin d’avant-pays » (Fig. I.1). Les rétro-bassins
d’avant-pays sont des objets de très grande échelle (des centaines de kilomètres
de large et des milliers de kilomètres de long) et de très grande durée de vie (de
dix à cent millions d’années).
Figure I.1 : Schéma montrant la position des bassins d’avant-pays dans une zone de
convergence de plaques, ainsi que les moteurs supposés contrôler leur remplissage
(d’après Catuneanu et al., 1997).
7
lithosphère continentale supérieure (« viscous corner flow » ; Fig. I.1). Les charges
supralithosphériques correspondent au poids du prisme chevauchant et aux poids
des sédiments remplissant le bassin d’avant-pays, elles agissent dans les pro- et
rétro-bassins d’avant pays (Beaumont, 1981 ; Catuneanu et al., 1997 ; Fig. I.1).
Les effets de ces facteurs ont permis de diviser les bassins d’avant-pays en
systèmes de bassins d’avant-pays définis comme des assemblages dynamiques
de zones de dépôts se développant entre la chaîne de montagne et le craton
(DeCelles & Giles, 1996). Ces zones de dépôts sont au nombre de quatre et sont :
la wedge-top depozone, la foredeep depozone, la forebulge depozone, et la
backbulge depozone (Fig. I.2).
8
Figure I.2 : Coupe schématique montrant l’organisation des zones de dépôt du système
de bassin d’avant-pays (modifié de DeCelles & Giles, 1996).
9
pas présente dans tous les bassins d’avant-pays. Son absence ou sa présence
permet de caractériser le régime érosif du prisme orogénique (p.e. Crampton &
Allen, 1995 ; Catuneanu et al., 1997 ; Catuneanu et al., 2000).
10
Figure I.3 : Evolution de la flexion et du profil topographique en fonction du régime
tectonique (« orogenic loading » ou « orogenic unloading ») (Catuneanu et al., 1997 ;
2000).
11
Les épisodes de poussée (charge) tectonique, se traduisent par la propagation de
systèmes chevauchants. Ces systèmes chevauchants créent de la surcharge
topographique qui cause une subsidence flexurale au pied du front de
chevauchement et la création d’un bourrelet périphérique (forebulge) dans le
bassin. Durant les épisodes de poussées tectoniques (Fig. I.4), le système de
bassin d’avant-pays est configuré selon les quatre zones définies par DeCelles &
Giles, 1996 (p.e. wedge-top depozone, foredeep depozone, forebulge depozone
et backbulge depozone).
12
« missing peripheral bulge » (Catuneanu et al., 1997). Ces alternances d’épisodes
de charges tectoniques et de rebond isostatique se succèdent dans les
enregistrements sédimentaires des dépôts de bassins d’avant-pays et témoignent
ainsi des différents régimes érosifs qui affectent la chaîne de montagne pendant
son développement.
S’il est connu de tous, le terme de cône alluvial regroupe, suivant les auteurs et
les époques des objets bien différents. On peut néanmoins en tirer une définition
« minimale » qui regroupe l'ensemble des objets géomorphologiques ou
sédimentaire qui peuvent être qualifiés de « cônes alluviaux ».
Un cône alluvial est un corps sédimentaire accumulé au pied des reliefs au niveau
d’une rupture de pente. Il se forme en général dans les zones tectoniquement
actives, indépendamment du contexte (extension, compression).
13
Un cône alluvial est un corps sédimentaire disposé en éventail (Fig. I.5a et b) se
formant en aval d’un point de convergence du réseau hydrographique ou Apex à
la sortie du bassin d’alimentation (Fig. I.5b). En fonction des particularités
climatiques, de la pente et de la nature du bedrock du bassin d’alimentation, on
trouvera des cônes supportant différents types de styles fluviatiles.
I.3.2.1. Morphologie
Figure I.5: a) Eléments de la morphologie d'un cône alluvial (Modifié de Collinson, 1978 ;
Hérail, 1984 ; Coque, 2002 ; Campy & Macaire, 1989) ; b) d’un système de cône alluvial
mettant en évidence les relations entre les réseaux de drainage du bassin d’alimentation,
du cône alluvial et de la plaine alluviale.
D’un point de vue morphologique, on distingue 3 zones dans les cônes alluviaux
(Fig. I.5) :
1 – Le cône supérieur : situé juste en aval de l’apex, elle se caractérise par une ou
des vallées incisées qui érodent les lobes précédent du cône. Elle définissent le
« fanhead entrenchement » ou incision apicale du cône. Vers l'aval, ces vallées
incisées se raccordent à la surface du cône. Ce point de raccord est le point
d'intersection.
14
2 – Au-delà du point d'intersection se développe le cône moyen. Il se caractérise
par un réseau divergent. Les cours d'eau n'y incisent plus le substratum. Au
débouché des vallées incisées du cône supérieur, se forment des lobes sous
forme de cônes superposés.
3 – En aval, on trouve le cône distal, caractérisé par un changement de
morphologie fluviale (en relation avec le diminution progressive de la pente). C'est
dans cette partie du cône que peuvent se produire des écoulements en nappes
(sheetfloods, en climat aride). La granulométrie des sédiments transportés
diminue fortement du fait de la diminution du « bed shear stress ».
4 – Au pied du cône, on trouve la plaine alluviale. Elle se caractérise par un
changement de la direction principale de drainage. On y trouve des cours d'eau
plus important à pente plus faible. Suivant le contexte climatique, cette plaine
alluviale peut prendre des aspects très différents (« playa » dans la Vallée de la
Mort à une immense plaine humide dans la plaine Indo-Gangétique).
Les cônes alluviaux sont connus et décrits depuis longtemps, en tant qu'éléments
participants à l'érosion subaérienne. Davis (1899) les décrivait comme élément
caractéristique des « stades de jeunesse » du relief (voir discussion sur les
concepts d'érosion subaérienne dans Coque, 2002), cependant leur mode
d'édification et leur évolution dans le temps n’ont été systématisés que
récemment, par Schumm et al. (1987) à partir de modélisations analogiques.
Un cône alluvial se construit au fur et à mesure de l'érosion et du transport des
sédiments dans le bassin d'alimentation. Arrivé à l'apex ces sédiments sont
distribués, constituant un lobe. Chaque lobe fonctionne de la manière suivante :
15
2 - Les dépôts vont ensuite progressivement combler, vers l'amont la
vallée incisée lors de la mise en place du lobe. La limite entre la zone de
dépôts et la zone de transport des sédiments est déterminée par la rupture
de pente, autrement dit par le point d'intersection, qui va progressivement
reculer vers l'apex sous l'effet de l'accumulation des sédiments. Ce
processus de comblement vers l'amont est plus connu sous le terme de
« backfilling ».
3 – Au terme du comblement de la vallée par backfilling, la rupture de
pente rejoint le voisinage de l'apex. A ce moment là, le cours d'eau
transportant les sédiments voit sa pente en long (downstream) devenir plus
faible que la pente latérale, auquel cas, le cours d'eau principal subit une
avulsion, qui l'amène à créer un nouveau lobe (retour au point 1).
16
Figure I.6 : Etapes d'édification de lobe dans un cône alluvial (modifié de Schumm et al.,
1987). Les stades A, B et C montre la mise en place par incision/ backfilling d’un lobe, les
stades D et E illustrent la superposition d’un 2ème lobe selon le même principe.
Il est intéressant de noter que Schumm et al. (1987) ont reproduit ces
modélisations en modifiant les caractéristiques des fluides transportant les
sédiments. En jouant sur la viscosité du fluide (augmentation du rapport
eau/argiles), différents processus sédimentaires ont pu être reproduit allant
d’écoulements peu concentrés produisant des écoulements en nappes (sheet
flooding) à des écoulements très concentrés présentant un nombre Froude Fr>1
17
qui peuvent être rapprochés des coulées de boues et de débris. Quel que soit les
types d’écoulement, les modélisations ont montré le même type d’édification
(Schumm et al., 1987 ; Chapitre 9, 281-350) du cône alluvial par l’accumulation de
lobes successifs. On peut donc en conclure que l’édification d’un cône alluvial
sans interventions de facteurs externes se fait par la répétition dans le temps et
dans l’espace d’un cycle unitaire caractérisé par :
1 – incision du cône.
2 – Dépôts du début du lobe en aval du point d’intersection
3 - Rétrogradation des dépôts vers l’apex par « backfilling ».
4 - Avulsion du cours d’eau à l’apex et retour en (1).
On peut donc affirmer qu'un cône alluvial, quel que soit son type (voir paragraphe
suivant), peut se construire uniquement par l'intervention de processus
autocycliques, qui seront à l'origine d'autant de lobes qui participeront à son
édification.
I.3.2.3. Classification :
Selon Stanistreet & McCarthy (1993), le critère discriminant entre les divers types
de cônes alluviaux est leur pente. Les autres auteurs qui ont tenté de différencier
les cônes alluviaux ont essentiellement basé leur raisonnement sur le contexte
18
climatique : aride ou humide (Schumm, 1977 ; Gole & Chitale, 1966). Selon
Stanistreet & McCarthy (1993) on peut donc distinguer 3 types de cônes alluviaux,
en fonction de la pente de celui-ci.
Figure I.7 : Classification des cônes alluviaux (modifié de Stanistreet & Mc Carthy, 1993).
Il est important de noter que les valeurs de pentes indiquées sont celles du cône et non
celles des cours d'eau qui le parcourent.
19
a) Cônes alluviaux (Debris flow dominated fan, Fig. I.7)
Ces cônes alluviaux sont les plus décrits dans la bibliographie, ils regroupent,
dans la littérature française les « cônes de déjection » (p.e. Hérail, 1984 ; Coque,
2002) et les « cônes alluviaux » (Campy & Macaire, 2003). En général décrits à
partir d’exemples situés dans des régions semi-arides où arides ils ont été
intensément étudiés tant du point de vue géomorphologique que
sédimentologique (Collinson, 1972 ; Miall, 1978 ; Rust & Koster, 1984 ; Leeder &
Jackson, 1987 ; Blair & McPherson, 1992). Deux cônes alluviaux de ce type on
servis de base à l’établissement des modèles géomorphologiques et des modèles
de faciès supposés caractéristiques de tous les cônes alluviaux : le Trollheim fan
et le Hanaupah fan (Fig. 1.8), tous deux situés à l’est de la Californie dans la
région de la Vallée de la Mort.
L’abondance des travaux sur ces 2 exemples ainsi que les controverses (Miall,
1978 ; Blair & McPherson, 1992) qu’ils ont engendré on progressivement restreint
l’acception du terme « alluvial fan » à ces cônes de zones arides. Ils possèdent
une pente moyenne comprise entre 1 et 10% (entre 0,57° et 5,7°). Cette pente est
très proche de celle des cours d'eau qui le parcourent du fait de leur très faible
sinuosité. Leur longueur est hectométrique. Le mode prépondérant de transport
des sédiments est la lave torrentielle ou la coulée de débris (mudflow ou debris
flow). Selon Rust & Koster (1984), la répartition des faciès sédimentaires dans ce
type de cônes alluviaux est la suivante, d'amont en aval (Fig. I.9) :
1. Dans la partie proximale du cône alluvial (inner fan, Fig. I.9), l'essentiel des
dépôts résultent de processus catastrophiques, les faciès résultants sont du
type Gmg (classification de Miall, 1978 adaptée), autrement dit, des
conglomérats désorganisés à matrice porteuse. Ces faciès sont interprétés
comme résultant de coulées de débris / coulées boueuses. Ces faciès sont
interstratifiés avec des dépôts traduisant un transport par traction (dépôts
présentant des structures sédimentaires) qui traduisent le mode de transport
des sédiments « normal » dans le cône alluvial, hors des périodes de
20
sédimentation catastrophiques (que l'on peut assimiler à des évènements
tels résultant de crues issues de précipitations exceptionnelles).
2. La partie médiane du cône (ou midfan, Fig. I.9) est caractérisée par une
baisse de la granulométrie. Les dépôts témoignent d’un transport par
traction/saltation (faciès St, Sh) alternant avec des dépôts de décantation.
Parmi ces dépôts, certains montrent des traces de paléosols témoignant
d’arrêts de sédimentation au sein des lobes successifs ou l'abandon d'un
lobe.
3. La partie distale (ou outerfan, Fig. I.9) se caractérise par une association de
faciès fins montrant une alternance d'argilites siltites massives ou laminés
(faciès Fl, Fig. 1.9) et des traces de pédogenèse (faciès C). On peut
cependant noter que cette partie distale du cône qui est située au raccord
avec la plaine alluviale dépend du contexte climatique. Dans la vallée de la
mort où la « plaine alluviale » est une zone de playa, la partie distale du cône
montre des dépôts évaporitiques associés à des dépôts détritiques résultant
d'écoulement en nappe.
21
Fig. I.8 : a) Photo satellite (Landsat 7®) de la Vallée de la Mort. En tiretés oranges :
bassin versant de Hanaupah Creek, en tiretés jaunes, cône de Hanaupah Creek, b) carte
géomorphologique du Hanaupah Fan (d’après Schumm, 1977).
22
Figure I.9 : Modèle de faciès des cônes alluviaux à forte pente, sensu Stanistreet &
McCarthy (1993), (modifié de Rust & Koster, 1984). Faciès selon Miall, 1978: Gms :
conglomérat désorganisés à matrice porteuse, Gm : conglomérat à clastes jointifs, Sh :
grès à stratification horizontale, St : grès à stratification oblique en auges, Fm :
siltites/argilites massives, C : paléosols.
Ces cônes alluviaux sont de petite taille et sont alimentés par des bassins
versants comportant de fortes pentes, le fonctionnement de ces cônes alluviaux
est très sensible aux aléas climatiques qui peuvent générer des variations
importantes et brusques du débit au niveau de l’apex. Ils renferment en
conséquence la trace de types d’écoulements variés (dépôts gravitaires, etc.) en
proportions plus ou moins variable suivant les auteurs. Miall (1978) y identifie
essentiellement des structures sédimentaires témoignant d’un transports par
traction/saltation, alors que Blair & McPherson (1992) y reconnaissent uniquement
des superposition de coulées boueuses et de coulées de débris dont le sommet
est plus ou moins remaniées.
23
a
b
Figure I.10 : a) Relations entre la surface du bassin versant ou bassin d’alimentation (Ad)
et la surface du cône alluvial (Af). Modifié de Bull (1964) ; b) In Delcaillau (2004) modifié
de Allen & Hovius (1998).
Cependant de récents travaux (Allen & Hovius, 1998) montrent que d'autres
paramètres influent le taux de soulèvement dans le bassin d'alimentation, la
24
subsidence de la zone de dépôt du cône alluvial (Fig. I.10b). Ces cônes alluviaux
de petite taille sont souvent alignés, formant une bande de cônes alluviaux
coalescents ou « Bajada » (Fig. I.8).
Selon Stanistreet & McCarthy (1993), seul ces cônes dont la dynamique alterne
entre des coulées de débris et des processus fluviaux devraient garder la
dénomination de « cône alluvial ».
La pente moyenne de ces cônes se situe entre 0,03 à 0,1% (0,017° à 0,057°); leur
taille est de l'ordre de la centaine de kilomètres de rayon. Ces cônes alluviaux se
caractérisent par une pente plus faible que les précédents et par un enchaînement
des morphologies fluviales totalement différent. Ils furent très tôt différenciés des
cônes alluviaux (au sens développé dans le paragraphe précédent). Ces cônes
furent tour à tour qualifiés de : Mégacones (Geddes, 1960), Inland Deltas (Gole &
Chitale, 1966), Wet alluvial fans (Schumm, 1977), Braided Stream fan (Blatt et al.,
1980) et enfin « Mégafan » (Gohain & Parkash, 1990, Mohindra et al., 1992).
L’exemple le plus représentatif de ces Mégafans est celui de la Kosi River sur le
piedmont himalayen (frontière Indo-népalaise). D'un point de vue morphologique,
ce mégafan se présente sous la forme d'un large éventail de 160 Km de long sur
120 Km de large. Il se forme au front de l'Himalaya, sont apex étant situé sur le
MBT (Fig. I.12). Son bassin d'alimentation est essentiellement constitué des
bassins versants des rivières Sunkosi, Tamur et Arun qui confluent quelques
kilomètres en amont de l'apex donnant naissance à la Kosi River. A partir de
l'apex la Kosi trace un large arc de cercle vers l'Ouest avant de se jeter dans le
Gange. Le cône actuel est le résultat des diverses avulsions de la Kosi au cours
du temps. Ces avulsions sont connues part des relevés cartographiques depuis le
XVIIIème siècle. Ils montrent que la Kosi s'est déplacée de 120 Km vers l'ouest
entre 1731 et aujourd'hui (Fig. I.12). Le cône est ainsi parcouru par les ancien
cours de la Kosi. Certains de ces cours sont encore actifs car ils servent de drains
25
préférentiels au réseau hydrographique qui s'est développé sur les parties
progressivement abandonnées du cône. L’origine de ces avulsions fréquentes de
la Kosi, qui se sont accélérées durant le dernier siècle semblent devoir être reliées
à l’intense déforestation de la zone (Delcaillau, 2004). De récents travaux de
modélisation numérique (Bridge & Karsenberg, 2005) ont montré que ces diverses
avulsions pouvaient être assimilées aux lobes successifs formant un cône alluvial
tel que Schumm et al. (1987) l'ont démontré (voir § précédent).
Du point de vue de la morphologie fluviale (Fig. 1.11 & 1.12), D’amont en aval, on
rencontre :
26
Figure I.11 : Morphologie du Mégafan de la Kosi, plaine Indo-gangétique (Image Landsat
7 ®). Carte de localisation d'après Seeber & Gornitz, (1983). Succession des
morphologies fluviales actuelles de la Kosi d'après Singh et al., (1993). Principales
structures tectoniques d'après Summerfield (1991) et Delcaillau (2004). Ages des lits
successifs de la Kosi selon Gole & Chitale, (1966).
27
Figure I.12 : Profil de la Kosi River et morphologies fluviales associées (d'après Singh et
al., 1993). La position en carte de la succession des morphologies fluviales est reportée
sur la Fig. I.11.
Channel zones : voir texte ci-dessus.
Ce type de cônes alluviaux, défini par Stanistreet & McCarthy (1993) à partir de
l'exemple du « Delta de l'Okavango » (situé à la frontière de la Namibie, de
l'Angola et du Botswana). Ce type de cônes alluviaux n'est connu qu'au travers de
l'exemple du delta de l'Okavango. Il se caractérise par une pente très faible. Les
cours d’eau présentent, dans la partie proximale, des chenaux méandriformes qui
passent progressivement à un système anastomosé. Ce système anastomosé fait
que la quasi-totalité de la région est inondée en période de hautes eaux. Il est
situé dans un contexte non orogénique. Nous ne le détaillerons pas davantage.
28
I.4. OBJET D'ETUDE : LE MEGAFAN DU PASTAZA
Le Mégafan du Pastaza (Figs. I.13 & 1.14) se développe sur le piedmont des
Andes (Equateur et Pérou) à partir de tributaires situés en Equateur (Rio Pastaza
et Rio Napo). Il présente une forme de parallélogramme dont la grande diagonale
à une longueur de 600 Km. Sa surface est de 170 000 Km2. Il est limité au nord,
par le Rio Napo, au Sud par le Rio Marañon, à l'est par le bassin du Rio Nanay
(situé sur l'arche d'Iquitos) et à l'ouest par le Rio Morona. Son principal tributaire,
le Rio Pastaza a un cours E-W au débouché des Andes puis s'incurve vers le sud
selon un cours NE-SW et enfin N-S avant sa confluence avec le Rio Marañon.
29
– le cône distal (1 sur Fig. I.14), il se développe en rive gauche du Rio Marañon,
elle consiste en une région partiellement inondée en période de hautes eaux,
parcourues de nombreux lacs. La limite de cette zone remonte vers le nord le
long du Rio Pastaza. Dans cette partie du cône le Rio Pastaza est compris
entre des levées végétalisées qui le séparent de la plaine d'inondation.
– Le cône moyen (1 sur Fig. I.14), il consiste en une vaste zone où l'on remarque
de nombreux anciens cours du Rio Pastaza (ceci est nettement visible entre le
Rio Pastaza et le Rio Morona) traçant un réseau en éventail témoignant de
nombreuses avulsions.
– Le cône proximal (2 sur Fig. I.14), il a été largement détaillé par Bès de Berc et
al. (2005). Il se caractérise par une forte incision de la zone apicale du cône
(plateau de Puyo). Plus à l'est ce plateau se prolonge par la surface de Villano,
basculé vers l'est et incisée par les cours d'eaux actuels. Cette incision met à
l'affleurement une bonne partie des dépôts sédimentaires néogènes ayant
précédé la formation du cône actuel.
On peut noter que la surface du cône actuel est considérablement plus vaste que
celle de son bassin versant (Fig. I.15), même en comparaison avec des mégafans
plus connus comme celui de la Kosi sur le piedmont Himalayen (Delcaillau, 2004).
30
Fig. I.13 – Carte des principaux bassins versant du cône du Pastaza, a et b : localisation
de mégafan du Pastaza, c: carte des bassin versants, en tiretés bleus: bassins des
tributaires prenant leur source sur le plateau de Puyo, en tiretés blancs: bassin de
tributaires prenant leur source dans la cordillère des Andes (Pastaza, Napo, Palora).
31
Fig. I.14 – Morphologie du cône du Pastaza et de ses principaux tributaires. Montage
MNT SRTM (90m) et Photo Landsat 7® (localisation, voir Fig. I.13). En tiretés rouge : lobe
actif du cône depuis 10 000ans (Bès de Berc et al., 2005), 1: cône externe (zones
inondées), 2: cône moyen (trace d'avulsions successives montrant un ancien réseau
distributaire), 3 : cône proximal, progressivement intégré aux prisme chevauchant de la
zone subandine, caractérisé par le plateau de Puyo et la surface de Villano, basculée et
incisée.
32
Fig. I.15 : Comparaison des relations entre la surface d’un mégafan et celle de son bassin
versant, a : cas du mégafan de la Kosi (d’après Delcaillau, 2004), b : cône du Pastaza, la
partie correspondant actuellement au bassin du Rio Napo (voir Fig. I.14) mais ayant
appartenu au cône du Pastaza avant 10 000 ans, Bès de Berc et al., 2005 n’a pas été
représentée.
33
34