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Sud-Ouest européen

Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale


Monsieur Yannick Lageat
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Lageat YannickLageat Yannick. Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale. In: Sud-Ouest européen,
tome 10, 2001. Piémonts. pp. 23-38;

doi : https://doi.org/10.3406/rgpso.2001.2756

https://www.persee.fr/doc/rgpso_1276-4930_2001_num_10_1_2756

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Résumé
À partir de publications diverses, l'auteur dresse un bilan des recherches menées depuis trente ans sur
l'individualisation des mégaformes de relief qui accidentent la surface du globe. On pouvait attendre de
la révolution des idées qui accompagna la naissance de la tectonique des plaques qu'elle conduisît à
une réinterprétation de la genèse et de la pérennité des principaux domaines morpho- structuraux.
Force est d'admettre qu'il demeure bien des ambiguïtés sur la nature des mécanismes qui, en limites
des plaques ou en leur sein, engendrent et entretiennent les déformations positives et négatives
affectant la croûte continentale. On ne saurait se satisfaire de bon nombre de modèles théoriques qui,
ignorants des réalités concrètes du terrain autant que des incontestables apports de la littérature, se
révèlent insuffisamment contraints. En dépit du foisonnement des hypothèses qu'un tel recensement
révèle, trop d'énigmes demeurent pour rendre caduque toute approche morphologique et superflu tout
dialogue interdisciplinaire.

Abstract
Mega-landforms and the dynamics of the continental lithosphere. The origin of continental landforms at
a global scale remains a subject of great debate. In this paper, we use a corpus of materials published
during the last three decades after the emergence of the radical paradigm of plate tectonics in order to
integrate new models into landscape analysis over the long term. It is shown that the role of endogenic
processes in driving the development of major morphological features of the Earth 's surface is far from
being simply explained by plate tectonics models : their application to the understanding of mountain
belts building (orogenesis) at convergent boundaries should be reconsidered whereas the relationships
between the deformations of larger areas (epeirogenesis) and tectonics in plate interiors have received
comparatively little attention and are poorly constrained. An effort to bring to light the possible
mechanisms underlying differential uplifts should require a tighter control by field realities, a better
knowledge of the morphological literature and an interdisciplinary approach.

Resumen
Megaform as de relieve y dinámica de la litosfera continental. Apoyándose sobre varias publicaciones,
el autor quiere establecer un balance de las investigaciones que se realizaron durante los treinta
últimos años a propósito de las mega- formas de relieve que desigualan la superficie de la Tierra.
Hubiéramos esperado de la revolución intelectual que acompañó la tectónica de las placas que
condujera los especialistas a una reinterpretación de la genesis y perennidad de los dominios
morfoestructurales mayores. Sin embargo, quedan hoy muchas ambigüedades referiéndose a la
naturaleza de los mecanismos que, en los límites de placas o en sus centros, provocan o mantienen
las deformaciones positivas o negativas que mueven la corteza continental. Muchos modelos teóricos
no cumplen con las exigencias de las realidades del terreno, tan como de los aportes bibliográficos. A
pesar de la abundancia de las hipótesis, permanecen demasiadas enigmas para que rechacemos los
tanteos morfológicos y el diálogo interdisciplinario.
SUD-OUEST EUROPÉEN
N°10, p. 23-38, Toulouse, 2001

MEGAFORMES ET GRANDES ARTICULATIONS


DE LA LITHOSPHÈRE CONTINENTALE

Yannick LAGEAT*

RÉSUMÉ - À partir de publications ABSTRACT - MEGA-LANDFORMS RESUMEN - MEGAFORMAS DE


diverses, l'auteur dresse un bilan des AND THE DYNAMICS OF THE RELIEVE Y DINÁMICA DE LA
recherches menées depuis trente ans sur CONTINENTAL LITHOSPHERE. The origin of LITOSFERA CONTINENTAL. Apoyándose
l'individualisation des mégaformes de continental landforms at a global scale sobre varias publicaciones, el autor
relief qui accidentent la surface du globe. remains a subject of great debate. In this quiere establecer un balance de las
On pouvait attendre de la révolution des paper, we use a corpus of materials investigaciones que se realizaron durante los
idées qui accompagna la naissance de la published during the last three decades treinta últimos años a propósito de las mega-
tectonique des plaques qu'elle conduisît à after the emergence of the radical formas de relieve que desigualan la
une réinterprétation de la genèse et de la paradigm of plate tectonics in order to superficie de la Tierra. Hubiéramos esperado
pérennité des principaux domaines morpho- integrate new models into landscape analysis de la revolución intelectual que acompañó
structuraux. Force est d'admettre qu'il over the long term. It is shown that the la tectónica de las placas que condujera
demeure bien des ambiguïtés sur la nature role of endogenic processes in driving the los especialistas a una reinterpretación de
des mécanismes qui, en limites des development of major morphological la genesis y perennidad de los dominios
plaques ou en leur sein, engendrent et features of the Earth 's surface is far from morfoestructurales mayores. Sin
entretiennent les déformations positives et being simply explained by plate tectonics embargo, quedan hoy muchas ambigüedades
négatives affectant la croûte continentale. models : their application to the referiéndose a la naturaleza de los
On ne saurait se satisfaire de bon nombre understanding of mountain belts building mecanismos que, en los límites de placas o en
de modèles théoriques qui, ignorants des (orogenesis) at convergent boundaries should be sus centros, provocan o mantienen las
réalités concrètes du terrain autant que reconsidered whereas the relationships deformaciones positivas o negativas que
des incontestables apports de la littérature, between the deformations of larger areas mueven la corteza continental. Muchos
se révèlent insuffisamment contraints. En (epeirogenesis) and tectonics in plate modelos teóricos no cumplen con las
dépit du foisonnement des hypothèses interiors have received comparatively exigencias de las realidades del terreno, tan
qu'un tel recensement révèle, trop d'énigmes lit le attention and are poorly constrained. como de los aportes bibliográficos. A
demeurent pour rendre caduque toute An effort to bring to light the possible pesar de la abundancia de las hipótesis,
approche morphologique et superflu tout mechanisms underlying differential uplifts permanecen demasiadas enigmas para
dialogue interdisciplinaire. should require a tighter control by field que rechacemos los tanteos morfológicos
realities, a better knowledge of the y el diálogo interdisciplinario.
morphological literature and an
interdisciplinary approach. MEGAFORMAS CONTINENTALES,
MEGAFORMES CONTINENTALES LARGE-SCALE LANDFORMS, EPIRO- EPIROGÉNESIS, CORTEZA
¿PIROGÉNESE, CROÛTE TERRESTRE GENESIS CONTINENTAL CRUST TERRESTRE
À la mémoire de deux passeurs de frontières, Le succès rapide de la tectonique globale a radicalement
Pierre Birot (1909-1984) et modifié notre vision de la planète depuis trois décennies,
François Ellenberger (1915-2000) et l'ensemble des Sciences de la Terre s'organise
désormais autour de ce nouveau paradigme. La géomorphologie
* Professeur de Géographie Physique, Géolittomer-Brest, LETG- structurale se doit de s'interroger sur les relations
UMR 6554 CNRS, IUEM, Université de Bretagne Occidentale. qu'entretiennent les mégaformes, de dimensions régionales,

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Y. Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

continentales, voire planétaires, représentant le niveau lement la déformation superficielle (fig. 1), il s'en faut
supérieur d'organisation des formes du relief, avec la toutefois que cette dernière soit négligeable dans les domaines
tectonique des plaques. intraplaques des socles précambriens, calédoniens et
Ce modèle d'évolution de la surface terrestre repose sur la hercyniens, et de leurs couvertures, soumis à des mouvements
distinction rhéologique de deux enveloppes externes du verticaux qui, s'ils ne s'expriment pas sous une forme aussi
globe terrestre : d'une part, la lithosphère rigide spectaculaire, tirent leur origine du jeu des facteurs
(comprenant la croûte, continentale ou océanique, et la partie endogènes de la morphogenèse.
superficielle du manteau supérieur), qui est épaisse d'une Dans un stimulant essai qui date d'un quart de siècle,
centaine de kilomètres, et, d'autre part, l'asthénosphère F. Ellenberger (1976) déplorait l'indifférence dans laquelle
dont la plus grande ductilité permet le découplage était tenue l'« épirogenèse »: « À négliger, à méconnaître ce
mécanique de la lithosphère par rapport au reste du manteau. problème, à refuser d'en relever le défi, aucune doctrine
La théorie postule que la déformation interne des plaques unitaire ne mériterait vraiment le nom de « globale » ».
lithosphériques est en première approximation négligeable L'étymologie du terme (du grec eTteipoç, terre émergée),
par rapport aux déplacements relatifs qu'elles subissent, forgé en 1 890 par G.K. Gilbert, explorateur de la géologie
approximation qui s'est avérée féconde puisqu'elle a permis de l'Ouest américain, suggérerait d'en réserver l'emploi aux
le calcul de ces déplacements. De fait, les deux seuls soulèvements, si son « inventeur » n'avait lui-même
principales lignes de relief du globe, la ceinture péripacifique et la qualifié d'épirogéniques des mouvements de résultante
ceinture mésogéenne, portent éloquemment témoignage verticale, positifs et négatifs. Il est vrai que l'explication de tels
de la part qui revient, dans leur genèse, à leur association mouvements constitue une des difficultés majeures des
à des lieux de convergence de plaques, dans les domaines Sciences de la Terre, « difficulté que la tectonique des
de collision ou de subduction. plaques n 'a guère résolue, ce qui montre que le modèle des
Si l'essentiel de l'énergie interne du globe se dissipe au plaques est insuffisant pour rendre compte de tous les
sein de ces étroites ceintures, où se distribue préférentiel- processus géodynamiques, mais non pas qu'il est faux, c'est-à-

frontières en expansion
60
frontières en convergence
«,.-»• frontières en formation
jj||g§ domaines d'épaississement crustal

180 120 60 0 60 120 180


Fig. 1 - Frontières actuelles des plaques lithosphériques {in Jolivet, 1995)

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dire incompatible avec les faits » (Lliboutry, 1982). qui sont supposées être des péridotites, mais à une
Il ne s'agit pas de disputer aux géophysiciens le soin variation des conditions physiques dont le paramètre
d'expliquer la dynamique qui, à l'échelle planétaire, continentale fondamental est la température. Plus précisément, l'isotherme de
ou régionale, commande les soulèvements - et les l 300 °C définit la base de la lithosphère continentale,
affaissements - mais de recenser les modèles explicatifs et de tenter épaisse de quelque 120 km en moyenne. Au sein de cette
d'énoncer clairement les problèmes que soulève leur dernière, l'étude de la propagation des ondes sismiques a
confrontation à une réalité géomorphologique révélé la présence d'une discontinuité, le Moho, ou
intentionnellement limitée aux seuls reliefs émergés. discontinuité de Mohorovicic, séparant la croûte granito-gneis-
sique du manteau à une profondeur moyenne de 35 km,
I - Les mouvements verticaux de la profondeur qui peut considérablement varier depuis les
marges continentales passives jusqu'aux orogènes récents
lithosphère continentale provoqués par
(fig. 2). C'est à cette discontinuité intra-lithosphérique que
son élasticité : Fépirogenèse de la notion d'isostasie a fait initialement appel.
réajustement de l'équilibre isostatique
1. Le concept d'isostasie
La tectonique des plaques a introduit une distinction que la
géophysique n'avait pas mise en évidence entre la L'isostasie (ou « équilibre des états »), notion introduite
lithosphère et l'asthénosphère, dont l'interface ne correspond pas par CE. Dutton en 1889 (in Ellenberger, 1976), est
à un changement de la composition chimique des roches, l'application du principe d'Archimède aux matériaux de la croûte
continentale légère qui se comporte comme si elle «
OCÉAN -> «-MARGE ♦♦ flottait » en équilibre hydrostatique sur un substratum visqueux.
On en déduit que l'équilibre isostatique se produit par des
déplacements de matière, c'est-à-dire par un fluage en
10- t+ + + + + + h croûTE • + + + + +
7"7\+ + + + + + CONTINENTALE + + + profondeur du manteau lithosphérique, de sorte que, sous
20- A AN* + + + + <d = 2,8 + + + + + + - une surface dite « de compensation », l'homogénéité des
pressions soit effective.
30 - L'effet gravimétrique d'une chaîne de montagnes étant
40- inférieur à celui que la masse visible permet d'attendre, on
50- ai doit donc supposer que, si la densité moyenne du volume
•UJoc saillant Dr n'est pas plus faible (hypothèse de Pratt),
60- a.(A l'excès superficiel de masse doit être compensé en profondeur
70- O par un déficit de masse, donc par une racine légère
MANTEAU SUPERIEUR (hypothèse d'Airy), racine dont les études sismiques ont vérifié
80
LITHOSPHÉRIQUE A A la réalité (fig. 3). Connaissant la densité de la croûte
90 d = 3,3 (pc= 2,8) et du manteau (pm = 3,3), il est aisé de calculer
100 l'épaisseur d de cette « partie cachée de la montagne », en
fonction de l'altitude Ah de surface :
110 d = pc Ah/ñm - pc
120 et on peut poser que :
130 d = 5,6 Ah
MANTEAU SUPÉRIEUR Ah = 0,18 d
140 UJ Ainsi, à la latitude de la Bolivie, l'épaisseur de la croûte
ASTHÉNOSPHÉRIQUE 'UaJ
150 a(A continentale (hc) augmente rapidement depuis la fosse
d = 3,25
160 O jusqu'à atteindre 70 km sous l'Altiplano, avant de diminuer
-UJ progressivement vers le piémont subandin. Une racine de
170 35 km double donc l'épaisseur normale de la croûte
180 continentale et compense le haut plateau et son encadrement
montagneux, dont l'altitude moyenne est de 5,30 km :
190
hc = 35 + d + Ah
200- 70 = 35 + 5,6 Ah + Ah
6,6 Ah = 35
Fig. 2 - Structure de la lithosphère (in Boillot, 1996)
d = densité Ah = 5,30 km

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Y. Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

Racine « crustale » Racine « mantellique comme une loi générale, sous la


Racine d'Airy de Pratt de Pratt réserve qu'il existe des régions
où cet équilibre n'est pas encore
pc Ah -pcAh -pcAh réalisé.
d= Ap = Ap =
(pm - pc) (hc + Ah)
2. Le rétablissement de
l'équilibre isostatique :
Ah les délestages accidentels
Croûte (c)
pc + Ap he Si une anomalie isostatique
pc pc pc négative indique l'existence sous

i
pm pm pm une région d'un déficit de masse
(donc d'un excès de matière à
faible densité), une anomalie
Manteau (m) isostatique positive traduit au
contraire un excès de matière à
Fig. 3 - Mécanismes théoriques de compensation des chaînes forte densité. De telles régions
de montagnes (in Jones et al., 1994)
peuvent être soumises à des
Si l'on se tourne vers le plateau du Tibet, dont l'altitude vements verticaux : soulèvement dans le cas d'une
moyenne du plateau est de 5 km, le calcul suggère qu'il anomalie négative, affaissement pour une anomalie positive, de
doit être supporté par une épaisseur crustale de 68 km, tels mouvements différentiels tendant à rétablir les
chiffre que vérifient grossièrement les études sismiques ou conditions d'équilibre.
tomographiques. L'étude exemplaire qu'a menée G.K. Gilbert, de 1 872 à
Ce calcul est évidemment simplifié puisqu'il considère que 1890, sur le paléolac de Bonneville est à l'origine du
les différentes colonnes peuvent se déplacer verticalement concept d'épirogenèse. Cette nappe, aux contours sinueux,
les unes par rapport aux autres sans aucune transmission dont l'ultime vestige est le Great Salt Lake dans l'Utah,
latérale des contraintes. Or, le poids d'une chaîne de couvrait quelques 75 000 km2 au moment de sa plus grande
montagnes est compensé non pas à l'échelle locale, mais à une extension entre 25 000 et 15000 BP quand sa profondeur
échelle régionale plus étendue, et, pour tenir compte de ce maximale s'élevait à 300 m. L'assèchement, qui s'est opéré
« rayon de régionalité », Vening-Meineisz améliora le par étapes après la fin de la dernière glaciation du
modèle d'Airy en étalant la racine. L'approximation n'en Wisconsin, est enregistré par un échelonnement de terrasses
demeure pas moins acceptable. littorales, mais un minutieux nivellement a révélé que ces
S'est inversement imposé le terme plus inattendu d'« rivages, originellement horizontaux, avaient été déformés.
antiracine » pour désigner une remontée du Moho provoquée De façon concomitante à la baisse des eaux, le fond du lac
par un étirement de la croûte continentale. Ainsi, les s'était bombé d'environ 60 m en son centre, et G.K. Gilbert
profils de sismique-réfraction ont depuis longtemps montré eut l'intuition que la seule explication plausible de ce
un amincissement crustal sous le graben de la Grande bombement était un allégement de la croûte continentale flottant
Limagne où le Moho se trouve à une profondeur minimale sur une masse fluide plus dense qu'elle. La surcharge
de 26 km, qui doit être corrigée en retranchant l'épaisseur artificielle qui est associée à la création de lacs de barrage
des sédiments oligocènes situés au-dessous du niveau de apporte a contrario une confirmation de la réalité de ce
base général, soit 2 700 m : la croûte continentale rebond hydro-isostatique : la subsidence s'élèverait
possédant une épaisseur de 23,3 km, le fossé présente donc une annuellement à 6 mm à Krasnoïarsk sur l'Ienisseï, à
antiracine d'une demi-douzaine de km par rapport aux 1 3 mm à Kariba sur le Zambèze et à 20 mm sous le lac
Monts du Forez voisins (d'après les données livrées par Meade sur le Colodaro. Rappelons aussi qu'au cours de
Merles a/., 1998). l'histoire de la Terre, les variations du niveau de la mer ont
En même temps que les géophysiciens établissaient conduit à des mouvements de compensation affectant les
l'existence d'une croûte et d'un manteau, ils constataient qu'en planchers océaniques dont la réponse élastique à la seule
dehors de quelques points du globe, le champ de la addition d'eau lors des déglaciations se serait traduite par
pesanteur était grossièrement le même au-dessus des continents. un accroissement du volume des bassins de l'ordre de 7 %.
Justifiant la notion de compensation, la faible valeur Si elle réagit à la surcharge d'un objet suffisamment
absolue des anomalies gravimétriques confirme amplement la volumineux en se déprimant, la croûte continentale peut donc
réalité de l'équilibre isostatique qui peut être considéré répondre à un délestage, ce que démontre éloquemment le

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y Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

rebond associé à la fusion des inlandsis pleistocenes. Sous breux, de soulèvement « chronique », dont ne rend compte
son propre poids, une calotte glaciaire, de densité aucun modèle global satisfaisant. Soulèvements et
0,9 g/cm3, épaisse d'un millier de mètres, peut déprimer la affaissements crustaux pourraient-ils pour partie répondre à
surface terrestre de près de 300 m. En substituant d'autres processus exogènes, à savoir la denudation et la
l'épaisseur et la densité de la glace à l'épaisseur et à la densité des sédimentation? La logique voudrait que la denudation
roches crustales, on obtient, en effet, 1 000 x continentale induise une remontée compensatrice, comme
0,9/3,3 = 273 m. On a la preuve actuellement d'un tel une surcharge sédimentaire devrait provoquer un
affaissement du continent antarctique puisque la fléchissement de la croûte en profondeur.
profondeur du plateau continental y est anormalement forte L'image la plus expressive est celle d'un navire dont la
(500 m contre 200 m en bordure des autres continents). ligne de flottaison s'élève à mesure qu'on le décharge ou
Grâce aux fines observations de terrain qui se sont s'abaisse au rythme du remplissage de ses cales, même si,
attachées à reconstituer l'histoire du soulèvement de la dans les faits, la densité des matériaux qui l'allègent ou le
Scandinavie, on sait que les conséquences lestent n'est pas identique. Soit :
morphologiques de l'allégement ont été considérables puisque la AH = ±ô.px/pm
forme de la mer Baltique s'est modifiée à plusieurs où AH est la valeur de la déformation crustale (positive
reprises en raison de l'interférence entre les effets du glacio- dans le cas d'un soulèvement, négative dans le cas d'un
eustatisme et de la glacio-isostasie. Il ne semble pas que la affaissement), 6, exprimée en mètres, mesure la
même attention ait été portée au bourrelet périphérique, denudation (positive) ou la sédimentation (négative), px la
autour du secteur déprimé, expression de la déformation densité spécifique des matériaux déblayés ou déposés, et pm la
élastique « régionale » sous la charge supracrustale, qui densité spécifique du manteau (3,3 g/cm3).
s'est progressivement dégonflé et déplacé au rythme du Certes, tout volume topographique saillant est la proie de
recul de la bordure de la calotte. Il demeure d'ailleurs des l'érosion, mais l'ablation d'une tranche de terrain, épaisse
inconnues, malgré une grande abondance de travaux de d'un kilomètre par exemple, n'abaisse pas d'autant le relief.
modélisation théorique, et on ignore en particulier l'exacte L'érosion affectant une colonne crustale de pe = 2,8
épaisseur des inlandsis disparus sur l'Europe du Nord et provoque un soulèvement isostatique de 2,8/3,3 = 0,85, soit
l'Amérique du Nord, et, partant, la durée du processus 85 % de la tranche dénudée, cette dernière étant
isostatique en cours. Quoi qu'il en soit, la rapidité du nécessairement remplacée en profondeur par une épaisseur man-
mouvement de rajustement, voire son instantanéité à l'échelle des tellique de masse équivalente. Une grande partie du relief
temps géologiques, justifie l'excès de séismicité dû aux détruit est donc reconstituée par un soulèvement régional,
contraintes flexurales engendrées par le retrait des calottes l'altitude n'ayant donc diminué que de 150 m.
(Zoback et Grollimund, 2001). On conçoit plus aisément que puisse s'instaurer un
Les anomalies isostatiques témoignent de ce « retard à l'i- équilibre dynamique entre tectonique positive et incision
sostasie », le rajustement n'étant pas terminé, mais il s'en fluviale plutôt qu'une évolution polycyclique. Toutefois, la
faut toutefois qu'une forte anomalie négative entraîne présence de surfaces étagées sur la façade maritime de
nécessairement le soulèvement que supposerait le déficit nombre de bourrelets montagneux associés aux marges
de masse. Le rétablissement de l'équilibre isostatique peut passives conduit à s'interroger sur la rythmicité de la
être dépassé par la subsidence, cas illustré par la plaine du tectonique verticale. Ainsi, le soulèvement du bourrelet
Pô affectée par un affaissement persistant depuis le marginal sud-africain depuis le Crétacé a été entrecoupé de
Miocène : le rejet vertical des failles qui encadrent le fossé périodes de répit propices à l'inscription d'aplanissements
d'effondrement, d'environ 10000 m, se divise entre successifs : ce dispositif a suggéré à L.C. King (1955)
4000 m de relief moyen et 6000 m de sédimentation l'hypothèse d'un relèvement spasmodique par suite du
détritique d'âge plioquaternaire. Ce paradoxe, qui se retrouve franchissement d'un seuil d'ablation au-dessous duquel la
dans les grands rifts est-africains, apporte la démonstration croûte resterait inerte, seuil que certains auteurs ont
que l'équilibre isostatique ne joue qu'à une échelle chiffré à 300-400 m.
régionale beaucoup plus vaste. La densité spécifique des dépôts corrélatifs de cette
attaque — ps - est de l'ordre de 2,2, ce qui signifie que
3. Le délestage chronique par érosion : quel l'affaissement isostatique résultant de la sédimentation ne
rôle peut être dévolu à l'allégement érosif et à représenterait que 2,2/3,3, soit les deux tiers de la quantité
la surcharge sédimentaire ? de sédiments déposés. Un calcul simple, faisant intervenir
les densités des milieux en présence, montre donc qu'à un
Aux mouvements par pure détente élastique résultant de dépôt de 1 000 m de sédiments ne correspond qu'un
charges accidentelles s'ajoutent des cas, bien plus affaissement de 650 m. Dans les faits, une telle estimation se

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Y. Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

doit d'être affinée puisqu'elle ignore le rôle de la anciens et boucliers), suggère une évolution analogue faite
compaction des sédiments en fonction de leur nature et de leur d'une montée lente, chronique, encadrée par de longues
profondeur d'enfouissement. Si la sédimentation amplifie la périodes de stabilité, de nature polycyclique.
subsidence, elle ne saurait en être le moteur : l'affaissement Comme il est désormais admis que les mouvements crus-
sous l'action d'une surcharge n'est que d'une fraction de taux isostatiques ne compensent que partiellement les
l'épaisseur de celle-ci, 60 à 75 % de la subsidence « totale » changements d'altitude de la surface topographique
observée, les 25 à 40 % restants ayant une autre origine. produits par la denudation ou la sédimentation, que
M.-F. Brunet et X. Le Pichón (1980) ont évalué l'ampleur denudation ou surcharge ne sont que des adjuvants, force est
d'un éventuel réajustement si le Bassin parisien était vidé d'invoquer des processus endogènes qui déclenchent, puis
de la totalité de ses sédiments accumulés sur une épaisseur entretiennent soulèvements ou affaissements « chroniques ».
d'environ 2350 m dans sa partie centrale : le soulèvement, Mais, si l'on s'accorde sur la nécessité d'un impetus
quasi instantané à l'échelle des temps géologiques, tectonique, l'exacte nature des mécanismes initiateurs fait
puisqu'il s'opérerait en une vingtaine de milliers d'années, toujours l'objet d'interrogations depuis que CE. Dutton, en
s'élèverait à quelque 1 680 m. Ainsi, la subsidence « totale », 1889, s'était déclaré impuissant à les identifier, puisque les
que permet de mesurer la profondeur du socle à la base des mouvements crustaux ne résultent pas du rétablissement
sédiments sus-jacents, est nécessairement commandée par d'un équilibre isostatique momentanément perturbé.
une subsidence « tectonique » correspondant à la G.K.Gilbert avait, dès 1890, soigneusement distingué
profondeur à laquelle aurait été porté le socle s'il n'avait pas été mouvements orogéniques (du grec opoç, montagne) et
surmonté de sédiments. Cette subsidence, qui, en mouvements épirogéniques :
l'occurrence, est donc d'environ 670 m, suppose donc - les premiers, qui ont engendré de façon brusque de
l'intervention de mécanismes initiateurs qui créent la dépression nouvelles structures tectoniques, sont liés à un épaississement
indépendamment de toute réaction ultérieure à la surcharge de la croûte continentale ;
sédimentaire (fig. 4). La sédimentation ne fait - les seconds sont des déformations lentes, persistantes et
qu'amplifier la subsidence, mais elle ne peut en être la cause : amples, en forme de bombements à grand rayon de
elle s'arrête sitôt le bassin rempli. courbure d'échelle continentale.
Par ailleurs, l'histoire des bassins sédimentaires montre Certes, des cas intermédiaires se rencontrent, comme la
que la subsidence est un phénomène très lent, à l'exemple tectonique dite « germanotype », mais, en première
du Bassin parisien qui, entre 225 et 43 Ma, s'est affaissé à approximation, la distinction n'en est pas moins riche
un taux annuel moyen de 0,01-0,02 mm.an-1, mais avec d'enseignements sur les mécanismes susceptibles d'initier
des ralentissements ou des accélérations, voire des et d'entretenir le soulèvement « crustal », et nous
oscillations positives qui se sont traduites par des régressions et retiendrons cette distinction devenue classique, depuis qu'elle a
par des discordances angulaires. L'histoire, été systématisée par H. Stille (in Ellenberger, 1976), entre
nécessairement moins connue, des aires de bombement (massifs contextes orogéniques et anorogéniques.
Permien Mésozoïque Cénozoïque II - Les mouvements verticaux de la
250 200 150 100 50 OMa lithosphère provoqués par les
variations de l'épaisseur crustale :
l'orogenèse, une épirogenèse par ajustement
1 - de territoires en déséquilibre

On prendra ici le terme « orogenèse » en son sens global


2- de formation des chaînes de montagnes, sans envisager le
détail de la formation des structures : plis,
chevauchements et charriages, engendrées par la « tectogenèse ». Les
3- Effet de : géologues structuraux se sont surtout intéressés à la
la charge sédimentaire tectonique tangentielle et n'ont consacré que des
la compaction développements ténus au soulèvement lui-même, désigné comme un
4- événement « tardi-tectonique », voire comme un stade dit
la tectonique
km l'incertitude sur la bathymétrie « morphologique » (Gansser, 1983). Encore en 1984,
J. Debelmas le reconnaissait sans ambages : « Ce
soulèvement est en général présenté de façon fort vague comme la
Fig. 4 - Composantes de la subsidence du Bassin parisien
(in Brunet et Le Pichón, 1980) fin du phénomène de plissement ou comme un rajustement

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Y. Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

isostatique succédant au bouleversement orogénique ».


Zone
Ces deux propositions mériteront d'être l'une et l'autre
comprimée
réexaminées.

1. Un simple rajustement isostatique?

Dans toutes les grandes chaînes qui tirent leur origine de


leur association à des lieux de convergence de plaques, le A A A A AAAA
A A A A A A A A A
soulèvement est classiquement attribué à l'existence d'une A A A A A a a manteau
« racine sialique », d'une « racine crustale », ou d'un A A A A A A A d = 3,3
« prisme d'accrétion crustal », expression forgée par A A A A A A A A A A A A
A A A A A A A A A A A A
M. Mattauer (1983) par analogie avec les prismes AAAAAAAAAAA AAAA
d'accrétion des arcs sédimentaires. Cet épaississement de la croûte
continentale sous les chaînes intercontinentales (ou inter-
cratoniques) et liminaires (ou péricratoniques) est
imputable à trois mécanismes différents qui ne sont pas exclusifs
les uns des autres :
- un raccourcissement homogène de la croûte continentale 30
AAAA
à la faveur d'un plissement en accordéon ou du jeu de A A A A A
A A A A A A
cisaillements intracrustaux par application de contraintes
horizontales ;
- un redoublement tectonique par chevauchement de deux - «0 - JO -20 -10
i
croûtes continentales d'épaisseur normale auparavant
juxtaposées ;
- un gonflement de la racine par addition de magmas calcal-
calins issus de la fusion partielle du manteau de la plaque 30 AAAAAAAAAAAAAAA
« subductée » : ce processus a été plus particulièrement AAAAAAAAAAAAAA
AAAAAAAAAAAAAAA
invoqué dans le cas de chaînes de subduction, comme la
cordillère andine où les déformations compressives, trop Fig. 5 - Évolution d'une chaîne de montagnes par
modestes, sont localisées à l'ouest le long de la fosse rajustement isostatique depuis sa formation jusqu'à
péruano-chilienne et à l'est en limite du craton brésilien. son nivellement (in Mattauer, 1973)
La racine, formée de matériaux légers (d'une densité La morphologie des hautes montagnes est ainsi associée à
moyenne de 2,8 g/cm3), et plongée dans un milieu plus d'importants déplacements verticaux qui ne sont pas encore
dense (les péridotites du manteau de densité moyenne compensés par l'érosion, et la survivance de grandes
3,3), est donc soumise à une force dirigée vers le haut par chaînes de montagne est étroitement dépendante de la
la force d'Archimède au fur et à mesure que l'érosion prolongation de leur soulèvement qui se maintiendra à la
diminue la pression verticale exercée par les reliefs (fig. 5). faveur de la migration du Moho vers le haut. Dans un
Toutefois, ce soulèvement dit « crustal » (uplift of rocks) stade transitoire a pu s'instaurer un régime stationnaire,
ne s'accompagne d'un exhaussement topographique, et caractérisé par un état d'équilibre morphogénique,
donc d'un soulèvement « de surface » (surface uplift), ou l'érosion contribuant à entretenir le soulèvement, jusqu'à ce
soulèvement net, qu'à la condition, opportunément rappelée qu'un ralentissement ou un arrêt de la surrection favorise
par P. England et P. Molnar (1990), que la vitesse de la marche de l'érosion qui peut, à terme, araser le volume
denudation (terme préférable à celui d'exhumation) soit saillant. Sans aller jusqu'à affirmer avec G. Boulot (1996)
initialement inférieure au déplacement d'une colonne de roches. qu'« une chaîne de hautes montagnes est une anomalie à
Ce mouvement crustal positif peut s'exprimer par un la surface du globe, vite effacée à l'échelle des temps
soulèvement de surface différentiel selon les modalités de géologiques », force est d'admettre que l'évolution
l'érosion qui peut l'affecter de manière uniforme ou se morphologique conduit inexorablement à la disparition de ces
limiter aux grands axes de creusement : la chaîne hima- volumes de relief. Ainsi, c'est aux dépens des reliefs issus
layenne, qui compte quatorze pics au-dessus de 8000 m de l'orogenèse varisque que s'est élaborée la surface
mais où le fond des vallées s'abaisse à 3 000 m, ne possède posthercynienne, « archétype de la surface d'aplanissement en
pas un relief moyen supérieur à celui du plateau du Tibet raison de sa grande extension et de son haut degré de
qui s'élève à 4940 m (Fielding, 1996). perfection » (Klein, 1 997), en dehors de quelques chicots

Sud-Ouest Européen, n°1Q, 2001 29


Y. Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

et barres quartzitiques ayant échappé au nivellement (1984) : « Comment expliquer le soulèvement d'anciennes
jusqu'à l'abrasion syntransgressive jurassique. chaînes, comme les Calédonides de Norvège, ou celui des
L'édifice hercynien, comparable par sa vigueur à chaînes intra-continentales, de type atlasique, toutes
l'Himalaya au début du Carbonifère, avait été totalement dépourvues de racines sialiques ? », puisque la réalité des
arasé au cours du Permo-Trias, ce qui signifie qu'une déformations épirogéniques est connue depuis un siècle...
tranche de roches de quelque 46 km a disparu, soit la
hauteur de la chaîne Dh et l'épaisseur de sa racine d 2. La fin du phénomène de plissement? Les
(= 5,6 Ah), et donc que les matériaux portés à incertitudes du calendrier...
l'affleurement se trouvaient à des profondeurs où régnent des
pressions de l'ordre de 13 à 17 Pa et des températures voisines La théorie postule que, sitôt achevée, la phase de
de 500 °C (si l'on retient un géotherme normal de compression est suivie d'une phase « morphogénique » qui donne
30 °C/km). Le rabotage fut d'une si impressionnante aux chaînes de montagnes le volume et l'altitude que la
efficacité que P. Birot (1958) et C. Klein (1970) ont suggéré que seule compression serait bien impuissante à générer. En
la réalisation de la surface post-hercynienne aurait bénéficié fait, il est probable que la réponse isostatique doit être
d'une atrophie des racines sialiques de l'édifice liée à un pratiquement instantanée à l'échelle des temps géologiques
faible raccourcissement lors des plissements. Condition quand le surépaississement crustal l'autorise, délai que
qui ne semble plus s'imposer après la découverte récente, F. Ellenberger (1976) invoquait de manière imagée : « Les
dans le massif de Dora Maira dans les Alpes lois de l'isostasie s'opposent à toute « mise en conserve »
franco-italiennes, d'une forme de très haute pression de la silice, la de déséquilibres gravitatifs crus taux, dès que l'anomalie
coésite, stable à des profondeurs de l'ordre de 85 km, dont atteint un rayon horizontal notable ». L'exemple du Tibet-
l'« exhumation » ne peut raisonnablement être imputée à Qinghai autorise à douter du trop parfait enchaînement qui
l'érosion (Chopin, 1984). ferait mécaniquement succéder l'« orogenèse » à la
S'il était traditionnellement admis que le nivellement d'une « tectogenèse » et établirait un lien de causalité entre les
chaîne impliquait que la racine crustale fût entièrement deux dynamiques.
résorbée, on sait désormais qu'un processus Au nord du marqueur de la collision continentale qu'est la
complémentaire joue un rôle considérable dans cette remise à suture ophiolitique du Tsang Po suivie par le cours
l'horizontale du Moho : il s'agit de l'« effondrement gravitaire », supérieur de l'Indus, le plateau du Tibet est supporté par une
phénomène assurément plus rapide et probablement plus croûte d'une épaisseur de l'ordre de 70 km. Nulle part à la
efficace que l'érosion, qui a été décrit pour la première fois surface du globe n'existe une région montagneuse aussi
dans la région du Basin and Range de l'Ouest américain où étendue que le « toit du monde » dont l'altitude moyenne
une phase de relaxation tardi- ou post-orogénique aurait eu serait de 5 023 m (Fielding, 1 996). Selon que l'on considère
pour effet de porter à l'affleurement des terrains les premiers indices de déformation compressive dans la
métamorphiques de haute pression. Conséquence inattendue d'une marge indienne ou la mise en contact effective des deux
telle « denudation tectonique » : la surface couverte par croûtes continentales, l'âge de la collision Inde-Asie est
une vieille chaîne arasée ne reflète pas nécessairement compris entre 55 et 45 Ma, mais, depuis lors, la
l'étendue initiale de la chaîne, d'autant moins que progression de l'Inde vers le nord est demeurée constante, après
l'extension y aura été particulièrement importante, ce qui semble avoir chuté de 15 à 5 cm.an-1. Or, les modalités du
avoir été le cas de la chaîne hercynienne... soulèvement - continu (Ruddiman, 1998), diachronique (Chung
Quoi qu'il en soit de leur futur destin, quand des chaînes et al., 1998) ou brutal (Zheng et al, 2000) - font l'objet de
récentes possèdent des racines crustales, leur surrection est débats permanents depuis trois décennies, comme,
donc communément attribuée à un simple effet naturellement, sa datation, alors que l'acquisition du volume
d'ajustement isostatique. On conçoit que le cas de la Sierra topographique est supposée avoir exercé une profonde influence
Nevada, qui culmine à 4 419 m au Mount Whitney et sur le climat régional, voire global, en commandant
possède une altitude moyenne de 2 800 m, ait pu paraître l'instauration de la mousson, et éventuellement le
énigmatique dès lors que la géophysique ne lui assignait refroidissement de l'hémisphère boréal.
plus de racine crustale. Le Moho n'étant plus désormais Il semble qu'un crédit excessif ait été accordé aux
localisé à 55 km, comme l'affirmaient encore L.C. Pakiser informations apportées par les dépôts corrélatifs, les vestiges
et J.N. Brune (1980), mais à 33 km de profondeur, selon paléontologiques, les héritages floristiques, voire les
C.H. Jones et al. (1994), nombre de géologues américains héritages glaciaires, qui ont conduit à accorder un âge plio-
sont partis à la recherche des « racines perdues » (missing quaternaire à l'exhaussement du plateau tibétain, sans que
roots). Démarche que le géomorphologue s'autorisera à soient suffisamment prises en compte les données
juger aussi ingénue que l'interrogation de J. Debelmas paléoenvironnementales qui peuvent, elles-mêmes, refléter une ten-

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Y. Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

dance générale à la péjoration climatique. Plus riches les piémonts, du Lannemezan au nord jusqu'au bassin de
d'enseignement sont, semble-t-il, les âges absolus obtenus l'Èbre au sud. Cette observation conforte une remarque plus
sur des roches carbonatées au sein des remplissages générale formulée par J. Debelmas (1984) : « Les
sédimentaires contenus dans des grabens d'orientation mouvements verticaux sont parfois, sinon souvent, indépendants
subméridienne, si l'on admet que l'extension diffuse E-W, des structures antérieures qu'ils peuvent recouper » et
distribuée sur toute la surface du plateau, n'a débuté « débordent des chaînes pour affecter des secteurs voisins ».
qu'après une surrection brutale, ou sur des roches volcaniques L'énorme ablation que supposent les dépôts corrélatifs
si l'on convient que le magmatisme est contemporain du paléogènes ne permet d'évidence pas d'envisager la
soulèvement décisif qui daterait du Miocène moyen (13- persistance de volumes de relief nés de la tectogenèse, et l'ara-
14 Ma). On peut dès lors s'interroger, après M. A. Murphy sion de la chaîne pyrénéenne antérieurement à
et al. ( 1 997), sur son origine : « Did the Indo-Asian l'Aquitanien inspire dès lors quelque doute sur un éventuel
collision alone create the Tibetan plateau ? ». lien de causalité entre le soulèvement récent et la
S'il demeure quelque incertitude sur la chronologie formation de la racine crustale. Pourquoi un rajustement
tibétaine, plus convaincant encore est le cas des Pyrénées récurrent serait-il survenu après une longue période de repos
orientales où la traduction morphologique de la tectonique? On conçoit la nécessité de solliciter un
compression est manifestement différée. L'existence d'une mécanisme autre dont on peut se demander s'il ne ressortit pas
puissante racine crustale sous la chaîne est bien attestée par la de la simple épirogenèse...
géophysique, mais un décalage considérable - de près de
25 Ma - sépare la formation de ce prisme crustal, achevé 3. Un changement de style tectonique ?
pour l'essentiel au début de l'Oligocène, de l'orogenèse
fini-néogène qui a soulevé le segment oriental de plus d'un L. de Sitter (in Ellenberger, 1976) avait déjà remarqué que
millier de mètres depuis le Miocène terminal. Les travaux les Alpes, les Pyrénées, le Haut-Atlas et l'Anti-Atlas se
de M. Calvet (1996, 1999), grâce au croisement des sont toutes quatre soulevées au Pliocène de 1 000 à
méthodes d'approche, permettent de replacer les aplanis- 2000 m : si l'on peut discuter de l'âge et de l'intensité du
sements étages de cette chaîne polycyclique dans un ferme soulèvement, on retiendra que l'auteur soulignait l'absence
cadre chronostratigraphique : apparente de toute relation causale entre l'épirogenèse et la
- le niveau culminant So, d'âge oligo-miocène (26-20 Ma), tectogenèse antérieure. Tirant argument de cette
que portent des reliefs résiduels, a été élaboré entre la fin observation, F. Ellenberger interprétait cette simultanéité comme
de la tectogenèse pyrénéenne majeure, dont les structures l'indice d'une substitution d'un mécanisme à un autre :
sont recoupées tant dans les Corbières que dans la chaîne « S'il paraît y avoir un retard, une « hystérésis » entre
axiale, et le sommet de l'Aquitanien ; l'achèvement de l'édifice orogénique et le soulèvement
- la surface fondamentale Si, dont l'extension est à l'échelle vertical, c'est qu'alors ce dernier résulte d'un phénomène
de la chaîne après une crise tectonique burdigalienne, nouveau, d'une transformation néoformée en profondeur,
s'inscrit sous la forme de plans clairement encoches : les contemporaine du soulèvement. La cause immédiate du
« plas » du horst du Canigou-Carença (2 300-2 400 m) sont soulèvement moderne des Alpes, des Pyrénées, de l'Atlas,
postérieurs au Burdigalien du Confient, et une prospection est également moderne. Un phénomène général inconnu
systématique des plans calcaires des Corbières a révélé la est récemment intervenu (et est encore en cours) pour
présence d'épandages détritiques allogènes piégés dans les activer le tréfonds en allégeant la « racine » déjà existante de
fissures de l'épikarst et renfermant des gisements de la chaîne ou le manteau supérieur sous-jacent ».
rongeurs échelonnés entre 17 et 10 Ma; Sous ce « phénomène général inconnu » peut se dissimuler
- des aplanissements locaux S2 et S3, d'âge plio-quater- le modèle de la délamination convective (Bird, 1979;
naire, qui, dépendant de la lithologie, s'épanouissent dans Yuen et Fleitout, 1985; Platt et England, 1994) qui consiste
des bassins, voire des vallées : S2 peut être mis en relation en une suppression brutale de la racine lithosphérique et
avec le sommet des remblaiements pliocenes et S3 est en un allégement corrélatif de la lithosphère susceptible
scellé par la plus haute nappe alluviale T5 d'âge fini- d'entraîner un soulèvement de quelques milliers de mètres.
Villafranchien. Comme l'ont justement noté L. Joli vet et H.-C. Nataf
En dépit du caractère habituellement hypothétique des (1998), il n'y a pas de raison de postuler que la lithosphère
raccords, l'analyse géométrique montre sa grande ne s'épaissit pas en même temps que la croûte pendant la
fécondité dans les Pyrénées orientales. L'emprise de plus en plus convergence : « Si l'épaississement est rapide, la racine
étroite des aplanissements révèle que l'orogenèse s'est lithosphérique ainsi formée n'aura pas le temps de
accélérée au cours du temps, la surrection ne se limitant s'équilibrer thermiquement avec son environnement asthé-
d'ailleurs pas au prisme crustal axial, mais débordant sur nosphérique plus chaud. Cette racine va donc alourdir

Sud-Ouest Européen, n°1Q, 2001 31


Y. Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

considérablement la chaîne qui n'aura pas d'expression lithosphère « est en moyenne moins dense que
topographique majeure jusqu'à ce que, devenue gravitai- l'asthénosphère du fait de la présence du flotteur qu'est la
rement instable, elle finisse par se détacher : l'allégement croûte continentale », estime que son « amincissement diminue
soudain de la lithosphère la fait remonter ». ce déficit de masse et donc provoque une subsidence »,
Pour expliquer la surrection du plateau du Tibet, tandis qu'« un épaississement augmente le déficit de masse
l'hypothèse de la délamination a été retenue par S. Turner et al. et donc provoque le soulèvement ». En fait, le manteau
(1993) qui ont tenté de chiffrer l'amincissement de la partie lithosphérique possède une densité de 0, 1 g/cm3 supérieure
mantellique de la lithosphère : si le même taux de à celle du manteau asthénosphérique sous-jacent (3,3
raccourcissement que celui qui est affecté à la croûte lui est contre 3,2 g/cm3), et, de ce fait, il est doté d'une instabilité
appliqué, soit 50 %, son épaisseur aurait atteint quelque mécanique potentielle (Bird, 1979).
240 km, avant d'être brutalement ramenée à 1 00 km, 60 % La lithosphère continentale ne montre pas le placide
ayant été convectivement remplacés par une asthénosphère comportement de la lithosphère océanique dont le
plus chaude et légère vers 14 Ma (fig. 6). refroidissement et l'épaississement progressent, comme la
De même, sous l'Altiplano andin, dont les altitudes profondeur des océans, proportionnellement à la racine de l'âge.
dépassent 5 000 m, une croûte légère épaisse de 70 km surmonte Les domaines continentaux sont loin d'offrir une relation
une mince portion mantellique lourde, et la colonne litho- aussi simple et élégante entre les volumes superficiels et
sphérique résultante est donc légère et son altitude élevée. les masses profondes, et la marge de manœuvre est étroite
L'important retard du relèvement isostatique exigerait lorsqu'il s'agit de retenir des modèles cohérents...
l'élimination des effets d'une racine lithosphérique froide
et lourde, afin de permettre au déséquilibre induit par la
racine crustale de se manifester. Ce n'est manifestement III - Les mouvements verticaux de la
pas le cas dans le sud du bouclier finlandais où le surépais- lithosphère provoqués par son état
sissement affecte simultanément la croûte (60 km) et la thermique et son épaisseur : l'épiro-
lithosphère, ce qui justifierait la modestie des altitudes... genèse chronique des domaines ano-
La solution aux déplacements verticaux peut donc résider rogéniques
dans le comportement de la lithosphère continentale, ce
qui implique de placer la surface de compensation L'épirogenèse, autre que de délestage, résiste encore à tout
isostatique non plus dans le manteau lithosphérique, mais dans effort d'explication de l'aveu même d'un des promoteurs de
l'asthénosphère. On hésitera toutefois à suivre les la théorie, X. Le Pichón (1984) : « On reprochait à la
propositions de X. Le Pichón (1984) qui, considérant que la tectonique des plaques de ne pouvoir rendre compte des
-6 mouvements verticaux en domaine
continental [...]. // semble de
S 1
f plus en plus que la clef soit à
-4 -S
t chercher dans l'évolution
t thermique et mécanique de la
Temps (Ma) * ÜÍ
50 j ' O lithosphère continentale »,
100 80 60 ^40- , Í>o 0 évolution qui l'allège ou l'alourdit,
î o- ■■) 0 indépendamment de son âge.
Plutôt que de recenser les
fo -50 -
différents modèles de déformation
TO -100 - épirogénique intraplaque, au
*--- nombre de quatorze selon
§ -150- *""""■"■--■--.. T.R. McGetchin et R.B. Merrill
(1979) ou vingt selon
-200-
§ CD. Oilier (1985), il paraît
|H croûte au-dessus du niveau de la mer *
|ifon -250 - : préférable de jauger leur
Q croûte au-dessous du niveau de la mer \ compatibilité extrinsèque avec les
■y v.1
è -300 - H cantea" lithosphérique » données morphologiques
disponibles en envisageant trois
-350 - grands domaines
Fig. 6 - Scénario de l'histoire du soulèvement isostatique du plateau du Tibet morphostructuraux sans épaississement
(in Fielding, 1996) crustal.

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Y. Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

1. Les bassins sédimentaires subsidence prolongée un soulèvement exposant à la


dissection des séries sédimentaires, dissection à laquelle
En limitant intentionnellement l'inventaire aux seuls bassins peuvent être associés des évidements si ces séries sont litho-
continentaux, et en excluant de ce fait les plaines logiquement variées. La condition indispensable à la
abyssales, trois grandes familles peuvent être isolées : floraison de formes structurales, et notamment au
- les bassins dont l'évolution est principalement contrôlée dégagement de coteaux et cuestas nombreux et vigoureux, réside
par l'amincissement lithosphérique, quel que soit le mode dans un rajeunissement qui porte les bassins au-dessus du
d'étirement : rifts, bassins en pull-apart et bassins niveau de base de l'érosion subaérienne, compte tenu des
d'arrière-arc; variations eustatiques du niveau marin.
- les bassins intracontinentaux dont l'évolution est Dans le cas du Bassin parisien, ce rajeunissement
principalement contrôlée par le refroidissement de la lithosphère ; morphologique n'est probablement pas indépendant du déplacement
- les bassins molassiques d'avant-chaîne ou d'arrière-chaîne de l'ombilic de subsidence, à une vitesse moyenne de
dont l'évolution est principalement contrôlée par la flexion 0,6 cm/an du Thanétien à l'Aquitanien, soit entre 59 et
de la lithosphère. 20 Ma, depuis le nord de l'Ile-de-France jusqu'à
En dehors des bassins molassiques, situés en bordure des l'Orléanais (fig. 7). Pour justifier ce déplacement, qui, à
chaînes de montagnes dont ils reçoivent les produits de l'Helvétien, provoquera l'ingression falunienne jusqu'en
destruction, qui sont liés à la rigidité de la lithosphère en Touraine, est invoquée, sans plus de commentaires,
réponse à une contrainte compressive, une solution l'influence des déformations alpines.
convaincante à la genèse des rifts et bassins D'une tout autre ampleur que dans le monde calédono-her-
intracontinentaux a été proposée par D. McKenzie (1978). Pour cynien, où la distinction entre bassins sédimentaires et
comprendre les causes et les modalités de la subsidence, massifs anciens est bien établie, est la migration des
il convient de raisonner non plus à l'échelle de la croûte centres de subsidence et de soulèvement, qui, dans les
continentale, mais à celle de la
lithosphère tout entière.
Le modèle explicatif de la
subsidence met en jeu un étirement
nécessaire à l'amincissement actif
de la croûte continentale,
entraînant la formation de fossés
localisés par le jeu de failles normales,
puis une subsidence qui est le fait
de l'accroissement de la densité
due au simple refroidissement de
la lithosphère qui, initialement
amincie, retrouve
progres ivement son épaisseur initiale. C'est
l'évolution qu'aurait connue le
Bassin parisien où la subsidence
thermique, survenue au Trias
après le rifting permien, a permis,
à la faveur d'un affaissement
régional lent et continu,
l'individualisation d'un bassin elliptique
plus vaste que les fossés antérieurs
nés du phénomène distensif.
On ne saurait toutefois oublier
qu'en dehors des cuvettes encore
50 km
actives, qui ont toujours un plan
fortement dissymétrique, se pose
la question - trop souvent éludée -
de l'« inversion tectonique » qui Fig. 7 - Déplacement de l'ombilic de subsidence dans le Bassin parisien
fait succéder à une période de {in Cavelier et Pomerol, 1979)

Sud-Ouest Européen, n°10, 2001 33


Y. Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

domaines cratoniques précambriens, peut se justifier par Vosges et la Forêt-Noire, avoisinent les 1 500 m. La mise
l'élargissement de l'éventail chronologique. Comme l'avait en distension date de la fin de l'Éocène et surtout du début
souligné P. Birot (1958), elle s'accompagne fréquemment de l'Oligocène, la déformation asymétrique étant
d'une position orographique dominante des couvertures. caractérisée par un champ de failles normales de rejet inégal.
Remarquables par leur expression morphologique sont les La croûte continentale ne possède guère qu'une épaisseur de
vestiges de formations gréso-quartzitiques dont les limites 27 km - ce qui correspond à un coefficient
d'érosion définissent des glints ou des pseudo-cuestas, d'amincis ement P de 1,3 (35/27) - et le fossé ainsi créé s'est comblé
selon le dispositif tectonique, aclinal ou monoclinal, et qui de sédiments d'âge principalement oligocène. Outre
peuvent même se résoudre en buttes-témoins l'inflexion positive du Moho, les profils de sismique-réfrac-
culminantes : ainsi, les gigantesques tepuis ou tepuys de la tion sous le fossé d'Alsace-Bade ont montré la présence
Haute Guyane vénézuélienne (dont le plus élevé se juche d'un manteau anormal, où la vitesse des ondes P est
à 2 875 m), dominent de plus d'un millier de mètres un atténuée, ce qui a été interprété comme une remontée de
plateau cristallin monotone, la Gran Sabana. l'asthénosphère sous les grabens et donc la preuve d'un
Au-delà de la grande résistance absolue et relative de ces amincissement de la lithosphère. Constat paradoxal,
couvertures sédimentaires, cette disposition puisque cet amincissement est, en l'occurrence, jugé
caractéristique des boucliers précambriens n'a guère suscité de responsable du soulèvement des épaules du rift, c'est-à-dire d'un
travaux depuis que R. Furon (1965) et H. Faure (1971) ont, mouvement vertical en sens inverse de celui postulé par la
de manière imagée, indiqué que la mégatectonique du subsidence intracratonique ? Comment concilier ces effets
socle africain revêt l'aspect d'une « houle crustale » ou contradictoires ?
d'une « onde épirogénique », affectant des boucliers Deux tentatives de réponses ont été apportées par
supposés rigides. La tentation serait grande d'y voir la réponse G. Boulot (1996):
au défilement de la plaque au-dessus d'un foyer de - « La cause première est à rechercher dans les propriétés
réchauffement, faisant succéder bombements et mécaniques de la lithosphère superficielle. La remontée
subsidences thermiques, selon que la densité de la lithosphère du manteau sous le rift n'est compensée par la subsidence
se trouve diminuée ou augmentée. Toutefois, aussi initiale que dans la région où la croûte continentale est
séduisante que soit l'hypothèse des points chauds pour amincie, c'est-à-dire dans le fossé d'effondrement.
expliquer ces inversions de structures, le lien demeurera Ailleurs, sous les épaules, la croûte est d'épaisseur
équivoque tant que les meilleurs des candidats n'auront pas été normale. Mais, du fait de la rigidité lithosphérique, les deux
définitivement sélectionnés, au risque de vérifier la régions (le fossé et les épaules) sont mécaniquement
pertinence d'une remarque de F. Ellenberger (1976) : « De là couplées. La montée du Moho sous le fossé central du rift
[...] à lier chronologiquement et causalement ces entraîne donc le soulèvement forcé de ses bordures. Il en
déplacements lents de l'épirogenèse à un processus régulier et résulte la naissance et l'entretien d'un relief qui constitue
quantifié de mouvement de plaques, il y a loin, saufà trier, les épaules du rift. Voici donc un bel exemple de
cribler et choisir arbitrairement les seuls faits déformation élastique de la lithosphère.
favorables ». - Une autre cause du soulèvement est thermique.
L'asthénosphère (1 300 °C) aussi remonte sous le rift. Il en
2. Les épaules de rifts résulte un échauffement de la lihosphère qui se fait sentir
à plus de 100 km du fossé central. La densité des roches
Les seuls reliefs saillants intracontinentaux qui, en dehors lithosphériques est ainsi légèrement diminuée, ce qui
des chaînes de montagnes du type Atlas ou Altaï, aient provoque un soulèvement par réaction isostatique. On voit
bénéficié de recherches actives de la part des tectonophy- que des sédiments ne s'accumulent dans le fossé central du
siciens, sont les bordures de rifts parce que la formation de rift que parce que la subsidence initiale est là d'un ordre
ces derniers est le prélude à l'ouverture océanique, s'ils de grandeur supérieur à celui du soulèvement régional.
n'avortent pas en cours d'évolution. Ce soulèvement intéresse toutefois le rift tout entier, mais
Parmi les fossés d'effondrement qui sillonnent la plaque ses effets ne sont visibles que sur les épaules là où la croûte
européenne depuis la mer Méditerranée jusqu'à la mer du continentale n'est pas amincie, et où, par conséquent,
Nord, une attention particulière s'est portée sur un des aucune subsidence initiale ne le contrarie ».
segments du rift ouest-européen, le fossé rhénan. Long de Ainsi, c'est à la faveur d'une « intumescence thermique »
300 km et large de 35 à 40 km, il se place sur un axe de qu'un accroissement du flux thermique réchaufferait les
distension NNE-SSW qui abaisse le socle à des bordures du fossé et produirait leur soulèvement par
profondeurs de 1 200 à 3 400 m, alors que les altitudes allégement. Mais le débat porte, par ailleurs, sur la chronologie
culminantes des deux massifs cristallins qui l'encadrent, les des événements, puisque, selon le moteur de l'extension

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y Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

envisagé, cette remontée du manteau peut être soit d'origine du processus distensif, les rifts continentaux se
diapirique (rifting « actif »), soit une conséquence de transforment, si l'amincissement dépasse le coefficient p = 3,5, en
l'amincissement de la croûte dû à une traction exercée aux zones d'accrétion océanique, mais l'éventuelle
frontières des plaques (rifting « passif »). Le choix entre transformation des épaules des vieux rifts en reliefs montagneux
ces deux modèles n'est pas innocent du point de vue de ses soulève au moins trois difficultés :
conséquences morphologiques puisqu'il implique soit - les lèvres de la fissure crustale initiale sont appelées à
l'effondrement de la clé de voûte d'un bombement se refroidir, donc à s'affaisser, au stade de la détumescen-
(Boillot, 1990), soit le soulèvement des lèvres déjà ce/subsidence thermique, du fait du refroidissement de la
individualisées d'un graben (Debelmas et Másele, 1 99 1 ) : lithosphère amincie à mesure de l'ouverture océanique ;
- dans le premier cas, si la phase de distension oligocène - certaines marges passives au droit de dorsales
a succédé à un « updoming » datant de l'Éocène moyen, on océaniques sont dépourvues de reliefs comme, par exemple,
peut admettre avec C. Klein (1995) qu'une vigoureuse autour du golfe de Gascogne, alors que des marges
encoche d'érosion ait pu s'inscrire en contrebas des reliefs coulissantes peuvent être accompagnées de vigoureux bourrelets
culminants des Hautes- Vosges avant le jeu des failles; (cas du Drakensberg du Natal précédé d'un accident
- dans le second cas, le « rifting » précéderait le cisaillant majeur, l'Agulhas/Falkland Fracture Zone) ;
« doming », et, dès lors, toute recherche de vestiges de - le soulèvement des bourrelets se fait à la faveur d'une
formes anté-oligocènes serait vaine, et les aplanissements ample déformation flexurale, enregistrée par les sédiments
étages nécessairement postérieurs au remplissage fin de discordants post-rift, qui cachettent les failles normales,
l'Oligocène : c'est la position défendue par J. Vogt (1991) mais ses relations chronologiques avec le début de
qui attribue l'essentiel du volume montagneux vosgien à l'ouverture océanique sont loin d'être simples : si la concomitance
une surrection pliocène, « surrection qui a donné lieu à est bonne en Scandinavie, le décalage peut être
l'étagement des surfaces ». considérable, comme au Labrador.
La considération de la sédimentation corrélative ne permet La solution à toutes ces difficultés pourrait résider dans le
guère de trancher entre ces deux scénarios puisque les fonctionnement autonome, sans rapport avec leurs marges
dépôts grossiers, signalant de vigoureux reliefs dominants, passives, des vieux socles dont la « domation » relèverait
suggèrent que le soulèvement des bordures du fossé s'est donc d'un cas de figure plus général, celui des
fait en deux temps, principalement à l'Éocène supérieur et bombements épirogéniques.
au début de l'Oligocène (les « conglomérats côtiers »),
puis au Miocène supérieur et au Pliocène (sables à 3. Les bombements
Dinotherium et cailloutis du Sundgau). Une telle évolution
diachronique conduit T. Villemin et al. (1986) à postuler, Ce n'est qu'au début des années soixante-dix que les
de manière aventurée, deux épisodes successifs premières mentions du « plateau uplift » sont apparues dans
d'amincissement de la lithosphère inférieure, datés respectivement la littérature géologique, les données étant plus dispersées
de 40 et 10 Ma, dont, seul, le dernier est invoqué dans la qu'en domaine orogénique et l'éventail des valeurs
partie septentrionale du fossé qui n'aurait subi qu'un considérable puisqu'il est compris entre 10 et 200 m/Ma. C'est
soulèvement tardif. . . dire combien les déplacements verticaux peuvent être
La même incertitude concerne le Massif central, où un spectaculaires : ainsi, le plateau du Colorado aurait été
volcanisme abondant est associé aux structures de affecté par un soulèvement de quelque 500 m durant le
distension d'âge oligocène. Selon que l'on considère que les Cénozoïque supérieur, le Deccan aurait été exhaussé de
mélilitites d'âge paléocène (63,3 ± 1,4 Ma) sont les premières 600 m au cours des 40 derniers millions d'années, la
manifestations d'une remontée asthénosphérique, ou que surrection du socle de l'Atakor aurait atteint environ un millier
cette dernière est datée par le volcanisme basanitique du de mètres depuis 10 Ma (Faure, 1971). La lecture des
Miocène inférieur (20,0 ± 0,5 Ma), on en conclura que manuels les plus récents de langue française ne vérifie pas
l'individualisation des fossés de Limagne, du Forez et de que cet intérêt se soit maintenu en dépit des apports de la
Bresse est postérieure à la déformation en antéclise thermochronologie par les traces de fission.
(Lenoir et al, 2000) ou la précède (Merle et al, 1998). G. Boillot (1996), dans un ouvrage, par ailleurs
Plus discrètes, sinon exceptionnelles, sont les références remarquable, consacré à La dynamique de la lithosphère, ne fait
des tectonophysiciens aux bourrelets montagneux associés qu'allusion aux massifs anciens de l'Europe hercynienne
aux marges passives auxquels les géomorphologues ont en envisageant le cas du soulèvement d'une lithosphère et
prêté un intérêt attentif, de l'Afrique australe au Labrador, d'une croûte continentale, respectivement épaisses de
du Groenland oriental à l'est de l'Australie, des Ghâts 1 20 km et de 30 km : « Supposons un échauffement
occidentaux au Brésil atlantique... Par suite de la persistance régional (éventuellement associé à du volcanisme) provoquant

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Y. Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

une diminution de la densité des terrains lithosphériques pour maintenir un soulèvement continu qu'atteste la
(et donc une augmentation de leur volume) de 0,01. logique des formes...
Chiffre dérisoire en apparence et, pourtant, la surface de La situation est évidemment plus claire dans les régions
la lithosphère se soulèvera de 0,01 x 120 km = / 200 m, volcaniques où l'intrusion de matériel asthénosphérique a
sans que la pression change à 120 km. Des reliefs comme non seulement provoqué un bombement de la croûte, mais
les Vosges et le Massif central français ont en partie pour également engendré un magmatisme pénétratif,
origine cette légère augmentation de la température ac ompagné de manifestations extrusives ou effusives. D'où le
lithosphérique ». succès du modèle en Afrique pour expliquer
C'est ce que vérifie approximativement l'équation retenue l'individualisation d'antéclises accompagnées soit de la mise en place
dans le modèle de la racine mantellique de Pratt où Ap de « trapps » basaltiques (Ethiopie), soit d'un volcanisme
représente la diminution de densité dans le manteau plus ponctuel (Tibesti, Hoggar, Darfour...).
lithosphérique (fig. 3) : Si le diamètre des panaches mantelliques est de taille
Ap = - pc. Ah / hm variable, on peut toutefois s'interroger sur la relation
Si la densité baisse avec l'élévation de température, force scalaire entre les importants mouvements différentiels
est d'admettre que, pour le transfert de chaleur, le mode affectant un ensemble morphostructural comme le Massif
convectif est plus efficace que le mode conductif, dont central français, par exemple, où le comportement du
A. G. Smith (1982) a montré les limites. Il estime qu'un Limousin, de la Margeride, du Forez, du Haut- Vivarais ou
exhaussement de 1 200 m de la lithosphère sud-africaine, du Morvan n'est pas homogène, et une intumescence
épaisse de 150 km, exigerait à sa base : unique liée à la présence sous ce massif d'un diapir
- soit un apport instantané de chaleur de l'ordre d'un mantellique, lui-même issu d'un gigantesque point chaud commun
millier de °C, chiffre évidemment irréaliste ; à toute l'Europe occidentale et centrale (Goes et ai, 1999).
- soit un simple doublement du flux géothermique, mais, Encore conviendrait-il que fût systématiquement vérifié
dans ce cas, le bombement serait différé d'une centaine de cet amincissement convectif : pour ne prendre qu'un
millions d'années, délai morphologiquement inacceptable. exemple, celui de la Fennoscandie, les évaluations
Retenant la solution du panache mantellique pour rendre d'épaisseur de la lithosphère - comprises entre 40 et 1 50 km -
compte du soulèvement épirogénique du bouclier dépendent largement des données utilisées pour
sud-africain, il suppose un changement de phase au voisinage du l'ajustement des modèles géophysiques (Zoback et Grollimund,
Moho : le même bombement de 1 200 m résulterait de la 2001). La réconciliation entre la morphologie de surface et
transformation de 9 kilomètres d'éclogites en 10,2 les modèles profonds est a fortiori d'autant plus délicate
kilomètres de basaltes. L'auteur date malencontreusement, lorsque sont sollicitées les hétérogénéités latérales dans le
et trop tardivement, de la fin du Cénozoïque ce manteau mises en évidence par l'utilisation de la
soulèvement qui aurait été précédé de 50 à 60 Ma par la propagation des ondes sismiques et la reconstruction d'images
conversion des éclogites dont la présence dans le manteau tridimensionnelles. La tomographie sismique s'annonce
supérieur au Crétacé est attestée par les xénolites que certes comme une des révolutions majeures dans le domaine
renferment les kimberlites. des sciences de la Terre en ce début de millénaire, mais il
Morphologiquement plus satisfaisant est l'âge de 90 Ma est manifestement prématuré d'expliquer par les seules
retenu par R.W. Brown et al. (1999) qui expliquent le discontinuités mantelliques les déformations épirogé-
changement de densité de la colonne lithosphérique par le niques. Les travaux de M. Gurnis (Gurnis et a/., 2000;
remplacement d'une tranche de 40 km de manteau infra- Lithgow-Bertelloni et Gurnis, 1997) ne peuvent, par leur
crustal « appauvri » par du matériel asthénosphérique plus degré de généralité, qu'inspirer des réserves : autant un
« fertile », c'est-à-dire plus chaud et moins dense. Ce soulèvement de 300 m de l'Afrique australe à la faveur
processus d'« érosion » de la lithosphère inférieure, par d'un « superpanache » durant les derniers 20 Ma n'est pas
injection de magmas, voire montée diapirique de l'asthénos- morphologiquement inacceptable, autant la subsidence de
phère, bénéficie désormais d'une grande faveur (Fleitout et l'Australie et de l'Inde péninsulaire « prédite » depuis
Froidevaux, 1982 ; Mareschal, 1983 ; Rohrman et van der 65 Ma par l'existence de « points froids » est une
Beek, 1996, entre autres auteurs...), mais on se trouve proposition dont l'hétérodoxie trahit l'ignorance d'un vaste corpus. . .
confronté à un paradoxe qui avait intrigué R Birot ( 1 982) :
si le panache de matière chaude doit avoir cessé de Conclusion
fonctionner à une période suffisamment lointaine pour ne plus
se manifester en surface par un flux thermique plus élevé On aimerait spontanément souscrire aux propos exprimés
que la normale, il faut néanmoins qu'un tel « upwelling » par C. Klein (1997) : « En mettant en lumière la nature et
se soit prolongé jusqu'à une époque suffisamment récente les dimensions véritables des mécanismes responsables de

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Y Lageat, Mégaformes et grandes articulations de la lithosphère continentale

l'édification des plus grands volumes topographiques de serait utile que le géophysicien ajoute, de son côté, aux
la planète, les géophysiciens ont placé les gèomorpho- trop peu nombreuses contraintes qui lui permettent
logues dans l'obligation de tenir compte eux-mêmes de d'ajuster ses modèles, les renseignements sur les rythmes de
l'échelle planétaire ». soulèvement qu'apportent le géologue et le
Or, les préoccupations des géologues continuent de se géomorphologue ». Et un géologue lui-même, J.-L. Mercier (1984),
porter prioritairement sur les structures continentales de conscient que la structure des continents est bien plus
distension et de compression (Debelmas et Másele, 1993 ; complexe que celle des océans, a pu appeler de ses vœux
Jolivet, 1995; Jolivet et Nataf, 1998), sans que, d'ailleurs, le développement d'une « tectonique de la lithosphère
extension et raccourcissement rendent mécaniquement continentale », vœux qui sont encore loin d'être exaucés.
compte de leur comportement morphologique. Ainsi, la G. Boillot (1996) semblait apporter une solution limpide
géodynamique de près des deux tiers de la croûte au problème de la tectonique verticale : « Tout vient de la
continentale apparaît sans rapport direct avec la cinématique de compétition ou de la synergie entre deux facteurs
la tectonique des plaques. Or, pour être unificatrice, et distincts : l'épaisseur de la croûte, l'épaisseur de la
donc intégrer toutes les données en un système lithosphère ». Le premier paramètre ne saurait être invoqué sans
fonctionnel et cohérent, une théorie doit expliquer l'ensemble des réserves, jusque même dans les ceintures orogéniques
observations à toutes les échelles, et, en l'occurrence, aux affectées par une tectogenèse récente ; quant au second, il
échelles continentales, voire régionales. est si médiocrement contraint que tous les géophysiciens
L. Jolivet (1995) se réjouissait que les « géophysiciens ne l'assument pas spontanément... Sauf à se satisfaire du
fournissent (au tectonicien) des bornes entre lesquelles il rappel, sur un mode incantatoire, des nécessaires relations
peut laisser libre cours à son interprétation ». Le entre la dynamique globale et les mécanismes de
géomorphologue est en droit d'estimer que la marge de formation des grands volumes de relief, le géomorphologue, qui
manœuvre demeure bien lâche, et P. Birot ( 1 982) appelait à se en a depuis longtemps l'intuition, continue d'attendre que
rapprocher de la complexité du réel : « Toute explication des soient réunis les éléments de la preuve, sans devoir
soulèvements verticaux passe nécessairement par la adapter la réalité de ses observations et plier la logique de son
géophysique, mais le géomorphologue doit avoir conscience raisonnement à des modèles par trop réducteurs.
que les signaux reçus à la surface de la Terre sont presque « L 'explication ultime des grands contrastes de relief est
toujours ambigus et font l'objet de modèles multiples. Il encore du domaine d'un rêve rationnel » (Birot, 1978).

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