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Les principaux continents, dans leur configuration actuelle, sont constitués de noyaux
cratoniques d’âge essentiellement Archéen autour desquels sont disposées de manière
concentrique des ceintures orogéniques (Figure I) depuis le Protérozoïque (Hofmann, 1988;
Condie, 1998; Artemieva, 2009)
Figure I : Synthèse des âges orogéniques (dernier évènement tectonique recensé dans la
zone) modaux de la croute continentale (Artemieva, 2009).
Différents modèles ont été proposés pour la formation de la croûte continentale (Figure II.)
depuis une extraction précoce avant 4 Ga lors de la différenciation de la Terre primitive
(Armstrong, 1968; Fyfe, 1978; Reymer and Schubert, 1986) jusqu’à une formation
progressive en relation avec la formation d’arcs magmatiques àl’aplomb des zones de
subduction (Taylor and McLennan, 1985). Certains auteurs proposent une croissance de la
croûte continentale en relation avec l’activité cyclique de superplumes mantelliques dont le
corollaire serait la formation de supercontinents
(Condie, 1982; Anderson, 1994). Pour les auteurs favorisant une croissance de la croûte
continentale en relation avec le fonctionnement des zones de subduction, le débat porte sur la
contribution relative de la plaque plongeante en termes de protolithes (basaltes, sédiments) et
de fluides par rapport à celle du manteau suprasubduction (Arculus, 1981; Martin, 1986,
1993; Drummond and Defant, 1990). La structuration en dômes et bassins des noyaux
cratoniques Archéens indique l développement d’instabilités gravitaires au sein d’une croûte
constituée de roches basiques surmontant des roches plus différenciées, voire des magmas.
Ces caractéristiques sont plutôt en faveur d’un mode de genèse de la croûte par fusion
partielle de larges plateaux océaniques mis en place à l’aplomb d’un panache mantellique
(Kroner and Layer, 1992).
Figure III : Les différents processus majeurs et contextes d'échanges manteau - croute
dans le cadre de la tectonique des plaques. (Artemieva, 2009)
II. 3 L’EVOLUTION DE LA CROUTE CONTINENTALE
La croûte continentale est enrichie en éléments incompatibles concentrés dans les liquides
silicatés qui proviennent de la fusion partielle du manteau (Rudnick,
1995; Rudnick and Fountain, 1995). Rudnick (1995) estime que 65 à 90% de la croûte
continentale actuelle a été produite par le magmatisme associé aux contextes de subduction.
Les différences de compositions entre la croute continentale formée au cours du
Phanérozoïque et la croute formée à l’Archéen, seraient dues à des régimes géodynamiques
différents. La croute continentale archéenne moins épaisse et plus chaude que la croute
actuelle aurait pu croître par le biais de la tectonique verticale due à un contraste de
température entre niveau mantellique sous-jacents (plus chauds) et niveaux crustaux sus-
jacents.(plus froid) Ce qui donne par exemple les panaches mantelliques (Bédard et al., 2003;
Bédard, 2006). Un problème demeure cependant, à savoir que la composition de la croûte
continentale ne correspond pas à celle de liquides de fusion partielle du manteau primaire qui
donnent, à de rares exceptions près, des liquides de compositions basaltiques. Si la croûte
continentale était tout simplement une fusion du manteau, elle devrait avoir une composition
basaltique, comme la croûte océanique. La croute continentale Phanérozoïque moyenne se
rapproche beaucoup plus des andésites qui sont des produits de la cristallisation fractionnée
intracrustale des magmas basaltiques, qui dans le cas des marges continentales, est souvent
accompagnée par l'assimilation de la croûte préexistante (Hawkesworth et al., 1982). Ces
observations ont conduit à la suggestion que la croûte continentale a été en quelque sorte «
raffinée ». Dans ce cas, un (ou plusieurs) autre(s) processus a (ont) contribué à la
transformation de la composition de la croûte depuis les premiers magmas de composition
basique issus de la fusion partielle du manteau jusqu’aux magmas actuels de composition
voisine des andésites (Martin, 1986). Les mécanismes de différenciation de la croute
continentale pourraient être :
(i) La délamination de la croute inférieure plus basique mais aussi plus dense du reste de la
croute (Kay and Kay, 1993; Jull and Kelemen, 2001) dans les contextes de croute lithosphère
épaissie (Andes ou Himalaya). Etant donné que la croûte continentale inférieure est nettement
plus mafique et plus pauvre en éléments incompatibles que la croûte globale, la perte de la
croûte inférieure dans le manteau contribuerait à faire tendre la composition de la croûte
continentale vers le pôle felsique.
(ii) La subduction de sédiments issus de l’érosion des continents. Au cours de l’altération
(Anderson, 1982; Lee et al., 2008), certains éléments solubles, notamment Ca, Na, Mg et Li
passent en solution (Albarède, 1998) tandis que Si et Al restent sur le régolithe continental.
Ces éléments solubles sont ensuite enrichis dans la croute océanique par précipitation à
l’aplomb des rides médio-océaniques puis vont d’être recyclés dans le manteau par la
subduction (Albarède , 1998). Certains éléments (en particulier Na) sont susceptibles d’être
ensuite réintégrés dans la croute continentale par le magmatisme d’arc. Le recyclage du Mg
contribue à rendre la croûte continentale moins mafique.
(iii) D’autres processus ont été évoqués tels que la subduction de la croute continentale suivie
de son remplacement par une croute felsique ou « relamination » (Hacker et al., 2011) ainsi
que l’adjonction directe de tonalites par la fusion partielle de la plaque plongeante (Martin,
1986; Rudnick, 1995; Rollinson, 2008). (O’Nions and McKenzie, 1988) font remarquer que la
teneur en éléments incompatibles dans la croûte continentale est possible avec une fusion
partielle du manteau avec un très faible degré (~ 1%) et proposent que la croissance de la
croûte continentale est associée à ce processus. Les liquides silicatés migreraient dans le
manteau lithosphérique subcontinental ou jusqu’au niveau de la croûte inférieure et
stagneraient à ce niveau provoquant la fusion de cette croûte inférieure avec production de
granites fortement enrichis en éléments incompatibles, qui sont des composants communs de
la croûte supérieure. Si ce mécanisme a en effet une influence significative sur le budget des
éléments incompatibles des continents, cela voudrait dire que les âges modèles Sm-Nd 1 sous-
estiment de manière significative l'âge des continents. Relativement peu de tests ont été
réalisés pour cette hypothèse intéressante, il est donc difficile de juger de l'importance de ce
processus. Même si l’abondance des éléments incompatibles dans la croûte peut être
expliquée de cette façon, leur hypothèse ne traite pas la question de la composition en
éléments majeurs mentionnés ci-dessus.
1 Un âge modèle Sm-Nd est une estimation du temps à partir duquel une roche a été séparée
de son protolithe mantellique. Cet âge modèle a plusieurs interprétations : (1) Age du
protolithe ayant fondu pour les granites crustaux. (2) Age d’extraction du manteau pour les
granites mantelliques. (3) Temps de résidence crustaux pour les sédiments.
PARTIE II :
Les granits, sensu stricto, est une roche ignée grenue à gros grain comprenant 20 à 60 en vol
% de quartz et 35 à 90 % en volume de feldspath alors qu'une roche granitique, sensu lato, est
similaire sur le plan textural mais a des proportions de quartz, de feldspath alcalin et de
plagioclase (Streckeisen, 1976). Les granites ont intéressé les géologues depuis des siècles en
raison de leur omniprésence sur les continents, de leur association avec des gisements de
minerai et leur utilisation dans la construction. L'origine et la formation des roches granitiques
restent encore un sujet de débat pour les géologiques. Les premiers concepts de formation des
granites comprennent la cristallisation à partir d'un fluide, précipitation à partir d'un océan
primordial ou transformation de roches en granite (c.-à-d. granitisation) par métasomatisme
(Marmo, 1967). De plus, si granits étaient en effet dérivés d'un fluide (par exemple, un
magma), alors une question se pose de savoir comment un tel un espace énorme peut être créé
dans la croûte pour accueillir leur mise en place (Marmo, 1967). Il Ce n'est qu'au milieu du
XXe siècle que le débat sur l'origine fondamentale du magma granitique a été résolu.
Les magmas granitiques se forment par une variété de processus, à savoir : 1) la fusion
des lithologies de la croûte à diverses profondeurs en présence ou en l'absence de fluides,
2) cristallisation fractionnée de magmas mafiques et 3) mélange entre les magmas issus
de la croûte et du manteau (Pitcher, 1997 ; Barbarin, 1999 ; Brown, 2013 ; Janousek et al.,
2020). Ainsi, étudier l’origine des granites (sensu lato) est un gros défi en raison de la relation
complexe entre les effets de la cristallisation du magma superposés aux divers composants
sources (croute et/ou manteau) qui auraient contribué à former le magma initial. La plupart
des magmas granitiques sont mis en place sous forme d'intrusions plutoniques de différentes
tailles dans les zones de subduction et pendant l'orogenèse, alors que des volumes
relativement mineurs sont mis en place dans des cratons stables, des sites de rifting
continental actif et dans la croûte océanique (Pitcher, 1997 ; Barbarin, 1999 ; Bonin, 2007).
Ainsi, la formation de roches granitiques est cruciale pour comprendre la formation et le
recyclage de la croûte continentale (Brown, 2013).
Avec l'avènement des méthodes de géochimie moderne (géochimie des éléments majeurs,
trace et isotopes radiogénique et stables), il a été établi qu'il existe une relation entre la
composition du granite et le contexte tectonique (Pearce et al., 1984 ; Maniar et Piccoli, 1989
; Bonin, 1990; Barbarin, 1999). Par conséquent, la nomenclature des roches granitiques s'est
rapidement élargie et pas moins de 30 schémas de classification ont été développés (par
exemple, Streckeisen, 1976 ; Pearce et al., 1984 ; Maniar et Piccoli, 1989 ; Barbarin, 1999;
Frost et al., 2001). La classification des granites est basée sur plusieurs facteurs (ex. la
minéralogie, la géologie et la géochimie) ce qui a conduis à la création du système de
classification, très largement utilisé, « à base de lettres » ( type I, type M, type S, type A)
(Chappell et White, 1974 ; Loiselle et Wones, 1979 ; White, 1979). D’autres systèmes de
classification non génétiques (c-à-d non liés à la source) basés sur la géochimie des éléments
majeurs sont également utilisés et ont l'avantage de ne pas être interprétatifs (Frost et al., 2001
; Frost et Givre, 2011). Les avantages scientifiques de la classification des granites sont clair,
mais le débat autour de leur application se poursuit et de nouvelles méthodes de classification
sont fréquemment proposées (cf. Glazner et al., 2019 ; Bonin et al., 2020).