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Comment le cerveau fait persister les mémoires de peur

Publié par Adrien le 22/10/2021 à 09:00


Source: CNRS INSB
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Les mémoires de peur sont particulièrement fortes et résistantes à l'oubli malgré le temps qui passe.
Grâce à une méthode d'imagerie cérébrale initialement développée pour les études chez l'humain,
les scientifiques ont recherché, sur un modèle animal, si les réseaux cérébraux servant de support
aux mémoires de peur se réorganisent au cours du temps. Leurs résultats, publiés dans la
revue Cerebral Cortex, montrent que si la mémoire récente active un réseau cérébral très étendu,
celui activé par une mémoire de peur ancienne est limité au cortex sensoriel.

Lors du rappel d'une mémoire de peur récente, un large réseau de structures cérébrales est activé
alors que lors du rappel d'une mémoire ancienne, seul le cortex olfactif montre une augmentation
significative de son activité.
© Philippe Litaudon/Chloé Hégoburu

Les mémoires de peur sont particulièrement résistantes à l'oubli comme en témoignent actuellement
les récits poignants des rescapés des attentats du 13 Novembre. Tous les indices sensoriels (les sons,
les odeurs, les images...) liés à ce terrible traumatisme sont gravés dans leur mémoire et peuvent
resurgir des années après, avec beaucoup de force et de précision. Ces souvenirs ont laissé
une trace indélébile dans leur cerveau.

L'un des acteurs clé de la formation des mémoires de peur est l'amygdale, petite structure paire en
forme d'amande nichée au coeur de notre cerveau. Lorsque notre organisme rencontre un danger,
l'amygdale est mise en alerte et dialogue avec d'autres aires cérébrales telles que le cortex
préfrontal, l'hippocampe et les cortex sensoriels, pour constituer le réseau qui va servir de support à
l'impression du souvenir dans notre mémoire.

Si ce réseau est maintenant bien connu pour les mémoires de peur récentes, il n'en va pas de même
pour celui qui prend en charge les souvenirs anciens. En effet, on sait que les réseaux de la mémoire
à long-terme se réorganisent au cours du temps, un processus qui peut s'étendre sur des mois, voire
des années. Ce processus connu sous le terme ce consolidation des systèmes, a été mis en évidence
pour des mémoires qui dépendent non pas de l'amygdale, mais plutôt de l'hippocampe, comme c'est
le cas pour la mémoire spatiale ou encore la mémoire déclarative (celle des souvenirs d'évènements
personnels ou de connaissances générales). Selon la théorie standard de la consolidation des
systèmes, l'hippocampe se désengagerait progressivement de la trace mnésique au profit du
néocortex, capable d'assurer à lui seul le stockage et le rappel d'une mémoire ancienne.

Les scientifiques ont recherché si, comme les mémoires hippocampo-dépendantes, les réseaux des
mémoires de peur amygdalo-dépendantes, étaient eux aussi l'objet d'une réorganisation au cours du
temps. Ils ont abordé cette question en utilisant un modèle de mémoire de peur très utilisé chez
le rat, qui consiste à présenter à l'animal une odeur qui précède l'arrivée d'un stimulus apeurant.
Après quelques essais de ce type, le rat montre une réponse de peur à l'odeur, même en l'absence
du stimulus aversif.

L'objectif des scientifiques était de suivre l'évolution des réseaux neuronaux mis en jeu dans cette
mémoire de peur au cours du temps. Cette possibilité est offerte par les techniques d'imagerie
cérébrale initialement développées pour les études chez l'humain, qui offrent de nouvelles
perspectives pour les recherches précliniques. Les chercheurs ont utilisé un système d'imagerie par
émission de positons adapté au petit animal. Cette technique d'imagerie fonctionnelle non invasive a
permis, pour la première fois, de comparer sur les mêmes animaux les réseaux activés en réponse au
rappel d'une mémoire de peur récente à ceux d'une mémoire ancienne.

Les résultats mettent en évidence une différence drastique entre les deux réseaux. Alors que le
réseau activé par le rappel d'une mémoire de peur récente est constitué de nombreuses aires allant
du cortex préfrontal au cervelet en passant par l'amygdale, celui activé par une mémoire de peur
ancienne n'inclut qu'une seule structure: le cortex olfactif. Ces résultats apportent deux éléments
nouveaux et importants dans le domaine: d'une part les mémoires amygdalo-dépendantes seraient
elles aussi l'objet d'une consolidation des systèmes et d'autre part, les cortex sensoriels assureraient
le stockage durable des mémoires émotionnelles.

Publication:
PET metabolic imaging of time-dependent reorganization of olfactory cued fear memory networks in
rats.
Mouly A-M, Bouillot C, Costes N, Zimmer L, Ravel N, Litaudon P.
Cerebral Cortex 20 octobre 2021. https://doi.org/10.1093/cercor/bhab376

Laboratoire:
Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (CNRS/Inserm/Université Lyon 1/Université de Lyon)
Centre Hospitalier Le Vinatier - Bâtiment 462 - Neurocampus.
95 boulevard Pinel, 69675 Bron Cedex.

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