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Historique

Jusqu'au premier essai

Le concept de thérapie génique – réparer ou modifier le patrimoine génétique pour traiter une
pathologie – est réellement évoqué par la communauté scientifique à la fin des années 1960[1].
L’amélioration des connaissances concernant les liens entre certains gènes mutés et certaines
pathologies, la création de systèmes de transfert de gènes à partir de virus sécurisés, l’amélioration des
technologies de manipulation de l’ADN – en bref toutes les avancées de ce tissu de concepts et
techniques que l’on appelle aujourd’hui la biotechnologie – permettent à cette idée théorique de voir le
jour sous la forme d’un premier essai clinique initié par S. Rosenberg aux États-Unis en 1989[2].

Engouement et désenchantement

Les années 1990 à 2000 voient éclore une kyrielle d’essais cliniques dans des pathologies très diverses :
cancer, maladies cardiaques et vasculaires, infections virales, immunodéficiences héréditaires… associée
à un engouement majeur du public (notamment à travers le Téléthon) et des investisseurs. Mal servie
par une communication faisant peu la part des choses entre la réalité du terrain et les hypothèses, face
à des acteurs industriels ou à des patients qui attendent des résultats positifs immédiats[réf. nécessaire],
la thérapie génique est rapidement confrontée au constat amer se dégageant de cette période : aucun
bénéfice réel n'est observé pour les quelque 4 000 patients enrôlés dans les 400 à 600 essais[réf.
nécessaire] réalisés durant cette période. Des difficultés de communication entre la communauté
scientifique académique et celle de l’industrie, un désengagement progressif des capitaux-risqueurs sur
les approches de thérapie génique, une méfiance concernant le réel potentiel de cette stratégie domine
la fin de la dernière décennie du xxe siècle[réf. nécessaire].

Premier succès en 2000

Premier succès de la thérapie génique en 2000, le traitement des enfants atteints du déficit immunitaire
combiné sévère lié à l'X (en anglais, X-SCID, Severe Combined Immunodeficiency liée au chromosome X)
par Alain Fischer, Marina Cavazzana et Salima Hacein-Bey-Abina[3] est rapidement devenu le protocole
clinique emblématique de la thérapie génique. De très jeunes enfants atteints du SCID-X et souffrant
d’une immunodéficience sévère (des "bébés bulles") ont reçu un traitement de thérapie génique visant
à rendre actifs leurs lymphocytes T déficients. Chez ces patients, la mutation de certaines protéines
associées au récepteur de l'interleukine-2 affecte profondément les cellules impliquées dans la réponse
immunitaire. Ces malades ne disposent pas d’une réaction immunitaire efficace, ce qui les rend
sensibles à toutes les infections opportunistes. La thérapie a consisté à transférer dans les cellules
sanguines de ces patients un gène fonctionnel restaurant la fonctionnalité du récepteur à l’interleukine-
2. Dans un premier temps, l’entreprise s’est révélée être une réussite totale avec la guérison des
patients[4] : la plupart des bébés ont pu sortir de leurs bulles et vivre normalement. Cependant, quatre
de ces patients sur la vingtaine d'enfants traités par ce type de thérapie ont développé une leucémie
après quelques années[5]. De nombreuses données convergent pour penser que le type de vecteur
utilisé pourrait s'intégrer dans des régions sensibles du génome, et en dérégulant certains gènes,
comme le proto-oncogène LMO2[6] (un gène fréquemment retrouvé activé dans des lymphomes
naturels) pourrait participer à ces formes de leucémies induites. On peut corréler cette intégration du
vecteur à la multiplication anarchique des globules blancs encore indifférenciés à l’origine de la
leucémie. Il s'agirait donc bien d'un effet secondaire direct imputable à la stratégie elle-même, même si
le développement de ce type de leucémie n'a pas été décelé dans la majorité des patients impliqués
dans les divers essais cliniques de ce type réalisés par le monde.

Cet essai clinique "phare" de la thérapie génique a eu plusieurs répercussions. Il a tout d'abord montré
que le concept de thérapie génique était pertinent et qu'une stratégie de manipulation du génome
pouvait avoir un impact thérapeutique. Mais il a mis aussi en évidence la nécessité d'améliorer les
stratégies (utilisation de nouveaux vecteurs limitant les insertions génotoxiques, réduction de la
quantité de cellules exposées au vecteur puis réinjectées au patient...) et l'appréhension des risques qui
pouvaient être associés à la thérapie génique. Ces risques ont également été mis en évidence dans le cas
du décès d'un patient aux États-Unis en 1999, Jesse Gelsinger, lors de l'injection de fortes doses d'un
vecteur dérivé d'un adénovirus.

Période 2000-2012

Durant la première décennie du xxie siècle, de nombreuses équipes, à la fois portées par plusieurs
années d’investissement dans une approche thérapeutique, et par de profondes convictions quant à
l'intérêt de la thérapie génique, ont continué à développer l'approche de thérapie génique[7],[8]. Ces
approches ont contribué à mettre en avant le potentiel de la thérapie génique en permettant de réelles
avancées thérapeutiques dans des pathologies souvent difficiles, voire impossibles, à traiter. Mis en
avant notamment en 2007-2008 avec des essais cliniques sur des pathologies de la vision, ou des
pathologies neuronales infantiles (LINCL ou late infantile neuronal ceroid lipofuscinosis) dans lesquels
des signes positifs d'amélioration clinique avaient été rapportés[9], le traitement de pathologies
oculaires a connu un gain d'intérêt très fort depuis l'amélioration de la vision de jeunes patients atteints
de certaines formes d'Amaurose de Leber par le transfert intraoculaire du gène RPE65[10].

Dans l'adrénoleucodystrophie liée à l'X, le transfert avec un vecteur lentiviral du gène ABCD1, (et mis au
point par Patrick Aubourg, Nathalie Cartier, et l'équipe d'Alain Fischer), montre chez deux jeunes
patients un arrêt de la démyélinisation responsable de cette pathologie[11]. Des études sont également
menées sur le syndrome de Wiskott-Aldrich[12].
En 2011-2012, des travaux de traitement de lymphomes par le transfert de gènes codant des molécules
artificielles capables de rediriger des lymphocytes T à l'encontre de cellules leucémique laisse aussi
penser, malgré 15 années d'échecs, que le traitement de certains cancers pourrait être effectivement
envisagé à moyen-terme par la thérapie génique[13],[14].

En 2012, Emmanuelle Charpentier, en s'alliant avec sa consœur Jennifer Doudna, de l'université de


Berkeley, aux États-Unis innove grâce aux séquences CRISPR pourtant mises en évidence depuis
1987[15]. Elle réussit à fabriquer en laboratoire un « ARN guide » correspondant au gène que l'on
souhaite cibler, puis de l'arrimer à une enzyme Cas9. Cette dernière découpe alors le gène. CRISPR-Cas9
met immédiatement en émoi la communauté scientifique car cet outil est parfois considérée comme la
baguette magique qui permet à l'humanité de modifier ses propres gènes à volonté[16]. Elles reçoivent
le prix Nobel de Chimie 2020 pour ces travaux de recherche[17].

Période 2012-2020

La mise au point de thérapies géniques se révèle une tâche ardue, de nombreux essais cliniques de
thérapie génique ayant été des échecs dans la mesure où ils n'ont que très rarement, et que
brièvement, amélioré l'état clinique des patients. Entre 2015 et 2020, cependant, un petit nombre
d'essais cliniques se sont révélés suffisamment probants pour conduire à une autorisation de mise sur le
marché, aux États-Unis ou en Europe.

En 2017, une équipe de médecins européens est parvenue à remplacer 80 % de l’épiderme d’un petit
garçon - atteint d’épidermolyse bulleuse - grâce à la thérapie génique[réf. souhaitée].

En 2019, près d'une dizaine de traitements par thérapie génique pour des maladies rares du sang, de la
vision, des muscles et certains cancers, avait reçu une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis
ou en Europe. Ces traitements concernent l'amyotrophie spinale[18], la maladie de Pompe[19], le déficit
en adénosine désaminase, la bêta-thalassémie, la leucémie aiguë lymphoblastique, le lymphome diffus à
grandes cellules B, l'amaurose de Leber[3]. En décembre 2020, une thérapie génique a permis de
redonner la vue à des patients atteints d'une maladie rare (neuropathie optique héréditaire de Leber).
Cette nouvelle approche de thérapie génique conçue par des chercheurs de l’Inserm, de Sorbonne
Université et du CNRS à l’Institut de la Vision à Paris a été menée sur 37 patients et a fait l'objet d'une
publication dans la revue Science Translational Medicine[20].

La prudence reste de mise et ces résultats restent toutefois à confirmer, ou pour certains à améliorer. Le
début de la seconde décennie du xxie siècle voit toutefois les sociétés de biotechnologie se rapprocher à
nouveau de cette stratégie thérapeutique laissant imaginer le maintien d'un soutien financier pertinent
pour le développement clinique de cette approche. Ainsi, les investissements des capitaux-risqueurs est
passé de 560 millions de dollars en 2013 à 2,9 milliards de dollars en 2019[3]. Il est possible d'imaginer
que cette approche se positionne de manière pertinente dans des niches stratégiques lui permettant un
développement serein, ou en tous les cas loin des excès de communication que l'on a pu constater dans
les années 1990[21].

Il -De nombreuses cibles

Le concept de thérapie génique est né de l'idée de traiter des pathologies héréditaires. Il s'est
rapidement orienté vers le traitement de toutes les affections, héréditaires ou non, dans lesquelles il
était possible d'imaginer que certains gènes étaient défectueux ou qu'il était possible d'envisager un
rôle pour de nouveaux gènes. Les cancers, les infections virales, la douleur, les affections cardiaques, les
atteintes traumatiques du système nerveux… Conceptuellement, il n'est pas une pathologie qui ne
pourrait pas bénéficier d'une approche de thérapie génique, que ce soit par une stratégie de
restauration d'une activité génétique défaillante ou par la production d'une activité supplémentaire qui
puisse avoir un impact thérapeutique. En 2013, près de 2 000 essais cliniques auraient été proposés au
niveau international[réf. nécessaire],[22]. L'analyse cumulée des données montre que, depuis le premier
essai clinique (qui s'intéressait alors au traitement du cancer), environ 65 % des essais se focalisent sur
le traitement du cancer, et 35% sur des pathologies très variables comme les infections virales, les
maladies neurologiques, les pathologies oculaires, les maladies liées à des déficiences au niveau du
système sanguin... Si le jeu des statistiques est tentant, il faut toutefois se garder de tirer des
conclusions claires de l'analyse globale de ces protocoles qui s'intéressent à des pathologies, des
technologies et des concepts très diversifiés. De plus, le peu de données exhaustives qu'il est possible
d'obtenir pour ces protocoles rend difficile l'estimation du nombre réel de protocoles cliniques
effectivement réalisés, du nombre de patients, du niveau de divulgation des résultats du protocole dans
des journaux scientifiques, voire du réel intérêt thérapeutique des protocoles réalisés.

III- Vecteurs de gène(s)

Une fois le gène sélectionné pour son potentiel thérapeutique face à une pathologie, une étape cruciale
de la thérapie génique est de faire pénétrer la nouvelle information génétique dans l'organisme du
patient.

 Viraux
L'utilisation de virus (souvent épisomes pour ne pas s'intégrer au génome) pour transporter un gène
thérapeutique repose sur le constat de l'efficacité des virus pour transférer leur propre matériel
génétique dans les cellules humaines. Pour certains virus on élimine les séquences du virus qui codent
des protéines associées à un éventuel comportement pathogène du virus, et on ne conserve que celles
utilisées pour construire la particule virale[réf. nécessaire] et assurer le cycle d'infection. Le génome du
virus est reconstruit pour porter les séquences du gène thérapeutique. Les protéines virales qui
potentiellement manqueraient à la formation des particules virales thérapeutiques sont fournies par des
cellules dites productrices ou d'encapsidation lors de la phase de production des vecteurs.

 Adéno-associés

Les vecteurs dérivés de virus adéno-associés, ou AAV (pour adeno associated virus) sont des vecteurs
permettant le transfert de petites unités d'expression génétique. Majoritairement, ce transfert se fait
sans intégration à l'ADN de la cellule hôte. Le virus natif est capable d'intégrer le génome de la cellule
hôte, toujours au même endroit dans le chromosome 19. Une insertion non contrôlée pouvant entraîner
d'importants désordres dans la fonction cellulaire, ces vecteurs ont été fortement développés pour leur
potentiel sécuritaire bien qu’ils ne soient capables que de transférer des petits gènes. Bien que la
construction du vecteur à partir du virus élimine cette propriété de ciblage de l'insertion, les vecteurs
dérivés des AAV sont les plus utilisés et autorisés (Europe et USA) dans le cadre d'essais cliniques. Non
pathogènes, à l'inverse des vecteurs adénoviraux et rétroviraux, ils peuvent cependant dans de très
rares cas déclencher des cancers hépatiques pour certains sérotypes[23].

 Adénoviraux

L’adénovirus est un virus à ADN. Il présente la caractéristique de faire pénétrer son matériel génétique
dans la cellule cible sans attendre la mitose (division cellulaire) et sans insérer la nouvelle information
génétique dans le génome de la cellule cible. Bien que très utilisés dans de nombreux essais cliniques,
les chercheurs n’arrivent toujours pas à ce jour à le débarrasser complètement de ses gènes,
maintenant ainsi un caractère potentiellement pathogène au vecteur construit[24]. Ce vecteur, très
utilisé dans les années 1990 est aujourd'hui beaucoup moins envisagé en thérapie génique.

 Rétroviraux

Les rétrovirus sont utilisés comme vecteur en thérapie génique car ils permettent d'insérer la nouvelle
information génétique dans le génome de la cellule cible. Le nouveau gène se transmet alors de cellules
mères en cellules filles de manière égale sans « dilution » de l'information génétique dans le temps. Le
génome des rétrovirus est composé de molécules d'ARN (acide Ribonucléique) et non d'ADN comme le
génome des cellules humaines. L'infection par un rétrovirus implique une étape de rétrotranscription de
l'ARN en un fragment d'ADN qui pourra être associé (étape d'intégration) aux chromosomes après
pénétration dans le noyau cellulaire. Une combinaison de protéines virales et de protéines de la cellule
cible assure cette étape de transfert des molécules d'ADN du cytoplasme cellulaire vers le noyau et
l'intégration dans le génome de l'hôte. Une fois intégré, le génome du rétrovirus sous sa forme ADN est
stable et transmis de manière mendélienne comme n'importe quel gène de la cellule.

Si la plupart des essais cliniques ont été réalisés avec des vecteurs dérivés de rétrovirus de souris,
certains essais cliniques sont actuellement en cours utilisant des vecteurs dérivés du virus VIH
(traitement de l'adrénoleucodystrophie par l'équipe Cartier-Aubourg à Paris depuis 2007, traitement de
l'infection à VIH aux États-Unis depuis 2000, traitement d'hémoglobinopathies par l'équipe Leboulch-
Beuzard à Paris). Ce dernier type de vecteur, dit vecteur lentiviral, dérivé d'un virus humain mais
totalement sécurisé, est un vecteur particulièrement en vogue. En effet, il est capable de modifier
génétiquement des cellules au repos, ouvrant ainsi des possibilités de manipuler par des neurones, des
cellules hépatiques, toute une gamme de populations cellulaires inaccessible aux vecteurs rétroviraux
dérivés de virus murins[25].

L'intégration des vecteurs rétroviraux dans le génome de la cellule cible, si elle est un atout majeur pour
la pérennisation et la transmission de l'information génétique, représente néanmoins une difficulté en
matière de sécurité. Deux essais cliniques utilisant les vecteurs rétroviraux murins pour modifier les
cellules hématopoïétiques (traitement de l'immunodéficience liée à une mutation portée par la chaîne
gamma-c du récepteur à l'interleukine-2 (voir plus bas), et traitement de la maladie de Gaucher) ont
conduit à l'apparition de formes de leucémies chez les patients.

 Autres virus

Au-delà de ces vecteurs fréquemment utilisés en clinique, de nombreuses tentatives d’utilisation de


vecteurs à partir de virus sont décrites dans la littérature. On relèvera de nombreux travaux concernant
l’utilisation du virus Herpes Simplex (HSV), des poxvirus (actuellement en développement clinique), de
virus animaux apparentés au VIH, du virus de la grippe… Ces diverses tentatives témoignent d'une part
de l'inexistence d'un vecteur viral universel poussant les scientifiques à tester de nouvelles voies, et
d'autre part de la volonté pour certains industriels de se positionner dans le domaine avec des brevets
propriétaires.

 Non viraux

Différentes stratégies ont été élaborées pour ne pas recourir aux virus et utiliser directement la
molécule d'ADN :

La plupart des stratégies combinent des molécules chimiques (polycations) et la molécule d'ADN pour
faciliter la traversée de la membrane des cellules et la rentrée des molécules d'ADN. Ces vecteurs
produits par des bactéries, facilement purifiables, sont des particules inertes et n'ont pas les caractères
potentiellement pathogènes des virus qui sont à l'origine des vecteurs viraux. À l'inverse des vecteurs
viraux, ils sont plus faciles à produire, à manipuler et à stocker et sont caractérisables comme des
produits pharmaceutiques classiques. Cependant, leur efficacité est bien moindre que celle des virus
pour transférer une information génétique dans une grande population de cellules, rendant difficile leur
utilisation dans certains cas (modification d'une grande partie des cellules d'une tumeur par exemple).
En outre, ils n'ont qu'une capacité très réduite à intégrer l'information génétique dans le génome, les
rendant ainsi inutiles pour des modifications génétiques pérennes de populations cellulaires en
prolifération active. Cette technologie peut être cependant parfaitement adaptée à certaines stratégies
thérapeutiques reposant sur le déclenchement d'une cascade d'évènements à partir de quelques
cellules modifiées génétiquement (activation du système immunitaire, par exemple).

Administration

De nombreux essais cliniques de thérapie génique ont utilisé une stratégie de protocole dite ex vivo,
c'est-à-dire en prélevant des cellules cibles de l’individu et en les soumettant aux vecteurs de transfert
du gène thérapeutique en dehors de l'organisme. Les cellules sont ensuite réinjectées au patient. Cela
permet aux chercheurs dans certains cas d'évaluer l'ampleur de la modification génétique tant en ce qui
concerne le pourcentage de cellules modifiées génétiquement que l'expression des protéines
thérapeutiques, ou de présélectionner des populations cellulaires particulières (ex.: les cellules souches
sanguines). Néanmoins, certaines stratégies, notamment celles visant à éliminer des tumeurs, ou celles
visant à modifier génétiquement des cellules qu'on ne peut manipuler hors de l'organisme, utilisent une
approche dite in vivo en injectant directement le vecteur dans le tissu ciblé et en le laissant agir
librement.

IV-Stratégies

La thérapie génique, comme toutes les approches de biotechnologie, repose sur la recherche
fondamentale. Les mécanismes biologiques mis en évidence, et leurs origines génétiques sous-jacentes,
permettent d’imaginer des stratégies de réparation ou de supplémentation. La réussite de ces stratégies
dépend donc autant des capacités à mettre en place des techniques adéquates (transfert de gène
efficace, expression cohérente du gène…) que de la justesse avec laquelle sont appréhendés les
mécanismes en cause. On peut distinguer plusieurs grandes approches.

 Maladie avec un gène muté : stratégie phare de la thérapie génique

La « réparation » d’une activité génétique est envisagée ou a été testée sur le plan clinique dans de
nombreuses pathologies. Certaines immunodéficiences liées à des déficits dans le gène codant
l’Adénosine Déaminase, ou dans celui codant la chaîne gamma-c du récepteur à l’Interleukine-2
(protocole Fischer, voir ci-dessous) ou les béta-thalassémies (premier grand succès en 2010[26]). Les
hémophilies de type A et B sont respectivement associées à des défauts de production des facteurs VIII
et IX de la chaîne de coagulation qui pourraient être produites par des cellules musculaires ou
hépatiques libérant ces facteurs dans le sang. Le traitement de la mucoviscidose est envisagé par
l’expression du gène codant le CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance Regulator) par
certaines cellules pulmonaires.

 Maladie avec contexte génétique mal connu : « gènes de secours » possibles

Certaines pathologies sont plus complexes en apparence. Ainsi, le traitement de la maladie de Parkinson
est abordé de diverses manières dans la mesure où le lien entre la dégénérescence des neurones et une
mutation génétique n’est pas clairement établi. Il est par exemple proposé d’exprimer la Décarboxylase
de l'acide glutamique (GAD), la Décarboxylase de l'acide aminé aromatique (AADC) ou la Neurturine
pour au minimum limiter la dégénérescence.

 Cancer, maladie à la génétique trop complexe

Le cancer est essentiellement abordé à travers le concept de destruction directe ou indirecte des
cellules cancéreuses. De nombreux protocoles cliniques ont été réalisés en insérant dans les cellules
cancéreuses des gènes codant des protéines sensibilisant les cellules cancéreuses à des drogues. Ainsi,
le gène codant la thymidine kinase du virus Herpes simplex sensibilise les cellules à un produit
normalement inoffensif, le ganciclovir. Les cellules cancéreuses sont modifiées directement dans
l’organisme en injectant les vecteurs in vivo et le ganciclovir est administré dans un second temps.
Reposant plus sur les évolutions de la recherche fondamentale des vingt dernières années, certaines
approches proposent d’utiliser des mécanismes de protection naturelle pour éradiquer les cellules
cancéreuses. La stimulation du système immunitaire par la surexpression de cytokines (GM-CSF,
Interféron…), ou le rétablissement de chaînes biologiques dite de « mort cellulaire programmée » ou
apoptose (surexpression de p53…), font partie de ces stratégies.

 Bloquer des processus en transférant un gène

De nombreuses stratégies de blocage biologique ont vu le jour dans les années 1990 essentiellement
pour contrer l’infection par le VIH. Expression de protéines virales mutées (leurre) interférant avec les
protéines naturelles du virus, expression d’ARN anti-sens capables d’inhiber la traduction de protéines
virales, expression de molécules de protection naturelle de la cellule (interférons, protéines de
déclenchement de l’apoptose…)… toutes ces stratégies reposent sur une interférence entre les diverses
phases du cycle de multiplication du virus et une protéine ou un ARN dont la production est assurée par
un vecteur exogène transféré dans les lymphocytes T du patient. Dans un autre domaine, de nombreux
groupes travaillent sur l’expression de protéines impliquées dans les mécanismes immunitaires pour
bloquer les rejets de greffe (production d’inhibiteur du complément, de cytokines immunosuppressives
dérégulant le mécanisme de réponse immunitaire, d’inhibiteurs des interactions entre greffon et cellules
immunitaires…).

Bien que peu développées, certaines approches s’intéressent également à l’inhibition de la douleur avec
par exemple l’expression de la pré-proenképhaline.

 Manipuler le développement

Des approches récentes[Quand ?] se sont portées sur l’expression de protéines impliquées dans le
développement embryonnaire (protéine NeuroD ou protéine PDX1) pour modifier le statut des cellules
hépatiques et les transformer quasiment en cellules pancréatiques afin de redonner au patient
diabétique des cellules capables de produire de manière régulée de l’insuline.

V- Thérapie génique et société

Au début des années 2000, la thérapie génique était le plus souvent inefficace chez l'homme en raison
de la combinaison de plusieurs paramètres : l'inefficacité des vecteurs à transduire un pourcentage
important de cellules, la difficulté de créer des vecteurs qui permettent de reproduire les cinétiques
complexes d'expression des gènes, parfois l'utilisation de gènes thérapeutiques inadéquats en raison
d'erreurs conceptuelles concernant les mécanismes de la maladie, l'état de santé de certains patients
pour lesquels la thérapie génique ne pourrait rien apporter de toute façon… Cette inefficacité rendaient
plus aigües les considérations éthiques, sociologiques, et sécuritaires… avec une question sous-jacente :
les recherches devaient-elles être arrêtées ? La poursuite de la recherche dans les vingt ans qui ont suivi
ont néanmoins permis de mettre au point quelques traitements. Les problèmes liés au risque de
diffusion du virus vecteur dans la population, ainsi que celui d'une transmission germinale (qui
conduirait à transmettre à l'enfant du malade les nouveaux gènes lors de la fécondation) sont
actuellement pratiquement inexistants, et les effets secondaires, s'ils restent dramatiques sur le plan
humain, sont globalement très rares et ne justifient pas un arrêt des efforts de R & D. Les diverses
instances impliquées dans le contrôle des essais en thérapie génique (l'ANSM en France, Le RAC aux
États-Unis) ont adopté des cadres réglementaires permettant une protection optimale du patient et de
son entourage, et on peut considérer aujourd'hui que la thérapie génique n'est « pas plus risquée » que
les autres approches thérapeutiques expérimentales[27].

Un problème sociologique et éthique, classique de toute approche médicale reposant sur la


biotechnologie, est celui du coût et de l'effort financier que la société consent au développement de la
thérapie génique. Encore inexistant d'un point de vue commercial, le coût de la thérapie génique est
actuellement assuré par les organismes publics caritatifs ou gouvernementaux, et surtout par l'industrie.
Considérée comme une thérapie de pays riches, ne pouvant pas faire état d'un bilan très positif ni
médicalement ni commercialement, et face aux difficultés de financement de la recherche scientifique
de nombreuses voix s'élèvent pour demander une redistribution de l'argent alloué à la thérapie génique,
et arrêter les investigations[réf. nécessaire]. Dans les faits, le contexte n'est pas aussi manichéen que
l'on pourrait imaginer. Par exemple, si le développement de la thérapie génique est le fait de pays
riches, certaines études basent leur concept sur l'utilisation de vecteurs de type ADN nu (non viraux) qui
pourraient être facilement produits, stockés, envoyés et de coût relativement bas permettant ainsi à des
pays pauvres d'accéder à des traitements qui aujourd'hui reposent sur des approches médicamenteuses
lourdes sur le plan financier.

 Auto-expérimentation de Parrish

L'Américaine Elizabeth Parrish, PDG de BioViva, est le premier cas connu d'auto-expérimentation d'une
thérapie génique[28]. Elle est le « patient zéro » de la technologie de son entreprise, ciblant les
caractéristiques du processus de vieillissement, dans une étude personnalisée N=1, à la fois critiquée et
louée. Elle s'est rendue en Colombie pour l'administration de son traitement en raison de l'interdiction
légale de la démarche par la Food and Drug Administration sur le territoire américain. Ce traitement par
injection d'adénovirus lui aurait étendu les télomères leucocytaires. De nombreux spécialistes doutent
des résultats en raison des marges d'erreur[29].

VI-Enseignement et études en France

L'enseignement de la thérapie génique ne compose pas une part importante des cours des facultés de
sciences de la vie. Cette stratégie est souvent abordée dans les cours de certaines disciplines dans
lesquelles la thérapie génique s'est investie durant ces vingt dernières années. En médecine, les internes
en biologie médicale peuvent se sensibiliser à ce domaine avec les enseignements de thérapie cellulaire,
qui englobent la thérapie génique, au cours de leurs quatre derniers semestres d'internat.

VII-Classification

Étendue de la définition

En 1986, lors d'une réunion à l'Institut de médecine, la thérapie génique a été définie comme l'ajout ou
le remplacement d'un gène dans un type cellulaire ciblé. La même année, la FDA a annoncé qu'elle avait
autorité pour approuver la "thérapie génique" sans toutefois définir précisément ce terme. En 1993, la
FDA a ajouté une définition très large, englobant tout traitement visant à "modifier ou manipuler
l'expression du matériel génétique ou à altérer les propriétés biologiques des cellules vivantes". En
2018, cette définition a été précisée pour englober les "produits qui exercent leurs effets par
transcription ou traduction du matériel génétique transféré ou en altérant spécifiquement les séquences
génétiques de l'hôte (humain)"[30].
Dans un article publié en 2018 dans le Journal of Law and the Biosciences, Sherkow et al. ont plaidé en
faveur d'une définition plus étroite de la thérapie génique que celle de la FDA, à la lumière des nouvelles
technologies. Selon leur proposition, la thérapie génique engloberait tout traitement qui modifie
intentionnellement et de manière permanente le génome d'une cellule. Leur définition du génome
inclurait les épisomes en dehors du noyau, mais exclurait les modifications dues aux épisomes qui se
perdent avec le temps. Cette définition exclurait également l'introduction de cellules qui ne proviennent
pas du patient lui-même, mais inclurait les approches ex vivo, et ne dépendrait pas du vecteur
utilisé[30].

Pendant la pandémie de COVID-19, certains universitaires ont affirmé que les vaccins à ARNm contre la
COVID-19 n'étaient pas une thérapie génique afin de prévenir la propagation d'informations incorrectes
selon lesquelles le vaccin pourrait modifier l'ADN. D'autres universitaires ont soutenu que les vaccins
étaient une thérapie génique car ils introduisaient du matériel génétique dans une cellule[31]. Des
vérificateurs de faits, tels que Full Fact[32], Reuters[33], PolitiFact[34] et FactCheck.org[35], ont déclaré
que qualifier les vaccins de thérapie génique était incorrect. L'animateur de podcast Joe Rogan a été
critiqué pour avoir qualifié les vaccins à ARNm de thérapie génique, tout comme le politicien britannique
Andrew Bridgen. Le vérificateur de faits Full Fact a même demandé que Bridgen soit exclu du parti
conservateur pour cette déclaration et d'autres[36],[37].

o Gènes présents ou ajoutés

La thérapie génique englobe de nombreuses formes d'ajout de différents acides nucléiques à une
cellule. L'augmentation génique consiste à ajouter un nouveau gène codant pour une protéine à une
cellule. Une forme d'augmentation génique est la thérapie de remplacement génique, un traitement
pour les troubles récessifs monogéniques où un seul gène n'est pas fonctionnel et un gène fonctionnel
supplémentaire est ajouté. Pour les maladies causées par plusieurs gènes ou un gène dominant, les
approches d'extinction de gène ou de modification génique sont plus appropriées, mais l'ajout de gènes,
une forme d'augmentation génique où un nouveau gène est ajouté, peut améliorer la fonction d'une
cellule sans modifier les gènes responsables d'un trouble[38].

o Types de cellules

La thérapie génique peut être classée en deux types en fonction du type de cellule qu'elle affecte : la
thérapie génique des cellules somatiques et la thérapie génique de la lignée germinale.
Dans la thérapie génique des cellules somatiques (SCGT), les gènes thérapeutiques sont transférés dans
n'importe quelle cellule autre qu'une cellule germinale, une cellule germinale, un gamétocyte ou une
cellule souche indifférenciée. De telles modifications n'affectent que le patient individuel et ne sont pas
héritées par la descendance. La thérapie génique somatique représente la recherche fondamentale et
clinique dominante, dans laquelle l'ADN thérapeutique (intégré dans le génome ou sous forme
d'épisome externe ou de plasmide) est utilisé pour traiter la maladie[39]. Plus de 600 essais cliniques
utilisant la SCGT sont en cours aux États-Unis. La plupart se concentrent sur des troubles génétiques
graves, tels que les immunodéficiences, l'hémophilie, la thalassémie et la fibrose kystique. Ces troubles
monogéniques sont de bons candidats pour la thérapie génique des cellules somatiques. La correction
complète d'un trouble génétique ou le remplacement de plusieurs gènes n'est pas encore possible. Seuls
quelques essais sont à un stade avancé[40].

Dans la thérapie génique de la lignée germinale (GGT), les cellules germinales (spermatozoïdes ou
ovules) sont modifiées par l'introduction de gènes fonctionnels dans leur génome. La modification d'une
cellule germinale fait en sorte que toutes les cellules de l'organisme contiennent le gène modifié. Le
changement est donc héréditaire et transmis aux générations suivantes. L'Australie, le Canada,
l'Allemagne, Israël, la Suisse et les Pays-Bas interdisent la GGT pour une application chez les êtres
humains, pour des raisons techniques et éthiques, notamment en raison d'une connaissance insuffisante
des risques potentiels pour les générations futures et des risques plus élevés par rapport à la SCGT. Les
États-Unis n'ont pas de réglementation fédérale spécifique concernant la modification génétique
humaine (au-delà des réglementations de la FDA pour les thérapies en général)[41].

VIII-Traitement

 Cancer

Il y a eu des tentatives de traitement du cancer par thérapie génique. En 2017, 65% des essais de
thérapie génique étaient destinés au traitement du cancer[42].

Les vecteurs à base d'adénovirus sont utiles pour certaines thérapies géniques du cancer, car
l'adénovirus peut insérer temporairement du matériel génétique dans une cellule sans altérer de
manière permanente le génome nucléaire de la cellule. Ces vecteurs peuvent être utilisés pour ajouter
des antigènes aux cancers, provoquant ainsi une réponse immunitaire, ou pour entraver l'angiogenèse
en exprimant certaines protéines. Le vecteur à base d'adénovirus est utilisé dans les produits
commerciaux Gendicine et Oncorine. Un autre produit commercial, Rexin G, utilise un vecteur rétroviral
qui se lie sélectivement à des récepteurs plus exprimés dans les tumeurs[43].
Une approche, la thérapie génique suicide, consiste à introduire des gènes codant pour des enzymes qui
provoqueront la mort d'une cellule cancéreuse. Une autre approche utilise des virus oncolytiques, tels
que l'Oncorine, qui sont des virus qui se reproduisent sélectivement dans les cellules cancéreuses en
laissant les autres cellules intactes[44],[45].

L'ARNm a été proposé comme vecteur non viral pour la thérapie génique du cancer, capable de modifier
temporairement la fonction d'une cellule cancéreuse pour créer des antigènes ou tuer les cellules
cancéreuses, et plusieurs essais ont été réalisés[46].

 Leucémie lymphoblastique aiguë

La leucémie lymphoblastique aiguë (LLA) est une dégénérescence maligne des cellules précurseurs des
lymphocytes. En plus du traitement établi par cytostatiques, une thérapie par cellules CAR-T est
possible. Dans cette thérapie, développée par Novartis, des lymphocytes T sont prélevés chez les
patients, puis des récepteurs d'antigène chimères (CAR) sont introduits dans ces cellules à l'aide de
lentivirus, et ces cellules modifiées (cellules CAR-T) sont réintroduites chez le patient. Ces cellules CAR-T
sont artificiellement ciblées sur les cellules cancéreuses, car les récepteurs d'antigène chimères sont
spécifiquement dirigés contre les récepteurs de surface spécifiques aux cancers[47].

Le tisagenlecleucel (CTL019) (commercialisé sous le nom de Kymriah, fabriqué par Novartis) est le
premier médicament utilisant la thérapie des cellules CAR-T approuvé aux États-Unis pour le traitement
de la leucémie lymphoblastique aiguë (LLA). Il s'agit de la première thérapie génique approuvée aux
États-Unis. En 2018, le Kymriah a été approuvé dans l'Union européenne et en Suisse[48],[49].

En avril 2020, la FDA a accordé au Kymriah le statut spécial de "Thérapie régénératrice avancée" (RMAT)
pour le traitement du lymphome folliculaire récurrent ou résistant, dans le cadre du processus
d'approbation. Ce statut est accordé aux médicaments qui peuvent être utilisés pour traiter des
maladies jusqu'alors incurables.

 Lymphome diffus à grandes cellules B

Le lymphome diffus à grandes cellules B, la tumeur la plus fréquente des lymphocytes B, peut être traité
avec le médicament Axicabtagene Ciloleucel (commercialisé sous le nom de Yescarta, fabriqué par Kite
Pharma, une filiale de Gilead Sciences) utilisant la thérapie des cellules CAR-T. Il a été approuvé aux
États-Unis en octobre 2017 et dans l'Union européenne en août 2018 pour le traitement des lymphomes
B.[50]
 Mélanome malin

Le mélanome malin est une tumeur hautement maligne des cellules pigmentaires de la peau qui a
tendance à former des métastases. Depuis 2015, un virus oncolytique est approuvé aux États-Unis et
dans l'Union européenne comme option thérapeutique pour combattre le mélanome non opérable. Le
talimogene laherparepvec (commercialisé sous le nom d'Imlygic, fabriqué par Amgen) est un virus de
l'herpès simplex modifié par génie biotechnologique, capable d'infecter les cellules du mélanome et de
se reproduire à l'intérieur. Cela entraîne une lyse cellulaire, une inflammation locale et la diffusion des
cellules immunitaires vers d'autres cellules cancéreuses. Ainsi, des lymphocytes T spécifiques à
l'antigène tumoral sont générés, qui peuvent éliminer les cellules du mélanome métastatique[50].

 Lymphome du manteau

Le lymphome du manteau (MCL) est une forme rare mais extrêmement agressive de lymphome non
hodgkinien (LNH) qui se développe à partir de lymphocytes B anormaux. Le brexucabtagène autoleucel
(cellules CD3 positives transduites anti-CD19 autologues) (commercialisé sous le nom de Tecartus,
fabriqué par Kite Pharma) est le troisième médicament utilisant la thérapie des cellules CAR-T à être
approuvé dans l'Union européenne[51].

 Myélome multiple

Le ciltacabtagène autoleucel (Carvykti, Janssen-Cilag) est une immunothérapie autologue par cellules T
génétiquement modifiées qui a été approuvée dans l'Union européenne en mai 2022 pour le traitement
des patients adultes atteints de myélome multiple récidivant et réfractaire, ayant reçu au moins trois
traitements antérieurs, dont un agent immunomodulateur, un inhibiteur du protéasome et un anticorps
anti-CD38, et chez qui une progression de la maladie est survenue sous le dernier traitement[52].

 Maladies génétiques

Des approches de thérapie génique visant à remplacer un gène défectueux par un gène sain ont été
proposées et sont étudiées pour le traitement de certaines maladies génétiques. En 2017, 11,1% des
essais cliniques de thérapie génique ciblaient des maladies monogéniques[42].

Des maladies telles que la drépanocytose, causées par des troubles autosomiques récessifs, pourraient
être des candidats prometteurs pour le traitement par thérapie génique, car il est possible de restaurer
le phénotype normal ou la fonction cellulaire dans les cellules atteintes par une copie normale du gène
muté. Les risques et les avantages liés à la thérapie génique pour la drépanocytose ne sont pas encore
connus[53].
La thérapie génique a été utilisée dans les yeux. L'œil est particulièrement adapté aux vecteurs à base de
virus adéno-associés. Luxturna est une thérapie génique approuvée pour traiter la neuropathie optique
héréditaire de Leber. Glybera, un traitement de la pancréatite causée par une affection génétique, et
Zolgensma, pour le traitement de l'amyotrophie spinale, utilisent tous deux un vecteur à base de virus
adéno-associé[54].

Maladies infectieuses

En 2017, 7% des essais de thérapie génique ciblaient des maladies infectieuses. 69,2% des essais
ciblaient le VIH, 11% l'hépatite B ou C, et 7,1% le paludisme[42].

VIH

Le virus du SIDA (VIH) s'intègre dans le génome des cellules CD4, où il se multiplie à nouveau après
l'arrêt du traitement antiviral. Comme l'infection des lymphocytes se fait par le récepteur de surface
CCR5, des cellules CD4 sont prélevées chez les patients et le gène CCR5 est modifié ex vivo par édition
du génome de manière à ce que l'infection par le VIH ne puisse plus se produire. Après la
transplantation de ces cellules modifiées chez le patient (transfert de cellules adoptives), la
multiplication du VIH est retardée après l'arrêt du traitement antiviral. Cependant, aucun traitement
réussi n'en a encore résulté[55],[56].

1. Yeux

Amaurose congénitale de Leber

L'amaurose congénitale de Leber est un dysfonctionnement congénital de l'épithélium pigmentaire de la


rétine, qui peut être attribué à au moins 270 mutations génétiques différentes. Étant donné que la
rétine est facilement accessible pour des interventions géniques ciblées et que les réactions
immunologiques sont rares, la thérapie génique est une possibilité pour éviter la cécité. Pour la
mutation du gène RPE65[57], qui joue un rôle important dans le métabolisme cellulaire de la rétine, une
thérapie génique avec le médicament Voretigen Neparvovec (commercialisé sous le nom de Luxturna,
fabriqué par Spark Therapeutics, une filiale de Roche) est possible et a été approuvée par la Food and
Drug Administration (FDA)[58] aux États-Unis et l'Agence européenne des médicaments (EMA). Dans
cette thérapie, un virus adéno-associé est utilisé pour introduire un gène RPE65 intact dans la rétine, ce
qui arrête la dégradation progressive de la rétine pendant plusieurs années[59].
Le gène CEP290[60], qui, lorsqu'il est muté, provoque également l'amaurose congénitale de Leber, est
trop grand pour être utilisé avec le virus adéno-associé. Par conséquent, des essais sont en cours pour
réparer directement ce gène dans les cellules en utilisant l'édition du génome. Des expériences
précliniques sur des souris et des macaques javanais ont été couronnées de succès, justifiant ainsi les
essais correspondants sur des patients. Un communiqué de presse de l'Université de santé et des
sciences de l'Oregon en mars 2020 fait état de ces thérapies chez l'homme[61].

Neuropathie optique héréditaire de Leber

La LHON est une maladie mitochondriale héréditaire rare transmise par la lignée maternelle, qui
entraîne une perte de vision bilatérale rapide et indolore et qui présente toujours un besoin médical
élevé. La LHON est une forme de neuropathie optique qui affecte principalement les cellules
ganglionnaires rétiniennes (CGR), dont les axones forment le nerf optique et se rendent dans le cerveau
via le chiasma optique et le tractus optique. Les CGR se trouvent près de la surface interne de la rétine
et reçoivent des informations visuelles des photorécepteurs via des interneurones rétiniens. Par une
injection dans le corps vitré (injection intravitréenne), qui est l'intervention chirurgicale la plus courante
de l'œil, des médicaments de thérapie génique peuvent être directement administrés à la rétine. Le
privilège immunitaire des yeux crée des conditions favorables à la thérapie génique[62].

La LHON a été la première maladie génétique humaine associée à des mutations ponctuelles de l'ADN
mitochondrial (ADNmt) et est considérée comme le trouble mitochondrial génétique le plus
fréquemment transmis. Trois mutations ponctuelles primaires de l'ADNmt sont responsables de LHON
chez environ 90 % des personnes atteintes : G3460A, G11778A et T14484C, qui se trouvent
respectivement dans les gènes ND1, ND4 et ND6. D'autre part, il est connu que la mutation ND4-11778
provoque la forme clinique la plus grave de LHON et est associée au plus mauvais pronostic visuel[62].

Par conséquent, la restauration du gène ND4 de type sauvage par thérapie génique expérimentale avec
le Lenadogen Nolparvovec (GenSight Biologics) est une option thérapeutique prometteuse qui a été
évaluée dans trois études randomisées contrôlées. Le Lenadogene nolparvovec est un virus adéno-
associé contenant un ADN complémentaire qui code pour la protéine mitochondriale humaine ND4 de
type sauvage, visant à corriger de manière permanente la mutation génétique sous-jacente. La
restauration de l'expression de la protéine ND4 conduit à une activité améliorée et à une structure
améliorée du complexe I de la chaîne respiratoire mitochondriale, contribuant à protéger les cellules
ganglionnaires rétiniennes et à arrêter ou inverser la maladie[63],[64],[65].

IX-Thérapie génique chez d'autres animaux


Le premier exemple de thérapie génique chez les mammifères a été la correction d'une déficience de
production de l'hormone de croissance chez les souris. La mutation récessive "little" (lit) produit des
souris naines. Bien que ces souris aient un gène de l'hormone de croissance apparemment normal, elles
ne produisent pas d'ARN messager à partir de ce gène[66].

La première étape de la correction du défaut a consisté en l'injection de cinq mille copies d'un fragment
d'ADN linéaire portant la région structurale du gène de l'hormone de croissance du rat fusionnée au
promoteur du gène de la métallothionéine de la souris, dans les œufs lit. La fonction normale de la
métallothionéine est la détoxification des métaux lourds, de sorte que la région régulatrice répond à la
présence de métaux lourds dans l'animal. Les œufs injectés ont été implantés chez les femelles. 1% des
souris issues de la descendance se sont révélées transgéniques et ont atteint une taille plus importante.

Une technologie similaire a été développée pour créer des variétés transgéniques de saumon du
Pacifique à croissance rapide, et les résultats ont été spectaculaires. Des plasmides porteurs du gène de
l'hormone de croissance, régulés par le promoteur de la métallothionéine, ont été micro-injectés dans
les œufs de saumon, et une petite proportion des poissons obtenus étaient transgéniques, pesant onze
fois plus que les non-transgéniques[67].

X-Réglementations

Les réglementations concernant la modification génétique font partie des directives générales relatives à
la recherche biomédicale impliquant des êtres humains. Il n'existe aucun traité international
juridiquement contraignant dans ce domaine, mais différents organismes émettent des
recommandations pour les lois nationales.

La Déclaration d'Helsinki (Principes éthiques pour la recherche médicale impliquant des sujets humains)
a été modifiée par l'Assemblée générale de l'Association médicale mondiale en 2008. Ce document
énonce les principes que les médecins et les chercheurs doivent prendre en compte lorsqu'ils impliquent
des êtres humains dans des études de recherche. La Déclaration sur la recherche en thérapie génique
initiée par l'Organisation du génome humain (HUGO) en 2001 constitue une référence légale pour tous
les pays. Le document de HUGO met l'accent sur la liberté humaine et le respect des droits de l'homme,
et propose des recommandations pour la thérapie génique somatique, en insistant notamment sur
l'importance de prendre en compte les préoccupations du public concernant cette recherche[68].

 États-Unis
Aucune législation fédérale ne définit de protocoles ou de restrictions en matière d'ingénierie génétique
humaine. Ce sujet est régi par des réglementations croisées provenant d'organismes locaux et fédéraux,
notamment le Département de la Santé et des Services sociaux, la FDA et le Comité consultatif sur l'ADN
recombinant du NIH. Les chercheurs qui demandent des fonds fédéraux pour une demande
d'autorisation d'un nouveau médicament en phase d'investigation (ce qui est généralement le cas pour
l'ingénierie génétique humaine somatique) doivent respecter les lignes directrices internationales et
fédérales pour la protection des sujets humains.

Le NIH (Instituts nationaux de la santé) joue un rôle de régulateur principal de la thérapie génique pour
la recherche financée par le gouvernement fédéral. Il est conseillé aux chercheurs financés par des
sources privées de suivre ces réglementations. Le NIH finance la recherche visant à développer ou à
améliorer les techniques de génie génétique et à évaluer l'éthique et la qualité des recherches en cours.
Le NIH tient un registre obligatoire des protocoles de recherche en génie génétique humain, qui inclut
tous les projets financés par le gouvernement fédéral.

Un comité consultatif du NIH a publié un ensemble de lignes directrices sur la manipulation génétique.
Ces lignes directrices abordent la sécurité en laboratoire, ainsi que les sujets d'expérimentation humaine
et les différents types d'expérimentation impliquant des modifications génétiques. Plusieurs sections
concernent spécifiquement l'ingénierie génétique humaine, notamment la section III-C-1. Cette section
décrit les processus d'examen nécessaires et d'autres aspects lors de la demande d'approbation pour
commencer une recherche clinique impliquant le transfert génétique chez un patient humain. Le
protocole d'un essai clinique de thérapie génique doit être approuvé par le Comité consultatif sur l'ADN
recombinant du NIH avant le début de tout essai clinique, ce qui est différent des autres types d'essais
cliniques[69].

Comme pour d'autres types de médicaments, la FDA réglemente la qualité et la sécurité des produits de
thérapie génique et supervise leur utilisation clinique. L'altération thérapeutique du génome humain est
soumise aux mêmes exigences réglementaires que tout autre traitement médical. La recherche
impliquant des sujets humains, telle que les essais cliniques, doit être examinée et approuvée par la FDA
et un comité d'éthique institutionnel[70],[71].

XI-Effets indésirables, contre-indications et obstacles à l'utilisation

Certains problèmes non résolus comprennent :

Nature éphémère - Avant que la thérapie génique puisse devenir un traitement permanent pour une
condition, l'ADN thérapeutique introduit dans les cellules cibles doit rester fonctionnel et les cellules
contenant l'ADN thérapeutique doivent être stables. Les problèmes liés à l'intégration de l'ADN
thérapeutique dans le génome nucléaire et la nature à division rapide de nombreuses cellules
empêchent d'obtenir des avantages à long terme. Les patients nécessitent plusieurs traitements.

Réponse immunitaire - Chaque fois qu'un corps étranger est introduit dans les tissus humains, le
système immunitaire est stimulé pour attaquer l'envahisseur. Il est possible de stimuler le système
immunitaire de manière à réduire l'efficacité de la thérapie génique. La réponse accrue du système
immunitaire aux virus qu'il a déjà rencontrés réduit l'efficacité des traitements répétés.

Problèmes avec les vecteurs viraux - Les vecteurs viraux présentent des risques de toxicité, de réponses
inflammatoires, ainsi que des problèmes de contrôle et de ciblage des gènes.

Troubles génétiques multiples - Certains troubles fréquents, tels que les maladies cardiaques,
l'hypertension artérielle, la maladie d'Alzheimer, l'arthrite et le diabète, sont affectés par des variations
de plusieurs gènes, ce qui complique la thérapie génique.

Certaines thérapies peuvent franchir la barrière de Weismann (entre le soma et la lignée germinale),
potentiellement modifier la lignée germinale et enfreindre les réglementations dans les pays qui
interdisent cette pratique[72].

Mutagenèse insertionnelle - Si l'ADN est intégré à un endroit sensible du génome, par exemple dans un
gène suppresseur de tumeur, la thérapie pourrait induire une tumeur. Cela s'est produit lors d'essais
cliniques sur des patients atteints d'immunodéficience combinée sévère liée à l'X (X-SCID), dans lesquels
des cellules souches hématopoïétiques ont été transduites avec un transgène correcteur à l'aide d'un
rétrovirus, ce qui a conduit au développement d'une leucémie à cellules T chez 3 patients sur 20. Une
solution possible consiste à ajouter un gène suppresseur de tumeur fonctionnel à l'ADN à intégrer. Cela
peut poser problème car plus l'ADN est long, plus il est difficile de l'intégrer dans les génomes cellulaires.
La technologie CRISPR permet aux chercheurs d'apporter des modifications génomiques beaucoup plus
précises à des endroits précis[73],[74],[75].

Coût - L'alipogène tiparvovec ou le Glybera, par exemple, coûtant 1,6 million de dollars par patient, a été
signalé en 2013 comme étant le médicament le plus cher au monde[76],[77].

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