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REVUE MÉDICALE SUISSE

Quoi de neuf dans la prise en charge


de la dermatite atopique de l’enfant
et de l’adolescent ?
Drs JUSTINE CZERNIELEWSKIa, ÉMILIE COMTE KRIEGERa et STÉPHANIE CHRISTEN-ZAECHa

Rev Med Suisse 2018 ; 14 : 692-7

La meilleure compréhension de la pathogenèse combinée au nouveaux traitements. Ainsi, parmi de multiples molécules en
­besoin d’améliorer la prise en charge a créé un environnement cours d’investigation, deux nouveaux agents, l’inhibiteur to­
favorisant le développement de nouveaux traitements pour la pique de la phosphodiestérase 4 (PDE-4) (crisaborole onguent)
dermatite atopique (DA). Plusieurs molécules sont étudiées, chez et l’inhibiteur des IL-4 et IL-13 par voie générale (dupilumab)
l’adulte principalement. La DA a cependant une prédominance ont récemment émergé sur le marché.
pédiatrique avec une prévalence d’environ 20 % d’enfants et 5 %
d’adultes. Actuellement, le crisaborole (inhibiteur de la phospho­ En outre, l’éducation thérapeutique du patient (ETP) a une
diestérase 4) topique et le dupilumab (inhibiteur des IL-4 et IL-13) place centrale pour aider les sujets avec DA et leur famille à
systémique ont leur place pour traiter la dermatite atopique chez développer une autogestion optimale et améliorer leur qualité
l’adolescent et l’enfant. Afin de renforcer la prise en charge médi­ de vie. Grâce à une approche humaniste, les besoins éducatifs
cale, l’éducation thérapeutique du patient joue un rôle essentiel de chaque patient sont définis et les nouveaux apprentissages
dans l’optimisation thérapeutique et l’encadrement des patients. réalisés. Il s’agit entre autres de tenter d’accroître l’adhérence
Le modèle lausannois au sein de l’Unité de dermatologie pédia­
trique est détaillé dans cet article.
FIG 1 Eczéma atopique disséminé

What’s new in the management of atopic dermatitis


in children and adolescents ?
A better understanding of the atopic dermatitis (AD) pathogenesis
and the need for more efficient and safer treatments in severe AD
promoted the development of new therapies. Several underwent
and are still undergoing clinical trials, but due to safety reasons,
they include mainly adults for now. AD is however predominant in
childhood with a prevalence 20 % in children compared to only 5 %
in adults. Regarding the pediatric population, the new pipeline
­relies on two selective immunosuppressive agents, notably crisabo-
role (phosphodiesterase-4 inhibitor) and dupilumab (IL-4 and IL-13
inhibitor). In order to strengthen the medical treatment, therapeu-
tic patient education plays a supportive role in the global approach,
allowing an optimized care. The Lausanne model of the Pediatric
Dermatology Unit is described in this article.

INTRODUCTION Eczéma atopique des zones convexes


FIG 2 du visage
La dermatite atopique (DA) est une dermatose à prédominance
infantile (figures 1 et 2) nécessitant un accompagnement
personnalisé et une prise en charge spécifique, car les retentis­
sements sur la qualité de vie et le développement psychosocial
peuvent être majeurs et les comorbidités non négligeables. La
meilleure compréhension de la pathogenèse combinée au
­besoin de médicaments plus ciblés, avec moins d’effets se­
condaires à long terme pour la prise en charge de cas sévères,
a créé un environnement favorisant le développement de

aUnité de dermatologie pédiatrique, Services de dermatologie et vénérologie


et de pédiatrie, CHUV, Site de l’Hôpital de l’enfance, Chemin de Montétan 16,
1004 Lausanne
stephanie.christen@chuv.ch | justine.czernielewski@chuv.ch

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DERMATOLOGIE

thérapeutique en soutenant le patient et sa famille dans leur nistration Adverse Event Reporting System. Les cancers cuta­
parcours de santé. nés ont aussi été surveillés dans la population pédiatrique sur
quasiment 8000 patients utilisant le pimécrolimus sur dix
ans et aucun lien n’a pu être retrouvé.4
TRAITEMENTS TOPIQUES
De plus, l’utilisation topique d’ICT n’a jamais induit d’immu­
Les émollients sont le premier et le plus élémentaire soin de nosuppression systémique au long cours démontrée ni d’alté­
peau dans la DA. Plusieurs études démontrent qu’ils repré­ ration de la réponse vaccinale chez les enfants. L’absorption
sentent une méthode simple, sûre et efficace dans la préven­ transcutanée a été étudiée pour les ICT et reste largement
tion de la maladie, tant en retardant son apparition qu’en ­inférieure à celle des CT. Le pimécrolimus a une pénétration
­diminuant son intensité. La comparaison de deux groupes de 70 à 100 fois moins importante que les CT mais aussi de 9 à
nouveau-nés à risque (anamnèse familiale d’atopie) de déve­ 10 fois inférieure au tacrolimus. Une étude a mesuré la
lopper une DA, chez qui l’on a appliqué un émollient quoti­ concentration plasmatique après application de pimécroli­
diennement pendant les 32 premières semaines de vie versus mus à 0,03 % chez 54 enfants âgés de 3 à 24 mois et a retrouvé
un groupe exempt d’émollients, a montré une diminution de que 97 % des échantillons sanguins avaient une concentration
32 % de développement de la DA pour le groupe où l’appli­ médicamenteuse < 1 ng/ml, dont 20 % au-dessous de la valeur
cation fut quotidienne.1 Une étude similaire, randomisée, détectable (0,025 ng/ml).5
­incluant 124 nouveau-nés à risque de DA (anamnèse familiale
d’atopie), a retrouvé un effet protecteur significatif sur Concernant les infections cutanées, dans de larges cohortes,
­l’incidence cumulée lors de l’application d’émollients, avec l’incidence était similaire pour les groupes traités et placebo,
une r­éduction de 50 % du risque relatif (RR : 0,50 ; IC 95 % : et était en lien avec la prédisposition atopique chez ces
0,28‑0,9 ; p = 0,017).2 De larges études cliniques sont en cours ­patients (impétigo, molluscum contagiusum…).6,7 Par ailleurs,
afin de confirmer ces données. une étude pédiatrique sur l’utilisation exclusive de tacrolimus
rapporte un risque d’infection herpétique localisé de 2,6
L’application d’émollient est essentielle dans la prise en charge ­versus 0,9 % pour le groupe contrôle, soit 6 cas, dont 2 ont
de la DA. D’après une large revue de la littérature regroupant présenté une dissémination en un eczéma herpétique, en
77 études randomisées (pour un total de 6603 patients), comparaison de seulement 1 cas (0,75 % de dissémination)
­l’application d’émollients améliorerait significativement le dans le groupe contrôle. Un cas additionnel de dissémination
SCORAD (Scoring Atopic Dermatitis). De plus, la fréquence dans le groupe contrôle a aussi été rapporté 3 jours après
des poussées de DA (RR : 0,40 ; IC 95 % : 0,23-0,70) de même ­l’arrêt du médicament.8 A ce jour, la littérature ne permet pas
que la quantité de corticostéroïdes topiques (CT) utilisée sur d’établir un lien clair entre leur application et la dissémina­
6 à 8 semaines (différence moyenne 9,30 g ; IC 95 % : 15,3‑3,27) tion herpétique, qui reste tout de même faible.
ont diminué.3
Deux décennies plus tard, plusieurs nouvelles thérapies
Les CT restent toujours et encore le traitement de référence ­locales alternatives font l’objet d’études cliniques afin de
des poussées de DA. Comme autres anti-inflammatoires lo­ concurrencer ces pionniers. Le crisaborole onguent, un inhi­
caux disponibles pour cette indication, nous disposons des biteur de la PDE-4, a été autorisé aux Etats-Unis, en ­décembre
inhibiteurs de la calcineurine (ICT), du tacrolimus (onguent 2016, pour traiter les patients âgés de deux ans et plus
à 0,03 % ou 0,1 %) approuvé en décembre 2000 et du pimé­ ­souffrant d’une DA légère à modérée.9,10 Deux études multi­
crolimus (crème à 1 %), mis sur le marché une année après. centriques randomisées en double aveugle versus p ­ lacebo
Leur utilisation est particulièrement indiquée sur des zones (AD-301 : NCT02118766 ; AD-302 : NCT02118792) ont été me­
de peau fine et délicate (visage, plis, région génitale…) pour nées chez 1522 individus souffrant de DA légère à ­modérée ; la
une application continue à long terme du fait de l’absence population pédiatrique (2‑11 ans) de ces études représentait
d’atrophie cutanée et en tant qu’agent d’épargne des corti­ 60 % des participants.11 Environ 50 % des patients inclus ont
coïdes. Dans ces indications, ils représentent une thérapie de ­atteint l’objectif principal, c’est-à-dire être libres ou quasi­
choix malgré leur prix plus élevé. Leur utilisation peut cepen­ ment libres d’eczéma ou présenter une amélioration d’au
dant être limitée par des effets secondaires locaux à type de moins deux points du score ISGA (Investigator’s Static G ­ lobal
brûlures et picotements. A noter que cette classe médicamen­ Assessment). L’effet secondaire le plus souvent rapporté dû
teuse a longtemps préoccupé les praticiens et suscite encore au traitement actif était la sensation de brûlure et ­picotement
beaucoup de questions du côté des patients et des parents après application dans 45 % des cas. Pour le moment, il
quant à sa sécurité vis-à-vis du développement de lymphomes n’existe aucune donnée comparative entre le crisaborole et
systémiques, de cancers cutanés et d’une potentielle augmen­ les CT ou les ICT. Des études de phase IV sont encore en
tation d’infections cutanées. cours chez les enfants de 3 à 24 mois.

Concernant les cancers, en 2006, l’adjonction d’une mise en


garde supplémentaire dans la notice vis-à-vis du risque théo­ TRAITEMENTS SYSTÉMIQUES
rique de survenue de lymphome a favorisé la baisse de la pres­
cription des ICT. Depuis lors, plus d’une décennie plus tard, Si malgré un traitement topique adéquat et bien conduit la ré­
aucun lien clair entre le risque de survenue de lymphome et ponse thérapeutique s’avère insuffisante, un traitement systé­
leur utilisation n’a pu être démontré formellement malgré les mique doit être discuté (figures 3 et 4). Il n’existe cependant
études épidémiologiques massives, la pharmacovigilance et le pas de consensus sur l’algorithme thérapeutique de ces traite­
monitoring des effets secondaires du Food and Drug Admi­ ments. Une enquête en Amérique du Nord, la PeDRA TREAT

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formes modérées à sévères de DA ne répondant pas à un trai­


Eczéma atopique érosif et craquelé
FIG 3 du dos du pied tement topique bien mené. Chez l’enfant, cette molécule a
terminé une étude de phase 2A (NCT02407756). La pharma­
cocinétique, l’efficacité et la sécurité ont été évaluées chez
78 patients divisés en deux groupes d’âge de 6 à 11 ans et de 12
à 17 ans et en deux dosages différents, 2 et 4 mg/kg/semaine
(dose totale maximale de 300 mg). Le médicament a été ad­
ministré aux s­ emaines 0, 8, 9, 10 et 11 avec un examen clinique
final à 20 semaines. Les critères d’inclusion étaient un score
IGA (Investigator’s Global Assessment) de plus de 4 (DA
­sévère) dans la tranche d’âge la plus jeune et de 3 ou 4 (DA
modérée à sévère) chez les adolescents. Ces premiers résul­
tats mettent en évidence une pharmacocinétique du médica­
ment chez l’enfant qui est comparable à celle retrouvée chez
l’adulte. Les résultats, très prometteurs, sont superposables
dans les deux groupes d’âge (enfant et adolescents) et de
­dosage (2 et 4 mg/kg/semaines) avec un score EASI (Eczema
Area Severity Index) qui est réduit de 30 à 50 % après la pre­
mière injection et d’environ 70 % après 12 semaines d’utilisation.
A noter que le groupe traité avec 2 mg/kg/semaine présentait
moins d’effets secondaires que celui ayant reçu 4 mg/kg/se­
maine. Chez l’adulte, la conjonctivite est l’effet secondaire le
plus souvent rapporté. Dans ce premier échantillonnage de
population pédiatrique, il n’y a eu aucune conjonctivite dans
le groupe d’adolescents ni dans le groupe d’enfants traités
avec 2 mg/kg/semaine. Seuls 2 des 19 enfants traités avec 4
mg/kg/semaine ont présenté une conjonctivite.13 En général,
le dupilumab semble bien toléré, cependant la taille de cette
Eczéma atopique érosif et craquelé
FIG 4 du dos de la main
cohorte ne permet pas de tirer des conclusions fermes. Le lien
direct entre de possibles effets secondaires et ce traitement
ainsi que son immunogénicité (anticorps anti-médicament)
sont en cours d’évaluation. En effet, deux études de phase 3
(randomisées, en double aveugle, avec deux dosages dif­
férents de dupilumab versus placebo) ont d ­ ébuté en avril
(NCT03054428) et en décembre 2017 (NCT03345915), pour
évaluer l’efficacité et la sécurité d’emploi du dupilumab,
­administré une fois toutes les deux semaines chez des sujets
âgés de 6 à 11 ans souffrant d’une DA modérée à sévère (IGA 3
ou 4) et de 12 à 17 ans avec une atteinte sévère (IGA 4). Le
nombre d’inclusions a été fixé à un minimum de 240 adoles­
cents et 240 enfants chez qui le dupilumab sera administré en
monothérapie, respectivement en association avec des CT.
L’objectif principal de ces études est une diminution du score
survey, interrogeant 133 membres de la Société de dermatolo­ IGA à 0 ou 1 et du score EASI à 75 %. Les premiers résultats
gie pédiatrique, a montré que les traitements systémiques de sont attendus pour juillet 2018 et avril 2019. Un autre essai
première ligne les plus fréquemment utilisés chez l’enfant clinique de phases 2 et 3 combinées (NTC03346434) a débuté
étaient la ciclosporine (45,2 %) et le méthotrexate (29,6 %) ; en en décembre 2017 afin d’évaluer la sécurité d’emploi, la phar­
seconde ligne, on trouve le méthotrexate (31,3 %) et le myco­ macocinétique et l’efficacité du dupilumab chez 280 enfants
phénolate mofétil (30,4 %) et en troisième ligne l’azathioprine âgés de 6 mois à 5 ans, souffrant d’une DA sévère. Une partie
(33 %) et le mycophénolate mofétil (24 %).12 Ces traitements A ouverte (open-label) vise à déterminer la dose (phase 2),
systémiques sont généralement utilisés à court terme, avec une partie B (randomisée et contrôlée par placebo) à définir
une surveillance rapprochée en plus d’un traitement topique l’efficacité (phase 3) du médicament dans cette catégorie
adéquat. A noter que leur toxicité organique et leurs poten­ d’âge. La fin de cet essai clinique est planifiée pour 2022. Une
tiels effets indésirables sont des facteurs limitant leur utilisa­ étude d’extension (NCT02612454) a débuté en octobre 2015,
tion. Il existe en effet, dans la prise en charge de la DA sévère, incluant environ 765 patients de 6 à 17 ans atteints de DA
une forte demande pour des traitements systémiques plus ­modérée à sévère, afin d’évaluer la sécurité et l’efficacité du
spécifiques avec moins d’effets secondaires permettant une médicament au long cours. Il s’agit de patients pédiatriques
administration au long cours. inclus dans les études précédemment mentionnées qui pour­
suivent le traitement. Ce modèle est conçu de manière à ce
Le dupilumab, inhibiteur des IL-4 et IL-13, a été autorisé aux que les patients aient la possibilité d’être traités jusqu’à la
Etats-Unis en mars et en Europe en septembre 2017, comme mise sur le marché du médicament. Des premiers résultats
traitement biologique de premier choix chez l’adulte dans les sont attendus pour 2018.

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Plus largement, le dupilumab a également démontré son effi­ réel partenariat soignant-enfant malade-famille. Elle est
cacité dans la prise en charge d’autres problèmes du spectre ­d’ailleurs fortement recommandée par l’Organisation mon­
atopique comme l’asthme allergique persistant et difficile­ diale de la santé et l’ETFAD (European Task Force For Atopic
ment contrôlable chez les adultes et adolescents (12 ans et ­Dermatitis).16
plus), plusieurs études étant en cours pour les enfants de 6 à
11 ans. En Suisse, il y a actuellement 18 adultes et un enfant
souffrant d’une DA sévère qui bénéficient d’un traitement de MAUVAISE ADHÉRENCE AU TRAITEMENT
dupilumab. Les dates prévues de l’autorisation de ce biolo­ ET CORTICOPHOBIE
gique pour traiter la DA modérée à sévère sont 2019 chez
l’adolescent, 2020 chez l’enfant âgé de 6 et 11 ans et au plus En général, l’adhérence aux traitements est faible dans les
tôt, 2023, chez l’enfant entre 6 mois et 5 ans. maladies chroniques.17 Concernant la DA, ce manque d’adhé­
rence est complexe et multifactoriel. Il peut être expliqué
De nombreux autres immunosuppresseurs sélectifs, comme entre autres par le défaut de connaissances, la complexité du
les médicaments biologiques et les petites molécules (inhibi­ traitement, les compétences spécifiques nécessaires incom­
teurs de la PDE-4 et de Janus kinase) sont en cours d’évalua­ plètes et la fréquence insuffisante des visites médicales. De
tion dans la DA de l’adulte. Des études cliniques incluant des plus, nombre de croyances au sujet de la maladie et diffé­
adolescents et enfants commenceront prochainement. rentes peurs en lien avec le traitement participent à cette
mauvaise adhérence.18 Une des peurs les plus répandues parmi
les patients, les parents et certains professionnels de la santé
ALTÉRATION DE LA QUALITÉ DE VIE DES ENFANTS est la corticophobie. La crainte principale, en grande partie
­irraisonnée, concerne les effets secondaires locaux et systé­
ET ADOLESCENTS ATOPIQUES ET COÛTS DE SANTÉ miques associés à l’application régulière de cortisone. Une
La qualité de vie des enfants et adolescents atteints d’une DA non-adhérence aux soins liée à ces thérapies a été rapportée
est considérablement réduite, tout comme celle de leurs chez 36 % des patients.19 Bien que certains parents ne soient
proches. La DA peut également avoir des répercussions pas contre les CT et qu’ils soient convaincus de leur effica­cité,
­importantes sur leur développement psychosocial. De nom­ ils en limitent souvent l’utilisation. Dans ce contexte, le
breux enfants atteints de DA présentent des troubles du ­médecin et les spécialistes en ETP peuvent jouer un rôle-clé
­sommeil lors des poussées. Des études ont aussi montré une dans l’identification des croyances autour du traitement. Ils
forte association entre la DA et des troubles de l’attention et vont également pouvoir accompagner les patients dans l’enri­
l’hyperactivité. De plus, la famille supporte souvent un lourd chissement de leurs connaissances et de leurs compétences
fardeau financier, expliqué par les jours de travail manqués en lien avec les CT.
pour les visites médicales, les traitements en partie coûteux,
non remboursés ou seulement partiellement, et le temps in­
vesti dans les soins cutanés. Aux Etats-Unis, l’impact écono­ ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE : EN PRATIQUE
mique de la DA a été estimé entre 364 millions et 3,8 milliards
de dollars par an.14,15 Dans l’Unité de dermatologie pédiatrique de l’Hôpital de
­l’Enfance à Lausanne, les séances d’ETP sont régulièrement
proposées aux patients et à leurs proches (30 à 90 minutes,
ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT (ETP) : renouvelables). Elles sont menées en partenariat entre un
dermatologue et une psychologue spécifiquement formée. La
ESSENTIELLE DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA DA communication est centrée sur le patient afin d’accéder à sa
La mise sur le marché de nouveaux traitements systémiques réalité dans sa globalité psychosociale. Pour chaque famille,
est très attendue, car ils auront probablement un effet signifi­ un bilan éducatif est réalisé, dont les buts sont multiples : il
catif pour améliorer la qualité de vie du patient atteint d’une s’agit non seulement de définir les attentes, mettre au jour les
DA sévère et possiblement sur leurs comorbidités. Ce déve­ croyances individuelles, les ressources, les compétences déjà
loppement accentue l’importance de l’ETP dans la prise en acquises, mais également les contraintes qui pourraient faire
charge de cette pathologie chronique. Effectivement, afin de obstacle au changement. Un des bienfaits majeurs est que
poser la bonne indication pour ces nouvelles thérapies, il est ceci permet un accord patient-soignant sur les besoins éduca­
important de différencier les rares cas véritablement résis­ tifs individuels. Au final, il sera possible de déterminer quels
tants aux traitements locaux de ceux où l’adhérence aux trai­
tements topiques est sous-optimale. L’anamnèse et l’examen
Education thérapeutique :
clinique médical seuls ne permettent pas toujours de déter­ FIG 5 un ­processus en quatre étapes
miner la cause de l’échec de la prise en charge. L’ETP est pour
cela une approche précieuse et indispensable permettant le Modèle ETP
renforcement des connaissances et des compétences des pa­ Bilan éducatif
tients ainsi que le développement des capacités d’ajustement
Objectifs éducatifs
permanent afin de faire face à d’éventuels obstacles rencon­
trés dans la vie quotidienne. L’ETP contribue également à Acquisition de compétences
prévenir les complications évitables et ainsi à réduire les
coûts de la santé, tout en améliorant la qualité de vie du ma­ Evaluation
lade. L’ETP doit donc désormais faire partie intégrante de la
prise en charge de la DA et permettre la mise en œuvre d’un (Adaptée de réf.21).

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sont les connaissances, le savoir-faire et le savoir-être sur CONCLUSION


­lesquels travailler ensemble (figure 5). Tout au long du suivi,
il s’agira d’encourager et motiver le patient afin d’induire un La dermatite atopique est une pathologie chronique nécessi­
changement de comportement qui fait sens pour lui et qui tant une prise en charge adaptée et spécifique chez l’enfant et
s’adapte à son rythme intrinsèque. Pour ce faire, il est pos­ l’adolescent. Grâce aux récents progrès dans la recherche et le
sible de s’appuyer sur un référentiel d’éducation du malade20 développement de thérapies ciblées, nous entrons dans une
qui propose des moyens d’apprentissage et des outils (maté­ nouvelle ère de cette prise en charge. Une sélection optimale
riel spécifique, démonstration sur l’enfant, jeux éducatifs, des combinaisons thérapeutiques en association avec l’ETP
plan d’action personnalisé, mise en situation, jeux de rôle…) permet un meilleur contrôle de la maladie en minimisant les
adaptés à l’âge des patients et spécifiques à leurs champs de effets secondaires. L’ETP permet encore de renforcer l’auto­
compétence. Différents ateliers pour les enfants dès 3 ans nomie du patient et de sa famille, contribue à optimiser
(3‑5, 6‑8 et 8‑10 ans) et pour les adolescents ont été mis en ­l’adhérence au traitement et à améliorer la qualité de vie. Elle
place afin de viser, entre autres, une autonomisation maxi­ se réalise au travers d’un regard centré sur le patient dans sa
male. Ainsi, tous les patients adressés directement par leur complexité et sa globalité psychosociale en fonction du projet
médecin de ville, quel que soit leur âge, peuvent bénéficier de de soins de chacun.
cette prise en charge unique en Suisse romande. Depuis 2012,
pour répondre aux besoins sans cesse croissants, l’ETP s’est
développée entre autres grâce au soutien de nos sponsors Remerciements : Nous remercions la Fondation CK-Care, la Fondation Centre
d’Allergie Suisse, la Fondation Suisse de Dermatologie Pédiatrique, la Fondation
(voir Remerciements), et atteint aujourd’hui 300 consulta­
de la Dermatite Atopique, Pierre Fabre et La Roche Posay pour leurs soutiens
tions par an. financiers qui ont permis de mettre en place la consultation d’éducation
thérapeutique de l’Unité de dermatologie pédiatrique à l’Hôpital de l’enfance à
En 2009, l’école de l’atopie de Lausanne a été également Lausanne.
­développée en collaboration avec la Fondation Centre d’Al­ Conflit d’intérêts : les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt en relation
lergie Suisse. Elle est destinée à l’instruction et au soutien des avec cet article.
parents d’enfants de 0 à 7 ans. Celle-ci est complémentaire
aux consultations individuelles et est supportée par une
équipe composée d’une dermatologue pédiatre, d’une allergo­
logue pédiatre et d’une psychologue. Elle présente l’avantage
de permettre aux parents de sortir de leur isolement et de se IMPLICATIONS PRATIQUES
rencontrer afin d’échanger sur leur quotidien en transférant
des compétences souvent très concrètes. Elle les encourage La dermatite atopique nécessite une prise en charge spécifique
encore à surmonter leurs craintes grâce à l’écoute et l’enca­ chez l’enfant et l’adolescent en association avec une éducation
drement multidisciplinaire pendant tout un après-midi. Bien thérapeutique afin de permettre un meilleur contrôle de la maladie
souvent, le soutien du groupe aide à d ­ édramatiser la maladie. Grâce aux récents progrès dans la recherche et le développement
L’école est ouverte à tous et l’inscription se fait directement de thérapies ciblées, nous entrons dans une nouvelle ère de traitement
sur le site internet de la Fondation Centre d’Allergie Suisse.

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28 mars 2018 697

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