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Le vulgarisateur Mais il retrouve son siège en 1902, cautionné l’expérience. Deux congrès
Guesde (Jules) 1906, 1910, 1914 et 1919. préparatoires à l’unité n’aboutissent
du marxisme
qu’à un regroupement partiel. Guesde
Socialiste français (Paris 1845 - Saint- Jules Guesde collabore aux Droits de et Édouard Vaillant (1840-1915) créent
Les grands thèmes
Mandé 1922). l’homme, au Radical, à la Révolution
de Guesde le Parti socialiste de France (3 nov.
française ; en 1877, il lance le pre- 1901), tandis que Jaurès fonde le Parti
Les années mier hebdomadaire socialiste fran- C’est sans doute au cours de la pre-
socialiste français (2-4 mars 1902).
çais, l’Égalité, dont la parution sera mière législature où il siège au Parle-
de formation Sous la pression de l’Internationale
plusieurs fois interrompue ; en 1880, ment (1893-1898) que Jules Guesde
Jules Guesde, de son vrai nom Jules socialiste, l’unité se réalise cependant
il publie, avec Benoît Malon (1841- exerce sur l’ensemble du mouvement
Basile, est le fils d’un directeur d’éta- après le Congrès international d’Ams-
1893), un quotidien, l’Émancipation. socialiste le plus grand ascendant.
blissement libre, homme de droite et terdam (avr. 1904). Elle se fait sur
Condamné à six mois de prison par la Le XIe Congrès du parti ouvrier de
catholique pratiquant, père de cinq des positions beaucoup plus proches
cour d’assises de Moulins pour avoir France (Paris, oct. 1893) décide que les
enfants. La vie est difficile. Malgré un du guesdisme que du jauressisme,
attaqué Rothschild, il collabore, à sa élus à la Chambre devront se considé-
brillant succès au baccalauréat, il n’est condamnant par exemple le ministéria-
sortie, au Citoyen, puis au Cri du rer comme l’avant-garde du prolétariat
pas question de poursuivre des études lisme et obligeant les élus socialistes à
peuple de Jules Vallès* et fonde en en marche vers la conquête du pouvoir
dans l’enseignement supérieur. Le voter contre le budget de l’État bour-
1885 le Socialiste. politique et défendre en toute circons-
jeune homme devient expéditionnaire- geois. Guesde escomptait peut-être que
La fréquentation de jeunes intellec- tance les revendications ouvrières.
traducteur au ministère de l’Intérieur Jaurès ne se plierait pas à ces obliga-
tuels l’a convaincu de la précellence du L’action syndicale n’intéresse Guesde
(1864). tions et se mettrait en dehors du Parti
socialisme scientifique et de l’analyse que dans la mesure où elle permet le
socialiste unifié. Mais il les accepte au
Mais le journalisme l’attire. Pour marxiste. Dans ses articles, il va s’en rassemblement des masses ouvrières et
ne pas faire tort au recrutement de congrès de la salle du Globe, à Paris,
faire le vulgarisateur. l’éveil de leur conscience. Il en va de
l’établissement que dirige son père, il en avril 1905, bientôt abandonné par
Son emprisonnement lui donne le même pour l’action coopérative, tout
prend le nom de jeune fille de sa mère, certains de ses lieutenants ; Guesde, à
loisir nécessaire pour rédiger un Pro- étant subordonné, à ses yeux, à la prise
Guesde. En 1869, il est secrétaire de ce moment, paraît avoir gagné la partie
gramme du socialisme révolution- du pouvoir. La solidarité internationale
rédaction au Progrès libéral de Tou- contre Jaurès.
naire français et préparer une bro- des prolétaires n’exclut pas le droit et
louse, qu’il abandonne, avec toute
chure, Collectivisme et Révolution. même le devoir de défendre la nation
la rédaction, lorsque le journal vire De 1905 à 1914
Au IIIe Congrès ouvrier socialiste de contre toute agression : « La France
vers la droite. Il collabore encore à la
France, tenu à Marseille en octobre attaquée n’aurait pas de plus ardents En fait, il va la perdre. Son état de
Liberté de l’Hérault, où il réclame la
1879, les guesdistes l’emportent sur les défenseurs que les socialistes du parti santé lui rend difficile une action conti-
représentation proportionnelle, et, dès
réformistes. Le but est de « préparer la ouvrier. » nue. Son autoritarisme écarte de lui
le 1er juin 1870, aux Droits de l’homme,
formation d’un grand parti qui puisse, Guesde réclame la journée de huit quelques-uns de ses amis, séduits par
de Montpellier, dont il devient le di-
le moment venu, mettre la force au ser- heures, condamne les « lois scé- le prestige de Jaurès après 1905. Les
recteur et où il mène la lutte contre la
vice du droit ». Ce parti sort du congrès lérates », oppose le socialisme à syndicalistes révolutionnaires, de leur
guerre « impérialiste et dynastique »,
de Marseille sous le nom de Fédération l’anarchie, se risque (20 nov. 1894) à côté, préfèrent Jaurès à Guesde. Si,
ce qui lui vaut d’être emprisonné. Hos-
du parti des travailleurs socialistes brosser un tableau de la future révo- aux élections de Roubaix, les majori-
tile à l’armistice, il se rallie à la Com-
de France. Jules Guesde se rend à lution collectiviste, oppose (15 et tés rassemblées par Jules Guesde vont
mune* et la soutient dans les Droits
Londres au printemps 1880 pour y éla- 24 juin 1896) le socialisme ouvrier au en augmentant, ses interventions à la
de l’homme. Poursuivi par le gouver-
borer avec Marx* un programme pré- catholicisme* social d’Albert de Mun Chambre et dans les congrès sont plus
nement de Versailles, il est condamné
cis, qui est adopté en novembre 1880 et au libéralisme bourgeois de Paul rares et portent moins. Le dernier de
en juin 1871 à cinq ans de prison et
par le congrès du Havre. Au congrès Deschanel. ses grands discours au palais Bourbon
4 000 francs d’amende.
de Saint-Étienne (1882), les sympa- est prononcé à la suite de la grève des
Pour échapper aux conséquences thisants de Paul Brousse (1844-1912), cheminots (oct. 1910), où il attaque
de la condamnation, il se réfugie en
Guesde et l’unité
partisans de structures fédérales, sont Briand*, ancien député socialiste de la
Suisse, où il subit l’influence de Ba-
socialiste
éliminés. La conception centraliste de tendance de Jaurès devenu président du
kounine*, et rejoint la section juras- Guesde l’emporte dans le parti, qui Jules Guesde a sans doute cru, à ce Conseil, qui a brisé la grève.
sienne de l’Internationale*. C’est sa moment, qu’il arriverait à grouper
prend alors le nom de parti ouvrier de
phase libertaire. France (P. O. F.) et d’où les derniers dans le parti ouvrier de France tous
De 1914 à 1922
Le climat de Genève lui convient anarchistes seront éliminés en 1891. les militants socialistes dignes de ce
mal. Il va en Italie, où il enseigne et nom, et il a vu d’abord en Jaurès* un Devant la guerre, l’attitude de Guesde
Entre 1882 et 1890, Guesde tient
où il se marie à la fille d’un ancien sol- de ses lieutenants possibles. En fait, il est conforme à ce qu’il avait toujours
plus de douze cents réunions. Son
dat de Napoléon ; il y fonde la Corres- s’est heurté à de très vives résistances, dit : la grève générale, dans ces cir-
visage de prophète ascétique, son
pondance franco-italienne et collabore dues pour une part à son tempérament constances, serait un crime ; elle ne
éloquence âpre, sa parole coupante,
à divers journaux d’extrême gauche, autoritaire, d’autre part aux tendances pourrait que profiter à l’ennemi et se
son don des formules frappantes lui
dont l’Italia nuova et la Plèbe. Sa par- partiellement contradictoires des socia- retournerait contre le socialisme. Aussi
assurent un grand ascendant sur les
ticipation à l’action de l’Internationale listes français, dispersés à ce moment accepte-t-il de devenir ministre d’État
foules ouvrières. Mais, candidat aux
entraîne son expulsion ; entre-temps, en plusieurs organisations rivales. dans le cabinet Viviani, et il le demeu-
élections législatives, il est trois fois
il a commencé à se forger sa propre rera dans les cabinets suivants jusqu’en
battu : en août 1881, en octobre 1885 Au moment où certains espéraient
conception du socialisme. Dans deux décembre 1916.
et en septembre 1889. C’est seulement une réalisation prochaine de l’unité par
écrits composés à cette époque, l’Es- le 20 août 1893 qu’il est élu député de la fusion, la participation d’Alexandre Devant la révolution d’Octobre, son
sai de catéchisme socialiste et De la Millerand (1859-1943), socialiste indé- jugement est nuancé : il lui paraît anor-
Roubaix, dès le premier tour, par 6 879
propriété, il prend ses distances avec pendant, au cabinet de Waldeck-Rous- mal que le socialisme tente de s’instau-
voix contre 6 541 à l’ensemble de ses
l’anarchisme*. adversaires, sur 13 852 votants. Il ne seau aux côtés de Gallifet — l’un des rer dans un pays de structure arriérée
Après un nouveau séjour en Suisse, sera pas réélu aux élections de 1898, généraux versaillais qui ont réprimé la et essaie, cependant, de se subordon-
il est autorisé à rentrer en France en battu par l’industriel Motte et écarté Commune — fournit à Jules Guesde ner l’ensemble du mouvement ouvrier.
1876. pour quatre ans du palais Bourbon. un thème d’opposition à Jaurès, qui a Guesde ne sera donc pas de ceux qui,
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
au congrès de Tours (1920), voteront à 1914, devaient adopter des positions de « Che ». Lorsque les États-Unis pro- carnation de l’« homme nouveau »,
le ralliement à la IIIe Internationale. très diverses. voquent la contre-révolution militaire meilleur et plus pur qu’aucun autre.
Mais il n’acceptera aucune entreprise G. L. de juin 1954, il part pour le Mexique, Le marxisme, avant d’être un système
contre-révolutionnaire. F Internationales / Jaurès (J.) / Socialisme. où il va rencontrer les exilés cubains. de lois économiques et sociales, est, à
Originalité du guesdisme vière, 1928). / G. Lefranc, le Mouvement socia- La révolution cubaine généreuse.
liste sous la Troisième République, 1875-1940
C’est pourquoi Guevara en vient à
Le parti ouvrier de France a été le pre- (Payot, 1963). / C. Willard, le Mouvement socia- Che Guevara fait la connaissance des
liste en France (1893-1907). Les guesdistes (Éd. dénoncer les Soviétiques, au nom de
mier parti français de masse (2 000 ad- frères Castro en 1955 et accepte de
sociales, 1965). l’éthique marxiste ; il a été auparavant
hérents en 1889 ; 10 000 en 1893 ; participer à leur tentative de débar-
éliminé, à l’été 1961, par les commu-
17 000 vers 1898), organisé avec ses quement en qualité de médecin. Après
sections, ses fédérations, ses congrès Les principales oeuvres de nistes cubains, qui dénoncent le « gau-
quelques mois d’entraînement au
J. Guesde chiste » Guevara, coupable d’avoir
départementaux et nationaux, sa dis- Mexique, les révolutionnaires s’em-
critiqué les causes de la crise de pro-
cipline. Introducteur en France de la (avec leur date de barquent sur le Granma et abordent
duction et prôné l’industrialisation et
manifestation du 1er mai en 1890, il se publication) à Cuba le 2 décembre 1956. L’échec
la sagesse économique. D’une certaine
heurte, à partir des dernières années initial permet à Guevara de donner sa
1871 le Livre rouge de la justice rurale.
manière, il tombe comme Trotski à
du siècle, à la concurrence du syndica- mesure ; il écrira : « Ces consultations
1878 Essai de catéchisme socialiste. l’occasion d’un débat économique
lisme révolutionnaire, qui, lui, consi- données aux paysans de la Sierra ont
1879 la Loi des salaires et ses conséquences ; semblable.
dère la prise du pouvoir comme néces- transformé ma résolution spontanée et
Collectivisme et Révolution ; le Collectivisme
sairement décevante. Les jauressiens quelque peu lyrique en une force se-
au Collège de France.
lui reprochent de vivre replié sur lui- reine et de qualité. Il n’y a rien comme Un, deux, beaucoup
même, de ne pas avoir accordé à la lutte 1883 le Programme du parti ouvrier.
vivre une révolution pour faire l’édu- de Viêt-nam
pour la libération de Dreyfus l’impor- 1885 Services publics et socialisme. cation d’un honnête homme [...]. C’est Jusqu’en 1965, Guevara est resté révo-
tance qu’elle méritait et d’ajourner au le peuple qui forme ses chefs. » Fidel
1898 le Socialisme au jour le jour. lutionnaire cubain à Cuba. À cette date,
lendemain de la prise du pouvoir tout Castro dira, de son côté, que Guevara
1901 Quatre Ans de lutte de classe à la le Viêt-nam prend la priorité dans ses
effort de construction révolutionnaire. était aimé de tous et admiré pour son
Chambre (1893-1897) ; État politique et mo- préoccupations : « Le Viêt-nam, qui
À l’heure de sa plus grande in- rale de classe. courage extraordinaire, doublement incarne les aspirations, les espoirs du
fluence, le guesdisme compte parmi ses admiré en tant qu’étranger combat-
1911 Questions d’hier et d’aujourd’hui ; En monde des peuples oubliés, est seul
adhérents 60 p. 100 de travailleurs de garde ! Contre les contrefaçons du socia- tant pour Cuba : « S’il avait son talon [...]. On doit l’accompagner jusqu’à la
l’industrie (dont 15 p. 100 du textile, lisme et la fausse monnaie des réformes d’Achille comme guérillero, c’était par victoire ou la mort. »
bourgeoises.
12 p. 100 de métallurgistes), 17 p. 100 excès de qualité agressive, à cause de
Renonçant à ses fonctions cubaines,
de commerçants, 7 p. 100 de paysans, son absolu mépris du danger. »
le « Che » prend congé de sa famille
petits propriétaires exploitants, sou- Le « petit médecin » devient ainsi et de ses camarades, écrivant avec hu-
vent vignerons ou horticulteurs. le « comandante » de la brillante cam- mour et ironie : « Je sens de nouveau
Géographiquement, le guesdisme Guevara (Ernesto, pagne de Las Villas, qui brise le régime les côtes de Rossinante sous mes ta-
repose : de Batista. En 1959, à trente et un ans,
dit Che) le « Che » parvient à la gloire natio-
lons, me voilà de nouveau sur la route,
1o sur la France du Nord (la conurba- l’écu au poing [...] essentiellement
tion lilloise, le tulle calaisien), le Nord nale et internationale ; directeur de rien n’a changé, sauf que je suis plus
Homme politique argentin (Rosario
et le Pas-de-Calais représentant la moi- l’Institut national de la réforme agraire conscient, que mon marxisme est enra-
1928 - région de Valle Grande, Boli-
tié des effectifs du P. O. F. ; (I. N. R. A.), président de la banque na- ciné et nettoyé [...]. Laissez-moi dire,
vie, 1967).
2o sur un certain nombre de foyers tionale et ministre de l’Industrie, il est même si j’ai l’air ridicule, que le vrai
du Massif central (Montluçon, Com- la conscience de la révolution cubaine. révolutionnaire est guidé par un grand
mentry, Limoges, Saint-Étienne, Introduction
Au cours de ces brèves années, il fait amour. »
Roanne), où l’industrie est à la fois Son père descendait de notables pro- connaître ses idées à travers quelque Alors que les Américains parlent de
houillère, métallurgique, textile et vinciaux et sa mère de l’aristocratie trois cents articles, discours, lettres et sa mort, il part en secret pour le Congo
diverse, avec des prolongements vers de Buenos Aires. Après une enfance entrevues accordées à la presse. Qu’il et combat durant l’hiver 1965-66 avec
Lyon et l’Isère ; provinciale, Ernesto Guevara fait des s’agisse du budget cubain, de la stra- les rebelles. Déçu, il rentre à Cuba. À
3o sur la France méditerranéenne études de médecine à l’université de tégie révolutionnaire internationale la fin de l’année, il est en Bolivie pour
(Aude, Hérault, Gard, Bouches-du- Buenos Aires et se passionne pour ou de l’élevage des bêtes à corne, le y créer un autre Viêt-nam.
Rhône), où, paradoxalement, le gues- A. Schweitzer et Gndh. En 1951-52, style en est polémique et pressant ;
Après une préparation minutieuse
disme prolonge la tradition démocrate il part avec un ami pour étudier les l’urgence morale de l’action ne per-
et un démarrage hâté par la nécessité,
socialiste de 1848-1851 ; communautés de lépreux de l’Amé- met pas de développer une cohérence
le mouvement s’amorce en mars 1967,
4o sur un certain nombre d’îlots (Bor- rique du Sud. En moto, ils traversent rigoureuse, mais donne l’occasion à
dans les forêts du Sud-Est. Malgré les
deaux, Troyes). le Chili et le Pérou, puis, sur un radeau, l’enthousiasme et à la générosité de se
embûches et l’isolement politique, les
Dans le mouvement syndical, c’est ils descendent un affluent de l’Ama- manifester.
révolutionnaires mettent le gouver-
la Fédération du textile qui a été le zone. Guevara rêve alors de devenir un « Dans un monde dominé par les nement en difficulté et l’obligent à
principal bastion du guesdisme avec grand médecin pour aider l’humanité. forces du mal, l’homme nouveau serait demander l’aide militaire américaine.
Victor Renard. En 1953, après avoir terminé ses engendré par la révolution et la lutte Mais les guérilleros doivent ensuite se
Parmi les militants connus qui ont études, il reprend son voyage, inter- sans merci. Si c’est une vraie révo- replier sur la défensive. En octobre, le
subi l’influence de Jules Guesde il rompu par la guerre civile en Colom- lution, on gagne ou l’on meurt. » Le « Che » est pris dans une embuscade
faut citer Alexandre Bracke-Desrous- bie, et rejoint des amis au Guatemala. « Che » a opté pour le marxisme parce et exécuté.
seaux (1861-1955), Marcel Cachin C’est là, au milieu de jeunes révolu- que c’est pour lui la manière de rendre J. M.
(1869-1958), Adéodat Compère-Morel tionnaires venus de tout le continent « scientifique » son honnêteté, sa gé- F Amérique latine / Bolivie / Castro / Cuba.
(1872-1941), Paul Faure (1878-1960), et attirés par le réformisme du colonel nérosité et sa décision de combattre,
Che Guevara, Obra revolucionaria (Mexico,
Jean Lebas (1878-1944), personnages Arbenz, qu’il commence à s’intéresser parce que, dans la théorie et les idéaux 1967 ; trad. fr. OEuvres, Maspéro, 1968 ; 4 vol.) ;
qui, face aux événements postérieurs à la politique. Il reçoit alors le surnom marxistes, il trouve ce camarade, in- Obras, 1957-1967 (Maspéro, 1970 ; 2 vol.) ;
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Guide (le) L’air, milieu matériel, se comporte venir pour que l’amplitude du champ
à peu près comme le vide tant que la électrique, par exemple, soit divisée
longueur d’onde ne devient pas trop par 2,72. Son expression est liée à la
F ACADÉMISME.
courte. À partir de la gamme des ondes perméabilité , à la conductibilité et
millimétriques, l’influence des consti- à la fréquence f par la relation
tuants de l’air se manifeste. Encore
faut-il que les distances parcourues
guide d’onde soient suffisantes pour permettre un Plus la conductibilité est grande,
affaiblissement perceptible de l’onde. plus la pénétration est petite. À la
Tube métallique de section variée per-
limite, pour les conducteurs parfaits,
mettant l’acheminement d’une onde Son comportement en présence la conductibilité est infinie et la pé-
électromagnétique de fréquence très Par rapport à une origine des es-
d’un plan conducteur nétration est nulle. Si la fréquence f
élevée par réflexion sur les parois paces O et en fonction de l’abscisse z,
À l’intérieur d’un conducteur parfait, augmente, la pénétration diminue.
internes. le long de l’axe de propagation Oz, le
le champ est toujours nul. Une onde Pour un conducteur en cuivre, donc
Aux fréquences de l’ordre de plu- champ e (exprimé en volts par mètre) électromagnétique qui tombe per- bon conducteur, la pénétration n’est
sieurs centaines ou milliers de méga- et le champ h (exprimé en ampères par pendiculairement ou non sur un plan
que de 1,2 à 3 000 MHz ( = 10 cm).
hertz, le câble coaxial ne peut plus mètre) ont respectivement pour valeur : conducteur parfait ne peut y pénétrer.
servir qu’à établir des jonctions très Les conditions à la surface de sépara-
courtes, de l’ordre de quelques mètres tion du milieu conducteur et du milieu
ou décimètres, en raison de l’affaiblis- extérieur (vide ou air) sont telles que
sement exagéré des signaux. Le guide c étant la célérité avec laquelle l’onde le champ électrique total ne peut être
d’onde prend alors le relais de la trans- que perpendiculaire au plan ou nul et
se propage et qui est celle du change-
mission des signaux électromagné- que le champ magnétique total ne peut
ment d’état.
tiques de très haute fréquence. être que tangent au plan ou nul ; le
Si le champ e est orienté suivant vecteur ne peut donc être que tan-
l’axe Ox et le champ h suivant l’axe Oy gent à ou nul (fig. 3). En un point M,
L’onde
d’un trièdre trirectangle (Oxyz), la pro- l’onde réfléchie, qui prend naissance,
électromagnétique
pagation se fera suivant le troisième donne avec l’onde incidente en ce point
Sa propagation dans le vide une onde totale qui vérifie les condi-
axe Oz (fig. 2).
Cette onde est constituée de deux vi- tions aux limites énoncées. Le rayon
Les grandeurs e et h ne sont pas in-
brations vectorielles, perpendiculaires réfléchi pr est, dans le plan d’incidence,
dépendantes l’une de l’autre, mais liées
à leur direction de propagation p et matérialisé par la normale n en M et
par l’intermédiaire du milieu. Le rap-
perpendiculaires entre elles. Ces deux le rayon incident
pi, et l’angle de ré-
vibrations sont le champ électrique e et flexion est égal à l’angle d’incidence
port est une constante Z0 indépen-
le champ magnétique h. Dans le vide, (fig. 4). Il y a, d’autre part, retourne-
dante du temps et de l’espace, appelée
ces deux champs vibrent en phase, et ment du vecteur e si celui-ci est paral-
impédance d’onde et qui s’exprime en
de leur variation simultanée résulte la lèle au plan (cas dit de la polarisation
ohms :
propagation de proche en proche d’une horizontale) et conservation du vecteur
modification du milieu, propagation si celui-ci est parallèle au plan
qui se fait de façon rectiligne et dans un Dans le vide, Z0 et c s’expriment en (cas dit de la polarisation verticale)
sens dépendant de leur orientation rela- fonction des paramètres électrique [fig. 5]. La réflexion n’entraîne pas
tive. Direction et sens sont ceux d’un et magnétique du milieu, c’est-à-dire d’affaiblissement, puisque l’onde ne
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d’un plan de séparation de deux dié- la propagation est assurée par le régime
lectriques différents est analogue à étant la longueur d’onde (fig. 6). no 1 entre et . L’absence de régimes
celui des ondes lumineuses, et l’on d’oscillation entre et (régime no 0
Si l’on désire placer un plan pa- La même onde de longueur est, dès
retrouve à cette occasion les fonctions suivant la direction Ox) conduit à écrire
rallèle au plan , il est indispensable lors, acheminée par des faisceaux de
classiques de réflexion-réfraction, de
que dans règnent les mêmes condi-
réflexion totale et de polarisation. Dans diverses incidences, et le guidage se
tions aux limites que dans . On ne Un tel guide d’onde conduit donc la
le cas de diélectriques purs, il n’y a pas fait suivant divers régimes. Plus la
peut donc placer n’importe où, mais
vibration électromagnétique obligatoi-
d’affaiblissement lors du changement longueur d’onde est petite et plus le
suivant un des plans nodaux, d’ailleurs
rement dans la direction Oz du guide
de milieu, mais seulement déphasage. nombre de régimes est grand (fig. 7d).
quelconque. Si n est le numéro d’ordre
sans affaiblissement, si les plans sont
Sous certaines incidences, dites inci-
de ce plan à partir de , la distance b Pour qu’il y ait n régimes de propaga-
des conducteurs parfaits, et en obser-
dences de Brewster, il peut y avoir blo- de à est tion possibles, il faut que vation rigoureuse des conditions aux
cage de la réflexion.
limites caractérisées par les inégalités
précédentes.
Le guidage des ondes
Cette relation fondamentale détermine Aucun régime n’est possible si n = 0,
Lorsque le champ électrique est dans
Dans un espace compris entre deux l’ensemble des propriétés de base des c’est-à-dire si la section droite du guide, le régime est
plans conducteurs parallèles et , guides d’onde.
le régime TE01 (transversal-électrique,
l’onde électromagnétique se réfléchit 1o Si le plan est placé suivant le plan
régime d’oscillation 0 suivant Ox, 1
sur chaque plan de façon telle que nodal no 1, la distance b a pour valeur
Types de guides d’onde suivant Oy) [fig. 8]. Ce régime est le
les conditions aux limites sur chacun
régime fondamental de base du guide
d’eux soient respectées. Ces conditions Le guide d’onde rectangulaire rectangulaire. Si, dans un guide donné,
entraînent l’existence d’une relation
Si b est imposé et si l’on fait varier C’est un tuyau à quatre parois conduc- on diminue la longueur d’onde , c’est-
qui lie l’angle d’incidence et la dis-
, l’angle varie. Pour une valeur de à-dire si l’on augmente la fréquence,
tance b entre les plans à la longueur trices orthogonales, dont deux consti-
= 0, l’onde rebondit orthogonale- il apparaît des régimes tels que TE01,
d’onde, et qui est la relation fondamen- tuent les plans et . Pour une lon-
ment sur place entre les plans et ; TE02, TE03, etc., correspondant à une
tale des ondes guidées : gueur d’onde donnée, le plus petit
il n’y a plus propagation suivant Oz multiplicité de rayons.
(fig. 7a). On atteint ainsi la longueur écartement, b, est obtenu pour n = 1
Si le champ magnétique est situé
d’onde de coupure
c du système de (régime no 1 suivant la direction Oy) ;
n étant un entier positif différent de dans la section droite, les régimes sont
guidage : c = 2b ; la fréquence de cou- c’est évidemment le plus économique.
zéro. du type TM (transversal-magnétique).
pure correspondante est D’autre part, la multiplication des
En un point P situé au-dessus d’un
régimes abaisse les performances. En Le guide à section circulaire
plan conducteur , il existe deux
conséquence Bien que généralement plus simple, le
ondes : l’une incidente, pi, aboutissant où c est la célérité de l’onde.
en un point M1 ; l’autre réfléchie, pi, en Pour qu’il y ait propagation, il faut guide circulaire est d’étude bien plus
un point M2. Suivant la position de P, donc < 2b. complexe. Cette complexité est due au
ces deux ondes sont dans des condi- 2o Si la longueur d’onde diminue, la Les mêmes raisonnements appliqués fait que l’onde électromagnétique n’est
tions de phase variable. S’il s’agit quantité cos diminue et augmente aux deux autres parois et , perpen- pas de révolution autour de l’axe de
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
sur leur face interne (cuivre, laiton, pertes à chaque réflexion, pertes qui le raccordement des longueurs peut se de transmission à grande distance
recouvert ou non d’une pellicule d’ar- sont d’ailleurs fonction du régime et, faire sans précautions spéciales. (20 km). C’est, à l’heure actuelle, la
gent) et protégés par un vernis contre la pour un régime déterminé, de la fré- ligne de transmission ayant la plus
corrosion. Certains guides sont faits de quence. Enfin, l’affaiblissement dé- grande capacité évaluée en nombre de
Utilisation des guides
matériaux légers (aluminium), recou- pend des dimensions et de la forme de communications téléphoniques. Il a la
d’onde
verts à l’intérieur d’une pellicule d’un la section (fig. 9). possibilité d’en transmettre simulta-
métal bon conducteur. Leurs formes Les guides d’onde de section rectan- nément plusieurs dizaines de milliers
(rectangulaire, carrée, circulaire, el- Le guide d’onde hélicoïdal gulaire ou circulaire sont utilisés dès ainsi que plusieurs dizaines de pro-
liptique), ainsi que leurs dimensions, l’instant que le transport des ondes grammes de télévision.
L’affaiblissement de propagation
varient selon leur mode et leur gamme
d’une onde TE01 dans un guide circu-
d’utilisation.
laire décroît et tend vers 0 quand la
Les dimensions d’un guide rectan- fréquence augmente. Or, à dimensions
gulaire utilisé dans la gamme de fré- constantes du guide, l’augmentation de
quence du régime TE01 (de 8 450 à la fréquence, donc la diminution de la
10 300 MHz) sont les suivantes : longueur d’onde, a pour effet d’entraî-
largeur de la section a : 10,16 mm ; ner l’apparition de régimes supplémen-
longueur de la section b : 22,86 mm ; taires de plus en plus nombreux. Ces
épaisseur des parois e : 1,5 mm env. régimes non seulement ne sont pas né-
Les dimensions de certains guides cessaires pour assurer la propagation,
peuvent atteindre 20 cm pour les mais sont même nuisibles. Il faut donc
gammes de fréquence basse (900 MHz : choisir un compromis entre affaiblisse-
radar, télévision) et descendre jusqu’à ment et importance des régimes para-
quelques millimètres pour les gammes sites. Le choix se porte sur un guide
de fréquence élevée (quelques dizaines de 50 mm de diamètre travaillant dans
de milliers de mégahertz). Les guides la gamme des 35 GHz, soit environ
sont fabriqués industriellement, par éti- 0,85 mm de longueur d’onde. L’affai-
rage suivant des longueurs de quelques blissement est de l’ordre de 3 dB/km
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Ces performances tiennent princi- à une nouvelle révolte de ses vassaux faire prêter serment de fidélité quelques rendent la justice. Ainsi, Guillaume
palement au fait que, l’onde transmise de basse Normandie ; cette révolte semaines plus tard par son compétiteur peut, tout à la fois, rétribuer les fidé-
étant de fréquence très élevée, sa pos- est animée par Gui de Brionne, fils le chef du parti anglo-saxon, Harold. lités anciennes ou nouvelles et béné-
sibilité de transmission l’est aussi. De de Renaud Ier de Bourgogne et petit- Une tempête ayant jeté ce dernier sur ficier des avantages du système féo-
plus, la nature physique de la ligne per- fils, par sa mère, du duc de Normandie les côtes du Ponthieu, le comte du Pon- dal (services d’ost, d’aide, de conseil,
met de maintenir avec un affaiblisse- Richard II. Craignant que le succès de thieu, Gui, l’a livré au duc de Norman- etc.), tout en empêchant la constitution
ment très faible l’énergie à l’intérieur Gui de Brionne n’entraîne la constitu- die, qui ne lui a rendu la liberté que de puissantes principautés territoriales
du tube, alors que les procédés clas- tion d’une principauté normando-bour- contre cette promesse ayant trait sans dangereuses pour l’autorité du roi, qui
siques de rayonnement d’ondes élec- guignonne fatale au domaine royal, le doute à la succession d’Édouard. est devenu, avec 1 422 manoirs, le pre-
tromagnétiques entraînent une disper- roi Henri Ier accorde aussitôt son aide Cependant, à la mort d’Édouard le mier propriétaire foncier d’Angleterre.
sion obligatoire dans la propagation en féodale à son vassal Guillaume le Confesseur, le 5 janvier 1066, Harold Consignés en 1086 dans le Domes-
espace libre, donc un affaiblissement Bâtard. se fait proclamer roi d’Angleterre dès day Book, ou Livre du Jugement der-
considérable. le 6. Guillaume exploite aussitôt, grâce
Vainqueur grâce à lui des rebelles au nier (v. Angleterre), les résultats de ce
Enfin, on a réalisé des guides d’onde Val-ès-Dunes en 1047, le duc de Nor- à une habile propagande, le parjure
bouleversement territorial traduisent
qui ont des domaines d’utilisation très mandie confisque une partie des biens de l’earl saxon, parjure qui constitue
le souci du souverain de traiter sur un
particuliers et qui utilisent les proprié- des rebelles, tels ceux des vicomtes du le thème central des Gesta Guillelmi
pied de complète égalité les tenanciers,
tés de réflexion totale des ondes élec- Bessin et du Cotentin ; en même temps, ducis de Guillaume de Poitiers et de
qu’ils soient anglais ou normands et
tromagnétiques à la surface de sépa- il contraint un grand nombre d’entre la tapisserie de Bayeux. Il obtient
l’appui du pape Alexandre II, et l’ex- qu’il assujettit aux mêmes redevances,
ration d’un diélectrique et de l’air. Le eux à recevoir des garnisons ducales
pédition, partie de Saint-Valery-sur- tel le danegeld d’un rapport annuel de
régime de propagation dans une tige de dans leurs châteaux ; à tous, enfin, il
section circulaire est une association Somme, débarque à Pevensey (Sussex) 20 000 livres. Guillaume le Conqué-
impose le respect de la paix de Dieu,
d’un mode TE et d’un mode TM. le 29 septembre 1066. Vainqueur le rant, qui dispose au total, grâce à son
qu’il proclame à Caen en 1047 avec
14 octobre de Harold II à Hastings, domaine, de 50 000 à 60 000 livres
G. D. l’aide d’un clergé dont il choisit avec
Guillaume est couronné à Westminster de revenus par an, apparaît comme
F Courants porteurs (procédé de transmission soin les dignitaires, ne nommant, en
par) / Faisceaux hertziens (procédé de transmis- le 25 décembre.
particulier à la tête des monastères l’un des souverains les plus riches de
sion par) / Télécommunication.
qu’il fonde, que des adeptes de la ré- Il doit briser en décembre 1067 la l’Occident.
forme clunisienne. révolte du Kent, provoquée par la cupi-
Cela lui permet d’infléchir dans le
dité de ses vassaux, puis en 1068 celles
Ayant ainsi acquis l’appui du Saint- sens d’un renforcement du pouvoir
des partisans de Harold II à Exeter et
Siège, Guillaume affirme sa position
Guillaume Ier le à York, et en 1069 celle des Anglais royal les institutions anglaises, tout en
parmi les grands féodaux en épousant
du Nord, qui reconnaissent comme roi respectant les traditions locales : main-
Conquérant vers 1053 Mathilde, fille du comte de
Edgar Atheling (ou Aetheling) avec tien de la milice des centaines et des
Flandre Baudouin V. En fait, ce ma-
l’appui des Danois de Svend Estrids- comtés auprès de l’armée féodale nor-
(Falaise? v. 1027 - Rouen 1087), duc riage n’est que l’un des éléments de sa
son. Ayant contraint ces derniers à mande ; assimilation de la curia regis
de Normandie (1035-1087) et roi politique dynamique, qui vise à étendre
réembarquer, le roi d’Angleterre pra- à l’ancien Witenangemot anglo-saxon ;
d’Angleterre (1066-1087), fils illégi- son autorité au-delà des frontières de la
tique dans les comtés du Humber et de attribution, à partir de 1075, de l’admi-
time du duc Robert Ier de Normandie Normandie, dont il transfère la capitale
la Tyne une politique de la terre brûlée
et d’une jeune Normande, Ariette, fille de Falaise à Caen, où il fait construire nistration locale dans chaque comté
qui incite à la soumission le Yorkshire
d’un peaussier originaire de Falaise. le château ducal. (shire) à des sheriffs analogues aux vi-
en 1069, le Shropshire en 1070 et qui
Guillaume dispose d’une armée comtes du duché. Mais, bien que choi-
conduit le roi d’Écosse Malcolm III,
La jeunesse nombreuse grâce à l’institution de fiefs sissant ceux-ci exclusivement parmi
attaqué sur son territoire, à renoncer à
de haubert en faveur de chevaliers des Normands, Guillaume ne parvient
Guillaume est reconnu comme héri- soutenir Edgar Atheling en 1072.
contraints à un service d’ost très strict pas à briser leur tendance à l’hérédité
tier légitime du duché de Normandie
de quarante jours. Il resserre en outre des charges.
par les barons normands réunis en La réorganisation
son alliance avec Henri Ier pour écarter
1034 à la demande de son père, qui de l’Angleterre En fait, celle-ci n’est pas encore
le puissant et dangereux comte d’An-
part pour un pèlerinage à Jérusalem. Il et la fin du règne dangereuse, car il dispose de l’appui de
jou, Geoffroi Martel, auquel il reprend
est placé sous la tutelle d’un petit-fils l’Église romaine, qui, elle, lui est re-
Alençon avant d’occuper Domfront en Imposant à ses troupes une sévère
de Richard Ier, l’énergique Gilbert de connaissante de chasser les prélats in-
1049. discipline, ne concédant à ses barons
Brionne ; mais celui-ci est assassiné au
dignes (l’archevêque Mauger à Rouen,
cours de la révolte féodale qui suit l’an- En 1058, il fait même reconnaître sa normands que les terres confisquées
l’archevêque Stigand à Canterbury) au
nonce de la mort, en Anatolie, en juil- suzeraineté par le comte du Maine Her- aux seuls partisans d’Harold, tués le
profit de moines réformateurs, qu’il
let 1035, du duc Robert Ier. Guillaume bert II, avant d’annexer sa principauté 14 octobre 1066 ou révoltés entre 1066
affranchit de la tutelle de l’aristocra-
passe sous la tutelle de l’instigateur de en 1062 et de s’y maintenir par la force et 1072, contraignant les propriétaires
en 1073 et en 1084. Mais, entre-temps, tie locale : Maurille, abbé de la Trinité
ce meurtre : Raoul de Gacé. attentistes à tenir leurs terres de leur
il est devenu roi d’Angleterre. de Fécamp ; Lanfranc, abbé italien du
souverain pour prix de leur rachat,
Bec-Hellouin, en Normandie. Recon-
Le duc de Normandie Guillaume le Conquérant introduit
La conquête de naissante de cette politique antinico-
Après douze ans d’anarchie sanglante en Angleterre le régime seigneurial
l’Angleterre laïte et antisimoniaque, précisée par de
en basse Normandie, période au cours français.
nombreux conciles (Winchester, 1072 ;
de laquelle Raoul de Gacé renonce à Cousin germain du roi anglo-saxon Ce régime repose en fait sur le prin-
Londres, 1075 ; Gloucester, 1080 et
défendre le Vexin français et le châ- Édouard* le Confesseur, qui l’a bien cipe, déjà appliqué avec succès en
1085), la papauté renonce à disputer
teau de Tillières-sur-Avre, assiégé en accueilli en 1051 et qui lui a sans doute Normandie, de la dispersion, à travers
au roi d’Angleterre l’investiture laïque
1036 par le roi de France, Henri Ier, offert sa succession en 1065 par l’inter- toute l’Angleterre, des manoirs, dont
le jeune duc de Normandie prend en médiaire de l’archevêque de Canter- Guillaume confie en fief l’exploitation des évêques.
main le gouvernement de sa princi- bury, le Normand Robert de Jumièges, à 1 500 seigneurs anglais ou normands, En fait, ne tolérant d’autre autorité
pauté. Presque aussitôt il doit faire face Guillaume est, en outre, parvenu à se qui en perçoivent les redevances et y que la sienne en Angleterre comme en
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1966). / D. C. Douglas, William the Conqueror, L’abdication de Charles Quint au les mécontentements. En s’efforçant Dillenburg devient à partir de 1567
the Norman Impact upon England (Berkeley, profit de Philippe II en 1555 marque vainement de contrôler les divers cou- le foyer de la révolte. De là partent
1964). / P. Zumthor, Guillaume le Conquérant un tournant dans la vie politique des rants d’opposition, le prince d’Orange les pamphlets, armes de propagande
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redoutables ; là s’organisent les entre- états, pour leur part, rejettent avant tout d’Anjou. Inefficace, le duc perd rapi- l’Espagne : celui de l’équilibre entre le
prises militaires, toutes infructueuses, la centralisation unificatrice. L’autorité dement toute popularité ; un coup de pouvoir central et le pouvoir régional.
financées par l’endettement du prince. du prince offre un contrepoids précaire main malheureux contre Anvers le La délimitation équivoque des attribu-
Recherchant l’appui des huguenots, aux forces centrifuges qui dominent les contraint à se retirer en France. Destiné tions respectives des états généraux et
Guillaume participe en France à la troi- états généraux. par les états de Hollande à prendre la des états provinciaux, de même que la
sième guerre de Religion ; au contact succession d’Anjou comme comte de position ambiguë du stathouder ont en-
des réformés, son indifférence reli- Haec religionis ergo Hollande, le Taciturne meurt prématu- tretenu un antagonisme symbolisé par
gieuse s’estompe. En 1572, sa grande rément en 1584, victime d’un attentat. l’opposition entre le pensionnaire de
Soucieux de cimenter l’union entre
offensive dans les Pays-Bas se solde Hollande, chef du parti républicain, et
catholiques et calvinistes, le Taciturne
par un nouvel échec, précipité par la Pater patriae le stathouder, porte-parole de tous les
défend par ailleurs une politique de
désaffection des huguenots après la Éloquent mais secret, indécis quoique opposants à l’hégémonie de la bour-
liberté religieuse, rapidement com-
Saint-Barthélemy. Par contre, les tenace, le Taciturne reste controversé. geoisie hollandaise.
promise par les violences calvinistes.
« Gueux de la mer » s’emparent de S’est-il dressé contre le pouvoir royal
Se fondant sur l’élément populaire, Frédéric-Henri d’Orange-Nassau
ports hollando-zélandais et, multipliant avec désintéressement ou par ambi-
la minorité calviniste s’assure partout (1584-1647) avait déjà oeuvré non
les coups de main contre les villes, tion démesurée ? Son idéal politique
pour un temps le contrôle des villes. sans succès au renforcement du sta-
s’assurent une base d’opération mili- n’était-il pas réactionnaire plutôt que
Le bouleversement social qu’entraîne thoudérat (1625-1647) et usé de son
taire placée sous l’autorité du prince. révolutionnaire ? Était-il gagné à la li-
le prosélytisme calviniste précipite la influence au profit de son fils : à par-
réaction catholique. berté religieuse par esprit de tolérance tir de 1631, Guillaume fut reconnu
La décision militaire (1572-1576) ou par indifférence ? En dépit des in- successivement comme héritier dans
Contre toute attente, le réduit hollando- Les Pays-Bas espagnols certitudes, la signification historique toutes les provinces, y compris la Frise,
zélandais résiste victorieusement aux du Taciturne demeure : par son rallie- fait sans précédent. Poursuivant une
Impuissant à réfréner le dynamisme
forces espagnoles, tenues en échec ment, il a légitimé le soulèvement.
calviniste, le Taciturne ne peut, fina- politique étrangère en accord avec ses
d’abord devant Alkmaar, puis devant Si, finalement, la destinée du prince préoccupations dynastiques, Frédéric-
lement, éviter la rupture, provoquée
Leyde. Mésestimant l’ampleur de la ré- se confond avec le destin politique des
par la polarisation croissante des Henri s’était attiré les faveurs de la
volte, menant par ailleurs une politique Provinces-Unies, c’est qu’aux mo- monarchie française en favorisant l’al-
contradictions. Au clivage religieux
mondiale qui le conduit à une banque- ments décisifs il s’est toujours identifié
se superpose un clivage socio-éco- liance franco-hollandaise de 1635. Les
route retentissante, Philippe II trahit les à la révolte, sans pour autant renoncer à
nomique et politique. Dans les pro- marques de considération dont il béné-
limites de sa puissance. Le Taciturne, ses idéaux politiques. Quoique fonciè-
vinces à forte concentration urbaine, ficiait facilitèrent la conclusion d’un
stratège moyen, mais homme d’État rement tolérant, le Taciturne se sentait
la bourgeoisie calviniste s’assure une mariage princier à la cour d’Angleterre
remarquable, se prépare à en recueillir politiquement et même religieusement
influence politique prépondérante ; entre Guillaume et la fille de Charles Ier
le bénéfice politique. plus proche des calvinistes que de
dans les provinces de l’Est, à prédomi- Stuart, Marie (1641).
l’absolutisme et de la Contre-Réforme.
nance agraire, la noblesse catholique Réagissant contre la politique étran-
La décision politique (1576-1579) Cette double fidélité à soi et à la révolte
se maintient. gère du stathouder, le parti républicain
Le décès inopiné de Luis de Zúñiga y a été consacrée par l’histoire, qui a fait
Les provinces wallonnes de l’Est, profita d’abord de la vieillesse de Fré-
Requeséns (1528-1576), gouverneur du Taciturne d’abord le père de la pa-
dominées par l’aristocratie foncière déric-Henri, puis du manque d’expé-
général des Pays-Bas, et la débandade trie confédérale et protestante des Pro-
et stratégiquement indéfendables, se rience de Guillaume II pour opérer au
des troupes espagnoles qui s’ensuit vinces-Unies, puis celui du royaume
laissent, les premières, reconquérir. détriment de la France un rapproche-
créent un vide politique mis à pro- des Pays-Bas, débutant par l’éphémère
Les provinces wallonnes méridionales, ment spectaculaire avec l’Espagne.
fit par les états généraux, qui se réu- réunion du Nord et du Sud sous une
très exposées et socialement les plus Frédéric-Henri se résigna aux négo-
nissent illégalement. Sous l’impulsion dynastie dont il est le fondateur.
menacées par la position précaire de ciations de paix hollando-espagnoles,
d’Orange, la paix entre les provinces P. J.
la noblesse, monnaient leur soumis- menées à bon terme à la veille de sa
révoltées et les états généraux est F Hollande / Orange-Nassau / Pays-Bas / Pro-
sion à l’obédience royale : confédéra- vinces-Unies. mort (1647). Guillaume II ne put pas
bientôt conclue, et l’unité des dix-sept
tion d’Arras (6 janv. 1579), confirmée davantage empêcher la conclusion offi-
provinces rétablie. Lorsqu’en 1577 les Correspondance de Guillaume le Taciturne,
par la paix d’Arras (17 mai), où une prince d’Orange, éditée par L. P. Gachard cielle de la paix en 1648. Nostalgique
états généraux dictent leurs conditions
douzaine de provinces et seigneuries (Bruxelles, 1847-1858 ; 6 vol.). / C. V. Wed- du traité de partage des Pays-Bas espa-
au successeur de Requeséns et se soli- gwood, William the Silent (Londres, 1944 ;
méridionales se réconcilient avec gnols conclu en 1635 entre Richelieu
darisent ensuite dans la révolte, Orange trad. fr. Guillaume le Taciturne, Payot, 1947).
Philippe II. La menace militaire, loin / J. W. Berkelbach van den Sprenkel, Oranje, et les Provinces-Unies, il assistait avec
semble avoir atteint son but ; le sou-
d’affermir la solidarité des confédérés, en de vestiging van de Nederlandse staat (Ams- dépit à l’aboutissement de la guerre de
lèvement général des Pays-Bas unis terdam, 1946 ; nouv. éd., 1960). / Y. Cazaux,
renforce encore les tendances particu- l’indépendance, commencée quatre-
contre l’absolutisme et contre l’intolé- Guillaume le Taciturne (A. Michel, 1970).
laristes. La reconquête du Brabant et vingts ans plus tôt.
rance religieuse.
de la Flandre substitue finalement une Après 1648, aucune des provinces
coupure militaire nord-sud au clivage ne remit en cause l’Union scellée à
La guerre
est-ouest.
d’indépendance Guillaume II Utrecht en 1579 pour la durée de la
guerre contre l’Espagne. Si la confé-
L’unité d’action ainsi constituée résiste Les Provinces-Unies d’Orange-Nassau dération fut un moment ébranlée, c’est
cependant mal au particularisme pro- L’offensive diplomatico-militaire à la suite de contradictions opposant la
vincial et au radicalisme calviniste. espagnole donne au soulèvement un (La Haye 1626 - id. 1650), stathouder politique dynamique et belliqueuse de
caractère de guerre d’indépendance de Hollande (1647-1650). Guillaume II à celle, mercantile et pa-
Haec libertatis ergo non pas nationale, mais confédérale. Le stathoudérat de Guillaume II cifique, des états de Hollande. À peine
Le sentiment national qui anime le Ta- Les ouvertures vers la France et les marque un point culminant dans le la paix signée, Guillaume II chercha à
citurne n’est guère partagé par les états avances faites à Henri duc d’Anjou conflit séculaire opposant le parti renouer avec la France l’alliance visant
généraux, confédération d’États imbus valent au Taciturne, en 1580, la pros- orangiste au parti républicain. Durant le démembrement des Pays-Bas espa-
de leur autonomie séculaire. Alors que cription qui lui coûtera la vie. L’année toute l’existence des Provinces-Unies gnols, dont l’affaiblissement rassurait
la liberté politique invoquée par le Ta- suivante, les états généraux proclament s’est posé le problème politique qui la Hollande, tandis que le voisinage
citurne s’oppose à l’absolutisme, les la déchéance de Philippe II au profit était à l’origine du soulèvement contre éventuel de la France l’inquiétait. Par
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ailleurs, il entendait intervenir aux orangiste, qui vient de triompher des famille, Jean de Witt, qui croit ainsi qui vient d’avoir vingt ans, devient
côtés des Stuarts dans la guerre civile états de Hollande. Ceux-ci tirent tout pouvoir neutraliser définitivement la membre du Conseil d’État.
anglaise, alors que la Hollande jugeait de suite parti de l’événement. À leur remuante dynastie d’Orange. En fait, L’invasion des Provinces-Unies par
essentiel à ses intérêts commerciaux le demande, une assemblée générale le grand pensionnaire minimisera tou- les Français en 1672 renverse toutes
maintien de bons rapports avec l’An- des états des sept provinces décide de jours la valeur du jeune prince, qui se ces barrières. Devant l’imminence du
gleterre républicaine de Cromwell. déclarer chaque province souveraine révèle rapidement d’une intelligence péril et sous la pression de l’opinion
et de ne pas donner de successeur à précoce et aussi, dans un milieu hos-
L’épreuve de force entre le parti publique, Jean de Witt laisse les états
Guillaume II dans ses charges de capi- tile, d’une impénétrable froideur. généraux nommer, le 24 février 1672,
orangiste et le parti républicain s’en-
taine général et de stathouder de cinq Le temps semblant travailler pour Guillaume III capitaine et amiral gé-
gagea en 1650 au sujet de la fixation
provinces. Ainsi triomphent les thèses lui, Jean de Witt se préoccupe de conso- néral pour la durée de la campagne.
du taux de démobilisation. Décidé à
républicaines favorables à l’hégémonie lider le régime de 1651 en développant Bientôt le passage du Rhin par les
asseoir son autorité par l’intimidation,
de la province de Hollande. Jusqu’en les libertés urbaines et en essayant de troupes de Louis XIV (12 juin) et la
Guillaume II fit arrêter plusieurs repré-
1672, le grand pensionnaire Jean de rendre impossible l’arrivée au pouvoir prise d’Utrecht (20 juin) provoquent
sentants des états de Hollande au même
Witt* va dominer de sa personnalité
moment où un coup d’État frappait de Guillaume. En 1654, à la demande un sursaut national. Et, tandis que l’ou-
la République néerlandaise, arrivée à de Cromwell, les états de Hollande verture des digues sauve Amsterdam,
Amsterdam, bastion de l’opposition.
l’apogée de sa puissance. De leur côté, s’engagent, par l’Acte de « séclusion » les états de Zélande, le 2 juillet, nom-
L’effet de surprise ayant été déjoué,
les orangistes attendront impatiem-
la ville fut assiégée. Mais les deux ou d’exclusion, à exclure à jamais la ment Guillaume stathouder ; le 3, ceux
ment, pour reprendre le pouvoir, que maison d’Orange du stathoudérat de la de Hollande en font autant ; le 8, les
partis, l’un et l’autre enclins à négo-
le jeune Guillaume III ait atteint l’âge province ; en 1667, ils votent l’aboli- états généraux acceptent le rétablisse-
cier un compromis, dénouèrent la crise
d’homme. tion de la charge elle-même ; en 1670, ment du stathoudérat et, malgré l’Acte
au bout de quelques jours. L’issue de
Protégé par son oncle Charles II — l’Acte d’harmonie interdit le cumul d’harmonie, nomment Guillaume capi-
cette confrontation restait incertaine.
sa mère est Marie Stuart, fille aînée de des fonctions de capitaine général taine général et amiral général à vie.
Quelques représentants ayant été sym-
Charles Ier —, Guillaume est éduqué et de stathouder d’une des six autres Le 20 août, l’assassinat de Jean et de
boliquement écartés, la magistrature
par le plus implacable ennemi de sa provinces ; cependant, Guillaume III, Cornelis de Witt assure le triomphe des
urbaine hollandaise sauvegardait son
autonomie vis-à-vis du stathouder.
terdam, 1942).
Guillaume III
Dans l’ombre de
Jean de Witt
Guillaume naît huit jours après la mort
inopinée de son père, le stathouder
Guillaume II, emporté le 6 novembre
1650 par la petite vérole. Cette dis-
parition jette le désarroi dans le parti
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
orangistes. Guillaume reçoit le droit tés commises par Jacques II, rappelle Hollandais. Dès lors, Guillaume III, de sa nation face à Napoléon. Capitaine
de choisir les membres des conseils les droits respectifs du roi et du Par- appuyé par le grand pensionnaire An- en 1813, il accompagne son père dans
de ville et tous les officiers jusqu’au lement. Le trône étant déclaré vacant, thonie Heinsius, réussit facilement à la France envahie ; il reçoit la croix de
grade de colonel ; en 1675, ses charges Guillaume III d’Orange et Marie II convaincre les états généraux des Pro- fer au combat de Bar-sur-Aube. En juin
de stathouder (de cinq provinces) et de Stuart sont proclamés conjointement vinces-Unies de prendre la tête de la 1815, il est dans l’armée de Blücher,
capitaine général sont déclarées héré- roi et reine d’Angleterre (22 janv.), Grande Alliance de La Haye (Empe- qui, avec celle de Wellington, a défini-
ditaires. S’appuyant sur le grand pen- après avoir accepté la Déclaration des reur, Angleterre, Provinces-Unies), tivement raison de l’Empire français.
sionnaire Caspar Pagel, un orangiste, droits, que l’Acte de Tolérance (Tole- signée le 7 septembre 1701. Louis XIV Il commande une division en 1820 et
il vient à bout de l’opposition républi- ration Act) vient compléter le 24 mai. ayant répliqué le 16 septembre — jour la garde royale en 1825. Il épouse en
caine et des émeutes fomentées à Haar- de la mort de Jacques II à Saint-Ger- 1829 Augusta de Saxe-Weimar (1811-
lem et à Amsterdam. main-en-Laye —, en reconnaissant
Roi d’Angleterre 1890), princesse aux tendances libé-
Jacques III, son fils, comme roi d’An- rales et sympathique aux catholiques,
Assez facilement accepté en Écosse,
Le maître des gleterre, Guillaume III et le peuple an- qui, plus tard, incarnera à la Cour le
Guillaume III doit imposer par la force glais, ouvertement bravés, se préparent
Provinces-Unies parti antibismarckien. Le couple aura
son autorité dans l’Irlande jacobite. activement à la terrible guerre dite « de deux enfants : le futur Frédéric III
Dès lors, Guillaume peut se donner Vainqueur sur la Boyne en juillet 1690, la Succession d’Espagne ».
(né en 1831) et Louise (née en 1838),
entièrement à son rôle d’animateur de il se consacre dès lors à la guerre contre
La mort inopinée de Guillaume III qui épousera le grand-duc de Bade
la résistance hollandaise face aux Fran- Louis XIV. À la paix de Ryswick
le 19 mars 1702 — des suites d’une Frédéric Ier.
çais. Mieux : champion de l’équilibre (1697), les Provinces-Unies se voient
chute de cheval — ne change rien à
européen et du protestantisme mena- accorder par la France d’importants À la mort de son père, Frédéric-
la détermination des coalisés. Mais,
cés par Louis XIV, il organise la résis- avantages commerciaux et le droit de Guillaume III, et lors de l’avènement
si Heinsius poursuit la lutte, l’ère du
tance européenne. Avec l’Angleterre tenir garnison dans quelques places de son frère Frédéric-Guillaume IV
stathoudérat est close pour longtemps
— longtemps hostile aux Provinces- fortes des Pays-Bas espagnols voisines (1840), Guillaume reçoit le titre de
dans les Provinces-Unies, qui vont sor-
Unies —, il signe en 1674 une paix de la frontière française (places dites prince de Prusse. Conservateur en
tir épuisées de quarante ans de guerre.
séparée ; en 1677, il épouse sa cousine de la Barrière). Surtout Louis XIV, qui politique, il participe en 1848 à l’écra-
Quant à l’Angleterre des Hanovre*,
Marie, fille du duc d’York — le futur a accueilli les jacobites, accepte de re- sement dans le sang des révolution-
elle va passer sans heurts et définiti-
Jacques II. Parallèlement, il gagne connaître Guillaume III et son épouse naires berlinois (18 mars) ; en 1849,
vement dans l’ère du parlementarisme.
l’appui de l’empereur, de l’Espagne comme souverains d’Angleterre. il conduit l’armée chargée d’étouffer
P. P.
et de plusieurs princes allemands. Si la révolution badoise — ce qui lui
La présence presque permanente du F Grande-Bretagne / Guillaume II / Hollande
bien qu’à Nimègue, en 1678, il obtient vaut d’essuyer un attentat —, puis il
roi sur le continent contribue à étendre / Jacques II / Louis XIV / Orange-Nassau / Pro-
À Londres, le prince d’Orange agit sons hollandaises dans les forteresses Paris Bismarck*, qui devient ministre
de la Barrière ; le roi s’est fait accor- (Berlin 1797 - id. 1888), roi de Prusse président de Prusse (sept. 1862) et qui
avec prudence ; c’est par les lords qu’il
se fait confier le gouvernement provi- der par son petit-fils le gouvernement (1861-1888) et empereur allemand obtient les crédits demandés. Désor-
soire du royaume et décide l’élection de fait dans les forteresses de la Bar- (1871-1888). mais, l’action de Guillaume Ier et celle
de ce qui va être le Parlement Conven- rière. De plus, Philippe V octroie aux Deuxième fils de Frédéric- de Bismarck seront indissociables,
tion. Celui-ci, réuni à Westminster le marchands français l’asiento, ou mo- Guillaume III (1770-1840), roi de malgré des divergences de caractère
22 janvier 1689, met au point la Dé- nopole de l’introduction des esclaves Prusse (1797-1840), et de la populaire et de vues. On peut même dire que la
claration des droits (Bill of Rights), noirs dans les colonies espagnoles, reine Louise, il participe, enfant, aux forte personnalité du futur chancelier
qui, après avoir énuméré les illégali- privilège que possédaient jusque-là les humiliations de sa famille et au réveil estompera celle du roi.
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ses parents, il souffre aussi d’une infir- « métier de roi », qu’il exerce avec ap-
mité congénitale. D’une naissance dif- plication. Orateur, il sait trouver le lan-
ficile, il garde le bras gauche atrophié gage direct propre à enthousiasmer les
et une lésion de la rotule. Peut-être ces foules, comme les formules exaltant un
complexe d’infériorité, mais le jeune mais parfait reflet des sentiments de ses
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
prince d’Eulenburg (1847-1921), est, souverain sache imposer à la droite une il essaie de démontrer au tsar Nicolas II sous un jour si violent que jamais plus
quant à lui, jusqu’au scandale de 1907, réforme fiscale seule capable de rem- l’inefficacité de l’alliance française, si un Chinois n’ose regarder un Allemand
un homme très écouté ; plusieurs chan- plir la caisse impériale. Tout en affir- bien qu’il obtient son adhésion à un en face. »
celiers et secrétaires d’État lui doivent mant sa volonté de ne pas être le « roi système germano-russe (Björkö, juill. Dans l’Empire ottoman, la Welt-
leur nomination. des gueux », Guillaume II se contente 1905). Mais le tsar n’est pas suivi par politik connaît un succès important,
Guillaume II, bouc émissaire com- de compléter la législation sociale bis- son gouvernement. auquel le kaiser participe directe-
mode après la défaite, est fréquemment marckienne, sans, pour autant, réussir En encourageant le développement ment. D’abord celui-ci accepte de
chargé, par ses contemporains, comme à endiguer la montée de la social-dé- de la flotte allemande, en appuyant la faire un voyage dans cette région, afin
par une partie de l’historiographie alle- mocratie, qui devient le plus important Weltpolitik, le kaiser ne peut manquer d’appuyer les efforts du baron Adolf
mande, de la responsabilité de l’écra- parti à la veille de la guerre (110 sièges
d’irriter la Grande-Bretagne. L’avenir Marschall, qui s’efforce d’obtenir du
sement du Reich. Ces accusations sont- au Reichstag), parce que le régime se de l’Allemagne étant, d’après lui, sur Sultan le droit, pour l’Allemagne, de
elles fondées ? montre incapable de résoudre la ques-
l’eau, il soutient fermement la politique construire la voie ferrée Berlin-Bag-
tion sociale. Irrité par la propagande
Certes, d’après la Constitution de de l’amiral Alfred von Tirpitz (1849- dad, axe de pénétration germanique en
socialiste, l’opposition à la Weltpoli-
1871, Guillaume II commande les 1930). Il appuie aussi une expansion Asie Mineure. En 1898, après avoir
tik, il se détourne du prolétariat pour
armées, accrédite les ambassadeurs à commerciale de l’Allemagne dans le rencontré le Sultan à Constantinople,
soutenir l’armée, l’Administration, la
l’étranger, promulgue les lois fédérales monde qui met en question la supréma- il entre à cheval dans Jérusalem, s’en-
noblesse, la bourgeoisie d’affaires,
et, avec l’accord du Bundesrat, peut tie du commerce anglais. Après les pa- thousiasme pour l’islam à Damas, au
remparts solides contre la marée des
déclarer la guerre, dissoudre le Reichs- roles encourageant le président Kruger point de se déclarer l’ami des 300 mil-
« rouges ». Figé dans un conservatisme
tag. Le chancelier et donc les secré- à la résistance devant la pression an- lions de mahométans. Ses efforts et
étroit, il porte donc une part de res-
taires d’État ne sont responsables que glaise (3 janv. 1896), il préfère recher- ceux de Marschall ne sont pas vains : la
ponsabilité dans le malaise politique
devant lui. Guillaume II reste roi du cher les ententes coloniales avec l’An- concession de la « Bagdadbahn » à une
et social qui affecte l’Allemagne à la
plus grand État de l’Empire : la Prusse. gleterre (1898) et abandonne la cause compagnie allemande est obtenue du
veille de la guerre.
des Boers pendant la guerre (1899- Sultan en 1902, et Guillaume II multi-
Très imbu de son droit, se considé-
1902). Mais, toujours méfiant à l’égard plie les pressions sur les milieux finan-
rant comme empereur de droit divin, il
La politique extérieure de l’Angleterre, le petit-fils de la reine ciers du Reich pour qu’ils accordent
se trouve donc à la tête d’un régime qui
Mais on veut surtout voir en lui l’un Victoria et neveu d’Édouard VII ne fait les concours nécessaires à cette vaste
lui laisse d’importants pouvoirs. A-t-il
des responsables de cette Première rien pour faire réussir les négociations entreprise. Ces financiers, qui veulent
su les utiliser ?
Guerre* mondiale, résultat d’une poli- (1898-1901) en vue d’une alliance l’aide de capitaux étrangers, n’arrivent
Dans le choix du chancelier, qui
tique extérieure ambitieuse. Ce juge- avec la Grande-Bretagne, qui, en fin pas à vaincre les obstacles politiques
assiste le souverain, il se montre sou-
ment mérite d’être nuancé. de compte, n’aboutissent pas. Le kai- que Français et Anglais dressent contre
cieux d’écarter les personnalités mar-
ser, pas plus qu’Holstein, ne croît à un la participation des marchés financiers
quantes : il entend, avant tout, choisir Il faut d’abord remarquer que, bien
rapprochement franco-anglais, et la de Paris et de Londres.
des hommes dociles, issus de l’armée, qu’attiré par les problèmes de politique
conclusion de l’Entente cordiale est, En Afrique, le Reich se heurte à
de l’Administration et non du Reichs- extérieure, le kaiser se rallie très sou-
pour lui, une fâcheuse surprise. l’Angleterre et à la France. En Afrique
tag. Dès 1890, il se débarrasse de Bis- vent à l’opinion de la Wilhelmstrasse,
marck* et le remplace par un général, où il laisse « régner » un Friedrich von Guillaume II ne fait rien, non plus, du Sud, l’infiltration anglaise interdit
Holstein (1837-1909), par exemple, pour éviter un rapprochement franco- tout espoir ; en Afrique centrale, les
Georg Leo comte von Caprivi (1831-
1899), ancien chef de l’amirauté, qui jusqu’en 1906. À partir des années italien, susceptible d’ébranler la soli- partisans d’un « Mittelafrika » alle-
a surtout pour mérite de connaître le 1890, le rôle d’Holstein ne cesse de dité de la Triple-Alliance (ou Triplice) mand comptent surtout sur un partage
milieu parlementaire. Quatre ans plus grandir. Travailleur consciencieux, [Allemagne, Autriche-Hongrie et des colonies portugaises : leurs espoirs
tard, il choisit un vieillard, le prince intègre, solitaire, ce dernier refuse Italie]. L’accord commercial franco- sont déçus, malgré l’accord secret
Chlodwig de Hohenlohe-Schillings- de devenir secrétaire d’État, et pour- italien de 1898 est suivi d’un accord anglo-allemand de 1898.
fürst (1819-1901), catholique, doté tant il inspire toute la politique de la colonial, puis du traité politique secret C’est vers le Maroc que l’Allemagne
d’une grande expérience administra- Wilhelmstrasse. Parfaitement informé de 1902 ; certes, à la même date, la tourne les yeux au début du siècle. Pan-
tive et diplomatique. En 1900, il le rem- par la correspondance privée, que ne Triple-Alliance est renouvelée, mais germanistes, milieux coloniaux, grands
place par Bernhard von Bülow (1849- manquent pas de lui adresser les diplo- elle se trouve vidée d’une partie de sa commerçants de Hambourg y espèrent
1929), diplomate brillant, cultivé, mais mates en plus des dépêches officielles, substance, si bien que le kaiser songe un territoire ou, du moins, un régime
arrogant, vaniteux, souple et manoeu- il se maintient à la direction des af- à infliger à l’Italie « une correction favorable au commerce allemand. Ir-
vrier. Croyant avoir trouvé en lui « son faires politiques de la Wilhelmstrasse salutaire ». rité de voir la France traiter du Maroc
Bismarck », il déchante et, en 1909, bien que ses idées maîtresses — rap- Les déceptions continentales sont- avec l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Es-
nomme un fonctionnaire prussien fi- prochement avec la Grande-Bretagne, elles compensées par les succès de pagne, en laissant le Reich de côté, le
dèle, pondéré, mais hésitant, Theobald hostilité envers la Russie — soient la Weltpolitik ? Tard venue dans la kaiser estime avec Holstein qu’il y va
von Bethmann-Hollweg (1856-1921). en opposition complète avec celles compétition coloniale, l’Allemagne du prestige pour des raisons politiques
Ainsi, Guillaume II n’a pas su choi- du kaiser. Étrange situation, surtout entend bien obtenir des zones d’in- plus qu’économiques. La conjoncture
lorsqu’on sait que Guillaume II connaît fluence. Elle obtient satisfaction en paraît encourager une épreuve de force
sir les hommes capables de résoudre
à peine cette éminence grise. Chine, où le « traité à bail » du 3 mars avec la France : les échecs russes en
les grands problèmes intérieurs, pour
lesquels lui-même ne manifeste pas Cependant, le kaiser porte une part 1898 lui assure une large zone dans Extrême-Orient (guerre russo-japo-
grand intérêt. Le système électoral de de responsabilité dans l’affaiblissement la région de Jiaozhou (Kiao-tcheou). naise) paralysent Paris, qui ne peut pas
la Prusse n’est pas modifié ; l’empereur de la position continentale du Reich Lorsqu’en 1900 la révolte des Boxeurs compter sur l’allié russe. Berlin veut
n’accepte le régime parlementaire qu’à jusqu’en 1906. Bien que partisan d’un (ou Boxers) menace les Européens, frapper un grand coup, et, pour cela,
la fin de la guerre, sous la pression des rapprochement avec la Russie, il laisse Guillaume II n’hésite pas à prononcer un plan soigneusement préparé par la
événements. La question budgétaire ne s’édifier une alliance franco-russe qui un violent réquisitoire contre le péril Wilhelmstrasse prévoit le voyage de
trouve pas de solution ; les dettes de entame le processus d’encerclement de jaune en conseillant aux contingents al- Guillaume II au Maroc, où il devra pré-
l’Empire et de la Prusse augmentent ra- l’Allemagne. Profitant des difficultés lemands de l’expédition internationale, senter l’Allemagne comme le cham-
pidement, notamment en raison des dé- de la Russie — battue par le Japon et commandée par le général von Walder- pion de la souveraineté du sultan. Long
penses militaires et navales, sans que le en proie à la révolution en 1904-05 —, see : « Montrez l’Allemagne en Chine à se décider, le kaiser finit par débar-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
quer à Tanger le 31 mars 1905, mais il finir avec ces frictions ». Mais, devant qui acceptent, voire recherchent une vivement critiqué par l’état-major. Pris
ne prononce pas les paroles prévues ; l’impossibilité de donner une suite guerre générale ; il ne soutient pas le entre l’état-major et le Reichstag, il
c’est le chargé d’affaires Richard von pratique à cet accord et en raison des chancelier Bethmann-Hollweg, qui, à ne sait pas imposer son arbitrage, ce
Kühlmann qui « fabrique » le fameux progrès de la pénétration française, l’ultime moment (29-30 juill.), donne qui, à partir de 1917, met en question
discours de Tanger, texte dicté à Guillaume II finit par accepter le plan des conseils de modération à l’Au- le régime. Il en est conscient, mais,
l’agence Havas, mais jamais prononcé d’Alfred von Kider-len-Waechter, qui triche. Ainsi, depuis la fin de 1913, il croyant encore à la victoire en raison
par le kaiser. D’un ton provocant, ce prépare la grave crise d’Agadir (1911), est résigné à la guerre ; il a déclaré au d’une carte de guerre qui reste favo-
« discours » irrite la Wilhelmstrasse, dont l’évolution et la conclusion, par roi des Belges, en novembre, qu’elle rable, il apparaît aux chefs des partis
qui y voit, à tort, une nouvelle incar- l’accord du 4 novembre 1911, le mé- était « nécessaire et inévitable ». du Reichstag, en juillet 1917, comme
tade du kaiser. Profitant de l’effet du contentent profondément. La tension sourd et aveugle ; il veut bien la paix,
Dans la dégradation de la situation
discours en France, Holstein demande franco-allemande devient de plus en internationale, depuis 1908 et surtout mais une paix victorieuse, donnant à
la réunion d’une conférence internatio- plus vive ; le kaiser en vient à accepter l’Allemagne les buts de guerre arrêtés
depuis 1911, Guillaume II a d’abord
nale pour régler la question marocaine. l’idée d’un conflit permettant de régler depuis 1914.
fait échouer toute tentative de désarme-
les « comptes une fois pour toutes ». ment naval : intransigeant sur ce point, Le kaiser, qui ne sait pas défendre
L’Allemagne veut-elle Il ne veut pas saisir les diverses pro- il est largement responsable de la ten- les chanceliers (Georg Michaelis,
la guerre ? positions anglaises concernant un arrêt sion des relations anglo-allemandes. Georg von Hertling) contre l’état-ma-
de la course aux armements navals ; il Fanfaron, impulsif, hésitant, il n’a pas jor ni imposer avec eux les réformes
Les chefs de l’armée « poussent »
s’irrite des pressions britanniques et su imposer sa façon de voir lorsqu’il intérieures indispensables et qui a l’im-
à la « guerre préventive », mais
reste intransigeant. Après l’échec de mesure les conséquences d’un appui pression d’être mené « par le bout du
Guillaume II et le chancelier Bülow
la mission de lord Haldane à Berlin en total à l’Autriche-Hongrie : il s’incline nez » par Hindenburg, semble compter
rejettent cette perspective, tout en exer-
février 1912 — échec dû aux exigences devant les avis de ses ministres, de ses sur une grande victoire pour arrêter la
çant une vive pression sur la France
allemandes, car Guillaume II veut un conseillers et, de plus en plus, devant décomposition du régime. Éprouvé par
pour obtenir la démission de Delcassé
véritable renversement des alliances les vues de l’état-major. Dès lors, la les défaites d’août 1918, il comprend
et le règlement du problème maro-
pour prix d’un arrêt des construc- postérité accablera ce souverain qui, que l’Allemagne est à bout de forces
cain dans un sens favorable au Reich.
tions navales —, l’empereur donne à tort ou à raison, restera celui qui a et qu’il faut terminer la guerre. Mais
Cependant, le kaiser s’intéresse plus
libre cours à son hostilité envers la plongé le monde dans le premier grand Wilson n’entend pas traiter avec une
à la Russie qu’à la France. La confé-
Grande-Bretagne. conflit de l’histoire. Allemagne transformée en monarchie
rence d’Algésiras (1906), qui montre
Quelle part Guillaume II prend-il constitutionnelle à la suite des réformes
que l’Allemagne est isolée, se ter-
dans les crises balkaniques qui mènent La guerre, la chute du chancelier Max de Bade ; il exige
mine en défaite diplomatique pour un
à la guerre ? En octobre-novembre l’abdication de Guillaume II. D’autre
Reich qui, désormais, fait le complexe La guerre ne galvanise pas le kaiser,
1912, lorsque, à la suite de la première part, l’hostilité contre l’empereur gran-
de l’encerclement, d’autant plus que qui paraît incapable d’assumer ses res-
guerre balkanique, la Serbie, soutenue dit en Allemagne ; les premiers mou-
l’accord anglo-russe de 1907 permet la ponsabilités : c’est particulièrement
par la Russie, lance ses troupes vers vements révolutionnaires éclatent au
naissance de la Triple-Entente. net dans ses relations avec l’état-ma-
l’Adriatique, Vienne n’admet pas cette début de novembre. Comme l’armée
jor. Dès novembre 1914, il se plaint
Guillaume II devance ou appuie les poussée : des mesures de mobilisation refuse de marcher sur Berlin, où la ré-
d’être tenu à l’écart par les militaires,
efforts de la Wilhelmstrasse pour tenter publique est proclamée le 9 novembre,
sont commencées en Autriche-Hongrie
qui n’en font qu’à leur tête. Pourtant, il
de dissocier cette Triple-Entente. Dans le kaiser abdique et quitte le quartier
et en Russie. Guillaume II se montre
limoge Moltke, coupable d’avoir perdu
l’affaire de l’« interview », parue dans hésitant ; il n’est pas disposé à sou- général de Spa pour se réfugier en
la bataille de la Marne et donc de ne
le Daily Telegraph le 28 octobre 1908, tenir Vienne. Mais ses ministres le Hollande.
pas avoir su obtenir du plan Schlieffen
il se couvre de ridicule en tendant de font changer d’avis : le kaiser promet Il est considéré comme criminel de
les résultats escomptés ; il le remplace
démontrer son anglophilie et sa souf- alors un appui absolu à l’Autriche- guerre, et les Alliés réclament son extra-
par Falkenhayn, très critiqué, même
france de ne pas être payé de retour : Hongrie. Lors de la deuxième guerre dition afin de pouvoir le traduire devant
au sein de l’armée, et le soutient parce
cette initiative malheureuse, que les balkanique, Vienne songe à appuyer la un tribunal international. Le gouverne-
qu’il partage avec lui la conviction
fonctionnaires de la Wilhelmstrasse Bulgarie contre la Serbie. Cette fois, ment hollandais refuse de le livrer et
qu’il faut obtenir une victoire décisive
n’ont pas su arrêter, vaut à l’empe- le gouvernement allemand refuse son écarte l’idée de le faire transférer dans
à l’ouest.
reur des critiques sévères concernant appui ; pour le kaiser, Vienne com- une colonie néerlandaise. L’ex-kaiser
« son manque de profondeur ». Le Après la désastreuse bataille de
mettrait « une grosse faute » en sou- peut alors mener une vie calme dans
kaiser espère toujours un rapproche- Verdun et l’entrée en guerre contre
tenant la Bulgarie (juill. 1913). Mais, la maison de Doorn, confiant dans une
ment germano-russe. Il se montre réti- l’Allemagne d’une Roumanie ménagée
quatre mois plus tard, lors d’une nou- miséricorde divine, qui tiendra compte
cent à l’égard de l’Autriche-Hongrie jusque-là par lui, parce qu’un Hohen-
velle menace de conflit austro-serbe, de sa bonne volonté. Il s’occupe du
lorsqu’elle annexe la Bosnie-Herzégo- zollern y règne, il se laisse imposer par
Guillaume II donne un appui absolu parc, du jardin et reçoit de nombreux
vine (1908), en provoquant ainsi une une opinion unanime le duo vainqueur
aux autorités de Vienne : « Je suis prêt visiteurs allemands ; membres de sa fa-
grave crise austro-russe, mais il appuie à l’est, Hindenburg et son adjoint Lu-
à tirer l’épée, si c’est nécessaire. » mille, intellectuels, etc. Après la mort
finalement Bülow, qui soutient Vienne dendorff, qui deviennent, à la tête de
C’est aussi son attitude lors de la crise de Victoria-Augusta (1921), il épouse
et traite durement la Russie. À la fin l’état-major, les véritables maîtres de
décisive de juillet 1914. Dès le début une veuve, la princesse Hermine von
de 1910, à Potsdam, il tente, une fois l’Allemagne. Il cède également en ce
de la crise, il estime que le moment Schönaich-Carolath (1887-1947), née
encore, d’amorcer un rapprochement ; qui concerne la flotte. Soucieux de la
est favorable pour l’Autriche, car il princesse von Reuss. Il jouit d’une ex-
s’il ne peut dissocier l’entente anglo- ménager, il refuse de l’engager à fond,
ne pense pas que la Russie intervien- cellente santé jusqu’à la fin de sa vie,
russe, il obtient du moins la signa- comme le souhaite Tirpitz (1915) ; tout
dra en cas de guerre austro-serbe, et, et c’est une embolie pulmonaire qui
ture de l’accord du 19 août 1911, par au plus accepte-t-il une guerre sous-
même dans cette éventualité, il promet l’emporte à l’âge de quatre-vingt-deux
lequel la Russie s’engage à ne plus son « plein appui ». La réponse serbe marine plus intense (févr. 1916).
ans, le 4 juin 1941.
mettre d’obstacle à l’achèvement de la à l’ultimatum autrichien lui paraît Un an plus tard, il ordonne la R. P.
« Bagdadbahn ». L’accord franco-alle- écarter une rupture, mais l’empereur guerre sous-marine à outrance, mal- F Allemagne / Guerre mondiale (Première) /
mand du 9 février 1909 sur le Maroc ne fait rien pour empêcher la déclara- gré les risques parfaitement exposés Hohenzollern.
semble amorcer une détente voulue tion de guerre de Vienne à Belgrade le par Bethmann-Hollweg. Il accepte E. Laloy, la Diplomatie de Guillaume II,
par le kaiser, qui pense qu’il faut « en 28 juillet. Il laisse faire les militaires, aussi la démission de ce chancelier si 1888-4 août 1914 (Bossard, 1917). / Wilhelm II,
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Bethmann-Hollweg als Reichskanzler (Düssel- les pauses que soulignent les rimes : Qui plus aime plus endure, cependant leur image idéale à travers les péri-
dorf, 1957). / A. Ritthaler, Kaiser Wilhelm II (Ber- Doulz amis, oy mon compleint que le « triplum » raconte les malheurs péties scabreuses de la longue guerre
lin, 1958). / H. Stoecker, Deutschland und China
a toy se pleint du poète amoureux d’une dame sans franco-anglaise. Aux princes, ses pro-
im 19. Jahrhundert (Berlin, 1958). / G. A. von
J. Droz (A. Colin, 1970). abba/abba/abba/abba// En fait, si la joie créatrice l’emporte à la demande d’une jeune admiratrice,
aaab/aaab/aaab/aaab//, etc. sur le souci de la perception auditive, bientôt amoureuse, que le poète, vite
Ainsi se définissent des « tailles nou- cela tient au milieu auquel s’adresse le très sensible au charme de celle-ci, rêve
velles », dont Machaut n’a pas inventé poète. Il s’agit d’abord d’un petit cercle et rime à la fois l’extase de l’amour. Il
Guillaume de les principes, mais dont il précise les d’amateurs, d’admirateurs, d’amis qui, tente alors de vivre cet amour impos-
styles respectifs pour en faire, au total, groupés autour de la chapelle, par- sible, et il nous en raconte l’histoire et
Machaut un système poétique à la fois riche, l’échec ; confession authentique, ou du
ticipent à l’élaboration et à la répéti-
varié et rigoureux. tion de l’oeuvre. Ainsi, nulle surprise, moins vraisemblable.
Musicien et poète français (Machaut,
Ce système se superpose parfois à nulle découverte le jour de l’exécution. Une autre nouveauté de ces dits
près de Reims, v. 1300 - Reims 1377).
celui de la musique. Les manuscrits du L’oeuvre d’art est faite pour être étu- tient à la place qu’y prennent les récits
Musique et rhétorique proposent diée, non pour séduire par surprise. De
poète nous ont gardé, outre une messe mythologiques. Exemples de beauté et
leur double énigme au lecteur soucieux même qu’on ne saurait saisir d’un seul
et un canon (« hoquet »), les mélodies de vertu, de malheur ou de grandeur,
d’analyser l’oeuvre de notre plus grand coup d’oeil tous les détails d’un tableau
qu’il a lui-même composées pour plus les héros de la guerre de Troie, vus à
poète du XIVe s. Compositeur lucide et de l’époque, de même il faut analyser
d’une centaine d’oeuvres poétiques. travers Ovide, ou plutôt l’Ovide mora-
méthodique, Guillaume de Machaut la chanson pour l’entendre. C’est donc
Ainsi, les chants, notamment les vire- lisé du Moyen Âge, sont comme les
nous explique dans son Prologue le à travers cette activité artistique, ces
lais, grâce à leur rythme et à leur mélo- ornements significatifs d’une esthé-
secret de ses recueils si bien ordon- exercices savants et cette ascèse spi-
die, prennent place dans une évolution tique littéraire qui sort de l’abstrac-
nés. Les principes formels, associés rituelle qu’un public, même princier,
du style musical qui aboutira à l’air tion du débat scolastique, sans encore
à la thématique amoureuse, font de peut accéder au message proprement
de cour, au madrigal. Mais un grand s’enfermer tout à fait dans la figuration
son art poétique une alchimie morale dit. Celui-ci se présente d’ailleurs avec
nombre de pièces sont remarquables allégorique. On médite sur la fontaine
qui, transformant en joie la tristesse toutes les apparences de la difficulté.
par leur technique polyphonique. Sans de Narcisse, d’après le Roman de la
humaine, peut se comparer au pouvoir Les ressources de la rhétorique, se
avoir toutes les audaces de l’Ars* nova, Rose ; on s’apitoie sur Ariane, Médée,
magique d’Orphée ou de David. résumant en la démarche de l’hyper-
le musicien tire parti des possibilités Hélène, Didon et d’autres femmes il-
Il est vrai que la science musicale et d’association de deux, trois ou quatre bole, marquent sur la plan formel le lustres. Ainsi, la beauté courtoise, un
le talent du versificateur, prolongeant le voix et instruments. Il ne recherche pas principe d’exigence, d’effort, d’élan peu austère, se pare des couleurs an-
pouvoir créateur d’une nature abstraite la fioriture, mais travaille à l’ajuste- vers le sublime, que le poète courtois tiques, que le temps n’a pas effacées
et métaphysique, permettent à Machaut ment soigneux d’architectures mélo- cherche à établir sur le plan des idées ou que les humanistes commencent à
de définir pour plus d’un siècle les diques aux niveaux étages. Les motets morales. La poésie est essentiellement restaurer. Derrière l’exemplum moral,
genres lyriques cultivés dans les cours et quelques ballades sont à la pointe louange. Seuls les médiocres rimeurs l’art redécouvre alors le merveilleux
princières. Discipline harmonieuse de cette recherche. Ainsi, sur le sup- de cour la confondent avec la flatterie. païen. Et, s’il fallait résumer briève-
du sentiment, le chant prend la forme port d’un « tenor » emprunté au chant Il s’agit, dans une perspective aristo- ment la qualité d’une poésie aussi com-
de motets, de lais, de complaintes, de grégorien ou à un air populaire, on cratique, d’élever l’homme au-dessus plexe, c’est le mot émerveillement qu’il
rondeaux, de virelais et de ballades. s’efforce d’équilibrer la mélodie plus de ses instincts dans le culte de l’hon- faudrait employer. À une époque que
Le texte y est soumis à des structures développée du « motet » et celle du neur, de la loyauté, de la fidélité. Ainsi, nous imaginons trop souvent comme
complexes, déterminant les recherches « triplum », plus bavard encore, ce l’amour n’est pas qu’un plaisir, c’est vouée au déclin dans toutes ses mani-
de rythmes et de rimes, dont la variété qui oblige à chercher un dénominateur une épreuve. Le symbole alchimique festations, Machaut a su communiquer
s’ingénie à multiplier les ressources commun, une formule que l’on multi- du feu illustre ce raffinement du coeur, cet enthousiasme, ce généreux pou-
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voir d’admiration et d’étonnement qui vant former un tout, ouvrant par là la voie à ordre de durée. Grâce à cette messe, sans 1330 notaire et secrétaire du roi de
des siècles de production musicale dans le doute, se généralise en musique sacrée Bohême.
définissent les vrais poètes. Grâce à la
cadre ainsi créé. Certes, il existe quelques l’usage des quatre voix. L’idéal sonore ainsi
magie du langage poétique, la nature, 1335 renonçant à divers canonicats, garde
témoignages antérieurs de groupement réalisé sera encore celui de l’époque de
l’amour et l’histoire légendaire ouvrent celui de Reims. 1340 participe effective-
de ces mêmes pièces, comme la messe Dufay.
ment au chapitre de Reims.
à l’imagination leurs trésors oubliés. de Tournai, mais ce ne sont que des en- Ce qui fait l’unité entre les différents
1349 prudemment enfermé pendant la
sembles composites d’auteurs différents, moments de cette messe, ce n’est pas
peste, retrouve avec joie la campagne.
d’époques différentes, de styles différents
La « Messe Notre-Dame » encore ce thème unique qui, notamment
et dont la qualité fort modeste contribue à à l’époque de Josquin des Prés, servira de 1350 cité par Gilles le Muisit comme grand
Si les monodies de Machaut trouvère (lais, faire considérer comme plus remarquable musicien.
fondement tant au Kyrie, qu’au Sanctus et
complaintes, virelais et ballades) restent encore la Messe Notre-Dame — tel est son à l’Agnus, voire au Gloria et au Credo. Pour
1349-1357 en relation avec Charles de
peu connues, bien que littérateurs et mu- véritable nom —, dont l’apparition sou- les pièces en forme de motet, Machaut Navarre.
sicologues célèbrent à l’envi en Machaut daine et la forme élaborée font l’oeuvre emprunte fort logiquement un thème
l’héritier et le dernier des poètes-musi- maîtresse de tout le XIVe s. liturgique qui correspond : ainsi, c’est le 1360 assiste au départ de Jean de Berry
ciens, si ses polyphonies tant profanes que en captivité.
Kyrie Cunctipotens qui sert de teneur au
Alors qu’au siècle suivant Guillaume
religieuses (rondeaux, virelais, ballades et
Kyrie polyphonique ; pour le Sanctus et 1361 reçoit chez lui le régent, Charles de
Dufay hésitera encore sur la forme à donner
motets), malgré une qualité d’écriture et
l’Agnus, ce sont les Sanctus et Agnus de la Normandie.
à la messe polyphonique, Machaut, dès le
d’inspiration qui les place fort au-dessus
messe grégorienne XVII. Il n’est donc pas
XIVe s., s’est fixé le schéma qui, à une nuance 1363 fréquente les grands de la Cour à
de celles de ses contemporains, ont souf-
question d’unité thématique. Pourtant,
près, sera encore celui de Josquin des Prés Crécy-en-Brie.
fert de leur appartenance à l’esthétique
Machaut a su réaliser une unité certaine :
et de J.-S. Bach. Six pièces sont retenues :
de l’Ars nova (avec tout ce que ce terme
par le caractère d’ensemble, bien sûr, mais 1364 sacre de Charles V à Reims.
Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei
sous-entend d’outrances rythmiques et aussi par l’emploi original de cellules mé-
mathématiques), il est une oeuvre qui rallie et enfin Ite, missa est. Quatre (la première 1371 a vendu un manuscrit à Jean de
lodiques et rythmiques — notamment un
et les trois dernières) recourent à la tech- Berry, un autre à Amédée de Savoie.
tous les suffrages et qui assigne à Machaut
bref motif descendant aisément percep-
nique du motet isorythmique ; quant au
un rôle tout à fait à part dans l’histoire 1377 meurt en avril.
tible, qui, circulant d’une pièce à l’autre,
Gloria et au Credo, pièces longues à débit
des formes musicales, c’est cette messe à souligne leur dépendance mutuelle.
quatre voix qui doit sa réputation au fait plus rapide, ce sont des conduits, pièces
libres, sans emprunt au chant liturgique L’usage même des teneurs ne laisse pas
qu’au XVIIIe s., époque où l’on aimait que ce
d’être remarquable. Alors que les devan-
qui était ancien se rattachât à un fait his- et dans lesquelles les quatre voix, moins
ciers et les contemporains de Machaut
torique, Caylus l’avait, à tort, considérée individualisées que dans le motet, suivent
tronçonnaient le thème servant de teneur
Guillaume
comme « messe du sacre de Charles V ». un rythme identique.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Guillaume d’Occam commença alors la justification par la foi seule, et fut le ment communicative. Née du verbe, poète haïtien Jacques Roumain, mort
une carrière d’écrivain ecclésiastique précurseur des empiristes anglais. elle gagne à être dite à haute voix et en 1944, et à celle du leader cubain
et politique. Il rédigea un Compendium plus encore si le récitant est le poète en Jésus Menéndez, assassiné en 1948 par
Les positions politico-ecclésias-
errorum Iohannis papae XXIIo (1334- personne, car, entre lui et l’auditoire, un officier, deux élégies poignantes qui
tiques de Guillaume d’Occam ont joué
1339) et un Dialogus super dignitate envoûté par la mélodie des phrases, comptent parmi ses plus belles oeuvres.
un rôle important dans le développe-
papali et regia (1338-1342). Puis il une onde de sympathie ne tarde pas à Puis avec l’installation de Batista au
ment du mouvement conciliaire des
s’établit à Munich, où il entra en re- s’établir. Souvent réduits à de simples pouvoir en 1952 commencent pour
XIVe-XVe s. Dans ses Huit Questions à
lation avec les légistes impériaux en phonèmes, les mots, chez Guillén, se Guillén de longues années d’exil, de
propos de l’autorité pontificale (1339-
vue de soutenir la cause de Louis IV répètent — comme dans l’Ulalume de voyages à travers le monde avec, au
1342), Occam récuse l’attribution au
de Bavière et où il composa une série Poe — avec une harcelante insistance coeur, la nostalgie de la patrie perdue
pape de la plenitudo potestatis, ne lui
d’ouvrages politiques antipontificaux. qui rappelle le martèlement du tam- (« Cuba, palmiers vendus »...). En
reconnaissant qu’une fonction spi-
Il semble que, lors du chapitre général tam. Car c’est une poésie nourrie de ré- 1958, il vient de donner un recueil
rituelle. Il regarde l’Église comme
de son ordre en 1348, il se soit réconci- miniscences africaines que celle de ce d’impressions de voyage (la Colombe
une fédération d’Églises nationales
lié avec le pape. descendant d’esclave noir qui s’inter- au vol populaire) lorsqu’il apprend
et distingue radicalement le pouvoir
La principale oeuvre philosophique roge : « N’ai-je donc pas un aïeul man- la chute de Batista et le succès de la
religieux du pouvoir séculier. Il nie
de Guillaume d’Occam, son Commen- dingue, congolais, dahoméen ? », une révolution fidéliste. C’est alors la joie
l’infaillibilité du Concile général aussi
taire sur les sentences de Pierre Lom- poésie chaude et sensuelle, où éclate du retour, la stupéfaction émerveillée
bien que celle du pape et tient qu’en
bard, est l’exposé le plus célèbre de la l’« amour des femmes élémentaires » devant les changements opérés (« et je
définitive c’est à l’Université qu’il
doctrine nominaliste. Il y conteste les et que scandent des rythmes venus de me vois, et je me palpe et m’interroge :
appartient de trancher les questions
« universaux », qui, selon lui, n’ont l’« Afrique des forêts humides ». Mais est-ce possible » ?) et l’enthousiasme
importantes, y compris en matière de
d’existence que dans l’esprit, non dans c’est aussi, dans sa savante simplicité, devant les conquêtes du régime socia-
foi. Par ces thèmes, il a préparé, prin-
la réalité. Seul l’individuel concret qui l’apparente souvent à celle d’un liste. Cet enthousiasme, Guillén l’ex-
cipalement en Allemagne, le terrain de
existe. Dès lors, la science ne saurait Garcia Lorca, une poésie qui sait se prime en 1964 dans un nouveau recueil
la Réforme.
prétendre à aucune prise sur le réel ; maintenir dans la plus pure tradition intitulé J’ai (« j’ai, voyons un peu, j’ai
B.-D. D.
elle n’est que représentation, assem- hispanique. Il faut avoir une maîtrise ce que je devais avoir »), tableau plein
E. Amann et P. Vignaux, « Occam », dans
blage de concepts, de mots (nomina) le Dictionnaire de théologie catholique, t. XI
exceptionnelle de l’espagnol pour en de verve de la réalité cubaine. Mais,
qui sont de pures conventions. La (Letouzey, 1931). / A. Hamman, la Doctrine avoir fait une langue capable de resti- malgré sa ferveur joyeuse, il reste lu-
de l’Église et de l’État chez Occam (Éd. fran-
connaissance ne résulte pas, comme tuer les rumeurs et les sortilèges de la cide : il sait que guettent les monstres
ciscaines, 1942). / E. Gilson, la Philosophie au
dans la philosophie scolastique, d’un lointaine Afrique. Comme dit Le Roi de la faim (« un animal tout oeil et tout
Moyen Âge (Payot, 1944 ; 4e éd., 1962).
jugement de séparation ou d’abstrac- Jones : « Un écrivain noir est un magi- canines »), de la soif, du policier, de
tion du réel, aboutissant à reconnaître cien noir. » la bombe atomique, etc. Symbolique-
des degrés d’être, mais d’une intuition Mais si le nom de ce magicien du ment, il les encage dans le Grand Zoo,
qui paraît en 1967. Faut-il s’étonner si
qui n’est fondée sur rien d’autre que sur Guillén (Nicolás) verbe est aujourd’hui partout respecté,
la position autonome de l’esprit. Ces c’est que, bien au-delà du folklore, la voix chaleureuse du dompteur trouve
positions s’accompagnent du risque au-delà de la sensualité (« ton ventre aujourd’hui tant d’échos auprès de tous
Poète cubain (Camagüey 1902).
d’un extrême agnosticisme : Occam nie sait plus que ta tête et autant que tes « les parias inconnus, les humiliés, les
En 1930 paraissait à La Havane, sous
les preuves classiques de l’existence cuisses »), au-delà même de l’humour, délaissés, les oubliés, les va-nu-pieds,
le titre de Motifs de son, un savoureux
de Dieu et le bien-fondé de la dis- qui ne perd jamais ses droits, entre les enchaînés et les transis » du monde
recueil de poèmes signé Nicolás Guil-
tinction entre l’essence de Dieu et les en jeu un sens aigu de la fraternité entier, et surtout auprès de ceux du
attributs de Dieu. En théologie, il est lén. Visage « couleur de nèfle », nez monde latino-américain.
humaine. Nous avons vu le poète, té-
« pareil à un noeud de cravate », l’au-
« fidéiste », c’est-à-dire qu’il suspend moin des préjugés raciaux dont étaient J.-P. V.
toute chose, bien plus radicalement teur était un mulâtre de vingt-six ans
victimes les Noirs de l’île, proclamer C. Couffon, Nicolás Guillén (Seghers, 1964).
encore que son maître Duns* Scot, à la qui avait déjà eu l’occasion de se faire
très tôt ce que son ami et frère de race
volonté divine. Puisque les universaux connaître par des articles dans un quo-
Langston Hughes nomme l’amour du
n’offrent aucune prise sur le réel (un tidien havanais où, soucieux de rendre
Nègre. Nous le voyons maintenant,
aux Noirs leur dignité d’hommes, il
des principes de l’école nominaliste, témoin des criantes injustices que Guilleragues
demeuré sous le nom de rasoir d’Oc- prônait l’égalité des races. Avec Motifs
sécrètent les régimes de dictature qui
cam, s’exprime ainsi : « Les êtres ne de son, dans lesquels la veine populaire (Gabriel Joseph
se succèdent à Cuba, s’engager dans
et la bonne humeur du poète s’expri-
sont pas multipliables sans nécessité » la poésie sociale et militante. De poète de Lavergne,
[Entia non sunt multiplicanda praeter maient par la bouche de ses person-
cubain, Guillén devient avec West In-
necessitatem]), seule la révélation per- nages, des Noirs des quartiers pauvres
dies Ltd (1934) « poète antillais », et
comte de)
met de connaître l’ordre de la création. de la capitale, au langage intensément son inspiration ne va cesser de s’élargir
De même dépendent de Dieu seul la coloré, et avec Songoro Cosongo, paru Diplomate et écrivain français (Bor-
et de tendre vers l’universel, dénon-
prédestination et la foi des individus. l’année suivante, Guillén entrait de deaux 1628 - Constantinople 1685).
çant l’exploitation de l’homme par
plain-pied dans cette littérature dite
Les théories d’Occam ne furent l’homme (« on me tue si je ne travaille, Appartenant à une famille parle-
« afro-cubaine », qui est le reflet du
jamais censurées par le Saint-Siège ; et si je travaille on me tue ») et enta- mentaire apparentée aux Montesquieu,
métissage ethnique et culturel de l’île.
elles le furent seulement par l’univer- mant le long procès de l’impérialisme Guilleragues fait de fortes études clas-
Pour écrire ces poèmes, il avait trouvé siques, favorisées par les traditions
sité de Paris. C’est là, cependant, que le yankee et de « tous ceux qui servent
le rythme qui s’accordait le mieux
nominalisme se développa par la suite Mr. Babbitt ». La tragédie qui ensan- familiales. La Fronde* à Bordeaux lui
à son propre rythme intérieur, celui
et qu’Occam trouva ses plus célèbres glante l’Espagne lui inspire en 1937 donne l’occasion d’approcher Condé*
d’une danse antillaise voisine de la
disciples : Jean Buridan, Pierre d’Ailly, un poème en « quatre angoisses et une et Conti. Déjà célèbre par son esprit et
rumba : le son. ses chansons, il remplace Jean-Fran-
Jean Gerson. Par Gabriel Biel, qui dis- espérance », et le détermine à préciser
tingue rigoureusement la foi et la rai- Comme toute la poésie noire (celle son engagement politique : il adhère au çois Sarasin (v. 1615-1654) comme
son, et qui fut le maître à penser de d’un Aimé Césaire par exemple), la parti communiste. Après avoir publié secrétaire de Conti (1654). À ce titre, il
Luther, le nominalisme d’Occam a pré- poésie de Guillén est en effet fonciè- dix ans plus tard une anthologie de ses protège Molière*, dont il devient l’ami
paré la voie à la doctrine luthérienne de rement orale et, de ce fait, éminem- oeuvres, il va dédier à la mémoire du et le collaborateur occasionnel (Ballet
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
des Incompatibles, 1655). Dès cette française attaquant des pirates tripo- son nom émerge de l’ombre comme d’expression qui s’apparente à celle de
époque, il se lie avec Mme de Sablé litains, déclenche la colère des Turcs celui d’un des écrivains les plus atta- James Joyce* dans Ulysse : hommes,
(1599-1678) et les familiers de celle-ci, et Guilleragues est mis à la prison des chants du siècle de Louis XIV. femmes, enfants, démons, amours,
comme l’abbé Bourdelot (1610-1685). Sept Tours. Pourtant, la campagne F. D. espoirs, malheurs, morts, richesses se
En 1658, il épouse Anne-Marie de Pon- turque contre l’Empereur en 1683, le G. J. de Guilleragues, Lettres portugaises, mêlent et se fondent dans des créa-
remplacement du vizir et les bons rap- éd. par F. Deloffre (Droz, Genève, 1972).
tac et devient en 1660 premier prési- tions phoniques plastiques, musicales,
dent de la cour des aides de Bordeaux. ports de l’ambassadeur avec beaucoup dissonantes, qui constituent un défi
de Turcs influents amènent une amé- permanent à la traduction — qui, ce-
En 1669 paraît toute l’oeuvre impri-
lioration des relations. Le 28 octobre pendant, a déjà été faite en plusieurs
mée de Guilleragues : les fameuses
Lettres portugaises et un recueil de
1684, Guilleragues est enfin reçu par le Guimarães Rosa langues. Guimarães Rosa a également
vizir avec les fameux honneurs du sofa, publié un livre de nouvelles, Corpo de
madrigaux et d’épigrammes intitulé (João)
et, le 26 novembre, le Sultan lui-même baile (1956), divisé plus tard en trois
les Valentins. Malgré le mystère qui
lui accorde une audience solennelle livres (en 1969). Conteur, il a restauré
a entouré la publication des Lettres Romancier brésilien (Cordisburgo,
avec les plus grands égards. En même le mot archaïque estória (pour lui, le
portugaises, présentées par un « li- Minas Gérais, 1908 - Rio de Janeiro,
temps, de nouvelles capitulations sont portugais estória est à história ce que
braire artificieux » comme les lettres Guanabara, 1967).
accordées, bien plus favorables que les l’anglais story est à history) : il a ainsi
authentiques d’une religieuse portu-
précédentes, autant pour la protection Guimarães Rosa exerça la médecine
gaise séduite et abandonnée par un donné Primeiras estórias (1962), Tuta-
des chrétiens que pour le commerce de 1930 à 1934. À cette date, il entra méia (Terceiras estórias, 1967), Estas
officier français, quelques initiés en
français du Levant. dans la carrière diplomatique, qu’il ne estórias (1969 ; posthumes) et Ave, pa-
connaissent le véritable auteur. Parmi
devait plus quitter jusqu’à sa mort. Il
eux doit figurer Louis XIV, puisque, C’est le couronnement de l’ambas- lavra (1970), ce dernier recueil conte-
fut élu en 1963 à l’Académie brési- nant quelques poèmes, des notes de
dès la fin de l’année 1669, le roi s’at- sade, l’une des plus honorables depuis
lienne des lettres, et un pressentiment
tache Guilleragues comme « secrétaire le temps de Soliman II et de Fran- voyages, des récits autobiographiques.
lui fit retarder la prise de possession
çois Ier. Hélas ! rentré à Constantinople, Nombre de ses contes et nouvelles ont
de la chambre et du cabinet du roi »,
de sa chaire ; quand il s’y décida fina-
chargé d’écrire les lettres privées et où il a été reçu en triomphe par la colo- déjà paru aux États-Unis, en France, en
lement, il mourut trois jours après, le
nie française, et au moment même où, Italie, en Espagne et en Allemagne, et
intimes du souverain.
19 novembre 1967.
dans son bureau, il se prépare à rédiger il existe des traductions intégrales de
En 1675, Guilleragues, toujours
des dépêches au roi annonçant le suc- En 1934, Guimarães Rosa reçoit le Grande sertão : veredas en espagnol et
pressé par ses besoins financiers, vend
cès de sa mission, Guilleragues meurt prix de l’Académie brésilienne des en allemand.
sa charge et devient directeur de la Ga-
d’une attaque d’apoplexie. Il laisse sa lettres pour des poèmes, Magma, qu’il A. H.
zette, en collaboration avec Bellinzani.
femme et sa fille dans une demi-mi- n’a jamais rendus publics. En 1946 pa-
« Il est chargé, dit Bayle*, d’en surveil-
sère. La protection de Mme de Mainte- raissent ses premiers contes, Sagarana
ler l’exactitude et le style. » Pendant
non permet pourtant à Mlle de Guillera- (un mot qu’il a formé de saga et d’un
cette période, Guilleragues fréquente
tout ce que la France comporte de
gues de conclure un mariage d’amour suffixe tupi équivalent de à la manière Guimard (Hector)
avec le marquis de Villiers d’O et de de), qui déclenchent une querelle lit-
grands hommes : écrivains, comme Ra-
perpétuer à la cour de France, jusqu’à téraire : il crée en effet de nombreux
cine* et Boileau*, dont il est l’intime F ART NOUVEAU.
un âge avancé, le souvenir de l’homme néologismes à partir de vocabulaires
ami : hommes et femmes d’esprit et du
d’esprit qu’avait été son père. régionaux et dialectaux. Les éditions
monde, tels que La Rochefoucauld*,
successives de Sagarana ont été d’ail-
Bon administrateur, ambassadeur
Mme de Maintenon, la marquise de Sé-
leurs reprises de manière à rendre ce
vigné*, Mme de Coulanges (1641-1723) de talent, Guilleragues est aussi un
procédé plus systématique.
Guinée
merveilleux écrivain. Que ce soit dans
et Mme de La Sablière (1636-1693),
ses oeuvres légères, comme la Chan- En 1956 paraît l’oeuvre majeure du
dont il fréquente assidûment le salon ; État de l’Afrique occidentale.
son du Confiteor ou les Valentins, romancier, Grande sertão : veredas.
courtisans, comme Colbert* et sur-
dans les Lettres portugaises et dans sa Euclides da Cunha avait publié en 1905
tout son fils, le marquis de Seignelay,
correspondance, l’harmonie du style, un essai sous le titre d’Os Sertões, qui
auquel il est très attaché ; peintres et
la sensibilité la plus délicate jointe à révéla au Brésil et au monde la géogra-
musiciens, comme Mignard* et Lully*.
un humour contenu font de lui l’égal phie physique et humaine d’une grande
En 1677, Guilleragues est désigné
des grands écrivains de son temps. partie de l’arrière-pays brésilien au
comme ambassadeur à Constantinople,
Ses Lettres portugaises sont, dans un nord de Bahia ; Grande sertão : vere-
où il arrivera à la fin de novembre 1679,
genre différent, une sorte d’équivalent das en est, quant au titre, une réplique,
en passant par la vallée du Rhône, Tou-
de Bérénice, et les lettres privées que suivi d’un synonyme local, veredas, La situation
lon et Malte. Son prédécesseur, le mar-
nous avons conservées de lui, à Mme de « sentiers », dans les hautes terres de
quis de Nointel (1635-1685), après des Le territoire de la république de Gui-
Sablé, à Mme de La Sablière, à Racine Minas Gerais. Mais Guimarães Rosa a
débuts brillants, s’est laissé déposséder née, avec une superficie légèrement
ou à Seignelay, le classent au premier choisi la fiction, qu’il trouve plus apte
des honneurs du sofa, qui distinguaient supérieure à la moitié de celle de la
rang des épistoliers, tout à côté de la à faire comprendre un problème qu’une
jusque-là l’ambassadeur de France. France, figure un vaste croissant par-
marquise de Sévigné. La lettre à Racine simple documentation ou un reportage
En outre, les affaires financières de tant d’une façade atlantique et se déve-
révèle quel critique Guilleragues aurait méticuleux. Son livre est un panorama
l’ambassade et de la communauté des épique, lyrique et dramatique d’une hu- loppant vers l’intérieur dans l’arrière-
pu être : nul, de son temps, n’a parlé
marchands sont dans un état des plus pays des États côtiers de la Sierra
avec plus de pénétration de la tragédie manité qui survit héroïquement, repliée
critiques. Leone et du Libéria.
racinienne. Celle à Mme de La Sablière, sur elle-même physiquement et menta-
Malgré les intérêts communs entre la d’une extraordinaire spontanéité, passe lement. Un seul narrateur imaginaire Située entre les 7e et 13e degrés de
France et l’Empire ottoman, les bonnes sans discontinuer d’un humour débridé (l’écrivain n’est que son scribe) réca- lat. N., la Guinée occupe une position
relations sont troublées par la faute des aux vivacités du coeur. « L’oubli me pitule son existence et celles de plu- moyenne au contact du climat subtro-
pirates barbaresques, d’Alger et de Tri- paraît une mort », y écrit Guilleragues. sieurs compagnons dans la lutte pour pical humide dit « subguinéen » (zone
poli notamment. La canonnade de Chio Par une curieuse rencontre, il a fallu la vie au milieu de la nature et de ses forestière) et du climat soudanien à sai-
(1681), dans laquelle des mosquées exactement trois cents ans d’oubli, semblables. Tout l’epos se fonde sur son sèche marquée (zone de la savane).
sont touchées par les boulets de la flotte après les Lettres portugaises, pour que le langage, qui s’élève ici à une forme Son relief varié contribue à en faire
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
une sorte de pays carrefour, point de Le Fouta-Djalon ou extensives et du pâturage, les feux de trique de l’air, un écart thermique plus
convergence réunissant des fractions moyenne Guinée brousse l’ont remplacée presque par- marqué (maximums dépassant 40 °C
ou échantillons de paysages différen- tout par une savane dégradée, sou- en mars-avril). La forêt, ravagée par les
C’est une zone « montagneuse » ou,
ciés qui s’étendent dans d’autres par- plus exactement, un ensemble de hauts vent avec des sols usés, en voie de feux de brousse, a été presque partout
ties de l’Afrique occidentale de façon plateaux hachés de fractures quadran- cuirassement. remplacée par la savane arborée. La
uniforme. gulaires limitant des compartiments Avec 1 300 000 habitants, c’est une population (840 000 hab.), représen-
effondrés ou guidant le tracé des cours zone surpeuplée : l’ethnie dominante, tée presque exclusivement par l’ethnie
Le découpage artificiel des fron-
d’eau « en baïonnette ». Ces plateaux les Peuls*, y a asservi et assimilé des des Malinkés, est relativement peu
tières, héritage des hasards de la
sont constitués de grès subhorizontaux populations d’agriculteurs antérieures nombreuse (vastes zones de densité
conquête coloniale, a réuni dans une inférieure à 2 habitants au kilomètre
précambriens et primaires, et, à l’ouest, ou transplantées, contribuant à l’usure
même entité politique quatre régions carré) et inégalement répartie (concen-
de schistes gothlandiens donnant des des sols par la présence simultanée
naturelles nettement individuali- trée dans la vallée du Niger, avec de
reliefs plus estompés. Les altitudes de l’agriculture extensive (riz pluvial,
sées par leur relief, leur climat, leur gros villages pratiquant la riziculture
varient entre 500 et 1 500 m. L’impres- fonio sur les sols les plus usés) et de
population. inondée).
sion de relief tient à la brutalité des l’élevage extensif des bovins (race
dénivellations, avec des « falaises » ndama). La densité de population
Les régions correspondant souvent à des abrupts arrive à dépasser 50 habitants au kilo- La Guinée forestière
de faille. Les nombreuses venues de mètre carré dans la région de Labé, et le C’est, à l’extrême sud-est, une région
La Guinée maritime ou
dolérites riches en fer ont contribué Fouta-Djalon alimente depuis l’époque montagneuse, correspondant à la « dor-
basse Guinée
à « nourrir » les cuirasses de laté- coloniale une importante émigration sale guinéenne », qui n’est pas une
C’est une zone de plaines côtières rite qui coiffent souvent les surfaces (vers la basse Guinée, le Sénégal). chaîne, mais une succession de chaî-
marécageuses, prolongées par de bas sommitales. nons isolés grossièrement parallèles,
plateaux, brutalement limitée vers l’in- La haute Guinée ou orientés N.-S. ou N.-E.-S.-O., séparés
Le climat tropical, avec alternance
térieur par les plateaux inférieurs du plateau mandingue de seuils qui font communiquer ver-
d’une saison sèche et d’une saison hu-
Fouta-Djalon. sant nigérien et versant atlantique. Des
mide (de 1 500 à 2 000 mm de pluies), C’est une surface d’érosion, ensemble
est atténué par l’altitude (saison sèche de plateaux relativement bas entaillés gneiss, des granités, des schistes méta-
D’énormes estuaires ou « rias » (les
morphiques se détachent des arêtes de
« Rivières du Sud » des navigateurs réduite à quatre mois ; températures dans le substratum ancien (granités,
quartzites, qui constituent les points
d’autrefois) au tracé sinueux (rio Ca- moyennes plus basses ; minimums schistes et micaschistes birrimiens),
moyens de janvier tombant à 12 °C à faiblement inclinés vers le nord-est. culminants (mont Nimba : 1 854 m).
cine, rio Nunez, rio Pongo, Konkouré,
Labé). Bien arrosé, formant un môle de Le Niger et ses affluents (Tinkisso, Le climat, dont les températures
Mellacorée) s’enfoncent profondément
grandes dimensions, le Fouta-Djalon Niandan, Milo) y entaillent de larges sont adoucies par l’altitude, est de
dans l’intérieur, remontés par la marée
apparaît comme le « château d’eau » vallées bordées de terrasses. Le climat type subéquatorial : pluies abondantes
sur 30 km et plus. La mangrove litto-
de l’Afrique occidentale (sources de la soudanien se caractérise par un total (2 700 mm à Macenta), réparties sur
rale (forêt de palétuviers) a été partiel-
Gambie, du Sénégal, du Konkouré ; à pluviométrique moindre (moins de huit ou neuf mois, seul le mois de
lement remplacée par les rizières inon-
sa limite, sources du Niger). La forêt 1 500 mm de pluies), une saison sèche janvier étant vraiment sec (9 mm à
dées. Deux indentations rocheuses (cap
claire sèche originelle ne subsiste plus prolongée et bien marquée (à Siguiri, Macenta). Ainsi s’expliquent la pré-
Verga ; mont Kakoulima et presqu’île
qu’autour des sources et au pied des 10 mm d’eau seulement de décembre sence d’un couvert forestier (forêt
du Kaloum, prolongée par l’archipel de escarpements, où elle est entretenue à mars), où le souffle de l’harmattan dense humide), aujourd’hui très dé-
Los) interrompent seules ces plaines par l’humidité. L’abus des cultures contribue à abaisser le degré hygromé- gradé par l’agriculture extensive (riz
marécageuses. À l’intérieur, le socle
ancien (granités et gneiss au sud, grès
précambriens et primaires au nord)
constitue une surface basse, plus ou
moins recouverte de sédiments récents
ou de dépôts d’altération (sables et
argiles).
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pluvial sur brûlis), et la présence du peu à la Guinée. La bauxite de Kassa La politique économique L’histoire
palmier à huile. L’économie moderne (îles de Los) et le fer du Kaloum, seuls et les échanges
y a introduit le caféier. La population exploités avant 1958, sont épuisés ou Un passé complexe
L’orientation suivie en matière éco-
(930 000 hab.) se répartit entre Kissis, abandonnés depuis 1966. Le caractère hétérogène de la Guinée
nomique par la Guinée depuis 1960
Tomas (ou Lomas), Guerzés (ou Kpel- se projette dans son passé. Le Fouta-
En revanche, la bauxite de Fria,
vise à consolider son indépendance
lés) et Manons. Djalon et la Guinée forestière se
transformée sur place en alumine, éva-
économique : création d’une monnaie
cuée par une voie ferrée de 145 km sur trouvent à la périphérie du monde man-
guinéenne indépendante et non conver-
L’économie Conakry, fournit en valeur les deux dingue (Malinkés et Bambaras), qui a
tible ; nationalisation du commerce
tiers des exportations guinéennes. La été depuis des millénaires le principal
L’agriculture
extérieur et de la plus grande partie du
compagnie Fria est un consortium in- épicentre culturel de l’Ouest africain,
Malgré l’importance et la variété de commerce intérieur, des banques, des
ternational de consommateurs d’alu- mais la haute Guinée en fait intégrale-
ses aptitudes agricoles et l’existence
mine dominé par Pechiney-Ugine assurances, de la quasi-totalité des in-
ment partie.
d’un important troupeau de bovins
(France) et Olin Mathieson (États- dustries (les entreprises nouvelles sont
(4,5 millions de têtes : Fouta-Djalon et y La périphérie. Des peuples non
Unis). Aux 530 000 t d’alumine (re- des entreprises nationales, ou mixtes
plateau mandingue), la Guinée restait mandés, parlant des langues à classes
présentant 1,5 Mt de bauxite) fournies dans quelques cas). Cette orientation a
pour l’essentiel, à l’époque coloniale, de la famille mèl (Ouest atlantique),
par Fria, il faut ajouter 1 Mt de bauxite eu des conséquences imprévues (déve-
au stade de l’économie de subsistance. ont été progressivement refoulés par
extraites par la firme américaine Har-
Elle y est demeurée. La principale loppement de la contrebande et infla-
les Soussous dans les marécages de la
vey à Tamara (îles de Los), gisement
culture vivrière est le riz (surtout riz tion ; difficultés d’approvisionnement
côte (Landoumans, Nalous, Bagas) ou
devant être relayé en 1972 par celui
pluvial, riz inondé dans les polders en produits importés faute de devises).
par les Malinkés dans les franges de
de Boké (production initiale prévue :
de basse Guinée et dans la vallée du Mais l’austérité qui en résulte est sur-
de 5 à 6 Mt de bauxite, exploitées par la forêt (Kissis). Ce sont toujours des
Niger) ; le fonio, céréale pauvre, sub- tout sensible pour les Européens et les
une société dont le capital est partagé grands riziculteurs. D’autres, comme
siste au Fouta-Djalon sur les sols les couches privilégiées vivant à l’euro- les Tendas (Koniaguis, Bassaris), se
entre l’État guinéen et les principaux
plus usés ; le manioc, le maïs sont four-
péenne. L’éviction du capital colonial sont isolés aux confins du Sénégal
groupes aluminiers internationaux).
nis surtout par les « jardins de case »
L’exploitation des bauxites de Kindia, a favorisé l’ascension d’une bour- dans des savanes ingrates.
féminins.
de Tougué, de Dabola et du fer du mont geoisie locale (fonctionnaires, anciens
Reculant sous la pression des Malin-
Les cultures commerciales sont
Nimba a fait l’objet d’accords avec di- commerçants) fortement implantée
kés, d’autres peuples, parlant cette fois
étroitement circonscrites : bananes et
vers pays étrangers, mais ne pourra être dans l’appareil de l’État et dans celui des langues mandés, ont pénétré pro-
ananas dans le triangle Boffa-Foréca-
entreprise qu’après l’aménagement de du parti au pouvoir, et qui est fonda-
riah-Mamou, autour de la voie ferrée ; fondément en forêt, en direction de la
voies ferrées d’évacuation. mentalement hostile à l’orientation
café en région forestière. Le palmier à mer (Tomas, Guerzés, Manons).
C’est sur les ressources de Boké anticapitaliste du régime.
huile (basse Guinée et Guinée fores- Beaucoup plus proches des Malinkés
(65 p. 100 des bénéfices garantis à
tière), objet de cueillette plus que de Le taux de scolarisation primaire pour la langue et fortement marqués de
l’État guinéen) que compte la Guinée
culture, permet quelques exportations est passé de 7 p. 100 en 1957-58 à civilisation soudanaise, les Soussous et
pour poursuivre son effort d’indus-
de palmistes ; les oranges du Fouta- 31 p. 100 en 1965-66. Le nombre des leurs frères les Dyalonkés ont, cepen-
trialisation entrepris dans le cadre des
Djalon et la kola de Guinée forestière,
établissements secondaires est passé de dant, évité le pouvoir du Mali médiéval
plans triennal (1960-1963) et septennal
comme les bovins du Fouta-Djalon,
(1964-1970). L’usine hydro-électrique 5 à 30 de 1958 à 1967, et la Guinée dis- en occupant les hautes terres du Fouta-
font l’objet d’exportations mal contrô-
des Grandes Chutes a, depuis 1958, pose de deux instituts polytechniques Djalon (ou Fouta-Dyalon), qui leur doit
lées vers les pays frontaliers (oranges
augmenté sa puissance de 10 000 à (ou universités) à Conakry et à Kan- son nom. C’est de là que les premiers
vers le Sénégal, kola vers le Mali, bo-
35 000 kW, et une autre centrale hy- kan. L’alphabétisation des adultes dans sont descendus pour refouler ou assi-
vins vers la Sierra Leone). Les expor-
dro-électrique, celle de Kinkon, a été les langues nationales est entreprise miler les côtiers, tandis que les seconds
tations agricoles sont en régression : la
cercosporiose a ravagé les plantations construite au Fouta-Djalon par la Répu- depuis 1968. étaient expulsés ou asservis par les
de bananiers à partir de 1956, et la tra- blique populaire de Chine. La produc- Peuls au XVIIIe s.
Lourdement déficitaire en 1958 (im-
chéomycose les plantations de caféiers tion annuelle d’énergie est passée de y Les Malinkés. Depuis le XIIIe s.,
portations couvertes à 37 p. 100 par les
à partir de 1958. Le départ des plan- 20 GWh par an en 1958 à 200 GWh en
une partie de la haute Guinée a cer-
exportations), la balance commerciale
teurs européens a contribué à la chute 1967. En revanche, le grand projet du
tainement appartenu à l’empire du
Konkouré (centrale hydro-électrique de la Guinée s’est améliorée grâce aux
de la production bananière, tombée de Mali*, dont la capitale, Niani, à l’est
de 3 TWh pour alimenter une industrie exportations d’alumine (couverture à
près de 100 000 t en 1955 à 64 900 t en
de Siguiri, se trouvait sur son terri-
1958 et à 42 200 t en 1967 ; l’ananas, d’aluminium) reste en suspens. Une 75 p. 100 en 1966). En revanche, la
toire et qui contrôlait l’exploitation de
en revanche, progresse (2 900 t expor- série d’usines ont été édifiées avec le balance des comptes reste lourdement
l’or du Bouré, destiné au commerce
tées en 1958 ; 8 000 t en 1966). Le café concours des pays socialistes (conser- déficitaire (charge des investissements
transsaharien. Le commerce à longue
est tombé de 15 000 t (record en 1959) verie de Mamou et combinat du bois de industriels). L’approvisionnement en
distance est, depuis l’époque du
à 12 000 t en 1966, du fait surtout de la N’Zérékoré avec l’U.R. S.S. ; tabacs riz des agglomérations, en raison de
Ghna*, le monopole de colporteurs
contrebande vers le Liberia, qui repré- et allumettes à Conakry et usine de thé
l’insuffisance de la production locale
de Macenta avec la Chine populaire ; musulmans, que l’on appelle Dyou-
sente à peu près autant que les expor-
commercialisée, est assuré à 80 p. 100
tations contrôlées. Les exportations de etc.) ou occidentaux (usine textile de las sur le haut Niger, Dyakhankés ou
par les États-Unis, à 20 p. 100 par la
palmistes se maintiennent autour de Conakry avec la Grande-Bretagne ; Boundoukas sur la côte. Ils ont mis
Chine populaire. Le commerce avec la
20 000 t par an. ustensiles d’aluminium avec les États- très tôt en place un réseau de pistes
France, jadis largement prépondérant,
Unis ; etc.). commerciales s’étendant jusqu’à la
est réduit à environ 25 p. 100, le reste forêt, où ils allaient chercher des noix
Les usines et l’industrie Le réseau de routes bitumées est
du commerce extérieur se partageant à de kola, un excitant aussi nécessaire
Les richesses minières sont considé- passé de 187 km en 1958 à 890 km
parts à peu près égales entre pays so- aux Soudanais que le café aux Euro-
rables, mais, sauf pour le diamant en 1971, mais l’unique voie ferrée
(nationalisé), elles restent exploitées Conakry-Kankan, voie métrique, à la cialistes et pays occidentaux à devises péens. Ils en ramenaient en outre des
par des consortiums de « consomma- limite de l’usure, doit être refaite et fortes. esclaves, que les vieux empires ont
teurs » des pays industriels et apportent portée à écartement normal. J. S.-C. toujours pris chez les peuples du Sud,
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considérés par les Malinkés comme qui vient de fonder Dinguiraye, détruit soutenus par des agents du Liberia, qui le Labé, dans le nord du pays, essaye
barbares. Tamba avec l’aide de Kankan et ouvre souhaitait annexer la région. alors de collaborer avec les Français,
sa carrière de conquérant. Avec lui se mais il est déposé et déporté un peu
Ce réseau de colportage n’est pas y Les Peuls. L’histoire des Peuls,
troublé quand l’empire du Mali s’ef- diffuse le tiadjanisme, nouvelle forme qui n’est pas moins complexe, inté- plus tard (1911).
fondre à la fin du XVIe s. Le pays est militante de l’islm. resse l’ensemble de l’Ouest africain,
alors partagé entre de nombreuses où ce peuple d’éleveurs, d’origine La colonisation
À partir de 1835, pour la pre-
familles nobles, c’est-à-dire guer- mière fois dans l’Ouest, des Dyoulas incertaine, a trouvé sa langue. Leur Fréquentée par les Portugais dès le
rières, qui ont besoin de ces commer- prennent les armes pour imposer leur spécialisation économique amenait XVe s., cette côte ne devient notable
çants musulmans. N’ayant plus d’unité loi aux Malinkés, animistes, parfois leur dispersion en petits groupes au pour la traite des Noirs qu’au XVIIIe s.,
politique, la région est parcourue par pour leur imposer l’islm et toujours sein des paysans noirs, avec lesquels sans jamais atteindre à l’importance
des invasions peules, dont certaines pour supprimer les péages sur les col- leurs relations n’étaient pas toujours des pays du golfe de Guinée.
gagnent le Fouta-Djalon, tandis que porteurs. Le premier de ces conqué- bonnes. Leur passage massif à l’islm En 1787, les Britanniques installent
d’autres s’assimilent, adoptant la rants est Morioulé Sissé (ou Mori-Oulé a marqué le moment où ils ont refusé une colonie de Noirs libérés à Free-
langue mandingue (Ouassoulous). de jouer plus longtemps ce jeu, et town, et l’influence de la Sierra Leone
Sisé) de Médina, près de Kankan, et,
Mais le fait essentiel est l’influence à partir de 1861, le rôle essentiel sera ils se sont alors révélés de grands va s’étendre à toute la région. Après
du commerce européen. Les Portugais tenu par l’un de ses anciens soldats, conquérants et de remarquables créa- 1815, alors que la croisière britan-
ont, en effet, découvert la côte des teurs d’États. Quand ils rencontraient nique donne la chasse aux négriers, le
Samory (ou Samori) Touré (v. 1830-
Rivières, jusqu’à la Sierra Leone, en 1900), originaire du Konyan. Quoique un milieu écologique favorable à caractère difficile des « Rivières » en
1461-62. Bien qu’ils n’aient pas créé l’élevage, ils s’y concentraient cepen- fait l’un des sites préférés de la traite
musulman, celui-ci va prendre au
d’installations fixes à terre, les Euro- dant, finissant par former la majorité clandestine. Celle-ci s’éteint seulement
départ la défense des animistes, ses
péens du cap Vert s’y livrent à un tra- de la population. Tel est le cas du en 1861, avec la guerre de Sécession.
« oncles maternels ». Avec un remar-
fic intense, qui s’oriente dès le XVIe s. Fouta-Djalon, dont les hauts plateaux Beaucoup de familles métisses appa-
quable génie militaire et une grande
vers la traite des Noirs, tandis que salubres ont attiré le bétail des Peuls raissent alors en pays soussou, où elles
habileté politique, il conquiert à partir
leurs métis sont partout présents sur les dès le XVe s. Vers 1500, ceux-ci parti- jouent un rôle politique considérable,
de 1870 un vaste empire le long des
rivières. cipent à la formation de l’empire dé- bien que le christianisme les distingue
routes commerciales qui s’orientent
nyanké de Tenguéla, dont le centre est des musulmans venus du haut Niger.
Les gens du haut Niger se trouvent vers le nord depuis le Moyen Âge et
sur le Sénégal. Quand cet empire se
alors attirés par la côte, qui n’était vers la mer depuis le XVIe s. Après la Depuis la fin de la traite, le com-
disloque vers 1660, ils sont de plus en
jusque-là qu’un cul-de-sac. Des Malin- prise de Kankan en 1881, il reste seul merce européen est en quête de pro-
plus nombreux, et ceux qui viennent
kés animistes sont à l’origine de l’inva- en scène, tenant toute la haute Guinée duits légitimes, et le riz de basse Gui-
du Macina, déjà musulmans, conver-
sion des Sumbas, qui gagne vers 1545 et de vastes régions de la forêt de la née approvisionne la Sierra Leone, qui
tissent les autres. Ils supportent mal la domine économiquement. Vers le
l’ouest du Liberia et la Sierra Leone, Sierra Leone, du Liberia, de la Côte-
l’autorité des autochtones dyalonkés.
dont les structures politiques sont alors d’Ivoire et du Mali moderne. C’est milieu du siècle apparaît le commerce
fortement transformées. Les commer- En 1727 commence la guerre sainte, du Sénégal, qui favorise la culture
alors qu’il songe un moment à en faire
çants ouvrent trois routes vers la mer : dirigée par un mystique, Karamokho de l’arachide. Les postes français de
un État musulman et à imposer l’islm
l’une à travers le Fouta-Djalon vers la Alfa. Dès le milieu du siècle, les Peuls Boké, de Boffa et de Benty sont instal-
à ses sujets, mais les troubles qui en
côte des Rivières ; la deuxième du haut restent les maîtres, organisant une lés en 1866-67.
résulteront lui feront abandonner cette
Niger à la Sierra Leone ; la troisième, société musulmane pseudo-féodale, À la fin du siècle, pendant la pous-
tentative dès 1888. Ce nouvel Empire
toujours difficile, du Konyan au Libe- entièrement hiérarchisée, où les vain- sée impérialiste, la France s’impose.
mandingue apparaît ainsi au moment
ria occidental (Robertsport). Au carre- cus, écrasés et assimilés, sont mêlés En 1882, les Rivières du Sud reçoivent
précis où les Français se lancent dans
four de ces routes, des pistes de la forêt à des esclaves achetés au-dehors pour leur autonomie dans le cadre du Séné-
la conquête impérialiste de l’Ouest
et de l’axe du Niger grandit bientôt la former la masse des cultivateurs dans gal, et, en 1893, est constituée la colo-
africain (occupation de Bamako, févr.
ville de Kankan, qui devient à la fin les rounde, au fond des vallées. Ils de- nie de la Guinée française. Avec Eu-
1883). Samory essaie de s’entendre
du XVIIIe s. la métropole économique, meurent dans les foulasso, sur les pla- gène Ballay (1847-1902), son premier
avec eux (traité de Bissandougou,
intellectuelle et religieuse des Dyoulas teaux, et le pays est divisé en missidi, gouverneur, la capitale, Konakry (l’or-
mars 1887), mais il échoue devant le
de l’Ouest. ou paroisses, et diwe (sing. diwal), ou thographe Conakry n’apparaît qu’en
royaume de Sikasso (Mali), déjà sou-
provinces. À la suite de féroces guerres 1900), s’urbanise et devient un port
Au XVIIIe s., un nouvel Empire man- tenu par les colonisateurs, qui poussent
civiles, la famille de Karamokho Alfa important, affranchi des servitudes de
dingue, celui des Bambaras de Ségou, les sujets du conquérant à la révolte.
se divise en deux branches : les Alfaya Freetown. La Guinée est englobée dans
étend son autorité jusqu’à Kouroussa,
Samory comprend alors qu’il faut et les Soriya, qui fournissent toutes
près de Kankan, pour contrôler ces le gouvernement général de l’A.-O. F.
se soumettre ou disparaître, et il se deux un almami, alternant au pou- en 1895 et trouve son assiette territo-
routes commerciales. Il sera remplacé
décide pour une lutte qu’il sait sans voir tous les deux ans. Cette société riale définitive en 1900, par l’annexion
dans ce rôle, au début du XIXe s., par
espoir, mais qu’il prépare soigneuse- est dure, mais elle marque du moins
le royaume dyalonké de Tamba (près du haut Niger, pris au Soudan français,
ment. L’agression d’Archinard ouvre un grand progrès sur le plan culturel.
de Dinguiraye). C’est alors l’apogée et en 1904, quand l’archipel de Los est
le combat final en avril 1891 : Samory Les sciences coraniques, fondées sur cédé par l’Angleterre à la France.
de la traite des Noirs vers l’Amérique,
est chassé de haute Guinée et se retire l’arabe et l’écriture en langue poular,
dont les répercussions finissent par Après un départ prometteur au début
en Côte-d’Ivoire, où il sera arrêté en sont alors largement diffusées.
être sensibles sur le haut Niger. Les du XXe s., fondé sur la prospérité éphé-
septembre 1898. Déporté au Gabon, il
armes à feu s’y multiplient, changeant Au XIXe s., les almamis répriment, mère du caoutchouc de cueillette, la
y mourra en 1900.
les règles du jeu politique et militaire, non sans peine, la violente révolu- Guinée coloniale ne connaît qu’un
tandis que la population utilise de plus La haute Guinée, d’abord rattachée tion sociale des Houbbous, et c’est développement assez lent jusqu’à la
en plus des importations européennes au Soudan français, colonie militaire, une société divisée, affaiblie par de Seconde Guerre mondiale. L’équi-
(tissus, quincaillerie). Les Djoulas, qui est transférée à la Guinée à compter nombreux mécontents, qui affronte la pement du port de Conakry est mé-
les diffusent, augmentent en nombre et du 1er janvier 1900. Les peuples anar- colonisation à la fin du siècle. Malgré diocre, et le chemin de fer du Niger,
en importance sociale, tandis que leur chiques de la forêt, surtout les Tomas, la mort héroïque de l’almami Bokar qui atteint Kankan dès 1913, est d’un
islm est rénové par les guerres saintes résisteront encore farouchement aux Biro, elle s’effondre presque sans com- faible rendement en raison de son par-
des Peuls. En 1850, El-Hadj Omar, colonisateurs jusqu’en 1912, parfois bat en 1896. Alfa Yaya, qui commande cours montagneux. Les plantations de
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bananiers et d’ananas se développent l’Assemblée nationale française l’an- Sékou Touré. Mais cette aide n’est Il en résulte un certain méconten-
cependant en basse Guinée, ainsi que née suivante, puis vice-président du pas désintéressée. La propagande tement et une tension constante, qui
les caféiers dans la zone forestière, Conseil du gouvernement en 1957, menée par l’ambassadeur soviétique n’ont trouvé aucun exutoire démocra-
dont l’éloignement restreindra cepen- selon la formule de la loi-cadre. À ce et les encouragements de ce dernier tique pour s’exprimer. Les Guinéens
dant l’importance. La vie politique est moment, les opposants sont réduits au aux éléments commerçants entraînent ont alors quitté en grand nombre leur
pratiquement inexistante, et la diffé- silence, parfois non sans violence. La son expulsion et l’arrestation de ses pays pour s’installer surtout au Sénégal
renciation sociale est faible, bien que hiérarchie du Fouta-Djalon se trouve amis en décembre 1961. Pour garder et en Côte-d’Ivoire. Certains ont com-
le chemin de fer et le port créent un démantelée. sa liberté de manoeuvre, Sékou Touré mencé à comploter contre le régime,
noyau de prolétariat. La hiérarchie tra- se rapproche alors de la Chine et sur- parfois avec l’aide d’agents français ou
Le 28 septembre 1958, seule de
ditionnelle du Fouta-Djalon reste forte, tout des États-Unis, qui renoncent à portugais, ce qui a encore aggravé la
l’Afrique francophone, la Guinée vote
soutenue par l’autorité française, qui leur réserve et deviennent dès 1969 les situation. En raison même du mono-
« non » au référendum, optant ainsi
s’en sert comme instrument de domi- premiers fournisseurs et les seconds lithisme de son pouvoir, le régime a
pour l’indépendance immédiate (pro-
nation. Les Peuls montrent pourtant de clients de la Guinée. Cette situation été secoué par des crises répétées et
clamée le 2 octobre). Ce geste mémo-
remarquables aptitudes intellectuelles dure jusqu’à la crise provoquée en violentes : complots, arrestations, at-
rable inspirera une grande fierté aux
dans le cadre du système scolaire colo- novembre 1970 par l’échec d’un débar- tentats, épurations. La plupart des an-
Guinéens, dont il fonde le sentiment
nial, ce qui leur permet d’occuper des quement d’exilés guinéens, armés en ciens compagnons de Sékou Touré ont
national. Il est certain que ses répercus-
positions importantes dans la fonction partie par le Portugal. disparu, écartés, emprisonnés, voire
sions furent considérables : cette dissi-
politique. Favorisés par le voisinage exécutés.
dence empêcha le maintien de l’ancien Cette nouvelle orientation n’a pas
de Conakry, les Soussous leur font, Y. P.
Empire français dans le cadre plus ou fait dévier au niveau des principes
dans une certaine mesure, concurrence, F Afrique noire / Mali / Malinkés.
moins fédéral de la « Communauté » la politique internationale, qui reste
ce qui renforce un vieil antagonisme et poussa à une prompte indépendance, orientée par la lutte contre l’impéria- A. Arcin, Histoire de la Guinée française
ethnique, tandis que les Malinkés réus- (Challamel, 1911). / R. Pré, l’Avenir de la Guinée
en dépit de leurs hésitation, les États de lisme et pour l’Unité africaine. L’union
française (Éd. guinéennes, Conakry, 1951). /
sissent surtout comme auxiliaires du l’Ouest africain. avec le Ghna et le Mali étant restée M. Houis, la Guinée française (Éd. géogr., marit.
commerce européen. fictive, la Guinée a, du moins, participé et coloniales, 1953). / F. Gigon, Guinée, État
pilote (Plon, 1959). / B. Ameillon, la Guinée,
Après la Seconde Guerre mondiale, Une indépendance difficile activement à l’Organisation de l’unité
bilan d’une indépendance (Maspéro, 1964). /
l’économie et, par voie de consé- Malgré sa formation de syndicaliste, africaine, où elle a soutenu, jusqu’à La République de Guinée (la Documentation
quence, la société vont se transformer sa chute, la tendance de Nkrumah, française, « Notes et études documentaires »,
Sékou Touré est beaucoup plus un
1965). Y. Person, Une révolution Dyula (Dakar,
très vite grâce à la mise en valeur des nationaliste qu’un socialiste, et l’orien- qui a trouvé en 1966 asile à Conakry.
1970 ; 2 vol.). / J. Suret-Canale, la République de
grandes richesses minières du pays, à Malgré ses mauvaises relations avec
tation qu’il donne à la révolution gui- Guinée (Éd. sociales, 1971).
laquelle se consacre de 1948 à 1954 le néenne vise avant tout à la reconquête ses voisins, elle a aussi participé, du
gouverneur Roland Pré. L’exploitation de la dignité africaine bafouée par moins de 1967 à 1970, à l’organisation
du fer (minière de Conakry) commence l’ère coloniale. Il en résulte une lignée des États riverains du Sénégal, mais il
en 1953, et celle de la bauxite en 1958 volontariste, parfois sinueuse et dont s’agit là d’une concertation périodique, Guinée
(îles de Los). les résultats seront souvent décevants. pauvre en organismes permanents, et
La lutte pour la décolonisation va Aucun État ne suivant la même voie, non d’une fédération. Par ailleurs, dès équatoriale
s’engager assez lentement en Gui- sauf le Ghna et le Mali, avec lesquels 1963, Sékou Touré a donné tout son
appui aux guérillas antiportugaises de En esp. GUINEA ECUATORIAL, État de
née. Le Rassemblement démocratique une union théorique et éphémère est
la Guinée portugaise, qui lui sont en l’Afrique équatoriale, sur le golfe de
africain (R. D. A.) y est d’abord peu bientôt conclue, l’action de ce pana- 2
partie redevables de leur remarquable Guinée ; 28 100 km ; 285 000 hab.
puissant, éclipsé par des groupes de fricanisme aboutit surtout à isoler la
tendance loyaliste qui monopolisent Guinée de ses voisins. La vigueur et efficacité. On comprend moins l’appui
la représentation parlementaire en l’originalité de son mouvement font accordé en 1967 au régime croulant La situation
de sir Albert Margai en Sierra Leone.
France. Au départ, la résistance se d’ailleurs naître chez ses compatriotes C’est l’ancienne Guinée espagnole,
manifestera surtout dans le cadre des un puissant micronationalisme. Les Peut-être est-ce seulement un réflexe
devenue indépendante en 1968, après
élémentaire de solidarité entre gens en
syndicats d’ouvriers ou de fonction- exigences du développement qui obsè- un référendum dont le résultat a souli-
naires et dans la ville de Conakry, où dent le tiers monde sont, ici, constam- place.
gné l’opposition qui existe sur les plans
de grandes grèves prendront un sens ment subordonnées à celles d’une fierté Cet isolement profond de la Guinée humain et économique entre les diffé-
politique. C’est là qu’un syndicaliste sourcilleuse. indépendante n’est pas sans rapport rentes parties de son territoire. Celui-ci
malinké à forte personnalité, Sékou Celle-ci est mise à une rude épreuve, avec les difficultés intérieures qu’elle comporte en effet un bloc continental,
Touré (né en 1922), réussit à s’imposer la volonté de Sékou Touré de collabo- n’a jamais réussi à surmonter. Son gou- le Río Muni (26 017 km2), auquel est
comme leader. En 1952, il devient se- rer avec la France, en dépit du « non », vernement ne manque pourtant pas de adjoint un archipel situé au sud du cap
crétaire du parti démocrate de Guinée s’étant heurtée à un refus méprisant, moyens. Chef d’un parti unique partout San Juan, dans l’estuaire ennoyé du río
(affilié au R. D. A.) et donne aussitôt dû en partie aux pressions de la Côte- présent, le président Sékou Touré est Temboni (îles de Corisco, d’Elobey
à son action un dynamisme nouveau. doté des plus grands pouvoirs par la Grande et d’Elobey Chico), et deux îles
d’Ivoire. Dès septembre 1958, les
La lutte vise non seulement le patro- fonctionnaires français sont rappelés Constitution de novembre 1958, et il de dimensions très inégales, la minus-
nat colonial, mais aussi la chefferie n’a jamais hésité à s’en servir. C’est cule Annobón (18 km 2, 1 400 hab.) et
en masse, créant un vide dangereux
coutumière, jugée complice des Fran- pour l’Administration guinéenne. Les en fait devant lui que le gouvernement, surtout Fernando Poo (2 034 km2).
çais, surtout dans le Fouta-Djalon, où, l’armée et l’Administration sont exclu-
États-Unis se tenant sur l’expectative y Fernando Poo est formée par le
pour des raisons en partie ethniques, le pour ne pas déplaire à Paris, c’est vers sivement responsables.
sommet émergé d’un grand massif
parti a du mal à s’imposer. Ce dernier l’U. R. S. S., les pays de l’Est et la Sur le plan économique, une poli- volcanique qui s’est édifié dans le
triomphera à Conakry et en pays sous- Chine que se tourne alors la Guinée tique heurtée et contradictoire n’a golfe de Biafra, sur la ligne majeure
sou, puis à Kankan, chez les Malinkés, pour obtenir l’aide technique et finan- pourtant pas permis d’atteindre les de fracture que jalonnent São Tomé,
beaucoup moins nettement en forêt. cière nécessaire. Ce choix est conforme grandes ambitions qu’il s’était fixées : le mont Cameroun et, beaucoup plus
Son chef, qui témoigne d’un véri- à une volonté d’indépendance absolue, une transformation profonde de la so- loin, le Tibesti. Il culmine à 3 007 m
table pouvoir charismatique, devient autant qu’à une option anti-impéria- ciété et un développement économique au pic de Santa Isabel, et sa morpho-
maire de Conakry en 1955, député à liste, seule digne de l’Afrique selon rapide. logie offre de multiples formes carac-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
téristiques : caldeiras, lacs de cratères, le nord, du bassin sédimentaire de en 1778 — pour y faire retour cinq ans de Guinée », les définissait comme
coulées de laves, etc. La vigueur du Libreville. Les cours d’eau comme le plus tard, après avoir subi maintes mé- une « colonie d’exploitation com-
relief, dressé dans le flux de la mous- Campo, le Ntem, le Benito, le Woleu, saventures et abandonné ces îles. merciale ». Fernando Poo fut mise en
son, provoque des pluies abondantes, le Temboni ont un cours accidenté valeur d’abord ; d’importantes planta-
Fréquentée par des négriers venus
notamment sur le versant méridional, par une série de rapides. Le Benito tions de cacaoyers et de caféiers furent
directement des Antilles espagnoles,
où elles peuvent atteindre 10 m par est navigable dans sa partie aval. La cultivées à l’aide d’une main-d’oeuvre
Fernando Poo attira l’attention de la
an. Les zones les moins arrosées en forêt dense couvre la quasi-totalité du en partie venue de Nigeria ; les pro-
marine anglaise, qui en fit une base de
reçoivent encore plus de 2 m. Les territoire. duits étaient achetés au-dessus des
sa croisière contre la traite : le capi-
températures moyennes oscillent Les premiers habitants (Kombes, cours mondiaux par la métropole. Au
taine Owen fonda en 1827, sous le nom
entre 25 et 26 °C, mais s’abaissent Benjas, Bujebas) ont été refoulés de Port Clarence, la future capitale, Río Muni, l’occupation effective ne fut
en altitude ; l’amplitude annuelle est vers l’ouest par les Fangs, que leurs Santa Isabel. L’offre d’achat de l’île assurée qu’après 1926 ; l’exploitation
de 2 ou 3 °C. La végétation forestière migrations ont amenés ici au cours par l’Angleterre en 1839 suscita un de la forêt devint la principale activité
naturelle a été largement réduite en du XIXe s. La population est estimée à sursaut nationaliste aux Cortes et dans économique. L’Inspection du travail
étendue par les défrichages. 220 000 habitants (8,5 hab. au km2), l’opinion, qui aboutit à sa réoccupation (1901) entra en conflit avec le gouver-
La population de Fernando Poo est dont 10 000 résident au chef-lieu, Bata. par Juan José de Lerena (1843) ; mais neur général, et le décret du 29 sep-
relativement dense : 65 000 habitants Elle pratique surtout une agriculture celui-ci ne trouva d’autre gouverneur à tembre 1938 confirma la mise en tutelle
(32 hab. au km2). Elle comprend en- vivrière fondée sur la technique du nommer qu’un Anglais, John Beecroft. de la majeure partie de la population.
viron 15 000 autochtones (les Boubis brûlis et dont les bases sont le manioc En 1858 seulement, Fernando Poo prit Le processus de décolonisation
[ou Bubis]), un groupe de 2 000 métis et la banane-plantain. Sur la côte existe l’allure d’une colonie espagnole avec commence paradoxalement par un
(les « Fernandinos »), pour la plupart une petite pêche artisanale. L’agricul- l’arrivée de Carlos Chacón, qu’accom-
mouvement vers l’assimilation : en
actifs et riches, quelque 3 000 Euro- ture commerciale porte sur le cacao, pagnaient des missionnaires jésuites
1959, la Région équatoriale d’Espagne
péens et plus de 40 000 étrangers, en le café, la banane, l’arachide, surtout venus remplacer une mission baptiste.
(Región ecuadorial de España) est divi-
grande majorité Nigérians, venus au dans les régions occidentales ; on pro- L’île servit de lieu de déportation pour
sée en deux provinces, qui élisent en
titre de salariés agricoles sous contrat. duit encore un peu d’huile de palme condamnés politiques ; on y installa
La guerre du Biafra a, en outre, provo- 1960 des représentants aux Cortes ; le
et de palmistes. Mais le Río Muni est aussi des esclaves émancipés venus de
qué l’arrivée massive de réfugiés ibos. situé dans l’aire de l’okoumé (Aucou- système de l’indigénat est supprimé.
Cuba, sans grand succès. La mise en
L’activité principale est la culture du mea klaineana), essence de déroulage, En 1963, la tendance est renversée :
valeur ne commença vraiment qu’après
cacaoyer, pratiquée dans le sud-ouest et le bois, vendu surtout à l’Espagne l’autonomie est octroyée ; on crée un
1898, quand l’Espagne eut perdu ses
et le nord-ouest de l’île, soit dans de et à l’Allemagne fédérale, fournit l’es- exécutif et une assemblée locale, les
dernières colonies tropicales pendant
petites plantations familiales, soit sur sentiel des exportations (400 000 t de principaux partis sont le Movimiento
la guerre hispano-américaine.
des domaines européens utilisant la grumes). de unión nacional de Guinea Ecuatorial
main-d’oeuvre immigrée. La fertilité (M. U. N. G. E.), le Movimiento nacio-
La Guinée équatoriale a besoin de Le protectorat contesté franco-
du sol et des techniques soignées per- nal de liberación de Guinea Ecuatorial
diversifier ses relations extérieures et espagnol du Río Muni
mettent d’obtenir des rendements assez (MO. NA. LI. GE.) et l’Idea popular
d’asseoir son économie sur des bases
En 1843, Lerena se rendit dans la petite
élevés (plus de 700 kg/ha) ; la produc- plus larges. Elle doit développer une de Guinea Ecuatorial (I. P. G. E.). Le
île de Corisco, à 24 km de l’embou-
tion de cacao avait atteint 40 000 t pour Conseil de gouvernement (juill. 1964)
infrastructure encore insuffisante. On
chure du Muni, où des établissements
l’ensemble du pays en 1966. Fernando est présidé par Bonifacio Ondó Edú,
compte seulement 1 015 km de routes
privés espagnols avaient été détruits.
Poo cultive aussi le caféier, le bana- dans le Río Muni. Bata est une rade fo- leader du M. U. N. G. E., Francisco
Le roi de Corisco, Bonkoro, demanda
nier, un peu de canne à sucre, produit Macias Nguema, de l’I. P. G. E., ayant
raine dont le trafic de 120 000 t pourrait
le protectorat espagnol et influença
de l’huile de palme et des palmistes en la vice-présidence. Une conférence
croître avec la réalisation du projet de
dans le même sens des chefs bengas
petite quantité. L’élevage des bovins port en eau profonde. On prévoit aussi constitutionnelle (oct. 1967 - juin
du continent. En 1845, une première
a pu se développer en altitude dans la l’aménagement de l’aéroport de Santa 1968) aboutit, malgré la tendance sé-
région de Moka, où 3 000 bêtes four- expédition espagnole remonta le Muni,
Isabel, afin de le rendre accessible aux paratiste des Bubis de Fernando Poo,
nissent lait et viande. On y trouve mais les Français firent reconnaître leur
quadriréacteurs, et l’installation d’une à l’établissement d’un système prési-
également des cultures maraîchères. suzeraineté par des chefs du Muni, de
centrale électrique (production actuelle dentiel avec gouvernement central et
La capitale de l’île, Santa Isabel, est la Mondah et des îles Elobey (1842-
d’électricité 10 GWh). assemblée à Santa Isabel, deux gou-
aussi la capitale nationale. Située sur la 1855). Tandis que le naturaliste amé-
P. V. vernements et conseils provinciaux,
côte nord, dans un site tourmenté, elle ricain Paul Du Chaillu (1835-1903)
et un Conseil de la République pour
compte 20 000 habitants. La seconde parcourait le pays en 1855-1859, les
L’histoire entreprises espagnoles et françaises régler les différends. La Constitution
agglomération est San Carlos, au sud-
est approuvée le 11 août 1968 avec un
ouest. Environ 160 km de routes sur un Une hispanité hésitante : continuèrent à s’enchevêtrer. Le litige
tiers d’abstentions. Le 29 septembre,
millier sont bitumés. Fernando Poo resta pendant de 1860 jusqu’au traité
F. Macias est élu président de la répu-
de Paris (1900), qui fixa les fron-
y Le Río Muni est le fruit d’un décou- L’Espagne a pris pied en Afrique noire
blique de Guinée équatoriale, et l’indé-
tières de la Guinée équatoriale. Cette
page politique purement artificiel. Le par le biais d’un règlement territo-
période fut marquée par l’installation pendance est proclamée le 12 octobre
relief est semblable à celui du Gabon rial en Amérique du Sud : contre une
des Fangs dans l’arrière-pays, par les — dans une étroite interdépendance
septentrional. Dans l’intérieur, le rectification de frontière en faveur du
voyages de Manuel de Iradier (1875- économique avec l’Espagne.
socle granito-gneissique offre l’aspect Brésil, le Portugal céda à l’Espagne les
1877 et 1884), d’Amado Ossorio et de En 1969, des incidents amènent
d’un plateau vallonné prolongeant îles d’Annobón (découverte le 1er jan-
Montes de Oca ainsi que par l’installa- l’évacuation d’une grande partie des
celui du Woleu-N’Tem (Gabon) à vier 1471 par Pedro de Escobar) et de
tion de postes français dans le Muni, le résidents espagnols, tandis qu’un
500-700 m d’altitude : pénéplaine très Fernando Poo (découverte en 1472 par
Benito et à Bata. coup d’État manqué permet au prési-
ancienne en cours de recreusement. Fernão do Pó, peuplée de Boubis venus
Il se relève en bourrelet sur sa bor- du Cameroun), avec le droit de com- dent Macias de se débarrasser de ses
dure occidentale, formant les « monts mercer sur les côtes voisines (traités La période coloniale et rivaux, Atanasio Ndongo, leader du
de Cristal », et culmine à 1 200 m au de San Ildefonso et du Prado, 1777- la marche à l’indépendance MO. NA. LI. GE., et B. Ondó, qui
mont de la Mitre. Il domine une plaine 78). Et c’est une expédition partie de Le décret du 11 juillet 1904, organisant sont tués. Après la crise, les relations
côtière qui est le prolongement, vers Montevideo qui prit possession des îles les « possessions espagnoles du golfe de coopération se sont rétablies avec
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
l’Espagne ainsi qu’avec le Cameroun vier, 24,4 °C) et humide (de 1 500 à Mandings musulmans et de leurs alliés en Guinée de parents cap-verdiens et
voisin. 3 000 mm de pluies par an) avec une Biafades du royaume de Guinala fut qui en a été jusqu’à sa mort en 1973 le
J.-C. N. saison des pluies bien marquée de mai battue en brèche à partir de 1860 par principal animateur. Après la répres-
F Afrique noire / Empire colonial espagnol / à novembre (pluies de mousson). La une insurrection de leurs sujets peuls, sion sanglante de la grève des doc-
Espagne.
mangrove (forêt de palétuviers) du lit- sous la conduite d’Alfa Molo et de kers de Bissau (1959, 50 victimes), le
M. Iradier, Africa viajes y trabajos de la toral se prolonge par une zone fores- son fils Moussa. C’est cette hégémo- P. A. I. G. C. se replia sur la campagne
Asociación Eúskara La Exploradora (Victoria,
tière qui occupe une partie des pla- nie peule que les colonisateurs portu- et prépara la population rurale, tout en
1958 ; 2 vol.). / R. von Gersdorff, Angola, portu-
giesische Guinea, Sao Tome, und Principe, Kap teaux. L’intérieur a un climat évoluant gais ont, en quelque sorte, pris à leur travaillant à la formation de ses cadres,
Verde Inseln, spanische Guinea (Bonn, 1960). / vers le type soudanais (Nova Lamego : compte. avec l’aide de Conakry, où fut installé
M. de Teran, Sintesis geographica de Fernando
30,1 °C en mai ; 24,3 °C en janvier ; de le siège du parti.
Po (Madrid, 1962). / M. Miranda Diaz, España Si cette partie de la côte de Guinée
en el continente africano (Madrid, 1963). / 1 250 à 2 000 mm de pluies avec une fut découverte dès 1446 par Nuño Tris- Les premières actions armées, en
J. Denis, P. Vennetier et J. Wilmet, l’Afrique saison sèche bien marquée ; végétation 1961, furent le fait du Mouvement pour
tão, les premières mentions de postes
centrale et orientale (P. U. F., coll. « Magellan »,
de forêt claire ou de savane). commerciaux portugais (feitorias) au la libération de la Guinée dite « portu-
1971).
La Guinée littorale est occupée par bord des rivières côtières ne datent gaise de François Mendy », basé au Sé-
des populations très diverses, res- que de 1580 environ. Ces comptoirs négal, mais, dès 1962, le P. A. I. G. C.
tées fidèles à l’animisme, représen- étaient en liaison étroite avec les îles reprit l’initiative et l’a gardée depuis.
En 1963, la guérilla était générali-
Guinée tant 60 p. 100 de la population sur un du Cap-Vert. Le premier fort portugais
tiers du territoire, avec des densités à Cacheu date de 1588. Bissau, cédé en sée. Un Comité national guinéen fut
portugaise dépassant localement 200 habitants au 1607 par le roi de Guinala, menacé par constitué sous la présidence de Rafael
kilomètre carré : Floupes et Bayottes les incursions des Bijagos, fut convoité Barbosa (qui fit défection en 1969),
En portug. GUINÉ PORTUGUESA, territoire (apparentés aux Diolas de Casamance), par les Français à la fin du siècle et comprenant sept départements, mais
portugais de l’Afrique occidentale. Balantes (en expansion : près d’un ne prit de l’importance qu’au XVIIIe s. sans former un véritable gouverne-
tiers de la population totale), Mand- (forteresse de 1766). La fondation, en ment provisoire du Kinara (nom que
jaques (avec les groupes apparentés : 1690, de la Compagnie de Cacheu et doit prendre le pays devenu indépen-
Brames, Pepels), Biafades, etc., vivant du Cap-Vert pour la traite des Noirs dant), peut-être pour ne pas préjuger
en communautés patriarcales indépen- montre l’importance économique de de la place des îles du Cap-Vert, dont
dantes, sans chefferie structurée avant ces établissements. Mais la politique la libération est aussi inscrite au pro-
la conquête coloniale. Ce sont d’excel- d’acquisitions territoriales ne se pré- gramme du P. A. I. G. C., mais où le
lents agriculteurs, pratiquant la rizi- cisa, d’ailleurs lentement, qu’au cours parti n’a pas encore pu passer vraiment
La situation culture inondée intensive. L’intérieur du XIXe s. En 1870, un arbitrage du pré- à l’action.
La Guinée portugaise (la Guinée-Bis- (plateau du Gabou) est occupé par des sident américain Grant attribua défini- Le P. A. I. G. C. déclarait contrôler
sau des nationalistes africains) est Mandings et des Peuls musulmans. La tivement aux Portugais l’île de Bolama, le tiers du pays en mai 1964 et les deux
un petit territoire compris entre les riziculture et l’élevage bovin alimen- que leur disputait l’Angleterre. tiers en novembre 1968. Les troupes
républiques du Sénégal et de Guinée tent surtout la consommation locale. La Guinée portugaise obtint son portugaises, sous le commandement du
(330 km d’ouest en est ; 193 km du Médiocrement mise en valeur par les autonomie administrative à l’égard des gouverneur général Antonio Spinola
nord au sud). Portugais, la « province de Guinée » a îles du Cap-Vert en 1879, le chef-lieu (plus de 30 000 hommes), gardaient la
C’est un ensemble de plaines et de un bon réseau routier, mais pas de che- étant Bolama (Bissau depuis 1940. Les mainmise sur les villes et les voies de
plateaux peu élevés comprenant ; une min de fer. Les voies navigables jouent frontières avec les colonies françaises communication, mais ne parvenaient
plaine côtière marécageuse d’une lar- un rôle important dans les communi- voisines furent fixées par la conven- pas à s’emparer des places fortes de
geur moyenne de 50 km ; un bas pla- cations intérieures. Il n’y a pratique- tion du 12 mai 1886, par laquelle le la résistance. La situation reste cepen-
teau intérieur, constitué au nord du rio ment pas d’industrie. Une société de Portugal cédait son ancien presídio de dant indécise. Les Portugais ont déve-
Geba par des sédiments d’âge tertiaire commerce (Companhia União Fabril - Ziguinchor. Mais la prise de contrôle loppé les milices africaines et, avec
(sables et marnes) qui se rattachent au CUF) a longtemps disposé du quasi- du pays fut très laborieuse. Les révoltes l’aide de certaines ethnies (les Peuls
bassin sédimentaire sénégalo-maurita- monopole du commerce extérieur (ara- des différentes ethnies (parfois jume- en particulier), semblent regagner une
nien et au sud du Geba par une cou- chide : de 30 000 à 50 000 t ; de 60 à lées avec des mutineries de garnisons partie du terrain perdu. Là comme ail-
verture sédimentaire pré-cambrienne 65 p. 100 en valeur des exportations ; et des insurrections des grumetes, leurs, la solution sera politique ; dès
ou primaire (schistes et grès) ; enfin, palmistes : de 20 à 30 p. 100 en valeur Noirs détribalisés et en principe ac- le début et à maintes reprises depuis,
à l’extrême sud-est, un fragment de des exportations), commerce partielle- culturés) se renouvelèrent jusqu’aux le P. A. I. G. C. a offert de négocier,
plateau plus élevé (300 m), consti- ment alimenté par les livraisons obliga- campagnes décisives de João Teixeira mais en vain ; le gouvernement por-
tué de grès primaires cuirassés, pro- toires des paysans. Pinto de 1912 à 1915. C’est alors seu- tugais identifie sa lutte à une croisade
longement des plateaux inférieurs du lement qu’une certaine mise en valeur contre le communisme international.
Bissau, la capitale, et Bolama (an-
Fouta-Djalon. agricole put être tentée. Mais l’effort Cette volonté politique de la métropole
cienne capitale jusqu’en 1940) mé-
social resta dérisoire ; vers 1950, on tient en échec le mouvement de libéra-
La côte est très profondément décou- ritent seules le nom de villes.
comptait 99 p. 100 d’illettrés, et seule- tion qui, le 26 septembre 1973, a pro-
pée, avec une multitude d’îles dont se J. S.-C.
ment 0,3 p. 100 de la population noire clamé dans les territoires qu’il contrôle
détache, loin au large, l’archipel des
bénéficiait du statut d’« assimilé ». la République de Guinée-Bissau.
Bissagos (ou Bijagós), et entaillée par
L’histoire J.-C. N.
de profondes rias (rio Cacheu ; rio
D’un impérialisme à l’autre Succès et limites de la guerre F Afrique noire / Cap-Vert (îles du) / Empire colo-
Geba et son affluent le Corubal), où la
nial portugais / Portugal.
marée, dont l’amplitude atteint locale- Le territoire de la Guinée portugaise révolutionnaire
C. J. de Sena Barcelos, Subsidios para a
ment 7 m, se fait sentir jusqu’à 100 km a fait partie du domaine mandingue, Le P. A. I. G. C., Partido africano para
historia de Cabo Verde e Guiné portuguesa
de la côte. bien que de nombreuses populations la independência de Guinea y Cabo (Lisbonne, 1908). / J. Melo Barreto, Historia da
Le climat littoral est de type subgui- païennes insulaires (Bijagos) ou Verde (parti africain de l’indépen- Guiné, 1418-1918 (Lisbonne, 1938). / Teixeira
da Mota, Guiné portuguesa (Lisbonne, 1954,
néen : chaud avec une faible amplitude côtières (Floupes, Mandjaques, Ban- dance de la Guinée et du Cap-Vert), a
2 vol.). / G. Chaliand, Lutte armée en Afrique
annuelle (Bolama : moyenne de mai, houns, Balantes) aient su conserver été fondé en 1956 à Bissau, à l’insti- (Maspéro, 1967 ; 2e éd., 1969). / B. Davidson,
27,5 °C ; moyenne de décembre-jan- quelque autonomie. La suprématie des gation d’Amilcar Cabral, agronome né The Liberation of Guiné, Aspects of an African
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
née « portugaise », le pouvoir des armes (Mas- un cinquième rang de cordes lui est détail : caisse progressivement plus
La Renaissance va marquer le pre-
péro, 1970). / Guinée et Cap-Vert (Alger, 1970). volumineuse, ouïe dépourvue de ro-
mier âge d’or de l’instrument ; il ajouté au grave vers la fin du siècle.
connaît alors une telle diffusion qu’un L’instrument est alors accordé sur le sace, frettes de métal au nombre d’une
auteur peut écrire (v. 1540) : « Tout modèle de la, ré, sol, si, mi, nouvelle vingtaine, chevilles montées sur une
nostre monde s’est mis à guyterner [...] étape vers notre accord moderne. mécanique pour faciliter l’accord. Vers
Guises (les) en manière que trouverez aujourd’hui En dépit de cette innovation, la gui-
1870, entre les mains du célèbre fac-
répand dans l’Europe occidentale en- et mouvements du corps [...] crotesques techniques, l’instrument attire les vir-
guitare tière — à l’exception, cependant, de et ridicules » et s’irrite de voir qu’« en tuoses. Dès l’aube du XIXe s., de grands
n’est qu’au XVIe s. qu’un essai de stan- v. 1598) et Guillaume Morlaye des périodiques aux titres prometteurs : nombreuses transcriptions de musique
dardisation se produira, aboutissant à (v. 1515 - apr. 1560), ils contiennent Journal de guitare, Étrennes chan- ancienne —, la guitare connaît un ex-
la disparition de cette dernière. des transcriptions de chansons à la tantes, Après-soupers de la Société. traordinaire développement. Ses deux
mode (accompagnées ou purement Les méthodes, elles aussi, abondent, aspects, populaire et classique, s’épa-
Pendant tout le bas Moyen Âge, la
instrumentales), des danses, quelques assurant (déjà...) une pratique aisée nouissent. De grands virtuoses, tels
guitare joue un rôle non négligeable en
pièces religieuses (psaumes en particu- en quelques semaines ! Cédant à une Narciso Yepes, la regrettée Ida Presti,
Europe. À partir du XIIIe s., écrivains
lier) et des fantaisies, propres à mettre recherche de facilité générale, l’emploi Alexandre Lagoya, Alirio Díaz, John
et poètes la mentionnent à maintes
en valeur la virtuosité des interprètes. des cordes doubles disparaît peu à peu Williams, Julian Bream, portent son
reprises. Nous voyons qu’elle est déjà
D’une écriture musicale très soignée, (à partir de 1775). Pour compenser renom dans le monde entier. De nom-
appréciée par les amateurs, qui s’en
ce répertoire connaît une diffusion qui l’appauvrissement qui en résulte, une breux amateurs en font en outre leur
servent pour accompagner le chant
dépasse largement nos frontières. sixième corde est ajoutée, au grave. instrument de prédilection.
ou faire résonner des danses. L’Église
elle-même l’accepte ; en Allemagne Après avoir occupé une place de pre- L’accord devient alors mi, la, ré, sol, À côté de ces aspects traditionnels, il
et dans les Flandres, il arrive de voir mier plan pendant trente ans environ, la si, mi, tel que nous le pratiquons encore en est un autre — et non des moindres
le saint sacrement traverser les villes guitare se voit supplantée par des ins- de nos jours. — qui, de nos jours, contribue à la dif-
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fusion de la guitare : c’est la musique semble-t-il, à une tentative de reconsti- l’apparition de Charlie Christian et et les rythmes musicaux dans un sens
de variétés, où les chanteurs et les tution d’instruments africains, cet engin l’avènement du be-bop. Christian s’at- nouveau.
ensembles instrumentaux lui donnent aux possibilités surtout rythmiques fut tachera à démontrer toutes les possi-
une place de tout premier plan. Afin de utilisé par nombre de musiciens cam- bilités de la guitare « électrique », ou- Entre le « rock » et le « free »
répondre aux nouvelles exigences qui pagnards trop pauvres pour s’acheter vrant la voie aux improvisateurs qui se Peu à peu, la guitare disparaît des
en résultent, la guitare va se transfor- une « vraie » guitare. Jusqu’au début sont imposés dans les années 40 et 50. orchestres de jazz moderne. Seuls
mer. Sa sonorité intime, qui s’adapte du XXe s., le banjo sera synonyme de Ses disciples constatent que leur ins- continuent de travailler, au début des
mal aux exigences des grandes salles musique populaire et indissociable des trument peut rivaliser en puissance et années 60, les guitaristes qui se conten-
et n’émerge guère d’un groupe d’ins- divertissements prolétariens : spec- en vélocité avec n’importe quelle voix tent de prolonger le discours de Charlie
truments, devra être artificiellement tacles de minstrels, accompagnement orchestrale. Les phrases deviennent Christian, voire de l’actualiser en s’ins-
amplifiée. C’est pour répondre à une de danses « nègres », chansons de aussi rapides et complexes que celles pirant de Wes Montgomery (Kenny
telle nécessité qu’a été récemment cowboys et de paysans, etc. Parallèle- des saxophones, les développements Burrell, Grant Green, George Benson,
créée la guitare électrique. Assez para- ment à la promotion sociale des Noirs, harmoniques sont plus riches et plus René Thomas...). En revanche, du côté
doxalement, la forme de cette dernière qui succède à la guerre civile, et aux subtils, et, plus encore, le perfection- des bluesmen, la guitare est restée l’ins-
s’inspire des courbes harmonieuses premiers mouvements des populations nement des amplificateurs autorise un trument roi. Amplifiée, elle s’est impo-
de la cithare antique, mais elle n’en rurales vers les villes industrielles du
travail quasi illimité sur les sonorités, sée dans les orchestres de rhythm and
conserve guère que le principe de jeu Nord, les musiciens et les chanteurs né-
notamment dans le registre aigu. Libé- blues, notamment les groupes dirigés
des cordes pincées... La caisse de ré- gro-américains ne tardent pas à adop-
rée du cadre de la section rythmique, par des organistes (Thornell Schwartz
sonance, d’épaisseur réduite, ne peut ter la guitare, plus perfectionnée que
la guitare s’impose comme une voix et Quentin Jackson avec Jimmy Smith,
suffire à amplifier les sons. Des micros le banjo et marquée par les traditions
soliste. Désormais, chaque nouvelle Billy Butler avec Bill Doggett, Larry
(un ou deux) sont donc disposés sous populaires européennes. La nature de
tendance de la musique négro-amé- Dale avec Cootie Williams, Bill Jen-
les cordes, qui seront obligatoirement ces instruments et la technique des
ricaine comprend parmi ses repré- nings avec Jack McDuff), et a été adop-
métalliques cette fois. Placés parallè- premiers enregistrements limiteront
sentants quelques guitaristes remar- tée par les jeunes musiciens de rock and
lement au chevalet, ils transmettent les longtemps le rôle des guitaristes-ban-
quables. Alors que Charlie Christian roll. En continuant avec obstination de
sons émis à un ou à plusieurs ampli- joïstes à une fonction essentiellement
avait été associé aux petites formations chercher de nouvelles sonorités, ceux-
ficateurs. Un système de vibrato et rythmique (Johnny Saint-Cyr auprès
de Benny Goodman et aux rencontres ci ont découvert (et Jimi Hendrix fut un
des boutons de réglage vont permettre de Louis Armstrong, Bud Scott, Danny
de Thelonious Monk et Kenny Clarke, pionnier du genre), grâce à l’amplifica-
de modifier non seulement l’inten- Barker, Mancy Cara, Lee Blair, Fred
tandis qu’Oscar Moore, Irving Ashby, tion électrique, tout un au-delà sonore
sité sonore, mais le timbre même de Guy chez Duke Ellington, etc.).
John Collins, Tiny Grimes et Everett où le parti pris de joliesse et d’« har-
l’instrument.
Barksdale contribuent au son des trios monie » apparaît désuet : modulations
Du banjo au solo
À la suite de telles adjonctions, la King Cole et Art Tatum, à la mode vers de l’effet Larsen (jusqu’alors considéré
guitare électrique ne conserve qu’une Quelques musiciens, cependant, es-
1940, on trouvera : auprès de Dizzy comme un « accident » regrettable),
lointaine parenté avec la guitare tra- saieront de jouer un rôle mélodique,
Gillespie et de Charlie Parker, les gui- distorsions, effets d’écho, etc. Avec
ditionnelle et peut être considérée souvent en s’inspirant du style des
taristes Remo Palmieri, Chuck Wayne, Larry Coryell puis John McLaughlin
comme un instrument ayant acquis son chanteurs de blues, pour qui la guitare
Bill de Arango, Mundell Lowe, Herb et Sonny Sharrock, ces procédés sont
individualité propre. Tout comme les est polyvalente : mélodique, dans la
Ellis, Barney Kessel ; dans l’orchestre intégrés au jazz des années 70. Ainsi,
musiciens de variétés, les compositeurs mesure où elle répond au chant ou le
de Stan Kenton. Sal Salvador, puis Lau- et comme en contrebande, un certain
« classiques » s’en avisent et com- prolonge ; harmonique et rythmique,
rindo Almeida ; Billy Bauer aux côtés esprit du blues vient nourrir de nou-
mencent à prendre conscience des nou- car elle est tout l’orchestre-accompa-
du pianiste et théoricien Lennie Tris- veau le jazz. Cette nouvelle façon de
gnement dont dispose le chanteur. Au
velles possibilités qu’elle leur offre.
tano ; Jimmy Raney avec Stan Getz ; travailler le matériau sonore reflète
sein de divers contextes, des musiciens
Les générations futures adopte- Jim Hall avec le clarinettiste Jimmy
comme Eddie Lang, Lonnie Johnson et en effet une constante de la musique
ront-elles cette nouvelle venue ou la Giuffre, Bill Evans ou Sonny Rollins ;
Teddy Bunn mettront au point un style négro-américaine : la « vocalisation »
guitare à dix cordes réalisée à Madrid Kenny Burrell en compagnie de Gil-
de solistes. du discours instrumental. Simplement,
par le célèbre Ramirez, à la demande lespie, Getz, Kenny Dorham ; le Belge le chant de la guitare est devenu cri.
de Yepes ? Il n’est pas douteux qu’en René Thomas avec Chet Baker, puis
Électricité et be-bop P. C.
dépit de son succès actuel l’avenir de la Sonny Rollins ; Tal Farlow avec Char-
Tournant décisif dans l’histoire de la
guitare pose un certain nombre de pro- lie Mingus ; le Hongrois Attila Zoller
blèmes. S’ils veulent qu’elle continue guitare, la découverte des procédés
avec le pianiste Martial Solal ; Joe Pass
Les principaux
d’amplification électrique va libérer et
à susciter l’attention des compositeurs,
et Barry Galbraith dans les groupes guitaristes de jazz
encourager ces ambitions mélodiques.
les luthiers et les interprètes devront
californiens des années 50... Avec
Les premières tentatives du trombo- Charlie Christian (Dallas 1919 - New
rapidement les résoudre.
Wes Montgomery, qui apparaît sur la
niste-guitariste Eddie Durham, dans le York 1942). Il découvre la guitare
H. C.
scène du jazz à la fin des années 50, en 1937 et, deux ans plus tard, est
grand orchestre de Jimmie Lunceford,
E. Pujol, « la Guitare », dans Encyclopédie
il semble que tout un aspect de l’héri- engagé par Benny Goodman. Vedette
de la musique sous la dir. de A. Lavignac et L. de et de Floyd Smith, chez Andy Kirk,
tage de Charlie Christian commence à de l’orchestre du clarinettiste, il joue
La Laurencie, 2e partie, t. III (Delagrave, 1927). annoncent la disparition de la guitare
/ H. Charnasse et F. Vernillat, les Instruments à s’épuiser ; l’harmonie postparkérienne aussi avec Lionel Hampton et les mu-
ordinaire (« sèche » ou « acoustique »)
cordes pincées (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », siciens bop qui se réunissent au Min-
au profit de la guitare électriquement et la conception traditionnelle de l’ins-
1971).
trument semblent avoir fait leur temps. ton’s. Atteint de tuberculose, il meurt
amplifiée. Tandis qu’en Europe Django
à vingt-deux ans. Considéré par les
Reinhardt* oppose en son jeu le style Au moment où le free jazz ébranle les
Les guitaristes de jazz conforts et les routines de la musique
uns comme un pionnier du be-bop,
tsigane et les traditions négro-améri-
par d’autres comme le seul guitariste
Pour les jeunes Noirs du sud des États- caines, et met au point un discours par- négro-américaine, et où le blues, par le
remarquable — avec Django Rein-
Unis, un banjo fait d’une boîte vide faitement original (Reinhardt n’utili- biais du rhythm and blues, et du rock,
hardt — de toute l’histoire du jazz, il
et d’un morceau de manche à balai sera la guitare amplifiée que vers la fin fait un retour massif dans les divertis- est, en tout cas, responsable d’une
fut souvent non seulement un premier de sa carrière), l’univers des guitaristes sements populaires, les guitaristes sont émancipation décisive de la guitare.
jouet, mais en même temps le premier de jazz va être bouleversé, d’abord condamnés, eux aussi, à interroger leur Enregistrements : Solo Flight (avec
instrument de musique. Correspondant, aux États-Unis, par deux événements : instrument et à renouveler les thèmes Goodman, 1941), From Swing to Bop
5167
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
(jam session au Minton’s, 1941). go Reinhardt et Stéphane Grappelli. de l’individu et l’égalité civile. Hostile
L’activité politique
Enregistrements : Goin’ Places (avec aux forces aveugles de la populace, il
Larry Coryell (Galveston, Texas, de Guizot sous la
Venuti, 1927), Guitar Blues (avec Lon-
1943). Passionné de rock et de Restauration* entend distinguer néanmoins le grand
nie Johnson, 1929).
« country music », il ne découvre élan libérateur de la Révolution, qu’il
le jazz que tardivement et reçoit les La phase doctrinaire
Wes Montgomery (Indianapolis réhabilite d’ailleurs publiquement dans
conseils du guitariste hongrois Ga- Le jeune universitaire, alors roya-
1925 - id. 1968). Après avoir joué avec
bor Szabo. Les amateurs de jazz re- l’exposé des motifs de la loi Gouvion-
Lionel Hampton, il forme avec ses deux liste convaincu, applaudit au retour
çoivent sa musique, en 1967, au sein Saint-Cyr en novembre 1817.
frères un orchestre : les Mastersounds. des Bourbons. Il devient secrétaire
du quartette de Gary Burton, comme
Découvert par Cannonball Adderley en général du ministre de l’Intérieur, L’orientation libérale du cabinet
la première tentative de bouleverser
1959, il devient l’un des jazzmen les l’abbé de Montesquiou (avr. 1814), Decazes s’inspire des conceptions doc-
l’univers de la guitare qui soit à la
plus populaires. D’abord influencé par sur recommandation de son collègue
mesure du free jazz. Après avoir joué trinaires et s’appuie sur leur influence.
ce rôle de détonateur essentiel et par- Charlie Christian, il mit au point un à la Sorbonne Royer-Collard. Il s’ini-
Le corps préfectoral est épuré, et c’est
ticipé à de nombreux enregistrements, style où alternaient un phrasé linéaire tie à l’administration, intervient dans
et des accords en octave. En grattant les à Guizot que l’on confie, le 6 janvier
Coryell, paradoxalement, retourne à la rédaction de la Charte, et les rap-
des climats plus doux et traditionnels. cordes avec son pouce, sans médiator, ports précis et documentés qu’il four- 1819, la nouvelle Direction des affaires
Enregistrements : Elementary Guitar il obtenait une sonorité intermédiaire nit sur la situation du royaume sont départementales et municipales. C’est
Solo (1966), Communications (avec le entre celle de la guitare « sèche » et appréciés du roi. Lors des Cent-Jours, encore Guizot et ses amis qui préparent
Jazz Composers Orchestra, 1969). celle de la guitare « électrique ». il suit Louis XVIII à Gand, et cette les lois libérales sur la presse. Mais
Enregistrements : Full House (1962), fidélité reçoit sa récompense : le poste
Frederick William, dit « Freddie » l’assassinat du duc de Berry (1820)
The Thumps (1966).
Green (Charleston 1911). Engagé par de secrétaire général au ministère de
met brutalement fin à l’expérience de
Count Basie en 1937, il n’a plus quit- la Justice. Éphémère fonction d’ail-
Warren Harding, dit « Sonny » Shar-
té le pianiste-chef d’orchestre depuis conciliation de la légitimité et de la
rock (Ossening, New York, 1940). leurs, car Richelieu* le renvoie bien-
cette date et a développé la fonction Charte : Guizot est révoqué le 17 juil-
Après quelques années d’études mu- tôt, cédant à la pression de la droite. Le
rythmique et d’accompagnement de
sicales, théoriques et pratiques, il royalisme a en effet éclaté, et Guizot, let 1820.
la guitare à un degré de perfection et
s’essaye au bop, puis écoute Omette qui a fait ses premiers pas en poli-
de rigueur exceptionnel. S’il ne joue
Coleman et Cecil Taylor. Il rencontre tique dans le sillage du prudent abbé Le retour à l’opposition
presque jamais en solo, il est respon-
sable, en revanche, au sein de la sec- Sun Ra, joue avec Pharoah Sanders, de Montesquieu, s’est rangé aux côtés (1820-1830)
tion rythmique, du swing « Basie ». Wayne Shorter et Archie Shepp. Se des « constitutionnels ». Les ultras ne
Rendu à l’Université, Guizot pour-
Enregistrement : The Elder (avec Basie, voulant partisan d’une musique où la pardonneront pas de sitôt à ce libéral
« technique » doit s’effacer au profit suit le combat politique et publie une
1962). doublé d’un hérétique.
de l’émotion et de l’énergie, il exploite série de brochures hostiles au nouveau
Jimi Hendrix (Seattle 1945 - Londres La Chambre « introuvable » est dis-
les stridences qu’autorise la guitare gouvernement. Ce dernier réplique en
1970). Il apprend la guitare à quinze soute le 5 septembre 1816. Guizot a
électrique comme une des seules bases
ans puis accompagne des chanteurs probablement contribué à peser sur la fermant son cours à la Sorbonne en
possibles à l’improvisation « free ».
de blues et des groupes « pop » tels les décision royale en rédigeant, à la de- octobre 1822, et le grand historien ne
Enregistrement : Black Woman (1969).
Casuals, les Isley Brothers et Little Ri- mande de Decazes*, une note sévère à retrouvera sa chaire qu’avec Martignac
chard. C’est en Grande-Bretagne qu’il l’adresse du parti ultra. D’ailleurs, ses
en 1828.
fut découvert par le jeune public des
conceptions politiques se précisent à
Animals, des Rolling Stones et des Who. C’est une période active et féconde
l’occasion du débat engagé sur le fonc-
Instrumentiste et chanteur, il forme un
trio, d’abord avec deux Anglais (Noel Guizot (François) tionnement des institutions. Dans une qui s’ouvre alors pour l’universitaire. Il
brochure intitulée Du gouvernement entame la publication de ses ouvrages
Redding, bassiste, et Mitch Mitchell,
batteur), puis avec Billy Cox et Buddy représentatif et de l’état actuel de la historiques [Histoire de la révolution
Homme d’État et écrivain français
Miles (The Jimi Hendrix Experience). France, qui répond à De la monarchie
(Nîmes 1787 - Val-Richer, Calvados, d’Angleterre, 1826-27 ; Histoire de la
Utilisant à fond les possibilités de la selon la Charte, publiée par Cha-
1874). civilisation en Europe, 1828 ; Histoire
guitare électrique avec l’usage du fee- teaubriand*, alors ultra. Guizot rejette
Guizot était issu de petite bourgeoi- de la civilisation en France, 1830),
ding back et de la pédale wah-wah, il l’idée d’un parlementarisme à l’an-
eut une influence décisive sur l’évo- sie protestante. Privé de bonne heure dans lesquels s’exprime sa conception
glaise. Pour lui, le roi et les Chambres
lution de la musique « pop » dont il systématique d’un sens de l’histoire
du soutien matériel et moral de son ne sont nullement trois pouvoirs équi-
fut aussi un héros par la fureur de sa
père — avocat nîmois exécuté sous la valents, mais des éléments d’un pou- justificateur de ses théories politiques.
tenue sur scène. Ce voyage au bout des
Terreur —, il put, néanmoins, pour- voir unique et souverain. Les ministres Il ne néglige pas pour autant la lutte
sons, avec une sollicitation exacerbée
suivre à Genève de solides études. Il n’ont aucun pouvoir personnel ni in-
des effets d’accrochages électroniques sur le terrain. Il participe à la rédaction
(Larsen et glissandos), l’impose comme devait garder de ces temps d’épreuves dépendant. La majorité parlementaire
du Globe, organe du parti constitution-
le guitariste de jazz et de blues le plus une ténacité rigide, accentuée par une ne peut ni constituer ni renverser le
nel, et appuie les efforts de la société
original dès la fin des années 60. gouvernement.
austère éducation calviniste, et une
Enregistrements : Hey Joe, Up from the « Aide-toi, le ciel t’aidera ». En jan-
hostilité sans défaillance à l’égard des Ce qui, chez certains, n’était qu’op-
Skies, Red House (1969-70). vier 1830, il est envoyé à la Chambre
revendications politiques susceptibles portunisme tactique devait se révéler
par les électeurs de Lisieux et siège
Salvatore Massaro, dit « Eddie » d’aboutir à une démocratie. chez Guizot le fondement théorique
Lang (Philadelphie 1904 - id. 1933). d’une conception de l’unité du pou- au centre gauche. Signataire du Mani-
Quelques protections lui ouvrent les
Fils d’émigrants italiens, il sera sur- voir. Vers 1817, Guizot est l’un des feste des 221, il est réélu sans difficulté
tout célèbre pour ses enregistrements salons littéraires parisiens. Guizot écrit
membres influents du groupe des en juin et rédige le 27 juillet 1830 la
en duo avec le violoniste Joe Venuti ses premiers ouvrages et publie les An-
« Doctrinaires », constitué sous l’égide
à la fin des années 20. En 1930, il protestation de 63 députés contre les
nales de l’éducation en collaboration
de Royer-Collard. Conseiller officieux
fait partie de l’orchestre de Paul Ordonnances. Au cours des Trois Glo-
avec Pauline de Meulan (1773-1827), du gouvernement, il rédige et défend
Whiteman, puis devient l’accompa-
qu’il épouse en avril 1812. Fontanes, rieuses, il aide activement au triomphe
gnateur du chanteur Bing Crosby. les principaux projets ministériels.
grand-maître de l’Université, crée pour Dans la tribune doctrinaire, les Ar- de la solution orléaniste et, le 11 août,
Virtuose, il annonçait les grands
solistes de la guitare. Ses duos avec lui à la Sorbonne la chaire d’histoire chives philosophiques, il exalte, avec il est nommé ministre de l’Intérieur : il
Venuti influencèrent sans doute Djan- moderne (1812). rigueur et hauteur de vues, les droits le restera jusqu’en novembre.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Guizot sous la sous la surveillance étroite des notables la Chambre, ni gouvernement par- cation et bloque tous les projets de
civils et religieux. lementaire, le souverain participant réforme.
monarchie de Juillet
Jusqu’en 1840, Guizot participe aux activement, trop activement même, à Sur le plan extérieur, l’axe de la
Le temps des crises intrigues parlementaires qui voient se la direction politique. De plus, Guizot politique gouvernementale passe par
(1830-1839) faire et se défaire de fragiles cabinets possède un programme bien défini, qui l’Entente cordiale avec l’Angleterre. Il
ministériels : tantôt chef de la droite séduit Louis-Philippe : assurer le gou-
La Révolution est achevée, et la nou- s’agit, dans ce domaine, de manoeuvrer
contre Thiers* (févr.-sept. 1836), vernement de la « classe moyenne »
délicatement. La marge y est étroite :
velle monarchie marque le terme de
tantôt associé à Molé avec Thiers et par la consolidation d’un ordre social elle impose, en effet, de ménager à la
l’évolution commencée en 1789. Cette résolument conservateur, dont les fon-
O. Barrot (avr. 1837 - mars 1839). La fois les susceptibilités britanniques en
idée commune à bien des libéraux de la dements sont la propriété et le système
chute du second cabinet Thiers (mars- Méditerranée, de tenir compte des sou-
Restauration est partagée par Guizot, oct. 1840) marque la fin des combinai- censitaire ; satisfaire les intérêts maté-
bresauts nationalistes de l’opinion pu-
qui se rallie rapidement à la « Résis- sons et l’échec des tentatives de gou- riels de la bourgeoisie par une légis-
blique et de pratiquer une politique de
tance » et se range désormais dans le vernement parlementaire. Guizot, alors lation appropriée ; maintenir la paix
rayonnement national, auquel le trône
ambassadeur à Londres, est appelé aux à l’extérieur en assurant prudemment
camp des conservateurs. Guizot ap- est particulièrement sensible. Guizot
Affaires étrangères du nouveau cabi- la rentrée de la France dans le concert
puie vigoureusement la politique de doit connaître une série de déboires.
net Soult. Ce ministère, qui apparaît diplomatique européen.
répression contre les républicains au En France, on ne lui pardonne pas les
à ses origines comme une solution de Le développement économique humiliations auxquelles a abouti sa
temps des insurrections et des atten-
rechange temporaire, durera jusqu’à du pays s’accélère incontestable- tactique conciliatrice (affaire du droit
tats (1832-1835). Ministre de l’Ins- la fin du régime. Guizot en assumera ment à partir de 1840, et Guizot pra- de suite en 1841, affaire Pritchard en
truction publique d’octobre 1832 à la direction de fait jusqu’en septembre tique une politique particulièrement 1843-44). Un coup diplomatique auda-
février 1836, puis de septembre 1836 1847 et, à cette date, en aura la prési- favorable aux grands intérêts privés : cieux, la conclusion des mariages espa-
à avril 1837, il fait promulguer la loi dence nominale. « Enrichissez-vous par le travail et par gnols en 1846, lui aliène le gouverne-
sur l’enseignement primaire du 28 juin l’épargne... » L’activité des milieux ment et l’opinion britanniques.
Le gouvernement de Guizot d’affaires bénéficie d’encouragements
1833, par laquelle les pouvoirs pu-
(oct. 1840 - févr. 1848) Pour compenser la perte de l’alliance
officiels et de mesures concrètes :
blics prennent en charge l’instruction anglaise, Guizot se rapproche des puis-
À la différence de ses prédéces- lois sur les concessions de voies fer-
élémentaire. Mais la loi Guizot, fruit sances conservatrices et veut maintenir
seurs, Guizot va bénéficier de l’appui rées, marchés fructueux passés avec
des conceptions étroites de la classe le statu quo européen devant la flam-
constant du souverain, dont les vues l’État. La sollicitude du gouvernement
dominante, est bornée dans ses prin- bée révolutionnaire et faire tomber les
sur la plupart des questions s’accordent est férocement sélective. Pour ne pas
préventions des monarchies absolu-
cipes comme dans ses effets. Elle re- avec les siennes. heurter les notables protectionnistes,
tistes contre le « roi des barricades ».
fuse l’obligation, comme contraire à la Le régime sera désormais un com- on maintient une législation douanière
Louis-Philippe et son ministre, deve-
liberté des familles, limite la gratuité promis : ni gouvernement personnel, malthusienne, mais le monde du travail
nus paradoxalement les gardiens d’une
aux indigents et maintient l’instituteur le ministère étant responsable devant est totalement abandonné à son exploi-
nouvelle Sainte-Alliance, n’y gagnent
tation et à sa misère. Personnellement
qu’un surcroît d’impopularité.
probe, Guizot n’en couvre pas moins
les scandaleuses pratiques de l’oli- La dégradation de la situation inté-
garchie financière, qui aboutit à dis- rieure s’accélère en 1847. La crise
créditer son gouvernement et à dresser économique éclate, qui n’épargne pas
contre lui une large partie de l’opinion. les milieux bourgeois. Le personnel
politique orléaniste s’avilit dans une
En 1842, Guizot dispose encore à la
cascade de scandales qui éclaboussent
Chambre d’une majorité réduite, qu’il
le trône : ministres prévaricateurs
s’acharne à élargir par des méthodes
(affaires Teste et Cubières), grands
discutables. Un nombre croissant de
seigneurs assassins (affaires Choiseul-
fonctionnaires parmi les députés minis-
tériels assure des scrutins dociles. Le Praslin), dans les deux cas la pairie
convaincu que l’accès aux responsa- Guizot s’obstine. Hautain, voire agres-
bilités politiques doit être réservé à sif, il repousse en bloc les ultimes pro-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Revenu en France en 1849, Guizot Gujart-Marh, dont l’échec fut Kthiwr et la plaine est progressif. été de puissants stimulants à l’activité
échoue aux élections du 13 mai à patent dès 1960, surtout à cause de Cependant, la profonde échancrure du économique.
l’Assemblée législative. Il se consacre l’opposition des Marathes. Le Guje- golfe de Cambay sépare assez nette- L’agriculture, pratiquée par de petits
désormais à son oeuvre historique et à rat retrouva alors son autonomie ; son ment le Kthiwr du continent. propriétaires appartenant à des castes
la défense de sa politique par la publi- unité est bien affirmée par une nette paysannes dotées d’esprit d’entreprise,
L’ensemble porte des sols minces
cation de ses Mémoires pour servir à prépondérance de la langue gujart et est fondée sur une rotation millets-
et de faible valeur. De plus, le climat
l’histoire de mon temps et de ses Dis- de l’hindouisme. coton. Quelques secteurs spécialisés
est sec. Les pluies tombent pendant
cours à la Chambre. Rallié à l’Empire Cependant, il est aussi région d’ori- notamment dans les cultures du tabac
les trois ou quatre mois du maximum
libéral, malgré ses prises de position gine de minorités importantes, bien (région de Kaira), des bananes (région
de la mousson (mi-juin à la fin de sep-
hostiles à l’intervention en Italie, il de Srat) viennent apporter des res-
plus par leur rôle économique et social tembre), et les quantités totales sont
soutient le plébiscite de mai 1870. que par leurs effectifs (parsis et jaina). sources supplémentaires.
inférieures à 400 mm, voire à 300 mm
Isolé dans sa retraite normande, il dans le Kutch. À ces conditions défa- Mais la région s’individualise sur-
meurt en 1874, après avoir vainement Un État industriel vorables, il faut ajouter le fait que les tout par l’importance de l’industrie.
tenté de revenir sur la scène politique à États princiers ont favorisé le long Le rôle d’entraînement a été joué par
Malgré ses dimensions réduites, le
la faveur de la guerre de 1870 et de la maintien d’une assez grande propriété le textile, fondé sur une longue tradi-
Gujerat est le troisième État industriel
crise du régime. (Acad. fr., 1836.) et de systèmes de tenure très injustes, tion artisanale (Srat), complétée par
de l’Inde. Il doit cette place d’abord
J. L. Y. qui commencent seulement à dispa- les investissements en provenance
à ses liens avec Bombay et ensuite,
F Juillet (monarchie de) / Louis-Philippe Ier / Res-
raître par l’effet d’une nouvelle légis- de Bombay. Les grandes usines sont
tauration / Révolution de 1848. seulement, à des conditions naturelles
lation agraire. concentrées à Ahmadbd, tandis que
favorables.
L. M. de Cormenin, dit Timon, Livre des les autres villes ont gardé davantage de
Aussi, l’agriculture est-elle peu pro-
orateurs (Pagnerre, 1836 ; nouv. éd., 1847). / En effet, lors du « boom » du coton petits ateliers (Srat, Baroda, Broach
F. Guizot, Mémoires pour servir à l’histoire de ductive. Elle est fondée sur l’associa-
dans les années 1860, c’est à l’initia- notamment). D’autres industries sont
mon temps (Lévy, 1858-1867 ; 8 vol.) ; Mélanges
tive de Bombay que furent implantées tion de millets (jowar et bajra) et des
politiques et historiques (Lévy, 1869). / P. Thu- apparues comme des auxiliaires du tex-
la culture de cette fibre sur les sols arachides. Seules les régions basses
reau-Dangin, Histoire de la monarchie de Juil- tile (industrie mécanique et chimique)
let (Plon, 1884-1892 ; 7 vol.). / C. H. Pouthas, noirs profonds de la plaine et les usines ont quelques cultures de coton et de
et ont été renforcées récemment par
Guizot pendant la Restauration, préparation
de traitement de Ahmadbd. D’autre blé (en hiver, grâce à l’irrigation par
de l’homme d’État (Plon, 1925). / D. Johnson, des investissements du gouvernement
part, beaucoup de Gujarts entrepre- puits). Les villes sont installées sur
Guizot, Aspects of French History, 1787-1874 central (raffinerie de pétrole de Ba-
(Londres, 1963). nants (parsis notamment) émigrèrent la périphérie. Quelques-unes ont des
roda, près d’un gisement important à
à Bombay. Depuis la partition de industries, fondées notamment sur le Ankleshwar). La plaine est donc assez
1960, leur situation est difficile dans la sel (usines de soude à Mithapur, pro- fortement urbanisée. Ahmadbd, avec
grande métropole, et ils tendent à reve- priété du groupe parsi Tata) et le cal- 1,7 million d’habitants, est la cin-
Gujerat nir en terre natale, en y réinvestissant caire (cimenterie à Jmnagar). Au fond quième ville de l’Inde.
leurs capitaux, souvent très importants. du Rann de Kutch, le gouvernement de F. D.-D.
5170
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
(1693-1741), dont on trouve l’écho ligieux intense : elle offre bien la plus Mauss. Lui-même appelait son système entre divers types de connaissance et
dans son oeuvre. Sa carrière se déroule haute expression de ce rococo bavarois un « hyperempirisme réaliste, plura- divers contextes sociaux.
en Bavière, autour de Munich, où il se à l’imagination créatrice incomparable. liste et relativiste ». Il refusait donc
Pour guider la recherche de ces
marie en 1757 et s’établit. De son siècle, Günther retient une part de s’enfermer dans une philosophie
corrélations, il faut quadriller le phé-
Il travaille surtout pour les puis- d’élégance et de suavité dans l’allé- unitaire et fermée, quelle qu’elle fût.
nomène total par des catégories. Les
santes abbayes du pays et aussi pour les gresse de ses anges ; mais ses Vierges Aussi retenait-il beaucoup d’enseigne-
unes s’étagent en profondeur et cor-
églises de pèlerinage et de confréries. de douleur, ses apôtres, ses Pères de ments de diverses autres sociologies,
respondent à des paliers de l’analyse,
Ses chefs-d’oeuvre sont le maître-autel l’Église ont une gravité intérieure qui comme celles de Marx, de Proudhon,
va bien au-delà d’une pose de théâtre. depuis la surface morphologique la
des églises de Rott am Inn, de Weyarn, de Saint-Simon, de Durkheim, tout
Il varie à l’extrême les attitudes, sinon plus visible et depuis les modèles so-
de Neustift, près de Freising, de Starn- en les critiquant sévèrement dans la
les expressions, délivrant le corps de ciaux jusqu’aux symboles dynamiques
berg, de Mallersdorf, mais il a aussi mesure où elles lui semblaient risquer
laissé nombre de statues et de groupes la pesanteur matérielle, déployant et de figer la réalité sociale ou d’anticiper et aux conduites novatrices. Les autres
fracassant les draperies avec une vir- avec trop de détermination sur son évo- concernent les cadres dans lesquels
en stuc ou en bois volontiers poly-
chrome. Dans le choeur du monastère tuosité n’excluant pas, parfois, certaine lution future. D’autre part, il réagissait s’inscrit cette réalité étagée. Ce sont
bénédictin de Rott am Inn, en 1761-62, saveur paysanne. La Pietà de Nennin- les manifestations de la sociabilité,
très vivement contre une certaine ten-
gen (Wurtemberg), de 1774, si tragique
il dresse de part et d’autre les figures dance de la sociologie empiriste amé- qu’étudie la microsociologie, puis les
des fondateurs, l’empereur Henri et et silencieuse, apparaît comme son ricaine qui paraissait borner son ambi- groupements, dont Gurvitch propose
sa femme Cunégonde, qui ont droit à testament. tion à constater des faits, à mesurer et une typologie complexe ; ce sont aussi
F. S.
leur place au maître-autel, puisqu’ils à décrire des phénomènes. Selon lui, les classes sociales et enfin les sociétés
A. Schönberger, Ignaz Günther (Munich,
furent canonisés ; ils sont représentés la sociologie devait se donner pour
1954).
globales, archaïques ou historiques.
en habits de souverains, dans un style tâche d’expliquer, et, pour cette raison,
De celles-ci, Gurvitch expose qu’on
plein d’une majesté qui s’impose et il était nécessaire qu’elle opérât une
avec un contraste intéressant entre la peut décrire plusieurs types (théocra-
jonction entre la pratique et la théorie,
fougue de l’Empereur, présentant sa ties, sociétés féodales, capitalisme,
celle-ci, particulièrement, ne devant
maquette, et le recueillement de son Gupta socialisme, etc.).
jamais être négligée.
épouse, au port de tête altier. Les autels Georges Gurvitch a montré com-
L’effort théorique considérable de
latéraux sont aussi flanqués de statues F INDE.
Georges Gurvitch se manifesta surtout ment cet appareil théorique pouvait
dont l’artiste a étudié ingénieusement
par l’invention d’un appareil concep- s’appliquer avec succès dans diffé-
le contrepoint. Günther crée des types,
tuel qui devait lui permettre de saisir rentes branches de la sociologie, qu’il
mais toujours individualisés, comme
sous tous ses aspects et à ses divers s’agisse de l’étude de la vie morale ou
saint Pierre Damien, cardinal, prince Gurvitch niveaux le « phénomène social total ». de celle du droit. Il a largement contri-
de l’Église, exprimant sur son visage
sillonné de rides profondes cette sorte
(Georges) Par cette dernière expression, emprun- bué à perfectionner les méthodes de la
tée à Marcel Mauss, il voulait d’abord sociologie, en la gardant d’un empi-
de dédain pour les choses temporelles
Sociologue français (Novorossiisk, insister sur le danger qu’il y aurait à risme excessif et en diversifiant les
qu’on retrouve chez beaucoup de per-
Russie, 1894 - Paris 1965). isoler les éléments du contexte global
sonnages créés par l’artiste. Pour les perspectives.
où ils prennent leur sens, et il voulait
augustins de Weyarn, il a taillé dans le Après de brillantes études de phi-
désigner l’objet même de la sociologie
bois une étonnante Annonciation, où losophie, Georges Gurvitch devient
dans ce qu’il a de mouvant, d’irréduc- Les principaux ouvrages de
éclate son habileté à rompre et à varier professeur à l’université de Tomsk.
tible à des structures. Ce qu’il fallait Georges Gurvitch
les axes de ses compositions : ici, avec Il participe à la révolution d’Octobre,
la Vierge vue presque de profil, toute au cours de laquelle il connaît Lénine, tenter d’expliquer, selon lui, c’était Morale théorique et science des moeurs
en courbes ondoyantes et jeu exquis puis, à la suite de divergences de vues bien plutôt un incessant flux et reflux (Alcan, 1937).
des mains, fait contraste l’archange avec les nouveaux dirigeants de son de structuration, de déstructuration et Éléments de sociologie juridique (Mon-
arrivant de face, allègre et impérieux pays, il s’exile volontairement. Il en- de restructuration. La réalité sociale est taigne, 1940).
dans son vol léger qui écarte les plis du seigne à l’université de Prague, puis en donc par essence dialectique, et la seule
La Vocation actuelle de la sociologie
manteau, cependant que l’aile gauche France, où il s’établit définitivement et méthode qui convienne à la science (P. U. F., 1949 ; édition remaniée, 1963 ;
commence à se replier. Les baroques obtient sa naturalisation. Reçu docteur chargée de l’étudier est la méthode dia- 2 vol.).
sont rarement allés aussi loin dans ès lettres en Sorbonne, il occupe divers lectique, qui, dans la pratique, conduit
Les Tendances actuelles de la philoso-
l’animation et l’instantané. Le sculp- postes d’enseignement à Bordeaux et à à l’élaboration d’un certain nombre phie allemande (Vrin, 1950).
teur a travaillé aussi à des sujets pro- Strasbourg. Pendant la Seconde Guerre de procédés opératoires (complémen-
Traité de sociologie (P. U. F., 1958-1960 ;
fanes, et les bas-reliefs du château de mondiale, il se réfugie aux États-Unis, tarité, implication, polarisation, ambi-
2 vol.).
Schleissheim (1763) montrent un style où il exerce des fonctions au ministère guïté, réciprocité des perspectives). Le
Dialectique et sociologie (Flammarion,
raffiné, non sans souvenirs maniéristes. de la Guerre. De retour en France, il pluralisme permet de concilier la voca-
1962).
crée le Centre d’études sociologiques tion scientifique de la sociologie avec
Son art s’est imposé rapidement par Déterminismes sociaux et liberté hu-
et les Cahiers internationaux de socio- ces caractères spécifiques de son objet
sa puissance et son originalité. Les maine (P. U. F., édition remaniée, 1963).
logie. En 1949, il est nommé profes- et de ses méthodes, car c’est précisé-
attitudes ployées de ses personnages,
Les Cadres sociaux de la connaissance
seur de sociologie à la Sorbonne. Il ment la multiplicité des déterminismes
stoppés dans leur élan d’enthousiasme
(P. U. F., 1966).
fonde ensuite le Laboratoire de socio- qui permet l’insertion de la liberté dans
et de douleur, ses visages aux yeux
logie de la connaissance et de la vie Études sur les classes sociales (Gonthier,
curieusement dessinés en diagonales, des phénomènes qui peuvent se situer
morale et l’Association internationale 1966).
avec une paupière lourde et tombante, à tel ou tel niveau de structuration. On
n’appartiennent qu’à lui. Des diverses des sociologues de langue française. peut ainsi parvenir à trouver sinon des
J. C.
sources de son art, Günther a su tirer, La sociologie de Georges Gurvitch lois, du moins des corrélations fonc-
R. Toulemont, Sociologie et pluralisme
par la vigueur de son tempérament, une peut se rattacher à diverses sources tionnelles ou des régularités tendan-
dialectique (Nauwelaerts, Louvain, 1955). /
oeuvre personnelle et poétique, parfois d’inspiration : la philosophie de Fichte, cielles entre divers aspects de la réalité P. Bosserman, Dialectical Sociology Analysis of
un peu stridente, souvent étrange, en la phénoménologie, le bergsonisme, le sociale. À cet égard, la sociologie de la French Sociologist Georges Gurvitch (Boston,
tout cas profonde et d’un sentiment re- marxisme, l’anthropologie de Marcel connaissance doit révéler les rapports 1968). / J. Duvignaud, Georges Gurvitch (Se-
5171
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
(Poisson-Chat). Chez les animaux ter- ganglions, les fibres gustatives gagnent Le mécanisme de la gustation
Fonction sensorielle qui permet d’iden- le faisceau solitaire jusqu’au noyau
restres, la gustation correspond à la Comme pour l’olfaction, le mécanisme
tifier, par certaines de leurs qualités solitaire, puis suivent le tractus trigé-
chémoréception des substances hydro- de la perception gustative est encore
chimiques, les substances solubles minal jusqu’au noyau ventral médial
solubles dissoutes, tandis que l’olfac- mal connu. On admet que le potentiel
dans l’eau. (Syn. goût.) du thalamus. La projection corticale
tion assure la perception des molécules du récepteur a pour cause la dislocation
Les saveurs fondamentales sont volatiles véhiculées par l’air. Chez du goût se situe principalement dans la de protéines réceptrices par les molé-
l’acide, le salé, le sucré et l’amer. les Insectes, les organes gustatifs sont circonvolution postcentrale, au voisi- cules gustatibles et l’entrée massive
L’Homme et quelques Mammifères situés sur les pièces buccales ou sur les nage immédiat de la projection somes- d’ions Na+. Pour expliquer la discrimi-
sont également capables d’identifier tarses. Une goutte de solution sucrée thésique de la face. nation des « saveurs », on a longtemps
l’eau pure, différente du milieu vecteur posée sur les tarses d’un Papillon pro- Sur la langue, les bourgeons du goût postulé l’existence de quatre types de
habituel des substances sapides, la sa- voque le déroulement de la trompe. sont situés sur les parois des diverses récepteurs distincts, un par saveur élé-
live. La saveur des aliments fait inter- Chez les Vertébrés Tétrapodes, les papilles linguales. Les papilles cali- mentaire. Chez l’Homme, en effet, la
venir, outre les sensations gustatives, ciformes, de grande taille, forment le sensibilité gustative est maximale à
bourgeons du goût sont limités à la
des sensations tactiles, thermiques et « V » lingual ; elles portent chacune la pointe de la langue pour les subs-
cavité buccale : surface linguale, palais
surtout olfactives. plusieurs centaines de bourgeons. Les tances sucrées et salées, dans la région
et arrière-gorge.
papilles fungiformes et foliacées, plus postérieure pour les substances amères
Chez tous les Vertébrés, les bour-
Morphologie des petites, sont plus uniformément répar- et sur les zones marginales pour les
geons du goût ont la même forme en
organes gustatifs tonnelet que les neuromastes de la
ties ; seules les papilles filiformes sont substances acides et salées. Mais les
dépourvues de bourgeons gustatifs. enregistrements par micro-électrodes,
La discrimination des propriétés ligne latérale. On y distingue, outre les
effectués sur le nerf lingual, ont montré
chimiques des substances par les ché- cellules réceptrices proprement dites,
Physiologie de que chaque fibre nerveuse, qui innerve
morécepteurs fait intervenir trois sens terminées par un paquet de bâtonnets
la gustation partiellement plusieurs bourgeons,
distincts : le sens chimique commun, sensoriels groupés au niveau du pore
répond à deux, trois ou quatre saveurs
réparti dans la totalité des téguments et gustatif, des cellules de soutien et des Les saveurs élémentaires
primaires, quoique avec des intensités
des muqueuses, et surtout sensible aux cellules basales capables d’assurer la
Le mot saveur est entendu ici au sens différentes. La discrimination résul-
stimuli des corps dangereux (comme régénération des deux autres catégo-
restreint de « qualité gustative ». La terait de la comparaison simultanée
les vapeurs d’ammoniac), la gustation ries cellulaires. Les cellules récep-
notion commune de saveur d’un ali- (sommation spatiale) des réponses des
et l’olfaction, dont le seuil de sensi- trices entrent en contact synaptique
ment fait intervenir plus l’olfaction diverses fibres gustatives.
bilité est bien plus bas que ceux des avec les arborisations dendritiques des
que le goût. L’homme est incapable de R. B.
deux sens précédents et qui permet fibres nerveuses gustatives. Ces fibres
reconnaître une pomme d’une pomme Y. Zottermann (sous la dir. de), Olfaction
l’identification de plusieurs milliers de contribuent, chez les Vertébrés et chez
de terre si l’on supprime l’accès à and Taste, t. I : Proceedings of the First Interna-
substances. l’Homme, à la formation de trois nerfs tional Symposium held at Stockholm (Oxford,
l’épithélium olfactif.
1963). / T. H. Hayashi (sous la dir. de), Olfaction
Chez les animaux aquatiques, ces crâniens : les deux tiers antérieurs de
La saveur acide est liée à la fonction and Taste, t. II : Proceedings of the Second In-
trois sens ont l’eau pour milieu vecteur, la langue sont innervés par la branche ternational Symposium held in Tokyo (Oxford,
chimique acide et à la présence d’ions
et leur identification morphologique linguale du facial, qui traverse l’oreille 1967). / G. E. W. Wolstenholme et J. K. Churchill
libres H+, mais l’intensité gustative (sous la dir. de), Taste and Smell in Vertebrates.
est parfois malaisée. On sait, toutefois, moyenne — formant la corde du tym-
n’est pas proportionnelle au pH. Ainsi, A Ciba Foundation Symposium (Londres, 1970).
reconnaître les organes gustatifs des pan — et rejoint le ganglion géniculé ;
l’acide acétique est plus acide au goût,
à pH égal, que la plupart des acides mi-
néraux. Les acides aminés ont souvent
un goût amer ou sucré. Gustave Ier Vasa
La saveur salée est celle du sel marin
à l’état pur, mais tous les sels — mot (Lindholm 1496 - Stockholm 1560),
pris en son sens chimique — n’ont pas roi de Suède (1523-1560).
le goût salé. Né dans une famille de gentils-
La saveur sucrée appartient aux hommes d’Uppland, Gustave Eriksson
sucres et à certains alcools, mais avec Vasa est élevé à la Cour des adminis-
des variations considérables d’une trateurs de la Suède d’alors, les Sture,
espèce animale à l’autre ou même qui gouvernèrent le pays de 1470 à
d’un individu à l’autre. Les isomères 1520. Le dernier, Sten Svantesson
stériques ont souvent des goûts diffé- Sture le Jeune, est tué dans une bataille
rents. Certains sels (acétate de plomb) livrée au roi de Danemark Christian II,
et des molécules organiques non gluci- qui, avec l’appui de l’archevêque
diques (saccharine) ont également un d’Uppsala, Gustav Eriksson Trolle
goût sucré. Les sucres ont souvent un (1488-1535), s’empare du pays et se
arrière-goût amer qui montre la parenté fait proclamer roi de Suède (1520).
de ces deux saveurs élémentaires. Le massacre des opposants, appelé
La saveur amère appartient à des le bain de sang de Stockholm, soulève
molécules organiques sans parenté le pays contre lui. Parmi les victimes se
structurale évidente. Les alcaloïdes trouve Erik Johansson Vasa, le père de
5172
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Gustave. Ce dernier, alors prisonnier ses royaumes. L’ancien archevêque aux grandes familles du pays, qui de Nassau, le fils de Guillaume le
au Danemark, parvient à s’enfuir et, d’Uppsala, Gustav Trolle, profite du s’apprêtaient à relever la tête. D’autres Taciturne.
avec l’aide des bourgeois hanséatiques mécontentement des populations pri- mesures furent plus préjudiciables à En 1611, le prince avait été présenté
de Lübeck, il gagne son pays et s’em- vées de leurs anciennes cérémonies la tranquillité future du royaume ; en aux états (le Riksdag) par son père, qui
ploie à soulever contre l’envahisseur religieuses pour fomenter des troubles effet, si, par son testament, Gustave mourut peu après : compte tenu de la
les paysans de la Dalécarlie (1521). en Dalécarlie : c’est la « révolte des laissait la couronne à son fils Erik, il maturité du jeune roi, le Riksdag lui
Avec eux, il assiège Stockholm et re- cloches » (1532). donna des duchés à ses plus jeunes confia le pouvoir, bien qu’il n’eût que
pousse l’armée de l’archevêque Trolle. enfants ; Jean eut la Finlande, Magnus dix-sept ans. Gustave sut s’entourer de
Gustave vient à bout de toutes ces
Appuyé par les Lübeckois, il réussit à l’Ostrogothie et Charles la Suderma- remarquables personnalités pour l’ai-
rébellions et assied sa domination sur
s’emparer de Stockholm et à chasser nie. Ces dispositions devinrent après der dans le gouvernement du pays : il
le pays. En 1544, il fait déclarer la cou-
les Danois de Suède. Le 6 juin 1523, sa mort une source de graves discordes
ronne héréditaire dans sa famille. Le nomma chancelier Axel Oxenstierna
le Riksdag (les états) le proclame roi entre ses héritiers et eurent pour consé- (1583-1654).
roi doit ensuite écarter de lui ses pre-
de Suède. quences de favoriser les ambitions des
miers soutiens, Laurentius Andreae et Ce qui importe au nouveau roi et ce
La Suède est alors un royaume dé- grandes familles.
Olaus Petri ; il signifie par là sa volonté qui restera la passion de sa vie, c’est
vasté par l’invasion étrangère : le pays, P. R. et P. P.
de reprendre en main la direction de la lutte pour sa foi protestante contre
affaibli, semble à bout de forces. Il n’y l’Église nationale. F Suède.
un catholicisme redevenu conquérant.
a ni argent, ni armée, ni marine. Ce sera R. Svanström et C. F. Palmstierna, Histoire Aussi s’empresse-t-il de liquider le
Sa politique étrangère est tout orien-
l’oeuvre de Gustave Vasa de remettre la de Suède (trad. du suédois, Stock, 1944). /
tée vers l’affermissement de l’indépen- conflit avec le Danemark et la Russie
P. Andersson, Schwedische Geschichte (trad.
Suède en état, tâche aussi importante
dance du pays. En 1534-1536, il sou- du suédois, Munich, 1950). / P. Jeannin, His- pour continuer le combat sur le front
que l’héroïque libération du pays. toire des pays scandinaves (P. U. F., coll. « Que catholique polonais.
tient le roi du Danemark Christian III
sais-je ? », 1956 ; 2e éd., 1965). / S. Lundkvist,
Réaliste et opportuniste, Gustave contre ses vieux alliés de Lübeck ; il Il signe avec le Danemark, sous la
Gustave Vasa et l’Europe (en suédois, Uppsala,
s’emploie à mener son entreprise de y gagne la suppression des privilèges médiation de l’Angleterre et des Pro-
1960).
reconstruction à bonne fin. Il s’efforce économiques des Hanséates en Suède. vinces-Unies, la paix de Knäred en
d’abord de briser la puissance politique Ce conflit, appelé guerre du comte, 1613. La Suède abandonne la pro-
et économique de l’Église de Suède. marque le commencement de la déca- vince de Finnmark. Le roi renonce
Aidée par les théologiens Olaus Petri dence de la capitale de la Hanse. Gustave II aussi au projet assez utopique d’ins-
(Olof Petersson, 1493-1552) et Lauren-
À la fin de son règne, Gustave sou- taller son frère Charles Philippe sur le
tius Andreae (Lars Andersson, v. 1470- Adolphe trône de Russie, mais il s’arrange pour
tient aussi une guerre contre le tsar de
1520), la doctrine de Luther se répand, signer en 1617, à Stolbova, une paix
Russie Ivan IV le Terrible, qui veut
et, insensiblement favorisé par le roi, (Stockholm 1594 - Lützen 1632), roi de avantageuse, qui donne à la Suède la
s’emparer de la Finlande et de la Livo-
un glissement s’effectue dans le pays Suède (1611-1632), fils de Charles IX Carélie orientale et l’Ingrie : grâce à
nie. Le roi suédois se rend en Finlande,
du catholicisme au protestantisme. et de Christine de Holstein-Gottorp.
fortifie ses frontières et, en 1559, ces possessions, la Suède est à même
Plus concrètement, Gustave ôte conclut une trêve avec la Russie. À la mort de Gustave Ier Vasa en de contrôler la route commerciale la
aux évêques tout pouvoir temporel ; il 1560, son fils Erik XIV lui succéda ; plus importante entre la Moscovie et
L’oeuvre économique et adminis-
décrète la mainmise de l’État sur une en 1568, il fut détrôné par son frère l’Occident.
trative de Gustave Vasa est capitale ;
partie des biens et des dîmes ecclé- Jean III. À la mort de Jean (1592), le
elle est à la base de la Suède moderne. Pour se prémunir contre les menées
siastiques pour remédier à la situation trône revint à Sigismond Ier, son fils, des nobles, partisans de son cousin de
L’agriculture prospère, et le pays peut
des finances. Enfin, à l’assemblée des roi de Pologne sous le nom de Sigis- Pologne, Gustave associe plus étroite-
exporter du bétail et des grains. Le
états à Västerås en 1527, il fait décider mond III depuis 1587. Ce dernier, ment la noblesse au gouvernement. Il
commerce est également encouragé
que les biens de l’Église reviendront à élevé par sa mère, Catherine Jagel- réforme l’administration des Finances
grâce au développement de la marine,
l’État, qu’une partie en sera affectée à lon, dans la foi catholique, rêvait de (1618), la justice (1624), la chancelle-
à l’amélioration des ports, à la réorga-
l’entretien du clergé, que les évêques ramener la Suède dans l’obéissance de rie (1626). Une ordonnance réglemente
nisation des corps de métiers et à une
remettront au roi leurs châteaux forts Rome. Il ne put jamais établir son pou- le corps politique que constitue la
meilleure exploitation des mines de
et qu’ils seront désormais nommés et voir en Suède. Son oncle le duc Charles noblesse. Le roi a le souci de dévelop-
fer. Le roi modernise aussi la procé-
confirmés par le roi. C’est la rupture de Sudermanie, le dernier fils de Gus- per la culture dans cette aristocratie :
dure judiciaire. L’instruction publique
avec Rome, qui sera consommée au tave Vasa, souleva le pays contre lui et il réforme et réorganise l’université
bénéficie de la création de nombreuses
concile d’Örebro (1529). s’empara du pouvoir ; il devint roi en d’Uppsala et met à sa tête Johan Skytte.
écoles.
Ces décisions ne vont pas sans résis- 1607 (Charles IX). En même temps, il forge l’instru-
La Suède est ainsi placée pour la
tances, en particulier celles de l’arche- Désirant assurer à son fils Gus- ment de ses futures victoires : l’armée
première fois au rang des grandes
vêque de Linköping, Hans Brask, et du tave le pouvoir suprême, qui revenait suédoise. Contrairement à celle des
puissances, et son alliance est recher-
représentant de la noblesse, Ture Jöns- héréditairement à son neveu qu’il princes allemands, composée de mer-
chée, en particulier par François Ier, qui
son, sénéchal de Vestrogothie. Pour avait détrôné et à ses descendants, cenaires, cette armée est une armée
conclut un traité avec Gustave Vasa en
les briser, le roi doit mettre son abdi- Charles IX prit le plus grand soin de nationale, composée de paysans sué-
1542.
cation dans la balance et en appeler au son éducation. Un précepteur, Johan dois et animée d’un idéal commun
peuple. Il doit également lutter contre Gustave Ier avait épousé en 1531 Ca- Skytte (1577-1645), lui enseigna l’his- qui s’est fortifié au cours de luttes
les forces de la Contre-Réforme, qui therine de Saxe-Lauenbourg ; il en eut toire, les lettres, la philosophie et les pour l’indépendance et pour la reli-
n’entendent pas laisser sans résistance un fils, Erik. Veuf, il se remaria (1536) mathématiques. Mais le jeune Gustave gion luthérienne. Le pays consacre les
la Suède échapper au catholicisme ; avec une Suédoise, Marguerite, de la bénéficia aussi du savoir militaire d’of- deux tiers de son budget à son armée.
en 1524, l’amiral danois Sören Norby famille de Leijonhufvud, qui lui donna ficiers protestants anglais, allemands et Le soldat est recruté sur les listes
s’allie aux partisans des Sture, puis dix enfants. Malgré l’opposition des français qui avaient combattu pour les paroissiales, où un homme sur dix
un soulèvement populaire éclate en théologiens, il épousa (1552) après la Provinces-Unies contre l’Espagne. À peut être enrôlé. Cependant, l’armée
Dalécarlie. mort de sa deuxième femme la nièce de l’occasion de la trêve de 1609, ceux- (au plus 20 000 hommes) représente
celle-ci, Catherine Stenbock.
En 1532, l’ancien roi de Danemark ci étaient venus en Suède, et Gustave à peine 1 p. 100 de la population. Les
Christian II, appuyé par son beau-père Ces deux dernières alliances contri- avait interrogé ces disciples du plus différents corps qui la composent sont
Charles Quint, essaie de reconquérir buèrent à redonner un certain lustre grand capitaine de l’époque, Maurice constitués de recrues d’une même pro-
5173
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
bientôt toutes les armées d’Europe. baltiques. le père du futur Gustave III, Adolphe-
enlever le camp retranché des impé-
La valeur combative de cette armée, Frédéric, candidat de la Russie, accède
L’année suivante, le roi de Suède riaux, reprennent leur progression vers
le perfectionnement de son matériel au pouvoir en 1751. Déconsidérées par
débarque en Poméranie : c’est l’affron- le sud, escomptant que Wallenstein les
permettent à Gustave-Adolphe de pra- cette ingérence étrangère, les factions
tement direct avec l’empereur. C’est à
y poursuivra. Mais celui-ci déjoue leur rivales des « Chapeaux » et des « Bon-
tiquer une nouvelle tactique en s’inspi- ce moment aussi que se joue le sort du
manoeuvre et se dirige au contraire vers nets » se disputent le pouvoir avec
rant des enseignements d’un Gascon au protestantisme dans l’Europe du Nord.
le nord, où il envahit la Saxe. Le roi, âpreté durant tout le règne d’Adolphe-
service de la Suède, Jacques (ou Jacob)
Gustave-Adolphe obtient des suc-
ne pouvant permettre qu’une armée Frédéric. Ces luttes contribuent à dé-
de La Gardie (1583-1652). La cavale- cès éclatants : toute la Poméranie est
rie devient plus efficace ; l’infanterie ennemie se place entre lui et la Bal- tourner les Suédois du régime parle-
conquise ; Richelieu* s’allie à la Suède
peut entretenir un feu continu avec tique, revient à marches forcées. Le mentaire inauguré en 1719. Telle est
(traité de Bärwalde, janv. 1631), et lui
six rangs de tireurs, ce qui permet des la situation lorsque Adolphe-Frédéric
octroie d’importants subsides ; surtout, 6 novembre 1632 a lieu à Lützen une
feux roulants très puissants. L’unité de meurt en 1771.
l’empereur Ferdinand commet l’erreur sanglante bataille. D’abord victorieuse,
manoeuvre, c’est la brigade, plus petite Son fils Gustave apprend cette mort
de se débarrasser du brillant Wallens- l’armée suédoise plie à l’arrivée inopi-
et surtout plus maniable que les carrés à Paris, où il est venu demander l’appui
tein ; son successeur Tilly assiège Mag- née de la cavalerie lourde de Pappen-
de l’époque. deburg, qui s’est déclarée pour le roi de de Louis XV pour tenter de rétablir en
heim. C’est en exhortant ses troupes
Ce qui est révolutionnaire dans cette Suède. Cette place située sur l’Elbe a Suède la prééminence royale. Revenu
que Gustave-Adolphe est tué. Sa mort
armée, c’est son caractère national. Na- une importance stratégique considé- dans son pays avec des subsides versés
galvanise les siens : Bernard de Saxe-
poléon ne cachera pas son admiration : rable, puisqu’elle est la clé de toutes par la France et avec l’appui du nouvel
Weimar prend le commandement et ambassadeur de Louis XV, le comte
« Gustave-Adolphe, déclarera-t-il, les provinces occidentales de l’Empire,
remporte la victoire sur les impériaux, de Vergennes*, il va tirer parti d’une
était animé des principes d’Alexandre, les plus riches. Gustave-Adolphe ne
d’Hannibal et de César. » peut la secourir à temps, car l’Élec- qui perdent 12 000 hommes. situation favorable à ses projets. Les
teur de Saxe, Jean-Georges Ier, dont il factions sont toujours aux prises, et les
Le roi Sigismond de Pologne, pré- Si la mort du roi de Suède fait dis-
faut traverser les États, lui a refusé le nobles, attaqués par les autres ordres,
tendant au trône de Suède, compte sur paraître les grands projets royaux (sa
passage. espèrent que le roi consolidera leur
l’appui de l’empereur Ferdinand II, fille unique, Christine, n’a que six ans),
pouvoir menacé. En outre, le peuple est
son beau-frère. Gustave-Adolphe, lui, Mais Tilly, qui a pris la ville (mai
ses généraux, Johan Gustafsson Banér, las des luttes interminables des partis,
acquiert un précieux allié : l’Électeur 1631), envahit ensuite les États de
Lennart Torstensson, Bernard de Saxe- et une crise de subsistance aggrave la
de Brandebourg, dont il épouse en l’Électeur, qui fait appel au roi de
Weimar, Carl Gustaf Wrangel, Gustaf situation.
1620 la fille, Marie-Éléonore. Puis, Suède et s’allie avec lui. À la bataille
Horn, resteront en Allemagne, et, grâce Après avoir essayé vainement de
en 1621, il marche contre son ennemi de Breitenfeld (17 sept. 1631), les
Suédois mettent en déroute les troupes à eux, la paix de Westphalie pourra être réconcilier les factions, Gustave III, en
avec une armée de 24 000 hommes.
Aux paysans suédois se sont joints des impériales de Tilly ; les forces de la signée en 1648, au plus grand avantage août 1772, se décide à un coup d’État,
Contre-Réforme sont brisées, et le pro- de la Suède. Ces traités consacreront dont la cause décisive semble bien
contingents écossais, anglais et hol-
landais. En Livonie, Gustave-Adolphe testantisme est sauvé en Allemagne. sa toute-puissance sur la Baltique et avoir été du domaine de la politique
5174
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
En un mot, c’est le rétablissement de ment dans ce pays où les idées de la Yoshihara à ses jeunes disciples. Ainsi émail projeté à l’aide d’un canon sur
l’absolutisme en Suède. Les débuts de Révolution française commencent à est fondé le groupe Gutaï, qui se recon- une immense toile (Shz Shima-
Gustave III furent bons. se répandre. Quant à la noblesse, elle naît comme programme : « Essayer de moto, 1956), oeuvres à développement
On se trouve alors dans une pé- n’a pas pardonné au roi la perte de ses saisir visuellement et directement, en continu en mousse de savon (Toshio
riode d’euphorie économique qui per- privilèges. les incarnant dans la matière, les as- Yoshida, 1957), lampes électriques
met au roi d’assainir la monnaie en Gustave III, cependant, rêve d’en- pirations intérieures des hommes ac- dans un bac de sable (Michio Yoshi-
1777. L’abolition de la torture en 1772, treprendre une croisade pour rétablir tuels. » Les affinités de ce programme hara, 1965).
la tolérance religieuse (à partir de 1781, Louis XVI dans la plénitude de ses avec celles de l’« abstraction lyrique »
tous les chrétiens non conformistes et droits. Il négocie à ce sujet avec les en général et de l’« expressionnisme* Produire des
abstrait » en particulier sont évidentes,
les juifs peuvent pratiquer librement cours d’Europe, mais il s’agit d’un oeuvres d’art
leur religion) achèvent de donner au projet inconsistant, la Suède étant fi- mais il semble que le groupe Gutaï
ait poussé plus loin que ses homolo- Néanmoins, quand bien même l’élar-
gouvernement de Gustave III une al- nancièrement incapable de mettre une
gissement infini des médiums de la
lure de despotisme éclairé. armée sur pied. gues des États-Unis, du Canada et de
création plastique serait le trait le plus
l’Europe occidentale la fidélité à ce
Le pivot de sa politique étrangère Le 16 mars 1792, au cours d’un
que Kandinsky* nommait la nécessité frappant de l’art Gutaï, et en dépit du
demeure l’amitié de la France, qui, par bal masqué à l’Opéra de Stockholm,
intérieure. Il le doit sans doute à une fait que de telles manifestations anti-
ses subsides et son appui diplomatique, un fanatique, le capitaine Jakob Johan
sorte de discipline mystique d’un type cipent de beaucoup sur ce qui se donne
soutient la Suède. En 1773 déjà, par Anckarström, abat Gustave III d’un
très particulier, qui exalte la manifesta- aujourd’hui pour l’avant-garde en Oc-
des démarches à Saint-Pétersbourg, à coup de feu. Le roi survivra jusqu’au
tion sans contraintes et sans limitations cident (v. conceptuel [art]), on ne saurait
Berlin et à Copenhague, cette politique 29 mars, après avoir dicté ses volon-
de l’individualité, mais au bénéfice trop souligner qu’à la différence des
a dissuadé ses ennemis de l’attaquer. tés. Aucune révolution ne se produira,
d’une « découverte de l’unité origi- mouvements actuels le groupe Gutaï
L’Angleterre travaille naturellement à et le duc Charles de Sudermanie, frère
nelle de l’être » (Teruyuki Tsubouchi) ne perd pas de vue l’oeuvre d’art elle-
ruiner ce gouvernement francophile en du défunt, exercera le pouvoir jusqu’en
et non pas d’une volonté de puissance, même, au sens le plus traditionnel si
distribuant, elle aussi, son or, mais aux 1796.
comme ce fut le cas pour la plupart des l’on veut, puisque tous les membres du
ennemis de Gustave. P. R.
Américains et des Européens. Comme groupe sont des peintres et continuent
Le grand projet de Gustave III est F Suède.
l’écrit Sadamasa Motonaga, « Gutaï est (comme, en décembre 1965, galerie
de s’emparer de la Norvège, posses- L. Bonneville de Marsangy, le Comte de un groupe d’individus qui s’emparent Stadler à Paris) à exposer leurs pein-
sion du Danemark (lui-même allié à Vergennes. Son ambassade en Suède, 1771-
de toutes les techniques et matières tures. On serait même tenté de consi-
1774 (Plon, 1898). / R. Svanström et C. F. Palms-
la Russie). Le roi essaie d’abord de
tierna, Histoire de Suède (trad. du suédois, possibles, sans se limiter aux deux et dérer que le groupe Gutaï a seul tiré
briser l’opposition russe. Pour obte-
Stock, 1944). aux trois dimensions. Ils emploient du la leçon complète de l’action painting
nir le soutien de la France, il vient à
liquide, du solide, du gaz ou encore du américaine : le geste créateur qui, avec
Paris en 1784 et signe un accord avec
son, de l’électricité et même le temps, Pollock* et ses pairs, tendait à débor-
Louis XVI, puis, profitant de la guerre
pour défricher, en tout lieu, toutes les der de la toile et inspirait (au moins
que les Turcs mènent contre la Russie
Gutaï formes possibles du beau dans leur partiellement) le happening, action
sur le Danube, il attaque Catherine II
fraîcheur première. » Aussi une même painting sans peinture, revient ici à la
en 1788.
Nom d’un groupe artistique japonais attitude préside-t-elle à une extrême toile après s’être, en quelque sorte, en-
Les combats qui se déroulent en richi, rechargé en tension et en poésie
moderne. diversité de démarches et à une non
Finlande sont contraires à la Suède, au contact des forces naturelles ou de
moins grande diversité de formes, dont
Ce nom, qui a le sens de « concret »
et la tsarine s’empresse de soutenir l’action théâtrale. L’art Gutaï l’empor-
ou de « matérialisation », désigne un le seul point commun serait qu’elles se
une conjuration de séparatistes finlan- terait ainsi philosophiquement et prati-
refusent également le registre géomé-
groupe d’artistes fondé en 1951 à saka
dais qui font appel à la Russie dans la quement tant sur l’abstraction lyrique
trique et le registre figuratif. Univers
par le peintre abstrait Jir Yoshihara
déclaration d’Anjala (août 1788). En occidentale, impuissante à s’arracher
de la tache, de l’éclaboussure, de la dé-
et qui, depuis cette date, s’est signalé
soutenant les masses populaires, le roi au tableau, que sur l’avant-garde de
chirure, accueillant à toutes les formes
par des contributions d’une extrême
de Suède parvient, cependant, à réta- 1970, incapable de revenir à la pein-
de l’automatisme*, aux interventions
originalité aux arts plastiques, conçus
blir la situation en Finlande, pays qui ture. Aussi les affinités plus ou moins
du hasard comme à celles des forces
comme le ressort d’une intervention
restera longtemps fidèle à la Suède. Il accidentelles ne doivent-elles pas
naturelles, l’art Gutaï se définit dans un
esthétique pouvant prendre place aussi
fait ensuite la guerre aux Danois et aux
corps-à-corps avec la matière, et l’on masquer les divergences fondamen-
bien dans les espaces naturels qu’au
Russes. Après la victoire navale sué- tales. Il n’est pas sans intérêt de noter
ne s’étonnera pas de découvrir dans les
théâtre, dans un esprit voisin de celui
doise de Svensksund, la Russie signe
expositions en plein air du groupe (à qu’en 1957 ce furent le critique Michel
du happening*.
la paix de Varela en 1790, sans gain
partir de 1956) sa manifestation peut- Tapié, fondateur de l’« informel », et
ni perte pour aucune des deux parties.
être la plus spécifique. Gouaches de le peintre Georges Mathieu*, leader de
Une « abstraction
Profitant de la conspiration d’Anjala, 20 m de haut ondulant au vent, ballons l’abstraction lyrique, qui découvrirent
Gustave III a, en janvier 1789, renforcé lyrique » sans frontières
et banderoles flottant au-dessus des au Japon le groupe Gutaï ; mais le
son pouvoir au détriment de la noblesse Vers 1930, Jir Yoshihara (1905-1972) toits (1960), sacs d’eau colorée tendus « théâtre » de Mathieu semble pauvre,
et en s’appuyant sur les non-privilé- avait été au Japon l’un des pionniers entre les arbres (Sadamasa Motonaga, comparé au théâtre Gutaï. Celui-ci, en
giés, qui pourront accéder à la plupart d’un art abstrait soucieux de concilier 1956), trous creusés dans le sol et au effet, apparaît comme le prolongement
des charges du gouvernement sur un la rigueur d’un Mondrian avec la spon- fond desquels tremble une lumière normal du geste pictural dans la mesure
pied d’égalité avec l’aristocratie. C’est tanéité d’un Miró. Au lendemain de (Michio Yoshihara, 1956), traces de où ce geste suggère une action drama-
l’« Acte d’union et de sécurité ». la Seconde Guerre mondiale, de nom- pas sur une bande de vinyle de 150 m tique, puisqu’il s’insère dans la durée
En 1790, Gustave III paraît triom- breux jeunes artistes se regroupent au- de long dans un bois de pins (Akira émotive ; non plus mascarade, comme
pher de ses ennemis à l’intérieur et à tour de lui, dans son atelier d’Ashiya, Kanayama, 1956) ne se distinguent chez Salvador Dali* ou Mathieu, mais
l’extérieur, mais les finances de la près d’saka. « Je suis un artiste qui pas, cependant, des oeuvres conçues approfondissement spécifique. Par
Suède, privées des subsides français, n’a rien à vous apprendre, mais qui indépendamment du paysage : ébats de exemple, l’oeuvre à parcourir, une sur-
sont gravement compromises. On a peut tenter d’organiser une activité l’artiste dans une tonne de boue (Kazuo face semée d’accidents, proposée par
recours à de nouveaux impôts, qui collective conditionnant une ambiance Shiraga, 1956), entassement de 60 kg Shimamoto en 1956 ou l’oeuvre peinte
provoquent malaise et mécontente- propre à la création artistique », dit de pierres peintes (Motonaga, 1956), avec ses pieds par Shiraga se balançant
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au bout d’une corde (festival d’saka, On y rencontre des arbres (Vismia ; certaines espèces produisent un bois tagnes de l’intérieur sont moins arro-
1958) sont à la fois oeuvre d’art au sens 50 espèces en Amérique et en Afrique), très dur. sées (1 500 mm).
traditionnel (relief ou peinture) et spec- des petits arbustes et des plantes her- J.-M. T. et F. T. M. R.
cales. Le genre Clusia (100 espèces d’importantes richesses minérales, pendant, des territoires contestés entre
F IMPRIMERIE. américaines) renferme surtout des en particulier de la bauxite et de l’or. les trois pays seront l’objet d’accords
lianes, dont certaines (Figuier maudit, Les fleuves qui descendent de la partie laborieux à la fin du XIXe s. et au début
« lianes meurtrières »), grâce à leurs montagneuse sont coupés de rapides du XXe.
racines aériennes, arrivent parfois et de chutes, et ne sont navigables que La Guyane britannique bénéficie de
Guttiférales à étouffer les arbres qui les portent. dans la partie côtière. l’arrivée de nombreux travailleurs afri-
Le genre Garcinia (dont on compte Le climat est caractérisé par des tem- cains et aussi de colons britanniques.
Ordre de plantes à fleurs qui rassemble 200 espèces en Afrique et en Asie) pératures très constantes, qui oscillent Néanmoins, jusqu’en 1841, le pays
les familles des Guttifères, des Hypé- donne une gomme-gutte (gomme-gutte autour de 26 °C. Les pluies, très abon- est sans gouvernement propre. Par la
ricacées, des Eucryphiacées et des de la Thaïlande et de Ceylan) à partir dantes, sont apportées par les alizés du suite, une forte immigration viendra de
Quiinacées. d’un latex jaune recueilli par incisions nord-est. Il n’y a jamais de véritable l’Inde. L’économie guyanaise, fondée
Cet ordre, très proche de celui des sur les tiges. Les graines d’autres es- saison sèche. Le total annuel atteint sur la culture de la canne à sucre, reste
Théales (v. magnoliales) est caracté- pèces fournissent une matière grasse 2 295 mm à Georgetown. Les mon- longtemps médiocre. La découverte de
risé par ses feuilles toujours opposées, appréciée (beurre de Kokum), et les
la présence d’un appareil sécréteur, fruits rouges et volumineux de Garci-
de nombreuses étamines, soudées, au nia mangoustan, originaire de l’Inde,
moins à leur base, par leurs filets en un ont une saveur exquise. Citons enfin le
seul faisceau, et d’un ovaire supérieur genre Calophyllum (100 espèces aux
à placentation axile. Antilles, en Asie et en Afrique tropi-
cale), qui fournit des bois précieux
Hypéricacées (bois de rose, de fer) et donne divers
La famille des Hypéricacées, qui com- baumes. La petite famille des Eucry-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
l’or en 1879 lui donne momentanément portante dans la partie que les rivières L’acheminement de la viande jusqu’à Les mêmes partenaires se retrouvent
un coup de fouet. ou les voies de communication rendent Georgetown s’effectue par avion. au niveau de ces importations, mais la
accessible. L’agriculture, outre les Outre l’industrie alimentaire, repré- Grande-Bretagne est le plus gros four-
Sur le plan politique, les Britan-
niques ont hérité des Hollandais d’une cultures vivrières, comprend quelques sentée par les sucreries, l’activité la nisseur. Aux programmes de dévelop-
grandes cultures d’exportation, la plus plus importante est l’exploitation des pement élaborés dans le cadre de l’aide
organisation compliquée. En 1928, le
pays reçoit une Constitution fondée importante étant la culture de la canne richesses minières et l’exportation de de la Grande-Bretagne succède depuis
à sucre, héritée de l’époque coloniale minerais. 1969 un plan quinquennal qui se vou-
sur le suffrage restreint et le monoca-
mérisme. Divers amendements abou- et qui occupe encore près du tiers de drait plus autonome et qui repose sur
De très importants gisements de
l’espace agricole. Il s’agit de grandes l’intervention d’un organisme finan-
tissent à la Constitution de 1953, qui bauxite sont exploités à une centaine
propriétés appartenant à des Anglais, cier gouvernemental, la Guyana Credit
introduit le suffrage universel, un sys- de kilomètres de la mer par des com-
des Néerlandais ou des Américains. Corporation, qui tente de provoquer
tème ministériel et le bicamérisme. pagnies à capitaux étrangers, essen-
une certaine industrialisation, encore
Dès cette époque, le conflit éclate entre Ces plantations, concentrées dans tiellement canadiens et américains. Le
bien précaire, du pays.
les planteurs et le parti progressiste la plaine côtière, font vivre près de minerai, transporté par eau, est traité à
M. R.
populaire, majoritaire aux élections, la moitié de la population. Quelques l’usine de Mackenzie, puis dirigé vers
R. T. Smith, British Guiana (Londres, 1962).
dirigé par le docteur Cheddi Jagan et petites exploitations produisent de la le Canada, en particulier vers l’usine
appuyé sur la population originaire de canne à sucre et la vendent aux gros géante d’Arvida. La bauxite représente
l’Inde, qui représente 50 p. 100 de la exploitants, qui la traitent dans une un peu plus de 25 p. 100 de la valeur
population totale. Ce conflit amène la totale des exportations. Le pays compte
quinzaine d’usines. Une partie du
puissance possédante à maintenir en sucre obtenu est exporté, en particu- deux ports (Georgetown et New Ams- Guyane française
Guyane d’importantes forces armées. terdam), mais il y a à peine plus de
lier vers le Canada. Le sucre représente
Cependant, le résultat des élections de Départ. français d’outre-mer, dans le
35 p. 100 de la valeur des exportations. 100 km de voies ferrées, 500 km de
1957 oblige les Britanniques à envi- routes principales et 500 km de routes nord-est de l’Amérique du Sud, entre
Le riz est cultivé dans les parties inon-
sager l’indépendance du pays dans le la Guyane hollandaise (Surinam*) et
dables de la plaine côtière. La produc- temporaires ou de pistes. Les rivières
cadre du Commonwealth. Mais l’op- n’étant navigables que dans la partie le Brésil.
tion est en essor rapide ; d’abord vi-
position rencontrée par Jagan — Pre- Occupant une superficie de 91 000 km 2,
vrière, elle assure 5 p. 100 du total des côtière, l’intérieur du pays reste très
mier ministre de 1961 à 1964 — de la la Guyane française compte environ
exportations de la Guyane (la moitié isolé.
part des Noirs (35 p. 100 de la popu- 45 000 habitants. Capit. Cayenne.
de la récolte étant exportée). Le riz est Le commerce extérieur est très im-
lation), menés par Forbes Burnham,
cultivé sur de petites ou de grandes ex- portant. Trois pays monopolisent les
et des Blancs (United Force de Peter
ploitations, où travaillent des salariés
Le milieu naturel
exportations, essentiellement de bau-
d’Agniar) retarde l’heure de l’indépen-
peu payés. L’insuffisance de l’élevage xite et de canne à sucre : dans l’ordre, On peut distinguer deux parties : une
dance. Finalement, celle-ci est procla-
rend nécessaire l’importation de lait et les États-Unis, la Grande-Bretagne, partie basse, pays de plaines, et une
mée le 26 mai 1966 : la Guyane britan-
de viande. On note quelques tentatives puis le Canada. La Guyana importe des partie haute de 100 à 600 m, pays de
nique prend le nom de Guyane. C’est
de développement de l’élevage bovin produits alimentaires et des produits collines. Les plaines se situent le long
un État souverain du Commonwealth
dans l’intérieur, sur les hauts plateaux. de biens d’usage et de consommation. de la côte, sur une profondeur d’envi-
doté d’un Parlement unicaméral élu au
système proportionnel et d’une Consti-
tution démocratique et parlementaire.
La population
La population noire importée par la
traite au début du XIXe s. a été renforcée
par l’arrivée d’immigrants noirs libres
à la fin du XIXe s. Au même moment,
le gouvernement anglais élaborait une
politique systématique d’immigration,
touchant plus particulièrement les coo-
lies hindous, tandis que des Portugais
s’installaient en nombre plus restreint.
90 p. 100 de la population vivent dans
la région côtière ; les forêts des pla-
teaux et des hautes terres ne sont habi-
tées que par quelques groupes indiens.
La vie économique
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
ron 30 km. Au-delà apparaissent des et hollandaise furent les causes prin- Au XIXe s., tous les essais de colo- vivent d’une économie fondée sur la
chaînons aux sommets plats, aux flancs cipales de la précarité de ces premiers nisation échouèrent, et l’abolition de pêche et la chasse.
abrupts, presque toujours parallèles établissements. l’esclavage en 1848-49 acheva d’y
Cayenne, la capitale, est la seule
à la côte, tels les monts de l’Obser- C’est Colbert qui entreprit la coloni- ruiner toute vie économique, en pro-
ville importante. Avec 4 500 habitants
vatoire, dont l’altitude ne dépasse sation systématique. En 1663, il fonda voquant l’abandon des plantations et
en 1825 (dont 500 Blancs), elle se dé-
pas 350 m. Par contre, le Massif cen- la Compagnie de la France équinoxiale des travaux de drainage. L’installation
veloppe à partir de 1860 grâce à l’abo-
tral guyanais, orienté N.-S., a plus de pour exploiter la Guyane. Son direc- d’un bagne par Napoléon III en 1852
lition de l’esclavage (1848-49), qui lui
600 m d’altitude. teur, Antoine Lefebvre de La Barre accentua le côté répulsif de la Guyane.
Toutefois, en 1855, on découvrait amène de nombreux Noirs, et à la créa-
Les cours d’eau, nombreux, coulent († 1688), y débarqua l’année suivante
enfin l’or de l’Eldorado. Bien exploité tion du bagne, qui fit d’elle une ville
du sud au nord. Les plus importants avec une puissante escadre ; toutefois,
à partir de 1870, il assura un temps à commerciale et administrative. Elle
sont le Maroni, le Mana, l’Approuague les guerres continentales de Louis XIV
eurent leurs répercussions jusque dans la Guyane une relative mais artificielle compte 11 400 habitants en 1945 et
et l’Oyapock.
ces lointaines contrées, et les Français prospérité. L’épuisement des gise- 25 000 aujourd’hui. Le second centre
Le climat est équatorial ; les tempé-
disputèrent la Guyane aux Anglais et ments au XXe s. laissa le pays démuni. urbain, Saint-Laurent-du-Maroni, n’a
ratures varient peu : 25 °C en janvier et
aux Hollandais ; en 1677, enfin, la co- Le bagne, qui reçut de 1852 à 1939 que 5 000 habitants. Son activité est
27 °C en octobre ; les amplitudes jour-
lonie devint définitivement française. plus de 70 000 prisonniers — dont le fondée sur les scieries et les pêcheries.
nalières sont cependant plus grandes.
Les pluies, abondantes sur la côte, Son développement économique plus célèbre fut le capitaine Dreyfus,
diminuent en allant vers l’intérieur ; sera très lent. Dans la première moitié enfermé à l’île du Diable —, ne per- La vie économique
les vents sont dominés par l’alizé du du XVIIIe s., de bons gouverneurs, les mit pas une bonne exploitation de la
Un quart de la population vit de la
nord-est. On peut distinguer quatre Orvilliers, aidés par les pères jésuites, colonie. Après la Première Guerre
mondiale, l’opinion publique, aler- culture sur brûlis. La terre est exploitée
saisons : une petite saison des pluies encouragèrent la culture, surtout celle
du café et du cacao. Les principaux tée par les enquêtes d’Albert Londres de deux à trois ans et porte du manioc,
de décembre à février, une petite sai-
son sèche de mars à avril, une grande centres agricoles furent Kourou, Oya- (1884-1932), réclama la suppression de l’igname, du maïs, des patates, des
saison des pluies d’avril à juillet et pock, Roura et Rémire. Mais l’expul- du bagne, qui fut décrétée en 1938, légumineuses. Le reste des agriculteurs
une nouvelle saison sèche d’août à sion des Jésuites en 1762 fut catas- mais la guerre empêcha son exécution, se consacre aux cultures commerciali-
décembre. La forêt équatoriale et la trophique pour le pays ; en effet, les et ce n’est qu’en 1947 que le bagne sées pour alimenter les centres de po-
savane se partagent le pays. Indiens qu’ils avaient pu réunir s’en- cessa d’exister. pulation (cultures maraîchères) ou en
M. R. fuirent dans la forêt pour échapper à la Depuis 1848, les Guyanais avaient le vue de l’exportation (bananes, canne à
tutelle plus dure des colons. statut de citoyens français et, en 1877, sucre, ananas). Autrefois exportatrice
L’histoire Pour remédier à cette perte, le duc ils étaient représentés au Parlement. de viande, la Guyane n’a, aujourd’hui,
de Choiseul décida, en 1763, d’y expé- Divisée en 1930 en deux territoires, la qu’un très maigre cheptel. Les seuls
Ce sont les Espagnols qui abordèrent
dier 12 000 personnes, chiffre énorme Guyane et l’Inini, la colonie devint en établissements industriels sont des
les premiers en Guyane. Vers 1503,
et sans proportion avec les débouchés 1946 un département. Actuellement,
quelques colons s’installèrent à Ca- scieries et des distilleries (pour la fabri-
offerts par la Guyane. L’entreprise elle souffre d’un manque de main-
yenne. L’attrait du légendaire Eldo- cation du tafia). Depuis 1961 existent
tourna à la catastrophe. L’expédition d’oeuvre et de la faiblesse du marché
rado, que l’on situait dans ces parages, deux usines de surcongélation du
avait mal été préparée avec des chefs commercial. En 1966, la France a
entre l’Amazone et l’Orénoque, et qui poisson. Depuis 1945, l’artisanat d’art
incapables ; les émigrants, ramassés au construit à Kourou un centre d’études
passait pour regorger d’or, explique (ébénistes, orfèvres) occupe un nombre
hasard, se découragèrent en ne trou- spatiales et un champ de tir pour rem-
les explorations faites par Raleigh à la appréciable de personnes. L’installa-
vant à leur arrivée aucune des facilités placer celui d’Hammaguir, au Sahara.
fin du XVIe s. Cet imaginaire Eldorado tion de la base de lancement spatial sur
promises, car le mythique Eldorado P. P. et P. R.
sera responsable des désillusions que la
était toujours dans les esprits. Déci- le littoral, entre les embouchures des
Guyane provoquera chez les premiers
més par la faim et les épidémies, des petits fleuves Kourou et Sinnamary,
colons, qui viendront y chercher une La population
12 000 hommes débarqués deux ans s’est « surimposée » à cette économie,
fortune rapide et qui, par dépit, feront à La Guyane comptait près de 30 000 ha-
auparavant, il n’en restait pas un mil- ne la modifiant que localement.
cette colonie une mauvaise réputation bitants en 1945 et 45 000 en 1970. La
lier en 1765. Ce désastre contribua à
qui lui sera préjudiciable. Le commerce intérieur est inorga-
accréditer dans l’esprit public que population a donc relativement peu
augmenté malgré le net excédent des nisé. Les paysans apportent leurs pro-
Les Français apparurent en Guyane l’homme blanc ne pouvait pas vivre en
dès les premières années du XVIIe s. naissances sur les décès (le taux de duits sur le marché ou sont tributaires
Guyane.
Plusieurs essais de colonisation furent natalité dépasse 40 p. 1 000 ; le taux des transporteurs. Les Chinois ont le
Sous Louis XVI, cependant, de
tentés ; ainsi, en 1624, des marchands de mortalité avoisine 20 p. 1 000). monopole du commerce d’alimenta-
bons intendants rétablirent en Guyane
rouennais installèrent des comptoirs La cause en est le départ de la quasi- tion, les Libanais (quelques dizaines)
une certaine prospérité en assainis-
à Sinnamary, mais toutes ces entre- totalité des anciens forçats et la forte celui de la lingerie et de la confection.
sant l’Administration, en asséchant
prises ne subsistèrent pas longtemps ; émigration de l’élite locale. Environ Le commerce extérieur est aux mains
les terres et surtout en introduisant
toutefois, elles firent de la Guyane la 80 p. 100 de la population vivent sur de quelques gros commerçants. La
la culture des poivriers et des giro-
plus ancienne des colonies françaises la côte, en particulier dans l’île de Ca-
fliers. En 1794, la Convention y abolit balance commerciale est largement
d’outre-mer. yenne, qui regroupe près de deux tiers
l’esclavage, qui fut d’ailleurs rétabli déficitaire. Dans les importations, les
du total ; les communes côtières en réu-
Durant tout le XVIIe s., des compa- quelques années plus tard, et en fit un biens de consommation représentent
nissent 30 p. 100, et les communes de
gnies, plus ou moins éphémères, se territoire de relégation. Billaud-Va- 65 p. 100 (dont 27 p. 100 pour les
l’intérieur 5 p. 100 seulement.
formèrent à Rouen ou à Paris pour renne, Collot d’Herbois, Pichegru, vic- aliments).
l’exploitation de la colonie, et la ville times de la « guillotine sèche », furent La population est assez hétérogène,
La Guyane compte environ 300 km
de Cayenne fut fondée en 1643. Mais les plus célèbres des prisonniers poli- formée pour plus de moitié de métis
de routes, deux ports (Cayenne, dont le
les révoltes des Indiens maltraités par tiques qui y séjournèrent. En 1809, une ou de créoles avec d’importantes mi-
les colons, l’insuffisance des gouver- flotte anglo-portugaise s’empara de la norités européenne, noire, indienne, trafic est de 100 000 t par an, et Saint-
neurs comme Charles Poncet de Bré- Guyane, qui ne fut rendue à la France anglaise (originaire de Sainte-Lucie), Laurent-du-Maroni), un aéroport.
tigny († 1645) et la rivalité anglaise qu’en 1817. chinoise. Les Indiens, divisés en tribus, M. R.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
La littérature Saint-Sever et Dax). Pourtant, il ne déjà entreprise pendant les périodes de celui de la Région Aquitaine, dont Bor-
peut empêcher l’anarchie de s’instau- trêve, reprend avec vigueur. Elle est deaux reste le coeur.
V. francophones (littératures). rer dans le duché, faute de moyens à la fois démographique (appel à des P. T.
C. Robequain, Madagascar et les bases
militaires et financiers, faute aussi d’un immigrants dans l’Entre-deux-Mers, le F Aquitaine / Bordeaux / Cent Ans (guerre de) /
dispersées de l’Union française (P. U. F., 1958).
Gascogne / Gironde / Religion (guerres de).
/ M. Devèze, Cayenne, déportés et bagnards
appui constant de son souverain, qui bas Quercy, etc.), économique (subs-
(Julliard, coll. « Archives », 1965) ; les Guyanes intervient sans cesse dans l’adminis- titution fréquente de plants de vignes M. Gouron, l’Amirauté de Guyenne depuis
(P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1968). / J. Hurault, le premier amiral anglais jusqu’à la Révo-
tration de la Guyenne, dont il est pour- à la céréaliculture dans le cadre des
la Vie matérielle des Noirs réfugiés Boni et des lution (Sirey, 1938). / R. Boutruche, la Crise
tant éloigné par dix jours de mer. Pour contrats de complant ; reprise des d’une société. Seigneurs et paysans du Borde-
Indiens Wayana du Haut-Maroni (ORSTOM,
1965). / La Guyane française, le pays, ses pro- remédier à cette situation, Henri III exportations de vin à destination de lais pendant la guerre de Cent Ans (Les Belles
blèmes économiques (Impr. Laporte, Cayenne, Lettres, 1947) ; Une société provinciale en lutte
attribue enfin, en 1243, des gages fixes Londres et de Bristol à partir de 1463 et
1967). / P. Dupont-Gonin, la Guyane française, contre le régime féodal : l’alleu en Bordelais
au sénéchal de Gascogne et surtout surtout de 1475), artistique (construc- et en Bazadais du XIe au XVIIIe siècle (Les Belles
le pays, les hommes, ses problèmes, son avenir
(Droz, Genève, 1970). nomme en 1248 à cette fonction, avec tion de la chartreuse de Villefranche- Lettres 1947). / C. Dartigue, Histoire de la
Guyenne (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1950).
pleins pouvoirs pour une période de de-Rouergue), intellectuelle (écoles de
/ La Guyenne sous les rois d’Angleterre, 1154-
sept ans, son propre beau-frère, Simon Montauban).
1453 (catalogue d’exposition, introduction par
de Montfort, comte de Leicester. Rap- Apanage de Charles de France, frère Y. Renouard) [Bordeaux, 1952]. / Y. Renouard,
Guyenne pelé en 1253 en raison du méconten- cadet de Louis XI, entre 1469 et 1472,
« les Institutions
Histoire des
du
institutions
duché d’Aquitaine
françaises au
», dans
Moyen
tement manifesté par les barons et les le duché de Guyenne est étroitement re- Âge, sous la dir. de F. Lot et R. Fawtier, t. I : Ins-
villes d’Aquitaine, jaloux de leur auto- pris en main par la monarchie, qui brise titutions seigneuriales (P. U. F., 1957). / C. Hi-
Anc. province du sud-ouest de la
nomie, ce dernier est remplacé par le gounet (sous la dir. de), Histoire de l’Aquitaine
France. la révolte de 1548 contre la gabelle. La
(Privat, Toulouse, 1971). / J.-P. Trabut-Cussac,
prince Édouard, futur Édouard Ier. renaissance intellectuelle et artistique l’Administration anglaise en Gascogne sous
s’épanouit alors dans les villes, où se Henry III et Édouard de 1254 à 1307 (Droz,
Aux origines du
Ier,
Genève, 1972).
Le duché de Guyenne multiplient les centres d’imprimerie
duché de Guyenne
(1202/1204 - 1259) de 1259 à 1453 (La Réole en 1503 ; Bordeaux en 1517 ;
Agen en 1526) et où se créent des ins- L’art en Guyenne et
Ne séjournant que six ans dans le duché,
Altération irrégulière du vocable titutions culturelles nouvelles, notam-
de 1253 à sa mort, en 1307, ce dernier en Gascogne
« Aquitaine », le nom de Guyenne ment le célèbre « collège (bordelais)
l’administre pourtant directement et Dans la vaste région du Sud-Ouest que
désigne pour la première fois dans le de Guyenne », qui forme Michel de
avec soin soit de Londres, soit de Bor- nous considérons ici, incluant Périgord et
traité franco-anglais de Paris de 1258- Montaigne et Joseph Scaliger (1540-
Quercy, excluant Rouergue*, Languedoc*
deaux, ainsi que l’attestent 5 107 actes
59 l’ensemble des fiefs continentaux 1609), et qui favorise la diffusion du toulousain et Béarn*, la création artistique
conservés dans les Rôles gascons. Pour
des Plantagenêts : Bordelais, territoires luthéranisme, à la propagation duquel est attestée, comme dans toute cette
assurer la défense de la Guyenne, dont
gascons entre Garonne et Pyrénées, la cour de Marguerite d’Angoulême à partie de la France dès l’époque paléoli-
la commise est prononcée à quatre thique*, et a produit des chefs-d’oeuvre :
vicomtés de Limoges, de Turenne, de Nérac, accueillante aux humanistes, a
reprises par le parlement de Paris, en peintures de Lascaux et autres grottes de
Ventadour, comté de Périgord, aug- créé un climat favorable. Le duché est
1293, en 1324, en 1337 et en 1369, les la région de Sarlat ; Vénus de Lespugue,
mentés, au traité d’Amiens du 23 mai victime des guerres de Religion* : il
conservée au musée de l’Homme (Paris) ;
quatre Édouard (Ier, II, III et le Prince
1279, de l’Agenais et de la Sain- devient l’un des foyers essentiels du Dame de Brassempouy ou Bisons d’argile
Noir) prennent d’importantes mesures
tonge, mais définitivement amputés parti réformé, où lui sont accordées de du Tuc d’Audoubert, conservés au musée
d’ordre militaire : nomination, en 1295,
du Quercy en août 1286. Le duché de nombreuses places de sûreté dès 1570. national de Saint-Germain-en-Laye. Le
d’un amiral de la flotte de Bayonne dé- musée d’Aquitaine de Bordeaux, les mu-
Guyenne est constitué uniquement de Soumise à la suite de l’abjuration
pendant directement du lieutenant du sées de Périgueux, des Eyzies, du Mas-
pays de langue d’oc ; il est caractérisé d’Henri IV en 1593, la Guyenne est
roi ; construction de nombreuses bas- d’Azil possèdent également d’importantes
par la permanence du droit romain, par divisée dès 1542 entre les deux géné-
collections de gravures préhistoriques sur
tides et de châteaux. S’inscrivant dans
le foisonnement des alleux, par la désa- ralités de Bordeaux et de Montauban pierre, os et ivoire.
le cadre des deux guerres de Guyenne
grégation du système féodal et par le (basse et haute Guyenne), dont sont dé-
Les invasions ont été tellement des-
(1294/1297-1303 et 1324-1327), ces
maintien de la tradition urbaine. Il est tachées en tout ou en partie celles de La tructrices qu’il ne reste que des ruines de
mesures préludent à la guerre de Cent*
étroitement uni à la Couronne anglaise Rochelle en 1594, d’Auch en 1717 et l’architecture romaine, mais les fouilles
Ans. La Guyenne est la base essentielle
depuis la mort d’Aliénor d’Aquitaine de Bayonne-Pau en 1783. La Guyenne, poursuivies en plusieurs sites, notam-
de l’action militaire menée par les An- ment à Saint-Bertrand-de-Comminges et
en 1204 et surtout depuis la commise qui a été économiquement affaiblie
glais contre les Valois, notamment au à Montcaret, mettent au jour statues et
des fiefs de Jean sans Terre ordonnée par la Fronde et par la révocation de
temps du Prince Noir Édouard (1355- mosaïques.
par la cour de Philippe II Auguste en l’édit de Nantes en 1685, connaît une
1370) ; longtemps administrée par ce De l’âge roman subsistent des en-
1202, commise qui rompt tout lien per- très grande prospérité au XVIIIe s., no-
dernier en tant que « dominus dominii sembles prestigieux. L’abbaye de Moissac,
sonnel entre les deux souverains. N’y tamment grâce à la chambre de com-
fondée au VIIe s. par saint Didier, évêque de
Aquitanie » (1362/63-1370), elle est
résidant plus qu’exceptionnellement merce de Bordeaux, créée en 1705 et Cahors, affiliée à Cluny en 1047, a compté
défendue avec acharnement, car, grâce
au XIIIe s. (Jean sans Terre en 1214, qui favorise l’exportation des vins et jusqu’à 350 moines. Lieu privilégié de
Henri III en 1242-43 et en 1253-54), les à l’archidiocèse de Bordeaux, concur- le négoce de ce port avec les Antilles. prière, grande exploitation agricole, centre
rencé d’ailleurs par le Haut Pays, elle d’accueil pour les pèlerins, elle fut aussi
Plantagenêts confient l’administration Départementalisée en 1790, entraînée
du duché à un sénéchal de Gascogne, assure l’essentiel du ravitaillement en un foyer de vie artistique qui entretenait
dans l’insurrection fédéraliste après
vin de l’Angleterre. des échanges constants avec les ateliers
unique à partir de 1224, sinon même de le 2 juin 1793 par les députés brisso-
toulousains. L’art roman n’a conçu rien de
1216. Nommé et révoqué par le duc- Dévasté par les opérations militaires tins (dits « Girondins* »), victime de
plus grandiose que le portail de Moissac
roi, ce dernier gère ses domaines, garde (chevauchées anglaises de 1355 et de la Terreur en 1793-94, un moment (v. 1115-1120). Le Christ de la parousie,
ses châteaux, perçoit ses revenus, pré- 1356, française de 1442, etc.), dépeu- agitée en 1796 par un complot anglo- selon la vision fulgurante de l’Apocalypse,
side le Conseil de Gascogne, aux com- plé par les famines et par les pestes, royaliste, elle est envahie en 1814 par roi et juge suprême, portant la couronne
notamment par celle de 1348, coupé carrée, vêtu de l’ample tunique impériale,
pétences pratiquement illimitées, et la Wellington et connaît les contrecoups
le visage impénétrable, la main droite levée
Cour de Gascogne, juridiction d’appel en 1453 (reconquête de Bordeaux par de la Terreur blanche, en particulier à
pour bénir, la gauche posée sur le livre de
de toutes les décisions rendues par les Charles VII après la victoire de Cas- Montauban en 1815. Orientée essen-
vie, rayonne de majesté. Autour de lui, les
cours seigneuriales ou communales, tillon) du marché anglais, qui absorbait tiellement vers les spéculations agri- animaux qui symbolisent les évangélistes
ou par celles des quatre régions cou- ses vins, le duché de Guyenne entre coles, elle devient en 1918 le centre de sont subjugués, les chérubins en extase et
tumières du duché (Bordeaux, Bazas, en convalescence. La reconstruction, la VIIIe région économique et en 1961 les vieillards couronnés jubilent. Tympan
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
théologique par excellence, qui offre le truite à partir de 1489, est une des der- sier, Aynac, Puyguilhem, Lanquais, Lauzun, toire, début d’une étonnante série de
spectacle de la gloire de Dieu à l’heure où nières grandes oeuvres gothiques, achevée Caumont, Nérac. Des demeures urbaines
succès et d’échecs (il sera blessé deux
s’accomplit l’histoire et invite à l’adoration. par une façade Renaissance qu’encadrent de cette époque, il reste la maison de La
fois et abattu sept fois avant de dispa-
Les pieds-droits festonnés supportent les deux tours classiques ; ses vitraux à grands Boétie et l’hôtel de Plamon à Sarlat, la mai-
figures de saint Pierre et d’Isaïe, penchés personnages, aux tons pourpres, violets, son des Consuls à Périgueux. raître). Engagé à Verdun aux ordres du
vers la terre mais saisis par le souffle de verts et jaunes sont typiques de l’art des Encore renaissant avec ses dômes et ses commandant de Rose, dont Brocard est
l’Esprit. Trois couples de lions et de lionnes verrières du XVIe s. ; les motifs chrétiens et lanternons, le château de Hautefort assure
devenu l’adjoint, Guynemer est bientôt
dressés en X, crispés, d’inspiration orien- ceux de la mythologie antique se mêlent la transition avec l’art classique. Le palais
tale, occupent la face du trumeau, et deux dans l’impressionnant ensemble de ses envoyé sur le front de la Somme. À la fin
épiscopal de Montauban, devenu le musée
longs personnages aux barbes ondulantes, 113 stalles de chêne, exécutées de 1520 de juillet 1916, sous-lieutenant depuis
Ingres (oeuvres d’Ingres*, de Bourdelle*,
les côtés : Jérémie, écrasé par les malheurs à 1551. L’influence du gothique septen- etc.), est une remarquable construction six mois, il totalise déjà 11 victoires en
de Jérusalem ; saint Paul, dévoré par un feu trional est manifeste dans bien d’autres de style Louis XIII, bien que postérieur à
intérieur. Sur les bas-côtés de l’ébrasement églises, mais le type du gothique méridio- 350 heures de vol ; son « Spad VII »
ce règne, et la place Nationale, avec ses
s’opposent le monde de la grâce, évoqué nal à nef unique et choeur sans déambula- ayant capoté, sa popularité est telle
doubles galeries voûtées qui supportent
par des scènes de la vie de la Vierge, et toire a été largement reproduit. La cathé- des maisons à trois étages aux beaux toits que les fantassins découpent la toile de
celui du péché, représenté par une femme drale de Saint-Bertrand-de-Comminges
débordants de tuiles romaines, une par-
nue qu’un satyre agrippe et que des ser- (début du XIVe s.) est un large vaisseau sans ses ailes, qu’ils conservent en guise de
faite réalisation de l’art urbain du XVIIe s.
pents enlacent et sucent. Et, au bout de bas-côté terminé par une abside à sept Mais c’est à Bordeaux que triomphe le porte-bonheur. Guynemer ne fut pas un
la frise, saint Jean le visionnaire, inspira- pans. L’influence toulousaine apparaît à grand urbanisme classique du XVIIIe s., qui technicien du combat aérien, mais bien
teur de l’ensemble du portail, contemple Saint-Jacques de Montauban (XIVe-XVe s.),
a aussi remodelé le centre d’Auch. De
plus un virtuose du risque : rarement il
son Dieu. Toujours à Moissac, la suite des dont la masse de briques roses surmontée cette époque datent d’élégantes et char-
fines colonnes jumelées du cloître (fin du d’un clocher octogonal à fenêtres mitrées mantes demeures du Bordelais, dont cer- se protège des attaques de son adver-
XIe s. - début du XIIe s., remanié au XIIIe s.) est domine le Tarn, et à l’église-forteresse de
taines portent des noms de crus illustres : saire. Avec son avion, qui, pour lui,
interrompue aux angles et au centre par Simorre, hérissée de créneaux. La formule la Dame-Blanche, Château-Lafite, Bey-
est « une mitrailleuse volante », il veut
des piliers massifs en marbre qui portent des deux nefs a été utilisée à la basilique chevelle. Le Bouilh est l’oeuvre de Victor
les effigies des apôtres. Les 73 chapiteaux, Saint-Sauveur de Rocamadour (XIIIe s.) et à forcer le destin : « Cela fait tellement
Louis ; un de ses disciples a construit
où la nature est représentée par les trois l’ancienne cathédrale de Lombez. Enfin, plaisir aux poilus qui nous guignent
Château-Margaux.
règnes et l’histoire du salut par des scènes l’art des cloîtres gothiques s’est épanoui
J. P. d’en bas », répond-il à ceux qui lui
bibliques et la geste des martyrs, consti- à Cahors, Cadouin, Loc-Dieu, La Romieu,
tuent un répertoire de la sculpture romane. Saint-Émilion. reprochent ses imprudences. En 1917,
R. Rey, l’Art gothique du midi de la France
La cathédrale Saint-Étienne de Cahors Les châteaux du Moyen Âge abondent. le fameux « groupe des Cigognes »,
(H. Laurens, 1933). / R. Crozet, « l’Art en
et l’abbatiale Sainte-Marie de Souillac Leur architecture vigoureuse, parfois Guyenne », dans Visages de la Guyenne (Ho- commandé par Heurtaux, où Guyne-
gardent deux autres oeuvres majeures. Le altière, toujours pleine d’imprévu, accuse rizons de France, 1953 ; nouv. éd., 1966). /
mer est à la S. P. A. 3, est affecté à la
portail nord de Cahors (1135) représente l’originalité de leurs bâtisseurs et l’indivi- M. Vidal, J. Maury et J. Porcher, Quercy roman
l’Ascension, thème déjà traité à Saint-Ser- dualisme de leurs propriétaires. Châteaux (Zodiaque, La Pierre-qui-Vire, 1959). / C. Fré- Ire armée et basé à Saint-Pol-sur-Mer.
gnac, Merveilles des châteaux du Languedoc
nin de Toulouse. Deux anges entourent du Périgord, parmi lesquels Beynac, au Le 25 mai, Guynemer remporte 4 vic-
et de Guyenne (Hachette, 1967). / P. de Gorsse,
le Christ glorieux, au visage empreint de puissant donjon carré à l’aplomb d’une
« l’Art en Gascogne », dans Gascogne, Béarn, toires dont deux en une seule minute ;
tendresse et de paix, qui lève les deux falaise qui domine la Dordogne et dont
comté de Foix (Horizons de France, 1968).
en août, quatre nouvelles en trois jours
mains à la hauteur des épaules pour bénir la grand-salle s’orne d’une fresque de la / P. Dubourg-Noves, Guyenne romane (Zo-
et présenter l’Évangile, que les apôtres, Cène, et aussi Biron, Bourdeilles, Jumilhac, diaque, La Pierre-qui-Vire, 1969). / M. Durliat sur son « Spad XIII » que, comme tous
figurés en dessous, vont avoir à répandre. Laroque ; châteaux du Quercy : Castelnau, et V. Allègre, Pyrénées romanes (Zodiaque, La ses avions, il a baptisé Vieux Charles.
Du portail de Souillac subsistent les repré- Fénelon, Mercuès, Bruniquel, Bonaguil ; Pierre-qui-Vire, 1969).
Le 11 septembre, après 600 combats et
sentations d’Osée et Isaïe, très proches des de Gascogne : Mauvezin, Lourdes, Monta-
prophètes et saints de Moissac. Étonnante ner, Thermes d’Armagnac, Xaintrailles ; du 53 victoires homologuées (environ 80
de virtuosité est la figure d’Isaïe : le regard Bordelais : Villandraut, Roquetaillade, La probables), alors qu’à vingt-deux ans
inspiré, le corps souple, drapé en tour- Brède.
billon dans une longue tunique, il semble
Guynemer il est capitaine, officier de la Légion
L’architecture robuste et svelte du
d’honneur et que sa croix de guerre
s’échapper de la pierre, frémissant, bondis-
pont Valentré de Cahors (XIVe s.) allie par- (Georges)
sant d’allégresse. Saint-Étienne de Cahors faitement le fonctionnel à l’esthétique : la comporte 21 citations, il disparaît sur
et Sainte-Marie de Souillac, comme Saint- beauté de l’ouvrage réside dans la ligne le front d’Ypres au-dessus de Poel-
Front et Saint-Étienne de Périgueux*, sont As de la chasse française (Paris 1894 -
dépouillée de ses six arches ogivales de
kapelle. Son vainqueur, le lieutenant
voûtées de coupoles, formule adaptée de
16 m d’ouverture, de ses avant-becs cré- Poelkapelle, Belgique, 1917).
l’architecture orientale qui crée un espace nelés et de ses trois tours carrées hautes allemand Wissemann, sera abattu le
Fils d’officier, Georges Guynemer
intérieur dégagé et lumineux.
de 40 m. Les bastides édifiées du XIIe au 30 septembre par son camarade René
passe son enfance à Compiègne, où
Ces fortes oeuvres n’épuisent pas la XIVe s. relèvent de l’art de bâtir des villes.
son père s’était retiré, puis termine Fonck (1894-1953).
richesse romane d’une province qui Presque toutes semblables par leur plan
compte plusieurs centaines d’églises des que conçurent des urbanistes conscients ses études au collège Stanislas à Paris, En raison peut-être de sa disparition
Xe, XIe et XIIe s., comme celles de Bordeaux*, des exigences de la vie communale, elles où il prépare en 1914 le concours de
au combat, c’est Guynemer qui, pour
La Sauve, Agen, Valcabrère, Moirax, Bran- diffèrent par le style des maisons et des Polytechnique. Quand éclate la guerre,
les générations suivantes, incarnera
tôme, Duravel, Carennac, Figeac, Marcil- couverts. Centrées sur la place carrée, il renonce aussitôt à l’X pour s’enga-
hac-sur-Célé, etc., et aussi les cloîtres de de vaste proportion par rapport à la sur- l’héroïsme des jeunes aviateurs fran-
ger, mais il n’a que dix-neuf ans et sa
Saint-Bertrand-de-Comminges et de Saint- face construite, qu’entourent des galeries çais de la Première Guerre mondiale.
santé fragile le fait ajourner deux fois
Lizier, les fresques de Saint-Plancard et de à arcades sous lesquelles s’ouvrent les
au conseil de révision. Grâce à son Sa dernière citation est lue chaque
Saint-Aventin, la Vierge en bois sculpté de boutiques, elles ont des rues rectilignes
Saint-Savin (Lavedan), émouvants témoi- qui aboutissent aux promenades ou bou- obstination, il réussit enfin à se faire année le 11 septembre dans toutes les
gnages de la prodigieuse vitalité d’un art levards aménagés sur l’emplacement de admettre le 23 novembre 1914 à l’école formations de l’armée de l’air. Un de
irrigué de sève spirituelle. leur enceinte abattue. Ainsi, en Gironde : des mécaniciens d’aviation de Pau. Il y ses avions, longtemps conservé aux
Créon, Sauveterre-de-Guyenne ; en Dor-
L’art gothique s’est répandu en Guyenne obtient sa mutation pour une école de
Invalides à Paris, a été transporté dans
dogne : Monpazier, Beaumont-du-Péri-
et Gascogne pendant la seconde moitié du pilotage et est breveté sous le no 853 le
XIIIe s. et surtout au XIVe s. À Bordeaux, Bazas, gord ; dans le Lot : Montpezat-de-Quercy, le hall d’entrée de l’École de l’Air de
26 avril 1915. Le 8 juin suivant, il est
Montcabrier ; dans le Lot-et-Garonne :
Bayonne*, Auch, des réalisations d’enver- Salon, qui a adopté sa devise : « Faire
Villeneuve-sur-Lot, Castillonnès ; dans le affecté à l’escadrille no 3 de Morane-
gure, inspirées des cathédrales du Nord, face ».
Tarn-et-Garonne : Puylaroque ; dans le Saulnier, que commande sur le front de
attestent sa vigueur. Bel édifice à trois nefs
et déambulatoire, sans transept, la cathé- Gers : Gimont, Saint-Clar. la Ve armée en Champagne le capitaine M. F.
drale de Bazas a ses trois portails ornés de La Renaissance a paré de ses grâces plu- Brocard (1885-1950). Le 19 juillet, H. Bordeaux, Vie héroïque de Guynemer
sculptures du XIIIe s. Celle d’Auch, recons- sieurs châteaux féodaux, tels Montal, As- Guynemer remporte sa première vic- (Plon, 1938 ; nouv. éd., 1967).
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
— l’école suisse, fondée par Phokion définitive sa personnalité en se can- Les règlements et
gymnastique Heinrich Clias (1782-1854) [l’inven- tonnant dans des exercices qui ne se
le jugement
teur du trapèze], très proche de l’école retrouvaient dans aucun autre sport.
Art d’exercer, de fortifier et de déve- allemande et qui s’enracina profondé- De cette année date la codification Les grandes compétitions portent sur
lopper le corps par un certain nombre ment dans le pays ; officielle de la gymnastique moderne. un double programme : un programme
d’exercices physiques. — l’école française, avec le colonel es- Six disciplines ont été retenues chez imposé à chaque engin, dont le but est
pagnol François Amoros (1769-1848), les hommes : les exercices au sol, le d’orienter l’évolution de la gymnas-
Histoire qui, grâce à son gymnase de la plaine cheval-arçons, les anneaux, le saut tique et de contrôler la maîtrise des élé-
de Grenelle, propagea ses idées dès de cheval, les barres parallèles et la ments reconnus comme formateurs ; un
y Dans le monde antique, que cela
son arrivée en France, en 1814, avant barre fixe ; quatre chez les femmes : programme libre, qui permet à chaque
soit en Égypte, en Inde ou en Chine,
de créer un institut qui fut la première les exercices au sol, les barres asymé- gymnaste de réaliser ce qu’il peut
l’éducation physique était pratiquée,
ébauche de l’École de Joinville ; triques, la poutre d’équilibre et le saut faire de mieux en exploitant ses qua-
et ses bienfaits reconnus. Contraire- lités propres et sa personnalité. C’est
— l’école suédoise, avec le docteur de cheval.
ment à ce qui a été souvent affirmé, la la Commission technique internatio-
Per Henrik Ling (1776-1839), maître et
culture physique n’a pas eu la Grèce nale qui charge une nation de réaliser,
poète, fondateur de la gymnastique dite Les différents appareils
pour berceau, mais la Chine. Bien pour les jeux Olympiques ou les cham-
« rationnelle », dont l’influence allait
avant notre ère, le cong-fou, manuel On vient d’énumérer les différents pionnats du monde, un enchaînement
être combattue plus tard par la méthode
de gymnastique, révélait tout un sys- appareils (ou agrès) tels qu’ils existent
naturelle du Français Georges Hébert d’exercices qui devient l’« imposé ».
tème d’éducation physique fondé sur encore aujourd’hui et dont l’usage a
(1875-1957) ; Chaque épreuve donne lieu à l’attri-
la bonne posture du corps et sur la été codifié pour la dernière fois lors des
— les Sokols, société nationale tché- bution d’une note qui sert à l’établisse-
manière de bien respirer. Beaucoup jeux Olympiques d’Helsinki en 1952.
coslovaque d’éducation de la jeunesse ment du classement individuel ou par
plus tard, les Grecs commencèrent à par la culture physique, fondée en 1862 y Exercices au sol. Ils doivent for- équipe. Les notes sont données par un
cultiver la gymnastique, qui, bien au- à Prague par Miroslav Tyrš (1832- mer un ensemble harmonieux et ryth- jury composé de 5 membres : 4 juges
delà du simple exercice physique, ac- 1884), docteur ès lettres, et son disciple mique par l’alternance d’éléments
et 1 juge-arbitre ; ce dernier n’inter-
quit une haute valeur spirituelle et un Jindich Fügner (1822-1865). d’assouplissement et de force, de vient qu’en cas de contestation. Cha-
sens de discipline collective. Ce sont maintien et d’équilibre ; les exercices
y La période qui va de 1875 à 1936 cun des juges donne une note de 0 à
les Grecs qui ont donné son nom à la au sol doivent durer entre 50 et 70 se-
correspond à l’épanouissement des 10 points. Pour obtenir la note défini-
gymnastique : l’adjectif gumnos, nu, condes et s’effectuer sur un tapis carré
différentes écoles et à leur implanta- tive, on élimine la plus forte et la plus
désignait en effet les exercices pra- de 12 m de côté dont les limites ne
tion dans les pays d’Europe occiden- faible et on fait la moyenne des notes
tiqués le corps nu. Ce sont aussi eux peuvent être dépassées.
tale et centrale. En France, la plus intermédiaires.
qui construisirent les premiers gym- ancienne des fédérations, l’Union des y Cheval-arçons. L’appareil a été
Pour noter avec précision des exer-
nases. L’apparition des idées chré- sociétés de gymnastique française raccourci de 1,80 m à 1,60 m afin de
cices très différents, les juges se ré-
tiennes vit, dans un premier temps, (U. S. G. F.), née en 1873, préfigure permettre plus facilement des mouve-
fèrent à un code de pointage interna-
disparaître toute pratique sportive. Il la future Fédération française de ments d’élan dans le sens transversal.
tional qui classe toutes les figures en
fallut attendre la Renaissance pour gymnastique (F. F. G.), qui, en 1949, y Anneaux. Suspendus à des câbles 3 catégories : A (difficulté nationale),
qu’apparaisse enfin le premier traité regroupa les fédérations masculine et d’acier, ils permettent des mouve- B (difficulté internationale), C (diffi-
de gymnastique, De arte gymnastica, féminine. Après 1870 commence la ments combinés en élan, force et culté mondiale). Pour obtenir la note
écrit par Girolamo Mercuriale, un construction des premiers gymnases maintien. maximale, un exercice doit comporter
médecin italien reconnu aujourd’hui parisiens. Sur le plan mondial, il fau-
y Saut de cheval ou cheval-sautoir. au moins 6 figures A, 4 figures B, 1 fi-
comme le précurseur de la gymnas- dra attendre 1881 pour voir la créa-
Il a également été raccourci à 1,60 m gure C (2 pour les jeux Olympiques et
tique moderne. En France, Rabelais, tion de la Fédération internationale de
(hauteur 1,35 m) ; la piste d’élan les championnats du monde) ; 5 points
Montaigne et plus tard Rousseau gymnastique (F. I. G.), tandis que la
mesure 18 m au moins et un tremplin sur 10 sont consacrés à la valeur de
prônèrent les bienfaits des exercices gymnastique figurait au programme
d’appel est placé par le concurrent à l’exercice : 3,40 points pour sa diffi-
corporels. Cependant, c’est l’acroba- des premiers jeux Olympiques de
l’endroit qui lui semble convenable. culté et 1,60 point pour ses combinai-
tie, toujours pratiquée par des équili- l’ère moderne, en 1896, à Athènes.
sons ; les 5 autres points sont consacrés
y Barres parallèles. Deux barres
L’intérêt suscité par ces compétitions
bristes et des saltimbanques, au cirque à la réalisation de l’exercice, chaque
de hauteur identique permettent des
a placé la F. I. G. dans l’obligation
ou à la foire, qui est directement à faute d’exécution (écart des jambes,
exercices d’élan, de voltige ou de
d’améliorer ses règlements, et, peu
l’origine des exercices contemporains flexion des bras, arrêt, etc.) étant péna-
force.
à peu, les épreuves athlétiques ont
aux agrès et au sol. Elle les a marqués lisée selon un barème qui va de 0,10 à
perdu de leur importance par rapport y Barre fixe. Elle n’a subi aucune
d’une empreinte profonde. 1 point. Pour les épreuves féminines,
aux épreuves gymniques proprement transformation depuis son origine ;
y La période qui s’étend de 1800 à les enchaînements doivent nécessai-
dites. elle permet des mouvements exclusi-
1875 correspond à la naissance des rement comporter 4 difficultés B et
vement d’élan sans aucun arrêt.
y La dernière période commence peu 2 difficultés C. La légèreté, la grâce, le
différentes écoles et à l’expansion
avant la Seconde Guerre mondiale. Pour les femmes, deux seulement rythme interviennent très sensiblement
rapide de la gymnastique proprement
L’évolution des compétitions et des de ces 6 agrès subsistent : les exer- dans le jugement, ainsi que l’adapta-
dite.
règlements se poursuit. La gymnas- cices au sol, qui doivent cependant tion à la musique pour ce qui concerne
Parmi les différentes écoles, citons : tique s’éloigne de plus en plus de ses durer entre 60 et 90 secondes et être les exercices au sol.
— l’école allemande, avec le Prussien origines, l’éducation physique, pour effectués en musique, et le saut de
Friedrich Ludwig Jahn (1778-1852), devenir une véritable activité spor- cheval, dont la hauteur a été ramenée
Les grandes
surnommé le « père de la gymnas- tive ayant son caractère propre. Cette à 1,10 m et qui se franchit en travers
tique », car c’est lui qui a rendu cette
compétitions
évolution incessante s’explique par et non plus en longueur. En revanche,
discipline accessible à un plus grand la modification des engins utilisés, 2 autres agrès font leur apparition : y Les jeux Olympiques. Ils donnent
nombre grâce à l’introduction d’un vo- l’aménagement des règlements tech- les barres asymétriques (la plus haute lieu à 2 classements : un classe-
cabulaire nouveau, et c’est lui aussi qui niques, l’influence de quelques cham- est située à 2,30 m, l’autre à 1,50 m) ment par nations, et un classement
dessina le cheval, la poutre d’équilibre, pions au génie créateur. C’est en 1936 et la poutre d’équilibre (durée de 80 à individuel. Les équipes nationales se
la barre fixe et les barres parallèles ; que la gymnastique affirme de façon 105 secondes). composent de 6 gymnastes, qui se
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présentent à tous les agrès, pour les 1968 et 1972), Kenmotsu, Mitsuo Tsu- de trachéides et non de vrais vaisseaux Cycadales, Cordaïtales et Ginkgoales,
exercices libres et les exercices im- kahara et Akinori Nakayama... comme chez les Angiospermes. Ces groupe des Natrices) les mêmes ca-
posés. Seules les 5 meilleures notes trachéides possèdent ordinairement, ractéristiques que chez les Crypto-
Les Soviétiques, qui eurent avec
sont retenues. Le titre olympique est sur les parois radiales, des ornemen- games : des spermatozoïdes ciliés se
Youri Titov, puis Boris Chakhline, 2
décerné au pays qui a obtenu le meil- des plus grands gymnastes de l’his- tations, les aréoles, constituées par le rapprochent du col des archégones
leur total sur l’ensemble des épreuves décollement circulaire des parois cel- (éléments femelles) en nageant (il y a
toire, leur trouvèrent un successeur
(12 épreuves masculines, 8 épreuves lulosiques de la lamelle moyenne pec- zoïdogamie). D’autres groupes, les Co-
avec Mikhaïl Voronine, surprenant
féminines). Depuis 1972, les 36 pre- champion du monde en 1966 à l’âge tique ; au centre du décollement, une niférales en particulier, se rapprochent
miers du classement individuel, après petite ouverture existe, mais, à cet en- des Angiospermes en ayant une fécon-
de 21 ans ; 3 fois champion d’Europe
les imposés et les libres, refont des droit, la lamelle moyenne est renforcée dation siphonogame, c’est-à-dire que
(1967, 1969, 1971), Voronine n’a
exercices libres à l’issue desquels cependant jamais confirmé son succès (torus). Une analyse microchimique les anthérozoïdes empruntent un tube
est décerné le titre olympique indivi- du bois (réaction de Mäule) donne un pour atteindre les gamètes femelles.
sur les Japonais, ce que parviendra
duel. Pour ce classement les notes du résultat négatif, c’est-à-dire une cou- Cette fécondation est effectuée par
peut-être à faire Andrianov. Les autres
concours général (imposés et libres) puissances notables sont l’Allemagne leur jaunâtre ou brunâtre due à la pré- un seul spermatozoïde chez les Cryp-
comptent pour une moitié et les notes sence de xyloholosides, alors que chez togames vasculaires et chez les Gym-
de l’Est, la Tchécoslovaquie, les États-
des derniers exercices libres pour les Angiospermes la réaction positive,
Unis, la Pologne, la Suisse, l’Alle- nospermes sauf très rares exceptions
l’autre moitié. Il existe ensuite des magne de l’Ouest, la Corée, la Rouma- une coloration rouge foncé, est pro- (une ou deux Coniférales, peut-être
finales individuelles par agrès qui réu- voquée par des mannoholosides. Les
nie et la Hongrie. certaines Gnétales), alors qu’elle est
nissent les 6 gymnastes ayant obtenu stomates ont le plus souvent une struc-
Chez les féminines, la suprématie normalement double pour les Angios-
les meilleurs totaux à chaque engin. ture caractéristique (haplochéilique) ;
mondiale appartient à l’U. R. S. S., permes ; de ce fait, les Gymnospermes
y Les championnats du monde. enfin, les tissus sécréteurs (canaux et ne possèdent pas l’albumen.
bien que la Tchécoslovaquie ait eu
Comme les jeux Olympiques, ils ont cellules isolées) produisent surtout des
dans ses rangs l’étoile de la gymnas-
lieu tous les 4 ans. Ils se déroulent essences et des résines.
tique mondiale de l’époque moderne : Le Ginkgo
entre deux jeux Olympiques, dont ils
Vera aslavska, 3 fois championne Si le cycle de reproduction des
ne sont séparés que par 2 années. Les Arbre gymnosperme d’origine chinoise, re-
olympique et championne du monde. Gymnospermes et des Angiospermes
marquable par sa fécondation aquatique.
règlements sont identiques. Mais l’école soviétique, grâce à La- est identique, la structure des organes
Dans le grand ensemble des Gymnos-
y La Coupe d’Europe. Elle est sou- rissa Latynina, qui domina la situation et les modalités intimes de la féconda-
permes, le Ginkgo (Louis Emberger pré-
vent appelée, à tort, championnat entre 1954 et 1958, développa l’aspect tion présentent de notables différences.
conise : Ginkyo) est le seul représentant
d’Europe. Elle est née en 1955 et artistique de la gymnastique et donna Ainsi, chez les Gymnospermes, les or- actuel des Ginkgoales.
se déroule uniquement sur un pro- naissance à de véritables ballerines ganes reproducteurs femelles sont net-
Celles-ci, connues depuis l’ère primaire
gramme d’exercices libres. Elle ne des agrès dont les évolutions tiennent tement moins spécialisés que chez les (Permien inférieur), ont eu leur apogée au
comporte qu’un classement indivi- à la fois de la danse et de l’acrobatie Angiospermes ; en effet, on est le plus Secondaire (Jurassique moyen) avec une
duel, chaque nation ne pouvant enga- pure. Dans cette lignée, N. Koutchins- souvent en présence d’une feuille, par- vingtaine de genres.
ger que 3 gymnastes. Le vainqueur a kaïa, Z. Voronina, L. Touristcheva ont fois assez peu modifiée ; cette feuille Le Ginkgo est un arbre dioïque de 40 m
droit au titre de champion (ou cham- été les meilleures. La R. D. A. suit la carpellaire n’est pas refermée sur elle- de haut, à feuilles caduques (ce qui est
pionne) d’Europe. Il existe également même voie que l’U. R. S. S., mais sans même pour former un ovaire clos, et les très rare pour les Gymnospermes), apla-
Sawao Kat (champion olympique en condaire (homoxylé) est encore formé permes primitives (Cycadofilicales, leur d’une mirabelle.
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Cette espèce a son aire de répartition d’autres : c’est cette dernière que nous feuilles réduites à des écailles laineuses. les Hottentots et les Bantous extraient
naturelle en Chine, mais elle fut décou- Chez le genre fossile Paleocycas, les limbes de la moelle de quelques Encephalartos
allons adopter ici. Ces six classes sont
verte au Japon en 1690, répandue en étaient entiers. La base du rachis des une fécule avec laquelle ils font du pain
celles des Ptéridospermaphytes, des
Angleterre vers 1784 et en France vers feuilles mortes donne à la tige une enve- (pain des Cafres) ; il en est de même pour
Cycadophytes, des Cordaïtophytes, des
1788. C’est un très bel arbre d’ornement, loppe protectrice qui atteint parfois plus certains Cycas de l’Inde (C. circinalis),
Ginkgophytes, des Coniférophytes et de dix centimètres d’épaisseur, très rigide du Japon (C. revoluta), de Cochinchine
surtout grâce à son feuillage à l’automne.
Préférant les terres profondes et fraîches, il des Chlamydospermaphytes. La classe et efficace, en particulier contre le feu. Ces (C. inermis) ainsi que pour Zamia integrifo-
s’accommode cependant très bien des sols des Ptéridospermaphytes, ou Cycado- tiges ont, au centre, une moelle abondante lia des Antilles. Enfin, les graines de Dioon
pauvres et très calcaires. filicinées, comprend les Lyginopté- bourrée d’amidon. Certaines racines sont edule sont consommées au Mexique.
envahies par des Algues bleues (Nostocs)
J.-M. T. et F. T. ridées, les Médullosées et les Cayto- J.-M. T. et F. T.
qui se localisent dans une assise bien dé-
niacées, et n’a que des représentants
terminée possédant des cellules de grande
fossiles ; celle des Cycadophytes est taille.
Origine ; classification divisée en quatre ordres : Cycadales, Utilisation
Toutes les Cycadacées sont dioïques,
Nilssoniales, Pentoxylales et Bennetti- mais les deux sexes sont souvent en puis-
Le groupe des Gymnospermes, bien Le groupe des Coniférophytes est de
tales ; un seul, le premier, a encore des sance sur le même individu et il arrive
défini vers le début du XIXe s. par beaucoup le plus utilisé : ses plantes
espèces vivantes. La classe des Cordaï- qu’une plante porte des organes mâles
Robert Brown (1827) et par Adolphe sont désignées dans le langage courant
tophytes est entièrement éteinte depuis actifs une année alors que, l’année pré-
Brongniart (1828), est composé uni- sous le nom de résineux.
cédente, le même individu avait des or-
le Permien ; celle des Ginkgophytes
quement d’espèces ligneuses. Les plus ganes femelles fonctionnels. Ces organes Si l’emploi alimentaire est assez
n’a plus qu’un seul représentant actuel-
vieux représentants connus datent du reproducteurs sont soit terminaux (Cycas faible (fécules des moelles de Cyca-
lement. La classe des Coniférophytes
Dévonien, mais il n’est pas exclu que femelle, Dioon, Ceratozamia), soit latéraux
dacées, graines d’espèces diverses :
(v. Conifères) est composée de plu- (Macrozamia, Encephalartos) ; dans le pre-
le groupe ait existé avant, puisque les Ginkgo, Pin pignon...), il est par contre
sieurs familles ayant un nombre assez mier cas (Cycas femelle), la croissance peut
premières flores gymnospermiques considérable dans l’industrie grâce à la
important d’espèces vivantes. Enfin, cependant rester terminale (croissance
connues montrent deux phylums très monopodique), comme cela se produit production des résines ; de nombreuses
la petite classe des Chlamydosperma-
nets, celui des Cordaïtales et celui des chez les Fougères ; mais chez Dioon et Ce- espèces servent comme matière pre-
phytes (v. Gnétales) réunit les trois
Ptéridospermales. L’importance du ratozamia, la croissance se poursuit par un mière pour la fabrication de pâte à pa-
ordres des Ephédrales, des Welwits-
bourgeon latéral (croissance sympodique).
groupe croît régulièrement jusqu’au pier et comme bois d’oeuvre, pouvant
chiales et des Gnétales, qui sont très
Jurassique, où l’on recense plus de L’appareil reproducteur mâle, un cône aller depuis la plus grosse charpente
isolées systématiquement.
de taille variable suivant les espèces (de
20 000 espèces, mais dès le Crétacé jusqu’à l’ébénisterie la plus fine (cèdre)
45 cm de long à 2 cm chez le Zamia), est
ce nombre se réduit de moitié ; il est et même la lutherie. Aussi des arbres
formé de feuilles réduites à de simples
d’environ 1 000 à l’heure actuelle. Les Cycadales
écailles qui portent à leur face inférieure ont-ils été très souvent introduits pour
Ce petit nombre d’espèces, très faible Dans l’ordre des Cycadales, il n’existe plus à de nombreux sacs polliniques ; ces feuilles faire des repeuplements dans les terres
par rapport à celui des Angiospermes l’heure actuelle qu’une seule famille, celle pourraient correspondre aux étamines des pauvres (dunes maritimes, montagnes),
des Cycadacées, comprenant une dizaine Angiospermes. Le pollen qui s’en échappe
(150 000), présente cependant une bien tant en Europe qu’en Afrique du Sud et
de genres et près de cent espèces à feuilles est formé de trois cellules, la plus grande
plus grande variété ; certaines Angios- en Australie. La durée de révolution de
pennées, dont le port rappelle beaucoup devant donner les spermatozoïdes et le
permes dériveraient peut-être de Gym- ces peuplements est assez faible, ce qui
certains palmiers ou des fougères arbores- tube pollinique.
nospermes primitives. centes ; quelques espèces vivantes ont été permet une bonne rentabilité ; mais,
L’appareil femelle est également un
Aucune classification ne rallie ac- retrouvées à l’état fossile. Leur croissance comme ces espèces sont très sensibles
cône, sauf chez le Cycas ; ces organes
est extrêmement lente et l’on admet que aux feux, la culture en mélange de
tuellement l’unanimité des botanistes peuvent être énormes et atteindre 50 kg
les Dioons, les Encephalartos hauts de
systématiciens. Une des plus récentes, et plus de 1 m de long. Chez le Cycas, ils feuillus et de résineux est maintenant
2 m auraient environ un millier d’années ;
sont composés de nombreux carpelles, de plus en plus prônée. Grâce à leur
proposée par Emberger, fragmente mais, à la base de ces tiges, on remarque
beaucoup plus courts (10 à 15 cm) que les port (Cèdres, Cycas, Cyprès, Pins...),
cet ensemble en deux groupes, celui souvent des bourgeons qui redonnent de
feuilles normales et dont la partie extrême
des Préphanérogames (surtout des nouveaux troncs ; aussi les parties souter- à la couleur de leur feuillage (argen-
(distale) est stérile et composée de nom-
plantes fossiles) et celui des vraies raines peuvent-elles atteindre plusieurs tée, dorée, couleur automnale du Gin-
breuses folioles, alors que la partie proxi-
milliers d’années. Ces genres manifestent kgo...) et à leur taille (diverses espèces
Gymnospermes. Le premier de ces male est porteuse (le long du rachis uni-
des signes très nets de sénilité : ainsi, la for-
deux groupes se divise lui-même en quement) d’ovules qui peuvent être très naines), nombreuses sont les Gymnos-
mation simultanée de feuilles et d’organes
gros (jusqu’à 6 ou 7 cm). Chez le Zamia, le permes exotiques qui sont plantées
deux : d’une part les Ptéridospermes, sexuels arrête pour plusieurs années la
cône est uniquement formé d’écaillés hau-
comprenant les Ptéridospermales, les dans les parcs et les jardins.
croissance de l’individu ; dans la Nature,
tement spécialisées, qui portent à leur face
Caytoniales (toutes deux exclusive- ces espèces se localisent dans des stations Il ne faut pas oublier qu’une part
inférieure les ovules.
ment fossiles) et une troisième classe, où elles ne rencontrent que peu de concur- importante des houilles provient de
Le grain de pollen, une fois arrivé au
rence. Elles vivent les unes en Amérique
celle des Cycadales, existant depuis le la fossilisation de forêts entières de
niveau du micropyle, développe un su-
tropicale (Mexique, Cuba : Dioon, Cerato-
Trias et qui possède encore quelques çoir, puis un certain nombre de divisions Gymnospermes ayant vécu aux ères
zamia, Microcycas, Zamia — 30 espèces),
représentants actuellement ; d’autre les autres soit en Afrique du Sud (Ence- s’opèrent, et deux anthérozoïdes ornés primaire et secondaire.
part les Cordaïtes, formées par deux d’une hélice ciliée nagent, après que la
phalartos — 15 espèces ; Stangeria), soit Avec le groupe des Gymnospermes,
membrane du tube a éclaté, vers l’arché-
ordres, celui des Cordaïtales, unique- en Australie (Macrozamia — 15 espèces ;
on est donc en présence de tout un
gone, un seul pénétrant dans l’oosphère
ment fossiles, et celui des Ginkgoales. Bowenia) ; seul le genre Cycas (15 espèces)
et le fécondant. Immédiatement, de nom- ensemble d’espèces qui permettent
a une large distribution, aussi bien au
Le deuxième groupe réunit, d’après
Japon, en Chine et en Inde qu’en Australie
breuses divisions s’effectuent, mais un seul d’éclairer l’évolution du peuplement
cet auteur, les vraies Gymnospermes, embryon, ordinairement à deux cotylé-
et à Madagascar. végétal de notre globe, depuis les ères
avec deux sous-embranchements, celui dons, se développe. les plus reculées où dominaient les
L’appareil végétatif de ces espèces
des Bennettitales (fossiles) et celui des De l’ensemble des caractères des Cyca-
est constitué par un tronc très sensible- Ptéridophytes (fin de l’ère primaire),
Conifères. ment cylindrique, le plus souvent simple, dales, on peut déduire que cet ordre est
en passant par l’apogée des Gymnos-
dérivé de Cryptogames vasculaires très pri-
D’autres auteurs ne séparent pas les pouvant atteindre de 10 à 15 m de haut permes au Jurassique, jusqu’à l’époque
mitives et qu’il a ensuite évolué isolément ;
(pour les Macrozamia), surmonté alterna-
groupes les plus primitifs des formes actuelle, où l’on peut voir disparaître
il est en effet difficile de rapprocher ce
tivement soit d’une couronne de feuilles
évoluées et divisent les Gymnospermes groupe d’aucun autre actuellement vivant. ce groupe..., certaines classes n’étant
assimilatrices grandes et pennées (parfois
en un certain nombre de classes ; trois bipennées : Bowenia), souvent enrou- La moelle des troncs de certaines es- plus représentées que par une seule
pour les uns : Cycadophytes, Coni- lées en crosse dans le bouton mais d’une pèces qui contiennent d’abondantes ré- espèce ! Depuis le Tertiaire dominent
férophytes et Gnétophytes ; six pour autre façon que pour les Fougères, soit de serves comestibles (amidon) est utilisée : les Angiospermes, dont on peut parfois
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
retrouver l’origine à partir de groupes permaphytes de plus en plus évoluées rapprochements encore plus anciens Rachiopteris et la racine un Kaloxy-
de Gymnospermes fossiles tels que les comme Stamnostoma huttonense (Dé- (G. Chauveaud), restés longtemps lon. Plus tard, les organes femelles
Pentoxylées et les Caytoniales. vonien), puis Tyliosperma orbiculatum inexplicables, avaient été faits, comme (Lagenostoma lomaxi) et les organes
J.-M. T. et F. T. (Dévonien), pour aboutir à la forme ceux du Cryptomeria japonica (Coni- mâles sous forme de synanges (Cros-
plus complexe du Lyginopteris old- fères) et de Sphenophyllum carbonifère
sotheca) ont été également trouvés en
hamia (Dévonien). Au cours de cette (Sphénophytes).
LES GYMNOSPERMES évolution issue d’une forme isospo-
connexion.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
rente et toujours double. Elle affecte le — au Crétacé, de nombreuses espèces rappelle les frondes des Wielandiella), feuilles caractéristiques. Les feuilles
nucelle et les téguments. du genre Cycadites désignent des restes Taeniopteris vittata (comparable au sont coriaces, rubanées, à marges en-
de frondes stériles ; feuillage des Williamsoniella). Les tières, longues de 25 à 60 cm, larges
Caytoniales — au Tertiaire, le Cycas fujiana du genres Vardekloeftia et Bennetticarpus de 3 à 15 cm, à nervures parallèles ren-
Paléocène et de l’Éocène est voisin de sont des genres d’ovules isolés. forcées par un fort tissu de soutien. Les
Les représentants de cette famille de
l’actuel Cycas revoluta. stomates sont profondément enfoncés
Ptéridospermaphytes ont été d’abord Les Cycadophytes occupent entre
dans la feuille. Le bois secondaire
décrits en 1912 par H. H. Thomas dans les Fougères à graines (Ptéridosperma-
Nilssoniales phytes) et les autres Spermaphytes une (Cordaioxylon) est homoxylé, à struc-
le Jurassique moyen des côtes du York-
ture araucarioïde, en connexion avec
Elles ont vécu du Keuper au Crétacé position intermédiaire. Des premières,
shire. Elles existaient peut-être dans le
supérieur. Elles sont connues surtout des moelles cloisonnées caractéris-
elles ont gardé certains caractères fili-
Trias, et on les retrouve jusque dans
tiques (Artisia).
sous forme de frondes (Nilssonia) et de céens : caractère penné des frondes,
le Crétacé supérieur et même peut-être
façon moins sûre par des cônes mâles vernation circinée. Des secondes, elles Les inflorescences (Cordaianthus)
plus tard.
(Androstrobus) et des organes femelles ont l’appareil conducteur, notamment sont unisexuées et portent des ovules
Le genre Caytonia (trois espèces : (Beania). (Cardiocarpus, Cycadinocarpus).
le xylème, bien que celui des Bennetti-
C. Sewardi, C. Thomasi, C. Nathorsti) tales ait conservé l’aspect scalariforme Les faisceaux nervuraires sont di-
est maintenant bien connu. Les feuilles Pentoxylales des ponctuations aréolées, ce qui est ploxyles, et le xylème centripète n’est
isolées portent le nom de Sagenopte- encore un caractère filicéen ancien.
L’ordre est fondé sur le Pentoxylon pas représenté dans la tige, alors que,
ris. Elles ont une nervure médiane très De telles ponctuations scalariformes,
Sahnii, connu dans le Jurassique de dans un genre plus primitif, Paroxyton,
nette ; elles sont pétiolées, ovales et ont particulièrement allongées, tendent à
l’Inde et de la Nouvelle-Zélande. L’ap- il est continu dans toute la longueur
des nervures secondaires anastomosées évoluer davantage et à se fragmenter de la plante. On trouve dans le genre
pareil conducteur, au lieu de former un
en éventail. Les organes mâles isolés cylindre ligneux unique, se présente chez les Cycadales, donnant des ponc- Mesoxylon une structure intermédiaire
sont connus sous le nom de Caytonan- sous l’aspect de 3 à 9 stèles constituées tuations aréolées isodiamétriques, fré- entre ces deux types extrêmes.
thus et d’Antholithus. Ce sont de petites chacune par des faisceaux séparés de quentes dans les groupes plus évolués.
frondes portant 3 à 6 étamines nues. bois primaire, chacun entouré par un D’autre part, en raison de leur struc-
Les grains de pollen ont deux ailes. Les cercle indépendant de bois secondaire. ture, les Bennettitales jouent un rôle
organes femelles sont également de pe- Les frondes isolées sont diploxyles important dans la filiation des Dicoty-
tites frondes. Chaque penne se termine et portent le nom de Nipaniophyllum lédones. Leur plan ligneux secondaire,
par une fructification globuleuse (de 2 Raoi, rappelant également le Taeniopte- rangé le plus souvent dans le genre de
à 7 mm), plus ou moins pédonculée, ris spathulata. Les appareils reproduc- forme Sahnioxylon, rappelle en effet
teurs femelles portent le nom de Car- de près celui des Dicotylédones ho-
recourbée sur elle-même, ménageant
coconites compactum, et les organes moxylées, c’est-à-dire les plus primi-
une cavité close pourvue de stigmate,
mâles celui de Sahnia nipaniensis. tives qui soient connues (Tetracentron,
qui fut interprétée à tort comme ovaire
Trochodendron, Drimus, Amborella,
d’Angiosperme unicarpelle. Les Pentoxylales prolongent peut-
Sarcandra).
être les Médullosées du Paléozoïque.
Toutefois, les Dicotylédones n’ont
Cycadophytes
Bennettitales (ou Cycadéoïdales) pu provenir directement des Bennetti-
Les Cycadophytes fossiles contiennent tales, en raison de la structure particu-
L’ordre, entièrement disparu, com-
les ordres suivants : Cycadales, Nils- lière de leur appareil reproducteur.
prend divers genres connus dans toutes
soniales, Pentoxylales, Bennettitales.
leurs parties (Cycadeoidea, William-
Ils sont abondamment représentés à sonia, Wielandia, Williamsoniella).
l’époque secondaire, que l’on qualifie Il s’agit de végétaux fondés sur des
parfois d’« ère des Cycadophytes ». troncs courts et trapus, de longueur al-
Ginkgophytes
lant de 0,3 à 4 m, couverts de cicatrices
Cycadales foliaires losangiques. Les frondes, que Par Ginkgophytes, on désigne un
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Woodwardia, Arctobaiera) qui ne se à la fois des ponctuations abiétinéennes que ceux de la section Eutacta existent ancêtres de l’époque secondaire, une
trouvent localisés que dans le Crétacé et des ponctuations araucariennes. Or, encore en Australie et dans les îles véritable inflorescence. Les anoma-
inférieur. Le groupe des Ginkgoales on sait que ces structures appartiennent voisines. lies spontanées de certains cônes ac-
diminue rapidement au Tertiaire (genre à des groupes de Pinacées que le temps tuels reproduisent d’ailleurs parfois,
Torellia du Paléocène-Éocène) et est géologique a depuis longtemps séparés. Évolution
du cône de façon accidentelle, les formes an-
restreint à une seule espèce dans la femelle des ciennes, avec leurs axes secondaires et
flore vivante. La morphologie foliaire Évolution de la Coniférophytes fossiles leurs pièces multiples.
se modifie considérablement au cours morphologie foliaire des
Le cône femelle des Conifères primi-
du temps. Coniférophytes fossiles Chlamydospermaphytes
tifs a été particulièrement étudié par
Un genre ancien, Trichopitys, qui
Les Conifères du Stéphano-Permien R. Florin. Les cônes du Permien et du
provient du Permien inférieur de Lo- Ce groupe, qui renferme trois genres
et de l’époque secondaire montrent Mésozoïque sont formés par des pièces
dève, a des feuilles linéaires dicho- encore vivants : Ephedra, Gnetum,
souvent, comme les espèces actuelles foliaires libres fertiles disposées autour
tomes formant des lanières étroites, Welwitschia, constitue au point de
d’Araucariacées, des feuilles squami- d’axes secondaires placés à l’aisselle
puis le limbe semble devenir toujours vue phylogénique un groupe particu-
formes fortement resserrées et plus ou des bractées. Ces ensembles sont fixés
plus abondant dans les formes plus ré- lièrement curieux, plus évolué que les
moins imbriquées sur les tiges. Elles sur l’axe principal du cône. La totalité
centes (Czekanoxskia, signalé du Rhé- Conifères par l’appareil conducteur et
sont maintenant bien connues et sont du cône constitue clairement non une
tien au Crétacé inférieur ; Karkenia, du qui, par certains caractères de l’appa-
définies également par leurs structures simple fleur comme le cône femelle des
Crétacé inférieur). reil reproducteur, n’est pas sans rappe-
épidermiques sous les noms d’Ernes- Cycadophytes, mais une inflorescence,
Le genre Baiera, aux feuilles divi- tiodendron, Pagiophyllum, Brachy- souvent très complexe. Le nombre des ler également les Angiospermes.
sées en lobes très distincts et qui a peut- phyllum, etc. pièces foliaires fertiles ou stériles est La flore fossile contient quelques
être un représentant dans le Permien, variable suivant les espèces. En voici
En particulier, on a pu déterminer rares pollens attribués avec plus ou
contient une vingtaine d’espèces du quelques exemples :
deux séries principales fondées sur la moins de certitude à ce groupe. Les
Rhétien au Crétacé inférieur. D’autres — Pseudovoltzia libeana, du Permien
morphologie foliaire. restes s’échelonnent du Permien à
espèces aux feuilles plus entières, bien supérieur d’Angleterre et d’Alle-
Ces deux séries sont les suivantes : l’époque actuelle, mais ils n’ajoutent
que datant du Permien (Saporta ner- magne, et Voltzia, du Trias allemand ;
1o Buriandia heterophylla Carpen- rien de très précis à nos idées sur la
vosa du Shanxi [Chan-si], Chine), sont autour de chaque axe secondaire placé
tieria frondosa Lebachia laxifolia ; position phylogénique de l’embran-
assez proches du Ginkgo biloba actuel. sur l’axe principal, à l’aisselle d’une
2o Buriandia heterophylla Agathis chement, établies plus aisément sur la
bractée, sont fixées 5 pièces foliaires
alba Araucaria sect. Colymbea morphologie des espèces vivantes.
libres dont 3 sont fertiles, c’est-à-dire
Araucaria sect. Eutacta.
porteuses d’une graine ; Tels sont les embranchements inter-
On voit la situation importante occu- — Ulmannia bronnii, du Permien médiaires qui marquent les grandes
pée par le Buriandia du Conifère supé- d’Angleterre, d’Allemagne et de Rus- étapes de l’évolution du vaste groupe
rieur et du Permien inférieur de l’Inde sie : sur les 5 pièces foliaires placées des Gymnospermes. Issues de cer-
et d’Amérique du Sud. Dans cette autour des axes secondaires, une seule taines Ptéridophytes hétérosporées du
espèce au feuillage très polymorphe, est fertile ; Dévonien, elles ont, durant le Carbo-
la feuille très aplatie possède fréquem- — Schizolepis, du Jurassique d’Alle-
nifère, évolué parallèlement aux autres
ment un limbe abondant rejoignant les magne et d’Asie ; les 3 pièces foliaires
formes de Ptéridophytes moins dif-
petites nervures issues de la triple di- placées autour des axes secondaires
chotomie du faisceau unique pétiolaire. férenciées. Ces dernières se sont lar-
sont fertiles ;
Dans certains cas, la nervation est plus gement épanouies durant le Primaire
— Cheirolepis munsteri, du Jurassique
simple avec seulement deux dichoto- et, plus tard, elles ont été remplacées
inférieur d’Angleterre, de France et
mies ou même une seule dichotomie. d’Allemagne : on trouve pour chaque par les Gymnospermes que l’on ren-
Dans cette première série, qui ap- axe secondaire 6 pièces foliaires dont 2 contre aux temps secondaires sur tous
partient à l’hémisphère Nord, le Car- seulement sont fertiles ; les territoires émergés. C’est à cette
Coniférophytes fossiles époque qu’elles ont donné naissance
pentieria frondosa d’Europe centrale — Swedenborgia cryptomerioides,
Les plus anciennes Coniférophytes montre seulement deux dichotomies, et du Jurassique inférieur d’Allemagne, à de nombreuses espèces hétéroxylées,
fossiles datent du Stéphanien. Elles ont le Lebachia laxifolia a des feuilles avec d’U. R. S. S., de Chine et du Japon ; notamment aux Angiospermes, carac-
été l’objet d’une modification évolu- une seule dichotomie et plus souvent 5 pièces foliaires fertiles sont en rap- téristiques du Tertiaire.
tive très nette qui a affecté aussi bien une nervure simple. Le genre Lebachia port avec chaque axe secondaire ;
Une connaissance de ces formes fos-
l’appareil végétatif que l’appareil re- est réparti en Europe et en Amérique — Drepanolepis angustior, du Crétacé
siles étalées sur plus de 300 millions
producteur. Parallèlement à cette évo- du Nord. inférieur du Spitzberg : une écaille
d’années, les dernières de l’histoire
lution morphologique, on peut noter unique et fertile est fixée sur chaque
Dans la deuxième série, qui appar-
de la Terre, est essentielle pour com-
également une évolution des exigences axe secondaire.
tient à l’hémisphère Sud, on observe
prendre avec certitude la phylogénie
écologiques. une simplification plus grande du Au cours du temps géologique, le
de l’immense sous-règne des plantes
Les « Cèdres » du Crétacé avaient dispositif nervuraire de la feuille à la nombre des feuilles fertiles diminue
à lignine.
des cônes caducs (Cedrostrobus), alors suite d’un « enfoncement » du système donc, et la bractée, bifide dans certaines
E. B.
que le Cedrus actuel perd ses écailles télomique primitif dans les tissus de la formes primitives, devient simple dans
A. C. Seward, Fossil Plants (Cambridge,
une à une. Cela montre une physiolo- tige. En même temps, le nombre des les formes évoluées. Cette dernière
1898-1919 ; 4 vol.). / W. Zimmerman, Die Phylo-
gie et une écologie différentes de celles dichotomies se réduit, et, du système à simplification de la bractée s’effectue
genie der Pflanzen (Iéna, 1930). / L. Emberger,
des espèces actuelles. Une autre preuve trois dichotomies, on passe au système parallèlement à celle des autres feuilles les Plantes fossiles dans leurs rapports avec les
de cette évolution se trouve également trichotome et à la nervure simple. stériles. végétaux vivants (Masson, 1944 ; 2e éd., 1968).
aux structures généralisées, contenant trouvent en Amérique du Sud, alors actuels, qui est toujours, comme ses / L. Moret, Manuel de paléontologie végétale
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
(Masson, 1949 ; éd., 1964). / H. N. Andrews, t. XIII, fasc. 2 (Masson, 1958). / N. B. Marshall,
3e
mais leur disposition en série fait que pliquant un accouchement. Rufus
Studies in Palaeobotany (New York, 1961). The Life of Fishes (Londres, 1965).
leurs effets s’ajoutent. d’Éphèse (début du IIe s.) donna une
bonne description des os du bassin, des
De la famille des Gymnotidés, seul
Electrophorus a des organes élec- trompes utérines et des différentes par-
ties de l’utérus, qu’il sut différencier
triques. Chez Gymnotus et les Poissons
Gymnote gynécologie nettement du vagin. Aretê de Cappa-
de la famille voisine des Sternarchi-
doce (vers la fin du Ier s.) eut le mérite
dés, prédateurs aux moeurs souvent
Poisson Téléostéen dulcicole du nord Spécialité médicale consacrée à l’étude de montrer que les prolapsus utérins
omnivores, l’existence d’organes élec-
de l’Amérique du Sud, appelé aussi de l’organisme de la femme et de son relevaient d’un relâchement des liga-
triques est douteuse, mais celle des
Anguille électrique ou Tremblador, appareil génital, du point de vue anato- ments de l’utérus et compara judicieu-
récepteurs sensoriels correspondants
qui capture les proies dont il se nour- mique, physiologique et pathologique. sement les ligaments larges de l’utérus
est bien établie.
rit grâce à des décharges électriques Les documents les plus anciens aux voiles d’un navire.
puissantes. (Ordre des Cypriniformes, consacrés à la gynécologie sont ceux de Dioscoride (fin du Ier s.) étudia en dé-
sous-ordre des Gymnotoïdes.) Autres Poissons
l’ancienne Égypte (papyrus médicaux, tail, dans son oeuvre pharmacologique,
électrogènes bas-reliefs et statuaire). Les maladies les substances contraceptives, abor-
Les Gymnotoïdes L’Anguille électrique n’est pas le des femmes semblent avoir été fré- tives, anti-inflammatoires et emména-
seul Poisson pourvu d’organes élec- quentes à cette époque, étant donné la gogues. Mais c’est Soranos d’Éphèse
Le Gymnote (Electrophorus electri-
trogènes. Parmi les Poissons marins, précocité et la fécondité des mariages. qui peut être considéré comme le véri-
cus) est un Poisson au corps allongé
citons des Raies — aux organes petits De nombreux papyrus font allusion table fondateur de la gynécologie : il
et aplati latéralement ; il est dépourvu
et situés dans la queue —, les Torpilles aux affections gynécologiques, avec de exerça sous les règnes de Trajan et
de dorsale et de caudale, mais possède
(Torpédinidés), dont les organes élec- nombreuses recettes dans lesquelles la d’Hadrien et écrivit De arte obstetrica
une anale très longue. Les pectorales
triques sont les muscles hypo-bran- magie tient une place importante. Le morbisque mulierum.
sont petites et les pelviennes absentes.
chiaux modifiés, et Astroscopus, dont grand désir des reines étant d’avoir un
La peau est nue. Hôte des eaux douces Galien* estimait que l’utérus était
les organes proviennent curieusement descendant mâle, on trouve dans ces
d’Amérique du Sud tropicale, le Gym- semblable au scrotum, que les ovaires
des muscles moteurs oculaires. Tous papyrus essentiellement des conseils
note peut atteindre plus d’un mètre ressemblaient aux testicules et que les
pour vaincre la stérilité, et des prières
vivent sur le fond. Les Raies produisent
de long. Il se déplace lentement, vers petites lèvres étaient analogue au pré-
des courants faibles qu’elles utilisent pour que les dieux interviennent dans
l’avant ou l’arrière, par ondulation de puce masculin. Il croyait que la Lune
la fécondation.
à des fins de détection, tandis que les
l’anale, en maintenant généralement le contrôlait les périodes « lunaires » de
Torpilles et Astroscopus peuvent pro- Dans la Grèce antique, c’étaient les
corps rigide. Il se nourrit d’Insectes, la femme.
duire des décharges d’une quarantaine femmes qui présidaient aux accouche-
de Vers ou de Crustacés, mais aussi de Paul d’Égine, un des plus grands
de volts. ments et traitaient le plus souvent les
Poissons. médecins byzantins (VIIe s.), très
affections gynécologiques. Les sages-
Les autres Poissons électriques ha- versé en gynécologie, décrivit la môle
Les organes électrogènes sont for-
femmes étaient honorées, et Socrate
bitent les eaux douces. Parmi ceux qui (v. grossesse), les cancers génitaux et
més par les masses musculaires cau-
se félicitait d’être le fils de Phainaretê,
utilisent ces organes pour détecter obs- les fibromes. Il utilisait couramment
dales. Ils occupent en volume la moitié matrone connue et experte. Il semble
tacles et êtres vivants dans les milieux le spéculum et fut d’ailleurs le dernier
de la queue, qui représente elle-même
bien qu’Hippocrate* ait utilisé le spé-
vaseux où ils vivent, citons les Gym- à l’employer. La médecine arabe, qui
une importante proportion du corps culum vaginal. En cas de prolapsus
tout entier. On y distingue l’organe narches (Gymnarchidés) et les Mor- succéda à la médecine byzantine, le
utérin, il conseillait la succussion, la
myres (Mormyridés), deux familles du proscrivit en raison de l’interdiction
principal, très gros, capable de pro- malade étant attachée sur une échelle
duire des décharges de 600 volts qui grand ordre primitif des Clupéiformes, faite aux hommes de pratiquer des
et placée la tête en bas. Les fumiga-
vivant en Afrique et notamment dans examens gynécologiques approfondis.
occasionnent à l’Homme un tremble- tions vaginales, les ovules astringents
ment musculaire suivi d’un engourdis- le Nil. Les décharges, de faible inten- Avicenne* ne put donc faire faire de
étaient couramment utilisés dans les in-
sité, sont produites en permanence à la grands progrès à la gynécologie. Ce-
sement douloureux, et deux organes fections gynécologiques. La dilatation
accessoires, le premier dorsal (organe fréquence de 1 à 20 par seconde chez pendant, la médecine psychosomatique
du col utérin au moyen de dilatateurs
de Sachs) et le second ventral (organe le Poisson au repos ; cette fréquence ne lui était pas inconnue, et il montra
en plomb ou en étain était préconisée
de Hunter) par rapport à l’organe prin- peut augmenter si l’animal, inquiet, a que la peur et l’appréhension pouvaient
volontiers et suivie de fumigations.
cipal. Le premier est utilisé pour étour- détecté une irrégularité dans la distri- être la cause de la stérilité ou de l’avor-
L’examen d’une femme stérile com-
dir et immobiliser les proies ; les deux bution du champ électrique qu’il crée tement spontané.
portait la mise en place d’un ovule
autres, qui produisent des voltages en permanence autour de lui.
vaginal odorant le soir. Si, le lende- André Vésale (1514-1564) observa
faibles, de l’ordre du volt ou moins, Par contre, le Malaptérure (Malap- main matin, les cheveux de la femme les corps jaunes de l’ovaire et décri-
créent autour de l’animal un champ terurus electricus) est un Poisson-Chat exhalaient l’odeur du médicament, la vit les veines ainsi que les ligaments
électrique que détectent des récepteurs d’Afrique tropicale de grande taille stérilité était curable. Après Hippo- de l’utérus. Gabriel Fallope (1523-
spécialisés, les mormyromastes, dont la (un mètre ou plus) capable de donner, crate, Hérophile (né v. 335 av. J.-C.) 1562) observa de façon minutieuse
structure évoque celle des neuromastes comme l’Anguille électrique, de fortes décrivit les organes génitaux féminins, les trompes utérines. Ambroise Paré
de la ligne latérale. Tout objet qui mo- décharges, de l’ordre de 350 volts, qui notamment l’utérus et sa vascularisa- (1509-1590) domina la chirurgie et la
difie le champ électrique créé par l’ani- étourdissent et immobilisent les autres tion. Il montra la différence de l’aspect gynécologie. Son ouvrage De la géné-
mal — obstacle, proie, ennemi, parte- Poissons, dont il se nourrit. L’organe du col chez la nullipare et chez la mul- ration de l’homme (1573) constitue une
naire sexuel — peut ainsi être localisé électrogène n’est pas musculaire. Il tipare. Érasistrate († v. 280 av. J.-C.) somme de connaissances inégalée pour
et identifié. est sous-cutané dans toute la région soutint ensuite, parmi les premiers, son époque.
L’origine musculaire des organes du tronc et la partie antérieure de la que les femmes pouvaient présenter Marcello Malpighi (1628-1694)
électrogènes est évidente chez le Gym- queue, et est innervé par un seul nerf de des maladies propres à leur sexe, alors décrivit la structure à la fois glandu-
note. L’élément de base est l’électro- grande taille issu de la moelle épinière. qu’auparavant on niait la possibilité laire et musculaire de l’utérus, et le
plaque, et chaque organe électrique en R. B. d’une pathologie différente de celle de Hollandais Reinier De Graaf (1641-
comporte plusieurs centaines, empi- F Électricité animale. l’homme. 1673) les follicules ovariens. Gaspard
lées. La différence de potentiel créée A. Fessard, « les Organes électriques » dans À l’époque d’Auguste, Celse décri- Bartholin (1585-1629) découvrit les
par chaque électroplaque est faible, Traité de zoologie, sous la dir. de P.-P. Grassé, vit le traitement des affections com- glandes vulvaires qui portent son nom.
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Lotichius de Francfort (1598-1652) fut 1909), qui recommanda l’incision le phénomène de la dentelle utérine et cologie. Les dosages des hormones
vraisemblablement le premier à utiliser transversale sus-pubienne qui porte son rapport avec le corps jaune. Ro- ovariennes et hypophysaires sont de
le terme de gynécologie. J. Van Horne encore son nom. En Autriche, Ernst bert Courrier, Edgar Allen et Edward plus en plus minutieux. Ils ne sont
(1621-1670) appela ovaire l’organe Wertheim (1864-1920) codifia en 1898 Adebert Doisy découvrirent la folli- plus seulement statiques, mais dyna-
nommé jusque-là « testicule féminin ». l’hystérectomie élargie dans le trai- culine. L’Allemand Ludwig Fraenkel
miques, après stimulation artificielle
Au XVIIIe s., la gynécologie, contrai- tement du cancer du col de l’utérus. prouva que le corps jaune ovarien était
ou freinage. La synthèse industrielle
rement à l’obstétrique, ne progressa Schiller découvrit en 1928 le test in- nécessaire au maintien de la gestation.
de corps nouveaux a permis de bloquer
dispensable au dépistage du cancer du Jacques Loeb (1859-1924) attacha son
que très peu. En revanche, au cours du
l’ovulation, pour des raisons thérapeu-
XIXe s., l’acquisition de connaissances col de l’utérus au début, qui consiste à nom au test de la transformation déci-
tiques ou contraceptives (v. contra-
nouvelles concernant l’antisepsie, la suspecter toute zone ne se colorant pas duale de la muqueuse utérine. Selmar
Ascheim et Bernhard Zondeck démon- ception), ou au contraire de provoquer
bactériologie, l’anesthésie, l’anatomie en brun acajou après application d’une
solution iodo-iodurée. trèrent l’existence d’une hormone une ovulation jusque-là absente chez
microscopique lui permet de prendre
gonadotrope particulière dans le sang une femme stérile. La génétique, en
un essor considérable. C’est en 1809 En Angleterre, Robert Lawson Tait
que l’Américain Ephraim McDowell et les urines des femmes enceintes, à révélant l’existence d’anomalies chro-
(1845-1899), le premier, conseilla l’in-
(1771-1830) réussit pour la première l’origine des tests biologiques actuels mosomiques chez certaines femmes, a
tervention précoce dans la grossesse
fois l’ablation d’un kyste de l’ovaire pour le diagnostic de grossesse. Mau- permis d’expliquer certains syndromes
extra-utérine.
pesant 7 kg. En France, Auguste Né- rice Harold Friedman, utilisant cette
endocrinologiques et certaines dyspla-
Aux États-Unis, Howard Atwood
propriété gonadotrope des urines, gé-
laton (1807-1873) pratiqua de nom- sies de l’ovaire.
Kelly (1858-1943) fut un des plus
breuses ablations de l’ovaire. Véritable néralisa en 1931 le test de grossesse en
brillants gynécologues, en tant qu’opé- Enfin, des méthodes d’exploration
fondateur de la gynécologie moderne, injectant les urines de femmes présu-
rateur. Rubin proposa l’insufflation nouvelles comme l’hystérosalpingo-
Joseph Récamier (1774-1852) réha- mées enceintes à une lapine.
utéro-tubaire, exploration capitale en graphie, la biopsie de l’endomètre, la
bilita et répandit l’usage du spéculum L’histoire de la gynécologie actuelle
matière de diagnostic de la stérilité.
vaginal, cylindre métallique permettant est dominée par la disparition de l’in- coelioscopie et les ultra-sons ont per-
Emil Novak (1884-1957) classa les
de voir l’intérieur du vagin. Il introdui- fection génitale. L’avènement des anti- mis de faire des diagnostics gynécolo-
tumeurs endocriniennes de l’ovaire et
sit le curetage utérin, en utilisant une biotiques a en effet fait disparaître les giques de plus en plus précis.
fut consulté par les gynécologues du
curette à long manche. En Allemagne, infections chroniques désespérantes de
monde entier sur les cas litigieux de
Bernhard von Langenbeck (1810- l’utérus et des trompes. La gonococcie
coupes histologiques. C’est en 1917 Exercice de la
1887) réalisa le premier une ablation n’est plus le fléau qu’elle était. Cepen-
que Stockardt et George Nicholas gynécologie
de l’utérus par les voies naturelles, dant, si l’infection guérit et n’attente
Papanicolaou (1883-1962) décrivirent
pour traiter le cancer de l’utérus. plus au pronostic vital, elle laisse Un certificat d’études spéciales en gyné-
les modifications cellulaires du cycle
encore derrière elle des cicatrices qui cologie médicale a été créé en 1955 en
Jules Émile Péan (1830-1898) pra- vaginal, et en 1941 que G. N. Papani-
continuent à compromettre la fonction France. Les études durent trois années
tiqua la première ablation de l’utérus colaou et H. F. Traut publièrent leurs
de reproduction, et les lésions à germes après le doctorat en médecine, mais la
par voie abdominale, à Paris, peu après premiers travaux concernant le dia-
banals ou à bacille tuberculeux des possession de ce certificat ne donne pas la
Eugène Koeberlé (1828-1915), de gnostic du cancer utérin par les frot-
qualification pour pratiquer la gynécologie
Strasbourg. Jean-Louis Faure (1863- trompes demeurent l’une des princi-
tis vaginaux. De très nombreux cher- chirurgicale. Cette qualification ne peut
pales causes de stérilité.
1944) codifia de nombreuses interven- cheurs, aussi bien aux États-Unis qu’en être obtenue que par les anciens internes
tions gynécologiques, et Max Hartman Europe, devaient imprimer alors à la En matière de cancérologie gynéco-
titulaires de ville de faculté possédant par
(1876-1962) publia de nombreux tra- gynécologie une orientation endocrino- logique, les progrès se font dans deux ailleurs le certificat d’études spéciales de
vaux concernant le cancer utérin. logique qui représente l’aspect actuel directions : dépistage précoce du can- gynécologie.
et novateur des recherches en patho- cer utérin par les frottis vaginaux et la
L’école germanique compta égale-
ment des gynécologues remarquables : logie génitale féminine. Le premier, colposcopie ; traitement mieux codifié, Ph. C.
associant, à des tactiques opératoires
Karl Schröder (1838-1887), précurseur Louis Prenant (1861-1927) pressentit F Accouchement / Génital / Grossesse.
de la chirurgie gynécologique ; Albert que le corps jaune ovarien constituait à nouvelles, la radiothérapie à haute
T. Cianfrani, A Short History of Obstetrics
énergie et la chimiothérapie.
Neisser (1855-1916), qui découvrit le lui seul une véritable glande endocrine. and Gynecology (Springfield, Illinois, 1960). /
gonocoque et son rôle dans l’infection Pol Bouin (1870-1962) et Paul-Albert L’endocrinologie a continué à faire M. Dumont et P. Morel, Histoire de l’obstétrique
génitale ; Johann Pfannenstiel (1862- Ancel (1873-1961) mirent en évidence progresser à pas de géant la gyné- et de la gynécologie (Simep, 1968).
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Haarlem
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d’un moyen efficace de garantie contre crainte des exigences de l’exécutif et ment à la Déclaration universelle des
l’arbitraire. de la tiédeur des juges.
habillement
droits de l’homme et du citoyen, qui,
La Grande-Bretagne n’a pas rédigé, Complété en 1816, l’habeas corpus, dans son article 7, affirme que « nul
Ensemble des vêtements et des acces-
comme les autres démocraties occi- au cours du XIXe s., fut étendu à d’autres
ne peut être arbitrairement arrêté et soires qui les accompagnent.
dentales, de Déclaration des droits de domaines, notamment à des matières
détenu si ce n’est dans les cas prévus
l’homme et du citoyen. Au lieu de pro- relevant du droit civil (protection des
clamer dans une formule abstraite le aliénés, garde des enfants, rapports par la loi et selon les formes qu’elle a Du vertugadin à
droit à la liberté, le juriste anglais a mi- des époux), mais son rôle reste surtout prescrites ». Cependant, un effort par- la tournure
nutieusement réglementé la procédure marquant en droit pénal et en droit
ticulier a été fait par la loi du 17 juillet Engendré par la nécessité de se proté-
d’habeas corpus et a préféré mettre constitutionnel. ger des intempéries, l’habillement ne
1970 dans le sens du renforcement de
en place une technique permettant de Suspendu à deux reprises du fait des garda pas longtemps ce caractère stric-
la protection de la liberté individuelle
rendre ce droit effectif et concret. hostilités, l’habeas corpus a fait l’objet tement utilitaire. Devenu parure, il prit
d’une réforme en 1960 : l’Administra- en matière de détention provisoire. valeur de signe : l’histoire de son évo-
Historique tion of Justice Act a apporté des chan- Introduit dans un système de droit lution (v. costume) n’est que le reflet
gements importants dans la loi et la des conventions morales ou sociales
À l’origine simple instrument de pro- écrit comme le nôtre, l’habeas cor-
pratique, en précisant ses conditions de et du niveau économique des sociétés
cédure pénale permettant au citoyen pus perdrait ses qualités essentielles.
délivrance et la procédure applicable. dont il est issu. À ce titre, il fait partie
arbitrairement détenu d’en appeler à
Imprégné de sens pratique et propre intégrante de la culture d’une époque.
un juge ou à un tribunal, l’habeas cor-
Procédure aux droits anglo-saxons, il protège C’est au nom de la morale, en
pus est devenu un véritable moyen de
défense de la liberté individuelle. avec une rare perfection la liberté des accord avec une certaine vision du
Le juge étant au centre de la procédure
christianisme, que l’Église médiévale
Apparu vers 1302 sous le règne d’habeas corpus, une requête va lui citoyens.
condamna le port de vêtements qu’elle
d’Édouard Ier, il fut utilisé au début du être adressée par un avocat, la demande
J. L.
jugeait incompatibles avec la décence
XIVe s. par les cours royales de justice étant étayée de motifs raisonnables
F Détention / Libertés publiques.
et, surtout, avec l’image de la femme,
comme un moyen de procédure pour et accompagnée d’offres de preuve.
inspirée de celle de la Vierge, qu’elle
accroître leur compétence aux dépens Toute personne peut faire examiner par B. Delignières, le Writ d’« Habeas corpus ad
voulait imposer. Là, comme ailleurs, il
des cours locales. La cour de West- ce moyen la légalité de son emprison- subjiciendum » en droit anglais (Sirey, 1952).
fallait prévenir l’influence du Malin ;
nement, qu’il soit punitif ou préven-
minster et sa division la plus célèbre,
tif, qu’il émane d’une autorité admi- les vastes échancrures largement ou-
le « Banc du roi », utilisèrent ce writ Les grandes étapes de la vertes aux flancs des surcots sur une
nistrative ou d’une juridiction de droit
pour assurer leur pouvoir et affermir
commun ou d’exception. Mais cette protection des libertés cotte moulante ne pouvaient être que
leur autorité. Ordre donné au nom du
les « fenêtres de l’enfer », et la longue
roi, en vertu de la prérogative royale, procédure est l’ultime recours : elle individuelles en Angleterre
ne peut jouer que si tous les moyens pointe des poulaines que « l’ergot du
il était interdit de lui désobéir. La cour,
disponibles permettant d’obtenir les diable », difformité « imaginée en déri-
par ce moyen, connaissait donc des
mêmes résultats ont été épuisés ou se Première étape sion de Dieu et de la Sainte Église ».
causes qui, normalement, ne relevaient
sont révélés inopérants. Les chemises brodées mises en valeur
que des tribunaux inférieurs, les cours 1215 la Grande Charte sous la cotte largement découpée, elle-
locales. Le juge saisi doit délivrer le writ,
v. 1302 apparition du writ d’habeas corpus même recouverte d’un simple manteau,
qui est de droit. La personne à qui est
Ce n’est cependant qu’au XVIe s. que valurent à leurs fabricants les impré-
adressé le writ est tenue de l’exécuter 1627 l’affaire Darnel
le writ d’habeas corpus joua le rôle cations du futur cardinal Jacques de
et doit fournir une réponse claire et
qu’on lui connaît actuellement. En Vitry. Les prédicateurs restèrent indif-
sans ambiguïté. En cas de réponse in-
effet, les cours royales, ayant assuré férents à la grâce ailée des hennins,
tentionnellement fausse, des sanctions Deuxième étape
leur autorité et assis leur prépondé- tel le frère Thomas Couette, cité par
sévères sont prévues. C’est à propos
rance sur les cours locales, souhaitaient 1628 la Pétition des droits limite la préro- Enguerrand de Monstrelet, qui « blas-
de cette réponse (return) qu’intervient
par ailleurs affirmer leur autonomie à gative royale moit et diffamoit très fort les femmes
l’argumentation qui doit mener soit à la
l’égard du pouvoir royal. Retournant de noble lignée et aultres, de quelque
libération soit à la réincarcération de la 1629-1640 renvoi du Parlement par
cette arme contre le roi lui-même, elles estat qu’elles fussent, portant sur leurs
personne détenue. Après sa libération, Charles Ier : « la longue tyrannie »
prirent l’habitude, en réaction contre testes haults atours ».
le détenu ne peut être poursuivi de nou-
les abus du Conseil privé et de la 1649 exécution de Charles Ier
veau pour les mêmes faits. Insensibles aux foudres de l’Église,
Chambre étoilée, de statuer sur la léga-
les femmes tirèrent parti du vêtement
1649-1679 lutte de Charles II pour rétablir
lité des emprisonnements opérés par
au profit de leur silhouette, ce qui
lettres de cachet.
Champ d’application l’absolutisme royal
explique sans doute la permanence
Le roi Charles Ier fit tout pour se Applicable en Grande-Bretagne et 1679 l’Habeas Corpus Act dans le costume féminin, dès qu’il se
soustraire à ce redoutable contrôle. Il généralement dans tous les pays de différencie de celui de l’homme, de
1689 Bill of Rights
y parvint presque dans l’affaire Darnel, Common Law sauf l’Écosse, l’habeas ce qu’on pourrait appeler la « ligne
mais le Parlement, en réaction contre corpus a été intégré dans la Constitu- amphore », et cela du XIVe s., moment
l’arbitraire royal, vota la Pétition des tion des États-Unis d’Amérique et est où la taille commence à se creuser,
Troisième étape
droits en 1628, violée de nombreuses reconnu par la loi des États comme jusqu’aux années 1920, où la robe
par le gouvernement fédéral, malgré 1816 deuxième Habeas Corpus Act
fois par son successeur Charles II. Le tube de la garçonne libérera la femme
Parlement édicta l’Habeas Corpus quelque diversité dans son application. de l’étranglement du corset et de l’en-
1914-1915 Defence of the Realm Acts
Act en 1679 : essentiel dans l’histoire Dans tous les pays anglo-saxons qui combrement de la tournure. Celle-ci
l’appliquent, on peut dire que le droit 1939 Emergency Powers Defence Act
constitutionnelle de l’Angleterre, cet représentait l’ultime phase des divers
acte devait devenir une des lois fonda- pour tout homme de ne pas être empri- artifices inventés pour accentuer la ron-
mentales du royaume, sorte de rempart sonné sans raison est un droit effectif. deur des hanches, depuis le vertugadin
Quatrième étape
à l’abri duquel les libertés publiques La France ne connaît pas d’institu- en passant par la robe à paniers et la
anglaises purent s’épanouir sans tion comparable malgré son attache- 1960 Administration of Justice Act crinoline, tandis que la basquine, puis
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
le corps piqué en pointe et le corps à Les contacts avec l’étranger, en- tisser et soutenait l’activité de tout un XIVe s., se développa à Lyon à partir du
baleines, ancêtre du corset, faisaient traînés par les guerres, contribuèrent artisanat annexe. Aussi Montesquieu XVe s. Au XVIIIe s., les indiennes, ou tis-
ressortir la finesse de la taille. à renouveler l’habillement français : et Voltaire reprochèrent-ils aux édits sus de coton imprimé, connurent une
les Anglaises, qui accompagnent les somptuaires d’avoir freiné l’expansion telle vogue que l’industrie française des
La mode masculine n’était pas da-
troupes de la guerre de Cent Ans, font économique ; certains souverains en étoffes à décor tissé ou broché en obtint
vantage à l’abri des traits de l’Église,
découvrir aux Françaises le corset eurent si bien conscience qu’ils modi- la prohibition jusqu’à la fin de l’An-
qui veillait à lui conserver, selon les
fendu ; les guerres d’Italie révèlent la fièrent l’énoncé de ces édits dans un
canons d’alors, son caractère viril. cien Régime ; les tissus de soie étaient
somptuosité des soieries et des velours sens plus libéral : Philippe le Bel dut
Ces canons varièrent avec le temps : alors somptueux ; Napoléon Ier mettra
italiens et amènent les Français à dé- renoncer à l’édit promulgué par son
alors qu’en 1100 l’Église avait protesté à l’honneur les produits de l’industrie
père, en 1279, afin de permettre aux
contre l’allongement du costume mas- laisser la robe pour le pourpoint serré à lyonnaise (satin, moire, velours), et le
riches marchands des Flandres d’écou-
culin, signe de mollesse à ses yeux, en la taille, ce qui ne laisse pas d’inquiéter drap, depuis longtemps délaissé, re-
ler leurs tissages ; Henri IV autorisa les
1356 elle s’oppose aux « gens de robe Jean Marot : prendra droit de cité avec l’avènement
bourgeois à porter satin et taffetas pour
courte », qui, en dépit des anathèmes De s’accoustrer ainsi qu’une Lucrèce de la redingote, très prisée au XIXe s.,
fournir des débouchés aux manufac-
lancés contre eux, finissent par l’em- À la Lombarde ou à la façon de Grèce sous l’influence de la mode anglaise.
tures nationales, et Richelieu, désireux
porter sur les « gens de robe longue ». Il m’est advis qu’il ne se peut bien faire Sous le second Empire, l’élevage du
de promouvoir la production dentel-
Honnestement. ver à soie, particulièrement prospère,
Le costume servit, également, le lière française, interdit, par les édits de
Les élégantes du premier Empire feront fut bientôt ruiné par la maladie : c’est
souci de hiérarchisation sociale. Codi- 1633 et 1634, l’utilisation de dentelles
revivre, avec leurs robes aux longs plis de cette époque que date la découverte
fié dans ses moindres détails, il permit étrangères ; Louis XIV, à son tour,
flottants, les tuniques de l’Antiquité ; de la soie artificielle. Ainsi, avant l’ère
de distinguer le clerc du laïque, le mi- encouragea la production des dentelles
on s’habillera « à la russe » en 1817, industrielle proprement dite, le textile,
litaire du civil et, de façon plus libre d’Alençon et de Valenciennes. Le tex-
et, en 1819, on arborera le chapeau « à à lui seul, constitua un des principaux
mais plus subtile, d’étaler aux yeux de tile fit vivre des provinces entières. Dès
la Bolívar ». rouages de la vie économique et fut à
tous le rang social. Dès le Moyen Âge, le Moyen Âge, le tissage de la laine fut
les seigneurs décidèrent de faire figurer La prospérité économique favorisa une source d’enrichissement pour les l’origine de bien des rivalités commer-
leurs armoiries sur leurs vêtements et, le luxe de l’habillement, qui, en retour, Flandres, la Picardie et le Languedoc ; ciales entre pays, notamment entre la
au fur et à mesure de l’évolution de la donnait de l’ouvrage aux métiers à la soie, implantée en Avignon dès le France et l’Angleterre.
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Modes du temps jadis varié, cependant, avec les pays ou les l’architecture (Pierre Balmain, Paco à des filles jeunes, d’allure sportive.
régions : couturières et tailleurs conti- Rabanne). Les goûts du couturier entrent aussi
basquine ou vasquine, petit pourpoint en
nuent à tirer l’aiguille dans les pays les en jeu. Balenciaga avait une prédilec-
toile forte et rembourrée, destiné à main- Le modèle, d’abord exécuté dans
tenir le buste et à serrer la taille. plus faiblement industrialisés (Espagne tion pour les mannequins à « l’arro-
de la toile à patron par les soins de la
et Italie méridionale). Ailleurs, la cou- gance anguleuse », et Grès les choisis-
bliaud, sorte de tunique, de laine ou de première, est ensuite (souvent après
soie, d’origine gauloise, portée par les turière, tout en se tenant au courant des sait pour leur simplicité élégante. En
de nouvelles retouches) réalisé dans
deux sexes du IXe au XIIIe s. progrès technologiques (stages de re- 1924, Patou fit appel à des mannequins
le tissu choisi à son intention ; il pas-
braies, pantalon en usage chez les Gaulois. cyclage), a déjà opéré sa reconversion américains, femmes particulièrement
sera alors un nouvel examen sous l’oeil
busc, lame rigide, de baleine ou d’acier, en se spécialisant dans la retouche, au grandes. Nous connaissons, actuelle-
scrutateur du couturier, qui le choisira
servant à maintenir la taille. service d’une clientèle particulière ou ment, la vogue des mannequins scandi-
ou le rejettera.
chainse, chemise plissée de lin, de chanvre en travaillant directement pour le prêt- naves et allemands et nous assistons à
La mise en oeuvre d’un modèle sti-
ou de soie tombant jusqu’aux pieds et por- à-porter et pour la haute couture. l’apparition de mannequins de couleur,
mule les métiers annexes qui colla-
tée par les deux sexes au XIIe s. originaires d’Asie et d’Afrique.
La jeune fille qui entre, à 16 ans et
borent étroitement avec le couturier
chausses, culotte couvrant le corps tantôt sous contrat, dans un atelier de haute Une révolution s’opère dans la
pour traduire le croquis original avec
jusqu’aux genoux (haut-de-chausses), tan-
couture (atelier de flou ou atelier tail- manière de présenter les collections.
tôt jusqu’aux pieds (bas-de-chausses). le maximum de perfection : depuis
leur) comme apprentie suivra, pendant Courrèges fut un des premiers à offrir
l’industrie textile, dont les tissages
cotte, vêtement porté par les deux sexes
2 ans et tout en travaillant, des cours, une « collection-spectacle », formule
qui remplaça le bliaud au début du XIIe s. et furent parfois exécutés à l’instigation
organisés par la chambre syndicale de qui tend à se répandre et bouleverse
qui dessinait le buste. de couturiers (P. Poiret, Grès, Cha-
la haute couture et payés par son en- l’atmosphère feutrée et recueillie des
crinoline, jupon d’étoffe de crin, puis ar- nel), jusqu’à la parurerie, en passant
treprise, en vue d’obtenir son C. A. P. collections. Tout y est fait pour accro-
mature métallique en forme de cage, apla- par les métiers de la fourrure et du cuir.
Elle deviendra alors successivement cher l’oeil et faire dresser l’oreille :
tie devant et gonflée en arrière, qui ser- Le renom de la couture est tel qu’un
vaient au second Empire à élargir la jupe. seconde main débutante (6 mois), chatoiements des couleurs et gesticu-
tissu sélectionné par un couturier jouit
seconde main qualifiée (6 mois), pre- lations des mannequins sur fond de
hennin, long bonnet pointu porté par les d’une faveur accrue. Certains métiers,
femmes au XVe s. et fait de carton léger ou mière main débutante (6 mois) et, musique sérielle ou de jazz. Il n’est pas
tributaires de la haute couture, ont été
de toile empesée habillée de tissu et dont enfin, première main qualifiée. Elle est jusqu’à la fréquence rituelle des collec-
victimes des fluctuations de la mode :
la pointe se prolongeait, parfois, par un tions qui ne soit remise en question :
alors capable d’exécuter tous les mo-
long voile. les plumes et les dentelles qui ornaient
dèles. On peut se former au métier de la Pierre Cardin depuis 1972 présente une
à profusion les toilettes du début du
pourpoint, vêtement masculin moulant le seule collection par an, en avril, au lieu
couture dans les collèges d’enseigne-
torse, en usage du XIIIe au XVIIe s. siècle ne sont plus en faveur ; l’entre-
ment technique et y obtenir un C. A. P. des deux, inaugurées par la chambre
deux-guerres marqua la régression
robe à paniers, robe garnie intérieure- syndicale de la haute couture pari-
ou un B. E. P. (Brevet d’Études Pro-
ment de cercles de baleine ou de joncs rat- des broderies, suivie par la fermeture
fessionnelles) ou dans certains lycées sienne dès 1890 pour faciliter la venue
tachés entre eux par des fils ou des rubans d’ateliers spécialisés, et celle, plus pro-
techniques qui délivrent le B. E. I. des acheteurs américains. Il invoque à
et destinés à faire bouffer cette robe. gressive, des chapeaux entraîna la dis-
(Brevet d’Enseignement Industriel). ce titre l’absence de saisons vraiment
soulier à la poulaine, soulier d’origine po- parition de modistes célèbres (Caroline
tranchées, et surtout les capitaux consi-
lonaise, muni d’une longue pointe, parfois Reboux, Agnès, Rose Valois).
dérables investis dans chaque collec-
renforcée d’une armature et rattachée au Élaboration et diffusion
mollet par une chaîne, fort à la mode au La collection une fois prête, il tion. La réalisation de l’une d’entre
d’une collection
XIVe et au XVe s. incombe à l’habilleuse d’en prendre elles, composée de 100 à 150 modèles,
tournure, coussinet que les femmes atta- Comment naissent ces modèles qui soin pendant la durée des présentations implique près d’un millier d’heures de
chaient sous leur jupe à la hauteur des sortent des ateliers de haute couture et de rassembler, à la manière d’un travail et un investissement de l’ordre
reins pour la faire bouffer, à la mode de après des heures de travail ? régisseur de théâtre, tous les acces- d’un million de francs amortissable en
1880 à 1900.
La couture création, tenue de pré- soires d’une toilette, avant l’entrée trois mois. À la suite de l’intérêt accru
vertugadin, bourrelet que les femmes senter deux collections par an pour être en scène du mannequin qui va don- manifesté par les acheteurs étrangers
attachaient autour des hanches pour don-
ainsi homologuée, relève de l’imagi- ner vie et style au modèle. Malgré le pour les présentations du prêt-à-porter,
ner plus d’ampleur à la jupe et porté, en
nation créatrice du couturier et de ses renom de certains mannequins qui se en avril et en octobre, Y. Saint-Laurent
France, de Henri II à Louis XIII.
modélistes. Ces derniers ont assuré le sont imposés dans la profession — a choisi ce calendrier pour présenter
renom de maisons de couture : Marc Praline, Lucky, Bettina, Victoire —, sa collection de prêt-à-porter à l’en-
De la haute couture celle-ci offre des perspectives limitées. semble de la presse et il réserve aux
Bohan chez Dior, Michel Goma chez
au prêt-à-porter Au sortir d’un stage de quelques mois dates traditionnelles sa collection de
Patou, Gérard Pipart chez Nina Ricci,
Qui voudrait s’assurer de l’importance J. F. Crahay chez Lanvin. Point n’est dans une école professionnelle, deux quelques modèles de haute couture à
besoin pour le couturier de savoir possibilités s’offrent au futur manne- un cercle restreint de journalistes. En
prise par l’habillement de nos jours
n’aurait qu’à sortir dans la rue pour coudre, et son crayon de dessinateur quin : entrer comme « mannequin de 1972, enfin, onze couturiers ont ouvert
recevoir, d’emblée, le choc multicolore lui est souvent plus utile que l’aiguille, cabine » dans une maison de couture, un stand au Salon du prêt-à-porter.
des robes, manteaux et accessoires di- cependant il ne peut ignorer les impé- dont elle reçoit un salaire mensuel, ou La chambre syndicale, qui date de
vers étalés sous la lumière des projec- ratifs techniques. À vrai dire, il n’y a être placée, par l’intermédiaire d’une 1868, s’est fixé pour tâche de préserver
teurs et débordant presque sur les trot- pas de règle absolue dans ce domaine : agence, comme « mannequin volant » les droits à l’exclusivité de la couture
toirs à travers des vitrines toujours plus Grès coupait elle-même ses toiles et les auprès de maisons de couture, de ma- création. Depuis 1952, une loi assimile
grandes. Cette avalanche de vêtements apportait épinglées à l’atelier ; Chanel, gazines ou de photographes de mode. la création du couturier à la création ar-
exécutés, pour la plupart, en série ne qui ignorait la coupe autant que le des- L’âge limite dans le temps l’activité de tistique, lui accordant ainsi le bénéfice
doit pas faire oublier la couturière, sin, créait ses modèles sur mannequin, mannequin, mais l’incertitude du len- de la loi sur la propriété artistique et
dont l’activité se trouve aujourd’hui ainsi d’ailleurs que Madeleine Vion- demain est aussi fonction de la mode. littéraire. La chambre syndicale établit
réduite, mais qui n’en a pas moins net. Bien des couturiers, hommes ou On a aimé les mannequins aux formes le calendrier des collections et donne
contribué par ses recherches à l’évo- femmes, firent leurs premières armes épanouies jusqu’à l’avènement de la le feu vert à la presse pour la parution
lution de la couture. Alors qu’en 1890 dans des ateliers ou chez des tailleurs garçonne, qui a lancé le style de la des photos, environ un mois après les
une femme sur dix vivait de ce métier, (M. Vionnet, Grès, C. Balenciaga, femme maigre ; le mannequin sophis- collections, de façon à permettre la li-
ou n’en comptait plus qu’une vingtaine P. Cardin), alors que d’autres s’orien- tiqué des années 30, au regard lourd de vraison de modèles exclusifs aux ache-
de mille en 1969. Cette régression a tèrent vers la couture par la voie de femme fatale, a fait place, aujourd’hui, teurs. Dépositaire d’une certaine image
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de marque de haute élégance, elle lui doit l’apparition de la haute couture Patou ; en 1929, Maggy Rouff ; vers modèles sont fabriqués sous licence et
reste fidèle et n’admet dans ses rangs au sens moderne du terme. À vrai dire, 1930, Schiaparelli et Grès (qui débuta vendus griffés.
que les couturières répondant à des l’exercice de son activité coïncida avec sous le nom d’Alix) ; en 1934, Jacques
critères déterminés de la profession. des conditions propices à l’éclosion de Heim ; en 1937, Balenciaga ; en 1939,
Quelques grands
Soucieuse de faire respecter la griffe son talent : la prospérité économique Jacques Fath. Lucien Lelong, Robert
du couturier, elle a réglementé pour les associée à une vie de cour extrêmement Piguet, Paquin et bien d’autres mar-
couturiers
professionnels les conditions d’accès brillante lui assurèrent les commandes quèrent cette époque. L’effectif d’une Pierre Cardin, couturier français
aux présentations des collections et d’une clientèle avide de paraître et de maison de couture, vers 1900, se com- (Sant’Andrea di Barbarana, prov. de
celles qui sont requises pour effectuer se faire habiller par le couturier de posait d’une vingtaine de personnes, Trévise, Italie, 1922). D’abord cou-
des achats. Journalistes et acheteurs l’impératrice. Ses robes figurent parmi alors que, entre les deux guerres, il peur chez un tailleur pour hommes, il
sont admis dans les salons de couture les plus chères jamais vendues en haute atteignit 500 à 600 personnes, et même entre chez Paquin comme modéliste,
sur présentation de la carte délivrée par couture : 5 000 francs-or de l’époque, puis chez Dior, où il dirige l’atelier
1 500 chez Patou et Chanel.
manteaux-tailleurs ; il participe, ainsi,
la chambre syndicale, après enquête soit 1 million de nos francs actuels.
Au lendemain de la Première Guerre au lancement du new-look. En 1949, il
sur l’identité de l’acheteur et sur sa Les couturiers ne créent pas la mondiale, qui avait sorti la femme de quitte Dior pour ouvrir sa propre mai-
solvabilité. mode*, mais ils concrétisent avec des ses salons pour la mettre en contact son et il inaugure, en 1954, ses deux
Les acheteurs travaillent pour le moyens d’expression personnels les avec une vie active, dentelles et fal- boutiques Adam et Ève. La présenta-
compte de la confection de luxe ou de divers courants — techniques, socio- balas sont périmés. Une rigueur nou- tion de sa collection à Rome et à New
manufacturiers licenciés : le modèle logiques, artistiques — qui conver- Delhi en 1967 sera suivie de l’ouver-
velle marque le costume de ville :
vendu, sous forme de papier-patron, gent pour lui donner naissance. La vie ture de boutiques à son nom dans ces
Doeuillet, Patou, Molyneux, Balen-
mondaine, au début du siècle, resta deux capitales ainsi que dans beaucoup
ne pourra être reproduit qu’en tissu et ciaga illustrent une élégance discrète
d’autres (New York, Londres, Athènes).
vendu uniquement dans les pays repré- marquée du souvenir des fastes impé- et raffinée. C’est l’ère du bon ton. De
À la suite d’un accord avec les indus-
sentés par l’acheteur. Celui-ci peut riaux : l’élégance ne pouvait être que ligne plus dépouillée, les robes du soir triels qui produisent en grande série
aussi agir, sans se déplacer, par l’inter- somptueuse. Les couturiers antérieurs empruntent à l’Orient, sous l’influence des modèles à sa griffe, P. Cardin s’est
médiaire d’un commissionnaire pour le à la Première Guerre mondiale (Cal-
de Paul Poiret, le jeu des couleurs et fait un nom dans le prêt-à-porter de
commerce extérieur, qui se charge du lot, Doucet, M. Vionnet, Doeuillet, l’éclat des lamés. Une mutation est en luxe en diffusant à la fois des vêtements
paiement et de l’expédition de la mar- Redfern) restèrent fidèles à l’image et des accessoires ; il a libéré la mode
cours qui va aboutir à l’avènement de
chandise. Si, lors d’une première visite d’une femme liane parée de dentelles masculine de la rigueur britannique,
la « garçonne », mais c’est à Chanel
à une maison de couture, l’acheteur de mousseuses, de plumes ondoyantes et tant par la coupe des vêtements que par
que revient l’honneur de donner corps
province n’effectue aucun achat, ainsi de bijoux scintillants. La haute couture le choix des matériaux, et il a marqué
à ce nouveau style de femme : elle re-
n’habillait, alors, que l’aristocratie la la mode féminine par un style fait de
qu’il en a le droit, il devra, pour y être modèle la silhouette en la débarrassant
plus huppée, qui ignorait ses coutu- netteté et d’élégance. Il est très attaché
admis une deuxième fois, s’engager du corset et rajeunit la femme en rac- à la pureté de la ligne. C’est un des
alors à l’achat d’au moins une toile. La riers en dehors du salon d’essayage. La
courcissant ses jupes et... ses cheveux. rares couturiers opposés à la mode du
vente auprès de la clientèle particulière guerre brisera ce cercle fermé : la haute
L’« indigence dorée » qu’elle offre aux pantalon chez la femme. L’acquisition
est dirigée par la directrice du salon, bourgeoisie et les gloires nouvelles du
riches n’est que l’expression d’une élé- par P. Cardin du théâtre des Ambas-
aidée de ses vendeuses. C’est générale- cinéma font désormais appel aux cou-
gance faite de simplicité et d’une cou- sadeurs pour y créer l’Espace Pierre
ment une femme du monde dont les re- turiers ; Nina Ricci habille la bourgeoi- Cardin (1969) témoigne de son intérêt
ture qui veut descendre dans la rue.
lations sont précieuses pour la maison sie cossue, et Grès comprendra si bien dans le domaine artistique (peinture,
À quelques exceptions près
de couture. Soigneusement organisée l’importance de ce changement qu’elle musique, design, etc.).
(M. Vionnet fermée en 1940), la plu-
et hiérarchisée, la haute couture doit prendra pour lanceuses de mode des
part des maisons de couture continuent Gabrielle, dite Coco Chanel, coutu-
sa notoriété à des modèles originaux : gens du spectacle, qu’elle habillera
rière française (Saumur 1883 - Pa-
leur activité après la Seconde Guerre
pour certains, cependant, la copie fait sous contrat. Aujourd’hui comme hier,
ris 1971). À la veille de la Seconde
mondiale. Des noms nouveaux appa-
partie de l’espionnage industriel pra- la couture bénéficie du renom de per- Guerre mondiale, elle avait abordé la
sonnalités en vue pour rehausser le raissent : Carven (1945), P. Balmain
tiquement inévitable ; Chanel y voyait mode par la création de chapeaux et,
prestige de sa griffe. L’élargissement (1945), C. Dior (1947), P. Cardin
la marque d’un hommage à son talent, dès 1914, elle lança à Deauville les
de la clientèle des maisons de couture (1949). Dior va connaître un départ premiers jerseys, amorce du style qui
hommage qui a dépassé le simple cadre
au monde du spectacle entraîna parfois foudroyant grâce au lancement du devait assurer sa célébrité durant les
de la copie puisque son influence sur la
la création par le couturier de costumes new-look (v. mode) et à l’appui finan- années 20. Elle dépouilla la femme de
mode dura près d’un demi-siècle. Son
cier que lui apporte Marcel Boussac. ses fanfreluches et de ses diamants et
nom constitue, avec quelques autres, de scène. Mais ce fut surtout l’intérêt
Cette alliance entre couture et indus- conçut pour la « garçonne » les vête-
un des jalons importants de l’histoire manifesté par l’Amérique, vers 1920,
ments d’une extrême simplicité ponc-
pour les créations françaises qui fit trie est le signe avant-coureur de la
de la couture. tuée par la note insolite de bijoux fan-
prendre conscience à la couture de son transformation qui va marquer la haute
taisie dont elle devait assurer le succès.
importance économique et qui l’amena couture, quelque dix ans plus tard, sous
Petite histoire de la La maison qu’elle ouvrit rue Cambon
à ouvrir ses portes à un public plus la poussée de facteurs économiques et
fut une des plus importantes de l’entre-
haute couture
vaste : la production s’organise, les sociologiques issus de la guerre : dimi- deux-guerres (son chiffre d’affaires
La couture création est née avant la collections tiennent compte de la venue nution des acheteurs étrangers, sollici- en 1930 atteignit alors 120 millions
lettre, grâce au talent de quelques cou- des acheteurs étrangers, la presse est tés par une couture nationale ; perte de de l’époque), et la vogue du jersey
turières restées célèbres : Rose Bertin admise aux présentations et en rend la clientèle particulière liée au contrôle fut telle qu’elle fut amenée à le fabri-
(1744-1813), marchande de modes de compte dans ses colonnes. Cette évo- des changes ; production industriali- quer dans sa propre usine, ouverte
sée, mode de vie axé davantage sur les en 1935. Elle lança aussi un parfum
Marie-Antoinette, acquit une réputa- lution fut bénéfique à l’expansion de
connu du monde entier, le « 5 ». Fer-
tion européenne auprès des cours étran- maisons antérieures à la Première loisirs que sur les festivités et, surtout,
mée pendant la Seconde Guerre mon-
gères, et son atelier compta jusqu’à Guerre mondiale — Doeuillet, Lan- importance prise par les jeunes dans la
diale, sa maison de couture rouvrit ses
30 ouvrières ; Mme Palmyre habilla vin (fondée en 1889), Poiret (fondée société de consommation grâce à leur
portes en 1954. Chanel resta fidèle à
les élégantes de l’époque romantique, en 1910), Chanel (fondée en 1911), pouvoir d’achat nouveau. L’évolution ses « petits tailleurs » qui avaient si
et Mme Baudrant se fît un nom sous Madeleine Vionnet (fondée en 1912) de la couture française se caractérise, longtemps imprégné la mode, et, dans
Louis-Philippe. Mais c’est à Charles — et correspondit à l’essor de noms aujourd’hui, par le nombre de contrats les années 60, elle stigmatisa le style
Frédéric Worth (1825-1895) que l’on nouveaux : en 1919, Molyneux et Jean qu’elle passe avec l’étranger où les de la couture contemporaine, dont les
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« excentricités » étaient aux antipodes parurier avant de se consacrer à la production améliorée. C’était là, pour en dehors de la maison de couture, par
de son extrême discrétion. Son nom res- mode, pour laquelle il expérimente des la haute couture, l’occasion de jouer des « éditeurs en confection » tels que
tera lié à l’histoire de la couture, dont matières inédites : métal, plastique, une carte maîtresse : au fil des ans, le Mendes ou de bons artisans. Mais, le
elle a influencé le cours pendant de papier. Ses cottes de mailles, ses tu-
prêt-à-porter allait occuper dans sa plus souvent, ce sont des industriels
nombreuses années. niques à plaques de métal tenues par
production une place de plus en plus sous licence qui, sous le contrôle de la
des rivets, ses robes mouvantes faites
André Courrèges, couturier français considérable. Cette évolution fut par- maison de couture et moyennant des
de sequins en Rhodoïd multicolore, ses
(Pau 1923). Après avoir travaillé onze fois lente à s’opérer chez des couturiers royalties (parfois jusqu’à 10 p. 100
fourrures découpées en dentelles abou-
ans chez Balenciaga, il ouvre sa propre dont le renom était plus aristocratique, de l’ensemble des ventes), ont charge
tiront à un style original et sophistiqué
maison de couture en 1961. Sa huitième de cette collection. Cardin choisit
dont le caractère insolite provient de mais elle était irréversible : Patou ou-
collection, en 1965, fait l’effet d’une
l’alliance des réminiscences d’un passé vrit plusieurs boutiques en 1968, et, la une trentaine de prototypes dans sa
bombe : très architecturées, coupées
barbare avec l’image d’un monde futur. même année, Jeanne Lanvin, devenue « grande collection » qu’il fait ainsi
en trapèze dans des tissus secs d’un
Paco Rabanne se veut le couturier de Lanvin, lança un prêt-à-porter mascu- reproduire par des industriels. Inver-
blanc immaculé, ses robes s’arrêtant
l’an 2000 et, tant par la matière que par lin et accorda en 1969 une place im- sement, il peut accorder sa griffe à
à mi-cuisses sur des bottes moulantes
les formes, il cherche à rompre avec le portante au prêt-à-porter féminin dans certaines fabrications industrielles de
inaugurent l’ère des « amazones athlé-
passé. Il connaît un grand succès aux qualité. Il a conclu des accords pour
tiques » vêtues de la minijupe dont il fut sa maison de couture. Cette mutation
États-Unis, au Japon et en Italie. Si sa
le promoteur. Courrèges sera tellement s’effectua surtout sous l’impulsion son prêt-à-porter masculin avec, entre
mode en France ne descend pas dans la
copié qu’il est obligé de fermer sa mai- d’une équipe de jeunes couturiers de autres, George Bril.
rue, elle inspire cependant des tuniques
son trois mois plus tard. Il rouvre celle- l’après-guerre que n’entravait aucun
pour le soir. Si l’industrie bénéficie des qualités
ci en 1967 et présente une collection conformisme : Louis Féraud, Ema- de style de la haute couture, celle-ci
comportant une série de prêt-à-porter Charles Frédéric Worth, couturier nuel Ungaro, Pierre Cardin, André tire avantage d’une production ratio-
de luxe. Il perpétue un style sport où le français (Boum, Lincolnshire, 1825 - Courrèges, Yves Saint-Laurent, Ted nalisée et d’un réseau de distribution
collant s’allie au chandail à col roulé Paris 1895). Employé dans une mai-
Lapidus, Jean-Louis Scherrer, Paco beaucoup plus vaste : Courrèges a
sous une robe à jupe courte, et il se son de soieries parisiennes, il a l’idée
Rabanne. Leur adhésion à une cou- normalisé son prêt-à-porter en fonc-
montre l’adepte du costume-pantalon. en 1858 de créer, chaque saison, des
Il déclara au cours d’une interview au ture vulgarisée à l’intention de la rue tion de cinq tailles, et, le modèle fini,
collections de modèles de couture et
journal Elle : « Créer, c’est apporter ne les a pas empêchés de faire oeuvre il ne reste plus que l’ourlet à régler ; de
de les présenter à la clientèle sur des
une solution nouvelle à un problème mannequins vivants ; en 1860, il ouvre de création. Ils constituent une réponse même, Lanvin-hommes a adopté sept
actuel. » C’est une façon d’affirmer son la première maison de couture et de- à ceux qui se demandent si la couture tailles, trois longueurs et deux types de
opposition à toute réminiscence. vient le couturier de l’impératrice et création est en voie de disparition. Pour conformation (le gros et le maigre). La
de la Cour. Il fait évoluer la mode en Pierre Cardin, la haute couture, loin vulgarisation du prêt-à-porter couture
Christian Dior, couturier français
délivrant la femme de la crinoline et d’être morte, reste « un laboratoire au ne pouvait se faire sans l’intermédiaire
(Granville 1905 - Montecatini, Italie,
en étant le premier à créer des modèles service de la rue », et la confection ne
1957). Fils d’industriel, il se destinait à d’un vaste réseau commercial : les bou-
originaux.
la carrière diplomatique, mais, la crise fait que « multiplier » l’idée de la créa- tiques en dehors de la maison mère se
de 1930 ayant ruiné sa famille, il ouvre tion ; pour Courrèges, « la haute cou- sont multipliées à Paris, en province et
une galerie d’art contemporain. Il de- ture est une chose » qui n’empêche pas même à l’étranger ; des points de vente
vient dessinateur de mode chez Agnès, Couture et
« de faire de la création par d’autres ont été créés soit dans le cadre des
la modiste, puis chez Schiaparelli, et prêt-à-porter
moyens ». (Interview sur Europe I grands magasins, soit chez des déposi-
travaille comme modéliste chez Piguet
La couture ne pouvait ignorer ce bou- en janvier 1969.) Désormais, nom- taires français ou étrangers : L. Féraud
(1938) et chez Lelong (1945). En 1947,
leversement, au risque de se laisser breuses sont les maisons de couture qui disposait, en 1972, de 200 points de
soutenu financièrement par Marcel
distancer par un prêt-à-porter en plein semblent s’orienter vers une double vente internationaux. La production
Boussac, il fonde sa propre maison à
Paris. En réaction contre la mode que développement et parfaitement adapté production : celle de quelques modèles française est largement implantée,
les restrictions avaient imposée pen- à ce marché. La haute couture avait de haut luxe (une cinquantaine chez tant en Europe (Allemagne fédérale,
dant la guerre, il lance un style telle- déjà esquissé un premier pas timide Saint-Laurent en 1972) destinés, de par Italie, Grande-Bretagne, Scandinavie)
ment imprévu qu’on le baptise « new- en direction du public avec l’ouverture leur prix, à une clientèle restreinte et qu’en Amérique (États-Unis, Canada)
look » : épaules rondes, taille fine et de boutiques sur rue au lendemain de celle, plus importante, d’un prêt-à-por- et en Asie (Inde). Dior vend à l’étran-
surtout jupe ample et longue, dont le
la guerre. Dès 1948, Pierre Balmain ter de luxe à l’intention d’une clientèle ger 70 p. 100 de ses toiles et patrons ;
succès fut immédiat. Depuis 1957, date
eut l’idée d’adjoindre aux accessoires élargie. La plupart des couturiers ont Féraud, 65 p. 100.
de sa disparition, sa maison a poursui-
qu’il y présentait une petite collection créé des sociétés distinctes pour cette
vi son expansion, d’abord sous les aus- Ce passage du stade artisanal au
de modèles moins onéreux que ceux de seconde activité. Loin d’être antino-
pices d’Yves Saint-Laurent, puis sous stade industriel a permis à la couture
la grande collection, mais, cependant, miques, ces deux types de production
ceux de Marc Bohan, qui en dessine de dépasser le cadre étroit du vête-
les collections. Parallèlement à la cou- toujours exécutés aux mesures de la se complètent à la fois sur le plan des
ment pour s’adonner à une produc-
ture proprement dite, Dior propose des cliente ; la même année, Jacques Fath idées et sur le plan financier. tion polyvalente : le couturier habille
modèles de lingerie, de chaussures et compose à l’intention du confection- Quel est le mode de production aujourd’hui l’homme et la femme
divers accessoires de la toilette (bijoux, neur américain Joseph Halpert deux et de distribution de ce prêt-à-porter de pied en cap (chemiserie, linge-
foulards), diffusés sous licence dans le collections par an de 20 modèles cha- couture ? Il peut être exécuté, sous la rie, chaussure, maroquinerie, bijoux,
monde entier. Le prêt-à-porter fabriqué
cune, et, en 1955, les ateliers de Jean direction des couturiers eux-mêmes, etc.). P. Balmain, P. Cardin, C. Dior,
dans les usines d’Orléans et de Blois
Dessès fabriquent des robes en séries dans des ateliers qui leur appar- H. de Givenchy, Lanvin, G. Laroche,
est destiné non seulement à la femme,
destinées à un réseau commercial. Ces tiennent : Dior a fondé des ateliers en Y. Saint-Laurent font une large place
mais aussi à l’enfant et à la jeune fille
(Baby Dior et Miss Dior, créés en 1967) expériences, en marge de la couture province à cette fin, et Courrèges, en à l’habillement masculin. Au parfum,
et à l’homme (Monsieur Dior, 1970). La création, ne pouvaient laisser présager 1968, a produit son propre prêt-à-por- depuis longtemps jumelé à la haute
maison compte quatre filiales dans le l’éclatement des structures tradition- ter, qu’il a classé en deux catégories couture, se sont ajoutés les produits
monde : New York, Londres, Genève et nelles provoqué, depuis une dizaine selon les prix, « hyperbole » et « cou- de maquillage ; Dior fut parmi les pre-
Lausanne, et une société de parfums d’années, par l’alliance de la couture ture future ». Les couturiers font d’ail- miers à lancer son rouge à lèvres, sous
qui diffuse également des produits de avec un prêt-à-porter de haut luxe. En leurs, souvent, une distinction entre un le slogan : « Au moins, Dior peut habil-
maquillage.
même temps qu’une production accélé- prêt-à-porter « boutique » et un prêt- ler aussi votre sourire. » Ce complexe
Paco Rabanne, couturier espagnol rée, la société de consommation, dont à-porter « couture », mieux fini mais industriel qu’est devenue la couture, en
(Pasajes 1934). Architecte, il devint les besoins s’affinaient, réclamait une plus onéreux. Il peut, aussi, être réalisé un peu plus d’un demi-siècle, ne limite
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
en rien sa puissance novatrice : Chanel, guerre, la haute couture d’une confec- part quelques grosses firmes, il y a en paration d’une collection d’une cen-
Dior, Courrèges, Paco Rabanne sont tion caractérisée par des articles de France très peu d’entreprises vraiment taine de modèles exige un an et il faut
autant de noms qui correspondent à des qualité très moyenne. Devant les intégrées. commander les tissus trois mois avant
tournants décisifs de la mode. perspectives d’un marché élargi à de leur livraison. Sondages, statistiques,
Ces entreprises sont déjà décentra-
Les grands tailleurs, dont le nombre nouvelles couches de consommateurs, planification président désormais à
lisées : en plus des ateliers du Nord et
celle-ci a amélioré à tel point la qua- l’élaboration des modèles conçus, au
s’élevait à une trentaine avant 1914 et de la région lyonnaise, d’autres ont été
lité de sa production que le terme de sein d’un bureau de recherches, par des
qui n’étaient plus, en 1971, qu’une di- implantés dans le Centre (entre Nevers
confection tend de plus en plus à se stylistes. La concertation entre tisseurs
zaine, évoluent dans le même sens que et Tours : chemiserie, lingerie), sur la
confondre avec celui de prêt-à-porter. et fabricants est devenue impérative
les couturiers : ils ouvrent boutiques Côte d’Azur (confection féminine et
sur rue (Larsen), et certains (Fran- La production du prêt-à-porter fran- et a suscité la création d’un « Comité
vêtements de plage) et en Bretagne, où
çais est liée en 1971 à des entreprises de coordination des industries de la
cesco Smalto, Cristiani) fabriquent de ils fournissent du travail à une main-
petites séries de prêt-à-porter de 60 à très diversifiées : entreprises anonymes mode » pour le vêtement féminin et
d’oeuvre féminine moins chère que
travaillant à la fois pour les couturiers celle du « Modom » pour l’habille-
80 pièces. Toutefois, si la couturière dans la région parisienne.
et pour des chaînes de distribution ; ment masculin. Les jeunes constituent
en chambre est passée au second plan, Cette évolution des structures s’ac-
la couture n’a pas perdu droit de cité industriels également liés à la cou- un marché non négligeable : la tranche
compagne d’un phénomène de « dés-
ture, mais diffusant aussi des articles d’âge comprise entre 15 et 19 ans as-
chez le particulier, même dans les pays pécialisation » qui abolit les variétés
nettement industrialisés ; en 1970, on à leur nom ; enfin, entreprises très in- sure, à elle seule, le sixième du chiffre
entre des catégories autrefois très cloi-
a vendu aux États-Unis pour trois mil- dustrialisées et ne distribuant qu’une d’affaires global. Comme tout produit
sonnées : la distinction entre drapiers
production à leur marque (Indreco, industrialisé, la création d’un modèle
liards de dollars de matériel destiné à
(spécialisés dans le costume) et coton-
la couture. les Fils de Joseph Weil, Robert Weill, est fonction de sa rentabilité : son coût
niers (spécialisés dans le vêtement de
Thierry et Sigrand, Renoma, etc.). de fabrication doit être justifié par sa
travail) a disparu ; les fabricants de
Ces dernières sont équipées de façon conformité avec la mode et par ses pos-
La couture en Europe vêtements de travail ont englobé dans
à sortir des milliers de vêtements par sibilités de vente. Les anciens barèmes
leur production celle des vêtements de
y La couture italienne figure parmi jour, dans de très longues séries (de 5 de tailles ont été revus et unifiés dans
les secteurs les plus importants du com- loisirs par l’intermédiaire du jean et ils
à 10 000 unités). Les stylistes ont joué un souci de productivité industrielle et
merce extérieur italien après le tourisme. ont développé certains articles, inédits
un rôle déterminant dans l’expansion commerciale. Les tailles normalisées,
Les principaux pays acheteurs sont l’Alle- pour eux, tels que les cirés employés
du prêt-à-porter : ce sont les couturiers établies au lendemain de la Seconde
magne fédérale, les États-Unis, la France, sur les chantiers. Si la fabrication des
de la masse. Le stylisme s’est affirmé Guerre mondiale par la C. E. T. I. H.
la Hollande, la Suisse, la Grande-Bretagne
vêtements de cuir ou des vêtements de
et la Suède. La haute couture produit éga- dans les années 60 avec E. Khanh, et par l’AFNOR, sont, ainsi, progres-
pluie est encore du domaine de la spé-
lement un prêt-à-porter de luxe. Parmi les Michèle Rosier et Christiane Bailly. sivement adoptées par les fabricants ;
cialisation, il n’en demeure pas moins
créateurs, il faut citer : Emilio Pucci, Mila les perspectives du Marché commun
Déjà, en 1955, Denise Fayolle avait
Schön, Valentino, Antonelli. La mode mas- vrai que la production des entreprises
créé à l’intention du grand public des ont même inspiré la recherche d’une
culine est illustrée par Cerruti, Nino Laus, les plus importantes (Weill, Indreco,
modèles de caractère à des prix raison- normalisation internationale, mais les
Remo Argenti. Un prêt-à-porter de luxe est Thierry et Sigrand) est de plus en plus
nables. Certaines boutiques diffusent à différences de conformation des indi-
produit par Avolio, Litrico, Bertoli, Wanda diversifiée.
Roveda, Jean-Baptiste Caumont, Ottavio leur nom un prêt-à-porter de stylistes vidus d’un pays à l’autre rendent cette
Missoni (spécialisé dans la maille), Graziella qu’elles font fabriquer en petites sé- L’industrialisation pour le prêt-à- codification difficile. Des Salons ont
Fontana, etc. Le prêt-à-porter italien fait ries : Karl Lagerfeld, Tan Giudicelli, porter de grande diffusion est irréver- lieu à Paris tous les ans : Salon inter-
appel à des modélistes étrangers tels que
Kenzo travaillent pour des boutiques sible : l’évolution des modes, toujours national du prêt-à-porter féminin et
Karl Lagerfeld ou Kenzo. plus rapide, exige une production accé-
françaises ou italiennes, à moins qu’ils Salon international de l’habillement
y La couture britannique a marqué la lérée. C’est le seul moyen qui permettra
n’ouvrent eux-mêmes boutique (Elie masculin qui présentent une production
mode avec la minijupe, vulgarisée par
Jacobson, Kenzo). Des accords ont de lutter contre une concurrence étran- internationale.
Mary Quant dans le prêt-à-porter, illustré
été signés entre stylistes et fabricants : gère très vive : Pays-Bas (Berghaus),
aussi par Alice Pollock et Ossie Clark. Parmi Matières nouvelles et progrès tech-
depuis 1969, la Société française de Allemagne fédérale (Becker et Ralph),
les grands couturiers, il faut citer Norman niques dans la fabrication ont favo-
Hartnell et Hardy Amies. prêt-à-porter ne fabrique plus que des Italie et Grande-Bretagne. L’industrie risé le passage du stade artisanal à
modèles signés par E. Khanh ; enfin, du prêt-à-porter britannique a sur la
y L’Espagne voit dans la haute couture celui de la grande série. Les textiles*
une source de développement. Ses mo- plusieurs stylistes ont fondé leur propre nôtre le privilège de s’être organisée en chimiques, qu’ils soient artificiels
dèles sont classiques, parfaitement finis. maison : Daniel Hechter a créé en 1962 grosses unités de production après la
(dérivés de la cellulose) ou synthé-
Elle exporte sa production vers les États- Première Guerre mondiale : c’est dire
les Établissements Hechter et Fils ; la tiques (dérivés des polymères), ont
Unis (73 p. 100) et fonde des espoirs sur les
société Cacharel, créée en 1958, distri- que l’Anglais fut acquis à la confec- transformé l’industrie de l’habillement
possibilités de marchés futurs en Afrique
bue à très grande échelle un prêt-à-por- tion bien avant nous. Actuellement,
et en Chine. Son principal couturier est et, plus particulièrement, la bonnete-
ter de style, ainsi que Gaston Jaunet, c’est le groupe Steinberg qui a charge,
Pertagaz, digne héritier de Balenciaga. rie. La Fibranne, textile cellulosique
sous la marque Get. entre autres, d’éditer les créations de
Son prêt-à-porter de luxe lui a rapporté en apparu en 1935, et le Nylon, premier
1968 pour 2 500 millions de pesetas. Mary Quant. Alors que les exportations
Depuis quelques années, un phé- polyamide apparu en 1938, n’étaient
françaises, dans l’industrie de l’habil-
y La couture irlandaise est très marquée nomène de concentration commence que le début d’une longue série de
par le folklore chez Clodagh, Mary o’Don- lement, ont progressé de 30 p. 100 en
à se dessiner dans cette profession textiles mis au point après la Seconde
nel, Donald Davies. 1971 par rapport à 1970, les impor-
encore très marquée par des entre- Guerre mondiale : Rhovyl (1948), sui-
y La couture en Europe septentrionale tations n’ont progressé dans le même vis par les fibres acryliques (Orlon,
prises moyennes de type familial. De
est illustrée par Marimekko, Armi Ratia (Fin- temps que de 25 p. 100. C’est dire que
1960 à 1970, plus du quart des socié- Dralon, Crylor) et les fibres polyester
lande), par Margit Brandt, A. Lund Jensen, le taux de couverture est satisfaisant.
tés ont disparu à la suite de fusions (Tergal). Ils eurent l’avantage de per-
célèbre pour ses tissages (Danemark), et par
ou de regroupements dus au Marché Confronté aux besoins nouveaux du mettre une production nationale libé-
Anne Modellen, Dranella (Suède).
commun. Le nombre d’entreprises marché, l’industriel a dû remettre en rée de la fluctuation des prix propre
est encore très important. Jusqu’ici, question son processus de fabrication. aux textiles naturels et contribuèrent
Le prêt-à-porter de
les regroupements qui ont eu lieu au Le phénomène de la mode a pris une à la vulgarisation d’articles d’aspect
grande diffusion
niveau du textile (Boussac-Prouvost ; telle ampleur que l’industriel risquait soyeux (bas, lingerie) qui, en soie
Le prêt-à-porter de luxe est venu com- Agache-Willot D. M. C.) n’ont pas eu de voir sa production démodée avant naturelle jusqu’alors, étaient réservés
bler le fossé qui séparait, avant la leur équivalent dans ce domaine. À même qu’elle ne soit sortie. La pré- à une minorité. Ils suscitèrent la mise
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
au point de qualités nouvelles (ignifu- fait soit avec des ciseaux électriques, confection légère, la confection fémi- de l’Europe des Six, a intensifié la
gation, imperméabilisation, procédés soit à l’emporte-pièce avec un outillage nine avoisine la confection masculine vente sur le marché des premiers com-
antitaches) et furent à l’origine de préalablement adapté au patron, ou en- sur le même comptoir, et le magasin plets en jersey.
l’amélioration des textiles naturels : en core par l’intermédiaire d’une machine de vêtements de sport a étendu sa col- Les achats se font en fonction de
1970, 55 p. 100 de la laine vierge a été électronique qui, programmée, effec- lection aux vêtements de loisirs. Les l’âge et de la catégorie socioprofes-
consommée sous forme de mélanges ; tue le travail : on peut ainsi couper en pièces séparées, nombreuses dans la sionnelle. Les dépenses maximales se
et divers moyens ont été mis en oeuvre une seule opération jusqu’à 300 épais- garde-robe moderne, expliquent la gé- situent dans la même tranche d’âge
pour rendre la laine infeutrable et irré- seurs de vêtements. La découpe au néralisation de la vente en open-stock. pour les deux sexes : entre 14 et 20 ans.
trécissable. Facilité d’entretien, dimi- laser est en application aux États-Unis La boutique de prêt-à-porter offre très Les achats de vêtements de sport
nution du volume et du poids sont les et expérimentale en France. Certains souvent des accessoires complémen- cessent plus tôt chez la femme que
résultats les plus marquants apportés calculateurs électroniques sont à même taires de la toilette (sacs, bijoux, cein- chez l’homme. Les classes populaires
dans l’habillement contemporain par d’exécuter la gradation, la découpe des tures, etc.). et les cadres moyens préfèrent des ar-
cette transformation dans la matière patrons et le piquage d’après un pro-
La cliente peut aujourd’hui se perdre ticles de type classique (75 p. 100 du
première. fil préétabli. Les machines surjeteuses
dans un dédale de boutiques, dont le marché), susceptibles de se démoder
font jusqu’à 8 000 points par minute ;
L’avènement des textiles synthé- nombre croissant a été caractéristique moins vite que les autres et de passer
les machines à coudre sont à même
tiques a donné naissance aux non-tis- de ces dernières années. Le décor s’y plus inaperçus ; la mode « gadget »
de piquer le plastique sous toutes ses
sés, fabriqués à partir de fibres dis- veut avant tout vivant : mobilité des attire les jeunes ou ceux, plus âgés,
formes (mousse, feuille de plastique
continues. Ceux-ci furent utilisés dans éléments (placards, panneaux), jeu qui veulent paraître jeunes (5 p. 100
ou tissu enduit) ; la commande pneu-
l’habillement par Paco Rabanne en des matériaux (plastique, acier, verre) du marché) ; quant au prêt-à-porter de
matique s’est généralisée aussi bien
1967. L’économie de matière qu’ils et souplesse de l’éclairage (spots sur luxe, il s’adresse principalement à la
dans la machine à coudre que dans la
représentent rend leur prix de revient travelling). Objet de grande consom- clientèle des cadres supérieurs. Dans
presse ; le pressage est applicable aux
très compétitif. Les articles produits — mation, l’habillement occupe une les sociétés hautement industrialisées,
tissus thermocollés. L’assemblage des
bien que lavables — sont d’un usage place importante dans les grandes le prix, ou plus exactement l’abaisse-
tissus synthétiques s’obtient par ther-
limité dans le temps, et le Français surfaces, répondant ainsi aux besoins ment de prix, n’est pas une motivation
mocollage ; un procédé d’assemblage
n’est pas encore acquis à l’idée de jeter d’une clientèle urbanisée. Pour ceux d’achat majeure. En effet, la place rela-
des fils de Nylon par ultra-sons est à
ses vêtements aussi rapidement. Les qui ne peuvent se déplacer, la vente tive des dépenses d’habillement dans
l’étude.
producteurs pensent, cependant, que le par correspondance (La Redoute, les le budget d’un ménage tend à dimi-
Le circuit de distribution est direct
marché des non-tissés dans sa totalité Trois Suisses, le Bon Marché) est un nuer avec l’accroissement du niveau
du producteur au détaillant, l’industrie
atteindra 3 milliards de francs en 1985. moyen commode d’« acheter dans son de vie. En 1968, les dépenses pour le
du prêt-à-porter comportant peu de
Le vêtement en plastique moulé, fauteuil ». poste de l’habillement ont représenté
maisons de gros. Comme le produc-
apparu en 1969 dans les collections de La restructuration de la profession 10,3 p. 100 du budget annuel d’un mé-
teur, le détaillant est freiné dans ses
Paco Rabanne et de Pierre Cardin (la passe par la voie de la concertation nage français, alors qu’elles étaient de
activités, tiraillé, comme lui, par des
Cardine), permet de produire des vête- entre producteurs et détaillants pour 15,20 p. 100 en 1950. La rotation des
délais de livraison très longs et par la
ments à une cadence industrielle (1 im- lutter contre l’individualisme, source achats est plus faible en France qu’à
nécessité de suivre la mode en per-
perméable à la minute) et, selon Paco de complications, et pour s’organiser l’étranger, notamment en Amérique :
pétuel changement. Le morcellement
Rabanne, c’est la première formule contre la concurrence étrangère : Bur- la Française achète un peu plus d’une
de la production ne lui facilite pas la
d’un vêtement vraiment isotherme. Le ton, firme anglaise, dispose déjà d’un robe par an, un tailleur tous les 3 ans
tâche : il l’oblige à connaître le style
pouvoir isolant des vêtements a d’ail- bon réseau de distribution en France et un manteau tous les 4 ans ; l’Amé-
et la qualité de chaque confectionneur.
leurs été accru, surtout en bonneterie, (Paris, Bordeaux, Lille, Strasbourg) ; ricaine dépense six fois plus pour le
Ces difficultés incitent le détaillant même temps.
par le procédé Foam Back (marque les Allemands, les Italiens et les Hol-
à faire des commandes parcellaires et
déposée), qui consiste à intercaler une landais sont des concurrents sérieux. Les exportations du prêt-à-porter
en petites quantités, ce qui, par contre-
mince couche de mousse élastomère Classiques ou fantaisie, les articles féminin sont une source de devises
coup, entrave la mise en route de
entre deux tissus que l’on fait adhé- offerts sur le marché de l’habillement appréciable : en 1971 elles ont rapporté
grandes séries au niveau de la produc-
rer entre eux. Si le plastique n’est pas traduisent le souci de confort : la maille 848 millions de francs. Elles se font
tion. Pour remédier à cet état de fait,
encore entré dans les moeurs au point occupe une place très importante dans vers les pays du Marché commun, avec
des groupements de détaillants se sont
de vêtir l’homme de la rue d’une coque l’habillement féminin, non seulement l’Allemagne en tête, et avec les États-
formés afin d’effectuer des commandes
colorée, son association avec les tissus dans le domaine traditionnel du pull et Unis et la Scandinavie.
groupées. À l’image de l’étranger
en fibres naturelles a été bénéfique : le du cardigan, mais dans celui de la robe
(Allemagne, Grande-Bretagne, Hol- Sur le plan des exportations, le prêt-
coton ou le jersey, enduits d’une pel- et du pantalon, grâce à l’apparition du
lande), on assiste en France à l’appa- à-porter masculin est en progression :
licule de plastique (à base de résine), coupé-cousu. Le tissu reste acquis pour
rition du discount house au service du les importations en 1971 ont été de
deviennent imperméables ou prennent l’instant au manteau. L’habillement
détaillant. L’expansion du commerce 314 millions et les exportations, pour
l’aspect du cuir (Ginza). masculin sort lui aussi de la rigueur
de détail reflète son adaptation à une la même année, de 375 millions.
L’apparition de ces matières pre- clientèle nouvelle, acquise au prêt-à- imposée par la mode depuis le XIXe s.
mières d’origine chimique et la néces- porter, mieux informée qu’autrefois de Les textiles chimiques, mêlés ou non à
Habillement industrialisé
sité d’accélérer la cadence de produc- la mode et nantie d’un pouvoir d’achat la laine, ont allégé et assoupli le com-
mesure industrielle, série de patronnages
tion ont engendré un renouvellement plus grand. La spécialisation d’une plet traditionnel. Mais la veste de style
gradués que l’on adapte au client avec
de l’équipement traditionnel au ser- boutique se fait, aujourd’hui, non pas blazer ou sport a de plus en plus ten-
un minimum de retouches et qui permet
vice de la découpe, du piquage et du en fonction d’un type d’articles, mais dance à se différencier du pantalon ; le
à ce dernier de choisir son vêtement sur
pressage. L’électronique tend de plus d’un type de clientèle. La vitrine d’une pardessus trop engonçant s’est allégé échantillon.
en plus à renforcer une mécanisation boutique rue du Faubourg-Saint-Ho- et s’est souvent adapté à la voiture
no iron, terme commercial désignant des
déjà très poussée. Le métrage de tissu noré est fort différente de celle d’une (l’autocoat). L’imperméable se porte, tissus qui n’ont pas besoin d’être repassés,
nécessaire à la confection d’une chaîne boutique rue de Sèvres. Il en est résulté également, de façon durable, doublé de à la suite d’un traitement à base de résine
de vêtements est déroulé, au centimètre un phénomène de « déspécialisation » fourrure synthétique par temps froid. synthétique (on dit aussi wash and wear).
près, par la matelasseuse, réglée élec- du commerce traditionnel : une bonne- Enfin, en 1970, Eural, association qui non-tissé, matériau formé par l’amalgame
troniquement. La découpe du patron se terie vend aujourd’hui des articles de regroupe les fabricants et les tisseurs de fibres synthétiques ou artificielles dis-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
continues liées par un agent mécanique passé (cloche 1925, capeline 1930) ou toque, coiffure féminine ou masculine à brodequin, chaussure de marche mon-
ou chimique. calotte haute et sans bord. tante et lacée.
du folklore (toque à la russe), ou les
pli permanent, pli obtenu de façon du- coiffures simplement cocasses (cas- cambrure, partie médiane et courbée de
rable sur un tissu synthétique ou naturel
quette). Le chapeau traduit, alors, non Chaussure la semelle.
à partir de l’action d’un produit chimique
plus le souci d’élégance, comme autre- La concentration dans l’industrie de Clarks (marque déposée), chaussure de
combinée à celle de la chaleur (180 °C) et
de l’humidité. fois, mais un penchant pour le déguise- la chaussure française s’imposait pour cuir ou de toile à empeigne montante,
ment et pour l’humour. lutter contre la concurrence étrangère, imitée de celles que portaient les soldats
stylisme, recherche et détermination
des caractéristiques d’un tissu (coloris, surtout italienne. En 1968, on ne comp- britanniques de l’armée des Indes.
contexture) et de la forme des vêtements tait plus que 670 entreprises, alors contrefort, pièce de cuir qui sert à renfor-
Vocabulaire de la
conciliant les tendances de la mode et la qu’on en dénombrait 3 000 en 1950. Le cer la partie arrière d’une chaussure, au-
demande d’une clientèle définie.
chapellerie
marketing et la pratique du franchising dessus du talon.
taille normalisée, taille homologuée calotte, partie du chapeau emboîtant la sont utilisés par certaines entreprises :
embauchoir, forme de bois ou de plas-
par l’AFNOR et représentant les mesures tête.
l’industriel offre certains services au
tique munie d’un ressort qui, introduit
moyennes d’un échantillonnage d’indivi-
canotier, chapeau de paille à calotte et détaillant qui, en retour, assure l’écou-
dus types. dans la chaussure, permet de la tendre.
bords plats. lement de sa marchandise. Les expor-
thermocollage, procédé d’assemblage ou empeigne, dessus de la chaussure.
capeline, chapeau de femme à grands tations se font surtout vers la R. F. A.
d’apprêt d’une toile spécialement encollée
bords souples. escarpin, soulier découvert à semelle très
et également vers l’U. R. S. S. Depuis
sous l’action de la chaleur.
mince, avec ou sans talon.
cloche, chapeau de femme à bords rabat- dix ans, le marché français doit tenir
vêtement moulé, vêtement obtenu par
tus, ombrant le visage. espadrille, chaussure à empeigne de toile
application sur un moule d’un tissu ther- compte des articles étrangers : en 1969,
demi-feutre, nom donné au feutre com- les importations italiennes avaient dou- et semelle de corde.
moplastique soumis à de fortes tempéra-
tures ou par pulvérisation de fibres syn- posé de poils d’animaux et de laine. blé en 2 ans, et, en l’espace de 10 ans, mocassin, chaussure basse, sans lacets.
thétiques agglomérées par un liant sur le détirer, déformer un feutre par tension le nombre de paires de chaussures im- sandale, chaussure formée d’une simple
moule. afin de l’adapter à une forme choisie. portées était passé de 2 à 32 millions ! semelle retenue par des lanières.
formage, moule plein servant à la fabrica- Eram est le premier producteur fran-
tige, partie de la chaussure qui enveloppe
Quelques industries tion des chapeaux. çais en ce domaine. Dans la création
la cheville ou la jambe.
de l’habillement haut-de-forme, chapeau de soie à calotte de la chaussure de luxe, il faut citer ;
trotteur, se dit d’un type de chaussure de
haute et cylindrique porté par les hommes Roger Vivier, Dürer, Charles Jourdan,
Chapellerie ville à empeigne montante et à talon large
au XIXe s. et aujourd’hui avec la redingote
etc.
Le feutre de laine et le feutre de poil ou l’habit. et bas.
animal (poils de lapin ou de lièvre lustrage, lissage des poils d’un feutre à la
agglomérés) sont les deux qualités de vapeur ou avec une éponge. Vocabulaire de la Fourrure
feutre destinées à la chapellerie, cha- marotte, tête de femme en bois ou en
chaussure
Au sens strict du terme, la fourrure
cune correspondant à deux catégories carton dont se servent les modistes pour botte, chaussure qui gaine le pied et la
concerne uniquement les vêtements
de producteurs différents. Ces derniers essayer les chapeaux. jambe.
taillés dans des peaux d’animaux ap-
fabriquent des produits finis : cha- melon, chapeau d’homme en feutre rigide, bottier, artisan qui fabrique des bottes
prêtées et garnies de leurs poils, défini-
peaux de feutre pour hommes ou forme à calotte ronde et bombée et à bords rele- et des chaussures sur mesures et cousues
de feutre pour chapeaux de femmes. vés étroits. main. tion protégée par la Chambre syndicale
Les deux principaux centres de pro- taupé, feutre à poils caractérisé par son bottillon, chaussure à tige montant de la pelleterie pour bien différencier
duction se situent à Espéraza (Aude) aspect de fourrure. jusqu’au bas du mollet. cette production des « tissus imitant
surtout pour la laine et à Chazelles
(Haute-Loire) pour le poil. À la suite
d’un mouvement de concentration,
trois groupes d’entreprises assurent la
fabrication du feutre. Le feutrage, ou
fabrication du feutre, s’opère en milieu
humide : il consiste à projeter les fibres
sur un cône sous air puisé et en pré-
sence d’adjuvants (eau acidulée, eau
de savon, émulsion d’huile, bain de
carbonate de sodium), et à comprimer
ensuite la masse fibreuse.
5197
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
la fourrure », à base de polyamides ou fourrure ou en la tricotant en lanières Ce souci de simplification et d’allé- interlock, tissu à mailles exécuté sur
métier circulaire et qui ne comporte pas
d’acryliques. (P. Rabanne), donné à des peaux de gement se traduit par une association
d’envers.
Les peaux, produits de chasse ou peu de valeur l’apparence de l’ocelot entre différentes pièces de lingerie :
panty, gaine à jambes.
d’élevage originaires des quatre coins ou de la panthère, joué sur les effets soutien-gorge incorporé à la combinai-
d’opposition entre poils longs et poils tee-shirt ou T-shirt, chandail droit, à
du monde, sont rassemblées annuelle- son, jupon-culotte avec une fine bande
manches courtes, à encolure ras-du-cou et
ment aux grandes foires de Leningrad, ras, recherché un effet de patchwork de Lycra tenant lieu de gaine ; bas se
affectant, posé à plat, la forme d’un T.
Londres, Leipzig, Oslo, New York et en assemblant la fourrure en mosaïque, prolongeant en slip (collant) ou collant
S. L.
Montréal, où les fourreurs viennent cultivé le goût du cocasse en teignant intégral se terminant en soutien-gorge.
F Costume / Mode / Textiles.
s’approvisionner. Les producteurs le lapin en bleu ou en rouge et, comble La finesse, l’élasticité et la solidité des
scandinaves, qui sont parmi les plus de l’audace, ils ont même retourné élastomères ont, seules, permis la créa- R. Thevenin, les Fourrures (P. U. F., coll.
« Que sais-je ? », 1949). / C. Bertin, Haute-
importants, se sont groupés en une coo- la fourrure pour en imperméabiliser tion de cette panoplie de nouveautés.
Couture, terre inconnue (Hachette, 1956). /
pérative internationale, la SAGA. Ses l’envers ou l’imprimer de motifs déco- La qualité de ces articles leur assurant L. Jaque, le Savoir-coudre (Éd. du Hennin,
16 000 éleveurs assuraient, en 1968, ratifs souvent somptueux (Révillon). une durée prolongée, les fabricants ont 1956). / Claude-Salvy, J’ai vu vivre la mode
(Fayard, 1960). / M. F. de La Villehuchet, Guide
42 p. 100 de la production ; 95 p. 100 La fourrure précieuse continue à faire suscité de nouvelles motivations de
de coupe et couture (le Livre de poche, 1968). /
des ventes alimentent l’étranger (États- l’objet d’une création renouvelée ventes par des changements de style. J. Esterel, Comment on devient couturier (Ver-
Unis, Allemagne). D’autre part, les dans ses formes (Révillon, Chombert, Un bureau de style et de promotion a viers, Gérard, 1969).
importations en Europe de fourrure P. Rottenberg, A. Sauzaie, Max Leroy, été ainsi créé dans le cadre de la Fédé-
originaire de Chine se sont accrues Kotler, etc.). Les fourrures les plus ration de l’industrie de la bonneterie.
depuis 1967 (chat et chien de Chine). rares sont toujours le léopard, le chin- Les couturiers Pierre Balmain, Pierre
Les fourrures précieuses, souvent en chilla, la zibeline, la panthère et l’oce- Cardin, Ted Lapidus se sont intéressés habitude
voie de disparition, ont suscité des éle- lot. Néanmoins, toujours avec le souci à ce domaine. Il n’est pas jusqu’aux
vages : élevage du vison (États-Unis, de toucher une clientèle plus large, de sous-vêtements masculins qui ne soient F INTELLIGENCE.
Canada, Scandinavie) et du chinchilla grands fourreurs ou de grands coutu- marqués par le style.
(États-Unis). Les visons de mutations, riers ouvrent des boutiques de prêt-à-
Collants, slips et soutiens-gorge,
produits d’élevage, offrent des teintes porter (Révillon, Dior), amorçant ainsi
dont l’élasticité nouvelle permet d’évi-
beaucoup plus variées que le vison sau- dans la fourrure une évolution parallèle
vage : blanc, saphir, tourmaline (beige),
ter au stade de la fabrication l’opéra- Habsbourg
à celle de la haute couture.
tion du formage, sont de plus en plus
noir, etc. On compte aujourd’hui plus
conditionnés « en vrac », sous le vo- Dynastie autrichienne.
de 200 couleurs naturelles de vison La maille
lume d’un paquet de cigarettes, et dis-
d’élevage. En 1969, le vison d’éle- Originaire de Suisse occidentale,
L’apparition des textiles chimiques a
tribués suivant des réseaux inhabituels la maison des Habsbourg élargit ses
vage canadien fournissait à peu près
bouleversé à tel point la technique de
(coiffeurs, parfumerie, etc.). possessions au bassin danubien dès le
les deux tiers du commerce canadien
l’habillement qu’elle a valu à la bonne-
des fourrures ; plus de 1 500 000 peaux XIIIe s. avant de prétendre, à la fin du
terie un essor spectaculaire. En France,
sont vendues dans les différentes foires Vocabulaire de la maille Moyen Âge, à un destin européen, voire
l’industrie de la maille est en tête de
du monde entier. à la monarchie universelle avec l’em-
l’industrie textile par l’importance des bermuda, culotte à jambes longues et col-
pereur Charles Quint. Aussi se heurta-
La fourrure française a connu un effectifs : 1 000 entreprises occupaient lantes s’arrêtant aux genoux.
t-elle violemment à la monarchie et à
âge d’or au lendemain de la Seconde en 1969 plus de 100 000 personnes ; collant, sous-vêtement en voile ou en
Guerre mondiale, mais le dévelop- la nation françaises ; en dépit de ten-
la France se situe, en Europe, au deu- mousse élastique associant le slip et les
pement du prêt-à-porter et une mode tatives de rapprochement éphémères,
xième rang après l’Allemagne. Cette bas en une seule pièce.
on trouve rarement, de 1519 à 1918, la
conçue à l’intention des jeunes ont progression est évidente dans tous les combiné, sous-vêtement constitué
réduit le volume de ses affaires. En France et les Habsbourg dans le même
pays de la Communauté européenne. d’abord par la réunion de la gaine et du
10 ans, un tiers des entreprises de soutien-gorge en une seule pièce et qui camp, qu’il s’agisse de l’Espagne ou
On prévoit qu’en 1975 la maille consti-
confection ou de commerce dispa- se prolonge aujourd’hui par l’adjonction de l’Autriche. C’est pourquoi il est en-
tuera 60 p. 100 des tissus d’habillement
rurent de la scène : il en restait 3 250 du collant. core difficile de parler des Habsbourg
en Grande-Bretagne et 40 p. 100 en
en 1967, et les effectifs avaient dimi- coordonnées, pièces de lingerie diverses sans passion et sans haine. Tantôt les
France.
nué de moitié. Moins rapide que dans assorties entre elles. dirigeants de la France leur repro-
L’extension des élastomères et du
le prêt-à-porter, l’industrialisation n’en coupé-cousu, pièce de jersey produite à chaient d’encercler le royaume, tantôt
jersey a rendu très fluctuante la fron-
est pas moins en cours dans la four- plat par le métier, sans aucune modifica- l’opinion les accusait de se faire les
tière qui séparait autrefois de la bon- tion de mailles, et que l’on travaille comme
rure. Des techniques simplifiées dans champions du germanisme, d’autres
neterie des industries aussi nettement un tissu à trame et à chaîne.
l’assemblage (coupe au carré), la mise enfin voyaient en eux les défenseurs du
tranchées que la corseterie et la confec- débardeur, vêtement à mailles ou de tissu,
en oeuvre de peaux jusque-là négligées catholicisme, de l’obscurantisme et de
tion. Le prêt-à-porter de luxe, qu’il soit largement échancré aux emmanchures et la réaction. La méfiance et l’incompré-
(lapin, chat, weasel, etc.) ont provoqué
français ou italien, accorde une place à l’encolure, inspiré de celui que portent
un abaissement des prix et un élargis- hension atteignirent leur point culmi-
en général les débardeurs.
de choix à la maille (Courrèges, Otta-
sement dans l’éventail de la clientèle. nant au XIXe s., lorsque les historiens
vio Missoni). denier, unité servant à estimer la finesse
Mais le succès récent de la fourrure en libéraux, de quelque nationalité qu’ils
des fibres textiles (soie, textiles chimiques)
prêt-à-porter (3 tailles normalisées) est La gaine et le soutien-gorge en fussent, prêtèrent la main aux hommes
et qui correspond au poids, évalué en
surtout l’oeuvre des stylistes (Michèle mailles de Lycra (aujourd’hui fabri- politiques pour les accuser d’avoir
grammes, de 9 000 m de la fibre.
Rosier) et de couturiers avant-gardistes qués par les bonnetiers) sont très éloi- créé en Europe une forme d’État com-
déshabillé, vêtement d’intérieur léger et
(P. Rabanne). Ils ont désacralisé le gnés du corset baleiné et du soutien- plètement étrangère aux conceptions
élégant.
manteau de fourrure : le vison a inspiré gorge à armature. La silhouette y a nationalistes. En effet, les Habsbourg
fully-fashioned, se dit des pièces tricotées
des manteaux sport proches du trench- gagné en souplesse et en aisance. Si la ont toujours été indifférents à la notion
à plat sur le métier et comportant déjà les
coat, et le singe a — du moins pour un lingerie de nuit révèle parfois une cer- diminutions nécessaires à leur assemblage d’État-nation ; ils ont, par principe,
temps — ressuscité le style habillé des taine nostalgie des frous-frous d’antan, par remmaillage. respecté les traditions des différents
années folles. La fantaisie créatrice des celle de jour, de plus en plus ténue et indémaillable, se dit d’un tissu à mailles peuples qui étaient placés sous leur
novateurs est sans limite : ils ont imité simplifiée, tend à devenir une seconde dont la contexture est telle qu’une maille autorité, même lorsque, comme dans la
le tricot en torsadant des bandes de peau. cassée n’entraîne pas le coulage des autres. péninsule Ibérique, la centralisation eût
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
été possible ; c’est une des raisons pour tinés de la paix, de la justice et de la (Austriae est imperare orbi universo. ordres des deux royaumes ratifièrent le
lesquelles ils ont négligé, en 1815, de religion. [« Il appartient à l’Autriche de régner traité de Vienne de 1515 passé entre les
faire l’unité allemande à leur profit. sur tout l’univers. »]). Élu empereur en deux maisons souveraines ; d’ailleurs,
Voilà pour le mythe. Quant à la
1440 à la place de son cousin Albert II, leur nouvelle reine, l’épouse de Ferdi-
réalité, elle est bien plus sordide : Ro-
Les origines : dolphe Ier profita de sa fonction royale Frédéric III (1415-1493) n’avait rien nand Ier, était une Jagellon. Dans tous
d’un conquérant ; il opposa à l’adver- les cas, les populations éprouvaient le
Xe-XIIIe siècle pour s’approprier un vaste domaine
sité la patience, la résignation appa- sentiment que le Habsbourg était leur
dans l’actuelle Autriche (Basse-Au-
Sans remonter aux origines mythiques
triche, Styrie). Le dernier margrave de rente et la ténacité. Il était un bien triste souverain légitime et qu’il représentait
(romaines ou troyennes) que leur attri- continuateur de la maison de Luxem-
la dynastie des Babenberg étant mort l’autorité légale, à laquelle il conve-
buaient généreusement certains huma- bourg (Charles IV, au siècle précédent,
sans héritier mâle (1246), Rodolphe Ier
nait d’obéir, puisqu’il était l’héritier
nistes, on peut admettre que la famille et Sigismond, mort en 1437). Battu du dernier souverain du pays. Milan ou
refusa d’accorder l’investiture au
de Habsbourg descendait du duc d’Al- par le roi de Hongrie Mathias Corvin,
gendre du défunt, le roi de Bohême les Pays-Bas n’avaient pas été conquis
sace Ethicon Ier et qu’elle s’établit, chassé pour un temps de Vienne, sa par un prince « allemand », mais obéis-
Otakar II Pemysl, et se réserva ses
vers l’an 1000, autour du château de capitale, qui aurait pu prévoir que « le saient à l’héritier des Sforza ou des ducs
provinces autrichiennes pour lui et ses
l’Épervier (en allem. Habichtsburg), Soleil ne se coucherait jamais » sur les de Bourgogne. La nuance est de taille
descendants, déplaçant ainsi le centre
dans le canton d’Argovie. Par une terres de son arrière-petit-fils, Charles et mérite d’être soulignée. Les princi-
de gravité de la puissance territoriale
habile politique, les seigneurs féo- Quint ? Pourtant, à sa mort, en 1493, pales difficultés provinrent des aristo-
des Habsbourg du Rhin vers le Danube.
daux étendirent leurs possessions en il pouvait se dire qu’il avait accompli crates, qui tentèrent parfois de profiter
Otakar II se révolta contre son suze-
Suisse alémanique et en Alsace méri- l’essentiel. En effet, en mariant (1477) de la situation pour élargir leurs pou-
rain, mais fut vaincu et tué à la bataille
dionale : ils fondèrent, par exemple, le son fils Maximilien à Marie de Bour- voirs au détriment du souverain. Tant
de Dürnkrut, dans le Marchfeld (août
couvent d’Ottmarsheim, dont l’église gogne, la fille unique du Téméraire, il que Charles* Quint (1500-1558) fut
1278), qui scella le destin de cette partie
fait encore la joie des amateurs d’art scella le destin européen de la dynas- au pouvoir, aucune nation ne s’imposa
de l’Europe et fonda une seconde fois
roman. En même temps, ils se mirent tie ; en recueillant l’héritage bourgui- aux autres, et ce qu’on appelle l’Em-
la maison des Habsbourg, qui s’identi-
au service de la dynastie impériale des gnon, la maison d’Autriche sortait tout pire fut en fait une vaste confédération.
fia si bien avec ses nouveaux domaines
Hohenstaufen ; l’empereur Frédéric* II d’un coup de l’espace allemand et da- C’est pourquoi, fort de l’autorité que
qu’elle devint, au XVe s., la maison
appréciait leur aide, mais leur heure de nubien pour s’emparer d’une des plus lui conférait la légitimité et du prestige
d’Autriche. Désormais, les Habsbourg,
gloire vint précisément de la chute des riches contrées d’Europe, les Pays- que lui apportait la dignité impériale,
par ce coup de maître, devenaient les
trop ambitieux Staufen. En Allemagne, Bas. En outre, les Habsbourg allaient Charles Quint tenta de gouverner seul
égaux des grands feudataires de Saxe
la crise dynastique ouverte par la mort se brouiller à mort avec les Valois, qui les Pays-Bas, l’Espagne, les Indes oc-
ou de Bavière. C’est pourquoi la mai-
de Frédéric II se prolongea par une récupérèrent la Bourgogne, tandis que cidentales, une bonne partie de l’Italie
son d’Autriche connut une éclipse par-
longue période d’anarchie, le Grand le reste de l’héritage du Téméraire leur et l’Allemagne, où il avait réussi à se
tielle au cours du XIVe s. À la mort du
Interrègne, au terme duquel Rodolphe échappait. faire élire Empereur, en 1519, à la mort
fils de Rodolphe, Albert Ier, en 1308, la
de Habsbourg (1218-1291) fut élu roi de son grand-père Maximilien Seule
couronne impériale passa à la maison Bien plus, le processus des unions Ier.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
lamentablement ; par la paix d’Augs- L’empire partagé tenant la Ligue comme les catholiques droite des États de Bohême lui fournit
bourg, il reconnut l’existence de deux anglais. Il est vrai qu’il faillit parache- l’occasion inespérée de supprimer des
(1556-1700)
confessions chrétiennes en Allemagne, ver la politique matrimoniale des Habs- privilèges qu’il n’avait confirmés qu’à
En fait, le partage n’était qu’appa- bourg et mettre la main sur les deux contrecoeur. OEuvre de longue haleine,
tandis que l’hérésie se propageait aux
rent, car tous les États sur lesquels le la reconquête catholique ne fut ache-
Pays-Bas et dans toute l’Europe du grands royaumes qui leur échappaient ;
Soleil ne se couchait jamais (auxquels il fut, un temps, l’époux de Marie vée, en Bohême et en Autriche, que
Nord. Il avait été incapable de sauver
s’ajoutèrent, après 1580, le Portugal et Tudor, reine d’Angleterre, qui mourut vers 1660. Ferdinand II en profita pour
l’unité religieuse de la chrétienté. Pro-
son empire colonial) demeuraient la limiter les privilèges politiques exorbi-
prématurément en 1558, sans lui laisser
fondément déçu, il abdiqua pour finir
propriété indivise de la famille, dont d’héritiers ; après la mort d’Henri III, tants des ordres, sans pour autant im-
ses jours dans un monastère castillan, le chef était le roi d’Espagne, qui pos- poser, comme on l’a dit trop souvent,
il aurait voulu placer sa fille, l’infante
après avoir soigneusement réglé sa sédait, en outre, les colonies améri- l’absolutisme. Mais la révolte des États
Isabelle, sur le trône de France. À sa
succession. caines, les provinces italiennes et les mort, en 1598, la monarchie d’Espagne de Bohême avait relancé la guerre eu-
Aveu implicite de renonciation à la Pays-Bas. L’Empereur, en dépit de son ropéenne, et l’on vit les deux branches
demeurait une puissance redoutable, en
monarchie universelle : il partagea le titre prestigieux, apparaissait comme le de la maison de Habsbourg étroitement
dépit de ces échecs relatifs, tandis que
parent pauvre, voire le subordonné de unies.
patrimoine des Habsbourg entre son la branche allemande connaissait une
son cousin de Madrid.
frère cadet Ferdinand Ier (1503-1564) éclipse momentanée, faute de moyens L’alliance entre Vienne et Madrid
et son fils Philippe* II (1527-1598), C’est d’ailleurs ce dernier qui reprit et faute de souverains capables. se traduisait par une aide financière
créant volontairement une branche la politique de Charles Quint, aussi de l’Espagne à l’empereur, toujours
Le fils de Ferdinand Ier, Maximi-
bien à l’égard de la France que vis- désargenté, et parfois par un appui
allemande distincte de la branche espa- lien II (1527-1576), empereur de 1564
à-vis des protestants. Quoiqu’il ne militaire réciproque, l’Espagne solli-
gnole. Déjà, dès 1522, il avait confié à 1576, était lui-même favorable aux
fût pas, officiellement, le chef de la citant fréquemment l’envoi de contin-
le gouvernement des pays héréditaires Églises de la Réforme, qui s’instal-
chrétienté, il se fit, partout, le cham- gents, qu’elle rétribuait, car elle était
de langue allemande à son frère Ferdi- lèrent solidement en Autriche ; vers
pion du catholicisme, le vieil esprit plus riche en numéraire qu’en hommes.
nand. Après la disparition de Louis II 1580, le catholicisme est une confes-
de croisade n’étant pas mort, en Es- Mais Richelieu et la diplomatie fran-
Jagellon et l’élection de Ferdinand aux sion minoritaire dans les pays de la mo-
pagne, avec la fin de la Reconquista çaise considéraient alors la monarchie
trônes de Bohême et de Hongrie (1526) narchie danubienne. Quant à la gestion
et la prise de Grenade (1492). C’est espagnole comme le véritable ennemi
de son successeur Rodolphe II (1552-
naissait la monarchie danubienne, qui, pourquoi il poursuivit la politique de des intérêts français, l’Empereur
1612), empereur de 1576 à 1612, elle
sous le nom d’Autriche-Hongrie, de- Charles Quint en Afrique du Nord et, n’étant, déjà, qu’un brillant second.
fut désastreuse ; catholique fervent,
vait se maintenir jusqu’en 1918. d’une façon générale, contre les Turcs ; C’est d’ailleurs par une déclaration
formé à la cour d’Espagne, il échoua
Ferdinand, espagnol de tempérament c’est grâce à la participation espagnole de guerre à l’Espagne, en 1635, que
lamentablement dans sa politique de
et d’éducation, tenta de mettre au pas que fut possible la grande victoire la France marqua son entrée dans la
Contre-Réforme. Dépourvu d’autorité,
ses nouveaux sujets ; il dut bien vite navale des chrétiens sur les Ottomans guerre de Trente Ans. Un des enjeux
il s’enferma dans le château de Prague
à Lépante (oct. 1571). Mais, en dépit du conflit était précisément l’axe
déchanter ; tout au plus réussit-il à avec ses astrologues et ses dossiers, se
des ressources que lui procuraient les de communication de la monarchie
créer une administration centrale, atta- refusant à prendre une décision quel-
mines d’argent d’Amérique, l’Espagne espagnole, Bruxelles-Milan ; l’autre
chée à sa personne. Il s’inspirait visi- conque, sans vouloir non plus délé-
de Philippe II était moins redoutable consistant, pour la France, à proté-
blement du modèle bourguignon, mais guer ses pouvoirs à l’un de ses frères ;
qu’elle n’en avait l’air. Ses forces ger ses alliés protestants, Hollandais,
le pouvoir des officiers et des conseils vers 1610, le pouvoir était dilué entre
étaient dispersées entre la péninsule Suédois et princes allemands. On sait
qu’il créa fut toujours limité par les plusieurs archiducs, établis à Vienne,
Ibérique, les Pays-Bas et l’Italie ; l’axe que le conflit tourna à l’avantage de la
privilèges des pays composant la mo- Graz, Innsbruck, tandis que l’empereur
Milan-Bruxelles était, pour elle, vital ; France ; par les traités de Westphalie,
narchie, qui conservaient leurs propres Rodolphe II conservait un semblant
soldats, lettres de change, courriers y Ferdinand III (1608-1657), empereur
d’autorité sur le royaume de Bohême,
gouvernements et leurs assemblées circulaient lentement. En outre, Phi- de 1637 à 1657, dut céder à Louis XIV
au prix d’une importante concession
d’États. En outre, les royaumes que lippe II, le « roi prudent », était fort son patrimoine en Haute-Alsace, tandis
à la noblesse protestante, la lettre de
gouvernait Ferdinand Ier constituaient lent à se décider. Dans les dernières qu’il voyait son autorité dans l’Empire
majesté, accordant la liberté de culte et
une mosaïque de peuples, de langues, années de son règne, il dirigea tout considérablement diminuée. L’Es-
de substantiels privilèges aux Églises
de cultures et bientôt de religions. Le son empire à partir de son cabinet de pagne de Philippe IV lutta encore onze
issues de la Réforme.
péril turc était néanmoins assez fort l’Escorial, travailleur infatigable, chef ans contre la France, qui triomphera au
du premier gouvernement bureaucra- Le salut devait venir finalement traité des Pyrénées, en 1659.
pour que la peur, à défaut d’autre
tique de l’Europe moderne. À partir de d’une branche cadette, issue de Ferdi-
chose, constituât un lien entre les pro- Les Habsbourg, après cette perte de
1568, la révolte des Pays-Bas ne cessa nand Ier, qui avait établi son fils cadet
vinces autrichiennes, les pays de la prestige, allaient connaître une crise
de fixer son attention et d’absorber une à Graz. Comme ni Rodolphe ni son
couronne de Bohême et la Hongrie. En bien plus grave, qui, finalement, leur
bonne partie des forces de l’Espagne. frère Mathias (1557-1619), empereur
abdiquant (1555-56), Charles Quint se coûta la majeure partie des possessions
Des motivations religieuses, nationales de 1612 à 1619, n’avaient d’héritiers,
décida à laisser la couronne impériale à de la branche espagnole. En effet, la
et économiques avaient joué contre le la succession échut à Ferdinand de
politique de mariages consanguins
son frère, qu’il avait déjà fait élire roi
« roi prudent », qui ne sut pas faire les Styrie (1578-1637), le roi d’Espagne
aboutit, à la fin du XVIIe s., à l’extinction
des Romains (1531) et à qui il avait,
concessions nécessaires au moment Philippe II s’étant désisté en faveur de
de la brandie aînée. L’historiographie
depuis longtemps, confié d’impor- son cousin.
opportun ; une longue lutte n’aboutit classique a souvent blâmé ces alliances
tantes responsabilités en Allemagne. qu’au partage de facto : la partie sep- Ferdinand II, empereur de 1619 à matrimoniales ; en fait, les mariages
Tout le reste de ses possessions allait à tentrionale, protestante, conquit son 1637, était un champion décidé, pour consanguins étaient d’usage fréquent
son fils Philippe II, qui devenait ainsi le indépendance, tandis que la partie mé- ne pas dire fanatique de la Contre-Ré- chez tous les possédants, nobles ou ro-
souverain le plus puissant d’Europe et ridionale, catholique, demeurait sous forme. Formé par les Jésuites, c’était turiers, pour éviter le partage du patri-
qui choisit très vite de s’établir en Es- l’autorité des Habsbourg. un mystique, qui se sentait responsable moine. Cette politique avait pour but
pagne, où il transféra le gouvernement Mêlant sans cesse défense de la reli- du salut de ses sujets. Il n’entrevoyait, de préserver la puissance et l’unité de
central de son empire. Signe visible de gion catholique et intérêts dynastiques, pour les protestants, que deux possi- la famille et d’éviter les querelles de
sa prééminence : il demeurait le grand Philippe II intervint en France et en bilités : la conversion au catholicisme succession. C’était faire fi des risques
maître de l’ordre de la Toison d’or. Angleterre contre les protestants, sou- romain ou l’exil. La révolte mala- de mortalité considérables, même dans
5200
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
les familles princières. Une suite de mêmes, c’est-à-dire aux Habsbourg et bach et candidat de la France en 1740. jusqu’en 1914, qu’ils avaient inté-
hasards malheureux fit qu’à la mort de à la nation espagnole. Une fois la crise surmontée, le règne rêt à rester unis en face de la Russie
Philippe IV, en 1665, la famille n’était Quoi qu’il en soit, la maison d’Au- de Marie-Thérèse fut l’un des plus et de l’Allemagne. Et les Habsbourg
plus représentée que par un enfant ché- brillants qu’ait connus la monarchie
triche avait apporté à l’Espagne deux ne devaient pas survivre au conflit
tif, Charles* II d’Espagne, un jeune siècles de gloire, les Habsbourg de autrichienne ; pour la première fois
mondial, qu’un des leurs, l’empereur
prince de santé délicate, encore céliba- Madrid s’identifiant de plus en plus à depuis 1526, elle parvenait à donner
François-Joseph* 1er (1830-1916),
taire, l’empereur Léopold Ier et l’infante à ses États cette structure centralisée
la nation castillane. Désormais, la vo-
empereur de 1848 à 1916, avait impru-
Marie-Thérèse, épouse de Louis XIV. cation mondiale des Habsbourg était dont avait rêvé le Prince Eugène.
demment engagé pour venger la mort
La mort de Philippe IV avait ouvert la terminée, mais la branche allemande Tout en respectant langues nationales,
crise de la succession d’Espagne, qui de son neveu, l’archiduc François-
aura encore un rôle à jouer en Europe cultures particulières et privilèges des
préoccupa les chancelleries durant près Ferdinand, assassiné à Sarajevo en
continentale, en Allemagne, en Italie et ordres, elle tenta d’appuyer le trône
de quarante ans et aboutit à un conflit dans le bassin danubien, les Pays-Bas 1914. L’empereur Charles Ier (1887-
sur quatre piliers : fidélité à la dynas-
européen généralisé. 1922) renonça au trône en novembre
ne tenant guère de place, au XVIIIe s.,
tie, fidélité à la religion catholique,
Charles II (1661-1700), roi d’Es- dans les préoccupations du gouverne- 1918 ; deux tentatives de restauration
une bonne administration, compétente,
pagne de 1665 à 1700, fut en effet ment de Vienne. en Hongrie devaient échouer, devant
efficace, honnête et enfin une solide
incapable d’avoir des enfants de son l’hostilité des Alliés, des États succes-
Après 1715, l’Autriche n’en passe
armée qui fût vraiment commune à
mariage avec une princesse allemande,
pas moins pour une grande puissance, seurs et du chef de la contre-révolution
Marie-Anne de Palatinat-Neubourg. tous ses peuples et dévouée à l’État.
tant par l’étendue de ses territoires hongroise, l’amiral Horthy. Le fils du
Entre-temps, Léopold Ier (1640-1705), Souveraine très aimée de ses sujets,
que par l’importance de son armée, dernier Empereur, l’archiduc Otto (né
empereur de 1657 à 1705, avait réussi Marie-Thérèse fonda véritablement
qui vient de s’illustrer sur tous les en 1912), vit aujourd’hui exilé en Ba-
à élever deux fils, l’archiduc Joseph, une nouvelle dynastie, grâce à sa nom-
qu’il destinait à la couronne impériale, champs de bataille de l’Europe et qui a vière, la République autrichienne lui
breuse descendance en ligne masculine
et l’archiduc Charles, dont il vou- chassé, pour de bon, les Turcs de Hon- interdisant l’accès de son territoire tant
comme en ligne féminine. La tentative
lait faire le successeur de son cousin grie. Malheureusement, la structure de qu’il n’aura pas renoncé à toute action
de rapprochement avec la France (le
Charles II d’Espagne. Celui-ci pourtant l’État demeure fragile, de l’avis même politique.
fameux renversement des alliances de
institua son petit-neveu, Philippe, duc du prince Eugène de Savoie, principal
1756) devait tourner court ; elle maria En dépit des caractères très divers
d’Anjou, son légataire universel, car ministre de l’empereur Charles VI. des souverains de la maison de Habs-
sa fille préférée, l’archiduchesse Ma-
les Espagnols voulaient sauver à tout
Celui-ci ne sut ou ne put procéder à bourg, un trait dominant se retrouve
rie-Antoinette, au futur Louis XVI ; on
prix l’intégrité de la monarchie ; les
l’indispensable unification de terri- néanmoins chez chacun d’entre eux
Habsbourg de Vienne semblaient inca- sait ce qu’il en advint.
toires plus disparates que jamais, alors
pables de défendre par les armes l’in- tout au long de l’histoire : leur très pro-
Les Habsbourg devaient se révéler
que la valeur de l’armée, après 1730,
tégrité de la succession ; l’Empereur fonde piété et leur attachement au ca-
des adversaires irréductibles de la Ré-
ne cessait de diminuer. Charles VI pré-
devait, d’une manière ou d’une autre, tholicisme, aussi bien en Espagne que
volution française, qu’ils combattirent
accepter un partage avec les Bourbons. para bien mal sa fille unique, l’archidu-
dans les pays danubiens. Ces princes,
par les armes. Les réformes hardies de
Ceux-ci acceptèrent le testament de chesse Marie-Thérèse* (1717-1780),
Joseph* II (1741-1790), empereur de de tempérament bienveillant, respec-
Charles II, mais les puissances mari- impératrice de 1740 à 1780, à affronter
1765 à 1790, avaient montré jusqu’à taient volontiers les coutumes, les
times, redoutant l’hégémonie française une nouvelle crise de succession qui,
quel point les idées nouvelles étaient constitutions, les cultures particulières
et la mainmise des négociants français une fois de plus, déclencha une guerre
inapplicables dans cette mosaïque de leurs sujets, mais à condition que
sur le marché sud-américain, soutinrent européenne et mit en péril l’existence
de pays dominés par les ordres. Ses ceux-ci demeurassent catholiques. Sur
les prétentions de l’archiduc Charles, même de la monarchie autrichienne.
tentatives d’unification linguistique ce seul point, ils étaient intransigeants,
tout à fait légitimes dans l’optique de
la maison d’Autriche. avaient tourné court ; il avait pu seu- à la fois par conviction intime et par
Les Habsbourg-Lorraine
lement réduire le pouvoir exorbitant principe politique. On comprend pour-
On sait que celui-ci ne parvint pas (1740-1918)
à se maintenir sur le trône d’Espagne, de l’Église, accorder la liberté de culte quoi l’historiographie libérale ne pou-
même au prix d’un conflit généralisé, À la mort de Charles VI, en 1740, l’hé- vait avoir beaucoup de sympathie pour
et améliorer la condition juridique des
ritière des Habsbourg dut en effet faire
et qu’il dut finalement céder la place à paysans ; noblesse et clergé serrèrent une dynastie qui avait conçu sa mission
face à une impressionnante coalition,
Philippe* V, le petit-fils de Louis XIV. les rangs derrière François II (1768- en fonction d’autres valeurs éthiques et
Malgré l’appui des Catalans et de sé- dirigée par la France, qui voulait pro-
1835), empereur de 1792 à 1806, qui politiques : fidélité dynastique, supra-
fiter de l’occasion pour ruiner défini-
rieuses défaites françaises, il ne parvint
réprima durement la révolte des jaco- nationalité, cosmopolitisme, catholi-
tivement la puissance autrichienne et
pas à emporter la décision après dix an-
bins hongrois. cisme romain.
nées de guerre ; or, la mort inopinée de qui ne fit, en définitive, que le jeu de
la Prusse. En effet, tandis que les Élec- Une fois achevé l’intermède de J. B.
son frère Joseph Ier (1678-1711), empe-
teurs refusaient la couronne impériale Joseph II, les Habsbourg furent in- F Allemagne / Autriche / Bohême / Bourgogne /
reur de 1705 à 1711, reconstituait, à
Charles V ou Charles Quint / Charles II d’Espagne
son profit, l’empire de Charles Quint, au mari de l’archiduchesse, François discutablement les champions de la
/ Contre-Réforme / Espagne / François-Joseph Ier
profit des Bourbons ou des Habsbourg. la Silésie, qui constitua, ultérieure- 1815 à 1848. La cohésion de l’Autriche main germanique / Succession d’Autriche (guerre
ment, une des bases de la puissance reposait sur des valeurs qui étaient en de la) / Succession d’Espagne (guerre de la).
Abandonné par les puissances mari-
prussienne. contradiction formelle avec les prin-
times, l’archiduc, devenu l’empereur A. Wandruszka, Das Haus Habsburg :
Charles VI (1685-1740), empereur de À long terme, cette perte fut grave- cipes de la Révolution française, en die Geschichte einer europäischen Dynastie
1711 à 1740, ne réussit qu’à sauver ment préjudiciable à l’Autriche et à particulier l’idée de l’État-nation. (Vienne, 1956 ; 2e éd., 1959). / A. Coreth, Pie-
davantage à la France et à la Grande- à la mort de Charles VII, empereur de sités autrichiennes, les peuples de la nos jours, Horvath, Roanne, 1966). / M. Géoris,
Bretagne qu’aux intéressés eux- 1742 à 1745, de la maison des Wittels- monarchie se rendant bien compte, les Habsbourg (Rencontre, Lausanne, 1969). /
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
à-vis de la Turquie, et se présente à 1919 refusent le mandat français et volonté de la Grande-Bretagne, se dis-
Hchémites ou tingue par sa fidélité à cette puissance
l’occasion comme le roi de l’Arabie. offrent en mars 1920 la couronne de
Hshimides Cependant, à la fin de la guerre, et Syrie à Fayal. Quelques mois plus mandataire. Le 22 mars 1946, il est, en
malgré l’aide apportée aux puissances tard, en juillet 1920, les troupes arabes vertu d’un traité signé avec le gouver-
alliées, le rêve de usayn d’assurer sont battues par l’armée française, et nement britannique, proclamé souve-
Famille quraychite.
Fayal est contraint de quitter la Syrie. rain d’un État indépendant. En réalité,
sa domination sur toute l’Arabie ne
En guise de compensation, il reçoit, le le pays reste sous la coupe de l’Angle-
Les Hchémites s’est pas concrétisé. Le chérif de La
23 août 1921, la couronne d’Iraq des terre, et la Légion arabe, fer de lance
au Hedjaz Mecque ne peut pas obtenir l’appui des
mains des Britanniques. Ces derniers du régime, est même commandée par
Britanniques contre ibn Sa‘d ‘Abd al-
Originaires du Hedjaz, les Hchémites comptent sur son autorité pour les aider un général anglais.
‘Azz, qui contrôle alors le Nadjd, le
parviennent, à la faveur de la Première à contenir les diverses contradictions Cette situation, ajoutée à l’annexion
s et le ’il, et vise l’occupation du
Guerre mondiale, à constituer des qui minent alors la société irakienne en 1950 d’une bonne partie de la Pa-
Hedjaz. Même le titre de calife, pris en
royaumes en Iraq et en Transjordanie. et à assurer le gouvernement de ce lestine au royaume hchémite, devenu
1924 à la suite de l’abolition du cali-
C’est Husayn ibn ‘Al (v. 1856-1931) pays. Fayal donne satisfaction à la alors Jordanie*, et aux contacts entre-
fat ottoman par Mustafa Kemal, ne le
et ses fils Fayal (1883-1933) et Abdul- Grande-Bretagne, qui, sûre de ce par-
protège pas contre les attaques saou- tenus discrètement avec le gouverne-
lah (ou Abd Allh, 1882-1951) qui sont tenaire idéal, consent à accorder, en ment israélien, exacerbe le courant
diennes. Il s’enfuit du Hedjaz, laissant
les artisans de cette ascension. 1930, l’indépendance de l’Iraq. Mais nationaliste et aboutit à l’assassinat du
le pouvoir à son fils aîné, ‘Al. Ce
En 1908 usayn réussit à se faire à la mort de Fayal, survenue en 1933, roi Abdullah le 20 juillet 1951. Son fils
dernier ne tarde pas à suivre son père,
nommer par le gouvernement ottoman son jeune fils Rhz ne peut maîtriser all, malade, n’étant pas en mesure de
lorsque, en décembre 1925, ibn Sa‘d
chérif et émir de La Mecque. Très vite, la situation et contenir une agitation gouverner, est déposé par le Parlement
achève la conquête du Hedjaz. Après
il étend sa domination sur le Hedjaz populaire mettant en cause la présence au profit de usayn, qui n’atteint sa ma-
la perte de son royaume, usayn s’ins-
et entreprend même de mettre sous britannique dans le pays. La mort du jorité que le 2 mai 1953 (v. Jordanie).
talle à Chypre et meurt à ‘Ammn en
sa cape toute la péninsule arabique. roi Rhz (1939) dans un accident de M. A.
1931. Son fils ‘Al passe le reste de sa
Mais il se heurte à l’opposition du voiture, dans des conditions assez mys- F Arabie / Iraq / Jordanie.
vie à Bagdad, où il meurt en 1935. térieuses, aggrave une situation déjà
souverain du Nadjd, ibn Sa‘d Abd al-
‘Azz (1902-1969), qui vise lui aussi Toutefois, les Hchémites ne dispa- fort critique.
la domination de toute l’Arabie. Pour raissent pas de la scène politique après Son fils Fayal II, très jeune, ne
contrecarrer les ambitions de son rival la perte du Hedjaz au profit des Saou- pouvant pas gouverner, le pouvoir est Hadamard
Saoudite, usayn s’appuie sur le sul- diens. En effet, si la Grande-Bretagne confié à son cousin ‘Abd al-Ilah, qui va
tan ottoman, dont il ne conteste pas abandonne usayn, aussi indépendant diriger à titre de régent le pays jusqu’à (Jacques)
l’autorité sur le Hedjaz. Et, puisque qu’exigeant, elle favorise l’ascension la majorité du roi en 1953. Très attaché
conservateur, il reste fidèle à l’Empire de ses deux fils Fayal et Abdullah sur à la Grande-Bretagne, l’émir ‘Abd al- Mathématicien français (Versailles
ottoman après l’avènement des jeunes- les trônes de l’Iraq, ancienne province Ilah exacerbe le courant nationaliste, 1865 - Paris 1963).
turcs, qui sont idéologiquement assez ottomane devenue mandat britannique qui n’hésite pas, en 1941, à s’appuyer Fils d’un professeur de lettres au
avancés. après la défaite de la Turquie, et de sur les forces de l’Axe pour le renver- lycée de Versailles, il se révèle de
la Transjordanie, royaume créé pour ser et libérer le pays des Hchémites. bonne heure doué d’une intelligence
Le chérif de La Mecque va cepen-
le besoin de la cause. Contrairement Rétablis en mai 1941 par les troupes
dant changer d’attitude au début de la hors de pair. Après avoir remporté au
britanniques, ces derniers sont désor- concours général les prix de latin et
Première Guerre mondiale. Il exploite à leur père, ces derniers, devant leur
mais coupés de la grande majorité de
le conflit pour consolider sa position situation à l’Angleterre, font preuve de grec, il se tourne vers les sciences
la population. Aussi vont-ils s’enga-
au Hedjaz et assurer sa domination sur de fidélité et de soumission absolues et est, en 1884, reçu premier aux
ger davantage avec le bloc occidental
toute l’Arabie. Il entreprend alors, pour à cette puissance mandataire, et tra- concours d’entrée à l’École polytech-
pour sauver leur situation en Iraq. En
réaliser ces objectifs, de marchander vaillent leur vie durant à consolider sa nique et à l’École normale supérieure.
1955, ils participent avec la Turquie,
son appui aux puissances rivales. Il position dans la région. Il opte pour cette dernière. Agrégé de
l’Iran, le Pkistn et la Grande-Bre-
tente d’obtenir des Ottomans des ga- mathématiques en 1887, il enseigne au
tagne à la constitution du pacte de Bag-
ranties pour que le Hedjaz demeure un lycée Buffon de 1890 à 1893. En 1892,
Les Hchémites en Iraq dad. Considérés comme des traîtres
émirat héréditaire et autonome. Paral- il soutient une thèse de doctorat (Essai
Le premier Fayal se forge une certaine à la nation arabe, les Hchémites se
lèlement, il négocie avec les Britan- sur l’étude des fonctions données par
notoriété à la faveur de la Première heurtent alors à l’opposition des natio-
niques, qui travaillent alors à soulever leur développement en série, de Tay-
Guerre mondiale, au cours de laquelle nalistes, encouragés par Nasser*. Le
les Arabes contre l’Empire ottoman. lor) et obtient, la même année, le grand
14 juillet 1958, un coup d’État militaire
Celui-ci, soucieux d’assurer son auto- il joue un rôle relativement important. prix des sciences mathématiques.
met fin au règne des Hchémites. Le
rité sur toutes ses provinces arabes qui C’est lui qui commande les troupes
De 1893 à 1897, il enseigne à la fa-
roi Fayal II et l’émir ‘Abd al-Ilah sont
présentent un grand intérêt stratégique, arabes qui combattent aux côtés des culté des sciences de Bordeaux comme
assassinés, et la république est procla-
ne donne pas satisfaction à l’émir de forces alliées du Moyen-Orient. À ce chargé de cours, puis comme profes-
mée en Iraq.
La Mecque. titre, il est, à la fin de la guerre, admis seur de mécanique. Ses études sur les
usayn penche alors dans le camp à négocier avec les grandes puissances fonctions transcendantes entières, déjà
comme représentant du Hedjaz à la
Les Hchémites en
britannique et entreprend, en rapport amorcées dans sa thèse, le conduisent à
conférence de la paix. Fayal vise alors Jordanie
avec certaines sociétés nationalistes approfondir les recherches de Bernhard
arabes secrètes, de saper la domination la couronne de la Syrie et compte sur Cependant, si les branches hedja- Riemann (1826-1866) sur la répartition
ottomane au Hedjaz, en Palestine, en l’appui britannique pour réaliser ses ziennes et irakiennes des Hchémites des nombres premiers (1859). Il s’agit
Syrie et en Iraq, et de regrouper, avec ambitions. Mais cette ancienne pro- perdent le pouvoir, il n’en est pas de d’une question célèbre dont les origines
l’aide de la Grande-Bretagne, tous ces vince ottomane devait revenir, en vertu même de celle de Jordanie, qui conti- se trouvent dans une formule de Leon-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
hard Euler (1707-1783) et qu’en 1808 On lui doit l’introduction en France une petite-nièce de l’empereur, Sabine les Juifs révoltés en 132 à la suite de
Adrien-Marie Le Gendre (1752-1833) des séminaires de mathématiques, et (Vibia Sabina). l’interdiction de certaines de leurs pra-
avait à peu près résolue d’une façon celui qu’il anime au Collège de France tiques. Sous la conduite de Bar-Ko-
Ces faveurs et le rôle grandissant
empirique. À la suite de son maître exerce une influence considérable sur kheba, les Juifs résistèrent jusqu’en
qu’il jouait auprès de l’empereur le
Gustav Lejeune-Dirichlet (1805-1859), la recherche. Toujours intéressé par les 135 ; la brutale répression aboutit au
désignaient comme le successeur de
Riemann utilisait des séries analogues problèmes de pédagogie, il donne en rétablissement de la colonie d’Aelia
Trajan. Mais ce ne fut que sur son lit
à celle d’Euler, mais en déduisait une 1898 et en 1901 une Géométrie plane Capitolina, fondée en 130 à l’emplace-
de mort, en Cilicie, que Trajan adopta
fonction de la variable complexe, la et une Géométrie dans l’espace, long- ment de Jérusalem.
Hadrien (8 août 117) ; certains dou-
fonction , dont il étudiait les diverses temps rééditées.
tèrent de la réalité de cette adoption, Ces voyages eurent des consé-
propriétés. En cherchant à conférer La Première Guerre mondiale lui qui aurait été « fabriquée » par Plotine. quences plus heureuses. L’empereur
plus de rigueur à ces recherches, ten- enlève ses deux fils aînés. La Seconde Hadrien sut calmer les méfiances par s’attaqua à une économie qui en était
tative où beaucoup avaient échoué, l’oblige à se réfugier aux États-Unis, une lettre au sénat, le refus des hon- encore à un stade arriéré dans de nom-
Hadamard donne en 1896 une démons- où il publie un Essai sur la psycho- neurs pour lui-même et leur rejet sur breuses régions et chercha à améliorer
tration enfin correcte du théorème des logie de l’invention dans le domaine l’empereur défunt. Il mit de longs le sort des paysans pour obtenir une
nombres premiers : « Le nombre des mathématique, riche de remarques mois à gagner Rome, passant d’abord meilleure production. Dès le début de
premiers au plus égaux à x est asymp- passionnantes. par Antioche ; puis il inspecta la fron- son règne, il intervint dans l’économie
totiquement x : Log x. » La même J. I. tière du Danube, allant même jusqu’en agraire de l’Égypte et, par une loi géné-
année, et indépendamment, Charles de Dacie. Avant d’arriver dans la Ville, il rale, il permit aux cultivateurs d’acqué-
La Vallée Poussin (1866-1962) obtient avait dû faire exécuter quatre consu- rir des droits sur les terres en friche à
le même résultat. laires qui avaient comploté contre lui condition de les cultiver. En outre, il fit
En 1897, Hadamard revient à Paris Hadrien (118). apporter un très grand soin au bornage
comme maître de conférences à la Il est vrai que le nouvel empereur des terres.
Sorbonne et, comme professeur sup- En lat. PUBLIUS AELIUS HADRIANUS (Ita- affirmait nettement une politique que Pour assurer l’unité du monde ro-
pléant, enseigne la mécanique analy- lica 76 - Baïes 138), empereur romain Trajan avait amorcée discrètement et main et son renouveau, Hadrien s’inté-
tique et céleste au Collège de France. Il de 117 à 138.
qui ne plaisait pas à tous : l’arrêt des ressa à l’administration de l’empire.
devait accéder à cette chaire en 1909, Publius Aelius Hadrianus était le conquêtes, le retour à la paix ; il fit éva- La tendance dominante poussa à la
en remplacement de Maurice Lévy descendant d’une famille du Picenum cuer les territoires conquis au-delà de centralisation ; le conseil du prince
(1838-1910). Dans l’étude des fonc- installée en Bétique depuis de nom- l’Euphrate, mais conserva à Rome le fut renforcé dans son rôle et reçut un
tions transcendantes entières, il prend breuses décennies. Il était le petit-fils contrôle de l’Arabie et de la Dacie. À noyau de « permanents » choisis par
avec Émile Borel (1871-1956) la suite d’une soeur du père du futur empereur son arrivée à Rome, en juillet 118, Ha- l’empereur, particulièrement parmi les
de Henri Poincaré (1854-1912). Il suit Trajan et le fils d’un sénateur, ancien drien dut encore prodiguer des paroles jurisconsultes. Les constitutions im-
avec passion l’oeuvre de Georg Cantor préteur. Il dut peu de chose à sa « pa- d’apaisement. périales, prises en conseil, formèrent
(1845-1918), dont il aime à rappeler trie » espagnole, où il résida peu ; c’est désormais l’essentiel de la législation,
Par sa formation, l’empereur avait
qu’elle est une des bases de la science à Rome qu’il accomplit sa formation et une interprétation uniforme de la loi
une vision très large des réalités, et
contemporaine. Émile Borel, Henri intellectuelle et qu’il commença sa car- fut assurée par la codification de l’édit
toute sa politique consista à intégrer
Lebesgue (1875-1941) et René Baire rière. Très tôt orphelin, il eut comme du préteur (Édit perpétuel de 131). Les
toutes les parties de l’empire dans un
(1874-1932) travaillent eux aussi sur tuteurs son cousin Trajan, qui venait bureaux devinrent les organes les plus
même développement économique et
les idées cantoriennes, mais une dis- d’accéder à la préture, et le chevalier efficaces de l’administration ; ils furent
intellectuel, seul capable de réaliser
cussion restée célèbre s’élève de 1904 Acilius Attianus, qui s’occupa direc- dirigés par des chevaliers, fonction-
l’unité du monde romain pour le bien
à 1914 entre ces quatre chercheurs au tement de son éducation ; celle-ci fut naires au service exclusif de l’empe-
de tous. Dans cette intention, Hadrien
sujet de l’axiome de Zermelo. Seul des orientée vers les lettres grecques, dont reur. L’ordre équestre fut le meilleur
passa une grande partie de son règne
quatre, Hadamard accepte sans restric- Hadrien resta un fervent adepte toute
à parcourir les provinces pour mieux appui de l’empereur, et ses membres
tion cet axiome. L’avenir devait lui sa vie (on lui donna plus tard le surnom eurent leur carrière fixée dans ses éche-
connaître les peuples et améliorer leur
donner raison. En 1912, il est chargé de de Graeculus, le « petit Grec »).
sort. Partout, il s’informait, écoutait lons, rétributions et titres. Avec leur
la chaire d’analyse à l’École polytech- Élève remarquablement doué, épris aide, Hadrien prit un soin tout parti-
les doléances, rendait la justice, ordon-
nique, chaire qu’il conserve jusqu’en de philosophie, il sera l’un des hommes nait des travaux et pratiquait toutes culier des finances et de la justice, où
1936, et il succède à Henri Poincaré à les plus cultivés de son temps. Son pénétrèrent les idées d’humanité et de
les réformes qu’il jugeait nécessaires.
l’Académie des sciences. éducation pratique ne fut pas négligée ; Ces voyages, souvent coupés de longs respect de l’individu sous l’influence
Il convient de signaler ses recherches Hadrien excellait dans tous les exer- de la pensée grecque. Dans l’intérêt
séjours, à Athènes en particulier, lui
sur les équations différentielles ou aux cices physiques, et la chasse était son de l’équilibre général de l’empire,
permirent de renforcer les défenses
dérivées partielles, dont, jusqu’à la fin « sport » préféré. Hadrien tenta d’arrêter la décadence
de l’empire : fixation quasi définitive
de sa vie, il se sent responsable. À plus Grâce à la protection de Trajan, il du limes germanique, organisation de de l’Italie ; mais les moyens employés,
de quatre-vingt-dix ans, il lit encore put aborder la carrière des honneurs et, l’envoi de curateurs dans les cités pour
routes stratégiques, construction d’un
tous les mémoires nouveaux sur le dès 96, devint tribun de légion sur le retranchement barrant la Bretagne* en surveiller les finances et la création
sujet et entreprend d’écrire un ouvrage Danube et le Rhin ; il fut questeur en de quatre districts avec des consulaires
d’est en ouest (le « mur d’Hadrien »),
sur cette question. 101 (il prend alors part à la première réorganisation des routes et des postes à leur tête, enlevèrent à l’Italie une
guerre de Dacie), tribun de la plèbe en partie de la place juridique privilégiée
À la suite de Vito Volterra (1860- en Afrique. La défense de l’empire
1940), il joue un rôle fondamental 105 (il participe à la seconde guerre de nécessitait une armée forte, et Hadrien qu’elle avait jusqu’alors. Ces mesures
Dacie), préteur en 106, gouverneur de furent assez mal accueillies par les
dans la création de l’analyse fonc- ne la négligea pas ; partout, il ins-
tionnelle, où se sont distingués, entre Pannonie en 107 et consul suffect en pecta les légions (comme à Lambèse), sénateurs, dont le rôle dans l’État se
108 ; la faveur impériale, jamais dé- trouvait amoindri et le prestige atteint.
autres, Maurice Fréchet (né en 1878) y rétablit la discipline et sut les tenir
mentie, fit de lui un légat en Orient en
et Paul Lévy (1886-1971), création qui en haleine. Pressé par la nécessité, et Comme ses prédécesseurs, Hadrien
marque, autant que la théorie des en- 114 et un gouverneur de Syrie en 117. malgré son désir de paix, l’empereur ne négligea pas les grands travaux,
sembles, à laquelle elle est étroitement Entre-temps, par l’entremise de Plo- fut obligé d’agir militairement contre d’autant qu’il pensait être lui-même
liée, un renouveau des mathématiques. tine, femme de Trajan, il avait épousé les Sarmates, les Brigantes et surtout un excellent architecte. À Rome, il fit
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
élever son propre mausolée (l’actuel ment de l’exégèse coranique dans une attirer fi dans l’un ou l’autre camp, usage nucléaire. Le hafnium sert à faire
château Saint-Ange), la rotonde du madrasa de Chirz ; mais sa renommée dans l’une ou l’autre chapelle, voyons des barres de contrôle dans la marche
Panthéon et le temple de Vénus et de de poète ne tarda pas à être grande en lui un esprit indépendant pour qui des piles atomiques.
Rome aux deux cellae adossées. Son dans cette ville. Durant sa jeunesse et seule compte la poésie : il a su trouver
action s’exerça aussi dans les pro- jusqu’en 1353, Chirz était gouver- un langage susceptible d’être compris Corps simple
vinces et particulièrement à Athènes ; née par un prince ami des poètes, Ab par chacun selon ses dispositions et
C’est un métal de densité 13,07, qui
après avoir fait terminer l’Olympieion, Isq ndj, qui administrait sa ville selon les époques, sans jamais donner
fond à 2 200 °C. Il a des propriétés très
il dota la cité d’un gymnase et d’une plus avec des odes et des madrigaux l’impression d’avoir vieilli. Il est assez
voisines de celles du zirconium.
bibliothèque. Mais son oeuvre la plus que par le fer ou le bâton. À sa chute, frappant que ce poète, l’un des plus
caractéristique fut sa villa de Tibur l’atmosphère de la cité devint pesante, « difficiles » de la littérature persane,
(Tivoli), où l’ensemble des bâtiments et fi ne put jamais s’habituer aux soit aussi le plus populaire. Pour beau- Dérivés
et des jardins reproduisait ce qu’il avait manières fortes de son successeur, le coup, son dwn est « livre sacré », et Les dérivés étant très analogues à leurs
le plus admiré durant ses voyages et prince muaffaride Mubriz al-Dn, c’est avec recueillement qu’il est ou- homologues du zirconium, l’extraction
contenait les plus belles oeuvres d’art. qui, il est vrai, ne régna que cinq ans. vert et lu, ou récité. fi est devenu le du hafnium contenu dans un dérivé du
C’est en 1368 que fi décida de réu- mage, et ses paroles oracles. zirconium commercial se trouve être
L’empereur ne pensa qu’assez tard
nir dans un dwn un certain nombre B. H.
à sa succession ; il l’établit sur les difficile, et les procédés de séparation
de ses poèmes. Ce recueil devint vite sont divers : on peut utiliser à cet effet
bases de l’hérédité. En 136, il adopta
célèbre au-delà des frontières du Frs
L. Ceionius Commodus Verus, sans une séparation chromatographique de
et de l’Iran. Le poète reçut des invita-
doute son fils bâtard ; de santé mé- certains composés tels que des com-
5204
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
toire respectif. À sa mort, en 1249, sa occupe Tunis au mois d’août et y prend rétablit à son profit l’unité afide. Il gement le cadre de son royaume pour
souveraineté s’étend jusqu’au Maroc le pouvoir. doit néanmoins pour la maintenir faire s’étendre à Grenade, à Fès, à Tlem-
septentrional, et la suzeraineté des face à de nombreux adversaires. Non cen, à l’Égypte, aux villes saintes et
Mais le nouveau souverain ne tarde
afides est acceptée par les Wasrides pas à trahir les espoirs de son protec- contentes de lui opposer des préten- même aux États chrétiens. À sa mort,
de Grenade et même par les Marnides, dants, les tribus arabes (Ban Salm et l’Ifrqiya paraît de nouveau au faîte de
teur Pierre III. Au mois de juin 1282,
autre dynastie berbère qui supplante les Dawwida) provoquent l’intervention sa puissance. Son petit-fils al-Muntair,
celui-ci soutient militairement la rébel-
Almohades au Maroc. des ‘Abdalwdides, qui convoitent qui lui succède en 1434, meurt au bout
lion du gouverneur de Constantine,
qui se proclame indépendant vis-à-vis Bougie. Pour sauver la situation, Ab de quatorze mois, et le pouvoir revient
L’essor des afides de Tunis. Ce soutien ne donne pas les Bakr suscite une contre-intervention alors à son frère Ab Amr-‘Uthmn
résultats escomptés, le roi d’Aragon des Marnides sur Tlemcen. Il par- (1435-1488), qui va durant son long
Cette politique favorise le dévelop-
devant débarquer en Sicile pour pro- vient ainsi à rétablir son autorité sur règne confirmer la puissance afide. Il
pement économique de l’Ifrqiya. Les
fiter des difficultés connues alors par son royaume et peut même, vers 1335, parvient, après avoir réduit l’agitation
échanges s’intensifient avec les États
les Angevins et satisfaire ses ambitions reprendre Djerba aux chrétiens. Il res- entretenue par son oncle Ab al-asan
européens. Des traités sont conclus
méditerranéennes. tera néanmoins prisonnier de ses pro- dans le Constantinois, à assurer la
avec la Provence, le Languedoc, les
tecteurs Marnides, dont l’influence sécurité dans l’ensemble de l’Ifrqiya.
républiques italiennes, la Sicile et Maître de la situation, Ab Isq tra-
ne cessera de s’accroître en Ifrqiya. Profondément maître de son royaume,
l’Aragon. La plupart de ces contrées vaille à la consolidation de son régime.
À sa mort, en 1346, le sultan marnide il conclut ou renouvelle des traités de
entretiennent des colonies marchandes Il entretient de bons rapports avec l’Ita-
Ab al-asan, fort de l’appui des tri- commerce avec plusieurs États chré-
dans les ports, et notamment à Tunis. lie et se rapproche des ‘Abdalwdides
bus arabes, entreprend la conquête du tiens et réaffirme l’influence afide
Des consuls européens chargés de pro- en donnant une de ses filles au prince
Maghreb oriental. Après avoir occupé sur tout le Maghreb.
téger les intérêts de leurs nationaux héritier de Tlemcen. Il doit néanmoins
Constantine et Bougie, il entre à Tunis
s’installent dans la capitale afide. s’enfuir à Bougie devant un aventurier,
en septembre 1347, fait exécuter le La fin des afides
L’Ifrqiya connaît aussi au début du Ibn Ab ‘Umra, qui, appuyé par les
calife afide et assure sa domination
XIIIe s. l’immigration de nombreux Arabes, s’empare de tout le Sud tuni- Sa mort, survenue en 1488, marque la
sur tout le Maghreb. Toutefois, très
Andalous et profite de leurs traditions, sien et se proclame calife en 1282. Ab fin de la puissance afide. L’Ifrqiya
vite, les tribus arabes se retournent
notamment en matière artisanale et Isq est même obligé au printemps entre alors dans une période de dé-
contre lui. Battu près de Kairouan le
littéraire. Ainsi, à l’avènement d’Ab 1283 d’abdiquer en faveur de son fils cadence avant de tomber sous les
10 avril 1348, Ab al-asan aban-
‘Abd Allh (1249-1277), fils d’Ab Ab Fris. Mais, la même année, l’un coups des Espagnols, puis des Turcs.
donne l’Ifrqiya pour regagner le
Zakariyy’, le pays paraît au faîte de sa et l’autre sont exécutés par l’usurpa- Ab Zakariyy’ Yay, petit-fils
Maroc (déc. 1349 - janv. 1350). Son
puissance. Ab ‘Abd Allh, qui prend teur Ibn Ab ‘Umra. En 1284, aban- d’‘Uthmn, est très vite usé par les
successeur, Ab ‘Inn envahit de nou-
en 1253 le titre califien d’amr al- donné par les Arabes, cet aventurier est diverses luttes qu’il mène contre ceux
veau le royaume afide. Il exploite
mu’minn et le surnom d’al-Mustanir détrôné au profit d’Ab af ‘Umar, de ses oncles et frères qui lui disputent
les divisions de l’Ifrqiya pour occuper
bi-llh, sous lequel il est connu, main- un frère d’al-Mustanir et d’Ab Isq. le pouvoir. Tué en combattant en 1489,
Bougie (1352), puis Constantine, Bône
tient, malgré quelques difficultés, le
C’est en vain qu’Ab af entre- il laisse le pouvoir à son vainqueur,
et Tunis (1357). Cependant Ab ‘Inn
prestige de la dynastie. Sous son règne,
prend de rétablir l’autorité des afides qui ne tarde pas à être détrôné par Ab
connaît le même sort qu’Ab al-asan.
l’Ifrqiya est attaquée par les croisés,
sur l’ensemble de l’Ifrqiya. Pendant Yay Zakariyy’. Enlevé par la peste
Abandonné par les tribus arabes, il
et ses rapports avec la chrétienté sont
son règne (1284-1295), le royaume en 1494, celui-ci laisse le pouvoir à
pour un temps détériorés. Mais la mort retourne au Maroc, pays qui connaît
est désagrégé sous les coups des chré- son cousin germain Ab ‘Abd Allh
de Saint Louis, chef de la croisade, alors de grosses difficultés, du fait que
tiens, mais surtout des tribus arabes. Mummad. Faible de caractère, « ami
survenue à Carthage le 25 août 1270, les princes chrétiens d’Espagne mani-
Ab af favorise les tribus des Ban des plaisirs », Ab ‘Abd Allh ne peut
facilite la conclusion d’un traité avec festent déjà des visées sur lui.
Salm, auxquelles il doit son succès. Il pas faire face à une situation fort dif-
les chrétiens et l’amélioration des rela-
leur accorde d’innombrables privilèges ficile. Miné par les luttes intérieures,
tions avec les États européens. La restauration de la
sous forme de concessions de terres. désagrégé par la rébellion des tribus
puissance afide
Cette politique de concessions gra- arabes, son royaume devait succomber
La crise de la tuites, ajoutée aux attaques des chré- Au départ d’Ab ‘Inn, l’Ifrqiya est sous les coups des Espagnols avant de
dynastie afide tiens et des nomades, entraîne la déca- partagée entre trois princes afides, tomber sous la domination des Turcs.
Al-Mustanir laisse donc un empire dence économique du pays. Elle attise installés respectivement à Tunis, Bou- Il faut cependant attendre 1574 pour
assez puissant à son fils al-Wthiq, au surplus les rivalités entre les tribus gie et Constantine. Celui de Constan- assister à la disparition définitive des
qui lui succède en 1277. Celui-ci inau- arabes et favorise ainsi la désagrégation tine, Ab al-‘Abbs, parvient, grâce à afides de la scène politique. Après
gure alors une période de troubles et du royaume. Ainsi, Ab Zakariyy’ II l’appui des Dawwida, à s’emparer de avoir régné près de trois siècles et
de scissions qui se prolonge jusqu’en peut, à la faveur de la division des tri- Bougie, Dellys, Bône (1366) et Tunis demi, et connu des périodes d’éclat,
1318. En 1279, deux ans après son avè- bus, créer à Bougie un royaume rival de et à rétablir une fois de plus l’unité cette dynastie berbère s’effondre au
nement, al-Wthiq est détrôné au profit celui de Tunis. Il faut attendre la mort afide. Bon administrateur, diplo- profit des Turcs. Durant cette longue
de son oncle Ab Isq (1279-1283). d’Ab af pour que son successeur, mate habile et usant au besoin de la période, les afides n’ont pas considé-
Déjà rebelle en 1253, Ab Isq réussit Ab ‘Ada (1295-1309), cède, ainsi manière forte, Abl-‘Abbs neutralise rablement enrichi la civilisation arabo-
à grouper autour de lui, après la mort que le sultan de Bougie Ab al-Ba’, les forces centrifuges qui mènent alors musulmane. Ils ont eu néanmoins le
d’al-Mustanir, tous les mécontents à la pression des cheikhs almohades et l’Ifrqiya. À sa mort, survenue en 1394, mérite de la maintenir dans des condi-
d’Ifrqiya. Il jouit aussi de la com- accepte que le royaume entier revienne il laisse un royaume assez puissant qui tions très difficiles. Ils lèguent aussi à
plicité des Narides de Grenade, des au dernier survivant. Le sort favorise ne tarde pas à établir sa suzeraineté sur l’humanité une pensée originale, grâce
‘Abdalwdides de Tlemcen et surtout Ab al-Ba’, qui reconstitue pour un les autres États du Maghreb. Son fils à un historien de génie : Ibn Khaldn*
de l’appui militaire du roi d’Aragon temps l’unité afide (1309-1311). Ab Fris (1394-1434), réputé pour (1332-1406).
Pierre III (1276-1285), désireux d’in- Mais il est très vite supplanté par Ibn sa bravoure et sa piété, continue son M. A.
féoder l’État afide pour satisfaire al-Liyn (1311-1317), sous le règne oeuvre, réduit les quelques principau- F Tunisie.
ses ambitions méditerranéennes et ses duquel Ab Yay Ab Bakr, arrière- tés quasi indépendantes et s’empare
C. A. Julien, Histoire de l’Afrique du Nord
visées sur la Sicile angevine. Maître petit-fils d’Ab Zakariyy’, s’empare d’Alger (1410 ou 1411). Il acquiert (Payot, 1931 ; 4e éd. revue par C. Courtois et
de Bougie en avril 1279, Ab Isq de Bougie. Ab Bakr (1318-1346) un immense prestige qui dépasse lar- R. Le Tourneau, 1969 ; 2 vol.). / R. Brunschwig,
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pelle et de Loos, mais la déception cau- (Londres, 1930 ; trad. fr. le Maréchal Haig,
thèse de chimie organique à l’univer- C’est ainsi que, les premiers, ils for-
Payot, 1930). / B. H. Liddell Hart, Réputations
sée à Londres par leur échec entraîne
sité de Magdeburg, où il reste assistant mulent en 1939 la théorie de la fission (Payot, 1931). / A. D. Cooper, Haig (Londres,
la mise à l’écart de French et, le 19 dé-
pendant deux ans. On lui fait des pro- nucléaire. Aussi Hahn recevra-t-il, en 1935). / J. Terraine, Douglas Haig, the Educated
cembre 1915, son remplacement par Soldier (Londres, 1963 ; trad. fr. Douglas Haig,
positions intéressantes pour qu’il entre 1945, le prix Nobel de chimie pour
Haig à la tête des forces britanniques soldat de métier, Presses de la Cité, 1964).
dans l’industrie chimique, à condition 1944.
en France. Pour la première fois, l’An-
qu’il perfectionne sa connaissance de Après la Seconde Guerre mondiale,
gleterre va adopter la conscription ;
la langue anglaise. Aussi part-il pour Hahn se consacre à la reconstruction de
après les soldats de métier de French
Londres, où il va travailler auprès de la Kaiser Wilhelm Gesellschaft à Göt-
sir William Ramsay. Celui-ci lui don-
puis les volontaires de Kitchener, ce Hailé Sélassié Ier
tingen, devenue la Max Planck Gesell-
sont des contingents de « mobilisés »
nant un travail sur le radium, Hahn schaft, et, à la mort de Planck en 1947,
que Haig conduira désormais à la ba- (dans la province de Harar 1892), em-
s’initie à la physique nucléaire, et cette il en est nommé directeur.
taille. En 1916, c’est le demi-succès de pereur d’Éthiopie depuis 1930.
dernière va désormais occuper toute R. T.
la Somme, où il a la faiblesse d’enga-
son activité. C’est ainsi qu’en 1905 L’empereur Hailé Sélassié (« Force
ger inutilement les premiers chars
il découvre, parmi les impuretés du de la Trinité ») est né dans le Harar,
(v. blindé). En 1917, c’est la longue
radium, un isotope radio-actif du tho- dont son père, ras Makonnen (1854-
série des attaques des Flandres (celle
rium. Cette même année, il part pour 1906), était le gouverneur. Celui-ci,
Hahnemann que les Anglais appellent la campagne
un an de séjour à Montréal, où Ruther- petit-fils du roi du Choa Sahlé Sélassié,
ford* l’accueille dans son laboratoire. (Christian de Passchendaele), puis la bataille de
brillant chef de guerre autant que fin di-
chars de Cambrai ; durant ces longs
Il y étudie les déviations magnétiques plomate, était l’homme de confiance de
Friedrich Samuel) mois, Haig prend sportivement à son
des particules alpha, tout en poursui- son cousin Ménélik II (1844-1913). Le
compte l’agressivité sur le front occi-
vant des recherches chimiques qui futur empereur, qui ne s’appelait en-
F HOMÉOPATHIE. dental et facilite la tâche de Pétain
l’amènent à identifier un autre radio- core que Tafari Makonnen, commença
pour « guérir » l’armée française un
élément, isotope de l’actinium. son éducation sous la direction de son
moment défaillante. Rendu respon-
De retour en 1906 en Allemagne, père, puis fut confié aux missionnaires
sable par Lloyd George des lourdes
français de Harar pour apprendre le
Otto Hahn va travailler à Berlin au-
Haig (Douglas pertes des Flandres, Haig aurait sans
français.
près du chimiste Emil Fischer (1852- doute perdu sa place sans le constant
1919) ; il réussit encore à isoler deux Haig, 1er comte) appui du chef d’état-major impérial sir Dès l’âge de quatorze ans, ras
radio-isotopes, les mésothoriums 1 et William Robert Robertson et celui du Makonnen lui a confié le commande-
2, dont il avait deux ans plus tôt prévu Maréchal britannique (Édimbourg roi George V, qui, le 2 janvier 1918, ment d’un district de sa province. Re-
l’existence pour expliquer la formation 1861 - Londres 1928). lui remet son bâton de maréchal. La venu à la Cour à la mort du ras (1906),
du radiothorium. gravité de la situation interdit toute il y poursuit sa formation. En 1909, il
Représentant imperturbable des ver-
mutation ; en outre, Haig et Pétain obtient le gouvernement de la province
En 1907, la physicienne autrichienne tus britanniques (Liddell Hart l’appelle
Lise Meitner (1878-1968) vient de s’entendent à merveille et préparent du Sidamo, où il fait preuve de remar-
« la quintessence de la Grande-Bre-
leur mutuel soutien. Toutefois, le quables qualités d’administrateur qu’il
Vienne à Berlin pour se perfectionner tagne »), Douglas Haig était issu d’une
auprès de Max Planck*. Comme les coup porté par Ludendorff le 21 mars confirmera un an plus tard lorsqu’il
très ancienne famille des Lowlands.
en Picardie sur la Ve armée anglaise prendra la charge du Harar (1910).
problèmes de radio-activité lui sont Sorti en 1885 premier de Sandhurst
déjà familiers, elle fait naturellement dans la cavalerie, il se fait remarquer exigera des mesures d’une tout autre Son heure vient en 1916 avec la crise
la connaissance de Hahn, et une colla- par son goût de l’instruction comme ampleur et d’abord le commandement dynastique déclenchée par la conver-
boration de trente ans va s’établir entre par sa virtuosité au polo. Il découvre unique de Foch*, que Haig réclamera sion à l’islm du prince héritier Lidj
eux, qui cessera seulement lorsqu’elle à trente-sept ans la réalité de la guerre, lui-même à son gouvernement. Sous Iyassou : le 2 septembre 1916, les
sera contrainte, en 1938, de fuir à Stoc- d’abord au Soudan (1898), puis contre la direction du généralissime allié, il grands de l’empire proclament impé-
kholm auprès de Siegbahn pour échap- les Boers, où, de 1899 à 1902, il est chef mènera avec intelligence et résolution ratrice Zaouditou, fille de Ménélik, et
per aux persécutions nazies. Parmi d’état-major de la division de cavalerie les grandes offensives qui, à partir du désignent comme régent et héritier du
8 août, conduiront les armées britan-
leurs travaux communs, on peut citer commandée par French. Nommé à son trône ras Tafari Makonnen. Dès lors, sa
la découverte, en 1918, d’un élément retour aide de camp d’Édouard VII, il niques à la victoire. biographie se confond avec l’histoire
nouveau, le protactinium, la mise en conservera d’étroites relations avec le Chargé après la guerre de la recon- de l’Éthiopie*. Il s’efforce de réorgani-
évidence du recul des noyaux émet- roi, comme avec son fils George V, et version de l’armée, il se consacrera en ser le pays, construit des écoles et des
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hôpitaux, envoie de jeunes Éthiopiens recouvert de craie marneuse, c’est les Baudoins inquiètent les Capétiens des villes (Valenciennes, Mons), que
en Europe pour y faire leurs études et l’Avesnois, puis cette craie plonge par leur puissance. des « parlements », bientôt qualifiés
devenir les futurs cadres de la nation. sous la craie blanche du Cambrésis ; un L’avènement successif des deux d’états, défendent à partir du milieu du
Lui-même saisit toutes les occasions dernier plongement du socle, et c’est le filles de Baudouin VI, Jeanne (1188-
XIVe s.
pour se rendre à l’étranger, inaugurant synclinal houiller du Valenciennois qui 1244, comtesse de 1205 à 1244) et
ainsi une politique de diplomatie active se prolonge, en Belgique, par celui de Marguerite de Flandre (1202-1280, Le Hainaut depuis la perte de
qu’il n’a cessé de mener jusqu’à ce Mons-Borinage. À l’est, le socle des- comtesse de 1244 à 1280), permet l’indépendance (XVe-XXes.)
jour. cend plus vite et c’est, tout de suite, le aux rois de France d’affaiblir la triple Par le traité de Delft du 3 juillet 1428,
En 1928, il est proclamé roi (négus) synclinal houiller du Centre-Charleroi, dynastie comtale. Le double mariage Jacqueline de Bavière (1401-1436),
et couronné le 7 octobre 1928. Après début du sillon Sambre-Meuse. de Marguerite avec le comte Bou- petite-fille d’Albert de Bavière, cède
avoir réprimé diverses tentatives de A. G. chard d’Avesnes en 1212 et le comte ses États à son cousin le duc de Bour-
soulèvement contre son autorité, à Guillaume II de Dampierre en 1225, gogne, Philippe le Bon, qui prend en
la mort de Zaouditou, il est reconnu la guerre civile qui s’ensuit entre les 1433 le titre de comte de Hainaut.
L’histoire
comme empereur (negusa nagast = roi enfants des deux lits la disloquent. Partie intégrante des États des Valois-
des rois) le 3 avril 1930. Couronné le Peuplé de Nervii (Nerviens), l’actuel Arbitrant le conflit, Louis IX accorde Bourgogne, puis des Habsbourg, qui
2 novembre 1930, il adopte le nom Hainaut est incorporé par les Romains en 1246 la Flandre aux Dampierre et l’incorporent définitivement en 1529
d’Hailé Sélassié Ier. Jusqu’à l’invasion dans la province de Belgique seconde. le Hainaut aux d’Avesnes. Dépossédé aux Pays-Bas espagnols, le Hainaut
italienne (en oct. 1935), il s’efforce Il est attribué (peut-être) à Louis le en 1253 par Marguerite de Flandre méridional seul est restitué à la France
de développer le pays et le dote d’une Germanique en 837, puis à Charles le au profit de Charles d’Anjou, Jean Ier par les traités des Pyrénées de 1659
Constitution en 1931. Chauve en 839 et enfin à l’empereur d’Avesnes (1218-1257) se voit resti- (Le Quesnoy, Landrecies), d’Aix-la-
Lothaire Ier en 843 ; il est dès lors un tuer son comté par Louis IX, qui rend Chapelle de 1668 (Binche, Charleroi)
La défaite l’oblige à s’exiler (1936).
comté d’Empire à la seule exception de le « dit » de Péronne en 1256. Cet arbi- et de Nimègue de 1678 (Bouchain,
Revenu en vainqueur dans sa capitale
trage, qui est prononcé sous réserve des Valenciennes). Le Hainaut français est
en 1941, Hailé Sélassié se consacre l’Ostrevent (Bouchain, Valenciennes),
droits de l’empereur, détache en fait de érigé en 1678 en intendance de Valen-
depuis sans relâche à la reconstruc- qui appartient toujours au royaume de
l’Empire le Hainaut. Déjà contraint de ciennes, et rattaché en 1713 au parle-
tion et à la modernisation de l’empire. Charles le Chauve.
jurer de respecter les lois et les cou- ment de Douai. Autrichien en 1714, an-
Doyen des chefs d’État africains, il
tumes des villes hennuyères pour s’as- nexé par la France, qui le constitue en
joue un rôle important comme leader Le problème de l’union
surer de leur fidélité, Jean II d’Avesnes département de Jemmappes en 1795, le
de l’Afrique nouvelle ; il a réussi à personnelle avec la Flandre (XIe-
(comte de 1257 à 1304) doit alors re- Hainaut septentrional devient une pro-
faire de sa capitale Addis-Abeba* un XIIIe s.)
connaître la suzeraineté de Philippe IV vince néerlandaise en 1814, puis belge
important centre de rencontres interna- Donné par Lothaire Ier à son gendre le Bel sur l’Ostrevent. en 1830.
tional et panafricain. Gilbert († 846), incorporé au duché de P. T.
G. M.
la Basse-Lorraine (constitué en 959), Le problème de l’union
F Empire colonial italien / Éthiopie / Italo-éthio-
le comté de Hainaut revient en 1029 personnelle avec la Hollande
piennes (guerres). La population et
à la descendante de ses fondateurs : (XIVe-XVe s.)
C. Sanford, The Lion of Judah Hath Prevai- l’économie
Richilde. Celle-ci épouse en 1055 le Mais, à l’heure où sa principauté
led (Londres, 1955). / C. Clapham, Haile Selas-
futur comte de Flandre, Baudouin VI La population est nombreuse, près de
sie’s Government (Londres, 1969). semble s’intégrer au royaume de
de Mons (1030-1070) qui devient Bau- deux millions de personnes, soit une
France, l’héritage du comté de Hol-
douin de Hainaut. Purement person- densité moyenne (extrémité sud-est
Ier lande, qui échoit à Jean II en 1300,
nelle, la première union de ces deux exclue) de 350 habitants au kilomètre
oriente de nouveau le Hainaut vers
carré. Cette population est de langue
Hainaut principautés est rompue par son béné- l’Empire, aux destinées duquel l’asso-
française, fortement urbanisée et sur-
ficiaire, qui lègue le Hainaut à son fils cient encore plus étroitement l’acqui-
tout concentrée dans une bande cen-
Région qui s’étend sur l’est du dépar- cadet Baudouin II (1056-1098, comte sition en 1323 du comté de Zélande
trale allant de Valenciennes à Charle-
tement français du Nord et dans le sud de 1070 à 1098). Elle ne se reconsti- par Guillaume Ier (1280-1337, comte
roi, avec une digitation le long de la
de la Belgique (où elle donne son nom tue qu’un siècle plus tard, quand Bau- de 1304 à 1337) et surtout le mariage
Sambre.
à une province dont le chef-lieu est douin V de Hainaut (1150-1195, comte avec l’empereur Louis IV de Bavière
Mons). de la petite-fille de Jean II, Marguerite, Le Hainaut est une riche région
de 1171 à 1195) devient Baudouin VIII
en 1324. À la mort sans postérité de agricole, aux structures et aux pay-
Malgré les variations de ses limites et de Flandre en 1191 à la mort de son
son frère Guillaume II (1307-1345, sages variés. Le sud-est est essentiel-
sa division actuelle entre la France et la beau-frère Philippe d’Alsace. Cet en-
comte de 1337 à 1345), Marguerite lement herbager (plus de 90 p. 100
Belgique, le Hainaut possède des élé- semble territorial, qui s’est accru du
accepte de tenir en fief de son époux de prairies permanentes) et bocager,
ments d’unité, ne serait-ce d’ailleurs comté de Namur au XIIe s., juxtapose de
Hainaut, Hollande et Zélande jusqu’à consacré à l’élevage des bovins, sur-
que dans la conscience populaire. part et d’autre de la frontière franco-
ce que son fils Guillaume III lui soit tout pour le lait. L’habitat est groupé,
germanique trois pays d’économie
donné comme successeur. Son refus mais les villages s’étirent le long des
Le milieu naturel complémentaire : le Hainaut céréalier,
d’accepter cette solution déclenche une routes. À l’extrême sud-est, sur l’Ar-
en voie d’urbanisation et d’industria-
Les altitudes s’abaissent du sud-est guerre civile particulièrement vive en denne au sens strict, les massifs fores-
(Ardennes) vers le nord-ouest. Au sud- lisation ; le Namurois, en partie fores-
Hollande* entre la mère et le fils. La tiers tiennent une grande place. Au
est se situe la terminaison de l’Ardenne tier, et la Flandre industrielle (drape- mort de Marguerite en 1356, la folie sud-ouest, le bocage fait place, très
prolongeant surtout le Condroz : hau- rie). Illustrés par la dignité impériale vite, à des champs ouverts, et l’herbe
de Guillaume III en 1358, la régence
teurs ou buttes de grès ou de calcaires, octroyée par les croisés de Constanti- (1358-1389), puis le règne de son frère à des cultures de blé et de betterave à
vers 200 m, au-dessus de creux schis- nople à Baudouin VI de Hainaut (1171- cadet Albert de Bavière (1336-1404, sucre — l’élevage se fait à l’étable —,
teux, avec un socle souvent recouvert 1205, comte de 1195 à 1205, empereur comte de 1389 à 1404) consolident la et les maisons se groupent en gros vil-
de sables, de craie ou de limons. Au de Constantinople de 1204 à 1205), bé- nouvelle principauté. Les habitants du lages : c’est le paysage du Cambrésis.
nord-ouest de l’Ardenne s’étire un néficiant de l’alliance anglaise pour des Hainaut prennent conscience de leur Vers le nord, l’évolution est plus lente ;
synclinal houiller. À l’ouest, le socle raisons économiques, de la protection originalité, qui s’affirme par les cou- c’est une agriculture mixte où la super-
descend lentement ; il est, d’abord, impériale pour des raisons vassaliques, tumes du pays et par les franchises ficie consacrée à l’élevage n’occupe
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moins marqué que dans les fossés et Quint permit l’importation d’esclaves commercial qui les mettait à la merci fondé par Dessalines (Jacques Ier de
les plaines abrités, où les hauteurs africains, pour sauver les Indiens de la de la bourgeoisie bordelaise et nan- 1804 à 1806), dictature militaire et po-
d’eau descendent souvent au-dessous destruction. taise (en 1789, ils étaient endettés de puliste, est insupportable aux mulâtres,
de 1 000 mm. La vallée de l’Artibonite, façon considérable), se précipitèrent et l’île se divise entre un Nord dirigé
La colonie espagnole, fondée par
la région déprimée de l’étang Saumâtre dans la Révolution de 1789, arborant la par l’empereur Henri Ier (Henri Chris-
Colomb dans le sud-est de l’île, végéta
ont un climat sec. La plaine autour de cocarde rouge et formant la garde na- tophe) de 1811 à 1820, et un Sud di-
jusqu’au XVIIIe s., tandis que l’ouest de
Port-au-Prince, avec 1 200 mm d’eau tionale. Les mulâtres, pour se défendre rigé par le président Alexandre Pétion
Saint-Domingue passait sous la domi-
par an, est moins sèche, ainsi que celle contre les petits Blancs et les révolu- (1770-1818), de 1807 à 1818, qui aide
nation française. À l’origine de cette
de Léogane ; toutes deux bénéficient tionnaires, soutinrent l’administration Bolívar en 1815-16, à un moment où le
partition, il y a l’étonnante et turbu-
des condensations qui se produisent au royale. La révolution à Saint-Do-
lente fraternité des boucaniers et des Libertador est dans une passe difficile.
contact de la montagne de la Selle. mingue fut à la fois la lutte des petits L’île est entièrement unifiée (le Nord
pirates, les célèbres frères de la côte
Les pluies connaissent des variations Blancs contre les mulâtres, l’alliance
qui, depuis leur île de la Tortue, met- et le Sud haïtiens en 1820 et l’Orient
des mulâtres et des aristocrates, la ré-
interannuelles considérables qui ag- taient au pillage les Caraïbes. espagnol [Santo Domingo] en 1822)
gravent certaines années les conditions volte des créoles contre la France, et, par Jean-Pierre Boyer (1776-1850),
En 1697, le traité de Ryswick, passé
moyennes qui règnent dans les régions au terme de cette lutte de factions, de
entre la France et l’Espagne, recon- successeur de Pétion de 1818 à 1843.
ces révolutions en chaîne qui s’accélé-
les moins arrosées. Sur les reliefs eux-
naissait à la première la possession de Cette dernière période (jusqu’à la sé-
mêmes, la nature fréquemment calcaire rèrent de 1789 à 1791, il y eut le sou-
la partie occidentale de l’île. Les frères paration en 1844 de l’île en deux États
des roches ainsi que la vigueur des lèvement des esclaves et une guerre
de la côte avaient déjà commencé à distincts), faste en politique extérieure
inexpiable de quinze ans qui détruisit
pentes, entraînant la disparition rapide
cultiver le cacao, l’indigo, le coton et puisqu’en 1825 la France reconnaît
des eaux en surface, peuvent provoquer ce qui avait été le « jardin des Indes
la canne à sucre et avaient introduit le l’indépendance haïtienne, ne voit se ré-
une véritable sécheresse des sols, défa- occidentales ».
travail servile, en razziant la Jamaïque soudre aucun des problèmes internes et
vorable à la végétation. Les régions les Lutte des esclaves contre les maîtres,
et en y raflant des milliers d’esclaves débouche en 1842-1846 sur la révolu-
mieux douées pour l’agriculture, par le lutte des races, lutte des classes, la
noirs. Au XVIIIe s., la Saint-Domingue tion libérale, radicalisée en révolution
relief, connaissent souvent des condi- guerre se complique de l’interven-
française connaissait un prodigieux rurale, impitoyablement écrasée : c’est
tions climatiques sévères. Des travaux tion étrangère, anglaise et espagnole.
essor grâce à la fertilité de la terre et à la grande jacquerie dite « des piquets ».
d’hydraulique agricole deviennent in- Elle est menée par d’anciens esclaves,
l’importance du marché métropolitain.
dispensables. Faute de capitaux et des Toussaint dit l’Ouverture ou Louver- y 1847-1859 : Faustin Soulouque
Le manque de main-d’oeuvre accélé-
moyens techniques nécessaires, l’agri- ture (1743-1803), ancien régisseur, (1782-1867), troisième et dernier
rait la traite des Noirs, dans le cadre
culture n’a eu d’autre ressource que de homme instruit qui a lu l’abbé Mably, souverain d’Haïti (président de la
du fameux commerce triangulaire
s’installer sur les pentes humides, avec Jean-Jacques Dessalines (av. 1758- République en 1847, empereur [Faus-
(France-Afrique-Antilles-France) qui
tous les inconvénients que cela pré- 1806), Henri Christophe (1767-1820). tin Ier] en 1849), le plus sanglant et
fit la prospérité des ports atlantiques
sente. Il faut enfin signaler qu’Haïti est La lutte pour la libération des esclaves le plus paradoxal des dirigeants du
français. En plus des Noirs, les colons
durement frappé par les cyclones. est poussée aux derniers degrés de la XIXe s., instaure le vaudou d’État pour
firent travailler les Blancs, les « enga-
violence à cause de l’acharnement des résoudre les problèmes internes, et,
y À l’état naturel, Haïti était recou- gés », qui pouvaient se libérer au terme
vert de forêts. Le pays a été entière- colons à ne rien céder et du va-et-vient s’il ne réussit pas à reconquérir Saint-
d’un contrat de plusieurs années pas-
des métis entre les créoles et les Noirs. Domingue, définitivement perdu en
ment déboisé pour l’agriculture et sées sur les plantations de sucre et de
La division entre propriétaires fonciers 1844, il parvient à sauver la souve-
pour le charbonnage. Le déboisement café.
des montagnes, provoquant l’accélé- (mulâtres) et travailleurs (Noirs) ne raineté haïtienne menacée. Ancien
Les dernières années du XVIIIe s. facilite pas les choses. L’indépendance
ration de l’érosion et la disparition esclave, illettré, il est porté au pouvoir
furent celles d’une folle prospérité ; est payée fort cher et rendue inévitable
des sols, a pris l’allure d’une véritable par les mulâtres, qui le méprisent et le
entre 1783 et 1789, la production de par le rétablissement de l’esclavage par
catastrophe nationale. sous-estiment, et adopte une politique
sucre et de café doublait ; en 1786, on Bonaparte, alors qu’il a été aboli par la
J.-C. G. anti-mulâtre. D’une certaine manière,
importait 27 000 esclaves et, en 1787, Convention. Toussaint, qui a réussi à
c’est la revanche des « piquets »,
plus de 40 000. En 1789, plus des deux libérer les esclaves et à ruiner les ten-
L’histoire tiers des 500 000 esclaves étaient nés
même si Soulouque est moins radi-
tatives anglo-espagnoles de conquête,
cal que ses partisans et doit écraser en
Les débuts en Afrique. La situation des esclaves tombe victime de la trahison de Napo-
1851 la révolte populaire du « Prince
est bien connue, ainsi que la non-appli- léon en 1802 et mourra en captivité
Haïti, c’était le nom indien de la grande Bobo », qui proclame que « la pro-
cation des Codes noirs, institués par le en France. Ses généraux, Dessalines
île vers laquelle cingla Christophe Co- priété de la terre doit être à ceux qui
roi pour les protéger de la brutalité de et Christophe, mènent alors un com-
lomb après avoir touché pour la pre- la travaillent ».
leurs maîtres. À la veille de la Révo- bat acharné contre le corps expédi-
mière fois terre. Rebaptisée Hispaniola
lution, l’affaire du planteur Le Jeune, tionnaire, commandé par le général y En janvier 1859, Soulouque est
par les Espagnols, la grande île leur ser-
meurtrier de plusieurs de ses esclaves, Leclerc, exterminant les Blancs et ra- renversé par Nicolas Fabre Geffrard
vit de base pour la conquête du conti-
jetait une lumière crue sur la condition vageant villes et plantations. En 1804, (1806-1879), mulâtre foncé qui res-
nent et elle fut la première terre amé-
servile. ce qui reste de l’expédition française taure la république. Le concordat de
ricaine à souffrir du choc biologique,
abandonne la partie ; Haïti est libérée. 1860 avec Rome, la reconnaissance
social et économique entre les deux
1789-1804. Les Jacobins noirs américaine de 1862, le nouveau Code
mondes, le pot de terre contre le pot de
fer, selon la fable d’Ésope reprise par Société de castes, puisque l’on trou- Du départ des Français à rural consolident le système tradition-
un ecclésiastique espagnol. En vingt vait, au-dessus de la masse des es- l’intervention américaine : nel, tandis que le pouvoir doit faire
ans, la population tombait d’un million claves noirs, le petit groupe des affran- un siècle troublé face à l’armée espagnole et à la rébel-
(estimation basse) à 60 000 habitants. chis, celui des mulâtres, puis les petits L’indépendance arrachée, Haïti doit se lion du Nord, traditionnellement noir
Les microbes venus d’Europe, la dé- Blancs et enfin l’aristocratie créole, ruiner pour se mettre en état de défense et antimulâtre. Après deux années de
sorganisation du système indigène, le la société de Saint-Domingue éclata contre la menace française. Enfin, on lutte, Geffrard se retire (mars 1867)
travail forcé étaient responsables de sous le choc de la Révolution fran- lui promet la paix, à condition de la et abandonne la présidence au leader
l’hécatombe qui provoquait chez Las çaise. Les premiers à bouger furent les payer fort cher : le prix des esclaves du Nord, Sylvain Salnave (v. 1827-
Casas* la prise de conscience que l’on 40 000 Blancs et les 30 000 mulâtres : libérés, dont il faut indemniser les pro- 1870). Cela ne met pas fin à la guerre
sait. C’est à sa suggestion que Charles les planteurs, mécontents du système priétaires. Le premier empire haïtien, civile, nouvel avatar « dessalinien » et
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« piquettiste », qui se termine en 1870 les douanes, les forces de l’ordre, la nue à détenir les tristes records de la résoudre aucun des grands problèmes
par l’écrasement des masses rurales. santé, les travaux publics et l’agricul- misère en Amérique. L’armée fait et de son peuple.
y 1870-1910 : c’est l’âge d’or du ture. Ils mettent trois ans (1915-1918) défait les présidents Sténio Vincent, J. M.
système traditionnel, marqué par la à réduire l’insurrection paysanne des Elie Lescot, Dumarsais Estimé et Paul
domination des mulâtres et la pré- « Cacos » de Charlemagne Pérault Magloire. Choisi aussi par l’armée, La mise en valeur
pondérance française, culturelle, et de Benoît Batraville, dans le nord François Duvalier (1909-1971) réus-
Tout au long du XVIIIe s., la colonie fran-
technique, commerciale et financière. du pays. Pour cela, il leur faut tuer sit à fausser compagnie à ses parrains
çaise prend un essor considérable et de-
La France absorbe les deux tiers des 15 000 rebelles et installer des camps militaires et mulâtres pour se faire élire
vient l’une des plus prospères d’Amé-
exportations haïtiennes, et le marché de concentration. À ce prix, l’ordre est président en 1957 (président à vie en
assuré, et le pays connaît une véritable rique. Ce développement économique
financier de Paris est le seul créancier 1964) et rester maître absolu d’Haïti
se fait grâce à l’afflux d’une nombreuse
d’Haïti. Selon un mot de l’époque, amélioration sanitaire, scolaire et éco-
jusqu’à sa mort : son fils Jean-Claude
nomique. Cela se fait en établissant des population. En 1789, il y aurait eu
« la France, c’est la caisse ». Duvalier (né en 1951) lui succédera
plantations modernes avec des capi- 571 700 habitants, dont 35 440 Blancs,
alors. Réincarnation de Dessalines et
taux américains. Au bout du compte, 26 666 gens de couleur et Noirs libres,
L’hégémonie américaine
de Soulouque, souverain sans le titre,
le paysan y perd sa terre et sa dignité et 509 642 esclaves. La société est
Cuba et Porto Rico sont tombés en « Papa Doc » met au pas son armée en
d’homme libre, protégée jusque-là par strictement hiérarchisée. Parmi les es-
1898, Panamá en 1903 ; ce sera bien- organisant la milice des « tontons ma-
le désordre politique et le chaos admi- claves, les peuples de la côte du Bénin,
tôt le tour de la république Domini- coutes », Noirs recrutés à la campagne,
nistratif (l’absence de cadastre notam- les Dahoméens en particulier, sont très
caine. « C’est aux États-Unis que doit et se gagne la sympathie des ruraux nombreux, et, sous leur influence, le
ment). Avec le cadastre mis au point
revenir l’influence dominante dans les
par son exaltation de la négritude et la culte et les sociétés secrètes vaudou
par les Américains, le paysan libre de-
Caraïbes », écrit Elihu Root, parce que
persécution des mulâtres. L’heure de se développent. Le patois créole sert
vient un squatter sans titre, qui n’a plus
« nous devons contrôler la route vers le
qu’à s’embaucher sur les plantations. la revanche noire semble avoir sonné. d’idiome commun. Cette société porte
canal de Panamá ». Entre 1909 et 1911,
Ne verra-t-on pas le président Duva- en elle les germes de sa destruction. Le
les États-Unis réussissent leur implan-
L’étape contemporaine : lier relancer le culte vaudou et obtenir déséquilibre numérique entre Blancs et
tation économique et financière en
depuis 1934 de Rome la création d’un haut clergé esclaves est énorme. Le Cap-Français,
Haïti au détriment de la France, alliée
noir ? Ne le verra-t-on pas tenir tête à avec 15 000 habitants, est alors l’une
pour l’occasion à l’Allemagne. L’éta- En 1934, conséquence de la politique
l’administration Kennedy et triompher des villes les plus riches d’Amérique :
blissement de cette prépondérance de « bon voisinage » de Roosevelt, se
de toutes les tentatives faites pour le Port-au-Prince, avec 6 000 habitants,
américaine a-t-il été la cause de l’inter- termine le retrait graduel des « ma-
renverser ? Rien n’est jamais simple est le chef-lieu du Sud.
vention militaire et de l’ingérence poli- rines », et la vie politique haïtienne
tique ? On ne peut nier que les intérêts reprend son cours. L’intervention n’a en Haïti, et il serait bien osé de tourner De 1789 à 1804, la société esclava-
privés des Américains, mécontents de pu mettre fin aux vieilles pratiques — en ridicule le « président à vie ». Les giste est détruite par les troubles révo-
l’anarchie qui s’installe entre 1910 et régimes autoritaires, coups d’État mili- historiens d’aujourd’hui ne présentent lutionnaires. Au moment de l’indépen-
1915, aient poussé à l’intervention. taires, crises révolutionnaires (1946 et plus le « roi Christophe » comme un dance, en 1804, le pays est ruiné. Les
De 1911 à 1915, six présidents 1957) —, et aujourd’hui Haïti conti- bouffon... Il reste que Duvalier n’a pu Blancs ont été presque éliminés, et la
L’occupation américaine
Sous la pression, un traité répondant
aux voeux américains est signé. Une
nouvelle Constitution, rédigée par
Franklin D. Roosevelt, permet aux
étrangers d’acquérir des terres et ratifie
les actes de l’occupant militaire. Les
« marines » organisent un plébiscite et
dissolvent le Congrès, qui protestait.
Les Américains contrôlent les finances,
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
population est tombée à 425 000 ha- est rurale à plus de 80 p. 100. Port-au- production et vend le surplus au mar- moins liées au tourisme ou aux loisirs,
bitants. Une vive hostilité oppose les Prince, la capitale, se développe très ché voisin. Les rendements sont très destinées à l’exportation. L’artisanat
Noirs et les mulâtres (qui ont souvent vite à cause de l’exode rural et doit faibles. local reste très archaïque. Le tourisme,
hérité de leurs pères blancs et forment dépasser 500 000 habitants avec ses Bien souvent alors, le régime ali- qui a connu des débuts encourageants
la nouvelle aristocratie du pays, ins- banlieues. Faute de moyens financiers, vers 1955, ne peut se développer dans
mentaire est insuffisant, et, quand les
truite et maîtresse de l’économie) et cette belle ville s’est progressivement des conditions politiques et avec un
conditions climatiques sont défavo-
sera l’une des causes de l’instabilité délabrée. C’est la seule grande ville. Le environnement défavorables. Les équi-
rables, les paysans peuvent être mena-
politique qui va désormais régner. Cap-Haïtien (25 000 hab.) n’est qu’une pements collectifs sont dérisoires, les
cés par la famine. À côté des petites
Au moment des troubles de la Révo- cité déchue, et les autres aggloméra- routes délabrées. Bien des campagnes
exploitations paysannes existent un
lution, de nombreux esclaves libérés tions ne sont que de grosses bourgades habitées ne sont accessibles qu’à che-
certain nombre de grandes plantations,
émigrent vers les collines et les mon- commerciales et administratives. val ou à pied. On ne compte qu’une
en général dans les plaines. On compte
tagnes, où ils défrichent, sans avoir voiture de tourisme pour 700 habitants.
La répartition de la population ru- environ 1 000 propriétés de plus de
aucun titre de propriété, un petit lopin rale est liée aux facteurs naturels et à La valeur du commerce extérieur ne
120 ha, appartenant à l’aristocratie lo-
de terre. Ce mouvement de coloni- l’histoire. La population est très dense dépasse pas 80 millions de dollars. Les
cale. Partagées entre des métayers, elles
sation des reliefs se poursuivra tout capitaux et l’aide étrangère font défaut.
sur les pentes humides ou aménagées. sont en général mal exploitées et peu
au long des XIXe et XXe s. avec l’aug- Le niveau de vie est certainement l’un
Dans les régions de l’Est, du plateau productives. Il existe aussi quelques
mentation de la population. Dans les des plus bas d’Amérique latine. La
central, de la frontière, les densités sont grandes plantations étrangères. La
plaines, une bonne partie des anciennes population n’a même plus la ressource
moins élevées. Elles sont très faibles Haitian American Sugar Company
« habitations » est partagée par les pré- d’émigrer : la république Dominicaine
dans les régions sèches et dans les exploite un vaste domaine autour de
sidents successifs entre les militaires plaines abandonnées ; 50 p. 100 de la a fermé sa frontière depuis longtemps,
Port-au-Prince et peut produire jusqu’à
ou des personnes appartenant à leur et Cuba ne reçoit plus d’ouvriers agri-
population rurale se concentrent sur 70 000 t de sucre. D’autres compagnies
clientèle. La population s’accroît de 17 p. 100 du territoire. coles haïtiens depuis 1958. Seule l’élite
cultivent le sisal.
1 million d’habitants au XIXe s. et at- cultivée, pourvue de diplômes, émigré,
Du point de vue ethnique et cultu- Dans ce pays au relief ingrat et au
teint 1 450 000 habitants en 1905. La ce qui n’est pas l’un des moindres para-
rel, la population comprend 95 p. 100 climat capricieux, les aménagements
croissance démographique et le partage doxes de ce pays qui manque de cadres,
de Noirs et 5 p. 100 de mulâtres restent disparates et limités, faute de
successoral des terres amenuisent pro- alors que la masse du peuple est dans
(2 000 Blancs). Bien que la religion capitaux. Le barrage de Peligre, qui
gressivement les exploitations. la misère.
officielle soit le catholicisme, le culte permet d’irriguer 30 000 ha dans la
J.-C. G.
Le pays se replie sur lui-même, les vaudou a une importance fondamen- vallée de l’Artibonite sur lesquels de
cultures commerciales reculent au pro- tale, dépassant largement le cadre petits paysans organisés en coopéra-
fit des cultures vivrières. Sans grandes religieux. L’alphabétisation n’est que La littérature
tives produisent 10 000 t de riz, est le
ressources, il s’endette, et, vers la fin partielle, moins du tiers des enfants seul exemple notable d’aménagement. V. francophones (littératures).
du XIXe s., les puissances étrangères, scolarisables fréquentant une école ; F Antilles / Dominicaine (république).
Haïti connaît une crise démogra-
les États-Unis en particulier, inter- aussi, le créole reste-t-il la langue de la
phique et économique profonde. Le J. A. Léger, Haïti, her History and her De-
viennent. L’introduction de capitaux masse, alors que le français n’est guère tractors (New York, 1907). / M. J. Herskovits,
produit intérieur brut par habitant
étrangers et l’action de l’aristocratie parlé que par une élite cultivée. Life in a Haitian Valley (New York, 1937 ; rééd.,
(assuré pour moitié par l’agriculture) 1964). / P. I. R. James, The Black Jacobins : Tous-
haïtienne entraînent la reconstitution
L’économie est dominée par une a diminué de 1960 à 1970, tombant de saint-Louverture and the S. Domingo Revo-
de grands domaines se livrant aux
agriculture vivrière archaïque, à la- 77 à moins de 70 dollars. Le café, qui lution (New York, 1938 ; trad. fr. les Jacobins
cultures commerciales : canne à sucre, noirs, Gallimard, 1949). / R. Bastien, La familia
quelle sont associées quelques cultures fournit près de 60 p. 100 des exporta-
sisal, banane, cacao, coton. Mais les rural haitiana (Mexico, 1951). / F. Duvalier et
commerciales. Elle a peu changé tions, a vu sa production régresser, pas- D. Lorimer, le Problème des classes à travers
progrès sont très limités ; on manque
depuis sa mise en place à la suite de sant de 44 000 t vers 1930 à 25 000 t. l’histoire d’Haïti (Haïti, 1959). / A. Métraux, le
de terres, et la résistance des petits Vaudou haïtien (Gallimard, 1959 ; nouv. éd.,
l’effondrement de l’économie escla- Celle du sucre est également en recul
paysans aux empiétements des grands 1968). / A. Césaire, Toussaint-Louverture, la
vagiste ; ses conditions se sont même (60 000 t environ, dont la moitié peut Révolution française et le problème colonial
propriétaires est très vive, d’autant
aggravées, car les exploitations se sont être exportée aux États-Unis). Le sisal, (Club fr. du livre, 1960 ; nouv. éd., Présence
que la croissance démographique, qui
morcelées. Le paysan est en général 25 p. 100 des exportations, est aussi en africaine, 1962). / P. Moral, le Paysan haïtien
s’accélère au XXe s., accroît la densité. (Maisonneuve et Larose, 1961). / H. Courlan-
propriétaire de sa terre, mais celle-ci crise (16 000 t). Le recul des cultures
Il y a 3,5 millions d’habitants en 1960, der et R. Bastien, Religion and Politics in Haïti
est trop petite et trop morcelée pour commerciales exportables n’est pas (Washington, 1966). / G. Pierre-Charles, l’Éco-
et la densité s’élève à 126. Après la
nourrir une famille nombreuse. L’ex- compensé par l’essor des mines ou des nomie haïtienne et sa voie de développement
Seconde Guerre mondiale, il s’est pro- (Maisonneuve et Larose, 1967). / T. Lepkowski,
ploitation moyenne a une superficie de industries. Haïti possède des gisements
duit un certain essor qui a duré jusque Haïti (La Havane, 1968). / I. Béghin, W. Fougère
1,1 ha. Sur un petit lopin de terre, le de bauxite, exploités par la Reynolds et K. W. King, l’Alimentation et la nutrition en
vers 1960, mais sans changer beaucoup
paysan pratique une polyculture sans Company, qui exporte 420 000 t de mi- Haïti (P. U. F., 1970). / M. Bitter, Haïti (Éd. du
l’économie du pays.
moyens techniques ; les instruments nerai. Des exportations de concentrés Seuil, coll. « Microcosme », 1971).
aratoires sont rudimentaires, et les fa- de cuivre ont commencé (9 000 t). Le
La population et çons culturales relèvent du jardinage. pays manque d’énergie. L’électricité
l’économie Les versants ne sont pas aménagés, ce est rationnée (20 kWh par an et par ha-
La population avoisine aujourd’hui qui explique, avec le déboisement, les bitant). Les industries sont disparates
akm (Tawfq al-)
5 millions d’habitants (densité dépas- ravages de l’érosion. (occupant 2 p. 100 seulement de la po-
Le champ présente un aspect hir- pulation active) : une cimenterie, des Romancier et dramaturge égyptien (Le
sant 180 hab. au km2). La natalité est très
élevée, de l’ordre de 40 à 50 p. 1 000. sute avec un fouillis indescriptible usines de traitement des produits agri- Caire 1898).
La mortalité a diminué, en particulier de plantes vivrières (racines et tuber- coles (la moitié des ouvriers travaillent Né dans une famille aisée qui le
grâce à l’action des missions sanitaires cules tropicaux, pois, légumes, maïs, dans les fibres), de confection. Beau- destinait à la magistrature, Tawfq al-
internationales ou étrangères, mais elle arbres fruitiers, bananiers, pieds de coup appartiennent aux Américains. akm entreprend des études de droit
demeure encore voisine de 20 p. 1 000 canne à sucre, etc.), avec çà et là des Récemment, ceux-ci ont commencé à qu’il achève à Paris après 1922. Sa
(la mortalité infantile est forte). La pieds de caféiers que l’on cultive implanter, profitant du faible coût de formation française se confirme à la
croissance naturelle est de l’ordre de jusqu’à 1 700 m d’altitude. Le paysan la main-d’oeuvre et de l’exemption de faveur des six années qu’il passe en
2 à 2,5 p. 100 par an. La population consomme la moyenne partie de sa taxe, des industries légères plus ou France ; ses études juridiques sont
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
alors loin de l’absorber tout entier, et Tawfq al-akm apparaît de plus en avide d’engagement. Dans la littéra- teurs. Ces derniers vont émigrer vers
il s’intéresse avec passion aux mouve- plus obsédé par la menace qui pèse sur ture contemporaine en langue arabe, la face EFGH, qui va se charger posi-
ments littéraires et artistiques ; ses lec- le monde contemporain. Sans doute en Tawfq al-akm fait figure d’un pen-
tivement si les porteurs sont des trous,
tures le poussent vers le symbolisme, 1959, dans le volume de souvenirs inti- seur épris à la fois de justice, de mesure
négativement si les porteurs sont des
et la découverte de Maeterlinck autant tulé Magistrature et art, revient-il en- et de respect pour l’art.
que celle de Lenormand le marquent core sur ses expériences de magistrat, R. B. électrons, pendant que la face ABCD
profondément. De retour en Égypte, mais ce n’est là qu’une pause. Dans le prendra la charge contraire. Il apparaît
en 1928, il est toutefois accaparé par Roi indécis (1960 ; titre de la traduction
alors un champ électrique supplémen-
les obligations d’une carrière dans la française : J’ai choisi), le dramaturge
taire d’où une force en
magistrature ; heureuse circonstance philosophe reprend en effet le pro- Hall (effet)
d’ailleurs, puisque, de ses expériences, blème qui a hanté Einstein, Oppenhei-
sens inverse de Les charges s’accu-
il tirera deux de ses romans les plus re- mer et tant d’autres : l’homme, par sa
Effet découvert en 1879 et qui consiste
maîtrise grandissante sur la nature, par mulent sur les faces ABCD et EFGH ;
marqués. Dès 1933 s’affirme en littéra- en une modification du champ élec-
ture sa double vocation. Cette année-là, le progrès constant qu’il imprime à la
trique dans un matériau sous l’action le champ Ey et la force croissent
il donne en effet un roman, l’Âme re- science, est en voie de se détruire s’il
d’un champ d’induction magnétique. au cours du temps, et on arrive à
trouvée, et un drame, les Dormants de ne sauve pas en lui ses valeurs morales
et son sens de l’humain. Une attitude Plus précisément, lorsqu’on soumet
la caverne, suivis en 1934 d’une pièce La résultante des forces sur
identique se retrouve quelques années un métal ou un semi-conducteur à un
de même tendance, Schéhérazade. Al- les porteurs devient nulle, et ces der-
plus tard dans une pièce à thèse : Du champ électrique Ex et à un champ
akm découvre peu à peu un public
d’induction B perpendiculaires, il ap- niers se déplacent parallèlement à
choisi, qu’il déconcerte et attire tout pain pour chaque bouche (1963), où
l’auteur tente d’intéresser le public paraît un deuxième champ électrique comme en l’absence d’induction
à la fois. Il cède bientôt totalement à
égyptien au problème de la faim dans normal
à B et Ex (fig. 1). Le méca-
sa vocation littéraire, et, s’il se montre Ey
roman constituent donc de plus en plus justifier ni le sarcasme ni la condam- sité de courant
ses vrais moyens d’expression. Dans nation ; à cet égard, il n’est pas sans
l’Âme retrouvée, parue en 1933, il avait faire songer à Tchekhov. Dans son
Or,
rappelé, sous une forme romancée, ce théâtre, Tawfq al-akm a été diver-
et v = µ Ex,
que devait être le réveil de la nation sement jugé et suivi ; son attachement Le champ Ex provoque le passage
égyptienne. Quatre ans plus tard, dans au symbolisme ne pouvait faire de lui d’un courant d’intensité I dû à des por- donc Ey = µ Ex B,
le Journal d’un substitut de campagne, un auteur prisé d’un large public ; en teurs de charges que nous supposerons
il décrit avec humour et avec un pessi- revanche, ses admirateurs ont décou- d’un type unique (trou ou électron). d’où
misme sans agressivité la médiocrité vert en lui l’écho de leurs inquiétudes Si q est la charge d’un porteur et v
Par ailleurs, le champ crée une
de la vie rurale et la petitesse de ses et parfois la formulation des problèmes Ey
sa vitesse, on a :
misères quotidiennes. Avec Pygma- qui les obsèdent. Son style dramatique différence de potentiel entre les faces
(µ, mobilité du porteur ; densité de
lion (1942) et surtout avec Salomon volontairement dépouillé et rebelle au ABCD et EFGH ; soit Uh = –
courant ; , densité de porteurs), VM VN,
surhomme qui a su dompter certaines lui assurer un public plus large et plus de et de et non du type de por- d’où
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
On posera L = 10 mm ; largeur l = 3 mm ; épais- sensation ou de cette perception ne pensée du sujet qui devient le siège
seur e = 0,8 mm. sont pas réalisées. de phénomènes hallucinatoires : voix
Multiplicateur à effet Hall soit lilliputiennes, soit gigantesques. matisme mental décrit par Georges
Le calcul précédent suppose que
Gatian de Clérambault (1872-1934).
tous les porteurs de charge sont dans L’induction B est produite par un cou- y Les hallucinations auditives
le même état énergétique, alors qu’ils rant I dans une bobine, et on a B = k I, consistent parfois en sons plus ou La plupart des hallucinations en-
sont en fait distribués suivant une loi moins différenciés (sifflet, cloches, traînent la conviction absolue du sujet,
statistique. On doit alors écrire d’où sirène, bruits divers) et souvent en qui se trouve dans l’incapacité de les
perceptions acoustico-verbales. Ce critiquer. Néanmoins, certaines sont
Uh est proportionnel à I.I, d’où
sont alors des voix localisées dans immédiatement reconnues comme
l’emploi en multiplicateur.
d étant un coefficient de diffusion dé- l’espace, féminines ou masculines, pathologiques par l’individu. On parle
I peut être le courant dans un récep-
pendant du matériau et de la nature des volontiers menaçantes, proférant des alors habituellement d’hallucinose
teur et I un courant dans un circuit en
porteurs de charge. injures, des critiques ou des commen- (hallucination critiquée).
dérivation sur le récepteur, donc pro-
taires. Les malades ont des attitudes
portionnel à la d. d. p. V aux bornes
Matériau à deux d’écoute, dialoguant avec les voix,
Circonstances
du récepteur
types de porteurs ou tentent de s’en protéger en se bou-
d’apparition des
chant les oreilles.
Le mécanisme de l’effet Hall est plus hallucinations
Uh est proportionnel à la puissance y Les hallucinations olfactives (mau-
complexe quand la conduction se fait
dans le récepteur ; on a un wattmètre. vaises odeurs, odeurs étranges ou y Il existe des hallucinations ou des
à la fois par des trous et des électrons. 2
Si I = I, il vient Uh = KI ; le multipli- ineffables) et les hallucinations gusta- hallucinoses chez le sujet normal qui
Si n et p sont les concentrations res-
cateur devient un ampèremètre, etc. tives (goûts insolites) ont surtout une surviennent surtout au moment de
pectives en électrons et en trous, et µn, tonalité affective très vive et un carac- l’endormissement ou du réveil (vi-
µp les mobilités correspondantes, on
Moteur asynchrone monophasé tère représentatif. sions hypnagogiques ou hypnopom-
établit, en posant
La cage rotorique du moteur est fermée y Les hallucinations tactiles ont leur piques). Il s’agit là de phénomènes
à une induction uniforme B. Ce disque tions bizarres de brûlure, de piqûre, y On connaît des hallucinations, ou
ne présente pas la même impédance de courant électrique, sensations de plutôt des hallucinoses, par atteinte
pour les courants dus au champ tour- reptation, de contact avec un insecte des récepteurs sensoriels périphé-
Rh dépend donc de B. Dans le cas où
nant direct que pour les courants dus ou un serpent, sensations de grouille-
ce dernier est assez faible : riques. Elles n’entraînent jamais de
au champ tournant inverse. De cette ment sous la peau, etc.
croyance de la part du malade. Citons
dissymétrie, il résulte un couple au dé- Les hallucinations cénesthésiques les acouphènes (bourdonnements)
marrage non nul et un couple maximal intéressent la sensibilité interne du des atteintes de l’appareil auditif, les
supérieur à celui du moteur classique. corps (sensations de transformation illusions cénesthésiques des amputés
Applications de
corporelle, de possession diabolique, de (membre fantôme), les hallucinations
l’effet Hall
Edwin Herbert Hall cohabitation avec un animal). Les plus visuelles de la rétine ou du cristallin,
Analyse d’un semi-conducteur fréquentes d’entre elles concernent le
chez le sujet âgé notamment.
Physicien américain (Gorham, Maine,
domaine génital : sensation d’orgasme
On utilise l’effet Hall pour déterminer 1855 - Cambridge, Massachusetts, 1938). y Certaines hallucinations paroxys-
sexuel, d’attouchement, de coït, de viol
le type et la concentration des porteurs Auteur de travaux sur les conductibilités
tiques appartiennent au groupe des
thermique et électrique de l’acier, il est sur- à distance. Certaines hallucinations
majoritaires.
épilepsies par lésion organique céré-
tout connu par la découverte de l’effet qui portent sur le schéma corporel : illu-
Le signe de Uh renseigne sur le type. brale. Ces hallucinations, qui sont
porte son nom. sions de déplacement, de distorsion,
voire de disparition d’une partie du souvent en fait des hallucinoses — car
C. T. corps, de membres fantômes, de méta- une fois la crise passée, le malade en
étant le coefficient de diffusion, par morphoses d’un segment de membre, fait la critique —, ont une valeur loca-
exemple = 1,15 pour les électrons du des organes génitaux ou du visage. lisatrice fondamentale. Elles se ren-
silicium à 27 °C. Certains malades ont de véritables hal- contrent dans les tumeurs cérébrales,
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
faire un diagnostic précis de la lésion non systématisés ; en second lieu, les (le vingtième de milligramme), de faire des utilisé depuis cette époque comme
« voyages » au pays des rêves fantastiques.
responsable. délires chroniques, avec parmi eux antiseptique sous forme de solutions
la psychose hallucinatoire, tellement Le L. S. D. 25, employé en psychiatrie et alcooliques, improprement appelées
y Les hallucinations de type onirique
seulement à l’hôpital pour des cas très pré-
(rêves) se produisent dans les confu- fréquente chez la femme d’âge mûr. teintures ; en solutions aqueuses,
cis, est rattaché à la législation sur les stu-
sions* mentales aiguës et parfois au Cette psychose est particulièrement elles sont dites « de Lugol ». Ces
péfiants et il ne peut être délivré qu’après
cours de l’évolution des démences* riche en hallucinations auditives, gé- solutions se montrent également ré-
autorisation ministérielle.
atrophiques. On les rencontre surtout nitales, cénesthésiques et psychiques, vulsives, voire vésicantes, et, à leur
dans toutes les psychoses confusion- avec automatisme mental. Le délire G. R. usage comme antiseptique externe, on
nelles organiques, toxiques, infec- qui sous-tend les hallucinations et H. Faure, les Objets dans la folie, t. I : Hal- préfère celui de dérivés organomer-
tieuses, endocriniennes, traumatiques s’organise autour d’elles est relative- lucinations et réalité perceptive (P. U. F., 1965 ; curiels (mercurescéine, merthiolate
2e éd., 1969).
ou vasculaires. L’exemple le plus frap- ment systématisé à thèmes de persé- de sodium). Sous forme topique, les
pant de ces hallucinations oniriques cution, de possession, d’influence. La iodures alcalins, associés ou non à
est fourni par le delirium tremens al- conviction est totale et se fonde jus- l’iode, se révèlent en outre fondants,
coolique. Le sujet vit à l’état éveillé tement sur les hallucinations. Outre résolutifs et antimycosiques. À l’inté-
nent avec des hallucinations surtout et le groupe des délires hallucina- molécules des protéines et se trouve
Nom donné par Berzelius à l’un quel- rapidement éliminé par l’urine sous
visuelles, terrifiantes, dramatiques. Il toires chroniques idéopathiques, on
conque des éléments de la famille du forme d’iodure de sodium. L’iode
vit intensément son délire onirique rencontre des hallucinations dans la
chlore : le fluor*, le chlore*, le brome*, produirait une lymphocytose passa-
sans aucune critique, sans aucune dis- paraphrénie, qui constitue une autre
l’iode*, qui peuvent former des sels en gère qui stimulerait les réactions de
tance, fasciné par le défilé des images variété de délire chronique.
se combinant aux métaux. défense de l’organisme. Les iodures
qui l’assaillent. Il est pris de réactions
En revanche, dans les délires para-
violentes parfois très dangereuses. La thérapeutique utilise les alcalins sont hypotenseurs ; on les a
noïaques vrais, les hallucinations sont
Un autre exemple de ces hallucina- halogènes sous forme de dérivés miné- utilisés dans le traitement de consoli-
absentes ou restent au second plan.
tions oniriques est celui des drogues raux et de dérivés organiques. dation de la syphilis.
Enfin, des hallucinations ont été dé-
hallucinatoires (hachisch, mescaline, L’intoxication par l’iode et ses déri-
crites à titre assez exceptionnel dans
L. S. D., psilocybine, etc.). Les dro-
la mélancolie ou la manie, mais il est Dérivés minéraux vés, ou iodisme, se manifeste chez cer-
gues provoquent d’abord des modi- tains sujets pour des doses relativement
toujours difficile de distinguer dans ces y Le fluor joue un rôle essentiel
fications de l’humeur, de l’état émo- faibles ; elle se traduit par du coryza,
cas l’illusion, l’interprétation de l’hal- dans l’assimilation du calcium et la
tionnel avec exaltation euphorique ; des larmoiements, des plaques rouges
lucination vraie. prévention de la carie dentaire, d’où
surviennent ensuite des troubles des sur la peau, de la salivation, de la pha-
Le traitement des hallucinations dé- son utilisation dans nombre de den-
perceptions et un état de rêve éveillé ryngite, de la toux, de l’oedème, de la
pend de leurs causes. Dans le cadre des tifrices et son introduction dans les
avec des illusions, puis des hallucina- dyspnée, de l’insomnie et des vertiges
eaux d’alimentation particulièrement
tions visuelles, corporelles, auditives, affections psychiatriques, les neurolep-
(ivresse iodique). Ces manifestations
déminéralisées.
olfactives d’une extrême richesse. En tiques sont remarquablement efficaces
cèdent à l’arrêt du traitement et à l’ad-
principe, les troubles sont régressifs, pour faire disparaître le phénomène y Le chlore, sous forme d’hypochlo-
ministration de bicarbonate de sodium.
mais, chez certains sujets prédisposés, hallucinatoire. Parmi eux, citons des rites fortement oxydants et antisep-
peut se déclencher une véritable psy- butyrophénones, la chlorpromazine et tiques, a été introduit au cours de
Dérivés organiques
chose durable et grave qui compromet ses dérivés, le sulpiride, l’azacycconol. la Première Guerre mondiale pour
l’équilibre mental ultérieur. l’irrigation des plaies (liquides de Les halogènes sont présents dans de
Labarraque et de Dakin) et dans la nombreuses molécules organiques,
y Les hallucinations les plus fré- Les hallucinogènes
lutte contre les gaz vésicants (chlo- soit sous forme acide, soit sous forme
quentes appartiennent en fait au
Ces substances, d’origine végétale ou rure de chaux). Les chlorates alcalins d’élément d’addition ou de substitution
domaine des maladies mentales pro- obtenues par synthèse, sont capables de
sont encore utilisés dans le traitement d’un atome monovalent.
prement dites, c’est-à-dire sans subs- provoquer des hallucinations. Les produits
des angines et des stomatites. L’acide
tratum organique connu. On ne les d’origine végétale sont connus depuis des Sous la première forme, ils consti-
chlorhydrique dilué est un stimulant
rencontre jamais dans les névroses, siècles et ont été le plus souvent utilisés tuent les fluorhydrates, chlorhydrates,
de la digestion gastrique ; le chlorure
au cours de rites religieux. C’est ainsi que brombydrates, iodhydrates ; ils n’inter-
à l’exception de l’hystérie, où des
certains champignons hallucinogènes sont de sodium, électrolyte essentiel des
malades très mythomanes peuvent viennent que pour salifier des molé-
consommés par des indigènes du Mexique liquides de l’organisme, est à la base
parfois raconter des pseudo-hallu- cules basiques ; ils n’en modifient pas
(le psilocybe, qui contient la psilocybine) des liquides isotoniques et hyperto-
cinations complaisamment livrées fondamentalement les propriétés, mais
ou de la Nouvelle-Guinée (certains bolets). niques prescrits comme succédanés
au médecin. En fait, en matière de peuvent les exalter en raison de la so-
La mescaline, substance extraite d’un du plasma sanguin. Toutefois, les
maladie mentale, l’hallucination est lubilité du sel ainsi formé ; la plupart
cactus du Mexique, le peyotl, est éga- propriétés des chlorures sont en géné-
synonyme de psychose et de délire. des alcaloïdes et des bases organiques,
lement hallucinogène, provoquant des
ral déterminées par l’ion métallique
Citons d’abord les psychoses déli- visions et des rêves colorés au prix de insolubles, ne sont utilisés que sous
de leur molécule : calcium (hémos-
rantes aiguës, ou bouffées délirantes, perturbations psychiques rappelant la forme de chlorhydrates ou de bromhy-
tatique), zinc (antiseptique), mercure
qui parfois se rapprochent quelque schizophrénie. drate soluble (exemple : cocaïne,
(calomel et sublimé corrosif).
peu de l’onirisme tant les hallucina- Le chanvre indien, ou hachisch, euphori- morphine...). Au contraire, lorsqu’un
tions sont vives, mobiles et vécues sant longtemps employé en médecine, est y Le brome, au contraire, possède halogène est introduit dans une molé-
également hallucinogène, mais il pousse une action sédative qui lui est propre : cule organique, il peut en modifier
dans une sorte d’état psychique voi-
souvent à la violence et est actuellement d’où son emploi sous forme de bro- profondément les propriétés. Deux cas
sin de l’hypnose. Bien plus fréquentes
prohibé.
sont les psychoses chroniques : en mures (de sodium, de potassium, de peuvent se présenter.
premier lieu, la schizophrénie, qui, Le diéthylamide de l’acide lysergique strontium), aujourd’hui délaissés au 1. L’halogène est introduit dans une
(L. S. D. 25), dérivé d’un des constituants profit des barbituriques et d’une mé-
dans certaines de ses formes, com- petite molécule, par exemple un car-
de l’ergot* de seigle, a été préparé vers
porte des hallucinations, surtout audi- dication neurotrope particulièrement bure ; les propriétés qui lui sont
1943 par les chimistes suisses A. Stoll et
tives et cénesthésiques, un automa- riche. propres se retrouvent dans le dérivé
A. Hofmann, ce dernier ayant découvert
tisme mental et des thèmes délirants, sur lui-même les propriétés de cette subs- y L’iode, découvert en 1811 par chloré, brome ou iodé. Ainsi, le chlore
décousus, impénétrables, bizarres, tance, qui permet, avec des doses infimes Bernard Courtois (1777-1838), est confère des propriétés anesthésiques
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
prescrit comme hypotenseur des solu- propane (diéther halohydrique) ; nure), elle donne lieu à des
etc.).
tions d’iodo-peptones, produits d’addi- = dichloro-2,2 transpositions :
CH3—CCl2—CH3
L’action des métaux est multiple.
tion de l’iode sur les polypeptides, où propane (dihalogénure géminé). H + (CH3)2CH—
Avec le sodium, on n’observe guère
l’iode était « dissimulé » à ses réactifs
CH2Cl HCl + —C(CH3)3.
qu’une duplication :
habituels et où il avait perdu toute toxi- Éthers halohydriques 2 RI + 2 Na 2 NaI + R—R (réac- y Dérivés métalliques. Il convient
cité, tout en conservant une partie de
Ce sont les plus importants. On les tion de Wurtz), de distinguer les sels alcalins, qui
son activité thérapeutique. À signaler
faiblement concurrencée par une agissent par le processus (donc
également l’action antiseptique interne obtient généralement par éthérifi- SN2
de l’alcool est plus élevée et que CH2—CH3. soit de R, soit de ) ; voici quelques
alors en modifier plus ou moins les
propriétés, mais ces modifications l’halogène est plus lourd. Les éthers chlorhydriques forment, exemples.
sont sans rapport avec ses propriétés avec le lithium, un dérivé métallique : Sels alcalins :
À l’hydracide, on peut substituer PCl5 : (SN2)
cielle ne distingue ces diverses catégo- d’intérêt fondamental ; les éthers iod- La réaction de Hofmann, de type cation halohydrique des alcools cor-
ries que par le numérotage. hydriques sont des plus actifs. SN2, ne produit pas de transposition. respondants, ils se préparent égale-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
ment par halogénation de carbures Halogénures Dihalogénures géminés tifs ; enfin, il transforme le phénol en
convenables. aldéhyde salicylique.
phényliques : X Deux préparations dominent : l’addition
Ces éthers halohydriques sont Le tétrachlorure de carbone CCl4
d’hydracide à un halogéno-éthylénique
Le chlorobenzène se forme dans l’ac- a été examiné parmi les fonctions
beaucoup plus réactifs que les éthers
R—CBr=CH—R + HBr R—
halohydriques saturés ; contrairement à tion de PCl5 sur le phénol : quadrivalentes.
CBr2—CH2—R,
ceux-ci, ils se condensent aux organo- OH + PCl5 OPCl3 + HCl + —Cl. Les dérivés halogènes ont donc une
et l’action des penthalogénures de
magnésiens sans catalyseur : Mais on l’obtient plus avantageuse- importance fondamentale en synthèse,
phosphore sur les dérivés carbonylés
RMgX + CH2=CH— ment par chloration du benzène ; le R—CO—R + PCl3Br2 importance accrue du fait de la fécon-
OPCl3 + R—
CH2Br MgXBr + R—CH2— bromobenzène se prépare de la même dité des organomagnésiens, dont la
CBr2—R.
CH=CH2. façon. préparation fait appel à certains d’entre
Ce sont des liquides plus vola-
eux.
D’autre part, les substitutions nu- tils que les diéthers halohydriques-
L’iodobenzène résulte de l’action de
C. P.
cléophiles de type SN1 donnent lieu à isomères. Très sensibles à la
l’acide iodhydrique sur le diazoben-
transposition partielle : déshydrohalogénation :
zène en présence de poudre de cuivre :
D’ailleurs, les composés de départ ils ne subissent des substitutions nu- Hals (Frans)
Les halogénures phényliques sont
cléophiles, d’ailleurs difficiles, que si
s’équilibrent facilement.
des liquides peu volatils, d’odeur ben- la molécule ne porte pas d’hydrogène Peintre néerlandais (Anvers,
zénique et non lacrymogènes, ce qui les en du carbone dihalogéné : v. 1580/1585 - Haarlem 1666).
Halogéno-éthyléniques
distingue de —CH2Cl, par exemple. —CHCl2 + 2 EtONa 2 ClNa + —
Il existe beaucoup d’anecdotes, mais
Deux préparations sont importantes. CH(OEt)2 (acétal).
L’halogène est encore assez inerte, peu de précisions biographiques sur la
a) Addition d’hydracide aux alcynes :
mais moins que chez les halogéno- vie de Frans Hals, pourtant célèbre por-
R—CCH + HBr
R—CBr=CH2. Trihalogénures traitiste. Sa famille se fixa à Haarlem*
éthyléniques. Ils peuvent être réduits
b) Déshydrohalogénation prudente de trigéminés peu après sa naissance, puisque son
et donnent, à température élevée,
deux types de dérivés dihalogénés : frère Dirck (peintre lui aussi) y fut bap-
quelques substitutions nucléophiles : Seul, dans ce groupe, le chloroforme
tisé en 1591. Tout ce dont on est sûr,
HCCl3 présente un intérêt chimique.
c’est que sa carrière se déroula dans
Obtenu de nos jours par chloration
cette ville, où se trouvent aujourd’hui
Les halogéno-éthyléniques ont des photochimique du méthane, il fut dé-
(ancienne préparation du phénol).
encore la plupart de ses tableaux. Élève
propriétés physiques voisines de celles couvert dans l’action des hypochlorites
Br et I, dans l’éther, Cl dans de Carel Van Mander (1548-1606) vers
de l’halogénure saturé correspondant ; sur l’éthanol ; celui-ci est oxydé en
le tétrahydrofuranne forment des 1600-1603, Frans ne paraît cependant
ils sont, cependant, plus volatils. aldéhyde, lequel est chloré en chloral
pas avoir subi une profonde influence
organomagnésiens. CCl3—CHO.
L’halogène est assez inerte ; la ré- de ce maître de haute culture italienne
duction reste possible, mais la plupart Le milieu alcalin coupe le chloral :
et de style maniériste. Il n’ira jamais
des substitutions nucléophiles dispa- Diéthers halohydriques CCl3— en Italie, selon l’habitude de l’époque,
raissent ; les organomagnésiens ne se CHO + NaOH HCO2Na + CHCl3.
Les dihalogénures-, homologues les pour achever sa formation. Il s’instruit
forment que dans le tétrahydrofuranne. HCBr3 et HCl3 se préparent de la au contact des gravures de Hendrick
plus généraux du bromure d’éthylène
même façon : action de l’halogène, Goltzius (1558-1617) et des premiers
La propriété essentielle est une dés-
CH2Br—CH2Br, se font générale-
en milieu alcalin, sur un alcool tableaux de corporation peints par
hydrohalogénation sous l’influence des
ment par addition des halogènes aux ou une cétone
alcalis très forts. CH3—CHOH—R Cornelis van Haarlem (1562-1638),
oléfines. Ce sont des liquides denses,
+ KOH CH3—CO—R. l’un des plus anciens créateurs de
CH3—CH=CHBr
cristallisant s’ils sont symétriques ; le Doelenstück (ou Schuttersstuk), ou
KBr + + Le chloroforme est un liquide lourd,
H2O CH3—CCH.
bromure d’éthylène fond à 10 °C. bouillant à 62 °C. C’est un bon solvant tableaux de milices armées.
Les premiers termes se polymérisent
Ils donnent des substitutions nucléo- des graisses et des alcaloïdes ; il est Ses premières oeuvres connues se
facilement :
très peu soluble dans l’eau. Longtemps situent autour de 1610, date à laquelle
... CH2—CHCl— philes à condition que le réactif anta-
nCH2=CHCl
employé comme anesthésique, il est de il est membre de la gilde de Saint-Luc à
CH2—CHCl—CH2—CHCl (polychlo- goniste soit peu basique (NH3, H2O,
plus en plus délaissé. Haarlem. Son premier fils, Harmen, qui
rure de vinyle). KCN, CH3—CO2Ag, etc.) ; sinon, on
Chimiquement, il est assez inerte ; sera peintre, est baptisé en 1611. Hals
Le polychlorure de vinyle est l’une observe deux déshydrohalogénations
néanmoins il peut être réduit en aura huit autres enfants d’un second
des moins coûteuses des résines successives :
3 stades jusqu’au méthane ; la potasse mariage. Il se cantonne exclusivement
synthétiques.
le décompose principalement selon dans l’art du portrait : l’un de ses pre-
Les métaux provoquent le départ de l’équation miers portraits, celui de Jacobus Zaf-
Halogéno-acétyléniques : l’halogène. HCCl3 + 4 KOH 3 KCl + 2 H2O + fius (1611, Haarlem, musée Frans Hals)
R—CCX R—CHBr—CHBr— HCO2K.
ainsi que celui d’un Homme tenant
un crâne (Birmingham, Barber Insti-
Ils s’obtiennent généralement par ac- R + Zn Avec l’éthylate de sodium, il forme,
ZnBr2 + R—CH=CH—R. tute) conservent encore une certaine
tion des halogènes en milieu alcalin sur partiellement, l’éther orthoformique
Les dihalogénures- résultent de raideur propre aux artistes du XVIe s.,
les alcynes vrais : HC(OEt)3.
l’addition d’hydracides à un halogé- comme Cornelis Ketel (1548-1616),
R—CCH + XOH H2O + R— Il donne 3 fois la réaction de Friedel
nure allylique. Antonio Moro (v. 1519 - v. 1576),
CCX. et Crafts conduisant au triphénylmé-
+ HBr R— Dirck Barentsz (1534-1592). Mais ces
R—CH=CH—CH2Br thane HC ()3.
Encore plus inertes que les halogéno- deux oeuvres montrent déjà que Hals
CHBr—CH2—CH2Br.
éthyléniques, ils peuvent néanmoins En milieu alcalin, il transforme l’ani- a rompu avec le maniérisme et trouvé
être transformés en organomagnésiens, Ils sont, plus encore que les line en phénylcarbylamine le réalisme propre à son génie. Dans
mais, sauf pour R—CCI, l’emploi du dihalogénures-, sensibles à la dont l’odeur repoussante permet de tous ses portraits, Hals, dont l’acuité
tétrahydrofuranne est nécessaire. déshydrohalogénation. caractériser l’un ou l’autre des réac- psychologique sera plus tard cruelle,
5216
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
s’en tient encore, avec quelle virtuo- la gilde de Haarlem ; il peint le por- crés, fonde la Fédération française de mée soviétique Iouri Vlassov totalisait
sité, à la ressemblance et au naturel. trait de Descartes (Louvre) en 1649 et poids et haltères. Aidé par le journa- 540 kg (177,500 au développé, 155 à
De 1620 à 1630, influencé par les celui de l’Homme au gant (Londres, liste Frantz Reichel, il fait inscrire l’arraché et 207,500 au jeté). En 1967,
caravagistes d’Utrecht, il peint une National Gallery) en 1655, dans les- l’haltérophilie aux jeux Olympiques il céda sa couronne mondiale à un autre
grande série de portraits de caractère : quels le réalisme formel qu’il avait d’Anvers en 1920, compétition dispu- Soviétique, Leonid Jabotinski, qui
plusieurs Bouffons, le Joyeux Buveur jusqu’alors recherché fait place à l’ex- tée par les représentants de quatorze porta le record à 590 kg.
(Amsterdam, Rijksmuseum), la Bohé- pression de l’âme. À partir de 1654, sa nations, sur des mouvements — déve- Puis vint l’ère de l’actuel numéro un
mienne (Louvre), l’inquiétante Hille vie s’assombrit : en 1662, il demande loppé, arraché et épaulé et jeté à deux de l’haltérophilie mondiale : Vassili
Bobbe, vieille sorcière au hibou (Ber- un secours à la municipalité. Âgé de bras — qui ont constitué jusqu’en 1972
Alexeïev (137 kg), qui réalisa 595 kg,
lin). Le caravagisme adapté à l’esprit plus de quatre-vingts ans, il peint en les programmes de toutes les épreuves puis 600, 620 et enfin 640 kg, et dont
septentrional trouve en eux sa plus 1664 pour l’hospice des vieillards les officielles. Le premier championnat
les trois records du monde sont de
haute expression réaliste. L’audace deux tableaux émouvants des Régents d’Europe a lieu en 1930, et la première
230 kg au développé, 180 à l’arraché et
de Hals est au niveau de sa « main » : et des Régentes (musée Frans Hals, confrontation mondiale en 1937.
235,500 au jeté.
touches rapides, juxtaposées, fulgu- installé dans l’hospice), images pathé- Le sport de la force a connu de
À côté de ces magnifiques perfor-
rance et rehauts lumineux sur des fonds tiques et lucides de la vieillesse. Ces grands champions parmi ses précur-
mances, régulièrement contrôlées et
de tonalité bistre ; son pinceau se fait deux derniers chefs-d’oeuvre de Hals, seurs, tel Louis Uni, dit « Apollon »,
homologuées, figurent d’autres re-
plus vigoureux pour serrer de près le étonnants à l’époque par leur expres- un colosse de 1,90 m pour 125 kg, né
cords, notamment :
réel ; cette tendance s’accentue avec sion spontanée toute moderne, loin des en 1862. Celui-ci aurait été le premier
— le record de la plus lourde charge
les années. conventions stylistiques d’alors, ne homme à avoir épaulé et jeté l’essieu
portée par un homme : c’est Paul An-
C’est de 1616 que date la première suscitèrent que de piètres imitations dit ensuite « d’Apollon », une énorme
derson qui a accompli cet exploit le
commande du peintre, le Banquet du contemporaines. Ils ne retrouvèrent barre de près de 5 cm de diamètre,
12 juin 1957 aux États-Unis, en portant
corps des archers de Saint-Georges leur influence novatrice qu’au XIXe s. munie de deux roues de wagons et
272,600 kg sur son dos ;
(Haarlem, musée Frans Hals), portrait avec Manet et ses successeurs. pesant 162,400 kg. Mais aucune pièce
— le record du plus grand « soulevé »
collectif dans la tradition iconogra- P. H. P. officielle ne confirme cet exploit, et
de terre : l’Allemand Guerner, en 1912,
phique de Cornelis van Haarlem. Cha- N. S. Trivas (sous la dir. de), The Paintings « Apollon » n’avait, en fait, épaulé et
a pris une charge de 359 kg et l’a éle-
of Frans Hals (New York, 1941). / P. Descargues,
cun des douze personnages groupés jeté qu’une barre de 120 kg. La véri-
Frans Hals (Skira, Genève, 1968). / S. Slive, vée à 1 cm du sol ;
autour de la table est traité comme un table barre existe toujours au gymnase
Frans Hals (New York et Londres, 1971 ; 2 vol.). — le record en flexion de jambes :
portrait individuel : les visages, tous Catalogue d’exposition : Frans Hals (musée de la S. A. Montmartroise, à Paris, où
l’Américain Frenn a réussi 350 kg.
empreints de jovialité, ont cepen- Frans Hals, Haarlem, 1962). Charles Rigoulot et, après la Seconde
Guerre mondiale, les Américains John La spectaculaire progression de ce
dant, chacun, leur caractère et leur vie
Davis et Schemansky réussirent la per- sport est due, depuis la Seconde Guerre
propre, et c’est là que réside l’inno-
formance officielle. mondiale, à la lutte pour les titres et
vation de Hals. L’animation générale,
rendue par les attitudes, l’obliquité des haltérophilie records que se livrent Américains et
Soviétiques. Le nombre des nations
poses, l’aération spatiale sont autant Records et progression
intéressées a aussi augmenté : une
d’éléments d’une esthétique nouvelle. Sport des poids et haltères.
Charles Rigoulot fut champion olym- dizaine de pays étaient représentés en
Tous les portraits de Hals, dès lors,
pique des mi-lourds en 1924 (avant 1930 aux championnats mondiaux,
possèdent le trait caractéristique sur- Son développement de détenir plus d’une centaine de re- plus de 50 aujourd’hui.
pris dans le modèle, qui l’individua-
Excellent sport de force et de déve- cords), en totalisant 322,500 kg aux
lise et le rend vraiment naturel. Dans
loppement musculaire, l’haltérophilie trois mouvements, chiffre que le cham-
le Banquet du corps des archers de Les Français champions
eut beaucoup à souffrir jusqu’au XIXe s. pion du monde actuel poids mouche a
Saint-Adrien de 1627 (Haarlem, musée
nettement dépassé. Il n’y a toutefois olympiques
des troupes de forains, bateleurs, qui
Frans Hals) se retrouvent les mêmes
s’exhibaient dans les foires ou sur les aucune mesure de comparaison entre 1920 (Anvers) : moyens : Henri Gance,
caractères de vérité, mais avec une
les exploits des « pionniers » et ceux 245 kg ; mi-lourds : Ernest Cadine, 290 kg.
places publiques en réalisant des tours
composition où la volonté d’anima-
de force. des spécialistes actuels. Jusqu’en 1924 (Paris) : légers : Edmond Decotti-
tion n’exclut pas un certain désordre.
1926, les haltérophiles levaient ou gnies, 277,500 kg ; mi-lourds : Charles Ri-
Ce n’est que vers 1630-1635 que Hals Les débuts furent laborieux, notam-
goulot, 322,500 kg.
jetaient des barres munies de sphères
réussit à simplifier ses compositions : ment en France. Vers 1882 naissaient
volumineuses, à l’équilibre de charge 1928 (Amsterdam) : moyens : Roger Fran-
les contours de ses formes se font en Allemagne les premières associa-
çois, 335 kg.
difficile. D’abord en Suisse, puis en
moins accidentés ; les fonds s’assom- tions, avant que se crée à Roubaix la
France et enfin dans le monde entier, 1932 (Los Angeles) : plumes : Raymond Su-
brissent, et, dans les visages, la cou- Fédération athlétique du Nord, qui
vigny, 287,500 kg ; légers : René Duverger,
les sphères furent remplacées par des
leur et le modelé se font plus violents. devait contrôler des compétitions sur 325 kg ; mi-lourds : Louis Hostin, 365 kg.
barres à disques (on ajoute à la barre
La Réunion des officiers du corps les mouvements suivants : le déve-
des disques de poids différents), beau- 1936 (Berlin) : mi-lourds : Louis Hostin,
des archers de Saint-Adrien de 1633 loppé, l’arraché, l’épaulé et jeté à un 372,500 kg.
coup plus maniables et montées sur
(Haarlem, musée Frans Hals), qui se et à deux bras, le dévissé, la volée d’un
roulement, qui permirent une nette
détache sur un fond très sombre et un bras et le bras tendu. En 1896, l’hal-
amélioration des performances. Les mouvements
arrière-plan de paysage très artificiel, térophilie figure aux jeux Olympiques
En 1936, à Berlin, l’Allemand reconnus
est d’une composition plus simple, plus d’Athènes, mais ni Français ni Alle-
statique, mais toujours aussi captivante mands n’y participent, et, aux Jeux de J. Manger fut champion olympique des La Fédération internationale reconnaît
par l’expression particulière de chacun Saint Louis en 1904, les épreuves se lourds avec le total de 410 kg ; en 1948, les exercices suivants (et homologue
déroulent dans l’indifférence complète. à Londres, l’Américain John Davis le les records correspondants) :
des quatorze personnages. En 1641,
nouvelle commande : les Régents de Les premières compétitions de 1903 à fut avec 452,550 kg ; en 1956, à Mel- 1o arraché d’un bras à gauche, et le
1910 comportent un nombre différent bourne, l’Américain Paul Anderson même mouvement à droite ;
l’hôpital Sainte-Élisabeth à Haarlem,
fut le premier homme à atteindre les
tableau d’une tonalité plus grave, où de mouvements, allant jusqu’à 17. Ce 2o arraché à deux bras ;
les teintes sont réduites à des blancs n’est qu’en 1913 qu’un bon lutteur et 500 kg aux trois mouvements. 3o épaulé et jeté d’un bras à gauche et
purs argentés et des noirs profonds. excellent leveur de poids, Jules Rosset, En 1962, aux championnats d’Eu- à droite ;
En 1644, Hals fait partie du Conseil de entouré de quelques champions consa- rope à Budapest, le capitaine de l’ar- 4o épaulé et jeté à deux bras.
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Les championnats nationaux d’Eu- bras, de façon à amener la barre au bout nie, Tchécoslovaquie), avec lesquelles l’Alster, où fut établi le premier port,
rope, du monde et les jeux Olympiques des bras tendus verticalement. elle a de nombreux contacts sportifs. bien abrité. Ce n’est que petit à petit
sont aujourd’hui disputés seulement Les Américains se maintiennent, tandis que la ville gagna la vallée de l’Elbe.
Le poids sera maintenu deux se-
sur deux mouvements à deux bras : que l’on enregistre une nette poussée de Afin de protéger ce site, Charlemagne
condes avant la position finale.
arraché et épaulé et jeté, et chaque l’Extrême-Orient (Japon) et du Moyen- fit construire une fortification, le Ham-
À l’occasion des jeux de Munich, la
concurrent a droit à trois essais par Orient dans les petites catégories. maburg. L’essor ne date que de la fin
Fédération internationale a supprimé le
mouvement. R. M. du XIIe s., lorsque Henri le Lion eut
développé à deux bras, ce qui entraîne
R. Moyset, Initiation à l’haltérophilie (Bor- détruit Bardowik, la voisine et rivale
naturellement une chute très sensible
Arraché à deux bras nemann, 1963). / E. Battista, Sport et muscu- de Hambourg. Le site avait été choisi
des totaux auparavant réalisés par les lation (Bornemann, 1966). / Schwerathletik
à cause du passage facile de l’Alster
La barre sera placée horizontalement athlètes. (Comité nat. des sports, Berlin-Est, 1969).
On peut consulter également l’Haltérophilie
par toute une série de routes menant
devant les jambes de l’athlète. La saisir
moderne (bulletin mensuel de la Fédération d’ouest en est et du nord au sud. Les
à deux mains et la tirer d’un seul temps
Les catégories de poids française d’haltérophilie). premiers aménagements portuaires
de terre au bout des deux bras tendus
datent de la fin du XIIe s.
verticalement au-dessus de la tète, soit Avant 1968, les haltérophiles étaient
classés en sept catégories, de 56 kg à Le port se développa lentement, Phi-
en se fendant, soit en fléchissant sur les
plus de 90 kg, mais, pour ne pas han- lippe Dollinger écrit même que Ham-
jambes. Hambourg bourg « fut en quelque sorte l’avant-
dicaper les athlètes très légers ou ceux
La barre passera d’un mouvement port de Lübeck sur la mer du Nord, du
qui, pesant un peu plus de 90 kg, étaient
continu, sans arrêt, le long du corps, En allem. HAMBURG, la plus grande ville moins jusqu’au XVIe s., au cours duquel
appelés à rencontrer des colosses de
dont aucune partie autre que les pieds d’Allemagne fédérale. le rapport s’inversa progressivement ».
140 ou 150 kg de poids de corps, deux
ne peut toucher ou frôler le sol pendant Malgré ses liens profonds et anciens
catégories nouvelles ont été créées.
l’exécution du mouvement. Le développement avec Lübeck, Hambourg garda toujours
Aujourd’hui existent les catégories
urbain et portuaire son individualité. La ville était plus in-
suivantes : mouches (jusqu’à 52 kg),
Épaulé et jeté à deux bras téressée au commerce continental avec
coqs (56 kg), plumes (60 kg), légers Hambourg est aujourd’hui une ville
La barre sera placée horizontalement son arrière-pays. Très tôt, les activités
(67,500), moyens (75 kg), mi-lourds de 1,8 million d’habitants formant un
devant les jambes de l’athlète. de transformation, ancêtres des activi-
(82,500 kg), lourds-légers (90 kg), Land propre. Sur le plan économique,
tés industrielles actuelles, tinrent une
La saisir à deux mains et l’amener lourds (110 kg) et super-lourds (plus la ville est le premier port et le centre
place importante. La fabrication de la
d’un seul temps, bien net, de terre aux de 110 kg). du commerce extérieur de la R. F. A.
bière faisait la renommée de la ville dès
épaules, soit en se fendant, soit en flé- Actuellement, sur le plan mondial, La conquête de cette primauté s’est le Moyen Âge. Pour une population de
chissant sur les jambes. l’U. R. S. S. domine nettement, surtout faite au cours des siècles, mais a été 7 000 habitants, on comptait au XIVe s.
Ramener les pieds à leur position dans les catégories de lourds, grâce à accélérée par l’évolution industrielle 500 brasseries. La mentalité hambour-
première, c’est-à-dire sur la même son très grand recrutement. Elle est sui- de l’Allemagne au XIXe s. L’établisse- geoise était aussi plus ouverte, moins
ligne, ensuite fléchir sur les jambes et vie par les nations de l’Europe de l’Est ment le plus ancien est situé sur une déterminée par une activité prédomi-
les détendre brusquement, ainsi que les (Hongrie, Pologne, Bulgarie, Rouma- petite dénivellation sableuse au bord de nante, comme ce fut le cas à Lübeck.
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1964).
L’histoire de la ville
L’industrialisation a été une nécessité Âge, adaptée aux techniques nouvelles lectant les capitaux d’une vaste région, quelque temps après, le rattachement de
son siège épiscopal à Brème. Menacée par
après guerre, à la suite de la perte des à partir du XIXe s. Il ne s’est point déve- elle a contribué à des investissements
les Normands en 880 et en 884, Hambourg
territoires orientaux. En englobant loppé une mono-industrie si préjudi- qui servent l’économie urbaine et ré-
ne devient un port actif qu’en 1188, date
environ 100 000 migrants quotidiens, ciable à d’autres grands ports. C’est gionale. Elle s’est d’abord intéressée de la charte de fondation d’une ville neuve
la ville compte plus de 300 000 tra- la diversité des activités qui a permis aux marchandises. par Adolphe III, comte de Holstein.
vailleurs. L’industrie occupe donc une à Hambourg de renaître après les ter- La banque, ici comme dans d’autres En 1216, la cité archiépiscopale et la
place importante. Toutes les branches, ribles destructions de 1944-45. villes, est née du commerce, et sur- ville marchande fusionnent, et, dès 1300,
sauf les mines et la sidérurgie, sont tout du commerce international. Ham- l’agglomération compte 5 000 habitants.
représentées. L’industrie est largement La place commerciale bourg compte 110 instituts de crédit
Victime de la peste noire en 1350, la ville
compte pourtant 8 000 habitants vers
née des activités portuaires. La pétro- Près de 2 000 entreprises entretiennent (banques, caisses du Crédit mutuel,
1375, grâce à une forte immigration ru-
chimie, les fonderies de métaux non des relations extérieures à Hambourg. caisses d’épargne) ayant leur siège rale. Membre de la Ligue des villes vendes
ferreux, la chimie, les moulins à huile, En 1970, les entreprises de la ville ont social dans la ville. De 1964 à 1969, constituée entre 1256 et 1364, appar-
les fabriques de graisse (margarine), importé pour 20,7 milliards de deutsche l’épargne liquide a passé, pour l’en- tenant au tiers lübeckois de la Hanse* et
les industries alimentaires, le travail du Mark de marchandises, soit 19,2 p. 100 semble des instituts de crédit de la accueillant à ce titre à trois reprises le Han-
setag entre 1356 et 1480, elle ne participe
caoutchouc sont étroitement liés aux des importations de la R. F. A. Les ex- ville, de 3,7 à 7,2 milliards de deutsche
qu’avec réticence à la ligue de Cologne en
importations. Les constructions navales portations s’élèvent à 7,8 milliards, soit Mark. Par là, bien des équipements ou
1367. En fait, elle recherche la paix, qui lui
arrivent seulement au quatrième rang, 6,2 p. 100 des exportations du pays. La des entreprises peuvent être financés
permet d’exporter dès le XIIIe s. le seigle
selon le nombre des salariés, après la structure du commerce — et cela est par des banques ou des instituts locaux du Brandebourg, les céréales des pays
construction de machines, l’électro- lié à la situation portuaire — montre qui, connaissant les animateurs ou pro- de l’Elbe moyenne, le cuivre du Harz (en
technique et la chimie. Les construc- que Hambourg joue un rôle plus consi- moteurs, peuvent leur faire confiance et Flandre, en Angleterre), les toiles de lin
dérable dans le commerce d’outre-mer ainsi soutenir le développement écono- westphaliennes et surtout sa propre pro-
tions aéronautiques, en liaison avec les
duction de bière (aux Pays-Bas), qui couvre
services de révision de la Lufthansa de que dans le commerce européen. mique de la ville.
en 1369 le tiers de ses exportations mari-
l’aéroport de Fuhlsbüttel, ne cessent times ; en retour, elle achète à Amsterdam
de progresser, pour se placer parmi les La place financière La vie intellectuelle et culturelle le hareng hollandais et les produits du
activités les plus dynamiques. À vrai La Bourse de Hambourg, la plus an- Les activités maritimes ont entraîné Midi : sel, vin et fruits.
dire, le travail industriel repose sur une cienne de l’Europe du Nord, est un des un cosmopolitisme dont a bénéfi- La population atteint 16 000 habitants
vieille tradition artisanale du Moyen éléments de prospérité de la ville. Col- cié l’ensemble de la cité. Hambourg vers 1450, mais se différencie sociale-
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ment en cinq classes de fortunes, selon Elle est dotée d’un port franc en 1881. En tions sont différentes pour les membres 198 S’il a crevé l’oeil d’un moushkênoum, il
Heinrich Reincke : les grands marchands 1937, elle incorpore Altona, Wandsbek, et paiera une mine d’argent.
de ces trois catégories, que le code ne
et les gros rentiers possesseurs de plus de Harburg-Wilhelmsburg, mais perd Cuxha-
définit pas et qui ne doivent pas être 199 S’il a crevé l’oeil de l’esclave d’un no-
5 000 marks ; la bourgeoisie aisée (de 2 000 ven. Lors de la Seconde Guerre mondiale, table, il paiera la moitié du prix de l’esclave.
trop rigides. La promotion sociale, en
à 5 000 marks) ; la bourgeoisie moyenne elle est incendiée au cours de quatre bom-
effet, peut être rapide, puisque l’initia- G. L.
(de 600 à 2 000 marks) ; la petite bourgeoi- bardements aériens entre le 24 juillet et le
sie (de 150 à 600 marks) ; enfin la masse des 3 août 1943 ; elle est occupée par les Bri- tive privée s’exerce sans restrictions F Assyrie / Babylone.
travailleurs manuels (moins de 150 marks). tanniques le 4 mai 1945. dans le domaine de la production et des C. J. Gadd, Hammurabi and the End of his
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bouts d’allumettes. » La Faim ne com- et Victoria (1898), véritables poèmes tous ses héros appartiennent à cette pas moins l’un des caractères les plus
prend aucune attaque sociale. Ham- en prose. Dans Pan, les paysages du race en marge de la société et fils de la attachants de cette veine romanesque.
sun y fait l’apologie du génie, dépeint Nordland sont vécus intensément ; nature : dans la Faim le poste déraciné, À travers l’oeuvre de Hamsun vibre
l’abondance de l’imagination dans la la vertu de l’homme paraît, avant dans Pan le chasseur nomade, dans une note presque païenne. La joie et
misère, décrit le mystère des réactions tout, être l’extase devant la nature et Mystères Nagel, l’homme d’ailleurs la volonté de vivre y sont intenses,
nerveuses et émotionnelles. Le poète l’amour partagé. L’âme suit le rythme et l’ « idée fixe de Dieu », dans Moine tandis qu’à chaque instant transparaît
affamé du roman est un être asocial qui et le cycle des saisons : « Le ciel était Vendt (1902) l’aventurier, héros sans l’angoisse de la mort. Le sentiment de
met en gage son seul gilet pour pouvoir partout pur et ouvert ; je fixais cette doute à l’image du jeune Hamsun, en l’abîme final rend chaque fraction de
donner de l’argent à un mendiant, qu’il mer limpide, couché, c’était comme révolte contre un monde égoïste et pra- vie précieuse et crée un amour insa-
insulte. si j’étais en face du fond de l’univers, tique. L’oeuvre de l’écrivain vieillissant tiable de toute chose. C’est pourquoi
comme si mon coeur battait vivement est empreinte d’une vague tristesse. l’esprit de Hamsun s’aventure dans des
La Faim n’est que le prélude d’une
contre cet unique fond et y était à son Et la Dernière Joie (1912) marque le rêves sauvages, loin de l’ordinaire et
vaste oeuvre, le roman Mystères (1892),
port d’attache. » Roman d’amour, passage à un style plus moraliste, plus du commun.
qui révèle de nouveaux traits de carac-
Pan est, cependant, plus encore un accusateur. Hamsun s’en prend à la so- S. C.
tère chez son auteur. À travers des
roman sur la fusion intime de l’âme ciété moderne et à sa demi-culture, à la J. Wiehr, Knut Hamsun. His Personality and
personnages de fiction — dont Nagel
et la nature. Victoria est le « roman génération des parvenus et à la chasse Outlook upon Life (Northampton, Mass., 1922).
est le plus attachant : l’étranger dans / W. A. Berendsohn, Knut Hamsun. Das unbän-
de l’amour » — amour rendu impos- au profit (Enfant de son époque, 1913 ;
la vie, le « fou » qui a raison, exalté et dige Ich und die menschliche Gemeinschaft
sible par les mouvements impérieux la Ville de Segelfoss, 1915). Il loue la (Munich, 1929). / T. Hamsun, Knut Hamsun.
asocial —, Hamsun dévoile son anti-
et incontrôlables du coeur —, un pano- vie paysanne et primitive (les Fruits Mein Vater (Leipzig, 1940) ; Knut Hamsun (Oslo,
pathie à l’égard de ce qui est établi et 1952). / S. S. Nilson, En Ørn i Uvaer (Oslo, 1960).
rama de ses phases innombrables, car de la terre, 1917). Labourer, produire,
reconnu : le récit est semé de paradoxes l’amour est une force naturelle que vivre en accord avec son milieu natu-
pour ou contre la politique norvégienne
l’esprit ne peut dompter, que l’âme rel, tel est le message de cette épopée
et à propos d’auteurs tels que G. de subit et que le caractère complique : du défricheur Isak. Hamsun achètera
Maupassant*, L. Tolstoï*, H. Ibsen*, « Oui, qu’est-ce que l’amour ? Un vent lui-même dans le sud de la Norvège un Han (époque)
V. Hugo*. De toute sa « logique sub- qui souffle parmi les roses ? Non, une vieux manoir dans lequel il vivra en
jective », Hamsun s’élève contre une phosphorescence jaune dans le sang. « patriarche » entouré des siens. Mais Une des plus brillantes périodes dynas-
littérature qui manque d’exubérance, L’amour est une musique infernale tiques chinoises (206 av. J.-C. - 220
sa verve littéraire n’en faiblira pas pour
de générosité, de chaleur lyrique. Les qui fait même danser les coeurs des apr. J.-C.), pendant laquelle se conti-
autant. Il écrit parmi d’autres oeuvres
romans suivants, le Rédacteur Lynge vieillards. Il est comme la marguerite nua l’oeuvre d’unification et d’exten-
une trilogie pleine d’humour (Vaga-
et Terre nouvelle (1893), qui sont en qui s’ouvre grandement à la venue de sion de l’empire entreprise par Qin Shi
bonds, 1927 ; August, 1930 ; Mais la
partie une attaque contre les nouveaux la nuit et il est comme l’anémone qui se Huangdi (Ts’in Che Houang-ti) dès
vie continue, 1933), dont le person-
talents démunis de cette généreuse ins- ferme devant un souffle et qui meurt au 221 av. J.-C. (V. Chine.)
nage principal est August, l’aventurier
piration, sont écrits dans un style plus toucher. Ainsi est l’amour [...]. » à l’âme légère, le faiseur de contes L’époque Han est traditionnellement
réaliste. Il y a aussi, chez Hamsun, le person- dont l’esprit est hanté par le progrès divisée en Han antérieurs et en Han
Le lyrisme de Knut Hamsun se nage du « vagabond », de l’homme in- moderne. Ce personnage comprend ce postérieurs en raison des capitales suc-
déploie dans les romans Pan (1894) dépendant, solitaire et errant. Presque que Hamsun désapprouve ; il n’en est cessives de Chang’an (Tch’ang-ngan),
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au Shnxi (Chen-si), et de Luoyang fréquemment employées dans le nord, chars, banquets...), se détachent, en sil- deux trochanters sont réunis sur les
(Lo-yang), au Henan (Ho-nan). alors qu’au sud du Yangzi (Yang-tseu) houettes, sur le fond strié de la pierre. faces antérieure et postérieure du
les bouteilles hu et les jarres sans col Le rôle primordial de la ligne est plus fémur par deux crêtes rugueuses, les
L’art de la dynastie Han, à ses débuts,
continue sans rupture celui du IIIe s. av. sont traitées de préférence en grès. évident encore dans le travail du pin- lignes intertrochantériennes. Le col
Cette technique fait alors d’immenses ceau, sur les peintures des tombes (à du fémur s’étend de la tête fémorale
J.-C., mais, à partir du règne de Han
progrès. De très belles pièces, rougies Luoyang [Lo-yang], fin du Ier s. av. J.- aux trochanters et aux lignes intertro-
Wudi (Han Wou-ti) [140-87], un tour-
nant décisif est marqué, tant du point au feu vers la base, portent à la partie C., à Wangdu [Wang-tou], 192 apr. J.- chantériennes : obliquement dirigé en
supérieure une couverte feldspathique C.) et sur une bannière de soie peinte, bas et en dehors, son axe forme avec
de vue historique que du point de vue
brun olive, sous laquelle transparaît exemple unique découvert en 1972 celui de la diaphyse fémorale un angle
artistique. La Chine connaît alors un
un décor incisé d’oiseaux stylisés. Les dans une sépulture (v. 193 av. J.-C.) d’environ 130°.
rayonnement intense, et son influence
découvertes récentes permettent de de Changsha (Tch’ang-cha) au Hunan
s’étend bien au-delà de ses frontières. y La cavité cotyloïde de l’os iliaque
penser que ces céramiques faisaient (Hou-nan). Le trait plus ou moins ap-
Des objets de provenances diverses est à peu près hémisphérique et com-
l’objet d’un commerce national et que puyé traduit le mouvement des corps
ont été trouvés dans les tombes de la prend une partie articulaire en forme
certaines étaient fabriquées dans les ou l’expression des visages ; des cou-
commanderie de Lolang, en Corée*, de croissant, dont les deux extrémi-
fours du Zhejiang (Tchö-kiang), sur le leurs légères sont posées à l’intérieur
une des préfectures les plus éloignées tés, ou cornes, limitent en avant et en
territoire de l’ancien royaume de Yue. des contours (tombes de Luoyang, fin
de la capitale. À la Cour, comme dans arrière l’échancrure ischio-pubienne,
Aussi, au terme de proto-porcelaines du Ier s. av. J.-C.). Solution encore ti-
les provinces, sont créés des ateliers et une partie non articulaire, en retrait,
employé au début du siècle, préfère- mide au problème de la perspective, les
d’État, spécialisés dans le travail du l’arrière-fond. Le bourrelet glénoï-
t-on désormais, pour ces pièces han, scènes sont superposées, plus rarement
métal, du laque*, du jade, de la soie, dien est un fibrocartilage enroulé sur
celui de proto-Yue ou de proto-céla- disposées en diagonales. Les briques
etc. La production artisanale augmente le pourtour de la cavité cotyloïde :
dons (l’expression céladon de Yue est estampées du Sichuan (Sseu-tch’ouan)
considérablement pour répondre à la c’est un prisme triangulaire incurvé
réservée aux productions postérieures [Ier-IIe s.] montrent, en revanche, un sens
demande constante d’une clientèle plus en forme d’anneau qui augmente la
au IIIe s.). de l’espace : dans la Chasse au bord
vaste et éclectique. profondeur de la cavité cotyloïde et
d’un étang ou les Mines de sel dans un
En céramique, mais aussi en bronze, égalise son rebord irrégulier. Les sur-
Actuellement, ce qui nous est par-
site montagneux, le paysage s’intègre
quelques nouvelles formes se dis- faces articulaires coxo-fémorales sont
venu sur cette période reste essentielle-
aux compositions et commence à être
tinguent : le lian (lien), boîte à fard cy- maintenues en contact par une cap-
ment lié aux rites funéraires. En effet,
dessiné pour lui-même.
lindrique soutenue par trois petits ours sule articulaire renforcée par de forts
la sépulture du défunt devait repro-
F. D.
accroupis ; la lampe et le brûle-parfum ligaments ; de plus, le ligament rond
duire, de façon plus ou moins exacte,
F Chine.
boshan (po-chan), dont le nom et le s’étend à travers la cavité articulaire
son habitation terrestre. Deux tombes
couvercle conique ajouré évoquent l’île de la tête fémorale à l’échancrure
fouillées en 1968 dans la région de
où résidaient les Immortels taoïstes. ischio-pubienne.
Baoding (Pao-ting), au Hebei (Ho-
L’influence des croyances taoïstes
pei), ont mis au jour un mobilier d’une y La région inguino-crurale com-
richesse exceptionnelle. Des bronzes
se manifeste aussi sur les miroirs de hanche prend toutes les parties molles de la
bronze, où des souhaits de longévité
dorés ou incrustés d’or et d’argent, des hanche situées en avant du squelette
se mêlent au décor d’arabesques et de Partie du corps qui unit le membre in-
soieries très fines et surtout des « habits et de l’articulation coxo-fémorale.
volutes. Aux environs de notre ère, les férieur au bassin*.
mortuaires », faits de petites pièces de Elle est limitée par des muscles appa-
animaux, symboles des quatre orients,
jade trouées et liées entre elles par des L’armature squelettique de la rents chez le sujet maigre : en dehors,
encadrent la zone centrale et alternent
fils d’or, révèlent le luxe que pouvait hanche est constituée par l’extrémité le tenseur du fascia lata ; en dedans, le
avec des motifs géométriques dessi-
atteindre la tombe d’un personnage de supérieure du fémur, qui s’unit à l’os moyen adducteur et le droit interne ;
nant les lettres T, L, V et dont la signi-
haut rang. iliaque pour former l’articulation au milieu, le muscle couturier, qui
fication reste controversée. Les agrafes coxo-fémorale. limite en bas et en dehors le triangle
Dans les sépultures plus modestes,
et les plaques de ceinture, en bronze
des maquettes en bois ou en terre cuite, de Scarpa. Dans ce triangle, le plan
également, se multiplient et s’ornent
appelées mingqi (ming-k’i), évoquaient Anatomie sus-aponévrotique est parcouru par
de représentations zoomorphes. Les
l’entourage du défunt, ses serviteurs, les vaisseaux et les nerfs superficiels,
thèmes, comme le combat de fauves, y L’extrémité supérieure du fémur
ses animaux et les ustensiles dont il en particulier la veine saphène interne,
sont empruntés à l’art des steppes*. comprend la tête, le col et les tro-
se servit. Ces objets étaient souvent qui, après avoir reçu de nombreuses
chanters. La tête fémorale représente
Les statues d’animaux en ronde
rehaussés de peintures ou revêtus collatérales, traverse l’aponévrose
les deux tiers d’une sphère de 20 à
bosse, placées à l’entrée du champ
d’une glaçure plombifère, colorée pour se jeter dans la veine fémorale ;
25 mm de rayon, regardant en haut
funéraire, frappent par leur majesté.
en vert au moyen d’oxyde de cuivre, autour de cette crosse de la saphène
et en avant, recouverte de cartilage,
Au tombeau du général He Qubing
qui rappelait la patine des bronzes et sont groupés plusieurs amas gan-
sauf près de son centre, où s’insère
(Ho K’iu-ping), mort en 117 av. J.-
constituait parfois un substitut à meil- glionnaires qui drainent les territoires
le ligament rond. Le grand trochanter
C., s’élaborent les premiers exemples
leur prix. Les maisons à étages, les lymphatiques du membre inférieur, de
est une saillie quadrilatère située dans
d’une sculpture monumentale, où les
fermes, les puits, les greniers à grains, la région inguinale et du périnée. Sous
le prolongement du corps du fémur :
volumes, traités par plans, savent tirer
les fourneaux munis de marmites nous l’aponévrose, devant les muscles
sa face externe donne insertion au
parti de l’aspect massif du granit.
donnent des indications précises sur la moyen adducteur, psoas-iliaque et
muscle moyen fessier ; sa face interne
vie matérielle des différentes régions Devant le tumulus s’élèvent, au pectiné cheminent les vaisseaux fé-
est unie dans presque toute son éten-
de l’empire, tandis que les acrobates, Shandong (Chan-tong) et au Henan moraux et le nerf crural, qui s’épa-
due au col fémoral, sauf en dehors et
les danseuses ou les dames aux longues (Ho-nan), des chambrettes destinées nouit en ses branches terminales ;
en arrière, où elle reçoit les tendons
robes évasées rappellent les modes et aux offrandes. Les reliefs gravés sur la gaine des vaisseaux fémoraux, ou
des muscles obturateurs et jumeaux ;
les coutumes de la Chine des Han. leurs murs restituent pour nous la canal crural, s’ouvre en haut dans
sur ses bords s’insèrent les muscles
décoration murale des palais. Au Wu- la fosse iliaque par un large orifice,
La vaisselle d’usage s’inspire en- pyramidal et petit fessier. Le petit
liangzi (Wou-leang-tseu), entre 147 et l’anneau crural.
core des formes des anciens bronzes trochanter est une apophyse conique
167, des scènes historiques et légen-
(hu [hou], ding [ting]...) et de leurs située à l’union du col et de la face y La région obturatrice ou ischio-pu-
daires, associées à des évocations de la
décors, mais le répertoire s’appauvrit. interne du corps du fémur : il donne bienne est située à la partie supérieure
vie quotidienne (chasses, cortèges de
La terre cuite grise et les glaçures sont attache au muscle psoas-iliaque. Les de la face interne de la cuisse : elle
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
répond profondément au trou ischio- tincts : le terrain et la variété de la frac- Chez le vieillard, l’impérieuse néces- Luxation congénitale
pubien. Occupée principalement par ture. Chez les sujets âgés, la fracture sité de la mobilisation précoce fait de la hanche
les muscles adducteurs de la cuisse, du col du fémur menace la vie non pas qu’à l’heure actuelle le traitement de V. luxation.
elle est traversée par le nerf obtura- tant du fait du choc traumatique que choix des fractures cervicales vraies est P. D.
teur accompagné de l’artère et de la de l’immobilisation au lit ; celle-ci
l’arthroplastie par prothèse céphalique
veine obturatrices. entraîne chez le vieillard un ralentis-
(remplacement de la tête du fémur), qui Pathologie médicale
y La région fessière occupe la par- sement de la vie organique, précipite la
doit être précoce, presque d’urgence.
tie postérieure de la hanche. Elle a sénilité, et la mort survient par accident La coxarthrose
Permettant la mobilisation immédiate
comme limites en haut la saillie al- pulmonaire, infection urinaire, embo- C’est le résultat de la localisation à
et l’appui au bout de quelques jours,
longée de la crête iliaque, en bas et lies ou escarres. Chez le sujet jeune, la hanche du rhumatisme dégénératif
au contraire, les fractures cervico-tro- cette intervention a transformé le pro-
en dehors le grand trochanter, et dans appelé arthrose (v. articulation). La
chantériennes consolident toujours. Par nostic de ces fractures si fréquentes du coxarthrose, affection fréquente en
sa partie inférieure le pli fessier. Le
volumineux muscle grand fessier en contre, les fractures cervicales vraies sujet âgé. France, est tantôt primitive, c’est-à-dire
forme le plan musculaire superficiel ; (à l’exception des rares fractures en sans cause décelable, tantôt (dans plus
plus profondément se trouvent le coxa valga) évoluent fatalement, en Les fractures sous- de la moitié des cas) secondaire à di-
moyen fessier et les muscles pelvi- l’absence de traitement, vers la pseu- trochantériennes vers processus pathologiques touchant
trochantériens. La région fessière darthrose, qui peut même survenir sur la hanche. Parmi ceux-ci viennent en
Elles siègent à la partie supérieure de la
est traversée par plusieurs pédicules une fracture correctement traitée. tête les malformations congénitales :
diaphyse fémorale, en dessous du grand
vasculo-nerveux. Le traitement des fractures du col du subluxation et dysplasie de la hanche
trochanter. Il s’agit le plus souvent de
fémur est toujours chirurgical : dans (formes mineures de la luxation* de
fractures à plusieurs fragments, dues à la hanche), et protrusion acétabulaire
Pathologie traumatique les fractures cervico-trochantériennes,
des chocs violents. Même en l’absence (tête fémorale emboîtée dans un cotyle
la contention, après une réduction en
Fractures du col du fémur de traitement, leur évolution se ferait trop profond). Les autres causes inter-
général facile, sera assurée par un clou
La fracture du col du fémur est l’une ou une vis introduits dans le col fémo- vers la consolidation, étant donné la viennent plus rarement : malformations
des plus fréquentes des fractures des ral et rendus solidaires d’une plaque riche vascularisation de la région, mais acquises de la hanche, traumatismes
membres et la plus grave, car la seule métallique fixée sur la diaphyse ; la au prix de cals vicieux toujours graves. (fracture du cotyle, fracture du col
qui pose fréquemment le problème du mobilisation sera immédiate, active fémoral ou luxation de la tête fémorale
Le traitement chirurgical (réduction et
pronostic vital chez les gens âgés. Le suivies de nécrose), inflammation ou
et passive, et le lever sans appui très ostéosynthèse) a pour objet d’éviter
plus souvent, elle est due à un choc rapidement réalisable. Les indications infection ancienne de l’articulation.
ces cals vicieux, tout en permettant une
violent sur le trochanter, plus rare- thérapeutiques des fractures cervicales La coxarthrose apparaît en moyenne
mobilisation rapide.
ment à une chute sur les pieds ou les vraies ne sont pas les mêmes selon vers soixante ans et touche plus souvent
genoux, mais la fragilité du col est telle le terrain. Chez le sujet jeune, il faut la femme. Elle est favorisée par l’obé-
Luxations traumatiques
chez le vieillard que la fracture peut essayer d’obtenir une reconstitution sité et peut être associée à d’autres lo-
succéder à un traumatisme minime, de la hanche
anatomique, donc de procéder à une calisations de l’arthrose (polyarthrose).
voire un simple faux pas au cours de réduction parfaite (toujours difficile Elles sont peu fréquentes, succédant à
La douleur, signe révélateur de la
la marche. Le diagnostic est facilement et demandant souvent une opération un traumatisme particulièrement vio- maladie, apparaît à la marche, à la
fait par l’examen clinique : impotence qui permettra de réduire sous contrôle lent : chute d’une grande hauteur, choc station debout ; elle est calmée par
fonctionnelle, rotation externe et rac- de la vue). La surveillance postopéra- violent sur le genou, la cuisse étant le repos. Son siège est la racine de la
courcissement du membre. Mais c’est toire doit être rigoureuse, clinique et fléchie à 90° (passager avant dans un cuisse, parfois le genou. Elle s’accom-
l’examen radiologique qui en précise le radiologique, pour déceler à temps un
accident d’automobile). Elles s’ob- pagne d’une diminution de la mobilité
type exact : fracture cervicale vraie, où déplacement secondaire ou un début de
servent presque exclusivement chez de l’articulation, responsable, à plus
le trait divise le col à sa partie moyenne nécrose de la tête. Une greffe osseuse ou moins long terme, d’une boiterie
ou au ras de la tête (fracture sous-ca- l’adulte jeune, au col fémoral très résis-
peut parfois permettre la consolidation et d’une limitation de la durée de la
pitale) ; fracture cervico-trochanté- tant. La réduction d’urgence s’impose,
d’une pseudarthrose débutante ; bien marche. Seule la radiographie permet
rienne, dont le trait siège à l’union du mais elle est souvent difficile ; le pro-
souvent, il ne reste comme ressource de porter avec certitude le diagnostic
col et du massif trochantérien. que l’arthroplastie de la hanche, opé- nostic est toujours à réserver, surtout
en relevant les signes les plus précoces
Le pronostic des fractures du col ration qui consiste à remplacer la tête s’il existe des lésions associées, telle de l’arthrose : le pincement de l’inter-
est conditionné par deux facteurs dis- nécrosée par une prothèse métallique. une fracture du sourcil cotyloïdien. ligne articulaire et les néo-formations
d’os spongieux appelés ostéophytes.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
l’intervention (butée, ostéotomie) cor- polyarthrite rhumatoïde et la spondy- (coxa retrorsa), favorisant l’appari-
rige le vice architectural responsable larthrite ankylosante (v. rhumatisme). tion ultérieure d’une coxarthrose.
handball
et permet ainsi de freiner ou d’arrêter
L’ostéonécrose aseptique Sport d’équipe se jouant à la main avec
l’évolution de l’affection. En dehors Autres affections de la hanche
de la tête fémorale un ballon rond.
de cette circonstance, le traitement
Parmi les plus fréquentes figure la
est essentiellement médical, fondé sur Autrefois appelée ostéochondrite dis- D’origine germanique, le handball
maladie de Paget* : la coxopathie pa-
l’hygiène de la marche, l’utilisation séquante de la hanche, cette affection (« balle à la main ») est un sport récent,
gétique, parfois bilatérale, est souvent son véritable essor ne datant que de
d’aspirine et d’indométhacine, la réé- est caractérisée anatomiquement par
peu douloureuse et bien tolérée pen- 1958.
ducation par la kinésithérapie. En cas l’apparition d’une nécrose osseuse
d’échec, une intervention chirurgicale d’une partie ou de la totalité de la tête dant des années ; elle nécessite excep-
tardive à visée palliative peut être pro- fémorale, probablement secondaire à tionnellement le recours à la chirurgie. Les règles
posée. Le choix s’opère entre l’ostéoto- une obstruction artérielle non formel- L’atteinte de la hanche peut être se- y Le matériel. Le ballon doit mesurer de
mie et la mise en place d’une prothèse lement démontrée. Diverses circons-
condaire à une affection neurologique 58 à 60 cm de circonférence et peser de
alcoolique, affections métaboliques synoviale (ostéochondromatose). gardiens de but et dix joueurs du champ)
fièvre. Malgré le traitement par immo- téochondrose de la hanche, s’observe H. Serre, L. Simon et coll., Pathologie médi- 2o un jet de coin (corner) l’équipe qui dé-
entre cinq et dix ans, surtout chez le cale de la hanche chez l’adulte (Masson, 1968) fend lorsqu’elle a détourné le ballon der-
bilisation et antibiothérapie prolon-
gée, la guérison n’est souvent obtenue garçon. Les douleurs de la hanche,
qu’au prix de sérieuses séquelles. progressives et chroniques, s’accom-
pagnent d’anomalies radiologiques
y La coxite tuberculeuse, appelée
avec une densification, puis une frag-
coxalgie, est devenue rare depuis
mentation du noyau d’ossification de
la pratique de la vaccination par le
la tête fémorale. Cette affection rare,
B. C. G. Elle doit être suspectée de-
parfois bilatérale, résulte pour cer-
vant toute hanche douloureuse inex-
tains d’un défaut de vascularisation.
pliquée. Les lésions radiologiques
La réparation des lésions se fait en
sont tardives et communes à toutes
un à trois ans après une immobilisa-
les coxites. La mise en évidence du
tion soit au lit, soit par un appareil de
bacille de Koch et des légions histo-
décharge.
logiques tuberculeuses est une étape
y L’épiphysiolyse de la tête du fémur
capitale qui nécessite la ponction de
est une affection de l’adolescence,
l’articulation et la biopsie chirurgicale
parfois appelée coxa vara de l’ado-
de la synoviale. Grâce à un traitement
lescent. Elle s’observe surtout chez
précoce, on peut espérer une guérison
le garçon de douze à quinze ans et
complète ou des séquelles minimes.
touche les deux hanches dans un quart
y Les coxites inflammatoires, appe- des cas. Une altération du cartilage
lées coxites rhumatismales, sont le de conjugaison, de cause obscure, est
résultat de la localisation à la hanche responsable d’un glissement vers le
d’un rhumatisme inflammatoire chro- bas et l’arrière du noyau d’ossifica-
nique. Elles en aggravent considéra- tion de la tête fémorale. Abandonnée à
blement le pronostic. Les affections elle-même, la maladie laisse des ano-
responsables sont essentiellement la malies morphologiques de la hanche
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
rière sa ligne de but. Cette règle n’est pas moitié (24). Des cinq continents, seule représente une masse de 200 000 prati- général et musical. Là, le futur auteur
applicable au gardien ; l’Océanie n’a pas encore été touchée quants. Son attraction sur les jeunes lui de Water Music rencontre le fils du
3o un jet de 7 m (penalty) pour toute faute
par ce nouveau sport, qui gagne, en re- a d’ailleurs valu de devenir rapidement Kapellmeister de Weissenfels, Johann
grave commise par un défenseur entre la
vanche, du terrain en Afrique, où l’on le deuxième sport scolaire, juste der- Gotthilf Krieger, ainsi que Gottfried
ligne des 6 m et celle des 9 m ou lorsque
dénombre quatorze nations affiliées. rière le football. Kirchhoff, qui suivent, comme lui,
le défenseur a un pied posé dans sa propre
surface de but (ligne des 6 m) ; L’Amérique se familiarise également l’enseignement dispensé, entre autres,
Depuis son apparition sur la scène
avec le handball. par les trois cantors de la ville. À ceux-
4o une exclusion (2 minutes, 5 minutes, internationale, en 1946 pour le hand-
définitive) à tout joueur s’étant rendu là, il faut ajouter F. Wilhelm Zachow,
Mais parmi les pays nouvellement ball à onze (France bat Luxembourg :
coupable d’un geste antisportif. Un joueur organiste à la Marienkirche, qui initie
conquis, si l’on excepte le Japon 10-6) et en 1952 pour le handball à sept
exclu provisoirement ou définitivement ne véritablement Georg Friedrich aux
(dixième puissance mondiale en 1970 (Suisse bat France : 14-6), la France
peut être remplacé pendant la durée de techniques du clavier et de la compo-
à Paris), parvenu à un excellent degré n’est jamais arrivée vraiment à s’inté-
son expulsion.
sition. Par sa haute culture et sa largeur
de technicité, aucune autre nation ne grer dans le peloton de tête des grandes
d’esprit, il impressionne son jeune
peut actuellement prétendre rivaliser nations. En fait, on peut situer sa valeur
élève. Sa méthode d’enseignement
avec les pays européens. entre le quinzième et le vingtième rang
L’historique consiste à faire analyser des oeuvres
dans la hiérarchie mondiale.
Ce sport, né vers 1915, est le produit de tous horizons ; Händel nous a laissé
G. G.
de plusieurs jeux régionaux (comme le un cahier daté de 1698, sur lequel il a
R. Ricard et J. Pinturault, le Handball à 7
korfbal néerlandais, le ballon militaire recopié des oeuvres de N. A. Strungk,
(Bornemann, 1963 ; nouv. éd., 1967).
au but allemande) ; il a longtemps cher- J. Kaspar von Kerll, les vieux maîtres
ché sa voie entre deux formes de jeu (le allemands de la polyphonie — à qui
il doit sa science contrapuntique —,
handball à onze, sport de plein air, et le Händel (Georg
handball à sept, sport de salle). mais aussi des copies de partitions de
Friedrich) J. J. Froberger et de Zachow. Son père
La première est due aux Allemands,
étant mort le 11 février 1697, il aurait
et la seconde aux Scandinaves, qui,
Compositeur allemand naturalisé pu se consacrer tout entier à la mu-
pour des raisons climatiques, firent
anglais (Halle 1685 - Londres 1759). sique. Faut-il que la volonté du défunt
une adaptation de la première quelques L’empreinte des ait été forte pour que le garçon pour-
Son nom s’orthographie aussi HAENDEL,
années plus tard dans leurs salles. pays socialistes HENDEL ou HANDEL. suive ses études et s’inscrive en 1702 à
Sur le plan international, dix ans la faculté de droit !
Comme beaucoup d’autres sports, le
séparent le premier match internatio-
handball a suivi, sous l’impulsion des Sa vie et sa carrière Malgré tout, il essaie de concilier
nal de handball à onze, joué en 1925 à
pays de l’Est européen, une progres- ses études universitaires et son amour
Halle (Autriche bat Allemagne : 6-3), Une volonté de réussir marque sa fa-
sion soutenue tant dans le domaine de la musique. Le 13 mars 1702, il est
de la première confrontation à sept, mille d’origine silésienne. Le grand-
technique et tactique que dans celui de nommé organiste intérimaire à la Dom-
disputée en 1935 à Copenhague (Suède père est maître chaudronnier ; le père,
la préparation physique. Les facilités kirche. Par ailleurs, il se lie d’amitié
bat Danemark : 18-12). d’abord barbier-chirurgien, est ensuite
d’entraînement dont bénéficient les avec G. Ph. Telemann, étudie les opé-
promu chambellan du duc de Saxe,
Ni les jeux Olympiques de 1936, joueurs des pays socialistes (le hand- ras de Johann Theile et suit les activités
puis du prince électeur de Brande-
qui réunirent à Berlin trois pays (Alle- ball est partout un sport amateur) ont d’une association de hautboïstes toute
bourg. À soixante et un ans, devenu
magne, Autriche, Suisse) en handball contribué grandement à son épanouis- nouvelle. On voit par là le caractère
veuf, il épouse en 1683 la fille d’un
à onze, ni les premiers championnats sement, notamment en Roumanie (trois toujours en éveil du jeune homme, sa
pasteur qui a tout juste dépassé la tren-
du monde de handball à sept en 1938, titres mondiaux), en Allemagne de passion pour toutes les formes de son
taine. On lui connaît des relations avec
toujours à Berlin, avec quatre partici- l’Est (vice-champion du monde 1970) art et son endurance exceptionnelle.
des organistes et des chefs d’orchestre,
pants (Allemagne, Autriche, Suède, et en Yougoslavie. L’Allemagne de Un autre trait de sa personnalité se
dont David Pohle. Pourtant, il est indu-
Danemark), ne firent réellement « bou- l’Ouest, la Suède et le Danemark, qui dessine à ce moment : son ambition.
bitable qu’il freine les velléités musi-
ger » un sport qui, à l’époque, n’était sont pourtant les pionniers de ce sport, En effet, Händel n’a que dix-huit ans
cales précoces de son fils. Pour l’heure,
guère connu en France qu’en Alsace peinent pour s’opposer à cette forte quand il décide de quitter Halle pour
l’opinion publique n’a pas d’admira-
et en Franche-Comté. En fait, il fallut coalition, qui obtient les mêmes succès se rendre à Hambourg. Là, d’une part,
tion pour les artistes. Par ailleurs, peut-
attendre la fin de la Seconde Guerre chez les femmes. il fait plus ample connaissance avec
être dans un souci de voir son enfant
mondiale pour voir ce sport partir à la l’opéra, puisqu’il est violoniste dans
La création en 1956-57, par le jour-
gravir les échelons de la dignité, sou-
conquête de l’Europe puis à celle du le théâtre dirigé par Reinhard Keiser
nal l’Équipe, de la Coupe des clubs
haite-t-il qu’il embrasse une carrière
monde. et d’autre part, il peut faire exécuter,
champions européens de handball à
dans la magistrature.
Des deux formes de jeu pratiquées sept a contribué dans une large mesure le 17 février 1704, la Passion selon
Lors d’un voyage avec son père, saint Jean, son premier oratorio. Il ren-
jusqu’ici, il n’en reste plus actuelle- à la popularité de ce jeune sport, qui a
Georg Friedrich, âgé de sept ans, se contre J. Mattheson qui, encore plus
ment qu’une seule : le handball à sept ; obtenu, en 1972, sa consécration à l’oc-
produit à l’orgue. Les auditeurs pré- que lui, se distingue par son érudition.
son frère aîné, le handball à onze, casion des jeux Olympiques de Munich
sents à la cour de Weissenfels ce jour- C’est avec cet interprète, compositeur,
s’étant pratiquement éteint à la fin des (remportés par la Yougoslavie).
là, en l’occurrence le duc de Saxe, poète et musicographe qu’il se rend à
années 1950.
le Konzertmeister Johann Beer et le Lübeck. S’ils entendent le vieux Die-
En France
Kapellmeister Johann Philipp Krieger, trich Buxtehude, ils ne posent pas leur
Plus de cinquante
En France, le handball n’a cessé de affirment qu’il faut donner une édu- candidature à sa succession d’organiste
pays affiliés
gagner du terrain ces dernières années. cation musicale sérieuse à ce garçon. de la Marienkirche, car la condition
Aujourd’hui, plus de cinquante pays, Fondée en 1941, la Fédération fran- Face au jugement de si hauts digni- sine qua non est d’épouser la fille du
représentant quelque trois millions de çaise de handball (F. F. H. B.) comptait taires, l’ancien chirurgien-barbier se maître du clavier ! Ils s’en retournent à
joueurs, sont affiliés à l’International en 1956 moins de 10 000 joueurs. Au- voit contraint d’obéir. Il inscrit son Hambourg. C’est dans cette ville alle-
Handball Federation (I. H. F.). L’Eu- jourd’hui, elle est à la tête de 80 000 li- enfant au gymnase luthérien de Halle, mande que notre homme prend contact
rope, à elle seule, en compte près de la cenciés. Au total, le handball français qui donne un enseignement à la fois avec l’Angleterre, en devenant, avec
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
il obéit à Son Altesse Royale en faisant pour trouver des chanteurs italiens.
exécuter un Te Deum pour célébrer la Une rencontre avec J.-S. Bach manque
paix d’Utrecht et une ode pour l’anni- de se produire au cours de ce séjour.
versaire de la reine Anne, qui lui offre Le 27 avril 1720, le théâtre de Hay-
200 livres de rente. Il vit confortable- market présente le Radamisto que Hän-
ment chez lord Burlington, côtoyant là del dédie au roi. Jusqu’en 1728, treize
les écrivains en renom Pope et Swift. autres opéras se succéderont. Mais Bo-
Après la mort de la duchesse Sophie noncini semble prendre le pas ; Astarto
et de la reine Anne, George de Hanovre est pour lui un succès ; Muzio Scevola,
est proclamé roi d’Angleterre (1714). dont on demande au Saxon de faire le
Quelle sera la réaction de George Ier troisième acte pour comparer son style
vis-à-vis de son ancien employé indé- à celui de l’Italien, confirme cet état de
licat ? Il faut croire que le pardon ac- fait. En 1723, avec Ottone, l’équilibre
cordé fut total puisqu’en 1716, un an paraît se rétablir entre la popularité
après l’opéra Amadigi di Gaula, le roi des deux hommes, mais une lutte sans
amène son compositeur favori à Halle merci s’engage alors entre les chan-
pour un bref séjour. Händel retrouve teurs et surtout les chanteuses Fran-
sa mère, découvre l’orgue tout récent cesca Cuzzoni et Faustina Bordoni, qui
de la Liebfrauenkirche, écoute de épousera J. A. Hasse. Ces deux femmes
nombreuses Passions musicales. Lui- en viennent même aux mains lors d’une
même reprend le texte d’un camarade représentation en présence de la prin-
d’université, qu’il met en musique, la cesse de Galles. De plus, les Anglais
Passion selon B. H. Brockes. Celle-ci manifestent des signes d’hostilité vis-
est donnée en 1717 avec Mattheson à à-vis de George Ier et, par nationalisme,
la tête de l’orchestre. Les vingt et une à tous ceux qui viennent d’outre-Rhin.
pièces qui composent Water Music Décidant de rompre d’une manière
sont essentiellement des danses qui ont définitive avec son pays, Händel se
été données lors d’une promenade du fait naturaliser anglais en 1726. Mais
roi George Ier sur la Tamise cette même le climat passionnel a atteint une telle
année. intensité qu’après la représentation,
grand profit et assimile si bien le style duos et de concertos. Il a pu aussi être tragédie pastorale (les Anglais disent tour en Angleterre, où il compose les
italien que le succès d’Agrippina, en sensible à la bienveillance de la reine masque) de Acis and Galatea, d’après quinze sonates pour la flûte traversière,
1709, le fait surnommer Il caro Sas- Anne et au fait qu’une partie des An- une oeuvre de J. Gay, Esther oratorio le violon ou le hautbois et basse conti-
sone (« le cher Saxon »). Ont pu contri- glais regrettent de devoir recourir aux qu’il remaniera, ainsi que huit suites de nue (op. 1) et les célèbres concertos
buer à cette ascension les oratorios Il Italiens pour combler la place vide lais- pièces pour le clavecin datent de cette d’orgue, qu’il joue en intermède à ses
Trionfo del Tempo et La Resurrezione, sée à l’opéra après la mort de Purcell époque. oratorios.
élaborés pour le cardinal Ottoboni en (1695). Sans nier la supériorité de la Avec le soutien du roi et sous la À cette époque, on lui oppose à
1708, ainsi que sa légendaire virtuosité langue italienne, le public, dans l’im- pression des notables londoniens se Londres Johann Adolf Hasse (1699-
à l’orgue et au clavecin. médiat, se sent plus d’affinités avec les fonde une Royal Academy of Music 1783) et Nicola Porpora (1686-1768).
C’est à ce moment que Händel dé- Germains. Hélas ! pour Händel, cet état sous la triple direction — révélatrice Händel continue à se battre sur le ter-
d’esprit variera au cours des années et de l’esprit qui anime la capitale — de rain si difficile de l’opéra italien, mais
cide de choisir sa deuxième patrie :
suivra les fluctuations politiques.
l’Angleterre. Certes, il fait un détour Händel, de Giovanni Battista Bonon- il lui vient l’idée d’utiliser des textes
par son pays natal et accepte même Pour l’heure, Händel s’empresse de cini (1670-1747) et d’Attilio Ariosti anglais. Ezio, puis Sosarme et surtout
le poste de directeur de la chapelle de satisfaire ses nouvelles amitiés. Après (1666 - v. 1740). Notre compositeur l’oratorio Deborah, daté de 1733,
la cour de Hanovre en juin 1710. En la composition du Pastor fido (1712), fait un rapide voyage en Allemagne marquent le revirement. Dans le même
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
temps et de façon progressive, Händel En revanche, on boude en 1738 ses au théâtre : la partition du Messie n’est sens, parler d’un romantique avant la
s’attache à la musique religieuse et à deux opéras Faramondo et Serse, ainsi pas admise. Malgré tout, les oeuvres lettre. Bien avant Beethoven et Mozart,
l’oratorio profane, délaissant le théâtre que Saul et Israel in Egypt. continuent de proliférer : Semele n’est-il pas celui qui a eu l’audace de
lyrique ; la complète reconversion se d’après W. Congreve en 1744, Her- se libérer des contraintes sociales et de
Après s’être tourné vers des textes
situera vers les années 1740. Réfugié cules l’année suivante. tourner les talons à un prince, en l’oc-
de Dryden et de Milton, Händel écrit
en 1734 au théâtre de Covent Garden, currence George de Hanovre ?
Trois grandes fresques sonores de
les douze concerti grossi (op. 6), puis
il écrit Terpsichore, ballet destiné à circonstance donneront l’occasion à Romantique, Händel l’est aussi par
Mlle Sallé, danseuse française. ses derniers opéras : Imeneo et Deida-
Händel de montrer son attachement à le goût théâtral et descriptif qui inonde
Le 19 février 1736, on crée l’Alexan- mia. Du 22 août au 14 septembre 1741, sa patrie d’adoption. En juillet 1745, toute sa musique. Il faudra attendre
der’s Feast sur une ode de J. Dryden. soit en moins d’un mois, il compose le petit-fils de Jacques II, Charles un Liszt pour retrouver une telle
Un an après, Händel subit une attaque sa grande oeuvre : Messiah (le Messie), Édouard, arrive de France. Ce jeune conception.
de paralysie et part faire une cure à puis la première version de Samson prétendant débarque en Écosse et Ce n’est pas un hasard non plus si
Aix-la-Chapelle. Le 20 novembre, il marche sur Londres. La population
d’après Milton. Il se rend à Dublin, les sujets de ses opéras sont si variés :
trouve la ressource d’écrire le Fune- reste assez indifférente. Qu’importe !
invité par le duc de Devonshire, lord du comique d’Almira jusqu’au monde
ral Anthem for Queen Caroline, pour Le compositeur écrit coup sur coup un
lieutenant d’Irlande. Pendant neuf fantastique d’Orlando, on peut pré-
l’épouse de George II, qui l’avait sou- hymne pour les enrôlés volontaires, tendre que Händel, dans ce milieu an-
mois, il donne des concerts et présente
tenu en toute circonstance. l’Occasional Oratorio (1746) et sur- glais, a perçu un art qui inspirera tout
en avril Messiah, qui plaît d’emblée. tout Judas Maccabaeus (1747) pour
Si le public n’apprécie pas toujours le siècle suivant et dont la base réside
ses compositions, il s’est attaché pour- Le retour à Covent Garden lui rap- la victoire du duc de Cumberland à dans le mélange des genres déjà porté
tant à la personnalité du musicien. On pelle que toutes les vieilles querelles Culloden. au plus haut point, en littérature, par
dresse sa statue dans les jardins de ne sont pas éteintes. Cette fois, on lui Deux événements importants Shakespeare.
Vauxhall, on lui organise un concert. reproche d’introduire des textes sacrés marquent l’année 1749. Les fêtes en Près d’un siècle avant Berlioz, Hän-
l’honneur du traité d’Aix-la-Chapelle del possède au suprême degré le sens
permettent de faire entendre dans de l’orchestre.
le Green Park Music for the Royal
Fireworks, pour instruments à vent,
Bach et Händel
partition à laquelle Händel ajoutera par
la suite une partie de cordes. La fonda- Il faut éviter les comparaisons conven-
nous vaut Foundling Hospital Anthem. destins étrangers. Tous les deux sont
L’année même où J.-S. Bach meurt, nés la même année en Allemagne. Le
Händel fait un voyage à Halle. Il lui premier, issu d’une famille d’artistes,
reste neuf années à vivre. S’il com- a débuté très jeune dans la carrière, bai-
pose, interprète et dirige ses oeuvres, gnant dans le monde musical. L’autre,
c’est par un dernier effort de volonté, au contraire, plutôt freiné dans sa vo-
car, en 1752, il doit subir une opération cation, a eu une formation de culture
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
On peut se demander si Händel a da- thétiques nouvelles. L’Allemagne du G. F. Händel (Berlin, 1898). / R. A. Streatfeild,
vantage cherché à plaire au public que début du XIXe s., dans un mouvement Händel (Londres, 1909). / R. Rolland, Haendel vivre aussi normalement que possible.
(Alcan, 1910 ; éd., A. Michel, 1952). / M. Bre-
son confrère. Les tournures de la phrase nationaliste, rejette les étrangers. Hän- 2e
Si, depuis la fin de la guerre d’Algé-
net, Haendel (Laurens, 1912). / Händel-Jahr-
sont plus élégantes, les instruments del en fait partie ; bien plus, il est le rie, le nombre des handicapés par faits
buch, éd. par R. Steglitz (Leipzig, 1928, 1933
ne sont pas utilisés pour eux-mêmes, renégat par excellence, celui qui s’est et 1955). / E. J. Dent, Handel (Londres, 1934). de guerre ne s’accroît plus en France,
mais pour fournir des ensembles cha- sauvé de sa terre natale, qui n’a prati- / F. Ehrlinger, Händels Orgelkonzerte (Wurtz-
ce sont les accidents* de la route, en
bourg, 1940). / P. Nettl, Georg Friedrich Hän-
toyants. Tous les deux composent vite, quement pas utilisé dans son oeuvre vo- forte augmentation, les accidents*
del (Berlin, 1958). / W. Dean, Handel’s Drama-
reprennent parfois des formules qu’ils cale et même instrumentale la langue tic Oratorios and Masques (Londres, 1959). / du travail et les maladies profession-
ont déjà utilisées ou puisent leurs mé- de son pays, celui qui a repoussé K. Sasse, Händel Bibliographie (Leipzig, 1961 ; nelles qui, chaque année, augmentent
2e éd., 1967).
lodies chez d’autres musiciens. jusqu’à son nom (il signe George Fri- le nombre des handicapés physiques.
deric Händel à partir du moment où
À leur mort respective, leur pos- Le nombre des sujets porteurs d’une
térité s’annonce différemment. Bach il est naturalisé anglais) et repose en
infirmité de naissance ou survenue
(† 1750) a quelques élèves et quatre en- Angleterre.
dans l’enfance augmente du fait des
handicapé
fants qui peuvent diffuser sa musique ; En 1829, Mendelssohn dirige à Leip- progrès de la médecine, qui permettent
Händel († 1759) n’a pas de fils direct zig la Passion selon saint Matthieu de la survie de nombreux handicapés
« Toute personne dont les possibilités
ni spirituel. D’une manière inattendue, Bach. Le centenaire de la composition physiques ou mentaux, qui, autrefois,
d’acquérir ou de conserver un emploi
il arrive le contraire de ce qui était pré- de l’oeuvre permet à l’Allemand de re- n’auraient pas vécu du fait de leur
sont effectivement réduites du fait
visible : les oeuvres du premier, jugées nouer avec son passé musical ; de plus fragilité. Les aberrations chromoso-
d’une insuffisance ou d’une diminution
démodées, sont laissées de côté — l’homme qui est l’auteur de la partition miques (v. chromosome et génétique),
de ses capacités physiques ou men-
même par les siens —, alors que celles est l’exemple même du bon citoyen. La les maladies métaboliques ou infec-
tales. » Cette définition du handicapé,
du second continuent à lui survivre. multiplication des hommages rendus tieuses de la mère, les embryopathies
contenue dans la loi du 23 novembre
Les Anglais, trop heureux d’avoir un au cantor de Saint-Thomas, dès cet ins- (affections de l’embryon) et les foeto-
1957, est volontairement très générale,
grand compositeur ayant opté pour leur tant, aboutit à la fondation, par Robert pathies (affections du foetus), les acci-
englobant aussi bien ceux qui sont in-
patrie, se chargent de sa postérité par la Schumann, en 1850, de la Bach-Ge- dents de l’accouchement (notamment
valides de naissance que ceux qui le
publication et les concerts. sellschaft et à la publication de 46 vo- l’anoxie* néo-natale), les infections
sont devenus par maladie ou accident.
Lorsque les Mozart sont invités à lumes de 1851 à 1900. Si Schumann, virales ou microbiennes de la première
Le but de cette loi, complétée par
Londres, le 28 mai 1764, le roi fit jouer par ailleurs, déclare qu’Israel in Egypt enfance sont parmi les causes les plus
de nombreux décrets et arrêtés, est,
à Wolfgang non seulement des pièces est « son idéal d’une oeuvre chorale », fréquentes de ces infirmités qui em-
en effet, d’apporter à tous les handi-
de Bach (vraisemblablement Johann le grand public n’a toujours qu’une pêchent le développement normal des
capés des possibilités de reclassement
Christian, fixé à Londres depuis deux connaissance superficielle de l’auteur facultés de l’enfant.
professionnel et de réinsertion dans la
ans, ou Carl Philipp Emanuel, son du Messie.
Les progrès de la réanimation et de
société, quelle que soit la cause de leur
frère), mais aussi de K. F. Abel et de Alors que l’Angleterre a créé en la chirurgie, sauvant la vie de nom-
état.
Händel. Le 28 juin, le petit Wolfgang 1843 la Handel Society, qui tente, avec breux accidentés, font qu’un grand
joue un concerto pour orgue dans un des moyens limités, de faire connaître nombre de blessés se retrouvent avec
programme comprenant des airs chan- Causes des handicaps
le musicien, l’Allemagne attend les an- des séquelles plus ou moins impor-
tés de Händel. Il précise par la suite, nées 1856 pour inaugurer la Deutsche Jusqu’à une époque assez récente, les tantes, alors qu’autrefois ils seraient
le 10 avril 1782, dans une lettre à son Händel-Gesellschaft. Friedrich Chry- handicapés étaient plus ou moins bien morts de leurs blessures.
père : « Je suis en train de me faire sander (1826-1901), qui accomplit considérés et, par suite, aidés selon la
Enfin, on pense généralement que la
une collection de fugues de Bach, un travail louable en rééditant 94 vo- cause de leur état.
concentration urbaine, le bruit, la pol-
aussi bien Sébastien que d’Emanuel lumes, reproche à Händel sa « trahi- C’est ainsi que la société, se ju- lution, le surmenage dans les usines, le
et de Friedemann Bach, et puis aussi son » envers la patrie. geant en dette à l’égard des mutilés relâchement des liens familiaux sont
de celles de Händel, et il ne manque
En 1861, Brahms compose des Va- de guerre, leur accordait dès le lende- responsables de nombreuses affections
plus que celles-là. » En 1789, il fait des
riations et fugue sur un thème de Hän- main de la Première Guerre mondiale mentales, névroses ou psychoses, qui
arrangements du Messie. del. Nietzsche parle de Händel comme des possibilités de se soigner, une constituent autant de handicaps.
En 1794, J. Haydn — qui a déjà d’un « bon Européen ». Sa célébrité relative réparation matérielle du préju-
connaissance des manuscrits de franchit les frontières, puisque Liszt et dice qu’ils avaient subi, et un droit au
Les différents handicaps
J.-S. Bach — se rend en Angleterre et Saint-Saëns en font un précurseur de la reclassement professionnel, selon leurs
entend des oratorios d’Händel à West- musique descriptive par ses oratorios. possibilités. Chez l’adulte, il est relativement fa-
minster. « Il est notre maître à tous », cile de définir un handicap physique
De nombreux ouvrages sont consa- Les accidentés du travail obtenaient
déclare-t-il, et il se met à l’écriture de et d’évaluer ses conséquences : ainsi,
crés à Händel depuis le début du siècle, ce droit au reclassement par une loi de
deux de ses plus belles oeuvres : les la perte d’usage d’un membre ou son
en particulier en Allemagne. La Hal- 1930, mais il fallut attendre la création
Saisons et la Création. amputation, la perte ou l’altération
lische Händel-Ausgabe, à partir de de la Sécurité sociale, en 1945, pour
de la vue ou de l’ouïe, une mutilation
Beethoven, à son tour, lance le 1955, s’applique à une nouvelle édi- que tous les assurés sociaux puissent
de la face ou des maxillaires donnent
« Voici la Vérité » après avoir reçu tion de l’oeuvre, pendant que l’Angle- obtenir la garantie de retrouver un
lieu à des invalidités qui peuvent être
en 1826 les trente-six volumes publiés terre s’attache à sa diffusion. La France emploi en cas d’incapacité partielle.
chiffrées.
en Grande-Bretagne. Il ajoute au petit découvre à son tour le musicien : une Ces dispositions furent étendues à tous
Gerhard von Breuning : « Regarde, j’ai Société Haendel est fondée à Paris en les infirmes en 1953 par décret, mais Chez l’enfant, au contraire, et ce
reçu ce cadeau [...]. Depuis longtemps 1910 par F. Rangel. ce n’est que la loi de 1957 qui apporta d’autant plus qu’il s’agit d’un sujet
je le désirais, car Händel est le plus M. V. enfin un statut précis à tous les handi- très jeune, une altération des organes
grand, le plus solide des compositeurs ; J. Mainwaring, Memoirs of the Life of the capés, y compris les infirmes de nais- des sens, des fonctions sensitives ou
de lui, je puis encore apprendre. » Late G. F. Handel (Londres, 1760 ; trad. fr. Vie sance. Les textes ultérieurs ainsi que la motrices entrave le développement
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
normal des fonctions de relations. Les bilités d’insertion professionnelle des dans l’enfance est un objectif qui ne Sagonte tombée après un long siège
possibilités d’apprentissage des gestes handicapés, mettant à contribution les peut être atteint que par le concours de (219), la guerre déclarée avec Rome,
et des comportements courants sont familles et leurs associations, les em- la génétique médicale, de l’obstétrique, Hannibal prit le parti de gagner l’Ita-
très réduites ou nulles, et l’enfant ne ployeurs et les services publics, l’expé- de la bonne organisation des materni- lie par la voie de terre. J. Pernoux a
pourra pas acquérir un développement rience ayant prouvé que les efforts des tés, de la médecine néo-natale et de la pensé trouver l’explication de cette
psychique harmonieux. personnes directement ou indirecte- pédiatrie ainsi que par une mise à profit entreprise téméraire dans l’absence de
Les arriérations* mentales de tous ment concernées permettaient d’huma- constante des découvertes dans les dif- cartes exactes de la Méditerranée : le
niveaux et même les débilités* men- niser et de faciliter les contacts et les férentes branches de la médecine qui général pouvait avoir fait une compa-
actions entreprises. s’y rapportent. Les organismes de pro- raison erronée des itinéraires possibles
tales légères constituent, elles aussi,
des handicaps, qui s’aggravent avec les Celles-ci commencent avec la réa- tection maternelle et infantile sont des- vers Rome.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
un oeil à Hannibal. Celui-ci alla piller la poue, où elles goûtèrent aux délices de nibal), il ne put que se maintenir sur était partout victorieuse, et Carthage le
campagne sous les yeux des Romains, la civilisation grecque. Puis vint le jour un territoire de plus en plus restreint. traitait en suspect. Menacé d’être livré
qui ne purent résister à la provocation où les Romains assiégèrent Capoue. Quand, en 203, Carthage le rappela, à aux Romains, Hannibal s’empoisonna.
évidente et se laissèrent entraîner, puis Hannibal chercha à les attirer sur un la suite du débarquement de Scipion en
Nous ne connaissons que les actions
massacrer par les Puniques, conduits autre terrain, les battit en plusieurs Afrique, il n’occupait plus que Crotone
d’Hannibal et nous nous efforçons d’en
par un maître de la stratégie, dans une occasions, prit entre-temps des villes et ses abords immédiats. C’est alors
tirer ses intentions, ce qui est difficile.
étroite passe bordant le lac Trasimène de la côte (Tarente, Héraclée, Thurium, qu’il fit graver au temple d’Era Laci-
Il est certain qu’il fut aussi un grand
(217). Métaponte), mais il n’arriva pas à faire nia ses exploits, qu’il pouvait croire
politique et qu’il a cherché à recruter
lâcher prise aux assiégeants de Capoue. achevés.
Rome était sans défense, mais Han-
des alliés contre Rome. Il n’a pas réussi
nibal ne l’attaqua pas. Il préféra restau- C’est dans le cadre de ces opérations Il quitta donc le Bruttium, non sans
à former une coalition avec Syracuse et
rer son armée, remanier ses méthodes de diversion qu’il faut situer sa marche l’avoir saccagé, débarqua en Afrique,
la Macédoine. Il a guerroyé avec opi-
à la lumière de ce qu’il avait appris de sur Rome, en 211. rencontra Scipion dans un espoir de
niâtreté contre Rome, comme en une
l’infanterie romaine, piller à l’occasion Hannibal apparut sous les murs de la négociation et engagea la bataille de
croisade, médiocrement soutenu par
et attendre peut-être la défection des ville, campa quelques jours au bord de Zama dans des conditions qui lui
étaient défavorables. Le désordre fit le Carthage.
Italiens, qui auraient pu, comme les l’Anio et alla reconnaître les murailles.
Gaulois, se retourner contre Rome. Une violente ondée fit tourner court les reste, et Carthage fut vaincue (202). Il a été servi par sa connaissance
Rien ne se produisit de ce côté. Han- préparatifs d’un combat en rase cam- de la tactique macédonienne, l’un des
nibal passa dans le sud de la pénin- pagne, et Hannibal n’insista pas. Son L’après-guerre éléments de sa culture hellénique. Il
sule, tandis que Rome levait de nou- apparition devait laisser aux Romains gardait sur son armée toute son auto-
Hannibal fit accepter les dures proposi-
velles légions. À Cannes, il réussit à le souvenir d’une terreur légendaire, rité, tout son ascendant dans les pires
tions de paix de Scipion, puis, devenu
décimer une armée romaine deux fois mêlée d’estime pour l’adversaire. Ca- circonstances. Mais peut-être mêlait-
suffète, accomplit d’importantes ré-
supérieure à la sienne (216). Rome se poue tomba peu après au pouvoir des il, comme l’a observé C. Jullian, ses
formes dans le gouvernement de Car-
retrouvait sans défense. Pourquoi Han- Romains, qui traitèrent la ville avec qualités de réflexion à l’entêtement et
thage et restaura l’activité économique.
nibal n’a-t-il pas attaqué Rome et ainsi barbarie. Hannibal en fut très affecté, Son activité inquiéta à la fois Rome et à l’imagination aventureuse. Il avait
totalement exploité sa victoire ? Cer- toutes ces opérations ayant eu pour ses ennemis politiques. Aussi, en 195, aussi certains défauts : la cruauté, le
tains historiens l’excusent et trouvent objet de détourner ses adversaires de il jugea bon de fuir et de se réfugier à goût immodéré du pillage et du butin,
des raisons : l’attente de renforts espé- Capoue. la cour du roi de Syrie, Antiochos III la ruse et même la perfidie, et Michelet
rés de Carthage — Hannibal les atten-
La guerre se poursuivit sans but pré- Mégas (223-187 av. J.-C.), dont il de- n’a pas eu tellement tort de le considé-
dit dix ans ! — le peu d’empressement
cis, mais non sans ravages : en 210, vint le conseiller. rer comme un condottiere.
de l’allié macédonien, la difficulté,
Hannibal aurait pris et saccagé quatre Mais les intrigues de cour, son échec à R. H.
à cette époque, de prendre une ville
cents localités de l’Italie méridionale la tête d’une escadre, lors de la bataille F Carthage / Puniques (guerres) / Rome.
d’assaut, la fidélité de l’Italie centrale à
(car les Italiens se ralliaient de nou- navale qui eut lieu à l’embouchure de
Rome, contrairement à l’Italie méridio- G. P. Baker, Hannibal (New York, 1929 ;
veau à Rome). Dans l’ensemble, il l’Eurymédon (190), et la paix d’Apa- trad. fr. Annibal, Payot, 1952). / G. R. De
nale, qui se ralliait alors massivement à
perdait pied et se voyait repoussé gra- mée (188), qui le contraignit à fuir en Beer, Alps and Elephants. Hannibal’s March
la cause punique.
duellement vers le Bruttium. Malgré (Londres, 1955 ; trad. fr. Route Annibal, Nil-
Bithynie, où il rendit de nombreux ser-
son, 1962). / J. Carcopino, Profils de conqué-
la fidélité chancelante des Latins, en vices au roi Prousias († v. 182 av. J.-
Les délices de Capoue rants (Flammarion, 1961). / J. Pernoud, Annibal
209, malgré l’arrivée tardive des ren- C.) et où il continua à intriguer contre (Julliard, 1962). / G. Charles-Picard, Hannibal
Quoi qu’il en soit, Hannibal laissa forts envoyés par Carthage (Hasdru- Rome, ont fait de ses vieux jours une (Hachette, 1967).
d’abord ses troupes séjourner à Ca- bal Barca, puis Magon, frères d’Han- période de déceptions sans fin : Rome
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
depuis l’indépendance du Viêt-nam versement. La première voie construite (10 000), les industries graphiques
Hanoi (1954) est qu’elle a été dotée, comme est la voie est-ouest. Cependant, c’est (4 500). Quelques grands noms il-
toutes les capitales des pays socialistes, la direction nord-sud qui est la plus lustrent les activités industrielles.
Capit. de la république démocratique d’importantes industries : industries importante. À cause de sa faible pente, Bahlsen, dont le siège est à Hanovre,
du Viêt-nam (Viêt-nam du Nord) ; en- alimentaires (brasserie), industries tex- emploie plus de 8 000 personnes et
la vallée de la Leine concentre tout le
viron 1 million d’habitants. tiles (bonneterie), allumettes, pneus de trafic nord-sud. Une seconde impulsion est la première biscuiterie de l’Europe
Le rôle politique de Hanoi (ou bicyclette et surtout usine de machines- décisive vient de la construction du continentale. Continental Gummi-
Hanôi) remonterait au IIIe s. de notre outils (à Can Moi). Mittellandkanal, qui atteint Hanovre Werke (pneus) commande à plus de
ère, quand elle aurait été capitale du Hanoi est un centre de routes et de en 1916, mais qui ne fut praticable 27 000 personnes, dans la ville et les
Viêt-nam sous l’autorité chinoise (de voies ferrées vers le port de Haiphong, jusqu’à Berlin qu’à partir de 1930. La environs. Volkswagen, né à Wolfsburg,
111 av. J.-C. à 939, le delta du Sông Ninh Binh et le Sud, vers Lao Kay et construction d’autoroutes accrut en- glisse de plus en plus vers les grandes
Khôi [fleuve Rouge] fut gouverné par Kunming (K’ouen-ming) en Chine, core le rôle de carrefour. L’autoroute villes voisines. Les usines VW de Ha-
les Chinois). Cela explique le choix de vers Lang Son et Nanning en Chine ; ouest-est fut achevée dès 1937, celle de novre emploient plus de 15 000 travail-
la position : la ville se trouve à la tête elle possède à Gia Lâm, sur la rive direction nord-sud en 1962. leurs. La Technische Hochschule a joué
du delta, ou presque. C’est, en effet, gauche du fleuve, franchi par le célèbre un rôle important dans la mise au point
À la situation favorable s’ajoute la
légèrement en amont que le « canal des « pont Doumer », routier et ferroviaire, des brevets industriels.
présence de matières premières à proxi-
Rapides », qui est non pas un canal, un important aéroport. La ville a été mité. Le gisement houiller du Deister, La ville est devenue le grand centre
mais un défluent naturel (Sông Luông), sévèrement touchée par les bombarde- au sud-ouest, est exploité dès le début commercial de l’Allemagne du Nord-
quitte le bras principal du Sông Khôi ments américains pendant la guerre du du XIXe s. L’industrie doit beaucoup Est. La proximité de la frontière avec
(ou Sông Nhi Ha) pour rejoindre Viêt-nam*. aux initiatives individuelles du XIXe s. la R. D. A. lui a permis de consolider
le Sông Thai Binh et la mer. À une J. D. sa position, en éliminant l’influence de
La ville grandit en annexant ses
époque où les transports s’effectuaient Berlin. Le commerce et les transmis-
environs : la Neustadt (sud-ouest) en
par voie d’eau, cette position permet- sions occupent plus de 70 000 actifs, et
1824, le quartier de la gare centrale
tait, par le bras principal, en dépit de les services un peu plus de 80 000. Le
en 1847. Elle ne couvrait encore que
son régime très irrégulier, de commu- Hanovre 157 ha. 1859 voit l’annexion de la
rôle bancaire a crû depuis une dizaine
niquer avec tout le sud du delta et, par d’années. La foire de Hanovre, une
Vorstadt, avec ses 2 200 ha, qui com-
le Sông Luông, avec l’est de ce delta. En allem. HANNOVER, v. d’Allemagne des plus importantes d’Europe, est un
portait en 1829 14 communes. Entre
Hanoi commande ainsi tout le delta. fédérale, capit. du Land de la Basse- baromètre de la santé économique de
1891 et 1907, elle annexe une cein-
Par ailleurs, la ville était en liaison Saxe* (ancienne capitale de l’élec- la R. F. A. Les ports fluviaux ont un
ture rurale de 7 490 ha. La ville de
facile avec la Chine, moins par le haut torat de Brunswick-Lunebourg et du trafic de près de 3 Mt. L’aéroport voit
Linden, avec ses 83 000 habitants et
Sông Khôi ou ses affluents, Sông Da royaume de Hanovre). passer plus de 1,5 million de passagers.
ses 2 300 ha, est intégrée à son tour en
(rivière Noire) et Sông Lô (rivière La ville se dote d’un métro souterrain
1920. Hanovre occupe actuellement
Claire), qui ne mènent nulle part, que qui consacre son caractère de grande
La situation une superficie de 13 451 ha. Sur cette
par la vallée du Sông Luc Nam et le col métropole. Ce métro desservira la city,
dernière vivaient 575 000 habitants en
de la « Porte de Chine ». Par contre, Hanovre, qui compte 520 000 habi- où la concentration des grandes mai-
1962. Depuis cette date, le centre se
le site est difficile. À l’abri des hautes tants, commande à un Land de plus sons de commerce est impressionnante.
dépeuple d’une manière constante. À
digues qui, très tôt à l’époque chinoise, de 7 millions d’habitants. La situation F. R.
géographique a été plus déterminante partir de la fin de la décennie 1950, on
enfermèrent le fleuve, la ville est ins-
procéda à l’amélioration de l’habitat à
tallée sur la rive droite, dans une zone que le site dans sa croissance. La ville
Linden ainsi que dans un rayon de 3 km L’histoire
s’est développée, sur les bords de la
très basse (le « casier de Ha Dông »),
autour de la gare centrale. Cette zone Il semble que la fondation d’un bourg
Leine, à l’extrémité nord de la Börde
menacée par les inondations, à demi
(zone de loess) et au contact des éten- perdit 34 000 personnes entre 1961 et Honovere remonte à la fin du XIe s.
amphibie. Aujourd’hui encore, elle est
dues de sables de la plaine glaciaire du 1966, alors que la ceinture extérieure, La ville se développa lentement sur
limitée au nord par le Grand Lac et le
Nord. La dépression de Hesse met la englobant 33 communes, augmenta de la rive gauche de la Leine, mais son
lac de Trung Bach, cependant qu’elle
Börde de Hanovre en contact avec les 68 000 habitants. Les emplois sont res- importance économique ne fut pas très
encercle le ravissant « Petit Lac ».
pays du Main et du Rhin moyen au sud, tés au centre ; 100 000 sont situés dans grande pendant de longues années,
Après que le Viêt-nam eut secoué
avec Brême, Hambourg et la Scandina- un rayon de 800 m autour de la gare. malgré l’appartenance de Hanovre à la
l’autorité chinoise, elle fut choisie en Les mouvements migratoires pendu-
vie au nord. La direction ouest-est est Hanse* depuis le XIVe s., et aucun patri-
1010 comme capitale par les premiers
marquée par la liaison Hollande-Min- laires sont passés de 6 200 en 1929 à ciat ne put y naître ni s’imposer.
rois nationaux. Lors des guerres intes- 120 000 en 1972.
den-Hanovre-Brunswick-Magdeburg- Ce n’est qu’en devenant, malgré
tines entre la dynastie des Lê et les
Berlin et Ruhr-Bielefeld-Hanovre, etc. L’industrie emploie 44 p. 100 de la la volonté des habitants, résidence
Nguyên, elle resta la capitale du Nord.
La ville est ainsi un des plus grands population active. Sa localisation est princière en 1636 que Hanovre se
Écartée au profit de Huê par Gia Long
carrefours de toute l’Allemagne. Le influencée par les voies de communi- transforma en quelques décennies en
en 1801, elle fut de 1887 à 1945 capi-
premier établissement s’est installé cation. Les rives du Mittellandkanal une ville capitale, grâce à la fortune
tale de l’Indochine française.
sur la rive haute (droite). La vallée n’a forment au nord-ouest une zone indus- des princes de la maison guelfe, qui
Elle comprend un quartier ancien, que 600 m de large à cet endroit, et le trielle continue. À l’ouest, Linden pré- devinrent au XVIIe s. des souverains
à l’ouest et au nord du Petit Lac, aux passage en est facilité. L’originalité sente des paysages industriels impres- importants et donnèrent au XVIIIe s.
rues pittoresques, et deux quartiers de Hanovre tient au fait que, jusqu’au sionnants (de même à Wülfel au sud). ses rois à l’Angleterre. Dès le XVIIe s.,
légués par l’époque coloniale : celui de XIXe s., la ville ne possédait pas de ter- Par contre, l’est est peu industrialisé. la ville fut embellie : le parc de Her-
l’ancienne « Concession » de 1874, au ritoire propre, à l’exception de la sur- D’une manière générale, le grand éta- renhausen fut créé en 1666 ; la rési-
sud du Petit Lac, aux rues parallèles, et face bâtie. Hanovre n’a jamais été une blissement industriel l’emporte. L’in- dence du Leineschloss fut aménagée
celui qui s’étend à l’ouest de la Cita- ville rentière du sol. Dès le début, les dustrie des machines et des véhicules et agrandie. Au XVIIIe s., période pen-
delle (construite au XVIIIe s.). fonctions commerciales et régionales domine (45 000 salariés) ; suivent la dant laquelle Hanovre cessa, pour de
Elle a d’abord, comme elle a d’ail- ont prévalu. chimie avec le caoutchouc (32 000), longs laps de temps, d’être résidence,
leurs toujours eu, un rôle politique, ad- La construction des chemins de fer l’électrotechnique (15 000), les indus- un ralentissement se marqua dans ce
ministratif et culturel. Le fait nouveau entraîne pour la cité un véritable boule- tries alimentaires avec les brasseries développement, mais, dès 1780, les
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remparts furent rasés et remplacés de Sophie en 1714 son fils Georges de (1726). Ce drame ne sembla pas avoir abandonner les ministères au profit
par de grands boulevards ; depuis, la Brunswick lui succéda dans ses droits. marqué outre mesure Georges, qui se d’hommes moins connus, tels Charles
ville est restée fidèle à cette tradition consola avec force maîtresses. À partir Townshend (1674-1738), James Stan-
Deux faits doivent, cependant, être
de ville verte, malgré l’industrialisa- notés tout de suite, car ils pesèrent sur du jour où, en 1698, il devint, à la mort hope (1673-1721), Robert Walpole
tion qui commença vers 1850. Comp- de son père, Électeur de Hanovre, il eut (1676-1745) et Charles Spencer Sun-
une bonne partie de l’histoire de la dy-
tant environ 30 000 habitants en 1816, cependant des occupations sérieuses et derland (1674-1722). Mais bientôt
nastie hanovrienne.
devenue en 1867 ville du royaume prit une part active aux conflits de la se produisit une rupture dans cette
y D’emblée, cette dynastie s’inscri-
de Prusse et ayant perdu son carac- guerre de la Succession d’Espagne aux équipe : Stanhope crut qu’en flattant
vait dans une certaine tradition poli-
tère de capitale, elle groupait environ côtés du duc de Marlborough. le penchant royal pour la politique
tique britannique. L’acte de succes-
230 000 habitants en 1900 et près de allemande il gagnerait un soutien suf-
sion était, en effet, assorti d’une série Il eut ainsi l’occasion de se lier avec
465 000 en 1938. Mais le grand bâtis- fisamment assuré pour lui permettre de
les chefs politiques whigs, et sa colora-
de dispositions constitutionnelles,
seur Georg Ludwig Laves (1788-1864) gouverner l’Angleterre ; l’impopula-
avant tout hostiles à Guillaume III tion politique était bien précise lorsque
rité d’une telle politique, l’indignation
l’avait pourvue de grands monuments la mort de sa mère, la vieille Électrice
et qui, pour avoir été abolies sous
devant les millions dépensés en Alle-
et de larges percées qui lui permirent Sophie, et celle de la reine Anne l’ame-
le règne de Anne, n’en allaient pas
magne et le scandale de la compagnie
de surmonter mieux que d’autres la nèrent à régner en Angleterre. C’était
moins dans le sens d’une limitation
de la mer du Sud (South Sea Bubble)
période d’industrialisation et d’urbani- du rôle du roi. En outre, ce furent les alors un homme mûr de cinquante-
en 1720 amenèrent rapidement la fin
sation forcenées. Détruite à 50 p. 100 quatre ans, prudent et assez rusé, mais
« whigs » qui assurèrent, le moment
de cette tentative. L’appui d’un tel roi
environ au cours de la Seconde Guerre venu, l’installation de George Ier sur sans aucune élévation d’esprit, entouré
ne pouvait guère servir à un homme
mondiale, la ville fut reconstruite par le trône, alors que les « tories » en- de favoris et de maîtresses allemandes.
politique. Et, avec les débuts du minis-
un digne successeur de Laves, Rudolf visageaient de faire appel au fils de Ses principales préoccupations furent
tère Walpole* (1721-1727), ce fut le
Hillebrecht (né en 1910), et, fait très Jacques II : dès le départ, donc, une d’obtenir assez d’argent pour lui et
programme du gouvernement whig qui
rare en R. F. A., on profita de la recons- monarchie « whig », où le monarque pour ses amis, et la possibilité de reve-
fut appliqué, sans que le roi n’inter-
truction pour réaliser un plan d’urba- n’occupait qu’une place réduite ; si- nir dans le Hanovre chaque fois qu’il
vînt, sinon pour des détails. L’initia-
nisation moderne avec d’importantes tuation d’autant mieux acceptée par lui en prenait l’envie. Et s’il se mêla de
tive semblait appartenir au cabinet et
artères ; certains des monuments an- le premier souverain Hanovre qu’il ne politique anglaise, ce fut surtout pour
au Parlement au moment où mourut
ciens, restaurés, purent être intégrés à parlait pas l’anglais et qu’il s’intéres- pouvoir, grâce à la puissance de son
George Ier en 1727. Son fils lui succéda
la ville moderne. sait plus à ses domaines germaniques nouveau royaume, arrondir ses posses-
sous le nom de George II.
qu’à son royaume insulaire ; sions allemandes. Pourtant, son titre fut
Capitale d’État et siège de nom-
immédiatement contesté ; dès 1715, se
breuses hautes administrations, y Deuxième caractère, encore accen- George II, roi
produisit le premier d’une longue série
Hanovre est aussi la capitale de la tué par le complot « tory », pour re-
de soulèvements jacobites. de 1727 à 1760
Evangelische Kirche Deutschlands donner la couronne à un Stuart catho-
Bien que, comme son père, George II
et compte plusieurs hautes écoles, lique : la monarchie hanovrienne était
Les tentatives de restauration (1683-1760) soit resté un Allemand,
dont la Technische Universität (avec une monarchie protestante. George III
jacobites qui ne parla jamais correctement la
une faculté d’horticulture) et la seule n’hésita pas à se séparer de son mi-
Le danger jacobite ne fut, en fait, ja- langue anglaise, il avait une connais-
académie de médecine vétérinaire de nistre Pitt*, auquel il tenait par-des-
mais très sérieux en Angleterre même, sance de l’Angleterre supérieure à celle
R. F. A. Plusieurs théâtres et orchestres sus tout, lorsque celui-ci recommanda
où son catholicisme et une tradition de George Ier. Créé duc de Cambridge
contribuent au rayonnement de la ville l’émancipation des catholiques pour
autocratique illustrée par Charles Ier et dès 1706, il avait fréquenté très vite
natale de l’astronome W. Herschel*, compenser l’union avec l’Irlande.
Jacques II ne parlait guère en faveur de les Anglais, combattant à la bataille
du comédien August Wilhelm Iffland Cette monarchie protestante était
la dynastie Stuart. Il fut au contraire d’Oudenaarde en 1708 et faisant fonc-
et de l’écrivain F. von Schlegel. comme telle — et en dépit des appa-
beaucoup plus sérieux en Écosse, où tion de gardien du royaume en 1716,
J.-B. N. rences — une monarchie nationale
les Stuarts bénéficiaient de l’appui lors du premier voyage de son père au
F Allemagne / Saxe (Basse-). anglaise, même si le fait ne sera plei-
d’une bonne partie des Highlanders, Hanovre.
nement reconnu qu’avec George III ;
au moins l’échec continuel des pré- hostiles à la puissance des Campbell Mais il s’était rapidement brouillé
(ducs d’Argyll), qui représentaient avec son père et avait pris la tête de
tendants Stuarts, qui ne trouvèrent ja-
mais de soutien sérieux qu’en Écosse, dans les hautes terres l’ « ordre whig », l’opposition. Lorsqu’il succéda à
Hanovre (dynastie et de tous ceux qui, tories ou whigs, George on pouvait donc s’attendre
démontre-t-il qu’il n’existait point de Ier,
de) compétiteurs dangereux à la dynastie presbytériens ou épiscopaliens, étaient à un changement de cabinet. Il n’en fut
opposés à l’acte d’union de 1707. Les rien : le favori de George II, sir Spen-
allemande.
Stuarts, enfin, bénéficiaient d’un appui cer Compton († 1743), se révéla inca-
Dynastie qui régna en Grande-Bre-
extérieur d’importance, celui de la pable, et le roi suivit en fin de compte
tagne de 1714 à 1917. George Ier, roi
monarchie française, enchantée de les conseils de sa femme, Caroline
de 1714 à 1727
pouvoir mettre en difficulté la Grande- Wilhelmine de Brandebourg-Ansbach
Introduction
Un passé allemand marquant Bretagne. Mais, en fin de compte, les (1683-1737) et garda Walpole. Person-
C’est l’Acte de Succession (Act of Sett- Héritier du duché de Calenberg et de Hanovre finiront par se débarrasser de nellement médiocre, George II sut tou-
lement), en 1701, qui assura, au moins l’évêché laïque d’Osnabrück, Georges ces adversaires. (V. Stuarts.) jours s’incliner devant les personnes
en principe, la couronne d’Angleterre de Brunswick (1660-1727) avait com- dont il avait décelé la supériorité : d’où
à la dynastie de Hanovre. La mort du plété ses domaines hanovriens par un George Ier et le gouvernement de la confiance qu’il accorda à l’intelli-
jeune duc de Gloucester, fils de la reine fructueux mariage qui lui avait apporté l’Angleterre gente Caroline d’Ansbach (ce qui ne
Anne, rendait en effet nécessaire une le duché de Celle. Seul avantage de Il est difficile d’attribuer, au roi la res- l’empêcha pas d’avoir de nombreuses
telle mesure : Sophie, Électrice de cette union, au reste : la duchesse So- ponsabilité de la politique suivie pen- maîtresses) et à Robert Walpole.
Hanovre, fille de l’Électrice palatine phie-Dorothée, ayant eu des faiblesses dant son règne par l’Angleterre. Tout De 1727 à 1742, on peut dire que
Élisabeth (fille du roi Jacques Ier et pour le comte Philip Christoph von au plus a-t-il eu une influence sur le l’homme qui régna sur l’Angleterre fut
épouse de l’Électeur Frédéric V), deve- Königsmarck, fut contrainte au divorce choix des ministres : c’est ainsi que Walpole : George II se consacra avant
nait donc l’héritière d’Anne. À la mort (1694) et mourut dans l’isolement les « whigs » les plus célèbres durent tout à ses économies (qu’il aimait à
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recompter, pièce de monnaie par pièce Angleterre et qui fonda l’université de en un ministère North, qui devait durer Les bons soins du docteur Willis lui
de monnaie...) et à de minimes détails Göttingen. Parmi ses enfants, le plus jusqu’en 1782. permirent, cependant, à part quelques
d’administration ou d’étiquette. Les remarquable fut son troisième fils, périodes de crises violentes, de conti-
L’important est que, dans ces mi-
seuls problèmes qu’il dut affronter William Augustus, duc de Cumberland nuer à remplir son office : mais, après
nistères, le roi s’arrangea pour dis-
furent ceux que lui posèrent son fils (1721-1765), le vainqueur de Culloden 1811, sa folie rendit la nomination d’un
poser toujours d’un allié sûr, qui lui
Frédéric, qui reprit la tradition créée et aussi l’un des plus fervents propaga- régent nécessaire.
rapportait tout ce qui se passait dans
par George II lui-même lorsqu’il était teurs des courses de chevaux, dont la les conseils les plus restreints et qui,
prince de Galles : sous les trois pre- L’échec de la politique royale
mode se répandit à l’époque. À la mort éventuellement, pouvait se livrer à un
miers Hanovre, c’est toujours autour (1780-1783)
de George II, en 1760, c’est son petit- véritable travail de sape : Robert Hen-
du prince de Galles que se regroupa
fils, le fils du prince de Galles Frédé- ley Northington (v. 1708-1772) joua Le caractère du souverain est pour
l’opposition. Au reste, Frédéric se ré-
ric-Louis (1707-1751), qui lui succèda ce rôle notamment. La chose devint beaucoup dans l’échec que subit sa po-
véla un individu totalement dépourvu
sous le nom de George III. inutile avec le ministère de Frederick litique. Ainsi, il est évident qu’il a très
de capacités et ne fut pas un grand dan-
North (1732-1792) qui, lui-même, mal compris le problème américain.
ger : ce n’est que plus tard que l’idéal
remplissait cet office d’ « oeil du roi ».
du « roi patriote » défendu par le fon- George III, roi Partisan de la fermeté à l’égard des co-
dateur du nouveau torysme, Boling- de 1760 à 1820 lonies « ingrates », il n’avait pourtant
La personnalité du souverain pas les capacités exceptionnelles qui
broke (1678-1751), devait se révéler George III (1738-1820) est, sans aucun
Décidé à régner et à régner de manière auraient été nécessaires pour organiser
dangereux pour les whigs au pouvoir.
doute, la personnalité la plus intéres-
constitutionnelle, George III, accom- des forces britanniques capables à la
Aussi, que ce soit avec ou sans Wal- sante de toute la dynastie hanovrienne.
plit un travail énorme. Chaque jour, fois de battre les troupes-américaines
pole, les whigs restèrent-ils au pouvoir Élevé à Leicester House auprès de sa il adressait à ses ministres de longues et de résister à la marine française.
pendant tout le règne de George II. mère, Augusta de Saxe-Gotha, dans lettres dans lesquelles étaient fixés L’échec de la Grande-Bretagne, enté-
Les plus grands événements de cette une atmosphère « new tory », il avait les moindres détails de leur action. riné par le traité de Versailles (1783),
période, qui vit les débuts de la révo- fait du « roi patriote » de Bolingbroke Il était aussi persuadé de la grandeur qui reconnaissait l’indépendance des
lution industrielle et ceux de la pré-
son idéal politique : il était fermement de l’Angleterre : il se sentait d’ail- États-Unis et restituait à la France et
dication de John Wesley*, échappent
décidé à régner. Aussi toute l’histoire leurs profondément anglais, et par là
en fait à l’histoire politique intérieure à l’Espagne un certain nombre de ter-
de son règne se divise-t-elle nette- il rompit entièrement avec le passé
de l’Angleterre. Par contre, dans le ritoires, sonnait le glas de la politique
ment en deux périodes : celle pendant de la dynastie hanovrienne. Il était
domaine extérieur, la longue période de George III. D’ailleurs, bien d’autres
laquelle il réussit peu à peu à imposer animé d’un courage moral indéniable :
de paix que Walpole avait su ména- événements avaient montré la néces-
ses vues et celle pendant laquelle il dut lorsque des décisions contraires à ce
ger prit fin en 1739, lorsque la guerre sité d’un changement : ainsi les vio-
s’incliner devant le Parlement et les qu’il estimait être les intérêts de la
anglo-espagnole éclata, et surtout en lentes émeutes de 1780 à Londres (les
partis. Le paradoxe est qu’il ne devint Grande-Bretagne lui furent imposées,
1740, lorsque la mort de l’empereur Gordon Riots). Surtout, le contrôle
vraiment populaire que pendant cette il envisagea sérieusement d’abdiquer.
Charles VI entraîna la guerre de la Suc- qu’exerçait le roi sur le personnel poli-
seconde période... Enfin, l’un des éléments qui fit le plus
cession d’Autriche. Ce sont d’ailleurs tique s’atténuait. Dès 1780, la Chambre
pour lui gagner l’estime et l’affection
ces conflits qui provoquèrent la chute des communes votait le texte présenté
Le gouvernement personnel du de son peuple fut la simple dignité
de Walpole, réputé trop pacifique pour par John Dunning (1731-1783) : « Le
roi (1760-1780) de sa vie : goût pour la campagne et
mener vigoureusement les opérations. pouvoir de la Couronne a augmenté,
les travaux agricoles, existence quoti-
Au cours de cette guerre, George II Dès son avènement, George III s’at- augmente et devrait être réduit. » En
dienne très familiale. Bien qu’il eût un
conduisit lui-même les troupes anglo- taqua à Pitt*, qui venait pourtant de 1782, le roi dut rapidement substituer
moment envisagé d’épouser lady Sarah
hanovriennes à la victoire contre les mener l’Angleterre à de nombreuses au ministère Rockingham un ministère
Lennox, George III, après son mariage
Français (Dettingen, 27 juin 1743). victoires au cours de la guerre de Sept Shelburne où figuraient, aux côtés des
avec Charlotte de Mecklembourg, se
Un moment, on put penser que l’un Ans. Mais il lui fallut un an pour provo- disciples du vieux Pitt (dont William
des leaders whigs, lord Carteret (1690- montra un mari fidèle et attentionné.
quer la chute du grand ministre (1761). Pitt le Jeune), ses propres amis ; il dut
1763) [1er comte Granville], allait réus- Cela dit, George III n’était pas sans
Il fut d’abord incapable de le rempla- accepter en 1783 la formation d’un
sir là où Stanhope avait échoué : jouant défauts. Tout d’abord, pour faire abou-
cer : son favori, lord Bute (1713-1792), ministère de coalition qui regroupait
sur les ambitions et les sentiments tir ses visées politiques, il n’hésita pas
était très impopulaire, à la fois comme les tories de North, ulcérés d’avoir été
hanovriens de George II, il devint, lui à employer les mêmes moyens que ses
ennemi de Pitt et comme Écossais, et il abandonnés par le roi, et les whigs de
aussi, l’homme du roi. Mais, comme adversaires : tout comme R. Walpole
ne put rester que peu de temps au pou- Fox, l’homme politique le plus haï du
son père, George II fut incapable de ou le duc de Newcastle (1693-1768),
voir (1762-63) ; au moins mit-il fin à souverain.
l’aider à se maintenir au pouvoir, et, il eut recours à la corruption sur une
la guerre et signa-t-il le traité de Paris,
en 1744, Carteret, violemment attaqué grande échelle. Le trait le plus néfaste
qui donnait à l’Angleterre le Canada et La fin du règne (1784-1810)
pour avoir gaspillé en Allemagne l’ar- de son caractère était une obstination et
les terres situées entre le Mississippi À partir de 1784, cependant, une sorte
gent anglais, dut se retirer. une certaine étroitesse d’esprit qui, par
et les colonies anglaises d’Amérique, d’équilibre fut atteint. George III, ayant
Les événements qui suivirent (vic- moments, confinait à la puérilité. C’est
la Floride, tout un groupe d’îles des surmonté son désarroi, avait, grâce à
toire sur le « jeune prétendant » ainsi qu’il marqua toujours la plus
Antilles (dont Grenade), le Sénégal et des techniques éprouvées, permis la
Charles Édouard [1720-1788], traité grande hostilité au leader des whigs,
Minorque, tandis que la France devait Charles James Fox (1749-1806), et victoire électorale de William Pitt, qui
d’Aix-la-Chapelle, formation du cabi-
laisser les mains libres à l’Angleterre qu’il s’opposa avec fermeté à toute avait pris le pouvoir à la chute du cabi-
net Pitt) ne doivent rien à George II :
en Inde. Par la suite, le roi dut, de nou- amélioration du sort des catholiques, net de coalition, à la fin de 1783, pour
au contraire, celui-ci s’opposa toujours
à Pitt, qu’il détestait pour négliger ses veau, faire appel à des ministres whigs, allant même jusqu’à renvoyer son fidèle le garder jusqu’en 1801 et le retrouver
intérêts en Allemagne et prononcer des George Grenville (1763-1765), lord ministre Pitt (le Jeune) pour ce motif. de 1804 à sa mort. La confiance qui
discours au-dessus de sa compréhen- Rockingham (1765-66) et même Pitt Plus sérieuse enfin fut la maladie qui, existait entre les deux hommes était
sion ! Les deux seules actions riches en (devenu lord Chatham), qui forma un l’ayant atteint dès 1765, ne se révéla profonde : elle fut encore renforcée
conséquences de tout son règne sont, grand ministère où figuraient des repré- grave qu’à partir de 1788 : il s’agissait lorsque Pitt s’opposa, lors de la pre-
en fait, liées à l’Allemagne : c’est lui sentants de tous les partis. Mais, à par- d’une véritable folie furieuse, qui obli- mière crise de folie du roi, en 1788,
qui fit venir le Hanovrien Händel* en tir de 1770, ce ministère se transforma geait le souverain à une retraite totale. à l’attribution de la régence au prince
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de Galles, mesure que réclamaient les faire de ce personnage douteux un élé- Guillaume IV, roi n’apparaît que tardivement, en 1692,
whigs menés par Fox. ment important de la vie politique an- quand on prend l’habitude d’appeler
de 1830 à 1837
glaise à partir de 1788. Ce n’est qu’en l’État de Brunswick (Braunschweig),
Si c’est à Pitt que revient la respon-
George IV ne laissait aucun héri- devenu alors électorat, Kurhanover
sabilité des grandes mesures adop- 1811, cependant, qu’il devint régent.
tier, sa fille Charlotte (mariée à Léo- (Hanovre électoral), du nom de la rési-
tées par le gouvernement anglais,
pold de Saxe-Cobourg) étant morte dence de la plus active des lignes de
George III suivit cependant de très La régence (1811-1820)
en 1817. C’est son frère Guillaume la maison welfe, celle de Celle, dont
près le cours des événements et, à On aurait alors pu s’attendre à un ren-
(1765-1837), duc de Clarence, époux la résidence fut établie en 1636 à Ha-
diverses reprises, influença les déci- versement de la situation politique
d’Adélaïde de Saxe-Meiningen, dont novre*. C’est sous le nom de Hanovre
sions. Il serait donc injuste de mini- et à un retour au pouvoir des whigs, il n’avait eu que des filles, d’ailleurs que l’électorat devint royaume en
miser son rôle pendant les années qui
amis du régent. Mais celui-ci, après mortes en bas âge, qui lui succéda. 1814, grâce au congrès de Vienne.
furent les plus glorieuses de son règne
avoir manifesté quelques velléités de Ses compétences étaient limitées au
et qui furent aussi celles qui virent sa Dans ses frontières de 1815
choisir lord Grenville comme Premier domaine maritime (il avait exercé les 2
popularité s’affirmer. C’est alors que la (38 000 km environ et près de 1,5 mil-
ministre, se contenta de demander fonctions de Grand Amiral jusqu’en
révolution industrielle* entra dans une lion d’habitants), le Hanovre occupe
aux whigs de participer aux minis- 1828), et il ne semble pas avoir été
phase nouvelle, avec les innovations tout l’espace compris entre la basse
tères tories, ce qu’ils refusèrent. Les d’une intelligence très remarquable :
technologiques importantes (emploi de Elbe et la frontière néerlandaise, à l’ex-
ministères tories de Spencer Perceval pourtant, sa simplicité et son honora-
la machine à vapeur dans les usines). ception du duché d’Oldenburg, ce qui
(1809-1812) [il fut assassiné en 1812] bilité, qui contrastaient heureusement
L’Empire s’accrut de façon specta- correspond à la majeure partie des bas-
et de lord Liverpool (1812-1827) se avec le règne précédent, lui assurèrent
culaire avec les grandes conquêtes sins inférieurs de l’Elbe, de la Weser
succédèrent donc sans difficulté. Le une certaine popularité. Il était d’ail- et de l’Ems. Puissance continentale,
entreprises en Inde et la confiscation
régent ne joua d’ailleurs aucun rôle leurs assez favorable aux réformes mais aussi maritime, le Hanovre se
des colonies françaises, hollandaises et
important dans ces années qui virent libérales. dote alors d’une importante marine de
espagnoles pendant les grands conflits
de l’époque révolutionnaire et napo- le triomphe sur Napoléon et la grande Son rôle politique fut tout aussi ef- commerce et cherche à ne pas se sou-
léonienne. En 1800, l’Irlande fut réu- vague d’émeutes et de mécontente- facé que celui de son frère. En 1832, mettre au protectorat économique indi-
nie à l’Angleterre. Mais surtout, seule ment des années 1815-1820. Tout au il refusa cependant à lord Grey (1764- rect de la Prusse, en retardant jusqu’en
responsable de l’échec de Bonaparte plus son impopularité contribua-t-elle 1845), dont le ministère s’efforçait de 1854 son entrée dans le Zollverein. Les
en Égypte, destructrice de la puissance à affaiblir l’action du gouvernement. faire passer au Parlement le premier frontières fixées en 1815 correspondent
navale de la France et de l’Espagne « Reform Bill » (destiné à réformer sans doute à un territoire plus petit que
(Trafalgar, 1805), artisan de la ruine de Le règne (1820-1830) les abus du système électoral anglais), celui du grand Welf Henri le Lion
l’empire de Napoléon Ier (reconquête la nomination d’une « fournée » de (1129-1195) et plus grand que celui des
À la mort de George III, en 1820, le
du Portugal et de l’Espagne, rôle déter- la Chambre des lords à ce projet. Le duchés de la maison welfe au XVIe s.,
régent devint le roi George IV. Le
minant de Wellington et des troupes ministère tomba, mais le bill finit par mais c’est en fait au temps d’Henri le
nouveau règne commença fort mal :
britanniques à Waterloo en 1815), la passer. Lion que commence l’histoire du Ha-
Caroline de Brunswick, l’épouse du
Grande-Bretagne se posa comme la novre (c’est ce que rappellera Leibniz),
monarque, qui vivait retirée en Italie Guillaume IV mourut le 20 juillet
première puissance du monde, capable qui se poursuivra aux siècles suivants
depuis 1814, demanda à être reconnue 1837 : la couronne passait à sa nièce
de vaincre aussi bien les armées impé- dans l’histoire des principautés nées du
Victoria*.
reine d’Angleterre. George IV refusa démembrement de l’État d’Henri, rival
riales que le Blocus continental, que
J.-P. G.
absolument, et le gouvernement dut malheureux de Frédéric Barberousse.
l’Empereur avait organisé contre elle. F Canning (G.) / Empire britannique / Grande-
proposer au Parlement un « bill » pour
Il est vrai que George III ne devait Bretagne / Pitt (W.) / Stuarts (les) / Victoria Ire / Après avoir atteint son apogée au
prononcer le divorce du roi en raison Walpole (R.) / Windsor.
pas connaître la victoire. S’il ne mourut XIIe s., la maison welfe avait dû se
des débauches de Caroline ! L’impo-
qu’en 1820, il était fou depuis 1810, et W. E. H. Lecky, A History of England in contenter d’un espace réduit, entre
pularité de George s’accrut encore, et the Eighteenth Century (Londres, 1879-1890 ;
il devint bientôt aveugle. C’est alors le la Weser et l’Elbe, et dont l’axe était
8 vol.). / L. B. Namier, The Structure of Politics
le gouvernement dut, en fin de compte,
régent, le futur George IV, qui remplit at the Accession of George III (Londres, 1929 ;
l’Aller ; l’accès à la mer lui avait été
retirer le bill... Ce n’était pas que Caro- interdit par Hambourg, Brême, l’Ol-
l’office royal. 2 vol.). / E. L. Woodward, The Age of the Re-
line de Brunswick ait mérité un quel- form, 1815-1870 (Oxford, 1938 ; 2e éd., 1960). denburg, la Frise orientale et les terres
/ B. Williams, The Whig Supremacy, 1714-1760
conque soutien : c’était plutôt qu’une de l’évêque de Münster et de l’arche-
George IV, régent (Oxford, 1945 ; 2e éd., 1962). / H. Butterfield,
telle accusation émanant d’un débau- vêque de Brême. Plus tard, au XVIIe s.,
de 1811 à 1820, George III, Lord North and the People (Londres,
ché aussi notoire que George IV était 1949). / R. Pares, King George III and the Politi- apparaissent les appétit suédois et
roi de 1820 à 1830 cians (Oxford, 1953). / B. Kemp, King and Com-
inadmissible ! La mort de Caroline de brandebourgeois. Malgré une situation
mons, 1660-1832 (Londres, 1957). / J. S. Wat-
Dans sa jeunesse, alors qu’il n’était que Brunswick en août 1821 tira le roi de géographiquement favorable au point
son, The Reign of George III, 1760-1815 (Oxford,
prince de Galles, le futur George IV ce mauvais pas. 1960). / A. Redman, The House of Hanover (New de jonction entre les hauteurs (dont le
(1762-1830), fils de George III, parais- York, 1961). Harz) et la grande plaine, le pays de la
Sur le plan politique, le règne fut
sait plein de promesses. Très beau, maison welfe ne peut guère prospérer,
marqué par un total abandon, de la part
fort intelligent, doué pour les études, les ressources du sol et du sous-sol res-
du roi, de ses prérogatives dans le choix
il versa cependant très vite dans la dé- tant modestes (le sel et un important
des ministres : George IV accepta en
bauche. Ses dépenses exagérées, son Hanovre centre minier dans le Harz, autour de
1822 l’entrée, dans le ministère, de
goût des femmes le rendirent bientôt Clausthal-Zellerfeld) ; les bouches des
très impopulaire. Il se brouilla avec son
George Canning*, qu’il détestait. En (royaume de) fleuves et une bonne partie de leurs
1827, il accepta même d’en faire un
père et se lia aux ennemis politiques rives échappaient à la maison welfe,
Premier ministre : les derniers acquis Anc. royaume de l’Allemagne du Nord.
de ce dernier, c’est-à-dire à Fox et qui était, en outre, très ramifiée et qui
aux whigs. En 1785, il épousa secrè- de George III disparaissaient donc. Le Hanovre a été l’un des princi- souffrait de fréquents conflits internes
tement Mrs. Fitzherbert (1756-1837), Seuls éléments positifs du règne : les paux États du Saint Empire et, après entre les héritiers de rameaux venant à
ce qui ne l’empêcha pas de contrac- voyages accomplis en Irlande (1821) avoir été annexé par la Prusse en 1867, s’éteindre, ce qui favorisait un émiet-
ter un mariage officiel avec Caroline et en Écosse (1822), qui furent de gros il est devenu de nos jours le noyau de tement très poussé, cependant que
de Brunswick (1768-1821) en 1794... succès populaires et révélèrent que la l’important État de Basse-Saxe (Nie- l’évêché de Hildesheim occupait une
Pourtant, la folie de son père devait Grande-Bretagne était bien une réalité. dersachsen). Mais le nom de Hanovre position centrale entre les trois prin-
5236
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
cipaux territoires : Celle-Lüneburg, Hanovre acquiert la Frise orientale, la brutalité de Bismarck, qui n’hésite Un cas particulier de
Calenberg-Göttingen et Wolfenbüttel. Hildesheim, le pays de l’Ems, une par- pas à confisquer la fortune personnelle
Hanse urbaine :
tie du Eichsfeld. Parmi les habitants du roi pour s’en servir comme d’une
En 1634 se constitua le duché de la Hanse de Londres
Brunswick-Wolfenbüttel, qui parvint se trouve ainsi une importante frac- caisse noire (Welfenfonds, appelé aussi
tion de catholiques, ce qui modifie la Reptilienfonds, termes passés dans le Très nombreuses aux Pays-Bas, en An-
à maintenir son autonomie jusqu’en
géographie confessionnelle d’un pays langage politique allemand). Bismarck gleterre et en Allemagne, les Hanses
1933 malgré une histoire agitée et des
qui s’affirmait depuis le XVIe s. une ne peut imposer son idée de démem- urbaines ont plus généralement pour
ressources très modestes. Les autres
citadelle du protestantisme (bien que la dessein d’assurer à leurs membres le
territoires de la maison welfe furent brer le Hanovre, mais l’administration
Réforme luthérienne n’ait été achevée locale est progressivement adaptée au monopole du commerce à l’étranger en
réunis, et leur unité put être mainte-
qu’en 1580). limitant le nombre de ses bénéficiaires
nue jusqu’à ce que commençât, sous le modèle prussien. Le roi meurt à Paris
et en imposant le versement d’un lourd
règne d’Ernest Auguste (1679-1698), Considéré par la Confédération ger- en 1878, sans avoir renoncé à la cou-
droit de Hanse aux marchands forains
la véritable ascension de l’État, qui manique uniquement comme royaume ronne ; cette renonciation sera faite en
trafiquant dans leur ville.
prit le nom de la ville-résidence. Non de Hanovre, et non comme une partie 1913, lorsque son petit-fils deviendra
seulement Ernest Auguste put obtenir continentale de la Grande-Bretagne, le duc de Brunswick. La Hanse de Londres, qui est consti-
en 1692 le neuvième électorat grâce à Hanovre connaît tout d’abord une his- tuée sans doute avant 1187, apparaît à
En 1924, grâce à la politique cen-
un jeu habile d’alliances avec Vienne toire intérieure relativement paisible, cet égard hors de pair.
tralisatrice de la SPD, le plébiscite
et se hisser au niveau de ses rivaux marquée par la convocation, en 1814, Dénommée au XIIe s. Hansa Bru-
organisé pour régler la question de
de Dresde et de Berlin, mais aussi il d’états généraux et par la constitution, l’appartenance à la Prusse est un échec gensis ou, à tort, Hansa Flandrensis,
permit par son mariage avec la prin- en 1819, d’une représentation formée bien qu’elle n’ait jamais compris les
du parti hanovrien ; divers membres
cesse palatine Sophie, qui était une de deux chambres. Des troubles en villes de Saint-Omer, de Gand, dotées
soutiennent la très active NSDAP (Na-
héritière des Stuarts, la montée sur 1830 sont suivis par la libération des de Hanses particulières, et de Douai, ne
tionalsozialistische Deutsche Arbeiter-
le trône d’Angleterre, sous le nom de paysans (1831-1833) et par l’intro- pouvant être acquise qu’en Angleterre
Partei). Arrivée au pouvoir, celle-ci
George Ier, de son fils Georges Louis duction en 1833, d’une Constitution ou à Bruges et pour le seul profit des
entreprend de donner de nouvelles
(acte d’établissement de 1701, acces- libérale. échevins de cette dernière ville, cette
structures territoriales qui menacent de
sion au trône en 1714). Cette évolution, somme toute fort Hanse de Londres n’est, en fait, selon
faire définitivement disparaître l’État.
Par cette union strictement person- calme, est interrompue en 1837, quand, Henri Pirenne, qu’« un agrandissement
La défaite de 1945 permet de reconsti-
nelle, qui dura jusqu’en 1837, le Ha- par suite de différences notables des de la Hanse de Bruges ou, plus exac-
tuer cet État en août 1946 et de le faire
novre donna à l’Angleterre quelques- lois de succession, Victoria, devenue tement [qu’] une fédération de gildes
entrer en novembre dans le nouvel État
uns de ses souverains les plus contestés, reine d’Angleterre, ne peut, en tant que urbaines » agrégées en trois noyaux
de Basse-Saxe*.
qui, d’ailleurs, ne s’intéressèrent guère femme, être aussi reine de Hanovre ; constitutifs essentiels : la Hanse de
J.-B. N.
à leur domaine continental. Mais le c’est son oncle Ernest Auguste qui Bruges réunissant de cinq à sept villes ;
E. von Meier, Hannoversche Verfassungs-
Hanovre devint une porte largement monte sur le trône. Il abolit la Consti- und Verwaltungsgeschichte (Berlin, 1898-
la Hanse d’Ypres, en groupant de trois
ouverte sur les influences anglaises, tution de 1833, ce qui provoque la pro- 1900 ; 2 vol.). / G. Schnath, Geschichte des à six ; le groupe wallon, enfin, qui n’en
Landes Niedersachsen (Francfort, 1962). comprend que trois (Tournai, Lille et
aussi bien politiques que confession- testation de sept professeurs de Göttin-
nelles ou intellectuelles ; il fut admi- gen (die Göttinger Sieben), finalement Orchies). Elle ne réunit, en fait, que
nistré au nom du roi par un gouverne- démis de leurs fonctions. La Constitu- les seuls grands marchands de ces dix-
ment aristocratique éclairé, dont divers tion de 1840 est un compromis, et, à la sept villes (quinze selon les statuts
membres furent remarquables ; les res- différence du duché de Brunswick, les Hanse latins, douze selon les statuts français
sources furent développées, la position événements de 1848 ont en Hanovre un postérieurs à 1241), qui trafiquent en
politique, devant une Saxe en difficulté très léger écho (la Constitution de 1848 Vocable d’origine germanique, em- Angleterre et qui animent les foires de
et un Brandebourg devenant peu à peu établit la Chambre haute sur le principe ployé déjà dans le sens de « suite Flandre. Elle se présente comme une
la Prusse, fut consolidée, et l’université non de la noblesse, mais de la propriété guerrière » dans la Bible d’Ulfilas, association de défense et de protection
de Göttingen, fondée en 1737, devint terrienne). puis dans celui de « réunion de jeunes mutuelles totalement indépendante du
très rapidement la principale université filles » (mägda hose) dans le Beowulf, comté de Flandre, mais qui se trans-
Sous le règne du roi aveugle
protestante des pays germaniques du le mot Hanse désigne primitivement un forme naturellement en une fédération
George V (1851-1866, mort en 1878),
Saint Empire. groupement d’individus. Reparu au XIIe de villes à caractère territorial, les
les conflits empirent, peut-être avec la
et au XIIIe s. dans les pays situés entre échevinages recrutant essentiellement
Diverses acquisitions territoriales complicité de la Prusse, dont les libé-
l’Elbe et la Seine, entre la mer du Nord leurs membres parmi les animateurs du
étendirent la domination hanovrienne raux J. von Miquel (1828-1901) et R.
et les Alpes, il s’applique alors soit grand commerce itinérant. Et, lorsque
sur le Lauenbourg (1705), sur Brême von Bennigsen (1824-1902) sont les
celui-ci devient sédentaire à la suite du
et Verden (cédés en 1715 par le Da- partisans. Après une longue période à une taxe payée par les marchands,
soit à un groupement de marchands déclin des foires de Champagne et de
nemark, qui les avait pris à la Suède), de neutralité, le Hanovre prend dans
l’acquisition par Bruges de l’étape des
sur Osnabrück, enfin (1803). La guerre le conflit austro-prussien le parti de associés appartenant à une ou plusieurs
laines anglaises, à la fin du XIIIe s. et au
de Sept Ans, dans laquelle le Hanovre Vienne ; il capitule le 29 juin 1866 à villes et trafiquant avec des marchands
début du XIVe, elle disparaît.
fut, comme l’Angleterre, l’allié de la Langensalza, malgré une première « forains », c’est-à-dire « étrangers »,
Prusse, ne modifia aucunement les victoire remportée le 27 juin. Il est qui ne participent pas, tout au moins au
début, à leurs privilèges. Une Hanse interurbaine :
frontières ; les guerres napoléoniennes occupé, puis annexé par la Prusse.
valurent par contre au Hanovre un la Hanse des
Cette annexion ébranle le principe de Simple « ghilde » unissant à l’ori-
partage qui le fit disparaître pour gine les marchands désireux de s’assu-
dix-sept villes
la légitimité monarchique, sur laquelle
quelques années, le Sud étant annexé s’appuie tout aussi bien la Prusse, et fait rer le monopole de la vente à la halle, Longtemps confondue avec la Hanse
par le royaume de Westphalie, le la « Hanse parisienne des marchands
entrer dans cet État des groupes d’op- de Londres, dont nous pouvons estimer
Nord devenant départements français position actifs : l’Église luthérienne de l’eau », qui n’apparaît, en fait, qu’à qu’elle réunissait un nombre égal d’ag-
(1810-1813). la fin du XIe s., est un exemple type de
refuse d’accepter l’union prussienne ; glomérations marchandes, la Hanse
L’important accroissement qui eut les catholiques, autour de Windthorst Hanse urbaine n’associant, au moins au des dix-sept villes réunit en un puissant
lieu en 1815 transforme l’État : si le (1812-1891), forment le noyau du Zen- début, que les marchands d’une seule cartel interurbain les marchands des
Lauenburg est cédé au Danemark, le trum ; le parti loyaliste est exaspéré par ville : Paris*. Pays-Bas et du nord de la France, ex-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
portateurs des célèbres étoffes « fran- marchands allemands saisonniers de privilégié en 1205-1207 par le prince Réconciliées par l’intermédiaire des
cigènes ». Ces marchands commer- Gotland » au lendemain de la paix de Constantin Vsevolodovitch. Westphaliens, qui participent à la fois
cialisent ces étoffes en Île-de-France Les Hanséates pénètrent par ail- au trafic rhénan et au trafic baltique, les
1161, réconciliant Allemands et Got-
et surtout aux foires de Champagne trois Hanses fusionnent en 1281 en une
landais. Les Allemands, qui disposent leurs sous le nom d’Esterlins (Oster-
auprès de leurs homologues italiens, « Hanse allemande » : Hansa Theu-
lins, marchands venus de l’est) en mer
dès lors d’un comptoir à Visby, jux-
par l’intermédiaire desquels ils les dif- du Nord, où ils trafiquent à la fois en tonicorum ou Dudesche Hense, dont
taposé à celui des Scandinaves, déve- les membres ont accès au Stalhof de
fusent dans l’ensemble du Bassin mé- Norvège, en Angleterre, puis aux Pays-
diterranéen. Cette Hanse interurbaine loppent leur commerce en Scandinavie Londres (en anglais steelyard), c’est-à-
Bas ; ils monopolisent dès le milieu du
compta à son maximum d’extension et surtout le long des rives sud-orien- dire à un comptoir clos de murs.
XIIIe s. le commerce le long d’un axe
au XIIIe s. plus de vingt villes ; elle dis- tales de la Baltique, où ils multiplient Novgorod-Reval-Lübeck-Hambourg- Les marchands allemands pénètrent
parut au XIVe s., victime de la montée leurs fondations portuaires au XIIIe s. : Bruges-Londres. Transitant d’abord alors en Flandre, où ils se sont fait
de Bruges et de l’interdiction faite par par l’isthme du Holstein, ils affrontent accorder par la comtesse Marguerite,
Rostock vers 1200-1218 ; Wismar vers
Louis X le Hutin à ses membres, en après 1250 les risques inhérents à la en 1252 et en 1253, d’importantes
1200-1228 ; Stralsund, érigé en ville en
1315, de se rendre à Bapaume. circumnavigation du Jylland et gagnent garanties judiciaires et commerciales,
1234 ; Greifswald en 1241 ; Dantzig,
directement Londres, où les membres et ils fondent à Bruges un comptoir.
érigé en ville en 1238, etc. En même
La Hanse teutonique de la Hanse de Cologne sont privilégiés Mais, n’étant pas étroitement limité à
temps, ces mêmes marchands remon- depuis 1157 et où ceux de Hambourg un enclos privilégié comme à Novgo-
La Hanse des marchands
tent les fleuves pour drainer les pro- et de Lübeck se voient reconnaître par rod (fourrures), à Londres (laines), et
« Groupement de marchands de l’Alle- le roi d’Angleterre Henri III le droit de à Bergen (poissons), ce nouvel établis-
duits locaux (fourrures, cire) et ceux de
magne du Nord » destiné à assurer la constituer une Hanse particulière, res- sement assure facilement les liaisons
l’Orient lointain, qui leur parviennent
protection et l’expansion commerciale pectivement en 1266 et en 1267, dans commerciales entre le monde baltique,
par les relais de Smolensk et surtout
de ses membres à l’étranger, la Hanse deux documents où le mot hansa est d’une part, et les mondes atlantique et
de Novgorod. Ayant signé un traité
allemande naît à la fois de la fondation, appliqué pour la première fois à des méditerranéen, d’autre part. Par son in-
vers 1158, de Lübeck à la jonction de de commerce en 1189 avec le prince groupements marchands d’Allemagne termédiaire est assurée l’exportation en
la mer du Nord et de la mer Baltique, et Iaroslav, ils fondent dans cette ville un du Nord (sans doute par analogie avec Occident des produits essentiellement
de la création de la « Communauté des établissement commun : le Peterhof, la « Hanse » flamande de Londres). naturels du Nord et de l’Est européens
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
La Hanse des villes une Hanse des villes, dont l’usage des Les villes sont reconnues membres militaire et navale particulièrement
privilèges est, dès lors, réservé à ceux de la Hanse soit dès l’origine, vers précieuse en cas de guerres, auxquelles
Formée sans doute de villes qui se
sont groupées régionalement à partir 1350, soit par admission officielle sur elle ne participe qu’à seule fin de main-
qui possèdent le droit de bourgeoisie
de 1250 en ligues de défense (west- demande, ou encore par intrusion semi- tenir son système économique, fondé
d’une des villes membres.
phalienne, saxonne, wende), la Hanse clandestine (cas des petites agglomé- sur « une situation de monopole consi-
Bien qu’il soit impossible d’établir rations) ; elles n’en sortent que par dérée comme immuable et légitime »
allemande n’a jamais constitué elle-
même une ligue de ce type, mais sim- une liste exhaustive des villes hanséa- exclusion, par démission ou, beaucoup (Pierre Jeannin). Il en est ainsi lors du
plement une communauté économique tiques à une date déterminée, on peut plus fréquemment, par renonciation conflit avec la Flandre (1351-1360)
qui, après avoir uni à l’origine uni- tacite. N’admettant en son sein qu’un et surtout lors de la guerre danoise
estimer à au moins cent vingt-neuf le
quement des marchands, a progressi- seul prince, le grand maître de l’ordre (1361-1370), dont l’issue victorieuse,
nombre de celles dont les grands com-
vement associé entre 1250 et 1350 les Teutonique, dont dépendent étroite- concrétisée par la paix de Stralsund,
merçants ont participé à ses privilèges
villes dont ceux-ci étaient originaires. ment les bourgeois des six principales marque en 1370 l’apogée de la Hanse,
Ainsi, la Hanse des marchands a-t-elle à l’étranger à un moment quelconque villes prussiennes, la Hanse en retire un qui se fait céder les quatre places fortes
achevé de se transformer vers 1350 en du XIVe et du XVe s. incontestable prestige et une puissance ou lieux de pêche du Sund : Elseneur
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
(Helsingør), Malmö, Skanör et Fals- 1534-35, par les conquêtes suédoises Chef de file du Mouvement de la le statut individuel, détruisent l’ordre
terbo, ainsi que les deux tiers des reve- autour de la Baltique, le XVIe s. est pour prose antique (guwen yundong [kou- social et nient la cellule familiale.
nus attachés à leur péage. la Hanse une période de déclin irrémé- wen yun-tong]), on doit à son dyna- Fervent partisan de la théorie confu-
diable, les villes membres ne parvenant misme et à sa persévérance la renais- céenne selon laquelle la littérature est
Faiblesse structurelle et à participer à la prospérité générale que sance de l’essai en prose. Au cours de un instrument au service du bon gou-
difficultés conjoncturelles dans la mesure où elles reviennent à la période précédente, le style guindé, vernement, un moyen pour « ensei-
Contrainte de devenir une puissance un « système de privilèges partagés précieux et finalement obscur à force gner » le Dao (Tao), ses oeuvres ont
et d’étapes imposées » reposant sur de recherche de la « prose parallèle » un aspect didactique très prononcé.
politique et militaire internationale,
« l’idée qu’un monopole acquis [peut] (pianwen [p’ien-wen]) avait envahi la Ses essais les plus célèbres, Sur le vrai
la Communauté ne dispose pourtant
être maintenu par des contraintes littérature et étouffé l’inspiration. Han Dao, Discours sur les maîtres, À propos
que d’une seule institution qui lui soit
juridiques » (Pierre Jeannin). Cruel- Yu s’inspire des modèles fournis par d’une relique de Bouddha, Sacrifice au
propre : le Hansetag. Cette assemblée
lement atteinte par cette évolution de l’Antiquité, principalement les oeuvres crocodile, Origine de la concussion,
générale de villes membres joue un
la conjoncture, la Hanse ne survit pas des Han et des Royaumes combattants, sont des apologies du confucianisme.
rôle décisif en matière diplomatique,
aux effets de la guerre de Trente Ans, pour renouveler le style des disserta- Dans son discours Sur la vraie Voie,
militaire, économique et judiciaire,
puisque l’on date son décès de 1630, tions et des narrations. C’est pourquoi il fait la distinction entre la Voie (Dao
puisqu’elle arbitre les conflits entre
année de la conclusion d’une alliance ce nouveau style littéraire s’appelle [Tao]) des confucéens, c’est-à-dire
villes membres. Pourtant, ses réu-
restreinte entre Lübeck, Hambourg et prose antique. Simplicité de la présen- celle des anciens rois et sages qui pra-
nions se tiennent sans aucune pério-
Brême, ou de 1669, année de la réunion tation, sobriété de l’expression, clarté tiquaient les vertus d’humanité et de
dicité. D’ailleurs rares sont celles où
de la dernière diète hanséatique. du style et de la pensée, telles sont les justice, et la Voie des taoïstes et des
sont représentées les villes des trois
P. T. bouddhistes, qui mène à l’inaction et
« tiers », entre lesquels ses membres qualités maîtresses de la réforme litté-
F Brême / Bruges / Champagne / Cologne à l’anarchie. Mais son acharnement à
sont régionalement répartis. Le Han- raire de Han Yu.
/ Commerce international / Flandre / Foire /
dévoiler ce qu’il considère comme des
setag se tient généralement à Lübeck, Gdask / Hollande / Londres / Lübeck / Novgorod La forme préférée de Han Yu est
/ Paris / Pays-Bas. superstitions lui fait parfois perdre le
dont le Conseil de ville joue un rôle celle des courts essais : biographies,
sens des nuances dans l’argumentation.
essentiel au sein de la Hanse à côté des W. Vogel, Kurze Geschichte der Hanse épitaphes, épîtres, rapports, requêtes,
(Halle, 1915). / J. Denuce, la Hanse et les Com- D. B.-W.
« diètes de tiers » (ou de quartier) et préfaces... Cette prose néo-classique,
pagnies commerciales anversoises aux pays
Kouo Mojo, K’iu Yuan (Gallimard, 1957). /
des « diètes régionales ». Il émet ses baltiques (De Sikkel, Anvers, 1938). / K. Pagel, dont Han Yu restera avec son ami Liu
Ch’u Tz’u, The Songs of the South. An Ancient
décisions sous forme de « recès », Die Hanse (Berlin, 1942 ; 4e éd., 1965). / Han- Zongyuan (Lieou Tsong-yuan) le plus Chinese Anthology (Londres, 1959). / F. Tökei,
sische Studien (Berlin, 1961). / P. Dollinger, la
théoriquement applicables par tous, brillant représentant, sera considérée Naissance de l’élégie chinoise (trad. du hon-
Hanse, XIIe-XVIIe siècle (Aubier, 1964). / K. Fritze,
grois, Gallimard, 1967).
mais qui ne s’imposent en fait qu’aux jusqu’à la fin des Qing (Ts’ing) comme
Am Wendepunkt der Hanse (Berlin, 1967).
villes qui ont envoyé des délégués à parfaite. Pendant dix siècles, servant
la Diète générale — et encore pas tou- d’exemple à tous les lettrés, ce style
jours. « Ne présentant aucun des traits littéraire est un des piliers de la conti-
caractéristiques d’un État » (Philippe Haoussas ou
Han Wou-ti (Han nuité de la littérature savante chinoise.
Dollinger), la Hanse doit, en cas de Même la poésie de Han Yu se ressent Hausas
crise grave, se résoudre à constituer Wudi) de son amour pour la prose. Malgré
des ligues soumettant leurs membres à une grande recherche de termes rares, Ethnie qui occupe le nord du Nigeria et
des obligations financières et militaires F CHINE. Han Yu transpose dans ses poèmes le sud du Niger (plus de 6 millions de
très précises. Il en est ainsi de la ligue l’expression logique et didactique de personnes).
de Cologne, constituée en 1367 contre ses essais littéraires. Il est avec Bo Juyi
Cette ethnie occupe un pays de sa-
le Danemark, et des « tohopesate » (se (Po Kiu-yi) le poète le plus renommé
vanes peu boisées vers le nord, mais
tenir ensemble) du XVe s., dont la plus Han Yu de l’ère yuanhe (yuan-ho). Par les su-
parcourues par des rivières forestières
célèbre est celle qui est organisée par jets de ses poèmes, il annonce la poésie
dans le sud. C’est une région au climat
Lübeck en 1418, lorsque la préémi- Confucianiste et lettré chinois du sociale et engagée des Song.
sec de novembre à mai, auquel succède
nence de cette ville est officiellement milieu de la dynastie Tang (Tengzhu Pour lui, le mouvement de la prose une saison humide. Les migrations et
reconnue sur la Hanse. [T’eng-tchou], Henan [Ho-nan], 768 - antique n’est qu’un moyen d’exprimer l’activité économique et militaire des
Cette faiblesse structurelle de la Chang’an [Tch’ang-ngan], 824), grand une réforme profonde de la pensée. Haoussas ont provoqué des contacts
Hanse rend celle-ci plus sensible aux maître de la prose classique chinoise. Han Yu réfute les théories de l’art pour étroits avec les Peuls* qui parcourent
aléas de la conjoncture. Encore ca- Né dans une famille simple de l’art qui avaient cours jusqu’alors et la même zone : un certain métissage
pable d’imposer à l’Angleterre la paix Nanyang (Henan), il est orphelin très prêche qu’il n’y a de vraie littérature des populations en est la conséquence.
d’Utrecht de 1474, la Hanse ne peut jeune et se consacre avec passion à ses qu’engagée : pas de littérature sans L’histoire des Haoussas est aussi liée
prétendre traiter éternellement d’égal études classiques. À vingt-cinq ans, il pensée, pas de bonne littérature sans à une pénétration profonde de l’islm.
à égal avec les États nationaux ou les est reçu docteur (jinshi [kin-che]) et pensée orthodoxe, pas d’orthodoxie Ce phénomène a suscité une culture
principautés territoriales en voie de occupe son premier poste en province. en dehors du confucianisme. Il s’élève originale, qui connaît depuis longtemps
constitution tant à l’étranger qu’en À trente-cinq ans, il est nommé pro- contre la culture aristocratique, toute une urbanisation importante et une vie
Allemagne ; encore moins peut-elle fesseur à l’Académie impériale (Guozi vouée à la recherche du plaisir indivi- commerciale particulièrement intense.
pallier les conséquences, pour son dian [Kouo-tseu-tien]) et poursuit une duel. Pour lui, l’homme n’a de valeur Les capitales des émirats, comme So-
commerce, de la substitution d’un axe honorable carrière de fonctionnaire qui qu’en tant qu’être social et se définit koto, Zaria, Kano, avaient, il y a plus
Francfort-Nuremberg-Leipzig-Pozna le mène jusqu’à la vice-présidence du par sa position dans la hiérarchie de d’un siècle, une population de plu-
à l’axe Londres-Bruges-Lübeck-Reval ministère de la Fonction publique. En l’État, réplique de la hiérarchie fami- sieurs dizaines de milliers d’habitants.
et celles de l’essor du trafic hollandais, 819, son célèbre pamphlet À propos liale. Les relations par couple, empe- L’ethnie haoussa est en effet orga-
qui s’accentue à l’extrême fin du XVe s. d’une relique de Bouddha, qui attaque reur-sujet, père-fils, époux-épouse, nisée en un certain nombre d’États
directement l’empereur, lui vaut d’être doivent être scrupuleusement res-
Marqué par la fermeture des comp- dirigés par une aristocratie peule qui
toirs de Novgorod en 1494 et de envoyé en exil dans le sud de la Chine. pectées. C’est pourquoi Han Yu lutte a pris le pouvoir au début du XIXe s.
Londres en 1598, par la défaite infli- Il en revient à la mort de l’empereur avec passion contre les philosophies L’appareil politique central est mono-
gée par le Danemark aux Lübeckois en et meurt à l’apogée de sa célébrité. taoïques et bouddhiques, qui, prêchant polisé par les lignages nobles, dont les
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
différentes branches sont souvent en La possibilité du divorce existe. Les trés depuis longtemps, prirent l’initiative ; toute idée, à tout message pour devenir
profitant de l’élan que leur donnait leur
compétition. La référence à la religion femmes devenues indépendantes se la simple intégration des acteurs aux
conversion à un islm intransigeant, ceux-
musulmane va de pair avec l’existence livrent parfois à la prostitution, qui per- spectateurs. Cela vise à permettre au
ci renversèrent les monarchies haoussas,
d’esclaves royaux. Mais l’essentiel de met d’acquérir et de manifester autono- groupe ainsi constitué un défoulement
affaiblies (1804-1810).
l’appareil politique est fondé sur des mie financière et prestige culturel. Les au sens le plus freudien du terme, et
La domination peule n’entraîna pas la
liens d’allégeance personnelle justi- prostituées forment en effet une partie ainsi le happening s’apparente au psy-
décadence des villes marchandes et artisa-
fiés par des rapports de parenté ou de des prêtresses d’un culte de possession nales. En 1854, Heinrich Barth (1821-1865) chodrame. L’abolition des concepts
clientèle. Ces États sont découpés en très répandu et assez lucratif, le bori. considère Kano comme la première cité du traditionnels de scène, acteurs, spec-
un certain nombre d’unités territoriales Ce culte est essentiellement pratiqué Soudan central avec 30 000 habitants per- tateurs, intrigue et message, doit
dont le centre est une ville fortifiée. manents, dont, il est vrai, une partie seu- bouleverser la relation sujet-objet et,
par les bouchers, les chasseurs, les for-
lement sont haoussas. Centre d’échange
Ces villes sont le symbole à la fois du gerons, les chanteurs. On y retrouve un par là, donner naissance à une forme
du sel, du cuivre, des marchandises arabes
pouvoir politique, de l’organisation certain nombre de dieux de la religion unique : « Réaliser un happening, c’est
et européennes venues à travers le Sahara
économique et sociale et de la religion antéislamique, et, suivant la maladie créer une situation qui ne peut pas se
contre le kola et les esclaves, Kano était
officielle. C’est là que se tiennent les ou l’infortune, la possédée incarne tel aussi le principal centre de diffusion au reproduire deux fois » (Salvador Dali).
grands marchés, où s’écoule la produc- ou tel dieu. La fonction sociale de ce Soudan des cotonnades et des articles de On élimine si bien les frontières entre
tion d’un artisanat très élaboré et très cuir locaux. l’art et la vie que certains groupes ont
culte est très importante dans la mesure
spécialisé. C’est là que sont érigées les où il permet à des groupes considérés Transformées au XIXe s. en émirats peuls, « joué » des happenings sans se soucier
grandes mosquées. L’administration les monarchies haoussas étaient aupara- de prévenir le public.
comme marginaux ou inférieurs d’ob-
vant des principautés centralisées autour
des différentes régions de l’État est as- tenir une certaine liberté compatible Les experts distinguent soigneu-
de villes-capitales puissamment murées où
surée par des chefs d’enclos, qui lèvent avec l’islm. sement l’événement, isolé par défini-
résidaient le souverain (sarki) et sa cour.
les impôts, exercent le pouvoir judi- tion (un monsieur en tenue de soirée
La colonisation britannique, tout en Titres et fonctions constituaient un appa-
ciaire et maintiennent l’ordre. Leurs reil d’État complexe, où se distinguaient et portant un cor de chasse arrive sur
transformant l’ensemble des condi-
fonctions ne sont pas automatiquement l’héritier présomptif (chiroma), la reine la scène. Il s’incline pour saluer, et
tions sociales et économiques du Ni-
héréditaires. mère et le chef de la cavalerie. Le sarki tirait
geria, a conservé et utilisé les supers- l’instrument, qui était rempli de billes,
ses ressources des taxes sur les récoltes, le
Mais l’originalité de la société tructures politiques et idéologiques du se vide), du happening, constitué par
bétail, l’artisanat et les marchés ainsi que
haoussa réside dans sa stratification so- pays haoussa. La faible scolarisation (à de la guerre, pourvoyeuse d’esclaves. « une série alogique d’événements »
ciale complexe et relativement rigide. cause de l’islm) a eu comme consé- (Michael Kirby). Le terme « happe-
Au XIXe s., le destin politique des Haous-
Cette stratification est fondée sur des quence une position subordonnée des ning » trouva son acception en 1959
sas se trouva lié à celui des émirats peuls,
groupes fonctionnels et professionnels Haoussas dans la configuration des passés sous protectorat anglais entre 1899 dans le titre d’Allan Kaprow 18 Hap-
à la spécialisation très précise. Cette forces administratives et économiques et 1903. Grâce au gouvernement indirect penings in 6 Parts. Ensuite, Ben Vau-
production artisanale s’intègre dans des Anglais, les Haoussas conservèrent tier affirme avoir initié les Français en
du Nigeria indépendant. Cette situa-
leur originalité, et, grâce à leur vocation
une économie internationale où pré- tion était évidemment en contradiction 1962 avec Publik (première manifesta-
marchande, leur langue tend à devenir lin-
dominent les échanges commerciaux tion à Paris, « le Théâtre total »), joué
avec le poids démographique et éco- gua franca de l’Afrique nigériane.
avec les pays du nord du Sahara. Par (sic) deux ans plus tard à Paris : Ben
nomique de l’ethnie et avec la position M. M.
ailleurs, les Haoussas ont connu et pra- plus assurée d’ethnies moins favorisées restait sur la scène assis, immobile et
tiqué jusqu’à la fin du XIXe s. un escla- silencieux, avec derrière lui un écri-
sous ce dernier rapport. Ces contradic- J. C.
vage dans le cadre de la production teau où on lisait : « Regardez-moi, cela
tions expliquent en partie la position F Niger / Nigeria.
agricole. Les cultures essentielles sont suffit. »
des Haoussas dans l’histoire récente de H. Clapperton, Journal of a Second Expedi-
celles du mil, du maïs, de l’arachide, Les plus conservateurs des happe-
leur pays. tion into the Interior of Africa (Londres, 1829). /
du riz et de certains légumes (pois). Le H. Barth, Travels and Discoveries in North and nings comportent une matrice ; ils sont,
surplus de cette production est échangé Central Africa, 1849-1855 (Londres, 1857-58 ;
disent les critiques français, institution-
avec les Peuls, qui fournissent viande, L’histoire des Haoussas 5 vol.). / Y. Urvoy, Histoire des populations du
Soudan central (Larose, 1936). / M. G. Smith,
nalisés. Ainsi, dans The Marrying Mai-
lait et engrais grâce à leurs bovins. En Agriculteurs, artisans et commerçants, Government in Zazzau. A Study of Government den de Jackson MacLow (The Living
effet, les Haoussas pratiquent plutôt les Haoussas constituèrent une série de in the Hausa Chiefdom of Zaria in Northern
Theatre, 1960 et 1961), on joue une
« cités-États » encore florissants au XIXe s. Nigeria from 1800 to 1950 (Londres, 1960). /
l’élevage des moutons, des chèvres pièce de théâtre, par exemple Roméo
Leur origine est mal connue ; la tradition M. F. Smith, Baba of Karo : a Woman of the Mus-
et des ânes. Le cheval a une fonction
rattache la création, avant le XIe s., des sept
lim Hausa (Londres et New York, 1964 ; trad. fr. et Juliette, mais la conduite des acteurs
militaire et de prestige. La chasse est Baba de Karo, Plon, 1969). / M. Last, The Sokoto
premiers royaumes (Daoura, Kano, Zaria, est déterminée par des cartes tirées
Caliphate (New York, 1967).
peu répandue. Gober, Katsina, Rano et Biram) à une reine au hasard de trois jeux et qu’on leur
L’organisation familiale a été plus noire et à un héros berbère ; plus tard, fait passer des coulisses : le paquet du
sept autres États « haoussas » auraient été
ou moins perturbée par l’intrusion de rythme comporte 5 cartes (de très lent
fondés.
l’islm. La structure clanique a disparu. à très rapide), le paquet d’intensité 5
Le système de parenté est bilinéaire Sous l’influence du Mali* au XIVe s., les happening aussi (de murmures à hurlements), mais
cités profitèrent des relations du grand
malgré le système d’appellations unili- le troisième paquet, concernant actions
empire avec le monde arabe et de leur
néaire. Les villages non musulmans se Cette forme de spectacle s’inscrit dans et attitudes, est énorme ; il comporte
situation de carrefour des pistes du nord
le processus de désintégration du style
définissent encore par la patrilinéarité (Tripolitaine, Hoggar, Aïr), de l’est (Bornou) 1 200 cartes d’ordres, allant du surpre-
évident à tous les niveaux de l’art mo-
et l’exogamie. La résidence est virilo- et de l’ouest (Tombouctou). Marchands et nant (embrasser pendant trois minutes
derne. Elle constitue la suite logique
cale, mais les frères mariés peuvent res- lettrés musulmans affluèrent, et certains la personne la plus proche) au bouffon
souverains se convertirent superficielle- des procédés innovés au théâtre par
ter chez leur père. Les groupes domes- (se gratter dix fois l’oreille gauche), en
ment dès le XIVe s. Alfred Jarry, Eric Satie et Antonin Ar-
tiques (gandu) ont une base agnatique. passant, bien entendu, par l’obscène et
Bien que puissantes au XVIe s., Katsina et taud, est issue du surréalisme comme
Il existe plusieurs types de mariages, le répugnant. Autre exemple, les Play-
auxquels correspondent des degrés dif- surtout Kano ne purent unifier leurs rivales du dadaïsme et proclame l’absurde. girls du Français Marc’O (théâtre Bo-
et durent accepter la tutelle du Bornou
férents de « cloîtrement » des femmes. Il s’agit toujours de traumatiser le bino, 1967), où la technique consiste
et du Songhaï. Aux XVIIe et XVIIIe s., après
La loi musulmane autorise le mariage spectateur par des effets de choc, de à laisser aux acteurs le soin d’illustrer
l’écroulement de l’Empire songhaï, les pays
avec quatre femmes. Mais celles-ci haoussas, indépendants, s’entredéchi- cruauté et d’insolite afin de mettre en un thème, ici démystifier le phénomène
sont exclues des travaux agricoles et se rèrent. À la fin du XVIIIe s., le Gober paraissait branle sa libre imagination, mais le yé-yé. Après un certain nombre de ré-
consacrent à un artisanat domestique. l’emporter, lorsque les éleveurs peuls, infil- happening va plus loin en renonçant à pétitions, l’auteur tire de ces tentatives
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les éléments qui en feront une structure happening entraîne l’idée de striptease. est confirmée avec éclat dans le dernier des happenings, on constate qu’elle est
marquée principalement par la vogue de
valable encadrant le jeu libre des repré- L’illégalité, le souci d’être en marge roman paru, Projet pour une révolution
l’assemblage*, ce que souligne l’emploi
sentations : « Il ne faut plus écrire des expliquent aussi pourquoi les auteurs à New York, 1970]), la toute dernière
courant du vocable « assemblagistes »
pièces sur le papier, mais créer direc- de happening sont souvent des révo- nouvelle vague au cinéma (par exemple
(assemblagists) pour désigner les très
tement sur la scène, en démystifiant lutionnaires qui citent abondamment le Week-End de J.-L. Godard, 1967) nombreux artistes qui y ont recours entre
tout le temps. Les critiques ne com- Herbert Marcuse et plus précisément et le théâtre d’avant-garde (certains 1950 et 1960, en particulier sur la côte cali-
prennent généralement pas qu’il faut, son livre Eros et Civilisation. passages des oeuvres d’Isidore Isou, fornienne (les combine paintings de Raus-
de nos jours, écrire directement sur la de S. Beckett et de J. Genet peuvent chenberg participant du même courant).
Dans Meat-Joy de Carole Schnee-
Réaction ironique au sublime de l’expres-
scène » (le Soir, Bruxelles, 11 mars mann (joué au Centre des artistes amé- être considérés comme des embryons
sionnisme* abstrait, l’assemblage est aussi
1964). Cette matrice n’est pas néces- ricains de Paris le 29 mai 1964), on d’happenings) permettront de donner
rappel, non moins ironique, de la réalité
sairement un texte ou une structure, voit sur une piste de théâtre en rond un au phénomène des répondants d’ordre américaine, sous la forme des rebuts indus-
car un des fondements du happening, acteur et une actrice en collants faire esthétique. En outre, le caractère inter- triels de toute sorte et des objets de bazar.
comme celui de la musique pop* ou des danses lascives qui évoquent de national de ce genre de manifestations Cette double signification se retrouve dans
des diverses activités artistiques de la (on en a même vu dans les pays com- les happenings, que l’on est en droit de
plus en plus précisément la copulation.
tenir pour des assemblages éphémères de
beat generation*, est la baudelairienne Lorsque l’extase est censée surgir avec munistes) et le fait qu’il se situe sur-
gestes, de cris, de formes, de couleurs et
correspondance des sensations poussée des attitudes plastiques renforcées par tout dans les capitales ou les grandes
d’objets, avec cette différence que le hap-
à ses dernières extrémités : lumières divers procédés audio-visuels, un ma- villes montrent assez qu’il s’agit d’une pening, imprégné d’humour ou manifes-
spasmodiques et obscurité totale, bruits chiniste place entre les mains du couple des multiples retombées de l’explosion tant quelque volonté de désacralisation,
insoutenables, odeurs irrésistibles et une poule vivante. Le pauvre volatile contemporaine de la civilisation et de tourne presque obligatoirement à la céré-
même agression physique, comme jets est alors torturé, écartelé, dépecé, et la recherche, à travers des manifesta- monie, au rite, au théâtre sacré. Et, plus ou
de liquides nauséabonds ou salissants tions fugitives et spontanées, des atti- moins, c’est la vie quotidienne qui tend
les lambeaux sanglants sont lancés à
à s’y trouver sacralisée. On peut penser
(on cite un happening de Jean-Jacques toute volée parmi les spectateurs. Ce tudes originelles et fondamentales de
également que la prise de possession de
Lebel où les spectateurs sont contraints moment marque le début de la seconde l’homme lors de l’ « invention » de la
l’espace par le geste de Pollock*, sa toile
au silence parce qu’on leur colle une forme du happening, la plus pure selon société. J.-J. Lebel écrit : « Cet art nou- posée à même le sol comme s’il ambition-
bande de sparadrap sur la bouche !). les amateurs, car elle est sans matrice ; veau, dans la mesure où il se veut un ef- nait d’étendre son emprise au territoire
Dans Eat d’Allan Kaprow (joué à New personne ne sait ce qui va se passer ; fort collectif de sacralisation, ira donc américain, se trouve ici transférée à l’es-
York en janvier 1964), les spectateurs, chercher ses structures de base dans les pace urbain. C’est une portion de l’espace
toute l’activité, alors, est non institu-
urbain qu’embrasse le geste de l’artiste or-
après avoir payé leur place, s’engagent tionnalisée. C’est le pandémonium : sociétés primitives et fut directement
ganisateur du happening, en même temps
dans une sorte de labyrinthe où ils sont certains membres du public s’enfuient causé par un retour aux sources : l’art
qu’une portion du temps (on sait l’impor-
soumis à diverses sensations, agres- avec écoeurement, d’autres restent pour des sauvages et des fous. » tance de la notion de temps dans l’action
sions et épreuves, tout cela culminant, crier leur indignation et en viennent painting) : deux des plus importants parmi
juste avant la sortie, dans l’absorption aux mains avec les thuriféraires de les premiers happenings, en 1959, la Rue
Le happening dans les
d’une pomme de terre cuite en robe de Claes Oldenburg et la Maison de Jim
l’art nouveau, d’autres enfin profitent
arts plastiques Dine, l’indiquent nettement dès leur titre.
des champs. La matrice, en ce cas, est du désarroi général pour essayer, avec
Si l’on admet comme premier happening Peut-on, à ce moment, admettre, ainsi
donc un environnement sensoriel que plus ou moins de succès, de violer leurs
en date celui qu’organisa John Cage* en que le voudrait Marcelin Pleynet, le hap-
l’auteur présente en ces termes : « Une voisines. Les organisateurs triomphent,
1952 au Black Mountain College, il faut pening comme « simulacre de l’événement
oeuvre conçue comme un rituel quasi ayant réussi à briser codes, cadres et alors voir dans les happenings l’exten- que la peinture ne produit pas, du scan-
eucharistique fondé sur des contrastes conventions. sion à d’autres sphères que la musique dale que devrait être la peinture ? » Ce
de symétries et d’asymétries des choses (et plus particulièrement le théâtre et la n’est possible que dans le cas d’un Kaprow
Il est facile de disserter savamment
physiques, avec le dessein d’établir un peinture) de la non-différenciation entre ou d’un Lebel, qui ne peindront plus dé-
sur cette « symbolisation du drame du
rythme de réciprocité entre le stable et le « choisi » et l’ « accidentel », entre l’art et sormais. Au contraire, le happening a joué
couple », d’évoquer les rapports cer-
la vie. De même que Cage appelle de ses pour Oldenburg et Dine, par exemple, un
l’instable » (Tulane Drama Review).
tains avec les cérémonies d’hystérie voeux la combinaison dans l’oeuvre musi- rôle de transition et les a en somme aidés
Pour parvenir à identifier acteurs collective pratiquées sous les noms cale de sons élaborés et de sons fortuits, à se trouver. On dirait qu’il leur a permis
et spectateurs, il faut que ces derniers de macumbas, de candomblés (Brésil ready made, le théâtre devra accueillir de voir clair dans leurs propres intentions
sortent d’eux-mêmes : on semble esti- surtout) et de culte vaudou (Antilles), sur le même plan mots, gestes et bruits et que, du chaos des formes, des gestes
mer que l’agression, sous une forme « écrits » ou « spontanés », la peinture s’ou- et des sons, ils ont su très vite dégager ce
de rappeler les diverses manifestations
vrant, elle aussi, simultanément et indiffé- qui composerait leur univers particulier
ou sous une autre, peut seule réussir de sorcellerie et de satanisme au cours
remment aux objets ou formes créés par (v. pop’art). Le happening serait-il donc
à atteindre cet objectif. Si A. Artaud, des âges, de montrer que toujours on se
l’artiste et aux objets ou formes proposés l’école de peinture idéale ? En tout cas,
avec son théâtre de la cruauté, en fut le trouve en présence d’une sorte d’âme par l’environnement quotidien ou par le s’il avait été un « simulacre » de ce que la
prophète, J.-J. Lebel en est aujourd’hui collective qui, détruisant l’identité, hasard. Or, les happenings furent un mode peinture ne pouvait être, une image ex-
le pontife avec sa devise « Apprendre à abolit par là toute distance entre les d’expression tout particulièrement prisé haustive et non peinte de la peinture, il se
voir neuf » (le Soir, Bruxelles, 28 juill. par les peintres — y compris ceux qui s’en serait aisément substitué à celle-ci. Or, il
individus, etc. Anthropologie, socio-
tinrent plus ou moins longtemps au seul n’en est rien, et, aux États-Unis du moins,
1966). Dans l’une de ses produc- logie, psychopathologie fourniront le
happening comme substitut de la pein- la leçon du happening s’est presque tout
tions, les acteurs passent dans la salle, canevas de cette critique du happening,
ture : Allan Kaprow, Jean-Jacques Lebel entière transportée dans le théâtre —
noyée d’effets violents de vacarme et alors que l’existentialisme (la théorie —, et d’ailleurs l’intérêt porté par Cage encore qu’on puisse voir dans le land art,
de lueurs éblouissantes en éclairs, et du regard et de la relation sujet-objet à la peinture de Rauschenberg*, notam- entre autres (v. conceptuel [art]), une forme
jettent à la figure des spectateurs des chez J.-P. Sartre : « Je saisis le regard ment, est chose bien connue. L’originalité amoindrie du happening.
morceaux de sucre à la volée en hurlant d’autrui au sein même de mon acte, de ces happenings fut de combiner des
En Europe, par contre, il semble qu’il en
éléments théâtraux (action ou attente de
« L. S. D. ». Une des formes faciles de comme solidification et aliénation de aille autrement et que ce soient la méga-
l’action, gestes, paroles, événements) et
l’agression, très pratiquée, consiste à mes possibilités » [l’Être et le Néant] ; lomanie (Joseph Beuys), le sadisme ou le
musicaux aux éléments proprement for- masochisme des peintres qui continuent à
entraîner l’auditoire dans une activité J.-P. Sartre a d’ailleurs prononcé à
mels, comme si l’ambition de la peinture, perpétuer le happening, rebaptisé indivi-
illégale, par exemple l’attentat à la pu- Bonn, le 4 septembre 1966, une confé- à ce moment, avait été en quelque mesure duellement (« action » pour Beuys) ou col-
deur, qui fait du spectateur un voyeur rence dans laquelle il parla du happe- le Gesamtkunstwerk (oeuvre d’art totale), lectivement (« Fluxus » pour Wolf Vostell
et parfois un exhibitionniste ; c’est par ning en termes élogieux), le nouveau rêvé par Richard Wagner et l’Art nouveau. et Ben). On serait alors tenté d’inscrire le
une simple conjonction de fréquence roman (et surtout Dans le labyrinthe Si l’on se reporte à l’époque qui vit happening européen dans le cadre de l’ex-
que, dans l’esprit public, la notion de [1959] de Robbe-Grillet [cette parenté l’apparition aux États-Unis du phénomène pressionnisme, de sa tradition véhémente
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et mystique. Mais à vrai dire, de ce fait, l’essor urbain, lié à la mise en valeur s’oppose à la satisfaction matérialiste d’abord de l’instinct sexuel, qui cause
l’intérêt se transporte plutôt de l’oeuvre sur active de la Mandchourie, va être pro- de l’époque. Mais l’angoisse qui appa- la perte de Jude dans le plus significa-
l’artiste — le schéma christique fondamen-
digieux : 40 000 habitants en 1911, raît chez E. Fitzgerald, J. Thomson, tif, le plus angoissant et le plus sombre
tal de l’expressionnisme se trouvant ainsi
380 000 en 1932, 750 000 en 1942. Le W. H. White ou G. Gissing, Hardy, de ses romans. Si elle s’efforce sou-
porté au premier plan, assumé charnelle-
développement récent est plus considé- en la détachant des contingences tem- vent à l’intellectualisme, telles Paula
ment et non plus lyriquement : à ce titre,
ce que l’on nomme actuellement le body rable encore (1 200 000 hab. en 1953 porelles, l’élève à une dimension cos- de A. Laodicean (1881) et surtout Sue
art (art corporel) peut être conçu comme et 1 800 000 en 1965), lié au dévelop- mique. Parce que tôt il s’est imprégné de Jude the Obscure (1896), la femme
un choc en retour du happening, l’intro- pement d’un vaste complexe industriel des tragiques grecs. Parce que dans n’en reste pas moins soumise à sa na-
version succédant à l’extraversion, cris, qui compte parmi les plus modernes et l’atmosphère particulière des landes ture, aussi bien qu’Eustacia du Retour
gestes et formes de l’artiste se substituant
les plus puissants du pays. de son enfance, propices aux manifes- au pays natal et qu’Arabella dans Jude
aux manifestations de l’environnement
Une telle fortune s’explique par la tations supraterrestres, il a découvert the Obscure. Le réalisme de Thomas
urbain. Il faudrait enfin considérer la direc-
tion particulière prise par le happening au place éminente que tient le Nord-Est la puissance des forces obscures qui Hardy n’est pas sans rappeler celui des
Japon avec les manifestations du groupe dans l’économie du pays depuis 1949 pèsent sur l’humanité. Parce que la naturalistes français, comme l’impor-
Gutaï* dès 1955 : mais ici, selon toute vrai- (v. Chine) et par la situation de la ville science, chez lui, et surtout la nature tance du problème du sexe, qui régit
semblance, nous sommes en présence du ont pris la place d’un Dieu condamné
au coeur d’une région particulièrement impérieusement dans son oeuvre les
produit moderne d’une culture raffinée,
riche en matières premières : vastes par Darwin, Mill, Huxley ou Spencer. rapports humains — en dépit des aspi-
décelable du jardin zen au théâtre n.
terres agricoles fertiles des plaines du Ce Dorsetshire où il est né, il l’a par- rations au savoir et du vernis imposé
J. P.
Soungari, qui constituent un immense couru en tous sens, enfant à qui une par la civilisation —, conduit à évoquer
front pionnier ; riches houillères de famille pourtant humble donne le goût D. H. Lawrence. Mais peut-être Jude
P. G.
Hegang (Ho-kang) et de Shuangyas- des choses de l’esprit, adolescent qui the Obscure arrive-t-il trop tôt. Les
H. Marcuse, Eros and Civilization (Bos-
ton, 1955 ; trad. fr. Éros et Civilisation, Éd. de han (Chouang-ya-chan) à l’est ; plomb, écrit ses premiers vers à dix-sept ans remous qui accompagnent sa parution,
Minuit, 1963). / Le Happening, numéro spécial cuivre, fer, tungstène des massifs du tout en étudiant l’architecture, et puis à faisant suite aux fortunes diverses de
de Tulane Drama Review, vol. X (New Orleans, son retour au pays natal, où il se marie
sud-est. ses autres oeuvres romanesques, décou-
1965). / M. Kirby, Happenings (Londres, 1965).
en 1874. Toute son existence, à l’ex- ragent Hardy. Fatigué, par ailleurs, des
/ J.-J. Lebel, le Happening (Denoël, 1966). / Ainsi Harbin est-elle devenue le pre-
G. Tarrab, le Happening, numéro spécial de la ception d’une dizaine d’années passées servitudes que lui impose le feuilleton,
mier centre d’industries alimentaires
Revue d’histoire du théâtre (1968). à Londres comme architecte, il la vit financièrement indispensable, après
de la Chine (minoteries, sucreries, hui-
au coeur du « Wessex », qu’il immor- avoir publié en son temps un recueil
leries, tabac, etc.) et un des plus grands
talisera dans ses romans. Après Des- de nouvelles au titre évocateur, Life’s
centres d’industries métallurgiques,
perate Remedies (Remèdes désespérés, Little Ironies (les Petites Ironies de
spécialisé dans la fabrication d’équi-
Harbin pements électriques, de turbines, d’ins- 1871), où l’angoisse revêt des aspects la vie, 1894), Thomas Hardy revient
à la W. Collins, il donne Under the à la poésie de ses débuts. Il n’écrira
truments de mesure, etc.
En chinois HA’ERBIN (HA-EUL-PIN), v. de Greenwood Tree (Sous la verte feuillée, pas moins de neuf cents poèmes, sur-
Toutes ces industries constituent
la Chine septentrionale. 1872). La nature y prend un aspect rus- tout lyriques, de Wessex Poems (1898)
un vaste complexe réparti entre Har-
tique et charmant. Il y a là encore place jusqu’au volume de Winter Words
Simple village de pêcheurs sur les bin même et quatre villes satellites :
pour le bonheur, dont l’ultime refuge se (1928), publié après sa mort, qui com-
bords du Soungari à la fin du siècle der- Acheng (A-tch’eng) au sud-ouest,
trouve chez les paysans, les Forestiers, plètent la personnalité du romancier
nier, Harbin est devenue la capitale de qui traite la production agricole (fila-
protégés du savoir et de l’ambition. d’un siècle finissant par celle du poète
la province du Heilongjiang (Hei-long- tures de lin, brasseries, sucreries),
Pourtant, cette nature n’est pas celle du XXe s., qu’il annonce.
kiang), l’une des six plus grandes villes tout comme Zhaodong (Tchao-tong)
de Wordsworth, où l’homme puise un D. S.-F.
de la Chine (1 800 000 hab. en 1965) au nord-ouest (huileries, produits de
apaisement émerveillé. Si elle a l’âpre M. Cazamian, le Roman et les idées en An-
et un grand centre industriel moderne. l’élevage) ; Hulan (Hou-lan) au nord,
et prenante beauté de la forêt des Woo- gleterre. L’influence de la science, 1860-1890
Comme la plupart des centres où dominent les industries mécaniques (Istra, 1923). / C. J. Weber, Hardy of Wessex,
dlanders (Gens de la lande, 1887), de
urbains de ce « pays neuf » qu’est le et textiles ; Binxian (Pin-hien) à l’est his Life and Literary Career (New York, 1940 ;
la plaine de Stonehenge dans Tess of
Nord-Est chinois (l’ancienne Mand- (industries alimentaires et électriques). 2e éd., 1965). / E. Blunden, Thomas Hardy
the D’Urbervilles (1891), on s’aperçoit (Londres, 1942). / J. G. Southworth, The Poetry
chourie), c’est une « ville-champi- À Harbin même sont implantées les in-
très tôt de la place obsédante qu’elle of Thomas Hardy (New York, 1947 ; rééd.,
gnon » qui doit son développement à dustries de haute technicité, parmi les- 1966). / L. de Ridder-Barzin, le Pessimisme de
occupe, entité cruelle, maléfique et om-
quelles figurent quelques-unes des plus Thomas Hardy (P. U. F., 1948). / G. Wing, Hardy
celui du chemin de fer. C’est à Harbin niprésente sur la lande d’Egdon, dans (Édimbourg, 1963).
que s’effectue la jonction de la grande grandes usines chinoises construites
The Return of the Native (le Retour au
avec l’aide soviétique, telles que l’usine
voie ouest-est (Mandchouli-Vladivos- pays natal, 1878). L’hostilité environ-
de générateurs électriques (10 000 ou-
tok), construite par les Russes en 1897,
nante est tout ourlée de coïncidences
vriers), l’usine de roulements à billes
et des voies nord-sud (Harbin-Jilin-Da-
lian ou Harbin-Kirin-Dairen [création
(10 000 ouvriers), l’usine de compteurs
et de hasards, le hasard impitoyable Hareng
et aveugle qui éveille dans l’oeuvre
électriques (4 000 ouvriers).
russe] ; Harbin-Changchun [Tch’ang- de Hardy des résonances grecques et
P. T. Poisson Téléostéen marin d’eau tempé-
tch’ouen] - Pékin [création japonaise shakespeariennes. L’homme, pris entre
F Hei-long-kiang. rée froide, qui se rapproche des côtes
après 1905]), reliant la Mandchourie au la nature et l’espace intersidéral (Two
pour frayer. Il appartient à la famille
reste du territoire chinois. on a Tower [Un couple sur une tour],
des Clupéidés et au grand ordre primi-
Comme le chemin de fer qui l’a fait 1882), est broyé comme Tess d’Urber-
tif des Clupéiformes, dont il constitue
naître, Harbin (ou Kharbine) est une ville par ce que Hardy — sans doute
le type.
création urbaine russe dont le noyau Hardy (Thomas) sous l’influence de Schopenhauer —
actuel a gardé le style architectural et nommera volonté immanente dans The
Écrivain et poète anglais (Upper Boc- Les Clupéidés
qui compte encore plusieurs dizaines Dynasts, large fresque poétique écrite
de milliers d’habitants d’origine russe khampton 1840 - Max Gate, près de de 1903 à 1908. Et, comme s’il n’y suf- Le Hareng (Clupea harengus) montre
Dorchester, 1928).
(plus de 100 000 après 1917). Après fisait pas pour le malheur de la créature la plupart des caractères primitifs des
leur victoire de 1905, les Japonais, Thomas Hardy appartient à une humaine, celle-ci est la proie de forces anciennes subdivisions des Malacop-
qui l’appellent Binjiang (Pin-kiang), génération d’écrivains de l’ère victo- intérieures (The Mayor of Casterbridge térygiens et des Abdominaux. Les pel-
en font une grande base militaire, et rienne finissante, dont le pessimisme [le Maire de Casterbridge], 1886). Et viennes sont en position postérieure
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la harpe. Ils imaginèrent de fabriquer liser des harpes diatoniques (ou semi-
leurs harpes en deux parties distinctes chromatiques) dont les cordes sont
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éphémères. Jean Henri Pape (1845) calibres différents, sauf en ce qui concerne ment technique de la harpe. koschka* et Nolde*. Dès 1922, dans
avait pris un brevet pour une harpe de les onze dernières cordes graves, qui sont l’ignorance complète de la révolution
ce genre qui ne vit jamais le jour. Gus- en maillechort ou en cuivre, filées sur acier. accomplie par Kandinsky* une dizaine
tave Lyon, reprenant le même principe, Les ut sont colorés en rouge, les fa en bleu Les contemporains d’années auparavant, ce garçon de dix-
sortit en 1896 une harpe qui, selon lui, foncé. Les harpes modernes possèdent en huit ans peint une série d’encres et
L’école française domine dans la pé-
répondait parfaitement aux besoins général quarante-sept cordes. Ces cordes d’aquarelles où il découvre d’emblée
riode contemporaine.
sont fixées sur la table de résonance par
de la musique. Soutenu par la maison sa voie non figurative : les encres, ryth-
Pleyel (dont Lyon était le directeur), des boutons d’ébène. Henriette Renié (Paris 1875 - id. mées par des coups de pinceau dans
1956). Virtuose et compositeur, elle a
ce système ne survécut pas à la mort de la lignée Slevogt-Corinth-Kokoschka,
F. V. fondé une école de harpe.
son inventeur (1936). représentent la part motrice, nerveuse,
Marcel Tournier (Paris 1879 - id. saccadée ; les aquarelles, dominées par
1951). Il s’est livré à de nombreuses re-
Description de la harpe Les grands harpistes l’effusion d’une couleur qui tend à la
cherches, enrichissant la palette sonore saturation, dans l’esprit de Nolde, font
La harpe à double mouvement se compose Si les noms des harpistes de l’Antiqui- de l’instrument. la part du rêve et de la contemplation.
de 1 415 pièces. Elle comporte quatre par-
té, du Moyen Âge ou de la Renaissance Carlos Salzedo (Arcachon 1885 - Wa- Toute la peinture à venir de Hartung
ties essentielles :
nous sont parvenus, ils représentent terville, Maine, 1961). Il a fondé aux s’inscrira entre ces deux pôles : l’éclair
1o le corps sonore ;
2o la console, qui reçoit le mécanisme et les surtout un intérêt anecdotique. C’est États-Unis diverses écoles et associa- et les nuages, pourrait-on dire, ou en-
chevilles d’accord ; à partir du XVIIIe s., au moment où la tions de harpistes, et, avec E. Varèse, core le principe masculin et le principe
3o la colonne, qui réunit le corps sonore à technique de la harpe se développe, l’International Composer’s Guild féminin (l’expression nuages et pluie
la console ; (1921).
qu’apparaissent les grands virtuoses. désignait traditionnellement l’acte
4o le socle, sur lequel se rejoignent le corps
Marcel Grandjany (Paris 1891), sexuel dans la littérature chinoise an-
sonore et la colonne.
Pierre Jamet (Orléans 1893), Lily cienne). Aussi, bien qu’il ait entendu
Le socle est creux. Il est percé en sa
partie postérieure de créneaux à crans qui
Les classiques Laskine (Paris 1893) et Nicanor Za- une conférence de Kandinsky en 1925
baleta (Saint-Sébastien 1907) se sont à Leipzig, Hartung refuse, l’année sui-
permettent d’accrocher les pédales sui-
Christian Hochbrucker (Tagmersheim fait applaudir dans le monde entier. vante, d’entrer au Bauhaus* (où l’em-
vant trois positions différentes (, , ).
1733? - début XIXe s.). Dernier fils de porte l’abstraction géométrique). À
Ces pédales, au nombre de sept, corres-
M. Praetorius, Syntagma Musicum (Wol-
pondent aux notes de la gamme. Reliées l’inventeur des pédales, il a composé Dresde, en 1926, l’Exposition interna-
fenbüttel, 1615-1619, 3 vol. ; rééd., Kassel,
par des ressorts à sept tringles qui passent des sonates pour harpe seule ou harpe 1916-1929, 2 vol.). / M. Mersenne, Harmonie tionale d’art lui fait découvrir la pein-
à travers la colonne, le mouvement des pé- avec accompagnement de violon bien universelle (Paris, 1636 ; rééd., C. N. R. S., 1964,
ture française moderne. Le principe
dales se répercute à travers le mécanisme 3 vol.). / M. Pincherle, « la Harpe des origines au
conçues pour l’instrument et s’illustra structurant du cubisme, dont il prend
placé dans la console. commencement du XVIIe siècle », et A. Blondel,
à Paris (v. 1769-1789) comme virtuose. « la Harpe et sa facture », dans Encyclopédie de une meilleure connaissance au cours
Cette console a la forme d’un col de
la musique sous la dir. de A. Lavignac et L. de
de plusieurs séjours à Paris, l’encou-
cygne. Formée de plusieurs épaisseurs Johann Baptist Krumpholtz (Zlonice, La Laurencie (Delagrave, 1925). / A. Schaeffner,
de sycomore et de cormier disposées à rage à affirmer l’armature linéaire du
près de Prague, v. 1745 - Paris 1790). Origine des instruments de musique (Payot,
fil contrarié, elle est recouverte de deux 1936). / W. Stauder, Die Harfen und Leiern der tableau aux dépens de la pâte. De nom-
Le plus grand virtuose de son temps, il
plaques de cuivre écrouies au marteau. Ces Sumerer (Francfort, 1957). / H. Charnassé et breux voyages en Europe entre 1926 et
a su associer la harpe aux timbres de F. Vernillat, les Instruments à cordes pincées
plaques, ainsi que la console, sont percées 1931 précèdent un séjour de deux ans à
de trous permettant le passage des pivots différents instruments. À côté d’eux, (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1971).
Minorque (1932-1934). En 1935, enfin,
de la mécanique et des chevilles d’accord. il faut citer : Philippe Jacques Meyer
ne pouvant s’accommoder du régime
La mécanique, placée à l’intérieur de (Strasbourg 1737 - Londres 1819), au-
nazi, Hartung décide de vivre à Paris.
la console, est composée de tringles, ou teur d’une méthode ; François Petrini
À la déclaration de guerre de 1939, il
petites bielles d’acier se reliant sur des (Berlin 1744 - Paris 1819) ; Micha Hartung (Hans) s’engage dans la Légion étrangère ;
équerres de cuivre, montées elles-mêmes
Kazimierz Ogiski (Varsovie 1731 - id.
sur des pivots chargés de supporter les démobilisé en 1940, il gagne en 1943
1800), auteur de l’article « Harpe » Peintre français d’origine allemande
fourchettes. Celles-ci sont constituées l’Espagne, où, incarcéré sept mois, il
par deux boutons en saillie, montés sur dans l’Encyclopédie de Diderot ; Jean- (Leipzig 1904).
est enfin relâché et peut rejoindre la
deux disques parallèlement à la face de la Baptiste Cardon (Rethel v. 1760 - Saint Installé à Paris depuis 1935, il appa- Légion en Afrique du Nord ; en 1944,
console. Pétersbourg 1803) ; Jacques Georges raît comme l’incontestable leader en blessé au cours de la campagne d’Al-
Au bémol, la corde passe à vide entre Cousineau (Paris 1760 - id. 1824) ; Europe du renouveau de l’abstraction* sace, il subit l’amputation de la jambe
les deux fourchettes ; accrochée au cran François Joseph Nadermann (Paris « lyrique », tel qu’il s’est manifesté droite. Après six années d’interruption,
intermédiaire, la pédale imprime au disque
1773 - id. 1835), qui fut le professeur au lendemain de la Seconde Guerre la peinture reprend enfin ses droits.
inférieur une révolution partielle qui, se ré-
de la classe de harpe créée à Paris, au mondiale.
percutant sur le disque supérieur, produit Si c’est après la guerre que Har-
le premier demi-ton (). La continuation Conservatoire, en 1825.
« Enfant, il ne dessinait ni les arbres tung s’impose avec éclat à la tête de
de ce mouvement, quand on accroche la
ni les bonshommes, mais cherchait à la peinture lyrique parisienne, c’est
pédale au cran inférieur, donne le second
attraper le mouvement de l’éclair », cependant à son oeuvre antérieure qu’il
demi-ton (). Les romantiques raconte Dominique Aubier. Vraie ou le doit. On peut, en effet, considérer
Sept moteurs, placés à partir du si4
à
controuvée, cette anecdote résume à qu’il est dès 1932 en pleine possession
l’intérieur de la console, sont chargés de François-Joseph Dizi (Namur 1780 -
merveille la peinture de Hartung en de ses moyens, comme suffiraient à en
répercuter le mouvement des pédales à Paris 1840) et Charles Bochsa (Mont-
tout le mécanisme. même temps qu’elle souligne la nature faire foi d’admirables toiles de 1934-
médy 1789 - Sydney 1856). Tous deux
Le corps sonore est composé de trois pla- expressionniste de celle-ci. Déjà, sa 35-36, dans lesquelles sont mises à
sont auteurs d’études qui sont toujours
cages de hêtre, de palissandre ou d’érable, première admiration, à quinze ans, va à contribution les ressources de la tache
au programme de renseignement de la
renforcés à l’intérieur par une charpente Rembrandt, dont il tente d’ « attraper » et de l’arabesque, tout comme l’oppo-
harpe.
en demi-cerceaux. La table de résonance l’expressivité. En 1921-22, à Dresde, sition entre les droites autoritaires et
est faite en spruce collé, pressé et séché
Elias Parish-Alvars (Teignmouth les exemples décisifs lui viennent des les courbes plus capricieuses. Or, pen-
au four. Elle est percée de trous destinés
1808 - Vienne 1849). Il domine la pé- impressionnistes allemands Max Sle- dant toute cette période, Hartung est
à recevoir les cordes. La tension de celles-
riode romantique de sa forte personna- vogt et Lovis Corinth — plus « ges- seul à élaborer une peinture de ce type.
ci sur la table exerce une pression de 2,5 t
au diapason = 435 périodes. Les cordes lité. Ses compositions de pure virtuosité tuels » que leurs modèles français Kandinsky n’est pas revenu aux grif-
la3
de la harpe sont en boyau de mouton de ont beaucoup contribué au développe- — ainsi que des expressionnistes Ko- fures et aux taches de sa grande période
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
lyrique ; quant à Wols*, c’est de 1946 de vieux généraux, mais Hrn al- apaisée qu’en 804, neuf ans après son rebelles du Khursn à la tête d’une
que date sa conversion au tachisme, et Rachd est alors trop jeune pour être déclenchement. importante armée irakienne. Mais son
ses entassements fébriles de pâtes dif- considéré comme l’artisan des succès En plus de ces troubles politiques, état de santé empirant, il s’arrête à s
fèrent profondément de l’organisation remportés au cours de ces opérations. al-Rachd doit affronter l’agitation so- (nov. 808). Le 24 mars 809, il meurt à
péremptoire qui se décèle jusque dans Al-Mahd le nomme cependant, après ciale. Le développement économique l’âge de quarante-trois ans.
les toiles les plus libres de Hartung. Il ces victoires, gouverneur d’Ifrkiya, accuse les oppositions entre les diverses L’homme est très controversé. Per-
y a du chef d’orchestre chez celui-ci, d’Égypte, de Syrie, d’Arménie et classes de la société ‘abbsside. De là sonnage déformé par la légende, il est
et sa manière de tenir la bride haute à d’Azerbaïdjan. Mais l’administration la naissance de mouvements qui, sous tour à tour présenté comme l’un des
l’effusion, de contrôler l’automatisme de toutes ces provinces est en réalité des formes religieuses — ch‘ites ou plus grands califes ou l’un des plus
tout en bénéficiant (partiellement) de dirigée par Yaya al-Barmika. khridjites — cachent des rivalités éco- incompétents, responsable de surcroît
ses présents le distingue également de En 782, sous l’instigation de sa nomiques et sociales. Sous al-Rachd, de la dislocation de l’Empire. Quoi
la plupart des expressionnistes* abs- ces mouvements se manifestent surtout
mère, dont il est le favori, Hrn est qu’il en soit, son règne reste un grand
traits américains qui, presque tous, ma- placé en second rang dans la succes- en Perse, terre d’élection des révoltes moment de la civilisation musulmane.
nifestent un plus grand abandon. C’est sociales. En 792, les ch‘ites fomen-
sion au trône. Al-Khayzurn parvient Bagdad est alors le centre politique et
cela qui fait de la peinture de Hartung même avec le concours de Yaya à tent une révolte au Daylam. Après économique du monde, et un haut lieu
quelque chose où la nervosité et la dis- avoir apaisé cette révolte en 793 grâce
convaincre al-Mahd d’écarter al-Hd d’art, de culture et de pensée. Le pres-
cipline l’emportent sur l’émotion et le à l’intervention d’al-Fal al-Barmika,
au profit de Hrn. Al-Mahd meurt en tige de l’Empire est tel que le nom d’al-
désordre. Mais il faut reconnaître que al-Rachd se heurte à l’opposition des
785, avant de prendre cette décision. Rachd est alors connu dans le monde
la manière dont le dynamisme y est à la khridjites, qui déclenchent plusieurs
Et Hd, qui succède à son père, ne entier.
fois déchaîné et retenu témoigne d’une soulèvements, dont les plus importants
manque pas de maltraiter et d’humi- M. A.
sûreté étonnante. en 794 et en 795. Pour combattre ces
lier son frère Hrn, qui, poussé par sa F ‘Abbssides.
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à prédominance sikh forment main- D’autre part, les eaux qui remontent pas ses études et s’adonne très tôt, après soixante-dix ans d’idéologie slavophile
tenant un Pendjab réduit, tandis que des couches profondes du sol s’y char- quelques stages éphémères dans des chez les intellectuels, cinquante ans
les régions à prédominance hindoue gent souvent de sels, que l’évaporation emplois médiocres, à la fréquentation de participation du jeune capitalisme
constituent le nouvel État de Haryana. fait remonter à la surface, causant de des milieux anarchistes et bohèmes. tchèque au système austro-hongrois, la
graves soucis aux agriculteurs, qui À vingt ans, il a parcouru l’Autriche- tenue très discutée des unités tchèques
Une prospérité relative voient s’étendre les terres stériles. Hongrie, écrit quelques nouvelles et eu pendant la guerre, l’attitude neutraliste
fondée sur l’irrigation La productivité de l’agriculture est de fréquents démêlés avec la police. des chefs de la Légion tchécoslovaque,
relativement bonne. C’est en partie un Marié à vingt-sept ans, il se montre là prise, en Russie, entre les rouges et les
Le Haryana fait partie des régions rela-
effet des conditions naturelles corri- aussi incapable de la moindre stabilité. blancs, le souci de respectabilité bour-
tivement sèches à hiver assez marqué
gées par l’irrigation, mais aussi de la Deux constantes, cependant, marque- geoise des fondateurs de la République
du nord de l’Inde. Le total des pluies
présence d’une paysannerie de moyens ront sa vie : son métier de feuilletoniste tchécoslovaque, tous ces éléments,
oscille en moyenne entre 400 mm dans
propriétaires, dotée d’un esprit d’entre- besogneux et sa haine de l’ordre établi, quoique non exprimés, sont présents
le Sud et 800 à 900 mm au pied de
prise certain. représenté par les capitalistes, les bour- à l’arrière-plan dans le livre de Hašek.
l’Himlaya. L’essentiel tombe en été,
geois, les fonctionnaires, les prêtres et Tous pesèrent dans l’accueil qui lui
pendant la mousson, mais les précipi-
surtout l’armée. Plusieurs centaines de fut fait ; accueil négatif, en général,
tations hivernales ne sont pas négli-
Une industrialisation
nouvelles humoristiques constituent le jusqu’en 1948. Ce livre très lu fut jugé
geables (de l’ordre de 60 à 80 mm entre non négligeable
bilan de son activité littéraire de 1900 à scandaleux. Progressivement, Švejk
novembre et mars). L’hiver est marqué Malgré l’absence de grandes villes in- 1914 (le personnage de Švejk apparaît devenait à l’étranger le stéréotype du
par des nuits assez froides (moyennes dustrielles et d’usines très importantes, dans plusieurs d’entre elles dès 1911). peuple tchèque. Les Tchèques refu-
autour de 5 à 10 °C, et il peut geler le Haryana n’est pas dépourvu d’indus- saient de se reconnaître dans ce héros
La guerre, la mobilisation dans
modérément dans toutes les stations de tries. Les villes et même les bourgades vulgaire et sans vertu.
l’infanterie (1915), la désertion au
la plaine) ; les journées restent cepen- ont une multiplicité de petits ateliers
bout de quelques mois, le travail po- Le succès mondial de Švejk est dû
dant chaudes, atteignant souvent 20 °C se livrant souvent à des activités assez
litique à Kiev au sein de la Légion aux qualités intrinsèques de l’ouvrage
et plus. modernes. L’agriculture, bien déve-
tchécoslovaque, l’inscription au parti (truculence, franche drôlerie, démons-
Ce climat exclut la culture hiver- loppée, offre un marché important, à
bolchevique (1918), la rentrée du tration réussie de la force recelée par
nale du riz, et l’été ne serait pas assez la fois parce qu’elle a besoin d’équi-
révolutionnaire dans la République l’inertie), mais l’ampleur de ce succès
arrosé pour assurer des cultures si des pements et qu’elle assure à la popu-
tchécoslovaque bourgeoise fondée est largement imputable aussi au génie
aménagements considérables n’avaient lation un niveau de vie suffisant pour
par Masaryk (1920), voilà les grandes de E. Piscator, l’inventeur du « théâtre
été réalisés. Le Haryana, comme les l’achat des produits de consommation.
étapes au cours desquelles devait mûrir épique » (adaptation scénique de Švejk
régions voisines, est irrigué par des De plus, la proximité des centrales hy-
le livre qui immortalisera Švejk, sinon à Berlin en 1929), et, d’autre part, au
canaux qui lui apportent les eaux dro-électriques du piémont himalayen
Hašek : Osudy dobrého vojáka Švejka soutien que Brecht, pour des raisons
des montagnes du Nord. Le canal de offre une énergie suffisante (plus de
za Svtové války (les Aventures du autant idéologiques qu’artistiques,
l’ouest de la Yamun a été développé 2 500 villages sur 3 300 sont électrifiés,
ne cessa d’apporter à Švejk depuis
proportion remarquable pour l’Inde). brave soldat Švejk durant la Grande
dans le dernier tiers du XIXe s., et le
Guerre) [t. I, 1921 ; t. II et III, 1922 ; 1928 (témoin son Schweyk im zweiten
réseau a été complété dans les années Les fabrications sont variées : trans-
Weltkrieg [Švejk durant la Seconde
formation des produits agricoles (coton t. IV, inachevé, 1923], d’abord Dobrý
1950 grâce au réservoir de Bhakra, sur
voják Švejk v zajeti (le Brave soldat Guerre mondiale], 1944). Ce sont ces
la Sutlej, qui a beaucoup amélioré la et sucre), mais aussi biens d’équipe-
mêmes raisons idéologiques qui per-
ment (outillage agricole et machines) Švejk en captivité, Kiev, 1917). Hašek
situation des districts du Nord. mirent enfin aux Tchèques, après 1948,
et produits de consommation durable mourut dans sa quarantième année,
Le système de culture est donc assez de reconnaître à leur héros mal aimé
(bicyclettes, matériel électrique, etc.). épuisé par la misère et le dérèglement
efficace. Il est fondé sur la culture esti- des qualités positives.
de sa vie.
vale de millets, de coton, de canne à Le Haryana n’a pas de très grandes
Traduit dans toutes les langues mon-
villes. Il doit partager avec le Pendjab La caserne, cinq mois de campagne
sucre (cette dernière sous irrigation) diales à partir de 1928, Švejk fut par-
la capitale, Chandigarh, et les autres sur le front russe, la captivité, tel est
et surtout sur la culture hivernale du tout et très souvent adapté au théâtre
centres ne dépassent pas 100 000 habi- l’itinéraire militaire de Hašek et de
blé et de légumineuses (comme le (en particulier pour la première fois à
tants. Il est vrai que la proximité de Švejk. L’autocratie oppressive de
« gram », précieuse source de pro- Prague en 1935 et à Paris en 1968) et
Delhi lui assure un bon contact avec les Vienne, sa bureaucratie tracassière et
téines). La culture du blé profite de au cinéma.
activités urbaines. inefficace, la bourgeoisie tchèque in-
la réduction de l’évaporation avec les
Y. M.
F. D.-D. féodée au système et, en face d’elles,
températures assez basses, des petites Z. Anik, la Vie de Iaroslav Hašek (en
le petit peuple de Bohême, courbé
pluies de l’hiver et des possibilités tchèque, Prague, 1953). / L. Dobossy, Hašek
mais non vaincu, obéissant mais rou- (en hongrois, Budapest, 1963). / P. Peter,
d’irrigation (trois ou quatre arrosages
blard, tel est le monde de Švejk dans Hašeks Schwejk in Deutschland (Berlin, 1963).
suffisent en général). Il y a une diffé-
rence entre les parties septentrionales aan II ou le « civil ». Plus qu’un drame, où l’on / J. F. N. Bradley,
Russie (Delmas,
la Légion
1967).
tchécoslovaque en
épopée grandiose.
let en été, gram en hiver. D’autre part,
Écrivain tchèque (Prague 1883 - Lip- Généralités
les canaux, trop anciens, ne sont pas L’impact national de cette farce anti-
revêtus ; beaucoup d’eau s’infiltre dans nice 1923). militariste demeure inexplicable pour L’initiateur de ce mouvement fut Is-
les sols. Cela oblige les paysans à dé- Né à Prague de parents peu fortunés, qui ignore l’histoire des pays tchèques : raël Baal Chem Tov (le Maître du bon
velopper la culture estivale du riz dans orphelin à treize ans, adolescent ins- trois cents ans de résistance passive à la renom) [1699-1760] ; simple bedeau
les régions basses proches des canaux. table et contestataire, Hašek ne termine domination germanique dans le peuple, de synagogue, il sut comprendre les
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de la légende avec ses touchantes (1939). La première oeuvre est une cherches ; l’influence de son enseigne-
ment sera considérable.
Hauptmann figures symboliques : dans Hanneles épopée en vers, la seconde un drame
Himmelsfahrt (l’Ascension de Han- sur Luther, la troisième une comédie. Après avoir obtenu son doctorat
(Gerhart) nele, 1893) aussi bien que dans Und Plusieurs drames bourgeois paraissent (1879), il est premier au concours
Pippa tanzt (1906), une jeune fille rê- d’agrégation des facultés de droit en
aussi dans les années 30, tel, en 1932,
Auteur dramatique allemand (Ober- veuse et malheureuse, dans un milieu 1883. C’est à Toulouse qu’il enseigne
Vor Sonnenuntergang (Avant le cou-
salzbrunn 1862 - Agnetendorf 1946). dégradé ou débauché, incarne l’aspi- ensuite, comme professeur d’histoire
cher du soleil) : ce litre fait pendant
Il est né en Silésie, dans un hôtel que ration vers autre chose, voire vers une du droit (1883), de droit administratif
à celui de la première pièce ; c’est le
tenait son père ; son grand-père était transcendance. Avec Die versunkene (1888), puis de droit constitutionnel
drame d’un chef d’entreprise vieillis-
tisserand. Sa mère venait d’une famille Glocke (la Cloche au fond des eaux, (de 1920 à sa mort). À dater de 1909, il
1896), le contraste était devenu si fort sant, comblé et tourmenté à la fois par
piétiste. Il commença très jeune à faire est en outre doyen de la faculté.
que l’auteur, avec ses pièces « natura- sa passion pour une jeune femme. Les
des vers au lieu de suivre les cours du Tenant de la prépondérance de
listes », fut accusé de se renier. initiés voulaient y voir une évocation
collège, qu’il abandonna dès quatorze l’esprit sur la forme, Hauriou, contrai-
ans. Il a raconté dans les Aventures de Son talent multiple, son sens ins- du second mariage de l’auteur.
rement à Duguit*, envisage le droit
ma jeunesse (Abenteuer einer Jugend) tinctif de la vie passaient outre, allè- Durant la Seconde Guerre mondiale, comme un des régulateurs du groupe
les métiers, les lectures, les fugues de grement, comme le montrent deux Hauptmann s’enferma de plus en plus social, chargé d’équilibrer les mul-
ses jeunes années, partagées entre la comédies : College Crampton (1892)
dans son manoir de Silésie, et sa der- tiples tensions auxquelles le groupe est
violence des passions et un penchant et Der Biberpelz (le Manteau de castor,
nière série de drames, la Trilogie des soumis, de façon que celui-ci se perpé-
toujours renaissant à la rêverie. L’at- 1893). La seconde est si réussie qu’elle
Atrides, publiée à partir de 1941, re- tue et évolue vers l’épanouissement de
trait de la méditation et la tentation demeure au répertoire : les petits-bour-
noue avec les origines du théâtre tra- la civilisation qui lui est propre.
du monde se combattront en lui sa vie geois de Berlin n’ont jamais été mieux
gique d’Occident ; les flots de sang et En sociologue, il analyse la liberté
durant. représentés.
les horreurs guerrières contemporaines individuelle, comme celle de l’État*,
Il devint célèbre en une soirée, celle Viennent ensuite des pièces histo-
y transparaissent aussi à travers les en termes de pouvoir : l’État se per-
du 20 octobre 1889, où fut donné pour riques comme Florian Geyer (1896)
symboles. La Seconde Guerre mon- sonnifie, quand il parvient au stade de
la première fois Avant le lever du soleil et Rose Bernd (1903), puis un « mys-
la liberté politique, avec la participa-
tère », Der arme Heinrich (le Pauvre diale, la tyrannie hitlérienne qui va
(Vor Sonnenaufgang). Ce « drame so-
tion des citoyens au gouvernement.
Henri, 1902) et, de nouveau, une « tra- bientôt s’écrouler en sont la toile de
cial », comme dit le sous-titre, a pour
Conscient de la complexité des don-
cadre une famille de paysans enrichis : gicomédie » noire, Die Ratten (les Rats, fond.
nées des sciences sociales, il estime
deux générations d’alcooliques avec, 1911). Deux grands romans contrastés
Jusqu’à la fin, la destinée de Gerhart que la loi, produit d’une transaction, ne
faisant exception, une fille élevée chez à la manière de Nietzsche, car on y
Hauptmann a été comme un reflet de peut être qu’imparfaite.
les piétistes de Herrnhut. L’ingénieur retrouve quelque chose comme l’oppo-
celle de son peuple : après les années
sition entre l’aspiration apollinienne Il est le premier à présenter le droit
Loth, venu étudier la vie des travail-
d’hésitation durant la république de
à l’esprit pur et l’ivresse dionysiaque, administratif comme un tout organisé
leurs, qui travaillent justement pour
Weimar, les premières années de l’hit- et cohérent, mais sa contribution la
confirment que l’auteur puise à des
les entreprises de la famille, s’éprend
sources diverses et maîtrise tous les re- lérisme avaient marqué comme un plus originale est sa théorie de l’ins-
d’Hélène ; mais il renonce à elle quand
gistres de l’écriture : le premier, le Fou renouveau de vitalité, vite noyé dans titution*, qu’il énonce ainsi : « Une
il voit à quel monde elle est, malgré
de Dieu Emmanuel Quint (Der Narr in le sang et les désastres. Hauptmann institution est une idée d’oeuvre ou
elle, attachée. À la dernière scène, elle
Christo Emanuel Quint), est de 1910 ; était près de mourir quand les soldats d’entreprise qui se réalise et dure juri-
se suicide. Que le jeune Hauptmann
le second, l’Hérétique de Soana (Der polonais et russes prirent possession de diquement dans un milieu social ; par
ait recueilli la leçon d’Ibsen* ne fait
Ketzer von Soana), écrit entre 1911 et la réalisation de cette idée, un pouvoir
pas de doute, mais il apportait aussi son domaine de Silésie. On lui montra
1917, a été publié en 1918. social s’organise qui lui procure des or-
l’expérience de sa jeunesse et un ton de la considération, et un train spécial
Prix Nobel de littérature en 1912, ganes ; d’autre part, entre les membres
pathétique, une capacité égale à faire emmena sa dépouille mortelle de la
Hauptmann connut la célébrité mon- du groupe social intéressés à la réalisa-
parler la brute et l’âme la plus délicate Silésie, devenue polonaise, vers l’île
diale quand l’Allemagne wilhelmienne tion de l’idée, il se produit des manifes-
chacune son vrai langage. Drame natu- de Hiddensee, dans la mer Baltique, en
était au faîte de sa prospérité et de sa tations de communion, dirigées par les
raliste ou, du moins, dont les scènes juin 1946.
puissance. organes du pouvoir et réglées par des
sont tirées de la vie contemporaine et
P. G.
procédures. »
d’une observation précise. La transfor- La seconde partie de sa carrière fait
F. W. J. Heuser, Gerhart Hauptmann (Tübin-
mation de la société par l’industrie, les de lui une valeur établie et reconnue Hauriou enrichit profondément
gen, 1961). / R. Michaelis, Der schwarze Zeus,
problèmes moraux qui en découlent, de la république de Weimar. Haupt- la notion classique de l’État, en atti-
Gerhart Hauptmanns zweiter Weg (Berlin,
les conflits — déjà pressentis par Ibsen mann connaît le Reich hitlérien un 1962). / K. G. Knight et F. Norman (sous la dir. rant l’attention sur son aspect écono-
— entre philanthropie et esprit de pos- peu comme Goethe, du haut de son de), Hauptmann, Centenary Lectures (Londres, mique : déjà l’État moderne apparaît,
5250
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Le régime constitutionnel a pour en Europe, participe à la sympho- y Le hautbois d’amour aurait été créé
mission essentielle d’établir dans l’État nie naissante et est bientôt considéré en France vers 1720 (?). Il est plus
un équilibre entre l’ordre, le pouvoir comme un soliste de même qualité court que le hautbois, mais sa facture
que le violon et la flûte. De nos jours,
et les libertés. L’ordre est lui-même et son étendue sont les mêmes que hauteur
à base d’idées morales, politiques et les principaux facteurs sont français : celles du cor anglais, et du hautbois
sociales : il existe des « croyances Rigoutat, Marigaux, Buffet-Crampon, baryton. Il sonne à la tierce mineure
Qualité physiologique du son* qui per-
constitutionnelles », des « énergies spi- Couesnon, Jardé, et leur production est inférieure de la note écrite. C’est
met de distinguer un son grave d’un
rituelles » qui, à la base, autrefois, des répandue, à quelques exceptions près, J.-S. Bach qui lui a donné tout son
son aigu.
institutions, continuent de les vivifier dans le monde entier. prestige (Messe en « si » mineur, Pas-
aujourd’hui. sion selon saint Matthieu, Oratorio de
y Le hautbois se compose de trois Hauteur et fréquence,
Noël, Magnificat et de nombreuses
Hauriou s’oppose au positivisme parties s’emboîtant l’une dans
cantates), mais depuis, mis à part
sons audibles
juridique et demeure attaché à la l’autre : le pavillon, le corps du haut
Ravel, Debussy et R. Strauss, peu Une expérience très simple permet de
conception classique du droit ; il ne et le corps du bas. Dans son extré-
d’auteurs ont fait appel à lui. comprendre à quoi doit être associée la
faut pas cultiver la seule préoccupation mité s’enfonce directement une anche
y Le basson (en allem. Fagott) est fait sensation de hauteur : on serre dans un
d’un ordre juridique purement formel double. Sa longueur est de 60 cm,
et technique. On ne peut éliminer du de deux tuyaux parallèles accouplés, étau une extrémité d’une lame métal-
et l’étendue sonore de presque trois
droit le soubassement de morale et de formant un tube intérieur de 2,59 m, lique mince, une lame de scie à métaux
octaves. Le hautbois s’écrit en clef
justice : juriste et sociologue, Hauriou réduit, grâce à cette disposition, à par exemple. Si l’on écarte l’autre
de sol et en notes réelles. Sa sonorité
apparaît, de plus, comme un philo- la longueur extérieure de 1,37 m. Il extrémité de sa position d’équilibre et
est homogène sur toute son étendue,
sophe du droit et un théoricien de l’État comporte cinq parties, dont quatre si on la lâche, la lame effectue des os-
mais, si le grave est puissant, l’aigu
bourgeois. Ses oeuvres principales sont sont en bois ; seul le bocal, à l’extré- cillations avec une fréquence (nombre
est assez ténu. Toutes les nuances
mité duquel se fixe l’anche, est en d’oscillations par unité de temps)
les Notes de jurisprudence, parues
sont réalisables, mais, même dans la
dans le Recueil Sirey, les Principes de métal. L’étendue est de trois octaves assez basse, de l’ordre de 5 cycles par
douceur, le timbre reste pénétrant.
droit public (1909 et 1916), le Précis et une quinte ; il s’écrit en clef de fa seconde par exemple. On constate en
Grâce à certaines améliorations tech-
de droit administratif et de droit public et en ut4, en notes réelles, plus rare- même temps que la lame n’émet aucun
niques, le hautbois est aujourd’hui
(1891) et le Précis de droit constitu- ment en clef de sol. De nos jours, il son audible. Si l’on raccourcit pro-
d’une grande souplesse, permettant gressivement la longueur de la partie
tionnel (1923). est très homogène sur toute son éten-
staccato, trilles et traits les plus dif-
M.-A. L. due et permet une grande virtuosité vibrante de la lame, on observe que la
ficiles. Son coloris et son caractère fréquence des oscillations augmente et
(final du Concerto en « sol », Ravel),
expressif en font un instrument chan- qu’à partir du moment où cette partie
même en staccato. Selon ses divers
tant, pastoral et plaintif (« Scène aux registres, il possède des caractères vibrante devient suffisamment courte
champs » de la Symphonie fantastique, elle émet un son audible, d’abord grave,
hautbois différents : puissant dans le grave, il
Berlioz), tragique (Carmen, Bizet ; fournit de splendides basses à l’en- puis de plus en plus aigu à mesure
« Marche funèbre » de la 3e sympho- semble des bois, des cordes ; il peut qu’on la raccourcit. Cela montre que la
Instrument de musique à vent et à
nie, Beethoven), naïf et tendre (thème être macabre (« Marche au supplice » sensation de hauteur que donne un son
anche double.
de Mélisande, Debussy) ou évocateur de la Symphonie fantastique, de Ber- doit être associée à sa fréquence, que
Le hautbois, qui descend de l’aulos de musiques orientales. Le hautbois lioz), humoristique (Pierre et le loup, plus le son est aigu, plus sa fréquence
antique, est un instrument très ancien
s’associe parfaitement aux autres bois Prokoficv) ou noble (6e symphonie, est grande et, d’autre part, que le son
connu en Orient, où il occupait une
de la famille (flûte et basson), avec Tchaïkovski). Le médium reste nos- n’est pas audible quand sa fréquence
place traditionnelle dans le théâtre
lesquels il constitue le trio d’anches talgique (« Berceuse » de l’Oiseau est trop basse (de tels sons sont appe-
chinois, en Afrique, où il reste très
classique, faisant partie aussi du de feu, Stravinski) ; l’aigu évoque un lés infrasons). Il existe de même une
prisé du monde musulman, et en Occi-
quatuor et du quintette à vents. Son passé lointain (le Sacre du printemps, limite supérieure de fréquence au-delà
dent. Son nom est d’origine française :
répertoire de soliste est très vaste et Stravinski). de laquelle les sons ne sont plus perçus
les « haulx-bois », aigus, s’opposaient
très riche : Albinoni, Vivaldi, Bach, (ultrasons).
y Le contrebasson a 5,93 m de lon-
aux instruments à vent au timbre sourd,
Händel, Telemann, Stamitz, Leclair, gueur intérieure, mais, trois fois replié Les sons audibles ont des fréquences
les « gros-bois ». Dès le Moyen Âge,
Haydn, Mozart, puis Bellini, Milhaud, sur lui-même et posé sur une pique, comprises, pour des personnes jeunes,
on rencontre le hautbois sous divers
Françaix, Damase, Busser, Golestan, il a une longueur apparente qui n’est entre 20 et 20 000 cycles par seconde.
noms : chalumeau, chalemelle, chale-
Tomasi, pour ne citer que quelques que de 1,60 m. Il sonne à l’octave Avec l’âge, cet intervalle diminue,
mie, doucine, douçaine, bombarde. De
exemples, ont écrit pour lui. grave du basson, et son étendue est de principalement du côté des fréquences
toute cette famille n’ont subsisté que le
trois octaves. élevées.
hautbois, le cor anglais (qui n’est pas y Le cor anglais, plus long (1 m), pos-
un « cor », mais un hautbois alto en fa), sède un pavillon piriforme, et l’anche En soliste, il est comique ou carica-
le hautbois d’amour, le hautbois-bary- se fixe sur un tube de métal appelé tural (l’Apprenti sorcier, Dukas) dans Sons de même
ton, ou heckelphone, assez inusité, le bocal, qui s’emboîte dans l’extrémité le grave, mais Ravel l’utilisa dans le hauteur, battements
basson et le contrebasson, qui sont des du corps de l’instrument. L’étendue suraigu avec bonheur (la Belle et la
Deux sons auront donc la même hau-
hautbois basse et contrebasse. est de deux octaves et une quinte ; le Bête). Il fournit en outre d’excellentes
teur — ou, comme l’on dit encore,
basses à l’orchestre.
Tous ces instruments sont en bois, cor anglais est un instrument trans- seront à l’unisson — s’ils ont la même
M.-D. F.
de perce conique et à anche double. Au positeur, qui s’écrit en clef de sol, fréquence. Apprécier l’unisson de deux
M. Mersenne, Harmonie universelle (Paris,
cours des siècles, leur facture s’est sen- mais sonne à la quinte inférieure. En sons que l’on fait entendre l’un après
1636 ; rééd. C. N. R. S., 1964 ; 3 vol.). / F. A. Ge-
siblement modifiée (perce de plus en soliste, son timbre est nostalgique, vaert, Traité général d’instrumentation (Ge- l’autre est évidemment une question
plus étroite, adjonction de clés, usage chaud, expressif (Manfred, Schu- vaert, Gand, 1863). / H. Bouasse et M. Fouché, de finesse d’oreille. Par contre, si les
Instruments à vent (Delagrave, 1930 ; 2 vol.). /
du plateau perforé, choix de bois plus mann ; Tristan et Isolde, Wagner ; deux sons sont émis simultanément,
G. Gorgerat, Encyclopédie de la musique pour
durs), mais le hautbois du XVIIe s., plus Nuages, Debussy). À l’orchestre, le instruments à vent (Rencontre, Lausanne, l’appréciation de l’unisson n’en dé-
proche du hautbois moderne et qui cor anglais aurait tendance à être faci- 1953 ; 2 vol.). / C. Koechlin, Traité d’orchestra- pend plus, grâce au phénomène de bat-
5251
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
tements qu’on peut mettre en évidence irrégulièrement les cordes multiples sensation que leur hauteur varie sui- Par exemple, l’intervalle d’octave
très simplement : si l’on fait résonner permettent de donner à un piano la vant une progression arithmétique. (N/N = 2, Log10 2 = 0,30103) repré-
simultanément deux diapasons iden- sonorité « bastringue » appréciée par Une échelle de hauteur bien adaptée à sente une différence de hauteur de
tiques, rigoureusement à l’unisson, on certains amateurs. nos sensations sera donc telle que la 301 . Dans la gamme tempérée, où
entend un son dont l’intensité décroît hauteur soit une fonction linéaire du l’octave est divisée en 12 demi-tons
très régulièrement au fur et à mesure Sons de hauteur logarithme de la fréquence et non de la égaux, chacun d’eux correspond à
que les vibrations des deux diapasons fréquence elle-même :
différente, intervalles 301 : 12 25 . Le tableau ci-dessous
s’amortissent. Mais si l’on surcharge H = A + B Log N, permet de comparer les intervalles
La sensation que l’on éprouve
légèrement une des branches d’un des A étant une constante qui fixerait la tempérés aux intervalles naturels. On
diapasons, par exemple en y faisant ad- lorsqu’on entend deux notes de hauteur
hauteur absolue (à supposer que cela constate que leurs écarts ne dépassent
différente, soit l’une après l’autre (mé-
hérer une petite boule de cire molle ou ait un sens) de la même manière que, pas 4 savarts, ce dont l’oreille peut
lodie), soit simultanément (accord),
de mastic, et que l’on fasse de nouveau dans l’échelle des températures, on s’accommoder (v. accord).
est qu’elles sont séparées par un cer-
résonner ensemble les deux diapasons, attribue une valeur arbitraire à une
tain intervalle musical (octave, quinte,
l’intensité du son que l’on entendra, température bien définie particulière Échelle des sons
etc.). Le caractère de la mélodie ou de
bien que décroissant en moyenne, (0 pour la température de la glace fon-
l’accord subsiste si l’on change toutes utilisés en musique
comme dans le cas précédent et pour dante dans l’échelle Celsius). En fait, il
les notes de telle sorte que leurs inter- S’il est inutile, comme on l’a vu, de
les mêmes raisons, ne se produira ce- est bien évident que, dans une mélodie
valles successifs restent les mêmes. fixer une origine de hauteur, il est, par
pendant pas d’une manière régulière, ou un accord, l’oreille est plus sensible
mais subira des pulsations d’intensité On peut montrer très simplement contre, indispensable de fixer les fré-
à la différence des hauteurs des sons
périodiques dont la fréquence est, (v. accord) que deux sons séparés par quences des sons qui correspondent
qu’à leur hauteur absolue. Deux sons
par exemple, de quelques cycles par un intervalle donné ont des fréquences à l’écriture musicale. On fait tout
de fréquence N et N auront des hau-
seconde. Ce sont ces pulsations qu’on dont le rapport est constant, ce rapport d’abord la convention suivante : on
teurs H et H dont la différence
appelle battements. étant caractéristique dudit intervalle. numérote les octaves successives, le
Par exemple, les rapports des fré- changement de numéro s’effectuant à
On montre que la fréquence de ces
quences de deux sons dont l’intervalle partir de la note ut. Par convention en-
battements est égale à la valeur abso-
est une octave, une quinte, une quarte, core, le la du milieu du piano est dans
lue de la différence des fréquences des
une tierce majeure, une tierce mineure d’après la relation précédente. Il est l’octave portant le numéro 3 et s’écrit
deux sons que l’on fait entendre simul-
donc beaucoup plus important de
tanément. Lorsqu’on se rapproche de
naturelles sont respectivement 2, 3/2, la3. La fréquence de cette note a été
4/3, 5/4, 6/5. décider quelle valeur choisir pour le fixée à 435 cycles par seconde par un
l’unisson, les battements se produisent
facteur B. La sensibilité de l’oreille arrêté ministériel de 1859. C’est qu’en
donc à une cadence de plus en plus
aux variations de hauteur aide à faire effet la fréquence du la3 a subi au cours
lente pour disparaître quand l’unisson Échelle de hauteur
ce choix : on constate que, si l’on fait du temps des fluctuations : au XVIIIe s.,
est atteint. Ils donnent donc un moyen Établir une échelle de hauteur est a entendre deux sons l’un après l’autre, le diapason était nettement plus bas,
très précis d’apprécier l’unisson. C’est priori un problème délicat, puisque l’oreille n’est capable de sentir qu’ils comme en témoignent bon nombre
grâce aux battements que l’accordeur la hauteur est une sensation et que, n’ont pas la même hauteur qu’à par- d’orgues de cette époque. Or, plus le
de pianos met à l’unisson les cordes bien qu’elle soit liée à la fréquence, il tir du moment où le rapport de leurs diapason est élevé, plus les cordes des
doubles du médium et triples de l’aigu serait absurde de l’identifier à la gran- fréquences est au moins 1,003. Ce instruments sont tendues et mieux elles
de l’instrument. deur physique qui lui est associée. En nombre représente évidemment une sonnent, de sorte que les orchestres à
Les battements sont d’ailleurs quel- effet, partons par exemple d’un son de valeur moyenne pour un grand nombre cordes avaient une tendance naturelle à
quefois utilisés pour produire un effet fréquence N et prenons les sons aux de sujets dont la finesse d’oreille peut hausser le la pour se faire valoir, sans
musical : le jeu d’orgue (ou d’harmo- octaves aiguës successives de ce son. varier de l’un à l’autre. Le bon sens souci des chanteurs qu’ils devaient par-
nium) dit « voix célestes » est obtenu Leurs fréquences sont, dans l’ordre, commande donc de choisir le facteur fois accompagner et dont l’étendue vo-
au moyen de deux jeux de tuyaux (ou 2 N, 4 N, 8 N, 16 N, etc., puisqu’à l’in-
B de telle sorte que la différence de cale ne pouvait varier aussi aisément.
d’anches) désaccordés de manière à tervalle d’octave est associé un rapport hauteur correspondant à ce rapport En fait, même à l’heure actuelle, le la
moduler le son par des battements à de fréquences égal à 2. Bien évidem- particulier de fréquences soit l’unité de sur lequel les orchestres s’accordent a
cadence assez rapide (mais régulière ment, nous n’avons pas la sensation
différence de hauteur. Il ne reste plus une fréquence de l’ordre de 440 cycles
sur toute l’étendue du jeu). Un autre que la hauteur double à chaque octave,
qu’à préciser l’échelle logarithmique par seconde, donc un peu supérieur au
jeu d’orgue, l’« unda maris », est mais bien plutôt qu’à chaque octave on
obtenu de la même manière, mais la s’élève d’un même degré dans l’échelle
cadence des battements est plus lente ; des hauteurs. Autrement dit, des sons
d’où le nom, qui évoque le roulis. Les dont les fréquences varient selon une
battements obtenus en désaccordant progression géométrique donnent la
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
la « ministériel ». Le tableau ci-des- L’histoire fut l’entreprise, vers 1715, de Famara Bandiagara, fut sollicité d’intervenir
sous donne l’étendue des sons audibles Ouattara, frère du roi de Kong. Il fit de dans la guerre civile au Yatenga, et le
L’histoire ancienne de la Haute-Volta
ainsi que celle d’instruments courants. Bobo-Dioulasso sa capitale et créa une naba accepta le protectorat (mai 1895).
est celle de son peuplement. Les Mos-
P. M. dynastie qui rompit avec le royaume Cependant, les Britanniques mena-
sis et leurs « cousins » Gourmantchés,
F Accord / Audition / Son. de Kong (Côte-d’Ivoire). L’apogée se çaient de devancer les Français au Ya-
venus du Dagomba, au sud, peut-être situe à la fin du XVIIIe s. Après 1850, les tenga, où ils avaient offert une alliance.
au XIIe s., paraissent avoir été les pre- Ouattaras ne purent empêcher l’éman- Destenave confia alors une colonne au
miers envahisseurs de l’Est-Volta. Un cipation de leurs tributaires, surtout lieutenant P. Voulet afin de rétablir
royaume gourmantché (Gourma) et celle des Markas derrière leur mara- l’ordre au Yatenga et d’obliger le naba
Haute-Volta quatre royaumes mossis se créèrent
bout Ladyi Mamoudou. de Ouagadougou à accepter la tutelle
autour des Volta supérieures : Ten-
Cette initiative marka faisait suite française ; ce dernier préféra s’enfuir
État d’Afrique occidentale. kodogo, le royaume père, Zendoma,
en Côte-de-l’Or (Gold Coast), ce qui
au grand réveil islamique du XVIIIe s.
Natenga (Ouagadougou), Yatenga.
en Afrique occidentale. Déjà, au nord, permit à Voulet de le faire destituer et
Le milieu Entre le XIIIe s. et le XVIe s., le Natenga
de passer un traité avec son successeur,
d’autres immigrants, les Peuls musul-
et le Yatenga l’emportèrent, mais,
mans, avaient lancé la guerre sainte solennellement élu (janv. 1897). Entre-
La république de Haute-Volta est tandis que le premier fut un royaume
temps, il avait mis le Gourounsi sous
le plus petit des États intérieurs de contre les païens, qu’ils avaient vain-
stable et pacifique jusqu’au XIXe s., le
cus entre 1810 et 1817. Leur nouvel protectorat en battant les Zermas (sept.
l’Afrique de l’Ouest francophone second, au contact de ses puissants voi-
1896).
(480 km du nord au sud, 820 km État, le Liptako, profita de la situation
sins du Nord (Mali, Songhaï, Ségou),
de carrefour de Dori, mais ne put ré- De 1897 à 1899, des opérations de
d’ouest en est). Comprise pratiquement fut un royaume belliqueux. Dès 1337,
duire l’insubordination des premiers détail assurèrent l’installation française
entre 10° et 15° de lat. N., elle appar- les cavaliers du Yatenga atteignirent
occupants mossis et gourmantchés, ni en pays mossi. Enfin, au sud-ouest,
tient entièrement à la zone soudano- Tombouctou et, à la fin du XVe s.,
empêcher les raids touaregs. l’offensive contre Samory amena le
sahélienne tant par le climat que par la ils inquiétèrent vivement le souve-
commandant P. C. Caudrelier à occu-
végétation et le modelé du relief qui y rain songhaï. Plus tard, au XVIIIe s., le Vers 1890, à la veille des interven-
tions de Samory et des Français, la per Bobo-Dioulasso en juin 1898. La
est associé. naba, installé à Ouahigouya, dut lutter
convention, signée à cette date avec
contre ses anciens alliés bambaras, qui carte politique de la Haute-Volta est
Morphologiquement, c’est un la Grande-Bretagne, puissance occu-
l’avaient aidé à prendre le pouvoir au indécise, et les hégémonies tradition-
vaste plateau cristallin d’une altitude pée ailleurs, consacra l’établissement
Yatenga, vers 1754. Quant au Gourma, nelles sont bien menacées : querelles
moyenne d’environ 300 m, ourlé au français, sinon la pacification, puisque
à l’est, il s’organisa lentement et fut dynastiques ; guerres incessantes
nord-ouest, au sud-ouest et au sud- les populations bobo et lobi, sans État,
aussi un royaume à vocation guer- contre les Samos et les Peuls au Ya-
est de dépôts sédimentaires, incliné tenga ; réduction de la souveraineté du n’étaient pas encore soumises, lorsque
rière. Ces États, différents par leur his-
du nord vers le sud par une série de Gourma à quelques villages ; décom- éclata la Première Guerre mondiale
toire, offrent une très forte parenté de
gradins et drainé par les trois Voltas position du royaume ouattara de Bobo- (1914).
croyances (culte des morts) et d’institu-
(Volta Noire, Volta Blanche et Volta tions. Le roi (mogho-naba), descendant Dioulasso ; faiblesse du Liptako ; de De 1899 à 1919, la future Haute-
Rouge). La partie centrale, une énorme des héros fondateurs, était élu par un plus, dans le Sud et le Sud-Ouest, raz- Volta fut englobée dans le territoire du
masse granitique (l’anticlinal de Léo) collège de quatre dignitaires (nesomba) zias continuelles des Zermas depuis Haut-Sénégal-Niger. Les nabas conser-
englobant des formations plissées bir- et vivait entouré d’une suite de gardes, 1860, razzias de Kong et razzias des vèrent des prérogatives jusqu’en 1904-
rimiennes, présente, contrastant avec pages (songhoné), officiers serviles ou Sénoufos du royaume du Kénédougou 1905, puis devinrent des exécutants
des surfaces monotones, des formes de libres et nobles privilégiés des lignages (Mali) en 1888, 1891-92. C’est dans réduits à un rôle honorifique et reli-
relief variées : larges vallées, dômes royaux (nakomsé). Ses ressources pro- ce contexte qu’apparut Samory. Dès gieux dans leurs royaumes transformés
granitiques, collines birrimiennes cui- venaient des tribus des villages, des ca- 1896, son fils Sarankényi Mory arbi- en « cercles ». Les autres régions furent
deaux des marchands et du travail sur trait les conflits entre Zermas, occu- soumises à l’autorité directe des admi-
rassées ou non, glacis cuirassés ; les
son domaine propre. Sa force reposait pait le Bondoukou (Côte-d’Ivoire) et nistrateurs. Celle-ci se heurta, pendant
sédiments de couverture marginaux
sur la fidélité de ses serviteurs captifs, battait les Anglais à Dokita (Ghna). la Première Guerre mondiale, à une des
(grès primaires ou tertiaires) donnent
titulaires de commandements locaux et Après avoir détruit Kong, Samory plus graves révoltes d’Afrique noire.
des fragments de plateaux cuirassés
membres de l’armée. voulut réduire le royaume ouattara de Bwas, Bobos animistes et Markas
dominant le massif ancien.
Bobo-Dioulasso et fit converger trois musulmans, encouragés par la mobi-
Dans l’Ouest-Volta, la mise en place
Le climat est typiquement souda- colonnes sur la ville, qui ne fut sauvée lisation des Européens, se soulevèrent
des peuples fut plus tardive : des Man-
nien, avec alternance d’une saison que par l’intervention française. contre le recrutement militaire et les
dés (Bobo-Dioulas et Dioula-Ouattaras,
sèche (d’autant plus longue qu’on exactions qui l’avaient accompagné.
Samos, Markas venus de Djenné par Celle-ci avait été préparée par les
va vers le nord) et d’une saison des La révolte, partie du cercle de Dédou-
vagues jusqu’au XIXe s.) s’infiltrèrent explorations de L. G. Binger (1886-
pluies ; la végétation naturelle (forêt gou, déborda vite au nord, dans les
parmi les Bobos, Bwas et Sénoufos 1888), F. Crozat (1890) et P. L. Mon-
claire sèche) a été dégradée en savane cercles de San et Bandiagara, et, au
tandis que des Gans (au XVIe s. ?), des teil (1890-91). La conquête du Soudan,
arborée et passe par endroits à la steppe sud, en pays lobi. Il fallut plusieurs
Tourkas (au XVIIIe s.), des Lobis et des les compétitions avec l’Allemagne et
à épineux (l’extrême Nord appartient à surtout la Grande-Bretagne accélé- colonnes pour vaincre la résistance
Birifors (XVIIIe et XIXe s.) arrivaient du
la zone sahélienne). Les forêts-galeries acharnée (déc. 1915 - sept. 1916).
Ghna actuel. La seule tentative d’uni- rèrent les initiatives françaises. Elles
sont infestées par la mouche tsé-tsé. fication étatique notable fut celle des débutèrent au nord et à l’est, mêlant En 1919, le Haut-Sénégal-Ni-
J. S.-C. Ouattaras du Gwiriko, dont l’origine actions diplomatiques et militaires. ger, considéré comme trop vaste, fut
Déjà, Monteil avait obtenu un traité de scindé : huit cercles constituèrent la
protectorat du Liptako (mai 1891) et Haute-Volta (mars). Pour cause d’éco-
des assurances au Yatenga. Dès janvier nomie et pour faciliter l’émigration
1895, le commandant Decoeur, venu du souhaitée par l’Office du Niger, celle-ci
Nord-Dahomey, signa un traité avec le disparut en 1932, ses cercles étant dis-
roi du Gourma en prenant de vitesse tribués au Soudan, à la Côte-d’Ivoire et
les Allemands. En 1894 et 1895, au Niger. Elle ne fut reconstituée qu’en
G. M. Destenave, résident militaire à 1947. Ces avatars de la naissance de la
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tique intense par un électroaimant, à moulée à chaud sur des formes assurant
conduisant à choisir, par sécurité, un duit doit conserver une grande régu-
Après le haut-parleur électroma- — un aimant ou électro-aimant produi-
entrefer plus large qu’il ne serait stric- larité, car il importe de maintenir les
gnétique à simple armature vibrante sant le champ magnétique ;
tement nécessaire ; d’où diminution variations de poids des membranes à
en fer doux, ou à armature équilibrée — une bobine mobile, ou organe mo-
de l’intensité du champ magnétique l’intérieur de limites aussi faibles que
(perfectionnement du précédent), après teur proprement dit ;
utilisable. possible.
le haut-parleur électrostatique et le — une membrane, ou diaphragme ;
haut-parleur piézo-électrique, à l’heure Lorsque l’excitation est réellement
— des dispositifs de centrage et de
actuelle, seul est pratiquement utilisé indépendante, l’énergie fournie par la Dispositifs de centrage
suspension qui assurent le guidage des
le haut-parleur électrodynamique à source auxiliaire de courant continu est et de suspension
mouvements de la bobine mobile ;
bobine mobile. entièrement convertie en chaleur.
— un châssis ou montage de l’en- Le fonctionnement correct du haut-
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sible pour ne gêner qu’au minimum industrielle et plus bourgeoise que d’activités industrielles sauf, le long de sont beaucoup plus nombreux au sud :
les déplacements de la membrane. les trois autres communes. Le nord la Seine, à Meudon et Saint-Cloud. faculté de Sceaux et centre de Mon-
J. B. de Boulogne en bordure du bois a des trouge, grandes écoles (École centrale
y Le sud est plus accidenté et plus
F Amplificateur audiofréquence / Sonorisation caractères identiques. varié. On y retrouve, comme au des arts et manufactures) à Châtenay-
/ Stéréophonie.
nord-ouest, une première couronne Malabry, cité universitaire à Antony,
y La boucle de Gennevilliers (près
entièrement urbanisée et en partie Centre international d’études péda-
de 600 000 hab.). Le relief s’y relève
industrielle composée de quatre com- gogiques de Sèvres, observatoire de
vers le sud-est en direction du mont
munes limitrophes de Paris (environ Meudon. L’ouest ne possède que l’uni-
Valérien (161 m), et les espaces verts
Hauts-de-Seine. publics sont pratiquement absents ; 160 000 hab.) : Issy-les-Moulineaux, versité de Nanterre et les annexes de
— quatre communes (plus de au nord jusqu’à Antony au sud, est « la Défense », la plus importante des
Départ. de la Région parisienne,
2
200 000 hab.) d’une sorte de deuxième constitué de neuf communes (env. opérations d’urbanisme lancées depuis
à l’ouest de Paris ; 175 km ;
couronne de banlieue bordant la Seine 300 000 hab.) : Clamart, Châtillon, la Seconde Guerre mondiale dans la
1 472 835 hab. Ch.-l. Nanterre*. S.-
sur la rive gauche, anciennement et en- Bagneux, Bourg-la-Reine, Fontenay- Région parisienne, de sa situation
préf. Antony.
tièrement urbanisées, densément peu- aux-Roses, Sceaux, Le Plessis-Robin- dans l’axe de la « Voie triomphale » :
Créé dans le cadre du nouveau dé-
son, Châtenay-Malabry et Antony. Ce Louvre, Champs-Élysées, Saint-Ger-
plées et industrielles : Asnières-sur-
coupage administratif de la Région
Seine, Courbevoie, Puteaux, Suresnes ; sud couvre la moitié nord du plateau de main, de la réalisation du R. E. R., tout
parisienne, c’est un des trois dépar-
Villacoublay (maximum 167 m), situé le centre de la boucle de Gennevilliers,
— deux communes à la fois vastes,
tements qui jouxtent Paris (appelés
entre la Seine et la Bièvre, et surtout les du pont de Neuilly à Rueil-Malmaison,
très industrielles, et où l’espace n’est
parfois pour cela « de la première cou-
longs versants disséqués dans celui-ci attire déjà de nombreux sièges sociaux
pas encore totalement utilisé : Genne-
ronne »). Il s’étend au nord, de la rive
qui descendent vers la Seine au nord et et bureaux, et constitue le principal axe
gauche de la Seine au niveau de Saint- villiers au nord et Nanterre à l’ouest.
vers la Bièvre à l’ouest. Au pied du co- de développement des activités ter-
Denis à la vallée de la Bièvre au sud en Il faut y joindre Villeneuve-la-Garenne
teau à l’est, une zone est restée encore tiaires dans la Région parisienne. C’est
une demi-couronne de 35 km de long (au total 160 000 hab.) ;
très verdoyante : la Vallée-aux-Loups, là qu’à juste titre, dans la « zone B »
avec une largeur qui varie de 6 km à — quatre communes (200 000 hab.)
proche du parc de Sceaux. d’aménagement de la Défense, se
peine, à la latitude du sud du bois de plus résidentielles et moins indus-
situent, à Nanterre, la préfecture des
Boulogne, à 12 km dans l’axe nord-sud trielles que les précédentes et où L’habitat pavillonnaire domine spa-
Hauts-de-Seine et l’université de Paris-
de la vallée de la Bièvre entre Paris et l’emporte beaucoup plus nettement tialement dans l’ensemble du dépar-
X (Nanterre).
Antony ; c’est écrire qu’il est le moins l’habitat individuel : Bois-Colombes. tement, à l’exception des communes
J. B.
étendu des départements de la Région Colombes, La Garenne-Colombes et, limitrophes de Paris, mais l’habitat
F Nanterre.
(hormis Paris), bien qu’il soit le plus au sud, Rueil-Malmaison, dont la moi- collectif récent est particulièrement
peuplé (Paris également exclu) avec tié sud participe davantage de l’aspect important à Gennevilliers, Nanterre,
une densité moyenne de 8 400 hab. au suivant. Rueil-Malmaison et au sud, dans le
kilomètre carré. Toutefois (en dehors triangle Meudon-Bagneux-Antony,
y Le sud-ouest est plus élevé et plus
de Paris), c’est le département de la
boisé. Il s’agit essentiellement d’un
partout où, vers 1950, les espaces Haüy (abbé René
Région dont la population a le moins libres importants n’étaient pas rares.
plateau d’axe est-sud-est-ouest-nord- Just)
augmenté en valeur relative entre La localisation des activités indus-
ouest, prolongé dans les Yvelines par
les recensements de 1962 et de 1968 trielles, principalement des gros éta-
le plateau des Alluets et situé entre la Cristallographe français (Saint-Just-
(6 p. 100 seulement), car il est depuis blissements, est tout à fait caractéris-
vallée de la Seine et la vallée du ru en-Chaussée, Oise, 1743 - Paris 1822).
longtemps le plus urbanisé. tique : essentiellement le long de la
de Gally, affluent de la Mauldre. Ce
Il a découvert l’anisotropie et l’exis-
Son appellation provient du fait qu’il plateau est disséqué sur sa bordure Seine, sur la rive gauche, d’Issy-les-
tence d’éléments de symétrie dans les
renferme les altitudes les plus élevées Moulineaux à Asnières-sur-Seine et
nord par une série de rus affluents
milieux cristallins et énoncé la loi des
des environs immédiats de Paris, dues de Gennevilliers à Rueil-Malmaison,
de la Seine. Par contre, au sud, il macles. Il peut être considéré comme le
principalement à la résistance de la à part quelques exceptions, comme
s’achève par un rebord assez recti- créateur de la cristallographie.
couche de meulière de Beauce : 182 m les zones industrielles de La Garenne-
ligne au-dessus d’une petite dépres-
sur l’autoroute de l’Ouest à Vaucres- Colombes, de Rueil-Malmaison et du Le père de René Just Haüy et de
sion située dans l’axe Paris-Versailles
son, fréquemment plus de 160 m (mont Plessis-Robinson. Les Hauts-de-Seine son frère cadet Valentin (1745-1822),
et de la vallée du ru de Gally. À l’est,
Valérien, plateau de Villacoublay) ; le sont avant tout le département des qui consacrera sa vie à l’éducation des
à Saint-Cloud, il domine la Seine par
point le plus bas est à 25 m au niveau industries automobile et aéronautique aveugles*, est un humble tisserand.
un coteau très raide.
de la Seine à Rueil-Malmaison. Les et des industries qui travaillent pour René Just attire l’attention d’un prieur
Parcs et bois couvrent encore près d’abbaye qui lui fait donner des leçons
Hauts-de-Seine peuvent être subdivi- elles (pneumatiques, accessoires, etc.).
de la moitié de la superficie : en pre- par ses moines. Il est envoyé à Paris, où
sés en quatre secteurs géographiques. Là se trouve la plus grande usine de
mier lieu, les bois de la Malmaison, de France : Renault, à Billancourt, avec il bénéficie d’une bourse au collège de
y Les communes limitrophes de
Fausse Repose, le parc de Saint-Cloud, 35 000 ouvriers. Les grands équipe- Navarre. En 1770, il devient régent de
Paris à l’ouest. Elles sont au nombre
les bois de Meudon et Clamart, puis de ments se situent surtout dans la boucle seconde au collège Cardinal-Lemoine,
de quatre (au total env. 300 000 hab.)
nombreux parcs privés. de Gennevilliers : port de Gennevilliers où il enseigne le latin. En même temps,
et toutes situées sur la rive droite de
Il s’agit des huit communes (au et centrale thermique, ainsi que la plu- il reçoit la prêtrise. Il s’intéresse à la
la Seine : Clichy, Levallois-Perret,
total 150 000 hab.) de Saint-Cloud, part des chemins de fer, tandis que, botanique ; il entre un jour au cours que
Neuilly-sur-Seine et, au sud du bois
Garches, Vaucresson, Marnes-la-Co- en dehors des deux voies ferrées de Louis Daubenton (1716-1800) donne
de Boulogne, Boulogne-sur-Seine ou
quette, Ville-d’Avray, Sèvres, Chaville Versailles, le sud en est complètement au jardin des Plantes et, tout aussitôt,
Boulogne-Billancourt. Ce secteur se
et Meudon. La densité de la population dépourvu (à part la ligne de Sceaux, est conquis par la minéralogie.
caractérise par l’absence de relief, une
est la plus faible de tout le départe- véritable métro suburbain).
urbanisation ancienne et totale, une Nous tenons de Cuvier le récit de la
forte densité de population et d’acti- ment. L’urbanisation est loin d’être La répartition des équipements découverte qui va lui assurer la célé-
vité, surtout industrielle. Neuilly- complète. C’est dans l’ensemble une universitaires et scientifiques est à brité. Alors qu’il examine quelques
sur-Seine est toutefois bien moins zone de résidence aisée et avec peu l’inverse de celle des industries. Ils minéraux chez un de ses amis, il brise,
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est plane et que l’un des fragments pré- laquelle les cristaux ont une structure
réticulaire, qui sera confirmée en 1912
sente une forme rhomboïdale analogue
grâce à Laue. (Acad. des sc., 1854.)
à celle du spath d’Islande. Rentré dans
son cabinet, il attaque au marteau des
cristaux de calcaire de formes diverses,
et les plus petits éclats sont toujours
des rhomboïdes. Il en conclut que tous Havane (La)
ces cristaux doivent avoir des « molé-
cules constituantes » identiques. Il En esp. LA HABANA, capitale de Cuba.
n’hésite pas alors à mettre en pièces
sa collection ; dans le grenat, il trouve
La situation
un tétraèdre ; dans la fluorine, un oc-
taèdre ; dans la pyrite, un cube. C’est La ville constitue avec ses banlieues
ainsi qu’il énonce la loi fondamentale l’agglomération urbaine la plus impor-
de la cristallographie — les divers tante des Antilles. Sa population doit
cristaux d’une même espèce chimique avoisiner 2 millions d’habitants (près
dérivent d’une forme primitive, sur du quart de la population cubaine).
laquelle ont été effectuées des tronca- Elle concentre une bonne partie de la
tures —, et qu’il précise à leur sujet la richesse du pays.
loi des caractéristiques entières, limi- Installée sur la rive occidentale
tant les orientations de ces troncatures. du goulet qui relie la baie dite de La la tête de ligne du réseau ferré ; des des affaires, elle se pare de buildings
Haüy annonce sa découverte à Havane à la mer, elle a tiré un béné- industries se créent en bordure de la futuristes dans les derniers temps de
Daubenton, qui en fait part à Laplace. fice considérable de sa situation géo- baie à la fin du siècle. En 1841, elle la dictature. Orgueil des classes possé-
Celui-ci engage en 1781 l’auteur à la graphique en bordure du détroit de dantes, qui s’y rassemblent en majeure
a 184 548 habitants, soit 17 p. 100 de
présenter à l’Académie des sciences, Floride. l’île ; en 1898, 250 000 avec ses ban- partie, elle concentre la moitié des
et cette assemblée lui offre en 1783 médecins du pays, les trois quarts des
À la fin du XVIe s. et au XVIIe s., elle lieues, 16 p. 100 de Cuba. En 1919,
un siège dans la classe de botanique, voitures et des téléphones, en bref une
devient la principale place forte espa- la ville seule a 363 506 habitants et
aucune place n’étant disponible en bonne partie des richesses aux dépens
gnole des Antilles. S’y rassemblent dès 446 848 avec ses banlieues. L’agglo-
physique. Il publie les résultats de ses des campagnes appauvries, où la révo-
1561, chaque année de juin à août, les mération atteint le río Almendares,
recherches dans Essai d’une théorie lution naît. Conquise par les castristes,
galions chargés de métaux précieux et qui s’encaisse profondément à 6 km
sur la structure des cristaux (1781). La Havane a néanmoins continué à
de denrées agricoles de haute valeur à l’ouest du centre historique. On
Prêtre réfractaire, Haüy est arrêté venus des ports de la Caraïbe et du construit le luxueux quartier du Ve- se développer, l’exode rural se pour-
pendant la Révolution, mais ses élèves, golfe du Mexique. Cette activité de port dado en bordure de la mer. Des quar- suivant alors que de nombreuses per-
notamment Geoffroy Saint-Hilaire, le militaire et de port d’escale provoque tiers se créent également au sud de la sonnes appartenant aux classes aisées
font rapidement libérer. La Convention un afflux de population, le dévelop- baie, et même de l’autre côté, à l’est. prennent le chemin de l’émigration. En
le nomme même membre de la com- pement du commerce et des activités En 1943, Gran Habana a 835 670 ha- 1965, il y a plus de 1,7 million d’habi-
mission des poids et mesures (1793), spéculatives. Vers 1660, La Havane, tants (982 000 hab. dans la ville seule),
bitants, soit 18 p. 100 de Cuba. Les
puis conservateur du cabinet des mines enserrée dans ses fortifications, a près campagnes cubaines sont en crise, et soit 22 p. 100 de la population totale.
(1794). En 1801, il publie un Traité de 10 000 habitants. Elle en a 30 000 la population de la capitale s’accroît Le gouvernement s’efforce de frei-
de minéralogie. En 1802, il succède en 1730 et est alors la troisième ville ner le développement de cette énorme
plus vite que celle de l’ensemble du
2
à Daubenton au Muséum d’histoire d’Amérique (après Mexico et Lima). pays ; l’exode rural se déverse sur la capitale qui s’étend sur 100 km autour
naturelle, puis il obtient une chaire de Au XVIIIe s., environ 200 navires avec de la baie, en décentralisant au profit
ville. Le río Almendares a été franchi
minéralogie à la faculté des sciences 6 000 à 8 000 marins se rassemblent des villes provinciales. Il a créé une
et, au-delà, les quartiers de Miramar et
de Paris. dans son port chaque été. ceinture agricole (le « cordon » de La
de Marianao se développent. En 1953,
R. T. Havane) autour de l’agglomération, de
Les besoins de la navigation en- il y a 1 216 000 habitants dans l’agglo-
F Cristallographie.
mération, soit 20 p. 100 de Cuba, de façon à l’intégrer dans le monde rural
traînent le développement des cultures
nouveaux quartiers se sont créés à l’est et à éviter que la ville ne vive en para-
vivrières et de l’élevage dans les cam-
de la baie ; l’exode rural s’est accéléré. site du reste du pays.
Un précurseur et un pagnes environnantes. Il s’est consti-
J.-C. G.
tué dans la ville une aristocratie qui se À la veille de la révolution castriste,
continuateur d’Haüy
taille de vastes domaines à travers l’île en 1958, La Havane atteint un dévelop-
Jean-Baptiste Romé de l’Isle, miné- et qui thésaurise des richesses consi- pement exagéré avec 1 350 000 habi- L’histoire
ralogiste français (Gray 1736 - Paris dérables. Sous son impulsion, grâce tants, et son rôle est considérable dans San Cristóbal de La Habana a été fon-
1790). Il publia un traité des poids et à l’afflux de techniciens français et la vie du pays. Son port reçoit près de dée en 1515 par Diego Velázquez et,
mesures des Anciens et un traité de d’esclaves, les cultures de plantation 90 p. 100 des importations ; elle est de- tout de suite, de par sa proximité avec
cristallographie (1772), dans lequel il
(canne à sucre surtout) se développent venue le principal centre industriel du
énonçait la loi de constance des angles. le continent, elle a bénéficié de la pré-
sur les terres fertiles de la moitié occi- pays (raffineries, cimenteries, centrales férence des colons. Au cours de la
Auguste Bravais, physicien et minéra- dentale de Cuba, à la fin du XVIIIe s. et thermiques, alimentation, vêtements, longue crise du XVIIe s., alors que l’île,
logiste français (Annonay 1811 - Ver- au XIXe s. La Havane commande ainsi etc.) ; une zone industrielle s’est créée dépeuplée de sa population primitive,
sailles 1863). Il est d’abord lieutenant le développement économique de l’île. au fond de la baie. La Havane reçoit était pratiquement livrée aux pirates, la
de vaisseau, puis, en 1846, il devient
En 1791, la ville a 44 337 habitants, la majeure partie des touristes et est
professeur de physique à l’École poly- majorité des Espagnols vint s’y réfu-
55 000 avec ses environs.
technique, dont il était sorti premier de un centre de loisirs fréquenté par les gier. En 1607, si l’évêché reste à San-
sa promotion. Après avoir étudié les Au XIXe s., La Havane devient le Américains, qui dominent le pays. Ca- tiago de Cuba, le gouvernement et la
phénomènes optiques de l’atmosphère, grand port de commerce de Cuba et pitale politique, commerciale, centre capitainerie générale s’installent à La
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Havane, devenue le port le plus impor- La Havane fut considérée par les où l’on pratiquait l’industrie du sel. tonnage. En 1694, les Anglais, durant
tant et le premier centre de construc- révolutionnaires avec une grande Une petite chapelle pour les marins, la guerre de la ligue d’Augsbourg, ne
tions navales des Antilles. méfiance. Est-ce parce qu’elle n’avait Notre-Dame-de-Grâce, donna son purent s’en emparer.
pas participé au combat contre Ba- nom au port que François Ier décida de
Au XVIIIe s., la ville participa à Louis XVI, puis Napoléon III pour-
tista ? Cependant, bien des opposants construire et qui s’appela d’abord Vil-
la prospérité sucrière, s’agrandit et suivirent l’aménagement du port. Du-
y étaient morts dans les tourments, lefrançoise-de-Grâce, puis Le Havre-
s’embellit. En 1762, elle fut assié- rant la Seconde Guerre mondiale, Le
et la capitale avait fait un accueil de-Grâce. Il s’agissait de remédier à
gée pendant 67 jours par une flotte Havre, libéré seulement en septembre
fantastique aux barbudos en jan- l’insuffisance des autres ports de l’es-
anglaise de 250 bâtiments transportant 1944, fut dévasté par les bombarde-
vier 1959. Est-ce parce que la grève tuaire de la Seine, comme Caudebec
14 000 soldats et, faute de secours, elle ments, et son installation portuaire
insurrectionnelle d’avril 1958 y avait ou Harfleur.
capitula. Cet événement eut de grandes anéantie. Sa reconstruction fut menée
échoué ? Mais elle avait échoué par- Dès 1517, le roi avait résolu de
conséquences puisque, à partir de là, à bien par l’architecte Auguste Perret*.
tout, et les réseaux urbains avaient faire du Havre le grand port de la côte
les Bourbons d’Espagne lancèrent leur P. P. et P. R.
bien travaillé. Les raisons sont plutôt océane, car « le lieu de Grâce, disait le
grand programme de réformes mili-
socio-professionnelles : à la méfiance rapport, était le plus propre et le plus
taires, administratives, commerciales, Le port
des castristes descendus de la « sierra » aisé de ladite côte et pays de Caux à
pour fortifier l’empire. La Havane était
vis-à-vis de toutes les villes s’ajoute faire havre ». François Ier vint souvent à La ville du Havre ne peut se com-
une clef stratégique et commerciale,
le grand problème légué par Batista. Villefrançoise presser les travaux, sou- prendre sans référence à son port, le
l’Anvers des Caraïbes.
Usine à plaisirs, vivant du tourisme, La vent retardés par les dégâts causés par deuxième de France après Marseille.
Cuba resta espagnole jusqu’en 1898, Havane participe avec enthousiasme au les marées. N’a-t-elle pas été fondée pour être un
lorsque la guerre hispano-américaine combat pour la moralisation, contre le port, en tête de l’estuaire de la Seine
Le maître maçon Michel Féré
éclata : le croiseur américain le Maine, vice, le jeu et la mendicité, mais elle
construisit le port, et un ingénieur mili- et en ouverture sur la Manche ? Tout
envoyé par Washington, explosa acci- est frappée économiquement dans ses en se transformant, cette fonction por-
taire génois, Bellarmato, se chargea
dentellement en rade de La Havane. Ce classes moyennes, plus développées ici
des fortifications, car Le Havre était tuaire n’a pas cessé d’animer la ville et
fut le prétexte de l’intervention. que partout ailleurs. Elle fournit donc
destiné à devenir le grand port militaire l’agglomération. L’évolution de celles-
À la fin de la domination de Ma- proportionnellement le plus de can-
du royaume. Au cours de la guerre ci correspond aux grandes mutations
chado, vers 1933. La Havane vit re- didats à l’émigration vers Miami. En du port. Au commerce colonial, pré-
menée par le roi contre l’Angleterre,
naître les sociétés secrètes qui, tout au 1968, les derniers commerces privés
il rassembla au Havre en 1545 toute dominant jusqu’au milieu du XIXe s.,
long du XIXe s., avaient oeuvré contre la ont été nationalisés à La Havane, qui
sa flotte, celle de l’Océan comme celle correspond une petite ville de marins
domination espagnole, et il y eut des ressent moins que les campagnes le
de la Méditerranée, en vue d’un débar- resserrée derrière ses remparts autour
manifestations d’étudiants contre le bénéfice matériel de la révolution.
quement en Angleterre. Les troupes des vieux bassins du Roi et de la Barre.
tyran. J. M.
ravagèrent l’île de Wight et les côtes Avec les grandes réussites du négoce
F Cuba.
Entre 1952 et 1958, sous la domi- anglaises du côté de Douvres. Cette international, et notamment le succès
nation de Batista, La Havane devint J. H. Valdés, Historia de la isla de Cuba y en descente fut la dernière de ce genre des Bourses au café et au coton entre le
especial de La Habana (La Havane, 1964).
la capitale de la prostitution en Amé- réussie dans la grande île. second Empire et 1914, la ville éclate
rique latine, avec une population de Dans la seconde partie du XVIe s., Le et s’étend presque à ses dimensions
20 000 prostituées. Batista et ses amis Havre fut ravagé par la peste d’abord, actuelles, tandis que le port se dote de
mirent en place des gangs italo-amé- par les guerres de Religion ensuite. En ses bassins à flot et de son grand bassin
ricains qui firent du jeu une véritable
Havre (Le) de marée. Aux ambitions pétrolières et
1562-63, le port fut occupé quelque
industrie nationale : loterie, machines temps par les Anglais, appelés par les industrielles de la période contempo-
Ch.-l. d’arrond. du départ. de la Seine- raine correspondent l’élargissement de
à sous, casinos, etc. Le tourisme améri- protestants, avant d’être repris par les
Maritime ; 200 940 hab. (Havrais).
cain et international fournissait le reste troupes royales, commandées par le l’agglomération et le développement
L’agglomération, de Gonfreville-l’Or-
des revenus de cette ville qui croissait connétable de Montmorency. Durant le du port vers l’amont dans les terrains
cher à Sainte-Adresse, en passant par
de façon explosive. règne d’Henri III, la ville devint un fief de marais situés entre Harfleur et
Harfleur, Montivilliers et Rouelles,
de la Ligue, tenu par le duc de Villars. Tancarville.
C’est à La Havane, le 21 novembre
compte environ 250 000 habitants.
1947, que se réunit la première confé- Richelieu continua l’oeuvre de Fran- Actuellement, Le Havre offre un
rence internationale sur le commerce et çois Ier. Sous son impulsion, le port fut outil portuaire d’une remarquable effi-
L’histoire
l’emploi ; la charte qui fut alors signée agrandi et empierré. Plus tard, Colbert cacité. À courte distance, la Manche
servit de base à l’Organisation interna- Jusqu’à la fin du Moyen Âge, le site demanda à Vauban de le creuser pour atteint des profondeurs comprises entre
tionale du commerce. du Havre n’était qu’un vaste marais permettre l’entrée des navires de fort 10 et 20 m. La marée, d’une amplitude
5258
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que renforcent les contraintes de site et sur la route maritime qui unit l’Amé-
de vigoureux contrastes sociaux. tions principales : l’aménagement d’un rique du Nord et la Chine. Les Blancs,
Le milieu qui font escale pour se ravitailler, sont
grand canal maritime pour desservir la
L’agglomération juxtapose quatre
zone industrielle du marais, avec une Toutes sont essentiellement volca- charmés par l’hospitalité hawaiienne et
grandes zones principales. La zone
niques, quoique parfois bordées de ré- la douceur du climat. En contrepartie,
portuaire et industrielle s’étend au sud ouverture sur le bassin de marée par
cifs coralliens. Les massifs volcaniques ils introduisent les armes à feu qui per-
de l’agglomération, allongée depuis la construction, en voie d’achèvement,
du Nord-Ouest sont anciens et déjà mettent à Kamehameha Ier (1782-1819)
l’entrée du port jusqu’à Tancarville ;
d’une écluse géante, accessible aux
profondément disséqués par l’érosion d’unifier l’archipel sous son autorité.
elle concentre l’essentiel des emplois
grands minéraliers ; l’édification d’un (Waimea Cañon à Kauai), tandis que, Ils apportent aussi la lèpre, la syphi-
dans le secteur secondaire sans com-
terminal, au large du cap d’Antifer, vers le sud-est, les formes structurales lis, le choléra et la peste, qui déciment
porter d’importants quartiers d’habita-
pour recevoir les pétroliers de 500 000 sont beaucoup mieux conservées et que la population. Les ovins et les bovins
tion. La ville basse est comprise entre
subsistent même dans l’île d’Hawaii qu’ils offrent contribuent à détruire la
le port et la « Côte », falaise morte qui à un million de tonnes attendus pour
des volcans très actifs (Kilauea, Mauna maigre végétation. Les Hawaiiens en
sépare le marais du plateau de Caux ; la fin du siècle. Développement indus-
Loa). Certains, malgré la douceur des viennent à douter de leurs propres va-
cette ville basse oppose des quartiers
triel : autour du canal maritime doivent leurs ; le roi interdit en 1819 les princi-
reconstruits à partir de 1945 selon un pentes caractéristiques de ces accumu-
s’installer de grandes usines lourdes, lations de basaltes (« type hawaiien »), paux rites de la religion traditionnelle.
urbanisme géométrique fait de grandes
spécialement dans les branches de la atteignent des altitudes considérables : La colonisation commence. Venus
perspectives et d’immeubles collectifs
pétrochimie et de la métallurgie. Dé- 3 100 m pour l’Haleakala (Maui), de la Nouvelle-Angleterre, et précé-
à des quartiers du XIXe s. beaucoup plus
4 170 m pour le Mauna Loa et 4 205 m dant les catholiques et les mormons,
confus, qui s’allongent vers l’est en di- veloppement urbain : les accès et les
rection de Graville ; ici et là se trouvent pour le Mauna Kea (Hawaii). des missionnaires protestants font
relations internes doivent être amélio-
le quartier des affaires entre la Bourse La présence de ces puissants reliefs connaître le christianisme, élaborent
rés, le centre rénové, et l’aggloméra-
et le boulevard de Strasbourg et ceux fait naître de forts contrastes clima- une langue écrite, ouvrent des écoles
tion doit poursuivre son extension sous (en 1845, 80 p. 100 des indigènes
du commerce de détail autour de la rue tiques entre des secteurs « au vent »
des formes nouvelles sur le plateau de savent lire), stigmatisent l’indolence
de Paris, de la place Thiers et du Rond- très arrosés (nord-est des îles) et des
Point ; ainsi, il s’agit d’une importante Caux et, peut-être, grâce à un nouveau zones « sous le vent », abritées et ne des Hawaiiens. Souvent aussi, ils sont
zone d’emplois tertiaires juxtaposée à recevant donc que fort peu de pluies d’énergiques hommes d’affaires qui
pont en aval de Tancarville, au sud de
des immeubles de résidence riche ou (la majeure partie des Hawaii a une exploitent le bois de santal (très recher-
la Seine, vers Honfleur et Trouville-
aisée vers l’ouest et à des îlots de plus sécheresse d’été plus ou moins mar- ché en Chine). La famille royale, satis-
Deauville. Le Havre prendrait alors
en plus prolétariens vers l’est. La ville quée, à l’inverse des climats tropicaux faite de cette nouvelle source de reve-
la tête d’une grande agglomération de nus, entreprend l’exploitation intensive
haute s’étend au nord, au-delà de la classiques). À quelques kilomètres de
l’estuaire. des forêts et achète aux commerçants
« Côte » ; exclusivement résidentielle, distance, on passe ainsi de stations
elle donne une impression d’isolement A. F. totalisant 500, 400, voire 300 mm de américains des produits manufacturés.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
du sol. Le temps des plantations de mique est brillant au XXe s. La popula- comptent pour 24,2 p. 100, les Phi- La récolte a atteint, en 1969, 11,3 Mt
canne à sucre commence. Les plan- tion passe de 154 000 habitants en 1900 lippins pour 7,2 p. 100, les Chinois de canne, fournissant 1,2 Mt de sucre
teurs font appel à une main-d’oeuvre à près de 800 000 en 1970. Portugais pour 6,5 p. 100, les Portugais pour brut valant 105 millions de dollars.
chinoise, puis japonaise. En 1875, le des Açores et de Madère, Philippins, 3,2 p. 100..., et les Hawaiiens de pure La culture de la canne est aux Hawaii
Congrès de Washington accorde aux Blancs et Noirs du continent américain race polynésienne ne font guère plus la plus moderne du monde, obtenant
sucres hawaiiens l’entrée libre sur le viennent composer avec les Orientaux de 1 p. 100. Il est vrai que la race des rendements énormes (26,8 t/ha de
territoire de l’Union. Le boom dépasse le plus diversifié des « melting pots » hawaiienne est beaucoup plus large- sucre brut pour un cycle végétatif de
alors toutes les espérances : en 10 ans, des États-Unis ; les « cosmopolites », ment représentée dans la catégorie des deux ans contre 7 t/ha à Porto Rico
la production s’accroît de huit fois, en issus du mélange de toutes ces races, métis, fort nombreux : 26,2 p. 100 du pour une récolte annuelle). Il faut
20 ans de près de vingt fois. Au sucre forment à eux seuls une catégorie par- total de la population (dont plus de 10 heures de travail aux Hawaii pour
s’ajoutent bientôt les ananas et le riz. ticulière. Quant aux Hawaiiens, ils ne deux tiers ont au moins une goutte de obtenir une tonne de sucre brut contre
Cet essor économique ne profite guère sont plus que 12 000, soit 1,5 p. 100 sang polynésien). Cela témoigne du plus de 18 heures dans les zones bet-
aux Hawaiiens. Ils ne sont plus que du total. rôle capital des indigènes dans le pro- teravières et en Floride, et 85 heures
71 000 en 1850, et leur nombre ne cessus de mélange racial. Ils ont fourni à Porto Rico. La mécanisation est
La richesse d’Hawaii demeure le
cesse de diminuer. Hawaii, qui en un aux très nombreux immigrants souvent poussée à l’extrême, et l’industrie su-
sucre et les ananas. Mais les dépenses
siècle a perdu son âme et son genre de arrivés sans famille l’élément fémi- crière n’emploie plus aujourd’hui que
fédérales sont une source considérable
vie, perd son indépendance. nin qui leur a permis de faire souche 10 830 ouvriers, 5 fois moins qu’au
de revenus ; la base militaire de Pearl
dans l’archipel. Il s’est ainsi créé un lendemain de la Seconde Guerre mon-
Depuis longtemps, l’archipel était Harbor, dont l’équipement est autorisé
climat favorable à la fusion entre les diale. Ceux-ci jouissent des salaires
l’objet des convoitises. Les Russes par le Congrès en 1908, tragiquement
différents groupes, et le pourcentage les plus élevés du monde (par journée
en 1815-16, des pirates espagnols en bombardée par les Japonais en 1941,
des mariages interraciaux n’a cessé de 8 heures, l’ouvrier agricole touche
1818, les Français à plusieurs reprises reprend une place primordiale avec
de s’accroître : 11,5 p. 100 seulement en effet 23,86 dollars, plus 8,4 dol-
entre 1839 et 1851, les Britanniques en l’engagement militaire des États-Unis
en 1912-1916 ; 22,8 p. 100 en 1930- lars d’avantages sociaux, soit plus de
1843 ont essayé d’imposer leur auto- dans les affaires d’Extrême-Orient.
1940 ; 37,6 p. 100 en 1960-1964. 177 F au total). La culture de la canne
rité. Leur échec tient aux rivalités qui Enfin, le tourisme a stimulé l’économie
les opposent et surtout à la relative en créant de nouveaux emplois, mais La population est très inégalement à sucre tend peu à peu à se concentrer
a contribué à enlaidir le paysage et à répartie dans tout l’archipel. Une île, dans les îles autres qu’Oahu, envahie
proximité des États-Unis. Ceux-ci
sont appelés toujours plus à l’ouest par détruire le charme naturel des îles. Oahu, accapare 82,2 p. 100 du total par les lotissements et les complexes
du fait de la présence de la capitale, touristiques. Le sucre brut produit aux
leur « destinée manifeste ». Un projet Honolulu, la capitale, reflète cette
Honolulu*, ce qui lui confère une Hawaii est transporté en grande partie
d’annexion échoue avant la guerre de évolution générale. De 40 000 habi-
densité de 402 habitants au kilomètre dans la plus grosse raffinerie du monde,
Sécession. En 1875, un traité de réci- tants en 1900, elle est passée à près de
carré, alors que les autres îles restent installée à Crockett, dans la baie de San
procité limite la souveraineté d’Hawaii 320 000 habitants, tandis que, par son
peu peuplées : 61 601 habitants à Francisco, et propriété commune des
au profit des États-Unis ; il est renou- taux de criminalité, elle se situe au hui-
Hawaii (6 hab. au km2), 45 097 pour firmes sucrières hawaiiennes.
velé en 1887, malgré l’opposition des tième rang des cités américaines.
l’ensemble Maui - Molokai - Lanai
producteurs de sucre de la Louisiane. A. K. La culture de l’ananas a longtemps
(15 hab. au km2), 28 792 pour Kauai et
Mais, en 1890, un nouveau tarif doua- été le quasi-monopole de l’archipel.
Niihau (17 hab. au km2).
nier exclut des marchés de l’Union Elle occupe encore près de 26 000 ha,
La population
les sucres hawaiiens, au moment où Ce déséquilibre s’est fortement répartis dans les grandes plantations
Elle présente des caractères très ori- accentué depuis le début du siècle
la reine Liliuokalani (de 1891 à 1893) des îles de Lanai, Molokai, Maui et
ginaux. Après une diminution brutale puisque, en 1900 encore, Oahu ne re-
favorise une réaction antiaméricaine. Oahu. Les fruits obtenus sont essen-
du fait de l’effondrement du nombre présentait que 38 p. 100 de la popula-
À Hawaii, des planteurs américains se tiellement mis en conserve, et pour la
des indigènes (300 000 hab. lors de la tion totale de l’archipel.
divisent. Les plus riches ne veulent pas plus grande partie à Honolulu (valeur
découverte par Cook en 1778 et 56 897
d’une annexion par les États-Unis, qui totale des conserves : 125 millions de
en 1872), elle s’est accrue rapidement
supprimerait l’immigration d’ouvriers L’économie dollars).
depuis 1880 : 89 990 habitants en
japonais sous contrat. Les autres n’hé-
Cette concentration de la population Les autres cultures ne jouent qu’un
1890, 255 881 en 1920, 422 770 en
sitent pas ; à la suite du coup d’État rôle très secondaire, aussi bien le café
1940, 632 772 en 1960. Cet essor est dans l’île d’Oahu est le reflet des pro-
contre la reine, en 1893, ils font appel à
fondes transformations de l’écono- de Kona (île d’Hawaii) que les fleurs
dû à l’arrivée de quelque 400 000 im-
l’équipage d’un navire américain, ren- et les fruits tropicaux. La culture des
migrants venus de diverses régions du mie hawaiienne et de son expansion
versent la monarchie et demandent leur
spectaculaire. Les grandes plantations papayes et celle des noix de macada-
globe (principalement Chine, Japon,
rattachement à l’Union. mia a connu cependant ces dernières
Corée, Philippines. Açores, Porto de canne à sucre et d’ananas restent
Le président Cleveland n’en veut encore importantes, mais leur place années un essor remarquable. Quant à
Rico...) pour travailler dans les plan-
pas. Hawaii devient alors une répu- relative dans l’économie de l’archipel l’élevage bovin, presque entièrement
tations de canne à sucre et accessoi-
blique américanisée. En 1897, le pré- n’est plus dominante. Les surfaces orienté vers le marché local, il est
rement d’ananas. Nombre d’entre eux
sident McKinley, plus sensible à la consacrées aux productions végétales réparti dans des étables spécialisées
quittèrent Hawaii à l’expiration de leur
nouvelle vague d’impérialisme, se sont faibles : 131 500 ha, 8 p. 100 de à Oahu pour la production laitière et
contrat, mais il en resta un pourcentage
déclare favorable à l’annexion. Il passe la superficie de l’archipel, alors que de dans de vastes ranches à Molokai,
suffisant pour faire de l’archipel un
outre aux objections du Japon. D’ail- vastes secteurs (32 p. 100 des îles) sont Maui et surtout Hawaii pour les bêtes
exemple étonnant de société multira-
leurs, la guerre de Cuba ouvre de nou- voués à l’élevage, souvent bien exten- à viande.
ciale. Actuellement, même en tenant
velles perspectives : sur la route des sif, il est vrai. En dehors des produits agricoles,
compte des militaires, qui sont « cau-
Philippines et de la Chine, Hawaii est
casiens », c’est-à-dire de souche euro- La canne à sucre est de loin la l’industrie n’a guère de base pour
indispensable. Le Congrès approuve le se développer, ni de marché acces-
péenne à plus de 80 p. 100, le groupe plus importante ressource agricole.
6 juillet 1898. En 1900, Hawaii accède racial dominant reste celui des Japo- Au total, 24 plantations dans les îles sible, sauf le marché local. Aussi les
au statut de « territoire ». nais, qui représente 29,3 p. 100 de la d’Hawaii, de Maui, d’Oahu et de Kauai implantations se sont-elles limitées à
Mais il faudra attendre mars 1959 population totale, en ne considérant disposent d’environ 98 000 ha en pro- une raffinerie de pétrole (une autre en
pour que l’archipel devienne le 50e État que ceux de « race pure ». Les Blancs, duction entièrement irrigués, sauf sur construction), des usines de ciment
de l’Union. Pourtant, l’essor écono- venus essentiellement des États-Unis, la côte nord-ouest de l’île d’Hawaii. et de matériaux de construction, des
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ressources fondamentales de l’archi- chef d’un grand orchestre. Hawkins va de l’aboutissement que constitue sa
mettre son travail à l’épreuve des autres version exemplaire de Body and Soul
pel. Son essor correspond à l’amélio- Saxophoniste américain (Saint Joseph,
voix instrumentales. Encore marqué que les premiers indices de ce travail
Missouri, 1904 - New York 1969).
ration des transports aériens, qui ont
par les traditions néo-orléanaises (no- peuvent être relevés dans ses enregis-
supplanté les paquebots, encore uti- « Et il me plaît que le chef-d’oeuvre
tamment le jeu staccato des clarinet- trements de la fin des années 20. Autre
de Hawkins, qui se trouve être aussi
lisés pour des croisières. L’aéroport tistes) et, plus encore, par son souci innovation, également indissociable
l’une des sept ou huit merveilles du
d’Honolulu et celui, récent, d’Hilo de rivaliser en puissance avec trom- de cet esprit du blues toujours sous-
jazz, autorise à parler de l’âme un peu
(île d’Hawaii) ont accueilli, en 1970, pettes et trombones, le saxophoniste jacent : une façon inédite de jouer en
plus gravement que ne l’eussent per-
pratique d’abord un jeu rudimentaire, tempo lent.
1 595 000 visiteurs, presque tous amé- mis, sans lui, le titre et même la mélo-
véhément, voire brutal. Peu à peu, il
die de cette chanson sentimentale. Bien Alors que les « slows » (blues ou
ricains, qui, restant en moyenne 11 à
s’impose comme une des « vedettes »
loin d’ailleurs que le « and » de Body ballades), pour nombre de musiciens,
12 jours, ont dépensé... 594 millions de l’orchestre et, bientôt, comme l’un
and Soul suggère une distance ou une sont les pièges révélateurs de toutes
de dollars ! Waikiki demeure le coeur des musiciens les mieux payés. Les
opposition, il joue (à mon avis) un rôle mièvreries et déliquescences, Hawkins
de l’activité touristique avec près des premiers enregistrements auxquels il
très actif et profond de conjonction réunit en de tels contextes rythmiques-
deux tiers des 27 519 chambres exis- participe dans les années 20 le feront
vraiment copulative, et la musique de mélodiques diverses qualités (ampleur
considérer, un peu vite semble-t-il,
tant dans l’archipel en juin 1970 ; Hawkins en son meilleur point d’équi- du vibrato, puissance de la sonorité,
comme le « Louis Armstrong du saxo-
4 532 nouvelles chambres devaient libre, comme celle de ses pairs, énon- douceur du discours, celle-ci, para-
phone ». Du trompettiste, l’on retrouve
cera toujours le balancement intérieur doxalement, semblant être le produit
s’ajouter à ce total dans les derniers certes dans le jeu de Hawkins la puis-
de cette indissociable alliance ; elle dira des deux premières) qui sont, à défaut
mois de 1970... sance apparemment « naturelle », le
toujours, en recourant implicitement à d’un mot plus précis et moins dévalué,
volume sonore, le débit « facile » et
Enfin, la remarquable prospérité la copule fondamentale qu’est le verbe ce qu’il faut bien appeler le lyrisme
cette sorte d’expressionnisme qui n’est
hawaiienne (revenu par tête d’habi- être : « Body is soul », ou l’inverse hawkinsien.
en fait, chez les grands jazzmen, que la
tant : 4 502 dollars par an en 1970, soit si l’on préfère. » Jacques Réda ren-
trace au niveau instrumental du blues
plus que la moyenne des États-Unis,
dait ainsi hommage (dans Jazz Maga- L’homme de tous les jazz
vocal. Hawkins restera chez Henderson
zine, juill. 1969) au musicien que l’on
environ 4 000 dollars) doit beaucoup jusqu’en 1934, ce qui ne l’empêchera Les contradictions et les chocs qui
surnommait « Bean » (le Haricot) et
aux énormes dépenses réalisées par le pas — popularité oblige — d’enre- font l’histoire du jazz, Hawkins les
qui, aujourd’hui encore, est considéré
gistrer avec d’autres orchestres (les aura inscrits en son oeuvre. D’où cette
gouvernement fédéral pour ses bases comme l’« inventeur » du saxophone
McKinney’s Cotton Pickers et les constante dualité, cette opposition pro-
militaires (660 millions de dollars en ténor. Mais, avant d’atteindre, en 1939,
Mound City Blue Blowers à la fin des ductive : rigueur quasi schématique
1969) et pour ses organismes civils ce sommet que représente son enregis-
années 20), ces séances supplémen- de la construction et lyrisme irrépres-
trement de Body and Soul, Coleman
(325 millions de dollars). Les gouver- taires étant pour lui autant d’occasions sible de l’improvisation. À la fin des
Hawkins avait dû, pendant quelque
nements, fédéral et local, emploient de travailler de façon plus diverse et années 30, la popularité de Hawkins
dix ans, imposer son instrument et son
d’ailleurs, en plus des militaires, plus libre. Ce qu’il va développer avec dépasse les frontières américaines,
style au sein de grands orchestres aux
le plus de rigueur, c’est un sens de la traverse l’Océan. En 1935, il joue à
71 000 personnes ! C’est dire combien côtés des trompettes, qui, de La Nou-
construction alors inhabituel dans la Londres, La Haye, Paris ; il enregistre
les Hawaii participent aujourd’hui à la velle-Orléans à New York, régnaient
musique négro-américaine improvisée. avec Benny Carter, les Français Alix
civilisation américaine avec la prépon- alors sur le monde du jazz.
Alors qu’un Armstrong apparaît, à la Combelle, André Ekyan, Django Rein-
dérance écrasante du secteur tertiaire et même époque, comme un maître de la hardt. En 1939, retour aux États-Unis ;
Le ténor :
des activités urbaines. paraphrase thématique, Hawkins éli- Body and Soul, moment privilégié,
une voie déjà moderne mine peu à peu de son improvisation miracle d’équilibre entre les deux ten-
Par ses liaisons aériennes et ses liens
À cinq ans, il avait étudié le piano. À
économiques et culturels avec les pays
sept, le violoncelle. Il choisit le saxo-
bordiers, Hawaii affirme de plus en plus phone ténor en 1913. À l’inverse des
sa vocation de point de contact au coeur autres instruments à vent adoptés par
du monde du Pacifique. Cet élargisse- les musiciens noirs américains, ceux
ment des horizons caractérise aussi les qu’avait inventés le Belge Adolphe
Sax n’ont été utilisés que très rare-
grosses sociétés locales comme Dil-
ment par les compositeurs européens.
lingham, Castle and Cooke, AMFAC,
Considérés, semble-t-il, comme des
A. and B., qui développent rapidement curiosités de lutherie, les saxophones
leurs investissements en dehors de l’ar- avaient surtout ajouté leurs voix aux
chipel, sur le continent américain, aux fanfares et orchestres de cirque. Aussi
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
dances du flux hawkinsien et, pour les River, 1948), Allez coucher ailleurs l’action et où il est né et a vécu. Son sous le même toit le mari et l’amant,
musiciens de toutes générations, une (I was a Male War Bride, 1949), la père, officier de marine, meurt tôt. Il à l’affût l’un de l’autre, tandis que la
leçon qui n’a pas fini d’être méditée. Captive aux yeux clairs (The Big Sky, est élevé par une mère valétudinaire femme coupable, marquée de l’infa-
Indépendant, curieux, attentif à toutes 1952), Chérie je me sens rajeunir qui vit en recluse parmi les souvenirs mante lettre A pour « adultère », est
les musiques, Hawkins, après avoir (Monkey Business, 1952), Les hommes du passé, évoquant le procès des sor- frappée d’ostracisme et chassée de la
dirigé un grand orchestre et diverses préfèrent les blondes (Gentlemen pre- cières de Salem, qui maudirent, avant cité. L’honneur enferme les trois per-
petites formations, s’intéresse aux tra- fer Blondes, 1953), Rio Bravo (1958), de brûler vives, l’ancêtre des Haw- sonnages dans un huis clos et assume
vaux des jeunes boppers. Il joue avec Hatari (1962), El Dorado (1965), Rio thorne. Très tôt, le présent et le passé l’oppression puritaine. Hawthorne a
Howard McGhee, Dizzy Gillespie, Lobo (1970). se mêlent chez le jeune Hawthorne, traité son roman en conte médiéval,
Miles Davis, Fats Navarro, Thelonious écrasé par le souvenir de « cet aïeul comme une enluminure, où chaque
Le héros hawksien, qu’il soit pilote
Monk, Max Roach, Sonny Rollins... d’avion, coureur automobile, shérif, grave et barbu, au noir manteau et au objet, chaque geste, chaque couleur est
Jusqu’à sa mort, il continuera de pro- chapeau conique, qui vint aborder en symbolique. Pour certains critiques,
chasseur, détective ou militaire, est
mener son saxophone dans toutes les ces parages avec sa Bible et son épée ce roman est un apologue chrétien,
celui dont la compétence profession-
régions du monde et du jazz. Physique- nelle tient lieu de morale et presque et fit grande figure dans la guerre et la décrivant la rédemption de l’âme de la
ment ou par hommage interposé (celui, paix ». « Lui certes a droit de cité plus pécheresse par la souffrance. En fait,
de religion. Peu enclin à exposer par
par exemple, que lui rendent, dans les que moi en ces lieux. » c’est plutôt une oeuvre critique où le
l’intermédiaire de l’image ses propres
années 70, des musiciens de free jazz théories philosophiques ou ses ambi- péché est une rupture révolutionnaire
Obsédée de puritanisme, Salem vit
comme Archie Shepp), il aura été de qui dénonce l’oppression morale et
tions intellectuelles, Hawks est un encore à l’heure des commandements
toutes les batailles des musiciens noirs exige satisfaction pour l’être humain.
réalisateur « direct » qui sait s’effacer bibliques. Dans l’introduction à la
américains. derrière son scénario tout en condui- Moins qu’un roman de la rédemption,
Lettre écarlate, Hawthorne évoque
P. C. c’est plutôt la libération de la femme
sant son intrigue d’une poigne de fer. cette ville sans parure ni divertisse-
Prônant la noblesse de l’action — et que semblent incarner l’héroïne, Hester
ment, sans autre distraction que les cé-
ce jusqu’à la violence —, la grandeur Prynne, et sa fille Pearl, qui bénéficiera
rémonies religieuses et les processions.
de la révolte de sa mère : l’enfant du
de l’effort, le culte de l’amitié (cette S’il y dénonce la dictature puritaine
Hawks (Howard) fraternité qui ne s’exprime jamais d’autrefois, Hawthorne semble aussi
péché fera un riche mariage, quittera la
mieux qu’au milieu des dangers et des petite ville puritaine et vivra heureuse.
la regretter, comparant le glorieux fa-
Metteur en scène de cinéma américain épreuves, voire des rivalités), l’obsti- En 1851, The House of the Seven
natisme de jadis à l’ennui d’une ville
(Goshen, Indiana, 1896). nation de ceux qui se sont fixé un but Gables (la Maison aux sept pignons)
moribonde.
Après avoir été aviateur puis ins- et n’ont de cesse de l’atteindre, le ci- connaît aussi le succès. Mais rien ne
Génie isolé, terré, anxieux, Haw-
tructeur dans un camp texan pendant néaste n’en rejette pas pour autant le semble sortir Hawthorne de son apa-
thorne est un homme aussi reclus que
la Première Guerre mondiale, Howard sentimentalisme et surtout l’humour. thie. Nommé consul américain à Liver-
ses romans : « Quelquefois, écrit-il,
Hawks débute dans la profession ciné- Par la variété de ses dons, Hawks appa- pool, il voyage en Europe (1853-1857),
il me semble que je suis déjà dans la
matographique comme scénariste chez raît comme l’un des représentants les visite l’Italie, où il trouve l’inspiration
tombe, avec juste assez de vie pour
Jesse Lasky à la Paramount. Après un plus séduisants du cinéma américain. de The Marble Faun (le Faune de
avoir conscience du froid qui m’en-
court séjour à la MGM en 1924, il est J.-L. P. marbre, 1860). Il rentre aux États-Unis
gourdit. » Après ses études, il publie
engagé par William Fox l’année sui- P. Bogdanovitch, The Cinema of Howard en 1860 quand éclate la guerre civile.
Hawks (New York, 1962). / J. C. Missiaen,
anonymement un premier roman, Fans-
vante comme réalisateur (The Road to Son libéralisme lui fait pencher pour
Howard Hawks (Éd. universitaires, 1966). hawe (1828), puis quelques nouvelles
Glory). Son premier film important est le Nord, mais il avoue : « J’approuve
/ R. Wood, Howard Hawks (Londres, 1968). /
réunies dans Twice-Told Tales (Contes
Une fille dans chaque port (A Girl in J. A. Gili, Howard Hawks (Seghers, 1971). cette guerre, mais je ne comprends
racontés deux fois, 1837), qu’Edgar
Every Port, 1928), avec Louise Brooks pas très bien pourquoi on se bat. » Il
Poe admire. Il travaille comme em-
et Victor McLaglen. Il affronte dès écrit des essais sur l’Angleterre (Our
ployé aux douanes, à Boston, puis à
1930 des genres très différents (sujets Old Home, 1863) et meurt dans son
Salem. En 1841, il se joint à la com-
de guerre ; films d’aviation, films po- Hawthorne munauté de Brook Farm, devient l’ami
lit en 1864, sans se réveiller, comme
Sleep, 1946), la Rivière rouge (Red nisme, à Salem, où Hawthorne situe Hawthorne fait vivre pendant sept ans Haven, 1949 ; nouv. éd., Hamden, 1970). /
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Compositeur autrichien (Rohrau, pal de Leipzig avec Bach, ni odieux, contre à Vienne, en 1781 ou peu après, bruyantes. En juillet 1791, l’université
Basse-Autriche, 1732 - Vienne 1809). comme le prince-archevêque H. Col- de Wolfgang Amadeus Mozart, ce qui d’Oxford lui décerna le titre de doc-
loredo avec Mozart. Il ne fit qu’enfer- marqua le début d’une relation d’ami- teur honoris causa ; il fut reçu jusqu’au
mer Haydn dans une sorte de prison tié et d’estime réciproques exception- sein de la famille royale. Tous ces
La vie
dorée de moins en moins supportable. nelle entre créateurs de ce niveau ; événements, Haydn les nota de façon
Fils d’un charron de village, second de Longtemps, pour ce dernier, la vie se contacts noués (une abondante corres- pittoresque sur quatre carnets presque
douze enfants, Joseph Haydn naquit confondit avec l’histoire de ses oeuvres pondance nous permet de les suivre intégralement conservés. Sur le chemin
aux confins de l’Autriche et de la Hon- et avec l’accomplissement de multiples presque au jour le jour) avec des édi- du retour, on lui présenta à Bad Godes-
grie. À six ans, il alla habiter chez un tâches d’ordre artistique et administra- teurs comme Artaria (Vienne), Bland, berg le jeune Beethoven, qui le suivit à
oncle qui lui apprit quelques rudiments tif. Il se trouvait à la tête d’une troupe Forster et Longman & Broderip Vienne et auquel il donna en 1793 des
de son futur métier. Doué d’une belle de chanteurs et d’instrumentistes de (Londres), Sieber et Boyer (Paris). En leçons plus fructueuses qu’on voulut
voix de soprano, il fut admis en 1740 très grand talent certes, mais parfois 1785, Haydn avait atteint par la seule bien le dire. Certes, il négligea parfois
dans la maîtrise de la cathédrale Sankt turbulents. Pétitions, requêtes et cas diffusion de ses oeuvres une renommée ses exercices de contrepoint. Mais,
Stephan de Vienne, alors dirigée par litigieux étaient monnaie courante, européenne dont témoignent notam- dans une lettre au prince-archevêque de
Georg Reutter, et y resta jusque vers et Haydn servait toujours d’intermé- ment la commande par un chanoine de Cologne (23 nov. 1793), il parla de lui
1749, époque où, sa voix ayant mué, diaire entre l’intéressé et le prince (le Cadix des Sept Paroles du Christ, et comme d’ « un des futurs grands com-
il en fut congédié. Des années qui célèbre épisode de la symphonie des celle par les Concerts de la loge olym- positeurs européens ». Surtout, il le mit
suivirent, nous ignorons presque tout. Adieux [1772], dont d’ailleurs on ne pique de Paris des six symphonies dites au contact du génie créateur : il existe
Haydn subsista en donnant des leçons, sait au juste en quoi il consista, ne fut « parisiennes » (no 82-87 de 1785-86), de la main de Beethoven une copie des
en jouant du violon ou de l’orgue. Par qu’un cas parmi d’autres). Il y eut la puis bientôt de trois autres (no 90-92 de esquisses du final de la 99e symphonie,
l’intermédiaire du poète Métastase, rixe qui, en novembre 1771, opposa 1788-89. Il ne composait alors presque celle qu’en 1793 Haydn composait en
il devint vers 1755 élève-factotum dans une taverne d’Eisenstadt le plus rien pour Esterházy, et passait chez vue d’un nouveau voyage à Londres.
du compositeur italien Nicola Anto- contrebassiste Franz Xavier Marteau son patron le plus clair de son temps à Ce second séjour (janv. 1794 à août
nio Porpora (1686-1768) et étendit le au flûtiste Zacharias Pohl, et au cours préparer et à diriger des représentations 1795), au cours duquel il mit un terme à
cercle de ses relations. Pour l’essen- de laquelle celui-ci perdit un oeil ; ou d’opéras italiens : cent vingt-cinq de sa production symphonique avec les six
tiel, il se forma en autodidacte, grâce encore le scandale provoqué en 1776, dix-sept oeuvres différentes (dont huit dernières « londoniennes » (no 99-104),
au Gradus ad Parnassum de Fux et aux en pleine représentation d’un opéra nouvelles) pour la seule année 1786 ! valut à Haydn les mêmes honneurs et
sonates récentes de Carl Philipp Ema- de Karl Ditters von Dittersdorf (1739- Les séjours à Vienne se raréfiaient, la les mêmes avantages financiers que le
nuel Bach. En 1759, il entra au service 1799), par le ténor Benedetto Bianchi, solitude d’Esterháza devenait toujours précédent. À son retour définitif en Au-
du comte Morzin, de Bohême. Deux qui souleva trois fois avec sa canne la plus pesante. triche, il était unanimement considéré,
ans plus tard (1er mai 1761), il signait robe de sa partenaire. Haydn écrivit Dans les lettres qu’en 1789-90 il même dans son pays, comme le plus
avec le prince Paul Antoine Esterházy, chez les Esterházy, et avant 1783-84 adressa à son amie viennoise Marianne grand compositeur vivant. Il reprit du
le plus riche seigneur de Hongrie, un presque toujours pour eux, une soixan- von Genzinger, Haydn parle de son service chez les Esterházy, mais en ré-
contrat (souvent cité comme typique taine de symphonies, une quarantaine « désert », se plaint de n’avoir « aucune sidant neuf mois par an à Vienne, l’été
des conditions imposées au musicien de quatuors à cordes, des concertos, compagnie humaine » et de « toujours seulement à Eisenstadt. Jusque vers
d’ancien régime) le nommant vice- des divertimentos et sonates, de la devoir être esclave ». Le 28 septembre 1803, il fut une figure importante de la
maître de chapelle responsable de musique religieuse et des opéras, etc. 1790, la mort de Nicolas mit un terme société viennoise, et dirigea très sou-
toute la musique du prince à l’excep- Jusque vers 1775, nous ne savons pra- à cette situation. Son fils, le prince vent ses oeuvres en public ou en privé.
tion du domaine religieux, réservé en tiquement rien de sa vie privée et de Antoine, hérita de ses titres et biens, Beethoven participa fréquemment aux
principe au maître de chapelle Gregor ses relations avec l’extérieur. C’est à mais non de son goût pour la musique. mêmes concerts que lui. Le prince
Joseph Werner. Quand Werner mou- son insu que parurent à Paris, en 1764, Haydn, toujours maître de chapelle Nicolas II Esterházy ne lui demandant
rut (mars 1766), Haydn lui succéda les premières éditions de ses oeuvres. mais sans obligations précises, put qu’une messe par an (six furent écrites
officiellement. Paul Antoine Esterhazy En août 1768, sa maison d’Eisenstadt enfin accepter les offres de l’impré- de 1796 à 1802), il put composer ce
ayant disparu en mars 1762, c’est brûla. La même année, il envoya à l’ab- sario londonien Salomon : 300 livres qu’il voulait : concerto pour trom-
son frère Nicolas que Haydn servit baye de Zwettl, en Basse-Autriche, sa sterling pour un opéra, 300 pour six pette (1796), hymne autrichien (1797),
jusqu’en 1790 : d’abord à Eisenstadt, cantate Applausus accompagnée d’une nouvelles symphonies, 200 pour sa quatuors à cordes opus 76, 77 et 103
puis au château d’Esterháza, que le lettre en dix points, précieuse par les participation à vingt concerts compre- (dont le dernier inachevé). En outre,
prince se fit construire dans la plaine renseignements qu’elle contient sur nant chacun une première audition de il renouvela complètement le genre de
hongroise en prenant comme modèle les conditions d’exécution au XVIIIe s. lui, et 200 de garantie pour un concert à l’oratorio avec la Création (1798) et
Versailles. Cette résidence dépassa et sur la conception qu’avait Haydn de son bénéfice. Cela à condition de faire les Saisons (1801). Ces deux partitions
bientôt en splendeur tout ce qu’on pou- son rôle de chef d’orchestre. En mars le voyage de Londres. Le 15 décembre — la première surtout — retentirent à
vait imaginer. Pendant plus de vingt 1770, il dirigea à Vienne son opéra 1790, Haydn quitta son pays pour la l’échelle européenne ; à ce titre déjà,
ans, concerts, opéras, représentations Lo Speziale (l’Apothicaire). Les 2 et première fois. La veille, il avait fait elles appartiennent au XIXe s. En 1803,
théâtrales (Haydn put voir des pièces 4 avril 1775, son oratorio Il Ritorno ses adieux à Mozart, qui devait mourir année du dernier séjour à Eisenstadt,
de Shakespeare), fêtes (ainsi celles di Tobia était créé dans la capitale. Le pendant son absence. Il resta à Londres son mauvais état de santé interdit sou-
qui furent données en septembre 1773 théâtre impérial lui ayant commandé de janvier 1791 à juin 1792 et y écrivit, dain à Haydn toute activité créatrice :
pour l’impératrice Marie-Thérèse) et un opéra, il présenta en 1776 La Vera notamment, ses six premières sympho- cela malgré des idées nouvelles qui
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se pressaient, mais qu’il ne parvenait Joseph menait encore une vie incer- fan tutte. Il évolue, certes, moins que son dont l’image nous fut léguée par le
taine, il fut nommé maître de chapelle de frère et Mozart, mais on peut à son sujet
plus à mettre en ordre. Un autre grand XIXe s. Contrairement à Mozart, il se
l’archevêque de Grosswardein en Hon- prononcer le mot de génie. Plusieurs de
oratorio sur le Jugement dernier resta soucia peu des convenances et de la
grie (actuellement Oradea en Roumanie). ses oeuvres furent faussement attribuées
à l’état de projet. Sa maison de Gum- tradition. De son vivant, on lui repro-
Peu avant son départ, il copia de sa main à Joseph, et sa symphonie en sol de 1783
pendorf, dans un faubourg de Vienne, passa longtemps pour la (K. 444) de cha violemment d’avilir son art par son
(5 sept. 1757) la célèbre Missa canonica de 37e
se transforma en lieu de pèlerinage : Fux, témoignant par là de son goût pré- Mozart, qui n’en écrivit que l’introduction humour et ses traits plébéiens, bref (le
Haydn y vit ses biographes Dies et coce pour la musique d’église et le style lente. Michael Haydn nous laisse une cin- mot est d’Einstein) de travailler en bras
sévère. Il passa cinq ans à Grosswardein et quantaine de symphonies (la dernière est de chemise. Il fut le type du créateur
Griesinger, Constanze Mozart et son
y composa un bon nombre de partitions de juillet 1789), des musiques de scène
fils cadet, le poète A. W. Iffland (1759- original. De 1760 à la fin du siècle,
instrumentales et religieuses. En 1762, il comme celle pour Zaïre de Voltaire (1777),
1814), Carl Maria von Weber* et, l’histoire de la musique devint de plus
entra dans la chapelle de Sigismund von l’opéra Andromeda e Perseo (1787), de la
en mai 1808, toute la chapelle Este- musique de chambre dont des quintettes à en plus la sienne, et il finit, comme
Schrattenbach, prince-archevêque de
rházy (alors dirigée par J. N. Hum- cordes (1773) ; des choeurs d’hommes sans déjà Monteverdi, par l’orienter pour
Salzbourg, et accéda le 14 août 1763 aux
mel [1778-1837]), qui vint lui rendre postes de Hofmusiker et de Konzertmeis- accompagnement reconnus comme les cent cinquante ans. Il ne créa pas le
ter (premier violon). Il succéda à A. C. Adl- premiers du genre (à partir de 1788), une quatuor à cordes, encore moins la sym-
visite par petits groupes à l’occasion
quarantaine de messes (la Leopoldmesse
d’un concert à Vienne. Les honneurs gasser aux orgues de l’église de la Trinité phonie, mais leur donna leurs lettres de
(1777), à Mozart au poste d’organiste de la de décembre 1805 est sa dernière parti-
officiels lui vinrent de Hollande, de noblesse, les porta au plus haut niveau.
tion achevée) et de nombreux ouvrages
Cour et de la cathédrale (1781), à Leopold
Suède, de Russie, de France surtout. Il Le premier, il se servit génialement de
religieux allemands ou latins dans le style
Mozart à diverses fonctions enseignantes
parut pour la dernière fois en public le soit concertant, soit ancien a cappella. la forme sonate et en exploita, avec une
(1787). Il rendit deux visites à son frère, en
Son Requiem en ut mineur, terminé en liberté et des ressources inépuisables,
27 mars 1808, lors d’une audition de la septembre-octobre 1798 à Vienne, et en
1771 pour les funérailles de Sigismund toutes les virtualités dialectiques, tant
Création au cours de laquelle plusieurs septembre-octobre 1801 à Vienne (où il
von Schrattenbach, et dont Mozart vingt
fut reçu par l’impératrice) et à Eisenstadt. sur le plan du travail thématique que
musiciens dont Beethoven lui rendirent ans plus tard devait largement s’inspirer,
Le prince Esterházy lui offrit la succession des relations tonales. Comme Mozart,
hommage, et mourut dans sa maison de a acquis ces derniers temps une nouvelle
de Joseph vieillissant, mais il préféra ne
mais à partir de prémisses autres, et sans
Gumpendorf le 31 mai 1809, quelques pas quitter Salzbourg, où il mourut, trois
célébrité. De même pour plusieurs oeuvres
instrumentales (symphonie en ré mineur toujours cultiver les mêmes genres, il
jours après l’occupation de Vienne par ans avant Joseph, en laissant inachevé son
de 1784) ou vocales (Missa hispanica) édi- fit du discours musical l’expression
Napoléon. En 1820, ses restes furent second Requiem.
tées seulement depuis la Seconde Guerre d’une action (et non plus d’un simple
transférés à Eisenstadt, où depuis 1954 Michael Haydn, très méconnu, ne le cède mondiale.
sentiment) dramatique : un mouvement
seulement ils reposent à la Bergkirche en son temps qu’à son frère et à Mozart.
Il exista un troisième frère Haydn, Johann comme le premier de la symphonie
Cultivé, il s’intéressa aux classiques latins,
dans un mausolée érigé en 1932 par le Evangelist (1743-1805), qui passa une vie
aux sciences naturelles, à la météorologie. « Oxford » (no 92, 1789) condense en
prince Paul Esterházy. obscure comme ténor chez les Esterházy.
Il reste surtout célèbre comme composi- moins de dix minutes tout un opéra en
teur religieux, mais sa musique orchestrale trois actes. Des compositeurs de son
Johann Michael Haydn et de chambre est le plus souvent de toute
temps, Haydn fut celui dont la pen-
beauté, et (par-delà de stupéfiantes res- L’oeuvre
(Rohrau 1737 - Salzbourg 1806). sée, rapide et concentrée, procédant
semblances avec Mozart) très originale et
Haydn forme, avec ses cadets Mozart par ellipse et d’essence épique (d’où
Frère cadet de Joseph Haydn, Johann prenante dans sa synthèse d’intellectua-
Michael le rejoignit en 1745 à la maîtrise lisme et de sensualité. Il y a chez lui une et Beethoven (mais il survécut dix-huit ses triomphes dans le quatuor, la sym-
de la cathédrale Sankt Stephan de Vienne, certaine ivresse mélodique et sonore qui ans à Mozart), la trinité classique vien- phonie et l’oratorio), se rapproche le
qu’il quitta vers 1754. En 1757, alors que ne put que captiver le futur auteur de Cosi noise. Il n’a rien de ce vieillard timide plus d’un des aspects essentiels de la
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musique du XXe s. (celui qui est issu des II. DE 1761 À 1765 (premières années
premières mesures du quatuor op. 7 de chez les Esterházy) : Haydn expéri-
Schönberg telles qu’elles furent analy- mente avec fruit, surtout dans la sym-
sées par Alban Berg). Stravinski le vit phonie. Dès 1761, il réalise un coup
bien, qui estime qu’au XVIIIe s. « Haydn de maître avec les no 6 (le Matin), 7
fut le plus conscient du fait qu’être (le Midi) et 8 (le Soir), brillantes syn-
parfaitement symétrique signifie être thèses de baroque et de classicisme.
parfaitement mort ». Comme celle de Les suivantes vont dans des directions
Rameau, on ne pénètre la musique de fort diverses : finals fugués des 13e et
Haydn que par elle-même, sans argu- 40e (1763), mélodie de choral de la
ment extérieur. Sa carrière fut longue 22e (le Philosophe) [1764], parfum
(un demi-siècle), elle s’étendit de l’Art balkanique des 28e et 29e (1765), ins- seule dans cette tonalité au XVIIIe s., les été entendue à Paris, ni même à Vienne
truments solistes dans la 13e (1763), instruments pour finir s’en vont les uns sans doute. Mon malheur est de vivre
de la fugue à la Symphonie héroïque.
Haydn, en d’autres termes, vécut mu- la 24e (1764), la 36e et surtout la 31e après les autres. La 49e (la Passion) en à la campagne. » De l’influence de la
(Hornsignal) [1765]. La 12e (1763) est fa mineur (1768), la 44e (Funèbre) en scène bénéficièrent en 1781 les six
sicalement la fin de l’ère baroque, le
la dernière à ne pas avoir de menuet ; mi mineur, la 47e en sol (1772), la 51e quatuors op. 33 (les premiers depuis
classicisme et (alors que Beethoven sur
les quatre mouvements deviennent de en si bémol, la 54e en sol (1774), la 56e neuf ans) écrits « d’une manière tout à
ce point reprenait le flambeau) le début
règle. Pour faire briller ses musiciens, en ut et la 64e en la sont aussi parmi les fait nouvelle », ou encore la symphonie
d’un certain romantisme : celui qui al-
Haydn écrivit aussi à cette époque la plus grandes jamais écrites. Seule peut no 73 (la Chasse) ; en 1782, trois belles
lait mener à Schubert et à Weber ; cela
plupart de ses concertos. Il y eut aussi leur être comparée, à l’époque, la 29e symphonies conçues pour Londres
en conservant jusqu’au bout les traces
l’opera seria Acide (1762) et le premier (K. 201) de Mozart. (no 76-78), et dans une certaine mesure
des étapes parcourues. Les cuivres per-
Te Deum (1764). la monumentale Messe de Mariazell,
çants, la férocité rythmique, les bonds IV. DE 1775 À 1784 : ici s’étend une
une des rares partitions religieuses de
en avant et les irrégularités formelles III. DE 1766 À 1774 : surtout à par- période méconnue, parfois qualifiée de
l’époque avec Il Ritorno di Tobia et
de Haydn sont autant de traits (beau- tir de 1771, s’épanouit la période galante en raison du rôle nouveau joué
la Missa brevis sancti Joannis de Deo
coup plus rares chez Mozart) de son romantique (Sturm und Drang), riche par des mélodies souples et bien articu-
(vers 1775).
héritage baroque et préclassique. Son en chefs-d’oeuvre que d’aucuns esti- lées ou par la variation ornementale :
problème fut d’intégrer ces traits, sans ment n’avoir jamais été dépassés. Les mais ce furent autant de conditions V. DE 1785 À 1790 : c’est l’apogée
les sacrifier, dans un équilibre et une recherches concernent essentiellement nécessaires du style classique. Haydn, du style classique défini en tant que dé-
cohérence à grande échelle. Pour Mo- l’expression et la structure interne en outre, ne perdit jamais ses anciennes marche comme un équilibre longtemps
zart, ce fut en gros l’inverse. Tous deux des morceaux. La production hayd- habitudes ; la magistrale triple fugue refusé mais finalement accordé, comme
y parvinrent définitivement vers 1780. nienne s’approfondit et se diversifie. terminant la symphonie no 70 (v. 1779) une résolution harmonieuse de forces
Outre environ vingt-cinq symphonies provient tout droit de celles des qua- opposées. Mozart avec ses opéras et
L’évolution de Haydn se divise en
remarquables par leur richesse et leur tuors op. 20, avec en plus un sens ses concertos pour piano, Haydn avec
périodes. En deux par exemple, avec
variété, nous avons alors plusieurs inné du théâtre. De 1775 (L’Incontro les dix-neuf quatuors op. 42 (1785), 50
coupure en 1774-75 (fin du Sturm und
grandes sonates ; les dix-huit quatuors improvviso) à 1783 (Armida), Haydn (1787), 54-55 (1789) et 64 (1790) et les
Drang et transition vers le style clas-
à cordes op. 9 (v. 1769), op. 17 (1771) composa ses sept derniers opéras ita- onze symphonies (no 82-92) destinées
sique). Ou alors en sept.
et op. 20 (1772), dont trois se terminent liens pour Esterháza : autant d’étapes à Paris alignent les chefs-d’oeuvre. Ils
I. JUSQU’EN 1760 : Haydn reste profitent l’un de l’autre et se rendent
par une fugue ; les opéras La Canterina indispensables vers son style instru-
ancré dans une tradition autrichienne mental, puis vocal de haute maturité. hommage, mais leurs différences s’ac-
(1766), Lo Speziale (1768), Le Pesca-
et viennoise issue de Johann Joseph Ils lui apprirent à mettre sa liberté for- cusent. Haydn intègre de plus en plus
trici (1769-70) et surtout L’Infedeltà
Fux (1660-1741) et d’Antonio Caldara dans son langage des thèmes d’aspect
delusa (1773) ; le Stabat Mater (1767), melle et ses surprises en tous genres au
(1670-1736), et se distingue à peine service de la signification dramatique, populaire, mais, paradoxalement, ce
le troisième Salve Regina (1771) et
de ses prédécesseurs Georg Christoph quatre messes : la Missa solemnis in à concilier continuité et articulation, langage en devient plus maniable et sa-
Wagenseil ou Georg Reutter, de ses honorem B. V. M. (1766) composée équilibre d’ensemble et succession vant. Ses idées sont imprégnées d’une
contemporains Florian Leopold Gass- pour le sanctuaire de Mariazell et im- d’événements. Certes, ce genre est le énergie latente et chargées de conflits
mann (1729-1774) ou Leopold Hof- proprement dite Missa sanctae Cae- seul où Haydn ne se réalisa pas com- dont la résolution ne sera autre que
mann (1738-1793) [thèmes initiaux ciliae, la Grande Messe avec orgue plètement. Mais les sept partitions l’oeuvre elle-même, qui donc ne se dé-
d’intérêt plus rythmique que mélo- (1768-69), la Missa sancti Nicolai évoquées sont toutes antérieures aux vide plus comme au temps du baroque
dique]. Il écrivit alors de la musique (1772) et une perdue. Cela sans comp- Noces de Figaro (1786). Et La Vera et du préclassicisme mais se projette de
religieuse, dont deux messes brèves en ter (notamment) les cent vingt-six trios Costanza (1776) ou La Fedeltà pre- l’intérieur, avec comme moteur prin-
sol et en fa (1750-1753), des Diver- pour baryton à l’intention du prince miata (1780), en particulier leurs finals cipal son propre matériau (ex. 2). Par
timenti per il clavicembalo solo (so- Esterházy. La diversité de tendance de d’actes, sont certainement ce qui, dans là, Haydn révolutionna la musique. Les
nates), des concertos (son plus ancien la période précédente s’intègre en une la production du temps (et les opé- symphonies no 86 en ré, 88 en sol et 92
autographe daté ayant subsisté est celui unité supérieure, les dimensions exté- ras italiens étaient légion), se finales (Oxford) en sol, suivies de près par la
du concerto pour orgue de 1756), des rieures s’élargissent (symphonie no 42 d’actes, sont certainement ce qui, dans 85e (la Reine) en si bémol ou la 87e en
divertimentos pour combinaisons ins- de 1771), les progrès techniques sont la production du temps (et les opéras la, sont à cet égard des modèles insur-
trumentales diverses dont une série considérables. Haydn n’utilisa jamais italiens étaient légions), se rapproche passables, et il en va de même de tous
pour vents composée chez Morzin ; autant le mode mineur, mais toute sa le plus musicalement des Noces ou de les quatuors. De cette veine sont encore
en 1757, chez le baron von Fürnberg, musique témoigne alors d’un goût Don Giovanni. Dans le domaine de la sonate (no 59) en mi bémol dédiée
à cordes op. 1 et 2 (l’op. 3 n’est pas de rôle de précurseur. Mais il n’avait pas année pour le roi de Naples.
dinaires mouvements lents), les effets
lui) ; et une quinzaine de symphonies, étranges. Dans la 46e symphonie en si tort en écrivant à Artaria en mai 1781, VI. DE 1791 À 1795 : sous le signe
courtes et pour la plupart en trois mou- majeur (1772), le menuet revient au à propos de L’Isola disabitata (1779) et des deux voyages à Londres, Haydn
vements sans menuet (la 37e de l’édi- milieu du final (ex. 1) ; dans la 45e (les de La Fedeltà premiata : « Je vous as- intègre soudain aux certitudes et à la
tion complète existait en 1758). Adieux) en fa dièse mineur (1772), la sure qu’aucune musique semblable n’a sérénité grave de 1789-90 des excentri-
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(dont aucun da capo) dans les orato- d’employés, elle ne limite pourtant pas
rios. Sans cesse, solistes vocaux se son rôle aux activités administratives,
mêlent ou s’opposent à la masse cho- occupant une place de choix dans la
rale, un peu à la manière d’un concerto vie économique néerlandaise par ses
grosso baroque, mais à des fins drama- fonctions de direction et d’organisation
tiques saisissantes. Ce sont des chefs- et secondairement par un certain déve-
d’oeuvre d’architecture, non de lâches loppement industriel récent. Les nom-
successions d’épisodes. Leur vitalité breux organismes internationaux qui
ne nuit en rien à leur portée spirituelle : y ont leur siège font que son influence
on pense souvent à Bach plus qu’à dépasse largement les frontières des
Händel. Si les Saisons, suite de quatre Pays-Bas.
cantates hautes en couleur, évoquent Agglomération encore peu peuplée
Weber et le Wagner du Vaisseau fan-
au XVIe s., elle devance Delft, Leyde,
tôme, c’est bien Tristan qu’annonce le Haarlem et Utrecht au cours des XVIIe
prélude de la Création, page antholo- et XVIIIe s. pour figurer au recensement
cités et une veine expérimentale dignes de la 104e (Londres), confirment à quel gique s’il en fut. Performance d’autant
de 1795 comme la troisième ville des
de sa jeunesse. Des procédés abandon- point confondent structure interne et plus vertigineuse qu’elle émane d’un Pays-Bas, avec une quarantaine de mil-
nés depuis longtemps réapparaissent simples dimensions extérieures ceux maître confondu, en ses débuts, avec
liers d’habitants. Conséquence du dé-
transfigurés, comme l’utilisation qui répètent que, de Beethoven, la d’obscurs compositeurs autrichiens du
veloppement économique néerlandais
d’instruments solistes (Haydn écrivit plus haydnienne des symphonies est milieu du XVIIIe s., et que cette repré- et de la mise en place de l’administra-
à Londres sa seule symphonie concer- la première (1800). La descendance sentation du chaos originel s’inscrit
tion d’un État moderne, la croissance
tante) dans un orchestre au demeurant des « londoniennes », il faut la cher- avec cohérence, par-delà son côté vi-
démographique s’accélère après 1860
flamboyant, toujours avec trompettes cher dans l’Héroïque (1804), troisième sionnaire, dans la pensée musicale de
(la population quadruple de 1850 à
et timbales et annonçant parfois Bruc- symphonie du maître de Bonn. Haydn.
1913) pour se ralentir à partir du début
kner. Nouvelle période d’aventures ex- VII. DE 1796 À 1803 (année où il M. V.
du XXe s. sous l’effet de la suburbani-
pressives et techniques donc, d’autant dut poser la plume) : Haydn se sur- C. F. Pohl et H. Botstiber, Joseph Haydn
sation. Celle-ci s’accentuant, le bilan
(Berlin, 1875-1882, et Leipzig, 1927 ; 3 vol. ;
qu’une fois de plus la production hayd- passe dans le quatuor à cordes et la
rééd., Wiesbaden, 1970-71). / H. Jancik, Mi- migratoire devient négatif dans les an-
nienne se diversifie. Nous avons alors, musique chorale. Les neuf quatuors chael Haydn (Vienne, 1952). / H. C. R. Landon, nées 1950, annulant peu à peu un croît
outre les douze symphonies « londo- op. 76 (1797-1799), 77 (1799) et 103 The Symphonies of Joseph Haydn (Londres,
annuel assez faible et amenant depuis
niennes » (no 93-98 et no 99-104) et la (1803) innovent encore par rapport aux 1955) ; The Collected Correspondence and
London Notebooks of Joseph Haydn (Londres,
une dizaine d’années une diminution
concertante (1792), les quatuors op. 71 ultimes symphonies : finals en mineur 1959). / K. Geiringer, Joseph Haydn. Der schöp- de la population communale. Mais le
et 74 (1793), les trois dernières sonates dans des oeuvres en majeur (op. 76 ferische Werdegang eines Meisters der Klas-
nombre des emplois continuant d’aug-
pour piano (1794), d’admirables et sik (Mayence, 1959) ; Haydn. A Creative Life
no 1 et 3) ; remplacement du menuet menter, ce phénomène ne fait que tra-
in Music (Berkeley, 1963 ; nouv. éd., 1968). /
prophétiques trios piano-violon-vio- par de véritables scherzos (op. 76 no 1, M. Vignal, Franz-Joseph Haydn (Seghers, duire l’extension de la banlieue, avec
loncelle, les danses pour la Redoute de op. 77 no 1 et 2) ; intensité expressive 1964). / D. Bartha, Haydn. Briefe und Aufzeich- une première couronne déjà fortement
Vienne (1792) et beaucoup de musique des célèbres variations de l’op. 76 no 3 nungen (Kassel, 1965). / R. Hughes, Haydn
urbanisée (Rijswijk, Voorburg, Was-
(Londres, 1971). / C. Rosen, The Classical Style.
vocale : l’opera seria Orfeo ed Euri- (l’Empereur), du largo de l’op. 76
Haydn, Mozart, Beethoven (Londres, 1971). senaar) et de nouveaux quartiers où
dice (1791), où le choeur joue un grand no 5 ; hardiesses tonales, harmoniques, On peut également consulter le Haydn-Jahr- l’habitat collectif est plus fréquent, en
rôle, le choeur l’Orage (1792), des airs polyphoniques et rythmiques inouïes buch (Haydn-Yearbook [Vienne, 1962 et suiv. ;
direction du nord-est et du sud-est sur-
8 vol. parus] et les Haydn Studien (Duisburg et
de concert dont la Scena di Berenice de l’op. 76 no 6, à la fois musique ex-
Munich, 1967 et suiv. ; 8 vol. parus).
tout (au sud-ouest, on souhaite préser-
(1795), aux modulations spectacu- périmentale et chef-d’oeuvre méconnu ver autant que possible les terres horti-
laires (ex. 3), et une série de canzonets entre tous, ou de l’op. 77 no 2, qui défie coles du Westland).
anglaises frayant la voie aux lieder de les critères habituels d’analyse en trai-
Schubert. Faste, virtuosité et profon- tant un matériau du XVIIIe s. à la façon
deur caractérisent l’ensemble. Toutes
Haye (La) L’histoire de la ville
du XXe. La version oratorio des Sept
les symphonies « londoniennes » Paroles du Christ (1796), le second Jusqu’au XIIIe s., La Haye était le nom d’un
En néerl. ’S-GRAVENHAGE ou DEN HAAG, rendez-vous de chasse des comtes de Hol-
sont des chefs-d’oeuvre, mais les plus Te Deum (1799-1800), la Missa in
v. des Pays-Bas, capit. de la province de lande situé au milieu des bois. L’empereur
connues comme la 94e (la Surprise) ou tempore belli (1796), la Heiligmesse
Hollande-Méridionale ; 550 000 hab. germanique Guillaume II de Hollande y
la 100e (Militaire) sont encore surpas- (1796-97), la Nelsonmesse (1798), la
(700 000 pour l’agglomération). bâtit un château en 1248. Un siècle plus
sées par la 98e (1792), la 99e (1793) et Theresienmesse (1799), la Messe de la tard, le comte Albert de Bavière décida
surtout par les trois dernières, créées Création (1801) et la Harmoniemesse que la Cour de justice de Hollande et de
en 1795 : la 102e en si bémol, la 103e (1802), surtout la Création (1798) et La situation Zélande y siégerait. Une ville s’éleva autour
(les Timbales) en mi bémol et la 104e les Saisons (1801) offrent sur le plan du château et conserva l’ancien nom de
La Haye constitue un des phénomènes
La Haye.
(Londres) en ré. Les solutions for- vocal le pendant haydnien des grands les plus curieux de l’histoire et de la
melles diffèrent toujours et atteignent opéras de Mozart. Les six grandes Après l’indépendance des Provinces-
géographie urbaines européennes :
Unies (1579), le prince Maurice de Nassau,
souvent le développement perpétuel. messes et les deux oratorios se dressent seule agglomération importante des
fils de Guillaume le Taciturne, qui lutta
Les plus audacieuses, celles des finals solitaires en leur temps. Le sympho- Provinces-Unies à ne pas posséder le victorieusement contre les Espagnols, y
des 101e (l’Horloge) ou 103e (les Tim- niste s’y manifeste par l’importance de statut urbain, elle est devenue le siège transféra en 1618 le gouvernement avant
bales), des premiers mouvements des l’orchestre et l’absence de stéréotypes. du gouvernement néerlandais sans être d’y mourir en 1625. Depuis lors, la ville
96e (le Miracle) ou 102e, de l’andante Pas d’arias dans les messes, et très peu pour autant la capitale officielle des devint la résidence des stathouders ; mais
bien avant, dès le XVIe s., les états généraux
Pays-Bas ; riche en espaces verts, elle
avaient pris l’habitude de se réunir dans
comprend de vastes quartiers résiden-
l’ancien palais des comtes de Hollande, le
tiels aux maisons de un ou deux étages
« Binnenhof ». Le 30 janvier 1648, la paix
et offre des conditions de vie qu’on ne qui reconnaissait définitivement l’indé-
s’attendrait guère à trouver dans une pendance des Provinces-Unies y fut signée
5267
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
En 1672, La Haye fut le théâtre du tra- tionnaires (20 p. 100 des effectifs siècles, de même que l’hôtel de ville, élevé
Scheveningen
gique assassinat des frères de Witt. entre 1554 et 1556, puis agrandi au XVIIIe s.
néerlandais) se répartissent entre les
Scheveningen fait partie de la com-
et au début du XIXe s. Par contre, la Grote
Après la conquête, en 1795, des Pro- ministères, la direction des Postes et mune de La Haye, l’ensemble formant
Kerk (Grande Église), ou église Saint-
vinces-Unies par la France, Napoléon, en
le centre de chèques postaux (plus de aujourd’hui une agglomération continue Jacques, a conservé son style gothique
1806, en fit le royaume de Hollande pour
alors qu’à l’origine les deux noyaux étaient
15 000 salariés), le bureau de statis- du XIVe s. malgré les incendies du XVIe et
son frère Louis, qui transféra sa capi-
séparés par le cordon dunaire. À un endroit
tiques, le service du plan, la recherche du début du XVIIIe s. L’ancien palais royal
tale à Amsterdam. Mais de 1815 à 1830,
où celui-ci est moins élevé s’était établi
à l’époque de l’union avec la Belgique construit en 1533, qui fut la demeure de la
scientifique... D’autres cadres et em- un village de pêcheurs qui eut beaucoup
veuve de Guillaume le Taciturne, date dans
actuelle, La Haye redevint, en alternance ployés peuplent les bureaux d’une à souffrir des assauts de la mer jusqu’à la
sa forme actuelle de 1640 ; il n’a pas gardé
avec Bruxelles, le siège des états généraux.
gamme très étendue d’organismes, construction de fortes digues à la fin du
l’unité de style de la Huis ten Bosch (la Mai-
Aux XIXe et XXe s., de nombreux congrès siècle dernier. À cette époque, au nord
d’institutions et d’associations qui son du Bois), construite en 1647. Les prin-
s’y réunirent (conférences de la Paix en et un peu à l’écart du port de pêche, se
ont recherché dans leur localisation la cipales peintures décoratives de cet édifice
1899 et 1907 ; conférences de La Haye développe peu à peu le long du rivage un
furent confiées à Jordaens*. Gerard Van
en 1929 et 1930). Au cours de la Seconde proximité de l’administration publique. second quartier qui deviendra rapidement
Honthorst (1590-1656), Jan Lievens (1607-
Guerre mondiale, La Haye fut ravagée la station balnéaire la plus recherchée des
La Haye détient moins de sièges 1674), Christiaen Van Couwenbergh (1604-
par les Allemands lors de l’édification du Pays-Bas.
sociaux de grandes entreprises indus- 1667) rivalisèrent avec le maître anversois.
mur de l’Atlantique, et par les Alliés, qui la
Encore aujourd’hui, il existe peu de Plus tard, Guillaume II et Guillaume III
bombardèrent durant l’hiver 1944-45 afin trielles qu’Amsterdam et Rotterdam,
liens entre les deux principales activi- appelèrent maints artistes des Pays-Bas
d’atteindre les rampes de lancement des mais tout ce qui compte aux Pays-Bas tés de Scheveningen : le contraste est et créèrent les précieuses collections de
« V1 » et « V2 » qui y étaient installées. dans le domaine économique et social frappant entre les modestes maisons de tableaux malheureusement dispersées au
P. R. y possède au moins des bureaux ou une brique des pêcheurs, serrées près du port, XVIIIe s.
et la majesté un peu vieillotte des « mo-
agence, sinon sa direction nationale :
numents balnéaires » 1900 donnant sur LES PEINTRES DE LA HAYE
KLM, sociétés pétrolières, compagnies
la promenade du bord de mer, où, pen- AU XVIIE SIÈCLE
Les fonctions d’assurances, syndicats patronaux et dant la courte saison estivale et certains
L’activité du foyer culturel de La Haye
Avec moins du tiers des emplois, l’in- ouvriers. Touring Club et Croix-Rouge week-ends, grouille une foule bigarrée de
était intense, et son actualité était vive en
dustrie est beaucoup plus faiblement néerlandaise... Sur le plan internatio- touristes, parmi lesquels beaucoup d’Alle-
Hollande. Jan Anthonisz. Van Ravesteyn
mands, venus d’une traite de Rhénanie par
représentée qu’à Amsterdam et à Rot- nal, il faut mentionner les ambassades, (v. 1570-1657) fut le premier des peintres
l’autoroute. D’un côté comme de l’autre,
terdam ; il s’agit en majeure partie d’in- la Cour internationale de justice, attitrés de la cour des princes d’Orange,
la modernisation de l’infrastructure est à
dustries légères de grande ville, avec entre 1610 et 1630. Formé par Michiel
l’Académie de droit international et l’ordre du jour.
Jansz. Van Mierevelt (1567-1641), Van
des établissements de taille petite ou les nombreux congrès qui se tiennent Le port de pêche, le second des Pays-
Ravesteyn est cofondateur de la nou-
moyenne (mobilier, confection, bras- dans la cité. Tout cela, joint à la répu- Bas (après IJmuiden), s’est doté d’une halle
velle confrérie des peintres de La Haye en
serie et autres industries alimentaires, moderne et d’installations de traitement et
tation culturelle de La Haye (musée de 1656. Adriaen Hanneman (v. 1601-1671),
imprimerie et édition), mais aussi de conservation du poisson ; d’autre part,
Mauritshuis) et à la présence de Sche- le gendre de Van Ravesteyn, connut à
les travaux qui s’achèvent actuellement en
d’implantations plus importantes, en Londres l’art de Van Dyck*. Il rentra à La
veningen, apporte à la ville un afflux amélioreront sensiblement l’accès. Toute-
général postérieures à 1945, telles que Haye vers 1637 et travailla pour la prin-
considérable de visiteurs néerlandais fois, le hareng, qui domine très nettement
l’électronique (Philips), la métallurgie cesse Marie d’Orange ainsi que pour les
et étrangers, qui y disposent de res- parmi les prises, est un poisson bon mar-
états de Hollande. Bartholomeus Van der
de transformation, le caoutchouc. Les ché dont l’écoulement offre peu de possi-
sources hôtelières considérables (plus Helst (1613-1670) devint le peintre offi-
usines se localisent surtout au sud de la bilités d’extension.
de 20 000 lits). ciel de la maison d’Orange. Gerard Van
ville, en liaison avec les voies ferrées Quant à la station balnéaire, elle avait à Honthorst, peintre éclectique par excel-
et les canaux. La localisation de ces fonctions ne faire face à un changement de clientèle : lence, fut admiré à La Haye pour ses com-
correspond guère au schéma classique le passage du « tourisme de classe » au positions décoratives s’inspirant tant de
Le secteur tertiaire joue un rôle capi-
« tourisme de masse » ; les estivants aisés
tal à La Haye. Le centre-ville, où voi- du « centre des affaires » des grandes Rubens* que des Carrache*. Il exécuta des
choisissent maintenant d’autres lieux, et, portraits et de grandes peintures pour les
sinent les petites rues commerçantes métropoles ; si une partie importante
si Scheveningen mérite de moins en moins palais princiers de Ryswick, de Honselers-
et les avenues bordées des immeubles de l’administration gouvernementale sa renommée de plage « chic », elle reste dijk et de Huis ten Bosch.
des grands magasins, regroupe l’essen- et des ambassades se sont établies une station chère, concurrencée par les
Bartholomeus Van Bassen (v. 1590-
tiel des activités de desserte locale et dans l’est de la vieille ville, souvent nouvelles implantations balnéaires de
1652), peintre d’architecture, doyen de la
Zélande et des îles frisonnes notamment.
régionale : un équipement commercial dans des bâtiments historiques, les gilde de La Haye en 1627, dirigeait en 1639
Ici, la conversion est difficile et, depuis
très complet, les banques, les cinémas autres organismes se dispersent dans la restauration de l’hôtel de ville. Il eut
quelques années, le nombre d’estivants a
et les théâtres... La qualité de ces ser- toute l’agglomération, où il n’est pas tendance à stagner, voire à décroître.
pour élève Gerard Houckgeest (v. 1600-
1661). Parallèlement au grand mécénat
vices s’explique plus par l’importance rare de trouver un grand immeuble de
princier, la bourgeoisie protégea nombre
de l’agglomération et le niveau de vie construction récente à côté de lotisse- J.-C. B.
de peintres importants : Hercules Seghers
moyen élevé de sa population que par F Randstad Holland.
ments résidentiels ; les destructions de (v. 1590 - v. 1640) travailla à La Haye ainsi
l’influence régionale de La Haye, dont la Seconde Guerre mondiale ont tou- que Jan Van Goyen*, Abraham Hendricksz.
l’aire, limitée au sud par la présence Van Beyeren (1620 ou 1621-1690), Paulus
tefois permis l’apparition, au sud du
de Rotterdam, ne s’étend guère que La Haye, centre d’art Potter (1625-1654) et Pieter de Hoogh*.
« Bois », d’un quartier de bureaux dont
dans un rayon de 15 à 20 km au nord- Cité aristocratique depuis le XIIIe s., la ville Après cette période de protection prin-
l’édification n’est pas encore achevée.
prit un lustre tout particulier lors de l’ins- cière de Maurice de Nassau, de Frédéric-
est et à l’est de la ville. Encore faut-il
Ville bourgeoise, très paisible le tallation du prince Maurice de Nassau, Henri, son successeur, puis de son épouse
signaler que, si La Haye est le second
second stathouder. Il fit construire, non Amalia Van Solms, La Haye conserve
foyer culturel des Pays-Bas (musique, soir après la brusque animation de la
loin du Vijver, son palais, élevé en 1637 encore une grande activité picturale. Pie-
danse, théâtre, peinture et sculpture, sortie des bureaux, La Haye ne donne
par Pieter Post (1608-1669) sur les plans ter Nason (1612-1688/1691) reste le chef
Bibliothèque royale, écoles supé- pas l’impression d’une cité laborieuse de Jacob Van Campen (1595-1657). Cette de l’ancienne gilde de La Haye jusqu’en
rieures spécialisées), elle ne possède comme Rotterdam ou débordante demeure, de style renaissance hollandaise, 1657. Caspar Netscher (1635 ou 1636-
pas d’université. de vie comme Amsterdam. Mais son renferme le musée royal des peintures, 1684) fut un agréable peintre d’histoire.
population active. Plus de 40 000 fonc- ristique du Randstad Holland. formations et restaurations au cours des réputation artistique de La Haye au XVIIIe s.
5268
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
L’ÉCOLE DE LA HAYE AU XIXE SIÈCLE graphy (Londres, 1972). / A. Roth, Heath and
dans le parti conservateur britannique. un tournant important s’est produit
the Heathmen (Londres, 1972).
Vers les années 1870-71, de jeunes L’homme est d’origine modeste : son dans l’évolution du pays à un triple
peintres se regroupèrent à La Haye, dans père était un petit entrepreneur dans point de vue. D’abord, c’est la pre-
le dessein de renouer avec la tradition hol- une station balnéaire du Kent ; lui-
mière fois qu’à la tête du parti conser-
landaise, dont les derniers vestiges avaient même fit ses études à l’école secon-
disparu à l’époque néo-classique. Parmi
daire locale et n’accéda à l’université
vateur est porté un représentant de la Hébert (Jacques)
ceux-ci Johannes Bosboom (1817-1891), petite bourgeoisie. Le contraste est
d’Oxford que grâce à une bourse.
romantique à ses débuts et fortement
saisissant avec tous les prédécesseurs, Révolutionnaire français (Alençon
influencé par Rembrandt* et Emmanuel Mobilisé en 1939 dans l’artillerie,
issus soit des grandes familles aristo- 1757 - Paris 1794).
de Witte (v. 1617-1692), créa des intéri- Heath se distingue dans la campagne
eurs d’église hauts en couleur et en effets cratiques (Douglas-Home, Churchill), En 1790, le Père Duchesne paraît
de France et d’Allemagne. À la fin
de lumière. À ce premier réveil artistique
des hostilités, il est lieutenant-colonel, soit de la haute bourgeoisie d’affaires pour la première fois ; très vite, il va
participa Andreas Schelfhout (1787-1870),
après avoir été cité et décoré. Il entre (Macmillan, N. Chamberlain*), soit devenir un des journaux les plus lus
paysagiste romantique connu pour ses
alors dans l’administration au minis- des notables de province (A. Eden*, parmi les masses populaires. Il sera, en
scènes hivernales, qui fut le maître de Jon-
gkind*. Jacob Maris (1837-1899) peut être tère de l’Aviation, puis travaille dans 1793, après la mort de Marat*, le prin-
S. Baldwin). Symbole d’un glissement
considéré comme le chef de l’école de La une banque d’affaires. En même temps, cipal organe de la presse révolution-
social, sinon d’une démocratisation
Haye. Nettement marqué par le réalisme naire. S’il atteint cette notoriété, c’est
il est choisi comme candidat conserva-
de Daumier* et de Courbet*, il s’oriente du pays, Heath le plébéien succède au
teur dans une circonscription de la ban- qu’il exprime le mieux les aspirations
ensuite vers l’impressionnisme contempo- patricien Douglas-Home. Il incarne
lieue londonienne : Bexley. Il est élu des sans-culottes.
rain. Ses frères Matthijs Maris (1839-1917),
un nouveau type de chef conservateur
élève de l’académie de La Haye, et Willem député aux élections de 1950 (et sera La feuille doit cette qualité à
constamment réélu à Bexley depuis). à l’image des classes moyennes. En
Maris (1844-1910) évoluent également du l’unique rédacteur : Hébert. Ce publi-
romantisme vers le réalisme ; Hendrik Jo- second lieu, dans sa politique écono- ciste, bientôt doublé d’un homme
Le parti conservateur est alors à
hannes Weissenbruch (1824-1903), élève
mique et sociale, Heath, qui croit aux politique, sort des milieux qui firent la
la recherche d’éléments dynamiques
de Schelfhout, unit la tradition nationale
capables de lui insuffler un sang neuf. vertus de l’économie de marché, de la Révolution française. Par sa famille, il
du paysagisme de Van Goyen à Ruysdael* à
l’influence de l’école de Barbizon*. Hendrik Le jeune parlementaire, remarqué pour libre entreprise et de la concurrence, touche à la moyenne bourgeoisie, qui
Willem Mesdag (1831-1915) se fixe à La son intelligence, son sérieux, sa pugna- fournira la plupart de ses cadres à la
a voulu relancer la production, res-
Haye en 1869. Peintre de marines, il appar- sans-culotterie. Une obscure affaire
cité, s’élève vite dans la hiérarchie. treindre la protection et les subven-
tient aussi à ce groupe réaliste. Il fit don l’ayant contraint à s’éloigner d’Alen-
Dès 1951, il fait partie du ministère
en 1903 à l’État néerlandais de ses riches tions de l’État, éliminer les pratiques
Churchill* comme lord commissioner çon, il partage à partir de 1780 la vie
collections d’art français et hollandais restrictives des syndicats. En remettant
du Trésor. De 1955 à 1959, Heath est des humbles, c’est-à-dire de ceux qui,
contemporain, créant ainsi le musée Mes-
ainsi en cause le Welfare State (l’État- à Paris, seront en l’an II les militants
dag à La Haye. Anton Mauve (1838-1888) chargé d’un poste clef dans l’appareil :
travailla à La Haye et à Laren, où il fonda Providence) bâti par les travaillistes de des sections.
devenu whip, il a à faire régner la dis-
une école. Vincent Van Gogh*, son cou- 1945 à 1950 et soigneusement gardé
cipline dans le parti aux Communes De 1790 à 1793, l’importance de
sin, suivit ses leçons à La Haye en 1882 et
(en fait, c’est le responsable du groupe par les gouvernements conservateurs son action politique comme une partie
1883. C’est Mauve qui lui révéla sans doute
parlementaire conservateur). En 1959, de 1951 à 1964, il s’est acquis une ré- de son existence nous échappent. Les
l’art de Millet*. Van Gogh étudia aussi les
oeuvres de Jozef Israëls (1824-1911), dont Harold Macmillan* le prend comme putation de néo-conservateur de com- sources qui permettraient de combler
le fils, Isaäc Israëls (1865-1934), fera égale- ministre du Travail, puis en 1960 il lui cette lacune biographique ont disparu
bat auprès d’une partie de l’opinion.
ment partie de l’école de La Haye. George confie les délicates fonctions, comme dans les incendies de 1871. Modéré en
Enfin, en politique extérieure, grâce à
Hendrik Breitner (1857-1923) fut l’ami de
lord du sceau privé, de négociateur 1790, il abandonne l’année suivante le
Van Gogh lors de leurs débuts. Jongkind un rapprochement spectaculaire entre
avec les institutions européennes. parti de ceux qui veulent un impossible
et Van Gogh connurent ainsi d’emblée la France et la Grande-Bretagne, Heath
Heath, Européen convaincu, négo- compromis avec l’aristocratie ; il re-
l’avant-garde de l’art français grâce au mi-
a pu faire aboutir ses projets euro- joint aux Cordeliers ceux qui cherchent
lieu artistique de La Haye. Willem de Zwart cie à Bruxelles la première tentative
(1862-1931), tout comme Breitner son ami, péens. Les négociations ouvertes pour à radicaliser la Révolution bourgeoise.
d’entrée de la Grande-Bretagne dans
suivit les recherches expressionnistes. l’entrée de l’Angleterre dans le Marché Ni terne ni brillante, son action lui vau-
le Marché commun, mais il se heurte
Jan Toorop (1858-1928) s’oriente vers un
au veto du général de Gaulle (1963). commun au cours de l’année 1971 ont dra d’occuper le poste de substitut du
symbolisme voisin de celui de Gustave Mo-
débouché sur un accord, approuvé par procureur de la Commune de Paris.
reau*, tandis que Willem Adriaan Van Koni- Après la défaite électorale de 1964, il
jnenburg (1868-1943) évolue dans un sens succède à Alexander F. Douglas-Home le Parlement à l’automne, et abouti à C’est à l’époque de la Convention
plus décoratif. Ainsi, l’école de La Haye, au comme chef du parti conservateur ; il que son action va pleinement se déve-
la signature en janvier 1972 du traité
XIXe s. et à l’aube du XXe, tend à réconcilier est donc pendant six ans leader de l’op- lopper. Jusqu’en août 1793, il soutient
d’adhésion à la Communauté écono-
son grand passé culturel avec les nouvelles
position. Il lui faut s’imposer aux mili- les efforts des Montagnards. Engagés
voies de l’art moderne. mique européenne : couronnement de
tants et aux cadres de son parti ainsi dans une lutte contre les Girondins,
P. H. P. dix ans d’efforts, l’Angleterre est dé-
qu’à l’opinion. À force de patience et ceux-ci sont soucieux de maintenir
sormais amarrée à l’Europe.
d’obstination, sans dissimuler ses ori- l’alliance avec la bourgeoisie ; aussi
G. Colmjon, De Haagse School (La Haye,
1950). / J. de Gruyter, De Haagse School (La gines ni céder au snobisme des cercles Cependant, les graves problèmes sacrifient-ils à cette politique les ré-
Haye, 1968 ; 2 vol.). conservateurs, il y parvient, dominant clamations des sans-culottes pour un
posés par les émeutes sanglantes d’Ir-
sa timidité, apprenant à parler, à plaire, contrôle du commerce. Avec la mort
lande* du Nord et par la crise écono-
bien que par tempérament il préfère les de Marat et la crise de l’été 93, durant
mique et sociale (grève des mineurs)
actes aux paroles. Travailleur métho- laquelle les problèmes sociaux et poli-
qui sévit depuis 1972 réduisent la
Heath (Edward) dique, politicien appliqué et sincère, tiques se font plus aigus et plus forte la
marge de manoeuvre du Premier
il profite aux élections de 1970 de la poussée populaire, l’attitude d’Hébert
lassitude de l’opinion à l’égard des tra- ministre. se modifie. Tout en continuant à rester
Homme d’État britannique (Broads-
tairs, Kent, 1916). vaillistes et l’emporte sur Harold Wil- F. B. séparé des « enragés », il se dissocie de
son, son rival trop sûr de lui. Il devient F Conservateur (parti) / Grande-Bretagne. la bourgeoisie montagnarde et pousse
L’ascension politique d’Edward
Heath correspond, par-delà une re- ainsi Premier ministre. aux mesures extrêmes.
G. Hutchinson, Edward Heath : a Perso-
marquable réussite personnelle, à Depuis que Heath a pris la direction nal and Political Biography (Londres, 1970). / À partir de septembre, la volonté
l’émergence de courants nouveaux des affaires britanniques (juin 1970), M. Laing, Edward Heath Prime Minister : a Bio- d’Hébert de faire dévier les exigences
5269
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
la révolution du 31 mai » qui chassa les Les recherches les plus récentes inter-
Girondins. disent de confondre sans-culottisme et
hébertisme. Les idées d’Hébert sur le
Mais il ne ménage pas non plus les
membres du gouvernement révolu- droit à l’existence, le droit au travail,
à l’assistance et à l’éducation sont en
tionnaire. Il dénonce l’insuffisance des
fait celles que ces masses populaires
décrets de ventôse, que les robespier-
en révolution créent depuis quatre ans
ristes ont pris pour affaiblir la colère
sans savoir toujours les formuler. Faire
populaire. Le 4 mars, stimulé par l’at-
de ce journaliste brillant, qui ne fut
mosphère d’insurrection qui règne au
qu’un piètre homme d’action en poli-
club des Cordeliers, il renouvelle ses
tique, le personnage central du mouve-
attaques contre les indulgents, mais
ment populaire, « c’est lui donner une
aussi, en termes à peine voilés, contre
consistance politique qu’il n’eut pas
Robespierre.
et fausser la perspective historique »
« Une faction veut anéantir les droits
(A. Soboul).
du peuple. Quels sont les moyens de
J.-P. B.
nous en délivrer ? L’insurrection. » En
F Convention nationale / Jacobins / Révolution
fait, il n’a prévu aucun moyen pour française.
J.-B. Bouchotte (1754-1840). Il aide le tement populaire. Il s’en sert d’abord promptement l’instruction publique. »
dans sa contre-offensive contre les
Renouveau et
gouvernement révolutionnaire à se dé- Mais faut-il pour cela faire d’Hé-
indulgents. En février, il dénonce le
élargissement
barrasser des enragés, mais il reprend bert le guide de tout ce monde de
leur politique de déchristianisation. complot abominable qu’ils mènent l’échoppe et de la boutique qui pousse La littérature hébraïque est désormais
Il attaque d’ailleurs plus le clergé et « contre les bougres à poil qui ont fait en avant la révolution bourgeoise ? ouverte aux mouvements de moderni-
5270
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
sation et d’émancipation. Englobant à Padoue et écrit abondamment sur quelles que soient leurs options, un et met en relief le rôle important des
toute la vie juive, elle n’est plus le fait divers sujets : éthique, philosophie jugement indépendant et une critique facteurs émotionnels dans l’histoire et
d’un pays particulier. Ses forces créa- morale, instruction, fraternité, etc. Un lucide sur la valeur et le développe- la culture ; il montre la grande valeur
trices se libèrent dans toute l’Europe, autre Hurwitz, Pinchas, traite dans ment de la culture hébraïque. Pour eux, culturelle des traditions nationales, des
en particulier en Italie, en Allemagne, son Livre de l’Alliance des sciences le salut ne pouvait venir que de l’imita- coutumes et des rites. Il démontre la
en Autriche, en Galicie, en Russie. En naturelles et sociales, de la cabale et tion aveugle de leur entourage non juif. spécificité de la culture hébraïque, voit
outre, à la différence de la littérature des idées philosophiques du XVIIIe s. Il Tel était l’esprit du journal Meassef dans l’hellénisme et le judaïsme deux
hébraïque ancienne, exclusive et im- faut remarquer que le mouvement de (Mélanges), fondé à Königsberg en cultures antagonistes irréductibles et
perméable aux idées des autres civilisa- la Haskalah en Lituanie était fondé 1784 et auquel participèrent d’abord s’élève contre un esprit d’imitation et
tions, grecque ou arabe, elle élargit ses sur le judaïsme traditionnel et que les Isaac Abraham Euchel (1758-1804), d’assimilation serviles.
horizons dans une prise de conscience sciences laïques y restèrent soumises puis Mendelssohn, Wessely, David Avec Naman Krochmal (1785-
de tous les problèmes actuels. Cepen- à la discipline religieuse. Il n’en al- Friedländer (1750-1834), Isaac Sata- 1840), on arrive à un tournant dans la
dant, si elle veut quitter le ghetto, elle lait pas de même en Prusse, où, sous nov. Ce groupe d’écrivains entendait conception de l’histoire juive. Il est en
n’entend pas abandonner le judaïsme. l’influence de conditions sociales dif- faire de l’hébreu une langue apte à vé- effet le pionnier de la Wissenschaft des
Elle est donc autant attachée à la férentes, créées par l’assimilation, on hiculer l’enseignement moderne euro- Judentums (science du judaïsme). Leo-
tradition que sensible à l’évolution avait tendance à abandonner les cercles péen. Mais le progrès de l’assimilation pold Zunz (1794-1886) en Allemagne,
économique, sociale et culturelle qui fermés du judaïsme et à se tourner vers en Allemagne était tel que, lorsque S. Y. Rapoport en Galicie et S. D. Luz-
infléchit la vie juive. la culture européenne. La littérature après une éclipse Euchel voulut en zatto en Italie explorent l’histoire juive,
hébraïque se détache de l’âme du ju- 1794 faire revivre Meassef, son entre- la philosophie et la littérature, et, pour
C’est en Italie, où vit le cabaliste et
daïsme. La science s’émancipe du lien prise fut sans lendemain, car la plupart la première fois, le Midrash et le Tal-
poète Mosheh Hayyim Luzzatto (1707-
religieux. L’initiateur du mouvement des juifs allemands n’étaient déjà plus mud sont regardés comme des sources.
1746), que commence cette littéra-
fut Moses Mendelssohn (1729-1786) à même de comprendre l’hébreu, et
ture moderne. Ses drames historiques La lutte des progressistes contre les
dans ses commentaires hébraïques Meassef eut pour successeur Sulamith,
(Histoire de Samson) et allégoriques forces hassidiques en Galicie crée un
sur le Pentateuque. C’est lui aussi journal juif en langue allemande édité
(la Tour de puissance ; Louange aux terrain choisi pour le genre satirique.
qui, alors même que la plupart de ses à Dessau.
justes) sont neufs dans leur forme et Isaac Erter (1792-1851) le manie avec
oeuvres ont été écrites en allemand, fit La Haskalah allemande donne en-
leur contenu, mais il n’y a rien là de grand art, et Joseph Perl (1773-1851)
germer l’amour de l’hébreu en tant que core quelques livres : les travaux philo-
spécifiquement juif, l’atmosphère étant écrit son Rouleau caché dans l’esprit
langue, et son nom est le symbole de logiques de Lev ben Zeev, le commen-
celle de la Renaissance italienne. Quel des Epistolae obscurorum virorum
toute la Haskalah. Les reproches que taire du Kusari par Isaac Satanov, les
est le mérite de Luzzatto ? Il introduit (1515).
lui firent certains maskilîm nationa- oeuvres de Liebermann, puis le centre
une culture poétique, une fantaisie
Le judaïsme russe apporte sa contri-
listes d’une époque postérieure ne sont de la culture passe en Galicie et dans
créatrice, un sens des rythmes, une
pas entièrement justifiés : il n’est pas bution à ce renouveau littéraire avec
fraîcheur et une beauté de langage que les provinces italiennes de l’Empire
Nevakhovitch.
responsable si la Haskalah allemande autrichien.
la poésie hébraïque n’avait plus connus
a mené parfois vers l’apostasie. Cette Sous l’influence des circonstances,
depuis des siècles. Chalom Jacob Cohen édite à Vienne,
tendance était avant tout le résultat de le lien entre juifs orthodoxes et moder-
Son élève David Franco Mendez, entre 1820 et 1831, douze volumes
facteurs sociaux et économiques. nistes se distendait dans une certaine
d’origine espagnole, né à Amsterdam de Bikkouré ha‘ittim (Prémices des
mesure.
(1713-1792), écrit une Athalie imitée Naphtali Herz Wessely (1725- temps). Il écrit aussi des fables et des
1805), ami de Mendelssohn et son col- poèmes historiques juifs : Plantes
de Racine. Mais l’inspiration poétique,
laborateur pour les commentaires du d’Orient en terre nordique (1807), un Orthodoxie et
la plastique des images n’égalent pas
les qualités de Luzzatto. Lévitique, eut également une grande drame allégorique et didactique, Amal modernisme
influence sur la littérature. Il est l’au- et Tirsa, imité de Luzzatto, et une épo-
Si l’on peut considérer ce dernier La réaction coïncide avec l’épanouis-
teur d’une oeuvre philologique sur les pée biblique, la Lumière de David,
comme le précurseur de la littérature sement du hassidisme, qui se défie de
synonymes hébreux intitulée le Jardin dans l’esprit de Wessely. Moins ratio-
hébraïque moderne, il faut cependant la Haskalah, dont les manifestations
fermé. Il écrit également une Mosaïde naliste, il introduit dans son oeuvre sen-
synchroniser ces débuts avec le mou- sont suspectées d’hérésie. Si au temps
selon le modèle de la Messiade de timents et descriptions, ouvrant ainsi la
vement de la Haskalah, le mouve- du gaon de Vilna la propagation des
Klopstock, première tentative pour voie à Mapou*.
ment des lumières ; le nationalisme du lumières n’avait pas provoqué d’oppo-
user de la langue hébraïque comme de
XVIIIe s., le développement des sciences La contribution de Meir Halevi Let- sition, les oeuvres de ses disciples se
n’importe quelle langue européenne.
trouvent un écho dans le ghetto ita- teris (1800-1871) est double : il traduit trouvaient mises au ban. Ainsi, vers le
Il se fait le champion de la Haskalah
lien et parmi les juifs de Lituanie et les classiques européens et écrit des premier quart du XIXe s., les partisans
dans son message aux juifs autrichiens
de Prusse. Le gaon de Vilna lui-même poèmes originaux — le Roucoulement de la sécularisation s’étaient détachés
(Paroles de paix et de vérité), qui les
juge qu’il faut apprendre la gram- de la colombe, Larmes, la Voix de l’oi- des masses populaires, et cela avait une
exhorte à accepter l’édit de tolérance seau — pleins de lyrisme et influen-
maire et d’autres sciences considérées influence dans la littérature même. Les
promulgué par Joseph II. cés par le classique autrichien Franz
jusque-là comme superflues, car des maskilîm russes, sous l’influence de
lacunes en ces domaines pourraient en Grillparzer. Mendelssohn et du périodique Meas-
entraîner de bien plus grandes dans la Satire et tradition Dans les périodiques Bikkouré sef, avaient adopté non la culture russe
connaissance de l’Écriture. Quand les conservateurs s’élevèrent ha‘ittim et Kerem emed (la Vigne mais la culture allemande, et ainsi
contre Wessely parut la Lettre de jus- agréable), on peut lire les monogra- l’écrivain séparé du peuple, ne pouvant
Vers 1770 commencent à paraître
tice, satire anonyme de Saul Berlin phies sur les savants juifs médiévaux s’identifier à lui, avait donné toute son
des livres de sciences naturelles.
où il ridiculise l’ancienne méthode de Salomon Yehoudah Rapoport attention à la langue, devenue ainsi un
Ainsi, Baruch Chklovsky écrit des
d’éducation et les superstitions des (1790-1867). but en soi. Cette attitude avait paralysé
livres d’anatomie, d’hygiène, d’astro-
rabbins. Ces maskilîm élevés dans le bien souvent les plus grands talents de
nomie, etc. Yehouda Leib Margaliot Le poète Samuel David Luzzatto
l’époque.
s’intéresse dans Lumière du monde aux ghetto voyaient dans l’éducation qu’ils (1800-1865) est le premier à retrou-
sciences sociales, et dans les Coutumes y avaient reçue, dans leur isolement et ver les accents de la poésie hébraïque Un changement intervient avec
(1777) à l’éthique. Juda Hurwitz quitte leurs coutumes la seule cause de leur médiévale. Dans son oeuvre de publi- Aaron Mordecaï Ginzburg de Kovno
Vilna pour aller étudier la médecine condition dégradée. Il manquait à tous, ciste, il lutte contre le rationalisme (1795-1846). Historien, il combat la
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rhétorique et la phraséologie et essaie roturiers apparaissent qui s’approchent raconte dans une langue biblique les premier à avoir introduit dans sa mai-
d’affiner le goût. Dans son autobiogra- du ghetto. Les jeunes s’intéressent à Haggadah du Talmud, Chalom Fried- son l’usage de l’hébreu comme langue
phie inachevée, Aviezer, il décrit sans la vie et à la littérature russes, tandis berg (1838-1902) écrit des récits histo- quotidienne et il entreprend son grand
concession les tristes résultats d’une que la Russie, repoussant la culture riques, Abraham Ber Gottlober (1811- dictionnaire de la langue hébraïque.
éducation anormale et des mariages allemande, se tourne vers le réalisme 1899), en plus de son oeuvre littéraire et Ces idées sont étayées par les événe-
précoces. sous l’influence de D. I. Pissarev. Cette poétique, devient l’historien du mou- ments politiques des années 80 en Rus-
influence se fait sentir dans les contes vement caraïte, avec Simhah Pinsker et sie. La politique réactionnaire à l’égard
Abraham Dov (Ber) Lebensohn,
de Mendele-Mocher Sefarim (Abramo- Abraham Firkowitch. des juifs conduisant aux pogroms
connu sous le nom d’Adam Ha-Kohen
vitz*). A. Papierna et d’autres luttent donne le coup de grâce aux idéaux de
(1794-1878) de Vilna, écrit un nombre
contre les autorités reconnues ; Moshe Un vent nouveau la Haskalah. La grande déception des
incalculable de poèmes dans un style
Leib Lilienblum (1843-1910), auteur adeptes de ce mouvement perce dans la
ampoulé et hyperbolique en l’honneur
À partir des années 70 commence à
d’un roman (Péché de jeunesse), est le littérature, qui, à vrai dire, avait pres-
de la science et de la Haskalah, fille souffler un vent nouveau. L’influence
chef de file de cette renaissance natio- senti cet aboutissement.
de Dieu : Chants de la langue sainte. des radicaux russes se répercute jusque
nale. Dans le Chemin de Talmud, il pré-
Ses idées sont intéressantes, mais il dans la littérature hébraïque. Yehoudah
ne réussit pas à faire oeuvre d’artiste.
conise une forme socio-économique de Nationalisme
Leib Lewin dit Yehalal (1845-1925),
la vie juive et des pratiques religieuses.
Seuls ses poèmes pessimistes, in- Nous arrivons à la seconde étape de
d’abord poète de la Haskalah, écrit en-
Il deviendra l’un des leaders du mouve-
fluencés peut-être par la mort de son la littérature hébraïque moderne : son
suite des satires sur le temps présent :
ment Hibbat Sion.
fils Mikal Yosef, atteignent à la vraie l’Esclave des esclaves, Savoir réali- étape nationale. Le théoricien en est
poésie. Mikal Yosef Lebensohn (1828- Rubin Asher Braudes (1851-1915)
ser. Il fait oeuvre de publiciste dans le Moshe Leib Lilienblum (1843-1910),
1852), connu sous le nom de « Mikal », est un réaliste, ses peintures familières
premier journal socialiste, Ha-Emet, dont la thèse est la suivante : « Nous
est lui un authentique poète lyrique. Il sont d’une grande fraîcheur et d’une
édité par Aaron Samuel Liebermann juifs, nous sommes étrangers. Nulle
est l’auteur des Chants de la fille de beauté simple et naturelle : les Vieux et
(1848-1880). Après les pogroms des part on ne nous aime. Si nous ne vou-
Sion (1851), où l’on trouve des poèmes les jeunes, la Religion et la vie (1876),
années 80, il adhérera à Hibbat Sion. lons pas périr physiquement ou mener
sur Salomon, Samson, très peu compris les Deux Extrêmes (1888).
Des idées socialistes, nous en trouvons une existence amoindrie, il ne nous
de son temps rationaliste. Avec Yehou- Yehudah Leib Gordon adopte une at- encore chez le poète Isaac Kaminer reste qu’un seul moyen. Faire revivre
dah Leib Gordon (1830-1892), très titude très sévère envers les pasteurs de (1834-1900), chez Ben Sion Nowakho- notre peuple sur la terre de nos aïeux
influencé par sa poésie, Mikal et son son peuple, qu’il rend responsables des vitch, qui, sous le pseudonyme de Mor- où nos enfants mèneront une vie na-
père peuvent être considérés comme aberrations de la vie des juifs russes. ris Wintchewsky, devient ensuite un tionale normale. » Ce mouvement est
les pionniers de la poésie hébraïque poète populaire yiddish. Poètes et écri- connu sous le nom de Hibbat Sion :
Tendances nationalistes et résistance
moderne. vains socialistes se dressaient contre le Amour de Sion.
des orthodoxes modérés s’affrontent
Disciple de N. Krochmal et S. Y. Ra- dans le journal Ha-Levanon et dans le nationalisme juif, dont le porte-parole Si dans la presse on traitait principa-
poport, Isaac Ber Levinsohn (1788- recueil intitulé la Guerre dans la paix. était le rédacteur de l’Aube (Hacha- lement des aspects pratiques du présio-
1860), dans une langue populaire, écrit bar), Peretz Smolenskine (1842-1885). nisme, dans la littérature on ressuscitait
Le plus en vue de ces publicistes
Témoignage en Israël et la Maison de Dans ses oeuvres : l’Errant (1868), le pays et son passé historique. Bien
était Yehiel Michel Pines (1843-1913),
Juda. Il s’attaque à des problèmes réels l’Enterrement d’un apostat, le Peuple que passé de la poésie de la Haskalah à
devenu par la suite le porte-parole de
et tâche de donner une image claire de éternel, le Temps de planter, il s’élève la poésie nationaliste, Menachem Men-
Hibbat Sion. Il considère dans les En-
l’éthique juive, de la religion, tout en contre l’obscurantisme, contre les su- del Dolitsky (1856-1931) ne fut qu’un
fants de mon esprit la tradition et les
essayant de prôner l’amour du travail perstitions hassidiques et, comme ses médiocre poète, comme d’ailleurs Naf-
moeurs du judaïsme comme l’expres-
productif et de la science parmi les collaborateurs Gordon et Bernstein, il tali Herz-Imber (1856-1909), dont le
sion pratique de l’affectivité intel-
juifs russes. rend S. Berlin et Mendelssohn respon- seul mérite est d’avoir écrit Ha-Tiqvah
lectuelle juive, et la religion comme
sables de l’assimilation des juifs alle- (l’Espérance), devenu l’hymne natio-
Vers le milieu du siècle, on tend à la source du vrai sentiment national.
mands poussée jusqu’à l’apostasie. nal israélien après avoir été le chant du
passer d’un sentimentalisme rêveur Mais ses livres n’avaient pas de succès
auprès des jeunes, ni ses idées. C’est A. B. Gottlober tente de défendre sionisme.
et romantique à la création indépen-
dante. L’enthousiasme aveugle pour la parole de Gordon qui l’emporte à Mendelssohn, mais la théorie nationa- Un poète lyrique peu compris, Mor-
la langue de la Bible s’étend à la vie cette époque et qui est le mot d’ordre liste de P. Smolenskine l’emporte. Sur decaï Zvi Maneh (1859-1886), exprime
même décrite dans la Bible. La vie de la lutte engagée : « Réveille-toi mon la formule simple : « Libérez l’indi- sa nostalgie du pays miraculeux dans
dans le ghetto, étouffée par les maski- peuple. Assez dormi. La nuit s’achève vidu de l’emprise religieuse et accep- Mon idéal. À la pléiade des poètes de
lîm, invite à se tourner vers ces temps et le soleil brille. » tez l’enseignement européen », Smo- ce temps appartiennent aussi Aaron
de grandeur et à les magnifier. C’est lenskine greffe le problème national, Kaminka (1866-1950), Yehoudah Leib
Beaucoup de livres scientifiques
l’époque d’Abraham Mapou*. Cette qui s’est décanté dans la lutte contre Baruch (1874-1953), le jeune Isaac
paraissent alors dans toutes les disci-
vie ancienne exaltante parée de mille l’assimilation. Leib Peretz* (1852-1915), devenu par
plines : Histoire naturelle d’Abramo-
couleurs devenait pour les élèves des vitz, Histoire universelle et Géogra- Avec entêtement, il répète que les la suite le grand classique yiddish, et
Yechivot (écoles talmudiques) sym- phie de la Russie de Kalman Schulman juifs ne sont pas une secte religieuse, David Frischmann (1859-1922), qui
bole de renouveau et de renaissance. (1819-1899). Ha-efira, quotidien mais un peuple indivisible, alors même écrit Dans les sentiers du Messie sous
La Russie elle-même se trouvait dans édité à Varsovie par H. Z. Sonimski qu’ils ne possèdent ni terre ni pays. Ils la forme d’un poème populaire. Il écrit
une période de réformes, qu’Henri (1810-1904), popularise ces sciences, sont une « nation spirituelle ». L’étape également des poèmes philosophiques,
Troyat a peinte de nos jours, mais que de même que la collection dédiée aux suivante des nationalismes apparaît où il emploie la métrique tonique au
la littérature hébraïque du temps reflé- sciences naturelles par Hirsch Rabi- dans l’Aube avec les articles d’Eliezer lieu de la fade métrique des voyelles
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
(1847-1924), ce dernier essayant dans poétique très émouvante et vigoureuse pessimisme, subit l’influence de la lit- vie, Dans les jardins, Entre-temps, De
son Histoire d’Israël de concilier la dans les poèmes de Bialik*. térature romantique russe, de Pouch- côté, Avant que, À côté. S’il exprime
recherche scientifique et l’immuabilité kine surtout. En Allemagne, il étudie la les souffrances individuelles des
Mordecaï Zeev Feierberg (1874-
de la tradition religieuse ; Eleazar Atlas philosophie et les langues sémitiques. jeunes, il lui manque la force de crier
1899) a peu écrit dans sa courte vie,
(1851-1904) va plus loin, pour qui le Son premier recueil, Désert, paraît à leur douleur.
mais ses contes aux titres pleins de ly-
sionisme est hérétique et qui mène Varsovie en 1911 ; le second, Tempête
risme sont de la couleur de l’époque : Cette force est l’apanage de son ami
son combat ultra-conservateur dans et silence, l’année suivante. En 1921, il
les Ombres, Dans le crépuscule et sur- Yosef Hayyim Brenner (1881-1921),
Ha-Peles. s’établit en Palestine, où il décrit dans
tout Où aller ? qui fait éclater son profond désespoir.
ses Idylles les peines et les joies des
L’intérêt pour la langue hébraïque, Parmi ses oeuvres principales : l’Hiver
Micah Yosef Berdichevsky (1865-
pionniers. Il traduit beaucoup : Ler-
(1904), Au-delà de la frontière (1907),
devenue le rempart de l’idée nationa- 1921), connu sous le nom de Bin-Go-
montov, Pouchkine, Heine, Tolstoï. De-ci de-là, Deuil et échec. Ses per-
liste, stimule la littérature. On édite la rion, écrit des récits courts et mysté-
Jacob Steinberg (1886-1947), après sonnages, toujours conscients de leur
Moisson, l’Assemblée d’Israël (Kenes- rieux où des personnages d’un autre
avoir terminé ses études en Suisse, propre échec scrutent leur âme. Ce
set Israel), Trésors de la littérature. monde sont projetés dans le monde
part pour la Palestine en 1914. Il est désespoir de Brenner n’est pas stérile,
Les quotidiens font leur apparition et d’aujourd’hui. Il décrit le déchirement
rédacteur de l’hebdomadaire Ha-Poel il incite ses lecteurs à une vie nouvelle
favorisent la prose : le Jour, fondé par et les luttes intérieures de certains juifs
ha tsair... Parmi ses oeuvres, nous et créatrice. Son oeuvre est l’une des
Y. L. Kantor (1849-1915) ; le Matin, de l’intelligentsia et crée un néo-hassi-
citerons : le Livre de la solitude, paru sources de cette énergie libérée qui a
par Nahum Sokolow (1859-1936), disme romantique.
à Varsovie en 1911, et Poème, paru à soutenu l’effort persévérant des pion-
qui est déjà un journaliste pleinement Le poète Saül Tchernikhovsky* Leipzig en 1923. niers créateurs du pays d’Israël. Il est
européen. Au lieu d’une prose tendan- (1875-1943) apporte un courant de joie
Jacob Fichman (1881-1958) est mort en 1921, assassiné durant les
cieuse, nous trouvons déjà des essais de vivre et ce courant est neuf.
poète, essayiste et critique. Son recueil émeutes arabes.
réalistes, une peinture des temps. Il faudrait énumérer ici toute une Tiges paraît en 1911. Il est l’auteur de Yishaq Dov Berkovitch (1885-1969)
Deux générations d’écrivains se cô- pléiade de poètes appelés « les contem- plusieurs anthologies et rédacteur de est l’excellent traducteur en hébreu
toient ; parmi les plus anciens, Rubin porains de Bialik ». Nommons Jacob Moledet et de Mahbarot. Mais son vrai de Chalom Aleichem (1859-1916),
Asher Braudes (1851-1915), et parmi Cohen (1881-1960), néo-romantique domaine est la critique littéraire. Il a lui-même romancier en yiddish et en
les plus jeunes, Ezra Goldin (1868- qui chante la vie, l’amour et la nature, laissé d’importants travaux et particu- hébreu.
1915), qui écrit aussi en yiddish, Ben et fait une synthèse heureuse des va- lièrement un grand ouvrage sur Bialik.
Moshe Smilansky (1874-1953),
Avigdor, pseudonyme d’Abraham leurs purement juives et des valeurs
À cette génération appartiennent connu sous le pseudonyme de Havadja
Leib Schalkovitch (1866-1921), fon- humaines. Sioniste, il propage dans le
aussi de nombreux prosateurs, mais Mousa, écrit des récits sur les Arabes.
mouvement l’hébreu comme langue
dateur de la maison d’édition Tushia et il est difficile de caractériser exacte-
vivante et, de 1927 à 1933, il est pro- Il faut aussi dire un mot de l’his-
d’une bibliothèque de poche. La mai- ment cette époque. Certains ont encore
fesseur de littérature hébraïque à Var- toire de la littérature, qu’ont illustrée
son Achiasaf apporte son importante écrit en Europe, d’autres n’écrivent
sovie, avant de partir en 1934 pour la Joseph Klausner (1874-1958), Fishel
contribution. qu’après leur arrivée en Palestine,
Palestine. Lachover (1883-1947) et David Frish-
mais leurs sources d’inspiration sont
man (1865-1922), enfant prodige qui
Idéologie et écriture Zalman Shneour (1887-1959) est un souvent encore leur pays d’origine ;
écrivait dès l’âge de quinze ans et s’est
lyrique d’une grande puissance. Poète, puis les thèmes palestiniens prennent
Dans la dernière décennie du siècle, consacré à la critique littéraire.
prosateur et essayiste, il se méfie de la le pas dans leur inspiration, le meilleur
le mouvement Hibbat Sion donne une tradition et frise le blasphème dans sa Une grande part de l’oeuvre litté-
exemple étant Agnon*.
base idéologique au problème national. manière d’en mettre en doute les va- raire moderne paraît dans Ha-Técoupa,
Déborah Baron (1877-1956) dépeint
Le théoricien principal en est Asher leurs éternelles traditionnelles. Pour- auquel est lié le nom de son éditeur,
la bourgade de sa jeunesse en Lituanie,
Ginzberg (1856-1927), connu sous tant, il invite le peuple à la vigilance, Abraham Yosef Stybel (1885-1946).
puis elle écrit des contes sur la Pales-
le nom d’Ahad Haam, qui exprime à l’affirmation de soi pour être à même La maison d’édition Stybel édite en-
tine à partir de 1911 : Menus Faits,
ses vues dans À la croisée des che- de redevenir le champion des valeurs core des classiques mondiaux et un
Pour l’instant, et traduit Madame
mins. Il soumet cet amour de la Pales- spirituelles. Interné à Berlin, il se rend périodique, Miqlat (l’Abri), dirigé par
Bovary.
tine à une critique réaliste et affirme à Paris, où il demeure de 1924 à 1940. Y. D. Berkovitch. La presse a joué un
Asher Barash (1889-1952), arrivé en
qu’avant de parler de la renaissance En 1951, il part pour Israël. Parmi ses rôle important dans le développement
1918 en Palestine, écrit notamment :
de « la terre ancestrale » il faut pen- oeuvres, citons : Au coucher du soleil de la littérature, et nous devons citer
Dans les montagnes (1927), Amour
ser à une « renaissance des coeurs », (1906), Dans les montagnes, Chants et encore les noms de quelques publi-
interdit (1939).
une renaissance spirituelle et morale poèmes (1914), les Ponts, les Visions cistes de grand mérite, Rubin Brainin
Gershon Schofmann (né en 1880) est (1862-1939), Leib Lewinski (1887-
de la nation. Pour lui, le peuple juif a (1924), Pour l’enfant juif (1933). Il
un nouvelliste. Son premier recueil pa- 1910), Marcus Ehrenpreis (1869-
une mission. Il est porteur d’un idéal écrit en yiddish et traduit lui-même en
raît à Varsovie en 1902. Deux ans plus 1951), Osias Thon (1870-1936).
de délivrance et de justice du monde. hébreu ses romans.
tard, il quitte la Russie et vit jusqu’en
C’est l’idéal exprimé par les prophètes. Isaac Kazenelson (1886 - mort
1938 à Vienne et à Lwów. Avec Bren-
Mais le processus inéluctable de l’assi- en 1944 à Auschwitz) est un poète Les années troubles
ner, il rédige Rvîvîm et Shaleket. Après
milation et de l’émancipation le met en lyrique dont les poèmes chantent sur-
la Première Guerre mondiale, il est La révolution russe de 1917 coupe
péril, aussi faut-il créer en Palestine tout l’amour à la manière de Heine et
rédacteur à Ha-Tekoufa. En 1938, il une partie des juifs de la littérature
un centre spirituel capable de réagir une joie de vivre qui contraste avec hébraïque, et pourtant certains au-
arrive en Palestine. Il traduit Peter Al-
contre les forces négatives qui s’exer- le marasme des contemporains. Mais teurs demeurent en Union soviétique :
tenberg ainsi que Gorki et Tchekhov.
cent dans la Dispersion. Il est adver- cette joie est brisée par la guerre, et,
Dans l’armée russe, il avait rencontré H. Lensky (1905-1942?), Elisha Rou-
saire du sionisme politique de Herzl*. au temps du ghetto de Varsovie, il dine (1888-1943), Abraham Freimann
Uri Nissan Gnessine (1879-1913), avec
Ces idées sont développées dans deux déplore les massacres dans son grand
qui il s’était lié d’amitié. Celui-ci avait (1890-1952?), l’auteur du roman 1919.
périodiques dont il est le rédacteur : poème de la tragédie juive, le Peuple fait ses études avec Brenner dans une Des essais pour éditer des périodiques
Ha-Pardès et Ha-Shiloah. Toutes les juif assassiné. yechiva. Il écrivait des poèmes, mais littéraires furent sans lendemain : le
souffrances du peuple juif et sa tragé- David Shimonovitz (Shimoni) ce sont ses contes aux titres elliptiques Son des cymbales à Kharkov en 1924,
die nationale reçoivent une expression [1886-1956], lui, de nature enclin au qui le firent connaître : Ombres de la Bereshit à Moscou en 1927, ce der-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
nier par Abraham Kariv, qui publia nous pouvons citer : Anda Pinkerfeld- nationale. Parmi les principaux auteurs C’est seulement vers la fin du XVIe s.
les contes d’Isaak Babel* traduits en Amir (née en 1902), Y. Bat-Miriam de cette étape, citons quelques prosa- que l’on assiste en Europe à l’éclosion,
hébreu. (née en 1901), Elisheva Jarkow-By- teurs : Yizhar Smilanski (né en 1916), très limitée, d’une pratique musicale
chovsky (1888-1949). Moshe Shamir (né en 1916), Mordecaï savante.
Entre les deux guerres mondiales, la
Cette nouvelle poésie provoque Tabib (né en 1910), d’origine yémi-
Pologne devient un centre important Notre connaissance de la musique
nite, Y. Bar-Yosef (né en 1912), Yigal
où commencent à écrire des auteurs enthousiasme et polémique, tandis juive dans son évolution historique ne
Mosinzon (né en 1917), Natan Shaham
dont la carrière souvent se poursuivra que se forment de nouveaux courants ; repose que sur très peu de documents
Nathan Alterman (1910-1970), poète (né en 1925), et quelques poètes : Mor-
en Israël : Aaron Zeitlin (né en 1889), notés. Les sources auxquelles il faut
decaï Tabenkin (né en 1917), Hayyim
Uri Zvi Grinberg (né en 1894), Matta- populaire qui commente dans la presse recourir sont soit des sources externes
Guri (né en 1922), Gilad Zerubbavel
tyahou Shoham (Polakiewicz) [1898- les événements les plus importants de (textes qui nous fournissent des indi-
(né en 1912).
1937], dont l’inspiration est biblique, son temps ; Lea Goldberg (1911-1970), cations sur les manifestations de la vie
mais qui exprime en même temps le qu’inspirent les enfants ; Yehoshoua Quant à l’époque actuelle, sa richesse musicale aux différentes époques, ico-
conflit suprême des années troubles Rabinow (né en 1905), poète de kib- est immense. Les maisons d’édition se nographie), soit des documents ethno-
qui ont précédé la Seconde Guerre bouts ; Binyamin Tene (né en 1914) ; chiffrent par dizaines, dont plusieurs musicologiques (tradition orale).
mondiale. Moshe Bassock (1907-1969) ; Abra- sont antérieures à la création de l’État :
La Bible, le Talmud, divers textes
ham Braudes, Snimshon Meltzer et Schocken, Mosad Bialik, Dvir, etc.
D’autres centres brillent un cer- rabbiniques (notamment les Responsa)
S. Shalom (nés en 1905) ; Ezra Suss- Les organisations des kibbouts et de
tain temps : Berlin, puis l’Amérique, contiennent une abondante somme
man (né en 1900) et Alexander Pen la Histadrouth en possèdent plusieurs ;
où paraît Ha-Doar, Bitsaron, fondé d’informations sur la vie musicale dans
(né en 1906). La plupart du temps, en citons parmi les plus importantes :
par Tchernovitz sous le pseudonyme les diverses communautés. Des mani-
plus de leurs oeuvres personnelles, tous Sifriyyat poalim, Kibbouts Meouchad,
de Rav Tsair, et où vécut longtemps festations musicales sont attestées par
ces poètes se sont attachés à traduire Am Oved, Tarbout wechinouch. Il y
Berkovitch, rédacteur de Ha-Toren les écrits bibliques dès avant la royauté
en hébreu les oeuvres importantes de la a des livres au format de poche et des
(le Mât) et de Miqlat (l’Abri), cer- (XIe s. av. J.-C.). Les instruments en
littérature mondiale. éditions populaires ainsi qu’une masse
tains écrivains trouvant leur source usage sont cités : la haoerah (trom-
de journaux et de revues littéraires.
d’inspiration dans le cadre américain La prose moderne est plus descrip- pette), le tôf (tambour), le alîl (cha-
L’activité intellectuelle d’Israël se
lui-même. Ainsi Benjamin Nahum tive, se développant au fur et à mesure lumeau), le kinnôr (lyre), le chofr
développe dans tous les domaines de
Silkiner (1882-1933) écrit un poème que la vie en Palestine se stabilisait. (corne de bélier ou de bouc, etc. La
la science et de la culture. Dans le do-
épique inspiré par les Indiens : Face Elle compte de grands noms : Agnon, partie musicale du culte au Temple
maine de la littérature pure, nous cite-
à la tente de Timoura ; c’est aussi le Brenner, Yehoudah Burla (1886- était à la charge de certaines familles
rons seulement quelques noms parmi
cas d’Ephraim E. Lisitsky (1885-1962) 1969), venu d’une famille de rabbins descendant de la tribu de Lévi, qui
les plus prometteurs : Natan Yonatan,
[le Brasier qui s’éteint]. Tous deux tra- sephardis de Jérusalem, qui exploite formaient une véritable caste de musi-
David Shahar, Aaron Apelfeld, Daliah
duisent Shakespeare. les riches couleurs du milieu oriental ciens professionnels. À l’époque du roi
Ravikovits, David Avidan, Y. Amihaï,
et peint les juifs boukhariens, perses, David, on compte 4 000 lévites sachant
Mais en général le phénomène est Amos Oz et la jeune poétesse Miriam
turcs, yéménites. Hayyim Hazaz (né chanter et jouer d’instruments. Au re-
identique pour l’Amérique et pour Rivka Rochman, etc. Une chose est
en 1897) parle des juifs d’Ukraine et tour de l’exil de Babylone, sous Esdras
l’Europe orientale. La plupart des certaine : le peuple des livres, en re-
des juifs yéménites. Rabbi Binyamin, (Ve s. av. J.-C.), il y a 328 musiciens.
écrivains quittent leur pays d’origine trouvant sa terre, ne renie rien de son
pseudonyme de Y. Radlet-Feldman C’est à cette époque que sont instituées
et vont en Palestine, où ils trouvent un long passé culturel.
(1880-1957), raconte les juifs galiciens la synagogue et la lecture publique de
milieu naturel pour leur inspiration : N. G.
dans des romans imprégnés d’humour. la Bible.
milieu qui doit beaucoup à E. Ben F Cabale / Hassidisme / Judaïsme / Sionisme.
Abraham Abba Kabak (1883-1944)
Yehouda, restaurateur de la langue Après la prise de Jérusalem par Titus,
J. Klausner, Geschichte der neuhebräischen
s’inspire du personnage de Jésus. Il
hébraïque. Literatur (Berlin, 1921) ; Histoire de la litté- après la destruction du second Temple
traduit aussi Loti et Stendhal. Moshe rature juive moderne (en hébreu, Jérusalem, (70 apr. J.-C.), la synagogue devient le
Stavi, ou Stavski (1884-1964), écrit en 1952). / I. Zinberg, Histoire de la littérature
centre de la vie cultuelle et communau-
Terre retrouvée, yiddish et en hébreu sur les animaux. yiddish (en yiddish, New York, 1943). / S. Hal-
kin, Modern Hebrew Literature (New York, taire. Les instruments de musique — à
nouvelle poésie Nathan Bistritzki (né en 1896) donne
1950 ; nouv. éd., 1970 ; trad. fr. la Littérature l’exception du chofar — sont exclus de
des pièces de théâtre historiques. Elie- hébraïque moderne, P. U. F., 1958). / A. Ben-Or,
En Palestine, où s’est édifié un comité la synagogue. La raison généralement
zer Steinman (né en 1892), de réaliste, Histoire de la littérature hébraïque moderne
(Waad) de la langue hébraïque, se dé- invoquée est le deuil consécutif à la
(en hébreu, Tel-Aviv, 1951). / A. Shaanan, la
devient mystique et symbolique sous
veloppent une presse à la fois politique Littérature hébraïque moderne (en hébreu, Tel- destruction du Temple. Mais il semble
l’influence de Strindberg. Avigdor Ha- Aviv, 1962). / J. Lichtenbaum, Notre littérature
et littéraire, un théâtre en hébreu, une qu’il y ait eu aussi volonté de ne pas
meiri, ou Feuerstein (1890-1970), écrit moderne (en hébreu, Tel-Aviv, 1963). / D. Pat-
instruction publique donnée également distraire l’attention des fidèles de l’es-
terson, The Hebrew Novel in Czarist Russia
un roman historique sur la Première
en hébreu et, en fait, une civilisation (Édimbourg, 1964). / F. Lachower, Histoire de sentiel, c’est-à-dire du texte. Déjà le
Guerre mondiale.
hébraïque. La poésie tient la première la littérature hébraïque moderne (en hébreu, Talmud n’admettait qu’une musique
Tel-Aviv, 1966).
place. au service du culte. Cette attitude sera
Héroïsme et aussi celle des autorités post-talmu-
A. Shlonsky* (1900-1973), maître
de la langue et du rythme ; U. Z. Grin-
foisonnement littéraire diques au Moyen Âge et au-delà. Ainsi,
frances des peuples ; Yizhak Lamdam [où la musique] aide et éveille l’âme à
longtemps cède de plus en plus devant
(1900-1954), qui dépeint l’effort des la joie et à la tristesse. »
la réalité palestinienne, puis israé- La musique hébraïque est essentielle-
pionniers, dont il est d’ailleurs, comme lienne. C’est le temps du Palmah, de ment religieuse, et jusqu’à l’époque Le chant synagogal est-il en filiation
le dernier effort que mène le judaïsme l’immigration illégale, des luttes contre moderne ses manifestations ont directe avec celui du Temple ? On ne
moderne pour son existence même ; le régime du mandat. La littérature se presque toujours revêtu un caractère li- saurait l’affirmer. Quoi qu’il en soit, le
enfin la poétesse Rahel (1890-1931), fait l’écho des événements, devient le turgique ou paraliturgique. La musique Talmud déjà fait état d’usages locaux
de son nom Rachel Bluwstein, chantre creuset d’un peuple qu’elle aide puis- populaire est elle-même étroitement divergents, ce qui semble contredire
de la vie quotidienne. Auprès d’elle, samment à se forger une conscience associée aux traditions religieuses. une telle hypothèse. À la synagogue,
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
la fonction de l’officiant est assumée tique de Safed. Ce genre est introduit « Peut-être tout ce que je viens de — Ils sont aussi et surtout une histoire
par les différents membres de la com- à la synagogue, et les mélodies utili- dire n’est-il pas très clair, mais écoute religieuse. Les faits sont rapportés
munauté, et ce n’est qu’après l’achè- sées sont empruntées soit au répertoire ce que je vais te chanter, et tu sauras moins pour leur valeur historique que
vement du Talmud (vers 500) qu’ap- traditionnel juif, soit à celui de l’envi- comment t’attacher à Dieu ». Et Rabbi pour leur signification théologique.
paraît l’emploi du azzn (chantre ronnement (arabe, espagnol, proven- Zalman Chnéour se mit à psalmodier Deux idées sous-tendent la rédaction
professionnel). çal, italien, allemand). Cette floraison une mélodie sans paroles, et le coeur de ces récits : tout ce qui arrive est
La lecture chantée de la Bible (can- de piyyoutîm ainsi que le déclin de la de chacun sentait dans la musique fré- l’effet de l’action directe de Dieu ; le
tilation) est attestée dès l’époque tal- connaissance de la langue hébraïque mir la Torah, vibrer l’amour de Dieu et peuple d’Israël a été choisi par Dieu,
mudique. L’enseignement en est tout dans de nombreuses communautés toute la foi de l’homme. » (Texte has- et ce choix fait du peuple élu un peuple
d’abord assuré par des signes chironi- sont parmi les causes de l’apparition sidique, XIXe s.) à part.
miques, méthode qui précède les sys- du azzn, chantre attaché à la syna-
Cette musique hassidique a eu de
tèmes de notation et qui survit jusqu’à gogue, pour l’art duquel on constate un La présentation des anciennes
nos jours une certaine influence sur les
nos jours dans quelques rares commu- engouement de plus en plus marqué. traditions
oeuvres de compositeurs juifs, en parti-
nautés, notamment à Rome. Ce n’est qu’à partir de la fin du L’histoire patriarcale s’organise autour
culier aux États-Unis.
XVIe s. que l’on note l’apparition, dans de trois grands noms, Abraham, Isaac
Après l’achèvement du Talmud, on Avec le regroupement de juifs venus
certaines communautés, d’une pratique et Jacob, mais il paraît bien qu’il n’y
assiste, entre le VIe et le IXe s., à l’éla-
de tous les pays de la Diaspora en
boration des systèmes de notation musicale chorale ou instrumentale dans a que deux cycles de narration, celui
Israël, on assiste aujourd’hui à l’éclo-
le cadre de la vie religieuse juive. Cette d’Abraham et celui de Jacob, qui in-
des te‘amîm, signes qui donnent une
sion d’une musique savante originale.
musique synagogale savante, influen- troduit aux événements de la sortie
expression graphique à la cantilation
Certains compositeurs israéliens s’ins-
et qui assument simultanément une cée par la culture occidentale, apparaît d’Égypte. Isaac ne joue qu’un rôle mi-
pirent plus particulièrement des thèmes
surtout en Italie du Nord, où elle est neur : son histoire est incluse dans celle
fonction grammaticale et musicale.
et des modes appartenant à la tradition de son père Abraham et il n’a qu’une
Ces signes, dont le rôle est essentiel- sans doute une conséquence de l’ins-
orale des communautés orientales. seconde place dans les récits concer-
lement mnémotechnique, n’indiquent titution du ghetto. Les musiciens pro-
S. A. nant ses deux fils, Esaü et Jacob.
ni les intervalles ni les modes, mais des fessionnels juifs, dont l’activité se dé-
A. Z. Idelsohn, Hebräisch-orientalischer
formules mélodiques dont le contour ployait en milieu chrétien, se sont vus Entre 2000 et 1750, des tribus semi-
Melodienschatz (Jérusalem, Leipzig et Vienne,
dépend du choix du mode. L’interpré- empêchés d’exercer leur art à l’exté- nomades venant du désert syro-arabe
1914-1932 ; 10 vol.). / A. Sendrey, Bibliography
tation sera donc très différente selon rieur de la communauté et se sont donc of Jewish Music (New York, 1951). / E. Werner, et de la Mésopotamie pénètrent en
les divers rites, et même dans le cadre tournés vers la synagogue. Salomone The Sacred Bridge (New York, 1959). / P. Gra-
Canaan. L’origine des Hébreux est à
denwitz, Die Musikgeschichte Israels (Kassel,
d’une même tradition, selon le texte lu Rossi (v. 1570 - v. 1628), musicien de chercher parmi ces hommes du désert.
1961). / I. Adler, la Pratique musicale savante
(Pentateuque ou Prophètes, etc.). la cour de Mantoue, et le rabbin Léon Selon la Bible, Abraham, originaire de
dans quelques communautés juives en Europe
de Modène introduisent l’art choral aux XVIIe et XVIIIe siècles (Mouton, 1966 ; 2 vol.). Mésopotamie, descend par la Syrie en
La cantilation biblique nous est
dans certaines fêtes. En 1622-23, Rossi Palestine. Dans cette région, le clan
connue par les diverses traditions
publie un important recueil de psaumes mène une vie de pasteurs errants, al-
orales. Mais un document, découvert
et de cantiques religieux comportant lant de place en place à la recherche
en 1965, permet pour la première fois
de corroborer les données fournies par
de 3 à 8 voix. Cette musique savante Hébreux de pâturages pour leurs troupeaux. Les
s’implante dans de nombreux centres pérégrinations se situent à la limite des
l’ethnomusicologie. Il s’agit de la plus
du Nord de l’Italie, en Hollande, dans terres cultivables habitées par les Cana-
ancienne notation d’une cantilation Peuple de l’Orient ancien.
le comtat Venaissin, et se maintient néens, là où les pluies sont suffisantes
biblique (5 versets de la Bible), de la
tout au long des XVIIe et XVIIIe s. et les points d’eau assez rapprochés.
main d’Abdias, un prosélyte normand À l’aube de l’histoire :
du XIIe s. Cette même cantilation, qui Parallèlement, on assiste à une re- Après Abraham, son fils Isaac mène
les traditions patriarcales
appartient au répertoire des plus an- marquable expansion du chant sefardi dans le Sud palestinien une vie plus
ciennes cantilations synagogales, s’est (espagnol) dans les communautés Pour les Israélites, leur histoire com- sédentaire.
juives des pays méditerranéens. mence avec Abraham*, l’ancêtre du
maintenue jusqu’à nos jours dans la Le second cycle de la vie des pa-
tradition orale de plusieurs commu- peuple hébreu. Pour l’historien, le
En Europe occidentale, l’éman- triarches commence avec l’histoire
nautés juives (en Syrie, à Djerba et en point de départ de l’histoire ancienne
cipation et l’assimilation de plus en des deux fils d’Isaac, Jacob et Esaü.
Italie notamment). d’Israël se place à l’époque où les Hé-
plus fréquente de formes musicales Jacob est présenté comme un homme
breux établis en Canaan sont devenus
Au Moyen Âge, malgré l’attitude le empruntées à la musique savante astucieux, qui souffle à Esaü son droit
une nation. Néanmoins, il est légitime
plus souvent négative des autorités rab- conduisent à une dépersonnalisation de d’aînesse. À travers les démêlés des
de se demander, au nom même de l’his-
biniques, on assiste néanmoins à un dé- la musique juive. En Europe orientale, deux frères rivaux, on distingue deux
toire, d’où vient ce peuple et comment
veloppement de la pratique musicale. on assiste en revanche, dès le milieu types sociaux : Jacob, le pasteur tran-
du s., à l’éclosion d’un nouveau il s’est formé. À cette question, les
Selon les communautés et les époques, XVIIIe quille qui réussit grâce à son habileté ;
Hébreux donnaient la réponse qu’ils
une interprétation plus ou moins stricte chant religieux populaire, le chant has- Esaü, le nomade chasseur, vivant des
sidique, qui, bien que tributaire d’in- trouvaient dans leurs antiques tradi-
sera donnée aux notions de musique produits de sa chasse ou, pour com-
« religieuse » et « profane ». Le recours fluences étrangères, slaves notamment, tions. Le seul problème est de savoir pléter, du butin enlevé au cours de
présente une personnalité propre. Le quel crédit l’historien peut accorder à
à la musique est fréquent à l’occasion quelque razzia. Jacob, après avoir re-
des fêtes et réjouissances liées à une hassidisme, mouvement religieux mys- ces vieux récits. pris quelques années la vie nomade en
prescription religieuse : circoncision, tique, réserve une place importante à la La lecture de ces textes appelle deux Mésopotamie, au pays des ancêtres de
noces, etc. musique. Pour approcher Dieu, il faut remarques. la famille, chez son beau-père Laban,
atteindre « la joie », et c’est grâce à la — Ils sont une histoire populaire qui retourne dans le Sud palestinien, riche
Le chant synagogal évolue grâce à
mélodie (le niggoun) que l’on y accé- se plaît aux anecdotes et aux traits de de nombreux troupeaux, de deux
l’éclosion de la poésie religieuse, le
dera par phases successives. moeurs pittoresques, sans souci de se épouses et de plusieurs enfants.
piyyout, et à l’institution du chantre,
le azzn. Le piyyout se développera « Apercevant un jour un vieillard rattacher aux grands faits de l’histoire C’est là que finit l’histoire de Jacob
surtout au Moyen Âge au contact de la qui, visiblement, ne comprenait rien générale. Les points de repère sont les et que commence celle d’un de ses fils,
culture arabe, notamment en Espagne, à son sermon, Rabbi Zalman Chnéour événements majeurs du clan ou de la Joseph, qui rattache les cycles patriar-
puis au XVIe s. dans le centre cabalis- de Ladi s’approcha de lui et lui dit : famille : naissance, mariage, mort. caux à l’autre grand volet des traditions
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
nationales auquel elle appartient : le titude ») montrent bien que leur signifi- Bible par leur qualité littéraire. Joseph, contre les conquérants étrangers éclate
séjour en Égypte. cation primitive n’était plus comprise. avant-dernier fils de Jacob, vendu par en Haute-Égypte. Ahmosis, fonda-
Ce qui suppose qu’ils ont été transmis ses frères à des caravaniers, devient es- teur de la XVIIIe dynastie, chasse les
Si l’on pense qu’Israël quitta
par une tradition très ancienne. clave en Égypte et, grâce à sa sagesse, Hyksos d’Égypte et les poursuit même
l’Égypte sous la conduite de Moïse
L’ancienneté du fond de ces récits accède au rang de premier ministre du jusqu’en Palestine.
au XIIIe s. av. J.-C. et qu’Abraham a
pharaon. Oublieux des mauvais traite-
pu vivre vers le milieu du XIXe s., on est encore confirmée par l’histoire du Il est facile de comprendre qu’après
ments passés, il fait venir sa famille et
comprend que les traditions bibliques milieu de l’Ancien Orient. Les migra- l’expulsion des envahisseurs détestés
l’installe en bordure du delta dans les les Égyptiens aient regardé d’un mau-
sur l’époque patriarcale ne peuvent être tions patriarcales ne sont pas sans rap-
riches pâturages de Gessen.
que la schématisation d’une histoire port avec les mouvements des peuples vais oeil les éléments étrangers restés
qui a dû être plus complexe. D’Abra- à cette époque : les vagues amorrites L’essentiel de cette histoire est parmi eux, souvenirs d’une époque
ham à la sortie d’Égypte, la Bible parle (ou proto-araméennes), bientôt suivies ordinairement associé à l’invasion et de maîtres abhorrés. « Un nouveau
de six générations. Mais six généra- par d’autres groupes de bédouins qui des Hyksos* (XVIIIe s.), qui amène en roi, qui n’avait pas connu Joseph, vint
tions peuvent recouvrir difficilement cherchent à s’infiltrer dans les régions Égypte un afflux d’étrangers, surtout au pouvoir en Égypte » (Exode, I, 8).
six siècles. cultivées. Les tablettes de Mari nous des Sémites. Les Hyksos, sémites eux- L’asservissement progressif auquel
font connaître l’activité de ces nomades mêmes, ne pouvaient que leur faire bon sont soumis les Hébreux se fait en trois
Histoire ou histoires ? et mentionnent les Habiru et les Benja- accueil. La fortune de Joseph, quoi étapes. C’est d’abord la forme assez
minites (Ben Yamina), dans lesquels qu’il en soit des détails, se comprend modérée de la corvée, ensuite l’ordre
Ces récits sont-ils de l’histoire ou des
les savants ont cru pouvoir reconnaître mieux sous le règne de pharaons, origi- du pharaon de supprimer tous les nou-
histoires ? Le fait qu’ils furent mis en
les premiers Hébreux. naires d’Asie. veau-nés mâles ; enfin, l’aggravation
forme à une époque où Israël était de-
Bien que ces récits aient été mis par des conditions de la corvée.
venu une nation et que les auteurs ont On peut aussi établir d’intéressants
vu le passé en fonction de leurs idées parallèles entre les coutumes des an- écrit vers le règne de Salomon, il est Selon la tradition biblique, les Hé-
politiques ou religieuses ne saurait a cêtres d’Israël et celles que nous font important de noter la couleur égyp- breux sont employés à la construction
connaître les tablettes de Nouzi ou tienne des traditions anciennes qu’ils de Pithom et de Pi-Ramsès. Et, en fait,
priori enlever à ces récits toute valeur
les anciens codes mésopotamiens du rapportent. Les découvertes archéolo- les sites fouillés ont des monuments
historique. Nul ne contestera que ces
IIe millénaire, ceux d’Hammourabi*, giques nous font connaître le nom de au nom de Ramsès II, dont l’activité
vieilles traditions ont charrié, en se
d’Our-Nammou ou de Lipit-Ishtar. Sémites qui sont parvenus en Égypte à de bâtisseur a été considérable, et on
transmettant au cours des années, des
de hautes fonctions. Les usages égyp- pense généralement que c’est sous son
éléments légendaires ou mythiques. Le Sans doute ne faut-il pas trop abu-
tiens sont aussi parfaitement notés : les règne, vers 1250, qu’il faut situer les
temps est passé où un historien qui se ser de ces rapprochements, car, dans
songes et leur interprétation, le régime événements de l’Exode. Les peintures
voulait sérieux et dégagé de « préju- l’interprétation d’une découverte ar-
foncier égyptien, l’embaumement de de Rekhmaré à Thèbes, de peu anté-
gés » religieux ne voyait dans ces pages chéologique, il reste toujours une zone
Jacob et sa mise au cercueil, usage, rieures à l’époque de Ramsès, donnent
que de « pieuses affabulations où la d’incertitude. Ils montrent toutefois
notons-le, absolument étranger à la une idée du rude labeur de ces serfs
geste de l’ancêtre préfigurait l’histoire qu’un certain nombre de traits relatifs
Palestine. d’État fabriquant et transportant des
du peuple et justifiait ses prétentions ». aux patriarches s’inscrivent dans le
Toutefois, il faut constater que, à briques. On conçoit que les Hébreux
Et d’abord, quel est le rôle de la tra- cadre général de la vie et des coutumes
lire les textes de près, on ne saisit pas aient aspiré à reprendre leur liberté.
dition orale ? Si la transmission orale du Proche-Orient de cette époque.
trop bien quelle fonction remplit Jo-
de souvenirs anciens invente et aussi En conclusion, le témoignage qu’ap-
seph : administrateur des biens royaux, Moïse le libérateur
oublie, elle reste cependant fidèle sur porte l’archéologie confirme dans une
maître du palais, premier ministre ? Moïse* sera l’âme de la résistance.
certains points. D’ailleurs, assez sou- grande mesure la présentation biblique
Ajoutons que les marchands à qui Jo- Persuadé qu’il a avec lui un dieu plus
vent, ce n’est pas le fait qu’elle invente, des premiers temps de l’histoire d’Is-
seph est vendu sont dits tantôt Madia- puissant que les dieux d’Égypte, il
mais l’explication du fait ou sa justifi- raël. Cela ne veut pas dire qu’il soit
nites, tantôt Ismaélites. Le pharaon qui réussit à convaincre ses frères de race
cation. La légende ou le mythe ne sont possible d’établir une biographie des
prend Joseph à son service n’est pas et à les amener au prix de mille diffi-
pas nécessairement une négation du patriarches. Mais la vaste documen-
nommé, pas plus d’ailleurs que celui cultés dans les steppes qui s’étendent
fait historique, mais quelquefois un de tation acquise permet d’esquisser à
de l’Exode, ce qui est d’autant plus au sud de la Palestine.
ses modes d’expression. Il n’est donc grands traits le destin des ancêtres des
étonnant que l’on connaît le nom de
pas impossible a priori qu’Israël ait Hébreux. La tradition postérieure a transfiguré
Putiphar, le premier maître de Joseph,
conservé dans ses anciennes traditions son histoire. Sa naissance merveilleuse
celui de son beau-père et de sa femme.
des souvenirs authentiques de ses ori- empruntée au fonds commun du folk-
Les traditions sur le
On n’échappe pas à l’impression que lore trouve un parallèle saisissant avec
gines. Et de fait, on peut constater que, séjour et la sortie
la tradition a véhiculé des légendes et celle de Sargon d’Akkad*, abandonné
sur de nombreux points, les traditions
d’Égypte que le récit a voulu exalter un grand
patriarcales s’accordent avec l’histoire lui aussi sur les eaux de l’Euphrate
Le séjour en Égypte est une partie ancêtre en le faisant le premier person- dans une corbeille de joncs enduite de
de l’Ancien Orient en cette première
vitale de la plus ancienne tradition nage d’Égypte après le roi. bitume. Moïse, dont le nom est égyp-
partie du IIe millénaire. Les noms
propres des patriarches se retrouvent d’Israël. Mais il faut bien constater tien (l’étymologie biblique, « sauvé des
qu’il n’y a pas de tradition sur le sé- Le temps de l’esclavage eaux », est populaire), reçoit une édu-
dans les documents de l’Ouest sémi-
tique, Mari ou Ras Shamra (Ougarit). jour en Égypte. Il y a une tradition sur Installés dans la terre de Gessen, les cation égyptienne à l’exemple de ces
Et il est important de remarquer que l’entrée en Égypte — c’est l’histoire de Hébreux du clan de Jacob y mènent une Asiatiques que les pharaons faisaient
ces noms ne seront jamais plus don- Joseph — et une tradition sur la sortie existence pastorale assez semblable à instruire pour leur confier ensuite des
nés dans toute la période de l’Ancien d’Égypte. Entre ces deux événements, celle qu’ils ont vécue en Canaan. Cette fonctions administratives.
Testament. Ils appartiennent donc à Israël semble n’avoir conservé aucun terre de Gessen (en hébreu Goshen) est Conduire les Hébreux hors d’Égypte
des types de noms connus avant l’ap- souvenir concernant le temps du séjour à situer près du Wd Tumilt, à l’ouest n’était pas chose facile, car l’adminis-
parition des Israélites comme peuple au pays des pharaons. du lac Timsah. tration royale était peu disposée à se
et dans les régions d’où la Bible fait Après un temps difficile à évaluer, défaire d’une main-d’oeuvre qu’elle
venir les patriarches. Les étymologies L’histoire de Joseph quatre siècles selon la chronologie avait sur place et à bon marché. Les
populaires données par la Bible (par Les récits qui relatent l’histoire de Jo- biblique, la situation change pour les difficiles tractations entre Moïse et le
exemple, Abraham, « père d’une mul- seph sont parmi les plus beaux de la immigrants. Au XVIe s., une révolte pharaon ont subsisté sous la forme du
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
récit des « Dix Plaies d’Égypte », c’est- religieuse. Ce récit n’est pas une geste
à-dire les fléaux dont Yahvé, le dieu des Hébreux, mais une geste de Yahvé.
des Hébreux, frappa les Égyptiens pour
les forcer à accorder aux Israélites la La pérégrination au désert :
liberté de quitter le pays. Ces calami- le Sinaï
tés sont des fléaux naturels repris par Délivrés du danger d’être repris par les
la tradition postérieure et agencés dans Égyptiens, les Hébreux retrouvent la
une histoire qui utilise très évidem- vie libre de leurs ancêtres. Leur séjour
ment le folklore égyptien et oriental. jusqu’à l’entrée en Canaan durera,
Il n’est pas sans intérêt de constater selon la Bible, quarante ans, chiffre
par exemple que le « fléau du sang » symbolique désignant les années d’une
(les eaux rougies par un dépôt de terre génération.
soulevée par le sirocco) se trouve déjà Mais quel fut l’itinéraire des Hé-
dans une tablette sumérienne. Pour une breux ? L’itinéraire classique de
interprétation correcte de ce passage, il l’Exode par le sud de la péninsule si-
faut retenir que le récit est une compo- naïtique reste sujet à caution, car il est
sition littéraire qui brode sur le thème difficile sinon impossible de localiser
populaire de la supériorité du dieu des les divers points du parcours donné par
Hébreux sur les dieux des Égyptiens. la Bible. Une chose sûre, c’est que le
La transcendance de Yahvé, qui dirige point de ralliement avant la conquête
le déroulement des événements afin de fut l’oasis de Cadès, à l’extrême sud de
délivrer Israël et d’en faire son peuple, la Palestine.
est une des idées maîtresses qui ont
De la mer des Roseaux à Cadès, trois
présidé à la formation de l’histoire
routes sont possibles.
biblique.
— Les Israélites seraient allés directe-
ment des lacs Amers à Cadès, traver-
Le miracle de la mer
sant en ligne droite le nord de la pénin-
C’est dans cette même perspective sule sinaïtique. Ce trajet est à écarter,
qu’il faut comprendre l’épisode célèbre car il ne peut trouver d’appuis sûrs
du passage de la mer Rouge : « Le dans les textes.
doigt de Dieu est là » (Exode, VIII, 15). — Ou bien, empruntant la route sud-est
qui conduit à l’Arabie du Nord-Ouest
Arrivée à la « mer des Roseaux »,
la colonne des émigrants est attaquée vers le golfe d’‘Aqaba, ils auraient re-
monté vers Cadès et le sud de Canaan.
par un détachement de chars de l’ar-
— Enfin, ils auraient suivi la route
mée égyptienne. À cette époque, les
traditionnelle par le sud, qui les aurait
lacs Amers communiquaient avec la
amenés à faire complètement le tour de
mer Rouge par une sorte de chenal à
la péninsule.
travers une région marécageuse. C’est
donc là qu’il faudrait situer la fameuse En fait, le tracé de l’itinéraire suivi
traversée. Cet événement pose bien des est lié à la localisation du Sinaï. Dans
transmis par la tradition ont de toute l’événement majeur que la Bible place
Comme pour les histoires de l’Iliade, C’est là que Moïse a reçu la révélation
cher à tout prix ce qui s’est exactement d’alliance entre Israël et son Dieu.
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l’entrée en Canaan. Le séjour dans des parties montagneuses du pays, ne occupent la plaine de la Shéfelah et 1050. L’Arche d’alliance, palladium
l’oasis de Cadès marque pour les pas- sont pas en mesure encore d’affronter la bande côtière. Fortement organisés des Israélites, tombe aux mains de
teurs nomades que sont les Hébreux un dans la plaine les troupes cananéennes, en cinq districts, possédant une armée l’ennemi, qui prend le contrôle d’une
début de sédentarisation. C’est alors mieux armées et dotées de chars de bien équipée, ils vont être jusqu’au partie du territoire d’Israël et interdit
qu’apparaissent les premiers éléments guerre. Le travail de conquête se pour- temps du roi Saül les ennemis les plus aux vaincus de fabriquer des armes.
d’une organisation. Ce groupement de suivra durant l’époque des Juges et ne dangereux d’Israël. Devant l’ampleur du désastre, Samuel
clans qu’unissent des années d’exis- se terminera qu’au début de la période tente, sans grand succès, d’organiser
À cette solide organisation, les
tence commune tend à devenir un monarchique avec la prise des der- une résistance nationale. C’est la fin de
Hébreux n’opposent qu’une assez flot-
peuple, auquel vont s’agréger d’autres nières places fortes cananéennes, Jéru- l’institution des Juges.
tante confédération de douze tribus
éléments nomades comme les Calébites salem et Megiddo.
jouissant chacune d’une indépendance
et les Qénites, qui participeront avec La monarchie unitaire
Les données archéologiques confir- complète. Il n’y a pas de gouvernement
les Hébreux à la conquête de Canaan. ment dans l’ensemble les données (v. 1030 - 931)
central. Le seul lien qui les unit est le
bibliques, mais l’usage abusif qu’on culte de Yahvé. L’Arche d’alliance, Le siècle d’or d’Israël
L’installation en Canaan en a fait soulève de graves problèmes. figuration du trône de Yahvé et signe
Sous la pression d’un péril qui tend
Josué (entre 1220 On s’est longtemps acharné à vouloir de la présence divine, était vénérée par
à devenir chronique, l’unité natio-
et 1200) apporter la preuve de la destruction toutes les tribus au sanctuaire de Silo,
nale s’achève. Les tribus prennent
de Jéricho au XIIIe s. par Josué. Or, en Palestine centrale. Tout autre lien
Le livre de Josué décrit la conquête conscience de la nécessité d’un chef
les fouilles montrent que Jéricho a que le lien religieux faisant défaut, seul
de la Palestine comme une oeuvre permanent qui aura pour mission de
été détruite vers 1550 et pauvrement un danger pouvait susciter une union
commune de toutes les tribus sous la conduire la guerre de libération. Mais
réoccupée au XIVe s. Rien n’a été trouvé passagère entre les tribus menacées.
conduite de Josué. Cette présentation la transition ne se fait pas sans heurts.
qui puisse être attribué au XIIIe s. ; pas On voit alors apparaître des chefs tem-
simplifie beaucoup la réalité, et l’ac-
la moindre trace des murailles renver- poraires qui conduisent une guerre de
tion des divers groupes, couronnée Saül et l’échec (v. 1030 - v. 1010)
sées au son des fameuses trompettes. libération et exercent quelque temps
d’un succès inégal, fut plus éparpillée, Le premier roi, Saül, est au début un
Si Jéricho a été prise, et pourquoi le leur autorité sur un groupe de tribus
comme en témoigne le début du livre chef local qui, avec une petite troupe,
nier, elle n’était sans doute à cette réunies sous la pression des circons-
des Juges. Il est certain aussi que l’ins- conduit des opérations de plus ou
époque qu’une petite installation peu tances. Les plus connus de ces chefs,
tallation en Canaan ne s’est pas faite moins grande envergure. Ses pre-
ou pas fortifiée. Il en va de même d’Aï, appelés « juges », sont des héros lo-
seulement par les armes. Une partie du miers succès lui assurent une autorité
détruite vers 2400 et réoccupée après caux dont l’histoire ou la légende est
pays n’a pas eu besoin d’être conquise. plus grande sur l’ensemble des tribus.
1200 ; un village était installé sur ses rattachée à différents endroits de la Pa-
Dans certains lieux peu habités, la pé- Il réside à Gibéa, à 6 km au nord de
ruines : son nom signifie d’ailleurs lestine. L’histoire de Gédéon se situe
nétration a été pacifique. Elle a été faci- Jérusalem. Les fouilles faites à cet en-
« la ruine ». Pour ces deux villes, il sur le plateau nord-palestinien, celle de
litée aussi par une entente avec certains droit ont fait apparaître les restes d’une
paraît clair que le récit de leur prise Jephté en Transjordanie, celle de Sam-
groupes qui étaient d’origine amorrite, petite citadelle dont la Bible attribue
doit être ramené à des proportions
comme les Hébreux, et qui en certains son en Palestine centrale.
la construction à Saül. En fait, on peut
plus modestes. Par contre, les fouilles
cas ont joint leurs forces à celles des Ces récits du livre des Juges se pré- penser qu’elle a été construite par les
entreprises sur l’emplacement d’autres
envahisseurs. sentent comme une histoire populaire Philistins et que Saül l’utilisa après la
villes comme Debir, Lakish, Haçor...
faite de récits stéréotypés, encombrée conquête de cette ville par Jonathan,
C’est ainsi que, dans le Sud, la cadrent bien avec les destructions af-
conquête se fait sans violence jusqu’au de traditions anecdotiques et légen- son fils.
firmées par la Bible. Mais, là aussi, il
daires, mais qui reflète la situation
moment où les immigrants atteignent serait téméraire d’attribuer aux seuls L’amélioration de la situation re-
la montagne judéenne, occupée par les politique et sociale de cette époque. À
envahisseurs israélites les destructions donne courage aux tribus, qui entre-
Cananéens sédentaires. titre d’exemple, signalons un trait pris
que font apparaître les fouilles : les prennent de déloger l’ennemi des
dans l’histoire de Samson, en laquelle
La conquête de la Palestine centrale luttes étaient fréquentes entre les cités postes qu’il occupe à l’intérieur du
on trouve tant de traits incontestables
est décrite dans le livre de Josué sous la cananéennes, les conflits nombreux territoire d’Israël. Le nouveau roi réus-
du folklore ancien. On a longtemps
forme d’une chevauchée militaire mar- avec les peuples voisins ; et il était de sit à lever une armée permanente et à
daubé sur le passage connu du livre des grouper autour de lui quelques hommes
quée par quelques actions de grande bonne guerre de raser la ville conquise.
Juges (XV, 15 à 17) dans lequel Samson aux qualités guerrières éprouvées. Ce
envergure. Là aussi, il faut mettre des
tue mille Philistins avec une mâchoire cercle comprend, avec Jonathan, fils
nuances. C’est d’abord le passage du La période des Juges
d’âne. Passons sur le mille, qui a une du roi, son cousin Abner, promu géné-
Jourdain, dont le récit rappelle beau- (v. 1200 à v. 1030) valeur de symbole, mais relevons le
coup le passage de la mer Rouge, mais ral des armées des tribus, et le jeune
Après la mort de Josué, les Israélites fait suivant. On a retrouvé en Mésopo- David, chef de la garde royale.
le style n’enlève rien à la réalité du fait.
s’efforcent d’assurer la place qu’ils ont tamie des faucilles faites en éléments
Après la prise de Jéricho, d’Aï et de Bé- La fin de l’histoire de Saül dans la
conquise en Palestine. En butte à l’hos- de silex enchâssés sur une monture de
thel, les Hébreux réussissent à prendre Bible est surtout l’histoire de l’acces-
tilité des Cananéens et aux incursions bitume ou parfois sur une mâchoire
pied dans la montagne d’Ephraïm. La sion de David au pouvoir. David est
dévastatrices des nomades établis de d’animal. « C’est ainsi que l’on doit
région où ils pénètrent est peu habitée, originaire de Bethléem, à 8 km au
l’autre côté du Jourdain — Moabites, se représenter vraisemblablement la
et ils s’y établissent sans trop de heurts. sud de Jérusalem. Les dons et l’habi-
Edomites, Ammonites —, les clans mâchoire d’âne avec laquelle Samson
Les Cananéens installés dans la plaine, leté dont il fait preuve lui valent la
israélites n’ont pas encore trouvé leur fait un carnage de Philistins » (André
morcelée en une multitude de cités- confiance du roi. Cependant, ses nom-
stabilité. De plus, les rivalités entre eux Parrot, Assur, 1961).
États, commencent à s’inquiéter de la breux succès obtenus dans la guerre
sont nombreuses : on grignote un peu À la fin de la période des Juges, le
présence de ces étrangers. Cependant, contre les Philistins finissent par éveil-
le territoire du voisin quand on ne se danger philistin se fait plus pressant.
divisés par leurs rivalités intérieures, ler la jalousie de Saül et incitent David
ils n’arriveront pas à contenir la pous- fait pas franchement la guerre. Les fouilles de Silo montrent que, vers à s’enfuir dans la montagne judéenne.
sée des Israélites ni même à les empê- L’arrivée des Philistins vient encore le milieu du XIe s., cette ville a subi Il devient chef de bande, mais, pressé
cher de s’installer dans le nord du pays. aggraver la situation. Depuis le début une destruction qui confirme la rela- par les gens de Saül qui le poursuivent,
En fait, Cananéens et Hébreux cohabi- du XIIe s., ces envahisseurs venus des tion de la défaite d’Israël au chapitre IV il se réfugie avec ses hommes chez les
teront encore longtemps. Les Israélites, côtes égéennes et crétoises se sont ins- du premier livre de Samuel. C’était Philistins, à qui il offre ses services.
maîtres seulement des campagnes et tallés sur le littoral au sud de Jaffa. Ils sous la judicature du prêtre Héli vers Ceux-ci l’emploient à protéger leurs
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frontières contre les incursions des Délivré du danger le plus pressant, Gaber (Eçyon-Geber), sur le golfe sont pas des idoles, mais un signe de
nomades Amalécites. David achève la conquête du territoire d’‘Aqaba, on a dégagé les hauts four- la présence de Yahvé. Il n’en reste pas
palestinien, soumettant à son autorité neaux dans lesquels les ouvriers de Sa- moins qu’ils évoquaient fâcheusement
Lorsque la guerre reprend entre Saül
et les Philistins, la situation de David les cités cananéennes encore indépen- lomon fondaient le fer et le cuivre ex- les idoles cananéennes et tendaient à
dantes : Megiddo, Beth Shéan et Jéru- traits des montagnes d’alentour. C’est rapprocher de façon regrettable Yahvé
devient délicate. La défiance dont
salem, dont il fait sa capitale (v. 1000). dans ce port qu’était basée la flotte que et le Baal cananéen. Par ce geste, Jéro-
font montre à son égard les princes
philistins le sauve du danger d’avoir Mais ce royaume, qui peu à peu s’or- Salomon avait armée grâce au roi de boam opposait culte à culte, et détour-
ganise, apparaît comme un danger Tyr et à ses matelots phéniciens. Les nait de Jérusalem, maintenant capitale
à prendre part à la guerre contre ses
aux nations voisines, qui essayent de vaisseaux du roi d’Israël iront chercher du royaume rival, la masse de ses su-
frères de race. L’engagement entre les
limiter son expansion. Après une suite jusque sur la côte des Somalis l’or et jets adorateurs de Yahvé.
deux armées, israélite et philistine, a
de campagnes contre les Ammonites, les produits rares de l’Orient.
lieu dans la plaine de Jezraël (Yizre‘el),
au mont Gelboé. Il se termine par un les États araméens du Nord et les Edo- L’afflux des richesses que ce com- Le royaume d’Israël (931-721)
désastre. Saül, blessé par les archers, se mites, David se trouve à la tête d’un merce apporte est absorbé par le train Le trait caractéristique de la monarchie
donne la mort. Le règne du premier roi petit empire qui étend son protectorat fastueux que mène le roi et par les du royaume du Nord est l’instabilité
d’Israël s’achève par un accroissement jusqu’au royaume de Damas. grandes constructions qu’il entreprend. politique. Indépendamment d’usur-
de la puissance philistine dans le nord L’union nationale se révèle pourtant Les fouilles faites à Megiddo donnent pateurs éphémères, on ne compte pas
du royaume. fragile. L’unité n’est qu’apparente, une idée de ces importants travaux : moins de cinq dynasties pour deux
fondée sur l’autorité de la personne du les remparts, le palais et les fameuses siècles à peine. En tout, dix-neuf rois.
David, bâtisseur d’empire roi. David continue à être aux yeux de « écuries » (remaniées sans doute au
Dans une première période, les deux
(v. 1010 - v. 970) son peuple le roi de Juda et d’Israël. temps d’Achab). Avec le palais qu’il
royaumes frères d’Israël et de Juda
Cela explique les luttes intérieures qui fait bâtir pour lui-même, son maître ou-
L’unité nationale, apparemment com- gaspillent leur temps et leurs forces à
vont troubler la fin du règne. À la mort vrage est le Temple de Jérusalem, dont
promise par la faillite de la première des rivalités qui ne font que les affai-
du vieux roi, son fils Salomon montera l’édification durera sept ans (v. 969 -
tentative monarchique, se refera en blir. Face aux dangers extérieurs, ils
sur le trône au milieu d’intrigues de v. 962) ; l’auteur biblique n’a pas de
deux temps. prennent conscience qu’ils doivent
cour alimentées par les inimitiés réci- mots pour décrire sa magnificence.
Les tribus du sud proclament roi s’épauler pour subsister. Le royaume
proques et tenaces des tribus de Juda Mais le zèle bâtisseur du roi, son du Nord devra soutenir de nombreuses
David, avec comme capitale Hébron.
et d’Israël. faste de prince oriental font peser sur guerres contre ses voisins moabites
De son côté, Abner, général de l’armée
le peuple un lourd fardeau. Les corvées d’au-delà du Jourdain, et surtout contre
d’Israël, prend le commandement des
Salomon le Magnifique sont nombreuses, les impôts pesants. les Araméens de Damas. Pour leur
troupes qui restent après la débâcle de
(v. 970 à 931) La situation privilégiée des tribus du faire échec, Omri (885-874) se ligue
Gelboé. Il se réfugie en Transjordanie
Salomon recueille de son père un Sud (elles ont un statut spécial et c’est avec le roi de Tyr et le royaume de
et, avec l’appui des tribus du Nord, fait
parmi ses membres que se recrutent Juda, et il obtient pour son fils Achab la
proclamer roi Ishbaal, le seul fils sur- immense héritage, qu’il conservera à
les fonctionnaires et les personnages main de Jézabel, fille du roi phénicien.
vivant de Saül. Ce roi d’un territoire peu près intact. L’État de David était
de cour) a fait des mécontents dans les Cette alliance aura du point de vue
en partie sous la domination des Phi- solide, on pouvait se dispenser de
tribus du Nord. Déjà, des mouvements religieux des conséquences fâcheuses,
listins ne peut avoir qu’une autorité nouvelles conquêtes. La disparition
de révolte se dessinent quand Salomon dont l’Athalie de Racine nous a apporté
théorique. En réalité, c’est Abner qui de David avait suscité chez certains
meurt en 931. l’écho.
détient le pouvoir, et Ishbaal commet peuples conquis l’espoir de recouvrer
l’imprudence de se brouiller avec son leur indépendance. Mis à part l’éta- Mais le péril le plus grave vient de
puissant « maire du palais ». Assez fin blissement d’une petite principauté en Le royaume déchiré l’Assyrie. Achab (874-853) entre dans
pour se rendre compte que la rivalité de Edom et la conquête de Damas par un une ligue antiassyrienne et se fait battre
La scission des deux royaumes qui
deux rois en Israël ne peut amener qu’à prince araméen, Salomon réussit à gar- intervient après la mort de Salomon à Qarqar sur l’Oronte en 854 par le roi
une situation sans issue. Abner engage der bien en main l’empire de David. consacre un état de fait. L’antago- Salmanasar (Shoulman-asharêdou III).
des tractations avec David. Mais il est Pendant son règne, le pays ne connaît nisme invétéré entre les deux groupes Une éclipse passagère de l’Assyrie
assassiné par Joab, général de David, aucune invasion, et lui-même n’entre- de tribus, renforcé par le favoritisme permet un répit momentané. En 734,
qui élimine ainsi un compétiteur pos- prend aucune guerre. Pour garantir la dont Salomon a fait preuve à l’égard Téglatphalasar III (Toukoulti-apil-és-
sible. Cet assassinat livre à lui-même sécurité du territoire proprement israé- des territoires du Sud, rend inévitable harra) reprend l’offensive ; il conquiert
Ishbaal, bientôt écarté de la scène lite, il établit une ligne de forteresses la rupture. Roboam (931-913), fils de la Galilée, dont il déporte les habitants.
politique par le poignard de deux de et développe son armée par la création Salomon, devient roi des tribus du Le dernier acte de la lutte se joue avec
ses sujets. Rien n’empêche plus David d’une cavalerie et d’une charrerie. Sa Sud, et Jéroboam (931-910) règne sur Sargon II, qui, en 722, s’empare de
d’accéder au pouvoir sur l’ensemble puissance militaire lui sert seulement celles du Nord. Désormais, les deux Samarie : l’élite de la population est
d’Israël. À qui d’ailleurs les Israé- à appuyer sa diplomatie et à s’assurer royaumes porteront le nom de royaume déportée en Assyrie, et des colons mé-
lites peuvent-ils confier leur destinée, des alliances profitables avec l’Égypte de Juda, capitale Jérusalem, et de sopotamiens sont installés à leur place.
sinon au seul homme qui a déjà fait ses et la Phénicie. royaume d’Israël, capitale provisoire La chute de Samarie marque la fin du
preuves ? Il noue avec Hiram, roi de Tyr, des Tirsa et définitive Samarie, à partir du royaume du Nord.
Les Philistins ne se sont guère sou- relations commerciales, et, avec son règne d’Omri (885-874). Le jugement porté par les auteurs
ciés de David roi des tribus du Sud, concours, il arme une flotte de com- Cette rupture a des conséquences bibliques sur les rois d’Israël (comme
mais, lorsqu’il devient roi du pays tout merce. Comme tous les rois de l’Orient, religieuses. Pour faire pièce à Jérusa- sur ceux de Juda) est avant tout d’ordre
entier, ils réagissent. Prenant l’offen- Salomon détient le monopole du com- lem, qui était avec son Temple centre religieux. Ils sont bons ou mauvais
sive dans la région de Bethléem, ils merce : c’est un commerce de tran- religieux officiel des Douze Tribus, selon leur attachement à la religion
campent aux environs de Jérusalem, sit. Il importe de Cilicie des chevaux Jéroboam d’Israël élève à la dignité de de Yahvé. Dans le royaume du Nord,
encore cité cananéenne. Après une qu’il revend à l’Égypte, où il achète sanctuaires-nationaux deux villes du le yahvisme subit une crise grave du
longue lutte, David repousse les enva- des chars de guerre qu’il exporte en Nord, Dan et Béthel. Les taureaux d’or fait de sa juxtaposition avec les cultes
hisseurs et, les poursuivant jusque dans Syrie. Il troque les produits indigènes, placés dans ces lieux sacrés (le terme cananéens. Certains rois les ont favori-
leur pays, brise définitivement leur le blé, l’huile, contre les bois de cèdre de veau d’or employé par l’auteur sés aux dépens de la religion des pères,
puissance. du Liban. Des fouilles faites à Asion- biblique est un terme de dérision) ne soit par conviction personnelle, soit
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par politique. La Bible trace un sombre le prophète, résister aux partisans de la édit, la faculté de retourner à Jérusalem du Jourdain, marque l’éviction des
tableau des rois « impies » Omri ou lutte à outrance, à laquelle l’Égypte a et d’y relever le Temple. Ptolémées au profit des Séleucides. Au
Achab. De nombreux textes cunéi- promis son appui. Après un long siège, dire de l’historien juif Flavius Josèphe,
Un premier convoi de rapatriés
formes, les fouilles de Samarie ou de Jérusalem tombe aux mains de Nabu- prend aussitôt le départ. Malgré les les Juifs accueillent avec faveur le nou-
Megiddo nous font mieux connaître ces chodonosor en août 587. Sédécias a les ressources dont ils disposent (l’opé- veau maître. Antiochos III leur garantit
rois, qui furent des souverains remar- yeux crevés, la ville est mise à sac, le le droit de vivre conformément à leurs
ration a été financée par les commu-
quables dont la puissance en imposait Temple détruit et l’élite de la popula- nautés juives de Babylone), ce premier lois.
même aux rois d’Assyrie. Mais, dans tion déportée à Babylone. Ainsi finit essai de restauration échoue, à cause du La situation change brutalement
cette crise religieuse, le yahvisme a avec le royaume de Juda l’histoire des manque de coopération des Juifs restés avec Antiochos IV Epiphane (175-
failli perdre son âme, et on comprend Hébreux. Mais la vie d’Israël continue. dans le pays.
164). Son premier souci en arrivant au
la rancoeur de l’auteur biblique. Pour Une nouvelle époque commence, celle
Au début du règne de Darios, vers pouvoir est d’unifier ses États en leur
rétablir les droits de Yahvé, de grandes du judaïsme*.
520, une seconde caravane d’exilés imposant la culture grecque. Mais il
voix s’élèvent, celles des prophètes. La
arrive, conduite par Zorobabel, petit- n’avait pas compté sur la ténacité juive.
religion de la Bible leur doit l’essentiel Au bord des fleuves de
fils de Joiakim, roi de Juda. En cinq Certes, au début, le roi peut bénéficier
de son approfondissement à l’époque Babylone (587-538) ans (520-515), le Second Temple est de l’appui de certains membres de la
des Rois.
Après 587, il ne reste en Juda qu’une achevé. Un essai de reconstruction classe dirigeante qui ont adopté les
population misérable sous l’autorité de des remparts de Jérusalem au début
Le royaume de Juda (931-587) moeurs grecques ou qui, par ambition,
Godolias, ancien ministre de Sédécias, du règne d’Artaxerxès Ier (465-424)
entrent dans les vues du prince régnant.
Jusqu’à la fin du VIIIe s., le royaume tourne court par suite de l’opposition
établi par le vainqueur comme gouver- Mais vivre à la grecque, pour les Juifs,
de Juda a un rôle assez modeste. Peu des Samaritains.
neur de Judée. Un groupe d’irréduc- c’est participer aux rites religieux de
d’événements marquants : crise reli-
tibles excités l’assassine et massacre Cependant, en 445, Néhémie, haut l’hellénisme et par conséquent aban-
gieuse et sociale avec Athalie (841-
avec lui la garnison babylonienne. Par fonctionnaire du roi Artaxerxès obtient donner la Loi de Moïse et le mono-
835) ; prospérité économique au
peur des représailles, une partie des Ju- les pleins pouvoirs pour restaurer les théisme. Les résistances furent nom-
temps d’Ozias, nommé aussi Azarias
déens qui restent se réfugie en Égypte, remparts. Malgré les tracasseries dont breuses. Antiochos voulut brusquer les
(781-740). Achaz (736-716), dont la
entraînant avec eux Jérémie. Le terri- il est victime de la part des gouver-
Bible condamne la conduite religieuse, choses. Le décret d’Antiochos III qui
toire de Juda est rattaché administrati- neurs de provinces voisines, il ne met
compromet l’indépendance de son garantissait la libre observance de la
vement à la préfecture de Samarie. pas plus de cinquante-deux jours pour
royaume en sollicitant l’appui de l’As- Loi mosaïque est abrogé, et la religion
La grande part des déportés juifs se rebâtir les murs de la cité. Muni des
syrie contre les entreprises des rois de juive proscrite. Le Temple, profané,
trouve en Babylone ; c’est sur eux que pouvoirs de gouverneur de la Judée, il
Damas et d’Israël. est dédié à Zeus Olympien, et un autel
repose l’avenir du peuple d’Israël. Leur opère dans un second temps d’impor-
païen est érigé à la place de l’autel où
La ruine de Samarie (722) est res- tantes réformes. C’est de cette époque
nombre est difficile à évaluer, peut-être
on offrait les victimes à Yahvé.
sentie comme une dure leçon. Ezéchias que date la rupture avec les Samari-
cinquante mille. Les débuts furent sans
(716-687), fils d’Achaz, aidé par les tains, qui, amorçant un schisme reli- Le signal de la révolte vint d’un
doute difficiles, mais, par la suite, la
prophètes Isaïe et Michée, entreprend gieux, font du mont Garizim leur mon- prêtre de Modin, Mattathias, qui
situation devient meilleure. Peu à peu,
une profonde réforme religieuse, qu’il tagne sainte : au temps d’Alexandre, ils se retire avec ses cinq fils dans les
les déportés s’installent. De son exil
veut accompagner d’une restaura- y construiront un temple rival de celui montagnes, où le rejoignent d’autres
d’Égypte, Jérémie leur conseille de
tion nationale : tirer Juda de l’orbite de Jérusalem. rebelles. Un appui particulièrement
bâtir des maisons, et nous voyons Ezé-
assyrienne. Pris entre les rivalités de appréciable leur est fourni par un
chiel, déporté en 598, mener une vie La réforme de Néhémie est conti-
l’Égypte et de l’Assyrie, il joue le groupe important de Juifs entièrement
assez libre. Ils travaillent, et peu à peu nuée et menée à son terme par Esdras
mauvais cheval, c’est-à-dire l’Égypte. dévoués à la Loi. Ce sont les Hasidim,
beaucoup arrivent à l’aisance, sinon à qui, en 428, arrive à Jérusalem avec
Sennachérib (Sin-ahê-érîba) d’Assyrie
la richesse : ils deviennent, comme le un nouveau groupe important d’immi- ou Assidéens, ancêtres possibles des
met le siège devant Jérusalem (701). confirment certains documents baby- grants. Il est certain qu’Esdras a joué Pharisiens et des Esséniens. Matta-
Ezéchias ne s’en tire qu’en payant un loniens, fermiers, propriétaires ou un rôle capital dans la fixation défini- thias meurt en 166 ; son fils, Judas sur-
lourd tribut.
fonctionnaires. tive de la loi mosaïque, telle que l’ac- nommé le Maccabée, c’est-à-dire « le
De Josias (640-609) date la grande Leur sentiment religieux s’approfon- tuel livre du Pentateuque l’a recueillie. marteau », prend sa place (166-160).
réforme consignée dans le livre du Néhémie et Esdras ont véritablement Trois ans de combats héroïques seront
dit et s’épure. La catastrophe nationale
Deutéronome, mais le roi périt en 609 fait réfléchir. Une intense activité reli- fondé le judaïsme. nécessaires pour rétablir la liberté reli-
à la bataille de Megiddo en tentant de gieuse et intellectuelle caractérise cette gieuse et rendre le Temple au culte de
s’opposer au passage de l’armée égyp- époque, qui devient le point de départ Des conquêtes Yahvé.
tienne allant au secours de l’Assyrie d’une nouvelle restauration nationale : d’Alexandre à la Cependant ce n’est que plus tard,
aux prises avec les Babyloniens. En le judaïsme. domination romaine sous le gouvernement de Simon (143-
612, Ninive est détruite, et, en 606, Na-
L’Empire néo-babylonien suc- (333-63) 134), le dernier fils des Maccabées, que
bopolassar (Nabou-apla-outsour) met
combe sous les coups des Perses. En la Palestine recouvre une indépendance
fin à l’empire assyrien. La Palestine se soumet paisiblement en
539, Cyrus s’empare de Babylone. de fait.
Babylone* reprend bientôt les visées 333 à l’autorité d’Alexandre* le Grand.
Il inaugure son règne par un libéra-
Après la mort du conquérant, en 323, Sous le gouvernement des princes
de l’Assyrie sur les États vassaux de lisme religieux et politique qui consti-
Syrie et de Palestine. En 598, Nabucho- la Syrie et la Palestine sont disputées Asmonéens (134-37), la Judée passe
tuera la marque générale de l’Empire
donosor (Nabou-koudour-outsous II) entre les Diadoques. Finalement, la Pa- sous l’orbite de Rome. Du début de
achéménide*.
investit une première fois Jérusalem. lestine échoit aux Ptolémées d’Égypte, cette période date la division du ju-
qui la gouvernent avec modération daïsme en sectes rivales : les Saddu-
Joiakim, dit aussi Jéchonias (598), roi
Sous la domination perse jusqu’en 198. Tout continue comme
depuis trois mois, est déporté à Baby- céens constituent le parti des grands
La restauration de au temps des Perses sous l’autorité du
lone, avec les principaux notables. Son prêtres au pouvoir ; les Pharisiens et
Jérusalem (538-333) grand prêtre, chef de la communauté.
successeur, Sédécias (598-587), im- les Esséniens, dévoués au culte de la
posé par Nabuchodonosor, ne sait pas, Dès 538, Cyrus prend des mesures en La victoire d’Antiochos III (223- Loi, rejettent toute compromission
malgré les avertissements de Jérémie faveur des Juifs. Il leur concède, par un 187) à Panion (198), près des sources politique.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
1957 ; trad. fr. De l’âge de pierre à la chrétienté, ans. De cette période datent des ré- Après un séjour à Bamberg, où cette période, dominée par l’expérience
Payot, 1951) ; The Archeology of Palestine (Har-
flexions religieuses dont témoignent il s’occupe d’un journal (1807-08), douloureuse d’une contradiction oppo-
mondsworth, 1949 ; nouv. éd., 1954 ; trad. fr.
divers fragments posthumes — une Hegel retrouve l’enseignement avec la sant la culture et la vie de l’époque,
l’Archéologie de la Palestine, (le Cerf, 1955). / R.
de Vaux, « Israël » dans Dictionnaire de la Bible. Vie de Jésus (1795), une Critique de direction du gymnase Saint-Gilles, à expérience qui sera retracée en des
Supplément, t. IV (Letouzey et Ané, 1949) ; les l’idée de religion positive (1795-96), Nuremberg, qu’il conservera de 1808 à termes encore historiques ou religieux
Institutions de l’Ancien Testament (le Cerf,
un poème, Eleusis — dans lesquels 1816. La matière de cet enseignement plutôt que proprement philosophiques.
1958-1960 ; 2e éd., 1961-1967 ; 2 vol.) ; Bible
et Orient (le Cerf, 1967) ; Histoire ancienne transparaît une admiration nostalgique est publiée en 1812 dans la Propédeu- Hegel semble d’abord adhérer à
d’Israël, t. I (Gabalda, 1971). / M. Noth, Ges- pour la culture grecque, sur laquelle se tique philosophique. De 1812 à 1816 un rationalisme moralisant hérité de
chichte Israëls (Göttingen, 1950 ; 6e éd., 1966 ;
greffent diverses tentatives de conci- suivront les trois volumes de la Science l’Aufklärung, puis de Kant, mais qui
trad. fr. Histoire d’Israël, Payot, 1954 ; rééd.,
1971). / S. W. Baron, A Social and Religious His-
lier hellénisme et christianisme à partir de la logique ; entre-temps, il s’était se situe sous l’influence plus directe de
tory of the Jews, t. I (New York, 1952 ; trad. fr. du rapprochement des personnes de marié (1811). Fichte.
Histoire d’Israel, vie sociale et religieuse, t. I,
Socrate et du Christ. Des trois années C’est à Heidelberg, où il est nommé
P. U. F., 1956). / L. H. Grollenberg, Atlas van de Un revirement se dessine vite, et le
suivantes (1797-1800), qu’il passe à
Bijbel (Amsterdam, 1954 ; trad. fr. Grand Atlas en 1816, que commence sa carrière moralisme est dénoncé pour ce qu’il
de la Bible, Sequoia, 1962 ; nouv. éd., 1966). / Francfort, où il a accepté un nouveau universitaire proprement dite et qu’il a d’autoritaire et d’abstrait : le devoir,
A. Parrot (sous la dir. de), Cahiers d’archéolo-
préceptorat, datent un essai politique pourra développer plus amplement en effet, commande, et il le fait au nom
gie biblique (Delachaux et Niestlé, 1955-1969 ;
sur la Constitution du Würtemberg, un son système, dont le plan est donné en
17 vol. parus). / J. Bright, A History of Israel d’une loi qui, issue de la raison, ignore
(Philadelphie, 1959). / M. A. Beek, Geschichte fragment sur l’Esprit du christianisme 1817 dans l’Encyclopédie des sciences la réalité. Au « devoir-être » (Sollen),
Israels, von Abraham bis Bar-Kochba (Stut- et son système et, première ébauche philosophiques. Nommé à la chaire dont le culte définira plus tard la « belle
tgart, 1961). / A. et R. Néher, Histoire biblique
philosophique, le Fragment de sys-
du peuple d’Israël (A. Maisonneuve, 1962). / de Berlin en 1818, il ne quittera plus âme », il faut donc opposer cette réalité
G. W. Anderson, The History and Religion of tème, en partie perdu. ce poste, se consacrant au dévelop- et, contre les généralités formelles et
Israel (Londres, 1966). / Y. Aharoni, The Land of
L’héritage que la mort de son père pement de sa pensée dans des cours abstraites issues de la raison, se sou-
the Bible (Londres, 1967). / J. Negenmann, Ba-
kermat van de Bijbel (Amsterdam, 1968 ; trad. vient de lui laisser lui permet à partir dont le succès ne cesse de croître, et, mettre au fait concret et individuel.
fr. Univers de la Bible, Atlas du Proche-Orient de 1801 de se consacrer entièrement hors des Principes de la philosophie D’où les études sur la religion « posi-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
tive », religion née d’un événement duction », qui s’est déjà transformée, La conscience est le premier mo- à la conscience le chemin du savoir
historique réel et non pas déduite par la à la publication, en « première par- ment. Successivement conscience absolu, science des moments néces-
raison, qui, de ce fait, la récuse, virant tie du système de la science ». Or, la sensible, puis perceptive, entendement saires à la production de la vérité.
à la libre pensée, voire à l’athéisme. Il seconde édition, préparée par Hegel enfin, elle se caractérise par une passi- La Logique est la science du vrai lui-
y a donc opposition entre expérience à la veille de sa mort, supprime cette vité devant l’objet de qui elle attend la même : non plus genèse, mais déve-
religieuse et philosophie : « Dieu, dit précision. Entre-temps, en effet, la vérité : elle croit connaître autre chose loppement du savoir absolu.
alors Hegel, ne peut être enseigné, ne Phénoménologie de l’esprit était deve- qu’elle-même, mais ne rencontre en La logique est la science de l’idée,
peut être appris, car il est vie et ne peut nue une simple rubrique du système fait jamais qu’elle-même. Cette iden- et, comme l’idée est la réalité suprême,
être saisi que par la vie. » Remplaçant (3.1.2.). Mais, dans ce déplacement tité de l’objet et du sujet constitue le la logique tient lieu de ce qu’on dési-
par la spontanéité de l’amour (le Christ) de l’extérieur, puis du seuil à l’inté- second moment, la conscience de soi, gnait traditionnellement comme méta-
le légalisme des rapports de droit et de rieur du système, elle sera amputée qui toutefois ne la pose plus sur le physique. Elle se divise en deux par-
devoir (Abraham, Kant), plaidant pour de trois chapitres qu’elle dévelop- mode théorique mais la vit activement ties : d’une part, la logique objective,
l’inconscient contre la réflexion, Hegel pait initialement : rattachée à l’esprit dans la dialectique du désir (le besoin qui se subdivise à son tour en logique
se joint à Schelling et au romantisme subjectif, elle abandonnera ceux qui qui conduit à l’assimilation de l’objet du concept en tant qu’être (ontologie)
dans l’exécration de l’Aufklärung. traitaient de l’esprit, de la religion et par le sujet qui s’en nourrit), puis passe et logique du concept en tant qu’es-
du savoir absolu, qui seront alors ré- à la lutte pour la reconnaissance des
Mais l’inconscient est exclusion, et sence (où l’être ne se borne plus à sim-
partis entre l’esprit objectif et l’esprit consciences de soi individuelles en
bientôt Hegel va pousser sa recherche plement être, mais apparaît, sans toute-
absolu. Ces difficultés que rencontre tant que libres, laquelle aboutit aux
de la totalité jusqu’au point où il devra fois encore s’apparaître à soi-même) ;
la localisation de la phénoménologie rapports de domination et de servi-
se séparer de Schelling. En ce point, d’autre part, la logique subjective, ou
dans l’ensemble de la pensée hégé- tude, et au désir d’une conscience de
qu’il baptise notion, s’opère, réalisant logique du concept en tant que concept,
lienne situent ce qui est sans doute la soi universelle. La raison est cet élé-
l’universel concret, l’union du concept c’est-à-dire en tant que sujet.
ment où se réconcilient singulier et
et de la vie. En lui la raison, unie à difficulté majeure de cette dernière :
Le développement de la logique
la conciliation de l’exigence de dépas- universel. D’abord, avec la raison
l’amour, saura enfin accueillir ce que commence avec l’être pur : l’être qui
sement continu impliquée par une phi- observante, la conscience découvre la
les Aufklärer lui avaient fait rejeter : n’est qu’être et rien d’autre, ne recevant
raison comme réalité objective dans le
le coeur, la diversité, les mystères losophie qui identifie la vie de l’esprit aucune détermination supplémentaire.
monde, comme chose. Avec la raison
religieux. au devenir historique avec l’exigence
L’être n’est donc pur qu’à la condition
active, elle veut comme sujet se retrou-
de clôture, dont on ne voit pas com-
Si la tentative kantienne puis de n’être rien, en quoi il s’identifie à
ver elle-même dans l’être, et conduit au
ment ce qui se présente comme sys-
fichtéenne d’échapper au dualisme son contraire, le rien ou néant. Toute-
donquichottisme qui espère réaliser les
tème achevé du savoir absolu pourrait
du sujet et de l’objet était louable, fois cette identité reste indéterminée
désirs de son coeur malgré l’ordre du
l’éviter.
elle avorte parce qu’elle consent à le tant que n’a pas été posée, avec le de-
monde. L’individualité réelle en soi et
faire au prix de l’abandon d’un de ses La Phénoménologie est le récit de venir, la différence des termes en ques-
pour soi, au contraire, ne place pas son
termes, l’objet. Mais le dépassement de ce que l’on pourrait appeler la « voca- tion. C’est donc le devenir qui permet à
but hors du monde (il est bien plutôt de
la philosophie de la subjectivité en une tion philosophique » de la conscience ; l’être de se déterminer en une existence
s’y réaliser en utilisant ses lois au lieu
philosophie de l’identité n’est pas suffi- elle retrace les différentes étapes d’une particulière comme être-là (Dasein), de
de les détruire). Cette réconciliation
sant : Schelling n’échappe au dualisme éducation qui la fait passer de l’état ini- recevoir une qualité qui le définit et le
de la conscience individuelle et de son
que par la confusion de ses termes. Le tial de conscience empirique limitée à limite. Mais cette limite est en même
Autre inaugure la seconde partie de la
véritable monisme exige au contraire la pure sensation à l’état final de déten- temps position d’un autre être-là, d’un
Phénoménologie ; la seule, remarque
que soient conservés les termes anti- trice du savoir absolu. Éducation qui autre côté de la limite, d’une infini-
J. Hyppolite, à porter effectivement sur
nomiques qui, au lieu d’en constituer permettra à la conscience individuelle tude... Ainsi se poursuit (jusqu’à la me-
« l’esprit » au sens hégélien du terme,
les impasses, sont maintenant les res- de devenir, en tant que conscience de sure qui l’achève) la théorie de l’être.
puisque jusqu’ici il n’a encore été
sorts de la raison. Ce mouvement où soi, conscience de l’esprit de son temps L’essence est le produit des opéra-
question que de la conscience. L’esprit
apparaît le geste dialectique hégélien grâce à la médiation des moments de tions de l’entendement sur l’être par
sera d’abord esprit vrai (objectif) dans
de l’Aufhebung (qui dépasse en conser- l’histoire universelle et du monde la cité antique, travaillée par le conflit la médiation desquelles l’existence
vant) va rendre de nouveau possible la culturel au sein desquels elle se déve- trouve un fondement qui permettra à
de deux lois : la loi humaine, ou civile,
philosophie, en tant que science de cet loppe. Éducation qui de surcroît aura et la loi divine, ou familiale (cf. Anti- l’essence d’apparaître, cette apparence
absolu auquel l’Aufklärung (relativiste été celle-là même de Hegel, qui, depuis gone). Conflit qui, accentué avec le (phénomène) ne s’opposant pas à l’es-
et sceptique) avait renoncé. Cette phi- son enfance, est passé par les déchire- christianisme, aboutira à l’opposition sence, mais au contraire en constituant
losophie, animée par les antinomies, ments de la conscience malheureuse, de deux mondes (celui de la foi et celui la réalisation.
pourra opérer la réconciliation de la ceux de la belle âme, etc., avant la ré- de la science) jusqu’à ce que la Révolu- Immédiateté de l’être et médiateté
culture et de la vie, du constat de sépa- conciliation finale que son propre sys- tion française fasse régner de nouveau de l’essence sont reprises et conciliées
ration desquelles elle était sortie. tème réalise en tant qu’il serait le savoir une loi unique : « Le ciel est descendu dans le concept, qui est en soi et pour
absolu. Le livre se développe ainsi sur sur la terre. » Mais l’opposition se dé- soi : concept subjectif, il correspond
Les livres un triple plan : (a) itinéraire « autobio- place et, au lieu d’être celle de deux à la logique traditionnelle (concept,
graphique » de son auteur lui-même, il lois, devient opposition à l’objectivité
y La Phénoménologie de l’esprit jugement, syllogisme) ; concept ob-
se propose (au lecteur) comme (b) un de la loi elle-même avec le moralisme
(Phänomenologie des Geistes). Ce jectif, il étudie le mécanisme (action
itinéraire type permettant l’accession de la « belle âme ». Pour elle, l’esprit
premier livre, à la rédaction duquel externe des objets les uns sur les
d’une conscience empirique au savoir n’est pas objet, mais sujet, il ne s’in-
Hegel s’est mis si brusquement qu’il autres), le chimisme et la téléologie
en donnera les chapitres à l’impri- absolu, dans la mesure où (c) il est l’iti- carne donc pas dans l’État mais dans (où la détermination externe est rem-
néraire de l’esprit objectif lui-même la religion, en attendant que la Philoso-
meur, morceau par morceau, au fur placée par l’autodétermination : les
et à mesure de leur rédaction, pose dans le cours historique du monde. phie réalise avec l’esprit absolu la syn- objets réalisent le concept dont ils sont
plusieurs problèmes à ses commen- Toutefois, ce dernier plan est encore thèse de l’esprit objectif et de l’esprit porteurs) ; idée, enfin (ou vérité en et
estompé : la Phénoménologie décrit le subjectif (v. plus loin : Cours, 3 et 4).
tateurs, comme il n’a d’ailleurs pas pour soi), il est d’abord vie (idée objec-
cessé de le faire à son auteur lui- devenir de la conscience individuelle y La Science de la logique (Wissens- tive et immédiate), puis connaissance
même. Quand celui-ci s’est mis au et ne peut en aucun cas être confondue chaft der Logik). La Phénoménologie (idée subjective), enfin idée absolue
travail, il pensait écrire une « intro- avec une philosophie de l’histoire. est la science pédagogique qui trace sur laquelle se referme le cercle de la
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
logique, car on est revenu à l’être, mais de l’idée dans l’extériorité matérielle). par la transformation d’une volonté limite pour la volonté individuelle, car
développé dans la totalité de ses mo- Ainsi s’effectue le passage à l’esprit particulière en volonté commune. Mais celle-ci ne se réalise vraiment qu’en
ments en une science systématique : la qui, dans son premier moment : l’esprit la volonté particulière reste dans sa na- faisant de lui son but substantiel. Entre
logique elle-même. Science il est vrai subjectif (qui n’existe que pour soi), se ture différente de la volonté commune, les États indépendants, les rapports
qui n’est encore que celle du concept définit successivement comme âme, alors même que, dans le contrat, elles sont condamnés à rester ceux de vo-
en et pour soi (du concept « divin », conscience, puis sujet spirituel. L’âme coïncident, et, leur coïncidence dépen- lontés particulières ; en cas de conflit,
dit Hegel), dont la philosophie de la est l’esprit immédiat soumis aux déter- dant de la seule volonté individuelle, la l’invocation d’un droit international
nature développera l’aliénation dans minations naturelles (géographiques, possibilité de l’injustice (de leur non- ne saurait être qu’un des voeux pieux
l’extériorité du monde, et la philoso- raciales, etc.). L’esprit immédiat est le coïncidence) est une implication origi- du moralisme subjectif, leur règlement
phie de l’esprit son retour en soi avec « sommeil de l’esprit » dont la phéno- nelle du formalisme juridique. reposant en réalité sur la décision des
la réalisation de l’esprit absolu par ménologie décrit le réveil à travers les armes : au « tribunal du monde » qu’est
La moralité subjective est celle du
l’humanité. différentes structures de la conscience, l’histoire, la guerre est en effet pour les
sujet qui ne reconnaît d’autre droit
REMARQUE : le système hégélien alors que la psychologie étudie les acti- nations la seule forme de procès, du
que celui dont il est l’origine. Mais,
n’a pas été développé intégralement. vités du sujet qui culminent et s’uni- verdict duquel découlera leur contribu-
pour réaliser ses projets, il doit les
Des cinq livres publiés par Hegel, le fient avec la volonté libre. L’esprit tion à l’histoire universelle. Mais cette
exposer à des interférences étrangères
objectif (qui est en soi) apparaît à ce violence n’est que la ruse dont la raison
premier (Phénoménologie) en est qui l’amèneront, n’y retrouvant plus
l’introduction, les deuxième et qua- point. se sert pour donner dans le monde une
ses intentions, à refuser la responsa-
trième (Propédeutique et Encyclopédie La préface des Principes soutient bilité de leurs conséquences. Elle est réalité à l’esprit.
[Philosophische Propädeutik et En- que le droit est le lieu où se réalise conduite de la sorte aux antinomies de
zyclopädie der philosophischen Wis- l’être en soi objectif de l’esprit, et que l’intention et de l’action, des fins et Les cours
senschaften im Grundrisse]) de simples c’est donc là qu’il faut le rechercher des moyens. Antinomies qui ont leur Ils ont été publiés en quatre séries :
résumés scolaires, les troisième et cin- si on désire le connaître au lieu de le source dans le caractère abstrait et Vorlesungen über die Philosophie der
quième (Logique et Philosophie du dépasser en rêvant un état aussi irréel vide de la certitude morale, à la seule Geschichte (Leçons sur la philosophie
droit) n’en développant que des sec- que subjectif. autorité subjective de laquelle elle se de l’histoire, publiées en 1837, com-
teurs particuliers. confie.
L’esprit objectif se divise en trois plétées en 1840) ; Vorlesungen über
y Les Principes de la philosophie du moments : droit abstrait, Moralität Le premier moment de la moralité die Aesthetik (Leçons sur l’esthétique,
droit (Grundlinien der Philosophie ou moralité subjective, Sittlichkeit ou objective est la famille, où domine 1835-1838) ; Vorlesungen über die
des Rechts). Ils développent, dans moralité objective incarnée dans les l’élément naturel (sexualité) et qui est Geschichte der Philosophie (Leçons
la philosophie de l’esprit, la section coutumes et les pratiques d’un peuple. appelée à se nier elle-même par l’éman- sur l’histoire de la philosophie, 1833-
consacrée à l’esprit objectif, et se Le droit abstrait correspond à un cipation des enfants. Ceux-ci, devenus 1836) ; Vorlesungen über die Phi-
situent donc entre l’esprit subjectif et à leur tour des individus, entrent dans losophie der Religion (Leçons sur la
formalisme juridique comparable à
l’esprit absolu. ce que les théoriciens de l’Aufklärung la société civile (bürgerliche Gesell- philosophie de la religion, 1832). Leur
Le développement de la philosophie avaient développé sous le titre du droit schaft), où chaque personne poursuit la contenu peut sommairement se formu-
de la nature s’était achevé avec la vie naturel. C’est le droit de la personne satisfaction de ses besoins propres dans ler de la façon suivante.
animale, qui fait apparaître une inté- définie par ses propriétés, donc par ce le cadre de la division du travail. Mais 1. Dans l’histoire universelle la rai-
riorité au sein de l’extériorité naturelle qui n’est pas elle, ces propriétés elles- cet atomisme utilitariste est surmonté son en tant que volonté libre de-
elle-même (la nature est l’aliénation mêmes étant garanties par un contrat, dans l’État, qui n’est pourtant pas une vient consciente d’elle-même. Cette
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
(oeuvres de l’art, temples des reli- duit des oeuvres dont la définition veut sont que formelles : la religion est des- geois, la Pensée politique de Hegel (P. U. F.,
tine à une lecture qui le fera entrer dans n’est donc que le premier moment de une minorité ; d’autre part, la religion et dialectique (Larousse, 1972). / G. Lebrun, la
Patience du concept. Essai sur le discours hégé-
la mémoire commune de l’humanité. l’esprit absolu, dont le second, la reli- se contente de se représenter Dieu,
lien (Gallimard, 1972).
D’où la distinction de trois mondes : gion, renoncera à l’extériorité sensible alors que la philosophie en saisit le
l’Afrique (où règne encore l’âme natu- de l’oeuvre ; la philosophie (qui en est le concept.
relle, nuit et sommeil de la conscience), troisième) retrouvera bien l’objectivité Hegel définit les religions détermi-
l’Asie (Orient : matin de l’histoire), de l’oeuvre d’art, mais dépouillée dans nées par l’inadéquation de l’idée de
l’Europe (pays de la lumière, non le savoir conceptuel de toute apparence
hégélianisme
Dieu et de la représentation limitée
pas celle extérieure du Soleil, mais la sensible. L’histoire de l’art retrace la qu’elles en donnent ; ce sont d’abord
Ensemble des mouvements de pensée
lumière intérieure et active de l’esprit domination progressive du spirituel sur les religions de la nature, qui posent
l’élément sensible et matériel, jusqu’à issus du philosophe Hegel.
occidental au travail). Dieu comme un en-soi objectif (féti-
l’élimination totale de ce dernier, donc Trois questions dominent les débats
Si l’Afrique est non historique, chisme, taoïsme, brahmanisme...), puis
la fin de l’art qui « pour nous, dit effec- qui prolongèrent la pensée de Hegel :
dans le monde asiatique, l’histoire ne les religions de l’individualité subjec-
tivement Hegel, est désormais chose 1o Comment cette philosophie, qui a
fait encore que naître. Lui-même se tive, qui en font un pur sujet (judaïsme,
du passé ». Quand l’oiseau de Minerve pensé l’histoire, subit-elle à son tour
subdivise en trois empires : la Chine polythéisme grec, finalisme romain).
prend son vol, quand la philosophie se l’évolution historique ? Peut-on en
et l’Inde (immobiles, elles restent au- Seule la religion absolue, la religion
tourne vers l’art, c’est qu’il a fait son conserver à la fois le système et la
jourd’hui ce qu’elles étaient il y a des révélée (chrétienne), offre de Dieu une
temps : à la présence vivante de l’art philosophie de l’histoire ? 2o Cette
millénaires) ; la Perse, premier empire représentation adéquate à sa notion
son concept a succédé. philosophie est-elle conservatrice ou
historique parce que « premier qui ait (l’Esprit comme sujet en soi et pour
L’idéal du Beau se présente succes- révolutionnaire ? 3o Est-elle chrétienne
disparu » : un peuple qui meurt a plus soi).
ou athée ?
de valeur historique qu’un peuple qui sivement comme symbolique, clas- 4. La religion a pour contenu la vérité
dure. sique et romantique. L’art symbolique telle qu’elle est pour les hommes ; la Les « vieux hégéliens » ne pensèrent
caractérise les productions des pre- philosophie, la vérité telle qu’elle est pas que les événements qui suivirent la
À l’histoire statique des despotismes
mières époques historiques (Orient) et pour elle-même. La Phénoménolo- mort de Hegel infirmaient sa pensée ;
orientaux, dont le caractère abstrait
témoigne, en cette enfance, d’une ina- gie en décrit la progression jusqu’au ils y virent plutôt une confirmation les
écrase toute individualité, le monde
déquation, d’un conflit du sens spirituel système du savoir absolu, dans lequel uns de sa lettre même, les autres de son
européen oppose d’abord l’Empire
de l’oeuvre et de son support matériel « c’est l’idée éternelle, existant en et esprit entendu en un sens plus ou moins
grec, qui a l’individualité pour principe
encore écrasant. L’art classique, qui pour soi, qui se manifeste, s’engendre large. Le plus orthodoxe d’entre eux,
substantiel et la réalise dans la démo-
s’épanouit dans le monde grec, réalise elle-même éternellement et jouit Karl Rosenkranz (1805-1879), auteur
cratie. Les individualités s’épanouiront
l’équilibre parfait de la matérialité et éternellement de soi comme esprit d’une Vie de Hegel (1844), voit ainsi
dans leur diversité (variété des cités,
de la spiritualité, avec l’apothéose de la absolu ». dans l’évolution de l’humanité vers un
éparpillement géographique des îles,
plus spirituelle des formes naturelles : D. H. nivellement technologique et politique
etc.), qui, devenue principe de division
le corps humain. L’art romantique, lié une confirmation encourageante des
G. Noël, la Logique de Hegel (Alcan, 1897).
et de rivalités, les livrera à la conquête
au christianisme, tend vers l’élimina- / J. B. Baillie, The Origin and Signifiance of progrès de l’esprit. Conservant donc,
romaine.
tion de la part sensible, l’amincisse- Hegel’s Logic (Londres, 1901). / P. Roques, avec le système, la philosophie de
Hegel, sa vie et ses oeuvres (Alcan, 1912). /
L’Empire romain rassemble sous sa ment du contenu de l’oeuvre. l’histoire, il se borne à compléter Hegel
F. Rosenzweig, Hegel und der Staat (Munich,
domination universelle tous les peuples pour la période qui suit sa mort. Il y a
Selon le « poids » de matière impli- 1920 ; nouv. éd., 1962). / W. Dilthey, Die Ju-
particuliers. À l’individu concret suc- gendgeschichte Hegels (Berlin, 1921). / J. Wahl, déjà plus de réticences dans les travaux
qué dans sa mise en oeuvre, un art diffé-
le Malheur de la conscience dans la philosophie
cède alors la personnalité juridique. La de Rudolf Haym (1821-1901), Kuno
rent dominera chacune de ces périodes. de Hegel (Rieder, 1929). / Études sur Hegel,
destruction viendra ici de l’opposition Fischer (1824-1907), et Karl Ludwig
L’art symbolique par excellence sera numéro spécial de la Revue de métaphysique
de la subjectivité et de l’État qu’intro- et de morale (1931). / L. Herr, Choix d’écrits, t. II Michelet (1801-1893), historiens de
ainsi l’architecture, l’art classique la
duira le christianisme. (Rieder, 1932). / H. Marcuse, Hegels Ontologie
la philosophie qui, ne retenant de sa
sculpture, et les arts romantiques la und die Theorie der Geschichtlichkeit (Franc-
C’est l’Empire germanique qui peinture, la musique et la poésie, selon pensée que la philosophie de l’histoire,
fort, 1932 ; 2e éd., 1968 ; trad. fr. l’Ontologie
prend pour principe les valeurs chré- de Hegel, Éd. de Minuit, 1972) ; Reason and l’utilisent pour rendre compte de cette
un ordre de matérialité décroissante
tiennes. Il réalisera dans la Réforme la Revolution, Hegel and the Rise of Social Theory pensée elle-même : il ne s’agit déjà
(si le son est pur dans la musique,
(Boston, 1941 ; trad. fr. Raison et révolution,
réconciliation vivante de la conscience dans la poésie, devenu langage, il doit plus simplement de le prolonger, mais
Éd. de Minuit, 1968). / J. Hyppolite, Genèse et
subjective et de la moralité objec- de l’expliquer.
déjà s’accompagner d’un sens, avant structure de la « Phénoménologie de l’esprit »
tive : le protestantisme seul peut assu- (Aubier, 1946 ; 2 vol.) ; Introduction à la phi-
de n’être dans la prose philosophique Toutefois, si mince que devienne le
losophie de l’histoire de Hegel (Rivière, 1948 ;
mer le rôle de religion d’État dans le qu’un simple outil extérieur de la support de cette fidélité, les « vieux
2e éd., 1968) ; Logique et existence (P. U. F.,
monde moderne et résorber le conflit, pensée). 1953) ; Études sur Marx et Hegel (Rivière, 1955). hégéliens » se situent dans la suite de
propre aux nations latines et à la reli- 3. L’esthétique était l’aboutissement / A. Kojève, Introduction à la lecture de Hegel
la pensée hégélienne, alors que, dès le
(Gallimard, 1947). / G. Lukacs, Der junge Hegel
gion romaine, de l’individu et de la de l’art, la philosophie de la religion début, les « jeunes hégéliens » adoptent
(Zurich, 1948 ; 3e éd., in t. VIII des OEuvres
collectivité. sera celui de la religion. La notion gé- complètes, Neuwied, 1967). / E. Weil, Hegel et une attitude agressive à son endroit. Ce
2. L’esprit absolu succède à l’esprit nérale de la religion la définit comme l’État (Vrin, 1950). / B. Teyssèdre, l’Esthétique n’est d’ailleurs pas là le seul point qui
de Hegel (P. U. F., 1958). / E. Fleischmann, la
objectif. Son premier moment est l’art, une connaissance par laquelle l’homme les oppose. « Tout ce qui est rationnel
Philosophie politique de Hegel (Plon, 1964) ;
objet de l’esthétique. Activité par la- s’élève au-dessus du monde fini auquel est réel et tout ce qui est réel, ration-
la Science universelle ou la Logique de Hegel
quelle l’homme spiritualise la nature se bornent la sensation, la perception (Plon, 1968). / A. Chapelle, Hegel et la religion nel », avait dit Hegel ; de cette formule,
en n’en retenant que le caractéristique et l’entendement : son objet (Dieu) est (Éd. universitaires, 1964-1971 ; 4 vol.). / J. les premiers retiennent plus volontiers
d’Hondt, Hegel, philosophe de l’histoire vivante
et l’essentiel, l’art réalise le Beau, qui l’infini. Mais si l’entendement ne l’at- la seule justification de la réalité par la
(P. U. F., 1966) ; Hegel (P. U. F., 1967) ; Hegel
ne saurait donc exister en dehors de teint pas, ce n’est pas qu’il soit incon- en son temps, Berlin 1818-1831 (Éd. sociales, raison (d’où leur désignation comme
lui. Production d’un esprit que définit naissable, que foi et savoir s’opposent. 1968). / H. F. Fulda, Das Recht der Philosophie « hégéliens de droite »), les seconds au
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
contraire (« gauche hégélienne ») qu’il historique et religieuse de Hegel l’a 1916]), en Italie — où, après Auguste Plekhanov), puis supplantée (Lénine)
faut réaliser ce que la raison a conçu. plus timidement conduit (Vie de Jésus, Véra, B. Croce* sera son représentant par celle de Marx, engagea ses tenants
Ceux-ci ne seront généralement pas 1835) à réduire la religion chrétienne à le plus en vue —, l’historicisme do- russes.
comme les premiers des philosophes un ensemble de mythes nés de l’imagi- minera, appliqué en particulier à des D. H.
traditionnels, mais vivront en rupture nation populaire et soutenus par elle. recherches d’esthétique et de philoso-
d’université, voire de société, mène- phie politique. Il y eut entre ce courant
La pensée de Søren Kierkegaard* Quelques biographies
ront une existence agitée de gens de se rattache également au courant des de la pensée italienne et le fascisme
lettres (dont Karl Löwith [né en 1897] une affinité profonde dont l’oeuvre de
complémentaires
jeunes hégéliens. Dans les Miettes phi-
voit en eux les premiers spécimens losophiques, en particulier, il refuse, Giovanni Gentile (1875-1944) porte de Bruno Bauer, critique et philosophe
allemands). Leurs écrits s’en ressenti- au nom de l’existence isolée de l’indi- nombreux témoignages. allemand (Eisenberg 1809 - Rixdorf,
ront : relevant d’une activité journalis- vidu, qui se place devant Dieu, les deux Introduit en France par Victor Cou- près de Berlin, 1882). Il sembla
tique, il s’agira de pamphlets, de mani- thèmes centraux de l’hégélianisme : d’abord poursuivre la conciliation de
sin, Hegel n’y eut d’abord qu’une
festes violents, renchérissant les uns la philosophie et de la théologie par
l’histoire, dont il déplore qu’elle dé- présence mondaine (dont l’écho se
une Critique de la vie de Jésus de Strauss
sur les autres d’intransigeance verbale. tourne ses contemporains, soucieux du retrouve dans les oeuvres de Taine*,
(1835-36). Puis, nommé professeur à
Ludwig Feuerbach* (1804-1872) seul esprit du temps, de ce qui est saint Renan*) ou littéraire (la poétique de Bonn (1839), il s’orienta de plus en
écrivit, entre autres textes antihégé- et éternel : le système, où il voyait une Mallarmé serait née d’une lecture de plus vers la négation radicale de tout
liens, une Critique de la philosophie tentative de niveler l’existence en la ré- Hegel), les philosophes, néo-kantiens christianisme et devint un des princi-
hégélienne fondée sur l’idée que l’ori- duisant à l’essence. Cette valorisation pour la plupart, restant très hostiles à paux représentants de l’école hégé-
gine de la réflexion philosophique n’est exclusive de l’individualité n’est pas cette pensée qui « se réfère (selon le lienne : Critique de l’histoire évangélique
sans affinités avec le nihilisme anar- de l’Évangile de saint Jean (Kritik der
pas l’absolu, ou Dieu, ou l’être (comme mot de Léon Brunschvicg) à un état de
chiste que Max Stirner professe dans evangelischen Geschichte des Johannes,
le pensait Hegel), mais l’homme en choses périmé depuis le XVIe siècle »,
1840), Critique de l’histoire évangélique
tant que réalité finie ; la pensée hégé- l’Unique et sa propriété (1845). allusion aux deux griefs majeurs rete-
des Synoptiques (Kritik der evangelis-
lienne manque d’humanité et de corps : C’est plus par ce contexte, dans nus contre Hegel par le rationalisme
chen Geschichte der Synoptiker, 1841-
il faut l’incarner. D’où l’apologie de lequel elle s’est formée, que par son critique : sa philosophie de la nature 42). L’autorité lui interdit de faire son
l’existence sensible, car la sensation contenu même que l’on peut rattacher et son mépris pour les mathématiques. cours (1842). Il se retira alors à Berlin
consiste dans l’union immédiate de Marx* à la gauche hégélienne. Il est Il faut attendre Octave Hamelin (1856- et rompit avec l’Église de son pays,
l’esprit et du corps, ce corps lui-même en effet le seul qui ait posé à un niveau 1907) pour qu’une pensée se développe en publiant Question de la liberté et ma
étant conçu comme être sexué qui ne vraiment radical la question de l’héri- intégralement sous le signe de Hegel. propre affaire (1843). Le gouvernement
se suffit pas à lui-même, mais implique En 1921, Émile Meyerson (1859- suisse fit saisir, avant l’impression,
tage de Hegel, montrant qu’il ne restait
son Christianisme dévoilé (Das entdeckte
autrui et l’union avec autrui dans plus qu’à en finir avec la philosophie 1933) admire dans l’oeuvre de Hegel
Christentum, 1843). À partir de 1843,
l’amour. Cette double union originaire au moyen de la science historique et la première tentative d’échapper au
il aborda la politique et l’histoire en
de l’âme avec le corps dans la sensa- de l’action politique (Contribution à stérile principe d’identité de la pensée
une longue suite d’ouvrages qui firent
tion et de moi avec autrui dans l’amour la critique de la philosophie du droit analytique (De l’explication dans les l’objet de critiques violentes de Marx et
contredit l’autonomie solipsiste de de Hegel). Mais, davantage qu’à sciences). Puis vinrent les travaux de de Engels dans la Sainte Famille (1845).
l’esprit professée par Hegel. Hegel lui-même, c’est aux « jeunes Victor Basch (1863-1944) sur la pen- De 1850 à 1852, il revient à la critique
hégéliens » qu’il destina ses attaques, sée politique, ceux de Jean Wahl (né en théologique, notamment avec une His-
Arnold Ruge (1802-1880), directeur
critiquant leurs inconséquences, ironi- 1888) sur la conscience malheureuse ; toire des apôtres (Die Apostelgeschichte,
des Annales de Halle pour la science
sant sur l’emphase dont ils entouraient mais c’est avec les cours qu’Alexandre 1850). Après 1870, il se fit un des thu-
et l’art allemands, puis, s’étant exilé à
riféraires de Bismarck.
leurs demi-mesures (la Sainte Famille, Kojève (1900-1968) professa de 1933
Paris après un séjour en prison, des An-
l’Idéologie allemande). à 1938 à l’École pratique des hautes Ludwig
nales franco-allemandes, auxquelles FEUERBACH. V. l’article.
Marx collaborera, retient de Hegel un De toute cette agitation intellec- études que le néo-hégélianisme fran-
Arnold Ruge, homme politique alle-
tuelle ne sortit, au bout de dix années, çais connut son moment fécond, que
historicisme radical. Mais la philoso- mand (Bergen, île de Rügen, 1802 -
phie ne prononce plus un jugement qu’un oubli à peu près total de Hegel, l’on peut caractériser par la volonté de
Brighton 1880). Affilié à la Burs-
dont Schopenhauer avait pris la place. prendre Hegel à la lettre, en particulier
dernier, elle doit au contraire préparer chenschaft, emprisonné à Kolberg
un avenir qu’elle aura su pressentir Mais, bien que celui-ci ait déclaré que en ce qui concerne la fin de l’histoire, (1824-1830), professeur à Halle
la pensée hégélienne resterait un sujet dont Kojève dit avoir compris en 1948 (1832), il publia avec E. T. Echter-
en saisissant dans les masses l’esprit
de honte durable pour la nation alle- qu’elle était « non pas encore à venir, myer Hallische Jahrbücher, organe de
du temps, car c’est la majorité qui en
mais d’ores et déjà un présent ». la gauche hégélienne (1838-1841),
est détentrice et non plus comme chez mande, il fut à son tour supplanté par
puis dut fuir en France et édita avec
Hegel une minorité éclairée. Nietzsche, puis par la phénoménologie Les prolongements russes de l’hé-
Marx Die deutsch-französischen Jahrbü-
mais aussi par un courant néo-hégélien, gélianisme furent très différents. Pour
Éditeur des oeuvres religieuses de cher (1844), puis le journal Die Reform
actif cette fois bien au-delà des fron- les nombreux Slaves qui étudiaient
Hegel, Bruno Bauer (1809-1882) sou- (1848). Député au Parlement de Franc-
tières allemandes. dans les universités allemandes (Ivan
tient que Hegel était athée (la Trom- fort, il se réfugia (1849) à Londres, où
En Allemagne, d’abord, ce cou- Vassilievitch Kireïevski [1806-1856], il fréquenta Mazzini et Ledru-Rollin,
pette du jugement dernier contre
rant sera dominé par Wilhelm Dilthey M. Bakounine*, V. G. Belinski*, Au- puis se fixa à Brighton. Ayant approuvé
l’athée et antéchrist Hegel, 1841) et
gust Cieszkowski [1814-1894]), cette la politique de Bismarck, il fut pension-
qu’aucune conciliation n’est possible (1833-1911), auteur de la Jeunesse de
né par lui (1877). Outre de nombreux
entre philosophie et religion. Refusant Hegel (1905) et dont l’oeuvre entière pensée alimenta le désir d’une occiden-
articles de revues, il a laissé des Mé-
sera marquée par l’historicisme, pour talisation de la Russie intégrée à l’Eu-
toute vérité historique aux Évangiles, moires : Souvenirs du temps passé (Aus
qu’il attribue au zèle abusif de théolo- lequel il pense devoir rejeter la méta- rope, désir qui l’opposait à la volonté
früherer Zeit, 1862-1867).
physique du système. de conserver au monde russe ses traits
giens, il projette une Revue d’athéisme
spécifiques, que les slavophiles nour- Max Stirner, philosophe allemand
niant l’immortalité des êtres finis. Si, dans les pays anglo-saxons,
rissaient dans la lecture de Schelling. (Bayreuth 1806 - Berlin 1856). Kas-
Il eut droit au respect de Nietzsche, le courant hégélien sera d’inspira- par Schmidt, dit Max Stirner, étudia la
à la différence de David Friedrich tion essentiellement logicienne et Progressiste dès l’origine, ou du théologie et la philologie à Berlin, Er-
Strauss (1808-1874), à qui Nietzsche métaphysique plutôt qu’historicisante moins libérale, c’est donc vers l’action langen et Königsberg, devint professeur
s’en prendra dans la première de ses (John Ellis McTaggart [1866-1925], historique et politique que la pensée dans un lycée, puis dans une école de
Considérations inactuelles : la pensée J. B. Baillie, Josiah Royce [1855- de Hegel, bientôt renforcée (Herzen, jeunes filles, à Berlin, et devint journa-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
liste. Son principal ouvrage, l’Unique et tion française de ses opuscules) — une l’ontologie elle-même. L’ontologie de l’essence et de l’existence (laquelle
sa propriété (Der Einzige und sein Eigen- liberté dont des divergences politiques traditionnelle est lue par Heidegger précède l’autre ?), la différence ontico-
tum) [1845], défend un individualisme sont un prétexte opportun pour se dis- comme une réponse implicite à cette ontologique (celle de l’étant et de
anarchiste et libertaire. Stirner écrit :
penser de courir le risque. question qu’elle ne posera jamais ; la l’être) est l’axe de la pensée heideg-
« Pour moi, il n’est rien au-dessus de
L’attachement de Martin Heideg- métaphysique est donc la question de gérienne, et le terme d’ « ek-sistence »
moi [...] ; je déclare la guerre à tout
ger à sa terre natale (la Souabe) est l’être en tant qu’elle est éludée. La n’est qu’une manière de l’approcher.
État, fût-il le plus démocratique. » Il
célèbre : « Que mon pays natal soit re- destruction de l’histoire de l’ontologie Aussi, qu’en lui l’existence précède
est aussi l’auteur d’une Histoire de la
réaction (Die Geschichte der Reaktion) mercié pour tout ce qu’il m’a donné et sera la tâche de l’ontologie fondamen- l’essence ou la suive, cela ne change
[1852]. Il mourut dans la misère. qui m’a soutenu sur une longue route » tale de Heidegger en tant que retour rien au fait que l’homme est un étant
sont les premiers mots d’un discours vers la question de l’être. ek-sistant, c’est-à-dire un existant qui
K. Marx et F. Engels, Die heilige Familie
qu’il prononçait en 1955. Heideg- Or, la question de l’être elle-même, est « d’intelligence » avec l’être, qui
(1845 ; trad. fr. la Sainte Famille, Éd. sociales,
1972) ; Die deutsche Ideologie (1846 ; trad. ger fait ses études à Constance, puis l’être comme question, c’est ce qui a une compréhension préontologique
fr. l’Idéologie allemande, Éd. sociales, 1968). de l’être. L’être, en effet, a un sens
à Fribourg-en-Brisgau, où, en 1909, il définit un étant particulier, celui dont
/ B. Croce, Saggio sullo Hegel (Bari, 1913).
suit à l’université des cours de philo- la structure est constituée par l’être-là qu’il est de l’essence de l’homme de
/ V. I. Lénine, Cahiers sur la dialectique de
Hegel (trad. du russe, Gallimard, 1938 ; nouv. sophie (Husserl sera son professeur) (le Dasein), c’est-à-dire l’homme. En comprendre. L’être est même le sens,
éd., 1967). / K. Löwith, Von Hegel zu Nietzsche et de théologie. Il publie en 1912 son ce sens, l’ontologie fondamentale com- il est le logos. C’est ce que dit le terme
(Zurich, 1941 ; trad. fr. De Hegel à Nietzsche,
premier article (le Problème de la réa- mence par une analytique de l’être- d’onto-logie. La question de l’être,
Gallimard, 1969). / H. de Lubac, le Drame de
l’humanisme athée (Spes, 1945). / A. Koyré,
lité dans la philosophie moderne) et, là. L’être-là (l’homme) est un étant sur laquelle l’ontologie fondamentale
Études sur l’histoire de la pensée philosophique l’année suivante, obtient le doctorat ontologique : la question de l’être, la fait retour, est celle du lien de l’être et
en Russie (Vrin, 1950) ; Études d’histoire de de philosophie. Il s’engage à la décla- différence de l’être et de l’étant, l’être du logos. Heidegger rappelle souvent
la pensée philosophique (A. Colin, 1961). /
ration de guerre, mais des raisons de comme transcendance et le sacrifice de qu’une pensée de l’être est en même
A. Cornu, Karl Marx et Friedrich Engels (P. U. F.,
1955-1962 ; 3 vol.). / R. Serreau, Hegel et l’hégé- santé le font réformer après deux mois. l’étant, c’est cela qui le constitue lui- temps une réflexion sur le langage.
lianisme (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ; Il est alors (1915) nommé privatdozent même comme étant. C’est ce que dit « Le langage est la maison de l’être,
éd., 1965). / G. Oldrini, Gli Hegeliani di Na-
à Fribourg, ville qu’après un séjour à
2e
telle formule de Sein und Zeit : « La dit la Lettre sur l’humanisme. Dans son
poli (Florence, 1964) ; Il Primo Hegelianismo
italiano, O. Mazzoni, S. Cusani, F. de Sanctis,
l’université de Marburg (1923-1928) compréhension de l’être est elle-même abri habite l’homme. Les penseurs et
A. Vera (Florence, 1969). / L. Althusser, Pour il ne quittera plus. Succédant d’abord les poètes sont ceux qui veillent sur cet
une détermination d’être de l’être-
Marx (Maspéro, 1965). / D. McLellan, The Young
à Husserl comme professeur de phi- là », ou de la Lettre sur l’humanisme : abri. »
Hegelians and Karl Marx (Londres, 1969 ; trad.
losophie, il y sera nommé recteur en « L’homme est « jeté » par l’être lui-
fr. les Jeunes Hégéliens et Karl Marx, Payot, Penseurs et poètes veillent sur le lan-
1972). / J. d’Hondt, De Hegel à Marx (P. U. F., avril 1933. C’est juste après sa nomi- même dans la vérité de l’être. » C’est gage, qui est l’abri de l’être ; à travers
1972). nation au poste de recteur qu’il adhère ce que dit aussi le terme d’ « ek-sis- lui, ils sont à l’écoute de la vérité de
officiellement au parti nazi, adhésion tence » forgé par Heidegger pour défi- l’être : telle est l’ek-sistence authen-
qu’un certain nombre de textes, ar- nir l’être-là de l’étant humain. tique. Mais l’homme peut choisir
ticles ou discours de soutien au régime
Ce terme est à l’origine de nom- l’inauthenticité, opter pour l’in-sis-
Heidegger viendront confirmer dans les mois qui
breux malentendus sur l’existentia- tence plutôt que pour l’ek-sistence et
suivent. Mais, dès 1934, il prend ses
(Martin) distances, démissionne de son poste de
lisme* de Heidegger. Si, avec Sartre, jauger tout à la mesure de l’étant, vivre
l’existentialisme interroge les rapports dans la dissimulation de l’être plutôt
recteur et cessera pratiquement toute
Philosophe allemand (Messkirch,
publication jusqu’à la fin de la guerre.
Bade, 1889).
Suspendu de ses fonctions en 1945,
« Chez Heidegger, qui n’est pas
il reprend ses cours en 1951 avec le
un penseur honnête, mais un habile titre de « professeur émérite ».
constructeur et calculateur, dépourvu
de scrupules intellectuels aussi bien
L’être, l’existence, l’étant
que moraux, la philosophie de l’exis-
tence a perdu sa sincérité négative : elle Il n’y a pas de philosophie de Heideg-
est devenue un moyen employé avec ger. Le chemin tracé par sa réflexion
dextérité, pour passer, d’une philoso- essaie au contraire de sortir de la phi-
phie scolastique par laquelle il avait losophie dans la mesure où celle-ci,
commencé, à la philosophie nazie. » déterminée dès son origine comme mé-
(G. Gurvitch.) Ces lignes donnent le taphysique, a toujours ramené au statut
ment que ses rapports avec le nazisme que tout étant présuppose et le temps
ont exercé en retour sur l’oeuvre de que tout présent présuppose. La pensée
Heidegger. Mais il est vrai, comme l’a de Heidegger est moins pensée d’autre
suggéré J. Derrida, que la condamna- chose que pensée du destin qui pèse sur
notre temps, l’une des rares à être de cite dans lequel il est laissé, toute phi-
notre temps, demande de son lecteur losophie. Elle n’a rien à voir ni avec
— par son style, par les voies qu’elle une critique ni avec une réfutation.
5286
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
que dans sa vérité. (Il faut signaler ici, Mandchourie septentrionale. Les prin- L’exploitation des forêts des Wan- et elle a été considérablement déve-
faute de pouvoir faire plus, ce qu’on a cipales minorités officiellement recen- dashan, et surtout du Petit Khingan, et loppée depuis 1949 (doublement de la
appelé le « tournant » de la pensée hei- sées sont les suivantes : Mandchous la mise en culture des terres vierges population urbaine totale entre 1949 et
deggérienne, tournant qui interrompt (630 000) dans les districts méridio- des plaines, activement développées 1957) par suite de l’industrialisation
le projet de Sein und Zeit, puisque la naux ; Coréens (220 000) riziculteurs depuis 1949, font de la province un de la province menée parallèlement à
seconde partie de l’ouvrage n’a pas des vallées du Sud-Est ; Hui (Houei) immense front pionnier. la mise en valeur agricole. À l’est, Jia-
été publiée : l’oubli de l’être n’est pas [45 000] artisans et commerçants dans musi (Kia-mou-sseu) [110 000 hab. en
Toute une série de « villes nou-
seulement le fait d’un être-là inauthen- les villes ; Mongols (38 000) éleveurs 1941 et 250 000 en 1957] est devenue
velles », dont la principale est Yichun
tique. La dissimulation, le retrait, l’ou- des marges occidentales ; Dahours la métropole des plaines de Sanjiang,
(Yi-tch’ouen) [300 000 hab.], sont
bli [lêthê] ne sont pas moins essentiels (23 000) éleveurs-agriculteurs dans dont elle traite la production agricole.
nées au coeur des massifs forestiers. En
à l’être que son ouverture, son éclaircie le bassin du Nonni. Il existe encore Reliée par voie ferrée aux bassins
1957, le Heilongjiang produisait près
[alêtheia]. La vérité de l’être est en quelques minorités de la famille houillers de Hegang et Shuangyashan,
de 30 p. 100 du bois d’oeuvre (mélèzes,
même temps non-vérité.) Toungouse : Olunchun (éleveurs dans elle en est le centre d’approvision-
sapins, bouleaux) de l’ensemble de la
Il est vrai que la vérité de l’être n’a les Khingan) ; Owenk (chasseurs et nement en produits alimentaires et
Chine. On estime à près de 10 millions
rien à faire avec ce qu’on entend par pêcheurs du haut Heilongjiang [nom en matériel mécanique. Mudanjiang
d’hectares les terres vierges (riches
certitude ; elle ne garantit la sécurité chinois du fleuve Amour]) ; Hochih (Moutan-kiang) [simple bourgade au
terres noires de prairie) cultivables
d’aucune assurance ; elle est risque et (chasseurs et pêcheurs de l’Ossouri). début du siècle, 252 000 hab. en 1957]
des plaines de la province, désignées
précarité, car elle est le fait d’un étant Cet immense territoire est constitué en Chine par « Beidahuang » (Pei-ta- est le centre urbain des hautes terres
fini, inachevé et soucieux. L’être-là fait de moyennes montagnes et de vastes houang) [le Grand Désert du Nord]. orientales. La proximité de la centrale
en effet dans l’angoisse l’épreuve de plaines se répartissant en quatre en- Plusieurs centaines de grandes fermes hydro-électrique du Jingpohu (King-
ce qui est sa possibilité la plus propre : sembles principaux. Au nord-ouest, le d’État en ont déjà défriché plus de p’o-hou) a facilité un remarquable dé-
la mort. Le retour de la pensée vers la Petit Khingan, massif de roches cris- 2 millions d’hectares. veloppement industriel : à l’importante
question matinale de l’être n’est pas tallines d’une altitude moyenne de 600 industrie du bois se sont ajoutés la car-
Toute cette mise en valeur s’effectue
retour vers l’éternel : l’être, transcen- à 800 m, s’étire sur plus de 500 km, bochimie (charbon de Jixi), une usine
par d’importants mouvements d’im-
dance pure, n’est que le sacrifice de prolongé à l’extrémité nord-ouest de de pneumatiques (fournissant l’usine
migration en provenance de diverses
l’étant. « Les fanfares du réveil, écrit la province par l’Ilkhouri-Aline (Yi- automobile de Changchun [Tch’ang-
régions de la Chine, en particulier de
Jean Beaufret, ont déjà le sérieux et la lehulishan), ensemble de collines et tch’ouen]) et tout un ensemble d’indus-
la Chine du Nord. Aussi le Heilon-
détresse d’un chant funèbre. » de plateaux basaltiques surmontés de tries métallurgiques (matériel agricole
gjiang connaît-il le taux d’accroisse-
D. H. nombreux petits cônes volcaniques. notamment). Tsitsihar (en pinyin Qiqi-
ment démographique le plus élevé de
A. De Waelhens, la Philosophie de Martin Les massifs de Mandchourie orientale haer), métropole des plaines occiden-
l’ensemble des provinces chinoises :
Heidegger (Nauwelaerts, Louvain, 1942 ; éd., se prolongent au sud-est de la province
7e
tales, a connu une évolution remar-
1971). / E. Lévinas, En découvrant l’existence 11,9 millions d’habitants en 1953, 21
par deux ensembles principaux, dont quable. Place forte au contact de la
avec Husserl et Heidegger (Vrin, 1949 ; 2e éd., en 1967. Le soja (20 p. 100 des terres
1967). / W. Biemel, le Concept de monde chez les altitudes s’abaissent de 1 200 m Mongolie créée en 1691, elle devint
cultivées) et le maïs (21 p. 100) sont les
Heidegger (Nauwelaerts et Vrin, 1950). / B. Alle- à 600 m du sud vers le nord : Zhang- un actif centre de transports et de com-
mann, Hölderlin und Heidegger (Berlin, 1954 ; principales cultures traditionnelles de
guangcai (Tchang-Kouang-ts’ai) au mercialisation des produits agricoles
trad. fr. Hölderlin et Heidegger, P. U. F., 1959). la province, tandis que le blé de prin-
/ J. Wahl, Vers la fin de l’ontologie (C. D. U., sud, Wandashan (Wan-ta-chan) au avec la construction du chemin de fer
temps et la betterave à sucre (70 p. 100
1956) ; Heidegger (C. D. U., 1961). / A. Koyré, nord-est. Les plaines de « Songnun » au début du XXe s. et constitue actuelle-
Études d’histoire de la pensée philosophique
de la production chinoise) sont les
(Song-nouen) [Soungari-Nonni], le ment avec ses satellites une vaste mu-
(A. Colin, 1961). / G. Schneeberger, Nachlese deux grandes cultures pratiquées sur
plus vaste ensemble de plaines de la nicipalité urbaine de 600 000 habitants
zu Heidegger (Berne, 1962). / O. Pöggeler, Der
les terres nouvelles.
Denkweg Martin Heideggers (Pfullingen, 1963 ; Chine du Nord-Est, occupent le centre où plus de 200 usines nouvelles ont été
trad. fr. la Pensée de Martin Heidegger, Aubier, de la province à une altitude moyenne La province disposerait des plus im- implantées, et notamment une raffine-
1967). / P. Trotignon, Heidegger (P. U. F., 1965).
de 100 à 150 m. La plaine de Sanjiang portantes réserves de charbon à coke rie de pétrole et une unité sidérurgique
/ Mélanges Jean Beaufret. L’endurance de la
(San-kiang) [confluence des trois cours de l’ensemble de la Chine du Nord-Est.
pensée (Plon, 1968). / J. Beaufret, Introduction (dans la ville satellite de Fula’erji
aux philosophies de l’existence (Denoël-Gon- d’eau, Heilongjiang, Soungari, et Trois bassins principaux, ouverts par [Fou-la-eul-ts’i]).
thier, 1971) ; Dialogue avec Heidegger (Éd. de
Ossouri] forme une vaste dépression les Japonais, puis activement exploités
Minuit, 1973 ; 2 vol.). / J.-P. Resweber, la Pensée Harbin (en pinyin Ha’erbin), capi-
mal drainée à moins de 50 m d’altitude après 1950, fournissent l’essentiel de
de Martin Heidegger (Privat, Toulouse, 1971). / tale de la province (1 800 000 hab. en
R. Schérer et A.-L. Keikel, Heidegger (Seghers, qui s’ouvre à l’extrémité nord-est de la production : de part et d’autre de la
1961) au coeur des plaines du Soun-
1973).
la province, entre la retombée du Petit vallée du bas Soungari, Hegang (Ho-
gari, est une création russe du début
Khingan et les Wandashan. kang) [5 Mt en 1957] et Shuangyashan
du siècle. Elle est devenue une des
(Chouang-ya-chan) [2,3 Mt en 1957] ;
Province limitrophe de la Sibérie, le grandes villes industrielles de la Chine.
Jixi (Ki-si) [5,8 Mt en 1957] dans les
Heilongjiang connaît un climat extrê-
Hei-long-kiang mement contrasté. Les hivers sont très
massifs orientaux. L’or, qui existe en
P. T.
F Harbin.
placers dans les alluvions des vallées
longs (6 à 8 mois) et particulièrement
En pinyin HEILONGJIANG, province de la affluentes du Heilongjiang, est une res-
rigoureux. La moyenne de janvier est
2
Chine septentrionale ; 463 600 km ; source célèbre, la plus anciennement
de – 20 °C dans le massif du Khin-
21 000 000 d’hab. Capit. Harbin. exploitée de la province. Aïgoun est
gan ; l’embâcle paralyse les fleuves
La province occupe plus de pendant 6 mois et au nord le sol reste le principal centre de production. En Heine (Heinrich)
1958, du pétrole était découvert dans la
50 p. 100 du territoire de la Chine du constamment gelé en profondeur. L’été
région qui s’étend au sud de Tsitsihar, En français, HENRI HEINE, poète alle-
Nord-Est (l’ancienne Mandchourie) et est toutefois très chaud (moyenne de
et, en 1967, un millier de puits étaient mand (Düsseldorf 1797 - Paris 1856).
constitue le domaine le plus septentrio- juill., 20 à 24 °C), mais aussi pluvieux
en production, faisant de Daqing (Ta- « Si j’ai pris les armes, écrivait
nal de l’espace chinois. Son peuple- (60 à 70 p. 100 des précipitations an-
k’ing) un des premiers bassins produc- Heine en 1833 à son ami K. A. Varn-
ment relativement récent est essentiel- nuelles, qui sont de 600 mm à l’est, de
teurs de la Chine.
lement « Han » (Chinois proprement 400 mm à l’ouest, tombent de juillet à hagen, c’est que j’y ai été contraint, il y
dits), mais l’existence d’une dizaine septembre) et assure ainsi une période L’urbanisation est ici un phénomène avait déjà dans mon berceau la feuille
de « familles minoritaires » atteste le végétative très favorable à l’agricul- récent, né de la mise en place du réseau de route où était tracée ma carrière. » Il
caractère longtemps marginal de cette ture, quoique très courte. ferré par les Russes au début du XXe s., était né en effet dans une famille juive
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
de Düsseldorf. Les von Geldern, ses à l’île de Norderney : la Mer du Nord rature [...] et je suis peut-être bien le poèmes, en particulier le Romanzero.
ancêtres du côté maternel, étaient pour- (Die Nordsee) forme la dernière partie seul représentant de cette révolution » Vite, il y devient une des figures du
tant installés là depuis longtemps et y du Livre des chants (Das Buch der Lie- (4 févr. 1830). monde littéraire et du Boulevard. Il
exerçaient la médecine ; son père y eut der), où le poète, en 1827, a rassemblé peut affirmer dans Lutèce (deuxième
un négoce de velours qui prospérait, toute sa production de jeunesse. Munich et l’Italie partie, août 1854) : « Jamais un Alle-
mais déjà ses condisciples du collège mand n’a acquis à un si haut degré que
Mais les Allemands de 1830 sont en-
lui avaient marqué la différence entre moi la sympathie des Français, aussi
Tableaux de voyages
core, pour Heine, « un peuple somno-
eux et lui. bien dans le monde littéraire que dans
C’est le premier volume des Reisebil- lent ». Les princes y règnent sans trop
Cette « feuille de route » déposée la haute société. »
der (Tableaux de voyages, 1826-27) de peine ; les étudiants de 1813, élo-
dans son berceau devait noter aussi que Parmi les écrivains, Théophile
qui a établi la renommée de Heine. Il quents et patriotes, se sont épuisés en
la Rhénanie, plus directement rattachée Gautier est son ami le plus constant,
réunissait les 88 poèmes du Retour, la discours ; dans un État allemand, la vie
à la France impériale jusqu’en 1814, a avec Gérard de Nerval, qui traduit ses
première partie de la Mer du Nord et, demeure difficile pour qui est d’origine
été régie par des lois qui ne faisaient poèmes ; Balzac l’accueille. C’est dans
en prose, le Voyage dans le Harz (Die juive. Heine est fait docteur en droit à
plus de différences entre les confes- la Revue des Deux Mondes que Heine
Harzreise). Heine y créait une manière Göttingen en 1825. La même année, il
sions et admettaient tous les citoyens publie le plus ; mais on trouve des
de genre nouveau : récit actuel, impres- se fait baptiser par un pasteur luthérien
à l’exercice de leurs droits. Heine se lettres ou des articles de lui dans une
sionniste, artiste et en même temps cri- et commence à chercher une ville où
souvint de ces lois quand il songea à foule de périodiques ; il sera longtemps
tique où la prose et les vers se mêlent à s’établir. La première offre lui vient
quitter l’Allemagne. correspondant à Paris de la Gazette
tout moment. d’Allemagne du Sud : J. F. Cotta, édi-
d’Augsbourg (Augsbürger Allgemeine
teur à Stuttgart, lui confie la direction
La suite des Reisebilder (1830-31)
Les amours du poète d’une revue à Munich. Heine passe à
Zeitung).
allait offrir de beaux exemples de ce
Munich un peu plus de six mois et y Il prend soin cependant de se distin-
Après avoir tenté sa chance dans genre, qui marie la fantaisie et la vérité,
suscite l’hostilité du parti clérical ; il guer du groupe de la Jeune Allemagne,
le commerce, à Hambourg surtout,
dans Tambour Le Grand, où le poète a
essaie en vain d’entrer à l’université poursuivi en vertu d’une ordonnance
où vivait son oncle Salomon, grand transfiguré ses souvenirs d’enfance, et
et va en Italie, aux bains de Lucques, fédérale de 1835 et qui pourtant com-
homme de banque et protecteur de la
dans les Bains de Lucques et les autres
pour l’été et l’automne de 1828. Il en prend plusieurs de ses amis, comme
famille, le jeune Heine vient faire des
récits « italiens », rhapsodies à perdre
Karl Gutzkow et Heinrich Laube. Il
études de droit à l’université de Bonn rapportera les deux derniers tomes des
haleine, où le fantastique sort de la ca-
Reisebilder. Ses tableaux d’Italie sont polémique même contre eux dans le
à l’automne de 1819. Étudiant patriote,
ricature avec autant de liberté que chez
Miroir des Souabes (Der Schwabens-
admirateur des héros de la guerre de l’inverse d’une relation de voyage :
E. T. A. Hoffmann*, que Heine venait piegel). Plusieurs de ses pièces d’actua-
libération, il espère, avec toute sa géné- l’auteur se déplace peu, son imagina-
de rencontrer à Berlin.
tion seule vagabonde, avec une viva- lité (Zeitgedichte) sont dirigées contre
ration, qu’une Allemagne nouvelle sor-
des poètes libéraux comme Georg
tirait du grand soulèvement libérateur cité juvénile.
Goethe et Hegel Herwegh ou Franz Dingelstedt. Enfin,
de 1813-1815. À Bonn, il rencontre Il passe l’année 1829 à Berlin et à
il se brouille gravement avec Ludwig
August Wilhelm von Schlegel, profes- Étudiant le droit à Berlin, Heine suivait Potsdam, écrivant et publiant. Il est
Börne (1786-1837), le meilleur polé-
seur à l’université, qui s’intéresse aux les cours de Hegel* sur la philosophie désormais un polémiste redouté : « Si
miste libéral, comme lui réfugié à Paris
vers de son étudiant, l’encourage et le de l’État et fit siens les principes de la je retrouve la santé, je pourrai faire
conseille. et qu’il a d’abord admiré. À l’inverse
dialectique idéaliste de l’histoire. Pour beaucoup de choses, car ma voix, dé-
de ce républicain austère, Heine pro-
Déjà Heine est le poète de l’amour Heine poète aussi, l’analyse hégélienne sormais, porte loin. Tu vas l’entendre
fesse une manière de philosophie du
sans espoir, depuis qu’il a dû renoncer des rapports entre l’idée et l’événe- plus d’une fois tonner... » écrit-il à un
plaisir. Il se bat en duel contre un ami
à gagner le coeur de sa cousine Amé- ment, l’esprit et le corps sera des révé- ami après ses premiers succès (9 juin
de Börne en septembre 1841 et publie,
lie, fille de Salomon, qu’il a connue lations. Plus tard, dans ses dernières 1827). Mais il n’a point de repos, ne
peu après la mort de son ancien ami,
à Hambourg. Ni les camarades, ni le années, il prendra ses distances avec sait où s’installer et est harcelé par la
un ouvrage satirique, Ludwig Börne.
plaisir qu’il prend à écrire, ni les pro- passion, mais vingt années durant au maladie : la mer du Nord est sa conso-
Heine a dit lui-même qu’il ne savait
menades au bord du Rhin ne la lui font moins, l’histoire des hommes apparaît lation. Ainsi, il était à Helgoland, en
pas résister au démon qui le poussait à
oublier ; ni un long voyage à pied du à Heine, disciple de Hegel, comme la pleine mer, quand y parvint la nouvelle
déchirer ses propres amis.
Rhin à Göttingen, à l’automne de 1820. manifestation d’une rationalité idéale. de la révolution de juillet 1830.
À Berlin même, où il étudie à partir du Aussi n’est-il point de plus urgent
printemps de 1821, son coeur est ha- devoir que de prendre conscience du
Saint-simonisme
Départ pour Paris
bité par une seule pensée, et aucun des sens du devenir et d’y contribuer. Le et communisme
Déjà, en 1826, Heine pense à un séjour
poèmes de cette époque ne lui est tout poète aussi. Durant ses premières années pari-
à fait étranger. ou même à un établissement à Paris,
Ainsi, Heine, qui admirait d’abord siennes, Heine professait la philosophie
pour y vivre et surtout y écrire plus li-
Les plus belles pièces de l’Inter- Goethe comme le maître incontesté de politique du saint-simonisme, notam-
brement : « Les Français sont le peuple
mezzo, qui est de 1823, et du Retour la langue poétique, s’oppose bientôt à ment en ce qui est de la « réhabilitation
élu de la nouvelle religion ; c’est dans
(Heimkehr), qui est de l’année sui- lui. Il le tient pour le grand prêtre de de la chair ». En arrivant à Paris, il a pu
leur langue qu’ont été écrits les pre-
vante, sont des déclarations de pas- l’art pour l’art, le « génie qui rejette son assister à la dispersion du groupe saint-
miers évangiles et les dogmes ; Paris
sion sans espoir, des malédictions de siècle » et qui se complaît dans l’uni- simonien et il lui est arrivé là aussi de
est la nouvelle Jérusalem, le Rhin est le
l’indifférence ou des moqueries contre vers serein de la beauté pure. Mais, railler l’Église nouvelle, mais il n’a
Jourdain qui sépare le pays de la liberté
le monde, qui ne s’aperçoit de rien. La dans le temps nouveau qui commence, cessé de penser que Saint-Simon avait
du pays des Philistins. » Heine devait
Lorelei, la plus touchante création et dans l’ère des libérations, le poète doit saisi la nature de la société moderne.
franchir le nouveau Jourdain le 17 mai
le poème le plus populaire de Heine, quitter son refuge et combattre pour Il est demeuré en rapport avec certains
1831 et arriver à Paris le 20.
éblouit d’abord celui dont elle va faire les libertés : « La fin de la période ar- saint-simoniens passés à l’industrie
le malheur. tiste est aussi la fin du goethéanisme comme Michel Chevalier.
Heine à Paris
Dans la solitude et le désespoir, [...]. Dans une ère d’enthousiasme et Après l’industrialisme saint-simo-
Heine, un des premiers, invoque la d’action nous n’avons plus besoin de Il vivra vingt-cinq ans et composera nien, Heine a connu aussi les débuts
mer. Il aimait la mer du Nord, il y est lui » (28 févr. 1830). Ou encore : « La la majeure partie de son oeuvre en du mouvement marxiste. En particu-
retourné chaque année, en particulier révolution fait son entrée dans la litté- prose ainsi que ses derniers cycles de lier, il toucha de près au groupe qui a
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la lutte : « Bats le tambour et n’aie pas qu’il fait la connaissance de N. Bohr*, verte du neutron, Heisenberg est l’au-
l’enferme chez lui, paralysé. Il a dit
peur... » On y trouve aussi une pièce venu en visite. Dès lors, jusqu’en 1928, teur de la théorie admise depuis pour
dans ses derniers vers toute la dou-
fameuse, provoquée par l’insurrection date où il reçoit une chaire de physique la structure du noyau de l’atome, formé
leur de la déchéance. Les pensées de
des tisserands de Silésie en 1844 : à l’université de Leipzig, il passe la uniquement de protons et de neutrons.
ses dernières années ne sont plus pour
« Vieille Allemagne, nous tissons ton majeure partie de son temps chez Bohr, Tous ces travaux valent à leur au-
les luttes politiques ou pour cette à Copenhague ; dans ce laboratoire,
linceul de mort. » teur le prix Nobel de physique pour
mission européenne qu’il se donnait. de nombreux chercheurs, devenus
Celle qui était devenue Mme Henri 1932. Aujourd’hui, Heisenberg appa-
Son propre destin et le sens de sa vie célèbres par la suite, font régner une
Heine aurait pu trouver qu’elle avait raît bien comme l’un des principaux
extraordinaire activité.
peu de place dans les poèmes de son le tourmentent : « Le paganisme à la créateurs de la connaissance du monde
mari, mais elle était née en Norman- manière des Grecs, pour beau et joyeux En 1942, Heisenberg est nommé de la microphysique.
die et ne lisait pas l’allemand ; Heine professeur à l’université de Berlin. R. T.
qu’il soit, ne me suffit plus, depuis que
s’était épris de sa beauté et l’appelait Alors que la plupart de ses collègues H. Cuny, Werner Heisenberg et la méca-
moi-même je ne suis plus ni beau ni
quelquefois son « chat sauvage » ; elle ont émigré aux États-Unis, c’est là que, nique quantique (Seghers, 1966). / H. Hörz,
joyeux. J’ai retrouvé le chemin qui Werner Heisenberg und die Philosophie (Berlin,
demeura auprès de lui après 1848 du- durant la Seconde Guerre mondiale, il
mène à Dieu... » 1966 ; 2e éd., 1968).
rant les longues années de sa maladie. s’occupe, sans chercher d’applications
Elle était comme le symbole de la rup- Ce Dieu auquel il croit de nouveau, militaires, de réaliser la production
ture avec le monde ancien des amours d’énergie nucléaire. Après avoir été
et il le redit dans son testament, est le
désespérées. Elle alla pourtant à Ham- fait prisonnier par les Anglais, il est,
Dieu de la Bible. « Oui, je suis revenu
en 1946, chargé d’une chaire à l’uni-
hélice
bourg, durant le voyage que le poète
à Dieu, comme le fils prodigue, après
y fit à l’automne de 1843. Lui en rap- versité de Göttingen, puis, à partir de
avoir longtemps gardé les cochons Organe mécanique permettant de trans-
porta un long poème en 27 chapitres, 1955, il enseigne à Munich.
avec les disciples de Hegel », écrit-il former l’énergie disponible sur l’arbre
intitulé Allemagne, conte d’hiver Les travaux de Heisenberg le si-
le 30 septembre 1851, dans la post- d’un moteur en énergie directement
(Deutschland, ein Wintermärchen). Il y tuent au premier rang des théoriciens
utilisable pour mouvoir un véhicule à
retrouve le ton des Reisebilder, mêlant face au Romanzero, son dernier grand contemporains. Il renouvelle d’abord
travers un fluide.
les souvenirs, la satire, de loin en loin recueil lyrique. Histoires, ballades et la théorie du ferromagnétisme et dé-
aussi une profession de foi politique. couvre les formes allotropiques de Une hélice est constituée par plu-
romances diversement exotiques s’y
l’hydrogène. Il développe la méca- sieurs ailes, ou pales, disposées régu-
succèdent dans les premiers chants,
nique quantique, et l’application qu’il lièrement autour d’un moyeu qui est
France-Allemagne avec encore des attaques contre ses en-
en fait à l’atome l’amène à concevoir fixé à un arbre entraîné par l’appareil
Dans le testament déposé par Heine le nemis de jadis pour en arriver au Livre propulsif. En marche avant la face ar-
celui-ci comme un tableau de nombres,
13 novembre 1851 chez un notaire de de Lazare, d’un ton bien plus personnel rière des pales, ou intrados, s’appuie
dénué d’image matérielle, mais justi-
Paris, on peut lire : « La grande affaire et qui se termine sur une manière de ciable du calcul matriciel (1925). C’est sur le fluide et exerce une poussée sur
de ma vie était de travailler à l’entente
confession intitulée Enfant perdu. à lui qu’on doit, la même année, le le véhicule, tandis que la face avant, ou
cordiale entre l’Allemagne et la France.
principe du rejet des phénomènes inob- extrados, est le côté en dépression.
Je crois avoir bien mérité autant de mes Les derniers poèmes, après le Ro-
servables, d’après lequel tout ce qui On distingue essentiellement deux
compatriotes que des Français, et les manzero, sont une suite de dialogues
n’est pas observable par des moyens catégories d’hélices : les hélices ma-
titres que j’ai à leur gratitude sont sans avec la mort, et traversés d’exclama- physiques est nécessairement dénué rines et les hélices aériennes.
doute le plus précieux legs que j’aie à tions de la même ironie amère que les de signification. Grâce à son travail de
confier à ma légataire universelle. » anciens chants de l’amour malheureux. 1926 sur l’atome d’hélium, qui lui fait
Hélices marines
Au début, Heine s’était vivement P. G. découvrir les « forces d’échange » entre
intéressé à la peinture et avait publié particules de même nature, il réussit à Dans l’ensemble propulsif d’un navire,
G. Bianquis, Heine, l’homme et l’oeuvre
le Salon de 1833, où on sent qu’il a lu en expliquer la stabilité. Il est surtout l’hélice transforme la force développée
(Boivin, 1948). / J. Dresch, Heine à Paris (Didier,
Diderot, mais où il donne une large 1956). / A. Vallentin, Henri Heine (A. Michel, connu comme l’auteur des « relations par rotation dans un appareil moteur en
place à ceux qui ont peint les journées 1956). / H. Kaufmann, Heinrich Heine, geistige d’incertitude », qui ont renouvelé tous une poussée longitudinale. Cette pous-
de Juillet. En 1834, une librairie de Entwicklung und künstlerisches Werk (Berlin, les concepts de la micromécanique. Ce sée est transmise au navire par l’inter-
Paris donne la version française des 1967). / W. Maier, Leben, Tat und Reflexion, principe d’incertitude, ou d’indétermi- médiaire d’une butée sur laquelle vient
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
s’appuyer la ligne d’arbres reliant l’hé- ric Sauvage (1786-1857) avait pris un
lice à l’appareil moteur. brevet pour une hélice très voisine de
Les pales sont habituellement défi- celle que Smith allait réaliser, mais son
nies au moyen de sections tracées par invention ne vit le jour que lorsqu’il
des cylindres coaxiaux à l’axe de rota- se fut associé avec Augustin Normand
tion et dans lesquelles on peut prendre (1792-1871), qui, après l’avoir perfec-
comme corde de référence la droite tionnée, aidé par un homme de haute
joignant l’arête d’entrée à l’arête de compétence, l’Anglais Barnes (1798-
sortie de la pale. Cette corde passe par 1852), construisit en 1842 le paque-
l’axe de rotation et est normalement la bot-poste Napoléon (364 tonneaux),
génératrice d’une surface hélicoïdale utilisé plus tard comme aviso de la Ma-
s’appuyant sur une hélice géométrique rine nationale sous le nom de Corse.
tracée sur chaque cylindre coaxial.
Dotée d’une hélice en bronze à pales
Dans une section développée, la séparées, cette unité réalisa une vitesse
corde de référence est inclinée par de 11 noeuds. L’hélice moderne était
rapport à une droite perpendiculaire à née, marquant un progrès décisif sur
l’axe de rotation d’un angle tel que (voyages de jour et voyages de nuit, fonctionnement des hélices marines est
les roues à aubes, qui, d’un rendement
par exemple). la cavitation. Au-delà d’une certaine
moindre, encombrantes et fragiles, of-
y À pas variable ou réversible. Un vitesse de rotation de l’hélice, il se
fraient trop de prise au vent comme aux
H étant le pas de cette hélice à la dis- mécanisme complexe permet d’orien- forme vers la périphérie des pales un
lames et dont le fonctionnement était,
tance r de l’axe. ter les pales progressivement pour vide dans l’écoulement, provoqué par
de plus, perturbé par fort roulis.
Le pas peut être constant ou varier en faire varier la vitesse ou inverser la une dépression trop importante à l’ex-
fonction du rayon. Il est dit « à droite » marche du navire sans changement de trados. Le régime de rotation auquel la
Les hélices actuelles
régime de l’appareil moteur. cavitation prend naissance dépend de
si, pour la marche avant, l’hélice, vue
Elles sont généralement monoblocs, la vitesse du navire. La cavitation en-
de l’arrière, tourne dans le sens d’hor-
mais peuvent être, aussi, à pales rap- traîne une baisse de rendement, des vi-
loge. Il est dit « à gauche » dans le cas Hélices multiples
portées sur le moyeu. Les alliages les brations et des détériorations des pales.
contraire. Le pas peut être modifié en Pour diverses raisons et, notamment,
plus couramment employés sont soit On est parvenu dans une large mesure à
cours de fonctionnement (hélices à pas pour tenir compte des limites de résis-
variable). Le diamètre de l’hélice est des laitons à haute résistance, riches l’éliminer en limitant l’angle d’attaque
tance des matériaux, il est nécessaire
celui du cylindre qui limite extérieure- en zinc (30 à 40 p. 100) et à très faible et l’épaisseur relative des pales. Enfin,
de ne pas imprimer à une seule ligne
ment les ailes. teneur en aluminium, soit des cupro- la position des hélices par rapport à la
d’arbres une trop forte poussée. Dans
aluminiums, sans zinc, mais avec surface libre de l’eau est importante,
Le meilleur rendement d’une hélice le cas de navires rapides dotés d’un
environ 10 p. 100 d’aluminium. Le la cavitation étant favorisée par une
se situant, toutefois, à une vitesse de puissant appareil propulsif (paquebots
nombre des ailes s’échelonne de trois insuffisante immersion des pales.
rotation généralement inférieure à celle par exemple), on est donc conduit à ré-
de l’appareil moteur, les moteurs ra- à sept pour les hélices monoblocs et de partir la puissance entre deux ou quatre
pides et, a fortiori, les turbines exigent trois à quatre pour les hélices à ailes lignes d’arbres (exceptionnellement Hélices aériennes
l’interposition de réducteurs, composés rapportées. Les hélices monoblocs trois). Malgré une perte de rendement, Ce sont celles qui sont associées aux
d’un train d’engrenages de diamètres peuvent atteindre des dimensions et cette formule donne certaines faci- moteurs à pistons et aux turbopropul-
appropriés. un poids considérables. Ainsi, celles lités : possibilité d’une allure réduite seurs pour la propulsion des avions,
En dehors des navires de mer, l’hé- du paquebot France ont un diamètre avec deux lignes d’arbres au lieu de ainsi que celles qui sont utilisées dans
lice est utilisée pour la propulsion des de 5,80 m et pèsent plus de 25 t. Mais, quatre, pour un rendement optimal de les éoliennes. Pour définir une pale, il
sur certains pétroliers, on en trouve qui l’appareil moteur, poursuite du voyage suffit de connaître la forme des diffé-
engins empruntant les voies d’eau in-
térieures (remorqueurs, automoteurs, dépassent 10 m de diamètre, leur poids avec un ou deux appareils propulsifs rentes sections par des plans perpen-
pousseurs). étant de plusieurs dizaines de tonnes. en panne, souplesse de manoeuvre en diculaires à l’axe de la pale. Comme
faisant battre en avant les hélices d’un pour un profil d’aile, on peut choisir
Les hélices sont montées à l’arrière de
bord et en arrière celles de l’autre, etc. pour chacune de ces sections une corde
Historique la coque, en position propulsive et non
tractive. Toutefois, il existe des propul- En marche normale, la rotation en de référence, et l’angle que fait cette
Nombreux ont été dans divers pays
seurs d’étrave constitués par un moteur sens inverse de deux hélices jumelles corde avec le plan de l’hélice est appelé
les chercheurs qui se sont efforcés de
évite la dissymétrie de l’écoulement calage de la section. On définit alors
réaliser un appareil de propulsion dans entraînant une hélice disposée dans un
des filets d’eau qui, dans le cas de l’hé- le pas de cette section comme le pas
l’eau dérivant de la vis d’Archimède. tunnel transversal, à l’avant du navire,
lice unique, oblige à donner un certain de l’hélice géométrique de même axe
Les premières hélices se présentent, ce qui permet les manoeuvres por-
angle à la barre pour compenser leur que l’hélice considérée et tangente à la
d’ailleurs, sous forme de vis. Sans sous- tuaires sans recours aux remorqueurs.
action transversale. Si deux hélices ju- corde de référence. Pour une section si-
estimer l’importance de l’apport de ces
melles tournent vers l’intérieur du na- tuée à la distance r de l’axe de rotation,
précurseurs, on peut admettre que la Hélices à ailes orientables
vire, elles sont supra-convergentes, et, le pas a pour valeur 2 r tg . Ce pas
première réussite d’une hélice authen-
y À pas réglable. On peut donner aux si elles tournent vers l’extérieur, elles peut conserver la même valeur tout au
tique fut, en 1836, celle de l’Anglais
ailes certaines orientations permettant sont supra-divergentes. Cette dernière long de la pale ; on construit cependant
sir Francis Pettit Smith (1808-1874),
d’obtenir, pour la vitesse qu’on s’est disposition assure une meilleure ma- des hélices pour lesquelles il varie en
qui fit monter sur une embarcation à
fixée, le rendement optimal de l’appa- niabilité et a, généralement, la faveur fonction du rayon de la section. Enfin,
vapeur un propulseur en bois. En 1839,
reil moteur. Mais ce système impose des constructeurs. il existe des hélices pour lesquelles
son Archimède confirma sa réussite en
le stoppage de la ligne d’arbres à l’ensemble des pas des sections varie
dépassant 9 noeuds. De 1832 à 1836,
chaque changement de position des Importance du tracé de l’hélice en cours de fonctionnement ; ces hé-
l’ingénieur suédois John Ericsson
(1803-1889), devenu plus tard améri- ailes ; il est cependant intéressant Du tracé de l’hélice dépendent son ren- lices sont dites « à pas variable ».
cain, avait poursuivi des expériences dans le cas de voyages s’effectuant à dement et le risque de vibrations à l’ar- Le nombre de pales varie généra-
parallèles. En France, dès 1832, Frédé- des vitesses de croisière différentes rière. Un phénomène important pour le lement de deux à quatre ; cependant,
5290
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
l’énergie motrice. C’est ainsi que, pour F GIRAVIATION. pour la gravure de planches de cuivre les
Pour améliorer le rendement des procédés photographiques ainsi que les
des vitesses par rapport à l’air limitées,
hélices, on a été amené dans certains procédés de copie sur métal dont com-
les meilleurs résultats sont obtenus
mencent à se servir les photograveurs.
avec des pales à profil mince, relative- cas particuliers à l’envelopper d’un
L’invention des trames de photogravure
ment étroites, c’est-à-dire dont la lar- carénage dont le divergent avant forme héliogravure donne après 1885 une nouvelle impulsion
geur ne dépasse pas 10 p. 100 du rayon. à ses recherches. En 1895, s’associant avec
diffuseur et le convergent arrière tuyère
Mais, comme pour les profils d’ailes, les frères Storey, imprimeurs anglais à Lan-
Procédé industriel d’impression dérivé
de détente. Pour une puissance méca- caster, il monte dans cette ville le premier
les phénomènes aérodynamiques se
de la gravure en creux. atelier d’impression en héliogravure avec
modifient au fur et à mesure de l’aug- nique donnée appliquée à l’hélice, la
des machines à cylindres. À ses débuts, le
mentation de la vitesse, ces modifi- traction est d’autant plus élevée que procédé est considéré comme coûteux et
cations commençant par affecter les
Généralités
la section du flux d’air en arrière du seulement applicable à des travaux très
extrémités de pales, puisque c’est l’en- Le principe de l’impression est le soignés. Mais, en 1911, un grand journal
carénage est plus grande ; des sections
droit où la vitesse est la plus grande. allemand, Frankfurter Zeitung, montre des
même : les creux gravés dans le métal
de flux atteignant près de deux fois la pages imprimées recto et verso en hélio-
Sur une hélice d’avion, par suite de
sont remplis d’encre, la surface est gravure. Des revues comme l’Illustration
la composition de la vitesse d’avan- surface du disque balayé par l’hélice
essuyée, l’encre restant dans les creux à Paris, Illustrated News à Londres suivent
cement de l’avion et de la vitesse de ont déjà été atteintes dans la pratique. son exemple, et des imprimeries existantes
est déposée, par contact direct sous
rotation de l’hélice, la vitesse du son ou nouvelles s’équipent pour le nouveau
Parmi les applications des hélices pression, sur le papier à imprimer. La
est atteinte localement bien avant qu’il procédé. K. Klietsch meurt à Vienne en
carénées figurent l’avion à décollage forme d’impression, généralement un 1926.
n’en soit de même pour l’aile ; le ren-
dement de l’hélice diminue alors très et à atterrissage verticaux expérimen- cylindre, plus rarement une plaque, est
vite. Aussi, pour faire voler dans de tal Bell « XV-22 », qui en comporte gravée chimiquement par morsure à
bonnes conditions des avions à hélices l’acide. Confection de la
quatre, montées aux extrémités de deux
à de hautes vitesses subsoniques, il a forme d’impression
ailes en tandem, et l’Aérotrain*, qui, L’appellation héliogravure, ou, en
fallu modifier les formes de profils et
abrégé, hélio, adoptée en France, pro- On grave sur le cylindre des textes et
la forme en plan des pales ; on s’est bien qu’étant un véhicule terrestre, est
vient de ce qu’à l’origine on se servait des illustrations. Les textes peuvent
alors orienté vers des profils laminaires mû par un propulseur d’avion.
de la lumière du soleil pour l’insolation être obtenus par toutes les techniques
à maître couple reculé, et vers des pales
Enfin rentrent dans la catégorie des de la composition. La composition
de la couche sensible devant fournir
élargies à l’extrémité, de telle sorte que
photographique, qui produit direc-
l’épaisseur relative soit le plus faible hélices aériennes les éoliennes, qui la réserve protectrice lors de la gra-
tement les textes sur film, convient
possible. permettent d’obtenir de l’énergie utili- vure à l’acide. Les Anglo-Saxons ont
particulièrement. S’il s’agit de com-
Sur le plan des dimensions, les sable à partir du vent. Il s’agit généra- conservé l’appellation gravure ; les
position plomb, on en tire une épreuve
hélices d’avion ont généralement des Allemands disent Tiefdruck.
lement de roues de grand diamètre, de sur support transparent, Cellophane
diamètres de l’ordre de 2 à 3 m ; ce- Les planches de gravure manuelle par exemple. Les originaux des illus-
l’ordre de quelques dizaines de mètres,
pendant, certains avions à décollage et trations sont photographiés ; on en
en creux, ou taille-douce, sont encrées
et qui comportent de deux à quatre
à atterrissage courts font appel à des obtient des négatifs, puis des positifs
et essuyées manuellement. Sur les ma-
hélices de dimensions beaucoup plus pales, de forme analogue à celle des sur film au format désiré. L’assem-
chines à imprimer hélio, ces opérations
importantes, car elles doivent partici- pales d’hélices. On trouve aux États- blage des épreuves des textes et des
sont, bien entendu, mécanisées. Le
per non seulement à la propulsion de films des illustrations constitue le
Unis des éoliennes développant des cylindre est encré par barbotage dans
l’appareil, mais aussi à sa sustenta- montage, fait d’après les indications
puissances supérieures à 2 500 kW ; un bac ou par projection d’une encre
tion lorsque la vitesse d’avancement de la mise en pages et les nécessités
est faible. Tel est le cas, notamment, leur orientation en fonction de la direc- liquide ayant la consistance d’une huile de l’imposition. On contrôle le mon-
du Breguet « 941 », dont les quatre tion du vent et le réglage de la puis- légère et qui ruisselle à sa surface. Pour tage en tirant une épreuve par copie sur
hélices ont un diamètre de 4 m et cou- essuyer cette surface tout en laissant papier Ozalid (c’est le bon à graver).
sance s’effectuent automatiquement.
vrent presque la totalité de l’envergure l’encre dans les creux, on y appuie une Puis on le copie sur un intermédiaire,
L’inconvénient principal des éoliennes
de l’aile. Enfin, sur certains avions à racle. Cette mince lame d’acier s’ap- le papier pigment, ou papier charbon,
décollage et à atterrissage verticaux, tient dans l’irrégularité du régime des
puie sur le sommet des cloisons sépa- qui porte une couche sensible de géla-
les moteurs basculent de 90°, de telle vents, qui implique la même irrégula- tine bichromatée. Le papier charbon
rant les alvéoles gravés, cloisonnement
sorte que les hélices créent une force rité pour la puissance produite. est ensuite appliqué sur le cylindre de
qui constitue la trame. Si l’on regarde à
de sustentation supérieure au poids de cuivre ; après développement, il laisse
H. C. et J. L. la loupe une impression hélio, on aper-
l’avion et permettent un vol vertical. sur celui-ci une réserve de gélatine
F Aérodynamique / Avion / Décollage / Propul- çoit dans les tons légers le quadrillage
Dans le cas des avions légers, mono- tannée d’épaisseur variable, à travers
sion par réaction. image de la trame ; celui-ci a disparu
moteurs, l’hélice est à pas fixe et ne laquelle le cuivre sera gravé plus ou
dans les tons forts, car l’étalement de moins creux avec du chlorure ferrique,
fournit un rendement maximal qu’à A. Lamouche, Théorie du navire (Challamel,
l’encre a couvert toute la surface. Le ou perchlorure de fer
une seule vitesse de vol. Sur les avions 1921). / P. Lorain, l’Hélice propulsive (Dunod, (Cl3Fe).
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
tif de séchage et des mécanismes d’ali- héliogravure sera plus tard imprimée
mentation, de passage et de sortie du en noir sur la rotative journal d’un quo-
papier. tidien ; celui-ci se présentera avec une
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
tions offre une grande souplesse d’exé- cas d’ailleurs), il partagerait le pouvoir Nord, le titre de régent fut donné au
G. Baudry, Héliogravure et tirage (Institut
cution, par juxtaposition et même par avec Arrhidaios, à qui l’on donna le vieil Antipatros ; Antigonos le Borgne
nat. des ind. et arts graphiques, 1947). / E. Kol-
nom de Philippe III. Il fallut alors amé- (Monophthalmos) se vit offrir la « stra-
superposition, donc une grande latitude lecker et W. Matuschke (sous la dir. de), Der mo-
derne Druck (Hambourg, 1956 ; 2e éd., 1958). nager une régence avant que les rois tégie » d’Asie (pouvoir illimité sur
au maquettiste pour sa mise en pages,
/ V. Strauss, The Printing Industry (New York,
Philippe III et Alexandre IV fussent les territoires d’Orient) ; Séleucos Ier
qui peut être très diversifiée. 1967). / G. Baudry et R. Marange, Comment on
capables de gouverner par eux-mêmes. Nikatôr, un des assassins de Perdiccas,
imprime (Dunod, 1971).
La pellicule d’encre déposée sur le
fut installé en Babylonie. L’empire
papier est plus ou moins épaisse selon On confia à une sorte de triumvirat
d’Alexandre était déjà moribond ;
l’administration de l’empire. Cratère
la profondeur des alvéoles, qui va
comment Antipatros serait-il capable
fut nommé prostate (tuteur) des rois ;
normalement de 1 ou 2 à 35 ou 40 . de faire respecter depuis la Macédoine,
Comme l’encre liquide s’étale facile-
héliothérapie Antipatros garda la Macédoine, qu’il
dont il n’était jamais sorti, son auto-
avait gouvernée durant l’expédition
ment à la surface du papier, l’imprimé rité par les rois installés en Asie, riches
F PHYSIOTHÉRAPIE. d’Alexandre ; Perdiccas fut chargé de
a un aspect de modelé continu ressem- et puissants ? Déjà l’Orient semblait
l’Asie. Quant au gouvernement des
blant assez à celui d’une photographie. prendre ses distances, et l’hellénisme
provinces, on le partagea entre les
Comme la pellicule d’encre a une se découvrait d’autres capitales. Eume-
autres chefs, qui espéraient bien s’y
épaisseur variable, donc une inten- nês de Cardia, dernier dépositaire des
tailler quelque domaine, même si ce
sité variable, l’imprimé montre l’en- hélium pensées du conquérant et seul fidèle à
devait être aux dépens de l’autorité cen-
semble des tonalités. Les tons foncés ses désirs, inquiétait, détonnait parmi
trale. Ptolémée Ier Sôtêr reçut l’Égypte
sont puissants et vigoureux ; les tons F GAZ INERTES. les généraux : on le mit au ban de
(où Cléomène de Naucratis fut son
clairs peuvent être très clairs. L’aspect l’empire.
adjoint), Antigonos Monophthalmos
de l’imprimé est à la fois contrasté et
l’Anatolie occidentale, Eumenês de
modelé. Sur papier approprié, l’encre Antigonos
Cardia (l’archiviste d’Alexandre) la
sèche est bien brillante. L’impression hellénistique Cappadoce et la Paphlagonie (un ter- Monophthalmos
résiste au frottement. Mais l’ensemble
ritoire mal pacifié, que tenait encore le
de la forme d’impression doit être (monde) Antipatros mourut en 319 av. J.-C.
satrape perse Ariarathês Ier), et Lysi- Cassandre, son fils, malgré ses volon-
tramé pour soutenir la racle, les textes maque la Thrace.
Ensemble des États issus de l’empire tés posthumes, réussit à s’emparer de
aussi bien que les illustrations. Cela
d’Alexandre le Grand (323-31 av. Ce règlement ne pouvait guère être la Grèce et de la Macédoine ; il en
exclut l’emploi des petits caractères et
J.-C.). durable : trop d’ambitions déjà s’étaient profita pour faire assassiner les rois
des déliés fins.
fait jour, ainsi que des conceptions Philippe III (317), puis Alexandre IV
L’impression hélio sur rotatives est nouvelles de l’avenir du royaume, où (310-309), qui étaient tombés ainsi en
La naissance du monde
un procédé de masse. Les aléas de la seul Eumenês de Cardia croyait encore son pouvoir. En débarrassant tous les
gravure des cylindres, qui ont quelque hellénistique
à la nécessité d’une politique de fusion diadoques du fils de Roxane, il leur
peu freiné son développement indus- Alexandre* le Grand mourut en juin des races. Des révoltes eurent lieu ; les ôtait tout motif de retenue ; la cou-
triel, disparaissent du fait de l’automa- 323 av. J.-C. il n’avait pas d’héritiers, Grecs qu’Alexandre avait installés en ronne était désormais à qui saurait la
tisation. L’avenir du procédé semble et les immenses territoires qu’il venait Bactriane se soulevèrent de nouveau prendre. Antigonos, aidé de son fils
assuré, en particulier dans les deux de conquérir ne pouvaient encore for- et ne se soumirent au satrape de Médie Démétrios Ier Poliorcète (336-282 av.
domaines où il occupe déjà une place mer un État. C’est à des généraux, qui, qu’après le massacre de la plus grande J.-C.), était le plus puissant ; il se noua
importante : d’une part magazines et bien souvent inquiets de son génie in- partie d’entre eux, mais ils eurent la donc contre lui une vaste coalition de
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
tous ceux qui avaient peur qu’il ne les temps, on put croire que, grâce à ces put s’emparer de la Macédoine (après veurs ». Les lois naissant des rois, la
devançât. succès, Antigonos pourrait réunir sous une victoire retentissante sur les Ga- nature même et la vie dépendent d’eux.
son autorité toutes les terres qu’avait lates à Lysimacheia) et fonder ainsi la Un culte leur est rendu sous des formes
Ptolémée, Cassandre, Lysimaque, le
possédées Alexandre, mais, au cours troisième des grandes dynasties, celle diverses ; seule la Macédoine ne sera
maître des détroits, aidés de Séleucos,
de l’été 301, en Phrygie, à Ipsos, la des Antigonides*. pas tentée de diviniser ses souverains.
qu’en 316 Antigonos venait de chasser
de Babylone, l’obligèrent à lutter sur fortune changea de camp. Le roi mou- Ce n’était pas pour autant la fin des La puissance de ces rois est ainsi
rut sur un champ de bataille, écrasé ambitions. Le monde hellénistique ne
deux fronts. En Occident, malgré son quasi infinie, en théorie du moins, car,
par Lysimaque et Séleucos. Sa fin connut guère la paix ; à l’intérieur, tel
habileté à ôter à Cassandre l’appui des si les Lagides administrent leurs pos-
marqua le début véritable de l’époque serviteur de roi réussissait à fonder, lui
cités grecques (il les avait proclamées sessions comme on peut le faire d’un
hellénistique ; personne ne crut plus, aussi, une dynastie (Philetairos de Per-
libres), Antigonos ne put porter de jardin, grâce à une armée de fonc-
désormais, qu’il était possible de sau- game*, qui fut à l’origine de la fortune
coups décisifs. En Syrie, il fut vaincu, tionnaires, il est bien difficile aux rois
vegarder l’unité politique des terres des Attalides), tel vassal se rendait in-
de façon inattendue d’ailleurs, par Pto- séleucides et à ceux des autres dynas-
conquises par l’hellénisme ; les alliés dépendant ; sur les frontières apparais-
lémée à Gaza (Séleucos en profita pour ties de mobiliser leurs richesses ; leurs
se partagèrent les dépouilles (le grand saient des ennemis puissants : en deux
se réinstaller en Babylonie). En 311, agents sont souvent difficiles à surveil-
bénéficiaire semblant être Séleucos). Il siècles, le monde hellénistique devint
une paix fut signée pour que chacun ler, et leurs défections sont fréquentes ;
ne restait plus à chaque survivant qu’à une ruine que possédaient les Romains
reprît souffle. la distance, l’énorme inertie de pays
assurer son pouvoir sur son domaine. ou les Parthes. Mais, avant de succom- trop vastes ou trop attachés à leurs
La lutte recommença au printemps
ber, il avait su devenir leur maître de traditions font qu’il n’est pas facile à
306. Démétrios Poliorcète (« le pre-
Les années de civilisation. ces rois de réunir l’immense masse de
neur de villes ») remporta à Salamine
de Chypre une éclatante victoire navale
stabilisation (301-276) leurs armées, de profiter des immenses
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n’y a que les confédérations en vieille il est important que la forme politique Il remporta (juin 197) la victoire de Antiochos IV fut arrêté par C. Popilius
Grèce pour lui donner une véritable se soit imposée jusqu’à l’Indus, que Cynoscéphales et dicta ses conditions : Laenas dans son invasion de l’Égypte
liberté en échange de la perte d’un peu les rois n’aient cessé de favoriser la Philippe V devait abandonner ses pos- (alors qu’il tenait la victoire, il a suffi
d’autonomie. Le rôle est principale- fondation de cités neuves, d’en re- sessions en Grèce. Flamininus put se au légat arrivé devant Alexandrie
ment civilisateur. construire lorsque les abattait quelque vanter ainsi d’avoir assuré la liberté d’énoncer le désir de Rome de protéger
tremblement de terre, permettant à la des Hellènes. Une commission sénato- l’Égypte pour qu’Antiochos fût stoppé
Les monarchies hellénistiques ne
civilisation de la parole de s’implan- riale vint s’en assurer, et, en 196 av. J.- dans son élan).
sont plus pourtant une école de vertu
ter partout où ils régnèrent, et que l’on C., lors des jeux Isthmiques, Flamini-
et de sacrifice. Les qualités qui avaient Mais Rome n’était pas encore une
ait pu méditer tout au bord de l’Inde nus proclama que le sénat des Romains
permis aux hoplites de Marathon de puissance qui attirait la sympathie. Par-
les maximes de Delphes et discuter sur et le consul Titus Quinctius, ayant
vaincre, à Athènes de dominer l’Égée tout en Grèce, depuis qu’après Pydna
l’agora des problèmes d’une commu- vaincu le roi Philippe V et les Macé-
ne sont plus sans doute de celles que s’était tenue une commission sénato-
nauté franche. doniens, laissaient libres, exempts de
l’on ambitionne d’imiter. En effet, le riale chargée de réorganiser le pays,
Il est bien certain que l’hellénisme garnison et de tributs, et soumis à leurs
plus souvent, les vieilles constitutions sévissait le gouvernement des riches. Il
ne touche guère qu’une petite partie lois ancestrales, les peuples suivants :
n’existent plus, et le peuple, auquel on en était de même dans les républiques
des populations barbares et que l’Asie, les Corinthiens, les Phocidiens, les
ne fournit pas les moyens de participer macédoniennes, où l’on s’était décidé à
effleurée par les conquêtes d’Alexandre Locriens, les Eubéens, les Achéens
à la vie publique, ne peut acquérir le rouvrir les mines d’argent (dont Rome
et l’administration séleucide, continua Phtiotes, les Magnètes, les Thessa-
sens des responsabilités, le désir de ser- avait, en 167, interdit l’exploitation
de vivre la vie de ses ancêtres. Pour- liens et les Perrhaibes ; pour les autres
vir l’État. Au contraire, il semble que pour que le pays ne fût pas livré aux
tant la présence grecque en pays bar- Grecs, la liberté allait de soi. Ainsi,
le fier citoyen, devant la pauvreté qui ambitions des financiers italiens).
bare prépara l’unification du bassin de Rome s’imposait comme le patron des
l’étreint (surtout dans la Grèce d’Eu- En 149-148, Andriscos, un aventu-
la Méditerranée (tout en assurant des Grecs ; elle avait à jamais pris son rang
rope, désormais à l’écart des grands rier qui se disait fils de Persée, réussit
liens avec l’Orient), qui sera réalisée dans le monde des rois, à leur niveau.
courants commerciaux, mais aussi en à s’emparer de la Macédoine en s’ap-
quand, en 212 apr. J.-C., toutes races Antiochos III Megas dut bientôt, à son
Asie Mineure, où la guerre provoque puyant sur le petit peuple, à la grande
et origines confondues, tous les habi- tour, s’incliner devant leur puissance.
mille tourments), a eu un moment à inquiétude des possédants, qui virent
tants de l’Empire romain, l’héritier des Trop fort pour ne pas inquiéter Rome
choisir entre deux attitudes également avec plaisir ses défaites devant Rome,
empires hellénistiques, seront devenus (il venait de vaincre l’Iran et de domp-
fatales à l’esprit civique, entre le désir garante d’une certaine paix sociale :
des citoyens de Rome. ter les Lagides), il n’avait pas hésité à
d’être assisté par des riches qui dépen- la Macédoine devint une province ro-
recevoir à sa cour, à Antioche, Han-
sent leur fortune en actes d’évergétisme maine (148) liée à l’Illyrie ; Rome était
nibal. En 192, il s’allia aux Étoliens,
(achats de blé distribué à prix réduits, Rome et la fin du désormais directement responsable du
déçus par la politique de Rome en
fondations) et la révolte stérile, qui ne monde hellénistique destin d’une partie du monde grec.
Grèce. Rome se dut d’intervenir ; les
peut qu’accélérer les interventions de
Rome ne s’occupait guère des affaires légions passèrent en Asie sous le com- Dans le Péloponnèse, certains
puissances extérieures appelées par le
d’Orient. Il fallut que Philippe V, roi mandement de Scipion l’Asiatique, en Achéens aspiraient à rejeter la tutelle
parti des possédants inquiets.
de Macédoine (221-179 av. J.-C.), plein coeur de l’hiver ; elles firent leur où Rome les maintenait, quelque profit
Les cités ne sont pas non plus des la provoquât en faisant alliance avec que pût en tirer la confédération. En
jonction avec les troupes d’Eumenês II,
maîtres qui assument la responsabilité Hannibal* pour qu’elle fût contrainte roi de Pergame ; contre une armée bien 146, Critolaos et Diaios, s’appuyant
de la vie présente et future des citoyens à agir. supérieure en nombre (qui alignait de sur le remuant peuple de Corinthe,
comme l’étaient les cités classiques, surcroît 64 éléphants d’Asie), les Ro- firent décider la guerre ; Rome n’était
Pour empêcher le roi de passer en
qui faisaient participer ceux-ci à une mains remportèrent une nette victoire pas fâchée, d’ailleurs, d’en finir avec
Italie, les Romains cherchèrent à lui
vie religieuse qu’elles étaient seules à (au début de 189 av. J.-C.). Par le traité la puissance achéenne, trop fière de
susciter en Grèce même des troubles
ordonner, avec des sacrifices pour le d’Apamée, Antiochos III renonça à ses traditions et source de perpétuelles
qui pussent l’occuper. En 212 av. J.-
temps présent et des mystères donnant l’Asie Mineure, s’engagea à payer une complications. Lucius Mummius n’eut
C., ils s’allièrent avec les Étoliens et
(comme à Eleusis) des entrées dans les poussèrent à la guerre. Dès que le lourde indemnité, à livrer ses éléphants aucun mal à l’écraser. Corinthe paya
l’au-delà. Désormais, le citoyen est in- risque de jonction entre Philippe V et et ses navires. Les alliés de Rome (Per- le prix de ce dernier sursaut d’indé-
vité souvent à sacrifier pour des dieux, Hannibal se fut estompé, ils abandon- game et Rhodes) se partagèrent les pendance de la Grèce ; elle fut détruite
proches sans doute, mais extérieurs à nèrent toute opération, et leurs alliés, dépouilles. Ce n’était plus suivre la po- comme venait de l’être Carthage ; cet
sa ville : les rois, qui peuvent supplan- délaissés, cessèrent le combat (206). litique de Flamininus, mais c’était en- exemple assurait la paix en Grèce, de-
ter les Olympiens, auxquels on avait Ils n’en signèrent pas moins, pour core un moyen pour Rome d’échapper venue de fait, sinon en droit, une pos-
fait confiance. Seul, par ailleurs, dans mettre un terme à cette première guerre aux charges de l’administration directe session de Rome.
des cités qui ne sont parfois plus, déjà, de Macédoine (216-205), un traité en confiant à des clients le contrôle des En Asie, la politique de Rome n’était
à l’échelle humaine (Antioche, Alexan- de paix qui permettait pour l’avenir zones arrachées à ses rivaux. guère plus séduisante. Rhodes fut
drie), il cherche son salut individuel- toutes sortes de développements inté- Si, durant la guerre antiochique, Phi- punie pour avoir voulu s’entremettre
lement dans la célébration de cultes ressants, éventuellement une nouvelle lippe V s’était montré fidèle aux trai- entre Rome et Persée, et fut ruinée par
ésotériques (cultes de Sérapis, de Dio- intervention. tés, son fils Persée (roi de 179 à 168), la concurrence de Délos, devenue en
nysos...), auxquels il participe par l’in-
C’est en 200 que le sénat songea à dès son avènement, s’attacha à rendre 166 un port franc. C’est de la bien-
termédiaire de sociétés plus ou moins
revenir en Grèce ; il fallait, selon lui, à la Macédoine son prestige et sa puis- veillance romaine que les rois de Per-
secrètes, plus ou moins interdites, car
protéger en Orient les alliés de Rome sance. Le sénat ne pouvait l’accepter : game tenaient leur pouvoir ; le dernier
la cité, organe totalitaire, sait combien
(ceux qui avaient contresigné la paix en juin 168 av. J.-C., Paul Émile, à d’entre eux, Attalos III (138-133 av. J.-
l’individualisme est dangereux.
de 205) des ambitions dévorantes du Pydna, força la victoire ; en un peu C.), choisit de lui léguer son royaume,
Les cités ne sont guère que des roi de Macédoine, mais il fallait sur- plus d’une heure, il détruisit l’armée pensant que la force seule des légions
municipalités, qui collectent au nom tout trouver à employer généraux et royale, qui laissait 25 000 morts sur pourrait y garantir le statu quo social.
d’un roi les impôts, servent d’organes soldats, que la victoire sur Carthage le terrain et 10 000 prisonniers. La La révolution qu’il craignait éclata à
qui participent à la concertation néces- avait rendus à une vie civile qu’ils monarchie antigonide fut abolie, et le sa mort, en 133 ; Aristonicos, qui au-
saire avec les pouvoirs centraux, mais n’appréciaient guère. En 198, Titus royaume macédonien, démembré en rait dû lui succéder, souleva le peuple,
la médiocrité apparente de leur situa- Quinctius Flamininus (229-174 av. J.- quatre républiques, fut contraint à la les habitants des campagnes surtout,
tion ne doit pas faire oublier combien C.) prit le commandement des troupes. « liberté » romaine. En cette année 168, leur faisant espérer le bonheur en la
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coll. « Que sais-je ? », 1962 ; 3e éd., 1967). / le temple archaïque d’Artémis, qui avait
E. Will, Histoire politique du monde hellénis- été incendié au IVe s., est relevé suivant le
tique, 323-30 av. J.-C. (Berger-Levrault, 1966). même plan et sur les mêmes dimensions ;
/ T. Liebmann-Frankfort, la Frontière orientale mais les proportions des colonnes, le des-
dans la politique extérieure de la République
sin des moulures témoignent de l’évolu-
romaine (Palais des académies, Bruxelles,
tion de l’ordre ionique, notamment sous
1969). / P. Lévêque, le Monde hellénistique
l’influence attique. À Priène, où toute la
(A. Colin, coll. « U 2 », 1969). / J. Charbonneaux,
ville est alors reconstruite suivant un plan
R. Martin et F. Villard, Grèce hellénistique (Gal-
orthogonal, sur un contrefort du Mycale,
limard, 1970). / P. Grimal et coll., la Civilisation
hellénistique et la montée de Rome (Bordas, la construction du temple d’Athéna est
tions des cités, des dynasties indigènes. Lagides (Office de publicité, Bruxelles, 1939) ; grecque (musée d’Istanbul). début du siècle nous ont rendue. Ici, les
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architectes ont eu non seulement à pour- torsion des membres humains et des corps Syrie, en bronze, est bien caractéristique oeuvres d’inspiration alexandrine. Avant
voir aux besoins des habitants, mais aussi des serpents, atteignent à une expression (Rome, musée des Thermes) : le souverain, le développement d’Alexandrie, les palais
à illustrer la puissance et la gloire d’une monumentale plus baroque que classique. plus grand que nature, est représenté nu, de Pella et de Vergina, en Macédoine,
dynastie. Chaque construction est intéres- La seconde frise, qui court sur le mur du dans une pose et avec une musculature qui montrent, dans leur relative simplicité,
sante en soi. Tout d’abord, le rempart, dont portique entourant l’autel, raconte les conviendraient aussi bien à un héros ou que l’architecture palatiale a emprunté ses
la sobre puissance fait la beauté, rappelle aventures de Télèphe, petit-fils de Zeus et à un dieu ; mais la tête n’a rien d’idéalisé. formes aux bâtiments civils. La mosaïque
que les temps hellénistiques furent traver- ancêtre présumé de la dynastie. Le prin- Le musée du Louvre possède un torse de est connue (Pella, v. 305), mais elle relève
sés par des guerres continuelles et que les cipe du relief est tout à fait différent ; le Mithridate, roi du Pont, qui est sans doute plus du dessin que de la peinture. Si l’on
fortifications sont, à travers tout le monde récit est fait de la juxtaposition de petits du même sculpteur que la Vénus de Milo, se place maintenant à la fin de la période,
grec, le témoin essentiel de l’époque. Dans tableaux ; l’artiste superpose les plans sculptée vers 100. C’est que la grande sta- il suffit de regarder les villas de Délos*
la ville basse, l’agora et les gymnases, presque à l’infini et joue du paysage et de tuaire divine n’a pas disparu et qu’elle fait et surtout celles de Pompéi (v. campa-
grandes cours à colonnades suivant le la lumière plus à la manière d’un peintre l’objet des mêmes recherches que le por- nie romaine) pour voir quels progrès ont
goût du temps, sont, avec le théâtre qui trait. La Vénus reprend ainsi un type divin
que d’un sculpteur. Chacune des deux été réalisés. L’agencement des pièces est
étage ses gradins sur les pentes de la mon- connu dès le IVe s., mais le traitement du
frises, en son genre, a exercé une profonde beaucoup plus souple et plus adroit. Mais,
tagne, les principaux lieux où se réunissent corps, le jeu des courbes et des volumes
influence sur la plastique hellénistique et surtout, la décoration intérieure est dès
les citoyens pour leurs affaires et pour leur
romaine. montrent l’évolution suivie. Le rendu des lors le fait de grands artistes.
plaisir. Dominant toute la ville, sur l’acro- draperies retient aussi l’attention, comme
pole, s’élève le palais royal, entouré de ses LA SCULPTURE HELLÉNISTIQUE : L’évolution de la peinture est difficile
on peut en juger d’après la Victoire de
arsenaux et de ses casernes, et aussi des LE PORTRAIT à retracer d’après les copies qui furent
Samothrace (v. 190), où le vêtement ac-
sanctuaires dédiés aux dieux protecteurs effectuées à Pompéi. Il n’en apparaît pas
compagne et souligne le mouvement du
Les recherches de l’école de Pergame ne
de la cité et de la dynastie. moins que les peintres ne se satisfont plus
corps ; cette oeuvre témoigne de la vigueur
résument pas toute l’histoire de la sculp-
de simples dessins sur un fond uniforme ;
Mais les succès guerriers des Attalides et de l’originalité de l’école rhodienne.
ture hellénistique. L’importance nouvelle
leur palette cherche à rendre tous les
se manifestent surtout dans le décor
prise par l’individu explique le dévelop-
sculpté qui anime ce cadre architectural. L’ART ALEXANDRIN effets de la couleur, jouant du clair-obs-
pement de l’art du portrait. Certes, on en
Attalos Ier commémora par un ex-voto sa cur ; leur science de la perspective permet
connaissait déjà des exemples à l’époque Une autre cour royale a joué un rôle
victoire sur les Galates, qui semaient la d’étoffer les scènes, parfois placées dans
classique. Mais Alexandre et ses princi- particulier dans l’évolution de l’art hel-
terreur en Asie Mineure : sur le pourtour un paysage naturel. Certaines mosaïques
paux généraux lui donnent par leurs com- lénistique : c’est celle des Ptolémées à
de ce monument, aujourd’hui disparu, de Délos (v. 130), qui sont d’ailleurs sou-
mandes une impulsion nouvelle. Nous Alexandrie*, où régnaient un luxe et un
une série de Gaulois mourant ; au centre, vent l’oeuvre de Syriens, témoignent de
avons déjà noté le rôle de Lysippe dans raffinement extrêmes, notamment dans
le groupe célèbre du Gaulois se suicidant, ces enrichissements : ainsi le Dionysos sur
ce domaine. De plus, les rois rendent cet l’aménagement des palais et dans les arts
après avoir tué sa femme, pour ne pas tom- la panthère. Les « mosaïques nilotiques »,
art particulièrement populaire en faisant mineurs, comme l’orfèvrerie. C’est là aussi
ber aux mains des ennemis (copie romaine, très appréciées sous l’Empire, relèvent de
figurer leur effigie sur leurs monnaies. Ces que se sont élaborées des formes nou-
Rome, musée des Thermes). L’aspect phy- la tradition alexandrine : dans un paysage
petits reliefs sont traités avec une maîtrise velles, au contact avec le monde égyptien.
sique de ces Barbares est rendu avec pré- de marais, de plantes d’eau s’ébat tout un
remarquable, et presque chaque souverain De plus, capitale des derniers souverains
cision : leur armement — glaives larges et peuple d’animaux aquatiques : hérons,
serait à citer ici. Les rois de Bactriane, par hellénistiques, Alexandrie a exercé une
courts, boucliers allongés —, leur nudité canards, crocodiles, hippopotames...
exemple, ne sont connus que par leurs influence de tout premier ordre sur l’art ro-
au combat, certains traits anatomiques —
monnaies ; l’un d’eux fit frapper à son effi- main de la fin de la République et du début Dans les arts mineurs, le rôle d’Alexan-
carrures trapues, chevelures hirsutes —,
gie la plus grosse monnaie d’or connue à de l’Empire. Presque rien n’a, malheureu- drie est également essentiel, au point que
tout est soigneusement observé. Mais ce
cette époque, qui est conservée à Paris. À sement, survécu de la cité des Ptolémées, l’on a parfois confondu toutes les pro-
goût du pittoresque ne nuit pas à la puis-
côté de cet art presque industriel, le por- et nous en sommes réduits à essayer de ductions hellénistiques sous le nom d’art
sance de l’expression, bien au contraire. Le
trait sculpté se pratique aussi à grande la reconstituer à travers quelques des- alexandrin. Mais, ici encore, nous ne pou-
sculpteur a su peindre, par le dramatique
échelle. Une statue de Démétrios Ier, roi de criptions littéraires et surtout à partir des vons que constater des influences, faute
des attitudes et le pathétique des visages,
tout le désarroi de ces guerriers devant la
défaite et la mort. Il y a là, aux alentours
des années 230-220, une recherche du
mouvement, un essai de traduire dans le
marbre la psychologie des personnages,
qui sont caractéristiques de la sculpture
hellénistique.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
d’avoir les oeuvres elles-mêmes sous les du XIXe s. Dès 1847, il se signale par d’organes reproducteurs. Ces plantes accidentellement en Europe, n’existe
yeux. un mémoire, Sur la conservation de la ont une structure vasculaire assez ré- dans nos ruisseaux que sous la forme
force, où, partant de l’impossibilité du duite (nombreuses vacuoles), comme de pieds femelles. Comme genres prin-
RICHESSE DE L’ART HELLÉNISTIQUE
mouvement perpétuel, il affirme que toutes les espèces aquatiques, mais cipaux, il faut citer Elodea, Vallisne-
Ces lacunes si considérables dans notre les phénomènes physiques ne sont que aussi assez primitive, puisque l’on ria, Hydrocharis. Quelques-unes de
documentation expliquent le discrédit
des changements de forme de l’éner- trouve bien souvent de simples tra- ces plantes sont employées pour déco-
dans lequel on a longtemps tenu l’art
gie ; il introduit la notion d’énergie chéides à la place des vrais vaisseaux. rer les aquariums, Elodea canadensis
hellénistique, considéré comme un art
secondaire entre l’apogée classique et potentielle et donne l’énoncé du prin- pouvant servir à la nourriture du bétail.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
famille des Najadacées, possède envi- ment d’un million de volumes et de une part très supérieure (les quatre cin- permettent de distinguer les hématies
ron quarante espèces annuelles. manuscrits. quièmes) pour le trafic intérieur. polychromatophiles (dotées d’un cyto-
J.-M. T. et F. T. J. G. plasme à double affinité : acidophile
En 1914, la ville atteignait
et basophile), les cellules cibles, ou
140 000 habitants. La révolution de
target-cells (ayant un aspect en co-
1917 en Russie et la guerre d’indépen- carde, à centre coloré), les hématies
Helsinki dance en 1918 amenèrent la libération Helvétius (Claude ponctuées, basophiles ou azurophiles
de la Finlande. Le 16 mai 1918, les (avec des granulations basophiles ou
Adrien) acidophiles). Enfin, d’autres variétés
En suédois HELSINGFORS, capit. de la troupes victorieuses du général Man-
d’inclusions sont connues, telles que
Finlande. nerheim firent leur entrée à Helsinki,
F MATÉRIALISME. les corps d’Ehrlich (corpuscules ronds
Helsinki est établie sur une devenue capitale d’une nation libre. La
et réfringents), les corps de Howell-
presqu’île à l’entrée du golfe de Fin- ville prit alors un essor nouveau, qui
Jolly (corpuscules chromatiniens) et
lande, sur la côte méridionale du pays ne fut ralenti que pendant la Seconde
les corps de Cabot (mince ligne en
(région la plus anciennement peuplée Guerre mondiale. L’agglomération at- hématie anneau ou en huit, colorée en rouge et
et actuellement la plus active du pays). teignait 300 000 habitants en 1940 et en parfois libérée de l’hématie).
Le climat y est assez rigoureux, avec
comptait 531 000 en 1969. De grandes Globule rouge du sang.
4,8 °C de température moyenne an-
constructions publiques monumentales À mesure que les moyens d’étude Rôle des hématies
nuelle (– 3,2 °C en février et 16,4 °C
furent édifiées : la gare centrale avec progressent, la structure des hématies
en juillet) et cinq mois de l’année D’une façon générale, le rôle des glo-
sa tour de 48 m (1919), oeuvre d’Eliel apparaît de plus en plus complexe.
avec moins de 0 °C de température bules est de transporter l’oxygène des
Leur numération dans le sang péri-
moyenne. Saarinen (1873-1950), le palais des poumons aux tissus et le gaz carbo-
phérique, qui constitue un examen de
Expositions (1935), le stade olympique nique des tissus aux poumons. L’oxy-
L’histoire de la ville débute au laboratoire de pratique courante, mais
(1938), la poste centrale (1938), devant gène se combine à l’hémoglobine pour
XVIe s. avec la décision du roi de Suède délicat à réaliser, permet le plus sou-
donner l’oxyhémoglobine, tandis que
Gustave Vasa de créer en Finlande l’entrée principale de laquelle se dresse
vent d’affirmer que les globules rouges le gaz carbonique se combine pour
un centre de commerce maritime ca- la statue équestre de Mannerheim. À sont normaux ou pathologiques. donner la carboxyhémoglobine. Dans
pable de rivaliser avec Tallin (Revel), l’extrémité de la presqu’île décou-
certaines circonstances s’observent
en Estonie. Le site primitif, choisi en pée, entourée par les ports, se situe le Formes et dimensions des viciations de l’incorporation du fer
1550, fut l’embouchure du Vantaan-
centre, où alternent les immeubles de des hématies dans l’hème par action toxique de cer-
joki, à 4 km au nord-est de la ville
style néo-classique du XIXe s. et ceux de tains poisons susceptibles d’entraîner
actuelle : mais il se révéla vite inuti- Au point de vue morphologique,
style moderne du XXe s. Des quartiers une méthémoglobinémie. Il existe éga-
lisable comme port. En 1640, on prit l’hématie apparaît dans le champ du
lement des viciations du métabolisme
résidentiels calmes s’étirent vers le microscope optique comme un disque
la décision de rebâtir la ville plus au
de l’hémoglobine, aboutissant à l’éli-
nord-ouest, séparés par le lac Töölö et biconcave jaune-rose, de diamètre me-
sud, sur son site actuel, le promontoire
mination de porphyrines anormales et
le parc olympique d’un secteur urbain surant environ 7,5 , de hauteur située
de Vironniemi. L’essor fut alors ra- connues sous le terme de porphyrie.
industriel et des faubourgs ouvriers qui entre 2 et 3 , de surface atteignant
pide. Conquise par les Russes en 1713
120 2 et de volume compris entre 80
et cédée en 1721 au traité de Nystad s’étendent vers le nord-est. Les parcs
et 95 3 (valeur moyenne 87 3). Elle L’hémoglobine
(Uusikaupunki), la ville fut reprise en et les jardins sont nombreux à travers
comprend un stroma et une membrane
1742 par les Suédois, qui la fortifièrent. L’hémoglobine est un pigment tétrapyr-
l’agglomération. qui l’entoure. Elle contient 60 p. 100 rolique ferreux ou, plus précisément, une
En 1748, l’amiral Augustin Ehrensvärd
Helsinki est le centre administratif et d’eau et divers produits chimiques, chromoprotéine. C’est une grosse molé-
(1710-1772) fit édifier la célèbre forte-
culturel de la Finlande. Les jeux Olym- dont l’hémoglobine, qui lui confère sa cule faite d’une partie purement proti-
resse de Sveaborg (auj. Suomenlinna,
coloration rosée. dique, la globine, et d’une partie colorée,
sur l’archipel du même nom). Après la piques firent en 1952 la renommée de
l’hème, qui contient du fer à l’état fer-
cession, en 1809, de la Finlande à la la ville et marquèrent le début d’un Diverses variations peuvent s’obser- reux. Lorsque ce dernier se trouve à l’état
ver dans la taille, la forme et la cou- ferrique, la molécule constituée est la
Russie, Helsinki devint la capitale du nouvel essor.
leur des hématies. Si celles-ci sont méthémoglobine. Au sein de la molécule
Grand-Duché autonome à la place de
Chef-lieu de la province d’Uusi- toutes à peu près de même taille à l’état d’hémoglobine existent quatre chaînes de
Turku (Åbo) et, en 1819, tous les ser-
maa (plus d’un million d’habitants), globine faites de plusieurs acides aminés
normal (isocytose), un certain degré
vices gouvernementaux s’y trouvèrent et branchées sur le groupement prosthé-
la plus densément peuplée de Finlande d’anisocytose (différences de tailles)
réunis. L’incendie de Turku en 1827 tique central que constitue l’hème. À l’état
(100 hab. au km2), Helsinki est un peut être considéré comme normal.
entraîna le transfert de l’université à normal, il n’existe pas une hémoglobine
Les variations de taille sont indiquées
Helsinki en 1828. grand centre industriel (constructions unique. Plusieurs hémoglobines chan-
par la courbe de Price-Jones, où l’on geant par la globine et non par l’hème sont
mécaniques, appareillage électrique,
En 1830, Helsinki ne comptait que distingue, outre les normocytes (nor- ainsi retrouvées chez le sujet sain : l’hémo-
10 000 habitants. Un comité d’urba- chantiers navals, industries chimiques, globine A 1 représente de 97 à 98 p. 100 et
maux), les microcytes (diamètre infé-
nisme décida alors d’en faire une alimentaires, textiles). Place d’affaires l’hémoglobine A 2 de 2 à 3 p. 100, tandis
rieur à 6 ), les macrocytes (plus de
grande et belle ville, et choisit alors que l’hémoglobine F (hémoglobine foe-
importante avec le siège des principales 8 ), les mégalocytes (plus de 12 )
tale), très importante à la naissance, ne se
comme architecte municipal Johann banques, entreprises commerciales et et les gigantocytes (formes énormes retrouve qu’à l’état de traces chez l’adulte.
Carl Ludwig Engel (1778-1840), coopératives, c’est aussi le premier de mégalocytes). Les variations de Cette hémoglobine foetale peut s’obser-
d’origine allemande. Sous ses direc- forme, ou poïkilocytose, font décrire ver anormalement chez les sujets atteints
port de Finlande, avec un trafic de
tives furent édifiés de nombreux mo- les sphérocytes (hématies de volume de thalassémie (affection héréditaire du
8,5 Mt en 1969, assurant 20 p. 100 du
numents : la cathédrale (Storkyrkan) Bassin méditerranéen). Elle se caractérise
total normal, avec diamètre diminué
trafic portuaire national en tonnage et par son alcalinorésistance lors de l’épreuve
Saint-Nicolas ou « Grande Église », et épaisseur augmentée), les drépano-
40 p. 100 en valeur. L’aéroport d’Hel- de dénaturation en milieu alcalin. Les
l’hôtel de ville, les immeubles de la cytes (hématies en forme de faux) et
moyens d’étude de l’hémoglobine sont
place du Sénat, qu’orne la statue du sinki-Seutula a assuré en 1969 un trafic les ovalocytes (diamètre longitudinal la chromatographie* et surtout l’électro-
tsar Alexandre II, ainsi que l’univer- de 940 000 passagers, représentant le supérieur de 2 au diamètre trans- phorèse*. Le dosage d’hémoglobine se fait
sité et sa bibliothèque, riche actuelle- tiers des voyageurs avec l’étranger et versal). Les variations de couleur par des moyens colorimétriques à l’aide de
5300
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
l’hémoglobinomètre classique et, depuis le facteur Rhésus, contenu dans les inférieures d’hématies moins volumi- ticulièrement important (mégaloblastes
quelques années, par spectrophotométrie hématies de sujets dits « Rhésus posi- neuses, ou microcytes. de la moelle osseuse) à l’origine de
ou par électrophotométrie. Il doit être pon-
tifs ». Par opposition, ceux qui n’ont mégalocytes dans le sang périphérique.
déral ; il varie autour de 15 g pour 100 cm
3 Plus intéressante que la classique
pas cet agglutinogène sont dits « Rhé- valeur globulaire est la concentration C’est notamment le cas de l’anémie de
de sang chez l’homme et autour de 14 g
pour 100 cm
3
chez la femme. Le pourcen- sus négatifs ». On sait quelle impor- globulaire moyenne en hémoglobine ; Biermer, où manque le facteur intrin-
tage établi fictivement en colorimétrie est tance a non seulement la détermination c’est le rapport exprimé en pourcentage sèque et, par voie de conséquence, la
normalement de 100, ce qui correspond des groupes classiques A, B, O, mais entre la teneur globulaire moyenne en vitamine B12.
à 5 millions de globules rouges par milli- encore celle du facteur Rhésus. Chez hémoglobine et le volume globulaire À l’inverse, l’augmentation du
litre de sang. Quant à l’électrophorèse de
l’individu, chaque système de groupe moyen. Elle est de 34 p. 100 ± 2 chez nombre des globules rouges corres-
l’hémoglobine, elle permet d’apprécier,
est déterminé sur le plan génétique par tous les individus. pond aux polyglobulies, encore appe-
selon leurs vitesses de migration, propor-
tionnelles aux charges protidiques, les dif- un locus, groupe de gène situé sur un lées polycythémies, différentes de
férentes variétés d’hémoglobine : A, B, C, chromosome*. l’hémoconcentration définie par l’élé-
Anomalies des hématies
D, E, F, G, H, I, J... Elle permet également
Toujours en marge des caractéris- vation de l’hématocrite. Les polyglo-
de reconnaître s’il existe une ou deux va- La diminution du nombre des globules
tiques générales propres aux hématies, bulies peuvent être réellement primi-
riétés d’hémoglobines anormales (simple rouges, ou plutôt du volume de l’or-
il paraît opportun de fournir la notion tives ou plus souvent secondaires à une
ou double hétérozygotisme) ou encore gane érythocytaire (volume total des
s’il n’existe que l’hémoglobine anormale de vitesse de sédimentation globulaire, anoxie ou à une sécrétion inappropriée
hématies), définit l’anémie*. Celle-
prédominante (homozygotisme, représen- mesurée en tube spécial de Westerg- d’érythropoiétine.
ci peut être liée soit à une déperdi-
tant les cas les plus graves d’hémoglobino- ren sur anticoagulant. Les chiffres nor- M. R.
pathies en pathologie humaine). Ainsi en tion de sang brutale ou, au contraire,
maux habituellement admis étant infé- F Anémie / Sang / Transfusion.
est-il des drépanocytoses homozygotes, chronique, s’accompagnant de baisse
rieurs à 10 mm à la première heure et
correspondant aux anémies à cellules fal- du fer sérique, soit à une augmenta-
20 mm à la deuxième heure. Cette me-
ciformes (drépanocytes), caractérisées par tion de l’hémolyse physiologique,
la forme en faux que prennent les héma- sure constitue un examen complémen-
qu’attestent certains éléments dits « de
taire d’orientation applicable à l’étude
ties en cas de séjour en atmosphère raré-
régénération » (rétoculocytes, dont hématologie
fiée en oxygène. Ce phénomène entraîne de nombreux processus morbides.
la numération doit être exprimée en
des thromboses au niveau de différents
valeur absolue plutôt qu’en pourcen- Étude du sang à l’état normal et patho-
organes (rate, os, poumon), réalisant un
tableau clinique particulièrement doulou-
Numération des hématies tage) et certaines modifications telles logique. L’hématologie a connu au
reux. Il est aisément reproductible au labo- que l’élévation de la bilirubine libre cours des toutes dernières décennies un
Il y a lieu de considérer les chiffres
ratoire, en mettant les hématies de sujets développement qui lui vaut une place
normaux des hématies obtenus par non conjuguée. Parmi ces variétés
drépanocytaires en présence d’un corps
l’hémogramme et de connaître les d’anémie hémolytique figurent celles privilégiée parmi ce qu’il est convenu
réducteur supprimant l’oxygénation :
tolérances admises. C’est ainsi que qui sont liées à des toxiques, celles d’appeler les spécialités médicales.
c’est le test d’Emmel. Ce test est d’ailleurs
valable pour dépister les formes hétéro- le chiffre des globules rouges par qui sont provoquées par transfusions À partir de l’étude morphologique,
zygotes, dont la traduction clinique est millimètre cube de sang est estimé à non compatibles (iso-anticorps) ou par précisant l’aspect des cellules san-
beaucoup moins expressive, sauf s’il s’agit incompatibilité foeto-maternelle, celles
5 millions ± 800 000 chez l’homme, à guines, et d’études physiologiques
de double hétérozygotisme, c’est-à-dire
4 700 000 ± 800 000 chez la femme et qui sont liées à la présence d’auto-an- permettant de saisir pour chaque lignée
d’une association avec une autre hémo-
à 4 500 000 ± 500 000 chez l’enfant, ticorps ainsi que celles qui sont pro- globulaire leur lieu de production et de
globine anormale.
alors que chez le nourrisson les chiffres voquées par les malformations globu- destruction, il a été possible d’iden-
On doit également apprécier la teneur
sont supérieurs. Ces chiffres sont pré- laires, telle la sphérocytose, réalisant tifier un certain nombre de maladies
en hémoglobine moyenne d’un globule
cisés à partir de ceux qui sont lus dans la maladie de Minkowski-Chauffard, appelées hémopathies, correspondant
rouge. Elle est de 28 à 30 microgamma et
se calcule en divisant le poids d’hémoglo- un appareil appelé hématimètre, multi- en règle congénitale, où les globules à des altérations de ces mécanismes.
3
bine dans 1 mm de sang par le nombre de pliés par un coefficient tenant compte rouges sont prématurément détruits Parmi les plus anciennement connues
globules rouges contenus dans ce même du taux de dilution dans l’appareil en raison de leur diminution de résis- figurent les déficiences en globules
globule. tance aux solutions hypotoniques
et du volume de la cellule de lecture rouges, ou anémies*. C’est ainsi que
permettant d’effectuer la numération. (celles-ci s’expliquant par l’altération Thomas Addison (1793-1860) indi-
Le compte-globules électronique, au- de la forme des hématies). Il convient vidualisa vers 1855 une maladie qui
Autres caractéristiques jourd’hui de plus en plus utilisé, met de mentionner également de nouveau porte son nom dans les pays anglo-
En marge de ces caractéristiques gé- à l’abri des erreurs de lecture, mais les hémoglobinopathies, qu’il s’agisse saxons et celui du Suisse Anton von
nérales des hématies et sans vouloir ne permet pas d’éviter les difficultés de la drépanocytose ou de la thalassé- Biermer (1827-1892) dans le nôtre. Ce
empiéter sur le domaine de la transfu- de dilution. De même intervient dans mie. En ce qui concerne les anémies dernier, en effet, relata plusieurs ob-
sion* sanguine, il convient de rappeler l’interprétation des constances rela- hémolytiques d’ordre immunologique servations de cette maladie quelques
tives aux hématies la valeur de l’héma- par iso- ou auto-anticorps, il est pos- années plus tard. Ultérieurement, di-
que les groupes sanguins classiques
répondent à l’existence d’éléments glo- tocrite, définie par le volume de glo- sible de faire la preuve de l’existence vers auteurs, dont John Hunter (1728-
3
bulaires, ou agglutinogènes, et d’élé- bules rouges correspondant à 100 cm d’anticorps antihématie par les tests de 1793), constatèrent que cette anémie
ments plasmatiques, ou agglutinines. de sang, chiffré à 47 p. 100 ± 7 chez Coombs, direct (globulaire) ou indirect s’accompagnait souvent de manifesta-
Aussi, lorsqu’on met en présence des l’homme, à 42 p. 100 ± 5 chez la (sérique). tions neurologiques et digestives. Les
sérums et des globules rouges prove- femme et à 45 p. 100 ± 5 chez l’enfant. Par ailleurs, certaines anémies sont caractères hématologiques proprement
nant d’individus normaux appartenant À partir de ce chiffre, il est possible de liées à une insuffisance de production dits de l’affection furent ensuite pré-
à divers groupes du système A. B. O., calculer le volume globulaire moyen par diminution de l’érythropoïèse. Ces cisés grâce à la pratique systématique
obtient-on ou non une agglutination, (rapport entre le volume occupé par les anémies, dites « aplasiques », peuvent d’hémogrammes et surtout de myélo-
3
selon que les globules contiennent ou hématies dans 1 mm de sang total et être dues à des radiations, à des grammes après ponction de la moelle
non l’agglutinogène opposé à l’agglu- le nombre d’hématies contenues dans toxiques (benzène), à certains médica- sternale. Mais c’est surtout à la suite
tinine du sérum en présence duquel ce même volume) dont il a été pré- ments, mais sont parfois considérées des travaux du physiologiste américain
ils sont mis. La détermination des cisé, ci-dessus, qu’il est compris entre comme cryptogénétiques (sans cause George Whipple (né en 1878), met-
groupes sanguins est fondée sur ces 80 et 95 3. Les valeurs supérieures connue). Il existe enfin des anémies par tant en évidence chez le chien le rôle
données. Il existe en outre un agglu- témoignent d’hématies plus volumi- carence de facteur de maturation, où le capital du foie dans la réparation des
tinogène érythrocytaire particulier, neuses, ou macrocytes, et les valeurs nombre total de cellules jeunes est par- pertes globulaires (1925) et de ceux de
5301
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
ses compatriotes George Minot (1885- pales préoccupations des hématolo- ticulièrement suspectée, mais n’a pas rapprocher des maladies hémolytiques
1950) et William Murphy (né en 1892) gistes et des cancérologues du monde encore reçu de confirmation définitive. la fièvre bilieuse hémoglobinurique
[1926], aboutissant au traitement de la entier (v. leucémie). Quoi qu’il en soit, les nouvelles possi- des paludéens et l’hémoglobinurie
maladie par ingestion de foie cru, puis bilités thérapeutiques offertes par la ra- paroxystique, qui font intervenir res-
Il est aussi des affections de la
par ingestion ou injection d’extraits diothérapie, par les moutardes azotées, pectivement la quinine et l’exposition
moelle osseuse réalisant à l’extrême
hépatiques purifiés, qu’une étape thé- par les agents alkylants ou par les anti- au froid.
une aplasie de cet organe, portant sui-
rapeutique décisive fut franchie. Vers métaboliques, enfin par les corticoïdes
vant les cas sur la série blanche, sur la Deux autres groupes d’anémies
les mêmes années, William B. Castle rehaussent l’intérêt du dépistage pré- hémolytiques méritent d’être mention-
série rouge ou sur les deux séries à la
proposait en traitement adjuvant un coce de ces maladies. De plus, on sait
fois ainsi que sur les plaquettes. Elles nés à part : celui des hémoglobinoses,
facteur provenant de la muqueuse gas- que des tentatives de transfusions ou de
ont été particulièrement étudiées par ou hémoglobinopathies, qui réunit les
trique. On s’aperçoit donc, à propos de greffes de moelle osseuse ont été, dans anomalies constitutionnelles de l’hé-
Paul Ehrlich (1854-1915), Georges
l’exemple fourni par les acquisitions certains cas d’aplasies médullaires par
Hayem (1841-1933) et Werner Schultz moglobine, et celui des enzymopathies,
progressives concernant la maladie irradiation, couronnées de succès.
(1878-1947). ou enzymopénies intra-érythrocytaires,
de Biermer, à quel point l’hématolo- En ce qui concerne les maladies qui réunit les cas de fragilité génétique
Quant aux maladies primitives por-
gie a pu bénéficier d’une méthode de dites « hémorragipares » (s’accompa- de l’hématie. La thalassémie, la drépa-
tant sur les ganglions lymphatiques,
diagnostic précis, l’hématocytologie, gnant d’hémorragies), diverses mani- nocytose, le favisme sont les exemples
elles sont à rapprocher à maints égards
et de données expérimentales. L’abou- festations en sont connues depuis fort les plus démonstratifs de ce type
de celles des globules blancs. Thomas
tissement de cette démarche fut la longtemps. Ainsi en est-il des purpuras d’affection qui est en rapport avec des
Hodgkin (1798-1866) fut le premier,
découverte, en 1948, de la vitamine aigus ou chroniques décrits par plu- facteurs ethniques ou familiaux et dont
en 1832, à isoler des polyadénopathies
B12, dite « antipernicieuse », d’abord sieurs auteurs (J. L. Schönlein [1793- l’étude physico-chimique débouche
chroniques non tuberculeuses, mais ce
extraite de foies d’animaux, puis 1864], E. H. Henoch [1820-1910], aujourd’hui sur le domaine de la biolo-
sont en fait R. Paultauf (1858-1924)
obtenue industriellement à partir de S. Bateman [1824-1904]), pour les- gie moléculaire.
et K. Sternberg (1872-1935), qui, en
bouillons de cultures de divers Strepto- quels on sait aujourd’hui qu’il convient
1897, individualisèrent les caractères Enfin, dans le domaine immuno-
myces. Ce principe vitaminique est vite d’éliminer un déficit qualitatif ou quan-
histologiques propres de la lymphogra- pathologique figurent les dysglobuli-
apparu comme le facteur fondamental titatif des plaquettes sanguines (tra-
nulomatose maligne, appelée indiffé- némies (anomalies des globulines du
manquant chez les sujets atteints de vaux initiaux de E. Glanzmann [1887-
remment maladie de Hodgkin ou mala- plasma sanguin), qu’il s’agisse de la
la maladie de Biermer. Son utilisation 1959]). Ainsi en est-il également de
die de Paultauf-Sternberg. La situation maladie de Bruton (agammaglobuliné-
thérapeutique a transformé le pronostic l’hémophilie, affection génétique dont
nosologique de cette maladie, bien mie) ou de la maladie de Waldenström
d’une affection autrefois très grave. le traitement relève de l’administration
qu’encore mal précisée, tend, actuel- (macroglobulinémie).
d’un facteur spécifique de la coagu-
Bien d’autres causes d’anémies sont lement, à être mieux définie grâce à de En conclusion de ce panorama, il
lation absent dans le sang des sujets
par ailleurs reconnues, qui relèvent nombreux travaux portant sur les af- semble bien que l’hématologie consti-
atteints.
de thérapeutiques diverses et dont le fections du système réticulo-enthélial tue l’une des disciplines les plus riches
diagnostic peut être précisé grâce à Le problème des splénomégalies
et aboutissant au démembrement de en perspectives thérapeutiques, car
des techniques variées. Au cours de (grosses rates) a longuement intrigué
celles-ci. Il est cependant à noter que, elle comporte encore de nombreux
certaines anémies particulièrement les cliniciens s’intéressant aux mala-
dès 1853, Virchow appelait lympho- domaines à défricher.
sévères, les transfusions de sang frais dies du sang en raison des rapports
sarcomes les tumeurs ganglionnaires M. R.
isogroupe, voire de culots globulaires étroits observés entre les modifications
malignes (ce vocable étant aujourd’hui F Anémie / Cardiologie / Chimiothérapie / Leu-
s’imposent. Elles constituent une arme de la rate et la découverte d’une hémo- cémie / Os / Pathologie / Sang / Septicémie / Sur-
conservé) et qu’en 1893 H. Kundrat
pathie. G. Banti (1852-1925), en Italie, rénal / Transfusion.
thérapeutique particulièrement utile (1845-1893) attirait l’attention sur
dans la médecine moderne et justifient O. Minkowski (1858-1931), en Alle- G. Marchal et G. Duhamel, le Sang (P. U. F.,
leur tendance à la généralisation à tout
l’implantation de banques de sang magne, A. Chauffard (1855-1932) et coll. « Que sais-je ? », 1961 ; 2e éd., 1964), /
l’appareil lymphopoïétique. Leurs rap- B. Dreyfus et coll., Progrès en hématologie
dirigées par des équipes d’hémobio- N. Fiessinger (1881-1946), en France,
ports avec certaines leucémies ont été (Flammarion, 1967). / J. Bernard, J.-P. Lévy et
logistes dans les principaux centres ont intégré la splénomégalie (grosse coll., Abrégé d’hématologie (Masson, 1971).
prouvés par de très nombreux travaux
hospitaliers. rate) à diverses formes de destruction
expérimentaux modernes portant sur la
excessive des globules rouges. Ce phé-
À l’inverse, les polyglobulies essen- transmission chez l’animal de lympho-
nomène, que l’on appelle hémolyse, a
tielles ou secondaires, caractérisées par sarcomes et de leucoses. On peut ainsi
un excès de globules rouges, ont été formuler sans excès que les premiers
été dissocié en maladie hémolytique hématopoïèse
congénitale et en maladies hémoly-
traitées par des saignées avant de faire sont des cancers des cellules blanches
tiques acquises. La première recouvre
l’objet, pour certaines d’entre elles, fixées au niveau des ganglions et les Élaboration des cellules sanguines
les accidents graves d’hémolyse péri-
de thérapeutiques radio-actives. Les secondes des cancers des globules par les organes hématopoïétiques,
natale, dont l’explication et le traite-
travaux d’Henri Vaquez (1860-1936), blancs circulants. D’ailleurs, l’exis- qui sont la moelle osseuse, les gan-
ment reviennent à Ph. Levine (né en
de William Osler (1849-1919), notam- tence de tumeurs solides au cours de glions lymphatiques, la rate et le tissu
1900), à D. O. Weiner (né en 1908) et
ment, ont contribué à la connaissance leucémies vient corroborer ce fait, tel réticulo-endothélial.
à K. Landsteiner (1868-1943) [décou-
de ces affections. le chlorome, ou cancer vert d’Aran. De D’une manière générale, les héma-
verte de l’immunisation par le facteur
même est à en rapprocher le myélome ties, les leucocytes polynucléaires et les
Les hyperproductions de globules Rhésus]. De nouvelles applications
blancs sont connues depuis Rudolf Vir- multiple des os*, ou maladie de Kahler, plaquettes naissent de la moelle rouge
thérapeutiques tirées d’une meilleure
que caractérise une prolifération anor- des os, tandis que les lymphocytes et
chow (1845) sous le nom de leucémies, connaissance de la date d’apparition
ou cancer du sang. Au début du XXe s. male des plasmocytes. les monocytes sont formés dans la rate
des anticorps chez les jeunes mères
furent individualisées les leucémies L’origine exacte de ces diverses af- et les ganglions (les derniers peuvent
permettent, aujourd’hui, de s’opposer
aiguës et les leucémies chroniques, fections malignes reste controversée. au risque d’immunisation ultérieure. l’être dans un secteur quelconque du
entre lesquelles se situent les formes La grande diffusion des agents médi- système réticulo-endothélial).
On apparente les secondes à divers pro-
frontières, connues grâce à G. Di Gu- camenteux, l’extension des risques cessus, relevant soit d’intoxications, La formation des globules rouges
glielmo (1886-1961) et à Paul Cheval- dus aux radiations ionisantes semblent soit de maladies générales entraînant s’appelle l’érythropoïèse, celle des
lier (1884-1960). Ces diverses variétés être au moins des facteurs favorisants. une fragilité des globules rouges des globules blancs la leucopoïèse, et celle
de leucémies sont l’objet des princi- L’origine virale des leucémies est par- malades qui en sont atteints. Sont à des plaquettes, dont le rôle dans la
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myéloblastes, de promyélocytes, de
myélocytes et de métamyélocytes.
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la disparition des globules rouges et au maximum et récrivait trente-neuf fin aux guerres et aux injustices, ces tation aussi précise que possible de
de tous les leucocytes granuleux ou fois la fin de l’Adieu aux armes. On a Américains découvrent une boucherie la réalité. « La plus grande difficulté,
polynucléaires. beaucoup décrit le voyageur, l’amant, dirigée par des généraux incompétents dit-il, c’était de décrire ce qui s’était
M. R. l’afficionado, le soldat en battle-dress et des politiciens ineptes. La faillite de réellement passé au moment de l’évé-
F Hématie / Leucocyte / Sang. pas très réglementaire. Mais il y a aussi leur idéal les marque à jamais de dé- nement. Quand on écrit pour un jour-
Hemingway artiste, qui veut « écrire sarroi. Gloire, patrie, honneur, toutes nal, on raconte ce qui s’est passé et, à
une prose si pure qu’elle ne se cor- les valeurs sont remises en question. l’aide d’un procédé ou d’un autre, on
rompe pas ». Il travaille debout, dans Ils reviennent de guerre sceptiques et arrive à communiquer l’émotion au
un capharnaüm de livres, écrivant au désenchantés, critiquant tout, ne res- lecteur, car l’émotion confère toujours
Hemingway
crayon sur une planche à dessin, dès pectant pas des aînés qui ont déclen- une certaine vérité au récit d’un événe-
(Ernest Miller) l’aube. « J’écris, dit-il, jusqu’à ce que ché ce massacre général. La généra- ment du jour. Mais la chose réelle, la
j’arrive au point où j’ai encore du jus tion perdue invente le debunking — le succession mouvante des phénomènes
Écrivain américain (Oak Park, Illinois, et où je commence à avoir une idée de « déboulonnage », comme Hemingway qui produit l’émotion, cette réalité qui
1899 - Ketchum, Idaho, 1961). la suite. Alors je m’arrête et j’essaie de le pratique dans un poème sur Théo- serait valable dans un an ou dans dix
vivre jusqu’au lendemain. C’est l’at- dore Roosevelt dans Three Stories and ans et, avec de la chance et assez de
Le soleil se lève aussi (1926), puis
tente jusqu’au lendemain qui est dure Ten Poems (1923), son premier recueil pureté d’expression, pour toujours,
l’Adieu aux armes (1929) font rapi-
à passer. » publié. Mais Hemingway fut, de plus, j’en étais encore loin et je m’acharnais
dement de Hemingway le romancier
Hemingway est né dans un milieu blessé. Le 8 juillet 1918, à Fossalta di à l’atteindre. » « J’essayais, ajoute-t-il,
américain le plus représentatif de la
Piave, sur le front italien, il fut atteint d’écrire en commençant par les choses
génération d’après la Première Guerre petit-bourgeois du Middle-West, dans
une atmosphère de rigorisme puri- par un obus de 420 et deux balles de les plus simples. »
mondiale, la « génération perdue ».
tain. Son père, médecin, qui finit par mitrailleuses : « Je me penchais, écrit-
Plus tard, Pour qui sonne le glas (1940) C’est alors qu’il met au point son
se suicider, cherchait dans la chasse il dans l’Adieu aux armes, mis ma main
reflète les problèmes politiques et la célèbre style, glacé, simple, rigoureux,
et l’alcool une évasion à son mariage sur mon genou et mon genou n’était
violence engendrés par la montée du qui note les faits avec une objectivité
avec une femme austère et castratrice. plus là. »
fascisme. En 1954, le prix Nobel de lit- de procès-verbal. D’abord il remplace
« Les hommes sentimentaux sont si Cette blessure obsède l’oeuvre. Tous les développements psychologiques
térature, en couronnant le Vieil Homme
et la mer (1952), consacre la portée souvent trahis », écrit Hemingway les héros de Hemingway sont blessés par le récit de l’action et du compor-
dans la nouvelle « Père et Fils ». Lui au combat : Nick Adams à la colonne tement — « behaviourisme » — des
d’une oeuvre qui, sous une inspiration
sera dur. Très tôt, il préfère la compa- vertébrale ; Henry, dans l’Adieu aux personnages. Puis il utilise les mots
cosmopolite et réaliste, des allures de
gnie des braconniers, des boxeurs, des armes, au genou ; le colonel Cantwell à vrais, techniques. Enfin, il tisse un
roman d’aventures et un style de repor-
casse-cou des rodéos à celle des insti- la tête ; Robert Jordan à la cuisse ; Jack, réseau de correspondances qui crée
ter, cache un esthétisme subtil et une
tuteurs de Oak Park School. Dans les dans Le soleil se lève aussi, est castré. une ambiance climatique ou linguis-
méditation morale, de nature stoïque,
nouvelles de Cinquante Mille Dollars Cette blessure est le traumatisme origi- tique. « La prose, écrit-il, n’est pas
sur la condition humaine.
(In our Time, 1924), il a romancé son nel, comme les innombrables accidents de la décoration, c’est de l’architec-
Un parti pris d’anti-intellectualisme
enfance. Nick Adams, péchant et chas- survenus à Hemingway lui-même sont ture. ». Il ne dit donc pas « revolver »,
et un certain exhibitionnisme de virilité
sant dans les forêts du Michigan, initié les lapsus de la mort. La guerre, « l’his- mais « Smith and Wesson 32 », pas
ont malheureusement enfermé l’oeuvre
à l’amour par une Indienne, assistant toire naturelle des morts », comme il « avion », mais « Junker 88 ». Ce laco-
et la personnalité de Hemingway dans
avec son père à un accouchement, c’est l’appelle, marque la fin de l’innocence. nisme rejoint la critique morale. Vie et
une légende qui lui nuit. Hemingway a
Hemingway enfant, proche du Huck Embarqué dans la débâcle de boue, de style sont démythifiés ensemble. Et ce
mis les techniques d’un art raffiné, très
Finn de Mark Twain*. Au sortir du col- sang et d’absurdité, le lieutenant de style discipliné est celui de la panique
travaillé sous des allures simplistes, au
lège, renonçant à l’université, Hemin- l’Adieu aux armes dénonce l’impos- contrôlée. Puisqu’il faut mourir, autant
service d’une conception qu’il voulait
gway entre comme reporter au Star de ture : « J’ai toujours été embarrassé le faire avec style. Entre l’homme et la
exagérément sommaire, brutale, voire Kansas City. Journaliste, il apprend à par les mots glorieux, sacré, sacrifice. mort, il faut mettre le style. La mort,
primitive de la vie. Ses héros, qui, dans « écrire des phrases claires, éviter les Nous les avions entendus, nous les avi- dont la blessure est l’annonciation, est
cette oeuvre qui forme une longue chro- adjectifs passe-partout, faire des récits ons lus sur les proclamations. Mais je le destin de tous les héros de Hemin-
nique autobiographique, sont toujours intéressants, des phrases courtes dans n’ai jamais rien vu de sacré et ce qu’on gway. Mais, face à elle, il y a le style,
lui-même, peuvent paraître stéréoty- un anglais vigoureux et souple ». C’est appelait glorieux n’avait pas de gloire, qui est affaire de stoïcisme autant que
pés. Laconique, individualiste, blasé, donc dans le journalisme qu’il apprend et les sacrifices ressemblaient aux abat- de rhétorique. Les techniques de style
mais actif et viril, le héros de Hemin- ce style sec, rigoureux, ce laconisme toirs de Chicago. Les mots abstraits sont, chez Hemingway, de la même
gway est un être blessé, hanté par la de procès-verbal et cet art de regarder. tels que gloire, honneur, courage, sain- nature que les techniques de chasse, de
mort, mais stoïque et qui cherche une Ernest Hemingway n’abandonnera ja- teté étaient indécents. » pêche, de boxe, de tauromachie ou de
évasion, presque un divertissement au mais le journalisme : il sera reporter en Hemingway fait donc sécession et stratégie. Il s’agit à la fois d’évasion
sens pascalien, dans l’alcool, l’amour, Europe, en Asie et en Orient. Trente- rejoint ses compatriotes à Montpar- et de discipline. Une nouvelle comme
la chasse et la pêche du gros. Ses ro- cinq ans de journalisme nourrissent son nasse. Dans Le soleil se lève aussi et « la Grande Rivière au coeur double »
mans d’action cachent une quête, une oeuvre. Réunis par William White dans dans Paris est une fête (A Moveable est tout entière une fiesta de technique.
méditation morale presque obsessive. Hemingway en ligne (By-line, 1967), Feast, 1964), il a capté l’esprit de la Le style de Hemingway n’admet pas
Cette ambiguïté se retrouve dans ses reportages sur Pampelune, Musso- plus de chiqué que celui du torero : il
génération perdue, cette existence
l’homme. Entre l’homme et l’écrivain, lini, la guerre d’Espagne, le débarque- désoeuvrée, désenchantée, inquiète. passe au ras des choses comme l’autre
entre la légende à la Buffalo Bill et le ment de Normandie, etc., révèlent les au ras des cornes. Il est célèbre et très
Mais lui ne flâne pas aux terrasses de
style à la Flaubert, il y a malentendu. liens entre le journalisme et son oeuvre. imité. Mais il n’est pas entièrement
Montparnasse. Dans sa mansarde rue
D’un côté il y a Hemingway boxeur, En mai 1918, à dix-huit ans, Hemin- du Cardinal-Lemoine, puis au 113, inventé. Il doit quelque chose à Mark
chasseur de fauves, pêcheur de thon, gway s’engage dans l’armée et part rue Notre-Dame-des-Champs, il tra- Twain et à Stephen Crane, pionniers du
soldat : un homme de six pieds de haut pour l’Europe comme pour un match vaille dur, raturant inlassablement. réalisme américain, et à Flaubert, qu’il
qui pesait cent kilos, chaussait du 45 international. La guerre le marque pro- Guidé d’abord par les conseils de She- découvrit par l’intermédiaire d’Ezra
et le faisait savoir. De l’autre il y a fondément, comme Cummings ou Dos rwood Anderson, qu’il a rencontré au Pound. Bien qu’il l’ait pastiché dans
un clerc à lunettes qui calligraphiait Passos. Adolescents, persuadés de par- Toronto Star, puis par Gertrude Stein, The Torrents of Spring (1926), il doit
au crayon cinq cents mots par jour tir pour une croisade juste qui mettrait il s’efforce de donner une représen- aussi à Sherwood Anderson, à Ring
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Lardner et à Gertrude Stein. La théorie nationale, on reconnaît aisément les Masses. En 1937, dans En avoir ou pas illusion. Le fulgurant amour de Jordan
de l’« objet corrélatif » de T. S. Eliot Américains de Paris, Harold Loeb, Do- (To have and have not), il raconte l’his- et de Maria, c’est Héloïse et Abélard
explicite assez bien l’essence de l’art nald Ogden Stewart, lady Duff Twis- toire engagée d’un chômeur conduit au chez les partisans. L’intensité de leur
de Hemingway : « Le seul moyen d’ex- ten. Mais l’action qui les conduit des gangstérisme par la misère. Attiré par passion ne se nourrit pas d’amour, mais
primer une émotion de façon artistique, cafés de Paris aux arènes de Pampe- les « raisins de la colère », il semble de l’impossibilité de l’amour et de la
c’est de trouver un ensemble d’objets, lune ne mène nulle part. Ces touristes abjurer son scepticisme, son individua- menace de la mort. L’amour n’existe
une situation, un enchaînement d’évé- du désarroi tournent en rond dans des lisme désespéré et découvrir la solida- que dans la splendeur de l’instant, dont
nements qui seront la formule de cette passions impuissantes, dont la blessure rité. Il part comme correspondant de l’orgasme lyrique est l’ironique sym-
situation particulière, de telle sorte de guerre est, une fois de plus, le sym- guerre auprès de l’armée républicaine bole : « Maintenant, maintenant, main-
que, quand les faits extérieurs sont bole. Mais, avec une verve mortelle et espagnole, rejoignant Malraux et Ilia tenant, oh ! maintenant, tout de suite ce
donnés, l’émotion est immédiatement un chic fou, ils vivent dans une agita- Ehrenbourg à Madrid. Une pièce de présent, ce seul présent, présent par-
évoquée. » Ainsi, Hemingway décrit tion passionnée, et ce chic est leur hon- théâtre, Cinquième Colonne (The fifth dessus tout. Il n’y a pas d’autre présent
non pas une émotion, mais le geste et neur : « C’est en somme ce que nous Column, 1938), témoigne de la pro- que toi, présent, et le présent est ton
l’objet qui la matérialisent et la sym- avons à la place de Dieu », conclut fondeur de cet engagement : le héros prophète. Le présent est pour toujours
bolisent. Ce nouveau roman, qui rem- admirablement lady Brett. quitte son égotisme fin de siècle et sa présent. Viens maintenant, présent, car
place l’analyse par la vision et met un maîtresse parce qu’il a compris que la il n’y a pas d’autre présent que main-
En 1927, les nouvelles de Men wit-
terme à la littérature d’introspection et hout Women (traduit en partie dans guerre d’Espagne est l’« espoir ». La tenant. Oui maintenant, maintenant je
au romancier omniscient, doit naturel- Dix Indiens) portent à sa perfection guerre d’Espagne fascine Hemingway t’en prie, maintenant... »
lement beaucoup au cinéma. non seulement par sa cruauté, mais
le style elliptique, la narration beha- On considère généralement ce wes-
Cette technique n’est pas simple- viouriste et la litote de Hemingway, parce qu’elle a un sens : cette lutte de
tern espagnol en trois jours comme le
ment un autre moyen d’expression. Elle en particulier dans deux célèbres nou- classes menée avec le fanatisme d’une
dernier grand roman de Hemingway.
exprime autre chose — Marx et Freud velles, « The Killers » (« les Tueurs ») guerre de religion lui paraît la guerre
Le suivant, Au-delà du fleuve et sous
sont passés par là : elle s’efforce de et « Hills like White Elephants ». En du peuple contre ses maîtres, du droit
les arbres (Across the River and into
rendre perceptibles les neuf dixièmes 1929, l’Adieu aux armes (A Farewell contre la force, de la lumière contre
the Trees, 1950) semble une parodie de
de conscience immergée, que la lo- to Arms), parfois considéré comme l’obscurantisme, de l’espoir contre la
Hemingway par lui-même. Un colonel
gique ne saurait exprimer. En ce sens, le meilleur roman de Hemingway, résignation. Le titre de Pour qui sonne
américain revient mourir en Italie, où il
les recherches de Hemingway, si elles reprend le thème autobiographique de le glas (For whom the Bell tolls) sou-
a combattu. En attendant le glas, il se
aboutissent à des résultats différents, la guerre, de la blessure et de l’absur- ligne cette solidarité. Il est emprunté au
donne une fiesta : boit, chasse, pêche
ne sont pas sans rapport d’intention dité. Pris dans la débâcle de l’armée poète John Donne : « Nul homme n’est
et aime pour la galerie et pour l’hon-
avec celles de James Joyce ou de Vir- italienne, las de l’absurdité militaire, une île complète en soi-même ; tout
neur. Mais cet ancien combattant parle
ginia Woolf, qu’il connaissait bien. Cet le lieutenant Henry finit par signer « sa homme est un morceau de continent,
plus qu’il n’agit. Il dorlote sa mort en
art du geste plus que de la réflexion, cet paix séparée ». Il se réfugie en terri- une part de tout ; si une parcelle de ter-
gondole. Il ne meurt pas : il se laisse
art du relatif et de l’immédiat portent toire neutre, mais pour y voir mourir la rain est emportée par la mer, l’Europe
glisser. Il y a de l’humour noir et de
une morale de l’ambiguïté qui séduisit femme qu’il aime. Il n’y a pas d’amour en est lésée. La mort de tout homme me
la parodie dans cette mise à mort d’un
Sartre et une métaphysique de l’incer- heureux chez Hemingway. Dans une diminue parce que je suis solidaire du
demi-solde vieilli. Comme Thomas
titude qui conquit les existentialistes. nouvelle. « Un endroit propre et bien genre humain. Ainsi n’envoie donc pas
Mann, Hemingway a choisi Venise
Cette vision objective, ces gestes sans éclairé », il explicite cette peur et cette demander pour qui sonne le glas, car il
comme décor d’une sénescence qu’il
rime ni raison, ces actions sans com- fascination du néant : « Notre nada qui sonne pour toi. »
redoute. Le colonel Cantwell, grognard
mentaires ni projets sont ceux d’êtres êtes au nada, que votre nom soit nada, Le héros Robert Jordan, professeur fatigué, représente la déchéance, que
perdus qui agissent à tâtons dans un que votre règne soit nada, que votre vo- américain, s’engage dans un maquis ré- Hemingway évitera en se suicidant.
univers où personne ne juge, n’espère, lonté soit nada comme au nada... » En publicain, par idéal antifasciste. Il tue
Le Vieil Homme et la mer (The Old
ne projette ni ne regrette, parce que 1932, Mort dans l’après-midi (Death avec la même maîtrise que les autres
rien n’a de sens. L’homme est réduit à in the Afternoon) trouve dans la corrida Man and the Sea, 1952) est au contraire
héros de Hemingway, mais cette fois
ses faits et gestes, n’a plus ni espoir ni espagnole le symbole de cette concep- une épure stoïque, qui reprend le thème
par conviction. Il discipline la violence
personnalité ; il ne cherche le combat tion de la vie et du style. Sous l’« afi- traité vingt ans plus tôt dans l’Invin-
au service d’une cause, et le roman
que par goût du suicide, sachant que ción », ce reportage sur la tauromachie cible. Le vieux pêcheur, qui n’a rien
d’aventures semble tourner au roman
le néant — « nada » — triomphera dissimule une fascination pour la mort pris depuis quatre-vingt-quatre jours,
engagé. L’absurde n’en triomphe
toujours : « winner take nothing ». Le bravée. En 1935, les Vertes Collines est semblable au torero vieilli. Les re-
pas moins finalement. Sous les appa-
roman de Hemingway est une révo- d’Afrique (The Green Hills of Africa), quins dévorent l’énorme espadon qu’il
rences de l’engagement, le scepti-
lution de la conscience plus que de la reportage sur les safaris, trouvent dans prend. Le vieil homme rentre au port
cisme stoïque de Hemingway a le der-
littérature et exprime parfaitement le la chasse un autre visage de la corrida. avec un plat d’arêtes. Personne ne sera
nier mot. Les erreurs des anarchistes,
désespoir à la fois stoïque et épicurien témoin de sa victoire, qui est à la fois
Mais ces Neiges du Kilimandjaro l’incompétence de l’état-major répu-
d’une génération coincée entre deux une défaite et son unique richesse. Seul
(The Snows of Kilimanjaro) sonnent blicain, les rivalités des chefs des bri-
guerres et qui fit la grande bringue avec la mer, il a fait son devoir, parce
le glas de la génération perdue. Harry, gades internationales — en particulier
parce qu’elle n’avait pas vraiment que cette force morale est sa seule cer-
l’écrivain raté, le chasseur moribond André Marty, caricaturé sous le nom
gagné la Grande Guerre. titude. C’est le dernier roman publié du
qui n’atteindra jamais les neiges sa- de Massart — font de la mort du héros
vivant de Hemingway.
Ce rapport entre le style et le sujet crées du Kilimandjaro, marque un un sacrifice inutile. La solidarité appa-
est évident dès 1926 dans le premier tournant de l’oeuvre de Hemingway. raît comme l’ironique camouflage de Îles à la dérive (Islands in the
grand roman de Hemingway, Le soleil Les années folles sont mortes avec le l’absurde : Robert Jordan meurt pour Stream, 1970) est une oeuvre posthume.
se lève aussi (The Sun also rises), qui krach économique de 1929. La géné- rien ; l’ironie dramatique est totale. La Hemingway eût probablement resserré
porte en épigraphe la phrase de Ger- ration perdue rentre d’exil et s’engage seule vertu est de mourir convenable- d’un tiers ce livre un peu bavard et
trude Stein : « Vous êtes tous la géné- dans la politique. Comme Dos Passos, ment, comme il en donne l’exemple. trop « ernestoïque ». Mais ce roman,
ration perdue. » Dans ce roman à clés, Caldwell et Steinbeck, Hemingway Une fois de plus, le roman est une mise composé de trois récits distincts, situés
Hemingway évoque magistralement la semble un moment séduit par le socia- à mort dont la beauté rachète l’inutilité. dans la mer de Cuba, résidence favo-
triste bringue des années folles. En ces lisme. En 1935, il fait un grand repor- Jordan est un mort en sursis pendant rite de Hemingway, reprend les grands
clochards dorés de la bohème inter- tage pour la revue communiste New trois jours, et l’amour est sa grande thèmes habituels de la mort, de la lutte
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
inutile, de l’apprentissage du courage. et inférieurs, tandis que la face, si elle tion d’une sténose vasculaire serrée et rer la meilleure réhabilitation fonc-
Très autobiographique, il met en scène est paralysée, l’est non pas en raison d’une petite embolie ou d’une chute du tionnelle du sujet atteint. Son impor-
les épouses et les enfants de Hemin- d’une atteinte pyramidale, mais en rai- débit circulatoire général (chute de la tance est certes un élément capital,
gway, ses chats, son bateau, ses amis son d’une atteinte du neurone moteur tension artérielle). De tels accidents, mais des désordres associés peuvent
cubains. Une fois de plus, le roman périphérique : il est réalisé alors un volontiers nocturnes, s’installent rapi-
aggraver considérablement le pronos-
d’aventures est en fait une quête spiri- tableau dit « hémiplégie alterne » avec, dement, sans coma, quelquefois par
tic : troubles du langage (hémiplégie
tuelle : Hemingway essaie une dernière par exemple, paralysie faciale droite, à-coups successifs. Leur évolution est
droite chez les droitiers), troubles de la
fois de débusquer la baleine blanche hémiplégie du bras et de la cuisse généralement assez favorable. En cas
sensibilité, troubles du champ visuel.
qui hante son oeuvre, le monstre sans gauches. d’hémorragie cérébrale, quelle qu’en
Quelquefois existent aussi des troubles
visage qu’il affronte sans illusion, mais soit la cause (hypertension artérielle,
sans peur. Parce qu’il n’y a rien d’autre malformation vasculaire), l’hémiplé- vaso-moteurs gênants (entraînant des
Symptomatologie
à faire ici-bas, que de monter en ligne gie pourtant massive est initialement escarres) ou des phénomènes périarti-
Le déficit moteur est d’intensité va-
avec ses cannes à pêche, ses fusils, au second plan derrière le coma : elle culaires douloureux qui peuvent entra-
riable. Lorsqu’il est également réparti
ses copains et son whisky. « Le tout ne régressera que très incomplètement. ver considérablement la réhabilitation
sur les trois segments (face, membre
est de durer », disait Hemingway, ce Parmi les autres causes d’hémiplégie, fonctionnelle du malade. La kinésithé-
supérieur, membre inférieur), on parle
desperado de l’écriture. Il a duré. Mais, il faut citer les traumatismes crâniens, rapie, l’ergothérapie sont des éléments
d’hémiplégie proportionnelle. La mus-
quand les forces ont commencé à le tra- où l’hémiplégie témoigne d’un héma- essentiels dans cette réhabilitation, où
culature du tronc peut être considérée
hir, il a devancé l’appel et s’est suicidé tome ou d’une contusion cérébrale,
une grande part doit être faite aussi aux
comme normale dans l’hémiplégie.
d’une balle dans la tête. C’était cela et les tumeurs cérébrales, où l’hémi-
Dans la plupart des cas s’associe au facteurs psychologiques.
aussi son style. Un style qui durera. plégie se développe souvent de façon
déficit moteur un état spasmodique, ou J. E.
J. C. progressive et où elle peut être pré-
spasticité, qui prédomine aux membres J. Minvielle et B. Vlahovitch, les Hémiplé-
J. K. M. McCaffery, Hemingway, the Man cédée d’une épilepsie localisée. Plus
inférieurs sur les muscles extenseurs et gies vasculaires (Masson, 1959). / A. Albert,
and his Work (New York, 1950). / J. Atkins, The rarement est en cause un processus
Rééducation neuro-musculaire de l’adulte hé-
Art of Hemingway (Londres, 1952). / P. Young, aux membres supérieurs sur les fléchis- infectieux (méningite, encéphalite) ou miplégique (Masson, 1969).
Ernest Hemingway (Londres, 1953 ; nouv. éd.,
seurs. Cette spasticité va de pair avec
1965). / Ernest Hemingway, configuration cri- inflammatoire. Certaines hémiplégies
une exagération des réflexes ostéo-
tique, numéro spécial de la Revue des lettres sont congénitales, témoignant d’une
modernes (Minard, 1957). / G. A. Astre, Hemin- tendineux. Le réflexe cutané plantaire encéphalopathie périnatale dont la
gway par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Micro- (provoqué en grattant la plante du pied) nature exacte est souvent difficile à
cosme », 1959). / C. Baker, Hemingway, the
se fait en extension ; c’est le signe de
Hémiptères ou
Writer as Artist (Princeton, 1963) ; Ernest He- préciser (souffrance foetale, infection
mingway, a Life Story (New York, 1969 ; trad. fr. Babinski. Lorsqu’elle est récente et néo-natale). Les enfants porteurs de Hémiptéroïdes
Hemingway, histoire d’une vie, Laffont, 1971 ; s’est installée brutalement, l’hémiplé- telles hémiplégies cérébrales infantiles
2 vol.). / R. Asselineau, Hemingway (Seghers,
gie est flasque, c’est-à-dire qu’au lieu
1972). prennent place dans le cadre dit « des Super-ordre d’Insectes réunissant les
d’une spasticité existe une hypotonie infirmes moteurs cérébraux » (I. M. C). Punaises, les Cigales, les Pucerons, les
(un relâchement) musculaire. Les problèmes médico-pédagogiques
Cochenilles, dont les pièces buccales
sont prééminents ; ils sont d’autant
sont allongées en un rostre piqueur et
Diagnostic plus facilement résolus qu’il n’y a pas
hémiplégie suceur, et qui se nourrissent exclusi-
d’épilepsie associée et que le quotient
Reconnaître une hémiplégie ne pré- vement de liquides qu’ils prélèvent par
intellectuel est normal ou convenable.
Paralysie atteignant une moitié du sente de difficultés que lorsqu’elle est piqûre : sève des plantes, sang des Ver-
corps, la droite ou la gauche. discrète (c’est alors une hémiparésie)
tébrés, sucs extraits de petites proies.
ou qu’existe, quelle que soit son inten- Traitement
sité, un coma profond. Dans ce cas, On estime à environ cinquante mille
Introduction Il s’adresse à la cause (traitement
en effet, la motilité est abolie globa- le nombre d’espèces d’Hémiptères ac-
étiologique) et aux manifestations de
L’usage est de réserver le terme d’hé-
lement, si bien que l’extériorisation de tuellement recensées dans le monde ;
l’hémiplégie.
miplégie à celles de ces paralysies
l’hémiplégie est aléatoire : on observe c’est donc le groupe le plus riche parmi
qui sont secondaires à une atteinte
seulement une asymétrie du tonus ou Le traitement étiologique les Insectes à métamorphoses progres-
des neurones moteurs centraux (dont
de la réactivité motrice aux stimuli sives. Il se subdivise à peu près égale-
les cellules dites « pyramidales » se Il peut apporter une régression de
douloureux. La mise en évidence de ment en deux ordres : les Hétéroptères
trouvent dans la partie du cerveau l’hémiplégie, en prévenir la récidive
l’hémiplégie aurait pourtant valeur
ou mettre un terme à l’évolution d’une (Punaises proprement dites, aquatiques
située près de la scissure de Rolando
de signes de localisation et, à ce titre,
et dont les fibres descendent vers les lésion (tumeurs par exemple) qui, ou terrestres), dont les ailes antérieures,
contribuerait au diagnostic étiologique
neurones moteurs périphériques, situés inéluctablement, entraînerait d’autres ou hémélytres, sont en partie coriaces,
du coma.
pour la face dans le tronc cérébral et désordres. On lutte contre les troubles en partie membraneuses, et les Homop-
pour le reste du corps dans la moelle vasculaires cérébraux en régularisant tères (Cigales et Cicadelles, Pucerons,
Causes des hémiplégies la tension artérielle (v. hypertension) et
épinière). La lésion responsable de Psylles, Aleurodes, Cochenilles), tous
l’hémiplégie siège donc sur la « voie Les hémiplégies reconnaissent des en facilitant la circulation dans les ar-
végétariens et pourvus d’ailes entière-
pyramidale », entre la zone motrice de causes multiples, encore que la majo- tères cérébrales (vaso-dilatateurs, alca-
ment membraneuses. En toute rigueur
l’écorce cérébrale (zone rolandique), rité d’entre elles correspondent à des loïdes de l’ergot*). La neurochirurgie
étymologique, seuls les Hétéroptères
du côté opposé à la paralysie, et la accidents vasculaires cérébraux entraî- permet d’enlever les hématomes com-
devraient être appelés Hémiptères, et
pyramide bulbaire, du même côté que nant un arrêt de l’apport d’oxygène primant le cerveau après traumatisme
le terme de Rynchotes conviendrait
la paralysie (la voie pyramidale croise aux cellules cérébrales, et par suite une ou les tumeurs cérébrales lorsqu’elles
sont extirpables. mieux à la désignation du super-ordre,
en effet la ligne médiane au niveau de lésion de celles-ci. Il peut s’agir d’une
car, tiré du grec rhunkhos « bec », il
la moitié inférieure du tronc cérébral). ischémie, c’est-à-dire une diminution
Il arrive que la lésion siège au niveau de l’irrigation du cerveau, secondaire Le traitement de l’hémiplégie en fait allusion au rostre, organe commun
de cette décussation, et c’est alors que à une occlusion artérielle : embolie soi à tous ces Insectes, mais l’usage a pré-
l’on peut observer d’un côté une hémi- venue du coeur ou des vaisseaux du L’hémiplégie justifie en effet des valu, et le terme de Hémiptères a sup-
plégie limitée aux membres supérieurs cou, thrombose « in situ », conjonc- mesures palliatives destinées à assu- planté celui de Rynchotes.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
minuscules sillons constituant deux ca- ceron lanigère (Eriosoma lanigerum), par la rapidité de leurs repas (environ
nalicules parallèles, d’à peine un cen- d’Amérique, vit sur l’Orme et sur le trois minutes chez la Punaise des lits)
tième de millimètre de diamètre, l’un Pommier ; une espèce de Phyiloxers par l’extensibilité de leur abdomen,
pour l’inoculation de la salive, l’autre attaque la Vigne, une autre le Chêne ; qui gonfle sous l’afflux du sang, et par
pour l’absorption des liquides alimen- les Chermes parasitent uniquement des les jeûnes de plusieurs mois qu’elles
taires ; des muscles situés à la base Conifères. Une spécificité alimentaire peuvent supporter.
du rostre provoquent l’éjection de la semblable se rencontre dans d’autres
Presque toutes les Punaises aqua-
salive, qui, en ramollissant les tissus et familles, révélant une sensibilité
tiques capturent des proies, parfois
en produisant leur hydrolyse, favorise chimique dont nous connaissons en-
plus grandes qu’elles : les énormes Bé-
la pénétration des stylets. L’aspiration core mal les mécanismes. Les Phanéro-
lostomes d’Amérique attrapent têtards
du flux nutritif résulte également de games sont, de loin, les plantes les plus
ou Poissons avec leurs pattes anté-
l’action des muscles céphaliques. visitées : Ombellifères, Graminacées,
rieures ravisseuses ; en Europe, Nèpes,
Au cours de la piqûre, l’étui labial, Crucifères hébergent fréquemment
Naucores font de même vis-à-vis de
des Punaises qui leur sont propres.
qui ne pénètre pas dans la plaie, dimi-
larves d’Insectes. Leur salive, très ac-
nue de longueur, soit en se coudant, Quelques formes vivent sur les Fou-
tive, hydrolyse les tissus de la proie ;
gères ; les Aradidés vivent sous les
soit en télescopant ses articles ; les sty-
elles aspirent le résultat de cette diges-
lets, qui coulissent librement à l’inté- écorces et se nourrissent de Champi-
gnons. Les Corixa des étangs se nour- tion externe. Plusieurs Hétéroptères
rieur, font sortir leur pointe par l’ori-
rissent d’Algues filamenteuses. terrestres sont également prédateurs :
fice terminal du labium.
Zicrona coerulea s’attaque à diverses
La longueur et la position du rostre D’ordinaire, les Insectes perforent
chenilles et aux larves du Doryphore ;
les parties les plus tendres : feuilles,
varient quelque peu à l’intérieur du
beaucoup de Réduviidés chassent des
groupe : court chez des prédateurs jeunes rameaux, racines ou fruits ; par-
Moucherons et des Moustiques ; Redu-
fois, ils traversent des écorces relati-
comme la Nèpe ou la Notonecte, il s’al-
vius personatus peut pénétrer dans les
longe chez les buveurs de sève, comme vement épaisses jusqu’aux tubes libé-
riens, où circulent de la sève élaborée. maisons et détruire les Punaises des
les Punaises des bois et des champs ; au
Le rostre, appareil buccal La durée du prélèvement compense le lits ; Ptilocerus attire les Fourmis par
repos, il se rabat alors entre les hanches
piqueur et suceur faible débit du courant alimentaire ; la son odeur et les capture. On signale
des pattes. Exceptionnellement, les
sève ne paraît que partiellement assi- même des Punaises qui se déplacent
Les pièces buccales des Hémiptères, stylets peuvent être plus longs que le
milée par l’Insecte, du moins par les sur les toiles d’Araignées sans s’y en-
extrêmement spécialisées, montrent corps : chez la larve de Chermes viri-
Pucerons, qui rejettent par l’anus des gluer et se nourrissent des proies qui
dans tout le groupe une structure fon- danus, ils mesurent cinq fois plus que
déjections sucrées ; certaines Fourmis, viennent de s’y faire prendre.
damentale identique : un étui pro- l’animal lui-même, qui, il est vrai, dé-
très friandes de ce miellat, viennent en Beaucoup d’Hémiptères abritent des
tecteur entourant quatre stylets très passe à peine le demi-millimètre ; au
fins et capables à la fois de perforer, repos, ils s’enroulent dans une poche solliciter l’émission par un frôlement Levures ou des Bactéries, soit dans des
d’antennes et pratiquent même l’éle-
d’inoculer et d’aspirer. L’étui repré- ventrale. Le rostre s’insère en général diverticules de l’intestin, soit dans des
sente le labium, ou lèvre inférieure ; sous la tête, mais la prolonge parfois vage des Hémiptères producteurs ; on cellules spéciales (mycétocytes) liées
a pu évaluer à plus de 10 kg la récolte
les stylets latéraux correspondent aux vers l’avant. au tissu adipeux, soit dans des organes
mandibules, et les stylets internes, de miellat de Pucerons en une saison
En revanche, chez les Pucerons, les isolés (mycétomes). Ces micro-orga-
par une société de Fourmis rousses
habituellement accolés l’un à l’autre, Cochenilles et les formes voisines, le nismes ne se rencontrent guère que
sont des maxilles ; la lèvre supérieure, de moyenne importance. On imagine
rostre paraît émaner du thorax, entre chez les espèces monophages ; on sup-
ainsi indirectement l’ampleur des pré-
ou labre, peu développée, apparaît à la les pattes, ce qui permet d’expliquer pose qu’ils produisent des vitamines
base du rostre comme une courte pièce lèvements faits sur les plantes par les
le nom de Sternorhynques, qu’on leur ou des facteurs de croissance dont
Hémiptères. Ajoutons que le dépôt de
triangulaire. attribue. bénéficient leurs hôtes et qu’il s’agit
miellat sur les feuilles favorise le déve-
L’étui a la forme d’une gouttière là d’une symbiose. La transmission des
loppement de moisissures (fumagine).
allongée dont les deux bords se re- Divers aspects Bactéries d’une génération à l’autre est
Sous l’effet des piqûres répétées,
joignent et s’appliquent l’un contre assurée par des mécanismes variés : le
de la nutrition
l’autre ; il comporte généralement les végétaux subissent diverses défor-
plus souvent, l’infestation se produit
La plus grande partie des Hémiptères mations : les feuilles s’enroulent ou se
quatre articles, parfois trois ou même dans les ovaires de la femelle, au ni-
deux, ce qui lui assure une certaine se nourrit aux dépens des plantes. recroquevillent ; de véritables galles
veau des ovocytes ; dans quelques cas,
Beaucoup d’espèces sont justement apparaissent parfois (Phylloxera sur les
mobilité. En dehors des repas, les sty- la femelle dépose sur les oeufs qu’elle
lets sont totalement inclus dans l’étui redoutées pour les dégâts qu’elles racines de Vigne ; Schizoneura ou Te-
vient de pondre une goutte de liquide
occasionnent dans les cultures, soit traneura sur les feuilles d’Orme, etc.).
et ne peuvent être observés qu’après riche en Bactéries.
ouverture de la gouttière ; tous quatre directement (prélèvement de sève, Quelques Hémiptères piquent les
formation de galles), soit indirecte-
interviennent quand il s’agit de péné- Vertébrés et se nourrissent de leur sang.
trer dans des tissus végétaux ou de ment (affaiblissement de la plante qui L’Homme subit ainsi les attaques de Thysanoptères
se laisse envahir par les moisissures,
traverser la cuticule d’un Insecte, la Punaise des lits (Cimex lectularius) Les Thysanoptères (ou Thrips) sont de très
ou encore de piquer l’épiderme d’un transmission de virus responsables de et, en Amérique du Sud, de Rhodnius petits Insectes (longueur de 1 à 3 mm)
maladies de dégénérescence). que l’on peut rapprocher des Hémiptères
Mammifère ; par leur extrémité très prolixus et de Triatoma ; ces derniers
à cause de leur rostre muni de stylets
acérée, les stylets mandibulaires, aus- À côté d’espèces polyphages, on en sont particulièrement redoutés, car ils
piqueurs ; ils ont quatre ailes très étroites,
sitôt suivis par les maxilles, s’insinuent connaît bien d’autres, dont le régime peuvent transmettre un Trypanosome
mais frangées de longues soies. Ils pul-
rapidement, en glissant alternative- alimentaire est strict et qui sont inféo- responsable de la maladie de Chagas.
lulent parfois sur les plantes, dont ils per-
ment les uns contre les autres, jusqu’à dés à quelques plantes déterminées, Les Hirondelles, les Pigeons sont pi-
forent les feuilles et les jeunes pousses, se
la zone nourricière. À cette fonction voire à une seule. Beaucoup d’Aphi- qués par divers Cimex, et les Chauves- nourrissant du contenu des cellules super-
perforatrice, ils ajoutent la conduction didés (Pucerons) sont dans ce cas ; au Souris des régions tropicales hébergent ficielles ; quelques-uns causent des dom-
de liquides digestifs et nutritifs ; sur cours du cycle saisonnier, ils migrent des Polycténidés ectoparasites. Ces mages notables aux cultures : céréales,
leur face mitoyenne, ils possèdent deux souvent d’un végétal à un autre : le Pu- espèces hématophages se singularisent Rosier, Poirier, plantes de serre.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
japonais », l’entomologiste est assuré d’eau ; leurs pattes moyennes et posté- Quelques Réduviidés pénètrent dans les
maisons et y font la chasse à divers hôtes
de faire une ample récolte d’espèces ; rieures reposent sur la surface par leurs
indésirables : Reduvius personatus se nour-
la capture des formes agiles nécessite longs tarses, munis de poils hydro-
rit de Mouches, de Punaises des lits ; Empi-
l’usage du filet à papillons. Prairies, fuges. Toutes les Punaises qui vivent
coris vagabunda attaque les Moustiques et
haies et bois fournissent la plus riche dans l’eau conservent une respiration
autres petits Diptères.
moisson. La répartition des espèces aérienne et viennent près de la surface
Les Cochenilles ont — ou ont eu — une
répond à des exigences écologiques renouveler leur provision d’air, cer-
certaine importance économique, par
souvent très précises : la « Punaise de taines en faisant affleurer l’extrémité leurs diverses sécrétions : gomme-laque
feu », ou « Gendarme » (Pyrrhocoris de leur abdomen (Notonecte, Naucore), fournie par Tachardia lacca, carmin extrait
apterus), pullule parfois au pied des d’autres grâce au tube respiratoire qui de Coccus cacti, pourpre tiré de Kermes
arbres et des murs ; Graphosoma, Pu- prolonge leur corps (Nèpe, Ranatre) ; ilicis.
naise rayée de noir et de rouge, affec- plusieurs nagent rapidement à l’aide Dans certains lacs mexicains, on récolte
tionne les fleurs des Ombellifères ; la de leurs pattes postérieures, garnies de les oeufs de Corises, dont les indigènes font
Cigale Lyristes plebejus fréquente les des galettes comestibles. Signalons enfin
poils (Notonecte, Corise).
que, sous l’effet des multiples piqûres
Pins ; Alphanus pini se trouve dans les Le littoral possède une faune spé-
d’une Cochenille, un arbuste du Moyen-
régions sèches, au pied des Bruyères,
ciale d’Hémiptères : les uns vivent sur Orient, du genre Tamaris, donne un pro-
alors qu’une forme voisine, Cymus les dunes, d’autres dans le sable des duit consommé localement (manne des
grandicolor, habite les marécages. La plages (Cydnus flavicornis) ; dans les Hébreux).
Punaise des lits, à activité nocturne, sé-
fentes des rochers de la zone de balan- M. D.
journe dans les habitations mal tenues. cement des marées, on peut découvrir
Quelques Punaises vivent au bord AEpophilus. Enfin, un Insecte franche-
des lacs et des rivières, courant et sau- ment pélagique, l’Halobate, se tient sur Une incroyable profusion
tant avec agilité : Salda, Pelogonus ; les Algues flottantes des mers chaudes de formes et de couleurs
d’autres se rencontrent sur les plantes (Sargasses) et y trouve sa nourriture.
Des minuscules Pucerons, qui at-
flottantes, comme Hebrus sur les Len-
tilles d’eau. Les plus curieux des Hé- teignent à peine le millimètre, aux
Il existe quelques
miptères dulyaquicoles sont ceux qui se Bélostomes, cent fois plus longs, les
Hémiptères utiles Hémiptères offrent une vaste gamme
déplacent à la surface de l’eau et ceux
qui vivent immergés. Parmi les pre- Certains Hémiptères, prédateurs d’Insectes de dimensions. L’aspect du corps ne
nuisibles aux cultures, limitent leur pullu- montre pas moins de variété ; tantôt
miers, citons l’Hydromètre, qui marche
lation et sont de précieux agents de lutte
lentement sur l’eau des étangs et sur plat (Punaises), tantôt massif (Cigales),
biologique. Ainsi, Zicrona coerulea détruit
les bords, la Vélie, qui court agilement tantôt linéaire (Gerris) ; les ailes au
l’Altise de la Vigne, diverses chenilles et les
sur les ruisseaux, et les Gerris, qui ar- repos s’appliquent sur le dos (Punaises
larves du Doryphore ; Perillus bioculatus
Les Hémiptères
pentent par saccades les eaux calmes attaque efficacement, en Amérique, les des bois et aquatiques), se disposent en
dans leur milieu
et sont couramment appelés Araignées larves du Doryphore. toit (Cicadelles et Cigales) ou restent
Répandus sur tout le globe, les Hémip-
tères offrent dans les régions chaudes le
maximum de variété. On les rencontre
dans tous les milieux : terrestre, d’eau
douce et même marin, fait unique chez
les Insectes.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Rassemblements
et déplacements
Il n’est pas rare de rencontrer réunis
en grand nombre des individus d’une
même espèce. Ces rassemblements
peuvent résulter de diverses condi-
tions : il s’agit parfois d’Insectes pro-
venant d’une même ponte et qui restent
sur place après réclusion (cas de cer-
tains Pucerons) ; ailleurs, le groupe
résulte du choix d’un milieu favorable,
anse d’une rivière pour les « Arai-
gnées d’eau » (Gerris), tronc d’arbre
pour Pyrrhocoris ; des Pucerons, enfin,
peuvent se trouver réunis sur le même
rameau par des Fourmis éleveuses, qui
surveillent leur troupeau avec vigi-
lance. En aucun cas, ces groupements
spontanés ou provoqués ne montrent de
vie sociale entre leurs membres.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Si les Pucerons ailés peuvent être migrations en groupe, comme on l’a insectivores, dont le jugement olfac- dans le liquide visqueux qu’elles re-
dispersés passivement par le vent, la observé chez les Notonectes. tif est identique au nôtre. D’ailleurs, jettent par l’anus.
plupart des autres Hémiptères ont un quelques espèces émettent une odeur Beaucoup d’Homoptères pro-
vol actif et soutenu, particulièrement Les sécrétions douce, comme Syromastes, qui sent la duisent de la cire ; celle-ci couvre le
chez les Cigales et autres Homoptères : pomme.
des Hémiptères corps d’un feutrage blanchâtre chez le
grâce à un dispositif d’accrochage Les larves de quelques Cercopidés Puceron lanigère ou bien d’une cui-
basai, les deux ailes d’un même côté L’odeur désagréable et tenace qui (Arphrophora, Philcenus) vivent dans rasse de plaques chez des Cochenilles
vibrent simultanément. Les Punaises émane de nombreuses Punaises pro- un produit écumeux qu’on rencontre comme Orthezia ou Lecanium ; elle
aquatiques sortent parfois de l’eau et vient de glandes, qui s’ouvrent sous parfois sur les plantes et qu’on appelle forme aussi un bouclier qui se soude
s’envolent d’un étang à l’autre ; il leur le thorax ; elle semble avoir un rôle crachat de Coucou ; elles le fabriquent au support végétal, abritant les larves
arrive même d’accomplir de véritables protecteur, du moins vis-à-vis des en dégageant de petites bulles d’air des Aleurodes ou la ponte des Coche-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
nilles ; l’aspect de la sécrétion caracté- et chez les Cochenilles ; chez les Pu- parfois s’accoupler avec les rares mâles Croissance et
rise souvent les espèces et facilite leur naises terrestres, les deux partenaires qui apparaissent sporadiquement.
métamorphose
détermination. Une Cochenille d’Asie, se placent bout à bout ; les Cigales
Les Hémiptères phytophages
Tachardia lacca, pond ses oeufs sur di- et les Cicadelles s’accouplent côte à Chez presque tous les Hémiptères, la
pondent leurs oeufs sur les végétaux ;
verses plantes et les entoure d’une sorte côte. Le mâle de la Punaise des lits ne
les Punaises aquatiques les insèrent jeune larve qui éclôt ressemble beau-
de résine dont on fait la gomme-laque. dépose pas son sperme dans l’orifice
plus ou moins profondément dans les coup à l’adulte, à la taille près ; le
D’autres espèces ont été exploitées génital de la femelle, mais dans une
tiges ou les feuilles des plantes aqua- développement est progressif (hétéro-
pour les matières colorantes qu’elles poche (organe de Ribaga) qui s’ouvre
entre les segments abdominaux 4 et 5 ; tiques. La ponte est quelquefois dépo- métabolie), et les fourreaux alaires ap-
fournissent : Coccus cacti du Mexique
(carmin), Kermes ilicis (écarlate). de là, les spermatozoïdes gagnent les sée sur le dos d’une femelle de même paraissent lors des derniers stades. La
ovaires en traversant les tissus ; chez espèce (Bélostomes, Phyllomorpha). durée de la vie larvaire varie beaucoup
les Anthocoridés, le mâle introduit son Les Cochenilles laissent souvent leurs
Reproduction d’une espèce à l’autre ; elle s’étend
pénis en un point quelconque de l’ab- oeufs sous un bouclier de cire ; cer-
même sur plusieurs années chez les Ci-
Dans la plupart des cas, les deux sexes domen, et les gamètes rejoignent les taines forment un ovisac cireux pour
sont morphologiquement semblables gales et atteint la durée record de dix-
ovules directement. leur ponte et le portent.
ou ne diffèrent que par des détails. sept ans chez une Cigale américaine.
On connaît de nombreux cas de par- La Punaise des lits ainsi que plu-
Cependant, les mâles des Cigales pos- Le nombre de mues est habituellement
thénogenèse. Dans certains, elle est
sèdent seuls un appareil stridulant ; ail- sieurs Coccidés pondent des oeufs dont
indéfinie (Aleurodes, Aspidiotus) ; dans de quatre ou cinq ; ainsi, Rhodnius
leurs, le dimorphisme s’exprime par le le développement est déjà bien avancé.
d’autres, plus nombreux, il y a alter- subit cinq mues larvaires avant la mue
développement différent des ailes ; la D’autres Hémiptères sont franchement
nance cyclique entre des générations imaginale ; c’est sur cette Punaise hé-
femelle est aptère et le mâle ailé chez vivipares, comme les femelles parthé-
de femelles vierges et une génération
les Coccidés. nogénétiques des Pucerons ; quand ils matophage que Wigglesworth a mis en
bisexuée (Aphididés). La Cochenille
sortent du corps de la mère, les jeunes évidence, par des expériences célèbres,
L’accouplement a lieu par superpo- Icerya Purchasi, par contre, montre
sition du mâle sur la femelle chez les peuvent même déjà renfermer des oeufs le déterminisme humoral de la mue.
surtout des individus hermaphrodites
Punaises aquatiques, chez les Pucerons qui s’autofécondent, mais qui peuvent en développement ! Chez les espèces à longévité larvaire
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
élevée, le nombre de mues est évidem- avant le Trias et paraissent dériver variables. C’est en général au moment saignement est, au contraire, normal,
ment plus grand. d’Homoptères. des premiers pas ou lors des premières alors que le test de tolérance à l’hépa-
M. D. années que l’hémophilie se révèle, et ce rine est constamment allongé. Surtout,
Le déroulement de la vie larvaire et
F Cigale / Parthénogenèse / Puceron / Punaise. par des saignements prolongés ou par la consommation de prothrombine
le passage à l’état imaginal ne s’accom-
H. Weber, Biologie der Hemipteren (Ber-
des hématomes. Parfois il s’agit d’hé- est diminuée. De plus, il est possible
plissent pas toujours d’une manière
lin, 1930). / A. Villiers, Atlas des hémiptères de morragies digestives ou d’hémarthrose de doser spécifiquement les facteurs
régulière et continue. Ainsi, les jeunes France (Boubée, 1945-1947 ; 2 vol.). (sang dans les articulations). Au cours antihémophiliques.
Cigales, à vie souterraine et adaptée au
de l’évolution, les hémorragies peuvent
fouissage par leurs pattes antérieures, être extériorisées ou non extériorisées. Traitement
donnent des adultes aériens qui s’ébat- Les hémorragies extériorisées sont
tront quelques semaines en plein soleil. Le traitement actuel a deux buts es-
les plaies cutanées parfois postopéra-
sentiels : assurer la survie des sujets
Ainsi, chez nombre d’Aleurodes et de hémophilie toires, les épistaxis (saignements de
en maîtrisant les accidents hémor-
Cochenilles, un stade mobile succède nez), les hémorragies buccales (surtout
ragiques et permettre une vie quasi
à un stade à pattes réduites, ou inverse- à l’occasion d’extractions dentaires).
Affection héréditaire transmise par les
normale en limitant l’impotence fonc-
ment. Bien plus, le développement se Les hémorragies non extériorisées sont
femmes, n’atteignant que les hommes
tionnelle. Grâce aux possibilités de
déroule parfois différemment dans les les ecchymoses, survenant à l’occasion
et se traduisant par des hémorragies
transfusion modernes, le traitement
deux sexes : les femelles de Coccidés de chocs minimes, et surtout les héma-
graves et récidivantes.
des grands accidents hémorragiques a
tomes (épanchements de sang), soit
ont un développement progressif, alors
acquis une efficacité remarquable. Le
sous-cutanés, soit intramusculaires ou
que les mâles subissent de véritables Généralités facteur VIII (ou A), et le facteur IX
interstitiels profonds (après injections
métamorphoses, avec un stade nym-
L’hémophilie a reçu son nom de Jo- (ou B) sont contenus dans le sang
intramusculaires malencontreuses ou
phal. Comme les Aleurodes passent frais, mais il est préférable d’utiliser
hann Lukas Schoenlein (1793-1864), traumatismes divers). Les hématomes
de la larve à l’imago en subissant des fractions vraiment spécifiques (IA
mais elle est, en réalité, de connais- peuvent se compliquer de compres-
également un remaniement tissulaire pour l’hémophilie A et PPSB pour
sance plus ancienne, puisque au IVe- sions nerveuses ou d’atrophies muscu-
intense, nous pouvons observer dans s. le Talmud de Babylone dispensait l’hémophilie B), sauf en cas de collap-
Ve laires. Ils peuvent également s’obser-
le groupe des Hémiptères toutes les du rite de la circoncision les enfants ver au niveau du plancher de la bouche sus hypovolémique (baisse du volume
transitions entre l’hétérométabolie et atteints de cette maladie. Le caractère sanguin total). Le renouvellement de
et dans la région rétro-orbitaire, où le
l’holométabolie. génétique récessif, lié au sexe (v. géné- l’apport par transfusion est souvent
pronostic est grevé d’un gros risque de
tique), explique les aspects héréditaires cécité. De plus, des hémorragies des nécessaire. Lorsque le traitement a
le rythme des saisons. En général, les tion et de transmission de la maladie, il les plus typiques de la maladie. Sans rééducation, on peut obtenir un jeu arti-
adultes des deux sexes apparaissent en suffit de rappeler que la femme a deux culaire suffisant. Il est indispensable
être spécifiques de l’hémophilie, elles
chromosomes X et l’homme un chro- évoquent au plus haut chef une dia- également de souligner l’importance
automne et donnent des oeufs fécon-
mosome X et un chromosome Y plus thèse hémorragique. Elles atteignent du traitement préventif chez les hémo-
dés qui passeront l’hiver ; l’éclosion
court. Une portion du chromosome X philes et la nécessité d’un encadrement
de ceux-ci au printemps libérera des toutes les articulations, mais avec pré-
dans le sexe masculin n’a donc pas dilection les genoux, puis les chevilles, psychologique à l’échelon familial, so-
femelles qui, sans fécondation, inau-
d’homologue sur le chromosome Y les coudes, les hanches et les épaules. cial et professionnel. Les hémophiles
gurent une suite de générations esti-
correspondant, et c’est sur cette por- D’abord simples et à début souvent doivent être porteurs de cartes attestant
vales, toutes parthénogénétiques et
tion impaire que sont situés les gènes brutal, elles entraînent une impotence leur état, qui contre-indique notam-
vivipares ; en fin de saison, une der-
récessifs responsables de l’hémophilie. fonctionnelle complète. Mais le grand ment toute injection intramusculaire.
nière génération de femelles donne des
Si un chromosome X féminin porte un M. R.
risque est la récidive, et la constitution
sexués. Ce cycle type montre selon les
de ses gènes, le gène homologue nor- de véritables lésions arthrosiques sur F Coagulation / Génétique / Sang.
espèces, et parfois à l’intérieur d’une mal situé sur l’autre chromosome X des articulations déformées se vérifie D. Alagille, l’Hémophilie (Baillière, 1969).
même espèce, un grand nombre de va- sera dominant et empêchera les effets souvent sur les clichés radiographiques. / A. H. Katz, Hemophilia : a Study in Hope and
5312
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
seau : cette hémostase naturelle est Hémorragies internes des membres, le garrot assure une hé- ROMAIN GERMANIQUE.
possible grâce à un phénomène physio- mostase provisoire, mais ce n’est qu’un
La symptomatologie des hémorra-
logique très complexe, la coagulation*. expédient qui comporte de graves
gies internes est évidemment fonction
Mais le caillot n’assure qu’une hémos- dangers s’il est maintenu trop long-
du siège de la lésion. Une des plus
tase temporaire, l’hémostase définitive
typiques est la rupture de grossesse*
temps : le vrai traitement est la ligature Henri Ier (roi de
n’étant obtenue que secondairement, artérielle, connue dès l’Antiquité et
par la constitution d’un tissu vasculaire
extra-utérine, avec son syndrome de
redécouverte par Ambroise Paré. Les France)
choc hémorragique pur et, à l’examen
cicatriciel qui, le plus souvent, redonne hémorragies veineuses des membres
gynécologique, une douleur très vive
au vaisseau sa morphologie normale, cèdent le plus souvent à la simple com- F CAPÉTIENS.
localisée au niveau du cul-de-sac de
mais qui peut parfois entraîner son pression. Les hémorragies internes
Douglas (entre utérus et rectum). Les
oblitération définitive. traumatiques commandent l’interven-
hémorragies digestives posent des
Les conséquences de l’hémorragie tion d’urgence, mais l’hémostase peut
problèmes diagnostiques et thérapeu-
sont très variables selon son impor- être très difficile à réaliser, en parti- Henri II
tiques difficiles, car leurs causes sont
tance et sa rapidité. Nulles dans les culier dans les éclatements du foie, la
multiples : ulcères gastro-duodénaux,
petites hémorragies capillaires ou blessure de la rate imposant toujours la (Saint-Germain-en-Laye 1519 - Paris
cancers de l’estomac ou de l’intestin,
veineuses par exemple, elles peuvent splénectomie. Quant aux hémorragies 1559), roi de France (1547-1559).
cirrhose* du foie, au cours desquels
être dramatiques dans les hémorragies digestives, l’indication opératoire doit Fils cadet de François Ier et de
l’hypertension dans la veine porte en-
importantes : c’est le tableau du choc être soigneusement pesée, car, s’il est Claude de France, il ne fut destiné à
traîne la formation de varices oesopha-
hémorragique, où le sujet est pâle, giennes, dont la rupture provoque des possible le plus souvent d’assurer l’hé- régner qu’après la mort accidentelle de
refroidi, inerte, la tension artérielle hémorragies dramatiques. Ces hémor- mostase devant un ulcère gastro-duo- son aîné, le dauphin François (1536) ;
effondrée, le pouls petit, rapide, par- ragies digestives peuvent se manifester dénal, certaines lésions sont au-dessus aussi ne lui avait-on fait épouser en
fois imprenable, la respiration rapide de deux manières : vomissement de des possibilités chirurgicales. 1533 qu’une princesse de médiocre
et superficielle ; ce choc hémorragique sang (hématémèse), qui traduit géné- P. D. maison, Catherine* de Médicis.
est rarement pur, car à la spoliation ralement une lésion haute, ou hémor- J.-P. Soulier, Traitement des hémorragies À la mort de son père, il renvoie ses
sanguine s’ajoutent souvent d’autres (Flammarion, 1953). / C. Raby, Biologie des hé-
ragie intestinale, de sang rouge ou noir ministres et entreprend de gouverner
morragies et thromboses (Masson, 1966).
facteurs, en particulier au cours des (meloena). son royaume avec soin el esprit de
grands traumatismes. Enfin, il existe suite. Alors dans la force de l’âge, il est
Les grandes contusions de l’abdo-
des hémorragies apparemment non dra- aimé de la noblesse pour sa bravoure
men posent des problèmes très parti-
matiques, mais continues, évoluant à et ses largesses ; il en sera bien servi,
culiers, car, si l’on peut affirmer clini-
bas bruit et finissant par entraîner une Henri I, II, III et ses conseillers les plus puissants,
quement l’existence d’une hémorragie
anémie progressive avec altération de comme le connétable de Montmorency
intrapéritonéale, souvent seule l’inter-
l’état général pouvant réaliser un véri- F ALLEMAGNE ET SAINT EMPIRE ou les Guise, ne feront qu’exécuter
vention exploratrice pourra en préciser
table tableau de « choc chronique ». ROMAIN GERMANIQUE. fidèlement ses volontés. Après son
l’origine : rupture de la rate, du foie,
sacre (juill. 1547), il part visiter les
désinsertion mésentérique... Tous les
Hémorragies externes principales provinces de ses États pour
organes peuvent être le siège d’hémor-
remédier aux abus et se rendre compte
ragie : hémothorax des contusions ou
Les hémorragies les plus spectaculaires
plaies thoraciques, hémopéricarde des Henri IV (empereur) par lui-même des forces dont il peut
sont celles des plaies artérielles : hé- disposer pour continuer la lutte contre
plaies du coeur. Les hémorragies céré-
morragies extériorisées plus ou moins un Charles Quint plus puissant que
brales sont fréquentes chez le sujet âgé, F ALLEMAGNE, SACERDOCE ET
abondantes suivant la largeur de la jamais, puisqu’il vient de vaincre les
par rupture d’une artère athéromateuse, EMPIRE, SAINT EMPIRE ROMAIN
plaie cutanée, la profondeur et l’impor- protestants allemands à la bataille de
mais elles peuvent se rencontrer chez GERMANIQUE.
tance du vaisseau lésé. Elles sont la Mühlberg (avr. 1547).
le jeune, par exemple par rupture d’un
cause la plus fréquente de mort sur le
anévrisme congénital. Henri II affirme tôt sa volonté d’être
champ de bataille ou dans les grandes
le maître. À l’intérieur, il réprime
catastrophes. Dans un certain nombre
durement des révoltes populaires en
de cas, une hémostase spontanée peut Traitement de Henri V (empereur) Guyenne en 1548 ; l’année suivante,
se faire, mais elle est précaire, une hé- l’hémorragie
par une courte guerre, il oblige l’An-
morragie secondaire mortelle étant tou- Il est commandé par deux impératifs : F ALLEMAGNE, INVESTITURES
gleterre à lui restituer Boulogne, ainsi
jours à redouter, au cours du transport arrêter le flux sanguin et reconstituer (querelle des), SAINT EMPIRE ROMAIN
qu’il en avait été décidé par un traité
par exemple. Le sang artériel peut aussi la masse sanguine. La reconstitution de GERMANIQUE. passé avec François Ier. Il va conti-
se répandre sous les téguments : héma- la masse sanguine, seul traitement du nuer en ces deux domaines la politique
tome diffus ou enkysté d’évolution très choc hémorragique, est obtenue par la de son père : faire progresser l’auto-
variable, de la guérison spontanée à transfusion de sang frais ou conservé rité royale en France et défendre le
la formation tardive d’un anévrisme* isogroupe. Ce n’est que dans des condi- Henri VI (empereur) royaume contre la puissance des Habs-
artério-veineux. tions d’urgence exceptionnelle que bourg. L’historien Georges Pages a pu
Les plaies veineuses sont en général l’on peut être contraint de perfuser du justement écrire : « Jamais peut-être
F ALLEMAGNE ET SAINT EMPIRE
de faible gravité : le type en est la rup- sang de groupe universel, voire, faute rois de France ne furent plus puissants
ROMAIN GERMANIQUE.
ture de varice, impressionnante, mais de sang, du plasma sanguin conservé que François Ier et Henri II. »
bénigne. Par contre, les plaies des gros ou des solutés à grosses molécules, Par un décret de 1547, le roi consacre
troncs veineux sont gravissimes, non qui, à défaut d’hématies, permettent de officiellement le rôle et l’importance
seulement par suite du caractère massif reconstituer temporairement le volume
liquidien indispensable au fonctionne-
Henri VII des secrétaires d’État, dont le nombre
de l’hémorragie, mais aussi en raison est fixé à quatre : c’est l’embryon de
du risque d’embolie gazeuse mortelle ment de l’appareil circulatoire. (empereur) l’institution ministérielle, système qui
(en particulier dans les plaies de la base L’arrêt de l’hémorragie dépend de favorisera l’absolutisme en se généra-
du cou). sa nature : dans les plaies artérielles F ALLEMAGNE ET SAINT EMPIRE lisant dans la seconde moitié du siècle.
5313
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Des offices nouveaux sont aussi créés : férir les Trois-Évêchés, qui constituent que Biaise de Monluc (1502-1577) est demeure prépondérante au nord-est,
61 présidiaux de 9 juges chacun sont de remarquables positions stratégiques. chargé de défendre la place. Après des Philippe II se désintéresse des affaires
institués en 1552 ; cette juridiction Charles Quint tente vainement de s’em- succès initiaux, les Français sont vain- allemandes et anglaises (il n’est plus
trouve sa place entre les parlements parer de Metz, bien défendue par le cus, et Monluc doit rendre la ville, qui rien en Angleterre depuis la mort de
duc François de Guise en 1552. Il faut passe sous la domination de Florence, Marie Tudor en 1558). L’Espagne ne
et les tribunaux de bailliages. Henri II
remarquer, d’ailleurs, qu’on ne semble c’est-à-dire de l’Espagne (1555). L’an- fait plus sien le rêve de domination uni-
complète en outre la réforme de l’ad-
pas avoir eu conscience, à l’époque, de née suivante, las de combattre, Charles verselle de Charles Quint, et Henri II
ministration des finances entreprise
l’importance de cette acquisition, car, Quint signe avec la France la trêve renonce aux chimères italiennes. Par
sous le règne précédent, en instituant
ce qui semble alors compter, ce sont les de Vaucelles (févr. 1556) ; Henri II contre, Philippe II affirme la prépondé-
deux contrôleurs qui ont la charge de
affaires d’Italie. La guerre s’y rallume conserve la Savoie et le Piémont. rance espagnole en Italie et amorce une
surveiller les fonds du Trésor.
en même temps qu’en Allemagne : le politique tournée vers l’acquisition de
La trêve n’est pas de longue durée :
La lutte contre Charles Quint re-
duc de Parme Ottavio Farnèse, en butte l’hégémonie en Méditerranée.
le pape Paul IV, attaqué par l’Espagne,
prend en 1552. Après Mühlberg, les
aux attaques de l’empereur et du pape engage Henri II dans le conflit (sept. Mais l’épuisement des finances
princes protestants demandent l’aide Jules III, a fait appel au roi de France, royales en France et en Espagne n’est
1556). Le royaume de Naples est en-
du roi de France ; le traité de Cham- dont les armées obligent le pape à vahi par le duc de Guise pendant que la pas la seule cause de l’arrêt de la
bord de janvier 1552 autorise Henri II céder ; dans cette guerre, Henri II est guerre se rallume sur les frontières du guerre. Les deux rois désirent aussi lut-
à occuper Metz, Toul et Verdun. Le roi aidé du Turc et des corsaires barba- nord de la France. Philippe II, le suc- ter contre les progrès de l’hérésie dans
se fait le champion d’une politique réa- resques, dont le célèbre Dragut. cesseur de Charles Quint, dispose, de- leurs États. Ils y sont fortement incités
liste, combattant les huguenots à l’inté-
La guerre de Parme est à peine termi- puis son mariage avec Marie Tudor, de par le pape Paul IV. Il est significa-
rieur et s’alliant avec eux à l’extérieur. née qu’éclate celle de Sienne ; la ville l’alliance anglaise ; il peut ainsi réunir tif, en effet, qu’à peine la paix signée
Cette alliance donne les meilleurs ré- fait appel aux Français. Le maréchal une armée aux Pays-Bas, qu’il confie Henri II proclame l’édit d’Ecouen,
sultats : Henri II peut occuper sans coup Piero Strozzi opère en Toscane, tandis au duc de Savoie, Emmanuel-Philibert dirigé contre les protestants (2 juin
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
1559), et que Philippe II, en août, légi- mettre au compte des excellentes me- sociales de la Ligue, du rôle qu’y joua La crise finit par éclater en mai
fère contre les réformés des Pays-Bas. sures du comte Gaspard de Tavannes. une grande partie de la population. 1588. Le roi avait interdit au duc de
Henri II ne peut, pour sa part, mener Élu roi de Pologne en 1573, Henri Aux états généraux de Blois (déc. Guise de se rendre à Paris ; ce der-
1576 - mars 1577), Henri III, sous la nier ayant passé outre, il fit venir des
cette tâche à bien : grièvement blessé n’y passa que quelques mois ; à la
pression des catholiques, désavoua troupes dans la capitale, ce qui pro-
par Gabriel de Montgomery, capitaine mort de son frère Charles IX, il ne
l’édit de Beaulieu, et ce fut une nou- voqua la « journée des Barricades »
de la garde écossaise, lors du tournoi songea plus qu’à regagner la France.
velle guerre qui tourna à l’avantage du (12 mai 1588). Le duc n’osa pas faire
de la rue Saint-Antoine, donné pour cé- Catherine* de Médicis y avait repris
roi. La paix de Bergerac et l’édit de arrêter le roi et perdit ainsi l’occasion
lébrer les mariages arrêtés au Cateau- la régence et empêché son dernier fils,
Poitiers (17 sept. 1577) restreignirent de s’emparer de la couronne. Humi-
Cambrésis entre Philippe II et Élisa- François, duc d’Alençon (1554-1584),
ce qui avait été accordé un an aupara- lié, Henri III s’enfuit le lendemain à
beth de Valois, fille du roi de France, favorable aux huguenots, d’usurper la
vant : ainsi, le culte n’était plus auto- Chartres, puis à Rouen. Il y signa en
et entre sa soeur Marguerite et le duc couronne de son aîné. C’est pourquoi
risé que dans une ville par bailliage. juillet l’édit d’Union, qui donnait sa-
de Savoie, il meurt, après de cruelles le prince Henri Ier de Condé, chef des
C’est à ce moment que le roi fonda tisfaction aux ligueurs, puisqu’il était
souffrances, le 10 juillet 1559. réformés, conjura les Polonais de rete-
l’ordre du Saint-Esprit (1578), dans destiné à empêcher tout prince protes-
P. P. et P. R. nir leur roi. Mais Henri s’enfuit de Cra-
le sage projet de réunir les grands de tant de lui succéder. Mais l’échec de
L. Romier, les Origines politiques des covie et gagna la France en passant par
guerres de Religion (Perrin, 1913-14 ; 2 vol.). tous les partis par le serment auquel l’expédition de Philippe II contre l’An-
Vienne et Venise.
devaient s’engager les chevaliers ; le gleterre (l’Invincible Armada) renforça
Après son sacre à Reims, il épousa
conflit se réalluma néanmoins en 1579, la position d’Henri III qui convoqua les
Louise de Vaudémont, de la maison de seconds états généraux à Blois (sept.
mais pour peu de temps, car la paix de
Lorraine (févr. 1575). La paix de La
Henri III Rochelle signée en juillet 1573 avec les
Fleix (26 nov. 1580) y mit fin. 1588), où les ligueurs obtinrent la ma-
jorité ; effrayé, le roi fit exécuter le duc
On assista ensuite à une accalmie,
protestants était trop précaire pour pou- Henri de Guise par sa garde le 23 dé-
(Fontainebleau 1551 - Paris 1589), roi due sans doute aux calamités de toutes
voir durer longtemps, et les combats, cembre 1588 ; le lendemain, le cardi-
de France (1574-1589). sortes qui s’abattirent alors sur le
à l’initiative du comte de Damville nal Louis de Lorraine, frère d’Henri de
royaume (pestes, famines) ; en outre,
Troisième fils d’Henri II et de Cathe- (le futur Henri de Montmorency),
Ier Guise, subissait le même sort.
François d’Alençon, frère du roi (de-
rine de Médicis, ce prince passa long- reprirent dans l’Ouest et le Midi. Le
venu duc d’Anjou en 1576), avait em- En France, ces événements provo-
temps pour le type même du mauvais roi de Navarre et le duc d’Alençon
mené avec lui des trempes combattre quèrent un soulèvement général contre
roi, incapable, cruel et pervers. Des rejoignirent les insurgés. Après la vic-
les Espagnols aux Pays-Bas. Mais le souverain. Paris se donna au frère
ouvrages plus récents, surtout celui de toire de l’armée royale à Dormans (oct.
il échoua et revint mourir en France des victimes, le duc de Mayenne, et la
Pierre Champion, malheureusement 1575), commandée par le due Henri de
(10 juin 1584). La mort posa le pro- plupart des grandes villes, dont Lyon,
inachevé, ont essayé de le réhabiliter, Guise, une troupe allemande dévasta
blème de la succession, car, Henri III Marseille et Toulouse, prirent parti pour
même d’en faire un prince accompli. Il la Bourgogne et la Champagne, et
n’ayant pas d’enfants, le seul héritier la Ligue. Henri III n’eut plus d’autres
semble que la réalité soit à mi-chemin ; Henri III se résigna à la paix. Par l’édit
légitime se trouvait être un Bourbon, le ressources que de s’allier aux protes-
appelé à gouverner la France à une des de Beaulieu (6 mai 1576), il désavouait
roi Henri de Navarre, un huguenot. Les tants. À l’entrevue de Plessis-lez-Tours
époques les plus troublées de son his- les massacres de 1572, accordait la Guise prirent ce prétexte pour signer le 30 avril 1589, il traita avec le roi de
toire, Henri III, malgré de bonnes in- complète liberté du culte dans tout le
avec le roi d’Espagne le traité de Join- Navarre, puis tous deux vinrent mettre
tentions, n’eut ni les forces physiques royaume, hormis à Paris, ainsi que huit ville (31 déc. 1584), par lequel le trône le siège devant la capitale. C’est là, à
ni les qualités d’esprit et de caractère places de sûreté et des chambres mi- était réservé au cardinal Charles de Saint-Cloud, que, le 1er août, un exalté,
qui auraient été nécessaires pour mener partie dans tous les parlements. Bourbon (1523-1590), oncle d’Henri Jacques Clément, poignarda Henri III,
cette lourde tâche à bien.
Jamais les protestants n’avaient en- de Navarre ; le roi Philippe II promet- qui mourut le lendemain après avoir
Physiquement, il héritait des tares core obtenu de tels avantages ; ceux-ci tait un subside mensuel pour l’entretien désigné le roi de Navarre comme son
familiales (tuberculose, tumeurs, provoquèrent la colère du parti catho- des troupes de la Ligue. successeur légitime.
gale, etc.), et son équilibre psychique lique, qui pensa, dès lors, à se consti- P. P. et P. R.
Les Guise trouvèrent un appui effi-
ne valait guère mieux. Très « fin de tuer en parti organisé à l’exemple de F France / Henri IV / Religion (guerres de) /
cace dans le peuple parisien, très atta-
race », il avait, au dire de Jacques de Valois.
leurs ennemis. C’est l’origine de la ché au culte catholique et fanatisé par
Thou, « un esprit incompréhensible, Ligue, dont Henri III, pour la mieux P. Champion, la Jeunesse de Henri III (Gras-
ses prédicateurs. La Ligue se réor-
en certaines choses au-dessus de sa set, 1942 ; 2 vol.) ; Henri III, roi de Pologne
surveiller, se proclama le chef. Poli- ganisa sous la haute main des Guise, (Grasset, 1943-1951 ; 2 vol.).
dignité, en d’autres au-dessous même tiquement, les ligueurs étaient soute- devenus très puissants. Henri III crut
de l’enfance ». Ses goûts efféminés, nus par le pape et par l’Espagne, Phi- prudent, comme il l’avait déjà fait,
son entourage de « mignons » (Quélus, lippe II craignant que, vainqueurs, les de s’entendre avec les ligueurs et de
Maugiron, Saint-Mégrin, Saint-Luc, huguenots français puissent soutenir le traiter avec eux. Devant cette attitude,
Epernon), ses bizarreries — même si
Henri IV
parti des « gueux » révoltés contre son les protestants reprirent les armes en
tous ces traits ont été exagérés et pous- autorité dans les Pays-Bas. Des études 1585. Ainsi débuta le dernier et le plus
(Pau 1553 - Paris 1610), roi (Henri III)
sés au noir par ses ennemis politiques récentes ont montré que le rôle de Ma- acharné de ces conflits religieux.
de Navarre (1562-1610), roi de France
— dénotent à l’évidence un esprit peu drid dans l’histoire de la Ligue a été En octobre 1587, les troupes royales, (1589-1610).
équilibré. exagéré et que l’on a eu tort de consi- commandées par le duc de Joyeuse,
Adolescent, Henri commanda en dérer les masses populaires comme un furent écrasées à Coutras par le roi de
La formation,
tant que duc d’Anjou l’armée royale instrument aveugle entre les mains des Navarre. Henri III, qui voulut traiter
démagogues agissant pour le compte
le roi de Navarre
qui battit les huguenots à Jarnac et à avec les rebelles, se déconsidéra et
Moncontour (1569) ; il y acquit une de l’Espagne. La diplomatie n’était pas devint de plus en plus impopulaire. Le Le fils d’Antoine de Bourbon, roi de
grande réputation d’homme de guerre, au service de la religion : au contraire, duc de Guise ne cachait plus son ambi- Navarre, et de Jeanne d’Albret naît au
si grande que les Polonais en firent elle en contrôlait les querelles au tion de monter sur le trône, et des éru- château de Pau, et aussitôt la légende
leur roi. Mais cette réputation fut sur- mieux de ses intérêts. La clef du pro- dits complaisants lui fabriquaient une se penche sur son berceau. Tout le
tout le fruit de l’habile propagande de blème est à Paris dans une analyse, qui généalogie qui le faisait descendre de monde connaît le baptême avec l’ail et
sa mère, et la victoire de Jarnac est à n’a pas encore été faite, des origines Charlemagne. le vin de Jurançon donné par le grand-
5315
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
père, et pourtant nul prince ne se paya une véritable bataille navale livrée sous le comité des Seize fait régner la ter- La réorganisation de l’autorité de
moins de rêve et n’eut mieux les pieds ces murs qu’il s’empara de cette place reur ; les Espagnols, qui ont mis en l’État est la tâche primordiale. Henri IV
sur terre que le roi Henri. Ce réalisme, forte. 1591 une garnison dans la capitale, gouverne en roi absolu, peu soucieux
il le dut à son éducation, aux tribula- ne parviennent pas, en 1593, à faire de ménager les parlementaires, qu’il
Très tôt, en effet, le métier militaire
tions de toutes sortes, qui furent son lot accepter par les Parisiens la candida- méprise. Une tentative de rébellion est
fut sa principale activité. Dès 1569, à
quotidien durant près d’un demi-siècle. ture au trône de France de l’infante Isa- sévèrement réprimée, et son instiga-
l’assemblée de La Rochelle, sa mère,
belle, fille de Philippe II. Un tiers parti, teur, Charles de Gontaut, duc de Biron,
Ce même grand-père voulut qu’on la reine de Navarre Jeanne d’Albret,
l’élevât « à la béarnaise et non mol- celui des « politiques », se dessine ; un est exécuté (1602). À cette oeuvre de
fervente calviniste, fit de lui le chef
pamphlet, la Satire Ménippée, répand réorganisation, Henri IV applique une
lement à la française » ; aussi Henri du parti protestant. Henri participa à
ses idées et déconsidère les ligueurs. méthode empirique, qui consiste non
passa-t-il son enfance et sa prime jeu- toutes les guerres de Religion et se
De son côté. Henri comprend qu’il pas à détruire les anciennes institu-
nesse au milieu des paysans béarnais, distingua à la bataille d’Arnay-le-Duc
doit faire des concessions. En 1593, tions, mais à s’en servir avec le maxi-
vêtu et nourri comme eux, courant à en 1570. À la mort de sa mère (4 juin
il abjure le protestantisme (Saint-De- mum d’efficacité. C’est ainsi qu’il faut
leurs côtés et escaladant pieds nus les 1572), il régna seul en Navarre. Son
nis, 25 juill.) ; l’année suivante, il peut comprendre l’établissement, en 1604,
montagnes du pays. mariage (août 1572) avec Margue-
se faire sacrer à Chartres (27 févr. de la « paulette », édit qui permet aux
Son instruction fut bien moins rite de Valois (1553-1615), soeur de
1594) et entrer triomphalement à Paris détenteurs d’offices de transmettre
négligée qu’on ne l’a dit. Il traduisit Charles IX, servit de gage à une de ses
(22 mars). ceux-ci à leurs héritiers moyennant une
en entier les Commentaires de César. nombreuses paix boiteuses qui clôtu-
Il entreprend ensuite la reconquête taxe annuelle, représentant le soixan-
Plutarque était une de ses lectures raient momentanément la lutte entre les
des provinces encore insurgées ou tième de leur valeur. Il faut y voir non
favorites. Henri y trouvait, ainsi qu’il protestants et les catholiques.
aux mains des Espagnols. En 1595, pas un simple expédient financier, mais
le rapporte dans ses lettres, « des Mais, quelques jours après la céré-
Mayenne est battu à Fontaine-Fran- le dessein de créer dans les familles
maximes excellentes pour ma conduite monie, le massacre de la Saint-Barthé-
çaise. En 1597, Philippe II, qui vient d’officiers une solide tradition de ser-
et pour le gouvernement des affaires ». lemy (24 août 1572) ranima le conflit
de perdre Amiens, se résout à trai- vice d’État.
Mais l’essentiel de sa formation pro- religieux. Si Henri conserva la vie, il
ter. La paix de Vervins (2 mai 1598) En une dizaine d’années, Henri IV
vient de son expérience des hommes et dut abjurer sa foi, se convertir au ca-
confirme le traité du Cateau-Cambré- réussit le miracle de refaire du pays
des contacts directs qu’il recherchait. tholicisme et rester prisonnier à la cour
sis de 1559. On revient ainsi à l’état ruiné par les guerres une grande puis-
Par là, Henri était au fait des besoins de France. Il s’en échappa en 1576 et
de choses antérieur aux guerres de sance économique. Il est bien secondé
et des désirs des différents groupes redevint aussitôt calviniste et chef du
Religion. par son ministre Sully*, qui s’emploie
sociaux. Roi, il conservera cette habi- parti protestant.
Il s’agit, en outre, de pacifier le pays, à rétablir de saines finances. D’un sys-
tude ; Jean Richer nous le montre
et c’est alors qu’Henri IV se révèle un tème fiscal mauvais et injuste, Sully
« passant le bac de Neuilly, où il y L’héritier de France
grand politique et un grand esprit bien tire le meilleur parti possible.
avait quantité de paysans, se fourrant
En 1584, la mort de François d’Alen- en avance sur son temps. Le pays, il est Dès 1601, il équilibre le budget ;
aussitôt parmi eux et demandant à l’un
çon, frère du roi Henri III, qui n’a pas vrai, las des terribles guerres civiles, pour la première fois depuis long-
une chose, à l’autre une autre ». Des
d’enfants, fait d’Henri de Navarre l’hé- n’aspire qu’au repos et lui laisse une temps, les recettes sont évaluées avec
théories de gouvernement, il n’a cure ;
ritier du trône de France. Henri III, qui pleine liberté d’action. précision, les receveurs généraux sont
c’est l’empirisme qui dirige ses actes,
se méfie des Guise, le reconnaît pour étroitement contrôlés et doivent verser
mais un empirisme enté sur l’expé-
son successeur. La pacification, le les surplus qui ne sont pas utilisés sur
rience quotidienne des réalités de son
royaume. Le parti catholique, effrayé de cette redressement national place, les dépenses sont prévues dans
éventualité, stimulé par l’ambition des le détail. On supprime également les
Roi absolu, Henri IV saura user L’édit de Nantes du 13 avril 1598,
Guise et soutenu par les deniers du roi exemptions d’impôts abusives (lettres
d’habileté et de souplesse dans l’exer- s’il proclame le catholicisme religion
d’Espagne, organise la Ligue, dont le de noblesse, usurpations des grands
cice du pouvoir. En avril 1605, les de l’État, accorde aux protestants la
but ultime est le maintien de la France seigneurs).
bourgeois de Paris s’étant révoltés à liberté de conscience et de culte, et
dans le catholicisme, ce qui, selon l’es- Non seulement Sully parvient à
propos de projets de réduction de rentes leur octroie des privilèges politiques
prit du temps, est jugé incompatible payer de lourdes dettes — Henri IV a
sur l’Hôtel de Ville, une sédition armée considérables (places de sûreté, garni-
avec la présence d’un protestant sur le emprunté des sommes énormes pour
s’ensuivit. Henri IV céda et se justifia sons, droit d’assemblée...). Déjà durant
trône. mener à bien sa guerre de reconquête
en ces termes auprès de ceux qui lui la bataille de Coutras, en 1587, Henri
Henri III, débarrassé des Guise, —, mais également il réussit à faire
reprochaient son attitude : « L’autorité s’était écrié : « Plus de sang, ils sont
ne consiste pas toujours à pousser les s’allie à Henri de Navarre à l’entre- des économies et à constituer d’im-
Français, recevez-les tous à merci. »
choses avec la dernière hauteur ; il faut vue de Plessis-lez-Tours et vient avec portantes réserves. En 1610, il paie
Après 1598, le roi ne songera plus
lui assiéger Paris, alors aux mains des 278 millions de dettes et peut mettre à
regarder le temps, les personnes et le qu’à panser les plaies dues aux lon-
sujet. » Il ne dédaignait pas non plus ligueurs. C’est là qu’il est assassiné. la disposition du roi une épargne d’une
gues guerres civiles et à réorganiser
Sa mort (2 août 1589) fait du roi de centaine de millions.
le détail des affaires, pour lequel sa l’État. Hormis une guerre courte avec
mémoire excellente le favorisait. Navarre un roi de France. Mais il reste Dans une ordonnance de 1599,
le duc de Savoie et qui vaut à la France
à celui-ci à conquérir son royaume. À Henri IV proclame : « La puissance et
Il était aussi rude soldat que bon en 1601 (traité de Lyon) la Bresse, le
Paris, la Ligue lui oppose son oncle, la richesse des rois et des souverains
stratège. Il eut comme instructeur Gas- Bugey, le Valromey et le pays de Gex,
le vieux cardinal Charles de Bourbon. consistent dans la richesse et le nombre
pard de Coligny et le célèbre capitaine sa politique étrangère est résolument
Henri IV n’est que le roi des hugue- de leurs sujets. » Pour ranimer la vie
François de La Noue (1531-1591). Son pacifique. Il s’emploie, précurseur en
nots. Malgré de brillantes victoires sur économique, il ordonne la remise du
courage était légendaire ; en 1580, du- cela de Richelieu, à abaisser la maison
le duc de Mayenne à Arques (21 sept. reste des tailles dues jusqu’en 1596.
rant les guerres religieuses, il se cou- d’Autriche en s’alliant avec les princes
1589) et à Ivry (14 mars 1590), Henri
vrit de gloire au siège de Cahors, où il protestants allemands et les Suisses L’agriculture est prépondérante dans
ne parvient pas à entrer dans Paris, car
prit part personnellement à une terrible contre les Habsbourg de Vienne et avec un pays qui compte 90 p. 100 de ruraux
Alexandre Farnèse, venu des Pays-Bas,
bataille de rues qui dura cinq jours. En la Toscane, Mantoue, Venise et la pa- et où l’argent s’investit presque uni-
1595, au siège de La Fère, il réduisit la le force à en lever le siège. pauté contre les Habsbourg de Madrid, quement dans la terre. Pour faciliter le
ville, tenue par les Espagnols, en inon- Ce sont les erreurs de ses ennemis possesseurs du Milanais et du royaume développement agricole, on encourage
dant le plat pays d’alentour, et c’est par qui vont lui faciliter la tâche. À Paris, de Naples. le rachat des prés communs aliénés
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à vil prix par les communautés pay- planter des mûriers pour le développe- principales de cette oeuvre de redresse- froi V Plantagenêt, est investi du duché
sannes, on interdit la saisie du bétail ment des vers à soie ; c’était là une des ment, mais celle-ci est fonction d’une de Normandie* par son père dès 1150.
et de l’outillage par les créanciers, on idées émises par Olivier de Serres. La forte autorité à la tête du pouvoir ; Comte d’Anjou, du Maine et de Tou-
permet la libre circulation des blés et, soierie italienne, tissée à Lyon, péri- qu’un gouvernement faible comme une raine à la mort de ce dernier, en 1151,
en 1601, on proscrit la chasse dans les clite à l’avantage de la soierie natio- régence s’y installe, et tout peut être et duc de Poitou et d’Aquitaine grâce à
récoltes, du printemps aux vendanges. nale, produite à Tours. remis en cause. son mariage avec Aliénor d’Aquitaine
La charge de maître des eaux et forêts en 1152, le jeune prince devient enfin
Des manufactures, pour lesquelles C’est ce qui arrive lorsque Henri IV,
est créée, et les coupes de bois sont roi d’Angleterre en 1154, à la mort
on fait appel à des ouvriers étrangers, le 14 mai 1610, tombe sous le couteau
interdites dans les forêts royales. d’Etienne de Blois, qui a fait de lui son
sont installées dans toute la France de Ravaillac. Crime d’un fanatique
Le pouvoir propage le traité d’agro- (dentelles à Senlis, cuir dans le Poitou, isolé ou manoeuvré par les Habsbourg, héritier en vertu d’un accord conclu en
nomie d’un gentilhomme du Vivarais, tapisseries aux Gobelins). On souhaite alors menacés par la France d’une 1153.
Olivier de Serres (1539-1619). Son également donner des règlements à intervention militaire, complicité dans
Théâtre d’agriculture et mesnage des toutes les corporations. l’entourage de la reine ? La question Le personnage
champs (1600), qui a cinq éditions en n’a pas été élucidée.
En 1601, un bureau de commerce, Henri II règne dès lors sur un immense
quelques années, s’adresse aux nobles véritable office des inventions, est créé. Toujours est-il que le meurtre du empire anglo-angevin, s’étendant
et aux propriétaires exploitants, mais, En même temps, une commission s’em- roi, en laissant le pouvoir à l’incapable des frontières de l’Écosse à celles de
grâce à leur influence sur leurs fer- ploie à rendre les rivières navigables et Marie de Médicis (qu’il a épousée l’Espagne, et nul ne paraît plus quali-
miers, cet enseignement pénètre lente- à construire des canaux latéraux ou de en 1600), va compromettre sérieuse- fié que lui pour mettre fin à l’anarchie
ment dans les couches inférieures de la jonction, principalement entre Loire et ment l’oeuvre d’Henri IV, causer de anglaise. Fidèle à l’Anjou (il se fera
paysannerie. Seine (canal de Briare), Loire et Saône, nouvelles ruines jusqu’à la magistrale enterrer à Fontevrault), ignorant l’an-
L’assèchement des terres maréca- Saône et Meuse, Aude et Garonne reprise en main des rênes du gouverne- glais, Henri II « roi français d’Angle-
geuses constitue une entreprise origi- (canal des Deux-Mers). Des ponts sont ment par Richelieu*.
terre » est en effet l’un des plus grands
nale. Henri IV en charge un Hollan- construits ; les routes sont améliorées P. P. et P. R.
souverains qui aient régné sur ce pays.
dais de Bergen op Zoom, Humphrey par des plantations d’arbres sur leurs F Bourbons / France / Marie de Médicis / Reli-
Doté d’une solide instruction, notam-
gion (guerres de) / Valois.
Bradley, nommé maître des Digues en bordures et même par des pavages en
ment en matière juridique, parlant à la
1599. C’est un technicien, mais aussi certains endroits. P. de Vaissière, Henri IV (Fayard, 1928).
fois le français et les langues méridio-
un riche capitaliste, qui peut avancer / M. Reinhard, Henri IV ou la France sauvée
Henri IV, malgré Sully, qui y était nales, connaissant le latin, il est tout à
(Hachette, 1943). / R. Mousnier, la Vénalité
l’argent grâce à de petites communau- opposé, soutient au Canada* les efforts des offices sous Henri IV et Louis XIII (Mau- la fois un remarquable administrateur,
tés d’ouvriers hollandais ; il va assé- de Champlain* et de Pierre de Gua, gard, Rouen, 1946 ; 2e éd., P. U. F., 1971) ;
un excellent juriste et un bon chef de
cher le marais poitevin, la Limagne, le l’Assassinat d’Henri IV. 14 mai 1610 (Gallimard,
sieur Des Monts, qui envisagent une guerre.
1964). / M. Andrieux, Henri IV dans ses années
marais Vernier, à l’embouchure de la nouvelle formule de colonisation, fon- pacifiques (Plon, 1954). / F. Gébelin, l’Époque
Seine, la Gascogne. dée non sur l’or, mais sur l’agriculture d’Henri IV et de Louis XIII (P. U. F., 1969). / R.
de Castries, Henri IV, roi de coeur, roi de France
L’administrateur
Les résultats de ces efforts ne sont et l’élevage. Des paysans manceaux,
(Larousse, 1970).
pas douteux, mais, s’ils ont permis angevins et normands commencent à Dès son avènement en Angleterre,
d’augmenter le nombre des paysans émigrer vers le Canada. Henri II procède à la récupération
aisés, la propriété paysanne demeure des terres du domaine et des droits
Le prestige de la monarchie se trouve
réduite et la grande masse des habitants régaliens aliénés par son prédécesseur,
renforcé par des constructions tant à
des campagnes reste misérable. Le but
Henri IV (style) imposant la destruction des forteresses
Paris qu’en province. Dans la capitale,
recherché par le pouvoir n’est d’ail- abusivement construites. Il entreprend
le Pont-Neuf est édifié, le Louvre est
F LOUIS XIII (styles Henri IV et).
leurs pas là ; celui-ci vise avant tout la également de réorganiser le gouverne-
prolongé par une galerie qui le joint
fixation d’une solide noblesse rurale, ment du royaume.
aux Tuileries, la place Royale s’élève,
mais ce sera un échec, car, dès cette
l’hôpital Saint-Louis est fondé. La Restreinte aux officiers des services
époque, c’est surtout la bourgeoisie qui Bibliothèque royale est transportée centraux, la Curia regis (cour du roi)
acquiert les terres.
de Fontainebleau à Paris, augmen- Henri Ier Beauclerc en redevient l’organe essentiel. Clercs
tée des manuscrits grecs des Médicis (Roi d’Angleterre et d’origine normande pour la plupart, tels
La politique mercantiliste et ouverte au public. On construit le les chanceliers Thomas Becket (1156-
L’industrie n’est pas non plus négligée. château de Saint-Germain-en-Laye, duc de Normandie) 1162), Raoul de Wanneville et Geof-
le collège de La Flèche et on embellit froi, fils bâtard du roi, ou les grands
En ce domaine, l’influence qui s’im-
Fontainebleau. F ANGLETERRE. justiciers Richard de Lucé et Renouf
pose est celle de Barthélemy de Laffe-
mas (1545 - v. 1612), un petit noble du Dans le domaine religieux, Henri IV de Glanville, ces officiers fidèles sont
Dauphiné. Il prône un mercantilisme se montre fervent catholique et favo- chargés par Henri II de diriger les sec-
national : c’est, avec un demi-siècle rable à l’adoption des décrets du tions spécialisées qui se dégagent, plus
d’avance, le système qu’adoptera concile de Trente, mais l’opposition Henri II rapidement qu’en France, de la Curia
Colbert*. Laffemas veut empêcher la des gallicans et du parlement empêche regis, dont l’Hôtel, avec ses annexes
cette mesure. Le roi nomme néan-
Plantagenêt — Chambre du roi et Garde-robe —,
fuite des métaux précieux, permettre
à la France de se suffire à elle-même moins d’excellents prélats, comme reste le coeur.
(Le Mans 1133 - Chinon 1189), duc
et de donner du travail à tous ses Jean-Pierre Camus (1582-1652) à Bel- Ainsi s’individualisent rapidement
de Normandie (1150-1189), comte
habitants. En conséquence, on fait la ley ou Sébastien Zamet (1588-1655) la Chancellerie, l’Échiquier, que le tré-
d’Anjou (1151-1189), duc d’Aqui-
chasse à l’oisiveté, on lutte contre le à Langres. Il favorise Bérulle*, essaie sorier Richard Fitz-Neel dédouble en
taine (1152-1189) et roi d’Angleterre
vagabondage. d’attirer saint François* de Sales et Cour des comptes (Haut Échiquier) et
(1154-1189).
protège les Jésuites. en Trésorerie (Bas Échiquier), enfin la
Henri IV tempère dans la pratique ce
que ce programme avait de trop rigide En 1610, les rouages de l’absolu- Curia regis, qui se développe en une
Les héritages
pour l’époque. Pour rendre nationale tisme sont en place, et l’économie est cour de justice jouant le rôle d’un tri-
l’industrie de la soie, qui occasionnait prospère. L’absence d’une marine, la Henri Plantagenêt, fils de l’impératrice bunal ordinaire pour tout le royaume
de grosses sorties de numéraire, il fait misère des campagnes sont les lacunes Mathilde et du comte d’Anjou, Geof- et dont émanent de nouvelles institu-
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tions judiciaires : celle des « juges iti- ment les ressources de son domaine, chefs gallois et oblige le roi d’Écosse, En fait, si l’empire qu’il a fondé ne
nérants », qui tiennent régulièrement ordinairement affermées aux shérifs. Guillaume le Lion, à lui prêter hom- lui survit pas longtemps, Henri II, par
à partir de 1176 des sessions solen- Il les accroît en outre des revenus de mage après la défaite d’Alnwick en contre, et de manière paradoxale, a
nelles de cour de comté, érigée pour son empire continental ainsi que du 1173. joué un rôle essentiel dans le processus
un temps en cour du roi, en voyage ; produit des nombreux impôts indirects d’unification du royaume de France.
En fait, ces succès d’Henri II sont
celle des cinq juristes de la capitalis (coutumes portuaires et de marché) P. T.
compensés par de graves difficultés.
Curia regis (ou Banc du roi), créée en ou directs qu’il lève très fréquem- F Angleterre / Anjou / Aquitaine / Bretagne /
Les premières lui sont suscitées par
Écosse / Galles (pays de) / Gascogne / Guyenne
1178 et qui accompagne souvent le roi ment sur ses sujets, tel l’écuage, taxe
l’Église d’Angleterre, dont le primat, / Irlande / Louis VII / Maine / Normandie / Phi-
en voyage ; celle, enfin, de la Cour des de remplacement du service militaire lippe II Auguste / Plantagenêt / Thomas Becket /
Thomas* Becket, archevêque de Can-
plaids communs, qui, du fait du noma- qu’il perçoit sept fois sur les fiefs des Touraine.
terbury, refuse d’approuver les seize
disme de la précédente, devient sous la chevaliers. Il dispose ainsi de moyens SOURCES. L. Delisle, Recueil des actes de
constitutions de Clarendon de 1164,
présidence du grand justicier l’organe financiers lui permettant d’entretenir Henri II roi d’Angleterre et duc de Normandie
qui prétendent assujettir à la justice concernant les affaires françaises et les affaires
permanent de la justice royale, siégeant une puissante armée : l’« assise des
royale les clercs criminels, imposer de France (Klincksieck, 1910-1920 ; 2 vol.).
à Westminster. armes » (1181) impose à tous ses su- J. H. Ramsay, The Angevin Empire or the Three
aux prélats l’élection de leurs pairs
jets nobles et libres la possession d’un Reigns of Henry II, Richard II and John, 1154-
Au niveau local, la centaine (hun- dans la chapelle royale et soumettre 1216 (Oxford, 1903 ; 8 vol.). / J. Boussard, le
dred) et surtout le comté sont réorga- équipement plus ou moins complet.
tout appel en cour de Rome à l’assenti- Comté d’Anjou sous Henri Plantagenêt et ses
nisés. Au sein de la première, l’assise ment préalable du souverain. Contraint fils, 1151-1204 (Champion, 1938) ; le Gouverne-
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tels Thomas Linacre (qui lui a ensei- effraient l’Europe. En août 1513, l’ar- qu’en partie), alors qu’en 1526 on à se réunir et est supprimée après sa
gné la grammaire latine) et Érasme lui- mée anglaise remporte la facile vic- doit avoir recours à des emprunts plus première réunion, en 1529.
même, avec lequel il a correspondu. toire de Guinegatte, suivie de la prise ou moins forcés, sans grand succès S’il veut divorcer d’avec Catherine
C’est ainsi qu’il se montrera par la de Thérouanne et de Tournai. En réa- d’ailleurs. d’Aragon, Henri doit rompre avec
suite capable de discuter avec des théo- lité, le plus dur combat s’est déroulé en Rome. Deux raisons l’y poussent : la
La situation est donc beaucoup
logiens et qu’il prendra lui-même la Angleterre, puisque la vieille alliance moins satisfaisante qu’auparavant, et nécessité, pour assurer la paix en An-
plume pour défendre, en un traité assez franco-écossaise a de nouveau joué gleterre, d’avoir un héritier mâle et son
Wolsey a du mal à se maintenir dans
réussi, les Sept Sacrements contre et que le roi d’Écosse, Jacques IV, a amour pour Anne Boleyn, dont il est
son rôle profitable d’arbitre de l’Eu-
Martin Luther (1521). Mais cet homme envahi l’Angleterre : à la bataille de
rope. Elle est pourtant encore aggravée tombé amoureux dès 1527. La tâche
cultivé n’est pas un homme d’étude ; Flodden (sept. 1513), Thomas Howard, n’est d’ailleurs pas insurmontable, tant
lorsque Henri VIII, malgré les objurga-
il s’adonne aussi aux arts d’agréments devenu duc de Norfolk, écrase les Écos- l’impopularité de la papauté est grande
tions de son ministre, entreprend de di-
(c’est un excellent flûtiste) et surtout sais. Jacques IV ayant trouvé la mort
vorcer d’avec la reine Catherine d’Ara- et tant le désir d’obtenir une autonomie
aux exercices physiques ; grand chas- pendant le combat, l’Écosse devient, aussi étendue que possible à l’égard
gon, qui ne lui a pas donné d’héritier.
seur devant l’Eternel, infatigable cava- pendant la longue régence qui suit, un de Rome est grand au sein de l’Église
lier, bon lutteur, il fera à cet égard au champ clos où s’affrontent les ambi- même d’Angleterre.
moins jeu égal avec son brillant rival,
La rupture avec la
tions françaises et anglaises, et cesse
papauté et le divorce Dans la partie qu’il engage avec
François Ier. Dans sa jeunesse, Henri d’être dangereuse pour l’Angleterre.
Rome, si Henri ne peut compter sur
a grande allure : plus grand que la d’Henri VIII
Toutefois, il n’y a pas grand-chose Wolsey, disgracié dès 1529, il a l’ap-
moyenne, assez fort, le teint clair et
à gagner à une guerre contre la France. Le problème des mariages d’Henri VIII pui du Parlement (le « Parlement de la
les cheveux d’un blond vif, il est tou-
Dès 1514, la paix est conclue, et la va se révéler d’une importance primor- Réforme » siégera de 1529 à 1536) et
jours magnifiquement vêtu. Plus tard,
soeur d’Henri, Marie, épouse le vieux diale dans l’histoire de son règne. Il y celui de la « Convocation » (assemblée
lorsqu’une ulcération de la jambe le
Louis XII. a deux raisons à cela. Tout d’abord, la du clergé anglais), obtenu, il est vrai,
forcera à s’aider d’une longue canne,
Une politique nouvelle, défen- dynastie Tudor ne s’est établie qu’en par un mélange savant de flatteries et
il gardera au moins une grande majesté
due brillamment par Thomas Wolsey éliminant impitoyablement tous les de menaces. Dès 1531, il reçoit le titre
dans son aspect.
(v. 1473-1530), promu à l’épiscopat nobles apparentés à la famille royale de Protecteur de l’Église d’Angleterre.
Prince imposant, il est cependant (exécution de Warwick en 1499 sous
en 1514 et qui est déjà un véritable En 1532, il supprime les annates (im-
d’abord agréable. Pourtant, son charme Henri VII, d’Edmund de la Pole,
« Premier ministre », est inaugurée : pôts payés à Rome par l’Église d’An-
un peu facile cache un fond de vio-
l’Angleterre garde une neutralité, plu- comte de Suffolk, en 1513 et d’Ed- gleterre) et, ayant obtenu de l’Église
lence, d’égoïsme et de froide volonté :
tôt amicale à l’égard de la France, qui ward Stafford, duc de Buckingham, d’Angleterre un divorce en bonne et
très vite, ceux qui l’approcheront sau-
lui permet de jouer le rôle d’arbitre en en 1521 sous Henri VIII). L’impossi- due forme, épouse Anne Boleyn en
ront que « l’inimitié du roi signifie la
Europe, où s’affrontent à partir de 1515 bilité pour le roi d’obtenir un héritier 1533. Mariage d’ailleurs malheureux,
mort ». Et ce dernier trait de caractère
François Ier et Charles Quint. En 1515, mâle de son épouse légitime (dont il puisqu’en ne donnant au roi qu’une
devient de plus en plus évident à par-
la fortune de Wolsey paraît encore n’aura qu’une fille, la future Marie Ire* fille (la future Élisabeth Ire*) et un
tir de la brouille avec Anne Boleyn.
mieux assurée : devenu chancelier, il Tudor) laisse donc planer la menace fils mort-né la reine sera incapable
Malgré cette « ambiguïté », Henri VIII
reçoit le chapeau de cardinal. d’une grave crise politique, aggravée de remplir le devoir que lui avait fixé
sera, dans l’ensemble, non seulement
par l’existence d’un fils bâtard du roi, Henri VIII. On profitera de quelques
un souverain redouté, mais aussi un En 1519, Henri VIII joue au candi-
le duc de Richmond (1519-1536). Plus légèretés de sa part et aussi de son
dat au titre impérial : mais, là encore,
souverain populaire. Il est vrai qu’après
tard, le mariage du souverain avec des caractère entier pour la faire exécuter
la vraie rivalité est entre Charles et
quelques maladresses initiales il saura
jeunes femmes issues de l’aristocratie en 1536, le roi étant pressé d’épouser
habilement manier l’opinion publique. François. Charles l’ayant emporté, il
anglaise, s’il lui permet d’avoir enfin sa nouvelle passion Jeanne Seymour.
apparaît que la neutralité anglaise n’est
un héritier, hausse au niveau de la fa- En 1534, la rupture avec la papauté est
plus de mise. Bien que le somptueux
Henri VIII et Wolsey mille royale des familles telles que les consommée.
« Camp du Drap d’or », où Henri VIII
Les débuts du règne d’Henri VIII Howard ou les Seymour.
rencontre François Ier et fait assaut de
apparaissent tout d’abord comme la munificences avec lui, ait pu être inter- La seconde raison est d’ordre reli-
La marche au
continuation du règne précédent. L’al- prété comme le prélude à une alliance gieux. Pour que le roi puisse se marier protestantisme
liance traditionnelle avec l’Espagne est franco-anglaise (1520), c’est en fin de à sa guise, il faut qu’il puisse divorcer. (1529-1540)
conservée, puisque, dès après son avè- compte du côté de l’Empire qu’Henri Or, il a été marié à Catherine d’Ara- Pourtant, la volonté de rester fidèle à
nement (1509), le jeune roi a épousé la et son conseiller penchèrent. gon grâce à une dispense pontificale, une sorte de « catholicisme sans pape »
veuve de son frère, Catherine d’Ara-
Cette guerre n’apporte rien de plus puisqu’elle était veuve de son frère, le est très nette : les mesures prises par
gon, de six ans son aînée. prince Arthur. Ce qu’un pape a fait, un
aux Anglais que là précédente. Les Henri VIII doivent être considérées
L’équipe dirigeante est maintenue, expéditions de Thomas Howard (1475- autre peut essayer de le défaire. Il y a comme des mesures provisoires, des-
au moins au niveau supérieur (l’arche- 1554), le fils du vainqueur de Flodden, d’ailleurs des précédents (tel le divorce tinées à servir de monnaie d’échange
vêque William Warham [v. 1450-1532] et celles de Charles Brandon, duc de du roi de France Louis XII). Le mal- dans une négociation avec Rome... qui
comme chancelier, l’évêque Richard Suffolk, en France et en Espagne (1522 heur pour Henri VIII est qu’à l’époque ne pourra jamais s’ouvrir. C’est ce qui
Foxe [v. 1448-1528] comme garde et 1523) sont des échecs, et, en 1525, la où il engage les négociations avec explique que nombre de protestants
des sceaux et Thomas Howard [1443- paix est conclue. Henri s’attache même, Rome sur ce point le pape se trouve furent brûlés (par exemple Thomas
1524], comte de Surrey, comme tré- pendant un moment, à organiser une pratiquement au pouvoir de Charles Bilney). Cependant, sur les conseils de
sorier), puisque les agents subalternes armée destinée à lutter contre Charles Quint, alors ennemi du roi d’Angle- ses nouveaux hommes de confiance,
d’Henri VII, très impopulaires, dispa- Quint, mais l’argent lui manque. Il faut terre et surtout neveu de Catherine Thomas Cromwell et Thomas Granmer
raissent (exécution de Richard Empson dire que les dépenses d’apparat des pre- d’Aragon ! Il n’est donc pas question (ce dernier archevêque de Canterbury
et d’Edmund Dudley en 1510). mières années du règne et les guerres de donner satisfaction à l’Anglais : en 1532), Henri semble avoir envisagé
Dès 1511, l’Angleterre adhère à la ont épuisé le Trésor, si soigneusement les négociations traînent en longueur. une nouvelle orientation. Sa troisième
Sainte Ligue (avec le pape, Venise, géré par Henri VII, et qu’en 1523 Wol- Une commission, dont la direction est femme, Jeanne Seymour, est d’ailleurs
l’Espagne et l’Empire), tournée contre sey a dû exiger un énorme subside du confiée à deux légats, Lorenzo Cam- plutôt favorable au protestantisme, et
la France, dont les ambitions italiennes Parlement (qui n’est d’ailleurs accordé peggio et Wolsey, met plus de deux ans la situation internationale (réconcilia-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
résistance des catholiques « papistes » Les oscillations de rine, et le surnom qui lui a été donné est
la juste récompense du rôle joué.
est brisée : les moines chartreux de la fin du règne Prince portugais (Porto 1394 - Sagres
Londres sont exécutés après d’hor- 1460). Pourtant, le prince Henri reste plus
Les dernières années du règne sont,
ribles supplices : Thomas* More et un homme de guerre qu’un marin : on
Dom Henrique est le cinquième
l’évêque John Fisher (1469-1535) sont à certains égards, glorieuses. Elles le trouve en 1437 aux côtés de dom
fils de Jean Ier le Grand, fondateur de
arrêtés et bientôt décapités. Les « Dix montrent bien, en tout cas, la puissance Fernando (1402-1443) lors de la tenta-
la dynastie d’Aviz*, et de Philippa de
Articles », promulgués en 1536, où de la monarchie anglaise, enrichie par tive malheureuse sur Tanger ; en 1458,
Lancastre, dont le nom est traditionnel-
sont sensibles les influences de Hugh il conseille son neveu Alphonse V
les dépouilles de l’Église : les armées lement associé aux débuts de l’expan-
Latimer et de Melanchthon, sont pleins l’Africain lors de l’expédition contre
anglaises abattent une nouvelle fois sion portugaise.
de l’esprit réformateur, sous une forme Alcazarquivir.
l’Écosse (bataille de Solway Moss en Le Portugal est la première puissance
modérée, il est vrai. Mais c’est aux expéditions mari-
européenne qui ait entrepris une poli-
1542) et, lorsque la guerre contre la
Pourtant, à partir de 1539, l’évo- tique d’expansion outre-mer de grande times que son nom reste attaché, car il
lution s’arrêta ou plutôt devint cohé- France éclate en 1544, elles se révèlent a su réunir, préparer, lancer les flottes
envergure. C’est toute une nation qui
rente. D’un côté, le parti protestant, capables de prendre la place forte im- qui firent du Portugal la première
s’est lancée dans l’aventure que de-
affaibli par la mort de Jeanne Seymour portante de Boulogne et de la garder. vaient couronner le voyage de Vasco de puissance impériale. Quels étaient ses
en 1537 à la naissance du seul fils du Gama* aux Indes et la colonisation du buts ? Religieux et mystiques ? Il a
À l’intérieur, pourtant, ces années
roi, Édouard (le futur Édouard VI*), Brésil. Cette politique trouve au XVe s. peut-être voulu suppléer une chrétienté
sont marquées par la lutte des factions
pousse à une diplomatie plus engagée des partisans dans toutes les couches méditerranéenne défaillante et une pa-
du côté des princes allemands : son aristocratiques : celle des Howard pauté incapable de mener la croisade
de la société. La noblesse, écartée de
chef-d’oeuvre est le mariage d’Henri (antiprotestante) d’une part, et celle la vie politique, ruinée par des déva- contre l’islm. On rejoint là des mo-
avec Anne de Clèves en 1540. La sup- luations successives, désire des com- biles politiques : pendant longtemps,
des Seymour et des Dudley (protes-
pression des monastères, menée à bien pensations. La bourgeoisie, active et ses capitaines ont eu pour mission de
tante) d’autre part. Le premier parti
par Cromwell, permet en outre au roi dynamique, a besoin de gomme et de retrouver le Prêtre-Jean, ce monarque
est cependant affaibli par l’inconduite
et à bon nombre de courtisans de rem- produits tinctoriaux pour l’industrie chrétien légendaire qui aurait permis de
plir leurs coffres et d’arrondir leurs de son meilleur atout : la reine Cathe- prendre en tenaille l’islam occidental.
textile ainsi que de nouveaux territoires
domaines. rine Howard est exécutée en 1542, et la pour une économie sucrière en plein Les mobiles économiques ont sûre-
Pourtant, les partisans du maintien nouvelle épouse d’Henri VIII, Cathe- essor. Enfin, le pays manque de blé et ment joué aussi ; peut-être aussi la
d’une doctrine aussi proche que pos- rine Parr, est plutôt favorable au pro- surtout d’or. Plus que la recherche des curiosité scientifique. Quels que soient
sible du catholicisme ont des argu- épices, dont l’intérêt n’apparaît qu’au le ou, plutôt, les buts poursuivis, cet
testantisme et, en tout cas, liée au clan
ments solides à faire valoir. Ainsi, milieu du XVe s., ce sont ces mobiles homme d’action a su devenir l’initia-
Seymour. Si bien que, lorsque, après le
les difficultés religieuses du royaume qui ont poussé les Portugais. teur et le coordinateur d’une politique
traité d’Ardres, qui prévoyait la resti-
ont été une gêne lorsqu’il s’est agi de En 1415, ceux-ci s’emparent d’expansion de grande envergure.
tution de Boulogne à la France (1546),
réprimer la révolte des Fitzgerald en de Ceuta, et c’est au prince Henri Dans sa résidence de Sagres, Henri
Irlande en 1534. De même, l’opposi- le roi Henri VIII entend régler les pro- qu’échoit l’honneur de hisser la ban- réunit une véritable académie d’astro-
tion papiste se révéla dangereuse : le blèmes intérieurs, il penche en faveur nière portugaise sur les murailles de la nomes, de cartographes et de marins
« Pèlerinage de Grâce », en 1536-37, des Seymour : Norfolk et son fils ville. Son nom est intimement associé expérimentés. Les renseignements
n’a pu être arrêté que par l’habileté de à cette première expédition outre-mer ; recueillis sont exploités, et de nou-
Henry Howard, comte de Surrey, sont
Thomas Howard (duc de Norfolk de- jusqu’en 1460, directement ou indirec- velles expéditions soigneusement pré-
arrêtés. Celui-ci sera exécuté quelques
puis 1524), qui a su parlementer avec tement, sa forte personnalité domine parées. L’infant met au service de cette
jours avant la mort du roi.
l’armée des « pèlerins » partis du Nord l’histoire de l’expansion portugaise. politique ses immenses revenus : les
catholique pour aller chercher le roi à Cette mort vient interrompre ressources de l’ordre du Christ — les
Faut-il faire de ce prince le candi-
Londres et qui s’est débarrassé traîtreu- successeurs des Templiers au Portugal
l’évolution commencée, et ce n’est dat d’une noblesse qui voulait se tailler
sement des chefs du soulèvement. Dès —, dont il est l’administrateur, puis les
qu’au cours du règne suivant, celui des fiefs outre-mer ? La colonisation
1539, d’ailleurs, les « Six Articles » bénéfices, directs ou indirects (vente
de Madère et des Açores semblerait
d’Édouard VI, que le protestantisme
marquent un retour en arrière : ainsi, de licences, quint), tirés du commerce
confirmer ces vues. Mais l’infant ap-
le célibat des prêtres est nettement paraîtra triompher en Angleterre. avec l’Afrique noire.
paraît aussi comme un entrepreneur
affirmé, et l’archevêque Cranmer doit J.-P. G. On pourra objecter que les deux tiers
habile qui s’était réservé une part des
promptement renvoyer l’Allemande des expéditions-ont été faites en dehors
F Angleterre / Anglicanisme / Tudor. prodigieux bénéfices offerts par le
qu’il vient d’épouser. de lui, par des particuliers ou par son
commerce africain. Son frère Pierre le
A. F. Pollard, Henry VIII (Londres, 1905 ;
Pourtant, l’échec des protestants va Voyageur (dom Pedro, duc de Coim- frère Pedro. Mais il faut noter que l’es-
nouv. éd., 1970). / F. Hackett, Henry VIII
venir de leur dernière victoire elle- bra) aurait été plutôt le candidat de prit de ces expéditions est totalement
(Londres, 1929 ; trad, fr., Payot, 1930, nouv.
même : Henri, qui avait épousé Anne de la bourgeoisie, favorable à une colo- différent : dans ce dernier cas, on re-
éd., Club du meilleur livre, 1960). / S. T. Bindoff,
Clèves sur la foi des rapports enthou- Tudor England (Harmondsworth, 1950 ; 2e éd., nisation pacifique et au commerce. Il cherche les possibilités commerciales
siastes d’ambassadeur et d’un portrait 1959). / P. Hughes, The Reformation of England est significatif que les expéditions les de zones déjà reconnues ; mais c’est
pour le moins flatteur de Hans Holbein, (Londres, 1951-1954 ; 3 vol.). / J. D. Mac- plus nombreuses coïncident avec la aux flottes du prince Henri qu’incombe
est profondément déçu par sa nouvelle kie, The Earlier Tudors, 1485-1558 (Oxford, régence de Pierre (1438-1448). Le rôle la rude tâche de découvrir des mondes
épouse, laide, vulgaire et grossière. Un 1952). / G. R. Elton, England under the Tudors que celui-ci a joué dans ce domaine nouveaux. Ses capitaines, portugais
divorce (par consentement mutuel) met (Londres, 1955). / J. Bowle, Henri VIII, a Biogra- est quelque peu oublié ; il est vrai que comme Gil Eanes, Nuno Tristão ou
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Diogo Gomes, italiens comme Alvise de Puccini et de Massenet composent, circonscrites (mais on verra qu’il y a « B » est responsable de l’hépatite
Ca’ da Mósto, explorent méthodique- au travers d’une trame dodécapho- des formes de passage), des affections dite « d’inoculation », car la maladie
ment les côtes africaines. En 1460, nique, un ensemble volontairement dégénératives et notamment des cir- survient à la suite de l’injection d’un
quand meurt le prince Henri, ils ont morbide. L’Idiot (1952), ballet d’après rhoses* (mais, là encore, l’évolution produit dérivé de sang humain conta-
déjà atteint la Sierra Leone, près de Dostoïevski, relève également de cette vers celles-ci est possible) ou des affec- miné. Son incubation se situe entre 60
l’actuelle Freetown. manière composite et expressionniste ; tions tumorales, bénignes ou malignes. et 120 jours en moyenne. L’utilisation
Certes, beaucoup d’efforts ont été il en est de même de l’Interminable de plus en plus répandue des transfu-
Cette définition reste cependant suf-
perdus, voire gaspillés, malgré la Chemin dans la demeure de Natascha sions et des injections de dérivés san-
fisamment générale, et le terme d’hé-
grande prudence de l’infant ; mais Ungeheuer, créé à Rome en mai 1971 guins a fait croître considérablement
patite recouvre un grand nombre d’af-
celui-ci a l’excuse d’avoir tenté l’aven- et accueilli à Berlin par une tempête de le nombre de cas de ces hépatites
fections disparates qu’il vaut mieux
ture, alors que nombre de ses compa- protestations. Cet opéra, écrit pour dix- « B ». Récemment a été découvert un
envisager en fonction de leurs causes
triotes se sont contentés de suivre ses sept instrumentistes sur un poème de antigène, dit « Australia », dont on
connues.
traces. Trois ans après sa mort, la fac- l’écrivain chilien Gaston Salvatore, se discute encore pour savoir s’il repré-
Dans le langage courant actuel,
torerie qu’il a créée à Lagos est trans- présente comme un manifeste politique sente le virus de l’hépatite lui-même
le ternie d’hépatite employé seul est
férée à Lisbonne, en attendant que la qui stigmatise une certaine bourgeoisie ou s’il est un facteur associé, témoin
le plus souvent synonyme d’hépatite
royauté elle-même prenne l’affaire en se targuant d’idées révolutionnaires. de l’infection virale. Son identification
virale. En effet, les hépatites à virus
main. Même si l’homme peut prêter à Dans Élégie pour de jeunes amants systématique dans les centres de trans-
ont été reconnues, surtout depuis la
la critique, l’ampleur de la tâche ac- (1961), un orchestre très aéré (piano, fusion sanguine permet d’espérer, en
Seconde Guerre mondiale, comme
complie justifie la place que tient dans harpe, mandolines et percussion) laisse éliminant les sangs atteints, de dimi-
étant la forme la plus fréquente des
l’histoire portugaise ce personnage de pleine liberté à la voix de s’épanouir nuer beaucoup les risques d’hépatite
hépatites. Disons d’emblée que la plu-
légende. en luxuriantes vocalises. Là encore, transfusionnelle.
part — semble-t-il — des hépatites
J. M. l’esprit surréaliste exploite, non sans À côté de ces hépatites virales habi-
virales donnent lieu à un ictère* (jau-
F Aviz (dynastie d’) / Empire colonial portugais charme, l’indécision entre le sérieux tuelles, il faut citer des hépatites dues à
/ Portugal.
nisse) : elles sont dites « hépatites icté-
et l’ironie, entre la fiction et la réalité. d’autres virus. La fièvre jaune, due au
rigènes ». Mais un certain nombre (et
Comemorações do 5 centenário da morte
En dépit d’une production assez iné- virus amarile, sévit surtout en Afrique
do Infante Dom Henrique (Lisbonne, 1961-
beaucoup peut-être passent-elles ina-
1963 ; 4 vol.). gale, le talent de mélodiste et de colo- perçues) ne s’accompagnent d’aucune et en Amérique du Sud. La mononu-
riste de Henze fait de ce musicien l’un cléose infectieuse (v. leucocyte) s’ac-
jaunisse : elles sont dites « hépatites
des compositeurs actuels les plus joués anictériques ». Ces hépatites sont, dans compagne souvent d’une hépatite qui
en Allemagne. reste en général sans traduction cli-
les formes habituelles, annoncées par
Henry (Pierre) une courte période de fièvre, associée à nique. L’ornithose et les rickettsioses*
Après avoir, dès son jeune âge, tra- tion dure de 15 à 30 jours ; elle est sui- coïdes et les immunodépresseurs.
Opéras
vaillé la musique en autodidacte, il est vie d’une convalescence marquée par Les hépatites infectieuses non vi-
Boulevard Solitude (1951) ; König Hirsch (le
en 1946 l’élève de Wolfgang Fortner à une fatigue persistante. Telle est l’évo- rales sont aujourd’hui assez rares. La
Roi Cerf) [1956] ; Der Prinz von Homburg
Heidelberg et subit la double influence lution habituelle de l’ictère viral, mais spirochétose ictéro-hémorragique est
(le Prince de Hombourg) [1960] ; Elegie
de P. Hindemith et de I. Stravinski. für junge Liebende (Élégie pour de jeunes il existe de nombreuses variantes : le type même de l’ictère infectieux
La connaissance qu’il fait ensuite des amants) [1961] ; Der junge Lord (le Jeune formes où l’intensité de l’ictère et sa cyclique. Le leptospire responsable,
Lord) [1965] ; Die Bassariden (1966) ; Natas- durée peuvent faire croire à un obstacle
oeuvres de l’école de Vienne l’incline d’abord considéré au moment de sa dé-
cha Ungeheuer (1971).
vers les méthodes dodécaphoniques, sur les voies biliaires ; formes sans jau- couverte, au début de ce siècle, comme
ainsi qu’en témoigne en 1947 son nisse au contraire, dont le diagnostic l’agent de tous les ictères infectieux,
Ballets
concerto de violon. L’année suivante, peut être méconnu si des examens de est en fait une cause rare d’hépatite, qui
Jack Pudding (1951) ; Labyrinth (1951) ; Der
il s’initie auprès de René Leibowitz à la Idiot (1952) ; Undine (1958). laboratoire ne sont pas faits en temps se voit surtout dans quelques profes-
technique sérielle. Directeur du ballet opportun : formes graves aboutissant sions exposées (travailleurs des abat-
au théâtre de Constance (1948-49), il R. J. et R. S. à un tableau de coma hépatique avec toirs, égoutiers, etc.). Parmi les mi-
est ensuite appelé à la tête du théâtre de D. de La Motte, Hans Werner Henze signes hémorragiques diffus ; formes crobes habituels, les cocci, entraînent
Wiesbaden (1950-1953). En 1953, il se (Mayence, 1960). prolongées avec apparition de signes rarement une hépatite diffuse. Ils sont
fixe à Ischia, en Italie. inflammatoires intenses et d’une cir- plutôt responsables de microabcès,
rhose, généralement à gros nodules. véritables localisations secondaires de
Sa production embrasse tous les
genres, mais ses ouvrages les plus im- Ces hépatites à virus relèvent de septicopyohémies. Les anaérobies et
portants et les plus personnels sont ses
hépatite deux modes de contamination : le les germes Gram négatif donnent sou-
oeuvres scéniques : Boulevard Solitude virus « A » est responsable de l’hépa- vent une atteinte hépatique lors des
Atteinte inflammatoire diffuse de la
(1951), opéra où un texte parlé d’esprit tite infectieuse, qui survient par petites angiocholites (infections ascendantes
surréaliste accompagné d’un montage glande hépatique (le foie). épidémies, pour lesquelles l’eau joue des voies biliaires [v. bile]) ou au cours
de bruits ainsi qu’une musique de jazz L’hépatite se distingue d’emblée un rôle de vecteur. Son incubation d’appendicites gangreneuses ou d’ab-
voisinant avec des mélodies inspirées des abcès*, qui sont des inflammations varie entre 15 jours et 2 mois. Le virus cès pelviens. Certains germes donnent
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
lieu à des atteintes bien particulières : [les frères]) à Paris, puis en Angleterre et élément dynamique en opposition avec (610-638), qui met à sa disposition les
les hépatites granulomateuses, pour voit beaucoup aussi Moholy-Nagy* et le caractère compact et statique du bloc richesses énormes de l’Église.
lesquelles la ponction-biopsie de foie* Mondrian*, qui a en 1938-39 un atelier sculpté. Mais à ces tendances s’op-
est d’un précieux secours. Il peut s’agir voisin du sien à Hampstead. En 1939, posent un goût sensuel du matériau et La restauration
de la tuberculose*, de la lèpre*, de la elle s’installe définitivement à Saint de son épiderme, et surtout l’usage de de l’Empire
brucellose*. Des hépatites granuloma- Ives, en Cornouailles. Après une pé- perforations : depuis le premier essai
L’existence même de l’Empire était
teuses se voient aussi au cours de la riode très difficile, son oeuvre devient de 1931, pierre, bois, bronze com-
en jeu : Héraclius résolut de le régé-
sarcoïdose ainsi que lors de quelques mondialement connu : exposition à portent souvent des ouvertures circu-
nérer en profondeur. Les territoires
parasitoses : bilharziose, distomatose, Leeds en 1943 ; Biennale de Venise en laires ou ovales, évidées obliquement,
byzantins d’Asie Mineure qui avaient
histoplasmose, etc. L’amibe (v. ami- 1950 ; exposition à la Whitechapel Gal- ce qui met en valeur les courbures sen-
échappé à la conquête sassanide furent
biase), lors de son invasion tissulaire, lery en 1954 ; grand prix de la Biennale sibles des surfaces. À partir de 1937,
divisés en grandes circonscriptions
entraîne souvent une hépatite diffuse de Sao Paulo en 1959 ; rétrospectives la pratique de la polychromie accentue
militaires, appelés thèmes, placés sous
que le traitement peut juguler ; sinon, du musée Kröller-Müller, aux Pays- ces effets : la zone colorée coïncide
l’autorité de « stratèges », qui avaient le
l’évolution se fait vers l’abcès du Bas, en 1965 et de la Tate Gallery en avec la concavité de ces ouvertures, qui
pas sur l’autorité civile. On y créa des
foie. Il existe de nombreuses hépatites 1968. Barbara Hepworth reçoit d’im- jouent en opposition avec les parties
biens militaires, dont le propriétaire
toxiques : les plus redoutables sont portantes commandes, comme Meri- convexes, laissées dans leur couleur
contractait l’engagement d’un service
dues au phosphore, à l’apiol (autrefois dian pour la State House, à Londres, en d’origine.
militaire héréditaire. Cette réforme,
utilisé comme abortif) et à l’amanite 1958, Winged Figure d’Oxford Street M. E.
outre qu’elle freinait l’extension de
phalloïde. Actuellement, les substances en 1962 et Single Form pour le siège J. P. Hodin, Barbara Hepworth (Éd. du
la grande propriété foncière en élar-
responsables sont plutôt le tétrachlo- des Nations unies, à New York. Griffon, Neuchâtel, 1961). / M. Shepherd, Bar-
bara Hepworth (Londres, 1963). / A. Bowness, gissant la couche des paysans libres,
rure de carbone, le tétrachloréthane, le Dès 1921, elle pratique la taille
The Complete Sculpture of Barbara Hepworth, eut pour effet de favoriser la création
trichloréthylène et le D. D. T. à haute directe. Elle se perfectionne, au cours 1960-1969 (Londres, 1971).
d’une armée nationale, dont le besoin
dose. De même, certains médicaments de son séjour en Italie, dans cette tech-
était d’autant plus impérieux que le
ne sont pas dénués de toxicité hépa- nique, qu’avaient pratiquée en Angle-
recrutement des mercenaires grevait
tique : soit par toxicité directe, soit par terre Henri Gaudier-Brzeska et Jacob
lourdement le Trésor, sans pour autant
un mécanisme de sensibilité indirecte, Epstein. L’absence de maquette lui Héraclides assurer la défense efficace de l’Empire.
ou idiosyncrasie. La liste de ces mé- permet d’obéir à toutes les suggestions
dicaments est longue, et la fréquence du matériau, d’en utiliser au mieux les ou dynastie L’importance accrue de l’Asie Mi-
neure à la suite de la slavisation des
des hépatites médicamenteuses varie possibilités, qu’il s’agisse de la pierre
d’Héraclius provinces européennes imprima à la
beaucoup pour chacun d’eux. Certaines — albâtres et marbres, onyx, serpen-
monarchie son caractère hellénique
de ces hépatites sont à prédominance tine, stéatite, granit, grès, ardoise — ou
Empereurs de Constantinople définitif : le latin, langue officielle du
de lyse (de destruction) cellulaire ; du bois, dont elle a utilisé d’innom-
(610-711). gouvernement, de l’administration et
d’autres entraînent surtout une réten- brables essences. Le métal fondu ne
Quand HÉRACLIUS Ier (v. 575-641, de l’armée, mais que les populations
tion biliaire. La majorité d’entre elles l’attire d’abord qu’épisodiquement,
empereur de 610 à 641) succède au n’entendaient plus, fut abandonné au
régresse parfaitement à l’arrêt du médi- car elle n’a pas un tempérament de
tyran Phokas (602 à 610), la situation profit du grec, qui avait toujours été
cament incriminé. modeleur, mais il lui permet, à partir
de l’Empire est désastreuse : l’écono- la langue de l’Église ; aux formules
J.-C. Le P. de 1957, de donner — que ce soit en
mie et les finances sont ruinées, le terri- ronflantes de la titulature impériale fut
A. Varay et J. Berthelot, les Hépatites vi- cuivre, en laiton, en bronze, voire en
toire dépecé, l’armée décomposée. Les substitué le titre de « basileus », que
rales (Masson, 1969). aluminium — une dimension monu-
le peuple employait depuis longtemps.
mentale à ses oeuvres. Avars dévastent impunément la pénin-
sule balkanique, cependant que leurs
La forme humaine, parfois aux li-
sujets slaves prennent en masse posses- La reconquête
mites de l’identifiable, domine l’oeuvre
Hepworth jusqu’en 1934. Elle refait une brève
sion du plat pays et s’infiltrent jusque
Disposant d’un État rénové et de
dans le Péloponnèse. Les populations
apparition, d’une manière très styli- forces militaires solides, Héraclius
(Barbara) autochtones cherchent refuge dans
sée, dans les années 1945-1949 et reste prend en main la reconquête des ter-
les forteresses du littoral, les régions
sous-jacente, à partir de 1953, dans des ritoires perdus. Il conclut la paix avec
Sculpteur anglais (Wakefield 1903). montagneuses et les îles de l’Archipel.
transpositions abstraites du thème de la le khn des Avars (619) et, à la tête
Elle s’inscrit à seize ans à la School Figure debout. Mais Barbara Hepworth Durant la première décennie du règne d’une forte armée, pénètre audacieu-
of Art de Leeds. Elle y rencontre Henry d’Héraclius, les territoires d’Espagne
est aussi attirée par une définition géo- sement en Arménie (622). Les Perses,
Moore*, de cinq ans son aîné, et entre métrique des volumes, proches, comme sont grignotés ; des exarques d’Italie vaincus, évacuent le Pont et la Cap-
avec lui au Royal College of Art, à chez Brâncui, de certaines formes or- font défection ; les Perses envahissent padoce. En 623, l’empereur enlève
Londres. En 1924, une bourse lui per- ganiques : oeufs, galets, oiseaux, nids, l’Arménie, la Syrie et une bonne par- Dwin et Nakhitchevan en Arménie ;
met de séjourner en Italie, où l’attirent cocons. Cette tendance aboutit souvent tie de l’Asie Mineure ; après un siège Ganzak (auj. Tabrz), ville sainte des
surtout l’art roman et l’art étrusque, à une scission de l’oeuvre en masses de trois mois, Jérusalem succombe Sassanides, est saccagée, mais, malgré
les fresques de Cimabue, de Giotto et distinctes — deux ou trois, parfois en 614, et la vénérable relique de lia de belles victoires, Héraclius ne par-
de Masaccio. Barbara Hepworth porte plus —, qui jouent en contrepoint. Il Croix prend le chemin de Ctésiphon. vient pas à forcer l’entrée de la Perse
un grand intérêt à Tari des Cyclades, y a enfin chez Barbara Hepworth une Comme en 609, un détachement perse (624-625). Brusquement, la vie même
à l’art grec archaïque, à l’art égyp- attirance pour la géométrie stricte des vient camper en 615 sur le rivage du de l’Empire est remise en question : en
tien, mais les influences déterminantes constructivistes : elle a fait partie, en Bosphore. L’Égypte, grenier à blé de 626, une armée perse traverse l’Asie
seront celles de Brâncui* et de Arp*, effet, des groupes Cercle et Carré de Constantinople, est conquise en 619, Mineure et campe devant Chalcédoine,
à qui elle rend visite à Paris au cours Paris et Unit One et Circle de Londres, ce qui provoque dans la capitale une cependant que le khn des Avars ras-
d’un voyage en 1932. Elle a, entre- et dans son oeuvre sont discernables famine et une dévaluation monétaire. semble une masse énorme de Barbares
temps, épousé en secondes noces le des influences de Mondrian, de Ben La situation est si désespérée que devant les remparts de la capitale, qui
peintre Ben Nicholson* et partage avec Nicholson et surtout de Gabo. De ce l’empereur envisage de transporter sa est attaquée sur terre et sur mer. En
lui le même atelier pendant trois ans et dernier, elle reprend l’utilisation des résidence à Carthage : il en est empê- l’absence de l’empereur, le patriarche
demi. Elle rencontre Gabo (v. Pevsner fils tendus, dont le réseau introduit un ché par l’énergique patriarche Serge Serge soutient le moral des assiégés.
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partis et ne fit qu’aggraver la confu- définitivement brisée, et l’autorité mais sa déposition et son exil Font quelque bête vaillante, lion ou aigle, ce
sion : l’agitation qui en résulta eut pour impériale en retire un immense pres- qui donne l’occasion de faire un rap-
rendu fou furieux ; il passe son second
tige. La perte quasi définitive des pro- prochement a posteriori avec le toté-
effet en Orient, depuis longtemps tra-
règne à assouvir sa rage de vengeance,
vinces monophysites pousse l’empe- misme. L’écu fut ainsi « armoyé » de
vaillé par des aspirations séparatistes,
reur à rejeter le monothélisme, qui a sans se préoccuper des affaires de plus en plus fréquemment, et de façon
de favoriser la conquête arabe.
perdu tout intérêt politique ; au sixième l’État. générale au XIVe s. La figuration étant
concile oecuménique (680-681), cette à la fois fixe et héréditaire, le blason
La conquête arabe doctrine est condamnée, et ses défen-
En 711, un général arménien, Philip-
était devenu à la fois un équivalent gra-
pikos Bardanes, est acclamé empereur phique du nom, chose très valable en
Celle-ci avait commencé aussitôt après seurs sont anathématisés : la concorde
religieuse affermit le pouvoir-de l’État. par la flotte et l’armée impériales. Jus- une société peu lettrée, et, en quelque
la mort de Mahomet (632), au moment
Mais un nouveau danger menace au tinien II est assassiné, et sa tête pro- mesure, une marque de noblesse. La
où la Perse et Byzance sortaient alan-
même moment le flanc occidental de tradition des décors de fantaisie se
guies d’un conflit épuisant. Le calife menée, au bout d’une pique, dans les
l’Empire : vers 680, le peuple bulgare, conserva cependant longtemps (écus
‘Umar Ier (634-644) tire parti de l’es- rues de Rome et de Ravenne. Comme
sous la conduite d’Asparuh, s’installe ornés de pierreries, écus de tournoi).
soufflement de deux empires rivaux : la dynastie de Justinien cent ans plus
entre le Danube et la chaîne des Bal- La forme type de l’écu armorié est
en un temps record, il s’empare de
kans, défait des armées byzantines et tôt, celle d’Héraclius finissait dans le demeurée le plus souvent celle du
toutes les provinces péniblement re- s’assujettit les tribus slaves de Mésie : sang et l’anarchie. bouclier en usage au début du XIVe s. :
conquises par les Byzantins ; la Syrie le jeune royaume bulgare sera, durant triangulaire et assez court. Son décor
P. G.
et la Palestine sont enlevées (636-638), trois siècles, l’adversaire le plus redou- était ou peint ou fait de placages super-
F Byzantin (Empire).
la Perse, la Mésopotamie et l’Arménie table de Byzance dans la péninsule posés. De cette technique découle une
sont ravagées (639-40), et la conquête balkanique. A. Pernice, L’Imperatore Eraclio. Saggio di règle classique qui veut que les cou-
de l’Égypte allait suivre. Héraclius a Mort prématurément, Constantin est storia bizantina (Florence, 1905). / G. Ostro- leurs (gueules, sinopie, azur, sable) et
remporté une victoire à la Pyrrhos : en remplacé par son fils JUSTINIEN II (669- gorsky, Geschichte des byzantinischen Staates les métaux (or et argent) soient alter-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
nativement superposés. Cela signifie dique de conserver ses règles précises, cipitations. La violence des pluies se veyrac) reste importante. Le plus gros
que, sur un fond de couleur, les pièces voire de les renforcer. traduit par des crues très importantes, établissement industriel se trouve à
(ou figures ou meubles) doivent être de et les petits fleuves côtiers, l’Hérault, Montpellier, qui, grâce à sa tradition
La Révolution proscrivit l’usage du
métal, et inversement. Le signe d’iden- l’Orb, et même le Libron et le Lez, universitaire, a attiré la société I. B. M.
blason. Napoléon lui rendit un lustre
tification s’est étendu logiquement à enregistrent alors des débits énormes et (ordinateurs, matériel électronique).
passager, en le pliant à des règles inspi-
d’autres supports, soit en préservant peuvent causer des dégâts importants
rées par sa propre fantaisie. Mais, sur- En dehors des marais salants et des
la forme de l’écu, soit en renonçant à après des étiages très marqués.
tout, le XIXe s. en fit un objet de déco- élevages du bassin de Thau (ostréicul-
ce cadre ; ainsi, les mêmes symboles ration en matière de figures : paysages, La répartition des hommes est très ture et mytiliculture), les ressources
se reproduisaient sur les bannières et
portées musicales, objets hétéroclites, variable dans l’espace, mais traduit en fournies par la mer étaient assez ré-
pennons, caparaçons, sur les façades
rébus, etc. Puis, à partir du milieu du gros les divisions physiques. La mon- duites. Mais depuis peu les stations
des châteaux, sur les sceaux enfin. Il XIXe s. et surtout au XXe s., l’intérêt tagne, malgré l’essor actuel des rési- balnéaires (Palavas-les-Flots) et les
en est résulté notamment deux consé-
archéologique pour l’ancienne héral- dences secondaires, est toujours affec- petits ports de pêche (Valras-Plage)
quences. D’une part, des ornements
dique a quelque peu limité ces erre- tée par l’exode rural ; la Garrigue est bénéficient d’un regain d’intérêt. En
extérieurs à l’écu, bien que tout autant
ments, et donné naissance à une nou- désormais en voie de stabilisation, mais effet, de la Camargue à l’embouchure
régentés par les règles héraldiques, se
velle science héraldique, productrice la plaine littorale bénéficie d’apports de l’Aude, les possibilités fournies
sont mis à proliférer : cimiers, casques,
de nombreux armoriaux, et toujours constants avec toutefois une urbanisa- par des kilomètres de sable étaient
couronnes, piliers, supports, manteaux,
l’objet de travaux d’érudition. tion inégale entre le secteur occiden- grandes, et l’aménagement de nou-
drapeaux. D’autre part, le décor armo-
R. H. tal (Biterrois) et la zone Sète-Lunel, velles stations touristiques est en cours.
rié constituant l’essentiel du graphisme
G. d’Haucourt et G. Durivault, le Blason axée sur l’autoroute vers le couloir L’architecture futuriste de La Grande-
des sceaux, les détenteurs de ceux- (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1949 ; éd.,
5e
rhodanien. Terre d’accueil, l’Hérault Motte, son port entièrement artificiel
ci, même non nobles, en acquirent le 1970). / T. Veyrin-Forrer, Précis d’héraldique
a bénéficié de l’ancienne descente des drainent déjà les estivants de l’Europe
« droit aux armes » : villes et com- (Larousse, 1951). / G. Saffroy, Bibliographie
généalogique, héraldique et nobiliaire de la montagnards, de l’apport massif des septentrionale, jusqu’ici peu attirés par
munautés bourgeoises, corporations,
France (Saffroy, 1968). travailleurs espagnols et de l’installa- les paysages du Caroux, l’architecture
haut clergé. Les figures évoluèrent en
tion récente des rapatriés d’Afrique du romane de Saint-Guilhem-le-Désert ou
conséquence : les outils d’artisans voi-
Nord ; mais, désormais, à l’opposition les vieux hôtels de Pézenas.
sinent désormais avec les épées et les
traditionnelle Nord-Sud s’ajoute un
léopards. L’équipement autoroutier permet
Hérault. 34 déséquilibre Est-Ouest.
d’améliorer la circulation dans un
L’héraldique n’en resta pas moins
De même, l’griculture, longtemps département dont la partie vitale reste
science noble, la science par excellence
Départ. de la Région Languedoc-Rous- spécialisée dans la monoculture de la avant tout un couloir de transit entre
selon certains. Codifiée à partir du 2
sillon ; 6 113 km ; 591 397 hab. (Hé- vigne, est plus diversifiée dans le sec- l’Espagne, l’Aquitaine et le couloir
temps de Philippe Auguste, elle évo-
raultais). Ch.-l. Montpellier*. S.-préf. teur oriental, où se sont multipliés les rhodanien, futur grand axe européen
lua parallèlement à la conception de la
Béziers* et Lodève. vergers de pommiers et de pêchers, dont la proximité est déjà bénéfique
chevalerie, sombrant souvent dans les
Le relief s’ordonne selon une suc- qui alimentent les S. I. C. A. et les pour l’Hérault oriental.
mêmes excès. L’usage des armoiries
cession de gradins entre le Massif cen- conserveries du Lunellois. La « mer R. D. et R. F.
devait respecter les rites de la vie che-
tral et la Méditerranée. L’arrière-pays de vignes » reste le lot du Biterrois, F Béziers / Languedoc-Roussillon / Montpellier
valeresque et demeurait lié au caractère
où coexistent les petites exploitations / Sète.
montagneux dépasse rarement 1 000 m
sacré de l’écu lui-même. On en peut
d’altitude, sauf dans le Saint-Ponais, familiales et les grands domaines des
prendre pour preuve le sort qui guettait
et regroupe un substrat varié : cristal- propriétaires absentéistes. Ce vignoble
le chevalier indigne. On attachait son
lin dans l’Espinouse, calcaire dans le de masse orienté vers la production de
écu au pilori, les officiers d’armes en
enlevaient des pièces, le marquaient causse du Larzac et la Séranne, d’ori- consommation courante (160 000 ha de herbe
gine volcanique dans l’Escandorgue. vigne et plus de 10 Mhl récoltés) fait
de taches d’infamie, « taillant d’or » la
pointe dextre du chef de l’écu du fan- Les avant-monts (hauteurs du Miner- un peu oublier l’existence de vins de F DÉSHERBAGE.
faron, coupant la pointe inférieure de vois, collines du Biterrois et plateaux qualité, rouges du Minervois, clairettes
celui qui avait tué un prisonnier, pei- calcaires de la Garrigue) portent une de la vallée de l’Hérault, muscats de
gnant un carré de gueules sur l’écu de végétation spinescente, basse et clair- Frontignan et Lunel. Malgré les crises
semée, due à la dégradation de la de mévente, le mythe de la supréma-
qui avait manqué de parole. hérédité
forêt de chênes verts par l’homme. La tie du vignoble persiste, alors que la
À partir du XVIe s., la signification
plaine, élément vital du couloir bas- polyculture ancienne n’est plus qu’une
des armoiries changea rapidement, les F GÉNÉTIQUE.
languedocien, est à peine interrompue survivance dans l’arrière-pays, où se
armes à feu rendant tout bouclier inu-
par quelques pointements volcaniques maintient l’élevage ovin pour la pro-
tile. Elles furent désormais l’emblème
ou par les derniers plis du bâti calcaire duction d’agneaux de boucherie et la
graphique favori de la noblesse, utilisé
(la Gardiole 236 m, mont Saint-Clair, fourniture du lait pour les fromageries
comme décor et comme preuve d’une
180 m). Ces piliers rocheux ont favo- de Roquefort. Hérisson
appartenance familiale. Elles s’enca-
risé le développement d’un cordon de Les industries traditionnelles ont en
drèrent donc plus systématiquement
sable entre le massif audois de la Clape F INSECTIVORES.
dans le cadre limité d’un écu, mais grande partie disparu. Les villes tex-
et le delta du Rhône, qui isole une série tiles du piémont montagnard (Lodève,
d’un écu de fantaisie, dessiné volon-
de lagunes peu profondes communi- Ganges), les centres miniers (Grais-
tiers en ovale, ou en losange (armes des
quant avec la mer par des graus (étangs sessac, Le Bousquet-d’Orb) voient
dames), ou en forme de targe tordue
et roulée sur elle-même (Allemagne), de Vic, de Pérols, de Mauguio). se succéder les fermetures d’usines. hermaphrodisme
ou découpé de façon baroque (Italie). Le climat se caractérise par la dou- Béziers conserve quelques industries
Elles se placèrent sur tous les objets, ceur des hivers, ce qui n’exclut pas liées au vignoble. Le port de Sète* et Production de gamètes* mâles et fe-
comme une marque de propriété : cof- les gelées, et la chaleur et l’aridité des Frontignan (11 141 hab.) ont fixé une melles par un même individu, qui est
frets, carrosses, boutons, et donnèrent étés ; les saisons intermédiaires, assez industrie chimique variée (raffinerie dit « hermaphrodite » (Hermaphrodite
leurs couleurs aux livrées des domes- peu marquées, sont bien arrosées, l’au- de pétrole, soufre, engrais). L’exploi- était un personnage mythologique, fils
tiques. Cela n’empêche pas l’héral- tomne concentrant le maximum de pré- tation des bauxites (Bédarieux, Ville- d’Hermès et d’Aphrodite, doté des at-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
tributs des deux sexes). Tous les indi- Mollusques euthyneures, les Oligo- passe d’un sexe à l’autre ; en géné- tiques se superposent aux facteurs gé-
vidus des espèces hermaphrodites sont chètes, les Hirudinées, les Trématodes. ral, il est mâle lorsqu’il est jeune et nétiques dans la détermination du sexe.
équivalents pour la reproduction, tan- On distingue plusieurs types d’appa- femelle lorsqu’il est plus âgé. C’est La Crépidule est considérée comme
dis qu’en cas de gonochorisme la pro- reils génitaux. Chez les Oligochètes, un hermaphrodisme protandrique. Par un hermaphrodite équilibré, car, dans
duction des gamètes mâles et femelles les Hirudinées, les Trématodes, chaque exemple, les Huîtres sont mâles et en- les conditions normales, le passage du
est assurée par des individus différents, animal possède des gonades mâles et suite elles deviennent femelles. sexe mâle au sexe femelle s’effectue
les uns étant mâles, les autres femelles, femelles distinctes avec des conduits Les Crustacés Isopodes, qui pour tous les individus à une dimension
et les sexes étant nettement séparés. génitaux également mâles et femelles. comptent de nombreux parasites ou à un âge déterminés.
L’hermaphrodisme se rencontre Les gonades des deux sexes se trouvent d’autres Crustacés (Cirripèdes, Mysi- À côté des hermaphrodites équili-
dans tous les groupes d’êtres vivants. souvent dans des segments différents dacés, Amphipodes), présentent aussi brés existent des hermaphrodites non
ou à des places différentes. des cas d’hermaphrodisme protan- équilibrés, chez lesquels la durée des
drique. Chez les Cymothoïdes, le mâle
L’hermaphrodisme chez Chez d’autres hermaphrodites, l’Es- phases mâle et femelle varie grande-
cargot par exemple (Mollusque Gas- se transforme en femelle à l’occasion
les Métazoaires ment. C’est le cas de la Patella coeru-
tropode euthyneure), chaque animal d’une mue. Chez les Épicarides, une lea. Dans cette espèce, 8 p. 100 des
D’une façon générale, le gonochorisme larve dite cryptoniscienne, après s’être
possède une seule gonade, nommée individus possèdent un sexe déterminé
est la règle chez les animaux les plus fixée sur son hôte définitif, se trans-
ovotestis ; elle fonctionne successive- d’emblée ; ce sont de petits mâles et de
élevés en organisation (Mammifères, forme parfois directement en mâle
ment comme un testicule, puis comme grosses femelles ; seul le sexe de ces
Oiseaux, Reptiles). L’hermaphro- fonctionnel, qui lui-même se transfor-
un ovaire ; à la spermatogenèse suc- mâles et de ces femelles « primaires »
disme existe toutefois chez quelques mera en femelle. La phase mâle se pro-
cède une ovogenèse. est déterminé génétiquement quels que
Poissons (Serranidés, Sparidés, Vai- longe lorsque les mâles sont associés à
Au cours de leur développement, les soient les facteurs intervenant dans la
ron...). On le rencontre chez tous les des femelles.
Tuniciers présentent les deux dispo- croissance.
Tuniciers, quelques Échinodermes,
sitifs anatomiques. Chez l’adulte, les Un hermaphrodisme successif fonc- L’Étoile de mer Asterina gibbosa est
quelques Crustacés (Cirripèdes,
deux gonades sont séparées et les trac- tionnel existe chez la Crevette Lysmata un hermaphrodite équilibré à Plymouth
Rhizocéphales, quelques Isopodes
tus génitaux sont également distincts. seticauda. Les gonades fonctionnent et non équilibré à Naples.
et Décapodes), quelques Mollusques
Ces deux gonades proviennent d’un d’abord comme testicules, et les ca-
Lamellibranches (groupe des Anatina- Chez le Polychète Ophryotrocha
ovotestis qui se développe au niveau naux déférents s’ouvrent dans le der-
cés, famille des Cyrénidés, quelques puerilis, l’individu jeune ayant moins
de l’anse digestive. Puis l’ovotestis se nier segment du thorax ; puis se diffé-
de 15 segments est toujours mâle. Lors
espèces d’Huîtres, de Pecten, de Car-
coupe en deux parties, la portion dor- rencient, à l’extrémité antérieure, des
dium), des Mollusques Gastropodes de la croissance, lorsque le nombre de
sale donnera l’ovaire et la partie ven- ovaires fonctionnels, et des oviductes
segments passe de 15 à 20, l’individu
(quelques Prosobranches, Crepidula,
trale se transformera en testicule. s’ouvrent sur le troisième segment du
devient femelle. Si, par amputations
tous les Pulmonés, Opisthobranches et
thorax.
Les deux phases sexuelles, sper- successives, un individu conserve
Ptéropodes), des Mollusques Aplaco-
matogenèse et ovogenèse, ne sont pas Un cas a été particulièrement bien moins de 15 segments, il reste mâle. De
phores, les Bryozoaires, des Annélides
rigoureusement synchrones. En géné- étudié, celui d’un Gastropode Pro- jeunes mâles maintenus dans un état
(quelques Polychètes, les Oligochètes
ral, la spermatogenèse précède l’ovo- sobranche, Crepidula fornicata, qui de famine restent indéfiniment mâles.
et les Achètes), les Myzostomes, Pho-
genèse ; l’hermaphrodisme est pro- fréquente les côtes atlantiques amé- Des femelles de plus de 20 segments
ronis, Protodrilus, les Chaetognathes,
tandre ; plus rarement, il est protogyne ricaines. Les Crépidules se fixent sur soumises à la famine s’amaigrissent et
quelques Némathelminthes, des Pla-
(ovogenèse antérieure à la spermato- des coquilles d’Huîtres, de Moules ou deviennent mâles. L’état mâle peut être
thelminthes (Turbellariés, Trématodes,
genèse). Au cours de la spermatoge- de Bivalves ; elles s’empilent les unes recouvré par section d’une femelle de
Cestodes), quelques espèces dans les
nèse, l’accouplement entre deux her- sur les autres en formant une sorte de 28-34 segments : le fragment antérieur
divers groupes de Coelentérés, les Cté-
maphrodites se réalise ; ils échangent spirale, les individus les plus jeunes et de 2-10 segments redevient mâle. Si
nophores, des Spongiaires.
leurs spermatozoïdes. Ils se séparent les plus petits étant au sommet, les plus des couples de deux mâles sont isolés
Bref, presque tous les embranche- et l’ovogenèse commence. Ils pondent âgés et les plus gros, à la base. L’exa- et maintenus dans ce sexe, par des am-
ments comptent des espèces normale- des oeufs qui sont fécondés par les sper- men des gonades révèle que les Crépi- putations ou par la famine, aucun ne se
ment hermaphrodites, le plus souvent matozoïdes du conjoint échangés lors dules du sommet sont des mâles et que féminise tant que durent les conditions
dans le milieu marin ou parmi les de l’accouplement. les plus âgées, à la base, sont des fe- expérimentales. Dans des cultures de
formes parasites. melles ; celles qui occupent une place couples de deux femelles, on observe
La production de gamètes mâles et
À côté de cet hermaphrodisme nor- femelles par le même individu n’im- intermédiaire possèdent des gonades assez souvent qu’une femelle mord
mal, il existe aussi un hermaphrodisme plique pas nécessairement l’autofécon- mâles et femelles ; la coexistence des l’autre femelle et ainsi provoque l’état
accidentel chez des individus apparte- dation ; souvent celle-ci est rendue im- deux types de gonades montre qu’elles mâle du fragment antérieur. Ou bien
nant à une espèce gonochorique. possible pour des raisons variées. Dans passent de l’état mâle à l’état femelle. une femelle absorbe toute la nourri-
l’ensemble, elle est plutôt exception- Les jeunes Crépidules mâles du som- ture, affame l’autre femelle et ainsi la
Modalités de nelle ; elle se fait normalement chez met fécondent les femelles âgées de la masculinise. Cette Annélide Polychète
les Rhabditis (Nématodes), chez des base. Si on maintient isolée une Cré- témoigne d’un hermaphrodisme poten-
l’hermaphrodisme
Crustacés rhizocéphales (Sacculine, pidule jeune, elle devient femelle, la tiel permanent ; le déterminisme du
normal
Peltogaster), chez les Ténias, où deux phase mâle est alors très courte. Si de sexe paraît bien être épigénétique.
L’hermaphrodisme normal présente proglottis de deux régions différentes jeunes individus sont placés expéri-
trois modalités. du corps s’accouplent, l’un renfermant mentalement au contact des femelles, Hermaphrodisme embryonnaire
des ovaires et l’autre des testicules, et ils demeurent plus longtemps mâles. ou juvénile
Hermaphrodisme simultané enfin chez quelques Mollusques (Buli- Si plusieurs mâles sont placés les uns Au début du développement, tout Ver-
Tous les individus hermaphrodites nus, Limnées). sur les autres, la Crépidule de la base tébré est potentiellement hermaphro-
d’une espèce émettent les deux types devient rapidement mâle. dite. Au stade indifférencié, la glande
de gamètes à peu près en même temps, Hermaphrodisme successif La fonction sexuelle mâle semble génitale comprend un épithélium, un
à chaque période sexuelle et durant Tous les animaux d’une même espèce donc liée à un stimulus provenant tan- cortex périphérique à potentialités
toute leur vie. L’hermaphrodisme si- hermaphrodite appartiennent à un tôt de la femelle, tantôt de l’association femelles et une medulla centrale à
multané existe chez les Tuniciers, les sexe différent selon l’âge ; l’animal des individus. Des facteurs épigéné- potentialités mâles. Le jeune embryon
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
possède des ébauches des gonades et Oiseaux. La plupart des Oiseaux tissaient ainsi : 30 cas possédaient un foetus mâle élabore des substances em-
des voies génitales des deux sexes. femelles possèdent un ovaire et un ovi- testicule d’un côté, un ovaire de l’autre, bryonnaires qui passeront dans le foetus
L’orientation vers un sexe se fera ducte gauches ; à droite, il existe une 22 cas avaient un testicule et un ovaire femelle, inhiberont le développement
ultérieurement. gonade vestigiale à potentialité mâle ; de chaque côté, et, dans 46 cas, un tes- ovarien et favoriseront les potentialités
ces femelles sont des hermaphrodites ticule et un ovaire se trouvaient d’un testiculaires. Sur 39 couples de veaux
Beaucoup d’espèces animales, dont
potentiels. seul côté. Les tractus génitaux corres- jumeaux de sexes différents, 33 gé-
les adultes sont unisexués, manifestent
pondants accompagnaient les gonades. nisses étaient des free-martins plus
au cours de la différenciation sexuelle Arthropodes. Des faits analogues
s’observent chez divers Arthropodes. L’ambivalence des caractères sexuels ou moins intersexuées, et 6 génisses
une tendance à l’hermaphrodisme. Les
se manifeste avec prédominance tan- étaient normales. Chez ces dernières,
jeunes myxines (Agnathes, Cyclos- Chez le Lampyre, les ébauches gona-
tôt du sexe masculin, tantôt du sexe aucune anastomose vasculaire n’exis-
tomes) mesurant moins de 25 cm pos- diques sont semblables jusqu’à la troi-
féminin ; tous les intermédiaires sont tait les systèmes circulatoires des
sèdent des gonades mâles et femelles sième mue, et la nature du sexe n’est
possibles. deux foetus ne communiquaient pas, et
bien distinctes ; l’ovaire occupe la établie qu’au début de l’intermue
les substances sécrétées par le foetus
région antérieure, alors que le testi- prénymphale. À côté de l’hermaphrodisme vrai
mâle n’exerçaient pas d’action sur le
cule s’étend dans la région postérieure. Un phénomène analogue est fré- accidentel, il existe aussi un pseudo-
foetus femelle.
À maturité sexuelle, les animaux de- quent chez les Crustacés malacostra- hermaphrodisme, caractérisé par la
viennent unisexués ; une gonade s’ac- présence d’une gonade d’un sexe et du Le gynandromorphisme représente
cés. Les cellules germinales sont indif-
croît alors que l’autre régresse ; chez tractus génital et des organes génitaux encore un cas d’hermaphrodisme acci-
férenciées jusqu’à la cinquième mue
la femelle, l’ovaire se développe et il externes de l’autre sexe ; il en résulte dentel. Il correspond à des individus
chez Orchestia gammarella. La gonade
subsiste à sa base une portion de testi- une ambiguïté sexuelle. Diverses qui comportent une mosaïque de par-
des jeunes « Puces » de mer (Talitrus
cule rudimentaire. modalités de pseudo-hermaphrodisme ties, les unes différenciées dans le sens
saltator) est mâle dans sa région proxi-
sont connues : pseudo-hermaphrodisme mâle, les autres, dans le sens femelle.
Poissons. Chez les Anguilles, les male et femelle dans sa région distale ;
externe masculin (ovaires avec organes Il offre deux aspects : aspect bilatéral
faits sont un peu plus compliqués. Les au cours des mues successives, elle se
génitaux externes mâles), pseudo-her- lorsque, de part et d’autre du plan de
civelles (6 à 9 cm) et les anguillettes (9 transforme totalement en ovaire chez la
symétrie, l’une des moitiés de l’indi-
à 14 cm) sont bipotentielles ; ensuite, femelle, tandis que, chez le mâle, une maphrodisme externe féminin (testi-
cules avec organes génitaux externes vidu est mâle et l’autre moitié femelle
les petites Anguilles (14 à 18 cm) de- portion ovarienne non fonctionnelle
(non seulement la morphologie est in-
viennent femelles ; la région corticale persiste. féminins), pseudo-hermaphrodisme
téressée, mais aussi l’appareil génital) ;
interne mâle (testicules avec conduits
de la gonade se développe et renferme Chez les Crustacés Décapodes, les
aspect en mosaïque lorsque les parties
des ovogonies. Après 5 à 8 ans, l’An- génitaux femelles), pseudo-hermaph-
Gébies mâles possèdent des testicules
mâle et femelle sont disposées de façon
rodisme interne féminin (ovaires avec
guille, qui mesure de 18 à 30 cm, rede- dont la partie postérieure présente une
quelconque. Le gynandromorphisme
vient hermaphrodite ; la zone corticale conduits génitaux des deux sexes), etc.
structure d’ovaire qui ne mûrit pas.
est particulièrement apparent chez les
de la gonade renferme des ovogonies, Cette bivalence sexuelle du début de Le free-martin chez les Bovidés est
animaux ayant un dimorphisme sexuel
et sa zone médullaire des spermatogo- l’organogenèse paraît être un phéno- encore un exemple bien connu d’her-
accusé.
nies. À maturité sexuelle, au moment mène largement répandu. maphrodisme accidentel. Dans les
Il affecte des groupes variés : Crusta-
de la migration vers la mer, les gonades élevages, on sait bien que, lorsqu’une
cés (Homard, Langouste), Arachnides,
évoluent alors en gonades mâles ou L’hermaphrodisme génisse met bas deux veaux jumeaux
Insectes (Papillons variés et notamment
femelles selon que la zone médullaire de sexes différents, la génisse est géné-
accidentel le Ver à soie, Orthoptères, Grillons,
ou la zone corticale se développera ralement stérile alors que le mâle est
Dans un groupe où le gonochorisme Drosophiles, Hyménoptères), Poissons
exclusivement. normal. Ces génisses portent le nom de
est la règle, des individus peuvent être (Raie), Oiseaux (Pinson, Bouvreuil,
Amphibiens. Les Crapauds possè- free-martin ; elles rappellent des sujets
hermaphrodites. Cet hermaphrodisme Faisan). Il se manifeste généralement
castrés précocement, en raison de leur
dent une gonade vestigiale à potenti-
spontané, considéré comme une ano- par des cas sporadiques et disparates.
alité femelle, l’organe de Bidder, qui grande taille et de l’absence d’instinct
malie sexuelle, présente des formes Une seule exception, les Vers à soie,
coiffe les testicules et les ovaires. Le sexuel. L’appareil génital femelle est
variées, correspondant à divers degrés chez qui l’anomalie est héréditaire et
Crapaud mâle, qui possède des testi- atrophié ; la vulve et les mamelles sont
d’intersexualité. se transmet selon les lois de Mendel ;
cules et des organes de Bidder, est un réduites. Les organes génitaux externes
ainsi, il est possible d’obtenir à volonté
En voici quelques exemples ; les sont femelles avec quelques anomalies.
hermaphrodite potentiel. La crête géni- des Vers à soie gynandromorphes en
gonades elles-mêmes peuvent être her- Les voies génitales présentent un as-
tale qui donnera naissance à l’organe réalisant des croisements corrects.
maphrodites ; des Porcs, des Vaches, pect masculin plus ou moins abortif.
de Bidder comprend peu ou pas de mé-
des Chèvres possèdent des gonades Les dimensions de la gonade varient
dulla ; ayant beaucoup plus de cortex,
mixtes ayant une structure ovarienne d’un petit pois à un poing ; ce ne sont
Les greffes de
ou en ayant uniquement, elle produit
et une structure testiculaire (ovotestis). jamais de véritables ovaires ; des tubes R. R. Humphrey
un organe à potentialité femelle ; en
Les gonades sont unisexuées, mais les séminifères peuvent y apparaître.
arrière de cette crête s’édifie la gonade Peut-on fabriquer des hermaphrodites à
tractus génitaux sont mixtes ; on a dé-
normale, ovaire ou testicule, qui inhibe F. R. Lillie a trouvé l’explication de partir d’un être unisexué ? R. R. Hum-
crit un jeune cabri chez lequel les testi-
le développement de l’organe de Bid- cet hermaphrodisme accidentel (1916). phrey, un biologiste américain, a tenté
cules sont normaux ainsi que le tractus
der. Si on castre des Crapauds mâles Les Bovidés possèdent un placenta depuis 1927 et réussi une expérience
génital, à l’exception des glandes de
ou femelles, l’organe de Bidder évo- cotylédonaire ; on constate, les foetus fort intéressante. Elle consiste à gref-
Cooper, qui font défaut ; mais en outre,
lue, dans les deux sexes, en un ovaire mesurant 10 mm, une fusion précoce fer sur un embryon hôte, une ébauche
il possède un utérus à deux cornes, un
fonctionnel ; chez le mâle, les voies de deux placentas, avec (au niveau des génitale provenant d’un embryon
vagin clos qui se termine en cul-de-sac donneur.
génitales se différencient comme chez cotylédons) des anastomoses vascu-
au voisinage de l’urètre.
la femelle, et le mâle pondra des oeufs ; laires au stade de 19 mm. Il en résulte Chez un embryon hôte d’Axolotl au
trois années sont nécessaires pour ob- Dans l’espèce humaine, les cas un mélange des sangs chez les deux stade du bourgeon caudal, Humphrey
tenir cette ponte. Les mâles sont donc d’intersexualité sont exceptionnels et jumeaux, et, par suite, des substances enlève l’ébauche gonadique à droite,
relèvent de la tératologie.
transformés en femelles fonctionnelles. sécrétées et véhiculées par le sang. La par exemple. Puis il prélève chez un
De même, chez les femelles castrées, Un inventaire (1960) mentionne différenciation du foetus mâle com- embryon donneur, au même stade de
les organes de Bidder deviennent des 98 cas d’hermaphrodisme humain si- mence lorsqu’il mesure 25 mm ; celle développement, un greffon correspon-
ovaires fonctionnels. gnalés par divers auteurs. Ils se répar- du foetus femelle est plus tardive. Le dant à l’ébauche gonadique droite ; ce
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
greffon est placé dans l’embryon hôte chètes sont le plus souvent gonocho- Chez les Angiospermes, la fleur an pour claudication congénitale. Pen-
à la place de l’ébauche précédemment riques, alors que les Oligochètes et complète comprend des étamines et un dant son court séjour à l’École, sur les
enlevée. Les deux embryons (hôte et les Achètes sont hermaphrodites. Une pistil ; il existe deux gamétophytes dis- conseils de Joseph Liouville (1809-
donneur) sont ensuite élevés. L’éle- comparaison entre Polychètes d’une tincts, le grain de pollen et le sac em- 1882), il écrit à Carl Jacobi*, alors le
vage de l’embryon donneur permettra part et Oligochètes et Achètes d’autre bryonnaire ; il y a donc hétérothallisme. grand spécialiste des fonctions ellip-
de connaître le sexe de la gonade qui se part montre que ces derniers présentent Mais étamines et pistils se trouvent tiques. Dans cette première lettre, Her-
développera normalement et, partant, une morphologie plus spécialisée. le plus souvent sur le même pied ; la mite étend aux fonctions abéliennes
le sexe du greffon implanté. plante diploïde correspond au sporo- les théorèmes sur la division de l’ar-
La même constatation s’applique
phyte ; cette plante est homophytique. gument des fonctions elliptiques que
Cette greffe est pratiquée sur de aux Mollusques. Les Mollusques sont
nombreux embryons. On constate Mais quelques Angiospermes Niels Abel* et Jacobi avaient établis.
gonochoriques, mais, dans la classe
alors que certains animaux possèdent (Saules, Peupliers) présentent deux
des Gastropodes, les Streptoneures Son départ de l’École polytechnique
deux gonades de sexe différent, d’un sortes de pieds, les uns donnant les
sont gonochoriques, tandis que les le met cependant dans une situation dif-
côté un ovaire, de l’autre un testi- fleurs à étamines (fleurs mâles), les
Euthyneures et surtout les Pulmo- ficile. Il n’en poursuit pas moins ses re-
cule. Par exemple, si un greffon mâle autres portant les fleurs à pistil (fleurs
nés, qui sont les plus évolués, sont cherches théoriques. Dans une seconde
est implanté à la place de l’ébauche femelles) ; il existe donc deux sporo-
hermaphrodites. lettre à Jacobi (1844), il rattache toute
gonadique droite de l’embryon hôte phytes diploïdes, et la plante est dite
la théorie des fonctions elliptiques à
L’hermaphrodisme s’observe sou-
femelle, ce dernier à l’état adulte pos- hétérophytique. Il peut également y
une seule transcendante, due d’ailleurs
vent chez les organismes menant une avoir coexistence d’homophytisme et
sédera du côté droit un testicule et du à son éminent correspondant. Trois ans
vie parasitaire (Trématodes, Cestodes), d’hétérophytisme. Le genre Lychnis
côté gauche l’ovaire normal. Un her-
plus tard, leur correspondance porte
qui, par leur mode de vie, sont séden- (Caryophyllacées) comprend des es-
maphrodite sera réalisé.
sur les formes quadratiques de la théo-
taires et fixés. L’étude de plusieurs pèces monoïques et dioïques. L’espèce
Cette expérience prouve que les rie des nombres. Il se lie d’amitié avec
populations d’Anodontes (Mollusques Cannabis sativa (le Chanvre) renferme
cellules germinales primordiales sont Joseph Bertrand (1822-1900), le futur
bivalves d’eau douce) en Allemagne des variétés monoïques et dioïques.
indifférenciées ; elles peuvent évo- secrétaire perpétuel de l’Académie,
montre que la répartition des sexes Chez les plantes polygames, le même
luer différemment selon les conditions alors agrégé à la faculté des sciences,
varie avec les biotopes. Dans le port de pied porte des fleurs uni- et bisexuées.
offertes par l’ébauche gonadique. Si et dont il devait épouser la soeur en
Mannheim, les sexes sont séparés, et
l’ébauche gonadique est mâle, elles Chez les végétaux, les termes « her-
1848. Dans la nécessité de gagner sa
leurs fréquences respectives sont nor-
seront orientées vers une spermatoge- maphrodisme » et « gonochorisme »
vie et dans l’espoir d’entrer à l’uni-
males. Dans un étang isolé du fleuve sont remplacés par « homophytisme »
nèse ; si l’ébauche est femelle, elles le versité, il prend ses grades : baccalau-
depuis 27 ans, les sexes sont séparés, (= monooécie) et « hétérophytisme »
seront vers une ovogenèse. réats es lettres et es sciences en 1847,
mais les femelles sont plus nombreuses (= dioécie). Alors que, chez les ani-
Dans l’expérience décrite, sous licence es sciences en 1848. Mais, en
que les mâles ; un autre étang séparé maux, le gonochorisme prédomine lar-
l’influence de l’hormone mâle élaborée juillet de cette même année, l’École
depuis 60 ans héberge des hermaphro- gement, la situation est inverse chez les
par l’ébauche gonadique droite, les cel- polytechnique l’appelle comme exami-
dites et un petit nombre de femelles ; plantes ; la plupart d’entre elles sont
lules germinales primordiales émigrent nateur d’admission, à la suite du décès
enfin, la population d’un troisième homothalliques ou homophytiques, ce
dans la région médullaire et forment prématuré de Pierre Laurent Wantzel
étang, dont l’isolement remonte à qui correspond à l’hermaphrodisme
des tubes testiculaires. Parallèlement, (1814-1848) et, en décembre, il devient
300 ans, comprend exclusivement des animal.
sous l’influence de l’hormone femelle répétiteur d’analyse.
hermaphrodites. Cette expérience natu- A. T.
élaborée par l’ébauche gonadique
relle montre que, rapidement, en cas M. Caullery, Organisme et sexualité (Doin, Hermite, qui introduisait des
gauche, les cellules germinales primor-
d’isolement écologique notamment, le 1942 ; 2e éd., 1951). / E. Wolff, les Changements variables continues en théorie des
diales se rassemblent dans le cortex, où de sexe (Gallimard, 1946). / M. Aron, « la Repro-
gonochorisme peut conduire à un her- nombres, découvre en 1853, pour les
s’organisera l’ovogenèse. duction sexuée » dans Biologie, sous la dir. de
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Ses travaux portent sur les par- il en résulte que, si et C, Tout espace hermitien possède au diagonale principale sont conjugués ;
ties les plus abstraites des mathéma- moins une base orthonormée. On peut s’ils sont réels, ils sont égaux ; les élé-
tiques : théorie des nombres, en parti- alors trouver d’autres bases orthonor- ments de la diagonale principale sont
3o Le deuxième axiome traduit la dis-
mées à l’aide de matrices de change- réels. Si la matrice H est réelle, elle est
culier étude des formes quadratiques,
tributivité à gauche. De plus,
ment de base particulières. En effet, symétrique.
fonctions elliptiques, dont il montre
soit et deux vecteurs de En, de y Les valeurs propres d’une matrice
les liens étroits avec l’arithmétique ce qui indique la distributivité à
matrices hermitienne sont réelles.
supérieure, fonctions modulaires, abé- droite ; d’où la distributivité. On peut
liennes, algébriques. Les fonctions Soit H une matrice hermitienne,
généraliser :
modulaires sont le premier exemple un vecteur (de En) propre de H pour la
valeur propre s : Hu = su,
des fonctions automorphes où devait
À une matrice de passage,
s’illustrer Henri Poincaré*. si et k C, et pour
i
les transformés de
Celle de ses études qui frappa le plus i = 1,2 ..., p ; et k = 1,2,..., q.
et de . La nouvelle base est ortho-
le grand public mathématique est, en De l’égalité Hu = su, on tire
normée si et seulement si
1873, sa démonstration de la trans- Expression analytique du produit
u+Hu = u+su = su+u ;
hermitien puis, en prenant les conjugués :
cendance du nombre e, base des loga-
rithmes népériens. Les deux vecteurs et
et, en transposant :
Membre de l’Académie des sciences étant rapportés à la base ut désignant la transposée de u.
(1856), il n’abandonne sa chaire de la rapportés à la base puisque H+ = H ; d’où su+u = su+u, ou
Mais u = Au, d’où ut = ut At et
Sorbonne qu’en 1897, et y est rem-
de l’espace En, en appli-
placé par son gendre, Émile Picard Mais
quant la distributivité généralisée, on
(1856-1941). l’égalité
obtient :
J. I. devient donc : par suite, ou ce qui
exprime que s est réelle.
ou
Le produit scalaire hermitien est donc y Les vecteurs propres correspondant
d’où la condition nécessaire et suffi-
exprimé en fonction des composantes à deux valeurs propres distinctes et
hermitien des vecteurs et et des quantités
sante
rapportés à une base orthonormée
y Matrice unitaire. C’est une ma- sont orthogonaux.
(espace) Mais il ne faut pas en
conclure que dépend de la base trice carrée telle que Une En effet, si et sont deux vec-
matrice unitaire conserve la norme teurs propres de H pour les valeurs
Espace vectoriel, sur le corps C des choisie ; est un scalaire intrin-
puisqu’elle conserve le produit sca- propres s1 et s2, de matrices
complexes, dans lequel intervient la sèquement lié aux deux vecteurs et
métrique hermitienne. laire, donc, en particulier, la carré sca-
; est invariant dans tout chan-
gement de base. laire,
Produit scalaire Une matrice unitaire est régulière on a Hu = s1u et Hv = s2v ;
hermitien Norme hermitienne (son déterminant est différent de zéro) d’où v+Hu = s1v+u et u+Hv = s2u+v.
avec et C et et multiplicatif.
colinéaire à et de même sens. mais et s2 s1, puisqu’on a
3o noté est un nombre positif y Matrice hermitienne. C’est une choisi deux valeurs propres distinctes ;
Deux vecteurs et de En sont
matrice égale à son adjointe. La ma- il en résulte que
pour tout
orthogonaux si trice adjointe, notée A+, d’une matrice
si et seulement si
donnée A s’obtient en transposant A
Un ensemble de vecteurs est dit « or- la base étant orthonormée. Les deux
et en remplaçant chaque élément de
thonormé » s’il est formé de vecteurs vecteurs et sont donc orthogo-
Propriétés du produit scalaire At par son conjugué (les deux
normés deux à deux orthogonaux. Si un naux au sens hermitien.
hermitien opérations commutent).
tel ensemble forme une base, c’est une
y Une matrice hermitienne est dia-
1o Il n’est pas commutatif, car, en La matrice H est hermitienne si et
base orthonormée.
gonalisable. De plus, il existe au
général, seulement si
Si la base est ortho- moins une matrice unitaire U telle que
H = H+ = Ht.
normée et seulement dans ce cas, U–1HU soit diagonale.
2o Si
pour Il en Il y a identité, pour une base don-
Propriétés des matrices
résulte que née, entre l’espace hermitien réel et
d’après le deuxième axiome. D’autre hermitiennes
l’espace euclidien réel. Les matrices
part,
Si une matrice H est hermitienne, elle hermitiennes sont alors les matrices
L’expression trouvée satisfait aux trois est nécessairement carrée ; les élé- symétriques réelles, et les matrices uni-
d’où axiomes du produit scalaire hermitien. ments symétriques par rapport à la taires sont les matrices orthogonales.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Toutes les propriétés démontrées sur tibles ») ou, au contraire, en perma- dans la paroi abdominale par une por- Variété topographique
les matrices hermitiennes s’appliquent nence (hernies « irréductibles »). tion rétrécie, le pédicule. Cette hernie des hernies
donc aux matrices symétriques réelles. est réductible : avec les doigts, on
y Le trajet dépend de la nature de
Le produit scalaire hermitien devient arrive à refouler la saillie herniaire, à La hernie inguinale
la hernie : dans la hernie « congéni-
le produit scalaire que l’on utilise, par la réintégrer dans l’abdomen. On peut C’est la plus fréquente de toutes les
tale », le sac est un reliquat embryon-
exemple, dans R 3. alors en étudier le trajet en introdui- hernies ; elle est formée par l’issue des
naire qui ne se ferme pas à la nais-
E. S. viscères abdominaux dans la région
sance (canal péritonéo-vaginal, par sant le doigt dans l’orifice herniaire.
F Espace / Géométrie / Groupe / Matrice /
exemple, pour la hernie inguino-scro- Lorsque le malade tousse, la hernie inguinale. Il en existe deux types : la
Norme / Vectoriel.
tale). La hernie existe en puissance se reproduit et subit une impulsion à hernie oblique externe [congénitale] et
A. Lichnerowicz, Algèbre et analyse linéaire
dès la naissance, même si ce n’est chaque secousse de toux. la hernie directe [acquise].
(Masson, 1956). / R. Deltheil, Nouveaux Élé-
t. III (Hachette, 1969). / J. Lelong-Ferrand, constitue sous influence de la poussée nie est menacée d’étranglement : paroi (voie de migration du testicule
J. M. Arnaudiès, Cours de mathématiques ; t. I :
abdominale au niveau d’un point faible cette complication, la plus grave qui vers le scrotum). Elle s’engage dans
Algèbre, MP Spéciales A A (Dunod, 1971).
de la paroi (hernie de « faiblesse »). puisse survenir, est caractérisée par la le canal péritonéo-vaginal, resté per-
constriction serrée et irréversible d’une méable chez certains sujets, alors que
matières et surtout des gaz, altération oblique externe est la cure chirurgi-
Caractères généraux Évolution de l’état général. C’est une règle fon- cale, qui nécessite la dissection et la
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Sa cure chirurgicale consiste surtout sant l’ombilic, réductible, parfois Les hernies ischiatiques, fes- est clairement exposée : le sujet de son
à réparer la paroi : il n’y a pas de sac à noyée dans la graisse. sières, périnéales sont tout à fait historia (« enquête ») est la mise au
réséquer la plupart du temps. exceptionnelles. jour des raisons et des conditions de la
Les hernies volumineuses forment
Ph. de L. lutte de l’Asie contre l’Occident.
La hernie crurale des tumeurs énormes pouvant atteindre F Abdomen / Diaphragme / Vertèbre.
L’objet de cette recherche est totale-
le volume d’une tête d’enfant — dont ment neuf. Pour la première fois dans
C’est une hernie acquise, de la femme
essentiellement : elle sort de l’abdo- le revêtement cutané est aminci, vio- la littérature grecque, un écrivain —
men dans la cuisse par l’anneau crural, par ailleurs le premier grand prosateur
lacé —, difficilement réductibles.
au-dessous de l’arcade crurale. Formée Hérodote — se révèle capable de traiter son sujet
Ces hernies sont menacées d’étran- comme faisant partie d’un ensemble
d’un sac péritonéal, souvent associée
glement, évoluant souvent au début plus vaste. La Grèce, immédiat centre
à un lipome préherniaire, elle contient En gr. HÊRODOTOS, historien grec (Hali-
par poussées et rémissions, de com- carnasse v. 484 - Thourioi v. 420 av. d’intérêt, n’y constitue qu’une petite
presque toujours de l’épiploon et par-
J.-C.). partie d’un monde bariolé qui se trouve
fois une anse grêle. plications cutanées (lésions eczémati-
au contact des terres mystérieuses de
Elle survient électivement chez la formes, ulcérations, lymphangites). Né dans une famille en vue d’Hali-
l’Asie. Hérodote élargit la vision de
femme peu musclée, âgée, obèse, ou carnasse, point de rencontre de plu-
y Chez l’enfant, on oppose la petite l’Athénien de son temps, déplace l’at-
sieurs civilisations, Hérodote reçoit
au contraire ayant maigri récemment. tention de son lecteur sur autre chose
hernie ombilicale, vraie, si fréquente une éducation soignée et est élevé
Cliniquement, la hernie (rurale se que le seul sol grec, et sous-entend
chez le nourrisson, ne s’étranglant dans le culte d’Homère par son oncle,
révèle par des douleurs, des tirail- que l’évolution de l’humanité est com-
jamais et susceptible de guérir avec le poète Panyasis. Encore adolescent,
lements au niveau de la racine de la mandée par le conflit de deux civili-
il est exilé à Samos, à la suite d’une
le port d’un bandage, à l’omphalocèle sations. Cette hauteur de vues est déjà
cuisse. C’est une petite tuméfaction
conspiration des siens contre le tyran
du nouveau-né, totalement diffé- surprenante ; elle l’est plus encore si
siégeant au-dessous du pli de l’aine, en Lygdamis, vassal des Perses : il est ainsi
dedans de l’artère fémorale, réductible l’on songe que l’histoire ainsi écrite
rente : dans cette malfaçon, très rare, déjà hostile à l’influence asiatique et au
est alors étrangère aux conceptions
et impulsive à la toux : en la réduisant, la paroi abdominale est remplacée régime de la tyrannie. Rentré avant 454
et à la nature du monde antique : la
on constate avec le doigt que son pédi- dans sa cité natale, il songe sans doute
par une membrane souvent transpa- libre enquête du passé pour éclairer
cule s’engage dans l’anneau crural très à faire oeuvre d’historien. Il quitte sa
rente ; cette affection est mortelle en le présent est une activité plus propre
étroit. Cette hernie est souvent de petit patrie pour une série de voyages, dont
l’absence d’intervention chirurgicale au monde moderne qu’à l’ancien, les
volume, et sa recherche en est délicate la chronologie et l’importance restent
Grecs, d’une façon générale, étant plus
chez l’obèse. immédiate. Elle s’accompagne sou- incertaines et qui l’amènent à visiter
préoccupés du présent que du passé.
vent de grandes malformations (car- la Médie, la Perse, l’Assyrie, l’Égypte,
Plus que dans n’importe quel type Ajoutons qu’ils n’avaient qu’une atti-
le Pont-Euxin, la Grèce continentale et
de hernie, l’étranglement menace diaques, en particulier). rance médiocre pour les pays étrangers
la Grande-Grèce. Vers 446-445, il se
l’évolution ; c’est un accident grave en au leur, habités par des Barbares, c’est-
fixe à Athènes, où il se lie avec Péri-
raison de l’étroitesse de l’orifice cru- Les hernies de la ligne blanche à-dire par des non-Grecs.
clès et Sophocle, et cède à l’attrait de
ral ; les lésions intestinales sont vite
Elles sont bien plus rares : il s’agit Deux civilisations s’opposent : or,
la littérature attique, notamment de la
irréversibles.
tragédie. Au printemps de 443, il part Hérodote cède à un parti pris, celui
surtout de hernie épigastrique. Petite
Toute hernie crurale diagnostiquée de la nette supériorité de la Grèce
pour la colonie panhellénique de Thou-
tuméfaction réductible siégeant entre
« à froid » doit être opérée pour sup- sur l’Asie. Non seulement cette vue
rioi (sur les côtes sud de l’actuelle Ca-
l’ombilic et l’apophyse xiphoïde, la n’est pas fausse, mais elle a le mérite
primer ce risque évolutif grave. Toute labre). On ne sait s’il revient à Athènes
hernie crurale étranglée doit être opé- hernie épigastrique est constituée par d’introduire une certaine unité dans
et s’il fait de nouveaux voyages : il
rée d’extrême urgence. de l’épiploon, sortant de la cavité ab- l’oeuvre de l’historien. Quel est le point
meurt vers 420, après avoir consacré
de départ de son étude ? Au cours de
dominale par un orifice anormalement les vingt dernières années de sa vie à la
La hernie ombilicale ses nombreuses pérégrinations, Héro-
rédaction de ses Histoires.
élargi de la ligne blanche, constituée
dote a beaucoup observé. Ce voyageur
La hernie ombilicale vient au troisième
par l’entrecroisement des aponévroses curieux de tout sait voir. Il a sillonné
rang des hernies par ordre de fré- Conception de l’histoire
des muscles de la paroi abdominale des contrées mal connues pour pouvoir
quence. Elle se produit à travers l’ori-
Cicéron (De legibus, I, 1) appelle Hé- nourrir son entreprise. En Égypte, il
(v. abdomen).
fice ombilical distendu. rodote le « père de l’histoire ». Il oc- consulte les archives des temples, en
Le sac en est constitué par le péri- cupe, en effet, une place intermédiaire Grèce même il recopie des recueils
Les hernies rares
toine, adhérant à la peau et aux bords entre les logographes, qui se conten- d’oracles ; partout il visite les monu-
de l’anneau ombilical fibreux : dans les Les hernies ventrales, ou de Spiegel, se taient de recueillir des documents, et ments, déchiffre les inscriptions, se
hernies volumineuses, des adhérences produisent au niveau de la paroi anté- son successeur immédiat, Thucydide*, passionne pour les moeurs et coutumes,
multiples entraînent des cloisonne- qui, derrière les faits, veut découvrir interroge les indigènes et grave dans sa
rolatérale de l’abdomen, à la jonction
ments, facteurs d’étranglement. les causes. Dès le début de son ou- mémoire les renseignements qu’ils lui
des fibres charnues et aponévrotiques
vrage, il prend soin de nous indiquer sa fournissent. Cet effort d’information
La hernie ombilicale contient le plus
du muscle transverse, ou à travers un conception de l’histoire : « Hérodote est prodigieux. Mais Hérodote ne col-
souvent de l’épiploon, et par intermit-
orifice vasculaire. de Thourioi expose ici ses recherches, lectionne pas des faits purement « géo-
tence une portion d’intestin grêle.
pour empêcher que ce qu’ont fait les graphiques », à la façon d’Hécatée de
y Chez l’adulte, la hernie est plus Les hernies lombaires sortent de
hommes, avec le temps, ne s’efface de Milet (VIe s. av. J.-C.) : sa curiosité est
fréquente chez la femme que chez l’abdomen par le triangle de J.-L. Petit. la mémoire, et que de grands et mer- ethnographique, c’est-à-dire qu’elle
l’homme ; elle est l’apanage des veilleux exploits, accomplis tant par les dépasse le plan de la simple descrip-
Les hernies obturatrices sortent du
femmes grasses, ayant fait plusieurs Barbares que par les Grecs, ne cessent tion. Sans doute cette information
bassin par le canal obturateur : le dia-
grossesses. Si elle est de petite taille, d’être renommés ; en particulier, ce n’est-elle pas toujours sûre : aux yeux
gnostic en est fait à la période d’étran-
elle peut entraîner des manifestations qui fut la cause que Grecs et Barbares d’un moderne, ce qui manque à Héro-
douloureuses variées : elle se présente glement au cours d’une intervention entrèrent en guerre les uns contre les dote, c’est le contrôle des sources ; il
comme une saillie arrondie, déplis- pour occlusion. autres. » L’idée maîtresse de l’oeuvre ne se méfie pas assez de la tradition
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
orale, accepte trop facilement (par pa- valeurs condamne l’historien à traiter Le conflit de l’Orient et de la Grèce aboutit
L’artiste
aux défaites de l’Empire perse (VI-IX).
resse d’esprit, par amour du joli conte, de la même manière ce qui présente de
Le récit d’Hérodote, écrit dans un io-
par crédulité ?) des histoires extrava- l’intérêt et ce qui est secondaire (« Je y Livre premier, Clio. Histoire de Crésus,
nien mêlé d’éolismes, progresse avec le premier roi de Lydie, et soumission de
gantes. Cela ne signifie aucunement parlerai des petites cités comme des
lenteur et est coupé de digressions, de son royaume par Cyrus. L’enfance merveil-
qu’il n’est pas impartial, même s’il grandes ce qui était grand autrefois
contes et d’anecdotes. Il ressemble à leuse de ce dernier, qui devient maître de
admet la suprématie grecque. Cela ne est devenu petit ; ce qui est grand au- la Perse ; ses conquêtes, sa mort.
ce labyrinthe d’Égypte dont « les pas-
veut pas dire non plus qu’il n’est pas jourd’hui a commencé par être faible ; y Livre II, Euterpe. Description et histoire
sages à travers les chambres, les cir-
sincère : Plutarque a écrit un traité sur aussi connaissant les vicissitudes de la de l’Égypte.
cuits à travers les palais, causaient au
sa « malignité », mais nous n’avons
vie humaine, je mentionnerai les unes y Livre III, Thalie. Expédition de Cam-
voyageur mille surprises, alors qu’il
pas de raisons, quelles que soient ses
comme les autres » [I]). On voudrait byse, fils de Cyrus, en Égypte. Sa fin. Épi-
passait d’une cour dans des chambres,
inexactitudes, de suspecter la loyauté sode de Polycrate, tyran de Samos. Darios
qu’il soit plus critique, qu’il s’attarde des chambres dans des galeries, des
de l’historien. monte sur le trône de Perse ; il organise
plus sur l’essentiel (disons ce qui est galeries dans d’autres espaces cou- son empire.
essentiel pour nous modernes), qu’il verts, et des chambres dans d’autres
Philosophie et y Livre IV, Melpomène. Expédition de
hiérarchise. Mais ce désir n’est-il pas cours ». Cette allure capricieuse, cette Darios en Scythie (512) ; description de
psychologie vain ? Hérodote aurait-il fait preuve flânerie élégante qui se complaît dans ce pays. Les conquêtes du Grand Roi en
Dans ce vaste drame que traitent les de la même absence de préjugés, de la la narration d’aventures incidentes Égypte. Soumission de la Thrace par les
Histoires et où se heurtent deux modes même curiosité, s’il avait dû mettre en donnent un charme tout particulier à Perses.
de vie et de pensée inconciliables, le relief les épisodes saillants de l’histoire l’oeuvre. Hérodote excelle, avec une y Livre V, Terpsichore. Aristagoras de
spectacle des événements humains savante ingénuité qui n’exclut pas un Milet soulève l’Ionie (499) afin de secouer
de son temps et réduire la part des faits
le joug perse. Athènes entre dans la ligue
offre à Hérodote une source de médi- médiocres en eux-mêmes ? demi-sourire, à raconter des histoires
Ionienne.
tations. C’est d’ailleurs un mouvement plus ou moins légendaires. La femme
Cette tendance à ramener les y Livre VI, Érato. Défaite de l’Ionie et
naturel à un écrivain qui consacre du roi Candaule, Arion sauvé par un
hommes et les événements à un cadre soumission des lies et des villes de l’Helles-
sa vie à une oeuvre et qui finalement dauphin, Rhampsinite descendant aux
pratiquement uniforme conduit Héro- pont. Malheureuse expédition de Mardo-
prend un certain recul pour parvenir à Enfers pour jouer aux dés avec Démé-
nios contre la Grèce. Seconde expédition
dote à une psychologie qui peut pa-
une vision en profondeur du cours des ter, le pâtre Gygès devenu roi de Lydie, des Perses, qui sont vaincus à Marathon
raître souvent fragmentaire. Au heu
choses. Cette succession d’empires qui Démocède ou le médecin malgré lui, (490).
de chercher à appréhender le génie
s’élèvent sur les ruines des autres, ce Polycrate et son anneau, l’enfance de y Livre VII, Polymnie. Mort de Darios
propre et la personnalité d’un individu, Cyrus, la jolie fille de Péonie, le sou-
bouleversement incessant de ce qui (486). Son fils Xerxès se prépare contre
il vise de préférence un type commun, rire de l’enfant de Labda sont quelques la Grèce, puis l’envahit. La résistance
paraît le plus stable renforcent son
sentiment de la fragilité de la condi- propose une vérité d’ensemble plutôt exemples des dizaines de contes qui grecque ; les Thermopyles.
tion humaine et celui de la précarité de qu’une vérité particulière. C’est dire s’insèrent souplement dans la trame du y Livre VIII, Uranie. Combat naval près
actes. Elle plie jusqu’aux dieux sous Crésus est un Lydien, Cyrus un Mède, l’ampleur dramatique d’Eschyle, ni la Modernité d’Hérodote
sa loi. Ce Destin jaloux veille à ce que Xerxès un Perse, Pausanias un général sobriété de Thucydide, ni la précision
Cette matière hétérogène, cette masse
l’homme trop prospère soit un jour de Polybe*, ils ont du moins toute la
lacédémonien. La psychologie collec- énorme d’observations accumulées
abattu. Tel est le sens de l’émouvante saveur d’un conte.
tive l’emporte sur la psychologie indi- pendant une existence exercent leur
histoire de Crésus (livre premier), car Chez Hérodote, l’éloquence est ins- pleine séduction grâce à la transpo-
viduelle. Et pourtant, ces êtres vivent
il ne faut compter « heureux aucun tinctive : ses dialogues sont riches en sition de l’art. Les mérites littéraires
étonnamment devant nous. Hérodote,
homme avant son trépas ». La Némésis sentences (est-ce sous l’influence de d’Hérodote ne sont pas minces. Il faut
en effet, procède à la façon des mora-
ne se contente pas de châtier l’excès de la poésie gnomique ?) et sont le véhi- même réagir contre son charme enve-
listes : il remarque les détails — que ce
bonheur : elle punit l’orgueil, la déme- cule de fortes considérations philoso- loppant pour lire l’oeuvre comme un
soit une attitude ou une intonation — et
sure. « Tu vois, dit Artabane à Xerxès, phiques ou historiques, telles les pages ouvrage d’histoire, tant cet ensemble
campe un personnage, une silhouette.
comme la divinité frappe de la foudre où Démarate expose à Xerxès le carac- tour à tour romanesque, tragique ou
Loin de voir l’enchaînement psycholo-
les animaux qui sont de grande taille tère des Lacédémoniens (VII), telles merveilleux, parfois teinté d’humour,
gique des sentiments, loin de réfléchir
sans permettre qu’ils en fassent parade, l’admirable délibération de Darios, voire de gaillardise, pousse le lecteur à
sur les motivations d’un acte, il peint
tandis qu’elle n’en veut nullement aux Mégabyse et Otanès sur la meilleure perdre son sens critique et à se conten-
par petites touches des individus et les
petits ; tu vois comme elle lance ses forme de gouvernement, ou la consul- ter d’une vérité souvent approximative.
schématise. Comment voyons-nous
traits contre les édifices les plus hauts tation des généraux grecs à la veille de Plus encore sommes-nous sensibles au
Crésus ? Au premier abord, il paraît
et les arbres les plus élevés ; car la divi- Salamine (VIII). Il reste que la grâce fait que l’historien est constamment
bien avoir quelque réalité — et encore
nité aime à rabaisser tout ce qui s’élève du discours de l’historien n’est pas ouvert à la vie, qu’il y a chez lui un
[...]. Elle ne tolère l’orgueil que pour est-il fortement hellénisé —, mais il accidentelle : comme les poètes, Héro- don de sympathie et de compréhension
elle-même » (VII). D’où la nécessité de devient très vite le héros d’un conte dote a écrit ses Histoires pour qu’elles pour l’activité individuelle sous toutes
la sôphrosynê, la modération en toutes moral ; il est l’homme aveuglé par la soient lues à haute voix et non pas étu- ses formes. Dans ce « miroir pro-
choses, qui seule permet à l’homme richesse qui, après l’épreuve, apprend diées dans l’intimité des bibliothèques. mené le long de la route », son regard
d’échapper à la haine du Destin. à mépriser les biens. Hérodote met en amusé, toujours curieux, jamais amer,
Cette attitude d’esprit, qu’on re- scène un être stylisé qui n’existe que s’attarde avec bienveillance sur les ex-
L’oeuvre d’Hérodote
trouve chez les poètes tragiques, est pour autant qu’il sert de support à un ploits et les déceptions des hommes. Le
Les Histoires se divisent en neuf livres, aux-
quelque peu gênante chez Hérodote, apologue. L’homme aux prises avec la plaisir visible qu’il retire de la variété
quels les Alexandrins ont donné le nom des
puisqu’il en résulte, outre un rela- destinée, qu’il soit Grec ou Barbare, des choses, son enchantement presque
neuf Muses. Hérodote y expose la fonda-
tif pessimisme, l’idée qu’il n’y a ni puissant ou petit, voilà pour l’historien tion, puis les progrès de la puissance perse juvénile devant le phénomène humain
grands ni petits. Ce nivellement des une matière inépuisable. (I-V), qui doit mater la révolte d’Ionie (VI). ont une force communicative. Ce livre
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
d’un sage, qui sait être frivole, nous défini, autrement dit caractéristique : il en pouvoir, ni à ses semblables, ni à héros épique jouit d’un statut naturel et
touche par sa généreuse vitalité. doit recevoir un nom propre qui peut l’ordre extérieur ; il se confond avec historique privilégié qui fait de lui un
A. M.-B. avoir une valeur descriptive, et certains l’humanité moyenne : c’est pourquoi être exemplaire de la coïncidence de
F Grèce / Histoire. traits psychologiques qui constituent Henry Fielding* remarquait déjà que l’ordre humain et de l’ordre divin ; il
une unité. Les moyens de cette carac- le roman n’avait pas de héros. À cet ne lui est refusé que l’immortalité. La
A. Hauvette, Hérodote, historien des
guerres médiques (Hachette, 1894). / F. Focke, térisation sont divers : correspondance homme sans qualités qu’est devenu le religion chrétienne marque la fin de la
Herodot als Historiker (Stuttgart, 1927). / étroite de l’acte et de l’intériorité du personnage principal, suivant la for- tradition épique originelle. Le Paradis
P.-E. Legrand, Introduction, notice préliminaire
sujet, description directe par l’auteur mule de R. von Musil, succède l’anti- perdu (Paradise Lost) de John Milton*
sur la vie et la personnalité d’Hérodote (Les
Belles Lettres, 1932). / K. Wuest, Politisches ou le personnage lui-même. Les formes héros, qui, en stricte définition, est définit l’héroïsme comme l’obéissance,
Denken bei Herodot (Wurzbourg, 1935). / narratives et dramatiques obéissent au inférieur à ses semblables et donne la fidélité à Dieu, et l’action comme la
J. E. Powell, The History of Herodotus (Cam-
principe de la causalité ; le héros est l’impression d’être diminué ou asservi. création de l’homme ou du monde par
bridge, 1939). / M. Untersteiner, La Lingua di
un moyen d’assurer l’enchaînement Cette classification permet de dégager Dieu ; le sujet humain devient passif ou
Erodoto (Bari, 1949). / R. Crahay, la Littérature
oraculaire chez Hérodote (Les Belles Lettres, des faits et des motifs de l’argument, la succession des genres littéraires et ne peut agir que par la révolte. Adam,
1956). / A. de Sélincourt, The World of Herodo- et de personnifier les liens de cause à le principe de l’évolution du person- contraint, après la chute, de travailler
tus (Londres, 1962 ; trad. fr. l’Univers d’Héro-
effet. La modification du caractère est nage principal dans la littérature occi- la terre, est le prédécesseur de Robin-
dote, Gallimard, 1966). / H. R. Immerwahr, Form
inséparable du changement de la situa- dentale. Du pouvoir d’action du héros son Crusoe. Aussi, dans la Légende des
and Thought in Herodotus (Cleveland, 1966). /
H. F. Bornitz, Herodot-Studien (Berlin, 1968). tion dramatique dans le récit. La notion de l’épopée, qui ordonne le réel, l’on siècles de Victor Hugo*, le héros est-il
/ J. Lacarrière, Hérodote et la découverte de la d’anti-héros, chère au roman et à la cri- passe à l’identification stricte de la psy- l’humanité considérée comme un tout,
terre (Arthaud, 1968).
tique contemporaine, ne contredit pas, ché du personnage à la réalité quoti- puisque l’individu est complètement
quant au fond, ces éléments spécifiques dienne, comme dans Ulysses (Ulysse) séparé du monde divin et de la tempo-
de toute forme narrative et dramatique. de James Joyce*, où l’équivalence du ralité cyclique. Le progrès de l’argu-
Le rapport sujet-objet est déséquilibré subjectif et de l’objectif fait participer ment ne se confond pas avec le retour
héros littéraire (tantôt le héros semble s’absenter du l’être et le monde d’un principe unique à une stabilité première, mais avec le
(le) récit — Alain Robbe-Grillet* —, tantôt de décomposition ; la déconstruction à dessin d’un futur.
il paraît faire vivre de sa psyché ce qui laquelle procède Leopold Bloom, par le Le genre tragique apparaît au VIe s.
lui est extérieur — Nathalie Sarraute* discours intérieur, est l’envers de l’ac-
La critique littéraire définit le héros av. J.-C. Récit de la liberté et de la fata-
—), mais le personnage principal sub- tion équilibrée du personnage épique. lité, il condamne le héros à s’interroger
comme le personnage principal du récit
siste auquel tout est rapporté, fût-il pur La constitution de l’épopée et de la tra- sur la source de ses actions. Pour être
ou du drame sans attacher à cette qua-
regard ou complète passivité. gédie suppose la rupture de l’univers
lification aucune notion de courage ou capable d’une telle question, l’agent
Héros ou anti-héros, l’opposition mythique et la conception de l’homme doit se considérer au moins partielle-
de valeur morale.
ne prend de sens que par le pouvoir comme être historique ; la lente évo- ment autonome par rapport à l’ordre
L’usage du terme est généralement
d’action, plus ou moins grand, du lution du héros littéraire marque une divin, et doué d’une intériorité psycho-
limité aux formes narratives (épopée,
personnage puisque, dans un récit ou réduction croissante du rapport du logique propre. Comme il y a toujours
roman, nouvelle) et dramatiques, à sujet à la totalité historique, et, consé-
dans un drame, l’intrigue n’est que discordance entre la décision du héros
l’exclusion du genre lyrique. L’indi-
l’accomplissement de certains actes quemment, une identité individuelle de et les conséquences, le rapport de la
vidualisation du personnage doit être
par un sujet donné. Comme l’a indiqué moins en moins caractérisée. volonté à l’acte reste problématique,
telle qu’elle établisse une interaction
Northrop Frye, les différents genres Le héros de l’épopée agit pour dé- et l’identité personnelle est définie
manifeste de l’intériorité du sujet et de
littéraires peuvent être classés suivant couvrir ou rétablir l’ordre premier ; il par ce qui n’a pas été choisi. Innocent
la réalité extérieure, qu’elle équilibre
le pouvoir d’agir du héros ; il n’est établit la certitude de la stabilité face à coupable, coupable innocent, tel est
les caractères immédiats, personnels, et
de personnage principal que dans la la naissance et à la mort des individus, OEdipe. Le héros tragique conçoit les
le rapport avec une réalité sociale, his-
mesure où il est donné d’apprécier son à l’apogée et au déclin des empires. plans humain et divin comme distincts,
torique et humaine. Une pièce lyrique
aptitude à accomplir ce qui est attendu, L’Iliade, l’Odyssée, l’Énéide marquent opposés, et cependant inséparables.
peut présenter des traits étrangers à sa
exigé de lui. Ce principe normatif com- toutes le retour au point de départ, alors Il a le sens de la responsabilité et de
forme première : séquence temporelle,
mande sa caractérisation et traduit, au que le héros est apparemment mis en son individualité, mais il ne se suffit
action, et substituer au mode d’expres-
plan littéraire, les idées dominantes, danger. L’agent est le témoin manifeste pas encore à lui-même. Chacun de ses
sion subjectif une structure organique
dans une société donnée, sur la puis- de l’union d’une temporalité cyclique gestes participe du monde invisible.
proche de celle du récit, dans un cadre
sance humaine et les limites de son et d’une temporalité séquentielle, qui Le héros tragique des temps modernes
limité. Elle peut aussi prendre l’aspect
exercice. Dans le mythe, le héros est est le voile de la première. Don Qui- reste la victime du destin et condamné
d’un dialogue dramatique. Dans ces
supérieur à tout homme, il appartient chotte, affirmant : « Ami Sancho, il à mourir, mais il a, le plus souvent, une
cas, un héros est au centre de l’oeuvre :
à l’ordre divin. S’il ne peut être tenu faut que tu saches que je suis né, par claire conscience de la source de ses
Prufrock est le personnage principal de
pour un personnage littéraire, il est, ce- la volonté du ciel, en ce présent âge actions. Son autonomie est complète,
The Waste Land de T. S. Eliot*.
pendant, à l’origine de la typologie de de fer, afin d’y faire revivre celui d’or même s’il se réfère à quelque divinité.
Fonction du genre littéraire et d’élé- l’acteur principal des formes narratives ou le Doré, comme on a coutume de Il devient l’acteur d’un drame héroïque
ments socio-historiques, la concep- et dramatiques, qui, à la différence du le nommer... », souligne la fonction comme chez Corneille*, ou historique
tion du héros est aussi variable que la mythe, ne prétendent pas à une repré- du héros épique, qui est de restituer la comme chez Shakespeare*, ou passion-
manière dont est établie la coïncidence sentation encyclopédique du réel. Dans légalité divine, olympienne. L’homo- nel. Dans Hamlet et Macbeth, Fortin-
du personnage avec l’essence de la la légende, le conte populaire, le Mär- logie du monde visible et de l’invisible bras et Malcolm, les personnages qui
réalité. Elle doit cependant satisfaire chen et leurs dérivés, les lois naturelles entraîne que les caractères des person- échappent à la mort et sont chargés de
à quelques exigences simples : retenir sont partiellement ou totalement abo- nages sont fixés une fois pour toutes. maintenir l’ordre de la cité, indiquent
l’attention et la sympathie du lecteur lies ; bien qu’il soit défini comme un Ulysse sera toujours l’homme aux que l’histoire est un ingrédient néces-
ou du spectateur par un lien émotion- homme, le héros détient un pouvoir mille ruses et tenu d’agir suivant cette saire de la résolution tragique. Tragédie
nel qui dépend de la construction es- étranger à l’humanité. Dans l’épopée définition ; il ne peut évoluer : Athéna de l’honneur, tragédie de la vengeance,
thétique de l’oeuvre et qui ne rappelle et la tragédie, il est supérieur à ses sem- le rajeunit pour effacer les marques de tragédie de la passion, la responsabilité
pas nécessairement les conventions blables, mais est dominé par l’ordre dix années d’errance. Condamné à la du sujet se définit en termes stricte-
sociales et morales du moment ; pré- naturel, social ou surnaturel. Dans le perfection, dans la mesure même où il ment humains, même si elle s’applique
senter un personnage central nettement roman et la comédie, il n’est supérieur, participe de la stabilité de l’univers, le à des données religieuses. Les consé-
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ponsabilité, mais, privé d’un pouvoir et l’identité est condamnée à se défaire, rupture aboutit après dessèchement à la bies Viruses (New York, 1969).
d’une lucidité supérieurs à la moyenne le personnage voit la réalité comme formation de minces croûtes brunâtres.
humaine, il se prête à des caractérisa- son propre reflet ou il a l’impression Le ganglion lymphatique de la région
tions aussi diverses que le personnage d’être possédé par ce qui lui est étran- peut être augmenté de volume pendant
romanesque. ger. Telle est l’origine de l’anti-héros : quelques jours. Le siège de prédilec- Herrera
l’égocentrisme propre au héros roma- tion est la face, l’atteinte des doigts est
Le héros romanesque est un sujet
nesque (on fit la remarque à propos de
(Francisco)
autonome qui n’appartient ni à une plus rare.
Robinson Crusoe, au XVIIIe s.), signe
totalité humaine indifférenciée ni à un Les conditions d’apparition sont Peintre espagnol (Séville v. 1580? -
de l’émergence à la conscience indi-
ordre divin. Il est l’individu soumis à diverses : maladies infectieuses, choc
viduelle, conduit à la dissolution du Madrid apr. 1657).
sa liberté. Ainsi séparé de toute organi- hormonal (menstruation), trauma-
moi. Aussi le personnage peut-il être Herrera le Vieux (« el Viejo »), l’un
sation qui puisse le définir a priori, son tismes, vaccinations. L’herpès est par-
celui de la parole anonyme, comme des « peintres insignes » du siècle d’or
identité se confond avec sa situation fois récidivant. L’herpès cataménial
chez Maurice Blanchot, celui de la — « Soleil là où [Francisco] Pacheco
spatiale et temporelle, et ses souvenirs. (apparaissant aux règles) se reproduit
confusion des consciences, comme n’est qu’étoile », dit Lope de Vega dès
Son statut est inséparable du réalisme, parfois des années. L’herpès peut sié-
chez Marguerite Duras, l’Homme invi- 1630 dans son Laurel de Apolo —, est
c’est-à-dire de l’examen des realia, de ger aux muqueuses : lèvres, vulve, mu-
sible (Invisible Man), suivant le titre aussi le plus mal connu des maîtres de
la vie quotidienne, sans aucun présup- queuse balano-préputiale, anus. Chez
de Ralph Ellison. Pour racheter cette son temps. Et surtout, il est victime —
posé général théologique ou métaphy- la femme, l’herpès vulvaire profus est
disparité, le mythique reste toujours comme le fut Ribera* — de légendes
sique. En l’absence de toute détermina- fait d’ulcérations confluentes accompa-
proche du romanesque, il est le moyen qui en font un personnage truculent,
tion globale, le sujet doit inventer ses gnées d’oedème ; il est très douloureux.
formel de conserver un statut au héros. coléreux et tyrannique, peignant fu-
fins et se donner une raison d’être. Pa-
L’urétrite herpétique est exception-
L’influence de The Golden Bough (le rieusement, à coup de brosses et de ba-
nurge, vagabond dégagé de tous liens
Rameau d’or), ouvrage d’anthropolo- nelle, et sa nature virale le plus souvent lais, terrorisant ses élèves, dont aucun
sociaux et familiaux, et de tous biens,
gie religieuse de James Frazer, sur les méconnue. L’herpès pharyngé (angine ne résiste à ses rebuffades, et ses en-
est notre premier héros de roman. Une
écrivains anglais et américains après herpétique) débute brusquement avec fants, qui fuient la maison paternelle, la
telle conception du personnage est
la Première Guerre mondiale, les ré- des frissons, une fièvre élevée. Les fille vers le couvent, le fils vers Rome ;
inséparable de la Réforme, de l’égali-
férences contemporaines à la légende érosions sont multiples, confluentes, faux-monnayeur à l’occasion, il est
tarisme propre au protestantisme, de
d’OEdipe la confirment. Contraint de douloureuses et causent une forte gêne absous par Philippe IV, admirateur de
la morale catholique, qui attache une
vivre dans le quotidien, le héros roma- pour avaler. L’intensité des signes son talent. Il est probable que Herrera
importance particulière aux oeuvres
nesque tente de dominer la disparité généraux doit faire rechercher la pos- fut fantasque et difficile à vivre, si l’on
des philosophes tels que Descartes,
des jours par un ordre répétitif. Loin- sibilité d’une maladie infectieuse qui en juge par les documents d’archives
Hume, Hobbes, qui définissent la na-
tain successeur du personnage épique, extériorise l’herpès. qui relatent des procès, des menaces
ture de l’expérience individuelle. Les
il éprouve que le sujet, éveillé à lui- L’herpès de la cornée (kératite her- de contrainte par corps pour le cas où
notions d’action et de nécessité dispa-
même par l’histoire, ne peut se suffire pétique) est tantôt bénin, tantôt grave, l’artiste n’exécuterait pas ses contrats.
raissent au profit de celle d’aventure
dans l’histoire. Il partage avec le héros infiltrant, capable de léser définitive- Mais rien de plus : nous ne connais-
biographique : le héros n’est plus un
tragique l’expérience de l’absence ap- ment la cornée (donc la vue). sons Herrera que par ses oeuvres, dont
type littéraire ou historique hérité de
parente de toute rationalité. Comme le la fougue et le mouvement l’opposent,
la tradition, il doit être original. Novel, Le virus herpétique a de 120 à
suggère le titre du roman de Carlo Levi il est vrai, au grand style paisible de
l’équivalent anglais du mot roman, si- 150 millimicrons. Inoculé à la cor-
Cristo si è fermato a Eboli (Le Christ Roelas* ou de Zurbarán*.
gnifie « nouveau ». Au-delà des détails née du lapin, il provoque une kéra-
s’est arrêté à Eboli), le héros littéraire Né à Séville, peut-être entre 1580 et
des arguments et des actes, le person- tite souvent suivie d’une encéphalite
vient à l’existence lorsque tout garant 1590, il apparaît pour la première fois
nage romanesque confronte l’unité de mortelle. Chez l’homme, l’extension
de la stabilité des êtres et des choses a en 1610 comme graveur, et en 1617
sa propre conscience à l’étendue du à l’encéphale est au contraire excep-
disparu ; il lui appartient de traiter avec comme peintre, avec une Pentecôte
monde, et cherche constamment une tionnelle. Le diagnostic se pose avec :
le désordre immémorial, celui de nos (Tolède, musée du Greco) vigoureuse-
adéquation du sujet et de l’objet. Sa l’eczéma (vésicules plus petites, asso-
cités ou de notre humanité. ment dessinée, mais encore maniériste
conscience est à la fois trop petite et ciées à d’autres manifestations), la
J. B. et de tons clairs, très en retard sur les
trop vaste : elle est incapable, à partir varicelle (ombilication et âge différent
F Littérature. oeuvres de jeunesse de Vélasquez*.
de sa perception singulière, d’échapper des vésicules), l’impétigo (v. bulles).
à la multiplicité du réel, qui devient peu G. Lukács, Die Theorie des Romans (Berlin, Sa différenciation d’avec le zona* C’est entre 1625 et 1630 que Her-
1920 ; nouv. éd., 1963 ; trad. fr. la Théorie du
à peu le symptôme de l’absorption du peut être plus délicate. Le diagnostic rera s’affirme comme un maître plein
roman, Gonthier, 1963). / N. Frye, Anatomy of
sujet par ce qui lui est étranger, mais, Criticism (Princeton, 1957 ; trad. fr. Anatomie de l’herpès génital est généralement de brio et d’éclat. Si son Jugement der-
suivant les termes de Hermann Broch, de la critique, Gallimard, 1969). / J. B. Vickery difficile et cause de fréquentes erreurs nier de 1629 (Séville, San Bernardo)
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
est d’une violence un peu creuse et pée de martyr noyée dans la pénombre, intervention impatiemment attendue Cartel), ce qui ne l’empêche pas d’ad-
n’échappe pas aux formules acadé- brillant morceau de rhétorique ma- de l’assistance, que la magie du verbe mirer Pascal et l’humanisme chrétien
miques, son vaste Triomphe de saint cabre : Herrera fut peut-être le créa- de l’orateur charmait et enthousiasmait et d’entretenir d’excellentes relations
Herménégilde (Séville, musée des teur de ce genre, qu’illustrèrent, dans tour à tour ; ménageant savamment avec l’Église de Lyon.
Beaux-Arts), à trois zones superposées la seconde moitié du siècle, de nom- ses effets, pointant du doigt, écartant Il est méfiant à l’égard de tout bona-
comme dans les tableaux de Roelas, breux peintres sévillans, Valdés* Leal tel argument d’un ample mouvement partisme. Il s’oppose à Millerand en
montre un élan, une chaleur de tons, en tête. du bras, accompagnant son propos de 1923, aux décrets-lois de Caillaux en
une liberté d’exécution sans précé- L’aîné de ses fils, Francisco Herrera mimiques appropriées du visage, Her- 1926, aux projets autoritaires de Dou-
dent dans la peinture sévillane. Et la le Jeune (« el Mozo ») [Séville 1622 - riot traitait avec brio de tous les sujets, mergue en 1934.
série qu’il peint en 1628 pour la nef du Madrid 1685], fut également peintre et faisant jaillir opportunément de sa pro-
À l’instar des Jacobins de 1793, Her-
collège San Buenaventura, consacrée architecte renommé. Ayant achevé sa digieuse mémoire le fait précis ou la
riot allie l’amour de la liberté à l’amour
à la jeunesse du saint (Zurbarán trai- formation en Italie, revenu à Séville citation indispensable.
de la patrie : la patrie, il la sent dans les
tant concurremment sa vie publique et vers 1655, il peignit pour la cathédrale Physiquement, Édouard Herriot était paysages chers à son coeur, son village
sa mort) et qui se partage aujourd’hui des tableaux (le Saint Sacrement adoré une force de la nature, mais sa massi- champenois, Lyon, sa ville d’adoption.
entre le Prado, le Louvre et peut-être par les docteurs, le Triomphe de saint vité n’allait pas sans grâce : une tête Sa patrie, il veut la protéger du dan-
le musée de Greenville (États-Unis), François), qui révèlent un dynamisme puissante couronnée de cheveux drus, ger allemand, et pour cela il se fait, à
est unique dans la peinture sévillane baroque plus théâtral que celui de son le regard pénétrant sous des sourcils la S. D. N., le porte-parole de la sécu-
par l’aisance et le naturel, l’ampleur du père, plus sensible aussi à des raffine- épais, la moustache courte soulignant rité collective, en vain. Alors il rallie
style, l’éclat de la couleur, la variété et ments de couleurs dégradées, à des ef- la bouche charnue. l’U. R. S. S. à la France (1925) et s’ef-
le puissant relief des portraits — ceux- fets de clair-obscur appris peut-être des
Le peuple français se reconnaissait force de maintenir l’amitié américaine
ci atteignent parfois un accent presque Vénitiens. Après 1660, il se transporta en lui : d’un appétit gargantuesque, (1932). La Seconde Guerre mondiale
caricatural (Profession du saint, Prado) à Madrid ; il y fut l’un des pourvoyeurs
mais fin gourmet, il appréciait la bonne sera pour lui une épreuve dont il sortira
—, tandis que l’intensité de l’expres- les plus féconds des églises madrilènes cuisine et les bons vins. Peu soucieux marqué physiquement et moralement.
sion religieuse, l’éclat assourdi des en grands tableaux d’autel (Ascension
de protocole, la tenue vestimentaire Redevenu président de la Chambre
chasubles et des tentures dans un moel- de saint Herménégilde, Prado) et en
négligée, la pipe à la bouche, il écoutait (1947), il incarne de nouveau la tra-
leux demi-jour font de la Communion fresques, très admirées, mais dont au-
avec une humeur égale les requêtes des dition démocratique, et l’on se tourne
du saint (Louvre) une des oeuvres ma- cune ne subsiste.
humbles et les hommages des notables. vers lui comme vers les augures. En
jeures de la peinture espagnole.
En 1677, il devient maître d’oeuvre Herriot se sentait « peuple » : monté 1954, il intervient vigoureusement
Par la suite, Herrera évolue vers un des bâtiments royaux. À ce titre, il aux honneurs par le travail et non par contre la C. E. D. (Communauté eu-
lyrisme de plus en plus baroque, créant donne les plans de la nouvelle basi- la fortune, il méprisait l’argent, qui ropéenne de défense), et le projet est
une galerie de vieillards barbus, péni- lique du Pilar à Saragosse : le sanc- corrompt, et pratiquait l’honnêteté en repoussé. Cependant, il connaît peu
tents ou prophètes (Saint Jérôme du tuaire, très vaste, aurait été à la fois politique. Pour ne pas renier la signa- les nouvelles générations de parlemen-
musée de Rouen, 1636), de pontifes grandiose et pittoresque, avec la forêt ture de la France à l’égard des États- taires, et les conditions politiques ne
impérieux (Triomphe de saint Basile, des coupolettes sur les chapelles entou- Unis, il quitta le pouvoir en 1932, et sont plus les mêmes qu’autrefois. De
1639, musée de Séville ; Saint Basile rant la grande coupole centrale. Mais ce geste frappa l’imagination popu- plus, sa santé s’altère gravement.
dictant sa doctrine, Louvre), d’un l’artiste mourut sans l’avoir achevée, laire. Il pensait que la culture ne peut
En 1946, son élection à l’Académie
accent épique qui les fait reconnaître et ses successeurs modifièrent fâcheu- être l’apanage d’une élite : ouvrir
française lui apporte une immense
aussitôt. sement ses plans. les arcanes du savoir à tous (école
satisfaction. Son oeuvre littéraire, son
Vers 1640, le peintre semble s’apai- P. G. unique), démocratiser l’enseignement
universelle culture justifiaient pleine-
ser, traitant des sujets plus intimes secondaire (gratuité, 1927), développer
ment cette distinction, couronnement
(Sainte Famille, musée de Bilbao, dès l’enseignement technique afin de créer
d’une carrière déjà bien remplie.
1637), s’intéressant davantage aux un humanisme moderne fondé sur la
P. M.
effets de lumière et au paysage. Un Herriot (Édouard) culture scientifique, et finalement atta-
F Cartel des gauches / Radicalisme / Répu-
seul des grands panoramas — frises cher la jeunesse à la République, tels blique (IIIe) / République (IVe).
de personnages devant des campagnes Homme politique français (Troyes sont ses soucis au ministère de l’Ins-
J. Louis-Antériou et J.-J. Baron, Édouard
boisées — sur les miracles de Moïse et 1872 - Saint-Genis-Laval, Rhône, truction publique (1926-1928). Herriot au service de la République (Éd. du Dau-
des pains et des poissons, dont Murillo Herriot : il ne passa que peu de temps soucieux d’égalitarisme et méfiant à
s’inspirera plus tard à la Caridad de Sé- au gouvernement. En revanche, son l’égard des puissances d’argent. Entre La carrière d’Édouard
ville. Herrera s’installe alors à Madrid, nom s’attache à trois postes qu’il mar- les deux guerres, il apparaît véritable- Herriot
peignant des thèmes d’intimité chré- qua de sa forte personnalité : la mairie ment comme l’oracle de la République.
1891-1893 Élève à l’École normale
tienne comme ses Saint Joseph (Ma- de Lyon, qu’il occupa un demi-siècle Pour lui, la démocratie est le gouver- supérieure.
drid, musée Lázaro Galdiano, 1648, et et où il se rendait régulièrement chaque nement idéal, qui protège les libertés du
1893 Agrégé des lettres.
musée de Budapest). Il ne doit pas y semaine, la présidence de la Chambre citoyen définies dans la déclaration de
vivre bien longtemps : après son testa- et celle du parti radical, groupement 1896 Professeur au lycée Ampère. Il sera
1789. À cet idéal de liberté s’accroche
chargé d’un cours à la faculté des lettres
ment de 1657, on perd sa trace. dont il fit entre les deux guerres le pivot un idéal de progrès : la démocratie se de Lyon.
Ce fougueux créateur de héros de la République. doit d’être sociale (mais non socialiste
1904 Docteur ès lettres (thèse sur Madame
tourmentés, ce magnifique artisan ne Édouard Herriot fut avant tout « le et dirigiste). Enfin, vertu républicaine à
Récamier et ses amis).
fut pas moins remarquable — d’après président » ; c’est par centaines que laquelle il tient par-dessus tout, la laï-
1905-1955 Maire de Lyon (avec interrup-
ses contemporains — comme peintre l’on peut compter les sociétés, les cité assure le respect des consciences ;
tion de déc. 1940 à 1945).
de natures mortes : mais aucune ne banquets, les congrès qu’il présida. Herriot est laïque avec une pointe de
1910 Conseiller général du Rhône.
nous est parvenue. En revanche, le Présider était pour lui un plaisir et il sectarisme (affaire de l’ambassade du
Prado possède, signée, une Tête cou- exprimait ce plaisir au cours d’une Vatican, politique antireligieuse du 1912-1919 Sénateur du Rhône.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
décembre 1916 - mars 1917 Ministre des 30 août 1954 Herriot intervient dans le l’astronomie des étoiles doubles. Il vont immortaliser son nom. Appelé
débat de la C. E. D., pour faire repousser
Travaux publics, des transports et du ravi- ne néglige pas cependant le système en 1889 à l’université de Bonn pour
le projet.
taillement (6e cabinet Briand). solaire, reconnaît les calottes polaires y remplacer Rudolf Emanuel Clausius
de Mars, découvre deux satellites de (1822-1888), il a à peine le temps de
1919-1957 Président du parti radical (avec
Saturne et deux d’Uranus, détermine prendre possession de son laboratoire.
interruptions de 1926 à 1931 et de 1936
pour les durées de rotation de Mars Une douloureuse maladie des os s’em-
à 1945).
Herschel et de l’anneau de Saturne des valeurs pare de lui et le terrasse, âgé seulement
1919-1940 Député du Rhône.
très proches de celles qui sont adoptées de trente-six ans.
1923 Herriot contre Alexandre Millerand Famille d’astronomes anglais d’origine actuellement, suit les variations des Hertz est devenu célèbre par ses
(affaire du discours d’Évreux, oct. 1923). allemande. taches solaires et remarque une relation travaux sur les ondes électromagné-
entre leur importance et les prix du blé tiques. En 1887, il produit des ondes
11 mai 1924 Triomphe du Cartel des Sir WILLIAM (Hanovre 1738 - Slough,
en Angleterre, effet des climats.
gauches aux élections législatives. Buckinghamshire, 1822), issu d’une métriques grâce à son oscillateur et
famille de musiciens, arrive en Angle- Depuis Slough, il fera des voyages montre qu’elles possèdent toutes les
14 juin 1924 Premier cabinet Herriot.
terre en 1757 et commence par vivre auprès des astronomes étrangers, no- propriétés de la lumière : réflexion et
21 juin 1924 Conférence des Chequers de sa profession. Organiste à Halifax, tamment à Paris en 1802. Il ne cessera réfraction, interférences, diffraction,
(Londres). il est appelé en 1767 aux fonctions de perfectionner ses instruments, dont polarisation, vitesse de propagation.
normande. Gregory, qui est alors le modèle le plus l’amitié de la famille royale anglaise, La même année, Hertz précise le
répandu et dont il rêve, Herschel entre- elle sera reçue à la Royal Society et rôle du diélectrique dans l’induction,
1925-1928 Herriot président de la
prend d’en construire un ; mais, devant recevra les plus hautes distinctions en utilisant des oscillations rapides.
Chambre des députés.
la difficulté de réaliser le miroir secon- scientifiques. En même temps, il découvre l’effet
17 juillet 1926 Herriot contre le projet daire, il revient au télescope de New- Sir JOHN (Slough, Buckinghamshire, photo-électrique en remarquant que la
Caillaux des décrets-lois. ton, qui n’en comporte pas, et en exé- 1792 - Collingwood, Kent, 1871), fils formation de l’étincelle est plus facile
cute un grand nombre d’exemplaires, de William, astronome et physicien, lorsque l’éclateur de son résonateur re-
19-21 juillet 1926 Deuxième cabinet Her-
riot, qui n’obtient pas la majorité lors de sa dont la vente dans toute l’Europe lui poursuit l’oeuvre de son père, identi- çoit de la lumière ultraviolette. En 1892
présentation à la Chambre. permet de poursuivre ses propres fabri- fiant lui-même 525 nébuleuses ; il sera enfin, il observe, avant Philipp Lenard
cations et d’observer le ciel. Il emploie aussi l’un des pionniers de l’astrono- (1862-1947), que les électrons peuvent
juillet 1926 - novembre 1928 Ministre
surtout un excellent « 7 pieds » (dési- mie des étoiles doubles, avec des mil- traverser la matière, en faisant passer
de l’Instruction publique et des beaux-arts
gnation alors en usage et qui se rap- liers de découvertes, dont les premières des rayons cathodiques à travers des
(4e cabinet Poincaré). Il propose le « tronc
porte à la longueur focale, ici un peu séries dans le ciel austral lors d’un sé- feuilles minces d’or ou d’aluminium.
commun » et la gratuité de l’enseignement
plus de 2 m), de 18 pouces d’ouverture. jour au Cap.
secondaire. Après sa mort paraissent ses Prin-
Il se consacre alors à un recensement P. M. cipes de mécanique (1894), dans les-
3 juin - 14 décembre 1932 Troisième général de tous les objets particuliers
quels il tente de développer toute la
cabinet Herriot. Conférence de Lausanne. du ciel, découvrant, décrivant et cata- dynamique à partir d’un seul principe
Affaire des dettes américaines. loguant des milliers de nébuleuses. fondamental, celui de moindre action.
1934-1936 Herriot est ministre d’État Procédant à ses célèbres « jauges », qui Hertz (Heinrich Hertz meurt trop tôt pour assister au
sont des dénombrements d’étoiles par
des cabinets G. Doumergue, P. E. Flandin,
carrés d’égale surface dans diverses
Rudolf ) prodigieux développement des applica-
F. Bouisson, P. Laval. Il s’oppose aux projets
tions de ses ondes, que l’on a baptisées
« autoritaires » de Doumergue et conseille zones, il chiffre la concentration galac-
Physicien allemand (Hambourg 1857 - hertziennes, et le nom même de Hertz
Laval dans sa politique éthiopienne. tique, dont on avait une connaissance
sera donné à l’unité de fréquence (le
quantitative, et amorce ainsi toute l’as- Bonn 1894).
4 juin 1936 - 9 juillet 1940 Président de hertz).
tronomie stellaire. Au cours de ces ob- Fils d’un sénateur, ce grand savant,
la Chambre des députés. Le 10 juillet 1940, R. T.
servations, il aperçoit, le 13 mars 1781, dont la vie fut si courte et si bien rem-
à Vichy, il s’abstient dans le vote des pleins
un objet non ponctuel, constate son plie, se prépare d’abord à la profession
pouvoirs au maréchal Pétain. Édition de
mouvement et ajoute pour la première d’architecte ; mais il y renonce en 1878
Lyon n’est plus.
fois une planète, Uranus, au système pour se consacrer à la recherche scien-
novembre 1942 - août 1944 Herriot est solaire des Anciens. Cette découverte tifique. Helmholtz*, dont il est l’élève
Herzen
interné en France. lui vaut la charge d’astronome du roi à l’université de Berlin et qui apprécie (Aleksandr
pour 200 livres annuelles ; il se rap- ses qualités d’expérimentateur, se l’at-
septembre 1944 - avril 1945 Herriot est
proche de Windsor en quittant Bath tache comme assistant et l’oriente vers
Ivanovitch)
déporté à Babelsberg (près de Potsdam). Il
est libéré par l’armée rouge. (ainsi que la musique) pour Slough. l’étude de l’électrodynamique. Reçu
Écrivain russe (Moscou 1812 - Paris
Il se tourne vers l’étude des étoiles docteur en 1880, il est d’abord maître
1946 Herriot élu à l’Académie française au 1870).
doubles, croyant par des mesures de de conférences à l’université de Kiel,
fauteuil de Mgr Baudrillart.
position déceler des parallaxes ; il puis, en 1885, professeur à l’école Herzen voyait loin, et de loin ; contre
1947-1955 Président de l’Assemblée constate au contraire des mouvements technique supérieure de Karlsruhe. l’apathie, l’égoïsme et la myopie de
nationale. relatifs de nature orbitale et crée ainsi C’est là qu’il accomplit les travaux qui la noblesse russe, il a lancé d’Angle-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
terre, où il vivait exilé, des appels à Sans doute Herzen doit-il à sa plus comme date de l’histoire sociale tout sectarisme : occidentaliste, Her-
la révolution socialiste. Avec Kolokol double hérédité ce mélange de ten- que comme chef-d’oeuvre littéraire. zen a conservé son estime pour des
(la Cloche), son journal de propagande dances contradictoires. Il est le fils na- Le sol natal n’est pas sûr pour les slavophiles, chez lesquels il puise
publié à Londres de 1857 à 1868, il turel d’un noble russe, I. A. Iakovlev, écrivains engagés dans l’opposition ; sa confiance dans le peuple russe,
dénonçait les injustices et la corruption chez lequel sa mère, allemande, sert Herzen, après avoir touché un impor- confiance telle que la communauté vil-
de son pays, au point que le tsar lui- d’institutrice. Il reçoit une éducation tant héritage de son père et obtenu non lageoise (obchtchina) devient pour lui
même trouvait dans cette revue clan- très soignée comme celle d’un fils de sans mal un passeport, quitte la Russie la base du socialisme agraire.
destinement diffusée en Russie plus de gentilhomme et, auprès d’un précep- et se rend à Paris, où il assistera à la
renseignements que dans tous les rap- teur français « Jacobin terroriste », puis Bien des détails, certes, bien des
révolution de février 1848 et où il écrit
ports de son administration. Mais en d’un séminariste russe, il découvre les les célèbres Lettres de l’avenue Mari- théories, bien des interprétations his-
même temps, au nom du réalisme et de deux pôles de sa pensée. gny (1847). Son enthousiasme, son ad- toriques apparaissent démodés au-
l’honnêteté intellectuelle, l’écrivain se hésion à la cause socialiste, son intérêt jourd’hui et même erronés. Mais cette
Il a treize ans lorsqu’il se lie d’ami-
défiait des faux prophètes de la liberté tié avec le jeune Nikolaï Ogarev (1813- pour le saint-simonisme lui interdisent forme d’interrogation désintéressée
et des préjugés de l’idéalisme révolu- désormais tout retour en arrière et le sur l’histoire de l’humanité, où l’espé-
1877), avec qui il partagera toutes ses
tionnaire ; et il jugeait sévèrement tous convictions. Les deux jeunes gens, qui rendent même indésirable en France, rance se tempère d’ironie et s’appuie
les systèmes. après la victoire de Cavaignac. C’est
fréquentent l’université de Moscou, sur l’analyse, offre une démarche
Au fond, Herzen est une sorte de fondent un cercle d’étude des idées alors la vie de proscrit, partagée entre
aussi riche d’intérêt aujourd’hui qu’au
sceptique qui aurait la foi, de roman- socialistes ; mais, en juin 1834, Herzen la Suisse, Rome et l’Angleterre, d’où
XIXe s. Parlant de l’autobiographie de
tique qui croirait à la mentalité positi- est arrêté avec ses camarades et exilé il mène le combat : son arme, la pro-
Herzen, Passé et pensées, Tourgueniev
viste et scientifique de l’Europe, d’aris- en province en qualité de fonction- pagande, jouera un grand rôle dans
avouait : « Sa langue, follement incor-
tocrate défroqué, encore imprégné du naire. Après un romantique mariage l’évolution de la Russie et contribuera
recte, me ravit ; c’est de la chair vi-
passé. Son expérience humaine et sa secret, il revient en 1840 à Moscou, où à l’abolition du servage. Mais, à partir
de 1861, son influence décline, débor- vante. » De fait, si variés de ton soient-
confiance dans les forces fraîches du il commence à tenir une place de pre-
dée par celle des jeunes radicaux. ils, tous ces récits, diatribes politiques
peuple russe lui inspirent des accents mier plan, grâce à une série d’articles
vibrants d’émotion ; mais il sait aussi sur le progrès et les sciences naturelles, ou confidences, sont des morceaux de
Le socialisme que préconise Her-
analyser les concepts de démocratie et qu’il publie sous le nom d’Iskander. zen n’est ni une doctrine figée ni un « chair vivante ».
de république, et il manie avec vigueur À cette même époque, il s’essaie à la programme, mais plutôt une sorte S. M.-B.
le fouet de l’ironie. D’où cette prose nouvelle et au roman (Soroka-Vrvka, d’intuition historique, un levain qui O. von Sperber, Die sozialpolitischen Ideen
vivante et belle de Byloïe i doumy la Pie voleuse [1848] ; Kto vinovat ?, À doit remuer la pâte humaine et détruire Alexander Herzens (Leipzig, 1894). / R. Labry,
(Passé et pensées, 1852-1868) ou de qui la faute ? [1847]), où il manifeste Alexandre Ivanovi Herzen (Bossard, 1930). /
les cellules mortes des sociétés capi-
J. El ‘Sberg, A. I. Herzen (en russe, Moscou,
De l’autre rive, dont l’édition en alle- ses dons d’observation et de finesse talistes. Aux théoriciens du détermi-
1951). / M. Malia, Alexander Herzen and the
mand (1850) précède de cinq ans l’édi- psychologique, mettant l’accent sur nisme ou de la prédétermination de
Birth of Russian Socialism, 1812-1855 (Cam-
tion en langue russe, tantôt tendre et cette irresponsabilité des êtres face l’histoire, il oppose la « force créatrice bridge, Mass., 1961). / E. Reissner, Alexander
spontanée, tantôt éloquente, tantôt abs- à l’existence qui fait de la société un du devenir » (D. S. Mirsky), et son Herzen in Deutschland (Berlin, 1963).
traite, mais toujours mouvante. corps malade. À qui la faute ? compte honnêteté intellectuelle le protège de
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
de Bâle » ; jusqu’à sa mort, Herzl réus- conisent un sionisme fondé essentiel- d’hab.). La capitale est Wiesbaden et
Herzl (Theodor) sira à convoquer six congrès. lement sur la renaissance de la culture non Francfort, la principale ville.
juive. Sur le plan géographique, la région
Promoteur du sionisme politique et
Démarches présente une très grande variété de
fondateur de l’Organisation sioniste
diplomatiques Épilogue paysages. En fait, elle manque d’unité
mondiale en vue de favoriser le retour
naturelle. Elle comprend une partie
des Juifs persécutés en Palestine (Bu- Dans l’intervalle, et malgré des oppo- Épuisé physiquement par tant de luttes,
des vallées du Rhin et du Main ainsi
dapest 1860 - Edlach, Autriche, 1904). sitions de toutes sortes, Herzl continue Herzl meurt le 3 juillet 1904 ; il sera
qu’un ensemble de vallées, dépres-
ses démarches auprès de différents enterré au cimetière juif de Vienne à
sions et massifs anciens et volcaniques.
hommes d’État pour tenter de gagner côté de son père, en attendant d’être
Introduction Les vallées de la Werra et de la Fulda
leur sympathie sinon leur appui pour transféré en 1949 à Jérusalem sur une
Herzl fait des études de droit à Vienne s’ouvrent vers le nord pour former la
le sionisme, notamment auprès du hauteur appelée « Har Herzl » (mont
(Autriche) mais commence, à partir de Weser ; le Main (avec ses affluents,
grand-duc Frédéric Ier de Bade. En Herzl).
1884, une carrière littéraire. Comme Kinzig et Nidda) et la Latin rejoignent
1898, Herzl est reçu en audience par
La doctrine de Herzl avait pris sa le Rhin. Cela illustre une des origina-
correspondant à Paris de la Neue freie l’empereur d’Allemagne Guillaume II
source dans la situation précaire des lités de ce pays, qui est une des plus
Presse de Vienne, de 1891 à 1896, il à Constantinople, puis à Jérusalem.
Juifs au XIXe s., dans nombre de pays importantes zones de passage entre
décrit dans ses feuilletons (parus en Quant au sultan Abdülhamid II, il se
européens. Pour Herzl, la détresse l’Allemagne du Sud et l’Allemagne du
trois volumes à Berlin en 1911) la vie montre réticent. En août 1903, Herzl est
juive était d’abord d’ordre moral et Nord. La voie ferrée Francfort-Kassel-
politique française de cette époque. As- reçu par le ministre russe V. K. Plehve,
politique. Il ne pouvait donc y avoir Hanovre et l’autoroute qui suit à peu
sistant au procès du capitaine Dreyfus qui lui promet de soutenir les projets
de solution dans la Diaspora, puisque près le même tracé matérialisent cette
en 1894, Herzl est profondément bou- sionistes auprès du Sultan. Lors de ce
les Juifs y étaient une minorité impuis- fonction. Par le Regierungsbezirk de
leversé par les manifestations d’antisé- voyage, Herzl reçoit un accueil triom-
sante. C’est pourquoi Herzl élabora Kassel, la Hesse est frontalière de la
mitisme dans cette France dont il a tant phal, notamment à Vilnious. En 1904,
une politique juive nationale permet- R. D. A., ce qui accentue encore le rôle
admiré l’humanisme et le libéralisme. Herzl rencontre le roi Victor-Emma-
tant aux Juifs persécutés de retrouver de carrefour.
Soudain, le problème juif se révèle à nuel III ainsi que le pape Pie X ; ce der-
sur le sol ancestral l’indépendance
Herzl dans toute son acuité. nier se montre très réservé à l’égard du Odenwald et Spessart prolongent,
politique et la souveraineté nationale. au-delà de la dépression du Kraichgau,
Il développe l’idée que les Juifs problème des lieux saints.
Cette vision devint réalité quand, la Forêt-Noire. Les deux massifs ne
doivent renoncer à vivre en Diaspora, Cependant, dès le début de ses
après la décision de l’O. N. U, l’État sont séparés que par la vallée encais-
acquérir leur indépendance sur leur démarches diplomatiques, Herzl
d’Israël* fut proclamé à Jérusalem le sée du Main. Le Hessisches Bergland,
propre territoire en vue de fonder un a fondé de grands espoirs sur la
14 mai 1948, 5 iyyar 5708 selon le ou montagne hessoise, est un ensemble
État juif, et ce, grâce à une charte oc- Grande-Bretagne ; il a même convo-
calendrier hébraïque. de moyennes montagnes traversées par
troyée par les nations civilisées. Après qué le IVe congrès sioniste, en 1900,
H. S. deux dépressions dont l’une passe à
avoir en vain sollicité des personnalités à Londres. Le gouvernement anglais,
F Israël / Juifs / Sionisme. l’ouest du Vogelsberg (Westhessische
juives, philanthropes et financiers, sa- après avoir étudié l’établissement de
Senke) et l’autre, moins importante,
vants et artistes, Herzl trouve en l’écri- colonies juives dans le territoire égyp- A. Bein, Theodor Herzl (Vienne, 1934). /
des financiers juifs, Herzl se tourne Terre promise, foyer d’une société éga-
La géographie La croissance démographique a été
vers le peuple. Après avoir rejoint litaire et démocratique. Herzl conclut remarquable, surtout après 1945. En
en proclamant le fameux : « Si vous Le Land résulte de la fusion, en 1945,
Vienne, il fonde, de ses propres de- 1939, la population dans le Land actuel
le voulez, ce ne sera pas un rêve », pa- de l’ancien Land de Hesse et de la pro-
niers, le journal Die Welt, dont le pre- ne s’élevait qu’à 3,5 millions d’habi-
roles qui sont devenues par la suite la vince prussienne de Hesse-Nassau.
mier numéro paraît le 4 juin 1897, et en tants. L’immigration est largement
fait la tribune du mouvement sioniste. devise du sionisme politique. Administrativement, le Land est responsable de cet accroissement.
Puis Herzl convoque le Ier congrès Cependant, les conceptions poli- partagé en trois départements (Regie- Jusqu’en 1959, le Land a reçu de l’Est
2
sioniste, qui se réunit à Bâle du 29 au tiques de Herzl continuent à susciter rungsbezirke) : Kassel (9 200 km 879 000 expulsés et 342 000 réfugiés.
31 août 1897. C’est là que l’Organisa- d’ardentes critiques, même parmi les et 1,3 million d’hab.), Darmstadt L’excédent des arrivées sur les départs
2
tion sioniste mondiale voit le jour et sionistes : certains, comme Ahad Haam (6 300 km et 1,75 million d’hab.), se monte en moyenne à une quaran-
2
qu’est adopté le fameux « programme (pseudonyme d’Asher Ginzberg), pré- Wiesbaden (5 610 km et 2,2 millions taine de milliers de personnes par an.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
du Rhin, les vignobles et la moyenne et en introduisant les lois françaises. Ses deux premiers romans, Peter
J. B. Rady, Geschichte der katholischen
montagne. La navigation de plai- La période après 1815 fut marquée Kirche in Hessen (Berlin, 1904). / K. Demandt,
Camenzind en 1904 et l’Ornière (Un-
sance prend de l’importance à partir par de nombreux et violents conflits Geschichte des Landes Hessen (Darmstadt, term Rad) en 1906, sont inspirés par
de Mayence-Wiesbaden. La moyenne entre les conservateurs (der hessische 1959). / H. Steitz, Geschichte der evangelischen ses souvenirs de jeunesse. Camenzind
montagne est très riche en stations Zopf) et les libéraux ou démocrates. Kirche in Hessen und in Nassau (Nassau, 1961- est amoureux des cimes et des nuages,
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
c’est ce libre garçon de la montagne la vieille Europe qui reviennent dans de l’auteur en forme délibérément benzène par deux types formels de
qui a fait de Hesse un homme célèbre. le Loup des steppes (Der Steppenwolf, symbolique, hors du temps et hors de substitution.
Le héros de Unterm Rad est plus amer : 1927). L’Inde ne lui avait pas apporté tout contexte romanesque ordinaire y L’un des groupes CH du benzène
il se révolte contre les contraintes de la réponse à toutes les énigmes, ni non puisqu’on n’y rencontre aucune figure
y est remplacé par un hétéroatome
l’école et de la famille, il étouffe dans plus la sérénité ; l’homme qui semblait de femme. C’est l’être humain au ser- trivalent qui, en pratique, ne peut
les bibliothèques, et la nostalgie des « arrivé » rompt de nouveau avec son vice de la nature ; s’orienter, deviner,
être que l’azote ou l’oxygène chargé
lointains le consume. En 1915, le vaga- passé et son milieu, séduit par le vent et sentir, agir ou essayer d’agir, prendre
positivement. On aboutit ainsi à des
bond Knulp s’est libéré des entraves : le chant de l’horizon. connaissance et se former, si toutefois
noyaux hexagonaux représentés sym-
il a gardé le sens poétique des enfants Avec le Voyage en Orient (Die la formule peut encore avoir un sens :
boliquement par :
et des simples, il ne fuit pas, comme Morgenlandfahrt), qui ouvre, en 1932, « Cette fois, je n’ai pas voulu explorer
demain fera le Loup des steppes, mais les perspectives apaisées d’une médi- le passé ou bien l’univers intemporel
il chante et gambade, un peu comme le tation intemporelle, on retrouve les des contes, j’ai érigé la fiction d’un
« propre-à-rien » d’Eichendorff ; il che- sagesses anciennes et les oeuvres d’art, avenir daté. » Les traits de cet avenir
mine de ferme en village, pour donner d’Orient comme d’Occident. Les diffi- ne sont ni de l’Occident ni de l’Orient,
à ceux qui mènent une vie sédentaire et ciles synthèses d’une totalité plus vi- un empire du Milieu suspendu entre les
bornée un peu de nostalgie, un regret vante avaient animé Narcisse et Gold- montagnes, les nuages, les sources et y Deux groupes CH contigus du
de la liberté que lui a conservée. Ross- mund (Narziss und Goldmund, 1930), l’innocence des commencements. Ce benzène sont remplacés par un hété-
halde (1914) est le nom du domaine dont les personnages sont, encore une n’est pourtant pas un Eden, et ce n’est
roatome bivalent, d’où trois noyaux
où se joue, entre idylle et tragédie, le fois, des doubles du poète lui-même, à aucun degré un monde de l’énergie
pentagonaux :
drame étouffé de l’incommunicabilité mais où la mise en forme des expé- technique ; c’est un peu une utopie à
et du bonheur toujours fuyant. riences a été poussée plus loin. Novice rebours. C’est, comme le dit le titre le
D’un voyage aux Indes, Hesse avait à Mariabronn, Narcisse est saisi d’ami- jeu coloré, animé, plein de sens cachés
rapporté un récit publié en 1913 ; c’est tié pour un jeune élève, Goldmund, qui et de liens mystiques des couleurs et
quelques années plus tard, sous l’effet se croit appelé à la vie monastique. des reflets dont se repaissent les yeux
Narcisse, miroir révélateur, lui fait avides. Bien que ces noyaux pentago-
de la Première Guerre mondiale, que la
apparaître ce qu’est la vie qui l’attend. naux soient, comme le benzène ou la
signification de l’Inde devait se révé- Hesse, fixé près de Lugano, dans une
ler à lui. Mais, peu après son retour en Goldmund fuit à l’aventure, devient pyridine, nettement mésomères, on
« maison sur la colline » qu’il appelait
Europe, il avait quitté sa Souabe natale sculpteur, connaît des dangers, dont, conserve généralement pour les repré-
parfois son « ermitage », vivait dans
pour s’établir en Suisse, où il devait au plus mauvais moment, une interven- senter les formules à deux doubles
le calme et la réflexion, avec les joies
vivre jusqu’à sa mort. tion de Narcisse, qui incarne la lucidité liaisons (ci-dessus).
quotidiennes et inaltérables de celui
et la maîtrise de soi, le sauvera de jus-
La Première Guerre mondiale l’a pour qui compte la compagnie des Dans les noyaux hexagonaux ou pen-
tesse. Il ramène au couvent, qu’il dirige
horrifié : en même temps que Romain fleurs et des oiseaux. Il n’en sortait tagonaux, un ou plusieurs des groupes
désormais, l’artiste dénué de tout, qui
Rolland lançait l’appel d’Au-dessus de que rarement, sauf pour quelques amis. CH restants peuvent également faire
se met à travailler pour la communauté.
la mêlée, Hesse s’adressait à ses com- En 1946, il avait reçu le prix Nobel de place à des atomes d’azote. On aboutit
Puis l’enivrement de la liberté saisit
patriotes au nom de Beethoven et de la littérature. ainsi à des noyaux à plusieurs hétéroa-
une fois encore, ce sera la dernière,
fraternité universelle. Unis contre les P. G. tomes, dont voici deux exemples :
Goldmund. Il fuit, mais ne pourra plus
mêmes ennemis, Hesse et Rolland de- K. Nadler, Hermann Hesse, Naturliebe,
aller loin ; brisé, épuisé par l’aventure
vaient demeurer amis jusqu’à la veille Menschenliebe, Gottesliebe (Leipzig, 1956 ;
impossible et par sa propre contradic- nouv. éd., 1958). / H. Waibler, Hermann
de la Seconde Guerre mondiale. L’un et
tion, il reviendra mourir à Mariabronn, Hesse, eine Bibliographie (Berne, 1962). /
l’autre ont espéré trouver en Orient et T. Ziolkowski, The Novels of Hermann Hesse,
comme au pays natal celui « qui a fait
en particulier en Inde une pensée fidèle a Study in Theme and Structure (Princeton,
un long voyage ». Devant son vagabon- 1965). / B. Zeller, Hermann Hesse (Hambourg,
à l’esprit d’humanité dont ils voyaient
dage toujours recommencé, qui est la 1967). / E. Beaujon, le Métier d’homme et son L’exposé suivant sera limité aux
les peuples d’Europe se détourner.
passion des héros de Hesse, Goldmund image mythique chez Hermann Hesse (Éd. du
noyaux à un seul hétéroatome.
Après Demian (1919), après un Mont-Blanc, Genève, 1972).
est habité par le besoin de créer. C’est
pathétique appel à la jeunesse alle- fondamentalement un artiste et cela le Pyridine
mande : le Retour de Zarathoustra, en rattache à la communauté, celle de la
La pyridine s’extrait du goudron de
1919 aussi, au lendemain de la défaite, corporation ou bien celle du couvent,
le livre de la nouvelle expérience, de quand il travaille pour elle. Couleur, hétérocycliques houille ; elle est également présente
dans l’huile d’os (huile de Dippel) ;
la nouvelle aventure à la recherche chaleur, mouvement, nuances d’un ins-
(noyaux) aucune des synthèses théoriques n’a
d’une voie que l’Occident n’offre plus tant et froid de l’infini, toutes les res-
pu devenir pratique. C’est un liquide
s’appelle Siddharta (1922). « C’est la sources sensorielles du style descriptif
Hétérocycles plusieurs fois non saturés bouillant à 114 °C, dont les proprié-
confession d’un homme d’origine et et narratif de Hesse sont au service de
et présentant avec les noyaux aroma- tés physiques sont tout à fait remar-
d’éducation chrétiennes, qui a tôt quitté ce personnage, qui tenait au coeur du
tiques les analogies suivantes : grande quables. Anhydre, elle dissout tous les
l’Église et qui s’est efforcé de com- poète et qui n’est pas sans traits com-
stabilité thermique, faible insaturation, composés solubles dans le benzène ;
prendre d’autres religions, en premier muns avec le Jean-Christophe de Ro-
résistance à l’oxydation, transfert en mais elle est miscible à l’eau en toutes
lieu celles de l’Inde et de la Chine. J’ai main Rolland.
bloc au cours des réactions, accolement proportions et ne peut en être séparée
cherché à déceler ce qui est commun
La plus vaste composition narrative possible entre eux ou avec des noyaux
à toutes les confessions, à toutes les que par séjour sur potasse anhydre. De
de Hesse est parue en 1943, en deux aromatiques pour former des noyaux plus, elle dissout, mais difficilement,
formes de piété, ce qui dépasse les dif- volumes, sous le titre : Das Glasper- hétérocycliques condensés. Il existe
férences entre les nations, ce qui peut les sucres simples.
lenspiel (le Jeu des perles de verre.)
toutefois quelques différences.
être cru et respecté par tout homme, à La pyridine est encore longtemps
Le sous-titre dit : Essai de biographie
quelque race qu’il appartienne. » stable à 800 °C. Elle rappelle le ben-
du maître de jeu Josef Knecht, suivi de
Introduction
Mais, cinq ans après l’histoire du ses écrits posthumes. Sur des thèmes zène par une très grande résistance à
jeune brahmane de Siddharta, ce sont présents depuis longtemps dans son Théoriquement, les noyaux hétérocy- l’oxydation. Elle s’en distingue par une
les arrachements et les déchirements de oeuvre, c’est la dernière méditation cliques les plus simples dérivent du hydrogénation plus facile. Celle-ci se
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
fait toujours en bloc, conduisant à la La -picoline ressemble au toluène. diaire, l’acide furoïque (ou pyromu- Thiofène
pipéridine : Les trois picolines : cique), au furanne :
Présent entre 0,5 et 4 p. 100 dans le
Les chaînes latérales en ont mêmes La pyrogénation de l’acide conduit, nit, en présence de potasse sèche, un
L’acide furoïque (ou pyromucique)
propriétés qu’en série benzéique. après décarboxylation d’un intermé- rappelle tout à fait l’acide benzoïque. dérivé potassé.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Ce dernier peut être alcoylé : Noyaux pentagonaux prit est nouveau, plus lyrique, plus poé- modérée, préférant des créations à ré-
tique, la coupure n’est pas totale avec sonances plus profondes.
condensés
l’époque des Song du Nord. Un peintre F. D.
Le goudron de houille renferme un
comme Li Tang (Li T’ang*), qui fut
grand nombre de ces noyaux, par
membre des deux académies de Kai-
exemple figure en bas à gauche.
feng (K’aifong) et de Hangzhou, établit
La polymérisation de la coumarone
le lien entre les deux périodes ; il garde
hibernation
À des températures variables selon engendre une résine inaltérable résis-
encore la vision grandiose des paysa-
tant bien aux agents chimiques ; au Aptitude de certains Mammifères à
la nature de R, ces pyrroles N-alcoylés
gistes des Xe-XIe s. (tel Fan Kuan [Fan
benzothiofène et à l’indole, on doit rat- tomber en léthargie quand les condi-
se transforment en -alcoypyrroles : K’ouan*]), mais son oeuvre se teinte
tacher d’importants colorants, le thioin- tions du milieu dans lequel ils vivent
digo et l’indigo. Le carbazole forme, d’une sensibilité plus romantique. deviennent particulièrement défavo-
avec l’acide oxalique, un colorant bleu, Se réclamant de Li Tang, Xia Gui rables, c’est-à-dire en principe pendant
voisin du bleu de diphénylamine. l’hiver.
reprend sa technique des coups de pin-
C. P.
ceau « taillés à la hache », mais en les On rencontre des animaux hiber-
A. R. Katritsky et J. M. Lagowski, Principes
chargeant d’une intensité plus drama- nants chez les Mammifères inférieurs
de la chimie des composés hétérocycliques
tels que l’Ornithorynque et l’Echidné,
Il y a là une analogie étroite avec (Gauthier-Villars, 1968). tique. Cette écriture audacieuse, qui
habitants du sud du continent austra-
le phénol. Le pyrrole décompose les deviendra caractéristique du paysage
lien (État de Victoria), ainsi que chez
des Song du Sud, est mise tout entière
organomagnésiens, et, par fixation du des Marsupiaux, mais c’est chez les
au service d’une peinture dépouillée et
gaz carbonique sur le dérivé métal- Mammifères supérieurs qu’il y a le
Hia Kouei elliptique. Plus encore que Ma Yuan,
lique, on aboutit à l’acide pyrrole plus grand nombre d’hibernants. On
Xia Gui simplifie le thème et la forme. peut citer :
-carboxylique : En pinyin XIA GUI ; prénom de cour-
Dans ses paysages, les masses ro- — dans l’ordre des Rongeurs, les
toisie YUYU. Peintre chinois (actif
cheuses sont réduites au minimum, tan- Marmottes, Loirs, Lérots, Lérotins,
v. 1190-1225).
dis que les nappes de brume deviennent Spermophiles, Muscardins, Hamsters,
Xia Gui est, avec son contempo- Sminthes, Écureuils terrestres nord-
l’élément essentiel du fond, autour
Comme le phénol, le pyrrole subit la rain Ma Yuan*, le représentant le plus américains et Zapodes ;
duquel toute la composition s’orga-
important de la peinture de paysage — dans l’ordre des Insectivores, les
réaction de Reimer et Tiemann : nise. Cette conception fragmentaire du
à l’époque des Song* du Sud (1127- Hérissons et les Tenrecs malgaches ;
paysage trouve son expression la plus
1276). Il occupa un poste officiel à — dans l’ordre des Chiroptères, les
l’Académie impériale sous le règne parfaite dans la formule du rouleau
Chauves-Souris.
de Ningzong (Ning-tsong, 1195-1224) horizontal. Dans Vue claire et lointaine
impériale avait dû se réfugier en 1127 les surfaces rocheuses, rendues à l’aide son ventre traîne à terre, tant elle est
Contrairement au pyrrole, la pyrroline
sous la pression du Nord. La douceur de coups secs (« coups de hache »), que lourde. Cette réserve peut atteindre de
et la pyrrolidine sont des bases assez
luxuriante de ce site, différent des pay- 35 à 40 p. 100 du poids de son corps.
dans les détails anecdotiques (ponts,
fortes. La Marmotte commence bientôt à cou-
sages sévères de la Chine du Nord, la pavillons, petits personnages), ou dans
poésie du lac de l’Ouest et des collines per de l’herbe pour la faire sécher au
Les cycles polypyrroliques (prophy- les feuillages, travaillés d’un pinceau
qui l’entourent, le milieu urbain raffiné, soleil. Puis c’est avec sa bouche qu’elle
rines) constituent les pigments sanguin effiloché. Par la seule richesse de
tout contribuait à renouveler l’inspira- transporte cette herbe bien sèche dans
et chlorophyllien, et l’importance bio- ses dégradés, le lavis anime l’espace son terrier. Cet excellent matériel est
tion des artistes et à insuffler un esprit
logique des pyrroles substitués est très pictural. destiné à calorifuger l’intérieur de son
nouveau à l’académie de peinture, re-
Soutenu par une inspiration sincère, refuge hivernal, qui doit en effet être à
grande. créée à Hangzhou. Cependant, si l’es-
l’abri des variations de la température
Xia Gui garde suffisamment de retenue
extérieure.
pour éviter l’artificiel. Ses imitateurs,
en revanche, tendront à la prouesse L’orifice du terrier, de la grosseur du
poing, s’ouvre dans une antichambre
technique et à la mise en formules. Cet
qui est un couloir de 2 à 3 m de long,
art, facile à saisir dans ses caractères
conduisant vers une courte galerie au
extérieurs, connut une vogue considé-
bout de laquelle se trouve la chambre
rable à l’étranger, au Japon notamment
de repos. Celle-ci, douillettement gar-
(v. Sessh). L’Occident y a vu l’es- nie d’herbe fine et sèche, est assez vaste
sence même de la peinture chinoise, pour contenir une douzaine d’animaux,
alors que la critique lettrée, en Chine, quelquefois plus. Sa profondeur, par
ne lui a jamais accordé qu’une faveur rapport à l’orifice d’entrée, varie de 2
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
à 3 m et dépend des températures mi- Bientôt, dès le printemps, le réveil greniers, souterrains, carrières où les véritable « thermostat biologique »
nimales des lieux où sont établis ces survient. Il ne semble pas que celui-ci variations de température sont très parfaitement au point.
refuges. soit provoqué par un épuisement des faibles. Elles sont suspendues aux pa- Ces deux hypothèses peuvent se
réserves de graisse corporelle. Chaque rois rocheuses par les griffes de leurs concilier, mais en tout cas les modifica-
Lorsque les animaux se sont instal-
fois qu’une Marmotte s’éveille, on pattes postérieures, la tête en bas, le tions physiologiques et écologiques des
lés à l’intérieur, l’orifice d’accès en
constate qu’elle est encore très grasse : corps en extension, enveloppées dans
est soigneusement bouché avec des hibernants leur ont permis de s’adapter
heureusement pour elle, car elle va leurs ailes repliées autour du corps pour à certains milieux. La forte proportion
pierres, de la terre et du sable, puis cal-
pouvoir vivre pendant quelque temps limiter le plus possible les déperditions
feutré avec de l’herbe sèche. Les ani- d’hibernants dans la faune des petits
dans un milieu qui lui est hostile et qui caloriques et la dessiccation. Pendant Mammifères des régions subarctiques
maux vont rester ainsi entassés les uns
n’a aucune ressource alimentaire, sur- cette léthargie, leur température baisse montre que ces dispositions ont dû
contre les autres afin d’éviter le plus
tout en haute montagne. et s’établit aux environs de 1 à 2 °C
possible les déperditions de chaleur. jouer un grand rôle pour le peuplement
Il semble que ce soit l’augmentation au-dessus de la température ambiante. des zones à climats extrêmes, absolu-
Leur sommeil hibernal ne survient
de certaines sécrétions hormonales Leur fréquence cardiaque diminue, ment inhabitables sans cette adaptation
pas tout de suite. Les Marmottes vont
(thyroïde et surrénales) qui jouerait un ainsi que leur circulation sanguine, et physiologique providentielle.
rester éveillées pendant encore une à
rôle dans la régulation du métabolisme la respiration, comme chez tous les P. B.
deux semaines. Puis elles s’enroulent
de l’animal et qui favoriserait le réveil hibernants d’ailleurs, se fait en « chey- R. Hainard, Mammifères sauvages d’Eu-
en boule, la tête vers la queue, les
printanier. nestokes » (périodes d’apnée et de res- rope, t. II : Pinnipèdes, rongeurs, ongulés, cé-
plantes des pattes plaquées contre les tacés (Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1949 ;
piration avec phases d’amplitude crois-
joues. C’est une disposition qui a pour Lorsqu’elle arrive au jour, la Mar- 2e éd., 1962). / P.-P. Grassé (sous la dir. de),
motte a perdu de 400 à 500 g de son santes et décroissantes). Il y a aussi un Traité de zoologie, t. XVII : Mammifères (Mas-
effet de réduire encore les pertes de
ralentissement général de toutes les son, 1955 ; 2 vol.). / M. Eisentraut, Aus dem
poids initial. Mais c’est peu après cette
calories. Pendant cette période, la Mar- Leben der Fledermäuse und Flughunde (Iéna,
période que la Marmotte va perdre une fonctions organiques, la sensibilité est
motte n’a pas mangé, son tube diges- 1957). / M. Fontaine (sous la dir. de), Physiolo-
très grosse partie de son poids. très fortement diminuée. Si la tempé- gie (Gallimard, « Encyclopédie de la Pléiade »,
tif est vide. Seule la vessie se remplit
rature ambiante atteint 0 °C, il y a une 1969).
lentement.
réaction de sauvegarde qui intervient,
Autres Mammifères
Le sommeil n’est pas continu chez la Chauve-Souris se réveille, elle aug-
les Mammifères hibernants. Au début,
hibernants L’hibernation artificielle
mente alors son métabolisme ainsi que
il est entrecoupé de périodes de réveil, D’autres Rongeurs, Loirs, Lérots, Mus- sa fréquence cardiaque pour maintenir L’hibernation artificielle est un état com-
parable, dans une certaine mesure, à celui
qui vont en s’espaçant. Vers le milieu cardins, sont de parfaits hibernants. la température du corps au-dessus de
des animaux hibernants, mais elle est le
du sommeil, les réveils apparaissent C’est le Muscardin qui, dans nos pays, 0 °C. Mais certains chercheurs ont tout résultat d’un traitement. Son but est le
à peu près tous les 21 à 28 jours. La a le plus long sommeil : 6 à 7 mois, de même trouvé des Chauves-Souris même que celui des animaux hibernants :
Marmotte en profite alors pour vider d’octobre à avril ou mai. en hibernation avec des températures l’hypométabolisme, l’économie des res-
sa vessie. Vers la fin de l’hibernation, négatives ! sources de l’organisme, dans une période
Le Loir est aussi très connu, il vit
les réveils se rapprochent un peu plus. difficile au cours de laquelle l’apport éner-
dans des trous d’arbre ou des ter- Si on la dérange pendant son som- gétique extérieur normal ne peut pas être
Pendant tout l’hiver, le métabolisme riers. Mais il accumule des provisions meil, il faut une très forte excita- procuré.
de l’hibernant est considérablement di- qu’il consomme de temps en temps, tion pour provoquer son réveil. Elle L’Homme ne peut pas se mettre en état
minué. L’animal vit à l’extrême ralenti. lorsqu’il sort de son profond sommeil. contracte alors ses cuisses, ouvre la de vie ralentie par ses propres moyens ;
La consommation d’oxygène atteint le Un autre rongeur hibernant très connu gueule, crie, commence à se mouvoir, l’hibernation qu’il peut subir n’est donc
vingtième de la consommation normale est l’Hamster d’Europe centrale. Il a que le résultat d’une thérapeutique
essaye de mordre. Pendant ce temps sa
de l’état de veille. Le nombre de mou- une réputation de prévoyance légen- complexe.
température monte brusquement. La
vements respiratoires est alors de 2 à 3 daire. On le chassait autrefois pour le L’objectif global est la préservation de
Chauve-Souris peut vivre en léthargie
par minute. Les battements cardiaques, manger ainsi que pour sa fourrure. Sa l’homéostasie, l’équilibre des constances
pendant plusieurs jours, aux périodes
chasse consistait à faire des travaux de physiologiques. Les mécanismes régula-
de 90 à 130 normalement, tombent à3 de mauvais temps, quand elle ne peut
teurs impliqués ont été étudiés les uns
ou 4 par minute. En outre, le sang de terrassement pour le trouver endormi
pas sortir pour trouver sa nourriture, après les autres, et le rôle de chaque sys-
l’hibernant, qui circule avec une len- dans son terrier. Quand on avait en
à cause du vent ou de la pluie. Il suffit tème est maintenant assez bien connu.
teur extrême, risquerait la coagulation plus la chance de trouver le magasin où
que sa température interne tombe au- Mais leur efficacité est limitée, et par consé-
si un mécanisme spécial ne provoquait il engrangeait ses provisions d’hiver, quent les facultés de rétablissement de
dessous de 34 °C pour que la léthargie
pas l’apparition d’héparine, produit c’était une trentaine de kilogrammes de l’homéostasie compromise — par exemple
soit amorcée.
graines variées que l’heureux chasseur par une maladie et/ou une blessure grave
anticoagulant du sang.
Depuis peu, on a observé des cas — ne sont pas infinies. La première idée
pouvait récupérer pour ses volailles !
Si on manipule une Marmotte en d’hibernation chez des Oiseaux : chez venue aux anciens thérapeutes a été d’uti-
Le sommeil de cet animal n’est pas
plein sommeil hibernal, on a une très le Martinet, l’Oiseau-Mouche, l’En- liser les apparentes vertus du froid, mais
continu, il dort pendant 5 ou 6 jours, celui-ci ne s’est montré de quelque inté-
pénible sensation de froid. Sa tempé- goulevent. Ce dernier hiberne pendant
puis mange ses provisions et se rendort. rêt que dans la réfrigération des membres
rature interne peut s’abaisser jusqu’à plusieurs mois en Californie.
avant l’amputation.
4 °C sans dommage et suit alors les Nous avons vu que les Mammi-
y L’hypothermie générale est très dif-
oscillations de température de l’inté- fères hibernants ne dorment pas d’un
Interprétation férente ; elle est très utile en chirurgie et
rieur de son terrier. Mais si une Mar- sommeil continu comme le font les
particulièrement en chirurgie majeure,
motte se trouve avoir une température animaux à sang froid (Poissons, Ba- Pour certains biologistes, les hiber-
cardiaque notamment, et sous circula-
se rapprochant de 1 °C, il y a un méca- traciens, Reptiles). Leur sommeil est nants seraient des animaux à caractères tion-respiration artificielle. Mais elle n’est
nisme qui provoque instantanément entrecoupé par de courts réveils pé- primitifs, intermédiaires entre les ani- exploitable que sous anesthésie générale
le réveil de l’animal. Sa température riodiques de fréquence variable : 25 maux à sang froid et les Mammifères à ou après un traitement capable d’annihiler
réchauffer très rapidement. sombres et humides : grottes, cavernes, suivant leurs besoins le réglage d’un nue la production de chaleur. L’inverse
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
n’est pas vrai : on ne peut pas refroidir en missions dont nous n’avons encore qu’une sa férule. Pour ce faire, il distribue de soie se modernisent, les marchés
plaçant le corps dans un liquide froid par idée très vague. des fiefs à ses fidèles, entreprend la se multiplient qui donnent naissance
exemple.
L’hibernation, malgré les progrès im- conquête de l’île de Kysh, qui était à des villes. Enfin, la marine prend,
Les thérapeutiques classiques (le menses qu’elle a faits et qu’elle a fait faire, pratiquement demeurée indépendante, grâce aux exemples portugais, un
« choc » thérapeutique, par exemple) est donc loin d’être simple et fiable. Depuis
et attaque le Kant (région de Edo), où grand développement, et les chantiers
cherchaient à reculer les limites au-delà la première drogue à visée antimétabo-
régnaient des descendants des shikken navals travaillent sans arrêt. Dans les
desquelles les régulations physiologiques lique (ou si l’on préfère antiadrénergique),
deviennent inopérantes. Parfois, elles agis- la chlorpromazine, un très grand nombre Hj. À la tête de 250 000 hommes, il villes, comme à Kyto, l’urbanisme se
saient comme les coups de fouet sur un de substances très diverses ont été mises assiège la forteresse d’Odawara, qu’il renouvelle et d’immenses palais s’édi-
cheval fourbu. Celui-ci succombe souvent à contribution. Toutes ont pour première ne réussira à forcer que grâce à une fient, comme le célèbre Jurakudai ou
dans un dernier effort. Mieux vaut le laisser intention de neutraliser l’activité des ca- trahison, et oblige les derniers Hj à celui de Fushimi (1594). Des cités sont
reposer, le nourrir, soulager sa souffrance. técholamines (adrénaline, noradrénaline,
faire seppuku (1590). Hideyoshi confie créées : Nagasaki devient port franc.
H. Laborit a pu écrire, d’après Cannon : etc.), qui sont accusées de donner le coup
alors ces provinces de l’Est à un de saka est agrandie et fortifiée. Enfin,
« L’augmentation artificielle de la puis- de fouet aux cellules déficientes. Ces caté-
ses plus vaillants généraux, Tokugawa de somptueuses fêtes sont ordonnées,
sance des moyens dits « de défense phy- cholamines, capables de tirer l’organisme
siologique de l’organisme » aboutit à un d’une situation dangereuse chaque fois Ieyasu. Le Japon tout entier soumis, auxquelles est convié le peuple. Les
échec en cas d’agression grave. » En fait, il que le travail à fournir n’est pas exces- les grands daimyo (chefs de province) manières de vivre elles-mêmes se mo-
ne s’agit plus de réagir ou d’aider à la réac- sif, peuvent conduire au désastre si elles en apparence subjugués, Hideyoshi se difient avec l’élévation du niveau de
tion, mais, au contraire, de se soumettre, obligent l’organisme à combattre avec
préoccupa d’administrer le pays. Dès vie : le vêtement se simplifie, devient
et même de forcer la soumission, comme l’intensité coutumière de ses processus
1583, il avait ordonné un recensement plus sobre, les demeures s’ornent de
le font les vrais hibernants devant le froid vitaux, alors que, par exemple, l’oxygéna-
général des terres. Il crée une nouvelle peintures. L’art évolue vers la somp-
excessif. tion des cellules nobles est déficiente (par
hypoxie ou anémie) : c’est ce que l’hiberna- administration civile, composée de tuosité, la littérature se montre plus
Les première études ont été faites sur le
tion tend à éviter. cinq bugy (sorte de ministres sous les sociale et plus virile.
choc hémorragique. La saignée, dans des
conditions bien définies, amène la mort J. V. ordres du kampaku Hideyoshi) et une
chez les animaux non préparés, alors que, administration militaire dirigée par des Hideyoshi et les
chez ceux à qui la même quantité (propor- H. Laborit, Réaction organique à l’agres- inspecteurs généraux (kangun). Il fait
sion et choc (Masson, 1952 ; éd., 1955) ;
étrangers, la conquête
tionnellement à leur poids) est soustraite 2e
de ralentir les processus « onéreux » (du du peuple, Hideyoshi se préoccupe contre eux, les expulse (1587). Il
L’homme des besoins de celui-ci : il fait relever
moins les mieux connus) de telle manière tolère cependant les autres chrétiens.
que le sujet devienne incapable de brûler Un des meilleurs généraux d’Oda les villages dévastés par les guerres, Mais, en 1597, les missionnaires de
ses dernières forces. C’est l’anesthésiolo-
Nobunaga, Hideyoshi était fils de réparer les systèmes d’irrigation et confessions différentes s’opposant, il
giste qui prend alors à sa charge la respon-
paysans. De son véritable nom Ki- favorise les échanges en améliorant commence les persécutions contre les
sabilité de l’entretien des fonctions vitales,
noshita Tkichir, il ne prit le nom le système routier et en combattant chrétiens, car il soupçonne en eux des
en suppléant les systèmes mis en sommeil.
Très brièvement, on peut dire qu’il assure de Hideyoshi que plus tard, lorsqu’il vigoureusement le brigandage. L’évo- espions de l’armée espagnole basée
la ventilation pulmonaire et l’oxygénation, eut fait ses preuves comme guerrier. lution sociale se poursuit : Hideyoshi à Manille. Entre-temps, soit désir de
qu’il reconstitue une masse sanguine adé- La famille des Fujiwara l’adopta et lui admet dans son entourage des hommes venger les assauts mongols de 1274 et
quate, qu’il veille au bon fonctionnement de petite extraction, mais habiles ; les
conféra le patronyme de Toyotomi. De de 1281, soit pour se débarrasser d’une
des émonctoires, tout en fournissant le nu-
petite taille, extrêmement laid, mais fonctions militaires et administratives soldatesque devenue encombrante,
triment énergétique, minéral, vitaminique
débordant d’activité et d’une grande deviennent ouvertes à tous les hommes Hideyoshi décide (1591) d’envahir
indispensable en protégeant les organes
intelligence, il avait réussi à se consti- qui s’en montrent dignes. La coutume la Corée et de soumettre l’empire de
exposés et délicats tels que les yeux, les
téguments subissant des pressions exces- tuer dans l’Est des domaines assez im- du servage, déjà disparue en fait, est Chine. Une première tentative se solde
sives : talons, région sacrée, dos, épaules. portants. Lorsque, en 1582, Oda Nobu- officiellement abolie. par un échec : en 1592, l’amiral coréen
En biologie médicale courante, la vie au naga, alors au faîte de sa puissance, fut Le bouddhisme, favorisé, pénètre Li Sun-sin, inventeur des bateaux
ralenti, sans modification notable de cer- traîtreusement attaqué par son général de plus en plus dans le peuple, et lui cuirassés, anéantit la flotte japonaise,
taines activités primordiales, elles-mêmes Akechi Mitsuhide et fit seppuku (se infuse des idées égalitaires : l’influence et Hideyoshi est obligé d’évacuer de
assez lentes, permet à un organisme à
suicida), Hideyoshi se tourna contre des sectes amidistes et des doctrines de Corée les 200 000 hommes qu’il y
bout de souffle non seulement de survivre,
celui-ci et le tua, prenant ipso facto Nichiren est de plus en plus profonde, avait envoyés. Une deuxième tenta-
mais de réparer les dommages causés par
la succession d’Oda Nobunaga après ce qui donne au peuple le sentiment tive a lieu en 1597. Après plusieurs
les agressions. En extrapolant, on pense
que cette méthode, adaptée aux circons- avoir éliminé les autres prétendants. d’appartenir non plus à une région mois, de combats acharnés contre les
tances du vol spatial, permettra à des êtres ou à un seigneur, mais à une nation. Coréens et les Chinois, Hideyoshi est
Il a alors quarante-six ans. N’ayant
humains (dont la durée de vie est norma-
pas lui-même de descendance, il se L’industrie se développe également, obligé de se cantonner dans la défen-
lement trop brève, dans la meilleure hypo-
démet symboliquement de ses fonc- née de l’artisanat et encouragée par sive. Devenu fou, malade, il prétend
thèse, pour une exploration des planètes
lointaines) de ralentir le cours de l’exis- tions en faveur de son neveu Hidet- les besoins militaires. Les armes à feu, se faire adorer comme divinité de la
tence, d’arriver au but avant que la sénes- sugu, mais continue à gouverner. Son les nouveaux armements provoquent guerre, Hachiman. Mais il ne verra pas
cence ait fait son oeuvre et d’accomplir des but avoué est d’unifier le Japon sous la création de fonderies. Les filatures la retraite de ses troupes de Corée : en
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
septembre 1598, il meurt, terrassé par rie des idéaux de polynômes, qui va, de l’arithmétique. Hilbert s’y révèle hautes vallées du Zangbo (Tsang-Po)
la maladie. au début du XXe s., renouveler la vieille comme le chef de l’école axiomatique, et de l’Indus.
géométrie algébrique et devenir un des à laquelle s’opposeront, en philosophie
Son fils (probablement putatif) y La phase des charriages. De la mer
Hideyori lui succède à l’âge de cinq piliers de l’algèbre moderne édifiée par des mathématiques, les « intuitifs » Tibétaine, la dalle tibétaine émerge
ans. Hideyoshi avait prévu pour lui un Emmi Noether (1882-1935) et par Emil et les « intuitionnistes ». Au congrès définitivement dès l’Oligocène. Puis
Artin (1898-1962). Appelé en 1895 à
conseil de régence, composé de cinq de Paris, en 1900, il pose ou rappelle d’énormes nappes de charriage sur-
tair (régents) assistés des cinq bugy, l’université de Göttingen, Hilbert y gissent au Miocène et se déversent
vingt-trois problèmes fondamentaux,
et une tutrice, sa mère, Yodogimi. Les reste jusqu’à la fin de sa carrière, refai-
parmi lesquels celui de la non-contra- vers le sud : elles forment l’Himlaya
cinq tair, tous de grands daimy, sant de cette université un des premiers primitif (Ur-Himlaya du géologue
diction des axiomes de l’arithmétique
n’allaient pas tarder à s’affronter les centres mathématiques mondiaux.
et dont presque la moitié restent encore suisse Toni Hagen), qui atteint envi-
armes à la main afin de ravir le pouvoir Dès son arrivée, il commence ses re-
ouverts. ron 4 000 m, mais sera démantelé au
au jeune Hideyori. L’un d’entre eux, cherches, capitales, sur la théorie des Pliocène.
corps de nombres algébriques. Le fon- Enfin, on doit le considérer comme
seigneur du Kant, Tokugawa Ieyasu,
y Les mouvements postmiocènes. On
dateur en était Carl Friedrich Gauss*. un ferme partisan des théories canto-
après deux ans de lutte, arrivera à admet que des mouvements tangen-
Gustav Lejeune-Dirichlet (1805-1859), riennes, dont il écrit, en 1930 : « Du
vaincre ses rivaux et les généraux
tiels des socles (rapprochement du
revenus de Corée (guerre à laquelle il Ernst Eduard Kummer (1810-1893), paradis que Cantor a créé pour nous,
continent asiatique et du subcontinent
n’avait pas pris part), et à assurer sa su- Leopold Kronecker (1823-1891) et Ri- nul ne doit pouvoir nous chasser. »
indien), ajoutant leurs effets à ceux
prématie, fondant un nouveau bakufu, chard Dedekind (1831-1916) s’y sont J. I.
du diastrophisme local, contribuent à
celui des Tokugawa. tour à tour illustrés. Mais il restait bien F Algèbre / Arithmétique / Axiomatique (mé-
porter l’Himlaya à son niveau actuel
L. F. des points à élucider. Hilbert fonde en thode) / Géométrie / Logique.
au cours du Pliocène et du Pléisto-
F Corée / Japon.
un tout homogène l’ensemble des ré-
cène. La dalle tibétaine, qui est sou-
sultats acquis et formule des lois géné-
levée en se disloquant, atteint environ
rales dont il ne peut cependant vérifier
5 000 m au Pliocène. Les Siwlik,
l’exactitude que sur quelques cas par- Himlaya avant-monts méridionaux, constitués
ticuliers. C’est seulement un quart de
hiéroglyphe siècle plus tard que les lois qu’il avait
par les matériaux détritiques accumu-
La plus haute chaîne de montagnes du lés dans la mer Gangétique, se sou-
énoncées furent établies dans le cas le
F ÉCRITURE ET ÉGYPTE. monde, en Asie, aux confins de l’Inde lèvent au cours du Pléistocène dans
plus général. En théorie analytique des
et de la Chine. un mouvement qui se poursuit encore.
nombres, il donne en 1909 la solution
L’Himlaya (du sanskrit hima alaya, Cette orogenèse explique la disposi-
générale du problème de Waring : Dé-
séjour des neiges) est constitué par tion zonale du relief. Du sud au nord,
terminer le nombre des représentations
Hilbert (David) d’un nombre comme somme de p puis- un arc montagneux, d’une direction on rencontre les éléments suivants :
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
ture de la dalle tibétaine, donnant un verte, qui s’élève jusqu’à 3 900 m plus basses en adoptant une économie est encore à l’origine de contestations
haut plateau (entre 4 100 et 4 800 m environ. d’étage chaud, tels les Bhoutanais et frontalières : le Pkistn, occupant la
autour du lac Mnasarovar), aux val- y L’Himlaya central (du Népal cen- les Newrs du bassin de Katmandou. plupart des territoires musulmans, n’a
lonnements monotones ; la chaîne du De l’Extrême-Orient, ensuite, sont ve- pas reconnu l’occupation du Cachemire
tral au Garhwl) appartient à l’aire
Zskr (environ 6 000 m) s’accole des pays de mousson à saison sèche nues diverses populations mongoloïdes par l’Inde ; la Chine, qui contrôle le
au Grand Himlaya ; plus au nord, la marquée (1 m de pluies à Ranikhet, qui se sont répandues depuis l’Assam Tibet depuis 1950, ne reconnaît pas la
jusqu’au Népal, en occupant l’étage frontière appelée « ligne McMahon »,
chaîne du Kails (env. 6 000 m) se dé- vers 1 900 m d’altitude). Une forêt
de sl à feuilles caduques couvre les chaud au-dessous de 2 500 m. De établie par un accord anglo-chinois de
veloppe parallèlement à l’Himlaya.
basses pentes au-dessous de 1 000 m. l’Inde sont venues probablement les 1914 qui n’a jamais été ratifié par le
Dans les régions occidentales, les
anciennes populations à peau foncée, gouvernement chinois.
hauts plateaux disparaissent, la masse Un étage tempéré chaud (entre 1 000
et 2 000 m) est caractérisé par les comme les Doms du Kumon ; mais
montagneuse du Karakorum (qui
forêts de pins chr (Pinus longifolia) ces occupants ont été asservis par des L’économie
culmine au K2, 8 611 m, deuxième
immigrants plus tardifs, appartenant à
ou de feuillus comme les châtaigniers
sommet du monde) se trouvant rap- L’étagement joue un rôle capital dans la
orientaux (Castanopsis indica). Un diverses castes hindoues, qui ont oc-
prochée du Grand Himlaya. différenciation des types d’économie.
étage froid lui succède au-dessus de cupé le Népal et l’Himlaya occidental.
C’est vers l’altitude de 2 000-2 500 m
La ligne principale de partage des Enfin des groupes du Moyen-Orient,
2 000 m, avec des arbres à feuilles
que se situe la transition entre deux
eaux ne coïncide avec les crêtes du caduques et, dans la partie supérieure, de race blanche, ont pénétré dans
milieux dont l’écologie et la vie écono-
Grand Himlaya que dans la partie divers conifères et des bouleaux. l’Himlaya occidental.
mique diffèrent radicalement.
occidentale (à l’ouest de la Satlej et de Cette diversité ethnique est la cause
y L’Himlaya occidental a un cli-
Au-dessous de ce niveau règnent
la Spiti). Ailleurs, elle est formée par fondamentale du partage des pays hi-
mat plus sec, dans lequel les pluies
des climats tempérés chauds, et même
des alignements montagneux transhi- malayens entre plusieurs aires de civi-
de mousson s’atténuent, tandis que
tropicaux au-dessous de 1 000 m, dans
malayens, notamment la chaîne du La- lisation. Mais il faut aussi tenir compte
prédominent des précipitations de ca-
lesquels l’absence d’hiver froid permet
dakh, dont la surrection fut antérieure ractère méditerranéen (hiver et prin- des facteurs d’isolement : la barrière
de faire deux récoltes annuelles. C’est
à celle du Grand Himlaya. Les eaux glacée des hautes montagnes en Asie
temps), ce qui donne à la végétation
l’étage à population dense, où de gros
qui s’écoulent au nord de cette ligne se centrale ; la forêt impénétrable de l’As-
un aspect très différent : forêts xéro-
villages font de l’agriculture sur des
rassemblent dans les deux gouttières philes très dégradées sur les basses sam et celle du terai (tari), qui frange
versants aménagés en terrasse ou sur
les Siwlik de l’Himlaya central. Les
du haut Indus et du Zangbo (Tsang-Po) pentes, forêts de pins bleus (Pinus
les hautes plaines du Cachemire et du
Tibétains ont imposé leur civilisation,
[cours supérieur du Brahmapoutre]. Au excelsa) au-dessus de 1 000 m, de
Népal. Le riz est la culture dominante
cèdres (Cedrus deodora) au-dessus de caractérisée par un certain type d’éco-
sud de la ligne de partage, les cours d’été ; mais il est souvent supplanté par
nomie, mais aussi par le bouddhisme
d’eau ne peuvent gagner l’océan qu’en 2 000 m et enfin de conifères variés et
le maïs, qui exige moins d’eau. L’hi-
lamaïque, dans toutes les régions
traversant l’ensemble des chaînes hi- de bouleaux.
ver, on peut cultiver des plantes comme
d’étage froid, depuis le Ladakh jusqu’à
malayennes ; leur tracé étant antérieur y La zone transhimalayenne, au sol le blé, la pomme de terre. L’élevage
l’Himlaya de l’Assam. Mais le boudd-
au soulèvement de celles-ci, ils se sont riche, est une région de steppes (Arte- est peu important, sauf dans quelques
hisme s’est répandu dans plusieurs
enfoncés dans la masse montagneuse, misia maritima, Caragana spinosa), tribus pastorales qui transhument à
régions plus basses, notamment au
creusant des gorges épigéniques gigan- les forêts ne s’y développant qu’au- travers l’Himlaya occidental. Cer-
Népal ; il domine le Sikkim et le Bhou-
tesques qui sont une caractéristique de dessus de 3 000 m. L’étage alpin des taines régions, toutefois, ont des types
tan. Les populations d’origine indienne
prairies apparaît, dans la plus grande d’agriculture particuliers, notamment
l’hydrographie himalayenne. ont fait prévaloir la culture hindoue,
partie de l’Himlaya, au-dessus de les oasis des pays arides (Drdistn,
avec la société organisée en castes,
3 900 m (3 600 m dans l’Himlaya Baltistn, Kohistn) et l’aire assamaise
Le milieu bioclimatique au Népal et dans une grande partie
occidental). On rencontre les neiges d’agriculture sur brûlis.
de l’Himlaya occidendal (Kumon,
Situés entre 27° et 35° de lat. N., les permanentes, plus ou moins haut, aux
Garhwl, Himchal Pradesh), au-des- Au-dessus de 2 500 m, on observe
pays himalayens (y compris le Karako- environs de 5 000 m. Les glaciers des-
sous de 2 000 m d’altitude. Cependant généralement un certain vide démo-
rum) sont soumis dans leur majeure cendent peu au-dessous de la limite
l’islm s’est imposé dans les régions les graphique et économique, correspon-
partie à des conditions tropicales. Mais des neiges permanentes, sauf ceux du
plus occidentales de l’Himlaya (Pend- dant aux crêtes boisées du Moyen
la position géographique introduit de Karakorum, alimentés par des préci-
jab, Cachemire) et de la zone transhi- Himlaya. C’est au-dessus de 3 000 m,
pitations d’hiver.
grands contrastes régionaux dans cet malayenne (Drdistn, Baltistn). dans l’étage à hiver froid, que s’impose
ensemble, et l’étagement détermine, Quant à l’animisme primitif, il ne s’est l’économie de type tibétain. Les vil-
dans chaque région, une série clima- Peuplement et guère maintenu que dans l’aire isolée lages sont plus clairsemés, exploitant
tique allant des conditions tropicales civilisation de l’Himlaya assamais. de rares terres arables sur les fonds
aux conditions de la haute montagne. de vallée. Le climat ne permet qu’une
Dans la préhistoire, l’Himlaya a été Le découpage politique ne tient
seule récolte par an : blé, orge, sar-
y L’Himlaya oriental (du Népal occupé tardivement, sauf sur les basses aucun compte de la carte ethnique ou
rasin, pommes de terre, cultures qui
oriental à l’Assam) appartient à l’aire terrasses des Siwlik (terrasses de la culturelle. Le Tibet, en effet, est loin
s’élèvent plus ou moins haut selon les
la plus humide des pays de mous- Son au Pendjab). C’est seulement au d’englober l’ensemble des populations
régions. Bien que l’orge et la pomme
son (3 160 mm de précipitations à Néolithique que l’on constate l’occu- de race et de culture tibétaines. L’Inde,
de terre puissent se cultiver jusque vers
Darjling, à 2 100 m d’altitude). La pation des hauts plateaux tibétains, des qui doit ses frontières à l’expansion de
4 500 m, l’étage agricole se limite prati-
hautes plaines du Népal et du Cache- la puissance britannique, occupe une
saison sèche (hiver) est courte.
mire. Le peuplement semble avoir quement à 3 500 m. Au-dessus, s’étend
partie de l’Himlaya hindou (à l’ouest
Au-dessous de 1 000 m domine une un étage pastoral : des groupes tibé-
une triple origine. Du Tibet, d’abord, du Népal), mais aussi des territoires
forêt de sl (Shorea robusta), très hu- tains, qui transhument en été jusqu’aux
sont venus des nomades, qui ont évo- de culture tibétaine (Ladakh, Lahoul,
mide, et, à l’est de 91° de longitude, lué vers une forme de vie sédentaire Spiti), un territoire musulman (Cache- approches de 5 000 m, vivent exclusi-
dans les régions où la saison sèche vement d’activités pastorales (élevage
adaptée à la haute montagne ; les popu- mire) et l’aire animiste de l’Assam.
devient insignifiante, la forêt tropicale de moutons, chèvres, yacks).
lations d’origine tibétaine (comme les Des États himalayens ont pu conserver
dense à Dipterocarpus. L’étage mon- Sherpas du massif de l’Everest) vivent soit l’indépendance (Népal), soit une En raison de l’isolement, les vil-
tagnard est caractérisé par la présence généralement au-dessus de 3 000 m, autonomie contrôlée par l’Inde (Sik- lages himalayens pratiquent surtout
d’une « forêt de brouillard », toujours mais ont occupé parfois des régions kim, Bhoutan). Cette situation fut ou des cultures vivrières et vivent en
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
les considérations stratégiques qui supérieure de musique de Berlin. Puis France, la musique de Hindemith subit
H. H.
poussent l’Inde, le Pkistn et la Chine son talent avait mûri, gagné en étoffe aujourd’hui une certaine éclipse même
à doter les pays himalayens d’un réseau H. Strobel, Paul Hindemith (Mayence,
et en profondeur (en lourdeur aussi, dans les pays (Allemagne et États-
1928 ; 3e éd., 1948) ; P. Hindemith, Zeugnis in
de communications qu’ils n’avaient parfois !), cependant que, atténuant ses Unis surtout) où sa vogue avait été la
Bildern (Mayence, 1955) ; P. Hindemith, Kom-
jamais eu. agressivités premières, il cherchait à se plus grande. Le temps opérera son tri, ponist in seiner Welt, Weiten und Grenzen
J. D. réintégrer dans le courant de la tradi- mais retiendra sans nul doute quelques (Zurich, 1959). / M. Hürlimann (sous la dir. de),
F Alpinisme / Bhoutan / Cachemire / Chine / tion musicale germanique. C’est préci- chefs-d’oeuvre : les opéras Cardillac Paul Hindemith, die letzten Jahre (Mayence,
/ J. Dupuis, l’Himalaya (P. U. F., coll. « Que sais- tradition culturelle allemande dont les quatuors et sonates. (Paul von
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
il rencontre en vain Guillaume II à la délégation allemande à Rethondes à Hitler. Ayant approuvé le discours
Beneckendorff Posen le 1er juillet : celui-ci lui refuse signer l’armistice. de von Papen, qui, vice-chancelier,
und von) toujours les moyens nécessaires pour réclame, le 18 juin 1934, le retour à
anéantir l’armée russe. Aussi, quand Le « président du Reich » un état de choses normales, il ne peut
Maréchal et homme politique allemand il reçoit enfin sa liberté d’action, les (1925-1934) empêcher Hitler de briser les oppo-
(Posen 1847 - Neudeck, Prusse-Orien- Russes se sont déjà ressaisis. En 1916,
Mis à la retraite en 1919 après avoir sants à sa politique lors de la « Nuit des
tale, 1934). Hindenburg se contente de repousser
organisé le rapatriement de ses troupes, longs couteaux » du 30 juin. Le 2 août,
les contre-offensives russes, et notam-
Héritier d’une longue tradition mili- Hindenburg est l’objet, le 7 février l’illustre vieillard meurt à Neudeck,
ment celle de Broussilov* en Galicie
taire, Hindenburg est élevé à l’École 1920, d’une demande d’extradition de ce qui permet à Hitler d’exploiter une
le 4 juin, tandis que Falkenhayn épuise
des cadets. Second lieutenant d’infan- la part des Alliés pour avoir contrevenu dernière fois son prestige en faisant en-
les réserves allemandes devant Verdun.
terie à Dantzig en 1866, il est blessé aux lois de la guerre ; il est innocenté sevelir son corps le 7 à Tannenberg et
à Sadowa la même année, puis se bat par le tribunal de Leipzig. Le 26 avril en faisant croire aux Allemands que le
à Saint-Privat en 1870 et représente Le chef de la Direction 1925, il est élu président du Reich avec
chef de l’État défunt lui a confié sa suc-
son corps à Versailles lors de la pro- suprême (1916-1919) 14 600 000 voix, grâce à l’appui de
cession par testament, thèse qu’il fait
clamation du IIe Reich le 18 janvier la droite, qui a suscité sa candidature
Nommé commandant en chef le 29 août plébisciter le 19 août par 88,9 p. 100
1871. Membre de l’Académie de pour réserver les possibilités d’une res-
1916, Hindenburg, le 6 septembre, im-
guerre, puis du grand état-major sous des électeurs inscrits.
pose au général autrichien F. Conrad tauration monarchique qui aurait été
les directions successives de Moltke et compromise par le succès de Wilhelm P. T.
von Hötzendorf la signature de la
de Schlieffen, appelé au ministère de Marx, candidat des weimariens. F Allemagne / Guerre mondiale (Première) / Hit-
convention de Pless (Pszczyna), qui ler (A.) / Weimar (république de).
la Guerre par le général Verdy du Ver-
confère en droit à Guillaume II, en fait Symbole de la grandeur du Reich,
nois, il est promu général de division E. Ludendorff, Meine Kriegserinnerun-
à lui-même et à son adjoint Ludendorff conservateur et monarchiste, homme
en 1900. Nommé en 1903 commandant gen (Berlin, 1919). / P. von Hindenburg, Aus
le commandement en chef des forces d’ordre et de tradition, Hindenburg
du 4e corps à Magdeburg, il prend sa meinem Leben (Berlin, 1920 ; trad. fr. Ma vie,
de la Quadruplice, ce qui lui permet de accepte néanmoins de respecter les Charles-Lavauzelle, 1921). / T. R. Ybarra, Hin-
retraite en 1911 et se retire à Hanovre.
liquider l’abcès roumain (septembre- règles que lui impose une Constitution denburg, the Man with three Lives (New York,
décembre 1916). républicaine, à l’esprit de laquelle il 1932 ; trad. fr. Hindenbourg, Gallimard, 1932). /
Le vainqueur de
fait quelques entorses : autorisation de R. Van Wehrt, Tannenberg. Wie Hindenburg die
Après avoir donné son aval au
Tannenberg et le chef de faire flotter l’étendard commercial de Russen schlug (Berlin, 1934 ; trad. fr. Tannen-
principe de la guerre sous-marine à
l’Oberost (1914-1916) l’Allemagne aux couleurs impériales
berg, août 1914, Payot, 1935). / E. Ludwig, Hin-
outrance, appliqué le 1er février 1917, denburg (Zurich, 1935 ; trad. fr. Hindenburg
Rappelé au service le 22 août 1914, aux côtés de celles de la république
Hindenburg adopte d’abord une straté- ou la Révolution manquée, Plon, 1935). /
Hindenburg remplace au comman- au siège des représentations diploma- J. Argueyrolles, le Coup de dés de Tannenberg
gie défensive à l’ouest. La construction
dement de la VIIIe armée le général tiques à l’étranger (mai 1926) ; admis- (Nouvelle Revue critique, 1937). / A. Dorpalen,
d’une ligne bétonnée qui porte son nom
von Prittwitz, battu à Gumbinnen par sion dans la Reichswehr, à titre d’en- Hindenburg and the Weimar Republic (Prince-
permet, en raccourcissant le front fran- ton, 1964). / W. Hubatsch, Hindenburg und der
la Ire armée russe du général Rennen- gagé provisoire, le 26 octobre 1926, du
çais de 70 km, d’y récupérer des effec- Staat (Göttingen, 1966).
kampf. Avec l’accord du général Lu- prince impérial Guillaume de Hohen-
tifs (mars). Profitant de la révolution
dendorff*, qui lui est donné comme zollern, fils du Kronprinz. Contribuant
russe, il impose d’abord par l’armistice
chef d’état-major et qui sera désormais à sauver l’Allemagne de la catastrophe
de Brest-Litovsk (15 déc. 1917) la clô-
son « alter ego », il détruit la IIe armée financière en obtenant du président
décide l’offensive limitée de Gorlice, la ligne Anvers-Meuse, à peine aména- conserver le contrôle de la Reichswehr, position et sa natation verticales avec-
qui rompt le front russe le 2 mai 1915, gée, et, le 10, il invite par télégramme Hindenburg est en fait prisonnier de la tête à angle droit, et par le fait que
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
Évolution des difficile et leur reproduction en capti- n’est pas un critère valable, car il varia
Syngnathidés vité a été rarement obtenue. Tous les beaucoup au cours de la longue vie du
Syngnathes sont des espèces côtières,
Hippocrate médecin. Notons également qu’Hippo-
L’Hippocampe appartient à la famille
à l’exception de ceux qu’on trouve en crate abandonna sa langue natale, le
des Syngnathidés, mais n’en consti- En gr. HIPPOKRATÊS, le plus grand méde-
mer des Sargasses, comme Syngnathus dorien, au profit de l’ionien, infiniment
tue pas le type. Les Syngnathes, ou cin de l’Antiquité (île de Cos 460 - La-
pelagicus et Hipporampus ramulus. Le plus nuancé. L’esprit même des textes,
Vipères de mer, ont le corps allongé et rissa, Thessalie, v. 370 av. J.-C.).
Dragon de mer d’Australie, Phyllop- renforcé par les témoignages d’auteurs
protégé de plaques tégumentaires for-
teryx foliatus, accentue fortement le Hippocrate, souvent dénommé « le contemporains, est un meilleur guide
mant des anneaux successifs. La tête
mimétisme des représentants de cette père de la médecine », a eu un rôle de leur authenticité. Ainsi délimitée
est dans le prolongement du corps. La
famille par la présence d’expansions de premier plan dans l’évolution de grâce, notamment, aux travaux de Lit-
bouche, tubulaire, fonctionne par aspi-
foliacées qui le dissimulent au milieu la science médicale. Il naquit d’une tré, l’oeuvre attribuée avec certitude à
ration ; la nourriture est planctonique et
des Algues. famille d’Asclépiades, qui contribuait Hippocrate comprend : Traité de l’an-
se compose surtout de petits Crustacés au culte d’Asclépios et prétendait des- cienne médecine, Épidémies (livres I
ou d’oeufs. Les nageoires montrent une cendre du dieu de la Médecine. Son et III), Régime des maladies aiguës,
évolution régressive avec perte des pel- Familles voisines
père, Héraclide, fils d’Hippocrate Ier, Aphorismes (livres I à VII). Traité
viennes ; l’anale, la caudale et les pec- Les Solénostomidés constituent une lui enseigna les données essentielles de des airs, des eaux et des lieux, Traité
torales peuvent aussi manquer. Dans ce famille très proche de celle des Syn- la médecine sacerdotale, notamment des articulations, Traité des fractures,
cas, seule la dorsale subsiste et assure gnathidés, avec une bouche tubulaire les bases indispensables de l’anato- Traité des plaies de la tête, Traité des
les mouvements lents de ces animaux. analogue, mais les nageoires sont mie. Plus tard, Hippocrate quitta son instruments de réduction, le Serment
Certaines espèces ont une queue pré- présentes, et ce sont les femelles qui île natale pour suivre l’enseignement et la Loi.
hensile : elles l’utilisent soit pour se incubent les oeufs dans une dépression de médecins laïques réputés, tels
Sont probablement d’Hippocrate la
fixer aux Algues et aux Zostères au mi- que forment les deux pelviennes. Ces Herodicos ou surtout Gorgias. Ayant
Nature de l’homme et le Régime des
lieu desquelles elles vivent, soit pour deux familles, formant l’ordre des ainsi acquis un solide bagage et doté
gens en santé.
s’accrocher au partenaire sexuel lors d’une réputation grandissante d’habile
Syngnathiformes, ont deux autres par-
de l’accouplement. Ce sont toujours D’autres ouvrages, sans être d’Hip-
ticularités en commun : les branchies praticien, il devint médecin itinérant
les mâles qui assurent l’incubation des pocrate lui-même, furent vraisembla-
comportent des filaments branchiaux (périodeute), soignant les patients de
oeufs, et, chez les espèces à marsupium, blement rédigés sous son contrôle. Il
peu nombreux, mais très développés ; ville en ville tout en approfondissant
l’orifice de l’oviducte de la femelle est s’agit du Traité des humeurs, des autres
on dit que ce sont des branchies « en ses connaissances en pathologie et en
situé à l’extrémité d’un organe d’intro- livres des Épidémies, de l’Officine du
houppes » ; aussi, pour traduire ce thérapeutique. Il visita ainsi la Thrace,
mission, qu’elle introduit dans l’ori- médecin et de l’Usage des liquides.
fait, l’ordre a reçu autrefois le nom de la Thessalie et atteignit la Macédoine,
fice du marsupium du mâle. On peut où il discerna chez le roi Perdiccas II, Dans tous ces livres, l’esprit du texte
Lophobranches. La seconde particu-
suivre l’évolution de ce dernier chez aïeul d’Alexandre, une névrose d’ori- a pour nous plus de valeur que les faits
larité est l’absence de glomérules de
les Vipères de mer. Chez les Entélures gine sentimentale, considérée jusque- eux-mêmes. Ceux-ci, en effet, sont en-
Malpighi dans les reins. On la présente
et les Nérophis, le tégument abdominal là comme une phtisie, c’est-à-dire à core entachés de grossières erreurs, qui
parfois comme un caractère primitif,
est aminci et vascularisé ; les oeufs y l’époque comme une lésion organique. ne seront levées d’ailleurs qu’après de
mais il est plus vraisemblable d’y voir
sont simplement collés ; chez la plu- Suivant la mer Noire, il gagna l’Asie nombreux siècles. Ainsi Hippocrate re-
une régression.
part des espèces, cette plage ventrale Mineure et revint à Cos, où il fonda connaît-il quatre humeurs principales :
est bordée latéralement de replis qui son école de médecine vers l’an 420 le sang, le phlegme, la bile jaune et
Les Aulostomiformes
ou bien n’assurent aux oeufs qu’une av. J.-C. Bien plus tard, sans que la la bile noire. Pour lui, la bonne santé
protection latérale sans les recouvrir, On peut placer au voisinage des Syn- date exacte nous soit connue, il quitta résulte d’un heureux équilibre entre ces
ou bien les recouvrent entièrement en gnathiformes l’ordre des Aulostomi- Cos, où son enseignement fut poursuivi constituants. C’est l’excès ou le défaut
se chevauchant médianement, ou bien formes, ou « Bouches en flûte », qui par son gendre Polybe. Avec deux de de l’un d’eux qui engendre maladie
encore s’enroulent et forment deux semble faire transition avec les Gas- ses fils, Thessalos et Dracon, il revint et mort. De même, sa conception du
chambres parallèles distinctes. Chez térostéiformes, ou Épinoches. Citons en Thessalie, à Larissa, où il fonda une système circulatoire est erronée, l’air
les Solénognathes et les Phylloptéryx, parmi cet ordre : les Amphisilidés, nouvelle école. C’est là qu’il mourut, étant, selon lui, l’élan vital nécessaire
les oeufs sont portés dans un sillon hôtes de l’océan Pacifique, qui nagent vers 370 av. J.-C. (certains affirment au mouvement du sang, auquel il vient
creusé dans la portion la plus anté- verticalement, tête en bas, et ont cou- en 377). se mêler... Mais, si toutes ces données
rieure de la queue ; l’évolution atteint tume de se réfugier entre les piquants restent imprécises pour l’auteur, on
Dans son oeuvre, Hippocrate préco-
son terme chez les Hippocampes, où des Oursins en cas de danger ; les ne peut qu’admirer les réflexions que
nise d’associer la construction hypo-
les replis se soudent médianement en Macrorhamphosidés, ou Trompettes de lui suggère une bonne observation
thétique à une observation scrupuleuse
une poche à ouverture antérieure. Lors mer, que protège une épine dorsale de d’influences diverses, telles que l’âge,
des faits. Il rejette toute hypothèse a
de la pariade, ce sont les femelles qui grande taille et dont une espèce, Cen- les saisons et le climat. De ces hypo-
priori au profit de déductions logiques
courtisent les mâles. Chaque mâle re- triscus scolopax, vit sur nos côtes ; thèses découlent des préceptes valables
des faits d’expérience. Peut-on envi-
çoit les oeufs de deux ou trois femelles concernant l’hygiène de vie ou la diété-
enfin les Fistularidés, ou Fistulaires, sager meilleure introduction à la mé-
successives, et l’incubation dure une remarquables par l’allongement du tique. Les connaissances anatomiques
decine expérimentale, telle que la re-
dizaine de jours ou plus. d’Hippocrate sont limitées, sauf en os-
museau et le filament qui prolonge la prendra Claude Bernard quelque vingt
Il existe moins de 200 espèces de caudale. Les Fistulaires vivent autour siècles plus tard ? Son oeuvre est le fruit téologie. La chirurgie de l’époque reste
Syngnathes, dont 25 environ appar- des récifs coralliens, et l’espèce la à la fois du médecin, de l’enseignant ainsi un domaine à peu près inexploré,
tiennent au genre Hippocampus. Les plus grande, Fistularia villosa, peut et du philosophe. Parmi les textes qui à l’exception de quelques trépanations,
côtes françaises abritent H. guttula- atteindre 2 m. lui sont attribués, le partage est délicat pour lesquelles Hippocrate semble
tus, qui n’est pas rare à Arcachon et R. B. entre ceux qui émanent certainement avoir conçu un appareil. Pour l’ortho-
remonte parfois jusqu’à la Bretagne, et L. Bertin et C. Arambourg, « Systématique de lui et ceux que rédigèrent des dis- pédie, il imagina un banc de bois por-
H. brevirostris, qu’on ne trouve qu’en des Poissons », dans Traité de zoologie, sous ciples proches ou encore, longtemps teur de treuils destinés à permettre la
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traction et la réduction des luxations et précèdent l’agonie et qu’Hippocrate avait En 1926, l’empereur Taish étant la guerre à outrance menée par la caste
bien décrit.
des fractures. décédé, Hirohito lui succéda sur le militaire, éprise de conquêtes.
Sur le plan déontologique, son ser- y La succussion hippocratique est le bruit trône. L’empereur et son épouse (née Devant le désastre des armées et les
entendu en secouant le thorax d’un sujet
ment a été suffisamment omnivalent en 1903) eurent sept enfants, cinq prin- souffrances de son peuple, il tenta en
ayant un épanchement de liquide et de
pour parvenir jusqu’à nous et rester cesses et deux princes. Le prince héri- 1945 des démarches de paix, qui furent
gaz (hydropneumothorax) et produit par le
tier, Akihito (né le 23 décembre 1933), repoussées, puis, peu après le bom-
valable dans ses moindres termes. Ce conflit entre le liquide et l’air : ce signe est
serment que les nouveaux médecins épousa en 1959 une jeune fille d’ori- bardement atomique de son pays (6 et
toujours valable, mais il n’est plus que rare-
prononcent au seuil de leur carrière ment observé de nos jours du fait du recul gine non noble, Michiko Shda. Il se 9 août 1945), il décida, contre l’avis
considérable de la tuberculose. rendit de nombreuses fois à l’étranger. des militaires, d’accepter les condi-
met en relief la nécessaire honnêteté
du praticien, sa reconnaissance de l’en- J.-C. Le P. L’empereur Hirohito, est, en de- tions de la déclaration de Potsdam. Il
seignement reçu, son engagement à le R. Joly, Hippocrate, médecine grecque (Gal- hors de ses fonctions officielles, un se rendit lui-même au quartier général
limard, 1964) ; le Niveau de la science hippocra-
transmettre aux générations nouvelles, chercheur scientifique spécialisé dans de MacArthur*, demandant à être traité
tique (Les Belles Lettres, 1966). / M. Martiny,
sans omettre le principe du secret l’étude de la biologie marine. Il est en criminel de guerre afin d’épargner
Hippocrate et la médecine (Fayard, 1964). /
médical, qui garde encore aujourd’hui R. Baccou, Hippocrate (Seghers, 1969). l’auteur de deux importantes mono- à son peuple d’autres souffrances.
toute sa valeur malgré les tentatives graphies sur les Hydrozoaires (Hy- MacArthur le réinstalla sur son trône.
d’ébranlement dont il est périodique- drozoaires de la famille des Clathro- Dans un célèbre « message à la na-
ment l’objet. zonidae, description d’une nouvelle tion », Hirohito, en la langue archaïque
Le tableau de ce chef d’école excep- Hippopotame espèce et Quelques hydroïdes des îles qui est celle de la Cour, déclarait renier
Amakusa) et, avec la collaboration ses origines divines. Il engageait son
tionnel serait incomplet si l’on omettait
d’autres savants, de huit publications peuple « à travailler avec énergie à
son patriotisme farouche. Tous les faits F PORCINS.
scientifiques. rehausser sans cesse la gloire de l’État
concordent pour considérer comme
impérial en prenant une part active au
une légende le fait d’avoir défendu En octobre 1971, il se rendit, accom-
progrès universel ».
Athènes contre la peste par l’implan- pagné de l’impératrice, en Europe (Bel-
tation d’immenses bûchers. Par contre, gique, Grande-Bretagne, République Prenant à la lettre cet ordre impérial
Hirohito
Hippocrate aurait refusé d’être le mé- fédérale d’Allemagne, Danemark, — l’un des rares que l’empereur Hiro-
decin d’Artaxerxès malgré les présents Pays-Bas, France et Suisse). Ce fut le hito ait eu à énoncer —, le peuple japo-
(Tky 1901), empereur du Japon
somptueux que celui-ci lui offrait pour premier voyage hors des frontières du nais, à force de travail, a réussi à faire
(1926).
sa venue à la cour de Perse. Il refusa Japon d’un empereur du pays du Soleil d’un pays en ruine l’une des premières
ces présents « de la part d’un ennemi de Levant. nations du monde.
sa patrie ». Il est également plausible,
Introduction L. F.
toujours en raison de ces sentiments, L’empereur Hirohito est, selon la tra- Fonctions impériales F Japon.
qu’il ait obtenu une alliance de la Thes- dition historique japonaise, le 124e em-
Selon la Constitution actuelle du
salie à la veille d’une guerre contre pereur descendant en ligne directe
Japon, l’empereur est le symbole de
Athènes, évitant ainsi un douloureux d’Amaterasu mikami, la déesse
l’État et de l’unité du peuple : il tient
combat. Tout cela explique qu’Hippo- shint du Soleil. Bien qu’il ait renoncé
sa position de la volonté du peuple, qui
Hiroshige (And)
crate ait bénéficié dès son vivant d’un en 1945 à son appartenance divine et
a le pouvoir souverain. Il n’a aucun
très grand prestige, qu’il est légitime qu’il l’ait annoncé publiquement le
pouvoir au sein du gouvernement et Nom d’artiste ichirysai, le maître
de lui conserver de nos jours en raison 1er janvier 1946, il n’en demeure pas
ne peut remplir qu’un certain nombre incontesté de l’estampe de paysage
des dons prémonitoires exceptionnels moins, aux yeux de son peuple, comme
de fonctions officielles, définies par la au Japon (Edo [auj. Tky] 1797 - id.
dont il fit preuve. l’autorité la plus sacrée du Japon.
Constitution : promulgation des lois, 1858).
Né le 29 avril 1901 (ce jour anniver- décrets et traités, convocation de la Si Hokusai* introduit le paysage
La médecine hippocratique saire est toujours célébré avec ferveur Diète (le Parlement japonais), dissolu- comme genre indépendant dans le
L’observation précise des faits, leur des- par le peuple japonais) et nommé tout tion de la Chambre des représentants, répertoire de l’estampe, Hiroshige lui
cription objective, le refus des idées pré- d’abord prince Michi no Miya, il eut attestations diverses relatives aux dé- communique sa sensibilité profonde.
conçues et surtout des théories échafau- pour précepteurs le général K. M. Nogi cisions des chambres, octroi des dis- Dessinateur remarquable et coloriste
dées à partir de vues de l’esprit ont fait la
(qui se suicida lors des funérailles de tinctions honorifiques, réceptions des subtil, utilisant au mieux les possibi-
valeur de l’enseignement d’Hippocrate.
l’empereur Meiji, en 1912, pour ne pas diplomates étrangers et représentation lités de la xylographie polychrome, il
Certains signes ou symptômes décrits par
lui restent encore d’une valeur entière. survivre à son maître), puis l’amiral de l’État aux cérémonies officielles... sait faire partager l’émotion ressentie
C’est ainsi que dans le langage médical H. Tg, le vainqueur, en 1905, des devant la nature. Dans ses composi-
Avant 1945, ses pouvoirs étaient
actuel, on emploie toujours des expres- Russes à Tsushima. Il fit ses études à théoriquement plus étendus : il était tions, mieux que dans celles d’Hoku-
sions qui rappellent le nom du père de la l’école des Pairs, institut spécialement sai, l’homme s’intègre au site qui l’en-
alors de plein droit souverain absolu,
médecine.
créé pour son éducation. En 1917, il toure, trouvant sa juste place dans une
mais, en fait, il ne pouvait que peu de
y Les doigts hippocratiques (qu’on vision du paysage qui se veut objective.
se fiança à la fille aînée du prince im- choses, enfermé qu’il était dans un
désigne aussi sous l’expression hippocra-
périal Kuni Kuniyoshi, Nagako, qu’il cadre étroit imposé par l’étiquette et Fils d’un membre de la brigade du
tisme digital) consistent en une déforma-
n’épousera que sept années plus tard, par un système gouvernemental qui lui feu d’Edo, Hiroshige montre très tôt
tion des dernières phalanges des doigts,
en un épaississement de la pulpe et en en 1924. Entre-temps, le prince héritier liait pratiquement les mains. Aussi fut- des dons pour le dessin et la peinture.
un ongle convexe en « verre de montre ». (son père, l’empereur Taish, régnant il amené, dès 1937, à accepter la main- Il abandonne le métier de son père peu
Cette anomalie aurait une origine circula- depuis 1912) fit un voyage d’études mise japonaise sur la Chine (qui lui après la mort de celui-ci et, comme la
toire et se voit surtout chez les insuffisants de six mois en Europe (1921), visitant était présentée comme une opération plupart des jeunes artistes attirés par
respiratoires chroniques, mais aussi dans
successivement le Royaume-Uni, la de police « civilisatrice » par les par- l’école ukiyo-e*, cherche à entrer dans
quelques autres maladies, notamment
France, la Belgique, les Pays-Bas et tis militaires), à déclarer la guerre aux l’atelier d’un maître. Toyokuni (1769-
digestives (cirrhoses, polyposes), pour les-
quelles le mécanisme de la modification l’Italie. À son retour au Japon, son père États-Unis en 1941 (quelques heures 1825) le refuse faute de place, mais son
n’apparaît pas clairement. étant malade et ne pouvant plus assurer avant l’attaque sur Pearl Harbor), frère Toyohiro (1774-1829) l’accepte
y Le faciès hippocratique est l’aspect les charges de l’empire, il fut nommé ceux-ci ayant coupé ses approvision- en 1811. Ses premières oeuvres ne
que prend le visage dans les heures qui régent. nements de carburant, et à approuver s’écartent guère de la production de
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l’époque, mais le talent raffiné et plein Par la délicatesse du dessin et l’har- (New York, 1964 ; trad. fr., Gérard, Verviers, et vers Miyajima au sud-ouest, et elle
1964).
de retenue de son maître aura une in- monie des couleurs, l’artiste évoque la remonte le long des étroites vallées qui
fluence importante sur l’élaboration de convergent ici, par où passent égale-
pluie, la brume, la neige, la lumière du
son style personnel. ment, au prix de nombreux ouvrages
matin ou le clair de lune, pour révéler,
d’art, routes et voies ferrées. C’est sur-
Après la mort de Toyohiro, l’ar-
sous tous ses aspects, la beauté des sites Hiroshima tout aux dépens de la mer que la ville
tiste, plus libre de suivre ses goûts,
qu’il avait visités en été. Les mêmes s’étend aujourd’hui, comblant peu à
se consacre à des compositions de
V. du Japon, dans l’île de Honsh.
qualités apparaissent, plus raffinées peu la baie de vastes atterrissements où
fleurs et d’oiseaux, genre dans lequel
encore, dans les Huit Vues du lac Biwa Hiroshima, sur la mer Intérieure, à se trouvent l’aéroport, les zones indus-
il excellera, et surtout à des études de
400 km à l’ouest d’saka, est le plus trielles récentes et le port.
paysages. Dans ce domaine, son pre- (1834), dans la série des Soixante-Neuf
grand centre de relations et d’industries
mier chef-d’oeuvre, encore très marqué Étapes de la route de Kiso (1837-1842) Les activités sont celles d’une grande
de la région du Chgoku, entre saka
par la vision d’Hokusai, est constitué capitale régionale : administrative,
et enfin dans l’illustration des Poèmes et Fukuoka. La ville naît en 1594 au-
par les dix estampes des Sites célèbres commerciale et bancaire, industrielle
chinois et japonais (v. 1840). tour d’un château féodal et devient le
d’Edo (1831 ou 1832), suivies, un an surtout. Dénuée de sources d’énergie
centre politique d’un des grands fiefs
plus tard, des Sites célèbres du Japon. Après cette date, Hiroshige, sur- et de matières premières aux environs,
du Japon occidental. En 1889, elle est
chargé de commandes, néglige davan- la ville doit cet essor à sa situation sur
En août 1832, Hiroshige a l’occasion reliée à Kbe par voie ferrée, et son
d’accompagner une mission officielle à tage sa production et confie à ses élèves la mer Intérieure et le long de l’axe
port est ouvert. Siège du haut comman-
industriel de la mégalopolis japonaise.
la cour impériale de Kyto. Au cours une part importante du travail. Pour- dement durant la guerre sino-japonaise
La métallurgie tient la première place :
de ce voyage, la beauté des paysages et tant, un an avant sa mort, trois grands de 1894-95, la fonction militaire lui est
constructions navales, automobiles
la vie animée de chaque relais lui four- profitable et s’étend à sa voisine Kure.
triptyques sur le thème Neige, lune et
nissent le thème de nombreux croquis. (usine Ty-Kgy). Cette orientation
En 1940, la ville a 400 000 habitants.
fleurs résument, avec la plus heureuse
L’artiste s’en servira pour composer les vers l’industrie lourde se perpétue :
Détruite par la bombe* nucléaire du
simplicité, ses recherches pour traduire cimenteries, industries chimiques ;
planches des Cinquante-Trois Étapes 6 août 1945, elle se relève rapidement
l’atmosphère de la nature. L’estampe pétrochimie et aciérie en projet. Sur
de la route du Tokaido, dont le suc- (250 000 hab. en 1950 ; près d’un mil-
cès est immédiat. Le public accueille de paysage arrive ici au terme de son lion aujourd’hui pour l’agglomération). la mer, les cultures d’algues et surtout
l’ensemble avec un tel enthousiasme Une immigration considérable venue l’ostréiculture demeurent très impor-
évolution, bien que les disciples du
des régions montagneuses de l’inté- tantes, quoique gênées par la pollu-
que Hiroshige reprendra le même sujet maître, Hiroshige II (1826-1869) et
dans plus de vingt versions différentes. rieur ou des rivages de la mer du Japon tion des eaux. Un grand laboratoire de
Hiroshige III († 1894), signent encore
Néanmoins, aucune n’égale la qua- alimente sans cesse cette croissance. recherches sur les élevages marins se
quelques belles oeuvres dans le même trouve à Kure.
lité artistique de la première version, Le site est assez défavorable : une
esprit.
publiée dès 1833 par la maison d’édi- plaine deltaïque étroitement encadrée Le paysage urbain s’ordonne ainsi
tion Hei-d. Le charme poétique qui F. D. de versants raides et s’ouvrant sur autour du centre, entièrement recons-
baigne chaque étape de la route réside I. Kondo, les 53 Stations du Tkaid (en une baie marécageuse. L’aggloméra- truit et très moderne, fractionné de
essentiellement dans la façon de rendre japonais, Tky, 1960 ; trad. fr., Office du livre, tion déborde largement sur les deux nombreux canaux. Autour du parc de la
les variations du temps et des saisons. Fribourg, 1970). / B. W. Robinson, Hiroshige rivages, jusque vers Kure au sud-est Paix, au centre de la ville, se trouvent
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les vestiges de la catastrophe de 1945 : Luis Alberto Sánchez (né en 1900) a des Andes » (Miguel Ángel Astu- écrit Alejo Carpentier*, nous avons
un cénotaphe en ciment en forme raison de poser la question, sous forme rias*), l’homme apparaît partout mar- tous un style baroque. »
d’arche marque le point d’impact de la de titre d’un de ses ouvrages : L’Amé- qué par le même combat qu’il mène Il faut revenir cependant sur celui
bombe. Le seul bâtiment qui demeure à rique latine existe-t-elle ? (Existe Ame- avec la nature pour s’y tailler une des facteurs d’unité qui reste le plus
l’état de ruine est le dôme de l’ancien rica latina ?). [V. Amérique latine.] place ou pour simplement y survivre. patent malgré les réserves précédem-
Institut de promotion industrielle, qui Aussi, par-delà les frontières natio-
Pour la plupart des géographes et ment formulées : la langue. Pour en
dresse sa carcasse au bord de la rivière. des économistes, cette notion est plutôt nales, l’homme hispano-américain mesurer la portée, il suffit d’imaginer
Le château a été reconstruit en béton, artificielle. Ainsi, Pierre Monbeig sou- offre-t-il des traits semblables : « Le une Europe qui, d’Oslo à Athènes, de
seul témoin d’un passé brillant. Sur le gaucho des pampas, le llanero de la
ligne la « diversité des milieux naturels Lisbonne à Varsovie, parlerait la même
port, les zones maritimes industrielles et l’extraordinaire variété ethnique » savane, le mineur indien de la cordil- langue... Tel est exactement le cas de
isolent ce centre des horizons déli- lère, le récolteur de caoutchouc de la
de cette partie du Nouveau Monde, et cette Amérique latine sans frontières
cats de la mer Intérieure. Le long des forêt tropicale, le journalier dans les
Josué de Castro va jusqu’à affirmer : linguistiques, où, à La Havane comme
rivages voisins, les banlieues résiden- « Les pays d’Amérique latine ne se coupes de bois ou dans les plantations à Montevideo, à Mexico comme à
tielles s’étirent indéfiniment. L’urba- sont, pour l’écrivain, le même type
connaissent pas. » Quito, le même espagnol, à d’infimes
nisme demeure très imparfait, et la d’homme rude, primitif, instinctif — et variantes près, est parlé, lu, écrit ; d’où
Sans nier la réalité de cet exception-
circulation automobile une source de presque toujours exploité —, facteur cet air de famille qui plane sur toutes
nel dénominateur commun qu’est l’es-
problèmes considérables. Le nouveau
pagnol, parlé du Río Bravo jusqu’à la d’unité au sein d’une littérature », écrit les villes d’Amérique. Si, malgré cet
chemin de fer rapide du Tkaid-Sany l’Uruguayen Alberto Zum Felde..., qui atout, les pays d’Amérique latine
Terre de Feu (à l’exception du Brésil),
atteindra la ville en 1975, la mettant à
les linguistes, quant à eux, ne manquent aurait pu ajouter à sa liste le travailleur s’ignorent encore souvent, c’est que
deux heures d’saka et à cinq heures
pas de rappeler que, dans les Andes, des grandes métropoles et l’habitant l’Europe continue d’exercer sur cette
de Tky.
des bidonvilles. « Presque toujours partie du globe une fascination telle
des milliers d’Indiens ne connaissent
J. P.-M.
exploité », tel est en effet le sort de cet que les regards se portent plutôt vers
que le quechua, qu’au Paraguay le gua-
F Bombe nucléaire / Japon.
homme, qu’après environ trois siècles elle que vers les pays voisins. Mais,
rani concurrence le castillan comme
de colonie, de régimes semi-féodaux, de plus en plus, l’Amérique latine a le
langue officielle, que partout abondent
les abus des grands propriétaires, sentiment de son originalité. Les prix
les dialectes. C’est ce qui fait écrire à
Pierre Chaunu : « L’espagnol vient en l’analphabétisme condamnent, à peu « Casa de las Américas », qui sont
hispano- surimpression sur un extraordinaire près partout, à la misère. Parfois rési- décernés chaque année, depuis 1960, à