Vous êtes sur la page 1sur 58

Le chevalier sans peur et sans

reproche, ou Les amours de


Bayard , comédie héroïque
en quatre actes et en prose
[...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Boutet de Monvel, Jacques-Marie (1745-1812). Auteur du texte.
Le chevalier sans peur et sans reproche, ou Les amours de Bayard
, comédie héroïque en quatre actes et en prose représentée à
Paris, par les Comédiens français devant Leurs Majestés. Par M.
Monvel. 1790.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées
dans le domaine public provenant des collections de la BnF. Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-
753 du 17 juillet 1978 :
- La réutilisation non commerciale de ces contenus ou dans le cadre d’une publication académique ou scientifique
est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source
des contenus telle que précisée ci-après : « Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France » ou « Source
gallica.bnf.fr / BnF ».
- La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation
commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service ou toute autre
réutilisation des contenus générant directement des revenus : publication vendue (à l’exception des ouvrages
académiques ou scientifiques), une exposition, une production audiovisuelle, un service ou un produit payant, un
support à vocation promotionnelle etc.

CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété
des personnes publiques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :

- des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent
être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits.
- des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont
signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est
invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation.

4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et
suivants du code de la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de
réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec
le droit de ce pays.

6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur,
notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment
passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978.

7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter


utilisation.commerciale@bnf.fr.
PERSONNAGES, r
fRANÇOIS \, Roi de France, encor© jeune ; niais après
la bataille de Marignâu,
te Chevalier BAVARD, jeune 8c amant de Madame de
Rend an,
Le Capitaine LA PAUCE, ami de Bayard & amant do
Madame de Rendan,
"^Amiral BONN1VET.
D. ALQN20 DE SQTOMAYOR, amant de Madame
de Rendant
Madame DE RENDAN, jeune veuve,
Une Dame BRESSANE.
SES DEUX FILLES,
ISOLITE, jeune personne attachée àMadamedeRendau.
M, D'IMBERCOIWT, Seigneur de !a Cour de France.
ARTHUR j valet de chambre de Madame de Rendan.
AMBROISE jardinier de Madame de Rendan.
,
I/ÉCUYER de Sotomayor.
I/ÉCUYER, de Bayard personnage muet.
,
UN HÉRAUT D'ARMES.
Le Parrain de Sotomayor, personnage muet.
Le Maréchal de Camp d'Oreze.
Meilleurs de Guise y de Fontiailles, le Baron de Bcarn, la
Trimouillc, de Cruflbl, de Tende,, cVc. &c.
Paysans & Paysannes.
Bohémiens & Bohémiennes.
Gendarmes. Un Gendarme qui parle.
Domestiques de Madame de Rendan.
Ménétriers.

La Scènese pájse à'quelques distances de Paris > dans un%


mai/on de
campagne (te Madame de Rendan*
DE BAYARD,
COMÉDIE HEROIQUE.
A C TE P REM I E R.

O. I M BER
SCHNE PREMIEHli,
COURT, FRANÇOIS
I MB B. R'0 OU
gi, Sire, c'est une vifite inutile, une
R T.
I,
tentative vaine & super*
fljç,' Madame de Rendan ne voit, ne reçoit personnes jç viens
de parkr à Mademoiselle Isolite , celle de ses femmes qui a toute
fa confiance ; elle va descendre & vous confirmera ce qu'avec
bien du regret j'ai l'tionneur d'assurer à Votre Majesté.
FRANÇOISI.
Ah / point de Majesté. je vous en prie, Imbercourt. Souvenei*
vous que ie ne fuis tei qu'un trCs-petit particulier, un pauvre
amant rebuté fe ce n'est pas en matière de galanterie, & surtour
quand on éprouve ^'humiliation d'un refus, qu'il convient de faire
le Roi. Gardons rincognico, mon ami ; gardons-le bien» & du
moins sauvons l'amour propre s'il faut renoncer à contenter l'amour.
I M BE R COU R T.
L'amour ' en bonne foî, est-ce que vous êtes amoureux I
FH A NÇO \$ I.
Sur mon honneur je crois qu'oui.
>
I M B ER C OU R T.
Je crois, est excellent. Amoureux d'une femme que vous n'avez
fait qutntrcvoir, & qu'il y a plus de deux ans que vous n'avez vue,
FR AN ÇO l.S L
Mais songe donc... tout le monde dit qu'elle est chaînante.
IMBERCOURT.
Ah oui.... j'entends.... vous l'aimez fur parole»
«
FRANÇOIS I.
C'est que je m'imagine qu'il n'y a rien de (i piquant que de dé*
ranger les prudentes combinaisons d'une veuve de vingt &ur> ans,
jolie comme l'amour j & qui a fait vau de pleurer toute fa vie..,.,
un mari.
I M BER COU R T.
II est silrque les obstacles ont quelque chose d'attrayant; mail jd
«taiiubicn que ceux qucvoustíouvcrei ici, ne soient insurmontables.
A2
6 l$$ AMOURS *>JT BATARD;.
Vornçment... elle est toujours aussi belle qu'elle Iétotì avant

^, /
mort de son mari,... d: *epauvre Rendan),..
I SOL I TE.
Oh-'elle" n'est point changée.... communément îe. chagrin ne
1%

ited pas.... mak elle, ie crois en vérité, que la douleur, que lei
laimçs lembelíiiTenr encore.
FRANÇOIS 1.
C'est re qu'on a dit au Rot... faites observer à Madame de
Rendan qu'elle n'a pas vingt 6c un ans.
IMBERCOURT.
Que tout ce qui environne Sa Majestéelt àpeupr&d'unaussibel âge*
FRANÇOIS i.
Que le Roi lui-même est jeune aufl»..,.
.IMBERCOURT.
Et que d'un Monarque
ses plaisirs naissent en foule fur les pas
qui réunit à la grandeur fuprêtne tout ce que l'efprit, les grâces du-
corps, & les charmes de la figure peuvent avoir de plus séduisant.
/
( Frtíifois tirt Imbercourt far ft manteau , </ vent ftniffrhtr <A>
parier. ) Pourquoi vouîe*-vou$ nvempêcher de patler t est ce quç
je ne dis pas la vérité »
ISOLITE, s*a4rtjsjnt a Franfoh h
Monsieur, le Roi est il effectivement auss» ^beau que tout II
monde rassure?
FRANÇOIS!.
Ah ! beau.... beau.... ce ft roi i un bien petît mérite pour un
homme.... i) n'est pas mal... mais beau....
IMBERCOURT.
Allons, allons, vous £tes difficile.... Je vous assure, MademoU
selle qu'il seroit encore tresbien quand même il ne seroitpas Roi*
, ISOLITE, toujours au Roi.
On dit qu'il a beaucoup d'esprit.
IMBERCOURT.
Eh bien ! répondez donc?
FRANÇOIS!, aprh avoir hésité.
11 a du moins celui d'aimer beaucoup ceux qui en onr.
I S O L I T E.
On assure qu'il est si vaillant, fi brave....
FIUNÇOIS 1.
Un hommequi regnesurdes Français.... & comment vou!e7.«vou§
qu'il rie soit pas brave î... il reçoit ('exempte, & ie donne à son tour,.
ISOLITE.
J'ai entendu dire qu'il avoit un goût décidé pour toutes les belles.
IMBERCOURT.
On vous a dit vrai U-dessus comme fur tout le teste n'est-U
,
pas vrai. Monsieur'
r FRANÇOISE
Oui, Mademoiselle, on ne vous a pas trompé, il est à cet
égard encore Français, & tris-bon Français.
ISOLITE.
Oh ! que vous roc donne* de désif dî cooneitre w Roi si ctaqnan».
tO MtìHE HÌRt>ì§V& )
FRANÇOIS I.káImhrmrt.
h vous jure qu'elle est Mademoiselle;
bien jolie... (Awr.)
tien de plus aisé que de satisfaire votre curiosité».,, détermine*
Madame de Heudan a venir à la Cour, cV là, il vous sera factlç
de voir celui dont vous vous forme* une idée fi avantageuse.
ISOLITE.
Ah ! s'il n'étoît que ce moyen*là pour y parvenir, je désespère
d'être jamais heureuse. Madame me patoit tellement attachée à U
solitude.,,
FRANÇOIS f.
le Roi se propose cependant de venir aujourd'hui, lui-même»
engager votre belle maîuesse à renoncer au projet de retrait*-*
qu'elle a formé contre le voeu de rous ceux qui la connoissent»
ISOLITE.
Le Roi viendra..,, lui-même.,., ici..,, aujourd'hui!
FRANÇOIS!.
Ouï, Mademoiselle.... & quoique Madame de Rendan ne xt*.
çoive personne..., elle ne reçoit uersoune, vous me i*«ssurct ?
ISOLITE.
Qui que ce soir.
IMBERCOURT,
Ah! le Roi doit faire exception.
FRANÇOIS!.
Sera-t il excepté? le croyez vousl
ISOLITE.
Eh ! Monsieur, qui resuseroit l'honneur d'une pareille visite !.,.'?
un Roi qui est jeune, beau, qui a tant d'esprit, qui est si galant,
fi brave... Oh ! je sait bien que pour moi.... mais^Madame est trop
bien apprise pour se cacher aux yeux de son Maître, comme elle
fait aux regards de tout le monde.
FRANÇOIS!.
Eh bien, assurez.-lui que le Roi a pour elle lesfentimens ses
plus distingués, Srqa'il viendra aujourd'hui lui en présenterl'hom-
mage.... ne loublieipas.
ISOLITE.
Moi, Monsieur.... oh , n'ayez pas peur...» on n'oublie pas cj
qui fait plaisir.
FRANÇOIS!.
Je fuis charmé que vous pensiez ainsi.... Faites agréer nos res-
pects à Madame de Rendan. Adieu, Mademoiselle.
(Imètrecurt cV it Rci sortent,)

SCENE II I. ~" *~
ISOLITE, fiute.
LE Roi viendra aujourd'hui..» quelle joie ! il dira à Madame les
plus jolies choses du monde, j'en fuis sílre : car il est si aima-
ble I elle n'y sera pas insensible..,, ( avec un soupir.) Le ciel m'en
fera la grâce} elle le laissera gagner aux instances de son Maître,
sortira de cette t;UW solitude...! ou je io'eD(auseww £<tv<c «*/&*/<>»)
g IMS ÂtôQVRS t>% ÌÌAÌ'ARÛ,
que cela fait pitié/.,. & nous irons â la Cour.,., c'est un pays qui
J ai grande envie de voir,.., Cependant je viens de mentir bien
«ssrontément à ces Messieurs $ re leur ai dit que Madame ne rece*
Voit personne,.., & Monsieur de la Paîice doit se présenter aujour-
d'hui chez elle! & le Chevalier Bayard y est venu hier, avant-
qu'ils font ses seuls pour qui Madame soit visi-
Jiier-M. i! est vrai
!>!?„.. encore l'un la voMI aujourd'hui pour la première fois, fc
Monsieur Bayard ne lui a«r»il rendu que deux visites... par cor.fé*
tjuent fi j'ai menti, c'est défi peu de chose que ce n'est pas ia
peine d'en parler. Au reste c'est par Tordre de Madame, frV s'il y
a du mal, ce n*est pas fur moi que doit en retomber le blâme,
SCENE I r.
ISO LI TE, A R T H U R.
Qu A R T H U R.
font donc ces beaux Seigneurs à qui vous patliezda, Ma*
demoiselle isoliteî
ISOLITE.
L'un est ami du Roi, c'est Monsieur d'Imbercourt» l'autre m'est
inconnu.
ARTHUR» k prejfant dant se$ bat*
A qui en vouloiciu-ils, ma charmante, à vous, ou à votre
maîtresse t
ISOLITE, «iv#f un souris ironique.
A qui en vouloiene-ilsî... en vérité, Monsieur Arthur, vous
avez des expressions.... c'est de la part du Roi que ces Messieurs
venoient parler à Madame.
_
ARTHUR.
L'ont-ils vue î
! SOUTE,
Non.
A R T H U _R>
Et savez-vous quel étoit l'objet de leur miflìonî
ISOLITE.
Vous êtes bien curieux.
ARTHUR.
Ho:if.... il y a de la galanterie fur jeu, puisque vous y mette»
du mystère.
ISOLITE, haujsant les épaules.
De la galanterie... avec Madame \
ARTHUR.
Tenez, *ous êtes Demoiselle suivante, moi, valet de cham-
bre.... (lui prenant un* bras qu'il pojse fous te sien,) que diable!
entendons nous, & tout ira le mieux du monde. ( eonfiJemment, )
Nos maîtres.... soit héroïsme de guerriers, soit vertu de femme »
vettu à toute épreuve, peuvent dans le monde passer pour des
prodiges... mais dans l'intérieur de leur appartement, tête-à-tête
avec nous..., hélas ! ce soat de pauvres humains bien foibles,
tout comme nous* '_ ,^„
ISOLITE.
.
COMÉDIE HEROIQUE. s
ISOLITE.
Ftquerésulte,ildMàÌRTHUR
Hen résulte q\ie Madamede Rendan, malgré l'amour qu'elle avoîç
pour son époux malgré le tendre & profond respect W'ÌDÇ cén*
çoit pour sa ,
mémoire, malgré le de ?il & le veuvage éternel auquel
elle s'est vouée, Madame de Rendan a le coeur tendre, Madame
de Rendan oubliera son mari, aimera parce qu'elle n\* que vinge
ans, Sc qu'à vingt ans il faut aimer, •finir
enfin qu'elle se remariera...
le
qu'elle est ttop sage pour ne pas roman comme cela,
parce
* H ISOLIT fi.
Eh bien, Monsieur le valet de chambre, & moi la Demoiselle
suivante, que pouvons'nou* à cela î
ARTHUR,
Ah!,, nous pouvons, Mademoiselle, arranger les choses de
manière qu'elles nous soient profitables, Des domestiques de con»
fiance, corme nous, des gens d'esprit, tels que vous, 6c moi,
doivent mener leurs maîires, e'est un fait. H y a façon de faite vou-
loir aux amies, & fans qu'ils s'en doutent, ce que l'on veut bien
résolument foi même, Vous êtes jeune, je n'ai pas trente ans, vous
me plaisez beaucoup, si je pouvois vous plaire un peu, amour, for-
tune , adresse , nous mettrions tout en commun » vous obséderiez
Madame d'uncòté, je la persécuterois de l'autre ,3c nous lui fêtions
épouser celui qui nous assureroit à tous deux les avantages ses plus
considérables.
ISOLITE.
C'est assez bien calculé.
A R THUR.
Je fuis charme que le plan vous séduise.... poursuivons. Je vois
en prétendjns... d'abord le Roi.., ces amours-là font un peu fans cé-
rémonies 9c Madame n'est pas femme à s'en pafl> r... cela nous
, beaucoup, mais il n'y faut
rapporteroit pas penser.... Monsieur
delaPalice.,,.
ISOLITE.
Vous croyez,,,t
ARTHUR.
Rien ne m'échappc,.. il a des projets, mais il faut ses faire
échouer. C'est un homme à grands sentimens. Se qui tougiroit de
devoir son bonheur à des moyens subalternes... Exclu.,.
ISOLITE.
Et l'Amiral Bonnivet ?
ARTHUR.
11n'épouse pas, lui : les autres moissonnent, il gtanr... Rayé... Je
Íencherois volontiers pour le Chevalier Bayard : c'est un brave8c
onnête homme, généreux, bienfaisant, mais i! n'est pas riche
le minerions fans nous enrichir, ainsi fa pauvreté rend nulle,
nous
toute notre bonne volonté.
ISOLITE.
Mais fi vous éconduisiez comme cela tous les prétendans ,ma
nuìtrtssc
, à ce qu'il me paroît, restera long-temps veuve,
i B
IQ IES AMOURS D,E BATARD,
ARTHUR, «f«f air (apab!e.
Non, Mademoiselle, j'ai trouvé pour clleuu parti, un patti ex-
cellent, jeunesse figure , bravoure, opulence, tout s'y trouve.
*
ISOLITE,
Est ce t
ARTHUR,
D. Alonzo de Sotomayor.
ISOLITE, avecde'Mn.
Un Espagnol !
ARTHUR.
Un peu fier, si vous voulez,,, d'un caractère ombrageux, cm-
Î>»rté... ( sonnant, ) mais son argent.., ah ! son argent», est de la meil-
cure composition du monde.
ISOLITE.
C'est ce qui vous détermine en sa faveur.
ARTHUR. -

Ah ! Mademoiselle! c'est une belle chose que l'argent ! il couvre


tout, répare tout,., il a raison par tout.
ISOLITE.
Vous en parlez en amateur.
ARTHUR.
II a vu Madame, lorsque feu Monsieur de Rendan la conduisit
cn Espagne il l'aime depuis ce temps.là •, faisons réussir le marisge
•.
de Monsieur de Sotomayor avec notre maîtresse,.9e il nous allure X
tous deux la fortune la plus brillante... J'en ai dé à reçu quelques
échînt'iHons qui me font augurer très favorablement du reste Ï nous
nous aimons, nous nous matierons, 9c riches à tout jamais, nous
cessons d'obéir, 9c jouissons à notre tour du doux plaisir de
commander.
ISOLITE.
Nous ne nous aimons pas : nous ne nous marierons point ; 9c
comme ie n'ai pas pour l'argent une estime ausli tendre que vous,
je laisserai Madame obéirait penchant de son coeur} je ne lui par-
ler ii point de Monsieur de Sotomayor qui me déplaît souveraine-
ment, 9c je vous verrai sans envie, mon cher Monsieur Arthur,
vous enrichir aussi biffement qu'il vous plaira.
A R T H U R.
Mademoiselle, la délicatesse a son nérite, fans contredît... mais
c'est un mérite avec lequel on meurt de faim.... au lieu que, de
Jegers scrupules adroitement mis à patt....
'ISOLITE ,' trtS'scrhustmtnt,
Drisons-tò... Tout ce que je puis faire pour vout, c'est de ne rien
dire à Madame de vos petits arrangemens fur ce qui la concerne i
mais soyez assez prudent, je vous cn avertis, pour ne pas me forcer
à vous dévoiler.
A R T H U R.
Moi !...ah, jen'y pense plus... c'étoit mon seul amour pour vous
qui me' fiîsoit regarder la richesse comme l'achsminement le plus
fur au bonheur de vous posséder... Vous ne vous en souciez
pas..,, j'y renonce; je fuis foncièrement un bon 9e honnête
COMÈDJE HtROYQVE, JX
garçon..... n'ayez comre moi ni colère ni haine
ISOLITE. «

De la haine contre vous, Monsieur Arthur... Oh, non > non.,.


Ce sentiment'làtient à l'estime... ce n'est pas celui que vous m'ins-
pirete* jamais. ( Bile sort. )
m M-t »;»..,,
11 »liww->.|illi ..nlnl..|,|l..ll ».»»mui'»
L.li «——
>,.''"""
»» .jl»M.B*<Mg
1.1.^11 IL

S C E N E
i
.^

17 ARTHUR, /?«/.
JH bien.' cette petite orgueilleuse qui se donne les airs de me
mépriser... Mademoiselle se pique de beaux seímmens... petit génie
que cela!»-» Cerveau mal organisé... Cela n'aura jamais l'esprit de
soriir defetvitude... Mais que je fuis dupeauslì, moi j e:t*ce que
j'ai besoin d'appui pour réussir dans mes projets! est-ce que je n'ai
pis en moi assez de ressource pour savoir me passer des secours
d'autrui ì Oui, D, AlonaodeSotomayor, je vous protège, vous
vom cîi irgez du soin de ma fortune, 3c moi du succès de votre amour,
voi;s sere* l'épouxde Madame de Rendan ,ou je montrai à la pei-
ne. Ah, ah, que cherche donc ici ce matamore avec fa longue épie)
___ ^ c ^ N H fr/ - ' " - -

L'ÉCUYER DE ALONZO, ARTHUR.


EL *

ST-CE vous
Ê
qui ,
D.
C U Y E R toujours le toi d'un matamore,
Arthur l
vous nommez
ART H
U R.
II y a bientôt trente ans, Monsieur, que je m*appelle comme cela}
que me voulez'vous ?
L'.ÉC U YE R.
Vous dire que je fuis l'Ecuyer de D. Alonzo de Sotomayor &
vous remettre cet écrit.... Savez- vous lire ?... »

ARTHUR.
Si je fais lire ?....
L'ÉCUYER.
:
,

C'est que moi qui fuis gentilhomme, je ne fais ni lire ni écrire...


ceïi n'appartient qu'aux fainéans, aux gens inutiles.... Parlez-moi
de savoir se battre... voilà une science cela! miis savoir Ure...
ART H-U R.
Oh I je ne me bats point, moi $ j'ai les inclinations pacifique*.
Voilà pourquoi je me fuis adonné aux belles-lettres.Dequiest cet éctit!
L'ÉCUYE R.
De Monsieur de Sotomayor.
A R'.TH
U R.
Comment! il est Gentilhomme, 9c il fait écrire.
L' É C U Y E R.
Sans doute... C'est un Espagnol.
4< ART H U R.
Mais vous étés Français, vous, 9e vous soutenez l'honneur de
t Nation 3
la
L' Ê C U Y ER.
Aussuréracnt. François I gâte tout à présent, avec fa belle fau*;
Bi
sa lES A MO URS DE BAYA R D,
taifi; de science, 9c laridicule protection qu'il accovde aux Sa*
k
vaus , mais il ne me pervertira p».„, b m, je chasse, je joue,
tfc je me bats i voilà tout ce qu^ d >it savoir faire un Gentilhomme.
ARTHUR.
Et par quel hasard au service d'un étunger!
L» É C U Y f R.
Parce que i? suis piuvre .que Monsieur de Sotomayor doit me
imiter ivec lui,,., quet^tie part, d*ns le rouveau monde, que noys
y devons faire conjointement les plus beaux cxptoîts, les plus
brillantes conquête», 9c quejy finitat sûrement par être Vice»
Moi.
ARTHUR.
Veste,' c'est un fort joli poste... R vous adonç mis dans fa confidence!
L* É C U Y E R.
Vous concevez bien que né ce que je fuis, destiné de* mon
enfance au noble métier des armes, aspirant au çtade de Chsva*
îi*f, je ne me préterois pas à ses projets, s'il ne m'avost juré fur
Vau 9c fur son honneur, qu'il n'a voit que des desseins honnêtes,
ív" que son but étoit dépauser.
ARTHUR.
Et mot donc, Monsieur, qui ai uonque d'être d'église, est.ee
que vous me croyez moins scrupuleux que vous ï Cette lettre
apparemment traite de l'cbiet en question *
V é C U Y E R.
Quand vous l'aurez lue, nous prendrons ensemble certaines
mesures,... fommes-nons ici en lieu de fureté?
ARTHUR.
Oui, oui mais voyons ce qu'il m'écrir. (IIlit,) » Nos
...
j> assures n'avancent point, Arthur.... » Ce n'est pas ma
f*ute.
( IIth,) » II est donc impossible de voir Madame de Rend»n,de
w lui patler, de paivcnir à lui plaire? Tant de
contrariétés,
» d'obstacles, me réduisent au désespoir.... » Parbleu, je le crois
bien : moi, je fuis furieux. ( II fit.) » Pour comble de malheur,
» j'ai d*s rivaux... w Ft beaicoup, Se de dangereux. {Uíìt,)
v le Koì surtout, le Roi me fait trembler, »> lia raison iaffaire. lutter
«rentre nn Roi jeun? 9c timible, ce n'est pas une petite
(If Ht.) n II faut que je meure, ou que je possède Madame de
» RenJan. II fiiu que je soîs son époux î monlabonheur 9c ma vie
n sont attachés à ce titre, 9c je ne vois pour forcer à me Un
Í'JC-
» corder, que le o oyen dont je vous ai déjà fait part. » en-
lèvement.... c'est un moyen bien violent ! ( 11 Ht.) » Votre for-
» tuns. Arthur, Se la fortune la plus brillante sera la récompense
» des essorrs que vous tenterez pour faire réussir mes pr- jeu.
v So.ìgez que les momens sont chers, 9c que mes jours sont entte
a» vos m tins, »
Point de signature.... il est prudent,... c'est m'aver-
tir que je dois l'ette.... Or. n'a rien ajouté ï cecï*
ÉCUYER.
V
Fardoonez*moi... l'ordre de prendre avec vous des mesures pour....
ARTHUR.
Je fais, je fais. • • mais il n'y avoit rien de plus !
COMEDIE HEROIQUE, i*
L'ECUYER,
St faîr.M, il m'est enjoint de savoir de vous, quand Monsieur,
de Sotomayor pourra concerter avec vous.
ARTHUR.
Vous ne m'entendez pas, ou vous ne voulez pas m'entendre,..,
je vous demande si cette lettre n'étoit pas accompagnée..,,
là, est-ce que vous, ne concevez pas!
L'ÉCUYER.
A propos, cela est vrai , vous m'y faites songer. Voila une
bourse que jefuis chargé de donner je l'avois oubliée.
vous
ARTHUR, $

Oui I
„ ah, n'ayez donc plus de ees <>ub!i$»là Î un Gentilhomme
comme vous, peut bien ne pas savoir lire, mais il nedoit pas man-
quer de mémoire-... J'entends du bruit..., voilà ma clef, montez
par cet .escalier, la porte à gauche, numéro neuf, cachcz*vous
dans ma chambre, j'itai vous y retrouver dans un moruent,
(VEwyer sort,)

S C EN E Vil.
N A RTH U R,/<«/.
6 donnons point de prise aux soupçons.... ce n'est pas le tout
de faire fortune, il faut savoir se ménager les moyens d'en
jouir.

CE N E FUI.
S
AMBROISE, ARTHUR.
Atil c'est vous, Monsieur
ARTHUR,
le jardinier'
AMBROISE.
Oui, Monsieur le valet de chambre, c'est moi-même.
ARTHUR.
Qu'est-ce que vous cherchez donc ? est-ce à Mademoiselle Isolite
que vous voulez parler !
AMBROISE. <

A vous dire le vrai, je ne serois pas fâché de la rencontrer,


j'aurois queuques petites babioles à (l'y conter, de petits conseils
à l'y demander.
ARTHUR.
Elle est auprès de Madame, 9c je ne crois pas qu'elle descende
de si tôt} mais pour la raison, l'âge 9e ('expérience assurément
,
je la vaux bien, 9c si je pouvois vous ctte de quelque utilité...
( a part. ) On gagne toujours quelque chose à tout savoir.
AMBROISE.
Ecoutez donc, Monsieur Arthur, je crois que vous pourriez
bien
a
ne pas être inutile... je fais que vous avez del'esprit, plus
d'esprit que moi,.., oh / c'est sur.... tout le monde dit que vous
êtes un peu fripon; mais tout coup vaille» un fripon peut etrede
bon conseil.
14 Z ES AMOURS DE BATARD;
ARTHU H,
Mais savez vous que vous me d».es des injures en croyant me
faite des compîimensL,,
A M B R O IS
E.
Ery non, morgué ! ce fout C«HIX qui disent cela, II ne me*oûte
lien a moi de vous croire un honnête garçon jusqu'à ce que j'aye
des preuves du contraire.
ARTHUR,
Au fait, Dequois'agit'ìl?
A M B ROI SE,
De me sure gagner dix pistolet.
t\R TH U R,
Et comment fautil s'y prendre pour cela ?
A M B ROI S F.
En me persuadant que ma conscience n'a rien à meroprocher
dans ce qu'on exige de moi pour les gagner,
A R T H U H.
Dix pistoles, une conscience.., voyons, voyons,., ©h! je ne
manquerai sûrement pas de moyen pour ajuster tout cela ensemble,
A M B ROIS E.
Devinez à qui je viens de parler!
A R T H U R.
Je ne devine rien, il faut qu'on me dise.
AMBROISE.
A PAmiral Bonnivet,
A R T H U R.
Et qu'avez-vous à démêler avec lui !
A M B R OISE.
Bah ! c'est lui qui requiert ma protection.
A RTHU R.
A propos de quoi!
A M B ROI S E.
11 est amoureux de Madame.
ART H U R,
Out-dr!
A M B R O 1 S K.
Eh, mon Dieu, oui! Et comnis il prétend qu'il n'y, a pas du
tout de plaisir à pleurer toujours, comme il est lâché de voir
notre maîrrtsse ne s'occuper que de ça, il a deffein de lui bailler
d'autres passe-temps, voyez-vous. Knconséquenceil via;it de venir
ici, il m'a dit bien poliment: mon cher Monsieur Ambroise , vous
Itesun honnête homme, un homme qui a du bon sens, une bonne
tête, 9c ben de l'amîquié pour Madame de Re.ndsn.... C'est vrai,
Monsieur l'Amiral, l'y at*je répondu, que voulez-vous de ma
bonne tête 6c de mon amiquié! Je veux, ce m'a-1 il fait, que
vous m'ouvriez tant seulement la petite porte du jardin qui donne
da: s le parc. Vot'belle maîtresse a du chagrin, aile pleure toujours,
ça sinira pu l'y gâter son joli visage, 9c ça seroit dommage, pas
vrai, Monsieur Ambroise? Ttcs-vrai, Monsieur l'Amiral t pour-
tant Monsieur Ambroise, a tilcontinué, il faut l'y bailler un petit
CO M E D I E H ÊRO IQUE. i$
moment de dissipation , queuque divertissement ben gentil} qu'en
dites-vous? Que c'est morgue ben imaginé, Monsieur l'Amiral.
Qu'y 4 dix pillons pour vou« Monsieur Ambroise, fi Vou$
seire dans ,
vot'jardin 9c faas qu: M*4jme s'en
pouvez me entrer ,
doute, des danseuses 9c des danseurs qui gambaderont dçvantelíç»
9c Sa récréeront queuques minutes, £h morgué, Monlicur ì'nmi-
rai, l'y ai -je fiit à mon tour, je ne demande p*s mieux que de
divertir Madame, 9c de gagner dix pistées, je fuis w n pwvre
here, 9c j'ai de la famille ' wais peiit'êcre qu'aile s'en fâchera, 9c
pour dÎK pistoles ie ne voudro s pas fâcher Madime qti'est auíli
bonne qu'aile est belle.... Laissez moi consulter queuqu'un qui ait
plus d'esprit que moi.,., La dessus je ì'ai quitté ; il atsend ma ré-
ponse ; vous via, çonseiilez-moi, gîgnerai-je dix pistoLs q"i me
feroiene grand bien, ou ses refuserai je en dépit du bien qu'ailes
me seroient f
A R T H U R.
Attendez.... il frut que ie me consulte austï, moi.., Tassiire est
délicite.... (hjut. ) II sagit de ftire diversion à la douleur de Ma-»
dîme.... (t>-*s, ) C'est bien le but deM.de Sotomayor, 9c le mien.
(kwt,) D'interrompre un moment la profonde solitude où nous
vivons,... CÙ4i.) Ce <jui seit parfaitement bien à mes desseins...
( haut. ) D'instruire ici une troupe de gens à talens..., (bas.) Parmi
lesquels pourront se glisser les hommes nécessaires au coup hardi
que nous projetons... (haut.) fct deles cacher soigneusement jus-
qu'au moment de 1 exécution, ce qui ne sera pas impossible, vu les
bosquets, les imftìfs de charmilles..., de de faite le bien de ce
Pauvre Ambroise qui est mon ami.... Les dix pistoles sont à vous,
mon cher, 9c votte conscience peut être tranquille.
AMBROISE.
En vérité!... Ah! comme vous me soulage?.
A R T H U R.
L'Amiral est donc bien sérieusement amoureux de Madame?
A M B II O I S E,
Bah, il n'est pas le seul.,., mais j'ai bien peur qu'il n'en soie pour
les frais de son amour 8e de son petit divertissement. M'est avis
qui gnia queuqu'un qui ne met en avant ni danseurs, ni danseuses,
6c qui seit fans bruit plus de chemin que n'en fêta l'Amiral avec
tout son fracas.
ARTHUR,
Et qui donc, mon ami !
A M B ROIS E.
Qui ? le Chevalier Bayard.
ARTHUR.
Allons donc....
AMBROISE,
11 n'y a pas d'allons donc... Madame ne veut voir personne* U
elle a vu le Chevalier Bayard.

Ellel'avu!
A RTHH
io* LES A MO URS D E BAYA R D,
AMBROISE.
Deux fois.... Et Tordre est donné de ne l'y pas refuser la porte
toutes les fois qu'il s'y présentera.
A R T HUJL
Ouï-da!... (bas.) Ah ! c'est bon à savoir.
AMBROISE, riant.
Mais que l'Amiral réussisse ou qu'il ne réussisse pas, qu'est-ce
que ça me fait à moi, pourvu qu'il me paye bien, 9c que Madame
ne soit pas fâchée.
ARTHUR, riant forcément.
Assurément ce n'est pas toi qui seras le plus attrapé.
A M B R Q I S E, riant.
11 seroit plaisant qu'il paye les violons....
ARTHUR.
Tour faite danser les autres.... oui, cela seroit vraiment tris-plaisant.
A M BROISE, riant.
r Et je vois que ça arrivera.... Adieu, Monsieur Arthur... je m'en
vais gagner dix pistoles.... de queuque façon que tournent les
choses j'aurai tiré mon épingle du jeu, moi : c'est ce qui me di-
vertira.... fipouse qui pourra. (Ambroisefort.)
'".
y ' . » ii mm ii . i.» —
n i. » i
- ' ' ' ' - —• ' ' ' »—^^T—.««^—
»«—«—»w^mm.» ii i»^W—
S C E N E IX.
i i
» i ' " ' ' i

A it!
_

A R TH U R seul.
,deux
le Chevalier Bayard est venu fois,.
9c on l'a reçu
deux fois, Bi Tordre est donné dé Tadmettrc toutes les fois qu'il
s'y présentera.... prédilection bien marquée , ëc qui proUve que
JM. de Sotomayor n'a d'autre parti à prendre que celui de se reti*
rer, ou de risquer le tout pour le tout. Son Ecuyer m'attend,
rejoignons-le, 9e prenons avec lui les dimensions les plus stlres.
t. ,. . '.
. i":r=g~-LL.t ' ,i g-1.'-.ri — . ^—i .,.
>mi
SCENE X. ,

ISOLITE, ARTHUR.
M ISO LITE.
ADAME vous demande.
ARTHUR.
Que me veut-elleî
ISOLITE.
Allez le savoir.
ARTHUR.
Toujours revêche, toujours méchante; ah! petite ingrate}

AI
ah ! que je me veux mal d'avoir pour vous tant d'amour.
(Arthur sort.)

S C E N E XI.
S O L I T E, stute.
M! oui, ton amour.... j'y crois,... je ne puis pas affirmer que
ce oe soit pas uo honnête homme que ce garçon-lL.» maïs il a
une
COMEDIE H Ê R O 1Q U E. r, 17
une physionomie de fripon qui sait bien du tort à sc probité i
À'il cn a.... Eh! c'est Monsieur de la Palice.

ML E voici
L A P
S C E
A L I C E
NE XI /.
, I
A P A L I Ç E.
S O L

encore une fois#< Mademoisellei


serai-je p!us heu-
reux que je ne l'ai été jusqu'ici? vetui-je votre bcle nuîttctTeî
daignera-t-e)le me voir?
I T E.

ISOLITE. x

Oui, Monsieur, elle vient de réordonner, vous vous pré* si


sentez aujourd'hui, de vous conduire à son appartement.
LA P A L I C E.
Ah! que vous êtes aimable! que je vous ai d'obligations! je
Vais donc la voir !... la voir...{. lui parler.... mais concevez-vous
mon bonheur, Mademoiselle?
ISO L I TE.
Monsieur,je ne fais pasquels sentimers vous amènent auprès d'elle..»
LA 1» A L I C t.
Quels sentimens !... tous.... tous les sentimens qu'inspirent la
vertu, la beauté..., la douleur que l'on voudioit partager, adoucir,
sûre oublier.... mais je ne lui en parlerai pas; oh ! je iue le fuis
bien promis, je me le promets bien.... elle ní'imposeroit silence I
ISO L I TE.
Je ne sais pas ce que vous vous proposez de lui faire....
LA PALI CE.
Venez, verez, conduisez moi.... .C'estpar ici, je'Crois.... ah!
comme le coeur me bat..;. Si je le sehtois palpiter coniroe cela le
jour d'une bataille, favez-vous que j'anrois bien mauvaise opinion
de moi?
ISOLITE.
Comment!..unbraveCapitainécommévous...unvaillantChevaÌièr;
L A P A LIC E.
Affrontera une armée entière, 9c tremble aux pieds de la beauté.
E'tn da premier A&e.

ACTE II.
____ '
VA
>"—""i»—J^»WM».«^«—***^>
*^...-» .111. T .»' «a—,
i 1,1. i m. n n.«
CENE t
m 1.11
' . ». 11
' ' 1 11
n
S
1 1 11

P B E M E H F. , 1-1 n M ,-I.I 1 1.

A R T H U R
, lÉCUYERÀ Sctmayor.
R THUR.
ous voila au fait, je vous ai bien expliqué tout. Allez de ce
£as disposer tous vos gens, 9e les déguiser comme je VLUS i'ai dit.
a fête que prépsre ici ; l'Amiral Bonnivet est de tous les évc'ne-
mens celui qui pouvoît le mieux nous servir : se tumulte 9c la foule
couvriront nos projets $ yoi satellites se tiendront cnhís, cn at*
tendant se moment favorable. Moi, jé me charge dV'carief d; la
1$ IES AMOURS DE BAYARD,
maison tous ceux qui pourront s'opposer à votre entreprise} que
M, de Sotomayor se rende ici ; que, Vil est possible, ií soit présent
à la fête : cela ne peur que contribuer à détourna de lui le soup-
çon. Allez, i) ne faut pas que l'on nous voie ensemble. Ailtz,
fur tout, secret 9c promptitude. ( L*Ecuyer fort. )
SCÈNE I /.
|A
JTmH ! Ton
A RT H UR,K
ne m'appeîoît tantôt de de Madame,
la part que pour
jn'écarter dam lieu où doit nécessairement pisser M. de la Palice.
On a beau faire, rien ne'in échappe, 9c Madame ne reçoit le Ca-
pitaine qu'à titré de Tarrii du Chevalier Bayard..., Quand oh ne te
Voit pas, il faut en parler, c'est tout simpie. Allons trouver Am-
btoife; je ne le crains pas lui, c'est un poltton; mais éloignons
ses deux garçons, le palefrenier, les laqoais, le cuisinier... dis-
personsfi bien nos ennemis, que nous restions seuls maîtres du
clump de bataille... ah! voilà ma belle orgueilleuse.
iAAi,,„.J.. .i » "t
' ì. 't :::, •;;•„=; , J ' := , ; :„ san „ g
S C E N E III.
' ' <
i
.

ISO LITE , ARTHUR.


P >:
TH U R.
A R
OURRIEZ-VOUS me dire oû est Ambroise, Mademoiselle ?
;t t

- ! SOL ITÊ.
Mais probablement dans le jardin.
ARTHUR.
Iìst-ce que vous attendez ici quebu'unl
": .''' ISOLITE; .'.
JEt quî voulez-vous que j attende !
,-....' 7
.'/'
ARTHUR.
Allons, allons.... ne vous fâchez pas.... faut-il donc toujours
GiSOLltEVM,
rebuter, comme cela, lé pauvre monde.... ah ! cela n'est pas bien,
Cela n'est pas bien/ :' ^(Arthur, fort. )
fci,...r ,,,'iXgqee^A-^^sJ..frM,,/*t,.Lt.,'nU^ij|.M,i.,j,.^ —rrrj.r*..ii..'at
s c E N ìi ír. 1

"'""'. *

EThomme est mon ombre. II su ni t donc de ne pas se soucier


des gens pour les rencontrer â chaque pasv

SCENE
O.", L A PA LÍC fev ISÓLÏTE.
ISO L I TIE.
t*Ot ! vous voilà dé?à, Monsieur!
LA PALICE.
,
V.

*
. . .
"
i
Oui, Mademoiselfe, j'ai commis une indiscrétion, U t'orj ffe*f
donné mon congé,
î SOUTE,
Ih'.qii'-vc* vous donc fait? ..* ?
COMEDIE HEROIQUE. i;
L A P A L I C E.
Ce que tout autre au roit fait à ma place. J'aîmois
. votre maîtresse
avant qu'il fût question de la marier : unie à Madame de Rendan,
j'ai renfermé mon amour, ne pouvant parvenir à Tcteindre. Elle
devient veuve, Tespoir renaît dans mon ame, j'emploie tout pour
être admis auprès d'elle} après deux ans d'attente, c'est aujour-
d'hui qu'elle me permet de la voir : j'arrive ; que je Tai trouvée
belle! j'étois venu bien résolu de me taire fur une passion toujours
ignorée d'elle.... je la regarde, je lui parle, elle me répond, ses
beaux yeux s'attachent fur les miens, mon coeur palpite, ma vue
se trouble, ma te te se perd, je tombe à ses pieds.... je ne fais-
ce que j'ai dit) car j'étois dans le délire.
I S O LIT E.
La déclaration est un peu pressée.
L A P A L ! C E.
Amour Se raison, Mademoiselle, ne marchent guere de compagnie.
ISOLITE.
Et sûrement on s'est mis en colère !
LA PAL1C E.
En colère, Mademoiselle? non, on m'a plaint, #
on m'a consolé,
9c de Taír le plus touchant, on m'a fait promettre de ne reparler
jamais de mon «xtravagmee.
ISOLITE, riant.
Et vous appelez cela vous donner votre congé !
L A P A L I C E
Sans contredit. J'ai promis tout ce qu'elle a voulu ; mais le
moyen que je tienne parole! pour ne point fausser mon serment,
il ne me reste qu'un parti, c'est de ne la revoir jamais.
ISOLITE.
Je n'aurois pas cru qu'un preux Chevalier comme vous, perdit
fi facilement courage.... Monsieur, mettez-vous a la place d'une
jeune 9c jolie veuve qui pleure son mari.... depuis deux ans.» d'une
veuve regardée dans le monde comme un prodige de tendresse 9c
de fidélité. Deux ans de constance pour les manès d'un époux
songez, Monsieur, combien cela met une femme en réputation ,t
L'orgueil se glisse par rout, 9c souvent c'est par vanité qu'on rem-
plit un engagement contracté pir une indiscrétion : telle est peut-
être, aujourd'hui, la position de ma maîtresse. Ira-t-clle, dès la
première déclaration, renoncer aux honneurs d'une peifévérance
il rare dans le siécle oû nous sommesì Amour, assiduité, petits
soins, ménagemens délicats; le temps surtout, le temps qui
parvient souvent à concilier les idées les plus opposées , touc
Madame à des sentimens moins exaltés.... Vous,
ramènera avez
pour vous la raison 8e la nature, mettez l'amour propre de votre
parti, 9c je vous promets gain de cause.
L A P A L I C E.
Je serois de votre avis, si je n'avois pas des rivaux redoutables...
le Ror....
ISOLITE.
fclle n'est pas assez grande Dame pour espérer d'être un jot.
Ci
10 LES AMOURS DE BAYARD,
son épouse j elle se respecte trop pour être jamais fa maîtresse*
L A P A HC E.
Je fais que Sotomayor....
ISOLITE.
Ce n'est pas celui la que vóus avez à craindre ; les femmes ne
s'occupent guere de ceux qui ne font occupés que d'eux-mêmes,
& l'on amuse ditsicilement les autres , quand on porte avec soi
t couj'Uts ennuyé : fa gravité, fa morgue, (illustration .ic ses
Túir
r.obles aïeuï dont il est infatué,., il empottera tout cela à Madrid.
L A P A Ll C E.
Pour le gros Bonnivet. je ne le crois pas redoutable ce cher
Amiral a de Tesprit, de la gaieté; c'est un bon soldat,, un soit
ho.incte homme; mais il est si futile; il fe permet tant d'inconse-
ruences ; ses vieilles prétendons , 9t fa grosse étourderie le ren-
dent, entre nous, plus ridicule que dangereux.
ISOLITE.
11 ne réussit en amour que lorsqu'il garde ('incognito 8e qu'à fa
faveur des ténebtes, témoin certaine dame à Milan ; il tourne ï
son profit le rendez-vous accordé a un autre.... Nous aimons le
grand jour, nous ! il n'est pas favorable à monsieur l'Aroiial.
L A P A L I C t.
Et le Chevalier Bayard l
ISOLITE.
Madame en parle souvent.
LA PALICE, avec un peu a*étonnement & tCinquiftude,
Oh/ elle en parle!... 9c qu'en dit-clle ?
ISOLITE.
Du bien.
LA P A L I C E, vivement.
Ohl je le crois!
ISOLITE.
Madame me dema-ide si je fuis instruite des hauts faits d'armes
die M. de Bayard : tout ce que je fais de ses prouesses, de fa vail-
lance, de fa loyauté, je les lui raconte.... elle écoute avec beau-
coup d'intérêt.... u Heureuse la femme qui pourra le nommer Con
ipoux!... » Ces propres mots un jour font sortis de fa bouche.
LA P A L I CE.
Elle a raison, Mademoiselle; il a autant de probité que de
bravoure, 9c c'est beaucoup dire. Q-* n'est pas au fait de toutes
les alitons de fi vie; car il est modelte, Oc cache le bien qu'il
fair. Sa conduite ï Bresse avec crtte noble vtuve, donc la maison
atloic être livrée au pillage; Ttnstaat où ,brave comme Scipion ,
il S'éaaloît à lut par les désirs, 9c l'amour immolé à la venu....
mille autres traits ensin.... je vous les conterai, vous les redirez
à Madame de Hendan,
ISOLITE.
Oui, Monsieur s je lui ferai plaisir.
LA PALICE,
Ma!$t parlez-lui quelquefois de moi, entendez-vous. Savez*
vous quelque* circonstances de ma vie!... il y en a d'honorables....
;
COMÉDIE H ÊRO 1 Q U E, jtf
ISOLITE.
Je ne les lui laisserai pas ignorer.
LA P A L I C E , vivement.
Mais que ce ne soit pas aptes lui avoir parlé de Bayard.• car

à cót* de lui je ne me soitiendrois pas.... Eh/ le voici lui-,
même, vous ne n .'avez pas dit qu'il venoit ici I
ISOLITE,
Vous ne me Tavez pas demandé.
avec ingénuité.

AB BAYARD,
S C E N E
ISOLITE.
L A
r I.
A Y A R D.
H! ah! c'est vous, Capitaine!
P A L I
LA

C E.
PALICE.

Oui, mon brave, c'est moi-même; toujours votre ami, à la


vie 9c à la mort.
B A Y A R D lui prenant ta main.
,
Touchez-la, j'en dis autant.... Bonjour, ma belle Demoi-
selle ; y auroit il de i'indilcrétion de se présenter là-haut!
'ISOLITE.
* Je ne le crois pas, Monsieur, Madame vous voit avec trop de
plaisir : je vais la prévenir que vous êtes ici ; engagez-la donc à
sortir de ce château solitaire, iliest si triste, si triste, elje s'y en-
nuie, j'en fuis ítìre... te moi a'.istff: elle ne l'aur* pas plutôt quitté,
qu'elle vous en aura obligation...! 9c moi aussi. ( Elle sort. )

MB S C E N*E V II.
BAYARD, LA PALICE.
Y A R D.
A
ADEMOISFLLE lsoîite n'aime pas la campagne, i ce qui me
patoîr. Mais dites moi donc, mon ami, par quel hasard nous
nous trouvons tous deux à la même heure, au même instants
chez Madame de-Rendan, qui ne voit peisonne!
LA PALICE,
Avant de vous tépondre... que pensez vous de cette femme-
là, Chevalier!
BAYARD.
Je ne vis jamais une Dame aussi bien née, plus belle, plus ai*
mable, plus respectable qu'elle... n'est-ce pas votre avis, Capitaine !
LA PALICE.
Assurément.... mais ne trouvez-vous pas qu'elle pleure trop
long-temps le défunt t
BAYARD.
Elle aime beaucoup ce pauvre Rendin.
L A P A L I C F.
Une année, c'est tout au plus ce qu'elle a vécu avec lui... &
il y a deux an» qu'il est mort. On regrette un mari, soit; on peut
le pleurer, à la bjnr.c heure... mais deux aus !
»t LES A MO U RS D E BAYARD;
BAYARD.
II «st sdr que c'est beaucoup.
L A P A L I C E.
C'est trop,
E N S E M B t E.
Oh ! oui, oui, c'est trop.
BAYARD.
Mais l'Amiral séchera les larmes de cette belle affligée ; il Ta
déjà annoncé dans le monde.
LAPALI CE.
II se fera une affaire avec Sotomayor.
BAYARD.
Je n'aime pas cet Espagnol-là.
L A P A L 1 C E.
II ne faut pas le laisser prisonnier sur parole. II vous souvient
de fa fuite à Monerville.
BAYARD.
Lui, ou moi ne scroîent plus à présent, si ce bras épuisé dans
Bresse par la perte de tout mon sang, eíît déjà repris quelque vigueur.
LA PALICE, vivement & avec eoltre.
II en veut à Madame de Rendan ; mais il pourra rencontrer des
obstacles.
BAYARD,
en souriant.
Comme vous prenez feu, Capitaine ! Est-ce que vous feriez
amoureux de la belle veuve?
LA PALICE, avec chaleur.
J'en perds la tête.
BAYARD, bien tranquillement.
Et moi aussi.
LA PALICE, sort étonné aprh un petit temps.
Et vous aussi !
BAYARD.
Oui, Capitaine.
LA PALICE, du mime ton que Bayard.
Nous voilà donc rivaux ?
'
\ BAYARD.
C'est vrai.
.
.

LA PALICE.
Rivaux 9c amis.... car bien que vous aimez en mime lieu que
moi.... (mettant la main fur son cctur.) vous Ôtes toujours là.
BAYARD, mettant vivement la main sur te coeur de ta Patice.
J'y veux rester.
L A P A LI C E.
Je Tespere.... Y a-t-it longtemps que vous Taimez!
BAYA R D.
Depuis que je la connoís.
L A P A L ! C E.
Je vous en livre autant. Lui avez-vous parlé souvent depuis son
veuvage I
COMEDIE ERO l.QVJ.
H aj
BAYARD.
Deux sois.
L A P A L 1 C E.
Et moi, une.,.. Avez-vous dit que vous aimiez?
BAYARD.
Je n'ai pas osé.
LA PALICE.
J'ai été plus hardi ; mais on m'a répondu d'une maniéré à
m'oter toute espérance.
BAYARD..
Tant pis, car je hasarderai peut-ctre un jour le même aveu, 9e
sans doute il ne seia pas reçu plus favorablement.
LA PALICE.
Si Ton en croit Mademoiselle Isolite, il ne faut pas encore se
décourager; mais promettons-nous, que celui de nous deux qui
n'aura pas le bonheur de lui plaire, fera place à l'autre, 9c le ser-
vira oui plus est, en bon 9e véritable ami. {regardant Bayard en)
face.), j'ai bien peur de n'être que le confident de Tavénture. Plus
je vous examine, plus je pense à ce que vous valez 8c à ce que je
vaux ; plus je ra'aperçois que Tavanttge n'est pas de mon côté....
mais n'importe, allons toujouts notre train, 9c convenons en-
cote , s'il survient un troisième.... 9c il en surviendra.... que lé
délaissé de nous deux, sera le compagnon d'armes du tenant.
BAYARD, /« touchant dans la main.
Cela vaut fait.... (en rient.) Avec une autre femme que Ma-
dame de Rendan, cet engagement-là seroit peut-être fort indis*
crct; car on assure que le Roi lui-même a des prétentions sur elle.
LA P A L I C E , en riant aussi.
Oh! très-certainement nous ne nous battrons pas contre lui..,. -

Mais notre vertueuse, 9c charmante veuve est une de ces femmes


ptès de qui le nom de Roi, lui seul, est un motif d'exclusion... .1
Jurons de plus, foi de Chevalier, demous rendre compte sous le
secret..., Thonneur Texige.... de tout ce qu'elle nous aura dît.
B AY A'R D.
Je Ie jure.
LA PALICE, aprìs un petit temps, & gaiement.
J'ai dans Tidée que je serai votre Compagnon d'armes... mais
»
quel sacrifice ne ferott-on pas à l'amitié.... 9C à îiayaril !...
Voici Mademoiselle.

MI S C E N E V I 1 I.
BAYARD, LA PALICE, ISOLITE.
S OL I TE, h Bayard.
ADÀMB est avertie que vous étés
descendre dan» Tinflant.
LA P A„ L
;'
ici,
I C E, à Bayard.
Monsieur elle Va
«

Je croîs qu'un tiers íerpir ie trop dans la conversation que vous


allez avoir.... je me retire;'à vorre.toiír «Chevalier... {<nsoupi-
rant gaiement.) Et plus de succès que rnoj p|c$ dç la chômante
*4 LES AMOURS DE BAYARD,
veuve.... je vais prier le Ciel qu'il lui donne oubli du défunt, 8c
pitié des vivans. (Usort.)
S C E NE I X.
BAYARD, ISOLITE.
G B A Y A R D.
'EST un homme bien aimable que ce la Palice! une franchise,
une loyauté / le connoissezvous bien, Mademoiselle !
ISOLITE.
Voicî ma maîtresse. ( Ellesort. )

JBAE
Madame DE
S

me présente qu'en tremblant.


CENEX.
RENDAN, BAYARD.
Y A R D.
crains que ma visite ne soit importune, Madame, 9c je né

Mde. .D e.. R E N D A N.
Vous ne vous rendez pas justice, Monsieur; asseyez-vous....
.je fuis bien flattée de vous voir.... C'est h moi d'appréhender à
juste titre.que Tcnnui qu'on éprouve avec mot....
B A Y A R D.
De Tennui près de vous, Madame!
Mde. D E R K N DA N.
Hélas ! entendre soupirer sans cesse voir toujours des larmes,
n'écouter que d.»s plaintes.... cela est, bien triste.
BAYA R D.
Ce sont vos beaux yeux qui versent des pleurs ; les plaintes sor-
tent de cette bouche charmante qui prête un intérêt si doux à
tout ce qu'elle exprime, 9c vous voulez que cela n'attache pas ï
Ah! que n'ai-je auprès de vous un turc, qUelque droit.... je
vous duois.... » Vous cherchez des consolations , 9c moi j'ai
» besoin de vous consoler : mon coeur vous est ouvert, épan-
» chez-y vos peines; je n'aurai point de secret pour Vous, pensez
» tout haut devant moi....« Mais cètte extrême confiance il
faut la mériter; Se mon tendre respect, mon attachement pour
VOUS , .éprouvé par le temps, peuvent seuls m'en rendre digne.
Mde. DE R É N D A N vivement.
Tavez, Chevalier, ,
Ah ! vous cette confiance ; vous la méritez...
J'ai refusé constamment de voir tous ceux qui te sont présentés :
tien ne m'a fair changer de conduite, 9c j'en changerai bien moins
fans doute à présent, que j'ai trouvé un ami, un coeur compatîs-
far.t, qui s'ouvre à mes chagrins, que ne rebute point ma tris-
tesse, qui veut bien recevoir mes larmes, 9c dont la sensibilité
ì
mêlera quelques charmes la retraite éternelle que m'impofe nia
Ciuation : je ne ferai pas trompée avec vous comme je i'ai été.
BAYARD.
Par qui doue!
aMde.
COMEDIE HEROIQUE. a5
Mde. DE RENDAN.
VoUs connoissez. Monsieur de laPalice!
BAYARD, vivement.
C'est un bon soldat, un brave Chevalier, un honnête homme,
Un homme aimable.
Mde. D E R E'N DAN.
!! sort d'ici.... C'est votre ami, je jugeois de lui par vous ; St
fur re préjugé trop avantageux je n'ai pas cru devoir aujourd'hui
refuser de le voir.... Eh bien, Monsieur de la Palice.... il m'a
parlé de je ne fais quel amour, il a ose blâmer mes regrets, il
condamne le projet que j'ai formé de renoncer pour jamais au
monde; il me propose de nouveaux liens; il m'accuse de cruauté,
d'injnflice.... Ah! qu'il est mal aisé de trouver des hommes dé-
sintéressés oui en consolant une femme affligée, n'ayent d'autret
motifs que, d'apporter le calme dans son ame, 9c dont Tamouc
propre en pareil cas, ne soit pas plus CT.u que la sensibilité. ,
BAYARD, timidtmtnt.
Si vous lui faites un crime de son amour, vous trouverez diflfc
cilement des gens moins coupables que lui.
Mde. DE RENDAN.
Il en est, Monsieur, il en est.
BAYARD.
Très-peu, Madame, três peu... oh! vous pouvez m'en croire.
Mde. D E R E N D A N.
Comme je ne veux qu'un ami, les idées du plus grand nombre,*
à mon égard....
BAYARD.
Cet ami, comme vous ('entendez, ne sera pas facife à trouver;
foyez-en sûre.... (commençant timidement & t*ichaujsantpjrdegr/s.)
Par exemple quelqu'un que je connois, qui vous a vue, qui vous
aîmoit avant que l'hymen vous unît à M. de Rendan.... Eh bien,
il a conservé cette impression puissante qi'e vous avez faite fur son
ame. Un autre avoit le bonheur de vous posséder, vous aimiez ,
Vous étiez aimée.... que de raisons pour s'essorcer à vaincre son
amour ! *.. Eh bien, cet amour a tout surmonté ; & à présent
que vous êtes veuve* malgré votre douleurqu'il approuve, malgré
vos résolutions qu'il respecte, il vous adore, il ne voit que vous,
n'entend nue vous, 9c ne s'occupe que de vous.... tire votre
ami, voila son unique espérance, il ne briguera que ce titre; il en
remplira tous les devoirs, 9c se renfermera toujours dans les bornes
que lui prescrit ce nom ; il conservera toute sa vie, pour vous,
les sentimens de Tarnant le plus tendre.
Mde. DE RENDAN, baijsant les yeux cV dìjstinulánt
,
avec peine le trouble qu'elfe épreuve.
Vous connoisset cette personne/
BAYARD.
Oui, Madame.
Beaucoup!
Mde. ot RENDAN. }
D
i6 LE S A MO U RS DE BAYARD,
BAYARD.
Infiniment.
Mde. DE RENDAN, cherchant à reprendre un air plus libre.
La question que je vous fais ici ne provient pas d'un mouvement
de curiosité.... oh ! non: je crois qu'à cet égard je fuis au-deffus
de tout soupçon.... Mais cet homme étant votre ami, comment
n'employez.vons pas Tempire que votre raison vous donne fur son
coeur pour le guérir d'une passion....
BAYARD.
Cela n'est pas possible, Madame; ma raison 9c son caur sont
absolument du même avis; je ne fuis pas même tenté de com-
battre son penchant.
Mde. D E R EN D A N.
Je le plains. ( timidement. ) C'est un homme connu?
BAYARD.
11 a tout faît pour Terre.... moins par orgueil que par instinct*
Mde. o E R E N D A N.
Vit-il à la Cour!
BAYARD.
Son devoir l'y retient quelquefois.
Mde. DE RENDAN.
Est il distingué par des marques d'honneur !
BAYARD.
J'ignore s'il îes a méritées; mais je le connoîs assez pour être
sûr qu'il croit ses services récompensés quand ils sont utiles à fa
pattie 9c à son Roi.
Mde. DE RENDAN.
C'est un bel éloge.... Faut-il ou'un homme comme celui-là
Íbit malheureux ! je ne vous demande pas quelle est fa figure....
'extérieur n'est tien.... son coeur....
B A Y A R D.
Est bien sensible.
Mde. DE RENDAN.
Don cruel, présent funeste, 9c qui fait bien des infortunés !...
Puisqu'il est votre ami, je ne vous patle point de fa probité.
BAYARD.
Je le crois fans reproche.
Mde. DE R E N D A N , avie une vivacité ingénue.
Sans reproche.... C'est donc vous ?
BtA Y A R D.
Oui, Madame. (Madamede Rendan baijfe tes yeux, O tourne
Bayard du côté da buste de M. de Rendan. Bayard lit ta légende da
tableau. ) « Je Taime encore »... Je vous coi.prends, Madame,
Se je lis ma condamnation. ( // fait un mouvement pour se retirer•,
cV Madame de Rendan tàrréu par ut autre mouvement, lésait rajseoir
sart oser lever les yeux sur lui. Il continue.) N imputez ia témérité
d'un tel aveu qu'a ma franchise qu'ont pressée vos questions....
Oui, je vous aime 9t n'aimerai jamaís que vous. Depuis se jour ost
vous patates pour la première fois à la Cour, je vous consacrai tous
mes voeux, tontes m:s pensées. Dieu & ma patrie, vous 9c Thon*
COMÉDIE HEROIQUE. 17
neor, voilà les mobiles sacrés de toutes mes entreprises, mes seuls
soutiens dans les dangets, ma feule consolation dans les adversi-
tés. Votte image me fuivoit au milieu des combats ; elle ranimoit
mon courage; elle redoubloit mes forces.... vous me guidiez 9c
j'étois fur de vaincre. C'est pour vous que j'ambitionnois une
haute renommée. C'est à vous que je rappòrrois ma gloire, 9c je
fupportois le malheur de vous voir posséder par un autre en ne
me jugeant pas encore assez digne de vous.
Mde. DE RENDAN.
Ah ! que m'avez-vous dit !
BAYARD.
Tout ce qu'éprouve mon coeur.
Mde. D E R E N P A N,
Mais quel est votre espoir ?
BAYARD. *
Je n'en forme aucun.
Mde. DE RENDAN.
Mon époux vit dans ma mémoire, 9c vous savez s'il mcricoir
ma tendresse!
BAYARD.
Personne n'en fut plus digne.
Mde. DE RENDAN, avec le ton de l'intín't.
Soyez donc votre juge 9c le -mien. Que penseroit-on de mot
après Téciat qu'a fait mon désespoir 1 Que diroiton de moi après
deux ans de retraite, de deuil 8c de douleur, si te souftrois ...
3u'une main chere essuyât des larmes dont la bienséance, au
éfaut d'un sentiment pfus délicat, me fait maintenant un devoir.
BAYARD.
Ah.' qu'est-ce auprès de l'amour que Topinion d'un peuple
cVindissércns !
Mde. DE RENDAN troublée en regardant autour d'elle.
, seuls....
Je m'apercois que nous sommes tt
cei entretien.....
BAYARD.
Vous déplaît, je le vois. Je n'ai pas été maître de ma raísctv.»
mais si cet aveu trop hardi *.ne m'exclut pas pour jamais....
Mde, DE RENDAN te regardant avec complaisante 6* d'un ten
,
te plus doux.
Quand.... vous verra-t-on!
BAYARD, avec transport.
Ah! le plutûr.... ah! jamais assez tôt au gré de mon impatience...,
Mde. DE RENDAN, avtc beaucoup de douceur..
J'en aurai bien du contentement.

NE XI.
S CE
Madame or. RENDAN, BAYARD» ISOLITE,
D ISOLITE.
ON Atonzo de Sotomayor demande â être admis auprès de
vous : j'ai beau lui représenter que Madame ne reçoit personne,
paroles inutiles vous allez le voir dans Tinstant.
>
D*
iS LES AMOURS DE BAYARD;
Mde. DE RENDAN, vivement.
Je le veux éviter-, sortez, Monsieur, sortez.... qu'il ne vous
xencontre pas, s'il est possible.
ISO L ITE.
Monsieur ne peut s'en aller à présent, Madame, il seroit vu
par M. de Sotomayor. Le jardin seul lui ossré une retraite.
Mde. DE RENDAN.
Entrez-y Chevalier, 9c n'en sortez que quand cet importun
Ter a «
retire.
BAYARD, bien tendrement.
J'obéis.... n'oubliez pas le dernier mot que vous m'avez dit.
Mde. DE RENDAN, feignant de chercher dans sa mémoire*
Quoi donc!
BAYARD.
N'oubliez pas.... ( imitant ta tendresse avec laquelle Madame d*
Rendan a prononcé ce mot.) « J'en aurai bien du contentement ».
Mde. DE RENDAN, tendrement.
Aditu Chevalier Bayard.... (ferme.) Isolite, faites en forte
que M. ,
de Sotomayor s'éloigne de ces lieux au plus vîte, 9e
fupp)iez*!e de vouloir bien à Tavenir supprimer ses visites.
i
( Elle sort par ta méme porte •que Bayard ,*» mais on aperçoit dans U
jardin, & Madame de Rendan mont* un escalier placé fur ta gauche>
(f quiconduit à ses appartemens.)

s c u N n x 11.
MlSOL\Tttseuti.
A DA MEvient de dire au Chevalier Bayard..,. un adieu.... oui
ï
m»-- paroît donner Texcjusioii tous ceux qui ont des
desseins sor este.
OiCXJL.ti t\i,, 'fTr-'-sss1,* 'iffVi'w', Ati,.ac,i ».—J»—Ji
1

S C E N E X 111.
ARTHUR, ISOLITE.
E nbien! Mademoiselle, venez donc rendre réponse au
ARTHUR.,
SeU
g ne u r Alopzo de Sotomayor. 11 s'impatiente d'attendre.
ISOLITE.
Votre protégé n'est pas heureux, M. Arthur; comme je n'ai
qu'une mauvaise nouvelle i lui annoncer, charge/.-vous-en vous-
mê.ne. Madame ne veut pas le recevoir, 9c le supplie de vouloir
bien à Tavenir, supprimer ses visites.,. Elle est plus que jamais dé-
terminée i ne recevoir personne : dites le lui bien..., (appuyant.)
feien, entendez-vous. Ce petit échantillon de vos services ne vau-
dra pas, je le fais, les petits échantillons de fortune qui vous
a voient mis au goût de lui être utile.... mais que sait-on... Vous
avez du génie, vous tircicz peut-étre encore parti de cela.
(Elle son.)
COMEDIE HEROIQUE; ì$
i-^». i mSím *i-i.rT« . .un...
S CE NE XI K
.—-..i .. .1»— m i i.

(•> ARTHUR.M
j'tST bien
#
ce que jeme propose.... Déterminée à ne voir
personne.... (allant h taporte du jardin, & apercevant Bayard que
ton voit s'y promener.) Bh? le voilà.... je savois bien qu'il ne
pouvoit pas être sorti.... ( revenant fur le devant de la Scène. )
Mais ces gens-là «ne prennent donc pour un set.'... ah, je leur
ferai voir le contraire.
<rrr r.rrrirMlîìgggs-.u. '.ja- '.g.'.i.gggrg:,;.!,ss ,,' .;.: u
SCENE XV. .

SOTOMAYOR, ART HU R» ouvrant U porte t


Sotomayorse présente sur te seuil.
P A R T H U R.
ABDON, Seigneur, íi je vous ai fait attendre, mais Mademoi-
selle Isolite....
SOTOMAYO R.
Eh bien ! veut-on me voir !
ARTHUR.
On m'a chargé de la part de Madame, d'obtenir de Monsieur,
qu'il veuille bien a Tavenir supprimer ses visites.
SOTOMAYOR.
Supprimer mes visites!...
ARTHUR.
Ce n'est pas là, comme vous le voyez, un acheminement à
vous épouser.
SOTOMAYOR.
L'obstination de cette se orne est bien singulière, bien injurieuse!
mais elle est donc déterminée à finir ses jours dans une retraite
absolue, i.. à ne recevoir qui que ce soit f
ARTHUR, en souriant méchamment.
Ah I pour ce qui est de ne recevoir personne....
SOTOMAYOR.
Eh bien?
ARTHUR.
Madame n'a point fait ce sermenr.la pour tout le monde*
SOTOMAYOR,*» coter,.
y a des exceptions 1...
11 '
ARTHUR, avec un souris malin. -

Oui, Monsieur.
SOTOMAYOR.
Ah ah !... Quels sont donc les mortels favorisés !. Le Roi,
, *. Roi.
fans doute.... je fais ses projets.... ce ne peut Itre que le Jé
ne connois que lui.... qui par son rang du moins » ait quelque
titre pour le disputer à Sotomayor.
ARTHUR.
Ce n'est pas le Roî.... il n'est pas plus heureux que VOUS j mail
il existe un rivaj plus dangereux, je vous en avertis,
$0 IES AMOURS DE BAYARD;
SOTOMAYOR.
Nommci-Jc donc I
ARTHUR.
Le Chevalier Bayird.
S O T O M A Y O R avec dédain.
,
Et vous appelez cela un rival dangereux 1...
ART H U R,
Ecoutez donc,,.. Dès qu'il s'est présenté pour avoir Thonneur
de voir Madame, il a été admis auprès d'elle.
SOTO M A Y O R.
Quelle injure pour moi!
A R T H U R.
II est plus favorisé que le Roi.
SOTO M A Y O R,
A la bonne heure.... mvs que i'aye été refusé I
A R TliU R.
Kt au moment oìí je vous pat se, il est encore ici.
SOT O MA Y O R avec vivacité.
11 est ici, chez Madame de Rendan? ,
A HT H U R.
Non, Seigneur, quand on vous a annoncé, ils se sont séparés,
Madame est remontée dans son appartement i 9c comme vous étie»
là,9cque, pour sortir, il falloir nécessairement passer devant
vous, j'ai entendu Madame dire auChevaliet Bayard, d'entrer
dans le jardin, 9c d'attendre, pour Te retirer, que vous vous
foyc* éloigné tout-à-sair.
SOTOMAYOR, avec une rage concentrés.
Je vais le rejoindre....
il faut que je le félicite de son bonheur.
A R T H U R, feretenant.
Ah î Monsieur, ne faites point d'éclat, vous me perdriez s on
oc pourroit douter que je vous ai tout dit \ vous me perdriez * 9e
vos assaites n'en seroient pas pU s avancées.
SOTO M A Y O R.
Pourrai-je maîtriser másoreur?*;.
A R T M U R.
Modère*-vous, Seigréur; souvenez-vous de vos conventions ;
songez que tout est prêt à réussir au gré de vos désirs i songez
qu'avant peu l'objet de voire à>our va se trouver en votre pou-
voir, 9c qu'après Téclat d'une telle aventure , le seul parti qui
IJÌ reste, est d'jeccpter votre main fee le nom de votre épouse....
Mais voici Monsieur l'Amiral.

S C EN E XVI.
ISOLITE SOTOMAYOR: L'AMIRAL BONNIVET ,
,- PALICE,, ARTHUR.
LA
JBONNIVET , a Isotite qui veut tempícher d'entrer.
Eveux la voir, vous dis je, Se je la verrai, c'est décidé....
Ah î ah ! c'est vous, Seigneur Alonzo /
COME 0 1 E H t R O I Q U E» ||
S OTO M A Y O K.
Oui Monsieur TAmiral, c'est moi même.

H O N N I V E T.
Sans doute vous désirez, comme moi, d cire admis auprès de
Madame de Rendan 1
SOTOMAYOR.
Vous Tavc» deviné!
B O N N I V E T.
Est ce que cette charmante veuve autoit aussi triomphé de
votre indifférences
SOTOMAYOR.
Quel intérêt avez-vous à connoître mes sentimeus?
BONN I VET.
Pas d'autre que celui qu'inspire naturellement un compagnon
d'infortune,... Oui, mon cher Seigneur, c'est le mot i íì vou$
avez des vues fur Madame de Rendan.... car aussi bien que moi,
mon brave Gentilhomme, c'est de l'amour en pure perte. El
comment voulez-vous la toucher en faveur des sentimens qu'elle
inspire I elle est inabordable.
SOTO M AYOR,
Oh ! tout le monde, Monsuur TAmiral, n'a pas comme vous 9c
moi, le malheur de n'en pouvoir approcher.
LA P A LIC t%
Plaît-il, Monsieur !
B O N N I V E T.
Comment. morbleu, il y auroit des gens privilégiés I cela n'est
pas possible : s'il y avoit quelqu'un de reçu, je serois admis.
SOT O M A Y O R.
Demandez au Chevalier Bayard, qui se promené actuellement
dans le jardin si personne n'a le bonheur de voir Madame de Ren-
dan e II est en ,droit d? vois répondre qu'il y a des exceptions.
BON NI VET,
Le Chevalier Bayard est U, dans le jardin t
LA P A L 1C E.
Etes-vous fur de ce que vous avancez, Monsieur ?
SOTOMAYOR.
II yest... par ordre exprès de Madame de Rendan... il attend
sortir, enfin pris le parti de m'en aller. •
pour que j'aye
ISOLITE.
O le méchant homme!
LA P A L I C E,
Vous me permettie*, Monsieur de vous dire que la chose est
, dans le jardin & qu'il eût
bien douteuse. .\il étoit etsectivement
envie d'en sortir, n'est présence qui ,
pourroir l'en em-
ce pas votre
pêcher. Dans toutes ses actions il n'a jouais craint les témoins.
SOTOMAYOR, sjismt ut pat comme pour aller au jardin.
Ah ! puisqu'il faut vous en convaincre...
B q
N N I V E T. '
'
Arrêrez, Monsieur, nous ne le souffrirons pas } Madame de
.

Rendan depurt son veuvage n'a reçu personne encore.


)t IES AMOURS DE BATARD,
SOTOMAYOR.
Excepté le Chevalier Bayard qui est là, 9c qui, lorsque je l'en
pri eut, ne refuser a pis de p» ro me.
L A P A L 1 C E, farrftmi fièrement.
Monsieur... s'il est vrai que Bayard soir dans ce jardin, H s'il y
est de Taveude Madame deRendin, la crainte de lacomprcmíttie
peut feule l'y retenir, 9c si vous ne respectez pas un brave hom m,
un bon Chevalier que j'aime 9c que touc le monde estime, respec-
tez du moins une femme noble» belle» vertueuse dont vous devriez
lire Tappui, 9c non Taccusateur.
SOTOMAYOR.
VOUS m'ouvrez ses yeux, Monsieur, c'étoit pure vision de ma
pirt. * •(il ouvre ta porte d* \ardtn, cV d'une voix élevée. ) le vous
demande pardon de vous avoir soupconné, Chevalier i ccitaine-
ment si vous étiez là, vous ne craindriez point de paroître... non,
Monsieur Bayard n'y est point... je me sois trompe..,
( Arthur s'est sauvé quand il a vu la querelle £éeko*f%r, )
S C E NE XV II.
LESPRÏCBDENS, BAYARD.
N B A Y A R D.
ON , Monsieur de Sotomayor » vous avez bien vu, 9c Ton vous
a dit dit vrai. J'y étois.
•.
SOTOMAYOR.
Eh bien, Amiral!
BON NI V ET.
Je vous sure , Bayard » que je ne vous croyois point ici... Mais
par quelle aventure!
V BAYARD.
Par une aventure forr naturelle. Vous désirez voir Madame de
Rendan, je le désire aussi, ^malgré Tinutilité demts démarches...
SOTOMAYOR, riant malignement.
Malgré Tinutilité!
BAYARD.
Oui, D. Alouzo... Que signifie Tironie de ce sourire I
BON NI VET.
Cela signifie que vous prenez tous deux une peine infructueuse...
Elle met à cela de Tentêtement, de la singularité. Vous concevez
bien qu'il n'est pas naturel de pleurer un mari perdant deux ans.
Elle veut passer pour une femme extraordinaire... Maiscroyczqu'au
fond de Tante elle seroit enchantée qu'on lut fournît de bonne rai
sons pour se consoler... 9c ie m'en charge, moi. Vn quart d'heure
seulement d'entretien avec elle , 9c je la rends à la société... Vous
n'entendez rien i tout cela vous autres.
LAPA L I C E, en riant.
Ah! mon cher Amiral, nous n'avons jamais douté de votre talent.
SOT O M A Y O R , avec on sourireM. amer.
Mais vous comptez un peu plus fur votre adresse, Bayard *
BAYARD,
COMEDIE HEROIQUE. 5J
B A Y A R D,/&W«r,~
Jc tie sois poif.t adtoit, ie fuis franc,
BON N I V ET.
Ecoute; donc, eo lait de talent.... on ne m'apmaîs accusé
ei'cn manquer.... surtout aupiè* des seitmes. On a fur so.i compte
quelques aventures assez bridantes pour,.,, Fnfia, i! suiSt,* il
faut être modeste.,.. Que je voie Madame de Rendan seulement»
Si j'y pirviendrai fans dout?,
SOTOMAYOR, epujaKU avec ironie.
Vous êtes plus avancé que nous, Chevalier, avouez-le.
BAYARD, retenjne ja colère.
Vous me pressez vivement. Monsieur.
S O T O M A Y O R.
Pour un Français, vous êtes trop diserer,... Allons, livrez-vous
donc un peu au caractère narioia'.... Pourquoi ne pas convenic
d'un bonheur qu'on ne doir qu'à son mérite
BAYARD, ì.,.
relisons 4e colve.
Avoue* donc
Je sois chez Madame de Rendan.
B O N N I V E T.
Et moi auflì jV sois, 9c je n'en sors pas oue ?e ne Taie vue.
S O T O M A Y O R à Boyard d'un air de mépris.
Si vous étiez aiileurs' ì ,
B A Y A R D fote voix étoffée.
Ma réponse seroit précise, (à, cc mot Isolite son toute essuyée par
la porte da jardin) Au reste, Toccasion ne vous manquera point
amre tv.rr....
BONNIVET.
L'occasioi} i'aî su me la ménager, moi, Si ie la saîíîiai en dépit
de Madame de Hendan, en dépit de tous les ja'.oux en amour
conmc en guerre ; il n'y a souvent qu'un instant, 9c personne
n'ignore que jc fais le mettre a profit.
SOTOMAYOR.
Vous n'êtes pas seul en possession de ce mérite-U, Monsieur ;
n'cst-il pas vrai, Chevalier Bayard !
BAYARD, perdant patience.
Oui, Sotomayor, je vous l'ai prouvé, lorsque sous les murs de
Monerville, je vous fis prisonnier i lorsqu'au mépris tic votre
parole, vous vous échappâtes, 9c lorsque ie vous repris apiès
vous avoir une seconde fois vaincu.... Ce sot Tiss»i.e d'un
moment....
S O T O M AY OR, d*une voix et-rusìe par la colère.
Celasoffir.
B A Y A R D, de même.
J'y compte.
BONNIVET.
.

Eh bien, eh bien, du bruit, de J'éclat; beau moyen de se faire


aimer ! Que ne m'imitez-vous! C'est ds Tadresse qu'il saur. J'ai
des intelligences par tout, moi, cV.... (montrant le jardin. J
c'tstîà que doit se trouver Tennemi, je Tasstége.... mes troup€3
n'attendent que le sisnal » j'ai déjà péaéué danî 1^ ligues,
34 IES A MOURS DE BATARD,
&2mmmummunwm-WÊimÊ0mmmmm*u>'******a*^**m*9****^
M m'!' - j ^, , jj^ ;~j» *»>**
i^^s^uf
VIII, 'j,;> m- 5» i
WpMi * '
* - '»-1 P J
SCENE i JI ».... 9 J. »ff y r m >.;;;._;.,- j,
'- ! i iWP -1W IL P i «P ": j,,
-, . . -. .

X
Lts PRÊCÉDENS A M B R O I S E.
,
ST, AMBROISE, à /Vfotar, «fr/*** <f« Théâtre.
II,ft» ft*
BONN IV ET.
Et voila mon aide de camp.... le jardinier de la maison.
AMBROISE, dusond%d* Théâtre & Pair tr}s*fair$\
Elle est là qui se promené....
BON N IV ET.
Madame de Rendan .*
A M BR'OISB,
Elle est avec Mademoiselle Isolite qui l'y conte queuque chose»
& qui a Tair route écruussée.
( Bayardjette fur Sotomayor an regard terrible.)
B O NN1VBT,
Et nos gens sont'ils placés!
AMBROISE,%w*w.
J'ai fa't entrer tout le bataclan.... (Usait des attitudesridicules.)
De petits Messieurs, qui font comme cy; de petites Demoiselles, .
qui font comme ça,... ( hausant Us brat.) Se des ménétriers qui
tont déjà comme ça.,.. Oh l comme ign'y en a.... y sont cachés
dans les bosquets, detriere les charmilles, au mitan de Tor inge«
rie, une bande par ici, 9c une autre troupe par iià, c'est pis
qu'une noce, 9c tout ç* vous est bariolé.... (sefrottant les mains.)
Gn'y a dans le nombre queuques petits.minois de filles qui font
ben gentil tes j mais gn'y a aussi des figures.... Ah! que ça fait
trembler!...
BONNIVET, éclatant de rire.
Ce font mes Bohémien!....
B A Y A R D.
Qu'est ce qu'il y a donc ?
PALICE. LA
Peut*on savoir....
SOTOMAYOR.
Sera-t-il permis....
BONNIVET,|<IHW«.
C'est que vous ne savez pas ce dont je sois capable. Passez au
jardin; vous serez bien surpris.... passez, pailcz; je vois qu'il est
dfHcílc de rien imaginer de plus galant.
Ein du seeond Aíte.
COMEDIE HEROIQUE. ff
PREMIER INTERMEDE.
le théâtre représente le jardin de Madame de Rendue elle anive eee*
»•
verte de son voile» une main «égaille ; elle fiit Bomìvet q^i coure
apris elle s Bayard parait dans Cerscncemen « fy Policé montr$
f Amiral poursuivant la hette veuve, A tinstanvcìt elle défend vers
tes rampes, sortent de dtrritre des chafitiliet, £ du fond des bos»
qxeii, des Pâtres, de* Bergers, ç> aes Ménétriers jouant dt ta
fiùte du hautbois de h mbsette, &e,
, ,
M4e. » F. R EN D A N.
Ah I Monsieur l'Amiral ! c'est une audace dont je ne vous auroîs
jamais cru capable.
BON N I VET.
Oui, Madame, je sois un audacieux les femmes m'en ont
,
toujours accusé. Sylphes, Génies, n'oubliez rien pour amuser
une veuve adorab'e. '
U N E B OH É M ! E N N E, chante. .

Vous avez beau vous eu défendre, Tobjec caché de votre flamme


est près d; vous....
Mde. D E R EN DA N."
C'en est assez, Monsieur l'Amiral je n'en veux pas entendre
>
davanwge. Vous âtvez être satisfait.... j'ai porté la complaisance
au-delà des bornes que vous-même auriez pu me prescrire, l'er-
mettez-moi de me retirer, Se surtout, à Ta venir, n'oubliez pas
3ue la veuve de M. de Rendan méritoit peut-ctre de vous plus
'égards} le véritable an our s'annonce par ie respect; celui que
Taudace accompagne révolte une femme au lieu de {'attendrir.
BONNIV ET.
Non, je ne vous quitterai pas comme cela, vous entendrez ma
justification. (//fort avec Madamede Rendan.)
A R T H U R. -
Nos gens sont placés : ils n'attendent que le signal. Vos rivaux
éloignés, la victoire est à nous.
SOT O M A Y O K, pafant devant Arthnr.
Sers mon amour Se ma fureur.
( Ils/òreent, & te Bjltet te reconduit en dansant, )
Fin du premier Intermède.

ACTE II I.

S C EN E P RE M IER E.
G A RTHU R, feus.
UETTONS ici la sortie de Monsieur l'Amiral ; il est amoureux
Se bavard} en conséquence, la visite fera longue. Nos gens sont
en embuscade} |'ai dispersé les domestiques de la maison, Sc touc
doit réussir. Non, non» le Chevalier Bayard ce convient point i
E i
36 h ES A MO UflS DE BAYARD,
ma maîtresse ; à;% vertus, de la naissance; une granseiépîiîatîonji
loat *iU est f.ut bon.,,, ny*»* î! y fìudroU joUvUe «uui opu-
lence c'est eile q«ì f»it valou tout le ríste.
,

DA
st? maison!
S C E N
AMBROISE, ARTHUR.
M B R O ! S E.
EU.
iTFs-Moi donc vous, où qu'est fourré tout le monde dans
ARTHUR.
Est-ce que Madame veut parler a quelqu'un ?
AMBROISE.
Non, pargoi, c'est moi qui me Usse de ne trouver personne à
qui perler.
ARTHUR.
Et qu'avez-vous à dire !
AMBROISE.
C'est que je veux avoir main-forte.
ARTHUR.
A propos de quoi e
AMBROISE.
A propos d'une troupe de bandits qui rodent autour de ta mat*
so'i, & de quatre ou cinq grands coquins qui ont ttouvé moyen «Je
se glisser dans r>ot' jardin.
ARTHUR, àpare.
Ouf, tout est découvert.., ( haut. ) Est-ce que vous êtes fou ! 9c
quel pourroit être leur dessein !
AMBROISE.
Ma foi je n'en fais rien, 9c c'est pour m'en instruire, fans crain-
dre d'accident, que je cherche par tout une escorte. Ost diable soat-
iîs tousfouirés? Robert, Antoine, Philippe...
ARTHUR.
Ne criez donc pas corcimecela, vous allez jeter Tessroidans tou-
te la maison... Je g?ge que j'ai deviné...Oui, sûrement, voilì le
íair.. . Vous dites que le Chevalier Biyard est amoureux de Ma-
damede Rendan!
AMBROISE.
Écoutez dore, il pourroit faire plus mal.
ARTHUR.
Et vous supposez que*Madame ne le voit pas avec indifférence !
AMBROISE.
Ça y ressemble.
A RTH U R.
Je parie que le Chevalier Bayard est fâché que TAmiral Bonnivee
Pair prévenu dans Tídéc d'une petite fête galante atiangéepoûr notte
belle maîtresse...
A M B R OISE. ^
Je crois, morgué, que vous avez raison.
COMÉDIE HÉROÏQUE. 37
ART H U H,
Mifame a prru voir de mauvais oeil les attentions de Monsieur
l'A^tV.
A M B R O ! S E.
Oui, je me sois aperçu qu'aile feux fjisoit la grimace,
A R T" H U K.%
C'est qu'il lui dépliisoit qu'un autrtt se lut avisé d'une gaîinrerie,
dentelle auroit été charmée 4e savoir gré a celui qu'elle distingue,
A M B R O 1 S E.
II semble que vous lisiez dans fa pensée,
A R T H U R,
Le Chevalier B*yar! n'a pu se dissimuler, 8c Thumîur de Mada*
me , Ss le motif qui Ta fiit naître ; en conséquence , il lui ménage
à son tour queliaê surprise agréable j Scîçs gens qui rodent autour de
lu nuison, ççux qui se son? introd'iits dans ie jirdì-i ne peuvent
, de ce
erre que «ses personnes préposées par lui pour Tcxécutton,
dcíïçin,
AMBROISE.
Voyez-vous ! eh bien, je. n**i p»s deviné ça, moi,,. Ah! queu
pauvre esprit je fuis à côté de vous !
ARTHUR.
J'ai vu le Chevalier parler bas a Mademoiselle Isolite.
AMBROISE.
Je Tai vue aussi,moi.
ARTHUR.
De quoi ïuî pul ît-iî? de la petite fête que de son côté il pré*
pjte à notre maîtresse !
AMBROISE.
Certainement, il ne pouvoir lui parler que de ça.
ARTHUR.
D'après celi vous concevez qu'il fau: se taire, avoir Pair de ne
se douter de rien... puce que vous concevez bien, Ambroise... Le
mérite... Tagrément de ces bagatelles ne consistent que dans la sur-
prise. Al'ez chez VOUSJ tenez-vous bien tranquille*, ne pariez à
..
qui que ce sost de ce que vous avez vu, Se de ce que vous sevez...
Le mystère, mon ami, le mystère, c'est ce qui donne du prix aux
moindres choses.
A M BROIS E.
D'ailseurs rouf ce micmac-Iì ne tardera pas à se débrouiller i car
de dessus la rerrasse, j'ai vu le Chevalier Bayajrd sor la grande rou-
t»:. II venotc de ce côté-ci quand il a été- abordé par Monsieur
d'ímbercourr Se par trois ou quatre hommes d'armes de fa con-
noissar.ee.-.. Je fuis sûrq'ie dès qu'il sera débarrassé, ilneferaqu'un
sa'jt jusqu'ici.
ART HU R.
II vient... vous Pavez vu î...
( à pare.) Autre embarras.
A M B.R O I S E.
II ne peut tarder long-temns...
A R T H U Rih pare.
Apres tout il qe restera pas toute la journée chez Madame....
|S LES AMOURS DE BAYARD;
(W.) Al fez »mon ch?r ami, rentrez chez vous, Sc surtout em-
pêchez votre femme d'en sortir... Ici femmes... on les fiit bien
parler quand on veut Ï mais on ne les fait pas taire à volonté i Si si
1a vôtre s'apeicevoit...
AMBROISE,
Aile... Ah, morgué! je voudrois bien qu'aile s'avisir de jaser
quand il me plaît quille se taise. Je sois le maître afin que vous le,
sachiez, Sc lorsque enfin... Sïfrìr.,. ( Usine. )

S C E NE II I.
N QVS venons de
A R
Téchspper
THU
belle.
R
,
seul.
Cependant je ne fui» point
tranquille.,. Mais n'est-ce pas la voix de Madame ?... Oui / l'A-
miral s'en va.,. Elle fient ici... F.!o*gnor,$-r»ous, Sc guettons Trus-
tant favorable* ( IIsort Jan* être r», )

S C E NE I I\
RENDAN, '.ISOLITE.
ÏMde.Madame P E

DE RENDAN.
J'AVDACE Se Tétourdtrie de l'Amiral ont«elles assez éclatées ?
avez vous vu, Mademoiselle, Pair de confiance de cec homme ex*
tuvior.t 1 on eût dit qu'il étoit assuré de mon coeur.
I S O L 1 T B.
II est vrai qu'il avoit toute la sécurité de Tamant le plus heureux.
Mde. DE RENDAN..
Ssue ie n'entende jamais parler de ce jardinier assez vil pour se
cr séduire. Lui seul a pu introduire chez moi ce peuple d'in-
sensés i congédiez cet homme intéressé, & que je ne le voie jamais.
I S O L I T E.
Ah 1 Madame, ce pauvre Ambroise est un malheureux chargé de
famille... L'appas de Tor que Ton a fa't briller à ses yeux a ten-
té fa pauvreté : il n'étoit question, à ce qu'on lui dit'oit, ,que de
procurer quelque dissipation à Madame. C'est un honnête homme
un peu simple, Sc qui, en se prêtant à ce qu'on ex:g;oit de lui,
n'a pas cru manquer à ses devoirs: saf'mme, sesensans, lui-mê-
me, que voulez-vous qu'ils deviennent, si vous les abandonnez i
Mde. DE RENDAN.
Qu'il reste, puisque vous le voulez... Mais doublez ses giges ,
afin qu'à Tavenir la pavreté ne le force pas de céder à la séducìíon.
ISOLITE, baisant ta main de Madame de Rendan.
Madame est la bonté Se la générosité même.
Mde. DE RENDAN.
Quand Monsieur Bayard est serti, vous lui avez dit que je vou-
lois lui parler ì
ISOLITE.
Oui, Madame.
»
COMEDIE HEROIQUE. 39
Mde. DE R E N D A N.
Ce que vous m'avcz raconté dans le jardin m'inquiéte.. » teur
altercation a donc été violente f
ISOLITE.
II n'en faut accuser que Monsieur de Sntonuyor.
Mde. DE RENDAN.
Il auroît oublié qu'il cioit chez moi ì
ISOLITE.
Monsieur Biyatd seul s'en est restouvenu, Ta vainement rappelé
à son adversaire,
Mde, DE R R N D A N.
Ah, Dieu I aprés Tindiícrétion de Boanivet, il ne faudroit plus
que cet éclat pour me mettre au d-?sesoo?r.
ISOLITE.
Voici Monsieur Biyard. ( Site sort,)

S C E N E F.
BAYARD, Madame DE RENDAN.
Jt B A Y A R D.
n'ai pu me débarrasser plutôt des importuns attachés à mes pas,
Madame \ j'ai cru qu'lmbetcourt que je viens de rencontrer ne me
quitteroit jamais. II m'a tenu des discours auxquels j'avoue n'avoir
pu rien comprendre; enfin ils m'ont laissé iibre, Sc i'accours vêts
vous, pénétré de tout ce qui vient de se passer,
Mde. DE R E N D A N.
Que pensera-ton d'une démirche aussi sirguliere que celle de
l'Amiral ì A quoi m'expose Tétourderíc d'un homme inconséquentî
On va s'imaginer que je me prête à ses vues... Oui, Monsieur, Ton
ne croira jamais qu'un homme ait Taudace de faire un si grand éclat
fans ('approbation, au moins ncite, de celle qui cn est Tobjet.
BAYARD.
Ch! Madame, Bonmvet n'estil pas connu ? en fait détourderie
est.ce là son coup d'essai) fa réputation met la vôtre à couvert.
Mde. DE R B N.D A N.
Ce n'est encore là que le moindre de mes chagrins. Est-i! vrai,
Monsieur, que Sotomayor est ici, Sc que, fans respect pour ma
maison, il se soit emporté à des exccs 1...
B A Y A R D.
Aucuns, Madime, aucuns.... II est violent, ombrageux...*
Je Tai fait souvenir qu'il étoit chez vous. ...Se tout a été dir.
Mde. D E R E N D A N.
Non, Chevalier, non, tout ne Test pas : de Pair dont vous me
Passurez, vous me faites frémir. A-t-i! tenu quelques discours
injurieux?... ne me cachez rien. Sur quoi s'est donc enflammé
cet esprit soupçonneux*... est-ce de moi qu'il se plaints suis-je
pour quelque chose dans les raisons qui Taigrissentî
B A Y A R D.
Ne vous alarmez point, Madame ; qti'imporrent les motifs qu'il
croit avoir de se plaindre, si ces motifs sent tous déraisonnables !.
AQ IES AMOURS DE BAYARD,
Vous voyez que je fuis tranquille» vous pouvez Tétre autant que
moi.
Mde. DSBFNDAN,
U aura su, Monsieur, que je vous reçoU chçz mol. Son cceur
jaloux son esprit défiant auront tiré de cette espèce de prédilec-
, conséquences dont Tidée seule
tion des me met au désespoir...•
Sc que seroir-ce, grand Dieu.' s'il s'éroit haserdé comte vous à
des emportemcniy.. Vous me cachez U vérité Chevalier.,..
,
L'ossense est peut-être de nature à ne se laver que âìr* le sang....
Si cela ctoit..., 3près un éclat aufiì «ssreux pour ma réputation,
auss» crceî pour mor» coeur, je n'aurais plus qu'à mourir.
B A Y A R D.
Madame • encore une sois, soyez tranquille. Quel repmche
Sotomayor seroit il ea droit de me faire I Vous avez la bonté de
>

m'admet'tre chez vous, mais la Ealtce jouit du même honmur.


Md^. DE RENDAN, a'un ton trains apte,
II est certain que cth détruit du moins Tidée d'une prescience
.

exclusive.... Mais s'il fait vos sentimens pour moi i


B A Y A R D.
Veuvem>ils être un crime à ses yeux?,,, N'appartient*il qu'à
lui de connoîtte ce que vous vasez!
Mde. H RENDAN.
De ouoi ne fait-on pas un crime à son rival I
B A Y A R D.
Ah! s'il me faisoit celui de vous plaire.... que je m'estimerois
heureux!
Mde. DE RENDAN.
Que ie serois à plaindre !
v BAYARD.
Vous, Madarre !

ÌI
Mde. DE RENDAN.
Je ne veux qu'un ami.
BAYARD,
En est-il de meilleur que Tamant le plus tendre?

SCENES I.
LES PRÍCÉDENS , ISOLITE.
S O L I T F.
L y a là des étrangères qui demandent à parler à Madame.
Mde. DE RE ND AN.
Me permettez»vous de les recevoir 1
BAYA R D.
Ordonne!, Madtme, ordonnez. '
Mde. D E R E N D A N.
Faites entrer.
BAYARD.
Souffrirez-vous que ie passe dans cet appartement jusqu'à ce
que ces femmes se soient rtmíes ?
Mde.
COMÉDIE HÉROÏQUE. 4%
Mde. DK RENDAN,
Ne vous ennuyeteavous pas i
BAYARD.
Est-ce que votre image ne me fuit pas par tout !

El
(Use retire dans un cabinet,)

SCENE
Une Dame BRESSANE, ses deux
r tu ™
FILLFS, Mde, os RENDAN,
,\ BHESM NVE.
xcvsrz des étrangères, Madame, qui ne connoissant personne
ici, ont osé espérer de votte boaté que vous ne refuserez pas de
leur être utile.
Mde. DS RENDAN.
Vous m'avei rendu justice, Madame \ mais ce n'est peint bonté»
c'est devoir. Y auroit-il de TwdTcretion à demander qui vous ëtesl
tA B H h S S A N E,
Je fu«s veuve d'un genti homme qui mourut en déftndmt fa
patrie cotre vos patriotes armés pour la détruire..,, Bresse m'a
vu naître, Bresse qui, malgré Texpérience Sc ie courage de nvs
guerriers, a succombé sous la valeur des vôtres.
* Mde,
Et ces Demoiselles»
HREND A N,
LA BRESSANE.
Ce sont mes filles.
Mde. DE ^RENDAN.
..
Elles fVgnent â la beauté cet air de candeur qui larerd encore
Ídus intéressantes fans doute, les milheurs attichés à la guerre
a perte de votre époux, & le? calamirés affreuses qui ,
dévastent
une ville prise d'ass.ut, ont détruit votre fortune, Se vous con»
traignent ici à chercher des secours/.,.
i A B R-K'S S A N E,
Ce n'est pas le besoin qui nous amène ici, Madame, c'est la
teconnoíss.nce t un homme généreux, un digne Sc brave Cheva-
lier blessé pendant Tassaut, Sc porté dans ma maison, lorsque
, tntiete étoit livrée pillage, sauva
Bresse au mes jours, nos biens,
Sc Thonneur plus précieux que la vie, à ces deux cnfii-s ; ma
connotation Se mon unique espérance dans la confusion 011 ma
patrie étoit plongée , jouissant à peine de ce qu'exile la plus
simple existence je n'ai pu m'acquitter envers notre libérateur
,
Se je viens aujourd'hui satisfaire à la dette de mon coeur.
»

Mde. DE RENDAN.
Une reconnoissmee si rare Se fi respectable frit votre éloge ;
Madame, Se le pinégyrique de celui qui vous Vâ inspiré s mais en
quoi puis-je vous être utile à son égard, Sc comment me connoif*
fez-vous?
LA BRESSANE,
Parce que ce brave ho*mc sembloit oublier ses souffrances en
prononçant voue nom, Madame»
P
4t IES AMOURS DE BAYARD?,
Mde» D E R E N D A N «v« étonnement.
Mon nom! ,
i A .BR E S S A N E,
Belle Rendan, disoìt-il, mes biens, mon sang, ma vie, tout
pour Dieu, pour Thonneur, & pour vous.
VA 1 N £ E D ES
Vous ave?- vo des
FIl L K S,
Belles, continuoit il
en nous adressant la
parosei ehbîea, ceHe <n?c je vons nomme, cel'e qui sourient
mon courage, est pîu* belle que rout ce que vous avez pu voir....
il ne nous a pas trompées.
Mde. DE R E N D A N.
Ah' cessez.,.,
i A CADETTE,
Mais, trois choses i'eropottentencore beauté, poutsoivoit
sor fa
ce brave St bon Chevalier, c'est fa venu, son esprit Sc son cceur,
lA PRESSA NE.
Elie ignore mes sentîmers, jamais elle les
ne payera de retour;
maîs on est plus heureux d'ai-ncr Madame de Rendan, même fans
espérance qu'on ne le seroit, assuré de Tamour, Sc comblé des
,
fêveurs d'une autre : c'est ainsi que pour crurmer ses peines s'ex?
primoit devant nous le tendre Sc généreux Bayard.
JMde. D E R £ N D A,N sentiment qui tient de lajoie cV de
, avec un
Vétor.ntmtnt.
.Monsieur Bayard... ( Avec vivacité. ) Quoil c'est lui qui vous
disott.,. (s'arrétar.t comme ayant trpp dit. ) Ah Psi je puis vous obli-
ger, ne m'épargnez pas... Combien votre lèconnoissance vous
rend estim;î>!e à mes yeux !... (avec intérêt. ) II étoit donc blessé
grièvement ì
M BRESSAN E.
Percé d'un coup de lance la poitrine
vers défaut de la
au cui-
»
rasse assoibli par la pe.-te de son sang
, *
fa blessure étoit dangereu-
se.. . Mais ces deux jeunes filles, comme toutes celles qui ont
l'hormeurde naître d'un sang noble formées dés leur enfance
, bientôt à, la vie le meilleur,
à des connoissances utiles, ont rendu
Sc le plus vertueux des guerriers.
Mde. DE RENDAN avec sentiment eV prenant tes mains des deux
, jear.es Bteffar.es,
Vos généreuses mains oni sauvé un homme bien cher... à fa pa-
trie, àfasemille, à ses amis...Que la beauté est respectable &
touchante quand elle ne brave le spïctacle affreux des douleurs Sc
de h rnoït,, que pour consoler & secourir des victimes si noble-
ment dévouées! Et'vous voulez oi: celui que vos bienfaits ont
rendu ficher 1 v
LA B RE SSAN E.
Dés que les c ^constances nous Tont permises, éloignement, pei-
nes , fatigues , rien ne nous a retenues. Ces deux enfant pénétrées
comme moi d'estime Sc d'admiration pour notre loyal ami, se set.'
soieftr une fêre de ce voyage j leur gaieté, leur résolution^ soute*
«usent mon courage. Je fuis vieille, l'approche du terme fatal...
nuis je mourrai cooierjts, E je puis voir encore une sois mon bien-
COMEDIE HEROIQUE, 4?
siîieur, Sc déposer âses pieds un soible tribut de la reconRoîfòri*
h
ce. sois, atnvée ce matin, ce brave Capitaine est sens doute à ía
Cour, Sc n'osant pis nout y présenter, í'aî pense que ccîse q i il
nommoit fins cesse, que cette Madame de Rendan fi respcctutusc-
ment adorée du Chevalier Bayard , facilitcroit à de pauvres éttan»
gères, le bonheur d'arriver jusqu'à lui»
Mde. pt RENDAN,
le hasard vous favorise, Mesdames, le Chcvî'Jer Bayard éro**
avec moi quand vous vous étés fait annoncer ; il a paflê dans cet
appartement pour me laisser la liberté de vous recevoir ; je ne se
priverai point du plaisir que vous lui prépare/.., vous parlez de vo.
tre^ reconnaissance, il vous persuadera que c'est lui feu! qui vous en
âoh.. .{Elle ouvre ta porte du cabinet.) Venez, Monsieur, venrz Sc
remerciez-moi, je vais vous procurer un bien heureux mo.r,er*t. ,
( lUyardsort du cabinet, ) Reconnoissez-vous ces Dames î
S C E NE FI II, ™* T"

EBAY I.ES

H ! c'est ma
PRÉCÉPESS , BAYARD,
A R D.
noble, ma généreuse Bressane ! ce sont mes deux
anges consolateurs î ( à Madame de Rendan» ) Si je les reconnais !...
ah/ Madame, je leur dots Tair que je respire. ( tmbrasant la mère.)
Maisparquel miracle?...
IA BRESSANE , dans tes bras de Bayard & fembrasant avec ta
plus grande tendres*.
!...
Ah! Monsieur Bayard Monsieur Bayard !
BAYARD» pleurant & la presant contre sa poitrine.
Ma bienfaitrice! ma bienfaitrice/... s a Madame de Re.Jjn. )
Si vous saviez...yAh ! vous aviez bien raison, voilà un heureux
moment pour moi t
iA BRESSANE.
Vous pleurez !
B.AY. A'R D.
Je n'en rougis pas... filles sont bien douces ces larmes là ,,.
(à Madame de Rendan en lui montrant les deux filles. ) Avez-vorts
tien vu d'aussi intéressant ?... Se d'une douceur, d'une bonté.. ,
Des coeurs purs comme le vôtre, Madame,
t A BRESSANE, à ses enfant qui pleurent & qui se taisent.
Eh bien, mes enfans... (à Bayard.) C'est le saisissement, c'est
la joíe qui les empêchent de s'exprimer...
BAYARD.
Quel sojet vous a fait quîtter la Bresse ì qui vous amène en France?
IA BHESSANE , enserrant la main de Bayard Ù le mouillant de
ses larmes.
L'amitié... le devoir... la reconnoissance.
BAYARD, a Madame de Rtndan, en prenant la Bresane dans fis
bras.
Elle pleure aussi cette chcie femme. ..(à
la Bresane.) Ave*-
vous besoin de moi I
LES AM OU BAYA fl J>,
44
Ou/.
u BRESSANE,
R S D E

BAYARD, vivement.
Patlez, partez, que puis-je faire pour vous t
LA BRESSANE.
Beaucoup beaucoup.
, BAYARD.
Dites.
LA BRESSANE.
No»:* rouissons d'une fortune peu considérable, mais hoin&te
i»ais suffisante p >ur auflurer à ces deut enfant un avenir exempt,
d'alarmes... Notre ville emportée d'assaut par vos fo-dats Se hvrée
du pillage, nous seules, protégées par vous, nous avons éckappees...
BAYARD.
J'ai fait mon devofr.
LA BRESSANE, montrant ses sillets
Ces deux enfans, victimes sens vous, de la férocité du vainqueur...
B A Y A K ÌX
J'ai sauvé la vertu, la beauté... J'ai fairmon devoir.
IA BRESSANE, se jetant avec ses filles aux pied de Baya/d*
Mes filles, faisons le nôtre.
BAYARD.
Eh bien! eh bien!... (voulantles relever.) Je ne souffrirai
pas....
IA BRESSANE.
Cette posture convient à des reconnoissantes
âmes & nous
Vous demandons une grâce.
,
B A Y A R D, les forpant de se relever*
Ordonnez.... mais relevez-vous.
.LA BRESSANE.
La calamité publique, les événement nous ont seuls empêchées
.

de nous acquitter plutôt. Vous n'êtes pas riche, vous aous favea
dir....
BAYARD.
J'ai dit vérité.... eh bien ?
1a
LA BRESSANE.
F.hbien, notre bienfaiteur, notre sauveur, notre ami.... (en
ht os'ant un cosre. ) Recevez ce que nous vous devons...»
B A Y A R D.
Qu'est-ce que cela ? que m'ossrez vous I
J/areent que vous
.u
avez
BRESSANE.
répandu pour nous....
BAYARD.
Qu; vous donnai-je donc, moi, qui vous dois la vie ?
Mde. DE RENDAN, avec une effusion de coeur dont elle n*est ;
pas maîtresse.
Ah, Bayard î ah mon ami !...
, IA BRESSANE,
Madame soyez notre f»ge; tout s'enrichissoit autourde lui des
,
dépouilles d? mes concitoyens,.,, lui seul.... il place deux soldats
COMEDIE'H ÊRO t QUE. ft
à tnt perte.... il tire de sa bourse tout ce qu'il salîoit pour sa-
tisfaire leur avidité, Se les indemniser de ce qu auroit díì leur
valoir le pillage de la maison} il fauve nos biens, nos jours
Thonneur de mes enfans; il les fauve au prix de fa fortune.... Ee,
3uand, fans nuire à la mienne, je veux acquitter ma dette, la
ette sacrée de ma reconnoiílance, la dette du coeur , il nous
refuse, il nous humilie.... Qu'est donc devenu ce Bayard si bon,
si généreux dans Bresse!
BAYARD, âpres un moment de résiexion.
Combien y a-t-íH
LA BKfSSANE , confuse de la médiocrité de la somme.
Deux mille cioq cents ducats.
BAYARD, réstéchisant.
C'est beaucoup.... (avec vivacité.) je les accepte.
Ah! je renais!
t
A B R ES S A NE.

LES DEUX FI L L ES» ensemble.


Quel bonheur!
B A Y A R TX
Voilà de belles Demoiselles, à qui j'espère.... j'ai aussi quelques
obligations. Leuts bienfaisantes mains ont écarte de moi la mort
qui me pressoir, leurs salutaires, leurs foins consolateurs ont
allégé mes souffrances.... Voilà des dettes aussi des dettes sa-
crées , des dettes du coeur.... Se vous me permettrez, de m'en
ac-
quitter. ( aux deux filles. ) Voilà, mes belles amies, deux mille cinq
cents ducats, je les ai acceptés.... recevez-en chacune mille pour
aider à vous marier.... ( elles veulent Pinttrrompre.) ... (à la
mère.) Laisse z-moi parler.... Les cinq cents autres ducats, ma
respectable amie, vouslrs distribuerez aux indigens, aux veuves »

u
sor qui la guerre a fait tomber ses horribles fléaux.
BRESSANE,
Et que vous restera-t-íl à vous /
/ B A Y A R D.
Votre amitié Se ma vie que je vous dois.... Je croîs qu'il n'en
faut pas plus pour être content.
Mde. D't." R E N DA N, lui tendant la main.
Ah ! mon ami ! que vous étés heureux / Se combien vous méri-
tez de Titre!
L A B R ESS A N E.
Madame, vous voyez nos larmes. «. • nous n'avons plus d'autre
expression....
B A Y A R D.
Vous ne repartir» pas si tôt!
LA BRESSANE.
Vite, bien vite.... Si je restots long-temps ici
,
sije vous
voyoís souvent, j'aime<ois trop la France, & j'oublierois ma
patrie.... J'y reporte un coeur pénétré de vos vertus, & qui ne
cessera de vous aimer qu'en cessant de battre dans mon sein.
BAYA R D, attendri, a Madame de Rendan»
Ob ! Madame, leurs pleurs me font trop de malt
Afi LES AMOURS D E B AY A R D;
L A B R E S S A N E.
Partons, mes silles.... Madame, nous ne pouvons rien pour
son bonheur : c'est à vous feule qu'il veut le devoir.... Adieu,
noble, loyal ami....
BAYARD, /« embrasant.
Oui, votre ami, jusqu'à la mort.
L AB R E S S AN F.
Ah ! que le ciel Téloîgne pour le bonheur de Thumanité !.. -
Adieu.
LES DEUX FILLES, ensemble.
Adieul... Adieu.
BAYARD.
Non pour toujouts.
>
LA BRESSANE.
A mon âge, hélas ! c'est un adieu pour jamais. ( Elles sortent.)
VC E N P I T
Madame D E R E N D A N /B A Y A R D.
('Biyard ta tête cachée par ses deux mains, CV pleurant. Après un

IMde.
silence, & avec un attendrifftment quelle ne peut dissimuler, Madame
de Rendan dit. )
DE RENDAN.
L n'y a que vous seul qu'on puisse aimer commecela.
BAYARD, Ai regardant avec tendrese,
le pensez-vous!
Mde. DE RENDAN.
Ah ! je pense.... II ne me manquoit plus que le spectacle que Je
viens de voir.... Laissez-moi, vous vous montrez à mes yeux avec
trop d'avantage.... laissez-moi.
B A Y A R D, se jetant à genoux.
Vous me repoussez !
Mde. DE RENDAN.
Que voulez-vous?
BAYARD,
Grâce, pitié, tendresse....
Mde. DE RENDAN.
Ah ! je sois dans un trouble.... Ah ! mon ami ! croyez que si je
pouvois aimer encore.... vous seul.... J'entends du bruit on
víenr.... levez-vous ; à peine je respire. ,

VL S C E N E X.
LES PRÉCÈDE K S , LA PALICE.
P A L I C E.
A
ous serez grâce à mon impottunité, Madame, en faveur du
motif qui m'amene.... Nous connoiffons tous deux Bayard. Nul péril
ne peut Témouvoir, & je viens vous supplier d'unir vos essorts aux
miens, pour rengager à parer le danger qui le menace aujourd'hui,
Mde. D E R E N D A N avec esroì.
Qui le menace • • •
! Monsieur Bayard I ,
CO M ED I E H È RO I QUE, 47
BAYARD.
Moi!
LA PALICE.
S'il ne s'agissoit que d'un combat, mon ami, je ne vous en pat-
lerois pas.... mais il y a de la trahison.
Mde. DE RENDAN.
Comment !
BAYARD.
Ah!laPa!ice!Scc'estici)...
LA PALICE.
Oui, c'est parce que Madame est là, que je ne dois pas me taire.
Un danger que vous pouvez prévoir, dont vous avez la possibilité
de vous défendre par le courage Sc par les armes, je vous le laif-
ferois courir... quel que soit votre adversaire la partie sera toujours
égile.... Mais lorsqu'on profitera de votre sécurité pour vous at-
taquer , lorsqu'on vous surprendra sans défense , lorsque vous
courrez les risques de succomber accablé sous ie nombre, & fans
pouvoir au moins vous venger, on doit vous Avertir, on doit le
faire devant un témoin assez puissant fur vous, pour vous forcer à.
profiter de Tavis qu'on vous donne ; la plus légère prévoyance vous
fembleroit injurieuse pour vous-même, 8c Madame.... Madame, que
vous respectez, vous prouvera mieux que moi, qu'on peu: erre brave,
& prendre des mesures pour échapper au piège qu'un lâche fait
vous tendre.
Mde. D E R EN DAN.
Ah ! Monsieur de la Palicc, achevez ; vous me faites trembler.
B A Y A R D.
A qui donc ai je fait injure! qui peut avoir à se plaindre de moi?
mon coeur ne me reproche rien ! je n'ai rien à craindre des autres.
L A P A L I C F.
Quoi que vous en disiez, je ne vous quitte pas, & j'exige devant
Madame. que vous me promettiez de ne pas fouir fans moi....
il faut que vous le juriez á Madame.
Mde. DE RENDAN.
Promettez, Chevalier, promettez, ie vous eu conjure.
BAYARD.
Mais, encore une fois, quel ennemi pourroit î...
L A P A L I C E.
Sotomayor lui-même. Oui, Madime, on a vu plusieurs de ses
g£ns so promener dans les allées de votre pâte, examiner les alen-
tour» du châ-cait, prendre à tâche de se dérober aux yeux qui les
observotent : on 1 vu i'écuyer de Sotomayor aller, venir dans Ie»
environs, Sc apres Taîtercatioo que vous avez eue avec son maître.
U A Y A R D.
II est Espagnol cV je sois Français, & nos deux nations savent
qu'où î'honneur se crort compromis, c'est à Thonneur seul de
demmder vengeince. Sotomayor ne peut méditer une trahison,
& Bavard ne doit ni la craindre ni la soupçonner.
Mde. p E R E N D A N.
Et voilà ce que M. de la Palíce a prévu, voilà ce qui me fait
tst LES AMOURS DE BAYARDy
trembler..,, il est donc jusque dans la vertu un orgueil souvent
répréhensible!... S'il est vrai que j'ai quelqu'empirc sur vous, s'il
«st m'estimiez,
vrai que vous j'en exige la preuve, il me la faut,
BAYARD.
Ordonnez Madame ordonnez..,. (a/aPalice.) Que tous
,
Ites imprudent!... ,
Mde. DE RENDAN.
Vous permettrez qu'on vous accompagne !
BAYARD. •. •
Mais songez donc que je paraîtrai craindre.
Mde. DE RENDAN.
Eh, non, Monsieur, ce n'est pas vous qui craignez, c'est moï.~,
puisqu'il faut vous le dire.... Vous rcstc-t-íl quelqu'objcctîons
a-faire!...
BAYARD.
J'en auroîs beaucoup, sile danger écoit réel..., Mais comment
Sotomayor est celui qu'on inculpe, ce péril n'est qu'illusoire, Sc
je cède.... Je Tavouerai cependant, je pardonnerois diffícikmcnc
â la Palice Ttndisctétion qu'il vient de commettre, si cette impru-
dence ne me prouvoit votre estime Sc son amitié.
L A P A L i C fc.
Quoi qu'il en soir, je veille fur vous.... ( à part en regardant Ma*
dame de Hendjn.) Imbercourt m'a promis de veiller fur un autre»
Mde. D E R E N D A N*
Je compte fur votre promesse, elle est sacrée.
BAYARD.
Et comment vous désobéir! Avec Bayard n'exigez jamais de
serment.... Ordonnez.
Mde. DE RENDAN.
Ah ! me voilà plus tranquille !
LA PALICE, à Bayard.
II ne me reste plus, mon ami, qu'à vous rappeler notre conven-
tion
( de ce matin,
Mde. DE RENDAN.
Que dires-vous î
LA PALICE,
C'est que nous sommes convenus qu'à une certaine époque Tua
de nous deux seroit le compagnon d'armes de l'autre & je crois
je puis lui ossrir services. ,
que mes
Mde. DE RENDAN, vivement
Je vous y engage & de toute mon ame.
LA PALICE.
OU ! j'étois bien sdr d'obtenir votre approbation.
Mde. Di RENDAN.
Que ne doit-on pas attendre d'une pareille fraternité!
LA P A LI C E.
U est sûr que nous avons tout pour nous, ('honneur, U patrie,
J'aruitié la plus tendre... Sc... ajoutezdonoencoreun inor, Madame.
Mde. OB RENDAN,
Comment!
BAYARD,
COMEDIE HEROIQUE. ^
BAYARD, vivement.
Et le besoin impérieux, le désir toujours renaissant d'exciter en
Vous quelqu'intérét, & de mériter votre estime... n'est ce pas ce
ì
que vous voulez dire , Capitaine
LA PALICE, en souriant.
Oui, Madame, oui... 11 pense root ce que je veux dire. Se i'espère
ftreun jour assez votre ami pour oser vois dire tout ce qu'il pense.
Mde. D E R E N D A N.
Je ne vous comprends point.. •
BAYARD, a part a ta Police.
Etourdit
LA PALICE, à part, lui ferrant ta main.
Heureux mortel 1... Mais vous méritez de Têtre.

S C k N E X 1/
LES PRÉCÉDENS, I S p LITE.
N ISOLITE en entrant (f fermant brusquement la perte»
,
ON , vous n'entreiez pas.
Mde. D £ RENDAN.
Qu'est-ce donc?
ISOLITE.

Un insolent qui veut forcer cette porte! il se dit Écuyer de Mon»
sieur de Sotomayor, & demande le Chevalier Bayard.
BAYARD.
Icî... (faisant un monvement pour sortir. ) je vais le ranger à soft
devoir.
Mde. D*E RENDAN, f
avec e roi.
Vous ne sortirez point Chevalier,.. ( h Isolite. ) r aí:es entrer cet
Écuyer.. .(Isolitesort.) Sentez-vous bien à présent toute Thor-
teur de ma situasion ?
BAYARD.
Je sens, Madame, que vous êtes respectable à mes yeux, au yeux
de tout Tunivers, Se malheur à qui voudra mal interprêter mes ac-
tions Se vos sentimens !
L A P A L I C E.
Tu connois mon coeur, tu fais ce que peut mon bras.. Sc voili
mon épée.
BAYARD,/» tendant ta main.
A la pareille.

CL' LES
SCENE L'ECUYER.
pRáciDENs,
XII.
É C U Y E R.
*ÉST Don Alonzo de Sotomayor qui m'envoie vers vous, Sei-
gneur : vous Tavez offensé ;il en demande vengeance í lisez ce car-
tel ; Se m'ínformez si je puis lui répondre que vous acceptez lo
combat proposé.
BAYARD.
_
Le proposer ici est une injure que sens, doute ri
ë
voiu a recomman-
dée, & c'est lui que l'en punirai.. « Quoi qu'il en soit, vous noyez.
G
50 LES AMOURS DE B A YARD,
que vos craintes sont mal fondées, la Palice... Madame , peí-
mettçzmoi de me retirer.
Mde. DE RENDAN, Vartétant.
Que porte ce cartel!... lisez-ie tout haut, je vous crie.
BAYARD lit.
u Le Chevalier Bayard a insulté aux yeux de tous , Don Alonzo
» de Sotomayor. 11 Ta faussement, outrageusement accusé d'avoir,
» dans Moner ville, manqué à fa parole.... » (s'interrompait.) Je
n'ai pour témoin de ce que j'avance qu'une ville entifre, Se les
troupes qui la défendoient. ( il continue. ) a || s'est vanté de Tavoir
vaincu.... n (s'ir.terrcmpant.) Deux fois, & celle-ci lera la derniere.
( il continue.) « II ose de plus lui disputer le coeur de Madame de
» Rendan, & se vanter publiquement de parvenir bientôt à sayos-
» session.... ( Bayardjroîffant te cartel avec colère & te jetant à ses
pieds.)Sey\\ le mensonge d'un traître.... je n'en lirai pas davantage.
f
(à Ecuyer.) J'accepte le combat, je ledésie lui-même, Sc je le
punirai de fa déloyauté.
Mde. DE RENDAN, d'une voìx étouffée &fi cachant le visage
avec ses deux mains.
Ah! Dieu! BAYARD.
Je lui laisse le choix des armes : ma querelle est trop bonne pour
ne lui pas faire encore cet avantage.
L'ÉCUYER.
A pied... à Tépée... au poignard... jusqu'à la mort de l'un ou de l'autre,
LA PALICE, avec étonnement & indignation.
A pied.... il veut f
ositer de la foibfesse où le laisse encore une
blessure douloureuse, & la perré de son sang !
BAYARD.
Ma querelle est bonne.... J'y conse»s, à pied.... il en mordra
plutôt la poussière.... A ce soir. (L Ecuyer fort.)
1

":.:'. tiTt*i-rLf?tg3teat»iV'ffc.^tAft^»B»ïMjj^s-Lai.^^ ,.:.


". '

S CEN Ë XIII
LA PALICE Mde. DE RENDAN, BAYARD.
O Mde. , DE RENDAN, pleurant.
U m'a conduite une fausse démarché ! quel abyme s'est Ouvert
sous mes pas!
LA PALICH.à Madame de Rendan.
Vous semblez craindre..,, (montrant Bayard.) Celui qui devant le
Mêle de Gayette, soutint seul, sur un pont, Tássott d'une armée
entière, doit-il inspirer le moirdredoute, quand il n'a qu'un seul
homme à combattre! (àBayard.) Mon ami, je cours trouver le
Roî, Tinformer de ce cartel, &* le supplier y ont vous d'être témoin
du combat.... Vous y soutiendrez le respect que Ton doit aux Da-
me*. .. C'est la cause de tous les François... Adien, Madame... Ou-
bliez la Palice... mais fou venez-vol-.? de í'ami de Boyard. ( Ufort. )

Mde. DE
_^_.„_ ._. as-s
RENDAN, BAYARD.
C' Mde. DÉ REND AN.
>'reT r ou r moi que vous allez combattre !. Pourquoi vous
ai-se connu?... AhI malheureuse! Í •.
COMÉDIE HÉROÏQUE. 51
BAYARD.
Ainsi
, vous m'imputez le crime que je vm chercher à punir...
toujours maîtrisée par le monde, par Topuiion...
Mde. DE RENDAN, avec abandon.
Ah ! vous m'avez forcée de surmonter les craintes qu'ils m'ins-
#
.
piroient...
# Le monde, les jugemensne sont plus rien pour moi...
j: ne vois plus sor ia terre.
BAYARD, vivement.
Achevez.
Mde. DE RENDAN, avec la plus grande chaleur.
Un lâche veut tirer avantage de votre situasion ; il ne se confie
point en fa vaillance; ii n'a d'autre espoir, que dans votre foiblcsse,
fuite fatale des maux qui vous ont accablés.
BAYARD, '
avec énergie.
Ce n'est point au coeur que les ennemis m'ont blessé... d'ail-
leuts, s'il est arrive, le moment qui doit finir mes jours...
Mde. D E R. EN DA N.
Ah! mon ami, défendez les : il y va de nu vie; défendez-les.
BAYARD.
Est-ce l'amour qui me Tordonnel
Mde. DE RENDAN.
Combattez puisque Thonneur Texige, revenez vainqueur, St con-
servez moi le seul mortel qui pouvoittriompherdemes résolutions.
BAYARD, fi jetant a fis pieds.
O ma bien-amée , recevez le serment que jé sais de ne plus vi-
vre que pour vous, de n'avoir de pensées, de volonté, d'existence
que ia vôtre, de vous consacrer tous mes sentimens, Sc c'em-
potter au tombeau ce pur amour que je nourrissais fans espoir, 8c
qui fera la félicité de ma vie, s'il peu» rendre la vôtre heureuse.
Mde. DE RENDAN, l'embrapnt.
O mon cher Bayard, je le reçois, Sc mon coeur tépste tout ce
que le vôtre vient de dicter.
BAYARD, avec transport.
Ah / que Tamour heureux a depotivoirsor notre existence! N'ap-
préhendez plus ma foibîesse... ce bras reprend fa force mon ame
énergie-.. ie vais combattre , & triom-
fa
recouvre vigueur & son
pher. mais apres Téclat que va faire cette aventure... je vous
.. do'-s à moi même defixrr, d'un seul mot, le jugementqueTon
dois, je
pourra porter fur nous. ( II va à ta table cV écrit en pronontant tout
haut.)
» O mon Dieu consacre la promesse que ie te fais de n'a-
,
» voir fanais d'autre épouse que Madame de Rrndin» à qui je iure
» devant toi, respect, amour Se fidélisé, jusqu'à mon dernier sou*
» pif. ( U signe O prête ta plume à Madame de(f Rendan, )
Mde. DE RENOAN écrit fur mêr.e papier prononnee tout haut.
O toi qui , premiers sermens, qui sos i'objetde
» reçus mes mes
» premières tendresses ; si ton ame voit avec intérêt celle qui fut ici-
bas ton épouse, regarde du haut des Cieux quel est celui qui te
»* remplace dans mon coeur ; lui seul m'a rappelé ton image, lui
» seul possédé les vertus que i'adorois en toî... ie te cherchois Sc te
» retrouve eo lui. Punissez moi, moi, grand Dieu ! ft je manque
es LES AMOURS DE BAYARD;
»> au serment que vous fuis mon ami, mon amant, mon respecta-
*> hie éooux. ( Eliesigne. )
B A Y A H D prenant le papier & te baisant. Il le donne ensuit*
,
à Madame de Rendan , qui le met dam son sein.
Jour heureux/ jour de gloire Sc de félicité ! je n'espérois pas te
voir naître !
Jvíde. DERENDAN, voulant retenir ses larmes.
Hélas ! il va finir !
BAYARD.
Il renaîtra. Adieu puisqu'il le faut... (Avec enthousiasme. )
î íais.. . O mabien-aifnée! ,
que je puisse opposer à mon adversaiie
une arme píos puissante que mon épée... un gage de l'amour... .
c/woi que ce soit enfin qui ait touché votte pet sonne, & je sois
iiiVincIe.
îiîd:. DE RENDAN anachantson voile c> te donnant à Bayard*
Vorià vutre écharpe,; fa couleur triste S: lugubre vous peindra*
Tétit de raon coeur pendant Tassreox combat que vous livrez pout
Sîio:, ( Ei!e va chercher acns la cassetteson portrait & ie lui donne. )
Li v;;iSà mon portrait qui vous servira d'Égide; puisse-til vous rap-
peler que ma vie déformais dépend du soin que vous prendrez de
,
confeiver ía vôtre.
îì AYAHD, transporté dejoie & regardant le portrait.
C'est elle... C'est mon épouse... Elle vit, eile respire dans ce
pertr^it... Noble, belle , touchante image! là... contre mon
coeur. .. ( avec une énergie terrible. ) Sotomayor est morr.
f
( lis fi j ruent dans les bras l'un de autre , cV fi séparent) ( Ilfort.)

S C E N E X F.
Madame DE RENDAN, seul*.
On ù vu sar la fin de la Scène précédente , Arthur dans te jardin par*
lan: à f Ecuyer,de Sotomayor,- on ta vu guetter Vinstant de la sortie
dt Boyard , quar.d il le voit partir il sait un mouvement de joie
ÍJ dispi'oit aux yeux du public.
"tilde. DE R L N D A N atymêe de douleur, tombe dans un
,
fauteuil ; âpres un instant de silence este dit :
I* est parti ? ah IDîeu f & peut cire je ne le verrai plus... com-
\>tr sífieux, horrible incertitude... (fi levant. ) Isolite, Arthur...
jt saurai mon sort. Qu'ils soívent mon époux... qu'ils soient lé*
moins. Ah! Dieu!... rapprendrai d'eux... je saurai s'il faut vi-
Y c w iiouíir.,. Isolite... Arthur... On nem'enrend point. (Elle
gfcrfoit Arthur dans le jardin & va au-devant de lui. ) Le voilà.. . •
affilie ,
de pas entendre b de s'éloigner,) Arthur, arrêtez-
( Arthur C
YCHJ»... écoutez-Tioi. .. ( Eíle fin fi fuit Arthur: on teffe de lavoir.)

QI S CENE XVI,
S O L 1 T E fêutr regardant dt tous côtés.
,
v t désire Madame?... Hit maïs , il n'y a personne ici....
Voilà qui est singulier»,. auroh»;e ma! entendu!... je crois ce*
pind:;it ne w'être pas trompée* .« Oui certainement... on appetoîc
*< '
;
COMÉDIE HÉRO IQ U E. f|
etftoit ma maîtresse.
....
où donc est - elle f
Mde. DE RENDAN, qu'on nt voit pas cV qui crie avec force.
Au secours... au secours.
ISOLITE.
Qu'est-ce que j'entends ?
Mde. DE RENDAN.
Bayard, Bayard, â mon secours.
I S O L I T K, votant vers le jardin.
Dieu »... c'est la voix de ma maîtresse !...
A M R R O I S £ accourant.
Dca ravisseurs !... Madame... On Tenleve , !
ISOLITE.
Ah í Dieu!... courons, volons...
ARTHUR* accourant, Pair ues* affairé, (t arrêtant
Ambroise & Isolite.
Ah! mes amis, secondez-moi... quel malheur... qui Tauroít
prévu î tout est perdu... Madame, ah! Ciel! venez... courons...
I;h ! non, non... C'est par ici, par ici. (indiqmtnt le chemin opposé
par lequel on a vusortir Madame de Rendan.) ( à part. ) Allons aver-
tir Sotomayor que touc a réussi.

A G TE IV.
LE théâtre représente un Carrousel, ou place considérable environnée
a"échafauds fur lesquels est placée une foule dépeuple ; il font décorés
,
de bannières de banderoltes & d'écuffons.
Franf ois 1t est affts fur un Pavillon élevé auquel on arrive par des
gradins recouverts d un tapis fimê de sieurs ,de lys, ainsi quêta tenture
du Pavillon, 11 près de lui Louifi de Savoie* Duckese d'Angoulè~
a,
me fa mère , cV Marguerite jâ ,
ficur, toutes deux magnifiquementparées,
plusieurs Dames ù Seigneurs de fa Cour.
A la droite du Rot est une estrade moins exhaussée, fur laquelle on
H'o/f tes juges du camp : des valets ou fitgens font répandus autour de
í Lice dantta barrière est fermée.
Au lever du rideau tcut est dans un profond silence. U est interrompu
parle bruit des fanfares & d'une marche militaire qui annonce l'arri-
vêe de la Reine q/i entre , dans ta Lice fa fuite.
, marche qui avec
ìlnsuìie une autre f
annonce arrivée du Roi , qui entre êga-
terrent dans la lice.
f
Une troisième marche annonce arrivée de Sotomayor.
Quatre Ecuyers dhonneur entrent par i'aiíe gauche da théâtre, son»
te tour de lá Lice, cV viennent fi placer pris de Vestrade des Juges ,Cun
tièft ta bannière d* Sotomayor, portant un aigle d'or qui fixe le soleil
avec ces mots: Rien ne m'étonnr. Vautre son épée d'honneur , /* troi-
sième le manteau d honneur, & te quatrième deux épées (f. deux poig*
nards en croix.
Une quatrième marche succède qui annonce le Chevalier Biyard,
ayant h ses côtés ta Pàtice, O dernière lui MM. d'Ort \e » d'hnbercourt
f
de Fontrailles, C> le Baron de Bêarn. Us ft rangent entre estrade des
hgesiï la unie où est le Roi. ( Là marche (este, tes trompettessoane$t.)
14 -!-M A M O U R S DE BAYA R D;
ÍÌOTOMAYOR s'approchant du pavillon royal oude latente du Roi.,
,
SIRE , je viens supplier Votre Majesté de m octroyer la grâce
de combattre à outrance ce Chevalier déloyal. II m'a insulté
dans mon honneur, il a osé me diffamer aux yeux des plus braves
guerriers de votre Royaume. Sa mort seule peut effacer Topprobre
dont il a vonîu couvtir le nom de Sotomayor. Snussrez donc, Sire,
3ue Tépée , ou le poignard , lésassent dédire de ses mensonges ,
e son audace Se que mon bras éteigne dans son sa.-.g le souvenir
de mon iujurc ( Ujette au pied du trône te gage du combat. )
(Les trompettes sonnent.
BAYARD.
Sire outragerun sexe sens défense est le fait d'un lâche. J'ai re-
,
poussé la calomnie par le reproche le plus mérité. Ce que j'ai die
est vrai. le le soutiendrai aux yeux des hommes Sc à la face du
Ciel. Petmcttez que je relevé le gage du combat. ,
( Les trompettes sonnent. )
FRANÇOIS I.
tes lois facréesde la Chevalette, le respect que nous devons aux
Dames, Tassistance que nous leur promettons, notre sang que nous
Jurons de vetser pour les défendre, tout m'auiorise à vous permet*
tre le combat.
BAYARD, relevé te gage du combat. ( Les trompettessonnent. )
SOTOMAYOR.
Sotomayor n'a besoin que de son courage, Sire il lui suflìt pour
>
la victoire.
BAYARD.
Sire, j'ai pour moi Téquité, votre présence, Se mon épée... Que
Dien nous juge. (Les trompettessonnent, )
Les Juges du Camp envoient par des fergens a Boyard & Sotomayor
leurs épée* & leurs poignards.
FRANÇOIS I. parte bas h un Seigneur placéprès de lui. Ce Gentil-
homme descend, cV va parler au Hérault d'Armes.
LE HÉRAULT D'ARMES.
De par le Roi; que ni parole, ni geste, ni le moindre signe ne
trouble les combattans. ( Les trompettes sonnent. )
LE HÉRAULT D'ARMES.
Dé par Ie Roi: respect Se silence.
(Les trompettes sonnent. Silence général. )
Les Champions fi recueillent dans un profond silence cV embrasent
leurs parrains.
,
LE MAHÉCHAL DE CAMP, jette son gant dans la lice & dit:
Laissez les aller.
On voit arriver l'Ecuyer de Sotomayorf il arrive prU de son maître,
sembrase , & lui dit mystérieusement :
Tout a réussi,elle est entre nos mains.
SOTO MAYOR.
Quoi qu'il arrive, ne la laissez ças échapper \ vainqueur, je furs
heureux.*.« Mort... ie serai vengé.
Les barrières s'ouvrent, les combattans y entrent ; tout fi tait, cV t*
combat commene*. Bjyard est terrassé, O Sotomayor lui arrache (éa
charpe qu'il s est sait d* voile de Madame de Rendan,
èo MEDIÈHJROIQUEÌ -»
~-r*Js~
BAYARD.
Cet avantage 8c la trahison ne te serviront pas. ( // baise le pot*
tait d* Madame de Rendan. ) Voici ma force 8c mon soutien*
SOTOMAYOR.
Meurs, meurs,
BAYARD se relevé, terrasse h son tour Sotomayor & tti dit :
,
Confesse- toi vaincu, Sc jete donne la vie.
SOTOMAYOR.
Me confesser vaincu !
B A YA R D, lui plongeant te poignard dans te sein.
Tu m'y forces... Péris.
Une foule de peuple se précipite sur un des cotes du théâtre, Vertu
trône du Roi, au milieu de cettefaute paroít Madame de Rendan ,
pâU, échevelée, défigurée ; elle totnbt à genoux aux pieds dit trône.
FRANÇOIS I.
Dieu... Qu'est-ce que je vois >
IMBERCOURT Sc Madame DE RENDAN , ensemble.
Sire, Sire, justice , vengeance...
BAYARD.
Madame de Rendan !
Mde. DE RENDAN.
Des lâches... Des ravisseurs se sont introduits dans ma maison..;
ils ont osé m'entraîner... Imbercourt... Ses amis... mon courage.» •
m'ont atrachés aux mains des scélérats. ».
'
BERCOURT.
IM
Soromiyor est le coupable.
FRANÇOIS I. avec étonnement & indignations
Sotomayor.
B A Y A R D.
Sotomayor !... f e voilà Se vous étés Vengée* ( Quatre soldats ers
levtnt le corps de Sotomayor. )
Mde. DE RE N D A N.
C'est à vous que je dois tout !
B A Y A R D.
Je sois Français... Dieu, Thonneur tst les Dames > voilà notre
cri... Cher Inbercourt... ( à la Palke. ) AH! mon ami !
VOrchtstre exécute un grand morceau de musique, pendant que te peuple
cV tes soldats entourent e> enlèvent Bayard,
F R A N ÇOIS '!.'...
Sotomayor a reçu le prix de son ctime : mais permettez-moi
Madame, de vous faire un léger repíoche : .quand Vous vous ca-,
chez à totst Tunivers, Sotomayor a pu savoir ; comme nous, qu'il
existe un mortel heureux...
Mde. DE-RE N D AN.
On le fait... Voilà ma justification ; Se les motifs de ma condui-
te... Daignez lire & jugez-moi... Ce n'est pas certainement sor
Tépouse de Bayard que votre Majesté peut former des doute offen-
sai. F R A N ÇO I SI,
Non Madame non : foi de Gentilhomme} honneur vous soit
rendu, on, m'a trompé.
, Je vals tout réparer mais', Madame, est-ce
:
au Roi, est-ce à votre ami que vous avez Confié ce mystère î est* ce
un secret que je dois garder, ou ro'ell il permis de le lésr.uU:*
'ìfi- L E S A-M O U R S D E ÉU Y A îl D.
Mde. D E RENDAN, ;; «r
Vous venez, Sire, de me convaincre qu'il ne peut erre tror) divulgué.
On entend une marche militaire, exécutéepar la musique qui précède la
la marche, dans laquelle Bayard est porté en triomphe : on voit Ba-
"yard tenant le voile de Madame de Rendan a fa main. Le Roi re-
monte fur son trône, Ô'Madame deRendanse place sur les marches ,•
ta musique ceffe lorsque Bayard a baisé ta main de ta Reine.
FRANÇOISE
Embrasse-moi... viens, tu as fait le devoir d'un bon Français,
d'un brave tk loyal Chevalier; tu as soutenu la cause d'un sexe ai-
mable cV sans défense... Tu as combattu pour la beauté outra-
gée. .. Foi de Gentilhomme, j'aurois voulu être à ta place.
BAYARD.
Ah I Sire, vous auriez dû à ce que vous valez ce que je ne dois
qu'à mon bonheur.
F/ri, A N ÇO IS I.
Ne dites point cela, Bayard} voilà un papier qui prouve le con-
traire. .'. Messieurs, je vous présente la femme du Chevalier Ba-
yard mon ami, le votre, & l'un de mes meilleurs serviteurs.
, B O N N 1 V E T.
Sa femme I
LA PALICE.
Oui, mon cher Amiral, fa femme.
B O N N I VET.
Vous Ie saviez ?
LA PALICE.
Je m'en doutois.
BAYARD.
Quoi ! Madame, vous avez daigné publier...
Mde. D E R E N D A N.
Oui, Chevalier, tout m'a démontré la fausseté de mes opinions.
Quand on a se bonheur de vous appartenir... on doit y trouver
troD de gloire pour n'en pas jouit aux yeux de tout le monde.
/BAYARD.
O ma bien-aimée! (à la Palice, ) Et toi, mon brave compagnon
d'armes, rends ma joie pure & complette, dis-moi qu'elle n'aiRigc
point ton coeur.
LA PALICE.
Va, je ne mérîterois ni ton amitié, ni ('estime de ta femme , si
ie vois pasêtte henréux du bonheur démon ami.
' ne fa
FRANÇOIS I.

Vous aimerez peut-être aussi