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Métaphores littéraires et stratégies de composition: un autre regard sur les rapports

entre musique et architecture au Moyen Âge


Author(s): Vasco Zara
Source: Recercare , 2013, Vol. 25, No. 1/2 (2013), pp. 5-38
Published by: Fondazione Italiana per la Musica Antica (FIMA)

Stable URL: http://www.jstor.com/stable/24430194

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Vasco Zara

Métaphores littéraires et stratégies de composition:


un autre regard sur les rapports entre musique A

et architecture au Moyen Age

î. Introduction
A

Parmi les inventions de la musique au Moyen Age, il en existe une qui a é


élaborée au vingtième siècle: celle de la rencontre entre musique et archit
ture. Là où mon regard se pose, à la recherche d'un repère au moment d'écrire
cela apparaît de plus en plus comme une évidence: un propos quelque peu
provocateur, de la part de celui qui devrait au contraire argumenter en faveur
de la possibilité d'une telle correspondance.1 La possibilité d'un hen, dont
socle fondateur serait la notion commune et partagée de numerus et de p
portio, demeure fascinante: 1:2, 2:3, 3:4 — diapason, diapente, diatessaron. Tell
que Pythagore l'avait découverte à l'écoute d'un forgeron, la structure p
portionnelle, établie par les quatre premiers nombres, n'est pas seulement
miroir de l'univers, speculum mundi, mais elle tisse aussi les lois de l'harmoni

I. Les prémisses de cette recherche ont vu le jour lors du Colloque international / luoghi e la mus
L'Aquila, 28-29 octobre 2008 (publiées ensuite dans vasco zara, 'Componere ad quadratum'. Metafore
terarie eprocessi compositivi nell'analogia musica-architettura, in I luoghi e la musica, a c. di Fabrizio Pezzopa
Roma, Ismez, 2010, pp. 101—ri6). Depuis, la réflexion autour de ce thème a pu bénéficier des discuss
issues lors de l'Ateher d'études Les inventions de la musique au Moyen Age, Centre d'études médiév
Auxerre, 17-19 juin 2009; de la contribution au MedRen 2010 - Medieval and Renaissance Music Co
rence, Royal Holloway, University of London, 5-8 juillet 2010; ainsi qu'aux séminaires d'études tenu
Budapest: Reneszànsz tanulmânyok mesterrszak, ELTE — Eötvös Lorând Tudomânyegyetem, 26 janv
2010, et au Liszt Ferenc Zenemiivészeti Egyetem, le 20 décembre 2012. Qu'il me soit donc permis
remercier les organisateurs pour leur invitation et tous les participants pour leurs questions. Mes
remerciements vont également à Luca Sartori, irremplaçable pour restituer dignité à mes esquiss
Alice Nué pour sa relecture patiente, à Daniel Saulnier pour l'aide dans la traduction, et surtout à A
Cœurdevey, sans qui ce texte, comme tous les autres, n'existerait pas, et à Stefano Lorenzetti, pour
constance, la persévérance, et l'amitié.

Reœrcare xxv/1-2 2013

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6 Vasco Zara

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2. rudolp wiT
1949, London,
1996). Sur l'i
Wittkower, 'Ar
modern archi
payne, Rudolf
tectural histo
«Albertiana»,
LuiSA ZANONC
e cultura, a c
pensiero di Leo
toria', a c. di
Olschki, 2007
3. Cf., par ex
plina», xxv, 1
George l. hers
Press, 2000, p
Musica e arch
2005, pp. 1-26
studio dei rapp
Milano, Mime
4. Pour l'adop

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Métaphores littéraires et stratégies de composition 7

ad quadratum et ad triangulum)? La recherche d'un


strictement référentiel des deux disciplines en qu
des litterati du siècle suivant, la prose des ces savants
majeures sur un moment clef de l'histoire des men
cessus de création musicale et architecturale, ce n'e A

d'un agent analogique que l'on observe, c'est la transition entre Moyen Age
et Renaissance qu'on interroge.

2. Préambule historiographique: dérives et abordages

Nombreux sont les chemins qui ont brouillé le pas des historiens, et égaré
leur pensée dans les méandres ambigus d'une approche analogique sui generis.
La beauté défigurée de Cluny iii s'offre comme un prisme où observer limites
et détours de toute sorte de regard: approche proportionnelle, symbolique,
sémantique.
L'histoire, comme toujours, commence par un rêve. Quatre différentes ré
dactions des Miracula Sancti Hugonis rapportent le même récit: au crépuscule
de sa vie, l'abbé Gunzo reçoit sur son lit de mort la visite de saint Pierre, saint
Paul et saint Etienne, qui lui intiment l'ordre d'agrandir l'église existante
(contre la promesse de sept années de vie supplémentaire), et lui dictent à
l'aide des funicula les nouvelles dimensions. En amplifiant les autres versions
qui définissent Gunzo comme «architectum nostrum», Gilon écrit vers 1109
14 qu'il est aussi «psalmista precipuus».5 Cela suffît à Kenneth John Conant,
exégète influent de ce qui reste du templum clunisien, pour conclure que
«l'architecte Gunzo, étant musicien [...] a très bien pu connaître le 'De archi
tectura' deVitruve pour son chapitre sur la musique (lib. v, cap. iv), et ainsi ses
observations sur l'architecture en général, la construction, la géométrie, et les
proportions».6 Les historiens qui se sont succédé ont émis des réserves plus
prudentes quant à cette interprétation: Janet Marquardt a rappelé la formule
«psalmista, id est cantor», comme enseigne le missel, et non pas «musicus»;7

5- Les rédactions de Hildebertus, Raynaldus et de l'Anonyme h se trouvent dans Bibliotheca Clu


niacensis, éd. Marin Marrier, Paris, Fovet, 1614, coll. 413-438, 447-461; tandis que celle de Gilon dans
albert l'huillier, Vie de Saint Hugues, abbé de Cluny, 1024-1109, Solesmes, Imprimerie Saint-Pierre,
1888, pp. 574-618 (mais on renvoie à la version plus récente de Herbert e. j. cowdrey, Two studies in
cluniac history, 1049-1126, «Studi gregoriani per la storia délia 'libertas ecclesiae'», xi, 1978, pp. 90-92, dont
la traduction remplace celle de L'Huillier). Une enluminure célèbre illustre le rêve de Gunzo, voir Paris,
Bibliothèque Nationale, Ms. lat. 17716, f. 43r.
6. Kenneth j. CONANT, Cluny. Les Eglises et la Maison du Chef d'Ordre, Mâcon, Protat, 1968, p. 76.
7. JANET T. Marquardt, The original significance of the Gunzo legend at Cluny, «Comitatus. A Journal
of medieval and Renaissance studies», ix, 1978, pp. 55-62. L'écart est celui entre théorie et pratique de

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8 Vasco Zara

Carolyn M
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D'ailleurs,
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de l'intelle
musique n
de théorie
une maladresse dans la traduction vitruvienne de Fra' Giocondo. Et c'est une
maladresse qui annonce la Renaissance:12

tradition agostinienne et boethienne, cf. Augustinus, De musica, 1-4,7: «Aliud igitur putas esse artem,
aliud scientiam. Siquidem scientia et in sola ratione potest, ars autem rationi iungit imitationem». Pour
la distinction entre les deux termes, voir christopher page, Musicus and cantor, in Companion to medieval
and Renaissance music, ed. Tess Knighton - David Fallows, Oxford, Oxford University Press, 1992, pp.
74-78
8. Carolyn m. carty, The role of Gunzo's dream in the building of Cluny III, «Gesta», xxvn/1-2,1988,
pp. 113-123 ;ead, The role of medieval dream images in authenticating ecclesiastical construction, «Zeitschrift fur
Kunstgeschichte», lxii/i, 1999, pp. 45-90. Le songe de Gunzo est calqué sur la vision de la Jérusalem
céleste du prophète Ézéchiel (Livre d'Ezéchiel, 40, 3), tandis qu'à Jacob remonte l'expression «Terribilis
est locus iste», qui ouvre l'Introït du Commune Dedications Ecclesiœ (Genèse 28, 10-22).
9. Mary carruthers, The poet as master builder: composition and locational memory in the Middle Ages,
«New Literary History», xxiv/4,1993, pp. 881-904. Sur les techniques de mémoire dans le contexte mé
diéval, voir du même auteur The book of memory: A study in medieval culture, Cambridge, Cambridge Uni
versity Press, 1990 (trad.: Le livre de la mémoire. La mémoire dans la culture médiévale, Paris, Macula, 2004).
10. vitruvius, De architectura libri decern, liber v, caput iv; voir l'édition moderne établie par Pierre
Gros, 2 voll., Torino, Einaudi, 1997. La recherche sur les vases acoustiques n'en est par contre qu'à
ses débuts, voir vassilantopopoulos mourjopoulos, A study of ancient greek and roman theather, «Acta
Acoustica», lxxxix, 2003, pp. 123-136; et rob godman, The enigma of vitruvian resonating vases and the
relevance of the concept for today, «International Computer Music Conference Proceedings», Queen's Uni
versity, Belfast, http://quod.lib.umich.edu/i/icmc/. Pour le contexte médiévalje renvoie à: Bénédicte
palazzo-bertholon - jean-christophe valière, Les vases dits 'acoustiques' dans les églises médiévales: un
programme d'étude interdisciplinaire, communication présenté au ive Congrès international d'archéologie
médiévale et moderne: Medieval Europe, Institut National d'Histoire de l'Art — Université Paris 1
Pantheon-Sorbonne, 3-8 septembre 2007, http://medieval-europe-paris-2007.univ-paris1.fr/Fr.htm,
et surtout au volume collectif Archéologie du son. Les dispositifs de pots acoustiques dans les édifices anciens,
sous la direction de Bénédicte Palazzo-Bertholon - Jean-Christophe Valière, Paris, Société Française
d'Archéologie, 2012.
11. Sur l'ancienne théorie musicale grecque, voir brenno boccadoro, Ethos e varietas. Trasforma
zione qualitativa e metabole nella teoria armonica dell'antichità greca, Firenze, Olschki, 2002.
12. pierre caye, L'édition du 'De architectura' de Vitruve et la constitution du savoir architectural à la Re
naissance, communication lue au colloque international L'«Archivium» et le travail de la pensée. Humanisme
philologique, humanisme philosophique, Paris, 22-23 mai 2007.

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Métaphores littéraires et stratégies de composition 9

En effet, Era' Giocondo, et Philandrier après lui, ne lisent


nis», mais «proportionis rationis», i.e. «selon le principe de pr
proportions, c'est-à-dire l'usage des mathématiques, qui, jusqu
survenait qu'au livre iii dans le cadre formel de la description
position des figures, apparaît dès le livre I comme l'opérateur
architecturale de la conception du projet.

Ainsi, toute l'analyse «systématique et symbolique»


proposée par Conant (destinée à justifier par la théor
des nombres 7,25,100 et leurs multiples, ou fractions
les dimensions au sol de l'église), s'en trouve démentie o
L'archéologue américain déclare se référer «pour l'am
recherches sur les nombres»13 à l'œuvre d'Otto von Simson sur la cathédrale

gothique, un classique du genre. Le but de l'auteur, maître reconnu («pape du


gothique» selon l'appellation caustique de Phihppe Junod), est d'interpréter
l'architecture gothique en tant que «représentation d'une réahté surnaturelle»,
à l'aune des deux concepts-guides: mesure et lumière.14 Dans ses lignes gé
nérales — l'arrière-plan pythagorico-platonicien — la thèse est redevable
du texte «brillant» de Wittkower, à qui le seul reproche qu'on puisse faire est
«la conviction [...] que l'idée de reproduire dans le sanctuaire l'harmonie
du cosmos, grâce à l'utilisation des proportions correspondantes aux accords
musicaux, était née à la Renaissance. Comme je démontrerai, la même pensée
prévalait déjà tant dans la théorie que dans la pratique architecturale médié
vale».15 Le livre s'ouvre sur une large exégèse du corpus augustinien, fondée sur
l'intérêt que l'évêque d'Hippone aurait prêté à la musique et à l'architecture,
considérées comme sciences sœurs. La parenté, compte tenu de l'aura de l'his
torien allemand, a été ensuite validée sans réserve ni vérification. Il se trouve
malheureusement, comme l'a montré Junod, qu'Augustin n'en a jamais fait
mention, dans aucun des ses écrits.16 Quant à la notion de lumière, autre pilier

13- CONANT, Cluny, p. 80, n. 18.


14. otto von siMSON, The gothic cathedral. Origins ofgothic architecture and the medieval concept of order,
New York, Pantheon, 1956,1962'.
15. von siMSON, The gothic cathedral, pp. xx-xxi, n. 2: «The second work is R. Wittkower's 'Archi
tectural principles in the age of Humanism'.The only flaw in this brilliant exposition of the symbolism
of the Renaissance architecture is the author's belief that the idea of reproducing in the sanctuary the
harmony of the cosmos by means of proportions corresponding to the musical consonances originat
ed in the Renaissance. As I shall show, the same idea prevailed in the theory and practice of medieval
architecture. In the theory of proportions as in so many other respects, a continued tradition links the
'Renaissance' with the Middle Ages, the rediscovery and imitation of the classical orders of architecture
notwithstanding» (TdA). Pour la réplique cf. wittkower, Les principes de l'architecture, pp. 173-176.
16. Philippe junod, Architecture et musique, un bilan, «Annales d'histoire de l'art et d'archéologie»,
xxxi, 2009, pp. 59-84.

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10 Vasco Zara

de l'archite
rablement
régionaux e
Il ne s'agit
Carol Heitz
œuvré de f
mais de vérifier au contraire le niveau de coexistence du discours musical.
Le cas de Castel del Monte (Castro érigé autour de 1240 par l'empereur du
Saint-Empire Germanique, Frédéric 11), peut se révéler emblématique à cet
égard.19 Un cas unique: le plan, l'élévation, la cour intérieure sont tous de
forme octogonale, et les tours qui contiennent le périmètre sont au nombre
de huit. La démultiplication de la matrice octogonale, selon un schéma symé
trique aux fortes implications astronomiques, géométriques et arithmétiques,
a soulevé des interrogations concernant la fonction de cet édifice. Au niveau
structurel, il est aisé, dans la répétition ad quadratum d'un module géométrique,
de retrouver les rapports des petits nombres entiers 1:2:3:4. Cela signifie-t-il
pour autant la primauté du critère musical sur la conception architecturale?
A mon avis, un constat mathématique élémentaire ne peut autoriser une dé
marche interprétative d'ordre musical qui, sur le plan méthodologique, reste
subsidiaire dans un contexte sémiologique plus large. Le langage symbolique
de Castel del Monte trouve ses assises dans un cadre politique et théologique
précis: l'empereur, excommunié au retour d'une croisade victorieuse, lors de
laquelle il s'était autoproclamé à Jérusalem Roi du Monde par investiture
divine directe, était à la recherche d'un signe distinctif du pouvoir. Castel del

17- Michael T. Davis, 'Sic et non'. Recent trends in the study ofgothic ecclesiastical architecture, «Journal of
the society of architectural historians», Lvin/3,1999, pp. 414-423.
18. carol heitz, Mathématique et architecture. Proportions, dimensions systématiques et symboliques dans
l'architecture religieuse du Haut Moyen Age, in Musica e Arti figurative nei secoli x-x//,Todi, CSSM, 1973, pp.
167-193; id., Symbolisme et architecture. Les nombres et l'architecture religieuse du Haut Moyen Age, in Simboli
e simbologia nell'Alto Medioevo, 2 voll., Spoleto, CISAM, 1976,1, pp. 387-427; Elizabeth read Sunder
land, Symbolic numbers and romanesque church plans, «Journal of the society of architectural historians,
xvm/3,1959, pp. 94-103; ead., Nombres symboliques et plans d'églises romanes, in Actes des journées d'études
d'histoire et archéologie, Charlieu, Société des Amis des Arts, 1973, pp. 75-96; alain guerreau, L'analyse
des dimensions des édijkes médiévaux. Notes de méthode provisoires, in Paray-le-Monial, Brionnais-Charolais, le
renouveau des études romanes, sous la direction de Nicolas Reveyron, Paray-le-Monial, Zodiaque, 2000,
pp. 327-335; id., Post-scriptum: mensura, représentation du monde, structure sociale, «Histoire & Mesure», xvi,
2001, pp. 405-414.
19. Ce qui suit est tiré de vasco zara, L'intelletto armonico. Il linguaggio simbolico e musicale nell'archi
tettura di Castel del Monte, «Musica e Storia», viii/i, 2000, pp. 15-52; revisité ensuite dans id., 'Signatura
rerum'. Le langage symbolique et musicale dans l'architecture de Castel del Monte, in Châteaux et mesures, sous
la direction de Hervé Mouillebouche, Chagny, Centre de Castellologie de Bourgogne, 2011, pp. 26-59,
auxquels je renvoie pour plus d'approfondissement.

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Métaphores littéraires et stratégies de COMPOSITION II

Monte est cette «métaphore du pouvoir, com


[...], la 'solidification' d'une idéologie du pouv
confié au temps par des matériaux moins pér
système sémantique renforcé par sa rigueur
tration et l'organisation cohérentes, bien qu
thématiques, et non leur simple présence épa
en aliquid stat pro aliquo. Les éléments archi
— portes et fenêtres — deviennent alors, grâ
cation astronomique, une représentation mus
où les planètes et les anges chantent le Nom s
par le biais de nombres que la kabbale héb
YHWH. Un résultat qui peut laisser perplexe,
des sources exclusivement produites à la cour
Liber abbaci et le Liber quadratorum de Fibonac
monide, et le Liber introductorius de Michel
ne serait alors que l'une des facettes d'un ensem
mensura disposui, et non pas le contraire.
Le procédé spéculatif n'est d'ailleurs pas sans
des chapiteaux dits 'musicaux' de Cluny m. P
torium angelorum de Yecclesia maior, figurent
mutilées, présentent des figurœ, entourées par
priétés des huit modes musicaux, en train
danser. Il s'agit d'un modèle iconographique
début du douzième siècle, aussi bien dans le
celui des scribes, et dont les liens entre effigies
le contexte multiple des techniques de mémo
polysémique que tous ces éléments tissent en
visibilité: qui pouvait les voir, hissés en haute
derrière l'autel? Aujourd'hui, les historiens

20. giosuè MUSCA, Castel del Monte, il reale e l'immagina


Saponaro, Bari, Mario Adda, 1981, pp. 23-62: 45-46: «un segn
scettro, come una corona [...], la 'pietrificazione' di una ideol
afïidato al tempo in materiali meno deperibili délia pergam
21. Pour les renvois musicaux présents dans le Liber introduc
22. Les études sur ce sujet sont de longue date, cf. Walt
Cluny, «Spéculum», 11, 1927, pp. 385-395; leo schrade, Die Da
Abteikirche zu Cluny, «Deutsche Vierteljahrschrift für Literat
1929, pp. 228-267 (aujourd'hui dans id., The scientia musica stu
pp. 113-151); kathi Meyer, The eightgregorian modes on the Clu
75-94; et Jacques chailley, Les huits tons de la musique et l'éth
Musicologica», lxii, 1985, pp. 73-94.

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12 Vasco Zara

cosmologiqu
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Marius Sch
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du Vallès e
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prémisses
Y Urtext m
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Plus récem
Panofsky d
lasticism,2
sortie. Il su

23- Charles E.
pp. 133-148: 14
subject of the C
synthèse, par I
de la musique,
24. Marius Sch
nischen Stils, K
chapiteaux dans
males-simbolos en
y megalitica de
sicologia, 1946
25. Voir les es
medieval song a
26. erwin pano
tecture gothiqu

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Métaphores littéraires et stratégies de composition 13

de conclusion à son analyse de la Messe de Notre


Machaut pour se souvenir de l'énorme impression que c

Linking of music with architecture and the minor arts of


rative. Though another medium, music shows the same basic
simmetry of in themselves assymetrical elements, the same fe
the same reverence for and the same disdain of matter. Spiritu
of tone or stone under the sign of abstract number are exp
order of things.

L'hommage tournait ensuite au panégyrique: Nino Pir


sur Dante 'musicus':gothicism, scholasticism and music.2
but des années 1990, dans un virulent pamphlet intit
carding images (et qui a provoqué beaucoup de bruit,
de la communauté scientifique), a utilisé des mots im
définitifs, contre l'assomption acritique, suivie de s
musicaux de l'interprétation, structuraliste ante-littera
thique, faite par Panofsky.29 Conformément à ses a A

alors un certain discours, un certain regard sur le


synthèses historiographiques, ébauchées aux environ
une trentaine d'années plus tard une forme et une
dimension architecturale est un reflet de cette construction: le livret de Pa

nofsky, publié en 1951, n'est qu'un corollaire, bien que fondamental, d'un
pensée développée à partir de 1926, au moment où l'auteur assumait la pre
mière chaire d'histoire de l'art de l'Université d'Hambourg; Y opus magnum de
Conant sur Cluny est l'aboutissement d'un travail dont les premiers résulta
avaient commencés à être publiés en 1928.30 Les musicologues avaient suiv

27- otto GOMBOSI, Machaut's 'Messe Notre-Dame', «Musical Quarterly», xxxi/2,1950, pp. 204-224
224: «Relier la musique avec l'architecture et les autres arts de l'époque devient un impératif. Bi
qu'elle constitue une autre medium, la musique montre la même attitude de base à l'égard d'une sym
trie complexe faite d'éléments asymétriques; la même sensibilité pour l'espace et la forme; la même
vénération et le même mépris pour la matière. La spiritualisation et l'abstraction du son et de la pier
sous le signe du nombre abstrait sont l'expression du même ordre idéal des choses» (TdA).
28. Nino pirrotta, Dante 'musicus': gothicism, scholasticism and music, «Spéculum», xliii, 1968, pp
245-257; mais on relatera aussi: ernst h. sanders, The medieval motet, in Gattungen der Musik in Ein
darstellungen: Gedenkschrifl Leo Schrade, hrsg. Wulf Artl, Bern - Munich, Francke, 1973, pp. 497-573: 52
«Like the cathedral, the motet may be termed a Summa» (réédité dans ernst h. sanders, French and
English polyphony of the 13th and 14th centuries, Aldershot, Ashgate, 1998, Part iv).
29. christopher page, Discarding images. Reflections on music and culture in medieval France, Oxford
Clarendon Press, 1993, surtout pp. 1-42.
30. Pour une relecture critique de l'œuvre de Panofksy, cf. Lecture de Panofsky aujourd'hui. Limites e
portée de la méthode iconologique dans l'analyse de l'art moderne et contemporaine, sous la direction du Centre
Français d'Iconologie Comparée, Mouzeuil-Saint-Martin, Bès, 2004; et Relire Panofsky, sous la directio
de Roland Recht - Fabrice Douar, Paris, Les éditions Beaux-arts de Paris, 2008. Sur la reconstruction

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14 Vasco Zara

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— musical et
n'a pas d'équi
improvisatio
des magistri

de Cluny m de la
as cultural patrim
31. Charles w. w
92-105; pour une
tettura, pp. 6—7.
32. peter vergo, T
London, Phaidon,
temps de l'art got
33. Voir le comp
cxvii/3-4,2011, p

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Métaphores littéraires et stratégies de composition 15

sens moderne du terme. Mais la fascination perdure, et


S'agirait-il toujours d'une histoire des malentendus?

3. Procédés de composition: éléments de compar


Dans un article publié en 1941, remanié en 1989, et
A preliminary skecth, Edward Lowinsky formulait l
affinité élective entre la conception physique et as
(terrestre et céleste), et l'expansion verticale de l'e
témoignerait sur le plan musical ce qu'il appelait la
firmus'».34 Aucune mention, dans l'illustration de
le parallèle entre musique et architecture. Néanmoi
tions intervenues à la même époque dans la création
appellent à s'interroger autrement. Il s'agit du mom
Moyen Âge et Renaissance, cet espace chronologi
deux dernières décennies du quatorzième siècle et q
mière moitié du siècle suivant. Dans ce laps de temp
disciplines montrent un cheminement commun, p
architectural, ce sont les années qui séparent une expér
encore médiévale, et une définition humaniste de l'a
«cosa mentale».35 Quelques dates: 1. le 25 janvier 140
dans les minutes des discussions du chantier du dôm
plein d'amertume, stupeur et tremblement «Ars sin
féré par Jean Mignot, expert gaulois appelé au secou
la figure à utiliser pour l'établissement de la hauteur
août 1434, quand Filippo Brunelleschi, de retour ap

34- Edward E. lowinsky, The concept of physical and musical space in


sketch), in Papers of the American Musicological Society, Annual Meeting
ety, 1946, pp. 57-84; réédité ensuite, avec intégrations, dans id., Music in
other essays, 2 vols, Chicago & London, Chicago University Press, 1989,1
35. Pour la définition de l'architecture «cosa mentale» en contr
diévales, voir andré chastel, Filippo Bruttelleschi: 1377-1446, la naissance
L'Equerre, 1980.
36. Voir James s. ackerman, 'Ars sine scientia nihil est'. Gothic theory
Milan, «Art Bulletin», xxxi, 1949, pp. 84-111 (réédité aujourd'hui, avec
points. Essays in theory and Renaissance art and architecture, Cambridge
268). Pour l'utilisation de cette expression comme cadre interprétative
siècles, cf. pierre caye, L'architecture est un art de la mesure exacte. Architect
in L'esprit de la musique, sous la direction de Hugues Dufourt - Jean-
Paris, Klincksieck, 1992, pp. 83-89; et surtout: Id., 'Scientia sine arte nihil est
palladiennes //, «Revue d'histoire des sciences», Lix/2,2006, pp. 245-26

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16 Vasco Zara

au chantier
les manœu
bas), affir
pourrait le
le seul dét
il, la mêm
motets dit
premier Du
structurati
montre san
conception
pas questio
par ailleurs
même hiat
(duplication
des perche
rente. Cett
tion à cara
(le cantus f
plan épisté
La lecture
à notre co
métaphori
cale via l'an

37• Sur Brune


points vue d de
of Santa Maria
délia cupola di
www.operaduo
38. L'utilisati
semakers aus d
1903-1904, pp
is isorhythm?,
Cannata - Gab
Institute of M
39. Edward e. L
comparison of N
Herz, ed. Rober
of the Renaissa
40. Voir l'Intr
Bonnie J. Black
pp. 9-14.

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Métaphores littéraires et stratégies de composition 17

siècle, écrit dans son Ars musicœ, à propos de la superp


motet:41

Tenor est illa pars supra quam omnes alise fundantur quem
vel aedifici super suum fundamentum et eas régulât et eis da
dum ossa partibus aliis.

Trente ans plus tard, Jacques de Liège, afin de fustig


partisans de Y Ars nova, a recours dans le Speculum mu
pour expliquer la construction de l'édifice polyphon

Id est tenor supra quem discantus fundatur, sicut edificium


damentum; uti ille cantus tenor dicitur quia discantum tenet
tenor discantat, quis sine fundamento edificat? Et sicut edif
fundamento ut fiat edificium non ad libitum operatoris, s
fundamenti, sic nec discantas ad libitum suum notes profe
exigentiam et proportionem notarum ipsius tenoris ut con
tus igitur a tenor dependet, ab eo regulari debet, cum ipso
discordare.

Les deux citations sont très courtes, et très bien co


muns: le recours à l'image architecturale dans le co
la référence précise au rôle du tenor.43 Dans le premie
paraître évidente, et une longue habitude étymolo
à de telles sortes de combinaisons lexicales. D'ailleu
rie-Elisabeth Duchez sur l'élaboration conceptuelle
phique du son, ainsi que les tout premiers exemp
nique, nous invitent à considérer avec bienveillanc
acquise), la perception verticale de l'harmonie musi
périences des psychologues cognitivistes ont considé
l'enfant, l'association syncrétique bas/grave, haut/ai

41. ernst ROHLOFF, Die Quellenhandschriften zum Musiktraktat de


Duetscher Verlag für Musik, 1972, p. 146; à l'édition critique, on préf
Johannes de Grocheio on secular music: A corrected text and a new translati
ii/i, 1993. PP- i7-4i:37
42. jacobus LEODiENSis, Speculum musiae, ed. Roger Bragard, 7 vol
Musicology, 1955-1973 (CSM 3), in, p. 386 .
43. Cf., par exemple, sanders, The medieval motet, pp. 525-527, qu
vaux de von Simson pour l'explication de la référence architecturale; v
44. marie-élisabeth DUCHEZ, La représentation spatio-verticale du carac
la notion de hauteur de son dans la conscience musicale occidentale, «Acta
45. Pour une première approche cf. François Delalande, La musi
Chastel, 1984.

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18 Vasco Zara

zio Giani,
expression
fruit d'une
parcourt t
pas si anod
tation d'un
réalité con
du temps d
d'une subdi
régit toute
charnière
ne semble p
ni du treizi
dans notre
Fauvel ord
adjacentes,
drait donc
peut-être
traind'uti
tomique: «

46. MAURizio G
cologia musica
47. La récepti
phie imposante
qui y sont con
Quantification
sure de la réalit
EUGENio RANDi
dissonantes. Ar
Suisse, 1993). P
DORiT e. tanay,
Institute of Mu
temps au xnf s
- Centre Euro
de Marcel Pér
48. Jehan de
surata unionem
alterius fracti
Voir jean de m
implications t
Oresme et la re
Cœurdevey - P

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Métaphores littéraires et stratégies de composition 19

aliis».Vitruve, dans la comparaison des dimensions de


du corps humain, raisonne dans les mêmes termes d
Quant au tenor, l'étymologie elle-même appelle et
reconnaissance de la fonction de fondamentum de
nique. Un rôle qui, pour le motet (c'est le cas de la
de Grouchy), comprend tant la dimension aussi bie
ou harmonique) que textuelle. Comme le rappelle
alentours de 1350:50

Primo accipe tenorem alicuius vel responsori vel alt


phonario et debent verba concordare cum materia de q

Encore une fois, la terminologie est révélatrice. Le


pas de nulle part, telle une invention inédite du co
créât, creatura non postet creare», nous rappelle saint
tion ex-nihilo constitue une prérogative divine, ce
même. Suivant le même sillage, saint Thomas d'Aqu
aliud est quam absque materia praqjacenti aliquid pro
motet, le compositeur utilise une matière préexistante:
un morceau mélodique du cantus planus liturgique,
évocateur tant d'un point de vue musical que textu
qui se surajoutent). Du reste, Jean de Grouchy disti
composition fondamentalement différentes, l'un po
le conduit:52

Dico autem 'ordinäre' quoniam in motellis et organo tenor


prius compositus, sed ab artifice per modum et rectam mens
Et dico 'componere' quoniam in conductibus tenor totaliter
voluntatem artificis modificatur et durât.

Aucun traité d'architecture ne nous décrit l'activité du magister carpantato


rius, princeps lathomorum, cementarius (désignations toutes interchangeables de

49- viTRUvius, De architectura libri decern, liber hi, caput I.


50. EGiDius de MURiNO, Tractatus cantus mensurabilis, éd. Edmond de Coussemaker, Saiptorum de
musica MediiAevi, 4 vols, Paris, Durand, 1864-76, III, pp. 124-128: 124; cf. alice v. clark, Concordare cum
materia. The tenor in the fourteenth-century motet, Ph.D. diss., Princeton University, 1996.
51. Augustinus, De trinitate, liber in, caput ix (Patrologia Latina 42, coll. 877); Thomas aquinas,
Summa theologica, 1, q.45. a.2.co; cf. pour le contexte musical, outre l'étude de Clark cité ci-dessus: eyolf
ostrem, Deus artifex and homo creator:Art between the human and the divine, in Creations. Medieval rituals, the
arts, and the concept of creation, ed. Sven Rune Havesteen - Nils Holger Peters - Heinrich W. Schwab -
Eyolf 0strem,Turnhout, Brepols, 2007, pp. 15-48.
52. ROHLOPF, Die Quellenhandschriften, p. 146; et page,Johannes de Grocheio on secular music, p. 39.

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20 Vasco Zara

l'activité —
nyme de n
base de son
materia». Il
du carré et
existe déjà
pales, myt
le seul édif
même. On
tous les aut
La nature
Ce qui déte
tural, est la
schémas g
ter circumi
contempor
termes de r

Primo quide
verbi gratia
gratia exemp
sexies quinq
ergo disposu
ut prima not
ille colore iun

Que le lect
ment opér
la mélodie
sections de
attribuées
réitération

53- Nikolaus p
Spiro KOSTOF, T
profession, Berk
a c. di Guido B
54. Sur le Te
Cornelia LiMPR
DuMont, 1994
55. Johannes
ogy, 1972 (CSM

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Métaphores littéraires et stratégies de composition 21

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x /rf/w
talea
3=tzfc=!£:
x

Figure i : Philippe de Vitry, Impudenter circumivi / Virtutibus laudabilis: talea et color (tiré de:
Franco Alberto Gallo, La polifonia nel Medioevo, Torino, EDT, 19912; élaboration gra
phique de Vincent Besson)

Gallo, la «répétition systématique du même schéma rythmique» est l'outil


conceptuel qui donne forme à l'objet musical:56

Conformemente alla descrizione teorica del processo compositivo questo 'tenor'


risulta formato mediante l'applicazione di due diversi tipi di ripetizione. Da un lato la
stessa successione di durate, in note e pause, esposta nel primo rigo è ripetuta in tutti
i righi successivi per un totale di dieci esposizioni (dalla sesta alla décima in valori di
mezzati). Dall'altro, la stessa linea melodica esposta nei righi dal primo al quinto risulta
riesposta nei righi dal sesto al decirno.

À défaut d'une complexité sonore croissante, tel restera, intact et intan


gible, le principe structurant du motet. Tout au long du quatorzième siècle,
la répétition du cantus firmus détermine la longueur de la pièce. Un examen
rapide de la production des motets de Machaut (à partir du Bone pastor Guil
lerme / Bone pastor qui pastores / Bone pastor, œuvre de jeunesse composée pour

56. franco Alberto gallo, La polifonia nel Medioevo,Torino, EDT, 19912, p. 44: «Le 'tenor' se trouve
ainsi constitué par l'application des deux différentes sortes de répétition. D'une coté la même succession
des durées, notes et pauses, exposée dans la première section, est répétée dans toutes les sections succes
sives pour un total des dix expositions (de la sixième à la dixième en valeurs diminuées de moitié). De
l'autre, la même ligne mélodique exposée de la première à la cinquième section est exposée à nouveau
de la sixième à la dixième section» (TdA).

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22 Vasco Zara

la consécra
triptyque fi
gregem / P
trix / Ad t
en retard,
d'Edgar Sp
fragment
également
première d
ductorius d
mouvement
a firmamento cash».58

Le caractère systématique de ce procédé de composition par formules est


hsible aussi dans le vocabulaire technique employé par les théoriciens, notam
ment concernant la définition de talea et color. Jehan de Murs, dans le dernier
chapitre de son Libellus cantus mensurabilis (rédigé autour de 1330-40), écrit:59

Unde color in musica vocatur similium figurarum unius processus pluries repetita
positio in eodem cantu. Pro quo nota, quod nonnulli cantores ponunt differentiam
inter colorem et tallam: nam vocant colorem, quando repetuntur eadem voces, tallam
vero, quando repetuntur similes figure et sic fiunt diversarum voces.

L'adoption de cette terminologie, en raison de sa signification, serait rede


vable à la rhétorique. Dans son commentaire du début du quinzième siècle au
traité de Jehan de Murs sus-mentionné, Prosdocimus de Beldemandis, ensei
gnant à l'Université de Padoue et auteur des différentes textes de mathéma
tique, astronomie et musique, explique que:60

Eo quod dicitur color metaphorice ad quemdam colorem rhetoricum qui repetitio


nominatur, et sumitur hoc modo metaphora, quoniam sicut in colore retorico fit plu
ries repetitio eiusdem dicti, ita in colore musico fit pluries repetitio similium vocum
vel similium figurarum.

57- Edgar H. sparks, Cantus firmus in mass and motet 1420-1520, Berkeley, University of California
Press, 1963, p. 83.
58. franco Alberto gallo, Astronomy and music in the Middle Ages. The 'Liber introductorius' by Mi
chael Scot, «Musica Disciplina», xxvii, 1973, pp. 5-9: 8.
59. de murs, Écrits sur la musique, p. 220.
60. PROSDOCiMus de BELDEMANDis, Tractatus practice cantus mensurabilis ad modum ytalicorum, éd. de
Coussemaker, Scriptorum de musica, m,pp. 228-248; voir Claudio sartori, La notazione italiana delTrecento,
Firenze, Olschki, 1938, pp. 35-71 ; et franco Alberto gallo, La tradizione dei trattati musicali di Prosdocimo
de Beldemandis, «Quadrivium», vi, 1964, pp. 57-83.

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Métaphores littéraires et stratégies de composition 23

Quant au terme talea, il pourrait s'agir d'une lat


taille tel qu'il est employé en rhétorique (la strop
structure la composition poétique),61 auquel s'ajout
venant du contexte fiscal, plus commune et plus a
au douzième siècle, désigne la redevance payée au
directement au trésor royal. Cette taxe se calculait
les baguettes de bois, mode traditionnel de compt
dettes ou des recettes.62 La dimension mnémotech
cette tendance: Boen rappelle comment ses techn
visui obicitur quam auditui».63 Peut-on y ajouter l
Finalement, la répétition des figures géométriques si
la méthode constructive ad quadratum et ad triangul
teur qui choisit un morceau de mélodie et par sa réit
sa composition, de même l'architecte choisit une f
blie — le carré ou le triangle — et par sa duplica
finit le plan de la construction.Tous deux respecte
mentaux et leurs pratiques, le précepte de ne pas cré
Le pas serait donc facile à franchir. Mais deux ci
faitement conscient — peuvent suggérer une hypoth
Cependant, une source plus tardive, apparemment
musicales, semble renforcer l'intuition. Dans YHypne
philosophica écrite par le moine franciscain Franc
par Aide Manuce àVenise en 1499, les deux procéd
architecturale et intonatio musicale — s'équivalent:64

61. gallo, La polifonia nel Medioevo, p. 44.


62. Je remercie Jean-Claude Schmitt pour la suggestion lors de
ponibilité à l'approfondir ensuite par correspondance. La référenc
(on trouve le renvoi couramment dans n'importe quel dictionnaire
pour autant: tant Ernst Sanders (rédacteur de l'entrée Talea du New
don, Macmillan, 2001-2002, xxv, pp. 30-31); que Karl Kügle (voir l'
Geschichte und Gegenwart, Basel, Bärenreiter, 1996, Sachteil, iv, coll.
63. Boen, Ars (musiae), p. 29; cf. anna maria busse berger, Mediev
Berkeley, University of California Press, 2005, pp. 222-225.
64. Francesco COLONNA, Hypnerotomachia Poliphili, in asdibus A
(ed. mod. a c. di Marco Ariani — Mino Gabrieh, 2 voll., Milano, Ade
martin, Discours du Songe de Poliphile déduisant comme amour le comb
1546, f. 14V (éd. mod.: Gilles Polizzi, Paris, Imprimerie national, 19
dans la théorie architecturale du quatorzième siècle, et les échanges
de Colonna, Jean Martin, était aussi celui de Vitruve, Alberti et S
lecteur à mon Dali' 'Hypnerotomachia Poliphili' al Tempio di Salomone: m
chitecture harmonique di René Ouvrard, 167g, in La réception de modè
les arts français du XVII' siècle, sous la direction de Sabine Fromme
2010, pp. 131-156.

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24 Vasco Zara

Perche in alcu
praestante inv
hcentemente q
meno quale il
maxima quello
solido lui el ri
liare al Archit
se gli offerisc
correlarii.

[Pour mener d
de l'architecte
lement réduir
le ton sur un
chromatiques c
en l'invention
après qu'il est d
convenable pr
soires revienne

On peut dis
prose de Col
spéculer sur
Francesco Zo
latant la con
architectural
Francisci a V
éduqué au se
pourrait aus
la figure de
médiévale, mais au musicus. le théoricien devenu compositeur, et capable donc

65. La référence albertienne se retrouve dans n'importe quel étude concernant V Hypnerotomachia
Poliphili. Je cite, pour la profondeur du regard critique Dorothea Schmidt, Unterschungen zu den Ar
chitekturenphrasen in der Hypnerotomachia Poliphili. Die Beschreibung des Venus-Tempel, Frankfurt am Main,
R. G. Fischer, 1978; Stefano borsi, Polifilo architetto. Cultura architettonica e teoria artistica nell'Hypnero
tomachia Poliphili di Francesco Colonna, 149g, Roma, Officina Edizioni, 1995; et Roswitha stewerinc,
Architectural representations in the 'Hypnerotomachia Poliphili' (Aldus Manutius, 1499), «Journal of the Society
of Architectural Historians», lix/i, 2000, pp. 6-25. On mettra à part liane lefaivre, Leon Battista Alber
ti's'Hypnerotomachia Poliphili'. Re-cognizing the architectural body in the early italian Renaissance, Cambridge
(MA), MIT, 1997, qui croit voir en Alberti l'auteur caché de l'œuvre, au delà de tout raisonnable fonde
ment philologique, historique et lexicographique.
66. wiTTKOWER, Les principes de l'architecture, pp. 171-173 qui n'offre qu'une version — et une
interprétation — partielles du texte; pour son intégralité, et une étude spécifique du contexte culturel,
voir Antonio FOSCARi - MANFREDO TAFURi, L'armonia e i conflitti: la chiesa di San Francesco délia Vigna nelle
Venezia del '500, Torino, Einaudi, 1983

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de maîtriser, par le biais de la notation, la dimension v


et la dimension horizontale — le tempus mensuratum —
Mais on est loin, je crois, du vocabulaire utilisé par l
De re œdificatoria, où apparaît pour la première fois l'i
rique, de la part d'un architecte, du parallèle musical:68

Hiquidem numeri, per quos fiat vocum illa concinnitas auri


hidem ipsi numeri perficiunt, ut oculi animusque voluptate
musicis igitur, quibus his tales numeri explorantissimi sunt, atq
natura aliquid de se conspicuum dignumque prasstate, tota fi

Il en va de même pour la note qu'Alberti envoya


il prie ce dernier, chargé du chantier en son absen
dimensions qu'il lui a prescrites, puisque «en ce que
toutes les relations musicales». Ou pour la note de
pour la fabrica du dôme de Brescia:69

Secondo che le proportioni delle voci sono armonia delle or


misure sono armonia degli occhi nostri, la quale secondo il
letta, senza sapersi il perché fuori da quelli che studiano di s

Alberti et Palladio dressent un parallèle esthésique,


plan poïétique. Son vocabulaire n'est pas métaphori
d'un processus de composition, d'une méthode de p
soulignant, grâce à l'analogie musicale, la mutation
et toute la distance qui le sépare de la technè médié
minute divisione el reduce». L'architecte ne multipli
figure géométrique, mais il établit plutôt une norm
d'une unité à laquelle il ramène ensuite chaque part
sicien qui ne multiplie plus talea et color, mais proc
tant sur le plan vertical (en retraçant l'intonation d
plan horizontal (à travers les rapports de proportion

67. Voir les remarques exprimées supra, n. 7.


68. LEON BATTiSTA ALBERTi, De re œdificatoria, liber ix, caput vi; tra
fier, Pierre Caye - Françoise Choay, Paris, Seuil, 2004, p. 443 ; «Les nomb
l'harmonie des sons agréables à nos oreilles son exactement les mêmes
et notre esprit d'un plaisir merveilleux. Ainsi, le principe tout entier de
l'enseignement des musiciens, qui ont le plus étudié ces nombres, mai
qui présentent cette délimitation sous un aspect digne et remarquable
69. wiTTKOWER, Les principes de l'architecture, pp. 135,139: «Les prop
pour les oreilles, celles des mesures sont harmonie pour les yeux. De
beaucoup sans que quiconque sache pourquoi, à l'exception des cherc

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26 Vasco Zara

temporelle
quadratura
cellule géo
miner la fo
mais plutô
totalité (ver
des élémen
mus change
sonore pon
La dimens
la dimensi
stabilisatio
une fois, l
latrice: Joh
décrit le te
d'un fonde
Liège, non
différente
architectu
dans un ge
elles. Parall
plus en ouv
en successi
contraire: «

70. LOWiNSKY
de migration: «
firmus' was br
imitation pene
tion was based
71. Cf. par exe
the old struct
earlier ones are
1430's four ha
according to so
72. Johannes T
erne: id., Diffi
renze, Sismel
ning the 'funda
08.04.2010 à I' A
73. Sur le dess

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s D (S) (D)

Fig. 2a: Layout Forts totins superbie / O Fig. 2b: Layout Codex Chantilly (Bi
livoris feritas / Fera pessima (Guillaume bliothèque du château de Chantilly,
de Machaut, M9) Ms. 564)

Fig. 2c: Layout à parties séparées, mo


tet quinzième siècle (élaboration gra
phique deVasco Zara et Luca Sartori)

4. Contexte et convergences
Encore une fois, une simple citation, même dans toute sa complexité, ne peut
épuiser un processus analogique, ni éclairer le sens des transformations dont
elle est le témoin privilégié. D'autres facteurs peuvent réconforter cette hy
pothèse de travail. En premier lieu nous pouvons considérer la structure, le
layout de la page (on rappellera à ce propos les mots utilisés par Boen pour dé
crire les techniques des répétitions: «plus visui obicitur quam auditui»).74 Une
comparaison même superficielle entre trois différentes typologies de 'mises en
partition' de la polyphonie mesurée, adoptées aux quatorzième et quinzième
siècles, illustrent les mutations en cours.

74- Voir supra, note 63.

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28 Vasco Zara

Dans la dis
général et
pas dans la
reproducti
interpolatio
texte et les
rieur de la
présente da
semble pas
structure l
textuels, fig
L'organisat
livoris ferit
emblémati
même tend
de l'autre da
motetus se
ginaire), au
chanteurs q
distinctes, m
tification d
Chantilly m
bien que to
même espa
tion du sys
Il ne s'agit
vers l'étud
parvenues,
la page com
Ce nouveau
plus tard à
disposition
les limites

75- Pour l'anal


midst of wolves
Emma dillon, M
2002.

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Métaphores littéraires et stratégies de composition 29

de la composition: cadences, finales des phrases.76 D


cipe d'unité — un principe visuel — s'impose au
le compositeur l'adopte, peut-être pour économiser
Besseler et Hans Heinrich Eggebrecht ont essayé d
par colonnes de la notation polyphonique du quat
la capacité des chanteurs à identifier les points mar
donc à parvenir à lire en parties séparées.77 Anna M
péré cette interprétation et l'a renforcée en l'intégr
tnemoriœ: la faculté de lire s'affinerait grâce à l'habili
réitération des formules mnémotechniques (talea, color
alors possible la reconnaissance des éléments struct
notation musicale des autres voix,78 coïncidant par là a
tions de la répétition des figures géométriques ad trian
Exception faite de Joseph Rykwert, Mario Carpo et
d'architecture ne semblent pas avoir suffisamment
l'utilisation des techniques de mémoire de la part des m
le projet architectural.79 Il y a une vingtaine d'ann
Gavazzoli, en focalisant son attention sur l'abbaye
lomba, formulait l'hypothèse que les diagrammes d
que l'on trouve reproduits à l'identique de traité en t
logies d'Isidore de Seville jusqu'à la Musurgia univers
au dixseptième siècle), pouvaient être utilisés par les

76. Jessie Ann owens, Composers at work. The craft of musical compos
University Press, 1997, surtout pp. 135-202.
77. Heinrich besseler, Studien zur Musik der Mittelalters. II. Die M
Philipp von Vitry, «Archiv für Musikwissenschaft», vni/2, 1927, pp
brecht, Machauts Motette Nr. g, «Archiv für Musikwissenschaft», x
1968, pp. 173-195
78. busse berger, Medieval music, et, plus récemment, ead., The role o
and memorization of isorhytmic motets, in Proportions. Science - Musique -
rection de Sabine Rommevaux - Philippe Vendrix -Vasco Zara,Turnho
79. Joseph rykwert, On the oral transmission in architectural theory,
Renaissance, sous la direction de Jean Guillaume, Paris, Picard, 1988, pp.
dell'età délia stampa. Oralità, scrittura, libro stampato e riproduzione meccan
teorie architettoniche, Milanojaca Book, 1998 (trad.: L'architecture à l'âge de
écrite, livre et reproduction mécanique de l'image dans l'histoire des théories
Villette, 2009); id., Architecture: the rise of technical design and the fall of t
in Memory and invention. Medieval and Renaissance literature, art and m
Firenze, Olschki, 2009, pp. 23-36; nancy y. wu, The hand of the mind: t
study, in Ad quadratum. The practical application of geometry in the medie
2002, pp. 149-168. Pour un approche plus général, je renvoie aussi à m
d'architecture au temps des cathédrales, Dijon, Éditions Recherches, 2004.

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30 Vasco Zara

Fig. 3: Chiaravalle délia Colomba, chapiteau du cloître: tailloir à crochet avec


diagramme musical (tiré de Maria Laura Tomea Gavazzoli, Arte cisterciense in Italia.
Letture critiche e nuove linee d'indagine per la scultura architettonica, in San Bernardo e l'Italia,
a c. di Pietro Zerbi, Milano, Scriptorium Claravallense, 1993, pp. 227-251).

des églises cisterciennes en tant qu'outils mnémotechniques pour établir les


bonnes dimensions de l'objet en construction.80
Certes, une surimpression photographique, comme celle proposée par l'au
teur, n'est pas une pièce à conviction. Mais, à mon avis, au-delà des pentacles
ésotériques et tracés géométriques difficilement compréhensibles même pour
notre œil habitué aux fractales et aux logarithmes informatiques, la multipli
cation des figures ad triangulum et ad quadratum peut s'assimiler, de manière
plausible, à un outil mnémotechnique dont l'architecte, de la même façon
qu'un musicien, pouvait faire usage pour établir les points principaux du plan
de son édifice. Et non pas parce que c'est moi qui l'affirme, mais parce que
c'est Colonna qui l'illustre, juste au moment précis où cette technique com
mence à être dépassée. En tant que moyen économique passible de vérification

8o. maria laura TOMEA GAVAZzoLi, Arte cisterciense in Italia. Letture critiche e nuove linee d'indagine per
la scultura architettonica, in San Bernardo e I'Italia, a c. di Pietro Zerbi, Milano, Scriptorium Claravallense,
1993, pp. 227-251.

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Métaphores littéraires et stratégies de composition 31

immédiate dans un contexte complexe et plein d'inc


l'être, et l'est toujours, un chantier, et dont on pouv
lement' les nœuds structuraux sans trop difficulté, le d
que cela implique une anticipation de la révolution d'
mais dans une perspective mnémotechnique. Comme
un extrait tiré de la Poetria nova de Geoffrey deVinsau

Si quis habet fùndare domum, no currit ad actum / Impetu


linea cordis / Pnemetitur opus, seriemque sub ordine certo /
totamque figurât / Ante manus cordis quam corporis; et status e
quam sensibilis f...] / Circinus interior mentis praecircinet o
Certus praslimitet ordo / Unde praearripiat cursus stylus, au
totum prudens in pectoris arcem / Contrahe, sitque prius in p
Mentis in arcano cum rem digesserit ordo, / Materiam verbis v

[Quand un homme doit jeter les fondations d'une maison, so


de passer sans réfléchir à la réalisation de l'ouvrage. Le cordeau
en prend au préalable la mesure; son être intérieur lui prescrit
vertu d'un ordre précis; et l'élan de son cœur / avant celui de
l'œuvre achevée.L'être de cette dernière / est archétypal avan
le compas intérieur à l'esprit circonscrive d'abord tout l'espac
tière. Qu'un plan précis fixe avant toutes choses / le point d'o
course et les bornes / qui l'arrêteront. Rassemble sagement en
/ l'ouvrage entier et qu'il soit dans ton cœur avant que d'être
dans le secret de l'esprit, le plan aura organisé la matière, /
vêtir celle-ci de mots.]

D'autre part, il y a les dessins du Carnet de Villar


constituent un classique hautement problématique.
miner le plan du chœur de l'église de Notre-Dame d
tracé modulaire peut se dessiner, et dans ce cas part
à dire: concevoir, à partir d'un seul élément de base, le

81. Geoffrey de viNSAUF, Poetria nova, 43—61 ; voir edmond faral, Le


siècles. Recherches et documents sur la technique littéraire du Moyen Age, Pa
et, pour la traduction jean-yves tilliette, Des mots à la parole. Une lectur
de Vinsauf, Genève, Droz, 2000, p. 60. Plus spécifiquement pour le cont
carruthers, The poet as master builder, et, pour une application archit
of the mind.
82. Paris, Bibliothèque Nationale, Ms. Fr. 19093, f. 14V.; voir alain erlande-brandeburg, Carnet de
Villard de Honnecourt, d'après le manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de Paris, n. 19093, Paris, Stock,
1986. Pour la bibliographie, encore une fois imposante, je renvoie au classique de Roland bechmann,
Villard de Honnecourt: la pensée technique au xilf siècle et sa communication, Paris, Picard, 1991; et le plus
récent Villard's legacy. Studies in medieval technology, science and art in memory of Jean Gimpel, ed. Marie-Thé
rèse Zenner, Aldershot, Ashgate, 2004.

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32 Vasco Zara

Fig. 4.1-6
Explicatio:
Le point de départ est le carré
ABCD, c'est-dire un de carrés Fig. 4.1 Fig. 4.2
du transept latéral (Fig. 4.1);

À l'aide du compas, on trace


un premier demi-cercle ayant
son centre en B pour dupli
quer le carré jusqu'à obtenir
le rectangle composé de trois
carrés, correspondant au tran
sept latéral (Fig. 4.2); c o

Toujours à l'aide du compas,


pointé cette fois-ci en O, on
A A A
trace un demi-cercle qui dé
Fig- 4-3
termine la largeur de la nef OE
(Fig-4-3);

Pointé ensuite en E, le compas


dessine un demi-cercle qui dé
termine la longueur du tran
sept latéral gauche, EF; puis,
pointé en G, le compas dessine
un demi-cercle qui détermine A B

le module du corps de la nef,


GH (Fig. 4.4);

L'intersection des demi-cercles


Fig. 4.4
DE et OF détermine un rayon
dont l'origine I sur le diamètre
DE correspond au centre de la
largeur de la nef et de tout le
bâtiment (Fig. 4.4). Ayant son
centre en I, le compas dessine
des demi-cercles, comme DF

/! \\
et OE, correspondants aux
dimensions du chœur et du
C D !l E

déambulatoire (Fig. 4.5);


A AA AA
J
B G

F'g- 4-5

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Métaphores littéraires et stratégies DE COMPOSITION 33

6. En passant par le centre I, les


segments dont le point d'ori
gine correspond aux modules
du corps de la nef, comme
G, N, H et P, rencontrent les
demi-cercles du chœur et du
déambulatoire et déterminent
ainsi les piliers du chœur et les
chapelles latérales (Fig. 4.6). C o E

A A A AA
/O- \
B G H

N P

Fig. 4.6

fvytttniur Jcace rrmnc

r'^< c'Vt .r :%?k

Fig. 4.7: Carnet de Villard de Honnecourt, tracé modulaire du plan du chœur de


l'église Notre-Dame de Vaucelles (élaboration graphique de Vasco Zara et Luca
Sartori).

Il s'agit là d'un principe de composition architecturale dont on peut me


surer toute la distance qui l'éloigné des méthodes propres à la Renaissance.
Citons par exemple les esquisses anthropomorphes de Francesco di Giorgio
Martino, où la figure humaine n'est pas simplement intégrée à l'intérieur de
l'espace architectural, mais au contraire à l'origine de celui-ci. On peut ainsi

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34 Vasco Zara

retrouver, à m
à partir duqu
La même dis
pare «l'artist
dans l'image,
métrique des
observer les
la vision qu'e
perspectiva ar
Brunelleschi e
vale.85 Mais
une étude qui
en réahté il n
pas dans une
quatorzième
deur de Giot
mais d'un pa
une arcade,
forme le por
divergentes
encore, un s
la répétition

83. Sur l'anthrop


Quellenkritische St
1987; et le plus réc
tions, pp. 443-456
84. wittkower, Le
85. A partir du c
Bibliothek Warbu
dfragen der Kunst
et autres essais, P
à résumer. Pour
délia prospettiva:
e Moderna, 1975;
Raynaud, L'hypoth
tions des essais d
etAlberti, Paris,V
versity Press, 200
Electa, 2006.
86. andres de mes
métrica de la pin
entre autre de La
degradata, in Prop

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Métaphores littéraires et stratégies de COMPOSITION 35

plus généralement sonores et visuelles), s'oppose à un


propre à la Renaissance, qui tire une norme, une mes
reconduire toutes les parties du projet.

5. Conclusions

Une véritable conclusion, à cette étape de la recherche, ne peut s'avérer


partielle. Au moins trois autres questions surgissent de façon sous-jacente m
inévitable, comme un fleuve souterrain qui ne peut pas être contenu e
risque au contraire de tout emporter dans son passage. Ces trois interrogatio
imposent un approfondissement ultérieur. La première: pour ce qui conc
la sphère musicale, peut-on conclure de manière affirmative à l'existe
d'une pensée horizontale additive de structuration de la forme, et y inc
par conséquence toute composition qui ne présente pas une logique for
laire semblable, comme par exemple le madrigal, le rondeau ou la ballad
l'identification de principes formulaires de composition musicale, obtenu
la comparaison architecturale, s'avère correcte (telle une véritable mét
de pensée), elle ne peut pas se voir restreinte à une seule forme, quel qu
son degré de complexité et de sophistication. Et donc: qu'en est-il des au
formes qui ne sont pas fondées, comme le motet, sur taleœ, colores, et a
sortes de procédés répétitifs? Récemment, à partir de l'analyse de la ba
Partesi con dolore de Francesco Landini, Anna Maria Busse Berger a sug
que la succession des intervalles consonants pourrait déterminer, selon
règles du contrepoint, le socle de base du compositeur dans l'élaboratio
la mélodie:87

As I have suggested, I am particularly intrigued by the distinction between the ske


letal composition and the formulaic motifs that are used to flesh it out. The memoriza
tion of interval progressions is probably music's equivalent of one kind of model book.
Fully consonant note-against-note progressions provided the skeleton for composition.

Dans ce cas, la structure musicale ne s'articule pas à travers la répétition


des figurœ rythmiques et mélodiques (taleœ et colores), puisqu'un autre prin
cipe générateur est à l'œuvre: un principe textuel. Dans la ballata de Landini

87. anna maria busse berger, Models for composition in fourteenth and fifteenth centuries, in Memory
and invention, pp. 59—80: 75: «Comme je l'ai suggéré, je suis particulièrement fascinée par la distinction
entre l'ossature compositionnelle et les motifs formulaires qui sont utilisées pour lui donner corps. La
mémorisation de la progression des intervalles est probablement l'équivalent musical d'une sorte de
'model book'. Une progression contrapuntique entièrement consonante fournit l'ossature de la com
position» (TdA).

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36 Vasco Zara

(mais on pour
dérivent d'un
musicalement
développe la
Le motet au
synchronisati
tiels ou autosu
le principe ad
Deuxième qu
d'ordre cognit
mentalité cré
Johannes Tin
travail de com
et Binchois d

Quo fit ut hac


mentum quod ar
Anglicos quorum
fuerunt in Gal
ghem, Busnois,
tissimi. Haec ei
veniunt confer
miserrimi signu

RobWegman
stili componen
tus,89 Cette d
tique du cantu
du départ com

88. Johannes Tinc


rica, American Ins
ofJohannes Tincto
theory as literatur
(1987), pp. 209-220
by Renaissance mu
Ohio, pp. 129-177
and reminescence:
1996, pp. 1—31.
89. Voir rob c. v/
pp. 171-188; et surt
On the relationshi
pp. 151-171

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Métaphores littéraires et stratégies de composition 37

Wegman juge lui-même anachronique, même si elle


du travail de compositeur:90

Composers would have worked in two stages: first, they wo


folding by writing note-against-note counterpoint in the sc
the rest of the day breaking up the notes»;

Toutefois:

To illustrate how Continental 'cantus compositus' is different from English 'can


tus ffactus', I need to name only one piece: Josquin's 'Ave Maria'. This setting is the
very antithesis of'cantus fractus': its motives and phrases do not take shape within a
framework oudined by the whole notes of simple counterpoint, on the contrary: it is
the counterpoint that gradually takes shape from the basic material provided by the
motives. The way of thinking is almost exactly the opposite.

Cette différence des pratiques mentales, perçue par Tinctoris aussi bien
dans sa dimension stylistique que géographique et chronologique, renvoie, me
semble-t-il, à la distinction entre conception additive et conception unitaire,
elle-même mise en exergue par le parallèle entre pratiques musicales et pra
tiques architecturales, et qui semble définir, une fois de plus, le passage entre
Moyen Âge et Renaissance. Mais, il faut l'avouer, l'avertissement de Page sur
le danger du raccourci rhétorique capable de décrire un motet du treizième
siècle dans les mêmes termes qu'un jardin anglais du dixhuitième siècle, ne
semble pas loin de ma propre interprétation.91 Et j'en arrive à ma troisième, et
pour l'instant dernière, question.
S'agit-t-il, de ma part, d'excessive spéculation? Suis-je moi-même tom
bé dans le piège méthodologique tant décrié en amont? Ai-je donc inventé
au-delà des limites de ce que les mots sont en condition d'exprimer par eux
mêmes? Au sens cicéronien du terme Y inventio est la partie de la rhétorique
qui trouve les moyens vrais ou vraisemblables pour soutenir une cause. Daniel
Leech-Wilkinson, pour qui la musicologie est ce que les musicologues tirent

90. WEGMAN, Compositional process, pp. 166: «Les compositeurs ont dû travailler en deux étapes:
d'abord, ils ont probablement esquissé un contrepoint élémentaire comme charpente de base de la
partition [...]; ensuite, ils auront consacré le reste du temps aux procédés de diminution»; p. 169: «Pour
illustrer à quel point le 'cantus compositus' du continent diffère du 'cantus fractus' anglais, il suffit d'évo
quer une seule composition: l'Ave Maria de Josquin. Son arrangement constitue la véritable antithèse
du 'cantus fractus': ses motifs et ses phrases ne se modèlent pas à l'intérieur d'une structure définie par
l'ensemble des notes d'un contrepoint simple. Au contraire: c'est le contrepoint qui graduellement
prend forme à partir du matériau de base fourni par les motifs. Les deux manières de penser sont pr
esque l'opposée» (TdA).
91. pace, Discarding images, pp. 23-24; voir supra, n. 30

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38 Vasco Zara

de la matière
pective post-
«we can prese
come only fr
something el
pas parvenu à
de l'union en
pris plaisir à
mécanismes q

92. daniel leech-W


Cambridge, Camb

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