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d'histoire
Donnet Daniel. Théocrite, Les Thalysies: aspects des sonorités. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 73, fasc. 1,
1995. Antiquité - Oudheid. pp. 39-51;
doi : https://doi.org/10.3406/rbph.1995.4001
https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1995_num_73_1_4001
Daniel DONNET
L'idylle VII de Théocrite (') revêt une grande importance pour l'histoire
du courant alexandrin (2); du reste, son interprétation a fait couler beaucoup
d'encre (3). Cependant si, du point de vue de l'histoire littéraire, la
bibliographie s'avère abondante, on peut dire que l'analyse intrinsèque de la pièce
envisagée sous l'angle de la sonorité du vers n'a guère tenté les philologues. Nous
croyons donc utile d'y consacrer ce modeste article qui est, avec d'autres (4),
une illustration des repères théoriques et critères d'analyse mis au point, il
(1) Nous avons utilisé l'édition de Ph. E. Legrand (Paris, Belles Lettres) en prenant
la précaution de confronter le texte avec celui d'autres éditions critiques (A.S.F. Gow,
Oxford; L. Ahrens , Leipzig, Teubner).
(2) Nous visons notamment les allusions sous-jacentes aux w. 39 à 51, 91 à 95, 128-129.
(3) Voir, par exemple (mentionnés dans l'ordre chronologique): J.H. Kühn, Die Thaly-
sien Theokrits dans Hermes, 86, 1958, pp. 40-79. B.A. Van Groningen, Quelques
problèmes
Theocritus'
de la poésie
Coon bucolique
Pastorals.grecque
A Poetry
dansBook,
Mnemosyne,
Washington-Cambridge,
12, 1959, pp. 24-53.
1967.G. G.
Lawall,
GlAN-
GRANDE, Théocrite, Simichidas et les Thalysies dans ACl 39, 1970, pp. 491-533. G. Luck,
Zur Deutung von Theokrits Thalysien dans M H, 23, 1966 (paru en 1970), pp. 186-189. Ch.
Segal, Thematic Coherence and Levels of Style in Theocritus' Bucolic Idylls dans WS, N.F.
11, 1977, pp. 35-68. W.G. Arnott, The Mound of Brasilas in Theocritus' Seventh Idyll dans
QUCC, N.S. 3, 1979, pp. 99-105 (copieuse notice bibliographique en note 1). E.L. Brown,
The Lycidas of Theocritus 'Id. VII dans HSCPh, 85, 1981, pp. 59-100. S.T. Kelly, The
song
Theocritus'
of time:
seventh
Theocritus'
idyll, Philetas
seventh and
IdyllLongus
dans QUCC,
dans CIQ,
44, 35,
1983,
1985,
pp.pp.
103-115.
67-91. E.L.
N. Zagagi,
Bowie,
Self-recognition in Theocritus' seventh idyll dans Hermes, 112, 1984, pp. 427-438. T.E.V.
Pearce, The Function of the Locus Amoenus in Theocritus' Seventh Poem dans Rh M, 131,
1988, pp. 276-304. L. Plazenet, Théocrite: idylle 7 dans ACl 63, 1994, pp. 77-108.
«On peut grouper les types d'interprétation des Thalysies en deux catégories: celles qui
visent à élucider l'identité des personnages... et celles qui étudient le texte sous l'angle
symbolique» déclare I. Paar, dans une dissertation doctorale dont nous étions le promoteur:
Un aspect de la survie de Théocrite au XVIIIe siècle français : Michel-Paul-Gui de Chabanon...,
U.C.L., 1992, p. 142 (bref survol bibliographique, pp. 142-144).
(4) Cf. Les ressources phoniques de la première idylle de Théocrite dans ACl, 57, 1988,
pp. 158-175. La densité sonore de l'idylle 28 de Théocrite dans ACl, 59, 1990, pp. 181-192.
Théocrite, Thyrsis, vv. 7 à 26: sur les sonorités, dans LEC1, 63, 1995, pp. 67-70.
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w. 1-51.
(5) Dans À propos des hymnes H, IV et V de Callimaque: sur la sonorité du vers, Société
des études classiques, Namur, 1987, 97 pp. Nous nous y référons dans cet article sous le
sigle: Callimaque, Sonorité.
(6) Pour la bibliographie, voir Callimaque, Sonorité, p. 1, note 1, et les compléments
apportés dans ACl, 57, 1988, p. 158.
(7) Sur l'importance des clausules dans l'empreinte phonique du poème, cf. Callimaque,
Sonorité, p. 8.
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Nous avons noté des effets sonores fondés sur les consonnes : au premier
hémistiche du v. 20:
au ν. 26:
au ν. 44 (8) :
au ν. 45 :
(8) Sur le phénomène consistant à réunir deux sons consonantiques présents par ailleurs
séparément, cf. Callimaque, Sonorité, pp. 49-64.
(9) Cf. ibidem, pp. 69-78.
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Enfin notre attention a été attirée sur deux corrections apportées à tort,
selon nous, au témoignage des manuscrits. Au v. 5:
Au v. 7:
ευ ένερεισάμενος πέτρα γόνυ' ταί δε παρ' αυτόν,
c'est à l'autorité de Hermann que l'on doit l'éviction de la particule γ'
attestée par les manuscrits après ευ.
Outre que les leçons des manuscrits ne présentent aucune difficulté
d'interprétation, nous constatons que la correction apportée au v. 5 contrarie un
effet d'assonance nasale/dentale qui domine le premier hémistiche (n):
Quant à la suppression de γ', elle ruine un effet particulier que nous venons
d'évoquer: même enchâssement consonantique avec vocalisme différent:
ευ γ* ένερεισάμενος πέτρα γόνυ ...
γ εν γον
aux w. 52-54:
aux w. 64-66:
au ν. 67:
Aux w. 78-82:
ε ι αι ι αι ερ ον οισαι
ε ρον^ / Νει αι
Μοίσα'
οΰνεκά οί γλυκύ κατά στόματος χέε νέκταρ
νεκα νεκ α
Mais c'est surtout la dernière partie (w. 83-89) qui nous a frappé, par le
chiasme qui lui sert de cadre. Ainsi on lit aux w. 83-84:
W. 90-95.
Dans ces vers, qui forment transition avec le chant de Simichidas, on relève:
Mais le v. 90:
τοσ πν Ι ν π σ το
Avec le chant de Simichidas, nous entrons dans la partie du poème qui nous
paraît la plus dense en sonorités.
Les sept vers d'introduction (w. 96-102) sont marqués de répétitions
dominantes qui en assurent la trame phonique. Il y a tout d'abord quinze
occurrences en ος : ce fait nous aurait peu frappé s'il résultait seulement des exigences
de la morphologie nominale; en réalité, on trouve dans ce passage d'autres
applications, y compris par la liaison des mots (97. τόσσον, δσον. 99.
ύπό σπλάγχνοισιν. 102. οστέον). De plus, on enregistre ce son au même
endroit, la 2e syllabe, dans trois vers consécutifs (w. 99-101).
Il y a ensuite un tissu de correspondances reposant sur les jeux suivants:
la syllabe έρ (à 4 reprises: 96, 97, 102), l'ensemble έρα (έρςί et έρανται au
v. 97, avec aussi εΐαρος), à quoi fait écho, au v. 103, έρατόν; mais έρατόν
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(12) Intersection des schemes sonores dans les hymnes II et V de Callimaque dans LECl,
51, 1983, pp. 219-231.
THÉOCRITE, LES THALYSIES 47
αρο
* * ι
97. τόσσον έρφ Μύρτους, δσον είαρος αίγες δρανται.
ρατος
ρατον
έρατον^πέδονδστε'
(103) (τόν μοι, Πάν, 'Ομόλας λέλογχας.)
non
(13)
retenue,
Les manuscrits
ne peut que
divergent
renforcer
entrenotre
ώρατος
point
et de
"Αρατος.
vue. Notons que la leçon "Αρατος,
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Les vers suivants prolongent les assonances en ερ; outre έρατόν (ν. 103)
déjà mentionné, on note: 104. έρείσαις. 106. έρδοις.
Relevons aussi, pour les assonances en ος, le v. 105:
Aux w. 108-109, on remarquera, dans les deux cas avant le dernier dactyle,
cette correspondance sonore:
Au ν. 1 14, le dernier mot ορατός fait écho à έρατόν (ν. 103) et à "Αρατος
(ν. 102), tandis qu'au ν. 1 15 s'observent, en chiasme, les assonances suivantes:
_ j j j
Βάλλετε μοι τόξοισι τον ίμερόεντα Φιλΐνον
Βάλλετ'
— j έπεί*> τον ξεΐνον
— <j J _
ό δύσμορος ούκ έλεεΐ μευ
— \j j — — — ^
Μηκέτι τοι φρουρέωμες έπ! προθύροισιν, "Αρατε,
W. 128-157.
(14) Pour une étude plus large du phénomène, voir Callimaque. Sonorité, pp. 2-8.
(15) Cf. w. 133-134, l'odeur agréable du jonc frais et des pampres nouvellement coupés.
(16) Cf. w. 135-136: le frémissement des peupliers et des ormes; w. 136-137: le
murmure de l'eau qui ruisselle des rochers; w. 138-141: le bruit des cigales, des grenouilles
et de divers oiseaux.
(17) Cf. v. 136: le mouvement des arbres, la vibration des feuilles au-dessus de la tête
des «acteurs» qui sont couchés; v. 138: les branches ombreuses; v. 140: les fourrés épais;
v. 142: les abeilles qui voltigent.
(18) Cf. v. 132 et ss.: les lits profonds, confortables.
(19) Point de vue abordé notamment par I. Paar, op. cit., pp. 146 et ss.
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en 146, ce chiasme:
en 149-152:
κλ'
κρατήρ' Ήρακλήϊ γέρων έστάσατο
Χίρων;
\ ρων ρων
άρά γέ πα τήνον τον ποιμένα τον ποτ' 'Ανάπω
τον π τον π
\
τον κρατερον Πολύφαμον
πολ ος ώρεσι ναας δβαλλε
* *