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Nicole Belayche*
L’épigraphie religieuse païenne de la Lydie et de changeante employée par L. Robert pour une même
la Phrygie impériales offre des documents d’une inscription (« confession » ou « expiation ») 5, ou
richesse rare pour l’historien des religions. Depuis bien des propositions alternatives pour affiner
le début du XXe siècle 1, les savants ont identifié l’appellation (stèles d’expiation ou de propitiation
chez certains dédicants une expérience de la faute
– quand ce n’était pas du péché 2 –. Ces inscriptions,
remarquablement rassemblées par l’épigraphiste
allemand G. Petzl en 1994 3, sont connues sous le
∗ École Pratique des Hautes Études, Sciences religieuses,
nom de « stèles de confession / Beichtinschriften ».
Elles offrent des relations d’expériences de la divi- Paris.
Je dédie ces réflexions aux participants à mon séminaire de
nité différentes des dédicaces votives habituelles
l’EPHE (2003 & 2004) et adresse mes remerciements à G. Petzl
dans les paganismes grec ou romain. Après une pour nos discussions amicales et fructueuses lors des confé-
adresse au(x) dieu(x) en forme d’acclamation rences qu’il a données à Paris en tant que Professeur invité, cf.
(« Grand(e) est… »), les textes inscrits qui dévelop- Annuaire de l’EPHE, section des Sciences religieuses, 112, 2003-
pent le plus complètement l’expérience vécue peu- 2004, p. 245-247.
1 La première collection de ces inscriptions a été publiée par
vent se décomposer en quatre étapes : 1) l’exposé de
F. Steinleitner, Die Beicht im Zusammenhange mit der sakralen
la faute, la « confession » (oJmologevw), étape privi-
Rechtspflege in der Antike. Ein Betrag zur näheren Kenntnis klei-
légiée par l’historiographie ; 2) la punition subie nasiatisch-orientalischen Kulte der Kaiserzeit, Munich, 1913.
(kolazovmenoı), généralement sous la forme d’une 2 Cf. R. Pettazzoni, La confessione dei peccati, III, Bologne
pathologie physiologique ou mentale, quand ce n’est (Storia dei Religioni 12), 1935 ; plus récemment M. Ricl, La
pas la mort ; 3) la propitiation du (ou des) dieux conscience du péché dans les cultes anatoliens à l’époque romaine.
( iJlavskomai); et 4) l’écriture de la stèle qui pérennise La confession des fautes rituelles et éthiques dans les cultes méo-
le nouvel état d’adoration des fidèles (sthl<l>ografevw, niens et phrygiens, Belgrade, 1995 (en serbe, rés. français).
3 Petzl 1994 publiait 123 textes. À ce jour, plus de 150 sont
pratiquement toujours lié avec une eujlogiva).
publiés, les plus récemment dans P. Herrmann, H. Malay, New
Cette structure complète n’apparaît pas dans Documents from Lydia, Vienne (ETAM 24), 2007.
tous les textes et la caractérisation de l’expérience 4 D’où les précautions de Petzl 1994, p. IX-XI. Cf. aussi infra
racontée par les fidèles est en réalité plus obscure note 87.
qu’il n’y paraît 4. En témoignent la dénomination 5 L. Robert, Hellenica VI, Paris, 1948, p. 107-108, n° 43.
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Un texte d’époque néronienne récemment publié 8, megavlh qeovı, cf. Strabon XIII 1, 13 et les megavlai qeai ; Nemevseiı
dans lequel l’eulogie se déploie en forme d’arétalo- de Smyrne, IK Smyrna (G. Petzl), 641 & 650.
10 Cf. N. Belayche, Le malheur comme signe des dieux
gie, est venu heureusement confirmer cette lecture.
dans l’Anatolie impériale, in : S. Georgoudi, R. Koch-Piettre,
La stèle objective la qualité justicière du dieu / sa
F. Schmidt (éd.), Signes, rites, destin dans les sociétés de la
nevmesi" 9 – la punition étant un signe divin qui doit Méditerranée ancienne, Leyde (à paraître).
permettre d’identifier la faute 10 – et elle réalise son 11 Petzl 1994, 59, ll. 17-22 (cf. G. Petzl & H. Malay, A New
exaltation : « et le dieu s’irrita de cela, parce que Confession-Inscription from the Katakekaumene, GRBS 28,
Syntychè ne le révélait pas (oujk ejxefavnteuse) et 1987, p. 469-471) ; cf. aussi Petzl 1994, 57 (ll. 11-12) et 33 (ll. 3-7).
n’exaltait pas (oujde ; u{ywse) le dieu ». Alors, il lui 12 A.D. Nock, Essays on Religion and the Ancient World, I,
enjoint « de dresser la némesis [i.e. la stèle inscrite] Oxford, 1972, p. 427, note 77, rangeait ces inscriptions dans « the
aretalogy type in general » ; V. Longo, Aretalogie nel mondo
sur son lieu [le sanctuaire ou le territoire du dieu] » 11.
greco. I. Epigrafi e papiri, Gênes, 1969, en a d’ailleurs retenu cinq
Ces objets dévotionnels seraient donc plus juste- dans son corpus, n° 80-84. M. Ricl, CIG 4142 – A Forgotten
ment des stèles « d’ostension » ou « d’exaltation », Confession-inscription from North-West Phrygia, EA 29, 1997,
qui “représentent” (au deux sens de constituer et p. 42, a relevé l’importance de « the “educational motive” », mais
figurer), en mots et en images, autant d’arétalogies elle le relie à la procédure pénitentielle (« the confessional ritual »,
des dieux, comme A.D. Nock en avait déjà eu l’in- p. 43), alors qu’il reflète plutôt l’état transformé du fidèle.
13 CMRDM, I 63 (en 196-197). Elle n’est pas retenue dans
tuition 12. « À Artémis Anaitis et Men de Tiamos »,
Petzl 1994, car elle ne présente pas les étapes 1 et 2.
les dédicants marturou~nteı ta ı ; dunavmiı tw~n qew~n 14 Pour des stèles contemporaines, de même provenance
ajpevdwkan th n; eujchvn 13. géographique et en contexte social analogue, outre les corpus
L’examen des reliefs qui accompagnent la moitié régionaux habituels (Tituli Asiae Minoris V, Monumenta Asiae
des stèles inscrites dans le corpus de G. Petzl me Minoris Antiqua et IK), I. Diakonoff, Artemidi Anaeiti anestesen.
semble corroborer cette lecture. La cohabitation The Anaeitis-dedications in the Rijksmuseum van Oudheden at
entre texte et image est courante également sur les Leyden and related material from Eastern Lydia. A reconsidera-
tion, BABESCH 54, 1979, p. 139-155 (qui explore tout particuliè-
types traditionnels – c’est-à-dire votifs – de dédi- rement l’iconographie des dieux) ; Malay 1994 ; Id., Researches in
caces religieuses offertes en Anatolie occidentale 14. Lydia, Mysia and Aiolis, Denkschrift d. Österr. Akad. d. Wissensch.,
Les reliefs ne se résument pas à une “illustration” Phil.-Hist. Kl. 279 (ETAM 23), 1999 ; et Drew Bear et al. 1999.
des inscriptions, à la fois parce que le langage figu- 15 Cf. T. Hölscher, The Language of Images in Roman Art,
ratif a sa sémiotique propre 15 et parce que l’expé- Cambridge, 2004 [1987] ; Id., Autour de l’image, Metis 5 (1990).
rience religieuse rapportée étant multi-séquentielle, Sur l’interaction entre texte et image, J. Elsner (éd.), Art and Text
in Roman Culture, Cambridge, 1996, en part. p. 2 : « how art and
les reliefs opèrent des choix. Les reliefs peuvent être
text are intertwined – not merely different, but interdependent, not
classés en fonction du degré d’autonomie du texte just potentially celibate, but engaged in perpetual intercourse ». Sur
et de l’image dans leur combinaison. 1) L’image les problèmes de méthode posés par la sémantique des attributs,
n’évoque qu’un élément du texte, par exemple la C. Bérard, Modes de formation et modes de lecture des images
2
Du texte à l’image : les reliefs sur les stèles « de confession » d’Anatolie
lement la dernière. 4) Les deux langages exhortent of monuments in Augustan Rome, in : J. Elsner (éd.), op. cit.
conjointement les fidèles et se soutiennent dans l’ob- (note 15), p. 52.
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« …ayant été punie, j’ai avoué la faute et j’ai consa- A. Chaniotis, Illness and cures in the Greek propitiatory inscrip-
cré l’action de grâce (eujlogivan) [= la stèle] parce que tions and dedications of Lydia and Phrygia, in : Ph.J. van der
j’ai recouvré la santé » 22. Eijk, H.F.J. Horstmanshoff, P.H. Schrijvers (éd.), Ancient Mede-
cine in its Socio-Cultural Context, 2, Amsterdam-Atlanta, 1995,
La mise en espace de l’image sur la face inscrite p. 323-344.
et les cadrages respectifs du texte et de l’image sont 26 Par ex. Petzl, 1994, 37. Pour la question de l’origine juive
de bons indicateurs de la fonction sémantique ou perse de la diffusion de l’eulogia dans l’épigraphie païenne
dévolue à la figuration. Souvent isolé dans un cadre de l’Asie Mineure impériale, cf. H.W. Pleket, Religious History
as the History of Mentality : the “believer” as servant of the deity
(fig. 11) – qui n’est pas sans évoquer l’aspect d’une
in the Greek World, in : H.S. Versnel (éd.), Faith, Hope and
niche cultuelle lorsqu’il renferme une figuration du Worship. Aspects of Religious Mentality in the Ancient World,
dieu (fig. 7) –, le relief occupe toujours la partie Leyde, 1981, p. 184-189. Cf. l’invention de la prière pour
supérieure de la stèle, généralement surmontée W. Burkert, Creation of the Sacred. Tracks of Biology in Early
d’un fronton qui porte le symbole du dieu. C’était Religions, Cambridge (Mass.)-Londres, 1996, p. 91.
27 Petzl 1994, 67 : [en 118/9] « Il a plu à Mên Axiottenos
donc la partie la plus immédiatement visible si les
qu’Amyntas, qui avait souffert de la part de Mên de Tiamos et
stèles étaient fichées en terre. L’image vient même
de l’Anaïtis parce qu’il leur était soumis (?), élève une statue ».
parfois en relief au dessus du texte qu’il contraint à G. Manganaro, La dedica di un aphidrysma di Men Axittenos
épouser les contours de l’image (fig. 2) 23. Ou bien del 118 d.C., ZPE 61, 1985, p. 199-203, comprend : parce
elle envahit l’espace aux deux-tiers (fig. 8), relé- qu’Amyntas avait attelé au joug des animaux sacrés.
guant le texte à un statut de bulle dans une bande 28 Petzl 1994, 3, l. 1.
4
Du texte à l’image : les reliefs sur les stèles « de confession » d’Anatolie
p. 86-89.
34 Cf. les remarques lumineuses de J.-P. Vernant, Figura-
5
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6
Du texte à l’image : les reliefs sur les stèles « de confession » d’Anatolie
Cf. Chaniotis 1997, p. 366-367 et G. Petzl, op. cit. (note 32), p. 9-11.
La construction iconique retenue a pour finalité 42 Meis est qualifié de kritès alathètos (P. Herrmann, H. Malay,
d’exalter les puissances du dieu. Les deux registres op. cit. (note 3), n° 51) et Hosios kai Dikaios de kritès/juge (M. Ricl,
superposés, de taille inégale, affichent une dispro- art. cit. [note 32], n° 102). Tarsi était sur le territoire de Sattai ou
portion habituelle entre homme et dieu, dont l’effet Silandos, cf. Malay 1994, carte (The Main Provenances).
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Fig. 7 – Petzl 1994, 58, stèle d’Eudoxos. 45 F. Sokolowski, Lois sacrées de l’Asie Mineure, Paris
(TravMém IX), 1955, 79, ll. 2-3 ; cf. Chaniotis 1997, p. 372. Pour
les mains levées dans la gestuelle du serment, S. Knippschild,
Drum bietet zum Bunde die Hände. Rechtssymbolische Akte in
l’objet du délit, le manteau dont le produit de la zwischenstaatlichen Beziehungen im orientalischen und grie-
vente a dû grossir le trésor du temple 43. En dessous, chisch-römischen Altertum, Stuttgart (PAwB 5), 2002, p. 55-63.
clairement séparé du registre du dieu par un rebord 46 Cf. H.W. Pleket, art. cit. (note 26).
et représenté à échelle (presque deux fois) plus 47 Respectivement Petzl 1994, 61 et Malay 1994, 556 &
8
Du texte à l’image : les reliefs sur les stèles « de confession » d’Anatolie
parjure est un « délieur des serments (oJ luvwn 51 Petzl 1994, 52.
o{rkouı, ll. 10-11) », appelé six lignes plus bas « le 52 Le texte de Polliôn représenté tenant le sceptre ne le men-
délieur du sceptre (oJ luvwn skh~pptron [sic]) ». Sur tionne pas (fig. 2). Pour le dieu Mên tenant le sceptre, Petzl 1994,
une stèle de Philadelphie, le dédicant, délivré de 3, 51, 52 & 61 et CMRDM I, pl. IV n° 6 & 90.
53 Petzl 1994, 4 : « Au dieu Tarsios indéliable. Alors que
son parjure (e[loisa ejx ejpiorkosuvnhı), a fait repré-
Severus avait empêché de couper les branches permettant de
senter un Mên tenant le sceptre 51. confectionner la couronne, le dieu a enquêté sur la faute. Ses
Parmi les textes « de confession » publiés jusqu’à filles qu’il a élevées, Asiatikè et Ioulianè, ont érigé [s.-e. cette
présent, aucun de ceux qui mentionnent explicite- stèle] en rendant grâce ». Le relief représente deux personnages
ment la procédure par le sceptre n’est accompagné masculins de part et d’autre d’un arbre, celui de gauche s’apprê-
d’un relief où celui-ci est tenu par un homme 52. La tant à couper l’arbre avec une hache. Cf. aussi Petzl 1994, 24
pour une consécration à caractère expiatoire pour une faute
phraséologie des inscriptions permet, néanmoins,
commise par le père ou l’oncle des dédicants. Pour des vœux
d’en restituer plusieurs fois la présence activée. prononcés par les parents et acquittés par les enfants, cf.
Ainsi, une dédicace est-elle dédiée « Au dieu Tarsios F.T. van Straten, Gifts for the Gods, in : H.S. Versnel (éd.), Faith,
a[lutoı (indéliable) » par les deux filles de Severus Hope and Worship. Aspects of Religious Mentality in the Ancient
qui avait refusé de couper les branches de son arbre World, Leyde, 1981, p. 70.
54 J. Strubbe, ARAI EPITUMBIOI. Imprecations against
pour confectionner une couronne 53. Dans une im-
Desecrators of the Grave in the Greek Epitaphs of Asia Minor. A
précation funéraire, les a[luta skh~ptra (sceptres
Catalogue, IK 52 (1997), 67 (datée de 234/5) ; cf. Id., Cursed be
indéliables) sont appelés pour protéger une tombe he that moves my bones, in : C.A. Faraone, D. Obbink (éd.),
à Tabala en Lydie 54. Il est probable que la procé- Magika Hiera. Ancient Greek Magic and Religion, Oxford, 1991,
dure par le sceptre est la toile de fond implicite p. 44 - 45 et notes p. 57-58.
de beaucoup de ces textes 55. D’ailleurs, la lecture 55 Cf. Chaniotis 1997, p. 366-369.
cadre rituellement juratoire pour les paroles accu- Animal Sacrifice in Archaic and Classical Greece, Leyde (RGRW
127), 1995, fig. 76 (Athènes) & 89 (Délos) et British Museum
satrices ou de défense qui sont alors prononcées.
Coinage, II 424 (ludi saeculares de Domitien en 88). Cf. aussi les
Deux stèles qui montrent iconographiquement le enfants de Persée suppliant dans le cortège triomphal (Plutarque,
sceptre en action intensifient dans le même mouve- Paul Émile, 33, 6) ; Sénèque, Lettres, IV 41, 1 (ad caelum elevan-
ment l’étape finale d’exaltation de la divinité par dae manus) ; et Apulée, De mundo 33 [363]. Le geste est transcul-
l’eulogie. Les dévots, toujours en position frontale turel, cf. Exode, 9, 29 & 33 ; Apulée, Métamorphoses, XI 13 ; à
et statique, s’y font représenter en orants, main Palmyre, les pyrées du dieu anonyme figurant les dédicants les
deux mains levées (D.R. Hillers, E. Cussini, Palmyrene Aramaic
droite levée 57. Le geste est banal pour figurer la
Texts, Baltimore-Londres, 1996, 997). Philon de Byblos (ap.
prière sur les reliefs grecs dès l’époque classique et Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique, I 10, 7 = Baumgarten
les supplicationes des rituels publics romains 58. [807], p. 13, l. 23), en applique la pratique aux temps mythiques :
Certains dédicants inscrivent dans la prière leur « Ils tendirent les mains vers le ciel en s’adressant au soleil ».
geste imploratoire : [ JO]sivw/ te Dikaivw/ cei~raı Cf. plus généralement W. Burkert, op. cit. (note 26), p. 85-88
(« Rituals of submission »).
ajeiv[rw]59. Il prend valeur imprécatoire sur les dédi-
59 J. Strubbe, op. cit. (note 54), 19 = M. Ricl, art. cit. (note 32),
caces votives lydiennes et phrygiennes, dont les
103.
mains supines renchérissent sur les appels à la jus- 60 Sammelbuch griechischen Urkunden aus Ägypten I, 1323
tice divine contenus dans les textes gravés, comme (Alexandrie, IIe s.) : « Arsinoè, morte prématurément, implore
F. Cumont l’a depuis longtemps établi 60. mains levées (ai[rei .. . ta ;ı cei~raı) le dieu hypsistos qui voit
toutes choses, Hélios et les Néméseis » ; cf. F. Cumont, Il sole
vindice dei delitti ed il simbolo delle mani alzate, Atti della Pont.
Accad. Rom. di Arch., Ser III, Mem. I 1, 1923, p. 65-80 ; Id., Nuovi
epitaffi col simbolo della preghiera al dio vindice, Atti della Pont.
p. 71 : « damit (?) er eine Stele aufstellt »] ; le délieur du sceptre Accad. Rom. di Arch., Ser III, Rend. V, 1926-1927, p. 69-78 ; Id.,
déposera dans le sanctuaire 175 deniers et le sceptre sera délié Invocation au Soleil accompagnée des “mains supines”, Syria 14,
justement […] ». 1933, p. 385-395.
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pas apporté crédit (hjpeivqousan), ils (les dieux) ont Notions fondamentales de la pensée religieuse dans la Grèce clas-
puni… » 65. sique 2, Paris, 1992 (p. 12 pour pistis).
67 Cf. Robert 1983, p. 520 : « contre son côté gauche et son
Une autre stèle fustige l’ajpistiva – la mécréance – bras pendant, le sceptre du dieu dont il dispose ».
dans les puissances du dieu manifestée par une vio- 68 Robert 1983, p. 522.
10
Du texte à l’image : les reliefs sur les stèles « de confession » d’Anatolie
dans un songe, après avoir reçu beaucoup de châti- base »). Petzl 1994, p. 19, n’identifie pas un socle, mais l’ourlet
ments, d’élever une stèle et j’y ai inscrit les puissances inférieur du manteau. La comparaison avec les autres manteaux
du dieu. En action de grâce, j’ai fait écrire sur la stèle représentés de façon stéréotypée (cf. le dédicant de ce relief, ou
[+ date] » 69. TAM V 1 (1981), pl. 17 n° 292 & pl. 19 n° 479, ou Malay 1994,
65 & pl. 12 fig. 29, ou Malay 1999 [cité note 15] fig. 144 n° 139,
Le relief (fig. 9) montre à droite Athènaios fai- ou bien CMRDM I, 19 & 20) m’empêche de me rallier à cette
lecture.
sant le geste de l’adoration, main droite levée. Le 72 Voir par ex. Petzl 1994, 70 (photo p. 91) ou Drew Bear
personnage de gauche, main droite tendue tenant
et al. 1999, 529. Cf. F.T. Van Straten, art. cit. (note 53), p. 138-
une couronne, est certainement un prêtre cura- 139 pour les inscriptions de Lydie et Phrygie.
teur/épimélète du sceptre, dont le bras gauche est 73 Cf. S. Mitchell, Anatolia I, Oxford, 1993, p. 192 (« while
pendant en support, à la manière d’un relief de he makes the confession ») et R. Gordon, art. cit. (note 6), p. 184
Kula où Zeus Masphalatenos, kyrios et tyrannos, (« the ritual of the confession itself »).
74 Les offrandes sont attestées plusieurs fois (par ex. Petzl
soutient le sceptre contre son côté gauche 70. Le
1994, 5) ; cf. aussi le iJeropoivhma (Petzl 1994, 74) ; il existait même
sceptre, symbole des dieux et de leur puissance, ne
une tarification (Petzl 1994, 58).
repose pas sur le socle, qui est bien visible 71. Une 75 Cf. Drew Bear et al. 1999.
telle figuration l’aurait qualifié comme objet cul- 76 Cf. M. Ricl, art. cit. (note 43), p. 69. Sur le rôle des prêtres
tuel, à la manière des bas-reliefs de jambes sur agissant comme un éventuel tribunal divin, cf. Chaniotis 1997,
socle qui entendent exprimer la qualité d’ex-voto p. 372-377, développé dans Id., art. cit. (note 43).
des objets représentés 72. Figurer le sceptre détaché 77 TAM V 1, 167a : Eij dev ti" prosamav r th/ tai~ ı sthv l lai",
de son socle – comme en lévitation – sous la super- e[stai tw~n dw ;deka skhvptrwn hjkoukwv" .
78 Cf. par ex. TAM V 1, 160 : Kai ; ejphravsanto mhv ti" aujtou~
vision du prêtre, pourrait donc se lire comme l’ex-
tw/~ mnhmeivw/ prosamavrth/ dia ; to ; ejpestavsqai skh~ptra ou
pression plastique de l’érection du sceptre, de son
J. Strubbe, op. cit. (note 54), 55 : « Si quelqu’un a détruit ou dété-
activation. Lorsque le dévot est ainsi représenté riore cela (i.e. ce tombeau), tw~n qew~n kecolwmevnwn tuvcoito (qu’il
aux côtés d’un prêtre, et au moment de l’offrande encoure la colère des dieux) ; peri ; touvtou skh~ptron ejphravsato
comme Claudia Bassa (fig. 8), on peut imaginer (à cette fin, le sceptre a établi une imprécation) ».
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sé le sceptre contre ceux qui se sont mal conduits à and Economy of Rural Sanctuaries in Roman Lydia and Phrygia,
leur [les orphelins] égard » (ll. 11-14) 80. EA 35, 2003, p. 77-101.
82 Je remercie V. Huet pour cette indication. Cf. TAM V 1
Ici aussi, le contexte collectif signale une inter- (1981), 247 et R. Turcan, Liturgies de l’initiation bacchique à
vention dans laquelle l’absence d’un encadrement l’époque romaine (LIBER), Paris (Mém. AIBL 27), 2003, p. 137.
sacerdotal surprendrait, compte tenu du rôle sou- 83 Robert 1983, p. 522.
verain des dieux sur les collectivités 81. Le relief qui 84 Petzl 1994, 73 & 74.
85 Une inscription éditée par H. Malay, op. cit. (note 14), 111,
surmonte le texte (fig. 10, il n’en reste qu’un dessin)
prévoit que l’offrande expiatoire (ta ; luvtra) sera répartie entre
présente une scène d’offrande avec eulogie, selon
les dieux, le village et les prêtres.
une graphique banale. À droite d’un personnage 86 Petzl 1994, 97. À la suite de P. Herrmann, Petzl 1994, p. 115,
de petite taille main droite levée, un homme offre s’interroge sur la pertinence de son appartenance au groupe
de la main droite des objets ronds sur un autel, « Beichtinschriften ». Cette réserve me semble plutôt encourager
un geste qui figure généralement celui d’égrener à la réappréciation du concept.
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Du texte à l’image : les reliefs sur les stèles « de confession » d’Anatolie
La stèle d’Aurèlios Trophimos peut servir de saı to ;n qeovn, qui évoque une consultation des
résumé conclusif à ce propos (fig. 11) 86. Le dédi- dieux en cas de malheur, attestée à plusieurs re-
cant, représenté en eulogie, main droite levée, prises.
déclare :
Trophimè « interrogea la Mère Tarsènè, Apollon
« ayant interrogé la divinité [probablement parce Tarsios et Mên d’Artémidoros Axiottènos Seigneur de
qu’il souffrait de quelque mal], j’ai érigé la stèle à la Koresa et il [Mên ou Apollon ?, dont le croissant de
Mère des dieux en rendant grâce à ses puissances ». lune et la bipenne sont représentés au sommet de la
stèle] m’ordonna d’inscrire sur une stèle leur puis-
Les deux premières étapes (confession et puni- sance justicière/nevmesin et de m’inscrire moi-même
tion) ne sont guère discernables derrière le ejrwthv- pour le service des dieux » 87.
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Bibliographie
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