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Publié comme "Les origines de l'école éléates : Xénophane de Colophon" (traduction brièvement

commentée des fragments, le grec n'a pas été imprimé), in Maîtrise du monde ou maîtrise de soi, De
l'actualité de la sagesse gréco-romaine dans un monde déboussolé (Actes du colloque de Brest, 28 & 29 mai
2009), éds Y. Moraud & P. Nédélec, Abbaye de Daoulas, 2009

Xénophane de Colophon

Les colonies grecques antiques ont accueilli ou donné naissance à nombre d'artistes talentueux

dès l'époque la plus haute : qu'il fût de Chios ou de Smyrne, Homère (VIIIème siècle avant notre

ère) était un micrasiate. Si Hésiode (VIII/VIIème siècles avant note ère) est né à Ascra en Béotie,

son père venait de Kymé, en Eolie d'Asie. En Occident, Stésichore (VII/VIème siècle avant notre

ère), le poète lyrique, serait né à Métauros en Grande Grèce1, puis aurait vécu à Himère, en Sicile,

d'où il a reçu son toponyme. A l'opposé, Ibycos (VIème avant notre ère), autre poète lyrique, est né

à Rhegion en Grande Grèce, puis a émigré vers l'Est, à Samos auprès du tyran Polycrate,

cependant que Pythagore (VI/Vème siècles avant notre ère), l'inspiré, fuyait Samos où il était né

pour tenter de s'installer à Crotone en Grande Grèce. C'est que les colonies grecques, colonies de

peuplement, s'éparpillaient sur tout le pourtour de la Méditerranée et du Pont Euxin.

Xénophane, lui, naît en Asie Mineure, à Colophon, au cœur de l'Ionie. Il s'en enfuit, vers l'âge

1
Le nom de Grande Grèce (Mégalé Hellas) apparaît pour la première fois, au deuxième siècle avant

notre ère, dans les Histoires II 39, 1, 2 de Polybe, Arcadien de Mégalopolis (c. -200/c. -118). Il ne désigne

alors que la partie méridionale de la péninsule italienne. Un siècle plus tard, Strabon (originaire d'Amasie,

sur le Pont Euxin, ca.-64/ca.+19), dans sa Géographie VI 1, 2, 18, puis Appien (IIème siècle de notre ère), dans

les Semitica 7, 1-2 de son Histoire romaine, englobe la Sicile dans la Grande Grèce. L'expression a fait l'objet

d'une plaisanterie étiologique dans les Fastes IV 64 d'Ovide : Itala nam tellus Graecia major erat "car la Grèce

était une terre plus grande que l'italienne". Mais, en prose latine, il faut attendre l'Histoire naturelle III 42, 5

et 95, 2 de Pline l'Ancien (+23/+79) pour trouver l'expression, appliquée à la seule Italie méridionale. H.

Tréziny me signale l'article de G. Maddoli, "Megale Hellas : Genesi di un concetto e realtà storico

politiche", atti del 21° convegno di studi sulla Magna Grecia, Megale Hellas, Nome e imagine, Taranto, 1981.

1
de 25 ans, en -546/-545, lorsque le roi de Perse, Cyrus, conquiert l'Asie Mineure. Il erre de ci de là

en Méditerranée avant de s'installer à Zancle, puis à Catane, en Sicile, selon Diogène Laerce (IIème

siècle de notre ère), Vies et doctrines des philosophes illustres IX, 18). Il n'est même pas certain qu'il

ait mis les pieds à Elée en Lucanie2. Il n'est pas toujours rangé parmi les philosophes3, non pas

parce qu'il compose des vers (hexamètres, distiques élégiaques, iambes), que parce que ses

fragments n'ont ni la complexité formelle ni la puissante abstraction de ceux d'un Parménide ou

d'un Empédocle. Cela n'a pas empêché Diogène Laerce de donner de ses pensées un résumé (une

doxographie) squelettique et décevante (Vies et doctrines des philosophes illustres IX, 19-20)4. Si le le

sceptique Timon de Phlionthe (c. -320/c. -230) fait son éloge : "Xénophane sans guère de

présomption, éreinteur des tromperies d'Homère, lui qui a modelé le dieu séparé des hommes, en

tout égal, <...> intact, plus intelligent que l'intelligence"5, Héraclite le vilipende :"Le savoir

2
H. Diels, Die Fragmente der Vorsokratiker, Berlin, 19031, 19516 (sixième édition revue et augmentée par

W. Kranz), 21A1, volume I p. 113, suspectant une lacune dans les manuscrits de Diogène Laerce (Vitae

Philosophorum, ed. M. Marcovich, Stuttgart et Leipzig, 1999, traduction française, Vies et doctrines des

philosophes illustres, éd. M.-O Goulet-Gazé, J. Brunschwig et alii, Paris, Pochothèque, 1999), a ajouté Élée à la

liste des séjours de Xénophane.


3
J.-P Dumont, qui l'inclut dans Les Présocratiques, Paris, Pléiade, 1988, p. 91-126 (traduction française

des Vorsokratiker), ne le retient pas dans l'abrégé qu'il a, trois ans plus tard, procuré dans la collection

Folio : Les écoles présocratiques, Paris, 1991.


4
Le bon abbé Pluquet, Mémoire pour servir à l'histoire des égarements de l'esprit humain par rapport à la

religion chrétienne ou Dictionnaire des Hérésies, des erreurs et des schismes ; précédé d'un discours dans lequel on

cherche quelle a été la Religion primitive des hommes ; les changements qu'elle a soufferts jusqu'à la naissance du

christianisme, les causes générales, les liaisons et les effets des hérésies qui ont divisé les Chrétiens, Paris, 1762, p. 71,

a jadis résumé la doxographie de Xénophane : "Xénophane plus frappé de l'idée de l'infini que tous les

philosophes admettoient, que des phénomènes, ne supposa point dans le monde autre chose que l'infini,

qui par cela même qu'il étoit infini, étoit immobile: d'où il concluoit que les phénomènes n'étoient que des

perceptions de l'esprit."
5
Sextus Empiricus, Hypotypose Pyrrhonienne I 224 et Diogène Laerce, Vies et doctrines des philosophes

2
nombreux n'enseigne pas l'intelligence ; car il l'aurait enseignée à Hésiode et à Pythagore, et

encore à Xénophane comme à Hécatée"6. Ce n'est pas un poète de la diégèse ou du raisonnement,

mais de l'ekphrasis : il ne conte ni n'explique rationnellement ; il donne à voir, construit des

tableautins, enchaîne des apophtegmes qu'il faut déchiffrer.

A lire les fragments pour eux mêmes, on découvre un souci de bienséance, voire de decorum

(21B1 et 3), de la juste évaluation sociale des qualités humaines (22B2 et 6), la dénonciation de la

mollesse et du luxe clinquant (22B3), quelques railleries décochées contre les pratiques et les

croyances ordinaires des hommes (22B 7, 9, peut-être 10, 11, 12, 14, 15, 16, 18 et 21), une ombre

fugace de désenchantement (22B8 et 22), le sentiment d'une complexité infinie du monde, associé

à l'intuition d'une cohérence, en fin de compte inaccessible (22B27, 28, 29, 30, 31, 32 et 33), la

conviction d'une toute puissance divine, unique, omnisciente, omniprésente, incommensurable à

l'homme (22B23, 24, 25 et 26), l'idée finalement qu'il ne reste à l'homme que la possibilité et

l'obligation d'élaborer pour lui-même un savoir phénomélogique, relatif, approximatif,

insuffisant et incertain.

Parmi les savants, chacun se construit son propre Xénophane : l'auteur aristotélisant du

Mélissos, Xénophane et Gorgias7, en fait un théologien, comme W. Jaeger, au XXème siècle (The

Theology of the Early Greek Philosophers, Oxford, 1947, traduction française, A la naissance de la

théologie, Paris, 1966). E. Diehl l'associe à Tyrtée, Mimnerne, Solon et quelques autres, comme

illustres IX 18 ; Supplementum Hellenisticum, ed. H. Lloyd-Jones et P. Parsons, Berlin, 1983, fgt 834 et Poetarum

Philosophorum Graecorum 9B60, ed. H. Diels, Berlin, 1901 :

̔
Ξεινοφάνης ὑπάτυφος, Ομηραπάτης ἐπικόπτης

ὃς τὸν ἀπ' ἀνθρώπων θεὸν ἐπλάσατ' ἶσον ἁπάντῃ,

†... ἀσκηθῆ νοερώτερον ἠὲ νόημα.


6
Diogène Laerce, Vies et doctrines des philosophes illustres IX 1, 22B40DK, traduction J. Bollack-H.

̔
Wismann, Héraclite ou la séparation, Paris, 1972 : πολυμαθίη νόον ἔχειν οὐ διδάσκει· Ησίοδον γὰρ ἂν ἐδίδαξε

καὶ Πυθαγόρην αὖτίς τε Ξενοφάνεά τε καὶ Εκαταῖον.


7
B. Cassin, Si Parménide, Lille, 1980, a édité, traduit et commenté le Mélissos, Xénophane et Gorgias

(indûment intitulé dans les manuscrits grecs Περὶ Ξενοφάνους, Περὶ Ζήνωνος, περὶ Γοργίου)

3
poète élégiaque et omet les fragments qui ne lui paraissent pas assez poétiques (Anthologia Lyrica

graeca, Leizig, 1923, I p. 53-63 19493, I p. 63-74). M.L. West (Iambi et Elegi Graeci ante Alexandrum

Cantati, Oxford, 1971, 19882, p. 184-191), B. Gentili et C. Prato (Poetae elegiaci Testimonia et

Fragmenta, Leipzig, 1979, 19882, p. 166-183) et D.E. Gerber (Greek Elegiac Poetry, From the Seventh to

the Fifth Centuries B.C., Cambridge Mass.-London, 1999, p. 408-425)8 font de même. H. Diels le traite

comme un poète philosophe et retient tous les témoignages qu'il peut récolter à son sujet

(Poetarum Philosophorum Fragmenta, Berlin, 1901, 3, p. 20-47 ; Die Fragmente der Vorsokratiker, Berlin,

1903, 19546, édition revue et augmentée, par W. Kranz, 21, I p. 113-139).

Plutôt que de longues paraphrases, mieux vaut lire le texte même, avec ses énigmes, ses

difficultés, ses surprises :

[21B1DK] Athénée, Deipnosophistes XI 462C

νῦν γὰρ δὴ ζάπεδον καθαρὸν καὶ χεῖρες ἁπάντων

καὶ κύλικες· πλεκτοὺς δ᾿ ἀμφιτιθεῖ στεφάνους,

ἄλλος δ᾿ εὐῶδες μύρον ἐν φιάληι παρατείνει·

κρητὴρ δ᾿ ἕστηκεν μεστὸς ἐυφροσύνης·

ἄλλος δ᾿ οἶνος ἑτοῖμος, ὃς οὔποτέ φησι προδώσειν, (5)

μείλιχος ἐν κεράμοις, ἄνθεος ὀζόμενος·

ἐν δὲ μέσοις ἁγνὴν ὀδμὴν λιβανωτὸς ἵησιν,

ψυχρὸν δ᾿ ἐστὶν ὕδωρ καὶ γλυκὺ καὶ καθαρόν·

παρκέαται δ᾿ ἄρτοι ξανθοὶ γεραρή τε τράπεζα

τυροῦ καὶ μέλιτος πίονος ἀχθομένη· (10)

βωμὸς δ᾿ ἄνθεσιν ἂν τὸ μέσον πάντηι πεπύκασται,

μολπὴ δ᾿ ἀμφὶς ἔχει δώματα καὶ θαλίη.

8
F. Bossi, Studi sull Margite, Quaderni del Giornale filologico ferrarese 6, Ferrara, 1986 (cité par D.E.

Gerber, A Companion to Greek Lyric Poets, Leiden, Brill, 1997, "Xenophanes", p. 131), voudrait attribuer à

Xénophane le Margitès, épopée parodique du bon à rien, traditionnellement attribuée à Homère.

4
χρὴ δὲ πρῶτον μὲν θεὸν ὑμνεῖν εὔφρονας ἄνδρας

εὐφήμοις μύθοις καὶ καθαροῖσι λόγοις,

σπείσαντάς τε καὶ εὐξαμένους τὰ δίκαια δύνασθαι (15)

πρήσσειν· ταῦτα γὰρ ὦν ἐστι προχειρότερον,

οὐχ ὕβρεις· πίνειν δ᾿ ὁπόσον κεν ἔχων ἀφίκοιο

οἴκαδ᾿ ἄνευ προπόλου μὴ πάνυ γηραλέος.

ἀνδρῶν δ᾿ αἰνεῖν τοῦτον ὃς ἐσθλὰ πιὼν ἀναφαίνει,

ὡς ἡ μνημοσύνη καὶ τόνος ἀμφ᾿ ἀρετῆς, (20)

οὔ τι μάχας διέπειν Τιτήνων οὐδὲ Γιγάντων

οὐδὲ < > Κενταύρων, πλάσμα<τα> τῶν προτέρων,

ἢ στάσιας σφεδανάς· τοῖς οὐδὲν χρηστὸν ἔνεστιν·

θεῶν <δὲ> προμηθείην αἰὲν ἔχειν ἀγαθήν.

Maintenant le sol est propre, les mains de tous

et les coupes aussi ; l'un pose de part et d'autre des couronnes tressées,

un autre présente de la myrrhe parfumée dans une phiale ;

le cratère est dressé, plein d'enjouement;

un autre vin est prêt, qui promet de ne jamais trahir,

délicieux dans les vases, sentant la fleur ;

et, au milieu, l'encens projette une odeur sainte ;

l'eau est fraîche, suave et pure…

à côté sont posés les pains blonds ; une table somptueuse

est chargée de fromage et de miel gras ;

un autel, au centre, est tout couvert d'une masse de fleurs.

Un chant emplit la demeure, la fête aussi.

Il faut d'abord que les hommes enjoués chantent un hymne au dieu,

avec de bonnes paroles et des propos purs,

versant une libation et demandant dans leur prière de pouvoir accomplir

5
la justice ; car cela est à notre portée,

et non pas les outrages ; bois autant que tu puisses rentrer

à la maison sans serviteur, si tu n'es pas trop vieux.

Loue l'homme qui, buvant, révèle de bonnes qualités :

qu'il se souvient de la vertu et s'y efforce ;9

ne raconte pas les combats des Titans, des Géants

ou des Centaures, ces fictions de nos devanciers,

ou les dissensions véhémentes ; il n'y a là rien de bon ;

mais aie toujours envers les dieux une bonne prévenance.

Le polygraphe Athénée de Naucratis (début du IIIème siècle de notre ère) introduit Xénophane

dans le contexte d'une conversation sur les vases à boire. Le convive Plutarque s'extasie sur les

délices du symposion auquel il est en train de participer et cite Xénophane. Athénée poursuit par

une citation analogue d'Anacréon de Téos (milieu du VIème siècle avant notre ère). C'est que pour

le bon banqueteur, les lieux, l'espace, les mœurs, les règles du Banquet doivent être bien fixés et

respectés. Même les récits ne doivent pas transgresser la bienséance, tant sont exclues toutes les

violences et inconvenances.

[21B2DK] Athénée, Deipnosophistes (Dîner des savants) X 413F

ἀλλ᾿ εἰ μὲν ταχυτῆτι ποδῶν νίκην τις ἄροιτο

ἢ πενταθλεύων, ἔνθα Διὸς τέμενος

πὰρ Πίσαο ῥοῆις ἐν Ὀλυμπίηι, εἴτε παλαίων

ἢ καὶ πυκτοσύνην ἀλγινόεσσαν ἔχων

εἴτε τὸ δεινὸν ἄεθλον ὃ παγκράτιον καλέουσιν, (5)

ἀστοῖσίν κ᾿ εἴη κυδρότερος προσορᾶν,

καί κε προεδρίην φανερὴν ἐν ἀγῶσιν ἄροιτο,

καί κεν σῖτ᾿ εἴη δημοσίων κτεάνων

9
La lettre du vers est problématique, les manuscrits incertains.

6
ἐκ πόλεως, καὶ δῶρον ὅ οἱ κειμήλιον εἴη

εἴτε καὶ ἵπποισιν· ταῦτά κε πάντα λάχοι, (10)

οὐκ ἐὼν ἄξιος ὥσπερ ἐγώ· ῥώμης γὰρ ἀμείνων

ἀνδρῶν ἠδ᾿ ἵππων ἡμετέρη σοφίη.

ἀλλ᾿ εἰκῆι μάλα τοῦτο νομίζεται, οὐδὲ δίκαιον

προκρίνειν ῥώμην τῆς ἀγαθῆς σοφίης·

οὔτε γὰρ εἰ πύκτης ἀγαθὸς λαοῖσι μετείη (15)

οὔτ᾿ εἰ πενταθλεῖν οὔτε παλαισμοσύνην,

οὐδὲ μὲν εἰ ταχυτῆτι ποδῶν, τόπερ ἐστὶ πρότιμον,

ῥώμης ὅσσ᾿ ἀνδρῶν ἔργ᾿ ἐν ἀγῶνι πέλει,

τούνεκεν ἂν δὴ μᾶλλον ἐν εὐνομίηι πόλις εἴη·

σμικρὸν δ᾿ ἄν τι πόλει χάρμα γένοιτ᾿ ἐπὶ τῶι, (20)

εἴ τις ἀεθλεύων νικῶι Πίσαο παρ᾿ ὄχθας·

οὐ γὰρ πιαίνει ταῦτα μυχοὺς πόλεως.

Mais si, par la rapidité de ses pieds, quelqu'un remportait la victoire

ou en concourant au pentathlon, là où est l'enclos de Zeus,

près des eaux de Pisa, à Olympie, ou en luttant

ou parce qu'il maîtrise le pugilat douloureux

ou l'épreuve redoutable que l'on appelle le pancrace,

il serait auréolé aux yeux de ses concitoyens,

il remporterait une proédrie bien en vue dans les compétitions,

il aurait des nourritures prélevées sur les biens publics

de la part de la cité et un don qui lui serait un trésor,

et même s'il gagnait grâce à ses chevaux ; il obtiendrait tout cela,

alors qu'il ne vaut pas ce que je vaux ; plus que la force

des hommes et des chevaux vaut notre savoir.

Mais cela n'est considéré qu'à l'aventure et il n'est pas juste

7
de préférer la force au bon savoir.

Non ! ce n'est pas s'il y dans le peuple un bon pugiliste,

quelqu'un de bon au pentathlon ou à la lutte,

ni même pour la rapidité de ses pieds, ce qui est le plus prisé

— toutes œuvres de force qui sont en compétition entre les hommes —,

ce n'est pas pour cela que la cité en serait mieux légiférée ;

petite serait la joie pour une cité à ce prix-ci :

qu'un athlète remporte la victoire aux rives de Pisa ;

car cela n'engraisse pas les resserres de la cité.

Dans un contexte de dénonciation de la gloutonnerie, notamment celle des athlètes, au

demeurant inutiles et vains, Athénée cite d'abord une tirade de l'Autolycos d'Euripide vilipendant

les athlètes et, enchaînant les citations, poursuit par la diatribe de Xénophane, considérant le

second comme l'inspirateur du premier. On lit dans le texte la première attestation de

l'opposition entre les qualités physiques : la force (rhômé) et la rapidité (tachos) d'une part,

l'ingéniosité mentale (sophia) de l'autre.

[21B3DK] Athénée, Deipnosophistes (Dîner des savants) XII 526A

ἁβροσύνας δὲ μαθόντες ἀνωφελέας παρὰ Λυδῶν,

ὄφρα τυραννίης ἦσαν ἄνευ στυγερῆς,

ἤιεσαν εἰς ἀγορὴν παναλουργέα φάρε᾿ ἔχοντες,

οὐ μείους ὥσπερ χείλιοι ὡς ἐπίπαν,

αὐχαλέοι, χαίτηισιν †ἀγάλμενοι10 εὐπρεπέεσσιν,

ἀσκητοῖς ὀδμὴν χρίμασι δευόμενοι.

Ayant appris les délicatesses inutiles auprès des Lydiens,

tant qu'ils11 étaient exempts de la tyrannie abominable,

10
Correction de Wilamowitz pour l'incompréhensible, dans le contexte ἀγαλλομεν (sic).
11
Les Colophoniens.

8
ils allaient sur la place publique portant des tissus tout de pourpre,

ils étaient pas moins de mille en tout,

dressant le cou, se rengorgeant de crinières remarquables,

imprégnés de l'odeur d'ornements apprêtés.

Le fragment s'inscrit dans une discussion sur le plaisir et le luxe. Faut-il les encourager ou les

dénoncer ? Les Sybarites et les Samiens en ont produit des exemples extrêmes. mais, selon

Xénophane, ses compatriotes de Colophon aussi. Ils n'en sont que plus aisément tombés sous le

joug des Perses.

[21B4DK] Pollux, Onomasticon (Vocabulaire) IX 83

τάχα δ᾿ ἄν τις φιλότιμον εἶναι νομίζοι καὶ τὸν ἐπὶ τῷ νομίσματι λόγον ἐπιζητεῖν, εἴτε Φείδων

πρῶτος ὁ Ἀργεῖος ἔκοψε νόμισμα, εἴτε Δημοδίκη ἡ Κυμαία συνοικήσασα Μίδᾳ τῷ Φρυγι´(παῖς δ᾿ ἦν

Ἀγαμέμνονος Κυμαίων βασιλέως) εἴτε Ἀθηναίοις Ἐριχθόνιος καὶ Λύκος, εἴτε Λυδοί, καθά φησι

Ξενοφάνης, εἴτε Νάξιοι κατὰ τὴν Ἀγλωσθένους δόξαν.

Peut-être pourrait-on penser qu'il est ambitieux aussi de rechercher la raison de la monnaie, que Phédon

l'Argien ait le premier frappé monnaie ou Démodiké de Kymé, l'épouse de Midas le Phrygien (elle était fille

d'Agamemnon, roi des Kyméens) ou, pour les Athéniens, Erichthonios et Lykos, ou les Lydiens, comme le dit

Xénophane, ou les Naxiens, comme le pense Aglosthénès.

Aucune formulation poétique ne peut être tirée de l'allusion du philologue Pollux (IIème siècle

de notre ère), évoquant, dans son lexique, l'invention de la monnaie. Tout au plus peut-on

imaginer une dénonciation des raffinements du commerce et du luxe, cette fois-ci à l'encontre

des Lydiens. Au Vème siècle avant notre ère, Hérodote (Histoire I 94) attribue lui aussi, sans faire

référence à Xénophane, l'invention de la monnaie aux Lydiens.

[21B5DK] Athénée, Deipnosophistes (Dîner des savants) XI 18, 782A

οὐδέ κεν ἐν κύλικι πρότερον κεράσειέ τις οἶνον

ἐγχέας, ἀλλ᾿ ὕδωρ καὶ καθύπερθε μέθυ.

9
Et, dans la coupe, on ne ferait pas le mélange

en versant d'abord le vin, mais l'eau puis, par dessus, la liqueur.

Faut-il dans la coupe, comme dans le cratère, verser l'eau avant le vin ou le vin avant l'eau ?

Faut-il, en somme, tempérer le vin ou aromatiser l'eau ? Dans un banquet ritualisé, la question est

primordiale. Elle l'emporte même sur celle des proportions.

[21B6DK] Athénée, Deipnosophistes (Dîner des savants) IX 368E

πέμψας γὰρ κωλῆν ἐρίφου σκέλος ἤραο πῖον

ταύρου λαρινοῦ, τίμιον ἀνδρὶ λαχεῖν

τοῦ κλέος Ἑλλάδα πᾶσαν ἀφίξεται, οὐδ᾿ ἀπολήξει,

ἔστ᾿ ἂν ἀοιδάων ἦι γένος Ἑλλαδικόν.

Comme tu as envoyé un cuisseau de chevreau, tu as remporté la cuisse onctueuse

d'un taureau gras, lot honorable pour un homme

dont la renommée ira par toute la Grèce et ne cessera pas,

tant que durera la parentèle des aèdes en Grèce.

Les convives du banquet d'Athénée discutent, comme se doit tout véritable gourmet élégant,

sur la signification des termes de l'alimentation. Faut-il dire un cuisseau ? une cuisse ? ou même

un cuissot ? Cela , seul le poète, qui mérite la récompense autant que la renommée, peut le

préciser.

[21B7DK] Diogène Laerce, Vies et doctrines des philosophes illustres VIII 36

νῦν αὖτ᾿ ἄλλον ἔπειμι λόγον, δείξω δὲ κέλευθον...

(7a) καί ποτέ μιν στυφελιζομένου σκύλακος παριόντα

φασὶν ἐποικτῖραι (scil. Πυθαγόραν) καὶ τόδε φάσθαι ἔπος·

'παῦσαι, μηδὲ ῥάπιζ᾿, ἐπεὶ ἦ φίλου ἀνέρος ἐστὶν

ψυχή, τὴν ἔγνων φθεγξαμένης ἀϊών'.

Maintenant je passe à un autre propos et je montrerai le chemin...

10
Et un jour, alors qu'il12 passait près d'un chiot maltraité,

il eut, dit-on, pitié et dit cette parole :

"Cesse, ne frappe pas ; car c'est l'âme

d'un homme qui m'est cher : je l'ai reconnue en entendant sa voix."

Avant d'être chassé de Crotone, Pythagore fut l'objet de mainte raillerie, Diogène Laerce le

rappelle : il ne saurait résister au plaisir de citer la saillie de Xénophane à l'endroit de la

métensomatose, que l'on nomme indûment la métempsychose : qui nous assure que l'animal le

plus maltraité ne renferme pas l'âme d'un être important ou qui nous fut cher ?

[21B8DK] Diogène Laerce, Vies et doctrines des philosophes illustres IX 18 36

ἤδη δ᾿ ἑπτά τ᾿ ἔασι καὶ ἑξήκοντ᾿ ἐνιαυτοὶ

βληστρίζοντες ἐμὴν φροντίδ᾿ ἀν᾿ Ἑλλάδα γῆν·

ἐκ γενετῆς δὲ τότ᾿ ἦσαν ἐείκοσι πέντέ τε πρὸς τοῖς,

εἴπερ ἐγὼ περὶ τῶνδ᾿ οἶδα λέγειν ἐτύμως.

Elles sont soixante sept déjà, les années

qui ont ballotté ma pensée ça et là sur le sol de la Grèce ;

en partant de ma naissance, il y en avait alors vingt cinq en plus,

si, moi, je puis parler véridiquement de cela.

Au fond, le poète est condamné à errer de cité en cité, quand bien même il ne serait pas

contraint de fuir le Perse. Diogène Laerce le sait de Xénophane. Homère s'y plia, Ibycos, Anacréon

et bien d'autres aussi. Comme son corps, sa pensée vagabonde. Cela ne l'empêche pas de vivre

très vieux, engrangeant la mémoire des hommes. Mais, au vrai, que sait-il assurément ?

[21B9DK] Dictionnaire étymologique authentique (Etymologicum Genuinum) sv γῆρας

"vieillesse"

ἀνδρὸς γηρέντος πολλὸν ἀφαυρότερος.

12
Pythagore.

11
Beaucoup plus débile qu'un homme sénile.

Le plus ancien des lexiques byzantins (élaboré sous la direction du Patriarche Photios au IXème

siècle de notre ère) cite ce bout de phrase pour l'exemple d'un glossème rare. Ce n'est ni un

bonheur ni un honneur que d'être tenu pour plus décati qu'un vieillard affaibli par le grand âge.

SILLES, CINQ LIVRES (ΣΙΛΛΩΝ ΒΙΒΛΙΑ Ε)

[21B10DK] Hérodien, Sur les voyelles à double temps (Περὶ διχρόνων) p. 296, 6

ἐξ ἀρχῆς καθ᾿ Ὅμηρον, ἐπεὶ μεμαθήκασι πάντες ...13

Depuis le début selon Homère puisque tous savent...

Hérodien (IIème siècle de notre ère), le dernier des grammairiens grecs inventifs, ne cite

Xénophane que pour expliquer une anomalie phonétique. Il ne termine même pas la phrase. Sous

le vide on peut tout imaginer, même l'ignominie des dieux, comme l'a fait H. Diels. Le début du

vers a l'air d'une citation. Il n'est pas besoin d'en compléter la suite : ce que savent les hommes

c'est ce qu'a dit le maître, pas la vérité elle-même. Homère a tout appris aux Grecs, lui qui n'a

même pas su résoudre la devinette que lui ont posée des enfants qui s'épouillaient, comme le

rappelle sarcastiquement Héraclite (fragment 22B56DK).

[21B11DK] Sextus Empiricus, Πρὸς Μαθηματικούς (Contre les savants) IX 193

πάντα θεοῖσ᾿ ἀνέθηκαν Ὅμηρός θ᾿ Ἡσίοδός τε,

ὅσσα παρ᾿ ἀνθρώποισιν ὀνείδεα καὶ ψόγος ἐστίν,

κλέπτειν μοιχεύειν τε καὶ ἀλλήλους ἀπατεύειν.

Homère et Hésiode ont tout rapporté aux dieux :

tout ce qui chez les hommes est opprobre et blâme :

voler, commettre l'adultère, se tromper les uns les autres.

13
Hermann Diels complétait, à partir de Platon, République X 600DE : τοὺς θεοὺς κακίστους εἶναι "les

dieux sont très vils".

12
Au IIème siècle de notre ère, le sceptique Sextus, dit "l'empirique", c'est-à-dire "celui qui ne se

fie qu'à l'expérience", ne pouvait qu'apprécier cette dénonciation des théologies turpides

professées par les maîtres anciens, dogmatiques. Car leurs dieux ne valent pas mieux que les pires

d'entre les hommes. Les arguments des théologiens, qu'ils soutiennent ou réfutent l'existence des

dieux, sont ou bien inconsistants, ou bien équipolents, dit le contexte.

[21B12DK] Sextus Empiricus, Πρὸς Μαθηματικούς (Contre les savants) I 289

ὡς πλεῖστ᾿ ἐφθέγξαντο θεῶν ἀθεμίστια ἔργα,

κλέπτειν μοιχεύειν τε καὶ ἀλλήλους ἀπατεύειν.

Car le plus souvent ils ont énoncé les actes criminels des dieux :

voler, commettre l'adultère et se tromper les uns les autres.

La dénonciation est si jubilatoire que Sextius ne peut résister au plaisir de la redire, dans un

autre contexte, sous une autre formulation, pour contester la prétention de tout enseignement

littéraire à la capacité d'enseigner quelque morale.

[21B13DK] Aulu Gelle, Noctes Atticæ (Nuits attiques) III 11

Alii Homerum quam Hesiodum majorem natu fuisse scripserunt in quibus Philochorus et

Xenophanem, alii minorem.

Certains ont écrit qu'Homère est né avant Hésiode, parmi lesquels Philochore et Xénophane d'autres qu'il

est plus jeune.

Le polygraphe latin Aulu Gelle (IIème siècle de notre ère) brode autour des questions

d'érudition. Certains aujourd'hui, comme M.L. West, sont tentés de penser eux aussi qu'Hésiode

est antérieur à Homère, tant l'ancienneté valorise l'auteur qu'on fait sien. Elle peut être aussi le

signe de plus d'infantile naïveté. Qui sait ?

[21B14DK] Clément, Στρωματεῖς (Stromates) V 109

ἀλλ᾿ οἱ βροτοὶ δοκέουσι γεννᾶσθαι θεούς,

13
τὴν σφετέρην δ᾿ ἐσθῆτα ἔχειν φωνήν τε δέμας τε.

Mais les mortels croient que les dieux sont engendrés

et qu'ils ont leur vêture, leur voix, leur aspect.

Les Pères de l'église se sont très tôt posé la question des rapports de la foi et du savoir. Ainsi a

fait Clément d'Alexandrie (IIème siècle de notre ère) au cinquième livre des ses Stromates, ses

"tapisseries" de textes : la meilleure façon de résoudre le problème c'est d'imaginer que les

hommes, par eux-mêmes débiles, comme le demeurent les païens, ne peuvent expliquer l'Univers

et, notamment, le divin qu'à leur propre mesure. Ainsi s'explique l'anthropomorphisme ou le

zoomorphisme, sans en exclure les monstruosités fantasmatiques. Il suffit pour le prouver

d'emprunter à un aède lucide un chapelet d'apophtegmes (fragments14, 15, 16)

[21B15DK] Clément, Στρωματεῖς (Stromates) V 110

ἀλλ᾿ εἰ χεῖρας ἔχον βόες <ἵπποι τ᾿> ἠὲ λέοντες

ἢ γράψαι χείρεσσι καὶ ἔργα τελεῖν ἅπερ ἄνδρες,

ἵπποι μέν θ᾿ ἵπποισι, βόες δέ τε βουσὶν ὁμοίας

καί <κε> θεῶν ἰδέας ἔγραφον καὶ σώματ᾿ ἐποίουν

τοιαῦθ᾿, οἷόν περ καὐτοὶ δέμας εἶχον <ἕκαστοι>.

Mais si les vaches, <les chevaux> et les lions avaient des mains

pour dessiner avec leurs mains et accomplir les œuvres qu'accomplissent les hommes,

les chevaux dessineraient des formes divines semblables à des chevaux,

les vaches des formes semblables à des vaches et créeraient des corps

tels que celui qui leur donne leur aspect à chacun14.

La verve et l'ingéniosité du paradoxe se passe de commentaire : chacun se retrouve dans le

modèle qu'il s'invente.

14
Alain le Boulluec, comme Gentili-Prato, garde le ὁμοῖον des manuscrits : "leur feraient des corps

pareils à la forme qu'ils auraient eux-mêmes". La correction ἕκαστοι de Herverden, retenue par DK,

s'impose.

14
[21B16DK] Clément, Στρωματεῖς (Stromates) VII 22

Αἰθίοπές τε <θεοὺς σφετέρους> σιμοὺς μέλανάς τε

Θρῆικές τε γλαυκοὺς καὶ πυρρούς <φασι πέλεσθαι>.

Les Ethiopiens <disent que leurs dieux sont> camus et noirs ;

les Thraces <les disent> pâles et roux15.

Plus encore que l'anthropomorphisme, Xénophane stigmatise l'"ethnomorphisme". Certains

termes sont équivoques : les Thraces n'ont peut-être que les yeux de clairs. Par contraste il vaut

mieux imaginer ces septentrionaux glauques de la tête aux pieds. Rien ne fait ici explicitement

référence au regard ou à la pupille, comme dans l'épithète fameuse d'Athéna glaukopis, dont les

yeux, eux, sont "pers".

[21B17DK] Scholie aux Ἱππῆς (Cavaliers) d'Aristophane 408

ἑστᾶσιν δ᾿ ἐλάτη<ς βάκχοι> πυκινὸν περὶ δῶμα.

Les pins se dressent autour de la maison solide.

Que sont ces pins : de beaux ombrages toujours verts ? ou des thyrses dionisiaques, comme y

invite le contexte des Cavaliers d'Aristophane ? Le chœur y dit sa haine au Paphlagonien : s'il

régurgitait ce qu'il a vénalement acquis, le sitophylaque (le préposé à la surveillance des

provisions de blé) exulterait en chantant un chant dionysiaque : "Bacchos ! bacchos". Le

scholiaste rappelle pour les ignares que l'on appelle "Bacchos" à la fois Dionysos, le bacchant, le

thyrse ou même la couronne de lierre. Le vers de Xénophane est faux ; on ne saisit pas ce qu'il

explique dans la scholie (le cuistre se châtie lui-même !). H. Wachsmuth, pensant rétablir le sens

et le mètre en ajoutant le mot "bachhos" et en corrigeant elatai "les pins, a restitué une

bacchanale puisqu'alors "les rameaux bachiques de pins se dressent autour de la maison",

invitant à la danse, au chant et au délire.

15
H. Diels a reconstruit le fragment à partir des paraphrases de Clément (Stromates VII 22) et de

Théodoret (Thérapeutique des maladies helléniques 4, 5 Raeder)

15
[21B18DK] Stobée, Ἐκλογαί (Eclogues), I 8, 2

οὔ τοι ἀπ᾿ ἀρχῆς πάντα θεοὶ θνητοῖσ᾿ ὑπέδειξαν,

ἀλλὰ χρόνωι ζητοῦντες ἐφευρίσκουσιν ἄμεινον.

Non ! dès le début, les dieux n'ont pas tout indiqué aux mortels,

mais avec le temps <ceux-ci> cherchent et trouvent quelque chose de mieux.

Quand, au Vème siècle de notre ère, Jean, bourgeois de Stobi en Macédoine, a composé pour son

fils un florilège de belles sentences, il les a classées par thèmes et a rangé les deux vers de

Xénophane dans le chapitre de l'"amour du travail" (la philoponia). Mais le texte dit davantage. Le

savoir relève d'abord du surnaturel, les hommes ne font que progresser de mieux en mieux vers

ce savoir… indéfiniment ?

[21B19DK] Diogène Laërce, Βίοι καὶ γνῶμαι τῶν ἐν φιλοσοφίᾳ εὐδοκιμησάντων (Vies et doctrines

des philosophes illustres) I 23

<Θαλῆς̣> δοκεῖ δὲ κατά τινας πρῶτος ἀστρολογῆσαι καὶ ἡλιακὰς ἐκλείψεις καὶ τροπὰς

προειπεῖν, ὥς φησιν Εὔδημος ἐν τῇ Περὶ τῶν ἀστρολογουμένων ἱστορίᾳ (Wehrli viii, fg. 144)· ὅθεν

αὐτὸν καὶ Ξενοφάνης καὶ Ἡρόδοτος (I 74, 2) θαυμάζει.

Thalès, selon certains, a le premier pratiqué l'astrologie et prédit les éclipses du soleil et les solstices,

comme le dit Eudème dans son Histoire de l'astrologie. De là vient que Xénophane et Hérodote l'admirent.

L'astrologie antique, c'est toute la science des astres, la plus rigoureuse et la plus hasardeuse.

Ptolémée lui-même ne s'y est pas refusé. Car c'est par la prédiction des phénomènes célestes

réguliers que s'est constitué d'abord le savoir des astrologues. Dès longtemps, le milésien Thalès

(vers -600) s'est acquis une forte réputation dans la science des phénomènes célestes. Hérodote (I

74-75 et 170), comme aussi Diogène Laerce (I 22-40) content quelques uns de ses hauts faits. De

l'admiration que lui portait Xénophane ne subsiste que la maigre allusion de Diogène Laerce.

[21B20DK] Diogène Laërce, Βίοι καὶ γνῶμαι τῶν ἐν φιλοσοφίᾳ εὐδοκιμησάντων (Vies et doctrines

des philosophes illustres) I 111

16
ὡς δὲ Ξενοφάνης ὁ Κολοφώνιος ἀκηκοέναι φησί, τέτταρα πρὸς τοῖς πεντήκοντα καὶ ἑκατόν

̓
(scil. ἔτη βιῶναι Επιμενίδην).

Comme Xénophane de Colophon dit l'avoir entendu, <on prétend> qu'<Epiménide a vécu> cent cinquante

quatre ans.

Pour ne pas être seul doté d'une <trop> longue vie, Xénophane s'est-il trouvé un devancier

respectable en la personne du thaumaturge et législateur Epiménide de Crète (fin du VIIème

siècle avant notre ère) ?

[21B21DK] Scholie à l' Εἰρήνη (la Paix) d'Aristophane 697

ὁ Σιμωνίδης διεβέβλητο ἐπὶ φιλαργυρίᾳ ... καὶ τὸν Σοφοκλέα οὖν διὰ φιλαργυρίαν <φησὶν¹>

ἐοικέναι τῷ Σιμωνίδῃ... χαριέντως πάνυ τῷ αὐτῷ λόγῳ διέσυρε... τοῦ ἰαμβοποιοῦ καὶ <...>

μέμνηται, ὅτι σμικρολόγος ἦν· ὅθεν Ξενοφάνης κίμβικα αὐτὸν προσαγορεύει.

Simonide a été décrié sous prétexte de cupidité...; avec beaucoup de grâce Aristophane les a éreintés tous

deux... et <dit> que Sophocle, à cause de sa cupidité, ressemble à Simonide... il fait aussi mention du poète

iambique, en disant qu'il était mesquin ; de là vient que Xénophane l'appelle "pingre"16.

Une méchante plaisanterie d'Aristophane sert de prétexte au scholiaste pour exhiber son

savoir, rappelant que Xénophane a accusé d'avarice un Simonide —que ce soit celui de Céos (c.

556/c. -468) ou celui d'Amorgos que communément on appelle plutôt Sémonide (VIIème siècle

avant notre ère)— comme Sophocle en était taxé par ses contemporains. Le Simonide visé se

serait, le premier, fait payer pour ses vers. Ce n'est qu'un signe supplémentaire de hargne, pour

mesquine qu'elle soit.

[21B21aDK] Scholie homérique, Papyrus d'Oxyrrhynchos 1087, 40

Τὸ ᾿Ερυκος παρὰ Ξενοφάνει ἐν Ε' Σίλλων.

L'expression "de l'Eryx", chez Xénophane, en Silles V.

Qui, passant par la Sicile, comme le fit Xénophane, ne serait séduit par la colline d'Eryx, haut

16
Le texte des scholies est lacunaire et embrouillé, mais la signification en est discernable.

17
lieu d'Aphrodite ? Il est des cas où les scholies, de surcroît mutilées comme elles le sont dans les

papyrus d'Egypte, n'apprennent pas grand chose sinon que les savants alexandrins avaient

dénombré ou établi pour Xénophane cinq livres de Silles sarcastiques.

[21B22DK] Athénée, Epitomé des Deipnosophistes II p. 54E

πὰρ πυρὶ χρὴ τοιαῦτα λέγειν χειμῶνος ἐν ὥρηι

ἐν κλίνηι μαλακῆι κατακείμενον, ἔμπλεον ὄντα,

πίνοντα γλυκὺν οἶνον, ὑποτρώγοντ᾿ ἐρεβίνθους·

῍τίς πόθεν εἷς ἀνδρῶν; πόσα τοι ἔτε᾿ ἐστί, φέριστε;

πηλίκος ἦσθ᾿, ὅθ᾿ ὁ Μῆδος ἀφίκετο; (5)

Il faut tenir de tels propos près d'un feu en la saison de l'hiver

étendu sur un divan moelleux, quand on est repu,

que l'on boit un vin doux, que l'on grignote des pois chiches :

"Qui es-tu ? D'où es-tu parmi les hommes ? Combien d'années as-tu, mon brave ?

Quel âge avais-tu quand le Mède est arrivé ?"

Douce mélancolie et nostalgie se mêlent dans ces vers d'une soirée hivernale au coin du feu.

On y devise. On se remémore. On se raconte. On invente des histoires…poétiques. En le citant dans

le contexte d'une conversation sur ce que l'on boit et mange au banquet, Athénée pourrait le

déflorer. Il n'y parvient pas.

VERS SUR LA NATURE (ΕΠΗ ΠΕΡΙ ΦΥΣΙΟΣ)

ΕΠΗ ΠΕΡΙ ΦΥΣΙΟΣ

[21B23DK] Clément, Στρωματεῖς (Stromates) V 109

εἷς θεὸς ἔν τε θεοῖσι καὶ ἀνθρώποισι μέγιστος,

οὔ τι δέμας θνητοῖσιν ὁμοίιος οὐδὲ νόημα.

Un seul dieu très grand chez les dieux et les hommes,

pas semblable par l'aspect aux mortels, ni par la pensée.

18
Si H. Diels a placé ici cette citation qui se rattache à la chaîne des fragments 14 et 15, c'est qu'il

y sentait, en rupture, l'expression d'une théologie transcendantale, fruit du pieux larcin des Grecs

à l'endroit de Moïse. Et, de fait, le dieu unique ne ressemble en rien aux idoles que se façonnent

les hommes. Il est d'autant plus énigmatique qu'il n'abolit pas plus les dieux multiples que les

hommes, qu'il a quelque consistance (demas), qu'il est doué de pensée (noéma), mais on ne sait

sous quelle forme.

[21B24DK] Sextus Empiricus, Πρὸς Μαθηματικούς (Contre les savants) IX 144

οὖλος ὁρᾶι, οὖλος δὲ νοεῖ, οὖλος δέ τ᾿ ἀκούει.

Tout entier il voit, tout entier il prête attention, tout entier il entend.

Sextus cite cette assertion dans le contexte d'une réflexion sur Dieu : si Dieu est, c'est un être

vivant, un animal (Zôon). Si c'est un animal, il a des sensations, ne serait-ce qu'une seule. Il cite

l'assertion sans en préciser l'auteur. La référence n'en est pas moins confirmée par les autres

témoins (Diogène Laerce, Vies et doctrines des philosophes illustres IX 19, pseudo-Aristote, De Mélissos,

Xénophane et Gorgias 3, 977a37, pseudo-Plutarque, Stromates 4). Aucun ne cite avec la précision de

Sextus. Ainsi apparaît-il que la formule était assez familière pour qu'il ne soit pas indispensable

d'en rappeler l'auteur. Les commentateurs anciens et modernes ont surtout prêté attention,

pertinemment, à l'anaphore "tout entier… tout entier… tout entier" (holos) : Dieu ne sépare pas

ses facultés entre diverses parties de son être, entre plusieurs organes distincts : il est totalement

(pas partiellement, précise le pseudo-Plutarque) tout ce qu'il est, "toute vision, toute intellection,

toute ouïe".

[21B25DK] Simplicius, Commentaire à la Physique d'Aristote 23, 19

ἀλλ᾿ ἀπάνευθε πόνοιο νόου φρενὶ πάντα κραδαίνει.

Mais sans prendre la peine de prêter attention, par sa pensée il agite toutes choses.

Le néoplatonicien Simplicius (VIème siècle de notre ère) cite ce fragment à l'occasion d'une

doxographie sur le principe (arché, citée en 21A31DK), s'attardant un peu longuement à

19
Xénophane, d'où il ressort que le principe, le Dieu, n'est ni limité ni illimité, ni mobile ni

immobile. Il relie explicitement l'assertion à une paraphrase du fragment précédent. Si Dieu est

toute intellection (nous), il est aussi efficace par la seule œuvre de sa pensée (phrên) : rien ne

frémit, si peu que ce soit, sans qu'intervienne sa pensée. Les conceptions ordinaires de la science

de la nature ne sauraient s'appliquer à lui. On s'étonne que les écrivains chrétiens n'aient pas

exploité cette sentence.

[21B26DK] Simplicius, Commentaire à la Physique d'Aristote 23, 10

αἰεὶ δ᾿ ἐν ταὐτῶι μίμνει κινεύμενος οὐδέν,

οὐδὲ μετέρχεσθαί μιν ἐπιπρέπει ἄλλοτε ἄλληι.

Toujours il reste à la même place, sans du tout se mouvoir

et il ne lui convient pas de se déplacer tantôt ici, tantôt là.

H. Diels a rangé ce fragment après le précédent, alors que Simplicius les cite tous deux dans

l'ordre inverse, à quelques lignes de distance, simplement parce qu'il jugeait "l'immobilité" moins

fondamentale que l'efficience totale. Simplicius pourtant devine que la permanence absolue est

une qualité intrinsèque du Dieu. S'il ne se déplace pas, ce n'est pas une question d'infirmité, mais

de convenance (oude... epiprepei). Il s'ensuit que l'on peut penser que le Dieu n'est pas seulement

tout puissant, mais qu'il est aussi Tout.

[21B27DK] Théodoret, Thérapeutique des maladies helléniques IV 5 (Ex Aetio)

ἐκ γαίης γὰρ πάντα καὶ εἰς γῆν πάντα τελευτᾶι.

De la terre proviennent toutes choses et en terre s'achèvent toutes choses.

Quel matérialiste pourrait mieux dire la matérialité de toutes choses, à la fin comme au

commencement. Une telle assertion ne pouvait que choquer l'apologète Théodoret de Cyr (Vème

siècle de notre ère), qui pensait déceler une contradiction entre l'éternité supposée du Tout et

l'émergence de tout à partir de la terre. C'est qu'il ne pouvait admettre que l'on outrepassât le

principe aristotélicien de non contradiction.

20
[21B28DK] Achille Tatius Introduction aux Phénomènes d'Aratos 4, p. 34, 11 Mass

γαίης μὲν τόδε πεῖρας ἄνω παρὰ ποσσὶν ὁρᾶται

ἠέρι προσπλάζον, τὸ κάτω δ᾿ ἐς ἄπειρον ἱκνεῖται.

De la terre, ici, la limite en haut se voit à nos pieds

proche de l'air, celle d'en bas va à l'infini17.

La terre, qui n'est pas une abstraction, mais bien le sol que nous foulons est, comme Dieu,

comme le tout selon l'analyse de Simplicius, à la fois limitée et illimitée. Au dessus l'air, qui n'en

est qu'une émanation paraît la borner. En dessous aucun obstacle ne s'oppose à ce qu'on la creuse

indéfiniment. Il est vrai que tout cela n'est que savoir expérimental, partiel et progressif.

L'astronome sans doute alexandrin Achille Tatius (IIIème siècle de notre ère), qu'il ne faut pas

confondre avec le romancier, en déduit prosaïquement que la terre, selon Xénophane, n'est pas

suspendue en l'air, mais descend à l'infini (ouk oietai meteôron einai tên gên, alla katô eis apeiron

kathêkein).

[21B29DK] Simplicius, Commentaire à la Physique d'Aristote 188, 32

γῆ καὶ ὕδωρ πάντ᾿ ἔσθ᾿ ὅσα γίνοντ(αι) ἠδὲ φύονται.

Sont terre et eau toutes choses qui naissent et croissent.

Seule la mixtion des éléments, engendrés à partir de la terre elle-même, produisent le

mouvement et la vie, nécessairement transitoires, tout retournant in fine à l'origine.

[21B30DK] Aetius III 4, 4

πηγὴ δ᾿ ἐστὶ θάλασσ᾿ ὕδατος, πηγὴ δ᾿ ἀνέμοιο·

οὔτε γὰρ ἐν νέφεσιν <πνοιαί κ᾿ ἀνέμοιο φύοιντο>

<ὀμβροφυέσσιν> ἔσωθεν ἄνευ πόντου μεγάλοιο

17
Ἠέρι est une correction de Diels pour le καὶ ῥεῖ des manuscrits. d'Achille Tatius, qui signifierait

"et s'écoule en déferlant" (comme la vague, voir Iliade XII 285).

21
οὔτε ῥοαὶ ποταμῶν οὔτ᾿ αἰ<θέρος> ὄμβριον ὕδωρ,

ἀλλὰ μέγας πόντος γενέτωρ νεφέων ἀνέμων τε (5)

καὶ ποταμῶν.

La mer est source de l'eau, et source du vent,

car <les souffles du vent ne sauraient croître> dans les nuages

<où croissent les pluies>, à l'intérieur, sans le large de la mer,

— ni les flots des fleuves ni l'eau pluvieuse <de l'éther> —,

mais le large de la mer est le géniteur des nuées, des vents

et des fleuves18.

Le fragment, cité à la fois par la tradition doxographique regroupée depuis H. Diels sous le nom

d'Aetius (supposé du IIème siècle de notre ère) et les scholies genevoises de l'Iliade (à XXI 196,

indatables) est mutilé. Sans les ajouts des éditeurs, les vers 2 et 3 sont faux, les phrases bancales.

Le sens n'en est pas moins manifeste. L'origine des deux éléments atmosphériques fluides, n'est

pas dans l'air, on pourrait naïvement la croire. La mer immense fait naître, par évaporation les

vents, donc les nuages, donc —fait-il aussi penser— les pluies, donc les fleuves, par qui tout

retourne à l'origine.

[21B31DK] Héraclite, Allégories d'Homère c 44

ἠέλιός θ᾿ ὑπεριέμενος γαῖάν τ᾿ ἐπιθάλπων.

Le soleil s'élançant là haut et chauffant la terre.

Il ne faut pas se laisser leurrer par la trivialité apparente de ce morceau de phrase, cité par

Héraclite l'allégoriste (que l'on date généralement du Ier siècle de notre ère) pour justifier

l'étymologie qu'il suppose du nom Hypérion, Titan père du soleil (ton hyperiemenon). Par son

18
Le texte du vers deux a été successivement complété par Nicole, Diels, Diehl (au <γίνοιτό κε ἲς

ἀνέμοιο ἐκπνείοντος> de H. Diels, Fragmente der Vorsokratiker, 21B30, je préfère le <πνοιαί κ' ἀνέμοιο

φύοιντο ὀμβροφυέσσιν ou ὀμβροφόροισιν> de E. Diehl, Anthologia Lyrica Graeca, 19493, p. 72-73. Les autres

ajouts s'ensuivent.

22
mouvement de rotation dans les hauteurs les plus hautes, le soleil produit la chaleur qui s'étend

jusque sur la terre.

[21B32DK] Scholies BLT à l'Iliade XI 27 (et Eustathe ad locum)

ἥν τ᾿ Ἶριν καλέουσι, νέφος καὶ τοῦτο πέφυκε,

πορφύρεον καὶ φοινίκεον καὶ χλωρὸν ἰδέσθαι.

Ce que l'on appelle Iris, est aussi par nature un nuage,

rouge foncé, pourpre, et vert pour la vue.

Iris, c'est d'abord la merveilleuse messagère de Zeus, comme le savent Homère et ses

scholiastes. Si elle est aussi, dans l'ordre des choses mêmes, l'arc-en-ciel, c'est parce qu'elle

appartient à la classe des nuages, dans lesquels, chacun le sait, se mêlent de la vapeur d'eau et de

la lumière éthérée.

[21B33DK] Sextus Empiricus, Contre les savants X 314

πάντες γὰρ γαίης τε καὶ ὕδατος ἐκγενόμεσθα.

Car nous sommes tous nés de la terre et de l'eau.

Sextus exprime-t-il la même chose que Simplicius (21B29DK) ? Xénophane, reprenant et

modifiant une expression d'Homère (Iliade VII 99, Ménélas y maudit les Achéens qui se dérobent

au combat et les voue à n'être que terre et eau), ramène l'homme, comme toutes choses dans le

monde, à plus d'humilité : même quand nous nous vantons d'être autochtones ou, tels Aphrodite,

nés de l'écume, nous ne sommes que le produit d'un mélange, éphémère, de terre et d'eau, un peu

de boue en somme.

[21B34DK] Sextus Empiricus, Contre les savants VII 49

καὶ τὸ μὲν οὖν σαφὲς οὔ τις ἀνὴρ ἴδεν οὐδέ τις ἔσται

εἰδὼς ἀμφὶ θεῶν τε καὶ ἅσσα λέγω περὶ πάντων·

εἰ γὰρ καὶ τὰ μάλιστα τύχοι τετελεσμένον εἰπών,

23
αὐτὸς ὅμως οὐκ οἶδε· δόκος δ᾿ ἐπὶ πᾶσι τέτυκται.

Et ce qui est clair, aucun homme ne l'a vu, il n'y aura personne

pour le connaître à propos des dieux et de ce que j'explique au sujet de toutes choses ;

car même si quelqu'un, par hasard, disait ce qu'il y a de plus parfait,

il ne le sait cependant pas lui-même ; sur toutes choses on n'a qu'une opinion fabriquée.

L'humilité sied particulièrement au savant. Que peut-il savoir ? Quelle certitude peut-il avoir ?

Personne ne peut atteindre à la clarté absolue de la connaissance, même dans le domaine de la

théologie. Car l'explication parfaite dépasse tellement celui qui la recherche que, même si le

chercheur de vérité parvient, accidentellement, à l'exprimer, il ne sait pas à quel point ce qu'il dit

est vrai. Xénophane se situe au delà du relativisme. Si l'on ne peut esquiver le désir de

comprendre, il faut aussi savoir que l'on n'aboutit qu'à des résultats relatifs et artificiels. A tout

propos, une opinion, pas une certitude, (dokos d'epi pasi tetuktai) se fabrique. Ce n'est pas une

raison pour renoncer.

[21B35DK] Plutarque, Questions conviviales IX 7, 746B

ταῦτα δεδοξάσθω μὲν ἐοικότα τοῖς ἐτύμοισι.

Que l'on considère cela comme ressemblant au vrai.

La redondance, normale dans la pratique de la poésie orale, n'empêche pas la nuance : ce n'est

pas parce que telle opinion fabriquée (désignée par le "cela" de la citation) reste insuffisante

qu'elle ne doit pas être considérée comme une image proche du vrai, un peu comme les

mensonges semblables aux vérités que disent les Muses d'Hésiode (Théogonie 28 : idmen pseudea

polla legein etumoisin homoia).

[21B36DK] Hérodien, Περὶ διχρόνων (Sur les voyelles à double temps) 296, 9

ὁππόσα δὴ θνητοῖσι πεφήνασιν εἰσοράασθαι,

Tout ce qui est apparu au regard des mortels.

On ne peut savoir ce qui est donné à voir aux mortels, puisque le grammairien Hérodien ne

24
cite ce bout de phrase (comme, dans le même contexte, le fragment 21B10DK) que pour donner

un exemple d'antépénultième longue à la troisième personne du parfait actif. Mais on peut

imaginer que tout ce que les hommes voient est à la fois l'horizon de leur expérience et la limite

de leur savoir.

[21B37DK] Hérodien, Περὶ Μονήρους Λέξεως (Sur l'expression singulière) 30, 30

καὶ μὲν ἐνὶ σπεάτεσσί τεοις καταλείβεται ὕδωρ.

Et dans certaines cavernes dégouline l'eau.

Ce qui intéresse Hérodien ce n'est pas la signification de l'assertion, mais la forme atypique de

speatessi ("dans les cavernes"). On n'y voit pas moins l'eau si mêlée à la terre qu'elle dégouline

dans le profondeurs du sol, y formant même des stalactites avec la matière ferme qu'elle contient

elle-même.

[21B38DK] Hérodien, Περὶ Μονήρους Λέξεως (Sur l'expression singulière)41, 5

εἰ μὴ χλωρὸν ἔφυσε θεὸς μέλι, πολλὸν ἔφασκον

γλύσσονα σῦκα πέλεσθαι.

Si dieu n'avait pas fait le miel jaune, on dirait que de beaucoup

la figue est plus sucrée.

De même ici, ce qui intéresse Hérodien c'est la forme glussona ("plus sucrée"). S'y exprime

pourtant le postulat fondamental du relativisme réfléchi. Le modèle de référence de quelque

appréciation que ce soit ne se pose qu'en fonction de l'expérience, toujours susceptible d'être

remise en question, d'autant plus que le dieu, qu'il faut ici supposer quelque peu démiurge, peut

toujours faire naître un modèle plus pertinent : si la figue a la réputation d'être plus sucrée que

tout autre aliment simple, le miel peut se dire encore plus sucré. Se mêlent dans l'appréciation les

choses même (que produit le dieu), l'expérience, toujours relative, qu'on en a, ce que finalement

on en dit.

25
[21B39DK] Pollux, Onomasticon (Vocabulaire) VI 46

Τάχα δ' ἄν τις καὶ κεράσια φαίη, κέρασον τὸ δένδρον ἐν τῷ Περὶ Φύσεως Ξενοφάνους εὑρών.

On pourrait peut-être dire "cerises", puisqu'on trouve l'arbre "cerisier" dans le Traité sur la nature de

Xénophane.

Que pouvait bien dire Xénophane du cerisier, qu'il connaissait donc ? Sûrement quelque chose

de délicieux. Mais le lexicographe Pollux (IIème siècle de notre ère), qui ne s'intéresse qu'à l'usage

des mots, ne donne aucune indication de sens.

[21B40DK] Etymologicum Genuinum (Dictionnaire étymologique authentique) VI 46

̓
Βρόταχος· τὸν βάτραχον Ιωνες ̓
καὶ Αριστοφάνης (fr. 934 dub. Kock.) φησὶ καὶ παρὰ Ξενοφάνει.

Les Ioniens et Aristophane disent brotachos pour batrachos ("grenouille"). Il se trouve aussi chez

Xénophane.

Les particularités de langue ou de phonétique ont retenu l'attention des lexicographes

byzantins. Que le Colophonien Xénophane, riverain de l'humble Halès qui, depuis le mont

Gallesus, creuse une vallée humide où se nichent en aval le sanctuaire de Claros puis le port de

Notion, ait parlé de la grenouille n'est guère étonnant ; qu'il ait usé de la dénomination ionienne

non plus.

21B41DK Jean Tzétzès, Commentaire à Denys le Périégète, v. 940

[Περὶ τῶν εἰς ρο̅ς κανών]

σιλλογράφος δέ τις το σι̅ μακρὸν γράφει

τῷ ρω̅ , δοκεῖ μοὶ τοῦτο μηκύνας τάχα.

σιλλογράφος νῦν ὁ Ξενοφάνης ἐστὶ καὶ ὁ Τίμων καὶ ἕτεροι.

[Sur la règle des mots en -ros (sur siros = cavité dans le sol)]

un sillographe écrit le "si" long,

l'allongeant peut-être, à ce que je crois, par le "r".

Le sillographe ici est Xénophane ; il y a aussi Timon et d'autres.

26
Le philologue Jean Tzétzès (XIIème siècle de notre ère), commentant Denys le Périégète (IIème

siècle de notre ère) s'intéresse à la longueur d'une syllabe et au genre littéraire de la sillographie.

Le témoignage confirme seulement que certains poèmes de Xénophane ont reçu le titre de silles.

C'est peu.

21B42DK Hérodien, Περὶ Μονήρους Λέξεως 7, 11 [douteux, non tenu pour un fragment par

Diels- Kranz, mais par M.L. West, Iambi et Elegi Graeci ante Alexandrum Cantati, 19892, II p. 190 (A14)]

καί <κ᾿> ἐπιθυμήσειε νέος νῆς ἀμφιπόλοιο19.

Et un jeune homme pourrait désirer une jeune servante

Ce fragment pointe un problème de grammaire : à propos du féminin contracte nh' (nê) pour

nevh" (néês), jugé par Hérodien comme une particularité des Samiens) 20:

Il arrive parfois que sous une remarque de phonétique se cache une boutade éthique :

l'évocation fugace d'amours ancillaires.

21B45 DK Scholie aux Epidémies d'Hippocrate I 13, 3

ἐγὼ δὲ ἐμαυτὸν πόλιν ἐκ πόλεως φέρων ἐβλήστριζον,

Et moi je me suis agité me portant de ville en ville.

Les fragments supposés 21B43DK (Scholie à Homère, Iliade IX 539)21 & 28B44DK (Athénée,

Deipnosphistes IV 174F)22 ne sont aussi que de remarques sur la langue, l'auteur de référence

nommé étant alors Xénophon, que les philologues modernes ont corrigé en Xénophane. Ils ont

été abandonnés dans les Vorsokratiker de Diels-kranz, l'apparat (I, p. 138 renvoyant à Wilamowitz,

Aischylos Interpretationen, p. 217S). Il est inutile de s'y attarder, puisque l'auteur de référence lui-

même n'est pas assuré.

19 ̓
Le texte introductif est incertain, les manuscrits disent Αριστοφάνει "pour Aristophane".
20
Le texte d'Hérodien est corrompu. Seidler y a corrigé jAristofavnei en Xenofavnei.
21
Dans le fragment 28B43DK, Xenofw'nta a été corrigé en Xenofavnhn par G. Hermann.
22
Dans le fragment 28B44DK, Ξενοφῶν a été corrigé en Ξενοφάνης par Dümmler.

27
21B45 DK Scholie aux Epidémies d'Hippocrate I 13, 3 [Nachmanson, Erotian. p. 102, 19]

<βληστρισμός>· ὁ ῥιπτασμός. Οὕτω Βακχεῖος τίθησιν· ἐν ἐνίοις δὲ ἀντιγράφοις εὕρομεν

βλητρισμὸν χωρὶς τοῦ <σ>. ὄντως δὲ τὸν ῥιπτασμὸν σημαίνει, καθὼς καὶ Ξενοφάνης ὁ

Κολοφώνιός φησιν· <‘ἐγὼ δὲ ἐμαυτὸν πόλιν ἐκ πόλεως ἐβλήστριζον’> ἀντὶ τοῦ ἐρριπταζόμην.

<blèstrismos> : l'agitation continuelle d'un malade". Ainsi le pose Baccheios23

Et moi je me suis agité, me portant de ville en ville.

La citation illustre l'expression rare Blhstrismov" "agitation" (du malade) qu'un scholiaste

d'Hippocrate relève au passage chez Xénophane comme une métaphore médicale : entre

l'agitation d'un malade et le vagabondage anxieux d'un poète exilé, il peut y avoir quelque

analogie.

21A14DK,

Aristote, Rhétorique A 15, 1377a18

τὸ τοῦ Ξενοφάνους ἁρμόττει, ὅτι οὐκ ἴση πρόκλησις αὕτη ἀσεβεῖ πρὸς εὐσεβῆς, ἀλλ' ὁμοία καὶ

εἰ ἰσχυρὸς ἀσθενῆ πατάξαι ἢ πληγῆναι προκαλέσαιτο.

21A14DK Aristote, Rhétorique A 15, 1377a18-20 (à propos de la légitimité qu'il peut y avoir à

refuser de prêter serment au tribunal)24

"Et le mot de Xénophane convient : "cette mise en cause n'est pas équitable venant d'un impie contre un

homme pieux", mais c'est comme si un fort mettait un faible au défi de frapper ou d'être frappé."

Sous la sagesse des nations se profile aussi le constat paradoxal que, si la loi est censée

23
Baccheios serait un médecin de Tanagra selon W. Pape-G.E. Benseler, Wörterbuch der griechischen

Eigennamen, 3° éd., Braunscweig, 1875, p. 193a


24
Le texte d'Aristote, Rhétorique I15 1377a19 est cité en 21A14DK (I p. 115) dans la section

APOPHTHEGMATIK. Il est dans M.L. West, Iambi et Elegi Graeci ante Alexandrum Cantati, 19892, II p.

190 (= A14). B. Gentili & C. Prato, Poetarum Elegiacorum Testimonia et Fragmenta I, Leipzig, BT, 1979,

le retiennent comme fragment (n° 22, p. 177).

28
empêcher le méchant de nuire, le méchant sait mieux que le bon en utiliser les ressorts et les

arcanes.

Faut-il conclure ? Si oui, que chacun analyse et interprète judicieusement, à son aune propre

chacun des fragments. On y voit se développer une réflexion sur les pratiques sociales, sur les

dieux, sur l'ordre du monde, sur les phénomènes et la validité du savoir. Que chacun y trouve son

plaisir (celui de l'interprétation fine), l'occasion d'une réflexion décalée... et pourtant pertinente.

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