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ANNA TABAKI
1. Voir Adamance Coray, Vios Adamantiou Korai [Vie d’Adamance Coray] dans Prolegomena I,
p.xii. Voir Louis de Sinner, ‘Coray Diamant’, article dans la Biographie universelle, ancienne et
moderne. Supplément, t.61. A Paris, chez L.-G. Michaud, 1836, p.358-59. Première présen-
tation exhaustive de la personnalité et de l’œuvre de Coray, l’article de l’helléniste suisse
Gabriel Rudolph Ludwig von Sinner possède beaucoup de mérites et il profite sur bien
des points de la connaissance personnelle de deux hommes. Voir Emmanuel N.
Franghiscos, ‘A Survey of studies on Adamantios Korais during the nineteenth century’,
The Historical review / La Revue historique II (2005), p.97-98.
2. Vios Adamantiou Korai, p.xviii. Voir aussi Nikolaos A. E. Kalospyros, O Adamantios Korais os
kritikos philologos kai ekdotis [Adamance Coray comme philologue critique et éditeur de
textes], vol.1 (Athènes, 2006), p.158-59.
3. Coray se réfère dans son autobiographie à ses professeurs de Montpellier; voir Vios
Adamantiou Korai, p.xxiv.
4. Voir Nikos Nikolaou, ‘I ippokratiki philologia kai o Korais’ [La philologie hippocratique
et Adamance Coray], dans Diimero Korai, p.85-101. Voir Kalospyros, Adamantios Korais,
p.170. Et dans ce volume la contribution de Roxane D. Argyropoulos.
5. Raoul Baladié, ‘La place de Coray dans la philologie du début du XIXe siècle’, dans Korais
kai Chios I, p.17-27. Et Kalospyros, Adamantios Korais, p.487 sq.
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Juge sévère et exigeant, P.-L. Courier écrira à son propos: ‘Parmi ceux
qui ont pris pour objet de leur étude les monuments écrits de l’antiquité
grecque, Coraı̈ tient le premier rang’.9 À Paris, Coray se noue d’amitié
avec une pléiade de savants, pour la plupart des hellénistes, qui
appartiennent à l’avant-garde idéologique et culturelle de leur époque,
ressentant le besoin de procéder à l’étude comparative de la Grèce
antique et de la Grèce moderne:10 parmi eux mentionnons Chardon de
6. C. Th. Dimaras, Histoire de la littérature néo-hellénique des origines à nos jours (Athènes, 1965),
p.218.
7. Voir les explications apportées par Coray dans son autobiographie: Vios Adamantiou Korai,
p.xxviii.
8. Baladié, ‘La place de Coray dans la philologie du début du XIXe siècle’, p.19.
9. Dimaras, Histoire de la littérature néo-hellénique, p.220. Il s’agit de Paul-Louis-Courier de Méré
(1772-1825), pamphlétaire connu qui, dans le domaine des études grecques, a donné une
nouvelle édition du roman Daphnis et Chloé de Longus et a publié en 1813 le traité de
Xénophon, Sur la cavalerie. Cependant, dans le cas de Strabon, Courier reproche
sévèrement à Coray de ne pas avoir procédé, pour les besoins de cette édition, à la
collation des manuscrits conservés dans les bibliothèques parisiennes; Voir Kalospyros,
Adamantios Korais, p.551-52.
10. Voir la thèse bien documentée de Georges Tolias, ‘La Grèce des hellénistes. Images de la
Grèce moderne dans la presse littéraire parisienne sous le Directoire, le Consulat et
l’Empire (1794-1815)’, Université de Paris-Sorbonne, Paris IV (Paris, 1992); du même, La
Médaille et la rouille. L’image de la Grèce moderne dans la presse littéraire parisienne (1795-1815)
(Athènes, 1997). Concernant les répercussions de leurs théories dans la culture grecque
du début du XIXe siècle, voir à titre d’exemple Argyropoulos, Roxane D. et Anna Tabaki,
Ta ellinika proepanastatika periodika. Evretiria III. ‘Eidiseis dia ta anatolika meri’ 1811, ‘Ellinikos
Tilegraphos’ 1812-1836, ‘Philologhikos Tilegraphos’ 1817-1821 [Les Revues prérévolution-
naires grecques. Index III. ‘Nouvelles pour les régions d’Orient’ 1811, ‘Le Télégraphe
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15. Les Caractères de Théophraste ont été dédiés ‘Aux Grecs libres de la Mer Ionienne’. Sur
l’édition, voir les commentaires de Sinner, ‘Coray Diamant’, p.363.
16. Du temps de Montpellier, Coray avait promis à Grimaud la traduction française des
principaux ouvrages d’Hippocrate. Voir Kalospyros, Adamantios Korais, p.173.
17. Louis de Sinner, ‘Coray Diamant’, p.364.
18. Le jugement vient de la plume de Pierre-Daniel Huet, Traité de l’origine des romans (Paris,
1711), ouvrage que Coray suit dans les grandes lignes, admettant la plupart des appréci-
ations de son auteur.
19. Vios Adamantiou Korai, p.xxvi. Voir Louis de Sinner, ‘Coray Diamant’, p.366.
20. Sur cette entreprise de Coray, voir dans ce volume la contribution de Michael Paschalis.
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21. Dimaras, Histoire de la littérature néo-hellénique, p.234. Sur la technique narrative coraı̈ste,
voir l’approche de Michalis Moschos, ‘Domi kai yphos ston Papatrecha’ [Structure et style
dans Papatrechas], dans Korais kai Chios I, p.169-85.
22. Voir Ourania Polycandrioti, ‘Aftoviographikos logos kai mythoplasia: i periptosi tou
Korai’ [Discours autobiographique et fiction narrative: Le cas de Coray], dans Themata
neoellinikis philologias. Grammatologika, ekdotika, kritika. Mnimi G. P. Savidi [Questions de
littérature néohellénique [...] In Memoriam G. P. Savidi] (Athènes, 2001), p.358-67.
23. Prolegomena III, Préface de Loukia Droulia, p.xliii.
24. Dimaras, Histoire de la littérature néo-hellénique, p.235-36.
25. Prolegomena II, Préface de Emmanuel N. Franghiscos, p.xvi.
26. Moschos, ‘Domi kai yphos ston Papatrecha’, p.184. Voir aussi l’introduction de Alkis
Angélou dans Adamance Coray, O Papatrechas, éd. Alkis Angélou (Athènes, 1978).
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27. Une vue d’ensemble critique est apportée dans ce volume par Peter Mackridge.
28. P. M. Kitromilides, Neoellinikos Diaphotismos. Oi politikes kai koinonikes idees [Les Lumières
néohelléniques. Les idées politiques et sociales] (Athènes, 1995), p.385.
29. Kitromilides, Neoellinikos Diaphotismos, p.398.
30. Voir Prolegomena II, Introduction, p.xiii et p.209-10.
31. Kalospyros, Adamantios Korais, p.361 sq.
32. Kalospyros, Adamantios Korais, p.376-77.
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43. Lettres de Coray au protopsalte de Smyrne, p.44, lettre datée du 15 septembre 1788; voir
Allilographia I, p.100.
44. Allilographia III, lettre datée du 12 mai 1810; voir Dimaras, Histoire de la littérature néo-
hellénique, p.221-22.
45. Vios Adamantiou Korai, p.xx: ‘Ma jeunesse fut agitée par l’orage des passions; seule la
pudeur à l’égard de mes maı̂tres m’a sauvé du naufrage et mon désir d’être digne de leur
estime’.
46. Dimaras, Histoire de la littérature néo-hellénique, p.222.
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47. Adamance Coray, Atakta [Mélanges], vol.II (Paris, 1829), p.xxvii. Voir aussi C. Th. Dimaras,
Ellinikos Romantismos [Le Romantisme grec] (Athènes, 1982), p.145-48.
48. Anna Tabaki, Peri neoellinikou Diaphotismou. Revmata ideon kai diavloi epikoinonias me ti dytiki
skepsi [Des Lumières néohelléniques. Courants d’idées et réseaux de communication avec
la pensée occidentale] (Athènes, 2004), p.184.
49. Voir Chantal Grell, Le Dix-huitième siècle et l’antiquité en France, 1680-1789, 2 vols (Oxford,
1995).
50. Michel Vovelle, La Mentalité révolutionnaire. Société et mentalités sous la Révolution Française
(Paris, 1985), p.97 sq. et en particulier p.122, 126 sq. et 136-37. Voir également François
Furet et Denis Richet, La Révolution française (Paris, 1973), p.472.
51. Emmanuel N. Franghiscos, ‘I philia Korai – Villoison kai ta provlimata tis’ [L’amitié Coray
– Villoison et ses problèmes], O Eranistis 1 (1963), p.65-85, 191-210; Alexis Politis, ‘Korais
kai Fauriel’ [Coray et Fauriel], O Eranistis 11 (1974), p.264-95; Philippe Iliou, ‘Stin trochia
ton Ideologon. Coray–Daunou–Fournarakis’ [Dans l’orbite des Idéologues. Coray–
Daunou–Fournarakis] Chiaka Chronika 10 (1978), p.36-68; Catherine Koumarianou, ‘O
Korais kai i ‘‘Société des observateurs de l’homme’’’ [Coray et la Société des observateurs
de l’homme], dans Diimero Korai, p.113-42.
52. Voir l’analyse évocatrice de Roxane D. Argyropoulos, ‘I skepsi ton Ideologon sto ergo tou
Adamantiou Korai’ [La pensée des Idéologues dans l’œuvre d’Adamance Coray], dans
Korais kai Chios II, tiré-à-part, p.31 sq.; voir aussi Argyropoulos, ‘La pensée des Idéologues
en Grèce’, Dix-huitième siècle 26 (1994), p.423-34.
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57. Pierre-Daniel Huet (1630-1721), évêque d’Avranches, érudit bien connu du dix-huitième
siècle, membre de l’Académie française. Sur sa notice bio-ergographique, voir J.-M.
Quérard, La France littéraire, vol.4 (Paris, 1964), p.153.
58. Le Traité a connu plusieurs éditions; nous suivons le texte de la 8e édition, celle de 1711,
réalisée du vivant de son auteur, qui est considérée comme la plus valide: Traité de l’origine
des romans. Par M. Huet, Huitième Édition Revue et augmentée d’une Lettre touchant
Honoré d’Urfé, Auteur de l’Astrée. A Paris [...] M.DCC.XI.
59. Erwin Rhode, Der griechische Roman und seine Vorlaüfer (Leipzig, 1876), considéré par
Mikhail Bakhtin comme le meilleur ouvrage écrit sur le roman antique. Voir Rotolo,
‘O Korais kai to archaio mythistorima’, p.56 sq. Sur le roman antique, voir G. Anderson,
Ancient fiction. The novel in the Graeco-Roman world (London, Sydney et Totowa, New Jersey,
1984); voir aussi T. Hägg, The Novel in antiquity (Oxford, 1983).
60. Première référence dans ‘Epistoli pros Alexandron Vasileiou’ [Lettre à Alexandre
Vasileiou], dans Prolegomena I, p.2.
61. Huet, Traité de l’origine des romans, p.2.
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62. Huet, Traité de l’origine des romans, p.12-13: ‘Après estre convenu des ouvrages qui meritent
proprement le nom de romans, je dis qu’il faut chercher leur premiere origine dans la
nature de l’esprit de l’homme, inventif, amateur des nouveautez et des fictions, désireux
d’apprendre, et de communiquer ce qu’il a inventé, et ce qu’il a appris; et que cette
inclination est commune à tous les hommes de tous les tems, et de tous les lieux: mais que
les Orientaux en ont toûjours paru plus fortement possedez que les autres [...]’.
63. Huet, Traité de l’origine des romans, p.2-4.
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lieu, dans les temps modernes, bien souvent l’élément amoureux est soit
complètement absent, soit joue un rôle secondaire. En second lieu, le
profit que le public tire de leur lecture n’est pas toujours évident; par
contre, dans de nombreux cas, au lieu d’instruire, ils provoquent des
résultats négatifs, en causant un dégât moral, à un point tel que l’on doit
décourager la jeunesse de lire des romans. En troisième et dernier lieu, ils
ne sont pas tous écrits en prose.64
Outre les références documentées visant des auteurs anciens et
byzantins, la lecture attentive du texte coraı̈ste nous permet de découvrir
quelques éventuelles influences qui sont intéressantes. Coray, jugeant
Xénophon d’Ephèse (Les Ephésiaques), remarque que ‘le manque des
grands défauts provient bien souvent de la faiblesse de l’esprit et il
n’est pas toujours le fruit de l’esprit commun de l’époque dans laquelle
les œuvres ont été écrites; celui qui n’a pas appris à voler haut, il n’a pas
grand peur de tomber’.65 Pour Coray, le manque d’audace prouve la
défaillance intellectuelle et c’est précisément ce manque qui conduit à la
médiocrité. L’écrivain n’arrivera pas à commettre de grands défauts, s’il
n’ose pas libérer son imagination ni la laisser s’envoler vers de hautes
inspirations. Nous pouvons peut-être déduire que ces idées sont assez
proches des conceptions esthétiques exprimées par Pseudo-Longin (Du
Sublime),66 sans exclure tout à fait les résonances des tendances
esthétiques rénovatrices qui marquent le dix-huitième siècle, concernant
le génie, l’inspiration et l’imagination.
Quant à la structure du roman, Coray suit de près les règles
aristotéliciennes visant la poésie dramatique:67 le roman, ‘bien fait,
c’est-à-dire véritablement dramatique’, doit avoir comme les poésies
dramatiques son Nœud, son Dénouement, ses Péripéties, ses Épisodes, et
presque tout ce qui a été cité par Aristote dans sa Poétique comme règles
de l’art. Il reconnaı̂t, en accord avec Huet, que dans ce sens, le roman
d’Héliodore est le plus parfait, celui qui a été travaillé avec le plus d’art
parmi ceux qui ont été sauvegardés.68 En outre, Coray s’appuie sur la
éclate dans tout l’ouvrage’ (Traité, p.68 sq). Plus loin, il le considère comme le ‘meilleur
modèle de roman’, qui a eu bien des imitateurs (Traité, p.108).
69. Coray, ‘Epistoli pros Alexandron Vasileiou’, p.20. Coray renvoie au ch.VIII [29-35] de la
Poétique, ‘De l’unité de la fable’.
70. Coray, ‘Epistoli pros Alexandron Vasileiou’, p.20. Il renvoie au ch.XV de la Poétique, qui se
réfère à la décence, à la convenance, à la ressemblance et à l’égalité des mœurs.
71. Coray, ‘Epistoli pros Alexandron Vasileiou’, p.20.
72. Voir Rotolo, ‘O Korais kai to archaio mythistorima’, p.64.
73. Coray, ‘Epistoli pros Alexandron Vasileiou’, p.24-25. Voir Aristote, Poétique, ch.IX.
74. Coray, ‘Epistoli pros Alexandron Vasileiou’, p.24.
75. C. Koumas, bien qu’il adopte le terme proposé par Coray en alternance avec romanon,
utilise une seule fois le terme mythistorima dans la Préface de sa traduction de l’Agathon de
Wieland. Au cours des décennies qui ont suivi, jusque dans les années 1860, nous repérons
l’usage parallèle des deux termes: mythistoria et mythistorima. Voir Anna Tabaki, Zitimata
sygkritikis philologias kai istorias ton ideon. Ennea meletes [Questions de littérature comparée et
d’histoire des idées. Neuf études] (Athènes, 2008), ch.VIII, ‘Oi ekdoches tis pezographias
mesa apo ta metaphrasmena keimena: i periptosi tou Ioanni Isidoridi Skylitsi’ [Les
versions de la prose narrative à travers les textes traduits: le cas de Jean Isidorides
Skylitsis], voir notamment p.141-43.
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Dans le réseau des influences reçues par Coray, nous devons ranger
sans doute la synthèse monumentale d’Edward Gibbon, History of the
decline and fall of the Roman Empire (1776-1788), à qui il fait souvent
référence. Dans la bibliothèque de Coray, nous retrouvons la traduction
française de Gibbon, élaborée par M.-F. Guizot, en 1819.89
Coray n’est pas un historien mais un philologue, à savoir un helléniste.
Dans ce second domaine, son intérêt semble le porter vers les Anciens.
Cependant, lorsque son sujet d’étude l’impose, sa documentation
s’oriente, faisant preuve d’une aisance notoire, vers les sources
byzantines. Pendant la dernière étape de son activité d’écrivain, qui
correspond aux années de la Guerre d’Indépendance grecque de 1821, il
accorde, certes, une attention sensiblement plus grande aux Modernes.
Quoique le monde médiéval soit peu représenté dans ses collections,
nous repérons C. Labbaeus, Meursius et Du Cange.
Néanmoins, malgré sa méfiance à l’égard des textes byzantins –
concernant leur qualité esthétique et leur ‘barbarismes’ – Coray s’avère
en être un bon conaisseur et un commentateur pertinent. Le premier
volume de ses Atakta est consacré à l’édition des Poèmes [Ptochoprodromika]
de Théodoros Prodromos, tâche qui s’est basée sur la collation de deux
codices manuscrits de la Bibliothèque Royale de Paris (mss. 1310 et 382).
94. Allilographia III, p.115, lettre à Alexandre Vasileiou, datée du 8 juin 1811.
95. L’ouvrage pédagogique de Mme Le Prince de Beaumont (1711-1780) a connu une
première traduction en grec par Spyridon Vlantis au tournant du dix-huitième siècle
(Apothiki ton paidon, première édition, vols I-IV, 1788-1793, 2e édition, 4 vols, Venise, N.
Glykys, 1794-1797) et il a été l’objet de plusieurs rééditions au cours du XIXe siècle.
96. Allilographia IV, p.186, lettre adressée à Théophilos Kaı̈ris, datée du 19 juin1819.
97. Allilographia IV, p.52, lettre adressée à Iakovos Rotas, datée du 14 octobre 1817.
98. L’adaptation célèbre de Alf Layla wa-Layla par l’orientaliste français Antoine Galland fut
traduite en grec par le biais de l’intermédiaire italien (Novelle arabe) par Polyzois
Lampanitziotis comme Aravikon Mythologikon (Venise, Antonio Zatta, vols I-III, 1757-
1762); plus tard, il a circulé sous le titre de Nea Chalima.
99. Allilographia II, p.257, lettre à Alexandre Vasileiou, datée du 12 avril 1805.
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100. Pour une vue d’ensemble, je me permets de renvoyer à mon étude ‘Identité et diversité
culturelle: Le mouvement de traductions dans le Sud-Est de l’Europe (XVIIIe siècle-début
du XIXe)’, in Sygkrisi / Comparaison 9 (1998), p.71-91.
101. Mémoire sur l’état actuel de la civilisation dans la Grèce. Lu dans la Société des observateurs de
l’homme, le 16 Nivôse, An XI (6 janvier 1803) par Coray, Docteur en médecine, et
Membre de ladite Société, p.54.
102. Voir à titre d’exemple, Allilographia II, p.129 et 253, lettres adressées à Alexandre
Vasileiou, datées respectivement du 26 janvier1804 et du 12 avril 1805. Voir Mémoire,
p.55.
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réticences pour le Trépied moral [Ithikos Tripous] édité par Rhigas,103 ainsi
que pour son édition du IVe volume du Voyage du jeune Anacharsis de
l’abbé Jean-Jacques Barthélemy.104 Quant au premier exemple, il est
repoussé pour le sentimentalisme outré des traductions, tandis que dans
les deux cas, il désapprouve l’existence des mots et des structures
linguistiques étrangers.105
Maintes fois Coray recommande dans ses Prolégomènes, ou propose plus
directement à ses correspondants, des livres occidentaux dignes d’être
traduits en grec. L’exemple le plus caractéristique demeure sans doute la
transposition du Tartuffe, effectuée par Constantin Kokkinakis. Mais
arrêtons-nous d’abord à l’exemple offert par Evanthia, sœur de
Théophilos Kaı̈ris. Agée seulement de 15 ans, très douée et connaissant
déjà des langues étrangères, la jeune fille s’adresse à Coray pour lui
demander conseil.106 Issue d’un milieu éclairé, elle lui exprime son désir
de s’adonner à la traduction du français, pour s’exercer, œuvrant
parallèlement au profit de sa nation. Coray, s’adressant à son frère, lui
propose la traduction des Contes moraux de Mme Guizot. Revenant un peu
plus loin sur ce sujet, il note que dans cet ouvrage il y a bien des endroits
qui sont difficiles à transposer en grec, car ils se réfèrent à des coutumes
et à des habitudes françaises, notamment parisiennes. Très soucieux de
la question de l’éducation des filles,107 il propose en alternative deux
autres ouvrages: celui de John Gregory, A Father’s legacy to his daughters
(1774), et le traité pédagogique de Fénelon, De l’éducation des filles.108 Plus
tard, en 1817, il incite Évanthia à traduire Marc-Aurèle depuis le
français.109
Dans le cas de Molière, nous devons rappeler que le siècle de
l’Encyclopédie s’est penché avec une attention critique, et des dispositions
philosophiques toutes particulières, sur l’œuvre du grand maı̂tre de la
comédie classique; Voltaire et Rousseau traitent amplement des deux
103. Cette trilogie publiée en 1797 comprend l’Olympiade de Métastase, ‘La Bergère des Alpes’
de Marmontel et ‘Le Premier Matelot’ de Salomon Gessner. Voir O Ithikos Tripous [Le
Trépied Moral] Introduction [et Glossaire] Anna Tabaki, Édité par les soins de Ines Di
Salvo, collection Rhiga Velenstinli Apanta ta sozomena [Rhigas Velestinlis Œuvres Com-
plètes], Supervision générale Paschalis M. Kitromilides, vol.III (Athènes 2000), Introduc-
tion, p.9-46.
104. Neos Anacharsis [(Voyage du) jeune Anacharsis]. Introduction, Edition, Commentaires,
Anna Tabaki, dans Rhiga Velenstinli Apanta ta sozomena, vol.IV (Athènes, 2000).
105. Allilographia II, p.241-43, lettre adressée à Alexandre Vasileiou, datée du 6 mars 1805.
106. Allilographia III, p.312, lettre d’Evanthia Kaı̈ri.
107. Voir P. M. Kitromilides, ‘The Enlightenment and womanhood: cultural change and the
politics of exclusion’, Journal of modern Greek studies 1 (1983), p.39-61.
108. Allilographia III, p.272-73, lettre adressée à Théophilos Kaı̈ris.
109. Allilographia IV, lettre datée du 30 avril1817. Voir Kalospyros, O Adamantios Korais, p.218.
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110. Voir Michel Delon, ‘Lectures de Molière au XVIIIe siècle’, Europe 523-24 (nov.-déc. 1972),
p.94. Voir Monique Wagner, Molière and the age of Enlightenment, SVEC 112 (1973).
111. Delon, ‘Lectures de Molière’, p.98.
112. Prolegomena II, p.421, 560, 561, 587.
113. Allilographia IV, lettre adressée à Constantin Kokkinakis, datée du 6 octobre 1820, p.262-
63, où il se réfère aux événements fâcheux qui ont eu lieu au Gymnase Philologique de
Smyrne et qui ont également touché Constantin Oiconomos.
114. Voir ses Prolégomènes à la première Rhapsodie de l’Iliade (Paris, 1811), dans Prolegomena II,
p.134. Et O Tartoufos [Tartuffe. Comédie en cinq actes composée en français par Molière,
traduite en langue grecque parlée par Constantin Kokkinakis Chiote (...)] (Vienne, 1815),
dans les ‘Prolégomènes’ de son édition, p.33.
115. Allilographia III, p.502.
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116. Voir Anna Tabaki, To neoelliniko theatro (18os-19os ai.). Ermineftikes proseggiseis [Le théâtre
néohellénique (XVIIIe – XIXe siècles). Approches interprétatives] (Athènes, 2005), p.170-
76.
117. Allilographia III, p.500.
118. Anna Tabaki, ‘La résonance des idées révolutionnaires dans le théâtre grec des Lumières
(1800-1821)’, dans La Révolution française et l’hellénisme moderne. Actes du IIIe Colloque d’Histoire
du Centre de Recherches Néohelléniques, Athènes, 14-17 octobre 1987 (Athènes, 1989), p.484-85.
119. Voir par exemple les Prolégomènes aux Politiques de Aristote, Prolegomena II, p.720, où il y
a une référence à Ch. Batteux (Les Beaux-arts réduits à un même principe, ch.IX).
120. Prolegomena II, p.159. Sur la transposition en grec des termes ‘caricature, farce’ en fortiki
komodia, voir sa lettre à Alexandre Vasileiou, datée du 1er mai 1804 (Allilographia II, p.149-
50).
Adamance Coray comme critique littéraire et philologue 175
I
La première, qui correspond plutôt à une initiation au spectacle théâtral,
fut celle d’Amsterdam. 1773: le futur commerçant Diamantis Coray
paraı̂t charmé de toutes les curiosités qu’offre à ses habitants cette ville
prospère, tolérante et libérale de l’Occident. Un défi qui porte sur
plusieurs niveaux; la soif d’apprendre, de connaı̂tre, trouve un terrain
propice dans ce carrefour des idées.123 Par ailleurs, la vie sociale
d’Amsterdam est une invitation constante au bien-être et au plaisir.
C’est ainsi que les lettres quelque peu naı̈ves envoyées à Smyrne par
Stamatis Petrou, employé fidèle dans l’entreprise familiale, ébauchent le
conflit entre deux conceptions du monde diamétralement opposées. A
travers la perplexité craintive et l’indignation quelque peu malveillante,
sans doute, de Petrou, on voit projetés comme à travers une lentille
grossissante les ‘égarements’, la ‘dérive’ morale de Coray. Le conflit
apparaı̂t ainsi, net et flagrant, entre la morale et la mentalité
traditionnelles d’une part, telles qu’elles sont reproduites par la
communauté fermée des résidants grecs d’Amsterdam, et, de l’autre, le
nouveau modèle social qui s’annonce: celui des Lumières. Dans le tête de
Petrou – expression de cette morale conservatrice et statique – deux
II
En second lieu, au moment de l’apogée des Lumières néohelléniques,
l’attention portée par Coray à l’activité dramatique originale est
manifeste: ses rapports avec Jean Zambélios demeurent très éloquents
à cet égard.135 Le jeune heptanésien, qui, parallèlement à ses préoccu-
130. Ermis o Logios [Le Mercure savant], 1817, p.361, Discours prononcé à l’école grecque de
Trieste.
131. Voir Eugène Jauffret, Le Théâtre révolutionnaire (1788-1799) (Genève, 1970), p.252; Paul
Hazard, La Révolution française et les lettres italiennes, 1789-1815) (Genève, 1977), p.86.
132. Allilographia II, p.429. Sur ce texte de polémique, par lequel Schlegel essaya de ‘frapper au
cœur de la dramaturgie classique, en retournant contre elle ses propres armes’, voir
Martine de Rougemont, ‘Schlegel ou la provocation: une expérience sur l’opinion
littéraire’, dans Premiers combats du siècle. Littératures, arts, sciences, histoire, romantisme,
vol.15, no 51 (1986), p.49-61.
133. Allilographia III, lettre datée du 15 mai 1810, p.26.
134. Allilographia III, p.85.
135. Sur la thématique néoclassique et le glissement progressif de l’auteur vers le drame
178 Anna Tabaki
140. Voir la lettre adressée par Zambélios (Leucade) à Coray (Paris), datée du 1er novembre
1817; Allilographia IV, p.53-54.
141. Ugo Foscolo qualifie Timoléon comme un ‘uom pari a Dio’ (Jonard, ‘Le ‘jacobinisme’ de
Foscolo’, p.198). Voir Vovelle, La Mentalité révolutionnaire, p.137. Comme J. Zambélios le
raconte dans son Autobiographie, il a assisté en Italie à des représentations théâtrales: il
mentionne que la première pièce qu’il a vue et qui l’a séduit fut Timoléon de Vittorio
Alfieri.
142. Allilographia I, lettre datée du 21 janvier 1793, p.293 sq.
143. Allilographia I, lettre datée du 25 janvier 1793, p.305-06.
144. Catherine Koumarianou, ‘Vivre la Révolution: Témoignages grecs de 1789’, dans La
Révolution française et l’hellénisme moderne, p.59.
180 Anna Tabaki
III
Thèse et antithèse. En troisième lieu, bien des années plus tard, Coray suit
les événements révolutionnaires survenus en Grèce. En 1824, il fait
publier les Préceptes politiques de Plutarque, muni de Prolégomènes qui
traitent cette fois de quelques questions majeures d’actualité politique.
Le titre est à lui seul éloquent: Sur des questions d’intérêt grec. Dialogue de deux
Grecs [Peri ton ellinikon sympheronton. Dialogos dyo Graikon]. L’année suivante,
le même texte allait circuler sous forme de brochure patriotique.150 Dans
cet écrit de nature parénétique, Coray consacre une bonne partie au
développement d’une problématique concernant la contribution du
théâtre à la correction des mœurs et à son utilité éventuelle dans une
appréhension d’ensemble des intérêts nationaux. Il se demande si ‘dans
les conditions actuelles de la Grèce, les théâtres sont réellement profi-
tables à la Nation [...]’.151 Dans ce texte sous forme de dialogue, Coray
exprime, quant à l’utilité du spectacle dramatique, des objections puisées
tout d’abord dans Saint-Évremond, à qui il emprunte la définition de
l’opéra: ‘une sottise chargée de musique, de danses, de machines, de
décorations, est une sottise magnifique, mais toujours sottise’.152 Coray
procède ensuite à une rétrospective esquissant l’historique du spectacle
dramatique chez les Grecs anciens et les Romains. Sa critique sévère
envers cette manie du spectacle, la ‘fureur du théâtre’ selon ‘le fameux’
Jean-Jacques Rousseau, est en rapport étroit avec les thèses exprimées
par le ‘citoyen de Genève’. Coray semble partager en effet jusqu’à un
certain degré les hésitations et les objections lancées par Rousseau dans
sa Lettre à D’Alembert sur les spectacles (1758)153 quant à la mollesse et à la