Vous êtes sur la page 1sur 8

1

Méthodologie : les sources


littéraires

Bibliographie

BASLEZ (M.-Fr.), Les sources littéraires de l’histoire grecque, Paris, A. Colin, U Histoire, 2003.
CANFORA (L.) et FOURGOUS (D.), Histoire de la littérature grecque d’Homère à Aristote,
Paris, Desjonquères, La Mesure des choses, 1994.
TRÉDÉ-BOULMER (M.) et SAID (S.), La Littérature grecque d’Homère à Aristote, P.U.F., QSJ
n° 227, 2001 (3e éd. remise à jour).
SAID (S.), Le BOULLUEC (A.) et TRÉDÉ-BOULMER (M.), Histoire de la littérature grecque,
Paris, P.U.F., Quadrige, 2004.
SAID (S.), La Littérature grecque d’Alexandre à Justinien, P.U.F, QSJ n° 2523, 1994 (2e éd.
corr.).
SIRINELLI (J.), Les enfants d’Alexandre : la littérature et la pensée grecque, 331 av. J.-C. –
519 ap. J.-C., Paris, Fayard, 1993.

1. La transmission et l’édition des textes :

Les sources littéraires ne sont pas des documents originaux produits dans l’Antiquité. Celles qui
nous sont parvenues sont celles qui ont été recopiées au fil des siècles et qui se sont préservées de
cette façon. Les plus anciennes versions sur lesquelles sont basées les éditions sont les papyri, qui
datent tous de l’époque impériale et sont postérieurs de plusieurs siècles à la publication originale
de l’œuvre.
La plupart des textes littéraires sont connus par des manuscrits byzantins et médiévaux (Ve- XVe
s.), encore plus éloignés dans le temps des textes originaux. Nous n’avons jamais la version
originale, parce qu’à chaque fois qu’il y a une copie, il y a un risque de modification du texte
original. De plus, souvent seule une partie de l’œuvre a été préservée.
2

Principaux problèmes de transmission :

- Les copistes n’avaient eux-mêmes pas souvent accès à une œuvre entièrement préservée.
- Les textes pouvaient ne pas être copiés en entier : ils étaient parfois des copies de certains
passages choisis dans des recueils. Les copistes transcrivaient parfois des sélections, par
exemple de passages littéraires à valeur morale (= censure). Autres cas fréquents de
copies partielles, les exercices scolaires.
- Modifications orthographiques ou stylistique : en fonction de l’évolution de la langue et
de l’effet recherché par le copiste, qui se permettait parfois de modifier ici ou là un mot,
une phrase.
- Erreurs de copie, fautes.
- Nouveau découpage du texte : ex. manuscrits médiévaux organisés en codex. Classements
alphabétiques. Selon le manuscrit ou le codex préservé, on peut avoir seulement une
partie de l’œuvre.

> Comme les manuscrits byzantins et médiévaux et même les papyrus d’époque impériale sont
eux-mêmes des copies, de copies, de copies, les risques de modifications sont multipliés.

2. L’édition des sources littéraires :

L’édition des textes se fait à l’aide de la totalité des manuscrits disponibles, en comparant les
variantes pour repérer les altérations, les ajouts, les omissions et tenter de reconstituer l’original
perdu. On ajoute au texte un apparat critique dans les éditions bilingues (ou sans traduction)
scientifiques. L’éditeur indique ce qu’il a ajouté, supprimé (jugé anachronique) et note les autres
versions non retenues. Plus l’apparat critique est développé, plus le texte est douteux et son
témoignage fragile. Les textes ont généralement été redécoupés (le redécoupage date en général
de la Renaissance) pour s’y repérer plus facilement. Beaucoup de fragments sont publiés de façon
indépendante, parce que l’ensemble de l’œuvre est impossible à restituer sur la base des
documents préservés.

> Lorsqu’on possède plusieurs œuvres d’un même auteur, on les compare pour identifier le style
de l’auteur (choix du vocabulaire, formules récurrentes, etc.) et tenter d’établir s’il s’agit d’une
3

de ses œuvres ou l’œuvre d’une autre personne qui a essayé de le copier (ou comme dans le cas
d’Aristote, un élève). S’il s’agit d’une copie ou que l’attribution à un auteur n’est pas certaine, on
le nomme pseudo-X (pseudo Aristote par exemple).

Les historiens travaillent à partir de l’œuvre déjà éditée et publiée par les philologues (spécialistes
des textes littéraires) tout en étant en mesure d’avoir un regard critique sur la version retenue et
de corriger une traduction.

Éditions à privilégier : CUF, Belles Lettres, Loeb Classical Library. D’autres bonnes éditions et
traductions existent (Folio, Garnier-Flammarion).
Les traductions anciennes privilégiaient le sens littéraire et l’élégance. Les traductions actuelles
sont beaucoup plus précises, voire techniques, et les notes explicatives plus développées.
L’édition résulte souvent maintenant d’une collaboration pluridisciplinaire.

3. Genres littéraires et principaux auteurs de l’époque classique :

Dans le cadre de ce cours, l’objectif est de présenter un aperçu des différents styles de la
littérature antique et de cibler les particularités de chaque auteur. Ces éléments vous seront utiles
dans l’élaboration de commentaires de textes historiques et de dissertations.

Les historiens

Hérodote

Biographie : (vers 485-vers 420 av.) Exilé d’Halicarnasse (cité du sud-ouest de l’Asie Mineure),
hôte d’Athènes et citoyen de Thourioi (cité coloniale de Grande Grèce).
Son œuvre :
Histoires ou Enquête. L’enquête d’Hérodote est menée à propos d’un événement précis, les
guerres médiques ; le récit suit le fil directeur des progrès de l’Empire perse et marque les étapes
de l’affrontement entre Orient et Occident. Œuvre découpée en 9 livres portant le nom de
chacune des muses, découpage probablement d’époque alexandrine.
Méthode :
4

Hérodote communique toutes les informations qu’il a retenues : descriptions des lieux,
monuments, coutumes, cultes, traditions diverses concernant Grecs et non-Grecs. Il a de bonnes
connaissances géographiques, théoriques (cartes) et pratiques. Il s’est intéressé à tous les peuples
connus des Grecs de son temps : Égyptiens, Babyloniens, Éthiopiens, etc. Méthode similaire à
celle de l’ethnologue : voyages, entretiens. Il se fonde sur ce qu’il a vu ou pour relater l’histoire
passée, sur les récits qu’il entend, faute d’archives.
Hérodote alterne entre descriptions géographiques et ethnographiques, établit le lien entre le
milieu de vie et la communauté qui l’habite ; toutes les caractéristiques étudiées sont l’objet de
comparaisons entre Grecs et Barbares.

Il n’exclut pas les récits mythologiques et rapporte tout ce qu’on lui dit. Il s’intéresse à l’histoire
récente, au détriment des généalogies mythologiques et des traditions épiques.

Thucydide
Biographie : ( 460 – 400/395 av.) : Athénien. Stratège en 424, mais n’ayant pas réussi à empêcher
le général spartiate Brasidas de s’emparer d’Amphipolis, il est condamné à l’exil. Il rédige
l’essentiel de son œuvre en Thrace, mais voyage, passage chez les Lacédémoniens (= Spartiates).

Œuvre :
Histoire de la guerre du Péloponnèse. Relate les 20 premières années de la guerre (donc jusqu’en
411/10), divisant son récit par étés et hivers. 8 livres, récit inachevé.
Méthode :
Opposé au merveilleux d’Hérodote (description de sa méthode livre I), il réduit son champ
d’investigation : parle de la guerre qu’il a vécu. Il justifie son choix de parler de la guerre du
Péloponnèse car elle dépasse toutes les précédentes (I,1) et aussi parce qu’il en fut un témoin
direct.

Souci d’enchaînement, d’exposer la causalité, contrairement à Hérodote qui fait de multiples


digressions. Il distingue constamment les prétextes des causes vraies. Il expose clairement sa
méthode pour rapporter les discours et les faits => il se veut le plus exact, le plus objectif
possible. Il a un vrai intérêt de l’histoire et essaie d’en tirer une leçon pour l’avenir
5

Les orateurs attiques du IVe siècle

Genre littéraire pratiqué : l’éloquence. Discours parfois théoriques, mais plus généralement ils
ont réellement été prononcés devant les tribunaux (procès) ou devant l’Assemblée (harangues).

- Isocrate (vers 436-338 av.) : A reçu l’enseignement entre autres de Socrate ; sa timidité et sa
faible voix l’ont détourné de la vie politique active. Il fut d’abord logographe (= rédacteur
professionnel de discours judiciaires), puis professeur de rhétorique. Il compta parmi ses élèves
des grands personnages : d’autres orateurs (Isée, Hypéride), le stratège Timothée, des historiens.
Pour ses élèves, il composa des discours qui se présentaient comme des modèles de rhétorique
politique. Publiés tout au cours de sa longue vie, ces discours sont une illustration de l’histoire
politique d’Athènes au IVe siècle et des débats qui s’y déroulaient.

- Lysias (vers 440 – vers 380 av.) : Le plus doué des orateurs du Ve , loué par les Anciens.
Lysias appartient à une famille de métèques riche, cultivée et proche du pouvoir. Sa famille est
une des premières victimes de l’oligarchie des Trente (tyrans mis en place par les Spartiates en
404 av., au pouvoir moins d’un an) ; son frère Polémarque fut éliminé par ceux-ci. Lysias
contribue au rétablissement de la démocratie. Après, il intente un procès à celui des Trente,
Ératosthène, qui procéda à l’arrestation de son frère. Contre Ératosthène = seul discours
prononcé par Lysias pour lui-même. Par la suite, il est appauvri mais sans doute rendu célèbre par
son discours, Lysias exerce le métier de logographe jusqu’à sa mort.

- Démosthène (384-322 av.) : Orateur et homme politique athénien, aussi logographe. Il débute
sa carrière vers 360. Il s’est formé à la rhétorique pour se défendre lui-même car ses tuteurs
dilapidaient sa fortune ; il plaide dans des procès privés, au tribunal, mais plaide aussi à
l’Assemblée. Les plaidoyers politiques et les harangues prononcées devant l’Assemblée assurent
sa gloire. À compter de 351, il devient chef de la faction anti-macédonienne.

Les dramaturges :
6

Les pièces étaient jouées dans le cadre de festivals (le plus important à Athènes = les Grandes
Dionysies, en l’honneur du dieu Dionysos). Il y avait des concours de tragédies (3 poètes tragiques
présentaient chacun 3 tragédies et un drame satyrique), des concours de comédies (5 comédies
admises à concourir) et des concours de dithyrambes qui opposaient les chœurs des 10 tribus
athéniennes

Le théâtre national populaire était étroitement lié à la cité et à ses dieux. Leur contenu ne
présente pas seulement un intérêt littéraire : on trouve des informations sur la société de l’époque.

Représentants de la tragédie :

- Eschyle (525-456 av.). Il aurait composé entre 70 et 90 œuvres. Il nous en reste seulement 7.
Œuvres : Les Perses (= seule tragédie historique), Les Sept contre Thèbes, L’Orestie (constituée
de 3 pièces : Agamemnon, Les Choéphores et les Euménides), Les Suppliantes, Prométhée
enchainé.

- Sophocle (497-405 av.) : a vécu très longtemps, rival et d’Eschyle, et d’Euripide, a remporté
18 victoires et ne fut jamais classé dernier. Sur 123 tragédies, seules 7 sont conservées : Ajax,
Antigone, Philoctète, Œdipe- Roi, Œdipe à Colone, Les Trachiniennes, Electre.

- Euripide (484-406 av.) : peu reconnu de son temps par rapport à Sophocle, il n’a connu que 4
victoires. Il a quitté Athènes pour la Macédoine dans les dernières années de sa vie. Il aurait
écrit 92 pièces. Nous en possédons aujourd’hui 18. Voici les tragédies : Alceste, Médée, Ion,
Hippolyte, Les Troyennes, Hélène, Les Bacchantes, Les Phéniciennes, Oreste, Iphigénie à
Aulis, Iphigénie en Tauride, Les Héraclides, Andromaque, Héraclès, Les Suppliantes, Hécube.

Représentant de la comédie :

- Aristophane (vers 445 – peu après 388 av.) : comédie ancienne. 11 comédies préservées (sur
44 connues par les érudits de l’époque alexandrine) composées pendant la guerre du
Péloponnèse. Il parodie la société, joue sur l’inversion des rôles (ex. les femmes en Assemblée :
7

femmes qui se costument pour participer à l’assemblée ; il se moque de ses concitoyens et des
hommes politiques qui ne savent pas gérer la cité). Œuvres : Les Acharniens, Les Cavaliers, Les
Nuées, Les Guêpes, La Paix, Les Oiseaux, Lysistrata, Les Thesmophories, Les Grenouilles,
L’Assemblée des femmes et Ploutos.

Les philosophes :

Platon (428-347 av.) : Élève de Socrate dont il transmit sa doctrine dans ses Dialogues. Fonde
l’Académie en 387. Issu d’une famille aristocratique dont plusieurs membres ont participé au
coup d’État des Trente. Il s’exile après la mort de Socrate en 399, fait des voyages d’études en
Égypte et en Italie du Sud. À Athènes, il n’a pas eu d’activité politique, mais dans La République
et Les Lois, il fait la théorie d’une société et d’un État idéal : l’individu est subordonné à
la communauté et l’État contrôle et dirige toutes les activités ; la propriété privée est supprimée et
les pouvoirs sont concentrés dans les mains d’une élite intellectuelle.

- Aristote :
Biographie: (384-322) Né à Stagire (en Chalcidique). Son père, Nicomaque, est médecin de la
cour du roi de Macédoine, auprès d’Amyntas II, père de Philippe II, grand-père d’Alexandre Le
Grand. Aristote a donc été élevé à la cour de Macédoine. Il devient le maître d’Alexandre (de
343 à 336). De 367 à 347, il voyage : à Athènes, où il est l’élève de Platon à l’Académie, en Asie
Mineure, où il séjourne à la cour du tyran Hermias d’Atarnée. 335-323 : il s’installe à Athènes
et fonde le Lycée en 335, son école de philosophie dite « péripatéticienne » (qui veut dire en
grec « se promener » car les élèves philosophaient en marchant dans le jardin de l’école). Il dirige
le Lycée jusqu’en 323 (école active jusqu’au VIe siècle p.C.).
323 : mort d’Alexandre, alors que la faction anti-macédonienne l’emporte à Athènes => Aristote
s’exile en Eubée, à Chalcis, il y meurt en 322.

- œuvres : considérables et très diversifiées ; quasi-encyclopédique (environ 1/5 préservée). Elles


comptent : écrits scientifiques (traités de biologie, de physique, de cosmologie), des ouvrages de
morale, de politique, de rhétorique, de poétique..
8

Aristote aurait écrit les Constitutions (Politeiai) de 158 États. Travail de recherche en équipe
(école péripatéticienne), supervisé par Aristote. Seule la Constitution d’Athènes est préservée en
entier, texte découvert au XIXe, publié pour la première fois en 1891. Style différent des autres
textes d’Aristote ce qui suscite le débat sur l’authenticité de cette œuvre (travail collectif
probable).
- Constitution des Athéniens : date de composition : entre 329/8 et 322. Le traité se compose de
deux parties assez différentes : 41 premiers chapitres exposent l’évolution du régime politique
athénien jusqu’à l’archontat d’Euclide (403 av.) ; la suite est un tableau des institutions
athéniennes du temps d’Aristote ( => 2 méthodes / 2 types de sources).

Les questions à toujours se poser pour faire une analyse de texte :


- L’auteur est-il ou non contemporain des événements ?
- Quel est son but ?
- Se veut-il objectif ?
- Exhaustif ?
- Moralisateur ?

Vous aimerez peut-être aussi