Journal d'imagerie diagnostique et interventionnelle 2022;5:63–65
Histoire de la radiologie
Le Journal de radiologie il y a
100 ans : 1922 et la cancérologie
The Journal of Radiology 100 years ago: 1922 and
oncology
B. Bonnemain
omme nous l'avons vu précédemment, le
C Journal de radiologie (JR) au début des
années 1920 est très riche en informations
concernant la radiothérapie du cancer. Ceci
s'explique bien sûr par l'action menée par
Marie Curie depuis plusieurs années sur la
place de la curiethérapie ou radiumthérapie.
C'est aussi un moment crucial en matière de
lutte contre le cancer qui est déclarée cause
nationale de santé publique en 1922. La ligue
contre le cancer vient aussi d'être crée en
1918 par Justin Godart. Et c'est en
1922 que sont créés les premiers Comités
provinciaux, un tournant fort dans l'évolution
de la ligue qui commence son implantation sur
tout le territoire. Le premier ouvre ses portes
à Lyon, la ville de Justin Godart. En novembre
1922, Jean-Alban Bergonié, de Bordeaux,
s'exprime dans les pages des Archives d'élec-
tricité médicale et de physiothérapie dont il fut
le fondateur en 1893 pour réclamer la création
de « centres régionaux de lutte anticancé-
reuse ». Le coût très élevé des traitements
(le radium, les appareillages. . .) le conduit
à proposer la création de centres spécialisés
accessibles aux « malades indigents, inscrits
à l'Assistance Publique ou non »[1]. Ce sera
l'origine des centres anticancéreux qui verront
le jour dans différentes régions de France
à partir de 1923. C'est aussi en 1922 que
l'hôpital Paul Brousse ouvre son nouveau ser-
vice du cancer à Villejuif[2].
C'est dans ce contexte particulier qu'il faut lire
les articles parus cette année-là dans le JR.
Tout d'abord, Marie Curie est élue à l'Acadé-
mie de Médecine, sans avoir posé sa candi-
dature (Fig. 1). Le journal rapport la
déclaration suivante de 35 membres de l'Aca-
démie : « Les membres soussignés pense que
l'Académie s'honorerait en élisant comme
https://doi.org/10.1016/j.jidi.2021.11.003
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Société d'histoire de la pharmacie, 4, avenue de
l'Observatoire, 75270 Paris cedex 6, France
Reçu le 10 novembre 2021 ; accepté le 23 novembre
2021
Disponible en ligne sur ScienceDirect le 10 janvier 2022
membre associé libre Madame Curie en
reconnaissance de la part qu'elle a prise
à la découverte du radium et d'une nouvelle
médication, la curiethérapie ». Avant son élec-
tion, tous les autres candidats avaient retiré
leur candidature. Elle y fut reçue le 14 février
1922 où le pharmacien Béhal, président de
l'année, rappelait ses travaux et ses consé-
quences et concluaient à propos de ses
découvertes : « elles ne sont rien à côté du
fait fondamental que vous avez trouvé, l'éner-
gie formidable contenue dans le système ato-
mique. Si l'on arrivait à pouvoir la libérer d'une
façon méthodique, elle débarrasserait le
monde de l'angoisse de voir disparaître
à brève échéance. . . les combustibles accu-
mulés par des siècles antérieurs et qui sont
à l'heure actuelle nos principales sources
d'énergie »[3].
Les articles concernant la radiothérapie sont
extrêmement nombreux en 1922 dans le JR,
en particulier :
 celui de Perthes sur la radiothérapie des
tumeurs malignes ;
 celui de Nadaud : « considérations théori-
ques et pratiques sur l'emploi actuel de la
radiothérapie profonde » ;
 celui de Jentzer sur la curiethérapie et les
injections radioactives. Ce dernier montre
qu'on essaie de rendre le radium injectable
par dissolution dans l'eau ou dans l'huile
d'olive ou de vaseline. Cette dernière tech-
nique produit des « vaselinomes fibreux
extensifs ».
Si la plupart des auteurs dans ce domaine
applique la technique aux cancers, on voit
aussi d'autres affections pouvant bénéficier
du radium ou des rayons X selon les auteurs,
comme l'asthme, les verrues plantaires ou le
Adresse e-mail :
rhume des foins. Kotzareff propose, quant bruno.bonnemain@wanadoo.fr
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 Histoire de la radiologie
Figure 1. Réception de Mme Curie à l'Académie de Médecine, le
7 février 1922 (Journal de radiologie, 1922).
à lui, une nouvelle technique, la radiumgraphie (ou curiegra-
phie) où les images sont prises après l'injection de radium
(Fig. 2), que l'on peut considérer comme un ancêtre de la
médecine nucléaire (danger mis à part !) [4]. La radioactivité
des sources d'eaux minérales continue à intéresser le corps
médical. Loisel par exemple publie sur la radioactivité des
eaux du Mont-Dore. C'est lui également qui émet d'hypothèse
que ces émanations radioactives, malgré leur courte période
et peut-être à cause d'elle, jouent un rôle indiscutable au cours
de l'application de certaines pratiques thermales.
Le danger des rayonnements reste cependant une préoccu-
pation grandissante. Régaud, à Paris, mentionne tous les
accidents observés mais se veut rassurant : « Dans un éta-
blissement correctement organisé et dont le personnel est
instruit et discipliné, les infirmiers et les voisins des malades
traités ne courent pas de risque du fait des corps radio-actifs »
[5]. On voit apparaître de nouveaux appareils pour faciliter le
maniement du radium, comme le « pont modifié » pour les
cancers bucco-pharyngiens de Jentzer ou le « porte-radium »
du même auteur pour le traitement du cancer de l'œsophage.
Mais ce sont des appareils qui ont pour but une amélioration de
d'efficacité du traitement et pas pour protéger davantage
l'opérateur.
Protection des droits des sujets humains et animaux
L'auteur déclare que les travaux décrits n'ont pas impliqué
d'expérimentations sur les patients, sujets ou animaux.
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B. Bonnemain
Figure 2. Porte-radium de Jentzer (Journal de radiologie, 1922).
L'instrument se compose de 3 parties importantes : 1. Cupule ;
2. Mandrin ; 3. Sonde. 4. Cordonnet (soie no 5) ; 5. Crochet ;
6. Boucle de la cupule ; 7. Vis de blocage ; 8. Centimètre ;
9. Instruments destinés à la pêche de la cupule ; 10. Partie évasée
destinée à l'emboîtement de la cupule ; 11. Manière de faire la
boucle (haute de 5 mm environ) ; 13. Le nœud est fait, la boucle
est fixée ; 14. a) Fentes verticales dans lesquelles se coincent les
fils de la boucle (le glissement de la boucle est ainsi évité) ;
b) Fentes horizontales pour le cordonnet (le nœud sera fait entre
les deux fentes, afin que ce dernier n'empêche pas la cupule de
pénétrer dans la sonde).
Consentement éclairé et confidentialité des données
L'auteur déclare que les travaux décrits n'impliquent aucun
patient ou sujet.
Déclaration de liens d'intérêts
L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
Financement
Cette étude n'a reçu aucun financement spécifique d'une agence
publique, commerciale ou à but non lucratif.
Contribution et responsabilité des auteurs
L'auteur atteste du respect des critères de l'International Committee of
Medical Journal Editors (ICMJE) en ce qui concerne sa contribution
à l'article.
RÉFÉRENCES
[1] Bergonié J. La lutte contre le cancer par l'organisation de centres
régionaux de lutte anticancéreuse. Arch Electr Med Physiother
1922;482:321–3 [Un résumé de cet article sera publié dans le JR
en 1922 sous le titre : « L'organisation régionale de la lutte contre
le cancer »].
[2] Belot B. Le nouveau service du cancer à l'hôpital Paul Brousse
(Villejuif). J Radiol 1922;445–50.
Le Journal de radiologie il y a 100 ans : 1922 et la cancérologie
Histoire de la radiologie

[3] Béclère A. Mme Curie à l'Académie de Médecine. J Radiol [5] Regaud C. Sur les dangers du radium; 1922;51 [Publication
1922;105–9. relatée dans le Journal de radiologie].
[4] Kotzareff A. Photographies des organes par l'émanation du
radium ou radiumgraphie (Curiegraphie). J Radiol 1922;131–3.

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