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Annales / Alliance d'hygiène

sociale

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Alliance d'hygiène sociale (France). Auteur du texte. Annales /
Alliance d'hygiène sociale. 1907-06.

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SECRÉTARIATi 23, Rtie Las-Çases; /uMs
,

-fllKance
f/ V
î 'idhygiène
, ,

sociale
Présides* : M* LÉON BQURGÉQÎS ,'."': "'
.

Sebrétaire général : Jtt. RAOUL BOMPARD .,.

£.:: ANNALES ;
.

-
N" _4bis. — Juin 1907

Congrès de Nancy
(22-24 Juiiv 1900)

Imprimerie Berger-Levrauïi et Cle


NANCY — Rue des Glacis, 18
Le Comité de direction de l'Alliance au moment
du Congrès de Nancy était ainsi composé :
Président: M. CASIMIR-PERIER;
Vice-Présidents : MM. Dr BROUARDEL, E. CHEYSSON, Dr GRAN-
: CHER, LOURTIES, L. MABILLEAU, JULES SIEGFRIED, PAUL
STRAUSS; .

Secrétaire général : M. RAOUL BOMPARD ;


Trésorier : M. FRÉDÉRIC HALINBOURÛ;
Membres du Conseil adjoints au Comité de Direction : MM. CAVE,
EDOUARD FUSTER, Dr À.-J. MARTIN, A. MILLERAND, GEOR-
GES PICOT. '

COMITÉ LORRAIN
Président d'honneur : M. MÉZIÉRES, de l'Académie française, séna-
teur de Meurthe-et-Moselle ; •
':
Président : M. GROSS, doyen de la faculté de médecine;;. .

Vice-Présidents : MM. P. SPILLMANN, professeur à la faculté de


médecine ; G. BOURCART, professeur à la faculté de droit ;
Secrétaire général : M. P. BOYÉ, docteur es lettres, avocat à la cour;
Secrétaire adjoint : MM. C. SAD.OUL, docteur en droit, directeur
particulier d'assurances ; Dr GOEPFERT ;
Trésorier : M. RENAULD, banquier.
Présidents de sections
Tuberculose et autres maladies contagieuses : M. le DrP. SPILLMANN,
professeur à la faculté de médecine ;
Mortalité infantile : M. le Dr HAUSHÀLTER,professeur à la faculté de
médecine ; ' •'_;;.
•.
^/coo/wme ; M. .
R. STEINHEIL, imprimeur-éditeur;
Mutualité : MM. PAPELIER, ancien député; LAURENT, professeur
à la faculté des lettres ;
Habitations à bon marché : M. G. BOURCART, professeur à la faculté
de droit ;
Hygiène et alimentation : M. le Dr MACÉ, professeur à la faculté de
médecine ;
Assainissement : M. IMBEAUX, ingénieur des ponts et chaussées,
directeur du service municipal de la voirie ;
Assistance préventive : M. LÉOPOLD LALLEMENT, vice-président du
bureau de bienfaisance ;
Médecine militaire : M. BENECH, directeur du service de santé du
20e corps.

TOUTES LES COMMUNICATIONS relatives au Bulletin doivent être


adressées à M. RAOUL BOMPARD, Secrétaire général, aux bureaux de l'Alliance,
23, rue Las-Cases, Paris.
/^\^QAlliance d'hygiène sociale
../^V-: </Ç\ •.:'.. -

\ \ y^/ ANNALES
Publiées'[ sous 'la direction dé M. RAOUL BOMPARD
N° 4 bis — JUIN 1906

3e Congrès d'hygiène sociale


Tenu a NANCY
22-24 juin 1906
.
TR»*fcJ2C DU CONGRÈS

Rapports et Discussions
PREMIÈRE SÉANCE
/•S'' /) t , \'^\(Vendredi 22 juin, matin)

Allocution d'ouverture de M. lé Doyen QROSS


Président du Comité lorrain de l'Alliance d'hygiène sociale

Messieurs, chers Congressistes,


J'ai le grand honneur de prendre la parole, au nom de l'érninent
président de l'Alliance d'hygiène sociale, M. Casimir-Perier, ancien
président de la République, pour vous souhaiter la plus cordiale
bienvenue,.
Je vous remercie, chers Congressistes, pour l'empressement que
vous avez mis à vous rendre si nombreux à notre appel.
Je remercie tout particulièrementMM. Edouard PETIT, inspecteur
général de l'instruction publique; LALANDE, inspecteur principal,
représentant M. MESUREUR, "directeur de l'administration générale
de l'assistance publique de Paris ; M. le Dr DROUINEAU, inspecteur
général des services administratifs de l'assistance publique ; M, LE-
PRINCE, membre du conseil de surveillance de l'administration de
.l'assistance publique; M. le Dr GOURICHON, inspecteur de la ville
de Paris et du département de la Seine; M. le Dr MANGENOT,
délégué du comité départemental des habitations à bon marché de
la Seine; M. le Dr HENROT, ancien maire de Reims, membre du
conseil supérieur de l'assistance publique; MM. les délégués des
comités de l'Alliance d'hygiène sociale de Lyon et de Lille, d'être
venus se joindre à nous pour rehausser l'éclat de notre congrès,. .
4 CONGRÈS DE NANCY
Je dois encore des remerciements aux délégués et représentants
des bureaux de bienfaisance qui ont répondu à l'appel que M. le
ministre de l'intérieur leur a adressé en notre faveur; à tous ceux,
enfin, qui, venus de régions éloignées de notre Lorraine, ont quitté
leurs occupations, leurs foyers pour prendre: part à nos; travaux.
Merci à vous tous, chers Collègues, qui nous apportez l'appui
de votre.expérience et de votre autorité..
Permettez-moi aussi, chers Collègues, de prendre la parole au
nom du. comité lorrain de l'Alliance d'hygiène, sociale, et de vous
exprimer toute notre gratitude pour le grand honneur que vous
avez fait à Nancy, en la choisissant pour siège de votre troisième
congrès.' ...'.--'' ' : ' -.
J'ai à coeur également de vous dire combien votre comité lor-
ïain a été touché de la grande marque de confiance' que le conseil
d'administration de l'Alliance d'hygiène sociale lui a témoignée en le.
chargeant de l'organisation du congrès.
En faisant coïncider notre réunion avec le congrès des mutualistes,
le conseil a voulu, une fois de plus, donner un témoignage de sym-
pathie aux associations mutualistes et leur montrer combien noHS
comptons sur elles, pour faire connaître la grande oeuvre à la fois
humanitaire et patriotique à laquelle notre éminent président a
attaché son nom.
Le programme que nous vous présentons est chargé, très chargé
même, et votre comité d'organisation a eu le grand chagrin de ne
pouvoir satisfaire à toutes les demandes qui lui ont été adressées.
Les questions mises à l'ordre.du jour de nos séances, avec l'assen-
timent du conseil d'administration de l'Alliance, nous ont paru le
mieux en rapport avec nos préoccupations locales.
Vous nous apporterez vos lumières, vous nous présenterez vos
critiques, nous en ferons le meilleur profit pour étudier et perfec-
tionner l'organisation de l'hygiène sociale en Lorraine.
Pour vous montrer l'état actuel de l'hygiène sociale à Nancy,
les moyens employés pour combattre la mortalité infantile, les
ravages de la tuberculose et de l'alcoolisme, pour vous faire con-
naître les grands travaux d'assainissement entrepris par la munici-
OEUVRES D'ASSISTANCE DU BUREAU DE BIENFAISANCE 5

palité, les efforts incessants faits par le bureau de bienfaisance de


Nancy, parles industriels de la région pour supprimer'les taudis et
améliorer les habitations ouvrières, pour vous montrer l'organisation
et le fonctionnement de nos sociétés de secours mutuels, le comité
lorrain a pensé ne pouvoir mieux faire que de vous présenter dans
la galerie que vous avez traversée en entrant, des graphiques, tableaux
statistiques, plans et coupes, photographies et dessins de toutes
sortes, indiquant nos moyens d'action et les résultats obtenus.
Nous allons, ce matin même, vous faire, juger sur place nos
oeuvres d'assistance par l'habitation, par le jardin, par le travail,
l'installation de notre école ménagère, toutes oeuvres dues à l'ini-
tiative du bureau de bienfaisance .de Nancy, à l'activité de ses
membres et de son dévoué vice-président, M. Lallement.
Nous vous conduirons aussi visiter le sanatorium de Lay-Saint-
Christophe, fondé sous l'impulsion vigoureuse du promoteur de
l'oeuvre antituberculeuse en Lorraine, le professeur Spillmann, un
de nos vice-présidents du comité lorrain de l'Alliance.
Je ne veux pas écourter davantage le temps que nous consacrerons
à visiter toutes ces créations lorraines, je m'arrête et déclare ouvert
le troisième Congrès de l'Alliance d'hygiène sociale.
Nous nous retrouverons ici, cet après-midi, à 2 heures, pour
commencer nos travaux.

Visite aux oeuvres d'assistance du bureau de bienfaisance


de Nancy

A 9 heures les congressistes, et parmi eux des dames, se


groupèrent pour visiter quelques-unes des oeuvres d'assis-
tance hygiéniques créées par le bureau de bienfaisance.
Des automobiles, des breaks, des landaus furent mis gra-
cieusement à leur disposition et la caravane se dirigea, sous
la direction de M. Lallement, vice-président du bureau de
bienfaisance, d'abord aux habitations hygiéniques de l'OEuvre
6 CONGRÈS DE NANCY
v
d'assistance par l'habitation, situées dans la charmante vallée
de B.oudohville ; elle y fut reçue par les membres du comité
(dames et messieurs), qui purent appeler leur attention sur
le caractère essentiellement hygiénique de l'oeuvre, sur la
bonne tenue des logements assez spacieux (4 pièces) pour
abriter une nombreuse famille, complètement séparés l'un
de l'autre; un jardin de 3" 6oca est affecté à chacun des loge-
ments;
De là on se rendit à l'un des quatre groupes de l'OEuvre
d'assistance par le jardin, situé à Médreville dans un site
ravissant aux confins du territoire de la ville, comprenant
74 lots. Les membres du comité purent faire admirer aux
visiteurs la belle tenue et les beaux produits de chaque lopin
de terre (2a4bca en moyenne) concédé gratuitement aux
tenanciers et dont la culture est facilitée par la distribution
de semences de légumes variés et par l'eau puisée a des
bornes-fontaines.
Au retour en ville, quelques congressistes visitèrent un
des quatre restaurants économiques de l'association présidée
par M. Lallement, le restaurant de la rue Saint-Léon, dont
M. Bretagne, l'un des directeurs, fit les honneurs ; les con-
gressistes purent se rendre compte de son installation co-
quette et pratique,1 analogue à celle des trois autres restau-
rants, de la qualité des aliments sains et substantiels vendus
presque au prix coûtant et de. la comptabilité ingénieuse
adoptée par l'oeuvre qui a été reconnue d'utilité publique
en 1887, et qui a conservé son caractère philanthropique.
Les autres congressistes furent conduits à l'Ecole ména-
gère de la rue Clodion où ils furent accueillis fort aimable-
ment par Mllc Gille, directrice, Mme Daum et les autres dames
patronnesses de l'oeuvre, présidée avec tant de sollicitude
par M. Auguste Daum et Mmc Franchi. Les ateliers de repas-
SANATORIUM DE LAY-SAINT-CHRISTOPHE .7
sage, de couture, les locaux consacrés à l'apprentissage culi-
naire furent successivement parcourus avec un' vif intérêt,
et L'on emporta de cette visite une vive impression de son
utilité sociale.
.
Enfin l'excursion générale se termina par une intéressante
'visite faite à l'OEuvre d'assistance par le travail située rue
des Jardiniers, fondée avec des capitaux provenant des libé-
ralités de M. Mathis et du Pari mutuel. M. Adolphe Garnier,
.son directeur, avec sa haute compétence et sa longue expé-
rience, put entretenir les assistants de. ses moyens d'action
pour l'acquisition, la fabrication et la vente des petits fagots
et des résultats surprenants obtenus : 88 % de recettes nettes
pour le onzième exercice, grâce à une administration aussi
sage qu'éclairée.
Puis on se sépara vivement impressionné de l'utilité des
oeuvres visitées et frappé de l'avantage qu'il y aurait à les
voir se propager.

Visite au sanatorium de Lay-Saint-Christophe

Un deuxième groupe de congressistes a visité le sanato-


rium de Lay-Saint-Christophe, sous la direction du professeur
Spillmann, son fondateur, et du docteur Nilus, le médecin-
directeur de l'établissement.
Bâti à 1500 mètres de Lay-Saint-Christophe, station de la
ligne de Nancy à Château-Salins, le sanatorium se trouve à
300 mètres d'altitude, protégé des vents du nord, de l'est et
de l'ouest par un ensemble de collines disposées en forme
de cirque. Il est au milieu d'une propriété de 10 hectares en
partie boisée.
La façade est exposée au sud-ouest et reçoit le moindre
rayon de soleil. Des balcons et de la galerie de cure rien
8 \ CONGRÈS DE NANCY * '

n'arrête la vue, le panorama qu'on découvre sur Nancy et


sur la vallée de la Meurfhe est gai et reposant.
La galerie de cure forme une avancée d'une largeur de
4 mètres tout le long de la façade. Elle est surélevée et de
cette façon de plain-pied avec le rez-de-chaussée. "
Au rez-de-chaussée se trouvent deux salles à manger, deux
salles de réunion, deux salles de bain et le cabinet du doc-
teur avec le laboratoire y attenant.
Les chambres des malades sont de un ou deux lits, leur
cube d'air est plus que suffisant. Elles donnent toutes sur la
façade et sont donc largement ensoleillées. Leurs fenêtres
sont surmontées d'impostes. Le mobilier en est simple et
.'facile à stériliser. Leurs angles arrondis et leurs murs peints
ou recouverts de toiles lavables se prêtent facilement au
nettoyage.
.L'entretien de ces chambres est simple: tous les jours,
elles sont lavées à grande eau, souvent savonnées entière-
ment et, quand un malade quitte l'établissement, son loge-
ment est désinfecté, à la vapeur de formol.
Le sol de toute la maison est en ciment armé, mais dans
les chambres, il est recouvert en outre de linoléum.
Le ' chauffage s'effectue par un calorifère à la vapeur à
basse pression. Les différentes pièces et les corridors ont des
radiateurs dont la surface varie avec le cube d'air à chauffer.
L'établissement est éclairé à la lumière électrique.
Dans les sous-sols sont installés là cuisine, un office, la
buanderie, la désinfection et des magasins.
La désinfection se fait à la vapeur.
Tous les matins, un infirmier rassemble les crachoirs uti-
lisés depuis la veille, il les fait passer à l'autoclave, puis les
rince à l'eau courante et enfin avec une solution de perman-
ganate de potasse. La vapeur nécessaire au fonctionnement
SANATORIUM DE LAY-SAINT-CHRISTOPHE 9
de cet autoclave est fournie par un générateur qui alimente
également une grosse étuve destinée à stériliser là literie.
Les eaux ménagères et les déjections du'sanatorium se
rendent dans une fosse Mourras. Cette fosse est située à
environ 500 mètres du sanatorium, les eaux qui en sortent
claires servent à l'irrigation des prairies.
Le sanatorium est abondamment pourvu de l'eau de
sources captées sous les collines avoisinantes. ,. . .
L'aile droite du bâtiment est actuellement seule construite,
elle est disposée pour recevoir une trentaine de malades.
Grâce à une généreuse donatrice, Mme Finance, une aile gau-
che va être prochainement élevée.
Le recrutement de la plupart des malades s'effectue à une
consultation faite le premier lundi de chaque mois à l'hô-
pital civil de Nancy. Les autres sont reçus d'après les certi-
ficats envoyés par leurs médecins traitants.
Les premiers malades entraient au nombre de 5 le 8 dé-
cembre 1902. Depuis cette époque jusqu'au Ier avril 1905,
187 ont séjourné au sanatorium, 82 "pendant l'année 1903-
1904, 105 en 1904-1905.
Un bon quart des malades entrés au sanatorium en sont
sortis avec la guérison et plus du tiers: l'ont quitté améliorés.
La plupart des anciens pensionnaires ont pu être suivis.
Aucun de ceux qui avaient été considérés comme guéris
n'a eu de rechutes ; plusieurs de ceux qui avaient été notés
à la sortie comme améliorés se sont guéris dans la suite ou
bien ils ont continué à s'améliorer au point de n'avoir pas
interrompu leur travail depuis de longs mois. Si la cure du
sanatorium' ira pas été très profitable à environ un tiers des
malades, cela tient à ce que beaucoup n'y étaient pas à leur
place et qu'ils auraient dû plutôt se faire hospitaliser pour une
tuberculose trop avancée ou accompagnée de complications.
10 ' \ CONGRÈS DE NANCY
Il serait à souhaiter de voir compléter l'éducation du
peuple à ce point de vue, de façon à ce que la valeur du
sanatorium soit bien çoiinue et que l'ouvrier.vienne se faire
soigner à temps, dès qu'il ressent les premiers symptômes
du mal. Alors seulement le sanatorium populaire fournira
son maximum de bons/résultats.

Exposition du Congrès

Le comité lorrain dé l'Alliance avait eu l'heureuse idée de


faire dans la galerie est de la salle Poirel, servant de salle
des pas-perdus avant l'entrée des deux congrès de l'hygiène
sociale et de la mutualité, une petite exhibition des oeuvres
locales relatives aux sujets de ces congrès : la mise à exécu-
tion de cette idée avait été confiée à M. le Dr Imbeaux,
ingénieur des ponts et chaussées et de la ville de Nancy,
qui, malgré le peu de temps et de ressources disponibles, s'en
est tiré habilement.
Les dessins et pbjets mis en vue dans cette galerie étaient
classés en six groupes.

I — Hygiène urbaine
La ville de Nancy exposait — non sans fierté — les plans
successifs montrant son développement depuis 1656 jusqu'à
1906, ainsi que le développement progressif de ses services
d'eaux et d'égouts. Un graphique très suggestif montre la
diminution de la fièvre typhoïde depuis 1880 au fur et à
mesure de l'extension de la double distribution d'eau, et
.notamment sa disparition pour ainsi dire totale à partir du
EXPOSITION DU CONGRÈS II
remplacement en 1900 des anciennes sources par les eaux
captées sous la forêt de Haye.
Outre les plans de distribution intérieure des.deux sortes
d'eau, on voyait des représentations de l'usine élévatoire des
eaux de Moselle à Messein, usine hydraulique et électrique
qui peut fournir 50000 mètres cubes d'eau à Nancy, —' des
vues des travaux si difficiles de captation des eaux souter-
raines de la forêt de Haye par Une galerie de près de 5 kilo-
mètres de long, — enfin une représentation au quart de gran-
deur d'un organe très curieux nommé serrement* qui a pour
but de retenir dans le sol les eaux surabondantes des pério-
des humides pour les rendre durant les périodes sèches : on
obtient ainsi une régularité, artificielle du débit des nappes
souterraines.
La ville de Lunéville montrait des graphiques très intéres-
sants de mortalité et morbidité par fièvre typhoïde ; mal-
heureusement cette ville a beaucoup moins fait que Nancy
pour la qualité de ses eaux et elle n'a pu obtenir dès lors
un résultat comparable.
On sait qu'au point de vue des eaux, le département de
Meurthe-et-Moselle a été étudié magistralement par M. le
Dr Imbeaux, dans son ouvrage ': Les eaux potables et leur rôle
hygiénique en Meurthe-et-Moselle. La situation des .nappes
aquifères du département était exposée à la salle Poirel
sous une forme schématique saisissante.
Les auteurs de YAnnuaire des distributions d'eau de France,
Algérie-Tunisie, Belgique, Suisse et Luxembourg, MM. Imbeaux,
capitaine Hoc, Van Luit et Peter, montraient pour la première
fois une carte des pays précités indiquant le mode d'alimen-
tation en eau de toutes les villes d'au moins 5 000 habitants.
Cette carte fait voir que malheureusement il reste beaucoup
à faire chez nous sous ce rapport.: sur 616 villes de plus
12 \ CONGRES DE NANCY
de.5 ooo habitants en France, 148 n'ont aucune distribution
d'eau et 34 des autres, ne donnent pas de concession aux
particuliers. Il y a encore plus à faire pour les égouts, car
65 villes, françaises seulement appliquent le tout-à-Fégout et
294 n'ont aucun égout, même pluvial.
Cependant les: moyens'd'amener l'eau potable et d'évacuer
les eaux usées ne manquent pas. La Société des hauts four-
neaux et fonderies de Pont-à-Mousson, mie des plus grandes
productrices de tuyaux de fonte du monde entier, exposait
les différents types de joints pour tuyaux ordinaires et pour
tuyaux salubres. De son côté, la Société des grés céramiques
de Rambervillers (Vosges) montrait les tuyaux, siphons,
cuvettes, etc. en grès qui servent couramment dans l'assai-
nissement des villes.

II— Hygiène de la maison

Sous ce rapport, on voyait dans la salle une nouveauté,


l'appareil de MM. Albert Lévy et Pécoul pour reconnaître et
doser l'oxyde de carbone dans les habitations: on sait com-
bien ce gaz toxique, même à faible dose, est nuisible, et il
est de la plus haute importance de pouvoir le déceler et
l'éviter.
La Compagnie générale d'électricité avait de son côté
.
installé des ventilateurs électriques, bien capables d'assurer
la ventilation des chambres et des ateliers. Mais au point de
vue ouvrier,, elle montrait une application fort intéressante
dé l'électricité au travail en chambre : grâce à de petits mo-
teurs, s'attachant facilement à toute sorte d'outils, notam-
ment aux machines à coudre, l'ouvrier et l'ouvrière peuvent
sans quitter leur domicile et moyennant quelques sous par
jour exécuter sans fatigue un travail important et rémuné-
EXPOSITION DU CONGRÈS 13
rateur. L'hygiène personnelle de l'ouvrier, surtout de la
femme, et l'attrait qui les retient ainsi au foyer sont la con-
séquence très heureuse de ce système.
La même compagnie exposait aussi un stérilisateur d'eau
à ozone, système Otto, qui s'installe dans chaque maison, sur
la distribution d'énergie électrique. Il n'est pas à désirer que
les villes laissent aux particuliers le soin de traiter bactèrio-

pareil peut être fort utile. • ':...


logiquement l'eau dé boisson ; mais là où elles le font, l'ap-

III — Cités et maisons ouvrières

Dans notre région si industrielle de l'Est, l'importance


des maisons ouvrières, saines et à bon marché, est très grande.
Non seulement les sociétés industrielles,:métallurgiques,
salicoles et autres l'ont compris et ont fait de grands efforts
pour édifier des cités ouvrières, mais à Nancy, le bureau de
bienfaisance, entrant dans la voie tracée par M. Lallement
(voir son rapport au congrès), et la Société immobilière
nancéienne ont commencé à mettre un certain nombre de
logements à la disposition des familles ouvrières. Chacune
de ces institutions exposait des vues de ces maisons nou-^
velles, offrant à bon compte propreté et confortable : le
bureau de bienfaisance y ajoute un autre genre d'assistance
également fort intéressant, l'assistance par le jardin, dont'
chacun comprendra le but hygiénique et moralisateur.
Ce sont, comme on sait, les sociétés muihousiennes qui
se sont distinguées les premières dans l'oeuvre des maisons
ouvrières : informées de notre congrès, elles ont tenu à 3^
participer. La Société industrielle de Mulhouse montre les
groupes les plus nouveaux de maisons ouvrières, établies au
faubourg de Dornach, grâce au généreux désintéressement
14 "' CONGRES DE NANCY
dé M. Lalance. De son côté la Société cotonnière mulhou-
sieniie (Schlumberger et Cie) fait voir les plans et photo-
graphies des installations destinées à réaliser le difficile pro-
blème de la ventilation et de l'humidification des ateliers de
tissage. D'Alsace aussi, nous avons des dessins des maisons
ouvrières de la célèbre cristallerie de Saint-Louis.
En Meurthe-et-Moselle, les cristalleries de Baccarat, la So-
ciété foncière de Xèuilley, la soudière Solvay et la soudière
de la Meurthe, les grandes sociétés métallurgiques de Pont-
à-Mousson, des aciéries de Longwy, de Çhâtillon-Commen-
try et Neuves-Maisons (à Champigneulles et à Neuves-
Maisons), des forges et aciéries du Nord et de l'Est, enfin
la Société lorraine des établissements Diétrich de Lunéville
ont rivalisé de zèle pour exposer ce qu'elles ont fait en
faveur des ouvriers, non seulement comme maisons, mais
encore comme institutions de prévoyance de toutes sortes :
ces institutions peuvent souvent servir de modèles. Signa-
lons en passant les vues de l'hôtel-Dieu de la Société des
aciéries de Longwy, les résultats de la Société de prévoyance
de Baccarat, l'assainissement des cités ouvrières d'Auboué
(Société de Pont-à-Mousson) par le tout-à-1'égout et l'appli-
cation du septic tank, etc.

IV — Lutte contre les maladies infectieuses


En dehors de la lutte contre la fièvre typhoïde, qui est
liée aux travaux d'hygiène urbaine et d'alimentation en eau,
il reste à considérer :
a) La lutte contre la tuberculose. —A Nancy, on agit d'une
part au moyen du dispensaire antituberculeux, où le malade
resté chez lui reçoit des conseils et des secours, et d'autre
part au moyen du sanatorium régional de Lay-Saint-Chris-
EXPOSITION DU CONGRÈS 15
tophe. Ce sanatorium a fait l'objet de visites .de là part du
Congrès, il était représenté à la salle Poirel par huit plans
et photographies, auxquels étaient annexés le règlement]de
l'établissement et deux tableaux statistiques des premiers ré-
sultats obtenus.
b) La lutte contre la mortalité infantile. — Nous voyons
tout d'abord les deux tableaux statistiques des résultats obte-
nus par l'OEuvre du bon lait, ainsi qu'une photographie de
la consultation de nourrissons.
Puis M. le professeur Haushalter expose les graphiques et
tableaux relatifs à la clinique infantile qu'il dirige magistra-
lement. Ce sont : un graphique des cas de fièvre typhoïde
constatés à cette clinique dans les douze dernières années ; un
tableau de la mortalité par tuberculose chez les enfants com-
parée aux autres causes de mort ; un tableau du poids moyen
des enfants de moins d'un an admis 'à la clinique ; des
courbes de la population infantile (en dessous de deux ans)
à Nancy dans les trente dernières années et des décès causés
dans cette population par les maladies de l'appareil diges-
tif, etc. En outre, on voyait encore douze tableaux-affiches
résumant sous forme d'aphorismes les conseils donnés aux
mères pour l'élevage des nourrissons ; un tableau, avec pho-
tographies montrant les résultats d'une mauvaise hygiène
chez les enfants et deux photographies de l'hospice dépar-
temental suburbain J.-B.-Thiéry pour enfants scrofuleux et
rachitiques, etc.
.

c) La lutte contre la diphtérie, etc.— Trois dessins font


voir l'Institut sérothérapique de l'Est, que dirige M. le pro-
fesseur Macé, et où s'élaborent le sérum antidiphtérique et
la tuberculine.
Douze planches en couleurs extraites de l'album de bacté-
l6 CONGRÈS DE.NANCY
,

riologie de M. Macé représentent les principaux microbes


pathogènes et l'aspect de leurs cultures sur les différents
milieux.
V — Propagande anti-alcoolique
La propagande antiralcoolique était représentée par des
affiches claires et frappantes, de toutes formes et de toutes
couleurs: 25 affiches, format couronne, édition.de Vais;
4 grandes affiches « L'alcool tue », etc. ; 8 petites affiches,
édition Berger-Levrault et Cie ; 12 tableaux coloriés « La
famille et l'alcool ».
A remarquer tout particulièrement un plan de Nancy
indiquant la situation des cafés, débits et cabarets et faisant
bien ressortir leur densité dans les quartiers ouvriers.

VI — Mutualité
La commission d'organisation du congrès s'était adressée
aux différentes sociétés de secours mutuels pour exposer
les documents intéressants qu'elles pourraient mettre à sa
disposition.
Une série de tableaux lui ont été confiés par :
L'Amicale des garçons limonadiers ;
L'Association fraternelle des anciens sous-officiers et sol-
dats des armées de terre et de mer ;
L'Association fraternelle des employés et ouvriers des
chemins de fer français ;
L'Association mutuelle des cantonniers de Meurthe-et-
Moselle ;
La Fraternelle des laborieux ;
La Mutualité scolaire du canton de Dommartin-sur-Yèvre
(Marne) ;
EXPOSITION DU CONGRÈS 17
La Mutuelle des agents de la région de l'Est;
L'Orphelinat des sous-agents des postes, télégraphes et
téléphones;
La Régionale; (société de placement gratuit des garçons
limonadiers, cafetiers, etc.);
La Société française de secours aux. blessés militaires. La
société a exposé, en outre, un modèle (réduit au i/io) de
la voiture d'ambulance due à l'ingéniosité de son directeur
du matériel, M. Vuillaume ;
La Société de secours et d'hospitalisation ;
La Société de secours mutuels des ouvriers et ouvrières
de la manufacture des tabacs de Nancy ;
La Société de secours mutuels des réfugiés d'Alsace-Lor-
raine ;
La Société de secours mutuels de Sézanne;
La Société de prévoyance et de secours mutuels de Nancy.

COKCiKUS l>K NANCY


DEUXIÈME SÉANCE
(Vendredi 22 juin, soir)

Président : M. J. SIEGFRIED

BUREAUX DE BIENFAISANCE

M. Lallement, vice-président du bureau de bienfaisance de la


ville de Nancy, donne lecture de son rapport sur :

L'action des bureaux de bienfaisance


en hygiène sociale
Les bureaux de bienfaisance ont un rôle très important à remplir
dans la lutte engagée de toutes parts contre les fléaux sociaux : la
tuberculose, l'alcoolisme, la mortalité infantile, le logement insa-
lubre ; c'est à les combattre que l'Alliance d'hygiène sociale tend
tous ses efforts.
La misère surtout est une calamité sociale d'autant plus redou-
table qu'elle est génératrice de tous ces fléaux. Les bureaux de
bienfaisance créés pour la soulager ont donc leur place indiquée à
l'Alliance d'hygiène sociale, et c'est pour eux un impérieux devoir
d'apporter un concours actif et dévoué à cette lutte générale pour
la vie.
La section d'hygiène sociale du Congrès international de la tuber-
culose de 1905 a émis le voeu que « l'assistance publique devrait
BUREAUX DE BIENFAISANCE. RAPPORT LALLEMENT 19
prendre un caractère plus préventif et s'occuper davantage d'hy-
giène ». '.'''.". ..>--
Les divers congrès d'assistance publique et. privée, le Congrès
international des Jardins, ouvriers, le Congrès contre l'Alcoolisme,
le Congrès international dé l'Assainissement et de salubrité de l'habi-
tation, les congrès de l'Alliance d'hygiène sociale avaient déjà for-
mulé le même voeu sous d'autres formes, c'est à réaliser, ces desiderata
que les bureaux de bienfaisance doivent s'appliquer.
Leur mission consiste sans aucun doute à distribuer des secours
en argent ou en nature ; mais ceux-ci ne font que soulager la misère
sans y remédier, ils manquent d'efficacité, et en raison même de leur
modicité, provenant de l'insuffisance des ressources des bureaux de
bienfaisance, ils affectent trop souvent, un caractère d'aumône humi-
liant pour celui qui les reçoit. Pour être efficace l'assistance publique:
ne doit pas être seulement une institution charitable, elle doit de-
venir une institution de prévoyance, de. préservation de la misère et
d'hygiène, c'est là qu'est son avenir.
Trop longtemps, les bureaux de bienfaisance ont borné leur
rôle à celui d'une simple distribution de secours ; le beau rôle de
rendre l'assistance efficace était réservé à la bienfaisance privée ; celle-
ci seule pouvait créer des oeuvres de relèvement de l'indigent ; c'est
une erreur qu'il importe de dissiper. L'assistance publique a les mêmes
devoirs à remplir que la bienfaisance privée, il ne peut y avoir au-
cun antagonisme entre ellesj et dès qu'il s'agit d'améliorer le sort des
humbles elles ont les mêmes droits et les mêmes obligations; elles
sont toutes deux également dignes de la protection et de la bienveil-
lance dû législateur. L'assistance publique doit même combler les
lacunes de la bienfaisance privée lorsque celle-ci, pour un motif quel-
conque, se trouve dans l'impossibilité d'accomplir son action bien-
faisante. Elles poursuivent toutes deux un but commun avec cette
seule différence que le bureau de bienfaisance est un service public
dont l'emploi des fonds est déterminé par des règles précises et gé-
nérales; les deux assistances doivent donc combiner leurs efforts
pour le plus grand bien des malheureux et pour l'union des oeuvi'es>
et vouloir limiter le rôle de l'assistance publique à celui d?une
20 CONGRES DE NANCY •

simple agence de distribution de secours est une conception surannée


qui doit disparaître avec les progrès de notre époque. Il faut armer
les bureaux de bienfaisance contre les effets déplorables et attristants
de la misère; il faut leur donner le moyen de lutter contre elle,
non seulement avec les secours matériels, mais encore avec l'aide
de la science et dés idées modernes de prévoyance et d'hygiène.
Les causés dé la misère sont multiples: la maladie, l'âge et les
infirmités, les accidents du travail, les charges de famille, l'absence
d'instruction professionnelle, l'insuffisance du salaire, le chômage,
l'ignorance des règles de l'hygiène et des soins à donner à l'enfance,
l'insalubrité du logement, l'imprévoyance, la paresse, les vices ;.
avrtant de causes diverses, autant de modes d'assistance différents.
Je ne parle pas des malades, ni des vieillards, des infirmes et des
.
incurables, les lois des 15 juillet 1893 et 14 juillet 1905 ont pro-
clamé l'assistance obligatoire pour eux,, réglé les conditions de se-
cours et les voies et moyens.
Mais lorsqu'il s'agit de remédier aux autres causes de la misère,
-
l'assistance est mal organisée. Les bureaux de bienfaisance procèdent
un peu au hasard des bonnes volontés; c'est à coordonner leurs
efforts que l'on doit s'ingénier. •
Aux familles chargées d'enfants et réduites à solliciter des secours
pour insuffisance du salaire on devrait, tout en les assistant par des
secours de loyer, faire apprendre un métier à leurs enfants et leur
donner l'enseignement ménager ; à l'ouvrier en état de chômage ou
à la recherche du travail procurons momentanément l'assistance par
le travail ; aux mères qui vont accoucher et qui ne peuvent nourrir
leur enfant ne nous contentons pas seulement de donner des secours
de grossesse ou d'allaitement, instituons aussi des consultations de
nourrissons ; aux ignorants des règles de l'hygiène enseignons les
soins de propreté ; à ceux qui occupent un logement malsain, source
des grands fléaux sociaux, l'alcoolisme et la tuberculose, procurons
une habitation salubre, des jardins à cultiver
' Nous estimons que pour réaliser ces divers desiderata il est indis-
pensable d'instituer des oeuvres, telles que le patronage des appren-
tis, l'école ménagère, l'assistance par le travail, des gouttes de lait,
BUREAUX DE BIENFAISANCE.'—; RAPPORT LALLEMENT 21
ou des oeuvres de bon lait, l'assistance par le travail de la terre, l'as-
sistance par l'habitation, le prêt des draps, le vestiaire populaire, la
gymnastique, l'alimentation et d'autres encore que peut suggérer
une juste'conception de l'exercice de l'assistance.
Si l'assistance privée a déjà créé des oeuvres similaires, l'assis-
.
tance publique peut, s'entendre avec elle pour en faire bénéficier
celui qui sollicite des secours ; si ces oeuvres. n'existent pas, les
bureaux de bienfaisance pourraient s'adresser à des personnes de
bonne volonté pour .les instituer, .leur .concours .ne leur fera: pas
défaut en raison du but élevé à atteindre et des résultats sociaux à
obtenir.
Quelques bureaux de bienfaisance sont déjà entrés dans cette voie;
ne se contentant pas.d'accomplir la mission qu'ils tiennent de la loi
de frimaire an V, ils ont voulu autant que possible, et dans la: limite
de leurs ressources, lutter efficacement contre les effets de la misère;
ils ont créé des oeuvres semblables à celles que nous venons de men-
tionner. La plupart de ces oeuvres existent à Nancy; elles ont été
créées ou patronnées par la commissionadministrative du bureau de
bienfaisance. Elles fonctionnent toutes sous sa responsabilité, tout
en s'administrant elles-mêmes avec un comité directeur dont le pré-
sident est un membre délégué de la commission administrative;
celui-ci-, chaque année, rend compte à cette commission du fonc-
tionnement et des résultats obtenus par l'oeuvre.
Ces résultats sont fort encourageants. C'est ainsi .
que le patronage
des apprentis, qui remonte à 1856 pour les garçons et à 1873 pour
les filles, procure annuellement l'instruction professionnelle à
.
240 enfants des deux sexes de douze à quinze ans appartenant à des
familles dénuées de ressources ; il les met à même de gagner hono-
rablement leur vie par l'apprentissage d'un métier pouvant leur
assurer un salaire suffisant pour vivre ; son action bienfaisante
s'est étendue depuis son origine à près de 4000 garçons et de
2 800 filles. A. ces deux patronages est annexée une caisse de pré-
voyance alimentée par les patrons, et plaçant annuellement au nom
des apprentis à la caisse d'épargne des sommes qui s'élèvent à plus
de 2 500 fr. en moyenne..
22 CONGRES DE NANCY
Le patronage des apprentis garçons comporte en outre un cours
de gymnastique, fort utile surtout à ceux qui mènent une vie
sédentaire.; v
Le patronage des apprenties filles est complété depuis 1888 par
l'institution d'une école ménagère oh elles reçoivent l'enseignement
professionnel consistant dans l'apprentissage de la couture,; du re-
passage et dé la préparation des aliments. Chaque année, plus de
cent jeunes ;filles participent aux bienfaits de cette institution.
[L'assistance par le travail, fondée en 1895, rend aussi de grands
services aux ouvriers-en état dé' chômage ou à la recherche d'un
emploi; elle leur procure, par la fabrication de petits fagots, un
salaire d'attente qui les empêche de se livrer à la mendicité, et elle
s'occupe de leur placement et"de leur rapatriement. Elle est venue
en aidé à 897 ouvriers pendant le dixième exercice; la somme des

journées de travail s'est élevée à 14 971 ; il a été fabriqué 688 650 fa-
gots et distribué 7422 rations de soupes, à raison de 0,124 chacune,
soit une moyenne journalière de 94 rations ; enfin, la valeur absolue
du travail effectué dans ses ateliers ressort, pour le même exercice,
à 78 cent, par jour et par ouvrier qui reçoit 1 fr. de salaire.
L'oeuvre nancéienne à'assistance par le travail a été reconnue
d'utilité publique. (Décret du 29 décembre 1901.)
L'oeuvre du bon'lait, qui dans ses débuts(1899)avait surtout pour
but de faire distribuer du lait stérilisé pendant la saison estivale,
notamment aux familles indigentes, pour combattre la mortalité
infantile provenant surtout de la gastro-entérite, a pris un dévelop-
pement plus grand en établissant des consultations de nourrissons
qui ont lieu toute l'année. Elle a donné ses bons offices à 387 fa-
milles dans le dernier exercice, et, en 1903, elle a fait décroître à
7,9 °/0 la mortalité infantile qui était de 34 °/0 avant la création de
l'oeuvre.
En réalité, toutes ces oeuvres ne sont que des modalités du se-
cours en argent ou en nature qu'il s'agit d'approprier au genre -de
misère que l'on veut soulager; leur existence est indispensable pour
rendre efficace et prévoyante l'assistance matérielle.
Cette transformation du secours peut s'opérer par un emploi
BUREAUX DE BIENFAISANCE.; 23
RAPPORT LALLEMENT
plus judicieux des ressources'des bureaux de bienfaisance. Il arrive
trop souvent que les secours sont distribués d'une façon en quelque
sorte automatique, et qu'un indigent, une fois admis aux secours,
se trouve' taxé à une quotité déterminée sans songer à adapter ce
secours au degré ou à la cause de sa misère ; c'est cependant ce qu'il
importe d'envisager. -
A ces oeuvres diverses il a été affecté, en 1904, les sommes sui-
.
vantes :
Patronages des apprentis et apprenties (non corn- ' •
pris 12 715 fr. 90 provenant de fondations) H263fi8
:
École ménagère
. . . ......
Assistance par le travail...
... . . .

. . . , . .
.
.. .
4360 90
2 500 »,

OEuvre du bon lait. 2 500.-., »


. . . . . . , .
.-.. . . .
Soit en totalité.
........... 2o624fo8

le huitième environ de la. dépense totale du budget qui s'est élevée,


.
là même année, à 255 067 fr. 68. Toutefois, 1e fonctionnementde
ces diverses oeuvres exige une dépense supérieure, mais le surplus
est comblé par le montant des fondations, dons, legs, offrandes,
cotisations et subventions qui leur sont libéralement affectés par
la générosité de nos concitoyens et des pouvoirs publics en raison
même de leur grande utilité sociale.
Il me reste à dire quelques mots de deux autres oeuvres, égale-
ment efficaces et qui ont surtout un caractère hygiénique; je veux
parler de l'assistance par le jardin et de l'assistance par l'habitation.

OEUVRE NANCÉIENNE D'ASSISTANCE PAR LE JARDIN

Frappée des avantages financiers et des résultats économiques,


hygiéniques et moraux obtenus grâce à l'assistance par le travail de
la terre connue sous le nom de jardins ouvriers, la commission
administrative du bureau de bienfaisance de Nancy a estimé qu'elle
ferait un emploi judicieux du patrimoine immobilier des pauvres en
le donnant à cultiver, à titre de secours, aux assistés qui en feraient
la demande, et elle a institué, sous le nom d'assistance par le jardin,
24 CONGRES DE NANCY
une oeuvre ayant pour but d'assister l'indigent par le travail de la
terre en lui procurant gratuitement, pour un temps à déterminer,
un jardin propre à la culture maraîchère et, en tant que de besoin,
les semences et autres objets nécessaires à la mise en valeur de ce
jardin.
Le bureau de bienfaisance était propriétaire de terrains, dont les
uns ne lui rapportaient qu'un très faible fermage (20 fr.) et les
autres lui procuraient un revenu de 2700 fr. mais étaient-submer-
sibles. Il se fit autoriser à vendre ces derniers, et avec le produit de
la vente qui s'éleva à 200 000 fr. il fit l'acquisition d'autres terrains
de bonne qualité et situés sur divers points de la ville ; c'est ainsi
que la commission administrative a pu affecter à l'oeuvre d'assis-
tance par le jardin successivement une surface de 5hao6a qui sont
actuellement divisés en 212 lots.
Pour le fonctionnement de l'oeuvre (qui date de 1900), elle a
institué un comité composé en grande partie de membres de la So-
ciété d'horticulture, présidé par un administrateur délégué par elle ;
ce comité fait la répartition des lots, il surveille les tenanciers, leur
donne des conseils pratiques et propose des récompenses aux meil-
leures cultures ou des radiations suivant les cas. Il reçoit du bureau
de bienfaisance une légère subvention qui est employée à des dé-
penses de composition de lots, des frais de clôture, d'entretien,
d'achats de semences et de distribution de livrets de la caisse d'é-
pargne aux tenanciers les plus méritants. Il est remis à chaque
tenancier un guide pratique de culture, rédigé sans prétention par
un ancien horticulteur, membre du comité, ainsi qu'un règlement
intérieur de l'oeuvre auquel ce tenancier doit se conformer.
Un compte rendu annuel est présenté à la commission adminis-
trative.
Si nous envisageons l'oeuvre au point de vue économique et
financier, on constate que les capitaux employés à sa création
(203 919 fr.) et à son fonctionnement (500 fr. environ) occasion-
nent annuellement une dépense d'environ 6 820 fr. qui doit être
ramenée à 6000 fr., une partie des terres restant affermée. Ces
6000 fr., répartis entre 212 lots, représentent une dépense de
BUREAUX DE BIENFAISANCE. .— RAPPORT LALLEMENT 25
28 fr. 30 par lot ou par farhille. Or, chaque famille comporte en
moyenne sept personnes, c'est donc une dépense de 4 fr. par per-
sonne que fait l'oeuvre.
D'autre part, la moyenne des lots concédés est de 2° 40" envi-
ron. Le rendement des terres, remises à des tenanciers souvent
inexpérimentés ou n'ayant pas le loisir d'en tirer tout le parti pos-
sible, ne peut être évalué, au dire même des horticulteurs qui les
voient à l'oeuvre, qu'à 40 fr; l'are au minimum, soit pour 2a 40*"
96 fr., qui multipliés par 212 donnent 20 352 fr. de produits, au
regard d'une dépense de 6 000 fr. Par le travail de la terre, la valeur
du secours se trouve presque quadruplée. Quant au tenancier, qui
n'a rien à débourser, c'est à 14 fr. environ par personne que le
secours doit être évalué, ou 96 fr. par famille. Peut-on faire un
meilleur emploi des ressources immobilières du patrimoine des pau-
vres, et à si peu de frais ?
Au point de vue hygiénique, les résultats ne sont pas moins satis-
faisants. Tous les médecins sont d'accord pour proclamer les bien-
faits des jardins ouvriers, ils les ont préconisés au Congrès interna-
tional de ces jardins tenu à Paris en 1903. Leur institution constitue
un moyen des plus efficaces pour combattre les maladies infectieuses,
l'alcoolisme et la tuberculose ; par la vie au grand air et à la lumière
elle contribue à abaisser le taux de la mortalité infantile ; elle est le
complément indispensable des dispensaires antituberculeux et elle
joue un rôle important dans l'assainissement de la vie ouvrière.
L'oeuvre nancéienne d'assistance,par le jardin a été, pour ses acqui-
sitions, reconnue d'utilité publique. (Décret du 15 mai 1904.)
La Société centrale d'horticulture de Nancy encourage l'oeuvre
en décernant des médailles aux tenanciers qui cultivent le mieux
leur lot.
Quelques bureaux de bienfaisance possèdent des biens ruraux
qu'ils louent au profit de leur caisse. D'autres, en plus grand nom-
bre, possèdent des rentes sur l'État (') ; au lieu de louer leurs biens

1. En Meurthe-et-Moselle il existe, d'après des renseignements pris à la préfecture,


169 bureaux de bienfaisance qui possédaient ensemble 220 820 fr. de rentes sur l'Etat
en 1904. . .
26 CONGRES DE NANCY
ruraux, ne devraient-ils pas les donner à cultiver à leurs indigents,
et s'ils n'en possèdent pas, ne pourraient-ils pas consacrer une partie
de leurs rentes ou de leurs revenus à prendre des terres en location
pour les faire cultiver par leurs assistés à titre de secours ?
La plupart des communes aussi possèdent des biens ruraux (*),.
elles les louent au profit de la caisse municipale ; elles pourraient de
même consentir à leur bureau de bienfaisance, pour une longue
durée, la location d'une partie de ces biens propres à la culture à
un prix égal au revenu qu'elles perçoivent. Les délibérations qui
interviendraient à cet égard, tant du conseil municipal que de la
commission administrative du bureau de bienfaisance, n'auraient
besoin que d'une approbation préfectorale et, cette approbation
donnée, le bureau de bienfaisance pourrait créer une oeuvre de jar-
dins ouvriers.
On ne saurait trop propager l'oeuvre des jardins et recommander
.aux bureaux de bienfaisance et aux communes d'en créer le plus
possible, surtout s'ils ont la bonne fortune de comprendre dans leur
patrimoine des terrains propres à la culture ; ils contribueraient ainsi
à augmenter dans de fortes proportions la valeur du secours et à
rendre l'assistance économique et hygiénique.

ASSISTANCE PAR L'HABITATION

Ce mode de secours est tout aussi recommandable, sinon plus,


que l'assistance par le jardin, surtout si à la jouissance d'une habi-
tation hygiénique l'on peut y affecter celle d'un lopin de terre.
L'assistance par l'habitation, créée en 1904 par le bureau de
bienfaisance de Nancy, consiste à procurer une habitation salubre
aux familles qui sont dans l'impossibilité' de vivre du produit de
leur travail, principalement aux familles nombreuses, moyennant
un loyer réduit.
Usant de la faculté que lui donne l'article 6 de la loi du 30 no-

1.Il y a en France une superficie de biens communaux non boisés comprenant, en


1877,2257603 hectares, dont i 620 503 productifs. (Statistique publiée en 1878 parle
ministère de l'intérieur.)
BUREAUX DE BIENFAISANCE. — RAPPORT LALLEMENT .27
vembre 1894 sur les habitations à bon marché « d'employer, avec
l'autorisation, du : préfet, une fraction du patrimoine du bureau de
bienfaisance, qui ne peut excéder un cinquième, soit en constructions
de maisons à bon. marché, soit en prêts hypothécaires aux sociétés
de constructions ou de crédit », la commission administrative a
pris la résolution de faire construire elle-même des maisons à bon
marché pour y loger des familles inscrites aux secours, estimant
que ce mode convenait mieux à son rôle que le prêt à des sociétés
de constructions ou de crédit. Au lieu de distribuer des termes de
loyer ou des secours mensuels en numéraire à des familles indi-
gentes et chargées d'enfants, elle a préféré les loger moyennant un
loyer réduit. Et comme il importe d'encourager l'effort individuel,
qui sauvegarde la dignité de l'homme, l'habitation est en principe
concédée pour un loyer minime correspondant à 4 °/0 du capital
engagé, sauf à en faciliter le payement à l'occupant par un secours
proportionné aux charges de la famille et aux ressources provenant
du salaire.
C'est dans ces conditions que la commission administrative a
commencé par faire édifier un premier groupe de maisons sur un
terrain qu'elle a été autorisée à acquérir, acquisition pour laquelle
elle a obtenu la reconnaissance d'utilité publique (décret du 15 avril
.1905). Ce groupe se compose de trois maisons comportant dix
logements complètement indépendants l'un de l'autre ; chaque loge-
ment comprend au rez-de-chaussée une cuisine, une chambre et
deux pièces au premier étage, le tout formant une superficie utile
d'habitation de 65"",45 et un cube d'air de 186 m', non compris
cave et grenier et les services communs à l'ensemble du groupe,
buanderie, water-closets et eau de Moselle.
Le prix de ces maisons s'est élevé à 56 033 fr., soit 5 603 fr. 30
par logement et le prix du. loyer a été fixé à la somme de 2 400 fr.,
soit 240 fr. par logement de quatre pièces, payable à raison de 20 fr.
par mois. A chaque logement a été affectée la jouissance gratuite
d'un jardin d'une contenance de 3 ares.
Moyennant cette modique rétribution, les bénéficiaires de l'oeuvre
sont logés dans des maisons isolées, salubres, bien aérées, mesurant
28 CONGRÈS DE NANCY

une superficie et offrant un cube d'air de beaucoup supérieurs à


ceux des logements qu'ils occupent ordinairement, et les produits
du jardin contribuent à alimenter la famille une bonne partie de
l'année.
L'oeuvre a commencé à fonctionner au mois d'avril 1905 ; les
logements sont occupés par des familles composées en moyenne de
plus de huit personnes ; l'état sanitaire s'est constamment maintenu
satisfaisant, et l'on a déjà pu constater l'amélioration de santés com-
promises depuis longtemps.
L'oeuvre est administrée par un comité composé de dames et de
messieurs qui ont pour mission de surveiller l'application du règle-
ment et de donner des conseils de bonne tenue du ménage, de
propreté et d'hygiène. Ce comité comprend des membres du comité
départemental des habitations à bon marché et de la société d'horti-
culture, un médecin, un architecte, des visiteurs et des visiteuses
de familles indigentes. Il est présidé par un membre délégué de la
commission administrative qui a la direction générale de l'oeuvre et
qui est chargé de présenter chaque année un compte moral et
administratif.
En créant l'assistance par l'habitation, la commission administra-
tive n'a pas eu seulement pour but d'instituer un mode efficace
d'assistance, elle a voulu fonder une oeuvre d'hygiène, elle a .tenu à
arracher à d'affreux taudis les familles qui, en raison même du
nombre de leurs enfants, trouvent difficilement à se loger et sont
réduites à se réfugier dans des bouges infects, d'un loyer relative-
ment élevé, où faute d'air et d'espace elles sont exposées à contracter
des maladies infectieuses et dont le séjour.est la source de ces deux
terribles fléaux, l'alcoolisme et la tuberculose.
L'assistance par l'habitation, de même que l'assistance par le
jardin, sont des oeuvres essentiellement hygiéniques ; quant à l'habi-
tation avec jardin, elle réalise le home sanatorium.
En donnant à la loi "Siegfried l'extension qu'elle comporte, les
travailleurs pauvres peuvent aujourd'hui participer aux bienfaits
d'une législation dont les heureuses conséquences se développent
chaque jour.
BUREAUX DE BIENFAISANCE. — RAPPORT LALLEMENT 29
Une circulaire ministérielle du 11 janvier 1905 invite les préfets
à exhor,ter les bureaux de bienfaisance de leur département à créer
des oeuvres d'assistance par l'habitation et de jardins ouvriers analo-
gues à celles créées par le bureau de bienfaisance de Nancy. Il est à
souhaiter que dans un intérêt social bien compris cet appel soit
entendu. On sait que le gouvernement favorise ces institutions ; il
les fait bénéficier de la déclaration d'utilité publique, ce qui leur
permet d'acquérir sans frais les immeubles nécessaires à leur établis-
sement. . .-."'.
Le groupement de toutes ces oeuvres: entre les mains d'une même
administration présente de grands avantages. Il réalise le rapproche-
ment et l'union tant désirée des oeuvres; il permet dé faire une
meilleure et plus équitable répartition des secours ; il apporte une
plus grande célérité dans l'exercice deTassistance, et les frais géné-
raux deviennent presque nuls dans une institution publique où les
fonctions d'administrateurs sont gratuites, et où il suffit d'en.
augmenter le nombre si les devoirs de leurs charges deviennent
trop pénibles.
Ce mode de fonctionnement a lé don de susciter des libéralités
qui augmentent les ressources du bureau de bienfaisance. Ces
oeuvres diverses ont bénéficié de dons importants dus à là générosité
de nos concitoyens. Le montant des fondations affectées au patro-
nage des apprentis et apprenties s'élève actuellement à la somme de
12 715 fr. 90 de revenus; l'assistance par le travail a été gratifiée
d'une somme de plus de 43 000 fr. ; le bon lait a recueilli plus de
14000 fr. de ressources, produit d'une kermesse; un legs de
20 000 fr. a été affecté à l'assistance par le jardin et l'assistance par
l'habitation a reçu un don de pareille somme. Enfin, il arrive jour-
nellement qu'à l'occasion d'événements importants de l'année ou
de la vie (naissances, mariages ou décès), le bureau de bienfaisance
de notre ville reçoit des offrandes au profit de l'une ou l'autre de
ses oeuvres annexes, suivant les sympathies de chacun.
Une autre- constatation, qui a aussi sa valeur, est encore; à
signaler. Malgré l'augmentation constante du nombre des habitants
de la ville, la population indigente tend à décroître. En 1895, ^e
30 CONGRÈS DE NANCY
bureau de bienfaisance a assisté 7 914 indigents, soit' 9,08 °/0 de la
population, qui était de 87 no personnes. Au 31 décembre 1905,
le nombre des assistés n'était plus que de 7 103, soit 6,51 °/0 de la
population, qui s'élèverait à 1.08 949 habitants, d'après le recense-
ment de 1906.
Enfin, certaines de ces .oeuvres ont encore pour résultat d'amé-
liorer la santé, par conséquent de diminuer les charges de l'assistance
médicale et de ménager les ressources consacrées à l'assistance.
Notre ville possède déjà un certain nombre d'oeuvres de solidarité
sociale dont elle a le droit d'être fière; mais dans le domaine de
l'assistance et de l'hygiène il en restera toujours à créer, car il ne
peut y avoir: d'arrêt dans le progrès. Avec l'aide de l'Alliance
d'hygiène sociale, les oeuvres à créer ou déjà existantes vont pouvoir
se constituer plus facilement ou prendre plus d'extension. C'est
ainsi que le sentiment de la solidarité humaine continuera à se
développer avec toutes ses heureuses conséquences.

RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS

Les bureaux de bienfaisance ne doivent pas seulement borner


leur action à procurer l'assistance matérielle, parfois humiliante pour
leurs assistés et trop souvent inefficace ; ils doivent s'appliquer à
donner aux secours distribués un caractère de relèvement physique,:
moral et social de l'indigent ; ils ont à cet égard les mêmes droits
et les mêmes devoirs que la bienfaisance privée.
Pour obtenir ce résultat, il importe qu'ils instituent autant que
possible et dans les limites de leurs ressources des oeuvres de pré-
voyance, de travail, d'hygiène et de préservation de la misère. C'est
ainsi qu'ils, apporteront un concours utile à l'Alliance d'hygiène
sociale, qu'ils participeront à la lutte entreprise contre les fléaux
sociaux et qu'ils contribueront à. assurer l'efficacité des secours et à
améliorer les conditions d'existence des humbles.
Déjà certains bureaux de bienfaisance, sortant de la lettre et de
l'esprit d'un règlement remontant à l'année 1823 (ministère Cor-
bières), s'efforcent de se conformer à des instructions ministérielles
BUREAUX DE BIENFAISANCE. — RAPPORT LALLEMENT 3 I
récentes, empreintes d'un esprit plus libéral, et à réaliser les voeux
émis aux divers congrès d'assistance et d'hygiène. ' J.---;
La circulaire' ministérielle du 8 novembre 1894 concernant les
ateliers de charité, et la loi du 30 novembre 1894 sur les habitations
à bon marché ont étendu leurs attributions. Les bureaux de bienfai-
sance ne sont plus seulement des institutions d'assistancej ils peuvent
et doivent devenir des institutions de prévoyance et d'hygiène.
Chaque fois que Ton s'est engagé dans cette voie on; â obtenu d'ex-
cellents'résultats. Oh a pu constater que l'assistance hygiénique et
préventive avait le don d'améliorer lés conditions de l'existence,
qu'elle contribuait à diminuer le nombre des assistés, l'excessive
mortalité infantile et les charges de l'assistance médicale, et qu'elle
suscitait les libéralités des: esprits généreux et compatissants.-
Malheureusement il n'existe pas de règlement coordonnant les
efforts des bureaux de bienfaisance, pour favoriser leur action dans
le sens de l'hygiène et de la prévoyance. Il existe bien des circulaires
récentes, mais elles restent trop souvent lettre morte, il appartient
aux pouvoirs publics de combler cette lacune.

En conséquence, nous formulons les voeux suivants :


Que les bureaux, de bienfaisance, tout en continuant à distribuer
des secours en argent et en nature, soient invités à instituer des
oeuvres de prévoyance, d'hygiène et de préservation de la misère, pro-
pres à relever l'indigent et à améliorer les conditionsde son existence,
telles que : apprentissage d'un métier, enseignement ménager, assis--
tance par le travail, gouttes de lait ou bon lait, assistance par le jardin,
assistance par l'habitation, prêts de draps, exercices gymnastiques,etc.
Qu'ils mettent à exécution, si possible, la faculté qu'ils tiennent
de l'article 6 de la loi du 3 0 novembre 1894, d'employer le cinquième
de leur patrimoine à faire construire des maisons à bon marché pour
les donner à habiter aux familles qui ne peuvent vivre du produit de
leur travail, moyennant un taux de loyer réduit et dont le payement
pourra être facilité par un secours proportionné aux charges de fa-
mille et aux ressources provenant du salaire.
32 CONGRES DE NANCY '
Qu'ils concèdent à leurs assistés, à titre de secours, les terrains
propres à la culture dont ils peuvent être propriétaires, sinon qu'ils
en prennent en location pour les leur concéder au même titre.
Que les. communes, propriétaires elles-mêmes de terrains propres
à là culture s'entendent avec leur bureau de. bienfaisance pour lui
louer ces terrains, afin que celui-ci puisse les donner à cultiver aux
assistés à titre de secours.
.__..
Enfin, que les pouvoirs publics compétents prennent les mesures
nécessaires pour faire élaborer un règlementinvitant les commissions
administratives des bureaux de bienfaisance à rendre autant que pos-
sible et dans la limite de leurs ressources l'assistance hygiénique et
préservatrice dé la misère, et que les collectivités, telles que l'État, les
départements et les communes, ainsi que, les divers comités de
l'Alliance d'hygiène sociale, encouragent et favorisent la création
de toute oeuvre ayant un caractère d'assistance hygiénique et pré-
ventive.

Lecture est ensuite donnée du rapport de M. Ricordeau,


avocat, administrateur des hospices civils à Nantes.
M. Ricordeau, empêché, s'est fait excuser, et M. le Prési-
dent exprime les regrets' que son absence cause à tous les
membres du congrès.

Rapport de M. RICORDEAU
Avocat, administrateur des hospices civils de Nantes
Président du conseil d'administration de l'hôpital marin de Pen-Bron

Messieurs,
Les organisateurs du congrès ont été très heureusement inspirés
en attirant votre attention sur le rôle des bureaux de bienfaisance'
dans l'hygiène sociale. Il n'est pas en effet de problème plus intéres-
sant et dont la solution soit attendue avec plus d'impatience par tous
ceux qui s'intéressent aux questions d'assistance.
BUREAUX DE BIENFAISANCE. '— RAPPORT RICORDEAU 33
" -Nul'.n'a jamais contesté le devoir moral qui s'impose à l'homme,
;de ;venir en aide à son semblable malheureux. De tous temps on
s'estefforcé de remplir ce devoir et ce serait refaire l'histoire .de l'hu-
manité que de rappeler, même succinctement, les diverses concep-
tions qui tour à tour ont été préconisées par les philanthropes de
tous les pays et de toutes les religions.
,
.>..-..
Toutefois, c'est seulement au cours du dix^neuvième siècle que
les véritables théories d'assistance et de prévoyance se sont fait jour;
les controverses ont été nombreuses, et il s'en est suivi un certain
flottement dans l'organisation de: ce rouage si compliqué qui devient
un élément indispensable à la prospérité d'une nation.
.Cependant on peut considérer qu'en France la période de contro-
verse,est close désormais: car les lois.de 1893 et de 19.05 ont non
seulement-confirmé l'existence-.de. nos devoirs moraux à l'égard des
déshérités,, mais encore reconnu solennellement les droits de ceux-ci
à l'assistance contre la maladie, Tinfirmité et la vieillesse.
Ces principes une fois posés conduisaient nécessairement aux
conséquences suivantes :
Puisque la collectivité est obligée de soigner le malade, d'assister
l'infirme et le vieillard, elle a le droit et le devoir de; prendre toutes
les dispositions qu'elle jugera propres à diminuer ses charges. C'est
cette considération qui a conduit M. Millerand, rapporteur de la
loi sur les retraites ouvrières^ à admettre le principe de l'obligation
et de la contribution de l'ouvrier pendant la période productive de
sa vie.
Nous n'avons pas à prendre parti dans ce grave problème, mais il
faut reconnaître qu'ici aussi se pose une question, sinon identique,
du moins analogue. Et, en effet, si l'assistance devient obligatoire
pour la collectivité, celle-ci a le droit et le devoir, dans le double but
de réduction de ses charges et de relèvement du niveau de l'assisté,
de rechercher tous les moyens susceptibles d'enrayer la propagation
du mal et même d'en tarir la source.
Par suite, surtout après les décisions récemment prises au congrès
de Milan, on ne comprendrait plus que l'assistance consistât seu-
lement à donner un secours pécuniaire à l'indigent, à soigner le
CONGHÙS V)li NANCY 3
34 CONGRÈS DE NANCY
malade, à procurer.à une famille dénuée de tout le strict nécessaire
pour ne pas disparaître. Désormais, on doit faire beaucoup plus, et
surtout procéder autrement : pour éviter que l'adulte ne devienne,
en raison de sa débilité, une charge continuelle pour la société, il
convient de le soigner: étant enfant ; de même ce n'est pas lorsque le
valide sera définitivement;atteint que l'assistance devra intervenir,
-son action sera beaucoiip plus efficace, si, renseignée sur le milieu
;dans. lequel il vit, elle peut par des conseils, une intervention oppor-
tune, améliorer son logement, faire disparaître les germes de conta-
mination : en un mot, prévenir le mal par une hygiène raisonriée. En
d'autres termes, l'assistance moderne, pour atteindre son but social,
doit avant tout, suivant l'expression de M. Mirman, être préventive.
Si. l'on se placé dans cet ordre d'idées il est permis de concevoir
aisément, grâce aux leçons de l'expérience;, la création complète de
cette assistance dans un pays théoriquement supposé dépourvu de
toute organisation. C'est d'abord dans chaque agglomération la fon-
dation d'un office central chargé d'établir minutieusement la liste de
tous les futurs assistés, liste d'ailleurs essentiellement révisable, de
déterminer, par une enquête approfondie, leurs souffrances et préci-
ser leurs besoins ; le mal étant connu dans ses effets et surtout dans
ses causes, de créer et organiser les instruments de défense et de pré-
vention les' mieux appropriés aux besoins de la population. C'est
ensuite que se constituerait tout l'arsenal de l'assistance ; par
exemple, après avoir édifié les dispensaires et les hôpitaux on orga-
niserait les instruments indispensables à l'assistance de la première
enfance (maternités, crèches, gouttes de lait, etc.); pour la seconde
enfance, on fonderait la garderie, l'école maternelle, la colonie sco-
laire, le sanatorium, le traitement des enfants suivant le système
Grancher, etc., etc. Se préoccupant enfin de la famille, on organi-
serait son assistance par le travail, on améliorerait son alimentation,
on transformeraitsonlogement, etc.
En d'autres termes, le même Office connaîtrait les assistés, contrer
lerait leurs besoins et y ferait face, en s'inspirant principalement du
moyen ou du procédé le plus propre à faire disparaître définitive-
ment la cause du mal physique ou social dont ils souffrent.
BUREAUX DE BIENFAISANCE. — RAPPORT RICORDEAU 35
Pourrions-nous, en France, constituer ainsi de pied en cap tout un'
système d'assistance, et, faisant table rasé de tout:jce qui existe,
reprendre la question ab ovo} Il faut considérer:qu'a priori ce serait
là une entreprise irréalisable, d'abord parce que nous ne disposerions
pas des ressources suffisantes, et en outre parce qu'il nous faut tenir
compte de ce qui existe et nous ne nous pardonnerions pas de négli-
ger les concours d'oeuvres, soit publiques, soit privées, qui ont rendu
d'éminents services; et qui sont appelées à en rendre encore de con-
sidérables. Nous faisons allusion aux oeuvres nombreuses qui ten-
dent toutes à l'assistance, et qui se sont successivement créées' au fur
et à mesure qu'une misère humaine apparaissait.
C'est ainsi que presque toutes les grandes villes de France'sont
dotées, en outre de bureaux de bienfaisance et d'hôpitaux, de dispen-
saires, de gouttes de lait, de Crèches, de maternités, etc. Toute-
fois il faut reconnaître et sans cesse signaler la grave erreur' qui a
présidé à la création de presque toutes ces oeuvres et qui a persisté
dans leur fonctionnement. Créées sous l'impulsion des nécessités
sociales, elles ont été conçues sans plan d'ensemble et il faut davan-
tage encore regretter que chacune d'elles vive indépendante dés-
autres, qu'aucun rapport n'existe entre elles, de telle sorte qu'en
France il est des institutions qui font double emploi avec d'autres,
alors qu'à côté on signale des lacunes énormes. Par ailleurs on se
préoccupe peu de savoir si la personne assistée ne s'est pas procuré
chez le voisin les secours qu'elle sollicite; enfin, il arrive souvent
qu'un assisté reçoive des secours hors de proportion avec ses besoins,
tandis que tel autre, réellement besogneux, éprouve toutes les diffi-
cultés du monde à obtenir un bon de pain.
On nous permettra d'insister tout particulièrement sur ce défaut
que nous considérons comme capital. Car, cette absence de méthode,
ce manque d'unité de direction, se rencontrent non seulement dans
les oeuvres d'assistance privée, mais même dans l'assistance publique.
Je citerais des grandes villes françaises qui, ayant établi, lors de la
promulgation de la loi de 1893, qu'elles satisfaisaient à leurs devoirs
d'assistance médicale, ont conservé dans leur intégrale autonomie
d'une part, leur bureau de bienfaisance, et d'autre part leurs hôpitaux.
36 CONGRÈS DE NANCY
.

Il en est résulté une dualité d'assistance dont les inconvénients appa-


raissent chaque jour. Quelques exemples suffiront à le démontrer :
Ne voyons-nous pas souvent admettre dans les hôpitaux des assis-
tés qui auraient pu être soignés à domicile? à tout instant,l'hôpital
n'accepte-t-il pas un prétendu indigent, qui a su se procurer lecerti-
ficat classique du commissaire de police ? Supposons maintenant qu'un
homme réellement indigent vienne frapper à la porte d'un hôpital :
c'est un tuberculeux, il est hospitalisé; quinze jours ou trois, semaines
suffiront peut-être pour reconstituer sa santé d'une façon .éphémère,
•niais.suffisantepour qu'il puisse sortir. A ce moment il'y aurait lieu
de suivre ce malade, de le diriger vers le dispensaire qui lui,donnera
les conseils, lui procurera les médicaments .et l'alimentation néces-
saire à son-état ; il y aurait lieu aussi d'aller examiner son logement,
de rechercher:si ce n'est pas là qu'il a contracté le germe de cette ter-
rible maladie, si ses enfants ne sont pas déjà des prédisposés et par
suite susceptibles de tirer profit soit du sanatorium maritime, soit
'de la méthode Grancher. Malheureusement:le rôle de l'hôpital se
termine au moment où le malade-le quitte,: et celui-ci, laissé à lui-
même sans surveillance et sans appui, va reprendre son travail, jus-
qu'au moment où, terrassé à nouveau par le fléau, il reviendra deman-
der un lit à l'hôpital, et la suite se devine aisément. N'est-il pas
»....
regrettable de voir se perpétuer cette manière de procéder si con-
traire au bon sens et aux principes élémentaires de l'hygiène sociale.
Le problème à résoudre se pose donc dans les conditions sui-
vantes : Etant donné qu'il convient de tenir compte des oeuvres
existantes et de leur passé, de respecter leur autonomie, comment
utiliser les bonnes volontés qui les dirigent, les ressources dont elles
disposent pour organiser dans notre pays un service d'assistance
répondant au;>. desiderata déjà formulés.
La première réforme à réaliser dans le but de tirer parti de toutes
les oeuvres, tant publiques que privées qui existent dans les grandes
villes françaises, est de les grouper, de les coordonner, d'assigner à
chacune d'elles sa place, son rôle et, en outre, d'obtenir de chacune
d'elles qu'elle consente à se cantonner dans sa mission et à accepter,
sinon une direction, tout au moins de devenir une collaboratrice de
BUREAUX DE BIENFAISANCE. — RAPPORT RICORDEAU 37
l'oeuvre sociale, suivant une ligne de conduite, dont les bases géné-
rales seraient arrêtées à l'avance. ••
Mais à qui, parmi tant d'institutions compétentes et qualifiées,
convient-il de confier cette sorte de prédominance ?
Il ne faut pas hésiter à reconnaître que l'institution la mieux
placée pour donner l'impulsion générale,.diriger les efforts de toutes
les oeuvres d'assistance, est le bureau de bienfaisance.
lia eu des débuts modestes, puisque, créé par la Révolution, il
avait simplement pour objet de distribuer aux malheureux les
sommes prélevées sur les recettes des spectacles (c'était « le droit
des pauvres »). Mais, insensiblement, son rôle s'est élargi, et le:
législateur et les tribunaux français,: ayant sans doute l'intuition de.
l'importance qu'il était appelé à acquérir, n'ont pas tardé à le re-
connaître comme le représentant nécessaire des pauvres. -•
Si l'on est conduit à concéder aux bureaux de bienfaisance ce.rôle
prépondérant, c'est qu'ils sont seuls aptes à créer et à organiser un
bon service de renseignements et par suite à centraliser à la fois les
demandes de secours et les secours eux-mêmes.: Et c'est là, on le
sait, la condition essentielle et primordiale au fonctionnement: utile
de l'assistance préventive.
Voici d'ailleurs comment nous préciserions ce rôle : grâce aux
moj'ens d'investigations dont ils disposent, il leur sera facile de
déterminer d'une: façon précise la liste des nécessiteux de l'agglomé-
ration. Cette liste devra être revisée pour ainsi dire chaque jour.
Car, tel qui aujourd'hui doit être assisté, peut demain vivre de ses
propres ressources. Tel autre, au contraire, qui se croit à l'abri du
besoin, peut se trouver brusquement dans la nécessité de réclamer
aide et assistance. En somme, cette liste devra être organisée d'une
façon tellement souple, qu'elle puisse subir toutes les fluctuations
qu'il plaira à la misère humaine de lui imposer.
.
Par ailleurs, les besoins de chaque assisté se modifient, se trans-
forment sans cesse ; il faut que le bureau soit au courant de ces
multiples variations, il devra donc être en contact pour ainsi dire
continuel avec l'assisté. Pour atteindre ce résultat, le procédé le
meilleur me paraît être la visite domiciliaire et périodique de Pin-
38 CONGRÈS DE NANCY
,
digent par des délégués du bureau. De cette façon, il sera permis
de se rendre compte, à chaque instant, de l'efficacité des secours
procurés, des nécessités de la famille secourue, et d'utiliser en con-
naissance de cause le procédé susceptible de donner les meilleurs
résultats.
Les besoins des assistés étant ainsi connus, comment le bureau y
fera-t-il face ? S'il possède toutes les ressources nécessaires, il lui sera
facile, appropriant le remède au mal, de créer, d'organiser les diffé-
rents services, et d'assister directement et utilement le malheureux.
Mais, en général, il n'en sera pas ainsi, et il sera obligé de faire
appel au concours des oeuvres qui vivent à côté de lui et dont, la
collaboration devrait lui être acquise dans les conditions qui vien-
nent d'être exposées.
Il existe depuis longtemps, dans presque toutes les grandes villes,
un service d'assistance médicale très satisfaisant. Mais j'estime qu'il
conviendrait d'en modifier le fonctionnement, partout où l'auto-
nomie intégrale des hospices a été conservée, et où se produisent les
inconvénients que nous avons signalés. Pour y remédier, il ne fau-
drait pas hésiter à réserver au bureau de bienfaisance le soin de dési-
gner les assistés qui doivent être hospitalisés, car lui seul connaît
réellement la situation de l'indigent, et, par ses médecins qui vont
le soigner à domicile, il sait si oui ou non,l'hospitalisation s'impose.
Il importe donc que les hôpitaux renoncent à prononcer d'eux-
mêmes l'admission des malades, et se contentent de recevoir ceux
qui leur seront adressés par le bureau de bienfaisance. Evidemment,
le rôle de la commission des hospices se limitera ainsi à l'adminis-
tration et à l'organisation des services médicaux, mais elle recon-
naîtra que cette mission, même ainsi réduite, est suffisamment
complexe, délicate et utile pour intéresser ceux qui y consacrent
.
leur dévouement. Pour nous résumer sur ce point, nous propo-
sons de dire que partout en France et surtout dans les grandes
villes ayant conservé leurs anciennes organisations, c'est aux bu-
reaux de bienfaisance que doit revenir la direction unique en matière
d'assistance médicale, c'est à eux qu'incombe le soin de recon-
naître l'indigence, d'assurer le traitement à domicile, et dans le cas
BUREAUX DE BIENFAISANCE. — RAPPORT RICORDEAU 39.
où ce procédé est reconnu inrpossible et s'il y a lieu de procéder à
l'hospitalisation du malade, c'est:exclusivement au bureau de bien-:
faisance qu'il appartiendra de la prononcer. De cettefaçon le malade
pourra être suivi pendant son séjour à l'hôpital et, à sa sortie, il sera
possible de prendre à son égard et à l'égard de sa famille les mesures
de défense sociale appropriées à la situation.
Si maintenant nous envisageons les autres formes de l'assistance
où il y a tant à faire, nous n'aurons pas de peine à dégager des géné-
reuses tentatives des uns, et de l'expérience acquise par les autres,
lés considérations générales qui dominent ce sujet. Il nous semble
tout d'abord que le bureau devra être exactement renseigné sur les
oeuvres existant dans la circonscription, et spécialement sur leur but,
leurs ressources, leur fonctionnement, les résultats obtenus. Cette.
enquête minutieuse aura le double avantage de faire connaître au
bureau la valeur des instruments de lutte sur lesquels il peut compter
et aussi de faire apparaître l'importance des lacunes à combler.
Ainsi renseigné, il lui faudra entrer dans la période active, mais:
pour accomplir utilement sa tâche, le bureau devra jouir d'une cer-
taine liberté. Il serait fâcheux que, dans cette évolution si désirable,-
il fût gêné et paralysé par des règlements trop étroits et ne répon-
dant plus aux nécessités modernes. Il va de soi qu'en ces matières
on doive toujours respecter de sages limites, car on ne doit jamais
oublier qu'on dispose du patrimoine des pauvres. Cependant on doit
avoir confiance dans la prudente compétence des dévoués philan-
thropes qui ont assumé cette lourde tâche.
D'autre part, il serait imprudent de tracer par avance iin pro-
gramme général et intangible, car si partout les fléaux sociaux
produisent les mêmes désastres, la misère humaine se manifeste
différemment suivant les milieux. Il incombe donc à ceux qui sont
en contact quotidien avec l'assisté, et qui doivent nécessairement
tenir compte des moeurs et des traditions de la population, d'arrêter
en connaissance de cause leur plan de campagne. L'organisation de
la lutte variera donc d'aspect suivant les espèces. Tantôt on utilisera
le concours des oeuvres privées — c'est ce que nous tentons à Nantes
où nous possédons un nombre considérable d'institutions préven»
40 CONGRÈS DE NANCY
v
tives d'assistance ; nous savons qu'il nous faut obtenir la coordina-
tion des efforts, et c'est sur ce point qu'en ce moment toute-notre
attention est consacrée — tantôt on imitera l'heureuse et habile
initiative de nos collègues de Nancy. Le rapports! documenté de,
M. Lallement fait apparaître avec l'éloquence des chiffres et des faits
ce que des hommes avisés et soucieux de leurs devoirs sociaux sont
susceptibles d'obtenir. L'importance des résultats réalisés est tan-
gible; aussi on nous permettra-xle dire que cette initiative hardie
fera époque dans l'histoire de notre assistance nationale, puisqu'elle
constitue l'une des manifestations les plus heureuses de l'évolution
nécessaire: de l'action des bureaux de bienfaisance vers l'assistance
préventive, la .seule qui réponde complètement aux besoins d'un
Etat înoderne.
Si pour nous résumer nous essayons de formuler une réponse à la
question soumise à vos délibérations, nous dirons : le bureau de
bienfaisance est appelé à jouer dans l'hygiène sociale un rôle capital.
Par son organisation, il est admirablement placé pour constituer
l'office central susceptible dé grouper des renseignements toujours
récents tant sur les besoins des assistés que sur les ressources des
oeuvres assistantes. En outre, tout en soulageant les misères, il lui
appartient d'entrer résolument dans la voie de l'assistance préventive,,
de prendre la. tête du mouvement et dans cet esprit utiliser, ens'ins-
pirant des milieux, tous les concours publics ou privés dont il pourra
disposer. Enfin, si cette collaboration lui manque, ou si des lacunes
lui apparaissent, le bureau de bienfaisance complétera pour ainsi
dire son arsenal en créant, subventionnant, ou même, à défaut de
ressources, en suscitant la constitution des oeuvres préventives qui
lui paraîtront les plus efficaces dans la lutte entreprise contre la
contamination physique et morale des assistés.

Discussion et voeux
M. le président. — Nous avons le plaisir de compter
parmi les membres de ce Congrès un grand nombre de re-
BUREAUX DE BIENFAISANCE. -—- DISCUSSION ET VOEUX 41
présentants: de bureaux de; bienfaisances Je serais heureux
qu'ils veuillent bien prendre part à la discussion qui va
s'ouvrir; sur les -deuxrappbrts dont vous venez d'entendre
la lecture. :; : '..• :--.-.<<o. ^i ;-!':- / ..••'-.'• :'--;' ...-•- ,

M. Ulysse Claisse, maire du Cateau (Nord), donne commu-


nication du compte moral du bureau de bienfaisance: de
cette commune pour 1905.
La population secourue est d'environ i 940 individus, y
compris les secourus temporairement. 485 familles environ
ont été inscrites sur la liste d'assistance médicale gratuite;
les dépenses de ce service se sont élev(ées à 9831 fr. 47. Le
total des secours atteint 48012 fr. 58 y compris les frais
du refuge: des vieillards, qui a hospitalisé, en 1905, 42 per-
sonnes. ..-;::.,
L'oeuvre des jardins ouvriers, fondée en .1898, a grandi
en 1905 par la création de douze, nouveaux jardinets dans
une pièce de terre louée à M. Delpierre Hernoux, et située
chemin des. Essarts à proximité de la ville. Le. nombre total
de ces jardinets est actuellement de .71, accordés tous aux
familles indigentes comptant le plus grand nombre d'enfants.
Comme par le passé, les graines nécessaires ont été dis-
tribuées gratuitement par le bureau de bienfaisance. Les
résultats obtenus ont été en général excellents, et la com-
mission administrative se fera un devoir de développer
autant que possible cette fondation, qui procure aux mé-
nages pauvres les légumes nécessaires d'été et d'hiver, en
même temps qu'une distraction aussi saine qu'utile.
(A ce moment, M. Siegfried cède à M. Casimir,Perier le fauteuil
de la présidence.)
MmcMoll-Weiss. — Là misère n'est pas toujours le résul-
tat du manque absolu de ressources pécuniaires ; l'incurie
42 CONGRÈS DE NANCY
,s

de la femme, le manque de prévoyance de l'homme, y sont


aussi pour beaucoup.
J'ai demandé à M. Mesureur de vouloir bien nous auto-
riser, à l'Ecole des mères, à faire un cours destiné spéciale-,
ment aux visiteurs et visiteuses de l'assistance publique de
Paris.'
M. Mesureur a bien voulu assister à une conférence que
j'ai faite au Musée social sur ce sujet, et à la suite de
laquelle il a encouragé ses visiteurs et ses visiteuses à suivre
nos leçons.
Mais la charge qui incombe à l'assistance publique est
énorme. Il faut à ces visiteurs officiels des aides nombreux
et capables. J'ai donc pensé aux femmes qui s'occupent d'asr
sistance privée, et j'ai demandé aux femmes de bonne vo-
lonté de se joindre à nous.
J'ai eu le plaisir de voir nos conférences très suivies, tant
par les visiteurs de l'assistance, que par des femmes du
monde et des médecins.
Une première étude fut consacrée à la fabrication des
mets populaires, et à :1a suite de cette étude, certaines per-
sonnes prétendaient que la cuisine des pauvres était infini-
ment meilleure que celle des riches. La seconde partie de
notre étude a été consacrée à l'alimentation à un point de
vue plus général, au logement, au vêtement du pauvre, de
l'ouvrier.
J'avais appelé à mon secours, pour chacune de ces études,
un spécialiste. Parmi ces hommes de bonne volonté, je ci-
terai notre cher maître M. Cheysson, que l'on trouve par-
tout où il y a du bien à faire.
Au cours de ces études, j'ai relevé un fait intéressant. Il
existe à Paris soixante-quinze visiteuses ; en province, il
n'existe, si je suis bien renseignée, que deux inspectrices de
BUREAUX DE BIENFAISANCE. — DISCUSSION ET VOEUX 43
l'assistance publique, l'une à Lille, Pautre à Marseille. Je
crois qu'il serait bon que partout pu il y a des inspecteurs
On; nommât également des inspectrices.; : j •
La plupart des reproches qu'on fait à l'enseignement
public seraient résolus si nous avions plus de maîtres et de
maîtresses. Nos maîtres actuels succombent sous le nombre;
le silence devient la seule loi à observer, dans les classes, je
voudrais que nos filles puissent devenir les aides de .ces
hommes et de ces femmes,de bien, qu'elles apportent un peu
de gaieté dans les classes où l'on, élève les enfants du peuple.
Nous compléterons nos cours ordinaires, cette année, par
une espèce d'atelier dans lequel nos jeunes filles volontaires
apprendront à faire certains ouvrages dé famille^
Pour me résumer, j'émettrai les voeux suivants :
i° Que partout où cela pourra se faire, l'inspecteur de l'assistance
publique soit secondé par une inspectrice ou par des dames visiteuses;
2° Que le ministère de l'instruction publique encourage et soutienne
de son autorité les tentatives faites pour créer à notre enseignementpri-
maire une armée d'aides bénévoles et que l'autorité académique les
admette —• dans des limites qu'elle pourra déterminer— dans les
écoles.

M. Emile Ray, vice-président du bureau de bienfaisance


d'Arles. — Au Congrès international d'assistance; qui a eu
lieu à Milan au mois de mai dernier, la question de l'assis-
tance aux étrangers à été soulevée, et voici ce que je trouve
au compte rendu qui a été publié par la presse à cette
époque :
Aucun gouvernement ne s'est désintéressé de ce sujet, et des conven-
tions diplomatiques sont déjà intervenues en faveur des aliénés, des
rapatriés, des enfants abandonnés. En France, nous admettons des étran-
gers aux secours temporaires. L'Italie ne s'occupe d'eux que s'ils sont
malades. L'Allemagne est plus libérale, et les étrangers reçoivent au même
titre que les nationaux les: soins de l'hôpital.
44 ' '
N
CONGRÈS DE NANCY
J'ajoute qu'en France, nous avons une grande quantité
d'indigents étrangers. Aussi, pour clore rapidement ma
:

discussion, je dépose sur le bureau du congrès les voeux


suivants':
i° ayant pour objet d'intervenir auprès des ministres compétents,
Voeu
afin d'obtenir, pour les administrations charitables de toutes les com-
munes'de France : i) des renseignements sur Tes traités internationaux
relatifs à l'assistancepublique ; z)des instructions pour leur application,
afin de fixer, avec certitude, les'devoirs de réciprocité qui, en France,
nous'obligent, du moins moralement, envers les indigents et les ma-
lades, de nationalité étrangère;
2° Voeu tendant à solliciter, du-pouvoir législatif, l'extension, aux
bureaux de bienfaisance, des dispositions dont bénéficient les communes,
les hospices, hôpitaux et bureaux d'assistance, et qui leur permettent, de
procéder pour certains recouvrements comme en matière de contribu-
tions directes, au lieu de recourir à la. procédure, lente et onéreuse du
droit commun.

M. le. président. —Je dois faire remarquer que les der-


nières communications, si intéressantes qu'elles soient, s'é-
cartent notablement de la question qui est en discussion.
En ce qui concerne spécialement la motion de M. Ray, le
délégué d'Arles nous a fait rémarquer que le bureau de bien-
faisance de cette ville souffre de l'invasion constante d'indi-
gents italiens qui tombent à sa charge, et il se plaint qu'il
n'y a pas réciprocité. Peut-être ne faudrait-il pas voir la ques-
tion sous l'aspect d'une espèce particulière. J'ai assisté, avec
quelques-uns de ceux qui sont près de moi, au Congrès inter-
national d'assistance de Milan. La question s'y est posée et
on a eu beaucoup de peine à se mettre d'accord.
Les pays qui, comme l'Italie, exportent beaucoup d'indi-
gents, trouvaient très naturel de les voir a la charge des
pays voisins. M. Mirman, au contraire, a soutenu une thèse
BUREAUX DE BIENFAISANCE. —- DISCUSSION ET VOEUX 45
que, pour nia part, je considère comme très juste et qui
consiste à dire qu'il doit y avoir au moins coopération entre
le pays d'origine et celui d'adoption. : :
La conclusion a été que les pouvoirs publics avaient à
étudier la question, et qu'on n'arriverait probablement à sa
solution que par un accord diplomatique international.
"C'est-une solution sage. Nous qui ne sommes ni un congrès
international^ ni même un congrès d;assistance, nous n'avons
pas à substituer nôtre décision à celle du congrès dé Milan.
Le second point, qui tend à assimiler les bureaux de bien-
faisance aux communes, hospices, etc., en: ce qui:toiiche: la
réalisation des produits pour lesquels: il n'est prescrit aucun
mode spécial de recouvrement; est aussi très intéressant.
Mais c'est surtout une question d'ordre intérieur, de comp-
tabilité, d'administration des bureaux de bienfaisance, et je
me permets de faire remarquer à l'honorable orateur que
notre ordre du jour porte seulement : « De l'action des
bureaux.de bienfaisance en hygiène.sociale » et que le,lien
entre les deux questions me paraît bien faible. .
Il vaudrait donc mieux, selon moi, nous en tenir... aux
questions étudiées par nos rapporteurs.

Mi Brault, maire, président du bureau de bienfaisance de


Monifort-l'Amaury. — Je crois devoir répondre à.l'appel de
notre éminent président en venant citer quelques faits à
l'appui des voeux que le congrès désire,exprimer.
Depuis quarante ans (1865) le bureau de bienfaisance de
notre bien modeste ville, grâce à ses ressources provenant
d'un généreux bienfaiteur, a pris l'initiative d'organiser Pas-
sistance par le travail au profit des ouvriers en chômage
pendant l'hiver. La préfecture de Seine-et-Oise voulut bien
approuver cette mesure.
46 N CONGRÈS DE NANCY

: Le crédit, primitivement fixé à i 000; fr., fut peu à peu


augmenté, particulièrement pendant les événements;: de
1870-1871 et les rudes.hivers de 1879/et 1880.-Depuis cette
époque nous admettons à l'assistance par le travail large-
ment rémunéré tous les, ouvriers en chômage, de décembre
à février. Comme on le fait ; à Nancy, nous, agissons donc
;

par: prévention en évitant la misère à bien, des familles labo-.


rieuses: dont la mauvaise saison épuiserait les...vfoIblêS; .-I:es.-
SQ^ées.^' ; ;/:' '.;'• '..
' •• .:;.
Aussi avons-nous accueilli avec empressement-.l'invitation . .

de M. le ministre'de l'intérieur de nous faire représentera


ce congrès pour apprendre à mieux faire encore à l'avenir.
C'est dans le; même ordre d'idées que nous assistons lar-
gement par le travail, tant qu'ils peuvent : s'y livrer, les
ouvriers qui ne pourraient plus gagner leur vie chez leurs
patrons, le léger travail qu'on leur demande .maintient leur
santé et les garantit des dangers de l'oisiveté.:
Notre établissement a acheté des terrains pour construire
des maisons hygiéniques;-. les plans sont à l'étude et leur
exécution n'est attardée que par les difficultés provenant du
prix des constructions et de la modicité relative des salaires
locaux; nous espérons cependant résoudre bientôt le pro-
blème et même assainir quelques habitations existantes. En
attendant, pour stimuler l'émulation des familles ouvrières,
nous donnons chaque année un prix de 250 fr. au ménage le
plus méritant pour la bonne conduite et le travail des deux
époux, la bonne tenue et l'éducation de leurs enfants, l'ordre
et la propreté du logement.
Nous secondons aussi de tous nos efforts l'administration
départementale de Seine-et-Oise qui a organisé largement
l'assistance à tous les ouvriers malades, aux femmes pauvres
ou simplement nécessiteuses par le fait de leurs couches,
BUREAUX DE BIENFAISANCE. — DISCUSSION ET VOEUX 47
par des secours mensuels,, de ro, 1.5, 20, 25 et 3.0 fr. aux
familles: : chargées- de : quatre: à huit : enfants? légitimes, ; le
.
conseil général estimant que les enfants naturels ne doivent
pas être .seuls aidés par.l'assistance publique.
Tout à l'heure, Mmt; Moll-Weiss a:exposé avec une persua-
sive éloquence l'utilité de convier les dames' à seconder les
administrateurs des établissements de bienfaisance. Déjà ce
matin nous; avons tous vu quel précieux concours les dames
de Nancy apportent à là direction des oeuvres créées par le
bureau de cette vihe. Que M; le président me; permette de
dire qu'à Montfort-PAmaury depuis plusieurs siècles- existait
« la Charité des Dames ». Le bureaude bienfaisance1 a.rem-
placé cette antique organisation, mais en fait et en raison de
l'importance de ses services, il n'a jamais cessé de se ;faire
seconder par des dames qu'on nomme Dames, de charité; les
administrateurs n'arrêtent les listes de secours qu'après les
avoir consultées et ce sont elles: qui. sont leurs intermédiaires
pour remettre les bons ou secours en nature. Elles peuvent,
mieux que nous, entendre et apprécier avec bienveillance
les réclamations des mères de famille et. si nous nous réser-
vons le dernier mot, notre responsabilité est soulagée de
leurs intelligents et très charitables avis. Cette expérience
nous permet de conclure que: les bureaux de bienfaisance.
ont tout avantage à faire appel au concours des dames.

M. le Dr Drouineau appuie les conclusions présentées par


M. Lallement .en ce qui concerne la réglementation nouvelle
des bureaux de bienfaisance. Sans doute, tous les bureaux de
bienfaisance existants donnent des secours variés et certains
d'entre eux font une large part aux loyers, aux secours aux
mères et aux enfants, etc., mais nulle part on n'a su donner
l'impulsion qu'ont prise les oeuvres de même nature créées
48 x • CONGRÈS DE NANCY.
. .

à Nancy.- C'est là la caractéristique du bureau de Nancy et


ce qui lui fait une place tout à fait ^exceptionnelle dans Pas-
:sistànce à domicile ;en France. :r ::'::::':
.
Les pouvoirs; publics devront sUnspirèr: de: cet exemple

pour les instructions qu'ils! auront à donner aux commis-
sions administratives, j ^..i.-..;
La;question de : l'assistance à doniicile :est des plus' impor-
tantes; elle esta l'étude depuis;longtemps dans les congrès
nationaux d'assistance, elle reviendra: air. congrès prochain
de Reims. On ne peut: demander au congrès actuel que de
donner une 'indication et, se basantrsùr.l'oeuvre haneéienné,
appuyer les 'conclusions proposées par M. Lallement.

M. le Dr ii.Uenrot, ancien maire de Reitiis, membre du conseil


supérieur de l'assistance publique, aie regret de ne pas parta-
-ger les idées de son excellent collègue et ami M. le Df Droui-
neau; pour le bon fonctionnement du bureau de bienfai-
sance ce: ne sont: pas des réglementations qu'il faut, mais
des dévouements éclairés.: M; Lallement,. dont nous avons
admiré ce matin les heureuses créations, n'aurait pas pu
xéaliser tous ces progrès, s'il s'en était rapporté à la lettre
du règlement. Il a fait oeuvre d'initiative, il faut chaudement
l'en féliciter; l'assistance par les jardins ouvriers, par les
,
logements réservés aux familles nombreuses, constituent
d'excellentes innovations qu'il y a lieu d'imiter; quant aux
-.écoles ménagères ce sont, en réalité, des oeuvres .d'instruc-
tion populaire plutôt que dés oeuvres d'assistance. Reims a
été le berceau de cette admirable institution, c'est là que fut
fondée il y a près de quarante ans, par une femme de
grand coeur, Mme Doyen, la première école ménagère qui
fonctionne encore sous la même directrice. Depuis deux ans
une nouvelle école plus somptueuse a été fondée avec le
BUREAUX DE BIENFAISANCE. DISCUSSION ET VOEUX 49
concours de l'État; ces deux écoles rendent les plus grands
services, il serait à désirer que toutes les élèves, à la sottie
des écoles primaires, pussent venir passer une année dans
ces écoles de perfectionnement, on créerait ainsi une pépi-
nière de jeunes et vaillantes femmes qui sauraient sauver
leurs maris du cabaret et de l'alcoolisme. Il serait injuste de
réserver aux seuls enfants pauvres ce puissant levier moral.
M. Henrot ne croyait pas prendre part à la discussion, mais
puisqu'il a la parole il voudrait insister sur deux points qui
lui semblent indispensables'pour le bon fonctionnementd'un
bureau de bienfaisance. Autant qu'on le peut, il faut recher-
cher le concours désintéressé de personnes dévouées pour
faire le service, des enquêtes et pour- assurer la distribution
des secours; les employés salariés ne peuvent pas apporter
dans ces fonctions le même dévouement, ils ne trouvent
pas de ces paroles réconfortantes, quelquefois aussi utiles
que les secours proprement dits. A Reims il y a soixante-
dix commissaires hommes et femmes chargés chacun d'une
section, ils n'ont à visiter qu'un nombre restreint de familles,
ils connaissent admirablement leurs assistés, ils donnent
avec le secours matériel un peu de leur coeur. Il s'établit
entre l'assistant et l'assisté des relations dont l'indifférence
est chassée et"une sorte de solidarité.
Le recrutement de ce personnel dévoué est quelquefois
difficile, mais avec de la persévérance on trouve de petits
rentiers qui, après une existence professionnelle très occupée,
ont des loisirs qui leur sont pesants quand ils n'ont pas la
culture littéraire qui est d'un si grand secours pour occuper
les journées; en s'intéressant à ce rôle charitable ils trou-
vent à la fois une distraction et un réconfort moral.
M. Henrot a cherché à les encourager ; à la distribution
annuelle des prix de v^rtu où 25 000 fr. sont distribués pour

CONKRKS DU NANCY
50, ;
CONGRÈS DE NANCY ; .'.ï
;
- - .

récompenser le mérite,; le:.dévouement et Pattachement.au


devoir, il a eu l'idée de remettre une .médaille .grand module-
de la ville de Reinis aux.. commissaires lès plus .méritants
après vingt-cinq-ou trente, années de services aux pauvres.;
Cette médaille, remise dans Une séance solennelle où sont
conviées toutes lés autorités civiles, et'militaires; est très,
recherchée et très ambitionnée ; elle' facilite certainement le
recrutement de ce personnel désiré.:, .•
M...Henrot voudrait-encore retenir l'attention du congrès,
sur un point très important : les commissions administra-
tives du bureau de bienfaisance sont nommées et :par le con-
seil îriunicipal et par le préfet;, il est indispensable, qu'elles
restent absolument impartiales en présence de la misère, 11
ne faut-pas que l'élément politique dominant joue un rôle
prépondérant dans le choix des administrateurs, il apparu
tient au préfet de nommer les personnes les plus compé-
tentes, sans esprit de parti, en ne tenant compte que de-
leur intelligence et de leur dévouement.
Pour conclure, M. Henrot pense donc que c'est moins aux
règlements, qui ont souvent trop de tendance à entraver l'ini-
tiative individuelle, qu'aux concours dévoués et désintéressés
qu'il faut recourir pour donner aux bureaux de bienfaisance
la force dont ils ont besoin pour bien remplir leur rôle
social.

M. Drouineau. — On ne peut cependant pas abandonner


complètement la gestion de deniers • publics à l'initiative
des bureaux de bienfaisance, comme l'indique M. ^Henrot.
Il faut donc une certaine réglementation. Je n?entends pas
le moins du monde emprisonner, les. bureaux de bienfai-
sance dans des textes législatifs. Je voudrais simplement
qu'on leur donnât une impulsion nouvelle.-J'en demande
BUREAUX DE BIENFAISANCE. — DISCUSSION ET VOEUX <yi
.

pardon à M.-Hen-rot, mais.ije: connais des bureaux-••de-bien-


faisance qui ont encore le respect de:1a circulaire"rédigée par
le ministre Gorbières.en: 1823.; ....-

M. Belïeau, dé Reims, fait remarquer,, en réponse ..aux


observations de M. le Dr Henrot quant à la nomination,des
administrateurs des bureaux de bienfaisance, qu'aucun parti
politique ne peut revendiquer le .monopole de l'intelligence
et du dévouement..et que,, en tout état de cause, les no,mi~
nations sont faites sur les bases précisément de ces qualités
d'intelligence et de dévouement que l'on recherche surtout
chez les candidats aux fonctions d'administrateurs et nonobs-
tant les opinions politiques desdits candidats. ... ,

M. le président. — Quand deux hommes de bonne foi


discutent, il faut bien qu'ils commencent par n'être pas
d'accord; mais ils finissent bien vite par s'y mettre. M. Lal-
lement demande des textes, M.- Henrot demande qu'on les
applique avec impartialité et intelligence : ils sont absolu-
ment d'accord. C'est.notre désir à tous qu'il y ait de bonnes
instructions et que les hommes chargés de les appliquer
soient des hommes de'bonne foi et intelligents.
M. Brault. — Oïi vient déparier à diverses reprises de la
nécessité de faire un nouveau règlement administratif pour
la .gestion des bureaux de bienfaisance en remplacement du
règlement de .1823,. d'ailleurs tombé en désuétude et que
bien peu d'entre nous connaissent.
Il est bon d'exprimer l'espoir que ce règlement ne sera
pas trop exclusif et qu'il laissera large cours à l'initiative
locale. Déjà on a reconnu les inconvénients des prescrip-
tions trop minutieuses et des mesures trop uniformes du
règlement des hôpitaux.
^2 -'.;• CONGRES DE, NANCY
L'administration des bureaux de bienfaisance se prêterait
moins encore à l'uniformité, car il faut tenir compte à la
fois des variétés infinies que présentent pour toutes les loca-
lités le nombre des malheureux à secourir ou aider, leur
caractère urbain, industriel ou rural, la proportion des res-
sources disponibles, et tant d'autres éléments différents.
Au lieu de prescriptions-absolues, le règlement nouveau
pourrait se bornera donner des indications dans;le sens des
voeux du congrès tout en assurant, bien entendu, le juste
contrôle de l'emploi des fonds.
M, Lallement.—-Nous sommes d'accord.
.

M. le Dr Suarez de Mendoza. — Sans empiéter sur la


communication que je désire vous faire demain,' je tiens à
dire quelques mots sur ce sujet de l'action des bureaux de
bienfaisance en hygiène sociale.,
Trop souvent les intermédiaires qu'ils emploient ont des
données insuffisantes sur les matières qui nous intéressent.
Il faut diffuser parmi eux l'instruction hygiénique.
M. le président. — Personne ne demande plus la parole?
Je vais mettre aux voix les conclusions du rapport de
M. Lallement. Ce sont celles qui' présentent le plus de pré-
cision, et, comme c'est à Nancy que l'expérience a été faite
et a .réussi, je crois que nous devons voter de préférence
sur les propositions de l'homme même qui a mis cette expé-
rience en oeuvre.
J'en donne lecture :
§ T.
— Que les bureaux de bienfaisance, tout en continuant à dis-
tribuer des secours en argent et en'nature, soient invités à instituer des
oeuvres de prévoyance, d''hygiène et'de préservation de la misère, propres
à relever l'indigent et à améliorer les conditions de son existence, telles
BUREAUX DE BIENFAISANCE. —-DISCUSSION ET VOEUX 53'
que : apprentissage d'un métier, enseignement ménager, assistance par
le travail, gouttes de lait ou bon .lait; assistance par le jardin; assis-
tance par... l'habitation, prêts de-draps, exercices gymnastiqUes, etc.
(Adopté..)' ;

Ali Çheysson. —-En ce qui çpncerne le paragraphe 2, il


faudrait viser également la loi du 12 avril 1906, qui a.'élargi.
les attributions des,bureaux de bienfaisance, en ce. qui con-
cerne les jardins ouvriers.
M. le président. -— Il n'y a pas d-opposltioii à.la,proposi-
tion de M. Çheysson?, ; : = : ,-.-.
En conséquence, le paragraphe 2 des voeux de M. Lalle-
ment serait ainsi formulé" :
- : ;

§ 2. — Qu'ils mettent à exécution, dans la mesure du. possible, les


facultés qu'ils tiennent de l'article 6 de la loi du 30 novembre 1894,
confirmé par l'article 6 de celle du 12 avril 1,906, en employant une
fraction de leur patrimoine qui ne pourra excéder un cinquième, soit à
la construction directe d'habitations à bon marché, soit en prêts aux
sociétés de construction ou de crédit, soit en obligations ou actions de
ces sociétés, de manière à procurer aux familles qui ne peuvent vivre
du produit de leur travail des logements saiubres à loyer réduit, dont
le payement pourra être facilitépar im secoursproportionnelaux charges
de famille et aux ressources provenant du salaire. .'^it'-;"
.(Le paragraphe 2, ainsi modifié, est adopté;)
§ 3.— Qu'ils concèdent.à leurs assistés, à titre de secours, les ter-
rains propres à la culture dont ils peuvent être propriétaires, sinon
qu'ils en prennent en location pour les leur concéder au même titre.
(Adopté.) -
§ 4- —* Que les communes, propriétaires elles-mêmes-de terrains
propres à la culture, s'entendent avec le bureau de bienfaisance pour lui
louer ces terrains, afin que celui-ci puisse les donner à cultiver-aux
assistés à titre de secours. (Adopté.)
54 '' "" -
-> .CONGRÈS .DE NANCY
§*)'— Enfin, que pouvoirs publics' compétents, prennent les
l'es
mesures-nécessaires pour faire élaborer un règlement invitant les com-
missions administratives- des bureaux de bienfaisance à rendre autant
que possible et dans la limite de leurs ressources l'assistance hygiénique
et préservatrice de la misère,-et que les collectivités, telles que l'État, les
départements-et hsicoinmmres, ainsi que les divers comitésdel'Alliance
d'hygiène sociale, ericour'agent etfavorikntia-cfédtiôn de toute oeuvre
ayant un caractère d'assistance l^giénique-étpréventwe.fAdopte^;:'
M. le président. •— Je mets aux voix l'ensemble des voeux
proposés : par M. Lallement r : -; :: .-..--- .iïrMM^v;:: -::' j'
(L'ensemble des voeux est adopté.) -; - -•'

M. Siegfried. — Vous avez entendu,..Messieurs,.l'exposé


de l'oeuvre si intéressante du bureau de bienfaisance de
Nancy. Certains d'entre vous ont même eu la bonne fortune
de visiter ce matin, sous la conduite de M. Lallement, la
plupart des oeuvres en question.
...II. y. a,, dans toutes ces créations, un enseignement nou-

veau, et il serait intéressant qu'un congrès comme le.nôtre


indiquât clairement qu'il approuvé hautement cette initiative.
•Je vous propose donc de féliciter chaudement le bureau de
bienfaisance de Nancy et tout particulièrement son dévoué
vice-président M. Lallement, et d'émettre le voeu suivant-:
Le Congrès d'hygiène sociale, approuvant complètement la voie de
prévoyance dans laquelle le bureau de bienfaisance de Nancy est entré,
Émet le'voeu que tous les bureaux de bienfaisance de France suivent
son exemple, et'tendent à associer deplus en plus laprévention à l'assis-
tance. (Adopte.)

présidents —:• Je suis heureux que ce. voeu. ait eu


M. .le
votre approbation.. C'est un hommage public au ..conseil
municipal de Nancy,, aux administrateurs du bureau de
bienfaisance et à la personne même de M. Lallement.
;
BUREAUX DE BIENFAISANCE. ;— DISCUSSION ET VOEUX 55
M. le président."^ La''discussionse 'trouve close par 'es
vote; cependantr je :donner la- parole à M. 'Leprinçe, délégué
du conseil de surveillance de l'assistance' publique'dePâ-fls,
qui s'est trouvé obligé de s'absenter de: :lâ*;séancê pendant la
discussion et :qui désiré; faire une^courte communlcatiôfii-::
wMais il est. Meu: entendu que; cette- communication lié
,
pourra-en aucune façon; rouvrir le débat, vr!.; T;--^ -yû-y-y'

•; M.Lëprince;membre'ducotiseikifo^surveillance-del'assistance
publique \ de; Paris.uH-jSa.ns : vouloirr:rouvri?r lé;: débat-' sut ; les
bureaux dèibienfaisahce^j'dbéis jà^un: scrupule;."<•en .prenant
très brièvement la parole. .-; ;.v:: u-.-- --y .-y • ;., --rn;:.:;-.
Je; représente^iei'tfois individualités ;: le 'conseil dé surveil-
lance de l'assistance publique de Paris, les1 bureaux de "bien-
-
faisance: et la-Société dés administrateurs etcomm&saires'dë
la ifflême: ville. : ;. .-''<' '''. :•;'; :':--.-v.'.;-:: ;;:;.;,
-
':.; J ai admiré avec vous ce imatih les ; institutions; :que nous
avons visitées et qui-sont; administrées par les délégués; du
bureau de .bienfaisance de la ville de Nancy, logements, jar^-
dins, école ménagère, assistance par le travailj etc.' :.:
' Nous 'n'avons à Paris qu'une partie seulement de ces ins-
titutions et à l'état; embryonnaire; il:userait à souhaiter
qu'elles pussent être :généralisées- car elles, revêtent bien; la
forme préventive si désirable en matière d'assistance.
Comme président de la Société des bureaux de bienfai-
sance, je partage absolument l'avis de beaucoup d'orateurs
et uotamment celui de notre ami • M. Henrot qui voudrait
voir le nombre des administrateurs -augmenté dans' de
sérieuses proportions; :
'--
/:Sans aller, peutrêtre, jusqu'au système-d'Elberfeld, on doit
souhaiter que leur; nombre, s'accroisse ; ils apportent une
sérieuse économie dans: les frais de distribution des secours-:
56 -,
CONGRÈS DE NANCY

cette dépense serait bien plus considérable encore si l'on


voulait supprimer et remplacer les 2300 agents bénévoles
actuellement existants.
Je ne prétends.pourtant pas méconnaître les services des,
agents salariés, je sais qu'ils sont grands;: je crois même
qu'il doit y avoir au rpoins un.de ces agents dans chaque
bureau pour parer aux cas très urgents. Mais les auxiliaires
bénévoles peuvent seuls apporter des secours moraux à
leurs, administrés. En outre, ils ; sont les délégués-des con-
tribuables auprès de l'administration .et-surveillent:--.la répara
tition des sommes mises à sa.disposition : à:Paris, sur une
somme d'environ 7 700000 fr., 7 millions:sont fournis par
le conseil municipal, c'est-à-dire,: par le budget de la ville>
Est-ce à dire que tout est pour le mieux dans le meilleur,
des.mondes? Non, nous savons qu'il existe des administra-
teurs au-dessous de leur tâche ; aussi avons-nous : créé: notre
société surtout pour aider l'administration à améliorer, leur
recrutement qui est mauvais dans beaucoup d'arrondisse-
ments ;trop de causes étrangères aux fonctions qu'ils auront
à remplir président à leur choix..
Parmi les moyens proposés celui qui paraît devoir donner
les meilleurs résultats consiste à les recruter exclusivement;
sauf de très rares exceptions,, parmi les commissaires,
hommes ou dames, qui. auront fait leur preuve ; ce serait un
stage préalable.
N'oublions pas, Messieurs, qu'il faut des dames parmi
nous: il y a des cas où leurs. qualités spéciales sont plus
particulièrement appréciées.
-
Nous sommes ^tellement persuadés qu'une instruction
meilleure dès administrateurs et commissaires-.s'impose que, "
outre les conférences que nous faisons dans.les arrondis-
sements, nous avons fondé un bulletin dont la publica-
ASSAINISSEMENT. -^- RAPPORT MACE ET IMBEAUX 57
tion va.devenir mensuelle, pour y traiter toutes'les questions
de ce genre théoriques et pratiques ; nous l'adressons' a tous
les auxiliaires bénévoles faisant ou non partie de notre
société. :;' -''.-;' •-".•••- -': -.:::.. y -..: ,

Nous espérons même arriver à créar une fédération dé


tous les administrateurs dés' bureaux de ' bienfaisance de
Fiancé; c'est a cette oeuvre que nous allons consacrer lés
plus grands efforts..

ASSAINISSEMENT DES VÏIilïES


ET DÉS CAMPAGNES

M. le président. Nous arrivons, Messieurs, à la deuxième


-—
question inscrite à notre ordre du jour,,
.
Je donne la parole à,M. Macé, pour, la lecture du rapport
qu'il a écrit, en collaboratio.n avec M. Imbeaux, sur le sujet.
suivant: ,\

De l'ensemble des mesures techniques propres à


assurer et à maintenir la salubrité des agglo-
mérations urbaines.
Pour assurer la.salubrité des agglomérations humaines, grandes
ou petites, deux; sortes: de mesures sont à prendre :• d'une part, des
mesures techniques.capables.de placer et de maintenir ces agglomé-
rations dans les conditions d'hygiène voulues, d'autre, part; des
,
mesures législatives et administratives, obligeant les citoyens à res-
pecter ces conditions et avec elles la santé de leurs semblables.
Les mesures de cette seconde catégorie.sont:du ressort du légis-
58 •"
;" '• c.
-CONGRÈS DE NANCY-' '.:•.
; •'':'.: '
lateijr et-du; .juriste: et n'.eh;t.r*ent-,q.u'accessoi.ïemencdans'ie-cadredil
présent .rapport.;.Les premières,.jau :contraire; ;eonceriienfcl'hygiév -
îiist-e- et, l'ingénieur,-.et11 nous ftpal'u; intéressant de.iiiqmtfërpar un
tableau d'ensemble, sorte de revue générale des armes dont dispose
la;.science.hygiénique .moderne, quç.ç.es armes la.,me.'tten.t àmênie,
si on lui fournit les, moyens de s'en servir,, d'assurer.;aux, grouper
ments humains des, conditions sanitaires vraiment, convenables.
L'outillage étant connu et les techniciens prêts, à le,, mettre en
oeuvre, il n'appartient plus qu'aux municipalités, et au-dessus ou à
défaut d'elles aux pouvoirs centraux, de faire les sacrifices pécu-
niaires nécessaires à cette mise en oeuvre et à sa continuité, ce en
quoi les admhi|>trationS:nfe(ferO^^ le-plus
essentiel des devoirs.,,à. Pégar.d:.de.leurs... administrés, qui est de les
.
r- dd/,',Jft!-ii:i.i:..,! Kyj.'j '.;.;::
taire vivre, prirnum vivere.
Toute l'hygiène des agglomérations humaines, villes, bourgs ou
villages, tient en quatre termes. Mais cette subdivision de notre
sujet se comprendra mieux'si on regarde un groupe humain comme
un véritable organisme, ayant des fonctions propres, comparables à
celles de l'individu lui-nlèilië. Chacun sait qu'à ce dernier il faut dé
Pàiï-pùr, dés aliments sains et notamment dèl'eau debonne qualité,
âes'sôiil-s capablës^dé' défendre sa propreté contre les souillures exté-
rieures, contre ses propres excréta, et qu'enfin il lui faut éviter toute
invasion des germes pathogènes ou savoir s'en débarrasser s'il lui
arrive accidentellementd'en être menacé. De même, il faut assurer
à'notre' agglomération:ï! '"' ' '' ' -•-•<'-•;-•:
- aPfPne hohne aération,-c'ést-à^-dijre^mié atmosphère :pure,' bien
renouvelée et de température convenable,-; ;.
. -:, .-,, ... .
29 Un approvisionnement suffisant d'aliments sains et d'eau pure ;
:
y-Des moyens appropries pour éloigner les eaux usées, les im-
mondices de toutes sortes', en un motles déchets que Ici vie humaine
et - animale accumule dans le groupement; et : qui sont on deviens
dràientvite dangereuxbu- incommodes ;. <
.'-'' .
- -.--
4°;'Des; procédés - spéciaux .de défense contre les germes patho-
gènes,, procédés?qui consistent principalement dans, les mesures
d'isolement,,d'immunisationet de désinfection. '
ASSAINISSEMENT. .— /RAPPORT, ;MACE ET IMBEAUX £9

:"' :</--:', [ '-:-.:'.':::::::;.. 4 L-^'^RATION' ;''''' /''' '


'i'"' :';';/:/l ;''H';^
.

yJ?OT0«'W$m£7îMe.i'tf.M
-
la combustion;dans;les:..foyers.domestiques;et industriels,1 les décom-
pomiiôiis.or;gatiiques,:,ete;,rpxojétJ;éhtHncëssamrnent.'dah^
gàz,: nuisibles .(oxyde.de.carboné,: ; acide' (carbonique,, hydrogène sia'l?
mré;;eto.]) :et^y: raréfient l'oxygène/'n:;faudrait;don;c:.pouvoir^:reri!ïr
placer ! l'air vkiépar-de-lfâirrpur,:'disons,-de-d'air, neuf,, par;, exemple
pouvoir, amenen dans les: villes l'air des. campagiles,•' des; imbiitagmesy
dedà-iner.: Les/Américains,•siihardis -dans-:leurs:entreprises;'«6:1:0111
pas ene.ôre.tenté;:et.'en .aûtendant force:,est de.,-se;«contenter desfpro-
cé.désnaturels de:/renouvellementde l'atmosphère. Dans: ce 'sens, le
règne : végétal ,j ouë :un; certain rôle .providenrier,;'puisque, : à- l'inverse'
des :.animaux,-: les .-plantes; à la-lumière, absorbentl'acide carbonique
de.l'airp'our.assimilerdnàlementleclia^
niais: ce sont bien xertainementles mouvements' atmosphériques;les
ventS;,:;quL:produ'iséntl'effet,derénovatiolïl•eplus.'important'.,:::::-,
Eneare faut-il, disposer; lès groupes, d'habitations;.; pour que;'lé •
rén'0:Uvellemeiît.:de.l'airMpuisse;^sy.-fair.e.-.'-fa'Gilerh:ent. Gela-.exige,;i
ip qu'on, laisse, des espaces': non; ;bâtis>. ±-r -rues, .places'; '-'cours, jar- •>

dins, iparcs:et squares..— de surface suffisante, assurant à la-ville,


comme réserve; un cubage d'air convenable-;.3? qu'on oriente ces
espaces de manière qu'ils'Soient facilement parcourus :parles vents ;
3° qu'on;nfélèveras trop haut lés maisons, les édifices trop élevés

cours en véritables- puits. •'-,' •.-... ;';':


arrêtant' les mouvements de l'air et transforniant. les riies et-les

,-Ge.s exigences doivent se, traduire-dans les, règlements da voirie


', .-'. -v •
:

,
des villes, et .elles doivent être d?autant plus.strictes que la ville est
plus, grande ou que son centre est plus éloigné de là masse d'air pur
périphérique. Dans les grandes Ailles, il devient:même nécessaire de
créer des réserves intérieures,: c'est-à-dire de i ménager de'grands
:

espaces libres; autant que •'possible boisés, de-distance'en 'distance.


1

Malheureusement, en France, 611, ne- l'a pas/ toujours comprisj et ;

bie.n-des villes,. Parisen tête, ont- laissé non-seulementles propriér


60 CONGRÈS DE NANCY
,

taires couvrir presque tout leur terrain de bâtisses inconsidérées,


mais encore ont consenti elles-mêmes à la diminution progressive
des espaces libres leur appartenant. C'est ainsi que tout récemment
M. Hénard, comparant sous le rapport des parcs et squares inté-
rieurs Paris, Berlin et Londres, a montré que pour une surface de
7 8.00 hectares, qui est celle de Paris, notre capitale ne possède plus
que. 46 parcs d'une surface d'ensemble de 263 hectares, tandis que la
capitale allemande en possède2ooccupant 554hectares et la capitale
anglaise 200 avec 752 hectares : aussi M. Hénard conjure-t-il la ville
de Paris de ne pas faire une faute irréparable en vendant pour bâtir
les.terrains des fortifications,'mais bien d'imiter Vienne et Ham-
bourg et de transformer ces terrains en-squares et promenades.
En ce qui regarde les terrains des particuliers, nous avons cherché
en vain dans la loi du 15 février 1902 et les modèles de règlements
sanitaires communaux qui lui ont fiiit suite une prescription limitant
le droit de construction à une. fraction de la surface :• on s'est con-
tenté dans les villes (modèle A) d'exiger pour les cours une superficie
d'au moins.30 mètres carrés et une profondeur d'au moins 4mètres.-
Cela ne vaut pas, on le comprend, le règlement du 15 août 1896 de
Berlin ': celui-ci exige qu'un tiers au moins de la surface du terrain
reste sans être bâti, que les cours aient au moins 80 mètres carrés,
qu'enfin les six premiers mètres touchant à la rue une fois bâtis, le
reste, de la profondeur du terrain ne puisse l'être, suivant les cas,
que dans une proportion variant de sept à cinq dixièmes. En tout
cas, s'il est difficile de modifier les anciens quartiers, on n'a pas
d'excuse de ne pas imposer les conditions voulues pour les quartiers
neufs : c'est ainsi qu'à Vienne on n'hésite pas pour les rues nou-
velles' à obliger les propriétaires à ne bâtir qu'à 10, 15 ou 20 mètres
en arrière de l'alignement, à se clore au moyen de grilles d'un type
uniforme, etc. Bref, il ne faut pas craindre de restreindre quelque
peula liberté des propriétaires au profit de tous.
Pour la hauteur des maisons, le règlement de la ville de Paris et
le modèle A contiennent de sages; prescriptions : il n'y a pas là
seulement.une question de ventilation, mais bien encore une ques-
tion/delumière.et d'ensoleillement, et chacun sait que « là où entre
ASSAINISSEMENT. -— RAPPORT MACÉ ET IMBEAUX 6l
le soleil, le médecin n'entre pas souvent ». On a calculé que sousla
latitude de Paris les rues doivent avoir-une largeur égale de deux
fois un tiers à quatre fois (suivant que ce sont des rues méridiennes
ou équatoriales)là hauteur des maisons, si on veut être assuré que le
rez-de-chaussée voie le soleil au moins une heure pendant le-jour le
plus court de.:l'année.-Les hautes maisons'bordant des rues relative-
ment étroites sont donc condamnées par l'hygiène:: les Américains
eux-mêmes renoncent à leurs sky-scrapers à une vingtaine d'étages.
Maintien de la pureté de l'atmosphère : lutte contre les poussières,
les fumées, les ga% toxiques et les mauvaises odeurs. —^ Les .nuisances
atmosphériques sont nombreuses, et on doit entreprendre cdatre
elles une lutte non-moins ardente que contre les: souillures: de l'eau
de boisson. Elles sont dangereuses, non-seulement:par elles-mêmes
et parce qu'elles véhiculent des germes pathogènes ou qu'elles atta-
quent nos poumons ou notre sang, mais encore par ce fait que leur
présence dans l'air oblige les habitants à fermer les fenêtres, à se
calfeutrer, et que par suite elles diminuent l'aération-des:habitations
et la capacité respiratoire des individus. Or une respiration amoin-
drie, l'habitude d'un air impur affaiblissent finalement la résistance
de l'organisme et arriveraient même à produire un étiolement de la
race ; c'est ainsi qu'on a remarqué que les épidémies frappent plus
sévèrement les quartiers mal aérés (exemple du choléra de 1892 à
Hambourg, d'après Dëge-ner).
Les poussières sont nocives au premier chef," d'abord parce
qu'elles s'introduisent dans les alvéoles pulmonaires et en; gênent le
fonctionnement, ensuite et surtout parce qu'elles véhiculent souvent
avec elles les germes de nombreuses maladies : tuberculose, diphté-
rie, fièvres éruptives, etc. Sous ce rapport, les poussières et balayures
provenant des maisons et-particulièrement des chambres de malades
sont les plus dangereuses, mais les poussières des rues sont chargées
aussi bien souvent de germes nocifs, provenant des crachats dessé-
chés, des urines et matières fécales, des-substances en putréfac-
tion, etc. Il faut donc arriver : i° à ce que les poussières des maisons
né soient pas projetées sur la voie publique (interdiction de. secouer
les linges et tapis par les fenêtres, de les battre dans les rues et
62: '' 'CONGRÈS.'-DE .NANCY :I'..V

même.-dans les: cours; '.de. répandre-les:gadoues et-les;balayures sur


.
Les -trottoirs, .et par : suite développement dans les maisons dés; pro-
cédés'de nettoyage parlevide, d'essuyage,avec-unlingë humide,etc;i) ;
2° à, ceVjque: les individus, eux-mêmes', ne:contaminent pas la -voie
publique;(interdiction->desortir pour.lesiiialadëscontagiêuxpendant
la période daiigereuse,-.défense-:de;cracher:dans les :rués, 'd'y déposer,
desaiiatières/fécales£ttoutes autrespouvant-se putréfier,-etc.),- ^° à
ce qu'enfin les' services de -,/voirie 'entretiennent les-ïues et places'de
manière.à.n'y laisser se-produireet-.séjourner.nivboùe^-ni-pôussière.
>
Les deux .premiers desiderata sont surtout une affaire de réglemen-
tation-., et de bonnes,- habitudes: à faire prendre au -public,; et chacun
verra facilement quelles lacunes il resté à, combler en France à leur
sujet. Le -troisième:est de nature .technique, mais il'n'èst pas facile à
réaliser,, puisque les chaussées s'usent par la circulation et produisent
forcément par cette usure même de la poussière ou de la boue. -Heu-
reusement,;on atténue beaucoup l'usure en revêtant les "chaussées de
•matériaux durs :• asphalte, béton, briques, pavés maçonnés, pavés
ordinaires, pavés en bois.. L'avantage: hygiénique de ces revêtements'
est maximum quand ils imperméabilisent,tout à-fait la surface, ce
qui protégé lé. sous-sol et la nappe souterraine, et quand ils se lais-
sent facilement.laver à grande -eau.> C'est le cas de l'asphalte pour
les pays: qui ne sont pas trop chauds ; aussi les villes allemandes,
dans ces dernières années, ont-elles bitumé d'énormes surfaces dans
.
leurs rues. Nous recommandons moins le pavage en bois dont on
s'était trop vite engoué à Paris : il est difficile à laver, et" de-plus le
bois retient l'eau, l'urine des chevaux, etc., dans ses fibres superfi-
cielles,_qui deviennent un foyer de putréfaction.
Les-revêtements de ce genre coûtent cher, et on ne peut-toujours
en faire les frais, en sorte que force est-de-s'en tenir pour bien dès
rues, et en général pour les routes, au macadam. La diminution
de la poussière et dé/la boue sur les chaussées macadamisées est
devenue un problème d'-actualité à notre époque d'automobilisme :
sans avoir une solution complète, on obtient pour un certain
temps d'excellents résultats en imperméabilisant la croûte supé-
rieure par le goudronnage ou par l'arrosage avec des substances du
ASSAINISSEMENT.'.-^-'.RAPPORT MAOÉ ET IMBEAUX 6f
type/-de;la;:.\vestrûmiîie^oui dës;;sels;déliquescents;(sels::de;;Gooper;
ehlorures;- ;eau^de:.nier)./:Quant -îà/;ïarrosagé';à;:..l'eau'/siinple^'iifrest
aussi-.;.éxeellehty surtout; parce, qu'il .-colle .en. quelque, sorte:. Ia:.'paus4
sière et:avec eIle:les;ger'mes,:nQcifssur; ile sol;:'mais/sbn:.efïeti;èst'très
fugaee'et •.son.renàuvellemeht'toùs les:-jotirs :ou même deux fois:-par
jour*-devient'très-onérbux:;bon;:en'diminue-touteîbis-le;prixy/qdànd
on.'îpeut; actionner ?: Mécaniquement des: -tonnes /d'arrosa'ge^corçirne
avëc'les;tramways-arroseurs.(Bordeaux, Nice^;Gologney'Naney^/::.::.
" Enfin, iLest clair que lés services 'd'entretien des.rues:doiventavoir.-
àlcceut d'enleVerles:boues' et: poussières,: :-et: surtout îé'évitertqué^bes
dernières, soient s'oulevées;dans.^atmosphère; Ainsi'lei;balàyage'à'sec
doit; être:'.proscrit, et il faut '.au contraire recommander, les" 'appareils
qui*,.comme-leshalayerKesiChariton,,'SalusLet.autites, arrosentèt.:.-ra-
massent du' même eoup,;en enfermant autant.que possiblëles appa-
rells actifs sous.une caisse* métallique. (Recommandons aussi ipairtie-u-
lièrement la toilette des JFUes faite là nuit,;àiune: heure, où/les passants
sont peu nombreux.:da ville de-Cologne s'en tronve:très/biènv; ,: '•'-.
Le problème des fumées est surtout grave dans: les. villes, indus-;
trielles : il faut avoir vu lès nuages permanents dont s^entourent cer-
tainesvilles anglaises et qui leur cachent atout jamais.le soleil (voir
la conférence de Ramsay au Congrès: de.Glasgow dé 1896), polir se
douter de la gravité qu'il peut atteindre. Nos foyers domestiques,.si
multipliés dans, les .grandes villes, ont toutefois, un autre- inconvé-
nient que la fumée: c'est de dégager aussibien dans l'air extérieur
que/dans celui des appartements un gaz très toxique, l'oxyde de car-
bone, qui attaque directement l'hémoglobine et conduit progressive-
ment à une anémie funeste; les beaux travaux de Gréhant,-d'Ar-
mand Gautier et d'Albert Lévy permettent aujourd'hui de le déceler
et de le doser, mais ce qu'il faut avant tout, c'est l'éviter.
Ce sont les foyers qui tirent.mal ou.qui sont mal conduits; qui
produisent et delà fumée et de Poxyde de.carbone :.ils.causent alors
une déperdition de charbon qui peut aller à 20 °/0 du combustible
employé, et la question hygiénique se double ici d'une. question
économique. Aussi la recherche delà fumiv.orité préoccupe-t-elle de-
puis longtemps l'industrie, et nombreux sont les appareils qui pré-
64 CONGRÈS DE NANCY
tendent la réaliser ; les plus rëcommandables consistent généralement,
dans l'envoi d'un, supplément d'air sur:-lé combustible au moyen de
jets dé vapeur empruntée au générateur, et arrivent à éviter jusqu'à
68,"^ de la fumée.;Inutile d'ajouter qu'une réglementation sévère de
la fumivorité et une surveillance administrative sérieuse s'imposent.
Mais il vaut mieux éviter la production de la fumée que d'être
obligé de la brûler après qu'ellej'est produite. Les efforts dans ce sens
doivent porter sur quatre points : i° la bonne construction et les
dimensions convenables du foyer et de la cheminée, dimensions
qu'onprend souvent trop, petites, ce qui fait exagérer la quantité de
charbon et; mal brûler ; 2° la qualité du combustible : chacunsait
que l'anthracite et le coke font beaucoup moins de fumée que la
houille grasse, et il faut, dès lors en recommander l'emploi ; 3° l'ha-
bileté professionnelledu chauffeur, qu'il convient de former par une
instruction convenable, et qui peut arriver par la suppression des
fausses ; manoeuvres et la bonne direction du feu, à être si efficace;
40 enfin la réduction du nombre des foyers isolés et leur remplace-
ment, d'ailleurs très économique, par.un petit nombre d'usines-cen-
trales : c'est ce qu'on obtient par lagénéralisation de l'emploi du gaz
pour la cuisine et le chauffage et par l'installation des procédés de
chauffage central de toute une maison, et mieux dé tout un quartier
ou. de toute une ville.
Nous ne dirons qu'un mot des mauvaises odeurs. Elles proviens
nent soit de l'industrie (comme l'odeur de Paris, attribuée aujour-
d'hui aux usines de superphosphates), soit de la putréfaction (fumiers
et purins, égouts, équarrissages, etc.), et il ne semble pas dès lors
bien difficile de les prohiber, ; soit enfin-des organismes-humains et
animaux.

Maintien d'une température convenable. — Il ne suffit pas d'avoir


.
de l'air: pur, il faut aussi que cet air ne soit ni trop froid ni trop chaud
pour nos corps. On n'a pas encore songé à réchauffer ou à rafraîchir
artificiellement les rues et les places publiques, et on laisse à chaque
individu le soin de demander au vêtement une garantie contre les
intempéries. Il n'en est pas de même dans nos demeures, où il im-
ASSAINISSEMENT. —-RAPPORT MACÉ ET IMBEAUX 6$
porte défaire régner une température voisine de 170; on y réussit,
soit en chauffant ou rafraîchissant isolément chaque pièce, soit en
opérant pour la maison entière, soit enfin en groupant la plupart des
maisons d'un quartier ou d'une ville, ce qui est à la fois très hygié-
nique et très économique.
Sous.ce rapport,les villes,des Etats-Unis donnent l'exemple à la
vieille Europe: près de deux cents d'entre elles ont des installations
de chauffage central, la plupart à vapeur, quelques-unesà eau chaude ;
quant à la réfrigératioii centrale, on en trouve déjà des applica-
tions dans plusieurs villes, par exemple le système: à ammoniac et à
expansion directe à Saint-Louis, Baltimore, Atlantic City, Norfolk,
Los Angeles, Kansas City, et le système à circulation de. saumure
(chlorure de calcium) à New-York, Boston, Philadelphie, etc. Nul
doute que dans l'avenir; surtout dans les villes à climat tropical;
on reconnaisse l'avantage de délivrer l'homme, de l'effet déprimant
d'une température trop élevée, et qu'on n'hésite pas davantage à ra-
fraîchir les appartements que-nous n'hésitons dans nos pays à les
chauffer.. :
.

.II — ALIMENTATION
A) Alimentation proprement dite

Pour les villes, la question alimentation est de la plus haute im-


portance. Il leur est toujours nécessaire d'avoir Uff approvisionne-
ment suffisant d'aliments sains et d'eau pure. Le problème est d'au-
tant plus compliqué que l'agglomération est plus populeuse et que
la quantité de produits devant servir à la consommation est alors
plus grande. '"
Il est nécessaire de.satisfaire à un certain nombre de conditions.
Il faut mettre à la portée de chacun des quantités suffisantes des
divers produits alimentaires. Les prix doivent en être modérés pour
que les petites bourses puissent être satisfaites. Les substances ali-
mentaires présentées au public doivent avoir les qualités voulues.
Leur valeur nutritive doit être en rapport avec leur valeur marchande.
Il faut que leur composition soit bonne, qu'elles n'apportent avec
CONÇUES 1)1! NANCY 5
,
66 CONGRÈS DE NANCY
elles-aucune impureté qui diminue leur valeur ou puisse occasionner
des accidents chez le consommateur.
.
'
Le devoir des municipalités est donc, par l'établissement des
marchés, l'installation des divers commerces, d'assurer et de régle-
menter l'approvisionnement alimentaire. ./-•:• ;-.
! C'est de cette façon que s'établissent les cours. Il est inutile de
faire ressortir la haute importance du bon marché des vivres-; elle
saute réellement aux yeux. Disons seulement que; les statistiques
montrent que la mortalité et la criminalité sont en rapport évident
avec la cherté des; aliments principaux, le pain et la viande.
L'importance d'une surveillance étroite de tout ce qui peut entrer
,
dans l'alimentation n'échappe à personne. Il est du devoir, de.l'État
et des-municipalités de s'entendre pour arriver aux résultats voulus :
i° Organiser la défense contre les maladies d'origine alimentaire,
.
intoxications.ou contagions;
;2°- Organiser la défense contre les fraudes, fraudes qui peuvent
'être directement nuisibles pour la santé du consommateur ou faire
simplement diminuer la valeur nutritive du produit en y introdui-
sant une certaine proportion de matières inertes ou moins actives ;
3° Concourir à établir la véritable alimentation rationnelle, qui
met l'individu dans;les meilleures conditions-au point de vue de l'éco-
nomie, du rendement, de la vitalité.
Une alimentation défectueuse met l'homme et surtout le travail-
leur dans un état d'infériorité manifeste ; il ne peut pas donner la
somme d'énergie dont il est capable. Elle peut arriver à déterminer
l'état de misère physiologique. C'est un puissant facteur de prédis-
position à bien des maladies ; l'exemple de la tuberculose est là pour
convaincre les plus sceptiques. L'alimentation défectueuse, par là,
agit puissamment sur la famille et sur la'race ; c'est un facteur indé-
niable de l'affaiblissement des peuples.
Pour arriver à remplir les conditions demandées, les pouvoirs pu-
blics sont armés ; mais le sont-ils assez ? le sont-ils assez explicite-
ment ? C'est ce que nous allons examiner.
Tout d'abord, on doit faire remarquer qu'il existe sous ce rapport,
surveillance et répression des fraudes, des différences très grandes,
ASSAINISSEMENT. — RAPPORT MACÉ ET IMBEAUX <6j
capitales même, entre diverses catégories de produits alimentaires.
Tandis que la consommation de certains d'entre e'ux.est soumise à
une réglementation sévère et régulièrement exercée, beaucoup d'au-
tres échappent à tout-contrôle ou presque.
Le point de vue hygiénique intervient-il ici ? On est forcé de re-
connaître que Ce n'est souvent que secondairement ou même pas
du tout. C'est ainsi que là réglementation de la venté des-beurres
et des vins à surtout été instituée dans un but.économique, pour
protéger la production. SiTes viandes sont souvent soumises à un
contrôle sévère et régulier, si l'eau de boisson fait l'objet d'enquêtes
sérieuses avant de pouvoir servir a l'alimentation publique, quantité
d'autres produits: alimentaires né sont aucunement surveillés, ou
bien l'on ne s'en occupe que siTattention vient à être attirée sur
eux par dés accidents observés chez les consommateurs ou deschan-
gements par trop manifestes dans leurs propriétés.
Et encore cette ferme volonté de réprimer les fraudés sefaisarit ou
pouvant se faire sur certains produits, peut-elle dépasser le but au
•point de vue de l'hygiène sociale et faire tenir en suspicion et
amoindrir la consommation de produits- alimentaires, en apparence
secondaires, qui ne jouent pas dans l'alimentation populaire le rôle
-qu'ils pourraient jouer. Comme exemples typiques, il n'y. a qu'à
citer la viande de chevalet la margarine, produits alimentaires de
grande valeur au point de vue-nutrition, dont l'écoulement est rendu
difficile par des mesures restrictives très secondaires où nulles au
point de vue hygiénique.
-
Jusqu'en 1905, ce qui faisait loi sur la question, c'était l'article 423
du Code pénal, que complétaient et amélioraient la loi du 27 mars
1851 et celle du 5 mars 1855. Il était nécessaire-de faire la preuve
de là-mauvaise foi du vendeur, ce qui permettait d'ergoter et trop
souvent de-profiter d'un doute, et n'avait rien a faire au point de
vue sanitaire.- De plus, ce n'était que le délit consommé que l'on
pouvait punir, et non la tentative; or, l'intérêt dé l'hygiène est
surtout de prévenir les accidents possibles. '
Chose qui peut étonner, la loi du 15 février 1902, relative à la
protection de la santé publique; est absolument muette sur laques-
68 -
~ CONGRÈS DE NANCY
tion de l'alimentation, sauf en ce qui concerne l'eau potable. Elle
s'en rapporte entièrement à l'organisation antérieure, certainement
incomplète et défectueuse.
La loi du Ier août 19.05, sur la répression des fraudes dans la
vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires
et des produits agricoles, remédie en partie aux lacunes de l'ancienne
législation. Elle punit la tentative de fraude;; lès pénalités sont plus
élevées ; la prison, en particulier, est imposée, si la substance falsifiée
ou corrompue-est nuisible à la santé de l'homme; ou des animaux.
C'est un progrès ; mais ce n'est pas encore suffisant. Ce qu'il.faut
maintenant, c'est faire appliquer la loi. Chose plus difficile. C'est
-une organisationnouvelle à créer presque partout* '..-'
..
La législation fondamentale dont.nous venons de parler se trouve
étendue et complétée par d'autres dispositions qui peuvent certaine-
ment être regardées comme précieuses, mais n'ont cependant pas la
force de dispositions légales d'un côté et de l'autre dépendent par
trop de conditions locales ou particulières, pour être d'une applica-
tion générale et régulière. C'est ici- que nous voyons surtout inter-
venir l'autorité municipale.
Doivent-être considérées comme telles les dispositions de l'arrêté
du 18 décembre 1848 sur l'organisation des conseils d'hygiène pu-
blique et de salubrité, portant que les conseils d'arrondissement peu-
vent être spécialement consultés sur..... 8° la qualité des aliments,
boissons, condiments, livrés au commerce. Ces dispositions sont
attribuées aux commissions sanitaires par l'article 21 de la loi du
15 février 1902, avec cependant l'obligation plus stricte ; pourles
pouvoirs compétents imposée parle remplacement du termepeuvent
être consultés par celui doivent être.
Les conseils d'hygiène délèguent certains de leurs membres pour
constituer le jury spécial d'arrondissement désigné sous le nom de
commission d'inspection des pharmacies, drogueries et épiceries,
dont la fonction principale doit être d'exercer un contrôle efficace
sur les premiers des établissements cités dans sa dénomination.
Pour Paris, l'article 23 de la même loi, modifié par la loi du 7 avril
1903, comprend dans les attributions du préfet de police « l'applica-
ASSAINISSEMENT. — RAPPORT MACÉ ET IMBEAÛX 6$
tion des lois et -règlements concernant la vente et mise en vente des
denrées alimentaires falsifiées ou corrompues». :
'La loi dû 5 avril 1884 sur l'organisation municipale (art. 197);,
donne à la police municipale l'inspection sur la salubrité des/comes-
tibles mis en vente. L'article 99 donne aux préfetsle droitde pren-
dre à ce sujet les mesures nécessaires dans lés cas où les autorités
municipales n'y auraient pas pourvu. -
.
Les différents modèles de règlements sanitaires municipaux, éta-
blis d'après les articles- 1 et -2' de laToi du 15 février 1902, necon-

tion de l'eau potable.-::•':'-:-


tiennent aucune' mention se rapportant à l'alimentation, saufl'excep-
--'••'
-
: :

Tout semble dohe laissé ici, d'une façon très' large, g. l'initiative
des municipalités. '• •' • ;-\
.
"' C'est alors qu'intervient, comme TÔuàgè d'une haute importance,
l'institution des bureaux d'hygiène.
Pour assurer l'application des mesures sanitaires en général, la loi
dû 15 février 1902 (art. 19) créé sous le nom de bureau d'hygiène,
dans les villes de 20 000 habitants et au-dessus et dans les communes
d'au moins 2 000 habitants qui sont le siège d'un établissement
thermal, un service municipal chargé, sous l'autorité du maire, dé
l'application des dispositions de là loi.
Les attributions de ces bureaux d'hygiène sont déterminées par
des règlements municipaux, élaborés pour chaque cas spécial. Elles
comprennent, en particulier, sans cependant que la municipalité en
question y soit tenue'jusqu'ici, l'inspection des viandes et des den-
rées alimentaires. Les articles 26 et 33 de la loi du 15 février 1902
portent toutefois que des règlements d'administration publique doi-
vent déterminer les conditions d'organisation et de fonctionnement
de ces bureaux d'hygiène. C'est indispensable pour assurer l'unité de
vue et surtout l'unité d'action contre les mêmes dangers.
Voyons comment* en fait", s'exercent les surveillances nécessaires
pour assurer les sages'dispositionsprescrites par la loi. Il est évident
que nous ne pouvons pas entrer ici dans le détail des procédés de
vérification a mettre en oeuvre, lesquels sont aujourd'hui bien
connus de tous les spécialistes. :
7-0 CONGRÈS DE NANCY
Les commissions d'inspection des pharmacies, organes du pouvoir
départemental, ne peuvent que bien peu de choses. Le temps et les
ressources leur manquent pour qu'elles puissent s'organiser, à ce
point de vue, d'une façon véritablement effective. Il n'y a guère, en
général, à compter sur leur action. / .- ;
.
Reste donc l'organisation municipale proprement dite.
On a reconnu très tôt l'obligation d'une stricte surveillance de
certaines catégories d'aliments, dont il paraissait évident de régle-
menter la vente et la consommation; à cause des dangers qui
pouvaient résulter de l'usage de ces produits mauvais pu*altérés.
Un arrêt du Parlement en date du 29 mars 1551 oblige les bouchers
à ne fournir, sous peine de punitions corporelles, dans leurs établis--
sements, que des viandes fraîches et nettes. En 1559, un arrêt de
même origine ordonne aux jurés bouchers de bien et dûment visiter
les bêtes et de ne permettre qu'aucune morte ou malade soient
vendues et débitées au peuple, pareillementles chairs trop gardées et
indignes d'entrer au corps humain. C'est, établi, le principe de l'ins-
pection des viandes par des personnes compétentes, consacré par des.
dispositions ultérieures et l'origine réelle de notre système de sur-
veillance actuel.
Pendant longtemps, chaque boucher sacrifiait pour son compte,,
chez lui, dans sa tuerie particulière, les animaux devant desservir sa
clientèle.- Le contrôle devenait par là très difficile à exercer, souvent
illusoire ; il n'existait aucunement dans les petits centres.
On doit voir sur ce point un progrès très sérieux dans la création
d'abattoirs, établissements municipaux communs à tous les bouchers
de la ville, où le contrôle sanitaire peut facilement s'exercer. Les
premiers ont été créés à Paris par un décret du 9 février 1810.
De suite, a été spécifié avec raison que la création d'un abattoir
dans une commune devait entrainer la suppression immédiate des
tueries particulières. De cette façon, tout se trouve concentré au
même endroit, sous une surveillance compétente, un vétérinaire en
étant de fait toujours chargé.
La création d'abattoirss'est étendue. La plupart des viiles d'un peu
d'importance en ont établi. Il faut que cela se complète, que l'on
ASSAINISSEMENT. /RAPPORT MACE ET IMBEAUX 7I
arrive à. la suppression totale.des tueries particulières, qui la plupart
du temps.ne sont pas du tout surveillées. D'après des données ré-
centes,!! n'existe en France que 912 abattoirs publics, dont .808 sont
plus ou moins régulièrement inspectés, tandis que les 104 autres
sont privés! de toute inspection -vétérinaire; On voit qu'il, reste
encore énormément à faire à ce point de vue. Bien des centres im-
portants, qui n'en ont. pas, devraient en être pourvus. Les petites
agglomérations pourraient profiter des facilités que leur offre la loi
du 22. mars 1890 permettant les syndicats de communes pour ces
organisations sanitaires. '..".- ;
.

.-.
Mais, il "faut en outre, que nos abattoirs se perfectionnent. En
France, ils sont presque tous établis sur les types anciens. Très peu
sont-construits d'après des données .qui. concordent avec les vues
nouvelles en matière sanitaire.;Aussi, les considère-t-011 avec raison
comme des établissements insalubres de premier, chef, souillant le
milieu ambiant par les odeurs qui s'en dégagent et les déchets qui en
sortent. Le vrai but à atteindre est de construire des établissements ne
nuisant eii rien au voisinage, ne l'incommodant même pas; Dansbien
des pays, en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis, on obtient
de tels résultats par l'application stricte des données et des méthodes
nouvelles. Ils sont tout aussi faciles à obtenir en France, mais il faut
y tenir la main et faire sans hésiter les sacrifices nécessaires. ; -
On doit fortement engager les villes, grandes ou petites, à amé-
liorer dans ce sens leur situation.
Donc, l'inspection des viandes peut se faire dans les. abattoirs
.
d'une façon tout à fait satisfaisante. De ce côté, on peut être rassuré.
Toutefois, ce n'est pas tout sur ce sujet. On amène,. dans les
villes, des viandes, dites viandes foraines, provenant d'animaux
abattus au dehors, le plus souvent dans les villages environnants,
comptant sur une vente plus facile et surtout plus rémunératrice,
ou des pays étrangers grands producteurs. , .
'

Ces viandes, qui proviennent presque toujours d'animaux abattus


dans des tueries particulières et n'ont été soumises à aucun contrôle,
doivent naturellement être soigneusement vérifiées avant de pouvoir
être livrées à la consommation. Pour cela, dans bien des villes, il
72 CONGRÈS DE. NANCY \
x

existe'aujourd'hui une réglementation sévère qui peut donner toute


garantie. Il est nécessaire d'insister pour que pareille surveillance
soit installée partout, afin de-ne pas voir rentrer, sous une forme
ce qui a été précédemment refusé dans des conditions différentes. .
; A cette inspection des viandes foraines doit se joindre une surr-
veillance sérieuse des produits similaires; très divers; qui sont
offerts à la consommation sur les marchés des villes. Les volailles,
le gibier, les poissons, les crustacés doivent.être inspectés, tout aussi
soigneusement que les viandes; leurs altérations, leurs maladies peu-
vent être regardées comme souvent aussi dangereuses pour l'homme,
:. On sait la consommation
considérable de lait qui se fait dans nos
pays et chacun a présents à l'esprit --- on y insiste de tous- côtés —-
les dangers réels que peuvent: faire courir au consommateur les laits
de mauvaise qualité, surtout lorsqu'ils doivent servir à l'alimentation
de malades, de débilités, et principalement de jeunes enfants. L'é-
norme mortalité qui sévit en bien des villes sur les nourrissons, pro-
vient en très grande partie de ce fait. La réglementation doit ici être
très rigoureuse, là surveillance constante et la répression très/sévère»
On ne doit tolérer nulle part la mise en vente, sous le nom de lait,
d'un produit autre que le liquide provenant intégralement de vaches
saines sans la moindre soustraction de. composants et sans la moin-
dre addition de produits étrangers. C'est la seule chose acceptable..
Ily va de la vie des enfants,et de l'avenir de. nos races. .
Nous n'insistons pas, du reste, sur ce sujet, qui a été l'objet de
•l'attention si active et si éclairée de l'Alliance d'hygiène sociale dans
des congrès antérieurs. -,..'.
Les oeufs, les graisses animales et végétales doivent être sérieuse-
ment contrôlés. Il en est de même dés légumes, des fruits, jouant
un si grand rôle dans l'alimentation; particulièrement.des champi-
gnons dont les espèces toxiques, occasionnent trop souvent des
accidents redoutables.
Tout ceci doit constituer le service urbain d'inspection des halles
et marchés; mais s'étendre aussi à tous les endroits de la ville;où de
tels produits sont mis en vente, car, en fait, beaucoup des produits
alimentaires signalés, et en plus toute une série d'autres, sont tou-
ASSAINISSEMENT. — RAPPORT MACE ET IMBEAUX J3
jours mis en vente en bien des magasins des villes sans être l'objet
d'aucune surveillance. Et il en est ainsi souvent pour dès aliments
de première nécessite, les farines et le pain par exemple, dont brrne
s'occupe que si l'attention vient à être attirée sur eux, pour des
raisons tout à-fait accidentelles ou par l'apparition de troubles déter-
biinés par leur consommation.
Il en est de même pour beaucoup trop d'autres produits qui tien-
nent une bonne place dans l'alimentation.. Il n'est possible ici que
de citer les principaux, sans entrer dans des détails qui auraient
cependant un grand intérêt. C'est par exemple le vin, les alcools et
liqueurs-,''la glace, les -épices, pâtisseries,; sucreries, pâtes alimen-
taires et bien d'autres. L'attention doit être spécialement attirée sur
ce point. ; ..•..
C'est ici que peut très utilement intervenir un rouage fort-im-
portant d'une bonne gestion sanitaire, le laboratoire municipal,
devant se charger des études chimiques et biologiques nécessaires
pour mener à bien l'entreprise. C'est le complément obligé d'un
bureau d'hygiène bien installé.
Certes, il n'est pas donné à toutes les villes de pouvoir faire les
sacrifices nécessaires à une installation des plus complètes. Mais il
est des accommodements avec le ciel. Pour compléter leur bureau
d'hygiène et remplir l'office d'un laboratoire municipal, les villes
peuvent s'adresser à des services divers d'universités ou d'écoles, où
elles auront grande chance de rencontrer les différentes compétences
voulues. Ailleurs, .il deviendra possible d'organiser le service en
faisant appel au concours de médecins, de pharmaciens, de vétéri-
naires. .-..--...-
Enfin c'est le cas, pour les petits centres qui ne peuvent faire
.
facilement les frais d'une organisation suffisante, de s'associer pour
faire une organisation commune, de se syndiquer dans ce but,
comme le permet la loi du 22 mars 1890 sur les syndicats de com-
munes. C'est ce qui peut faciliter de beaucoup l'extension d/s
.mesures sanitaires les plus importantes, des bureaux d'hygiène, des
-abattoirs, des amenées d'eau potable, des installations de désinfec-
tion principalement. Il est urgent d'éclairer l'opinion sur ce point.
74 CONGRÈS DE NANCY.
....
En même temps, comme complément important, la ville, se doit
d'encourager les,études et les. recherches qui peuvent avoir pour but
1/alimentation publique, les fraudes en matière, alimentaire, les
régimes les meilleurs, une meilleure alimentation des nouyeau-nés
par des mesures telles que les crèches, les gouttes de, lait. Tout ceci
ne peut être que très profitable à la bonne hygiène.de l'agglo-
mération. .'.•..,-.-. ;..-.

B) Distribution d'eau

Il serait oiseux d'insister sur la nécessité d'une distribution d'eau


dans les agglomérations; il serait même fastidieux de chercher à
démontrer une fois de plus'l'importance hygiénique de la qualité de
l'eau distribuée, le rôle de l'eau impure dans la diffusion de maladies
comme la fièvre typhoïde, le choléra, la dysenterie, —^ la diminution
de la mortalité et de la morbidité qu'ont obtenue les villes à la suite
d'une bonne adduction d'eau, etc. Tout cela est connu, et dans la
plupart dès-pays civilisés des mesures législatives permettent d'obliger
une commune à se pourvoir d'eau potable de bonne qualité et en
quantité suffisante (en France, art. 9 de la loi du 15 février 1902),
.et les propriétaires de maisons dans les rues parcourues par une con-

type A). .-.:'.


duite à y relier leurs immeubles (art. 23 du règlement sanitaire

Au point de vue technique, le problème de l'alimentation d'une


localité en eau n'est pas toujours d'une solution facile ou évidente:
.cette solution dépend de nombreusesconditions régionales et locales,
naturelles, techniques et financières, et on ne devra se décider en
faveur d'un projet qu'après avoir mis en parallèle ses avantages et
ses inconvénients économiques et hygiéniques avec ceux des autres
projets admissibles. Le problème est à deux termes : il faut i° dé-
terminer le volume d'eau de qualité voulue qui est nécessaire pour
satisfaire tous les besoins, 2° trouver ces quantités, puis mettre
l'eau à la disposition des intéressés dans des conditions convenables.
Les besoins à desservir sont eux-mêmes variables suivant les villes,
suivant les habitudes de la population, les modes de délivrance de
l'eau, l'importance de l'industrie, l'étendue des jardins à arroser,
ASSAINISSEMENT.— RAPPORT MACÉ ET IMBEAUX 75
l'existence du tout-à-1'égout, le climat, etc. ; de plus,, les; divers
usages de l'eau n'exigent pas les mêmes qualités.. L'eau destinée:à la
boisson et aux besoins domestiques (service privé) doit être absolu^
ment et constamment pure; immaculée et immaculable, et en outre
être fraîche; mais il n'en faut pas une bien grande quantité : de 50
à 80 litres par habitant et par jour. L'eaù d'arrosage dès rues et des
jardins, l'eau de lavage des water-closets et des égouts; l'eau des
fontaines monumentales et des pièces d'eau des parcs, l'eau destinée
à combattre l'incendie, en; un mot l'eau du service public, ou simple^
ment l'eau de service, n'a pas besoin de la même pureté bactériolo-
gique, ni de la même fraîcheur ; enfin l'eau industrielle se contente
des mêmes conditions que l'eau : de service, pourvu que sa minéra-
lisation et sa dureté ne soient pas trop grandes. Au total et en lait,;
la consommation varie de 100 à 750 litres par tête et par jourjles;.
chiffres les plus élevés s'appliquant aux villes des Etats-Unis oùles
Américains reconnaissent eux-mêmes un gaspillage énorme (absence
de compteurs) : en moyenne, une distribution de 200 à 300 litres
est très convenable. .
Une agglomération tant soit peu importante ne peut pas souvent
trouver unepareillequantité d'eau potable sur son territoire (d'autant
que la nappe souterraine est généralement .polluée en grand dansle
voisinage des habitations et qu'on ne peut compter sur elle, du,
moins pour la boisson), et il faut qu'elle fasse des; recherches-au
dehors et souvent au loin. Il arrive même qu'il est. parfois impos-
sible, économiquement parlant, de trouver une quantité d'eau pure
assez grande pour satisfaire tous les besoins, et on est conduit alors
à; séparer en deux réseaux qui doivent rester absolument distincts
l'eau de boisson et l'eau de service : c'est ce qu'on appelle la, double
distribution. On a fait à ce système; au point de vue hygiénique,
le reproche d'exposer la population, surtout la partie ignorante et
peu soigneuse, à boire l'eau impure ou de deuxièmecatégorie : à-cela
on peut répondre que cette eau ne doit pas en- principe être mise
à la disposition du public par les procédés de puisage habituels, et
qu'en tout cas on s'efforcera défaire son éducation sous ce rapport.
Nous croyons donc que là.où de. sérieuses, difficultés s'élèvent pour
76 x CONGRÈS DE NANCY
l'eau unique, on devra examiner comparativement l'a solution de la
double alimentation et voir si le coût du second réseau n'est pas
compensé et au-delà par.l'économie résultant d'une provenance plus
commode ou de l'absence de traitement préalable.
Il arrive, du reste,' souvent que la question n'est plus entière.
Par exemple, une ville a déjà de l'eau de source convenable pour la
boisson et les usages domestiques, mais en quantité bien insuffi-
sante'pour les autres besoins et notamment pour l'industrie qui s'y
développe : elle aura à. choisir entre une adduction de'nouvelles
sources à réunir au réseau unique et la création d'un service d'eau
de deuxième catégorie à emprunter à la rivière voisine et à dis-
tribuer par un- nouveau réseau indépendant du premier. Ce second
réseau:-pourra d'ailleurs rester, au début'du moins, incomplet,- ne
desservir que les quartiers industriels, etc., ce qui permettra à la
ville d'échelonner la dépense. Si les sources manquent ou sont
trop coûteuses à amener, s'il faut recourir à des machines éléva-
toires pour les utiliser, etc., nul doute que la double distribution
s'impose.
Inversement, une ville n'a que de l'eau de rivière brute, et elle
veut avoir une eau plus pure : devra-t-elle tout filtrer et garderie
réseau unique, ou aura-t-elle avantage à ne filtrer qu'une fraction
et à créer pour cette fraction un réseau spécial? C'est à-ce dernier
parti que s'est arrêtée momentanément la ville de Nantes (sauf plus
tard à arriver à tout filtrer), tandis que les villes anglaises et améri-
caines ont presque toujours envisagé la filtration de toute la con-
sommation.
On peut également être amené à des solutions intermédiaires.
Ainsi la ville de Nancy avait un réseau alimenté, quoique pauvre-
ment, par des sources des environs : quand elle fit en 1879 une large
distribution d'eau de Moselle filtrée naturellement dans les graviers
de la vallée, elle voulut garder ses eaux de sources à cause de leur
fraîcheur et de leur limpidité. Mais celles-ci disparurent en partie
(1894) par suite des exploitations minières ou furent contaminées par
l'extension delà ville; on ne renonça pas alors à l'eau de première
catégorie, mais on en chercha de nouvelle sous la forêt de Haye,
ASSAINISSEMENT, .-r- RAPPORT MA'CE ET IMBEAUX 77
•en se donnant pour programme d'alimenter au moins toutes les
bornes-fontaines publiques en eau/de pureté et fraîcheur irrépro-
chables. Aujourd'hui que ce programme: est à peu près accompli,
il y a environ 300 honies-fontainesoù les habitants,viennent puiser
-pour la boisson, et l'expérience a montré que dans ces conditions
-30 litres par tête et par jour suffisent:: l'eau de Moselle; à raison de
250 à 350 litres satisfait tous les autres besoins.
En tout cas, une étude détaillée' des ressources de la région, tant
en eaux souterraines qu'en eaux de surface, s'impose. Au point de
vue quantitatif, cette: étude est du ressort de la météorologie, de
l'hydrologie et de la géologie, tandis que la qualité de l'eau de
chaque provenance s'établit .par une série d'analyses chimiques,
biologiques et bactériologiques. On obtiendra ainsi le; bilan, des
différentes eaux disponibles, en débit et en qualité : bien entendu;
si celle-ci n'est pas convenable on devra compter la corriger (épura-
tion chimique et purification bactériologique, filtration ou stérili-
sation), car nous n'admettons pas qu'une municipalité distribue une
eau dangereuse en laissant aux usagers, trop souvent incapables ou
insouciants, le soin de la purifier.
Pour le choix entre les eaux souterraines et les eaux de surface,
on s'est demandé longtemps — surtout en France — si ces.der-
nières pouvaient être admises pour la boisson, et on se demande
encore si certaines eaux de surface (eaux de lacs et de.barrages-
réservoirs, eaux de ruisseaux des montagnes) peuvent être admises »
à l'état brut. La réponse est que bien certainement toute eau de
surface soigneusement filtrée (au point de vue bactériologique) ou
stérilisée, peut être livrée à la consommation, et l'opinion qui pré-
vaut aujourd'hui, notamment aux États-Unis, c'est qu'on ne doit
distribuer pour la boisson aucune eau de surface qui n'ait été ainsi
purifiée bactériologiquement. Sans doute, il est excellent de protéger
lès lacs et rivières, par exemple en acquérant tout le périmètre ali-
mentaire et y faisant le désert (comme on le fait souvent en Angle-
terre), ou en imposant par des règlements sévères le maintien de la
propreté du bassin (comme on le fait aux Etats-Unis), ou enfin en
instituant un contrôle médical qui poursuive la désinfection.des
7'8 ' ' CONGRÈS DE NANCY
selles.des'typhiques et cholériques (comme:essaie de le faire la ville
de Paris pour le bassin; alimentaire de ses sources); mais-ces mesures
paraissent pouvoir donner.difficilement toute sécurité.; Elles consti-
tuent ce que M. Cartwright a appelé récemment une preniière ligne
•de- défenses; mais l'ennemi,;c'est-à-direlemicrobe, peut assez facile-

ment franchir cette première ligne, et il .-convient de lui-en- opposer


une seconde, la filtration ou ;un mode de stérilisation (chaleur,
ozone, peroxyde de chlore, etc.)/ / :.,.
Il ne faut pas; oublier, du reste,: que certaines, eaux souterraines,
sources ou nappes peu; profondes;-n'offrent-pas non plus toute
sécurité au point de vue hygiénique : ces eaux auront donc besoin
des- mêmes mesures de protection, voire même parfois de filtration
ou stérilisation, que les eaux-de surface. Cependant, il: est permis
dé: dire qu'en ; général les eaux''souterraines, surtout si elles sont
-profondes et- bien captées, /ont sur les autres l'avantage; d'une
plus grande pureté et celui d'une plus grande fraîcheur. Aussi elles
donnent souvent la - meilleure solution pour les villes de faible
ou : moyenne importance; pour; les grandes villes, il est plus rare
d'en trouver un volume suffisant pour satisfaire tous lés besoins
et/on est plus souvent conduit, si-on les-utilise, à les réserver
bution. ..'•.'•
-pour;l'eau de boisson (ou de première;catégorie) avec double distri-

-; Il reste: bien entendu d'ailleurs que, dans chaque solution, il faut


se préoccuper du niveau auquel- les: eaux pourront-être amenées en
;ville. On sait qu'il est nécessaire de disposer dans la distribution
d'une pression convenable, qui paraît pouvoir être fixée entre 20 et
40 mètres : s'il fallait relever une eau pour l'amener en ville et lui
donner la pression voulue, le coût de. l'usine élévatoire,-ainsi-que
ses frais d'exploitation et d'entretien capitalisés, devraient entrer en
ligne de .compte. Il en est de même', naturellement-du coût d'éta-
blissement et de fonctionnement des usines de filtration. ou de stéri-
lisation; Enfin il: est évident qu'à égalité de dépense et même malgré
/une certaine différence on donnera la préférence au projet qui évite
les complications, qui donne de l'eau de meilleure qualité ou à plus
haute pression, qui ménage mieux l'avenir, etc.
ASSAINISSEMENT, — RAPPORT MACE ET IMBEAUX 79
En définitive, les différentes solutions entre lesquelles on pourra
avoir à hésiter, nous paraissent pouvoir se grouper comme suit :

Iles
I
I. Eau souterraine sûre, (sources ou nappes pures), pour tous
besoins..
II, Eau souterraine peu sûre, niais filtrée ou stérilisée, pour
tous les besoins.
III. Eau de surface (rivières, lacs, barrages, réservoirs),' filtrée
ou stérilisée, pour tous lés besoins. '

_g IV. Combinaison des solutions précédentes : eau souterraine


Ë : sûre avec addition (en tout temps ou seulement en sécbe-
Q resse) d'eau souterraine peu sûre, où d'eau de.surface, fil-
M trée ou stérilisée,-ces eaux : de provenance différente pou-
.
vant soit se • mélanger'dans l'ensemble, soit se-répartir
;. isolément entre les différents quartiersdelà ville-.
.
/ Première catégorie : eau souterraine sûre (sources ou nappes
j pures), pour la boisson.
') Deuxième catégorie : eau souterraine peu sûre, brute,, comme
\
eau de service.
I
Première catégorie •: eau souterraine sûre où eau souterraine
g V peu sûre, mais filtrée ou stérilisée, pour la boisson.
.'§ ' j Deuxième catégorie : eau de surface brute (rivières, lacs,
•ci \ barrages, réservoirs), comme eau de service.
.:g'<- / Première catégorie : eau de surface (rivières, lacs, barrages,
-^ ] y réservoirs), filtrée pu stérilisée,-pour la boisson.
o I
'J Deuxième catégorie : eau de surface brute comme eau de
,

j \ service.
0
VIII. Enfin pour chaque catégorie, on peut avoir une combinaison
d'eaux de plusieurs provenances : pour la première caté-
gorie, comme dans la solution IV ; pour la seconde, mé-
lange des eaux brutes d'origine diverse et même addition
t" d'eau de mer.

Enfin,, nous pensons qu'on peut résumer les conclusions à tirer


de ce qui précède dans les propositions qui suivent et que nous

tous les hygiénistes :"..''


espérons pouvoir être acceptées de tous les ingénieurs comme- de

I. — L'hygiène permet d'utiliser pour- l'alimentation des. agglo-


80 CONGRÈS DE NANCY
niérations soit les eaux souterraines,; soit lés eaux de surface où de
ruissellement, pourvu qu'avant distribution on soit assuré que l'eau
mise à la disposition du public a. gardé ou reconquis une pureté
absolue (nous entendons par là l'absence certaine de tout germe
dangereux et de toute substance nocive) ; les eaux souterraines ont
toutefois l'avantage de rester fraîches en été, -

-
IL — Seules peuvent être, distribuées et consommées sans pré-
cautions spéciales les eaux des; nappes souterraines profondes aux-
quelles les terrains susjacehts assurent une filtration naturelle par-
faite (ces eaux sont prélevées soit aux sources ou émissions naturelles
des nappes, soit artificiellement par puits profonds, puits artésiens,
forages, galeries captantes) :-l'expérience de plusieurs années, : ap-
puyée d'analyses nombreuses et jointe àla connaissance géologique
des terrains,'est nécessaire pour affirmer que la filtration naturelle
est parfaite.
III. — Les eaux des nappes souterraines peu profondes ou aux-
quelles les terrains traversés n'assurent pas une bonne filtration
doivent être l'objet d'une.protection efficace. -.
Le meilleur mode pour réaliser cette protection consiste pour les
villes à acquérir en entier les bassins alimentant.les sources, puits,
drainages, et aies maintenir déserts ou boisés. Quand on ne peut
le faire, il faut assurer le respect des nappes souterraines par des
règlements sévères ('), par une bonne évacuation des matières fécales
et des eaux usées ou douteuses, par la désinfection immédiate des
selles, urines, linges et autres objets véhiculant les germes patho-
gènes, etc.; en un mot.empêcher l'apport de ces germes'dans la
région intéressée et leur passage dans les eaux. Si.une telle protec-
tion ne peut être réalisée sûrement, l'eau devra être filtrée bactério-
logiquement ou stérilisée avant d'être livrée à la consommation.
IV. — Si on recourt aux eaux de surface, il faut tout d'abord
leur assurer, la pureté la plus grande possible en protégeant, comme
il vient d'être dit (§ III), les eaux courantes dans toute l'étendue

i. En France, l'article 10 de la loi du 15 février 1902 prévoit l'organisation de la pro-


tection des eaux souterraines en quantité et en qualité : malheureusement la protection
des eaux courantes est encore bien mal assurée.
ASSAINISSEMENT. — RAPPORT MACÉ ET IMBEAUX '8"l

dés bassins utilisés : il y aura aussi intérêt à-laisser déposer ces eaux
assez longtemps dans de vastes réservoirs.
Toutefois, comme l'efficacité de cette protection est difficile à
rendre absolue, il y aura lieu de filtrer bactériologiquement ou de
stériliser, avant de les livrer à la consommation, toutes les eaux de
surface ou du moins, en cas de double distribution, la fraction qui
.est destinée à la boisson et aux usages domestiques. ;

V. — La distribution d'eau une fois réalisée, comme les condi-


tions primordiales peuvent se modifier à tout instant, une surveil-
lance constante des eaux et de leur qualité devra être organisée et
fonctionner régulièrement : on fera ainsi de nombreuses analyses,
de fréquentes explorations du bassin alimentaire et visites des; ou-
vrages, enfin on suivra attentivement l'action de l'eau sur. la santé
de la population, c'est-à-dire la -marche de la mortalité et delà mor-
bidité par les maladies d'origine hydrique. Bref, l'attention du
.
directeur d'un service d'eau doit toujours être en éveil.
(Nous ne pouvons naturellement ici esquisser, même à grands
traits, ni les procédés d'analyse, ni la technique de la eaptation,
adduction, élévation et distribution, ni enfin celle de l'épuration,
filtration ou stérilisation des eaux : pour ces sujets, il faut générale-
ment s'adresser aux spécialistes.)

III — ÉVACUATION DES IMMONDICES

A) Immondices liquides : êgouts et traitement des eaux d'égout.

Nous donnons le nom général d'immondices à tous les produits


de déchet de la vie humaine, animale ou industrielle. Une bonne
partie de ces produits sont liquides ou faciles à entraîner par l'eau :
telles sont les eaux de lavage des rues, cours, maisons, voitures, etc.,
du linge et des habits,, les eaux de toilette et de bains, les eaux de
cuisine ou ménagères, les eaux industrielles, les urines et matières -
fécales (ces dernières étant très faciles à diluer, du moins à l'état
frais). Cet ensemble constitue les eaux usées et les eaux vannes (c'est
en somme ce qu'est devenue l'eau distribuée après qu'elle a. servi
CONGRÈS I>li NANCY 6
82 \ CONGRÈS DE NANCY
:: aux divers usages), et on comprend que ces liquides soient tellement
chargés de principes nocifs qu'il faille les évacuer au plus tôt. Il
faut aussi.évacuer les eaux de pluie et dé neige tombées sur la cité-;
:
si elles ne sont pas nocives par elles-mêmes, elles ne tardent pas du
•reste.à ledevenir en ruisselant dans les rues et-les-cours,-en sorte
qu'elles deviennent;semblables aux eaux delavagë des. chaussées. Le
mélange de toutes- ces eaux forme l'efflux urbain.. :
'-.. On a comparé souvent ;cet efflux au sang veineux, l'eau,de la
distribution représentant le sang artériel : la comparaison est juste
et,peut être poussée plus loin. Ainsi nos.corps possèdent un organe
merveilleusement adapté au rôle si important,de régénération du
.
sang veineux par: un contact intime avec l'oxygène de l'air, et ce
n'est qu'après cette épuration: que le. sang peut rentrer dans la.circu-
lation générale. De même, le,plus souvent, les villes ne peuvent
.sans danger, soit pour elles., soit du moins pour les villes et cam-
pagnes voisines, rejeter leur efHux dans la circulation générale; des
eaux, superficielles ou souterraines, sans l'avoir épuré de manière à
lui enlever, toute noCuité. Le champ ou l'usine d'épuration est donc
nécessaire, et fonctionnera comme un gigantesque poumon dans
,
lequel les substances nuisibles, transformées et oxydées, seront sus-
ceptibles d'être utilisées à nouveau ou réunies sans danger à la masse
générale. Ainsi, après l'évacuation, il faut s'occuper de l'épuration
de l'efflux urbain.
Pour l'évacuation, le principe qui domine tout se résume en deux
termes : i° les produits de déchet doivent être éloignés de la maison
sitôt leur formation et en tout cas avant qu'ils aient pu entrer en
fermentation ; 2° ces mêmes produits doivent également être éloignés
de l'agglomération au plus vite, et toujours avant d'avoir pu devenir
nocifs. Malheureusement dans bien des villages et même dans cer-
taines villes arriérées, chaque maison ne cherche qu'à se débarrasser
isolément ' et pour son propre compte des immondices qu'elle pro-
duit, sans.songer à s'associer aux maisons voisines ou à l'action pu-
blique (on peut déjà s'estimer heureux quand elle ne se contente pas
;
de lès déverser purement et simplement dans la rue ou d'en infecter
la tiappe souterraine) : c'est ce que l'on peut appeler le système
ASSAINISSEMENT. — RAPPORT MACÉ ET IMBEAUX 8}
.d'évacuation individuelle ou l'absence, dé toutsystème général. Au
contraire, dans les temps civilisés, il n'est plus possible aux agglo-
mérations tant soit peu importantes de se désintéresser de la ques-
tion : en matière d'hygiène, la solidarité la plus étroite unit tous: les
membres d'un groupe-, et il appartient dès lors à l'autorité munici-
pale de présider àl'installation et au fonctionnement du système d'é-
vacuation générale, c'est-à-dire desservant le groupé entier. - :-.
Les immondices liquides doivent être évacuées par le moyen/d'une
ou plusieurs canalisations, la pesanteur ou l'action de machines élé-
vatoires attirant les-eaux sales au dehors de la cité ; mais les systèmes
se distinguent suivant que les matières fécalessont mêlées ou,lion
aux eaux d'égout proprement dites. Quand ces matières restent
séparées, si on ne veut pas qu'elles/deviennent un foyer d'infection
dans la maison, il faut soit qu'on les désinfecte aussitôt leur produc-
tion (désinfection chimique, combustion, stérilisation par la va-
peur), soit qu'on les enlève très fréquemment (tonnes mobiles, ton-
nes de Heidelberg, Abfuhrsystem). Ce dernier système, qui s'est
maintenu, dans quelques villes allemandes, peut être excellent à
condition que les récipients soient toujours hermétiquement clos,
et reliés de même aux tuyaux dé chute, qu'on remplace chaque
jour la tinette de chaque maison par une tinette.stérilisée, enfin
que la vidange et les manipulations se fassent loin de toute habi-
tation. Au contraire, les fosses fixes, généralement mal étanches,
.mal ventilées, et qu'on ne vide qu'à de longs Intervalles, sont
-condamnées. /
Le procédé universellement recommandé aujourd'hui pour l'éva-
cuation des matières fécales consiste, chacun le sait, à les entraîner
par l'eau dans une canalisation : c'est le tout-à-Vêgout (la Schwehner-
canalisation des Allemands et le water-carriage des Anglais). On a
discuté longuement pour savoir si l'on devait toujours recevoir les
matières dans lé même réseau d'égouts que les eaux pluviales (sys-
tème unitaire), ou si, dans certains cas, il n'y avait pas avantage à
avoir deux réseaux, l'un le réseau-vanne, pour les urines, les matières
fécales, les eaux ménagères et parfois les premières eaux de lavage
des chaussées et des petites pluies, l'autre le réseau pluvial, pour les
84 \ CONGRÈS DE NANCY
eaux de pluie ou leur fraction la plus importante(système séparatif).
Les partisans des deux systèmes se sont récemment mis d'accord, et
le Congrès d'hygiène de Bruxelles de 1903 a voté la résolution ci-
dessous :
« Les S3rstèmes séparatif, unitaire ou mixte peuvent être utilement
employés, selon les circonstances. Ce n'est qu'après une étude com-
parée, après avoir soigneusement mis eii balance les avantages et les
inconvénients des divers systèmes pour le cas particulier soumis à son
examen, que l'ingénieur sanitaire pourra prétendre formuler des
conclusions fondées. » "
-
Ainsi, pas plus ici que pour la question de l'eau unique ou de la
double distribution, il nty a de règle absolue. On peut cependant
baser son choix suivies considérations suivantes :
i° An point de vue de la protection des cours d'eau, le déverse-
ment des eaux pluviales isolées dans le séparatif est tout au moins
aussi admissible que celui du mélange qui passe en grande averse
:par les déversoirs unitaires : sous ce rapport, la combinaison la plus
parfaite est un système mixte consistant à admettre dans le réseau-
vanne séparatif le produit des petites pluies ou pluies ordinaires
(chambre régulatrice de Richert, déversoir-interrupteur ou collec-
teur d'interruption de Bateman, etc.) ;
2° Pour l'évacuation proprement dite, l'unitaire reste le plus par-
fait, en raison de sa simplicité et de sa facilité de nettoyage et d'en-
tretien, partout où les pentessont suffisantes et où le fonctionnement
se fait par la seule gravité. Inversement, le séparatif est. plus avanta-
geux, en raison du petit volume du sewage, là où la pente fait
défaut et où il faut y suppléer soit par l'aspiration (systèmes Liernur,
de Levallois-Perret, Chappie), soit par des relèvements mécaniques
(pompe, éjecteurs Shone). D'après cela, on pourra avoir avantage
à diviser parfois une ville en plusieurs zones et à desservir les plus
basses par le séparatif et les autres par l'unitaire (Naples, Zurich,
Cologne) ;
30 Le séparatif sera d'autant plus économique que son réseau plu-
vial pourra rester plus rudimentaire, c'est-à-dire que la ville sera
moins exigeante pour couvrir à l'origine d'amont les égouts pluviaux
ASSAINISSEMENT. — RAPPORT MACÉ ET IMBEAUX 85'
(les caniveaux représentent les parties à ciel ouvert de ce réseau), et
qu'elle présentera plus de facilités pour leur débouché rapide dans.le
fleuve ou la mer.; ; '. '
,

;
4° Enfin le séparatif donne'un sewage qui par son faible volume,
sa qualité et sa. constance, est. beaucoup inieux adapté que celui de
l'unitaire à l'extraction:des matières utiles et à l'épuration, notam-
ment à l'épuration agricole, chimique ou bactérienne.
Ce dernier point nous amène àla question du traitement des eaux
d'ëgout. Rares sont en effet les villes qui peuvent tout déverser
directement eh mer ou dans un grand fleuve, et même plusieurs
de celles qui avaient cru pouvoir le faire ont dû y reconnaître après
coup de graves, inconvénients (les plages fréquentées.: sont souillées
et les établissements ostréicoles sont contaminés et perdus). Rare-
ment aussi, on peut se contenter d'une simple épuration mécanique
(sédimentation, décantation et clarification) ou mécaiiico-chimique
(nombreux ingrédients chimiques ajoutés), cette épuration iië suf-
fisant pas à empêcherla putréfaction ultérieure.. Aussi 11'a-t-oii guère
le choix qu'entre l'épandage agricole et la méthode; biologique, cette
dernière, née il y a peu d'années en Angleterre, ayant rapidement
conquis le,monde.
L?épuration par le sol n'est pas applicable partout : elle exige des
surfaces considérables (il est vrai que lafiltration intermittente permet
de les réduire notablement, mais alors elles deviennent.improduc-
tives), ne s'accommodevraiment bien que des terrains sablonneux,
et enfin ne va pas sans gêner la culture: à certaines époques de l'an-
née. Au contraire, le traitement bactérien ne demande qu'un espacé
très restreint et n'est pour ainsi dire pas. influencé par les saisons :
il peut donc facilement s'installer n'importe où, et on a en.outre
l'avantage de pouvoir pousser l'épuration jusqu'au degré voulu et
de proportionner ainsi le travail au résultat final qu'on désire obte-
nir; en revanche, le procédé demande une surveillance assidue.
(Rappelons que la désintégration,des matières organiques subit dans
ce traitement deux phases: la phase de fermentation anaérobique ou
d'hydrolyse, qui se passe dans le septic tank, et la phase d'oxydation
aérobique ou de. nitrifixation, qui se., fait dans, les lits de contact ou
I
86 CONGRÈS DE NANCY
plutôt dans les percolateurs à action continue qui tendent à les rem-
placer. Les applications anglaises, les expériences du Dr Calmette à
Lille et celles de la ville de Columbus ne laissent aucun doute sur
l'efficacité du procédé et sur le mode de travail de ses parties cons-
tituantes.) Quoi qu'il en soit, le choix entre les deux systèmes sera
encore une. question d'espèce/ et dépendra des circonstances locales.

B) Immondices solides

Nous avons déjà parlé des boues et poussières des rues et dit
qu'on' devait chercher avant tout à en éviter la production : celles
qui se forment malgré tout doivent être évacuées le plus tôt pos-
sible et en évitant de les remettre en suspension dans l'air.
Les ordures ménagères ou gadoues sont une partie fort impor-
tante des déchets solides, et leur enlèvement est un service public
municipal de première nécessité. Il doit se faire : i° de préférence la
nuit, ou de très bonne heure le matin ; 2° assez souvent, sinon tous
les jours, pour que les substances ne fermentent pas. dans l'intérieur
des maisons; 30 de manière que ni la vidange ni le transport ne
soulèvent de poussière et ne souillent la voie publique. Cela de-
mande en premier lieu l'emploi de: récipients; métalliques, étan-
ches et couverts, pour contenir les ordures de chaque maison, en
second lieu l'emploi de voitures également étanches et couvertes
(encore à peu près inconnues en France) pour recueillir et transporter
le produit des récipients au dehors. •

Quelle est la destinée de ce produit ? Si on peut l'éloigner suffisam-


ment de l'agglomération, il pourra être utilisé sans inconvénient par
l'agriculture, les matières organiques se décomposant par la putré-
faction et s'assimilant au sol comme le fumier : toutefois, cette
assimilation est lente si on n'a pas pris la précaution de réduire ces
corps en minces fibrilles, de les. broyer. De. là la raison d'être/des
usines de broyage de la gadoue parisienne, usines qui vont d'ailleurs
être sous peu doublées d'appareils d'incinération afin qu'on cesse
d'être encombré aux.époques où les cultivateurs ne demandent pas
d'engrais. Autrement, il est indiqué de brûler la gadoue, comme on
ASSAINISSEMENT. RAPPORT MACÉ ET IMBEAUX 8-7 *

le fait dans un bon nombre de villes, surtout en Angleterre (fours
Horsfall, Heenan, Meldrum, etc.), ce qui, au point de vue hygié-
nique, a l'avantage très sérieux, en temps d'épidémie, de détruire
tous les germes contenus dans ces déchets. Au lieu de l'incinéra-
tion, on a aussi appliqué, notamment en Amérique où les ordures
contiennent beaucoup de graisse, des procédés dits de réduction :
distillation, traitement par le naphte (Merz), ou traitement par la '
vapeur sous pression (Arnold, Le Blanc).

Les cadavres des animaux morts, les viandes insalubres, les débris;
et déchets d'abattoirs doivent aussi être enlevés et soit enfouis, soit
de préférence traités dans les équarrissages. L'enfouissement peut •
avoir des inconvénients (pollution de l'a nappe souterraine, conser-
vation des germes pathogènes), et il faut de beaucoup lui préférer
l'incinération (fours de Bail, de Kori, de Le Blanc) ou le traitement '
soit chimique (procédé Aimé-Girard à l'acide sulfurique, procédé
Mosselmann à la soude caustique), soit parla vapeur sous-pression '
(Kafill-désinfecteur, extracteur-stérilisateur de Otte, Podewils et

berger). .-''•
Hartmann, enfin le meilleur de tous, l'appareil Venuleth et EUën-

Restent enfin ces inévitables déchets de la vie humaine que sont


nos corps après la mort. Il faut aussi en débarrasser les vivants, et :
même à très bref délai puisque la putréfaction commence deux à
trois jours après le décès : toutefois un certain temps d'attente s'im-
pose afin de distinguer les cas de mort apparente, et c'est pour cette
attente qu'on ne saurait trop recommander l'institution des dépôts'
mortuaires on chambres d'attente. Après le délai voulu, il faudra soit '
inhumer, soit incinérer : entre ces deux grandes méthodes, l'hygiène
donne nettement la préférence à la dernière, mais, dans nos pays, la
crémation, se. heurtant à des idées philosophiques ou religieuses, se
développe peu. Force est dès lors d'aménager les cimetières pour
qu'ils n'aient rien de nuisible ou de gênant : de là un certain nom-
bre de questions (choix de l'emplacement, éloignement des habita-
tions, profondeur des fosses, durée de la période d'exhumation,
etc.) qui ne sont pas nouvelles et sont généralement faciles à ré-
soudre.
88. CONGRÈS DE NANCY

IV •—
PROCÉDÉS SPÉCIAUX DE DÉFENSE

CONTRE LES GERMES PATHOGÈNES

Depuis que les travaux de Pasteur ont permis de se faire une idée
.
exacte des effets et de la transmission des contages, il est devenu
possible d'organiser la lutte contre les germes pathogènes avec une
efficacité réelle. On a pu espérer les atteindre dans leur origine,
dans leur source, chercher à les détruire en employant desmoyens
que l'expérience biologique démontre être efficaces, entrevoir même
la possibilité de faire disparaître les maladies qu'ils occasionnent,
maladies dès lors évitables, suivant le terme heureux qui a été em-
ployé.
Certes, il ne faut pas trop s'illusionner sur ce point; leur dispari-
tion sera forcément longue, difficile à obtenir. Mais, raisonnable-
ment, il est possible d'en concevoir la réalisation. C'est déjà beau-
coup. Toutefois, ce beau résultat est sous la dépendance directe
de l'efficacité des moyens employés et de leur bonne application,
c'est-à-dire de l'organisation convenable de la société. Il est néces-
saire que chacun soit bien convaincu de ce principe, et tout particu-
lièrement ceux à qui incombent les charges des différents pouvoirs
qui ont à intervenir dans cette question, administrations d'Etat et
administrations municipales. Il n'est pas téméraire aujourd'hui d'af-
firmer, qu'en bien des cas, il a été possible d'éviter, grâce aux me-
sures prises, le développement ou l'extension de ces maladies conta-
gieuses.
Les mesures en question ne produisent les effets que l'on est en
droit d'attendre d'elles que si elles sont bien appliquées, et-leur
application est d'autant plus facile qu'on s'y prend plus tôt ; cela se
conçoit aisément. A la base de tout ce système se trouve donc la con-
naissance hâtive des cas sur lesquels les efforts doivent porter.
Comme le dit dans son rapport au Sénat l'éminent rapporteur de la
loi du 30 novembre 1892 sur l'exercice de la médecine, il est impos-
sible d'organiser l'hygiène dans une ville, dans une commune, si la
ASSAINISSEMENT. —; RAPPORT MACÈ ET IMBEAUX 89
municipalité, si; le bureau d'hygiène, qui la représente,' ne sont pas
prévenus, au début d'une épidémie, de chaque fait de maladie conta-
gieuse qui se présente dans la ville ou dans la commune,;Tl faut
connaître le mal dès son apparition, sa localisation dans telle maison,
dans tel quartier, pour y porter U11 remède efficace.
C'est ce qui motive la déclaration obligatoire des cas de maladies,,
.
contagieuses les plus dangereuses pour les agglomérations urbaines;.-
telle qu'elle a été formulée d'abord dans la loi du 30 novembre 1892
puis, plus complètement, daiis;çelle du 1.5' février 1902; complétée
par le décret du 10 mars 1903.
Nous n'avons pas à discuter ici la question de; la personne qui
doit faire cette déclaration. Les vrais, responsables paraîtraient devoir
être seuls en jeu,le chef de famille ou ses remplaçants, les; logeurs,
chefs d'établissements et. autres. La loi l'impose au médecin d'une
façon formelle ; il est par conséquent nécessaire qu'il se sente
absolument lié par cette obligation. Il doit du reste se convaincre
que dans la déclaration de tous les cas des affections contagieuses
en question se trouve la pierre angulaire de tout le système de
prophylaxie dont on peut espérer tant de bien, et, dès lors, se: com-
porter en conséquence. Quelles que puissent être, à son point de
vue individuel, les suites qui peuvent en résulter, il doit s'en tenir
à, la conception élevée du rôle social qu'on attend dé lui et se con'-
former aux devoirs qui lui sont imposés ; sa situation morale ne
.

pourra certainement qu'y gagner. -..;

Il faut cependant une contre-partie. Si le médecin remplit stricte--


ment ces obligations qu'on lui impose, il est nécessaire que ses dé-
clarations aient, la suite qu'elles comportent, qu'elles servent réelle-
ment à la prophylaxie et non pas seulement-à grossir des'archives
administratives. La déclaration qui n'est suivie d'aucune sanction,
d'aucune application des mesures jugées nécessaires, est un leurre
pour la société; c'est aussi une réelle moquerie à l'égard du médecin.
On voit que les administrateurs ont ici une lourde part de responsa-
bilité.
Une fois ces maladies connues, les précautions en vue de les com-
battre et d'en prévenir l'extension sont à prendre par les municipa-
90 'v CONGRÈS-'DE'NANCY "
lités ou les administrations préfectorales. Ici apparaît encore le rôle
important que doivent remplir les bureaux d'hygiène; il leur in-;
combe de rassembler les avis et de prendre les mesures nécessaires, -.
ou d'office dans les cas de maladies pour lesquelles la déclaration et la:
désinfection sont obligatoires, ou après entente avec les intéressés dans
les cas de maladies pour lesquelles la déclaration est seulement facul-
tative. Une importante mesure découlant de la centralisation entre
leurs mains de tous ces renseignements est la constitution du dossier
sanitaire (casier sanitaire) de chaque maison, mettant ainsi en évidence
celles qui sont plus particulièrement frappées et permettant de décou-
vrir les causes de leur insalubrité.
Il peut y avoir grand intérêt pour le public à connaître les mai-
sons dans lesquelles existent des cas de maladies contagieuses. On'
peut penser, en effet, que bien des contagions se font par la simple '
pénétration dans des locaux où se trouvent des malades ou qui ont
été contaminés par.eux. Il est des pays où la loi prescrit, à la porte
de ces maisons, l'affichage, dans des formes déterminées, des cas
d'affections transmissibles sévissant sur les habita its, pour prévenir
le public du danger. C'est une mesure excellente en soi certainement,
dont on peut tirer profit au point de vue de la prophylaxie, mais
qui, à l'heure présente au moins, ne paraît pas devoir être acceptée
facilement en France, à cause des nombreuses susceptibilités à divers
points de vue, surtout au point de vue économique et commercial,
qu'elle pourrait éveiller. Plus tard, quand l'éducation sanitaire sera
plus avancée, il faut espérer qu'on pourra parvenir à la mettre en
pratique.
Dès qu'un cas de maladie contagieuse est connu, la première
chose à faire est de l'isoler le plus complètement possible. L'isole-
• ment
de tels malades est du reste une pratique reconnue comme
nécessaire depuis fort longtemps. Il se trouve réglementé, bien que
d'une façon très vague,.par les articles 5 5 et 56 du règlement sani-
taire municipal, modèle A. Il peut être pratiqué soit à domicile,
soit dans un local spécial, soit à l'hôpital.
Il semble que l'administration municipale n'ait pas à intervenir,
directement au moins, dans l'isolement familial dont le médecin
ASSAINISSEMENT. RAPPORT MACE ET IMBEAUX 9i :
serait seul juge. C'est lui qui, en conscience, doit le prescrire etle
réglementer rigoureusement ; d'autant plus que, même dans le pu-
blic éclairé, on a souvent tendance à l'enfreindre par indifférence ou
ignorance de son importance réelle.
Pour les affections très contagieuses, à tendance épidémique mar-
quée, l'isolement familial, à part des cas particuliers'où il est fort
bien pratiqué, est très difficile à réaliser d'une manière satisfaisante.
Il serait certainement à désirer que l'on pût recourir, comme on le
fait dans certains pays, à l'isolement forcé, qui devrait alors s'opérer
dans des conditions à l'abri de tout reproche. Il devrait aussi en être
de même dans tous les cas où les logements trop exigus ne peuvent
permettre une séparation assez complète du malade et des individus
sains. C'est encore ici que les conseils du médecin doivent suppléer
à l'obligation légale; son devoir strict est de faire aussi entrer en
ligne de compte les considérations sociales, sans s'en tenir seulement
aux considérationsparticulières.
Pour isoler les contagieux, les communes doivent posséder des;
locaux spéciaux, destinés à être affectés aux malades atteints de la
seule affection qui est en-cause. La promiscuité des malades atteints ;
d'affections différentes est absolument à repousser; c'est un danger
nouveau pour les malades de chaque catégorie.
'. Ces locaux peuvent être des salles séparées d'un hôpital, ce qui;
n'est admissible que lorsqu'il s'agit d'affections peu transmissibles ;
ou des locaux complètement isolés. Ces derniers sont la plupart du
temps des pavillons d'isolement annexés aux hôpitaux, devant être
alors aussi séparés et distincts que possible des autres services ; ou
des hôpitaux spéciaux. Dans ce genre, l'hôpital Pasteur est un excel-
lent modèle que l'on hésite malheureusement trop à suivre à cause
de la grande dépense que nécessite une telle installation. Les résul-
tats obtenus sont cependant des plus encourageants, et, ici, le capital
vie humaine doit être pris en grande considération.
Lorsqu'il s'agit d'isoler des groupes de personnes, surtout assez
nombreux, ces moyens peuvent être insuffisants. En outre, une ville
peut avoir à se protéger entièrement de groupements voisins, d'une
région voisine, ou- seulement de l'une de ses parties, atteints d'affec-
92 ^ CONGRÈS DE NANCY
tio'ns épidémiques. Il faut mettre en oeuvre des moyens plus puis-
sants^ recourir à ceux qui peuvent être employés pour la défense
d'un: pays contre une contagion extérieure, c'est-à-dire établir des
quarantaines ou plutôt des postes sanitaires installés aux différentes
voies d'accès, où une 'surveillance médicale sérieuse' soit exercée
etlés dispositions nécessaires rigoureusement" prises>
Certaines, villes peuvent avoir aussi à se protéger contre un .voisi-
nage-susceptible de leur apporter par l'intermédiaire d'êtres vivants,
des eontages dangereux ;les: moustiques, par exemple, peuvent trans-
porter dés, régions voisines le paludisme,la fièvre jaune notamment.
Ç'est.par des mesures d'assainissement général du sol, la suppression
des marécages, le pétrolage des eaux stagnantes, les plantations, la
protection des maisons par le grillage convenable des ouvertures,
qu'il devient possible d'organiser sérieusement une défense efficace
contre dételles infections, heureusementpeu communes en nos pays.
Le transport des malades, atteints d'affections transmissibles, à
l'hôpital ou dans les* locaux spéciaux, expose souvent à une dissémi-
r
nation de germes pathogènes dans le milieu urbain et peut être
ainsi une cause de contagion.. Aussi doit-il être réglementé d'une
façon spéciale. La meilleure manière d'agir est eertainenient d'user
d'une voiture aménagée à cet effet, devant être aisément désinfectée
par un moyen sûr après chaque voyage, comme l'indique l'article 57
du règlement sanitaire municipal, modèle A. Ceci ne peut cepen-
dant guère se faire que dans les villes qui disposent de ressources
suffisantes. Ailleurs, il faut bien se servir de ce que l'on trouve;
seulement, il devient absolument nécessaire de soumettre à une
désinfection sérieuse les véhicules ayant servi, ce qui présente bien
souvent de réelles difficultés.
Le même règlement sanitaire municipal, modèle A, interdit à
juste titre aux personnes atteintes de l'une des maladies transmis-
sibles visées, de pénétrer dans une voiture affectée aux transports en
commun, ou, s'il s'agit d'un transport par chemin de fer, exige
des précautions spéciales, l'affectation au malade d'un compartiment
isolé et la désinfection ultérieure de ce compartiment avant de le
remettre en circulation. Nombre de cas de contagion doivent pro-
ASSAINISSEMENT. — RAPPORT MACÉ ET IMBEAUX 93
venir de ces; voitures publiques, où l'on rencontre très souvent, dans
les villes, des malades se rendant aux services hospitaliers ou des
convalescents encore contagieux. Souvent des malades, qui se ren-
dent à l'hôpital en omnibus, en tramway/ou même en chemin de
fer peuvent ignorer la nature de l'affection dont ils sont atteints.;
il est difficile pour eux de se conformer aux prescriptions adminis-
tratives. En tout cas, lorsqu'il y a lieu, l'initiative principale revient,
encore ici, au médecin, qui doit faire à ce sujet des recommanda-
tions détaillées et exprimer des avis très catégoriques.
.
On peut s'étonner que le modèle B de règlement sanitiiire muni-
cipal, destiné aux communes rurales, ne contienne aucune prescrip-
tion relative au transport des malades. Ce sont les malades des
campagnes qui usent le plus souvent du chemin de .fer:.pour se
rendre dans les services hospitaliers: des villes, ou se; servent alors
pour le mêine but de moyens de transport ordinaires, de véhicules
habituels dont la désinfection devient absolument urgente.
Le malade étant, plus ou moins longtemps, suivant l'affection,
une source de contage, il est nécessaire de chercher à détruire, les
germes pathogènes qui peuvent en provenir, pour les empêcher de
se répandre dans, le milieu extérieur et y exercer peut-être leur
action nuisible. Il faut de ce fait exercer une surveillance étroite sur
lui et mettre en oeuvre, pour arriver au résultat voulu, les divers
procédés de désinfection efficaces.
Ces germes peuvent être véhiculés par des produits très divers.
.
Les crachats, différents mucus, la desquamation épidermique, le
sang, le pus, les matières fécales, les urines, peuvent, suivant le cas,
être particulièrement dangereux et dès lors étroitement surveillés.
Tout ce qui risque d'être souillé par eux, par conséquent tout ce
qui vient à toucher le malade ou même à en approcher, doit être
considéré comme suspect et traité comme dangereux.
Au domicile du malade, les précautions à prendre sont difficiles à
imposer ;- il est encore plus difficile d'en surveiller l'exécution stricte
dans le courant de la maladie. Aussi, tout en énonçant l'obligation
de la désinfection, la loi reste dans des limites assez vagues. Le
modèle A de règlement sanitaire municipal donne une série de
94 ' Y CONGRÈS DE NANCY
.mesures générales, plutôt sous forme de conseils relatifs aux précau-
tions à prendre contre les déjections ou excrétions, le nettoyage de
la chambre du malade,' les objets ayant pu lui servir> Le rôle du mé-
deein traitant est de préciser tout cela, sans crainte de donner beau-
coup d'explications; d'entrer dans les détails les plus minutieux ayant
souvent une importance qui n'est pas soupçonnée par le publie.
,' . Il.n'enest plus de niêmë pour ce qui peut sortir directement du
domicile et être répandu dans le' milieu extérieur., H devient néces-
saire dé prendre.à ce sujet/des mesures .rigoureuses pour protéger la
collectivité. Le modèle A de règlement portel'interdiction formelle,
avec pénalités à i'appui;-de secouer à l'extérieur les linges, vêtements,
objets divers, pouvant donner des poussières contaminées, d'en-
voyer; sans désinfection préalable, laver les linges et effets souillés,
ou travailler les literies ayant servi au malade. Les locaux occupés
parle malade doivent être désinfectés également après son transport
en dehors de son domicile, sa guérison ou son décès.
Il ressort de là, pour la prophylaxie sanitaire, l'importance
extrême des opérations de désinfection. '/' <
, .
La désinfection peut être pratiquée soit par. des: services publics,
communaux ou départementaux, soit par des particuliers, mais
toujours, pour en assurer les résultats, à l'aide de procédés qui doi-
vent avoir reçu l'approbation du ministre de l'intérieur après avis
du Conseil supérieur d'hygiène publique, devant donner toute ga-
rantie. C'est le bureau d'hygiène, dans les villes qui en possèdent,
le service départemental pour les autres agglomérations, qui doi-
vent assurer le service public de désinfection.
Dans un tel service, devant emporter la pleine confiance du publie,.
tout doit être organisé de la façon la plus sérieuse et la plus com-
plète ; rien ne doit être fait à peu près.
Un service public de désinfection, dans une ville, doit comprendre
une station fixe de désinfection ou un appareillage mobile, où l'on
traite tous les objets retirés des maisons devant être désinfectées, et
une équipe de désinfection, se transportant à domicile pour opérer
la désinfection des locaux principalement et l'apport aux appareils
desobjets souillés. .....-..-•
ASSAINISSEMENT. — RAPPORT MACE ET IMBEAUX 95
La station doit comprendre des appareils permettant de désin-
fecter par la chaleur humide les objets pouvant supporter ce traite-
ment qui apparaît comme le procédé de choix, une chambre à
désinfection chimique par les vapeurs ou les gaz, des cuves à trem-
page pour la désinfection à l'aide -de solutions antiseptiques.
Les appareils utilisant l'action de la chaleur sont des étuves de l'un
ou l'autre des modèles éprouvés, étuves à vapeur fluente ou à vapeur
sous pression. Dans la chambre à désinfection, on emploie comme
produit actif soit, de préférence l'aldéhyde; formique, soit l'acide
sulfureux, dans des conditions bien précisées actuellement.
L'installation doit être à l'abri de toute critique. Il ne doit surtout
pouvoir y avoir aucun contact d'objets, souillés avec les,:objets.déjà
désinfectés. Le transport desobje.ts,souillés, dû domicile à la station,
doit se faire dans une: voiture spéciale ; celui des objets désinfectés,
de la station au domicile, dans une voiture particulière'également.'
Le local où l'on apporte les objets, souillés, le côté des appareils par
où on les dispose, doivent être tout à fait séparés du côté de l'appa-
reil par où ils sortent, du local où ils arrivent et sont manipulés
après désinfection. Pour les étuves, il est facile de remplir-ces con-
ditions en installant la cloison fixe à cheval sur l'appareil et l'encas-
trant complètement. Le personnel doit être double: si c'est possible,
une équipe manipulant uniquement les objets souillés, une autre
les objets désinfectés. Sinon, après avoir manié les objets; conta-
minés et avant de toucher ceux désinfectés, les employés devront
s'astreindre à prendre de minutieuses précautions, lavage; de la
figure et surtout des mains au savon puis à l'aide d'une solution
antiseptique, revêtement d'un surtout de toile parfaitement désin-
fecté au préalable par passage à la vapeur.
La désinfection à domicile porte sur les locaux qui ont été occupés
par le malade et différents objets, surtout meubles, ornements, etc.,
qui ne peuvent être traités à la station. Le personnel qui l'opère
doit être soumis à des précautions spéciales, pour ne pas se cônta-
gionner d'abord, ensuite pour ne pas disséminer de contages au
dehors. Ces précautions seront d'autant plus rigoureuses que la
transmission sera plus à craindre, des plus sévères, par exemple,
96 CONGRÈS DE NANCY
,

dans les cas de peste, de variole, de choléra. Les employés doivent,


avant d'entrer, revêtir des vêtements spéciaux, facilement désin-
fectables, les couvrant entièrement sauf le visage et les mains ; les
chaussures.mhne seront remplacées ou recouvertes par d'autres
faciles à désinfecter d'une façon sûre. Le tout sera quitté avant de
sortir, enfermé dans un sac imperméable et désinfecté à la station ;
ils devront également alors se laver les mains et le visage à des
solutions désinfectantes. Il peut même être nécessaire de leur faire
prendre, pendant l'opération, des précautions spéciales pour préser-
ver les mains et le visage, surtout le nez et la bouche à l'aide de
masques. .
;

La désinfection à domicile pëutemployer des désinfectants gazeux.


C'est surtout à l'aldéhyde formique que l'on a recours, appliquée
d'après l'un Ou l'autre des procédés ayant reçu l'approbation minis-
térielle, en s'astreignant à remplir scrupuleusement les conditions
d'emploi nécessaires pour obtenir de bons résultats ; ou-les solutions
antiseptiques, seules ou concurremment avec le moyen précédent,
en pulvérisations ou en lavages. L'acide sulfureux est encore em-
-ployë dans bien des cas.
Le métier de désinfecteur est un métier délicat à remplir. Il est
nécessaire que le désinfecteur soit très méticuleux et absolument
consciencieux; qu'il n'omette rien des instructions qu'on lui donne,
qui doivent être très détaillées et très complètes. Ce n'est qu'à cette
condition qu'on peut avoir véritablement confiance dans l'opération.
Pour le remplir, on ne peut pas prendre n'importe qui; il faut de
plus un apprentissage sérieux. Aussi, serait-il grandement à désirer
qu'il se créât des écoles de désinfecteurs, où un stage et une éduca-
tion suffisants pourraient apprendre tout ce qu'il est nécessaire de
connaître et de mettre en pratique. Il faut que toutes les opérations
de la désinfection .s'exécutent d'une façon parfaite, pour ne pas
donner au public une sécurité trompeuse ou alors ébranler la con-
fiance dans l'emploi"forcé de mesures sanitaires qui ont déjà large-
ment fait preuve de leur valeur dans la lutte contre les maladies
contagieuses.
La sortie du malade, après guérison, ne doit se faire qu'après lui
ASSAINISSEMENT. —' RAPPORT MACÉ ET IMBEAUX 97
avoir fait prendre les précautions convenables de propreté et de
désinfection. C'est un point qu'il est bien difficile, dans nos moeurs,
de réglementer d'une façon absolue. Encore ici, apparaît la grande
importance et la rigueur des conseils du médecin traitant. Toute-
fois, des règlements municipaux sévères doivent protéger l'école,
où les malades ne pourront rentrer qu'après tout danger disparu,
après avis du médecin traitant et du service médical scolaire muni- ;
cipàl.
Enfin, comme moyen de défense contre certaines affections trans-
niissibles, on peut avoir recours aux procédésd'immunisation, rendant
l'homme réfractaire à l'infection dans ces cas/particuliers.
Parmi ces procédés, au tout premier rang, au point de vue de
l'importance sanitaire, se trouve la vaccination antivariolique, qui
est jusqu'ici le seulqui reçoive une application généralisée. La loi ;
du 15 février 1902 (article 6) prescrit la vaccination obligatoire au
cours de la première année de la vie, ainsi que la revaccination au
cours de la onzième et de la vingt et unième année. Les villes; assez
importantes organisent le service à l'aide: de leurs médecins munici-
paux ; dans les autres agglomérations, il fait partie des attributions
du service médical départemental. Lescdnditions d'exécution doivent
encore être déterminées par un règlement d'administration publique.
Des faits ont déjà démontré qu'on pouvait .tirer un bon profit,
dans la lutte contre la diphtérie dans les familles, les écoles, les
agglomérations ouvrières denses, de l'emploi des,propriétés immu-
nisantes du sérum antidiphtérique, avec cette restriction cependant
que l'immunité obtenue n'est que passagère, durant trois semaines
ou un mois environ.
On peut déjà espérer que l'avenir permettra d'étendre à d'autres
maladies les procédés de protection de cette catégorie.

RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS

Nous venons de voir ce que la science et l'art de l'ingénieur sani-


taire peuvent faire pour la salubrité des agglomérations humaines.
Hélas, il faut bien l'avouer, il reste beaucoup à faire en France sous
CONGRHS DU NANCY
Art> >''/' \
/"<\' \\ \\ () /.j/N. 7
98 X
CONGRÈS DE NANCY

ce rapport, et on s'en rendra compte si nous disons que sur les


éi6 villes de plus de 5 00.6 habitants,- 148 n'ont fait aucune adduc-
tion .d'eau et 34 parmi les autres ne distribuent pas l'eau à domicile,
294 n'ont aucun égout et 257 autres n'ont que des égouts pluviaux,
2 seulement (Paris; et Reims) épurent leurs eaux d'égout, Paris seul
traite (et encore par simple broyage) ses gadoues, aucune n'a de
système de chauffage ou de réfrigération centrale, 2 ou 3 seulement
ont des abattoirs vraiment modernes avec frigorifique. Enfin, bien.
pende villes,.etquelques départements à peine, ont une organisation
de désinfection convenable. La situation est encore généralement
•plus mauvaise pour les. petites agglomérations.
Ce; tableau est bien, sombre, et il ne cesse pas de le paraître: si On
le compare aveela situation des villes d'Allemagne, d'Angleterre et
des Etats-Unis. Les cités de ce dernier pays viennent de faire et
font encore des efforts gigantesques qui les placent souvent au-dessus,
même des villes anglaises pour ce qui regarde l'hygiène, la propreté
et le confort : il faut que nos villes françaises les imitent et que, par
des travaux judicieux, elles arrivent promptement non seulement à
rendre impossible toute épidémie, mais encore à abaisser la morta-
lité générale entre 16 et 17 °/0O.
C'est dans ce but si hautement humanitaire que nous avons
.
l'honneur de. proposer au Congrès de l'Alliance d'hygiène sociale
d'émettre les voeux ci-après.

VOEUX
1. — Que les municipalités regardent comme un devoir primordial
l'obligation d'assurer aux agglomérations les conditions de salubrité les
meilleures possibles, et que toutes indistinctement poursuivent le même
but sous la direction continue d'agents et de conseils compétents.
"X.

2. — Que dans ce but chaque agglomération fasse établir au plus tôt


le bilan des institutions de salubrité qu'elle possède et de celles qui'lui
manquent, et dresse ainsi un programme, par ordre d'urgence, des travaux
à entreprendre et des mesures à prescrire.
ASSAINISSEMENT. — DISCUSSION ET VOEUX 99
,
3. — En-raison de la solidarité indéniable qui unit les agglomérations
d'une même région et de la similitude des conditions hygiéniques où
elles sont placées, que les administrations préfectorales et régionales
fassent étudier par des spécialistes compétents l'ensemble de ces condi-
tions-et tracer les principales règles qui en découlent pour fixer l'a solu-
tion des problèmes pendants.
4. — Qu'enfin l'État n'hésite pas à contraindre les municipalités qui
ne feraient pas leur devoir sous ce. rapport, d'une part à entreprendre les
travaux indispensables, dé l'autre à édicter, au lieu et place des maires,
les prescriptions voulues ;. toutefois il faut qu'il aide les communes pau-
vres par des subventions appropriées. .

Discussion et'voeux
M. le Dr Imbeaux. — Permettez-moi d'ajouter seulement
deux mots aux conclusions de notre rapport; c'est pour
vous rappeler que les villes ont aujourd'hui un moyen bien
simple de trouver les solutions qui conviennent le mieux à
leur assainissement: c'est d'adhérer à l'Association des ingé^.
nieurs, architectes et hygiénistes municipaux, dont j'avais
l'honneur de vous annoncer l'an dernier à Montpellier la
prochaine fondation, et qui aujourd'hui crée un lien puis-
sant entre près de quatre cent cinquante techniciens de la
salubrité urbaine. Non seulement, pour la modeste cotisa-
tion de 20 fr. par an, nous donnons à nos membres deux
journaux intéressants, la Technique sanitaire et la Revue pra-
tique d'Hygiène municipale, mais notre comité technique, com-
posé de spécialistes distingués, se tient à la disposition des;
villes qui veulent s'assainir et de leurs ingénieurs qui ont
besoin d'aide, pour leur donner, pour ainsi dire gratuite-
ment, des conseils éclairés.. Notre association est donc une
véritable armée prête pour l'étude et l'exécution des mesures'
IQ0 . .
CONGRES DE NANCY
.

d'assainissement qui restent à prendre en si grand nombre


en France.
Je vous demanderai donc, Messieurs, de la faire connaître,
surtout à vos municipalités respectives, et de les amener à
nous. J'ajoute que notre oeuvre, dès sa naissance, s'est placée
sous l'égide de l'Alliance d'hygiène sociale et de son prési-
dent, et si l'an prochain, comme je crois il en est question,
l'Alliance tient son congrès à Lyon, notre association compte
y tenir sa deuxième assemblée annuelle en môme temps.
Cette année., nous aurons notre réunion en octobre à Mar-
seille, avec excursion à Toulon, Nice et Monaco, en concor-
dance avec le congrès national de salubrité.
Je tiens les statuts de l'association à la disposition de
toutes les personnes qu'elle peut intéresser.
M. le Dr Imbeaux présente ensuite les excuses de M. de
Montricher, retenu à Marseille.
M. Courmont. — Messieurs, puisque M. Imbeaux m'a
devancé, me voici bien obligé, dès à présent, de vous faire
une demande que je réservais pour la fin du congrès.
Au nom de la ville de Lyon et du comité lyonnais de
l'Alliance d'hygiène sociale, j'ai l'honneur de vous inviter à
tenir votre congrès de l'an prochain dans notre ville.
Si vous acceptiez, comme nous l'espérons, de tenir votre
congrès à la Pentecôte, en même temps que le congrès de
l'Alliance d'hygiène sociale se tiendrait le congrès des ingé-
nieurs et hygiénistes municipaux, dont M. Imbeaux vous
parlait tout à l'heure. La ville de Lyon m'a autorisé à faire,
à cette occasion, une exposition d'hygiène urbaine, que je
crois devoir être très intéressante, et où vous verrez, je
l'espère, non seulement des modèles, mais où vous verrez
aussi fonctionner la plupart des appareils qui intéressent
l'épuration des eaux d'égout, les fumivores, etc.
ASSAINISSEMENT. —- DISCUSSION ET VOEUX IOI
J'espère donc que le comité de l'Alliance voudra bien
prendre notre offre en sérieuse considération,:. -

M: le président. — Nous remercions vivement M. le pro-


fesseur Courmont de sa communication. II peut être assuré
que le bureau de l'Alliance s'en occupera incessamment.
Mme Moll=Weiss donne ensuite lecture de la note suivante,
à l'appui de laquelle elle dépose sur le bureau un modèle
d'affiche : .

Ce qui permet au propriétaire de garder des maisons et des


logements insalubres et de lès louer aussi facilement que des maisons
saines, c'est que l'opinion populaire ignore complètement les condi-
tions de l'hygiène du logement.
Le premier progrès à réaliser est donc démettre dans la mémoire
de tous les ouvriers quelques, notionssimples, claires, faciles à retenir,
d'hygiène du logement. Le seul moyen d'atteindre tous les ouvriers,
c'est l'affiche : l'affiche apposée régulièrement tous, les trimestres au
moment des déménagements, non pas pendant un an seulement,
mais pendant dix ou vingt ans : une affiche lapidaire ne donnant
qu'une seule idée à la fois et sous forme de sentence.
Grâce à ces affiches, les locataires en quête de logement s'habi-
tueront à poser au concierge quelques questions nettes et précises
sur l'hygiène du logement. Et le fait qu'entre deux logements ils
choisiront de préférencecelui qui répondra le mieux à leurs exigences,
amènera probablement les propriétaires à faire d'eux-mêmes les répa-
rations nécessaires.
De plus, il convient de donner une prime auxlogementssalubres.
Pour atteindre ce but ne suffirait-il pas d'ajouter sur lès affiches un
papillon sur lequel serait indiquée l'adresse d'un bureau gratuit où
l'on tiendrait au courant la liste des logements reconnus salubres par
l'Alliance d'hygiène sociale. >

Ces deux moyens sont faciles et ne supposent pas une grande


dépense. Encore ne peuvent-ils être mis en pratique que par une
organisation puissante comme l'est l'Alliance d'hygiène sociale.
102 \ CONGRES DE-NANCY
Mrac Alfred Durand=Claye. —• Il faudrait, avant tout, faire
comprendre aux ouvriers l'utilité des logements salubres.
-
Dans ceux que j'ai fait construire, j'ai des bains et des
douches, avec eau chaude gratuite. En tout et pour tout,
cela me coûte 2 fr. de gaz par mois!
J'ai créé une bibliothèque, on ne s'en sert pas.
L'ouvrier ne cherche qu'une chose, l'économie, le loge-
ment le meilleur .marché.
Il' faudrait répandre cette idée, qu'une maison saine,
même un peu plus chère, est plus avantageuse pour la santé
qu'une maison malsaine, et qu'elle est par conséquent plus
économique. Une cuisine saine vaut bien mieux qu'un salon
ou qu'une salle à manger à luxe criard, ce que l'ouvrier
recherche maintenant.
Le docteur Cazalis a fondé une société en vue d'enseigner
aux ouvriers l'hygiène, la propreté, et un peu de luxe, mais
de luxe bien entendu. C'est de ce programme qu/il faudrait
s'inspirer.

Mme MoII=Weiss, — Je répondrai à Mme Durand-Claye que


nous faisons des conférences dans les quartiers populaires,
à Plaisance, à Levallois. On les écoute soigneusement. Mais
je crois que l'affiche n'est pas inutile. La mémoire des gens
a des limites, il faudrait pouvoir rappeler souvent les mêmes
idées à l'attention de nos auditeurs d'un jour.

Mme Durand=CIaye. — Je ne m'oppose pas au principe de


l'affiche, mais je dis qu'il faut y ajouter autre chose.

M. Çheysson. — Il est facile, Mesdames, de vous mettre


d'accord. L'affiche est une excellente chose, le cours et la
conférence également, et tous deux sont nécessaires.
Dans ce. même ordre d'idées, je voudrais soumettre au
— DISCUSSION ET "VOEUX
ASSAINISSEMENT. 103
congrès un voeu qui a été voté par le congrès de la tuber-
culose, relativement au casier sanitaire. ;.
Chaque maison de Paris a s.a fiche, si j'ose m'exprimer
ainsi; on y inscrit son histoire. Il serait tout à fait néces-
saire qu'un père de famille, avant de s'installer, pût consulter
ce casier sanitaire. Cette, communication n'est pas possible
aujourd'hui. M. le Dr Roux la demandait hier encore, d'une
façon très pressante, dans une excellente préface qu'il vient
de faire à un ouvrage qui traite de cette question. Il serait
donc bon de rappeler ici le voeu adopté par le congrès de la
tuberculose.

M. Augustin Rey, architecte de la fondation Rothschild,—.


Je me rallie, complètement aux conclusions du rapport de
MM. Macé et Imbeaux. Ces conclusions sont évidemment
très générales et il semble qu'il serait dangereux de préciser,
dans des conclusions détaillées, ce que^doit être l'assainis-
sement désirable dans les villes.
Cependant, je crois qu'il est intéressant de donner à cet
égard quelques indications sur les transformations néces-
saires de l'habitation urbaine, telle qu'on doit la comprendre
actuellement.
,
Une des premières questions, dans les grandes villes,
c'est celle de la hauteur des maisons. Généralement, les
maisons sont trop élevées. A Nancy, nous sommes dans
une ville modèle, et nous avons constaté ce matin une
moyenne de trois ou quatre étages, cinq au maximum.
Dans d'autres villes de même importance, la maison de six
étages aurajt été fréquente.
Autre point important : la cour intérieure. Elle est passée
dans les moeurs, et il est impossible de la supprimer, mais
il faudrait arriver à ce qu'elle soit en communication avec
104 CONGRÈS DE NANCY
la rue. Les rapports que vous entendrez demain vous mon-
treront certainement que la tuberculose est bien plus fré-
quente dans les logements sur cour.
Un troisième point important est celui de la lumière à
l'intérieur ; des appartements. Il faut préciser les nécessités
hygiéniques sur ce poiiit. Les ouvertures actuelles sont insuf-
fisantes. On a essayé, pendant la discussion de la loi de
1902, de fixer une certaine proportion ; on n'est pas parvenu
à s'entendre, car il y a eu des objections faites par ceux du
Nord à ceux du Midi et réciproquement. Il faudrait cepen-
dant fixer une proportionnalité entre l'ouverture de la fenêtre
et la dimension de la salle. Actuellement, en Allemagne,
cette proportion est fixée à un quart. Je crois qu'il faudrait
encore aller plus loin et la fixer à un tiers. L'ouverture doit
être agrandie, non seulement en largeur, mais en hauteur.
Un membre éminent et assidu de ces congrès, M. Trélat,, a
bien fait voir combien cette question de la hauteur de l'ou-
verture est primordiale.
Accessoirement, il faudrait encore traiter la question de
l'escalier. Si nous prenons par exemple la maison ouvrière,
nous voyons toujours que l'escalier, n'est pas assez aéré.
L'escalier est en réalité la voie verticale, comparée à la voie
horizontale qui est la rue. Il n'y a donc, aucune difficulté à
concevoir qu'il pourrait être ouvert à tous les vents. Ce
serait, pour certaines parties de la France une amélioration
considérable, une simplification de construction et une amé-
lioration importante de l'hygiène du logement.
Il faudrait en outre prescrire, dans les plans adoptés par
l'initiative privée ou par les communes, les départements,
les administrations, la ventilation en travers du logement.
Dans ces logements du bureau de bienfaisance de Nancy,
que nous avons visités ce matin, et qui sont intéressants à
ASSAINISSEMENT. — DISCUSSION ET VOEUX 105
tant de titres, l'architecte qui nous a conduits était très fier
de nous montrer que ses logements étaient conçus de ma-
nière à pouvoir être ventilés entièrement, par le travers.
Cette idée très simple n'est jamais suffisamment appliquée.
C'est pourtant la base de toute hygiène au point de vue du
renouvellement de l'air.

M. le Dr Letulle. — Si je prends la parole, c'est que je


tiens à faire remarquer combien l'éducation, en matière
d'hygiène urbaine, demande à être développée dans le public
lui-même. Il est extraordinaire de voir, à Paris, l'ignorance
•invraisemblable de toutes les classes de la société sur ces
questions. Je puis en citer des exemples courants. Dans un
immeuble parisien, à quelque étage que l'on aille, l'obscu-
rité est la règle, on vit dans l'obscurité.
Les salons les plus somptueux, les chambres à coucher
les mieux meublées, les plus remplies d'objets d'art, sont-
éclairés à regret. On les ferme à triple rideau, et il fait noir
dans les pièces de choix où se tient de préférence la maî-
tresse de maison. Les salles à manger construites il y a à
peine dix ans étaient obscures, on y mettait des verres de
couleur, on les peignait dans des tonalités noires qui rap-
pelaient plus ou moins Henri III et sa cour, si bien qu'on
mangeait dans l'obscurité.
C'est une véritable révolution qui commence à peine à
s'esquisser, à Paris du moins, que de voir les maisons'claires,
les appartements blancs. C'est encore trop un objet de luxe.
C'est encore trop en fonction de l'intelligence des habitants
que l'on voit la chambre à coucher se démeubler chaque
jour. On commence heureusement à comprendre qu'il ne
faut pas coucher sous des rideaux variés, si somptueux
-soient-ils.
106 CONGRÈS DE NANCY
Quelques personnes, que-je ne saurais trop encourager,
ont entrepris la conquête de l'hygiène individuelle et sociale
du peuple parisien. Je citerai particulièrement M"e Chaptal,
une femme de grand mérite, et, on l'a dit, une sainte laïque.
Mlle Chaptal a fondé un grand nombre de dispensaires et
de gouttes de lait, niais surtout elle a créé, car c'est une
femme pratique, une leçon-de. choses par la maison salubre.
Elle est allée dans un des quartiers les plus populeux de
Paris, les plus décimés par la tuberculose. Elle a choisi un
certain nombre de maisons en plein quartier malsain ; elle
a cependant pris celles qui recevaient un peu de soleil: Elle
a loué ces maisons, et elle a pu arriver à réaliser ce miracle,
faire de ces maisons sales, en les .modifiant et en les net-
tpya-nt (en mettant par exemple du grès cérame à la place
du plancher, en inclinant légèrement ces planchers pour en
permettre le lavage et faciliter l'écoulement des eaux), de
petits logements pour familles ouvrières de trois ou quatre
pièces, qu'elle loue à bon compte, et qui sont excessivement
salubres. Elle fait ainsi une leçon de choses expérimentale
qui produit dans le quartier un très grand effet moral.
On vient voir;les braves gens qui habitent les maisons de
MUe Chaptal, et l'on est frappé, de voir que c'est propre,
qu'il n'y a pas d'encombrement, et surtout que cela coûte
moins cher qu'ailleurs.
J'ajoute que M"0 Chaptal a supprimé les greniers et les a
remplacés par un séchoir où chaque famille met sécher son
linge à tour de rôle.
Il y a là un exemple d'hygiène, urbaine qui malheureuse-
ment n'est pas èhcore assez répandu, d'autant plus qu'il ne
s'agit pas seulement d'une bonne oeuvre, mais encore d'une
oeuvre fructueuse, en ce sens que les personnes qui ont
confié de l'argent à M"e Chaptal trouvent un rendement très
ASSAINISSEMENT. —DISCUSSION ET VOEUX 107
honorable, du 3 I/2 ou du 4 %. même. Tout le monde est
donc content, la propriétaire, les commanditaires et les
hygiénistes, sans parler des locataires. '
J'ai encore à vous signaler une défectuosité de notre vie
hygiénique à Paris. Les règlements exigent la désinfection
de tout logement après toute déclaration de maladie conta-
gieuse. Or, dans beaucoup d'immeubles parisiens, les pro-
priétaires sont aussi réfractaires que possible à.la désinfection,
qui ne leur coûte rien pourtant puisque c'est le locataire
qui paye, -et il arrive encore, dans un grand nombre de
quartiers, qu'en cas de maladie infectieuse, le locataire est
bel et bien mis à la porte par le propriétaire.
.
Un exemple récent : il y a quelques jours, on apporte à
mon service d'hôpital un valet de chambre qui avait un
ulcère d'estomac. L'infirmier dit : « C'est un tuberculeux »;
l'ambulancier de la ville de Paris dit : « C'est un tubercu-
leux », et donne l'ordre au service de désinfection d'aller
désinfecter le logement du malade.
Or, ce pauvre homme logeait dans les combles d'un riche
hôtel de Passy, chez un propriétaire à particule. Que fait ce
dernier en voyant arriver l'équipe de désinfection ? Il com-
mence par mettre immédiatement à la porte la femme du
valet de chambre, puis il prend les vêtements du malade,
sa malle, y fait mettre le feu dans sa cour, et il déclare enfin
à qui voudra l'entendre qu'il ne laissera pas l'équipe des
désinfecteurs mettre le pied dans son hôtel !
Vous voyez par cet exemple combien l'éducation hygié-
nique à Paris, cette ville-lumière, ce nombril du monde, est
encore à faire !
La tuberculose, à Paris, est devenue la pire des calamités,
à tel point que le mot de tubercidopbobie vient d'être créé à
l'Académie de médecine, il y a quelques jours. Qu'en résulte-
108 CONGRÈS DE NANCY
t-il? c'est que le tuberculeux est mal vu, mal soigné, et que
l'hygiène est mal observée.
Il y a donc quelque chose à faire. Ainsi, notre loi n'éta-
blit pas la protection réciproque des immeubles. La loi
anglaise exige qu'une maison qu'on élève ne puisse pas
nuire à la maison voisine.
Or, tous les jours, à Paris, nous voyons construire des
maisons sans souci du tort qu'elles causent ; à leurs voi-
sines.
Si l'on pouvait obtenir que dans les constructions urbai-
nes, non seulement l'orientation de la rue, la hauteur des
maisons, fussent réglementées par des lois formelles, abso-
lues, dont la nécessité a été remarquablement mise en lumière
par M. le professeur Trélat, si l'on pouvait obtenir de plus
que. tout immeuble nouveau fût tenu de respecter les im-
meubles voisins quant à leur orientation, à leur ensoleille-
ment, on aurait fait une bonne oeuvre et une révolution
profitable.

M. Emile Trélat. — J'aurais dû parler avant notre-ami


M. Letulle, car nous sommes tous d'accord sur la difficulté
de faire de l'hygiène sociale en présence de l'ignorance géné-
rale. J'ajouterai que cette ignorance est complétée, — que
mes collègues et amis m'excusent, — par l'incohérence du
savoir des hygiénistes.
M. Augustin Rey a parlé tout .à. l'heure de la lumière. C'est
là qu'est la grosse question. Toutes les fois qu'on vit en
agglomération, on diminue les facteurs naturels de la santé,
l'air, la chaleur, l'eau, la terre, et la lumière surtout. Je
n'attache pas cependant à la lumière une plus grosse impor-
tance qu'au reste, mais comme c'est elle qui est le moins
défendue, c'est à elle que vont mes préférences.
ASSAINISSEMENT. —• DISCUSSION ET VOEUX IO9
Il me faudrait beaucoup de temps pour développer ce
sujet, et je suis obligé de me borner. Je dirai seulement
que l'opération la plus urgente, dans les villes, est d'aug-
menter-la quantité de. lumière reçue par les habitations.
C'est un résultat qu'on n'obtiendra pas sans sacrifices, je le
sais, mais la lumière est le grand nettoyeur des. locaux
envahis par les microbes. Il y a quarante ans que je professe
ces théories, et, comme je n'ai pas encore réussi, je passe
pour un demi-fou, mais je n'en persiste pas moins dans ce
que je crois être une campagne nécessaire.
Il n'est pas; possible d'avoir le soleil dans tous les loge-
ments, niais on peut y avoir la lumière, parce que la source,
de la lumière c'est toute la surface du ciel.
Il faut modifier le percement des rues et le rapport de la
largeur des rues à la hauteur des maisons.
Je trouve donc les conclusions du rapport de M. Macé et
de M. Imbeaux insuffisantes, je leur en demande pardon.
Je tiens à rendre ici hommage à ce qu'a fait Mme Dûrand-
Claye. Je connais son oeuvre, qui est très intéressante. Elle
a fait non seulement de petits logements salubres, mais
encore elle a réservé à ses locataires une, occupation intel-
lectuelle, puisqu'elle leur procure la jouissance d'une biblio-
thèque. Elle leur donne aussi un lavoir, des bains, tout cela
gratuitement. Je tiens à l'en féliciter.

M. Halinbourg donne lecture de la note suivante :

Sur l'alimentation en eau potable des communes rurales


Messieurs,
La pétition qui vous est présentée en vue de combattre les bois-
sons nocives me parait susceptible d'avoir comme contre-partie un
110 CONGRES DE NANCY

voeu tendant à assurer aux populations, et surtout aux populations


rurales qui en sont particulièrement dépourvues, un des éléments
primordiaux de l'existence humaine : l'eau potable.
Bien souvent les petites agglomérations rurales se trouvent réduites
à un usage d'eau très exigu, mal assuré par des puits anciens et con-
taminés, et parfois même pendant les grandes chaleurs, réduites à
l'eau de leurs mares pour les besoins de la boisson, de la lessive et
des bestiaux.
Il en résulte dans certains, villages uiié mortalité infantile vrai-
ment effrayante, et des foyers d'infection que l'air pur de la cam-
pagne ne parvient pas souvent à éteindre.
Cependant le remède se trouve à côté dû mal et dans nombre de
régions- la nappe d'eau souterraine est à une profondeur où il est pos-
sible de la capter, avec des frais malheureusement assez élevés>
Frappé de cette situation, le ministère de l'agriculture a mis, à la
fin de 1904, à la disposition des communes dépourvues d'eau, des
instructions techniques et des subventions, prises sur les fonds du
pari mutuel, et dont l'importance est inversement proportionnelle
à la "situation financière des communes et à la valeur des centimes
communaux.
Les centres ruraux déshérités peuvent donc remédier à leur manque
d'eau en faisant un appel àl'Etat, dont la contributionpeut atteindre
80 °/0 de la dépense totale nécessaire.
Mais, par malheur, l'administration a entouré les demandes des
communes de tant de formalités qu'alors même que celles-ci sont
disposées à accepter leur quote-part de dépenses, toujours fort
élevées, les municipalités sont presque toujours rebutées par les
exigences formalistes de l'administration.
Il me semble qu'en pareil cas, l'intervention de l'Alliance d'hygiène
sociale pourrait aplanir bien des difficultés :
i° En groupant plusieurs communes en vue d'une installation
syndicale ;
20 En se chargeant de traiter avec l'administration des conditions
à proposer à la commission de l'hydraulique agricole en vue de l'ob-
tention des subventions et de la fixation de leurs chiffres ;
ASSAINISSEMENT. DISCUSSION ET VOEUX LII
3° Enfin pour simplifier, les formalités qui sont presque toujours
la pierre d'achoppement de la bonne volonté des communes.
En conséquence, je serais heureux que l'Alliance adopte.le prin-
cipe de son intervention pour faire savoir aux communes et princi-
palement aux centres ruraux, qu'elle est disposée à prendre en mains
leurs intérêts et à leur faciliter leur alimentation-en eau potable.
M. le président- fait observer à -M-. Halinbourg que cequ'il
demande dans sa conclusion est peut-être hors dé proportion
avec les moyens dont dispose l'Alliance d'hygiène sociale,
au moins pour le moment. Il serait peut-être dangereux de
donner aux communes des espérances vaines. L'idée est
cependant tout à fait digne d'intérêt.
Ce qu'on pourrait faire avec quelque profit, ce serait
d'appeler l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité
de simplifier les formalités actuelles.
Notre concours est moralement acquis à toutes les tenta-
tives qui seront faites dans le but de fournir l'eau potable
aux communes. Mais il ne faut pas que les petites localités
rurales croient que notre seule Intervention peut leur amener
l'eau dont elles ont besoin.
M. Drouineau. — Les formalités ont leur raison d'être.
Le crédit dont l'administration disposé pour venir en aide
aux municipalités est assez limité, et c'est pour cela que la
distribution de ce crédit est entourée de certaines garanties.
Si l'on supprimait tout à fait les formalités dont se plaint
M. Halinbourg, on serait très embarrassé pour donner satis-
faction à toutes les demandes.
M. Grau. — Je voudrais revenir aux conclusions de
MM. Macé et Imbeaux. Et d'abord, je me suis un peu étonné
que le rapport passât entièrement sous silence la loi du
15 février 1902. On sait ce qui est arrivé. La loi avait prévu
112 CONGRES DE NANCY
qu'elle serait applicable un an après sa promulgation, c'est-
à-dire en février 1903 ; les municipalités avaient six mois à
partir de cette date pour établir leurs règlements sanitaires,
ce qui les menait en août. Après ce délai, les règlements
devaient être faits d'office par les préfectures. Il y a donc
bien près de trois ans que les règlements devraient être en
vigueur. Or, à l'heure actuelle, il en est beaucoup qui ne
sont pas encore élaborés;-ce sont, dans certains départe-
ments, les plus nombreux. Dès lors, les autorités adminis-
tratives n'ont qu'à appliquer la loi et je pense qu'il convient
de réclamer, comme nous l'avons fait à Montpellier, l'appli-
cation la plus rapide de cette loi. •
. .
On aurait ainsi le moyen de satisfaire aux désirs de
M. Trélat. La loi prévoit l'expropriation de quartiers entiers
pour insalubrité publique. Qu'on la complète, par l'excellente
proposition de M. Siegfried, comme nous l'avons demandé
aussi à Montpellier, comme on va le demander tout à l'heure,
et on sera armé très complètement.
Mais ce ne sera pas tout. Pour user de cette faculté, pour
transformer les quartiers, il faudra beaucoup d'argent. Et
sans doute ce sera le seul moyen efficace, car rien n'empê-
chera d'être insalubres des immeubles dont la situation est
foncièrement mauvaise. Mais en attendant, ne pourrait-on
pas essayer de garantir ceux qui ne sont pas dans ce cas?
Des maisons naturellement saines sont contaminées par
leurs habitants : le seul moyen de préserver les autres et
d'éviter d'en faire les abattoirs dont a parlé M. Çheysson,
c'est de les désinfecter. La loi a organisé cette mesure ; elle
l'a même rendue obligatoire, dans son article 7, mais cela
seulement pour les maladies fixées par un décret comme
devant y donner lieu (art. 4).
Le décret a été rendu en 1903. A côté d'une première
ASSAINISSEMENT. —: DISCUSSION ET VOEUX 11 3
catégorie à déclaration obligatoire, il en a dressé une autre
à déclaration facultative; celle-ci comprend la tuberculose.
On n'use pas de cette faculté. M. le Dr Letulle vous disait
tout -à l'heure les obstacles qui surgissent; quand on veut
y procéder. L'idée nouvelle de la contagion, se greffant sur
la vieille conception du caractère fatal de la tuberculose,
conduit là. On ne veut pas être soupçonné d'un contact
possible avec ces maudits. Et l'on ne désinfecte pas.
Si, cependant, l'opération .pouvait se faire sans déclara-
tion, les préventions tomberaient aussitôt; il ne resterait
plus que les avantages hygiéniques. Pour cela, il faudrait
rendre obligatoire une désinfection dont le motif ne serait
pas indiqué. Le logement du tuberculeux n'est dangereux
que lorsqu'il le quitte; jusque-là c'est sa personne même
qui est la seule source de contagion. A ce moment, le local
qu'il a habité devient susceptible de propager le fléau; il me -
semble donc que l'on devrait interdire la réoccupation de tout
logement sans une désinfection préalable. Cela se peut facile-
ment par une disposition des règlements sanitaires, confor-
mément au second paragraphe de l'article i de la loi de 1902:.
Assurément, c'est une atteinte à la liberté du propriétaire,
et cela ne me laisse pas indifférent, mais la liberté cesse quand
elle peut nuire à autrui. N'est-ce pas le cas ? Ne voyons-nous
pas, à Nancy même, interdire la vente sur là place Mengin
des effets non désinfectés? Ce serait une mesure du même
ordre et dont les résultats ne seraient pas moins féconds.
J'ai donc l'honneur de proposer à l'assemblée le voeu
suivant :

Que les règlements sanitaires, municipaux ou départementaux,prévus


par la loi du 15 février i<)02, contiennent l'interdiction absolue de faire
occuper, par suite de vente ou de location, des locaux précédemment
habités sans qu'ils aient été soumis à la désinfection prescrite par la loi.

CONGRHS I)I:. NANCY 8


114 ' CONGRÈS DE NANCY
M. Brault. — Je dois faire remarquer ici que si beaucoup
de communes n'ont pas encore d'appareils à désinfection,
c'est que le ministère de l'intérieur nous recommande de
ne pas nous hâter pour en effectuer l'achat, parce que,
paraît-il, on n'a pas encore trouvé l'appareil parfait, celui
qui à la fois donnerait la sécurité nécessaire et serait d'un
prix abordable pour les petites communes.
M. le président. — Je crois que nous pourrions mainte-
nant arriver à la conclusion de ce débat.
Je donne lecture des conclusions de MM. Macé et .Im-
beaux :

§i. — Que les municipalités .


Je ne verrais aucun inconvénient, pour donner satisfaction
à M. Grau, à insérer ici le .membre de phrase suivant : « se
conformant à la loi du 15 février 1902... ».
Le texte deviendrait donc le suivant :
§ 1. —Que les municipalités, se conformant à la loi du février
i<j
1902, regardent comme un devoir primordial l'obligationd'assurer aux
agglomérations les conditions de salubrité les meilleurespossibles, et que
toutes indistinctement poursuivent le même but sous la direction continue
d'agents et de conseils compétents. (Adopté.)
§ 2. — Que dans ce but chaque agglomérationfasse établir au plus
tôt le bilan des institutions de salubrité qu'elle possède et de celles qui
lui manquent, et dresse ainsi un programme, par ordre d'urgence, des
travaux à entreprendre et des mesures à prescrire. (Adopté.)
§ 3.
— En raison de la solidarité indéniable qui unit les agglomé-
rations d'une même région et de la similitude des conditions hygiéni-
ques où elles sont placées, que les administrationspréfectorales et régio-
nales fassent étudier par des spécialistes compétents l'ensemble de ces
conditions et tracer les principales règles qui en découlent pour fixer la
solution des problèmes pendants. (Adopté.)
ASSAINISSEMENT. -^ DISCUSSION ET VOEUX 11 5
l'État n'hésite pas à contraindre les municipalités
§ 4.
— Qu'enfin
qui ne feraient pas leur devoir sous ce rapport, d'une part à entrer
prendre les travaux indispensables, de l'autre à édïcter, au lieu et place
des maires, les prescriptions voulues ; toutefois il faut qu'il aide les
communes pauvres par des subventions appropriées. (Adopté.)

M". Çheysson. — Comme complément aux voeux que le


congrès vient de voter et à la discussion qui les a précédés,
j'ai l'honneur de déposer un voeu tendant à l'institution
dans les principales villes d'un casier sanitaire des maisons
qui serait communiqué à quiconque aurait intérêt à le con-
sulter.

M. le Dr Letulle. —-Je ne sais pas-si cette question ne


soulèvera pas de difficultés légales. La loi oblige l'adminis-
tration, à cacher le dossier. Tout au plus savons^nous qu'il
existe à Paris un certain nombre de foyers de contagion
tuberculeuse, circonscrits entre certaines grandes voies. Ces
voies sont indiquées de manière suffisante pour que l'on
puisse jusqu'à un certain point les soupçonner, mais les
maisons elles-mêmes, les maisons mortelles ne sont pas
désignées, et cela à cause de la loi, qui rend responsable
matériellement tout individu qui nuit volontairement ou
involontairenient à autrui.
La communication du dossier est impossible actuellement,
et je sais un certain nombre de personnes qui vont organiser
à Paris la lutte contre la maison insalubre de la façon sui-
vante :
Obtenir de tous les locataires des maisons salubfes une
entente cordiale, et les engager à proclamer, et à afficher
même, à l'entrée de leur maison, une petite notice disant :
« Cette. maison est saine. » Au bout d'un certain nombre
de mois, toutes les maisons qui ne seront pas notifiées saines
Il6 CONGRÈS DE NANCY.

seront des maisons malsaines, et leurs propriétaires, ayant


un intérêt considérable à avoir une maison ayant bonne
réputation, s'adresseront au bureau qui détiendra leurs dos-
siers pour faire le nécessaire dans leurs immeubles.

M. Çheysson. — M. le Dr Letulle vient de dire que l'appli-


cation de mon voeu était impossible légalement. Les congrès,
et c'est là leur mérite, ne sont pas tenus de se faire les esclaves
des lois existantes. Ils sont au contraire institués pour signaler
les défectuosités des lois et pour en montrer les lacunes.
Nous avons été extrêmement émus des révélations faites
récemment sur le casier sanitaire de Paris. Il y a des maisons
qu'on a appelées d'un mot énergique ce des abattoirs ».
Croyez-vous qu'on doive avoir pitié des propriétaires de ces
maisons, qui ramassent l'argent de leurs termes sur les
cadavres de leurs locataires?
Qui peut nous empêcher de désirer une modification de
la loi et de le dire ?
Je me suis placé sous le patronage de M. le Dr Roux,
l'éminent savant que vous connaissez tous; je me place
encore sous le patronage de M. le Dr Letulle lui-même.
En effet, le voeu que je propose n'est pas une nouveauté :
il a été adopté par la quatrième section du Congrès de la
tuberculose, présidée par MM. Landouzy et Strauss.
Pour donner satisfaction aux réserves faites par M. le
Dr Letulle, je modifie ainsi le texte de mon vc-u :
Le Congrès émet le voeu qu'il soit institué un casier sanitaire des
maisons, dans les principales villes, et que la loi autorise sa communi-
cation aux personnes justifiant de leur intérêt à l'obtenir.

M. Siegfried. — J'approuve absolument le texte de M. Çheys-


son. Je rappellerai ici que dès 1880, étant maire du Havre,
ASSAINISSEMENT. DISCUSSION ET VOEUX 117
sur la proposition dé M. le Dr Gibert, nous avons organisé
à l'hôtel de ville un casier sanitaire pour chaque maison.
Sur la fiche individuelle de chaque immeuble, on inscri-
vait'les décès qui s'y produisaient, et niaintèriaiit, cette Sta-
tistique, qui fonctionne depuis plus de vingt ans, nous
donne dés renseignements précieux. Certaines maisons à
cinq ou six étages, dans des rues étroites, ^nt^u. leur mor-
talité moyenne, durant ces vingt années, monter jusqu'à
75 %o et par an. C'est un chiffre effrayant, puisque la mor-
talité moyenne de la France est de 22 %o- Dans d'autres
maisons, au contraire, avec cour, jardin, isolées des maisons-
voisines, habitées par un seul ménage, la mortalité moyenne
est tombée à 15 °/o0. :': ""'' -^ '' "
Tant que j'ai été maire, ce casier sanitaire a été ouvert à
tout le monde, et j'aurais aimé qu'un propriétaire vînt
m'attaquer devant les tribunaux pour m'interdiré cette eôm-
municatioiii Si, d'ailleurs, une loi est nécessaire, je suis
prêt, quant à moi, à la déposer sur le bureau de la
Chambre.

M. le Dr Paul Parisot. — Le casier sanitaire existe àNancy


depuis plusieurs années; il rend ici de grands services, non
pas que nous donnions des renseignements-aux locataires,
mais il nous permet d'aller offrir la désinfection aussitôt
qu'un cas est signalé.
Quant à nous en servir comme source de renseignements
pour les tiers, je crains qu'il y ait là une violation du
secret professionnel. En effet, si nous indiquons qu'une
maison est insalubre, on nous demandera : « De, qui tenez-
vous ce renseignement? » Le médecin sera forcément plus
ou moins en cause, car on saura bien que ce n'est que par
le médecin que nous avons pu être renseignés.
Il8 CONGRÈS DE NANCY
M. Çheysson. — Cela pourrait être par la déclaration du
médecin de l'état civil.
M. le Dr Paul Parisot. — S'il y a eu: décès, soit, mais si
un tuberculeux a simplement changé d'appartement, le mé-
decin de l'état civil n'aura rien à faire là.
"M. lé président.— Je mets aux voix la rédaction définitive
de M. Çheysson, dont je donne Une nouvelle lecture :
Le Congrès émet le voeu qu'il soit institué un casier sanitaire des
maisons, dans les principales villes, et que la loi autorisé sa communi-
cation aux personnes justifiant dé leur intérêt à l'obtenir. (Adopté.)

Nous nous trouvons maintenant en présence de la propo-


sition de M. Grau,
En AT>ici le texte :
Que les règlements sanitaires-, municipaux ou départementaux,prévus
par la loi du 15 février 1902, contiennent Vinterdictionabsolue de faire
occuper, par suite de vente ou de location, des locaux précédemment
habités, sans qu'ils aient été soumis à la désinfection prescrite par la loi:

M. Drouineau comprendrait à la rigueur une loi dans ce


sens, mais sur quoi des arrêtés municipaux seraient-ils basés?
Quelle sanction pourrait-on leur donner?
M. Bourcart. — Je remercie M. Siegfried d'avoir dit que
la question de l'habitation était la plus grosse de toutes.
C'est justement pour cette raison que nous devons éviter de
faire autre chose que dès choses pratiques. Sans doute, nous
devons toujours avoir devant lès yeux un idéal de perfection
absolue, mais tout en ne proposant que des mesures appli-
cables dans un avenir plus ou moins prochain ; le voeu que
nous soumet M. Grau ne me paraît pas rentrer dans cette
catégorie.
ASSAINISSEMENT. — DISCUSSION ET VOEUX II9
M. Qrau. — Je prends le logement au moment où il est
vide, et c'est au propriétaire que j'impose la désinfection
avant qu'il puisse relouer. S'il ne le fait ;pas, il aura violé le
règlement sanitaire et sera passible des mêmes peines que
tous ceux qui l'auraient violé en quelque autre point.
Quant à la gêne pour le propriétaire, elle est certaine, et je
ne l'ai pas dissimulée. Je rie là crois pourtant pas exorbitante
au point de faire reculer le congrès. Toutes les prescriptions
sanitaires ne sont-elles pas des gênes? En sont-elles moins
légitimes ?
La désinfection ne serait pas très fréquente. Les rensei-
gnements que j'ai recueillis, et qui s'appliquent à la ville
industrielle qu'est Troyes, établissent que les. locataires les
moins stables, ceux qui occupent les petits logements, ne
changent guère, en moyenne, que tous les dix-huit mois.
Ce serait, par conséquent, deux opérations en trois ans que
le propriétaire aurait à subir. Ce n'est pas bien terrible.
.La loi oblige quiconque veut vendre un animal dans
-une foire publique à se munir d'un certificat de vétérinaire
qui n'ait pas plus de trois jours de date. Ce ne sont plus,,
cette fois, quelques centaines d'opérations, ce sont des
millions de transactions que cela peut gêner sur la surface
du territoire français ! On applique pourtant cette prescrip-
tion dans la mesure où on applique toutes les mesures
sanitaires.

Quelques congressistes font observer que le système de


M. Grau ne serait en somme qu'une atténuation de l'état
de choses actuel. En effet, le propriétaire est soumis actuelle-
ment à une responsabilité de droit commun qui pourrait
peser sur lui si la véritable relation de cause à effet venait à
être établie.
120 ' CONGRES DE NANCY
M. le président. — Je mets aux voix la proposition de
M. Grau.
(Après une première épreuve à mains levées, déclarée
douteuse par le bureau, une seconde épreuve a lieu par
assis et levé. La proposition n'est pas adoptée.)

M. Bourcart, professeur à lafaculté de droit de Nancy, donne


lecture de son rapport :
.

Des mesures législatives relatives à l'expropria-


tion en matière d'hygiène et de salubrité

La question des habitations saluhres et à bon marché, de laquelle


il est permis de dire, sans exagération, qu'elle est au centre des
questions sociales, est si vaste et si variée d'aspects, qu'il n'est pas
étonnant qu'elle ait soulevé des préoccupations de natures et de
visées bien différentes. A une situation dont on aperçoit le péril,
on propose toutes sortes de remèdes : exemptions fiscales,, facilités
de prêts, combinaisons d'assurances, faveurs juridiques, protection
administrative ou patronale, intervention de sociétés coopératives,
d'institutions philanthropiques, de corps moraux, que sais-je^)?
On pourrait grouper ces remèdes en deux grandes catégories :
ceux qui font appel à l'intervention d'autorités générales ou locales,
à la protection de l'Etat ou des organismes qui émanent de lui ;
ceux qui font appel aux efforts individuels ou sociaux de l'initiative
privée. On ne m'en voudra point de.déclarer tout de suite mes
préférences pour les moyens de cette seconde catégorie; Assurément
ils sont beaucoup moins saisissants que les premiers ; ils sont surtout

i. La loi récente du 12 avril 1906 a, sur plusieurs de ces points, élargi sensiblement la
loi du 30 novembre 1894.
ASSAINISSEMENT. — RAPPORT BOURCART 121
bien plus lents, parce qu'ils exigent un changement profond des
idées et des moeurs ; mais, par là même, ils sont d'un effet infini-
ment plus stable et plus sûr. Toute mesure du genre interventionniste
contient un ferment artificiel, qui hâte les résultats, mais les rend
moins solides, moins durables. Pour traduire immédiatement cette
observation sous une forme concrète et précise, il est permis de
penser que le développement véritable de l'oeuvre des habitations
salubres ne prendra son essor définitif que lorsque la grande masse
du public sera bien pénétrée de cette vérité qu'il y a là, non seule-
ment une oeuvre généreuse et philanthropique, ce qui la restreindrait
toujours à l'élite, c'est-à-dire, hélas ! au petit nombre, mais une
entreprise donnant satisfaction aux intérêts à la fois de la collectivité
et de l'individu, diminution de la maladie, du vice et souvent du
crime, enfin intérêt pécuniaire qui, en dépit des aspirations et des
rêves, reste et restera le mobile du commun des hommes. M. Langer,
visitant des Constructions très intéressantes de Londres, s'émerveillait
de la philanthropie qui avait inspiré la création de maisons de ce
genre. Son interlocuteur l'arrêta net. « Vous êtes complètement
dans l'erreur, si vous croyez faire visite à des philanthropes. La
philanthropie est le cadet de nos soucis. Ce que nous faisons, nous
le faisons pour y gagner de l'argent ('). » Il est à propos de faire
remarquer que ces Anglais connaissaient le véritable intérêt, celui
qui songe au respect d'autrui et demeure en harmonie avec la mo-
ralité. C'est pourquoi, dans ces constructions inspirées par le désir
du gain, ils avaient, à un haut degré, la préoccupation de l'hygiène.
Ils avaient « posé comme règle de ne pas admettre plus d'un enfant
par chambre, afin d'assurer les meilleures conditions d'hygiène pos-
sible (2) ». Si de pareilles convictions s'enracinaient dans notre pays,
il en résulterait un mouvement considérable de capitaux vers ces
habitations salubres et à bon marché qui sont, par elles-mêmes, un
des agents les plus sûrs de régénération physique et morale, puis-
qu'elles sont la condition presque indispensable du foyer de famille.

i. Lettre de M. P. LANGER, Bulletin île la Société des habitations à- bon marché, 1892,
p. 396 et suiv. ; également Bulletin, 1893, p. 549 et suiv.
2. Uni., p. 397.
122 CONGRES DE NANCY
Par un échange de courants bienfaisants circulant dans les deux sens,
le niveau du bien-être vrai s'élèverait ', et l'on pourrait dire, sans se
tromper, que la troublante question sociale aurait fait un pas gigan-
tesque et, peut-être, décisif.
:
Nous n'en sommes pas là. Aussi, et tout en reconnaissant l'infir-
mité secrète du système interventionniste, ne faut-il pas en médire
à l'aveugle. Spécialement, ce serait une grande erreur que d'écarter
l'intervention de la loi. L'inertie du législateur pourrait être d'autant
moins excusable, qu'il y a des cas où on peut faire appel à la loi pour
corriger des défectuosités que la loi elle-même a introduites, pour
ramener à des limites raisonnables et justes des institutions dont
l'organisation légale était excessive.
C'est précisément le cas de l'expropriation pour cause - d'utilité
publique. En mettant à part les adversaires du principe de la pro-
priété individuelle, il est incontestable que la privation du droit de
propriété, dans les cas où l'intérêt social impose ce sacrifice, ne peut
se Concevoir que mo)fennant une indemnité suffisante à compenser
;la perte. Il est tout naturel que l'on se soit attaché à entourer les
droits individuels de garanties contre des empiétements éventuels de
la collectivité ; et le départ, que notre législation française fait entre
le pouvoir législatif, chargé de prononcer la déclaration d'utilité
publique, au moins pour les grands travaux, l'autorité judiciaire,
chargée d'opérer la transmission de propriété, à défaut de cession
volontaire, et lé jury chargé de fixer l'indemnité, à défaut d'accord
amiable, parait, dans ses grandes lignes, tenir assez exactement
compte des nécessités en présence.
Toutefois, le recours au jury pour la fixation de l'indemnité a,
depuis fort longtemps, soulevé des critiques trop fondées. Les majo-
rations consenties, volontairement ou involontairement, par les
jurys d'expropriation sont si fortes et si constantes qu'on a pu allé-
guer que « la moyenne des indemnités à l'hectare, fixées par le jury,
est toujours au moins le double de celles résultant des traités amia-
bles intervenus avec les expropriés (') ». Il est assez significatif à cet

i. DUCROCQ, Droit administratif, 7e édition, t. III, n" 1268, p. 672.


ASSAINISSEMENT. RAPPORT BOURCART 12 3
égard que lès législations étrangères, en tous cas celles du -continent
européen, suivent des systèmes différents, où ne figurent que l'auto*-
rite judiciaire combinée avec l'autorité administrative (•), et il n'est
pas .étonnant que, chez nous, sans aller jusqu'à là suppression du
jury, qui a un renom populaire^ on ait plusieurs fois proposé des
moyens d'améliorer son fonctionnement (2);
Il est à peine besoin de faire remarquer que ces majorations du
jury dénaturent l'expropriation. Elle comporte une « juste indem-
nité », mais ne doit point aboutir à un enrichissement scandaleux*
Leur inconvénient prend un caractère plus aigu et plus particulière-
ment révoltant dans les cas où elles sont obtenues au détriment delà
santé publique. Il existe, à l'heure actuelle, un courant très marqué
en faveur de l'attribution aux autorités locales de la faculté de requérir
l'expropriation dans un but d'hygiène. C'est ainsi que la loi italienne
du 31 mai 1903, sur les habitations ouvrières (3), déclare, dans son
article 20 : « Les communes, où il sera reconnu nécessaire d'assainir
des quartiers insalubres ou de pourvoir au manque de logements et
de maisons ouvrières, devront dresser les plans respectifs d'assainis-
sement et d'agrandissement, suivant les règles des articles 86 et 93
de la loi du 25 juin 1865 sur l'expropriation pour cause d'utilité
publique. Pour l'exécution du plan d'agrandissement, les communes
qui n'ont pas de terrains disponibles sont autorisées à se prévaloir
de l'article 22 de la loi précitée en demandant Vexpropriation des
terrains compris dans ledit plan. « La loi française du 15 février 1902,
relative à la protection de la santé publique, après avoir, dans ses
articles 12 et 14, conféré au maire le droit de prendre un arrêté por-
tant interdiction d'habiter jusqu'à ce que les conditions d'insalubrité
aient disparu, et le droit d'expulser, à leurs frais, les occupants de
l'immeuble, déclare, dans son article 18 : « Lorsque l'insalubrité est
le résultat de causes extérieures et permanentes, ou lorsque les
causes d'insalubrité ne peuvent être détruites que par des travaux

1. DUCÙOCQ., coil loc-


2. DUCKOCQ, Droit administratif, 7» édition, t. III, n° 1269 et suiv., p. 675 et suiv.
3. Voy. Bulletin de la Société des habitations à bon marché, 1963', p. 433 et suiv. ; Annuaire
de. législation étrangère, 1904, p. 237.
124 CONGRÈS DE NANCY
d'ensemble, la commune peut acquérir, suivant les formes et après
l'accomplissement des formalités prescrites par la loi du 3 mai 1841-j.
la totalité des propriétés comprises dans le périmètre des travaux. »
Mais ces efforts dès autorités locales peuvent se heurter à la résis-
tance des propriétaires qui, sous le couvert de laloi et surtout des
majorations obtenues du jury, élèvent des prétentions qui paralysent
la bonne volonté de la loi ou des autorités. Comment, en effet,
passer outre? On 11e le pourrait qu'en se résignant à satisfaire à ce/s
prétentions, c'est-à-dire à verser des indemnités telles que le prix de
revient de ces constructions salubres les rendrait inabordables aux
humbles ménages auxquels elles sont destinées. Il faut bien se rendre
compte que déjà les exigences naturelles de l'hygiène.moderne ont,
dans une certaine mesure, ce fâcheux revers de médaille: C'est
même une considération qu'il serait bon de ne pas perdre de
vue (J). Mais ce qui peut devenir excessif, lorsqu'il s'agit des exi-r
gences, pourtant si souhaitables, de l'hygiène, devient absolument
intolérable, lorsqu'il s'agit de prétentions dont l'exagération et là
base même sont imprégnées de culpabilité. Car enfin
:— et on l'a
signalé très nettement, — les revenus de cette maison, qui serviront
à déterminer le; montant de l'indemnité, sont, grossis par l'encom-
brement funeste des occupants, et ce sont même les défectuosités
et les vices de l'immeuble qui rendent l'expropriation nécessaire;
en sorte que c'est l'insalubrité de la maison qui va enrichir son pro-
priétaire !
En posant en ces termes la question au législateur, il semble bien
qu'il ne puisse pas maintenir un pareil état de choses. Et, pour cela,
il. n'est nul besoin de verser dans le socialisme. Assurément, ni le
mot ni la chose n'effraieraient dans de telles conditions. Parmi les
partisans les plus déterminés du système individualiste, on n'en
rencontrerait guère pour soutenir que l'Etat n'ait qu'à se croiser les

1. M. P. LANGER, signalant, en 1899, la crise des logements ouvriers en Angleterre,


indique, parmi les causes de cette crise : « les lois plus ou moins récentes, qui.insistent
avec une rigueur de plus en plus croissante sur des conditions d'hygiène inconnues il y a
vingt ou trente ans et qui imposent aux municipalités des démolitions nombreuses »
(Bulletin de la Société, des habitations et bon marché, 1899, p. 221.) :
ASSAINISSEMENT. .— RAPPORT BOURCART 12 5
bras, dans des cas où la-santé publique et l'avenir de la race sont en
jeu. Mais, indépendamment de cela, il est bien évident qu'on se
trouve en présence de l'une des applications peut-être les; plus indis-
cutables de cette théorie de « l'abus des droits », qui, depuis un cer-
tain nombre d'années, se dégage avec une netteté et une force déplus
en plus irrésistibles ("). Cette théorie, d'ailleurs, n'est que la recon-
naissance d'une grande vérité, peut-être un peu oubliée, à savoir
que, si là morale et le droit n'ont pas la même étendue, ils ont en
somme le même fondement : ils se rattachent l'un et l'autre à des
principes supérieurs de justice et de sagesse ; leurs circonférences
sont très différentes, mais elles ont même centre. Autrement dit,
chaque droit renferme une signification et une limite morale. C'est
abuser de son droit que de s'en servir dans l'intention de nuire et
non pas en vue de satisfaire un intérêt sérieux et légitime "(*), Et
c'est aussi abuser de son droit que de le détourner de son but éco-
nomique et social. Tout au moins peut-on dire que celui qui
commet ce détournement économique et social du droit, qui con-
somme cette rupture d'équilibre que le droit a pour mission de réa-
liser, s'expose à des risques dont il encourt la responsabilité ('). Or,
il est bien évident qu'il y a un abus de droit, rentrant dans l'une de
ces catégories, dans le fait du propriétaire qui, par cupidité ou
même par insouciance, viole les prescriptions élémentaires de l'hy-
giène au point de rendre son immeuble inhabitable et contraindre
l'autorité à en exiger l'expropriation.

1. Sur la théorie de l'abus des droits, voir GÉNY, Méthode d'interprétation el sources en
droit privé positif, 1899, 11° 173 et suiv., p. 543 et suiv.; REÏNAUD, L'abus du droit, 1904;
L. JOSSIÎRAND, De l'abus du droit, 1905.
2. Il y a déjà longtemps qu'un arrêt de Colmar, 28 mai 1855, Dalloz 1856, II, 9, décla-
rait : « S'il est de principe que le droit de propriété est un droit en quelque sorte absolu,
autorisant le propriétaire à user et abuser de la chose, cependant, l'exercice de ce droit,
comme celui de tout attire,.doit avoir pour limite la satisfaction d'un intérêt sérieux et légitime.....
Les principes de la morale et de l'équité s'opposent à ce que la justice sanctionne une
action inspirée par la malveillance, accomplie sous l'empire d'une mauvaise passion, ne se
justifiant par aucune utilité personnelle et portant un grave préjudice à autrui. »
3. Voy. REYNAUD, p. 50 et suiv., et surtout JOSSERAND, p. 4, 56 et suiv., 79 et suiv. ;
comp. les art. 226, 826, également 138 du Code civil allemand; en Angleterre, la loi du
.14 août 1896 sur les procédures vexatoires. (Annuaire de législation étrangère, 1897, p. 49
et suiv.)
126 CONGRÈS DE NANCY

En somme, tout cela peut se résumer en cette formule aussi pé-


remptoire que simple : « Nul ne doit s'enrichir de sa faute. » Or,
c'est une faute que d'entasser dans un logement plus de personnes
que l'hygiène ne le permet, et de pousser la violation de l'hygiène-
jusqu'à l'insalubrité.
C'est cette idée qui a conduit M.Jules Siegfried, le promoteur de
la loi du 30 novembre 1894, à déposer, le 3 juin 1904, devant la
Chambré des députés, une proposition de loi « relative à l'expropria-
tion, pour cause d'insalubrité publique ». Cette proposition lui appa-
raît, fort judicieusement, comme le complément naturel de l'arti-
cle 18 de la loi du 15 février 1902 relative à la protection delà santé
publique, lequel, nous l'avons vu, confère à la commune la faculté
d'user du droit d'expropriation, en cas d'insalubrité. Comme la
proposition de M. Jules Siegfried a été directement inspirée par la
grande loi anglaise du 18 août 1890, il convient, avant de l'expo-
ser, de retracer les dispositions principales de cette loi du 18 août
1890(0-
La loi anglaise du 18 août 189,0 a eu le caractère d'une refonte et
d'une consolidation de lois antérieures, destinées à empêcher l'insa-
lubrité, et à assurer le logement des artisans et travailleurs, « acts
for removal of nuisances », « Labouring classes lodging houses acts,
Artisans and labourers dwelling actsif) ». Cette loi très hardie, et
empreinte d'un caractère socialiste très curieux dans un pays d'indi-
vidualisme et d'initiative privée comme l'est l'Angleterre, a armé les
autorités locales de pouvoirs très étendus au point de vue de la
démolition et aussi de la reconstruction. Nous n'avons à l'envisager
que dans celles de ses dispositions qui concernent l'expropriation.
Là, comme, au surplus, pour le reste, le législateur anglais a distin-
gué suivant l'importance de l'oeuvre à accomplir. Dans une première
partie, il parle des îlots insalubres, groupés de maisons insalubres,

1. Annuaire de législation étrangère, 1891, p. 114 et suiv., notice très intéressante et tra-
duction par M. LEYDET; également Bulletin de la Société des habitations à bon marché, 1891,
p. 488 et suiv.
2. La loi est intitulée : An Act to consolidait and ameiid Ihe Acts relaling lo Artisans and
Labourcrs dwcllings and ihe housing of Ihe worliiug classes.
ASSAINISSEMENT. — RAPPORT BOURCART 127
« unhealthy areas» ; dans, une seconde partie, des habitations insalu-
bres isolées « unhealthy dwelling houses ». Notamment là question
de l'indemnité est traitée de façons très différentesj suivant qu'il
s'agit d'ilôts ou de maisons isolées. Dans le second cas, et en suppo-
sant qu'il s'agisse de maisons véritablement insalubres, et pas sim-
plement gênantes pour l'aération ou la ventilation des maisons voi-
sines, « obstructive buildings (') », la fermeture puis la démolition de
ces maisons insalubres ne donnent lieu à aucune indemnité MI profit
du propriétaire. Même, si c'est l'autorité locale qui opère d'officela
démolition, l'article 34 déclare qu'elle aie droit de vendre les ma-
tériaux et de prélever ses dépensés sur le prix, en remettant sim-
plement le surplus au propriétaire.
Lorsqu'il s'agit de l'expropriation d'un îlot malsain, ce procédé a
paru vraiment trop sommaire. Toutefois, les règles ordinaires pour
la fixation de l'indemnité subissent quelques modifications, ins-
crites dans l'article 21, dont il convient de donner le texte inté-
gral, car il a servi de modèle à la proposition du 3 juin r904(2)-

« ART. 21. —: § 1. Pour estimer l'indemnité à payer aux pro-


priétaires de terrains ou aux. titulaires de droits réels dépossédés; par
l'expropriation, on se conformera aux règles suivantes :
« a) L'estimation des terrains ou des droits réels sera basée sur leur
valeur vénale courante Çfair market value) au moment de l'esti-
niation. Il ne sera pas alloué d'indemnité supplémentaire en raison
du fait même de dépossession forcée de tout ou partie de l'ilot.....
«bj
« §
. .
2. Au cours
. . ....
... des opérations tendant à la fixation
. . . . ..
de l'indem-
,'..
nité, une enquête par témoins sera faite par l'arbitre en vue d'éta-
blir :
« ,i° Que le revenu de la maison ou des locaux est surélevé par le

1. Pour les « obstructivebuildings », le propriétaire ne peut être dépouillé sans indemnité ;


et cela est juste, car il n'a aucune faute à se reprocher. Voy. notice LEYDET, Annuaire de
législation étrangère, 1891, p. 119, et Bulletin de la Société des habitations à bon marché, 1891,
p. 495.
2. Ce texte est emprunté à la traduction de M. LEYDET, Annuaire de législation étran-
gère, 1891, pp. 130, 131; Bulletin de la Société de législation comparée, 1891, pp. 504, 505.
I2Ô CONGRES DE NANCY
fait d'un usage illégal, ou par le fait de l'entassement des ménages
dans des conditions de nature à nuire à la santé des habitants;
« 2° Que la maison ou
les locaux sont dans des conditions telles
qu'ils constituent une incommodité (') [a nuisancè\, suivant la défi-
nition donnée par les lois relatives aux nuisances, ou sont dans
un état défectueux au point de vue de l'hygiène et de l'entretien ;
« 3° Que la maison ou les locaux sont impropres à l'habitation ou
ne sauraient être raisonnablement appropriés à cet effet.
« Si l'enquête est probante sur tous les points dont il s'agit, l'ar-
bitre se conformera aux règles suivantes :
« a) Dans le premier cas, l'indemnité sera fixée d'après le revenu
que le propriétaire aurait retiré de la maison ou des locaux, si ceux-
ci eussent été affectés à un usage conforme à la loi, et habités seule-
ment par le nombre de personnes pour lequel ils peuvent être nor-
malement aménagés ;
« V) Dans le second cas, l'indemnité sera fixée d'après la valeur que
l'immeuble ou les locaux auraient eue, si l'incommodité avait été
supprimée, ou s'ils avaient été aménagés suivant les lois de l'hy-
giène ou mis en bon état de réparation, déduction faite des dépenses
qu'auraient entraînées pour le propriétaire ces travaux de suppression
ou de réfection ;
« c) Dans le troisième cas, l'indemnité ne comprend que la valeur
du sol et celle des matériaux de démolition. »

On peut dire que cet article 21 de la loi anglaise du 18 août 1890


contient tout l'essentiel de la proposition actuelle de M. Jules Sieg-
fried. Cette proposition contient, il est vrai, trois autres décisions :
la première sur la façon d'arriver à la déclaration d'utilité publique
de l'assainissement, la seconde sur les règles d'exécution des travaux,
la dernière sur le recours éventuel contre la décision du jury. Mais
cette dernière n'est que lé complément de l'innovation fondamen-
tale introduite à propos de la fixation.de l'indemnité. Il est assez
naturel d'admettre que la violation des règles impératives intro-

1. 11 me semble que l'expression insalubrité serait plus adéquate à la pensée.


ASSAINISSEMENT. — RAPPORT BOURCART 129
duites doit fournir matière à recours en cassation;' Quant aux deux
autres innovations, elles sont un peu secondaires et peuvent .être-
présentées à .part.
.
Sur la question fondamentale, M. Jules Siegfried, avec raison; a
écarté la distinction faite par la loi anglaise suivant le degré d'impor- •
tance de l'expropriation. Ce degré d'importance ne doit avoir aucun»
effet sur l'indemnité. La propriété d'une maison isolée vaut respec-
tivement autant que la propriété d'un groupe de maisons. Si l'in-
salubrité est une cause suffisante pour, supprimer l'indemnité, elle
doit l'être dans tous les cas. La distinction de la loi anglaise n'est;
ni logique, ni équitable. Elle n'est pasjion plus raisonnable. L'in-
salubrité diminue la valeur d'un immeuble, mais elle ne la détruit'
pas complètement. On comprend très bien qu'elle soit une cause-
de réduction de l'indemnité ; on ne comprendrait pas qu'elle en en-
traînât la suppression complète.: > ,
Voici le texte de la proposition du 3 juin 1904 :

« ART. 1. — Le paragraphe 1 de l'article 18 de la loi du 15 février


1-902; sur la protection de la santé publique et relative aux causes.
d'insalubrité, est complété par les dispositions de la présente loi—.

« ART. 6. — L'indemnité d'expropriation à allouer au propriétaire


ne peut être supérieure à la valeur vénale courante de l'immeuble au
moment de l'estimation et ne comprendra jamais d'indemnité pour
le fait de dépossession.

« ART. 7. — Le jury d'expropriation a l'obligation, avant toute,


fixation d'indemnité, et par délibérations distinctes et motivées, de;
décider si,, oui ou non : i° le revenu de l'immeuble ou des locaux
loués est majoré par suite de l'entassement des habitants dans des
conditions contraires aux prescriptions des règlements sanitaires
municipaux ou préfectoraux; 2° l'immeuble ou les locaux loués:
ne peuvent devenir habitables que moyennant certaines réfections
qu'il déterminera, en conformité des règlements sanitaires ; 3° l'im-'
meuble ou les. locaux loués sont tels qu'ils sont impropres à toute;
habitation.
CONGRÈS DE NANCY 0
I-JO. .-•'CONGRÈS. : DE- NANCY. : .:.
\
-.« Dans le premier cas,le jury.fixeral'indemnité d'aprèsle'revehu^
quele propriétaire aurait tiré de l'immeuble ou des locaux loués, s'il
n'y avait pas eu d'entassement contraire aux règlements. : : . '<:
« Dans le second cas, le jury déduira de
rindemnitéla.sommeiqtii
eût été nécessaire pour mettre l?immeuble ou les locaux loués en état
d'habitation conforme aux règlements; >-.. : ,;. •' ./,:'..•;
« Dansle troisième cas
le jury n'accordera dUndemnitéque pôur-
la. vàleur.du .sôLet celle desmatériaux dedémolition. -.':-. î/n:;:i '.
-.: K
La:décision du .jury,.et l'ordonnance.du magistrat .directeur'
peuvent -être attaquées, par: la voie du recours ..en cassation pour
violation des règles contenues dans le : présent.; article...La .pro-
cédure des articles 42 et suivants de la loi. du 3 mai; 18*41 sera',
appliquée. » .:< -.'. ::' ' .:•.•-;-.. --'fi^o ;
.

Voici en quels termes M. Jules Siegfried, dans l'exposé des'mo-


tifs, justifie cette innovation1déduite,,oh le voit, delà loi anglaise du
18 août 1890 : '
«Nous n'admettons pas que le jury puisse aller au. delà de la
valeur vénale des immeubles et allouer une indemnité pour déposses-
sion .:' ce serait faire bénéficier le: propriétaire d'une expropriation que
le mauvais état de son immeuble a entraînée. » Il expose ensuite qu'il
était juste d'aller plus loin, d'imiter l'article .21 de. la loi anglaise du
18 août 1890 et d'appliquer l'idée que nul ne doit s'enrichir de sa
faute. Or, c'est une faute que d'entasser dans un logement plus de
personnes que l'hygiène ne le permet, et dé violer cette' hygiène
jusqu'à l'insalubrité. Et il insiste : « Cependant, n'est-il pas avéré
que, plus un logement est encombré, plus il rapporte ; que, moins
le propriétaire le répare, plus il en tire de gros revenus... Il est'de
toute justice de ne pas faire entrer en ligne de compte, dans l'éléva-
tion de l'indemnité, l'augmentation de revenus que cette insalubrité
a apportée au propriétaire. •

« Par Ces motifs, nous obligeonsle jury à se prononcer, dans cha-


que cas particulier,.sur le point de savoir s'il opérera, sur l'indem-
nité, trois sortes de déductions : la première, causée par l'entasse-
ment des habitants, la deuxième, par le manque d'hygiène ou le
ASSAINISSEMENT, — RAPPORT BOURCART 1.3 I
délabrement de l'immeuble, la troisième, par l'impossibilité absolue
de l'habiter désormais..-
... •

« Dans le premier cas, le jury déduira du revenu accusé .par le pro-


priétaire la diminution.qu'il subirait en ramenant au taux normal le
chiffre de ses locataires.. Dans le deuxième, il calculera le prix que
coûteraient les réfections et le déduira de l'indemnité. Dans le troi-
,
sième cas, toute habitation .normale: étant impossible, le jury consi-
dérera l'immeuble- comme un. simple terrain à .bâtir, et l'évaluera
comme tel, en y ajoutant le. prix des matériaux de démolition^ .»[ .
M, Jules Siegfried, résume ainsi l'esprit de sa proposition;:. Le
propriétaire a forcé la commune à l'expropriation: il ne doit pas
tirer avantage' de sa. faute. « Il portera la responsabilité de l'insalu-
brité.de sa maison('). »
En ce qui concerne le recours éventuel contre la décision du.jury;
M. Jules Siegfried expose que l'on aurait pu songer à un appeL Mais
la difficulté est de-savoir devant qui porter cet appel (2). D'ailleurs,
si le. jury observe les règles des articles 6 et 7 de la proposition,.il
n'y aura pas lieu d'en appeler de ses décisions. Il n'y a besoin de
recours, que si le jury a violé ces règles; et, naturellement, ce re-
cours sera le recours en cassation. Ce sera simplement le développe-
ment de l'article 42 de la loi du 3 mai 1841, qui admet le recours en
cassation pour violation de certaines dispositions de la loi(3).
Ces innovations méritent d'être approuvées. Elles peuvent, nous
l'avons vu, se justifier par des arguments solides, relevant de doctri-
nes différentes qui peuvent parfaitement s'accorder 'sur ce point.
Nous avons également constaté qu'elles étaient moins intransi-
geantes que certaines innovations de la loi anglaise. Encore est-il
bon d'engager les jurys à user des règles nouvelles avec modération,
particulièrement dans les débuts, surtout avec clairvoyance. Ce ne
serait pas la première fois que l'application un peu trop rigide d'une
innovation tournerait absolument contre l'intérêt de ceux que l'on

1. Journal officiel, 1904, annexes n° 1730, p. 652.


2. Voir là-dessus DUCROCQ, Droit administratif, 70, édition, t. III, n° 1269,. p. 673 et
suiv. .

3. Journal -officiel, 1904, annexes n° 1730, p. 652.


I32 CONGRÈS DE NANCY

a cherché à favoriser et à protéger. Ainsi l'encombrement des habi-


tants d'un logement est un mal et un vice graves. Il est naturel que
l'on souhaite d'atteindre ceux dont la cupidité effrénée a recherché
cet encombrement. Mais il faudrait bien se garder de frapper du
même coup les rares propriétaires qui ont l'âme assez compatissante
pour ouvrir leur porte aux familles nombreuses à ressources médio-
cres. Un piètre logis vaut encore mieux que pas d'abri du tout.
M. Paul Langer raconte que le « London County Council », dans son
ai'dent désir d'améliorer l'habitation ouvrière, a expulsé un grand
"nombre d'ouvriers de logements défectueux. Seulement les loge-
ments nouveaux, bien mieux construits et aménagés, coûtent plus
cher, en sorte qu'ils ne sont plus accessibles aux ouvriers. Les expul-
sés sont tous des ouvriers ; les remplaçants sont d'une catégorie plus
aisée. Pauvres ouvriers(')!... Tout cela démontre que, s'il est pos-
sible et si même il peut être à propos d'utiliser l'outil artificiel du
système interventionniste, il faut le manier avec beaucoup dé cir-
conspection et de tact. A vrai dire, ce peuvent être des solutions
provisoires, que je qualifierais volontiers de solutions d'étape : ce
n'est pas la solution définitive.
La proposition de M. Jules Siegfried contient deux autres déci-
sions, secondaires à la vérité, et qui paraissent donner prise à la dis-
cussion. Elles sont contenues dans les articles 2, 3 et 4, ainsi
conçus :

« ART.2. — Lorsqu'une commune veut poursuivre l'expropria-


tion d'un immeuble ou d'un quartier jugés insalubres, le maire pro-
voque une délibération du conseil municipal tendant à déclarer l'ex-
propriation pour cause d'insalubrité publique,et fixant le périmètre
d'assainissement...

« ART. 3. — Le préfet saisit de cette délibération la commission


sanitaire d'hygiène prévue à l'article 20 de la loi du 15 février 1902.
Cette commission adopte, modifie ou rejette la délibération du cpn-

1. P. LANGER, <C La crise des logements ouvriers en Angleterre ». (Bulletin de la Société


des habitations à bon marché, 1899, p. 218 et .suiv., notamment pp. .224, 225.)
.
ASSAINISSEMENT. RAPPORT BOURCART 133
seil municipal et'le plan d'ensemble y annexé. Appel peut être inter-
jeté dans les deux mois parla commune ou lés intéressés devant
le; conseil départemental d'hygiène. La décision sera rendue exécu-
toire par arrêté, préfectoral portant déclaration d'insalubrité.
'«•ART. 4. —' La commune doit opérer elle-même, au moyen des
divers modes d'exécution des travaux^publics, les travaux d'assainis-
sement, de transformation des immeubles ou de Construction d'im-
meubles neufs sur les terrains assainis ou transformés. Elle ne pourra
se substituer un concessionnaire.
« Elle peut décider que tout ou partie dé ces immeubles bu de ces
terrains seront affectés à des constructions d'utilité publique ou
attribués, à des conditions fixées par elle,, à des sociétés de construc-
tion d'habitations à bon. marché soumises à l'application de la loi
du 30 novembre 1894*.. » '

En. ce qui concerne la procédure pour arriver à l'expropriation


pour cause d'insalubrité, la proposition réserve à la municipalité
seule le droit de prendre l'initiative de décider que telle maison ou
tel quartier ne peut être assaini que par une mesure d'ensemble, qui
exige l'expropriation. Il est permis de se demander si la municipalité
est vraiment le corps le plus compétent pour apprécier cette-question
d'hygiène; et, en. tous cas, il ne semble pas douteux qu'il pourrait
être fort utile d'accorder semblable initiative aux commissions sani-
taires de circonscription, prévues à l'article 20 de la loi du 1*5 février
1902 relative à la protection de la santé publique, et qui pourraient
être très facilement avisées par les médecins locaux. Dans le cas où
l'initiative viendrait de la commission sanitaire, la procédure serait
inverse de celle qui est prévue aux articles 2 et 3, c'est-à-diré que le
préfet saisirait de cet avis le conseil municipal, dont la délibération
pourrait être attaquée devant le conseil départemental d'hygiène.
v. -1.

Notons, enfin, la prohibition dé l'article 4 relativement à la con-


cession qui serait faite à un entrepreneur, que la commune « se sub-
stituerait d'une façon complète... et cela, afin d'écarter, le plus pos-
sible, tous les éléments de spéculation^) ». La pensée est très louable.

1. Exposé des motifs, Journal officiel, 1904, annexes u° 1730, p. 652.


J 34 CONGRÈS EvE NANCY' v.
Lé moyen est-il irréprochable ? .Et; ne và-t-on pas; vèrsèr dans cet
inconvénient, sans doute plus redoutable à l'heure actuelle, de ren-
chérirle coût des constructions et,:par là, de lesrendreinabordables.à
la catégorie d'habitants à laquelle:elles sont destinées.? Imposer,à-'la
commune, l'obligation d'opérer elle-même les travaux d'assainisse-
ment,, de transformation ou de construction est assez le contre-pied
de la loi italienne du 31 mai^903, dont l'article 18 n'admetles
communes à entreprendre elles-mêmes la construction.d'habitations
ouvrières qu'à défaut de sociétés ou de corps moraux ou d'institu-
tions de bienfaisance (').. Il semble que l'on pourrait maintenir la
concession à des entrepreneurs, en réservant, au cas de grief d'esprit
de spéculation, le droit à tout conseiller municipal dé former oppo-
sition devant le préfet, qui statuerait après avis du comité de patro-
nage qui doit, en vertu de la loi du 12 avril 1906, exister dans tous
les départements..

En somme, et. sauf les réserves, faites sur quelques points secon-
daires, et aussi sur la mesure et le tact à garder dans l'application, la
conclusion de cet examen de la proposition de M. Jules Siegfried
ne peut que lui être favorable. A tout prendre, la loi corrigerait les
exagérations d'un système qu'elle a elle-même édifié, et dont les
inconvénients, révélés par l'expérience, choquent la raison et la jusr
tice. Du. moment que l'on conserve le jury, — et il "ne semble pas
possible de lui substituer un autre organe pour la fixation de l'in-
demnité, — il est. tout naturel de lui tracer des règles pour guider
son appréciation, et notamment de lui imposer une expertise qui,
dans le cas.présent, prend une physionomie particulière (2). La né-

1. Article 18.de la loi italienne du 31 mai 1903 : « Quand le besoin sera reconnu de
pourvoir de logements les classes moins aisées, et'là oit fout défaut les sociétés-visées A
l'article 2 de la présente loi, ou- les institutions prévues, à l'article 22, ou bien si leur
action est insuffisante, les communes sont autorisées à entreprendre la construction
d'habitations populaires, mais seulement pour les donner en location » (Annuaire.
•de législation étrangère, 1904, pp. 235, 236 ;. Bulletin de la Société des habitations à bon marché,
i.9°3» P- 439-)
2. La nécessité de l'expertise parait être le minimum d'amélioration exigée par les pro-
jets ou propositions qui visent à la réforme de notre régime d'expropriation. Voy-.• Du-
<:i<oco_, Droit administratif, 7e édition, t. III, n° 12.70 et suiv., p.. 675 et suiv. Voy. par
ASSAINISSEMENT. — DISCUSSION ET VOEUX I35
cessité dé règles précises, lorsque le débat est-soumis,à des juges qui
ne sont point des: juges, de profession, ^st inévitable. Onla recon-
naissait pour lefudex romain, comme on la reconnaît, de nos jours,
pour.les jurés des,procès criminels. Les uns.et les autres ont été et
sont enfermés dans des formules et des questions bien déterminées.
Pourquoi le jury d'expropriation jouirait-il d'un pouvoir, discrétion-
naire que ce genre de juridiction ne comporte pas ?

Discussion etj voeux


M. Cheysson. — Après le remarquable rapport de.M. Bbur-
cart que vous venez d'entendre, la cause est gagnée devant
vous,, et je ne veux pas y revenir. Les indemnités.d'expro-
priation arrivent à des taux extravagants. Du moment où
les terrains coûtent très cher, on ne peut.songer,à y- élever
autre chose que des maisons de luxe, des maisons de rap-
port. Si bien que les malheureux qui habitaient les maisons
insalubres démolies ne peuvent plus habiter dans, les nou-
veaux immeubles..
Où vont ces malheureux? On ne s'en occupe guère. Sou-
vent, ils sont obligés de rester dans le même quartier, soit
par une sorte de prédilection instinctive, soit par les néces-
sités mêmes de leur travail.
Supposez qu'on vienne à supprimer le scandale des indemr
nités excessives, et qu'on rie" tienne pas compte de cette
plus-value due à l'insalubrité, c'est-àrdire à la violation
même des lois sanitaires. On payera ce qu'on doit, pas plus;
on fera justice au propriétaire. Les terrains reviendront à

exemple; en Russie; l'avis du Conseil de l'Empire du 14 avril 1887, article 580 (Annuahc
de législation étrangère, 1888, p. 757) ; en'Espagne, les articles 27 et suivants de-la loi
sur l'expropriation du 10 janvier 1879. (.Annuaire de législation étrangère, 1880, p. 412
et suiv.) ;• ' •
'
136 ' CONGRÈS DE-NANCY '

un prix relativement modéré, et l'on pourra alors les con-


céder à des sociétés qui 1 se chargeront d'élever sur ces ter-
rains des maisons populaires, à petits1 lôgeriiènts, à petits
iôyè'rs;,'-'6ù';l:'"o.ii pourra recevoir précisément les expulsés, lés
expropriés des maisons' démolies. De là sorte, l'opération
leur serait profitable, au lieu d'être, ua leurre- qui aggrave
leur situation déjà si misérable.
M. Bourcart n'ayant pas cru devoir faire suivre son rap-
port d'une proposition ferme, je prends la liberté de propo-
ser le voeu suivant,.;qùi a.déjà été présenté au Congrès dé la
tuberculose, sur l'initiative de MM. Paul Strauss, Landouzy,
Casirnir-Périer, Bourgeois : •-— :;:;;:•:;"-
,/•''.

Le Congrès de l'Alliance d'hygiène sociale,


Approuvant en principe la proposition-déposéeparM. fuies Siegfried,

priatioiipour cause d'insalubrité pub'Hqtte ; -,


le ) ptin 1904, devant la Chambre des députés, relativement à l'expro-

-•' Emet le voeu qu'il soit tenu compte, dans la valeur des
immeubles
expropriés^ des: dépensés à faire.pour mettre ces immeubles en rjègle-avec
la loi et les règlements sanitaires. r

M. Siegfried..— Il est absolument indispensable de pren-


dre des mesures pour améliorer la situation actuelle. Les
Anglais, .qui souffraient des rnêmes inconvénients, se sont
dit : « La loi sur l'expropriation nous empêche de faire de
l'hygiène, raisonnée? Changeons la loi. » Et ils ont changé
la loi. Depuis lors, on a exproprié pour plus de deux cents
millions d'immeubles insalubres.Aussi, la mortalité moyenne
de Londres est tombée à 17 °/00, tandis qu'elle.est encore de
26 °/qo au Havre,.<le 19 °/00 à Paris.
Si nous arrivons à modifier notre législation dans le même
.sens, nous donnerons le moyen aux municipalités.d'amé-
liorer, sans grandes dépenses, l'état sanitaire des villes, et
de faire disparaître les taudis et les foyers d'infection qui
ASSAINISSEMENT. — DISCUSSION ET VOEUX I37
augmentent la morbidité et la mortalité dans des propos
tions beaucoup trop considérables. <""'

ûrau. — Je me rallie entièrement au voeu de M. Cheys-


M.
son,.Je..désirerais:seulement qu'il voulut bien viser le. voeu
-analogue queiiôûs'''avons 'èfriis'l'àrinéé- dernière^ soùë' là
présidence dé M. Siegfried, au''-, congrès -;dé'Mdritpellier. Il y
a là un rappel nécessaire.

M. Cheysson. — C'est entendu.

président.—Je donne lecture, du voeu de M. Cheys-


M. le
son, tel qu'il a été amendé par son auteur à la suite des
observations de M.. Siegfried et.de M, Ççrau... .'.

Outre la. signature de; M. Cheysson,.,ce•.yçéu.porte encore


celle de M. Siegfried. .,,..,-...,.,,
; i0 ,, .- ,..
Le Congrès de VÂWaëcc'd'hygiène socialef> "";
'.

Vu là loi anglaise du ï8 août ï8yà,['


Vu les voeux émis par le Congrès de l'Alliance d'hygiène sociale à
- ''•'
""" ' ""'""'- ;';

Montpellier, en mai ipoj, et par le coîùeil supérieur des habitations à


bon marché, le 31 indrs 1906; •''' .^; >

Approuvant en principe la proposition déposapar M. fuies Siegfried


sur le bureau de la Chambre des déptités, relativement à l'expropria-
tion pour cause d'insalubrité publique ;
Emet le voeu'qu'il soit tenu coinpte, d'dns la valeur des immeubles
expropriés, des dépenses à faire pour mettre ces immeubles en règle avec
la loi et les règlements sanitaires. (Adopté.,) ' '
,

La séance est levée; ' '".•"'"-' •''' •


(Vendredi soir)

Conférence de M. Le médecin-inspecteur BENECrI


:~ ...Directeur, dit -service de- santé du 20? corps d'armée
. ,. , ... .

Du rôle social de la médecine d'armée

Mesdames, Messieurs,
Les phénomènes sociaux s'enchevêtrent en .'un lacis ' tellement
inextricable, ont dés incidences et dés répercussions tellement com-
plexes que, lorsqu'on veut les "soumettre'à l'analyse et faire la part
qui revient à leurs divers facteurs, onse Heurte à des difficultés qui au
premier abord peuvent paraître insurmontables. Les questions d'hyj
giène sociale ne sont pas. faites pour atténuer cette appréhension un
peu décourageante, et qui serait de nature peut-être à rebuter des
esprits .moins avertis que les vôtres, ou- ceux. qui auraient à un
moindre degré que vous l'amour du bien public.
C'est pourquoi il m'a semblé qu'il ne serait pas sans intérêt d'ex-
plorer avec vous, ce soir, une zone bien, délimitée de ce vaste champ
et d'examiner ensemble l'hygiène sociale dans l'armée.
L'armée est en effet le groupe social qui se prête le mieux à.des
études .suivies et minutieuses-; elle présente de grandes facilités d'ob-
servation ; nulle part on ne peut mieux surveiller l'exécution des
mesures prescrites et contrôler les résultats obtenus, que parmi les
soldats, qui constituent le milieu le plus homogène par l'âge, par
l'habitation, par l'alimentation, par les occupations journalières et
aussi par l'orientation des idées.
De plus, le personnel observateur est tout trouvé. L'armée est
encore peut-être le seul groupe social qui ait depuis fort longtemps
à son exclusive disposition des hygiénistes professionnels, les méde-
cins militaires, dont la principale fonction et pour ainsi dire l'u-
CONFERENCE BENÈCH 13 9
nique souci sont,de ..conserver la bonne-santé dés troupes, dé dépister
les imminences morbides,, de...juguler: les épidémies menaçantes,: et
poui'?qui n'avoir.pas de malades est une joie, comme atissi un titre
àla considération et .aux récompenses; : : -.: - '.-:-....-
Vous n'attendez pas certainement de moi que. je. vous expose; ce
soir toute l'hygiène., 'militaire;. Cesserait tout à fait. ; irréalisable et
bien peu utile en soi. Seulementj au point de vue de l'hygiène, je
voudrais examiner .rapidement, avec vous les relations.qu'il:y a entré
l'armée et le reste de la nation, un peu comme un économiste
examinerait les rapports des divers groupes sociaux au point de vue
delà production delà richesse.
,-,
Chemin faisant, nous nous heurterons;, peut-être-aux problèmes
les plus élevés.; nous nous bornerons à. les énoncer sans; vouloir les
résoudre, ce:ne serait ici ni le.lieu ni le moment.. ^ ^: --Ï:
Comme d'elle-même se présentera tout, naturellement à; l'esprit

'
la réponse a l'une des questions les plusangoissantes: denotre temps :
Au:point de vue de la.santé publique, quels sont les risques pro-
fessionnels de la vie militaire? .;•
.
L'armée nous coûte des sommes énormes, prime d'assurance très
élevée pour garantir la sécurité de la nation et lui perniettre.de rem^
plir sa mission historique ; que peut-elle nous coûter en capital hu-
main ; quelle peut être son influence sur la valeur de:1a race ?
Cette question passionnante a fait l'objet 'de débats retentissants
.
dont vous n'avez pas perdu le souvenir. On a apporté des statistiques
diverses et diversement interprétées, on a discuté la.valeur des mé-
thodes et mèrrie des personnes. Ces controverses, si elles, n'ont pas
donné la solution dû problème, ont montré tout au moins une fois
de plus.combien l'armée tient au coeur, aux entrailles de la nation.
Ces questions vous apparaîtront aujourd'hui sous un angle un
peu particulier et un.peu nouveau ; nous serons amenés.à faire d'heu-
reuses; constatations, et les hommes de haute pensée et de grand
coeur qui mènent le bon combat pour l'hygiène sociale pourront, je
l'espère, rendre ce témoignage que les idées qu'ils ont, semeurs.in-
fatigables, jetées aux quatre coins de la nation, n'ont nulle part
mieux levé que surle terrain militaire.
14O CONGRÈS DE NANCY


J'aurais voulu traiter devant vous 'une. foule'de' questions bien
intéressantes. J'étais presque au regret, cet après-midi, de n'avoir pu
vous dire quelles relations j'aurais voulu voir s'établir entre lés mé-
decins d'armée et les bureaux de bieûfaisance,les sociétés de vété-
rans, les sociétésde la Croix-Rouge, mais je dois y renoncer.
--. Toutefois, je veux: vous: dire ce que nous faisons de vos contin-
gents. Tous; les; ans, ie recrutement nous envoie une catégorie
d'hommes; que j'appellerai, me "servant d'un de ces euphémismes
administrati.'s qui sont quelquefois de vraies trouvailles,- des hommes
à .aptitude réduite:.. .'. ::.,::
...
Ces hommes à aptitude réduite sont des. jeunes gens qui, pour la
plupart, présentent Une légère défectuosité dans la vue, dans l'ouïe,
quelque malformation légère de la;-colonne vertébrale ou quelque
défaut du même genre, puis, aussi, et. pour une grande part, 40 °|0
Environ^ des-hommes que l'on qualifie de chétifs, de malingres. Les
malingres sont.des'victimes de l'hérédité, souvent aussi des exigences
de; la-vie, sociale ; ils sont des étiolés de l'atelier 'ou des bureaux, des
victimes de la misère physiologique ou dé la misère morale.
:
En.un mot ces hommes, qui sont sur la zone limite de l'aptitude
au service, sont.pour des motifs, et à des degrés divers des hommes
à développement "disharmonique, des éléments sociaux à moindre
rendement ; s'ils ne succombent pas sans laisserd'enfants, ils peuvent
servir; à fixer les caractères défectueux et diminuer ainsi la. valeur
.moyenne.de la race^".'
Quelques esprits ; simplistes diront peut-être:: mais que fait-on de
ces malingres dans l'armée ? Il ne faut pas les y admettre ; s'ils y
entrent, il faut les éliminer bien vite, ils. alourdissent les autres, c'est
le phénomène de la paroi froide, si on ne veut pas les laisser en route
il faudra bien marcher à leur allure ralentie, et puis ce sont des pi-
liers" d'hôpital" ou d'infirmerie, ce sont eux qui viennent enfler nos
statistiques obituaires..— Faites développer cette idée par un chro-
niqueur de talent dans un journal à grand tirage, et vous voyez le
courant d'opinion contre lequel, il sera bien difficile de lutter. Et
cependant cette manière de voir est contraire aux intérêts de l'armée
et à l'intérêt social; vous admettrez bien, avec moi que voilà un
CONFÉRENCE BENEGH 14I
problème qui mérite-.d'être posé devant une réunion telle que-celle-
ci, dans un congrès d'hygiène sociale. "-.:-P-"""'•.; "' -•-"'::;',.

En effet, vouloir supprimer les malingres est une idée décevante ;


il y aura toujours des malingres parmi nous ; on est toujours lé-ma-
lingre de quelqu'un, comme on a toujours plus malingre que soii'.
Et quand on fait l'entrainement d'une collectivité/ d'un groupe rni-
litaire, on sent qu'ori est arrivé àla limité du possible lorsqu'on
trouvé un certain nombre d'individus qui ne peuvent pas suivre; ce
sont les malingres par comparaison ; nous n'avons aucun étalon,,
aucune mesure autre que là comparaison qui nous permette-de faire
Cette classification; -• •-..••
•-;'.-,'-" 'r/r{.
" Si nous-voulions éliminer tous lés hommes: à constitution; défî-*-
ciente dont nous venons de parler, ce seraient 5 oQoliommes- par
an qui n'entreraient pas d'ans l'armée, soit une centaine de mille
hommes à la mobilisation. Avec la loi de deux ans ce sera bien autre
chose. Je ne veux pas ici vous: aligner de fastidieux tableaux statis^
tiques, mais on peut estimer à 1 5 000 ou 20 000 lesliommes à consti-
tution déficiente qui entreront dans l'armée, pour y faire un service
réduitsans doute, mais y faire du service, ce qui représente 300000
ou,4OOO0O.hommes:à la mobilisation. ;
, .
Le contradicteurhypothétique que je faisais parler tout à l'heure
serait bien forcé de reconnaître que le malingre' c'est pour .nous' un
réactif médical sanitaire très précieux. Nous ne pourrons faire au-
cune erreur d'hygiène, nous ne pourrons faire aucun écart dans là
conduite de l'instruction sans en/voir la répercussion sur nôtre ma-
lingre, puisque, si nous lui demandons trop, il ne:pourra plus suivre,
lui qui est momentanément dans la zone frontière de l'aptitude; au
service. ''...--.'.:
Le problème se ramène donc à ceci : que deviennent les malingres
dans l'armée, sont-ils des piliers d'hôpital, .grossissent-ils les statis-
tiques obituaires ?
Non seulement l'armée n'achève pas A'aggraver la situation des
malingres, mais en réalité elle les remonte, elle les refait. Je pourrais
citer des cas individuels et personnels, citer des noms propres de-
vant vous, vous faire voir des jeunes gens qui, entrés malingres dans
142 CONGRES DE. NANCY
l'armée, venus là sur. mon conseil, en sont; sortis vigotireuxpmais-
cela ne serait pas suffisamment, démonstratif*, ; ':,- - ;
:
,:
Dans, l'armée nous faisons, dans beaucoup d'endroits, etpeutrêtre
"

souvent sans le; savoir, de, véritables cures'd'air,,et: je vais vous- lé


démontrer tpùt.de suite., ;..,,,; -. ;... ..".--...-:,.. •.'.-:•...--, ,L.-:;-;\;-' .'.
.
Nos forts dé l'Est, sont ôecupéspar ce quel'on ést;.convênu:.d'àp-
.
pelerles, quatrièmes .batàillons^Dans ces quatrièmes: bataillons il; y
a des hommes du recrutement normal, : mais il y a surtout une. pro-
portion .beaucoup plus considérable, qu'ailleurs de ce: qu'on .est
convenu, d'appeler. dés malingres; Les ..chefs de. corps. éliminent, le
plus qu'ils peuvent des bataillons de guerre qui sont appelés à tenir
là-campagne ceux qui leur; paraissent. un peu malingres. —. j'insiste..
surrcemot —;etles envoient,dans les bataillons, de forteresse. . ;.'-.
Circonstance: aggravante, ces quatrièmes bataillons.,sont .-logés la
plupart du. temps dans des casemates, où la minière fait malheureu-
sement-mais nécessairement: .défaut, mais où, il est vrai que l'humi-
dite est abondante, ce qui ne fait ;,pas compensation. Ceux qui
.
construisentdes habitations salubres à bon marché: pour les ouvriers
n'accepteraient certainement pas des logements de ce genre, mais
nous sommes, hélas ! bien obligés de les subir, du moins pour le
moment. • ';.,
Eh bien ! des; statistiques ont été élaborées avec le plus grand soin
depuis 1898, date de la création du 20e corps, et nous avons cons-
taté, chiffres en mains, que c'est dans ces bataillons de forteresse,
qui habitent des casemates et parmi lesquels les malingres sont beau-
coup plus nombreux qu'ailleurs, que l'on observe la moindre mor-
bidité et la moindre mortalité et que l'on trouve le moins de cas de
tuberculose.
Il ne faudrait pas en inférer que ces malingres sont plus résis-
tants et que les casemates sont un mode d'habitation recomman-
dable, mais on peut en conclure (aujourd'hui surtout que les ordi-
naires nous permettent de nourrir les hommes, au point de vue
hygiénique, parfaitement bien) que ces excellents résultats sont dus
surtout à ce que ces hommes sont placés là dans une véritable cure
d'air, qu'ils font un travail bien réglé, pas trop intensif, et surtout à
CONFÉRENCE BENECH 143
ce qu'ils sont dans un'milieu .peu .dense, au milieu des champs et
des bois, loin des dangers,des agglomérations urbaines. Nousipôur..
vons donc affirmer sans:exagération, aucune, et;en nous appuyant
sur les chiffres, que nous avons dans l'armée de véritables;curés
d'air où nous pouvons :refaire-:nos,;malingres,: et: toutcela peut se
faire immédiatement sans dépensé. --.' .::•'..:: ; ;''-.-..- ;-.. ,.-.v. >;.,' ... ;
.
Poussant plus loin l'analyse, je voudrais vous montrer: .xre que
peuvent à elles seules les méthodes. d?entraînérnent, même lors-
qu'elles sont employées dàns> un milieu;urbain, et cela nous;perv
mettra de mieux nous rendre.compté dé ce que nous avons, le droit
d'attendre de la combinaison de ces;.méthodes spéciales.d'entraîne-
ment avec la cure d'air .dont nous venons de.rparler.!;,;;;. .,:,;-.:; ;;- .--..'b
Les méthodes d'instruction et ..d'éducation: militaires: ont; reçu
en ces derniers temps une orientation toute nouvelle-. Il s'est fait
depuis quelques années une. évolution des : plus intéressantes et des.
plus fécondes qui a trouvé sa consécration dans l'apparition..à; peu
près simultanée de. règlements, sur les Manoeuvres d'infanterie,: sûr
l'Instruction du tir, sur l'Instruction de la gymnastique*
Les données de la biologie fournissent les idées directrices de l'édu-
cation militaire ; c'est ainsi que l'instruction du; 12 octobre .1902 sur
l'instruction de la gymnastique a recommandé de, prendre des pré^
cautions spéciales à l'égard des'hommes dont la' constitution présente'
des particularités saillantes, et c'est le médecin — vous voyez encore-
le rôle de la médecine d'armée—- c'est le médecin qui doit signaler
les particularités que présentent certaines constitutions et qui donne
toutes les indications utiles sur les précautions à observer dans la pra-
tique des exercices. .:,;.....,..
Immédiatement l'idée est venue de faire des pelotons de ma-
lingres. Je dois dire que ces mots sonnent mal et que nos soldats
n'acceptent pas volontiers une pareille expression. Mais j'espère
bien que d'ici peu nous trouverons un brave helléniste qui nous
indiquera tin mot plus sonore, mieux composé, comme hydro-
thérapie, électrothérapie, et qui, ne fût-ce que. par son aspect un
peu rébarbatif, satisfera tout le monde. Pourvu qu'il se termine en
quelque chose comme « thérapique » cela ira très bien et nous
144 CONGRÈS DE NANCY
.

appellerons, si vous le voulez bien, notre peloton malingre le peloton


thérapique. .'-d'ailleurs, il suffit :
,. ,-
qu'on en
Peu importe de, savoir les résultats
obtient.
.
Vous devinez.-l'importance que; la: question peut avoir pour nous ;
tous les ans, en effet, comme je vous le disais tout à l'heure, le re-
crutement nous envoie environ 5 poo hommes à aptitude réduite,
5 000 malingres. Si nous les
éliminions de l'armée,; ce serait pour
vingt classes, à la mobilisation; 100 000 hommes de moins à mettre
en ligné. C'est un chiffrequi n'est certes ;pas à dédaigner.
-
Mais avec la!nouvelle loi dedeux ans, qui incorpore les hommes
des services auxiliaires parmi lesquels il y a unliombre considérable
de malingres, ce n'est plus:sur 5 ooo hommes de cette catégorie que
nous: allons avoir.à compter,: mais sur 10.000 ou 15 000 bon an mal
an.. C'est à ces hommes-là qu'il s'agira de donner une instruction
à gradation spéciale. :""'..':
Prenons par exemple ce qui se fait à Rouen. C'est une grande
ville, un centre urbain par excellence, nous n'avons plus lé bénéfice
de là cure d'air et les bons résultats obtenus ne peuvent être attri-
bués qu'à l'alimentation et à la méthode d'entraînement.. A Rouen,
dis-je, un certain nombre de malingres ont dû être éliminés défini-
tivement, par réforme temporaire ou .autrement, quelques-uns ont
disparu, mais 40 °/0, s'il vous plaît, ont pu reprendre leur place dans
le rang et ces hommes, qui étaient des hommes à aptitude réduite,:
sont devenus des hommes à aptitude intégrale.
Ces constatations ont été faites à la suite d'observations très mi-
nutieuses. La durée du séjour dans le peloton a varié,'je n'en ai pas
ici le chiffre, mais vous avez apprécié les résultats obtenus.
Il vaut la peine de citer ici les noms des hommes qui ont obtenu
ces résultats..Te le fais avec une sentiment de fierté bien désinté-
ressée, puisque cela s'est passé hors du 20e corps et que je ne parle
pas des miens. Ce sont les médecins-majors Simon, Sabatier et'
Perrin. qui ont conduit cette instruction, grâce au bon vouloir, je
me hâte de le dire, de M., le colonel H.eymann qui commandait le
régiment; M. lé colonel Bo.elle,..'aujourd'hui chef d'état-majpr du
CONFÉRENCE BENECH 145
20e corps, prenait dans son régiment des mesurés analogues, et M. le
général Jourdy prescrivait, pour tous les régiments de sa division, la
création de ce peloton de malingres.
On a travaillé dans le même sens à Périgueux et aussi à Nancy,
dans certains régiments, avec cette circonstance que l'étude se pour-
suit à Nancy avec une rigueur et une précision scientifiques qui
feront de l'instruction de ces hommes une source dé renseignements
et comme une sorte d'expérience de laboratoire dont tout le monde
profitera.
Ces pelotons de malingres ne sont pas des pelotons à effectif fixe
et invariable où l'on entre comme dans un corps spécial et d'où l'on
ne sort qu'une fois le cycle d'instruction terminé- ; ils reçoivent en
tout temps une autre catégorie de jeunes gens : ce sont nos conva-
lescents qui n'ont pas de famille pouvant les recevoir ; ce sont aussi
les malingres accidentels, les affaiblis, ceux qui suivent difficilement
l'instruction, les surmenés. Ceux-là sont envoyés, dès qu'on s'aper-
çoit de leur état, au peloton*des malingres ; ils y restent le temps
nécessaire, puis sont renvoyés dans leurs compagnies.
Cette institution est d'autant plus importante qu'aujourd'hui il
existe fort heureusement un dossier sanitaire pour chaque homme ;
ce dossier, cette fiche est établie au moment de l'appel sous les
drapeaux, de telle façon que lorsque l'homme arrive au régiment, le
médecin est mis au courant de tous les antécédents personnels ou
de famille et de toutes les circonstances qu'on a bien voulu indiquer
au rédacteur de la fiche. Une fois au corps, toutes les circonstances
de là vie hygiénique et sanitaire de l'homme sont enregistrées. Il
devient dès lors beaucoup plus facile pour le médecin d'établir le
bilan de l'unité collective constituée par le corps. Lorsqu'on s'aper-
çoit que daiis une compagnie, dans un régiment, le nombre des ma-
lingres s'accroît, et que le peloton spécial s'enfle d'une façon trop
considérable, immédiatement on recherche la cause de cette modi-
fication. Est-elle dans l'alimentation, dans la conduite de l'instruc-
tion ? Nous nous trouvons alors dans lés mêmes conditions que si
nous traitions un individu. Quand la période dé fatigue arrive, on
le soigne, on lui donne un peu plus de repos. Notre unité collective
CONGRÈS DF. NANCY 10
146 CONGRÈS DE NANCY
dévient ainsi un véritable organisme, soumis aux règles de l'hygiène
et delà médecine, absolument comme l'homme isolé. :
Mais cette institution a un autre avantage. Lorsque ces hommes
qui; ont passé par le peloton des malingres reviennent faire.leurs
périodes dé vingt-huit et de treize jours, de nouveau ils sont soumis
à l'examen médical, de nouveau on constatera l'influence du" milieu
social- dont ils font partie, comme on avait constaté l'influence du
milieu militaire. L'armée deviendra pour ainsi dire! l'appareil en-
registreur de toutes les oscillations de la santé publique et de. l'hy-
giène de la nation. -
Je me souviens avoir entendu ici même, il y a quelques mois,
M. Jules Siegfried nous dire que les capitalistes qui voulaient bien
mettre leurs fonds dans les habitations à bon marohé faisaient là une
bonne affaire en faisant une bonne action. De même le médecin
d'armée fait une bonne affaire eii faisant une bonne action. Si nous
voulons en effet réfléchir à la proportion que je vous ai indiquée tout à
l'heure, nous trouvons par exemple, en restant beaucoup au-dessous
de la vérité, environ 6 000 malingres qui, chaque année, d'hommes
à aptitude réduite, deviendront des hommes à aptitude intégrale.
Si nous voulons maintenant, comme les économistes, voir ce que
ces 6 000 hommes améliorés ont d'influence sur la valeur du capital
humain de notre pays, en admettant même que nous ne majorions
la valeur de chacune de ces 6 000 unités que d'une fraction variant
entre le quart et la moitié de l'aptitude normale d'un homme, vous
vous apercevrez qu'en nous conservant 100 000 ou 150 000 fusils
que nous n'aurions pas sans cela, et qui nous seront bien utiles, nous
conservons à la nation un capital humain dont la valeur se chiffre par
unités de l'ordre des centaines de millions. C'est bien quelque chose.
Messieurs, je ne veux pas insister davantage ; nous pourrions aller
plus loin dans cétNordre d'idées. Mais vous me permettrez bien ce-
pendant de vous faire remarquer la valeur éducatrice de ces pelotons
thérapiques. Les soldats en faisant partie auront été initiés aux
règles et aux pratiques d'une bonne hygiène, ils s'en feront pour la
plupart les.propagateurs, tout en étant des exemples vivants de ce
que peut l'application méthodique de ces préceptes.
CONFERENCE BENECH 147
Ces vues n'ont rien de chimérique, elles sont immédiatement
réalisables, aussi quelques-uns-se demanderont^peut-être, pourquoi
des méthodes si précieuses ne sont pas appliquées partout et par tous.
Ceux qui comme vous, Messieurs,; consacrent le meilleur de leur
vie à organiser des institutions'de-prévoyance sociale n'en seront'ni
surpris ni indignés, ils savent par expérience qûeles progrès ne sont,
jamais instantanés, ils ne s'obtiennent qu'à F aide d'un effort continu
et patient. Le mouvement est commencé-, bien commencé ; pour
aujourd'hui c'est: bien et vous avez la certitude1 que demain ce sera
mieux. <'•>.'.
'.**'
Parmi les débiles, .on ne doit; pas seulement considérer les débi-
lités physiques, on doit encore considérer lés débilités morales ;
celles-ci, nous pouvons d'autant moins en éviter la' pénétration dans
l'armée que lès conseils de revision sont généralement incapables de
les découvrir, à moins quelles n'aient, déjà produit une tare physique
manifeste.
Ces tares morales sont-généralement contagieuses et nous n'avons
qu'à rappeler les lois de l'imitation de Tarde, et nous dire que,
toutes choses égales d'ailleurs, la puissance, de l'entraînement, est
d'autant plus grande que le milieu est plus dense.
. .
Or y a-t-il milieu plus dense que le milieu militaire ?
Ces questions d'hygiène morale ont depuis longtemps: préoccupé
les chefs de l'armée, qui ont cherché à protéger la santé physique et
la santé morale. Les règlements prescrivent aux médecins militaires
de faire des conférences sur l'hygiène, sur l'alcoolisme, sur le péril
vénérien. •
.
De plus on a cherché à donner au soldat quelque chose de la vie
de famille, à l'éloigner des tentations de ces assommoirs dont les
miroitements les attirent, où des Cireé de carrefour et des Vénus de
music-hall leur vendent, l'alcool sur le comptoir et l'avarie dans
l'arrièfe-boutique.
Quoique mon intention ait été de vous parler principalement du
soldat, il n'est pas possible de passer sous silence ce qui a trait .au
148 CONGRÈS DE NANCY
sous-officier, car c'est lui qui a l'action la plus immédiate sur le
soldat, dont l'exemple est le plus proche, le plus répété et par con-
séquent peut-être lé plus'puissant.
Dans presque tous nos régiments il existe des cercles de sous-
officiers ; là les sous-officiers sont chez eux; ils administrent eux-
mêmes, sous la tutelle toute morale, faite d'encouragement et de
bienveillance, du chef de corps. Le cercle est généralement pourvu
d'une salle de lecture avec une biblothèque plus Ou moins bien
dotée, une salle de billard l'aidant à passer les heures de loisir ou
les espaces de temps plus ou moins longs qui séparent les divers
services et qui ne valent pas la peine de s'éloigner du quartier. Dans
beaucoup de régiments un méss est annexé au cercle et les sous-
officiers ont leur salle à manger et leur cuisine.
Presque toujours ces cercles ont fondé une caisse de prévoyance
qui leur permet de servir une allocation journalière au sous-officier
à l'hôpital et qui ne reçoit pas de solde, et au sous-officier marié ma-
lade dans sa famille ; ils peuvent aussi en cas de décès d'un camarade
donner un peu plus de solennité aux cérémonies de deuil, venir en
aide aux besoins de la famille privée de son chef. Et l'on ne doit pas
s'étonner que par une circulaire toute récente, le ministre ait re-
commandé le développement de ces institutions, tout en respectant
les initiatives locales.'
Cette variété dans lès initiatives exercées par des groupes parfai-
tement comparables en rend l'étude particulièrement instructive en
fournissant un moyen de dissociation des divers facteurs.
Dans cet ordre d'idées on pourrait se demander comment varie la
consommation d'alcool, quels sont les meilleurs moyens de lutter
contre l'alcoolisme dans ce milieu spécial.
Je me suis adressé, pour avoir ce renseignement, aux chefs de
corps et aux sous-officiers eux-mêmes, qui administrent leurs cercles.
Je dois dire que j'ai été admirablement compris. Tout le monde,
avec une cordialité très grande, sentant bien ce qu'il y avait de
sympathique dans mes investigations, m'a ouvert tous les registres,
m'a fait voir tous les dessous. Voici maintenant à quelles constata-
tions je suis arrivé.
CONFÉRENCE BENECH I49
j'ai trouvé un régiment—c'est celui qui a la moindre consom-
mation— où l'on, consomme un peu moins de-a centilitre de bois-
sons' alcooliques par jour et par tête de sous-officier,. Cela fait environ
un petit verre tous les cinq jours-
Mais ceci est un peu une exception et je dois à la vérité dé dire
que très généralement la consommation d'alcool oscille entré 2 et
4 centilitres selon lés corps de troupe, sans jamais dépasser ce
dernier chiffre. Il en résulte que la consommation..-.varie entre un
demi-petit verre et un verre — maximum — par tête et par jour.
.
Cela n'a rien de bien excessif. Je sais bien que MM. lés membres
de'la Ligue antialcoolique diront que c'est encore beaucoup trop,
mais il faut savoir, dès le début au moins, se contenter des.résultats
obtenus.
. .
Mais ceci n'est qu'une constatation d'ordre statique, il sera plus
intéressant d'en faire une d'ordre dynamique. La consommation d'al-
cool est-elle en augmentation ou en décroissance ? La question
devient plus grave.
Dans beaucoup de régiments, et notamment dans celui où la
consommation est de 1 centilitre par jour^ là consommation est
statiqnnaire. Dans d'autres, la consommation est.en apparence en
croissance, mais sans jamais dépasser le taux que je viens de vous
indiquer. Et voyez combien, ainsi que je vous le disais tout à l'heure,
tous ces phénomènes sociaux sont difficiles à analyser. Il ne faudrait-
pas conclure de ce résultat apparent, au moins dans quelques cas,,
qu'il y a eu un accroissement absolu de la consommation d'alcool
par tête. A l'origine, s'il y a eu un accroissement, cela tenait à ce
que nos sous-officiers, au moment de la création du cercle, fréquen-
taient en ville, allaient très peu au cercle, de telle façon qu'en
réalité, dans quelques cas particuliers., l'accroissement de la consom-
mation d'alcool, au point de vue absolu, correspondait à une amé-
lioration du régime.
Je dois cependant dire que cette explication n'est pas générale et
qu'il semble bien, que, dans quelques cas, il y ait un accroissement
de la consommation d'alcool, depuis quelques années, sans qu'il soit
d'ailleurs très considérable.
150 CONGRÈS DE NANCY
Mais je suis convaincu que l'année prochaine, ou les années sui-
vantes, il'y aura une diminution et voici ce qui me le fait croire :
c'est qu'il'y a des régiments où l'on avait constaté, précisément à la
suite de mes recherches, une tendance à l'accroissement.. Alors le
médecin a repris ses conférences sur l'alcoolisme, il en a fait spécia-
lement pour les sous-officiers, il a été quelque peu énergique, en
montrant le danger et en faisant appel aux sentiments élevés de son
auditoire. Aussi la consommation de l'aeool a baissé immédiatement;
les sous-officiers, qui administrent leur cercle, ont sponte .sua sup-
primé l'absinthe, ils ont majoré le prix des boissons alcooliques,
diminué celui des boissons dites hygiéniques, nous donnant là un
exemple de cette contrainte morale sans laquelle on ne fait rien dans
les questions de cet ordre, contrainte morale d'autant plus efficace
qu'elle était plus librement consentie, et qui n'est pas autre chose,
dans notre pays de suffrage universel, que l'obéissance à la loi, puis-
qu'en somme c'est nous qui faisons cette loi.. Dans ce cas particulier
l'action directrice est d'autant plus facile et d'autant plus efficace
que le législateur ayant la direction sociale, c'est-à-dire le chef de
corps, est plus près dû groupe dont il a la charge morale et peut
mieux adapter les moyens au but et au milieu, rassembler ou rendre
à la main selon le cas.
On deviné ce. que semblable étude de sociologieappliquée devient
attachante pour le médecin militaire, combien il doit se tenir au
-
courant de ces questions d'hygiène sociale, de manière à renouveler
l'intérêt de ses conférences, à seconder le commandement pour en-
tretenir la bonne orientation des esprits, les amener à comprendre,
à vouloir et à pratiquer cette contrainte morale librement consentie,
qui est la sauvegarde de la dignité humaine en même temps que le
meilleur instrument de progrès moral.

FOYERS DU SOLDAT. CERCLES DE SOLDATS



On n'a pas songé, Messieurs, aux seuls sous-officiers. Les médecins
militaires ont aussi, de par les règlements, à faire des conférences
aux hommes de troupe ; ils interviennent par l'action individuelle,
CONFÉRENCE BENECH I5I
les conseils donnés aux recrues.'Pour les soldats aussi, dans un but
de préservation morale et de conservation delà santé, on a Créé des
centres dé réunion portant les noms les plus divers : foyers du
soldat, cercles; réunions. Une circulaire de 1902 encouragé ces
organisations qui- se : développent selon les ressources dû caserne-
ment, le zèle de chacun, l'originalité d'esprit des promoteurs ; elles
varient d'un corps à l'autre, car ici encore laliberté la plus grande à
été laissée aux "créateurs de ces oeuvres.. • ''- -
Cependant il y a cette différence avec les cercles; de sous-officiers,
qu'aux fc^ers dû soldat on ne Consomme pas d'alcool. On tient les
hommes d'un peu plus près, ' on ne leur: offre que des boissons hy-
giéniques et cela se comprend : nos soldats sont- en définitive de
grands enfants, il semble qu'en "raison dé leur agglomération, de
leur densité, ils se rapprochent beaucoup de l'adolescent. Leurs ma-
ladies elles-mêmes sont des maladies d'enfants et, au point de vue psy-
chologique et pédagogique, il faut leur appliquer lés procédés qu'on
applique à l'adolescence plutôt que ceux que l'on réservé aux adultes.
Une au moins de ces réunions — je pourrais donner le numéro
du régiment — est un véritable cercle alimenté parles cotisations
de ses membres, quelques sous par mois, et aussi par l'apport- géné-
reux de membres honoraires ou de-donateurs occasionnels. C'est la
contribution directe qui alimente l'institution. Les hommes du ré-
giment peuvent se réunir dans une vaste salle chauffée, bien éclairée,
où ils trouvent des livres et des jeux, y peuvent faire leur corres-
pondance, y donner des soirées musicales, littéraires ou artistiques.
Mais toute espèce de consommation, quelle qu'elle soit, est inter-
dite.-
Dans d'autres réunions la caisse est alimentée par les bénéfices
réalisés sur la vente de boissons hygiéniques, thé, café, bière, sirops
et même parfois lait et chocolat.-. .-.-..-.
Dans d'autres régiments, parfois en raison de l'insuffisance des
locaux, disponibles ou de la diversité des initiatives, l'organisation a
lieu par compagnies.-
-
Généralement, toutes les fois qu'on le peut, on réserve"un-local,
salle de lecture, où l'on observe le silence ; à côté de l'endroit où il
Î52 CONGRÈS DE NANCY

peut sans contrainte se distraire au milieu de ses camarades, le soldat


trouve le local où il peut serecueillir. C'est une chose très précieuse
que cette salle de recueillement où l'on pratique le silence. Aujour-
d'hui :tout le monde passe sous les drapeaux, il faut que chacun
puisse trouver de quoi satisfaire ces besoins légitimes- de bien être,
intellectuel et moral. Chez lé soldat comme chez tout le mondé il y
a la bête et l'autre, l'nutre.quichez Xavier.de Maistre s'en va tout
naturellement chez Mme de Hautcastel,l'autre .qui chez le sol-
datsva vers la mère, la soeur ou la fiancée à laquelle il songe dans
le recueillement. Il y a là un sentiment très moralisateur et très
respectable et l'on ne manque pas d'y donner satisfaction toutes les
fois qu'on le peut.
Presque toujours — je ne dois pas oublier que nous avons à côté
de nous un congrès mutualiste :—7 presque toujours, aussi bien que
dans les cercles de sous-officiers,, il existe dans les cercles de soldats
une petite caisse de mutualité et de prévoyance.
Dans les cercles de soldats on vient en aide aux plus malheureux,
par exemple au moment des permissions de Pâques ou du jour de
l'an, quand la famille habite très loin, l'argent fait défaut dans la
bourse de celui qui voudrait aller voir les siens ; la caisse de pré-
voyance, après enquête, donne le viatique nécessaire pour le voyage.
Je pourrais vous citer tel bataillon de chasseurs où, dans une
pièce bien meublée, on m'a présenté un chasseur qui m'a dit :
« C'est moi qui suis chargé, Monsieur le Médecin-inspecteur, du
service des livrets de caisse d'épargne et des livrets sur la caisse na-
tionale des retraites pour la vieillesse. Ces livrets nous les payons
avec les bénéfices que nous faisons dans notre petit cercle. » Et il y
en avait déjà, ma foi, une collection très respectable.
Vous voyez combien la moralisation est un sujet de préoccupa-
tion pour tous dans l'armée. Les débuts sont difficiles, très difficiles,
je ne dois pas le dissimuler, et l'on se donne beaucoup de peine pour
mettre sur pied ces organisations où le soldat subit une imprégna-
tion morale qui l'éloigné à la fois de l'alcoolisme et des tentations
du dehors. Aussi sommes-nous très reconnaissants à des sociétés
comme les sociétés de secours aux blessés, comme, la Ligue de l'en-
CONFERENCE BENECH ^53
seignement, comme la Société des conférences populaires,, comme
la Société des jeux du soldat, lorsqu'elles nous' envoient pour nos
soldats des jeux, des livres et toutes sortes de choses utiles et: inté-
ressantes.: :
Je sais bien ce qu'on va dire tout de suite : «Maispourquoi diable^
puisque ces institutions sont si utiles, si précieuses, ne les dote-t-on
pas mieux! La France est assez riche.-.-.-. .- » vous connaissez le reste
delà phrase.
Evidemment nous aurions un peu plus d'argent que nousnenoûs
.

en plaindrions pas, mais si quelque .milliardaire venait par exemple


nous: dire : « Je veux vous débarrasser de tout souci,; je vous ; donne
tout ce qui est nécessaire », eh bien ! franchement,;la main sur la
conscience, je vous demanderais si nous ne devrions: pas refuser les
présents d'Artaxerxès.
C'est qu'en effet ces institutions ne valent que par le côté moral,
et nous ne nous attachons aux choses: que suivant la proportion de.
ce que nous, y mettons de nous-mêmes.
C'est dans: un appel à la solidarité de toutes les oeuvres sociales
que nous trouverons notre force. Prenons exemple sur l'accord que
vient de consacrer le législateur en modifiant, en améliorant encore
cette admirable loi Siegfried sur les; logements à bon inarchi; l'on
peut faire appel maintenant, à l'assistance publique, à la caisse des
dépôts et consignations, aux caisses d'épargne, aux bureaux de bien-
faisance ; c'est en un mot la mise en un faisceau commun de tous
les moyens sociaux. C'est la même chose que nous voudrions de-
mander pour l'armée.

Quand il arrive de ces confins de la sociologie générale, l'hygié-


niste militaire arrive à la limite de son action spéciale qui vient se
confondre avec celle des autres officiers dans une a ;tion sociale com-
mune, mais le médecin militaire restera toujours un des coopéra-
teurs prépondérants en apportant dans l'oeuvre commune ses habi-
tudes et ses méthodes d'observation.
Ainsi, par exemple, certains n'admettent pas qu'on puis;e distri-
buer des boissons dans des cercles de soldats ; ils rejettent comme
IJ4 CONGRÈS DE NANCY
impurs les bénéfices qui viennent de la boisson ; ils trouvent d'autre
part qu'on peut créer des habitudes dangereuses en soi, faire naître
des abus. D'autres au contraire trouvent que Cette contribution in-
directe toute volontaire est un moyen de répartir sans contrainte
les. ressources de chacun pour Tamélioration d'une institution
commune., .; ,-.-. ;- '.'.- '': ;:..',:
Voyez comme tous les problèmes sociaux se heurtent et se con-
fondent. Je vous ai montré tout à l'heure deux cercles de soldats :
l'un où l'on ne consomme pas: et. où les frais sont couverts par une
contribution directe, personnelle, volontaire ; l'autre oùl'on admet
les boissons hygiéniques et où les frais, sont couverts par une contri-
bution indirecte, par le bénéfice fait sur la vente; de ces boissons.
Et le problème s'est posé : lequel-des promoteurs de ces deux insti-
tutions a raison, qu'est-ce qui vaut le mieux ?
On se trouve ici, Messieurs, en face d'un problème de psychologie
collective beaucoup plus général, ou si vous aimez mieux d'un.pro-
blème de sociologie pure : celui du ritualisme. Au point de vue
individuel le manger et le boire sont des actes indispensables à la
conservation de l'individu; au point de vue social, manger et boire
est un rite, rite religieux, ou plutôt un rite social. ...Y

Aussi loin qu'on puisse rémonter dans l'histoire, la nourriture


quotidienne a été le grand souci del'humanité,et, malgré nos efforts,
ce souci n'a pas, hélas ! disparu des sociétés inodernes ; qu'on songe
seulement à l'expression proverbiale « long comme un jour sans
pain ». Au temps où l'hoinme travaillait à peu près uniquement
pour sa subsistance, les provisions de bouche étaient ce qu'il avait
de plus précieux. Le plus grand sacrifice qu'il pût faire aux divinités
dpnt il redoutait la colère, c'était de leur offrir des aliments; on en
offrait à l'hôte qu'on voulait honorer. On a connu les banquets des
Lacédémoniens, les agapes fraternelles des premiers chrétiens et les
symboles qui les ont suivies. Dans le paradis d'Odin, les Valkyries
versaient la bière dans des cornes d'or aux guerriers morts dans les
combats. Nous avons connu la campagne des banquets en 1848. Il
n'y a pas d'acte important de la vie, baptême ou mariage, qui ne
comporte des repas en commun; notre congrès finira par un banquet.
CONFÉRENCE BENËCH - 1-55 "

Il y a donc là véritablement un.rite, mais le rite n'est par lui-


même ni moral, ni immoral, il ne vaut que'par les idées qui s'y
rattachent, que'partie sentiment qu'ilfdôit célébrer et exalter. Le
rite peut aussi bien servir à l'avilissement de l'individu qu'à son
élévation. Ah, si nous en avions le temps, quelle intéressante étude
que celle des repas de corps dans- l'armée, ce serait une bien utile
contribution à l'étude de cette culture morale dont vous parlera
mon excellent' aiiii lé professeur; J^rnhêmiî. ''; *"""
J'aurais voulu aussi vous montrer que, en prenant le rôle d'édu-
cateurs; nous sommes bien dans les traditions'dé notre race, j'aurais
voulu vous montrer comment ce rôle d'éducateur est compris et mis
en oeuvre dans les armées de Davoût, dans la division Eriant à
l'armée. d'Allemagne, mais tout cela nous;conduirait trop loin.: •';
Qu'il nous suffise de rester bien.pénétrés de cette idée; que pour
bien manier les puissants moyens d'éducation, de thérapeutique
morale, on ne doit jamais perdre deNvue le lointain idéal vers lequel
on doit tendre sans oser y prétendre. :
Nos chefs: militaires, sur le champ de bataille, ont toujours soin
de nous donner un point; dé direction bien distinct, assez êlevé-pour
être vu de tous, assez lointain pour que les diverses unités né se
heurtent ni s'enchevêtrent. Il en est de même de ceux qui dirigent
l'Alliance d'hygiène sociale. Aussij pour revenir, à ce que je di-
sais en commençant, j'irai vers ces hommes de haute intelligence et
de grand coeur qui dirigent l'Alliance d'hygiène sociale, les Casiniir-
Perier, les Siegfried, les Cliej^sson, à né citer, comme aurait dit
Victor Hugo, que les cimes parmi l'es-cimes et les sommets parmi
les sommets. Je leur dirai : dans ce bon combat que vous menez
pour l'hygiène sociale contre toutes les causes d'affaiblissement de
là race, pour la grandeur de la France et de l'humanité, nous, les
médecins d'armée, nous sommes à notre rang, tout à la manoeuvre,
et nous sommes bien dans la direction.
,156 CONGRÈS DE NANCY

Conférence de M. BARBEY
Secrétaire général de la fédération antialcoolique

La pétition contre l'absinthe

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Le remerciement si cordial et si éloquent que M. le président
Casimir-Perier vient d'adresser à M. le médecin-inspecteur Bénech
ne m'empêchera pas, si vous le permettez, d'y joindre l'expression
de ma gratitude personnelle.
Je ne suis, à l'autre bout de la hiérarchie militaire, qu'un modeste
soûs-officier. J'ai fait l'expérience de ces cercles qu'il mentionnait
-tout à l'heure et je dois rendre hommage à l'idée qui les a inspirés
et reconnaître les services qu'ils rendent chaque jour;
Cependant, je me permettrai de faire à M. le médecin-inspecteur
Bénech une très courte et très respectueuse objection, qui a trait à
l'indulgence avec laquelle il autorise les sous-officiers à foire usage,
si rarement que ce soit, d'alcool et même d'absinthe dans leurs
cercles..
J'ai constaté, dans les cercles de sous-officiers dont j'ai fait partie,
que l'alcool y était toléré. Sans doute, on en consommait peu:
j'appartiens par le recrutement à une des régions de la France les
plus sobres, au Sud-Ouest. J'ai fait mes périodes de réserviste au
i8-e de ligne, à Pau. C'est une des garnisons, une des régions, qui
jusqu'ici ont été épargnées, dans une certaine mesure, par la conta-
gion alcoolique. On n'y connaît pas le fléau terrible que constitue
le privilège du bouilleur de cru, c'est-à-dire l'alcoolisme à domicile,
l'alcoolisme familial, installé comme au foyer même de chaque fa-
mille. Les hommes arrivent au régiment sans habitudes alcooliques,
et s'ils commettent, comme partout, je crois, certains excès sous le
CONFÉRENCE BARBEY 157
rapport de l'ivrognerie, s'ils se grisent de temps en temps, ils s'al-
coolisent cependant d'une façon moins régulière, moins chronique
qu'ailleurs.
.
Là comme partout, les deux circulaires de MM. les généraux
de Galliffet et André ont fait le plus grand bien : elles ont proscrit
des cantines, officiellement du moins, la consommation de l'alcool
et des apéritifs, et elles ont réduit notablement la consommation de
ces poisons dans les cercles de sôus-officiers.
Pendant que je faisais mes deux dernières périodes de vingt-huit
jours, lé colonel du 18e de ligne^ sachant que je m'étais occupé de
cette question, me fit l'honneur de me demander des conférences
pour les sous-officiers, et je fis à mes camarades deux conférences
sur l'influence de l'alcool au double point de vue médical — c'était
un peu de prétention de ma part — et social.
Je me fis ensuite communiquer la statistique de la consommation
de l'alcool dans le cercle de sous-officiers du régiment, et je cons-
tatai avec joie que mes conférences avaient eu un résultat effectif,
car la période qui avait suivi ces conférences avait présenté une di-
minution très notable dans la consommation quotidienne de l'alcool
au régiment.
Mais je dus observer également que ce fait n'était que temporaire,,
et que si la consommation avait baissé pendant quelques jours —
mettons, si vous voulez, jusqu'à Ta fin de ma période, car on.
savait combien on m'affligeait en buvant de l'alcool, et mes cama-
rades étaient d'excellents camarades — cependant les statistiques qui
me furent envoyées après coup ne me laissèrent pas la moindre
illusion sur le bénéfice que ma vanité pouvait tirer de l'effet produit
par mes conférences.
Non ! Mesdames et Messieurs, il ne faut pas, ou du moins il ne
faut compter qu'en théorie sur la volonté humaine pour opérer'sa
propre réforme, et il faut l'aider, cette volonté si débile et si incer-
taine, si peu conséquente avec elle-même, — il faut venir à son
aide partout où cela est possible.
Il me semble surtout qu'il y a une certaine inconséquence à in-
terdire l'alcool aux hommes et à permettre ce même alcool aux.
1-5-8- CONGRÈS DE NANCY
sous-officiers et ainsi à laisser croire à fo troupe qu'il y a deux hy-
giènes, l'une pour elle, l'autre pour les gradés; oserai-je dire une
troisième pour les officiers ?
Je crois qu'il y a intérêt à prohiber, radicalement.tout alcool des
casernes, et à imposer à tous la même règle. Les sous-officiers sont
aussi de grands enfants '— c'est un vieux;réserviste; qui parle—--ils
ont besoin d'être protégés contre eux-mêmes — et Ton .rendrait
sans doute un signalé service• à. l'armée en étendant aux gradés dé
toute catégorie, ces incomparables: circulaires, Galliffet et André, et
en proscrivant pour, les militaires, de toute catégorie,.et dé tout,
grade, comme contraire à la discipline et a l'hygiène, toute consom-
mation quelconque d'alcools, d'absinthes et d'apéritifs.
Et je vous apporte ici non seulement mon témoignage, mais
encore celui de certains de mes camarades, à qui je faisais de justes
reproches, lorsque, retournant dans mon ancienne garnison, je les
retrouvais, buvant de l'alcool- dans les cafés de la ville; Et je_leur
demandais s'ils en faisaient autant au quartier. Et comme je m'indi-
-
gnais de leur aveu, leur faisant observer qu'ils se rendaient ainsi
doublement coupables envers eux-mêmes et envers le pays, ils
m'approuvaient d'un signe de tête, en disant : « Oui, c'est vrai, cet
alcool nous empoisonne, mais on devrait nous l'interdire. »
L'homme est faible; il a besoin d'être fortifié contre lui-même
par une autorité plus haute. L'homme est exposé à toutes les conta-
gions physiques et morales. Il veut être protégé, il demande à ses
chefs cette protection. Nous lui devons de ne pas laisser circuler le
poison: Nous ne pouvons pas tolérer que ceux qui sont faibles -se
trouvent invités à suivre l'exemple de ceux qui sont cyniques.
Messieurs, le mal n'est pas limité aux Basses-Pyrénées. Cernai
est général, ce mal s'étend à toutes les classes de notre société, et à
toutes les parties du recrutement français. Avant de servir comme
sous-officier dans leMidi, j'avais servi comme soldat dans le Nord,
au 74e de ligne, et j'avais assisté là — c'était, il est vrai, à une
époque où l'hygiène de l'armée existait à peine — à des scènes qui
m'ont laissé un souvenir inexprimable.
Le recrutement était normand et breton. Je ne puis songer sans
CONFÉRENCE BARBEY 159
frémir aux ravages; que l'ivrognerie exerçait sur ce' recrutement 1
Presque tous ces hommes étaient déjà alcooliques en arrivant à la
caserne! Ils en avaientle physique,l'empreinte,les stigmates,,l'hé-
rédité ! Ils avaient contracté dès le biberon l'habitude: de boire de
l'alcool,, tous les jours/, continuellement, et quand on voulait-se
paj^er une; bonne ripaille-dans la chambrée, on ne. consommait pas
quelques inoffensifs verres de.vin; c'était! là « goutte. »;, qu'om allait
acheter ^au dehors,. au: litre, et qu'on buvait par « quarts » entiers;,
qui délabrait les constitutions; les plus robustes;;Gomment s'étonner
dès lors, des scènes d'ivresse qui salissaient là chambrée, des actes
d'indiscipline qui parfois la désolaient ?, Ce, qui. était pouf moi.
incompréhensible, c'était que tous ces désordres: alcooliques fussent
si peu et si înah'réprimés.
Il me semble pourtant que l'ivresse devrait être, de tous; les délits
d'un soldat, considéré comme le plus grave! ; Si j'avais l'honneur
d'être officier,, il n'est pas de manquement pour lequel je serais plus
sévère.'Un soldat qui s'enivre, qui s'abrutit, qui dégrade son uni-
forme, qui se ramène au rang de la brute, n'est plus un soldat ; il
n'est plus capable de tenir son fusil. L'arme perfectionnée que vous
lui confiez, tremble dans sa main ; son oeil ne peut plus viser juste,,
et pourquoi lui donne-t-on une arme, si ce n'est pour savoir s'en
servir, au jour du danger ? ;
.,
Aussi, Messieurs, n'y a-t-il pas de lutte plus ..nécessaire dans,
l'armée, et par l'armée, que cette lutte contre- l'alcoolisme. Dans
aucun milieu, cet effort ne peut être accompli de façon plus efficace.
Et si je risque ici cette affirmation,, c'est que, au siège social de
la Ligue nationale contre l'alcoolisme, dont j'ail'honneur d'être le
secrétaire général, notre correspondance quotidienne avec des offi-
ciers de toutes amies nous en a fait une certitude. Dans le courant
de l'année dernière, nous avons envoyé à des officiers cinq à six
cents colis postaux, des stocks de brochures, d'affiches, de livres, de:
vues, destinés à cet enseignement pratique antialcoolique que nous
voudrions voir se généraliser dans nos corps de troupe. Ces colis
n'étaient pas envoyés par nous spontanément ; ils avaient été solli-
cités, et n'étaient adressés à leurs destinataires qu'après un échange
l6o CONGRÈS DE NANCY
de correspondances. De toutes parts, des officiers nous ont ainsi
spontanément demandé les armes que nous étions prêts à leur
donner, car c'est notre raison d'être de fournir à tous les volontaires
les munitions dont ils veulent user dans ce bon combat.
Nous avons ainsi la joie profonde de voir'se lever un peu partout,
sur le sol de notre patrie, une génération d'hommes nouveaux,
jeunes et forts. Il en est temps, parce que l'histoire est implacable
aux peuples qui se découragent, et parce que nous ne voulons pas
laisser fondre sur nous, une fois de plus, les sévérités delà fortune.
N'oublions pas que la force est parfois la mesure du droit et que le
monde est gouverné par ceux qui sont forts, parce que ceux qui sont
forts, ce sont les sobres et les purs.
Voulez-vous, Messieurs, me permettre de vous citer à ce propos
une expérience toute récente ?
Il y a quelques semaines, traversant votre ville, je me rendis à
Metz. Oh ! sans doute, pour vous qui demeurez près de cette ville
et qui la visitez souvent, ce voyage ne comporte pas la même tris-
tesse poignante que pour un homme qui, d'ordinaire éloigné de la
frontière, fait ce v03rage, ce pèlerinage, pourrais-je dire, pour la
première fois...
Lorsqu'un Français arrive dans cette ville autrefois française, dont
les abords, dont la gare même porte l'empreinte de la domination
étrangère, lorsqu'il pénètre dans ces rues, sur ces promenades, sur
ces boulevards neufs tout resplendissants d'un luxe récent, il cherche
à reconnaître des yeux, parmi les passants, ses malheureux frères
arrachés à la mère patrie... Mais la population française semble
absente... Il tend l'oreille pour entendre la douce langue nationale,
plus douce encore pour être parlée avec cette intonation spéciale
de l'accent lorrain, mais ce sont les articulations gutturales qui
viennent seules meurtrir son oreille ! Où donc sont les Français ?
Se cachent-ils ? Se taisent-ils ? Messieurs, à Metz, les Français
parlent toujours bas. Habitués à l'oppression, nos compatriotes
surveillent leurs paroles, et leurs petits enfants, dans les rues et sur
les placés, jouent et parlent bas, tandis qu'à côté d'eux les petits
vainqueurs ne craignent pas de parler haut et de jouer fort...
CONFÉRENCE BARBEY î6l
En promenant ma tristesse dans cette ville, je voulus faire, moi
aussi, une pieuse enquête, mesurer les progrès du vainqueur, me
demandant si la race asservie résistait à l'effort d'absorption du
conquérant et maintenait intact son contingent de vitalité, d'énergie
et d'espérances. Et, naturellement, j'entrai dans les cafés français de
la ville, pour prendre contact avec quelques compatriotes consom-
mateurs. J'y fus conduit par un guide fort aimable, un vrai Français,
fidèle à la patrie et qui, quoique né à Metz, s'est fabriqué un faux état
civil, pour échapper à la proscription qui frappe les Lorrains et pour
pouvoir continuer sur place le commerce et la tradition de ses parents.
Après avoir fait notre tour de ville, aussi mélancoliques que vous
le pouvez penser, après avoir descendu les degrés de cet escalier' par
où Bazaine passa, il y a trente-six ans, pour aller signer la capitula-
tion, après avoir jeté un regard douloureux à la statue de Ney qui
tourne le dos à celle de Guillaume Ier, après avoir traversé la place
d'Armes et salué la vieille- cathédrale qu'ils ont restaurée et où
l'empereur allemand, sous l'effigie du prophète Daniel, domine le
porche tout neuf, mon guidé me proposa de faire une halte pour
prendre... l'apéritif !
Nous nous arrêtâmes à une terrasse de brasserie, et il commanda
une veilleuse. Je ne savais pas ce qu'était cette consommation. Vous
le savez sans doute, et je vous ferais sourire en vous l'expliquant.
C'est une absinthe, mais qui diffère de celle que nous buvons par la
contenance beaucoup plus vaste du verre. On lui servit donc cette
veilleuse, et je regardai avec une certaine surprise cet apéritif d'un
nouveau genre.
Je ne pus m'empêcher de manifester quelque étonnement à mon
compagnon : « Comment, lui dis-je, vous buvez une absinthe. Vous
venez de pleurer avec moi sur les hontes et les douleurs de la défaite,
vous venez de vous irriter avec moi sur le triomphe superbe dès
vainqueurs ; vous avez constaté avec moi qu'il n'y a plus ici que
25 000 Français à côté de 30000 Allemands immigrés. Vous vous
lamentez de penser que la patrie est absente, que peut-être le jour de
la revanche ne se lèvera jamais ; vous êtes un des seuls ici à repré-
senter l'ancienne France, l'ancienne tradition, à là perpétuervivante
CONGRÈS 1)K NANCV 11
IÔ2 CONGRÈS DE -NANCY;

au milieu de tous ces nouveaux venus, et vous buve\ de l'absinthe!


Et vous ne comprenez pas que ce verre d'absinthe, que vous buvez
là, est une petite blessure que vous faites à votre pays dans votre
personne, qu'il est une satisfaction que vous donnez à tous ces
Allemands qui -vous observent et qui constatent avec joie ce qu'ils
appellent votre « vice français ». Vous ne comprenez pas que cette
absinthe proscrite en Suisse, proscrite en Belgique, inconnue ailleurs,-
est une de nos hontes nationales ? Donnez à vos compatriotes, quand
vous êtes à Paris, le spectacle de votre alcoolisme, niais ici, faites
respecter votre patrie, et ne collaborez pas avec ces Prussiens à
détruire la France en vous détruisant vous-même... »
Savez-vous ce-qu'il me répondit, ce Français, qui avait été en
cachette faire en France ses périodes de réserviste ? « Que voùlez-
yousi c'est une habitude que j'ai prise là-bas, pendant mes vingt-huit
jours !.-.'. »
. .
Ce sont là, Messieurs, des choses qui ne doivent plus se faire.
Et, puisque j'ai le grand honneur de parler ici devant des officiers
de tout grade, je les supplie, au nom de la Ligue nationale contre
l'alcoolisme, qui mesure, par son travail de chaque heure,les ravages
dé ce fléau, je les supplie, au nom de la patrie, au nom de la jeunesse,
au nom de la tradition française, au nom du besoin de vivre et de
croire, je les supplie de sauver'la France de l'alcoolisme et d'inter-
dire l'alcool même aux sous-officiers, même aux officiers !
Qu'on ne me réponde pas. que les règlements militaires laissent
les chefs désarmés. Un chef peut sévir quand il le veut. Je connais
l'histoire d'un officier qui, ayant fait une conférence antialcoolique à
ses hommes, aperçut, quelques jours après, un sergènt-major de sa
compagnie, attablé en ville devant une absinthe. Il lui infligea
« quatre jours de chambre », et, comme le sous-officier avait ré-
clamé, cet officier alla trouver Son colonel et lui dit : « Je considère
que ce gradé a commis une faute contre la discipline en buvant
publiquement une absinthe deux jours après ma conférence ; il a.
manqué de respect à un supérieur, et c'est pour cela que je l'ai
frappé et que je maintiens la punition. » Cette punition, Messieurs,-
le colonel la doubla.
CONFÉRENCE BARBEY 163

Mesdames, Messieurs,
La communication, très courte d'ailleurs,-que j'aurai l'honneur
de vous adresser ce soir,: se rapporte justement àl'o'rganisatibri: de
notre pétitionneraen t national' contre l'absinthe. Certes, c'estlà'une
matière bien restreinte, et qui peut paraître d'un intérêt quelque
peu limité ou épisodique. Mais si je suis obligé de me réduire aux
dimensions étroites de ce sujet de la lutte contre •l'absinthe, dans la
forme qu'elle prend actuellement,.je vous prie;de vouloir bien élargir
aux limites mêmes du mal que nous avons à combattre toutes les
considérations que j'ai à vous présenter à ce propos. ; v
L'alcoolisme que nous combattons, en effets Messieurs, ce n'est
pas l'alcoolisme du vin, ni celui des boissons hygiéniques; ce n'est
pas l'alcoolisme de la consommation modérée et familiale des bois^
sons hygiéniques ; ce n'est pas la cuve,inoffensive où fermente le
jus de la treille familiale ; ce n'est pas la cùupe de ehàmpagne pétih
lant de notre vin spirituel de France. Ce n'est pas cela, c'est autre
chose : c'est la distillerie maudite et monstrueuse, la distillerie géante
qui halète dans les faubourgs.de nos grandes villes, c'est l'absinthe,
qui circule par wagons entiers sur nos chemins de fer ; c'est le petit
alambic sournois, meurtrier, assassinj qui rôde la nuit, derrière les
fermes, en cachette; c'est le crime, produit direct de l'alcool ; c'est
le cabaret, c'est le débit, c'est le bouge innommable ; c'est le repaire
aux rideaux rouges et au comptoir étincelant, qui racole au passage
les ouvriers, lorsque, grelottants, misérables, loqueteux, ils sont
vomis comme un flot de misère par la bouche béante des usines, et
qui leur offre, après les longues heures de travail fastidieux, dou-
loureux parfois, la tentation d'un peu de lumière,. de. chaleur, de
confort et de vie sociale. .*-.-
L'alcoolisme que nous combattons, c'est aussi le taudis, dont on
vous parlera demain plus éloquemment que je ne saurais le faire, le.
taudis meurtrier, où de. malheureuses familles suffoquent dans une
atmosphère viciée, le taudis, où l'on mange, où l'on boit, où l'on
dort, où l'on souffre, où l'on se lamente et où l'on meurt ; le taudis.
164 CONGRÈS DE NANCY

où la femme et les enfants attendent le retour du mari, de la brute


avinée, qui monte lentement, le pas irrégulier, hésitant, qui entre
la menace à la bouche, le poing tendu et prêt à frapper, et qui ar-
rache-à ses petits des cris d'épouvante et de douleur.
Voilà, Messieurs, l'alcoolisme que nous combattons, l'alcoolisme
résultat et cause de misère, qui vole à l'ouvrier son humble salaire,
puisqu'il en prend le tiers, quelquefois même la moitié, parfois da-
vantage, l'alcoolisme, qui naît de la misère et qui crée la souffrance,
le grand pourvoyeur de la prison, de l'hôpital, du sanatorium, de
l'asile d'aliénés, cet alcoolisme qu'on ne veut pas connaître, et qui est
la plus grande source de toutes les déchéances, de toutes les hontes,
de toutes les tortures où se convulsé notre malheureuse société. ''
Cet alcoolisme, Messieurs, se manifeste d'une manière particu-
lièrement poignante et raccourcie, pourrais-je dire, dans l'absin-
-thisme, dans ce mal doublement meurtrier, puisqu'il ravage l'orga-
nisme lion seulement par l'alcool qu'il contient, mais encore par
les "essences qu'on y additionne.
C'est vraiment une invention diabolique que de faire passer dans
les estomacs français, chaque année, 250 000 hectolitres d'un toxique
innommable,,et de faciliter la consommation de cet alcool additionné
d'essences justement en proportion des dangers qu'offre le climat,
car c'est dans le Midi, plus encore en Algérie et dans les colonies,
qu'on le consomme surtout, C'est-à-dire là où il est le plus meurtrier.
Allez seulement à Nîmes, à Montpellier, dans ces pays où l'on se
plaint de là mévente des vins, et vous ne verrez boire dans les cafés
que de l'absinthe, et vous constaterez que ce sont des populations
entières, qui, de 5 à 7 heures, se laissent gagner par cette funeste
contagion. Vous verrez que non seulement les hommes, mais les
femmes, les'enfants se mettent à boire ce poison. Et l'on frémit à
penser que chacun de ces verres d'absinthe, c'est un peu de poison
qui pénètre dans les organismes, qui détraque un peu plus les cer-
veaux, qûè-c'est non seulement de la santé perdue, de la vie com-
promisej- mais dés--colères'accumulées, delà haine concentrée, de
l'essence drëpilépsie, et un peu dé!,bonheur et d'énergie volés à la
France! -
-'"-' - '
CONFÉRENCE BARBEY 165
Cette: absinthe, nous avons entrepris delà combattre, nous ' esti-
mons pouvoir y,parvenir. Il nous apparaît que ce n'est; pàsvdésesr
pérer du bon sens du Parlement que.de lui demander d'empêcher la
propagation de ce mal. Cette absinthe, elle est produite par un petit
nombre, de fabricants ;, quelques-uns habitentl'étranger. Elle n'est
pas, comme l'alcool,de cru, par exemple, produite par:un grand
-nombre de producteurs qui se prétendraient ruinés, du fait de son
interdiction. Non, il suffirait de ruiner nrie demi-douzaine de per-
sonnes en France,, pour, interdire l'absinthe,, et $ entre, la : ruine, dû
pays et celle des: cinq ou: six particuliers, qui, il ne faut pas l'oublier,
s'enrichissent par l'empoisonnement de leurs concitoyens, nous
demanderons au Parlement de ne pas; hésiter ; nous lui dem anderons
de suivre l'exemple excellemment donné par la Belgique et la Suisse;
en'interdisant chez nous, d'une manière complète, là fabrication, la
•circulation et la consommation de!'absinthe..
On nous dit ceci : « Mais potirquoi pas les autres boissons à
essence? Il y a des apéritifs composés d'essences aussi.nocives;que
l'absinthe.. Pourquoi n'organisez-vous pas un pétitionnement contre
tous les apéritifs en général ? » .•'.-.- .
A cette objection, Messieurs, nous répondons que nous n'avons
pas à faire dé la théorie, mais de la pratique, que nous avons à
considérer le mal tel qu'il est, et que s'il est vrai que l'absinthe est,
de tous les apéritifs, à la fois le plus dangereux et le plus répandu,
nous demandons simplement un vote d'indication, un vote de mo-
ralité, qui- ne sera pas du tout exclusif d'autres votes que nous pour-
rons demander plus tard.
' Lorsque le Parlement aura donné au pays cette merveilleuse leçon
•de morale, ce réconfortant spectacle, lorsqu'un jour, le pays tout
entier apprendra, par les journaux, que la veille le Parlement a
interdit l'absinthe, le pays en sera reconnaissant à ses élus et prendra
confiance en eux, parce qu'il se dira : « Enfin, hier, ils ne se sont
pas occupés d'eux-mêmes, de leurs intérêts électoraux, ils n'ont pas
regardé du côté de leur circonscription, mais ont pensé et agi poul-
ie pays tout entier » ; et l'on aura confiance, parce qu'on sentira que
•ce jour-là le Parlement aura été honnête et désintéressé.
T66 CONGRÈS DE NANCY
Et pour y parvenir, Messieurs, que faut-il ?.. Pas grand'chose. Un
-mouvement d'opinion, mais un mouvement d'opinion bien organisé.
Ah ! ne méprisons pas les questions d'organisation, elles sont capi-
tales ; eé sont les bonnes organisations qui préparentles grandes
victoires. Il ne faut pas compter sur la seule puissance de; idées
pour soulever,; dans les temps de révolution, les pavés dans les rues.
Certes, les idées sont; des explosifs incomparables ; les idées démo-
lissent les Bastilles. Oui, mais il faut au' préalable!' qu'elles aient
lentement pénétré dans les cerveaux et conquis les esprits.
L'idée popr laquelle nous combattons: est l'une des-.plus belles qui
soient. Cependant, il né faut pas compter qu'elle gagnera le pays
toute seule. Il faut gagner le pays: à elle, travailler sans cesse à la
propager. Ce travail doit être entrepris d'une façon pratique, en vue
de réalisations immédiates. Nous n'avons pas le droit de perdre de
temps ni de dépenser d'inutiles efforts. L'heure presse. Chaque mo^
nient perdu représente une victoire de l'adversaire, quelques victimes
nouvelles qui tombent sur le champ de bataille. Courons donc au
plus, pressé, et soyons des gens pratiques. Et puisque je dois vous
intéresser ce soir à notre pétition, laissez-moi vous exposer mainte-
nant comment nous espérons la répandre.
Bien entendu; nous commencerons par solliciter pour cette péti-
tion des concours individuels. Mais ce procédé est lent, et nous
.
voulons aller vite. Aussi chercherons-nous à obtenir l'adhésion de
vastes groupements commerciaux ou industriels, grandes maisons
de commerce, grands magasins, grandes compagnies, entreprises
variées dont le personnel nombreux pourra nous apporter des cen-
taines de milliers de signatures, coopératives, mutualités, associa-
tions de toutes sortes, universités populaires, syndicats ouvriers. —•
Nous espérons ainsi voir nos feuilles se couvrir de noms propres, et
donner à ce pétitionnemént un caractère vraiment national. : A la
tête de ces listes innombrables, figureront les noms des plus grands
citoyens de notre pays, de tous ceux qui dans le, sciences, les lettres,
les arts, auront conquis une autorité et un crédit qui, mis pour un
.jour au service de notre cause, pourront la servir. '
.
Déjà, cette pétition, lancée à profusion sur toute la surface du ter-
CONFÉRENCE BARBEY T6J
-ritoii©, ;voit ses feuillets se couvrir de signatures. Ce sont tantôt de
paissantes organisations qui nous apportent leurconcours en répan-
dant notre appel dans leurs milieux respectifs. C'est ainsi que la
-compagnie des chemins de fer de l'Est par exemple, dont je ne sau-
•rais.assez louer la persévérante campagne, nous a apporté 2 5 000 si-
gnatures sur un personnel total de 30000 employés. Nous faisons
actuellement le nécessaire pour que cet excellent exemple soit suivi
par les. autres compagnies. De même, la Fédération des mutualités,
Celle.dés sociétés de gymnastique nous ont promis le plus: actif con-
cours. La presse politique ne reste pas indifférente à ce mouvement.
Plusieurs grands quotidiens parisiens nous offrent l'hospitalité dé
leurs colonnes pour y faire l'encartagé de notre pétition. Mais je
m'en voudrais de ne pas citer l'Écho de Paris, et sur'tout.le Matin,
qui ont mené contre l'alcoolisme et l'absinthe, depuis quelques mois,
une campagne aussi courageuse qu'efficace. Le Matin,; notamment,
nous a demandé 15 000 feuilles de pétitions qu'il a; fait déposer chez
tous ses correspondants, et il s'apprête à seconder nos efforts par la
publication d'une brochure à gros tirage qu'il fera circuler dans tous
•le pays.
Mais je ne voudrais pas, Messieurs, parl'énumération de ces qtiel-
,ques faits, décourager ceux d'entre vous, dont l'initiative ne pourrait
;
s'exercer que sur un champ plus modeste. Eii cette matière, il n'y a
pas d'effort perdu. C'est au contraire parla coordination des petits
efforts personnels que se préparent les résultats d'ensemble. Tous
les jours, devant notre petit magasin de l'a rue des Ecoles à Paris,
.s'arrêtent des passants, qui, après avoir Iule, texte de notre pétition
dans la devanture, poussent la porte et viennent nous demander des
feuillets. Ces collaborateurs, souvent anonymes, après avoir fait cir-
culer nos listes dans leur entourage, nous les rapportent, quelques
jours après, remplies. Et ce sont sans doute ces paquets de signatures,
réunies dans tous les milieux, qui ont constitué le plus fort contin-
gent dans le total de 1500P signatures qui nous sont parvenues à
ce jour.
Ne croyez pas d'ailleurs, Messieurs, que l'initiative d'un individu
dans cette matière soit forcément limitée. Elle peut au contraire
l68 CONGRÈS DE NANCY
.

s'exercer sur une énorme échelle.. C'est.une affaire, de dévouement


et d'intelligence. L'un des membres dé notre comité central s'est
appliqué avec taiit de méthode à faire ciixnler'.nbs; pétitions .qu'il
nous.a apporté, à lui tout seul, plus de 8 ooo signatures. : Un modeste
-instituteur; du département de l'Aisne, ; M. : Villettej d'.Qulchy-le-
Châtèau, a si bien, travaillé toute; la région qu'il habite, qu'il vient
de nous.ehvoyer;;i 5 ooo signatures. - ; .-.:, ;: .-,;
Ces;exemples; éclatants prouvent que stun plus grand nombre
4'agèntsi recruteurs s'enrôlaient parmi nous, nous pourrions, sans
efforts démesurés, parvenir à d'énormes résultats. ; ..-..
.'•; Nous ne sommes,'Messieurs, qu'au début:de cette agitation, que
aious .'saurons étendre et piolonger. .: ;
.
Nous désirons engager la France entière dans cette entreprise qui
,n'est au-dessus ni de nos;forcés,, ni de nôtre, volonté. Nous espérons
que nos amis de Nancy nous assisteront,de leur sympathie dans cette
tâche. Mais jeveux leur, demander plus encore:: Nancy doit, dans
notre croisade, nous, apporter un concours effectif. Que ceux d'entre
vous, Messieurs, qui veulent travailler, à répandre notre pétition
communiquent immédiatement au bureau leur nom et leur adresse.
-Est-il téméraire à moi d'espérer que j'en trouverai une cinquantaine
dans cette salle ?X'accueil que vous venez de faire à mes paroles me
rassure à cet égard. Si.chacun de ces cinquante collaborateurs en
recrute à son tour vingt autres, et que chacun de ces mille signa-
taires fasse signer de son côté la pétition par cinquante personnes,
nous atteindrons sans effort, pour Nancy, le chiffre de 50 000.
Messieurs, je termine en vous demandant de me trouver, à Nancy,
50 000 adhérents à notre pétition nationale contre l'absinthe !
;
(Samedi 23 juin, matin)

Président i' M. J.'SIEGFRÏED' '""''

HYGIÈNE DE LA JEUNESSE ET SA PRÉSERVATION


CONTRE LES MALADIES INFECTIEUSES

M. Haushalter, professeur à la facilité de médecine de Nancy,


donne lecture de son: rapport sur.:

La préservation de l'adolescence
contre les maladies infectieuses
Si l'on songe an nombreet à là variété, dés maladies infectieuses
(abstraction faite de la tuberculose et des maladies vénériennes), on
comprendra combien est vaste le problème de. la préservation de la
jeunesse contre ces maladies. Si l'on veut s'en tenir aux solutions
pratiques de ce problème, il peut être fort simplifié.
Je ne discuterai pas sur la valeur et le sens du mot jeunesse : au
point de vue qui nous intéressej.on..peut faire commencer la jeu-
nesse à l'époque où la première enfance cesse d'imprimer aux infec-
tions un cachet spécial : elle commence dans le cours de la seconde
enfance, embrasse la phase de l'évolution pubérale et l'adolescence;
à partir de cette époque, les limites qu'on peut lui assigner sont des
plus élastiques.
La jeunesse, prise dans cette large acception, est, pour des raisons
d'ordres divers, l'âge des maladies infectieuses.
I70 CONGRES DE NANCY
L'infection, pour le cas des maladies contagieuses eii particulier, est
facilitée par la vie en commun à l'école, au collège, à l'atelier, etc.
Sans.m'ocçuper de la distinction théorique qu'on peut.établir au
point de vue pathogéniqùe entre les maladies parasitaires et les ma-
ladies infectieuses, je comprendrai dans ce rapport la préservation
contre ces deux ordres -de maladies, parce qu'elles ne peuvent être
séparées dans la pratique etlqu'elles comportent des procédés de
préservation analogues.
Les notions relatives à la préservation contre les maladies infec-
tieuses, prises dans leur sens le plus vaste, ne peuvent se séparer de
celles visant le înode suivant lequel les éléments pathogènes Ren-
contrent et occupent l'organisme, pour y déterminer leurs: effet
Un grand nombre de maladies infectieuses ressortissent au retour
à la virulence d'éléments microbiens occupant en parasites normaux
ou habituels la peau ouïes muqueuses ; la-préservation rationnelle
contre ces maladies devrait utiliser les connaissances que nous pos-
sédons sur les conditioiîscapables d'influencer les propriétés de ces
éléments microbiens, de leur conférer un pouvoir pathogène, ou
de développer etd'accroître la réceptivité de l'organisme.
En fait de préservation contre des infections, variant par leurs
procédés d'attaquer l'organisme, on ne peut s'en tenir à des notions
vagues et générales : il faut des règles précises (f).

1. Il m'a semblé utile de rappeler ici le règlement relatif aux prescriptionshygiéniques


dans les écoles primaires, d'après un arrêté ministériel de 1895 : c'est a ce règlement qu'il
faut en général se conformer, et que l'on doit par conséquent connaître dans ses grandes
lignes.

RÈGLEMENT RELATIF AUX PRESCRIPTIONS HYGIÊt IQUES DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES
(Arrêté ministériel pris en i8yf)

CHAPITRE I — MESURES GÉNÉRALES A PRENDRE POUR ÉVITER L'ÈCLOSION DES MAI.ADIE'S


CONTAGIEUSES
ART. 1. — Les è'coles doivent être pourvues d'eau pure (eau de source, eau filtrée ou bouillie). L'eau
•pure seule sera mise à la disposition des écoles.
ART. 2, — Les cabinets d'aisances des écoles, ne doivent pas communiquer directement avec les
classes. Les fosses doivent être étanches et le.plus possible éloignées des puits.
ART. 3. — Pendant la durée des récréations et le soir après le départ des élè.vcs, les classes doivent

.
....
être aJrées par l'ouverture de toutes les fenêtres.
. . mais
.ART. 4. •— Le ne.toyage du sol ne doit pas être fait à sec par le balayage,
ou d'une éponge mouillée promenée sur le sol.
au moyen d'un linge
ART. 5.— Hebdomadairement, il est fait un lavage du sol à grande-eau et avec un liquide àntisep-
MALADIES INFECTIEUSES. — RAPPORT HAUSHALTER 171

I— PRÉSERVATION CONTRE LES MALADIES INFECTIEUSES


PAR AUTO-INFECTION

A). Auto-infection de la peau

La peau, surtout la peau sale et habituellement sale, est l'habitat


de microbes divers, qui peuvent franchir la barrière épidermiqué
du dermique à la faveur d'excoriations,ou de plaies, ou pénétrer par
les orifices pilô-sébacés, et déterminer des suppurations ou des der-
mites variées d'aspect, avec ou sans retentissement sur l'appareil
lymphatique ou l'état général (furoncles, abcès, acnés suppures,,
ér^sipële, impétigo, ectbyma, etc.). •-.; " ^
La propreté habituelle et minutieuse de la peau, dans toutes ses

tique. Un lavage analogue des parois doit être fuit.au moins deux fois par an, notamment aux va-
cances de Pâques et aux grandes vacances. . .
ART. 6.— La propreté de l'enfant est surveillée à son arrivée.
Chaque enfant doit se laver les mains au lavabo avant son entrée en classe, après chaque récréation.
CHAPITRE II — MESURES GÉNÉRALES A PRENDRE EN PRÉSENCE D'UNE, MALADIE CONTAGIEUSE.-

..."
'ART. 7» —Le licenciement de l'école ne doit être prononcé que dans les cas spécifiés à l'article 14.
Auparavantl?on doit recourir aux évictions successives et employer les mesures de désinfection près*
crites ci-après.
l'infirmerie dans le cas d'un internat.
. -
AtiT. 8. — Tout enfaiâtatteint-de.fièvre doit être immédiatement éloigné de

. -
l'école

ou envoyé à
..-".*_
ART. 9. — Tout enfant atteint d'une maladie .contagieuse confirmés-doit être .éloignéde 4'icole et,
sur l'avis du nicdeçin chargé de l'inspection, cette éviction peiit. :s*étendre-.aux^ères^et.^s^Kurs:-d11^t
"enfant, ou même a tous les enfants habitant la même maison.
ART. 10, —• La désinfection de la classe est faite soit dans l'entre-classe, soit le soir après le départ
des élèves. Elle comprend : le lavage de la classe (sol et parois) avec une solution antiseptique ; la
désinfectionpar pulvérisation des cartes et objets scolaires appendus aux murs : la désinfection par
lavages des tables, bancs, meubles, etc. ; la désinfection du pupitre de l'élève malade.; .la destruction
par le feu des livres, cahiers, etc., de l'élève malade, et des jouets ou objets qui auraient pu être conta-
minés dans les écoles maternelles. '
ART. 11. — Il est adressé à la famille de chaque enfant atteint d'une maladie contagieuse--- .-
une ins-
truction sur les précautions à prendre contre les contagions possibles et sur la nécessitéde ne ren-
voyer l'enfant qu'après qu'il aura été baigné et lavé plusieurs fois au savon et que tous ses habits
auront subi soit la désinfection, soit un lavage complet à l'eau bouillante. .......
ART. 12. — Les enfants qui ont été malades ne rentreront à l'école qu'avec un certificat mèd'cal et
après qu'il se sera écoulé, depuis le début de la maladie, une période de temps égale à celle prescrite
par les instructions.de l'Académie de médecine.
ART. 13. — Dans le cas où le licenciement est reconnu nécessa're, il sera envoyé à chaque famille,
au moment du licenciement, un exemplaire de l'instruction relative à la maladie épidémique qui l'aura
nécessité.
CHAPITRE III — MESURES PARTICULIÈRES A PRENDRE POUR CHAQUE MALADIE CONTAGIEUSE
.
ART. 14. — Sur l'avis dumédecin-inspecteur, les mesures suivantes doivent être prises, conformé-
,
ment aux indications contenues dans le rapport adopte par le comité consultatif d'hygiène lorsque
les maladies ci-dessous désignées sévissent dans une école.
Variole. — Éviction des enfants malades (durée : 40 jours). Destruction de leurs livres et cahiers;
.
Désinfectiongénérale. Revaccination de tous les maîtres et élèves.
Scarlatine* — Éviction des enfants malades (durée : 40 jours). Destruction de leurs livres' et
I72 > CONGRÈS-DE NANCY
régions, surtout dans les régions les plus exposées aux souillures,,les
savonnages, les, bains, les douches chaudes débarrassent la peau de
ses microbes parasites et la préservent de rinfection mieux.que
tous les antiseptiques. La propreté est non seulement une vertu, elle
est une sauvegarde; mais il ne suffit pas de l'enseigner à la jeunesse,
de. la prêcher aux parents, aux éducateurs, il faitt que la propreté
pmsse être, pratiquement réalisée dç façon simple, régulière, méthodique,
surtout .pour les enfants de la classe populaire et pour les enfants
vivant en commun dans les, internats.

:-'.-..-,, .".-
B) AiiïoAiïfoçtiondeS:Voies:respiratoires
(Rhiuo-pliaryngiteSi angines, otites, bronchites, bi-oncho-pneunionies)
.

Ces auto-infections, très fréquentes dans le jeune âge, surtout chez


•les individus prédisposés par un tempérament lymphatique
ou
par leur état constitutionnel, sont provoquées, à certaines saisons
principalement, par le froid humide, les changements brusques de
température,, le refroidissement du corps en sueur, le froid aux pieds,
etc., etc.; les bronchites à répétition et quelquefois la broncho-
pneumonie prennent leur origine dans une auto-infection partie des
amygdales ou des végétations adénoïdes.
L'accoutumance progressive de l'organisme aux intempéries, ré-

cahiers. Désinfection générale. Licenciement si plusieurs cas se produisent en quelqtics jours malgré
toutes précautions.
Rougeole.-—Éviction des enfants malades (durée : 16 jours). Destruction de leurs livres et cahiers.
Au besoin, licenciement des enfants au-dessous de six ans.
Varicelle. *— Éviction successive des malades.
Oreillons. — Éviction successive de chacun des malades (durée : 10 jours).
Diphtérie.—« Éviction des malades (durée: 40 jours). Destruction des livres, des cahiers, des
jouets et objets qui ont pu être contaminés. Désinfections successives.
Coqueluche. — Évictions successives(durée : 5 semaines).
Teign.ee et pelades. — Évictions successives. Retour après traitement et avec pansement métho-
dique.
Les mesures hygiéniques suivantes devront être prises avant de permettre la rentrée dans les établis-
sements scolaires :
i° Lotions nasales, buccales, pharyngées avec des solutions antiseptiques; bains savonneux, et
frictions générales portant même sur le cuir chevelu j désinfection rigoureuse à l'étnve à vapeur sous
pression des vêtements que l'élève avait au moment où il est tombé malade ;,.
2*> a) La chambre d'isolement devra être soigneusement aérée. Les parois et les meubles seront
lavés avec une solution de sublime au 1000», Les objets de literie et les rideaux seront passés à l'étuve,
ainsi que les matelas ;
h) L'élève qui aura été atteint, en . dehors d'un établissement d'instruction pnbliqiie, de l'une des
maladies contagieuses énumérées dans ce rapport, ne pourra être réintégré que muni d'un certificat
de médecin constatant la nature de la maladie et les dtlais écoulés et attestant que cet élève a satisfait
aux prescriptions ci-dessus énoncées. .
MALADIES INFECTIEUSES. — RAPPORT HAUSHALTER I73
glée d'après le degré de résistance particulière de l'individu,: l'usage
rationnel des exercices physiques, des sports^ des lotions* des. bains
froids, endurcissent l'organisme, atténuent sa réceptivité et réalisent
la plus sûre des préservations. .: ..;;".
Le chauffage et l'aération des locaux où -sont agglomérés les
jeunes sujets seront soumis à des règles et non laissés à la fantaisie
et à l'imprévu. Les vêtements seront en rapport avec l'état de là
température et de l'atmosphère; la surcharge pardes vêtements épais
et.lourds"sera évitée. ; ''
Le traitement des végétations adénoïdes, des hypertrophies amyg-
daliennes et des rhino-pharyngites, l'antisepsie et lès soins? de la
muqueuse bucco-pharyngée seront souvent un préservatif contre
les infections des voies respiratoires ou> de l'oreille; moyenne: et
contre leurs conséquences locales et générales^: prochaines et éloi-
gnées. ''
G) Auto-infections buccales

Beaucoup de stomatites (gingivite, stomatite, ulcéro-membra-


neuse, etc.) et leurs conséquences (arthrite maxillaire,.périostite
alvéolo-dentaire, adénite du cou, etc., et quelquefois infections
descendantes du tube digestif ou des voies respiratoires), ont pour
origine le retour à la virulence d'un ou de plusieurs germes s.aprq-
phytiques de la bouche. La plupart de ces infections buccales sont
inoculables et contagieuses par contact direct, par l'intermédiaire
des sécrétions buccales.
La prophylaxie réside dans les soins de la cavité buccale;, surtout
en cas de lésions dentaires, qui sont souvent le point de départ de
l'infection. On pratiquera l'isolement relatif des enfants atteints de
stomatites, surtout de la forme ulcéreuse, en évitant surtout la
communauté de verres, cuillers, etc., et d'oreillers sur lesquelsbavent,
les malades.

D) Auto-infection des voies digestives


Le passage à la virulence des hôtes saprophytiques normaux
du tube digestif est souvent provoqué chez les jeunes gens par
174 CONGRÈS DE NANCY ' '
.

une alimentation niai réglée, des repas' trop rapides et une masti-
cation insuffisante,-..l'absorption d'aliments indigestes, l'abus de
viandes, de fruits verts ou gâtés, de boissons glacées, la constipa-
tion, etc. ; les auto-infections digestives sont surtout fréquentes
aux époques chaudes de l'année. Elles peuvent se manifester par
des accidents plus' ou -moins éphémères d'indigestion, d'embarras
gastrique, de diarrhée, d?entérite; elles peuvent se répéter ou
s'installer à l'état, habituel, avec poussées aiguës; l'appendicite est
qtielquefois un épiphénomène au cours de ces infections digestives.
C'est par une bonne hygiènealimentaire appropriée à l'âge del'en-
fant, au climat, à la saison, aux besoins, au tempérament du jeune
individu, c'est par la réglementation de la durée des repas, l'habi-
tude d'une mastication suffisante et de la régularité des selles, que
seront évitées les auto-infections digestives. Combien de dyspepsies
de l'adulte trouvent leur origine dans des infections digestives
remontant à la vie de collège ! C'est dire que le régime alimentaire
dans les agglomérations de jeunes sujets ne doit pas être livré à
l'improvisation et au hasard, mais dirigé par les conseils de l'hygié-
niste et du médecin.

II — PRÉSERVATION CONTRE LES MALADIES INFECTIEUSES


RÉALISÉES PAR UN ÉLÉMENT PATHOGÈNE VENANT DE L'EXTÉ-

RIEUR.

Dans la genèse de toute infection, il faut faire la part de l'or-


ganisme qui reçoit le germe virulent et de ce germe lui-même : ce-
lui-ci peut être doué de virulence plus ou moins grande, de même
que la réceptivité de l'organisme pour une infection donnée peut se
présenter avec les degrés les plus divers.
L'idéal auquel il faut viser pour réaliser la préservation consiste
d'une part à restreindre dans la mesure du possible la quantité
et les qualités infectieuses du germe infectant, et d'autre part à
accroître la résistance de l'organisme vis-à-vis de l'infection; mais,
en réalité, il n'existe guère de règles générales capables de s'appli-
MALADIES INFECTIEUSES. —"RAPPORT HAUSHALTER 175
quer à toutes les espèces d'inféction ; et pratiquement, au point de
vue qui nous occupe, : il est rationnel de consijdérer isolément lés
principaux types de maladies infectieuses.

A) Préservation contre les maladies infectieuses et parasitaires


de la peau

Impétigo et ecthyma. — De nature.microbienne, ces affections


pustulo-croûteuses, fréquentes à la face et au cuir chevelu, sont-'
àuto-inoculables sur un mênie sujet, et contagieuses par contact
direct pour d'autres sujets ; elles forment quelquefois de. petites épi-
démies d'écoles. En se développant et se perpétuant sûr un même
sujet, elles peuvent réaliser des lésions cutanées ou ganglionnaires
tenaces : aussi, dès leur .apparition, doivent-elles être traitées avec
soin. ""'.'•
.
La prophylaxie consiste à éliminer de l'école les enfants porteurs
de lésions impétigineuses ou ecthymateuses, à protéger par des panse-
ments les parties malades; à éviter toute communauté d'objets de
toilette, de literie, etc.; à laver ou nettoyer à l'eau bouillante les
linges ou objets souillés par le pus ou les croûtes.

Affections parasitaires du cuir chevelu (teignes tondantes,


teigne faveuse, pelade). —- Les teignes tondantes sont, de toutes les
teignes, les plus contagieuses ; la contagion se fait par contact avec,
les cheveux malades ou des objets contaminés par ces cheveux. ;
Les teignes sévissent par épidémie de famille ou d'école ; leur
morphologie clinique est variable ; le diagnostic n'est pas toujours
aisé et demande de la part de ceux qui sont amenés à le porter de
l'attention et de l'expérience. La tondante est presque exclusivement
l'apanage des classes pauvres des villes et des campagnes ; très
tenace, elle peut persister des années ; même traitée, elle a une.
durée d'au moins un an; c'est dire que l'hospitalisation des teigneux
est pour l'assistance publique une source de dépenses. Et.il faut
ajouter que la teigne pourrait être une maladie parfaitement évi-
table ; en tout cas, elle ne devrait plus se présenter que sous forme
de cas sporadiques et non sous forme épidémique.
ï-7.6" CONGRÈS DE NANCY
Le diagnostic de la teigne doit être porté le plus rapidement pos-
sible, de façon à éviter l'envahissement du cuir chevelu atteint et
l'extension à d'autres individus.
A ce point de vue, l'inspection des écoles doit être périodique et
minutieuse ; le port des cheveux longs chez les garçons, surtout à
la campagne et dans les milieux populaires, doit être interdit, de
façon à empêcher la maladie de se cacher. Un teigneux ne doit
jamais être maintenu dans l'agglomération où il se: trouve; il ne
peut fréquenter l'école ni comme interne ni comme externe, pas
même sur un banc spécial ; l'isolement loin des autres enfants non
teigneux doit être absolu. Il est difficile, sinon impossible, d'obtenir
et de réaliser dans la famille du paysan ou de l'ouvrier les soins et
les mesures de prophylaxie. nécessaires ; aussi l'hospitalisation des
petits teigneux dans des services spéciaux doit-elle être la règle.
La teigne faveûse est par excellence une maladie rurale, ayant
une prédilection pour l'enfance et l'adolescence; de durée très
longue, elle est, quoique parasitaire, peu contagieuse; un faveux
nettoyé, en cours de traitement, et dont le cuir chevelu est protégé
par un enveloppement, est peu dangereux. Son isolement peut donc
être relatif; pendant trois mois au moins cependant, l'école devra
être interdite ; puis, la maladie étant en voie d'amélioration,- et
l'enfant demeurant soumis à une surveillance étroite et au traite-
ment, des certificats de rentrée peuvent être mensuellementaccordés.
Les règles prophylactiques générales sont les mêmes que pour la
teigne tondante.
La pelade totale décalvante, la pelade ophiasique ou essentielle,
la seule qu'on rencontre habituellement chez l'enfant, ne semble
pas être cliniquement contagieuse; elle peut avoir une durée fort
longue. Aussi, ces pelades étant reconnues, ne faut-il pas se hâter
trop vite d'exclure des agglomérations les enfants qui en sont por-
teurs; un isolement relatif, ou même le simple enveloppement du
cuir chevelu constitue une mesure prophylactique très suffisante.
Il existe cependant une forme de pelade contagieuse, rarement,
d'ailleurs observée cliez l'enfant; elle se présente en aires mul-.
tiples, avec cheveux fragiles et aspect de barbe fraîchement rasée ;
MALADIES INFECTIEUSES. — RAPPORT HAUSHALTER P]f
elle se montre sous forme familiale et réclame les' mesures -proM
phylactiquès générales indiquées pour la teigne*-" ''
,11 .est indispensable en tout cas de ne pas confondre avec la pelade
des plaques alopéciques d'origines banales et diverses (cicatrices
d'impétigo, d'abcès, etc..) et d'éviter d'exclure des écoles les enfants
tout à fait .inoffensifs qui en sont porteurs r '"•' -':•
Gale. — La gale se voit surtout sous forme d'épidémie familiale^
chez des jeunes sujets occupant un même lit ou ayant des vêtements
communs. ',.,...,-.
Tout enfant atteint de démangeaisons, surtout nocturnes, et de
sillons interdigitaux doit être suspect. Le traitement doit-être aussi,
précoce que possible, pour éviter la production de dermatoses sou-
vent rebelles. Le galeux doit dans sa famille occuper un Ht dis-
tinct et doit être si possible hospitaliséV; mais, la gale ne se contrac-r
tant que par contact avec le galeux ou avec, les objets, qui ont été
en contact avec lui, l'isolement du galeux pourra n'être que relatifs
Pour empêcher le retour de l'affection et sa propagation, après le
traitement et la guérison, il faut désinfecter à l'étuve à vapeur, à
l'acide sulfureux ou à l'eau bouillante les vêtements^ le linge, la
literie. ...'._ ,~;
.

Phtiriase (poux du cuir chevelu). — Les, poux de tête se trans-


mettent facilement d'enfant à enfant ; maïs les soins de propreté
habituels de la tête (passage du peigne fin, savonnage périodique)
suffiront à réaliser la préservation. Quelques précautions élémen-
taires suffiront à détruire le parasite, sans isolement, même. relatif,
de l'enfant, à moins que la phtiriase ne soit compliquée d'impé-
tigo, de suppuration ou de croûtes, auxquels cas l'enfant doit être
exclu de l'école.

B) Préservation contre les maladies infectieuses exogènes


des voies respiratoires

Si, comme il a été dit plus haut, beaucoup de maladies infec^


tieuses des voies respiratoires naissent, sous certaines influences,
CONGRÈS DE NANCY l'i
.
I78 CONGRÈS DE NANCY -

par auto-infection, un certain nombre peuvent aussi se contracter


par contagion, telles les affections catarrhales des bronches, la
pneumonie,, les broncho-pneumonies; : mais la contagiosité, qui
s'exerce surtout par l'intermédiaire de poussières chargées de parti-
cules virulentes de crachats, est habituellement restreinte, ne s'exerce
que dans un rayon très limité au voisinage du "malade et né frappe
pas habituellement les enfants et les jeunes sujets bien portants. Par
contre, elle atteint facilementles individus préalablement préparés à
l'infection des voies respiratoires par- la tuberculose et, surtout,- par-
la grippe, la rougeole, la coqueluche, la diphtérie : c'est dire que
jamais des enfants malades d'un de ces chefs'iie doivent être mis au
contact: d'individus atteints de la même maladie compliquée " de
bronchite où de broncho-pneumonie, ou placés dans des locaux
récemment occupés par eux, sans que ces locaux aient été préala-
blenieiït désinfectés ; la-séparation des cas simples de rougeole ou de
coqueluche et des cas compliqués d'infection respiratoire s'impose
non seulement à l'Hôpital', à l'infirmerie, mais aussi dans la famille.
:
La résistance de l'organisme jeune, préparée par une bonne
hygiène et une éducation physique bien dirigée, aidera à la préser-
vation des infections exogènes comme à celle des auto-infections
de l'arbre respiratoire.

C) Préservation contre les maladies infectieuses exogènes


des voies digestives

Infections digestives banales. — Des infections digestives


.
plus ou moins graves peuvent naître après absorption accidentelle
ou répétée d'eaux de boisson chargées de germes microbiens viru-
lents, amenés par des contaminations ou des souillures de sources
diverses. La cause étant reconnue,, la préservation consiste à la
supprimer en faisant boire une eau différente et sûre, ou en faisant
bouillir l'eau suspecte destinée à la boisson. D'une façon générale,
ces mesures doivent être appliquées chaque fois qu'une eau est
soupçonnée, même avant qu'elle ait occasionné des accidents
intestinaux.
MALADIES INFECTIEUSES. — RAPPORT HAUSHALTER 179
Dysenterie. — L'eau paraissant être le véhicule-du germe de la
dysenterie, les enfants, en centre épidémique.,.-né boiront' que de
l'eau bouillie ou des infusions chaudes ; mais la contagiosité s'exerce
aussi parles matières fécales desséchées ; les individus atteints seront
soumis -à l'isolement relatif; les déjections .dysentériques seront
stérilisées par l'addition d'eau bouillante ou d'une solution antisep-
tique énergique ; lés linges souillés seront soigneusement désinfectés
à l'eau bouillante. ' l-::..:.. ;;-;/*
-' Les refroidissements, -les. écarts de régime, les troubles digestifs
vulgaires, qui sont une cause occasionnelle de dysenterie, seront,
en temps d'épidémie, particulièrement évités par: une .surveillance
minutieuse des enfants et une hygiène alimentaire appropriée.

Vers intestinaux. :— Lès mesures prophylactiques à. prendre


pour préserver la jeunesse contre l'infection, par lès vers intestin, ux
(ténias, lombrics, etc.) peuvent se déduire de nos connaissances
sur le mode de propagation de ces vers. II ne faut pas laisser manger
crue ou mal cuite la viande des animaux capables de transmettre
ces vers (boeuf, porc, poissons) ; il faut veiller à ce que lès légumes
destinés à être absorbés crus, et quelquefois, véhicules d'oeufs, soient
lavés sous un fort courant d'eau, à ce que l'eau potable et celle qui
sert aux soins de propreté n'aient point été contaminées par des
infiltrations de matières fécales; il faut habituer les enfants à se
laver les mains avant les repas, ne. pas leur permettre de-se laisser
lécher les mains ou la figure par les chiens et les chats, souvent
habités par des vers parasites, ou de donner à manger.à ces animaux
dans leurs assiettes.

D) Préservation contre la conjonctivite aiguë


et contre la vulvo-vaginite

Il se produit quelquefois dans les agglomérations d'enfants des


conjonctivites aiguës suppurées, à caractère nettement contagieux ; le
transport du contage se fait par le pus. On limite l'extension-de. la
maladie en excluant de l'école les. enfants atteints et en.les isolant,
I&O CONGRÈS DE NANCY
relativement du moins, des autres enfants de la famille ; en tout cas,
on évitera le contact direct entre les enfants sains et les enfants^
malades et on proscrira là communauté des objets de toilette.
La-, vulvo-vaginiie des petites filles trouve souvent son origine
dans la cohabitation ou le Ht commun avec une mère ou une soeur
atteintes de vaginite, et? dans l'usage d'objets de toilette contaminés :
de là découle naturellement une première conclusion au point de
vue prophylactique.
La vùlvo-vaginite est contagieuse de fillette à fillette ; et la con-
tagiosité peut; s'exercer par l'intermédiaire des vases de nuit, des
assises de cabinet, des bancs:, des éponges. L'enfant atteinte de
vulvo-vàginite devra avoir toujours la vulve garnie d'un pansement
et porter des pantalons fermés, de, façon à ne pas s'asseoir à nu sur
un banc; elle aura un vase spécial et des objets de toilette per-
sonnels. On veillera à ce qu'elle ne porte point la main aux parties
atteintes et ne transporte pas avec ses doigts le pus à ses yeux.

E) Préservation contre la fièvre, typhoïde

Là fièvre typhoïde résulte de l'infection de l'eau ou plus rarement


de l'infection de Pair par les matières fécales des typhiqués : la con-
tagion par l'eau est la plus habituelle; la contagion par l'air se fait
dans le cas où une atmosphère confinée contient des poussières de
matières fécales desséchées, ce qui peut arriver au contact de malades
lorsque les précautions élémentaires sont négligées, ou bien dans
certains locaux antérieurement occupés par des malades, lorsque les
fentes des parquets ont été souillées de produits typhiqués.
La préservation contre la fièvre typhoïde est réalisée par l'usage
d'eaux pures ou par l'usage d'eau bouillie, lorsque les eaux sont sus-
pectes, surtout en temps d'épidémie ; elle est réalisée enfin par la
désinfection des matières fécales et des linges des typhiqués. L'iso-
lement des typhiqués peut n'être que relatif.
La fièvre typhoïde a une prédilection pour les jeunes sujets et les
adolescents : une croissance excessive, le surmenage intellectuel ou
physique, la transplantation dans le. milieu urbain, l'acclimatement,.
MALADIES "INFECTIEUSES.• — RAPPORT HAUSHALTER l8l
l'encombrement$ l'habitation dans: des locauxrestreints et maMérés;
empestés d'émanations de fosses d'aisances, une'mauvaise",alimenta-
tioiï, l'absorption d'eaux souillées de matières organiques, les trou-
bles digestifs, préparent l'organisme des jeunes sujets à la réceptivité
vis-à-vis du germe typ'hiqùe. C'est dire que la; préservation de la
fièvre typhoïde sera effectuée non seulement en évitant la contami- ~-

nation par le virus .spécifique, mais encore en réalisant -dans les


agglomérations d'enfants et de jeunesrgens les conditions hygiéniques
d'habitation, dévie, d'alimentation, qui atténuent la réçeptiyité de
l'organisme.
.,,..,, ,•;.'.:. .--;..'. '.'.
_... ,

l:¥): Préservation contrela^coqueluche .-;: :;:i;; ;


;

La coqueluche étant très contagieuse, les enfants atteints doivent


être isolés d'une façon absolue ; la coqueluche est dangereuse à
toutes ses. périodes, même à la phase de début, avant la période, des
quintes ; à cette phase, les enfants, exposés à la contagion, .les frères
et soeurs des coqùelucheux, semblant atteints de rhume simple,
doivent être considérés comme suspects et dangereux. L'incubation
varie de deux à huit jours. '
. .
.L'enfant malade ne sera rendu à la vie commune que quelques
semaines après la disparition des quintes.
La transmission de la coqueluche se fait ordinairement'.', par
:
contact direct (rencontre fortuite, conversation, jeux avec un coqùe-
lucheux, etc.), plus rarement par contact indirect. Le germe de la
.
coqueluche est peu vivace en dehors de l'organisme; les locaux
habités par les coqùelucheux ne le, retiennent pas.longtemps.
Cependant, pour plus de sécurité, ces locaux et surtout la literie,
les meubles* les tapis souillés par l'expectoration des coqùelucheux
seront désinfectés ;^et, autant que possible, on habituera, dès le début
de la maladie, les coqùelucheux à expectorer dans des crachoirs on
des cuvettes ; ceux-ci seront: lavables* contiendront une solution
antiseptique qui aura surtout pour but d'empêcher la dessiccation
des crachats, et ils seront rincés fréquemment à l'eau bouillante.
Dans la famille, dans les infirmeries, etc., les cas de coqueluche
l82 CONGRÈS DE NANCY
simple doivent être séparés soigneusement des cas de coqueluche
compliqués d'infections broncho-pulmonairessecondaires;

,- G) Préservation contre les oreillons


.

Les oreillons sont à proprement parler vuhe maladie ,de l'enfance


et de la jeunesse, et évoluenFsbus forme d'épidémie, procédant par
étapes successives, et se prolongeant habituellement durant des
semaines et des mois. l
Le germe des oreillons est peu viable, peu volatile hors de l'or-
ganisme et peu transpqrtable ; le transport ne se fait pas à longue
distance, mais de 1proche en proche. Cependant, après une première
poussée épidémique dans une agglomération d'enfants, il importe de
désinfecter les infirmeries et la literie qui ont pu être contaminées,
La contagion est surtout redoutable au début, même avant l'ap-
parition du gonflement des glandes parotides ; la contagiosité per-
siste en s'atténuant à la période, d'état, et même après-la fin de la
maladie. La durée totale de l'isolement sera de quinze à vingt-cinq
jours à partir du premier jour de l'invasion, ou mieux de dix jours
après la disparition complète des symptômes locaux.
Il faut, dès qu'on le peut, chercher à enrayer les épidémies
d'oreillons dans, les agglomérations de jeunes gens, en se souvenant
delà localisation possible de la maladie sur la glande testiculaire
dans l'adolescence, et des conséquences pDur l'avenir de cette locar
lisation.
.

H) Préservation contre le tétanos

Le tétanos naît avec prédilection à la suite de blessures anfrac-


tueùses, déchiquetées ou profondes, -produites par des échardes de
bois, des vieux clous, des objets rouilles par de la poussière ou.de la
terre des rues ou des jardins. Lorsque chez un enfant existe une
plaie produite dans ces conditions, le nettoyage minutieux et le
traitement antiseptique de cette plaie s'impose : quelquefois, l'injecr
tionpreventive.de sérum antitétanique sera indiquée.
MALADIES INFECTIEUSES. —RAPPORT HAUSHALTER 183

Y) Préservation contre la malaria

La seule manière, positivement démontrée jusqu'ici-, de prendre


l'infection palustre dans les pays à malaria, est l'inoculation directe
par la piqûre des moustiques infectés.
La prophylaxie rationnelle de la malaria chez l'enfant(abstraction
faite de la mesure générale consistant dan$ la destruction dés: mous-
tiques, oeufs, larves* nymphes, insectes .ailés, dans l'assainissement
du sol et là suppression dès conditions nécessaires à là vie des
moustiques) se résume à empêcher les piqûres,' en protégeant les
chambres d'énfânts par des réseaux métalliques aux portes, et aux
fenêtres; en couvrant de moustiquaires les:lits des:enfants, et les
enfants euxr-mêmes de voiles de gaze, surtout aux heures- du soir,
quand les insectes sortent et deviennent dangereux:
La préservation sera complétée par l'administration méthodique
du quinine basée sur là connaissance de la période d'incubation du
parasité malarique dans l'organisme :. un enfant, arrivant dans: un
pays palustre, absorbera tous les cinq ou six jours une dose dé
bsr,40 à î gr. de quinine.: Enfin, par une bôniie hygiène, on tendra
à rendre l'enfant résistant contre l'infeetion>

J) Préservation contre la diphtérie

La diphtérie est contagieuse par les fausses membranes, la salive


et le jetage nasal des diphtériques ; la contagiosité s'exerce au voi-
sinage du diphtérique, dans les milieux occupés et souillés par lui,
et par l'intermédiaire des objets qu'il a contaminés. L'expérience
montre que, dans les fausses membranes desséchées, le bacille diph-
térique peut se conserver vivant durant des mois et" des années*
surtout à l'abri de la lumière.
Tout diphtérique doit être isolé d'une façon absolue : les fausses
membranes, eaux°de lavage de la gorge, linges, ustensiles, etc.,
doivent être désinfectés à l'eau bouillante ou par des solutions anti-
septiques ; les jouets et livres qui ont servi durant la maladie seront
1^4 :: :
CONGRÈS DE NANCY v
brûlés; les vêtements, la literie, seront passés à l'étuve; la pièce
sera désinfectée au soufre pu.à;l'aldéhyde fprmique, après que les
poussières auront été enlevées à l'aide d'un torchon imbibé d'une
solution de sublimé.- .,',:;:;.> i:\:A_ ;;;.,•;.,'.";- :v'-' ?; ::;; ;, '-
,-iLejs; personiîes chargées,du jsoin du diphtérique, auront une blousé
: ;:
spéciale pour pénétrer auprès d'es-malades et, par des soins de^pro^
pretgi;miaMiîieMx;des::mams%t--dù.:visagÊy-îéviteront'de;servir:de .
i^hie5ik;àux>gfirmes inp:rbidès;:;,-.;:, ;.;;;,,;. •yi\{.u\:-,-;. ---i';: ::< ,:. -.;.-;
convalescent-;de rdiphtérie, devrait: :être
: nlEhéoriiquement,: l'enfant
isôlésàprès là maladie, tantqù'ilporte le bacille diphtérique virulent
dansflaçgorge* ce qui peut persister 'quelquefois; des mois*: et: n'est
dîaillfiursjpasad^une vérification.très:aisée ni même: réalisable7 dans,la
màjorité ;des rc-as.-.Pratiquement* .lîisofement dok, après. disparition
desxlésions caractéristiques,; être; continué durant ; quinze; à: vingt
jours; pendant ce.temps et ensuite encore, on fera faire: des garga-
rismès:àlfeau;bôuiUieou;àl'eau oxygénée.
utLes ien&nts* frères,. soeurs, camarades: de' dortoir, qui ont été en
contact avec ;un diphtérique, doivent être suspects- durant quelque
temps ;[. il est utile-de: leur, interdire l'école 'pendant plusieurs jours ;
leùrgorge.serà examinée journellement;: à ce point de vue, il serait
fort utile que les parents apprissent à leurs* enfants à montrer'là
gorge, habitude facile à contracter quand l'enfant se porte bien, et
qui devient précieuse en, cas de maladie, Les injections préventives
de sérum antidiphtérique sont indiquées dans les familles où s'est
développé, un cas de diphtérie ou dans les agglomérations où la
maladie tend à s'étendre ou à se perpétuer ; la période d'dmmûnïsa-
rion conférée par le sérum n?a d'ailleurs qu'une durée éphémère de
trois pu quatre semaines.
D'une façon générale, il est bon d'habituer les enfants à ne pas
.
porter à leur bouche, lés porte-plumes et crayons de leurs cama-
rades, ni même les leurs, qui ont pu rouler dans la poussière.
Et, quels que soientles rapports bactériologiques de la diphtérie
des oiseaux de basse-cour et de celle de l'homme, comme il existe
des exempjes.de transmission delà maladie des uns aux autres, il
est bon : de défendre aux; enfants non seulement de manier des
MALADIES INFECTIEUSES. HAUSHALTER l8'5
— RAPPORT
-oiseaux malades et suspects,: mais même" d'embrasser aes oiseaux
sains où de porter leurs: becs a leurs-.bouchés. ;•.•>'"" •',.-.-.•.-..' ;

Ajoutons quela;diphtérie aime les logementssombres, niai aérés*


humides'; dans la préservation dé: la maladie, l'hygiène": de l'habita-
tion a un rôle prophylàctique.importànt. ;-,::;:v-;; --,..;

:::\ ; ;;K) Préservation contre-les'fièvres éruptives-


(Rougeole! rubéole* scarlatine, Variole, varicelle) -

-
Rougeole. -^ La rougeole est très contagieuse pendant la période
•d'invasion,, durant laquelle le diagnostic est ordinairement incertain ;
elle l'est moins durant la période" d'éruption;< elle ne l'est pour
ainsi dire plusaprès l'éruption. L'incubation est: dé dix jours envi-
ron. Le germe de la rougeole a. peu de vitalité en dehors de l'orga-
nisme et a une durée très éphémère. -.-
De ces notions essentielles découlent quelques ' règles générales
relatives à la préservation.
La prophylaxie de la rougeole est difficile, puisque potirla réaKser
il faudrait que la maladie fût reconnue avant qu'elle soit diagnbs-
tiquable ;. pour réaliser la préservation, il faudrait ne jamais laisser
les enfants dans une agglomération où se trouvent des inconnus, ce
quiest pratiquement impossible.
Dans les familles où plusieurs enfants vivent en commun, l'isole-
ment absolu d'un enfant en période d'éruption est inutile, puisque à
ce moment la contamination des;autres est déjà réalisée. ~ •-':.
Dans les écoles, les pensions, etc., si un cas se déclare dans une
.'
section n'ayant pas de rapport avec les enfants des autres sections,
l'épidémie, peut se circonscrire ; le licenciement est inutile, surtout
si l'agglomération est faite de grands enfants et de jeunes gens
ayant eu, en grande majorité,, là'rougeole. Le malade étant isolé,
on placera en observation ses voisins immédiats, quitte à les mettre
en-quarantaine, si, au bout du tempsnormal d'incubation, paraissent
les signes d'invasion de la maladie.
Si l'on veut à tout prix éviter la rougeole, il faut que les frères et
l86 CONGRÈS DE 'NANCY V '

soeurs des petits rougeoleux, n'ayant pas eu antérieurement eux-


mêmes la rougeole, soient tenus : à l'écart des autres enfants en
classe," dans la famille, dans lés réunions mondaines, etc. '
Un isolement du rougeoleux lui-même dix jours après l'éruption
est suffisant pour éviter la diffusion de la maladie.
Etant donnée la nocivité très éphémère du virus rougeoleux, la.
désinfection est pratiquement bien inutile ; la rougeole ne renaît
pas de ses cendres; elle meurt sur place ; une nouvelle épidémie est
toujours la conséquence-d'une nouvelle importation.
Par contre, il importe extrêmement de séparer des-rougeoleux
normaux, les rougeoleux atteints de complications broncho-pulmo-
naires ou cutanées ; la transmission de la broncho^pneuinonie se
fait avec une désespérante facilité chez les rougeoleux, surtout chez
lès enfants -malingres, et est une; cause de' Haute mortalité i les
locaux occupés par des rougeoleux atteints de complications pulmo-
naires ou de suppurations cutanées seront soigneusement désin-
fectés avant d'être habités par d'autres eiifànts rougeoleux.

.Rubéole. — La rubéole, comme là rougeole, est très contagieuse


par contact ; la contagiosité est très précoce et se montre dès l'inva-
sion;' elle disparaît avec l'éruption; l'agent contagieux est peu
viable en dehors de l'organisme et ne semble pas pouvoir être trans-
porté bien loin par des tiers. La prophylaxie en est donc, comme
pour la rougeole, assez difficile-.

Scarlatine. — La scarlatine se transmet par l'absorption de


germes émanes de la peau et de la gorge des scarlatineux. La conta-
giosité existe à la période de début de la maladie, pendant la période
d'éruption, et parait s'exagérer tant que dure la desquamation :
celle-ci persiste quatre à six semaines. La contagion s'exerce par
contact avec le malade ou par l'intermédiaire des locaux ou des
objets contaminés par lui : des vêtements, des livres, des papiers,
des appartements non désinfectés peuvent demeurer dangereux
pendant plusieurs mois.
L'isolement du scarlatineux doit être absolu et pratiqué dès le
MALADIES INFECTIEUSES. —- RAPPORT HAUSHALTER 187
début de la maladie, et se prolonger jusqu'après la fin'complète de
la desquamationi Delà chambre seront éliminés meubles capitpnnés^
tentures, tapis et, en général, tous les objets inutiles. Les personnes
chargées de soigner le scarlatineux prendront des précautions rigou-
reuses pour éviter de servir de véhicule au germe-•, lavages soigneux
des mains et du visage, port dans: la chambre-dû nlalàde dé vête^
nients spéciaux et lavables, changement de ces vêtements, à là sortie
de la chambre. Lé nettoyage de la chambre."se fera àu.torchon
humide ; les poussières*: fragments de papiers, débris' de nourriture
seront 'brûlés*, ;. : :/:;'-:: : ;
."
; -.-
Quand commence la desquamation* on empêche la diffusion des
germes par des frictions de la peau avec un corps gras: et par: des
bains ; les cavités naturelles*, bouche; gorge, nez, seront désinfectées
au moyen de lavages fréquents avec un liquide antiseptique. Le
linge du malade ne sortira pas delà chambre avant d'avoir été passé
à l'eau bouillante ou dans une solution antiseptique;. "

Les jeunes malades n'écriront pas, de lettres ; les livres dont ils se
sont servis, durant la maladie seront détruits ; bien des cas de scarla-^
tine se transmettent par l'intermédiaire des livrés de classe achetés
d'occasion. La désinfection, du livre est un problème qui s'est posé
plusieurs fois : plusieurs solutipns ont été proposées ; elles ont le
défaut-de présenter de grosses difficultés pratiques. ;. .-;-.;"
".:'• La maladie .terminée, le malade ne sera rendu : à là circulation
qu'après plusieurs bains savonneux et lavages complets du cuir
chevelu. La chambre,, les meubles, la.literie seront désinfectés par
lès:vapeurs de soufré ou de formaldéhydé.. ;;
En.observant rigoureusement ces précautions, on arrive facile-
ment à isoler complètement un scarlatineux et à le rendre inôffensif
dans une famille ou dans une agglomération d'individus jeûnes.
Seront considérés comme suspects et mis en observation pen-
dant la durée probable de l'incubation, les enfants qui ont été
eh: contact de scarlatineux ; on se méfiera aussi des angines, sim-
ples en apparence, développées en milieu scarlatineux et on sur-
veillera avec grand soin l'apparition d'éruptions souvent frustes et
fugaces. :..',. : :
ï88 CONGRÈS DE NANCY

; Variole. — La préservation contre la variole 1 exige lès:mêmés

latine. -: ' ''


précautions générales; d'isolement et de, désinfection que la scar-
'/'' ' • - '.':;..-..;: .
-J'Mais le moyen prophylactique héroïque est la vaccine, qui* si
;..-.;.'
elle était appliquée partout en temps opportun*, devrait faire dispa^
raît're là variole dé la surface du globe : d'ailleurs, dansles'pays; où
la vaccine est obligatoire, ou ;tout simplement en usage régulier* la
variole1tend à devenir une >maladie exceptionnelle.: !.. .;-."

-
La vaccination est exigée dans les écoles et dans les collèges potir
tous les enfants, et comme d'autre part la revaccination est.prati-
quée dans l'armée, ' on peut espérer que la variole arrivera à dispa-
raitrede notre„pays. .-,"-. :... -.''.
::-; -:-;: -:. !.. \.
-.'
'Enfin, d'après l'article 6 de là loi du: '15 • février 1902; sur. la
protection: de la santé publique, la vaccination antivariolique est
obligatoire au cours de la première année de la vie, ainsi que. là
revaccination au cours dé la onzième et de la.vingt et unième année.
'- -Mais, pour être efficace, la Vaccination doit être pratiquée suivant
certaines règles; 1 •
'- On admet que l'immunité vaccinale- dure environ huit à dix ans
:
et qu'elle est proportionnelle aussi au nombre des pustules. Si la
vaccination positive ne suffit pas toujours d'une façon absolue, à
protéger contre la variole, du îiioins'elle en, atténue notablement là
gravité. Mais en réalité l'immunité peut se perdre très vite, et sa
durée très variable suivant les sujets ne peut être évaluée.
'- Aussi, devant une pareille incertitude, faut-il* non seulement en
temps d'épidémie, mais même quand existent dans un milieu quel-
ques cas isolés de variole, vacciner tous les individus, même s'ils
ont -été vaccinés avec, succès peu de temps auparavant; en temps
de variole, en cas d'insuccès de la vaccination, plusieurs tentatives
réitérées doivent être faites. -..-'.
Varicelle. —- La varicelle* maladie sans parenté aucune avec la
variole et la vaccine, est très contagieuse par contact direct ou par
l'intermédiaire des objets ; là contagiosité existe surtout au début
de la maladie ; le germe de la maladie parait posséder une vitalité
MALADIES INFECTIEUSES.' RAPPORT HAUSHALTER 189
très faible. Après deux semaines d'incubation, la maladie se déve-
loppe et évolue d'habitude avec une grande bénignité. -
Dans les lycées et collèges, la durée; de l'exclusion, "à partir du
début de l'invasion, est de seize jours ; ce délai est trop long pour la
plupart des cas, qui terminent leur évolution en huit à. dix jours.
La varicelle ne figure d'ailleurs pas sur la liste des maladies dont la
déclaration est obligatoire..
. . ^......

CONCLUSIONS GÉNÉRALES: -

I. — La plupart des maladies qui frappent l'enfance et là-jeunesse;


sont des maladies infectieuses. !:
,
..-.-,-.,
Elles sont de nature et de gravité variant dans des limites très
étendues. ""....: '";
De toutes, la plus redoutable, la plus meurtrière, c'est la tuber-
culose .,: d'après les relevés des tableaux du. ministère de l'inté-
rieur, sur une population de 698 652 individus âgés d'un à dixr
neuf ans, pris dans douze grandes villes de France,, on trpuve

infectieuses.
.
•;:'.:.-
2 501 décès par tuberculose* et 3 469 décès par les autres, maladies

En France, de 1894 à 1.898, la mortalité globale de dix à quatorze


ans fut de 3,1 °/.o0, elle fut de 5,20 ?/00 de quinze à dix-neuf ans ;
elle fut de 4,60 de cinq à neuf ans, et de 20,8 d'un a quatre ans.
C'est de cinq à quatorze ans que le nombre de vies-perdues est le
moindre et que la résistance vitale est à son maximum. D'autres
chiffres montrent que la mortalité des enfants va croissant à me-
sure que la population est plus dense et les centres habités plus",
compacts.
Si, considérées en général, abstraction faite de la tuberculose, et.
en excluant les quatre premières années de la vie, les maladies infec-
tieuses sont relativement peu meurtrières pour la jeunesse, il n'en
reste pas moins vrai que tous les ans un grand nombre de vies sont,
supprimées par ces maladies, dont, beaucoup sont évitables : beaucoup
de ces morts sont donc des morts évitables.
II. — Mais ce n'est pas seulement parce qu'elles sont une cause;
-I90 CONGRES DE NANCY '
de mort que les maladies infectieuses doivent être évitées à la
jeunesse. :>.'..-.-'..-.:
Quelquefois simple atteinte passagère à la santé, pouvant même
conférer l'immunité, la maladie infectieuse peut parfois à sa suite
laisser subsister des tares organiques indélébiles (affections nerveuses,
rénales, cardiaques, etc.), une diminution de résistance générale, une
prédisposition au retour d'infections du même genre.Çmfections diges-
tives, respiratoires, naso-pharyngées). f

La maladie infectieuse est une cause d'interruption des études, du


travail, de suspension du salaire pour les jeunes gens déjà aptes à
gagner-leur vie ; elle peut compromettre leur avenir; elle est une
source de frais pour les familles, de complications d'existence, sur-
tout dans le cas de' maladies nécessitant l'isolement; dans le cas
d'hospitalisation, elle est une charge pour la société.
III. — La préservation de la jeunesse contre les maladies infectieuses
sera- réalisée par lés mesures générales qui tendent à .accroître la résis-
tance de l'organisme et à diminuer sa réceptivité, etpar celles qui visent
la prophylaxie spéciale de chaque-maladie infectieuse en particulier.
C'est par l'application des règles de l'hygiène dans les questions
de l'habitation, de l'école, du collège, de l'atelier, de l'infirmerie,
de l'hôpital, dans celles de l'alimentation, des soins journaliers du
corps, de l'exercice, du repos, du travail physique et intellectuel,
que tous ceux qui ont mission d'élever et de diriger la jeunesse
chercheront à conférer à l'organisme la résistance et l'énergie qui sont
un préservatif contre nombre d'infections.
L'application de ces règles suppose leur connaissance, et plusieurs,
avec Paul Strauss, Variot, réclament un enseignement régulier de
l'hygiène fait par des médecins aux maîtres de la jeunesse ; dans cet
ordre d'idées* au deuxième congrès d'hygiène scolaire (Paris, juin
1905), à la suite du rapport du Dr Méry sur l'inspection médicale
des écoles, était émis le voeu que des réunions médico-pédagogiques,
auxquelles prendraient part les médecins scolaires et les directeurs
d'école, aient lieu périodiquement..
D'ailleurs un mouvement est créé : en 1903, grâce à l'initiative
du Dr Ai Mathieu, fut créée une Ligue des médecins et des familles
MALADIES INFECTIEUSES. RAPPORT HAUSHALTER I9I
pour l'amélioration de l'hygiène physique et intellectuelle dans les
écoles, ayant pour but de; provoquer un courant d'opinion en faveur
de l'hygiène scolaire ; la ligue possède son organe, l'Hygiène scolaire,
plein de vitalité et de promesses. '..
Et combien, d'autre part, sont à encourager les initiatives
-.
publiques ou privées qui organisent. ou développent des oeuvres
comme celles des colonies scolaires de vacances, pour les enfants
des. centres populeux, des cantines scolaires, des jardins.d'enfantsy
des colonies agricoles, des instituts marins, pour enfants souffre^
' teux, etc. , -, ..
.
Isa. prophylaxie, spéciale est basée, dans chaque cas, sur la connais-

sance du mode particulier de la contagion ou de l'infection.dans


ce cas. .
.' --.,.-.. ,-.:.
Elle se résume, dans ses grandes lignes, àansla. stérilisation de l'or-
ganisme, ànns risolemetii et dans la. désinfection. :
.
La stérilisation de l'organisme vise surtout la prophylaxie des
.
maladies naissant par auto-infection : elle est réalisée, dans une me-
sure limitée et relative, par l'antisepsie et surtout par la propreté de
la peau et des muqueuses. .-..-.
L'isolement, dans les!infections, a pour but d'empêcherla propaga-
tion de la maladie et, suivant les cas, il peut être de diverses sortes :
il doit, être absolu dans certaines maladies (diphtérie, coqueluche,
oreillons, rougeole, scarlatine, variole); il peut être relatif'"dans
d'autres (fièvre typhoïde, dysenterie, broncho-pneumonie, stomatite
ulcéro-membraneuse, conjonctivite suppurée, vulvo-vaginite, gale) ;
il peut se borner à protéger simplement les'parties dangereuses (teigne
faveuse, ecthyma, impétigo du cuir chevelu); pour un grand nombre
d'états infectieux, l'isolement est.inutile (angines simples, coryza,
bronchite,entérite, tétanos, malaria, vers intestinaux, pelade simple).
:
La. durée de l'isolement est soumise à des règles variant avec chaque
espèce de maladie et souvent avec chaque cas particulier ; cette durée
peut être rarement raccourcie, elle doit être quelquefois prolongée
au delà des limites réglementaires moyennes. La rentrée en contact
avec d'autres jeunes gens ne doit se faire qu'après obtention du certi-
ficat médical. , . ,-.-.-
192 ....". CONGRÈS DE NANCY
Contre la propagation des maladies infectieuses dans la jeunesse,
la désinfection se joint à l'isolement et doit le complétera
La.désinfection est obligatoire pour les maladies dont la déclara-
tion, est obligatoire suivant le décret du 10 février 1903 (fièvre
typhoïde* typhus, variole*, scarlatine, rougeole, diphtérie, suette
miliaire, choléra, peste, fièvre.jaune, dysenterie, infection puerpé-
rale et ophtalmie des nouveau-nés, .méningite cérébro-spinale épi-
démique) : ce qui ne' veut pas dire qu'elle soit possible dans l'état
actuel des choses,,dans tous les cas* et qu'elle.ne doive pas être
exécutée dans d'autres. D'après le même décret, la déclaration et la
désinfection sont facultatives pour la tuberculose pulmonaire, la
coqueluche, la grippe, la pneumonie et la broncho-pneumonie, l'é-
rysipèle, les oreillons, la lèpre, la teigne, la conjonctivite purulente
et l'ophtalmie granuleuse. Or, la désinfection: après la rougeole
simple, maladie dont la déclaration est obligatoire* est presque un
luxe : elle est une nécessité lorsque des cas de rougeole dans une
famille où une agglomération de jeunes sujets ont été compliqués
de bronchorpneumonie,et alors; la désinfection vise non la rougeole,
mais la broncho-pneumonie,dont la déclaration et la désinfection ne
sont pas obligatoires. Nul doute qu'il ne faille déclarer typhus,
choléra, peste, fièvre jaune, suette rniïiaire, maladies redoutables et
heureusement exceptionnelles en France ; cependant, la teigne ton-
dante, si elle n'est pas dangereuse pour la vie, est extrêmement
contagieuse, longue et, par le fait, dispendieuse ; elle est encore
trop répandue dans le peuple : sa déclaration n'est pas obligatoire.
Pour être complète, la déclaration, dans les cas où elle est obli-
gatoire pour le médecin, devrait, suivant un voeu récemment émis
par Netter (Académie de médecine, 5 juin 1906), l'être aussi pour les
chefs de famine, logeurs, chefs de coHectivité et d'établissement.
Les procédés de désinfection doivent être appliqués, suivant les
cas, durant la maladie ou après sa terminaison : ils visent suivant les
cas les produits normaux (urines, matières fécales) ou pathologiques
(crachats, croûtes, faussés membranes, pellicules) émanés du ma-
lade, les vêtements, les objets de toilette, les locaux et les voitures
ayant servi au transport. .....
MALADIES INFECTIEUSES. —RAPPORT HAUSHALTER 193
La désinfection doit'être.réalisée soûs la direction de gens -compé-
tents,- suivant des règles précises et non suivant des simulacres; elle
doit être appliquée à bon escient et ne pas être employée à tort et à
travers. D'autre part, elle doit être simplifiée et rendue pratique,
tout en demeurant efficace; elle doit être exécutée de façon à occa-
sionner le minimum de frais : au médecin à expliquer les moyens de
désinfection, à les adapter à chaque cas, à chaque circonstance suivant,
l'opportunité.
' Si une crainte sage de la maladie aide à sa préservation, la crainte
ne doit pas se transformer en terreur irraisonnée qui, chez certaines
personnes, confine à la phobie : aux médecins des familles de répandre
autour d'eux des notions justes, raisonnables, exemptes de toute
folle exagération.
Que les médecins se pénètrent de la gravité du rôle qu'ils ont le
droit et le devoir, dans notre société moderne, de remplir au sujet
de l'éducation physique et de la direction hygiénique de la jeunesse ;
qu'ils tendent à acquérir les qualités nécessaires pour remplir ce rôle
et devenir à ce point de vue lés auxiliaires et les conseillers des édu«:
cateurs de la jeunesse.
De tous côtés, des tentatives heureuses s'annoncent : à Nice, sur
l'initiative du Dr C. Roux, l'essai vient d'être fait de la fiche sani-
taire des écoliers, dont les bienfaits au point de vue de l'hygiène et,
de l'éducation étaient discutés récemment au deuxième congrès
d'hygiène scolaire (Paris, juin 1905). Les élèves des écoles munici-
pales ont tous reçu un carnet portant des indications détaillées sur
leur âge et leur domicile, leur lieu de naissance, la date et le succès
de leur vaccination, leur poids, leur taille, leur périmètre thoracique
et leurs aptitudes sportives. Ce livret contient en outre des notions
d'Hygiène, des conseils généraux pour dénoncer les dangers de l'al-
cool, etc. Une fiche sanitaire, annexée à ce livret, reste entre les
mains du médecin-inspecteur de l'école et lui permet d'indiquer aux
parents les soins nécessaires. On ne peut que souhaiter la générale
sation de ce système.
Dans notre ville, un règlement sanitaire des écoles vient d'être
élaboré, qui montre quel souci elle prend de l'hygiène de la jeunesse ;
CONGRUS 1)1: NANCY 13
194 CONGRÈS- DE NANCY
la plupart des mesures édictées visent d'une Façon plus ou moins
directe à la prophylaxie des maladies infectieuses (^.

' i. Extraits du règlement sanitaire des écoles de Nancy : -

' / LA VISITE DES .ENFANTS "- '


Il y aùrâ.paf année trois visites générales des enfants-: en octobre^ en mars et eh juillet.

,: :
.;
listes dé bonne volonté, classera les enfants en trois catégories :
10 Enfants sains ; ' .......
A.ces. visites, le médecin titulaire, assisté du médecin adjoint et, s'il y a lieu, de'médécins spécia-

a». Enfants de santé défectueuse, quoique compatible avec la fréquentation dé l'école.


Pour chacun de ce.s enfants,-le médecin établira un bulletin de santé spécial ; il.invitera, en outre,
., par un avis signé de lui et du directeur de l'école, les parents à soigner leurs enfants ;
T39 Enfants,quine doivent'pas fréquenter l'école,- parce que leur santé s?y oppose ou parce qu'ils sont-
un danger pour les autres. .
'

-
Le médecin devra donner pour les enfants de cette catégorie soh^avis sur les motifs et; la durée pro-
bable de l'éviction, motifs qui seront transmis aux parents par les-soins du bureau d'hygiène.

<
LA VISITE DES LOCAUX SCOLAIRES '.
.
Après le classement des enfants, les médecins feront la visite des locaux scolaires.
•' Chacune des visites générales donnera lieu à l'établissement, par le bureau d'hygiène, d'un rapport

spécial dont la formule contiendra, imprimées, les questions auxquelles le médecin devra répondre.
Àù rapport de juillet sera annexée la liste des. enfants dont l'état de sarité comporterait l'envoi aux
colonies scolaires-de vacances.
VACCINATIONS — MALADIES CONTAGIEUSES
.,
Le directeur d'êcolè refusera l'accès des classes aux enfants "qui n'auront pas subi les vaccinations
prescrites-par larloî ; il assistera le médecin comme secrétaire lors de l'établissement des bulletins de
santé ; aux visites mensuelles, il le renseignera sur l'état sanitaire général de son école et lui présen-
tera les enfants dont l'état de santé défectueux aurait attiré son attention; il renverra immédiatement
chez lui tout enfant tombé malade et ne le recevra de nouveau, si l'indisposition a duré plus de cinq
jours, que sur le vu d'un certificat médical constatant qu'il peut rentrer sans danger pourles autres
élèves. ' "

Tout enfant atteint de maladie contagieuse ne pourra rentrer à l'école que sur le vu : 1° d'un certi-
ficat médical affirmant qu'il n'est plus contagieux; 20 d'un certificat du bureau d'hygiène attestant
que son domicile, ses.vêtements et tons les objets lui appartenant ont été désinfectés.
11 sera interdit aux parents d'enfants atteints de maladies contagieuses d'envoyer momentanément
.
leurs autres enfants à l'école.
Les écoles seront désinfectéestoutes les fois que plusieurs cas de maladies contagieuses s'y seront
déclarée
L'HYGIÈNE DES CLASSES LE BALAYAGE

Dans .l'intervalle des classes, pendant les récréations et le soir, les salles devront cire largement
aérées. Le balayage, qui ne devra jamais être confié a des enfants, devra être pratiqué exclusivement
le soir,-jamaisà sec, mais avec une toile humide ou après avoir projeté sur le sol de la sciure de bois
humide s: on utilise le balai.
Le'sol des classes sera lavé et brossé chaque semaine.
.
Tous les ans, pendant les vacances de Pâques et les grandes vacances, les murs devront être lavés
et les salles désinfectées.
LA PROPRETÉ DES ENFANTS
Les enfants devront se présenter à l'école dans un état convenable de propreté, sous peine d'exclu-
sion. Toutes les salles devront être munies de lavabos. Les coiffures, manteaux, cache-nez seront
accrochés en dehors des salles à des crochets dont l'usage sera individuel. Les instituteurs devront
veiller à ce que les élèves ne portent pas à la bouche leurs crayons et porte-plumes, ne lavent pas les
ardoises avec de la salive, ne crachent pas sur le sol et se tiennent en des attitudes normales, principa-
lement quand ils sont assis.
On conseilleraaux parents de faire prendre un bain chaque semaine à leurs enfants.
MALADIES INFECTIEUSES.— DISCUSSION ET VOEUX ï'9'5

Discussion et voeux
M. le Dr Mathieu.— L'hygiène de la jeunesse et là pro-
phylaxie dés maladies;contagieuses à l'école se composent
en somme de quelques niesures.essentielles que l'opinion
publique doit réclamer si l'on veut en obtenir l'applicatioriv
Il importe que l'inspection médicale des écoles soit com-
plètement organisée. Or, elle ne l'est même pas dans l'en- "
seigriemént secondaire, malgré les règlements ministériels;
En ce qui concerne les écoles primaires, elle ne l'est que
dans quelques grands centres, à Nancy par exemple; mais
presque partout ailleurs lès municipalités s'en désintéressent
complètement.
Cette inspection médicale aura, comme corollaire,et comme
moyen d'action, là fiche pour les écoles primaires, le livret
sanitaire pour les internats.
On pourra suivre ainsi sommairement le développement
physique de l'enfant.
M. le Dr Letulle. — Le rapport de M. Haushalter confirme
d'une manière éclatante ce que nous avons déjà dit, à savoir
que l'éducation hygiénique est absolument insuffisante.
Si les ressources de l'Alliance d'hygiène sociale lui per-
mettaient cette propagande, elle devrait créer de petites
plaquettes de propagande hygiénique. Les unes énonceraient
très rapidement quelles sont les maladies infectieuses, la
durée et la forme de leur contagiosité, les précautions à
prendre, etc. D'autres enseigneraient les précautions à pren-
dre contre les maladies vénériennes, contre l'alcoolisme, etc.
Le congrès devrait chercher une formule pratique permet-
tant à l'Alliance de pénétrer dans la famille, peut-être au
moyen du livret scolaire.
I96 '•'•' CONGRÈS.DE NANCY
L'ignorance des familles est inimaginable. J'en citerai un
exemple parmi des centaines d'autres, car j'ai l'honneur de-
puis un quart de siècle d'être médecin d'un lycée de Paris.
Dans les lycées, les épidémies d'oreillons sont très fré-
quentes. L'an dernier, dans une classe supérieure, où l'on
préparait des candidats à l'École polytechnique, un élève
eut les oreillons. Le jeune homme, interne, tombé malade
le dimaiachè, resta dans sa famille. Le dimanche suivant,
les camarades,'ayant appris qu'il avait les oreillons, allèrent
le voir, et la mère du jeune homme malade" les fit entrer
insouciamment auprès de leur ami. Au bout de quelque
temps, bien entendu, nous avons eu dans la classe une
épidémie d'oreillons, qui s'est étendue au lycée tout entier.
Il y a eu douze ou treize victimes, en ce sens que pendant
une quarantaine de jours, ces candidats aux grandes écoles
he'---purent plus suivre lés cours préparatoires, ce qui les
empêcha de concourir utilement en fin d'année.
Là simple notion de la formidable contagiosité des oreil-
lons devrait arrêter les parents, dans des cas semblables,
mais nous sommes loin de compte.
L'idée populaire que la rougeole est une maladie inévi-
table fait parfois que les mères, lorsqu'un enfant a la rou-
geole, s'empressent de mettre avec lui les autres, pour qu'ils
l'attrapent, sans songer à l'aggravation du mal qui résulte
souvent de l'agglomération des malades.
Je ne parle pas ici du pauvre peuple, qui ignore; je parle
des classes de la société qui devraient savoir.
On pourrait presque dire que l'administration des lycées
s'entend avec lès familles pour développer les maladies épi-
démiques.
Dans le lycée dont je suis médecin, lorsqu'un externe a
été absent pendant quelque temps, l'administration demande
MALADIES INFECTIEUSES. DISCUSSION ET VOEUX I97 .

aux parents la justification de cette absence.. Les parents


disent en général : « Mon fils a eu la gripper » L'adminis-
tration demande, il est vrai, un certificat du médecin trai-
..
tant. Ce certificat est formulé ne varietur. Il ne signale jamais
une maladie contagieuse.. Le médecin, pour faire plaisir à
la famille, pour ne pas empêcher l'enfant de reprendre ses
cours, dit : « grippe, embarras gastrique, congestion pulmo-
naire », mais de rougeole, d'oreillons^ point. A moins
qu'une épidémie secondaire éclatant dans la classé d'où
vient le malade en question, on ne fasse une enquête, et on
ne sache ce qui s'est passé. ;
L'administration; d'ailleurs,; même lorsque le certificat
est exactement motivé, oublie de prévenir le médecin du
lycée, de sorte que c'est par la contagion des internes que
j'apprends qu'il y a eu une maladie contagieuse chez un
externe.
Je voudrais donc que l'Alliance d'hygiène sociale, par une
publication très bon marché, uniquement détaillée au point
de vue des précautions simples à prendre et des conditions
de la contagion, voulût bien donner à la France entière une
leçon de choses et une'règle d'hygiène.

M. le président. — J'ai reçu de M. le Dr Mathieu le voeu


suivant :
Le Congrès d'hygiène sociale, approuvant le rapport de M. le pro-
fesseur Haushalter, émet le voeu :
Que pour effectuer la prophylaxie des maladies contagieuses dans
les milieux scolaires, l'inspection médicale des écoles soit effectivement
organisée dans toutes les écoles secondaires et primaires, publiques et
privées, et que des carnets individuels de santé dans les internats, et des
fiches sanitaires dans les externats, soient établis d'après un type uni-
forme et régulièrement tenus à jour. (Adopté.)
I98 CONGRÈS .DE NANCY
M. le Dr P. Spillmann, professeur à la faculté de médecine,
donne lecture de son rapport sur :

La préservation de l'adolescence
contre lés maladies vénériennes
On se croit parfois en sécurité: parce qu'on ne voit pas l'ennemi.
C'est le raisonnement de bien des gens en ce qui concerne certains
dangers dont le nom, jusqu'à ces dernières années, fie. pouvait être
prononcé « dans le monde » sans faire erier au scandale. Ces dangers,
qu'il faut savoir regarder en face pour les éviter ou les combattre
utilement, s'appellent les maladies vénériennes.
« Mais, diront certaines personnes, à quoi bon essayer de diminuer
la fréquence de ces maladies ? Les débauchés ne sont pas intéressants
et s'ils gagnent une maladie, ils n'ont que ce qu'ils méritent. »
Voilà une objection qu'on entend souvent, qui dénote un manque
absolu de miséricorde pour les malades et qui repose sur un principe
absolument faux.
Les maladies vénériennes, en effet, ne sont pas l'apanage exclusif
des débauchés, des individus insatiables de plaisir et peu scrupuleux
sur le choix des moyens ; elles atteignent souvent des jeunes gens
dès le premier contact d'une personne malade à l'occasion d'un en-
traînement passager; elles peuvent se transmettre parles relations les
plus légitimes, et bien des jeunes femmes les reçoivent.innocemment
de leur mari le plus souvent parce que.celui-ci ignore la transmission
possible à longue échéance de maladies dont il n'a jamais soupçonné
la gravité et l'importance ; elles peuvent aussi, ces maladies dites
vénériennes, se transmettre en dehors de tout contact sexuel, et
certaines d'entre elles poursuivent leur oeuvre néfaste jusque sur
les enfants du malade, vouant certains ménages à l'infécondité ou
certains enfants à la mort ou à la déchéance physique ou intellectuelle.
C'est dire que ces maladies ne sont pas un danger négligeable,
qu'elles sont un véritable péril individuel et social; quelques détails
le feront voir mieux encore.
MALADIES VÉNÉRIENNES. RAPPORT SPILLMANN I99
Laissons de côté une variété, devenue assez rare, le.chancre mou,
qui n'est qu'un accident local et passager, généralement sans gra-
vité, encore qu'il s'accompagne parfois„de suppuration ganglionnaire
douloureuse et quelquefois de.mutilations pénibles.
:
Arrêtons-nous plus longuement sur la blennorrhagie etlasyphilis.
La -blennorr.hag'ie, .dont le type ordinaire est la vulgaire: chauder
pisse, sert de thème à bien des plaisanteries : .considérée par des
jeunes gens insouciants comme un « .brevet de virilité »,: elle .est
loin de guérir toujours, et elle les expose à.des coiiséquençes,immé-
diates souvent, graves (inflammation, de la vessie, épididymite qui
entrainera l'infécondité, variété de rhumatisme laissant ordinairement
de l'ankylose articulaire), quelquefois à des accidents: mortels (on a vu
des maladies du coeur et des méninges en être la conséquence) et à
des conséquences lointaines, dont l'une, le rétrécissement de l'urèthre,
est un accident redoutable, et dont l'autre, la goutte militaire,,,est
une source de réinfections pour le porteuret de dissémination;de> la
maladie. Ce- jeune: homme se croit guéri depuis plusieurs années,^ il
ignore même souvent qu'une gouttelette de pus vient so îrdre au bout
de son canal, et il se marie; et voilà que sa j:eun& femme contracte
une métrite, ou une salpingite, qui.pourra la clouer pour: longtemps
sur une chaise longue ou la conduire dans unesalle d'opérations et
sous le bistouri du chirurgien ; et voilà que les^enfantsde cet homme,
s'il en a, sont exposés à contracter la terribles ophtalmie purulentej
responsable de plus de moitié des cas de cécité.
.,.
La syphilis, dont la fréquence augmente singulièrement depuis
quelques années, est une infection générale qui atteint tout l'être,
produisant une sorte d'empoisonnement du sang dont les effets
tardifs et les manifestations successives créeront les dangers les plus
graves, si le malade ne se soigne pas bien et longuement, pour lui-
même, pour sa descendance, pour son entourage. Après avoir
« couvé » pendant trois ou quatre semaines, la syphilis apparaît
d'abord sous la forme d'une petite papule, d'une érosion insigni-
fiante très bénigne d'allures et indolore. Puis le mal se manifeste par
divers troubles de la santé et par des éruptions de la peau et des
muqueuses. Ces dernières manifestations sont ordinairement peu
200 CONGRES DE NANCY
graves pour le malade^ mais sont énormément contagieuses et trans-
ïnissibles par un contact quelconque,: tel qu'un baiser familial, ou
par l'intermédiaire d'objets de table ou de toilette. Et puis, si le
traitement a été insuffisant, voici venir après un an, cinq ans, dix
ans, quinze ans, des lésions qui rongent différentes parties du corps :
la syphilis détruit- le nez, perfore le voile du palais, lèse les organes
intérieurs, attaque des os, troue la peau, ou, atteignant le cerveau par
la déchirure d'une artère ou la production d'une tumeur, entraine
une paralysie fatale; elle peut aussi produire à longue échéance l'ataxie
locomotrice, l'aliénation - mentale, l'épilepsie, la paralysie générale.
N'oublions pas non plus que la syphilis est responsable de la tristesse
de bien des foyers, où les enfants succombent avant d'être nés, ou
peu après ; n'oublions pas aussi la pénible situation apportée dans un
ménage par l'échange ordinairement inconscient de cette maladie;
n'oublions pas davantage les ruines sociales que crée l'apparition: de
troubles mentaux incurables chez un père de famille ou chez un chef
d'industrie qui avait depuis longtemps oublié la petite écorchure de
«es vingt ans. Je ne force pas le tableau, j'esquisse la simple réalité.
(Pour plus amples renseignements lire la brochure de M. le professeur
A. FOURNIEU, Danger social delà syphilis, publication dé la Société
de prophylaxie, sanitaire et morale. Chez Delagrave. Prix: 30 cent.)
Et pour être complet, il faut ajouter aux ruines accumulées par
les maladies précitées, celles que peut entraîner la tuberculose, fré-
quente chez les femmes de mauvaise vie et disséminéepar elles à tout
venant, ainsi que je l'ai démontré récemment au Congrès interna-
tional de la tuberculose (Paris, octobre 1905).
Les maladies vénériennes sont donc un fléau social, il faut à tout
;prix en enrayer la dissémination et défendre les jeunes gens contre
les entraînements de leur âge et contre leur ignorance du péril. Pour
combattre ce fléau, pour préserver les jeunes gens contre les maladies
vénériennes et leurs redoutables conséquences, on peut avoir recours.'à
divers moyens, qui doivent être mis en oeuvre parallèlement.
Ces moyens se répartissent en deux groupes principaux :
i° Moyens de préservation s'adressant aux jeunes gens eux-mêmes
(prophylaxie individuelle) ;
MALADIES VÉNÉRIENNES. — RAPPORT SPILLMANN 201
2° Moyens de préservation et d'hygiène organisés par les pouvoirs
publics (prophylaxie sociale).

-.'..,
PROPHYLAXIE INDIVIDUELLE

'.
La première catégorie d; moyens de préservation contre les mala-
dies vénériennes s'adressant aux jeunes gens eux-mêmes, pour les
mettre en garde contre les dangers auxquels ils s'exposent :
À):Le premier de ces moyens est l'éducation morale des jeunes
gens. De solides principes de morale, enseignant le respect de'soi-
même et des autres personnes, maintiennent un grand nombre de
jeunes gens dans une vie régulière, dont la conséquence immédiate
est que, ne s'exposant pas au péril, ils sont.forcément indemnes, de
-toute contamination génitale. Et il faut le dire, car la logique et les
-faits le démontrent, cette morale préservatrice est surtout: la morale
religieuse. Un vague idéal, la notion du Beau et du Bien, ne sont
qu'un, faible contrepoids aux passions naissantes.
La croyance en Dieu est un argument autrement puissant sur
l'esprit des jeunes gens et donne à celui-ci une action frénatrice
efficace sur les désirs des sens.
Et qu'on ne dise pas que la morale religieuse, en prescrivant la
continence, va contre la nature, contre un,besoin physiologique
invincible et dont la satisfaction est nécessaire à l'équilibre de la
saiité ! Certes, la race humaine ne se compose pas.d'hommes et. de
femmes pour que ces deux catégories d'êtres restent toujours étran-
gères l'une à l'autre, et les religions, exception faite de quelques
vocations spéciales, entourent le mariage et la procréation d'êtres
nouveaux, qui en est le but, de la plus grande considération. .
Il n'est donc pas. question, pas plus pour les moralistes que poul-
ies médecins, de prêcher une continence éternelle :.. ce que deman-
dent les uns et les autres, c'est que les jeunes gens des deux sexes
•l'observent jusqu'au mariage, réservant leurs forces' et leurs désirs
pour un but utile, et ne les éparpillant pas inutilement. Ici nous
•trouvons des contradicteurs. Soit, disent-ils, nous en convenons,
les jeunes gens qui recherchent les satisfactions sexuelles font oeuvré
202 ' CONGRES DE NANCY •

inutile, mais le contraire ne leur serait-il pas funeste, la continence


est-elle sans dangers ? L'observation rigoureuse des faits permet de
répondre sans hésiter que la continence ne présente aucun inconvé-
nient pour la santé physique,et intellectuelle; tous lés médecins nous
diront n'en avoir jamais vu de résultats fâcheux, si ce n'est quand il
y a; un désaccord entre la continence de fait <et un état psychique
qui comporterait des habitudes opposées. Dans les désirs de-la
chair, il y a un double élément, il y aie besoin purement organique,
nul ou insignifiant si l'esprit qui l'influence ne vient pas l'exalter,
et le désir d'origine psychique, qu'alimentent et qu'entretiennent
les lectures, les conversations, les.fréquentations, l'excitation.de-la
bonne chère, etc.
- .
Et nous touchons maintenant à un point fort important. Il faut
que les jeunes gens (voici encore, comme toujours, morale et méde-
cine d'accord) sachent éviter ces conversations, ces lectures, ces fré-
quentations dissolvantes ; il faut qu'ils gardent des habitudes de travail
et de sobriété qui sont une sauvegarde, et je pourrais rapporter bien
des faits de maladies contractées lors d'une première chute, consé-
quence elle-même d'un repas trop copieux et trop arrosé ou d'une
journée de fête en ville ou à l'atelier; et cette maladie peut parfois
marquer de son sceau toute une vie, sans compter qu'il s'y ajoute
parfois, s'il s'agit d'une jeune fille, les espérances d'une maternité
que le monde sans pitié considère comme infamante.
Il faut encore, et ceci est affaire d'éducation, que les jeunes gens
prennent l'habitude du respect de leur corps, telle que l'enseigne la
morale, et l'habitude du- respect de la femme. « La mère, dit
M. Max TURMANN {Initiatives féminines, p. 252), peut beaucoup
pour donner à ses fils le respect vrai et profond de la femme... Habi-
tués à voir et à honorer dans la femme avant tout et par-dessus tout
la mère, plus tard, aux heures difficiles de l'adolescence, un amour
pur et sincère pourra les préserver contre les souillures et les
chutes. » La littérature et le théâtre contemporains, comme d'ail-
leurs la tournure d'esprit de bien des gens, ne voient dans la puis-
sance sexuelle qu'un moyen de jouissance, dans le mariage qu'une
institution surannée, et dans tout ce qui regarde le sexe que matière
MALADIES VENERIENNES. — RAPPORT SPILLMANN 203:
à plaisanteries grivoises. Et les jeunes gens:, souvent aussi les jeunes
filles, _ne connaissent des; choses-concernant la génération que le
côté graveleux ; ils ignorent ou méconnaissent ce qu'il y a de beau
et de grand dans ce « pouvoir créateur » ; 011:11e leuren âpprendpas
ni le côté sérieux, ni les dangers-auxquels leur inexpérience-pourra
les exposer-..
.
<<, '. :../.:: .-"-.-..'-.-:;/.;
B) Et c'est pourquoi, à côté de l'éducation morale et intellectuelle
relative au sexe, les jeunes gens..doivent; recevoir une- éducation
hygiénique bien comprise et bien dirigée. .: ; ' :: '
D'abordpour les jeunes gens-personne ne contestera- que les gar-
çqns ont généralement sur les questions sexuelles une documen-
tation, sinon exacte (tant s'en faut !), du moins toujours précoce^
et que les plus vertueux sont loin d'être'toujours ceux qui sont le
moins instruits, ou le plus tardivement « ignorants »:. J'estime
donc qu'un éducateur ou qu'un père peut à un moment donné,
dont.il est juge, mettre un: jeune homme en garde contre les incôn^
véiiients de la satisfaction des désirs qu'il pourrait avoir; et ne
serait-il pas préférable que le jeune homme, dès ses premières
inquiétudes, obtienne sa tranquillité d'esprit d'un renseignement
donné par un sage conseiller au lieu de la chercher dans des.conci-
liabules secrets avec ses condisciples ou ses camarades d?atelier,
dans des brochures excitantes ou dans un dictionnaire qu'il com-
prendra mal, moyen fort usité si l'on en juge par Pét.it lamentable
de quelques pages de divers ouvrages des bibliothèques publiques.
Une fois en train de causer sagement et sérieusement de ces ques-
tions, ce jeune homme apprendra les dangers qui peuvent résulter
pour lui àï la fréquentation des femmes qui s'offrent à lui, et en
particulier de soi-disant petites ouvrières ou de trop aimables voi-
sines ; il apprendra en somme à se méfier de toutes les femmes ; il
apprendra que les contacts génitaux ne sont pas le seul mode de
contamination possible et que la bouche notamment est grande
semeuse de syphilis ; il apprendra aussi que les promesses des char-
latans sont mensongères et que les maladies vénériennes demandent
un traitement long et dirigé par un médecin seul compétent en
l'espèce, etc. Cette éducation hygiénique relativement au sexe pourra
204 ,
\ • CONGRÈS DE NANCY
être donnée, avec, des variantes d'application, dans les classes supé-
rieures des collèges, dans les cours d'adultes, dans certaines oeuvres
confessionnelles réunissant des jeunes gens, à la caserne. Elle devra
être donnée.-surtout par voie d'action individuelle, par conseils
oraux ou par la lecture et le commentaire d'un document clair et
précis comme la brochure de M. le professeur FOURNIER, Pour nos
fils quand ils. auront dix-huit ans, quelques conseils d'un médecin.
Cette brochure est parfaite, mais son prix encore, trop élevé en
empêche la vulgarisation dans les milieux ouvriers, et d'autre part
trop d'éducateurs n'osent la mettre entre les mains de leurs élèves,
croyant-encore que l'ignorance préserve de là chute; préjugé funeste
et:grand pourvoyeur de morbidité vénérienne.
:
La question est plus délicate en ce qui concerne les jeunes filles,
mais" il est bon aussi qu'elles soupçonnent certains périls, surtout
celles que leurs conditions d'existence exposent au voisinage des
jeunes gens, à l'atelier, au magasin, dans un bureau, pendant le
•retour au domicile paternel. Si la connaissance des choses de la
génération est ordinairement tardive chez les jeunes filles de la
classe aisée, elle est par contre précoce, souvent même prématurée,
dans la: classe ouvrière, où des enfants sont parfois trop bien rensei-
gnés. Mais que savent ces jeunes filles ? Comme les jeunes gens,
elles ignorent trop souvent ce qu'il y a de grand dans le pouvoir
d'engendrer, elles savent surtout que le sexe est pour certaines
d'entre elles une occasion de plaisirs et quelquefois de bien-être
matériel inespéré, elles n'ont appris de personne que le séducteur,
quel qu'il soit, peut leur apporter la honte et la maladie. Vienne ce
séducteur sous la forme d'un camarade. d'atelier ou d'un jeune
homme de condition sociale plus, brillante, et la jeune fille, troublée
par les. récits qu'elle a entendus ou par la lecture des romans,
désemparée si elle n'a. pas pour la soutenir des principes sérieux,de
•morale et. de religion, la jeune' fille, dis-je, succombera à la tenta-
tion. Et la. première chute, une seule chute, ne l'oublions pas, peut
lui infliger pour toujours la flétrissure d'une maladie indélébile.
Il faut donc que la jeune fille reçoive la sérieuse éducation morale
.qui lui •convient.;, il faut, qu'elle soit, toutes .proportions gardées,
MALADIES VÉNÉRIENNES. — RAPPORT SPILLMANN 20^
mise en garde contre les entraînements qui la guettent, surtout si
elle lit des romans, si elle fréquente le théâtre, si-elle. écoute trop
volontiers les compagnes qui veulent la « déniaiser », si elle prête
trop facilement une oreille attentive aux compliments qu'on lui
fera de sa beauté.
Jeunes filles, méfiez-vous des flatteurs, vous ne serez pour eux
qu'un jouet ; vous perdrez toujours votre plus grande beauté, qui
est.votre virginité physique et morale ; vous perdrez souvent votre
santé et avec elle les plus doux rêvés d'avenir. Mères, si vous hésitez
à donner des conseils à-vos jeunes filles, lisez la brochure du docteur
Ch. BERLUREADX, Pour nos filles, quand leurs mères jugeront ces
conseils nécessaires (publication de la Société de prophylaxie ; chez
Delagrave; prix: 30 cent.) et faites-les-en profiter, car elle est
écrite dans un langage discret et bien approprié à la condition des
jeunes filles, en particulier des ouvrières et employées; elle « n'a
que leur sauvegarde comme intention ».

PROPHYLAXIE SOCIALE

La jeunesse est l'âge de l'inexpérience et n'écoute pas toujours


les conseils de la sagesse ; il convient donc de prendre des mesures
capables de préserver les jeunes gens malgré eux et de supprimer
dans la mesure du possible les maladies vénériennes comme on
cherche à supprimer les autres maladies contagieuses et transmissi-
bles (variole, diphtérie, choléra, etc.).
Cette lutte sociale contre les maladies vénériennes dispose de
quatre moyens principaux :
i° Lutte contre la pornographie;
2° Lutte contre la promiscuité des sexes dans les ateliers ou dans
les maisons ouvrières ;
30 Diminution de l'activité des germes de maladies par le traite-^
ment des malades ;
40 Surveillance de la prostitution.
A) La lutte contre la pornographie ne s'inspire pas seulement
de considérations philosophiques ou religieuses. Elle a aussi une
206 CONGRÈS DE'NANCY '• ' ' '

raison d'être basée sur l'hygiène bien comprise, et elle doit être un
élément important de la lutte contre les maladies vénériennes/ "
.
Par l'image, par le livre, par le théâtre, par Un laisser-aller de
jour .en jour plus grand, la pornographie s'étale et s'affiche osten-
siblement, s'infiltrant peu à peu dans toutes les classes de la société,
habituant les regards ides enfants à voir la représentation de choses
dont ils ne devraient pas soupçonner l'existence, habituant les plus
grands à lire ou à entendre les récits les plus dissplus et les plus
provocateurs. Et. je n'ai pas besoin d'insister sur l'influence néfaste
que le roman actuel, la livraison à dix centimes, exerce sur l'âme et
'l'esprit des jeunes ouvrières. L'imagination est donc surchauffée
sans cesse par des idées d'amour et de plaisir; le désir physique est
rapidement exalté par l'influence de l'imagination; le terrain est tout
préparé pour une chute trop facile dans l'état actuel de la société.
Au point de vue sanitaire, comme au point de vue moral, on doit
regretter que le public français ait accueilli avec trop de légèreté et
souvent sms le moindre respect les efforts louables de diverses
sociétés, telles que la ligue fondée par M. le sénateur Bérenger. De
telles initiatives sont pourtant destinées à préserver le corps et l'âme
de nos enfants.
B) La promiscuité des sexes dans les ateliers ou dans ces agglomé-
.
rations qu'on appelle maisons ouvrières, aussi déplorable au point
de vue de la morale qu'à celui de l'hygiène, est une grande occasion
de chutes pour les jeunes gens des deux sexes, et surtout pour les
jeunes ouvrières qui peuvent, être en butte aux obsessions inces-
santes des voisins de travail ou d'atelier. Le jeune homme, il faut le
dire, est surtout exposé, à la tentation et à la maladie, par la ren-
contre qu'il fait dans la rue, le soir, de femmes dont la prostitution
constitue le gagne-pain; tandis que la jeune ouvrière perd d'ordi-
naire sa virginité, et souvent sa santé, parce qu'elle finit par céder
aux sollicitations d'un séducteur, souvent sans scrupule, qui pendant
des mois quelquefois l'obsède jusqu'à ce qu'il soit arrivé à ses fins.
Et si beaucoup de jeunes filles se ressaisissent après une première
faute, combien en est-il qui, après avoir eu un premier amant,
cèdent plus tard à un second et peu à peu glissent, surtout si la
MALADIES VENERIENNES. -^- RAPPORT SPILLMANN 207
paresse, mauvaise .conseillère, les y pousse,, sur le chemin de la
prostitution. Car c'est ainsi que se recrute le plus-souvent l'armée
du vice :. M. Le Pileur et M. Fournier ont établi par l'observation
de milliers de cas que l'histoire de la prostitution parisienne peut
en général se résumerentrais mots : déflorée à seize ans; prostituée
à dîx^sept ans ; syphilitique à dix-huit ans.
-
Il faut donc diminuer les chances, de chute 1110raie et de contagion
morbide en.:modifiant les conditions de travail et de: logement
(heures differeiites.de sortie.des ateliers, séparation des ouvriers des
deux sexes, water-closets distincts, lutte contre l'entassement des
nombreuses familles, dans des logements exigus, etc.).
C) L'activité des germes de maladie peut être diminuée parle trai-
tement. —-LablennoTrhagie traitée n'est ni .aussi grave ni aussi
longue que la blennorrhagie abandonnée à elle-même, les syphili-
tiques soumis à une thérapeutique rationnelle n'ont pas autant de
poussées d'accidents contagieux que ceux qui ne le sont pas. Par
conséquent, les malades traités sont moins dangereux pour les per-
sonnes qui s'exposent à leur contact que les malades, non traités.
Et qu'on ne dise pas ici que nous allons donner essor au vice en
diminuant ses dangers : d'abord,, nous l'avons déjà dit, la maladie
frappe souvent par ricochet des innocents,'et puis, il faut l'avouer,
nous n'atteindrons malheureusement jamais tous les. malades, si
bien que ceux qui n'ont pour les retenir que la crainte de la ma-
ladie pourront la craindre encore : un individu, homme ou femme,
atteint d'une maladie vénérienne, vit dans la société comme un
individu sain, et un médecin expérimenté, l'examinant à fond, a
peine parfois à découvrir sa maladie. Qu'au lieu de dix prostituées
syphilitiques sur un trottoir, une ou deux seulement soient malades,
il y aura encore des risques à courir pour les jeunes gens, et d'ail-
leurs, quoi qu'on puisse dire, nous croyons faire notre devoir en
luttant contre des maladies qui frappent tant d'innocents et abâtar-
dissent notre race.
-
...
Nous disions donc qu'il faut « stériliser » les germes de maladie
en traitant les malades. Il faut que le traitement des maladies véné-
riennes et spécialement celui de la syphilis, qui doit être long, puisse
208 CONGRÈS DE NANCY
être suivi facilement par les malades; c'est dans ce but qu'on a-
institué dans certaines villes, et notamment à Paris, des consultations
du soir, dans lesquelles les soins sont donnés aux ouvriers sans perte
de temps et de salaire pour eux. Il est nécessaire aussi, pour que les
malades à traiter ne soient pas arrêtés par la crainte du discrédit,
que les soins puissentïleur être donnés dans des services généraux de
médecine. Pour nous, médecins, il n'y a pas de maladies méritées
ou imméritées, avouables ou honteuses, il n'y a que des souffrances
à soulager, quelles qu'en soient l'origine et la cause.
Depuis dix-huit ans, fonctionne à l'hôpital civil de Nancy, dans
notre service de clinique, une consultation accessible à tous les
malades et où les indigents atteints de syphilis peuvent venir rèce-
voirgratuitement et discrètement les soins nécessaires. Ils y viennent
nombreux et cette institution a déjà rendu des services très grands
en soulageant les malades eux-mêmes et en diminuant les chances de
.
dissémination de maladies par la diminution même de la durée ou
de la répétition des lésions contagieuses.
Dans le même ordre d'idées, il faut aussi mener une campagne
vigoureuse contre les charlatans (souvent, hélas ! munis d'un
diplôme) qui, par des promesses mensongères d'une guérison rapide,
font croire au. public à la bénignité de maladies sérieuses et- dont,
le traitement est généralement long. Ces guérisseurs, dont les noms
s'étalent dans: tous les urinoirs, font sciemment acte d'escrocs et
souvent aussi se rendent coupables de véritables homicides par
imprudence en affirmant la guérison d'une maladie qui, non traitée
pu insuffisamment traitée, pourra avoir de terribles réveils. L'inter-
diction de ce genre de promesses s'impose, et leur publicité est déjà
interdite dans plusieurs villes, notamment à Lyon. Il faut aussi que.
le public sache que, contrairement aux affirmations des charlatans,
le mercure est et sera toujours la base du traitement vrai et efficace
de la syphilis et-qu'il n'a pas les inconvénients qu'on se plaît à lui
attribuer.

D) La surveillance de la prostitution a été, reste et restera tou-
jours un excellent moyen de préserver les jeunes gens malgré eux;
Il est des personnes qui réprouvent cette surveillance et la régie-
MALADIES VENERIENNES. RAPPORT SPILLMANN 209
mentation sur laquelle elle s'appuie ; mais les principes d'un senti-
mentalisme plus ou moins utopique ne sont d'aucune valeur.eontre
ce fait brutal que la prostitution constitue un commerce insalubre :
cette insalubrité oblige donc les pouvoirs publics à intervenir pour
en diminuer les effets et. pour préserver .les jeunes gens dont la
contamination résulte le plus souvent de l'ignorance du péril. Ici,
certains objecteront que tandis qu'on interne dans des hôpitaux-
prisons les femmes publiques atteintes de maladies contagieuses,
l'homme malade peut aller et venir à son gré : le fait est exact, mais
il faut remarquer que la loi punit l'homme coupable d'avoir trans-,
mis sciemment une maladie vénérienne (plusieurs jugements ré-
cents) et qu'en réalité, à part des exceptions heureusement rares,
l'homme contamine surtout des personnes qui s'y exposent, tandis
que la prostituée, se livrant à tout venant, peut distribuer à tous le
mal dont elle est atteinte. « Les renseignements statistiques, dit
M. le professeur Fournier, établissent qu'à Paris une prostituée a en
moyenne commerce avec quatre hommes par nuit ; si la femme est
infectée, si je la prends à Saint-Louis, elle ne peut pas infecter quatre
hommes par nuit. » Cet argument de bon sens est de toute évidence.
La surveillance de la prostitution est d'autant plus nécessaire
qu'il est démontré que les prostituées insoumises, irrégulières, « clan-
destines », c'est-à-dire échappant à la surveillance et à l'examen mé-
dical qui en est la sanction, sont les grandes dissêminatrices des ma-
ladies vénériennes, et l'histoire sanitaire démontre que toutes les
tentatives de suppression de la surveillance ont • eu pour résultat une
augmentation énorme de la morbidité vénérienne parmi les clients de
prostituées d'abord, dans l'ensemble de la population ensuite.
Il est indispensable que la surveillance soit réellement efficace et
soutenue. Il faut en effet que les prostituées, soit celles des maisons
de tolérance, soit celles dites «en carte», soient toutes examinées
effectivement aux jours fixés ; que l'examen ne se borne pas aux seuls
organes génitaux, mais que le corps et la bouche, ce réceptacle de
lésions syphilitiques contagieuses, soient aussi explorés par un.mé-
.
decin ; que l'enquête porte aussi sur la tuberculose dont ces femmes
sont souvent atteintes; que les irrégulières de toutes catégories,
CONGRÈS I)K NANCY 14
2:IÔ: CONGRES DÉ NANCY -

petites ouvrières in partibus, lingères. hypothétiques, bonnes de café;


soient dépistées, interrogées et examinées ; que lés «-' clandestines »-
malades soient traitées et que toutes soient, où bien «inscrites », si
Ie-plî est pris et l'habitude incorrigible, ou'bien « tenues à< Foeil »y si
on leur rend leur liberté quand elles paraissent capables de se relever;
En ce qui concerne'les bonnes ée- ca£é,, trop généralement- distri-
butrices de maladies :vénériennes aux-:soldats, de là garnison, il est
nécessaire qu'on tienne la main à l'observance d'un arrêté municipal
qui interdit absolument la présence- dans les cafés de ces femmes
qui; sous prétexte de service, ' sont des invitëuses:, ordinairement
pour lé plus grand bénéfice d'un patron et pour lé plus grand
malheur d?èlïes-mêmes et- dés trop confiants jeunes gens qui, grisés
par l'alcool; se laissent si facilement prendre à leurs sourires. -
: Des améliorations ont été apportées à la façon
de faire les en-
quêtes dans l'armée, relativement à l'origine "des-'contaminations;
il faut qu'on persévère dans cette voie et que la « soumise-» ou la
«clandestine»' qui a contaminé- un soldat puisse être immédiate-
ment arrêtée et traitée sans faire d'autres victimes. ,
I'iy aurait encore bien des points importants à développer, mais
je crois avoir assez insisté sur l'importance de ces questions et sur le
rôle que doivent jouer les pouvoirs publies dans la lutte contre ié
péril vénérien.
->..-' '-."•.-.,' --" *
** .
'

Le péril vénérien est en effet, nous l'avons vu, un danger pour les
individus et pour la société; il atteint dès jeunes gens" qu'il faut pro-
téger contre leur inexpérience et les entraînements de leur âge, il
atteint par contre-coup dés personnes qui ne s'y exposent pas, il
frappe la nation jusque dans ses origines, et contribue pour une
part appréciable à la dépopulation. C'est donc an péril national, que
tous doivent, dansla mesure de leurs moyens, contribuer à conjurer.
La lutte est difficile, elle sera longue, niais la santé n'est-elle pas le
plus précieux des biens, et peut-on faire assez pour la conserver ou
là rendre à tous ?
MALADIES VÉNÉRIENNES.— DISCUSSION ET VOEUX 211

Discussion et voeux;^
Comme sanction à. ce rapport,.,M. le professeur Spillmann
propose les voeux suivants : :.-.; '.-,--
Lé Congrès émette voeu que lalutte contre la pornographie: (image,
brochure, théâtre) soit-plus efficace. ; '" "- '~ '
Queta promiscuité-dans: l'esateliers soit combattue. .' -
': ' Que'la surveillance'de la -prostitution soit plus effective,: les'visités
médicales-plus complètes. '""'.''-. '-''
M, le D' Suarez de Mendoza dépose sur le bureau une :

communication relative à la nécessité d'armer la femme


(enfant, jeune fille,; mère) contre les grands fléaux du, ving-
tième siècle. ' ;'•:
Il faut, avant tout, instruire la femme, lui apprendre à
défendre son foyer contre la tuberculose, l'avariose, la neis-
sérose, l'alcoolisme, la mortalité infantile.-
Pouf cela, on doit surtout compter sur l'initiative privée,
fonder des ligues et sociétés internationales, créer des dis-
pensaires gratuits, etc.
L'orateur termine en déposant les voeux suivants :
A) Que, pour aller au plus pressé, c'est-à-dire en vue de ralentir les
grands fléaux dans leur marche actuelle et d'en atténuer les ravages,
on s'adresse surtout aux jeunes femmes,, et qu'à cet effet, il soit délivré
au moment du mariage, aux jeunes époux, avec le livret de famille :
,i° Un traité élémentaire des grandes vérités qu'on ne doitpas ignorer
pour défendre le foyer contre les grands fléaux du vingtième siècle, la
tuberculose, l'avariose, la neissérose, l'alcoolisme, la mortalité in-
fantile;
2° Un résumé, aussi net et précis que possible, de puériculture ;
j" Un résumé clair et précis de l'hygiène de la femme avant, pendant
et après la grossesse, où seraient soulignées les conséquences, souvenf
désastreuses,, des négligences couramment commises. -
' '
212 CONGRES DE NANCY
B) Qu'en vue de préparer une génération à laquelle seront fami-
lières l'hygiène et la prophylaxie contre'les grands fléaux, et qui les
appliquera pour son plus grand profit, puisque ce sera en faveur de sa
régénération physique et morale, les pouvoirs publics et l'initiative
privée travaillent à la diffusion et à l'application de cette hygiène et de
cette prophylaxie, notamment par les mesures suivantes :
i° Inscription aux programmes d'enseignement public et privé de
tous ordres, de l'enseignement de la nature et des méfaits des grands
fléaux, suffisamment détaillé pour faire saisir à tous la portée des
mesures préventives, et prophylactiques à appliquer ;
2° Établissement d'une loi rendant obligatoire la production d'un
certificat médical et d'un certificat d'honneur par les candidats au
mariage ;
3° Conférences et causeries publiques sur la nature et les méfaits des
grands fléaux ;
4° Affiches, broptmres et feuillets de propagande répandus, par les
soins de l'État et des sociétés privées.

A la suite de cette communication, M. le Dr Suarez de


Mendoza dépose également sur le bureau une chemise des-
tinée à l'envoi des brochures, revues, bulletins, etc., au dos
de laquelle il a fait imprimer : « Ce que les mères de famille
doivent savoir. »

M. Ambroise Rendu, conseiller municipal de Paris. — Plus


nous allons, et plus nous voyons les familles se désintéresser
de la tutelle de leurs enfants.
Les directrices d'écoles constatent qu'à onze ou douze
ans les petites élèves sont déjà eu grande partie perdues.
Elles apprennentxSouvent qu'à peine nubiles, on a été obligé
de les diriger sur Saint-Lazare.
Apprenons tout d'abord aux parents à protéger leurs
enfants. C'est là mon premier point.
Deuxième point : le courant des idées n'est pas favorable
MALADIES VÉNÉRIENNES. DISCUSSION ET VOEUX 213.
à la police sanitaire, et si, par hasard, il se produit un sem-
blant d'erreur dans ses opérations, c'est une levée de bou-
cliers-immédiate contre cette institution, pourtant indispen-
sable et pas assez défendue. "
Il y a un an ou dix-huit mois, à la suite d?une mésaventure
arrivée à la femme ou à la compagne d'un journaliste pari-
sien, la police, découragée, a abandonné sa tâché, et lé
nombre des clientes de Saint-Lazare a beaucoup augmenté.
Il faudrait donner plus de pouvoirs à la police des moeurs,
et défendre cette police, qui est aussi utile que l'autre. '

M. Drouineau. — M. Rendu nous a parlé de là protection


de l'enfant dans la famille. Il avait certainement en vue, en
disant cela, les milieux de misère que nous connaissons
tous et où, en effet, l'enfant est complètement abandonné
moralement.
Je lui demande alors comment il conçoit l'éducation mo-
rale d'un pareil milieu, de pareilles familles. La chose est
peut-être plus difficile qu'il n'y paraît au premier abord.
Une autre question est celle relative à la police des moeurs.
M. Rendu s'en est fait lé défenseur; je n'entends pas la
combattre, mais c'est une si grosse question que nous pour-
rions discuter longtemps ici sur ce sujet sans arriver à nous
entendre.
Le plus sage est d'attendre la fin des travaux de la grande ;
commission extra-parlementaire, de laquelle sont émanés,
déjà un certain nombre de documents très intéressants. Il:
était bon toutefois de soulever au moins cette question.
A ce point de vue, le travail de M. Spillmann est excessive-;
ment intéressant. Il faut combattre le danger des maladies;
vénériennes chez nos jeunes gens, qui sont assaillis de sol-
licitations à leur sortie des lycées, et combattre la prostitu--
tion clandestine.
214- CONGRÈS DE NANCY
M. Grau. — Il y a une oeuvre d'éducation à accomplir, et
surtout en s'adressant aux familles. Pour atteindre ce résul-
tat, je propose d'ajouter aux conclusions de M. Spillmann
le voeu : - ' ; ': '

Que des mesures de propagande soient prises, avec la discrétion con-


venable pour appeler l'attention des familles sur les dangers vénériens
et la nécessité d'en avertir les jeunes gens.

M. Spillmann, pour compléter les voeux précédents, pro-


pose un paragraphe-4, ainsi rédigé : ...
Que, dans les collèges et lycées, et pendant...les,/dernières:années
d'études, on fasse un certain nombre de leçons d'hygiène prophylactique,
au point de vue des.maladies vénériennes.

MmeMoll=Weiss. — Un voeu analogue a déjà été émis au


congrès de Liège pour l'éducation de l'enfant.
Ces questions seront d'ailleurs étudiées d'une façon très
complète au congrès de la traite des blanches, qui doit se
tenir prochainement.
M. le Dr Letulle. — Je me rallie tout à fait au dernier
-

voeu de M. le professeur Spillmann. Mais il faudrait qu'il


spécifiât quelle personne serait chargée de cet enseignement.
Actuellement, il existe un enseignement de l'hygiène, dans
les lycées : il est fait généralement par le professeur de zoolo-
gie, quand il n'est pas donné par le professeur de mathé-
matiques, si bien qu'il est un peu défectueux. Je voudrais
donc qu'il fût nettement spécifié, dans le voeu de M. le pro-
fesseur Spillmann, que cet enseignement sera donné par des
médecins. Seul, le médecin, connaissant la maladie, peut
enseigner d'une manière discrète et en même temps effec-
tive la préservation contre la syphilis et les autres maladies
vénériennes.
....
MALADIES VÉNÉRIENNES. — DISCUSSION ET VOEUX .215
M. le ntëdecin=inspeeteurBeneçh, directeur du serviceà-e santé
du 20e corps d'armée. — Laquestion de la préservation contre
les maladies vénériennes est une de celles qui îïous préoc-
cupent le plus dans l'armée. ." ....
Ce que nous ayons le plus de mal à atteindre, comme
partout, c'est la prostitution clandestine. Mais dû moins
nous pourrions avoir quelque action sur la prostitution
tolérée.;.
.... - ;.
. ..-
Ici, les autorités locales sont absolument désarmées.
Je pourrais vous en citer quelques exemples .discrets. Celui-
ci entre autres : un jour, on signale; très nettement à l'autorité
militaire une personne qui était une source de contamina-
tion. Savez-vous quelle mesure a été prise ? On a prié l'hon-
nête directeur de l'établissement où opérait cette personne
de donner sa parole d'honneur de ne pas la mettre en ser-
vice pendant le temps nécessaire à son traitement. Croyez
-que je n'invente rien.
Dans un cas analogue, pareille solution est intervenue,
parce que, a-t-on répondu, « nous avons des hospices qui
se refusent à recevoir les malades vénériens ». Je connais*
eu effet, dans la région de ce corps d'armée, des .hôpitaux
-où ces malades ne sont :pas admis. Aussi, les tenanciers
vous répondent : « Où voulez-vous que nous les fassions
traiter? ».
Dans d'autres régions, il y a au moins une maison de
traitement départementale, ou un simple dispensaire dépar-
temental. Je ne voudrais pas laa'aventurer surle terrain admi-
nistratif,. qui n'est pas de ma compétence, mais il me semble
que les préfectures ont précisément des fonds éventuels
pour le transport de ce genre de malades vers les chefs-lieux
de département.
D'autre part, en octroyant la licence aux tenanciers, serait-ce
2l6 CONGRÈS DE NANCY

trop abuser que de mettre à leur charge les frais de voyage


et de traitement de leur personnel malade?
Les différentes villes sont séparées par des cloisons trop
étanches ; il en résulte un affaiblissement extraordinaire de
l'action policière. On ne s'en aperçoit peut-être pas trop à
Paris, où,, par une dérogation au droit commun, le préfet
de police a un droit de suite autour de Paris. Mais, ici,
cela n'existe pas d'une commune ou d'un canton à l'autre.
On ne se communique pas les renseignements de police.
Dans une ville de garnison que je pourrais citer, on arrête
unie personne signalée. L'agent de police la met-dans le
train, la conduit à Nancy et l'abandonne là sur un banc,de
la place de la Gare. Elle n'avait plus qu'à entrer dans la
circulation nancéienne.
D'ailleurs, lorsque, dans une garnison, on se décide à
.
éliminer une de ces virulentes personnes, elle se contente
d'aller ailleurs, dans une garnison voisine. Dans nos garni-
sons frontières, elles excipent au besoin de leur qualité
d'étrangères, demandent à repasser la frontière, et rentrent
par un autre point.
Il serait absolument nécessaire d'opérer ici une véritable
coordination des efforts, et il serait souhaitable que les mu-
nicipalités et les polices de nos villes de garnisons échan-
geassent entre elles les renseignements utiles, de façon à
pouvoir arrêter ce colportage.
Il faudrait encore — nous sommes un peu entre médecins,
ici, et nous pouvons faire comme au temps où les confes-
sions publiques étaient admises, — il faudrait encore que
nous, les médecins, nous apportions une plus grande sévé-
rité et un plus grand scrupule dans l'examen de ces per-
sonnes. Il faudrait que nous ne puissions jamais être sus-
pectés de légèreté dans nos examens.
MALADIES VENERIENNES. — DISCUSSION ET VOEUX 217
Le médecin est très occupé par "sa .clientèle lorsqu'il est
obligé d'aller remplir une fonction municipale peu rétribuée,
qui lui prend beaucoup de temps, quelquefois, il a une ten-
dance à faire vite. Il peut se glisser des erreurs dans cet
examen, qui devrait être mieux organisé.
Mais avant et surtout il faut faire comprendre à ces jeunes
gens les dangers qu'ils courent.
Un de nos grands ennemis, dans cette prévention des
maladies vénériennes, c'est le sentiment, louable après tout,
qui fait que le soldat considère comme avilissant de .dénon-
cer la personne qui lui a fait ce vilain cadeau.
Quand je fais mes tournées d'inspection, je m'entretiens
d'habitude avec le chef de corps, à l'infirmerie, et je parle
fort, pour être entendu des hommes qui nous entourent.
Je dis très haut que s'il est très bien d'être chevaleresque
envers une femme qui tombe, qui est souvent même tombée
depuis longtemps, ce n'est pas le fait d'un bon camarade
de laisser ses voisins exposés à la même mésaventure. Mais
j'ai toutes les peines du monde à me faire entendre.
Il ne faudrait d'ailleurs pas croire que l'armée soit une
source particulière de péril vénérien.
Il est résulté d'enquêtes auxquelles je me suis livré que,
dans une proportion considérable, nous n'avons presque
toujours affaire qu'à des syphilis ou à des affections impor-
tées. Ici, par exemple, à Nancy, dans une population aussi
dense, je puis dire que les cas d'infection locale sont excès-,
sivement rares. La police est bien faite, malgré son isole-
ment relatif, comme je l'ai dit tout à l'heure.
Les affections sont donc presque toujours importées, lés
unes à l'arrivée au service, les autres à l'occasion des per-
missions. Lorsqu'on rentre de permission, on a généralement
le gousset un peu mieux garni, on fait un peu la fête, on
2l8 CONGRÈS DE NANCY
-
_

va au cabaret boire "de l'alcool -— car il: n'y a pas d'alcool


à la cantine ni. au Foyer du soldat ; — l'alcool est ïtrès
mauvais conseilleur en pareille circonstance, Jet c'est ; ainsi
qu'après les grandes époques de permissions, on voit tou-
jours se produire ; une recrudescence : des affections véiiér
rienneSiv ;.;.,:: ;.,..^...; • . - ::

Tout se ramène donc à faire l'instruction; moirale : de la


jeunesse qui .nous est confiée, et ; nous n'y- manquons pas.

.Nous faisons,très souvent 'des conférences -sur-ce sujet,,et
vous ne vous imaginez pas avec •: quelle sollicitude. nos: mé-
decins militaires, disent aux jeunes gens: le danger qu'ils
-courent..-' .-.= ;.. :>'--';. .-:•:--. •; . • ;.,..,..
Il y a quelques -mois, dans un petit fascicule que le.direc-
.
teur du service de santé envoie mensuellement à ses: colla-
borateurs, pour les tenir au courant des observations et des
initiatives des uns et: des autres, on pouvait trouver une
niotice sur. ce «qu'un médecin de régiment disait aux recrues,
à leur arrivée au fort, dans un style fort simple et fort sai-
sissant, pour les mettre en garde.
Pour me résumer :.des jeunes gens peu instruits des
dangers qu'ils courent.;: des maisons que nous, voudrions
pouvoir surveiller et qui le sont d'une façon très imparfaite;
la nécessité d'armer la police de pouvoirs plus étendus, de
manière à suivre de très près et à pouvoir réprimer la pros-
titution clandestine, et aussi à.surveiller .Fautre; la nécessité
d'avoir des dispensaires: suffisamment aménagés pour y
recevoir toutes celles qui auraient besoin. d'être soignées ;
enfin, commencer au collège, et continuer au régiment,
l'éducation de" ces hommes, si malléables en somme, dont
on fait à peu près tout.ce qu'on veut quand on sait s'atta-
cher à eux, et les protéger de son mieux contre le péril;
action, de police d'une part, action morale de l'autre.:
MALADIES VENERIENNES. DISCUSSION ET VOEUX 2îf
Mile 0r Giïillëmin, médecin directeur du service d& santé du
2&-'corps, m retraite:,--- -Qm -a-pris. dams: l'armée'les mesures
les plus sérieuses: pour mettre/ïdes bornes 'à-la ^syphilis ;et é
la blènnorrhagie:: instructions morales, hygiène, reconimàm>-
dations; de* toutes sortes sur des dangers >àês rapports:îavec
des femmes surtout non surveillées, déclarations desHem-
meSi^On a fait ; tous îles:; efforts pour conclure: des accords
avec les autorités municipales, de façon: à ^obtenir-une;té*
pression sévère; des; prostituéesi La? ville de Nancy, dams''§#
maison de secours, reçoit non seulement les prostituées de
Nancy, mais encore celles- deiT'OuLetdeLunéville. Ellena
voulu que la visite des prostituées fût faite avec\ plus-: de
soins que par le passé, et ajouté un médecin spécialiste à
celui qui était ^déjà-chargé du service. Cette :mesure a amené
des thospitalisations plus nombreuses et une diminution
dans'les cas de syphilis..
-

M. le Dr Rouyer, médecin-major au f
bataillon de> .chasseurs.
àpied, à Saint-Dié.—-']'ai l'honneur de déposerisur le bureau
du Congrès le voeu suivant :

Le Congrès émet le voeu :


-
Que la police sanitaire exerce son action sur les villages situés à
proximitédespetites'villesde garnison\ et des: forts. -

Si je formule ce voeu, c'est en raison du- fait suivant, dont


j'ai été témoin dans une petite garnison, à Saint-Dié.
Dans cette ville, la syphilis est très rare. Depuis: quatre
ans, je n'en ai vu dans un bataillon de chasseurs à pied de
huit cents hommes que quatre cas,, tous, importés par de
jeunes soldats. -.
... .
En revanche,,il n'en est pas de même de la blènnorrhagie,
qui, après avoir manifesté une certaine décroissance, témoi-
220 CONGRES DE NANCY
gné d'une recrudescence depuis deux ans. J'ai gardé toutes
les fiches de déclaration des troupiers, une trentaine environ,
et toutes accusent des femmes de la maison publique. Or,
avec le concours de la municipalité, la surveillance de la
prostitution est fort bien faite et le service est très bien
organisé.
,
Cette unanimité des accusations contre la maison publique
était assez surprenante et se comprenait mal, quand une
déclaration récente m'en donna l'explication. Un troupier
de la garnison m'avoua qu'il avait contracté sa blènnorrha-
gie dans un bal-musette proche du quartier et, qu-à sa con-
viction,: plusieurs de ses camarades y avaient été également
contaminés.
Or, ce bal-musette et quelques autres se trouvent sur le
territoire d'une autre commune. Il échappe à l'action de la
police de Saint-Dié; il est placé seulement sous la surveil-
.
lance du garde champêtre ou de la gendarmerie, qui n'ont
aucune compétence en la matière qui nous occupe,
:.
Ces petits débits sont fréquentés le dimanche non seule-
ment par les troupiers, mais même par des bonnes de la
ville. On a même vu en sortir des nourrices.
Il serait donc nécessaire de prendre, autour des petites
villes de garnison et des forts, des mesures de police analo-
gues à celles qui ont été prises autrefois à Toul, sur l'initia-
tive de M. le médecin principal Guillemin et du maire
d'alors, M. Leduc. La prostitution clandestine s'exerçait librè^
ment dans la commune d'Ecrouves, à cinq kilomètres de
Toul. Il a suffi de mettre cette commune sous la dépendance
de la police toùloise pour observer une diminution des cas
de maladies vénériennes dans les troupes de la garnison.
Cet exemple est la justification du voeu que j'ai l'honneur
de déposer.
MALADIES VENERIENNES. — DISCUSSION ET VOEUX 221
M. le Dr Georges Etienne. — Au point de vue. de la pro-
tection de la famille, le Congrès pourrait proposer un-Voeu
demandant une conférence sur les périls vénériens aux réservistes
et aux territoriaux dès les premiers instants de leur arrivée au corps.
On ne se doute pas du nombre des réservistes qui con-
tractent la syphilis et la réimportent dans leur famille. Cette
conférence doit être faite dans les premiers instants de leur
arrivée, l'infection se produisant habituellement dans la
première soirée dans, la grande ville.) .-.': ' -.-
-
-

M. le président. '-—Je vais mettre, aux voix les voeux pro-


posés par M. le professeur-Spillmann, tels qu'ils ont été
amendés par leur auteur, à la suite des observations qui
viennent d'être présentées :
Le Congrès émet le voeu :
.
i° Que la lutte contre la pornographie {image, théâtre, etc.f soit
plus efficace ;
Qui la promiscuité dans les ateliers soit combattue ;
Que la surveillance de la prostitution soit plus effective, les visites
médicales plus fréquentes et plus complètes. (Adopté.)
2° QucJes médecins des lycées et des collèges de garçons et de filles
soient chargés de faire d'une façon discrète, dans les classes supérieures,
une série de leçons sur les dangers et la prophylaxie des maladies
vénériennes. (Adopté.)
3° Que, dans les casernes, les médecins militairesfassent aux soldats
des conférences régulières sur les dangers des maladies vénériennes.

M. le médecin=inspecteur Bénech. — En votant ce dernier


paragraphe, perméttez-moi de dire que nous enfoncerons
une porte ouverte. Les conférences aux hommes de troupe
sur le péril vénérien sont réglementaires et sont faites régu-
lièrement. Si cependant vous voulez insister sur leur utilité,
je n'y. vois que des avantages, mais il ne faudrait pas faire
222 \ CONGRES- DE NANCY
croire qu'elles n'existent pas ; .cesserait le: contraire dé la
vérité;

M, le. Dr Guillemin...— J'ai fait des conférences, aux réser-


vistes il y a une vingtaine d'années, quand j'étais au 37e de
ligne. Mon colonel était M. de Monard,. et je lui demandais,
chaque fois qu'il arrivait des réservistes, l'autorisation .de
leur faire les recommandations nécessaires, i

M. le professeur Spillmann confirme l'opinion dé' son


collègue, M. Etienne. Tous les ans, il voit à l'hôpital un
certain nombre de malades qui ont contracté la syphilis
pendant leur période de réservistes. Il -faut faire des confé-
rences à ces hommes dès leur arrivée au corps,
M. le président. •— Nous pourrions modifier ainsi le pa-
ragraphe 3, des voeux de M., Spillmanai'•:
3° Qae> dans les casernes, les médecins militairesfassent aux soldats,
réservistes et territoriaux, des conférences régulières sur les dangers
des maladies vénériennes, dès leur arrivée au corps. (Adopté.)

Je mets maintenant aux voix le voeu déposé par M. le


Dr Rouyer, qui est ainsi conçu :

Le Congrès émet le voeu que la police sanitaire exerce son action


dans- les villages situés, à proximité des petites villes de garnison et- des
forts. (Adopté.).

M. le président, —,.Nous arrivons au voeu de M. Grau,


.
qui a été légèrement amendé, afin de ne pas faire double
emploi avec l'un des voeux de M. Spillmann.
La nouvelle rédaction est la suivante :
.

Le Congrès émet le voeu :


,
Que' l'Alliance d'hygiène sociale développe par tous les moyens: dont
...
TUBERCULOSE. RAPPORT SIMON- ET SPILLMANN 223
elle peut disposer,, dans les ' familles françaises-., la connaissance des
dangers qui entourent-les-maladies, vénériennes.(Adopté.) -. ..-
(A -ce moment,, M. Casimir-Perier remplace M. Siegfried
: •:•

au fauteuil de la présidence.) ;; - -t-.: -.:., -


: :

,:..'-.:. Présidence de M. ÇASIMIR-PE1UER

M. P. Simon;,; professeur .à. la faculté, de- médecine de Nancy,.


1

puis M. L. Spfflm&nn, professeur agrégé à la faculté de- médecine:


de. Nancy, résument, leur rapport- sur : .:..-... .:-::
La préservation de la jeunesse
contre la tuberculose
Tout a été dit sur la préservation' de l'enfance et de- l'adolescence'
contre la tuberculose ; ce rapport n'a d'autre objet que de mettre- la
1

question au point et d'indiquer sous une forme pratique l'ensemble


des mesures nécessaires et suffisantes: pour atteindre le but.
Tout d'abord, il convient & examiner succinctementles voies de
pénétration du bacille tuberculeux dams les jeunes-organismes, les
aptitudes propres du terrain, les circonstances particulières qui, à
cette'période de l'existence, nlultiplientlës occasions de eontage et
favorisent l'infection.
On sait que le bacille tuberculeux peut envahir l'économie par la
voie sanguine, par la voie respiratoire, par la voie digestive, enfin,
par le tégument muqueux et cutané.
L'infection tuberculeuse liénsitogène primitive ne s'observe eli-;
niquement qu'au cours de la vie intra-utérine, encore est-elle extrê-
mement rare au regard de la fréquence relative de la tuberculose pla-
centaire : si les descendants de tuberculeux deviennent si souvent
tuberculeux eux-mêmes, ce n'est point en général grâce à une trans-
224 '" CONGRES DE NANCY-
mission héréditaire du germe, mais par une chance plus grande d'in-
fection, c'est-à-dirè par une prédisposition qui d'ailleurs n'a rien d'ab-.
solument spécifique, car elle se rencontre aussi chez les descendants
d'alcooliques, de syphilitiques, de dégénérés : la tuberculose est
donc le plus souvent, chez les sujets jeunes comme chez les autres,
une infection acquise par contagion et, au point de vue qui nous
occupe, il y a là un fait dont l'importance ne saurait échapper.
D'autre part, si l'infection sanguine primitive est un fait d'ex-
ception même dans le jeune âge, elle se rencontre au contraire très
souvent secondairement chez les jeunes enfants. Ici la tuberculose est
rarement localisée comme chez l'adulte aux poumons, au tube di-
gestif; presque toujours elle se présente sous une forme généralisée
en ce sens qu'il existe dès granulations tuberculeuses non seulement
dans tel ou tel organe où elles prédominent, mais en même temps
dans la plupart des viscères ; de telle sorte qu'un enfant qui aura
succombé par exemple avec des signes de méningite tuberculeuse,
présentera bien un maximum de lésions au niveau des enveloppes
encéphaliques, mais on trouvera aussi des tubercules dans les pou-
mons, les reins, le foie, le péritoine, etc. C'est que chez le jeune en-
fant cette tuberculose mortelle n'est le plus souvent que l'épisode
terminal de la maladie ; elle a été précédée pendant des mois et même
des années d'une lésion tuberculeuse latente et silencieuse qui, à un
moment donné, a envahi le système artériel et qui dès loirs s'est dis-
séminée à travers tout l'organisme ; fait essentiel à retenir, car si la
période terminale est au-dessus des ressources actuelles de la théra-
peutique médicale, la période latente'au contraire, par sa durée et sa
bénignité relative, laisse le temps d'intervenir par une prophylaxie
souvent efficace.
La transmission de la tuberculose par voie d'inhalation est la
plus fréquente de toutes, qu'il s'agisse de poussières renfermant des
bacilles desséchés,mais encore virulents ou de petites gouttelettes de
crachats projetées au dehors par les quintes de toux. L'anatomie
pathologique l'a prouvé en montrant que chez les sujets qui meurent
accidentellement après avoir présenté les signes d'une tuberculisa-
tion commençante, les premiers phénomènes quelquefois perceptibles
TUBERCULOSE. —• RAPPORT SIMON ET SPILLMANN 225
au seul microscope sont de nature bronchogëne, et, de plus, que
chez les sujets qui suceombentà une tuberculose aiguë et généralisée,
c'est dans les poumons et surtout dans les ganglions bronchiques
que l'on trouve presque constammentla première manifestation de
l'infection..-
On a contesté récemment cette manière de voir et, àlasuitéd'ex^...
périences sur des animaux, certains auteurs ont prétendu que la tu-
berçulisation adéno-broncliique pouvait s'observer.- à la suite d'une
inoculation tuberculeuse quelconque. Pour nous le fait garde toute
sa valeur et d'ailleursonconcevrait difficilement quelebacille tuber-
culeux ne puisse pas pénétrer dans la profondeur de l'appareil respi-
ratoire, aussi bien que les parcelles minérales qui donnent lieu à
l'anthracose et aux pneumonocoiiioses professionnelles.
Quoi qu'il en soit, bien loin de nier la contagion par les voies di-
gestives, nous lui attribuons au contraire une importance capitale
dansla première enfance où le lait, constitue ou doit constituer l'ali-
mentation exclusive. Ce n'est pas que le lait d'une femme tubercu-
leuse renferme des bacilles de Kocli, la chose est du moins absolu-
ment exceptionnelle, mais'tout le monde est d'accord pour admettre
que les vaches phtisiques peuvent transmettre directement la tubercu-
lose, surtout s'il existe des lésions tuberculeuses des mamelles. Les
dérivés du lait tels que le beurre et le fromage frais peuvent contenir,
aussi bien que le lait lui-même,.des bacilles virulents et devenir eux
aussi une source de dangers. Enfin il est encore chez l'enfant une
autre source de contagion digestive qu'il importe de ne pas négliger,
c'est la souillure des mains par les poussières des planchers sur les-
quels il se traîne, le sable et la terre qui servent à ses jeux et que les
crachats tuberculeux ont rendus infectants.
Enfin la tuberculose se prend par les muqueuses, la peau excoriée
et dénudée, les plaies de toute nature dont, les téguments sont si
facilement le siège; la muqueuse du pharynx et des amygdales, une
excoriation autour d'une dent cariée, l'eczéma et l'impétigo du cuir
chevelu, la vaccination de bras à bras, la circoncision rituelle même,
les plaies des membres^ voilà toutes sortes de brèches par lesquelles
sUntroduira souvent le virus et n'est-ce pas là tout le secret de ces
CONGRÈS DH NANCY 15
226 N CONGRÈS DE NANCY
adénites tuberculeuses, cervicales, axillaires ou inguinales, et des
gommes tuberculeuses de la peau dont l'origine serait sans elles
difficile à interpréter.
Ceci posé, l'organisme jeune doit-il'être considéré comme doué
vis-à-vis de la tuberculose d'une réceptivité particulière : on peut
répondre à cette question par -l'affirmative. D'une façon générale,
l'allure de la tuberculose est plus rapide, les lésions plus générali-
sées chez l'enfant que chez l'adulte et le vieillard: cela peut tenir
parfois, sans doute, à une virulence spéciale du bacille, mais la régu-
larité du fait prouve qu'il s'agit bien plutôt d'une' disposition
spéciale du terrain. On sait d'ailleurs qu'il est;dans la jeunesse
des périodes où la tuberculose est plus redoutable ; l'époque de la
puberté par exemple constitue une circonstance à la fois prédis-
posante et aggravante, enfin les maladies infectieuses telles que la
rougeole, la coqueluche, la grippe ont également dans le jeune âge
une influence souvent très fâcheuse, soit qu'elles mettent en évidence '
une tuberculose latente jusque-là, soit même qu'elles fassent le lit
de la tuberculose qui se greffe à leur suite à la façon d'une infection
secondaire.
La jeunesse est donc plus spécialement guettée par la tuberculose
et celle-ci une fois déclarée, évidente, aura désormais trop souvent
une allure rapide impossible à enrayer. De là l'obligation impérieuse
d'une prophylaxie méthodique, qui s'efforcera d'abord d'accroître
d'une façon générale la résistance du sujet et qui continuera à le
suivre partout où la contagion sera à craindre depuis la famille
jusqu'à l'atelier.

i° PROPHYLAXIE GÉNÉRALE

Le problème à réaliser consiste à obtenir par une éducation bien


conduite des enfants vigoureux, bien musclés, au thorax largement
développé, résistants aux variations atmosphériques et capables de se
défendre contre les infections en général, la tuberculose en parti- -
culier.
La nécessité d'une hygiène prophylactique appropriée s'impose
TUBERCULOSE. RAPPORT SIMON ET SPILLMANN 227
d'une façon, générale à la totalité des enfants, mais elle est.plus indis-
pensable encore à ceux qui naissent faibles et débiles, et surtout aux
prédisposés : comme l'a montré Haushalter, la léthalité infantile dans
les ménages où l'un des parents est affecté de tuberculose dépasse de
14 °/o la mortalité des enfants dont les parents sont bien portants.
D'autre part, sur 248 observations de tuberculose infantile relevées
par le même auteur, 5 7 fois, soit dans 20 °/0 des cas, l'un des parents
était tuberculeux et 37 fois fortement suspect de l'être. Il est à re-
marquer en passant que souvent rien ne traduit au dehors .cette
tare héréditaire : on- voit succomber, à la méningite tuberculeuse des
enfants d'apparence saine et vigoureuse, tandis que des sujets
chétifs, émaciés, athrepsiques,- ne présentent aucune lésion tubercu-
leuse. Cependant, en grandissant, les signes de la prédisposition de-
viennent reconnaissables et s'affirment nettement : les candidats à la
tuberculose sont des sujets grands et minces, à thorax étroit et al-
longé, les omoplates sont ailées, les creux sus et sous-claviculaires
prononcés; la peau est blanche et nacrée laissant transparaître le ré-
seau veineux, les cheveux fins et. soyeux, les cils allongés, les sclé-
rotiques bleuâtres, fréquemment ils présentent des végétations adé-
noïdes, ils s'enrhument facilement: un degré de plus et on constatera
chez eux une adénopathie trachéo-bronchique ou la micropoly-
adénopathie de Legroux, c'est-à-dire déjà des manifestations essen-
tiellement tuberculeuses.
Que l'enfant naisse prédisposé ou non, la première condition
pour l'armer contre la maladie consiste dans une alimentation ration-
nelle. Si l'on peut recourir à l'allaitement naturel, il faudra que la
mère ou la nourrice soit examinée et reconnue saine, si on est obligé
de recourir à l'allaitement artificiel, le lait sera préalablement stéri-
lisé. Mais cette précaution ne suffit pas ; comme l'ont montré récem-
ment Calmette et Breton, l'ingestion répétée de bacilles tuberculeux
tués par la chaleur est loin d'être inoffensive : chez les animaux sains,
elle donne lieu à des phénomènes toxiques analogues à ceux que
produit l'absorption de la tuberculine, et chez les animaux déjà
tuberculeux, elle accélère dans une proportion notable l'évolution
de l'affection.' Il faut donc éviter soigneusement le lait provenant de:
228 'v CONGRÈS DE NANCY
vaches tuberculeuses et, pour cela, l'épreuve de la tuberculine injectée
aux vaches laitières est seule capable de fournir toutes les garanties
désirables.
A mesure que l'enfant avance en âge, son alimentation sera pro-
portionnée à son développement, à sa capacité dïgestive, à sa dépense
organique; on s'aidera au besoin des renseignements fournis par des
pesées régulières ; chez les prédisposés il sera utile d'insister sur les.
aliments gras, les oeufs, la viande saignante et même la viande crue
malgré lès quelques inconvénients qui peuvent résulter de son em-
ploi. Les amers, les glycérophosphates, l'huile de foie de morue, si
elle est bien tolérée, constituent des adjuvants utiles à ce régime
alimentaire; enfin il sera utile d'inculquer de bonne heure aux en-
fants l'inutilité et le danger des boissons alcooliques.
Les vêtements devront éviter toute constriction du thorax, ils
seront appropriés aux conditions atmosphériques et saisonnières ;
les enfants seront aguerris d'ailleurs, par.des sorties quotidiennes et
au besoin des frictions cutanées et des lavages à l'eau froide, aux
variations de la température extérieure.
Les locaux habités seront bien ventilés et ensoleillés ; ils devront
être lavés et au besoin désinfectés facilement, on se gardera de les
encombrer de meubles inutiles, de tentures et de tapis, et le surpeu-
plement sera soigneusement évité.
Quant aux locaux scolaires ils doivent être suffisamment vastes
et aérés. Autant que possible, ils seront éloignés du centre des villes
où l'agglomération est plus dense et placés au milieu d'espaces
plantés d'arbres, à la campagne s'il est possible. Des progrès ont
été réalisés déjà en ce sens; certains lycées de Paris ont été installés
dans la banlieue au milieu de grands parcs qui assurent un isolement
suffisant en même temps qu'ils constituent une réserve d'air neuf.
L'école de L'Esterel, près de Cannes, est, à ce point de vue, un
modèle qu'il ne sera pas toujours possible d'imiter, mais dont on peut
au moins s'inspirer : l'établissement est situé en pleine campagne,
dans un site magnifique ; les dortoirs sont subdivisés en chambres
particulières ; dans les classes, les tables et les sièges sont adaptés à
la taille de chaque enfant, la propreté est minutieusement surveillée,
TUBERCULOSE. — RAPPORT SIMON ET SPILLMANN 229
l'hydrothérapie est de règle, les classes sont courtes et séparées par
des. exercices et. des jeux en plein air. '.-.', ,,r -"
A défaut de l'habitation en plein air, les jardins ouvriers, les colo-
nies scolaires de vacances, et même les .colonies de jeux, comme
celles de la ligue meùsienne contre: la tuberculose, constituent des
moyens de préservation très utiles qui soustrayent les enfants aux
inconvénients de l'atmosphère et des poussières des villes etleur per-
mettent de bénéficier de l'air pur de la campagne pendant de longues
heures chaque semaine.
Mais pour les hérédo-tuberculeuxtout cela ne suffit pas ; la ques-
tion d'instruction devient tout à fait secondaire. Les enfants:devront
vivre, à la campagne, à la mer ou à la montagne suivant le cas :
l'OEuvré de la préservation de l'enfance contre-la tuberculose, fondée
par le professeur Grancher paraît appelée, à ce pointde vue, à rendre
d'immenses services. Elle n'admet que des enfants sains qu'elle place
à la campagne dans des familles saines, elle soustrait ainsi les enfants
à la contagion familiale en même temps qu'elle combat la prédis-
position native par la vie au grand air et à la lumière. L'idéal serait
: que l'enfant prenne ainsi goût à la vie champêtre et devienne un

véritable paysan, le souhait de l'éminent auteur du Retour à la terre


serait ainsi déjà partiellement réalisé au grand profit de la race et de
l'agriculture nationale.

20 PROPHYLAXIE SPÉCIALE

Suivant le milieu social dans lequel l'enfant évolue, il peut avoir


à lutter contre le bacille dans sa famille, à l'école, à l'atelier, dans les
endroits publics; il peut être contaminé par ses parents, ses frères
et soeurs, ses camarades, ses maîtres, les domestiques, etc. Il nous
faut étudier la fréquence de la contagion dans ces différentes condi-
tions pour voir comment il sera possible de l'éviter.

a) Dans la famille. — Le logement a une importance capitale


dans la prophylaxie de la tuberculose chez l'enfant. La contagion
est surtout fréquente au domicile du tuberculeux pauvre parce que
23O CONGRES DE NANCY
chez lui l'exiguïté du logement, le cubage d'air insuffisant, le surpeu-
plement et la promiscuité rendent la contamination presque fatale.
La présence d'un tuberculeux dans une famille est, pour toute cette
famille, un danger constant, surtout pour l'enfant, parce qu'il se
traîne partout, souillant continuellement ses mains, sa figure et
multipliant ainsi à l'infini les causes de contagion.
Rappelons à ce - sujet une observation recueillie, il y a quelques
années, par le docteur L. Job, alors interne des hôpitaux. Il s'agissait
d'une famille vivant dans deux petites pièces : dans la première, haute
de 2 mètres, large de 3m,50 et longue de 4 mètres, se trouvaient
trois lits : le premier était occupé par une fille de vingt ans et une
autre de dix-huit, en pleine évclution tuberculeuse avec fièvre,

toussant, crachant sur le plancher ; dans le second lit étaient entassés
une fille de douze ans, une fille de sept ans et un garçon de onze ans
atteint d'adénie ; dans le troisième se trouvaient une fille de dix-sept
ans, une fille de quatorze ans et un garçon de quatre ans ; pour
compléter le tableau, un bébé de trois mois, élevé au biberon, était
couché dans un panier sous la garde de sa grande soeur malade. Cette
situation poignante est évidemment exceptionnelle, du moins nous
osons l'espérer, mais on n'en est pas moins effrayé en pensant à la
contagiosité d'un tel milieu où tous les membres de la famille étaient
à peu près fatalement voués à la tuberculose. Il faudrait évidemment
qu'on puisse faire disparaitre de tels logements, véritables foyers d'in-
fection ; ce serait là un des meilleurs moyens de faire de la bonne
prophylaxie. La question des logements insalubres est donc essen-
tielle : il faut lutter avec énergie contre le logement insalubre en
étendant la portée de ce terme insalubre, et contre le logement
surpeuplé. C'est pour cette raison qu'il est indispensable d'étendre,
autant que possible, l'action des. sociétés chargées d'édifier, pour
la classe ouvrière, des habitations à bon marché, bien aérées, à la
campagne. La facilité des moyens de locomotion permet aujourd'hui
d'assainir les quartiers populeux situés presque toujours en plein
centre des villes; c'est là surtout que la contagion exerce ses ravages,
s'attaquant aux faibles, aux enfants, préparant pour l'avenir des
tuberculeux qui seront tout au plus bons à se faire hospitaliser,
TUBERCULOSE. — RAPPORT SIMON ET SPILLMANN 231
Dans la famille, l'enfant se contagionne surtout près de ses parents,
mais il peut arriver que la tuberculose soit apportée,„dans la classe
aisée, par les domestiques, ou par les répétiteurs ou institutrices.
C'est là un danger dont il faut être prévenu.
:
Il est un certain nombre de mesures qui doivent être prises dans
la famille, pour éviter la contagion de l'enfant; La base.de la pro-
phylaxie de la tuberculose infantile, c'est le diagnostic précoce de
tuberculose chez les membres de la famille ou les personnes étran-
gères qui peuvent être en contact avec l'enfant : le médecin doit,
le .plus tôt possible, renseigner le tuberculeux sur son état, sur le
moyen de se traiter et sur le danger qu'il fait courir à son entou-
rage ;•-. c'est là le seul moyen de prévenir l'a contagion. L'enfant
touche à tout, se traîne sur les planchers, dans la rue. Il faudra,re-
commanderaux mères de famille d'empêcher, dans la mesure du pos-
sible, leurs enfants de porter les mains à leur bouche, surtout lors-
qu'elles auront été souillées par la terre, le sable ou simplement par
la poussière des appartements. Il serait plus logique d'obtenir du père
ou de la mère tuberculeux qu'ils veulent bien prendre l'habitude de
cracher dans un crachoir^ mais.dans un crachoir tenu proprement,
rempli d'une solution antiseptique et non pas dans ces ignobles
crachoirs en bois remplis de sable placés toujours malencontreuse-
ment près du fourneau où sable et crachats se dessèchent, près de
l'enfant et de ses jeux. Si les crachats n'étaient plus répandus dans
les pièces, la contagion diminuerait : on connaît à.ce sujet les re-
cherches de Cornet, Lalesque et Rivière qui ont démontré l'absence
de bacilles dans la poussière des chambres habitées par des tuber-
culeux avertis et disciplinés.
Il faudrait aussi faire prendre de grandes précautions avec le linge
et surtout avec les mouchoirs ; empêcher les parents tuberculeux de
cracher dans leurs mouchoirs et d'essuyer ensuitele nez ou la bouche
de leurs enfants avec le même morceau de linge souillé. Il faudrait
recommander également aux parents malades de s'abstenir d'em-
brasser souvent leurs enfants, surtout sur la bouche.
Un excellent moyen prophylactique consiste à faire désinfecter le
logement en cas de changement d'habitation et surtout après le
232 x CONGRES DE NANCY
décès d'un tuberculeux daiîs une famille : la même précaution
devra être prise après le départ du malade dans un établissement
d'isolement, sanatorium ou hôpital. Le lavage des planchers au
erésyl ou au sublimé, après nettoyage et décapage au savon grasj
la désinfection des pièces au'formol seront des mesures propres à
éviter toute contagion ultérieure.
Il peut sembler très difficile de. faire prendre ces habitudes dans
les familles,'riches ou pauvres. Nous disons riches ou pauvres, car
si la tuberculose est souvent une maladie de misère, il ne faut pas
oublier quel cruel tribut la classe aisée de la société paye à la tuber-
culose de l'enfant et de l'adolescent. Les mêmes mesures seront
conseillées du-haut en bas de -l'échelle sociale, et il ne faut pas
oublier de répandre la bonne parole dans tous les milieux,' certains
enfants de la classe ouvrière aisée vivant parfois d'une façon plus
hygiénique et plus rationnelle que leurs camarades plus fortunés.
On ne se lassera pas de conseiller aux pères et mères de famille de
ne pas laisser leurs enfants enfermés, de les sortir, de les aguerrir
par des sorties fréquentes et journalières aux rigueurs et aux varia-
tions de la température. Tout ceci est affaire d'éducation antitûber-^
culeuse : commencée à l'école, comme nous allons: le voir, elle peut
se continuer dans la famille. Dans la classe ouvrière, la diffusion de
ces conseils hygiéniques devra être le fait des dispensaires antituber-
culeux, créés principalement pour faire l'éducation antituberculeuse
du peuple, avec mise en pratique, dans la mesure du possible, des
conseils théoriques : distribution de crachoirs, désinfection, etc.
Restent deux mesures prophylactiques importantes qui peuvent
être prises dans la famille : la première, c'est l'isolement du malade ;
la seconde, c'est l'isolement de l'enfant sain ou prédisposé.
L'isolement du malade, père, mère, frère, domestique, etc., sera
effectué chaque fois qu'il sera possible. Le malade débutant dans la
tuberculose sera dirigé sur un sanatorium, où, à défaut de la guéri-
son complète et définitive, il apprendra à'se soigner et à ne pas
disséminer son mal ; le tuberculeux trop malade pour ne pas retirer-
un réel bienfait du séjour dans un de ces établissements sera dirigé
sur un hôpital spécial, où il recevra tous les soins nécessaires. Cet
TUBERCULOSE. RAPPORT SIMON ET SPILLMANN 233
isolement du tuberculeux, se fait tous les jours davantage.: il permet
de lutter efficacement contre la contagion familiale...,-.
,
Si le père ou la mère',-kei peuvent! abandonner leur foyer; pendant
un temps plus ou: moins long,, les enfants seront,séparés .de leurs
parents et placés dans .des pièces aérées et ensoleillées. Dès, qu'il
sera possible, on fera sortir les enfants, du milieu infecté. \.Ils seront
envoyés à la campagne,; placés en quelque sorte en pension dans
une famille saine : Ces enfants^ élevés, dans des taudis misérables, se
transformeront ainsi, à l'air ;pur de la campagne, les parents seront
déchargés du fardeau d'enfants malingres, souffreteux; le logis sera
désencombré et assaini.. ..,.,::.,!.:..) :;.::,...:;.:; -.••. ..W;:-..;,,:

B) A l'école, dans: les lycées,. dans Us collèges,. — Il est assez rare


de trouver.àTécole des enfants porteurs d'une- tuberculose ouverte;
De six à dix et même dix^sept ans, on rencontre exceptionnelle-
ment chez l'enfant dés tuberculoses; dangereuses, à grosses lésions,
avec toux, fièvre, crachats. On a presque toujours affaire, a des
lésions fermées et par conséquent non contagieuses..., ;.; ;
Dans tous les cas, il faut apprendre aux enfants à ne pas cracher
à terre et à ne: jamais balayer à sec. Le balayage à sec, surtout lors-
qu'il est effectué par les' enfants eux-mêmes, ce: qui est encore la
règle dans nos: campagnes, est très dangereux et devrait toujours
être interdit, parce qu'il permet la dissémination de toutes les
maladies infectieuses et surtout de la tuberculose. : ::: :,
On peut cependant, rencontrer à l'école des enfants avec des
tuberculoses ouvertes. Dans ces conditions, on ne peut faire delà
prophylaxie qu'en : soumettant souvent les enfants à un examen
médical complet avec examen des crachats dans les cas suspects. Si
la tuberculose était reconnue dangereuse, l'enfant devrait, être isolé
et placé dans un établissement spécial. Dans tous les cas il ne
devrait pas pouvoir continuer à suivre la classe commune si 011
ne peut prendre les précautions nécessaires pour supprimer tout
danger de contagion.
Dans certaines écoles, le danger vient des maîtres, qui peuvent
-transmettre la tuberculose à leurs élèves. Cette question est une de
2 34 " CONGRÈS DE NANCY
celles qui doit préoccuper le plus ceux qui ont à coeur la prophy-
laxie antituberculeuse de l'enfance.
Il y a là, en effet, Une cause de contagion permanente : l'autorité
académique ne cesse de protester contre cet état de choses. Les
tuberculeux sont eii effet nombreux parmi les éducateurs de la jeu-
nesse, mais on manque, en général, de renseignements précis sur
cette situation dangereuse. Il serait bon de soumettre lés maîtres
comme les élèves à un.examen médical souvent, répété, d'isoler
céux qui sont susceptibles de contagionner les autres et d'établir
pour chaque enfant une fiche sanitaire. La mesure a été demandée
récemment ; cette fiche serait un indicateur précieux pour le maître,
pour les familles et pour le médecin. -
Enfin il-nous semble indispensable de faire dans les écoles, dans
les lycées, dans les collèges, de Venseignement antituberculeux, visant
principalement la fréquence de la tuberculose, sa propagation, les
moyens employés pour la combattre. Les instituteurs eux-mêmes
devraient recevoir sur ce sujet, dans leurs écoles normales, les
notions indispensables. La commission centrale suisse de la tuber-
culose a fait beaucoup dans cet ordre d'idées. Son programme
d'action pour la lutte contre la tuberculose comprend un enseigne-
ment théorique, pratique et par affiches, donnant des notions sim-
ples, claires et à la portée de toutes les intelligences..: on apprend
par ce moyen ce qu'est la tuberculose, comment on devient tuber-
culeux, par la respiration, la nourriture, comment on peut se pro-
téger, etc. La Ligue argentine contre la tuberculose a, pour remplir
le même but, un modèle d'affiche qu'elle répand à profusion dans
les écoles, ateliers, administrations publiques, La diffusion de ces
notions parmi le personnel enseignant et, par son intermédiaire,
parmi les enfants, adolescents et leurs familles, peut faire faire un
grand pas à la prophylaxie de la tuberculose. On ne peut, nier finir
pression faite sur les enfants par les tableaux accrochés aux;murs de
la classe de l'école, du lycée, du collège ; l'image se grave lentement
dans la tête et devient indélébile. Il faut que cette mesure, appliquée
actuellement en de trop rares endroits, soit généralisée,
Ainsi la lutte contre la tuberculose doit commencer par l'éduca-
-
TUBERCULOSE. — RAPPORT SIMON ET SPILLMANN 235
tion de l'enfant : l'enfant instruira ses parents. Il faut faire avec
l'enfant, à l'école, ce qu'on fait au sanatorium avec'-le tuberculeux
adulte •: le tuberculeux sortant d'un de ces établissements est véri-
tablement un éducateur : il connaît la maladie, il sait comment on
la combat, comment on s'en préserve. Il est indispensable que
l'enfant soit familiarisé avec ces graves problèmes,
Pour les enfants atteints de lésions peu avancées, le séjour à la
campagne est tout indiqué. Ce séjour à la campagne peut être
prophylactique : c'est là le but;des colonies: scolaires de vacances, qui
doivent être encouragées. Malheureusement,comme l'a bien montré
-Méry, au congrès de Paris, le séjour de quelques semaines est tout
-à fait insuffisant. Il faudrait le séjour permanent en: dehors des villes

ou franchement à la campagne, ce qui parait assez difficile.à réaliser.

C) Dans les ateliers, les bureaux, les administrationspubliques. —


La préservation de l'enfance et de l'adolescence contre la tubercu-
lose dans les ateliers est une grave question pour laquelle peu de
mesures sérieuses ont été prises jusqu'à présent. Il faudrait com-
mencer par ne pas laisser entrer dans les usines et ateliers les
enfants malingres et surtout les prédisposés, d'où la nécessité: d'un
examen médical sérieux avant l'embauchage. Cet examen médical
ne se pratique encore que dans des conditions exceptionnelles : il
devrait être obligatoire. Certaines administrations, les banques par
exemple, font examiner soigneusement par un iiiédeciii, au point
de vue de l'existence possible de la tuberculose, les candidats à un
emploi dans leurs bureaux. Il ne serait pas difficile d'obtenir des
patrons ou chefs d'ateliers la même mesure. Cet examen médical
porterait sur tout le personnel des usines et ateliers : ouvriers pro-
prement dits, employés de bureaux, etc. On pourrait même établir
pour chaque employé, surtout pour les commis et apprentis, une
fiche sanitaire analogue à celle de l'école : cette fiche renseignerait
le patron au moment voulu sur l'état de santé de l'ouvrier. Il
arrive bien souvent que certains patrons demandent au médecin
des renseignements confidentiels sur la santé de leurs ouvriers ;
la fiche sanitaire rendrait certainement de grands services.
236. x CONGRÈS DE NANCY
-

Il faudrait également des inspections médicales régulières dans les


usines et ateliers. Il ne suffit pas d'avoir des inspecteurs du travail,
il faudrait des inspecteurs médicaux chargés d'examiner les locatix
industriels au, point de vue de l'hygiène, des, mesures à prendre
pour l'aération, le balayage, la propreté de ces locaux. De nom-
breux industriels ne demandent pas mieux que de prendre, des
mesures prophylactiques, mais beaucoup ne savent pas ce qui est
nécessaire : ilfaudrait qu'ils soient renseignés.
Pour protéger efficaçenieiit l'enfant ou l'adolescent contre la
..
tuberculose dans les ateliers, il faudrait veiller à ce ..que. les adultes
malades ou seulement suspects ne soient pas en contact immédiat
avec les apprentis ; il faudrait, veiller à ce que les. malades crachent
dansdes crachoirs'.-renfermant une solution antiseptique et éviter le
balayage, surtout le balayage à sec, pendant le travail, en faisant
effectuer un balayage humide avant ou après le séjour des ouvriers
dans l'usine ou des employés dans les bureaux. C'est affaire de dis-
cipline : le jour où les ouvriers, adultes et enfints, seront convaincus
-
de la nécessité de ces mesures, ils les prendront d'eux-mêmes,
On pourrait du reste commencer à faire dans les ateliers, "avec
l'aide des industriels, qui certainement donneront leur concours,
de la propagande antituberculeuse, en mettant des affiches analogues
à celles des écoles. Les jeunes ouvriers, les apprentis en profiteront
surtout parce qu'on peut encore leur faire prendre des habitudes de
propreté et d'hygiène difficiles à faire accepter au vieil ouvrier qui
ne veut rien changer à sa façon de faire habituelle.
Il faut enfin combattre l'alcoolisme chez l'enfant dans les ateliers,
parce que l'alcool en fait bien vite des prédisposés à la contagion.
Le contact des enfants avec des ouvriers adultes ayant des habitudes
d'intempérance est des plus dangereux et il serait bon de faire
exercer à ce sujet une surveillance, étroite des apprentis et des
jeunes ouvriers qui suivent trop facilement le déplorable exemple
de leurs aînés. •

D) Dans les endroits publics. — La prophylaxie de la tuberculose


de l'enfant dans les endroits publics est une question de prophy-
TUBERCULOSE. — RAPPORT SIMON ET SPILLMANN 237
laxie générale : nous devons cependant la mentionner, parce que
l'enfant est plus facilement soumis à là contagion. ->
Dans la rue, le tuberculeux est pouf l'enfant; undangerconstant.
Il suffit de voir ce qui se passe dans les jardins publics, les squares,
sur les places. C'est ce qu'avait si bien montré le DrL. Job dans
son étude sur le danger du tuberculeux libre et la nécessité de son
hospitalisation.
Les enfants s'ébattent joyeusement, se livrant à des jeux: variés,
plus ou moins bruyants, mais soulevant tous Une abondante pous-
sière. Au milieu d'eux-circulent des- tuberculeux qui ne se gênent
nullement pour répandre sur le sol leurs crachats baeillifères; La'
petite pelle et lé petit seau qui servent: à confectionner les gâteaux
de sable, la balle qui. rébondit sur le sol peuvent être: contaminés
directement par ces crachats; ils souillent les mains que l'enfant
porte fréquemment à sa bouche; l'inhalation même dé la poussière
soulevée par l'enfant au cours de ses jëûx est encore plus dange-
reuse. Ce fait a été bien mis en lumière par M. le professeur Haus-
halter qui a publié l'observation de deux enfants jouant dans une
cour sous une fenêtre, à l'endroit souillé; par les crachats d'un
phtisique assis à la fenêtre pour prendre l'air. L'un de ces deux
malheureux enfants succomba à une méningite tuberculeuse; l'autre
contracta une laryngite tuberculeuse.
Il est bien difficile de prendre, dans ce cas, dés mesures prophy-
lactiques spéciales aux enfants ; les conseils aux famillèsy aux bonnes,
aux nourrices lie peuvent être suivis d'aucun effet pratique; cepen-
dant si les tuberculeux se savaient dangereux et si on les considérait
comme tels, ils prendraient des précautions, on en prendrait vis-à-
vis d'eux et la fréquence des causes de contagion diminuerait cer-
tainement d'une façon sensible.
Dans les tramways, dans les voitures, dans les chemins de fer,
l'enfant se contagionne plus facilement que l'adulte pour les raisons
indiquées plus haut. Les affiches interdisant de cracher dans les
tramways n'ont eu jusqu'à présent qu'un effet illusoire. On pourrait
au moins demander le nettoyage des voitures de tramways, qui
actuellement ne sont jamais balayées et dont le plancher est couvert
2.38 x CONGRÈS DE NANCY'
d'une épaisse couche de poussière incessamment mise en mouve-
ment par la trépidation de la marche.
Dans la République ' argentine, les planchers des tramways, et
.
omnibus sont lavés' avec une' solution antiseptique deux fois par
semaine ; les voitures sont désinfectées une fois par mois. Sans
demander la désinfection, on pourrait au moins-exiger le lavage et'
le balayage quotidiens des planchers.
Il en est de même dés '""chemins de fer :Torsqu'un train arrive
dans une gare de quelque importance, point terminus de son par-
cours,, les nettoyeurs, à grands coups de tapettes, battent les sièges,
les dossiers, balayent le plancher à sec en soulevant la poussière, les
détritus, lès crachats desséchés. Les risques de contagion sont si
gfahds qu'à la' gare de Nancy, la morbidité, dans le service de
l'entretien, est de 23,48 °/0, avec une moyenne d'infection annuelle
-de 2 °/0. La poussière ainsi mise en mouvement retombe sur le
plancher, sur les banquettes ; lorsque le train se met en marche,
elle tourbillonne et l'enfant qui se roule sur les banquettes et
.
applique ses lèvres contre lés glaces risque ainsi grandement de
:

se contagionner. Il serait bon d'exiger un nettoyage plus complet


et surtout moins dangereux des voitures; nous croyons savoir qu'à
la gare de Nancy, la question du nettoyage par le vide est à l'étude :
ce serait là une excellente mesure.
Tels sont lès principaux moyens de prophylaxie de la tubercu-
lose dans l'enfance et dans l'adolescence. C'est là l'avenir de la
lutte antituberculeuse : c'est dans cette voie qu'il faut marcher, se
souvenant toujours que prévenir est plus facile que guérir. C'est
vers l'enfant surtout qu'il faut tourner tous nos efforts. .

VOEUX
1. •— Lorsqu'un médecin aura reconnu dans une famille la présence
d'un tuberculeux contagieux, il prendra des mesures pour assurer, si
possible, l'isolement de ce tuberculeux dans un établissement spécial,,
sanatorium ou hôpital.
TUBERCULOSE. RAPPORT SIMON ET SPILLMANN 239
Si cet isolement est impossible, il' fera prendre immédiatement toutes
les précautions nécessaires propres à éviter la contagion : éloignement
des enfants, lavage des-planchers, prohibition du balayage à sec, usage
d'un crachoir rempli d'une solution antiseptique.
2. — En cas de changement de domicile et surtout'aprèsle décès d'un
tuberculeux, les logements seront soigneusement désinfectés.
3. — Il y a lieu d'appliquer strictement la loi sur l'assainissement des
locaux insalubres. (Voeux déjà adoptés à Montpellier en 1905. Voeux
Mage, Gaùtrez, etc.) Il y a lieu également de lutter contre les logements
surpeuplés:
4.— Il est indispensable d'encourager la construction d'habitations ,à
bon marché à la campagne. Il faut remplacer l'abandon des campagnes par
l'abandon des villes. '.-'.....'
5. — On favorisera le développement des colonies scolaires de vacances,
des colonies de jeux, de l'OEuvre de la préservation de l'enfance et de toutes
les oeuvres analogues.
6. — Les locaux scolaires seront améliorés au point de vue de leur
emplacement, de leur aération.
7. — A l'école : le balayage à sec, surtout le balayage effectué par les
enfants, sera rigoureusement proscrit ; il sera également interdit de cra-
cher à terre.
8. — U y a lied d'instituer un enseignement antituberculeux à l'école
(enseignement proprement dit, affiches, planches murales).
9. — Il sera pratiqué dans tous les locaux scolaires un examen médical
périodique des enfants et il sera procédé à l'établissement de fiches sanitaires
individuelles.

10. — On se préoccupera de l'existence possible d'une tuberculose conta-


gieuse cbe\ les instituteurs et en^ général chez tous les éducateurs de la
jeunesse. Les membres du personnel enseignant reconnus contagieux
seront isolés.
11. — L'exécution des prescriptions hygiéniques doit être étroitement
surveillée dans les usines, ateliers, bureaux, administrations publiques.

On instituera une inspection médicale des locaux. Tout enfant.ou adoles-
cent' sera exa.niné au point de vue médical' avant l'embauchage. Il sera"
240 ' CONGRES DE NANCY -

pratiqué un examen médical périodique du personnel dans les usines et


ateliers.' '.-.;' ..

12. '— Les planchers des voitures publiques (tramways, chemins de


fer) seront lavés avec des solutions antiseptiques ; lès voitures seront
désinfectées au moins une fois par mois.

Discussion et voeux
:

M. le Dr Calmette.
— Au point de vue de cette question
de la prophylaxie de la tuberculose chez les enfants et les
adolescents, il est nécessaire que nous insistions, en émettant
un voeu, sur la nécessité de la surveillance des vaches chez
les laitiers qui fournissent du lait aux établissements publics
d'instruction.
, ,
Des études les plus récentes, il résulte, que sur cent, en-
fants tuberculeux, cinquante ont contracté une tuberculose
d'origine bovine.
Puisque-la tuberculose d'origine bovine est si fréquente
chez nous, il faut nous arranger pour en préserver l'enfant,
chez qui elle est particulièrement virulente.
Il faut donc exercer une. surveillance rigoureuse sur les
marchands de lait, qui fournissent du lait aux écoles publi-
ques.
Dans le canton de Genève, pour citer un exemple, il est
interdit à tout individu de vendre du lait destiné à la con-
sommation publique, si les vaches dont provient, ce lait ne
sont pas soumises à une surveillance rigoureuse, exercée
par des vétérinaires. Sanitaires, qui doivent les tuberculiniser
au moins tous lès six mois, en les marquant chaque fois à
la corne avec un fer rouge, comme contrôle.
M. Ambroise Rendu.
• — M. le Dr Calmette aura le grand
honneur d'avoir mis cette question des vaches tuberculeuses
TUBERCULOSE.;— DISCUSSION ET VOEUX 241
au point. C'est à lui que nous devrons ce résultat, pour, la
plus grande part, et je me fais un devoir de,lui rendre cet
hommage. ; ; :-
J'ai l'intention de reprendre au conseil général de la Seine
un voeu que je lui ai déjà Soumisén ces termes : -;
Qu'une loi intervienne afin dé donner 'aux pouvoirs publics le droit
d'exproprier les vachesreconnues-dangereusespour la santé publique.

L'initiative privée vient en aide à Taetion; des pouvoirs


publics. Nous avons fondé à Paris l'Association de l'oeuvre
sociale du bon lait, qui se propose un double objet. D'une
part,-elle procure aux enfants dé Paris du bon lait a 20 cent.:
le litre, tout en assurant la surveillance la plus étroite dé
ce lait. Tous les jours, en effet, dans quelques-uns de nos
deux cents dépôts de Paris et de la banlieue, nous faisons pré-
lever des échantillons, qui sont aussitôt soumis à l'analyse.
D'autre part, nous donnons du lait à ceux qui ne peuvent
s'en procurer, aux mères pauvres, par exemple. Pendant le
premier trimestre de 1906, nous aurons distribué dé cette
façon 15 500 litres de lait, donnés gratuitement.
Nous voulons obtenir de nos fournisseurs qu'ils fassent
procéder à l'épreuve de leurs vaches parla tuberculine et
qu'ils éliminent les vaches suspectes.
M. le Dr Calmette vous a dit le danger de ces vaches,
même quand elles ne présentent pas de lésions des ma-
melles. Il faut arriver à les éliminer. La question d'indem-
nité, nous n'avons pas à la régler. Il nous suffira de formuler
un voeu dans ce sens, car il s'agit là d'une question qui
présente un intérêt national.

M. le Boureille, de Bordeaux. — Un congrès interna-


D1

tional a réuni en avril 1906, à Bordeaux, les colonies de

CONGUI';S ni; NANCY 16


242 N CONGRÈS DE NANCY .'.
.
,
vacances françaises et étrangères. A l'issue de ce; congrès,
les oeuvres françaises se sont, constituées en fédération: na-
tionale des colonies de vacances et du grand air. ; :;
Trente-deuxsociétés ont adhéré de suite,: vingt-deux dans
le mois suivant, et quarante sont sur le point de se fédérer.
; Les oeuvres actuellement fédérées ont envoyé en 1905 à
la campagne, ou à. là mer, plus de dix mille enfants.
L'un des premiers actes de la fédération fut de déléguer
trois présidents des oeuvres fédérées pour la-représenter au
Congrès d'hygiène sociale de Nancy. '-,':""-.
Ce Congrès, qui n'est antre chose que la confédération
générale de là bienfaisance et de; la; solidarité, devait être le
premier à enregistrer son acte de naissance.
Cet enfant, qui naquit en avril dernier sur les bords jde
.
la Gironde, devait vous être présenté par le pasteur Comte,
M'._ André, inspecteur d'académie de Reims, et moi:même.;

Ypus excuserez les deux premiers témoins de n'avoir pu


venir, ;
-Nous présentons l'enfant avec l'amour d'un père qui l'a
désiré depuis longtemps. Nous pensons que sa jeunesse même
nous, sera favorable. Il est plein de promesses, il commence
à marcher, il est plein de santé et de vie à souhait.
La fédération des colonies de vacances et du grand air a
pour but de resserrer les liens entre les oeuvres diverses et
de faire en sorte qu'elles obtiennent toutes le maximum
d'avantages dans les divers points matériels qui leur sont
communs. Ces points sont surtout l'établissement d'une
fiche médicale commune à tous les enfants; l'obtention du
quart de place pour les colonies de vacances; l'assurance
mutuelle des enfants contre les accidents.
Ces trois questions si importantes ont reçu un commen-
cement de solution. .
-..' .;..-.
TUBERCULOSE. DISCUSSION ET VOEUX 243
Là fiche médicale fut mise au point par le docteur Bôn-
nard, de Tournon. .';.-<-""" /--.'•'
L'assurance mutuelle, imaginée par le pasteur Comte,
sera un fait acquis en 1907 pour la plupart des oeuvres.
Pour le quart de place, je fus assez heureux pour obtenir
de la plupart desrcornpaghiesndejchemins.jde fer des enga-
gements précis qui permettront; dès cette année, de réaliser
des bénéfices très appréciables, plusieurs milliers de francs,
au profit des oeuvres.
Nous nous tiendrons scrupuleusement en dehors de tout .-
ce qui est étranger à notre but, politique et religion nbtam-.
ment.
Aussi avons-nous mis à la commission des transports,
qui résume les principales questions matérielles dé la fédé-
ration, un médecin, le docteur Boureille, président; un pas-
teur, M. Lorriaux, vice-président; un abbé, M. Toiton, secré-
taire.
Nous sollicitons, Messieurs, votre bienveillant appui. Nous
collaborerons de toutes nos forces à l'oeuvre de bienfaisance
et de justice que vous poursuivez.
.Nous pensons que c'est par l'enfance surtout que-l'on
peut agir, pour empêcher le développement des tares qui
affligent la société actuelle.
Nos colonies de vacances, qui envoient en France vingt-
cinq mille enfants cette année, et doubleront; ce chiffre sous"
peu, assainiront les poumons et aussi les cerveaux des petits
enfants de nos grandes villes, et feront d'eux des adolescents
vigoureux et honnêtes dont le pays sera fier;
M. le président. — Nous sommes heureux de saluer la
création de. cette nouvelle fédération, et M. Boureille. ne
peut douter de l'intérêt passionné avec lequel nous suivrons
ses efforts.
244 CONGRES DE NANCY
M. le D' Nilus, directeur du sanatorium de Lay-Saint-Chris-
tophe, donne lecture de la communication suivante :

L'oeuvre sociale du sanatorium


de Lay-Saint-Christophe

Malgré toutes; les critiques qu'on leur fait, les: sanatoriums ont
des résultats indiscutables. Ces résultats sont de deux sortes : les
premiers, les plus frappants, sont obtenus daiis le traitement et
les seconds, non moins sérieux,^dans la prophylaxie de la tuber-
culose.
Depuis trois ans, l'oeuvre lorraine des tuberculeux exploite une
partie du sanatorium de Lay-Saint-Christophe, nous voudrions
indiquer sommairement les résultats acquis.
Jusqu'au Ier janvier 1906, nous avions reçu 261 malades. Le
tableau suivant montre les résultats de leur cure.

I- RE M I Ê RE DEUXIÈME TROISIÈME
période période période
TOTAL

Guéris 47, soit 74.6 o/0 23, soit 15,5 0/0 » 70, soit 22,9 0/0 *
.

Améliorés .- 15, soit 23,9 °/o 81, soit 57,4 0/0 17, soit 29,9 o/n 113, soit 45,2 °/o

Stationnaires ou ag-
1 37, soit 26,2 o|0
, . 70,1 0/0
40, soit , 78,
„ soit 29,9 0/o
gravés

63 141 S7 261

Ainsi, plus des deux tiers des sujets retirent un réel profit du sa-
natorium, soit qu'ils partent guéris ou seulement améliorés. C'est
déjà là un résultat certainement notable.
Nous pouvons assurer que bien peu des malades, considérés par
nous comme guéris sont retombés de même la nlunart de ceux Que
nous avons considérés comme améliorés sont encore en vie, certains
TUBERCULOSE. —- DISCUSSION ET VOEUX 245
que nous avons suivis de près soiït miênie guéris. Pour certifier..ces
faits il nous suffit d'ajouter que: la plupart de nos,anciens pension-
naires nous donnent de temps à aiitre de leurs nouvelles.
; Si quelques malades;n'ont qu'une courte survie, ce n'est pas une
raison pour affirmer que le sanatorium est inutile. dans la lutte
antituberculeuse. Comme toutes les médications, la cure au sana-
torium a ses indications et contre4ndications.bien nette^^
"' Des causes multiples qui influent sur la durée des résultats, une
des plus importantes est certainementl'état social du malade. Nous
.

constatons^ en effet, que ce sont les petits bourgeois (employés, "


petits commerçants) et les ouvriers sérieux qui obtiennentLieplus;
de succès. La raison en est que, pour eux, le séjour au sanatorium
est une dépense et une perte dé temps, aussi/suivent-ils'leurcure
bien régulièrement et, revenus chez eux, ils prennent toutes les
précautions nécessaires pour éviter'une rechute. Au contraire, le
succès durable ne peut être obtenu par les insouciants attendant
leur sortie pour retourner à leur vie de.débauche, ni parles mal-
heureux réintégrant des logements trop souvent infectés.
Faisons également remarquer que la plupart des malades qui ne
retirent pas du sanatorium les résultats attendus sont, en général,
entrés trop tard, employant ce mode de traitement comme.un pis
aller.. Suivant une expression très juste, c'est «trop tôt» qu'il, faut
soigner la tuberculose. ; -. ;• '
.
Le sanatorium est également une bonne école de prophylaxie. En
effet, journellement nous faisons à l'un ou à l'autre de nos malades
des observations sur certains détails d'hygiène, les voisins en font
leur profit. De temps à autre, nous.faisons en.plus des conférences
accompagnées de projections, sur des sujets d'hygiène générale :
lutte antituberculeuse ou antialcoolique. Enfin,, à tous les malades
nous distribuons, au moment de leursortie, une instruction sommaire,,
leur rappelant les principes qu'ils ont mis en pratique.pouraméliorer
leur santé. :'.'•."'.
Nos efforts portent souvent des fruits; en effet, beaucoup de nos
anciens malades conservent l'usage du crachoir et du thermomètre,
ils nous envoient de temps à autre leur expectoration' à examiner et
246 CONGRÈS DE NANCY s '
.

leurs lettres contiennent en général le tableau de leur poids et de


leur température ; preuve qu'ils continuent à s'observer.
Aussi une fois sortis du sanatorium, non seulement ils. prennent
des précautions, mais ils montrent à leurs amis souffrants ce qu'ils
doivent faire et où ils doivent s'adresser pour être traités, N'est.-il
pas éloquent ce mot d'un de nos pensionnaires écrivant au médecin;'
du dispensaire antituberculeux des VIIIe et XVIIe arrondissements
qui nous l'avait envoyé : « J'espère, cette fois, revenir complètement
guéri et reprendre ma place parmi les camarades et continuer le bon
'combat contre l'alcoolisme et toutes les plaies qui tombent sur mes
camarades, ouvriers comme moi. »

M. le président. — Nous sommes saisis, Messieurs, comme


conclusion, d'un certain nombre de voeux présentes par.
MM. Simon et L. Spillmann.
Je vais les mettre aux voix. : . . . .

T. — Lorsqu'un médecin aura reconnu dans une famille la présence


d'un tuberculeux contagieux, il prendra des mesures pour assurer, si
possible, l'isolement de ce tuberculeux dans un établissement spécial,
sanatorium ou hôpital.
Si cet isolement, est impossible, il fera prendre immédiatementtoutes
les précautions nécessaires propres à éviter la contagion : éloigncment-
des enfants, lavage des planchers,prohibition du 'balayage à- sec, usagé
d'un crachoir rempli d'une solution antiseptique. (Adopté.).
2. -^En cas de changement de domicile et surtout après le décès d'un
tuberculeux, les logements seront soigneusement désinfectés. (Adopté.)
j. — Il y a lieu d'appliquer strictement la loi sur l'assainissement des
locaux insalubres. (Voeux déjà adoptés à Montpellier en iyo$. Voeux-
Mage, Gaufre^, etc.) Il y a lieu également de lutter contre les loge-'
ments surpeuplés. (Adopté.)
4. —- // est indispensable d'encourager la construction d'habitations
à bon marché à la campagne. (Adopté.)
M. le président. —-M. le Dr Mathieu a.demandé la parole
sur le paragraphe 5.
TUBERCULOSE. — DISCUSSION ET VOEUX 247. •

;
M. le Dr Mathieu. -— Je voudrais ajouter au texte la phrase
suivante : « On favorisera la création d'internats ruraux. ».
Ce voeu a été émis au congrès de la tuberculose, en séance
plénière. Ce n'est donc pas une nouveauté, puisqu'il a déjà
eu la consécration que j'indique. /
M; le président.. Les formules brèves comme là vôtre
=—-

ne sont pas toujours celles qui indiquent que les questions


sont simples. La question que vous soulevez est, à mon
avis, une très'grosse question; Vous vous autorisez d'un
voeu précédemment émis; peut-être a-t-il été longuement
discuté. Pourma part, je, crois, malgré l'autorité qui s'attache
au congrès que^vous visez, qu'il serait assez difficile d'adop-
ter ce voeu ici, sans un échange de vues peut-être assez
prolongé, pour lequel le temps nous manque un peu,

M. le Dr Mathieu. — Je n'insiste pas.

M. le président. ---M. Mathieu n'insiste pas. Je ne mettrai


donc pas son voeu aux voix, mais il reste bien entendu que
cela n'infirme pas le vote du congrès de la tuberculose.
Je mets aux voix le paragraphe 5 tel qu'il est rédigé.au
rapport de MM. Simon et L. Spillmann :
j.
— On favorisera le développement des colonies scolaires de
vacances, des colonies de jeux, de /'OEuvre de la préservation de l'en-
fance, et de toutes les oeuvres analogues. (Adopté.)

M. le président.

-
6.-—Les locaux scolaires seront améliorés au point de vue de leur
emplacement, de leur aération.

La parole est à M. le Dr Henrot.


248 CONGRÈS DE NANCY .'
.

-
M. le Dr Henrot. —Je demande à ajouter une seule -phrase
à ce paragraphe.
Les classes servent à toutes sortes de réunions, à dès
répétitions de chorales, de fanfares, à' des sociétés de toutes
sortes. Tous les jours, quelquefois, c'est une société nouv
velie qui vient prendre possession, à 7 ou 8 heures dix
soir, d'une classe qui a~~eu à peine le- temps d? être aérée,,
et où l'on va cracher, fumer jusqu'à minuit. Bien entendu,
on n'ouvrira pas les fenêtres en partant, et le lendemain
matin, les enfants entreront dans- cet air vicié.
; A Reims, on a remédié' à ce danger en créant dans- chacun
des cantons une salle de. réunion, et l'on a interdit les réu-
nions de ce genre dans les écoles mêmes. .:'.
Je demande qu'on ajouté cette phrase au paragraphe 6 :
Les locaux scolaires ne doivent dans aucun cas servir de salles de
réunion.

M. le Dr Letulle. — Ce voeu a d'ailleurs été presque litté-


ralement voté à l'assemblée générale ducongrès de Ja. tuber-
culose, par 3 400 voix, le 25 octobre 1905;.
M. Ambroise Rendu.
— Dans le département de la Seine,
une prohibition du même genre existe.
M. Drouineau. — Alors, si l'on adopte ce voeu, où fera-
t-on les conférences, dans les petites communes?
M. le président. — On se heurtera certainement, dans les
petites communes, à de grosses, difficultés. Les.instituteurs
font quelquefois, le soir, des conférences avec projections;
quelquefois aussi, la musique municipale vient jouer à
l'école s'il fait mauvais temps. Tout cela a aussi son utilité
morale. Il est assez difficile de concilier les deux intérêts.
Peut-être ne faudrait-il pas être.trop absolu.
. .
TUBERCULOSE. ---DISCUSSION ET VOEUX 24g
; que je visais^ Monsieur le. Président,
.M. le D^Henrot. — Ce
c'étaient surtout les réunions qui se tiennentra;égulièrerrienity
d'une'façon constante. Je connais certaines écoles oùj le
lundi soHV vïént la chorale'Aj le mardi^la'fanfiifé B\ et ainsi
de suite.
.
:;-'-'--';
-/"'''ï:'"'"' /.'''. '-r_'-y ~r

Je suis tout disposé, d'ailleurs, à accepter que; i'cin atténue


. -

un peu ma proposition.


' MV le président. — Messieurs, je vous propose^ pour le.
paragraphe 6, la rédaction suivante : i -7 r- - ;

„.,6. — Les:locaux scolaires seront améliorés',au point-de vue -de-,leur


emplacement, de leur aération. Ils ne doivent qu'exceptioniiellement
servir de salles de réunion. (Adopté.)

M. le président.

7. — A l'école, le balayage à sec, surtout le balayage effectué par


les enfants, sera rigoureusement proscrit ; il sera également interdit dé
cracher- à terrée ,' r ..• _ .
^-'.'.
La parole est à M. Bourcart.

M. Bourcart,.professeur à,la faculté de. droit de Nancy. —


Nous avons ici, en Meurthe-et-Moselle, un comité; des habi-
tations à; bon marché, dont j'ai l'honneur d'être, le président.
Ayant des ressources limitées, ;nous nous sommes : bornés
jusqu'ici à l'assainissement des petits logements existants.
; Nous distribuons, depuis quatre ou
cinq ans,, des; prix
d'ordre et de propreté aux logements les plus méritants, et
nous nous en trouvons très bien. Mais, nous voulons intro-
duire l'usagé.du balayage.humide.Nous allons, donc-faire une
distribution: de linges, car, pour le balayage humide, il faut
des lmges, et si nous n'en donnons pas; on n'en achètera
pas exprès. J'ai heureusement obtenu une promesse de la
250 CONGRÈS DE NANCY

part d'un grand établissement: de.Nancy, qui nous fera don


des linges nécessaires. '."-:•. ; : .';...'
•.. .-..•.

M. le président. —-je mets aux voix le paragraphe 7.


(Le paragraphe 7 est adopté.)
M. le président.
.,-
S. — Il y a lieu d'instituer .un enseignement antituberculeux à
l'école {enseignement proprement dit> -affiches, planches;., murales.)
[Adopté.]
p. —-Il sera pratiqué dans tous les locaux scolaires un examen
médical périodique des enfants et il sera procédé à'Vétablissement de
fiches sanitaires individuelles. ' */'•'''
La parole est à M. le Dr Letulle.

,M. le Dr Letulle.—Je prie le Congrès d'ajouter le membre


de.phrase suivant à ce voeu : ' .
, .

// sera pratiqué — conformément à la technique préconisée et pra-


tiquée par le professeur Grancher — dans tous les locaux, etc.

Il est important que les enquêtes qui se font partout sur la


tuberculose infantile soient conduites avec la même techni-
que et suivant les mêmes directions.
•; Vous n'êtes pas sans connaître l'enquête instituée par
M. le professeur Grancher et ses élèves, à Paris. Leur techni-
que est définitivement réglée, elle est connue du monde
médical. Elle n'est peut-être pas aussi suivie qu'il le faudrait.
M. Grancher a lui-même signalé les difficultés réelles que
présentait parfois l'attitude des familles.
Il serait peut-être bon de profiter .de ce Congrès pour faire
savoir à la population française que la recherche des gan-
glions suspects n'est point nuisible, ni pour l'enfant, ni pour
sa famille, et que la technique employée est simple et facile.
TUBERCULOSE.— DISCUSSION ET VOEUX 2%l.
M. le président. ^— Je donne une nouvelle lecture du para-
-
graphe 9, augmenté de l'amendement de- M'.rie professeur
Letulle':' -- -''.••'• .-' .-" : ::: v;...::.L:

y. — II-sera opéré, conformément à la technique préconisée et.


pratiquée par'M: le professeur Grancher, dans tous les locaux-.scolaires,
un'examen médical périodique, des enfants, et il sera procédé à l'éta-
blissement de fiches sanitaires individuelles.. (Adopté-.): :

M. le président.
de J'existence possible d'une, tuberculose.,
— On se préoccupera
io.
contagieuse che% les instituteurs et en général che\ tous les éducateurs
de la jeunesse. Les membres du personnel enseignant inconnus .conta-
gieux.seront isolés. ' '
.t

La parole est à M.-le Dr; Mathieu.; ..:.<;-.:. :].:.',,


.

AI.le D' Mathieu.—Je trouve ce dernier mot « isolés » à


la. fois trop vague et trop précis.
Trop vague, parce qu'on ne dit pas comment pii les iso-
:
lera. Trop précis, parce que, si l'on prenait le texte au pied
de la lettre, Jl faudrait les mettre dans quelque chose comme
les .léproseries, du Moyen Age. Ce n'est certainement pas là
ce qu'ont voulu dire les rapporteurs. ...'.•..
Cette question de la tuberculose des instituteurs est extrê-
mement importante. On s'est demandé d'abord quel pouvait .
être leur nombre, et l'on a fourni des chiffres tout à fait
différents. MM. Broùardel, Laiidouzy, Weil-Mantoux admet-
taient un chiffre considérable, une proportion effrayante,
quelque chose comme le quart peut-être du nombre des
maîtres.
A Paris, au dernier congrès d'hygiène scolaire, on a apporté
des chiffres différents. Les médecins-inspecteurs des écoles
de Paris ont prétendu qu'à Paris • la proportion ne serait
peut-être pas supérieure à 2 ou 3 °|0.
252 CONGRÈS DE NANCY


Quoi qu'il en soit, il ne paraît pas douteux qu'il y;a;des
instituteurs tuberculeux et que le nornbre en est considé-
rable dans certaines régions. On peut dire qu'il s'agit là
d'une véritable maladie professionnelle. -.-..
Les isoler? soit! mais, alors il faut leur continuer au moins
une' partie de leurs émoluments. Il serait inhumain, de les
rejeter sans secours! Aussi je demande qu'on rédige ainsi la'
fin du paragraphe : « seront éloignés des milieux scolaires
...
et mis en disponibilité, à l'abri du besoin, eux et leurs
familles, pendant le temps nécessaire à leur traitement. »

M. le Dr Mosny. — j'ai salué ces voeux comme de vieilles


(Connaissances. En 1.901, le ministre de l'instruction publique
avait constitué une commission pour'la prophylaxie de la
tuberculose dans les écoles. M. Brouardel en était.le prési-
dent, et j'y remplissais les fonctions de secrétaire.' Nous
avons clos notre étude par des voeux qui étaient à peu près
exactement semblables à ceux; que j'ai entendu proposer ici.
Je les appuierai donc de toutes mes forces,
[En ce qui concerne le dernier pofrit, nous avions proposé
la solution suivante, qui fut adoptée par lé ministre. Nous
avions demandé que tous les maîtres atteints de tuberculose
contagieuse fussent soumis, pendant toute l'a durée de leur
traitement et jusqu'à leur guérison. à la mise en disponibi-
lité avec traitement soumis à la retenue.
Ceci, je le répète, avait été adopté par le ministre de
l'instruction publique.
Le ministre étant venu à changer, lorsque son successeur
a pris possession.de son poste, la circulaire a été soumise à
sa signature, et il l'a signée, je dois le dire, un peu sans
s'en douter. La circulaire fut donc expédiée.
Toute la question était dans le traitement soumis à la
TUBERCULOSE. —-DISCUSSION ET VOEUX 253
retenue. Un recteur d'académie suivit soigneusement les
indications de la circulaire, et le ministère s'aperçut, un peu
tard, que cela coûtait assez cher. On en fit l'observation au
recteur; qui répondit : « Mais c-est 1;exécution de votre cir-
culaire. Ne fâllait-il pas la prendre au sérieux? »: Du minis-
tère, on lui répondit • «C'était une circulaire;..: Vous savez
bien comment il fallait la prendre. » - :/ :

Cette anecdote montre que les bonnes intentions: ne suf-


fisent pas toujours. Comment faire?
On prend des précautions pour l'admission des maîtres
dans les écoles normales, Mais on n'en prend pas assez.. Il
est avéré que de nombreux maîtres étaient tuberculeux avant
de se présenter à l'école normale^ C'est à ce moment-là qu'on
aurait dû les évincer. Plus tard, vous serez engagés envers eux,
et vous vous heurterez à de grosses difficultés budgétaires.
Il serait donc prudent de ne pas trop s'engager dans la
voie où nous convient MM. Simon et Spillmann. Mieux
vaudrait peut-être formuler un voeu demandant qu'une
excessive rigueur soit apportée à l'admission des futurs maî-
tres dans les écoles normales.

M. le professeur Bernheim. — Il faut s'entendre sur la


signification à donner au mot « tuberculeux ». Tout indi-
vidu chez lequel l'examen du thorax dévoile des signes de
tuberculose n'est pas un tuberculeux actuel ; il peut être
un ancien tuberculeux guéri, cicatrisé, qui n'est plus une
cause de contagion. Il faut appeler tuberculeux un sujet
affecté de tuberculose évolutive, contagieuse. Il importe que
le médecin établisse bien son diagnostic et ne condamne
pas à l'isolement un tuberculeux guéri, qu'il ne brise pas la
carrière d'un candidat à une grande école, chez lequel il
trouve des signes physiques de tuberculose, avant d'avoir
254 CONGRÈS DE NANCY
bien: établi que cette tuberculose est réellement évolutive.
Je citerai'comme exemple le fait suivant : ;
.
.:
Il: y-a, déjà; longtemps, un père dont la femme était morte
de tuberculose qui avait dure dés -années me pria d'examiner
sa.: .fille, uiiiqu'ei pour, que je lui dise ; si elle était mariable.
:
Je-, constatai,. un, sôuffie avec matité dans un,. sommet, et,
.
malgré cela, je dis au -père qu'elle n'avait, rienet, qu'elle
était,mariable. je' basais ce; diagnostic sur ce fait que,-méde-
cin de la famille, je suivais cette, jeune-fille depuis long-
temps^ sans avoir jamais été consulté pour elle, sans l'avoir
jamais vue malade. Je pensai donc que, eontagionnée par sa
Mère, relie avait eu une tuberculose peut-être latente, mais
qui était guérie sans déterminer aucun symptôme, parce que
son terrain était bon.
Elle s'est: Mariée, à trois enfants, se porte très bien. Si je
l'avais condamnée au célibat, j'aurais fait une chose préju-
diciable, par erreur de .diagnostic...
Je conclus. Sous le nom de tuberculeux, il faut bien spé-
cifier : tuberculeux évolutifs, contagieux.

M. lé professeur Simon. — Nous n'entendons parler, bien


entendu, que des tuberculeux contagieux.
Il ne s'agit pas, d'ailleurs,, comme on a paru le craindre
un instant, de les installer. dans un établissement d'isole-
ment, dans une léproserie, mais simplement, tant qu'ils,
seront malades, de les éloigner de leurs élèves.

M. le président. — M. le Dr. Mathieu a proposé une mo-


dification au texte qui nous est présenté; d'autres aMende-
ments ont été suggérés. Né perdons pas de vue que, comme
tous les congrès, nous travaillons d'une façon un peu hâtive.
Nous ne sommes pas dés législateurs. Nous ne pouvons
que signaler le mal. Il me paraît assez difficile que, dans un
TUBERCULOSE. -^DISCUSSION ET VOEUX 255
espace de temps si restreint, nous indiquions ; toujours' le
meilleur procédé législatif ou administratif pour parer aux
rriatix-que nous-signalons.
Je me demande si, en présence des difficultés que soulève
cette question^ et à cause,même de l'intérêt .qu'elle présente,
le plus, sage ne serait pas de supprimer cette dernière phrase^,
et-:d'e,dire-:••;'.::. ,i,-... •.- -.:), ••:-.,
>:. "vV-.

10. — On se préoccupera de l'existence possible '•'d'une tuberculose


contagieuse che% les instituteurs, et en général che%: tous les éducateurs
delà jeunesse. ........ •-.
_ ; <:- . —
Aux pouvoirs législatif et administratif restera ensuite le
soin de faire entrer en ligne de compte tous les éléments
qu'il'-nous.-est assez difficile d'apprécier dès. à présent, et de
rechercher le meilleur- mode d'arriver à la réalisation de
.

votre formulé.
M. le Dr Mathieu. ;— J'accepte cette suppression, d'autant
mieux que la formule devient ainsi plus générale même
que celle que je proposais.
M. le président. .—. Je mets aux voix le paragraphe 10,
.
ainsi modifié par la suppression de la dernière phrase..
(Le paragraphe 10, ainsi modifié, est adopté!) ' '".
.

M. le président.

11. — L'exécution desprescriptions hygiéniques doit être étroitement


surveillée dans les usines, ateliers, bureaux, administrations publi-
ques. On instituera une inspection médicale des locaux. Tout enfant
ou adolescent sera examiné au point de vue médical avant l'embau-
chage. Il sera pratiqué un examen médical périodique du personnel
dans les usines et ateliers. • •
.

La parole est à M. le Dr Letulle. .•.-.'.-


256 '-' CONGRÈS DE-NANCY '..'-.:
le Dr Letulle.— D'après le rapport de MM, Simon.er
M*
Spillmành, le mode de contagion tuberculeuse est double :
il y a d'abord la .contagion par les voies digestives, et; la
question-va êtrêTobjet :dJun voeu^de M; le-:©r Galmette'; il
y à ensuite ; la- contagion par ' les voies respiratoires^ par : les
pi&USSïirèSï :V^;?-.;-::^---- "; iï! :-:;;-;: ,...-, .-. <Y ;::- -". ..;:,:.;-:. -:yp\_K ;r:;.;',:: p.
Les: crachats des tuberculeux sont actuellement > encore
une source kiépuisable de .contagion. Le : crachoir:individuel
ou collectif est un mode de prophylaxie merveilleux. Il n'est
pas élégant, mais ij est très effectif.
C'est pourquoi, toutes les fois qu'on parle tuberculose,
Bfaùt ressasser la question du crachoir. ;
je me permets, en conséquence,'de vous demander d'ajou-
ter au voeu de MM; SiMoh et Spillmann les mots suivants;
11. — L'exécution des prescriptions hygiéniques... et en particulier la
multiplicité et la mise en bonne place et à bonne hauteur de « crachoirs
collectif:,r», doivent... lereste commeau texte. y;, ,;-.: : >•/ ... c
M. le président. — Je mets aux voix le paragraphe 11.
ainsi modifié, dont je donne une nouvelle lecture :

il.
— L'exécution des prescriptions hygiéniques, et en particulier
la multiplicité et la mise en bonne place et à bonne hauteur de «cra-
choirs collectifs », doivent être étroitement surveillées dans les usines,
ateliers, bureaux, administrationspubliques. On instituera une inspec-
tion médicale des locaux. Tout enfant ou adolescent sera examiné au
point de vue médical avant l'embauchage. Il sera pratiqué un examen
médical périodique du personnel dans les usines et ateliers. (Adopté.)

.
:

M. le président.
-- N: •
.
-...'-
12. — Les planchers des voitures publiques (tramways, chemins
de fer) seront lavés avec des solutions antiseptiques; les voitures seront
désinfectées au moins une fois par mois. (Adopté.)
.
TUBERCULOSE. DISCUSSION ET VOEUX ' 257.
M. le président. — Nous sommes maintenant en présence
du voeu déposé par M. le Dr Calmette, qui pourrait prendre
le n° 13.
En voici la teneur :,' -
Considérant les dangers que présente la consommation du lait pro-
venant de vaches tuberculeuses ;
Considérant surtout le danger que présente la consommation de ce
lait même-stérilisé,pour tes. enfants déjà atteints ou suspects de tuber-
culose;
Le Congrès d'hygiène sociale émet le voeu que les pouvoirs publics
adoptent dans le plus bref délai possible une réglementation tendant à
ce que :
Nul ne puisse être autorisé à mettre en vente du lait destiné à la
consommation publique s'il n'a fait une déclarationpréalable attestant
qu'il s'engage :
1° A n'admettre dans ses ètables que des vaches préalablement sou-
mises depuis moins de deux semaines à l'épreuve de la tuberçidine et
n'ayant pas réagi ;
2° A soumettre deux fois par an toutes ses vaches laitières à l'épreuve
de la tuberculine sous le contrôle d'un vétérinaire sanitaire assermenté.
(Adopté.) \x

M. Ambroise Rendu dépose sur le bureau du Congrès le


voeu suivant :

Le Congrès émet le voeu :


Qu'une loi intervienne afin de donner aux pouvoirs publics le droit
d'exproprier les vaches reconnues dangereuses pour la santé publique.

M, le président. -- je crois que la législation actuelle im-


plique la possibilité de faire abattre les vaches malsaines.

M. Cheysson. — L'adoption d'une pareille mesure pourrai'


entraîner à des conséquences financières inattendues.
Il me semble que nous pourrions nous cantonner dans 1;
CONGRl'-S DU NANCY ' 17
3-5& ' CONGRÈS DE NANCY ..'""-
région des principes, sans arriver aux détails^ législatifs^ et
administratifs, qui ne. sont pasnotre affaire. :"'-"

M. Ambroise Rendu.—je n'insiste, pas* -..-

M. le président, -t- La proposition est retirée.

M'., lé Dr Letulle. — Je demande au Congrès encore quel-


ques 'minutes" pour l'entretenir de la question des jardins
d'enfants. .'.
. .
C'est une question qui est actuellement tout à fait à
l'ordre du jour en Allemagne que celle du Kinderspielplat^.
Les tas de sable avec lesquels jouent les, enfants, dans
nos squares, sont très contagieux, parce que tout le monde
passe là, crache par terre.
Il faudrait beaucoup de petits tas de sable et peu d'en-
fants, et rien que des enfants autour, pour obtenir une
sécurité relative.
* C'est pourquoi je vous demande de voter le petit voeu
supplémentaire suivant :
14. — Dans toute ville d'au moins j' 000 habitants, l'administra-
tion organisera ses « jardins populaires » en y réservant et entretenant
des ce espaces .libres réservés au jeu des enfants » (Kinderspielplatz),

M. le président. — Je mets aux voix la proposition addi-


tionnelle dont M. le Dr Letulle vient de donner lecture.
(Ce voeu est adopté.)

M. le président. — Étant donnée l'heure avancée, nous


sommes obligés de renvoyer à cet après-midi la lecture et
la discussion du rapport de M. Schmitt.
La séance est levée.
(Samedi 23 juin, après-midi)

Président. : .M. GROSS .-.-...

HYGIENE DE LA JEUNESSE ET SA PRÉSERVATION


CONTRE LES MALADIES INFECTIEUSES (SuitejS
-.

M. le Dr: Sehmitt donne lecture de son rapport sur .;

La préservation de l'adolescence
contre l'alcoolisme
Si l'usage immodéré du vin et des boissonsfermentées est presque
aussi ancien que le monde et a sollicité depuis les temps les plus
reculés l'attention des législateurs ; si le goût et la passion de l'alcool;
considéré d'abord comme un poison, puis devenu une sorte de pa-
nacée universelle (aqua vitoe), se sont, grâce à cette funeste erreur,
répandus peu à peu parmi tous les peuples et sous toutes les latitudes ;
si l'abus des boissons spiritueuses, étiquetées sous des noms divers,.,
a suivi une marche progressive et envahissante, menaçant partout
plus ou moins la santé .publique, le bien-être matériel et môraldes
masses, il est navrant de constater que la France a conquis, à l'heure
actuelle, cette triste suprématie d'être en tête des nations pour la
consommation totale de l'alcool ('), que l'alcoolisme est devenu

i. TRIBOULET et MATHIEU, L'Alcool et l'alcoolisme,' 1900.


2ÔO ' CONGRÈS DE NANCY
véritablement un « mal français », suivant l'énergique expression de
M. Rénon.
Et certes le mal doit être bien grand pour que cette grave ques-
tion se pose: Comment enrayer l'alcoolisme de l'adolescence?
comment préserver l'adolescence contre l'alcoolisme ?
' /

I — ADOLESCENCE ET ALCOOLISME

Uadolescence (l) ce « printemps de la vie », cet âge où l'enfant


:
d'hier prend définitivement conscience de sa personnalité, où, pour
devenir l'homme de demain, il doit acquérir peu à peu sa perfection
physique et se préparer à son entier développement moral; l'âge
où les proportions des diverses parties du. corps se régularisent, où
les muscles s'affermissent, où la souplesse et l'agilité des mouve-
ments suppléent à ce qu'a d'incomplet encore le rendement des
forces ; l'âge où l'intelligence s'élargit et s'élève, où la volonté
s'affermit, où le sentiment du bien et du beau se révèle avec une
intensité toujours croissante ; l'âge où, dans la configuration exté-
rieure comme dans les penchants, les goûts et les aptitudes, se pro-
nonce la séparation des sexes, où l'installationd'une grande fonction
-nouvelle fait de l'individu un membre actif de l'espèce, l'espoir de
la famille et de la race.
L'alcoolisme : cette maladie qui parait essentiellement évitable
pourtant, à laquelle du moins ne semble devoir succomber que celui
qui veut bien s'y laisser prendre, qui se traduit tantôt par les mani-
festations aiguës et répugnantes de l'ivresse, auxquelles il devrait
suffire d'avoir assisté une fois pour en être à jamais écoeuré ; tantôt
par des désordres plus lents, plus sourds, plus insidieux, qui cepen-
dant peu à peu flétrissent le corps, pervertissent le jugement, obs-

i. Il n'est pas possible de fixer des limites très nettes à l'adolescence ; en me plaçant au
point de vue physiologique, je désignerai sous ce nom, avec la plupart des auteurs, la
période de la vie qui commence aux premières manifestations de la puberté et s'arrête
une fois que le corps a terminé son accroissement, soit de treize ou quatorze ans jusqu'à
vingt-trois ou vingt-quatre ans chez l'homme, de onze ou douze ans jusqu'à vingt ou vingt
et un ans chez la femme. C'est ce qu'on peut considérer encore comme la première partie
de la jeunesse.
ALCOOLISME. — RAPPORT SCHMITT 261
curc'issent la conscience et la volonté, ouvrent la porte- à toutes les
déchéances et caractérisent à notre époque l'une des-piâles sociales lés
plus redoutables, celle dont les méfaits sur l'individu et sur la collec-
tivité doivent peut-être le plus sérieusement attirer notre attention.
Adolescence et alcoolisme : il semble vraiment que ces deux termes
jurent de se trouver associés. Et cependant, regardons autour de-
nous, interrogeons ceux qui se trouvent en contact journalier avec
les jeunes gens : médecins, ^éducateurs, patrons, industriels, ma-
gistrats, etc., nous serons obligés d'avouer que, depuis quelque
vingt-cinqians, l'âge de l'alcoolisme s'est abaissé et que l'adolescence
paye un tribut de plus en plus lourd à un fléau qui chaque jour aussi
là menace davantage.
Dans quelles proportions le mal ou le danger existe-t-il? C'est
un point qu'il est difficile, sinon impossible, d'établir par des chiffres.
Dans une question où tant de facteurs interviennent, on ne saurait
se baser sur des statistiques incomplètes ni sur des nombres fournis:
un peu au hasard. En m'informant dans les ouvrages ou articles
spéciaux et par des consultations individuelles, j'ai recueilli les
données les plus dissemblables.. Dans telle localité industrielle des
Vosges, « il faut compter, m'écrit un confrère, que les quatre cin-
quièmes des jeunes gens sont alcooliques avant vingt ans ». « L'éthy-
lisme, me confie un autre exerçant dans un canton vinicole de notre
département, est le grand fléau de notre population ; tous, jeunes et
vieux, en sont plus ou moins atteints. » Par contre, un grand indus-
triel, des Vosges également, me dit que, « sur cent apprentis ou
jeunes ouvriers, il n'en connait pas quatre qui aient la passion de
l'alcool». «Pas un seul, m'affirme.un autre d'une ville voisine,
au moins depuis cinq ans. »
Je pourrais multiplier ces exemples sans avoir le droit d'en tirer
une conclusion satisfaisante ; nous trouverons d'ailleurs, en étudiant
les causes de l'alcoolisme, les raisons de ces différences. Qu'il me
suffise actuellement de constater, ce qui ressort de toute mon en-
quête, que la progression de l'alcoolisme chez les adolescent? suit
une marche correspondante à celle de l'alcoolisme en général, qu'elle
varie suivant les départements, suivant les localités, suivant les mi-
2 62 CONGRÈS DE- NANCY
lieux, suivant les entraves qu'on lui oppose, suivant une foule
d'autres conditions, et qu'elle menace surtout la classe ouvrière.
Sans doute, aticune condition sociale n'est préservée du mal. Nous
-
trouvons.des alcooliques parmi lés jeunes désoeuvrés qui font l'ap-
prentissage de la vie dans les cercles et les cabarets de nuit, sur les
champs de courses et dans les boudoirs; nous en trouvons parmi
les fils de la bourgeoisie qui-fréquentent nos grandes écoles, nos uni-
versités et nos institutsj qui s'initient, à la campagne ou à la ville,
à la pratique du commerce ou de l'agriculture ; mais il est certain
que, parmi les jeunes gëiis de cette catégorie, le mal est moins
grand, les habitudes alcooliques sont moins répandues qu'autrefois.
Raisonnement ou snobisme, besoin instinctif de régénération ou
réaction contre les abus antérieurs, manqtie d'estomac ou crainte
salutaire, la jeunesse des classes autrefois dites dirigeantes, s'éloigne
ou se méfie de l'alcool. Pour m'en tenir à un souvenir personnel.,
si je me reporte à l'époque de mes premières études médicales,
je -trouve parmi la jeunesse étudiante d'alors un nombre d'alcooliques ~
incomparablement supérieur à celui que je'puis constater actuelle-
ment, et je dirai volontiers, d'accord avec M. Brunon, de Rouen :
« Nos étudiants travaillent plus et boivent beaucoup moins; ils
forment pour la généralité un bataillon de gens: sobres dans une
foule de buveurs ». Et je-crois que tous mes collègues seront à peu
près de cet avis.

Par contre, c'est dans la classe ouvrière que l'adolescence paye le
tribut le plus lourd à l'alcoolisme, c'est là qu'elle est le plus exposée
à la contagion de l'alcool et qu'elle trouve les causes de contagion
les plus diverses et les plus fréquentes.
Et les jeunes gens ne sont pas seuls menacés ou atteints par le
mal; les jeunes filles, les futures femmes,, autrefois épargnées, sont
également touchées. Mais là encore, sauf quelques exceptions dont
la. plupart appartiennent plutôt au domaine dé la neuropathologie
générale, les habitudes alcooliques, si on les rencontre parfois, sous
des formes plus ou moins déguisées, chez les femmes, les jeunes
femmes même, ne s'observent pas chez les jeunes filles des classes
aisées; c'est dans la classe des salariées qu'il faut chercher les jeunes
ALCOOLISME. — RAPPORT SCHMITT 263
victimes du fléau. Je laisse de côté les malheureuses, précoces pour
tous les vices, que leur métier condamne presque fatalement à l'al-
coolisme, comme il les condamne à la syphilis, mais je parle des
vraies.ouvrières, ouvrières de fabrique, d'usine, d'atelier, employées
de magasins qui, pour avoir quelquefois goûté à l'alcool, se laissent
peu à peu entraîner à là funeste habitude.
Dans ces conditions, que deviendront plus tard ces jeunes gens,
s'ils persistent, comme il est fort probable, à céder à leur penchant?
que seront ces pères et.ces mères futurs? que seront les familles qu'ils
sont appelés à fonder ? que sera la génération qu'ils nous préparent ?
En face de questions aussi graves, tout esprit clairvoyant dira qu'il
faut à tout prix préserver, sauver notre jeunesse.

II MÉFAITS DE L'ALCOOLISME SUR L'ADOLESCENT

Je n'ai pas à faire ici, au point de vue médical, la nosographie


de l'alcoolisme, ni à présenter les diverses variétés cliniques qu'il
:

revêt, suivant l'agent toxique ingéré. Tout a été dit et écrit sur ces
questions que je ne résumerai qu'en quelques lignes.
Mais auparavant il est un point sur lequel il faut nous mettre
d'accord : c'est que toute boisson alcoolique fermeutée ou distillée,
vin, bière, cidre, eaux-de:vie, liqueurs, quand\elle est prise en excès
ou d'une façon habituelle, est facteur d'alcoolisme, avec cette circons-
tance aggravante que plus le sujet est jeune, plus il est sensible au
poison ; de telle sorte que le chiffre de 1 gramme par kilogramme
de poids du corps, que chez l'adulte sain on. considère empiriqueirrent
comme la quantité maxima d'alcool qui en vingt-quatre heures est
assimilable et éliminable sans effets nocifs apparents, est sensible-
ment trop fort quand il s'agit d'enfants ou de jeunes gens. : -

Il faut également nous prémunir contre cette idée erronée que ce


qui est toxique dans les. boissons alcooliques, c'est moins l'alcool
lui-même que les impuretés, les essences ou les aldéhydes qu'elles
renferment ou qui y sont ajoutées. Ce qui. conduit à cette autre
erreur que des alcools ^suffisamment rectifiés ou que les. produits
naturels ne font pas de mal.
.264 CONGRÈS DE. NANCY
Sans doute, les alcools supérieurs, les éthers et surtout les essences
ajoutées à l'alcool éthylique, outre le grave inconvénient de pousser,
par leur bouquet, leur parfum, leur agrément fugitif, à une consom-
mation plus grande, ont une toxicité réelle et considérable qui leur
est propre ; ces diverses substances peuvent modifier, dans une me-
sure variable suivant chacune d'elles, lesmanifestationsde l'alcoolisme
aigu et chronique, ou en faire porter d'une façon plus élective les
lésions sur tel ou tel système ; mais il faut le dire et le répéter : ce
.
qui donne aux boissons alcooliques, quelles qu'elles soient, la plus
grande partie ou pour mieux dire la presque totalité de leur toxicité,
c'est l'alcooléthylique, car, s'il est le moins toxique des composants,
il les dépasse tellement en quantité qu'il joue un rôle prépondérant
dans l'intoxication alcoolique (Joffroy, Triboulet et Mathieu).
L'alcool, même pris à petites doses, est un poison. C'est un aliment,
ont clamé et affiché à l'envi les marchands d'alcool, en donnant un
retentissement inusité à un article de Duclaux (r), article que l'auteur
écrivait en biologiste et non en sociologue et qui dans sa pensée
n'était certes pas destiné à fournir des arguments aux empoison-
neurs; mais cette campagne en faveur de l'alcool-aliment devait
fatalement avoir du succès, car d'une part elle favorisait des intérêts et
flattait des passions et d'autre part elle répondait en somme à cette
idée populaire que l'alcool nourrit, que l'alcool.donne des forces.
Or, qu'à un point de vue purement physiologique, qu'en théorie^
l'alcool puisse être rangé parmi les aliments, personne ne le con-
teste; mais que pratiquement, socialement parlant, l'alcool soit un
aliment, c'est faux, absolument faux.
L'alcool est en grande partie brûlé dans l'organisme ; il fournit
des calories; c'est donc un aliment scientifique; mais il ne rend
pas ce que rendent la graisse, l'amidon, le sucre, auxquels on l'a
comparé,. « il est, au point de vue de l'effet produit, trois fois plus
cher que le lait et huit fois plus que le pain ; les quantités néces-
saires pour que sa valeur nutritive entre réellement en jeu atteignent
vite la limite de la résistance de l'organisme humain et, chez beau-

1. DUCI.AUX, Annales âe. Vlmtilui Pasteur, nov. 1902.


ALCOOLISME. '— RAPPORT SCHMITT 263
coup d'individus sensibles à l'alcool (les jeunes gens en. particulier),
dépassent cette limite» (Gley [']). L'alcool est un aliment, oui ;
mais c'est un aliment médiocre (Gley), c'est un mauvais, c'est un
détestable aliment (Atwater et Benedict).
Est-il au moins un excitant utile ? Rend-il le travail plus facile et
moins pénible? J'emprunterai la réponse à une page de Duclaux(?):
« Comme l'alcool n'est pas transformé de suite dans les cellules, il.y
amène, tant qu'il est présent, une excitation qui ne disparait que
lorsqu'il est tout entier éliminé ou digéré H n'y a point d'excita-
tion qui ne devienne dangereuse, si on la produit trop souvent ou
si,on la donne trop violente...... Le petit verre, c'est le coup de
fouet donné à un cheval qui s'endort. Sur quoi prend-il la matière
àd cet effort? Évidemment pas sur le coup de fouet. Il la prend
sur lui-même, sur ses réserves organiques- quand il en a, sur ses
tissus vivants quand il n'a pas de réserves, et quand il a travaillé, il
a besoin de manger davantage pour se reconstituer. L'alcool est un
médiocre aliment, et le moindre morceau de sucre vaudrait mieux
que lui, à ce point de vue Ceux qui voient dans l'alcool un
excitant utile et économique se font donc illusion. » Ajoutons en-
core cette juste réflexion du même auteur, que plus l'excitation se
répète, plus la sensibilité s'émousse ; des doses de plus en plus fortes
du poison deviennent nécessaires juste- au moment où la volonté
est devenue incapable de réagir contre leur emploi. C'est ainsi qu'on
arrive à l'alcoolisme chronique, sans avoir jamais passé par l'ivresse.
L'alcool est un poison qui porte son action nocive sur la plupart
des appareils et des fonctions organiques, et dans des proportions
variables avec la dose, la dilution, la qualité du toxique, la durée de
l'intoxication, et aussi avec la résistance ou la vulnérabilité de l'éco-
nomie, et ici j'insiste surtout sur deux conditions favorisantes :
l'âge.et l'hérédité. Plus le sujet est jeune, plus il est sensible au
poison ; s'il est fils d'alcoolique, l'adultération des organes par l'al-
cool est plus rapide et plus intense.

1. Gu-y, VIIe Congrès international contre, l'alcoolisme, 3 avril 1899.


2. DUCLAUX, L'Hygiène sociale, 1902.
266 " CONGRÈS DE NANCY
L'alcool touche d'abord les organes digestifs, dont il ralentit l'ac-
tion diastasique, dont il inhibe la motilité, dont il amoindrit les
facultés d'absorption. Il agit sur le foie, stupéfiant la cellule hépa-
tique et rendant l'organe.insuffisant à ses multiples fonctions. Il
diminue l'énergie des contractions cardiaques et abaisse la tension
artérielle. II brûle aux dépens de l'ox3'gène du sang, dont il amoindrit
la fonction hématosique; il^déforme les globules rouges, engourdit
les léucocjtes, ces- éléments si importants de la défense organique
contre les agents pathogènes ; il altère le système sanguin et surtout
les capillaires nourriciers du coeur et des autres parenchymes, en-
traînant peu à peu la déchéance de la fonction et de la nutrition de
l'organe. Il amoindrit le's; échanges respiratoires et favorise les in-
fections pulmonaires. Il déshydrate tous les tissus et ralentit i la
nutrition générale. Mais c'est vers le système nerveux que se-porte
de préférence l'action du poison : système périphérique et système
central, fonctions motrices, sensitives- et psychiques, tout est plus
ou moins touché.
Que ces désordres, si atténués qu'on veuille les supposer, viennent
à atteindre un organisme en voie de développement, que cet amoin-
drissement de toutes les fonctions et des principaux organes soit
imposé à un âge où toutes les activités fonctionnelles et organiques
doivent tendre à l'épanouissement physique, intellectuel et moral de
l'individu, on peut juger de l'influence désastreuse que l'alcool doit
exercer sur l'adolescence et des déchéances auxquelles s'expose le
jeune homme qui se laisse aller à la passion de boire.-.
En négligeant le côté purement individuel pour envisager surtout
son devenir social^ on petit dire qu'il est destiné à être un incapable,
un inutile, sinon pis encore. Inexact, maladroit, paresseux, répu-
gnant à un effort soutenu, il ne peut fournir qu'un travail médiocre,
et sa moindre résistance à la fatigue comme son peu de coeur à
l'ouvrage lui interdisent tous les progrès. Son intelligence se déve-
loppe d'une façon lente et irrégulière ; sa sensibilité, ses sentiments
affectifs tendent à diminuer; le sens moral, loin de s'éclaircir, s'ob-
nubile ; les idées d'épargne, de prévoyance lui restent absolument
étrangères ; il perd peu à peu le respect de ses parents, de ses chefs,
ALCOOLISME.. —- RAPPORT SCHMITT 267
de lui-même; irréfléchi,impondéré, impulsif ou apathique et lâche,
il est prêt à toutes les brutalités et à toutes les chutèsv '
•-.
Et si le tableau paraît trop poussé au noir, questionnons" les. chefs
d'industrie; ils nous diront que l'alcool fait l'apprenti, routinier et
paresseux, le mauvais ouvrier sur lequel on ne peùtcompter,l'habitué ..
du chômage volontaire, la victime facile de tous les accidents, le
révolté pour qui le travail, qui est la loi et fait la dignité de l'homme,
est devenu une charge insupportable, interrogeons les sociologiaés;
ils nous montreront que l'alcool est un des facteurs du paupérisme,
un des éléments de dissolution de la famille ouvrière et de dégénéres-
cence de la race et que des alcooliques jeunes ne peuvent nouspïé-
parer.que des familles et des générations plus dégradées encore.
Demandons aux aliénistes; ils nous diront qu'il faut rapporter à
l'alcoolisme la .majeure partie des folies précoces qui, sous les formes
de pantophobie, de mélancolie,'de confusion mentale, augmentent
dans d'inquiétantes proportions, en suivant dans chaque département
une progression croissant avec la consommation de l'alcool. Ils nous
diront encore que c'est à l'alcoolisme qu'il faut attribuer ce dégoût
de vivre, cette manie du suicide qui sévit de plus eh plus chez les
jeunes gens, avec une.intensité telle qu'en.l.v seule année 1900 on a
compté en France 547 suicides de sujets au-dessous de vingt ans. C'est
encore à l'alcoolisme, nous diront les criminalistes'et les magistrats,
qu'il faut imputer en grande partie l'accroissement de. la criminalité
juvénile ; c'est parmi les jeunesalcooliques que se recrutent l'armée du
vice et l'armée du crime, les- dangereux apaches de nos villes et les pro-
fessionnels du vagabondage spécial, suivant un euphémisme consacré.
Niera-t-on après cela que l'alcoolisme soit un mal social au pre-
-
mier chef, et qu'en touchant l'adolescence,: il menace les intérêts
primordiaux, les oeuvres vives du pa}^ ? "

ÏII —' CAUSÉS DE L'ALCOOLISME CHEZ L'ADOLESCENT

Pour arriver, par des efforts combinés et efficaces, à empêcher ou


à arrêter le fléau, il nous faut d'abord nous enquérir des causes de
l'alcoolisme chez l'adolescent.
268 CONGRÈS DE NANCY
Or, il est un premier point sur lequel il importe d'insister et qui
a été mis en évidence par tous les médecins qui se sont occupés de
la question ; c'est le rôle de l'hérédité sur le développement de
-
l'alcoolisme.
Si l'on interroge les antécédents du jeune alcoolique, on trouve
dans un frand nombre de cas (les estimations les plus faibles indi-
quent une proportion de 60 °/0) une influence héréditaire comme
primum movens des habitudes d'intempérance. I
;

Le jeune.homme boit, parce que son père a bu et parce qu'al-


coolique lui-même, celui-ci a transmis à sa descendance une tare
qui la rend alcoolisable.
Ou bien encore, il sera poussé à boire parce que les tares psy-
ehopathiques ou névropathiques- de ses ascendants, épileptiques, hys-
tériques, aliénés ou simplement vicieux, débauchés, amoraux, lui
ont créé un. état d'infériorité cérébrale, d'instabilité nerveuse, de
déséquilibre moral d'autant plus prononcé que l'hérédité est plus
chargée.
Similaire ou dissemblable, l'hérédité, dans ces cas, crée une véri-
table opportunité morbide ; elle fournit pour le moins ces caractères
faibles, faciles & entraîner, incapables de résister aux suggestions ex-
térieures, proies toutes désignées pour l'alcoolisme.
Je me hâte d'ajouter que cette hérédité n'est pas fatale et que la
prédisposition, même quand elle existe, peut être combattue par une
foule d'influences correctrices parmi lesquelles une sérieuse éducation
morale joue évidemment le premier rôle.
Comme autres causes prédisposantes, il faut citer certaines pro-
fessions, telles que celles où l'on manipulé l'alcool et les boissons
alcooliques (distillateurs, tonneliers, garçons de café, de débit,
servantes de brasseries) ; celles qui exigent des efforts considérables,
surtout dans un milieu à température élevée (forgerons, boulangers,
blanchisseuses etNrepasseuses) ; celles qui entraînent à la respiration
continuelle de poussières (ouvriers de filatures et de tissages, ami-
donniers, brossiers, chiffonniers, ouvrières des tabacs, etc.), d'où
l'importance du choix d'une profession, surtout chez des adolescents
soumis à une influence héréditaire.
ALCOOLISME. — RAPPORT SCHMITT 269.
A ces mêmes causes, il faut encore ajouter Y âge, en tenant compte
non seulement de ce fait de toute évidence que la sensibilité à l'alcool
est d'autant plus grande que le sujet est plus jeune, mais encore en
considérant que c'est pendant l'adolescence que s'établit la puberté ;
or celle-ci, par les conditions spéciales, qu'elle crée et les désordres
nerveux, que souvent elle amène, peut certainement agir, surtout
sur un organisme déjà prédisposé par hérédité. Cependant, les rela-
tions ne sont pas aussi étroites qu'on pourrait le supposer entre la
puberté et le penchant à l'alcool, et dans un certain nombre d'obser-
vations, M. Solfier (')j entre autres, a montré que, même chez des
héréditaires, c'est plus tôt dès l'enfance, ou plus tard, vers seize ou
dix-sept ans, que se montrent de préférence lés premières habitudes
d'intempérance.
Mais il y a, à cet âge de l'adolescence, d'autres influences qui
entrent en jeu. Dans la classe aisée, le jeune homme sort du collège
et, qu'il veuille embrasser une carrière libérale, administrative, com-
merciale ou autre, il échappe à la surveillance des parents et des
maîtres. Dans la classe ouvrière, il quitte l'école, devient apprenti,
puis ouvrier. Dans l'un et l'autre cas, il devient libre, il trouve
quelque argent à sa disposition, et il n'a pas toujours un caractère
assez ferme, une éducation assez solide pour être suffisamment pré-
venu contre les dangers de la liberté.
C'est aussi le moment où se fait chez l'adolescent une évolution
dans le sens génésique ; or, la plupart des observateurs ont signalé
la relation fréquente entre la passion des femmes et le penchant à
boire, d'autant plus que les endroits où le- jeune, homme va chercher
des conquêtes faciles sont des lieux où il est conduit à s'alcooliser.
Qu'il soit du reste prédisposé ou non, les occasions ne lui manque-
ront pas.
Il trouvera à profusion les établissements: débits, cabarets, bras-
series, cafés où, dans des décors plus ou moins somptueux, sous, le
couvert de réclames flamboyantes, sous les noms et aux prix les.plus
divers, on lui versera le poison. Il y en a près de 600 000 en France;

1. SOI.I.IER, Du Rôle de l'bèrcdilc dans l'alcoolisme, 1889. .


27O CONGRÈS DE NANCY
.

et il s'en ouvre de nouveaux tous les jours; dans les villes comme
dans lés villages, on en rencontre dans chaque rue, presque à chaqùë-
pas ; ils foisonnent dans les environs des usines, des grands ateliers,
des marchés, dés casernes, même des écoles. '.--'
Pour y entrer, il suffira du hasard d'une rencontre: on s'invite,:
une politesse en appelle une autre-; on revient le lendemain, et ainsi
liïabitude se prend : c'est la porte ouverte à l'alcoolisme.
On y va par horreur de la solitude,- poussé par cet instinct de
sociabilité si vivant chez le jeune homme. Celui-ci entre au café, à
la brasserie, non pas pour boire, mais pour retrouver dés camarades,
pour sortir du milieu austère où ses études, son emploi, son travail
l'ont confiné toute la journée. S'il; ne fallait pas consommer, si l'on
y débitait communément autre chose que de l'alcool, il ne deman-
derait pas mieux que de s'abstenir ; mais, s'il est seul ou presque seul à
boire du lait ou des tisanes, que penseront ses amis ? Et alors, pour
faire comme tout le monde, par respect humain, par lâcheté, bien
que sa raison proteste, il se laisse entraîner avec les autres sur la
pente dangereuse.
On va au Cabaret parce qu'on n'a rien à faire et qu'on ne sait où
aller. L'oisiveté est mère de l'intempérance. Le jeune désoeuvré,

quand il a satisfait à quelques rites mondains et suffisamment arpenté
le boulevard à la mode, va passer le reste de son temps au café ou
au cercle ; l'étudiant qui ne travaille pas traînera; à la brasserie les
heures qu'il ne consacre pas à ses cours ou à ses livres. C'est au
cabaret que s'écouleront les jours de chômage volontaire ou forcé
de l'ouvrier, et, s'il fallait une excuse, il trouverait que la salie
malpropre et empuantée du débit vaut souvent mieux que l'infect
taudis familial ou l'ignoble garni du logeur. C'est au cabaret encore
que sera 'fatalement conduit pendant ses longues heures de désoeu-
vrement le jeune soldat transplanté dans une ville où il ne connaît
personne, où il ne trouve aucune maison amie pour le recevoir.
Celui-ci se mettra à boire pour noyer un chagrin, pour se-conso-
ler d'une déception, pour oublier un amour, contrarié ; celui-là pour
obéir à un de ces préjugés populaires que j'ai déjà signalés plus haut.
.L'apprenti, le jeune ouvrier a toujours entendu dire par ses anciens
ALCOOLISME. — RAPPORT SCHMITT 271
que l'alcool est indispensable à l'homme qui travaille, qu'il réchauffe,,
qu'il donne des forces, qu'il ouvre l'appétit. Eh bien,'ne travaille-t-il
pas aussi? n'a-t-il pas aussi besoin de forces et ne faut-il pas qu'il
soigne son estomac ? Et, comme les anciens, il prendra le petit
verre le matin à jeun et la goutte, dans la journée autant de fois que
ses moyens le lui-.permettront.' Combien de jeunes filles ont :pris
l'habitude de l'alcool qui ont commencé, par le canard au : kirsch ou
à l'eau de mélisse destiné à activer une digestion laborieuse! N'est-ce
pas un;préjugé ou plutôt une erreur: médicale qui a conduit à ;la
manie de l'apéritif, et le vin de quinquina si libéralement,prescrit
autrefois n'a-t-il pas engendré les bitters, vermouths, byrrhs, amers;
absinthes, etc., ces grands facteurs de l'alcoolisme contemporain?
Le premier: pas vers l'alcoolisme est souvent fait à l'occasion
-
-d'un événement quelconque, d'une fête, d'une réjouissance publique
ou. privée. Rappelons-nous certains soirs de 14 juillet, certains
jours de conscription ou de-révision,, certains retours de concours
de gymnastique ou d'harmonie et le spectacle lamentable que nous
donnent trop souvent des bandes de jeunes gens, presque d'enfants,
revenant la tête, basse, le regard hébété, les jambes flageolantes.,
titubant les uns contre les autres, ivres de vin ou d'alcools. « Bor-
dées » d'un jour, me dira-t-on, dont les écoeurants lendemains
engagent à la prudence et peuvent-même: dégoûter à jamais de
l'ivresse celui qui en a ressenti les répugnants effets ! Pour-l'un, pu
l'autre peut-être; mais pour la plupart, surtout si ces petites fêtes
se renouvellent tous les dimanches, c'est bien plus sûrement l'accou-
tumance qui s'établit, c'est l'habitude qui se prend, c'est l'alcoolisme
qui s'installe.
. .
D'ailleurs, pour se justifier, le jeune homme n'a-t-il pas tout-
autour de lui l'exemple de l'intempérance, avec de simples variantes
suivant le milieu social ? Quand son père, après de longues stations
au cabaret, de fréquentes apparitions devant le « zinc » pu, de
copieuses libations à la table de famille, se trouve tous les soirs
éméché ou ivre ; quand sa mère, après en avoir gémi peut-être,
accepte la situation et en rit, si même elle ne cède à son tour au
triste penchant; .quand il voit ses camarades, les ouvriers plus
272 \ CONGRES DE NANCY
anciens que lui, prendre du vin et des boissons alcooliques à tout
propos, pour se désaltérer, pour se réchauffer, pour se rafraîchir,
pour se stimuler, pour le seul plaisir de boire ; quand il voit l'ivresse,
l'ivrognerie excusées et admises autour de lui, l'alcool triomphant et
protégé, pourquoi s'abstiendrait-il? pourquoi ne ferait-il pas comme
tout lé monde? Ce qu'on trouve naturel chez les uns, pourquoi le
trouverait-on mauvais pour lui ? Au début, peut-être, il aura été
choqué par les scènes odieuses de l'ivresse, il aura entrevu les consé-
quences lamentables de la passion alcoolique, mais Sa répulsion et
ses craintes s'émousseront bien vite par l'habitude. Si une éducation
solide ne l'a pas prémuni contre les dangers qui le menacent, fortifié
sa volonté, épuré son sens moral; si le père ne lui montre pas la
voie de la sobriété et du labeur, s'il est abandonné à toutes les fré-
quentations mauvaises, s'il est saris cesse entouré de mauvais exem-
ples, où veut-on qu'il prenne le goût du travail, l'amour de l'ordre,
le besoin de l'épargne, le respect de lui-même et la répugnance pour
le vice?
Pour terminer cette rapide esquisse étiologique, deux mots sur
les causes efficientes, déterminantes de l'alcoolisme.
On a dit : Pour devenir alcoolique, il faut le vouloir ou du moins
y consentir. Il serait peut-être plus juste de dire : Pour ne pas
devenir alcoolique, il faut le vouloir ; et cela est vrai tout particu-
lièrement pour le jeune homme. En dehors même de toute influence
héréditaire, sur laquelle je ne veux pas revenir, le jeune homme est
par nature plus sensible à toutes les suggestions bonnes ou mau-
vaises, plus ignorant de la vie, de ses misères et de ses hontes, plus
insouciant du danger, plus sensible aux séductions du plaisir réel ou
factice. La faiblesse de caractère, le manque d'énergie le rendront
incapable de résister à toutes les occasions extérieures, à toutes les
sollicitations intimes qui le conduisent sur la pente de l'alcoolisme
et auxquelles seule une volonté ferme, un sens moral droit, une
éducation forte l'empêcheront de succomber.
Enfin, le facteur essentiel de l'alcoolisme, c'est l'alcool, ou plutôt
les boissons alcooliques sous toutes leurs formes : boissons fermentées
et boissons distillées, eaux-de-vie naturelles et de fantaisie, liqueurs
ALCOOLISME. RAPPORT SCHMITT 273
diverses (vins toniques, liqueurs sucrées, apéritifs), dont aucune
n'est indispensable ni même sérieusement utile, .mais qui présentent
une échelle de nocivité croissante, depuis le vin qui est inoffensif,
pris à petites doses et aux repas, jusqu'à l'absinthe absorbée à jeun
et qui joint à la forte toxicité résultant de son degré alcoolique celle
des essences qu'elle renferme.

IV — PROPHYLAXIE DE L'ALCOOLISME CHEZ LES ADOLESCENTS

Etant connues les causes de l'alcoolisme chez les adolescents,


quels sont les moyens d'y remédier ou de le prévenir ?
S'il est vrai que l'alcoolisme du jeune âge ou la prédisposition à
l'alcoolisme est très souvent la conséquence d'une tare héréditaire ;
si d'autre part la contagion de l'exemple dans la famille, à l'atelier,
dans le monde, et la multiplicité des occasions entraînent beaucoup
de jeunes gens à l'intempérance, il s'ensuit qu2 toutes les mesures
efficacement dirigées contre l'alcoolisme en général doivent avoir
une répercussion heureuse contre l'alcoolisme des jeunes gens, et
que c'est la lutte antialcoolique tout entière qui pourrait être étu-
diée et discutée ici. Les moyens de cette lutte ont été magistralement
exposés à maintes reprises dans nos congrès et nos sociétés savantes,
judicieusement développés dans de nombreux ouvrages dont l'énu-
mération ou même une rapide analyse dépasserait les limites assi-
gnées à cette étude ; je me bornerai à examiner ceux qui me
semblent plus particulièrement capables de servir la causé de la pré-
servation de l'adolescence.
i° Parmi les moyens auxquels on peut songer, il y a d'abord toute
une série de mesures restrictives,prohibitives, à introduire dans notre
législation, et qui, suivant l'opinion d'un grand nombre de théori-
ciens, seraient seules capables d'endiguer le flot toujours montant
de l'alcoolisme et de protéger efficacement la santé publique.
En principe, cela peut être vrai, mais en pratique il faut se souvenir
de l'ancien adage : Quid leges sine moribus, se rappeler que des inté-
rêts n'ayant rien à voir avec l'hygiène sollicitent en sens contraire
le bon vouloir de nos législateurs ; que les lois, pour être efficaces,
CONGRÈS DE NANCY 18
274 X CONGRÈS DE NANCY
doivent être adaptées au milieu,- au paj?s pour.lequel elles sont faites
et trouver leur appui dans l'opinion publique. J'ajouterai qu'il n'y a
rien de plus inutile que des coups d'épée dans l'eau; rien de plus
démoralisant que des lois qui ne sont. pas. appliquées, souvent parce
qu'elles : sont inapplicables; rien de plus vain que des prescriptions
ou des conseils qu'on sait d'avance ne pouvoir être suivis. Il ne
suffit pas non plus de frapper fort, il faut avant tout frapper juste,
et les mesures les plus radicales, excellentes en théorie, peuvent
être détestables en pratique, parce qu'inopportunes.
Sans doute, le plus sûr moyen de combattre l'alcoolisme, ce
.
serait de supprimer l'alcool, d'interdire la fabrication ou la vente des
boissons fermentées ou distillées. Le pourrait-on en France ? On
nous cite comme exemple la « loi du Maine ». Mais cette prohibi-
tion qu'après de longues années de lutte et de propagande on a pu
faire accepter dans quelques Etats de l'Union américaine, dans
quelques localités de la Suède, de la Norvège ou de la Finlande;
que, grâce à l'appui du Coran, le sultan a pu réaliser en Turquie,
cette prohibition, dût même ,1e lointain référendum timidement
proposé par le Congrès de Paris et auquel les femmes prendraient
part lui ttre favorable, n'est ni applicable ni même désirable en
France, où la culture de la vigne et la fabrication de l'alcool consti-
tuent un élément primordial de la richesse du pays.
Peut-on espérer une diminution sérieuse de la consommation de
l'alcool en proposant là monopolisation,.parl'Etat ou par des sociétés
particulières autorisées et contrôlées par l'État, de la fabrication,
de la vente ou du moins de la rectification des alcools, suivant l'un
des systèines introduits en Suisse, en Russie, en Suède et en Nor-
vège ou préconisés à diverses reprises en France ? L'alcoolisme
sera-t-il entravé sérieusement par la surtaxe de l'alcool avec ou sans
dégrèvement des boissons fermentées ? L'expérience a prouvé déjà le
contraire ; le monopole.n'a donné que de pauvres résultats dans les
pays qui l'ont adopté, et ces résultats eussent été plus minces encore
s'ils n'avaient été soutenus par une active propagande privée Q.

i. TRiBOULET-et MATHIEU, 'L'Alcool et l'alcoolisint, 1900.


ALCOOLISME. — RAPPORT SCHMITT 275
Quant à la surtaxe, ' elle favorise la fraude et grève le budget du
buveur d'alcool, tandis que le dégrèvement, s'il' a pu parer à la
mévente des vins, n'a fait que changer la matière'de l'alcoolisme.
D'ailleurs, chaque fois que l'on veut demander à l'Etat un effort
contre l'alcoolisme, se présente cette réflexion.judicieusede Sérieux
et Mathieu : « L'Etat ne saurait, sans encourir le-grave reproche
non pas seulement d'absurdité, mais d'hypocrisie, prétendre dimi-
nuer la consommation des spiritueux, tant qu'il essaie d'en tirer le
plus grand profit possible, tant qu'il fait de la vente de ces produits
une question d'équilibre budgétaire Q). »
Il n'y a pas à se le dissimuler : hygiéniquement et socialement,
l'alcool est un fléau, c'est bien entendu ; financièrement,' c'est une
recette, et non des moindres, du -budget de la France (Chautard),
et qu'on le veuille ou non, cette recette est fournie actuellement
presque tout entière par l'alcool consommé, en.attendant le jour
encore lointain, mais que nous désirons tous, où l'alcool n'aura
plus que des usages économiques ou industriels.
Mais il y a plus grave encore. Suivant l'expression énergique,
mais combien juste, de Bertillon (2) : « Les motifs électoraux,
beaucoup plus encore que les motifs fiscaux, mènent le peuple
français à l'abrutissement par l'alcool. » Devant la puissante coahV
tion des grands électeurs que sont les producteurs et surtout les
marchands de vin et d'alcool, le politicien en mal de réélection
hésite, puis s'incline. On l'a bien vu à propos de cette éternelle
question des bouilleurs de cru, dont le privilège, supprimé en 1872
par raison budgétaire, rétabli en 1875 dans un but électoral, tirais
dément limité en 1903 sous la pression des antialeoolistes, a été
restitué dernièrement dans toute son ampleur, à la veille des élec-
tions générales, alors que, de notoriété courante et incontestable,
ce privilège constitue non seulement un moyen de frauder le Trér
sor, mais est le facteur le plus puissant de l'extension de l'alcoolisme
dans les milieux ruraux et, en particulier, de l'alcoolisme familial. En

1. SÉRIEUX et MATHIEU, L'alcool, 1896.


2. BERTILLON, L'alcoolisme et les moyens de le combattre juges bar l'expérience, 1904.
276 CONGRÈS DE NANCY

nous plaçant au seul point de vue de la préservation de l'adolescence,


la suppression du privilège des bouilleurs de cru est une réforme que
nous ne devons cesser de réclamer.
Motifs électoraux, ceux qui ont fait voter la désastreuse loi du
17 juillet 1880, rendant absolument libre, sauf quelques cas d'inca-
pacité, la profession de cabaretier. Sous son influence, près de
150000 débits nouveaux ont été ouverts. Il y en a actuellement
550000 en France, 1 pour 70 habitants, et cette proportion va
dans le Nord à 1 pour 52, dans l'Eure à 1 pour n, dans certaines
communes de Bretagne à 1 pour 5 électeurs. J'ai moi-même compté
dans une petite localité industrielle d'un département voisin 15 débits
pour 22 maisons !
Que cette loi ait encouragé l'alcoolisme, c'est ce qu'a prouvé
l'accroissement général de la consommation de l'alcool et son ac-
croissement spécial dans les départements où existent le plus grand
nombre de débits.
Pour obvier à cette progression effrayante, des parlementaires
avisés ont proposé soit la majoration des droits de licence (Claude),
mesure évidemment inefficace, car, ainsi que l'a dit Cauderfier, les gros
distillateurs n'hésiteraient pas à payer les. droits des débitants qui se
fourniraient chez eux, soit la limitation du nombre des débits à un
pour trois cents habitants par exemple (Siegfried) ; j'y reviendrai
plus loin. Au lieu de cela, qu'a-t-on fait? On a aggravé la loi existante,
en supprimant l'exercice, dans une nouvelle loi du 29'décembre 1900
sur le régime des boissons. On a même proposé de « supprimer
la part d'amendes revenant aux agents verbalisateurs et d'améliorer
encore le régime administratif des débitants ».
Pour justifier cette loi de 1880, on a invoqué le principe de la
liberté du commerce, de la protection due à une industrie nationale,
comme si le bienveillant appui de l'État était dû à une industrie
effroyablement pernicieuse pour la vitalité du pays. Aux partisans
de la restriction du nombre des débits, on a répondu que ce nombre
reste toujours, en vertu des lois économiques, proportionné aux
besoins de la population ; que l'accroissement de ce nombre est un
symptôme et non une cause de l'alcoolisation des masses; que la sup-
ALCOOLISME. RAPPORT SCHMITT 277
pression d'un certain nombre de débits créerait vin exorbitant pri-
vilège à ceux qui, pour des raisons diverses, seraient tolérés ; que
la limitation, partout où elle a été tentée, n'a diminué que fort peu la
consommation de l'alcool ; et pour le prouver on a, comme toujours,
opposé aux statistiques des adversaires d'autres statistiques à peu
près aussi concluantes.
Il est vrai que celui qui veut boire trouvera toujours uncabaretier
pour le servir ; mais, à moins de prétendre que la facilité et la multi-
plicité des occasions de boire ne jouent aucun rôle dans le dévelop-
pement de l'alcoolisme, ce contre quoi protestent le raison et l'ex-
périence, il faut bien admettre avec Bertillon (') que « supprimer
pour l'homme et particulièrement pour l'homme qui peine (et nous
ajouterons pour le jeune homme) l'occasion et la tentation de faiblir
est le plus sûr moyen de le préserver de la chute ». .
Il est vrai encore que la limitation n'est pas une opération des
plus faciles ; on ne limite pas d'un trait de plume ; on ne supprime
pas purement et simplement un certain nombre de débits ; la limi-
tation par achat, expropriation ou tout autre moyen tenant compte
des droits acquis serait une source de contestations et de dépenses
considérables, et surtout ne saurait être abandonnée à l'arbitraire.
Ces difficultés cependant ne sont pas insurmontables et, à côté
-
des armes déjà existantes, l'initiative parlementaire en trouverait
certainement d'autres auxquelles on ne pourrait reprocher ni de
léser des droits ni de violer la justice. On arrêterait à coup sûr la
progression croissante du nombre des débits en revenant à l'autori-
sation préalable, entourée de toutes les garanties nécessaires d'impar-
tialité, dégagée de toute influence purement politique et refusée
seulement pour des cas d'incapacité fixés d'avance, mais -un peu plus
sévères que ceux admis par la loi de 1880.
On l'arrêterait, si dans toutes les villes, à l'exemple de ce qui a été
-fait à Lyon, à Nancy et dans quelques autres, malheureusement
trop rares encore, les municipalités, au risque de s'aliéner les voix de
quelques cabaretiers, osaient se prévaloir des articles 9 de.la loi du

1. BERTILLON, Rapport au Comité- consultatif d'hygiène de Fiance, 1901.


2-78 CONGRÈS DE NANCY

17 juillet 1880 et 97 delà loi du 5 avril 1884 sur l'organisation mu-


nicipale, qui donnent aux maires, les conseils municipaux entendus,
le pouvoir de « déterminer, sans préjudice des droits acquis, les dis-
tances auxquelles les cafés et débits de boissons ne pourront être établis
autour des édifices consacrés à un culte quelconque, des cimetières,
des hospices, des écoles primaires, collèges ou autres établissements
publics ». Inutile de faire remarquer l'avantage qui en résulterait au
point de vue de la préservation de la.jeunesse.
-
Pour obtenir une diminution sérieuse du nombre des débits ac-
tuels, il suffirait d'un amendement à la loi de 1880, qui attrait cer-
tainement l'approbation de tous les honnêtes gens, et qui consisterait
à faire, des cas d'incapacité pour l'ouverture des débits, également
des motifs de fermeture temporaire ou définitive en cas de récidive.
Combien decabarets seraient supprimés si, par exemple, on fermait
tous ceux qui ne vivent que de l'excitation à la débauche, tous ceux
qui ne subsistent que parce qu'ils sont des maisons de jeu, tous ceux
où .se- débitent des marchandises falsifiées ou nuisibles à la santé !
Mais une pareille loi serait-elle; votée, encore ert faudrait-il pour-
suivre l'application;
Or, comme le disait déjà J. Simon: « Faire des lois et ne pas
les appliquer, c'est un des malheurs de la France et presque une de
ses traditions. .»,
Cette réflexion S'applique parfaitement à la fameuseloi du 23 jan-
vier 1873 tendant à réprimer l'ivresse publique'et à combattre les
progrès de l'alcoolisme, et dont l'affichage est obligatoire dans la
salle principale de tout café; cabaret ou débit de boissons. C'est là'
d'ailleurs, il faut le dire immédiatement, le seul article de la loi qui
-ait jamais été ou du moins soit resté en vigueur. Les autres, ceux
qui établissent des pénalités graduées selon le nombre des récidives
et comprenant, pour le délinquant, l'emprisonnement, l'amende,
l'interdiction des droits de yote, de port d'arme, d'élection, d'éligi-
bilité à diverses fonctions ; pour le: débitant qui reçoit et donne à
.boire à des gens ivres ou -sert des liqueurs alcooliques à des enfants
au-dessous de seize ans, l'amende, la fermeture temporaire du. débit,
sont restés, pu peu s'en.faut, lettre morte. Ils n'ont jamais troublé
ALCOOLISME. — RAPPORT SCHMITT 279
la quiétude ni de l'ivrogne ni du cabaretier et jeunes ou vieux
continuent à s'enivrer sous les affiches jaunies par le temps, voisi-
nant avec les réclames flamboyantes delà meilleure des absinthes et
du plus tonique des amers.
En fait, la loi, telle qu'elle a été formulée, n'a jamais été ratifiée

par l'opinion publique, parce qu'en ce qui concerne le buveur la


sanction a paru hors de proportion avec le délit, en admettant même
qu'on ait le droit de considérer l'ivresse comme un délit, et que,
pour le cabaretier, elle a semblé trop indulgente. Ni l'amende ni
là prison n'ont jamais, de l'avis général, empêché ni enrayé l'alcoo-
lisme. Mais on obtiendrait sans doute davantage par l'effet moral
que donnerait l'affichage du procès-verbal à la porte des mairies ou
des auberges, comme cela se fait:en Suisse, ou par le retrait du droit
de vote après un certain nombre de récidives, ce-qui éliminerait du
moins du suffrage universel un certain nombre de ceux qui n'ont
évidemment aucun droit d'intervenir dans les affaires du pays
(Duclaux). '-.
Pour le jeune homme qui aurait été plusieurs fois trouvé en état
d'ivresse, on reculerait de quelques années le moment où il devien-
drait électeur. On punirait de même les complices du buveur, lors-
qu'il est prouvé qu'il a succombé grâce à leurs excitations (Triboulet
et Mathieu). '
Quant au débitant, qui est le plus coupable et qui bénéficie du
vice, on le toucherait par la non-reconnaissance des dettes de cabaret
contractées en particulier par- des mineurs,' par le dédommage-
ment pécuniaire à lui imposé, à défaut de son client, des intérêts
privés ou publics lésés par le fait d'une ivresse tapageuse, et par
la fermeture de son établissement après plusieurs contraventions à
la loi.
Mais nos législateurs oseront-ils jamais souscrire à une pareille
mesure et, le cas échéant, y tenir la main ?
Oseront-ils soutenir jusqu'à exécution ce modeste amendement
à la loi sur le régime des boissons : « Le gouvernement interdira, par
décrets, la fabrication, la circulation et la vente de toutes, essences
reconnues dangereuses et déclarées telles par l'Académie de médecine »
280 CONGRÈS DE NANCY
(Vaillant), repris par la commission extraparlementaire des alcools,:
vins et spiritueux instituée par M. Rouvier, sous cette forme : « Il
y a lieu d'interdire l'emploi des essences artificielles pour la fabrica-
tion des boissons alcooliques »?
Oseront-ils seulement: réclamer l'interdiction de l'absinthe, récem-
ment promulguée en Belgique et dans les cantons de Zug et de
Vaud ? de l'absinthe, ce poison redoutable cependant entre tous,
l'épilepsie en bouteille, comme on l'a appelée, dont la consom-
mation, quintuplée depuis ces quinze dernières années, atteint en
France le chiffre énorme de 220000 hectolitres par an, qui dans
certaines régions est presque l'unique alcool demandé dans les ca-
barets et auquel — pour s'en convaincre, il suffit de jeter à cer-
taines heures un coup d'oeil à la terrasse des cafés ou dans l'inté-
rieur des débits — nos jeunes gens, jeunes ouvriers et même
jeunes ouvrières sacrifient leurs énergies physiques et leurs énergies
morales.
On nous a dit en 1899, au VIIe congres antialcoolique, à Paris :
« Les pouvoirs publics sont avec vous. » Nous attendons les preuves
et je crains fort que nous ne les attendions longtemps encore, à
moins que l'initiative privée,, individuelle ou collective ne se charge
activement de l'éducation du peuplé et de la transformation des
moeurs, et qu'en face de la puissante coalition des intéressés au
fléau, « une cohorte de vaillants antialcoolistes ne se lève et ne force
les pouvoirs publics à légiférer » (').
2° L'initiative privée, trop longtemps somnolente, s'est mise à
l'oeuvre. Elle a trouvé, pour Commencer la lutte, des hommes
d'intelligence et de coeur, osant braver l'ironie, s'attaquer aux pré-
jugés et sacrifier leurs intérêts personnels au salut dé la multitude.
Elle a déjà exposé ses vues et ses efforts dans les assises solennelles
dé :divers congrès, et, suivant lé réconfortant exemple des autres
paj's, qui nous ont depuis longtemps devancés dans cette voie, elle
a cherché dans l'association un accroissement de ses ressources et de
ses moyens d'action. Un certain nombre de sociétés antialcooliques

t. LOYSKAU, «L'État et l'alcoolisme i>


(Presse médicale, 1900).
ALCOOLISME. — RAPPORT SCHMITT 281
ont été fondées, les unes nationales('), les autres locales, celles-ci
soit complètement indépendantes, soit affiliées à l'une des grandes
sociétés. 11 n'est pas hors de propos d'en parler ici, puisque aussi
bien, dans le triple objectif qu'elles se sont proposé, figure la préser-
vation de ceux que le fléau n'a pas encore atteints, en particulier
des enfants et des jeunes gens, à côté du sauvetage dés victimes qui
peuvent encore être sauvées et de la création d'un mouvement
d'opinion assez puissant pour forcer.la main à nos législateurs et
imposer les mesures nécessaires. Ces ligues se recrutent dans
toutes les; classes de la société ; les hommes, les femmes, les enfants,
à partir d'un certain âge (onze ans), peuvent s'y enrôler ; l'une d'elles;;
l'Association de là jeunesse tempérante, cherche, surtout ses recrues
dans les milieux scolaires; une autre, l'Union française antialcoor
lique, a constitué une branché spéciale, pour les instituteurs, une pour
lés" lycées et une pour l'armée;' elles ont créé des. sections scolaires,

extra et post-scolaires, d'autres réservées aux étudiants, etc. Elles


exigent de leurs membres l'engagement d'honneur de s'abstenir de
toute boisson distillée, et de n'user qu'avec modération des boissons
fermentées (abstinents relatifs), ou du moins d'user modérément des
unes et des autres (tempérants^]). ..'-.-
Outré cet engagement demandé à leurs adhérents, ces sociétés ont

1. Il y en a actuellement cinq eu France : _.....


i°. La Société française de tempérance, fondée en 1875 par Th. Roussel, Bergeron et
Lunois ;
2° L'Union française -antialcoolique, fondée eh 1895 par' Légraiiï, Mârillier, Sérieux,
Mathieu et Tribbulet ;
.
'
.
:. ..:.'-...'..:
30 L'Association de-la jeunesse tempérante, fondée en 1896 par Roubinovitch ;
4° La Société de la Croix blanche, fondée par Lancry.
: 50 La Société française de la Croix bleue, fondée en 1897 par Rochat de Jauré.
Sans compter l'Alliance de l'hygiène sociale, ébauchée en 1903, et qui-sous la prési-
dence de M. Casimir-Perier groupe toutes les fédérations et associations .luttant en faveur
de la santé publique. (D'après RÉNON, loc. cit.)
2. D..ns les pa}»s de langue anglaise et Scandinave, il existe des sociétés d'abstinents
totaux; niais ce tcctotalism des races anglo-saxonnes n'a guère eu la faveur de nos races
latines (RÉNON). Néanmoins, chez des sujets prédisposés ou plus exposés que d'autres
(jeunes gens), ou ayant déjà contracté l'habitude de l'alcool, il Vaudrait mieux demander
l'abstinence totale que la simple tempérance; la suppression complète du poison, qu'il
s'agisse d'alcool, de'tabac ou de morphine, est-plus facile à obtenir que la modération dans"
son usage. ;.".'. ' ~,.'...' .".. '.
282 CONGRÈS DE NANCY

comme moyens de propagande des réunions, des conférences, des


journaux, des brochures, des tracts, des affiches, des images; elles
ont fondé déjà quelques restaurants de tempérance dont sont exclues
toutes les boissons toxiques; elles songent à créer des cercles de tem-
pérance, des maisons du soldat, des maisons du marin, des roulottes
qui suivraient les ouvriers sur leurs chantiers pour leur fournir des
aliments sains et dès boissons saines; elles font appel à toutes les
ingéniosités, à toutes les bonnes volontés pour étendre leur action
et augmenter leurs ressources.
Malgré tout cet effort, et quoique leur action bienfaisante ne puisse
être contestée, ces sociétés, il faut bien le reconnaître, n'ont pas
donné chez nous, du moins en ce qui concerne la classe ouvrière,
tous les résultats qu'on est en droit d'en attendre et que leurs ainées
ou leurs émules ont su obtenir en: Angleterre, en Belgique, aux
États-Unis et ailleurs. Pourquoi? C'est qu'il leur manque ce qui fait
la puissance des associations : l'argent, les énergies et le nombre.
L'argent, et il en faudrait beaucoup pour proportionner les res^
sources à l'étendue du mal, on en trouverait. La générosité privée
est inépuisable en France quand on sait y faire appel. Sans même
attendre la contribution de l'État, qui cependant subventionne tant
de sociétés au moins-inutiles, on arriverait, par des cotisations vo-
lontaires, des dons ou des legs particuliers, à constituer un fonds de
réserve sérieux permettant de multiplier les moyens de propagande
et de réaliser sur toute l'étendue du territoire, dans les milieux
urbains comme dans les agglomérations rurales, cette immense
contre-réclame recommandée par le professeurFolet et ces fondations
antialcooliques encore trop rares, trop épàrses, qui sous des formes
diverses et dans tous les milieux favoriseraient singulièrement la
grande oeuvre d'assainissement.
Des énergies, il y en a; dans toutes les sociétés, il est des hommes
qui sont toujours sur la brèche et qui sacrifient sans compter leur
temps, leurs plaisirs, leurs intérêts. Mais à côté, et parmi ceux
mêmes qui leur ont promis leur concours, combien qui croient avoir
rempli tout leur devoir social quand ils ont donné leur nom et
signé un engagement personnel et qui, soit manque d'activité, sinon
ALCOOLISME. RAPPORT SCHMITT 283
de--sincérité, soit : découragement devant l'insuccèsd'un premier
effort-, se renferment dans une égoïste Indifférence,- féçulerit devant
une propagande active par l'exemple ou par la parole et, mêmedans
leur entourage, même dans une sphère modeste, ne savent pas se
faire entendre de ceux qu'il faudrait, instruire ou convaincre, amener-
ou convertira la cause de la tempérance ! - ;

:
Le 'nombre ? Sous ce rapport surtout, nous sommes encore en
France dans un état d'infériorité flagrante en regard de l'étranger.
Que sont les plus: importantes de nos sociétés^ avec leurs, quelques
dizaines de mille adhérents, en comparaison de tant de sociétés

anglaises, belges, américaines qui comptent leurs membres par
millions ?• Pour ne .citer qu'un chiffre.au hasard; près de 2000.0 as-
sociations d'enfants et de jeunes;gens existent dans.le Royaume-Uni;
elles ont enrôlé plus de 2 600 000 sujets et consacrent une somme
annuelle de 2 millions de francs à leur oeuvre; de propagande.(*): :
Lies résultats semblables ne. pourraient-ils être obtenus en France ? Il
y a assez d'hommes, de jeunes gens,-tempérants parhabitude et par
conviction, qui gémissent à,la ^pensée des ruines, déjà jaceuniulées et
de celles que fait présagerl'avenir, et qui, par paresse, par pessimisme,
détournent les yeux devant une vérité importune, haussent, les
épaules et cherchent toutes sortes de mauvaises raisons pour ne pas
donner une simple signature. -...':.
On nous dit : A quoi bon des sociétés où n'fentrent que des gens
.

qui font profession de tempérance ou: d'abstinence ? Mais à grouper


des personnes qui sont décidées à. donner F exemple,' et par lui, à
attirer les hésitants pu les égarés. Oh nous dit :. A quoi servent des
conférences qui n'attirent en général qu'un public d'avance con-
vaincu ? Mais n'est-ce rien que de secouer. rindifférenç.e des auditeurs
et de leur communiquer une foi agissante? Et ce que n'obtiennent
pas toujours les conférenciers, étrangers au milieu, aux.moeurs, aux
habitudes de ceux qui les écoutent, ne pourriez-vous l'obtenir dans
une causerie familière, parmi quelques camarades de votre.situation,
parmi quelques jeunes gens sur lesquels vous avez quelque autorité

I. VAQUIUU, <(. L'alcoolisme » (Revue des maladies de .la nutrition, 1897).


284 CONGRÈS DE NANCY

ou quelque influence? Vous trouvez que les brochures, les affiches,


réparties souvent-un peu auliasard^ ne pénètrent pas dans les cabarets
et ne sont pas lus par ceux qui en auraient le plus besoin ? C'est une
raison pour que vous cherchiez à les répandre précisément là où elles
peuvent être utiles, à les introduire dans telle famille que vous
connaissez et qui les lira avec profit. Que si, pour ces raisons ou pour
d'autres encore, vous n'avez pas grande confiance dans l'action un
peu impersonnelle de nos grandes sociétés, eh bien ! nous serons
enchantés dé vous voir former de petits groupements nouveaux. Lé
moyen d'y arriver? Voici la recette que vous donnera M. Legrain,
qui s'j' connaît : « Trouvons d'abord un homme convaincu, décidé
à payer de sa personne et à renoncer bravement aux séductions dé
l'alcool. Réunissons autour de lui quelques personnes gagnées par la
contagion et, sans plus attendre, formons la société avec ses statuts,
basés au moins sur l'abstinence des spiritueux, et son comité d'a:-
tion..... Quand un noya'.i existe, si petit qu'il soit, il devient un
centre d'attraction. Ayons ensuite des réunions intimes fréquentes,
auxquelles on invite ses amis et connaissances, c'est le vrai moyen de
se recruter. On y fait des causeries, des conversations sans préten-
tions. Ne pas oublier les femmes et les enfants. Puisy quand le
groupe est assez puissant, s'il espère pouvoir rendre quelques services
publics, alors il peut s'affirmer en organisant une ou plusieurs séances
publiques où seront invitées des personnes susceptibles par leur rang
cm la nature de leurs occupations dé comprendre les devoirs de la
situation et d'exercer une influence morale autour d'elles. Ces confé-
rences d'ordre purement pratique ne se contenteront pas (erreur
encore très commune) d'étaler le fléau dans toute son horreur, mais
provoqueront chacune des individualités présentes à devenir à "son
tour le centre d'un nouveau groupement. ».._...
Et voilà créée une nouvelle petite société qui, Suivant ses-resf
sources et ses besoins, s'affiliera ou non' à une des grandes sociétés
existantes.-Tous ces petits groupements, animés d'un même esprit,
visant au même but, mais réalisant l'indépendance dans l'union, choi-f
sissant, proportionnant, adaptant leurs moyens d'action-suivant les
divers milieux, finiront bien par constituer pour le bon combat une
ALCOOLISME. RAPPORT SCHMITT 285
masse imposante d'antialcoolistes convaincus, capables, pour peu
qu'ils le veuillent, de procurer à notre pays les résultats si importants
et parfois si inespérés obtenus chez quelques-uns de nos voisins.
Mais, pour cette oeuvre, qui est à la fois une oeuvre de protection,
d'instruction et surtout d'éducation morale, il nous faut partout des
collaborateurs, et en ce qui concerne spécialement la jeunesse, il faut
que l'adolescent soit conseillé, soutenu, préservé partout où il passe,
dans la famille, à l'école et hors de l'école, à la caserne; sur le chan-
tier, à l'atelier.
- Dans la famille, c'est dès l'enfance que doit être commencée l'édu-
cation antialcoolique et c'est aux parents qu'incombe le devoir d'in-
culquer à leurs enfants, par l'exemple et par la parole, l'horreur de
l'intempérance, le goût de la sobriété, l'énergie voulue pour fuir les
entraînements dangereux, le respect de soi-même. C'est à la mère
surtout, à la mère qui a vu autour d'elle jusqu'où peut conduire
l'abus de l'alcool, qui en a frémi et en a souffert peut-être, qu'il
appartient de veiller sur son fils, de détourner ses yeux du mauvais
exemple, de l'éloigner des compagnies dangereuses, de déposer dans
son coeur les sentiments généreux qui plus tard en feront un homme
capable de tenir vaillamment et honorablement sa place dans la mêlée
de la vie (Vaquier). Le médecin, confident de tant de secrets, con-
seiller autorisé dans les circonstances les plus intimes, peut exercer
dans la famille la plus heureuse influence. Il apprendra aux parents
à quoi ils exposent un enfant conçu dans l'ivresse, porté par une
mère alcoolique, allaité par une nourrice intempérante. Il combattra
auprès des parents, des nourrices, certains préjugés, certaines pra-
tiques populaires qui, au détriment de la santé des enfants, peuvent
dès l'âgé le plus tendre leur donner le goût des boissons fortes. Il
s'efforcera de convaincre les parents de cette vérité que les enfants
ont tout à gagner à s'abstenir totalement de boissons alcooliques, au
moins jusqu'à, dix ans, et à ne prendre entre dix et vingt ans, suivant
le conseil de M. Roubinovitch ('), que peu de vin, de bière et de cidre
coupé d'eau, mais .aucune liqueur forte, et que cette prescription

: 1. ROUBIS'OVITCH, « Alcoolisme infantile » (Galette des hôpitaux, 1902).


286 CONGRÈS DE NANCY
doit être plus sévère encore chez dés enfants nerveux, impression-,
nables où entachés de quelque prédisposition héréditaire. Gomme
corollaire, le médecin devra, en cas de maladie et autant qu'il est
possible, éviter les prescriptions contenant de l'alcool (élixirs, vins
médicamenteux, etc.) pour ne pas éveiller quelque appétence in-
consciente chez l'énfânt où l'adolescent. Dans cet ordre d'idées,
l'action du médecin peut "être des plus salutaires, et je pourrais citer
l'exemple d'un confrère qui, dans le canton miné par l'alcoolisme
où il exerce, a combattu avec un rare succès le préjugé du vin ou de
l'alcool nécessaires aux enfants^ en montrant ses huit gars solides et
bien portants qui n'ont jamais senti le goût du vin ni de l'alcool. Dû
restéj le médecin trouve à.exercer son apostolat dans maintes autres
circonstances et sous les formes les plus diverses : il entre dans tous
les milieux, il se mêle à toutes les classes de la société, il est en
contact -journalier avec la jeunesse. Le flatterai-je en.disant que
mieux que d'autres il peut lui parler avec autorité des dangers de
l'alcoolisme et de ses'désastreuses conséquences, rédiger au besoin,
plus spécialement pour elle, s'il le juge à propos, des brochures, des
affiches, des avis, exposant d'une façon claire, concise, accessible à.
touSj sans parti pris, ses dangers, ses conséquences etles moyens d'y
échapper? Qui mieux que lui pourra faire pénétrer ces écrits dans
lés familles, répandre ces affiches dans les asiles, les hôpitaux, les
dispensaires, les locaux affectés aux sociétés ouvrières, partout en
un mot où peuvent se rencontrer des jeunes gens à préserver? CJest
avec raison que M. Triboulet réclamait la création d'une association
médicale antialcoolique, et exposait tout le bien qu'elle pourrait-
réaliser.
Dans les écoles, les éducateurs de la jeunesse, à quelque degré de
l'enseignement qu'ils appartiennent, ont le même devoir social à
remplir et, disons-le immédiatement, beaucoup d'entre eux ont ap-
porté à l'accomplissement de cette mission un zèle et une activité
vraiment admirables. Ajoutons que les ministres de l'instruction:
publique qui se sont succédé en France depuis 1895 ont, par diverses
circulaires, introduit dans les programmes de l'enseignement primaire,
et de l'enseignement secondaire des notions antialcooliques; devant
ALCOOLISME. RAPPORT SCHMITT 287
occuper une place officielle au même titré que la grammaire ou
l'arithmétique, et comprenant une partie hygiénique : étude de
l'alcool, des boissons fermentées et distillées, des liqueurs à essences;
effets physiologiques et pathologiques de^ces alcools et de ces- essen-
ces, ivresse et ivrognerie,.influence de l'alcoolisme sur l'individu.et
la race ; une partie économique : alcoolisme et, misère, criminalité,
suicides, accidents ; une partiepsychologique; et morale : alcoolisme
et folie, affaiblissement dé l'intelligence et de la volonté* Cet en-
seignement doit avoir sa sanction dans les examens qui terminent
les divers .cours d'études. .-.
En principe, on ne peut qu'approuver un pareil enseignement,
.
louer ceux qui l'ont introduit dans les programmes et exprimer le
désir qu'il soit effectivement fait et continué partout, toujours appuyé
sur.l'exemple du maître et, chose essentielle en vue d'un résultat
pratique, bien approprié à l'âge, au degré d'instruction, au dévelop-
pement intellectuel, à la condition sociale des diverses catégories
d'élèves. C'est donc à l'intelligence, à la conscience, à la bonne vo-
lonté des éducateurs à interpréter cette partie des programmes ; à.
n'accorder qu'une faible place à. « l'aldéhyde pyromucique, à la
cirrhose du foie, aux^ formes maniaque, mélancolique et stupide de
l'alcoolisme », à tout ce qui est purement technique;:à s'adresser
moins à la mémoire qu'aux puissances morales de l'élève; à né pas
se borner aux leçons imposées, mais à profiter de toutes les occasions
pour détourner l'enfant des jouissances factices et nïalsaines qu'en-
gendre l'alcool et l'amener à la rigoureuse observation des devoirs
individuels et sociaux ; car l'éducation antialcoolique n'est en réalité
qu'un des éléments de l'éducation morale.
L'instituteur peut aborder souvent cette question, à l'école" du
,
jour comme aux cours du soir, à l'occasion d'une lecture, à propos
d'un fait quelconque de la vie publique qui suggérera quelques
réflexions, utiles. Il peut faire porter sur ce sujet divers exercices
scolaires (interrogations, récits, problèmes d'arithmétique, dictées
orthographiques, lectures pu récitations, compositions françaises).;
Il essaiera de frapper l'esprit des plus jeunes par des couvertures de
cahiers, par des images murales, par de bons points antialcooliques ;
2.88 ' CONGRÈS DE NANCY
parmi les plus âgés, il fera circuler des brochures, des publications
populaires et scolaires contre l'alcool (c'est un excellent moyen de
les faire pénétrer dans lés familles) et, si son maigre budget ne lui
permet pas d'en faire les frais, il s'adressera à l'une des sociétés de
tempérance, qui s'empressera de les lui procurer.
Il formera, soit seul, soit avec quelques collègues du voisinage,
un groupe Scolaire de tempérance où, avec l'autorisation des parents,
31 s'efforcera de faire entrer le plus grand nombre d'élèves. A
ceux
qui prétendent que l'enfant est incapable de tenir sa promesse, qu'il
est immoral de lui demander de donner sa parole d'honneur pourun
engagement qu'il aura bientôt mille fois l'occasion de ne pas tenir,
on peut répondre avec M. l'abbé Lemmens, l'apôtre de l'antialcoo-
lisme en Belgique : « Si cette objection était vraie, il faudrait douter
de l'éducation même », et rappeler ce fait touchant d'un enfant de
treize ans qui se casse le bras dans une chute, autour duquel on
s'empresse, à qui on présente pour le ranimer un peu de cognac et
qui, faisant un effort pour repousser le verre, dit : « Merci, j'ai
signé la tempérance(x). »
Les maltresses d'écoles, par les mêmes moyens, doivent combattre
avec énergie et persévérance le fléau de l'alcoolisme, parce qu'il
atteint de plus en plus les femmes et les jeunes filles et parce que
l'action de la femme dans cette lutte peut avoir la plus heureuse
influence.
-
L'enseignement antialcoolique, officiel dans les lycées et les col-
lèges de l'État, doit être également introduit dans les institutions
similaires privées, dans les écoles professionnelles, industrielles, de
commerce, etc.
En variant un peu les méthodes, mais en donnant toujours à
l'éducation morale le rôle prépondérant, en fortifiant les volontés et
les énergies dans le sens du devoir in.lividuel et social, les maîtres
lutteront avec succès pour la préservation des adolescents qui leur
sont confiés. Dans, chacun de ces établissements devrait se fonder
une section de l'Union française antialcoolique, de l'Association, de

i. In Mgr TURINAZ, Trois fléaux de la classe ouvrière, 1902.


ALCOOLISME. RAPPORT SCHMITT 289
la jeunesse française tempérante ou de toute autre et qui aurait son
prolongement dans les sociétés d'anciens élèves. II. s'en est constitué
déjà un certain nombre ; c'est une création qui devrait se généra-
liser.
Enfin, dans lés grandes écoles civiles et militaires, dans les facultés,,
dans les centres universitaires, nos étudiants n'auraient qu'à gagner
à entendre exposer par un de leurs maîtres la vérité sur les dangers
de l'intoxication alcoolique, et il n'est pas douteux que beaucoup
d'hésitants se décideraient à conformer leur vie à cette vérité et,
peut-être, à en devenir les ardents propagateurs. Quelques profes-
seurs sont déjà entrés dans cette voie, en particulier M. le doyen
Debove ; ils auront, espérons-le, de nombreux imitateurs. Je rap-
pelle qu'il y a quelques jours l'université de Berlin, la première pro-
bablement sur le continent, a ouvert des cours sur la: question de
l'alcoolisme, de son influence sur la vie morale, sur la jeunesse,'de
ses rapports avec les assurances d'État, les sociétés de secours
mutuels, l'hygiène nationale, le Code pénal, etc.
Dans chaque université, quelques jeunes antialcooHstes convaincus
et courageux devraient former un noyau autour duquel se réuniront
bien des camarades retenus par la crainte du qu'en-dira-t-on ; ils
formeraient dans les cercles d'étudiants une section de tempérants
et, sans avoir à montrer un zèle intempestif, sans qu'on pût les
accuser d'esprit de critique ou d'intolérance, par la.seule force de
l'exemple, ils feraient autour d'eux oeuvre de préservation et de
salut.
Est-il besoin d'insister sur l'action préservatrice que peut exercer
sur l'enfance et la jeunesse le clergé de tous les cultes, dans les caté-
chismes, les patronages, las maisons d'apprentis ou d'ouvriers; ou
encore les présidents, directeurs ou administrateurs des sociétés de
secours mutuels, des bureaux de bienfaisance, des hospices, des
hôpitaux ? Sans compter les autres moyens habituels : conseils
directs, causeries, brochures, etc., sur lesquels je ne veux pas reve-
nir, une société de secours mutuels, par exemple, ne trouverait-elle
pas un avantage à diminuer d'une petite somme la cotisation des
enfants ou jeunes gens qui s'engageraient d'honneur à s'abstenir de
CONGRÈS DE NANCY 19
29O CONGRES DE NANCY
boissons fortes ?. qui prendraient ainsi de bonne heure l'habitude de
la sobriété et auraient toutes chances de la conserver plus tard, et
qui, par une diminution des frais de maladie, compenseraient large-
ment le déficit qu'auraient entraîné pour la caisse sociale les légers
avantages consentis.
L'éducation antialcoolique scolaire et post-scolaire doit se conti-
nuer à l'armée. J'ai rappelé ailleurs les dangers que courent et aux-
quels succombent trop souvent les jeunes soldats dès leur entrée au
régiment, les habitudes alcooliques qu'ils prennent, qu'ils rapportent
plus tard dans leurs villages et dont ils restent les malheureuses
victimes. Nos officiers généraux s'en sont émus et quelques mesures
ont été prises. C'est ainsi que le général de Cornulier-Lucinière,
alors qu'il commandait la ne division, a « interdit de la façon la
plus formelle aux cantiniers régimentàires de vendre tout alcool
tel'qu'eau-de-vie, absinthe, etc. », et que le généra', de Galliffet,
pendant son passage au ministère de la guerre, avait étendu cette
interdiction à toutes les cantines de l'armée française. Pour résumer
les principales mesures à prendre, je ne saurais mieux faire que de
réproduire un ordre du jour du général Kessler, alors commandant
du 6e corps :
« Le général commandant le 6e corps d'armée constate avec
regret le nombre toujours croissant des punitions infligées pour
cause d'ivresse. Il appelle toute l'attention des chefs de corps sur la
nécessité de combattre les progrès de l'alcoolisme par tous les
moyens dont ils peuvent disposer : instructions, placards, affiches à
apposer dans les chambres, opuscules à mettre à la disposition des
gradés, conférences à faire par les médecins, théories orales à faire
par les officiers aux hommes pour les prémunir contre les dangers
de l'alcoolisme, etc., etc.
« En un mot, tous les procédés doivent être mis en oeuvre pour
enrayer ce vice "dégradant de l'ivrognerie qui conduit aux pires
désordres.
« L'action préventive du commandement doit en outre se mani-
fester d'une façon constante, par une surveillance étroite à exercer
sur les cantines.
ALCOOLJSME. — RAPPORT SCHMITT 291
« Le général commandant le 6e corps d'armée entend laisser toute
liberté aux chefs de corps dans l'emploi dés moyens propres- à assurer
un contrôle efficace sur la nature et la qualité des boissons débitées
par les cantiniers ; mais il défend d'une manière absolue la consom-
mation, dans les cantines, de l'absinthe et de l'eau-de-vie, dite blanche,
débitée d'ordinaire par cinquième.
« La surveillance immédiate des chefs de corps s'arrête à l'enceinte
du casernement ; mais leur vigilance doit s'exercer plus loin et
s'étendre jusque sur les cabarets borgnes qui, dans beaucoup de
garnisons, sont installés en dehors, mais à proximité des caserne-
ments et incitent à l'inconduite quantité d'hommes disposés à ren-
trer paisiblement chaque soir au quartier pour l'heure de l'appel.
« Beaucoup de ces comptoirs ne sont que des maisons de prosti-
tution déguisée, dans lesquelles sont débitées des marchandises
frelatées, de toute nature, qui ruinent la santé des hommes.
« Les commandants d'armes ne doivent pas hésiter à consigner à
la troupe, sans limite de durée, soit spontanément, soit sur. la-
demande des chefs'de corps, les débits qui leur auront été signalés
comme favorisant l'inconduite des hommes.
« L'article 112 du règlement sur le service des places leur donne
à cet effet tout pouvoir quand ils jugent compromis l'intérêt de la
discipline ou l'hygiène des troupes. »
Ces prescriptions sont excellentes ; on voudrait les voir introduites
dans toutes les garnisons de l'intérieur, de la métropole et des colo-
nies, dans nos ports, car la marine est aussi profondément touchée
et plus exposée encore que l'armée de terre ; on voudrait les voir
mises à exécution partout, avec énergie et persévérance, appuyées
par l'exemple des chefs de tous grades et vigoureusement soutenues
en haut lieu contre certains politiciens, enchantés de faire leur cour
aux cabaretiers que des règlements sévères gêneraient dans leur fu-
neste industrie Q).
La création, dans le plus de garnisons possible, d'une section de

1. A méditer la suggestivehistoire racontée par M. LOYSEAU, dans son intéressant article


de la Presse médicale, 1900.
292 CONGRES DE NANCY
l'oeuvre des jeux du soldat, de maisons du soldat, de maisons du
marin, véritables cercles, où les recrues trouveraient, dès leur arrivée
au corps, des camarades sobres, des distractions saines et des
consommations non alcooliques, compléterait avantageusement les
efforts faits pour préserver le jeune homme de l'alcoolisme pendant
sùn passage à la caserne et lui permettre de reprendre, sain de corps
et d'esprit, fortifié même contre le danger, sa place au chantier, à
l'atelier, à l'usine, etc. f

Mais avant son incorporation, comme après son service militaire,


le jeune homme qui devient apprenti, puis ouvrier, doit trouver un
guide et un protecteur dans le patron à qui le devoir et l'intérêt
commandent une intervention énergique dans la lutte contre l'al-
coolisme de l'adolescence. Qu'il s'agisse de commerce ou d'in-
dustrie, d'employés ou d'ouvriers proprement dits, le patron a
tout avantage à s'attacher des jeunes gens sobres qui seront et de-
viendront dé plus en plus des travailleurs actifs, réguliers, conscien-
cieux, économes, des citoyens utiles et des hommes libres. Celui
qui de bonne heure aura su exercer sa volonté contre soi-même,
contre ses penchants, ses préjugés quand il s'agit d'alcool, saura
résister plus tard à l'entraînement des sollicitations malsaines et des
utopies stériles.
Le patron a également toute autorité et toute facilité pour user
largement des divers moyens de propagande habituels ; une entente
avec le maire, l'instituteur, le médecin, le prêtre, lui permettra de
multiplier non seulement dans ses ateliers ou ses usines, mais dans
tous les locaux fréquentés par ses ouvriers, les images, placards, avis
antialcooliquesdont l'influence pourra être d'autant plus grande qu'ils
seront présentés sous des patronages différents. Il invitera de temps
à autre son personnel, en réclamant tout particulièrement la présence
des jeunes gens, à une causerie familière sur diverses questions
d'hygiène, parmi lesquelles celle de l'alcoolisme aura souvent son
tour et sera examinée sous ses divers aspects ; dans une petite loca-
lité où les distractions ne sont d'ordinaire ni nombreuses ni variées,
une conférence, avec projections si possible, aura certainement du
succès sur un auditoire peu blasé.
ALCOOLISME. •— RAPPORT SCHMITT 293
Il est un autre moyen employé aux États-Unis et qui paraît plaire
en France à quelques industriels avisés, c'est la- récompense pécu-
niaire accordée aux ouvriers qui s'engagent à s'abstenir d'alcool.
Une gratification à l'apprenti, une prime ajoutée au salaire de l'ou-
vrier qui prend cet engagement auraient une influence dont le côté
utilitaire ne nuit pas à l'action moralisatrice. On pourrait même
soutenir qu'un tel avantage ne serait que justice, s'il est vrai, et on
peut en .croire Carnegie, qu'un abstinent vaut 10 °/0 de plus que le
non-abstinent.
Le patron peut encore intervenir dans la lutte en cherchant à
diminuer les occasions pour l'ouvrier de boire de l'alcool. D'heureuses
tentatives ont été faites dans ce sens et les procédés peuvent varier
suivant les circonstances de milieux, d'habitudes, etc. C'est ainsi
qu'à Roubaix les patrons ont prolongé la période de repos du milieu
de la journée ; au lieu de ne laisser qu'une heure de liberté aux ou-
vriers, ils en donnent une heure et demie. Ce délai supplémentaire
d'une demi-heure permet à beaucoup d'ouvriers de se rendre jusqu'à
leur habitation pour prendre leur repas en famille et ne pas aller au
cabaret. Résultat digne d'être remarqué : depuis la mise en pratique
de ce prolongement du temps de repos, le nombre des cabarets a
diminué à Roubaix dans la proportion de 30 0/0(1)- Ailleurs, comme
à Rouen, quelques chefs d'industrie font donner du café le matin à
leurs ouvriers, qui oublient peu à peu le chemin du cabaret où ils
allaient ce tuer le ver ». - -
Ailleurs encore, la simple interdiction de l'introduction ou de la
vente de l'alcool dans les économats, sur les chantiers, dans l'inté-
rieur des usines a sensiblement diminué les abus. Dans plusieurs
localités, les industriels ont fondé, de leurs propres deniers ou avec
l'aide des sociétés de tempérance, des restaurants, des cantines, des
roulottes où l'ouvrier peut trouver, pour une somme modique, le
matin avant son travail et dans la journée quand il en éprouve le
besoin, du thé, du café, du lait, du chocolat, des boissons hygié-
niques et des aliments sains qui le réconfortent et le désaltèrent, au

I. RÉNON, hc. cit.


294 CONGRÈS DE NANCY
lieu des alcools qui le brûlent, l'excitent et l'empoisonnent. Par là
encore, les jeunes gens, entraînés par l'exemple et par une sorte de
contrainte morale, seraient détournés du cabaret malsain et de ses
néfastes séductions.
La création de cercles ouvriers confortablement installés, de cités
ouvrières avec des logements salubres et agréables ferait certaine-
ment aussi une concurrence victorieuse aux officines de perdition et
de mort (Huchard).
On pourrait sans doute trouver d'autres combinaisons, et je n'ai
pas la prétention d'avoir épuisé le sujet. Ce qu'il faut avant tout,
c'est l'union de toutes les convictions, de toutes les bonnes volontés,
pour cette oeuvre d'éducation morale et de préservation dé la jeu-
nesse, qui est au premier chef une oeuvre de salut national.
Un mot encore. Malgré tous nos efforts, il se trouvera des jeunes
gens qui,, du fait d'une hérédité trop chargée ou de trop déplorables
ambiances, sont devenus les victimes plus ou moins conscientes du.
fléau. Nous ne les abandonnerons pas et, si notre activité s'exerce
surtout à retenir et à préserver de la chute ceux qui ne sont pas
encore tombés, nous ne refuserons pas aux autres notre assistance
et notre pitié, les regardant plutôt comme des malades que comme
des coupables..
Quelques-uns, les plus tarés par l'hérédité, sont entraînés par
une impulsion irrésistible, intermittente, souvent périodique, a des
excès alcooliques qu'ils déplorent et évitent, une fois la crise passée.
D'autres, des héréditaires aussi, ont pour l'alcool une appétence
morbide, tyrannique, persistante, qui annihile leur volonté débile
et chancelante. Ceux-ci, abandonnés dès leur plus jeune âge à leurs
instincts, soustraits à toute surveillance et à toute direction, élevés
au milieu des pires exemples, ont pris de bonne heure des habitudes
que tout autour d'eux concourt à entretenir. Ceux-là n'ont suc-
combé que rarement, entraînés par quelque occasion malheureuse.
Tous ils peuvent, sous l'influence de l'excitation alcoolique, être
conduits aux pires excès et jusqu'aux crimes les plus odieux ; on ne,
saurait dire qu'ils soient responsables ou du moins que leur respon-
sabilité soit entière. La société a le devoir d'essayer de les sauver;
ALCOOLISME. — RAPPORT SCHMITT 295
elle a le droit de se défendre contré leurs violences;- elle n'a vrai-
ment pas le droit de les punir. .._.,-"""" -

Pour les uns, jeunes buveurs d'occasion ou même déjà d'habi-


tude, mais ayant encore assez de coeur, de raison et de volonté pour
lutter, un simple traitement moral peut suffire. Toute personne,
parent, ami, médecin, qui a quelque ascendant sur le sujet pourra
l'entreprendre et le conduire à bonne fin, à condition d'y mettre de
la fermeté, de la patience et de la persévérance. Elle parlera à la fois
à son intelligence, à sa volonté et à son coeur ; elle fera appel à tous
elle lut
ses bpns sentiments de générosité, de respect de soi-même ;
facilitera les moyens de persévérer en l'enrôlant dans une des so-
ciétés de tempérance.
Si ce traitement ne suffit pas, ou si les rechutes sont trop promptes,
on n'a plus chance de réussir que par l'internement d'office ou volon-
taire, suivant les cas, dans une maison de sevrage ou un asile spécial
pour buveurs. Ces établissements, nombreux à l'étranger, où ils don-
nent d'après les statistiques de 25 à.40 °/0 de guérisons, sont encore
assez rares en France et devraient y être répandus davantage.
Enfin, aux récidivistes paresseux, vicieux, amoraux ou criminels
conviendra le traitement dans un asile de rigueur avec réglementa-
tion sévère du travail et punitions plus ou moins graves pour les
infractions au règlement. Le buveur y sera retenu au moins un an
et l'internement devra même être définitif pour ceux, qui constituent
un véritable danger social. ""-'""','
J'ajouterai, avec MM. Triboulet et Mathieu : « Quelle que soit la
catégorie à laquelle appartienne le buveur, il est de toute nécessité
qu'il ne soit pas rendu du jour au lendemain à la liberté et qu'avant
sa sortie définitive il soit soumis à l'épreuve de la demi-liberté. On
lui donnera quelques heures de sortie, par exemple, et, à la première
rechute, il sera de nouveau interné. Au moment de sa sortie défini-
tive, il devra être remis aux mains d'une société de patronage qui
lui procurera une situation le mettant à l'abri du besoin. Il serait
bon que cette société fût en même temps une société de préserva-
tion ne perdant pas de vue ses protégés et s'efforçant de prévenir
chez eux les rechutes. »
296 CONGRÈS DE NANCY
Je ne puis entrer dans le détail de ces diverses fondations néces-
saires; je devais cependant les-inentionner ; car traiter, isoler les
buveurs, c'est également préserver les jeunes gens que le mauvais
exemple pourrait entraîner à la chute.

Comme conclusion'à cette étude, je dirai : La préservation de


l'adolescence contre l'alcoolisme est une question urgente, vitale,
devant laquelle nul n'a le droit de se récuser. Elle créé pour tous et,
tout particulièrement, pour ceux qui, par droit de nature ou parle
fait des circonstances,:peuvent avoir quelque influence sur les jeunes
gens, le devoir de les instruire du danger, de fortifier leur volonté
contre les tentations, de. soutenir leur énergie dans la lutte, d'éloigner
d'eux les occasions de tomber et de susciter celles de vaincre. Beau-
coup ont compris ce devoir et soit individuellement, soit groupés
pour un effort commun, ont vaillamment entrepris la défense de la
jeunesse contre l'alcoolisme. Mais il faut que les bonnes volontés
s'affirment, se multiplient et entrainent le Parlement à collaborer à
cette oeuvre de salut national.
Comptant sur l'ingéniosité et le zèle de l'initiative privée, qui agit
comme elle l'entend et règle ou varie suivant les besoins ses moyens
d'action, nous devons nous borner à réclamer des pouvoirs publics,
dans un intérêt supérieur, un certain nombre de mesures générales,
administratives et législatives que nous résumerons dans les voeux
suivants :
i° Que l'instruction et l'éducation antialcooliques des enfants et
des jeunes gens ne figurent pas seulement à titre platonique dans les
programmes d'études, mais qu'elles soient spécialement recomman-
dées et avec insistance aux maîtres des divers ordres d'enseignement,
surveillées par les chefs hiérarchiques et sanctionnées pour les élèves
dans les examens de fin d'études, et pour les maîtres par des notes
données à ceux qui y auront dépensé le plus d'activité et obtenu les
meilleurs succès ;
2° Que la vente des boissons alcooliques soit à nouveau interdite
dans toutes les cantines de l'armée et qu'aucune considération
étrangère à la discipline ou à l'hygiène n'entrave le droit des com-
ALCOOLISME. — DISCUSSION ET VOEUX 297
mandants d'armes de consigner à la troupe les cabarets favorisant
l'inconduite ou menaçant la santé des hommes ;:-'"
3° Que la vente de l'absinthe soit interdite en France et dans les
colonies françaises ; interdit également l'emploi des essences artifi-
cielles pour la fabrication des boissons alcooliques ;
40 Que la limitation du nombre des débits soit tentée par le retour
à l'autorisation préalable entourée de garanties sérieuses, par la fer-
meture administrative ou judiciaire des ' établissements dont les
tenanciers seront convaincus de l'un des délits spécifiés à l'article.6'
de la loi de 1880, par la fixation d'une distancé minima à déter-
miner suivant les diverses localités et en deçà de laquelle ne pourra
s'ouvrir aucun nouveau débit, à proximité des écoles et des caserne-
ments; .
50 Qu'il soit fait une application sévère des dispositions de la loi
de 1873 à tout débitant qui aura servi des liqueurs alcooliques à un
mineur âgé de moins de seize ans et à quiconque aura fait boire un
mineur jusqu'à l'ivresse ;
6° Que le privilège des bouilleurs de cru soit aboli ;
7° Qu'il soit créé un certain nombre d'asiles spéciaux pour l'iso-
lement et le traitement des buveurs, avec section réservée aux
jeunes gens dont le placement, suivant les cas, serait volontaire ou
demandé par les familles ou imposé d'office par les tribunaux;
8° Que de larges subventions soient accordées par l'État aux
sociétés de tempérance, avec affectation spéciale à leurs oeuvres de
préservation de l'adolescence.

Discussion et voeux
Mme Moll'Weiss. — due cherche l'homme qui prend de
l'alcool ? De la chaleur, une excitation passagère, surtout une
société.
Chez nous, quand il faut demander aux troupes un effort
supplémentaire, on donné aux soldats du vin. En Angleterre,
298 CONGRÈS.DE NANCY

au contraire-, on s'est avisé de donner du sucre. En Alle-


magne, des expériences semblables ont eu lieu, et- elles ont
donné d'excellents résultats.
Je me suis alors efforcée de vulgariser l'usage des douceurs,
des confitures, des / entremets, des choses sucrées. Nous
sommes arrivés à ce résultat curieux non seulement de pro-
curer la même force supplémentaire qu'avec l'alcool, mais
aussi de causer une véritable phobie de l'alcool. Il y a là
une indication très intéressante pour les milieux ouvriers.
Or, hier, en visitant les si intéressantes créations du bureau
de bienfaisance de Nancy, nous avons pu voir sur place le
fonctionnement de son école ménagère. J'ai pris le tableau
des menus de la semaine, et je n'y ai trouvé ni sucrerie, ni
entremets; si cependant le sucre est en quelque sorte le
suppléant de l'alcool) ce n'est plus un aliment cher, et il
faut en vulgariser l'usage parmi les ouvriers. Claude Ber-
nard a dit : «Ce n'est pas l'aliment que l'on mange qui est
intéressant, c'est l'aliment qu'on assimile. »
Sans doute, il n'est pas facile, pour une ménagère du
peuple, dé préparer des entremets et des confitures. Mais,
il y a encore autre chose qui entre dans la composition de
beaucoup d'entremets, c'est le lait. Quand on aime le lait,
on perd l'habitude de boire de l'alcool. Donnons aux enfants
des écoles du lait comme boisson ; on arrivera petit à petit à
les préserver contre l'alcool.
Reste la question de sociabilité. Quand je dis à mes audi-
teurs : « N'allez pas au cabaret », on me répond : « Mais
c'est au cabaret que nous pouvons causer de votre confé-
rence. » Alors je dis : « Prenez du chocolat, prenez du lait. »
Au régiment, un homme qui reçoit un mandat et qui ne
paye pas un litre, c'est un mal élevé. Imaginez qu'il paye à
se^> amis des confitures. En disant cela, je sais bien ce qu'on
ALCOOLISME, —, DISCUSSION ET VOEUX 299
pense de moi. Eh bien, nous sommes en. 1906, je parle
d'offrir aux enfants, aux amis qu'on rencontré, du lait, des
confitures, des oeufs au lait. On trouve cela bizarre. Dans.
dix ans peut-être cela se fera. Je le souhaite pour ma part de
tout mon coeur.
Comme conclusion à ces observations, je dépose le voeu
suivant : ,

Que dans les écoles ménagères l'on fasse connaître aux maîtresses
l'importance que les mets sucrés ont pour l'alimentation populaire
rationnelle.

Puisque j'ai la parole, j'en profite pour demander au con-


seil de l'Alliance de nous faciliter notre tâche. Nous recevons
généralement communication des sujets qui doivent être
traités au congrès beaucoup trop tard pour les étudier, car
l'hiver est notre pleine période de travail.
Je serais heureuse que le comité voulût bien, à l'issue
même de ce congrès, fixer les sujets qui seront traités l'an-
née prochaine, afin que nous puissions les connaître en
temps utile.
M. le. président. — Le bureau prend bonne note de ce
désir et s'efforcera de le satisfaire dans la mesure du possible.

M. Grau. — Je désire appeler l'attention du congrès sur


l'utilité qu'il y aurait à s'efforcer de supprimer l'habitude
qu'ont les sociétés populaires de sport, de musique, etc., de
mettre leur siège dans les débits.
On parle, d'un autre côté, de la limitation du nombre
des cabarets. Il ne faut pas oublier que la loi de 1873 auto-
rise les maires à limiter la durée de leur ouverture. On a
pris un peu partout des arrêtés pour fixer l'heure de ferme-
ture des débits, on n'a jamais pensé à l'heure de leur ouver-
3-00 CONGRES DE NANCY
ture. Or, l'ouverture très matinale offre le grand inconvé-
nient de permettre à l'ouvrier de boire de l'alcool à jeun,
c'est-à-dire au moment où il est le plus dangereux et où,
d'ailleurs, on n'a pas encore soif.
Je dépose en conséquence le voeu suivant :
Que les arrêtés réglementaires fixent l'heure d'ouverture des débits
le matin; !

Que les sociétés' populaires n'établissent pas leurs, sièges dans les
débits ou leurs annexes.

M. Drouineau. — Une autre mauvaise habitude est celle


qui consiste à considérer comme une récompense l'octroi
d'une ration de vin.
Cela existe, à l'occasion des fêtes, dans les colonies péni-
tentiaires, par exemple. Je ne parle pas de l'armée, où cette
habitude est fréquente.
Elle est très mauvaise, parce qu'elle met dans l'idée .des
bénéficiaires de ces largesses qu'il n'est pas de bonne fête
sans boire. On ne devrait pas faire de ces distributions de
vin une marque de récompense particulière.

M. Cheysson. — Il serait difficile au président de la Ligue


nationale contre l'alcoolisme de ne pas dire un mot sur cette
question. Je tiens d'abord à remercier M. Schmitt de son
remarquable rapport et des indications utiles qu'il contient.
En ce qui concerné la suggestion présentée par M. Grau,
je voudrais signaler à l'assemblée une pratique fort utile qui
a été employée dans les Vosges. Il s'agit de l'édification d'un
kiosque pour la distribution des boissons hygiéniques le
matin,
C'est le directeur de la blanchisserie de Thaon, M. Lederlin,
qui a organisé ce kiosque où il met à la disposition de ses
ouvriers, moyennant un sou par verre, du lait et du bouillon.
ALCOOLISME. DISCUSSION ET VOEUX 30I
Récemment, l'Association des industriels de France contre
les accidents du travail a lancé une circulaire pour indiquer
à ses adhérents cette innovation intelligente.
Je ferai une légère critique au rapport. Il en est encore à
la Société française de tempérance. Or, j'indique au congrès
que, depuis quelques années, nous avons fait un grand pas
vers la concentration des forces antialcooliques, proclamée
en principe en 1903. Cette concentration est aujourd'hui
réalisée. Nous ne sommes plus en présence-de sociétés iso-
lées s'ignorant entre elles, nous avons obtenu: la mise en
faisceau de. tous ces efforts, de façon à donner à notre cam-
pagne plus de. cohésion et d'efficacité.

M. le Dr Henri Petit, médecin-major à l'hôpital de Nancy,


donne lecture de la communication suivante :

L'hygiène du peuple par l'affiche

Dans son numéro du mois de février dernier, la Revue d'Hygiène


et de Police sanitaire a bien voulu publier un rapport que j'avais
adressé à son éminent secrétaire, M. le Dr Martin, rapport que
M. le Dr Louis Martin, secrétaire général adjoint, a lu à la Société
de médecine publique dans la séance du 31 janvier dernier.
Je prie ces messieurs d'agréer publiquement l'expression de ma
gratitude.
Ce modeste rapport apour titre : L'Hygiène du peuple par l'Affiche.
C'est l'affiche qui est, à mon avis, le meilleur moj'en de propa-
gande. Si l'on veut lancer un produit remarquable, une pastillé re-
nommée... c'est par l'affiche qu'on agit... Et nos candidats au Par-
lement viennent solliciter les suffrages, répandre leurs idées et
promettre la meilleure société : toujours par l'affiche.
C'est donc par l'affiche que nous aussi nous parviendrons à ré-
pandre la bonne parole et à la semer par tous les coins du sol fran-
302 CONGRÈS DE NANCY
çais, affiche qui se renouvellerait tous les quinzejours et serait placée
dans toutes les communes de France.
Mais cette affiche doit avoir une qualité essentielle, elle doit être
courte et bonne, ne contenir que quelques mots qui seront la formule -
d'hygiène qui s'impose à l'esprit et s'imprime dans la mémoire.
Mais ce n'est pas tout: l'affiche ne peut qu'affirmer l'axiome
d'hygiène, il faut alors que-cet axiome soit développé et commenté
par la plus grande force de propagation qui soit : par la presse.
La presse est plus mobile, plus apte que toute puissance moderne
à faire pénétrer dans tous les foyers cet enseignement quotidien, pour
dissiper les préjugés, persuader, transformer les opinions en actes.
Mais il faut de la persistance. Il faut aussi de l'argent. Fn faudra-
t-il beaucoup? Les frais d'affichage seront, pour ainsi dire, nuls.
Quant aux frais d'impression, la France compte 36 176 communes,
qui représentent 50000 affiches à imprimer (les grandes villes en
exigeraient plusieurs évidemment). A raison de 12 fr. à 15 fr. le
mille (prix maximum) cela représente 750 fr. par quinzaine,
1 500 fr. par mois, iSooofr. par an.
Quelle méthode d'enseignement coûterait donc moins cher ?
Et si nous ne pouvons pas dès le début faire grand, pourquoi ne
pas faire un essai loyal dans notre beau pays de Lorraine, dans nos
trois départements ?
Prenons Meurthe-et-Moselle, avec ses 598 communes : il nous
faudrait 750 affiches par quinzaine, soit 1 500 par mois (soyons
larges). A 11 ou 12 fr. le mille, cela représente 16 à 18fr.de dé-
pense par mois, environ 200 fr. par an... Ne pourrions-nous donc
pas trouver cette somme pour commencer,... et une fois que nous
aurons commencé notre affichage dans les communes, et nos pu-
blications périodiques dans les journaux, nous obtiendrons de tels
résultats que les départements voisins imiteront bientôt notre
exemple.
J'ai déjà la satisfaction de savoir que mon idée a été très favora-
blement accueillie au 20e corps, dans la sphère médicale militaire,
car M. le médecin-inspecteur Benech — toujours tout prêt à
accueillir et à favoriser les idées de progrès — a bien voulu me
ALCOOLISME. — DISCUSSION ET VOEUX. 303
promettre tout son bienveillant appui pour appliquer cette propo-
sition dans nos casernes.

M. le président. — Je mets aux voix les conclusions du


rapport de M. Schmitt :
1° Que l'instruction et l'éducation antialcooliques des enfants et
des jeunes gens ne figurent pas seulement à titre platonique dans les
programmes d'études, mais qu'elles soient spécialement recommandées
et avec insistance aux maîtres des divers ordres d'enseignement, sur-
veillées par les chefs hiérarchiques et sanctionnées- pour les élèves dans
les examens de fin d'études, et pour les maîtres par des notes données
à ceux qui y auront dépensé le plus d'activité et obtenu les meilleurs
succès. (Adopté.)
.
2° Que la vente des boissons alcooliques soit à nouveau interdite dans
toutes les cantines de l'armée et qu'aucune considération étrangère à la
discipline ou à l'hygiène n'entrave le droit des commandants d'armes
de consigner à la troupe les cabarets favorisant l'inconduite ou mena-
çant la santé des hommes. (Adopté.)
}° Que la vente de l'absinthe soit interdite en France et dans les
colonies françaises; interdit également l'emploi des essences artificielles
-pour la fabrication des boissons alcooliques. (Adopté.)
40 Que la limitation du nombre des débits soit tentée par le retour à
l'autorisation préalable entourée de garanties sérieuses; -par la ferme-
ture administrative ou judiciaire des établissements dont les'tenanciers
seront convaincus de l'un des délits spécifiés à l'article 6 de la loi de
1SS0, par la fixation d'une distance minima à déterminer suivant les
diverses localités et en deçà de laquelle ne pourra s'ouvrir aucun nou-
veau- débit, à proximité des écoles et des casernements. (Adopté.)
j° Qu'il soit fait une application sévère des dispositions de la loi
deiSjl à tout débitant qui aura servi dis liqueurs alcooliques à un
mineur âgé de moins de sei^e ans ef à quiconque aura fait boire un
mineur jusqu'à l'ivresse.

MoIKWeiss. — Il serait à désirer que les sociétés de


Mmc
gymnastique ou de tir, lorsqu'elles organisent des sorties,
304 CONGRÈS DE NANCY
s'inquiètent-de prévoir un endroit, autre que quelque caba-
ret, où elles puissent se réfugier en cas de mauvais temps.
C'est là, malheureusement, une occasion de boire trop fré-
quente pour les mineurs qui composent en grande partie'
ces sociétés. .

M. le président. — C-est là une remarque fort judicieuse,


et qui figurera utilement au procès-verbal. .1
.

M. le président."— M. Ambroise Rendu demande qu'il


soit ajouté, au paragraphe 5, une sanction immédiate consis-
tant dans la fermeture du débit.
Il propose de rédiger ainsi ce paragraphe :
j-° Qu'il soit fait une application sévère des dispositions de la loi
de 1873 à tout débitant qui aura servi des liqueurs alcooliques à un
-mineur âgé de moins de sei^e ans et à quiconque aura fait boire un
mineur jusqu'à l'ivresse, et que dans ce dernier cas la fermeture du
débit soit prononcée. '

Je mets aux voix cette rédaction.


(Le paragraphe 5, ainsi modifié, est adopté.)
M. le président.

6° Que le privilège des bouilleurs de cru soit aboli. (Adopté.)


7° Qu'il soit créé un certain nombre d'asiles spéciaux pour l'isole-
ment et le traitement des buveurs, avec section réservée aux jeunes gens
dont le placement, suivant les cas, serait volontaire ou demandé par
les familles ou imposé d'office par les tribunaux. (Adopté.)
8° Que de larges subventions soient accordées par l'État aux sociétés
de tempérance, avec affectation spéciale à leurs oeuvres de préservation
de l'adolescence. (Adopté.)

M. le président. — Nous arrivons maintenant aux voeux


présentés par Mme Moll-Weiss et par M. Grau.
HYGIÈNE MORALE. —- RAPPORT BERNHEIM 305
Le voeu de Mme Moll-Weiss est ainsi conçu :.
Que, dans les écoles ménagères, l'on fasse connaître aux maîtresses.
l'importance que lès mets sucrés ont pour Valimentation populaire
rationnelle. (Adopté.)

Voici maintenant le voeu de M. Grau :

Que les arrêtés réglementaires fixent l'heure d'ouverture des débits


le matin.
Que les sociétés populaires n'établissent pas leurs sièges dans les
débits ou- leurs annexes. (Adopté.)

M. le Dr Bernheim, professeurà la faculté de médecine de


Nancy, donne lecture de son rapport intitulé :

Questions d'hygiène morale

Le mot hygiène morale évoque nombre de questions, dont je


vais effleurer quelques-unes, d'une importance capitalevpour l'avenir
de l'humanité et dont le. Congrès ne peut se. désintéresser. Sans
doute l'hygiène matérielle, publique et privée, la prophylaxie de la
tuberculose, la guerre à l'alcoolisme, la lutte contre le paupérisme,
la salubrité des habitations, la protection de la santé humaine,
toutes ces questions sont toujours d'actualité, bien que tout ait été
dit, si presque rien n'a été fait.
Mais la lutte contre les misères morales, contre les épidémies
morales, contre les aberrations natives et acquises, contre l'atavisme,
contre les suggestions malsaines, contre les impulsions dangereuses
des foules, l'éducation morale de l'enfance, la direction morale des
masses, tout cela n'est-il pas au premier chef de. l'hygiène sociale ?
Le programme des questions soulevées serait immense ; lé temps
me manque pour faire sur ce sujet.un rapport même incomplet. En
CONGRUS-DE NANCY 20
.
306 CONGRÈS DE NANCY
appelant l'attention sur quelques-unes,,je veux montrer l'utilité et
la nécessité de créer aux futurs congrès d'hygiène sociale une.section
spéciale d'hygiène morale.

/ I.
Quelques-mots d'abord relatifs à l'éducation morale de l'enfance.
Beaucoup de personnes simplistes, et honnêtes croient que l'enfant
naît avec un cerveau vierge dans lequel l'éducation sème la bonne
et la mauvaise graine. L'homme deviendrait ce que: l'éducation le
fait. Les vertus font honneur aux éducateurs qui les ont dévelop-
pées, les vices accusent une éducation vicieuse.
Cette conception, que les doctrines religieuses semblent admettre,
ne résiste pas à l'observation. L'enfant, ai-je dit ailleurs, naît avec
un certain fonds psychique et moral atavique. D'une part, il re-
produit certains caractères physiques, traits de physionomie, allures,
gestes, intonations de voix, et jusqu'à certains tics ou certaines dif-
formités d'un parent ou d'un ancêtre plus ou moins éloigné; d'autre
part, il reproduit certains caractères moraux et intellectuels, qui peu-
vent constituer l'un des types psychiques héréditaires de la famille.
.Ce n'est pas; toujours dans les générateurs directs qu'on trouve
l'équivalent des germes moraux et psychiques qui évoluent chez
l'enfant. Il en est d'eux comme des germes morbides ; ceux-ci aussi
peuvent rester latents pendant certaines générations, et se développer
seulement chez l'un des descendants.
Ainsi en est-il de l'empreinte physique et morale qui, modifiée
par des influences diverses et inconnues, plus ou moins amendée ou
neutralisée par la combinaison des facteurs de la génération, se
retrouve cependant très reconnaissable chez certains ascendants et
descendants.
Quoi qu'il en soit, l'enfant naît un peu ce qu'il est. ; son avenir
moral et psychique est dans l'oeuf; il a des instincts, des aptitudes,
des modalités nerveuses et intellectuelles qu'il apporte au monde et
qui le déterminent souvent fatalement. Voici deux frères élevés
dans le même milieu, soumis aux mêmes exemples, à la même dis-
HYGIÈNE MORALE. —f RAPPORT BERNHEIM 307
eipHne^:àla:.même .éducationi,.:.;3l^yin ;sera doux, docile, laborieux,-
lioiiaiê-té-;-<;l?àuïre.:.-.sera-- indocile, paresseux,:,vicieux. Les^parents
uàërooàt ;sur lui route .leur Influencé ^chârninent-, pïédicatiom,^sug-: •
gestion religieuse,, rien n'y fera. Chez tel, l'influence maternelle ne,
parvient ïqu'à- recouvrir de, naturel-:d'un vernis, trompeur.,: La-mère
croit -former;:uii .enfant- à ;son image ; le naturel; inscrit dans l'oeuf
arrive au .galopa dès-que l'enfant.- vole, de ses propres ailes;: : la mère
ne reconnaît plus son .-oeuvre.... :.'-._• .- .-.'
: - ,., .;-,. ,,. .
:...Chez,tel:autre,: cette influence .'bien dirigée réprime, er atténue '
certains\iaistinets héréditaires moins profondément; incarnés;, elk
corrige: dans-.une..certaine;,mesure l'oeuvre mauvaise .delà nature-.

Tels parents robustes et sains procréent up monstre physique.;
Tels- autres,, .sains, de corps; et d'esprit, procréent, un monstre moral. .
-; Entre, ces cas. extrêmes, enfant, foncièrement boii, enfant,fonciè-
rement vicieux rebelle à toutes les suggestions morales, existent de
nombreuses transitions.
Une bonne éducation peut développer les germes qui existent,
aptitudes morales et psychiques, à l'état embryonnaire ; elle ' ne
peut pas les créer chez, ceux qui en sont dépourvus. Là où le sens,
moral n'existe pas, aucune suggestion ne peut le faire naître, pas
plus que l'éducation physique ne peut faire pousser un membre qui
fait défaut. L'une ne peut sans doute remédier à certaines perver-
sions instinctives incurables, pas plus,que l'autre ne peut supprimer
certains vices de conformation.
Mais ce sont là, fort heureusement, des cas extrêmes. La plupart
des enfants naissent, avec des germes bons ou mauvais. La sugges-
tion, c'est-à-dire l'éducation bien dirigée, peut développer les uns
et souvent imposer silence aux autres.
On a écrit que l'hypnotisme pouvait devenir une méthode d'or-
thopédie morale, que le sommeil provoquépouvait être utilisé pour-
corriger par suggestion les mauvais instincts et modifier les, aptitudes-
morales.
Je pense qu'à ce point de vue, la suggestion à l'état de veille fait,
ce qu'elle fait à l'état de sommeil ; l'éducation bien dirigée 11'est au
fond que de la suggestion, qui introduit par persuasion, par senti-
308 CONGRÈS DE NANCY

ment, par l'exemple, une idée saine dans le cerveau. L'hypnotiseur


ne fait pas plus merveille qu'un professeur sagacë et expérimenté,
sachant manier l'intelligence et la sensibilité de chaque individualité
enfantine. -"'.-'
La doctrine de l'innéité et de l'atavisme ne commande pas le
fatalisme et la résignation. A côté des suggestions ataviques-vien-
nent aussi des suggestions-par l'éducation, des sollicitations par le
monde extérieur; et c'est pour cela que l'éducation doit intervenir
pour neutraliser dans la mesure du possible leSgermesvicieux, pour
opposer aux impulsions natives un contrepoids de suggestions coer-
eitives, pour développer les aptitudes morales et intellectuelles qui,
faute de culture, resteraient en friche, embryonnaires.
Prenons quelques exemples. Tel enfant naît bon, compatissant,
avec une grande sensibilité morale. Il restera bon, car son être fris-
sonne à l'aspect des souffrances d'autrui ; son âme s'émeut devant
les injustices ; il est altruiste. Les mauvaises suggestions n'arriveront
pas à pervertir un sens moral né robuste. Tel autre.n'a pas de sen-
sibilité morale. Son coeur ne s'émeut pas, son âme ne connait pas
la répugnance, l'horreur ou la pitié que soulèvent certains actes ; il
n'est pas perverti, mais indifférent ; il a l'âme forte, mais peu sen-
sible. Celui-ci^cependant peut rester honnête et fournir une belle
carrière, si l'éducation lui a suggéré la notion du juste et de l'injuste,
du vrai et dû faux, la notion, sinon le sentiment du devoir, la notion
du point d'honneur, suggestion acquise qui peut faire contrepoids
à l'absence de sensibilité morale.
L'éducation religieuse peut chez certains créer une discipline
rigoureuse de l'esprit et servir de frein à certaines impulsions mau-
vaises. Mais, je dois le dire, cette éducation mal dirigée, si elle
s'inspire d'une religion déformée par les passions humaines, ayant
perdu son caractère évangélique, devenue étroite et intolérante,
peut déformer Insensibilité morale, et allier une austérité de vie et
de moeurs respectable à une grande sécheresse de coeur, à une âme
dure et froide.
D'autre part, une éducation trop positive, une morale rationnelle
trop sèche qui s'adresse à l'esprit plutôt qu'au. coeur, crée parfois
HYGIÈNE MORALE. —- RAPPORT BERNHEIM 3O9
dans les esprits: trop peu.cultivés un scepticisme étroit et farouche
qui peut devenir dangereux. - ;
:'
:

.Certaines âmes: ont soif de religiosité;, j'appelle ainsi un idéal


vague, même dégagé, de tout dogme, poésie indéfinissable de -l'âmej
aspiration quelque peu mystique vers l'inconnu^mirage et illusion ;
il faut à certains plus que le sens; moral, plus que l'idée du juste, il
faut un idéal spiritualiste, religieux ou philosophique plus : élevé;
adapté à: l'individualité du sujet,, comme tutelle contre les défail-
lances du coeuret de l'esprit. -..':"::•'.:
Mais, puisque je dois donner mon sentiment tout entier, il faut
bien le dire, cette religiosité vague et philosophique n'est pas à là
portée de tous. L'idée abstraite n'est pas comprise par les masses.
Elle ne leur devient : compréhensible qu'à la faveur d?un:emblème,
d'une incarnation, d'un culte pratique.. Les religions,.:diverses, ne
sont que la matérialisation plus ou moins grôssiërej. souvent ayee
perversion à notre image, par nos passions, de l'idée religieuse,.pour
la rendre accessible et compréhensible: aux, masses.; Malgré -ses
imperfections, un culte religieux.est peut-être:nécessaire;à une partie
de l'humanité.
L'éducation intellectuelle, parfois mal dirigée; telle que la tradi-
tion l'a faite, peut, avec les meilleures intentions du monde, fausser
le. sens moral de.l'enfant. L'histoire de l'humanitéy par exemple,
enseignée par, les livres classiques; n'est souvent que l'histoire des
guerres; des batailles, l'apologie des grands conquérants,, le; culte:
des grands tueurs d'hommes! -..-..-, .;-..-.>
L'histoire sainte même exalte l'idée de guerre,. montre un Dieu
qui fait appel aux armes, ordonné lui-même; par sa voix ou celle de
ses ministres de tuer le plus d'ennemis possible, condamne son}
peuple à un supplément de vagabondage dans le-désert, pour avoir
ménagé quelques ennemis dans une ville assiégée,. L'enfant apprend,
à associer l'idée de patrie et de; nationalité avec celle de haine de.
l'ennemi, il joue à la guerre et tue en imagination avec fanatisme
ceux qu'on: lui dit être ses ennemis.
Un meurtre.isolé est un assassinat ; la tuerie officielle de milliers,
d'hommes est un acte noble et généreux.
310 CONGRÈS DE NANCY
Dans notre siècle, des idées plus saines commencent à se faire
jour dans les esprits. Mais cette conception étroite et aritihumani-
taire, telle qu'elle existait et existe encore chez certains peuples,
n'est-elle pas une aberration morale créée par l'éducation ?
Sans doute il faut développer l'idée de patrie, respecter l'armée
qui sauvegarde l'intégrité du territoire national et veille à notre
sécurité. Mais le- respect^de l'armée et de la patrie n'est pas
incompatible avec l'horreur de la guerre et le sentiment huma-
nitaire.

.--. ; .-jj-::- ... .:, -.'.--:


Si l'éducation peut corriger ou créer des tendances morales dan-
-

gereuses, elle peut aussi réprimer, atténuer où empêcher des habi-


tudes morbides. Médecine morale, elle est prophylactique,-curative
ou palliative. ••'•-.

-
N'intérvient-elle pas utilement, par; exemple, comme prophylac-
tique dans la lutte contre l'alcoolisme ? Sans doute contre l'alcooli-
que invétéré, souvent toute suggestion échoue. Qui a bu, boira.
•Mais contre la candidature éventuelle à l'alcoolisme, elle peut être
l'arme la plus efficace.
J'entendais récemment, à une conférence populaire, un ouvrier
.
intelligent exposer en termes spirituels et élégants l'une des causes
les plus fréquentes de l'alcoolisme. Si l'ouvrier boit, c'est parce
que, comme apprenti, on lui apprend à boire; if fait comme les
adultes; il se croit homme, parce qu'il sait, comme eux, prendre
un verre de vin, d'absinthe ou d'alcool; ce n'est pas encore par
goût, c'est par gloriole, par point d'honneur, qu'il fait comme les
grands. « L'alcool est un tonique, lui dit-on, qui stimule et donne
du nerf»; il boit, comme le gamin fume la cigarette nauséeuse,
pour paraître un petit homme. L'habitude acquise devient un be-
soin, souvent indestructible.
L'ouvrier parlait d'or, mais ne prêchait pas d'exemple. Il était
lui-même alcoolisé, capable de prêcher l'abstinence aux autres,
incapable de se guérir. C'est aux enfants, c'est dans les écoles qu'il
HYGIÈNE MORALE. RAPPORT BERNHEIM 3 11
faut faire l'éducationde la tempérance, la suggestion prophylactique,
enseigner que. l'alcool est un poison dangereux; faire iin point
•d'honneur à l'apprenti, non pas de boire, mais de ne pas boire, et .
de rester sobre3 pour ménager son cerveau et sa santé.
Ainsi en êst-il aussi du tabagisme. -;
Contre d'autres habitudes vicieuses, la suggestion bien dirigée
peut être curative. Tel est, par exemple l'onanisme acquis par de
-,

mauvaises; fréquentations;; Un enfant de huit ans, docile, intelligent,


;

honnête, avait depuis-trois ans ces habitudes qu'un grand garçon


lui avait- apprises.: Tous les traitements, médicaments,- hydrothé-
rapie, intimidation/ menaces, châtiments; avaient échoué. L'enfant,,
plein de bonne volonté; voulait bien guérir; mais l'impulsion^ plus
forte que lui, devenait comme1 automatique; Je procédai autrement
qu'on ne l'avait fait. Au lieu de le brusquer, je traite l'enfant avec
•douceur; je lui donne confiance- en lui-même, lui remonte le moral
pour qu'il n'ait plus peur de cette obsession dnanique ; je lui
affirme qu'il a la force d'obéir à. sa volonté; que l'impulsion n'a
plus prise sur lui, queikt chose ne se fera plus. Ce n'est pas l'ordre
de faire une chose qui constitue la suggestion, c'est' l'assurance
qu'elle n'aura plus lieu;, c'est la confiance, c'est le remontage moral,
c'est la-dynamogénie psychique.
Plusieurs fois j'ai réussi, par cette éducation de la volontéj là où
d'autres médecins, procédant par suggestion impérative ou par
intimidation, n'avaient réussi qu'à déprimer le: moral, sans guérir
l'habitude vicieuse.
Contre cette maladie instinctive acquise, l'influence morale a pu
être curative. . .
Elle n'est que palliative chez certains dégénérés psychiques et
moraux natifs. Voici, par exemple, un jeune homme qui, sans être
vicieux, est depuis son enfance instinctif. Sous une façade assez
brillante, il caché un fonds de nullité intellectuelle, associée aune
suffisance prétentieuse. Il se croit capable de tout, et n'est capable
de rien. Il est paresseux, n'a aucun esprit de suite et ne peut s'ap-
pliquer à rien, entraîné par ses: instincts et son impulsivité d'une
idée à une autre, d'une occupation à une autre. Son père, intelligent
312 CONGRÈS DE NANCY-.

et énergique, croit à la mauvaise volonté et cherche à le morigéner,


aie corriger, à le discipliner ; il ne réussit qu'à l'irriter, à l'aigrir,
à le rendre menteur et sournois. Malgré mes admonestations, le
père persévère dans son système, l'envoie à l'étranger dans une
maison de commerce d'où on le renvoie, comme indiscipliné ; le
père l'engage dans l'armée, où il encourt punitions sur punitions et
se fait envoyer dans les compagnies de discipline. .
Quand il est rentré au domicile paternel, je réussis enfin à éclai-
rer le père, à le persuader que le jeune homme n'est pas vicieux,
_
mais incapable,-instinctif, sans volonté autre que celle subordonnée
à ses instincts, sans aptitudes ; que ses mauvais penchants s'étaient
développés par suite de la sévérité paternelle non comprise, inter-
prétée comme persécution non justifiée à son égard..
Je fis comprendre qu'il y avait là un vice congénital et incurable
du cerveau psychique et je conseillai de traiter l'infirme avec dou-
ceur, avec affection, de ne pas demander à son cerveau plus qu'il ne
pouvait donner, de le laisser s'occuper comme il voulait, en le diri-
geant' dans la mesure du possible, sans jamais le brusquer ni le
froisser. Ainsi fut fait. Et depuis des années, le jeune homme, s'il
ne fait pas grand'chose de bien utile, au moins ne fait pas de mal,
vit en paix dans sa famille, content de lui et des autres, et témoignant
aux siens des sentiments affectueux.
Une direction morale mauvaise, bien que rationnelle en appa-
rence, a aggravé et exaspéré une infirmité morale mal interprétée.
Une direction morale autre, conseillée par une psychologie plus
éclairée, a servi dé médication palliative. Lès exemples de ce genre
sont nombreux, et c'est pour cela que j'insiste.
A un degré inférieur sont les faibles d'instincts, qui ont en plus
de la perversioninstinctive, dont les sentiments et actes extravagants
ou même malfaisants, impulsifs, ne-sont pas refrénés par le sens
moral, absent ou faussé ; ils sont déjà dans l'enfance et restent toute
leur vie des fléaux de famille; ils peuvent être alcoolisés ou débau-
chés, ou voleurs, ou joueurs, ou vagabonds, suivant l'impulsion
dominante. Quelques-uns ont cependant de l'intelligence et des
qualités brillantes, susceptibles d'être dirigées dans un but utile,
HYGIÈNE MORALE. —- RAPPORT BERNHEIM 313.
Ces êtres dégénérésj intelligents pour satisfaire leurs instincts, par-
fois capables de s'assimiler les notions courantes, peuvent même
briller dans un salon et faire illusion sur leur valeur,, remplissant
bien, lorsqu'ils sont; bien dirigésj leurs devoirs sociaux, mais en
réalité dépourvus de volonté, si ce n'est' pour assouvirleurs désirs,
sans résistance morale; marchant comme l'impulsion suggestive les
pousse. Cet état psychique comporte d'ailleurs des degrés et des
variantes; nombreuses. .-..-..:':
Il en est, je le; répète, qui, sousuné bonne direction, peuvent
accomplir; encore une carrière convenable:; mais.ces déshérités;ont
besoin d'une tutelle morale., Abandonnés à .eux-mêmes',' ils peuvent
misérablement: échouer dans lés prisons ou, dans les: asiles d'aliénés.
Ni les uns, ni les autres ne leur conviennent. Ils;en sortent: plus
mauvais. J'ai souvent été consulté par des parents pour dés enfants
impulsifs qui. font leur désespoir et qu'ils: ne savent où-placer. -
Une organisation sociale'reste à étudier pour la: tutelle de ces
dégénérés, ; pour les surveiller, lés diriger; en obtenir lé meilleur
rendement possible, les e'rnpjcher de dévoyer, les: protéger contre
eux-mêmes et protéger la société contre eux. Ce ne; sont pas des
aliénés à enfermer, ni des coupables à châtier, mais des. infirmes
moraux à diriger. Il y à là une grande lacunevsociale à combler, sur
laquelle les médecins aliénistes ont déjà appelé l'attention. :

in
A ces considérations sur la direction morale et l'éducation des
individus, j'ajoute, quelques mots sur la direction morale et l'éduca-
tion des. masses collectives. ; r
Certaines aberrations intellectuelles exaltant vivement l'imagina-
.
tion populaire engendrent des névroses collectives, des épidémies
nerveuses. Le'dogme du diable et dé la possession, la croyance à'la
sorcellerie, les pratiques de l'exorcisme, créent des suggestions ter-
rifiantes qui font: des hallucinés et des convulsionnaires ; et cette
hystérie démoniaque se propage par imitation.
314 CONGRÈS DE NANCY
0,n connaît: les nombreuses;épidémies: qui ont désolé l'humanité
; presque-
jusqu'à, nos : jours ..-; Au; quinzième -siècle, c'est: la ; ; choiée
;épidëmique,/danse dé SaintrJean, îdarise de < SaintT-Guyy en Alle-
magne etdans les- Pays-Bas;-'c'est-le tarentisme en Italie ; au; dix-
septième, c'est.- la - possession des Ursulines d'Aix: et des Ursuliiries
;
de Loudun, celle des filles de; SainteHElisabeth à Louviers ,< au dix-
liùitièmë, ce sont les eonv'Msionnairesde Saint-Médard sur la tombe
du diacre Paris ; en plein dix-neuvième, ce sont les névroses convul-
rsives provoquées en Angleterre et en Amérique par les prédications
religieuses : dans-lesi assembléesprotestantes, dites revivais et^eamp^
'meetings-,': ce -sont deux: épidémies1- de possession démoniaque à
Morzinôv en Savôie,.én; 1860; et à Verzeguis; (Italie); en 1878; et
jenecfeque ces quelques exemples.-
rAvec les progrès; de l'instruction et l'émancipation 'dés cerveaux
affranchisf des superstitions1 spëculaires, ces; hystéries : collectives
suggérées tendent à disparaître. -;::-:

;vMais: d'autres;aberrations- morales, collectives qui ne;sont plus: du
domaine médical se développent tous îles jours, plus' dangereuses
encore. On a décrit la psychologie des foules, impulsives; crédules,
;entrainëes,sans réflexion par l'automatisme des. bonnes; comme des
mauvaises impulsions. La presse, les; livres, les journaux, l'imita-
tion, les tribuns, une formule expressive- et opportune, passionnent
et soulèvent les masses. Et voyez combien mobile est leur instinct !
Une idée noble et généreuse circule et met tous les coeurs à l'unis-
son ; tous fraternisent sur l'autel de la patrie; c'est la Fédération.
Trois ans après, des idées de haine, de trahison et de méfiance sont
répandues parla presse et les tribuns populaires. Les masses sugges-
tionnées sont féroces. On s?est embrassé, on se guillotine avec le
même enthousiasme. Puis c'est la dictature, puis c'est la Terreur
-blanche, puis c'est l'émeute; et tous lés courants;d'opinion se succè-
dent dans la -foule, avec les aberrations instinctives correspondantes.
N'avons-nous pas vu la Commune, le boulangisme, l'antisémitisme,
tous les fanatismes religieux, politiques, nationaux, antireligieux,
toutes les passions populaires soulevées par la presse, les affiches,
les réunions, toutes les idées violentes'jetées en pâture au peuple,
HYGIÈNE MORALE. —; RAPPORT BERNHEIM 315
Suggérer des mouvements d'opinion irrésistibles et; créer de vraies
folies instinctives-contre,lesquellesles-gouvernementsrestent impuis-
sants ? '-• V '•.•'. .:-:'-:<.::- ''..;:<;'-/. ;
On s'évertue à garantir l'atmosphère contre-lés microbes infec-
tieux qui altèrent la santé physique,; àprotégêr l'humanité' Contre
les toxiques et les toxines : on laisse : se répandre dans lès foules des
idées malsaines et pernicieuses, microbes moraux qui créent-des
épidémies morales.:; : -:-.- -..-:.
Éducation et direction morale des massesy gravé question; diffi-
cile à résoudre, puisqu'elle touche à la politique, que n'inspire1 pas
-toujours l'hygiène'morale! Elle' s'impose à nos réflexions, avec
tOUteS Ses: difficultés.'' ^yy-r-'- -.y-riy-i: y-y:y'.- v,. ,; -;;;.,.;-. ;;:;;-

' ;-:";..;-::--;. ;;-:.:: ::. -^ : y -:'-;/ •' '. -- :-':---


Des considérations qui: précèdent surgit comme corollaire: une
question importante. Nous" avons vu: que l'homme intellectuel>et
moral est dans l'oeuf; que nous évoluons avec notre atavisme, por-
tant, comme on l'a dit, nos ancêtres en nous ; que les conditions
extérieures, éducation, milieu ambiant, événements; interviennent
comme facteurs pour modifier: notre milieu intérieur pensant et
sentant;, que l'homme a souvent'des -inst-incts,;:dës -impulsions,
•innés ou acquis, qui le ; déterminent et contre lesquels'il ne peut
lutter. Avec ce déterminisme, que devient le libre arbitre ? Que
devient : la responsabilité humaine ? Sans: doute on se croit libre.
Mais la croyance à la liberté ne serait-elle pas,- comme l'a dit Spi-
noza, l'ignorance des motifs qui nous font agir ? Nous'nous déter-
minons, mais avec notre cerveau, avec l'instrument psychique inné
qui nous dicte nos idées, nos Impressions, nos" agissements. Con-
naissantle caractère et les idées, c'est-à-dire la constitution psychique
de diverses personnes, nous devinerons souvent comment chacune
se. comportera dans une circonstance donnée.
Sommes-nous responsables dé notre organisation cérébrale ?
Sans doute l'éducation peut la modifier dans une certaine mesuré.
Mais sommes-nous responsables de l'éducation.que nous avons reçue,
3 l6 CONGRÈS DE NANCY
.du lait moral que nous avons sucé, des événements qui
ont pu for-
mer ou déformer notre psychisme ? Pouvons-nous résister toujours
à l'empire de nos impressions, à l'idéo-dynamisme cérébral ? Ceux
qui ne le peuvent pas sont-ils responsables de ne pas avoir la capa-
cité de résistance suffisante ? Les médecins savent que les instinctifs,
les impulsifs, -^- nous le sommes tous à un certain degré ou à dé
certains moments, — ne peuvent souvent résister à leurs instincts,
à leurs impulsions, à leurs obsessions ; beaucoup, sont suggestibles ;
leur cerveau réalise presque automatiquement les idées qui y sont
.évoquées.;'
.11 faut une grande infatuatioh de soi-même,. ou une candeur sim-
pliste, pour oser prétendre que tout homme est libre, qu'il a devant
lui le chemin de la vertu et celui du vice, qu'il peut à volonté
prendre l'un ou l'autre, que toute mauvaise action dénote une âme
perverse et doit être châtiée sans miséricorde. Cette conception
a priori qu'une morale conventionnelle et les religions établies sem-
blent professer,; ne soutient pas l'observation psychologique la plus
élémentaire:. Tout criminel est-il moralement responsable ? S'il est
monstre moral né, s'est-il créé monstre lui-même ? S'il est né
amoral ou immoral,, avec un sens moral nul ou perverti, s'il est
incapable-de résister à une impulsion, devenue suggestive et obsé-
dante, est-il responsable de son infirmité ? S'il a été perverti par
une: mauvaise éducation, par de mauvais exemples, est-il respon-
sable des circonstances qui ont fait sa vie ?
Il suffit d'avoir étudié les grands criminels pour reconnaître sou-
vent: que ce sont de pauvres cerveaux mal faits au point de vue
moral et psychique, faibles, impulsifs, suggestibles. Sans doute, je
ne veux pas nier la faculté que nous avons dans une certaine mesure
de nous replier sur nous-même et de corriger par la raison et un
certain effort de; volonté, les défectuosités de'nos instincts et de
notre innéité. Mais jusqu'où va cette puissance ? Et pouvons-nous,
étant donné un acte, criminel, en face de tous ces éléments,
atavisme, innéité, éducation, impulsivité,-suggestibilité, conscience
morale, pouvons-nous doser la part de responsabilité morale effecr
tive?
HYGIÈNE MORALE. .— RAPPORT BERNHEIM 317
Sans doute, il y a une responsabilité légale : l'intérêt social com-
mande la répression de tout acte dangereux, que son auteur soit ou
non moralement responsable, qu'il soit déterminé par sa volonté
fibre ou par son organisation cérébrale native.ou acquise. ,
La société réprime l'acte, mais elle n'a pas-les éléments..suffisants
pour .mesurer-la culpabilité réelle, c'est-à-dire pour punir. En répri-
mant l'acte, elle fait de la prophylaxie suggestive, elle introduit
dans les. esprits un élément suggestif^ la crainte de la répression,
qui peut servir de contrepoids aux impulsions.mauvaises. La société
se défend contre elle-même, en neutralisant les instincts dangereux
et nuisibles; elle ne fait pas oeuvre de justicier, mais"', oeuvre de
préservation et de,défense sociale. "
.. .
Ainsi envisagées, les peines décrétées par elle, mesures de salu-
brité publique et dé suggestion morale, ne doivent pas être consi-
dérées comme infamantes. Un acte criminel ou immoral commis
par l'un de ses membres ne doit pas jeter le déshonneur dans une
famille. Envisager l'acte avec horreur, le réprimer, plaindre l'au-
teur, l'empêcher de récidiver, prévenir les actes semblables, voilà
tout le rôle qui incombe à notre modeste ignorance. Telle est la
conclusion que me suggère mon déterminisme cérébral personnel
actionné par l'étude et l'observation des faits.
Cette question palpitante n'est-elle pas aussi du domaine de
l'hygiène sociale qui doit avoir à coeur, par l'étude approfondie de
l'homme intellectuel et moral, de substituer à la fiction convention-
nelle, erronée et injuste, la vérité immanente des choses qui édifie
la justice vraie ?
Je conclus. Les questions que j'ai soulevées suffisent, je pense, à
montrer l'utilité pour notre.Congrès de créer une section d'hygiène
morale, comprenant surtout les questions d'éducation et de direc-
tion morale. L'hygiène sociale s'adresse à l'homme physique et à
l'homme moral, au corps et à l'esprit ; et l'esprit n'est pas quantité
négligeable dans l'organisme humain. L'homme tout entier appar-
tient à nos études. Nihil humanum a me alienum puto.
3 !8 '
.-.:. CONGRÈS DE NANCY

Discussion
M. le président. — M. Bernheim demande de créer, pour
nos congrès, tine section d'hygiène morale.
Je vous propose: dé renvoyer cette proposition au conseil'
d'administration dé rAlliançe, pour l'étudier d'ici au pro-
chain, congrès. /•-.-.:
M. Drouineau. — Nous ne pouvons statuer-sur cette pro-
position. Il y a ici dés congressistes qui ne sont pas membres
de l'Alliance. Si nous acceptons la proposition de M. Bern-
heim, c'est tout un ordre d'idées nouveau, toute une série
d'études nouvelles que nous imposerions à rAlliançe, sans la
consulter.
D'ailleurs, les questions dont nous parle M. Bernheim
-
sont étudiées :dans d'autres milieux. M. Bernheim lui-même
l'a fait remarquer. C'est pourquoi je fais des réserves sur sa
proposition.

M. le président. — Il n'est pas question de prendre ici


une décision ferme; Je vous propose simplement de ren-


voyer la proposition de M. Bernheim à l'examen du conseil
d'administration, qui sera seul juge de sa décision.
Il n'y a pas d'opposition?
La proposition de M. Bernheim est renvoyée au conseil
d'administration de l'Alliance d'hygiène sociale.

(A ce moment, M. Casimir-Perier remplace M. Gross au


fauteuil de la présidence.)
EDUCATION PHYSIQUE, -r— RAPPORT MATHIEU ET MOSNY 3 19

... Présidence de M. CASIMIR-PERIER

M. le Dr Mathieu donne lecture-du rapport qu'il a fait .en


collaboration, avec JVLle.Dr Mosny sur : ^A;.;

..;X'éduc.atipn..ph-yslqiie.-.-ài IféGole primaire

-
PRÉAMBULE ::-;.:. -.:-.;
Bien que l'on assigne communément pour but, à l'école, l'accrois-
sement de la valeur globale de l'individu par la, culture -raison-née
des facultés physiques, intellectuelles et morales de l'enfant» nous
devons reconnaître que l'école a, jusqu'à ces dernières années, trop.
.
délaissé la culture des facultés physiques au plus grand détriment
de l'intérêt bien entendu de la santé des enfants et de l'avenir de
la race.
Nous réagissons enfin contre ces déplorables errements; et la.
science de l'éducation, tenant enfin, compte de l'importance absolue
et relative de nos diverses facultés ainsi que de leurs influences-réci-
proques, se décide à donner à la culture physique la place qui, logi-
quement, lui revient : place prépondérante, à.la vérité, puisque la
culture physique tend à primer les autres, ou, du moins, à ne laisser
à la culture intellectuelle que le temps qu'elle ne réclame pas pour
elle-même.
Entre nos différentes facultés, les relations sont si étroites, les in-
fluences réciproques si profondes,.que pour en obtenir, par la cul-
ture, un développement harmonieux, il est indispensable d'établir,
pendant toute la durée de la scolarité, un contrôle régulier, pério-
dique, fréquent de l'état des principaux organes et de leurs fonctions,
de la marche de la croissance et de l'état intellectuel : la fiche sani-
320 CONGRES DE NANCY
taire individuelle ainsi constituée deviendra la base même de l'édu-
cation.
Ce contrôle périodique et cette fiche sanitaire seront l'oeuvre
commune, simultanée, du maître et du médecin scolaire, chacun
d'eux intervenant isolément et pour son propre compte : le maître
pour le contrôle des facultés intellectuelles ; le médecin scolaire pour
le contrôle sanitaire des erganês et de la croissance.
C'est sur ces données que nous demanderons au maître et au mé-
decin de régler, chacun en ce qui le concerne, mais d'un commun
accord,. la culture intellectuelle et la culture physique de façon à
obtenir un développement harmonieux des facultés correspon-
dantes.
Le rôle du médecin scolaire, dont l'intervention devient si prépon-
dérante dans la constitution de la fiche sanitaire individuelle, était
jusqu'à présent demeuré très effacé et l'inspection médicale des écor
les en était jusqu'à ces derniers temps restée à l'état rudimentaire où
l'avait créée la loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'ensei-
gnement primaire.
Très vaguement instituée par cette loi, l'inspection médicale des
écoles demeura toujours, en fait, lettre morte ; et, sauf dans quelques
grands centres, il n'y en avait naguère encore aucune organisation,
même embryonnaire.
D'ailleurs, là même où cette inspection médicale était instituée,
là où elle fonctionnait, le rôle en a toujours été réduit, dans les éco-
les primaires comme dans les établissements d'enseignement secon-
daire, à la stricte prophylaxie des maladies transmissibles..
Au dernier Congrès international d'hygiène tenu à Bruxelles en
décembre 1903, la question de l'inspection médicale des écoles fut
de nouveau posée ; mais le comité d'organisation voulut, cette fois,
consacrer toute son importance en chargeant des rapporteurs de
toutes nations d'exposer aux membres du congrès leurs idées sur le
« but de l'inspection médicale et hygiénique des écoles publiques et
privées, sur l'organisation de cette inspection et sur les conditions
de son efficacité ».
Dans les divers rapports et dans les discussions qu'ils soulevèrent
EDUCATION PHYSIQUE/ -^- RAPPORT MATHIEU ET MOSNY 3 21
aux séances,du. congrès,-le rôle du médecin Nscolaire. fut singulière^
mentétendu, et l'on viti pour la première fois, hygiénistes et.péda-
gogues,-de France et de l'étranger, lui démander, d'un commun .ac-
cord, de sauvegarder là santé des -écoliers, non plus .seulement au
sens-étroit de leur: préservation"contre les maladies; -transmissibles,
mais au sens beaucoup plus large de leur •culture physique;faite-em
vue de l'adaptation de leur organismepfiysîologique aux nécessités
de la vie sociale et plus particulièrement aux. obligations.qu'elle en-
traine: au point de vue de leur culture: intellectuelles.
Mieux!encore;: on vlt,-à ceicongrès,:iiygiénistes- et pédagogues^
demander au médecin d'adapter, d'un commun accord avec les auto-
rités universitaires;chargées de; la rédaction des programmés ou les
maîtres chargés ' de l'enseignement, la culture intellectuelle de l'en-
fant à saxapacité physique et-psychique, de façon à éviter le. surme-
nage scolaire. .;:-
Ainsi le Congrès international d'hygiène tenu à Bruxelles1 en
1903, art-il; pour la première fois, consacré le rôle; prépondérant
du médecin à l'école, rôle plus spécialement médical dans la pro-.
phylaxie des maladies transmissibles et dans le contrôle de la santé
physique; rôle médico-pédagogique dans le contrôle de la croissance
somatique et psychique et dans l'adaptation de la culture physique
et de la culture intellectuelle à la capacité physique et psychique de
l'enfant.
Cette conception du rôle médico-pédagogique du médecin sco-
laire qui doit lui donner, et lui donnera, nous n'en doutons pas,
dans un avenir prochain, une place si prépondérante dans les conseils
de l'université et à l'école, est d'ailleurs affirmée d'une façon si pré-
cise par les conclusions adoptées sur la proposition de d'un de nous,
par le Congrès international: d'hygiène de Bruxelles, que nous
croyons devoir les rappeler ici. .
«. La sixième section du Congrès international d'hygiène, considé-
rant que l'école ayant pour but d'accroître la valeur sociale de l'indi-
vidu par la culture raison-née des facultés physiques, intellectuelles et
inorales de l'enfant, on doit comprendre sous la dénomination d'ins-
pection médicale et hygiénique des écoles tout ce qui concerne la
CONÇUES 1>K NANCY 21
322 CONGRÈS DE NANCY
santé des écoliers non pas seulement au sens étroit de leur préserva-
tion contre les maladies transmissibles, mais au sens beaucoup plus
large de leur culture physique intégrale et de l'adaptation de, leur
culture intellectuelle à là capacité physique de chacun d'eux ;
«
Émet le voeu que l'inspection médicale et hygiénique des: écoles
par un personnel compétent comporte :
,
« i° La surveillance de.la-salubrité des locaux scolaires ;
«2° La prophylaxie des maladies transmissibles ;!
« 3° Le contrôle périodique et fréquent du fonctionnement normal

des organes et de la croissance régulière de l'organisme physique et
des facultés intellectuelles de l'enfant;.
« 4° La culture rationnelle de son organisme physique ;
« 5° L'adaptationrd-'accord avec le pédagogue, de la culture des fa-
cultés intellectuelles à la capacité physique individuelle ainsi que
l'instruction et l'éducation sanitaire de l'enfant. »
En somme, le but que nous, assignons à l'inspectionmédicale des
écoles est donc un but essentiellement social, et son importance
capitale ressort de ce fait qu'elle devient, dans la conception que
nous nous en faisons, la condition primordiale et nécessaire de l'effi-
cacité de l'éducation intégrale de l'enfant,
.
Nous n'avons nullement, l'intention de commenter ici ce rôle
complexe du médecin scolaire; nous voulons seulement, laissant de
côté le rôle connu du médecin dans la prophylaxie des maladies
transmissibles qui a été magistralement traité ce matin par les divers
rapporteurs et dans la surveillance sanitaire des locaux scolaires, et
son intervention modératrice dans l'adaptation des programmes et
de l'éducation intellectuelle aux capacités physiques:et psychiques de
l'enfant, nous voulons nous borner à esquisser le rôle prépondérant
que doit jouer le médecin scolaire dans le contrôle périodique et
fréquent- du fonctionnement normal des organes et de la croissance
régulière de l'organisme physique de l'enfant, et dans la culture ra-
tionnelle de son organisme physique.
Nous ne parlerons donc ici que de la fiche sanitaire individuelle
qui est l'instrument de contrôle, et de la culture physique qui doit
en être le corollaire.
EDUCATION PHYSIQUE'. — RAPPORT MATHIEU ET MOSNY 32 3

I -—FICHE SANITAIRE INDIVIDUELLE

Le contrôle périodique et fréquent du fonctionnement normal


des organes et de la croissance, régulière de l'organisme physique
et des facultés intellectuelles de l'enfant sera consigné sur une-fiche,
individuelle qui sera, comme: l'a dit le Dr Dinet, la base nécessaire
de la pédagogie expérimentale et du perfectionnement individuel.;'
L'idée de la constitution de ce dossier sanitaire pour, les enfants: à
.
l'âge de la scolarité est bien ancienne. Ce n'est pourtant qu'en 1902,
et sur la proposition de l'un dé nous, qu'elle a reçu la consécration
officielle sous la forme d'instruction ministérielle prescrivant « dans
tous les internats primaires ou secondaires, l'établissement pour
chaque élève d'une fiche sanitaire contenant les indications: sui-
vantes : poids corporel, taille, périmètre thoraciqùe. Ces indications
devront être consignées tous les trois mois à date fixe. Ces fiches
seront tenues au courant et conservées par le médecin de réta-
blissement».
Les instructions détaillées jointes aux prescriptions ministérielles
précisaient le but de cette institution, et montraient'dans quel esprit
devait être conçue et rédigée la fiche sanitaire : « Lorsque les données
de cet examen indiqueront un développement défectueux de l'en-
fant, il y aura lieu de faire procéder à son examen médical et d'aver-
tir sa famille.».
La fiche sanitaire de l'écolier est donc instituée dans un but de
contrôle, la famille gardant la liberté absolue du choix du médecin
traitant.
« Le contrôle scolaire dé la croissance des enfants basée sur
l'exa-
men anthropométrique régulier, périodique et fréquent de chacun
des élèves, doit être considéré comme la meilleure garantie de leur
sauvegarde sanitaire.
« Il doit aussi être envisagé — et ce n'est pas
là le côté le moins
important de son institution — comme la base, scientifique de l'édu-
cation physique de l'enfant. » •
La fiche sanitaire individuelle doit donc être établie de telle façon
324 CONGRES DE NANCY
qu'elle permette le contrôle périodique du fonctionnement des divers
organes ou appareils (coeur, poumons, vision, audition, dents, etc.),
Elle devra, avant toutes choses,
— et par là se révèle le rôle péda-
gogique des indications qu'elle doit fournir, -—elle devra permettre
de suivre les étapes de la croissance corporelle et mentale de l'enfant,
grâce àla notation des principales données de la croissance somatique :
poidsj taille et diamètres tfioraciques antéro-postérieur-, et transversal
(qui donneront les éléments constituants dé l'indice thôraciquè),;
elle en fera constater l'évolution normale^ comme elle en révélera les
hésitations; les arrêts ou les erreurs;, permettant ainsi,de les amender
ou de les corriger en conformant l'éducation physique aux indica-
tions précises qu'elle fournira.
L'institution de la fiche1 sanitaire- individuelle répond;donc à une
nécessité pédagogique et non pas à une nécessité médicale : c'est un
instrument de' contrôle; ce n'est pas une observation clinique : tel
a-été le but de son institution ; telle est lit conception qui doit régir
son établissement et guider sa rédaction.
Cette fiche sanitaire tenue par le médecin scolaire et confiée à sa
garde suivra l'élève pendant toute la durée de sa scolarité et lui sera
remise à sa sortie de l'école. Ses indications seront, à chaque époque
de contrôle périodique, communiquées à la famille de l'enfarit par
le médecin scolaire, avec ses annotations relatives à l'opportunité de
faire examiner l'enfant par le médecin de la famille à qui'seront
communiqués les résultats de ce contrôle sanitaire périodique.
.
La fiche sanitaire, instrument de contrôle de la santé physique et
intellectuelle de l'enfant, ne devra donc comporter que des consta-
tations individuelles ; les renseignements familiaux n'y devront pas
trouver place. Ses cadres devront être simples, précis, de façon que
sa rédaction périodique soit facile et rapide, et que le contrôle puisse
être fait trois fois par an.
Toutefois, comme la fiche sanitaire individuelle doit être la base
-expérimentale de l'éducation physique et intellectuelle, elle doit
comporter, outre 1:S indications d'ordre physique, médical ou
anthropologique, des indications d'ordre.plus particulièrement péda-
gogique consistant dans le contrôle de l'état intellectuel.
ÉDUCATION PHYSIQUE- -— RAPPORT MATHIEU ET MOSNY 325
Nous ne parlerons pas. ici de cette partie pédagogique qui sera
-
plus particulièrement l'oeuvre du pédagogue. - : •---.-
- ,
Nous n'avons: envisagé que la partie médicale qui; sera plus spécia-
lement l'oeuvre.du médecin. Mais: si Tune ou fautre de ces parties
doitêtre:la base plus immédiate de la culture intellectuelle ou de là
culture physique; on ne saurait pratiquement; les. envisager séparé-
ment ; le corps et l'esprit ne pouvant être étudiés à part et cultivés
isolément. ..•..."
La fiche sanitaire, de l'écolier est donc une.fiche de. contrôle
médico-pédagogique. « Dans cette oeuvre en partie double,, disent
fort judicieusement MM. Philippe- et Paul Boiicour, le médecin
accomplira pour sa part le travail médical, etles professeurs;de leur
côté y apporteront leurs observations pédagogiques. L'utilité de la
réforme- est précisément que les unes et les autres s'occuperont
ensemble de. l'écolier et que le carnet de santé scolaire ainsi établi
constituera un dossier médico-pédagogiqueexact et complet^1), »-

II L'ÉDUCATION PHYSIQUE A L'ECOLE PRIMAIRE

Il ne suffit pas que les enfants admis à l'école primaire y soient


logés dans dès locaux suffisamment spacieux, bien éclairés et bien
aérés, qu'ils y trouvent un mobilier scolaire convenable, qu'ils
soient soumis à l'entrée à une inspection médicale qui constate leur
état de santé et, s'il y a lieu, les défectuosités de leur vision et de
leur audition, qu'ils soient pesés et mesurés à des intervalles régu-
liers, et que toutes les précautions possibles soient prises pour
empêcher le développement des maladies contagieuses dans lès
milieux scolaires et en limiter l'extension ; il faut encore que leur
croissance et leur développement soient favorisés et dirigés : il
convient de faire leur éducation physique.
Nous demanderons à l'école tout d'abord de ne pas nuire au déve-
loppement physique, de contribuer par des exercices quotidiens à la
formation des organes essentiels, l'appareil respiratoire et circula-

1. L'hdiication moderne, mai 190e.


326 CONGRÈS DE NANCY
toire et l'appareil musculaire et d'aider les jeunes sujets à acquérir la
souplesse et l'habileté des membres en même temps que le sang-
froid, la discipline et la volonté. L'école devra contribuer à mettre
au service d'un esprit sain un corps vigoureux et souple. Nous
demanderons aux oeuvres auxiliatrices d'aider l'école à obtenir ces
résultats et aux oeuvres post-scolaires de continuer l'oeuvre com-
mencée à l'école, ';._''
En somme :
i° L'école ne doit pas nuire au développement physique des
jeunes sujets;
20 L'école doit aider, provoquer et diriger le développement des
fonctions vitales essentielles par l'emploi des exercices de développe-
ment;
30.L'école aidée par les oeuvres auxiliatrices et post-scolaires doit
faire l'éducation des organes et appareils normalement développés
par des exercices et des jeux méthodiquementcombinés et sagement
mesurés, de façon à amener les jeunes gens à acquérir, avec l'esprit
d'initiative et de discipline, le degré le plus élevé possible de résis-
tance, de souplesse et d'habileté corporelles.

Reprenons successivement ces trois grands chapitres :


i° L'école primaire ne doit pas nuire au développement physique
des jeunes sujets.
Cela est, n'est-ce pas, de toute évidence. Pour qu'elle.ne nuise
pas au développement physique des jeunes sujets, il faut que l'école
soit vaste, bien aérée, bien éclairée; que les bancs et tables soient,
appropriés à la taille des enfants, il faut que l'attitude des enfants
soit-surveillée et en particulier leur tenue pour écrire.
Des expériences de M. Alfred Binet, chef du laboratoire des-
études de psychologie physiologique à la Sorbonne, ont démontré
récemment, par^exemple, que l'enfant qui s'appuie pour écrire sur
le rebord de la table immobilise ainsi son thorax et diminue nota-
blement l'amplitude de ses mouvements respiratoires (l).

1. Bulletin de la Société pour l'étude psychologique de l'enfant, avril-mai 1906.


EDUCATION PHYSIQUE. — RAPPORT MATHIEU ET MOSNY 327
Il faut que les séances d'écriture ne soient pas trop prolongées,
.
car la fatigue entraine la mauvaise tenue et la mauvaise tenue les
fâcheuses déformations corporelles.
Il faut aussi, et vous nous permettrez d'insister sur ce point, que
les devoirs donnés à faire à là maison dans des conditions souvent
déplorables d'installation, et d'éclairage, ne soient pas trop nom^
breux et ne réclament pas trop de temps. L'institution du certificat
d'école primaire a eu à ce point de vue, dans trop d'écoles, des con-
séquences regrettables. Les maîtres, trop souvent jugés d'après le
nombre des élèves de leur classe reçus au « baccalauréat primaire »,
ont eu tendance à chauffer les candidats. Ils ont été ainsi amenés à
augmenter dans une mesure excessive les devoirs à faire à la maison,
-De malheureux enfants ont quelquefois ainsi pour trois ou quatre
heures de. besogne supplémentaire, et l'on a pu parler de surme-
nage intellectuel même àl'école primaire.
Mais laissons de côté cette question du surmenage qui fait encore
sourire les sceptiques et les inconscients; tenons-nous sur le terrain
de l'hygiène purement physique. Une loi essentielle du développe-
ment normal des jeunes sujets, c'est qu'ils puissent séjourner par
jour un temps suffisant au grand air et à la grande lumière.
Ce séjour au grand air, nous l'avons énergiquement demandé au
deuxième congrès d'hygiène scolaire tenu à Paris, en juin 1905, à
propos du remaniement de l'horaire dans les établissements d'ensei-
gnement secondaire; nous pouvons le réclamer pour l'enseignement
primaire d'une façon non moins, pressante.
Les heures de classe et d'étude ne devraient jamais dépasser sept
heures par jour, au total, pour les enfants au-dessus de douze ans.
A la campagne, à la condition qu'on ne les force pas à s'enfermer
chez eux, les enfants trouveront facilement la quantité voulue de
grand air et de lumière. Il n'en est pas de même à la ville où il faut
réclamer des municipalités des champs de jeu et d'aération pour les
enfants des écoles, où il conviendra d'organiser des excursions,' des
jeux de grand air, de créer des colonies de vacances la où il n'en
existe pas encore, et d'augmenter les ressources et l'action de celles
qui existent déjà.
32:8 : CONGRÈS DE NANCY. -~

2°-L'école primaire doit aider; provoquer et diriger le développement


des fonctions vitales essentielles. :..:; v v:. : ::::.-; .:;:..:.'.'
Après l'appareil digestif — et nous supposons les enfants, conve-
nablement alimentés, et;; grâce ~aux soins donnés- à-leurs'premières
années,- pourvus d'un; appareil digestif normàL;—; -après l'appareil
digestif,; les appareils les: plus importants sont, les appareils res-
piratoire et- circulatoire, les-: organes, d'une même fonction- vitale,
essentielle, .l'oxygénation.,du sang. Il ne suffit pas.que les-jeunes
sujets ^séjournent un temps suffisant au grand: âir,-il faut encore
qu'ils possèdent un,appareil.respiratoire et circulatoirenormalemènt
développé et exercé. .-:. :/;-;.. . ,
:,
.. .
Le grand mérite de Ling-,.le: créateur: de la méthode suédoise de
,
gymnastique, est d'avoir compris ce principe et d'en avoir fait la
base de l'éducation physique. En vertu de cette idée fondamentale
d'une justesse incontestable, il a conçu tout un système, qui: a pour
but de provoquer le développement le plus complet possible de
l'appareil respiratoire et circulatoire chez chacun des jeunes sujets et
d'exercer isolément. chacun des groupes musculaires sans jamais
gêner, le fonctionnement de la respiration et de la circulation. Ling
a dans tous les pays des disciples fervents et vous connaissez l'ac-
tive, campagne faite en France, avec tant d'ardeur et de foi par le
Dr Ph. Tissié, de Pau. Toutefois, la méthode de: Ling compte
encore des adversaires ou-des disciples tièdes, qui admettent le mé-
lange entre les anciennes méthodes et la méthode suédoise; Il y a
actuellement une lutte des plus vives surtout entre les partisans .de
la méthode de Ling intégralement appliquée et les partisans :d'une
méthode dé Ling plus ou moins combinée à la. gymnastique aux
agrès, que ses adversaires appellent une gymnastique de singes.

Pour un laïque qui désire s'instruire et se faire une.- opinion per-
sonnelle, il est assez décourageant de lire par exemple le: compte
rendu du deuxième congrès international de l'éducation physique
de la jeunesse, tenu à Liège du: 20 août au. Ier septembre 1905,
dans lequel se sont trouvés aux prises les partisans, des diverses
méthodes.
Toutefois, lorsqu'il s'agit de jeunes sujets qui fréquentent les
EDUCATION PHYSIQUE. T-T-;RAPPORT MATHIEU ET MOSNY 329
écoles primaires élémentaires :ét même les écoles primaires supé-
rieures,; il ne. semble pas douteux que; les principes de la gymnas-
tique .suédoise.;doivent être appliqués,, car. ils, sont à l'âge où se:
développent l'appareil respiratoire-et l'appareil circulatoire.
Ces exercices, sans agrès, de plancher, comme disent les profes-
sionnels, ont; de.plus, l'avantage de pouvoir être; faits par tous.les
sujets.et-de ne demander aucun frais d'installation.., ,-.
.. . -. -
: La-gymnastique aux agrès n'était du resté accessible qu'à: quelques:
.
privilégiés-, lés. autres, s'en désintéressaient et iiiêine,,.en vertu de leur-
impuissance et de leur maladresse, la prenaient en dégoût..:. :
Tous seront donc exercés tous les jours au grand aitautant que
possible,: d'après lés principes delàgymnàstiq.ue.suédbise.Plus tard,:
les mieux doués pourront, pourleur.s.atisfactionperspnnelteétmême
pour l'amusement des autres, faire delà gymnastique acrobatique ;.
nous n'y voyons pour notre part aucun grave inconvénient. Mais
tous seront entraînés aux jeux de grand air, complément naturel dè;
la gymnastique de développement organique; ; :
'

La gymnastique: de plancher convenablement exécutée aura le


grand avantage d'apprendre aux enfants à respirer, car, bien que cela
puisse paraître.singulier à-.première vue, les enfants.ne. savent pas
respirer,
Mme Nageotte-Wilboutchewitch, ancienne interne des hôpitaux
de Paris, qui a pratiqué la mensuration thoraciqùe : d'un grand
nombre d'enfants des écoles de Paris, en a récemment donné-une.
preuve convaincante : la différence entre le périmètre thoracique à'
l'inspiration et, à l'expiration chez les enfants qui n!ont pas fait
d'exercice respiratoire est de 1,2 à 3 centimètres; il atteint au con-
traire 4 centimètres et plus chez ceux qui ont été exercés. Enfin, à
Paris, les enfants de la clientèle privée qui vont plus souvent sé-
journer et jouer au grand air, ont en moyenne une amplitude
respiratoire de 1 ou 2 centimètres plus considérable que les enfants
de la classe ouvrière observés à l'école ou à l'hôpital.
.: Ces constatations démontrent bien la nécessité de faire l'éducation,
respiratoire des jeunes sujets et de mener à la campagne les enfants
des villes trop enfermés, trop sevrés des jeux de grand air.
3 30 ' CONGRÈS DE NANCY
M. le Dr DufesteiQ, qui a étudié le développement de la capacité
pulmonaire par la spirométrie, a constaté que les fillettes soumises à
l'entraînement méthodique et quotidien par la méthode suédoise,
acquéraient plus vite que les autres le maximum de développement
respiratoire.
Les physiologistes nous ont appris que la peau est pour les pou-
mons un organe complémentaire; il se fait aussi à son niveau des
échanges respiratoires. Elle est de plus un organe important de sti-
.
mulation pour la respiration et pour la circulation et de la régulation
de la chaleur du corps et les dépenses organiques.
Sa propreté et sa netteté sont obtenues par Fusage fréquent des
bains. La fonction régulatrice delà température, de la circulation et
de la respiration par le séjour et l'exercice au bon air frais et par l'usage
de l'eau froide soustoutesses formes : lotions, douches, bains froids.
Les Grecs, ces maîtres en éducation physique, connaissaient la
bienfaisante action de l'eau froide. La sobriété et l'emploi répété de
l'eau froide sont aussi la base de l'hygiène et de la culture physique
du Japonais, ce peuple qui a étonné l'Europe par-sa vigueur et son
endurance (2).
Il est vivement à désirer que, dans les écoles primaires, on puisse
faire, le plus largement possible, usage de l'eau chaude et de l'eau
froide pour la culture physique des jeunes sujets.
En somme, jusqu'à présent, nous nous sommes bornés à réclamer
qu'on mette les jeunes élèves des écoles primaires à même de profiter
de deux éléments qui sont, ou tout au moins qui devraient être
facilement à la portée de tout le monde, Pair et l'eau.
Il faut qu'on lés amène à développer normalement leurs appareils
respiratoire et circulatoire. Ils ont le droit de l'exiger. Il faut leur
inspirer l'amour du grand air, de l'eau froide et de l'eau chaude, et
leur apprendre à s'en servir.

i.Dr L. DUFESTEL, « Les résultats de la nouvelle méthode de gymnastique dans les-


écoles de la ville de Paris ». (Archives internationales d'hygiène scolaire, t. II, fascicule I.
W. Engclmann, Leipzig.)
-"s. Jean TELLII-K, « L'Éducation physique au Japon ». (Éducation moderne, janvier et
février 1906.)
ÉDUCATION PHYSIQUE.— RAPPORT MATHIEU ET MOSNY 33 I
Si on y parvient,,— et on y parviendra si on le veut réellement,— '
il en résultera un grand bien pour les générations futures: et l'avenir
de notre race.. '''.'"',..-. ..
\,:. "•.'.
3° L'école, aidée par les oeuvres auxiliatrices et post-scolaires, doit
faire Véducation des organes et appareils normalement développés par
.
des exercices et dès j:eux.méthodiquement combinés et sagement mesurés;
defaçon à amener les jeunes gens à acquérir avec l'esprit d'initiative
et de discipline, le degré le plus élevé possible de résistance, de souplesse
et d'habileté corporelles. .-'.
,
Il ne suffit pas que le jeune sujet ait acquis le développement nor-
mal.de ses organes et de ses appareils physiologiques, il faut encore
qu'il apprenne à s'en servir, il faut qu'il acquièrede la souplesse et-de,
l'habileté corporelles. Le jeune.paysan grandi à l'air libre-est- pourvu
de poumons solides et de muscles vigoureux, mais il est lourd, peu
élégant et maladroit, A l'armée où il entre à vingt ans, il est trop tard
déjà pour lui enseigner la souplesse et l'habileté des mouvements:
Pour cela conviennent non plus seulement la gymnastique mais
encore les jeux de grand air et les travaux manuels. «
Il n'est plus besoin de démontrer l'utilité des jeux organisés en
plein air pour l'éducation physique d'assouplissement, ni d'insister
sur leur valeur pour l'éducation de la volonté et l'acquisition de
l'esprit de discipline et d'initiative.
Demandons-nous seulement comment on peut arriver à les orga-
niser et à les implanter dans les centres scolaires les plus importants.
Pour cela il faut obtenir le concours et la collaboration des
écoles, des sociétés libres et des municipalités.
Il faut que les écoles commencent avec une conviction qui leur
manque trop souvent encore l'éducation physique des jeunes sujets
qu'accueilleront plus tard saris transition des oeuvres post-scolàires
d'éducation physique. Il faut que l'initiative privée fonde et entre-
tienne des associations qui pratiqueront la gymnastique, -la nata-
tion, les jeux au grand air, et que les sections locales de la Ligue
d'enseignement et les mutualités scolaires les encouragent. Il faut
que les municipalités les subventionnent et fournisssent les terrains
et les établissements nécessaires.
3,3:2: '•'' 'CONGRÈS.-DE .
NANCY -,::--•:
-Dans le.sud-ouest delàFrance:, l'institutiondes fêtes.de gymnas-
-
tique scolaire, des lendits^ produit ; d'excellents résultats en -stimu-
lant le zèle des jeunes gens, des maîtres et l'intérêt du.public- Là
Ligue girondine:d'éducàtion:physique- a organisé ces ,côneô.ùrs et
.

ces,, fêtes., de - la jeunesse .avecViune:,grande; prudence :et ; unë-grande.


sagesse:y. il nvy,a;guêré. qu'à -,imite»'ee-.quï'ëUe'-:a-fai-t,^oiirvu-'.qu'ils, né-.
p.QÙs.s'.e.nt'.pasi.àl'athlétisnié;;à-,la spécialisation dé certains-Individus,
chargés;dé-,représeriter toute, l'école et au '.développementldu cabàtiv-
sportif, ces, lendits produiront d'excellents résultats;et 'il:sera;.
.. nage
facile d'en couvrir lesJrais.' :•'.::.;-.
.
.;.;;
..Sortisse l'école,iprimaire les jeunes.gensl-sont-souvent mis en
apprentissage,dans-des.ateliers.:ou. des magasins dans lesquels-:l'aérar
-
tionn?est pas toujours parfaite : les; exercices de grand; air leur •s'ont':-
plus que-jamais nécessaires.. De, plus, les .travaux: auxquels,ils: se;
livrent - amènent ; souvent des' déformations; par : la;, répétition des-
mêmes-attitudes et des mêmes mouvements.; delà'l'utilité pour eux
d'une gymnastique de correction. De cette gymnastique de correction
les sociétés post-scolaires devront avoir.le ' souci instant et constant.
-

;
Rations-maintenant. des travaux:. manuels. '. Ils ont été: prescrits
.
dans toutes les écoles primaires, mais-ils n'y ontpas été sérieusement
', organisés sauf dans certaines,écoles primaires supérieures. Dans les
écoles élémentaires où ils prennentplace au programme; ils consis-
tent exclusivement dans des exercices ; de découpage!et d'assemblage
de morceaux de papier dont on forme dés figurés- géométriques.
Dans les. écoles de filles on n'enseigne que la couture. '•,
L'organisation des travaux nianuels:a donc complètement avorté
pour les écoles; primaires,élémentaires de garçons, en raison de
l'absence de,locaux, de matériel".etde professeurs, en raison surtout
de l'indifférence des maîtres, dupublic et des. municipalités. Sans
cette indifférence on eût. presquepàrtout pu trouver les fonds néces-,
saires...-,.'- x -. •.. .';.-.-... <.
Cet avortement est certainement regrettable. Toutefois, l'essen-
-...
tiel nous paraît être d'organiser avant tout des oeuvres post-scolaires
d?édueation physique ; il faut aller au plus pressé,
.
Seules les écoles primaires supérieures réclament d'une façon
ÉDUCATION PHYSIQUE. RAPPORT MATHIEU ET MOSNY
— ^3.-3-3

urgente l'organisation ou l'amélioration:, de l'enseignement dès tra-


vaux manuels qui y est donnée.' . :••-,{ ? y' -'.yyyy: '^y yy.:y ;q 1- ";;
; /Voilà dans lès grandeslignes,' d'une façon générale et sommaire,
ce qu'il faudrait- faire pour le: développement.et. l'éducation,physique
des jeunes Français^ clients de l'école primaire;. : Ce qu'on^à fait est
;peù à côté: de: ce qu'il faudrait faire;; nulle partiln'existed'organi-
sation complète; Nulle: jpabt ; la- gymnastique; de: développemefit et
.
l'éducation physique au grand air .ne isorit suffisamment pratiquées.
:.N:uile;.part les: oeuvres-.post-scolaires,ne sont complètement:à là kau-
teùrdeleur tâche,;,;;:,; v ; .-,-:.. ;;V: -•,:;-.'.;:':: ;,:.' :;::..:,;- ;:;•-.;•;:
-.-. Grâce àla,complaisance;de.M;.le;Récteur,que'nous"somines*heu-
reux dé pouvoir remercier publiquement, 'nous .avons:'; été;-exacte-
ment renseignés sur ce qui se passe dans les écoles de l'académie de
.-.Nancy;. C'est à,peù'.près:cé.-qùi'.;.se^pas^èdû.'^restev;d-aTls^:t<^utela
.France,: sauf dansquelques centrés privilégiés^.;: .'!.- ;::-;.:; :-.
Il y a même: beaucoup d'académies où il est fait moins- encore,
analgré l'optimisme des. renseignements recueillis àdès sources-.offi-
cielles. --;-.:-;: :: ;.;.':".'-\:':. ; ",'--::, ; (y --' y.: ,' ::.•;)?.: L :.:


Voyons donc ce qui à été fait.à Nancy-et dans la région Hancéenîiè.

Gymnastique.—-:Lagymnastique est enseignée par un des profes-


seurs spéciaux à Nancy, à Montmédy, à Mirecourt et à Charmes,
mais les séances n'ont lieu qu'une ou deux fois par semaine. Elles
durent en général une demi-heure. Dans beaucoup:d'écoles, il n'y a
aucun enseignement gymnastique ; il en est ainsi par exemple dans
:quatre-vingt-huit écoles sur cent vingt-huit de l'arrondissement de
;Montmédy. Et, dans trop d'endroits, l'enseignement de la gymnas-
tique est mal suivi, « les exercices physiques ne sont pas en hon-
neur ». Dans les écoles où la gymnastique est enseignée; elle l'est
d'après le programme officiel de 1880, qui ne tient pas assez compte
.
de la nécessité primordiale du développement de l'appareil respira-
toire et circulatoire chez les jeunes sujets. Elle l'est par les institur
teurs. Les jeunes seuls ont pu recevoir à l'école normale oui la
caserne les principes modernes d'éducation physique. La gymnas-
3 34 '• CONGRÈS DE NANCY
tique suédoise, ou dite suédoise; pénètre ainsi çà et là par infiltra-
tion progressive, mais trop lente, du régiment vers l'école.
Trop souvent, tout se borné à des exercices de formation, à des
marches, à des exercices d'assouplissement exécutés d'après les an-
ciens errements. En somme, ée ne sont que des simulacres de gym-
nastique aussi ennuyeux/pour les maîtres qu'inutiles pour les élèves.
Dans un nombre relativement/grand d'écoles (cinquante-quatre
dans l'arrondissement d'Épinal, vingt dans l'arrondissement de
Remiremont) il existe des agrès de gymnastique. Leur existence
donne souvent une trompeuse illusion. Ils tendent du reste à être
délaissés partout en raison de la diffusion des tendances modernes
de Renseignement gymnastique.

Travaux manuels. — Les circulaires ministérielles avaient prescrit


l'organisation des travaux manuels dans les écoles primaires. En
réalité cet enseignement n'a pas réussi ; oh s'est heurté à des diffi-
cultés matérielles qui ont paru insurmontables : absence de maîtres
et d'installations, impossibilité d'obtenir que les municipalités fassent
les dépenses nécessaires, indifférence du plus grand nombre. Sauf
dans les écoles primaires supérieures, les travaux manuels se bornent
pour les garçons à quelques exercices de découpage de feuilles de
papier destinées à former des figures géométriques, et à des exercices
de couture pour les filles.

OEuvres de grand air. — Tout


se réduit le plus souvent à quel-
ques promenades faites pendant la belle saison et à quelques visites
d'usines ou d'exploitations agricoles. Si à Gérardmer ces prome-
nades sont « très en faveur », elles ont été presque complètement
abandonnées à Montmédy, les familles n'en ayant pas apprécié les
avantages.
Certains maîtres.reculent du reste devant la responsabilité qui
leur incombe, alors qu'il serait si facile de les couvrir par une assu-
rance d'un coût très minime.
Dans un grand nombre de grands centres, les municipalités ou
les amicales organisent une ou plusieurs fois par an des excursions à
ÉDUCATION PHYSIQUE, — RAPPORT MATHIEU ET MOSNY 3 35
longue distance ou des voyages d'études de plusieurs jours. Ces
excursions et ces voyages sont certes excellents à^plusieurs points
de vue ; mais combien nous aimerions mieux pour le, même prix
des organisations comme celles qui sont signalées à Dieuïouard et à
.
Bar-le^Duc. A Dieulûuard, un instituteur dévoué, homme de foi et
d'initiative, a fondé une mutualité forestière. Tous; les jeudis, les
enfants qui y sont affiliés partent, pour une colline du voisinage
qu'ils ont entrepris de reboiser. Ils y passent la journée entière, les
jeux alternant avec le travail dé reboisement; A Bar-le-Du:ç;;grâce à
la Ligue meusienne contre la tuberculose^ les enfants, conduits par
les institutrices, vont passer la matinée pendant les vacances dans
un bois à quelques kilomètres de la ville. Cela.coûte 60 cent,.pour
la nourriture et iocent, pour le trajet en cheniin de fer ! '
~

Colonies de vacances. -*— Les colonies de vacances n'existent qu'à


Nancy, qui envoie 100 enfants passer quelques semaines dans les
Vosges, et dans le département de la Meuse, La, Ligue meusienne!
contre la tuberculose a envoyé à la campagne, en 1906, 5,0 enfants
de Bar-le-Duc, 8 de Commercy, 20 de Verdun et 14 de Saint-
Mihiel. Cela n'est, pas suffisant et il est désirable que l'oeuvre des
colonies de vacances prenne dans là région du Nord-Est un déve-
loppement en rapport avec les indications à remplir. '
.

Bains et douches. — A Ep'inal, les enfants-des écoles sont menés


au bain une fois par mois. A Remiremont, ils reçoivent un bain-
douche deux fois par mois depuis un an. Il est bien désirable que,
dans les grands centres, des bains-douches soient installés comme
ils l'ont été à Bordeaux, grâce à l'initiative de Mi Cazalet. Le bain-
douche, qui ne coûte que 10 cent., devrait dans toutes les villes être
à la disposition de tous, petits et grands.
La ville de Vaucouleurs mérite une mention toute spéciale. Non
seulement l'inspection médicale y fonctionne régulièrement, mais
des exercices d'assouplissement sont exécutés par les jeunes gens
des deux sexes. Les élèves des cours supérieurs font des marches et
des exercices avec appareils une ou deux fois par semaine. La-gym-
.'33 "6 '-" ; CONGRÈS; DE NANCY.' "

nastique suédoise est enseignée à l'école primaire supérieure, où l'on


-pratique aussi le tira la carabine, La boxe est enseignée et desjeux
de grand air ont été organisés, auxquels les: maîtres eux-mêmes
-prennent part.- Il y a une association de foot-ball. IL'y a une sale
-d'armes. Des bains-douches sont donnés.régulièrement. Les internes,
;pendarit la belle saison^' sont conduits en promenade de 7^30 à
;8J'30. Le travail du bois-et dujfer est régulièrement enseigné.
-
De cette'.revue, if résulte donc-d'une façon évidente que les
intentions-et les prescriptions du décret ministériel du 8 août 1890
ne sont que très insuffisamment suivies. - - . . - -

•;; «Le temps'consacréchaque jour aux exercices physiques, dit ce


'-décret, doit être de deux heures, sur lesquelles on- réservera-: à la
gymnastique une demi-heure; au moins pour les enfants au-dessous
de dix ans et trois quarts d'heure au moins pour les enfants au-dessus
de dix ans. Le temps serait avantageusementréparti endeux séances.
Lès travaux manuels pas plus que lés exercices militaires spéciaux
-(maniement d'armes) rie pourront être considérés comme des exer-
cices de gymnastique,'»

Notons que, saufquelqu.es exceptions pour les fillettes et lesjjeu-


nes -filles, les exercices de développement physique et d'assouplisse-
ment sont complètement négligés. Il n'y a guère pour elles que des
travaux de couture qui imposent l'immobilité, comme si elles
avaient moins d'intérêt que les garçons à se développer physique-
ment, comme si leur formation normale n'importait pas autant à
l'avenir et à la vigueur de la race. Il faut absolument réclamer un
traitement égal pour les deux sexes au point de vue de l'hygiène
scolaire et de l'éducation physique.

CONCLUSIONS

Soit en ce qui concerne l'inspection médicale des écoles, soit en


ce qui regarde l'éducation physique, ce qui a été fait en France, et
plus spécialement encore dans la région naneéienne, est donc peu re-
lativement à ce qui devrait être. Les lois et les décrets qui règlent
ÉDUCATION PHYSIQUE. 337
— RAPPORT MATHIEU ET MOSNY
la matière ne sont pas exécutés. Pourquoi ? Parce que la loi et les
décrets n'ont pas obligé fes départements et les,communes et que
leurs prescriptions se sont heurtées à l'ignorance et à- l'indifférence
publiques.
Ceci montre une fois de plus que pour qu'une réforme réussisse
il faut non seulement qu'elle soit formulée par la loi, mais ençoreet
surtout qu'elle soit attendue et réclamée par l'opinion publique.
Il convient donc d'émouvoir l'opinion publique en faveur des
améliorations nécessaires ericommençant par des plus urgentes. Un
grand mouvement se fait dans le monde civilisé tout entier en faveur
de l'hygiène des écoles et de l'amélioration de l'éducation physique
des écoliers et des jeunes gens. Il ne faut pas que là France se laisse
devancer, elle doit à son passé et à-son avenir d'être parmi les pre-
mières dans cette voie du progrès. Elle le doit d'autant plus qu'elle
est une nation démocratique.
Pour éclairer l'opinion publique, pour lui faire comprendre l'im-
portance et l'urgence des réformes nécessaires, il faut que les gens de
bonne volonté s'unissent, pères de famille, éducateurs et hygiénistes,
et qu'ils entreprennent une campagne de propagande aussi active que
possible.
Un comité régional de l'Alliance d'hygiène sociale ne serait pas
complet s'il n'y figurait pas un groupement qui s'occupe de l'hy-
giène des écoliers et surtout des élèves des écoles primaires. Quel
contresens et quelle lacune ce serait que d'abandonner les jeunes
sujets à l'époque la plus importante de leur formation physique et
intellectuelle. Cela ne se comprendrait que dans un pays où tout se-
rait parfait en ce qui concerne l'hygiène des écoles et l'éducation
physique de la jeunesse. Nous vous avons démontré que ce degré
de perfection est loin d'être atteint, dans la région nancéienne.
Une fois cette section spéciale protectrice des enfants des écoles
constituée, il lui sera précieux de se tenir en communication et en
communion d'idées avec les autres groupements qui ont pris en
France déjà, comme but de leurs efforts les progrès de l'hygiène des
écoliers. Nous lui en fournirons les moyens à peu de frais, sous
l'égide du comité central de l'Alliance d'hygiène sociale.
CONGRES DE NANCY 11
338 CONGRÈS DE NANCY

Ce comité régional d'hygiène scolaire pourra compter ici comme


ailleurs sur là bienveillance des autorités universitaires et de beau-
coup de membres du corps enseignant, ce sont les pères-de famille
qu'il aura sans doute le plus de peine à convaincre. Sa raison d'être
sera du reste avant tout de lés -convaincre ; cela fait, la partie sera
gagnée.' "'; ; ;. :
. .
; .,

Aucours de cette étude, cependant sommaire, nous avons touché


à bien des points, différents.. Il nous paraît utile de formuler; en
voeux que nous vous demanderons de voter, lés principaux et lés
plus urgents desiderata;de 'l'hygiène- scolaire et de l'éducation physi-
que [dans lès écoles primaires. '_

VOEUX
— L'inspection médicale des écoles doit être partout efficacement
1' i
organisée.,
2. -— Les fiches individuelles de santé, corollaire indispensable de l'ins-
pection médicale dès écoles, doivent être instituées partout où cela sera
possible et régulièrement iùises à jour.
3. — Il est nécessaire que des exercices destinés à favoriser le déve-
loppement des appareils respiratoire, circulatoire et musculaire soient
exécutés chaque jour par les enfants des deux sexes et autant que possible
au grand air.
4. — Il est nécessaire que des exercices d'assouplissement, de correc-
tion orthopédique et des jeux au grand air soient organisés pour les en-
fants les plus âgés des écoles et pour les adolescents qui en sont sortis,
partout où cela sera possible, et plus particulièrement encore dans les
villes.
5. Il est désirable que les amis de l'école de Nancy et de la région
—-
nancéienne s'associent pour intéresser le plus grand nombre possible de
personnes aux progrès de l'hygiène et de l'éducation physique dans les
écoles, et pour obtenir des autorités administratives et des municipalités
l'aide morale et matérielle nécessaire pour la réalisation de ces progrès.
HYGIÈNE SCOLAIRE.
—• RAPPORT PARISOT 339

"6. — H est désirable que-le comité régional d'hygiène scolaire 'de Nancy
se-mette en communication avec les autres'-comités analogues quiexisteht
déjà en Fi-anéej Ou qui seront ultérieurement fondés-, de façon à établir
l'unité d'action.de- tous -les. amis, de l'hygiène, scolaire; et à donner, à la
campagne entreprise en sa faveur urîe-plus grande portée et uneplus grande
efficacité, .'..
.-..;. .,

M,.le D.rPaul Parispt, sQus-d-irecUur du.bureau d'hygiène -de


..
la ville.:.de.Nancy,, déclare se rallier: aux- voeux présentés par
MM.,Mathieu et Mosny., •-:-.•—.
Il donne ensuite lecture de son rapport sur les :::-:;•: :,-, '

Mesures à adopter pour la réglementation


de rhygiène scolaire

Le bût qu'on doit se proposer dans l'instruction dés jeûnes géné-


rations doit être non seulement de fournir à l'écolier, par les leçons
et les cours, les moyens d'ordre intellectuel qui devront plus tard
lui permettre d'acquérir une situation, mais aussi de mettre son
organisme à même d'exercer cette situation pour le plus grand bieit'
et des siens et du pays tout entier. Y
À quoi servirait, en effet, un cerveau rendu puissant par l'acqui-
sition ' de multiples connaissances, s'il n'avait, pour les mettre en
oeuvré, qu'un organisme débilité, incapable de tout travail, de tout
effort ?
Nous sommes ainsi amené naturellement à examiner les condi-
tions que présente le milieu scolaire.
La vie scolaire entraîne forcément des inconvénients, je dirais
même des dangers pour la santé dès écoliers : en effet, nous voyons
ces derniers réunis dans des locaux plus ou moins bien aérés, être
tenus, de par la discipline, et cela, pendant des heures entières, à un
repos presque absolu. De ces circonstances résultent d'abord des
risques de propagation des maladies contagieuses, puis toutes les
conséquences du sédentarisme qui, jointes à l'influence nocive d'un
340 CONGRÈS DE NANCY
séjour dans de telles conditions, sont susceptibles non seulement
d'entraver, la marche normale du développement dans des organismes
alors en pleine période de croissance, mais aussi d'aider, dans ces
mêmes organismes, à l'éclosion d'affections pouvant présenter un
certain caractère de gravité. '.'''.'
Sans insister davantage sur les conséquences de l'instruction en
commun, ce qui nous entraînerait hors du cadre que nous nous
sommes tracé, nous nous contenterons de les avoir mises en évi-
dence, voulant par là bien faire ressortir combien s'impose la néces-
sité d'y porter remède et d'éviter que la formule : instruction
obligatoire, ne devienne synonyme d'une autre formulé : maladie
obligatoire.
Le remède, heureusement, nous le trouvons, d'une part, dans l'ap-
plication de mesures prophylactiques que nous offre l'hygiène et,
d'autre part, dans une surveillance médicale qui, en signalant à temps
le danger, permettra de le combattre.
Loin de nous la pensée de prétendre traiter ici toutes les questions
.
qu'implique le programme dont nous venons de jeter les bases et
qui n'est en somme que celui de. l'hygiène scolaire tout entière,
nous nous limiterons à l'indication des moyens qui nous paraîtraient
les plus aptes à conjurer l'éclosion des affections dues à la sédentarité,
un des plus grands dangers pour l'écolier, ajoutant comme complé-
ment de défense sanitaire un certain mode de surveillance médicale.
Pour combattre ces effets du sédentarisme avec toutes les consé-
quences qu'entraînent les mauvaises attitudes dans un milieu confiné,
malheureusement trop souvent surpeuplé, qu'avons-nousà proposer?
Poser la question, c'est la résoudre : l'air et l'exercice, voilà les
deux auxiliaires auxquels nous devrons recourir ; l'exercice au grand
air sera, en conséquence, le remède que nous devrons employer.
A la longue l'immobilité, cette dernière ne serait-elle imposée
que d'une façon discontinue et à des intervalles suffisamment rap-
prochés, a pour résultat de diminuer l'activité de toutes les fonctions
de l'organisme.
L'animation s'éteint, les mouvements respiratoires moins fré-
quents deviennent aussi moins profonds, le sang n'est plus lancé
HYGIÈNE SCOLAIRE. RAPPORT PARISOT 34.I

dans les vaisseaux avec la même vigueur, l'appétit diminue, en un
mot toutes ces importantes fonctions qui servent de base aux
échanges nutritifs, condition première d'une satisfaisante; assimila-
tion, ne s'exécutent plus d'une façon normale : l'organisme perdant
dé. jour en jour finit par s'étioler et devenir la proie facile de la
maladie.
-
'.-.-.:,>'. ' " ' :,
Considérons, d'autre part, l'influence qu'ont sur ces grandes
fonctions de l'organisme ces deux formes de l'exercLe : le jeu et la
gymnastique; nous ne saurions mieux faire, à ce propos, que de
citer la description qu'en donne le Dr Paul Michaux au sujet des
effets produits par la méthode suédoise de Ling.
« Pour bien comprendre l'influence de la gymnastique suédoise
sur la respiration, écrit notre très distingué et savant confrère, dans
une préface d'un traité de gymnastique suédoise dû à Emile André,
il est de toute nécessité de bien se pénétrer de cette idée que toute
expansion active du thorax amène, en vertu du vide qui existe dans
la plèvre, l'expansion correspondante du poumon. :
« L'inspiration active déterminée par la contraction du diaphragme
et des muscles dits inspirateurs, détermine ainsi du même coup
l'appel de l'air par la trachée et l'afflux dû sang qui va se régénérer
au contact de l'oxygène contenu dans les aréoles du pounron. La
course, les jeux de plein air, exercent sur la respiration une influencé
énorme; dans la gymnastique suédoise, les exercices dits respira-
toires' occupent aussi une place importante. J'ai vu, en quelques
mois, sous mes yeux, la poitrine de plusieurs jeunes gens se dilater
de plusieurs centimètres; des recherches plus précises ont ité faites
depuis longtemps en Suède, et la spirométrie a démontré victorieu-
sement les effets remarquables de la méthode de Ling sur la fonction
respiratoire.
« A côté d'elle, la. circulation centrale n'est pas moins heureuse-
ment facilitée par l'agrandissement de la poitrine. Appelé par le
vide thoracique, le sang afflue au coeur par les gros vaisseaux vei-
neux, sang noir destiné à être aussitôt revivifié, sang rouge prêt à
aller porter dans les tissus l'oxygène et la vie.
« La méthode de Ling n'agit pas seulement par ses exercices res-
342 CONGRÈS DE NANCY
piratoires sur la circulation centrale, sur le coeur et les gros vais-
seaux intraTthoraciques ; elle régularise également la circulation péri-
phérique par les contractions alternativesqu'elle demande successive-
ment aux muscles abdominaux, aux. muscles des membres inférieurs,
aux muscles des membres supérieurs. Quand on suit régulièrement,
comme il m'a été donné de le faire, la progression des méthodes
suédoises, on est tout étonné, de l'intensité d'effort rnusculaire
.
obtenu sans surcharge.de la circulation centrale, grâce au balance-
ment rationnellement établi entre la circulation centrale et la cireur
làtion périphérique. '....
« Pour qui connaît les lois de la circulation artérielle et de là circu-
lation veineuse, la richesse vasculaire et surtout veineuse des masses
musculaires de la cuisse, de la jambe et du pied, cette alternance de
mouvements neutralisant les effets de l'appel thoracique du sang
constitue un des plus beaux avantages de la méthode de Ling;
« Comme toute méthode d'exercice» la méthode de Ling agit sur la
nutrition; elle active les combustions, les actes d'assimilation et.de
désassimilation qui constituent l'essence même de la fonction nutri-
tive. Je ne crois pas que la contraction méthodique des muscles
abdominaux, Sollicitée par les exercices suédois, soit sans influence
sur la"hutrition, Sur la circulation des matières ingérées dans le tube
digestif...... :.
« Pour ce qui est. de l'influence de la méthode suédoise sur la
volonté et sur les fonctions cérébrales, je la crois des plus heureuses
par la multiplicité des exercices qu'elle impose, par leur simplicité,
par la régularisation de toutes les fonctions de l'économie. »
Nous le voyons, dans les exercices de gymnastique nous trouvons
un précieux auxiliaire ; nous venons de citer la méthode de. Ling,
mais, à côté de ce genre de gymnastique qui n'emploie que très peu
d'appareils, d'ailleurs fort simples, il,, eh existe une autre consistant
en exercices effectués uniquement au moyen de tout un système
d'appareils assez complexe tels que le trapèze, les anneaux, l'échelle
de corde, etc. Nous nous trouvons ici en présence de deux méthodes,
à laquelle faut-il donner la préférence ?
Examinons comment se font les exercices de cette seconde
HYGIÈNE SCOLAIRE. — RAPPORT PARISOT 343
méthode : Tout d'abord ce n'est que successivement, que les, élèves
peuvent passer à ces appareils, aussi conçoit-on que si ces élevés
sont nombreux, c'est à peine si, pour chacun d'eux, le tour de
s'exercer reviendra une ou deux fois par séance, il en. résulte.une
perte notable pour la somme d'exercice et partant pour le profit
qu'en peut retirer l'écolier. .'.-.' '.
.,
De plus, en raison.de la difficulté des mouvements aux appareils,
ce sont les forts, les hardis qui en retirent le plus d'avantage, car ce
sont eux qui les font le plus aisément, pair conséquent les réussis-
sent le mieux; les malingres, les timorés, ceux qui précisément'.en
auraient le plus besoin, ébauchent en treiïiblant lé mouvement
qu'on leur impose et, par leur hésitation, finissent par décourager le
professeur qui, à leur grande joie, les renvoie bientôt à leur place.
-
Dans la méthode suédoise rien de semblable : les mouvements
qu'elle comporte étant des mouvements d'ensemble, tout le monde
y prend part à la fois.
De plus, comme, pour me servir des expressions de Ling lui-
même : « Chaque mouvement est en rapport avec la nature et que
ceux qui dépassent la moyenne deviennent inutiles et même dange-
reux », ces mouvements peuvent être exécutés par tous.
Certes les débiles y gagneront et y gagneront plus que les forts,
mais ces derniers, tout en perfectionnant des dispositions naturelles,
y trouveront encore largement leur profit.
Ce ne sont pas des acrobates que nous devons faire, ce sont des
organismes que nous devons avant tout rendre impropres au déve-
loppement de la maladie et fortifier dans la plus grande mesure pos-
sible ; c'est pourquoi, sans insister davantage sur l'examen critique
des deux méthodes, optons-nous pour celle de Ling.
Ce n'est pas tout : il est un exercice qui met naturellement en
jeu tous les organes, à la fois, mais qui les met en y ajoutant un
quelque chose qui les rend éminemment propres à en accroître la
bienfaisante action et qui n'est autre que l'attrait et le plaisir.
Le jeu au grand air est en effet l'exercice par excellence : point
n'est besoin d'insister longuement sur ses heureux effets physiolo-
giques pas plus que sur sa valeurthérapeutique lorsqu'on voit, après
344 CONGRÈS DE NANCY

une de ces vigoureuses parties de jeu, les différents partenaires,


encore tout haletants, refléter, dans un repos bien gagné, là satisfac-
tion et la santé.
En. somme, pour réaliser chez les écoliers les bienfaits que nous
demandons à. là gymnastique, nous sommes d'avis de faire spéciale-
ment appel aux exercices delà méthode suédoise en insistant tout
spécialement non seulement-sur ceux qui, en développant la muscu-
lature et la capacité dé la cage thoracique, rendent plus profonds et
plus amples les mouvements respiratoires, mais aussi sur ceux qui, en
obligeant l'élève à garder un maintien normal, sans lequel les
organes ne peuvent bien fonctionner, s'opposent à la formation des
attitudes vicieuses.
Autant que possible, les exercices de gymnastique auront lieu à
d'air libre, condition qui en augmente beaucoup l'action hygiénique;
malheureusement, en raison des intempéries, ce n'est pas toujours
chose réalisable, force est donc de recourir à l'emploi de la salle de
gymnastique.
Cette dernière devra être aménagée de telle sorte qu'une parfaite
aération y soit toujours possible : toute disposition qui pourrait y
emmagasiner ou y produire de la poussière devant être soigneuse-
ment évitée.
Cette gymnastique amène certes dans les organismes de salutaires
modifications, mais il ne faut pas perdre de vue qu'elle est le succé-
dané, sans pouvoir les remplacer, de ces autres exercices qui exigent
la mise en oeuvre de toute l'activité de l'individu : la course, le jeu,
la lutte.
Pour produire toute leur bienfaisante influence, ces exercices, à
gra-.ids mouvements, doivent avoir pour emplacement de vastes
terrains toujours situés au grand air.
Il serait donc à souhaiter ici que les villes annexent à leurs
groupes scolaires un emplacement, sorte de petit champ de manoeu-
vres, qui, par les importants services qu'il serait à même de rendre
à la santé des jeunes écoliers, dédommagerait, et au delà, des sacri-
fices que son installation aurait pu entraîner. Dans les écoles, la
présence aux séances d'exercices physiques doit être rendue obligar
HYGIÈNE SCOLAIRE. RAPPORT PARISOT 345
toire : on peut d'autant mieux exiger cette assiduité qu'en raison
même de la nature des mouvements, ce sont surtout les faibles et
les débiles qui sont destinés à en retirer le plus de profit.
D'autre part, pour opérer dans l'organisme une réelle et. double
modification, ces exercices doivent être pratiqués à intervalles suffi-
samment rapprochés, c'est donc plusieurs fois la semaine que les
séances de gymnastique devront avoir lieu. -
Il estinutile, plutôt nuisible, que ces séances soient longues,
elles courent risque alors d'amener la fatigue, circonstance qu'il
faut éviter : deux séances d'une demi-heure à intervalle espacé
valent mieux qu'une séance consécutive d'une heure.
Quant aux grandes séances de jeu, il est évident que plus, elles
seront fréquentes et mieux cela vaudra, mais il nous semble qu'on
pourrait se contenter de deux de ces séances par mois.
Un complément qu'il serait à souhaiter vivement dé voir annexé
à ces exercices, est l'hydrothérapie. Malheureusement la réalisation
de ce desideratum entraîne de grandes difficultés, aussi n'y insistonsr
nous pas, pour le moment, autrement, nous contentant d'en signa-
ler toute l'utilité.
Ces mesures hygiéniques combinées à un bon entretien et à une
aération satisfaisante des locaux scolaires vont nous permettre de
lutter, avec avantage, contre l'apparition de ces maladies, cortège
inséparable de la vie scolaire, et qu'on peut, pour cette raison,
appeler maladies scolaires. Toutefois la lutte contre le mal ne doit
pas s'arrêter là : les maladies banales contagieuses menacent l'enfant,
les germes de certaines affections, qui, sans se manifester par une
symptomatologie aussi bruyante, n'en sont pas moins redoutables,
peuvent insidieusement s'installer dans l'organisme : les rechercher,
les signaler et permettre ainsi de les combattre, par un traitement '
qui sera d'autant plus efficace que précoce en aura été l'application,
c'est là une oeuvre qui s'impose. Enfin l'écolier est en pleine période
de croissance : examiner les conditions de ce développement est non
moins indispensable. •

La prophylaxie des maladies contagieuses, la surveillance de l'état


des organes de l'écolier ainsi que de son développement, la survèil-
34^ CONGRÈS DE NANCY
lance de la salubrité des locaux scolaires, tels sontdonc les éléments
qui doivent servir de: base à la tâche qu'il nous reste à remplir par
l'institution d'une surveillance médicale dans les écoles.
Nous avons : pensé répondre suffisamment à ces : différents deside-
rata en : proposant au /maire dé la ville de Nancy un ensemble de
mesures sanitaires qui, adoptées par arrêté préfectoral du 19 décem-
bre 1905, viennent d'être mises en vigueur dans nos écoles.
Ces mesures font l'objet du; règlement sanitaire suivant :

RÈGLEMENT SANITAIRE DES ÉCOLES

ART. 1. — Les, écoles sont visitées chaque mois du Ier au 15, par
les médecins municipaux, dans les conditions suivantes :
A) Aux trois visites d'octobre, de mars et de juillet, dites visites
générales, le médecin titulaire, assisté du médecin adjoint, et, s'il y
a lieu, de médecins spécialistes de bonne volonté, classe les enfants
en trois catégories :
i° Enfants sains; '

20 Enfants de santé défectueuse quoique compatible avec la fré-


quentation de l'école. Pour chacun de ceux-ci, le médecin établit
un bulletin desanté selon la formule mise à sa disposition et men-
tionne aux « Observations » si l'enfant doit lui être représenté
chaque mois. De plus, par un avis motivé (formule A) signé de lui
et du directeur de l'école, il invite les parents à faire soigner leurs
enfants ;
30 Enfants qui ne doivent; pas fréquenter l'école parce que leur
santé s'y oppose ou parce qu'ils sont un danger pour les autres. Le
médecin établit leur bulletin de santé comme pour les précédents.
Il donne son avis, sur les motifs et la durée probable de l'éviction.
Cet avis est transmis aux parents par le bureau d'hygiène (for-
mule B).
Après le classement des enfants, les médecins feront la visite des
locaux scolaires.
Chacune de ces visites générales donne lieu à l'établissement, pour
HYGIENE SCOLAIRE.,— RAPPORT PARISOT 347
le bureau d'hygiène, d'un rapport spécial dont la formule contiendra,
imprimées, les questions auxquelles le médecin devra répondre.. :
Au rapportde juillet sera .annexée la liste: des enfants dont l'état
de santé, coinporterait l'envoi;aux;colonies;scolairesde vacances,;
S) Atrx; autres visites mensuelles, le médecin titulaire examinera
les enfants que lui présenteraitle directeur et: ceux dont; le; bulletin
de santé,àura:mentiQnnéqu?ilsdoiventêtre,revus,:::,
C) Indépendamment de ces obligations,le médecin municipal est
prié dëisigriàleran- bureau d'hygiène,"chaque fois qu'il:en aura con-
naissance,' tous les cas de maladies contagieuses survenus dansTés
écolesdont il à là surveillance;' '" '

REMARQUE.
— La question du secret professionnel' ne, me; paraît
pas devoir être soulevée, sil'on tient compte que. lé médecin ren-
ferme sous enveloppe cachetée les formules, le bulletin de santé
ainsi que le rapport, leur rédaction sitôt terminée, et que ces docu-
mentsne sont communiqués qu'aux familles intéressées et au bureau
d'hygiène.
- ;
-
'.':':.:
Il est vrai que le directeur de l'école, qui doit assister le médecin
comme secrétaire lors de l'établissement des bulletins de santé,
prend connaissance dé ces documents ; mais, outre que le secret
peut lui être recommandé, il est indispensable pour le bon fonction-
nement de la surveillance sanitaire de l'école que le directeur con-
naisse l'état dé santé des élèves sur lesquels son attention doit être
plus spécialement attirée.
ART. 2.— Le directeur d'école refusera l'accès des classes aux
enfants qui n'auront pas subi les vaccinations prescrites par la loi ;
il assistera le médecin comme secrétaire lors de l'établissement des
bulletins de santé ; aux visites mensuelles il le renseignera sur l'état
sanitaire général de son école et lui présentera les enfants dont l'état
de santé défectueux aurait attiré son attention; il renverra immédia-
tement chez lui tout enfant tombé malade et ne le recevra de nou-
veau, si l'indisposition a duré plus de cinq jours, que sur le vu d'un
certificat médical constatant qu'il peut rentrer sans danger pour les
autres élèves. .
348 CONGRÈS DE NANCY
ART. 3. —- Tout enfant atteint de maladie contagieuse ne pourra
rentrer à l'école que sur le vu : -
i° D'un certificat affirmant qu'il n'est plus contagieux ;
2° D'un certificat du bureau d'hygiène attestant que son domicile,
ses vêtements et tous les objets lui appartenant ont été désinfectés.
-..-
Il sera interdit aux parents d'enfants atteints de maladies conta-
gieuses d'envoyer momentanément leurs autres enfants à l'école.
ART. 4. Les écoles seront désinfectées toutes les fois que plu-

sieurs cas de maladies contagieuses s'y seront déclarés, et quelquefois
après un seul cas, si le service médical le juge nécessaire. Seront
désinfectés également les livres et autres objets susceptibles d'avoir
été contaminés, -,-'•
En cas dé diphtérie, là destruction par le feu des livres, cahiers
et autres objets contaminés est obligatoire.
ART. 5.
—-
Dans l'intervalle des classes, pendant les récréations et
lé soir, les salles devront être largement aérées.
Le balayage, qui ne devra jamais être confié à des enfants, devra
être pratiqué exclusivement le soir, jamais à sec, mais avec une toile
humide ou après avoir projeté sur le sol de la sciure de bois humide,
si l'on utilise le balai.
Le sol des classes sera lavé et brossé chaque semaine.
Tous les ans, pendant les vacances de Pâques et les grandes
vacances, les murs devront être lavés, les salles désinfectées.
REMARQUE.
— Dans cet article 5nous avions introduit une
mesure qui consistait à faire désinfecter les livres confiés par la ville
à certains élèves avant qu'ils ne passent en d'autres mains. Malheur
reusement cette mesure n'a pu être momentanément maintenue en
raison des difficultés matérielles qu'il y avait, actuellement, à lui
assurer une bonne exécution.
ART. 6.—Les enfmts devront se présenter à l'école dans un état
convenable de propreté, sous peine d'exclusion.
Toutes les salles devront être munies de lavabos.
Les coiffures, manteaux, cache-nez seront accrochés en dehors
HYGIÈNE SCOLAIRE. — RAPPORT PARISOT 34c/
des salles à des crochets dont l'usage sera individuel.- Les institu-
teurs devront veiller à ce que lés élèves ne portent pas à la bouche
leurs crayons et porte-plumes, ne lavent pas les ardoises avec de la
salive, né "crachent pas" surle sol et'se"'tiennent en des attitudes nor-
males, principalement quand ils sont assis.
On conseillera aux parents de faire prendre un bain chaque
semaine à leurs enfants.

ART. 7'. —Le bureau d'hygiène est ténu d'informer le directeur


de l'école, ainsi que le médecin inspecteur de cette école, des cas de
maladies contagieuses qui se seraient déclarés chez les enfants fré-
quentant ladite école et soignés par des médecins autres "que le
médecin de l'école, -

REMARQUE.— Le Bulletin hebdomadaire de statistique démogra-


phique et médicale est envoyé aux directeurs d'école.

ART. 8. — Il sera remis à chaque directeur une boîte de secours,


avec une notice explicative relative aux premiers soins à donner en
cas d'accidents ou d'indispositions subites.
La notice, qui est faite d'ailleurs sur le modèle de celle qui est
distribuée aux écoles primaires et maternelles de la ville dé Paris,
sera également distribuée aux instituteurs et institutrices.
A chaque visite générale chaque médecin municipal est tenu de
faire un rapport sanitaire concernant à la fois et l'état de santé du
personnel scolaire et l'état de salubrité des écoles.
Ces trois rapports doivent être, de la part du bureau d'hygiène,
l'objet d'un rapport général.
De l'ensemble de ces rapports généraux, qui constitue pour l'école
une sorte de casier sanitaire, résultent des indications, des renseigne-
ments susceptibles, à certains moments, de rendre de réels services.
Prévenir le mal par une hygiène physique bien comprise, le
dépister et le combattre par l'observation d'une stricte et rigoureuse
surveillance médicale, tel est le double but que nous, avons entrevu
et dont nous avons tenté de nous approcher dans cette modeste
étude.
3)0 CONGRES DE NANCY

VILLE DE NANCY
BULLETIN DE SANTE
SERVICE MÉDICAL DES ÉCOLES

Nom t'- Domicile : Vacciné: le-:


Né le Profession des parents : Revacciné le

PÉRIMÈTRE. POUMONS .ORGANES


. : ... -î-- ' etYEUX
GON5TITU- :
VISITES ' TION '
générale (*),
.:TAILLE0)
thora- :et
r,'cique,(?)
abdo-
coeur . .
,
-
- '•-.' :
acuité
..OREILLES :. HEZ,
et bouche,-
minâux^) extrémités' y.isueUeOE) '. 9uïe pharynx

.: ':''.
Visite
générale
d'octobre.
.-'-.-' ''. .
",
- -

. .

Visites
mensuelles. :
''';' ""-'."'

Visite- "- '--,


générale'
de mars.
.'

;• ; ;. -... :;,:.:.: : ; ; ; >;


. . ,

Visites '
-
mensuelles.

Visite
générale
de juillet.

Observations.

1. Si la constitution générale est assez bonne, on la désignera par le chiffre r.


2. Si la constitution générale est siauvaise (diathèses prononcées ou maladies chronîques)j-on la désignera
par le chiffre 2.
3. Observations ( La taille doit être prise sans les souliers.
prises si le médecin.. l Le périmètre thoracique doit être pris en passant,parles mamelons et le milieu de
le juge à propos. ( l'omoplate.
- 4. Dans la colonne : organes abdominaux, indiquer : hernie, éventration.
5. L'examen de l'acuité visuelle sera pris, pour chaque oeil, séparément et à l'aide d'un tableau d'essai.
HYGIENE SCOLAIRE. —-RAPPORT PARISOT 35 I V

VILLE DE NANCY
RAPPORT SANITAIRE SCOLAIRE
SERVICE MÉDICAL DES ÉCOLES du mois d 15*
;
-*04 =

•: :
ÉCOLE d ^ M ". - '
-

Population scolaire : Enfants sains :

WOMS
... AGE DEMEURE
PROFESSION
,
des
, parents
....
,,,,.-
NATURE
de la maladie OBSERVATIONS

Enfants de la deuxième catégorie

Enfante de la troisième catégorie " ,.

OBSERVATIONS RELATIVES AUX LOCAUX SCOLAIRES


HYGIÈNE SCOLAIRE. — DISCUSSION ET VOEUX 353

Discussion et voeux
M. Ambroise Rendu, — SMe congrès ;n'a^ait;^roduit;G[u^
les deux rapportsi;préeédentSj il n'auraitpas peMu-son;ternps,
car l'hygiène scolaire c'est la :base;,de,-l%ygièheJspçi-aler.) ,7,-
25 % des petits enfants menacés ou atteints de tubercu-
lose - pourraient être guéris si 1? on voulait nbiénsse décMer
à; appliquer daas 1 toutes les écoles Un'système^d'hygiène
scolaire;'' -'::::- -- ,';i. ;':<;' -;;- --:-';:;:;':-.;
Je demande donc au congrès; de souligner par'sonevotela
nécessité d'introduire dans les écoles les règles d'hygiène et
les exercices et mouveirients hygiéniques indispensables.

M. le D- Rouyer. --— Médecin militaire, je, suis; peu-, qua-


lifié pour intervenir-dans cette discussion.,: Qu'il me soit
permis cependant de faire une légère critique-.-au^lumineux
rapport de M. Parisot.
Dans le modèle de bulletin de santé, annexé à ce rapport,
il manque, à mon avis, une colonne pour le poids.
Dans l'armée, une instruction ministérielle a imposé,
dans différents corps de troupe, l'usage de la gymnastique
suédoise et la pesée mensuelle ainsi que la mensuration des
hommes.
Cette instruction est très sage. J'ai remarqué en effet bien
souvent qu'un homme avait augmenté de périmètre thora-
cique, mais qu'il avait diminué de poids, parfois de 3 ou
4 kilogn Ce qu'il gagnait d'un côté, il le perdait de l'autre.
Il fallait arrêter pour lui l'instruction et le laisser se remettre
au point.
M, le DrParisot. — Nous avons essayé d'introduire dans
nos usages cette méthode de la pesée. Nous nous; sommes
CONGRÈS DE NANCY 23
3 54 CONGRÈS DE NANCY
heurtés à des difficultés matérielles. Pesez donc ioooo en-
fants : cela demande un temps considérable.
Ce que nous vous soumettons, c'est un règlement qui est
appliqué tous les jours, qui a fait ses preuves.
J'ai demande des/balances., mais je ne sais pas si nous en
obtiendrons en nombre suffisant.

M. le président. — Je mets aux voix les conclusions du


rapport de MM. Mathieu et Mosny. Les deux premiers para-
graphes ne font que rappeler un voeu déjà adopté ce matin
sur la proposition de M. le Dr Mathieu. '
- .
Le Congrès émet le voeu :
i° Que l'inspection médicale des écoles soit partout efficacement orga-
nisée (Adopté) ;
2° Que les fiches individuelles de santé, corollaire indispensable de
l'inspection médicale des écoles, soient instituées partout où cela sera
possible, et régulièrement mises à jour (Adopté) ;.
}° Que des exercices destinés à favoriser le développement des appa-
reils respiratoire, circulatoire et musculaire soient exécutés chaque jour
par les enfants des deux sexes, et autant que possible au grand air.
La parole est à M. Drouineau.

M. Drouineau. — Est-ce qu'il ne serait pas possible de


spécifier que le temps de ces exercices ne sera pas pris sur
celui des récréations?

M. leprésident. — Ne croyez-vous pas qu'il serait un peu


délicat de préciser? Si nous adoptons votre formule, il fau-
drait nécessairement prendre le temps de ces exercices sur
celui des études proprement dites. Vous savez à quel point
on se heurte déjà à des.programmes extrêmement chargés.
Est-il possible de réduire le temps accordé aux études? C'est
une question que, pour ma part, je n'ose trancher sur l'heure.
HYGIÈNE SCOLAIRE. DISCUSSION ET VOEUX 355
M. Drouineau. -^- Il faut réduire les programmes, s'ils sont,
trop chargés pour les enfants.
M. le. président. Vous savez qu'il est depuis long-
-—
temps question de les réduire, et que tous les ans on y
ajoute quelque chose.

M. Ambroise Rendu. — C'est pour cela que nous avons


tant d'enfants tuberculeux dans nos écoles.
M. le président. — Voulez-vous accepter la rédaction
suivante : ''.'.-.
3° Que des exercices destinés à favoriser le développement des appa-
reils respiratoire, circulatoire et musculaire, soient: exécutés chaque
jour par les enfants des deux sexes, autant que possible au grand air,
et pendant la durée des heures de classe (Adopté).;
.
4° Que des exercices d'assouplissement, de correction orthopédique,
et des jeux au grand air, soient organisés pour les enfants les plus âgés
des écoles et pour les adolescents qui en sont sortis, partout où cela sera
possible, et plus particulièrement encore dans les villes (Adopté).

M. le président.— S'il n'y a pas d'opposition, nous rédi-


gerons ainsi le paragraphe 5 : °

30 II est désirable que les amis de l'école s'associent pour intéresser le


plus grand nombre possible de personnes aux progrès de l'hygiène et de
l'éducationphysique dans les écoles, et pour obtenir des autorités admi-
nistratives et des municipalités l'aide morale et matérielle nécessaire
pour la réalisation de ces progrès (Adopté),
M. le président. — Nous généraliserons également, si
vous le voulez bien, le paragraphe 6 :
6° Il est'désirable que les comités régionaux d'hygiène scolaire se met-
tent en communication avec les comités analogues qui existent déjà en
France ou qui seront ultérieurement fondés, de façon à établir l'unité
3)6 CONGRÈS DE NANCY
d'action de tom lès amis, de l'hygiène scolaire et à-donner àlh cam-
pagne entreprise en sa faveur une plus grande-portée etuneplus grande:
efficacité (Adopté).

M. le président, annonce q/û'il a reçu trois- communica-


tions de M. de Montricher, notre collègue ide Marseille^ qui
n'a malheureusement pvTassister aux séances.
La première:de ces communications;nous- annoncé la
fondation de la section marseillaise de la Ligue 'nationale
contre l'alcoolisme, sous la présidence d'honneur de MM. Er-
îïest .Delibes, ancien professeur du lycée, Eugène 1 Rostand,
de l'Institut, et du généraldu Mourier, gouverneur de Mar-
seille. Le président effectif est M. de Montricher. Plusieurs
conférences: ont été faites. La section en organise une pro-
chainement à la Bourse du travail sur la demande de son
comité administratif, par M. le capitaine Colas, du 14re régi-
ment d'infanterie.
Une oeuvre des nourrissons vient également d'être créée.
On jugera de l'utilité de cette initiative si l'on se rappelle
que la" mortalité infantile enlève à Marseille une moyenne
de 3000 enfants de zéro à deux ans sur une mortalité totale
de 12000 décès annuels. L'oeuvre s'efforcera de soumettre
les enfants, à des examens -médicaux et à des pesées, de
donner aux mères les conseils nécessaires, d'organiser des
primes aux mères, de provoquer le développement des
crèches à Marseille.(il n'en existe que cinq). Les fillettes des
écoles assisteront aux consultations et aux pesées et auront
ainsi un enseignement réellement pratique. Cette oeuvre,
due à l'initiative de M. le Dr Gassouté, médecin des hôpi-
taux, est présidée par M. Ernest Delibes. Mme Mastier, femme
du distingué préfet des Bouchés-du-Rhône, eh est la prési-
dente d'honneur.
Enfin, M. de Montricher appelle notre attention sur
HYGIÈNE SCOLAIRE. 357
— DISCUSSION ET VOEUX
l'oeuvre sociale de l'Union des syndicats agricoles des Alpes
et de Provence dont: il est le vice-président.
L'Union a créé dans la plupart des syndicats affiliés le
crédit agricole, la coopération de consommation, la coopé-
ration de production et de vente, l'assurance mutuelle contre
rincendie^le^gel/ lajgrêle^la|±or^alitéï4uibétail,ietc.
Au point de vue de rhygiène sociale, la vente coopéra-
tive du lait présente un intérêt tout particulier;
La laiterie coopérative du haut Var a organisé la vente
du lait ,de. vache,.«denses, propriétaires affiliés.,.Elle s'est
donnée pour tâche de livrer des produits de qualité supé-
rieure par. la niiseen oeuvre: d'appareils; perfectionnés; et
l'emploi de bouteilles fermées, étiquetées et.pl-ombéess,.expé-
diées: par wagons1 frigorifiques.: ..:: .y ::y.':y- yyyUyy
'' ' D'autres laiteries coopératives ont été fondées;diaris le Var

et les Alpes-Maritïmes; ' ; '--' ., ^;;: :v.- ,;;/;


Ces associations ont obtenu le double résultat d'àmél'iorêr
l'hygiène dé l'alimentation dans lès grandes villes du litto-
ral et le bien-être' des laboureurs et dés '"'vaillantes popula-
tions de nos montagnes. V
' : M. le président. —• Nous sommes arrivés, Messieurs, aux
termes des travaux du congrès. Je crois pouvoir dire que
nous avons fait de bonne besogne, et je me félicité que
notre programme, si chargé, ait été intégralement rempli.
Je me réserve de remercier demain, si vous le voulez
bien, à notre séance plénière, tous ceux qui se sont fait ici
nos collaborateurs, mais je puis bien répéter ici, en petit
comité, ce que je disais.tout à l'heure, à M. le doyen Gross,
à savoir que ce congrès démontre une fois, de plus à quel
point les plus modestes sont souvent les plus instruits, les
plus chauds par le coeur et les plus éclairés par l'esprit.
(Samedi soir)

--
;/ -'-' - --.- :; '

Conférence de M. E. CHEYSSON -.
-

'Membre de l'Institut
Membre du conseil supérieur des habitations à bon. marché

Le taudis. — Ses dangers. Ses remèdes

Notre Congrès a déjà plusieurs fois rencontré la question de l'ha-


bitation, dans ses diverses séances. C'est, en effet, une question telle-
ment capitale qu'elle ressemble à ces cimes élevées, qui dominent la
plaine et qui en commandent toutes les perspectives.. On ne peut
pas, en matière sociale, faire un pas sans se heurter à elle ou sans
en ressentir l'influence indirecte.
Ou m'a chargé de traiter ce soir cette question devant vous : sujet
immense, qu'il est aussi téméraire de vouloir enfermer dans le cadre
étroit d'une conférence, que de chercher à faire tenir la mer dans
une coquille.
Je dois donc me résigner d'avance à 'être incomplet et me res-
treindre aux grandes lignes et aux aspects généraux en bornant mon
ambition à vous en faire embrasser l'ensemble et mesurer la gran-
deur.

LA FAMILLE ET LA MAISON EN FRANCE

Comme tant d'autres questions qui s'imposent aujourd'hui à


notre sollicitude, le problème du loyer n'existait pas autrefois : car il
avait spontanément reçu la solution que, dans un accès de mauvaise
humeur goguenarde, M. Vautour conseillait à un locataire en retard :
Quand on n'a pas de quoi payer son terme,
II faut avoir une maison à soi.
CONFERENCE CHEYSSON 359
Ce procédé radical et simpliste était autrefois général. Au Moyen
Age, toutes les familles, même les plus pauvres, possédaient en
propre leur maison, très humble à coup sûr, mais enfin leur
maison, et elles l'habitaient. Aujourd'hui encore, dans l'orient, le
nûrd et le midi de l'Europe, cette coutume est générale. Sur plu-
sieurs points de ces contrées, la jeune fille ne consentirait pas à
-
prendre; un mari qui n'aurait pas son habitation, si bien que le plus
vif attrait de l'humanité pousse les jeunes, gens à de grands efforts de.
travail et d'épargne pour obtenir ce résultat. Mon illustre maître,
Le Play, 1 dont nous venons, il y a huit jours, de célébrer le glorieux
centenaire et d'inaugurer la statue dans le jardin du Luxembourg,
nous racontait un jour qu'au cours de ses voyages en Orient, il lui
avait été impossible de découvrir et de se faire indiquer, malgré
l'appât d'une récompense, une seule famille: qui n'eût pas la pro-
priété de son foyer.
Même dans notre pays, ces traditions sont beaucoup moins abanr
données qu'on n'est généralement porté à le ci;oire, quand on ne
porte pas ses yeux au delà de nos caravansérails parisiens, Vous me
pardonnerez peut-être de vous infliger quelques chiffres pour dissiper
cette légende. La France est tellement calomniée,. —- même et sur-
tout par ses propres enfants qui, par la littérature et le théâtre, la
noircissent comme à plaisir, — qu'il faut saisir toutes les occasions
de rétablir la vérité et de rendre.à notre pays, la justice à laquelle il
a droit.
Nous possédons, en chiffres ronds, 9 millions de maisons et
10700000 ménages, ce qui correspond en moyenne a 12 ménages
pour 10 maisons. Le fait général est donc l'unité de la famille, non
par logement, mais par maison. Ce n'est pas tout: les trois cuir
quièmes de ces: maisons sont habitées par leur propriétaire, qui les
occupe seul.
Ainsi en France, — on ne saurait trop le redire, ^-r presque toutes
les familles habitent seules dans une maison, et la moitié d'entre elles,
dans .une maison qui leur appartient. En Angleterre, ce fait est beau-
coup plus rare. Les Anglais ont cependant réussi à se donner l'au-
réole du peuple qui connait le mieux la douceur du chez soi, le charme
360 CONGRÈS DE NANCY
intime etpéhétrant du Home. « Or,: dit M. de Epvillé,-. ce ; foiyer,
c'est le peuple anglais, peuple de locataires et de voyageurs,.à qui il
manqué :1e plus, n'en déplaise à la légende,/et c'est/le peuplé français
auquel il; manque le. inoins. » ;M.; Aynard'ajoutëlquë:-;» les Anglais
parlent du Home,, comme nous', parlons de :1a; ifamilléLfrançaise /dans
nos romans. Ils prennent autant' de soin à se faire valoir .que; nous à
nous-.dénigrer. La-, vérité,.c'est que c'est en Fiance qu'existe réelle-
ment lé/fameux; floral anglais ».- : : ;;;//; :-::-;i:.y.:j'y :.'!.- //,:;::- "':•

-'' : :- "- r ; L'ENTASSEMENT- DANS LÉS; "VILÉES" -;: ''.'• '; -

/ Tel n'est^pasmalheureusemeht le spectacle que; nous donnent nos


grandes villes: Accrues par mille causes qu'il serait.trop long d'ana-
lyser ici,: drainant à leur profit les campagnes, déracinant lés; popula-
tions rurales, elles les ont entassées sur d'étroits espaces, où la valeur
du terrain n'a plus permis d'édifier des maisonnettes pour une
famille, mais a obligé à bâtir ces ruches.immenses, qui ne comporr-
tentplus quele foyer;instable et banal eàlocation.. .;-
. . :
Les; foules,' '-toujours, plus, à l'étroit, ne pouvant s'étaler : en: lar-
•-

geur," s'empilent en hauteur dans des logements superposés, comme


le sont les cabines des.passagers à bord des navires.;
Façonnées parle changement de nos meeurs, les familles aisées
s'accommodent encore de ce régime nomade:; maisilaurait profondé-
ment répugné à nos pères, accoutumés à passer leur vie dans'une
même-maison, «leur maison»,- qui avait vu mourir-les ancêtres,
naître lès-rejetons, et qui gardait les traditions de. la famille comme
un dépôt sacré, avec le souvenir des joies et des douleurs du passée,
des jours sombres et des jours heureux, « Nous avons changé tout
cela », suivant le mot de Sgartarelle. Nous ne faisons plus que tra-
verser de véritables hôtelleries, qui ne nous disent rien de notre
passé, ne promettent rien à notre avenir, ne garderont de nous nulle
mémoire, et qu'on croirait comme à plaisir disposées pour démora-
liser nos serviteurs et les coaliser contre nous. Dans nos étapes suc-
cessives, nous semons au vent des carrefours les lambeaux de notre
personnalité. "•'•-'-
CONFÉRENCE CHEYSSON 361
.Mais x'est pour les'ouvriers des agglomérations urbaines, et eii
particulier pour ceux de Paris, que ce régime des locations prend
un caractère déplorable, en. leur infligeant de véritables, souffrances
autrefois inco anues, fruits empoisonnés du: déracinement:rural et du
surpeuplement des villes.,/ .-'.,:... ; y
'.-l
.
La formation/dès-grandes villes est due à; tout un ensemble dé
;

causes1, dont -l'analyse rn'entrainerait trop loin, mais,dont une des


principales me paraît être: l'avènement de la;;maehine à-vapeur;.- avec
les facilités qu'elle, a données au déplacement/des hommes : et des

ouvrières. "."'-
choses, à la création de la grande industrie .et; aux agglomérations
,..;../ '•
Les cités sont un des puissants facteurs de la civilisation, un des
traits caractéristiques de. la physionomie des sociétés modernes, dont
elles sont la parure et l'orgueil; mais elles ont des côtés moins lumi-
neux- et présentent des dangers d'ordre matériel et moral, que
J.-J. Rousseau dénonçait déjà dans l'Emile:
y. «Les hommes, disaitril, ne sont point faits pour être entassés en
fourmilières, mais épars sur la terre qu'ik doivent cultiver. Plus ils
s'assemblent, plus ils se corrompent. Les infirmités du corps,: ainsi
que lés vices dé l'âmé, sont l'infaillible effet de ce; concours tropnom-
breux. L'homme est de tous les animaux celui qui peut le moins
•vivre en troupeaux. Des hommes entassés comme des moutons,
périraient en peu'de temps; L'haleine de l'homme est mortelle à ses
semblables ; cela n'est pas moins vrai au propre qu'au figuré. Les
villes sont le gouffre de l'espèce humaine. Au bout de quelques
générations, les races périssent ou dégénèrent : il faut les renou-
veler et c'est toujours la campagne'qui fournit à ce renouvelle-
ment^). »
Si Rousseau avait déjà raison, quand il
.
-..:.; : ,
cette tirade élo-
écrivait
.
-

quente, combien n'est-elle pas devenue d'une vérité encore plus


poignante, par suite de l'évolution industrielle et de. l'accroissement

.
des villes i
...
De. nos jours, Emile Verhoeren, le poète des Campagnes hallucir
;

i. Emile) liv. I, p. 36.


362 CONGRÈS DE NANCY
nées, a lancé des vers enflammés contre « la pieuvre ardente et la ville
tentaçuiaire »,
La statistique, après la poésie, vient à la rescousse pour.'-'condam-
ner ^ au point de vue de la démographie, les entassements urbains et
démontrer que les grandes villes sont des mangeuses d'hommes. Les
immigrants viennent s'y fondre comme le minerai dans le fourneau,
et s'il sort de ces fournaises humaines des lingots de métal pur,
combien ne rejettent^elles pas de scories et de déchets! combien ne
s'élabore-t-il pas dans leurs profondeurs de mélanges explosifs et
de vapeurs délétères, qui peuvent menacer la sécurité et la santé
publiques !

C'est précisément ce phénomène qu'il nous faut serrer de plus


près, parce que cette analyse nous fera apparaître le rôle du loge-
ment et nous conduira ainsi jusqu'au coeur même de notre sujet,
Les deux causes qui rendent particulièrement malfaisante l'in-
fluence des grandes villes sont le déracinement et le surpeuplement.
Et d'abord le déracinement.
L'homme a été comparé avec raison à un arbre qui plonge ses
racines dans le sol. Le jour où il quitte son village pour la ville, il
souffre comme un de ces pauvres arbres déracinés, qu'on essaie de
transplanter sur nos boulevards et qui vont y jaunir tristement, puis
y mourir, avant la nostalgie de la forêt natale et lentement empoi-
sonnés par un air chargé de miasmes et par les sucs meurtriers du
sous-sol urbain.
Oui, c'est bien, à mon avis, le déracinement qui est la cause
profonde, la cause première de tout le malaise social; il est au fond
de chacune de ses manifestations et l'on parviendra toujours à l'y
retrouver, pourvu que l'on sache creuser assez profondément pour
l'y découvrir..'.....
Nous sentons tous confusément cette souffrance ; tous, nous
avons une aspiration inconsciente vers la terre, vers la verdure, vers
le soleil, qui nous manquent et qui sont cependant indispensables à
l'épanouissement de notre vie.
De là, cette joie ingénue que nous cause la vue de la nature ; de là
CONFÉRENCE CHEYSSON 363
notre goût pour les excursions à la campagne. Quand nous retrou-
vons la forêt, la prairie, les fleurs, nous éprouvons l'apaisement de
l'enfant que calme le sein de sa nourrice.
L'amour de Jènriy l'ouvrière pour les balcons fleuris et le. succès
des jardins ouvriers ne s'expliquent-ils pas par ce besoin instinctif du
contact avec la nature et par ces aspirations confuses vers un peu de
détente, d'idéal et de poésie, qui tourmentent dans leurs profondeurs
obscures ;.ces pauvres gens courbés sous la dure loi du labeur quo-
tidien ?
Mais ces trêves du retôurà la bonne mère nature sont extrême-
ment rares pour les ouvriers de nos grandes villes. Trop souvent,
entassés dans des bâtisses sans air, dont beaucoup de chambres mal
éclairées ne respirent que sur des courettes infectes, ils souffrent de
toutes les horreurs du surpeuplement. Le proverbe qui affirme que
« le soleil luit pour tout le monde » est pour la plupart d'entre-eux
une cruelle dérision. A Paris plus de 20 000 familles, chargées d'en-
fants et repoussées par les propriétaires, sont parquées dans des
bouges hideux, qui ne sont pas plus l'abri ou le nid de la famille
qu'un haillon n'est à mi vêteinent.
M. Barbey nous disait hier, avec sa vibrante éloquence, ce que
sont ces bouges ; mais leur description,; même faite par un incom-
parable orateur, ne peut en remplacer la vue directe. Il faut les
voir soi-même, et, une fois qu'on les a vus, on ne peut plus les
oublier. Cette évocation sinistre nous poursuit.à l'état d'obsession
au milieu même des plaisirs et des fêtes, comme le. spectre, de
Banco, et l'on songe alors au mot de La Roçhefoucault : « En pré-
sence de certains spectacles, on a le remords d'être heureux ! »

"I :
' -,.-:.-.
LES DANGERS DU TAUDIS

Ce n'est pas impunément que se produisent de pareils désordres.


Tout se paye et le taudis prend de cruelles revanches, non seulement
contre ceux qui l'habitent, mais encore contre la société tout entière.
364. CONGRÈS DE NANCY

rt) Sàntë et moralité dés habitants du taudis ' '

.Et; d'âbord:i:. sur ses. malheureux .habitants, ,1e--..taudis, exerce ses


,-_
ravages ;en atteignant leur, santé .et-en les décimant.prématurément.
-Le; taux-de mortalité s'exagère; dans.te et il. sert
pré-C.iséinent de.;jçritérium-dans-.la -plupart- des lois —^^notamment
dans la: loi anglaise et la loi^française -^ pour.; l'applicarion .des
mesures sanitaires qui incombent aux municipalités.
Siil'on dresse à la même échelle deux cartes des vingt arrondisse-
.
ments de Paris ,et-. si l'on teinte en couleurs /dégradées :. l'une,
d'après: les-divers taux.de mortalité;; l'autre, d'après le prix moyen
des loyers, on est-frappée de-leiîr coïncidence. La mortalité et la
qualité de l'habitation sont d^ns une, dépendance étroite.
Le casier sanitaire de, la ville de Paris vient confirmer d'une façon
.,.
:
.
-éclatante ces; constatations. Les belles études de M. Juillerat ont
démontré que si la mortalité moyenne par tuberculose-estde 5 pour
.1000 habitants,-.elle.s'élève dans 829 maisons à près du quadruple
(19.26).
« Ilexiste.à Pârisi dit cet auteur, des foyers tuberculeux intenses,
qui/rayonnent autour, d'eux.et qui sont constitués par la maison
.ellermême. La. tuberculose revient sans cesse dans ces maisons funè-
bres et elle y existe à peu près à demeuré. On doit chercher, dans
la maison elle-même, la cause ou tes causes de la persistance de la
maladie. Ces, causes ne sont pas extérieures, elles résident dans l'im-
meuble lui-même (*.). » ' -.;. -. ..."
L
Il est. impossible qu'on se résigne à tolérer plus longtemps l'exis-
tence de ces maisons, qui condamnent en quelque sorte leurs habi-
tants à mort et qu'on a pu comparer à de « véritables abattoirs
humains ».

1. Les belles recherches du Dr Bertillon l'ont conduit a dés résultats analogues pour
Londres.
. «
A'Londres, dit-il, la phtisie est deux fois plus fréquente dans les areas, o'.\ les, loge-
ments « encombrés » sont nombreux, que dans ceux où ils-sont rares » (Principales muses
de décès à Paris, 1814-1965). Y ' '
.
Mêmes constatations pour Berlin, New-York.
. ... Y
CONFÉRENCE CHEYSSON .365
Ce n'est pas seulement par une augmentation,de la mortalité
que le taudis faifcsentirusa- fnnesteulnflueiice^ mais c'est aussi par
ses atteintes graves à la moralité de ses habitants. Ses murailles,
empuanties; dégagent;' en effet, un double poison': teY corps
s'y étiole et le corps s'y dégrade/ Repoussé par ce;logis' inhospi-
talier' où tout lé' choque et"'-le blesse,- le père de 1 fuit poùt; ^àlter
chercher ailleurs de malsaines et coupables distractions'.—«Le:
taudis, a dit éiiérgiquèmeht Jules Simon, est'- lé pourvoyeur du
cabaret.» • '
•"'' -••' '"''''-.' - -Y/:////--:/.:,;//;;;';
Moii ami "Barbey vous a Jdi-t: hier la- fascination: de èé mauvais
Heu sur ces pauvres phalènes qu'il attire^par;ses ;lurnièresYaveu-
glantes, coirime aussi par "là promesse' mensongère de leur pro-
curer l'oubli de leurs' maux ; ils' y cherchent,'-en outre; là satisfke-
tion d'un besoin inné de sociabilité; enfin, ils vont y demander
à l'alcool une chaleur artificielle, qu'il leur fait, hélas ! payer bien
cher.
Pendant ce temps, que dévient la famille privée de-la-direction
de son chef et des ressources qu'il absorbe pour assouvir: sapassiori?
Le ménage se disloque et se désagrège. Il ignore tôû-tës -ces institu-
tions de mutualité et d'épargne qui te mettraient à l'abri dès crises
de la vie ; mais comment espérer un effort de prévoyance de la part
d'un alcoolique qui, asservi par une passion tyrannique, a perdu
toute maîtrise de lui-même, s'enferme dans te présent et n'a pas le
courage de songer' à l'avenir ? La famille est donc à la merci du pre-
mier incident qui fondra sur elle et qui l'entraînera dans une irré-
médiable déchéance.
Quant aux enfants, ils sont les plus déplorables -viêtimes du tau-
dis : privés de soins éclairés, atteints de tares héréditaires, ils sont
en général décimés de bonne heure.; ceux qui survivent, livrés à
l'éducation du ruisseau,'mènent une vie misérable et sont voués
aux pires déchéances dans l'ordre physique et moral.
Il serait facile d'allonger cet acte d'accusation contre le taudis.
Pour l'avoir vu de près, je le dénonce à votre indignation. Il est la
source empoisonnée de toutes nos misères, il est un mangeur de vies
humaines, il est le péril national !
366 CONGRÈS DE NANCY.

b) Santé et sécurité publiques


Si lugubre qu'il soit, ce dossier n'est pas encore complet : il faut
tourner te feuillet. J'ai maintenant à vous montrer l'action du taudis
s'élargissant au delà de son cadre et répandant ses ravages sur la cité,
puis sur le pays tout entier./
La santé publique^ celle des riches comme, celle des pauvres, est
sous l'influence du taudis. Les germes qu'il dégage s'en vont, chassés
par le vent, porter-la contagion jusque dans les quartiers les plus
brillants et dans les profondeurs des demeures les plus luxueuses. Si
nous étions encore sous un régime monarchique, on pourrait dire
de ces germes de mort émanés du taudis, que :

La garde qui veille aux barrières du Louvre


N'en défend pas les rois.

" Ce n'est pas tout encore. En même temps que la santé publique,
la sécurité générale est mise en péril. «Il faudrait, a dit le,Dr Du
Mesnil, un véritable héroïsme pour ne pas contracter dans les
bouges la haine de la société. »
Cette épidémie de haine sociale n'est pas moins dangereuse que
la contagion de la tuberculose ou de la fièvre typhoïde. Ces haines
peuvent amener de redoutables explosions. Imprudents ceux qui
dorment à côté de ces cratères, d'où peuvent à chaque moment
jaillir des forces longtemps comprimées, pour venir brusquement
semer la ruine et la mort, non seulement dans les malheureuses
familles qu'abrite le taudis, mais dans le pays tout entier !
Nous sommes donc liés à ces malheureux par une étroite solida-
rité de fait, qui ne permet à aucun de nous de se désintéresser de
ces douloureux,problèmes et de les repousser comme importuns.
Que nous le voulions ou non, nous sommes obligés de compter
avec eux, soit par un calcul égoïste de préservation personnelle,
suit plutôt, — et c'est là le mobile auquel nous obéissons tous
ici, — par l'amour de nos semblables et le sentiment élevé du devoir
social.
CONFÉRENCE CHEYSSON 367

.
c) Le rôle dé la maison vis-à-vis de la famille
C'est ainsi que, par ces différents chemins qui convergent, nous;
sommes amenés à reconnaître l'importance sociale de l'habitation et
à comprendre la place prépondérante qu'elle mérité dans les préoc-
cupations de l'opinion publique et des Parlements,
Cette importance apparaît avec une netteté encore plus lu-mineuse,
si l'on envisage les rapports étroits qui existent entre la famille et la
maison.
La famille, c'est la véritable molécule sociale : ce n'est pvis d'indi-
vidus qu'une nation est composée, mais de familles. En: soudant
bout à bout des chaînons éphémères, la famille forme une chaîne
indéfinie qui relie les générations à travers les siècles. Suivant le
mot profond de Taine, elle est le seul remède qu'on ait trouvé
contre la mort. • ./',:'
C'est de la solidité . ou de la désagrégation de la famille que dépen-
dent la prospérité ou la décadence générales : tant vaut la famille,
tant vaut la nation.
Or, cette famille n'est pas une abstraction. Elle ne peut pas rester
en l'air : elle a besoin de prendre pied sur le sol pour y trouver une
enveloppe, un abri, un nid. Cette enveloppe,; cet abri -, ce nid, c'est
la maison. Elle est mieux encore qu'un nid pour la famille : elle est
son alvéole, sa coquille et comme le prolongement de sa person-
nalité.
C'est là ce qui donne à la maison un rôle pour ainsi dire humain,
puisqu'elle participe à la vie de la famille elle-même.
D'après un vieil adage latin : l'esprit sain habite un corps sain.
On peut de même affirmer que l'on ne saurait concevoir une
famille saine dans une maison malsaine. L'insalubrité de la maison
réagit fatalement sur la famille et, par elle, sur la nation tout
entière.
C'est pour cela que l'Alliance d'hygiène sociale a mis l'habitation
au premier rang de ses préoccupations et en tête de son programme.
Cette question est en effet comme une sorte de carrefour, où se ren-
368 CONGRÈS DE NANCY

contrent, pour se donner la main, toutes les Fédérations que groupe


l'Alliance. Toutes ont affaire à' ce même ennemi .;,;toutes aussi ont
intérêt à concerter leur action, pour lui livrer un suprême et décisif
assaut,/Elles tenteraient une oeuvre vaine en cherchant à venir à
bout des divers fléaux qu'elles ont là spécialité de combattre, si elles
ne s'efforçaient d'en/tarir ensemble: la source commune. Comment
épuiser le tonneau des Danaïdes, si le taudis le. remplit plus; vite
encore que ne peut tevider chacune de ces Fédérations ?
C'est donc à juste titre que M. Bourcart déclarait hier, dans un
rapport justement remarqué, que « la question de l'habitation est
le centré de la question sociale, et que le jour où cette question sera
résolue, un pas décisif et gigantesque aura été fait vers la solution
de la question elle-même. » -.

II
LES REMÈDES AU TAUDIS

Cette question du taudis peut-elle être résolue ? '/


Si je ne croyais pas à cette possibilité, je me serais bien gardé
d'évoquer devant vous toutes ses tristesses et toutes ses misères, sur
lesquelles j'aurais du par charité jeter un voile. Quand on est en face
d'un malade incurable, On n'a pas le droit d'insister sur l'horreur dé
son mal et la charité commande de se borner à lui adresser quelques
paroles d'espérance et de consolation.
Ici, Dieu merci ! nous sommes en face d'un mal curable : pour le
guérir, il suffit de vouloir.
Quels sont les moyens à employer dans ce but? Ils forment la
seconde partie de ma conférence ; mais eu égard au temps qui me
reste et à la vaste étendue de ce sujet, je serai forcé d'être très bref
et de me contenter d'une sorte de table des matières, dont je vous
prie d'avance d'excuser la sécheresse.
J'examinerai : d'abord, le programme d'action; puis, lé personnel
auquel incombe la lâche de le réaliser. Telles seront les deux divi-
sions de cette seconde partie.
CONFÉRENCE CHEYSSON 369

A) LE PROGRAMME

Et d'abord, le programme. Il est indiqué par la nature du mal


lui-même : puisque le mal provient de l'insalubrité de la maison; il '
faut procurer à l'ouvrier une maison..saine, et salubre,:
.-;

à) Les maisons neuves


Le procédé le plus radical est de. construire des maisons neuves et
de toutes pièces, en prenant son parti entre les deux types ; celui de
la maisonnette isolée, pour une seule famille qui peut en devenir
propriétaire, et celui de la maison collective, à logements multiples
cédés à titre de simple location.
La première solution, la plus séduisante, comme aussi la plus effi-
cace au point de vue social, est un idéal qui ne convient qu'à une
élite de familles privilégiées. La maison collective est, au contraire,
pour les villes, la solution générale ; mais elle ne doit, — ni de près
ni de loin, •—rappeler « la caserne », d'odieuse mémoire. Elle sera
traitée avec un profond respect, à la fois, de l'hygiène et de la
dignité des familles qu'elle abrite.
Avec notre cher et vénéré doyen, Emile Trélat, que je salue ici
en votre nom, et avec tous les maîtres de l'hygiène,, les Du Mesnil,"
Brouardel, Letulle, Juillerat, Rey et tant d'autres que je ne puis
citer, nous demandons que l'on mette à la disposition des habitants
« les facteurs naturels de la santé et delà vie », c'est-à-dire l'air, l'eau
et le soleil. Nous voulons, au lieu de cette courette puante où l'air
est stagnant, des cours ouvertes, balayées par de larges courants d'air.
Nous faisons la guerre aux couloirs sombres. L'escalier doit être une
sorte de rue verticale, puissamment éclairée et aérée. Les habitants
doivent avoir l'illusion d'occuper une maison isolée, grâce à la sup-
pression des couloirs sombres et au petit nombre de portes ouvrant
sur chaque palier.
Nous avons surtout de terribles exigences sur la lumière et nous
prendrions volontiers pour devise le mot de Goethe expirant : « Tou-
C0NG1U-S DE NANCY 24
370 CONGRÈS DE NANCY
jours plus de lumière. » Il nous faut aussi beaucoup d'eau : sans
eau, pas de propreté, pas de salubrité, pas de moralité. Un des meil-
leurs moyens de combattre la tuberculose et l'alcoolisme, c'est d'in-
troduire l'eau à profusion dans le logement populaire.
En un mot, nous avons: à imposer aux constructeurs de l'avenir
tout un programme de conditions que nous jugeons essentielles, non
seulement à la salubrité de^l'habitation, mais encore à son agrément
et à son confortable et dont j'ai tracé ailleurs un tableau détaillé (I).
Nos exigences ne s'arrêtent même pas au confortable et à la salu-
brité, elles vont jusqu'à demander pour nos clients populaires cer-
taines jouissances d'art, qui embellissent et leur logement et leur
mobilier. Eux aussi, dans une mesure à déterminer, ont droit à
cette part d'idéal, qui est restée jusqu'ici le privilège des classes aisées,

b) L'assainissement des maisons existantes


"Certes, la solution des maisons neuves est radicale et excellente,
mais elle a l'inconvénient d'exiger des capitaux énormes. On estime
en France nos maisons à 60 milliards. Elles représentent l'oeuvre
accumulée de nombreuses générations. On ne peut songer à les
démolir toutes et à les refaire à nouveau : ce serait une entreprise
insensée au point de vue esthétique et financier. D'autre part, jusqu'à
ce que ces maisons existantes aient disparu de leur mort naturelle',
on ne saurait se résigner à leur insalubrité. Dans la campagne en
faveur de l'habitation saine, il est donc indispensable de faire une
part et une large part à l'assainissement des maisons existantes.
C'est un des procédés auquel on n'a pas suffisamment recouru dans
notre pays et que je voudrais y voir appliqué sur une grande échelle.
Il est très, employé en Angleterre, où il a rendu justement célèbre
le nom d'une femme de coeur, Miss Ottavia Hill, qui a obtenu dans
cette direction d'admirables résultats.
Ce procédé a reçu en France quelques rares applications, d'ail-

1. Le confortable du logement populaire, par M. E. CHEYSSON. (Premier Congrès de l'as-


sainissement de l'habitation. Paris, 1905.)
CONFÉRENCE CHEYSSON 37I
leurs très encourageantes. M. le D\ Letulle nous a cité celle qui est
due à « une. sainte laïque »•.-r- le mot est de-lur-^ Mlle Chaptal, qui
en a-tiré un merveilleux parti dans le quartier de Plaisance, où elle
a transporté le quartier général de ses opérations charitables. -.-.•;
C'est une. méthode à généraliser. S'il demande moins de millions
que la construction de maisons neuves, en revanche, il exige, du
côté de l'-aetion publique, beaucoup de fermeté chez les autorités
sanitaires, et du côté de l'initiative privée, dans sa forme indivi-
duelle ou collective, beaucoup de dévouements et surtout de dévoue^
ment féminin (!).

c) La formation de la ménagère
Que ce soit par l'un .ou l'autre des deux moyens en présence,
nous nous sommes ainsi procuré des maisons sahibres ;• mais nôtre
oeuvre sera vaine, si le locataire vient à infecter ces logements, que
nous lui avons livrés sains ou assainis.
Il y a, en effets deux sortes d'insalubrité : l'une, qui est constitu-
tionnelle; l'autre, acquise ;, la première qui tient à l'habitation; la
seconde à ses habitants. Après avoir dénoncé la part de responsabi-
lité qui revient à la société dans le taudis, j'insiste maintenant sur
celle qui revient à la femme.
Donnez à une mauvaise ménagère un cottage,, confortable et
ensoleillé : elle aura tôt fait de le transformer en bouge. Une bonne
Flamande, au contraire, saura s'ingénier pour lutter contre l'irisa?
lubrité de son logement et parviendra encore, par un miracle d'in-
dustrie, à y faire, régner l'hygiène, l'ordre, la propreté.
Tout dépend donc de la qualité de la femme : elle est le bon ange
ou le mauvais génie de la famille ; elle fait sa prospérité ou sa ruine.
Je disais tout à l'heure : « Tant vaut la famille, tant vaut la nation ! »
Et je dis maintenant : « Tant vaut la femme, tant vaut la famille ! »
La femme est toute-puissante à la fois pour le bien et pour le mal.
Nos Ligues, nos Fédérations, nos Alliances ne peuvent se passer de

1. Voir L'Assainissement des maisons existantes, par M. E. CHEYSSON. 1904.


372 CONGRÈS DE NANCY

son concours; Si la femme ne les aide, leurs efforts seront voués à une
stérilité, certaine. Embusquée dans son. taudis, comme dans un fort
Chabrol, la femme déjouera victorieusement tous nos efforts contre
la tuberculose, l'alcoolisme, la mortalité infantile, en un mot contre
la misère sous toutes ses formes. Si, au contraire, nous ayons su
mettre dans notre jeu cette bonne ménagère, qui remplit ses devoirs
:
augustes d'épouse et de mère, notre tâche est singulièrement facilitée
et nous sommes sûrs du succès.
C'est ce que disait, avec une éloquence prophétique,Jules Simon,
quand il s'écriait : « Pour sauver le pays, donnez-nous des mères !»
Nul besoin n'est aujourd'hui plus pressant que celui-là. Tous les
peuples autour de nous l'ont bien compris et nous les ..voyons orga-
niser, à l'envi, l'enseignement ménager à ses divers degrés pour for-
mer des épouses et des mères. Nous commençons, à notre tour, à
entrer dans ce mouvement. Il importe que toutes les nobles initia-
tives prises dans ce sens soient coordonnées et généralisées, de ma-
nière à nous doter de ménagères qui sachent maintenir à l'état de
salubrité le logement sain que nous aurons mis à leur disposition, et,
par là même, assurer à leur famille la santé, le bien-être et la paix(I).

B) LE PERSONNEL

J'arrive maintenant à la dernière partie de cette conférence : il


s'agit, après avoir déroulé le programme de l'action, de savoir quel
.sera le personnel chargé de le réaliser.
La tâche étant immense, nous aurons à faire appel à toutes les
forces vives du pays sans en négliger aucune. Nous nous tiendrons
à l'écart de ces intransigeances opposées, qui professent le « tout à
l'État » ou le « rien à l'Etat » ; mais nous chercherons à combiner
harmonieusement, chacune dans sa sphère, l'action publique et l'ac-
tion privée. Ce sont deux puissants facteurs qu'il faut concerter,
bien loin de les opposer l'un à l'autre : si l'action publique a pour

i. Voir L'Enseignement ménager, par M. E. CHEYSSON (Jiconomislc français, 15-22 octobre


et 12 novembre 1904.)
' CONFÉRENCE CHEYSSON ' 373
.

elle l'autorité, les ressources, l'ubiquité, l'action privée bénéficie


d'une souplesse, d'une élasticité et d'une chaleur qui lui permettent
d'adapter les solutions aux exigences de chaque cas particulier.

a) L'État '_

Quel rôle assignerons-nous à l'Etat dans la campagne pour le


logement sain ?
Nous lui demanderons, d'abord, de faire des enquêtes destinées à
établir l'inventaire de la situation actuelle. C'est l'auscultation du
médecin qui précède le traitement. Il faut connaître le mal pour en
découvrir le remède et, quant au mal social en particulier, il.ne
persiste le plus souvent que grâce à notre ignorance. Dès qu'on a pu
le voir tel qu'il est et le mesurer dans ses lugubres réalités, il pro-
voque comme une sommation de la conscience publique qui en
exige impérativement le: remède. C'est ainsi que l'Angleterre, la
Belgique, ont procédé à leurs grandes réformes sociales. Pour un
peuple, l'enquête exacte et courageuse, qui voit tout et dit tout, est
un de ces examens de conscience qui préparent les résolutions géné-
reuses.
L'Etat ne nous doit pas seulement les enquêtes de ce genre. Nous
lui demanderons, en outre, d'organiser ces transports puissants et
économiques qui permettent de décongestionner les capitales et à
leurs ouvriers d'aller, leur journée de travail finie, retrouver un
logis hygiénique dans la banlieue, là où la terre, l'air et la lumière
sont à meilleur compte que dans la cité.
Toute une autre série de mesures excellentes, qui dépendent
encore de l'État, doivent encourager le mouvement des habitations
à bon marché par des immunités fiscales, des facilités de crédit.
Telle est précisément l'oeuvre de la loi du 30 .novembre 1894, que
notre reconnaissance a justement appelée « loi Siegfried » et qui
vient d'être heureusement amendée par la loi du 12 avril 1906, due
en partie à l'initiative d'un autre de nos éminerits amis, M. le séna-
teur Strauss.
Nous n'en avons pas encore fini avec nos exigences envers l'État*
374 CONGRÈS DE NANCY
Il a des. devoirs impérieux de police à remplir envers l'habitation :
Une peut pas plus laisser mettre en location des maisons contami-
nées que débiter par des marchands dés aliments frelatés et dànge^
reux. Il est armé par la loi sanitaire du 15 février 1902, auquel il ne
manque, pour être excellente, que d'être résolument appliquée. Il faut
espérer qu'elle n'aura pas le sort de sa devancière de 1850 et que les
municipalités, d'une part,~Padministrâtion centrale, de l'autre, sau-
ront user en faveur de l'hygiène et de la salubrité des pouvoirs que
la loi met en leurs mains.
Enfin, nous attendons de l'État cette réforme de ^expropriation
qui permettra de conjurer les scandaleux abus provenant du jeu de
la loi actuelle. Nous demandons, qu'à l'exemple de l'Angleterre, le
propriétaire exproprié ne puisse pas asseoir un.bénéfîcè sur l'insalu-
brité de sa maison; mais qu'on déduise de la valeur de cet immeuble
lé montant des dépenses qu'il faudrait faire pour le mettre: en règle
avec la loi sanitaire. On doit, en un-mot, concilier ces-deux principes,
fondamentaux des sociétés humaines ': la santé publique et la pro-
priété, en combinant ces deux lois qui semblent s'ignorer aujour-
d'hui : la 'loi sanitaire et la loi d'expropriation. A cette condition
seulement, on pourra donner aux opérations de voirie l'ampleur
qu'elles réclament-, et devant laquelle hésitent aujourd'hui les muni-
cipalités, justement alarmées par les exagérations du-jury.
~ Des voeux ont été émis dans ce sens par le conseil supérieur des
habitations à bon marché et par le congrès international de la tuber-
culose, sur la motion de notre illustre président, M. Casimir-Pe-
rier, de MM. Léon Bourgeois, Brouardel, Strauss... ; enfin, il vient
d'être renouvelé dans notre congrès, sur le remarquable rapport de
M. Bourcart et après la brillante discussion qui l'a suivi.

:j: V) Le patron
Après l'action publique, l'action privée.
Je commence par invoquer le concours des patrons. J'ai constaté
tout à l'heure l'étroite solidarité qui nous unissait tous sur cette
question de l'habitation et qui ne permettait à aucun de nous de
CONFÉRENCE CHEYSSON .375
s'en désintéresser. Mais cette conclusion est surtout vraie pour le
patron. Comment pourrait-ilespérer là collaboration dévouée de
cet ouvrier, soumis à la torture d'unlogement.infect et qui^ rentrant
au logis, y puise des sentiments de haine coiitre la société en général
et contre l'usine en particulier? Cette haine, dont' le taudis est là
source, il la répandra autour de, lui et dès qu'il en trouvera Poccasion,
il la manifestera par le « sabotage » ou par la grève. Le patron doit
vivre en paix avec son personnelj sous peine d'être brisé par les
tiraillements intérieurs ou par le choc de la concurrence'étrangère;
-
Le meilleur moyen de pacifier les ouvriers, c'est dé leur assurer le
bienfait d'un logement salùbre et confortable. Aussi n'ëst-il pas de
question qui mérite à un plus haut degré les préoccupations dès
industriels : il y va pour eux non seulement des bons rapports avec
leur personne^ mais encore delà prospéritéde leurs affaires. Ils sont
donc obligés de résoudre ce problème non moins par leur intérêt
bien entendu que par leur devoir social; - ." •;
Il serait trop long d'exposer les divers procédés que peut employer
le patron en vue de ce résultat et je me borne à les indiquer: d'un
mot. Il peut, à l'état individuel, construire des maisons pour ses
ouvriers ou leur faire des avances hypothécaires afin qu'ils les
construisent euxTinêmes, d'après des plans faits en quelque sorte sur
mesure et à leur taille. Il peut, au contraire, se grouper avec d'autres
patrons pour édifier des cités ouvrières mises à la disposition dés
travailleurs avec ou sans promesse de vente. Enfin, il peut s'effacer
derrière une société coopérative, à laquelle il laissera la responsabilité
de l'action, tout en l'aidant de ses conseils et de ses capitaux (I).
Chacun de ces systèmes a ses avantages et ses inconvénients.
C'est à chaque patron à faire choix de celui qui lui semblera le
mieux approprié à la mentalité de ses ouvriers, à ses rapports avec
eux et aux convenances du milieu.
En tous cas, ils devront s'inspirer de l'exemple de ces grands
patrons modèles d'Alsace, qui proclamaient, avec l'illustre Jean

i. Vlnleiventioii patronale en matière de logements ouvriers, par M. E. CHEYSSON {Bulletin


de la Société française des Habitations à bon marché. 1907).
376 CONGRÈS DE NANCY
Dollfus, que « l'on doit à l'ouvrier plus que le salaire », et dont
l'exemple qu'ils nous donnent à deux pas de là frontière ne peut être
invoqué auprès de leurs collègues français, sans éveiller parmi eux
une vibration émue de douleur patriotique, de respect et d'admira-
tion. •
:
._
c) L'ouvrier
J'arrive maintenant au rôle des ouvriers. Ce rôle';-ne peut pas né
pas être considérable dans une question qui met en jeu leur intérêt
direct et celui dé leur famille. Il est surprenant qu'ils se passionnent
pour tant d'autres problèmes plus lointains, pendant qu'ils semblent
ignorer celui qui touche de si près aux profondeurs de leur bonheur
domestique. -

Leurs camarades anglo-saxons se sont montrés plus avisés sur ce


point. On est à la fois stupéfait et émerveillé des prodiges qu'ils ont
accomplis dans cette direction par leurs simples efforts, sans rien
dëmancler ni à l'État, ni aux patrons. C'est par milliers de maisons
et par centaines de millions que se mesure l'oeuvre vraiment gigan-
tesque des Buildings Societies anglaises et américaines : grand exem-
ple à méditer par nos ouvriers français.
Je suis heureux de constater qu'un courant très manifeste com-
mence à s'accentuer chez nous dans ce sens, c'est-à-dire en faveur
de la forme coopérative dans les sociétés d'habitations à bon marché.
Les patrons y trouvent l'avantage de s'épargner des interventions
directes' qui, malgré les meilleures intentions, peuvent courir le ris-
que de ressembler à des ingérences indiscrètes dans la vie privée de
leur personnel.
Quant aux ouvriers, au lieu de se résigner à un rôle purement
passif dans une matière qui concerne leurs plus chers intérêts, ils
apprennent, par la coopération, à faire leurs affaires eux-mêmes, à
mesurer les responsabilités d'une gestion administrative et commer-
ciale et à se familiariser avec les habitudes viriles de l'initiative per-
sonnelle et de la liberté.
A côté des ressources à provenir des caisses publiques ouvertes a
ces sociétés coopératives par la loi du 12 avril 1906 sur les habi-
CONFÉRENCE CHEYSSON - 377
tarions à bon marché et par celle du 20 juillet 1895 sur les caisses
d'épargne, les patrons peuvent et doivent intervenir-très utilement
pour'les alimenter à'titre d'obligataires. Plusieurs d'entre eux et des
plus éminents l'ont fait et n'ont eu qu'à s'en'louer.

.' d) L'architecte

A la suite de ces trois grands facteurs, l'État, le patron,'l'ouvrier,


que Pon rencontre dans toutes les questions sociales, nous avons
encore besoin d'enrôler d'autres concours dans cette grande croisade
en faveur de l'habitation populaire. Je vais me borner à les passer en ,;
revue, sans commentaires, à la façon d'un dénombrementde ^Iliade.
J'interpelle d'abord les architectes, qui doivent obéir à une orien-
tation nouvelle.' L'avènement de la démocratie doit avoir son contre-
coup sur nos constructions. L'observation a partout établi que l'as- :
pect des maisons décèle, aux passants, l'état social et politique de
ceux qui les occupent. Le château, orgueilleux et hautain, dont les
tours semblent défier le ciel, fait pressentir le seigneur omnipotent
sur son domaine; tandis que, sous la chaumière humble et basse qui
semble se cacher furtivement dans les replis du sol, on devine le
serf craintif et courbé, qui se fait tout petit et cherche à se dissi-
muler pour échapper aux exactions du collecteur d'impôts. -
Or voici qu'une révolution s'est accomplie dans le principe de ia
souveraineté, qui repose désormais sur le peuple. Elle a eu sa réper- -
cussion dans toutes les directions et doit, à son tour, s'affirmer dans
nos maisons. L'architecture est tenue, elle aussi, de se démocratiser,
de se mettre, au service du peuple, comme elle s'était mise jadis au
service des Médicis et des Louis XIV. L'hygiène et le confort relatif
ne peuvent plus être le privilège exclusif de la richesse. L'art lui-
même, — ce luxe, qui ne coûte rien à l'artiste que du talent et du
génie, s'il a reçu ce don en partage, — l'art, je le répète avec insis-
tance, doit ajouter son prestige au charme domestique de l'habi-
tation salubre et confortable'. Le travailleur a droit, lui aussi, à la
beauté, la beauté dans les lignes de son logement, la beauté dans
celles de son mobilier. Ruskin la réclamait déjà pour lui et Ruskin
.
378- ' CONGRÈS DE NANCY
avait raison. Il faut que son voeu de poète et d'artiste devienne une
belle et bonne réalité. "
-
C'est une modification profonde à faire dans l'éducation de l'ar-
chitecte et dans l'orientation de son idéal. Il doit être initié aux
secrets du confortable pour le logement populaire, et dans ce but,
descendre des hauteurs" sacrées des temples grecs et des somptuosités
des palais pour fréquenter les foyers les plus humbles. Là, il étudiera
les moeurs des ouvriers et s'identifiera avec eux, pour bien se rendre
compte des exigences de leur vie domestique, pour analyser les gênes
et même les souffrances que leur inflige leur habitation. Cette étude
et cette fréquentation intime lui feront aimer ces braves gens et lui
inspireront la noble ambition de contribuer à leur bien-être dans sa
sphère d'action et dans la limite de son pouvoir qui est considérable
pour l'aménagement du foyer domestique.

e) Le médecin et l'hygiéniste
Après les architectes, nous appelons à notre aide les médecins et les
hygiénistes. A eux de nous tracer les règles que nous devons suivre,
non seulement pour l'établissement de nos maisons, mais encore pour
leur exploitation et leur bonne tenue, en vue de préserver contre
toute atteinte la vie des petits enfants, cette graine si rare et si pré-
cieuse, la santé des parents, et la capacité de travail du père qui est à la
fois une richesse pour les siens et pour le pays, c'est-à-dire de main-
tenir l'équilibre physiologique, économique et moral de la famille,

f) Les caisses d'épargne et les bureaux de bienfaisance


Nous ferons encore appel aux caisses d'épargne et aux bureaux de
bienfaisance, pour obtenir leur concours moral et financier, dans la
limite que leur permet la loi du 12 avril 1906.
En Belgique, la caisse générale d'épargne et de retraite a pris
résolument la tête du mouvement et avancé plus de 60 millions aux
sociétés de construction et de crédit. Nos caisses françaises n'ont usé
qu'avec beaucoupplus de discrétion des facultés que leur ouvrait la loi.
CONFERENCE CHEYSSON 37^
Les bureaux de bienfaisance se sont montrés plus réservés encore.
Il semble cependant que leur devoir soit tout tracé par l'évolution
qu'est en train de subir partout l'assistance.
L'assistance peut se donner un triple: but : celui d'empêcher ses-
clients dèmourir de faim ; celui de les relever ; enfin celui de prévenir
leur chute. Ces trois buts d'humanité, de relèvement et de préven-
tion, marquent autant d'étapes ou plutôt d'échelons dans l'oeuvre de
l'assistance. S'il est bon de venir au secours de l'homme qui ne peut
plus subvenir à ses besoins, il est meilleur de le relever quand il est
tombé, d'opérer son sauvetage définitif et de le mettre en mesure
de se suffire désormais à lui-même.. Mais ce qui vaut mieux encore,
c'est de lui épargner la chute initiale, dût-elle rester unique, et de le:
maintenir debout par des habitudes de prévoyance,et de bonne tenue
familiale.
Cette • dernière forme, la prévention, apparaît de plus en plus
comme celle vers laquelle il faut tendre de tous nos efforts^ pour dila-
ter le plus possible le domaine de la prévoyance aux dépens dé celui
de l'assistance. C'est celle que vient de proclamer avec solennité le
congrès qui se tenait, il y a quelques semaines, du 23 au 28 mai, à.
Milan, sous la présidence de notre illustre président, M. Casimir
Perier.
.
Le présent congrès a donné son éclatante adhésion à ce même
principe, auquel il a reconnu l'avantage de concilier le maximum de
résultats avec le minimum de sacrifices et de respecter la dignité des
assistés, désormais associés à leur sauvetage et à leur préservation.
Comment aurait-il pu en être autrement dans cette ville de Nancy,,
où le bureau de bienfaisance a pris dans ce sens de si intelligentes ini-
tiatives ? Nous saluons avec respect M. Lallemand, son vénéré vice-
président, dont le nom restera attaché à cette nouvelle orientation.
Nous espérons que, propagé par ie retentissement même que va
lui donner notre congrès, cet exemple sera contagieux pour les
autres bureaux de bienfaisance. Quand ils seront convaincus qu'ils
feront plus de bien encore sous cette nouvelle forme de l'assistance,
ils n'hésiteront plus à répondre aux appels, qufils ont jusqu'ici
froidement accueillis, parce qu'ils n'en avaient pas aperçu toute la'=
38O ' CONGRÈS DE NANCY
portée sociale. Leur patronage-moral et leur concours financier
imprimeront un grand essor au mouvement des habitations à bon
marché et donneront à leurs secours mi caractère de moralisation et
de relèvement, qui en accroîtra dans une large mesure l'efficacité.

g)Les compagnies d'assurances


Parmi les ressources qui peuvent contribuer à cet effort, nous cite-
rons celles qui devraient provenir des; compagnies d'assurance et
notamment des compagnies d'assurance sur la vie.
Jusqu'ici les immeubles.; qui ont servi de placement à ces compa-
gnies pour les réserves et que l'on voit jalonner les rues de la capi-
tale, appartiennent exclusivement à la catégorielles maisons de luxe^
destinées à la bourgeoisie.
Depuis près de quinze ans, nous ne cessons de leur répéter qu'elles
ont tort de se'confiner, dans cette catégorie d'immeubles et nous
leur citons l'exemple des autres pays, notamment de la Belgique,
qui ont trouvé dans les habitations populaires -un placement aussi
sûr qu'avantageux (r).
Nos compagnies françaises auraient tout intérêt à s'inspirer de cet
exemple. En même temps qu'elles assureraient ainsi un bon emploi
à leurs capitaux, elles feraient — comme on l'a vu ailleurs à la suite de
ces opérations — pénétrer l'assurance.sur la vie dans ces couches pro-
fondes, où elle est pour ainsi dire inconnue aujourd'hui, et qui mé-
nagent aux compagnies, assez avisées pour les exploiter, des débou-
chés aussi abondants que fructueux. '

h) La mutualité
J'adresse dans le même sens de pressantes adjurations à la mutua-
lité, qui tient précisément ses grandes assises en même temps que les
nôtres, par une coïncidence très significative, où s'affirme la parenté
de nos deux actions.

1. Voir l'Assurance mixte et'les maisons ouvrières (Masson, 1893), l'Assurance sur la vie
et les habitations à bon màrchi (Chaix, 1896). "
CONFÉRENCE CHEYSSON 3 81
" "
.
Je suis çônyaincu que les sociétés de secours mutuels auraient le
plus grand intérêt à consacrer leur influence et leurs ressources au
mouvement des habitations à bon marché. . - , ..;..-..,.•:
En Allemagne; les caisses d'assurance pour les retraites .et. l'invali-
dité ont affecté plus de 150 millions à la construction de maisons en
faveur de leurs membres. Chez nous-mêmes, l'Association frater- .
nelle des employés et ouvriers de chemins ..de. fer a consacré plus
de 2 millions à cet- emploi.
...
La mutualité, qui s'est donné en, dernière analyse la noble ambi-
tion d'abriter la famille et ses. membres contre les crises de la vie,
doit méditer ces exemples. Elle ne peut rester indifférente aux efforts
ayant pour but d'améliorer le logement, c'est-à-dire de tarir, comme
je l'ai montré, la source principale de ces crises.
En se décidant à y participer efficacement, en contribuant à intro-
duire dans les foyers mutualistes, l'hygiène et les bonnes habitudes
ménagères, elle y dépisterait les maladies évitables, dont la liste s'al-
longe sans cesse; elle diminuerait les charges de sa caisse, en même
temps que les souffrances de ses adhérents; elle évoluerait vers la
prévention où je viens de montrer la forme supérieure de la lutte
contre les misères sociales ; en somme, elle pratiquerait une opéra-
tion aussi excellente pour la collectivité en général que pour chacun
de ses membres en particulier.
Rien ne leur est d'ailleurs plus facile que d'apporter à ce mouve-
ment l'appoint décisifde leur popularité et de leurs capitaux, puisque
l'article 20 de la loi du Ier avril 1898 les autorise « à posséder et à
acquérir des immeubles jusqu'à concurrence des trois quarts de leur
avoir, à les vendre et à les échanger ».
En réalité, elles n'ont fait jusqu'ici aucun usage de cette faculté
légale et cette abstention s'explique par le taux de faveur de 4,5o°/0,
que la loi de 1898 accorde aux versements faits par les sociétés de
secours mutuels à la caisse des dépôts et consignations.
Nul placement ne peut, en effet, supporter la concurrence d'un
taux aussi élevé qui n'entraîne ni responsabilité, ni frais, ni souci de
gestion ; de sorte que, par une incidence non prévue au moment du
vote de la loi, ce taux de faveur se dresse aujourd'hui comme un
382 ' '
CONGRÈS DE NANCY
obstacledevant les perspectives qu'avait ouvertes à la mutualité la loi
de ï-898, en l'affranehissant des restrictions de son régime antérieur.
Ce n'est pas ici le moment d'étudier les réformes que comporterait
la législation pour rendre à la mutualité la souplesse de ses mouve-
ments financiers et la liberté d'emploi de son patrimoine, qui lui est,
en fait, retirée par le taux de faveur réservé aux seuls versements
dans une caisse publique. ;:
.
En attendant cette réforme si désirable, la mutualité n'a pas le
droit de se désintéresser de la grave question du logement populaire :
elle doit s'en occuper activement comme d'un des problèmes sociaux
qu'elle a le plus pressant besoin de résoudre. Le jour où elle le
voudra nettement, elle saura imaginer des solutions pratiques, qui
combineront la loi du 12 avril 1906 avec la charte mutualiste du
Ier avril1898.
Les sociétés qui s'engageront dans cette voie tireront de leurs
capitaux, outre un revenu en espèces, un dividende supplémentaire
sous forme de santé, de dignité et de bonheur pour leurs membres,
si bien qu'au total leur opération finira pas constituer un placement
très fructueux par l'addition des deux revenus, l'un financier et
l'autre social.
J'ajoute que l'acquisition de la maison par le père de famille est
l'une des solutions les plus élégantes et les plus efficaces du problème
qui hante actuellement la mutualité : je veux parler de celui des
retraites.
A partir du moment où la maison est entièrement libérée entre

les mains de son locataire, elle représente, en effet, pour lui une véri-
table pension de retraite, d'un montant égal à celui du loyer dont il
est désormais affranchi.
De plus, cette retraite a, sur la rente ordinaire telle que la prati-
quent en-général les mutualistes, la supériorité familiale et sociale de
n'être pas viagère et de ne pas s'éteindre avec son titulaire, mais de
se transmettre à ses héritiers sous forme de patrimoine, ce qui résout
du même coup le problème de l'habitation saine et riante, avec son
charme et son influence bénie, et celui de la double assurance contre
la vieillesse et la mort avec sa sécurité.
CONFÉRENCE CHEYSSON 383
Puisque" j'ai l'honneur de parler ici aux côtés de réminent prési-
dent de la Fédération nationale de la inutualité,..M. MabiUeau, je
l'adjure d'user de salégitima influencé auprès des mutualistes pour
les décider à élargir leurs horizons, à faire tout le bien en leur
puissance, eii apportant leur concours moral et financier à l'oeuvre
capitale de l'habitation à bon marché. Il rendrait à la mutualité
un nouveau service, s'il la décidait à prendre, dans ce sens, une
féconde initiative, et à prouver, par un nouveau bienfait, son
admirable souplesse. Elle accroîtrait ainsi sa popularité et donnerait
la mesure, de ce que le pays est en droit d'attendre d'elle pour la
solution des grands problèmes sociaux qui s'imposent à notre
démocratie.
,

î) Les syndicats ouvriers et les associations coopératives


de consommation

A côté de l'armée mutualiste, nous voudrions enrôler au service


de l'habitation l'armée syndicale et l'armée coopérative.
; La loi de mars 1884
^ régit les syndicats leur permet déjà de
fonder des sociétés de secours mutuels. Un projet de loi', déposé en
1891 par M. Waldeck-Rousseau et actuellement pendant devant les
Chambres, propose d'habiliter ces syndicatsvà faire des actes de
commerce. Si le moment semble venu d'élargir leurs 1 attributions,
ne faudrait-il pas commencer par les orienter du côté: de la conquête
de leur habitation ? Peut-on assigner un plus utile et plus fructueux
emploi à leur activité ?
Quant aux sociétés coopératives de consommation, l'exemple de
l'Angleterre nous prouve le parti qu'on en peut tirer pour déve-
lopper les constructions de maisons salubres à l'usage des ouvriers.
Un des placements les plus usuels des réserves accumulées par les
coopératives anglaises consiste dans la création de ces Buildings
Societies, dont je vantais tout à l'heure les prodiges et dont les mai-
sons sont occupées par les coopérateurs eux-mêmes. En 189.1, le
nombre de ces « filiales » des sociétés de consommation dépassait
plusieurs centaines et leur capital approchait de cent millions.
384 CONGRÈS DE NANCY
Un autre mode d'intervention de ces sociétés,, et non moins
efficace, serait, suivant une formule que je n'ai jamais cessé -de pré-
coniser ("), l'application de leurs bonis aapayement desannuitésqui
doivent libérer les maisons louées avec: promesse de vente par leurs
membres- Ce sj'Stènie. permet de développer la prévoyance, sans
imposer à ceux qui eh recueillent le bénéfice ni de coûteuxisacrifices,
ni de pénibles efforts; V
.
Si l'on pouvait, pour leur plus grand avantage, respectif, com-
biner les puissants mouvements delà Mvitualité,. du Syndicat et de
la .'Coopération, avec celui des Habitations: à bon marché, on impri-
merait à ce dernier l'ampleur qu'il réclame pour s'élever au niveau
des besoins à satisfaire et des résultats obtenus dans les autres pays.

/) La femme
Enfin, — et c'est par là que je termine, — je fais un pressant
appel aux femmes et je voudrais leur confier cette cause qui est véri-
tablement la leur.
Votre pouvoir,, Mesdames, est grand, et par conséquent grand est
votre devoir. Vous êtes les gardiennes du foyer : il constitue votre
domaine et votre royaume, mais s'il est insalubre, il devient votre
prison et votre tombe. L'homme reste presque toute la journée
dehors et ne rentre guère chez lui que pour prendre ses repas et
dormir. La femme, au contraire, y séjourne tout le temps. Si le
logis est malsain et obscur, elle en souffre, non pas seulement dans
son pauvre corps qui s'émacie, dans sa vue qui s'épuise, mais surtout
dans ses enfants, dont elle voit le teint se plomber et les yeux se
cerner sous l'influence de cette atmosphère irrespirable.
Vous, Mesdames, qui. me faites l'honneur de m'écouter, vous êtes
privilégiées par votre situation sociale, qui vous soustrait aux hor-
reurs du taudis. Peut-être même quelques-unes d'entre vous ne les
soupçonnaient-elles pas avant que je les eusse dénoncées devant
elles, et peut-être quelques autres m'accusent-elles d'avoir poussé

1. Voir, entre autres publications, La Coopération et la Mutualité, 18


CONFÉRENCE CHEYSSON 385
mon tableau trop au noir. Hélas ! je n'ai rien exagéré et mes des-
criptions sont restées au-dessous de la réalité. - '
Aidez vûssoeurs du; peuple à là conquête d'un , logement salubre.
Il y va non pas seulement de leur bonheur domestique, de la santé
physique etmorale de leurs enfants et de leurs maris, mais encore,
vous l'avez vu, de nôtre santé et de notre sécurité à tous. Prêtez
à ces pauvres femmes votre puissant concours, pour quelles par-
viennent à se garder elles et leurs familles et à nous garder nous-
mêmes dés redoutables contagions qui se dégagent du taudis, et à
ramener dans leur ménage le bien-être et la paix par le charme
d'un foyer que nous leur livrerons assaini et dont elles sauront
assurer la bonne tenue.
Est-il vraiment plus noble tâche et plus digne de tenter des coeurs
.
"généreux en quête .de dévouement, comme les vôtres?
Je parlais tout à l'heure de croisade. C'en est une, en effet, à la-
quelle je vous convie et qui doit grouper toutes les bonnes volontés,
sans aucune acception de divisions politiques ou confessionnelles.
De quelque point de l'horizon que nous arrivions, nous devons tous
unir étroitement nos mains et nos coeurs ,pour voler au secours, de
nos frères et soeurs si cruellement éprouvés par l'insalubrité de leur
logement, pour combattre l'alcoolisme et la tuberculose, pour apai-
ser les esprits aigris par la souffrance et pour accomplir ainsi, grâce
à notre effort commun, une oeuvre d'humanité, de patriotisme, de
paix sociale et d'amour.

CONGKl-.S DE NANCY 25
386 CONGRÈS DE- NANCY

Conférence de M. le D^ CÀLMETTE
.' " ;' '*' ' Dirccieur âe i'îiisiiîut Pasieur à Lille' ''-''" '' •

La défense contre la tuberculose dans la famille


Mesdames, Messieurs,
Il y a quelque impertinence de ma paît à élever la voix après
l'admirable conférence que vous venez d'entendre. Vous ne me: le
pardonneriez sans doute.pas si je n'avais .une excuse : engagé volon-
taire dans notre armée d'hygiénistes sociaux mobilisée pour l'a dé-
fense de la vie humaine, j'obéis à l'invitation'.qu'a bien voulu
m'adresser notre très aimé et très émi'nent président, M. Casimir-
Perier, et. je.me présente à vous, moins en homme de laboratoire
spécialisé dans les études de biologie, qu'en homme dé bonne volonté
toujours heureux de consacrer quelques-uns de ses efforts a collaborer
de son mieux à la lutte sociale contre la tuberculose.
Je désirerais aujourd'hui vous entretenir brièvement de là prù-
.
phylaxie de la tuberculose dans la famille, à la lumière de quelques
.
faits nouveaux élucidés récemment par la médecine expérimentale.
Nous devons en effet faire le procès en revision de la tuberculose.
Soyez tranquilles: elle ne sera pas acquittée pour cela, nous la
condamnerons toujours avec autant d'énergie ; ses crimes de lèse-
humanité restent les mêmes, mais nous devons cependant les voir
désormais sous un angle un peu différent de celui sous lequel nous
nous étions habitués à les juger.
Certes, il n'y a rien à changer à-tout ce qu'on vous a dit jusqu'à
présent sur les causes de la tuberculose, sur les moyens de la con-
tracter, sur les agents de contamination qui nous guettent constam-
ment ; il n'y a rien à changer à ce que vous a dit tout à l'heure
M. Cheysson sur le rôle du taudis, de la maison insalubre, au point
de vue de l'évolution de la tuberculose ; il n'y a rien à changer non
CONFÉRENCE CALMETTE 387
plus à tout ce qu'on vous a enseigné relativement à. l'influence du
surmenage, de la misère, de d'alcoolisme, de la mauvaise nourriture.
Mais ;ilfâutmodifier un, peu la; 'manière de^ voir que vous étiez ac-
coutumés à adopter sur le:rôle exact de ces différents facteurs.:.:
En réalité, à partir d'aujourd'hui nous né devons plus considérer
comme exact cet aphorisme: que quelques-uns de nos maîtres:les
plus vénérés avaient coutume de répéter dans leurs; conférences,
pour mieux faire.saisir .urie;-des'.causes' de contagion: de la; tubercu-
lose. Au risque de les:contrister'quelque peu, j'qse proclamer ici
qu'on ne doit pas dire que l'alcoolismefait lé lit delà tuberculose, on ne
doit pas davantage dire que la tuberculose se prend, sur le %inç, comme
on vous l'a maintes fois répété ! On ne doit pas davantage; dire que
nous contractons la tuberculose parce que nous inhalons des pous-
sières qui contiennent des bacilles tuberculeux. En réalité, on ne
peut nier.que l'alcoolisme favorisé le développement de la tuber-
culose chez ceux qui l'ont déjà; il en est de même du taudis, de la
misère, du surmenage ; tous ces facteurs de diffusion ont leur
.
importance. Mais nous ne prenons pas la tuberculose parce que
nous inhalons des poussières contenant des microbes.'
Il paraît bien démontré aujourd'hui que ces poussières sont dan-
gereuses, non pas parce que nous les inhalons, non pas'parce que
nous lés respirons, mais parce que nous les déglutissons, parce -que
nous les avalons avec notre salive. En effet, les expériences les plus
récentes sur la contagiosité de là tuberculose chez les animaux et
aussi chez l'homme ont montré que le mal se prend par le tube
digestif, par l'intestin, et non par le poumon. Voici d'ailleurs com-
ment ce fait a été mis eh lumière avec la dernière évidence.
On a d'abord étudié ce qui se passe lorsqu'on fait ingérer aux
animaux des bacilles tuberculeux, non pas en les alimentant avec des
microbes, mais en leur introduisant directement dans l'estomac ces
microbes au moyen'd'une sonde. Dans ces conditions, on ne peut
pas soupçonner la possibilité d'une contamination du poumon.
On voit alors qu'au bout de quelques jours, puis de quelques
semaines, les bacilles ainsi ingérés' en un seul repas infectant ont
passé successivement à travers la muqueuse de l'intestin, sans y pro-
388 CONGRÈS DE NANCY
duirë aucune espèce de lésion visible, et sont allés ensuite dans ce
qu'on appelle les ganglions mésentériques qui se trouvent autour de
l'intestin. De là, ils vont se distribuer dans tout notre système lym-
phatique, puis dans notre coeur, et enfin au poumon où ils sont
arrêtés alors par les vaisseaux capillaires extrêmement fins, qui les
retiennent, comme' ils retiennent d'ailleurs toutes les poussières en
suspension dans le sang.
Les bacilles tuberculeux, ainsi retenus dans le poumon, sont alors
le point de départ de lésions tuberculeuses, de tubercules. Ces tu-
bercules grossissent, puis finissent par se ramollir, par se caséifier,
comme nous disons en médecine, et c'est alors que le tuberculeux
commence à cracher ses bacilles. Si, au lieu d'expectorer-cesbacilles,
il les avale, il se réinfecte constamment lui-même, parce que ces
bacilles, passant de nouveau dans le tube digestif, traversent à leur
tour la paroi de l'intestin et reviennent ainsi au poumon. Le tuber-
culeux qui ne crache pas, qui avale ses crachats, voit donc sa maladie
s'aggraver constamment et avec une très grande rapidité.
Le tuberculeux qui crache, par contre, a les plus grandes chances
de guérir, mais aussi il a les plus grandes chances d'infecter son en-
tourage et de se réinfecterlui-même, parce qu'il sème partout autour
de lui une grande abondance de microbes, et que ces microbes
peuvent être avalés à l'état de poussières sèches ou humides en
même temps que les aliments.
La démonstration de cette origine intestinale de la tuberculose
est faite non seulement pour les bacilles tuberculeux, mais aussi
pour une foule d'autres microbes que nous portons habituellement,
souvent du moins, dans notre bouche ou dans notre tube digestif,
et qui, à la faveur de certaines circonstances, d'un refroidissement
par exemple, peuvent traverser la paroi du tube digestif et s'en aller
dans le poumon pour y produire des désordres. Tel est, par exemple,
le mécanisme dé la pneumonie ou fluxion de poitrine.
Ce ne sont pas seulement les microbes qui sont ainsi susceptibles
de passer à travers l'intestin : les poussières minérales elles-mêmes
et les matières grasses, sont également capables de traverser la paroi
intestinale. Des études très précises à ce sujet, sur lesquelles je vous
CONFÉRENCE CALMETTE 389
demande la permission d'attirer un peu votre attention, parce qu'elles
sont de nature à entraîner, je crois, la conviction de vos esprits, ont
été faites tout récemment à propos de cette affection, qui n'est pas
une maladie en réalité, puisqu'elle est compatible avec l'état de santé
le plus parfait, et qu'on appelle Yanthracose; L'anthracose est une
.
affection qui se rencontre communément chez les mineurs, par
exemple, et que l'on observe aussi chez les fumeurs invétérés. Il
semble bien probable, n'est-ce pas, que les gens qui respirent des
poussières de charbon, doivent attraper cette anthracose, c'est-à-dire
ce dépôt de noir de fumée dans les poumons,par la voie respiratoire !
Il n'en est rien cependant. Ce n'est pas par la respiration que ces
poussières arrivent jusque dans les alvéoles pulmonaires ; la méde-
cine expérimentale nous a montré qu'elles sont retenues dans la
bouche, condensées en quelque sorte dans la salive, puis avalées, et
qu'elles pénètrent avec la salive dans le tube digestif. Elles peuvent
traverser la paroi de celui-ci et revenir, comme je vous l'ai expliqué
tout à l'heure à propos des bacilles tuberculeux, au poumon. Elles
se déposent ensuite sur toute la surface du poumon et dans les petits
vaisseaux capillaires extrêmement fins du tissu pulmonaire.
Le mécanisme de la tuberculose n'est pas différent. Nous contrac-
tons donc la tuberculose par ingestion. Ce fait doit nécessairement
modifier les conceptions que nous avions jusqu'ici sur.la véritable
prophylaxie de la tuberculose dans la famille. '
Que devrons-nous faire désormais pour empêcher la contagion
des nôtres et pour nous préserver nous-mêmes ? Nous devrons sur-
veiller avec une extrême rigueur notre alimentation. Nous devrons
faire attention, si nous vivons avec un tuberculeux, qu'aucun des
mets que nous absorbons ne puisse être contaminé par des germes
frais de bacilles tuberculeux.
Or, lorsqu'il se trouve dans une famille un tuberculeux qui ex-
pectore un peu partout, ses crachats attirent les mouches qui viennent
y puiser avec leur trompe des bacilles. D'autres bacilles se chargent
sur leurs pattes. Les mouches vont ensuite se poser sur les aliments
que nous ingérons. Il est très possible que nous nous infections
quelquefois de cette façon.
390 CONGRÈS DE NANCY
Mais l'infection,peut aussi se produire par le contact direct. Par
exemple, une mère tuberculeuse peut très bien donner la tubercu-
lose à son enfant en l'embrassant sur la bouche. Ceux qui ont. le
malheur: d'être tuberculeux ont constamment,: dans leur.salive, de
grandes quantités de bacilles.. Ces bacilles se trouvent même dans
les petites parcelles salivaires que l'on émet rien que par l'effort, de
la parole. On peut donc sejdouter de la quantité de microbes qu'une
mère: est susceptible de déposer sur la bouche de son enfant quand
elle Pembrasse, si elle est atteinte de ce mail. .--.....'
Il y a encore d'autres: moyens de contracter la tuberculose ::par
exemple, le contact avec des-linges souillés dé produits tuberculeux:
Dans les familles, on ne fait pas souvent attention à l'usage auquel
les mouchoirs ont pu être destinés : une mère, alors qu'elle est tu-
berculeuse, n'hésite pas à prendre son mouchoir, dans, lequel elle a
craché, ou qui lui a servi tout au moins à s'essuyer la bouche, elle
n'hésite pas à le prendre pour essuyer la bouche de son enfant ou
pour le moucher. Tous ces moyens de contamination sont très
fréquents dans les familles, qui ignorent les voies d'introduction de
la tuberculose et les moj'ens de l'éviter.
Ce que je viens de vous exposer ici brièvement se rapporte à la
contagion directe de l'homme par l'homme, mais il y a encore un
autre mode de contagion : c'est la contagion de l'homme par la
vache. La vache est très souvent tuberculeuse. Or, elle nous alimente
de son lait. Il y a des pays, le nord de la France, que j'habite, par
exemple, ou 45 °/0 environ des vaches sont tuberculeuses. Donc
quarante-cinq fois sur cent environ, nous avons des chances pour
que le kit que nous consommons, si nous le consommons cru,
renferme un plus ou moins grand nombre de bacilles tuberculeux.
Et ce n'est pas seulement la vache tuberculeuse qui peut nous
communiquer, par son lait, des bacilles virulents, ce sont aussi les
gens qui traient la vache dans les fermes. Ils sont quelquefois tuber-
culeux : or, une femme, un bouvier, qui traient une.vache, ne
prennent aucune précaution de propreté. Qu'ils soient tuberculeux
ou non, cela ne les empêche pas de cracher dans leurs mains pour
pouvoir mieux effectuer l'opération de la traite. Dans ce cas, le lait,
CONFERENCE CALMEÏTE 391
alors; ;même. qu'il; proviendrait de bêtes.vrairnent saines, sera conta-r
miné par -des ,gerrnes d'alitant plus virulents que ce sont • des germes
d'origine.humaine.i Cari /il1-n'y-,a .pas, à. en .douter,; les. bacilles tuber-
culeux qui proviennent, de ..l'homme malade sont beaucoup, plus
virulents, .beaucoup; : plus ^dangereux; pou.r..l'hpmme._sain,, que;. les
bacilles; tuberculeux q;ui proviennent de la race .bovine..-, ;
; .. .-...
Cependant,;ce'n'est pàsVà. dire que les, bacilles tuberculeux, d'orir
gine ib.ovin.e.sô:ient.;inQffensifs p.o'ûr nous; Et cela est J:ellement-;vrai
que, ce matin même, au congrès, nous avons émis-un-voeu tendant
à ce;que désormais, nul ne/puisse être autorisé à vendre du lait s'il
n'a fait une, déclaration préalable attestant: que toutes,ses vaches sont
indemnes .<de ^.tuberculose:i'et, s'il; n'a pris l'engagement de faire
éprouver la Donne santé de ces bêtes par une injection.de .tubercu-
line renouvelée au moins tous les.six;mois.
Si le voeu.que nous:.avons.émis acquiert un jour force de loi, .on
ne pourra, donc plus vendre en ville, des- laits provenant; de vaches
tuberculeuses.; Ce seraVdéjà un très-grand progrès, car ce lait est
dangereux. Il estdangereux surtout; pour les enfants, qui spnt beau-
coup (plus sensibles que les adultes à l'infection, tuberculeuse,^.et. sur-
tout à l'infection par la tuberculose:d'origine bovine. Il est.dange- •

reux aussi pour les malades, déjà tuberculeux ; il est. dangereux pour
ces enfants et .pour ces malades, alors même qu'on l'a fait bouillir.
En effet, les: bacilles tuberculeux, même, tués par l'ébullition,
renferment encore un poison qui.n'est pas,détruit.par le chauffage,
et qui, absorbé à, doses continues par les malades tuberculeux, hâte
l'évolution de leur mal et les.fait.périr plus tôt.
Ce lait de vache tuberculeuse, bouilli, est probablement inoffensif
pour les personnes saines, mais il est, je le répète, dangereux pour
les personnes déjà atteintes de la tuberculose.
Voilà donc bien assez de raisons pour nous entendre en vue
d'obliger les pouvoirs publics à prendre des mesures efficaces en vue
d'empêcher la diffusion de la tuberculose bovine chez l'homme. Ce
sera bien assez pour nous d'avoir à lutter contre la contagion de
l'homme par l'homme.
En somme, tout ce que je viens de dire, — et je m'excuse d'avoir
392 CONGRÈS DE NANCY
été si long et peut-être si aride, — tout ce que je viens de dire ne
change en rien (j'avais bien raison de l'affirmer en commençant)
à ce qu'on vous a dit des moyens de prophylaxie à employer contre
la tuberculose. Il faut toujours que les familles s'arrangent pour
habiter des logements salûbres, parce que, dans ces logements sa-
lubres, la contamination par les tuberculeux sera au moins plus
rare ; elle sera plus rare à condition toutefois que le logement reste
salubre et que les individus qui l'habitent sachent l'entretenir en
bon état de santé.
Il n'y a rien à changer non plus à ce qu'on vous a dit sur la conta-
gion par les poussières. Mais les poussières, je le répète, sont dan-
gereuses, non point parce nous les respirons, mais parce que nous
les ingérons. ;

Toutes ces données, il faut que nous nous efforcions de les ré-
pandre le plus possible dans notre entourage, il faut que nous
tâchions dé les faire pénétrer dans les familles ouvrières surtout, qui
sont- les plus décimées, et, pour cela, le meilleur moyen, sans aucun
doute, est de faire appel en premier lieu au concours des mutualistes,
qui sont d'excellents commis-voyageurs en hygiène sociale. Il faut
que nous nous efforcions de faire connaître toutes ces notions aux
femmes et aux jeunes filles qui peuvent et doivent être nos meilleures
auxiliaires dans cette lutte sociale contre la tuberculose. Rappelons-
nous toujours cette parole si profondément vraie de Jules Simon :
« Quand on instruit une femme, c'est une petite école que l'on
fonde. » Eh bien ! instruisons les femmes, enrôlons-les toutes dans
notre armée pacifique, mais agissante, car si nous réussissions à les
grouper sous notre drapeau, la tuberculose ne tarderait pas à être
vaincue !
CINQUIÈME.7VSËA^GE
(Dimanche 24 juin> matin)

Président : M. CASIMIR-PÉRIER

ASSEMBLEE GÉNÉRA LE

M. le président. — Messieurs, MM. Boyé et Goepfert vont


nous donner connaissance de l'état des oeuvres d'hygiène
sociale à Nancy.
Aussitôt après, nous pourrons avoir une conversation où
nous étudierons quels sont les moyens d'action du comité
nancéien. quels points d'appui solides il peut trouver, dans
quelle mesure il pourrait constituer une synthèse des oeuvres
dont ,1'ènumération va vous être donnée, et dans quelle
mesure aussi il pourrait étendre son action au delà de ces
oeuvres.
Il faut donc que nous connaissions l'état du terrain local.
Ce sera l'objet du rapport de MM. Boyé et Goepfert.
Ensuite, nous verrons, d'accord avec M. le président Gross
et les membres du comité nancéien, comment ils compren-
nent l'extension de leur action et l'action collective vers le
but que nous poursuivons.
394 CONGRÈS DE NANCY
Lecture est donnée du rapport de MM. Boyé et Qoepfert,
dont voici les termes :

lies"oeuvres d'hygiène socialeW Naric/

Monsieur le Président,
.
Messieurs,
Placée entre la France et l'Allemagne, objet d'ardentes convoitises,
la Lorraine était appelée à beaucoup souffrir. Foulée par les armées
en marche, occupée, mutilée, elle a beaucoup souffert. Les conditions
politiques, plus encore que le sol et le climat, ont donné à l'habitant
de notre régiôn; de "PEsÇ réfléchi,-volontiers-replié'-sûr soi-même,
cette froideur du premier contact, qui pourra sembler de glace aux
expansions méridionales. Mais qui pratique davantage le Lorrain, qui
surtout sait gagner sa confiance, s'aperçoit que, sous une enveloppe
un peu morne, bat un coeur chaud, ouvert aux plus généreuses initia-
tives. Cette terre, témoin de luttes épiques, a produit dés'héros .pour
la défendre. Cette terre,:théâtre de lamentables catàstrbphesj a vu se
lever des apôtres pour panser les blessures et soulager les misères.
Dans; la capitale de.la Province, les origines de l'assistance pu-
blique remontent presque au début de son histoire. Dès 1158, Nancy
.
possède un hôtel-Dieu où sont, recueillis les pauvres et les malades.
Elle est une des premières cités, à être dotée d'un mont-de-piété.
Et voici que la ville à. laquelle d'incomparables remparts eussent
valu au dix-septième siècle, sans les caprices d'un Charles IV, le nom
de Nancy la Forte, qui, avec les chefs-d'oeuvre architecturaux de
Boffrand et de Héré, est devenue au dix-huitième Nancy la Belle,
a. mérité au dix-neuvième le titre plus digne d'envie de Nancy la
Charitable.
Mais l'idée de charité, dans une merveilleuse évolution qui sera
la gloire de ce temps, s'est totalement transformée. Entendue dans
son sens large, la charité ne consiste plus seulement à remettre l'of-
frande à l'indigent, à soigner le malade, à hospitaliser l'infirme. Elle
OEUVRES D HYGIÈNE,.' •L— RAPPORT BOYÉ ET GOEPFERT 3-95
est ce;qui prévoit et ce qui prévient, ce'qui s'étend aux aines et aux
intelligences tout > autant et -plus' qu'au corps; : Elle s'adresse- à l'être

dès avant sa naissanceset-pardelàPindividù àla descendance entière.-
La.eharité n'est plus; seulement:1e-don de l'aliment, du» vêtement
ou ; du iogis ; /mais de biens mon moins ; précieux' : Paifîpuï, Peau
saine;, la lumière^ la santé'avant la-maladie. S'inspirant delà grande:
loi de la. solidarité,'; elle sauvegarde la dignité humaine. Commel'ïdëe;
de charité s'est .transformée.-et que des .oeuvres •'multiples en soh't
nées|f Nancy, encore, n'est ;pas< ..restée ;en : arrière. IP : n'est guère: de
ces oeuvres qui n'aient été créées dans notre villey qui* n'y prospèrent
ou qui;.ne soient; :pfêtes';à;/s'y:développer. Du berceau jusqu'à la-
tombey l'infortune-estsecourue:;.'C'est tin perpétuel combat engagé
contre le paupérisme; et les: fléaux sociaux que le paupérisme en-
gendre ou qui;aggravent'le^paupérisme.•"' '.;;<' • :-' ''r:'i:;>,;.
La misère, l'ignorance et,, constatation i douloureuse à faire-,' cer-
taines nécessités de notre?: civilisation,- sont les- causes de l'effroyable
mortalité qui,.dans les agglomérations urbaines, sévitsurles enfants:
en bas'âge. De; nombreuses mères n'ont aucune notion-dePélèVage
normal des bébés. De plus en'plus, les femmes abandonnent l'allài-
tenient.au sein,; pour .aller dans les manufactures gagner: un salaire
dérisoire; Chaque année- sont ravies au pays des milliers de créatures
dont la perte aurait pu .être facilement évitée.-#our prévenir la sépa-
ration; si fâcheuse de la mère et de Penfant, Y OEuvre dé la Maternité
distribue, depuis 1.890; des primes variables'aux femmes qui,'ayant
accouché à la Maternité, représentent, -un mois après leur sortie de
cette maison, leur nourrisson en bon état. Ces gratifications sont
proportionnées aux soins donnés à Penfant, à l'augmentation de
poids obtenue, aux autres charges de famille. La mère reçoit en
outre des conseils sur la façon dont elle doit nourrir. En quinze ans,
39020 fr. ont été distribués; 3499 mères ont été récompensées.
La réelle portée de cette oeuvre est d' « amorcer » l'allaitement ma-
ternel. Elle donne aux sentiments qui sommeillent au coeur de
toute femme, le temps de s'affirmer et de s'épanouir.
Le premier mois passé, l'enfant est toujours menacé de bien des
dangers. Ce frêle organisme exige un vigilance constante. L'OEuvre
396 CONGRÈS DE NANCY
du bon lait, qui date de 1899, continue l'OEuvre de la Maternité.
Elle aussi encourage pécuniairement les mères qui donnent le sein,
et même une part d'importance croissante est faite, dans son budget
annuel, à cette assistance, qui se prolonge durant six m'ois. Mais,
avec la meilleure volonté, toutes les mères n'ont pas la joie de rem-
plir un devoir si doux. Les femmes qui sont forcées de recourir au
biberon se voient venir en aide par une distribution de lait stérilisé,
effectuée de juin à octobre, c'est-à-dire pendant la saison la plus
meurtrière. Tout en dépendant du Bureau de bienfaisance, l'OEuvre,
qui au cours de l'année 1904 a remis, en mensualités de 5 fr. ,4650 fr.
à 115 mères nourrices, et a contribué, par le don de 16 934 litres
de lait, à l'alimentation de 232 enfants, conserve son autonomie. Un
comité médical est adjoint au comité directeur. Les consultations
pour les nourrissons, ouvertes il y a deux ans, ont constitué un per-
fectionnement notable. Tous les quinze jours, les mères amènent
leurs enfants. On pèse ces bébés, on les examine. On s'aperçoit des
fautes commises dans l'élevage. On redresse les erreurs, on dissipe
les préjugés. A ces visites et à ces instructions sont dus, en très
grande partie, les heureux résultats constatés.
Quand des mères excellentes n'ont pas la faculté de nourrir elles-
mêmes leurs nouveau-nés, comment pourraient-elles souvent, fût-ce
au prix de lourds sacrifices, les conserver tout le jour dans la tiède
atmosphère de leur tendresse? La fabrique réclame ses ouvrières.
Beaucoup de femmes n'arrivent à subsister que par un travail prolongé
au dehors. Seront-elles réduites à confier, pendant ces dures heures
d'absence, l'enfant à des mercenaires distraites ? On frémit en pensant
aux périls courus chez les gardeuses de profession; Afin de les écarter,
a été instituée, en 1877, la Société des crèches. Elle possède trois éta-
blissements où sont soignés, durant la journée, les enfants ayant plus
de deux semaines et moins de trois ans. Deux cent cinquante en-
fants en moyenne y sont annuellement admis et profitent de la sur-
veillance médicale. A la ville appartient une autre grande crèche, dite
Crèche municipale, bâtie dans un quartier populeux. Une quatrième,
érigée par libéralité privée, est destinée à recevoir les enfants de la
Manufacture, des tabacs.
OEUVRES D HYGIENE. RAPPORT BOYE ET GOEPFERT 397
De même que tous les autres groupes qu'a fondés la Société d'hy-
giène de l'enfance, préoccupée de vulgariser les connaissances relatives
au bien-être matériel et moral de Penfant, le groupe de Meurthe-
et-Moselle n'étend pas seulement son action au bas âge. Il accom-
pagne de sa sollicitude ses protégés sur les bancs des classes ; il les
suivra à l'atelier.
Après les crèches, l'école maternelle, ensuite l'école primaire ont
accueilli le petit indigent. Le Comité des dames, constitué en 1871,
s'applique spécialement à encourager l'assiduité des élèves des écoles
communales et des écoles libres, par des distributions de vêtements et
de chaussures. Le Comité se réunit au moment de la rentrée. Chaque
dame est chargée d'une ou de plusieurs écoles. Elle s'entend avec les
directeurs ou les directrices pour la désignation des enfants et pour
le choix des objets nécessaires. Détail à noter : les vêtements sont
confectionnés par des ouvrières, de préférence par des ouvrières
veuves. En 1904, les dépenses se sont montées à 10 134 fr. 3 653 ob-
jets ont été répartis entre les vingt et une écoles de garçons et les
vingt et une écoles de filles. La Société de Sainte-Catherine poursuit
un but analogue ; et la Société des amis de l'enfance, ajoutant
l'agréable à l'utile, fait régulièrement, au Nouvel An, une distribu-
tion de jouets aux orphelins et aux petits pauvres.
L'affectueux souci de nos concitoyens pour ces enfants ne s'arrête
pas là. Il s'efforce de procurer aux plus débiles les avantages d'un
séjour à la campagne. Depuis 1897, Y OEuvre protestante des colonies
de vacances a offert à 367 enfants ce déplacement salutaire. Près de
Raon-1'Etape, à la lisière d'une forêt de sapins, le chalet dont elle est
propriétaire peut chaque année abriter une quarantaine de pension-
naires. C'est aussi dans cette partie des Vosges, en vue du Donon, à
Celles-sur-Plaine, que P OEuvre des colonies scolaires de, vacances, créée
en 1903 par un groupe d'instituteurs, envoie, pour une cure de
grand air, les élèves les plus chétifs de nos écoles laïques. L'OEuvre
est administrée par un comité directeur qui réunit aux maîtres des
personnes dévouées. Les participants comptent de trois à treize ans.
Ils doivent être exempts de maladies contagieuses, appartenir à des
familles hors d'état de subvenir à pareil déplacement. La durée de
}y8 CONGRÈS DE NANCY
_

la colonie est de trente jours.r Les membres de la caravane sont,reçus


chez des habitants du pays. Leur nombre a.rapidement .augmenté.
Il -était;de 60 en 1903 :; du doublei.en. J905;.,Des instituteurs et ins-
titutrices de Naiicy exercent sur-ce petit monde la surveillance indis-
pensable. De son côtéy la ville confie, depuis 1904, quelques enfants
souffreteux à de braves cultivateurs des environs. Quoique' courts,
ces déplacements, ont la plus, salutaire- influence.. Les médecins' qui
prêtent leur concours, à ces oeuvres sont; unanimes ;à constater*;chez
les jeunes voyageurs une amélioration considérable..;
L'enfant a treize ans. Il quitte l'école; L'heure est critique; C'est -
un tournant de la vie où l'assistance matérielle ne suffit plus.. De
'l'impulsion donnée dépendra la co'ndtiite de:l'homme mûr. Une
existence de labeur probe ou de stérile oisiveté va se décider. L'avenir
de l'individu, l'avenir même de la race. est.en cause. Les oeuvres
qui s'inquiètent de la santé morale des adolescents ont une impor-
tance considérable^ Dans cette catégorie, il faut citer les oeuvres
post-scolaires et, d'une façon générale, les patronages, où l'on rap-
pelle à Penfant les principes inculqués;à l'école. Si les risques sont
notoires, s'il y a péril évident,.une protection plus étroite et plus sé-
vère s'impose. Il s'agit de maintenir dans la voie droite les hésitants,
d'assurer le retour au bien des faibles, des mal conseillés, qui se sont
laissés entraîner au vagabondage, au vol, à la débauche hélas ! Par
leur placement dans des orphelinats ou des maisons d'éducation, la
Société nancéienné de patronage de l'enfance et de l'adolescence évite
à ces précoces égarés la condamnation à l'emprisonnement, qui
flétrit sans amender. L'OEuvre s'est déjà intéressée à trois cents en-
fants, âgés de sept à dix-huit ans.
.
Conjointement avec la culture morale, la culture physique saurait
d'autant moins être négligée qu'elle constitue un puissant dérivatif
pour disputer les adolescents au cabaret et les arracher aux fréquen-
tations mauvaises. Elle forge des hommes bien trempés, qui résiste-
ront aux fatigues et à la maladie. Le Sport nancéien, les Chasseurs
nancéicns, l'Abeille lorraine, les sections spéciales organisées par les
oeuvres post-scolaires, telles l'Amicale Didion ou l'Amicale'Saint-
Georges, la Section de gymnastique des apprentis, fondée et patronnée
OEUVRES D HYGIÈNE.,—, RAPPORT BOYÉ ET GOEPFERT 399
par, le Bureau, de bienfaisance, concourent à cette tâche. L'enfant
est-attendu aux portes de l'école. On. lui enseigne l'assoûplissemérit
du :Corps,,.la discipline, des muscles,; on-le prépare efficacement pour
le-régiment.;'.;.-;..:- .:-,',-:.'.'..' -,..:'.-".-....'.. .-'. '.
-
Un grave problème se pose maintenant po.ur le. garçon .comme
pour la. fille.; Le,.choix, d'une profession., La société, a-, sur .ce; point
une-lourde.resppnsabilité.Il.faut avant tout empêcher que les parentSj
afin de se dispenser, des, frais d'apprentissage, n'engagent leurs en-
fants à accepter des emplois trop faciles, qui n'en feront jamais.de
véritables, ouvriers pouvant à leur' tour donner des maîtres. Il faut
prendre garde que ces novices,, séduits par l'appât d'un :gain: léger
:
mais immédiat, ne soient exploités chez desindustriels sans scrupule,
insoucieux de leurs belles, années, gaspilleurs de ces forces Vives.
Que deviendront ces gamins utilisés comme garçons de courses dans
certains grands magasins, comme intermédiaires de besognes parfois
louches dans les cafés et les brasseries ? Libérés du service militaire,
ils grossiront la foûlede ces vagues manoeuvres, déshabitués de toute
occupation régulière. En été, on les rencontrera errant sur les places
publiques, flânant dans nos promenades, pâles voyous en qui germent
tous les vices et fermentent les inquiétudes malsaines. En hiver, ils
encombreront les chauffeurs, les refuges, les prisons. Il est absolument
indispensable que le jeune homme apprenne un métier défini.
Donner au fils de l'indigent cette instruction technique, venir' en
.
aide aux parents tandis que les enfants n'ont pas cessé d'être une
charge pour eux, encourager à la prévoj'ance, c'est ce .que se propose
et réalise le Comité de patronage des apprentis du Bureau de bien-
faisance, créé 6111856 pour les garçons et en 1874 pour les filles. Pen-
dant l'année 1904, 140 garçons et 85 filles ont attiré son attention.
23 000 fr. ont été consacrés à des fournitures scolaires, à des achats
de vêtements'et d'outils, à des bons de restaurant, à des allocations
ou des récompenses en livrets. Le patronage dés apprenties fut heu-
reusement complété, en 1890, par l'installation d'une école prépa-
ratoire d'apprentissage, plus connue sous le nom d'École ménagère.
Avant leur entrée à l'atelier, les prochaines ouvrières y sont reçues
durant six mois. Elles s'exercent à raccommoder et à repasser le linge
400 CONGRÈS DE NANCY

et les vêtements de la famille. Elles suivent des cours de cuisine.


Elles sont initiées aux éléments de l'hygiène. Parmi les leçons pra-
tiques qui illustrent en quelque sorte cet enseignement, nous nous
plaisons à citer les séances faites à la crèche municipale voisine.
Jetons dans l'une de ces pièces un coup d'oeil indiscret. Nousvoyons
les fillettes, guidées par la directrice, maniant avec précaution des
poupons bien vivants. Elles font la toilette de ces nourrissons, pré-
sident à leurs repas, prennent part à leurs jeux, collaborent à tous les
menus soins que réclament leur propreté et leur santé. En un mot,
ce n'est plus seulement l'école de la future ménagère, familiarisée
avec les principes de l'économie domestique. C'est l'école, combien .
plus touchante, de la future mère. Ne doutons pas que, plus tard,
l'intérieur de beaucoup- d'entre elles, devenues des épouses averties,
ne se distingue par sa simplicité élégante et sa paisible harmonie.
Mieux que tant d'autres,—• plus ignorantes que coupables, — elles
sauront, soj'ons-en sûrs, fortes de leurs vertus modestes, retenir des
maris trop enclins à déserter pour le cabaret un foyer négligé.
La Maison des apprentis, fondée en 1846, loge et nourrit une
centaine d'adolescents qui se forment en ville au commerce ou à un
métier manuel. La Société de patronage des apprentis Israélites se
recommande aux familles disposées à lui confier des jeunes gens pour
leur faire adopter un emploi ou les diriger dans la carrière des arts
industriels. L'Association des dames de la Providence veille sur des
fillettes pauvres, qui reçoivent, chez les soeurs de Saint-Vincent de
Paul, une solide instruction professionnelle.
L'Amie de la jeune fille est représentée dans notre ville par des
zélatrices infatigables ; et Y Association catholique des oeuvres pour la
protection de la jeune fille centralise les indications; pouvant aider les
jeunes filles sans appui à trouver asile et protection, à gagner hon-
nêtement leur vie. Le comité local, qui fonctionne depuis 1897, a
reçu en 1905 un millier de visiteuses. Il s'est occupé de 535 per-
sonnes : 135 institutrices, 382 employées et ouvrières. Quant aux
domestiques, elles sont adressées aux différents bureaux de place-
ment qui existent à Nancy.
Au sortir de la caserne où l'OEuvre des jeux du soldat se propose
OEUVRES D'HYGIÈNE. •—'RAPPORT BOYÉ ET GOEPFERT 401
de détourner les jeunes gens de la boisson et du libertinage en leur
procurant d'innocentes distractions, le moment est venu d'élire une
compagne'. Avoir amené l'homme loyal et sain jusqu'au mariage,
est un inappréciable résultat. L'union peut, daiis ces circonstances, se
contracter sous de favorables auspices. Si d'aventure elle s'est préma-
turément nouée, sans souci d'une consécration légale, l'OEuvre de
Saint-François Régis s'emploiera à la régulariser devant le magistrat
et devant le prêtre.
La famille est constituée. Les enfants naissent. Les charges du
ménage deviennent à mesure plus pesantes. Par bonheur,; il est à ce
fardeau d'ingénieux allégements. Notre Bureau de bienfaisance ap-
paraît ici comme un modèle. Nous aurions certes à insister sur le
fonctionnement de ses divers rouages, si un rapport spécial ne
vous avait exposé, Messieurs, les innovations de ce remarquable
mécanisme. Vous savez qu'à Nancy on ne se contente pas de
remettre aux indigents des secours ordinaires et extraordinaires,,
en argent ou en nature, mais qu'on s'applique surtout à faire de
l'assistance préventive : assistance par l'habitation, par le jardin, par
le travail.
L'Assistance par l'habitation, inaugurée en 1904, procure aux
.
familles'qui sont dans l'impossibilité de subsister avec le produit de
leur labeur, principalement aux familles nombreuses, des demeures
salubres, en retour d'un modique loyer. Vous avez pu voir, sur les
hauteurs de Boudonville, un premier groupe de trois maisons, com-
prenant dix logements indépendants : maisons séparées les unes
des autres, bien aérées, agrémentées de petits jardins. La Société
immobilière nancèienne, qui possède cinquante-neuf maisons isolées
et quatre vastes cités, le Comité départemental des habitations à bon
marché, qui distribue tous les ans des prix d'ordre, ne sont pas sans
contribuer puissamment, eux aussi, à l'hygiène et à la moralité.
Grâce à l'Assistance par le jardin, qui fournit aux plus méritants,
avec les outils et les semences nécessaires à sa mise en valeur, un
terrain propre à la culture maraîchère, une distraction productive, le
réconfort de Pair et du soleil sont offerts, pour ses heures de loisir,
à l'ouvrier qu'un astreignant métier confine parfois dans des locaux
CONGRÈS m: NANCY 26
402 CONGRES DE NANCY
surchauffés ou obscurs. La mère et les enfants prennent leur part du
plaisir. Les dimanches se passent dans une joyeuse intimité. Actuel-
lement, le Bureau de bienfaisance concède ainsi a 212 personnes des
lots d'une superficie moyenne de 2 ares 40centiares. La Société des
jardins, ouvriers, oeuvre due à l'initiative privée, dispose de deux
èncloSj'divisés en 78-parterres.
Au Bureau de bienfaisance qui la subventionne, se rattache P OEuvré
de l'assistance par le travail, dont les ateliers sont ouverts en perma-
nence.- Des hommes qui s'y présentent, les uns sont acceptés sur
simple demande. La plupart de ceux-ci répugneraient à solliciter un
secours quelconque. Ils considèrent leur admission comme un em-
bauchage d'attente, leur permettant de ne pas perdre l'habitude du
travail, de moins pâtir du chômage, de conserver leurs maigres éco-
nomies. Les autres arrivent munis de bons que l'OEuvre remet à
ses adhérents et aux administrations d'assistance. Ce sont d'ordinaire
des étrangers à la recherche d'un emploi, des-convalescents, des
ouvriers fatigués que l'on n'enrôle plus, des vieillards, des men-
diants même qui, par exception, se décident à s'occuper quelque
peu, à l'abri des intempéries. La seule industrie reconnue possible
et d'un rendement convenable a été la fabrication des fagots d'allu-
mage. Le salaire quotidien est fixé à 1 fr. pour six heures de
travail. L'hiver, une heure supplémentaire assure, à midi, une
portion de bonne soupe chaude aux persévérants. En dix ans,
POEuvre a vu passer sur ses chantiers 6 354 ouvriers, à qui elle a.
remis 108 572 fr.
Annexe encore du Bureau de bienfaisance, l'OEuvre du prêt des
draps, qui date de 1904, tient des draps propres à l'usage de familles
indigentes et nombreuses. 240 paires, numérotées, sont déjà en cir-
culation. Deux paires, toujours les mêmes, sont alternativement at-
tribuées à chaque-ménage. C'est mieux qu'un secours. On développe
chez les bénéficiaires le goût de la propreté ; on les amène gra-
duellement à en éprouver le besoin.
L'hygiène de l'alimentation n'est pas oubliée. L'OEuvre des res-
taurants économiques remonte à 1872. Dans ses quatre établisse-
ments, d'une-tenue irréprochable, une nourriture substantielle s'ob-
OEUVRES D HYGIÈNE. — RAPPORT BOYE ET GOEPFERT 403
tient pour une très minime rétribution. La portion de,viande coûte
20 centimes; toute.autre portion 10 centimes. Le prix moyen d'un
repas peut s'évaluer à 40 centimes. Environ 90000 portions sont
consommées par an.
L'OEuvre des soupes populaires, fondée en 1891, distribue pendant
les mois les plus rigoureux : décembre,janvier et février, des rations
.
composées de soupe, de pain, delégumes et de viande. L'année der-
nière, 25 585 de ces repas chauds ont été servis à des enfants, des
femmes, des vieillards, des ouvriers sans travail.
Nous sommes loin de l'ancienne conception de la charité, loin de
la banale aumône qui rabaisse quand elle n'avilit pas ! Puisse le riche
dont la conscience simpliste-— nous allions dire lasentimentalité —-
est satisfaite quand il a déposé son obole dans le chapeau du men-
diant, embusqué au coin des rues ou accroupi au porche des églises,
se rendre compte enfin qu'il existe assez d'oeuvres que ses générosités
mal comprises ne remplaceront jamais, d'oeuvres qui ne demande-
raient qu'à se prodiguer davantage, si leurs ressources augmentaient.
Que de choses ne ferait-on pas avec l'argent abandonné au hasard
d'une main tendue ou d'une tare exhibée, presque toujours en pure
perte, souvent pour l'unique bénéfice du marchand de vin. Il est
temps que les gens du monde, trop sensibles ou\trop légers, s'aper-
çoivent que démasquer et affamer le faux pauvre, c'est servir et
nourrir le véritable indigent.
Comment séparer de la question de l'alimentation la campagne
antialcoolique? Cette campagne est énergiquement soutenue à Nancy
par une section de la Société française de tempérance de la Croix bleue
qui s'adresse aux buveurs résolus à s'affranchir de leur passion, aux
hommes exposés à commettre des abus, aux personnes éclairées,
désireuses de montrer par l'exemple qu'il est aisé de se passer d'al-
cool, voire de bière et de vin. L'Union française antialcoolique a
aménagé un restaurant dit de l'Etoile bleue. Quoique de création
récente, cette salle de tempérance se garnit chaque jour de fidèles
habitués, qui participent à la propagande.
De la lutte contre l'alcoolisme il y a lieu de rapprocher la lutte
contre la tuberculose, cette autre plaie vive de notre époque, consé-
404 CONGRÈS DE NANCY

quence souvent de la première. L'OEuvre lorraine des tuberculeux a


construit, non loin de Nancy, au milieu d'une propriété de 10 hec-
tares en partie boisés, un sanatorium populaire qui rend les plus pré-
cieux services, malgré le chiffre assez restreint de lits qu'il contient.
Des pensionnaires y sont entrés en décembre 1902, et, jusqu'au
Ier avril 1905, 187 malades-y ont trouvé place. Plusieurs d'entre
vous, Messieurs, reviennent à l'instant même de Lay-Saint-Chris-
tophe. Ils ont constaté que cet établissement, dont l'agrandisse-
ment ne tardera pas, réunit toutes les conditions désirables pour
le traitement des tuberculeux pauvres. L'OEuvre du- dispensaire anti-
tuberculeux assure gratuitement aux indigents atteints de tuber-
culose, ou prédisposés à cette affection, l'assistance thérapeutique
et l'assistance alimentaire nécessaires. Du Ier décembre 1901 au
30 avril 1906, 901 personnes se sont présentées à la consultation.
Sur ce nombre, 577 ont été reconnues frappées ou suspectes. Mais,
dans l'esprit des promoteurs de l'OEuvre, le dispensaire doit être
moins un instrument de cure que de prophylaxie. On s'y efforce de
restreindre la distribution onéreuse des médicaments, pour enrayer
le mal par une nourriture plus abondante et meilleure. Depuis
quelques mois, les directrices des écoles communales obtiennen:,
sur leur demande, de l'huile de foie de morue qu'elles administrent
aux enfants malingres et scrofuleux. On insiste sur les précau-
tions hygiéniques à prendre. On encourage la propreté par des
primes aux familles dont le logis est le mieux tenu. On atténue la
contagion en faisant désinfecter, soit aux changements de domi-
cile, soit aux décès, les chambres qu'ont occupées les malades.
Ajoutons que sous peu s'ouvrira à Nancy un hôpital spécial pour
tuberculeux.
Simultanément avec le Bureau de bienfaisance, des oeuvres excel-
lentes, mais d'un- caractère confessionnel, distribuent des bons de
pain, de viande, de légumes, de chauffage et de layettes, assistent et
moralisent. Les Soeurs de Saint-Charles et les Soeurs de Saint-Vincent
de Paul vont s'asseoir au chevet du pauvre et se substituent à la
ménagère alitée. Dans les différentes paroisses, les Dames de charité
portent leurs secours à domicile. Les confrères de la Société de
OEUVRES D HYGIENE. —r RAPPORT BOYE ET GOEPFERT 405
Saint-Vincent de- Paul, répartis en vingt conférences distinctes, les
membres de l'Association de bienfaisance parmi le_s protestants de
Nancy, soulagent, dans leur sphère d'influence, bien;des infortunes,
répandent bien des consolations..
Nous ne ferons que signaler les hôpitaux et les hospices où sont
reçus les malades de tout genre, les infirmes, les aliénés. C'est l'Hô-
pital civil, avec ses multiples cliniques ; la Maison départementale de
secours ; l'Hospice f.-B.-Thiéry, pour les enfants, à Maxévilki C'est
l'Institution des sourds-muets, au château de la Vieille-Malgrange;
à Santiforitaine, l'Institut dés jeunes aveugles; à MaréviUe, l'Asile
public d'aliénés, dont la population, dépassant 1 800 hôtes, en.fait
le plus important des asiles spéciaux de France. Outre la Société de
patronage des aliénés de Meurthe-et-Moselle, qui vient en aide aux alié-
nés guéris, la Société de patronage en faveur des orphelins, des sourds-
muets, des aveugles et des aliénés, fondée dès 1848, contribue à l'a-
mélioration physique et morale de ces déshérités.
La Société des sauveteurs de Meurthe-et-Moselle a organisé . sur plu-
.
sieurs points de la ville et de la banlieue des postes de secours où les
premiers soins sont donnés aux blessés. Un matériel complet de
transport est mis en branle par un corps d'ambulanciers et de
brancardiers. Les soldats des colonies, envoyés en congé de convales-
cence, ou qui, rapatriés, viennent, dénués de ressources, chercher
de l'ouvrage à Nancy,- ne sollicitent pas en vain les comités nan-
céiens de secours aux blessés des armées de terre et de mer, ceux
de la Croix rouge et de P Union des femmes de France.
L'enfant, qu'à l'aurore de la vie le destin toucha de son doigt bru-
tal en le privant de l'affection de ses parents, a trouvé à l'Hospice
des orphelins sous le vocable de Saini-Stanislas, à la Maison des
orphelines, ou dans quelque communauté religieuse, l'illusion d'un
foyer. Au déclin de l'existence, les personnes des deux sexes sur
qui s'est acharné le malheur ou que la fortune a trahies, seules, sans
soutien, peuvent venir abriter leur vieillesse sous d'autres toits pro-
tecteurs : à l'Hospice Saint-Julien, dont la fondation remonte à 1336
et qui, après avoir au cours des siècles occupé deux emplacements
successifs, fut transféré, en septembre 1900, dans un troisième et
4-0Ô CONGRÈS DE NANCY
spacieux édifice ; à l'Hospice des Petites Soeurs despauvres ; kl'Hospice
Israélite. C'est le repos et la sécurité garantis pour l'étape finale ;
souvent le port après l'orage.
Ces oeuvres réclamaient un lien. En 1899, Y Office central nancéien
des oeuvres de bienfaisance a entrepris de renseigner les intéressés sur
les institutions d'assistance et sur les misères réelles; de procurer
des emplois ; de canaliser la_charité privée; de transmettre les sub-
sides aux indigents. On ne saurait contester les services rendus par
l'Office. En 1905, notamment, il y a été. répondu à 2 465 demandes.
Avouons cependant que cet effort n'a pas produit tous les fruits
qu'on en pouvait espérer. L'objet essentiel n'a pas été pleinement
rempli. Une nouvelle initiative en ce sens ne serait pas inopportune.
-
Telle est, Messieurs, la rapide nomenclature, peut-être involon-
tairement incomplète, de ce qui existe à Nancy en tant qu'oeuvres
se rattachant à l'hygiène sociale. Ce rapport n'a pas eu une forme
savante. Nous n'avons pas tenté de faire valoir par un habile arran-
gement ce qui vaut par soi-même. Il est des fleurs dont le rustique
assemblage compose le plus délicieux bouquet. Il est des gemmes
qui, pour briller d'un pur éclat, n'ont pas besoin d'être serties dans
de luxueuses montures. Cette simple liste a son éloquence. Elle
montre que le terrain est ici admirablement préparé pour l'action
bienfaisante de l'Alliance, puisqu'il y a moins à fonder qu'à encou-
rager et à soutenir, qu'à unir et à vivifier. Noble programme que
de former au-dessus des partis, dans la région sereine où n'atteignent
plus les préoccupations mesquines, pour le plus grand bien de cha-
cune et de toutes, une sorte de syndicat, une manière de fédération
des oeuvres, qui les grouperait vers un but à la fois commun et di-
vers, se prêtant à l'avenir un constant et mutuel appui, et dès lors
d'autant plus durables, plus efficaces et plus belles.
OEUVRES D HYGIENE..'—. DISCUSSION 407

Discussion
M. le président. — Je crois que l'élément essentiel du
rapport de MM. Boyé et Goepfert, ce qu?il faut surtout en
retenir, c'est que l'oeuvre de l'Alliance,d'hygiène, sociale à
Nancy sera beaucoup moins de fonder que d'unir ,et de
coordonner. -;;-:
C'est d'ailleurs un peu la même; situation que nous trou-
vons partout. Il y a beaucoup d'excellentes choses sans lien
entre elles, a'ignorant, .-faisant même double emploi quel-
quefois. Beaucoup- de ces oeuvres gagneraient à être réunies,
fusionnées. Ce que je souhaite au comité de Nancy, c'est
qu'il réussisse dans cette tâche, et qu'il ne se trouve pas
trop entravé- par les petites questions d'amour-propre qui
font:quelquefois obstacle à ces tentatives de fusion. Je.sais
d'ailleurs qu'ici il s'adressera à des natures élevées et géné-
reuses, et que la tâche lui sera rendue, facile par cela même,
Sans doute, celui qui a créé une oeuvre s'y attache, c'est Un
sentiment très naturel, mais lorsque de nouveaux besoins: se
sont: manifestés, lorsqu'on reconnaît que deux oeuvres iso-
lées pourraient faire de meilleure besogne en s'unissant, et
lorsqu'on fait appel aux sentiments de. générosité, d'intelli-
gence bien comprise des nécessités actuelles, on arrive à
faire comprendre que la simplification et l'unité valent
mieux que la dualité et la complication.
Une des questions dont le comité lorrain doit s'occuper
tout d'abord — et sur ce terrain je serai naturellement très
discret — c'est de savoir sur quelles ressources il doit
compter. Oh ! je ne crois pas que pour son action des tout
premiers temps, il ait besoin de sommes énormes, Encore
faut-il qu'il puisse faire acte de vie, de propagande, qu'il se
408 CONGRÈS DE NANCY'
fasse connaître, qu'il ait tout au moins une publication, un
bulletin, quelque chose qui. révèle son existence et qui lui
permette d'avoir quelque action.
-Le comité lorrain doit être le lien entre les initiatives
privées et les institutions municipales ou d'État. Pour cela,
il faut qu'il commence par être le centre des institutions
privées. ~ '

Tout à l'heure on nous disait qu'on avait tenté de créer


à Nancy une espèce d'office central. Remarquez tout d'abord
que nous n'agissons pas dans le domaine exclusif de l'assis-
tance, je dirai même que l'assistance, dans notre pensée, ne
peut apporter qu'un concours limité à l'oeuvre de solidarité
sociale, de relèvement moral que nous voulons entre-
prendre. Notre action propre n'est pas une oeuvre d'assis-
tance. Mais il est incontestable qu'il y à des points de
contact entre l'oeuvre de l'assistance et celle de l'Alliance
d'hygiène sociale et que ces contacts sont nécessaires, pour
arriver, comme je le- disais tout à l'heure, à des résultats
effectifs.
Ce qui serait très intéressant, c'est que le comité de l'Al-
liance, ou bien incitât le bureau de bienfaisance à chercher
une coordination meilleure des oeuvres existantes, ou" que,
tout en respectant l'action du bureau de bienfaisance et en
la favorisant sur un terrain un peu différent de celui de
l'assistance proprement dite, l'Alliance devînt le centre des
oeuvres qui sont véritablement des oeuvres de solidarité
sociale.
Il pourrait y avoir, par exemple, dans une ville comme
Nancy — je le disais hier à M. le président Gross-^ un petit
bureau ouvert deux ou trois fois par semaine, où seraient
donnés à tous ceux qui en auraient besoin des conseils au
point de vue des établissements qui peuvent les recueillir,
OEUVRES D HYGIÈNE. — DISCUSSION 409
de l'usage qu'ils peuvent faire des lois ou des règlements
qui sont très souvent lettre morte, car, remarquez-le bien',
si nous avons énormément réglementé, énormément légi-
féré dans ce pays, jamais on n'a fait connaître suffisam-
ment les lois et les règlements à ceux pour lesquels ils sont
faits et qui en ignorent l'usage.
Il faudrait donc une sorte de centre où les individus, les
sociétés, les fédérations elles-mêmes pourraient apprendre à
connaître leurs droits et à s'en armer.
Jusqu'ici, on a mis la démocratie en possession de
moyens d'action;;apprenons-lui à s'en servir.
On pourrait, par exemple, dans ce bureau juridique, si le
nom n'est pas trop ambitieux, aider, fortifier — je' ne fais
pas ici de révolution -—un locataire digne d'intérêt contre
un propriétaire inique. Cela rentrerait absolument dans le
rôle de l'Alliance.
Il faudrait constituer une sorte de dispensaire législatif
et hygiénique. Une création de ce genre servirait à affirmer
l'existence du comité de l'Alliance, à révéler et à fortifier
son action ultérieure. Cela pourrait être l'embryon, à mon
avis, d'un développement beaucoup plus considérable.
Ce petit office central ferait d'ailleurs bien apparaître ce
que je disais tout à l'heure, c'est que le comité de l'Alliance
doit être le lien entre l'initiative privée et les pouvoirs
publics.
En somme, nous prétendons chercher- à servir la démo-
cratie sur un terrain où jusqu'ici nous considérons qu'elle
a été insuffisamment défendue.
Lorsque l'homme est isolé pour la lutte contre la maladie,
il est faible, il a besoin d'être conseillé, d'être dirigé, de
connaître à la fois ses devoirs moraux et ses droits.
Si vous constituez un organisme qui rapproche les uns
410 CONGRÈS DE NANCY
.

des autres les hommes qui né savent pas et les hommes


qui savent, j'estime que l'Alliance aura rempli déjà la pre-
mière partie de son oeuvre.
Les oeuvres sont très nombreuses. Il y en a un très grand
nombre qui sont des oeuvres d'assistance et qui rie me parais-
sent pas relever directement, malgré des contacts possibles,
comme je l'indiquais tout~â l'heure, du comité dé l'Alliance.
Vous savez quel est notre programme. C'est de nous occu-
per des points qui nous ont paru connexes, c'est-à-dire de
la tuberculose, du taudis, de l'alcoolisme et par suite de la
mortalité infantile. Eh bien, dans cet ordre d'idées, nous
pouvons chercher à établir des contacts, avec les consulta-
tions de nourrissons, les écoles ménagères, les jardins
ouvriers, les restaurants de tempérance, les colonies de
vacances, les dispensaires.
Je demandais tout à l'heure s'il y avait plusieurs dispen-
saires à Nancy. Je ne veux pas juger d'une question que je
connais mal, mais, à première vue, cela me paraît un peu
modeste d'avoir un seul dispensaire dans une ville comme
Nancy. Je ne sais si cet unique dispensaire a une influence
considérable, je le souhaiterais. Mais, pour ceux qui ne dis-
posent pas de beaucoup de temps, ou pour qui le temps
représente surtout le moyen d'existence, il est à craindre
que les attentes au dispensaire ne soient un peu longues,,
ou que la course pour y parvenir ne soit bien longue.
Le dispensaire peut rendre d'énormes services au point
de vue de la lutte antituberculeuse. Je n'ai pas à vanter
ici celui que le docteur Calmette a établi à Lille, et qui
est un modèle, non seulement par son agencement inté-
rieur, mais aussi par son fonctionnement quotidien, par la
recherche et le dépistage de la tuberculose, L'Alliance peutr
je le crois, diriger son action dans cette voie du dispensaire..
OEUVRES D HYGIENE. ;— DISCUSSION 411
Je ne veux pas m'étendre trop sur ce; sujet : je donne ici,
à des hommes qui connaissent beaucoup mieux que "moi le
terrain,-des conseils que je pourrais très utilement recevoir
d;eux, de sorte que je serai très discret. Mais ce: qu'il est
tout à fait dans mon rôle de leur dire, c'est qu'ils trouveront
toujours auprès du comité de Paris un accueil cordial, un
appui moral et tous les conseils -qu'ils.-, voudront bien nous
demander. , :; . ; :~.
.
Pour ces conseils, pour ces renseignements, ils pourront
passer soit par mon intermédiaire, soit par l'intermédiaire
de notre secrétaire général. Je ne,; désobligerai pas M; Raoul
Bompard, pas, plus que je ne ferai moi-même de fausse
modestie, en disant que, quand vous nous demanderez
notre avis sur des questions techniques, législatives, d'appli-
cation des lois, sur des questions sanitaires surtout, ce n'est
pas l'avis de M. Bompard ni l'avis de: M. Casiniir-Perier
qui vous sera donné, fort.heureusement, mais celui d'un
homme technique, d'un philanthrope éclairé, comme mes
amis MM. Cheysson, Siegfried, comme MM. les docteurs
Brouardel, Calmette ou Letulle, dont je n'ai plus à vous
faire l'éloge ici.
Ma grande joie, quand j'ai fondé l'Alliance. d'hygiène
.
sociale, c'a été de me trouver entouré des hommes qui
veulent bien être près dé moi, et, lorsque, je viens dans une
ville comme Nancy, je suis heureux de parler au nom de
ces hommes et de venir vous dire ce qu'ils font et ce qu'ils
sont prêts à faire pour vous aider, pour vous fortifier, pour
vous encourager dans votre oeuvre.
J'ajoute un mot : Nous venons de créer le premier numéro
.— vous l'avez, je crois, entre les mains — d'un Bulletin de
l'Alliance, de sorte que nous aurons à la fois ce bulletin qui
sera périodique, et les Annales, que vous connaissez déjà.
412 CONGRÈS DE NANCY
s

Les Annales seront le recueil en quelque sorte scientifique,


.
qu'il n'y aura pas intérêt à mettre entre toutes les mains.
Le Bulletin, au contraire, sera à la fois l'organe de propa-
gande du comité central et le lien entre les comités de
province et ce même comité central.
Dans ce premier numéro,, nous avons fait connaître,
l'existence et la composition des divers comités. Ce que je
souhaite surtout, c'est que le Bulletin relate les efforts faits
successivement par les différents comités. Je me permets de
Vous dire très loyalement que j'y vois un double intérêt :
d'abord d'exercer sur chaque comité une sorte de contrainte
morale, en l'obligeant à nous dire périodiquement ce qu'il
a fait; en outre, chaque fois qu'un comité se révélera comme
ayant agi, ce sera un encouragement pour les autres et une
incitation à faire encore mieux.
Ce bulletin paraîtra désormais régulièrement ; il est, sous
le contrôle de M. le Secrétaire général, confié à M. Barrau,
secrétaire général du Musée social, et je lui rends cette
justice qu'il est, par son savoir, son intelligence et son
expérience, tout à fait à la hauteur de sa tâche.

M. Lallement. — Je n'ai qu'une observation à faire.


Tout à l'heure, quand il a été question des dispensaires,
M. le rapporteur a pu dire qu'il n'y avait qu'un seul dis-
pensaire antituberculeux à Nancy. Mais il s'agissait là des
oeuvres d'initiative privée ; le Bureau de bienfaisance de
Nancy possède quatre autres dispensaires dispersés par la
ville, pour ses malades assistés, pour l'assistance médicale
gratuite.

M. le président.
— Je vous remercie du renseignement,
qui me fait grand plaisir.
OEUVRES D HYGIENE. DISCUSSION 413
M. Qross. — Je devrais vous faire ce matin l'historique
du groupe de l'Alliance à Nancy, mais, en somme, cet histxx
rique n'est pas à faire, car le groupe nancéien, comme les
peuples heureux, n'a pas d'histoire. Notre création est toute
récente. Il y a quelques mois à peine, en octobre dernier,
qu'un groupe de nos concitoyens, s'intéressant plus parti-
culièrement aux questions d'hygiène sociale et répondant à
l'appelde nos excellents collègues, MM. Lallement, Bourcart,
Imbeaux, se sont réunis pour s'occuper de la création, en
notre ville, d'une section lorraine de l'Alliance; Dans une
assemblée tenue le 10 octobre, dans la salle des pas perdus
de l'hôtel de ville et sous l'a présidence de M. A. Mézières,
sénateur de Meurthe-et-Moselle, un comité a été constitué
dont j'ai eu l'honneur d'être nommé président.
Nous avons eu le bonheur d'être aidés aussitôt dans
notre tâche par MM. J. Siegfried, Cave, Fuster, qui ont
bien voulu nous apporter leurs meilleures paroles d'encou-
ragement, leurs plus précieux conseils. Dans un éloquent
plaidoyer fait à la salle Poirel, le 1-5 octobre, MM. Siegfried,
Cave, Fuster ont successivement rappelé les grands devoirs
et les grands bienfaits de l'oeuvre, à la fois humanitaire et
patriotique à laquelle notre éminent président a attaché son
nom. Qu'ils veuillent bien me permettre de leur renouveler
ici l'expression de notre gratitude.
Mais à peine né, notre comité a dû s'occuper de l'orga-
nisation de votre troisième congrès. La charge était lourde. La
préparation au congrès a absorbé tout notre temps. Tous nos
efforts ont dû être consacrés à son organisation. Sans doute,
il y a eu quelques lacunes, je vous en fais mes excuses;
j'espère cependant que vous n'emporterez pas du congrès
de Nancy un trop mauvais souvenir. J'ai d'ailleurs été
admirablement secondé par mes excellents et dévoués
414 CONGRES DE NANCY
collègues, et je tiens à leur en exprimer ici toute ma recon-
naissance.
Malgré' les préoccupations que nous donnait la prépara-
tion du congrès, notre comité n'a point perdu de vue sa
mission première. L'appel que nous avons' fait à nos conci-
toyens a été entendu. Des adhésions à notre oeuvje nous
sont venues. ; ;,; .;.
Dans notre chère cité- où les personnes dévouées à toute
chose utile sont si- nonibreuses, l'on s'occupe,, depuis de
longues années déjà, dé bien des questions appartenant: au
beau programme de l'hygiène sociale. Nombre d'oeuvres se
sont successivement fondées. •'
La première chose à laquelle notre comité a pensé, c'est
à constituer une espèce de relevé, d'annuaire, comme un
résumé de l'état actuel des différentes oeuvres qui existent
déjà à Nancy. Le rapport de MM. Boyé et Goepfert répond
en partie à la question. Mais il y a encore beaucoup d'oeu-
vres qui n'ont pas répondu à notre enquête.
Notre comité s'appliquera à régler, à coordonner, à rei>
forcer les efforts en faveur de l'hygiène sociale en Lorraine.
Il laissera à toutes les institutions, à toutes les oeuvres, à
toutes les associations déjà existantes, leur indépendance,
leur autonomie. Il se bornera à leur prêter son concours,
à les aider dans leur propagande, dans leur bienfaisante
activité, à étendre leur champ d'action, à les fortifier. Nous
nous efforcerons à susciter la création d'oeuvres qui nous
paraîtront manquer encore.
Je remercie M. le président des précieux conseils qu'il
nous a donnés tout à l'heure. Nous en ferons notre profit.
Nous mettrons tout notre dévouement à mener notre tâche
à bonne fin et à faire le plus de bien possible à nos conci-
toyens.
OEUVRES D HYGIÈNE. —-DISCUSSION 41$
M. Cheysson. -— Je voudrais, sans avoir cependant l'au-
torité de M. le président, mais peut-être avec un peu plus
de détails, insister sur nôtre nouvel organe, le Bulletin de
l'Alliance. On s'est souvent plaint à. nous qu'il n'existait
pas de rapports assez fréquents entre les différents; membres
de l'Alliance. Ce Bulletin répond à cette préoccupation.
Ce Bulletin, Messieurs, est votre oeuvre; vous avez des
devoirs envers lui : nous vous le confions'•'; il faut le faire
vivre et s'efforcer qu'il soit mieux qu'une-feuille ajoutée
aux autres.
Nous vous serions donc très reconnaissants de nous
envoyer des matériaux susceptibles d'être intéressants pour
tous : le Bulletin sera, si j'ose ainsi parler, un organe d'en-
seignement mutuel. Ce faisant, vous éviterez à vos collègues
les tâtonnements, les obstacles, que vous aurez rencontrés
dans l'élaboration de vos différentes oeuvres, à charge de
revanche, bien entendu.
Vous avez fait, Messieurs, l'inventaire de vos oeuvres
locales, vous le tiendrez à jour. Vous nous mettrez au cou-
rant de ses modifications ; vous nous direz ce que vos
oeuvres ont fait, leurs résultats, leurs procédés, leurs exten-
sions.
. . .
Je vous demande aussi de recourir à nous chaque fois que
vous aurez quelque incertitude sur l'application des lois ou
lorsque vous vous trouverez en face de certaines difficultés
locales. Nous avons un excellent outillage social, qui
s'augmente tous les jours, et nous devons savoir gré aux
législateurs, qui, comme notre collègue M. Millerand,
contribuent à l'enrichir.
Mais trop souvent la loi reste lettre morte parce qu'elle
est ignorée. L'Alliance d'hygiène sociale doit s'efforcer de
la faire connaître de tous les intéressés. Qu'ils n'hésitent
4l6 CONGRÈS DE NANCY

pas à recourir à nous, nous sommes à leurs ordres, nous


avons été créés pour eux.
En les: aidant de nos conseils et de notre expérience, nous
ferons vivre d'une vie plus, active nos différents organes.
C'est sur cette pensée que je terminerai ces courtes obser-
vations.
._.
M. le président. —Nous nous retrouverons cet après-
midi, et j'espère que tous nos amis voudront bien assister
à notre séance de clôture, à 2 heures et demie.
J'aurai probablement aussi le plaisir de les voir "ce soir,
au banquet, où nous retrouverons nos alliés les mutua-
listes.
La séance est levée.
SÉANCE DE CLOTURE
(Dimanche 24 juin, après-midi)

Président : M. CASIMIR-PERIER

RAPPORT GÉNÉRAL SUR LES TRAVAUX DU CONGRÈS

PRÉSENTÉ A LA SEANCE DE CLÔTURE, LE 24 JUIN I906

Par M. Raoul BOMPARD


Secrétaire général de l'Alliance d'hygiène sociale

Mesdames, Messieurs,
En me levant, je me rends immédiatement compte de la décep-
tion que vous ressentez. Celui que vous cherchez à cette place, c'est
mon sympathique prédécesseur, M. Fuster, qui aurait résumé les
travaux du congrès avec une autorité qui me fait défaut. Une indis-
position, que nous voulons tous croire passagère,' le tient éloigné
de nos travaux. Tous ici regrettent son absence. Personne ne la
regrette plus que moi.
Mais ma tâche est heureusement bien simplifiée par la valeur et
la précision des rapports et des conférences que vous avez entendus,
par la belle tenue des discussions qui se sont succédé.
Il en faut reporter, en grande partie, l'honneur à la ville qui nous
a reçus d'une façon si gracieusement accueillante.
Nancy nous a paru avoir une physionomie toute particulière.
C'est une ville de haute discussion scientifique et d'immédiate
réalisation pratique. L'action y suit de près la résolution ; l'expé-
CONGRfiS IJK NANCY 27
418 CONGRÈS DE NANCY
rience tentée vient aussitôt après le principe posé. Si l'Université
£st une de celles dont la République est justement fière, les profes-
seurs dont elle s'honore ne s'enferment pas dans une hautaine
indifférence. 'Ils- tiennent à' coeùii- d'être ..n'en- seulement1:, savants,
mais utiles. Ils observent la vie contemporaine, les besoins et lès
transformations qui se manifestent; 'Un exemple le prouve, Mes-
sieurs : quand une loi bienfaisante est venue donner aux universités
la vie, la liberté, la personnalité, ia faculté des sciences de Nancy.
s'est demandé quel usage elle allait faire de ces précieuses préroga-
tives ; elle s'est aperçue qu'on manquait dans cette région d'électri-
ciens, qu'on manquait de brasseurs expérimentés, qu'on allait cher-,
'chef' lès uns; et les autres à l'étranger; aussitôt'elle a; fô'iidé une
école d'électricité pratique et, par une innovation qui a dû affliger
plus d'un esprit attardé, elle a fondé une école de brasserie.
Il en est de même pour l'hygiène et l'assistance.
A l'appel de l'alliance; les professeurs,idoyen! en tête, sont venus
vous apporter des rapports d'une-haute valeur scientifique. Mais on
nous a aussi prouvé, par plus d'un exemple, qu'on ne se contente
pas à Nancy de vanter le progrès, on le réalise.
Chaque. fois qu'au cours d'une discussion l'un de nous disait :
« Voici ce qu'il faudrait faire ! » un Nancéien se levait et répondait :
« Nous l'avons fait ! » •
' '

Souhaitiez-vous, en effet, que les villes aient un casier sanitaire


pour chaque maison? M. Parisot vous apprenait que Nancy pos-
sède ce casier sanitaire. Engagiez-vous les maires, usant des arti-
cles 9 de la loi du 17 juillet 1880 et 97 de la loi du 5 avril 1884, à
interdire les cafés et débits de boissons, dansUn certain rayon,
autour des églises, cimetières, hospices, écoles et collèges ?
M. Schmitt pouvait, avec un légitime orgueil, écrire que Nancy
est, avec Lyon,.une des rares municipalités qui aient le courage de
faire usage de cette faculté. Ce matin même, M. le professeur Spil-
mann montrait à ses confrères son beau sanatorium, dû à l'initia-
tive privée. Enfin, lorsque vous avez abordé la discussion de votre
première question,- celle de l'orientation nouvelle des bureaux de
bienfaisance, M. Lallement s'est levé, nous a pris par la main et
RAPPORT BOMPARD 419
noms a conduits .voir les maisons pour les indigents, voir l'assis-
tance par les jardins, voir l'école ménagère. "'
En-vérité^ ceci n'était pas une. surprise pour nous. -Depuis plu-
sieurs années, les tentatives faites par le bureau • de bienfaisance
nancéien, sok ,pour associer l'effort préventif à hf distribution dés
secours, soit pour en modifier la nature, avaient attiré l'attention
adriiirative des personnes compétentes. Un de nos collègues les
plus justement qualifiés pour .comparer et juger en pareille matière,
M. Drduineau, nous a disque le bureau de Nancy était, par rap-
port; aux institutions françaises analogues, comme une de ces pièces
rares et précieuses qu'un collectionneur est fief de montrer et de
faire admirer. Ce jugement, M. Casimir-Perier a tenu à lui donner
la forme d'une notion précise, et il n'y a plus eu, dès lors, qu'à dis-
cuter sur les raisons de: cette excellence particulière, M. Drouineau
l'attribuant surtout au groupement d'oeuvres libres autour de l'ac-
tion centrale du bureau de bienfaisance, M. Henrot pensant qu'elle
est principalement due au concours d'un homme comme M; Lalle-
ment, qui dirige ces oeuvres annexes avec une sollicitude de tous les
instants. Heureuse délibération, Messieurs, que celle où d'utiles
résultats étant constatés par tous, on ne discute plus que sur les
raisons de cet état de choses !
Vous avez été unanimes à penser, Messieurs, que nos bureaux de
bienfaisance devaient entrer dans une voie nouvelle et associer de
plus en plus la prévoyance à l'assistance. Vous voulez opposer au
microbe paupérisme une antisepsie préventive, plutôt que de recou-
rir à une médication tardive et bien souvent inefficace ; améliorer
le logement populaire pour empêcher la tuberculose ; préserver ma-
tériellement et moralement l'enfant pour éviter des déchéances
irrémédiables ; interdire à l'ennemi l'accès du territoire, plutôt que
d'essayer péniblement de l'en chasser.
Peut-on espérer que nos bureaux de bienfaisance entendront ces
conseils et prendront cette direction nouvelle ? Et, d'abord le peu-
vent-ils ? Nous avons appris que le texte fondamental qui les régit
c'est une circulaire de 1823, une circulaire de M. de Corbières,
ministre.
420 CONGRÈS DE NANCY
Corbières et 1823, Messieurs ! Sans faire tort.à la mémoire d'un
ministre qui n'a pas dû faire grand mal puisqu'il n'a pas laissé une
notoriété retentissante, sans médire d'une époque sur laquelle nous
n'avons pas tout au moins de souvenirs personnels,. les idées ont
quelque peu évolué depuis lors. Je pense même que si nous avions
annoncé.à M. Mirman le.dessein de tenir un congrès pour recom-
mander le règlement de 1823 et les idées de M. de Corbières, l'ho-
norable directeur de l'hygiène et de l'assistance auf ministère de l'in-
térieur n'aurait pas mis le même empressement à signaler cette
discussion à l'attention de toutes les municipalités de France ; et
cependant M. Mirman est, dans une certaine mesure, l'héritier ad-
ministratif de M. Corbières!
Mais, Messieurs, un des fondateurs de la liberté américaine écri-
vait. :.« Les lois sont comme les pendules: elles vont du,mouve-
ment que les hommes leur donnent. » Soyons, en ces matières,
quelque peu Américains ou plutôt Nancéiens, puisque Nancy, ne
s'embarrassant guère de la lettre des règlements, a pu, sans encourir
les foudres administratives, fonder les institutions que vous avez
visitées, et qui sont, à supposer qu'on ne puisse les. transporter
intégralement ailleurs, tout au moins d'utiles leçons de choses.
.
L'adhésion de plus de soixante-dix municipalités à notre congrès,
le désir que la plupart d'entre elles m'ont exprimé de recevoir exac-
tement le volume de nos délibérations, montrent quel intérêt pas-
sionné ces questions soulèvent dans ces milieux.
Qu'on recrute avec soin le personnel de ces commissions admi-
nistratives, en ne se souciant que de l'intérêt des pauvres ; qu'on
encourage, par des satisfactions appropriées, ceux qui apportent
leur concours actif et désintéressé au soulagement de la misère, et
le progrès se réalisera peu à peu, prudemment, sûrement.
Le progrès exigera surtout qu'on remédie à l'anarchie des oeuvres
d'assistance qui s'ignorent, se contrecarrent parfois, au lieu de se
compléter. On devra s'efforcer, comme vous y convie M. Ricor-
deau, de ne plus souffrir que la dualité d'assistance de l'hôpital et
du bureau de bienfaisance: entraîne les graves inconvénients qu'il
vous a signalés. On tentera de faire que le bureau de bienfaisance
RAPPORT BOMPARD 42:1
devienne l'office central des oeuvres charitables de chaque ville,
selon le conseil de notre collègue de Nantes dans le remarquable
rapport qu'il a bien voulu nous adresser. J'exprimerai le sentiment
général en regrettant que M. Rieordeau n'ait pu venir défendre en
personne-ses conclusions'.
Plus les commissions administratives entreront dans la voie nou-
velle qui s'ouvre devant elles, plus la question du logement s'impo-
sera à leur attention.
Cette question, Messieurs, a été traitée dans notre congrès avec
toute l'ampleur qu'elle mérite, soit que vous ayez discuté le rapport
si complet de MM.Macé et Imbeaux, soit que vous ayez écouté la
conférence si lumineuse et si émouvante de M. Cheysson;
Comme le disait cet éminent maître, c'est ici le carrefour où se
rencontrent toutes les fédérations que groupent l'Alliance, c'est ici
que se croisent leurs efforts.
Que vous vous occupiez d'alcoolisme, de tuberculose, de morta-
lité infantile, vous voyez invariablement se dresser devant vous
cette cause de déchéance, de maladie et de mort : l'insalubrité du
logement.
Cependant, même, dans les milieux riches, éclairés, intelligents,
combien cette question du "choix d'un logement sain est souvent
traitée avec une incroyable légèreté !
Avec sa parole spirituelle, le docteur Letulle nous montrait l'hy-
giène contemporaine entrant dans la demeure du riche, démeublânt
la chambre à coucher, arrachant les rideaux et les baldaquins qui
entouraient le lit, continuant dans le salon cette oeuvre de dépréda-
tion, brisant les verres de couleur qui ornent les vitres, aplanissant
les plafonds à poutres apparentes et sombres, qui rappellent le
Moyen Age, montrant comme idéal à ce milliardaire, s'il veut avoir
un prix d'hygiène, la cellule monacale ; considérablement agrandie
il est vrai, la cellule aux parois lisses et nues. Le milliardairerésiste,
parait-il, et' ne laisse emporter qu'à regret tout ce qui flattait son
regard, tout ce qu'il considérait comme un élément de confort.
Le pauvre résiste plus encore. Ce n'est pas qu'il ait à consentir
des sacrifices du même ordre. Mais comment demander à celui qui
422 CONGRÈS DE NANCY
vit au jour le jour, d'un salaire souvent dérisoire, dont les condi-
tions d'existence sont telles que l?insouciance seule peut parfois ies
faire supporter, comment lui demander de devenir brusquement
prévoyant et sage quand il choisit son logement ?
Et, d'ailleurs, est-ce que le prolétaire choisit son logement'quand,
expulsé ou chassé de sa demeure précédente, il erre dans les rues de
Paris, avec la femme et les marmots, et le lamentable mobilier, sur
une charrette à bras ? Qu'il trouve un abri où on veuille bien le re-
cevoir,-malgré le nombre-de ses enfants, qui est souvent une cause
d'exclusion, et il sera trop heureux d'entrer, sans élever d'autres
prétentions. La jurisprudence, des juges de paix, nibntre à^ quelles
résistances et à quelles prétentions injustifiables se heurtent les
réclamations les plus légitimes de ceux qui peuvent discuter, qui
sont des locataires de choix. Comment discuterait-il celui qui est
accueilli comme un pis-aller et un suspect?
Et cependant il faut montrer toute l'importance de la salubrité
.
du logement. Il faut sur cette question n'avoir ni trêve ni repos. Il
faut.garder dans la mémoire l'inoubliable impression des taudis
dont M. Cheysson nous a montré toute l'horreur, et le. remords
souvent durable et salutaire que cette impression doit laisser dans
notre mémoire.
Le programme de l'assainissement est heureusement déterminé
aujourd'hui. Si l'un des maîtres les plus éminents de cette science
de l'hygiène de l'habitation, M. Emile Trélat, que nous avons vu
avec joie prendre la parole au congrès, pouvait rappeler qu'il avait
jadis élevé le premier la voix dans le désert, aujourd'hui le désert
s'est peuplé de disciples attentifs à recueillir, à développer, à propa-
ger des vérités désormais incontestées.
Toutes les formes de la propagande ont été proposées et soute-
nues pour avertir ,1e pauvre de ne pas entrer dans un de ces taudis
qu'on a pu qualifier d'abattoirs. La plus efficace est sans doute la
leçon de choses, l'exemple, tel que la pratique cette femme de bien
dont le nom a été justement applaudi ; M"e Chaptal.

Mais la propagande ne suffit pas.en ces matières et c'est au légis-
lateur que vous avez fait appel.
RAPPQRT BOMPARD 423
Vous avez d'abord, demandé aux Chambres d'exiger le respect de
leurs propres décisions. J'ai trouvé dans le rapport de M. Schmitt
cette citation de M. J. Simon : « Faire des lois et ne pas les appli-
quer,, c'est un des malheurs de la,France et presque une de, ses;tra-
ditions...» ' ...-;:. .-;.,.
,- -.. •',.-...•,,...-'••-
Malheureusement;, la loi de .1902 sur la santé publique-rentre
dans cette catégorie des lois inappliquées, oubliées, singulière leçon
de mépris de.la.loi donnée par le législateur lui-même.
. _. .
Puis vous; vous êtes, occupés, l'expropriation. Avec MM,,Sieg-
de
fried et Bpurcar.t,,vous.avez cherché les moyens de mettre nn terme
à ces [indemnités,..souvent exorbitantes, que le jury d'expropriation
offre comme une prime à l'avarice.et à l'insouciance. Nos; collègues
n'ont pas voulu examiner de, trop près cette institution..-,du,.jury
d'expropriation ; elle profite de la popularité qui s'attache, au seul
mot dzjury. Peut-être serait-ce le cas de regarder ici quelles choses
différentes peuvent s'abriter sous, les mêmes mots, et de chercher
s'il est raisonnable,quedes,propriétaires seuls décident des, indem-
nités: à donner à des, propriétaires; En tout cas, si le Parlement
adopte la proposition de loi dont M. Siegfried l'a saisi et que. M., le
professeur Bourcart a si magistralement analysée, le jury sera obligé
de motiver ses, décisions et de retrancher de la valeur de l'immeuble
homicide la somme nécessaire pour le remettre en bon état, de salu-
brité. Souhaitons que ces réformes suffisent, eu ce qui concerne le
jury d'expropriation, et qu'on ne revoie plus certains 'jugements
vraiment scandaleux.
Vous avez encore souhaité l'institution d'un casier sanitaire im-
mobilier dont la communicationfût de règle chaque fois qu'il s'agit
d'un intérêt sérieux. Enfin vous avez exprimé le voeu que les socié-
tés de secours mutuels, les associations ouvrières, les bureaux de
bienfaisance profitent de plus en plus de la faculté que leur a donnée
la loi à laquelle notre cher vice-président, M. Siegfried, a eu le
grand honneur d'attacher son nom et emploient leurs fonds à créer
des logements à bon marché. Qu'il me soit ici permis un instant de
me rappeler que je suis membre du conseil de surveillance de l'assis-
tance publique de Paris et de rappeler que, sur un avis, très favorable
424 CONGRÈS DE NANCY
de cette assemblée, l'administration a consenti à des sociétés de '
construction de logements à bon marché trois prêts s'élevant à en-
viron 600 000 fr.
C'est un bon placement, Messieurs, s'il a pour effet de préserver
de la tuberculose de nombreuses vies humaines, s'il sauve l'exis-
tence de quelques-uns de ces enfants sur lesquels le fléau s'abat avec
tant de rigueur.
Pour ces enfants, nous voudrions un avenir meilleurque le temps
où nous vivons. Pour eux, dans un intérêt tout à la fois de solida-
rité et de patriotisme, nous voudrions la santé, la fermeté de l'es-
prit, le courage, en un mot, la force sous sa forme la plus noble.
Aussi, l'enfant, l'adolescent, et cet homme jeune qu'on nous a
affirmé être très semblable à l'enfant, le soldat, ont-ils tenu une
large place dans vos travaux. Le rapport, d'une philosophie si élevée,
que M. le professeur Bernheim vous a présenté demande à l'Alliance
de réserver dans ses futures assemblées une section à l'hygiène mo-
rale. Saris préjuger des décisions que prendra à cet égard le bureau
de l'Alliarice, il me sera permis de dire que notre collègue a déjà eu
une large satisfaction. N'est-ce pas s'occuper, en effet, d'hygiène
morale que de se demander comment protéger l'enfance et l'ado-
lescence contre l'alcoolisme et contre les conséquences de la débauche
précoce ? Et n'est-ce pas là véritablement une question d'éducation ?
Voici donc l'enfant qui nait : grande joie dans une famille riche,
joie assombrie par les soucis des charges nouvelles dans une famille
pauvre. Il nait avec une hérédité dont on peut assurément diminuer
les conséquences, mais dont il est peut-être téméraire d'espérer
qu'on supprimera les effets. S'il est né de parents alcooliques, s'il a
été conçu dans l'ivresse, s'il reçoit le lait d'une nourrice intempé-
rante, il subira le dur châtiment d'une faute dont il n'est pas res-
ponsable. Et quelle pensée pourrait être plus capable d'arrêter le
buveur ou le débauché s'il savait, s'il comprenait, s'il se rappelait
que ce n'est pas sur son corps à lui que s'abattra la conséquence
terrible des désordres auxquels il se laisse entraîner, mais sur cet
enfant dont il verra les tristes convulsions, les affreuses déchéances,
sujet d'éternels remords s'il lui reste une conscience.
RAPPORT BOMPARD 425
A cet enfant que tant de maux assiègent, il faut du lait-pur. C'est
pour le lui assurer, c'est pour le garantir de la tuberculose, qui
guette plus spécialement la jeunesse, comme l'ont montré MM. les
professeurs P. Simon et L. Spillmann, qu'une pléiade de savants
travaille avec acharnement dans les différents pays. Au premier
rang de ces savants, citons le docteur Calmette, dont les travaux
sont si glorieux pour notre pays. Il nous a fait l'honneur, dans sa
conférence d'hier au soir, de nous initier aux résultats de ses recher-
ches les plus récentes. Son labeur inlassable l'a conduit à découvrir
que le bacille tuberculeux s'introduit dans notre économie moins
par la respiration, comme on le croyait, que-par'l'alimentation. Les
poussières sont, dangereuses non pas tant parce que nous les respi-
rons, mais parce que nous les avalons. D'ailleurs, même prophy-
laxie; rien n'est changé aux conseils que la science nous donnait
pour essayer de préserver du fléau ceux qui nous sont chers. Tout
au plus la surveillance devra-t-elle devenir plus rigoureuse encore
pour tout ce qui concerne l'alimentation, et M. Calmette demande
qu'aucun lait ne puisse être mis en vente sans un certificat d'origine
qui prouve : i° que les vaches de l'étable sont saines ; 2° qu'elles
sont soumises à un examen sanitaire' au moins semestriel. Pour jus-
tifier des mesures aussi sévères, vous retiendrez, Messieurs, cette
affirmation du docteur Calmette : « Dans le Nord, 45 °/0 des vaches
sont tuberculeuses !»
L'enfant, dont nous suivons pas à pas le développement, échappe
cependant au fléau meurtrier. Mais auprès de lui, dans sa famille, il
peut y avoir des personnes qui subitement deviennent contaminées.
Il faut les isoler. Si cet isolement est impossible, avez-vous ajouté
(ce qui prouve que vous n'oubliez pas les réalités de la vie ouvrière
ou paysanne), il faut éloigner les enfants, laver les planchers, prohi-
ber le lavage à sec, prescrire l'usage du crachoir... Que de difficultés
pratiques, Messieurs, à vaincre pour assurer l'exécution réelle et
complète de ces prescriptions dans des ménages pauvres, alors qu'elle
est souvent difficile à obtenir dans des familles aisées ! Que d'habi-
tudes à changer !
Cependant, notre enfant devient écolier. Une nouvelle vie s'ouvre
426 CONGRÈS DE NANCY

pour lui, une: nouvelle responsabilité s'ajoute à celles qu'assument


ceux qui ont charge de lui .-
L'école,- Messieurs, était jadis, comme la--caserney-un-.domaine,
fermé. Le pédagogue seul y avait accès. L'hygiène s'arrêtait à la
porte. Défense d'entrer pour ne pas troubler le gavage cérébral,
passez-moi l'expression. Défense d'entrer surtout pour ne pas trou-
bler la quiétude du maître. L'école formait un îlot séparé du reste
de la collectivité nationale ; elle rie participait point- à la vie générale,
Que de conversions à opérer, puisqu'en ces matières, surtout dans
le domaine du foyer familial, c'est sur la persuasion qu'il faut comp-
ter ! Quelle belle tâche pour le médecin, pour le conseiller, pour
l'administrateur du bureau de bienfaisance, pour tous les " coeurs
généreux dont les difficultés surexcitent le zèle et le dévouement.
Et, dans cette élite, comment ne pas saluer spécialement la vail-
lante armée des mutualistes, que notre illustre président s'est réservé
le soin de saluer et de féliciter, mais qui sait quels immenses espoirs
nous fondons sur elle, car nous connaissons sa puissance pour le
bien, son action toute de fraternité et de progrès social.
Dans ces maisons, dans ces cloîtres, qui donc se serait abaissé à
enseigner à l'enfant qu'il doit se laver, qu'il doit exercer ses mem-
bres, éviter autant que possible la maladie, source de chagrin et de
misère pour lui et les siens. Ne valait-il pas mieux le forcer à retenir
d'interminables nomenclatures de dates, et de rois, et de batailles ?
Les temps sont heureusement changés. L'école a ouvert ses portes
toutes grandes au progrès et à la lumière. Les idées que je viens
d'exposer sembleraient, à coup sûr, barbares et rétrogrades aux
maîtres de la jeunesse et à leurs chefs, dont nous saluons ici la pré-
sence.
Ils sont les premiers à applaudir aux initiatives qui viennent for-
tifier leur influence sur les parents cornme sur les élèves. Ils sont
les premiers à se réjouir que des associations se forment, comme la
Ligue pour l'hygiène scolaire, réunissant dans un même effort des
médecins, des maîtres, des pères de famille.
La Ligue vous a été présentée par MM. les docteurs Mathieu et
Mosny, qui vous ont dit son action et ses espérances.
RAPPORT BOMPARD 427
La Ligue veut d'abord que -L'écolene' nuise pas au développement
de Penfant.; La, prétention paraît d'abord modestej et cependant est-
ce'que partout on surveille l'attitude de l'écolier; quand il écrit?
Est-ce • que paftout la: table est en rapport avec la taille de l'enfant ?
Une fois ce; premier point obtenu:, nos; Collègues veulent encore
que l'école aide au: développement des* fonctions Vitales essentielles-,
que, par une gymnastique: appropriéëy ori> apprenne aux enfants à
respirer, qu'on. leur enseigne à se laver, qu'on organisé vraiment
sérieusement les jeux en.plein air; etfe travailmanuel.'
Cei n'est pas tout encore;:-Soutenus: par 'le!docteur Letullej qui
nous a montré combien peu les précautions élémentaires contre les
contagions sont ^appliquées, mème-pour lesfàvorisés de; renseigne-
ment secondaire,: ils exigent que Tes: fiches individuelles de santé
soient instituées et--qu'une inspection médicale effective soit orga-
M ,:: : -.
nisée. •
M. le docteur Parisot vous a montré avec quel soin le règlement
sanitaire de la ville de Nancy, du 19. décembre 1905, a prescrit les
mesures de prophylaxie nécessaires dans les'écoles.
Avec ces précautions résolument appliquées, l'enfant évitera peut-
être les nombreuses • maladies qui le menacent, et sur lesquelles
MM. les professeurs Haushalter, Simon et Spillmann nous ont donné
les renseignements les plus précieux et les plus complets.
Cependant, sans qu'aucune véritable maladie se soit déclarée,
l'écolier peut être pris d'une de ces fatigues suspectes, d'un de ces
étiolemcnts inquiétants, qui exigent le grand air, le déplacement.
Nous le livrerons alors aux oeuvres de colonies de vacances, dont la
fédération, à notre grande satisfaction, s'est fait représenter à notre
congrès par un délégué, M. Boureille. Les vacances au grand air, à
la campagne, cette joie si intense de l'enfant ne doivent pas être le
privilège du petit riche. De plus en plus donnons à l'enfant malheu-
reux, avec l'allégresse, cette cure si efficace.
Cependant, voici que l'élève entre dans l'adolescence. Il traverse
cette crise que redoute tout père de famille digne de ce nom. Deux
é.cueils menaçants se dressent sur sa route : le premier est l'alcoo-
lisme, dont vous a entretenu M. le professeur Schmitt. ;
428 CONGRÈS DE NANCY
Non point que l'alcoolisme attende toujours l'adolescence pour
saisir sa proie. Dans certaines de nos régions, l'enfant apporte à
l'école la petite bouteille d'eau mortelle que la mère a placée elle-
même dans le panier où elle enferme les provisions de bouche. Et .
comment s'en étonner, Messieurs ? Cette mère ne fait que suivre _à
la lettre l'indication que certains représentants lui donnent quand,
défendant la légitimité du privilège des bouilleurs de cru, ils par-
lent des « nécessités de la consommation familiale ».
Par une inconséquence qui étonnera un jour l'histoire,—; car je
suis convaincu que l'historien de l'avenir s'ocçupefa surtout de ces
questions, —l'Etat français, qui est si gravement menacé comme
collectivité par l'alcoolisme grandissant, ne vous apporte dans cette
lutte-qu'un concours incertain et intermittent. Il a ses heures de
vertu et ses heures de laisser-aller. Un jour il prescrit un enseigne-
ment antialcoolique, il encourage la propagande de tempérance à la
caserne et à l'école, il prohibe la vente de l'alcool dans les cantines,
' comme l'ont fait les généraux de Galliffet et André. Le lendemain, il
salue, reconnaît et étend le privilège des bouilleurs de cru ; ou bien
ces étonnantes paroles tombent du haut de la tribune nationale :
« Les recettes du Trésor ont fléchi dans cette période, Messieurs;
heureusement la consommation de l'absinthe est venue relever le
produit des impôts. »
J'ai entendu un jour le président d'un tribunal administratif,
obligé d'appliquer la rigueur implacable de la loi fiscale à un contri-
buable qui invoquait des raisons d'équité et de justice, dire à cet
innocent plaideur: « En matière fiscale, l'Etat est un honnête
homme relatif. » De même l'Etat est un antialcoolique relatif.
Dans cette bataille si nécessaire, vous n'avez donc même pas tous
les concours sur lesquels vous devriez compter. Contre vos efforts
se dressent les habitudes prises, la contagion de l'exemple, les in-
fluences électorales," l'instinct même de sociabilité, car il faut se
rappeler que. l'alcoolisme ne naît pas toujours d'un instinct bas et
vil, mais aussi de sentiments avouables d'expansion, de cordialité,
si naturels à la jeunesse. Faisons nous-mêmes notre examen de
conscience; n'avons-nous jamais vu, dans les milieux les plus res-
RAPPORT BOMPARD 429
pectables comme les plus éclairés, un amphitryoncharmant, voulant
honorer ses hôtes, aller chercher une bouteille de vin ou de liqueur
remontant à la plus vénérable antiquité ?
Ainsi tout parait conspirer contre vous. Est-ce un motif de dé-
couragement, Messieurs ? Si j'osais parler de découragement dans
cette salle, je serais bien coupable, car nous avons tous le souvenir
de cette leçon d'énergie que M. Barbey, avec un talent admirable,
nous y donnait il y a quelques jours ! Si j'osais me laisser aller au
découragement, je devrais songer à ce modeste instituteurd'Ouehy-
le-Château, dont M. Barbey parlait ici même, et qui à lui seul, par
ses propres efforts et l'effet d'une honnête parole, a réuni huit mille
six cent cinquante signatures, vous entendez bien, huit mille six
cent cinquante signatures, pour la pétition en faveur deT'interdie-
tion de l'absinthe.
Regardez, la carte des cabarets de Nancy, qui a été l'un dès clous
de cette exposition que M. Imbeaux a organisée avec tant de science
et de succès. Il y a une zone où les débits de boissons sont si rap-
prochés qu'au lieu de les marquer d'un point il a fallu les réunir
par des traits. Ces traits forment un quadrilatère, une citadelle de
l'alcoolisme; mais au centre du quadrilatère, au coeur delà cita-
delle, vous voyez un petit point blanc : c'est le restaurant de tempé-
rance, qui, cerné de toutes parts, se défend avec héroïsme. Saluons-
le, Messieurs, et soyons nous-mêmes dans la France envahie le petit
point blanc qui ne transige pas ! -
L'alcoolisme n'est pas le seul fléau qui menace l'adolescent. Il en
est un autre, non moins grave, auquel on a donné un nom em-
prunté à la technologie maritime, probablement parce que Vénus
est fille de l'onde amère. Il y a l'avarie. M. le professeur Spillmann
en a traité devant vous,, qu'il me permette de le dire, tout à la fois
en savant et en honnête homme.
Avec une indignation que vous avez partagée, il s'est élevé contre
cette liberté de la pornographie, qui fait à notre pays une triste
renommée, que tous blâment, dont tous se plaignent, et qui profite
pourtant d'une inexplicable protection;
11 a demandé aux patrons, aux constructeurs de maisons ou-
4j P CONGRES: DE NANCY
vrièreSj de. porter leur attention• sur. Mes conditions de décence
qu'exige.laprotectionde;lamorale>^v,-;;.;:;;:;:
Il a réclamé tout à la foisle- traitehierit"des- malades; et" la; sur<-
veillance; des personnes qui répandent, le: plus habituellement le
fléatl.;;;, :,;;:; .„•••.-..•:.. l'A''i.^i ";-:-''! -' ' ;- ' ?.''--
i'-'
,: ' '' ' "''}'
.... -
'
-.-
Puis une question d'une gravité morale exceptionnelle s'est posée
devant. Vous.; FâutTÎl ayertir,4esj jèuriés gens ."des dangers auxquels
ils sont exposés,?;; ,;,;r,: ;; ''''-, ' - '-' ' -
'- ''.'''
La réponse dùj congrès a. été..unanimement affirmative..'Vous avez
répondu qu'il fallait,.lejdirej,.j'allais presque écrire : -il fallait le crier !
Il faut le dire aux jeunes gens des deux sexes dans lés écoles,, aux
jeunes soldats à leur incorporation, aux réservistes et territoriaux
quand ils retournent à la caserne. Mais ^on n'a pas. ajouté que le
rapporteur à la séance de clôture du congrès devrait en parler; je
vais profiter lâchement de cette omission, peut-être involontaire,
pour esquiver le sujet, non point par une pruderie hypocrite. qui
serait ridicule, mais parce que cette question veut être traitée,
comme elle l'a été dans vos réunions, avec une liberté de langage
que je n'aurais pas icL Ceux qui veulent s'instruire sur;ce sujet
devront se reporter non seulement au travail si remarquable du
professeur -Spillmann-, mais encore aux délibérations:du congrès^ Ils
y trouveront les.observations si précises qu'ont apportées plusieurs
médecins militaires, notamment M. le docteur Rouyer, du 3e ba-
taillon de chasseurs à Saint-Dié. ..,..,.
Les médecins militaires, Messieurs, je viens de prononcer leur
nom, et aussitôt tous vos regards se sont portés, j'en suis sûr, vers
M. le médecin-inspecteur Benech, dont la conférence a excité une
si enthousiaste approbation.
Avec quelle joie nous avons constaté la sollicitude avec laquelle
l'hygiène de nos jeunes soldats de France est surveillée ! Ce sont de
grands enfants, nous disait M. le docteur Benech, ces fils de paysans
que le recrutement envoie dans les grandes villes, où ils errent dans
les. rues avec leurs yeux pleins d'innocente surprise. Ce sont de
grands enfants ; leur mentalité est souvent celle des enfants ; leurs
jeux sont souvent ceux des enfants ; leurs maladies sont souvent les
RAPPORT BOMPARD 43 I
maladies de-l'enfance. Or, ils sont guettés, ces grands^, enfants,
comme les autres, d'ailleurs, comme les petits, par l'alcool,, parla
débauche. Ils sont bien défendus aussi, avons-nous penséaprèsavoir
entendu M. le médecin-inspecteur Benech, qui nous a décrit iès
efforts coalisés du commandement, du service de santé, dès oeuvres
comme celles des cercles dé soldats, des jeux du soldat, etc. : ;:

•Il vous a aussi montré toutes lesprécautionsprisespour entraîner


progressivement et refaire la santé des malingres, de ceux- qu'on
appelle des hommes à aptitudes réduites, pour conserver à l'année
100 000 ou 150 000 fusils, pour conserver à la France tant de vies
humaines! Bien souvent le régiment c'est la santé des-hommes
occupés à des besognes malsaines ou vivant dans des conditions in-
salubres. :;:;•. :J...;; i:„ -W,. .-.
i '„i-:.-;*.: .--
.
Ce sujet est d'autant- plus grave que la nouvelle loi va envoyer
dans les régiments, à titre d'auxiliaires, de cuisiniers, d'ordonnances,
de comptables, de gardes-magasins, d'ouvriers armuriers, selliers,
etc., des hommes qui étaient jusqu'à ce jour dispensés comme trop
faibles. Parmi eux, il y aura des hommes ayant une tare accidentelle,
un doigt coupé par exemple, mais jouissant par ailleurs d'une ro-
buste santé. Pour, ceux-là, pas de difficultés. Mais il y aura des
faibles de constitution, des rétrécis de poitrine qui vont vivre de la
vie du soldat (sauf l'exercice en armes), qui mangeront à la gamelle,
qui coucheront à la chambrée. Avec quelle vigilance spéciale ne
faudra-t-il pas surveiller ces candidats éventuels à la tuberculose,
•qui peuvent devenir dangereux pour leurs camarades de lit, surtout
si les fonctions qu'on leur confie les exposent à l'inhalation ou à
l'injection de poussières !
Mais la vigilance ne fera certes pas défaut. On la sent toujours
en éveil, et je ne saurais mieux faire, Messieurs, que de répéter ici
une phrase de notre président, qui a magistralement exprimé notre
pensée commune. A la fin de la conférence de M. le médecin-ins-
pecteur Benech, regardant à la fois les médecins et les généraux
qui l'entouraient, M. Casimir-Perier a prononcé ces paroles, que
j'ai immédiatement sténographiées : «Vous voyez à quels hommes
sont confiés nos enfants. Ce sont des chefs qui ont à toute heure le
432 CONGRÈS DE NANCY
mépris de leur propre vie et qui ont à toute heure le souci des vies
qui leur sont confiées. »
Pennettez-moi, Mesdames et Messieurs, de vous laisser sous
l'impression de ces paroles magistrales et dé dire seulement que si
quelque chose pouvait augmenter la joie que nous a causée la parti-
cipation de l'armée à nos travaux, c'est qu'elle s'est affirmée dans
cette.ville lorraine, à quelques kilomètres d'une frontière qui nous
semble toujours nouvelle.

Discours de M. M EZ 1ERE S
de l'Académie française, sénateur de Meurthe-et-Moselle -
.
Président d'honneur du comité lorrain de l'Alliance d'hygiène sociale '

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Je suis sûr d'être l'interprète de toutes vos pensées en remerciant


M. Raoul Bompard de l'exposé si lumineux* si complet, si intéres-
sant, qu'il vient défaire des travaux du congrès.
Il a singulièrement abrégé ma tâche. Vous me permettrez cepen-
dant de jeter avec vous un coup d'oeil d'ensemble sur une manifes-
tation qui honore.à la fois notre temps et notre pays.
Nous ne manquons pas de détracteurs ; nous sommes quelquefois
bien sévères pour nos propres défauts, et nous cachons soigneuse-
ment nos vertus et nos mérites. Il y a une chose pourtant qu'il
faut publiquementaffirmer, parce qu'elle répond à une vérité absolue :
c'est qu'en aucun temps, dans aucune nation, on ne s'est penché
avec plus de sollicitude sur les souffrances humaines pour les soulager,
c'est qu'à aucune époque de l'histoire, on n'a tendu des mains plus
fraternelles à ceux qui souffrent et qui peinent, aux déshérités et
aux malheureux de ce monde.
Ce sera l'honneur et la gloire de la démocratie de comprendre la
DISCOURS MÉZIÈRES 43 3
nécessité de venir en aide à ceux qui n'ont point" été pourvus à l'ori-
gine de tous les instruments de défense nécessaires., Qu'est-ce, au
fond, que la mutualité, que représente si bien parmi nous M. Ma-
billeau ? La mutualité, c'est l'effort de tous pour soutenir chacun ;
c'est la pensée que l'homme isolé est sans force de résistance et.qu'il
faut lui tendre la main ; c'est le fait, par ses camarades, de faire au-
tour de lui comme une chaîne de protection qui assure son existence
et son avenir. -
Ce congrès qui vient de se clore nous aurait rappelé, s'il en avait
été besoin, un des symptômes les plus curieux et les plus nobles,
puis-je dire, des sentiments que vous partagez tous. La science,
reine de ce temps, la science austère, qui ne connaît d'autre joie que
la recherche et la possession de la vérité-, la science, qui ne nous
apporte pas toujours ce que nous souhaitons et qui nous cause
parfois des déceptions et des mécomptes, s'est faite, en la personne
de ses plus illustres représentants, l'apôtre de la souffrance humaine
et la grande guérisseuse de ceux qui souffrent.
J'ai vécu — c'est une joie et un bonheur pour moi de m'en sou-
venir -T- dans l'intimité des deux plus nobles esprits de ce temps,
Claude Bernard et Pasteur. Tous deux furent mes amis de tous les
jours, et leur compagnie était d'un charme infini. J'ai vu leur joie
de découvrir la vérité en elle-même, l'austère vérité ; mais ce n'était
là qu'un plaisir restreint à côté de l'épanouissement qui les soulevait
lorsqu'ils avaient trouvé le moyen de rendre un service à leurs sem-
blables, de guérir une maladie jusque-là mortelle ; lorsque Pasteur
a trouvé l'antisepsie, son front rayonnait de bonheur : il avait sauvé
d'avance un grand nombre d'existences, non seulement dans son
pays, mais dans tous les pays du inonde !
Aussi est-ce avec une satisfaction profonde que nous avons en-
tendu l'autre soir un de ses meilleurs élèves, le directeur de l'ins-
titut Pasteur de Lille, M. le docteur Calmette, nous apporter ici cet
enseignement si savoureux, si précis et si noble. ;.
Voilà l'oeuvre que l'Alliance d'hygiène sociale répand à travers
la France, voilà la solidarité qu'elle établit sur tous les points du
territoire. Après Nîmes, Arras, Nantes, Montpellier, vous venez
CONGRÈS ni; NANCY !i8
434 CONGRÈS DE NANCY
aujourd'hui à Nancy : nous vous en sommes profondément recon-
naissants.
Monsieur le Président
— car c'est à vous que revient en grande
partie l'honneur de cette propagande, dont le poids repose sur vos
épaules, — lorsque vous avez quitté volontairement, librement, la
plus haute magistrature de ce pays, vous n'avez abandonné que le
décor extérieur ; vous êtes resté ce que vous étiez auparavant, un
homme de la plus haute valeur intellectuelle et morale:. Cette valeur,
vous la consacrez à une grande et belle oeuvre, et nous né saurions,
trop vous remercier de l'honneur que vous nous faites par votre pré-
sence.
Aussi bien, Mesdames et Messieurs, je crois bien que nous méri-
tions un peu là faveur qui nous est faite. Nous devons être modestes
pour chacun de nous, mais nous ne devons pas l'être pour notre
patrie. Je ne le serai jamais pour la France, jamais pour la Lorraine.
Si je suis fier de mon pays, ce n'est pas par un vain orgueil, mais
pour que les jeunes générations sachent ce qu'ont fait leurs ancêtres,
pour qu'elles se souviennent des exemples qu'on leur a donnés et
qu'elles continuent les nobles traditions de cette terre française.
Oui ! il faut que les jeunes générations sachent ce que nous avons
été. La Lorraine est le pays des grandes initiatives. Que de choses
nous avons faites longtemps avant les autres, sans nous en vanter,
parce que nous sommes artisans de la réalité bien plus que de l'os-
tentation.
Lorsqu'on a parlé de Parmentier et de la pomme de terre, il y
avait bien longtemps que les paysans lorrains la cultivaient. Lorsque
Fulton a fait ses premiers essais de machines à vapeur sur nos ri-
vières de France, sur nos rivières lorraines, quelques années avant,
on avait pu voir des embryons de bateaux à vapeur.
Ah ! Messieurs, on ne sait pas ce qu'ont fait les Lorrains. Dans ma
jeunesse, j'ai un peu parcouru le monde : j'ai trouvé leur main,
leur exemple partout. Qui donc a construit le chemin de fer de
Saint-Pétersbourg à la frontière prussienne, celui de Moscou à
Nijni-Novgorod ? Des Lorrains, la famille Collignon. Qui donc a
fait le chemin de fer du Semmering? D'autres Lorrains. La ligne de
DISCOURS MÉZIÉRES 43 5
l'Apennin, cette traversée si difficile, jusqu'au delà de Florence ?
La ligne de Gênes à La Spezia et dé Gênes à Nice ? Un Lorrain.
Le chemin de fer du nord de l'Espagne? Un Lorrain. La ligne dé
Madrid à Alicante? Un Lorrain. De Xérès à Cadix et de Xérès à
Cordouë et à Séville ? Un Lorrain.
Une fois, — je vous demande pardon, mais parmi mes souvenirs
de jeunesse, celui-là vous intéressera peut-être, — j'étais dans l'île
de Bacchus. Certes, je n'atirai pas de succès auprès de M. Cheysson,
qui me rappellera aux sociétés de tempérance ! J'étais donc dans
l'île de Bacchus, au milieu des vignes que la mythologie a célébrées,
au pied de la montagne où est né le roi du raisin. Qui est-ce qui
gardait cette montagne ? Un jardinier lorrain ! Des Lorrains, il y en
' a un peu partout;
Quand, après la guerre, nous avons créé ces grands établissements
industriels qui sont l'honneur et la richesse de ce pays, lorsque nous
avons fait sortir de terre ces grandes usines qui fournissent à la
France et au monde des fontes et des aciers, toutes les préoccupa-
tions qui vous assiègent aujourd'hui se sont présentées à nos indus-
triels.
Habitations, jardins ouvriers, salaires de plus en plus élevés,
écoles, hospices, nous avons essaj'é d'établir tout cela dans les con-
ditions les plus favorables, les plus humaines, pour l'ouvrier.
M. Raoul Bompard vous disait tout à l'heure ce que nous avons fait
ici : je ne puis que le remercier de nous avoir rendu si complètement
justice.
Je retiens surtout, de ses paroles, celle-ci : « Chaque fois que l'on
demandait aux Nancéiens de faire quelque chose, ils répondaient :
« Nous l'avons fait. » Partout, nous avions pris les devants. M. Cheys-
son a bien voulu le reconnaître dans un article de l'Economiste
français, du 16 juin, où il signale très justement l'initiative prise
par le Bureau de bienfaisance de Nancy sous la direction si respectée
de M. Lallement. Je suis heureux de rendre ici cette justice à
M. Cheysson. C'est un grand homme de bien auquel nous ne sau-
rions trop rendre hommage.
Me sera-t-il permis d'insister très discrètement sur une question
436 CONGRÈS DE NANCY
qui a été signalée hier à la fois par M. Cheysson et par M. le docteur.
Calmette ? C'est celle de l'influence heureuse que peuvent avoir les
femmes. J'en vois beaucoup dans cette salle ; j'aimerais, si elles me
le permettent, m'adresser particulièrement à elles.
Parmi les oeuvres qui distinguent Nancy et que je n'ai vues nulle
part ailleurs, il y en a urte dont le titre va peut-être vous faire sou-
rire, mais, en y réfléchissant,ivous verrez que c'est un beau titre.
C'est l'oeuvre des « draps propres ». Ce sont les femmes, à coup sûr,
qui ont créé cette oeuvre. Les/hommes n'y auraient pas songé. La
propreté étant un élément essentiel de l'hygiène, les femmes de
Nancy tiennent à "ce que les familles pauvres aient des draps en bon
état, et j'ai vu, dans le compte rendu de l'oeuvre, que 240 paires de
draps: étaient à la disposition des familles,nécessiteuses.
Voilà ce que vous avez fait, Mesdames. Continuez-nous votre
concours. Rien de bien dans le monde ne se fait sans Vous. Vous
serez nos meilleures auxiliaires.
Je .vous demande pardon, Mesdames et Messieurs, d'avoir un peu
abusé de votre bienveillance, mais je ne puis terminer cette petite
allocution sans dire quel précieux concours nous ont apporté lès
apôtres de l'hygiène sociale. Nous marquerons d'une croix blanche
le jour où ils sont venus parmi nous, et nous nous souviendrons
de leur visite pour nous stimuler dans la lutte que nous avons
entreprise contre la misère.
Me sera-t-il permis d'ajouter un dernier mot ? Je voudrais que
M. Casimir-Perier,' que ses illustres lieutenants, que nous tous,
nous ne nous préoccupions pas seulement de l'hygiène des villes,
de celle des maisons ouvrières, mais aussi de l'hygiène rurale. Je
voudrais que partout, sur tout le territoire de la France, les comités,
les conseils d'hygiène aient l'autorité à laquelle ils ont droit. Grâce
à leur action, beaucoup de fléaux disparaîtront, l'assainissement se
fera progressivement dans les campagnes comme dans les villes, et
nous obtiendrons ainsi les résultats les plus heureux et les plus effi-
caces dans la lutte contre tous les maux qui menacent à l'heure
actuelle notre patrie.
437

Discours de M. L. MABILLEAU
Président de la fédération nationale de la mutualité française

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Au nom des mutualistes de Lorraine, des dix unions voisines
qui groupent un millier de sociétés et un demi-million de socié-
taires, au nom de toutes les unions départementales de France, de
nos 26 000 sociétés et de nos 4 millions de mutualistes, je tiens à
vous apporter l'hommage ému de notre gratitude et de notre dé-
vouement.
Quoi qu'il en ait pu paraître, il a été bon que deux congrès paral-
lèles poursuivissent leur oeuvre côte à côte en ce palais. Si nous
avions convié les mutualistes à suivre individuellement les séances
où vous nous apprenez tant de choses bonnes et utiles^ il eût été à
craindre que leurs cadres se trouvassent brisés par les nécessités
journalières, qu'un trop petit nombre d'entre eux se mît à votre
école : nous avons fait un congrès mutualiste pour mieux vous ame-
ner nos amis.
Sans doute, ce sont des travailleurs ; ils ne sont point libres pen-
dant le jour, d'ordinaire, et ils n'ont pu suivre toutes vos séances.
Mais ils étaient là hier, ils sont ici aujourd'hui, et vous allez, dans
quelques instants, les rejoindre dans une enceinte plus vaste où ils
vous préparent des acclamations qui partiront à la fois de leur esprit
et de leur coeur.
Comment en serait-il autrement, Monsieur le Président, et com-
ment l'hygiène sociale d'une part, la mutualité de l'autre mécon-
naîtraient-elles l'affinité profonde qui les unit ?
L'hygiène sociale, on l'a très bien dit tout à l'heure, c'est le grou-
pement de toutes les associations, de toutes les oeuvres et de toutes
les institutions qui ont pour but de défendre la société contre les
438 CONGRÈS DE NANCY

maux que la nature et la civilisation semblent accumuler comme à -


plaisir sur le chemin de l'humanité.
Qu'est-ce que la mutualité ? C'est l'effort patient, multiplié par
l'association et la solidarité, que l'humanité dresse contré la misère,
source de tous ces maux. Et voici qu'une relation nécessaire s'inau-
gure entre les.deux institutions.
Vous, Messieurs les hygiénistes, vous recherchez les causes, les
origines, la nature et les conséquences des maux dont nous souf

frons. Vous dites que la contagion naît de l'eau contaminée, de
l'absence de lumière, de l'alimentation malsaine. Vous dénoncez
l'eau que nous buvons, et le lait, et la viande, puis vous abordez la
répercussion des connaissances que vous avez ainsi acquises sur le
régime de chacun de nous. Vous étudiez le meilleur mode de traite-
ment des maladies qui découlent de tous ces fléaux, et hier, nous
avons entendu avec émerveillement une leçon de méthode qui nous
a été donnée à cet égard par M. le professeur Calmette.
Vous allez plus loin : vous appelez notre attention sur nos habi-
tudes personnelles. Après avoir enveloppé le milieu de votre atten-
tion, vous pénétrez jusqu'au coeur de la volonté, et vous dénoncez
à l'homme ses excès, ses abus de toutes sortes, ses abstentions.
Vous lui dites qu'il faut exercer régulièrement, normalement, ses
membres, qu'un organisme comme le sien a besoin d'une vie pleine
et entière, et qu'il doit faire jouer toutes ses fonctions vitales. En
un mot, vous tracez un programme de défense contre le mal, de
résistance contre toutes les causes de destruction, et nous ne pou-
vons que prendre ce programme comme règle de conduite.
Car, à notre tour, et par une heureuse revanche, nous vous
apportons ce qui vous eût manqué sans nous : une foule éclairée,
disciplinée, prête à écouter vos leçons. Vous prêchez des préceptes,
à qui les prêchez-vous ? Sans doute, d'abord aux pouvoirs publics ;
vous tâchez d'obtenir d'eux ces lois nécessaires, ces réglementations
bienfaisantes, qui sont des moyens de défense de la société contre
les fléaux qui la menacent, mais vous savez bien, Monsieur le Pré-
sident, vous le savez tous, Messieurs, les lois et les règlements ne
sont que des appels à la volonté individuelle. Lorsqu'un Parlement
DISCOURS MABILLEAU 439
arrête dans une formule une réglementation de conduite pour le
pays, que fait-il, sinon, par un acte souverain, d'inciter chacun des
membres de la nation à s'incliner devant une résolution qui sort de
la conscience et de la volonté de tous ? Il ne peut pas faire autre
chose. Pëut-on refaire en quelques mois les lois organiques d'une
nation comme la nôtre ?
La première, c'est le service militaire. Il y a une loi organique
sur cette matière. Que signifie-t-elle ? Que chacun doit se rendre à
l'appel du pays pour le défendre éventuellement contre les dangers
qui le peuvent menacer. Mais est-ce que la désertion n'est pas tou-
jours possible ? Est-ce que, même si la désertion n'est pas effective,
si elle ne se traduit pas par l'absence définitive de l'individu, est-ce
qu'il n'y a pas encore le refus d'obéir, ou, ce qui équivaut à peu près
au refus d'obéir, cette lassitude, cette faiblesse, cette lâcheté, qui ne
pourraient se développer que dans une nation qui aurait perdu tout
respect d'elle-même et tout souci de l'idéal ?
Les lois d'impôt, qu'est-ce, au fond, sinon un appel à tous les
travailleurs pour qu'ils épargnent un peu plus sur leur gain qu'ils ne
l'ont fait les uns ou les autres, en vue d'apporter leur contribution à
l'oeuvre sans laquelle il ne pourrait y avoir aucune civilisation ?
Et n'est-ce pas la même chose pour tous les règlements ?
Il n'y a pas d'autre règle de conduite, d'autre moyen de coerci-
tion que l'appel à la raison et à la volonté, et voilà pourquoi, quand
vous vous adressez aux pouvoirs publics, c'est parce que vous les
supposez capables de marcher dans un sens où certainement l'opi-
nion publique a dû les devancer.
Vous ne vous adressez pas seulement aux pouvoirs publics, mais
aux individus. Et là, la tâche, pour belle qu'elle soit, est infinie, et
elle serait "décourageante s'il fallait la reprendre à propos de toute
personne intéressée. Une prédication comme la vôtre,, même se
transportant du Nord au Midi et de l'Est à l'Ouest, n'a pas grandes
chances de conquérir beaucoup d'adhérents nouveaux, car, vous le
savez bien, Monsieur le Président, et nous le savons, nous aussi, qui
passons notre vie à prêcher les autres, on ne réunit autour de soi,
la plupart du temps, que ceUx qui sont déjà de votre avis, ceux qui
440 CONGRES DE NANCY
sentent déjà tout l'intérêt de ces questions, ceux qu'une sympathie .
secrète groupe autour de vous. Ce sont les autres que nous vou-
drions trouver en face de nous et appeler à nous, et, lorsque nous
venons prêcher les vérités de l'hygiène sociale, lorsque nous parlons
contre, le taudis, contre l'alcoolisme, contre fous les vices et tous
les abus dont souffre notre société, ce qui nous peine, ce qui par
moments nous découragerait, sLnous étions capables de décourage-
ment, c'est que jamais nous ne nous trouvons en présence de, ceux
qu'il faudrait conquérir.
Voilà pourquoi il importe que vous trouviez devant vous une
espèce d'armée déjà formée, avec des cadres, une discipline régu-
lière, une bienfaisance réciproque, un engagement de faire tous
ensemble ce qu'on aura trouvé le meilleur.
Eh bien, Monsieurle Président, il y a 26 000 groupes en France,
qui comprennent 2 millions et demi de personnes : ces gens-là
savent où est le mal, comment il faut le vaincre. Que leur manque-
t-il? Le sens des moyens et des détails, là connaissance des mé-
thodes. C'est pourquoi ils viennent se mettre humblement à votre
école. Ils vous supplient de leur montrer la lumière ; ils sont prêts
à marcher derrière vous quand vous leur donnerez le flambeau.
Monsieur le Président, je ne veux indiquer que d'un mot le con-
cours que doit vous apporter la mutualité. Mon coeur saigne à dire :
« que doit vous apporter » alors que je voudrais pouvoir
dire :
« que vous apporte déjà ».
Vous savez bien qu'il est difficile de mouvoir les masses, même
disciplinées ; que l'évidence de la grandeur d'une cause, de l'intérêt
qu'il y a à la défendre, ne suffisent pas ; qu'il faut avoir encore
trouvé l'ensemble des moyens propres à la rendre réalisable ; que
c'est à peine si nous entrons dans cette voie, et que, Fâ"n dernier,
dernier, nous
— M. le Dr Calmette ne me démentira pas, — l'an
n'étions pas capables de tracer à nous deux aux sociétés de secours
mutuels une méthode pour la défense contre la tuberculose.
Chaque jour, ces moyens se dessinent, le plan devient plus net ;
chaque jour aussi, nous nous rapprochons de vous ; vous nous cher-
chiez autrefois, c'est nous qui venons à vous aujourd'hui. Vous fai-
DISCQURS MABILLEAU 441
siez des congrès d'hygiène sociale où vous appeliez les chefs de la
mutualité, — j'entends ses élus, puisqu'il n'y a pas d'autres chefs
dans notre République intégrale. •—Aujourd'hui, dès que vous appa-
raissez, des congrès de la mutualité se forment, les masses mutua-
listes se pressent vers vous. Nous vous attendons, nous vous cher-
chons, vous et votre état-major de l'armée du bien, de la défense
contre le mal.
Aussi nous allons vous suivre. Vous nous avez démontré tous,
et notre, cher maître M. Cheysson, avec une précisiori et une élo-
quence qui n'ont jamais été dépassées, que le foyer de l'infection,
c'est l'habitation. Eh bien ! nous construirons des habitations
saines.
Nous avons un demi-milliard de capital à notre, disposition.
Qu'en faisons-nous ? Je rougis un peu de dire que nous le mettons
à la caisse des dépôts et consignations, pour en obtenir 4,50 °70.
4,50 °/0 ! Messieurs, je ne suis pas de ceux qui blâment le souci
qui nous pousse à placer les économies du pauvre là où elles fructi-
fient le mieux, mais entendez bien que cette forme de capitalisme
naïf et- élémentaire ne peut pas être définitive.
Pourquoi.avons-nous des capitaux? Pour en tirer intérêts. Nous
n'avons jusqu'à présent conçu ces intérêts que sous la forme d'arré-
rages. Il y a des intérêts supérieurs. " ' v
Lorsqu'une société de secours mutuels engage 20b 000 ou
300 000 fr. dans la construction d'habitations à bon marché, je ne
sais si elle retirera de ses locataires le même intérêt que celui qu'elle
tire des caisses de l'Etat, mais je puis bien dire qu'elle y a déjà cet
intérêt de soustraire aux misères du taudis ceux qu'elle loge dans
ces maisons.
Si même, sur son demi-milliard, la mutualité devait faire le geste
de consacrer 10 millions pour le bien de tous, eh bien ! je serais le
premier à engager les sociétés qui auraient formé ce capital de
10 millions à renoncer, s'il le fallait, pendant quelques années, à
toute espèce d'arrérages. Le meilleur intérêt, c'est la santé publique,
c'est la prospérité publique, c'est la salubrité de la société et de la
nation.
442 CONGRÈS. DE NANCY
La maison, c'est le point de départ, c'est l'alvéole, c'est la ceL
Iule, comme le disait éloquemment M. Chej'sson hier. Il y a bien
d'autres formes de l'intervention des sociétés de secours mutuels.
LLy a la défense contre tous les maux du milieu, il y a l'assainisse-
ment du milieu social. Nous devons participer aujourd'hui à tous
les efforts qui sont faits en ce sens. Il faut que; chaque fois qu'une
oeuvre se fonde dans le but d'améliorer les conditions sanitaires
d'une ville, elle puisse demander et obtenir le concours de la mu-
tualité.
Messieurs, nous oublions trop que nous recevons quelque chose
de la société, et que nous lui devons quelque chose d'autre encore
que notre santé et que notre prospérité, qui sont déjà des gages, en
réponse aux bienfaits dont on nous comble. La société met à notre
disposition quelques millions par an ; il faut, que nous lui rendions
cela en bienfaits extérieurs.
Le mutualiste, je l'ai dit déjà, c'était autrefois le bûcheron dans
la forêt. Le soir venu, il prenait autour de lui du bois, sans trop
savoir à qui appartenaientles arbres, et il allumait un grand feu pour
réchauffer ses membres engourdis. Mais, une fois le feu allumé,
une fois la flamme pétillante, il appelait, d'un grand geste, tous les
hommes des environs à se réchauffer avec lui.
Messieurs, je n'ai plus qu'un mot à dire. Comment pourrait se
résumer tout ce travail dont je viens d'esquisser l'ensemble ? Pré-
vention ! C'est le mot de l'Alliance d'hygiène sociale : prévention
par l'assainissement du milieu, par le traitement de la maladie, par
la réfection des habitudes mauvaises. Ne commettons plus ces abus,
ces excès, qui nous dégradent, nous avilissent, usent notre santé,
notre force productrice, diminuent notre rôle d'abeilles dans la
ruche sociale.
Il y a quinze jours, j'étais à Tourcoing, au congrès des sociétés
de gymnastique. J'y ai proposé un voeu, que j'ai eu la joie de
voir adopter avec enthousiasme, par l'unanimité des auditeurs,
par les représentants'de 650000 jeunes gens, qui se trouvaient
là réunis. Ce voeu, c'était que les sociétés de secours mutuels
de jeunes gens et d'enfants créassent des sociétés de gymnastique
DISCOURS MABILLEAU 443
pour entretenir la santé, pour ne pas' avoir à songer à se défendre
contre la maladie. Il y avait une seconde partie à ce voeu : c'était
que les gymnastes comprissent que lé fait de se livrer ensem-
ble à des exercices, fussent-ils sanitaires, n'épuise'pas le devoir de
solidarité, que travailler ensemble, c'est s'engager à se secourir les
uns les autres. Et j'ai obtenu de ces jeunes gens que, dès le mois de
novembre, ils formeraient autant de sociétés de secours mutuels
qu'il y a de sociétés de gymnastique.
Ainsi, la nation entière marche dans le chemin au bout duquel il
y a de la santé, dé la prospérité et de la joie. Est-ce un rêve, Mes-
sieurs, de croire que ces forces du bien vont l'emporter sur les
forces du mal ? Je ne le crois pas. Si c'est un rêve, eh bien ! faisons-
en un. Une ballade de Victor Hugo chante dans ma mémoire :
Si tu veux, faisons un rêve;
Montons sur deux palefrois.
Tu m'emmènes, je t'enlève ;
L'oiseau chante dans les bois...

Et vous vous souvenez des vers qui suivent :


Mon cheval sera la joie,
Ton cheval sera l'amour...

C'est ici que nous nous séparons du poète. L'autre cheval, ce


sera la douleur. C'est parce qu'il y a des gens qui souffrent que nous
devons aimer tous les hommes.
Tout à l'heure, dans une improvisation délicieuse où nous avons
retrouvé avec un exquis plaisir le philosophe et l'artiste charmant
qu'est M. Mézières, le plus jeune d'entre nous, « celui qui a l'amour
dans les yeux », tout à l'heure, M. Mézières nous a appris qu'à la
tête de tous les progrès, même de ceux qui ont paru bien long-
temps chimériques, on trouvait des Lorrains. Eh bien ! rêvons en
terre de France, en terre de Lorraine : ce sera pour le bien de la
France et de l'humanité !
444 CONGRES DE NANCY

Discours de M. CASIMIR-PERIER

Mesdames, Messieurs,
Mon premier devoir, et il m'est très doux à remplir, est de remer-
cier le comité lorrain de l'Alliance d'hygiène sociale; J'adresse tout
particulièrement mes remerciements à M. le Dr Gross, qui a con-
senti "à devenir ici un de nos meilleurs collaborateurs.
Je remercie la pléiade d'hommes éminents qui entourent cet
homme éminent. Nous qui avons pu lire tous les rapports élaborés
pour ce congrès, — ils seront publiés au volume du compte rendu,
et je promets à ceux qui les liront qu'ils n'auront pas de déceptions,
nous sommes heureux de dire à leurs auteurs tout le bien que

nous en pensons. Je suis personnellement fier d'avoir présidé ce
congrès, et vous trouverez tout naturel que cette fierté se traduise
par l'expression d'une gratitude et d'une reconnaissance sincères.
Je remercie mon ancien collègue et mon ami M. le sénateur
Mézières d'avoir bien voulu se faire ici, à la prière de M. leDr Gross
et de tous ses amis, l'interprète du comité lorrain de l'Alliance
d'hygiène sociale.
Il y a longtemps que M. Mézières et moi nous nous connaissons.
Parla lumineuse clarté de son esprit, il a, de longue date, conquis
une situation émiriente à l'Institut ; par la confiance qu'il a de tout
temps inspirée à ses concitoyens, il en a conquis une aussi au Palais-
Bourbon d'abord, au Sénat ensuite. Il a tout à la fois servi les let-
tres et son pays; mais il s'est.fait une place non seulement dans
ces assemblées, où tout homme s'honore d'entrer, mais encore
dans la reconnaissance de ses concitoyens, et, qu'il me permette de
le dire, dans le coeur de ses amis.
Lorsqu'il y a quelques années, nous avons fondé à Paris l'Al-
liance d'hygiène sociale, nous avons considéré qu'il y avait des maux
qui, pour combattre l'humanité, se donnaient, si je puis ainsi par-
ler, la main.
DISCOURS CASIMIR-PERIER 445
Ces maux, ce sont le taudis, l'alcoolisme, la tuberculose. Les
hommes de coeur, et plus particulièrement, dans la matière qui
nous occupe, les médecins, sont venus nombreux autour de moi.
Si je ne puis faire l'éloge dé tous, car la tâche serait trop vaste^
qu'il me soit permis de louer sans réserve les hommes de science
qui ont consenti à devenir mes collaborateurs.
Savez-vous à queile tâche ils se dévouent passionnément ? C'est
à vous persuader que, beaucoup plus souvent que vous ne pensez,
vous pourriez vous passer d'eux ! Au lieu de préconiser la médecine,
ils préconisent l'hygiène. Ils vous disent : « N'attendez pas d'être
malades ; apprenez de nous comment on peut éviter de l'être. »
Ces conseils, le médecin qui avait à la fois la science et le senti-
ment de son devoir les donnait depuis longtemps. L'hygiène indi-
viduelle n'est pas une découverte qui remonte à quelques années.
Mais, à côté de cette hygiène individuelle, ne fallait-il pas, dans un
temps comme le nôtre, considérer que l'homme, livré à lui-même
dans notre milieu social, est beaucoup plus exposé à certains maux
physiques ou moraux ?
C'est pourquoi, à l'appellation d'hygiène individuelle, nous avons
substitué les mots d'hygiène sociale. Nous avons pensé que, puis-
que, dans l'état de société, les hommes étaient menacés par des
fléaux coalisés, nous pouvions, nous aussi, organiser une coalition
contre ces maux, faire appel à l'esprit d'association pouf les com-
battre, et, au lieu de laisser l'individu livré à ses propres forces,
répandre, par l'association, la science et les notions essentielles
d'hygiène, afin de prévenir les maux dont souffre l'humanité.
Nous prétendons que l'action contre les fléaux que nous dénon-
çons peut s'exercer par l'initiative privée, comme par l'action des
pouvoirs publics, municipaux, départementaux ou centraux, et si
nous avons voulu, nous représentants de l'initiative privée, grouper
les bonnes volontés, c'est pour constituer un faisceau plus fort,
c'est aussi pour mettre en relation plus étroite pouvoirs publics et
initiative privée.
Nous n'avons cependant pas l'illusion de croire que, même en
nous associant, nous pourrons à nous seuls triompher des maux
446 CONGRÈS DE NANCY

que nous combattons. Nous avons apprécié ici même, à Nancy, les
efforts si généreux et si féconds que votre ville a faits pour prévenir
le mal. Nous avons constaté qu'on n'a pas hésité à intervenir éner-
giquement par la voie administrative.
Mais nous pensons,que, dans un pays démocratique comme.lé'
nôtre, où tout homme est citoyen et doit avoir à la fois le senti-
ment de ses devoirs et celuide ses droits, ce qu'il fallait développer,
c'étaient précisément les notions individuelles d'hygiène et de pro-
grès. Si elles triomphent par le seul effort delà propagande, elles
peuvent rendre inutiles la "réglementation et la législation ; si, au
contraire, l'initiative privée demeure impuissante, elles permettent
aux citoyens, lorsque la loi intervient avec toutes ses rigueurs, de
comprendre pourquoi la loi a été faite, pourquoi elle doit être
rigoureuse, inflexible, et elles provoquent ainsi chez eux, au lieu
d'un mouvement de révolte, un sentiment de soumission et de r'e-
connaissance envers le législateur. t

.Tous ces jours-ci, au cours de nos discussions, que nous est-il


apparu ? C'est que tous nos efforts se résument dans une question
d'éducation. Il faut apprendre à ceux qui ignorent. Il faut former,
transformer, modifier les moeurs publiques. Cela ne peut être
l'oeuvre du législateur ; c'est l'oeuvre de la volonté, c'est l'oeuvre
des hommes qui ont la notion exacte de leurs devoirs.
C'est leur initiative, c'est leur volonté, c'est leur courage indivi-
duel que nous cherchons à provoquer, et nous croyons ainsi rendre
un double service à notre pays, celui de lui donner des hommes
sains et robustes et celui de lui préparer des citoyens soucieux du
bien public.
Lorsque l'éducation n'est plus une affaire de moeurs, mais qu'elle
entre dans le domaine de l'esprit, ah ! ce n'est plus nous seuls qui
pouvons entreprendre cette tâche. Nous avons vu, sur cette terre
lorraine, ce que pouvaient faire dans cette voie l'université et l'armée.
Je veux rendre ici à l'université de France l'hommage qu'elle mé-
rite. Ici, plus encore qu'ailleurs, dans ce grand pays d'industrie,
elle a deux fois compris son rôle. Elle a compris qu'elle ne pouvait
plus être un temple, élevé si haut que quelques privilégiés seuls y
DISCOUIRS CASIMIR-PERIER 447
pussent pénétrer ; elle a compris qu'elle devait établir avec le pays,
dans l'intérêt de sa richesse et de sa santé, les liens les plus étroits
et les plus solides. Aussi, l'on a vu tout à la fois l'université, com-
prenant son temps, s'adonner aux questions qui intéressent l'aVenir,
la santé, la virilité de la jeunesse, et tendre la main à l'industrie,
pour que, dans cette région frontière, si menacée à tous égards par
une industrie voisine, l'activité française soit à la hauteur de tous
les progrès, et puisse maîtriser toutes les concurrences. ."...-
L'autre soir, dans cette même salle, alors que j'étais entouré de
généraux qui savent mon sentiment pour eux et qui représentent si
dignement notre chère armée, nous avons entendu un médecin mi-
litaire, celui dont vous parlait tout à l'heure M. Raoul Bompard,
nous dire avec quelle haute intelligence, avec quelle grande éléva-
tion morale il avait soin des jeunes générations qui lui sont
confiées.
Je puis donc l'affirmer : l'université d'une part, l'armée de l'autre
sont les deux points d'appui de l'Alliance d'hygiène sociale, et nous
sommes fiers de les compter parmi nos collaborateurs.
Vous êtes, à Nancy, admirablement placés pour la lutte..Ce matin
même, il nous a été rendu compte de toutes les institutions qui ont
été créées ici. Peu de grandes villes pourraient faire une énumération
aussi réconfortante. Ces oeuvres, j'ai vu, pendant ces quelquesjours,
quels sont les hommes de coeur, quelles sont les femmes d'un dé-
vouement admirable qui les servent.
Hélas ! je vous quitterai beaucoup plus tôt que je n'aurais voulu,
mais j'espère que nous vous laisserons-— je ne parle pas seulement en
mon nom, mais aussi au nom de tous mes collaborateurs venus de
Paris — l'expression sincère d'une gratitude profonde. Pous nous,
nous emporterons d'ici des souvenirs qui ne s'effaceront pas.
Me sera-t-il permis de vous dire que les deux journées et demie
que j'ai passées à Nancy ont réveillé dans ma mémoire un souvenir
qui remonte bien loin dans ma jeunesse ? Je ne m'étais pas rendu
dans cette ville depuis la terrible guerre de 1870-1871. Quelques
années auparavant, j'étais venu ici, et j'avais fait, comme la plu-
part des voyageurs qui parcourent cette région, l'ascension du bal-
44°' CONGRÈS DE NANCY
Ion d'Alsace. J'étais parti par un très beau temps ; l'ascension me
paraissait néanmoins assez pénible, car il faisait très chaud. A me-
sure que je montais, le soleil se cachait, de gros nuages s'accumu-
laient, et, quand je parvins au haut de la montagne (ô déception
pour un jeune homme qui s'attendait à découvrir un si vaste hori-
zon !), je ne vis plus rien. La nature avait comme disparu tout entière
autour de moi. Je vous assure que j'ai été pris alors d'un désespoir
profond ; il y eut en moi, à vingt ans, une sorte de désespérance et,
passant du inonde physique au monde moral, j'en vins à me dire :
« Les efforts sont-ils donc inutiles en ce monde ?»
Et puis, tout à coup, un peu de tonnerre au loin, des éclairs, un
coup de vent, tous les nuages se dissipèrent, et, dans l'espace de
dix minutes ou d'un quart d'heure, je pus apercevoir Belfort, et
Mulhouse, et les Vosges, et le Jura.
Ce souvenir, en revenant à Nancy, je l'ai retrouvé, mais sans
avoir eu cette fois une seule minute d'amertume. Les hommes éini-
nents qui m'ont entouré, m'ont en quelque sorte pris par la main,
ils m'ont fait monter vers ce domaine de la science, qui est le leur,
et ils m'ont appris tout le bien qu'on pouvait faire, tout le bien
qu'on fait à Nancy. Grâce à eux, la joie à laquelle j'étais si labo-
rieusement parvenu il y a une quarantaine d'années, je l'ai cette
fois éprouvée sans déception et sans effort.
Ce grand pays de Lorraine donnera, j'en suis sûr, un exemple
fécond au reste de la France. Je pourrai invoquer ailleurs ce que j'y
ai vu, et aussi ce que vous y ferez. De grands exemples partiront
d'ici et, comme des sillons lumineux, éclaireront notre pays tout
entier. N'est-ce pas d'ailleurs, Mesdames et Messieurs, derrière les
Vosges et sur les forêts de Lorraine que se lève pour nous le soleil
de France ? y^7h n > *?"-
TABLE DES MATIERES

PREMIERE SEANGE
Pages
.
Allocution d'ouverture du président du comité lorrain. ".' '.' .' 3
. . . .
Visite aux oeuvres d'assistance du bureau de bienfaisance de Nancy. '.'"."' 5'
.,

Visite au sanatorium de Laj'-Samt-Christophe


Exposition du Congrès.
. . .... . . ... ......
.
-,- . . . . . . . . . . . . , . .- 10
7

DEUXIÈME SÉANCE
BUREAUX DE BIENFAISANCE

......:......
L'action des bureaux de bienfaisance en hygiène sociale, rapport de M. Lalle-
ment (Nancy)
Rapport de M. Ricordeau (Nantes)
18
32
Discussion et voeux (MM. Ulysse Claîsse, Mme Moll-Welss, MM. Emile
Ray, Brault, Drouineau, H. Hènrot, Belleau, Lallement, S. de Mendoza,
Cheysson, Siegfried, Leprince) - 40
. .

ASSAINISSEMENT DES VILLES ET DES CAMPAGNES

De l'ensemble des mesures techniques propres à assurer et à maintenir la


salubrité des agglomérations urbaines, rapport de MM. Macé et Imbeaux
(Nancy). .' 57
.
Discussion et voeux (MM. Imbeaux, Courmont, Mmes MoII-Weiss, Alfred
Durand-Ciaye,' MM. Cheysson, Augustin Rey, LetuIIe, Emile Trélat,
Halimbourg, Drouineau, Qraù, Brault, Siegfried, Paul Parisot, Bour-
cart). ; 99
Des mesures législatives relatives à l'expropriation-en matière d'hygiène et de
salubrité, rapport de M. Bourcart (Nancy) 120
Discussion et voeux (MM. Cheysson, Siegfried, Qrau) 135
Du rôle social de la médecine d'armée, conférence de M. le médecin-inspec-
teur Benech, directeur du service de santé du 20e corps d'armée . . 138
La pétition contre l'absinthe, conférence de M. Barbey, secrétaire général
de la fédération antialcoolique 156
CONGKÙS m; NANCY 20
450 •
TABLE DES MATIERES

TROISIÈME SÉANCE

HYGIÈNE; DÉ LA JEUNESSE ET SA^ PRÉSERVATION


CONTRE LES MALADIES INFECTIEUSES
.
j Pages
La préservation de l'adolescence contre les maladies infectieuses-, l'apport de
M. Haushalter (Nancj')
. . .._._,..
.'...'.. .
.,-.'.- 169
Discussion et voeux (MM. Mathieu, Letulle,. Siegfried). 195
. . .. .1 . . . .
La préservation de l'adolescence contre les maladies vénériennes, rapport de
M. P. S'piilmann (Nancy)
. .... ... . . . . . .
Discussion et voeux (MM. S. de Mendoza, A. Rendu, Drouineau, Grau,
.
','"".
. .'.'
198

Spiilmann, Mme Moll-Weiss, MM. Letulle, Benech, Gulllemin, Rouyer,;


G. thienne, Siegfried) 211
. . .
La préservation de la jeunesse contre la tuberculose, rapport de MM. P. Simon
et L. Spiilmann (Nancy) . . 223
Discussion et voeux (MM. Calmette, Rendu, Ambrolse Rendu, Boureille). 240
L'oeuvre sociale du-sanatorium de Lay-Saint-Christophe, rapport de M, Nilus
..: (Nancy). . ... 244
Discussion (MM. Mathieu, Henrot, Letulle, A. Rendu, Drouineau, Bourcart,
Mosny, Bernheim, Simon, Cheysson) . . . . . . -246

QUATRIÈME SÉANCE

HYGIÈNE DE LA JEUNESSE ET SA PRÉSERVATION


CONTRE LES MALADIES INFECTIEUSES {Suite)

La préservation de l'adolescence contre Valcoolisme, rapport de M. Schmitt


(Nincy) .' . 259
Discussion et voeux (Mmc Moll-Weiss, MM. Grau, Drouineau, Cheysson,
Petit). .
.
:
. . -. . .
Questions d'hygiène morale, rapport de M. Bernheim (Nancy)
... ....
. .
297
305
Discussion (M. Drouineau). 318
L'éducation physique à l'école primaire, rapport dé MM. Mathieu et Mosny. 319
Mesures à adopter pour la réglementation de l'hygiène scolaire, rapport de
M. Paul Parisot (Nancy) . .
339
Discussion et voeux (MM. A. Rendu, Rouyer.'Parisot, Drouineau) . . . . 353
Le taudis, ses dangers, ses remèdes, conférence de M. E. Cheysson ....
La défense contre la tuberculose dans la famille, conférence de M. Calmette.
358
386
- TABLE DES MATIERES 451

CINQUIÈME SÉANCE '"


ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
.
Pages
Les oeuvres d'hygiène sociale à Nancy, rapport de MM. Boyé et Goepfert
(Nancy) .'. 394
. . . .. . . .
Discussion (MM. Lallement, Cheysson) 407

SÉANCE DE CLÔTURE
Rapport général sur les travaux du Congrès, par M. Raoul Bompard
... 417
Discours de M. Mézières
. .
Discours de M. L. Mabilleau.
....
... ... ...
. . . ...
.

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.'-. . 432
437

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. . . . .
Discours de M. Casimir-Perler. -.--. 444
. . . . . .
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Nancy, impr. Bergcr-Lcvnuilt et C'«

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