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Revue des études

coopératives

Source gallica.bnf.fr / CEDIAS - Musée social


. Revue des études coopératives. 1955-01-01.

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(M74-./955).
Bernard Lavergne : Charles Rist

vécus.
Bernard Lavergne : La Coopération de consommation française depuis le
Pacte d'Unité en 1912. Souvenirs

.*
Vahan Totomiantz : Kagawa et la CoopérationauJapon
Alberto Basevi : Les 80 ans de VahanTotoiniantz
0
21
24
1

:
Juan Gascon Les financiersetlaCoopération38
André Raynauld : LesCoopératives mixtes internationales

Saint-Simonisme.
François Boudot : MichelDerrion et le
28

44
F. Geffriaud : L'Union Coopérative Lorientaise 48
Doctrines Coopératives (Î1
Actualités Coopératives 67
Bibliographie critique 71

Ouvrage publié avec le concours


du Centre National de la Recherche Scientifique

ADMINISTRATION DE LA REVUE
19, quai de Bourbon, PARIS (4e)
:
Chèque postal : PARIS 353.31
Fondateurs de la Revue en octobre 1921 :

t CHARLES GIDE -
BERNARD LAVERGNE

COMITÉ DE PATRONAGE

MM. Paul Angouivent, directeur général des Presses Universitaires de France


Fr.Boudot, agrégé de l'Université; Eugène Bussière, professeur à l'Université Laval
;
de Québec; A. Colombain, ancien chef du Service dela Coopération au B. I. T;
;
;
A. Daudé-Bancel; Pierre Fromont, professeur à la Faculté de Droit de Paris
Jacques Gans, agrégé de l'Université Jean Gaumont, secrétaire général de l'Office
central de la Coopération à l'Ecole; Arldré Hirsèbfeld, ingénieur agricole; Emile

seur à la Sorbonne ;
James, professeur à la Faculté de Droit de Paris; Ernest Labrousse, profes-
Georges Lasserre, professeur à la Faculté de Droit de Paris
Jules Milhau, professeur à la Faculté de Droit de Montpellier; V. Rouquet
;
La Garrigue, professeur à la Faculté de Droitde Bordeaux; Georges Scelle, profes-
seur à la Faculté de Droit de Paris; Edmond Vermeil, professeur à la Sorbonne.

MRECTEUR
BERNARD LAVERGNE
Professeur à la Faculté de Droit
de Paris

CORRESPONDANTS DE LA REVUE A L'ÉTRANGER


MM. Victor Barbeau (Canada) ; Bernardo Delom (République Argentine)
tW. Grandjean (Suisse) ; Willy Serwy (Belgique)
;

Sachant que la liberté dans la recherche intellectuelle est la con-


dition qui seule permet à l'homme de s'écarter le moins possible de
la vérité, la Revue n'a aucun souci d'orthodoxie quelle qu'elle soit.
Elle a donc la fierté de laisser à ses auteurs l'entière responsabilité
de leurs opinions.

'LA REVUE DES ÉTUDES COOPÉRATIVES, qui maintenant est bien


connue en tous pays, ne sera plus désormais en dépôt aux PRESSES UNIVER-
SITAIRES, ou dans une librairie. Comme toutes les grandes Reflues, LA REVUE
DES ÉTUDES COOPÉRATIVES aura pour seul siège celui de sa rédaction
19, quai Bourbon Paris (4e). C'est donc à cette adresse qu'il faudra désormais
:
écrire pour tout ce qui concerne les abonnements ou les demandes d'années
anciennes ou de fascicules séparés.
CHARLES RIST

(1874-1955)

Un des hommes les plus intenigents et les plus instruits de

:
la génération qui est en train de disparaître vient de nous
quitter au début de cette année un des hommes aussi les plus
complets car, à ses exceptionnelles qualités d'intelligence et
d'érudition, Charles Rist joignait un sens très vif de la réalité
ainsi qu'un grand bon sens chose rare chez les intellec-
tuels et une force de caractère au-dessus de tous éloges.
Cet homme qui a connu tous les honneurs était resté un mo-
deste et un énergique. A une époque où les caractères ne
courent pas les rues, ces grandes qualités morales étaient
aussi d'un prix infini.
La vie toute de travail de ce grand universitaire est bien
connue. Rappelons seulement que, reçu très jeune, à 24 ans,
à l'agrégation d'économie politique, il fut nommé professeur
à Montpellier en 1899, puis admis à la Faculté de Paris en
1913. Membre du fameux comité des Experts qui, en 1926,
prépara la stabilisation du franc, il était peu après nommé
Sous-Gouverneur de la Banque de France. Il fut le doctrinaire,
le penseur de la petite équipe qui, sous l'impulsion de
M. Emile Moreau, Gouverneur de la Banque, persuada
M. Poincaré, Président du Conseil, de stabiliser le franc en
1928, pratiquement même dès 1926, au cinquième environ
de sa valeur de 1913. M. Moreau, dans ses «Souvenirs d'un
Gouverneur de la Banque de France » 1954 -, a montré
combien Charles Rist a été, avec Poincaré et lui-même, l'au.
teur de cette mesure capitale qui a valu à la France l'immense
bienfait du retour à la stabilité monétaire.
Nous n'avons pas la possibilité ici d'esquisser, même de la
façon la plus sommaire, la richesse et la variété des œuvres
scientifiques de Charles Rist. «L'histoire des doctrines éco.
»
nomiques depuis les Physiocrates publiée par lui en colla-
Certes Charles Rist n'a jamais compté au nombre de ces
Français qui se disent ou même se croient «Européens »
essentiellement parce qu'ils vivent hors de toute réalité et
n'ont pas observé qu'à une époque où les diverses économies
dirigées ont créé dans les divers pays des niveaux de vie
très différents, l'ouverture des frontières condamnerait cer-
taines nations, dont la France, à un effroyable chômage, à
l'expatriation à l'étranger d'une forte partie de sa population.
Charles Rist pensait avec toute raison que,pour diminuer
le cloisonnement actuel qui existe entre les pays d'Europe il
fallait en premier lieu que tous ces Etats parviennent à nou-
veau à la convertibilité-or des monnaies. Avant 1914 l'Europe
était, à maints égards déjà, ce grand marché dont on nous parle
si fréquemment, puisque en toute liberté les capitaux fran-
chissaient, sans souffrir aucune limitation légale, les fron-
tières. De fait c'était la même monnaie-or qui était seule
admise en toute l'Europe. Les personnes circulaient très libre-
ment dans tout le continent à l'exclusion de la Russie qui,
elle, réclamait un passeport et les droits de douane sur les
marchandises étaient relativement faibles. C'est donc à reve-
nir à un état de choses analogue qu'il faudrait d'abord s'atta-
cher au lieu de se perdre dans les nues et de bâtir tant de
la constatation suivante:
systèmes ambitieux mais vains (on peut ces temps-ci faire
la fameuse Communauté du char-
bon et de l'acier, qui avait pour ambition de créer entre les six
pays un grand marché où la concurrence jouerait librement,
est en train de ressusciter toutes les ententes industrielles et
commerciales du temps jadis, ce n'était pas la peine en vérité
de remuer ciel et terre pour en arriver là !)
Tout cela Charles Rist le savait mieux que quiconque, bien
que, comme tous les économistes classiques, ses préférences
personnelles l'aient conduit à souhaiter un relatif libre
échange entre les peuples.
Face aux grands projets récents, la C. E. D., l'armée dite
européenne, il nourrissait des sentiments plus tendres que
les miens. Il lui semblait difficile de contrecarrer par le refus
de ces projets la volonté nette des Américains. Mais il n'avait
pas la moindre illusion sur l'irréalité de toutes ces construc-
tions théoriques. Ainsi, à propos de l'armée européenne, para-

ment:
phrasant la fameuse maxime militaire, il m'a écrit textuelle-
«La désobéissance fera la force principale de l'armée
européenne. » Ce trait et beaucoup d'autres manifestent l'ad-
mirable liberté d'esprit de cet homme qui en aucune circons-
tance n'a cessé de garder le jugement le plus lucide et le plus
indépendant qui soit.
Tous ceux et ils sont nombreux qui comme moi ont
beaucoup appris de Charles Rist sont convaincus que l'œuvre
de ce grand classique de l'économie politique longtemps
restera vivante et féconde. Si haut que Charles Rist ait été
apprécié de son vivant, je crois qu'il n'a pas été tout à fait
mis au rang qu'il méritait, car le progrès scientifique ne
revient pas à tout bouleverser et à jeter au panier tout à la
fois le bon et le mauvais. Le progrès consiste à faire patiem-
ment, modestement le tri de ce qui est valable et de ce qui
l'est moins. En matière monétaire Charles Rist a beaucoup
fourni. Aussi je crois que le temps, au fur et à mesure qu'il
s'écoulera, prouvera la solidité et la valeur de l'apport excep-
tionnel de celui dont tous nous déplorons la disparition.
Bernard LAVERGNE.
LA COOPÉRATION DE CONSOMMATION FRANÇAISE

DEPUIS LE PACTE D'UNITÉ DE 1912

SOUVENIRS VÉCUS (1)

Le privilège de l'âge est celui dont on a le moins de plaisir


à se prévaloir. C'est même, à ma connaissance, le seul dont à
peu près tous les hommes accepteraient de le faire partager
:
à autrui, surtout si par là on diminurait son propre âge à soi.
Mais voilà bien le malheur ce partage ne peut pas avoir lieu
A moins de mourir auparavant, on n'a encore trouvé aucun
!
moyen d'éviter de vieillir avec les années qui passent. C'est
le parti que j'ai pris, tout en ayant soin de me porter fort
bien. Combien de temps cet heureux état durera-t-il
peut le dire?
?
Qui

Donc je dois à l'infortune de l'âge d'avoir le plaisir de


prendre la parole ce soir et d'évoquer quelques s.ouvenirs
relatifs à ce grand événement du mouvement coopératif fran-
çais qu'a été la signature le 12 juin 1912 du Pacte d'Unité
Coopérative, voici donc
presque 43 ans.
Evidentes étaient les raisons pour lesquelles était navrante
la division qui alors existait entre les diverses coopératives
de consommation françaises.
En ce temps-là existait l'Union Coopérative des Sociétés
françaises de Consommation à laquelle présidait Charles Gide
avec son sourire souvent désabusé. Il fallait l'élan toujours
impétueux de ce brave Daudé-Bancel pour rendre plus
attrayantes nos séances lorsque nous nous réunissions au
siège social de l'Union, au n° 1 de là rue Christine. Hélas les

;
résultats ne répondaient pas aux efforts de notre fougueux
secrétaire général en 1912, à la veille donc de l'Unité, l'Union
ne comptait que 410 sociétés adhérentes, quoiqu'il y en eut

1.Conférence donnée à Paris le 26 février 1955 sous les auspices de la


Fédération Régionale Coopérative n° 1 et de l'Union des Coopérateurs.
plus de 3.000 en France. Daudé-Bancel, toujours alerte, ne se
laissait jamais abattre par l'état de sa caisse perpétuellement
vide, mais se servait de ses modestes émoluments pour payer
des fournisseurs à qui l'Union avait acheté et donnait de
bonnes paroles aux autres qui devaient attendre des jours
meilleurs.
Quant à la Bourse des Coopératives Socialistes de consom-,
mation, en 1912, elle n'avait, elle aussi, que 470 coopératives
adhérentes, dont, il est vrai, plusieurs sociétés très impor-
tantes, telle la Bellevilloise et l'Union d'Amiens.
Au demeurant, quantité de sociétés profitaient de la rivalité
des deux organismes centraux pour n'adhérer nulle part.
Charles Gide d'une part, Ernest Poisson par ailleurs, depuis
bien des années avaient souhaité la fusion des deux Centrales
coopératives. D'où les pourparlers qui aboutirent à la réunion
des 10, Il et 12 juin 1912. Nous étions 14 délégués, j'allais
dire 14 conjurés. La plupart, hélas, ne sont plus de ce monde.
Nous nous rencontrâmes dans un local neutre, une salle
des Sociétés Savantes, rue Danton. Nous n'étions pas riches ;
aussi la salle qui nous fut réservée fut une petite cave où nous
descendîmes comme des conspirateurs honteux de leur action.
Le plus éminent d'entre nous était certes Charles Gide. H
présida les débats avec cet air suprêmement ennuyé qui rendait
sa physionomie si exceptionnelle et quand même si attachante.
Mais, quand il parlait, ce masque d'ennui morose tombait et
il était éblouissant. Continuant l'énumération des délégués de
la rue Christine, je nommerai ce cher Daudé-BanceI, plus
explosif que jamais. Descendant dans ce lieu sinistre, Daudé
avait le même air volcanique que celui que, jeune étudiant
en pharmacie à Montpellier, il devait avoir quand il professait
des idées subversives. Peu de temps après, Charles Gide con-
vertit à la Coopération ce dangereux révolutionnaire qui
désormais devint inoffensif. Il y avait parmi nous Edouard

;
Marty, ce bon administrateur, qui jamais ne put s'habituer

récemment :
à Paris pour être dans son élément, il lui fallait être dans
sa chère ville de Bordeaux où toujours il pleut. J'y suis allé
il pleuvait. Il y avait Alfred Nast, ce bénédictin
qui a rédigé le premier ouvrage consacré en France au droit
des coopératives. Nast fut presque célèbre à la Faculté de
Droit parmi les professeurs, car il a été seul à ma connais-
sance à avoir joué un aussi bon tour aux membres de la
docte Faculté. Quelques jours avant la date fixée pour la
soutenance de sa thèse, il fit distribuer celle-ci aux trois
membres de son jury. Ceux-ci se réunirent le jour fixé. Mais
une heure, deux heures après l'heure choisie, du candidat
Alfred Nast, on ne vit à la Faculté nulle trace. Enfin un pneu-
matique arriva, indiquant que le candidat jugeait nécessaire
d'ajouter un chapitre nouveau à sa thèse et que donc il ne
pouvait consentir à la soutenir devant le jury. Une seconde
date fut fixée. Hélas, la même comédie eut lieu. Ce n'est qu'à
la troisième tentative que le candidat Nast consentit à venir à
la Faculté. Je ne sais si le doyen, prenant des dispositions spé-
ciales, n'avait pas alerté la police afin que l'introuvable can-
didat fut conduit par la force armée à la Faculté de façon
à ne pas manquer de respect une troisième fois aux robes
Touges de son jury. L'ouvrage cependant d'Alfred Nast était
excellent et obtint un prix. Les professeurs, on le voit, furent
beaux joueurs.
Il y avait aussi parmi nous Georges Alfassa et Henri Bar-
rault. Le premier était assez gros et jovial. Le second tout au
contraire était grand, maigre, la figure glabre comme un
Anglais et portait monocle. Son commerce n'était pas très
agréable. Enfin il y avait votre serviteur, alors bien jeune.
Du côté de la Bourse des Coopératives Socialistes, le délé-
gué le plus éminent était, il va de soi, Ernest Poisson, alors

même temps le sens des conciliations opportunes ;


débordant de santé, de vie, d'élan, d'intelligence. Il avait en
il sut
habilement atténuer les quelques conflits d'idées, conflits au
reste mineurs, qui surgirent lors de la rédaction du Pacte
d'Unité. Il y avait Louis Heliès, directeur du Magasin de Gros,
qu'il avait fondé à la fin de 1906. Il y avait Louis Lucas, admi-
nistrateur de la Coopérative de Rouen. C'était un homme très
fin, très modéré dans ses propos. Je me suis touj ours fort
bien entendu avec lui et j'ai fort regretté sa disparition. Les
délégués de la Bourse des Coopératives comptaient aussi
Henri Sellier qui a été maire de Puteaux ou de Suresnes, et
qui a donné une très vigoureuse impulsion à l'Office dépar-
temental des Habitations à bon marché de la Seine. Il y avait
Buguet, un très excellent homme dont on voyait sur la large
figure souvent souriante la bonté quil'animait. J'avais beau-
coup d'amitié pour lui. Il est disparu aussi, après avoir eu un
grand rôle comme administrateur-délégué de l'Union des
Coopérateurs de Paris. Il convient de lui rendre hommage. Il
y avait Boudios pour lequel mes souvenirs sont très flottants.
Enfin il y avait cet excellent Paul Waseige que nous avons le
plaisir de voir ici même en parfaite santé, en sorte que lui,
Daudé et moi sommes les seuls survivants de la petite pha-
lange qui a signé le Pacte d'Unité voici presque un demi-siècle.
J'étais le seul délégué ayant cette particularité d'avoir un
pied dans chacune des deux organisations car j'avais été élu
membre du conseil de la Bourse des Coopératives socialistes
comme de l'Union Coopérative de Charles Gide. En effet,
durant mes jeunes années je m'étais laissé nommer admi-
nistrateur-délégué d'une coopérative socialiste, hélas en fort
mauvaise posture, la Coopérative de la rue Malar dans le
7l arrondissement. Je fis là sans gloire aucune mes premières

? !
et dernières armes dans la vie pratique de la Coopération.
Vous étonnerai-je Mes efforts demeurèrent vains En par-
ticulier les inventaires avaient révélé un coulage anormal
concernant le vin. Je ne m'expliquai pas cette disparition
mystérieuse quand un jour, vers quatre heures du soir, je
trouvai le fidèle gérant, en qui j'avais toute confiance, étendu
ivre mort sur la table du conseil d'administration de la so-

!
ciété. Je compris alors sans peine en quel gosier disparaissait,
sans laisser de traces, le vin de la coopérative Je renvoyai
le gérant infidèle. Hélas cela ne suffit pas à sauver la société.
Un autre jour je dus faire appel à la police pour expulser
une employée infidèle de la succursale qu'avait la société
dans une rue très passagère du 15e arrondissement. Peu
satisfait de ces exploits, je démissionnai peu de temps après.
Quelques mois s'écoulèrent et la société déposait son bilan.
En mettant tout au mieux, je n'avais prolongé que de quel-
ques mois son agonie. Je vous félicite, chers Coopérateurs, de
ne m'avoir jamais offert de participer à la gestion pratique
d'une coopérative. Si vous aviez eu cette idée singulière et
aviez suivi mes avis, je pense que la société qui m'aurait
adjoint à son conseil d'administration aurait assez vite connu
enseignement:
le sort de la coopérative de la rue Malar. Ceci comporte un
les purs intellectuels ne sont bons qu'à écrire
des livres ou des articles ou parfoisà parler. Ce sont là des
éléments dont il faut se garder avec respect dans la vie pra-
tique.
Cependant l'heureuse direction que j'imprimais à la coopé-
rative de la rue Malar jusqu'à ce qu'elle en mourût, me valut
d'être nommé au conseil d'administration de la Bourse et
c'est là que je fis connaissance de ces hommes pour la plupart
excellents et avec qui j'entretins de très bons rapports.
Il convient que j'évoque ici la figure non la mémoire,
car nous avons la joie de le compter parmi nous ce soir de
cet excellent Jean Gaumont. Je ne sais pourquoi il ne figura
pas parmi les délégués qui signèrent le Pacte d'Unité. Jean
Gaumont écrivait alors, durant les nombreuses heures creuses
que, généreuse, l'Assistance publique lui octroyait, cette
monumentale Histoire de la Coopération française parue
en 1924 qu'il a élevée, avec une ténacité digne de moines
bénédictins, à la gloire du mouvement coopératif français
depuis ses origines. Grâce à Jean Gaumont nous n'ignorons
rien des circonstances qui ont favorisé ou contrarié l'essor
des coopératives françaises depuis leur création vers 1860
environ jusqu'en 1920.
Ces souvenirs personnels une fois évoqués, il est inutile
sans doute que je vous parle des dispositions générales du
Pacte signé par nous en 1912. Vous en connaissez les prin-
lement à Charles Gide, sont les suivants :
cipes essentiels. Ceux-ci, dont la rédaction est due essentiel-
«la substitution
au régime compétitif et capitaliste actuel d'un régime où la
;
production sera organisée en vue de la collectivité des con-
sommateurs et non en vue du profit l'appropriation collec-
tive et graduelle des moyens d'échange et de production par
les consommateurs associés, ceux-ci gardant dorénavant pour
eux les richesses qu'ils auront créées». Ajoutez à cela l'auto-
nomie du mouvement coopératif tant vis-à-vis des syndicats
que des partis politiques, bref la parfaite neutralité politique
du mouvement coopératif, et vous aurez l'essentiel des direc-
tives affirmées par la Charte d'Unité. Ces principes étaient
sagement conçus puisque durant les 43 ans qui se sont
écoulés depuis, il n'a nullement été utile de les réviser.
Ceci marqué, quelles sont les grandes transformations que
notre mouvement, depuis 1912, a manifestées ?
Le premier fait qu'il y a lieu de constater c'est l'adhésion

;
de plus en plus fréquente des coopératives à notre Fédération
Nationale en un mot le degré de fédéralisation des coopéra-
tives françaises est allé en s'accroissant sans cesse, ce qui est
la meilleure preuve que la fusion des deux organismes cen-
traux en un seul, bref le pacte de l'Unité de 1912, a été cou-
ronné de succès. En effet, en 1913, au lendemain même de
l'Unité, seulement 27 des sociétés françaises étaient adhé-
rentes à la Fédération Nationale, 73 restaient en dehors.
28 du nombre total des coopérateurs adhéraient, par l'in-
termédiaire de leurs sociétés, à la Fédération Nationale
72 n'y adhéraient pas. Quant au chiffre d'affaires des
;
coopératives adhérentes il ne représentait que 34 du chiffre
d'affaires total de toutes les coopératives de consommateurs
françaises.
En 1920 la situation est déjà très améliorée. De 1913 à 1920
le pourcentage des sociétés adhérentes à la Fédération est
passé de 27 à 45 En 1928, dernière année pour laquelle
j'ai pu me procurer les chiffres statistiques, le pourcentage
des coopératives adhérentes n'était plus que de 41 du total
des coopératives. Mais ce léger recul du pourcentage de 1920
à 1928 n'avait pas de signification réelle car le nombre de
sociétaires et le chiffre d'affaires relatifs aux sociétés adhé-
rentes n'ont jamais cessé de grandir.
De 1913 à 1920, puis à 1928 le pourcentage des sociétaires
des coopératives adhérentes par rapport à l'effectif de tous
les coopérateurs français est passé de 28 à 55 %, puis à
63 Quant au pourcentage du chiffre d'affaires aux mêmes
dates, il a progressé de 34 à 63 %, puis à 67 On voit
donc que la fédéralisation des coopératives françaises n'a pas
cessé de faire des progrès.
Il ne m'a pas été possible de me procurer, soit le nombre
des sociétaires, soit le chiffre d'affaires de toutes les coopé-

ces chiffres ne sont pas recensés ;


ratives françaises à l'heure actuelle. Depuis la seconde guerre,
seuls l'effectif et le chiffre
d'affaires des sociétés adhérentes sont publiés chaque année
par la Fédération Nationale. Mais la connaissance qu'on a du
mouvement coopératif français permet de dire que la presque
totalité des coopératives de quelque importance adhère à la
Fédération Nationale. Les faits ont donc lumineusement
prouvé que la signature du Pacte d'Unité Coopérative a été
un événement très heureux.
Le second grand fait de l'évolution coopérative depuis
l'Unité est le très haut degré de concentration auquel nos
sociétés sont parvenues, en partie au moins, du fait de leur
fédéralisation croissante.
Ce mouvement très rapide de concentration de nos coopé-
ratives résulte lui-même de changements très heureux dans
la structure et le mécanisme des sociétés. En l'espace de
sept à huit ans, de 1913 à 1920 ou 1921, la coopération fran-
çaise s'est, dans une large mesure, élevée du régime de la
petite entreprise strictement limitée au commerce de détail,
aux formes modernes de la grande entreprise centralisée.
En 1912 la plupart des coopératives en notre pays n'étaient
pas sorties de ce que j'ai appelé l'âge héroïque de la coopé-
ration française. Abstraction faite de trois dizaines de coopé-
ratives assez grandes, en 1913, la plupart des 3.200 autres
coopératives que comptait alors notre pays, répondaient au
type suivant. De très braves gens, en général ouvriers, em-
ployés ou fonctionnaires, en une ville ou en un village,
s'étaient réunis et sans nulle expérience pratique, mais riches
de bonne volonté, épris souvent d'une foi socialiste ardente,
avaient décidé de mettre en commun quelques économies
pour acquérir dans le commerce de demi-gros de faibles quan-
tités de produits et se les vendre les uns aux autres aux prix
les plus bas possibles. Fréquemment ces humbles associés
, ont débuté avec un capital de 4 à 5.000 fr.-or.
Dans la naissante société toutes les fonctions sont gra-
tuites tour à tour les membres du conseil d'administration
:

se chargent en personne des achats, de la surveillance du


magasin, de la comptabilité et même de la vente des marchan-
dises, la boutique n'étant ouverte qu'à de rares heures du jour.
Tout ce travail gratuit, les associés ne peuvent le fournir
qu'à leurs heures de loisir, leur tâche professionnelle ter-
minée. Autant dire que nos coopérateurs devaient être des
apôtres pour rester fidèles à leur pacte d'association. Cepen-

:
dant la gestion technique de ces hommes si dévoués restait
déplorable. Point de direction commerciale centralisée tous

;
les associés membres du conseil de commander à la fois ou
à tour de rôle l'administrateur chargé de la surveillance le
mardi défaisait souvent l'œuvre de son collègue du lundi et
d'interminables réunions du conseil d'administration tous les
deux ou trois soirs ne réussissaient pas à créer entre ces asso-
ciés tous égaux en droit l'unité de vues.
En dépit de leurs soirées passées à recevoir la marchandise,
à balayer le magasin et à vérifier les factures, ces administra-
teurs bénévoles ne parvenaient même pas à avoir des frais
généraux minimes car, si pauvremnt que la société fût gérée,
les frais généraux grevaient lourdement le chiffre des ventes
qui restait très bas. D'autre part, l'écart entre les prix de
demi-gros que payait la société et les prix de détail auxquels
elle vendait restait très limité. Le bénéfice brut était donc
très faible.
Bref un dévouement illimité chezles associés, des résultats
financiers très médiocres, voilà les deux traits essentiels de la
phase héroïque de la coopération française au début du

;
xxe siècle et aussi en 1912. L'éparpillement des coopératives
était très grand en 1913 on comptait 3.261 coopératives de
consommation en France, pour 880.000 sociétaires. En
moyenne, chaque société ne comprenait donc que 290 mem-
bres.
Saluons avec émotion ces humbles coopérateurs qui, un
quart de siècle, ne se sont pas laissés rebuter par tous les
démentis que les faits infligeaient à leurs espoirs et qui ont
gardé intacte l'ardente flamme de la foi coopérative. Leurs
dévouements innombrables ont créé et maintenu le climat
social grâce auquel, dans la première moitié du xx6 siècle, la
coopération française a pu être établie sur des bases commer-
ciales et financières solides. Mais reconnaissons que l'hé-
roïsme n'est pas un état d'âme susceptible, à lui seul, de con-
duire au succès économique. Les successeurs de ces apôtres
infatigables ont dû changer de méthode, les coopératives fran-
çaises ont dû modifier tout à fait leur structure pour parvenir
au résultat cherché. Au lieu d'une poussière de petites so-
ciétés dont la mortalité était effrayante, ont été constituées,
en grande partie grâce à l'Unité coopérative, à l'influence
donc de la nouvelle Fédération Nationale, de très grandes
sociétés de développement, les Unions Coopératives.
Une pareille concentration commerciale n'a été possible
que grâce à l'adoption de la gérance responsable sur caution-
nement que vous connaissez mieux que moi et dont je ne par-
lerai pas davantage. En effet c'est la disparition du coulage
dans les succursales très nombreuses des grandes Unions
Coopératives qui a permis de poursuivre toujours plus avant
la concentration des sociétés.
Celle-ci est le phénomène capital qu'il y a lieu de mettre en
relief par quelques chiffres. Pour procéder à cette étude nous
retiendrons trois dates seulement pour ne pas lasser les audi-
teurs, car rien n'est plus fatiguant que d'entendre une longue
série de chiffres. Nous examinerons l'état qui était, ou qui est,
celui de lacoopération française en 1913, en 1920 ou 1921 et,
l'an dernier, en 1953.
En 1913 nous trouvons en France seulement 32 coopéra-
tives réalisant chacune plus d'un million d'affaires par an,
soit au total 77 millions. C'était, il est vrai, des francs-or, dont
nous n'avons plus de nos jours que le souvenir. Or huit ans
après, en 1921, nous constatons que 327 coopératives faisaient
en notre
-
pays plus d'un million chacune d'affaires par an,
soit au total 1.075 millions d'affaires. Cette croissance de 32
à 327 du nombre de sociétés faisant un million de ventes par
,
an est remarquable, en dépit de la montée des prix de 1913
à 1921. Les huit années qui ont suivi la date de l'Unité Coo-
pérative ont une importance capitale, elles ont été en France
sans doute les années où nos sociétés ont manifesté le plus
rapide essor. C'est l'époque où ont été fondées presque toutes
les Unions Coopératives à l'heure actuelle en activité.
En 1921 nous trouvons 48 Unions Coopératives ou sociétés
de développement qui, à elles toutes, font 403 millions de
ventes. En dehors de ces 48 Unions existaient, en 1921, 279
sociétés faisant également au moins un million d'affaires par
an. Leur 672 millions d'affaires joints au 403 millions des
Unions régionales, donnent le chiffre total de 1.075 millions,
soit plus de 58 des 1.838 millions de ventes coopératives
qui ont été faites par toutes les coopératives de consommation
française la même année. Ainsi 327 Unions ou grandes sociétés
atteignaient en 1921, un chiffre d'affaires sensiblement supé-
rieur à celui réalisé par les 4.264 autres coopératives existant
en dehors de ces 327 grandes sociétés.
La France coopérative présentedonc en 1921 ce spectacle
un peuple de pygmées au-dessus duquel émergent un tout
:
petit nombre de grandes coopératives, vrais géants qui réa-
lisent plus de la moitié des ventes annuelles.
Ainsi il y a en 1921 éparpillement coopératif si l'on observe
le nombre total des sociétés en activité. Il y a tout au contraire
une concentration déjà très poussée si l'on envisage la répar-
tition effective des forces réelles de la coopération française.
Une puissante aristocratie coopérative dominant le menu
peuple des petites sociétés, voilà le spectacle tout nouveau que
nous donne le mouvement français, huit ans après le Pacte
d'Unité.
En 1953 nouveaux progrès : la concentration coopérative
a atteint un degré bien plus élevé encore. Que voyons-nous ?
:
Le nombre des Unions Coopératives est pratiquement resté
le même

;
50 au lieu de 48 en 1921. Le nombre total des
coopératives adhérentes existant en France a diminué des
5/6® les 820 coopératives adhérentes en 1953 ne corres-
pondent plus qu'à 17 du nombre des coopératives en acti-
vité en 1921. Donc une grande concentration des forces coo-
pératives puisque, faisant contraste avec cette grande réduc-
tion du nombre des coopératives, le nombre des coopérateurs
s'est beaucoup accru. Le nombre des sociétaires membres
d'une coopérative adhérente à la Fédération Nationale est
passé de 1.360.000 en 1921 à 2.669.000 en 1953.
Le chiffre desventes coopératives de 1913 à 1953 s'est accru,
même en valeur absolue, puisque nous ne trouvons en 1913
que 321 millions de ventes pour toute la France, ce qui, mul-
tiplié par 250, l'indice approximatif de la dévaluation du pou-
voir d'achat du franc,' correspond à 80 milliards. Or en 1953
le chiffre d'affaires total des seules sociétés adhérentes à la
Fédération Nationale est de 113 milliards. Il faudrait y ajou-
ter le chiffre d'affaires que nous ne connaissons pas des
coopératives non adhérentes à la Fédération.
Surtout le mouvement de concentration de nos sociétés
s'affirme comme très grand si, au lieu devouloir comparer la
situation actuelle à celle de 1913 ou de 1921, comparaison
toujours assez difficile, nous comparons les forces à l'heure
actuelle de nos grandes Unions aux forces totales du mouve-
ment coopératif de consommation, telles du moins que les
évalue la statistique des coopératives adhérentes à la F. N.
Les 50 grandes Unions, avec leurs 2.042.000 sociétaires,
représentent 76 du total de tous les coopérateurs français
(2.669.000 en 1953). Ces mêmes 50 Unions, avec leurs 94 mil-
liards de ventes, ont effectué, en 1953, 83 du total des
ventes coopératives de notre pays (113 milliards). Ces mêmes
Unions, avec leurs 1.581 millions de capital souscrit, ont réuni
78 de tout le capital souscrit à cette époque auprès de
toutes les coopératives françaises (2.018 millions au total).
Les 50 mêmes Unions, avec leurs 6.338 magasins, possèdent
81 de tous les magasins coopératifs existant en France
(7.787 au total). Enfin ces mêmes 50 grandes sociétés, avec
leurs 19.881 employés, ont embauché alors 82 de tous les
employés coopératifs existant en notre pays (24.102 employés).
Donc à quelque point de vue que nous nous placions, les
50 Unions coopératives de notre pays ont de 76 à 83 de
toutes les forces coopératives adhérentes à la Fédération
Nationale. Ainsi les 50 sociétés géantes dont nous parlons sont
trois fois plus importantes, font trois fois plus d'affaires que
les 770 autres coopératives.
Plus que jamais, plus que ce n'était déjà le cas en 1921,
au-dessus d'un assez grand nombre de petites sociétés, fonc-
tionnent 50 sociétés mastodontes qui concentrent presque
toutes les forces coopératives de ce pays. Ainsi le degré de
concentration dans nos coopératives est-il incomparablement
plus grand que celui qui a été atteint par les entreprises pri-
vées. Le mouvement coopératif peut être fier d'avoir donné
l'exemple de la plus grande obéissance aux lois et nécessités
de la technique.
Le résultat de tout ce mouvement est que nos organismes,
fondamentalement différents de leurs ancêtres de 1913, ont
dans l'ensemble une excellente gestion commerciale et finan-
cière. Nos sociétés ont supporté la crise de 1930 beaucoup
mieux que les sociétés privées. Du point de vue technique, le
mouvement français a donc fait d'inappréciables progrès
depuis l'Unité.
De même les deux organismes centraux de la coopération
française, la Société Générale des Coopératives de consomma-
tion et la Banque centrale des Coopératives sont en situation
très florissante. La Société Générale, l'ancien M. D. G., a vu
de 1910 à fin 1953 son capital souscrit passer de 70.700 fr. à
320 millions et le volume de ses ventes passer de 9.746.000 fr.
à plus de 49 milliards de francs. Quant à la Banque centrale
des Coopératives, quoique sa fondation remonte seulement
à 1935, elle vient de dépasser le chiffre de 1.200 millions de
dépôts à vue ou à terme. Ainsi, sur le plan matériel, les choses
vont très bien. A cet égard notre mouvement a réalisé dans
la plus large mesure durant presque ce demi-siècle les espoirs
que raisonnablement on pouvait formuler en 1912.
Mais il est un point où l'on peut exprimer quelque inquié-
tude. En 1913 les coopératives fonctionnaient fort mal dans
l'ensemble, mais en elles la foi coopérative était au plus haut.
Inversement, à l'heure actuelle, les organismes ont une très
bonne gestion commerciale mais chez beaucoup de nos socié-
taires la foi coopérative n'est plus ce qu'elle devrait, n'est de
loin pas aussi ardente que celle des pionniers du début du
siècle. Si ce processus se poursuivait, le danger serait qu'un
jour au sein de coopératives très prospères il y ait de moins
en moins de coopérateurs convaincus. De façon plus générale
ce qui est défectueux, c'est le degré très insuffisant de diffu-
sion qu'a atteint la doctrine coopérative non seulement dans
le public français en général, mais même au sein de nos
sociétés. Certes tous ceux qui sont à la tête de nos coopéra-
tives sont animés de convictions coopératives ardentes, mais
que dire des convictions coopératives de la plupart de nos
?
sociétaires Par la force des choses les contacts sociaux sont
beaucoup moins intenses au sein des grandes Unions Coopé-
ratives qu'au sein des antiques petites sociétés de jadis. Faut-il
donc se résigner à voir la coopération perdre une partie de ses
vertus sur le plan moral et civique, au moment même où nos
organismes acquièrent une valeur beaucoupplus grande sur
?
le plan matériel Comme vous tous, je ne m'y résigne nulle-
ment. Mais c'est un fait qu'il y a là une difficulté sérieuse.
Dans l'opinion publique en France, comme dans la plupart
des pays étrangers même en Angleterre, la coopération est
loin d'exercer l'influence qu'elle devrait. A l'heure présente

;
il n'est que deux régimes économiques et sociaux qui pola-
risent les esprits d'une part le capitalisme privé qui garde
;
encore de nombreux défenseurs, ceux surtout à qui ce régime
bénéficie d'autre part, le régime étatiste, ou, pour l'appeler
par son nom, la planification soviétique. Entre ces deux
régimes la grande masse du public ne voit aucune autre solu-
tion. Pourtant quiconque connaît les institutions et la doc-
trine coopératives sait d'une manière certaine qu'il existe une
troisième solution, un ordre intermédiaire qui a les avantages
techniquesdurégime capitaliste etaussi les mérites sociaux
du socialisme d'Etat, bref qui procure une répartition beau-
coup plus juste des richesses. C'est l'ordre coopératif, plus
exactement c'est le socialisme coopératif à l'étude duquel, vous
le savez, j'ai consacré une partie de ma vie.
Pour enflammer les générations jeunes qui demain gouver-
neront ce pays, il ne suffit pas de leur montrer, chiffres en
mains, les progrès matériels de nos organismes. Il faut leur
présenter une solution d'ensemble du problème économique
et social. Les jeunes exigent et ils ont raison de vastes
pensées et de grands espoirs. C'est à celà que Charles Gide,
voici bien des années, avait tenté de répondre en formulant
le programme des Trois Etapes. Nos organismes devaient tout
d'abord avoir la haute main dans le domaine du commerce,
puis s'étendre aux industries, enfin elles devraient prendre
pied dans l'agriculture. C'était là ce que disait Gide en 1889,
tout au début de son apostolat. Bien avant sa mort il y avait
renoncé. Cependant cette répudiation a eu pour effet de priver
alors la coopération de toute solution d'ensemble. Faut-il donc

secteur assez limité de ractivité économique ?


se résigner à voir la coopération réussir seulement dans un
Pour ma part
je n'y souscrirai jamais. Si cela était vrai, il faudrait renon-
cer à voir une nation, quelle qu'elle soit, se convertir un jour
massivement à l'idée coopérative. L'idée coopérative vivrait
honorée parmi les hommes, mais modeste, comme la Cen-
drillon de la légende. La coopération resterait confinée au
commerce d'alimentation et à la production dans des manu-
factures de type moyen d'objets d'usage courant. Comment,
à se limiter à une sphère somme toute si modeste, la coopé-
ration pourrait-elle enflammer l'imagination des jeunes?
Ceux-ci exigent, pour donner leur foi à un idéal, qu'il embrasse
ta totalité des problèmes contemporains. Si l'ordre coopératif
n'est pas conçu comme capable de se substituer un jour au
régime capitaliste défaillant et d'être à juste titre préféré au
régime étatiste, inévitablement l'ordre coopératif ne sera
jamais que l'annexe d'un autre ordre économique beaucoup
plus général. Il ne sera que la loge du concierge d'un grand
château. Pour ma part je n'ai pamais accepté que la Coopéra-
tion ait ainsi ses ailes coupées. Vous, militants de l'ordre
coopératif, vous êtes trop modestes. Et, vous le savez bien, le
monde ne rend jamais justice à ceux qui ont la modestie de
la pâquerette ou de la violette dans les champs.
Sans doute les espoirs que la doctrine des Trois Etapes
avaient fait germer dans l'esprit de Gide voici 60 ans, ont
été démentis. Mais, sans que notre maître et ami s'en soit
douté, de grandes institutions coopératives que j'ai dénom-
mées les Régies Coopératives ont depuis longtemps démontré
qu'en bien des pays, en Belgique, en Angleterre, au Canada,
eïi Australie, en France aussi, de vastes sociétés coopératives
avaient victorieusement pris pied dans le domaine de la
grande industrie, de la grande banque, des chemins de fer.

;
Ces sociétés créées par une décision des pouvoirs publics, ont
toutes connu un remarquable succès elles associent en effet
la puissance financière des pouvoirs publics à la libre gestion,
-

à l'entière responsabilité que connaissent nos coopératives.


Le Crédit Communal de Belgique, fondé dès 1860, est devenu,
par ordre d'importance, la troisième banque existant en Bel-
gique ; par le volume de ses affaires il vient immédiatement
après la Banque Nationale et la Société Générale de Belgique.
Il n'est en vérité aucune production industrielle ou ban-
caire, si vaste soit-elle, qui ne puisse pas avec avantage adop-
ter la structure coopérative. En France, nous avons une Régie
Coopérative, à savoir la Compagnie Nationale du Rhône, qui a
construit les barrages de Génissiat et de Donzère-Mondragon.
Et le syndicat Force Ouvrière des employés des P. T. T. m'a
demandé, voici trois ans, de leur remettre un projet de statuts
dont l'adoption aurait pour effet de transformer en régie
coopérative le service des P. T. T. tout entier. Le projet a déjà
été présenté au vote du Parlement. Inutile de dire qu'il fau-
dra bien des années pour convaincre nos députés de l'avan-
tage considérable qu'il y aurait à coopératiser le service des
Postes et Téléphones, ce service dépendant désormais uni-
quement pour sa gestion des usagers et du personnel employé.
Mais quand une idée est juste, elle finit toujours par triom-
pher.
Incontestablement le succès de la planification soviétique,
le fait aussi que l'U. R. S. S. a été un des grands vainqueurs
de la guerre, ont polarisé beaucoup de regards vers Moscou.
La planification soviétique est un régime possible de produc-
tion économique. Je tiens, pour ma part, que l'ordre coopé-
ratif parvient à un meilleur prix de revient et surtout qu'il
correspond beaucoup mieux aux désirs du public consomma-
teur. En 1920, quand Charles Gide, Ernest Poisson et moi
avons été délégués au Conseil Economique du Travail, insti-
tué à la demande de la C. G. T., Gide et moi avons rédigé le
programme général dit de la nationalisation industrialisée.
Or cette nationalisation avait pour base tous les principes
coopératifs puisque c'est nous qui avions été chargés du
rapport La C. G. T., en la personne de Léon Jouhaux et
de ses amis, acceptait à cette époque nos principes. Depuis
lors la T. a tourné les yeux du côté de Moscou. Je crois,
C. G.
quant à moi, qu'elle eût été mieux inspirée, en faisant con-
fiance, aujourd'hui comme hier, aux principes coopératifs.
La tâche, qui me paraît urgente, c'est d'inspirer à notre opi-
nion publique, en particulier à notre jeunesse, la conviction
que l'ordre coopératif représente un ordre socialiste tout à
fait général, qui répartit de façon démocratique tous les
revenus de la production, mais qui respecte toutes les valeurs
humaines et se concilie parfaitement avec le régime parle-
mentaire et les libertés démocratiques. Je ne prétends pas
avoir réussi à faire partager cette conviction à" un grand
nombre d'esprits. Les circonstances, momentanément, sont
très défavorables. L'essentiel est d'entreprendre la tâche. Dans
une large mesure, son succès dépendra de l'effort que vous-
même et vos sociétés vous ferez dans ce sens.
De toutes façons il faut s'appliquer avec la plus extrême
attention à développer l'éducation coopérative de nos socié-
taires. Vous le faites, je le sais bien, mais je crois que cette j

action devra être encore intensifiée.

tant de nos concitoyens qu'on peut échapper au dilemme ou :


Il faut que nous arrivions à convaincre un nombre impor-

le capitalisme privé, avec ses injustices, ou le collectivisme


d'Etat, avec ses contraintes. La société de demain ne résultera
d'aucune fatalité historique. Elle dépendra de notre volonté à
nous et de celle des générations qui nous succéderont. En
même temps que de vastes perspectives luiront ainsi aux yeux
de nos compatriotes, le nombre des sociétaires de nos coopé-
ratives et leur fidélité vis-à-vis de ces institutions s'accroî-
tront. Tant il est vrai que tout effort sur le plan moral porte
ses fruits dans l'ordre matériel.
Vous avez réussi à bâtir sur le roc des institutions coopé-
ratives solides et fécondes. Et je vous en félicite hautement.
Il nous reste et ce sera surtout la tâche de la génération
qui succédera à la mienne de convertir la nation française
à l'idéal coopératif qu'elle ignore presque totalement. Pour y
parvenir et ce seront mes derniers mots il n'est pas de
meilleurmoyen que de répandre l'idée enseignée par Charles
;
Gide toute sa vie, à savoir que la coopération n'est pas seu-
lement une boutique elle est, aussi et avant tout, une étoile
au firmament.
Bernard LAVERGNE.
KAGAWA ET LA COOPÉRATION AU JAPON

Le mouvement coopératif naquit au Japon en 1900 et


englobe actuellement un tiers de la population de ce pays. Le
principal journal coopératif au Japon est un des plus répan-
dus du monde entier. Il compte maintenant un million
d'abonnés. Le nombre d'abonnés augmente sans cesse à un
rythme accéléré. Il est intéressant de noter que le Gouver-
nement japonais a confié aux organisations coopératives la
réalisation de son plan quinquennal.
Parmi les chefs du mouvement, le plus remarquable est en
ce moment Tayochiko Kagawa. En sa qualité de disciple du
grand Confusius, fondateur de la religion japonaise, il s'est
fixé dès sa jeunesse le but dé devenir un saint. Il était bien
difficile à cette époque surtout d'atteindre une grande éléva-
tion de l'esprit, carles exemples de ce genre étaient rares et
toute la race humaine semblait pervertie. Lorsqu'un mission-
naire américain lui fit connaître l'Evangile, Kagawa y recon-
nut ce dont il avait besoin et se mit à prier afin de prendre
pour modèle le Christ.
A l'âge de 21 ans Kagawa s'installa dans un des quartiers
les plus miséreux et sales de la capitale pour essayer d'amé-
liorer le sort des pauvres. Après avoir consacré cinq ans de
sa vie au service des hommes, Kagawa arriva à la conclusion
qu'un individu isolé, tout en aidant son prochain, est inca-
pable de changer la société.
A l'issue donc de ces cinq années, Kagawa fonda un syn-
dical d'ouvriers japonais, puis la première école profession-
nelle ; enfin il fit paraître le premier journal ouvrier.
Au cours de cette activité et surtout après avoir mis la der-
nière touche aux organisations d'orientation professionnelle
en faveur des ouvriers et des paysans, Kagawa tourna son
attention vers les intellectuels, surtout vers le clergé.
En marge de cette activité Kagawa, se rendant compte du
grand rôle des organisations coopératives, travailla pour elles
depuis 1918. Il commença par fonder des coopératives de
consommation parmi les ouvriers des villes et peu après s'oc-
cupa de créer des coopératives de crédit parmi les paysans.
Simultanément il veillait à ce que le mouvement coopératif
ait à sa tête des chefs formés du point de vue, non seulement
technique, mais aussi ethique.
Dans ce but il fonda des universités populaires sur le mo-
dèle danois et, dans ces écoles populaires qu'il surveillait lui-
même, la coopération constituait la branche principale de
l'enseignement. Il existe actuellement au Japon 90 établis-
sements scolaires de ce genre, c'est-à-dire plus qu'au Dane-
mark même.
Kagawa recrutait les chefs de la coopération parmi les étu-
diants des cinq Ecoles Supérieures de Tokio, où il avait déjà
organisé des coopératives. C'est ainsi que les intellectuels
apprirent à consacrer leur temps et leurs forces au mouve-
ment coopératif. Comme le chômage est grand parmi les
diplômés, Kagawa leur prêcha qu'ils doivent eux-mêmes se
procurer du travail au moyen d'organisations coopératives.
Beaucoup de villages japonais attendent encore la création de
pareilles organisations.
a
Parmi les membres du clergé il y aussi beaucoup de chô-
meurs. A ceux-là également Kagawa conseille de se mêler au
peuple et d'organiser des coopératives. Sur son conseil les
séminaires destinés aux prêtres furent transformés dans ce
sens et des cours sur la coopération y furent introduits.
Ensuite Kagawa attira dans les organisations coopératives
de nombreux médecins et infirmières japonais. 140 hôpitaux
coopératifs furent fondés au Japon sous sa direction. Ces
hôpitaux ont réduit de 9 à 20 de leur revenu annuel les
dépenses des travailleurs agricoles du Japon pour l'assistance
médicale.
Grâce à sa popularité et à sa loyauté Kagawa jouit main-
tenant du soutien du Gouvernement, ce qui lui permet d'or-
ganiser selon les principes coopératifs les provinces du pays
l'une après l'autre.
Les gouverneurs des provinces convoquent des congrès et
permettent à Kagawa de les diriger. Dans ses discours il
s'applique essentiellement à prouver que la bienveillance,
la charité et toute aide en général ne pourront atteindre leur
plein épanouissement que lorsque l'organisation coopérative
deviendra puissante.
Kagawa éduque le peuple japonais dans le sens de la démo-
cratie coopérative non seulement par ses discours il compte
parmi les meilleurs orateurs du Japon mais aussi par ses
nombreux livres et brochures, qui se répandent et se lisent
par centaines de milliers d'exemplaires.
Pour achever le portrait du grand chef nous devons ajouter
qu'il lutte tout autant pour la paix extérieure que pour la paix
intérieure. Il a beaucoup fait pour organiser et reconcilier
toutes les classes de la population japonaise et continue à y
travailler avec le soutien du Gouvernement, sans être assu-
jetti à ce dernier.
Prof. Vahan TOTOMIANTZ.
LES 80 ANS DE VAHAN TOTOMIANTI

L'auteur de ces notes se rappelle avoir rencontré Vahan


Totomiantz, il y a longtemps, dans cet enthousiaste organisme
coopératif qu'était le clair bureau de Luigi Luzzati sur la Via
Veneto et avoir été saisi par la gaité avec laquelle il savait,
lui qui était déjà atteint de la maladie qui devait le faire
souffrir toute sa vie, fournir des arguments aussi doctes que
saisissants.
Né en février 1875 à Astrakhan, de père Arménien, étudiant
à des Universités belges, suisses et allemandes, mûri à l'Ecole
Coopérative d'Edouard Anselee, de Louis Bertrand, d'Emile
Vandervelde, diplômé en 1898 ès-sciences sociales de l'Uni-
versité de Bruxelles, magister de l'Université de Moscou et
docteur de l'Université de Kiev, titulaire de la chaire de Coopé-
ration et d'histoire des doctrines économiques et sociales à
Tiflis, ayant enseigné dans plusieurs instituts publics et privés
de culture coopérative, parmi lesquels il y a lieu de rappeler,
outre ceux de Paris et de Berlin, l'Université libre de la Coopé-
ration fondé à Rome par Luigi Luzzatti, Vahan Totomiantz
;
ne s'est pas borné à proclamer du haut de la chaire la doctrine
coopérative il en a vivifié la propagande avec son infatigable
talent de journaliste et d'écrivain.
Journaliste, il a été en 1899, membre de la rédaction du
»
quotidien « Le Courrier du Nord à Saint-Pétersbourg, et, en
Î916, de la revue mensuelle, «Le Monde Coopératif » où il
écrivit de nombreux articles pour attirer l'attention de ses
compatriotes sur les réalisations de la coopération continen-
tale. Il a connu les premiers déboires de sa carrière avec la
saisie de la relation qu'il avait faite d'une de ses entrevues
avec le grand Tolstoï. En compensation le grand écrivain lui
adressa une lettre par laquelle il se déclarait coopérateur
convaincu. Editeur, il encouragea la constitution d'une mai-
son d'édition pour la publication d'ouvrages coopératifs ;
celle-ci fit paraître entre autres les œuvres les plus significa-
tives de Gide, de Wolff, de Luzzatti, de Mazzini, de Barbieri,
de Holyoake efde Webb.
Ecrivain, il a publié de nombreuses œuvres dont plusieurs
eurent diverses éditions et furent traduites en plusieurs
langues, tels les ouvrages publiés par les soins de l'Union Cen-
trale des Coopérateurs de Moscou : «La Force de la Coopé-
»
ration (1889), «Les coopératives de consommation en Eu-
rope Occidentale » (1901), «La théorie et la pratique de la
coopération de consommation » (1914), «La participation aux
bénéfices», « L'histoire des doctrines économiques et sociales»
(1922) traduite avec une préface d'Achille Loria, « La coopéra-
»
tion en Russie publiée pour la première fois en italien avec
»
une préface de Luigi Luzzatti, «L'anthologie coopérative qui
démontre le but de la coopération par des passages tirés des
œuvres de coopérateurs les plus éminents de chaque pays,
«La femme et la coopération» (1920), «Le petit manuel de
la coopération » (1937), «L'Arménie économique », «La
coopération agricole » (1919), enfin son œuvre magistrale
« Le dictionnaire international de la Coopération », un puis-
:
sant manuel de consultation et de pratique coopératives édité
àBerlin en 1929, composé avec la collaboration d'une centaine
d'écrivains dont Gide de Paris, Hall de Manchester, W. Krebs
de Berlin, Schlosser de Monaco.
L'activité de Vahan Totomiantz comme propagandiste de la
coopération fut aussi ardente que féconde. Il suffit de rap-
peler les nombreuses conférences de popularisation faites par
Jui dans la plupart des pays d'Europe et d'Asie, la création de

;
la Banque Nationale Coopérative de Moscou (1912), dont il fut
membre du conseil d'administration l'organisation des pre-
miers congrès généraux du mouvement coopératif russe
(1908-1912), sa participation active au Congrès de la coopéra-
tion allemande de consommation et aux Congrès de l'Alliance
Coopérative Internationale de Paris (1900), de Glasgow (1913),
de Baie (1921) dont il fut proclamé membre honoraire par
acclamations. Cet infatigable pèlerinage à travers le monde
lui valut, en plus d'une connaissance plus directe des mou-
vements coopératifs des pays visités, la sympathie, trans-

coopérateurs de l'époque :
formée souvent en affectueuse amitié, des plus éminents
Charles Gide, A. Dàudé-Bancel,
Il Lavergne, Jean Gaumont, Luigi Luzzatti, Henri Kauffman,
Henri Wolff, Antonio Vergnanini, Luigi Buffoli, Werner Som- J

bart, F. Staudinger, J. Manfredi, Robert Michels, Hans Muller,


Robert Wilbrandt, B. Jaeggi et combien d'autres !
Ce sec exposé des dates, des titres, de noms d'hommes et
de villes, ne peut pas donner une idée précise du rôle que le
professeur Totomiantz a joué dans le mouvement coopératif.
Derrière ces dates, ces titres, ces noms, il y a l'histoire d'un
homme et les circonstances tragiques d'une vie qui furent
telles qu'elles auraient réduit au silence toute personne qui
n'eut été, comme lui, animé d'une flamme intérieure et d'une
foi indéfectible dans la coopération.
Quoique étranger à la politique, Vahan Totomiantz a connu
l'amertume et les difficultés de l'exil sous le Gouvernement
tzariste (1901) et sous l'occupation bolchevique (1918). C'est
à cette époque qu'il a été atteint d'un grand malheur, le décol-
lement de la rétine, qui devait, en s'aggravant de jour en jour,
le rendre presque totalement aveugle.
Dès lors a commencé la tragique odyssée de cet homme
qu'une douce main de femme, celle de sa fille bien-aimée,
Antigone moderne, a conduit à travers le monde à la recherche
du travail et du pain. C'est par le travail ardu de conférencier,
d'écrivain, de professeur, qu'il a réussi à se procurer en Italie,
en Allemagne, en France, en Tchécoslovaquie et en Géorgie
de quoi vivre. Grâce à l'affectueuse solidarité de ses amis,
coopérateurs de tous les pays, il a pu enfin s'établir à Paris.
Malgré les conditions toujours pires de sa vue, la dispersion
de sa bibliothèque, la misère de ses ressources, faisant preuve
d'une volonté inlassable, il donne encore aujourd'hui son
ardent et fatigant labeur à la préparation d'une seconde édi-
tion, plus grande et plus vaste, de son œuvre maîtresse
dictionnaire international de la Coopération».
:
« Le

« Si le monde savait combien il fut loué


En mendiant la vie morceau par morceau,
Combien plus il serait loué,
Si le monde savait le cœur qu'il a eu. »
(« Divina » Dante)
Comoedia

Nous visons ainsi sa lutte contre la maladie, combattue si


longtemps avec un courage héroïque. L'exemple est admi-
rable de cet infatigable ouvrier de la pensée, obligé de tra-
vailler avec les yeux et les mains des autres, et qui s'acharne
à la préparation d'un ouvrage en quatre volumes de 2.000
pages, de cet « apôtre pur et désintéressé »comme l'a désigné
Luigi Luzzatti et qui, au nom de la coopération, à su vaincre
l'adversité des hommes et des événements.
C'est en particulier à la jeunesse qui se prépare à entrer
dans les rangs de la coopération, que nous voulons donner
l'exemple de cet homme. Celui-ci a prouvé qu'aucun obstacle,
si ardu soit-il, ne peut arrêter celui qui d'un cœur solide mène
le bon combat pour le triomphe de ses idées. Vahan Toto-
miantz,aujourd'hui encore, sait faire surgir, de ses pupilles
éteintes, des faisceaux de lumière pour désigner à l'hunani-
mitéfatiguée, dans la voie de la coopération, l'avènement du
la
progrès, de la civilisation et de paix.
Alberto BASEVI,
Directeur du Département Coopératif
au Ministère du Travail à Rome.
LES COOPÉRATIVES MIXTES INTERNATIONALES

Parmi les réalisations les plus chères aux coopérateurs se


trouvent les entreprises mixtes, où les coopérateurs de con-
sommation et les coopérateurs de production «institutioiaa-
lisent » leurs échanges et matérialisent leur collaboration
dans une entreprise conjointe. Sur le plan national on con-
naît plusieurs sociétés de ce genre et on peut dire que, là où
elles furent étudiées avec soin, elles ont remporté des succès
notables et ont vécu.
Sur le plan international, seul le Magasin de Gros anglais
a créé de tels organismes mixtes, conjointement avec les
coopératives agricoles de certains autres pays. Malheureuse-
ment aucune société mixte n'existe aujourd'hui à l'état pur.
Et même à l'état impur, si nous pouvons nous exprimer
ainsi, on n'enregistre que deux sociétés qui ont maintenu
leurs activités. L'une, la Danish Co-operative Bacon Trading
Co, est formée par 18 abattoirs coopératifs danois et des
compagnies d'importations anglaises au nombre desquelles le
Magasin de Gros de Manchester. La seconde, la plus célèbre
de toutes, la «New-Zeeland Produce Association », est sou-
mise depuis 1937 au contrôle du Gouvernement de la Nouvelle-
Zélande, mais continue ses opérations selon les mêmes prin-
cipes qu'auparavant. Ni l'une ni l'autre ne sont donc aujour-
d'hui, à proprement parler, des sociétés mixtes appartenant
exclusivement aux coopératives de consommation et aux coo-
pératives agricoles.
Mais, puisque nous étudions ce qui est, et non pas ce qui
devrait être, nous passerons en revue les sociétés interna-
tionales, communément considérées comme entreprises
mixtes. Nous nous arrêterons même aux sociétés qui ont dis-
paru, de façon à donner un bilan plus complet des échecs
et des succès qu'on peut attribuer à cette forme de relations
inter-coopératives.
1° L'Association Coopérative de vente
des Producteurs Néo-Zélandais
L'association est une agence formée, d'une part, par la
Coopérative de Vente des Producteurs de Nouvelle-Zélande
(New-Zeeland Producers Co-operative Marketing Association
Limited) qui groupe 94 laiteries coopératives, et par le Maga-
sin de gros anglais. Un peu après sa fondation en 1921, on
a admis le Magasin de Gros écossais, au même titre de so-
ciétaire. Cette agence comprend donc aujourd'hui trois
membres. Les deux membres fondateurs ont souscrit chacun
les 2/3 du capital social et le Magasin de Gros écossais, 1/3.
Cette société est enregistrée à Londres, comme société ano-
nyme au capital de 10.000 livres sterling et elle est dirigée
par un conseil de six directeurs, dont trois représentent les
producteurs néo-zélandais, deux le Magasin de gros anglais,
et un le Magasin de Gros écossais.
Cette société qu'on désigne habituellement par les ini-
tiales anglaises N. Z. P. A. est essentiellement un organisme
de vente au service des producteurs, et une agence d'impor-
tation au service des consommateurs. Cependant chacune des
deux parties demeure libre de commercer avec des tiers
elles s'accordent simplement une préférence mutuelle, selon
;
les termes de l'entente. Sur toute vente, la N. Z. P. A. retient
une commission de 2,5 pour couvrir les frais (à partir
de 1937-38, ce taux fut abaissé à 2 %) et les profits sont
distribués aux consommateurs anglais et aux producteurs
néo-zélandais «sur une base fixée d'un commun accord. La
part des consommateurs dans les ristournes représente pour
eux les économies réalisées sur les frais de distribution,
tandis que la part des producteurs représente pour eux les
surplus réalisés par une organisation de vente coopérative
dont ils sont membres » (1).
Un changement important est survenu, en mai 1936,
lorsque le Parlement néo-zélandais, pour prévenir les fluc-
tuations de prix et assurer un revenu plus stable aux agri-
culteurs, vota une loi par laquelle le Gouvernement achèterait

(1) Information fournie par le Comité International des Relations


Inter-coopératives, publiée, comme annexe IV dans «Le Mouvement
coopératif et les Problèmes actuels», t. 1er, p. 186 et parue aussi dans
la Revue de la Coopération Internationale de juin 1939, pp. 265 du
texte anglais.
à prix fixe tous les produits agricoles. De fait la loi ne s'est
appliquée qu'au beurre et au fromage, mais par là elle tou-
chait directement la N. Z. P. A. qui vend justement ces deux
seuls produits.
Depuis lors, la N. Z. P. A. est devenue une agence de vente
dit Gouvernement néo-zélandais. Comme toutes les autres
maisons d'importations anglaises, elle se voit attribuer un
quota et elle vend à ses clients comme par le passé. Les deux
changements importants consistent donc en ce qu'elle ne
représente plus directement les producteurs de Nouvelle-
Zélande et en ce qu'elle n'a pas la responsabilité des mar-
chandises (le Gouvernement restant propriétaire jusqu'à la
livraison). Ce dernier fait explique pourquoi le Gouvernement
a abaissé la commission que l'Agence prélevait de 2,5 à 2
La N. Z. P. A. continue de distribuer ses profits nets à la
Coopérative de Vente des Producteurs Néo-Zélandais, selon
les mêmes règles qu'auparavant. En ce qui concerne les rela-
tions inter-coopératives, la N. Z. P. A. n'est plus une société
coopérative mixte au sens strict. Elle est plutôt une société
formée de coopératives de consommation, d'une part, et du
Gouvernement néo-zélandais, d'autre part (qui a pris la place
des producteurs). En soi et a priori, la formule n'est pas plus
critiquable qu'une autre. Il se pourrait fort bien qu'au point
de vue économique les résultats soient tout à fait semblables
à ceux qu'obtiennent les authentiques sociétés coopératives
mixtes.
Les seuls produits vendus par la N. Z. P. A. sont le beurre
et le fromage. A une certaine période, l'Agence a servi d'in-
termédiaire pour l'achat de moutons et d'agneaux par le
Magasin de Gros anglais, mais ce fut de courte durée. De
1921 à 1939, la valeur des produits vendus par la N. Z. P. A.
s'est élevée à 18.894.364 livres sterling et les conimissions
prélevées à plus de 400.000 livres.
Le chiffre d'affaires annuel moyen était d'environ un mil-
lion pendant cette période. Après la guerre, les ventes ont
considérablement augmenté. Dès 1947, le niveau de 1938 était
légèrement dépassé et, en 1951 et 1952, il a atteint plus de
quatre millions.
Comme nous l'avons déjà signalé, l'Agence peut vendre à
n'importe quel acheteur, et les Magasins de Gros anglais et
écossais ne sont pas tenus de s'y procurer leur beurre et leur
fromage. Il n'est pas impossible que l'Agence dispose d'une

;
plus grande quantité de produits que la capacité d'absorption
du marché coopératif anglais d'autre part, les producteurs
jugent nécessaire et utile de garder le contact avec l'extérieur
pour fixer leurs prix. La loi de l'offre et de la demande étant
encore à leurs yeux le critère le plus juste pour mesurer la
valeur réelle des marchandises, ils se font une règle de
vendre aussi sur le marché privé. Ainsi, la vente à des tiers
n'est plus seulement une possibilité, une assurance ne devant
;
jouer que lorsque les parties ne peuvent parvenir à une
entente elle est une tâche que les producteurs s'imposent,

.,.,.
une nécessité pour arriver à la fixation du prix. Les ventes
sur le marché libre deviennent ainsi des ventes-témoin.

',.
Sur le plan coopératif, le problème le plus important à
étudier dans la N. Z. P. A. est celui de ses relations avec les
Magasins de Gros anglais et écossais. A ce sujet nous avons
tous les chiffres désirables.
Les achats du Magasin de Gros anglais,
en pourcentage des ventes de la N. Z. P. A. de 1921 à 1936.
Années Fromage Beurra

1921 60
1922 46 37
1923 38 18

.,.
1924 38 19
1925 60 16
1926 42 38
1927 58 28
1928 60 35
1929 51 36
1930 63 50
1931 52 66
1932 34 46
1933 54 65
1934 62 68
1935 58 65
1936 57 65
De la fondation de la N. Z. P. A. en 1921 à sa transforma-
tion en agence gouvernementale en 1936, le Magasin de Gros
anglais a acheté environ 50 du fromage et de 37 à 69
du beurre vendus par l'Agence. Ces achats représentaient-ils
la demande totale du Magasin de Gros ? En 1936, 25 des
importations totales de beurre par le Magasin de Gros anglais
venaient de la Nouvelle-Zélande. De ces importations, un 58
seulement avait une source coopérative. A supposer que ce 5e
provenait uniquement de la N. Z. P. A., on voit que le Maga-
sin de Gros anglais n'achetait à l'Agence que 20 du beurre
néo-zélandais qu'il acquérait. Par une semblable hypothèse,
généreuse d'ailleurs, nous déduisons aussi qu'en ce qui con-
cerne le fromage, c'est 25 de sa demande que le Magasin
de Gros couvrait avec ses achats à la N. Z. P. A.
Si le Magasin de Gros anglais ne profitait pas davantage des
services de la N. Z. P. A., ce n'est pas à cause de l'insuffisance
de ses besoins. Un autre facteur a dû intervenir, à savoir le
prix. Les coopératives anglaises, ayant le marché libre à leur
disposition, se sont approvisionnées auprès d'autres produc-
teurs néo-zélandais chaque fois que le prix était plus avan-
tageux que celui de la N. Z. P. A.
On comprend que, dans ces circonstances, l'intervention
de l'Etat a dû avoir des conséquences profondes sur l'atti-
tude des coopérateurs anglais. Cette intervention en effet
signifiait avant tout que les quotas d'exportation étaient
réduits ou supprimés pour ceux des agents qui n'obtenaient
pas des prix aussi élevés que les autres. La disparition des
»
«week sellers (1) ainsi obtenue a eu pour effet d'unifor-
miser le prix du beurre et du fromage néo-zélandais (sans
qu'on obligeât personne à endosser un prix fixe prédéterminé).
Par conséquent, il devenait à peu près indifférent aux Maga-
sins de Gros anglais d'acheter à un endroit plutôt qu'à un
autre, aussi longtemps qu'on évitait les intermédiaires inu-
tiles.
Les chiffres du tableau suivant confirment pleinement cette
interprétation des faits. De 1937 à 1952 les pourcentages de
participation des coopératives anglaises aux affaires de la
N. Z. P. A. sont nettement supérieurs à ceux de la période
précédente (2).
(1) Le directeur actuel de la N. Z. P. A., M. Thos. N. Maxwell, dans sa
lettre du 9 juillet 1953, a répondu à une longue série de questions que
nous avions posées, avec une précision et une amabilité exception-
»
nelles. C'est dans cette lettre qu'il nous parle des «week sellers dans
le sens que nous venons d'indiquer.
(2) On doit attribuer 10 à 15 de l'accroissement des pourcentages
aux achats du Magasin de Gros écossais qui n'apparaissaient pas dans
le tableau précédent.
.,.
Les achatsdes Magasins de Gros anglais et écossais
-
en pourcentage des ventes de la N.Z.P.A 1937-1952 (1)
Année Beurre Fromage
1937 77 68
1938 82 78
1939 81 77

.,.
1940 85 76
1941 85 82
1942 (9 mois) (2) 89 84
1946 (5 mois) 99 96
1947 97 95
1948 96 95
1949 97 95
1950 96 94
1951 97 91
1952 97 94
Cette question de la participation des coopérateurs à leur
propre société soulève toujours le problème connexe des
ventes aux non-membres et de l'attribution des bénéfices réa-
lisés sur ces ventes. Dans une société coopérative mixte comme
la N. Z. P. A., des difficultés fort inattendues surgirent à ce
propos.
La règle générale est que les coopératives ne répartissent
pas entre leurs membres les bénéfices qu'elles réalisent sur les
ventes faites au public. Le principe qu'elles appliquent alors
repose sur la notion proprement coopérative du trop-perçu (3).
Le profit de la société coopérative appartient à l'acheteur.

;
Celui-ci ne peut donc réclamer que le profit auquel lui donnent
droit ses propres achats il ne peut jamais revendiquer le
profit à l'origine duquel se trouvent les non-sociétaires qui

(1) Lettre précitée.


(2) De 1942 à 1946, le beurre et le fromage ont été importés et distri-
bués au Royaume-Uni par le «Ministry of food».
(3) Selon les bases du système, la société coopérative est une agence
dont chaque opération économique est commandée par un de ses
membres. Ceux-ci, théoriquement, doivent payer exactement le même
prix que leur agence, puisqu'elle achète en leur nom et pour eux. Mais,
pour des fins de pratique commerciale, de comptabilité et de prudence,
l'agence (la société coopérative) fait payer à ses clients un prix plrttf
élevé que ne le requièrent son prix d'achat et ses frais d'administra-
tion. D'où un profit à la fin de l'exercice de la société, c'est littéralç-
ment un «trop-perçu». Loin d'être un profit de la société, au sens
courant du mot profit, c'est pour elle un emprunt, c'est une dette qu'elle
doit remettre au prêteur, à celui de ses membres qui a acheté la mar-
chandise.
ont acheté à la coopérative. Autrement, les avantages étant
inversement proportionnels au nombre de membres, la société
aurait tendance à restreindre vite l'admission de nouveaux
sociétaires et à se transformer en une entreprise capitaliste.
C'est pourquoi d'ordinaire, les coopératives, ou bien retiennent
les bénéfices des non-membres et créent des fonds de réserve
et d'éducation, ou bien, comme en Suède, utilisent ces ris-
tournes à faire acquérir automatiquement la qualité de
membre à chacun de leurs clients.
Dans la société mixte, l'application du principe coopératif
suppose que la coopérative de consommation l'acheteur
ne reçoit que le profit auquel elle a donné naissance par
ses propres achats. Elle ne jouit d'aucun droit sur le béné-
fice des ventes au public. Bien plus, s'attribuer celui-ci
engendre dans la société mixte une plus grande injustice que
dans la société ordinaire car alors on lèse l'associé, la coopé-
rative agricole, qui, en vertu des mêmes principes, a droit de
recevoir tous les fruits de ses ventes. Le fait qu'elle partage
ses profits avec la coopérative de consommation lorsqu'elle
lui vend ne fait que souligner son droit à ne pas les partager
lorsqu'elle vend à un commerçant, parce que ce sont d'autres
considérations qui entrent en jeu.
Si nous insistons sur ce point c'est que justement au sein
de la N. Z. P. A., les Magasins de Gros anglais et écossais
s'approprient les bénéfices réalisés sur les ventes que la société
fait aux non-membres, puisque, selon les statuts, tous les
bénéfices nets, quelle que soit leur origine, sont divisés en
parties égales entre les associés. Ces ventes, que nous appelle-
rons désormais «latérales », sont relativement peu impor-
tantes depuis quelques années, comptant pour 5 à 10 des
ventes totales. Mais la doctrine coopérative n'est pas res-
pectée : les Magasins de Gros reçoivent des bénéfices qui sont
créés sans leur participation, sur des achats qu'ils n'ont pas
fait eux-mêmes (1).

(1) On pourrait arguer que même s'ils ne contribuent pas aux achats,
les Magasins de Gros exercent quand même une influence sur le taux
de profit, aussi bien des ventes latérales que des échanges communs
par l'intermédiaire des frais fixes, par exemple. Cet argument rappelle
celui des capitalistes qui justifient leurs injustices envers les travail-
leurs par les services qu'ils rendent à la nation, en développant des
oressources naturelles ou en procurant de l'emploi à une grande partie
de la population.
Les principes caractéristiques du fonctionnement de la
N. Z. P. A., c'est-à-dire, d'une part, la fixation unilatérale du
prix par référence au marché, d'autre part, le droit que se
réservent les Magasins de Gros de s'abstenir quand bon leur
semble soulèvent un problème plus important encore que
celui causé par l'attribution des trop-perçus. Ce problème est
de savoir si, comme elle fonctionne, la N. Z. P. A. présente
les avantages et joue le rôle qu'on attribue d'ordinaire aux
sociétés coopératives mixtes. C'est la nature même de la
N. Z. P. A. qui est remise en question.
Quel est en effet le rôle essentiel des sociétés coopératives
mixtes? Si nous admettons sans discussion les divers élé-
ments de ce rôle, tels qu'ils apparaissent dans les ouvrages
éléments principaux :
consacrés à ce suj et, nous pouvons le définir grâce à trois

1°) La société coopérative mixte substitue, d'abord, la col-


laboration, l'association, à la concurrence que les coopératives
;
de consommation et les coopératives agricoles pourraient se
faire entre elles ce faisant, elle contribue au progrès du
mouvement coopératif.
2°) La société coopérative mixte favorise un meilleur équi-
libre de l'économie en permettant aux producteurs, de mieux
connaître les besoins des consommateurs, de les prévoir et
d'y adapter leur production.
3°) La société coopérative mixte, enfin, réussit à résoudre
.le problème du prix entre les coopératives de vente et les
coopératives d'achat, grâce à sa recherche constante et fonda-
mentale de l'équité dans la répartition des richesses entre les
producteurs et les consommateurs.
Il est douteux que les théoriciens qui assignent ce rôle aux
sociétés coopératives mixtes mesurent toute la portée de leurs
affirmations. Mais, telles quelles, elles sont les plus révolu-
tionnaires que nous ayons rencontrées dans le mouvement
coopératif. Elles signifient essentiellement que la société
coopérative mixte transforme le marché comme instrument
régulateur des échanges et rejette la concurrence et le prix
en tant que simple fonction de l'offre et de la demande. Tout
cela certes, à la mesure et dans le cadre étroit de la société
mixte, qui ne dépasse pas le milieu local. Mais la préférence
est claire et nette, elle va dans le sens de la négociation di-
recte basée sur la reconnaissance des besoins mutuels et du
planing d'entreprise.
On peut se demander si une société coopérative mixte
peut théoriquement répondre à ces objectifs et à quelles
conditions. Pour le moment, nous nous en tiendrons à l'exa-
men des faits et nous prouverons que la N. Z. P. A., en fait,
n'est en mesure de remplir aucune des trois fonctions de la
société coopérative mixte ci-dessus exposées, à raison du
droit que le Magasin de Gros anglais s'est réservé d'acheter
ailleurs chaque fois qu'il y trouve son avantage, par suite
de l'influence déterminante du marché privé dans l'établis-
sement du prix.
1°) En principe la N. Z. P. A. est une de ces structures qui
harmonisent les relations entre les coopératives agricoles et
les coopératives de consommation. Mais, à cause des liens
relâchés qui unissent la Coopérative Agricole de Vente Néo-
Zélandaise et les Magasins de Gros anglais et écossais, les
deux parties poursuivent les mêmes activités que si l'Agence
n'existait pas. Le Magasin de Gros anglais maintient ses
bureaux en Nouvelle-Zélande et continue à les faire servir à
l'achat de beurre et de fromage sur les marchés. De leur côté,
les producteurs gardent le contact avec les clients ordinaires,
de sorte que, si un jour la N. Z. P. A. venait à sombrer,
l'Agence de Vente des Producteurs demeurerait ce qu'elle est
actuellement et continuerait ses activités au prix de légères
modifications. C'est comme si cette société mixte était bâtie
à usages potentiels multiples.
Reconnaissons par ailleurs que la N. Z. P. A. est un orga-

;
nisme fondé sur la collaboration des producteurs néo-zélan-
dais et des consommateurs anglais que, par cette collabo-
ration, des frais de vente sont évités au bénéfice des deux
parties. Mais pouvons-nous dire aussi que la N. Z. P. A. est
l'institution qui a empêché (et qui empêchera à l'avenir) la
concurrence de se faire sentir entre les coopératives de pro-
duction et les coopératives de consommation, quand le fac-
teur le plus important, nous voulons dire le prix, n'est pas
négocié et accepté de bon gré par les deux parties, mais reste
imposé par les producteurs ? Dirions-nous que la convention
collective de travail a vraiment le mérite d'harmoniser les
relations entre les employeurs et les employés si elle ne por-
tait pas sur les taux de salaires?
2°) Par l'intermédiaire de la N. Z. P. A., les producteurs
connaissent bien les besoins de leurs associés consommateurs.
Mais,, s'ils n'adaptent pas leur production à ces besoins, si la
demande de leurs associés leur est indifférente, si on s'en
remet entièrement au jeu traditionnel du marché, en quoi la
société mixte contribue-t-elle davantage à l'équilibre de l'éco-
nomie?
3°) C'est surtout la fonction du juste prix qui est ici mise
en doute. Nous sommes d'avis que le juste prix des coopéra-.
teurs ressortit à la justice sociale et aux normes de réparti-
tion qui se dégagent de l'éthique coopérative. Ceci signifie
que le prix qui se fixe dans l'entreprise mixte ne peut être
le prix de la concurrence (même de la concurrence parfaite
qui n'assure que le respect de la justice commutative) et,
d'autre part, que le mécanisme du marché doit être trans-
formé de manière à affranchir la formation du prix de la
préoccupation d'atteindre le maximum de profit, et ce aif
bénéfice des normes de la justice distributive.
Il suffit de poser le problème pour voir jusqu'à quel point
la N. Z. P.A. est étrangère à ces conceptions du juste prix.
Non seulement la N. Z. P. A. n'introduit pas de nouvelles
normes pour fixer le prix de ses produits, mais elle se fait

;
un devoir de vendre sur le marché privé pour mieux en
suivre les cours non seulement la N. Z. P. A. ne transforme
pas le marché, mais elle ne peut concevoir de prix plus juste
que celui-là. Malgré le paradoxe, les directeurs ne cherchent
que le «fair market price ». La N. Z. P. A. va plus loin
encore :le prix n'est même pas négocié entre les consomma-
teurs et les producteurs associés. C'est une matière sur
laquelle, aux termes des -statuts, les consommateurs n'ont
aucun droit de regard. Si le prix fixé par leurs propres asso-
:
ciés-producteurs ne les satisfait pas, ils doivent simplement
changer de fournisseurs
« Les statuts de la société sauvegardent à bon droit les pro-
ducteurs quant à la question du prix, en confiant à leurs seuls
représentants au comité de direction la responsabilité exclu-
sive du prix auquel les produits seront vendus. Si le prix du
marché qu'on exige n'est pas acceptable aux yeux des Maga-
sins de Gros, les marchandises peuvent être vendues à
»
d'autres clients (Lettre déjà citée de M. Thos. Maxwell,
9 juillet 1953).
Il est facile de conclure qu'au sens que les théoriciens de
la coopération donnent à ce mot, la N. Z. P. A. n'est pas une
société coopérative mixte. Elle n'en cultive aucune des vertus
et n'en remplit aucune des fonctions caractéristiques. Elle
en a le cadre et l'apparence extérieure, mais elle ne vit ni de
son souffle, ni de son esprit, ni de son âme.
*
* *
2°) Autres sociétés coopératives mixtes
Le Magasin de Gros anglais a constitué certaines autres
sociétés qui n'ont pas connu de brillants succès. Au nombre
de celles-ci, on peut citer 1'« Anglo-Chinese Development
Society »
;
(1942) qui n'a jamais eu le temps de fonctionner
réellement à cause de la situation politique l' « Anglo-Polish
Food Product Company » (1946-1951) qui a servi surtout à
l'importation de pommes de terre de Pologne, après la guerre;
la «E. V. Product » dans laquelle le Magasin de Gros a
investi un capital relativement important pour la congélation
sur place (aux Pays-Bas) de certains produits qui lui étaient
destinés.
Cette revue des sociétés coopératives mixtes internationales
permet d'affirmer que le Magasin de Gros anglais est, à peu
près, le seul organisme coopératif qui ait expérimenté des
échanges avec des coopératives de vente des autres pays, que
ces échanges constituaient avant la guerre un pourcentage
élevé de ses importations directes, mais que depuis la guerre
ils sont pratiquement inexistants à cause des contrôles gou-
vernementaux sur le commerce extérieur. D'autre part, on ne
trouve que quatre ou cinq produits sur lesquels ces échanges
inter-coopératifs ont porté, c'est sur le beurre seulement que
les échanges inter-coopératifs ont formé plus de 50 des
échanges totaux entre le Magasin de Gros anglais et ses four-
nisseurs. Enfin, nous l'avons vu, on ne compte qu'une seule
société coopérative mixte internationale à l'état pur qui ait
fonctionné et encore, les conditions de ce fonctionnement
sont telles qu'elle apparaît n'avoir finalement conservé de la
société mixte que le cadre extérieur et l'apparence (1).
André RAYNAULD.
(1) Faisons ici une observation. On dit souvent que le mouve-
ment coopératif devrait servir à l'Etat comme moyen de connaître le

ment coopératif est le même que celui du marché ordinaire :


véritable prix des choses, le mouvement coopératif, selon sa doctrine,
devant pratiquer le juste prix. Or on voit ici que le critère du mouve-
c'est la
loi de l'offre et de la demande et le pouvoir de négociation de chaque
partie.
LES FINANCIERS ET LA COOPÉRATION

C'est une idée très répandue que les propagandistes de la


Coopération doivent, en Espagne, être soit des gens de
l'Action Catholique imbus des doctrines sociales des souve-
rains pontifes, soit au contraire des personnes provenant du
secteur ouvrier à l'étiquette plus ou moins socialiste.
Cependant, l'œuvre de la Coopération et la défense des
coopératives ont été faites, dans tous les pays et en parti-
culier en Espagne, par des hommes provenant des secteurs
les plus divers et des idéologies et zones sociales les plus
variées.
Ainsi des financiers réputés n'ont pas manqué de devenir
des propagateurs enthousiastes de la Coopération et des fon-

deux des plus notables :


dateurs de coopératives. Nous évoquerons, dans cet article,
José Piernas Hurtado, professeur
de finances publiques à l'Université de Madrid, et Manuel
Pedregal Canedo, qui fut Ministre des Finances (1). Tous
deux furent de fervents partisans de l'idée coopérative, et
leur pensée est d'un grand intérêt quand, comme cela arrive
aujourd'hui, se pose le problème de l'étude de la coopération
pour lequel une importante bibliographie existe à la Biblio-
thèque de l'Ecole Sociale.
José Piernas Hurtado fut peut-être le professeur de finances
publiques qui occupa le plus longtemps cette chaire à l'Uni-
versité de Madrid. Son «Traité de finances publiques et
étude des Finances espagnoles », dont la 5e édition fut pu-
bliée en 1900, est vraisemblablement encore aujourd'hui l'ou-
vrage le plus recommandable pour l'étude des finances

;
publiques espagnoles, par la clarté de son exposé et l'éléva-
tion de ses vues il suffit, pour le mettre à jour, de le conv

(1) Nous pourrions également parler de Rivas Moreno, délégué des


Finances dans diverses provinces espagnoles, et qui, avec Fernando Gar-
rido et Gascon y Miramon, constitue la plus illustre trilogie des Coopé-
rateurs espagnols.
pléter par n'importe quel livre actuel contenant un exposé
rigoureux et systématique de la législation en vigueur.
Quiconque aura feuilleté la 4e ou la 5e édition du Traitéde
Piernas Hurtado aura constaté que ce professeur fut un
grand coopérateur et qu'il écrivit en 1890 un ouvrage intitulé
« Le Mouvement Coopératif ». Ce livre de 296 pages publié à
Madrid à l'imprimerie de Manuel Ginés Hernandez, est la
transcription de trois conférences faites sur le thème de la
Coopération ou «foinento de las Artes »
(la promotion des
Artes). Piernas Hurtado disait que son livre ne contenait ni
nouveauté ni découverte, car les idées qui y étaient énoncées
avaient été publiées depuis un demi-siècle. Pour Piernas Hur-

bien commun ;
tado, le principe de la coopération, sa synthèse ou sa clé,
n'étaient autres que le bien de chacun de nous atteint par le
la coopération est une œuvre qui exige foi,
constance, abnégation, sacrifice, et la contemplation desfaits
est le seul moyen capable d'inspirer de tels sentiments (1).
Il est curieux que Piernas Hurtado ait dit en 1890 qu'en
matière de Coopération tout était dit quant à la doctrine
coopérative et que la seule chose à faire était de fonder
des sociétés coopératives. Soixante-trois années se sont écou-
lées et il arrive maintenant que beaucoup considèrent la
coopération comme un concept vague, diffus, neutre et tem-
,
porisateur, qui, comme tel, ne peut triompher, puisqu'il
lui manquerait l'éclat que doit avoir un idéal pour atteindre
au triomphe. Piernas Hurtado voyait très bien que lacoopé-
rativen'a pas pour seule fin l'économique, mais qu'elle pro-
de ce livre, il dit textuellement :
cure les bienfaits de la moralité et de la culture. A la page 11
«Ainsi fonctionnent aii sein
de l'association coopérative des institutions d'éducation,
d'enseignement et de bienfaisance. C'est précisément dans
l'intimité que la Coopération établit un lien entre les buts
moraux et les buts économiques, qui malheureusement suivent
des chemins souvent séparés, quand ils ne sont pas brouillés
la Coopération établit une relation ordonnée entre ces deux
;
éléments de la vie, obtenant que la moralité serve de moyen
;
d'acquisition de la richesse et que celle-ci s'emploie comme
élément moralisateur un accord positif est ainsi obtenu entre

(1) La devise indiscutable, internationale et espagnole, de la coopé-


ration est «un pour tous, touspourun», elle contraste avec le proverbe
(espagnol) «Chacun pour soi. et la maison reste à balayera.
l'utilité et le bien. En tout ceci réside ce qu'il y a de plus
transcendant et de plus sympathique dans le principe coopé-
ratif. Piernas Hurtado rappelle, contrairement a ce que
pensent certains aujourd'hui, que les coopératives ne sont
pas une chose nouvelle puisque déjà les anciennes corpora-
tions possédaient des institutions de ce genre. Le livre de
Piernas Hurtado contient une importante bibliographie espa-
gnole sur cette matière,- de laquelle émergent les œuvres de

Sociétés Coopératives»,
:
Fernando Garrido, « La Coopération, étude théorique et pra-
tique», Madrid, 1882; d'Antonio Polo de Bernabé «Les
mémoire couronné par la «Société
des Amisdu Pays ». Valence 1867 ; d'Eduardo Pérez Pujol :
« La Question Sociale à Valence », Valence 1872, etc,..
Ce n'est pas dans cette seule brochure que Piernas Hurtado
traite de la Coopération. Dans ses «Principes élémentaires
de la Science Economique », Madrid 1903, il consacre le cha-
pitre X, pages 541-546,- à l'étude des sociétés coopératives.
Son discours de réception à l'Académie Royale des Sciences
Morales et Politiques où il succédait à Don Laureano Figue-
rola, deux fois ministre des Finances discours prononcé le
12 mai 1905, fut consacré à «Quelques considérations sur le
principe de la solidarité et ses conséquences dans l'ordre
économique ». Piernas Hurtado affirmait dans ces paroles que
le principe de solidarité possède une action qui se perçoit et
se raisonne. « Mon nom, disait Gœthe, représente la collabo-
ration des innombrables personnes qui ont inspiré les textes
que je signe.»
Notre auteur affirmait que les générations se succédaient,
se transmettant par l'hérédité le sang des corps physiques
et par héritage, les idées, les sentiments, la culture, la civili-
sation et la richesse. Nous sommes, les vivants, un maillon
de la grandechaîne humaine, représentants du passé, artisans
de l'avenir, nous sommes nés dans des conditions établies par
nos prédécesseurs et nous préparons l'avènement de ceux qui
auront à nous remplacer. Le fait de la solidarité se trouve
dans l'unité de notre espèce et de son destin. L'homme
n'existe pas lui-même et pour lui-même exclusivement, mais
par les autres et pour les autres : personnalité signifie limi-
:
tation et impose des relations avec d'autres êtres. Il citait
Pierre Leroux qui disait «Aimez-vous chez les autres, car
en eux se trouve votre objet et sans eux votre vie n'est rien,
aimez-vous chez les autres, car, si vous ne vous aimez ainsi,
c'est que réellement vous ne savez vous aimer. »
Piernas Hurtado notait déjà que le
moyen le plus efficace
dont puisse user l'Etat en faveur de la solidarité réside dans
l'exercice de la fonction éducatrice. Il remarquait aussi que,
lorsque des sphères sociales se heurtent, c'est que leurs limites
sont mal tracées, qu'elles s'enferment dans des cercles excen-
triques et évoluent d'une façon désordonnée, sans plan ni
unité qui leur convienne et les limite. Il s'élevait contre
ceux qui, ne comprenant pas l'idée de la Coopération, trans-
formaient ce qui était raison d'harmonie et d'unité, en éten-
dard pour la lutte et en justification du plus grand exclusi-
visme. La base de la Coopération Charles Gide le disait
déjà c'est le sacrifice par chacun d'une part de son « moi»
;
individuel en vue d'accroître son « moi » social. Il a été beau-
coup question de socialiser la propriété mais ce qui est inté-
ressant, c'est de socialiser les personnes, ce à quoi tend préci-
sément la Coopération.
Manuel Pedregal Canedo fut ministre des finances avec
Castelar, jusqu'au «pronunciamiento »
de Pavia le 3 janvier
1873. Manuel Pedregal écrivit de nombreux ouvrages d'his-
toire, de politique, de droit et d'économie et fut un des pré-
curseurs les plus marquants de la Coopération espagnole.
C'est après avoir été ministre des Finances qu'il se consacra
avec le plus d'impétuosité à l'œuvre de divulgation sociale
il publia en 1886, à Madrid, un ouvrage intitulé « Les Sociétés
;
Coopératives », qui figurait à la Bibliothèque Andalouse et
comprenait 183 pages.
Pedregal rappelle que Lord Broughain annonçait déjà en
1863 que là Coopération était en voie de devenir une puis-
sance dans l'Etat. Pedregal soutenait que le grand défaut de
tous les plans d'organisation conçus par les socialistes pro-
vient de ce qu'ils songent davantage au bien-être matériel de
l'homme qu'à sa dignité personnelle et il mettait en relief la
vérité qu'il convient de ne jamais oublier, à savoir que la
Coopération tend à consolider la dignité personnelle, sous la
loi inexorable de la responsabilité (1). L'une des affirmations
(1) L'essence profonde de la Coopération est «L'aide à soi-même:t ;
le coopérateur se fie à son propre effort plus qu'à la grâce ou à la recom-
mandation, qui se présente aujourd'hui à nous comme une forme sécu-
larisée de la grâce. «Alter, alterius onera portate » est le brocard qui
le mieux exprime l'idée de la coopération.
les plus caractéristiques contenues dans cet ouvrage est celle
d'après laquelle «le manque de confiance de la majorité des
travailleurs dans leur éducation et leurs aptitudes, les conduit
à rechercher des hommes habitués à la direction et à l'admi-
nistration d'entreprises importantes, pour leur confier la
gestion de leurs affaires ». Pedregal soutenait que c'était là
une erreur qu'il fallait combattre résolument, que les coopé-
ratives devaient être régies par les coopérateurs eux-mêmes
et qu'une des principales raisons d'être du mouvement coopé-
ratif était la défense de la dignité, l'exaltation et le renfor-
cement de l'être même de chaque coopérateur.
Coopérer ne signifie, en aucune manière, se diluer dans un
agrégat social amorphe. La Coopération, au contraire, exalte
au maximum la personnalité de chaque être humain, et seul
celui qui tend et aspire à être lui-même peut parvenir en
vérité à coopérer avec les autres, car notre nature veut que
nous coexistions et coopérions les uns avec les autres.
Juan GASCON,
Professeur à l'Université
de Madrid
MICHEL DERRION ET LE SAINT-SIMONISME

L'inépuisable Histoire Générale de la Coopération de Jean


Gaumont nous a donné sur Michel Derrion, le fondateur du
«Commerce Véridique et Social», une masse de renseigne-
ments précieux. On sait que, d'abord Saint-Simonien, Derrion
se convertit au fouriérisme et qu'en 1834 il publia une courte
brochure intitulée Constitution de l'Industrie et organisation
pacifique du commerce et du travail ou tentative d'un fabri-
cant de Lyon pour terminer d'une manière définitive la tour-
mente sociale. Il ne fait aucun doute que les thèmes qu'il y
développe s'apparentent plus aux idées phalanstériennes qu'à
celles des disciples de Saint-Simon. Cependant l'influence
du Saint-Simonisme est encore assez puissante sur lui pour

1834:
qu'il écrive à Enfantin la lettre suivante datée du 27 juin
(Bibliothèque de l'Arsenal, Fonds Enfantin, n° 7.626,
pièce 31).
Père,
Pendant que vous exécutiez des travaux de géant en applicant
la puissance de votre volonté à l'industrie monumentale, un de vos
fils d'entre les plus obscurs méditait une réforme pratique du
commerce et du travail en les prenant tels qu'ils existent dans cet
Occident qui vous méconnaît encore.
Je me suis efforcé d'adapter nos idées à l'état actuel de l'opinion
publique en ayant soin de laisser du vague là où il était nécessaire,
au surplus je n'ai pas besoin de vous dire cela, vous le verrez bien.
Mais ce que j'ai besoin de vous dire, c'est que j'ai la volonté bien
arrêtée de poursuivre l'œuvre que je propose avec toute la persé-
vérance que comporte ma nature ardente et tenace.
PÈRE, agréez mon respect et mon amour.
M. DERRION.

Sans vouloir torturer un texte et lui faire exprimer plus


qu'il ne contient, il nous semble que nous avons là un exemple
particulièrement révélateur de l'état d'esprit de ces «socia-
»
ligtes qui, dans la première moitié du XIXe siècle, vécurent
l'aventure saint-simonienne, puis le fouriérisme et dont cer-
tains partagèrent ensuite les idées de Proudhon. Leurs con-
versions successives ne leur apparaissent point comme autant
de reniements. Ils peuvent trouver dans une nouvelle doctrine
un moyen plus efficace de réaliser les réformes sociales qu'ils
rêvent. Sans doute l'analyse des théories d'Enfantin, de Fou-
rier, de L. Blanc, de Proudhon permet-elle de dégager les
incompatibilités, les contradictions. Chaque système tend par
sa logique interne à une autonomie totale. Mais, à côté des
chefs d'école, les disciples et les élèves paraissent plutôt
influencés par une sorte de syncrétisme assez souple qui
explique les abandons et la facile conciliation des thèses anta-
gonistes.
Derrion, cependant, paraît avoir eu dans les milieux lyon-
nais une activité saint-simonienne plus grande qu'on ne l'a
supposée.

Péreire (Fonds Enfantin, n° 7.606, pièce 34) :


Le 8 octobre 1831, le saint-simonien Peiffer écrivait à
«Le petit
nombre d'adeptes dont je suis entouré est encore peu capable
d'agir. Deux d'entre eux sontpleins de zèle, mais Derrion est
encore retenu par sa timidité. »
Un peu plus de deux mois après, Derrion écrivait à Enfantin
une profession de foi que l'on peut lire dans le deuxième
volume de la Correspondance du Globe (1831-1832) (Fonds
Enfantin, n° 7.602, pièce 240).

Lyon, le 19 décembre 1831.


Cher Père,

;
La circulaire que vous m'avez adressée est pour moi une favo-
rable occasion de me rapprocher de plus en plus de vous je la
saisis avec joie et j'en veux profiter pour vous faire connaître
l'effet qu'a produit sur moi la religion sublime à laquelle vous,
tous mes pères, m'avez initié.
Dès les premières paroles que j'entendis prononcer par l'élo-
quent Reynaud lors de sa mission en notre ville, mon cœur fut à
vous sans retour. J'éprouvais en moi une douceur infinie à croire
à cet avenir brillant de bonheur et de poésie, qu'au nom du Dieu
Amour Universel il promettait à l'Humanité. Je me laissai douce-
ment entraîner vers ce monde nouveau où l'égoïsme exclusif ne
règne pas, où les yeux ne sont pas blessés par le hideux contraste
de la misère brutale et sale, nourrissant somptueusement de ses
sueurs le luxe au regard dédaigneux. Je devins plus attentif au
spectacle odieux, qui m'avait fait soupirer tant de fois, d'un peuple
entier flétri par le besoin et dont les membres grêles et desséchés
achèvent de s'épuiser dans les veilles laborieuses d'une vieillesse
prématurée. Si je prêtais l'oreille dans le silence de la réflexion,
je croyais ouïr ce mélange confus de sons discordants, où les trans-
ports bruyants de l'orgie se mêlent au chant lamentable de l'ou-
vrier sans travail et sans pain, où les éclats d'une joie factice
heurtent sans les interrompre les gémissements sourds du désespoir.
Et quand, à côté de cette horrible peinture du présent, je pus

;
saisir au passage un rayon de cette lumière à la fois douce et vive
qui calme et exalte en même temps dès que je pus comprendre
la portée de cette conception qui doit transformer l'anarchie en

;
ordre et débrouiller le chaos où sont entassés les éléments de l'ave-
nir quand, enfin, je pus entrevoir l'association universelle, tra-
versant radieuse des siècles de paix et de bonheur pour arriver
à des âges plus dignes encore de l'humanité grandissant toujours,
je souhaitai que cette image ravissante ne fût pas l'effet d'un vain
rêve, je désirai sa réalisation et, sans connaître encore l'ensemble
harmonieux des moyens qui doivent nous y conduire, je livrai
mon cœur à l'espérance. Depuis ce moment j'ai vécu de votre vie,
j'ai puisé auprès de mes frères Peiffer et François de nouvelles
lumières et me suis fortifié à leurs enseignements. Enfin, votre reli-
gion est devenue la mienne et je vous ai prié de m'accueillir dans
la grande famille. Depuis lors le Globe est devenu un aliment

;
nécessaire à mon existence et l'exemplaire que vous m'envoyez
n'est pas utile seulement à moi car j'éprouve aussi le besoin d'agir
sur tous ceux qui m'entourent et de leur faire partager la foi qui
m'anime.
Père, j'aime à répéter souvent que je suis Saint-Simonien et je
voudrais pouvoir faire comprendre à tous ce que c'est que cette
vie qui nous est commune et dont je sens si bien le prix. Mais ma
langue ne sait plus obéir à ma volonté et l'expression me manque
pour satisfaire ce besoin d'expansion qui me dévore. Mon être
comprimé par je ne sais quelles entraves, voudrait s'épanouir et ne
le peut. Continuez, je vous prie, de faire arriver jusqu'à moi la
parole féconde où je puise chaque jour de nouvelles forces. Car je
ne veux pas être un membre stérile de la famille d'avenir.
Je vous embrasse, Cher Père, bien tendrement et suis avec recon-
naissance et dévouement votre fils.
M. DERRION.
Rue de la Vieille Monnaie n° 7
à Lyon.
N° 11 de la circulaire.
C'est au cours de l'année 1832 que Derrion paraît s'être
particulièrement dévoué à la cause de la Famille. Le 6 août,
Cognât, dans une lettre à Enfantin (Fonds Enfantin, n° 7.602,
pièce 122), signale que les affaires matérielles marchent au
mieux, que frère Derrion en a opéré merveilleusement la
liquidation et que les dettes sont nulles. De Paris, ou plus
exactement de Ménilmontant, M. Chevalier suit avec atten-
tion la pénétration du Saint-Simonisme dans le Lyonnais. Le
24 octobre, il écrit à Arlès-Dufour (Fonds Enfantin, Archives,
Tome IV, p. 543) : « Votre rôle à vous, dans tout ceci, prend
une gravité considérable. Pendant que les jeunes gens, comme
Derrion et ce pauvre Cognât, agiront sur les masses et leur
communiqueront l'ébranlement avec animation, vous et les
hommes comme Corrèze, [Decaen] aurez à constituer une
»
sorte d'autorité. Il est probable que l'activité de Derrion
a été assez agissante pour que les autoritéss'en inquiètent et

vait à nouveau à Arlès en ces termes :


agissent. Quatre jours plus tard, en effet, M. Chevalier écri-
«Ilfaut que vous
ayez la bonté de veiller au procès intenté contre Derrion. Il
me paraît impossible que le parquet l'abandonne. Vous sentez
qu'il y aura un bon parti à tirer d'un bon procès en cour
d'assises. La parole de Duveyrier, ou celle de Barrault, ferait
» ?
à Lyon une sensation vive. Le procès a-t-il eu lieu Nous
l'ignorons. Mais Derrion est désormais assez connu et assez
apprécié pour qu'au même mois d'octobre, Chevalier écrive à
Hoart qui accomplissait une mission dans le sud de la France :
«L'intention du PERE est que vous repassiez par Lyon, où
à
vous donnerez l'habit Cognât et à Derrion seuls. »
François BOUDOT.
L'UNIONCOOPÉRATIVE LORIENTAISE

Lorient et les agglomérations voisines, avec leurs popula-


tions ouvrières et maritimes, vinrent tôt à la Coopération.
Sur un vieil almanach édité pour l'année 1909 par le Comité
Central des Sociétés Coopératives Françaises de Consomma-
tion, nous relevons les noms de trente deux sociétés pour le
seul département du Morbihan. La plus ancienne, la Société
de Panification de Lorient, fut fondée en 1864.
Dans notre région bretonne, comme partout ailleurs, les
premières coopératives furent des panifications, puis peu à
peu on vit apparaître les sociétés coopératives de consomma-
tion. Certaines de ces sociétés groupèrent rapidement plu-
sieurs centaines d'adhérents et réalisèrent des chiffres d'af-
faires importants pour l'époque. L'Economie Caudanaise et
la Famille Lorientaise étaient, en 1909, les deux plus impor-
tantes sociétés; la première comptait 415 sociétairesavec
138.000 francs de ventes, tandis que la seconde groupait
679 membres avec un chiffre d'affaires de 175.000 francs.
D'autres sociétés au contraire ne réunissaient qu'une poignée
de coopérateurs.
Structure anarchique et fragile d'un mouvement qui avait
pour base essentielle la foi magnifique et le dévouement sans
bornes de ces travailleurs qui, ayant fondé leur coopérative,
lui consacraient tout leur temps et toute leur énergie. Le soir,
après la journée de travail, les responsables se réunissaient
dans le magasin coopératif pour compter la recette du jour
et pour préparer les ventes du lendemain. Ces réunions se
poursuivaient souvent jusqu'à une heure avancée de la nuit.

:
Bientôt les dirigeants des petites sociétés vont se heurter
à des difficultés insurmontables problèmes de l'approvision-
nement, des transports, du financement, du recrutement, etc.
Entre sociétés coopératives jusque-là concurrentes, des rela-
tions vont se nouer, de plus en plus étroites, qui conduiront
à des fusions. Ainsi va commencer dans la région la concen-
trationcoopérative qui sera à l'origine de notre société
actuelle, l'Union Coopérative Lorientaise.
L'Economie Caudanaise groupait un grand nombre d'ou-
vriers de l'arsenal maritime et bénéficiait d'une situation pri-
vilégiée. En 1913, elle disposait de 5 magasins et elle absorba
plusieurs petites sociétés voisines dont La Vigilante et l'Ega-
litaire de Keryado, l'Espérance de Lorient, La Panification
coopérative de Lanester, etc.
En 1913 La Famille Lorientaise, l'Union Lorientaise, La
Ruche, La Prospérité et La Providence de Keryado fusion-
nèrent et constituèrent l'Union Coopérative Lorientaise. Le
principal artisan de cette fusion fut Emmanuel Svob, secré-
taire de la Fédération des sociétés coopératives ouvrières de
Bretagne, Svob va désormais consacrer à la nouvelle société
la plus grande part de son intelligence et de son énergie.
Le vaste mouvement de concentration coopérative amorcé
en 1913 va se poursuivre rapidement. En 1919 la Panification
coopérative d'Hennebont est absorbée. En 1920 l'Union Cau-
danaise de Lanester fusionne avec l'U. C. L. apportant à
celle-ci plusieurs magasins et un effectif important de coopé-
rateurs fidèles. Le Moulin coopératif de Lorient, propriété de
la Fédération de Bretagne, est cédé à l'Union Coopérative
Lorientaise en 1927. Les dernières fusions furent celles de la
Ruche vannetaise en 1946 et de l'Alréenne d'Auray en 1947.
Il ne faut pas croire que la concentration fit disparaître du
jour au lendemain toutes les difficultés. Après la fusion de
1913, l'U. C. L. connut des jours critiques et le dévouement
de Svob et de ses collaborateurs fut souvent mis à rude
épreuve.
La guerre de 1914-18 va procurer à la Société une activité
plus considérable dans des conditions économiques excep-
tionnelles. L'U. C. L. sortira de la guerre avec une puissance
accrue et elle va pouvoir poursuivre rapidement son déve-
loppement.

;
En 1939, l'Union Coopérative Lorientaise réunissait 10.803
sociétaires elle disposait de 62 magasins et son chiffre d'af-
faires annuel s'élevait à 17.006.602 francs
La guerre de 1939-45
La guerre et l'occupation vont mettre fin à cet essor et
compromettre les résultats de trente années de travail.
Lorient transformé par les Allemands en citadelle et en
repaire de sous-marins va, pendant plus de trois ans, devenir
l'objectif n° 1 de l'aviation alliée. L'entrepôt bombardé, puis
incendié, fut tant bien que mal reconstitué à Hennebont où
une seconde fois il fut totalement détruit. Privée à deux
reprises de ses locaux essentiels et de son stock de marchan-
dises, l'U. C. L. ne dut de survivre qu'à l'opiniâtreté de Svob
et de ses collaborateurs. Une troisième fois le siège social fut
rétabli sommairement à Auray. La presque totalité des suc-
cursales étaient détruites ou fermées. L'indigence des moyens
de transport, la pénurie de carburant rendaient très difficile
l'approvisionnement des points de vente encore en activité.
Partout le «marché noir » était florissant et combien de
clients jusqu'alors fidèles cherchaient dans les boutiques
concurrentes les denrées introuvables dans les magasins Coop
qui continuaient à pratiquer un commerce loyal et honnête
La libération de 1944 ne mit pas fin à cette situation dra-
!
»
matique puisque la «poche allemande de Lorient subsista
encore pendant près d'une année, isolant totalement des
entrepôts provisoires d'Auray un grand nombre de succur-
sales.
En 1945, au lendemain de la reddition de la «poche»,
ru. C. L. ne comptait plus que 15 magasins et pour l'année
entière le chiffre d'affaires n'était que de 10.007.585 francs.
Pendant cette période difficile la société avait dû cesser toute
distribution de ristournes.
C'est dans cette situation tragique que fut entreprise la
reconstitution de l'Union Coopérative Lorientaise. Emmanuel
Svob va consacrer à sa société les derniers moments d'une
existence si féconde en réalisations coopératives. Après sa
mort, en 1946, son collaborateur immédiat, Jean Ardhuih,
qui lui succéda à la présidence du conseil d'administration
et à la direction générale de la Société, va poursuivre l'œuvre
de relèvement. Dans un temps record, les services de la direc-
tion et de l'entrepôt se réinstallèrent à Lorient, en plein centre

ruinés par la guerre, furent réparés sommairement ;


d'une cité totalement détruite qui va bientôt devenir une ville
de baraquements provisoires. Les bâtiments de l'entrepôt,
les suc-
cursales furent ouvertes au fur et à mesure de la rentrée des
habitants, de la remise en état des locaux ou de l'attribution
de baraquements.
Les stocks, l'outillage, le parc automobile, furent peu à peu
reconstitués et, parallèlement à l'activité ancienne, un effort
important de développement fut entrepris. L'Alréenne et la
Ruche vannetaise fusionnèrent avec l'U. C. L. et de nom-
breuses succursales furent ouvertes dans la Morbihan et dans
le Sud-Finistère.
Les chiffres qui suivent illustrent avec clarté la rapidité et
l'ampleur du relèvement, fruit des efforts opiniâtres d'Emma-
nuel Svob et de son successeur, Jean Ardhuin. Ils furent aidés
dans cette tâche par une équipe d'administrateurs dévoués,
pour la plupart vieux militants coopérateurs éprouvés.

,.n!lees
Annees
ff',
« JIlreaaire::;(led,magasins
C':1'fId' e ristourlJes
Cliiffred'affaires ristournes
magasins
Nombre Taux do Montanttotal
Montant total
des ristournes

1939 17.006.602 62 4% 375.000


1945 15.007.585 15 néant néant
1950 840.615.603 78 5% 25.000.000
1951 1.017.288.555 82 5% 35.000.000
1952 1.370.831.000 84 5% 50.000.000
1953 1.526.690.463 87 5 63.000.000

L'U. C. L. comptait 10.803 sociétaires en 1939, 12.238 en


1945, et en 1953 l'effectif des consommateurs associés attei-
gnait 32.000.
N'est-il pas réconfortant que l'élévation du chiffre d'affaires
soit beaucoup moins le résultat de l'augmentation du nombre
des points de vente que de l'afflux constant de nouveaux
consommateurs, venant d'année en année, grossir le nombre
des coopérateurs ? Pour le seul exercice 1952-53, 3.309 adhé-
sions nouvelles ont été enregistrées, 1.200 pour le mois de
mars, mois de propagande coopérative.
Pendant la même période, les dépôts à la caisse d'économie
de l'U. C. L. ont dépassé 42.000.000 de francs. Cet empresse-
ment des coopérateurs à confier leur épargne à leur société
n'est-elle pas la preuve éclatante de la confiance sans réserve
qu'ils ont en sa solidarité et en son avenir ?
La progression ne se ralentit pas et les chiffres ci-après
extraits du compte d'exploitation de l'exercice 1953-54 font
ressortir l'ampleur des nouveaux résultats obtenus.
PÉRIODE DU 1er JUILLET 53 AU 30 JUIN 54

Année 1952-53 Année 1953-54 Progression

Nombre de magasins 87 89 2
Nombre de sociétaires 32.000 35.066 3.066
Chiffre d'affaires global 1.526.690.463 1.745.364.548 14,32
Montant total des ris-
tournes à distribuer 63.000.000 78.000.000 23,80%

Pourtant l'Union Coopérative Lorientaise est paralysée


dans son fonctionnement et dans son développement par l'in-
suffisance d'un entrepôt vétuste qui ne satisfait plus à ses
besoins. Cet entrepôt, dont l'expropriation est imminente, ne
peut donc faire l'objet d'aucune transformation importante.
Tous ceux qui, venant d'une autre société, visitent le siège
social de l'U. C. L. ne cachent pas leur étonnement en compa-
rant l'indigence des moyens matériels avec l'importance des
résultats obtenus. L'ouverture d'une nouvelle succursale pose
des problèmes difficiles à résoudre, de même que la mise à
l'abri des stocks qui deviennent plus importants au fur et à
mesure de l'augmentation du chiffre d'affaires. Dans ces con-
ditions le développement de la société est obligatoirement
ralenti. Cette période doit bientôt prendre fin et, dans un
proche avenir, l'U. C. L. disposera d'un entrepôt moderne à la
mesure de son importance actuelle et 'de ses ambitions
futures.
L'importance du nouveau siège social va d'ailleurs poser
d'importants problèmes financiers. Un plan de quatre ans,
allant en principe de 1954 à 1958, est déjà prévu. L'U.C.L.
s'apprête à investir 280 millions en construction et en équi-
pement. Le financement, compte tenu d'une créance sur l'Etat
de 85 millions, doit être largement assuré par la société elle-
même, celle-ci, grâce à une politiqueifnancière prudente dis-
posant d'importantes réserves.
Depuis 1946, l'U. C, L. a fait un grand effort de transfor-
mation et de modernisation de ses magasins. Elle est devenue
;
propriétaire de nombreux immeubles abritant des succur-
sales elle a également acquis le magnifique domaine de
St-Rivalain-en-Melrand pour y installer une colonie de va-
cances. L'outillage d'un vieil entrepôt a été considérablement
amélioré; la cuverie, les appareils de lavage, des groupes
d'embouteillage, les appareils de torréfaction sont d'origine
récente et leur puissance est à la mesure des besoins actuels
de l'entrepôt. Le parc automobile, soigneusement entretenu,
est composé de véhicules neufs en très bon état. 13 camions
représentent une capacité de 65 tonnes. Il faut y ajouter
7 véhicules légers et 5 camionnettes-magasins.
Chaque jour, 70 tonnes de marchandises peuvent être
transportées vers les magasins.

Situation géographique de la Société


L'U. C. L. dispose de 89 points de vente répartis dans le
Morbihan et dans le Sud-Finistère. Les succursales les plus
éloignées sont à 60 kms, mais 48 magasins se trouvent dans
l'agglomération lorientaise et sa proche banlieue. La situation
des succursales est un des facteurs essentiels de la prospé-
rité de la société. Un important arsenal maritime, de nom-
breuses usines, des ateliers et des chantiers, un port de pêche
très actif, font de Lorient et de sa voisine immédiate, Lanes-
ter, deux cités populeuses qui procurent aux magasins coopé-
ratifs une clientèle à la fois nombreuse et fidèle.
Le groupe Hennebont-Inzinzac-Lochrist tire l'essentiel de
sa prospérité de la présence d'une importante usine métallur-
gique, les Forges d'Hennebont. Les sept magasins de ces loca-
lités réalisent un chiffre d'affaires important.
De nombreuses succursales ont été installées dans les agglo-
mérations du littoral entre Vannes et Concarneau, point
extrême du développement de l'U. C. L., l'autre partie du
Finistère faisant partie du secteur de développement des
Coopérateurs de Brest. La région côtière est, en grande partie,
peuplée de pêcheurs, de travailleurs des usines de conserves.
A ces ressources permanentes s'ajoutent celles provenant de
l'afflux des touristes pendant les mois d'été. Pour toutes ces
raisons, les magasins coopératifs sont très prospères et toute
ouverture nouvelle sur le littoral est assurée d'avance d'un
entier succès.
Si le développement sur la côte a été poussé activement et
dans les limites des possibilités d'acquisitions ou de locations
d'emplacements commerciaux, l'extension vers l'intérieur est
conduite avec beaucoup plus de prudence car la population
rurale est très dispersée, ce qui oblige à des transports longs
et onéreux. Néanmoins, plusieurs centres ruraux importants
;
ont des magasins coopératifs et les résultats obtenus ont sou-
vent dépassé les prévisions ce qui prouve que la population
des campagnes comme celles des villes et des cités côtières
ne tarde pas à se rendre compte des avantages que lui apporte
la Coopération.
Ainsi, en raison même de la situation des succursales, les

:
35.000 familles coopératrices appartiennent à des milieux
très variés ouvriers et fonctionnaires, pêcheurs, ostréicul-
teurs, travailleurs des cjiantiers maritimes et des conserve-
ries, populations paysannes, etc.
Cette diversité procure à la gestion une très grande stabi-
lité, même pendant la saison d'été. A l'époque où d'autres
sociétés voient leurs magasins désertés par une partie de leur
clientèle, les succursales coopératives des côtes morbihan-
naises ou finistériennes reçoivent de nombreux estivants et
enregistrent des chiffres de ventes considérablement accrus.

Perspectives d'avenir
Sur un vaste emplacement de trois hectares, dans le pro-
longement de la gare de Lorient, l'U. C. L. se prépare à cons-
truire son nouvel entrepôt. Dans un avenir prochain la société
disposera des locaux indispensables à sa vie normale et à la
poursuite de son développement.. Un premier objectif peut

ventes. Quelle sera la direction de ce développement ?


être envisagé qui porterait à 150 le nombre des points de
Evi-
demment, les possibilités sont illimitées car entre la région
lorientaise bien coopératisée et les sociétés du nord de la
Bretagne, Fougères et St-Brieuc, entre Vannes, point limite du
développement vers l'est et les premiers magasins des sociétés
nazairiennes, s'étendent de vastes régions bretonnes qui sont
jusqu'ici demeurées de véritables déserts coopératifs.
Toutefois il apparaît qu'en raison de l'absence de villes
importantes et aussi parce que la population est très disper-
sée, le développement vers l'intérieur devra être conduit avec
une extrême prudence afin de ne pas compromettre la situa-
tion florissante de la société.
;
De nombreuses localités côtières n'ont pas encore de suc-
cursales des ouvertures nouvelles sont indispensables à
Lorient et dans plusieurs agglomérations importantes. Tout
projet de création dans le secteur rural sera précédé d'une
enquête sérieuse pour éviter les échecs. Il importera aussi de
développer les ventes par camionnettes-magasins, afin de tou-
cher les consommateurs jusque dans les hameaux et des
fermes isolées. Déja plusieurs voitures ont été mises en ser-
vice depuis deux années et les résultats obtenus autorisent
les plus légitimes espoirs. Désormais le magasin COOP ambu-
lant doit être, dans notre région bretonne, considéré comme
un outil d'avenir.
Organisation interne
La structure de l'U. C. L. ressemble à celle de toutes les
grandes sociétés françaises. Le président du conseil d'admi-
nistration est en même temps directeur général. Un directeur
commercial est responsable des quatre grands services de la
société:
1) l'Epicerie (alimentation produits d'entretien fruits
et, denrées périssables,.).
2) le Service des Liquides (vins ordinaires et vins fins,
alcools, cidre, bière, eaux minérales, huiles, vinaigres,.).
3) le service Mercerie (lingerie, bonneterie, confection, merr
cerie, chaussures, parfumerie, papeterie, jouets,.). 4-'-

4) le service Ménage (quincaillerie, vaisselle, verrerie,


articles de ménage, appareils de chauffage,.).
IMPORTANCE RESPECTIVE DES SERVICES CI-DESSUS
POUR L'EXERCICE 1953-1954

Epicerie 801.959.193 fr. des résultats nets


Liquides.
Mercerie. 513.453.730 fr.
46
29,4%
Ménage •••105.814.919fr.6
324.936.706fr. 18,6%

Il est important de constater que les rayons Mercerie et


Ménage ont été considérablement développés. Les résultats
qu'ils obtiennent permettent la distribution de ristournes
élevées.
Pour ses achats, l'U. C. L. fait le plus largement appel aux
services commerciaux de la S. G. C. C. Cette fidélité pourrait
être citée en exemple.
Les magasins sont placés sous la surveillance permanente
de plusieurs inspecteurs et les inventaires de contrôle sont
semestriels. Les stocks sont suivis de très près tant à l'entre-
»
pôt que dans les succursales. Les «rossignols sont éliminés.
Le système des ventes tournantes est de plus en plus employé
et les vèntes réclame, qui sont très fréquentes, donnent de
très bons résultats. Les succursales qui sont approvisionnées
chaque semaine en épicerie, en liquides, et en articles des
rayons spécialisés, sont en outre visitées plusieurs fois par
demande des gérants les denrées périssables :
semaine par des camionnettes rapides qui livrent à la

mages, les salaisons, les fruits, les primeurs, etc.


beurre, fro-
400 tonnes d'oranges ont été vendues pendant la dernière
campagne. La vente annuelle des bananes dépasse 270 tonnes.
Chaque année, des tonnages très importants sont réalisés en
fruits saisonniers, (abricots, pêches, prunes, raisins, poires,
pommes,.) en melons, en tomates. :
Sans publicité tapageuse, sans pratiquer systématiquement
la politique du «bas prix », mais en vendant au plus juste
prix des articles d'une qualité incontestable, en distribuant
des ristournes substantielles, l'U. C. L. gagne chaque jour la
confiance des consommateurs. Cette politique commerciale à
la fois très honnête et prudente est une des raisons majeures
de la progression constante de la société.

Le Moulin Coopératif
Avant 1940, l'Union Coopérative Lorientaise exploitait une
importante panification industrielle fabriquant le pain vendu
dans ses magasins de l'agglomération principale. Une grande
minoterie, ancienne propriété de la Fédération de Bretagne
des Coopératives de consommation, alimentait en farine les
sociétés coopératives bretonnes exploitant un service de bou-
langerie. Après la guerre, la panification ravagée par les bom-
bardements ne fut pas remise en état, mais le Moulin Coopé-
ratif recommença à tourner en juin 1946. Malheureusement,
ses clients normaux, les panifications coopératives, ayant dis-
paru, le Moulin dut vendre sa farine aux boulangers qui
voulaient bien lui confier une partie de leur approvision-
nement. Sa gestion, d'autre part, était lourde puisque la
minoterie ne pouvait transformer que les contingents de blé
qui lui étaient officiellement attribués et que ces quantités
étaient très inférieures à son pouvoir réel d'écrasement.
En résumé, le moulin avait perdu tout son caractère coo-
pératif et les résultats nets s'amenuisaient d'année en année.
Le conseil d'administration avait déjà décidé, qu'après
l'expropriation la minoterie ne serait pas reconstruite, mais,
étant donné le délai exigé pour la reconstruction du nouvel
entrepôt, la fermeture est devenue effective le 30 juin 1954,
le contingent d'écrasement et le matériel ayant été négociés
dans de bonnes conditions. Des locaux importants vont se
trouver libérés, leur utilisation par l'entrepôt de l'U. C. L.
-
va permettre à celui-ci de fonctionner plus normalement
jusqu'à la mise en service des futurs bâtiments.
Le moulin fut autrefois la fierté des coopérateurs bretons
et les vieux militants ont appris avec un peu de tristesse la
fermeture de cette belle réalisation coopérative du début du
siècle. Mais, en disparaissant, le moulin va permettre à
l'U. C. L. de connaître un regain d'activité et de réaliser de
nouveaux progrès.

.,
Des résultats
tine gestion prudente, une très large aisance de trésorerie,
une sage politique d'investissement valent à l'U. C. L. la con-
fiance de ses adhérents. Voici d'ailleurs quelqueschiffres
puisés dans le bilan du dernier exercice (1er juillet 1953 au
30 juin 1954) :
ACTIF
Immobilisations (terrains constructions, matériel) 197.476.762
Autres valeurs mobilières

terme.
7.208.002
Valeurs d'exploitation (stocks, emballages, approvision-

Valeurs disponibles.
nements)
Valeurs réalisables à court

l'actif780.843.901
Totàl de
230.610.099
42.413.596
333.132.442

Capitalsouscrittechnique.
28.983.111
Réservesdiverses.,
PASSIF

personnel. 219.186.732

terme.,
Fonds de dotation pour approv. 7.820.744
Fonds de retraite du 3.497.203
Provisions pour risques(reconst.-incendie). 76.920.579
Dettes à long terme 95.554.225.
Dettes à court 249.941.214
Résultats
passif780.843.901
Total du
98.940.093
Ces chiffres mettent en lumière la situation exceptionnelle
de l'Union Coopérative Lorientaise. Nous les compléterons
en puisant dans le dernier rapport commercial quelques-uns
des résultats des plus remarquables obtenus pendant l'exer-
cice 1953-54.
Le chiffre des ventes est de 1.745.364.548 francs, en aug-
mentation de 218.639.192 francs sur le chiffre d'affaires de
l'exercice précédent. La moyenne mensuelle des ventes par
magasin est de 1.660.000 francs (1.480.000 en 1952-53).
Comparativement à 1938, le coefficient d'augmentation du
chiffre d'affaires dépasse 116, alors que le coefficient moyen
de progression des sociétés adhérentes à la S. G. C. C. se
situe aux environs de 40 à 45. Le résultat place, à ce point de
vue, l'U. C. L. largement en tête des sociétés coopératives
françaises.
Au cours du même exercice les résultats nets, après pré-
lèvement des sommes destinées aux réserves, vont permettre
une répartition de 78 millions de francs de ristournes inté-
gralement versées en marchandises, chaque adhérent recevant
une ristourne égale à 5 de montant de ses achats.
Œuvres sociales *
Les magnifiques résultats obtenus sur le plan commercial
n'ont pas suffi aux administrateurs de l'U. C. L. Fidèles aux
grands principes coopératifs, ils développent chaque année
davantage l'action sociale et éducative.
Au cours du dernier exercice, la Caisse de Solidarité a
réparti 2.307.183 francs sous forme d'allocations à la nais-
sance, au mariage, au décès. Des secours en bons de mar-
chandises sont attribués aux coopérateurs se trouvant dans
le besoin et qui sont signalés par les comités locaux.
A deux reprises, depuis 1950, les vieux coopérateurs ont
reçu, à titre de cadeau de Noël, de magnifiques colis de den-
rées alimentaires. A chaque distribution, plus de 1.200 adhé-
rents âgés ont bénéficié de cette distribution.
«Claire Lande », la colonie de vacances de St-Rivalain,
dans la pittoresque vallée du Blavet, est la propriété de
l'U. C. L. mais elle a été confiée à l'Entraide Coopérative qui
en assure la gestion effective. Chaque année 250 enfants sont
reçus en juillet et en août. La plus grande partie de l'effectif
de la colonie est constituée par les enfants de coopérateurs
lorientais, le complément venant généralement des sociétés
de la région parisienne. «Claire Lande » avec son coquet
château, ses 10 hectares de bois et de prairies, ses deux belles
rivières qui traversent la propriété, constitue un domaine
magnifique dont les coopérateurs lorientais sont, à juste titre,
très fiers.
Au 30 juin dernier, 800 contrats Coop Velo et 792 con-
trats Copp Incendie avaient été souscrits. Résultats modestes
certes, mais chaque jour de nouvelles adhésions sont enre-
gistrées. Cette belle réalisation sociale est donc de plus en
plus appréciée par les coopérateurs.
L'U. C. L. a constitué une caisse de retraites du personnel
sous l'égide de la F. N. C. C. La société supporte seule le
paiement des cotisations.
Soucieuse de l'avenir, l'U. C. L. s'intéresse activement au
développement des coopératives scolaires et elle est repré-
sentée au sein de la section départementale du Morbihan.
Propagande
Faire mieux connaître la Coopération afin de stimuler la
confiance et la fidélité des adhérents, recruter toujours de
nouveaux coopérateurs, tel est le but poursuivi par le conseil
d'administration de l'Union Coopérative Lorientaise.
Chaque année, des réunions avec projection de films et
causeries sont organisées dans un certain nombre de localités.
Des conférences sont faites dans les lycées, collèges, écoles
techniques, centre d'apprentissage, etc., afin de faire con-
naître aux jeunes ce qu'est la Coopération et les bienfaits
qu'elle procure à ceux qui viennent à elle.
En dehors des assemblées générales annuelles des sections,
les comités locaux sont fréquemment visités et tenus au cou-
rant de l'activité de la société.
Tous les adhérents de l'U. C. L. sont abonnés au «Coopé-
»
rateur de France qu'ils reçoivent mensuellement. L'édition
comprend une page régionale réservée à la société. Pénétrant
;
régulièrement dans tous les foyers, notre journal vulgarise
les idées coopératives il contribue puissamment à dévelop-
per l'éducation qui doit demeurer une base essentielle de
notre Mouvement.
Il y a près d'un siècle, les premiers pionniers ont essayé
de lutter contre l'individualisme traditionnel des populations
;
bretonnes peu à peu, ils ont conduit les consommateurs à
l'association et créé les premières coopératives de la région.
Dans ce rude travail, ils ont connu bien des difficultés et subi
de nombreux échecs sans se décourager. Leur œuvre n'a pas
été vaine puisque l'Union Coopérative Lorientaise, bénéfi-
ciaire de leurs efforts et de leurs tâtonnements, s'est hissée
au niveau des grandes sociétés françaises.
Forte de l'expérience acquise, elle attend avec impatience
les moyens matériels nouveaux et puissants qui vont lui per-
mettre d'aller vers de nouveaux progrès.
F. GEFFRIAUD.
DOCTRINES COOPÉRATIVES

LA SOCIOLOGIE COOPÉRATIVE

Le développement des coopératives modernes complètes, comme


le «Kibbutz » en Israël ou 1'« Ejidos » du Mexique ou encore
comme les coopératives ouvrières de production en France, n'a pas
été sans retenir l'attention d'éminents sociologues américains et,
plus récemment, de leurs confrères européens.
Il n'est dès lors pas étonnant de voir l'étude sociologique des
multiples aspects du phénomène coopératif revêtir un caractère
plus concret. Afin de permettre une coordination des résultats des
recherches, il a été créé, en mai 1954, un Centre International de
Recherches à Genève. Parmi les fondateurs de cet organisme,
»
citons le «Group Farming Research Institute (Etats-Unis) et le
Bureau des Etudes Coopératives et Communautaires (France).

LES COOPÉRATIVES DANS LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE

L'Institut des Hautes Etudes Coopératives de l'Université de


:
Vienne a tenu sa première session publique en juin dernier. Les

la politique économique actuelle.


Huit conférences furent prononcées:
débats étaient placés sous l'idée maîtresse les coopératives dans

quatre avaient trait à des


problèmes coopératifs généraux, et quatre à la position adoptée à
l'égard de la politique économique actuelle par les quatre Unions
coopératives autrichiennes (agriculture, consommation, crédit
(Schultze-Délitsch et habitations).
Cette session publique de l'Institut représente pour lui un im-
portant progrès. En effet, beaucoup de gens savent maintenant que
les coopératives jouent actuellement dans le domaine de la
recherche scientifique un autre rôle que par le passé, et que la
Coopération est considérée jusque dans les Universités comme un
élément nécessaire à la structure nouvelle de l'Economie.

L'ENSEIGNEMENT DE LA COOPÉRATION

La valeur du haut enseignement coopératif vient d'être attestée,


une nouvelle fois, de façon éclatante. En effet, l'Université de Not-
tingham a reconnu officiellement le Collège de l'Union Coopérative
britannique de Loughborough comme étant un établissement d'ensei-
gnement habilité à préparer les étudiants au diplôme universitaire
eu sciences sociales.
LA GUERRE DES PRIX

Les Suédois se distinguent dans la lutte incessante que mène


le mouvement coopératif pour augmenter le pouvoir d'achat des
consommateurs.

tive Suédoise
d'environ 30
- la K. F.
:
Cette fois-ci encore, il s'agit d'une diminution importante de
prix pour un produit de grande consommation l'Union Coopéra-
a réduit le prix de son détergent
Une campagne de presse gigantesque a répandu la nouvelle à'
travers tout le pays. Des communiqués quotidiens sont publiés :
« Cette augmentation du pouvoir d'achat, peut-on y lire notam-
ment, permettra aux consommateurs d'acquérir des centaines de
milliers de paires de bas, des dizaines de milliers de paires de
chaussures ou des milliers de machines à laver ou d'aspirateurs
ou encore des centaines d'automobiles ou de maisons. »
Analysant les réactions du commerce privé, qui, évidemment,
:
tente de sauver la face, un grand quotidien de Stockholm est amené
à écrire «la firme «Sunlight » déclare qu'elle étudie la question,
mais qu'elle n'envisage pas pour le moment une réduction du prix
de ses détergents. La même réponse a été reçue des autresfirtnes

déclarations ne trompent 1
:
privées qui produisent des détergents suédois.
personne
»Toutefois ces
dès à présent, les petits com-
merçants privés, durement touchés, font pression sur «Sunlight»
pour qu'il diminue, lui aussi, le prix de son détergent.

Utf EXEMPLE A SUIVRE

Les fabriques coopératives de meubles des quatre pays Scandi-


naves vont travailler à l'avenir en collaboration étroite. En effet,
lors d'une réunion tenue récemment à Copenhague, des plans ont
été établis pour l'échange d'ihformatioiis et de projets dé nouveaux
modèles.

;
On s'efforcera également de mettre en commun la capacité de
production des différentes Usines c'est ainsi que le marché daiiôis
des chaises sera approvisionné par le mouvement suédois tandis
que le marché suédois des caisses sera approvisionné par le mou-
vement danois. De plus, il a été convenu que toutes les exporta-
tions des fdbriqtiés coopératives de meubles des pays scandinaves
seraient effectuées par l'intermédiaire d'un bureau dont le siège
sera établi à Copenhague.
LES FONCTIONS DES COOPÉRATIVES DE CONSOMMATION

Dans son mémoire au 22e Congrès des coopératives autrichiennes


de consommation, le professeur Anton Tautscher, après avoir fait
l'historique du mouvement coopératif, a examiné les fonctions
actuelles des coopératives de consommation.
Selon l'éminent coopérateur, la tâche essentielle des coopératives
de consommation est d'orienter l'utilisation des revenus de façon
à permettre une rationalisation des dépenses et la constitution
d'épargnes. Toutefois il faut avoir présent à l'esprit le fait que
l'activité coopérative sort du champ économique. Les coopératives
de consommation constituent de véritables communautés spiri-
tuelles,qui doivent pourvoir à l'éducation de leurs employés et de
leurs membres, et, à travers eux, à l'éducation de tous les consom-
mateurs.
L'éducation coopérative doit également enseigner une consom-

en premier lieu aux femmes ;


mation fonctionnelle exempte de gaspillage. Cette tâche appartient
ce sont elles qui dépensent la plus
grande partie des revenus du ménage: Les coopératrices doivent
donc s'opposer à une consommation purement quantitative pour
faire valoir à nouveau une consommation «personnalisée».
Les fonctions économiques des coopératives comprennent la
lutte contre les monopoles, qui ne doit pas se faire par la création
d'un antimonopole car cette méthode impliquerait évidemment la
perte de la qualité d'organisation self-hep. Les coopératives doivent
forcer les monopoles et les oligopoles à la concurrence sur leur
propre terrain.
Le danger résultant de l'isolement des marchés peut être com-
battu par l'achat en commun et par la constitution d'unités de
production soumises à une direction centrale. Les coopératives
de consommation peuvent également lutter de façon efficace contre
la profusion des produits de même nature et la méconnaissance
des marques de qualité. En toutes choses, les coopératives doivent
agir de façon à faire acquérir une part sans cesse grandissante
d'indépendance à leurs membres.
Lors d'une récente réunion du Parti coopératif anglais, Richard
R. W. Evely, chargé de recherches économiques à l'A. C. I., a
exposé ses vues sur l'avenir de la Coopération européenne.
Exposant les modifications intervenues dans les budgets ouvriers,
;
il Signala qu'en 1914, 60
à la nourriture
1943, à 32
du budjet familial étaient consacrés
en 1938, ce pourcentage était tombé à 42 et en
Ceci, souligne M. R. W. Evely ne signifie pas que
l'on dépense moins pour la nourriture, mais tout simplement que
les salaires ont augmenté. En fait, on achète plus de produits ali-
mentaires que jadis, mais ces achats représentent un pourcentage
plus minime de l'ensemble du budget.
M. Evely reproche au mouvement coopératif de n'avoir pas tenu
compte des changements intervenus dans la structure des dépenses ;
il concentre toujours le gros de son activité sur la vente de produits
alimentaires et textiles. Le mouvement se doit de développer le
commerce des autres produits de consommation. Mais les coopé-
ratives peuvent-elles investir des sommes importantes pour la cons-
truction d'usines et l'exécution de campagnes publicitaires afin
de couvrir des marchés dont on ignore qu'ils existent réellement ?
Il suggère d'obtenir une législation gouvernementale sur les prix
imposés et destinée à empêcher que les fabricants ne refusent de
livrer leurs produits aux coopératives.
;
Les différents mouvements européens peuvent également entre-
prendre ensemble des travaux de recherches s'attaquer chacun
de son côté aux forces gigantesques des ententes industrielles
n'est pas la façon de procéder la plus efficiente.
Enfin, l'information et l'éducation du consommateur doivent éga-
lementêtre développées sil'on veut lui permettre, notamment, de
se rendre compte de la valeur exacte des produits offerts sur le
marché.
LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR AU PAY-BAS

Le budget de 1955 du Ministère néerlandais des Affaires Econo-


miques prévoyait un subside de 30.000 florins, environ 2,400.000
francs, en faveur de l'Union des consommateurs. Créée en 1952,
elle a pour objet, en tant qu'organisation privée indépendante, de
veiller aux intérêts économiques des consommateurs en leur four-
nissant des renseignements sur des sujets qui les intéressent, en
leur donnant une notion meilleure des prix, en rendant publiques
et en combattant les pratiques commerciales restrictives et en repré-
sentant le consommateur là où ses intérêts sont en jeu.
Maintenant que les consommateurs, par suite de la complexité
de la vie économique moderne, ont besoin de plus en plus d'infor-
mations et que les producteurs s'organisent de plus en plus soli-
dement, il est d'intérêt public, pense le Ministre des Affaires éco-
nomiques, qu'une organisation solide des consommateurs soit mise
au point. Le ministre néerlandais pense qu'il y a place, à côté
d'organisations qui défendent d'autres intérêts, pour une organi-
sation oùles consommateurs sont représentés en tant que tels.
Le nombre de membres individuels de l'Union des consomma-
teurs était de 1.200 au 1er janvier 1954 et de 3.000 au 1er octobre
de la même année. De plus, à la première de ces dates étaient
affiliées 4 organisations, comptant en tout environ 57.000 membres,
et à la seconde, 11 organisations, avec 95.000 membres.
Le ministre, qui attache beaucoup d'importance à la mise sur
pied d'une puissante organisation de consommateurs, croit pouvoir
en conclure que cette Union, malgré les moyens financiers réduits
dont elle disposait, à fait montre d'une grande vitalité, et semble
répondre à un besoin de la population.
La ligue féminine du Parti du Travail souhaite que l'Union des
consommateurs travaille en étroite collaboration avec le Conseil
néerlandais des ménagères, qui compte parmi ses membres de nom-
breuses organisations féminines.
Il faudrait aussi que les organismes officiels fassent une place
plus grande à ceux qui défendent les intérêts des consommateurs.
Au Conseil Economique et Social (Conseil Central de l'Economie
néerlandais) ne siège aucun représentant des consommateurs. Tout
au plus y a-t-il, parmi les suppléants, deux membres du Conseil
ménager et un représentant des coopératives de consommation.

INFORMER POUR ÉDUQUER LES CONSOMMATEURS

L'Institution des standards britanniques à l'intention de créer


un conseil d'avis des consommateurs dont le but principal sera,
de veiller à ce que les consommateurs soient correctement informés
au sujet des qualités des produits qu'ils achètent.
Le Conseil sera composé «d'hommes et de femmes d'expérience
du commerce de distribution, des sciences sociales et de la publi-
cité, avec un président indépendant». Il sera en contact étroit avec
22 organisations féminines et avec les industries qui fabriquent
des articles de consommation.

LE MINISTÈRE DU BIEN-ÊTRE DES CONSOMMATEURS

Déjà nous avons signalé la recommandation faite au futur gou-


vernement travailliste d'Angleterre de créer un Ministère de la
Coopération. Aujourd'hui, les députés coopératifs proposent un
nouveau Ministère pour défendre le consommateur et déclarent :
«Si l'on veut protéger la ménagère britannique contre les abus
du commerce privé et si l'on veut que les conseils de consomma-
teurs jouent un rôle efficace dans les industries nationalisées, alors
un nouveau département gouvernemental le Ministère du bien-
être des consommateurs doit être créé.
«Le nouveau ministère reprendrait certaines fonctions touchant
le bien-être des consommateurs qui, à présent, sont assumées par
d'autres départements gouvernementaux. Au ministère du Com-
merce il reprendrait, en particulier, les travaux de la Commission
des Monopoles. Au ministère de l'Alimentation, qui est en voie de
disparaître, il reprendrait la responsabilité des aliments et de
l'hygiène alimentaire. Le nouveau ministère donnerait également
son avis, examinant le point de vue des consommateurs sur le
contrôle des prix et les réglementations des importations. Les asso-
ciations commerciales, qui appliquent des accords de prix impo-
sés, devraient être immatriculées au ministère.
cUn des principaux objectifs du ministère serait d'offrir
au public un moyen de protester au sujet de tout ce qui touche
à ses intérêts de consommateurs. On prendrait contact avec de*
laboratoires et des institutions de recherches pour la mise à
l'épreuve scientifique d'articles peu satisfaisants.
«En plus de la reprise de travaux de ministères existants, le
nouveau ministère serait étroitement associé à l'œuvre des comités
de consommateurs dans les industries nationalisées et s'efforce-
fait de renforcer l'efficacité de ceux-ci.
« Le ministère aurait enfin une fonction importante en ce qui
concerne l'écoulement de produits agricoles. Il désignerait les
représentants des consommateurs au comités de vente agricole et
éventuellement assumerait la responsabilité de la distribution de
produits vendus par ces comités. »
ACTUALITÉS COOPÉRATIVES

GRANDE-BRETAGNE

Il y a dix ans, le chiffre d'affaires annuel de la Coopérative de


Londres s'élevait à 19.000.000 de £ Cette année il a atteint le
chiffre de 49.000.000 de £ Le chiffre a augmenté de 3.745.514 £
par rapport à l'année précédente. Au cours de l'année écoulée,
trente-trois nouvelles unités de distribution ont été installées. Le
nombre de membres continue également à augmenter.
Recommandant la distribution d'une ristourne de 10 d. par JE,
le président signala que ceci représentait, en chiffres absolus, une

!
somme de 2.000.000 de £ (2 milliards de francs français).
50 milliards tel est le chiffre d'affaires atteint par la Société
Coopérative de Londres en 1954. Elle espère atteindre cette année
le milliard par semaine.
Les ristournes ont tendance à augmenter en Grande-Bretagne :
En 1952, le total des ristournes de toutes les sociétés s'élevait à
36.500.000 £ ; en 1953, il s'élevait à 38.000.000 de £. D'autre part,
en 1952, 27 sociétés seulement avaient augmenté leurs ristournes,
tandis que 800 coopératives procédaient à une diminution. En
1953, par contre, 155 sociétés ont augmenté leurs ristournes tandis
que 603 seulement procédaient à une diminution. Cette tendance,
persiste pour l'année en cours.
Si l'on examine la situation par régions géographiques, on
constate que, de façon générale, les ristournes sont plus élevées en
Ecosse et dans le Nord de l'Angleterre que dans les autres parties
du Royaume-Uni.
SUISSE

Le débit des sociétés adhérentes à l'Union Suisse des Coopéra-


tives représente près de 4 du revenu national. Dans certains
domaines, celui des denrées alimentaires par exemple, le pourcen-
tage des ventes des sociétés coopératives dépasse nettement
des ventes totales.
4
En quinze ans, sur une base de 1938 = 100, le revenu national
est passé à l'indice 260, le chiffre d'affaires des sociétés adhérentes
à l'U. S. C. est passé à l'indice 275.
SUÈDE

A l'exception de l'Etat, le mouvement coopératif des consom-


»
mateurs tout entier est devenu le plus grand «patron de tout le
pays. A la fin de l'année 1953 le nombre d'employés des sociétés
locales s'élevait à plus de 37.600 et le nombre d'employés de
l'Union Coopérative et de ses entreprises affiliées en même temps
était plus de 13.500.
ETATS-UNIS

La coopérative de Palo Alto a ouvert le plus grand super-marché


de toute la Californie du Nord en août 1954. Ce nouveau super-
marché s'étend sur 30.000 pieds carrés (9.136 m2) ; on y vend des
produits alimentaires, des appareils photographiques, des vête-
ments pour enfants, des produits pharmaceutiques, etc. C'est le
plus grand magasin de ce genre du monde entier.

ARGENTINE

Il a été créé, à la Faculté des Sciences Economiques de l'Uni-


versité nationale de Eva Peron (ex La Plata), l' «Institut d'Etudes
»
Coopératives (Instituto de Estudios Cooperativos) qui sera chargé
d'organiser et de diriger les études et l'enseignement supérieur
.relatif à la coopération. Parmi ses objectifs immédiats, l'Institut
est appelé à organiser des enquêtes sur la structure et l'organisa-
tion du mouvement coopératif, à créer une bibliothèque spécia-
lisée, à établir un service de publication, de divulgation et de
propagande.
JAPON

Les coopératives japonaises sont en pleine expansion. Les coopé-

;
ratives de tous genres mettent en commun leurs ressources afin
d'augmenter leur capacité d'emprunt une fois en possession de
,moyens financiers plus importants, elles se lanceront de façon plus
complète dans la production des fournitures destinées à l'agricul-
ture et s'occuperont de façon intensive de l'écoulement des pro-
duits de la ferme. Presque chaque fermier japonais appartient à
une ou plusieurs coopératives agricoles.
On procède aussi à la formation d'une coopérative d'assurance
sur la vie qui aura le pouvoir d'investir ses réserves dans d'autres
entreprises coopératives.
Les magasins coopératifs de produits alimentaires se dévelop-
pent également. Sur 40 millions de citadins, deux millions sont
affiliés aux coopératives de consommation, ceci malgré le fait que
les coopératives doivent faire face à la concurrence la plus sé-
rieuse de toute leur histoire.

FRANCE

Parmi les divers signes qui marquent la prospérité et le dévelop-


pement régulier du mouvement coopératif, il faut compter de nom-
breuses réalisations nouvelles qui prouvent une emprise toujours
plus grande, sinon spectaculaire, du mouvement coopératif sur
l'économie générale du pays, une extension en surface comme en
profondeur et une efficacité grandissante de ses organismes.
Paris annonce la création d'un nouvel entrepôt aux Halles per-
mettant une manipulation plus rapide de tonnages croissants de
denrées périssables. La surface du nouvel entrepôt dépasse
2.500 mètres carrés contre 650 précédemment. Les Coopérateurs
du Finistère ont affecté les bâtiments du moulin coopératif (que
la situation présente de la boulangerie rendait moins utile) aux
divers services de la société qui manquaient de place et fonction-
naient dans des conditions difficiles. Dans le Sud-Est, les Coopéra-
teurs des régions de Grenoble et Valence se sont réunis pour
former une puissante Union nouvelle des Coopérateurs du Dau-
phiné et du Vivarais qui couvre les trois départements de l'Isère,
de la Drôme et de l'Ardèche. Cette société utilise son jeune dyna-
misme en créant de nouvelles succursales dont une dans une ville
comme Montélimar, qui jusqu'alors n'était pas servie par la Coopé-
ration. D'autres fusions ont eu lieu dans le secteur de l'Union des
Coopérateurs de Lorraine où huit magasins appartenant à trois
petites sociétés coopératives sont venus s'ajouter aux succursales
de la société. D'autres fusions ont eu lieu dans la région de Roanne,
où un gros travail de réorganisation et de modernisation a lieu.
Enfin un phénomène assez remarquable est réalisé par l'Union des
Coopérateurs de Selle et de Sambre qui a terminé son dévelop-
pement territorial, chacune des 59 communes du secteur qui lui
est réservé étant maintenant servie pardes magasins coopératifs.
Les Coopérateurs de Picardie annoncent l'ouverture prochaine
d'un grand magasin de vaste superficie, conçu, au rez-de-chaussée
selon les formules modernes de self-service en usage à l'étranger
et comportant au premier et au second étage des rayons de mar-
chandises non-alimentaires.
Dans le domaine de la propagande et de l'éducation nous pou-
vons citer la publication d'une édition du Coopérateur de France
pour les Coopérateurs du Finistère, d'une pour ceux de la Solida-
rité de Roanne, et d'une pour la nouvelle Union du Dauphiné et du
Vivarais. Un cours de Coopération a été fait à la Faculté de Droit
de Nancy par le professeur Ray.
Les Coopérateurs du Midi ont fait, en 1954, un chiffre d'affaires
de près de 1 milliard 1/2, en notable progression sur 1953. Outre
un intérêt de 5 aux parts sociales s'élevant à 1.200.000 francs,
et 10 millions à la réserve, près de 30 millions, soit 2 du chiffre
d'affaires, ont été ristournés aux sociétaires.
L'Union des Coopérateurs de Lorraine a effectué, en 1954,
17.400.000.000 de fr. de chiffre d'affaires, contre 15.800.000.000
l'année précédente, soit une augmentation de chiffre d'affaires de
8
Les résultats de l'Union Coopérative Lorientaise ont été connus
au cours de l'assemblée générale du 5 décembre 1954. En 1953, le
chiffre d'affaires de la Société s'est élevé à 1.745.000.000 en pro-
gression de 218.000.000 sur 1952. Sur ce chiffre, 25 environ ont
été obtenus par les rayons spécialisés (mercerie et ménage), ce
qui met la société à une place toute spéciale dans le mouvement
français. La ristourne peut être fixé à 5 Enfin le président

:
annonce la création prochaine d'un organisme de liaison des So-
ciétés de l'Ouest de la France Coop-Ouest.
BIBLIOGRAPHIE CRITIQUE

Les Coopératives de production et de consommation en France.


Sous ce titre La Documentation Française vient de publier
une étude dans laquelle, après avoir rappelé les caractères domi-
nants des coopératives soit de production, soit de consommation
et le rôle de la Caisse Centrale de Crédit Agricole, sont examinées
les diverses formes de coopératives, à l'exclusion des coopératives
agricoles qui feront l'objet d'une étude spéciale.
L'historique, le régime juridique, le développement, la répar-
tition et les diverses formes des coopératives de production font
1objet du premier chapitre. Le second est consacré à l'étude du
régime juridique et fiscal, du champ d'action des coopératives de
consommation de type classique et à l'examen des sociétés à buts
spéciaux.
Cette étude qui rassemble les données essentielles sur les diverses
sociétés coopératives permet ainsi de dégager l'intérêt et l'impor-
tance du mouvement coopératif français.
Publiée sous le N° 1.924 de la série Notes et Etudes Documen-
taires, elle est en vente au prix de 50 fr. à La Documentation Fran-
çaise, 16, rue Lord-Byron, Paris (8e), C. C. P. Paris 9060-98.
J. M. Jeanneney; Les commerces de détail en Europe occidentale.
Paris, Armand Colin, 76 p. in-8°, 300 fr., 1954.
L'étude sur les commerces de détail en Europe Occidentale, qui
constitue le 61e cahier de la Fondation Nationale des Sciences
Politiques, est la première publication du Service d'Etude de
l'Activité Economique et de la Situation Sociale, créé récemment
par la Fondation Nationale des Sciences politiques. Cet essai de
comparaison internationale de la productivité des magasins et du
travail commercial a pour but de déterminer les causes de la pro-
ductivité médiocre du commerce de détail dans un pays.
Est-ce la faiblesse de la densité, la faible organisation, le degré
?
d'industrialisation En fait à l'examen des chiffres on s'aperçoit
que ces explications ne sont pas suffisantes et qu'il faut faire inter-
venir le niveau de vie et en particulier le niveau des salaires.
Autrement dit la prospérité générale est favorable à la profession
commerciale et, inversement, une haute productivité du commerce
de détail permet des salaires réels plus élevés.
En face de cette situation générale, il serait faux d'espérer qu'une
crise économique aura pour effet la réduction d'un appareil com-
mercial jugé pléthorique. Dans aucun pays occidental le commerce
de détail capitaliste ou coopératif n'a éliminé le commerce fami-
lial. Celui-ci ne doit pas être éliminé car non seulement il con-
tribue à constituer une classe moyenne utile au corps social, mais
il permet de sauvegarder les intérêts des consommateurs en faisant
jouer la concurrence
En conclusion la coexistence de types différents de commerce,
également actifs, pourrait entretenir une recherche continue du
pi ogrès.
Cet ouvrage fortement documenté, comprenant 41 graphiques et
19 tableaux, dresse un inventaire du commerce de détail pour l'Eu-
rope Occidentale et fournit un point de départ très utile à qui-
conque entend approfondir tel ou tel problème particulier posé
par la distribution des produits.
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1946-1947 et depuis février 1950
Nous disposons d'un petit nombre de Collections incomplètes de la Revue Les
Collections en question vont du n° 8 2e année de la Hevue, juillet 1923
au n° 90 24e année de la Revue, décembre1952. Mais, du n° 8 au n° 90, environ
25 fascicules sont épuisés. Les fascicules 71-74 (avril 1939-juin 1940) font défaut
absolument.
Nous mettons en vente toute la Collection compte tenu de ces lacunes
an prix très réduitsuivant : France et Union française, 15.000 fr. Pays étrangers,
18.000 fr.
-
LA REVUE DES ÉTUDES COOPÉRATIVES a repris sa publi-
cation en juillet 1946 (fascicule 75).
De décembre 1947 à février 1950 la REVUE DES ÉTUDES COOPÉ-
RATIVES a fusionné avec l'ANNÉE POLITIQUE, ÉCONOMIQUE
ET COOPÉRATIVE. En juin 1950 la Revue des Études Coopératives

:
a repris sa publication indépendante.
L'ANNÉE POLITIQUE, ÉCONOMIQUE ET COOPÉRATIVE :
1948 (nos 80-86) et 1949 (nos 87-92) ; L'ANNÉE POLITIQUE ET
ÉCONOMIQUE

1951(n s
1950 (n
LA REVUE DES ÉTUDES COOPÉRATIVES
s
s
93-98 ; 1951 (n 99-104) ou 1952
(nos 105-110) ; 1953(nrS 111-116) ; 1954 (nos 117-122).
: fr.
s
1950 (nos 80-82) ;
83-86) ; 1952(n 87-90) ; 1953(nOS 91-94 ; 1954(n 95-98). s :
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Se vend, chaque année écoulée séparément, aux prix suivants
France et Union française, 1.200 fr. Étranger, 1.400
Chaque fascicule ancien se vend France, 300 fr. ; Étranger,
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RÉDACTION. Tout ce qui concerne la Rédaction, ainsi que les


livres ou revues envoyés pour comptes rendus, doit être adressé au
Secrétariat de la Revue, 19, quai de Bourbon, PARIS (4e).
Le directeur ne reçoit que Sur rendez-vous
ADMINISTRATION. Tout ce qui concerne l'Administration de la Revue
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publié trimestriellement par l'Organisation


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Science et la Culture, 19, Av. Kléber, PARIS (16e)

Vient de paraître : Vol. VI, N° 2

PREMIÈRE PARTIE : LES FACTEURS DU PROGRÈS ÉCONO-


MIQUE par MM. P. R. Brahmanand, A. R.
Caimcross, Erik Dahmen, J.J. Dalmulder,
Léon H. Dupriez, E. G. Domar, Louis Du-
quesne de la Vinelle, Howard S. Ellis,
Jean Fourastie, A. Gerschenkron, Her-
bert Giersch, Corrado Gini, Henri Guitton,
H.J. Habakkulc, G.Haberler, SimonKuznets,
André Marchai, W. W. Rostow, Alfred
Sauvy, H. Singer, C. N. Vakil.

DEUXIÈME PARTIE: DES SCIENCES SOCIALES. ;


L'ORGANISATION DANS LE DOMAINE
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QUES ET INFORMATIONS.

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