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REVUE BIMESTRIELLE
SOMMAIRE
***
COMITÉ DE DIRECTION
Marie BONAPARTE - Maurice BOUVET - Michel CENAC - René DIATKINE
Pierre MALE - Pierre MARTY - S. NACHT - Francis PASCHE - R. DE SAUSSURE
Marc SCHLUMBERGER
Rédacteur en chef : Serge LEBOVICI
Rédacteurs : Jacques A. GENDROT - Jean MALLET - Henri SAUGUET
Secrétaire : Anne BERMAN
Les manuscrits, la correspondance, et, en général, toutes les communi-
cations concernant la revue, doivent être adressés à :
La Société Psychanalytique de Paris, 187, rue Saint-Jacques, Paris (5e).
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INSTITUT DE PSYCHANALYSE
187, rue Saint-Jacques — PARIS-V
MED. 32-90
LA RÉDACTION.
Il arrive que la mort idéalise, qu'elle prête à l'être que nous perdons
des vertus qu'il n'avait pas, ou en germes ; mais il arrive aussi, comme
aujourd'hui, qu'elle redonne tout leur prix à des qualités, à des oeuvres,
à des exploits auxquels il nous avait accoutumés et dont on ne s'étonnait
peut-être plus assez ; mais cette mort n'avait pas, en cette circonstance,
à ranimer dans notre souvenir un passé dont la vie, le temps, auraient
pu nous distraire, car n'était-ce pas hier encore que Marie Bonaparte
traversait l'Océan pour tenter de prévenir un supplice légal qu'elle
jugeait inique ?
F. PASCHE,
Président
de la Société psychanalytique de Paris.
Réflexions
sur le transfert homosexuel
dans le cas particulier d'un homme
analysé par une femme
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE
DE LA PULSION INTROJECTIVE ANALE (1)
par C. J. LUQUET
(1) Conférence faite à la Société psychanalytique de Paris le 17 octobre 1961. Texte remis
à la rédaction le 27 novembre 1961.
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(1) BOUVETM., Intérêt du transfert homosexuel dans le traitement de quatre cas de névrose
obsessionnelle masculine, Rev. fr. de Psa., t. XII, 1948, n° 3.
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 503
et que dans d'autres cas il ne s'établit pas. Et il semble bien que ces
variations sont fonction du type de structure du malade et de l'impor-
tance relative des imago pathogènes.
Certains patients, proches de ceux décrits par Bouvet, établissent
un transfert homosexuel assez précocement, après la période de début
de l'analyse et le maintiennent longuement. Il leur permet de progresser
dans la mesure où il constitue à la fois un appui et une défense contre
un autre type de transfert qu'ils ne pourront aborder que beaucoup
plus tard. Je vous parlerai d'abord de deux malades dont on pouvait
penser d'emblée que les conflits essentiels étaient prégénitaux, l'un
est un phobo-obsessionnel ayant présenté transitoirement des idées
délirantes d'empoisonnement, l'autre est un impuissant dont la sexua-
lité s'exprime dans des rêves où la séductrice déclenche une éjaculation
précoce. Chez tous les deux, les mécanismes obsessionnels sont les
plus nombreux, les plus constants et les plus solides, et la résistance
au transfert est maximum d'emblée.
Sylvain est un homme de 32 ans, dont l'analyse a duré 4 ans et demi. Il
m'était envoyé en crise phobique (peur de mourir, de tomber) ayant cessé
tout travail. Il avait présenté une première crise 5 ans plus tôt, à l'occasion d'une
déception amoureuse, avec phobies et vomissements, et il ne révéla que tar-
divement au cours de l'analyse les craintes d'empoisonnement qu'il avait
alors éprouvées. Il établit rapidement un transfert global positif (« les bons
parents », nous comprendrons plus tard qu'il s'agissait surtout du bon père),
qui lui permet d'abandonner son comportement phobique, de reprendre son
activité familiale et son travail, et de le remplacer par un comportement ritualisé
à l'égard de son traitement et de son analyste. Au bout de deux mois, et pen-
dant plus d'une année, Sylvain constitue un solide transfert (à distance en
fonction de sa très active résistance au transfert), l'analyste est ressentie comme
un « bon père protecteur » et toute pensée agressive qui risquerait de modifier
cette image est soigneusement annulée (cette agressivité très lisible cependant
est du type rivalité oedipienne). Quelques poussées agressives en transfert
latéral visent un substitut paternel. L'analyse de la culpabilité des pensées
agressives met à jour le désir de dépasser le père sur le plan social (réalisé
dans la réalité) et l'appui sur l'imago paternelle transférentielle (« entre hommes,
on est plus chic ») permet un exposé de moins en moins timide des rancunes
et des déceptions vécues avec les femmes (sa femme... sa soeur...). A noter qu'il
m'appelle toujours « docteur » et parle de moi en disant « mon analyste » ou
« mon médecin ». A la suite de cette année où il s'est installé dans cette bonne
relation, et pendant une période de 6 mois, le transfert paternel est moins
constant, et il se produit pendant des intervalles courts de petites poussées
de transfert d'une imago féminine, il s'agit toujours d'imago féminines tenta-
trices et « diaboliques » dans la mesure où elles risquent de lui faire perdre le
bénéfice d'une bonne relation avec son imago paternelle (à table, en famille,
on disait toujours « papa, j'ai soif ; papa, du pain... ») et les périodes les plus
longues sont occupées par des retours à la position de fils aimé et soumis. Il
rêve que, comme une femme, il est porteur d'un enfant et qu'un médecin lui
dit « oui, c'est rare, mais ça arrive cependant quelquefois ». A la suite de ce
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rêve, il traverse une période où il s'affirme beaucoup plus dans la vie, injuriant
un conducteur maladroit, rappelant à sa femme sa position de chef de famille,
mais il me répète pendant les séances : « J'ai besoin de votre aide, j'ai toujours
envie de vous demander votre aide. » L'aboutissement de cette période se
résume dans un rêve transférentieloù l'analyste-père bienveillant et puissant lui
interdit et le protège tout à la fois contre l'analyste-femme excitante et dan-
gereuse (matérialisée par une bombe recouverte d'un visage de vamp). Je
mets l'accent, dans mes interventions, sur l'interdiction (dans la mesure où
lui-même insistait plutôt sur la protection) et s'ouvre alors une nouvelle
phase de l'analyse, assez courte (3 mois), où s'exprime le transfert paternel,
concernant tantôt le père gêneur interdicteur,tantôt le père bon et puissant,
bon parce que puissant, et avec qui s'identifier à la femme dans une position
passive est un bénéfice. Il raconte avec une extrême émotion un souvenir de
l'âge de 4 ans : son père le ramenant de l'école où il était si malheureux avec
des femmes méchantes : « Quand je suis revenu avec ma petite main dans la
sienne, c'est la chose la plus douce qui me soit arrivée de toute ma vie, non
seulement il était tout-puissant, mais encore il était bon et juste. » Évoquant
conjointement son père dans le passé, moi dans le présent et son propre fils,
il me dit combien le père est là, empêchant le plaisir, pour empêcher en réalité
le danger ; « avec un père on peut dire, comme ici, tout ce qui vous passe par la
tête ». Le thème oedipien montre parfois l'oreille à l'aide du thème le diable
et le bon dieu (le diable étant bien entendu la femme).
Pendant la phase suivante, pour la première fois, va se produire un transfert
féminin maternel pendant un temps relativement long, un an (avec un seul
retour en transfert paternel déclenché par l'approche des grandes vacances).
Progressivement, avec des hésitations et des retours, il va vivre sa relation avec
moi sous un angle hétérosexuel, d'abord méfiant et revendiquant anxieusement
le rôle actif, évoquant les prostituées sans coeur qui, elles aussi, coûtent de
l'argent. Il finira par analyser son conflit oedipien d'abord en transfert féminin
maternel projetant l'imago du rival sur sa femme, puis projetant cette imago
sur mon conjoint, puis sur un interlocuteur au téléphone, et retrouvant des
souvenirs d'enfance d'amour et de jalousie oedipienne éprouvés par rapport
à sa mère et à sa soeur.
Progressivement, la peur d'une punition va se préciser à l'aide d'images
de castration très sanglantes (où l'on sentait sous-jacent le conflit prégénital),
et ce conflit oedipien va être analysé en transfert paternel négatif cette fois,
avec résurgence de souvenirs infantiles d'érection et de masturbation.
Après une courte période de quelques séances où il a le sentiment que son
analyse doit être terminée, qu'il est libre de difficultés, il va de nouveau, mais
pour la dernière fois, reconstituer un transfert homosexuel positif pour évoquer
des cauchemars de sa toute petite enfance où une énorme araignée le poursui-
vait. Le thème de l'alliance avec le père contre les femmes limitatrices, frustra-
trices et castratrices, occupe la scène pendant 7 à 8 semaines, le « on est bien
entre hommes » a repris toute son importance ainsi que les développements sur les
femmes cruelles dont il faut se méfier. A l'issue de cette replongée en atmosphère
homosexuelle et comme y ayant puisé le courage nécessaire, il va pouvoir
aborder l'analyse, en transfert maternel, du conflit avec l'imago maternelle
phallique, pénétrante et dévorante. Cette période s'ouvre par un rêve où il
est avec son père à la pêche « on attrape un brochet, mais le brochet se débat
et après l'avoir ouvert mon père essaye de l'achever à coups de talon et n'y
parvient pas ». Il se plaint alors de mon silence et enchaîne sur les femmes
cruelles de son enfance, puis il revient au brochet du rêve en l'appelant la
« carpe », carpe ayant dans son ventre des petits goujons
qu'elle a avalés. L'asso-
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 505
prêtant à leurs jeux. Après avoir beaucoup parlé des composantes « féminines »
de son caractère, il dit que « l'intérêt sexuel qu'un homme éprouve pour un
homme ne diminue en rien la virilité, et même peut-être bien au contraire ».
« On se confirme dans le sens viril au contact d'un autre homme. »
Il prend cons-
cience du rôle moralisateur et culpabilisant de son père dans l'enfance, agissant
au nom d'une morale à laquelle il s'astreignait lui-même, et l'oppose à la domi-
nation et à la tyrannie exercées par sa mère en fonction de son seul plaisir ; il
oppose ainsi en les rapportant à des imago différentes, la morale et la culpa-
bilité (en rapport avec un Surmoi masculin de structure oedipienne) et la
contrainte et la peur (en rapport avec un Surmoi archaïque régi par la loi du
talion), et cette distinction m'est apparue chez lui comme l'un des gains de
cet aspect transférentiel.
Deux remarques me paraissent importantes à propos de cette longue
période vécue en transfert homosexuel : d'une part le refus des fantasmes d'être
pénétré quand ils approchent de la conscience, il se défend alors à l'aide d'une
rationalisation éperdue et, en réalité presque à chaque fois bascule dans un
transfert maternel très transitoire, mais très angoissant, comme si l'évocation
de la pénétration entraînait une transformation de l'imago masculine bénéfique
en imago de mère phallique et dangereuse. Un autre facteur déclenche aussi le
virement du transfert : une intervention de ma part un peu trop en avant, ou
une manifestation verbale plus longue et plus appuyée que de coutume,
rompant sans doute le charme transférentiel en lui rappelant ma réalité fémi-
nine ; je devais donc doser ma présence manifeste, ni trop, ni trop peu.
A trois reprises, pendant ces courts passages en transfert maternel, Patrick
présente ce qu'il appelle un « malaise physique » qui consiste en réalité en un
trouble du schéma corporel avec élément de dépersonnalisation aiguë, ce qui
l'effraie beaucoup et contre quoi il lutte victorieusement à l'aide de rationa-
lisation et d'isolation.
L'autre remarque concerne les modifications très importantes qu'il effectue
dans sa vie réelle, au dehors, pendant cette période où il veut maintenir une
relation d'élève à maître avec moi : en effet, pour la première fois il refuse
d'obéir à son père, remet en place ses beaux-parents, décide de changer de
métier pour sortir du moule de l'armée où l'avait coulé son père, fait des
démarches, trouve une situation intéressante et plus lucrative ; pour quitter
l'appartement familial, il trouve un appartement et il ne fait part de toutes
ces modifications à sa famille qu'une fois que tout est décidé et sans avoir pris
conseil de personne. Toutes ces modifications apparaissent comme positives
et progressistes, l'uniforme, les grades et les décorations n'ayant jamais été
ressentis que comme « panoplie d'enfant ».
Vers la fin de cette longue période (je rappelle qu'elle a duré 15 mois),
il lui vient l'idée que le protecteur, le modèle, pourrait aussi bien être un
homme à femmes, un amoureux,'et c'est dans le même temps qu'il fait la.
remarque que ce n'est que d'une façon tout à fait exceptionnelle, et comme
accidentelle, qu'il m'a considérée jusqu'ici comme une femme. Le changement
du type de transfert se fait progressivement et il est préparé en quelques
semaines où il semble me tester et tâter le terrain. Il manque deux séances
pour aller flirter... et s'assure que je ne lui en veux pas. « Heureusement, la
direction de ma vie n'est plus entre les mains de mes parents, mais entre les
vôtres... Derrière votre silence, il y a pour moi un acquiescement. » Il entre-
prend un rapprochement affectif avec sa femme, « peut-être après tout qu'une
femme peut donner sans penser à elle, en pensant à l'autre. C'est en somme
votre position à vous, et je sais ce que c'est car j'ai été instructeur, professeur,
et je sais ce qu'on donne alors de soi... ». Lorsque le virage du transfert est
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pour moi, pense à une chanson Tu m'as donné un amour merveilleux — « quand
j'éprouvais de l'hostilité, ce devait être quand vous me faisiez penser à ma
mère », et évoque une fois de plus le souvenir du jour où son père, après l'avoir
puni en le faisant déshabiller pour l'envoyer au lit, l'avait emmené promener
avec lui, comme pour annuler la punition, et d'autres souvenirs positifs
concernant son père. Dans un rêve je le fais entrer dans mon bureau, c'est à
la fois moi, mais je suis un homme, et je l'aide à lutter contre une énorme
araignée.
En deux semaines, le transfert reprend un type maternel et prégénital avec
deux images maternelles autour desquelles il oscille, l'une est bonne et nour-
ricière (dérivée en partie de l'imago paternelle), l'autre est une imago phallique.
Il évoque avec nostalgie la relation homosexuelle désirée mais très culpabi-
lisée en fonction du transfert maternel qu'il maintient pendant 5 mois, au bout
desquels de nouveau réapparaît le transfert ambigu qui augmente son angoisse.
Son désir vise toujours le pénis (pénis, sein, pénis anal ou pénis du père) qu'il
s'agit d'arracher, de se procurer, avec les peurs qui s'ensuivent. « Ici, pendant
une séance, je m'aperçois que vous avez une sorte d'allumoir, c'est comme un
membre viril, ça fait de l'électricité, comme pour me faire de l'électrochoc,
je vous l'arrache et je vous embrasse, et j'ai des rapports sexuels avec vous, je
revois quelqu'un en robe rouge, une femme ou un prêtre et j'avais après une
marque sanglante à la tête... J'ai imaginé mon père nourrissant un oiseau,
ça me rappelle le lait de mon père, mais il lui donne trop et le gave, il va l'étouffer,
l'oiseau c'est moi — sucer un sexe d'homme, je vois un appareil mortuaire
qu'il faut convoyer... je ne savais plus si j'allais dire convoyer ou convoiter...
vous aviez une écharpe tout à l'heure et j'ai pensé que je pourrais vous étouffer
avec... » Toute activité de sa part ou de la mienne est conçue comme agressive,
et il existe une confusion entre l'agresseur et la victime. Il fuit l'objet transfé-
rentiel en manquant des séances et en refusant l'occasion d'un sursis mili-
taire. Au cours du mois qui précède son départ, il rétablit une seconde période
de transfert homosexuel (pendant une semaine) : « Quand je pense à vous ou
à mon père, je me sens protégé, contre les femmes, contre ma mère, contre
leur tentative d'arracher mon sexe... » Mais très vite il retombe dans un trans-
fert ambigu, après un rêve où il est dans une auto, mal pilotée par un homme
qui risque de le verser dans un fossé, comme moi je le pilote mal en analyse.
Et les dernières semaines avant son départ sont occupées par des silences,
des projets de départ pour se protéger de moi, sous la forme hybride que j'ai
de nouveau reprise à ses yeux — et pour me protéger de lui.
Lorsqu'il revient près de trois ans plus tard, peu de choses ont changé
dans sa vie, ses études sont finies et il travaille mais il a toujours la même
inhibition sociale et n'a toujours eu aucune relation sexuelle, malgré les occa-
sions de la vie militaire. Mais ce qui est le plus frappant, c'est la continuité qui
existe entre les dernières séances et la séance de reprise, comme s'il s'était agi
d'un intervalle normal entre deux séances. Le premier mois se place en effet
sous le signe du transfert ambigu, et apparaît bientôt le thème du désir d'intro-
jection anale de l'imago paternelle. Le père réel est à ce moment mourant, et
sa mort va contribuer je pense largement (en fonction du mouvement d'intro-
jection de l'objet perdu) au passage en transfert homosexuel qui va durer trois
semaines.
Il rêve (quelques temps avant la mort effective) que son père est mort,
ce sont les frères qui portent le cercueil, lui il est au volant d'un puissant
camion et les frères chargent le corps du mort dans l'arrière du camion, alors
il se sent orphelin, et après il va s'occuper d'un chat blessé qu'il prendra dans
ses bras ; la position de chauffeur du camion est une position hautement virile
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 511
pour lui, et le chat blessé est l'image de la mère féminine (c'est-à-dire castrée,
sans pénis) (1).
Après une séance où l'insight est important en ce sens qu'il confronte ses
projections et la réalité, qui est que je ne l'ai jamais menacé, et que tout spécia-
lement je ne l'ai jamais critiqué à l'occasion de ses rêveries homosexuelles,
il rétablit solidement un lien transférentiel homosexuel passif et narcissique :
quand son analyse sera finie, nous irons nous promener ensemble, et je lui
expliquerai des choses comme son père avant, il y a dans la moulure du plafond
ici comme un visage d'homme qui ressemble à son père, qui lui ressemble aussi
à lui... la bouche ouverte dans l'attente d'une branche d'arbre qui va s'intro-
duire dedans... ce visage reflète le plaisir... et lui évoque l'expression que doit
avoir son visage à lui quand il se masturbe. Il désire alors prendre son propre
sexe dans sa bouche, replié sur lui-même, c'est cela le vrai plaisir sexuel, jambes
écartées comme une femme avec les muscles détendus, ouverts... Il pense à un
camarade — et bégaie disant un caca... — et enchaîne sur le plaisir de la défé-
cation dans l'enfance. Il me dit « Je suis en plein cirage... je suis détendu... je
ne sais même plus ce que je dis, je ne comprends plus mes sensations. »
Au bout de ces trois semaines," le transfert se maternalise de nouveau, et
je note une tentative pour isoler deux imago, une douce, nutritive et que l'on
peut posséder sans angoisse, l'autre phallique, interdictrice et destructrice,
qu'il finira par dénommer « la bonne » et « la mauvaise ».
Au cours d'une séance qui se situe dans la période de passage du transfert
homosexuel en transfert maternel, il s'étonne d'avoir pu exprimer avec moi, qui
suis une femme, tant d'amour pour l'homme, « vous représentez en réalité deux
personnes, et je suis gêné vis-à-vis de vous de l'attachement que je vous manifeste,
en somme vous êtes vous-même un obstacle (en tant que femme) à ce que je puisse
avoir des rapports sexuels avec vous (en tant qu'homme), et il ajoute : « Peut-être
d'ailleurs qu'en même temps je suis en train de m'attacher à vous en tant que femme,
je pense en ce moment à ma mère, et peut-être que je vous suis attaché à vous
comme à deux personnes différentes que vous représentez. »
Cela me paraît très important et nous permettra de penser qu'il puise dans
l'élément positif narcissique de son transfert homoxesuel les forces et l'identi-
fication nécessaires pour tenter une scission entre la bonne imago féminine et
la mauvaise imago féminine, la bonne dérivant de l'élément introjectable,
constructif, de l'imago paternelle.
Après cette période de transfert maternel qui dure six semaines, suivent
les vacances d'été au cours desquelles il a pour la première fois des relations
sexuelles avec une femme. Ces relations ne sont pas encore tout à fait génitales
(au sens de Bouvet), mais cependant un pas important est franchi. Je pense
aussi que la mort effective du père a joué, par l'intermédiaire de la composante
négative agressive du transfert homosexuel ; introjecter le père consiste aussi
à le supprimer, à le détruire en tant qu'objet d'amour, à se l'octroyer, à en
utiliser les propriétés pour soi selon les mécanismes liés à l'introjection pri-
mitive (P. Luquet 1961) (2).
Au retour des vacances, André établit de nouveau un transfert ambigu,
mais sous un angle un peu particulier cette fois : il s'agit d'effectuer à mon égard
(1) Ce rêve apporté presque sans associations ce jour-là, est très clair pour moi dans son
contexte, il y reviendra à deux reprises un peu plus tard. Une première fois pour mettre l'accent
sur l'introjection anale bénéfique du père. Une seconde fois beaucoup plus tard pour insister
sur le côté agressif et castrateur de cette introjection.
(2) Les identifications précoces dans la structuration et la restructuration du Moi,
XXIIe Congrès des Psychanalystes de Langues romanes.
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jection, quelle que soit la voie par où elle s'effectue : bouche, peau,
anus. Je n'ai jamais considéré la voie anale comme révélant des signi-
fications particulières, elle m'a paru peut-être plus fréquente chez les
sujets masculins parce que succédant à une homosexualité latente
de type souvent très particulier, caractéristique d'ailleurs de sa nature
prégénitale, et c'est tout » (Dépersonnalisation et relation d'objet,
1960, Rev. fr. de Psa., XXIV, nos 4, 5).
Là je me sépare un peu de Bouvet, car j'ai tendance à attribuer
à l'introjection anale (comme d'ailleurs d'autres auteurs) une impor-
tance toute particulière, dans la mesure où elle signe un certain degré
d'évolution de la relation objectale qui se nuance, et permet au sujet
une discrimination, un tri du bon et du mauvais. Le fonctionnement de
l'organe anal sphinctérisé se trouvant lié dans des phantasmes à ce tri
du bon et du mauvais, lié au sentiment de pouvoir à la fois recevoir
ce qui est bon et se fermer à ce qui est mauvais. Entendons-nous, je
pense que, une fois que l'introjection a pu être vécue sur le mode anal
discriminatif, cette discrimination devient possible aussi par les autres
voies et que, effectivement, après, peu importe la voie ; mais génétique-
ment le moment anal a été primordial. Il ne faut pas se laisser leurrer
par l'existence de fantasmes de communication, de communion, de
fusion (qui évoquent l'oralité et la confusion pré-objectale) vécue
sous l'angle positif d'un amour sans ambivalence et sans angoisse,
parce que, en réalité, elles sont exprimées par des sujets qui ont vécu
leur analité, c'est-à-dire opéré le tri, impossible dans le monde oral,
du bon et du mauvais, et qui, pour des raisons variables, font un retour
vers un mode archaïque de communication avec l'autre.
Grunberger a très heureusement insisté ici même, sur l'apport
énergétique que constitue l'introjection du pénis paternel dans l'évo-
lution vers l'OEdipe (1).
Je suis tout à fait d'accord avec ce que Fain et Marty (2) ont exprimé
dans leur communication au Congrès de Copenhague à propos de
l'investissement homosexuel, quand ils disent que « l'analité est à la
recherche d'un objet qualitativement déterminé » et je pense, comme
eux, que le bénéfice narcissique que le malade tire de sa position de
et, quelques lignes plus loin : « ... reculant devant les difficultés du
traitement, dans le transfert, il me menaçait de me manger, et plus tard
de toutes sortes d'autres mauvais traitements, ce qui n'était que l'expres-
sion de sa tendresse... ».
Dans le cas particulier de l'analyse d'un homme par une femme, quels
sont les éléments spécifiques qui sont en rapport avec le transfert homosexuel ?
1° Du point de vue du patient. — Il me semble qu'on peut dire que
cette situation comporte à la fois une gêne et un élément bénéfique.
Une gêne dans la mesure où la prise de conscience et l'expression
de l'attrait et du besoin homosexuel rencontrent une difficulté supplé-
mentaire liée à la culpabilité vis-à-vis d'une femme ; cette culpabilité
gêne, pendant longtemps parfois, l'établissement du transfert homo-
sexuel. Exprimée à l'aide d'arguments pseudo-rationnels et culturels,
elle est liée en réalité au rejet de l' imago féminine, maternelle, et aux pro-
jections agressives qui rendent cette imago spécialement incompréhen-
sive à la préférence que le patient ressent pour l'imago masculine.
Mon malade André disait « maman ne veut pas... » et « c'est vous qui
m'empêchez de vous aimer » (c'est vous, femme, qui m'empêchez de
vous aimer, vous, imago masculine) ; Sylvain se lançait dans de longues
rationalisations : « Bien sûr, vous êtes médecin et vous en entendez de
toutes les couleurs, mais enfin, même médecin, il y a des choses qu'une
femme doit avoir du mal à s'entendre dire... »
L'interprétation de cette culpabilité est un moment très important
dans la préparation de l'installation du transfert homosexuel, et c'est
justement dans la mesure où l'interprétation aide le malade à prendre
conscience de sa projection que l'analyste lui apparaît comme pouvant
comprendre et admettre ses émois homosexuels (ébauche de résolution
du conflit avec l'imago maternelle) et par là même, la projection de
l'imago masculine, plus compréhensive et moins agressive que l'autre,
peut commencer à se faire.
Lorsque le transfert homosexuel est établi, le fait que l'analyste
est une femme empêche peut-être parfois qu'il se maintienne solidement
et continûment, car le malade garde toujours parallèlement la notion de
la réalité objective, et cette réalité objective de l'analyste doit jouer,
et s'ajouter aux éléments purement analytiques du jeu des imago, et
du passage transférentiel d'une imago à l'autre.
Il en découle des conséquences techniques : alors que Bouvet a
insisté sur l'importance de l'encouragement donné par l'analyste-homme
à l'expression des émois homosexuels, il semble que, venant d'une
524 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-I962
au propos d'un malade, dont je n'ai pas parlé dans ce travail, qui,
abordant la phase d'installation dans un transfert homosexuel, me
dit : « Madame, vous m'avez apporté quelque chose d'extraordinaire...
sans vous je n'aurais jamais pu prendre conscience de ma misogynie. »
De même, avoir vécu de bons rapports et bénéficié narcissiquement
d'un apport, à l'aide d'une imago masculine projetée sur une personne
féminine, va dans le sens d'une dédramatisation du rapport avec la
femme, et diminue les peurs prégénitales liées à l'imago maternelle.
Si bien que c'est l'élément de gêne qui est en même temps un élément
bénéfique et progressiste, les affects visant sans doute, plus ou moins
selon les moments, une imago maternelle suscitée par la réalité de
l'analyste, derrière le transfert préférentiel masculin.
Je pense que ce phénomène du transfert maternel sous-jacent aux
autres types de transfert pendant toute la durée de l'analyse existe dans
tous les cas, et quel que soit le sexe de l'analyste, mais il est peut-être
plus intense ou plus prêt à venir à la conscience, plus sensible, dans le
cas d'une analyste femme.
J'ai cité la phrase où André se demandait si, tout en s'attachant à
moi, imago paternelle, il n'était pas en train de s'attacher aussi à moi,
imago féminine, là le transfert ambigu semblait prendre une valeur
positive thérapeutique.
2° Je crois qu'il est utile aussi de considérer la situation du point
de vue de l'analyste. En effet, un point particulier de cette situation est
le refus par le malade, le rejet, plus ou moins anxieux, plus ou moins
haineux, de tout élément de féminité de l'analyste : « On est bien entre
hommes », la femme est dehors, elle est l'ennemie, l'étrangère, l'autre,
l'élément exclu. Et il ne s'agit surtout pas de tenter inconsciemment
de la maintenir, serait-ce sous forme de bonne mère compréhensive,
car, pendant ce passage, il n'y a pas de bonne mère, la femme est niée,
rayée de la relation vivante à deux. C'est un point essentiel et qui
risque d'être ressenti comme un traumatisme narcissique par une
femme. Le maniement du transfert homosexuel d'un homme nécessite
de la part d'une femme une gymnastique identificatoire tout à fait
particulière. Le couple analytique ainsi structuré correspond à une
situation qui n'a jamais été vécue ni en réalité, ni en fantasme, par une
femme. Je crois même que l'on peut dire que c'est la seule situation
à deux à laquelle une femme n'a jamais participé, en réalité ou en
fantasme.
Cette identification originale, cette double identification (au malade
et à l'imago paternelle projetée), lui est cependant possible, construite
526 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-I962
CONCLUSION
(1) Il existe certainement des malades (spécialement des homosexuels), qui ont besoin au
départ d'un objet réel porteur de pénis et qui ne peuvent supporter le contact avec une femme
sans que surgisse le phantasme de la mère phallique qui les fait fuir.
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 527
DISCUSSION
Intervention de S. LEBOVICI
J'ose à peine intervenir, car il est certainement difficile d'apprécier
l'expérience vécue par un analyste d'un autre sexe que le sien.
Le problème qui a été traité ce soir avec tant de maîtrise par
Mme Luquet, dont nous avons écouté la conférence avec intérêt, me
paraît poser le problème de l'appréciation exacte des mouvements
transférentiels et de leur signification. Sans aucun doute, nous, analystes-
hommes, avons constamment à accepter, en même temps que les mani-
festations homosexuelles du transfert, les déplacements maternels que
nos patients font sur nous. Mais il me semble que, malgré les pré-
cautions prises par Mme Luquet au début de son exposé, pour l'équi-
libre même de la compréhension des choses, il y aurait intérêt à faire
un certain nombre de réserves sur la schématisation des interprétations
de la relation transférentielle. Nous voyons constamment d'ailleurs
nos patients se défendre par un déplacement transférentiel d'allure
paternelle ou maternelle contre des émois de l'autre nature. Encore
faut-il rappeler toute l'ambiguïté et la subtilité de ces déplacements
qui sont incessants. On peut se demander si le transfert est bien uni-
quement de nature historique. Tout le monde n'est pas d'accord à
ce sujet et je me rangerai volontiers parmi ceux qui estiment qu'en
dehors des bases historiques du transfert, des éléments structurants,
appartenant à la situation même du traitement et à la personne de
l'analyste, s'inscrivent dans la constitution de cette relation parti-
culière. Aussi bien, j'arrive à m'imaginer que, lorsque certains patients
voyaient derrière Mme Luquet un homme et un père, ils se défendaient
528 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
confusion des imago, elle peut aussi être utilisée comme un important
élément de résistance et entraîner un freinage du processus analytique.
Je suis bien d'accord avec lui quand il dit que toute fonction prend
dans l'inconscient la valeur d'un pénis, mais je pense qu'il faut se
méfier de cette formulation, sinon dans la discussion, du moins dans le
dialogue avec le patient.
En écoutant Lebovici, j'ai eu le sentiment d'un malentendu assez
considérable.
En soi, la projection d'une imago masculine sur une femme n'a rien
qui diffère de la projection d'une imago féminine sur un homme, dont
il constate dans sa pratique la facilité et la fréquence. Il s'agit en effet
pour le patient de projeter ce qu'il a besoin de projeter, il s'agit d'imago
et non pas de réalité objective, et le sexe de l'analyste, comme les autres
éléments de la réalité objective, disparaît sous la projection imagoïque,
au moins dans les moments où le transfert est le plus intense.
Bien sûr, les patients se défendent sans cesse par des déplacements
transférentiels et la position homosexuelle est fréquemment utilisée dans
un but hautement défensif, mais j'ai justement éliminé les exemples
(nombreux) qui vont dans ce sens, pour me limiter à l'étude du transfert
homosexuel authentique. Lorsque Lebovici dit que, là où je vois la
projection d'une imago paternelle, mon patient projette surtout une
imago maternelle phallique, je ne pense pas qu'il suppose que je ne
distingue pas l'affect réel de la défense... Sans doute n'ai-je pas assez
précisé la limitation de mon sujet, et, en lisant, n'ai-je pas assez insisté
sur certains reliefs.
Si je n'ai parlé que rapidement et sans insister de projection d'une
imago de mère phallique, c'est parce que, justement, ce n'était pas là
mon sujet. L'angoisse liée aux fantasmes de pénétration par la mère
phallique a été, chez les mêmes patients, analysée à d'autres moments
et dans un autre mode de transfert. Mon exposé voulait n'étudier que
le transfert homosexuel authentique. L'exemple que cite Lebovici
(le lait de mon père...), tiré de l'observation d'André, concerne juste-
ment, non pas le transfert homosexuel, mais le transfert « ambigu »
d'une imago « condensée » à la fois paternelle et maternelle phallique.
Et j'ai cité justement ce mode de transfert « ambigu » pour situer par
rapport à lui, et lui opposer, dans ce cas particulier d'André, le transfert
homosexuel à l'aide duquel l'introjection est vécue comme non angois-
sante et comme bénéfique.
En ce qui concerne l'historicité, je ne crois pas que le transfert
repose toujours sur une historicité objective, il s'agit d'imago et non
532 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
Cette position de Lagache est partagée par Ferdière qui, après avoir
souligné : « l'illusion d'être aimé est habituelle et nous pensons que,
pour la connaître, le plus grand nombre n'a qu'à faire appel à son expé-
rience personnelle », écrit que : « L'illusion de l'érotomane, c'est celle
qui ne disparaît pas quand l'erreur est démontrée et que ne légitiment
nullement les faits. » C'est donc cette persistance, cette irréductibilité
qui confèrerait à l'érotomanie son caractère pathologique. Par ailleurs,
Ferdière souligne que l'érotomanie affecte d'innombrables modalités :
« Tantôt le sujet reconnaît son propre amour, qu'il croit donc partagé
et tantôt il l'ignore, et même le nie ; tantôt il croit aimer avant de se
croire aimé, et tantôt c'est tout le contraire. » L'inconstance du postulat
de Clérambault est mise en évidence par de nombreuses observa-
tions. Ferdière ne considère pas l'érotomanie comme une psychose,
ni comme une entité morbide : pour lui c'est un simple syndrome qui
s'observe dans les maladies mentales les plus diverses, « sa durée et son
évolution étant évidemment liées à celle de l'affection qui lui sert de
base. Elle se trouve tantôt noyée dans l'ensemble pathologique, et est
tantôt l'élément prédominant du tableau clinique, ou même l'élément
révélateur ».
Frétet (1937) consacre aux problèmes de l'érotomanie plusieurs
travaux où il se rapproche des positions de Clérambault, considérant
que l'érotomanie peut être une entité morbide aussi bien qu'un syn-
drome commun aux affections mentales les plus diverses. Pour cet
auteur l'érotomane cache son sentiment véritable qui n'est pas de
l'amour : il pense plutôt à sa fortune. Par ailleurs, en cherchant dans les
observations d'érotomanes, on peut trouver presque toujours certain
attribut maternel, manifeste de l'objet. Frétet place ainsi l'érotomanie
au milieu de ce qu'il appelle le drame familial (OEdipe) et arrive à la
conclusion que l'objet du délire amoureux apparaît toujours comme
un substitut de la mère, l'érotomanie apportant à l'adulte « le même
objet secourable et maternel qu'une rêverie familière apportait jadis
à l'enfant ». En citant plusieurs observations de délires érotomaniaques
homosexuels il réfute les positions de Freud et pense que la relation
érotomaniaque montre la fixation du malade à un stade de la vie sexuelle
antérieur au stade de l'amour objectai, le caractère narcissique justi-
fiant l'inversion érotomaniaque de la relation amoureuse.
Frétet, finalement, partageant l'opinion de Ferdière pense que le
postulat de de Clérambault est inconstant dans l'érotomanie et même
lorsqu'il existe il n'est pas aussi rigoureux que la formule du maître.
L'érotomanie est une passion morbide parce qu'elle ne tient aucun
542 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
(1) On trouvera dans l'additif la relation de trois séances du traitement de cette malade.
REV. FR. PSYCHANAL. 35
546 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
(1) Je tiens à remercier ici mes collègues de l'équipe psychodramatiquequi ont participé
à ce traitement : Mme C. BASCHET, MM. A. GLABICANIet J. GILLIBERT,Mmes E. KESTEMBERG et
R. LEBOVICI.
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 547
elle la possession de cet objet imaginaire, elle montra, tout à fait malgré
elle, en une longue série de séances et à l'encontre de ce que consciem-
ment elle voulait nous démontrer, la profondeur de son attachement à
sa mère, dont le moindre éloignement lui semblait redoutable. C'est
ainsi que s'amorça la compréhension du sens réel de son identification
paternelle en tant qu'objet introjecté par la mère, n'ayant pas d'exis-
tence propre en dehors de la mère. Il apparut dès lors que sa tentative
d'introjecter M. Z... répondait à un besoin de se sentir entière si,
comme sa mère, elle était en puissance d'homme en elle.
C'est à ce moment du traitement que nous apprenons par Dorothée
que, en fin de compte, durant toute son enfance elle s'est sentie très
seule et qu'à l'âge de 17 ans, à l'occasion d'un séjour chez des amis
de la famille, ceux-ci s'émurent suffisamment de son comportement
pour conseiller aux parents de faire traiter leur fille. Elle-même n'en a
qu'un souvenir très confus, si ce n'est qu'il fut dit qu'elle s'isolait cons-
tamment en une sorte d'atonie morne et même, lui semble-t-il, on
disait qu'elle parlait toute seule. En rapportant cet événement elle
l'associe d'elle-même à la naissance de son amour pour M. Z...
Assez rapidement se fait jour dans ce traitement la conception que
Dorothée a des hommes : les hommes sont des êtres châtrés, gâteux,
sans corps, on pourrait même se demander s'ils existent effectivement.
Les êtres forts sont des femmes qui font et défont les mariages, qui
peuvent faire enfermer leur mari dans les maisons de santé et qui,
nolens volens, dictent la loi. Dorothée dit textuellement : « C'est vrai,
ma mère dit toujours : les hommes n'existent pas. »
Bientôt Dorothée laisse voir un autre mécanisme de défense :
le besoin qu'elle a du Surmoi maternel punitif, pour n'être pas seule.
Elle nous montre en effet qu'en maintes circonstances elle a besoin
d'être agressive envers elle-même, de se punir et qu'en fin de compte
elle eût presque préféré la prison à la clinique ; elle se sent plus entière
si elle est coupable, que non coupable, folle et seule. Rappelons ici que
l'enfance de Dorothée s'est en effet déroulée sous le signe de la culpa-
bilité ; c'est à cause d'elle que son père divorça, d'abord, ensuite, elle
savait des choses graves sur ses parents qu'elle feignit constamment
d'ignorer.
De ce traitement extrêmement riche qui a évolué de façon fort
satisfaisante, ce que nous voulons surtout mettre en relief c'est qu'au
fur et à mesure que Dorothée acquérait un insight concernant ses rela-
tions primitives avec sa mère, elle se dépouillait peu à peu de ses posi-
tions érotomaniaques, qu'actuellement elle reconnaît totalement pour
550 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
telles. Elle nous a dit récemment : « C'est terrible, je sais que j'ai
perdu 15 ans de ma vie avec ce rêve, cependant j'en suis à la fois
contente parce que je me rends compte combien j'ai été malade, mais
j'en suis attristée, car lorsque j'aimais M. Z... ma vie était plus riche.
Il me semble parfois que j'ai perdu une partie de moi-même. » D'ailleurs,
ce vide qu'elle ressent elle le comble de fait en multipliant au mieux
ses activités professionnelles.
Un tournant important dans le traitement de Dorothée a été le
projet de mariage d'un de ses frères. En effet, celui-ci, que nous appel-
lerons Jean, devait se marier avec une amie d'enfance et la mère de
Dorothée s'opposait à ce mariage. Dorothée, par contre, trouvait que la
jeune fille convenait à Jean. C'est à la faveur des multiples péripéties
du mariage, constamment remis en question, parce que Jean n'arrivait
pas à enfreindre la loi maternelle alors que le père était favorable à
cette union, que Dorothée put réaliser combien sa mère était un per-
sonnage dévorant ; cependant cette prise de conscience la mena, dans
un premier temps, presque à interrompre le traitement, qu'elle ressentit
à ce moment-là comme dirigé vers une séparation d'avec la mère.
L'interprétation opportune de cette velléité de rupture, à peine cons-
ciente pour elle, lui permit de mesurer combien elle avait peur de ne
pouvoir exister en dehors de sa mère et combien elle était prête en fait
à renoncer à tout pour sauvegarder son union avec elle.
Il nous devint possible de montrer à Dorothée que chaque fois
qu'elle s'identifiait à un des hommes de sa famille, c'était en fin de
compte pour rester en une étroite relation avec sa mère. Une fois de
plus apparaît le sens de son érotomanie : la seule façon d'être entière
comme sa mère, c'est de posséder un homme imaginaire qui, tout en ne
la séparant pas d'elle, la fait devenir son égale en puissance. Si elle a
un objet à l'intérieur d'elle, elle ne risque plus de se désagréger puis-
qu'elle est forte comme sa mère (identification à l'agresseur), mais cela
va plus loin, elle n'est plus seule non plus puisque cette force que sa
mère pourrait lui donner, elle ne sait pas la lui donner (elle l'a mal
aimée, l'a mal nourrie, elle dévore au lieu de remplir). Dorothée a
donc ainsi, grâce à son objet érotomaniaque, un objet intériorisé non
dangereux, elle se sent entière, elle a retrouvé l'objet perdu, elle a
comblé le vide, elle existe.
Il est cependant un autre aspect du problème que nous révèle éga-
lement l'observation de Dorothée. Nous avons dit que d'emblée
elle nous avait proposé des thèmes oedipiens. Nous avons également
remarqué que le mariage de son frère a été un moment décisif de
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 551
(1 )On pourrait ici remarquer que l'infiltration de la situation par les fantasmes prégénitaux
inconscients empêchait également Dorothée de trouver une solution en une relation homo-
sexuelle qui l'aurait conduite à un rapprochement trop dangereux avec l'objet maternel.
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 553
tifier à l'objet partiel maternel bien plus qu'au père proprement dit ;
20 Et à un autre niveau nous pouvons là, saisir sur le vif l'identification
projective dont l'école anglaise a bien montré la prévalence dans les
états psychotiques. En effet si Dorothée a besoin de s'identifier à cette
mère effrayante, dévorante, c'est bien que celle-ci, premierobjet investi,
lui a donné la connaissance de sa propre existence en tant que telle,
c'est-à-dire, comme l'ont bien montré les psychanalystes généticiens :
pour se connaître en tant que sujet il lui faut un objet investi. En fait
s'identifier à sa mère, c'est pour Dorothée se préserver de la crainte
que son Moi replonge dans cet état indifférencié originel, c'est-à-dire
qu'il se résolve entièrement ou partiellement dans le Ça qui ne connaît
ni les objets ni la réalité. Mais en s'identifiant complètement ou par-
tiellement à sa mère, en cette fusion elle rencontre son propre corps ou
une partie de son propre corps dans un monde extérieur. Ceci corres-
pond bien à une tendance narcissique qui pousse le malade à s'assurer
constamment ainsi de sa propre existence mais qui, en fonction de
l'angoisse sous-jacente, devient à ce point prévalente que le monde des
véritables relations objectales lui est barré. En effet, toute relation avec
l'objet est lourde de menaces et de peur, car il n'est vécu que comme
une destruction réciproque. Ainsi, en même temps que Dorothée a
besoin de s'assurer de sa propre existence en une identification projec-
tive avec sa mère, elle a aussi besoin de s'assurer constamment d'une
distance protectrice d'avec l'objet de ses pulsions et son délire érotoma-
niaque lui assure en effet cette distance maximum utile : d'abord, elle
est aussi puissante que sa mère, avec l'objet intériorisé, sans cependant
détruire celle-ci (la mère), ensuite ce n'est pas de sa mère qu'elle est
éprise, mais de son père ou d'une image paternelle ; enfin, il n'est pas
de réalisation possible, ni même nécessaire, rien ne prend corps sous
forme d'un dialogue réel. On pourrait donc dire que, mutatis mutandis,
de même que l'enfant consolide son sentiment d'existence en halluci-
nant l'objet (Ajuriaguerra, Diatkine, Lebovici), Dorothée, adulte
comme tout érotomane, s'assure de la sienne en créant un objet d'amour
imaginaire en une relation remaniée par l'oedipification d'abord, la
situation oedipienne ensuite, pour aussi peu génitalisée qu'elle soit.
C'est ainsi que nous retrouvons le sens profond de ce que Freud nous
a enseigné, à savoir que l'objet d'amour est en réalité un objet homo-
sexuel — nous dirons : le premier objet d'amour, la mère. L'appa-
rence paternelle de l'objet n'est là que pour assurer le maximum de
distance entre les pulsions du sujet et l'objet, et témoigner de cela
que nous ne devons jamais perdre de vue : quelle que soit la mauvaise
556 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
évolution d'un sujet psychotique, il n'en est pas moins, puisque adulte,
passé par les stades évolutifs qui président au développement de tout
individu. Pour autant que ses positions inconscientes soient profondé-
ment régressives — elles sont justement régressives et il ne faut
pas les considérer comme non évolutives —, il s'agit comme l'a très
bien montré Diatkine, d'un retour aux seules positions qui permettent
à un sujet donné de contenir une angoisse désagrégeante en un équilibre
qui n'est peut-être pas celui normativement souhaitable, mais qui cepen-
dant est le seul que les aléas de son évolution et l'intensité de ses
conflits lui permettent de supporter.
En fait c'est en fonction de l'équipement initial, de la qualité de
l'environnement, et des aléas de l'évolution qui résultent de la conjonc-
tion de ces deux facteurs, que se constitue pour chaque individu l'équi-
libre utile qui sera pour chacun, et suivant les moments, plus ou moins
régressif. Si Dorothée n'a pu le trouver que dans une relation éroto-
maniaque délirante, d'autres le réalisent en une gamme très variée
de relations érotomaniaques dont nous parlerons plus loin, mais que
nous voulons introduire par l'observation d'un cas de toxicomanie
d'objet, ayant beaucoup de points communs avec une relation éroto-
maniaque délirante, mais cependant fort différent en son agencement
structural et économique.
Il s'agit en fait d'une de ces malades que l'on appelle : cas limite ou
border-line, dont la structure est certainement psychotique ou pré-
psychotique — dans le sens qu'il est convenu de donner à ces termes en
clinique psychanalytique — le comportement tantôt délibérément psy-
chotique, tantôt profondément névrotique. Nous devons dire que c'est
une malade que plusieurs d'entre vous connaissent, que nous n'avons pas
traitée personnellement mais qui l'a été par plusieurs de mes confrères
à qui je dois l'observation (1) que je choisis en raison de son particulier
intérêt pour le propos qui est le mien. J'ajoute qu'elle est actuellement
dans un service psychiatrique en province. Cette malade que nous appel-
lerons Bénédicte (2) a un très long passé thérapeutique; elle est âgée
d'une trentaine d'années et dès l'âge de 6 ans elle fit connaissance avec la
médecine à cause d'une malformation congénitale qui l'a menée pour
un séjour prolongé dans un hôpital parisien. Lorsqu'elle relate ce
souvenir, toujours présent dans ses récits, elle nie tout l'aspect médical
et organique de la situation pour n'en retenir que le fait que sa mère
(1) Notamment les Drs Danon-Boileau, Diatkine, Mme Kestemberg, les Drs Lebovici et
Racamier, que je remercie.
(2) On trouvera dans l'additif la relation d'une séance du traitement de cette malade.
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 557
(1) Chez le sujet normal comme le dit S. Nacht dans son enseignement oral : « On ne peut
aimer les autres que si l'on s'aime soi-même, et l'on ne peut s'aimer soi-même que si on aime
les autres » et S. Lebovici : « Le narcissisme est à l'origine des investissements objectaux. »
(2) S. FREUD, Psychologie collective et analyse du Moi, in Essais de Psychanalyse (41).
(3) A propos du narcissisme, signalons les travaux de B. GRUNBERGER (52).
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 569
lui apporte, sur le plan narcissique, une autre satisfaction qui est
celle d'être aimée par un être aussi remarquable. Les témoignages
à cet égard apportés par les journaux d'adolescentes, notamment
Marie Bachkirtseff ou Anne Frank, aussi bien que ce que rapporte
Mendousse (78), sont d'un particulier intérêt, car tous traduisent l'exal-
tation jubilatoire ressentie par la constatation que l'on est telle qu'un
autre préalablement fortement investi puisse vous aimer. La part de
cette exaltation dans les amours adolescentes est si importante que,
aussitôt que la preuve, ou même un soupçon de preuve du contraire,
leur est administrée, ils se livrent volontiers à des passages à l'acte
dangereux pour eux-mêmes. Signalons que ce qui leur importe, c'est
bien d'instaurer une telle relation amoureuse et non de la réaliser, car
en général ils se gardent bien de se rapprocher en réalité de l'objet de
leur amour ; il leur suffit d'en être amoureuse et d'épier en secret tout
mouvement qui pourrait traduire de la part de l'objet un sentiment
favorable à leur égard, sans jamais provoquer une situation explicite et
pouvoir, le cas échéant, dire « personne ne m'aime ».
Il est une autre façon, pour l'adolescent, d'instaurer une relation
amoureuse analogue à l'abri de tout démenti ou de toute réalisation
possible. En effet, de peur de se voir infliger la blessure narcissique
profonde que serait une non-réciprocité amoureuse, de peur aussi de
n'avoir pas les moyens pragmatiques de réaliser une relation amoureuse
satisfaisante, de par leur attachement enfin aux images parentales qu'ils
tentent de rejeter, les adolescents se sentent naturellement portés à
aimer un personnage dont l'irréalité offre pour eux toute sécurité. On
reconnaîtra là, la conduite banale de la passion amoureuse pour les
vedettes de cinéma, par exemple, et la véritable psychose collective à
l'endroit de James Dean en est une parfaite illustration, ou encore
le cas que relate Mendousse, plus perfectionné dans l'éloignement, de
cet élève de seconde éperdument amoureux d'Henriette d'Angleterre (1).
Il est une autre forme apparemment contradictoire, cependant bien
voisine, par laquelle s'exprime l'importance du besoin narcissique dans
les états amoureux de l'adolescent et qui les conduit par une autre voie
à l'illusion. Flaubert dans L'éducation sentimentale décrit finement
comment Frédéric, arrivé dans la grande ville, se répète constamment
« qu'on doit l'aimer ». Cette position qui est d'observation courante
peut conduire les adolescents à des positions interprétantes, voire à
(1) Une illustration remarquable d'un tel éloignement dans une situation de cet ordre
nous est donnée dans La Gradiva de FREUD (35).
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 571
des récits mythomaniaques dont il est très difficile de leur faire percevoir
l'aspect aberrant.
Il est donc, dès à présent, possible de voir combien, grâce à l'impor-
tance économique de la libido narcissique même dans les états les plus
banals, le passage se fait aisément de la réalité à l'illusion aberrante.
Lorsque l'évolution se fait de façon favorable, en fonction même de
la mobilité des investissements libidinaux, propres à cet âge, ainsi
que des possibilités de sublimation qui restent ouvertes, les choses
rentrent dans l'ordre et l'illusion laisse la place à la réalité pour se
transformer parfois dans le souvenir en « verts paradis des amours
enfantines ».
Lorsque le passé vécu des adolescents ne leur permet pas de dépasser
heureusement la crise, les conflits se nouent en névrose ou en psychose
suivant les modalités de leur structuration antérieure, suivant que les
perturbations sont plus marquées sur le plan génital ou sur le plan
prégénital, pour emprunter la terminologie de Bouvet. Des altérations
névrotiques des relations amoureuses, nous ne parlerons guère ici;
elles ne sauraient être mieux décrites et étudiées qu'elles ne l'ont été
par Freud d'abord, par Nacht ensuite et enfin par J. et J. Favreau
et R. et I. Barande dans un travail inédit à paraître. Nous nous en
tiendrons à notre propos qui est de souligner combien, dans les périodes
de crise, la relation érotomaniaque (l'instauration d'une relation amou-
reuse illusoire) constitue un mouvement de défense protecteur et
bienfaisant.
Nous ne pouvons nous livrer ici à une analyse approfondie de
l'extrême complexité qui caractérise la période de l'adolescence et les
crises qui y sont inhérentes. Nous nous contenterons de mettre l'accent
sur une de ces composantes qui est l'état de besoin affectif si marqué
à cette période. Nous employons ici le terme d' « état de besoin », dans
son sens le plus extensif en même temps que le plus compréhensif, qui
englobe son acception clinique. Cet état de besoin correspond aussi
bien à l'insécurité de l'adolescent à l'endroit de son corps propre qu'au
sentiment de frustration affective dû au rejet par lui-même de ses objets
d'amour parentaux. Il est d'évidence que l'adolescent oublie, pour
ainsi dire, que c'est lui qui a rejeté pour ne ressentir avec acuité que le
fait qu'il est seul et frustré d'amour.
Anna Freud (33) a remarquablement décrit les mécanismes de
défense spécifiques de cet âge contre cet état de besoin et nous pensons
qu'on pourrait y ajouter, encore qu'il ne soit pas spécifique à l'ado-
lescence, celui qui consiste en l'instauration de ce que nous appelons
572 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
(1) S. FREUD, Observations sur l'amour de transfert (1915) (39). S. FREUD, Analyse terminée et
analyse interminable (1937) (44). Voir aussi les exposés de M. BÉNASSY, M. BOUVET, S. NACHT,
H. SAUGUET et M. SCHLUMBERGER, à l'occasion du Séminaire de Perfectionnement organisé
à l'Institut de Psychanalyse (mai 1958), in Rev. fr. de Psychanal., t. XXIII, 1959.
574 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
ne les intéresse, c'est la seule chose qui leur importe ; parfois, cette
exigence est présentée comme une condition sine qua non de la guérison.
Par ailleurs, il leur est bien évident qu'en dépit de l'attitude réservée,
toujours identique de l'analyste, celui-ci éprouve les mêmes désirs.
En fin de compte, il n'est plus question que de cela et non plus de
'analyse.
Chaque fois que l'on n'a pas pu éviter l'instauration d'une telle
situation, soit en raison de la qualité psychotique des défenses de la
malade, soit en raison d'une recherche éperdue de satisfactions maso-
chiques — recherche au demeurant fort proche d'une structure psy-
chotique —, la situation ne peut être résolue, nous semble-t-il, qu'en
interprétant la dénégation de la réalité de la situation analytique que
l'instauration d'une telle situation implique. En effet, les malades dans
ce cas tentent de dénier à la fois : la personne de l'analyste, leurs
propres sentiments profonds à son égard et l'image transférentielle que
l'analyste, à ce moment, pour eux présente. Elles tentent donc de
s'éloigner d'un rapprochement d'avec cette image qui est, en réalité,
presque toujours une image maternelle, mais en même temps de pré-
server intacte leur union avec leur mère que l'analyste tendrait à
remplacer. Si elles expriment le besoin d'avoir constamment l'analyste
en elles, en ces relations sexuelles dénuées de tout désir, c'est pour se
faire rejeter sans doute, mais aussi et surtout pour interposer entre elles
et l'image transférentielle de l'analyste, celle, illusoire, dont elles auront
pris possession (car elles savent qu'il n'est pas de réalisation possible),
préservant ainsi intacts et l'analyste et l'imago maternelle. Cependant,
outre cet aspect, il faut bien comprendre que ces malades tirent d'une
telle situation une satisfaction libidinale réelle, soit sur le plan maso-
chiste, soit plus profondément une réassurance narcissique au travers
des sentiments amoureux qu'elles prêtent à l'analyste.
Dans d'autres cas, les malades n'ont même pas besoin de prêter
à l'analyste des sentiments amoureux, il suffit « qu'elles l'aiment » pour
qu'il lui incombe de satisfaire leur besoin.
Dans l'un ou l'autre cas, l'analyste devient cet objet de la relation
érotomaniaque dont la réalité et les sentiments importent peu ; il est,
très exactement, cet objet projectif dont les malades ont besoin pour
sa protéger contre la peur de l'intimité de la relation transférée en ce
qu'elle leur apparaît, comme dans le passé vécu, aussi nécessaire, que
redoutable. Leurs exigences impératives, itératives, lancinantes, tra-
duisent l'acuité de leur angoisse et la nécessité de ne pas perdre le lien
d'avec un objet maternel qui, incorporé, puis projeté au-dehors pourrait
576 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
faire coïncider avec son propre idéal du Moi, en même temps qu'une
distance. C'est aussi pourquoi le but de l'érotomane est non la posses-
sion réelle du personnage, objet de l'investissement, mais la prise de
possession imaginaire de l'être aimé.
La déréalisation du conflit permet à l'érotomane de choisir un
objet incestueux comme objet d'amour. Cette situation paraît très
claire lorsqu'on entre en contact avec une érotomane. Dès les premières
conversations avec la malade, la situation oedipienne paraît tellement
nette que le thérapeute a l'impression que la malade lui « jette l'OEdipe
dans les bras ».
Nous avons essayé de montrer combien la réalité est plus complexe ;
sous l'apparence d'une situation oedipienne se cache un vrai drame de
dépersonnalisation dont la tentative de résolution doit être le premier
but du thérapeute. Pour toutes les malades que nous avons traitées, il
nous est apparu que dans leur dramatique personnelle la situation
oedipienne s'est avérée impossible. Il semble que pour ces patients il
y ait eu un échec total de toute tentative de triangulation authentique-
ment oedipienne et c'est ce que Freud, qui pourtant ne s'est que peu
occupé de l'érotomanie, avait bien senti lorsqu'il parlait des positions
homosexuelles des érotomanes. Il ne s'agit pas certes d'une position
homosexuelle génitalisée, mais bien de ce modèle archaïque de l'homo-
sexualité qui attache l'enfant à sa mère au moment encore où le père,
dépouillé de ses qualités propres, n'en apparaît que le substitut (25).
En fait, dans toute position érotomaniaque, quel que soit le sexe
réel de l'objet recherché, c'est toujours de l'objet maternel qu'il est
question en dernière analyse. Les malades ne se trompent pas en choi-
sissant les prêtres, les médecins, les enseignants ou autres personnages
qui représentent fantasmatiquement la mère toute-puissante pour
l'enfant démuni.
Ce n'est qu'après un long travail sur les positions prégénitales
que l'angoisse primitive se trouvant suffisamment apaisée, il est pos-
sible d'amener les érotomanes à une position transférentielle authen-
tiquement oedipienne, quelles que soient les tentations que l'on puisse
avoir d'aborder prématurément et inopportunément l'OEdipe en raison
de la facilité spécifiquement psychotique avec laquelle les érotomanes
expriment les contenus inconscients (1).
(1) En raison de l'importance de la projection nous avons l'habitude aussi bien que ceux
de nos collègues qui pratiquent le psychodrame, d'instituer pour de telles malades une
cure de psychodrame analytique en fonction des modalités particulières de maniement des
projections que cette technique nous offre.
580 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
Le réel ne peut être vécu que désinvesti, masqué par le propre système
projectif du malade. L'érotomane nie aussi bien ses pulsions libidinales
authentiques que ses pulsions agressives en une vérification constante
et inconsciente des distances avec l'objet, en un maintien acharné de
relations imaginaires tantôt amoureuses, tantôt persécutoires, utilisant
pour ce faire des mécanismes de défense aussi massifs et rigides que
l'exige l'intensité de l'angoisse à laquelle ils répondent.
Il est à noter d'ailleurs que dans divers autres processus psycho-
tiques ou psychoses apparaît fréquemment un processus érotoma-
niaque comme une ultime tentative de restauration de la personne au
moyen du contact avec un objet, fût-il imaginaire, avant que de sombrer
dans le monde schizophrénique où la solitude devenue à ce point
intolérable paraît être l'unique et irrémédiable solution. C'est ainsi qu'il
est fréquent d'observer des positions érotomaniaques à diverses étapes
de l'évolution d'une schizophrénie, soit en une tentative de se maintenir
en dehors de l'abîme schizophrénique, soit comme un moyen d'en sortir
au moment où le processus de restauration commence. Nous en souli-
gnons l'importance, tant au point de vue diagnostique que thérapeu-
tique, car dans les psychothérapies des psychoses comprendre à quel
temps de l'évolution se situe ce processus érotomaniaque, avant ou
après l'abîme schizophrénique, est d'une importance capitale pour le
destin ultérieur du traitement. Dans la première situation le thérapeute,
ne doit pas attaquer de front le processus érotomaniaque, mais le res-
pecter dans une certaine mesure ; tandis que dans le second cas, si le
malade est en voie de reconstitution, il est possible d'en montrer opportu-
nément, quoique avec beaucoup de ménagement, l'aspect défensif, et de
faire comprendre au malade qu'il peut trouver avec l'appui réel du thé-
rapeute d'autres défenses pour le protéger contre l'angoisse de la
destruction.
Nous espérons avoir suffisamment montré que l'érotomanie (est
en dernière analyse un processus de défense original contre la néan-
tisation, au même titre que tout délire et au même titre que l'homo-
sexualité primaire. De ce fait, l'érotomanie n'apparaît plus comme
« un syndrome isolé », ni comme « un syndrome lié à l'affection qui
lui sert de base », mais bien comme un processus spécifique, ayant deux
buts :
1° Evitement du conflit et réassurance narcissique par la possession
imaginaire d'un objet imaginaire ou réel, mais déréalisé ;
2° Lutte contre l'angoisse de néantisation pour éviter la désa-
grégation quand la réassurance narcissique est insuffisante.
582 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
ADDITIF
fois-là, j'ai été forte, il a bien fallu qu'on fasse ce que je voulais. »
Et quand on lui fait remarquer son sourire, elle dit le plus naturelle-
ment du monde : « Bien sûr, c'est le seul souvenir agréable de toute
mon enfance, c'est la seule fois où j'ai eu quelque chose à moi et où
on a fait ce que je voulais. »
Nous avons déjà insisté dans notre travail sur le sens de cette
séance-clé du traitement où l'identification au père prend son vrai
sens en tant qu'identification à la mère qui possédait le père, et nous
n'y reviendrons pas.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
des travaux cités ou consultés
DISCUSSION
Intervention de R. HELD
Avant tout, j'ai toute une série de compliments à adresser au confé-
rencier. Il ne s'agit pas là d'un simple usage, témoignage d'une cour-
toisie « standard », sorte de rideau de roses destiné à dissimuler les
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 591
de radio, que j'avais pris soin de vérifier que ce nom n'avait pas
été inventé.
Eh bien, lors d'une scène le rôle de l'objet a été joué par un des par-
ticipants placé derrière la malade, et il s'est mis à la presser de le
rejoindre. On a entendu la malade répondre par toutes sortes de
manoeuvres dilatoires et d'échappatoires, on a vu son angoisse augmenter
cependant que le participant continuait de la presser, jusqu'à ce qu'elle
arrête la scène, qu'elle nous fasse part de son angoisse, et qu'elle nous
apprenne que, lorsqu'elle avait rencontré son objet, elle avait soudain
senti que la terre se dérobait sous elle, entre eux, qu'elle allait éclater,
qu'elle-même allait disparaître — et c'est alors qu'elle avait soudain
« compris » que le médecin l'aimait, et elle a été rassurée.
Un autre cas auquel je pense montre nettement cette nécessité de
la distance maximale sur laquelle Kestemberg a très justement insisté.
Cette autre malade présentait, elle aussi, une érotomanie dont le thème
était typique, bien qu'il s'y adjoignît des éléments d'influence. L'objet
de celle-ci était aussi un médecin, et un psychiatre. C'est lui qui la
poursuivait, comme il poursuivait d'ailleurs bien d'autres femmes,
et en particulier son assistante sociale, à qui la malade, jalouse, avait
un jour crêpé le chignon, ce qui lui avait valu une inculpation, une
expertise et un internement d'office.
En psychodrame exploratoire, la malade décrit ses visites au médecin-
psychiatre et l'on s'aperçoit que ce confrère, lors des consultations, la
recevait 3 minutes, la regardait à peine, griffonnait une ordonnance,
et c'était tout. Impossible de rêver d'une plus grande distance. Que si,
en scène, le tenant du rôle de l'objet se montre accueillant, attentionné
ou tout simplement présent, la malade cherche à échapper au jeu,
affirme que ça ne va pas du tout comme ça et s'angoisse. On apprend
plus tard que son père était un homme d'accès très difficile ; pas question
de l'embrasser ni de l'approcher, il était souvent absent, il était froid
et d'ailleurs la mère n'aurait pas supporté que ses filles l'approchassent.
On en vient à jouer une scène se situant à la puberté de la malade,
avant le départ du père pour une de ses fréquentes tournées d'artisan,
et la scène est jouée sur un registre franchement oedipien, c'est-à-dire
que le père déclare à sa fille qu'il la préfère, que d'ailleurs, puisqu'il va
partir, il va l'emmener, elle lui fera sa cuisine, elle sera sa petite femme
et on laissera sa mère à la maison. Et la malade, alors, de déclarer :
« C'est vrai, mon père me préférait, il voulait m'emmener avec lui,
mais ça n'a pas pu se faire, parce que, juste avant de partir, il a été
tué dans un accident. »
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 599
son attitude, et quelqu'un qui les rejettera à coup sûr ; cela répond bien
à la nature de la relation érotomaniaque, relation d'éloignement maxi-
mum sous le couvert d'une histoire d'amour.
Bénédicte, au contraire, suscite plutôt des contre-transferts positifs,
à preuve le grand nombre de psychiatres et de psychanalystes qui se
sont intéressés et s'intéressent à elle.
Je voudrais, pour terminer et pour marquer encore mon accord avec
J. Kestemberg et ma vive appréciation de sa conférence, appuyer ce
passage essentiel de sa conclusion où il affirme que l'érotomanie est
une manifestation d'esseulement, en citant ces paroles d'une autre
érotomane, qui, traitée par psychothérapie et sur le point d'abandonner
son délire dévitalisé pour se retrouver devant le vide de son existence,
s'écriait : « Mais j'aime mieux çà que d'être seule. »
Intervention de M. FAIN
J'ai particulièrement goûté le travail de J. Kestemberg. Sa richesse
déborde tous les domaines. Il est clinique, théorique, toujours humain.
Ce n'est pas par hasard, je crois, que cet exposé conserve de bout en
bout cette puissance de clarté mentionnée par Held; c'est le travail
d'un praticien du psychodrame, c'est-à-dire de quelqu'un utilisant
un langage restant toujours prêt de l'évocation imagée.
Je crois que l'auteur, en décrivant la relation érotomaniaque, a
introduit dans la séméiologie psychiatrique une dimension plus pro-
prement psychanalytique, celle de l'économie et de la qualité libidinales.
En effet, Dorothée, tant qu'elle maintient sa relation délirante, vit
quasi normalement. Ce délire, comme l'a bien montré J. Kestemberg,
maintient une cohésion interne permettant une adaptation quasi
normale. L'apport narcissique est, en quelque sorte, un apport narcis-
sique secondaire imprégné de l'amour d'un objet. Ceci distingue
Dorothée d'une paranoïaque dont le système persécutoire n'entraîne
une valorisation que du narcissisme primaire et de ce fait une désadap-
tation et des attitudes défensives épuisantes. Cette distinction qui est
contenue dans le travail nous apparaît essentielle. Elle dépasse évidem-
ment le cadre de la relation érotomaniaque.
Il me semble également, à travers ce texte, distinguer un deuxième
point de séméiologie clinique originale. Bien que Bénédicte ne soit pas
délirante, qu'elle reste accrochée à la réalité, la faiblesse de ses défenses
mentales l'entraîne à des comportements itératifs et pauvres. Sa demande
de médicaments est l'aménagement misérable d'une relation qui ne
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 601
tient pas. En un mot, Bénédicte est plus malade que Dorothée. Cette
dernière, à travers son délire et grâce à ce dernier, a réussi à main-
tenir des possibilités réceptives. Rien de semblable chez Bénédicte.
C'est ainsi sur la capacité de recevoir que semble, à travers ces deux
cas, s'édifier le critère de gravité et par conséquent de cure, et non pas
sur l'accrochage à la réalité.
(Ceci n'est pas sans évoquer un fait bien connu : la société se sent
plus atteinte par un délirant que par un malheureux, de la même façon
que les parents s'inquiètent des troubles de l'enfant quand ces troubles
les gênent.)
Le troisième point concerne la notion d'objet partiel évoquée au sujet
de M. Z... Le délire de Dorothée, interprété à travers les significations
condensées du contenu manifeste, montre la valeur fonctionnelle de
l'objet partiel désiré (point sur lequel P. Luquet a insisté dans son travail
sur l'identification). Entre autres, M. Z... représente pour Dorothée :
Sa fonction fantasmatique, dont le délire la décharge. Sa pulsion
sexuelle et sa capacité d'aimer, enfin, comme l'aurait dit M. Bouvet, sa
capacité d'auto-régulation de son estime de soi. Je crois que sur ce point
je rejoins Racamier qui a justement signalé le télescopage pulsionnel
qui apparaît dans certaines relations érotomaniaques. Je crois que
cela est dû au fait de se sentir aimé. Kestemberg, à la fin de son article,
expose les dangers à accepter l'image hypertolérante que certains
patients veulent projeter sur l'analyste. Si ce dernier a une tendance
par trop lénifiante, de multiples aspects pulsionnels vont se manifester
grâce à l'ambiance ainsi créée. (Il est probable que ce fait se rapproche
de certaines situations analytiques décrites par S. Nacht et Viderman.)
L'analyse de l'agressivité sera impossible dans de telles conditions. Autre-
ment dit, nous pourrions dire que J. Kestemberg a recommandé aux
analystes de ne pas favoriser, au cours d'une cure, une relation érotoma-
niaque qui entraîne chez le patient l'illusion, vite perdue, du bien-être.
Clinique, théorique, humain ont été les qualificatifs que j'ai
employés au début pour définir ce travail. Il est à la bonne distance
— près du coeur et de l'esprit, comme aurait dit M. Bouvet.
(1) On peut aussi poser le problème eu terme de fonction. Dans le passage du fantasme au
délire, il y a perte partielle de la fonctiondu réel. Celle-ci pourrait être entraînée par le désinves-
tissement objectai, le vide créé entre l'objet paternel désinvesti et le refus de réinvestir l'objet
maternel. D'autre part, la fonction d'amour de soi semble être spécifiquement atteinte, comme
si cette fonction amour de soi avait été maintenant soudée à l'imago paternelle au moment du
changement d'objet. Ceci expliquerait pourquoi la restauration prend la forme de la « création
illusoire d'un objet aimant » hétérosexuel. Je ne veux pas aller plus loin, n'ayant pas eu à
traiter de véritables psychoses érotomaniaques, mais je voulais indiquer, puisqu'il semble bien
s'agir presque toujours de femmes, qu'il était nécessaire de penser cette entité clinique sous
l'angle de la genèse particulière du Moi féminin.
604 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
Réponse de J. KESTEMBERG
Je remercie vivement tous ceux qui ont bien voulu m'argumenter
et je suis particulièrement heureux de ce que mon travail ait suscité
une discussion aussi fructueuse. J'ai été très sensible aux réflexions
que mes collègues ont bien voulu exprimer ici. Ces contributions me
sont très précieuses pour l'éclaircissement de bien des aspects d'un
problème difficile et passionnant dont je n'ai essayé d'aborder que les
lignes générales.
Je tiens à préciser pour Held, que je remercie pour l'attention
qu'il a bien voulu apporter à mon étude, que la parenté avec l'hystérie
ne m'avait pas échappé. Mais, d'une part il était impossible dans le
cadre d'un travail de ce type d'en étudier toutes les coordonnées,
d'autre part, j'avoue humblement que la notion d'hystérie ne me
paraît pas, à la lumière même des progrès de nos connaissances, par-
faitement claire et il me semble qu'il y a là matière à toute une série
d'approfondissements. J'ajoute cependant que je pense, comme
Diatkine, Fain et d'autres ici, que la considération de l'économie
et de la qualité libidinales au sein des différentes entités cliniques me
paraît être une voie d'abord féconde.
LES REVUES
HOCH (P. H.) (1). — METHODS AND ANALYSIS OF DRUG INDUCED ABNORNAL
MENTAL STATES IN MAN (MÉTHODES D'ANALYSE DES ÉTATS ANORMAUX QUE
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THERAPEUTIC INTERACTION (NEUROLEPTIQUES ET PSYCHOTHÉRAPIE CONJU-
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VENESS OF SLEEP-INDUCING AGENTS IN HUMANS (DÉTERMINATION DE L'EFFI-
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(1) HOCH (P. H.). — METHODS AND ANALYSIS OF DRUG INDUCED ABNORMAL
MENTAL STATES IN MAN (MÉTHODES D'ANALYSE DES ÉTATS MENTAUX ANOR-
MAUX QUE PRODUISENT LES DROGUES CHEZ L'HOMME).
L'auteur passe en revue les principales difficultés de l'investigationactuelle.
Après des considérations sur l'observation clinique et ses adjuvants, il note
le manque d'études détaillées des réactions mentales des sujets soumis à
l'expérimentation des drogues simulant la psychose et de celles à spécificité
douteuse. Il montre ensuite comment on ne peut que spéculer tant que d'innom-
brables facteurs n'auront pas été élucidés. Il attend de ces réponses une
compréhension psychodynamiqueplus totale de l'individu et croit à la nécessité
d'une psychiatrie expérimentale.
606 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
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(1) RADO (S.). — RAGE, VIOLENCE AND CONSCIENCE (RAGE, VIOLENCE ET CONS-
CIENCE).
Dans une perspective psychodynamique d'adaptation, l'auteur retrace
les origines infantiles de la conscience expiatoire en dénonçant un système
punitif parental qui introvertit la rage et engendre une tension qui menace
LES REVUES 607
BERNOCCHI (F.),
REALE (P.). — CONTRIBUTO ALLO STUDIO DELLA PERSONALITÀ
DELL'ORFANA IN ISTITUTO (ÉTUDE DE LA PERSONNALITÉ DE L'ORPHELINE EN
INTERNAT) (p. 259).
BARTOLESCHI (B.), NOVELLETTO (A.).
— CONTRIBUTO CASISTICO ALLO STUDIO
DEL RAPPORTO OGGETTUALE PSICOTICO (ÉTUDE DU RAPPORT OBJECTAL PSYCHO-
TIQUE) (p. 283).
LES REVUES 611
(1) BALCONI (M.), BERRINI (M. E.), FORNARI (F.). — ESTRANEAZIONE DELLA
FIGURA UMANA E INVESTIMENTOESCLUSIVO DI OGGETTI INANIMATI (ALIÉNATION
DE LA FIGURE HUMAINE ET INVESTISSEMENT TOTAL SUR LES OBJETS INANIMÉS).
Les auteurs relatent quelques considérations à propos d'un cas d'autisme
infantile.
La mère avait donné à l'enfant des soins purement physiques. A l'âge où
l'enfant avait besoin de la présence de la mère en dehors de la satisfaction des
besoins physiques, il a été frustré et il a structuré un mécanisme de défense,
qui l'a amené à refuser la perception du visage humain.
La persistance du besoin de « l'autre » pousse l'enfant à l'investissement
des objets inanimés, pour structurer une relation à deux.
Les auteurs concluent que l'autisme pur n'est pas concevable chez les
humains, et que le besoin de structurer une relation est primaire et incoercible.
(2) BARTOLESCHI (B.). — LE CRISI D'ANSIA ACUTA NELL'ET À EVOLUTIVA (LES
CRISES D'ANGOISSE AIGUË A L'AGE ÉVOLUTIF).
L'auteur rapporte 6 cas d'angoisse aiguë. Il s'agit d'un syndrome typique :
l'enfant a une expression mimique de peur, il a peur de mourir, sensation
6l2 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
d'étouffer, besoin d'être rassuré, mais il ne peut pas accepter d'être aidé. La
crise est accompagnée de manifestations somatiques cardiaques, respiratoires
et digestives ; elle peut durer de quelques minutes jusqu'à une heure et demie,
et elle peut se répéter même 2-3 fois par jour.
Il s'agit, en général, d'un syndrome à évolution favorable, qui cède rapi-
dement aux différentes thérapies. L'angoisse aiguë manifeste un écroulement
temporaire des possibilités de contrôle et d'intégration du Moi sous l'action
de différents facteurs prédisposants et déclenchants et il n'y a pas une étiologie
spécifique.
L'auteur distingue les crises d'angoisse aiguë en crises épisodiques et pré-
névrotiques.
G. Roi.
est soumis à des influences externes variées. D'où la nécessité de considérer avec
le plus grand soin les effets produits sur le patient par une certaine déviation
par rapport à la méthode traditionnelle.
L'étude suivante a pour but de décrire un projet de recherche pour lequel
la psychanalyse a servi d'instrument de recherche ; il a également fallu déter-
miner les effets causés sur le procédé analytique par les divers paramètres et
variantes propres à l'expérience.
La conclusion de ce travail est la suivante :
L'analyse ne peut vraiment servir d'instrument de recherche, car le procédé
devant être modifié, on ne peut pas dire qu'il s'agisse d'analyse à proprement
parler. Il s'agit peut-être d'une adaptation de la psychanalyse tout au plus.
La psychanalyse peut servir de cadre de références, mais les données doivent
rester extérieures à ce cadre. (Bibliographie.)
(5) GREENSON (Ralph R.). — ON THE SILENCE AND SOUNDS OF THE ANALYTIC
HOUR (LE SILENCE ET LES BRUITS AU COURS DE LA SÉANCE D'ANALYSE).
Entre le silence et la parole se situe, selon l'auteur, une troisième zone :
celle de différents bruits émis par le malade au cours de son silence et qui
traduisent ses états émotionnels non verbalisés ou non verbalisables.
(6) HEIDE C. VAN DER. — BLANK SILENCE AND THE DREAM SCREEN (LE SILENCE
ABSOLU ET L'ÉCRAN DU RÊVE).
Le silence absolu et chronique au cours de la thérapeutique psychanaly-
tique peut être considéré comme une forme de régression fonctionnelle du
Moi. On peut l'envisager comme une altération fondamentale des relations
d'objet. Il est en rapport avec l'oralité et joue un rôle prévalent dans les ana-
lyses des malades régressifs dont le transfert et la symptomatologie sont
dominés par les premiers stades du développement de la libido.
L'auteur établit des analogies entre les fonctions du silence absolu et
l'endormissement sur le divan analytique.
(2) BELL (Anita A.). — SOMEOBSERVATIONS ON THE ROLE OF THE SCROTAL SAC
AND TESTICLES (QUELQUES OBSERVATIONS SUR LE ROLE DU SAC SCROTAL ET
DES TESTICULES).
L'auteur attribue aux testicules et au sac scrotal un rôle décisif dans le
développement du complexe de castration et de l'identification féminine chez
l'homme normal.
(3) ROSENBAUM (Jean R.). — THE SIGNIFICANCE OF THE SENSE OF SMELL IN
THE TRANSFERENCE (LA SIGNIFICATION DU SENS OLFACTIF AU COURS DU
TRANSFERT).
ARLOW (Jacob A.) (1). — EGO PSYCHOLOGY AND THE STUDY OF MYTHOLOGY
(LA PSYCHOLOGIE DU MOI ET L'ÉTUDE DE LA MYTHOLOGIE) (p. 371).
GELEERD (Elisabeth R.) (2). — SOME ASPECTS OF EGO VICISSITUDES IN ADOLES-
CENCE (QUELQUES TYPES DE VICISSITUDES DU MOI DANS L'ADOLESCENCE)
(p. 394).
SPIEGEL (Leo A.) (3). — DISORDER AND CONSOLIDATION IN ADOLESCENCE
(PERTURBATION ET CONSOLIDATION AU COURS DE L'ADOLESCENCE) (p. 406).
FOUNTAIN (Gerard) (4). — ADOLESCENT INTO ADULT : AN INQUIRY (TRANSFOR-
MATION DE L'ADOLESCENTEN ADULTE : ENQUÊTE) (p. 417).
HARLEY (Marjorie) (5). — SOME OBSERVATIONS ON THE RELATIONSHIP BETWEEN
GENITALITY AND STRUCTURAL DEVELOPMENT AT ADOLESCENCE (QUELQUES
OBSERVATIONSPORTANT SUR LE RAPPORT ENTRE LA GÉNITALITÉ ET LE DÉVELOP-
PEMENT STRUCTURAL DE L'ADOLESCENCE) (p. 434).
EISNITZ (Alan J.). — MIRROR DREAMS (RÊVES DE MIROIR) (p. 461).
GRINSTEIN (Alexander). — FREUD'S DREAM OF THE BOTANICAL MONOGRAPH
(LE RÊVE DE FREUD DE LA MONOGRAPHIE BOTANIQUE) (p. 480).
WARREN (Max) (6). — THE SIGNIFICANCE OF VISUAL IMAGES DURING THE ANA-
LYTIC SESSION (SIGNIFICATION DES IMAGES VISUELLES PENDANT LA SÉANCE
D'ANALYSE) (p. 504).
MURPHY (William F.) (7). — A NOTE ON TRAUMA AND LOSS (REMARQUE SUR LE
TRAUMATISME ET LA PERTE) (p. 519).
MODELL (Arnold H.) (8). — DENIAL AND THE SENSÉ OF SEPARATENESS (LA NÉGA-
TION ET LE SENTIMENT DE SÉPARATION) (p. 533).
(1) ARLOW (Jacob A.). — EGO PSYCHOLOGY AND THE STUDY OF MYTHOLOGY (LA
PSYCHOLOGIE DU MOI ET L'ÉTUDE DE LA MYTHOLOGIE).
Cet article tend à démontrer l'apport de la psychanalyse dans la compréhen-
sion des mythes, ceux-ci étant considérés comme une des manifestations les
plus significatives de l'esprit humain.
6l8 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
Chez l'homme la liquidation des tensions pulsionnelles passe par ses rela-
tions humaines essentielles (état du nouveau-né, rôle de la mère) et les disposi-
tions réactionnelles acquises ne sont plus d'ordre purement pulsionnel. Le
moi se décrit comme une fonction, centre régulateur et volant dont la prise en
considération par l'analyste constitue par là même, la reconnaissance des
forces formatrices de la société et de la tradition culturelle.
De même que la perception opère sur une « base réactionnelle historique »
Auersperg, de même les organisateurs du Moi conditionnent les contenus
transférentiels de la rencontre. A la limite (pathologie) les données du réel
sont escamotées. Comme dans la démarche de Husserl « le perçu n'est plus
reçu quant à son contenu mais dans le comment de son être », de même le
matériel analytique est pris selon le pourquoi du fait de sa mémoration et de
son expression hic et nunc.
S'il s'appuie sur l'activité synthétique du moi (et non sur sa propre influence,
sa possibilité de suggérer, d'endoctriner) l'analyste ne s'intéresse pas direc-
tement à elle à « l'ego pur » de la phénoménologie transcendantale, à cette qualité
de l'exercice de la conscience dont l'origine demeure inconnue.
1) Pour l'auteur, l'association libre est un processus qui naît et dépend des
relations non verbales et verbales de l'analysé avec l'analyste. Leurs rapports
sont observés, prouvés expérimentalement et réorganisés au cours du trai-
tement analytique.
2) Suit une comparaison entre le travail analytique et le travail du rêve.
3) La situation analytique est une intervention dans les schémas du compor-
tement quotidien et de la vie mentale qui facilite leur exploration et leur adap-
tation aux besoins de la thérapie. Les interprétations et les interventions sont
des éléments de la technique analytique qui essayent de réconcilier la réalité
intérieure et la réalité extérieure à tout moment pendant le traitement pour
maintenir le contact analytique.
4) La connaissance du rôle du non-verbal dans la technique analytique
serait facilitée si on réservait le terme pré-verbalau refoulé infantile qui influe sur
les aspects verbaux et non verbaux de la relation analytique.
Le pré-verbal n'est d'ailleurs pas identique au pré-oedipien.
Le verbal et le non-verbal sont des aspects normalement intégrés du fonc-
tionnement mental qui subit des modifications spécifiques dans la situation
analytique — cette dernière ne donne donc pas une image de la verbalisation
normale dans son contexte naturel. Celle-ci doit être reconstruite à la fois géné-
tiquement et fonctionnellement à partir de faits non observables directement
par l'analyste.
(1) SPERLING (Melitta). — ANALYTIC FIRST AID IN SCHOOL PHOBIAS (AIDE ANA-
LYTIQUE D'URGENCE DANS LES PHOBIES SCOLAIRES).
L'auteur rappelle tout d'abord les mécanismes spécifiques qui contribuent
à la formation d'une phobie.
Dans les phobies scolaires les événements déclenchants sont toujours des
événements interprétés inconsciemment par l'enfant comme un danger pour
la vie de sa mère et la sienne propre.
Melitta Sperling discute ensuite des différentes méthodes destinées à faire
cesser le refus d'aller en classe : elle écarte les moyens de bon sens (raisonner,
persuader, punir) comme dangereux. Elle ne croit pas non plus aux cures spon-
tanées.
Il lui semble souhaitable de traiter les enfants immédiatement au stade
aigu afin de prévenir l'encapsulation du processus.
La méthode qu'elle recommande est basée sur la compréhension analy-
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tique et consiste à exposer au patient dès que possible les conflits de base sous-
jacents à la phobie. Cette méthode met en lumière les forces de refoulement
en même temps qu'elle les combat.
Melitta Sperling illustre sa façon de faire par l'exposé de trois cas qui lui
semblent probants.
(2) WEISSMAN (Philip). — DEVELOPMENT AND CREATIVITY IN THE ACTOR AND
PLAYWRIGHT (DÉVELOPPEMENT ET FACULTÉ DE CRÉATION CHEZ L'ACTEUR ET
L'AUTEUR DE PIÈCES DE THÉATRE).
Ph. Weissman montre la différence entre les caractéristiques psycholo-
giques de l'auteur et de l'acteur.
L'acteur, en créant un rôle, essaye de résoudre le problème d'un dévelop-
pement déficient du soi qu'il distingue du non-soi en gratifiant son exhibition-
nisme. Sa pulsion exhibitionniste est comparée à une perversion exhibition-
niste dans laquelle la pulsion est plus ou moins neutralisée.
Dans son enfance, l'acteur se donne plus en représentation que l'auteur
dont les préoccupations sont plutôt dans le domaine de la vie fantastique.
Les relations d'objet sont moins développées et plus narcissiques chez
l'acteur.
L'auteur, en créant un drame, élabore inconsciemment des expériences
oubliées de son enfance qui ont généralement trait aux conflits oedipiens et
aux identifications avec les parents.
La tendance à agir pour résoudre les conflits oedipiens est contrecarrée
par une capacité dissociative du Moi qui permet de transformer cette tendance
en création au moyen d'une régression contrôlée au service du Moi.
L'acteur et l'auteur ont tous deux une tendance au passage à l'acte névro-
tique qui nuit à leur faculté de création.
L. DREYFUS.
INSTITUT DE PSYCHANALYSE
PROGRAMME DE L'ENSEIGNEMENT 1962-1963
1er octobre au 29 juin
L'enseignement de l'Institut de Psychanalyse comprend :
1° Une introduction générale à la psychanalyse à laquelle peuvent participer
tous les candidats qui ont commencé leur psychanalyse didactique (1) ;
2° Un enseignement réservé aux étudiants de l'Institut de Psychanalyse ;
3° Un enseignement de disciplines spécialisées réservé aux étudiants de
l'Institut de Psychanalyse ;
4° Un enseignement complémentaire.
Un service de bibliographie est à la disposition des membres et étudiants.
Un Séminaire de Perfectionnement destiné aux psychanalystes français
et étrangers aura lieu en 1963.
I. — INTRODUCTION A LA THÉORIE PSYCHANALYTIQUE (2)
Le jeudi à 21 h 30. Première conférence : jeudi 11 octobre 1962.
S. LEBOVICI, Données générales sur les conférences d'introduction.
F. PASCHE, La vie et l'oeuvre de Freud (2 conférences).
M. BENASSY, L'instinct dans la théorie psychanalytique (2 conférences).
P. MALE, Le développement de l'enfant (2 conférences).
R. BARANDE, La théorie psychanalytique du Moi (3 conférences).
J. FAVREAU, La sexualité de l'homme (2 conférences).
Mme C. J. LUQUET, M. RENARD, La sexualité de la femme (2 conférences).
M. FAIN, La théorie psychanalytique du rêve (2 conférences).
Mme M. BONAPARTE, Vitalisme et psychosomatique.
P. MALE, Psychanalyse et psychiatrie.
M. BENASSY, Psychanalyse et psychologie.
S. A. SHENTOUB, Psychanalyse et sociologie.
C. STEIN, Le concept freudien d'inconscient.
F. PASCHE, R. DIATKINE, Psychanalyse et médecine (2 conférences).
P. MARTY, M. FAIN, Psychanalyse et psychosomatique.
A. BERGE, Psychanalyse et éducation.
J. ROUART, Psychanalyse et théories modernes de la psychiatrie.
Cette liste de conférences n'est pas limitative. D'autres réunions qui
s'adressent à tous les membres de l'Institut de Psychanalyse seront annoncées
en temps utile (3).
(1) Voir conditions d'admission. S'adresser à Mme CHEVALIER, secrétaire, pour toutes les
questions concernant les études. Permanence : le lundi et le mercredi de 15 h à 18 h, ou
sur rendez-vous.
(2) Peuvent s'inscrire à ces conférences les candidats qui ont commencé une psychanalyse
didactique. Leur demande devra être parrainée par un membre, titulaire ou adhérent, de
l'Institut de Psychanalyse à l'exclusion de leur analyste. Le directeur de l'Institut de Psycha-
nalyse statue sur les demandes.
(3) Sauf mention contraire, toutes les réunions ont lieu à l'Institut de Psychanalyse.
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BIBLIOTHÈQUE
Secrétaire scientifique spécialement chargé de la Bibliothèque :
Dr M. BÉNASSY. Bibliothécaire : Mlle J. KALMANOVITCH.
Heures d'ouverture de la bibliothèque : Du lundi au vendredi l'après-midi
de 14 h à 18 h.
L'usage de la Bibliothèque est réservé aux membres et aux personnes
inscrites aux activités de l'Institut de Psychanalyse.
RECHERCHES BIBLIOGRAPHIQUES
Le Dr BÉNASSY sera le vendredi matin de 11 h à 12 h à l'Institut de Psycha-
nalyse. Il sera à la disposition des étudiants pour les aider dans leurs recherches
bibliographiques personnelles. Si un groupe d'étudiants ou d'anciens élèves le
demande, on pourrait travailler régulièrement sur des thèmes psychanalytiques
généraux envisagés du point de vue bibliographique (histoire de la pensée
freudienne à travers les textes et confrontation avec les textes contemporains,
par exemple).
La Bibliothèque peut se charger de certains travaux bibliographiques.
LECTURE SUR PLACE
Des ouvrages de base ou de référence sont toujours à la disposition du
lecteur à la Bibliothèque. Certains volumes rares dont le renouvellement est
difficile ne pourront être consultés que sur place.
SERVICE DE PRÊT
Le prêt est limité à deux volumes ou périodiques. Sa durée est de 15 jours
au maximum.
Le gérant : Serge LEBOVICI.
JEAN-LOUIS LANG
L'ENFANCE INADAPTÉE
In-8° couronne NF. 7 »
LUCIEN JERPHAGNON
LE CARACTÈRE DE PASCAL
In-16 jésus NF. 16 »
DANIEL WIDLÖCHER
LE PSYCHODRAME CHEZ L'ENFANT
In-80 couronne NF. 6 »
ANGEL GARMA
LES MAUX DE TÊTE
In-8° carré NF. 7 »
EDGAR POE
Sa vie. Son oeuvre
3 volumes in-16 Jésus, chacun NF. 10 »
SEXUALITÉ DE LA FEMME
In-8° carré NF. 6 »
MYTHES DE GUERRE
In-8° carré NF. 4 »
PSYCHANALYSE ET BIOLOGIE
In-8° carré NF. 5 »
PSYCHANALYSE ET ANTHROPOLOGIE
In-8° carré NF. 5 »