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Revue française de

psychanalyse : organe officiel


de la Société psychanalytique
de Paris

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque Sigmund Freud


Société psychanalytique de Paris. Auteur du texte. Revue
française de psychanalyse : organe officiel de la Société
psychanalytique de Paris. 1962-09.

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REVUE FRANÇAISE DE
PSYCHANALYSE

REVUE BIMESTRIELLE

SOMMAIRE

MARIE BONAPARTE (1882-1962).

MÉMOIRES ORIGINAUX PAGES

C.-J. LUQUET. — Réflexions sur le transfert homo-


sexuel dans le cas particulier d'un homme
analysé par une femme. (Contribution à l'étude
de la pulsion introjective anale.) 501
J. KESTEMBERG.
— A propos de la relation éroto-
maniaque 533

***

LES REVUES 605


INSTITUT DE PSYCHANALYSE. — Programme de l'ensei-
gnement 1962-1963. 629

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE


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INSTITUT
Française
Organe
Paris Psychanalytique de
Psychanalytique
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(Cliché Harand.)
MARIE BONAPARTE (1882-1962)
au Bureau du XXe Congrès International de Psychanalyse
(Paris, 1957)
NECROLOGIE

La Société Psychanalytique de Paris


vient de perdre un de ses membres éminents
Madame MARIE BONAPARTE
Princesse Georges de Grèce

décédée le 21 septembre 1962 à Saint-Tropez

Nous reviendrons plus tard sur le rôle que


Mme Marie Bonaparte a joué dans le mouvement
psychanalytique international et français.
Que la famille de Mme Bonaparte trouve ici
l'expression de nos très sincères condoléances pour
ce deuil que nous partageons avec elle.

LA RÉDACTION.

REV. FR. PSYCHANAL. 32


Allocution
en hommage à la mémoire
de Marie Bonaparte(I)

Il arrive que la mort idéalise, qu'elle prête à l'être que nous perdons
des vertus qu'il n'avait pas, ou en germes ; mais il arrive aussi, comme
aujourd'hui, qu'elle redonne tout leur prix à des qualités, à des oeuvres,
à des exploits auxquels il nous avait accoutumés et dont on ne s'étonnait
peut-être plus assez ; mais cette mort n'avait pas, en cette circonstance,
à ranimer dans notre souvenir un passé dont la vie, le temps, auraient
pu nous distraire, car n'était-ce pas hier encore que Marie Bonaparte
traversait l'Océan pour tenter de prévenir un supplice légal qu'elle
jugeait inique ?

Elle nous avait donné l'habitude de son courage et de sa générosité


si bien que cela nous semblait, venant d'elle, tout naturel ; la mort
est alors une occasion de rendre justice, de mesurer l'envergure de celui
ou de celle qui n'est plus. Sa disparition nous montre, notamment,
que les grandes actions qu'elle accomplissait avec tant de simplicité
la rendaient, à ce seul titre, irremplaçable.
Mais elle a d'autres titres à notre affectueuse admiration que celui,
pourtant assez prestigieux, d'avoir sauvé Freud et tant d'autres de la
persécution et de la mort.
Son rôle dans le mouvement psychanalytique fut considérable,
vous le savez ; il sera célébré plus longuement au cours de la séance

(1) Séance de la Société psychanalytique de Paris du 16 octobre 1962.


ALLOCUTION EN HOMMAGE A LA MEMOIRE DE MARIE BONAPARTE 499

solennelle dont il lui sera fait hommage ; je tiens à rappeler seulement


ici quelques aspects de son oeuvre qui paraîtront peut-être mineurs
mais que je crois essentiels.
Aucun de ceux qui ont eu le privilège d'avoir été psychanalysés
par Freud, n'a donné un si fidèle et lucide compte rendu de la « manière »
du créateur de la psychanalyse et mieux témoigné de sa fécondité ;
songez seulement à « l'Identification d'une fille à sa mère morte »,
ce court travail qui est un modèle, et tant d'autres textes où l'autoana-
lyse, publiée avec une intrépidité digne de celle de l'auteur de la Science
des rêves, prolonge la cure sans discontinuité et aussi loin qu'il se peut,
comme cela doit être. Tout cela constitue d'exceptionnels documents
qui nous permettent de voir la technique freudienne avec les yeux de
qui en fut l'objet, et d'apprécier les fruits qu'elle pouvait porter chez
une élève de cette qualité.
Car ce qui nous frappe dans cette oeuvre, et nous est un exemple,
c'est qu'elle est d'abord l'épanouissement de la propre analyse de son
auteur. Rien qui soit simplement appris dans les thèmes et dans les
démarches de sa réflexion ; son plus important ouvrage traite du destin
de la représentation d'une mère morte dans l'imagination d'un grand
poète, et presque tout le reste de son oeuvre, de la féminité. L'on sent
constamment en la relisant que c'est de son expérience la plus intime
qu'elle part et que, atteignant aux idées générales et s'y maintenant,
elle y revient sans cesse.
Enfin je pense que nous devons méditer sur la clarté, la simplicité,
le tour harmonieux de son style, même, et peut-être surtout, quand
elle se veut uniquement psychanalyste.
Cela va de pair avec sa conception implicite du travail analytique
qui resta pour elle la détection et la patiente mise en place de désirs,
de sentiments, de sensations et d'images, et non la conversion d'une
matière première concrète et vivante : les propos du patient, en sys-
tème abstrait où tout se résout bien trop vite en un conflit du type
destruction-réparation; réduction dont l'aboutissement naturel est
d'abord la dialectique de la ressemblance et de la contiguïté, enfin
la construction de schèmes algébriques assez pauvres, qui ne sont pas
faux, mais qui déréaliseraient totalement notre discipline s'ils devaient
500 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-I962

détourner notre attention du riche tissu de souvenirs et de rêves dont


ils ne sont que la formule.
Cette conception de la psychanalyse qui respecte les trésors de la
mémoire et la complexité infinie des sentiments, et que Marie Bonaparte
partageait avec Freud, elle y resta fidèle et la défendit en toute occasion ;
ce ne fut pas le moindre de ses mérites.
Mais cet hommage resterait très incomplet et bien impersonnel si
je ne rappelais ce que les psychanalystes français doivent plus parti-
culièrement à leur Présidente d'honneur.
Comment oublier qu'elle a, en quelque sorte, mis au monde notre
Société, et la générosité, le dévouement, avec lesquels elle la soutint
dans les années d'avant-guerre ? Comment ne pas être fiers d'avoir
eu parmi nous une grande dame qui ait su illustrer la psychanalyse
française dans le monde entier sans que son nom et ses alliances y
fussent pour rien ?
Elle ne croyait qu'à la vie d'ici-bas, et a édifié la sienne de façon
à lui donner jusqu'au bout le maximum de sens et de plénitude ; nous
pouvons affirmer que cette vie n'est pas éteinte et gardera tout son
éclat dans la mémoire et le coeur de ceux qui restent.

F. PASCHE,
Président
de la Société psychanalytique de Paris.
Réflexions
sur le transfert homosexuel
dans le cas particulier d'un homme
analysé par une femme
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE
DE LA PULSION INTROJECTIVE ANALE (1)
par C. J. LUQUET

Ce travail est une réflexion au ras de divan et de fauteuil. C'est


aussi un hommage à Bouvet : un soir où la conversation roulait sur son
travail sur « l'aspect homosexuel du transfert », il me demanda : « Et
lorsque l'analyste est une femme, comment cela se passe-t-il ? » Je lui
répondis : « Je crois que cela se passe à peu près de la même façon. »
Je n'aurais pas été capable ce soir-là d'étayer ma réponse, mais elle
reposait sur une connaissance intuitive. C'est ensuite que je me suis
efforcée de comprendre sur quelles réalités cliniques et journalières
elle prenait appui, et ce que je vous présente ce soir n'est que la suite
de mes réflexions sur la question de Bouvet et sur ma réponse.
Je vais donc étudier la situation analytique entre un analysé et
une analyste. Pour situer mon sujet, je vais distinguer rapidement
différentes variétés de transfert d'une imago masculine, pour les éliminer :
1) D'abord, le transfert oedipien négatif vrai, moment si important
et souvent capital des analyses d'homme. Il se développe comme avec
un analyste dans une situation triangulaire, avec utilisation comme
troisième personnage, substitut de la mère, d'une image féminine :
« La femme que j'ai rencontrée, me dit un patient, j'ai pensé que c'était
votre femme... », et malgré l'annulation par rationalisation, toute la

(1) Conférence faite à la Société psychanalytique de Paris le 17 octobre 1961. Texte remis
à la rédaction le 27 novembre 1961.
502 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-I962

séance se poursuit sur le thème d'une jalousie agressive à mon égard.


Ce type de transfert, je ne l'ai jamais rencontré d'emblée, sans doute
parce que les malades à caractère génital avec un conflit oedipien tiennent
compte, au moins dans les premiers temps de l'analyse, de la réalité
féminine de leur analyste et que les malades à caractère prégénital
projettent d'emblée une imago prégénitale (qu'elle soit mâle ou femelle)
sur cette analyste.
2) Le transfert paternel positif de défense contre un transfert négatif
inconscient, formation réactionnelle qui vise à réaliser la mise à l'abri du
conflit oedipien dans une position d'OEdipe inversé. Il aboutit par
l'analyse de la défense à la situation précédente de transfert négatif
oedipien.
3) Il existe un transfert paternel positif de défense contre le transfert
amoureux oedipien, qui ne prend pas l'aspect du précédent car le
véritable transfert négatif se fait sur un troisième personnage, hors de
la situation analytique. Le patient tente ainsi de désexualiser sa relation
avec son analyste, afin d'éviter la situation de conflit (oedipien) où
risque de le ramener la projection de l'imago maternelle positive oedi-
pienne sur elle. C'est assez fréquemment un mode de transfert que
j'ai observé au début des analyses avec des patients de structure génitale.
Des ces trois formes de transfert, je ne parlerai pas ce soir.
4) Enfin, et c'est le seul qui m'intéresse aujourd'hui, il existe un
authentique transfert homosexuel, réalisant une position oedipienne
inversée avec passivité à l'égard de l'imago masculine. Il correspond à
la fois à une position de retrait et de régression devant l'OEdipe, et à
une position défensive par rapport à la projection d'une imago féminine
phallique et angoissante. Il est donc à la fois une régression, et une
défense contre une régression plus profonde, correspondant à une position
intermédiaire, bénéfique et structurante.
Il m'a semblé important d'essayer de préciser les types de malade
chez qui ce transfert se développe et le moment de l'analyse où il se
produit. Dans le travail de Bouvet (1), il s'agissait de malades de
structure obsessionnelle et même de névrose obsessionnelle chez qui
le transfert homosexuel apparaissait assez précocement. L'étude de
cas cliniques non triés montre que ce transfert apparaît ou tardivement
ou précocement, qu'il peut s'établir solidement pour de longues périodes
ou de manière labile, et en alternance avec d'autres types de transfert,

(1) BOUVETM., Intérêt du transfert homosexuel dans le traitement de quatre cas de névrose
obsessionnelle masculine, Rev. fr. de Psa., t. XII, 1948, n° 3.
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 503

et que dans d'autres cas il ne s'établit pas. Et il semble bien que ces
variations sont fonction du type de structure du malade et de l'impor-
tance relative des imago pathogènes.
Certains patients, proches de ceux décrits par Bouvet, établissent
un transfert homosexuel assez précocement, après la période de début
de l'analyse et le maintiennent longuement. Il leur permet de progresser
dans la mesure où il constitue à la fois un appui et une défense contre
un autre type de transfert qu'ils ne pourront aborder que beaucoup
plus tard. Je vous parlerai d'abord de deux malades dont on pouvait
penser d'emblée que les conflits essentiels étaient prégénitaux, l'un
est un phobo-obsessionnel ayant présenté transitoirement des idées
délirantes d'empoisonnement, l'autre est un impuissant dont la sexua-
lité s'exprime dans des rêves où la séductrice déclenche une éjaculation
précoce. Chez tous les deux, les mécanismes obsessionnels sont les
plus nombreux, les plus constants et les plus solides, et la résistance
au transfert est maximum d'emblée.
Sylvain est un homme de 32 ans, dont l'analyse a duré 4 ans et demi. Il
m'était envoyé en crise phobique (peur de mourir, de tomber) ayant cessé
tout travail. Il avait présenté une première crise 5 ans plus tôt, à l'occasion d'une
déception amoureuse, avec phobies et vomissements, et il ne révéla que tar-
divement au cours de l'analyse les craintes d'empoisonnement qu'il avait
alors éprouvées. Il établit rapidement un transfert global positif (« les bons
parents », nous comprendrons plus tard qu'il s'agissait surtout du bon père),
qui lui permet d'abandonner son comportement phobique, de reprendre son
activité familiale et son travail, et de le remplacer par un comportement ritualisé
à l'égard de son traitement et de son analyste. Au bout de deux mois, et pen-
dant plus d'une année, Sylvain constitue un solide transfert (à distance en
fonction de sa très active résistance au transfert), l'analyste est ressentie comme
un « bon père protecteur » et toute pensée agressive qui risquerait de modifier
cette image est soigneusement annulée (cette agressivité très lisible cependant
est du type rivalité oedipienne). Quelques poussées agressives en transfert
latéral visent un substitut paternel. L'analyse de la culpabilité des pensées
agressives met à jour le désir de dépasser le père sur le plan social (réalisé
dans la réalité) et l'appui sur l'imago paternelle transférentielle (« entre hommes,
on est plus chic ») permet un exposé de moins en moins timide des rancunes
et des déceptions vécues avec les femmes (sa femme... sa soeur...). A noter qu'il
m'appelle toujours « docteur » et parle de moi en disant « mon analyste » ou
« mon médecin ». A la suite de cette année où il s'est installé dans cette bonne
relation, et pendant une période de 6 mois, le transfert paternel est moins
constant, et il se produit pendant des intervalles courts de petites poussées
de transfert d'une imago féminine, il s'agit toujours d'imago féminines tenta-
trices et « diaboliques » dans la mesure où elles risquent de lui faire perdre le
bénéfice d'une bonne relation avec son imago paternelle (à table, en famille,
on disait toujours « papa, j'ai soif ; papa, du pain... ») et les périodes les plus
longues sont occupées par des retours à la position de fils aimé et soumis. Il
rêve que, comme une femme, il est porteur d'un enfant et qu'un médecin lui
dit « oui, c'est rare, mais ça arrive cependant quelquefois ». A la suite de ce
504 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-I962

rêve, il traverse une période où il s'affirme beaucoup plus dans la vie, injuriant
un conducteur maladroit, rappelant à sa femme sa position de chef de famille,
mais il me répète pendant les séances : « J'ai besoin de votre aide, j'ai toujours
envie de vous demander votre aide. » L'aboutissement de cette période se
résume dans un rêve transférentieloù l'analyste-père bienveillant et puissant lui
interdit et le protège tout à la fois contre l'analyste-femme excitante et dan-
gereuse (matérialisée par une bombe recouverte d'un visage de vamp). Je
mets l'accent, dans mes interventions, sur l'interdiction (dans la mesure où
lui-même insistait plutôt sur la protection) et s'ouvre alors une nouvelle
phase de l'analyse, assez courte (3 mois), où s'exprime le transfert paternel,
concernant tantôt le père gêneur interdicteur,tantôt le père bon et puissant,
bon parce que puissant, et avec qui s'identifier à la femme dans une position
passive est un bénéfice. Il raconte avec une extrême émotion un souvenir de
l'âge de 4 ans : son père le ramenant de l'école où il était si malheureux avec
des femmes méchantes : « Quand je suis revenu avec ma petite main dans la
sienne, c'est la chose la plus douce qui me soit arrivée de toute ma vie, non
seulement il était tout-puissant, mais encore il était bon et juste. » Évoquant
conjointement son père dans le passé, moi dans le présent et son propre fils,
il me dit combien le père est là, empêchant le plaisir, pour empêcher en réalité
le danger ; « avec un père on peut dire, comme ici, tout ce qui vous passe par la
tête ». Le thème oedipien montre parfois l'oreille à l'aide du thème le diable
et le bon dieu (le diable étant bien entendu la femme).
Pendant la phase suivante, pour la première fois, va se produire un transfert
féminin maternel pendant un temps relativement long, un an (avec un seul
retour en transfert paternel déclenché par l'approche des grandes vacances).
Progressivement, avec des hésitations et des retours, il va vivre sa relation avec
moi sous un angle hétérosexuel, d'abord méfiant et revendiquant anxieusement
le rôle actif, évoquant les prostituées sans coeur qui, elles aussi, coûtent de
l'argent. Il finira par analyser son conflit oedipien d'abord en transfert féminin
maternel projetant l'imago du rival sur sa femme, puis projetant cette imago
sur mon conjoint, puis sur un interlocuteur au téléphone, et retrouvant des
souvenirs d'enfance d'amour et de jalousie oedipienne éprouvés par rapport
à sa mère et à sa soeur.
Progressivement, la peur d'une punition va se préciser à l'aide d'images
de castration très sanglantes (où l'on sentait sous-jacent le conflit prégénital),
et ce conflit oedipien va être analysé en transfert paternel négatif cette fois,
avec résurgence de souvenirs infantiles d'érection et de masturbation.
Après une courte période de quelques séances où il a le sentiment que son
analyse doit être terminée, qu'il est libre de difficultés, il va de nouveau, mais
pour la dernière fois, reconstituer un transfert homosexuel positif pour évoquer
des cauchemars de sa toute petite enfance où une énorme araignée le poursui-
vait. Le thème de l'alliance avec le père contre les femmes limitatrices, frustra-
trices et castratrices, occupe la scène pendant 7 à 8 semaines, le « on est bien
entre hommes » a repris toute son importance ainsi que les développements sur les
femmes cruelles dont il faut se méfier. A l'issue de cette replongée en atmosphère
homosexuelle et comme y ayant puisé le courage nécessaire, il va pouvoir
aborder l'analyse, en transfert maternel, du conflit avec l'imago maternelle
phallique, pénétrante et dévorante. Cette période s'ouvre par un rêve où il
est avec son père à la pêche « on attrape un brochet, mais le brochet se débat
et après l'avoir ouvert mon père essaye de l'achever à coups de talon et n'y
parvient pas ». Il se plaint alors de mon silence et enchaîne sur les femmes
cruelles de son enfance, puis il revient au brochet du rêve en l'appelant la
« carpe », carpe ayant dans son ventre des petits goujons
qu'elle a avalés. L'asso-
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 505

dation des goujons à son pénis de petit garçon et le lapsus brochet-carpe le


ramènent à une image familière « vous êtes une espèce de sphinx, en haut c'est
une femme, après on ne sait pas ce que c'est » et il rêve d'une femme, sa mère,
qui a le visage d'une femme et un pénis.
L'analyse du conflit prégénital se poursuit pendant plus d'un an et constitue
l'avant-dernière partie de cette analyse. Les quatre mois qui la suivront, et qui
seront les derniers mois, seront occupés par une période de transfert amoureux
sur une imago féminine enfin débarrassée des projections prégénitales, puis
par une courte période de transfert masculin, où l'image du bon père protecteur
est critiquée puis remisée, comme inutilement encombrante, et il peut enfin
me quitter avec le sentiment que je ne peux plus lui servir à rien.
Ce malade a eu besoin de vivre de longues périodes en transfert
homosexuel, de consolider ses identifications masculines et de renforcer
sa puissance en s'appuyant sur l'autre, en participant à celle de l'autre,
avant d'aborder des conflits qu'il a ensuite analysés, le conflit oedipien
d'abord, le conflit prégénital ensuite. Ce n'est qu'à l'issue de cette
analyse qu'il a pu assumer une position virile en face d'une femme
réelle, sans angoisse, puis se détacher de l'imago paternelle bienveillante
qui lui avait été jusqu'alors si nécessaire.
Patrick est un homme de 35 ans envoyé en analyse pour une impuissance
sexuelle. Marié depuis deux ans, il avait beaucoup flirté, mais avait évité les
relations sexuelles en raison de ses positions morales et religieuses. Marié avec
une femme très jeune et d'un milieu social égal au sien, il attend plusieurs mois
avant de pénétrer sa femme. Il a des érections faciles, « à volonté » selon son
expression, la pénétration et les mouvements du coït sont exécutés au début
avec difficultés et inquiétude, puis systématiquement selon la technique
apprise dans un livre, mais sans jamais éprouver ni excitation ni plaisir, et
au bout d'un certain temps il interrompt l'acte par lassitude, sans être parvenu
à l'éjaculation, ayant « assisté en spectateur » au déroulement de la scène.
Il n'a d'éjaculation qu'endormi, à l'occasion de rêves stéréotypés, au réveil il
se livre à des lavages et dissimule les taches à sa femme.
C'est sa femme qui l'a poussé à se faire soigner, spontanément il n'aurait
lui-même rien fait dans ce sens. C'est un assez beau garçon, portant bien
l'uniforme (il est officier d'active, fils et frère d'officier d'active), sa carrière a
été brillante. Il a une grande facilité verbale, une intelligence très vive. Dès
l'abord, il est évident qu'il pratique de façon habituelle rationalisation, intel-
lectualisation et isolation.
Il désire faire une psychanalyse ; cela l'intéresse intellectuellement, il
n'en ressent la nécessité que pour être en mesure de satisfaire le légitime désir
de sa femme d'avoir des enfants.
Il est facile, du point de vue de l'évolution du type de transfert, de diviser
l'analyse en trois périodes assez bien tranchées : l'une de trois mois, la seconde
de quinze mois, la troisième de douze mois déjà, cette analyse n'étant pas
terminée.
C'est la seconde période qui nous intéresse ici car elle correspond à un
transfert homosexuel. En effet, pendant les trois premiers mois, il projette sur
moi une imago parentale surmoïque surtout maternelle, avec des références
nombreuses à sa mère et à sa soeur aînée, et s'efforce de m'apparaître comme un
« bon malade », préparant ses séances et utilisant au maximum ses mécanismes
506 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-I962

obsessionnels habituels, colmatant et annulant à mesure les indices de sa


révolte contre les personnages surmoïques. Son « récit » m'apporte cependant
des renseignements importants sur la structure de sa névrose, je n'en citerai
qu'un : à 28 ans, il avait éprouvé, dans un pays lointain, et à l'égard d'une femme
étrangère et « inférieure » un désir de la pénétrer (ce qu'elle avait refusé) et,
invoquant le dépaysement, il ajoute en riant « maman partie en laissant le
pot de confiture ».
L'interprétation que je suis amenée à lui donner pendant ces premiers
mois concerne sa crainte d'être agressé lorsque je prends l'initiative, et sa
crainte de me mettre en danger lorsque lui prend l'initiative, l'activité de l'un
étant ressentie comme dangereuse pour l'autre. Cette interprétation est acceptée,
commentée, illustrée d'exemples concernant sa mère à différents moments de
sa vie, et je pense qu'elle est en réalité à l'origine du virage du transfert qui va
bientôt la suivre.
En effet, Patrick va, à partir du deuxième trimestre de son analyse, projeter
sur moi une imago masculine. Cette imago masculine se modifiera peu à peu.
Dans un premier temps, Patrick prend par rapport à moi une position de
pseudo-passivité agressive, très ambivalente, et me démontre combien il a
toujours été soumis à son père, à ses professeurs, combien il ne peut pas être
considéré comme un rival oedipien, combien il prend les devants pour éviter
tout danger, et comment il se comporte « en femme » pour ne pas risquer d'être
transformé en femme. C'est-à-dire qu'il développe une position homosexuelle
qui apparaît assez clairement comme un recul devant le danger oedipien, et
la composante régressive de ce transfert semble alors au premier plan. Cepen-
dant, assez rapidement et après mise à jour de son désir de m'infliger un échec
en ne guérissant pas, la composante agressive apparente va diminuer, sans
jamais complètement disparaître, et la composante positive augmenter et
s'exprimer beaucoup plus clairement. Son plaisir est d'être le second de
quelqu'un de fort, et il met l'accent sur l'élément protecteur de l'imago paternelle
interdictrice : « Vous, vous savez ce qui est bon pour moi, vous êtes mon maître
à penser. » Il se sent plus en confiance et cesse de « préparer » ses séances. Il
n'a pas envie de guérir, son impuissance ne le dérange pas, et même il cesse
de se faire un devoir de pénétrer sa femme ; ce qui l'intéresse maintenant c'est
le travail que nous faisons ensemble.
Je ne vous donnerai pas le détail des conflits exprimés pendant cette
période, ce n'est pas le sujet qui nous intéresse ici ; il critique beaucoup l'atti-
tude des femmes qui attendent quelque chose des hommes, « il s'agit avec elles
de manger ou d'être mangé », et se plaint de l'attitude de sa mère qui ne le
considérait pas comme un garçon, comme un être viril, mais comme une
mascotte, une poupée, un objet à elle... Il s'étend sur les chapardages de nour-
riture de son enfance, et sur les obligations de propreté imposées par sa mère.
Il me parle comme à un aîné compréhensif, un allié aussi, et me fait part des
petits plaisirs solitaires (se curer le nez, les oreilles), qui ont gardé une grande
valeur pour lui.
Dans un grand nombre de rêves, j'apparais comme le général qui le dirige,
l'initiateur, le camarade, le pourvoyeur en photographies de femmes nues, le
frère aîné qui pénètre sa propre femme pour lui montrer la voie, le modèle, il
insiste sur son grand besoin d'identification : « Je voudrais être une partie
de vous-même pour être protégé et tenu à l'abri » ; « Vous êtes la partie de moi
qui me manque. » Il rêve à plusieurs reprises qu'il a des relations sexuelles
avec sa soeur, avec satisfaction et sans culpabilité, et retrouve des souvenirs
où, en compagnie de leur frère aîné, il caressait les seins de leur soeur, une
grande part de sa satisfaction étant liée au sentiment qu'elle s'abaissait en se
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 507

prêtant à leurs jeux. Après avoir beaucoup parlé des composantes « féminines »
de son caractère, il dit que « l'intérêt sexuel qu'un homme éprouve pour un
homme ne diminue en rien la virilité, et même peut-être bien au contraire ».
« On se confirme dans le sens viril au contact d'un autre homme. »
Il prend cons-
cience du rôle moralisateur et culpabilisant de son père dans l'enfance, agissant
au nom d'une morale à laquelle il s'astreignait lui-même, et l'oppose à la domi-
nation et à la tyrannie exercées par sa mère en fonction de son seul plaisir ; il
oppose ainsi en les rapportant à des imago différentes, la morale et la culpa-
bilité (en rapport avec un Surmoi masculin de structure oedipienne) et la
contrainte et la peur (en rapport avec un Surmoi archaïque régi par la loi du
talion), et cette distinction m'est apparue chez lui comme l'un des gains de
cet aspect transférentiel.
Deux remarques me paraissent importantes à propos de cette longue
période vécue en transfert homosexuel : d'une part le refus des fantasmes d'être
pénétré quand ils approchent de la conscience, il se défend alors à l'aide d'une
rationalisation éperdue et, en réalité presque à chaque fois bascule dans un
transfert maternel très transitoire, mais très angoissant, comme si l'évocation
de la pénétration entraînait une transformation de l'imago masculine bénéfique
en imago de mère phallique et dangereuse. Un autre facteur déclenche aussi le
virement du transfert : une intervention de ma part un peu trop en avant, ou
une manifestation verbale plus longue et plus appuyée que de coutume,
rompant sans doute le charme transférentiel en lui rappelant ma réalité fémi-
nine ; je devais donc doser ma présence manifeste, ni trop, ni trop peu.
A trois reprises, pendant ces courts passages en transfert maternel, Patrick
présente ce qu'il appelle un « malaise physique » qui consiste en réalité en un
trouble du schéma corporel avec élément de dépersonnalisation aiguë, ce qui
l'effraie beaucoup et contre quoi il lutte victorieusement à l'aide de rationa-
lisation et d'isolation.
L'autre remarque concerne les modifications très importantes qu'il effectue
dans sa vie réelle, au dehors, pendant cette période où il veut maintenir une
relation d'élève à maître avec moi : en effet, pour la première fois il refuse
d'obéir à son père, remet en place ses beaux-parents, décide de changer de
métier pour sortir du moule de l'armée où l'avait coulé son père, fait des
démarches, trouve une situation intéressante et plus lucrative ; pour quitter
l'appartement familial, il trouve un appartement et il ne fait part de toutes
ces modifications à sa famille qu'une fois que tout est décidé et sans avoir pris
conseil de personne. Toutes ces modifications apparaissent comme positives
et progressistes, l'uniforme, les grades et les décorations n'ayant jamais été
ressentis que comme « panoplie d'enfant ».
Vers la fin de cette longue période (je rappelle qu'elle a duré 15 mois),
il lui vient l'idée que le protecteur, le modèle, pourrait aussi bien être un
homme à femmes, un amoureux,'et c'est dans le même temps qu'il fait la.
remarque que ce n'est que d'une façon tout à fait exceptionnelle, et comme
accidentelle, qu'il m'a considérée jusqu'ici comme une femme. Le changement
du type de transfert se fait progressivement et il est préparé en quelques
semaines où il semble me tester et tâter le terrain. Il manque deux séances
pour aller flirter... et s'assure que je ne lui en veux pas. « Heureusement, la
direction de ma vie n'est plus entre les mains de mes parents, mais entre les
vôtres... Derrière votre silence, il y a pour moi un acquiescement. » Il entre-
prend un rapprochement affectif avec sa femme, « peut-être après tout qu'une
femme peut donner sans penser à elle, en pensant à l'autre. C'est en somme
votre position à vous, et je sais ce que c'est car j'ai été instructeur, professeur,
et je sais ce qu'on donne alors de soi... ». Lorsque le virage du transfert est
508 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-I962

effectué, il m'appelle ostensiblement non plus docteur, comme depuis le début,


mais madame, d'abord avec le sentiment de me jouer un bon tour (en me rap-
pelant que je n'ai pas de pénis), puis très spontanément à chaque arrivée et
à chaque départ.
Toute la phase suivante va se poursuivre en transfert maternel et il va
progressivementse trouver, en fonction de cette imago, dans un état de méfiance,
de peur et de réticence, avec une recrudescence des défenses qui permet de
mesurer à quel point il lui aurait été impossible d'aborder directement ces
conflits. Il ne fera cependant, pendant les 12 mois qui suivent, aucun retour
en transfert homosexuel. Un seul rêve, à la suite d'une intervention où je mets
l'accent sur son désir et sa peur mêlés que je sois active, manifeste une nos-
talgie de la relation homosexuelle.

Ainsi, chez ces deux malades si différents à beaucoup de points


de vue (et on pourrait établir un parallèle intéressant entre l'oralité et
l'analité de chacun, et même entre les modalités de leur position homo-
sexuelle), deux traits communs : la prédominance des mécanismes de
défense obsessionnels, et la facilité de l'établissement d'un transfert
homosexuel longuement maintenu avant l'abord des conflits maternels.

Dans le cas que je vais résumer maintenant, le transfert homosexuel


a été utilisé, mais d'une façon beaucoup plus tardive et pendant des
temps beaucoup plus brefs.
André est un garçon de 22 ans lorsqu'il vient à l'analyse pour une inhibition
sexuelle et intellectuelle, qui le gêne dans son travail (il fait des études en vue
d'une carrière de secrétariat). Il a toujours vécu entre un père autoritaire et
puissant et une mère hyper-protectrice et qui « le gave » encore maintenant,
deux frères aînés, dont l'un qui lui ressemble file doux devant le père, l'autre
s'attirant de violentes critiques par le fait qu'il a une maîtresse.
Dans l'analyse, il a une attitude de petit garçon docile, il est immobile et
figé, il ritualise les séances. Son ton est monotone, avec des silences nombreux,
il utilise de façon constante des formules telles que : j'ai pensé que... il m'est
venu à l'idée que... c'est comme si... je ne sais si je me trompe, mais j'ai le
sentiment que..., et toute affirmation est accompagnée de la formule « plus ou
moins ».
Son analyse a été faite en deux parties : d'abord 25 mois, puis 12 mois,
après une interruption de presque trois ans liée au service militaire. Ce qui
caractérise ce malade, c'est l'aspect monolithique de son caractère, et même
du contenu de ses nombreuses séances d'analyse, les mêmes thèmes, les mêmes
souvenirs, les mêmes images reviennent sans cesse, sous des aspects un peu
différents. C'est toujours la même matière qu'il brasse et dans laquelle à la
fois, il se débat, et essaye d'étouffer son partenaire analytique.
Schématiquement, l'évolution du point de vue du transfert montre qu'il
s'est trouvé à quatre reprises en transfert homosexuel, toujours pour une
période assez courte (de une à quelques semaines).
Ce qui le caractérise surtout à mon sens, c'est une faculté de vivre son
analyse pendant de longues périodes de plusieurs mois dans ce que j'appellerai
un transfert ambigu, lié à la projection d'une imago prégénitale, double, à la fois
masculine, et féminine à type de mère phallique.
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 509

En effet, il existe chez lui une sorte de confusion imagoïque primitive,


qui a sa correspondance dans le fait qu'il se sent « double », à la fois féminin et
masculin (cela, il ne parviendra que très tard à l'exprimer). Il évoque à l'aide
de ce transfert ambigu un monde étrange et confus, archaïque, où tout est dans
tout et interchangeable, où les mouvements identificatoires qu'il induit chez
son analyste pour l'accompagner, sont semblables, par leur élément de des-
tructuration, à ceux qu'induisent les psychotiques. Je crois que cela signe chez
André l'importance des conflits et des fixations au monde archaïque oral,
dont il essaie péniblement de sortir grâce aux mécanismes anaux qui forment
la trame de son caractère et dont les stigmates verbaux émaillent son discours.
André, au cours de la première partie de son analyse, traverse, après un
premier mois où le transfert positif oedipien maternel est très clair, une assez
longue période (10 mois) où le transfert, toujours maternel et génital (plus
exactement pseudo-génital) est ambivalent, il est d'autant plus positif que je
ne bouge pas, et d'autant plus négatif que j'interviens, car il projette alors
une imago interdictrice. Le matériel génital est infiltré de matériel anal et
oral et les craintes de castration oedipienne alternent avec les peurs prégénitales.
La période qui suit et qui dure 3 mois correspond à ce que j'ai appelé un
transfert ambigu où se mêlent dans sa projection, imago maternelle et imago
paternelle, aimer signifie castrer et détruire. Un phantasme pendant une séance :
« Je suis avec vous ici, nous sommes étendus sur le divan et vous essayez de
me convaincre de quelque chose, et il me vient l'expression « le lait de mon
père », mais ça doit être un lapsus ...c'est incohérent, je devais penser au sein
de ma mère, rentrer dans le sein de ma mère, défoncer son ventre, l'étriper.
Alors je vous embrasse et je vous prends dans mes bras, et vous êtes consentante
et je vais avoir des rapports sexuels avec vous, mais j'ai un sentiment d'impuis-
sance et vous éclatez de rire pour vous moquer de moi. »
Autre exemple (c'est un rêve) : « Je parle avec un camarade, il m'emmène
dans une cave, mais je vois des marques de mains sur le mur, une sorte d'em-
preinte sanglante et je pense à l'expression couper les doigts, je lutte avec lui
et je m'enfuis ; ça me fait penser à une chanson J'ai rendez-vous avec Jacques
l'Éventreur... et à cette femme en robe rouge, une femme ou un prêtre, une
espèce de juge, et après j'avais une blessure au front, rouge aussi comme la
robe de cette femme... elle avait un peu le visage de ma mère... »
Après une période d'anxiété intense, il tente d'intellectualiser tout ce
matériel et se demande s'il craignait le plus son père ou sa mère, il pense à
l'inversion sexuelle, l'expression « le lait de son père » le fait penser à du sperme,
et il lui vient l'idée que peut-être, être comme une femme, c'est être en chemise
de nuit comme sa mère, en chemise de nuit comme lui quand il était petit et qu'il
allait dans le lit de son père où il était si bien à ses côtés. Il commence à établir
alors un transfert homosexuel net, mais très culpabilisé « ma mère ne veut pas ».
Je l'accompagne en insistant sur la culpabilité. Progressivement la culpabilité
semble disparaître et la position homosexuelle se consolider. Il a rêvé qu'il
était dans un cabinet de toilette avec un Chinois (référence à un meuble chinois
qu'il a vu chez moi), quand celui-ci le quitte il saisit un tuyau qui s'adapte
à un robinet, puis se l'introduit dans l'anus, c'est plutôt agréable. Il pense
à un camarade qui l'a emmené au restaurant, au lit où il est étendu ici, à mon
allure qu'il trouve masculine... ; d'ailleurs il m'imagine, ou me ressent plutôt
comme son père, « et je vous imagine avec membre viril comme lui, mais j'ai
du mal à le dire... parce que ma mère ne veut pas... elle est jalouse, elle était
sûrement jalouse quand j'allais dans le lit de mon père à sa place... Il m'appor-
tait ce qu'elle ne m'apportait pas ».
Aux séances suivantes, il va insister sur la reconnaissance qu'il éprouve
510 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

pour moi, pense à une chanson Tu m'as donné un amour merveilleux — « quand
j'éprouvais de l'hostilité, ce devait être quand vous me faisiez penser à ma
mère », et évoque une fois de plus le souvenir du jour où son père, après l'avoir
puni en le faisant déshabiller pour l'envoyer au lit, l'avait emmené promener
avec lui, comme pour annuler la punition, et d'autres souvenirs positifs
concernant son père. Dans un rêve je le fais entrer dans mon bureau, c'est à
la fois moi, mais je suis un homme, et je l'aide à lutter contre une énorme
araignée.
En deux semaines, le transfert reprend un type maternel et prégénital avec
deux images maternelles autour desquelles il oscille, l'une est bonne et nour-
ricière (dérivée en partie de l'imago paternelle), l'autre est une imago phallique.
Il évoque avec nostalgie la relation homosexuelle désirée mais très culpabi-
lisée en fonction du transfert maternel qu'il maintient pendant 5 mois, au bout
desquels de nouveau réapparaît le transfert ambigu qui augmente son angoisse.
Son désir vise toujours le pénis (pénis, sein, pénis anal ou pénis du père) qu'il
s'agit d'arracher, de se procurer, avec les peurs qui s'ensuivent. « Ici, pendant
une séance, je m'aperçois que vous avez une sorte d'allumoir, c'est comme un
membre viril, ça fait de l'électricité, comme pour me faire de l'électrochoc,
je vous l'arrache et je vous embrasse, et j'ai des rapports sexuels avec vous, je
revois quelqu'un en robe rouge, une femme ou un prêtre et j'avais après une
marque sanglante à la tête... J'ai imaginé mon père nourrissant un oiseau,
ça me rappelle le lait de mon père, mais il lui donne trop et le gave, il va l'étouffer,
l'oiseau c'est moi — sucer un sexe d'homme, je vois un appareil mortuaire
qu'il faut convoyer... je ne savais plus si j'allais dire convoyer ou convoiter...
vous aviez une écharpe tout à l'heure et j'ai pensé que je pourrais vous étouffer
avec... » Toute activité de sa part ou de la mienne est conçue comme agressive,
et il existe une confusion entre l'agresseur et la victime. Il fuit l'objet transfé-
rentiel en manquant des séances et en refusant l'occasion d'un sursis mili-
taire. Au cours du mois qui précède son départ, il rétablit une seconde période
de transfert homosexuel (pendant une semaine) : « Quand je pense à vous ou
à mon père, je me sens protégé, contre les femmes, contre ma mère, contre
leur tentative d'arracher mon sexe... » Mais très vite il retombe dans un trans-
fert ambigu, après un rêve où il est dans une auto, mal pilotée par un homme
qui risque de le verser dans un fossé, comme moi je le pilote mal en analyse.
Et les dernières semaines avant son départ sont occupées par des silences,
des projets de départ pour se protéger de moi, sous la forme hybride que j'ai
de nouveau reprise à ses yeux — et pour me protéger de lui.
Lorsqu'il revient près de trois ans plus tard, peu de choses ont changé
dans sa vie, ses études sont finies et il travaille mais il a toujours la même
inhibition sociale et n'a toujours eu aucune relation sexuelle, malgré les occa-
sions de la vie militaire. Mais ce qui est le plus frappant, c'est la continuité qui
existe entre les dernières séances et la séance de reprise, comme s'il s'était agi
d'un intervalle normal entre deux séances. Le premier mois se place en effet
sous le signe du transfert ambigu, et apparaît bientôt le thème du désir d'intro-
jection anale de l'imago paternelle. Le père réel est à ce moment mourant, et
sa mort va contribuer je pense largement (en fonction du mouvement d'intro-
jection de l'objet perdu) au passage en transfert homosexuel qui va durer trois
semaines.
Il rêve (quelques temps avant la mort effective) que son père est mort,
ce sont les frères qui portent le cercueil, lui il est au volant d'un puissant
camion et les frères chargent le corps du mort dans l'arrière du camion, alors
il se sent orphelin, et après il va s'occuper d'un chat blessé qu'il prendra dans
ses bras ; la position de chauffeur du camion est une position hautement virile
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 511

pour lui, et le chat blessé est l'image de la mère féminine (c'est-à-dire castrée,
sans pénis) (1).
Après une séance où l'insight est important en ce sens qu'il confronte ses
projections et la réalité, qui est que je ne l'ai jamais menacé, et que tout spécia-
lement je ne l'ai jamais critiqué à l'occasion de ses rêveries homosexuelles,
il rétablit solidement un lien transférentiel homosexuel passif et narcissique :
quand son analyse sera finie, nous irons nous promener ensemble, et je lui
expliquerai des choses comme son père avant, il y a dans la moulure du plafond
ici comme un visage d'homme qui ressemble à son père, qui lui ressemble aussi
à lui... la bouche ouverte dans l'attente d'une branche d'arbre qui va s'intro-
duire dedans... ce visage reflète le plaisir... et lui évoque l'expression que doit
avoir son visage à lui quand il se masturbe. Il désire alors prendre son propre
sexe dans sa bouche, replié sur lui-même, c'est cela le vrai plaisir sexuel, jambes
écartées comme une femme avec les muscles détendus, ouverts... Il pense à un
camarade — et bégaie disant un caca... — et enchaîne sur le plaisir de la défé-
cation dans l'enfance. Il me dit « Je suis en plein cirage... je suis détendu... je
ne sais même plus ce que je dis, je ne comprends plus mes sensations. »
Au bout de ces trois semaines," le transfert se maternalise de nouveau, et
je note une tentative pour isoler deux imago, une douce, nutritive et que l'on
peut posséder sans angoisse, l'autre phallique, interdictrice et destructrice,
qu'il finira par dénommer « la bonne » et « la mauvaise ».
Au cours d'une séance qui se situe dans la période de passage du transfert
homosexuel en transfert maternel, il s'étonne d'avoir pu exprimer avec moi, qui
suis une femme, tant d'amour pour l'homme, « vous représentez en réalité deux
personnes, et je suis gêné vis-à-vis de vous de l'attachement que je vous manifeste,
en somme vous êtes vous-même un obstacle (en tant que femme) à ce que je puisse
avoir des rapports sexuels avec vous (en tant qu'homme), et il ajoute : « Peut-être
d'ailleurs qu'en même temps je suis en train de m'attacher à vous en tant que femme,
je pense en ce moment à ma mère, et peut-être que je vous suis attaché à vous
comme à deux personnes différentes que vous représentez. »
Cela me paraît très important et nous permettra de penser qu'il puise dans
l'élément positif narcissique de son transfert homoxesuel les forces et l'identi-
fication nécessaires pour tenter une scission entre la bonne imago féminine et
la mauvaise imago féminine, la bonne dérivant de l'élément introjectable,
constructif, de l'imago paternelle.
Après cette période de transfert maternel qui dure six semaines, suivent
les vacances d'été au cours desquelles il a pour la première fois des relations
sexuelles avec une femme. Ces relations ne sont pas encore tout à fait génitales
(au sens de Bouvet), mais cependant un pas important est franchi. Je pense
aussi que la mort effective du père a joué, par l'intermédiaire de la composante
négative agressive du transfert homosexuel ; introjecter le père consiste aussi
à le supprimer, à le détruire en tant qu'objet d'amour, à se l'octroyer, à en
utiliser les propriétés pour soi selon les mécanismes liés à l'introjection pri-
mitive (P. Luquet 1961) (2).
Au retour des vacances, André établit de nouveau un transfert ambigu,
mais sous un angle un peu particulier cette fois : il s'agit d'effectuer à mon égard

(1) Ce rêve apporté presque sans associations ce jour-là, est très clair pour moi dans son
contexte, il y reviendra à deux reprises un peu plus tard. Une première fois pour mettre l'accent
sur l'introjection anale bénéfique du père. Une seconde fois beaucoup plus tard pour insister
sur le côté agressif et castrateur de cette introjection.
(2) Les identifications précoces dans la structuration et la restructuration du Moi,
XXIIe Congrès des Psychanalystes de Langues romanes.
512 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

une sorte de camouflage concernant sa prise de position virile, camouflage


sous le couvert de l'échec à s'affirmer, de la mauvaise qualité de l'objet choisi,
de la passivité où cet objet le maintient, toute défense qui s'adresse à une
imago active, interdictrice et primitive qui procède à la fois du père oedipien et
de la mère castratrice.
Au bout de 7 mois, il va établir de nouveau pour quelques semaines un
transfert homosexuel, mais cette fois ce transfert apparaît plutôt comme une
défense contre les dangers du conflit oedipien, que comme un besoin d'être
étayé et renforcé par une imago masculine. Il essaye de mettre l'accent sur ce
besoin et sur sa faiblesse, mais dans le même temps il échange son objet sexuel
contre un autre, un peu plus satisfaisant et c'est ce progrès sur la route de la
virilité qu'il a grand besoin de camoufler aux regards de l'imago paternelle, en
fonction de la crainte de la castration oedipienne.
A la suite de cette période et aidé je pense par les interprétations qui lui
permettent de mettre en lumière ce mécanisme, il fait pendant un temps très
court (deux séances) un transfert positif oedipien maternel : brusquement il
me ressent comme une femme (la femme d'un autre), désirable, et il pense que
sa mère a de beaux traits et qu'il pourrait désormais habiter avec elle seule
puisque son père est mort. Conjointement, il fait le rêve que son père se coupe
la gorge, et qu'il donne de cette façon son acceptation. Mais cette avancée
dure peu, et il recule effrayé vers un transfert ambigu qui a tous les caractères
d'une régression défensive.
Une caractéristique d'André, si on le compare à Sylvain et à Patrick
dont les structures défensives sont comparables, est sa difficulté, rela-
tive, à établir et à maintenir un transfert homosexuel. Il ne le fait jamais
que pendant un temps relativement court, et cela semble en rapport
avec la confusion imagoïque dont il a beaucoup de mal à sortir, avec
son ambivalence fondamentale, avec la prévalence de sa relation d'objet
orale. Le type d'introjection de l'imago paternelle est resté pendant
longtemps autant oral qu'anal. Peu importe la voie, a écrit Bouvet ; sans
doute, mais la voie préférentielle est un indice des positions fondamen-
tales du sujet à l'égard de l'imago paternelle, et on est tenté de parler
chez André d'oralisation de l'analité (et le matériel prégénital « maternel »
sur lequel je n'ai pas insisté ici milite en ce sens). En réalité, ce malade,
comme d'autres dont je vais parler ensuite, n'a jamais réussi parfaite-
ment à utiliser la triangulation, c'est-à-dire à pouvoir cliver très primi-
tivement l'objet ambivalent en bon et mauvais objet, ce qui ne fait que
confirmer l'importance de ce mécanisme.
L'observation suivante concerne un jeune homme bègue et impuis-
sant, dont l'analyse a duré 3 ans et demi, et qui a établi un transfert
homosexuel tardivement dans son analyse, au moment précisément
d'aborder l'analyse de ses conflits oraux.
Claude est un garçon de 20 ans, venu pour un bégaiement dont il souffre
depuis l'âge de 8 ans et des crises coléreuses avec tendances élastiques. C'est
un ouvrier issu de famille paysanne, intelligent, émotif et scrupuleux. Il n'a
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 513

jamais eu de relations sexuelles, et c'est au cours de l'analyse qu'il prendra


conscience de son impuissance.
Résumant la première année de traitement, on peut dire qu'il développe
un transfert global parental et se convainc que « j'encaisse bien », selon son
expression, tout ce qu'il exprime de désagréable à mon égard. Dès que le
transfert tend à se préciser et à se personnifier, il fuit dans des transferts laté-
raux. Au cours de la deuxième année, il établit un transfert maternel oedipien
positif et il a à ce moment des tentatives de relations sexuelles avec une prosti-
tuée, qui sont analysées comme fuite du transfert positif et qui se soldent
d'ailleurs par un échec. A la fin de la deuxième année, le matériel est très
clairement oedipien, le transfert maternel est positif, et après une période de
résistance par le transfert où il me demande au début et à l'issue de chaque
séance d'avoir des relations sexuelles avec lui, et où le bégaiement s'intensifie,
nous analysons son mouvement oedipien en transfert paternel et en transfert
maternel. L'issue de cette phase est marquée par l'efflorescence de souvenirs
très précis concernant sa mère ; ces évocations sont accompagnées d'une
émotion intense et d'érections pendant les séances.
C'est pendant les 18 mois suivants que nous allons analyser ses positions
prégénitales. La relation transférentielle se charge progressivement d'angoisse,
et dans le même temps il rompt avec une fiancée qu'il me décrivait comme un
parfait substitut de mère active et phallique. Il me réclame quelque chose à
chaque séance : certificat, attestation, se plaint de toutes les frustrations que je
lui impose (alimentaire en particulier, pour pouvoir me payer), à l'issue de
chaque séance, dès qu'il est dehors, il fait de violentes colères. Enfin il menace
de rompre le traitement, préférant rester impuissant, et regrettant de ne pas
être traité par un homme, évoquant des confrères masculins, ça aurait alors
été tout différent. Ses demandes d'interventions de ma part vont se préciser
dans un transfert de plus en plus manifestement homosexuel, il faudrait que
je le contre, que je m'oppose à lui, que je lui montre ma force, que je lui fasse
des soins actifs, des piqûres : « C'est vous le médecin, c'est moi le malade,
prenez une seringue, c'est vous le docteur, montrez-moi donc que vous n'êtes
pas impuissante » ; la seringue est immédiatement associée à un pénis. L'inter-
prétation de ses désirs passifs de pénétration par l'imago masculine projetée
sur moi, déclenche l'issue à la conscience d'une série de souvenirs de jeux
sexuels avec son frère et d'autres garçons, avec tentative de pénétrations anales
réciproques, il spécifie que alors « il bandait bien ». Il consolide son transfert
homosexuel, il est de nouveau très heureux de venir aux séances, il parle avec
tendresse de son père, qui s'intéressait à ses défécations dans sa toute petite
enfance. Dans le même temps, il progresse sur le plan de la vie courante, trouve
un travail plus intéressant et mieux payé avec l'aide de son patron qui le traite
paternellement, et il trouve une nouvelle fiancée. Tout va donc apparemment
très bien, jusqu'au moment où il retrouve de nouveaux souvenirs de jeux
sexuels, mais oraux cette fois, et le dégoût éprouvé à sentir dans sa bouche le
sperme de son frère qu'il recrachait violemment. Conjointement le transfert
paternel, qui se maintenait solidement depuis plusieurs semaines, se transforme
et se maternalise. Il reprend, de façon très violente à mon endroit, une attitude
revendicatrice, il faut que je lui donne quelque chose tout de suite, que je fasse
quelque chose pour lui, dès que je dis quoi que ce soit, il me coupe violemment
la parole (me recrache...) pour me reprocher de ne pas l'aider, de le laisser dans
l'angoisse et dans le besoin.
Je résumerai très brièvement la suite : analyse de son ambivalence orale
à mon égard, analyse de son symptôme éjaculation précoce, et de la transfor-
mation de son désir génital d'une fille en un besoin irrépressible de déféquer,
REV. FR. PSYCHANAL. 33
514 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

les fantasmes de pénétration anale sadique de sa mère sont revécus dans le


transfert, et les craintes de castration consécutives. Tout ce matériel archaïque
vient facilement, et l'analyse se termine en quelques mois. Il se fiance de
nouveau. Quelques mois après la fin de son traitement, il vient me dire qu'il
n'est plus impuissant. Son bégaiement tonique persiste en partie, bien moindre,
il en parle au passé et ne semble pas en être gêné. J'ai reçu les années suivantes
faire-part de son mariage, puis de naissance d'un enfant, qui m'ont fait supposer
qu'il continuait à aller bien.
J'ai éliminé de mon résumé les particularités de cette analyse liées
au symptôme bégaiement, à une hypertension artérielle mobile, aux
modalités mêmes du transfert à certaines périodes, pour insister sur
l'établissement d'un transfert homosexuel sur lequel Claude s'est appuyé
pour aborder ses problèmes maternels prégénitaux. Cet appui s'est
fait, après l'analyse de l'OEdipe et à l'occasion de l'angoisse qu'il a
éprouvée au moment de projeter sur moi une imago maternelle
frustratrice. Exprimant son désir d'introjection (et sa frustration)
orale (je l'empêche de manger suffisamment), sa revendication se
mue en une réclamation d'activité de ma part, où je devais lui
montrer ma puissance et l'en faire bénéficier. Cette, introjection
conservatrice, vécue sur un mode anal, lui permet secondairement
de poursuivre sa régression et d'aborder ses conflits oraux, d'abord
par l'intermédiaire d'une imago masculine (le sperme dans la bouche)
puis directement avec une imago féminine projetée dans un transfert
maternel qui l'angoisse de façon considérable, mais que, néan-
moins, il peut maintenir et qui nous permet l'analyse de son conflit
prégénital.
Le transfert, à l'issue de cette période critique, se génitalise à
nouveau et c'est alors que le malade peut commencer à sortir de son
impuissance (et non après l'analyse de l'OEdipe, comme cela me paraît
d'ailleurs être la règle avec les prégénitaux).
Claude a donc établi un transfert homosexuel positif après analyse
du conflit oedipien, au moment de l'abord du matériel prégénital anal,
et pour s'aider à vaincre les peurs orales. L'issue des souvenirs concer-
nant les camarades, le frère et le père nous permettent de penser que
ces figures viriles d'identification avaient pu lui servir de points d'appui,
et permis de dépasser et de maîtriser, au moins apparemment, les
conflits avec l'imago maternelle.
La structure de Claude, malgré l'utilisation intermittente de
défenses du type obsessionnel, m'est apparue comme plutôt du
type phobique et psychosomatique avec fixation orale à une imago
dévorante.
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 515

Dans d'autres cas, le transfert homosexuel, s'il peut s'établir,


est moins constant, moins solide et d'une aide bien moindre. Il peut,
comme dans le traitement de Charles, apparaître en alternance avec
un autre type de transfert, alternances rapides qui correspondaient plus
à des ruptures de transfert qu'à des modifications évolutives.
Charles est un homme de 43 ans, dont le traitement a duré 14 mois. Insti-
tuteur cultivé, atteint d'une névrose de caractère grave, il m'avait été envoyé
pour une psychanalyse à l'occasion d'une décompensation à type d'accès
phobique.
Dès le début, il présente une résistance par le transfert (et en ceci il s'oppose
aux malades précédents, à l'exception de Claude à certains moments) et il va
osciller entre un transfert positif amoureux oedipien (plus exactement oedi-
pifié) et un transfert homosexuel camouflé par des sublimations, les deux
types de transfert étant ressentis par lui comme dangereux et c'est l'angoisse
qui lui fait alternativement quitter l'un pour reprendre l'autre. Le transfert
positif maternel correspond à la projection d'une imago féminine substitut
maternel, car la relation « oedipienne » avec la mère est en réalité vécue sur un
mode pré-génital anxiogène, et la défense par le transfert amoureux (comme je
l'ai remarqué fréquemment chez les phobiques) correspond à une fuite et à
un camouflage inconscient de l'appétence pour l'objet maternel prégénital ;
toute tentative d'analyse entraînant le passage de l'imago-substitut (la tante
de Charles) à l'imago maternelle véritable déclenchant un virage en transfert
homosexuel, et la projection d'une imago paternelle, avec qui il se trouve dans
une étroite relation sado-masochiste. Mais si la position passive est érotisée
et souhaitée, elle est fortement culpabilisée sur un plan conscient et vivement
redoutée sur un plan plus profond, en fonction d'une confusion des imago
du père pénien et de la mère phallique.
Les désirs passifs de pénétration, s'ils apparaissent clairement dans les
rêves, ne peuvent pas être analysés en raison des couches défensives qu'il
aurait fallu traverser pour les atteindre, et la passivité et le masochisme n'ont
été analysés que sur un plan relativement superficiel. Le traitement a duré
14 mois, et nous avons pu analyser son conflit oedipien dans le transfert. S'il
a pleinement satisfait Charles et son entourage familial et professionnel, je
pense que la guérison symptomatique qu'il proclamait correspondait en grande
partie à une fuite phobique de l'objet transférentiel que je représentais. Sous
l'emprise de ce danger, il a reconstitué un équilibre, étayé dans son ménage
par la névrose compensatrice de son épouse.
Si l'on compare ce malade aux précédents, il présente avec eux deux
séries de différences : d'une part des différences structurales et de
modalités défensives, ses défenses habituelles consistant en négation
pseudo-délirante de la réalité, en projection, en évitement phobique,
ou, pendant les périodes de bonne santé, en fuite en avant dans un
système contro-phobique, frisant souvent la délinquance (1).
D'autre part, si le père de Sylvain apparaît comme un homme
moral, pondéré, obsessionnel, ayant gravi des échelons sociaux,

(1) Mécanisme sur lequel a insisté P. Luquet.


516 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962
,

secondant largement sa femme phobique dans le soin des enfants, si


le père de Patrick est un officier supérieur brillant, autoritaire et obéi
de tous ses enfants, en son absence remplacé par le frère aîné, si le
père d'André est un homme puissant sur le plan social et familial,
le père de Charles semble avoir été un homme plus probablement pré-
psychotique que névrosé, très soumis à sa femme, père faible donc et
soumis à une mère autoritaire. On peut penser que son fils n'a pu
trouver près de lui l'appui nécessaire pour dépasser, ou colmater ses
conflits maternels.

Je ne dirai que quelques mots de deux malades phobiques qui m'ont


paru ne jamais réussir à établir de véritable transfert homosexuel.
Jean-Louis est un phobique, avec éléments psychosomatiques (du type
digestif). C'est un homme jeune (26 ans) qui a perdu ses parents précocement,
sa mère à 6 ans, son père à 8 ans et qui a été élevé en maison d'enfants ; il s'est
marié jeune avec une fille élevée dans la même maison d'enfants. Dans l'ana-
lyse, il s'établit dans une position passive ambivalente que sa résistance par le
transfert rend difficile à analyser, et dont le but inconscient est de me mettre
en échec. Toute tentative pour l'aider à prendre conscience de son agressivité
refoulée, déclenche une grande angoisse et accentue les malaises du type
phobique. Il a une pensée magique très vive, que les traumatismes de son
enfance et l'éducation qu'il a reçue, semblent avoir intensifiée. Il oublie à
mesure ce qui a été évoqué dans la séance précédente et ne peut, ni en transfert
paternel au début, ni plus tard en transfert maternel, supporter l'évocation
d'aucun affect sexualisé.
Il n'est possible, pendant les 6 mois de son traitement, que de toucher
sur un plan superficiel et en termes « psychologiques » son conflit oedipien,
dans le transfert et à propos de substituts parentaux tardifs. A la suite de quoi
il s'estime guéri et n'a plus qu'une idée, s'en tenir là (« m'éviter ») parce que
son accès phobique a disparu et qu'il a récupéré, en échange, les douleurs
d'estomac et autres inconvénients psychosomatiques, avec qui il fait très
bon ménage et qui lui permettent de vivre sans angoisse consciente.
Malgré la relation très positive qui semblait avoir été la sienne avec son
directeur de maison d'enfants, qu'il décrivait comme un modèle de relation
satisfaisante pour lui, il n'a jamais pu établir un transfert homosexuel assez
solide pour lui servir d'appui.
Un autre phobique, Jean-Paul, atteint de « névrose d'angoisse », vient
d'abord régulièrement et développe une résistance par le transfert, intense
et systématique, le transfert est oedipien positif maternel, puis oedipien négatif,
il deviendra ensuite maternel prégénital ; les interprétations sont toutes systé-
matiquement rejetées puis oubliées.
Au bout d'une quinzaine de mois, il rompt son traitement à l'occasion
d'une crise de résistance par le transfert, mais il réapparaîtra chez moi tous les
deux ou trois mois, puis tous les six mois, pour venir me dire qu'il va reprendre,
pour, en réalité, faire ainsi de temps à autre, assis ou couché ou se prome-
nant dans la pièce, une véritable séance très pleine où il s'assure de la solidité
de ma santé et de ma patience. Le transfert est toujours très vif, tantôt paternel
oedipien, tantôt maternel pseudo-génital, et la résistance par le transfert intense.
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 517

Il intègre cependant progressivement des interprétations anciennes et les


reprend pour son propre compte, et je vois apparaître avec le temps quelques
mécanismes à type d'annulation et de rationalisation qui me semblent être
chez lui un grand progrès.
A chaque tournant de son existence mouvementée, il me téléphone ou
m'écrit. Il n'est pratiquement plus phobique ni angoissé, sauf à de rares
moments, il travaille régulièrement, il s'est même marié (avec une femme
phobique semble-t-il, qu'il aide psychothérapiquement).
Lui non plus n'a jamais établi de transfert homosexuel, tout en ayant
comme l'autre, mais en d'autres termes, évoqué comme ce serait bien s'il
pouvait établir une profonde amitié masculine, ce que d'ailleurs il n'a jamais
fait dans la vie. Il était le seul garçon d'une série de six enfants, la mère était
phobique, le père, souvent absent, buveur et violent.
Frédéric. L'étude de l'analyse d'un schizophrène de 22 ans, poursuivie
pendant plusieurs années, m'a montré sa quasi-impossibilité d'établir une
relation bénéfique liée à la projection d'une imago masculine « introjectable ».
En effet, lorsque Frédéric abordait dans le transfert ses positions homosexuelles,
et exprimait ce qu'il appelait ses « besoins féminins », il ne parvenait à établir
un transfert homosexuel (dans lequel il exprimait son besoin d'une introjection
anale discriminative) que pendant un temps très court, trop court pour que cette
relation lui soit bénéfique. En effet, l'affleurement à la conscience des désirs
de pénétration anale déclenchait un virage transférentiel, et la projection d'une
imago féminine phallique destructrice et terrifiante ; et l'angoisse de Frédéric
ne pouvait plus alors trouver de sédation qu'à l'aide de projections délirantes.
Deux séries de causes peuvent être évoquées qui se renforcent l'une l'autre :
d'une part l'intensité et la prédominance de l'angoisse destructurante liée à
ses conflits maternels, et la confusion imagoïque du père pénien et de la mère
phallique dans ses phantasmes archaïques ; d'autre part un vécu objectif
ayant pu jouer un rôle d'activation des conflits infantiles : la perte précoce
de deux objets significatifs, son substitut maternel à trois ans et demi et son père
à quatre ans et demi, dans un contexte dramatique.
Ce malade s'apparente donc, dans la série que j'ai présentée, plus aux
phobiques qu'aux obsessionnels par l'impossibilité de maintenir et d'utiliser
une relation homosexuelle introjective et structurante.
Bien entendu, il est des analyses d'hommes où le transfert homo-
sexuel ne joue pas un rôle aussi important. Les malades de structure
«
génitale » au sens de Bouvet, dont les conflits sont purement oedipiens,
sans fixation prégénitale, n'ont plus besoin d'utiliser ce mode de régres-
sion. Chez eux, les positions homosexuelles passives qui apparaissent
parfois, n'ont qu'une valeur de régression tout à fait temporaire par
défense devant des peurs oedipiennes, ou de leurre, destiné à tromper
l'adversaire oedipien. Mais ce ne sont pas les cas les plus fréquents et
dès qu'il s'agit de malades qui présentent des conflits pré-génitaux,
ce mode de transfert trouve tout son intérêt. Parmi ces malades de
structure prégénitale, on peut distinguer grossièrement deux catégories
de patients : ceux qui ont structuré leur personnalité surtout à l'aide
de mécanismes du type oral et qui éprouvent une appétence à la fois
518 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-I962

vive et angoissante, en vertu de leur ambivalence extrême, pour l'imago


maternelle, chez qui la triangulation prégénitale a été difficile et
incomplète, et qui transposent sur l'objet paternel homosexuel les
mêmes difficultés relationnelles. D'autre part, ceux qui se sont struc-
turés à l'aide de mécanismes surtout du type anal, discriminatif. Chez
eux, la triangulation a été efficace, et ils peuvent projeter sur l'analyste
une imago, en grande partie débarrassée des projections liées à l'imago
maternelle primitive, une imago véritablement homosexuelle masculine.
Avec elle, ils peuvent vivre et revivre d'une façon positive leurs pulsions
incorporatives et introjectives pour aboutir à une identification structu-
rante, génératrice de progrès.
Ce qui me paraît caractériser ce type de transfert, c'est qu'il corres-
pond à une position intermédiaire, médiate, du point de vue de l'évo-
lution de la relation objectale, entre la relation du type oral (par rapport
à laquelle il est à la fois une fuite et un progrès), et la relation du type
génital phallique oedipien (par rapport à laquelle il est à la fois une
préparation et une régression). Son autre caractéristique est d'être
transitoire ; je veux dire par là que s'il est un élément important au
cours de l'évolution du traitement analytique (comme sans doute au
cours de l'évolution), il est ensuite dépassé et liquidé. Et c'est à ce
prix, semble-t-il, qu'il correspond à une véritable identification cons-
tructrice et qu'il fonde les positions oedipiennes qui lui font suite. Si
une partie importante des relations inter-masculines des hommes non
névrosés s'inscrit dans le même schéma génétique, elles le font sous la
forme d'une relation homosexuelle sublimée. Il s'agit des mêmes
tendances, sublimées au même titre que les autres tendances prégéni-
tales, sans rester une entrave aux mouvements libidinaux hétéro-
sexuels ; chaque position du passé pouvant être utilisée secondairement
par le moi à titre instrumental (1) dans des régressions contrôlées et
utilisées par le Moi et, bien entendu, spontanément réversibles.

Les raisons qui font de ce transfert homosexuel un transfert si bénéfique


ont été exprimées et développées par Bouvet dans différents travaux.
Je le cite : « Ainsi M... recherchait dans sa passivité une force supplé-
tive qui l'aidât à se défaire du fantasme de la mère castratrice, restrictive,
dangereuse » (Importance de l'aspect homosexuel du transfert dans le
traitement de quatre cas de névrose obsessionnelle masculine, Rev.
fr. de Psa., t. XII (1948), n° 3).

(1) Comme y a insisté P. Luquet dans son rapport.


REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 519

« Il se produit... un allègement de la situation relationnelle du seul


fait que le père y est mêlé comme objet distinct » (La psychanalyse
d'aujourd'hui (P.U.F.), 1956, t. I).
« Nous avons interprété ces tendances comme un
essai d'identifi-
cation masculine sur un mode prégénital, régressif » (Importance de
l'aspect homosexuel du transfert...).
« Le caractère objectai que prend peu à peu l'affection éprouvée
pour le médecin représente donc bien un début de réintrication des
pulsions... l'expression verbale d'une attitude passive comporte en
soi un certain degré d'activité... et par le fait même que l'on passe de
cette sorte de passivité totale qu'est la passivité silencieuse à une passi-
vité avouée, l'on devient actif et l'on retisse ensemble agressivité et
libido, or cette opération se déroule en utilisant ce que permet un surmoi
essentiellement féminin et agressif, à savoir : un faible courant libidinal
vrai et beaucoup de narcissisme projeté » (Importance de l'aspect
homosexuel du transfert...).
« ... d'autre fois, l'introjection s'accompagne d'un sentiment de
joie, de force, d'invulnérabilité, c'est l'introjection conservatrice... »
(Le moi dans la névrose obsessionnelle, Rev. fr. de Psa., 1953, XVII,
nos 1-2).

Il avait mis l'accent sur la facilité ou la difficulté de l'établissement


de ce type de transfert : « La relation d'objet homosexuelle dans la
névrose obsessionnelle peut prendre deux aspects différents... dans un
premier groupe l'attrait homosexuel ressenti dans l'enfance et dans
l'adolescence... est retrouvé dans le transfert avec un minimum de
réactions de défense, dans ce cas l'imago paternelle s'est toujours montrée
plus accueillante que l'imago maternelle. Dans un second groupe de
cas, les sujets ont des sentiments homosexuels conscients qui déter-
minent une réaction d'angoisse très profonde... dans le transfert ils se
défendent furieusement utilisant une attitude paranoïaque a minima...
les imago parentales sont mal différenciées... quoique l'imago paternelle
m'ait toujours paru un peu moins archaïque que l'imago maternelle »
(Le moi et la névrose obsessionnelle, Rev. fr. de Psa., 1953, XVII,
nos 1-2).

La clinique journalière ne fait que confirmer ces variétés comme


je pense l'avoir montré à l'aide des cas que j'ai résumés.
Dans son dernier travail Dépersonnalisation et relation d'objet, il
disait à propos de l'introjection conservatrice : « Il s'agit d'une intro-
520 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

jection, quelle que soit la voie par où elle s'effectue : bouche, peau,
anus. Je n'ai jamais considéré la voie anale comme révélant des signi-
fications particulières, elle m'a paru peut-être plus fréquente chez les
sujets masculins parce que succédant à une homosexualité latente
de type souvent très particulier, caractéristique d'ailleurs de sa nature
prégénitale, et c'est tout » (Dépersonnalisation et relation d'objet,
1960, Rev. fr. de Psa., XXIV, nos 4, 5).
Là je me sépare un peu de Bouvet, car j'ai tendance à attribuer
à l'introjection anale (comme d'ailleurs d'autres auteurs) une impor-
tance toute particulière, dans la mesure où elle signe un certain degré
d'évolution de la relation objectale qui se nuance, et permet au sujet
une discrimination, un tri du bon et du mauvais. Le fonctionnement de
l'organe anal sphinctérisé se trouvant lié dans des phantasmes à ce tri
du bon et du mauvais, lié au sentiment de pouvoir à la fois recevoir
ce qui est bon et se fermer à ce qui est mauvais. Entendons-nous, je
pense que, une fois que l'introjection a pu être vécue sur le mode anal
discriminatif, cette discrimination devient possible aussi par les autres
voies et que, effectivement, après, peu importe la voie ; mais génétique-
ment le moment anal a été primordial. Il ne faut pas se laisser leurrer
par l'existence de fantasmes de communication, de communion, de
fusion (qui évoquent l'oralité et la confusion pré-objectale) vécue
sous l'angle positif d'un amour sans ambivalence et sans angoisse,
parce que, en réalité, elles sont exprimées par des sujets qui ont vécu
leur analité, c'est-à-dire opéré le tri, impossible dans le monde oral,
du bon et du mauvais, et qui, pour des raisons variables, font un retour
vers un mode archaïque de communication avec l'autre.
Grunberger a très heureusement insisté ici même, sur l'apport
énergétique que constitue l'introjection du pénis paternel dans l'évo-
lution vers l'OEdipe (1).
Je suis tout à fait d'accord avec ce que Fain et Marty (2) ont exprimé
dans leur communication au Congrès de Copenhague à propos de
l'investissement homosexuel, quand ils disent que « l'analité est à la
recherche d'un objet qualitativement déterminé » et je pense, comme
eux, que le bénéfice narcissique que le malade tire de sa position de

(1) B. GRUNBERGER, Esquisse d'une théorie psycho-dynamique du masochisme, Revue


française de Psychanalyse, avril-juin 1954, n° 2, p. 193.
(2) M. FAIN et P. MARTY, Aspects fonctionnels et rôle structurant de l'investissement
homosexuel au cours des traitements psychanalytiques d'adultes, Revue française de Psychana-
lyse, XXIII, septembre-octobre 1959, n° 5 (XXIe Congrès international de Psychanalyse,
Copenhague, juillet 1959).
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 521

passivité à l'égard de l'autre est considérable, et qu'il est à certains


moments le moteur essentiel de la cure.
Je les suis un peu moins volontiers en ce qui concerne leur termino-
logie : le terme de pulsion homosexuelle ne me satisfait pas tout à fait
car j'y vois un risque d'ambiguïté. J'aime mieux « pulsion introjective
anale » parce que c'est cela en réalité que pulsion homosexuelle désigne.
En effet, entre l'introjection orale (je ne parlerai, moi, de réceptivité
orale qu'une fois que cette oralité aura été modifiée par un vécu anal),
visant l'imago maternelle, et l'introjection anale de l'imago paternelle,
se situe l'introjection anale de l'imago maternelle (comme ils y insistent
quelques lignes plus loin à propos de la femme) ; et bien qu'il s'agisse
là d'une introjection anale, comme elle vise l'imago maternelle, il ne me
paraît pas possible de parler de pulsion homosexuelle. Ce qui caractérise
cette pulsion introjective, c'est la voie qu'elle emprunte, et il existe des
points de passage où cette introjection vise les deux imago ou une imago
mal déterminée, avant de prendre un sens nettement homosexuel.
Ce sur quoi ils ont sans doute voulu mettre l'accent est le fait que
c'est l'homosexualité qui va servir de pont, de zone de passage entre les
investissements prégénitaux concernant la mère et ce qui méritera
alors seulement le nom d'investissement hétérosexuel. Chez les femmes
(bien que ce ne soit pas là notre sujet de ce soir), si les désirs de capta-
tion anale homosexuels sont souvent camouflés en besoins hétérosexuels,
les désirs d'introjection anale du pénis paternel correspondent déjà
en partie à un investissement hétérosexuel. Car le sort de l'analité est
différent chez le garçon et chez la fille ; les composantes passives anales
du garçon seront refoulées ou sublimées, celles de la fille subiront
une sorte de migration géographique vers la cavité vaginale, pendant
que la majeure partie des composantes actives sera, elle, refoulée ou
déplacée, ou sublimée (une partie d'entre elles s'intégrant dans la
sexualité), tous les affects vaginaux étant chez la femme d'abord vécus
sous un aspect anal (cloacal plus exactement).
(Je pense à une malade, parmi d'autres, chez qui la frigidité vaginale de type
hystérique me semble liée, à travers les schèmes oedipiens, en réalité à un mode
d'introjection vaginale de type oral, comme si chez elle une introjection anale,
discriminatrice (de l'imago maternelle, puis de l'imago paternelle) avait manqué,
et qui essaie au cours de son analyse de réaliser à grand'peine cette introjec-
tion, très gênée par les projections sadiques orales faites sur les imago parentales
primitives.)

Le cas de cette femme s'oppose à d'autres qui ont vécu l'intro-


jection du pénis sous un aspect anal (et dans son aspect agressif sous
522 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-I962

un angle plus castrateur que destructeur) et chez lesquelles, une fois


analysée la culpabilité de la castration de l'homme (comme Bouvet,
y a insisté), le problème se réduit à un problème maternel, les imago
étant bien distinctes.
Freud (dans Analyse terminée, analyse interminable) trouvait Ferenczi
« particulièrement exigeant » de vouloir que toute analyse d'homme
réussie ait surmonté l'obstacle de la révolte contre une attitude fémi-
nine (1). Mais on peut trouver, dans son texte même, des raisons de
partager les « exigences » de Ferenczi et de ne pas le suivre lorsqu'il
invoque à cet obstacle une explication « biologique » (« on se heurte au
roc du biologique »...). Il écrit en effet : « La protestation mâle n'est en
fait que la peur de la castration, mais ce terme ne doit pas nous porter
à croire que le refus de l'homme concerne l'attitude passive... » C'est
bien en effet dans un contexte clinique particulier que les patients
emploient les expressions « faire la petite fille », « être comme une
femme », et qu'ils mettent l'accent sur le manque ou la perte, ou le
renoncement au pénis. Ce contexte marque que cette « féminisation »
à la fois signifie et évite la castration, et correspond à un recul, à une
régression, une démission de la position virile et elle est par là même
« non conforme au moi ». Mais si ce mouvement rencontre une résis-
tance toute spéciale, qui donnait à Freud le sentiment « de prêcher dans
le désert », la position homosexuelle comporte un autre versant, un
autre aspect (sur lequel a si bien insisté Bouvet). En effet, elle est
« conforme au moi », pour reprendre l'expression de Freud, car elle
met l'accent sur le bénéfice, le renforcement, la valorisation liée à
l'introjection. L'aspect bénéfique prime alors l'aspect déficitaire.
Le cas de « l'homme aux loups », qu'il n'est pas question ici d'utiliser
dans son détail si riche, illustre l'importance des tendances homo-
sexuelles dans l'évolution du garçon, et leur fonction de relais entre les
affects prégénitaux et ceux de la période oedipienne. Tout en invoquant
le conflit lié à la bi-sexualité comme origine du refoulement de l'attitude
homosexuelle, Freud souligne très clairement, combien la difficulté
à accepter une relation homosexuelle passive est fiée aux affects angois-
sants résiduels de la période orale. Je le cite : « Le cannibalisme apparaît
chez notre patient, par régression à partir d'un niveau plus élevé,
dans la peur d'être mangé par le loup. Nous fûmes obligés de traduire
cette peur de la façon suivante : la peur de servir au coït du père... »
(1) "Toute aualyse réussie devant avoir surmonté les deux obstacles essentiels : le désir
du pénis chez la femme, et la révolte contre une attitude féminine chez l'homme » S. FREUD,
Analyse terminée et analyse interminable, Rev. fr. de Psa., t. XI, 1939, n° 1.
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 523

et, quelques lignes plus loin : « ... reculant devant les difficultés du
traitement, dans le transfert, il me menaçait de me manger, et plus tard
de toutes sortes d'autres mauvais traitements, ce qui n'était que l'expres-
sion de sa tendresse... ».

Dans le cas particulier de l'analyse d'un homme par une femme, quels
sont les éléments spécifiques qui sont en rapport avec le transfert homosexuel ?
1° Du point de vue du patient. — Il me semble qu'on peut dire que
cette situation comporte à la fois une gêne et un élément bénéfique.
Une gêne dans la mesure où la prise de conscience et l'expression
de l'attrait et du besoin homosexuel rencontrent une difficulté supplé-
mentaire liée à la culpabilité vis-à-vis d'une femme ; cette culpabilité
gêne, pendant longtemps parfois, l'établissement du transfert homo-
sexuel. Exprimée à l'aide d'arguments pseudo-rationnels et culturels,
elle est liée en réalité au rejet de l' imago féminine, maternelle, et aux pro-
jections agressives qui rendent cette imago spécialement incompréhen-
sive à la préférence que le patient ressent pour l'imago masculine.
Mon malade André disait « maman ne veut pas... » et « c'est vous qui
m'empêchez de vous aimer » (c'est vous, femme, qui m'empêchez de
vous aimer, vous, imago masculine) ; Sylvain se lançait dans de longues
rationalisations : « Bien sûr, vous êtes médecin et vous en entendez de
toutes les couleurs, mais enfin, même médecin, il y a des choses qu'une
femme doit avoir du mal à s'entendre dire... »
L'interprétation de cette culpabilité est un moment très important
dans la préparation de l'installation du transfert homosexuel, et c'est
justement dans la mesure où l'interprétation aide le malade à prendre
conscience de sa projection que l'analyste lui apparaît comme pouvant
comprendre et admettre ses émois homosexuels (ébauche de résolution
du conflit avec l'imago maternelle) et par là même, la projection de
l'imago masculine, plus compréhensive et moins agressive que l'autre,
peut commencer à se faire.
Lorsque le transfert homosexuel est établi, le fait que l'analyste
est une femme empêche peut-être parfois qu'il se maintienne solidement
et continûment, car le malade garde toujours parallèlement la notion de
la réalité objective, et cette réalité objective de l'analyste doit jouer,
et s'ajouter aux éléments purement analytiques du jeu des imago, et
du passage transférentiel d'une imago à l'autre.
Il en découle des conséquences techniques : alors que Bouvet a
insisté sur l'importance de l'encouragement donné par l'analyste-homme
à l'expression des émois homosexuels, il semble que, venant d'une
524 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-I962

femme, les paraphrases et les commentaires à but de déculpabilisation


sont à peu près toujours ressentis comme une critique et une condam-
nation. Il semble plus rentable d'attendre le moment où une inter-
prétation de culpabilité peut être donnée dans le transfert féminin.
Une fois établi le transfert homosexuel, il m'a semblé qu'il était bon
que l'analyste femme ne se manifeste que dans les moments où ce
transfert est très solide, très aigu, où la projection de l'imago masculine
est suffisamment intense, pour ne pas être gênée par la réalité objective...
Je pense à une réflexion de Favreau évoquant les situations où un
homme exprime des émois anaux homosexuels : « Il y a des moments,
disait-il, où il est très utile de parler, ne serait-ce que pour montrer sa
présence, sa réalité... » Oui, cela me paraît très judicieux, de la part
d'un analyste homme, mais à ces moments-là spécialement dans ce
type de transfert, par le fait qu'on est une femme, il est bon de ne pas
imposer au malade la réalité d'une voix féminine par exemple, qui
risque de le gêner plus que de l'aider. La situation allongée, sans voir
l'analyste, est sans doute une aide considérable dans la mesure où elle
favorise la projection.
L'activité bénéfique, et le don que le patient réclame de son ana-
lyste pendant ces périodes de transfert homosexuel, doit être apportée
en fonction, à tout moment, de l'intensité du transfert, car trop d'acti-
vité de la part de l'analyste, alors que le malade réclame cette activité,
risque de faire réapparaître l'imago féminine phallique et de faire
basculer le transfert. J'ai donné des exemples de ces virages transfé-
rentiels surtout à l'aide de l'analyse de Charles, et aussi d'André.
Mais tout cela n'est qu'un cas un peu particulier du maniement tech-
nique, puisque l'analyse consiste à apporter intuitivement au patient,
sur mesure, ce qui peut l'aider dans sa prise de conscience, ce qu'il
peut supporter, à l'exclusion de ce qui renforcerait sa résistance.
Ces inconvénients me semblent d'ailleurs tout à fait contrebalancés
par d'autres éléments qui sont positifs.
En effet, si l'établissement du transfert homosexuel est plus long
et plus difficile, s'il est moins constant pendant de longues périodes,
s'il se montre plus fragile, on peut penser que la réalité féminine de
l'analyste aide le malade à se familiariser avec une femme. La culpa-
bilité vis-à-vis de la femme réelle, qui ralentit l'établissement du
transfert, repose, bien qu'inconsciemment pour le malade, sur les
culpabilités et les peurs primitives liées aux conflits maternels, et la
mise à jour de cette culpabilité, et son analyse, va déjà dans le sens
d'une modification, d'une bonification de l'imago maternelle. Je pense
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 525

au propos d'un malade, dont je n'ai pas parlé dans ce travail, qui,
abordant la phase d'installation dans un transfert homosexuel, me
dit : « Madame, vous m'avez apporté quelque chose d'extraordinaire...
sans vous je n'aurais jamais pu prendre conscience de ma misogynie. »
De même, avoir vécu de bons rapports et bénéficié narcissiquement
d'un apport, à l'aide d'une imago masculine projetée sur une personne
féminine, va dans le sens d'une dédramatisation du rapport avec la
femme, et diminue les peurs prégénitales liées à l'imago maternelle.
Si bien que c'est l'élément de gêne qui est en même temps un élément
bénéfique et progressiste, les affects visant sans doute, plus ou moins
selon les moments, une imago maternelle suscitée par la réalité de
l'analyste, derrière le transfert préférentiel masculin.
Je pense que ce phénomène du transfert maternel sous-jacent aux
autres types de transfert pendant toute la durée de l'analyse existe dans
tous les cas, et quel que soit le sexe de l'analyste, mais il est peut-être
plus intense ou plus prêt à venir à la conscience, plus sensible, dans le
cas d'une analyste femme.
J'ai cité la phrase où André se demandait si, tout en s'attachant à
moi, imago paternelle, il n'était pas en train de s'attacher aussi à moi,
imago féminine, là le transfert ambigu semblait prendre une valeur
positive thérapeutique.
2° Je crois qu'il est utile aussi de considérer la situation du point
de vue de l'analyste. En effet, un point particulier de cette situation est
le refus par le malade, le rejet, plus ou moins anxieux, plus ou moins
haineux, de tout élément de féminité de l'analyste : « On est bien entre
hommes », la femme est dehors, elle est l'ennemie, l'étrangère, l'autre,
l'élément exclu. Et il ne s'agit surtout pas de tenter inconsciemment
de la maintenir, serait-ce sous forme de bonne mère compréhensive,
car, pendant ce passage, il n'y a pas de bonne mère, la femme est niée,
rayée de la relation vivante à deux. C'est un point essentiel et qui
risque d'être ressenti comme un traumatisme narcissique par une
femme. Le maniement du transfert homosexuel d'un homme nécessite
de la part d'une femme une gymnastique identificatoire tout à fait
particulière. Le couple analytique ainsi structuré correspond à une
situation qui n'a jamais été vécue ni en réalité, ni en fantasme, par une
femme. Je crois même que l'on peut dire que c'est la seule situation
à deux à laquelle une femme n'a jamais participé, en réalité ou en
fantasme.
Cette identification originale, cette double identification (au malade
et à l'imago paternelle projetée), lui est cependant possible, construite
526 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-I962

à partir d'éléments qu'elle tire de sa propre histoire, qu'elle synthétise


d'une manière nouvelle, différente de celle qui a été la sienne propre —
cette souplesse n'étant d'ailleurs que ce qui caractérise l'analyste ana-
lysant, qu'il soit un homme ou une femme.

CONCLUSION

Il m'a semblé que dans la situation particulière que j'ai étudiée ce


soir, d'un homme analysé par une femme, le transfert homosexuel a
une importance aussi grande que dans la situation d'un homme analysé
par un homme. Le fait qu'il est utilisé ou non, fréquent ou non, facile
ou non, semble dépendre essentiellement du type de structuration
névrotique du malade, et de l'importance relative des imago patho-
gènes et non pas de la réalité de l'analyste.
Je pense que, globalement, et tout compte fait, on peut dire qu'il
est équivalent pour un homme d'être analysé par un ou une analyste (1) ;
et ma recherche aboutit à une confirmation des formulations de Bouvet
sur l'importance et la valeur reconstructive du transfert homosexuel
puisque la réalité objective de l'analyste ne modifie pas l'essentiel du
processus. Mais le fait que, objectivement, l'analyste est une femme
entraîne des changements dans la succession et les modalités des diffé-
rents transferts et dans les détails du déroulement de l'analyse. Les
différents moments de la dynamique et de l'économie interne du
couple analysé-analyste ne sont pas superposables à ce qu'ils auraient
été, par rapport au temps objectif, avec un analyste. Le sexe de l'ana-
lyste ne joue pas, à condition qu'il n'entraîne pas de prise de positions
contre-transférentielles, qui pourraient entraver gravement certaines
phases évolutives difficiles. Ceci est particulièrementimportant dans la
mesure où la projection d'une imago homosexuelle paraît constituer un
des moments qui peut être considéré comme une période critique,
et l'organisation d'une structure directrice, capable d'infléchir les
structurations oedipiennes ultérieures.

(1) Il existe certainement des malades (spécialement des homosexuels), qui ont besoin au
départ d'un objet réel porteur de pénis et qui ne peuvent supporter le contact avec une femme
sans que surgisse le phantasme de la mère phallique qui les fait fuir.
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 527

DISCUSSION

Après les interventions de M. Fain et de S. Lebovici, le président de la


Société, le Dr Pasche, félicita vivement l'oratrice et présenta les remar-
ques suivantes : comme il a été dit au cours des deux interventions qui ont
suivi l'exposé, l'image projetée du père n'est-elle pas l'image d'une
mère phallique réassurante ? Aussi bien, tout se passait, dans l'exposé
de Mme Luquet, comme si un pôle essentiel de l'analyse était la réassu-
rance, par une relation homosexuelle pour fuir une relation avec une
mère redoutable. On peut se demander alors ce que Mme Luquet fait
de la castration.
S. L.

Intervention de S. LEBOVICI
J'ose à peine intervenir, car il est certainement difficile d'apprécier
l'expérience vécue par un analyste d'un autre sexe que le sien.
Le problème qui a été traité ce soir avec tant de maîtrise par
Mme Luquet, dont nous avons écouté la conférence avec intérêt, me
paraît poser le problème de l'appréciation exacte des mouvements
transférentiels et de leur signification. Sans aucun doute, nous, analystes-
hommes, avons constamment à accepter, en même temps que les mani-
festations homosexuelles du transfert, les déplacements maternels que
nos patients font sur nous. Mais il me semble que, malgré les pré-
cautions prises par Mme Luquet au début de son exposé, pour l'équi-
libre même de la compréhension des choses, il y aurait intérêt à faire
un certain nombre de réserves sur la schématisation des interprétations
de la relation transférentielle. Nous voyons constamment d'ailleurs
nos patients se défendre par un déplacement transférentiel d'allure
paternelle ou maternelle contre des émois de l'autre nature. Encore
faut-il rappeler toute l'ambiguïté et la subtilité de ces déplacements
qui sont incessants. On peut se demander si le transfert est bien uni-
quement de nature historique. Tout le monde n'est pas d'accord à
ce sujet et je me rangerai volontiers parmi ceux qui estiment qu'en
dehors des bases historiques du transfert, des éléments structurants,
appartenant à la situation même du traitement et à la personne de
l'analyste, s'inscrivent dans la constitution de cette relation parti-
culière. Aussi bien, j'arrive à m'imaginer que, lorsque certains patients
voyaient derrière Mme Luquet un homme et un père, ils se défendaient
528 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

peut-être par là contre le fait de la voir en femme dangereuse et en par-


ticulier sur le plan prégénital.
Le lapsus de son patient, André, parlant du lait de son père me
paraît assez révélateur de cette ambiguïté et de cette confusion qui a
sans doute un caractère défensif et qui s'inscrit dans le cadre des résis-
tances thérapeutiques.

Intervention de Pierre LUQUET


C'est sans doute parce qu'il est moins naturel pour une femme de
faire l'effort de théorifier sa pratique que nous sommes pauvres en
travaux sur le problème de l'analyse conduite par une femme. Essayer
de simplement transposer ce qui se passe dans l'analyse faite par un
homme est une illusion qui habite souvent les analystes depuis le début
de la psychanalyse. Un certain contre-transfert fausse notre vue théo-
rique de ce problème et cependant nous sommes amenés à guider des
débutantes, à discuter technique avec des collègues femmes et nous
risquons de les pousser dans une optique masculine. Nous savons
combien la technique apparaît pour les hommes une fonction phal-
lique, d'où un malaise chez nos compagnes et, pour nous, une difficulté à
nous identifier dans ce domaine. C'est une des raisons pour lesquelles
nous devons être reconnaissants de voir éclore des travaux comme
celui de ce soir, surtout lorsqu'ils supposent une telle moisson de
matériel clinique.
Je voudrais apporter une confirmation au point de vue défendu
par l'auteur, issue du domaine de la psychanalyse infantile. J'ai souvent
constaté une lenteur d'évolution ou un blocage de celle-ci chez des
jeunes garçons prépsychotiques traités par des femmes, qui avaient de
la difficulté à assumer le transfert paternel, dans son aspect homo-
sexuel. D'autant plus que ce transfert est dans le jeu et le face à face
facilement recouvert par le transfert érotique de défense et bouleversé
par le transfert de la mère phallique et dangereuse sous-jacente. Le
plus souvent il tend alors à être escamoté et cette phase d'intégration
ne peut se faire. Si chez les garçons dont les troubles de structuration
sont peu profonds, cette entorse est possible, l'imago maternelle pouvant
être modifiée directement dans une triangulation de bonne et mauvaise
mère, il n'en est pas ainsi dans certaines structurations déjà fixées,
spécialement lorsque l'absence relative ou complète d'un objet réel
paternel empêche que ces intégrations se fassent « hors cure ». Je me
rappelle un jeune schizophrène, traité par une bonne analyste, qui
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 529

éprouvait quelque difficulté à voir et à laisser se développer ce transfert


labile. Ses interventions sur le transfert maternel, à ce moment de la
cure, faisaient rebasculer à chaque fois le transfert vers l'imago prégé-
nitale, avec une efflorescence de défenses psychotiques. La situation
paraissait immobilisée jusqu'au moment où elle put se borner à la seule
interprétation correcte de la situation. Le résultat fut spectaculaire,
un bon nombre de fonctions nouvelles purent être rapidement inté-
grées au Moi et investies, la scolarité devint possible avec progrès
remarquables, le comportement s'améliora, l'évolution affective reprit.
La seconde réflexion que je veux faire à ce sujet est que je crois que
la différence du sexe de l'analyste infléchit le transfert homosexuel
dans sa durée. Alors qu'il est, dans les analyses présentées ce soir, un
moment, plus ou moins long, qui précède et introduit l'apparition d'un
transfert de bonne image maternelle, lequel permet de terminer l'analyse
de la mauvaise imago, j'ai constaté plutôt chez les obsédés traités par
un homme une prolongation de ce type de transfert qui formait la
couche positive sur laquelle le sujet s'appuyait pour aborder le conflit
déstructurant et le transfert de mauvaise image féminine sous-jacent.
Le transfert de bonne imago maternelle me paraît plus bref et surtout
net au moment de l'analyse rapide du véritable OEdipe en transfert
maternel (avec possession de cette image féminine). Dans les analyses
présentées par Bouvet, le type de transfert homosexuel qui exprime la
pulsion introjective anale persistait très tardivement et formait la base
essentielle de la cure, comme il l'a montré.
Ce qui a permis dans certains cas de soutenir la thèse de la fré-
quence d'une attente et d'un plaisir venant de la mère phallique péné-
trante n'est que l'exposition d'une défense qui correspond, dans la
structuration, à un moment de prolifération du fantasme de la mère
phallique. Cette défense, si fréquente chez les vrais obsédés, consiste
à maîtriser la situation la plus épouvantable — la pénétration (dévo-
rante) de cette mère munie de l'activité destructrice — en fantasmant
activement une situation similaire ludique ou symbolique. Ainsi se
développe entre autres une des perspectives fondamentales du maso-
chisme érogène chez l'homme où il s'agit de faire semblant avec beau-
coup de plaisir — compensateur narcissique — d'être pénétré par la
femme. Un très grand obsédé s'imagine dans une satisfaction active
masturbatoire être humilié et fessé par une femme, c'est-à-dire pénétré.
Cette réorganisation post-oedipienne de la peur, qui est la base structu-
rale de sa névrose, peut donner l'illusion de la recherche d'une péné-
tration par une femme phallique, ce qu'en réalité il craint le plus et
REV. FR. PSYCHANAL. 34
530 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

contre quoi est organisée toute sa personnalité. Hormis cet artefact


constitué par l'érotisation active de la crainte, je n'ai pas encore ren-
contré de cas où une telle relation imagoïque vraie fut vécue sans la plus
grande angoisse.
D'autre part, les peurs considérables (hors la culpabilité) que res-
sentent les hommes à vivre leur transfert homosexuel me paraissent
liées à deux états essentiels du Moi. Le premier, comme l'a très claire-
ment décrit Mme Luquet, est la confusion entre la position homo-
sexuelle et l'identification à une femme supposant la castration — et
c'est là toujours un des noeuds de la cure — le second est la crainte de
subir la pénétration souhaitée du père dans des buts réceptifs et agres-
sifs, liée à la confusion entre les fantasmes de pénétration des imago
masculines et féminines. Tant que ces positions existent, aucune
introjection anale ne peut être valable et c'est une des raisons de la
longueur de cette première partie de la cure, qui correspond à la soli-
dification du transfert positif. Derrière cette peur, il y a toujours la
réalité de la relation imagoïque orale car il s'agit en définitive de détruire
analement cet objet partiel dévorant, lorsqu'il s'agit de s'en approprier
la puissance.
Cette double résistance m'a amené à intervenir particulièrement
nettement à ce sujet au début de l'analyse, non pas en incitant et en
encourageant comme le proposait Bouvet, ce qui peut entraîner un
renforcement des défenses, mais, après avoir touché la culpabilité
dans le transfert, en distinguant précocement le désir d'appui sur un
mâle (généralement contre une femme) et les craintes liées à la prise
d'une position « féminine » (castration). Il est entre autres souvent utile
de mettre en garde le sujet qui emploie dans un contexte vécu le terme
« homosexuel » contre « les choses tout à fait différentes qu'implique
un tel terme », de le refuser en demandant à chaque fois des précisions.
Quant à la pulsion introjective anale dont Mme Luquet nous a
parlé aujourd'hui, elle pose un certain nombre de problèmes quant à
son origine et à ses nécessités, mais ce sujet est vaste et sera abordé
par ailleurs.
Réponse de C.-J. LUQUET
Je pense bien, comme Fain, qu'on observe fréquemment des
condensations entre les conflits avec la mère phallique et avec le père,
et je pense en avoir donné un exemple avec l'observation d'André à
l'occasion de ce que j'ai appelé le transfert ambigu, et aussi avec l'obser-
vation de Frédéric. Mais si cette condensation peut correspondre à une
REFLEXIONS SUR LE TRANSFERT HOMOSEXUEL 531

confusion des imago, elle peut aussi être utilisée comme un important
élément de résistance et entraîner un freinage du processus analytique.
Je suis bien d'accord avec lui quand il dit que toute fonction prend
dans l'inconscient la valeur d'un pénis, mais je pense qu'il faut se
méfier de cette formulation, sinon dans la discussion, du moins dans le
dialogue avec le patient.
En écoutant Lebovici, j'ai eu le sentiment d'un malentendu assez
considérable.
En soi, la projection d'une imago masculine sur une femme n'a rien
qui diffère de la projection d'une imago féminine sur un homme, dont
il constate dans sa pratique la facilité et la fréquence. Il s'agit en effet
pour le patient de projeter ce qu'il a besoin de projeter, il s'agit d'imago
et non pas de réalité objective, et le sexe de l'analyste, comme les autres
éléments de la réalité objective, disparaît sous la projection imagoïque,
au moins dans les moments où le transfert est le plus intense.
Bien sûr, les patients se défendent sans cesse par des déplacements
transférentiels et la position homosexuelle est fréquemment utilisée dans
un but hautement défensif, mais j'ai justement éliminé les exemples
(nombreux) qui vont dans ce sens, pour me limiter à l'étude du transfert
homosexuel authentique. Lorsque Lebovici dit que, là où je vois la
projection d'une imago paternelle, mon patient projette surtout une
imago maternelle phallique, je ne pense pas qu'il suppose que je ne
distingue pas l'affect réel de la défense... Sans doute n'ai-je pas assez
précisé la limitation de mon sujet, et, en lisant, n'ai-je pas assez insisté
sur certains reliefs.
Si je n'ai parlé que rapidement et sans insister de projection d'une
imago de mère phallique, c'est parce que, justement, ce n'était pas là
mon sujet. L'angoisse liée aux fantasmes de pénétration par la mère
phallique a été, chez les mêmes patients, analysée à d'autres moments
et dans un autre mode de transfert. Mon exposé voulait n'étudier que
le transfert homosexuel authentique. L'exemple que cite Lebovici
(le lait de mon père...), tiré de l'observation d'André, concerne juste-
ment, non pas le transfert homosexuel, mais le transfert « ambigu »
d'une imago « condensée » à la fois paternelle et maternelle phallique.
Et j'ai cité justement ce mode de transfert « ambigu » pour situer par
rapport à lui, et lui opposer, dans ce cas particulier d'André, le transfert
homosexuel à l'aide duquel l'introjection est vécue comme non angois-
sante et comme bénéfique.
En ce qui concerne l'historicité, je ne crois pas que le transfert
repose toujours sur une historicité objective, il s'agit d'imago et non
532 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

pas de réalité présente ou passée. Si j'ai fourni quelques renseignements


« historiques », c'est parce qu'ils avaient été valorisés par les patients
eux-mêmes. Mais je suis bien persuadée que cette valorisation d'éléments
puisés dans le réel « objectif » est souvent plus le fruit du vécu phantas-
matique que du vécu réel — comme le transfert lui-même secondaire-
ment — ce qui ne veut pas dire que, pour moi, le transfert est la fidèle
reproduction du passé.
Je répondrai à Pasche que j'attache à l'analyse de l'OEdipe et à la
castration toute l'importance qu'elle mérite. Mais si je n'en ai pas parlé
dans ce travail, c'est qu'elle était tout à fait en dehors de mon sujet.
En effet, je n'ai cité rapidement (trop rapidement peut-être) au début,
le transfert homosexuel de défense devant la peur oedipienne que
pour l'éliminer. En effet, celui-là, à la fois, est une fuite de la castration,
et a la valeur d'une castration. L'analyse de la crainte de la castration,
à mon avis tout à fait essentielle dans les analyses d'hommes (comment
Pasche a-t-il pu en douter !), se fait à l'occasion du transfert des imago
oedipiennes, et je crois qu'il est très important de pouvoir faire cette
analyse en transfert paternel ; cette projection d'imago paternelle
oedipienne se fait aussi bien sur une femme... Si je n'en ai pas parlé,
c'est que je l'avais exclue de mon sujet de ce soir.
Le transfert homosexuel vrai se situe justement entre les moments
oedipiens où s'actualise la peur de la castration, et les moments prégé-
nitaux où s'actualisent les peurs prégénitales de destruction; j'ai insisté
sur ce caractère intermédiaire, dont il tire une grande partie de son
intérêt thérapeutique.
A propos
de la relation érotomaniaque (l)
par JEAN KESTEMBERG

Si l'érotomanie et les divers états cliniques pouvant s'inscrire


dans sa lignée nous ont paru mériter une étude, c'est non seulement
en fonction d'un certain nombre de malades que nous avons eus à
traiter et qui nous ont posé des problèmes diagnostiques et thérapeu-
tiques, mais aussi en raison de la pauvreté relative de la littérature
analytique sur ce problème ; pauvreté d'autant plus apparente qu'elle
contraste avec le foisonnement de travaux psychiatriques classiques et
les discussions passionnées que ces travaux ont traduites dans un passé
récent.

La première question donc qui s'offrit à l'esprit fut précisément les


raisons du peu d'intérêt apparent manifesté par les psychanalystes à
ce que, globalement, nous appellerons pour le moment l'érotomanie et
ses manifestations diverses. Il nous semble qu'il est deux réponses
possibles à cette question, valables l'une et l'autre. La première est que
les érotomanes se prêtent mal à une cure analytique classique, en raison
des difficultés de maniement du transfert. La deuxième nous paraît
tenir à l'histoire même du développement des connaissances psychana-
lytiques. Nous voulons par là faire allusion à la nouveauté relative du
traitement analytique des psychoses et rappeler que, tout en étant men-
tionnée dès les premiers travaux de Freud, la relation d'objet a été
étudiée de façon approfondie seulement depuis peu — tant dans son
aspect génétique que dans ses manifestations cliniques actuelles (Melanie
Klein, Spitz ; en France : Bouvet, Diatkine, Lebovici, Fain, Marty,
Luquet).
Or, ce qui nous paraît remarquable dans l'érotomanie, comme dans

(1) Conférence faite à la Société psychanalytique de Paris le 21 novembre 1961. Texte


remis à la rédaction en mars 1962.
534 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

toutes les positions érotomaniaques,c'est bien que la relation amoureuse


y est appelée par son nom sans dénégation ni déplacement apparent,
la dénégation ou la projection portant essentiellement sur l'un des
deux termes de la relation, c'est-à-dire l'objet et le sujet. Si l'on définit
grossièrement l'érotomanie, on peut dire qu'il s'agit de la création illu-
soire d'un objet d'amour qui est tantôt celui qu'aime le sujet, tantôt
celui qui est censé aimer le sujet, le sujet devenant alors l'objet d'amour
illusoire.
Ceci peut s'énoncer de la manière suivante :
Cet objet est ou persécuteur ou persécuté ; le plus souvent persé-
cuteur. Exprimé en ces termes, l'on voit d'entrée qu'il s'agit là de la
manifestation (bien entendu remaniée) des caractéristiques fonda-
mentales de la relation d'objet primitive. En effet l'objet y apparaît
d'emblée comme le support des pulsions (définition de Freud de
l'objet) (43) en une relation tantôt dépressive, tantôt persécutoire. Le
comportement de l'objet n'entre pas en ligne de compte. Il ne s'agit
pas de la personne réelle mais de la relation avec un objet fantasmatique.
C'est le degré de la fantasmatisation consciente ou inconsciente ainsi
que le degré de prise en ligne de compte des comportements réels du
personnage investi de cette relation qui, en dernière analyse, différencient
les positions délirantes structurées de celles qui ne sont que transitoires
ou de celles inhérentes à la création imaginaire d'un individu normal,
ou dit tel. Il va de soi que plus le degré de fantasmatisation inconsciente
est intense, plus la réalité est déniée, plus nous sommes dans une posi-
tion délirante.
En d'autres termes, la relation érotomaniaque se caractérise par une
relation amoureuse toujours univoque ; il n'y en a jamais qu'un seul qui
aime, le personnage investi n'existant pour le sujet que très exactement
selon le besoin (au sens plein du terme) que l'on en a, et selon les amé-
nagements, donc les mécanismes de défense, que ce besoin suscite.
Si nous parlons là de relation érotomaniaque et non pas d'éroto-
manie, c'est bien à la fois pour la distinguer de l'érotomanie propre-
ment dite telle que la nosologie classique la conçoit actuellement — à
savoir l'illusion délirante d'être aimé (en fait l'érotomanie nous parais-
sant n'être que la forme la plus extrême de la relation érotomaniaque) —
et pour marquer précisément la parenté indubitable entre cette forme
extrême et d'autres états pathologiques, entre autres la toxicomanie
d'objet (que nous essayerons de décrire) et aussi de manifestations
cliniques transitoires telles, par exemple, l'érotisation actuelle du
transfert, ou enfin tout simplement les créations fantasmatiques ou
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 535

oniriques banales de chaque individu, par exemple les rêves de pour-


suite amoureuse.
Ce faisant, il ne s'agit certes pas dans notre esprit de reprendre
ici la discussion nosographique célèbre concernant l'érotomanie, pas
plus que d'embrumer totalement la séméiologie, à force de reconnaître
les parentés entre le normal et le pathologique, mais bien au contraire
d'essayer de clarifier des états cliniques qui, pour être abondamment
décrits, ne sont pas pour autant clairement connus, en marquant à la
fois la trame commune de certaines positions amoureuses pathologiques
et des positions érotomaniaques proprement dites, et les différences
profondes qui caractérisent des états dont l'équilibre économique
et les terrains structuraux délimitent les variations, les variantes et
la variété.
Nous pensons que d'en reconnaître le dynamisme commun, à savoir
l'état de besoin d'un objet et les mécanismes de défense plus ou moins
massifs et particuliers que cet état de besoin profond suscite, nous appor-
tera non seulement une ouverture thérapeutique pour les délirants
érotomaniaques, mais aussi peut-être une meilleure compréhension,
donc un meilleur maniement de toute relation où à ce besoin de l'objet
répond la création d'un objet illusoire reconnu ou non pour tel.
Nous pouvons remarquer d'emblée que dans les cas les plus graves,
c'est-à-dire ceux où le besoin de l'objet est le plus vital, la création de
l'objet imaginaire répond à l'angoisse de néantisation provoquée par
la perte de l'objet dans le vécu du sujet ; elle se situe donc essentielle-
ment quant à son dynamisme dans le pré-génital dont Bouvet a si bien
décrit les aspects cliniques (et c'est là où les mécanismes de défense
auront souvent les caractéristiques des mécanismes de défense psycho-
tiques) alors que dans les cas les moins graves, c'est-à-dire dans la
création transitoire d'une relation érotomaniaque, nous assisterons à
une génitalisation du conflit et donc aurons à faire face à des mécanismes
de défense moins massifs et plus évolués, c'est-à-dire essentiellement
d'ordre névrotique.
A nos yeux donc, le délire érotomaniaque précisé par Cléram-
bault, dont par ailleurs nous ne partageons nullement les hypothèses
pathogéniques, n'est que la forme la plus achevée d'un processus
particulier mettant en oeuvre des mécanismes de défense caractéris-
tiques d'une relation amoureuse dont l'objet est illusoire en cela que
ses caractéristiques réelles sont déniées soit transitoirement, soit avec
une conviction persistante. La signification de ce processus étant à
la fois une défense contre une angoisse plus ou moins vitale selon les
536 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

cas et l'apport d'une satisfaction libidinale que l'intensité et le dyna-


misme du conflit rendent la seule possible ou la plus valable.
Notre expérience d'analyste, aussi bien que notre expérience tout
uniment humaine, nous font assister à tout moment à des positions
amoureuses où l'espérance, l'illusion et la projection jouent un rôle
important. Cependant, lorsqu'il s'agit d'amours adolescentes, de rêves
caractéristiques, d'amour de transfert, d'érotisation des positions trans-
férentielles ou d'érotomanie, ce qu'il importe de savoir c'est à quel
conflit répondent les projections et les illusions que l'on y décèle et
comment le sujet qui y est en proie parvient à le résoudre. Il est évi-
dent que plus le mode de résolution fera appel à la possibilité d'inté-
gration de la réalité, moins le résultat en sera pathologique ; plus, au
contraire, le mode de résolution impliquera une coupure d'avec la
réalité, plus l'état sera pathologique. On peut essayer d'exprimer ceci
en d'autres termes qui annonceront d'entrée le fil conducteur de notre
propos : plus la résolution du conflit traduira d'investissement libidinal
sur un mode objectal, moins il sera pathologique ; plus la résolution du
conflit exigera d'apport de la libido narcissique, plus il pourra être considéré
comme pathologique. Comme il est bien connu en clinique analytique :
plus l'apport narcissique est massif, plus les troubles de la personnalité
sont massifs eux-mêmes, plus nous approchons de la psychose. A la
limite l'objet perdra toute réalité ; l'équilibre entre l'investissement et
les données perceptives sera considérablement modifié et c'est alors
le délire. Disons tout de suite que ce qui différencie les divers états
où l'on observe une relation érotomaniaque — diversité, répétons-le,
allant de la fantaisie normale à la solution délirante en passant par des
manifestations névrotiques variées — ne s'inscrit pas dans la topique
mais réside essentiellement en une différence économique telle qu'elle
engendre une différence structurale. Ajoutons encore que, par contre,
la dynamique constante de ces différents états sera toujours la lutte
contre la dépression, dépression dont chacun sait qu'elle plonge ses
racines dans la constitution de l'objet et du sujet dans le stade pré-
objectal et que tout au cours de l'existence elle intervient et se manifeste
avec plus ou moins de gravité chaque fois que l'existence de l'objet et
du sujet dans leurs relations réciproques est plus ou moins gravement
remise en question. Dans tous les cas la relation érotomaniaque, c'est-à-
dire la création illusoire de l'objet d'une relation amoureuse répond en
fin de compte à une tentative de repersonnalisation, à une vérification de
l'intégrité de soi. C'est donc toujours la perte réelle ou vécue de l'objet
qui entraîne le mécanisme bien connu du doute angoissant sur la cohé-
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 537

sion propre qui est à la base de la création d'une relation érotomaniaque.


L'on pourrait ici nous rétorquer que cette tentative de restauration
n'est en rien spécifique de la relation érotomaniaque. Cela est bien
évident ; cependant, à ce mécanisme banal de l'introjection de l'objet
perdu et de sa projection, ensuite, au dehors, vient s'ajouter de façon
originale dans la relation érotomaniaque le vécu d'une relation amou-
reuse avec cet objet en une pseudo-génitalisation, qui assure à la fois
le maximum de distance d'avec l'objet mauvais et le maximum aussi
de satisfaction libidinale tolérable. Nous nous proposons de démontrer
que la relation érotomaniaque est en fin de compte, et même dans le
délire érotomaniaque, une solution particulièrement riche en satisfac-
tion libidinale, relativement peu coûteuse, et c'est ce qui en constitue
à notre avis un des aspects les plus originaux.
Pour fonder notre propos qui, jusqu'à présent, peut paraître outra-
geusement affirmatif, nous procèderons, après un rappel historique
aussi bref que possible, à l'exposé de deux observations : l'une, d'une
érotomane au sens classique du terme, l'autre de ce que nous appelons
une toxicomane d'objet dont nous essayerons de marquer à la fois les
différences dynamiques et économiques, mais aussi les parentés; en
même temps que nous rapprocherons les mécanismes qui nous y seront
apparus d'autres manifestations cliniques, tels les fantaisies adoles-
centes, le comportement des « femmes collantes », les modalités
particulières de certaines formes d'amour de transfert, et enfin de
manifestations oniriques banales mais riches en enseignement.

Nous nous permettrons de vous rappeler que c'est un criminaliste


viennois, Zieller, qui nous rapporte la première observation d'éroto-
manie en 1810. Il parle « d'un fou qui avait trouvé un plaisir tout par-
ticulier dans sa personne et s'était imaginé le chéri de toutes les femmes ».
Les experts l'examinèrent, portèrent un diagnostic de mélancolie
amoureuse. C'est Esquirol qui, dans son traité des maladies mentales,
décrit parmi les monomanies, l'érotomanie ou la monomanie érotique.
Pour cet auteur l'érotomanie est essentiellement : « la folie de l'amour
chaste » ; l'érotomaniaque est le jouet de son imagination ; chez lui :
« l'amour est dans la tête ». Trelat, en 1861, en parlant de la folie lucide,
nous donne une observation d'un cas d'érotomanie qu'il considère
non pas comme un délire mais comme un raisonnement faux. Il est à
noter que les élèves d'Esquirol ne partagent pas l'opinion de leur
538 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

maître et ne croient pas du tout au platonisme des érotomanes. Par la


suite, nous devrons à Taguet la première observation d'une érotomanie
masculine. Magnan considère les érotomanes comme des « cérébraux
antérieurs » ou psychiques, chez lesquels tout se passe « en pleine région
frontale, dans le domaine de l'idéation ». Ball oppose l'érotomanie à la
nymphomanie ; il considère la nymphomanie comme une « folie avec
excitation sexuelle », tandis que l'érotomanie est la « folie de l'amour
chaste ». Leroy (1896) dans sa thèse, dit : « Les persécutés amoureux
sont des dégénérés qui, infatués d'eux-mêmes, dépourvus de juge-
ment, se croient aimés d'une personne et édifient sur ces données un
véritable roman ». Pour Portemer (1902), les érotomanes sont des désé-
quilibrés de l'amour; ils ont un sentiment « hypertrophié » qui les
conduit à des extravagances, à des violences et même au crime. L'idée
érotomaniaque est, d'après l'auteur, essentiellement obsédante et impul-
sive : c'est une « anomalie sexuelle par défaut », sans appétit sexuel et
sans désir de jouissance. Sérieux et Capgras, dans leur livre sur Les
folies raisonnantes consacrent un chapitre au délire érotique et si le
thème de psychose passionnelle n'est pas employé, il y est du moins en
puissance. Plus tard, dans un article du Traité de Sergent ils acceptent
cette terminologie et opposent à l'état délirant chronique du délire
d'interprétation l'état passionnel chronique du délire de revendication.
Dide tente une synthèse clinique des états passionnels et dans son livre
Les idéalistes passionnés (1913) fait une « distinction entre : les revendi-
quants et les idéalistes passionnés ». Il insiste sur le défaut d'extension
délirante des états passionnels et, au point de vue de l'évolution, il
souligne leur caractère rémittent qu'il oppose au caractère progressif
du délire d'interprétation. Ce groupe a une unité qui repose sur les
tendances altruistes des malades et sur la structure passionnelle de leur
psychose. Les travaux de Dide ont donné aux états passionnels droit
de cité dans la nosographie des psychoses.
Mettant l'accent sur l'élément passionnel, par conséquent affectif
de l'érotomanie, Dide et Guiraud établissent une différence entre les
érotomanes vrais ou les amoureux passionnés et les idéalistes amoureux.
Les premiers ne seraient pas systématiquement chastes, les seconds
le seraient toujours.
Entre 1920 et 1923, a paru toute une série de travaux de
Clérambault qui fixent les éléments fondamentaux de l'érotomanie,
considérant qu'il s'agit d'un syndrome passionnel morbide et non
pas d'un délire interprétatif; dès lors le syndrome érotomaniaque
doit être rangé, en même temps que le délire de revendication
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 539

et le délire de jalousie, sous la rubrique des délires passionnels


morbides.
Tandis que le début des délires d'interprétation est imprécis, le
début des délires passionnels est précis : il est caractérisé le plus souvent
par un choc idéo-affectif. Au point de vue de l'étiologie, les délires
passionnels diffèrent des délires interprétatifs par le fait qu'ils se
développent sur des sujets qui n'ont pas un caractère paranoïaque ;
au point de vue de la structure, tandis que les conceptions des déli-
rants interprétatifs sont coordonnées entre elles, celles des délirants
passionnels sont subordonnées à un postulat fondamental : « C'est
l'objet qui a commencé, qui aime le plus ou qui aime seul. »
Le délire passionnel morbide peut se présenter tantôt autonome
et pur, tantôt associé à d'autres délires et hallucinations. Le délire
érotomaniaque se développe, d'après Clérambault, en trois stades :
stade d'espoir, stade de dépit, stade de rancune. Les conceptions du
délire érotomaniaque se groupent, en postulat initial et déduction
de ce postulat d'une part, en des thèmes imaginatifs et interpré-
tatifs d'autre part. A la base du délire érotomaniaque, Clérambault
découvre des composantes essentiellement affectives (« composantes
du sentiment générateur ») : orgueil, espoir, dépit. L'évolution, les
réactions sont, pour une grande part, fonction du caractère individuel,
du degré de moralité et de l'éducation du malade. A la base : le postulat
fondamental ; de ce postulat fondamental dérive un certain nombre de
thèmes : l'objet ne peut avoir de bonheur sans le soupirant, il ne peut
avoir une valeur complète sans le soupirant, l'objet est libre, son
mariage n'est pas valable. Il y a des thèmes dérivés qui se démontrent :
vigilance continuelle de l'objet, protection continuelle de l'objet, tra-
vaux d'approche de la part de l'objet, conversations indirectes avec
l'objet ; l'objet dispose de ressources phénoménales, sympathie presque
universelle que suscite le roman en cours, conduite paradoxale et
contradictoire de l'objet. Ces formules se rencontrent rarement toutes
réunies, mais la dernière surtout a une importance capitale, elle ne
manque jamais et elle entraîne des accommodements avec les faits.
L'auteur réserve au syndrome érotomaniaque des divisions : les cas
purs et les cas mixtes. Les cas purs sont exempts d'hallucination et
restent fixes ; leur évolution est sommaire, leur extension éventuelle
est polarisée, ils n'aboutissent pas à la démence. Les cas mixtes, par
contre, admettent des hallucinations, un mode d'extension irradiant,
une systématisation plus ou moins riche, un travail interprétatif ou
imaginatif diffus, une persécution générale, une mégalomanie globale.
540 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

Ce sont ceux qui admettent des variations dans le choix de l'objet et


parfois des objets simultanés et multiples. La désignation de l'objet
y est fréquemmentimaginative, le culte de l'objet peut être mêlé d'esprit
mystique.
L'érotomanie est un syndrome à base affective avec appoint ima-
ginatif, dont le premier élément atteint une intensité maxima, c'est-à-
dire une forme passionnelle, dans les cas purs, et dont le second élément,
l'élément imaginatif, devient prédominant dans les cas secondaires.
Les cas purs peuvent être exclusivement passionnels et les cas
secondaires peuvent être exclusivement imaginatifs. Par cas secondaires,
l'auteur entend ceux où le syndrome érotomaniaque n'est que partie
d'une plus vaste psychose.
Par ailleurs, nous devons noter que Clérambault lui-même faisait
cette réserve : « Les notes subjectives sont fréquentes dans l'érotomanie,
au point qu'on pourrait presque dire que tous les cas sont atypiques. »
Il nous semble inutile de revenir sur la vaste polémique et sur la
critique que les idées de Clérambault ont provoquées dans les milieux
psychiatriques de l'époque, notamment les discussions passionnées
avec Capgras.
Dans son étude sur la constitution paranoïaque, Genil-Perrin(1926)
range l'érotomanie parmi les formes atypiques qui « traduisent une
sorte de polarisation sexuelle des tendances paranoïaques ». Lagache,
dans son travail sur Les passions et psychoses passionnelles (1936), consi-
dère qu'il existe une unité psychologique des états passionnels et
distingue deux formes : L'une qui se développe sur un terrain de désé-
quilibre psychique : terrain sthénique et asthénique, schizoïde, carac-
térisé par une hyperesthésie passionnelle et par l'excitation ou l'anxiété
du passionné et par l'outrance de ses réactions affectives. L'autre est
caractérisée par le délire passionnel, lequel permet de rapprocher ces
cas du délire" d'interprétation, dont les distinguerait leur valeur réac-
tionnelle actuelle.
Ces deux types cliniques s'opposeraient ensemble, par leur struc-
ture paranoïaque, aux états passionnels symptomatiques d'un processus
de dissociation qui revêtent en particulier les formes de « jalou-
sies » ; celles-ci semblent exprimer le malaise d'un être qui sent se
rompre les liens l'unissant à autrui et d'une pensée qui se défait.
D'autre part, dans une discussion à la Société médico-psychologique,
Lagache définit l'érotomanie comme « une déviation de la relation
amoureuse normale dont la composante active, aimer, se trouve dimi-
nuée au profit de la composante passive, être aimé ».
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 541

Cette position de Lagache est partagée par Ferdière qui, après avoir
souligné : « l'illusion d'être aimé est habituelle et nous pensons que,
pour la connaître, le plus grand nombre n'a qu'à faire appel à son expé-
rience personnelle », écrit que : « L'illusion de l'érotomane, c'est celle
qui ne disparaît pas quand l'erreur est démontrée et que ne légitiment
nullement les faits. » C'est donc cette persistance, cette irréductibilité
qui confèrerait à l'érotomanie son caractère pathologique. Par ailleurs,
Ferdière souligne que l'érotomanie affecte d'innombrables modalités :
« Tantôt le sujet reconnaît son propre amour, qu'il croit donc partagé
et tantôt il l'ignore, et même le nie ; tantôt il croit aimer avant de se
croire aimé, et tantôt c'est tout le contraire. » L'inconstance du postulat
de Clérambault est mise en évidence par de nombreuses observa-
tions. Ferdière ne considère pas l'érotomanie comme une psychose,
ni comme une entité morbide : pour lui c'est un simple syndrome qui
s'observe dans les maladies mentales les plus diverses, « sa durée et son
évolution étant évidemment liées à celle de l'affection qui lui sert de
base. Elle se trouve tantôt noyée dans l'ensemble pathologique, et est
tantôt l'élément prédominant du tableau clinique, ou même l'élément
révélateur ».
Frétet (1937) consacre aux problèmes de l'érotomanie plusieurs
travaux où il se rapproche des positions de Clérambault, considérant
que l'érotomanie peut être une entité morbide aussi bien qu'un syn-
drome commun aux affections mentales les plus diverses. Pour cet
auteur l'érotomane cache son sentiment véritable qui n'est pas de
l'amour : il pense plutôt à sa fortune. Par ailleurs, en cherchant dans les
observations d'érotomanes, on peut trouver presque toujours certain
attribut maternel, manifeste de l'objet. Frétet place ainsi l'érotomanie
au milieu de ce qu'il appelle le drame familial (OEdipe) et arrive à la
conclusion que l'objet du délire amoureux apparaît toujours comme
un substitut de la mère, l'érotomanie apportant à l'adulte « le même
objet secourable et maternel qu'une rêverie familière apportait jadis
à l'enfant ». En citant plusieurs observations de délires érotomaniaques
homosexuels il réfute les positions de Freud et pense que la relation
érotomaniaque montre la fixation du malade à un stade de la vie sexuelle
antérieur au stade de l'amour objectai, le caractère narcissique justi-
fiant l'inversion érotomaniaque de la relation amoureuse.
Frétet, finalement, partageant l'opinion de Ferdière pense que le
postulat de de Clérambault est inconstant dans l'érotomanie et même
lorsqu'il existe il n'est pas aussi rigoureux que la formule du maître.
L'érotomanie est une passion morbide parce qu'elle ne tient aucun
542 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

compte des obstacles insurmontables qui séparent de l'objet, ni de


l'attitude de celui-ci.
Cette appréciation de l'érotomanie rejoint les positions de Mlle Pascal
qui pense que l'illusion dans la passion est constante, inévitable et ne
peut être dissipée.
Ombredane (1937) pense que ce qui révèle la psychose passion-
nelle érotomaniaque ce n'est pas le postulat mais la réaction à l'échec :
le refus d'accepter l'échec. Pour cet auteur, le passionné semble fonder
son obstination sur une pseudo-logique, sur un jeu d'interprétations
inadéquates, mais ces démonstrations ne sont que des artifices. C'est
moins l'inversion de l'évidence qui caractérise la dialectique du pas-
sionnel que le refus de se soumettre même à l'évidence.
Ombredanne ajoute : « Le problème se simplifie si au lieu d'admettre
l'existence d'une psychose passionnelle on considère que le processus
passionnel est appelé à se développer sur des terrains différents, en
particulier sur un terrain maniaque, sur un terrain paranoïaque, sur
un terrain schizophrénique. » La position d'Ombredanne manifeste
un recul certain par rapport aux travaux de de Clérambault, Frétet,
Ferdière.
Cette très longue récapitulation des principales positions, à propos
de l'érotomanie, dans la littérature classique, nous permet de dégager
la notion qu'actuellement les auteurs, avec plus ou moins de variantes,
insistent sur le fait que l'illusion délirante d'être aimé peut être soit une
entité morbide, soit un syndrome commun aux affections mentales les
plus diverses ; ils mettent l'accent sur les composantes idéo-affectives
communes à ces diverses modalités.

Avant d'envisager l'histoire des idées psychanalytiques sur la


question de l'érotomanie, on peut poser en principe, au début de cette
étude, que selon la psychanalyse, tout délire n'est que la transposition
d'une relation amoureuse qui pourrait être considérée, au sens strict
du terme, comme érotomaniaque.
Dans les lettres à Fliess (1896) (45), on peut trouver les premières
idées de Freud concernant les psychoses qui seraient liées à la fuite par
le Moi devant une idée intolérable, à la perte de la réalité et enfin à
la perte de l'objet. On y trouve aussi les premières références au méca-
nisme de projection.
Ce n'est cependantqu'en 1911, dans l'examen du cas de Schreber (36),
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 543

que Freud expose l'essentiel de sa pensée sur le délire de la « paranoïa »


(terme par lequel Freud désigne les psychoses hallucinatoires systéma-
tisées). L'essentiel de la théorie tient en quelques phrases ; l'idée de
persécution est due à une action contre l'homosexualité inconsciente,
subitement renforcée au point de ne plus pouvoir être maîtrisée par
le Moi; grâce à la projection, l'assaut des tendances homosexuelles est
perçu comme venant de l'extérieur et déformé. L'homosexualité refoulée
réapparaît à la conscience sous la forme d'une négation redoublée. Le
malade n'aime pas ses semblables et ceux-ci ne l'aiment pas non plus,
ils le haïssent et lui leur rend leur haine. On connaît la façon dont
Freud a établi un certain nombre de propositions où il explique le
délire de persécution banal, le délire de jalousie, le délire érotoma-
niaque. Il s'agit là de réactions apparemment divergentes à un fait
psychologique unique. A la base de tous ces délires, un même senti-
ment qui peut s'exprimer sous la forme suivante : pour un persécuté
d'un sexe donné le persécuteur n'est jamais qu'un être auparavant
aimé et du même sexe. S'il s'agit donc d'un homme, il réagira contre
ce sentiment pour lui insoutenable (« moi, un homme je l'aime, lui, un
homme »), par la négation et la projection. Dans le cas d'érotomanie
(si le délirant est un homme) par la négation nous obtiendrons : « Ce
n'est pas lui que j'aime, c'est elle que j'aime », qui se projette
secondairement pour donner le thème érotomaniaque : « Parce qu'elle
m'aime. »
Toute la littérature psychanalytique internationale restera long-
temps marquée par les positions prises par Freud et ses explications
des états délirants demeureront la base de nombreux travaux et publi-
cations (Ferenczi, Hitschmann, Knight 1940, Garma 1946, etc.). En
France nous les retrouvons chez Schiff, Nacht, Lagache.
Pour Schiff (1929-1935) (96), le délire érotomaniaque, qu'il classe
dans les paranoïas, constitue une réaction à des refoulements passion-
nels mal tolérés ou à des attardements sexuels. Il insiste sur le rapport
de l'érotomanie avec le caractère digestif anal et met en évidence les
longues ruminations, les atermoiements des érotomanes. Enfin, pour
lui, la petite érotomanie Imaginative, chez les normaux, est en rapport
avec un autisme narcissique qui compense le sentiment d'infériorité et
de faiblesse. L'objet d'amour est un représentant incestueux et il est
choisi par le sujet dans la perspective qu'un intervalle social ou reli-
gieux le sépare au maximum : « La perspective dans laquelle l'enfant
lilliputien voit le père gullivérien. »
Pour Nacht, l'érotomanie (1933) (80) est une forme de délire de
544 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

persécution et présente une défense contre l'homosexualité par la


projection et la négation.
Lagache (1938) (61) étudiant les relations de la jalousie et de l'éro-
tomanie pense que l'érotomanie correspond à une régression libidinale
plus profonde que la jalousie et qu'elle suppose des fixations plus pré-
coces dans l'évolution de la libido. Le rôle de l'homosexualité est pré-
pondérant, mais l'auteur insiste sur l'inacceptation de la féminité et
sur l'importance de la fixation orale chez ces malades. D'autre part
pour Lagache le délire érotomaniaque apparaît comme un compromis
visant à la satisfaction érotique et sexuelle sans que l'amoureux encourt
de culpabilité, « en augmentant au contraire la considération morale et
sociale dont il jouit ».
Pour Mme Cavé (1950) (8) l'érotomanie apparaît comme une espèce
de processus salvateur. La conservation relative du raisonnement et
du jugement des malades qui en sont atteints est due, selon elle, à
l'existence bienfaisante de ce délire anti-remords.
Dans la mesure où d'une part la conception de l'absence de trans-
fert chez les psychotiques s'est révélée fausse à l'expérience (Fromm-
Reichmann, 1939) et que d'autre part la psychanalyse s'est enrichie
d'une connaissance plus approfondie des formes les plus archaïques
et les moins bien intégrées des relations objectales et pré-objectales
(travaux de Melanie Klein), la théorie psychanalytique a gagné de
mieux connaître les défenses psychotiques et d'apprendre à les dis-
tinguer des défenses névrotiques. Ce qui a permis une nouvelle approche
psychanalytique du délire.
Le travail de Nacht et de Racamier (84) sur la théorie psychanaly-
tique du délire constitue à ce point de vue un des résumés les plus
complets que nous ayons dans la littérature psychanalytique française.
Nous n'entrerons pas dans le détail de la théorie psychanalytique
du délire que ces auteurs présentent pour n'en retenir que ce qui
concerne l'érotomanie. Ils citent l'érotomanie comme un exemple
« du maintien à travers le délire d'une forme de relation avec
l'objet ».
Ils pensent d'autre part que l'érotomanie est une des formes les plus
radicales de la défense contre l'intimité amoureuse.
Les conceptions de Nacht et de Racamier sur le délire vont nous
servir de base pour l'étude que nous voulons entreprendre des positions
et du délire érotomaniaques.
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 545

Nous allons maintenant apporter l'observation d'une malade pré-


sentant une forme de délire érotomaniaque classique (1).
Dorothée nous est adressée alors qu'elle est en clinique, sous le
coup d'une information judiciaire, pour émission de chèques sans pro-
vision dont elle a d'ailleurs remboursé les bénéficiaires. Elle a une
trentaine d'années, exerce une profession libérale, n'a jamais eu de
relations sexuelles, ni de liaison amoureuse, autre que celle imaginaire
et chaude avec un haut fonctionnaire, que nous appellerons M. Z...
Elle le connut alors qu'elle avait 17 ans ; elle ne l'a vu depuis que de
façon espacée et fortuite en des occasions suscitées par elle. Elle a,
dans une large mesure, choisi sa profession et diverses activités annexes
en fonction de celles de M. Z... et des occasions de rencontre. Elle n'a
cessé de l'aimer, elle était persuadée en être aimée pendant 15 ans, au
décours desquels elle s'est rendue chez M. Z... en lui disant qu'elle
était maintenant prête à l'épouser. Devant l'étonnement d'abord bien-
veillant, puis exprimé avec brusquerie de celui-ci, elle entreprit une
activité épistolaire intense où elle l'accablait d'injures et de mépris pour
l'avoir ainsi trompée. Entre-temps, pour pallier l'impact de la décep-
tion et pour mener à bien un nombre considérable de travaux entrepris,
elle se laissa glisser, sans y prendre garde, à une intoxication Maxiton.
au
Le désordre introduit dans ses finances et l'équilibre brutalement rompu
par le refus « inexplicable » du haut fonctionnaire l'amenèrent à se livrer
à des achats inconsidérés qu'elle payait avec des chèques sans provi-
sion. Une information judiciaire est ouverte, sa famille s'aperçoit
brusquement de la gravité de son état, et la fait hospitaliser. Dorothée,
elle, n'avait aucune conscience de son état pathologique, ne compre-
nait pas l'inculpation, puisqu'elle avait remboursé, comprenait encore
moins le fait d'être dans une clinique psychiatrique, et imputait à l'abus
du Maxiton un certain désordre de sa pensée, dont elle était la proie.
L'expertise psychiatrique qui eut lieu et qui provoqua un non-lieu fut
pour Dorothée un choc redoutable. Elle comportait en effet le diagnostic
d'érotomanie, terme qui, étant donné son niveau culturel, avait pour
elle une signification précise que sa conviction délirante à l'endroit du
haut fonctionnaire lui faisait réfuter avec la plus extrême énergie. En
raison de la qualité de l'évolution antérieure de Dorothée, un traitement
psychanalytique semblait indiqué. Mais en fonction de l'absence de

(1) On trouvera dans l'additif la relation de trois séances du traitement de cette malade.
REV. FR. PSYCHANAL. 35
546 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

conscience de la maladie chez cette patiente, il fut institué sous forme


de psychodrame analytique (1) qui nous paraissait devoir le mieux
répondre à cette première difficulté. D'autre part, de par le maniement
spécifique à ce traitement des mouvements transférentiels, il nous a
paru, étant donné notre expérience antérieure, le plus favorable à la
possibilité de résolution heureuse de la relation érotomaniaque déli-
rante. A cette époque Dorothée, grande fille aux traits épais, masculine
d'allure, offrait le tableau du plus parfait vésanisme. Dépenaillée, la
jupe retenue par de multiples épingles à nourrice, des bas en tire-
bouchon, la chevelure hirsute, elle grimaçait, minaudait et parlait comme
une petite fille.
Ses antécédents sont particuliers et intéressants : elle est en effet le
fruit du péché d'un homme marié, magistrat de province qui, appar-
tenant à une famille très dévote, répara, en épousant sa belle-soeur après
avoir divorcé d'avec sa femme, soeur cadette de celle-ci. Ainsi Dorothée,
à sa naissance avait trois demi-soeurs, qui étaient en même temps ses
cousines, dont on lui cacha l'existence ainsi que les circonstances parti-
culières du mariage de ses parents. C'est une bonne qui se chargea
« d'éclairer sa lanterne », lorsqu'elle avait 7 ans, avec photographies à
l'appui. Cette révélation fut un choc pour l'enfant et elle la maintint
secrète. Ce n'est qu'à l'âge de 17 ans, qu'elle fit comprendre à sa mère
qu'elle était dans le secret, au moment où ses parents s'entendant mal,
le père de Dorothée lui proposa de partir avec elle, en abandonnant sa
mère ainsi que les autres enfants nés de ce second mariage. Il est à noter
que bien qu'on lui célât les désordres de la conduite de ses parents,
toute la famille ne parlait que du péché et tentait d'en effacer les traces
au moyen de rachats divers dont celui réalisé par une tante qui entra
en religion en prenant le prénom du père de Dorothée. On peut ima-
giner aisément, combien, dès sa tendre enfance, ses rapports avec la
vérité furent compliqués. En outre, on prit soin, pour corser la situation,
de la mettre dans une institution catholique où sa qualité d'enfant de
divorcés la mettait au ban de ses camarades. Sa mère lui reprochait
son manque de coquetterie, insistant lourdement sur sa coiffure, l'affu-
blant d'horribles boucles, dont le port a laissé à Dorothée le souvenir
vivant d'un calvaire. Encore maintenant, elle ne peut invoquer ses
anglaises sans une passion mêlée d'effroi et de dégoût. Anglaises mises
à part, elle est très attachée à sa mère et pendant très longtemps ne

(1) Je tiens à remercier ici mes collègues de l'équipe psychodramatiquequi ont participé
à ce traitement : Mme C. BASCHET, MM. A. GLABICANIet J. GILLIBERT,Mmes E. KESTEMBERG et
R. LEBOVICI.
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 547

supporta pas la moindre critique à son endroit. Elle n'avait d'ailleurs


quitté le domicile parental que pour une assez brève période, en raison
de ses obligations professionnelles, qui correspondit au maximum de
flambée de ses relations amoureuses avec M. Z... Enfin, signalons encore
dans les antécédents le fait que son père fut, sur les instances de la mère,
hospitalisé pour alcoolisme. En ce qui concerne la patiente, une poussée
aiguë de tuberculose pulmonaire au moment même où elle réussissait
avec éclat l'examen le plus important de sa carrière. Elle tenta d'abord
de dissimuler ses hémoptysies pour poursuivre le cours normal de
l'examen puis, son état s'aggravant, refusa d'aller au sanatorium,
accepta une hospitalisation, en sortit pour se présenter à l'oral qu'elle
réussit et y retourna pour encore quelques mois au décours desquels
elle reprit ses activités professionnelles sans qu'aucun autre incident
tuberculeux vint les interrompre depuis.
Il fut très difficile de rendre Dorothée consciente de sa maladie :
elle estimait que le séjour en clinique était voulu par ses parents et
proches pour la préserver, elle et les siens, d'un scandale provoqué par
les chèques sans provision; elle pensait donc que la « comédie » du
traitement était tout à fait superflue. L'expertise médico-légale, elle
la considérait également comme une tentative de préservation du
scandale, s'interrogeant sans cesse : doit-elle simuler la folie et de
quelle façon ? ne se rendant même pas compte que son aspect extérieur
signait son état. Au demeurant, elle était pleine de bonne volonté,
voulait bien se soigner sans savoir très bien de quoi, ni pourquoi,
venait régulièrement à ses séances. Nous pûmes mettre à profit ce
mouvement transférentiel pour poursuivre le traitement, mais il nous
fallut plusieurs mois pour que Dorothée prenne conscience de son état
morbide. Elle avait une formule, utilisée fréquemment : « Puisque
vous le dites, je veux bien croire que c'est vrai, mais il n'est pas
possible que je me sois imaginé tout ça », revenant sans cesse sur
la description des signes extérieurs de l'amour de M. Z... pour
elle, invoquant des témoignages et surtout le fait qu'à une certaine
occasion il lui prêta de l'argent. Elle voulait bien admettre à la
rigueur qu'elle avait eu tort de prendre tant de Maxiton, bien
qu'elle en eût eu besoin pour travailler, et que ce maudit Maxiton
l'avait rendue malade, l'amenant à des actes inconsidérés, comme
les chèques sans provision.
Elle était pour ses médecins de la clinique pleine d'un bienveillant
attendrissement, en disant : « Ce pauvre Dr Untel est bien gentil, il
fait tout ce qu'il peut, mais je ne comprends pas pourquoi il veut m'em-
548 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

pêcher d'écrire des lettres à M. Z... » Signalons que ce dernier menaçait


de porter plainte.
Bien entendu, d'emblée elle apporta dans le traitement tous ses
conflits oedipiens, démontrant un attachement à son père, très culpa-
bilisé, mais aussi teinté d'un certain mépris qu'elle étendait d'ailleurs
à toute la gent masculine, ce qui explique son respect apitoyé envers
ses médecins du sexe masculin. Mais derrière cette figure du père
apparaissait la figure sévère, angoissante, de la mère, qui est en réalité
un personnage angoissé et harcelant.
Dorothée nous montre bientôt que sa mère la nourrissait mal,
qu'elle l'a mal aimée, ce qu'elle associe spontanément à son besoin de
Maxiton qui, de plus en plus, devient pour elle un aliment de rempla-
cement. En effet, à cette période du traitement elle fait du Maxiton une
monnaie d'échange, elle veut bien en parler, l'analyser, y renoncer
(elle y renonça d'ailleurs relativement facilement en clinique), pourvu
qu'on ne touche pas à son amour pour M. Z... En fait, elle prend
conscience de ce que le Maxiton constituait pour elle un aliment-
poison, en l'associant à la façon dont sa mère n'a cessé d'empoisonner
la vie de son père et la sienne. Signalons que le début du traitement
correspondit à une recrudescence de son érotomanie, surtout au
moment où le rythme des séances lui parut insuffisant. Ce qui nous
permit, en une première élucidation du transfert maternel, de mettre
en relation son besoin de nous, qui la frustrions du nombre qu'elle
jugeait utile de séances, et son besoin de M. Z... et du Maxiton dont
alors elle nous parlait beaucoup.
Cette situation Maxiton-Mère persista assez longtemps, jusqu'au
moment où nous pûmes lui montrer que ses chèques sans provision
jouaient dans son comportement le même rôle que ses lettres à M. Z...,
également sans provision. Dorothée semblait très bouleversée par
cette intervention et s'acharnait à démontrer, non sans agressivité,
la réalité de ses relations avec M. Z... Il était dès lors perceptible
que toute mise en cause de notre part de ces relations était ressentie
par elle comme une blessure narcissique profonde et qu'elle se posait
en face de nous comme une entité dans la mesure où elle portait cet
objet, M. Z..., à l'intérieur d'elle-même, et en dehors de nos relations
avec elle. En outre, sur le plan narcissique également, elle luttait contre
un sentiment de destruction qui se rationalisait ainsi : il n'est pas pos-
sible que j'aie commis une telle erreur de jugement, car alors je suis
vraiment folle, c'est-à-dire désagrégée. Dans un temps immédiate-
ment ultérieur et de la même manière qu'elle mettait entre nous et
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 549

elle la possession de cet objet imaginaire, elle montra, tout à fait malgré
elle, en une longue série de séances et à l'encontre de ce que consciem-
ment elle voulait nous démontrer, la profondeur de son attachement à
sa mère, dont le moindre éloignement lui semblait redoutable. C'est
ainsi que s'amorça la compréhension du sens réel de son identification
paternelle en tant qu'objet introjecté par la mère, n'ayant pas d'exis-
tence propre en dehors de la mère. Il apparut dès lors que sa tentative
d'introjecter M. Z... répondait à un besoin de se sentir entière si,
comme sa mère, elle était en puissance d'homme en elle.
C'est à ce moment du traitement que nous apprenons par Dorothée
que, en fin de compte, durant toute son enfance elle s'est sentie très
seule et qu'à l'âge de 17 ans, à l'occasion d'un séjour chez des amis
de la famille, ceux-ci s'émurent suffisamment de son comportement
pour conseiller aux parents de faire traiter leur fille. Elle-même n'en a
qu'un souvenir très confus, si ce n'est qu'il fut dit qu'elle s'isolait cons-
tamment en une sorte d'atonie morne et même, lui semble-t-il, on
disait qu'elle parlait toute seule. En rapportant cet événement elle
l'associe d'elle-même à la naissance de son amour pour M. Z...
Assez rapidement se fait jour dans ce traitement la conception que
Dorothée a des hommes : les hommes sont des êtres châtrés, gâteux,
sans corps, on pourrait même se demander s'ils existent effectivement.
Les êtres forts sont des femmes qui font et défont les mariages, qui
peuvent faire enfermer leur mari dans les maisons de santé et qui,
nolens volens, dictent la loi. Dorothée dit textuellement : « C'est vrai,
ma mère dit toujours : les hommes n'existent pas. »
Bientôt Dorothée laisse voir un autre mécanisme de défense :
le besoin qu'elle a du Surmoi maternel punitif, pour n'être pas seule.
Elle nous montre en effet qu'en maintes circonstances elle a besoin
d'être agressive envers elle-même, de se punir et qu'en fin de compte
elle eût presque préféré la prison à la clinique ; elle se sent plus entière
si elle est coupable, que non coupable, folle et seule. Rappelons ici que
l'enfance de Dorothée s'est en effet déroulée sous le signe de la culpa-
bilité ; c'est à cause d'elle que son père divorça, d'abord, ensuite, elle
savait des choses graves sur ses parents qu'elle feignit constamment
d'ignorer.
De ce traitement extrêmement riche qui a évolué de façon fort
satisfaisante, ce que nous voulons surtout mettre en relief c'est qu'au
fur et à mesure que Dorothée acquérait un insight concernant ses rela-
tions primitives avec sa mère, elle se dépouillait peu à peu de ses posi-
tions érotomaniaques, qu'actuellement elle reconnaît totalement pour
550 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

telles. Elle nous a dit récemment : « C'est terrible, je sais que j'ai
perdu 15 ans de ma vie avec ce rêve, cependant j'en suis à la fois
contente parce que je me rends compte combien j'ai été malade, mais
j'en suis attristée, car lorsque j'aimais M. Z... ma vie était plus riche.
Il me semble parfois que j'ai perdu une partie de moi-même. » D'ailleurs,
ce vide qu'elle ressent elle le comble de fait en multipliant au mieux
ses activités professionnelles.
Un tournant important dans le traitement de Dorothée a été le
projet de mariage d'un de ses frères. En effet, celui-ci, que nous appel-
lerons Jean, devait se marier avec une amie d'enfance et la mère de
Dorothée s'opposait à ce mariage. Dorothée, par contre, trouvait que la
jeune fille convenait à Jean. C'est à la faveur des multiples péripéties
du mariage, constamment remis en question, parce que Jean n'arrivait
pas à enfreindre la loi maternelle alors que le père était favorable à
cette union, que Dorothée put réaliser combien sa mère était un per-
sonnage dévorant ; cependant cette prise de conscience la mena, dans
un premier temps, presque à interrompre le traitement, qu'elle ressentit
à ce moment-là comme dirigé vers une séparation d'avec la mère.
L'interprétation opportune de cette velléité de rupture, à peine cons-
ciente pour elle, lui permit de mesurer combien elle avait peur de ne
pouvoir exister en dehors de sa mère et combien elle était prête en fait
à renoncer à tout pour sauvegarder son union avec elle.
Il nous devint possible de montrer à Dorothée que chaque fois
qu'elle s'identifiait à un des hommes de sa famille, c'était en fin de
compte pour rester en une étroite relation avec sa mère. Une fois de
plus apparaît le sens de son érotomanie : la seule façon d'être entière
comme sa mère, c'est de posséder un homme imaginaire qui, tout en ne
la séparant pas d'elle, la fait devenir son égale en puissance. Si elle a
un objet à l'intérieur d'elle, elle ne risque plus de se désagréger puis-
qu'elle est forte comme sa mère (identification à l'agresseur), mais cela
va plus loin, elle n'est plus seule non plus puisque cette force que sa
mère pourrait lui donner, elle ne sait pas la lui donner (elle l'a mal
aimée, l'a mal nourrie, elle dévore au lieu de remplir). Dorothée a
donc ainsi, grâce à son objet érotomaniaque, un objet intériorisé non
dangereux, elle se sent entière, elle a retrouvé l'objet perdu, elle a
comblé le vide, elle existe.
Il est cependant un autre aspect du problème que nous révèle éga-
lement l'observation de Dorothée. Nous avons dit que d'emblée
elle nous avait proposé des thèmes oedipiens. Nous avons également
remarqué que le mariage de son frère a été un moment décisif de
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 551

son traitement. Rappelons-nous que, comme il est classique d'ailleurs,


l'objet de ses amours, M. Z..., était de par son âge et ses fonctions, une
représentation paternelle. En outre, lorsque son père voulant quitter
sa mère, lui propose de vivre avec elle, Dorothée fait un épisode
morbide, dépressif, de repli dont elle sort en s'éprenant de M. Z...
On se souvient à ce propos que c'est à cause d'elle que son père et sa
mère se marièrent et que la connaissance de ce fait a présidé à toute
son enfance et à toute son adolescence. Enfin, au décours du traitement
de Dorothée, lorsque, sortie de clinique elle loua, après quelques mois,
un appartement, son père profitant d'un prétexte, vint s'installer chez
elle ; Dorothée alors retourna vivre quelque temps chez sa mère. Tout
ceci met bien en lumière, l'importance du conflit oedipien, mais aussi
le contre-OEdipe actif du père. Nous pensons que dans ce contre-OEdipe
ouvert on peut trouver une de ces situations traumatisantes dont la
répétition, parfois l'unicité, entraînent presque inévitablement une
réponse délirante chez des sujets prédisposés. En effet, pour lutter contre
la réalité ainsi apportée à ses fantasmes oedipiens, Dorothée ne peut
investir qu'une représentation paternelle imaginaire, avec laquelle
toute réalisation est exclue, mais qui pourtant lui apporte satisfaction
et chaleur. Cependant, d'après tout ce que nous avons vu auparavant,
il est apparu que cet objet paternel était vécu profondément par Doro-
thée comme dévalorisé et surtout comme partie intégrante de l'image
maternelle ; son père était en fait vécu comme un « objet partiel ». Ainsi
donc, bien plus qu'une situation oedipienne authentique, la situation
triangulaire vécue par Dorothée se présentait comme ce que Lebovici
et Diatkine ont décrit sous le terme de l'oedipification. En fait, l'on peut
imaginer que le conflit oedipien constamment mis en avant par Doro-
thée, mais aussi mis en avant par son père et les circonstances parti-
culières de sa naissance, n'était essentiellement vécu par Dorothée
que dans une triangulation primitive entièrement infiltrée par l'angoisse
et l'agressivité qui présidèrent à ses relations objectales avec sa mère.
La réitération de ce conflit, due au contre-OEdipe paternel, remettait
chaque fois en question l'équilibre acquis dans les relations objectales
primitives.
Ceci nous paraît à la fois pouvoir apporter quelques lumières au
problème constamment posé et demeurant ouvert d'ailleurs du rôle
du conflit oedipien dans les états psychotiques en général, mais surtout
au problème posé par les caractéristiques du personnage aimé dans le
délire érotomaniaque. En effet, l'aspect oedipien du choix de l'objet
des érotomanes est tellement frappant que même des psychiatres non
552 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

analystes ont dû le remarquer. Cependant, comme nous venons de le


voir, les choses sont plus complexes qu'elles n'apparaissent. Il s'agit
là d'un véritable phénomène de déplacement dans le sens du dépla-
cement du conflit. Cet OEdipe mis en avant par les érotomanes, comme
il fut mis en avant par Dorothée au début de son traitement, est en
fait un pseudo-OEdipe de défense contre le véritable conflit de la
situation triangulaire qui se joue sur le mode de l'oedipification, c'est-à-
dire sur le mode pré-génital et archaïque. Ce n'est que secondairement,
au décours d'une cure heureusement menée, que l'on peut revenir à
la véritable situation oedipienne et à la culpabilité à l'endroit de la
mère, vécue sur ce mode. On peut donc supposer que l'absence de réa-
lisation, d'intimité amoureuse réelle, si présente dans le délire éroto-
maniaque, est en fait non pas surtout une réassurance contre une
liaison amoureuse avec le père vécue en tant que telle, mais bien plus
contre des relations étroites, désagrégeantes avec l'objet partiel de la
mère ; ces relations étroites avec la mère étant vécues sous le signe
d'une agressivité destructrice, chaque fois nécessaire, mais chaque fois
terrorisante. Le dilemme se situe donc ainsi : si je vis en étroite liaison
avec ma mère, nous nous détruisons mutuellement, mais si je la perds
je n'existe plus. Donc si je possède un objet imaginaire qui est comme
mon père, que j'aime ou qui m'aime, je ne suis plus vide et je ne risque
pas d'être détruite par ma mère ou de la détruire (1).
Or, c'est très exactement là le délire érotomaniaque dans sa forme
la plus schématique, à laquelle vient s'ajouter d'ailleurs un mécanisme
de défense comportant une réassurance profonde : « Ce n'est pas moi
qui aime, c'est moi qui suis aimé », ce qui implique un double bénéfice :
d'une part la neutralisation du Surmoi, d'autre part une réassurance
narcissique double également : « premièrement, je suis telle que l'on
m'aime, deuxièmement, l'amour peut tuer, je ne tue pas car ce n'est pas
moi qui aime et d'ailleurs je n'ai pas tué mon objet puisqu'il existe en
m'aimant, ou en me persécutant » — la persécution étant généralement
une phase ultérieure du délire.
Nous voyons donc ici, en le cernant d'assez près, combien la relation
érotomaniaque qui s'explicite au mieux dans cette forme de délire,
prend ses racines dans les couches les plus profondes et les plus
archaïques de la personnalité ; elle exprime l'investissement narcis-
sique indispensable au maintien de la cohésion interne en fonction de

(1 )On pourrait ici remarquer que l'infiltration de la situation par les fantasmes prégénitaux
inconscients empêchait également Dorothée de trouver une solution en une relation homo-
sexuelle qui l'aurait conduite à un rapprochement trop dangereux avec l'objet maternel.
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 553

l'angoisse provoquée par l'agressivité profonde qui tisse les premières


relations objectates, surtout quand elles sont mauvaises. En effet, la
voie de l'investissement libidinal objectai est constamment barrée par
l'impact destructeur du rapprochement avec l'objet. L'angoisse de
néantisation que cette absence d'investissement libidinal objectai entre-
tient implique une quête constante, un besoin profond d'un objet
assurant la cohésion interne. Le conflit oedipien réactive les conflits
profonds : la quête et l'angoisse, et, loin d'apporter une possibilité
évolutive heureuse, précipite le sujet dans la recherche angoissée d'un
nouvel équilibre qu'il trouve dans la solution délirante. Celle-ci, en
effet, dans le délire érotomaniaque, est particulièrement « satisfaisante ».
Il ne s'agit pas là, comme dans d'autres délires, d'une rupture avec un monde
réel fantasmatiquement angoissant à l'extrême, mais bien d'un compromis
amoureux avec ce monde au travers d'un personnage déréalisé. Il y a
donc là économiquement une solution qui comporte le maximum de
satisfactions libidinales et le minimum d'angoisse vécue. Il nous faut
remarquer que si cet équilibre pouvait mdéfiniment se maintenir,
rien au monde ne pourrait convaincre un érotomaniaque de se faire
soigner d'un « bonheur » qu'il ressent, d'une plénitude qui est la sienne
(rappelons-nous la réaction dépressive de Dorothée lorsqu'elle eut
perdu son illusion délirante). Cependant, cet équilibre n'est jamais
maintenu en tant que tel. En effet, la réalité fait intrusion dans le délire
non seulement parce que l'objet amoureux, lassé de l'attitude persé-
cutante de l'érotomane déclenche une action généralement d'ailleurs
judiciaire, ou menace de le faire, mais surtout parce que la relation est
délirante.
Les contre-attitudes du personnage investi ont, sans doute, dans
une certaine mesure favorisé la fixation de la relation délirante sur lui
plutôt que sur un autre (ainsi pour Dorothée, M. Z... lui a prêté de
l'argent) ; mais l'essentiel réside dans le fait qu'étant donné la qualité
de la quête dont il est l'objet, quoi que fasse cet autre ne peut être vécu
par le sujet que comme une frustration grave, c'est-à-dire comme la perte
de l'objet. L'attitude du personnage aimé constitue alors un traumatisme
qui rompt l'équilibre, non pas dans le sens d'un ébranlement de la
conviction délirante, mais bien dans le sens du doute sur l'existence
de l'objet ou de sa perte et donc réveille l'angoisse sur la cohésion
interne du sujet. C'est alors qu'interviennent d'autres manoeuvres
destinées à se réassurer sur l'objet fantasmatique. Ainsi Dorothée
recherche un objet substitutif dans le Maxiton et dans tout ce qu'inconsi-
dérément elle achète. Ainsi d'autres remplacent la conviction délirante
554 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

d'un personnage amoureux par un autre personnage amoureux, de


façon réitérante ; d'autres enfin, comme l'une de nos malades également
érotomane, ajoutent la présence hallucinatoire sous forme de voix qui
empruntent au Surmoi maternel destructeur mais existant, leur valeur
rassurante (24). C'est dans ce sens aussi qu'agit la persécutionpar l'objet
amoureux dont le malade se croit la proie (l'existence de son persé-
cuteur rassure le malade sur l'agressivité inconsciente qu'il lui porte
et le réassure par là même sur le fait qu'il ne l'a pas détruit). Ainsi
donc apparaît avec clarté la fonction protectrice de la forme érotoma-
niaque du délire. Il semble que, à partir de la perte de l'objet qui cons-
titue le phénomène primaire, on puisse assister suivant les cas à l'éclo-
sion et à la structuration des formes délirantes à type érotomaniaque,
ou bien à des délires hallucinatoires qui représentent en quelque sorte
une forme plus refoulée de la conquête de l'objet. Rien ne nous permet
jusqu'à présent de saisir les rapports entre ces deux formes et de
décrire avec précision ce qui explique ces évolutions diverses. On
peut cependant émettre l'hypothèse que cette évolution différentielle
n'est pas due à un processus différent mais à un équilibre interne diffé-
rent entre le Moi, le Surmoi et les pulsions. Mais ce que nous en voulons
retenir c'est précisément que le délire érotomaniaque traduit une pos-
sibilité de refoulement moins extrême.
On peut dire que la relation érotomaniaque délirante, si elle pouvait
se maintenir dans sa pureté du début, jouerait un rôle aussi directement
satisfaisant et protecteur que jouent par exemple les rêves d'enfants
apportant sur un mode onirique la réalisation de tel ou tel désir dont ils
sont frustrés dans la veille, ou encore ces rêves protecteurs du sommeil
qui assurent au dormeur la satisfaction et le repos de la tâche accomplie
jusqu'au moment où le réveil sonne. Dans le délire érotomaniaque,
puisqu'il est délire, le réveil sonne toujours. C'est lorsque l'équilibre
instable acquis par la relation délirante érotomaniaque est remis en
question, que s'installe la relation persécutoire et que petit à petit les
ponts avec la réalité, progressivement, se rompent.
Avant d'en terminer avec l'observationde Dorothée, nous voudrions
essayer de préciser à nouveau le jeu complexe des positions identifi-
catoires de cette patiente que nous retrouverons à deux niveaux dif-
férents : 1° Comme nous l'avons vu, Dorothée s'identifie aux hommes
de sa famille, à son frère et à son père et nous avons déjà dit qu'il
s'agit là pour elle non pas tant de se protéger contre la culpabilité oedi-
pienne, mais bien de conserver avec sa mère une relation étroite.
Nous avons même montré qu'en réalité il s'agissait pour elle de s'iden-
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 555

tifier à l'objet partiel maternel bien plus qu'au père proprement dit ;
20 Et à un autre niveau nous pouvons là, saisir sur le vif l'identification
projective dont l'école anglaise a bien montré la prévalence dans les
états psychotiques. En effet si Dorothée a besoin de s'identifier à cette
mère effrayante, dévorante, c'est bien que celle-ci, premierobjet investi,
lui a donné la connaissance de sa propre existence en tant que telle,
c'est-à-dire, comme l'ont bien montré les psychanalystes généticiens :
pour se connaître en tant que sujet il lui faut un objet investi. En fait
s'identifier à sa mère, c'est pour Dorothée se préserver de la crainte
que son Moi replonge dans cet état indifférencié originel, c'est-à-dire
qu'il se résolve entièrement ou partiellement dans le Ça qui ne connaît
ni les objets ni la réalité. Mais en s'identifiant complètement ou par-
tiellement à sa mère, en cette fusion elle rencontre son propre corps ou
une partie de son propre corps dans un monde extérieur. Ceci corres-
pond bien à une tendance narcissique qui pousse le malade à s'assurer
constamment ainsi de sa propre existence mais qui, en fonction de
l'angoisse sous-jacente, devient à ce point prévalente que le monde des
véritables relations objectales lui est barré. En effet, toute relation avec
l'objet est lourde de menaces et de peur, car il n'est vécu que comme
une destruction réciproque. Ainsi, en même temps que Dorothée a
besoin de s'assurer de sa propre existence en une identification projec-
tive avec sa mère, elle a aussi besoin de s'assurer constamment d'une
distance protectrice d'avec l'objet de ses pulsions et son délire érotoma-
niaque lui assure en effet cette distance maximum utile : d'abord, elle
est aussi puissante que sa mère, avec l'objet intériorisé, sans cependant
détruire celle-ci (la mère), ensuite ce n'est pas de sa mère qu'elle est
éprise, mais de son père ou d'une image paternelle ; enfin, il n'est pas
de réalisation possible, ni même nécessaire, rien ne prend corps sous
forme d'un dialogue réel. On pourrait donc dire que, mutatis mutandis,
de même que l'enfant consolide son sentiment d'existence en halluci-
nant l'objet (Ajuriaguerra, Diatkine, Lebovici), Dorothée, adulte
comme tout érotomane, s'assure de la sienne en créant un objet d'amour
imaginaire en une relation remaniée par l'oedipification d'abord, la
situation oedipienne ensuite, pour aussi peu génitalisée qu'elle soit.
C'est ainsi que nous retrouvons le sens profond de ce que Freud nous
a enseigné, à savoir que l'objet d'amour est en réalité un objet homo-
sexuel — nous dirons : le premier objet d'amour, la mère. L'appa-
rence paternelle de l'objet n'est là que pour assurer le maximum de
distance entre les pulsions du sujet et l'objet, et témoigner de cela
que nous ne devons jamais perdre de vue : quelle que soit la mauvaise
556 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

évolution d'un sujet psychotique, il n'en est pas moins, puisque adulte,
passé par les stades évolutifs qui président au développement de tout
individu. Pour autant que ses positions inconscientes soient profondé-
ment régressives — elles sont justement régressives et il ne faut
pas les considérer comme non évolutives —, il s'agit comme l'a très
bien montré Diatkine, d'un retour aux seules positions qui permettent
à un sujet donné de contenir une angoisse désagrégeante en un équilibre
qui n'est peut-être pas celui normativement souhaitable, mais qui cepen-
dant est le seul que les aléas de son évolution et l'intensité de ses
conflits lui permettent de supporter.
En fait c'est en fonction de l'équipement initial, de la qualité de
l'environnement, et des aléas de l'évolution qui résultent de la conjonc-
tion de ces deux facteurs, que se constitue pour chaque individu l'équi-
libre utile qui sera pour chacun, et suivant les moments, plus ou moins
régressif. Si Dorothée n'a pu le trouver que dans une relation éroto-
maniaque délirante, d'autres le réalisent en une gamme très variée
de relations érotomaniaques dont nous parlerons plus loin, mais que
nous voulons introduire par l'observation d'un cas de toxicomanie
d'objet, ayant beaucoup de points communs avec une relation éroto-
maniaque délirante, mais cependant fort différent en son agencement
structural et économique.
Il s'agit en fait d'une de ces malades que l'on appelle : cas limite ou
border-line, dont la structure est certainement psychotique ou pré-
psychotique — dans le sens qu'il est convenu de donner à ces termes en
clinique psychanalytique — le comportement tantôt délibérément psy-
chotique, tantôt profondément névrotique. Nous devons dire que c'est
une malade que plusieurs d'entre vous connaissent, que nous n'avons pas
traitée personnellement mais qui l'a été par plusieurs de mes confrères
à qui je dois l'observation (1) que je choisis en raison de son particulier
intérêt pour le propos qui est le mien. J'ajoute qu'elle est actuellement
dans un service psychiatrique en province. Cette malade que nous appel-
lerons Bénédicte (2) a un très long passé thérapeutique; elle est âgée
d'une trentaine d'années et dès l'âge de 6 ans elle fit connaissance avec la
médecine à cause d'une malformation congénitale qui l'a menée pour
un séjour prolongé dans un hôpital parisien. Lorsqu'elle relate ce
souvenir, toujours présent dans ses récits, elle nie tout l'aspect médical
et organique de la situation pour n'en retenir que le fait que sa mère
(1) Notamment les Drs Danon-Boileau, Diatkine, Mme Kestemberg, les Drs Lebovici et
Racamier, que je remercie.
(2) On trouvera dans l'additif la relation d'une séance du traitement de cette malade.
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 557

l'a abandonnée aux médecins. Les nombreuses interventions pra-


tiquées à cette occasion n'ont pas donné, sur le plan esthétique, un
résultat particulièrement heureux et la malformation demeure appa-
rente. Intelligente, Bénédicte fit des études bonnes et régulières en
dépit des maladies diverses qui eussent pu en interrompre le cours. A
la fin de ses études secondaires, elle contracta une tuberculose qui
la conduisit à nouveau pour longtemps dans un sanatorium. Elle en
garde un souvenir somme toute assez agréable, plus agréable même
qu'elle ne le croit, car depuis lors, Bénédicte entre dans la maladie.
En effet, en proie à un apragmatisme total et à un besoin constant de
drogues destinées à remédier à une insomnie soigneusement cultivée,
elle est amenée dans un service psychiatrique où une première psycho-
thérapie a été instituée. Elle garde pour son médecin d'alors une
reconnaissance attendrie car, dit-elle : « Il était bon et me donnait ce
que je voulais et lorsque j'étais sortie de la clinique, où ma mère m'avait
une fois de plus abandonnée, et que je venais le voir en traitement
ambulatoire, il me raccompagnait en voiture, me prenait gentiment
par le bras, etc. » « Je ne peux pas dire », ajoute-t-elle, dans son style
particulier, « qu'il m'ait été très utile car il ne m'a en réalité ni soignée,
ni guérie, mais il s'occupait bien de moi ». Malheureusement pour
Bénédicte, ledit médecin quitte le service, son traitement se trouve de
ce fait interrompu. Elle fait une rechute pulmonaire, retourne en sana,
se trouve placée en post-cure et c'est là que mes confrères commencent
à la connaître. Le tableau clinique se présente alors comme suit : Béné-
dicte ne fait rien, refuse de sortir de la post-cure, réclame des médi-
caments qu'elle ne prend pas ou qu'elle vomit lorsqu'elle les avale,
dort mal et accable l'un des médecins de la post-cure d'un amour
exigeant. Il faut qu'il la voie tous les jours, longtemps, qu'il lui donne
les médicaments qu'elle désire prendre et non pas ceux qu'il souhaite
lui prescrire, qu'il s'occupe avant que de parler de sortie de l'agence-
ment matériel de son existence au-dehors, qu'il lui trouve une profession,
un endroit pour l'exercer, et qu'il demeure en tout temps à sa disposi-
tion, mais aussi qu'il la mette en cure de sommeil. Devant ce tableau
clinique, et la stérilité apparente de la psychothérapie que ce médecin
avait avec elle tenté d'instituer, on décide à la faveur d'une légère amé-
lioration, de faire sortir Bénédicte de la post-cure et d'entreprendre
un traitement psychodramatique, d'abord en groupe, puis individuel.
Dès lors la symptomatologie se précise : en groupe, Bénédicte, très
agressive, accable les autres patients soit d'un silence obstiné, éloquent,
accompagné d'une attitude statufiée dans une position foetale, soit
558 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

d'invectives violentes, délibérément méchantes à l'endroit du médecin,


constamment répétées, assaisonnées parfois de quelques sarcasmes
adressés à ses camarades. C'est alors qu'on décida de la mettre en
psychodrame individuel où ne participerait plus le médecin objet de
ses amours exigeantes. Son attitude à l'endroit de ce médecin était
devenue et a continué depuis, jusqu'à son internement en province,
à être significative et stéréotypée. Elle va le voir à tout moment, lui
téléphone, exige des médicaments et se plaint sans arrêt de sa méchan-
ceté à son égard. Elle a besoin de lui, il s'occupe d'autres que d'elle,
il ne sait pas lui donner ce qu'il faut, il lui refuse tout ; d'ailleurs il ne
sait rien, c'est un mauvais médecin, un piètre thérapeute ; il ne lui fait
que du mal, on se demande comment sa femme a pu l'épouser, il n'est
bon à rien, mais elle a besoin de lui. Elle a aussi besoin de médicaments
qu'il refuse de lui donner ou ne lui donne qu'au compte-gouttes, qui
d'ailleurs ne lui font rien et qu'elle vomit. Bénédicte, à cette période,
bien qu'ayant un emploi non dénué d'intérêt, l'assume mal, irrégulière-
ment, passe ses nuits sans dormir, à boire un nombre considérable de
bouteilles d'une boisson d'ailleurs peu alcoolisée, et ses journées à
courir auprès de ce médecin pour l'apercevoir quelques instants ou
pour s'entendre dire par lui ou par une personne interposée qu'il ne
peut pas la recevoir. Elle assortit ses visites et l'intervalle qui les sépare
de longues lettres où elle menace de se suicider, elle adresse d'ailleurs
des lettres analogues aux thérapeutes qui s'occupent d'elle en psycho-
drame où elle brandit les méfaits et les malheurs dans lesquels l'a plongée
le Dr X..., son existence impossible et la nécessité logique d'y mettre un
terme. Au psychodrame, elle refuse de jouer et lorsqu'elle accepte de le
faire, c'est pour reproduire les scènes de reproche adressées au Dr X... et
pour montrer à l'aide d'exemples savamment choisis, combien il est
à la fois malfaisant et impuissant. La plupart du temps, elle reste dans
l'attitude que nous avons déjà signalée, exhibant les malheurs dont sa
mère et ses médecins l'ont accablée. A la faveur d'une interruption
temporaire et brève du psychodrame, Bénédicte, qui n'avait cessé
d'aller poursuivre le Dr X... dans son service, s'y rend un beau jour
et s'y suicide. On la découvre à temps, la ranime et les choses reprennent
le même cours. Ajoutons qu'elle habite chez sa mère à laquelle elle
interdit tout contact avec les médecins, ne lui disant même pas d'ailleurs
qu'elle est soignée, s'enferme dans une pièce où elle interdit d'entrer et
mène une existence totalement isolée. Au bout d'un certain temps,
ses menaces de suicide se faisant à nouveau de plus en plus précises,
l'état dépressif devenant de plus en plus inquiétant, ses visites au Dr X...
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 559

de plus en plus harcelantes et des incidents de nature à faire craindre


une intervention de police se multipliant, on décide un internement dans
un service de province, d'où elle pourrait continuer à venir régulière-
ment à ses séances de psychodrame, lorsque le traitement sera repris.
Il faut signaler que l'internement a été effectué d'une manière un peu
coercitive et que Bénédicte, si vindicative à l'endroit de ses thérapeutes
et du Dr X... lorsqu'il s'agissait de la non-satisfaction de ses besoins,
ne garde que très peu de rancune à cause de cet internement, alors
qu'elle eût été très justifiée à leur en vouloir solidement.
Le séjour dans cet hôpital psychiatrique a été très bénéfique à
Bénédicte ; elle y a enfin retrouvé le sommeil et une activité certaine
qu'elle exerce d'ailleurs fort bien. Lorsqu'au bout de quelques mois
le traitement psychodramatique fut repris, elle recommença à exiger
qu'on l'autorisât à revoir le Dr X... On le lui interdit formellement,
elle continue à le demander mais sans beaucoup de conviction. Il se
trouve même que par un hasard, dont on ne sait s'il est heureux ou
malencontreux, elle est appelée à l'entrevoir dans la salle d'attente,
sans que cela semble, actuellement, avoir pour elle une quelconque
signification. La première fois qu'elle l'a rencontré, elle a simplement
remarqué qu'il n'a fait que lui dire bonjour. Il lui fut répondu que
c'était bien ce que la situation impliquait : quand deux personnes
se rencontrent, elles se disent bonjour. Elle l'admit en fait, non sans
quelques grognements peu convaincus. Au psychodrame les choses
se sont modifiées. Bénédicte accepta de jouer le rôle de son père et
montra au cours d'une séance un tableau fidèle du passé vécu de son
enfance. Son père ne pouvait se passer de sa mère à aucun moment,
il l'appelait à tout bout de champ, n'exerçait aucune autorité, ne s'oc-
cupait pas de sa fille, à qui il ne pardonnait pas de ne pas être un garçon,
il ne s'occupait pas plus des garçons d'ailleurs ; les enfants n'avaient
jamais accès à la chambre parentale, toujours fermée à clef. La mère
enfermée dans sa chambre s'occupait du père, pas des enfants, si ce
n'est au cours de maladies qui se terminaient volontiers par l'envoi à
l'hôpital. Bénédicte raconta alors avec une facilité d'assez mauvais
aloi le souvenir suivant : lorsque son père mourut elle exigea, de façon
tellement violente que l'on dût faire comme elle l'entendait, que la
dépouille de son père fût étendue sur son propre lit à elle et elle passa
toute la nuit seule enfermée avec son père dans cette chambre, allongée
à ses côtés. Ce souvenir grandguignolesque est aux dires de Bénédicte
le seul souvenir « agréable », le seul souvenir de plénitude qu'elle ait
de son existence. La suite des séances de psychodrame montra avec
560 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

une certaine clarté combien Bénédicte, dépourvue d'objet, ne pouvait


se remplir qu'avec ce père mort, gardé à l'intérieur d'elle-même, comme
sa mère, du vivant de celui-ci, le gardait dans sa chambre. Ce qui aurait
pu au premier abord être compris comme une identification paternelle
est en fait une tentative d'identification à l'agresseur, à la mère dévorante,
tâchant à s'approprier l'objet, devenu mauvais parce que faible, ino-
pérant, châtré, et en fin de compte, mort. Bénédicte reproduit inlassa-
blement dans sa quête auprès du Dr X... l'attitude fantasmatique
prêtée à sa mère en même temps que l'extraordinaire angoisse dont elle
est la proie, en raison d'un sentiment de vacuité que rien ne vient
combler, d'esseulement d'abord fantasmatique, ensuite réalisé. Ajoutons
pour terminer, qu'à aucun moment, Bénédicte n'a prétendu être aimée,
qu'elle a toujours admirablement critiqué son comportement en en
percevant l'absence de satisfactions réelles : elle savait qu'elle ne pou-
vait qu'être déçue, que c'était mauvais pour elle, que c'était absurde
à la rigueur, mais elle en avait besoin, elle ne pouvait pas s'en passer.
Selon ses propres termes, elle avait besoin de voir le Dr X..., de le
voir sans cesse, de le persécuter en quelque sorte, autrement sa vie
n'avait pas de sens, et c'est pourquoi elle voulait se suicider.
Cette observation dramatique nous amène à tenter d'isoler au
passage une entité clinique, qu'à la suite de Rado, Mallet, Held, Nacht
et Racamier, et d'une façon un peu différente, nous appellerons la
toxicomanie d'objet, proche de l'érotomanie, cependant distincte, dont
les différences se situent dans le fondement structural et les mécanismes
de défense mis en cause. Car jamais Bénédicte, pas plus que d'autres
patientes d'ailleurs que nous avons traitées et qui se rapprochent d'elle,
n'ont trouvé de solution dans un délire organisé, demeurant toujours
aux frontières de la psychose. Bénédicte a en effet établi avec le Dr X...
une relation amoureuse pathologique non délirante, répondant à un
vécu où conflits et mécanismes de défense sont bien différents de ceux
de Dorothée.
Nous savons que le besoin d'obtenir quelque chose qui n'est pas
la simple satisfaction sexuelle mais également l'auto-affirmation et la
sécurité sont plus qu'indispensables à l'existence d'une personne.
Ces besoins peuvent prendre la forme d'une force agissante gouvernant
les impulsions pathologiques dont la toxicomanie représente le type le
plus net. Les toxicomanes, par l'absorption de drogues, tendent à satis-
faire leur violent désir archaïque, à la fois désir sexuel, besoin de
sécurité et self-esteem (Rado). Glover a souligné que l'origine et la nature
de la toxicomanie ne sont pas déterminées par l'effet chimique de la
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 561

drogue elle-même, mais par la structure psychologique du malade.


En effet, la personnalité morbide est un facteur décisif. Il s'agit pour
le sujet d'accomplir, ou avoir l'espoir d'accomplir, un profond désir
primitif ressenti comme une urgence critique. En mobilisant une telle
dose de désir, la réalisation peut être comparée au plaisir sexuel d'une
personne normale. C'est pourquoi la sexualité génitale est dépourvue
d'intérêt pour ces malades, la libido devenant une tension érotique
amorphe, sans caractère différentiel ou forme d'organisation.
Ils sont fixés à des buts passifs narcissiques et ne sont intéressés
que par l'obtention de leur propre satisfaction et non par la satisfaction
du partenaire. Les objets ne sont rien d'autre pour eux que des dispen-
sateurs de nourriture (76). Leur existence même dépend de l'obtention
de nourriture que les drogues remplacent (53). Or il est évident que
le Dr X... est confondu par Bénédicte avec les médicaments que sans
cesse elle lui demande, que bientôt même il remplace ces médicaments
et que la démarche intérieure de Bénédicte est en tous points analogue
à ce qui vient d'être dit de celle des toxicomanes.
Nacht et Racamier (85) insistent dans leur description des toxico-
manies sans drogue, sur le fait que l'objet recherché avec une « appé-
tence tyrannique » est gratifiant et dangereux à la fois. Si la « ration »
d'objet fait défaut, le malade peut s'abîmer en une angoisse dépressive
avec possibilité de suicide, ce qui est le cas de Bénédicte. Cette toxico-
manie d'objet est une tentative de récupération contre l'angoisse de
néantisation. Une psychothérapie peut mener le malade à la résolution
de cette crainte. Mais il nous faut souligner le danger qui menace
le malade car l'objet (« le bon-mauvais, lait substitutif »), excédé un
jour ou l'autre par la sollicitude constante, peut devenir agressif et
vraiment rejetant. Le deuxième danger consiste dans le fait que la
puissance et « la rage du désir » qui jettent le déprimé sur l'objet récupé-
rateur comportent elles-mêmes une agressivité inconsciente qui finale-
ment plonge le malade encore plus profondément dans la voie de la
dépression et de la dépersonnalisation comme le montre Bibring.

Bénédicte dès sa prime enfance, entre son père et sa mère qui


s'enfermaient à clef dans leur chambre, de la vie desquels elle se sentait
exclue, vivait dans une solitude pas tellement réelle, mais ressentie
commet elle, d'autant plus que le père faible, inexistant et la mère puis-
sante mais absente, vivaient dans un monde à part. Nous savons que
les parents de Bénédicte étaient très frustrants à son égard. Il n'est pas
interdit de penser que c'est peut-être en raison de sa malformation
REV. FR. PSYCHANAL. 36
562 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

congénitale qu'ils l'ont rejetée. Elle a été hospitalisée très jeune et


très longtemps, ce qui eut pour double résultat de raviver son sentiment
d'inquiétude corporelle et de donner aux médecins le rôle terrible du
personnage à la fois frustrant et réparateur. Lorsque Bénédicte fut
internée et que sur la convocation du psychiatre la mère a daigné se
déranger pour voir sa fille, elle était fort surprise de la trouver dans
un établissement de ce genre car jamais elle n'a soupçonné les troubles
dont elle souffrait, jamais sa fille ne lui a fait de confidences, jamais la
mère ne les a sollicitées. Cette absence de la mère ressentie comme
un rejet, comme une impossibilité de s'approcher d'elle, induit chez
Bénédicte l'impossibilité d'aimer un objet autrement que sous la
forme du besoin et de là un sentiment aigu de solitude. Cette solitude
qui, par un jeu narcissique, était beaucoup plus supportable que le
rejet (pour le narcissisme il est beaucoup plus facile de se dire « je
rejette » plutôt que « je suis rejeté ») s'installait et favorisait le dévelop-
pement de la libido du Moi aux dépens de la libido objectale dans ses
relations ultérieures avec autrui. Mais de par cette situation, le vide
ressenti devient par moment si angoissant, la dépression qui l'ac-
compagne est d'une puissance telle que Bénédicte se trouve au bord
d'un abîme sans fin où elle peut se poser la question de savoir si elle-
même existe. Être sans un autre c'est douter d'être tout court. La
lutte contre cette dépersonnalisation, angoissante, est entreprise par
le Moi qui essaye d'y échapper en s'accrochant à un personnage quel-
conque dont les contre-attitudes pourraient en favoriser la fixation.
Dans le cas de Bénédicte, en s'accrochant au Dr X... elle a essayé de
combler un vide, pensant de cette façon échapper à la dépression qui
est, à notre avis, le pivot de la structuration de Bénédicte. Le Dr X...
a, dans une situation érotomaniaque caractérisée, pris dans sa vie le
rôle de cet objet tant recherché, tant convoité mais qui en raison du
caractère du seul mode d'investissement libidinal dont Bénédicte est
capable, ne dissipe pas l'angoisse qui la conduit au suicide. Aussi para-
doxal que cela puisse paraître, il nous semble qu'il manquait à Bénédicte
le délire pour qu'elle puisse échapper à la mort. Délirante, ayant l'illu-
sion d'être aimée, elle aurait senti sa plénitude, et pu, de ce fait, juguler
son angoisse. Nous avons dit que Bénédicte avait établi avec le Dr X...
une relation érotomaniaque ; en effet, son comportement la traduit de
la façon la plus classique : elle poursuit son objet, elle le veut à son entière
disposition, il est socialement d'un rang plus élevé qu'elle, il pourrait
lui fournir la protection maternelle qui lui a toujours fait défaut, ses
relations sont platoniques et l'illusion d'aimer, malgré de nombreuses
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 563

interventions, tant de la part du Dr X... que des autres, se manifeste


avec cette obstination caractéristique de ces érotomanes que rien
n'effraie et pour qui tout chemin pour parvenir au but est bon. Ceci
sur le plan descriptif. L'analyse de cette relation comporte cependant,
commenous le verrons, bien des points communs avec celle de Dorothée,
en cela qu'elle est érotomaniaque, mais aussi bien des différences, en
cela qu'elle n'est pas délirante. En effet, Bénédicte a besoin de l'objet,
comme un toxicomane a besoin d'une drogue. Cette quête de l'objet
reste à tout moment pour elle consciente, vécue. L'angoisse, dont cette
quête est l'expression, n'apparaît plus comme telle mais sous cette
forme précise : « J'ai besoin de X... » Le terme « pour ne pas être
détruite » demeure inconscient et ne subsiste que sous la forme projec-
tive de l'agressivité contre X... qui ne lui donne pas ce dont elle a
besoin. La position dépressive de Bénédicte et les mécanismes de
défense paranoïdes (au sens de M. Klein) qu'elle suscite traduisent
certes son constant besoin de vérification de l'intégrité de l'objet.
Cependant, jamais la réalité n'est toute entière altérée par le fantasme.
Seul l'objet recherché est projectif, mauvais. Bénédicte à ce prix peut
se sentir entière à condition que l'objet lui soit à la fois, inatteignable,
décevant, mais constamment présent. Bénédicte réalise là un véritable
travail de deuil, mais contrairement aux mélancoliques, l'objet reste
en dehors d'elle, elle tente constamment de l'intérioriser, n'y parvient
pas, ne délire pas. Le deuil c'est sa solitude. L'angoisse profonde qui
est en elle, ne se fait plus connaître comme telle. Elle est remplacée
par ce compromis qu'est la quête effrénée de l'objet, donc par une
angoisse objectale, ce qui implique bien un aspect moins désagrégé
du Moi. La relation érotomaniaque lui donne donc bien la réassurance
narcissique profonde sur sa cohésion interne dont nous avons montré
à la faveur de Dorothée que c'était la fonction essentielle. Cependant,
contrairement à Dorothée, elle reste à tout moment douloureuse;
l'absence même de la satisfaction libidinale du délire induit la souffrance
mais témoigne d'un certain recul du Moi par rapport aux positions
fantasmatiques. Le conflit pour Bénédicte n'est pas résolu, il est vivant,
l'objet demeure en dehors d'elle, il n'y a pas d'identification projective.
Le monde extérieur et elle-même existent en même temps, douloureu-
sement, mais ne sont pas confondus l'un dans l'autre, en cette alté-
ration de la réalité qui est le propre de la psychose. Quand elle ne peut
plus supporter les heurts d'avec ce monde, Bénédicte se suicide ou
entre en cure de sommeil — ce qui a la même signification — et témoigne
par là même qu'elle se reconnaît une existence autonome. Pour Doro-
564 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

thée, puisqu'elle est comblée fantasmatiquement, puisqu'elle ne sait


plus distinguer entre l'autre et elle-même, entre les fantasmes et la
réalité, il ne peut être question de suicide. Ce n'est qu'au fur et à
mesure des progrès thérapeutiques, comme nous l'avons vu, que la
position dépressive de Dorothée s'est manifestée, position qui avait été
victorieusement jugulée par la position délirante. Nous voyons donc
que si Dorothée et Bénédicte ont cherché à lutter contre une angoisse
néantisante, si on trouve en toutes deux une position dépressive qui en
est le pivot, si toutes deux ont établi pour lutter contre elle une relation
érotomaniaque, cette relation est, pour chacune d'elles, économique-
ment différente.
Il nous paraît important de rechercher maintenant ce qui, dans ce
que nous savons de chacune d'elles, et compte tenu des différences
de l'équipement initial, pourrait répondre à la question : qu'est-ce qui
fait que l'une a trouvé une solution dans un délire érotomaniaque et
que l'autre n'a pu qu'instaurer une relation érotomaniaque de type
toxicomanie-d'objet ?
C'est dans les particularités de l'environnement, qui ont présidé à
l'évolution de ces deux patientes, que nous pensons pouvoir trouver
une réponse à notre question, dans la mesure où, répétons-le, nous ne
pouvons revenir sur l'équipement initial qui, bien entendu, a un rôle
indiscutable. C'est ici que l'on peut mesurer l'importance de ce que
Nacht a si bien mis en lumière à propos de la distorsion du Moi.
Pour Bénédicte, l'essentiel de la structure familiale est caractérisé
par l'inexistence du personnage paternel dans la mesure où, d'une part,
il n'a jamais témoigné à sa fille le moindre amour, ni même le moindre
intérêt. D'autre part, d'après ce qu'elle en relate, donc d'après ce
qu'elle a vécu, il ne pouvait rien faire sans l'appui de sa femme dont
il sollicitait tout le temps la présence, l'accord et les avis ; à tel point
que lorsque Bénédicte nous parlait de son père, on croyait l'entendre
parler d'elle-même vis-à-vis du Dr X... Ajoutons encore que père et
mère formaient une sorte d'unité indistincte symbolisée par la chambre
fermée à clef, interdite aux enfants. L'importance démesurée de la
mère, non seulement en son image fantasmatique, mais aussi dans la
réalité du comportement du couple parental empêcha pour Béné-
dicte, non seulement la résolution du conflit oedipien, mais même la
constitution d'une véritable situation oedipienne. Les relations binaires
avec la mère demeurèrent donc constamment prévalentes et constam-
ment marquées aussi par le rejet et l'abandon en des établissements
hospitaliers dûs à la malformation congénitale de Bénédicte. Sa libido
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 565

objectale, de ce fait resta concentrée sur un personnage maternel


extrêmement angoissant, en même temps que frustrant, ce qui pro-
voqua inéluctablement un renversement de la libido sur le Moi dans
un mouvement que Freud a appelé l'auto-conservation. Dans la soli-
tude affective profonde où Bénédicte se trouve plongée, il lui faut à
toute force s'assurer de la présence constante de l'objet maternel dont
dépend sa propre cohésion interne; il lui faut donc se livrer à toute
force à une quête objectale pour remplir le vide qu'elle sent en elle,
pour n'être pas détruite par l'angoisse. Toute sa vie elle poursuit le
besoin d'incorporer, d'introjecter cet objet, soit sous la forme de médi-
caments, soit sous la forme du Dr X... Toute sa vie, elle a besoin de
vérifier que l'ayant incorporé elle ne l'a pas détruit et si l'objet vient à
lui faillir, elle ne peut s'unir à lui que par le suicide. Ceci de façon
d'autant plus naturelle, si l'on peut dire, que la seule fois dans sa vie
où elle a vécu un sentiment de plénitude, le seul souvenir « agréable »,
comme elle dit, est avec son père mort (dont nous avons vu qu'il était
l'objet partiel maternel), ce qui est encore un exemple de son mode,
profondément inadéquat, d'investissement. Répétons encore que la
malformation corporelle de Bénédicte n'a pu qu'ajouter à son angoisse
et renforcer de ce fait l'investissement de la libido sur le Moi. Pour
nous résumer, nous pourrions dire que Bénédicte ne sait pas ce que
c'est que l'amour, elle sent seulement ce qu'est le besoin, besoin en fin
de compte épuré de toute finalité et ne pouvant être comblé par rien.
Cela donne à son destin sa dimension tragique fait aussi que, contre
l'amour, elle n'a pas à se défendre.
Il en va tout autrement pour Dorothée.
Ce qui différencie notoirement la situation de Dorothée, c'est
qu'elle a toujours vécu dans sa famille pour étrange qu'elle soit, et
que son père l'a aimée. Il l'a même trop aimée et nous pensons, comme
nous l'avons déjà dit, que ce contre-OEdipe actif du père induisant la
jalousie manifeste de la mère, en conséquence sa disparition en tant
que bon-objet, constitue un de ces événements féconds qui entraînent
inéluctablement, compte tenu des prédispositions, des défenses massives
et globales dont la construction délirante est le témoignage. En effet,
les premières relations objectales de Dorothée, nous l'avons déjà vut
ont été aussi perturbées que celles de Bénédicte. L'image maternelle
y était aussi effrayante et le père, en fin de compte, peu important.
Il en résulta, pouvons-nous supposer, un certain équilibre utile,
fragile sans doute, morbide sans doute, dont malheureusement nous ne
savons pas grand-chose, mais qui se trouva brutalement remis en ques-
566 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

tion par l'amour indiscret du père. La situation oedipienne donc entiè-


rement infiltrée par les fantasmes pré-génitaux se trouva hautement
angoissante, et, loin d'apporter une possibilité de résolution évolutive,
ne put qu'ajouter à la terreur vis-à-vis du personnage maternel, par
rapport auquel, Dorothée, n'a jamais pu se sentir tout à fait personna-
lisée. Le comportement itératif du père, toujours dans le même sens,
lors des périodes les plus importantes dans la constitution de la per-
sonne, notamment lors de l'adolescence, semble avoir définitivement
bloqué, pour Dorothée, toute issue heureuseà un investissementobjectai
et c'est ainsi, qu'au moment où son père lui propose d'abandonner sa
mère et d'aller vivre avec elle seule, elle fait un épisode morbide de
repli narcissique dont elle sort par la relation délirante de son amour
pour M. Z... qui l'éloigne en même temps apparemment et du père
et de la mère.
Nous ne pouvons pas nous étendre ici sur ce rôle de l'attitude
contre-oedipienne pour des sujets qui vivent la situation triangulaire
selon les coordonnées de l'oedipification et non pas de l'OEdipe vrai,
mais nous pensons qu'elle a une part déterminante dans la constitution
des délires.
Pour en terminer avec ces deux observations, il nous semble avoir
montré que de façons différentes la constitution d'une relation éroto-
maniaque, délirante pour l'une, aux confins de la psychose pour l'autre,
a été pour toutes deux le seul point fixe sur lequel elles pouvaient s'ap-
puyer pour lutter contre l'angoisse de néantisation dont leurs mauvaises
relations objectales primitives les ont faites la proie. A cet égard donc
la relation érotomaniaque peut être considérée comme structurante,
en cela qu'elle apporte un équilibre utile, le seul possible.

Nous venons de dire que la relation érotomaniaque constituait pour


nos deux malades une position défensive structurante. S'il en est ainsi
nous devrions retrouver, dans un agencement économique différent,
répondant à des structures différentes, non pathologiques, ce même
rôle structurant de la relation érotomaniaque.
Or, il est en effet d'observation courante que la possession amou-
reuse illusoire d'un objet fait partie intégrante de toute une série d'états,
pathologiques ou non, suivant les individus et le moment de leur déve-
loppement.
Freud (38) remarque qu'il existe une certaine réciprocité entre la
libido du Moi et la libido dirigée sur l'objet. Cette réciprocité peut se
définir par un appauvrissement de l'un au bénéfice de l'autre. Chez
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 567

l'amoureux « où existe le plus haut degré de développement dont la


libido objectale est capable, le sujet semble se détacher de sa person-
nalité toute entière, en faveur de l'investissement objectai ».
Le sort de l'amoureux adulte dépendra donc de la façon heureuse
ou malheureuse dont se sont établies ses premières relations objectales,
aussi bien que des aléas divers qui auront présidé à ses choix objectaux
ou à ses investissements objectaux, au cours de son évolution. Le choix
objectai de l'enfant prend ses sources dans les premières expériences
de satisfactions et les « premières satisfactions sexuelles autoérotiques
sont expérimentées en rapport avec les fonctions vitales au service de
l'auto-conservation. Les instincts sont, à l'origine, sous-tendus par
les instincts du Moi. C'est seulement plus tard qu'ils deviennent indé-
pendants de ceux-ci et, même alors, nous avons une indication sur
cette dépendance originelle dans le fait que ce sont les personnes qui
sont chargées de la nourriture et des soins de l'enfant qui deviennent
leurs plus précoces objets sexuels, c'est-à-dire, en premier lieu, la mère
ou son substitut. Côte à côte, avec ce type et cette source de choix
objectai, que nous pouvons appeler de type anaclitique, un second
type dont nous ignorions l'existence, a été révélé par l'investigation
psychanalytique. Nous avons trouvé spécialement chez les personnes,
dont le développement libidinal avait été troublé, comme chez les
pervers et les homosexuels, que dans le choix de leur amour objectai,
ils ont pris comme modèle, non la mère, mais eux-mêmes comme
objet d'amour, et leur type de choix objectai peut être appelé narcis-
sique »... et plus loin... « Soutenons plutôt que deux sortes de choix
objectai sont offertes à chaque individu : mais qu'il peut néanmoins
marquer sa préférence pour l'une ou pour l'autre. Disons que l'être
humain a donc originellement deux objets sexuels : lui-même et la
femme qui s'occupe de lui, et par là nous postulons un narcissisme
primaire en chacun qui peut à la longue se manifester comme prévalant
sur le choix objectai. »
Nous ajouterons à cette longue citation de Freud que lorsque les
premières relations objectales ont été très profondément altérées et
que l'expérience ultérieure vécue par l'individu ne permet pas de cor-
riger cette angoisse de néantisation où l'amour de soi est surtout senti
comme la peur constante de la perte imminente de soi et des autres,
l'une des expressions possibles de la récupération de soi-même et de
l'objet sera la possession illusoire d'un objet amoureux. C'est donc en
fin de compte et à tout moment de l'équilibre entre les satisfactions et
le seuil de frustration tolérable (qui remet en question le sentiment
568 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

de cohésion interne) que dépendront la qualité et la subtile variété de


l'organisation de la relation amoureuse. Ceci nous explique que chaque
fois que naturellement ou artificiellement un individu est soumis à
une situation de frustration, il essayera de combler ce vide par une
relation amoureuse où l'apport narcissique variera en intensité en
raison directe de l'intensité de la situation frustrationnelle. En fait, il ne
s'agit pas dans les situations critiques d'aimer quelqu'un d'autre, mais
de sentir, penser ou imaginer que quelqu'un d'autre vous aime pour
pouvoir s'aimer soi-même et se sentir existant (1). En dernière analyse
ce qui est mis en cause c'est l'estime de soi dont la source historique
est l'idéal du Moi au cours de l'évolution...
« On aime l'objet, dit Freud, pour les
perfections qu'on souhaite
à son propre Moi et on cherche par ce détour à satisfaire son propre
narcissisme (2). »
Ceci est vrai dans une mesure variable dans tout état amoureux ;
mais dans les moments critiques, comme dit Freud, « toute la situation
peut être résumée dans cette formule : l'objet a pris la place de ce qui
était l'idéal du Moi », voire du Moi, ajouterions-nous. Nous pouvons
donc dire que lors de toute étape du développement qui entraîne les
conflits inhérents à ce moment précis, l'équilibre économique entre
la libido narcissique et la libido objectale est remis en question (3). Nous
préciserons que toute culpabilité, fût-elle oedipienne, agit dans le sens
d'une rupture de l'équilibre précédemment établi et peut entraîner
une réponse où la libido narcissique l'emporte sur la libido objectale,
ou, en d'autres termes, le sujet a besoin de réparer la mauvaise image
de son idéal du Moi que sa culpabilité entraîne, a besoin de récupérer
sa self-esteem, et à un niveau plus profond, son sentiment de cohésion
interne. Nous pensons que l'établissement d'une relation amoureuse
avec un objet illusoire, ou la création illusoire d'une relation amoureuse
avec un objet en réalité indifférent, permet un moment d'équilibre
utile car elle instaure en effet, à la fois le maximum de distance avec
l'objet du conflit lorsqu'il est oedipien, et le maximum de réassurance
narcissique sur la personne propre du sujet, qui devient alors telle
qu'on peut l'aimer.
Nous ne nous étonnerons donc pas de trouver des rêveries amou-

(1) Chez le sujet normal comme le dit S. Nacht dans son enseignement oral : « On ne peut
aimer les autres que si l'on s'aime soi-même, et l'on ne peut s'aimer soi-même que si on aime
les autres » et S. Lebovici : « Le narcissisme est à l'origine des investissements objectaux. »
(2) S. FREUD, Psychologie collective et analyse du Moi, in Essais de Psychanalyse (41).
(3) A propos du narcissisme, signalons les travaux de B. GRUNBERGER (52).
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 569

reuses plus ou moins durables, des créations d'amours illusoires plus


ou moins pathologiques dans toutes les périodes de la vie de chaque
individu qui, à la faveur de remaniements biologiques, remettent en
question l'assomption de sa personne et réveillent l'écho de la culpabi-
lité oedipienne et, de fait, une blessure narcissique (adolescence, méno-
pause) ; il en est de même dans les périodes où la conjoncture familiale
et sociale provoque un sentiment aigu d'esseulement, ainsi que dans
des situations très particulières où le rapprochementavec l'objet d'amour
est hautement culpabilisé (amour de transfert) — ces rêveries et ces
créations présentant à ce moment précis de la vie de l'individu la
solution du conflit, la réassurance, la jugulation utile de la peur. Ces
créations ne seront pathologiques que si, ce moment passé, elles persistent,
mais nous les pensons inhérentes au développement de tout individu.

Tout naturellement, c'est l'adolescence qui nous permettra d'étudier


un de ces moments féconds pour l'instauration d'une telle relation.
Déjà Moreau de Tours rapprochait le délire des érotomanes des
rêveries amoureuses des adolescents. Il disait, à ce propos, que « à cet
âge, le délire dure peu ; l'insouciance, le plus bel ornement de la
jeunesse, a bien vite raison de ces billevesées ». Cet optimisme de Moreau
de Tours nous laisse un peu rêveur car tous ceux qui ont observé
l'adolescent savent combien, au contraire, ces amours passionnées
ont facilement un caractère tragique dont la littérature, le cinéma et le
théâtre, d'ailleurs, témoignent abondamment. En réfléchissant à ces
amours adolescentes, le premier exemple qui nous vient à l'esprit est
celui de Julien Sorel, où le besoin de valorisation narcissique est par-
ticulièrement manifeste dans sa crainte même d'être dupe. Il nous
paraît, cependant, plus intéressant d'analyser au contraire, dirions-nous,
la situation la plus banale que l'on observe chez tous les adolescents.
Lorsqu'une jeune fille, par exemple, s'éprend de son professeur, dont
le sexe en l'occurrence importe peu, en cette « flamme » bien connue
dont l'utilité dépasse de loin les ravages, ou bien même d'une ou d'un
camarade, qu'y trouve-t-elle ? Remarquons tout d'abord que, lorsqu'il
s'agit d'un professeur, les choses sont claires : outre les implications
oedipiennes de la situation, elle y trouve le représentant d'un idéal du
Moi ; lorsqu'il s'agit d'un de ses camarades, elle commence par remar-
quer une certaine supériorité qui peut être physique, intellectuelle
ou morale, ou si elle ne la remarque pas, elle la crée. Elle retrouve en
l'objet aimé un représentant de l'idéal du Moi et, de ce fait, la valori-
sation narcissique dont parlait Freud. Cette situation passionnelle
570 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

lui apporte, sur le plan narcissique, une autre satisfaction qui est
celle d'être aimée par un être aussi remarquable. Les témoignages
à cet égard apportés par les journaux d'adolescentes, notamment
Marie Bachkirtseff ou Anne Frank, aussi bien que ce que rapporte
Mendousse (78), sont d'un particulier intérêt, car tous traduisent l'exal-
tation jubilatoire ressentie par la constatation que l'on est telle qu'un
autre préalablement fortement investi puisse vous aimer. La part de
cette exaltation dans les amours adolescentes est si importante que,
aussitôt que la preuve, ou même un soupçon de preuve du contraire,
leur est administrée, ils se livrent volontiers à des passages à l'acte
dangereux pour eux-mêmes. Signalons que ce qui leur importe, c'est
bien d'instaurer une telle relation amoureuse et non de la réaliser, car
en général ils se gardent bien de se rapprocher en réalité de l'objet de
leur amour ; il leur suffit d'en être amoureuse et d'épier en secret tout
mouvement qui pourrait traduire de la part de l'objet un sentiment
favorable à leur égard, sans jamais provoquer une situation explicite et
pouvoir, le cas échéant, dire « personne ne m'aime ».
Il est une autre façon, pour l'adolescent, d'instaurer une relation
amoureuse analogue à l'abri de tout démenti ou de toute réalisation
possible. En effet, de peur de se voir infliger la blessure narcissique
profonde que serait une non-réciprocité amoureuse, de peur aussi de
n'avoir pas les moyens pragmatiques de réaliser une relation amoureuse
satisfaisante, de par leur attachement enfin aux images parentales qu'ils
tentent de rejeter, les adolescents se sentent naturellement portés à
aimer un personnage dont l'irréalité offre pour eux toute sécurité. On
reconnaîtra là, la conduite banale de la passion amoureuse pour les
vedettes de cinéma, par exemple, et la véritable psychose collective à
l'endroit de James Dean en est une parfaite illustration, ou encore
le cas que relate Mendousse, plus perfectionné dans l'éloignement, de
cet élève de seconde éperdument amoureux d'Henriette d'Angleterre (1).
Il est une autre forme apparemment contradictoire, cependant bien
voisine, par laquelle s'exprime l'importance du besoin narcissique dans
les états amoureux de l'adolescent et qui les conduit par une autre voie
à l'illusion. Flaubert dans L'éducation sentimentale décrit finement
comment Frédéric, arrivé dans la grande ville, se répète constamment
« qu'on doit l'aimer ». Cette position qui est d'observation courante
peut conduire les adolescents à des positions interprétantes, voire à

(1) Une illustration remarquable d'un tel éloignement dans une situation de cet ordre
nous est donnée dans La Gradiva de FREUD (35).
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 571

des récits mythomaniaques dont il est très difficile de leur faire percevoir
l'aspect aberrant.
Il est donc, dès à présent, possible de voir combien, grâce à l'impor-
tance économique de la libido narcissique même dans les états les plus
banals, le passage se fait aisément de la réalité à l'illusion aberrante.
Lorsque l'évolution se fait de façon favorable, en fonction même de
la mobilité des investissements libidinaux, propres à cet âge, ainsi
que des possibilités de sublimation qui restent ouvertes, les choses
rentrent dans l'ordre et l'illusion laisse la place à la réalité pour se
transformer parfois dans le souvenir en « verts paradis des amours
enfantines ».
Lorsque le passé vécu des adolescents ne leur permet pas de dépasser
heureusement la crise, les conflits se nouent en névrose ou en psychose
suivant les modalités de leur structuration antérieure, suivant que les
perturbations sont plus marquées sur le plan génital ou sur le plan
prégénital, pour emprunter la terminologie de Bouvet. Des altérations
névrotiques des relations amoureuses, nous ne parlerons guère ici;
elles ne sauraient être mieux décrites et étudiées qu'elles ne l'ont été
par Freud d'abord, par Nacht ensuite et enfin par J. et J. Favreau
et R. et I. Barande dans un travail inédit à paraître. Nous nous en
tiendrons à notre propos qui est de souligner combien, dans les périodes
de crise, la relation érotomaniaque (l'instauration d'une relation amou-
reuse illusoire) constitue un mouvement de défense protecteur et
bienfaisant.
Nous ne pouvons nous livrer ici à une analyse approfondie de
l'extrême complexité qui caractérise la période de l'adolescence et les
crises qui y sont inhérentes. Nous nous contenterons de mettre l'accent
sur une de ces composantes qui est l'état de besoin affectif si marqué
à cette période. Nous employons ici le terme d' « état de besoin », dans
son sens le plus extensif en même temps que le plus compréhensif, qui
englobe son acception clinique. Cet état de besoin correspond aussi
bien à l'insécurité de l'adolescent à l'endroit de son corps propre qu'au
sentiment de frustration affective dû au rejet par lui-même de ses objets
d'amour parentaux. Il est d'évidence que l'adolescent oublie, pour
ainsi dire, que c'est lui qui a rejeté pour ne ressentir avec acuité que le
fait qu'il est seul et frustré d'amour.
Anna Freud (33) a remarquablement décrit les mécanismes de
défense spécifiques de cet âge contre cet état de besoin et nous pensons
qu'on pourrait y ajouter, encore qu'il ne soit pas spécifique à l'ado-
lescence, celui qui consiste en l'instauration de ce que nous appelons
572 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

une relation érotomaniaque, à savoir une relation amoureuse illusoire,


exempte de réalisation. Il est un autre mécanisme qu'on peut observer
chez des adolescents, comme chez les adultes, et qui vient en quelque
sorte parachever dans sa parenté avec le pathologique cette relation
que nous avons appelée érotomaniaque. Ce mécanisme qui est le méca-
nisme banal de l'inversion de la situation en même temps que l'inver-
sion apparente de l'affect, aboutit à ceci : on ne cherche plus à aimer,
ni à être aimé, mais on est poursuivi par un amour importun. Plus la
frustration est de fait massive, plus elle est présente, moins elle est
tolérable, plus elle suscite de mécanismes de défense massifs, peu
nuancés, dont le plus accompli est la projection interprétante dont sont
facilement la proie, par exemple, les « vieilles filles » persécutées par
d'importuns amoureux, objets faciles de la risée de ceux qui sont
comblés.
D'ailleurs, il n'est pas besoin d'invoquer des exemples aussi extrêmes
pour voir combien fréquente et nécessaire est la réparation narcissique
fournie par ce mécanisme de projection répondant à une situation
frustrante. Notre pratique quotidienne nous en donne des exemples
fréquents. Par l'intermédiaire des rêves, les patients expriment leur désir
d'être aimés par leur analyste. Les rêves de poursuite par exemple,
qui sont largement surdéterminés, traduisent cependant ce mouvement.
Une de nos patientes, après une série de rêves où elle était poursuivie
par des êtres de sexe indéterminé, apporte le rêve suivant : elle est dans
un tunnel, elle se sent poursuivie par un homme qui est derrière elle,
qu'elle ne voit pas ; elle entend dans son dos sa respiration haletante ;
il essaye de lui arracher ses vêtements ; elle est prise d'une angoisse
très vive, et, au moment où son poursuivant tente de lui enlever sa
robe, elle se dit : « Ça n'a aucune importance, c'est un rêve. »
Il apparaît clairement dans ce rêve, sans insister sur la situation
transférentielle, que nous nous trouvons en présence d'une situation
érotomaniaque, avec cette différence que c'est tout simplement un rêve
et que le syndrome érotomaniaque altère le réel. Car la malade projette
sur l'analyste son propre désir et renverse la situation : c'est l'analyste
qui la poursuit et la persécute.
Il est plaisant de souligner que, le mouvement final d'annulation
mis à part, nous trouvons dans ce rêve très exactement le postulat de
de Clérambault : « C'est l'objet qui a commencé, qui aime le plus
et qui aime seul. »
Il n'est pas dans notre propos, encore que l'intérêt en soit grand,
de nous arrêter plus longuement sur la production onirique. Nous
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 573

nous contenterons de dire combien il nous a été agréable de trouver,


dans la production onirique, une confirmation de notre hypothèse.
Si, en effet, on se souvient que le rêve est toujours la réalisation d'un
désir, il appert que ce que nous appelons la relation érotomaniaque
apporte bien une satisfaction libidinale en un compromis heureux,
en cela qu'il est supportable, entre la libido objectale et la libido
narcissique.
Il nous semble important de décrire maintenant, comment, dans
notre pratique quotidienne une relation analogue à celle que nous
avons appelée érotomaniaque peut être instaurée ou du moins faire
l'objet d'une tentative d'instauration de la part des patients, dans le
but de se protéger contre une relation transférentielle profonde, ressentie
comme trop intense par eux. Nous voulons parler là de certains aspects
de cet amour de transfert (1) qui n'est, en réalité, qu'une résistance
au transfert, comme l'a montré Schlumberger, et avant lui Freud,
avec l'exemple célèbre de Dora. Que se passe-t-il en effet dans cet
amour de transfert ?
Nous évoquerons pour l'illustrer, l'exemple d'une de nos malades,
âgée d'une trentaine d'années, mariée, se plaignant d'une frigidité
totale, aussi bien sur le plan sexuel qu'affectif, au demeurant déprimée
et vivant un sentiment d'échec angoissant. Ces quelques notations
mettent déjà en lumière l'importance de la libido narcissique chez cette
malade. Après de longs mois d'analyse où elle se plaignait abondam-
ment de ne rien ressentir, pas plus à notre égard qu'à celui de quiconque,
et où elle manifestait sa crainte du rapprochement d'avec nous par sa
peur de demeurer silencieuse, elle se mit à pratiquer de petits passages
à l'acte banals, tels que des retards de quelques minutes dont elle
entendait qu'il ne fût pas tenu compte, ou des exigences concernant le
changement d'heure des séances, ou bien encore, des séances auxquelles
elle ne venait pas, exigeant ensuite que celles-ci lui fussent rem-
placées. Bien entendu, nous le lui interprétâmes comme le besoin de
s'assurer de notre amour à son endroit ; quoi qu'elle fît, quoi qu'elle
demandât, il fallait que nous le lui accordions et que nous l'aimions
telle qu'elle était.
Toute tentative de rapprocher ce comportement de son passé vécu
demeurait stérile en cela qu'elle rencontrait une dénégation froide et

(1) S. FREUD, Observations sur l'amour de transfert (1915) (39). S. FREUD, Analyse terminée et
analyse interminable (1937) (44). Voir aussi les exposés de M. BÉNASSY, M. BOUVET, S. NACHT,
H. SAUGUET et M. SCHLUMBERGER, à l'occasion du Séminaire de Perfectionnement organisé
à l'Institut de Psychanalyse (mai 1958), in Rev. fr. de Psychanal., t. XXIII, 1959.
574 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

résolue. Il est à noter que cette malade avait, enfant, eu un comporte-


ment tout à fait analogue à l'endroit de sa mère, puis adulte, à l'endroit
de son mari. A ces interprétations succédèrent d'abord quelques séances
où elle nous maltraita verbalement, puis les invectives à notre endroit
changèrent de nature et elle nous reprocha d'être tel qu'elle soit obligée
de penser à nous, de prendre trop de place dans sa vie. De fait, disait-
elle, elle pensait tout le temps à nous, çà l'agaçait, mais elle ne pouvait
pas faire autrement. Au demeurant, ce n'était pas sûr que cela l'agaçait,
peut-être même cela lui plaisait-il. Il nous fut alors aisé de lui montrer
qu'après qu'elle se fût assurée de notre intérêt pour elle, quoi qu'elle fît,
elle prenait peur des sentiments qu'elle pouvait effectivement ressentir
à notre endroit, en tant que personnage transférentiel (mère, mari) et
qu'elle préférait mettre entre ses sentiments et elle, c'est-à-dire entre
ses sentiments et nous, en tant que nous étions authentiquement
investi, la représentation imaginaire de nous-même à la fois importune
et plaisante.
Nous pouvons voir combien dans ce cas banal qui se présente en
fait, presque dans toute analyse, nous voyons d'abord :
1° Un besoin de réassurance narcissique témoignée par les passages
à l'acte, provocateurs, mais banals. (On retrouve un mouvement
analogue, plus banal encore, dans la conviction qu'a volontiers chaque
patient d'être le seul à présenter pour l'analyste un intérêt véritable) ;
2° La peur d'un investissement objectai authentiquement transfé-
rentiel, le besoin de garder sa mère et nous-même intacts, en aména-
geant une distance utile à l'abri de laquelle elle pouvait penser à nous
quand nous n'étions pas là et s'en déclarer agacée.
Il est à peine besoin de souligner que nous retrouvons là les compo-
santes fondamentales de la relation érotomaniaque en ce qu'elle a de
défensif, de protecteur et de satisfaisant.
Il est une autre situation transférentielle, où la déréalisation de la
situation, dans la mise en avant d'un amour de transfert est encore plus
évidente et présente des difficultés de maniement certaines ; nous
voulons parler de l'érotisation actuelle du transfert. Chacun pourra
retrouver dans ses souvenirs un ou une de ces malades qui au moment
le plus chaud de l'analyse, où conflits et relations transférentiels sont
au plus près d'émerger à la conscience, se prennent pour leur analyste
de sentiments amoureux d'où toute pudeur, réticence, ou tempori-
sation sont exclues. Il faut que l'analyste les aime tout de suite, sur-le-
champ, qu'il ait des relations sexuelles avec elles, c'est urgent et néces-
saire, elles ne peuvent rien faire sans cela, au demeurant rien d'autre
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 575

ne les intéresse, c'est la seule chose qui leur importe ; parfois, cette
exigence est présentée comme une condition sine qua non de la guérison.
Par ailleurs, il leur est bien évident qu'en dépit de l'attitude réservée,
toujours identique de l'analyste, celui-ci éprouve les mêmes désirs.
En fin de compte, il n'est plus question que de cela et non plus de
'analyse.
Chaque fois que l'on n'a pas pu éviter l'instauration d'une telle
situation, soit en raison de la qualité psychotique des défenses de la
malade, soit en raison d'une recherche éperdue de satisfactions maso-
chiques — recherche au demeurant fort proche d'une structure psy-
chotique —, la situation ne peut être résolue, nous semble-t-il, qu'en
interprétant la dénégation de la réalité de la situation analytique que
l'instauration d'une telle situation implique. En effet, les malades dans
ce cas tentent de dénier à la fois : la personne de l'analyste, leurs
propres sentiments profonds à son égard et l'image transférentielle que
l'analyste, à ce moment, pour eux présente. Elles tentent donc de
s'éloigner d'un rapprochement d'avec cette image qui est, en réalité,
presque toujours une image maternelle, mais en même temps de pré-
server intacte leur union avec leur mère que l'analyste tendrait à
remplacer. Si elles expriment le besoin d'avoir constamment l'analyste
en elles, en ces relations sexuelles dénuées de tout désir, c'est pour se
faire rejeter sans doute, mais aussi et surtout pour interposer entre elles
et l'image transférentielle de l'analyste, celle, illusoire, dont elles auront
pris possession (car elles savent qu'il n'est pas de réalisation possible),
préservant ainsi intacts et l'analyste et l'imago maternelle. Cependant,
outre cet aspect, il faut bien comprendre que ces malades tirent d'une
telle situation une satisfaction libidinale réelle, soit sur le plan maso-
chiste, soit plus profondément une réassurance narcissique au travers
des sentiments amoureux qu'elles prêtent à l'analyste.
Dans d'autres cas, les malades n'ont même pas besoin de prêter
à l'analyste des sentiments amoureux, il suffit « qu'elles l'aiment » pour
qu'il lui incombe de satisfaire leur besoin.
Dans l'un ou l'autre cas, l'analyste devient cet objet de la relation
érotomaniaque dont la réalité et les sentiments importent peu ; il est,
très exactement, cet objet projectif dont les malades ont besoin pour
sa protéger contre la peur de l'intimité de la relation transférée en ce
qu'elle leur apparaît, comme dans le passé vécu, aussi nécessaire, que
redoutable. Leurs exigences impératives, itératives, lancinantes, tra-
duisent l'acuité de leur angoisse et la nécessité de ne pas perdre le lien
d'avec un objet maternel qui, incorporé, puis projeté au-dehors pourrait
576 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

être moins dangereux. Si elles nous reconnaissaient authentiquement


notre personne, notre qualité d'homme, nous les séparerions de leur
mère, et sur le plan oedipien et sur le plan des relations archaïques.
Au contraire, en cette exigence de relations sexuelles immédiates,
déterminées par leur seule demande, elles nous châtrent en nous déniant
toute réalité, et nous ayant ainsi transformé en objet moins dangereux,
peuvent s'imaginer que, nous incorporant, elles pourraient se sentir
plus entières, tout en gardant à l'image maternelle sa puissance et sa
prévalence. On reconnaît là à la fois l'univocité qui caractérise la relation
érotomaniaque, sa fonction défensive et narcissiquement satisfaisante. Il
va de soi qu'il importe d'interpréter cette valeur défensive pour per-
mettre à l'analyse, à l'abri de la réassurance narcissique, de reprendre
un cours souhaitable par la réintroduction des imagos transférentielles.

Dans un autre ordre de manifestations, il nous semble utile de souli-


gner l'existence de sujets — aussi bien hommes que femmes — qui
aiment interpréter, nous dirons plutôt qui ont besoin d'interpréter toute
gentillesse, sourire, ou acte de civilité comme la manifestation d'une
invite amoureuse. Au nombre de ceux-ci nous citerons les femmes qui
changent souvent de médecin, qui remplissent les salles d'attente des
gynécologues, ou au contraire s'attachent passionnément aussi bien
à leur médecin, qu'à tout autre personnage qu'elles voient de loin en
loin. Elles remplissent leur existence d'une rêverie amoureuse dont
la réalité n'est pas mise en doute, mais dont la réalisation ne leur paraît
pas indispensable ; rejoignant ainsi, sur un mode mineur et plus
triste, les flammes des adolescents. Elles s'apparentent aussi à une autre
catégorie : celle de ces patientes qui, dans leur crainte de la solitude,
dans leur crainte de perdre l'objet ou de ne pas pouvoir le remplacer,
peuvent utiliser les subterfuges les plus raffinés pour rester en contact
avec l'objet aimé, tout en sachant qu'elles empoisonnent littéralement
la vie de l'autre ; elles se rendent compte de la composante agressive de
leur attitude, mais ne peuvent y renoncer tant la crainte de perdre l'objet
est forte, tant la perspective d'une vie solitaire est insoutenable. Toute
élucidation de leur attitude visant à montrer combien leur comporte-
ment, loin de leur attacher l'objet, le fait s'éloigner d'elles, reste stérile.
La présence de l'objet ou la manifestation de cette présence, lorsqu'il
est éloigné dans l'espace, devient pour elles une nécessité que l'on peut
rapprocher de la valeur rassurante des rites obsessionnels qui, pourtant
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 577

mille fois répétés, ne satisfont pas la quête de sécurité à laquelle ils


sont censés répondre.
Les différents types que nous venons d'énumérer, amoureuses,
ou amoureux solitaires et comblés dans leurs rêveries, femmes dont
l'objet d'amour est obsessionnalisé, représentent autant de tentatives
de solutions d'un conflit entre leurs besoins d'amour et les satisfactions
qu'ils peuvent s'accorder, ou qu'on peut leur accorder, sur un mode qui
reste névrotique. Une autre solution est offerte par les différentes
variétés de l'amour mystique, qu'il s'agisse de la crise de mysticisme
banale des adolescents dont Emma Bovary au pensionnat nous donne
un remarquable exemple, ou de l'amour mystique vrai, où le conflit
se résout par une sublimation réussie dont les admirables écrits de
Thérèse d'Avila ou de saint Jean de la Croix témoignent avec un
particulier bonheur.

Il nous semble que le moment est venu de mettre en lumière les


caractéristiques essentielles et spécifiques de ce processus particulier
que nous avons appelé la relation érotomaniaque.
Si nous admettons que les relations amoureuses normales, adultes,
peuvent se définir comme une relation d'appartenance mutuelle dont
la formule serait « je t'aime et tu m'aimes », la relation érotomaniaque,
quels que soient les états cliniques au sein desquels elle se manifeste,
implique la négation ou l'effacement de l'un des deux termes dont la
réunion ne semble plus nécessaire au sujet pour instaurer une relation
amoureuse (contrairement à ce qui classiquement a été souligné par
différents auteurs, dont Lagache, à savoir la négation ou l'atténuation
du premier terme seulement). Cette donnée nous paraît très importante,
car elle nous montre à quel point, dans tout état où se manifeste un pro-
cessus érotomaniaque, l'objet est d'emblée vécu essentiellement comme
projectif. En effet, qu'il soit absolument imaginaire ou réel, mais à une
très grande distance du sujet, ce dernier ne se préoccupe aucunement
des sentiments réels de l'autre. La révélation par l'autre de son existence
objective, ou des sentiments réels qui sont les siens, qu'il s'agisse d'indif-
férence ou de rejet, est toujours une situation traumatisante, une frus-
tration insupportable. Qu'il s'agisse enfin de l'amour projeté sur l'objet,
et ressenti comme émanant ensuite de lui, en une construction déli-
rante, dont la limite extrême est l'objet persécuteur, à aucun moment
la réalité de l'objet n'entre en ligne de compte. C'est ce qu'on pourrait
REV. FR. PSYCHANAL. 37
578 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

expliciter en une formule simpliste : « Si je l'aime il va de soi qu'il


ou qu'elle m'aime et si il ou elle ne m'aime pas, ça ne peut pas être
vrai », avec cette particularité que le « je l'aime » peut être implicite,
et dans les cas les plus graves, non perçu par la conscience. Cela devient
alors : « Quel que soit son comportement, c'est certain qu'il ou elle
m'aime » et à l'extrême : « Le fait même qu'il ou elle me persécute
prouve cet amour dont je suis la victime. »
Ceci met en lumière le niveau où se situe le processus érotomaniaque
dans l'évolution affective du sujet, en raison de l'évidence massive
des phénomènes projectifs et de l'investissement libidinal narcissique
dont cette situation témoigne, c'est-à-dire au niveau le plus archaïque
du développement de l'individu où la situation se joue entre un Moi
qui ne se constitue qu'à partir d'un objet investi et qui s'en différencie
malaisément, objet dont l'existence est à tout moment nécessaire pour
comprouver l'existence du sujet et dont l'absence et l'éloignement
sont ressentis comme un danger de mort imminente, de destruction.
On reconnaît là la dépression primitive centrale, nécessaire à l'évolution
affective du Moi lorsque celle-ci peut se poursuivre favorablement,
hautement dangereuse lorsque les vicissitudes ultérieures ramènent le
le sujet à en sentir l'immanence.
Il apparaît dès lors que le processus érotomaniaque est une défense
contre l'angoisse de néantisation. La fréquence de processus de cet ordre,
lors des périodes de remaniement de la personnalité, adolescence ou
ménopause, témoigne bien de la qualité de l'angoisse à laquelle il
répond. La relation érotomaniaque protège contre la dépression qui,
d'ailleurs, peut lui succéder lorsqu'elle échoue, et que l'on retrouve
lorsqu'on analyse les érotomanes, au moment du traitement où l'on par-
vient à atteindre efficacementleur position délirante. Dorothée nous en a
fourni un exemple typique au moment où débarrassée de son « amour »
pour M. Z... elle évoluait vers un état dépressif. C'est un des points
les plus importants de la thérapeutique de ces états que d'empêcher
le patient de sombrer dans cet état de dépression grave contre lequel
l'érotomanie constituait une défense et une protection.
La situation érotomaniaque, par ce jeu subtil de projection, devient
une situation bi-polaire, non authentiquement triangulaire. Le sujet
investit toute son énergie libidinale dans la poursuite de l'objet ou
pour s'en défendre (dans les cas où la projection est prévalente) et
cette mobilisation lui permet de scotomiser son conflit avec la réalité.
Cette scotomisation est un bénéfice essentiel pour le malade; c'est
pourquoi il exige toujours de l'objet une personnalité telle qu'il puisse la
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 579

faire coïncider avec son propre idéal du Moi, en même temps qu'une
distance. C'est aussi pourquoi le but de l'érotomane est non la posses-
sion réelle du personnage, objet de l'investissement, mais la prise de
possession imaginaire de l'être aimé.
La déréalisation du conflit permet à l'érotomane de choisir un
objet incestueux comme objet d'amour. Cette situation paraît très
claire lorsqu'on entre en contact avec une érotomane. Dès les premières
conversations avec la malade, la situation oedipienne paraît tellement
nette que le thérapeute a l'impression que la malade lui « jette l'OEdipe
dans les bras ».
Nous avons essayé de montrer combien la réalité est plus complexe ;
sous l'apparence d'une situation oedipienne se cache un vrai drame de
dépersonnalisation dont la tentative de résolution doit être le premier
but du thérapeute. Pour toutes les malades que nous avons traitées, il
nous est apparu que dans leur dramatique personnelle la situation
oedipienne s'est avérée impossible. Il semble que pour ces patients il
y ait eu un échec total de toute tentative de triangulation authentique-
ment oedipienne et c'est ce que Freud, qui pourtant ne s'est que peu
occupé de l'érotomanie, avait bien senti lorsqu'il parlait des positions
homosexuelles des érotomanes. Il ne s'agit pas certes d'une position
homosexuelle génitalisée, mais bien de ce modèle archaïque de l'homo-
sexualité qui attache l'enfant à sa mère au moment encore où le père,
dépouillé de ses qualités propres, n'en apparaît que le substitut (25).
En fait, dans toute position érotomaniaque, quel que soit le sexe
réel de l'objet recherché, c'est toujours de l'objet maternel qu'il est
question en dernière analyse. Les malades ne se trompent pas en choi-
sissant les prêtres, les médecins, les enseignants ou autres personnages
qui représentent fantasmatiquement la mère toute-puissante pour
l'enfant démuni.
Ce n'est qu'après un long travail sur les positions prégénitales
que l'angoisse primitive se trouvant suffisamment apaisée, il est pos-
sible d'amener les érotomanes à une position transférentielle authen-
tiquement oedipienne, quelles que soient les tentations que l'on puisse
avoir d'aborder prématurément et inopportunément l'OEdipe en raison
de la facilité spécifiquement psychotique avec laquelle les érotomanes
expriment les contenus inconscients (1).

(1) En raison de l'importance de la projection nous avons l'habitude aussi bien que ceux
de nos collègues qui pratiquent le psychodrame, d'instituer pour de telles malades une
cure de psychodrame analytique en fonction des modalités particulières de maniement des
projections que cette technique nous offre.
580 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

On assiste donc dans le processus érotomaniaque à une scotomi-


sation du conflit qui amène la déréalisation : l'objet n'entre que dans
la situation vécue mais non dans la situation objective ; le vécu se sub-
stitue dans la conscience à la situation objective, de façon totale, ce qui
est par définition une position délirante. Celle-ci peut n'être que
transitoire comme lors de l'adolescence, circonscrite et isolée, ou enfin
structurée comme pour Dorothée. Elle peut même s'accompagner
d'une présence hallucinatoire quand la possession imaginaire de l'objet
s'avère insuffisante pour lutter contre l'angoisse de la solitude. Une
autre de nos malades, Simone, dont nous n'avons pas donné l'observation
pour ne pas trop alourdir cet exposé, en présentait le tableau clinique.
Non seulement elle avait constitué un délire érotomaniaque à l'endroit
d'un médecin qui s'était longuement occupé d'elle ; mais encore était-elle
en proie à la présence hallucinatoire, constante de ce médecin qui ne
cessait de lui parler, de lui dicter sa conduite et de la protéger contre
tous les ennuis de la vie quotidienne. Elle nous disait en une fort jolie
formule : « Si je n'avais pas mes voix et le Dr Y... je pense qu'il ne me
resterait rien. »
Enfin, lorsque cette possession imaginaire de l'objet devient insa-
tisfaisante et le vécu solitaire, intolérable, la situation s'inverse : l'objet
devient persécuteur. A la négation de la solitude déstructurante inté-
rieure se substitue la projection. Ainsi cette autre malade qui fit un
passage à l'acte violent nous concernant, voit-elle en nous un persé-
cuteur qui lui envoie des amants pour l'éprouver, qui essaye de retarder
le train l'amenant à Paris pour ses séances, et qui influence tous ses
proches pour lui porter préjudice.
D'après ce que nous avons tenté de montrer à partir des observa-
tions citées, toute position érotomaniaque implique un échec de la
névrotisation. En effet, l'évitement du conflit par la déréalisation
implique une différence économique profonde d'avec la névrose et
donc une différence de structure du Moi. Dans la dénégation réussie
sur le mode névrotique, dont la frigidité pourrait être un exemple,
ni le Moi du sujet ni la personne de l'autre ne sont remis en cause.
Le compromis névrotique que traduit le symptôme permet l'existence
d'une situation réelle triangulée fantasmatiquement au prix de la
désérotisation. Dans la position érotomaniaque par contre — même
lorsqu'il ne s'agit pas d'une psychose structurée — le besoin de réas-
surance narcissique est tel que la seule solution est de désinvestir
le réel au moyen de la dénégation massive qu'est la possession imagi-
naire et de la projection caractéristique d'un Moi qui se sent en danger.
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 581

Le réel ne peut être vécu que désinvesti, masqué par le propre système
projectif du malade. L'érotomane nie aussi bien ses pulsions libidinales
authentiques que ses pulsions agressives en une vérification constante
et inconsciente des distances avec l'objet, en un maintien acharné de
relations imaginaires tantôt amoureuses, tantôt persécutoires, utilisant
pour ce faire des mécanismes de défense aussi massifs et rigides que
l'exige l'intensité de l'angoisse à laquelle ils répondent.
Il est à noter d'ailleurs que dans divers autres processus psycho-
tiques ou psychoses apparaît fréquemment un processus érotoma-
niaque comme une ultime tentative de restauration de la personne au
moyen du contact avec un objet, fût-il imaginaire, avant que de sombrer
dans le monde schizophrénique où la solitude devenue à ce point
intolérable paraît être l'unique et irrémédiable solution. C'est ainsi qu'il
est fréquent d'observer des positions érotomaniaques à diverses étapes
de l'évolution d'une schizophrénie, soit en une tentative de se maintenir
en dehors de l'abîme schizophrénique, soit comme un moyen d'en sortir
au moment où le processus de restauration commence. Nous en souli-
gnons l'importance, tant au point de vue diagnostique que thérapeu-
tique, car dans les psychothérapies des psychoses comprendre à quel
temps de l'évolution se situe ce processus érotomaniaque, avant ou
après l'abîme schizophrénique, est d'une importance capitale pour le
destin ultérieur du traitement. Dans la première situation le thérapeute,
ne doit pas attaquer de front le processus érotomaniaque, mais le res-
pecter dans une certaine mesure ; tandis que dans le second cas, si le
malade est en voie de reconstitution, il est possible d'en montrer opportu-
nément, quoique avec beaucoup de ménagement, l'aspect défensif, et de
faire comprendre au malade qu'il peut trouver avec l'appui réel du thé-
rapeute d'autres défenses pour le protéger contre l'angoisse de la
destruction.
Nous espérons avoir suffisamment montré que l'érotomanie (est
en dernière analyse un processus de défense original contre la néan-
tisation, au même titre que tout délire et au même titre que l'homo-
sexualité primaire. De ce fait, l'érotomanie n'apparaît plus comme
« un syndrome isolé », ni comme « un syndrome lié à l'affection qui
lui sert de base », mais bien comme un processus spécifique, ayant deux
buts :
1° Evitement du conflit et réassurance narcissique par la possession
imaginaire d'un objet imaginaire ou réel, mais déréalisé ;
2° Lutte contre l'angoisse de néantisation pour éviter la désa-
grégation quand la réassurance narcissique est insuffisante.
582 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

Le processus érotomaniaque apparaît donc comme essentiellement


lié à des perturbations des relations objectales primitives chaque fois
que l'évolution de ces relations objectales profondémentperturbées amène
un échec de l'OEdipe et s'accompagne de traumatismes fantasmatiques
ou réels, de frustrations importantes, pour conduire le sujet adulte à
une solitude vraie ou, du moins, constamment vécue comme telle. C'est
ainsi que l'on peut dire que l'érotomanie est une manifestation d'esseu-
lement ; c'est aussi une tentative pour ne pas sombrer dans la dépres-
sion dans la mesure où nous savons, en qualité de psychanalystes, que
dépression et esseulement sont deux modes d'expression de la perte de
l'objet.

ADDITIF

I. — Voici trois séances de Dorothée destinées à éclairer le lecteur


sur le déroulement d'un traitement psychodramatique :
La première se situe au début du traitement. C'est une séance
extrêmement riche ; elle se place avant une visite de Dorothée au
juge d'instruction dont dépendait son non-lieu. A cette époque, pour
des faisons pratiques, nous venions de lui diminuer le nombre des
séances (en effet, il y avait eu une brève période d'exploration où nous
l'avions vue deux fois par semaine et nous la ramenions au rythme
habituel qui est d'une séance par semaine).
Dorothée commence la séance en posture d'accusée avec un juge
d'instruction et un avocat. Elle choisit de jouer son propre rôle et
confie celui de l'avocat à une femme. L'essentiel de sa défense qu'elle
présente elle-même, en empêchant son avocat de parler, est d'une
part, une attitude rationnelle, en ce sens qu'elle a remboursé les chèques ;
d'autre part, une accusation de ses médecins de la clinique qui lui
avaient fait remarquer que les chèques étaient un acte agressif à l'endroit
de ses parents. De cette accusation, elle passe insensiblement à l'accusa-
tion contre sa mère, car elle dit avoir eu besoin de nourrir son cerveau
avec du Maxiton, ce qui lui a fait perdre la tête. Aux questions
du juge à ce propos, elle rétorque agressivement : « C'est sans doute
que j'ai été mal nourrie autrement », et elle enchaîne : « Ça a toujours
été comme ça » ; de fil en aiguille, elle associe sur le fait que sa mère
ne s'occupait pas d'elle quand elle était bébé et qu'elle n'avait pas pu
la nourrir. Elle quitte alors ce terrain dangereux et proclame qu'elle
est énervée par cette visite au juge d'instruction ; la preuve en est que
depuis une semaine elle se remet à boire force café et même à reprendre
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 583

du Maxiton en cachette. C'est alors qu'on lui interprète que, précisé-


ment depuis une semaine, on lui a réduit le rythme de ses séances. On
lui dit également que puisque aussi bien dans son rôle d'accusée elle
s'est mise en posture d'accusatrice, elle pourrait choisir directement un
rôle où elle accuse. Elle décide, après quelques hésitations, de jouer une
scène avec sa mère où elle-même garde son propre rôle. Elle commence
par dire à sa mère qu'elle a toujours empoisonné tout le monde, non
seulement ses enfants, mais aussi son mari, puis insensiblement elle
se met à défendre sa mère au lieu que de l'accuser, en expliquant
combien, effectivement, le père et les enfants lui donnaient de soucis,
étaient incapables de décider, etc.
Au bout d'un certain temps, elle s'aperçoit d'elle-même qu'elle a
changé de position et dit : « Mais je joue plutôt le rôle de ma mère que
le mien. » On lui propose donc d'inverser les rôles (mécanisme technique
habituel du psychodrame) et de jouer celui de sa mère. Elle accepte
verbalement mais ne joue pas et raconte à ce moment-là que son père
était alcoolique et que sa mère l'a fait appréhender par la police et
expédier à l'hôpital. Elle ajoute que son père, au demeurant, n'était
pas mécontent de son séjour et avait même gardé un souvenir ému pour
le Pr N... Mais elle, Dorothée, n'a pu supporter cela et a écrit audit
professeur une lettre très agressive à l'endroit de sa mère, où elle
disait, relate-t-elle avec un petit rire : « Ma mère veut maintenant faire
désintoxiquer mon père, mais c'est elle qui l'a toujours empoisonné. »
On lui montre alors qu'elle n'a pas joué le rôle de sa mère comme il
avait été convenu, mais qu'en cette circonstance précise qu'elle vient de
relater, elle s'était, en fait, identifiée à son père. Or, peu auparavant,
alors qu'elle jouait son propre rôle, elle s'est aperçue elle-même qu'en
fait elle s'identifiait à sa mère.
La séance se termine avec la remarque sur la contradiction qui
habite en elle, entre les deux personnages qu'elle cherche à assumer pour
se dégager du poison : chaque fois qu'elle attaque elle s'identifie à
l'objet attaqué, soit paternel, soit maternel.
Il est intéressant de rapprocher cette séance du début d'une autre
qui a lieu dix mois plus tard. Dorothée, après une longue série de séances
où, quelle que soit la situation, elle choisissait un rôle d'accusatrice et
s'identifiait à sa mère en la défendant et en l'agressant, demande de
rejouer la scène de l'expertise médico-légale.
Notons à ce propos que lors de cette expertise, où elle connut le
diagnostic d'érotomanie, elle nous avait dit que les deux experts étaient
de vieux gâteux imbéciles. Notons aussi qu'elle arrive à cette séance de
584 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

nouveau dépenaillée, la jupe à nouveau retenue par une épingle à nour-


rice avec laquelle elle se bat tout le temps.
Elle choisit donc de jouer son propre rôle entre les deux experts et
commence en disant : « Votre diagnostic d'érotomanie est absurde ;
c'est vrai que j'ai pris du Maxiton. » Elle poursuit avec véhémence en
se défendant contre le diagnostic d'érotomanie en invoquant le Maxiton
qu'elle a pris et le besoin qu'elle en avait. A ce moment-là, le théra-
peute qui toujours jouait le rôle du personnage masculin prévalent
traverse le lieu scénique sans rien dire. Dorothée l'aperçoit et se met
à l'attaquer en disant : « Ah, voilà M. Z..., tout est de sa faute, s'il ne
m'avait pas induit à l'aimer rien ne serait arrivé, ou alors il n'avait qu'à
ne pas me laisser tomber ; je n'aurais pas pris de Maxiton, je n'aurais
pas fait de chèques sans provision et je ne serais pas livrée à l'expertise
que voilà. » Il fut à peine besoin de lui interpréter, comme il est à peine
besoin de souligner ici, combien elle faisait à M. Z... les mêmes reproches
que ceux qu'elle avait faits à sa mère et combien elle lui en voulait de ne
pas l'avoir protégée contre cet état de besoin qui la livrait à des hommes
châtrés, sans valeur (les experts) et la faisait considérer comme folle.
Il suffit d'ajouter simplement ce qui lui fut dit, à savoir qu'aujourd'hui
précisément elle avait de nouveau l'air d'une « échappée d'asile »,
terme qu'elle avait utilisé elle-même récemment pour qualifier son
aspect du début du traitement.
Ajoutons encore que Dorothée avait établi un lien entre l'expertise
médico-légale et une fin assez proche du traitement qui, lui semblait-il,
devait y succéder.
Rapportons maintenant une séance se situant quelques mois après
la sortie de Dorothée de la clinique, au moment où il était question
qu'elle prît un appartement pour quitter le domicile parental (cette
séance se situe environ six mois après la précédente). Elle commence
en racontant un rêve : « Elle rechute, elle doit être internée, ainsi que
son frère qui venait de se marier. Elle ne sait pas pourquoi, son père
traverse le champ du rêve. » Elle choisit de jouer ce rêve en prenant
son propre rôle, confie celui du frère à un thérapeute. Leur conver-
sation porte d'abord sur l'état de santé de Dorothée et sur celui de son
frère à qui Dorothée fait remarquer combien est morbide son hési-
tation à propos de son mariage, combien il est attaché à sa mère, etc.
Insensiblement, la conversation dévie sur l'état de santé du père et lors-
qu'un thérapeute arrive en jouant ce rôle, la malade dit tout de suite :
« Tu viens aussi te faire interner », mais ajoute immédiatement : « En
tout cas, on ne va pas partager la même chambre. » Lorsqu'on lui
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 585

demande pourquoi elle parle de cette histoire de chambre, elle rappelle


le souvenir, qu'elle nous avait déjà conté, de son père voulant divorcer
d'avec sa mère pour aller vivre avec elle et ajoute : « Vraiment, mon
père ne pense à rien, on ne pouvait pas faire ça à ma mère. »
Nous ne pensons pas avoir besoin de commenter ni cette séance,
ni ce rêve qui nous paraissent parfaitement clairs, dans le sens d'une
amorce du vrai OEdipe, avec cette nuance particulière du frère auquel
elle s'identifie et qu'elle met entre son père et elle.
Nous voudrions simplement ajouter que cette séance en suit deux
autres où Dorothée nous avait longuement parlé et où elle avait longue-
ment joué les « difficultés, comme elle dit, de la condition féminine ».
Nous voudrions encore rappeler ici, que deux ou trois mois plus tard,
lorsque son père crut avoir des difficultés avec la police, pour une affaire
d'ordre politique, il trouva tout naturel d'aller s'installer, plutôt que
chez son fils, chez Dorothée qui n'avait qu'un seul lit et qui, de ce fait,
s'en retourna chez sa mère.
II. — Nous rapporterons une seule séance du traitement de Bénédicte,
mais qui est particulièrement significative (à laquelle d'ailleurs nous nous
sommes longuement référés dans le texte) :
Le thérapeute qui, dans le psychodrame de Bénédicte, jouait habi-
tuellement le personnage le plus investi était absent. La malade sort
de son mutisme habituel pour dire : « C'est toujours la même chose,
quand j'ai besoin des gens ils ne sont pas là, depuis toujours c'est
comme ça, ma mère m'a envoyée à l'hôpital quand j'étais petite, mon
père s'enfermait dans la chambre avec ma mère, il ne pouvait rien
faire sans elle, il n'était jamais là. » On lui propose de jouer le rôle
de son père et contrairement à toute attente, elle accepte et joue une
scène, en fait très agressive contre tout le monde, où elle harcèle la
thérapeute jouant le rôle de sa mère de demandes incessantes, et fait
renvoyer par sa mère ceux qui jouaient les enfants. On lui fait remarquer
que, jouant le rôle de son père, elle se comporte exactement comme
elle se comporte dans la vie avec le Dr X... ; elle s'en défend en disant :
« Ce n'est pas vrai, mon père était comme ça, ma mère l'avait tout le
temps, moi je ne l'avais jamais, je ne l'ai jamais eu », et elle entre,
ce disant, dans un état d'excitation qui culmine en cela, qu'elle nous
raconte avec un sourire ravi : « Ah, mais si, je l'ai eu une fois ! » On lui
demande quand, et sans la moindre gêne, n'abandonnant pas son sou-
rire, elle raconte qu'elle l'a eu quand il est mort et qu'elle a exigé de
l'avoir dans sa chambre. Et elle termine cette séance en disant : « Cette
586 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

fois-là, j'ai été forte, il a bien fallu qu'on fasse ce que je voulais. »
Et quand on lui fait remarquer son sourire, elle dit le plus naturelle-
ment du monde : « Bien sûr, c'est le seul souvenir agréable de toute
mon enfance, c'est la seule fois où j'ai eu quelque chose à moi et où
on a fait ce que je voulais. »
Nous avons déjà insisté dans notre travail sur le sens de cette
séance-clé du traitement où l'identification au père prend son vrai
sens en tant qu'identification à la mère qui possédait le père, et nous
n'y reviendrons pas.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
des travaux cités ou consultés

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(81) — Psychanalyse des psychonévroses et des troubles de la sexualité, Alcan,
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A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 589

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(83) — Causes et mécanismes des déformations névrotiques du Moi, Rev. fr.
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(90) RACAMIER (P.-C), Psychothérapie psychanalytique des psychoses, in
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(92) — The psychoanalysis of pharmacothymia, Psychoanal. Q., 1933, 2.
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(99) SCHWEICH (M.), MARGAT (P.) et FORZY (C), A propos de la psychothé-
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(102) SERIEUX (P.) et CAPGRAS (J.), Les folies raisonnantes. Les délires d'inter-
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(103) — et —, Délires systématisés chroniques, Traité de sergent, psychiatrie,
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(104) STENDHAL, De l'amour, 1822.
(105) TRELAT (U.), La folie lucide, Paris, 1861.
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590 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

DISCUSSION

Au cours de la discussion vivante qui suivit l'exposé de J. Kestem-


berg, R. Held intervint d'abord pour souligner principalement certains
points par lesquels l'exposé lui avait paru trop restrictif, entre autres,
la spécificité que l'auteur avait accordée aux aspects particuliers de la
relation objectale dans les cas d'érotomanie présentés et spécialement à
l'importance donnée aux fixations orales.
P.-C. Racamier souligna plutôt les points par lesquels il s'accordait
avec l'auteur. Comme lui, il pense que la relation érotomaniaque est
une tentative de vérification et de repersonnalisation, ou plutôt, comme
il préférait le dire, de « personnation». Elle est en tout cas défense contre
le rapprocher anéantissant. On y observe donc des télescopages du
niveau oedipien et des structures préoedipiennes.
M. Fain félicite également J. Kestemberg pour avoir introduit
les études économiques dans un délire. Dans le délire érotomaniaque,
il y a en effet un apport qui est bénéfique et qui permet de concevoir
l'objet partiel de l'érotomaniaque comme obéissant à une série de
fonctions.
C'est dans cette même perspective que s'inscrit l'intervention de
R. Diatkine qui estime que toute psychose doit être vue de l'intérieur,
à travers la relation qui s'institue entre le psychotique et des objets,
entre le psychotique et le psychiatre.
P. Luquet partage également, dans l'ensemble, les points de vue de
l'auteur et insiste, à propos du contre-OEdipe paternel, sur la rencontre
du fantasme avec le traumatisme réel.
C. Stein estime qu'il y a un certain danger à établir des concepts
psychanalytiques à partir de l'exégèse de certaines références freu-
diennes. Il en est ainsi par exemple à propos de la notion d'oedipifi-
cation. Selon Stein, le complexe d'OEdipe doit rester au centre de la
question, ce qui conduit à étudier les liens entre paranoïa et éroto-
manie. Il est remarquable qu'une étude psychanalytique rejoigne des
préoccupations nosographiques des psychiatres.
S. L.

Intervention de R. HELD
Avant tout, j'ai toute une série de compliments à adresser au confé-
rencier. Il ne s'agit pas là d'un simple usage, témoignage d'une cour-
toisie « standard », sorte de rideau de roses destiné à dissimuler les
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 591

euphorbes que l'on présente enrobées d'une politesse de surface, mais


de compliments tout à fait pensés.
Je louerai d'abord Kestemberg, pour la grande clarté de son exposé.
Il y a longtemps, au cours de différentes interventions, que nous avons
marqué notre préférence pour les travaux susceptibles d'être compris
par les auditeurs, lors d'une première audition, ou mieux, d'une pre-
mière lecture. C'est là pour nous non seulement un critère d'aisance
et de facilité d'exposition, mais avant tout un critère d'authenticité.
Les travaux, il s'agit là d'un avis personnel, qui nécessitent une seconde
lecture avant de pouvoir être entièrement compris et assimilés, doivent
pécher déjà par défaut d'exposition et ne pas toujours correspondre
chez l'auteur à une vision très claire de la thèse qu'il se propose de
soutenir. Lorsqu'une troisième lecture est nécessaire, cela ne veut pas
dire sans doute que le travail soit dénué de toute valeur, mais à l'obscurité
du texte doit correspondre une certaine obscurité conceptuelle. Lorsque
plusieurs lectures successives, et nous pensons à tous les travaux pré-
sentés oralement ou de façon écrite par l'un de nos ex-collègues, dont
la réputation d'obscurité n'est plus à faire, lorsque plusieurs lectures
successives, dis-je, ne permettent pas au lecteur de comprendre ce qu'il
lit, on peut être assuré, qu'il s'agit là, non d'un travail digne de ce nom,
mais d'une élucubration, dénuée de toute valeur intrinsèque, quand
bien même elle aurait été revêtue des « oripeaux » de la métapsychologie
et de la phénoménologie, oripeaux susceptibles de faire croire à certains
lecteurs un peu naïfs qu'ils ne sont pas assez intelligents, ou qu'ils
manquent de culture, pour pouvoir pénétrer totalement les arcanes
cabalistiques que le présentateur s'imaginait pourvues d'une quelconque
signification en dehors de celle qu'il lui attribuait, et lui seul, dans son
jargon familier.
On peut donc être assuré que l'exposé, clair et agréable à la lecture,
de Kestemberg, correspond à une bonne conception des faits et des
hypothèses soutenus par l'auteur lui-même.
Mais l'exposé qui nous a été fait n'est pas seulement clair. Il est
d'une richesse exceptionnelle. A chaque page, le lecteur se dit : « Mais
c'est vrai. — Mais j'aurais pu le dire moi-même. — Mais cela me rap-
pelle tel ou tel cas dont j'ai eu à m'occuper il y a un certain temps, etc. »
La longueur de ce travail, la somme d'efforts considérables qu'il
représente lui donnent une consistance et une valeur qui dépassent
de beaucoup le cadre d'un exposé standard. Il s'agit là d'une véritable
thèse de doctorat. Si nous étions constitués en jury, nous pourrions
nous écrier en choeur : Dignus est intrare! Pour ma part, je crois me
592 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

faire l'interprète de mes collègues en décernant à l'auteur la mention


très honorable.
Venons-en maintenant à quelques critiques. Il ne s'agit nullement
de discuter la valeur clinique des exemples qui ont été proposés à notre
réflexion, mais de chicaner un peu Kestemberg d'un point de vue pure-
ment nosologique.
Entre l'érotomanie à la Clérambault, et les autres cas étiquetés
« toxicomanie objectale », il y a, pour nous tout au moins, beaucoup plus
qu'une simple différence économique. L'érotomanie stricto sensu nous
ramène automatiquement vers la psychose, la paranoïa, le délire, les
phénomènes de projection et il faut bien le dire trop souvent, vers
une notion d'incurabilité.
Au contraire, on ne saurait parler de « toxicomanies objectales »
sans une référence obligatoire à la dépression névrotique ; à l'oralité ;
à la toxicomanie courante ; aux conduites de sommeil, d'insomnie,
de vigilance, d'activité, de passivité, etc. Mais surtout on ne saurait
aborder cet immense domaine de l'oralité, ni ses aspects cliniques
multiformes, sans une référence obligatoire à l'hystérie. C'est là, la
critique la plus sérieuse que nous puissions faire à l'auteur : avoir brossé
un tableau aussi vaste et aussi impressionnant sur le plan clinique de
ce qu'il appelle la relation érotomaniaque sans avoir mentionné une
seule fois le terme d'hystérie. En somme, si l'érotomanie délirante
apparaît bien comme une forme clinique originale, peut-être en rapport
avec quelque processus, au sens psychiatrique du terme, par contre
ce que l'auteur appelle relation érotomaniaque ne me paraît pas cons-
tituer une forme clinique originale ni spécifique. En veut-on la preuve ?
Il n'est que de relire les conclusions que l'auteur nous propose à la
fin de son beau travail. Que dit-il en effet ? Il dit ceci : « Le processus
érotomaniaque apparaît donc comme essentiellement lié à des pertur-
bations des relations objectales primitives, chaque fois que l'évolution
de ces relations objectales profondément perturbées amène un échec
de l'OEdipe et s'accompagne de traumatismes fantasmatiques ou réels,
de frustrations importantes, pour conduire le sujet adulte à une soli-
tude vraie ou du moins constamment vécue comme telle. C'est ainsi
que l'on peut dire que l'érotomanie est une manifestation d'esseulement,
c'est aussi une tentative pour ne pas sombrer dans la dépression, dans
la mesure où nous savons en qualité de psychanalystes, que dépression
et esseulement sont deux modes d'expression de la perte de l'objet. »
Nous ne voyons dans cette description absolument rien de spécifique. Cette
belle formulation nous ramène sur un terrain que nous connaissons
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 593

bien pour l'avoir exploré abondamment et continuons de le parcourir


dans notre travail quotidien. Il s'agit là, tout « simplement », d'une
relation d'objet prégénitale très archaïque, entièrement située sous le
signe de l'oralité et de l'oralité la plus primitive. Si l'on rappelle à quel
point l'hystérie est bien loin d'être, comme on le croyait, au temps
héroïque de l'invention de la psychanalyse, une névrose très près
située de la génitalité, du moins d'une façon authentique et solide, mais
caractérisée avant tout par la présence, en profondeur, d'un noyau
d'appétences orales extrêmement dynamiques, on comprendra que
l'hystérie, cette reine, cette mère de toutes les névroses, doive
rester toujours présente, ne serait-ce qu'à l'arrière-plan, dans notre
esprit.
Pour ceux qui, comme nous-même, ont vécu l'époque héroïque de
l'érotomanie de Clérambault, et ont assisté à des présentations cliniques
faites par ce grand psychiatre lui-même, puis qui par la suite ont connu
dans les « asiles », voire en clientèle de ville, des cas d'érotomanie déli-
rante authentiques, on comprendra que l'articulation étroite de deux
ordres de faits cliniques, effectuée uniquement par référence à un pro-
cessus psychopathologique ou soi-disant tel, identique, et nonobstant
toutes les autres différences cliniques nosologiques, et peut-être consti-
tutionnelles entre érotomanie d'une part et relation érotomaniaque
d'autre part, ne peut entièrement nous satisfaire.
Il y aurait des quantités d'autres remarques à faire à propos de
l'important travail de K..., ce qui montre à quel point il est riche et
susceptible de provoquer en nous des réflexions cliniques et théoriques
salutaires.
Mais avant d'en terminer nous voudrionsrappeler quelques exemples
personnels et montrer que, si en effet la présence de la mère s'inscrit
en filigrane derrière celle de l'objet hétérosexuel, la clinique présente
à notre observation des formes extrêmement nuancées où néanmoins
le départ entre l'érotomanie psychotique et la « toxicomanie objectale »
à forme érotomaniaque (ou soi-disant telle) s'impose à l'attention de
l'observateur d'une façon spectaculaire, qui ne prête le flanc à aucune
discussion.
Nous piquerons dans nos souvenirs cliniques des 25 à 30 dernières
années, un peu au hasard, parmi une quinzaine de cas d'érotomanie
authentique que nous avons pu colliger immédiatement, deux ou
trois d'entre eux qui nous paraissent les plus significatifs.
Voici un cas qui remonte à bien des années en arrière, et comme
tous les protagonistes doivent avoir disparu, comme a disparu le lieu
REV. FR. PSYCHANAL. 38
594 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

où se passait le « drame » en question, nous pouvons en parler en clair


sans aucune restriction.
Il y a donc plusieurs lustres, vint nous consulter la tenancière des
lavabos d'une grande brasserie de la place Clichy, qui a récemment
fait place à un cinéma. Ce Minos femelle, dans ses abysses infernaux,
assise du matin au soir derrière son trône devant la petite table où se
trouvait l'assiette rituelle dans laquelle ceux qui pénétraient dans ces
lieux souterrains devaient mettre leur obole, comme jadis du temps des
morts de l'Antiquité il fallait donner son obole à Charon, ce Minos
femelle avait vécu pendant un grand nombre d'années en contact avec
les odeurs malignes que dégageaient ces lieux souterrains, sans en
paraître du tout incommodée. Vint l'âge de la ménopause, des décep-
tions et des frustrations concomitantes, et vint occuper le devant de la
scène un amour malheureux pour l'un des patrons de l'établissement
en question. A ce moment-là apparut ce que l'on appelait une bouffée
délirante à frange érotomaniaque, la tenancière des « lieux » imaginant
alors que la caissière, laquelle trônait à l'étage supérieur, jalouse de
l'amour que le grand patron lui portait, que cette caissière lui envoyait
des gaz asphyxiants qui l'incommodaient pendant toute la durée de
son travail. Ainsi, cette dame, à la faveur de son délire, percevait réel-
lement ou surchargeait sensoriellement les mauvaises odeurs au sein
desquelles elle avait vécu tant d'années, et projetait sur ladite caissière
l'origine, si on ose dire, de sa propre « aphsyxie » affective ! Il s'agissait
là d'un délire érotomaniaque, en rapport avec un processus survenu à
l'âge mûr, et dont l'odeur clinique, comme l'aspect nosologique se
situaient très loin des toxicomanies objectales, au sens que nous donnons
aujourd'hui à ce terme apparemment si singulier.
Longtemps avant la guerre également, une « dactylo » de la Seine-
Maritime, ou plutôt une secrétaire de direction, fabriqua un délire éroto-
maniaque classique, centré comme il se doit et toujours sur le patron !
Lassé des démonstrations amoureuses de son employée, ledit patron
finit par la mettre à la porte. Et la malade, lorsqu'elle nous vit la seconde
fois, eut cette parole admirable : « Faut-il qu'il m'aime vraiment pour
m'avoir fichue dehors, ne pouvant supporter dans sa passion amoureuse
ma présence sans cesse à côté de lui, car il ne pouvait quitter sa femme
qu'il n'aimait plus et ses enfants, ayant un très haut sentiment du
devoir. » Ceci rappelle ce que Kestemberg nous a dit quelque part dans
son travail, au sujet de la déréalité de certaines attitudes érotomaniaques,
mais encore une fois, nous sommes là très loin de la dépression névro-
tique, de l'oralité, des toxicomanies objectales, etc.
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 595

Enfin, nous rappellerons que dans quelques cas, rares à la vérité,


l'objet sur lequel se focalise l'érotomanie, ou dans d'autres cas autour
duquel « s'enroule » la relation érotomaniaque, n'est pas toujours un
objet hétérosexuel. Dans ces cas, véritablement privilégiés, la projection
peut se faire en direct sur une image maternelle. Nous n'en voulons
pour preuve que le cas dont nous avons eu à nous occuper très récem-
ment, et qui montre en clair cet aspect particulier de la relation, objet
de cette discussion.
Une de nos collaboratrices habituelles, d'ailleurs bonne psychothé-
rapeute, commit l'imprudence, ayant eu à s'occuper d'une obèse,
mère célibataire d'environ quarante ans, venue consulter à l'hôpital,
commit l'imprudence, dans son désir conscient de faire « du bien »
à cette patiente, de la recevoir quelques fois à son domicile particulier,
et sans lui faire payer quoi que ce soit.
Or, il se trouvait que cette obèse, par beaucoup d'aspects de son
comportement, pouvait se situer dans le cadre d'une paranoïa au sens
faible du mot.
Commençant à être plus ou moins « persécutée », à son domicile,
par cette patiente extrêmement avide, et avide autant de nourritures
affectives que de nourriture tout court, notre collaboratrice, un peu
effrayée, nous demanda notre avis. La malade, reconvoquée à l'hôpital,
fut prise par nous-même en psychothérapie, et nous tentâmes de lui
permettre d'effectuer sur notre propre personne certains investisse-
ments susceptibles d'appauvrir ceux qu'elle avait effectués de façon
délirante sur notre collaboratrice.
Cela nous permit d'apercevoir et d'analyser, au moins pour notre
propre compte, ce qui s'était passé dans la relation extra-hospitalière.
Il apparut que l'immaturité affective extrême de cette patiente ; son
avidité orale d'une intensité jamais constatée par nous jusque-là ;
enfin que les aspects passionnels de la fixation à l'objet maternel repré-
senté en direct par celle qui s'était occupée d'elle avec tant de dévoue-
ment, que tout cela rentrait dans le cadre d'une érotomanie quasi
délirante avec ce fait particulier mais si riche d'enseignement clinique,
que l'homme était complètement absent de la relation. Voici ce que la
patiente nous dit un jour, après toute une série de tentatives d'approche
menées avec la prudence du serpent, au sujet des sentiments qu'elle
éprouvait pour notre collaboratrice, sentiments extrêmement ambi-
valents, où sa haine d'avoir été abandonnée était étroitement intriquée
avec l'amour le plus passionné :
« Pour vous expliquer ce que j'ai éprouvé pour Mme X... : c'est
596 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

un sentiment complexe. J'ai l'impression de l'avoir aimée de trois


façons : l'esprit, d'abord ; pour ses qualités morales, son intelligence.
Puis, le coeur, sa douceur, l'intérêt qu'elle me portait, son charme, une
sorte de fluide comme si elle me passait à travers la peau. Une sorte
d'attraction contenue par le respect que j'avais pour elle. Peut-être
parce que je l'admirais en tout, parce qu'elle m'en imposait, elle me
dominait. (J'aime être dominée, ce qui me procure une sensation de pos-
session presque physique.) »
Si nous évoquons maintenant, et avant d'en terminer, quelques
souvenirs concernant non plus cette fois, l'érotomanie psychiatrique
mais la « toxicomanie objectale », à savoir tout ce qui touche à l'hystérie,
à la dépression névrotique, à l'oralité, nous nous permettrons de rap-
peler, sans qu'il s'agisse là d'une absurde question d'antériorité et
sauf erreur involontaire de notre part, que nous croyons avoir été
le premier à proposer le terme de toxicomanie objectale dans une
conférence faite sur L'insomnie névrotique devant le Groupe de l'Évo-
lution psychiatrique, le 23 juin 1959. On trouvera dans le numéro 1
de L'Évolution psychiatrique, 1960, pages 1 à 61, le travail en question.
Nous avons, dans les pages 28 à 32, décrit deux cas cliniques de dépres-
sion névrotique intermittente, rythmés par la présence ou l'absence de
l'objet, et compliqués d'insomnie en concordance de phase habituelle
avec la dépression. Nous avions résumé ces deux observations en
disant que ce qui les unissait et ce qui les séparait, c'était que la plus
jeune des deux patientes, était une « toxicomane affective », le toxique,
comme on a vu étant l'ami : Albert (toxicomanies objectales) —la pré-
sence ou l'absence de ce dernier provoquant des réponses telles qu'en
fait le morphinomane devant sa seringue, ou devant l'absence de
celle-ci. L'autre était une hystérique, très proche de l'hystérie de
conversion. Mais toutes deux comme il se doit sont aussi, avant tout,
des névrosées orales. Les troubles du sommeil, chez toutes deux, sont en
rapport avec l'émergence de patterns de comportements hypniques très
infantiles, entièrement situés sous le signe de l'oralité.
En conclusion, nous rendons à nouveau hommage à l'importance,
à la richesse, à la valeur clinique du travail de Kestemberg. Nous
nous en écartons seulement, mais ce point nous paraît cependant d'une
importance capitale, quant aux définitions nosologiques.
Il ne nous semble pas du tout qu'il y ait incompatibilité entre la noso-
logie psychiatrique classique et la psychanalyse, pas plus qu'il n'y en a,
quand se servant du même microscope, avant de regarder une pré-
paration histologique, avec l'objectif à immersion afin d'en saisir les
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 597

moindres détails, on centre d'abord sur telle ou telle partie de la pré-


paration, que l'on veut examiner, au moyen d'un objectif de faible
puissance. Il y a longtemps que l'on a comparé la psychiatrie à une
approche macroscopique du malade mental, la psychanalyse étant une
détection histologique et microscopique fine.
Médecine, psychiatrie, psychanalyse ne sont que des degrés suc-
cessifs d'une même recherche et d'une même approche, qui mènent de
la neurophysiologie et de la biologie les plus générales aux aspects les
plus nuancés et les plus subtils de la clinique et de la théorie psychana-
lytique des névroses et des psychoses.

Intervention de P.-C. RACAMIER


Je remercie chaleureusement et je félicite J. Kestemberg pour l'ex-
posé qu'il nous a donné le plaisir de lire et qu'il nous a présenté ce
soir, exposé qui constitue en vérité un rapport psychanalytique sur l'éro-
tomanie, ou plutôt, comme il préfère dire, sur la relation érotomaniaque.
Si je me suis senti penser à son unisson pour l'essentiel de sa confé-
rence, je suis naturellement tenté de relever particulièrement les points
de son texte sur lesquels mes propres observations et travaux rejoignent
les siens — et de l'en féliciter.
Par exemple, lorsqu'il dit et démontre, au coeur même de son
travail, que la formation érotomaniaque est une tentative de recons-
truction de soi, de vérification de l'intégrité de soi et une défense contre
l'angoisse de néantisation, je l'approuve avec vigueur, car c'est bien
ainsi qu'à l'heure actuelle nous nous représentons le délire, c'est ainsi
en tout cas que Nacht et moi l'avons présenté. Kestemberg parle à ce
sujet de tentative de « repersonnalisation ». Dans la mesure où le déli-
rant va plus loin dans la perte de soi qu'au niveau de la dépersonnali-
sation, dans la mesure où il va jusqu'à ce que j'ai appelé, d'un néolo-
gisme peut-être discutable, la dépersonnation, j'aimerais mieux parler
de repersonnation délirante. Mais ceci n'est qu'un détail et qu'une
question de mot, car nous nous entendons sur les faits.
J'évoquerai à ce propos une érotomane que je connais et qui a reçu
pendant quelque temps un traitement psychodramatique. Cette femme
se disait aimée d'un médecin, qu'elle avait consulté une fois, alors qu'il
remplaçait son médecin habituel. Elle avait tout de suite compris qu'il
l'aimait, elle l'aimait, elle l'attendait, il lui parlait. Le nom de ce
médecin, le Dr Speaker, « collait » si bien avec cette présence absente,
qui est celle du personnage hallucinatoire et aussi celle du speaker
598 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

de radio, que j'avais pris soin de vérifier que ce nom n'avait pas
été inventé.
Eh bien, lors d'une scène le rôle de l'objet a été joué par un des par-
ticipants placé derrière la malade, et il s'est mis à la presser de le
rejoindre. On a entendu la malade répondre par toutes sortes de
manoeuvres dilatoires et d'échappatoires, on a vu son angoisse augmenter
cependant que le participant continuait de la presser, jusqu'à ce qu'elle
arrête la scène, qu'elle nous fasse part de son angoisse, et qu'elle nous
apprenne que, lorsqu'elle avait rencontré son objet, elle avait soudain
senti que la terre se dérobait sous elle, entre eux, qu'elle allait éclater,
qu'elle-même allait disparaître — et c'est alors qu'elle avait soudain
« compris » que le médecin l'aimait, et elle a été rassurée.
Un autre cas auquel je pense montre nettement cette nécessité de
la distance maximale sur laquelle Kestemberg a très justement insisté.
Cette autre malade présentait, elle aussi, une érotomanie dont le thème
était typique, bien qu'il s'y adjoignît des éléments d'influence. L'objet
de celle-ci était aussi un médecin, et un psychiatre. C'est lui qui la
poursuivait, comme il poursuivait d'ailleurs bien d'autres femmes,
et en particulier son assistante sociale, à qui la malade, jalouse, avait
un jour crêpé le chignon, ce qui lui avait valu une inculpation, une
expertise et un internement d'office.
En psychodrame exploratoire, la malade décrit ses visites au médecin-
psychiatre et l'on s'aperçoit que ce confrère, lors des consultations, la
recevait 3 minutes, la regardait à peine, griffonnait une ordonnance,
et c'était tout. Impossible de rêver d'une plus grande distance. Que si,
en scène, le tenant du rôle de l'objet se montre accueillant, attentionné
ou tout simplement présent, la malade cherche à échapper au jeu,
affirme que ça ne va pas du tout comme ça et s'angoisse. On apprend
plus tard que son père était un homme d'accès très difficile ; pas question
de l'embrasser ni de l'approcher, il était souvent absent, il était froid
et d'ailleurs la mère n'aurait pas supporté que ses filles l'approchassent.
On en vient à jouer une scène se situant à la puberté de la malade,
avant le départ du père pour une de ses fréquentes tournées d'artisan,
et la scène est jouée sur un registre franchement oedipien, c'est-à-dire
que le père déclare à sa fille qu'il la préfère, que d'ailleurs, puisqu'il va
partir, il va l'emmener, elle lui fera sa cuisine, elle sera sa petite femme
et on laissera sa mère à la maison. Et la malade, alors, de déclarer :
« C'est vrai, mon père me préférait, il voulait m'emmener avec lui,
mais ça n'a pas pu se faire, parce que, juste avant de partir, il a été
tué dans un accident. »
A PROPOS DE LA RELATION EROTOMANIAQUE 599

Cet exemple qui rappelle par certains côtés le cas de Dorothée


m'amène à faire deux remarques. La première porte sur l'importance
des facteurs de réalité dans la préparation, le déclenchement, la « mise
à feu » du délire. Kestemberg a très justement relevé ce point dans
l'observation qu'il rapporte, où les fantasmes oedipiens de la malade
sont tombés sur le contre-OEdipe de son père. Nacht et moi-même, à
la demande de R. Mack-Brunswick, avons insisté sur cette collusion
du fantasmatique inconscient avec le réel extérieur dans la genèse des
délires.
Ceci m'amène à une deuxième remarque, par laquelle je rejoins
encore les réflexions de Kestemberg. Nous observons chez les éroto-
manes avec une particulière netteté ce télescopage de l'oedipien et
du pré-oedipien qui réalise une sorte de nivellement des structures
inconscientes et n'a rien à voir avec l'intégration normale des conflits
antérieurs par l'OEdipe. Peut-être peut-on voir là un facteur relative-
ment spécifique des états érotomaniaques.
Un autre facteur singulier a été bien relevé par Kestemberg : c'est
l'importance des satisfactions libidinales que l'érotomanie peut apporter
à la malade. Je puis évoquer à ce sujet l'observation d'une malade qui
a présenté dans sa vie plusieurs accès délirants dont le thème majeur
était érotomaniaque. Cette malade avait à tort été prise pour une déli-
rante schizophrène, mais l'évolution et l'étude approfondie m'ont
montré, quand j'ai pris le cas en main, qu'il s'agissait de crises de
manie délirante ; l'intéressant ici est que cette malade vivait son délire
dans un état de grand bonheur, et éprouvait la disparition du délire
comme un véritable deuil dépressif.
Quant au cas de Bénédicte, que plusieurs d'entre nous connaissent,
je suis pour ma part tout à fait d'accord sur le cadre clinique que
Kestemberg isole à son propos et dont elle est effectivement une saisis-
sante illustration. Il me paraît particulièrementimportant de différencier
des formes cliniques précises au sein de ces états de dépendance affec-
tive qui sont la bonne-à-tout-faire, la tarte-à-la-crème et le coca-cola
de la psychiatrie américaine.
Je crois toutefois qu'on ne saurait sous-estimer les différences entre
cette addition objectale et l'érotomanie. Que Bénédicte ne délire pas
et ne puisse pas délirer paraît tracer une sorte de frontière.
On retrouve d'ailleurs la différence au niveau du contre-transfert.
Car il serait juste, Kestemberg l'a bien noté, d'évoquer ce contre-trans-
fert. Les érotomanes délirants ne choisissent pas n'importe quel objet,
mais toujours quelqu'un de distant par sa fonction sociale comme par
600 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

son attitude, et quelqu'un qui les rejettera à coup sûr ; cela répond bien
à la nature de la relation érotomaniaque, relation d'éloignement maxi-
mum sous le couvert d'une histoire d'amour.
Bénédicte, au contraire, suscite plutôt des contre-transferts positifs,
à preuve le grand nombre de psychiatres et de psychanalystes qui se
sont intéressés et s'intéressent à elle.
Je voudrais, pour terminer et pour marquer encore mon accord avec
J. Kestemberg et ma vive appréciation de sa conférence, appuyer ce
passage essentiel de sa conclusion où il affirme que l'érotomanie est
une manifestation d'esseulement, en citant ces paroles d'une autre
érotomane, qui, traitée par psychothérapie et sur le point d'abandonner
son délire dévitalisé pour se retrouver devant le vide de son existence,
s'écriait : « Mais j'aime mieux çà que d'être seule. »

Intervention de M. FAIN
J'ai particulièrement goûté le travail de J. Kestemberg. Sa richesse
déborde tous les domaines. Il est clinique, théorique, toujours humain.
Ce n'est pas par hasard, je crois, que cet exposé conserve de bout en
bout cette puissance de clarté mentionnée par Held; c'est le travail
d'un praticien du psychodrame, c'est-à-dire de quelqu'un utilisant
un langage restant toujours prêt de l'évocation imagée.
Je crois que l'auteur, en décrivant la relation érotomaniaque, a
introduit dans la séméiologie psychiatrique une dimension plus pro-
prement psychanalytique, celle de l'économie et de la qualité libidinales.
En effet, Dorothée, tant qu'elle maintient sa relation délirante, vit
quasi normalement. Ce délire, comme l'a bien montré J. Kestemberg,
maintient une cohésion interne permettant une adaptation quasi
normale. L'apport narcissique est, en quelque sorte, un apport narcis-
sique secondaire imprégné de l'amour d'un objet. Ceci distingue
Dorothée d'une paranoïaque dont le système persécutoire n'entraîne
une valorisation que du narcissisme primaire et de ce fait une désadap-
tation et des attitudes défensives épuisantes. Cette distinction qui est
contenue dans le travail nous apparaît essentielle. Elle dépasse évidem-
ment le cadre de la relation érotomaniaque.
Il me semble également, à travers ce texte, distinguer un deuxième
point de séméiologie clinique originale. Bien que Bénédicte ne soit pas
délirante, qu'elle reste accrochée à la réalité, la faiblesse de ses défenses
mentales l'entraîne à des comportements itératifs et pauvres. Sa demande
de médicaments est l'aménagement misérable d'une relation qui ne
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 601

tient pas. En un mot, Bénédicte est plus malade que Dorothée. Cette
dernière, à travers son délire et grâce à ce dernier, a réussi à main-
tenir des possibilités réceptives. Rien de semblable chez Bénédicte.
C'est ainsi sur la capacité de recevoir que semble, à travers ces deux
cas, s'édifier le critère de gravité et par conséquent de cure, et non pas
sur l'accrochage à la réalité.
(Ceci n'est pas sans évoquer un fait bien connu : la société se sent
plus atteinte par un délirant que par un malheureux, de la même façon
que les parents s'inquiètent des troubles de l'enfant quand ces troubles
les gênent.)
Le troisième point concerne la notion d'objet partiel évoquée au sujet
de M. Z... Le délire de Dorothée, interprété à travers les significations
condensées du contenu manifeste, montre la valeur fonctionnelle de
l'objet partiel désiré (point sur lequel P. Luquet a insisté dans son travail
sur l'identification). Entre autres, M. Z... représente pour Dorothée :
Sa fonction fantasmatique, dont le délire la décharge. Sa pulsion
sexuelle et sa capacité d'aimer, enfin, comme l'aurait dit M. Bouvet, sa
capacité d'auto-régulation de son estime de soi. Je crois que sur ce point
je rejoins Racamier qui a justement signalé le télescopage pulsionnel
qui apparaît dans certaines relations érotomaniaques. Je crois que
cela est dû au fait de se sentir aimé. Kestemberg, à la fin de son article,
expose les dangers à accepter l'image hypertolérante que certains
patients veulent projeter sur l'analyste. Si ce dernier a une tendance
par trop lénifiante, de multiples aspects pulsionnels vont se manifester
grâce à l'ambiance ainsi créée. (Il est probable que ce fait se rapproche
de certaines situations analytiques décrites par S. Nacht et Viderman.)
L'analyse de l'agressivité sera impossible dans de telles conditions. Autre-
ment dit, nous pourrions dire que J. Kestemberg a recommandé aux
analystes de ne pas favoriser, au cours d'une cure, une relation érotoma-
niaque qui entraîne chez le patient l'illusion, vite perdue, du bien-être.
Clinique, théorique, humain ont été les qualificatifs que j'ai
employés au début pour définir ce travail. Il est à la bonne distance
— près du coeur et de l'esprit, comme aurait dit M. Bouvet.

Intervention de PIERRE LUQUET


Je suis particulièrement heureux de féliciter J. Kestemberg de son
beau travail et, au-delà, de son mode d'approchedu malade qui implique
l'attitude fondamentalement « bonne » que nous lui connaissons.
Comment ne serais-je pas également satisfait qu'il ait abordé son
602 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-I962'

sujet sous l'angle de la relation objectale qui, à la suite de Bouvet, a


paru à un certain nombre d'entre nous la saisie la plus expressive de
la clinique ? Par là même, on perçoit d'emblée ce qu'il veut dire et on
sait qu'il « n'échappe pas » à la relation humaine spécifique du contact
analytique, qu'elle soit diagnostique ou thérapeutique.
Sans parler des nombreuses remarques exactes dont son important
travail est émaillé, il me semble certain que l'essentiel de ce qu'il nous
apporte est dès aujourd'hui acquis, particulièrement le rôle dynamique
et économique de ce mouvement du Moi qu'est l'établissement des
positions érotomaniaques dans leur valeur de réaction à la perte d'objet
aimant et de compensation. Par contre, l'auteur fait bien de nous mettre
en garde contre la confusion qu'on pourrait faire en tirant du rappro-
chement d'un fantasme, d'une relation évoluée, et d'une attitude déli-
rante, une similitude structurale. C'est pourquoi, ajoutant un contre-
poids nécessaire à ces ressemblances, je critiquerai le terme de relation
érotomaniaque au profit de « mouvement » érotomaniaque, par exemple,
ou de « défense », qu'il emploie ailleurs, souhaitant bien distinguer ce
qui est relation structurale et structurante, de ce qui est déjà utilisation
d'une défense dans une relation. Mais il reste à bien séparer la défense
dans une relation gravement perturbée, un délire par exemple, et la
défense évoluée, comme la fantaisie compensatrice du désir amoureux
insatisfait, ou l'intégration de cette défense dans la structuration d'un
couple.
Où gît la différence, puisqu'elle reste sensible ? Dans la structure
prégénitale de la vraie « relation » érotomaniaque, nous dit avec raison
J. Kestemberg, relation vitale de besoin, et dans la structure génitale
du fantasme « érotomaniaque » — cette structuration génitale pouvant
se définir dans une de ses formes : la possibilité de remplacer le besoin
par le plaisir.
Je pense que l'essai que j'ai fait de bien séparer la relation fantas-
matique de la relation imagoïque trouve ici son application. La refigu-
ration de l'imago décolle de la réalité à des degrés variables certes, mais
elle doit être distinguée du mode de création du fantasme.
Après avoir envisagé ce qui a pu aboutir à une position affective
commune, on doit se demander comment celle-ci s'infiltre dans des
structures si différentes et si elle les conditionne (au moins dans certains
cas). Alors seulement on pourra parler de relation structurante. En un
mot, où est le point d'impact ? La perte d'objet ? La restauration ?
Mais nous savons que celle-ci peut prendre bien d'autres formes. On
retrouve la même difficulté qu'il pourrait y avoir à ne pas préciser la
A PROPOS DE LA RELATION ÉROTOMANIAQUE 603

toxicomanie d'objet, ce qui amène à l'étendre, et secondairement à ce


qu'elle ne signifie plus grand-chose. J'aimerais qu'on la limite, par
exemple, au besoin de l'objet rejetant, frustrant ou dangereux, et alors
la belle description de J. Kestemberg prend tout son sens.
Je me suis demandé ce qu'il y avait de particulier dans les obser-
vations que j'avais pu faire et dans celles de Kestemberg, et il m'a semblé
que le traumatisme réel d'un père, vécu comme perdu ou plus souvent
subitement dévalorisé, alors même qu'il avait pu se montrer très proche,
voire séducteur, jouait un rôle assez constant. L'observation de Racamier
semble le confirmer. Peut-être l'absence brutale de cette imago pater-
nelle rejetée au moment où était en train de converger sur elle un vécu
oedipien structurant, capable par triangulation de remplacer une
mauvaise image maternelle, laisse le Moi en face de cette seule imago
refusée, d'où la nécessité d'une imago masculine réimposée fantasma-
tiquement. Il s'agirait alors bien plus d'une imago compensatrice, toute
prête à se recharger de la mauvaise relation imagoïque maternelle
(retour à la persécution) (1).
On en revient donc au point de départ, il s'agirait d'une défense,
et non d'une relation vraie, et elle resterait sur le plan du fantasme
compensateur. La relation imagoïque est celle vécue avec le mauvais
objet frustrant, et la défense, la transformation en un fantasme aimable
qui ne résisterait pas toujours longtemps à la projection de ce qu'elle
masque, surtout si la réalité confirme le rejet.
Ce « délire d'imagination », puisqu'il faudrait l'envisager de telle
sorte, peut alors être rapproché, comme le fait Kestemberg, de l'amour
de transfert. Les relations d'amour et d'amitié vécues comme réelles
sont utilisées comme résistance au transfert. Elles témoignent du « besoin
d'objet » mais le plus souvent, elles sont, comme le fait remarquer
Mme Luquet, un bon exemple de création d'une imago compensatrice
à la relation imagoïque sous-jacente qui, sans elles, s'établirait. Elles
tendent à empêcher secondairement l'issue de la pulsion agressive des-
tructrice et par le même train contrarie la possibilité d'action de la cure.

(1) On peut aussi poser le problème eu terme de fonction. Dans le passage du fantasme au
délire, il y a perte partielle de la fonctiondu réel. Celle-ci pourrait être entraînée par le désinves-
tissement objectai, le vide créé entre l'objet paternel désinvesti et le refus de réinvestir l'objet
maternel. D'autre part, la fonction d'amour de soi semble être spécifiquement atteinte, comme
si cette fonction amour de soi avait été maintenant soudée à l'imago paternelle au moment du
changement d'objet. Ceci expliquerait pourquoi la restauration prend la forme de la « création
illusoire d'un objet aimant » hétérosexuel. Je ne veux pas aller plus loin, n'ayant pas eu à
traiter de véritables psychoses érotomaniaques, mais je voulais indiquer, puisqu'il semble bien
s'agir presque toujours de femmes, qu'il était nécessaire de penser cette entité clinique sous
l'angle de la genèse particulière du Moi féminin.
604 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

Réponse de J. KESTEMBERG
Je remercie vivement tous ceux qui ont bien voulu m'argumenter
et je suis particulièrement heureux de ce que mon travail ait suscité
une discussion aussi fructueuse. J'ai été très sensible aux réflexions
que mes collègues ont bien voulu exprimer ici. Ces contributions me
sont très précieuses pour l'éclaircissement de bien des aspects d'un
problème difficile et passionnant dont je n'ai essayé d'aborder que les
lignes générales.
Je tiens à préciser pour Held, que je remercie pour l'attention
qu'il a bien voulu apporter à mon étude, que la parenté avec l'hystérie
ne m'avait pas échappé. Mais, d'une part il était impossible dans le
cadre d'un travail de ce type d'en étudier toutes les coordonnées,
d'autre part, j'avoue humblement que la notion d'hystérie ne me
paraît pas, à la lumière même des progrès de nos connaissances, par-
faitement claire et il me semble qu'il y a là matière à toute une série
d'approfondissements. J'ajoute cependant que je pense, comme
Diatkine, Fain et d'autres ici, que la considération de l'économie
et de la qualité libidinales au sein des différentes entités cliniques me
paraît être une voie d'abord féconde.
LES REVUES

COMPREHENSIVE PSYCHIATRY (vol. I, n° 5, octobre 1960)

HOCH (P. H.) (1). — METHODS AND ANALYSIS OF DRUG INDUCED ABNORNAL
MENTAL STATES IN MAN (MÉTHODES D'ANALYSE DES ÉTATS ANORMAUX QUE
PRODUISENT LES DROGUES CHEZ L'HOMME) (p. 265).
KELMAN (H.). — FREE ASSOCIATION (ASSOCIATION LIBRE) (p. 273).
SAUL (G. D.), FELD (M.). — THE LIMBIC SYSTEM AND EST SEIZURES (SYSTÈME
LIMBIQUE ET ÉPILEPSIE ÉLECTRIQUE) (p. 281).
SARWER-FONER(G. J.) (2). — THE RÔLE OF NEUROLEPTICMEDICATIONIN PSYCHO-
THERAPEUTIC INTERACTION (NEUROLEPTIQUES ET PSYCHOTHÉRAPIE CONJU-
GUÉS) (p. 291).
LESTER (D.) (3). — A NEW METHOD FOR THE DETERMINATION OF THE EFFECTI-
VENESS OF SLEEP-INDUCING AGENTS IN HUMANS (DÉTERMINATION DE L'EFFI-
CACITÉ DES AGENTS HYPNOTIQUESCHEZ L'HOMME PAR UNE NOUVELLE MÉTHODE)
(p. 301).
DENBER (H. C. B.), RAJOTTE (P.), Ross (E.). — SOME OBSERVATIONS ON THE
CHEMOTHERAPY OF DEPRESSION RESULTS WITH « TARACTAN » (QUELQUES
:
REMARQUES SUR LA PHARMACOTHÉRAPIE DE LA DÉPRESSION : RÉSULTATS AVEC
« TARACTAN ») (p. 308).
ENGLEHARDT (D. M.), FREEDMAN (N.), HANKOFF (L. D.), MANN (D.), MAR-
GOLIS (R.). — CHANGES OF SOCIAL BEHAVIOR IN CHRONIC SCHIZOPHRENIC
OUTPATIENTS UNDER PHENOTHIAZINE TREATMENT (CHANGEMENT DE COMPOR-
TEMENT CHEZ LES SCHIZOPHRÈNES CHRONIQUES, NON HOSPITALISÉS ET TRAITÉS
PAR LA PHENOTHIAZINE) (P. 313).
KLNGSTONE (E.). — THE LITHIUM TREATMENT OF HYPOMANIC AND MANIC STATES
(TRAITEMENT PAR LA LITHIUM DES ÉTATS MANIAQUES ET HYPOMANIAQUES)
(p. 317).
(1) HOCH (P. H.). — METHODS AND ANALYSIS OF DRUG INDUCED ABNORMAL
MENTAL STATES IN MAN (MÉTHODES D'ANALYSE DES ÉTATS MENTAUX ANOR-
MAUX QUE PRODUISENT LES DROGUES CHEZ L'HOMME).
L'auteur passe en revue les principales difficultés de l'investigationactuelle.
Après des considérations sur l'observation clinique et ses adjuvants, il note
le manque d'études détaillées des réactions mentales des sujets soumis à
l'expérimentation des drogues simulant la psychose et de celles à spécificité
douteuse. Il montre ensuite comment on ne peut que spéculer tant que d'innom-
brables facteurs n'auront pas été élucidés. Il attend de ces réponses une
compréhension psychodynamiqueplus totale de l'individu et croit à la nécessité
d'une psychiatrie expérimentale.
606 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

(2) SARWER-FONER (G. J.). — THE RÔLE OF NEUROLEPTIC MÉDICATION IN


PSYCHOTHERAPEUTIC INTERACTION (NEUROLEPTIQUES ET PSYCHOTHERAPIE
CONJUGUÉS).
L'auteur décrit les modalités et les différents résultats de l'emploi des
neuroleptiques associés à la psychothérapie chez les schizophrènes, les cas
« borderline » et les névrosés. Il oppose à leur action thérapeutique « non spé-
cifique » leur action pharmacologique spécifique : le résultat thérapeutique
clinique est fonction de l'attitude des malades vis-à-vis de leur utilisation et
est soigneusement analysé.
(3) LESTER (D.). — A NEW METHOD FOR THE DETERMINATION OF THE EFFECTIVENESS
OF SLEEP-INDUCING AGENTS IN HUMANS (DÉTERMINATION DE L'EFFICACITÉ DES
AGENTS HYPNOTIQUES CHEZ L'HOMME PAR UNE NOUVELLE MÉTHODE).
L'analyse automatique de la fréquence moyenne des ondes excédant un
tiers de l'amplitude du rythme alpha chez le dormeur a permis à l'auteur de
mesurer l'efficacité relative des agents hypnotiques chez l'homme.

COMPREHENSIVE PSYCHIATRY (vol. I, n° 6, décembre 1960)

RADO (S.) (1). — RAGE, VIOLENCE AND CONSCIENCE (RAGE, VIOLENCE ET CONS-
CIENCE) (p. 327).
RÜMKE (H. C). — CONTRADICTIONS IN THE CONCEPTS OF SCHIZOPHRENIA
(LA SCHIZOPHRÉNIE : LES CONTRADICTIONS DE SES CONCEPTS) (p. 331).
FEER (H.), THOELEN (H.), MASSINI (M. A.), STAUB (H.) (2). — HEMODIALYSIS
IN SCHIZOPHRENIA (HEMODIALYSE ET SCHIZOPHRÉNIE) (p. 338).
COHEN (B. D.), LUBY (E. D.), ROSENBAUM (G.), GOTTLIEB (J. S.) (3). —
COMBINED SERNYL AND SENSORY DEPRIVATION (DÉPRESSION SENSORIELLE
ASSOCIÉE AU SERNYL) (p. 345).
DORPAT (T. L.), RIPLEY (H. S.). — A STUDY OF SUICIDE IN THE SEATTLE AREA
(UNE ÉTUDE DU SUICIDE A SEATTLE) (p. 349).
LAWRENCE (M. MORGAN) (4). — MINIMAL BRAIN INJURY IN CHILD PSYCHIATRY
(LÉSIONS CÉRÉBRALES MINEURES EN PSYCHIATRIE INFANTILE) (p. 360).
SILVA (F.), HEATH (R. G.), RAFFERTY (T.), JOHNSON (R.), ROBINSON (W.).

COMPARATIVE EFFECTS OF THE ADMINISTRATION OF TARAXEIN D-LSD, MES-
CALINE, AND PSILOCYBIN TO HUMAN VOLUNTEERS (COMPARAISON DES EFFETS
DE L'ADMINISTRATION DE TARAXEIN, D-LSD, MESCALINE, ET PSILOCYBIN A
DES VOLONTAIRES) (p. 370).
POLLARD (J. C), BAKKER (C),
UHR (L.), FEUERFILE (D. F.). — CONTROLLED
SENSORY IMPUT : A NOTE ON THE TECHNIC OF DRUG EVALUATION WITH A PRELI-
MINARY REPORT ON A COMPARATIVE STUDY OF SERNYL, PSILOCYBIN, AND
LSD 25 (NOTE SUR LA TECHNIQUE DE L'ÉVALUATION DES DROGUES ET RAPPORT
PRÉALABLE SUR UNE ÉTUDE COMPARATIVE DU SERNYL, PSILOCYBIN, ET LSD 25)
(p. 377).
POLLITT ( J. D.) (5). — DEPRESSION AND THE FUNCTIONAL SHIFT (MODIFICATIONS
FONCTIONNELLES ET DÉPRESSION) (p. 381).

(1) RADO (S.). — RAGE, VIOLENCE AND CONSCIENCE (RAGE, VIOLENCE ET CONS-
CIENCE).
Dans une perspective psychodynamique d'adaptation, l'auteur retrace
les origines infantiles de la conscience expiatoire en dénonçant un système
punitif parental qui introvertit la rage et engendre une tension qui menace
LES REVUES 607

la santé et la vie de l'individu. Il oppose un système thérapeutique de gra-


tification plus apte à contenir la violence et à développer chez l'individu le
respect de soi et des autres.
(2) FEER (H.), THOELEN (H.), MASSINI (M. A.), STAUD (H.). — HEMODIALYSIS
IN SCHIZOPHRENIA (HEMODIALYSE ET SCHIZOPHRÉNIE).
Cinq patients souffrant d'états catatoniques aigus furent dialysés dans
l'espoir d'épurer une toxine hypothétique. L'amélioration fut évidente chez
trois patients, transitoire et retardée chez deux autres. Deux ne furent pas
améliorés. Des hypothèses se posent ; la dialyse aurait-elle éliminé une toxine,
corrigé une anomalie enzymatique (transfusion) ou rétabli et corrigé une défail-
lance circulatoire cérébrale ?
(3) COHEN (B. D.), LUBY (E. D.), ROSENBAUM (G.), GOTTLIEB (J. S.). —
COMBINED SERNYL AND SENSORY DEPRIVATION (DÉPRESSION SENSORIELLE
ASSOCIÉE AU SERNYL).
On note un amortissement considérable des effets psychotomimétiques
du Sernyl lorsque celui-ci est administré dans des conditions de dépression
sensorielle réalisé par l'isolement. Les sujets demeurent calmes, maîtres d'eux
et font l'expérience d'un néant et d'un vide profond. Un apport extéroceptifest
donc nécessaire pour produire les sérieux effets psychotomimétiques du Sernyl.
(4) LAWRENCE (M. MORGAN). — MINIMAL BRAIN INJURY IN CHILD PSYCHIATRY
(LÉSIONS CÉRÉBRALES MINEURES EN PSYCHIATRIE INFANTILE).
Les difficultés scolaires d'enfants d'intelligence moyenne ont mené l'auteur
à déceler celles-ci par une investigation neurologique, psychiatrique et psycho-
logique. La pathologie globale du sujet découle de son niveau de dévelop-
pement et de son contact avec l'entourage. Son tempérament et l'attitude de
ses parents à son égard sont étudiés et sa rééducation vise ses déficits perceptifs,
son image corporelle, ses mesures compensatrices et le support qu'il obtient
de son entourage. La psychothérapie vise à lui redonner confiance.
(5) POLLITT (J. D.). — DEPRESSION AND THE FUNCTIONALSHIFT (MODIFICATIONS
FONCTIONNELLES ET DÉPRESSION).
Après une révision de la littérature, l'auteur postule qu'une inhibition
directementinduite (pathologique ou physiologique) ou corticalerhinencéphalo-
diencéphalique serait responsable des perturbations d'ordre physiologique
dans la dépression. Celles-ci seraient plus fréquentes chez les individus qui
entravent l'expression (fonction hypothalamique) de leurs émotions. Elles
seraient le résultat clinique d'une inhibition (levée par les E. C. et les stimu-
lants antidépressifs) des mécanismes primitifs servant à protéger l'individu sain.

COMPREHENSIVE PSYCHIATRY (vol. II, n° 1, février 1961)


MUMFORD (Robert S.) (1). — TRADITIONAL PSYCHIATRY, FREUD AND H. S. SUL-
LIVAN (PSYCHIATRIE TRADITIONNELLE, FREUD ET H. S. SULLIVAN) (p. 1).
SHEPHERD (M.), GOODMAN (N.) and WATT (D. C).
— THE APPLICATION OF
HOSPITAL STATISTICS IN THE EVALUATION OF PHARMACOTHERAPY IN A PSY-
CHIATRIC POPULATION (LES STATISTIQUES HOSPITALIÈRES APPLIQUÉES A L'ÉVA-
LUATION DE LA PHARMACOTHÉRAPIE DANS UNE POPULATION PSYCHIATRIQUE)
(P. II)-
608 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

SHAINESS (Natalie). — A RE-EVALUATION OF SOME ASPECTS OF FEMININITY


THROUGH A STUDY OF MENSTRUATION : A PRELIMINARY REPORT (ÉTUDE DE
LA MENSTRUATION ET ÉVALUATION NOUVELLE DE CERTAINS ASPECTS DE LA
FÉMINITÉ : RAPPORT PRÉLIMINAIRE) (p. 20).
ROTHMAN (T.), GRAYSON (H.), FERGUSON (J.).
— AN EVALUATION OF THE EFFEC-
TIVENESS OF ISOCARBOXAZID (MARPLAN) IN THE DEPRESSIVE SYNDROMES
(ÉTUDE DE L'EFFICACITÉ DU MARPLAN DANS LE SYNDROME DÉPRESSIF) (p. 27).
GOLDBERG (A.), OFFER (D.), SCHATZMAN (L.). THE ROLE OF THE UNIFORM

IN A PSYCHIATRIC HOSPITAL (LE ROLE DE L'UNIFORME DANS UN SERVICE
PSYCHIATRIQUE) (p. 35).
GREENBERG (Irwin M.). — A COMPARISON OF THE CROSS-CULTURAL ADAPTIVE
PROCESS WITH ADOLESCENCE (COMPARAISON DE L'ADOLESCENCE ET DU
PROCESSUS D'ADAPTATION INTERCULTURELLE) (p. 44).
CRANE (George E.). — THE PSYCHOTROPIC EFFECTS OF CYCLOSERINE : A NEW
USE FOR AN ANTIBIOTIC (EFFETS PSYCHOTIQUES DE LA CYCLOSÉRINE) (p. 51).
HULSE (Wilfred C). — CONFLICT IN CONTEMPORARY GROUP PSYCHOTHERAPY
(LA PSYCHOTHÉRAPIE DE GROUPE CONTEMPORAINE ET SES CONFLITS) (p. 60).

(1) MUMFORD (Robert S.). — TRADITIONAL PSYCHIATRY, FREUD AND H. S. SUL-


LIVAN (PSYCHIATRIE TRADITIONNELLE, FREUD ET H. S. SULLIVAN).
Sullivan cherche à formuler une théorie psychiatrique et une méthode
faisant appel aux concepts d'opérationalisme et à la théorie des champs. Il
postule que les gens sont plus semblables que différents et qu'ils possèdent des
tendances inhérentes vers la maturation et la santé mentale... que les chan-
gements de personnalité ne sont pas seulement possibles mais inévitables.
Selon la théorie des relations interpersonnelles, il y a deux classes de besoins :
un premier groupe physique, dont la faim et les besoins sexuels, que l'homme
partage avec les animaux, et un deuxième, spécifiquement humain : un besoin
de sécurité partagée avec un autre.
L'anxiété, résultant de la diminution de l'impression de soi dans les échanges
interpersonnels, demeure la source de l'équilibre des relations humaines. Il
n'existe aucun comportement spécifique pour la dissiper.
De la conjoncture dynamique des deux classes de besoins avec l'anxiété
naît le self-system qui fait l'objet de la psychiatrie. La dynamique de celui-ci
est fonction de la nature des relations interpersonnelles du sujet.
La relation patient-médecin consiste dans la mise à jour de situations
anciennes hautement significatives mais inadéquates (distorsion parataxique
et prototoxique) et idéalement leur abandon.
Certains concepts de Freud trouveront leurs équivalents dans son oeuvre.
Ainsi une analogie existe entre self-system et Moi, besoins physiques et Ça,
besoins de sécurité et Surmoi. Les concepts de distorsion parataxique rap-
pellent les phénomènes de transfert et de contre-transfert.
L'auteur cite quatre concepts sullivaniens originaux :
1) Dans le processus thérapeutique interpersonnel, le médecin donne une part
active à l'observation si bien qu'expérimentation et investigation vont de
pair avec le processus thérapeutique ;
2) Influencé par l'équation psychobiologique meyerienne, il accentue le rôle
joué par le langage et les coutumes dans le développementde la personnalité à
ses différents stades. Il rejette la théorie freudienne de la sexualité infantile ;
3) Une dynamique intimité-tendresse, non sexuelle, se situant à mi-chemin
entre les besoins physiques et sociaux, se traduit différemment à chaque
stade d'évolution de la personnalité, par un besoin d'être écouté, accepté
LES REVUES 609

et d'accéder à l'intimité de quelqu'un. Lorsqu'elle est troublée, elle peut


donner naissance à l'anxiété, à un trouble mental ou causer la mort dans
la tendre enfance. La sexualité est considérée secondairement comme
faisant partie d'un comportement visant à promouvoir l'intimité et la
sécurité avec les autres ;
4) A rencontre du Thanatos freudien, les phénomènes d'autodestruction et le
masochisme puisent leur essence dans le besoin de surmonter la solitude,
de maintenir l'intimité et le respect.
Cliniquement, Sullivan s'attache à déterminer la qualité de l'estime de
soi et son évolution chez le schizophrène. Entre A. Stonch et lui, existe
un parallélisme d'idées : pour le premier, la pensée et le comportement du
schizophrène dans ce qu'ils ont de défensifs expriment un désir de sécurité ;
le second ne cherche pas à traduire son mode autistique de comportement en
langage adulte : l'épisode schizophrénique est pour lui une représentation
dynamique dont l'explication est à trouver dans la vie du patient.
Les ruminations homosexuelles du schizophrène paranoïde (A) témoigne-
raient non pas d'une homosexualité latente mais de la fixation de son système
intimité-tendresse sur le mâle durant la pré-adolescence : le patient serait
donc plus asexuel que homosexuel.
Son oeuvre fut influencée par la philosophie et la science du début du siècle,
la théorie de la libido et la psychiatrie classique.
Bien qu'il ait stipulé que la psychiatrie était l'étude des relations interper-
sonnelles, il donna une étiologie organique à plusieurs désordres mentaux.
Quant à l'épreuve de la réalité par la « validation consensuelle », elle demeure
mal définie quand elle est appliquée aux facteurs culturaux.
Bien que la valeur holistique de ses hypothèses reste à prouver, elle sert
encore de tremplin aux investigateurs d'aujourd'hui attirés par la notion d'in-
terdépendance des parties d'un tout.

COMPREHENSIVE PSYCHIATRY (vol. II, n° 2, avril I961)


RADO (Sandor). — TOWARDS THE CONSTRUCTION OF AN ORGANIZED FOUNDATION
FOR CLINICAL PSYCHIATRY (POUR L'ÉDIFICATION D'UNE ORGANISATION DE LA
PSYCHIATRIE CLINIQUE) (p. 65).
ARIETI (Silvano). — VOLITIONAND VALUE : A STUDY BASED ON CATATONIC
SCHIZOPHRENIA (VOLITION ET SENS DES VALEURS : ÉTUDE BASÉE SUR LA SCHIZO-
PHRÉNIE CATATONIQUE) (p. 74).
WEIL (Anne-Marie P.). — PSYCHOPATHIC PERSONALITY AND ORGANIC BEHAVIOR
DISORDERS. DIFFERENTIAL DIAGNOSTIC AND PRONOSTIC CONSIDERATIONS
(PERSONNALITÉ PSYCHOPATIQUE ET TROUBLES DU COMPORTEMENT D'ORIGINE
ORGANIQUE. DIAGNOSTICDIFFÉRENTIELET CONSIDÉRATIONS SUR LE PRONOSTIC)
(p. 83).
WALDROP (F. N.), ROBERTSON (R. H.), VOURLEKIS (A.). — A COMPARISON OF
THE THERAPEUTIC AND TOXIC EFFECTS OF THIORIDAZINE AND CHLORPROMAZINE
IN CHRONIC SCHIZOPHRENIC PATIENTS (COMPARAISON DES EFFETS THÉRAPEU-
TIQUES ET TOXIQUES DE LA THIODÉRAZINE ET DE LA CHLORPROMAZINE CHEZ
LES MALADES ATTEINTS DE SCHIZOPHRÉNIE CHRONIQUE) (p. 96).
BONIME (Walter) (1). — INTELLECTUAL INSIGHT, CHANGING CONSCIOUSNESS,
AND THE PROGRESSION OF PROCESSES DURING PSYCHOANALYSIS (INTÉGRATION
INTELLECTUELLE ET PRISES DE CONSCIENCE AU COURS D'UNE PSYCHANALYSE)
(p. 106).
REV. FR. PSYCHANAL. 39
610 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

WHITTIER (J. R.) and KORENYI (C). —


SELECTED CHARACTERISTICS OF AGED
PATIENTS. A STUDY OF MENTAL HOSPITAL ADMISSIONS (CARACTÉRISTIQUES
SPÉCIFIQUES DES MALADES AGES. ÉTUDE DES ADMISSIONS EN HOPITAL PSY-
CHIATRIQUE) (p. 113).
FLACH (Frederic F.). — A STUDY OF THE RELIABILITY OF THE SOCIAL BEHAVIOR
CHART (ÉTUDE DE LA VALIDITÉ DE CODE DE COMPORTEMENT SOCIAL) (p. 121).

(1) BONIME (Walter). — INTELLECTUAL INSIGHT, CHANGING CONSCIOUSNESS,


AND THE PROGRESSION OF PROCESSES DURING PSYCHOANALYSIS (INTÉGRATION
INTELLECTUELLE ET PRISES DE CONSCIENCE AU COURS D'UNE PSYCHANALYSE).
L'auteur montre d'une façon schématique les différents niveaux d'inté-
gration intellectuelle que l'analysé franchit au cours de la cure. Il s'attache
spécialement à préciser la nature et la cause des changements conceptuels qui
s'opèrent en lui au niveau conscient et l'apparition progressive d'un nouveau
comportement. Du matériel anamnestique apporté par le patient s'élabore
d'abord l'hypothèse thérapeutique formulée par le thérapeute et reprise ou
rejetée par l'analysé. Une nouvelle connaissance de soi s'ébauche lentement
et une prise de conscience a lieu. L'insatisfaction d'un ancien comportement
ainsi que la reconnaissance de sa responsabilité dans son acceptation se font
jour. La détermination d'établir des rapports sur un registre nouveau se fait
non sans anxiété et peur d'être anéanti. Une nouvelle spontanéité s'élabore
de la pratique d'un nouveau comportement lié à un remaniement conceptuel
et une gratification naissante. L'individu a la perception de se sentir différent
et se perçoit dans un monde différent comme un individu nouveau. Plus
confiant, il peut risquer la réévaluation de tous les processus auxquels il a
pris une part active.
J.-L. SAUCIER.

INFANZIA ANORMALE (n° 42, mars-avril 1961)

LOESCH (G.). — MALFORMAZIONI CRANIO FACCIALI. MODERNI CRITERI DI INDI-


CAZIONE DELLA TERAPIA CHIRURGICA (MALFORMATIONS CRANIO-FACIALES,
INDICATIONS MODERNES DE LA THÉRAPIE CHIRURGICALE) (p. 109).
CORRAO (F.).
— STRUTTURA E DINAMICA DELLA SITUAZIONE PSICODRAMATICA,
I PARTE (STRUCTURE ET DYNAMIQUES DE LA SITUATION PSYCHODRAMATIQUE,
1re PARTIE) (p. 141).
MONTANINI MANFREDI (M.). — ASPETTI DIFFERENZIALI DEL FURTO NEI DISTURBI
DEL COMPORTAMENTO INFANTILE (DIFFÉRENTES SIGNIFICATIONS DU VOL DANS
LES TROUBLES DU COMPORTEMENT CHEZ L'ENFANT) (p. 159).
VISCONTI (L.). — STUDIO BIBLIOGRAFICO SULLA DELINQUENZIA GIOVANILE CON
PARTICOLARE RIFERIMENTOALLE BANDE (ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUEDE LA DÉLIN-
QUANCE JUVÉNILE AVEC RÉFÉRENCE PARTICULIÈRE AUX BANDES) (p. 190).

INFANZIA ANORMALE (n° 43, mai-juin 1961)

BERNOCCHI (F.),
REALE (P.). — CONTRIBUTO ALLO STUDIO DELLA PERSONALITÀ
DELL'ORFANA IN ISTITUTO (ÉTUDE DE LA PERSONNALITÉ DE L'ORPHELINE EN
INTERNAT) (p. 259).
BARTOLESCHI (B.), NOVELLETTO (A.).
— CONTRIBUTO CASISTICO ALLO STUDIO
DEL RAPPORTO OGGETTUALE PSICOTICO (ÉTUDE DU RAPPORT OBJECTAL PSYCHO-
TIQUE) (p. 283).
LES REVUES 611

DE FRANCO (F.), SACCO (F.). — RAPPORTI FRA TIPI FONDAMENTALI DI CARATTERE


E INTELLIGENZA NELL'ET À EVOLUTIVA (RAPPORTS ENTRE CARACTÈRE ET INTEL-
LIGENCE A L'AGE ÉVOLUTIF) (p. 302).
RIVERSO (M.). — PSICOLOGIA DELL'APPRENDIMENTO E METODI « ATTIVI » NELL'-
INSEGNAMENTO (PSYCHOLOGIE DE L'APPRENTISSAGEET MÉTHODES ACTIVES DANS
L'ENSEIGNEMENT) (p. 318).
MACCAGNANI (F.). — LA TERAPIA DELL'EPILESSIA NELL'ET À EVOLUTIVA. RIVISTA
SINTETICA (THÉRAPIE DE L'ÉPILEPSIE A L'AGE ÉVOLUTIF) (p. 337).
BALDINI DEVOTO (G.), LEVI (S.). — RELAZIONE SU 13 ANNI DI ATTIVIT A DELL'-
ISTITUTO MEDICO-PEDAGOGICO UMBERTO I (RAPPORT SUR 13 ANS D'ACTIVITÉ
DE L'INSTITUT MÉDICO-PÉDAGOGIQUEUMBERTO 1er) (p. 367).

INFANZIA ANORMALE (fasc. 44, septembre-octobre 1961)


BOLLEA (G.). — GIUSEPPE MONTESANO (p. 401).
BALCONI (M.), BERRINI (M. E.), FORNARI (F.) (1). — ESTRANEAZIONE DELLA
FIGURA UMANA E INVESTIMENTO ESCLUSIVO DI OGGETTI INANIMATI (ALIÉNA-
TION DE LA FIGURE HUMAINE ET INVESTISSEMENT TOTAL SUR LES OBJETS
INANIMÉS (p. 403).
GENERALI (I. A.), POND (D. A.). — CORRELAZIONI ELETTROENCEFALOGRAFICHEE
CLINICHE NEI DISTURBI PRIMITIVI DEL COMPORTAMENTO DEL BAMBINO (COR-
RÉLATIONS EEG ET CLINIQUES CHEZ L'ENFANT AVEC TROUBLES PRIMITIFS DU
COMPORTEMENT) (p. 447).
BARTOLESCHI (B.) (2).
— LE CRISI D'ANSIA ACUTA NELL'ET À EVOLUTIVA (LES
CRISES D'ANGOISSE AIGUË A L'AGE ÉVOLUTIF) (p. 455).
DE FRANCO (F.), SACCO (F.). — TIPI FONDAMENTALI DI CARATTERE E SUCCESSO
SCOLASTICO (TYPES DE CARACTÈRE ET PROGRÈS SCOLAIRE) (p. 471).
BARTOLESCHI (B.), SOLLINI (A.).
— GLI PSICOFARMACI NELL'ET À EVOLUTIVA.
RIVISTA SINTETICA (LA PHARMACOLOGIE A L'AGE EVOLUTIF. REVUE DE SYN-
THÈSE) (p. 485).
GIORDANO (G. G.). —PROBLEMI DELLE ISTITUZIONI SPECIALIZZATE PER IL
RECUPERO DEI MINORATI PSICHICI (PROBLÈMES DES INSTITUTIONS SPÉCIALISÉES
POUR LA RÉCUPÉRATION DES ANORMAUX PSYCHIQUES).

(1) BALCONI (M.), BERRINI (M. E.), FORNARI (F.). — ESTRANEAZIONE DELLA
FIGURA UMANA E INVESTIMENTOESCLUSIVO DI OGGETTI INANIMATI (ALIÉNATION
DE LA FIGURE HUMAINE ET INVESTISSEMENT TOTAL SUR LES OBJETS INANIMÉS).
Les auteurs relatent quelques considérations à propos d'un cas d'autisme
infantile.
La mère avait donné à l'enfant des soins purement physiques. A l'âge où
l'enfant avait besoin de la présence de la mère en dehors de la satisfaction des
besoins physiques, il a été frustré et il a structuré un mécanisme de défense,
qui l'a amené à refuser la perception du visage humain.
La persistance du besoin de « l'autre » pousse l'enfant à l'investissement
des objets inanimés, pour structurer une relation à deux.
Les auteurs concluent que l'autisme pur n'est pas concevable chez les
humains, et que le besoin de structurer une relation est primaire et incoercible.
(2) BARTOLESCHI (B.). — LE CRISI D'ANSIA ACUTA NELL'ET À EVOLUTIVA (LES
CRISES D'ANGOISSE AIGUË A L'AGE ÉVOLUTIF).
L'auteur rapporte 6 cas d'angoisse aiguë. Il s'agit d'un syndrome typique :
l'enfant a une expression mimique de peur, il a peur de mourir, sensation
6l2 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

d'étouffer, besoin d'être rassuré, mais il ne peut pas accepter d'être aidé. La
crise est accompagnée de manifestations somatiques cardiaques, respiratoires
et digestives ; elle peut durer de quelques minutes jusqu'à une heure et demie,
et elle peut se répéter même 2-3 fois par jour.
Il s'agit, en général, d'un syndrome à évolution favorable, qui cède rapi-
dement aux différentes thérapies. L'angoisse aiguë manifeste un écroulement
temporaire des possibilités de contrôle et d'intégration du Moi sous l'action
de différents facteurs prédisposants et déclenchants et il n'y a pas une étiologie
spécifique.
L'auteur distingue les crises d'angoisse aiguë en crises épisodiques et pré-
névrotiques.
G. Roi.

JOURNAL OF THE AMERICAN PSYCHOANALYTIC ASSOCIATION


(vol. VIII, n° 2, april 1960)

ROSEN (Victor H.) (1). —


SOME ASPECTS OF THE ROLE OF IMAGINATION IN THE
ANALYTIC PROCESS (QUELQUES ASPECTS DU ROLE DE L'IMAGINATION AU COURS
DU PROCESSUS ANALYTIQUE) (p. 229).
BERES (David) (2). — THE PSYCHOANALYTIC PSYCHOLOGY OF IMAGINATION (LA
PSYCHOLOGIE PSYCHANALYTIQUE DE L'IMAGINATION) (p. 252).
HARRISSON (Irving B.) (3). — A CLINICAL NOTE ON A DREAM FOLLOWED BY
ELATION (NOTE CLINIQUE SUR UN RÊVE SUIVI DE RAVISSEMENT) (p. 270).
SOCARIDES (Charles W.) (4).
— THE DEVELOPMENT OF A FETISHISTIC PERVERSION :
THE CONTRIBUTION OF PREOEDIPALPHASE CONFLICT (LE DÉVELOPPEMENT D'UNE
PERVERSION FÉTICHISTE) (p. 281).
MOORE (Burness E.) (5). — CONGENITAL VERSUS ENVIRONMENTAL : AN UNCONS-
CIOUS MEANING (SIGNIFICATION INCONSCIENTE DE CE QUI EST CONGÉNITAL ET
OPPOSÉ A CE QUI PROVIENT DE L'ENTOURAGE) (p. 312).
ROOSE (Lawrence J.) (6). — THE INFLUENCE OF PSYCHOSOMATIC RESEARCH ON
THE PSYCHOANALYTIC PROCESS (DE L'INFLUENCE DE LA RECHERCHE PSYCHO-
SOMATIQUE SUR LE PROCESSUS ANALYTIQUE) (p. 317).

(1) ROSEN (Victor H.). — SOMEASPECTS OF THE ROLE OF IMAGINATION IN THE


ANALYTIC PROCESS (QUELQUES ASPECTS DU ROLE DE L'IMAGINATION AU COURS
DU PROCESSUS ANALYTIQUE).
L'imagination est un terme qui sert à décrire un important processus de
synthèse effectué par le Moi. Il prend racine sur les premières expériences du
Moi : l'apparition et la disparition des objets. La formation de l'image sert
entre autres choses à manipuler l'objet perdu de sorte que l'objet reste au
cours de ses déplacements successifs sous le contrôle du Moi et peut être
manipulé comme une réalité psychologique même s'il se trouve en dehors
du champ de la perception immédiate. Le développement plus tardif de
l'imagination où le concept remplace l'image ne peut se réaliser sans la notion
d'invariabilité et de permanence de l'objet. La progression des premières
étapes de la formation de l'image aux dernières (formation de concept) nécessite
une synthèse des fantasmes, une introjection des perceptions d'objets. Dans la
psychologie pathologique de l'imagination telle qu'on la voit au cours de
certains types de résistance à l'analyse, le psychanalyste doit s'intéresser aux
facteurs internes et externes qui peuvent interférer avec la capacité du malade
à rester à mi-chemin entre la réalité et l'illusion. L'analyste doit également se
LES REVUES 613

préoccuper des contradictions impliquées dans le maniement simultané des


idées et des objets qui sont en même temps réalité et illusion. Exposés de trois
cas cliniques ; bibliographie.
(2) BERES (David). — THE PSYCHOANALYTIC PSYCHOLOGY OF IMAGINATION (LA
PSYCHOLOGIE PSYCHANALYTIQUE DE L'IMAGINATION).
Définition de l'imagination : capacité de former des représentations men-
tales d'objets qui ne sont pas immédiatement accessibles à la perception. L'ima-
gination est considérée comme la manifestation polyvalente se retrouvant dans
les processus mentaux normaux et pathologiques ainsi que dans la création
artistique qui n'est pas différente des autres processus imaginatifs. Il ne s'y
ajoute qu'une synthèse permettant la création d'un nouveau produit.
L'imagination apparaît chez l'enfant au cours de la structuration du Moi.
La satisfaction imaginative du désir chez le nourrisson présuppose la capacité
de former des représentations mentales.
L'imagination est un processus mobilisant l'énergie psychologique et en
différant la décharge.
Rôle de la mémoire dans la représentation mentale.
Rôle de la représentation mentale (Vorstellung) dans la catharsis. Suivent
des considérations cliniques.
(3) HARRISSON (Irving B.). — A CLINICAL NOTE ON A DREAM FOLLOWED BY
ELATION (NOTE CLINIQUE SUR UN RÊVE SUIVI DE RAVISSEMENT).
(4) SOCARIDES (Charles W.). — THE DEVELOPMENT OF A FETISHISTIC PERVERSION :
THE CONTRIBUTION OF PREOEDIPAL PHASE CONFLICT (LE DÉVELOPPEMENT
D'UNE PERVERSION FÉTICHISTE).
Étude clinique détaillée d'un malade dont l'importante fixation à la mère
a souvent été discutée en sa présence ;
Ses difficultés majeures consistent en :
— une identification féminine permanente ;
— l'utilisation prolongée d'objets de « transition » (ours en peluche) ;
— le désir de porter un enfant comme l'avait fait sa mère ;
— la grande intensité de tendances agressives orales et anales et de fantasmes
du même ordre ;
— la production d'une perversion fétichiste qui avait pour principale fonction
de résoudre ces problèmes et de soulager les conflits de la période phallique ;
le Moi était déjà suffisamment atteint et ne pouvait surmonter ces difficultés.
Les conflits oedipiens et pré-oedipiens étaient si intriqués que l'on ne pou-
vait se rendre compte du processus causal.
Une référence à ce que Freud a nommé « la période élusive » peut apporter
une certaine lumière à ce problème.
(5) MOORE (Burness E.). — CONGENITAL VERSUS ENVIRONMENTAL : AN UNCONS-
CIOUS MEANING (SIGNIFICATION INCONSCIENTE DE CE QUI EST CONGÉNITAL ET
OPPOSÉ A CE QUI PROVIENT DE L'ENTOURAGE).

(6) ROOSE (Lawrence J.). — THE INFLUENCE OF PSYCHOSOMATIC RESEARCH ON


THE PSYCHOANALYTIC PROCESS (DE L'INFLUENCE DE LA RECHERCHE PSYCHO-
SOMATIQUE SUR LE PROCESSUS ANALYTIQUE).
La psychanalyse est de plus en plus utilisée comme un instrument de
recherche dans l'investigation des maladies psycho-somatiques. Du fait de
la complexité croissante de ces expériences, le procédé analytique lui-même
614 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

est soumis à des influences externes variées. D'où la nécessité de considérer avec
le plus grand soin les effets produits sur le patient par une certaine déviation
par rapport à la méthode traditionnelle.
L'étude suivante a pour but de décrire un projet de recherche pour lequel
la psychanalyse a servi d'instrument de recherche ; il a également fallu déter-
miner les effets causés sur le procédé analytique par les divers paramètres et
variantes propres à l'expérience.
La conclusion de ce travail est la suivante :
L'analyse ne peut vraiment servir d'instrument de recherche, car le procédé
devant être modifié, on ne peut pas dire qu'il s'agisse d'analyse à proprement
parler. Il s'agit peut-être d'une adaptation de la psychanalyse tout au plus.
La psychanalyse peut servir de cadre de références, mais les données doivent
rester extérieures à ce cadre. (Bibliographie.)

JOURNAL OF THE AMERICAN PSYCHOANALYTIC ASSOCIATION


(vol. IX, n° 1, janvier 1961)

LOEWENSTEIN (Rudolph M.) (1). — INTRODUCTION. THE SILENT PATIENT (LE


SILENCE DU PATIENT) (p. 2).
ZELIGS (Meyer A.) (2). — THE PSYCHOLOGY OF SILENCE : ITS ROLE IN TRANSFE-
RENCE, COUNTERTRANSFERENCE AND THE PSYCHOANALYTIC PROCESS (LA PSY-
CHOLOGIE DU SILENCE, SON ROLE DANS LE TRANSFERT, LE CONTRE-TRANSFERT
ET LE PROCESSUS PSYCHANALYTIQUE) (p. 7).
ARLOW (Jacob A.) (3). — SILENCE AND THE THEORY OF TECHNIQUE (LE SILENCE :
LA THÉORIE DE LA TECHNIQUE) (P. 44).
LOOMIE (Leo S.) (4). — SOME EGO CONSIDERATIONS IN THE SILENT PATIENT
(QUELQUES CONSIDÉRATIONS CONCERNANT LE MOI DU MALADE SILENCIEUX)
(p. 56).
GREENSON (Ralph R.) (5). — ON THE SILENCE AND SOUNDS OF THE ANALYTIC
HOUR (LE SILENCE ET LES BRUITS AU COURS DE LA SÉANCE D'ANALYSE) (p. 79).
VAN DER HEIDE (Carel) (6). — BLANK SILENCE AND THE DREAM SCREEN (LE
SILENCE ABSOLU ET L'ÉCRAN DU RÊVE) (p. 85).
FERREIRA (Antonio J.). — EMPATHY AND THE BRIDGE FUNCTION OF THE EGO
(L'EMPATHIE ET LA FONCTION DE LIAISON DU MOI) (p. 91).
MCLAUGHLIN (James T.). — THE ANALYST AND THE HIPPOCRATIC OATH (L'ANA-
LYSTE ET LE SERMENT D'HIPPOCRATE) (p. 106).

(1) LOEWENSTEIN (Rudolph M.). — INTRODUCTION. THE SILENT PATIENT (LE


SILENCE DU PATIENT).
L'auteur préside une série de conférences sur le rôle et la signification du
silence en psychanalyse ; sa propre contribution tend à rappeler que le silence
constitue partie intégrante de la relation analytique aussi bien pour le médecin
que pour le patient, au même titre que la résistance, en se référant à un travail
personnel antérieur. L'auteur compare le silence dans la situation analytique
au langage, les deux étant également inévitables, et significatifs. La distribution
particulière et les fonctions variées des communications verbales font mieux
comprendre le rôle plus ou moins important du silence, suivant les malades
et suivant les périodes. Il ne faut pas conclure que le silence qui peut apparaître
comme une difficulté de l'analyse, témoigne nécessairement de perturbations
au niveau des relations d'objet. Celles-ci peuvent aussi bien être contenues
dans des actes que dans les paroles ou peuvent obéir au proverbe « Le silence
LES REVUES 615

est d'or ». Notre culture, à tort ou à raison, attribue un rôle prédominant à


l'expression verbale. Mais il faut tenir compte du fait que le silence constitue
parfois un mode de relation d'objet nécessaire tant à l'intérieur qu'à l'extérieur
de la situation analytique.
(2) ZELIGS (Meyer A.). — THE PSYCHOLOGY OF SILENCE : ITS ROLE IN TRANS-
FERENCE, COUNTERTRANSFERENCE AND THE PSYCHOANALYTIC PROCESS (LA
PSYCHOLOGIE DU SILENCE, SON ROLE DANS LE TRANSFERT, LE CONTRE-TRANSFERT
ET LE PROCESSUS PSYCHANALYTIQUE).
Après quelques considérations générales sur le silence, l'auteur traite suc-
cessivement :
— l'évolution du concept psychanalytique du silence ;
— silence durant l'analyse ;
— silence et postures ;
— silence et méthode psychanalytique ;
— silence et transfert ;
— silence et acting out.
Dans la deuxième partie, il expose un cas clinique dont l'analyse est pré-
cisément caractérisée par l'importance du silence, et s'attache à décrire la signi-
fication de ce phénomène chez les phobiques (exemple : revanche contre la
mère, moyen de tester l'analyste ; défense contre la peur d'être agressé, etc.).
Une de ces significations est à souligner : parler est équivalent d'un trouble
du schéma corporel, le silence combat la peur de la destruction. L'auteur
conclut que le silence est un état psycho-biologique complexe correspondant
à un moyen de communication qui exprime l'humeur du moment, une atti-
tude, un sentiment. Du point de vue structural, il peut être indifféremment
le produit de chacune des instances : le Moi, l'idéal du Moi, et le Çà. Du
point de vue technique, le malade, à la suite des interprétations appropriées,
récapitule les significations des silences accumulés par lui-même ou par son
analyste. Enfin, selon l'auteur le silence, attitude humaine propre, doit être
considéré comme la partie intégrante du processus analytique.
(3) ARLOW (Jacob A.). — SILENCE AND THE THEORY OF TECHNIQUE (LE SILENCE :
LA THÉORIE DE LA TECHNIQUE).
En tenant compte de différentes variétés de silence dans la situation psycha-
nalytique, l'auteur en distingue deux catégories fondamentales :
1) Les silences qui servent de moyens de défense ;
2) Les silences qui servent de moyens de décharges.
A chacune de ces deux catégories correspondent deux modalités d'inter-
ventions et d'interprétations.
Dans tous les cas, toute intervention ou interprétation de l'analyste au
cours du silence du malide, produit une modification des rapports de force
entre les deux catégories de silence.
L'auteur insiste sur la nécessité d'évaluer l'importance du conflit et son
contexte lorsque se tait le malade.
(4) LOOMIE (Leo S.). — SOME EGO CONSIDERATIONS IN THE SILENT PATIENT
(QUELQUES CONSIDÉRATIONS CONCERNANT LE MOI DU MALADE SILENCIEUX).
Après avoir passé en revue la littérature concernant le silence du malade,
l'auteur expose trois cas cliniques. Cet exposé est suivi d'une discussion qui
met l'accent sur la méfiance fondamentale du malade silencieux à l'égard de
l'analyste.
6l6 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

(5) GREENSON (Ralph R.). — ON THE SILENCE AND SOUNDS OF THE ANALYTIC
HOUR (LE SILENCE ET LES BRUITS AU COURS DE LA SÉANCE D'ANALYSE).
Entre le silence et la parole se situe, selon l'auteur, une troisième zone :
celle de différents bruits émis par le malade au cours de son silence et qui
traduisent ses états émotionnels non verbalisés ou non verbalisables.
(6) HEIDE C. VAN DER. — BLANK SILENCE AND THE DREAM SCREEN (LE SILENCE
ABSOLU ET L'ÉCRAN DU RÊVE).
Le silence absolu et chronique au cours de la thérapeutique psychanaly-
tique peut être considéré comme une forme de régression fonctionnelle du
Moi. On peut l'envisager comme une altération fondamentale des relations
d'objet. Il est en rapport avec l'oralité et joue un rôle prévalent dans les ana-
lyses des malades régressifs dont le transfert et la symptomatologie sont
dominés par les premiers stades du développement de la libido.
L'auteur établit des analogies entre les fonctions du silence absolu et
l'endormissement sur le divan analytique.

JOURNAL OF THE AMERICAN PSYCHOANALYTIC ASSOCIATION


(vol. IX, n° 2, avril 1961)

LICHTENSTEIN (Heinz) (1). — IDENTITY AND SEXUALITY : A STUDY OF THEIR


INTERRELATIONSHIP IN MAN (IDENTITÉ ET SEXUALITÉ : L'ÉTUDE DE LEURS
RELATIONS CHEZ L'HOMME) (p. 179).
BELL (Anita A.) (2). — SOME OBSERVATIONS ON THE ROLE OF THE SCROTAL SAC
AND TESTICLES (QUELQUES OBSERVATIONS SUR LE ROLE DU SAC SCROTAL ET
DES TESTICULES) (p. 261).
HAMMERMAN (Steven). — MASTURBATION AND CHARACTER (MASTURBATION ET
CARACTÈRE) (p. 287).
ROSENBAUM (Jean R.) (3). — THE SIGNIFICANCE OF THE SENSE OF SMELL IN THE
TRANSFERENCE (LA SIGNIFICATION DU SENS OLFACTIF AU COURS DU TRANSFERT)
(p. 312).
LIPTON (Samuel D.). — THE LAST HOUR (LA DERNIÈRE HEURE) (p. 325).
BRANDT (Lewis W.). — SOME NOTES ON ENGLISH FREUDIAN TERMINOLOGY
(QUELQUES REMARQUES SUR LA TERMINOLOGIE FREUDIENNE EN ANGLAIS)
(p. 331).

(1) LICHTENSTEIN (Heinz). — IDENTITY AND SEXUALITY : A STUDY OF THEIR


INTERRELATIONSHIP IN MAN (IDENTITÉ ET SEXUALITÉ : L'ÉTUDE DE LEURS
RELATIONS CHEZ L'HOMME).
L'auteur reprend ce thème déjà discuté dans un colloque en mai 1957.
Il tend à démontrer avec l'appui d'une observation clinique que la fonction
sexuelle non procréatrice est la base de l'identité chez l'homme. Les manifes-
tations cliniques de l'identité sont décrites avec détails. Il insiste en particulier
sur la compulsion de répétition comme une manifestation quasi biologique,
en tout cas régulatrice, du principe de l'identité. Il attribue au travail chez
l'homme le même rôle fondamental. La conception générale qui se dégage
de ce travail est que la culture constitue un maintien du principe d'identité :
un individu ne peut acquérir ni maintenir une identité en dehors d'un contexte
culturel et social.
LES REVUES 617

(2) BELL (Anita A.). — SOMEOBSERVATIONS ON THE ROLE OF THE SCROTAL SAC
AND TESTICLES (QUELQUES OBSERVATIONS SUR LE ROLE DU SAC SCROTAL ET
DES TESTICULES).
L'auteur attribue aux testicules et au sac scrotal un rôle décisif dans le
développement du complexe de castration et de l'identification féminine chez
l'homme normal.
(3) ROSENBAUM (Jean R.). — THE SIGNIFICANCE OF THE SENSE OF SMELL IN
THE TRANSFERENCE (LA SIGNIFICATION DU SENS OLFACTIF AU COURS DU
TRANSFERT).

Dans l'histoire de la littérature psychanalytique, le sens olfactif a été dis-


cuté dans une perspective biogénétique et phylogénétique, et son rôle a été
limité aux expériences actives de la sexualité anale. L'auteur tend à démontrer,
à l'aide d'une étude clinique, les références dynamiques et génétiques de cette
manifestation (le sentir) en cours d'analyse. Le sentir apparaît ainsi comme
un mécanisme de défense du Moi, selon tous les stades du développement,
prégénital et génital.

JOURNAL OF THE AMERICAN PSYCHOANALYTIC ASSOCIATION


(vol. IX, n° 3, juillet 1961)

ARLOW (Jacob A.) (1). — EGO PSYCHOLOGY AND THE STUDY OF MYTHOLOGY
(LA PSYCHOLOGIE DU MOI ET L'ÉTUDE DE LA MYTHOLOGIE) (p. 371).
GELEERD (Elisabeth R.) (2). — SOME ASPECTS OF EGO VICISSITUDES IN ADOLES-
CENCE (QUELQUES TYPES DE VICISSITUDES DU MOI DANS L'ADOLESCENCE)
(p. 394).
SPIEGEL (Leo A.) (3). — DISORDER AND CONSOLIDATION IN ADOLESCENCE
(PERTURBATION ET CONSOLIDATION AU COURS DE L'ADOLESCENCE) (p. 406).
FOUNTAIN (Gerard) (4). — ADOLESCENT INTO ADULT : AN INQUIRY (TRANSFOR-
MATION DE L'ADOLESCENTEN ADULTE : ENQUÊTE) (p. 417).
HARLEY (Marjorie) (5). — SOME OBSERVATIONS ON THE RELATIONSHIP BETWEEN
GENITALITY AND STRUCTURAL DEVELOPMENT AT ADOLESCENCE (QUELQUES
OBSERVATIONSPORTANT SUR LE RAPPORT ENTRE LA GÉNITALITÉ ET LE DÉVELOP-
PEMENT STRUCTURAL DE L'ADOLESCENCE) (p. 434).
EISNITZ (Alan J.). — MIRROR DREAMS (RÊVES DE MIROIR) (p. 461).
GRINSTEIN (Alexander). — FREUD'S DREAM OF THE BOTANICAL MONOGRAPH
(LE RÊVE DE FREUD DE LA MONOGRAPHIE BOTANIQUE) (p. 480).
WARREN (Max) (6). — THE SIGNIFICANCE OF VISUAL IMAGES DURING THE ANA-
LYTIC SESSION (SIGNIFICATION DES IMAGES VISUELLES PENDANT LA SÉANCE
D'ANALYSE) (p. 504).
MURPHY (William F.) (7). — A NOTE ON TRAUMA AND LOSS (REMARQUE SUR LE
TRAUMATISME ET LA PERTE) (p. 519).
MODELL (Arnold H.) (8). — DENIAL AND THE SENSÉ OF SEPARATENESS (LA NÉGA-
TION ET LE SENTIMENT DE SÉPARATION) (p. 533).

(1) ARLOW (Jacob A.). — EGO PSYCHOLOGY AND THE STUDY OF MYTHOLOGY (LA
PSYCHOLOGIE DU MOI ET L'ÉTUDE DE LA MYTHOLOGIE).
Cet article tend à démontrer l'apport de la psychanalyse dans la compréhen-
sion des mythes, ceux-ci étant considérés comme une des manifestations les
plus significatives de l'esprit humain.
6l8 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

(2) GELEERD (Elisabeth R.). — SOME ASPECTS OF EGO VICISSITUDES IN ADOLES-


CENCE (QUELQUES TYPES DE VICISSITUDES DU MOI DANS L'ADOLESCENCE).
Il est probable qu'une régression partielle ramenant le sujet à une phase
indifférenciée de la relation d'objet se produise à l'adolescence. D'où besoin
accru d'un objet d'amour et d'union avec cet objet. Mais ce besoin s'accompagne
toujours de la crainte d'une régression trop importante pouvant aboutir à la
dissociation de soi-même. Ceci explique le comportement méfiant et opposant
de l'adolescent ainsi que ses fréquents et souvent imprévisibles changements
d'objet d'amour. Cette régression va de pair avec une sensibilisation aiguë
à l'égard des changements somatiques et une attention vigilante à l'égard du
monde extérieur. D'où enthousiasmes, emballements... qui peuvent en certain
cas se sublimer dans la création artistique.
Du fait de la vulnérabilité du Moi à cette période de la vie, les traumatismes
prennent une grande importance et peuvent devenir une névrose lorsque
l'adolescent sera adulte.
Cette régression est cependant normale et nécessaire au processus de
maturation qui fera de l'adolescent un adulte.
(3) SPIEGEL (Leo A.). — DISORDER AND CONSOLIDATION IN ADOLESCENCE
(PERTURBATION ET CONSOLIDATION AU COURS DE L'ADOLESCENCE).
L'observation analytique et sociologique portant sur une période de vie
suffisamment étendue permet de mettre en évidence des phases alternées de
chaos et de consolidation. En certains points, on a l'impression que la fin de
l'adolescence est marquée par une réduction des forces à potentiel multiple
en forces à potentiel unique. La maturation consiste en une réduction des
possibilités. Nous assistons alors à « un assassinat de talents ».
Au cours de cette période d'ordre et de désordres, de chaos et de consoli-
dation se déroulent des processus complexes consistant en une lutte pour
l'achèvement de la génitalité, pour la possession d'un objet non incestueux
pour parachever la consolidation du Moi et pour atteindre une relation plus
stable avec les trois instances (Moi, Ça, Surmoi).
(4) FOUNTAIN (Gerard). — ADOLESCENT INTO ADULT : AN INQUIRY (TRANSFOR-
MATION DE L'ADOLESCENT EN ADULTE : ENQUÊTE).
L'adolescent diffère de l'adulte en beaucoup de points dont les principaux
sont :
— l'intensité et la variabilité des sentiments de l'adolescent, causées essentiel-
lement par la nouveauté des forces instinctuelles et l'inexpérience du Moi
à l'égard de ses propres ressources ;
— l'urgence des besoins de gratification, l'intolérance à la frustration qui est
vécue comme une castration ou un abandon ou comme toute autre expé-
rience pénible lice à la période pré-oedipienne ;
— les autres points peuvent être du moins en partie attribués à l'importance
que l'adolescent attache à ses fantasmes oedipiens. L'adolescent ne devient
adulte que lorsque ses fantasmes portent sur d'avantage d'objets de diffé-
rents genres et lorsqu'il peut vivre comme faisant partie du monde et non
pas en tant que partie de ce monde.
(5) HARLEY (Marjorie). — SOME OBSERVATIONS ON THE RELATIONSHIP BETWEEN
GENITALITY AND STRUCTURAL DEVELOPMENT AT ADOLESCENCE (QUELQUES
OBSERVATIONS PORTANT SUR LE RAPPORT ENTRE LA GÉNITALITÉ ET LE DÉVE-
LOPPEMENT STRUCTURAL DE L'ADOLESCENT).
LES REVUES 619

L'auteur tend à discuter les conséquences des perturbations survenues


lors des phases de maturation précédant l'adolescence. Les forces instinctuelles
de la puberté n'émergent pas avec la force suffisante et n'entrent pas en jeu
afin de permettre un certain degré de maturité.
Suit une étude clinique.
(6) WARREN (Max). — THE SIGNIFICANCE OF VISUAL IMAGES DURING THE ANA-
LYTIC SESSION (SIGNIFICATION DES IMAGES VISUELLES PENDANT LA SÉANCE
D'ANALYSE).
Cet article tente de réexaminer la signification et l'usage qui peut être
fait de l'image visuelle au cours de la séance d'analyse ; elle peut souvent
servir à surmonter les résistances. Elle se manifeste souvent au cours d'une
période de silence. L'image visuelle permet de vérifier la vraisemblance de
certaines interférences. Ces images diffèrent du rêve par le fait que la repré-
sentation plastique est plus évidente et surtout par ce que leur relation avec le
matériel les ayant précédées est plus difficile à nier. De plus, le laps de temps
qui s'écoule entre l'image et la reprise du discours du malade ne permet pas
l'élaboration secondaire.
La substitution de l'image à la parole semble survenir plus souvent chez
des sujets présentant une structure sado-masochique. La verbalisation est un
mouvement vers l'objet, alors que l'image est une satisfaction des pulsions. A
l'intérieur du transfert, l'image peut avoir une fonction économique ; elle
constitue une décharge des pulsions que le malade ne veut pas voir troubler
ses relations avec l'analyste.
(7) MURPHY (William F.). — A NOTE ON TRAUMA AND LOSS (REMARQUE SUR LE
TRAUMATISME ET LA PERTE).
L'existence d'un terrain est capitale pour le développement d'un trau-
matisme. Un certain nombre de fantasmes traumatiques devient un terrain
favorable sur lequel se réactivent d'anciennes blessures narcissiques. Tout
événement traumatisant extériorise un conflit intériorisé et se trouve toujours
en relation avec un acting out. Il peut alors se développer tout un système de
défenses phobiques. Cet événement peut également donner naissance à des
mécanismes d'évitement, de dénégation ou même de dissociation.
L'anxiété primaire est ainsi protégée de même que la désintégration du
Moi ; des états régressifs peuvent être évités.
(8) MODELL (Arnold H.). — DENIAL AND THE SENSÉ OF SEPARATENESS (LA
NÉGATION ET LE SENTIMENT DE SÉPARATION).
L'étude d'un cas de fétichisme sert à illustrer la relation entre la négation
et certaines régressions du Moi en rapport avec les objets. Suit une discussion
à propos des différences entre négation névrotique et négation psychotique.
S. A. SHENTOUB.

PSYCHÉ (XIV, n° 6, septembre 1960)


HERBERT (E. L.) (I).
— DIE ANWENDUNG VON GRUPPEN-VERFAHREN IN DER
LEHRERBILDUNG (APPLICATION DE TECHNIQUE DE GROUPES DANS LA FORMA-
TION D'INSTITUTEURS) (p. 317).
NORMAN (Elrod.) (2). — « UNGLÜCK STECKT AN ». EIN BESONDERER ASPEKT
DER PSYCHOTHERAPEUTISCHEN SITUATION (« LE MALHEUR EST CONTAGIEUX »)
(p. 336).
620 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

BISTER (Wolfgang). —BEMERKUNGEN ZUR PSYCHOANALYTISCH ORIENTIERTEN


THERAPIE BEI SCHIZOPHRENEN (REMARQUES SUR LA THÉORIE D'ORIENTATION
PSYCHANALYTIQUE CHEZ LES SCHIZOPHRÈNES) (p. 360).
SCHINDLER (Raoul). — ÜBER DEN WECHSELSEITIGEN EINFLUSS VON GES-
PRÄCHSINHALT GRUPPENPOSITION UND ICHGESTALT IN DER ANALYTISCHEN
GRUPPENTHERAPIE(DE L'INFLUENCE RÉCIPROQUE DES THÈMES, DE LA POSITION
DE GROUPE ET DE LA GESTALT DU MOI DANS LA THÉRAPIE ANALYTIQUE DE
GROUPE) (p. 382).

(1) HERBERT (E. L.). — DIE ANWENDUNG VON GRUPPEN-VERFAHREN IN DER


LEHRERBILDUNG (APPLICATIONDE TECHNIQUE DE GROUPES DANS LA FORMATION
D'INSTITUTEURS).
L'article de E. L. Herbert, Strasbourg, Application de technique de groupes
dans la formation d'instituteurs, a fait l'objet d'un exposé en Sorbonne le
29 janvier 1959.
L'auteur fait le bilan des difficultés rencontrées par le débutant et de sa
recherche des trucs « simples et efficaces pour le maniement de sa classe ».
Elle rapporte une expérience personnelle dans une classe d'adolescentes, et
une expérience de groupe verbal avec des instituteurs.
Elle conclut à la valeur originale des méthodes dont elle a usé.
(2) NORMAN (Elrod.). — «
UNGLÜCK STECKT AN. » EIN BESONDERER ASPEKT DER
PSYCHOTHERAPEUTISCHEN SITUATION (« LE MALHEUR EST CONTAGIEUX »).
Le malheur est contagieux est écrit par Norman Elrod, Nänikon, Suisse.
L'auteur énumère les erreurs les plus massives du psychothérapeute
(dont la prévention est précisément l'analyse du futur analyste). Puis il traite
des « frontières du développement » du thérapeute, de ses propres limites et de
l'exemple qu'elles constituent pour le patient qui doit s'y adapter. A lire cet
article on pourrait penser qu'il n'existe pas de technique psychanalytique, ni
d'analyse possible du transfert et du contre-transfert.

PSYCHÉ (XIV, n° 7, octobre 1960)


WINNICOTT (D. W.). — PRIMÄRE MÜTTERLICHKEIT (MATERNITÉ PRIMAIRE)
(p. 393).
SPITZ (René A.). — ZUR ENTSTEHUNG DER ÜBERICH-KOMPONENTEN (DE LA
FORMATION DES COMPOSANTES DU SURMOI) (p. 400).
STEMMLER (W.). — EIN BEITRAG ZUR GRUPPENPSYCHOTHERAPIE(CONTRIBUTION
A LA PSYCHOTHÉRAPIE DE GROUPE) (p. 427).
HINTERLEITHNER (Wilhelm). SCHICKALSANALYSE EINES DICHTERISCHEN

SCHAFFENSPROZESSES (SCHICKALS ANALYSE D'UN PROCESSUS D'ÉLABORATION
POÉTIQUE) (p. 442).
SIEVERS (Ernest-F.). — EINIGETIEFENPSYCHOLOGISCHE ASPEKTE DER EIGNUNG
ZUM FÜHREN VON KRAFTFAHRZEUGEN (ÉTUDE SUR 7 000 CAS. QUELQUES ASPECTS
PROFONDS DE L'APTITUDE A CONDUIRE) (p. 471).

PSYCHÉ (t. XIV, n° 8, novembre 1960)


LOCH (Wolgang). — SCHULPSYCHIATRIE. PSYCHOANALYSE IN KONVERGENZ ?
(Y A-T-IL CONVERGENCE DE LA PSYCHIATRIE CLASSIQUE ET DE LA PSYCHANA-
LYSE ?) (pp. 801-810).
LES REVUES 621

Wolgang Loch cherche une articulation entre la psychiatrie classique


« science biologique » et la psychanalyse dans la relation appelée par H. Ditfurth
« communication végétative ».
L'étude de la dépression endogène apparaît à Ditfurth comme celle de
la « déviation morbide de la relation végétative à l'entourage », trouble biolo-
gique de base qui peut affecter un organe (symptômes somatiques) de même
que la thymie (Gemüt) organe fonctionnel. Wolgang Loch considère le
concept frontière de la pulsion selon Freud, comme parent de celui de « commu-
nication végétative ».
C'est aux écrits de Freud, Spitz, etc., qu'il emprunte la face objectale de
« l'insuffisance vitale » postulée par Ditfurth, et sa dimension génétique. Il
trouve dans les travaux de R. Ebtinger Psychopathologie des électrochocs la
confirmation de la régression topique de la mélancolie.
Cet essai de synthèse et de conciliation aboutit à la notion d'une marge
(pour l'auteur entre la physiologie de l'anatomie d'une part et les sciences
métaphysiques de l'autre) où se déroulent le destin du déprimé et celui de
l'action psychothérapique.
Cette réconciliation peut paraître assez artificielle (Kretschmer avait déjà
souligné le non-recouvrement des notions de psychose, d'irréversibilité, d'orga-
nicité postulant des glissements fonctionnels dans le même domaine végétatif).
Elle suppose que les aspects contradictoires issus des perspectives différentes
expriment chacun la réalité alors que leur antinomie semble se situer au niveau
d'une logique des mots — mots choisis par chacun à sa convenance, c'est-à-dire
selon les convictions implicites qui orientèrent sa recherche.

PSYCHÉ (XVI, n° 9, décembre 1960)


ROSENFELD (Herbert A.) (1). — ÜBER RAUSCHGIFTSUCHT (DE LA TOXICOMANIE)
(p. 481).
EZRIEL (Henry) (2). — ÜBERTRAGUNG UND PSYCHOANALYTISCHE DEUTUNG IN
DER EINZEL-UND GRUPPEN-PSYCHOTHERAPIE (TRANSFERT ET INTERPRÉTATION
PSYCHANALYTIQUE EN PSYCHOTHÉRAPIE INDIVIDUELLE ET DE GROUPE) (p. 496).
CAJIAO (Ramon Ganzarain) (3). — DIE FORSCHUNGSARBEIT IN DER GRUP-
PENTHERAPIE, IHRE PROBLEME, METHODEN UND AUFGABEN (LE TRAVAIL DE
RECHERCHE DANS LA THÉRAPIE DE GROUPE : SES PROBLÈMES, MÉTHODES ET
DEVOIRS) (p. 524).
WEIGERT (Edith). — EINSAMKEIT UND VERTRAUEN (SOLITUDE ET CONFIANCE)
(p. 538).
HARMS (Ernest). — ZUR ENTSTEHUNG UND ENTWICKLUNG RELIGIÖSEN SYM-
BOLERLEBENS BEI KINDERN (DE LA FORMATION ET DU DÉVELOPPEMENT DU
VÉCU DES SYMBOLES RELIGIEUX CHEZ LES ENFANTS) (p. 552).

(1) ROSENFELD (Herbert A.). — ÜBER RAUSCHGIFTSUCHT (DE LA TOXICOMANIE).


Tout en reprenant les conceptions de la prévalence de l'oralité, d'une
parenté avec la condition maniaco-dépressive, l'auteur ne pense pas devoir
s'écarter de la technique analytique lorsqu'il prend en cure des toxicomanes.
Il considère que le toxique est un objet idéal réellement incorporable et
que son effet est utilisé pour « fortifier la toute puissance des mécanismes de
négation et de scission » (M. Klein) donnant issue à une sorte de manie.
L'incorporation destructrice met en danger les objets intérieurs par iden-
tification avec un objet mort ou endommagé également représenté par le
622 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

toxique. Les effets du toxique confirmeraient la réalité de ce processus et


favoriseraient le caractère massif des projections d'un moi scindé, d'où des
comportements de domination ou de dépendance totales.
Pour H. Rosenfeld le Moi et les mécanismes de défense du toxicomane,
fixés à la position paranoïde-schizoïde, contrastent avec des relations objec-
tales et un développement libidinal beaucoup moins régressif. De larges
extraits de l'analyse d'une toxicomane illustrent ces points de vue.
(2) EZRIEL (Henry). — ÜBERTRAGUNG UND PSYCHOANALYTISCHE DEUTUNG IN
DER EINZEL-UND GRUPPEN-PSYCHOTHERAPIE(TRANSFERT ET INTERPRÉTATION
PSYCHANALYTIQUE EN PSYCHOTHÉRAPIE INDIVIDUELLE ET DE GROUPE).
Après un exposé sur le transfert et les attitudes que peuvent susciter les
besoins transférentiels, Ezriel aborde l'interprétation, telle qu'elle lui semble
pouvoir se définir tant à partir de son expérience de traitements individuels
que des thérapies de groupe. L'interprétation doit concerner le hic et nunc
conformément à la permanence du transfert (Rickmann, 1934). L'indication
descriptive donnée au patient doit être complétée par la révélation du pourquoi
de la relation en question : c'est-à-dire « de l'explication rationnelle de l'appa-
remment irrationnel ». Celle-ci est possible lorsque la relation voulue par le
patient avec son analyste peut être exprimée par l'analyste dans les termes de
la relation qu'il cherche ainsi à éviter (de même que « la catastrophe » qui en sor-
tirait) constituant, une épreuve de réalité de l'innocuité des pulsions concernées.
Le point de vue historique-génétique ne se trouve pas exclu mais « inven-
torié dans sa forme vivante », telle qu'elle se manifeste dans les relations réci-
proques avec l'analyste. L'interprétation, dit Ezriel, favorise la résurgence des
souvenirs infantiles correspondants ; seule l'absence de toute référence au
passé exige une intervention prévenant des pseudo-interprétations hic et nunc
utilisées comme résistance par le patient.
Le travail doit être centré sur la levée des besoins dans le transfert à l'exclu-
sion de leur frustration ou de leur satisfaction (rôle que remplirait toute inter-
vention ne concernant pas le transfert). Ezriel pense que non seulement ces
dernières sont nocives mais que de plus elles n'apportent guère de résultats
quant à la reconstruction du passé.
Ezriel nous dit que la méthode qui tient compte de la dynamique du
groupe, c'est celle qui est centrée sur le processus inconscient « dénominateur
commun », « tension commune » qui se révèle dans le choix et l'attribution des
rôles et qui est exprimée en interventions sur le « ici et maintenant ». La contri-
bution individuelle ne doit être éclairée que compte tenu de la fonction de cette
contribution : prendre toute la place par exemple, s'exprimer par le truche-
ment d'un autre patient, ou annuler sur le mode impulsif-réactionnel. Des
exemples cliniques précisent la pensée de l'auteur.
Finalement Ezriel se pose la question des améliorations comparativement
à celles obtenues par des traitements individuels. Il conclut en supposant
qu'à période de cure égale un certain nombre de patients traités en groupe
semblent avoir tiré de ce traitement un bénéfice analogue à celui d'une analyse
individuelle. Il fait part de son impression qu'un malade-indication d'analyse
peut profiter d'un traitement de groupe, ce qui lui permet d'entrevoir de larges
possibilités prophylactiques et thérapeutiques.
(3) CAJIAO (Ramon Ganzarain). — DIE FORSCHUNGSARBEIT IN DER GRUP-
PENTHERAPIE, IHRE PROBLEME, METHODEN UND AUFGABEN (LE TRAVAIL DE
RECHERCHE DANS LA THÉORIE DE GROUPE : SES PROBLÈMES, MÉTHODES ET
DEVOIRS).
LES REVUES 623

W. Kemper (Rio de Janeiro) a choisi de faire publier la traduction de cette


conférence faite au IIe Congrès de psychothérapie de groupe d'Amérique latine.
L'auteur souligne l'absence d'une intégration conceptuelle (Bach), la
rareté des investigations expérimentales et de ce fait les questions toujours
pendantes : dynamique spécifique du groupe, importance exceptionnelle des
contre-transferts, composition, indications et contre-indications, etc.
Il pense qu'une méthodologie valable doit permettre de dépasser le débat
entre cliniciens et chercheurs par l'usage d'un instrument adapté. Il fait
état de sa propre technique, celle de l'évaluation et des contributions apportées
par Bales, Frank, Whitman, par la sociométrie de Moreno, et l'usage des tests
projectifs Harrower.
R. Ganzarain finalement se heurte aux obstacles de tous ordres que ren-
contre une recherche organisée, contrôlée et prolongée dans un domaine,
où la recherche telle qu'il la propose introduit de nouvelles surdéterminations.

PSYCHÉ (XV, n° 1, janvier 1961)


MITSCHERLICH (Alexander) (1). —
ANMERKUNGEN ÜBER DIE CHRONIFIZIE-
RUNG PSYCHOSOMATISCHEN GESCHEHENS (RÉFLEXIONS SUR LE PASSAGE A LA
CHRONICITÉ DU FAIT PSYCHOSOMATIQUE) (p. 1).
MIRSKY (I. Arthur). — K RPERLICHE, SEELISCHE UND SOZIALE FACTOREN BEI
PSYCHOSOMATISCHEN ST RUNGEN (FACTEURS CORPORELS, PSYCHIQUES ET
SOCIAUX DES TROUBLES PSYCHOSOMATIQUES, paru dans : NERVOUS SYSTEM,
21 Section, 2, 50, 1960) (p. 26).
GRINKER (Roy R.). — DIE PHYSIOLOGIE DER AFFEKTE (LA PHYSIOLOGIE DES
AFFECTS) (p. 38).
SCHAEFER (Hans) (2).
— DIE PHYSIOLOGIE
UND DIE PSYCHOSOMATISCHE
MEDIZIN (LA PHYSIOLOGIE ET LA MÉDECINE PSYCHOSOMATIQUE) (p. 59).
UEXKÜLL (Thure von). — DER K RPER ALS PROBLEM DER PSYCHOSOMATIS-
CHEN MEDIZIN (LE CORPS COMME PROBLÈME DE LA MÉDECINE PSYCHOSO-
MATIQUE)(p. 76).
LOCH (Wolfgang) (3). — ZUR PROBLEMATIK DES SEELENBEGRIFFES IN DER
PSYCHO-ANALYSE (DE LA PROBLÉMATIQUE DU CONCEPT D'AME EN PSYCHA-
NALYSE) (p. 88).

(1) MITSCHERLICH (Alexander). — ANMERKUNGEN ÜBER


DIE CHRONIFIZIE-
RUNG PSYCHOSOMATISCHEN GESCHECHENS (RÉFLEXIONS SUR LE PASSAGE A
LA CHRONICITÉ DU FAIT PSYCHOSOMATIQUE).
Ayant vérifié l'inadaptation névrotique précédant tout symptôme soma-
tique chronique autorisé à s'appeler psychosomatique, et la régression que ce
symptôme exprime, A. Mitscherlich considère ce phénomène régressif la
re-somatisation d'un fait affectif comme appartenant à la primauté d'une
pensée se faisant en processus primaires à l'inverse de la capacité du Moi à
utiliser des processus secondaires et à neutraliser l'énergie. L'effet de décharge
procuré par l'affect somatisé symptôme amènerait peu de détente, d'où répé-
tition des essais de décharge et « chronification ». Le décalage entre « l'émotion
psycho-somatique primitive » et l'ordonnancement d'un organisme adulte
inséré dans son entourage, rend nécessaire des conditions pathologiques et
ne peut aboutir qu'à une satisfaction substitutive limitée.
Le processus est à distinguer du contenu. Il existe un « style somatique
idiosyncrasique » (M. Gitelson) qui peut favoriser la régression et la re-somati-
sation dans le sens d'une maladie chronique, compte tenu du fait que ce style
624 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

est le produit des relations avec l'entourage. L'usage de ce style réactionnel


« évoque la situation de danger infantile » d'où l'absence apparente de motif
déclenchant.
Son déclenchement paraît lié à une perte objectale réelle ou fantasmatique
qui entame un équilibre jusque-là préservé grâce à des filtrages protecteurs.
Le vécu d'hostilité et d'échec correspond à la projection d'un surmoi archaïque.
La notion de re-somatisation présuppose que la maturation psychosociale
apporte une sourdine aux expressions motrices et végétatives des émotions
et que l'élaboration pensée les a remplacées. Aux fantasmes déliés de la réalité
des névrosés correspondent les symptômes-substituts psychosomatiques,
oeuvre d'un processus défensif à deux phases, où la satisfaction de l'exigence
libidinale est confondue avec le besoin d'être puni pour cette satisfaction.
(2) SCHAEFER (Hans). — DIE PHYSIOLOGIE UND DIE PSYCHOSOMATISCHE MEDIZIN
(LA PHYSIOLOGIE ET LA MÉDECINE PSYCHOSOMATIQUE).
Cet article fait à la demande de la rédaction par le Pr H. Schaefer, directeur
de l'Institut de Physiologie, nous apporte les vues éclairées d'un scientifique sur
les possibilités et les limites qu'il rencontre dans le champ de ses recherches.
Il déplore l'absence de chercheurs ayant la formation polyvalente et l'enthou-
siasme nécessaire à la progression d'une théorie de l'homme.
S'il existe un effort de collaboration de la part de la médecine psychanaly-
tique, H. Schaefer pense qu'elle renonce trop à comprendre les mécanismes
primaires (terrain de la physiologie) pour poser des postulats métaphysiques.
Ainsi, si un caractère symbolique enracine la maladie, la répétition des phéno-
mènes morbides atténue ce caractère historique et fournit à l'interniste un
tableau pathologique tel, qu'il ne ressent plus le besoin de recourir à une hypo-
thèse psychosomatique ou à son expérience de lui-même.
« Toute théorie psychophysique se heurte au fait qu'il se passe tant de
choses corporelles pour lesquelles nous ne trouvons qu'obscurément ou pas
du tout le partenaire « psychique »... C'est pourquoi notre anthropologie a été
pendant tant de siècles celle de la volonté ; la volonté est le paradigme, faute
de mieux, de tous les rapports psychophysiques. » Pour H. Schaefer le rapport
soma-psyché ne peut être reflété dans la conscience, elle-même partie d'un
être qui est le seul modèle de ces effets réciproques. D'où les limites du paral-
lélisme psycho-physique que peut établir la physiologie, d'où la nécessité
d'établir la corrélation entre la série issue de la confrontation de l'expérience
de soi et de la névrose du patient d'une part, et des états somatiques qui
« collent ». Ce dépassement des classifications est forcément « métaphysique »
pour Schaefer, c'est-à-dire par rapport aux critères physiques d'une donnée
physiologique. Je crois qu'elle n'en tombe pour autant dans notre méta-
psychologie qu'à un stade ultérieur de la réflexion et des hypothèses sur la
genèse du fait psychosomatique.
(3) LOCH (Wolgang). — ZUR PROBLEMATIK DES SEELENBEGRIFFES IN DER PSY-
CHOANALYSE (DE LA PROBLÉMATIQUE DU CONCEPT D'AME EN PSYCHANALYSE).
Cette conférence constitue une formulation claire et certainement bien
venue dans le cadre du Congrès de Philosophie auquel elle s'adresse
(Munich, 1960). Elle s'arrête aux confins du sujet annoncé !
W. Loch retient des découvertes freudiennes :
1) « L'inconscient » né directement de la croyance à une détermination serrée
de la vie psychique ;
2) Les instances, centre d'efficience structurant le champ du vécu (forme et
fond).
LES REVUES 625

Chez l'homme la liquidation des tensions pulsionnelles passe par ses rela-
tions humaines essentielles (état du nouveau-né, rôle de la mère) et les disposi-
tions réactionnelles acquises ne sont plus d'ordre purement pulsionnel. Le
moi se décrit comme une fonction, centre régulateur et volant dont la prise en
considération par l'analyste constitue par là même, la reconnaissance des
forces formatrices de la société et de la tradition culturelle.
De même que la perception opère sur une « base réactionnelle historique »
Auersperg, de même les organisateurs du Moi conditionnent les contenus
transférentiels de la rencontre. A la limite (pathologie) les données du réel
sont escamotées. Comme dans la démarche de Husserl « le perçu n'est plus
reçu quant à son contenu mais dans le comment de son être », de même le
matériel analytique est pris selon le pourquoi du fait de sa mémoration et de
son expression hic et nunc.
S'il s'appuie sur l'activité synthétique du moi (et non sur sa propre influence,
sa possibilité de suggérer, d'endoctriner) l'analyste ne s'intéresse pas direc-
tement à elle à « l'ego pur » de la phénoménologie transcendantale, à cette qualité
de l'exercice de la conscience dont l'origine demeure inconnue.

PSYCHÉ (XV, n° 2, mai 1961)

SCHEUNERT (Gerhart) (1). — DIE


ABSTINENZREGEL IN DER PSYCHOANALYSE
(LA RÈGLE D'ABSTINENCE EN PSYCHANALYSE) (p. 105).
SANDLER (Joseph). — SICHERHEITSGEFÜHL UND WAHRNEHMUNGSVORGANG
(SENTIMENT DE SÉCURITÉ ET PROCESSUS PERCEPTIF) (p. 124).
JOSEPH (Betty). — ÜBER EINIGE PERSÖNLICHKEITSMERKMALE DES PSYCHOPATHEN
(DE CERTAINES CARACTÉRISTIQUES DE PERSONNALITÉ DU PSYCHOPATHE)
(p. 132).
GREENSON (Ralph R.). — ZUM PROBLEM DER EMPATHIE (CONTRIBUTION AU
PROBLÈME DE L'EMPATHIE) (p. 142).
KREITLER (Hans), ELBLINGER (Shulamit). — PSYCHIATRISCHE UND KULTURELLE
ASPEKTE DES WIDERSTANDES GEGEN DAS PSYCHODRAMA (ASPECTS PSYCHIA-
TRIQUES ET CULTURELS DE LA RÉSISTANCE AU PSYCHODRAME) (p. 155).

(1) SCHEUNERT (Gerhart). — DIE ABSTINENZREGEL IN DER PSYCHO-ANALYSE


(LA RÈGLE D'ABSTINENCE EN PSYCHANALYSE).
L'auteur rappelle et cite les textes où Freud traite de la règle d'abstinence
et de l'amour transférentiel (1910-1920), pour traiter de la nature de ce dernier
à la fois authentique et particulièrement nourri de ses précédents infantiles,
pour considérer que le besoin et le désir doivent être préservés et non réduits
par des substituts.
Ainsi G. Scheunert en arrive à l'abstinence, règle analytique pour le thé-
rapeute soumis à la « lucidité projective » des patients, et à la nécessité continue
de la prise de conscience du contre-transfert pour prévenir l'installation d'un
« jeu » sans travail analytique. Des exemples cliniques animent le texte.
Avec S. Ferenczi et A. Balint, il se pose le problème de certains aveux à faire
plutôt qu'à interpréter hypocritement comme critique des parents certains
propos concernant l'analyste (changement d'humeur, mal de tête (! ?)). Ces
aveux donneraient au patient la mesure de l'élasticité du thérapeute par contraste
aux éducateurs.
Il me semble qu'il s'agit là d'une acquisition perceptive sensitive de fin
d'analyse qui est donnée en sus.
REV. FR. PSYCHANAL. 40
626 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

PSYCHÉ (XV, n° 3, juin 1961)


MEYER (Adolf-Ernst) und STAEWEN (Renate) (1). —
BEOBACHTUNGEN ÜBER
ANALYSENVERLAÜFE BEI NICHT-INDIZIERTEN THERAPEUTENWECHSEL (DÉROU-
LEMENT DE TRAITEMENTS ANALYTIQUES AVEC CHANGEMENTS NON INDIQUÉS
DES THÉRAPEUTES) (p. l8l).
SPIEGEL (Leo A.). — SELBST, SELBSTGEFÜHL UND WAHRNEHMUNG (SOI, SENTI-
MENT DE SOI ET PERCEPTION) (p. 211).
ROF-CARBALLO (J.). — KONSTITUTION, ÜBERTRAGUNG UND KO-EXISTENZ (CONSTI-
TUTION, TRANSFERT ET COEXISTENCE) (p. 237).
(1) MEYER (Adolf-Ernst) und STAEWEN (Renate). — BEOBACHTUNGEN ÜBER
ANALYSENVERLÄUFE BEI NICHT-INDIZIERTEN THERAPEUTENWECHSEL (DÉROU-
LEMENT DE TRAITEMENTS ANALYTIQUES AVEC CHANGEMENTS NON INDIQUÉS
DES THÉRAPEUTES).
Il s'agit de cures entreprises au cours d'un séjour hospitalier poursuivies
de façon ambulatoire. Le changement de thérapeute est dû au changement
d'affectation du 1er au bout de 12 à 18 mois. Sur 14 changements proposés,
seuls 8 sont réalisés, les autres patients abandonnent le traitement. Les auteurs
nous entretiennent de 5 cas, uniquement des patientes à structure hystérique
prédominante. Ils considèrent qu'il n'y eut pas, à proprement parler, de chan-
gement de technique.
Les auteurs vérifient que la personnalité du thérapeute ou son sexe (pas-
sage d'un homme à une femme pour 3 cas) sont perçus, surtout initialement
mais bientôt recouverts par les phénomènes transférentiels : c'est la structure
névrotique qui prime. « L'accent plus pré-oedipien » avec le deuxième analyste-
femme est difficile à interpréter puisque, aussi bien, l'analyse est plus avancée !
L'envie du pénis serait déplacée sur la « capacité de formuler ». L'auteur note,
sous réserve, que le transfert maternel sur l'homme serait plus fréquent et
plus évident que le transfert paternel sur l'analyste femme.
Finalement on est frappé par l'abandon du traitement par 8 patients, ceci
pour l'aspect numérique de cette étude. On est tenté de penser que l'étude de
ces cas, devenue impossible, était plus intéressante à faire.
I. BARANDE.

THE PSYCHOANALYTIC QUARTERLY (vol. XXX, n° 3, 1961)

KANZER (Mark) (1). — VERBAL AND NONVERBAL ASPECTS OF FREE ASSOCIATION


(LES ASPECTS VERBAUX ET NON VERBAUX DE L'ASSOCIATION LIBRE) (p. 327).
LUBIN (J. Albert). — VINCENT VAN GOGH'S EAR (L'OREILLE DE VINCENT VAN
GOGH) (p. 351).
HILTNER (Seward). — PSYCHOANALYTIC EDUCATION : A CRITIQUE (FORMATION
PSYCHANALYTIQUE : COMMENTAIRES CRITIQUES) (p. 385).
SEIDENBERG (R.) and PAPATHOMOPOULOS (Evangelos). — SOPHOCLES' AJAX : A
MORALITY FOR MADNESS (L'AJAX DE SOPHOCLE : MORALITÉ DE LA FOLIE)
(p. 404).
BECKER (Ernest). — ANOTE ON FREUD'S PRIMAL HORDE THEORY (NOTE SUR LA
THÉORIE DE FREUD RELATIVE A LA HORDE PRIMITIVE) (p. 413).
KLEIN (M.). — 1882-1960 (p. 420).
(1) KANZER (Mark). — VERBAL AND NONVERBAL ASPECTS OF FREE ASSOCIATION
(LES ASPECTS VERBAUX ET NON VERBAUX DE L'ASSOCIATIONLIBRE).
LES REVUES 627

1) Pour l'auteur, l'association libre est un processus qui naît et dépend des
relations non verbales et verbales de l'analysé avec l'analyste. Leurs rapports
sont observés, prouvés expérimentalement et réorganisés au cours du trai-
tement analytique.
2) Suit une comparaison entre le travail analytique et le travail du rêve.
3) La situation analytique est une intervention dans les schémas du compor-
tement quotidien et de la vie mentale qui facilite leur exploration et leur adap-
tation aux besoins de la thérapie. Les interprétations et les interventions sont
des éléments de la technique analytique qui essayent de réconcilier la réalité
intérieure et la réalité extérieure à tout moment pendant le traitement pour
maintenir le contact analytique.
4) La connaissance du rôle du non-verbal dans la technique analytique
serait facilitée si on réservait le terme pré-verbalau refoulé infantile qui influe sur
les aspects verbaux et non verbaux de la relation analytique.
Le pré-verbal n'est d'ailleurs pas identique au pré-oedipien.
Le verbal et le non-verbal sont des aspects normalement intégrés du fonc-
tionnement mental qui subit des modifications spécifiques dans la situation
analytique — cette dernière ne donne donc pas une image de la verbalisation
normale dans son contexte naturel. Celle-ci doit être reconstruite à la fois géné-
tiquement et fonctionnellement à partir de faits non observables directement
par l'analyste.

THE PSYCHOANALYTIC QUARTERLY (vol. XXX, n° 4, 1961)


POLLOCK (George H.). —
HISTORICAL PERSPECTIVES IN THE SELECTION OF
CANDIDATES FOR PSYCHOANALYTIC TRAINING (PERSPECTIVES HISTORIQUES
DANS LA SÉLECTION DES CANDIDATS A LA FORMATION PSYCHANALYTIQUE)
(p. 481).
SILBER (Austin). — OBJECT CHOICE IN A CASE OF MALE HOMOSEXUALITY (CHOIX
D'OBJET DANS UN CAS D'HOMOSEXUALITÉ MASCULINE) (p. 497).
SPERLING (Melitta) (1). — ANALYTIC FIRST AID IN SCHOOL PHOBIAS (AIDE ANA-
LYTIQUE D'URGENCE DANS LES PHOBIES SCOLAIRES) (p. 504).
BELLAK (Leopold). RESEARCH IN PSYCHOANALYSIS (LA RECHERCHE EN PSYCHA-

NALYSE) (p. 519).
WEISSMAN (Philip) (2). DEVELOPMENT AND CREATIVITY IN THE ACTOR AND

PLAYWRIGHT (DÉVELOPPEMENT ET FACULTÉ DE CRÉATION CHEZ L'ACTEUR ET
L'AUTEUR DE PIÈCES DE THÉATRE) (p. 549).

(1) SPERLING (Melitta). — ANALYTIC FIRST AID IN SCHOOL PHOBIAS (AIDE ANA-
LYTIQUE D'URGENCE DANS LES PHOBIES SCOLAIRES).
L'auteur rappelle tout d'abord les mécanismes spécifiques qui contribuent
à la formation d'une phobie.
Dans les phobies scolaires les événements déclenchants sont toujours des
événements interprétés inconsciemment par l'enfant comme un danger pour
la vie de sa mère et la sienne propre.
Melitta Sperling discute ensuite des différentes méthodes destinées à faire
cesser le refus d'aller en classe : elle écarte les moyens de bon sens (raisonner,
persuader, punir) comme dangereux. Elle ne croit pas non plus aux cures spon-
tanées.
Il lui semble souhaitable de traiter les enfants immédiatement au stade
aigu afin de prévenir l'encapsulation du processus.
La méthode qu'elle recommande est basée sur la compréhension analy-
628 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

tique et consiste à exposer au patient dès que possible les conflits de base sous-
jacents à la phobie. Cette méthode met en lumière les forces de refoulement
en même temps qu'elle les combat.
Melitta Sperling illustre sa façon de faire par l'exposé de trois cas qui lui
semblent probants.
(2) WEISSMAN (Philip). — DEVELOPMENT AND CREATIVITY IN THE ACTOR AND
PLAYWRIGHT (DÉVELOPPEMENT ET FACULTÉ DE CRÉATION CHEZ L'ACTEUR ET
L'AUTEUR DE PIÈCES DE THÉATRE).
Ph. Weissman montre la différence entre les caractéristiques psycholo-
giques de l'auteur et de l'acteur.
L'acteur, en créant un rôle, essaye de résoudre le problème d'un dévelop-
pement déficient du soi qu'il distingue du non-soi en gratifiant son exhibition-
nisme. Sa pulsion exhibitionniste est comparée à une perversion exhibition-
niste dans laquelle la pulsion est plus ou moins neutralisée.
Dans son enfance, l'acteur se donne plus en représentation que l'auteur
dont les préoccupations sont plutôt dans le domaine de la vie fantastique.
Les relations d'objet sont moins développées et plus narcissiques chez
l'acteur.
L'auteur, en créant un drame, élabore inconsciemment des expériences
oubliées de son enfance qui ont généralement trait aux conflits oedipiens et
aux identifications avec les parents.
La tendance à agir pour résoudre les conflits oedipiens est contrecarrée
par une capacité dissociative du Moi qui permet de transformer cette tendance
en création au moyen d'une régression contrôlée au service du Moi.
L'acteur et l'auteur ont tous deux une tendance au passage à l'acte névro-
tique qui nuit à leur faculté de création.
L. DREYFUS.

REVISTA DE PSICOANALISIS (t. XVIII, n° 1, 1961)


KLEIN (M.). — NUESTRO MUNDO ADULTO Y SUS RAICES EN LA INFANCIA (NOTRE
MONDE ADULTE ET SES RACINES DANS L'ENFANCE) (p. 1).
KLEIN (M.). — SIMPOSIUM SOBRE « ENFERMEDAD DEPRESIVA ». UNA NOTA SOBRE
LA DEPRESION EN EL ESQUIZOFRÉNICO (SYMPOSIUM SUR « LE SYNDROME
DÉPRESSIF ». UNE NOTE SUR LA DÉPRESSION CHEZ LE SCHIZOPHRÈNE) (p. 17).
SEGAL (H.). — ALGUNAS CONSIDERACIONES ACERCA DEL ANÀLISIS DE UN HOMBRE
DE 74 ANOS (QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR L'ANALYSE D'UN HOMME DE
74 ANS) (p. 21).
MELTZER (D.). — NOTAS SOBRE UNA INHIBICION TRANSITORIA DE LA MASTICACION
(QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR UNE INHIBITION TRANSITOIRE DE LA MASTI-
CATION) (p. 41).
Ce numéro de la Revue de l'Association psychanalytique argentine est
consacré à l'oeuvre de Melanie Klein. On y trouve la traduction de deux
articles très importants de Melanie Klein, ainsi que la traduction d'une commu-
nication d'Hanna Segal A propos de l'analyse d'un homme de 71 ans.
Traduction espagnole des discours prononcés à la séance consacrée à Melanie
Klein par la Société de Psychanalyse de Londres à l'occasion de sa mort,
notamment les discours du Dr Hoffer, du Dr Gillespie et de Mme H. Segal.
Abondante revue de revues.
J. KESTEMBERG.
INFORMATIONS

INSTITUT DE PSYCHANALYSE
PROGRAMME DE L'ENSEIGNEMENT 1962-1963
1er octobre au 29 juin
L'enseignement de l'Institut de Psychanalyse comprend :
1° Une introduction générale à la psychanalyse à laquelle peuvent participer
tous les candidats qui ont commencé leur psychanalyse didactique (1) ;
2° Un enseignement réservé aux étudiants de l'Institut de Psychanalyse ;
3° Un enseignement de disciplines spécialisées réservé aux étudiants de
l'Institut de Psychanalyse ;
4° Un enseignement complémentaire.
Un service de bibliographie est à la disposition des membres et étudiants.
Un Séminaire de Perfectionnement destiné aux psychanalystes français
et étrangers aura lieu en 1963.
I. — INTRODUCTION A LA THÉORIE PSYCHANALYTIQUE (2)
Le jeudi à 21 h 30. Première conférence : jeudi 11 octobre 1962.
S. LEBOVICI, Données générales sur les conférences d'introduction.
F. PASCHE, La vie et l'oeuvre de Freud (2 conférences).
M. BENASSY, L'instinct dans la théorie psychanalytique (2 conférences).
P. MALE, Le développement de l'enfant (2 conférences).
R. BARANDE, La théorie psychanalytique du Moi (3 conférences).
J. FAVREAU, La sexualité de l'homme (2 conférences).
Mme C. J. LUQUET, M. RENARD, La sexualité de la femme (2 conférences).
M. FAIN, La théorie psychanalytique du rêve (2 conférences).
Mme M. BONAPARTE, Vitalisme et psychosomatique.
P. MALE, Psychanalyse et psychiatrie.
M. BENASSY, Psychanalyse et psychologie.
S. A. SHENTOUB, Psychanalyse et sociologie.
C. STEIN, Le concept freudien d'inconscient.
F. PASCHE, R. DIATKINE, Psychanalyse et médecine (2 conférences).
P. MARTY, M. FAIN, Psychanalyse et psychosomatique.
A. BERGE, Psychanalyse et éducation.
J. ROUART, Psychanalyse et théories modernes de la psychiatrie.
Cette liste de conférences n'est pas limitative. D'autres réunions qui
s'adressent à tous les membres de l'Institut de Psychanalyse seront annoncées
en temps utile (3).

(1) Voir conditions d'admission. S'adresser à Mme CHEVALIER, secrétaire, pour toutes les
questions concernant les études. Permanence : le lundi et le mercredi de 15 h à 18 h, ou
sur rendez-vous.
(2) Peuvent s'inscrire à ces conférences les candidats qui ont commencé une psychanalyse
didactique. Leur demande devra être parrainée par un membre, titulaire ou adhérent, de
l'Institut de Psychanalyse à l'exclusion de leur analyste. Le directeur de l'Institut de Psycha-
nalyse statue sur les demandes.
(3) Sauf mention contraire, toutes les réunions ont lieu à l'Institut de Psychanalyse.
630 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

II. — ENSEIGNEMENT CLINIQUE ET TECHNIQUE


Cet enseignement est réservé aux étudiants de l'Institut de Psychanalyse
qui sont tenus de suivre un séminaire de chaque matière (1).
Les étudiants qui ont suivi le cycle A du programme des années scolaires
antérieures peuvent participer à un séminaire choisi dans II ou IV. Il y aurait
intérêt à ce qu'ils poursuivent cet enseignement pendant l'année scolaire
suivante.
Les étudiants qui étaient inscrits au cycle B du programme de l'année
scolaire 1961-1962 ou des années antérieures peuvent participer à l'enseigne-
ment technique s'ils sont admis aux cures contrôlées. Ceux qui ne sont pas
encore admis doivent participer à l'enseignement clinique.
a) RÉUNIONS D'INITIATION
Tout étudiant à l'Institut de Psychanalyse admis aux cures contrôlées est
invité à suivre 2 conférences d'initiation avant de commencer ses cures
contrôlées (2 conférences chaque trimestre : R. DIATKINE, P. LUQUET).
b) SÉMINAIRES DE CLINIQUE
Les séminaires de clinique doivent être suivis pendant une durée suffisam-
ment longue — un an au moins — et il est conseillé de préférence de suivre le
déroulement d'un cas jusqu'au bout.
— S. LEBOVICI, Exposé d'un cas. —Ce séminaire est réservé aux personnes
qui n'ont pas encore été admises aux cures contrôlées avant le Ier octobre 1962 et
ont suivi le cycle A du programme des années scolaires antérieures (le samedi
matin à 9 h. Première réunion : samedi 6 octobre 1962).
Ce séminaire a lieu au Dispensaire de santé mentale du 13e arrondissement,
76, rue de la Colonie.
— E. KESTEMBERG, Exposé d'un cas. — Ce séminaire est réservé aux étudiants
qui ont été admis à commencer les cures contrôlées avant le Ier octobre 1962 et
ont suivi le cycle A du programme des années scolaires antérieures (le jeudi
à 20 h. Première réunion : jeudi 4 octobre 1962).
— H. SAUGUET, J. MALLET, Examens de malades, suivis de discussions cli-
niques. — Études des indications de la psychanalyse. Études structurales.

c) SÉMINAIRES DE THÉORIE PSYCHANALYTIQUE


Ces séminaires sont réservés aux étudiants admis aux cures contrôlées.
— B. GRUNBERGER, Quelques aspects particuliers de la théorie et de la pratique
psychanalytiques. (1er et 2e semestres, 1 lundi sur 2 à 12 h 30. Première
réunion : lundi 8 octobre 1962).
— F. PASCHE : (1er semestre, 1 lundi sur 2 à 12 h 30. Première réunion :
lundi 15 octobre 1962).
C. STEIN : (2e semestre, 1 vendredi sur 2 à 21 h 30).
d) SÉMINAIRES DE TEXTES DE FREUD

— Ier semestre : Le Moi et le Ça. Directeurs : R. DIATKINE, J. FAVREAU


(1 jeudi sur 2 à 9 h. Première réunion : jeudi 4 octobre 1962).
— 2e semestre : L'érotisme anal. Directeur : S. VIDERMAN (I lundi sur 2 à 21 h).
INFORMATIONS 631

e) CONFÉRENCES ET SÉMINAIRES DE TECHNIQUE PSYCHANALYTIQUE


— Conférences sous la direction de S. NACHT avec la collaboration de :
M. SCHLUMBERGER, P. MALE, H. SAUGUET, P.-C. RACAMIER (I vendredi sur 2
à 21 h. Première conférence : vendredi 12 octobre 1962).
— Séminaire de technique psychanalytique. — Exposé et discussion d'un
cas. Directeur : S. NACHT (chaque vendredi à 12 h. Première réunion :
vendredi 5 octobre 1962).

III. — ENSEIGNEMENT DE DISCIPLINES SPÉCIALISÉES


Cet enseignement est réservé aux étudiants de l'Institut de Psychanalyse.
Il leur est conseillé de le suivre pour s'informer de l'ensemble des dévelop-
pements de la psychanalyse.
MÉDECINE PSYCHOSOMATIQUE

— Exposés théoriques ; présentations de cas cliniques, suivis de discussions. Ensei-


gnement pendant le second semestre, sous la direction de : P. MARTY,
M. FAIN, R. BAYET, M. de M'UZAN.
— De la clinique psychanalytique à la clinique et à la pratique psychosomatiques.
Conférences de R. HELD.
PSYCHANALYSE DES ENFANTS
— Un séminaire de discussion de cas. Exposé du cas par J. CHAMBON.
Directeurs : S. LEBOVICI, R. DIATKINE, J. FAVREAU (chaque jeudi à 8 h 15.
Première réunion : jeudi 11 octobre 1962).
— Un enseignement de la théorie et de la clinique de la psychanalyse des enfants :
Table ronde : discussions techniques et théoriques. Directeur : P. LUQUET
(le mercredi de 10 h à 12 h. Ce séminaire a lieu à l'Institut Claparède,
5, rue du Général-Cordonnier, Neuilly).
S'inscrire au secrétariat de l'Institut de Psychanalyse.
— Séminaire de cures contrôlées. Directeurs : S. LEBOVICI, J. FAVREAU,
R. DIATKINE, P. LUQUET.
Ces séminaires n'ont pas lieu à l'Institut de Psychanalyse ; se mettre
directement en rapport avec les directeurs de séminaire. Celui de P. LUQUET a
lieu à l'Institut Claparède, le mercredi de 8 h à 10 h.
— Examens d'enfants. — Discussion de cas, études des indications de la
psychanalyse et de la psychothérapie infantiles, attitudes thérapeutiques avec
les parents. Directeurs : A. BERGE, R. DIATKINE, S. LEBOVICI, P. LUQUET,
P. MALE, H. SAUGUET.
Les examens n'ont pas lieu à l'Institut de Psychanalyse ; se mettre direc-
tement en rapport avec les directeurs.
PSYCHOTHÉRAPIE PSYCHANALYTIQUE
L'enseignement de la psychothérapie psychanalytique aura lieu à l'Institut
de Psychanalyse pendant le second semestre, sous la direction de : P. MALE,
R. HELD, J. ROUART.
PSYCHOTHÉRAPIE DES PSYCHOSES
Séminaire sous la direction de P.-C. RACAMIER, J. KESTEMBERG
(le 3e mardi
du mois à 20 h. Le 3e mercredi du mois à 12 h. Première réunion :
mardi 16 octobre 1962).
632 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE 5-1962

IV. — ENSEIGNEMENT COMPLÉMENTAIRE


— Psychothérapiepsychanalytiquede groupe sous la direction de : R. DIATKINE,
E. KESTEMBERG, S. LEBOVICI, P. LUQUET.
— Séminaire d'anthropologie freudienne. Directeur : C. STEIN (chaque
jeudi à 12 h 30. Première réunion : jeudi 29 novembre 1962).
Commentaire d'un texte de S. Freud, Totem et Tabou. On tentera de
dégager les bases d'une théorie psychanalytique de la connaissance.
Les notes de travail de 1961-1962 sont à la disposition des personnes
intéressées, au secrétariat.
— Psychanalyse et criminologie, sous la direction de : P. MALE (2e semestre).
V. — ENTRETIENS BIBLIOGRAPHIQUES
Directeur : M. BÉNASSY (vendredi matin de 11 h à 12 h). Thèmes psycha-
nalytiques généraux envisagés du point de vue bibliographique.
VI. — PSYCHANALYSE ET PROBLÈMES DE LA CULTURE
Cercle d'études organisé par A. MEMMI et P. LUQUET (1 mercredi sur 2 à
12 h. Voir le tableau d'affichage pour la première réunion).

BIBLIOTHÈQUE
Secrétaire scientifique spécialement chargé de la Bibliothèque :
Dr M. BÉNASSY. Bibliothécaire : Mlle J. KALMANOVITCH.
Heures d'ouverture de la bibliothèque : Du lundi au vendredi l'après-midi
de 14 h à 18 h.
L'usage de la Bibliothèque est réservé aux membres et aux personnes
inscrites aux activités de l'Institut de Psychanalyse.
RECHERCHES BIBLIOGRAPHIQUES
Le Dr BÉNASSY sera le vendredi matin de 11 h à 12 h à l'Institut de Psycha-
nalyse. Il sera à la disposition des étudiants pour les aider dans leurs recherches
bibliographiques personnelles. Si un groupe d'étudiants ou d'anciens élèves le
demande, on pourrait travailler régulièrement sur des thèmes psychanalytiques
généraux envisagés du point de vue bibliographique (histoire de la pensée
freudienne à travers les textes et confrontation avec les textes contemporains,
par exemple).
La Bibliothèque peut se charger de certains travaux bibliographiques.
LECTURE SUR PLACE
Des ouvrages de base ou de référence sont toujours à la disposition du
lecteur à la Bibliothèque. Certains volumes rares dont le renouvellement est
difficile ne pourront être consultés que sur place.
SERVICE DE PRÊT
Le prêt est limité à deux volumes ou périodiques. Sa durée est de 15 jours
au maximum.
Le gérant : Serge LEBOVICI.

1962. — Imprimerie des Presses Universitaires de France. — Vendôme (France)


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1962-4. — Imprimerie des Presses Universitaires de France — Vendôme (France)
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