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psychanalyse (Paris)
de
PSYCHANALYSE
Jacques LACAN
Le stade du miroir
comme formateur
de la fonction du JE
J. LEUBA
Le narcissisme
REVUE TRIMESTRIELLE
REVUE FRANCAISE
DE PSYCHANALYSE
COMITÉ DE RÉDACTION
(I) Cf. Cl. Lévi-Strauss. L'efficacité symbolique. (Revue d'histoire des religions.
Janvier-Mars 1949)./
452 REVUE FRANCAISE U PSYCHANALYSE
AVANT-PROPOS
CHAPITRE PREMIER
Narcissisme biologique et narcissisme primaire
Ceux qui ont eu le,temps ou la curiosité de lire le texte poly-
copié auront remarqué combien j'ai été hésitant et incertain dans
les démarches de ma pensée. Car j'éprouvais le besoin d'axer mon
étude sur une conception théorique bien définie du narcissisme, à
peine de tomber dans une erreur grandiose qui eût consisté à établir
un catalogue de faits disparates, dépourvus de tout support logique
et donc n'offrant que de maigres chances, tout empiriques, de four-
nir d'utiles indications d'ordre pragmatique. Ce catalogue eût par
trop ressemblé à ce ramassis d'« anomalies » qui ont été fourrées
pêle-mêle dans le tiroir des Vermidiens, honte et désespoir éternels
des zoologistes, faute de pouvoir les insérer dans une classification
rationnelle. Mais je devais me défendre d'aborder cette étude
théorique, puisqu'elle était dévolue à notre collègue Van der Waals.
Cela fait que je suis parti, sans la moindre idée préconçue de
chambardement, des notions toutes faites, et qui me paraissaient de
tout repos, de narcissisme primaire et de narcissisme secondaire.
Et dès le départ, je me heurtais, au contact clinique de ce que l'on
est convenu d'appeler le narcissisme, à une double limitation.
Tout d'abord, quand nous voyons le narcissisme jouer, clini-
quement, sur des plans très divers, force nous est de le confronter
avec l'instance psychique consciente, avec le moi. Nous nous
apercevons alors que nous tombons tout droit dans une limitation
dont nous sommes bien obligés de dire que Freud lui-même est
responsable et qu'elle a laissé planer quelque obscurité sur ce cha-
pitre capital des acquisitions de la psychanalyse.
Freud définit en effet le narcissisme par le retournement de la
libido sur le moi. Or nous voyons, en explorant l'infinie variété des
cas cliniques, que cet infléchissement peut se diriger sur d'autres
instances psychiques que le moi. La confusion qui règne dans ce
compartiment de la psycho-pathologie me paraît devoir cesser si*
l'on dit, ce qui est conforme aux faits, que le narcissisme est l'inflé-
chissement non point sur le seul moi, mais sur l'ensemble de la
personnalité.
C'est sur cette conception élargie de la définition de Freud (du
narcissisme secondaire) que sera centrée cette introduction à l'étude
clinique du narcissisme.
458 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Car il est tout à tait exceptionnel qu'au début des cures psy-
chanalytiques, l'analyste ne se heurte pas, de la part de ses patients,
à une résistance qui ne traduit nullement la crainte inconsciente de
perdre les bénéfices si chèrement acquis de leur névrose et, entre
ceux-ci, cette manière d'équilibre dans le déséquilibre qui constitue
un essai de guérison, tout au moins un compromis à peu près accep-
table entre les conflits et la réalité. Cette résistance traduit une
crainte plus profonde, ontogénique, qui est celle manifestée par tout
être en vie devant une menace de son intégrité.
Les manifestations de cette crainte sont des plus variées et
elles englobent toutes les phobies du jeune âge qu'Odier a nommées
primaires, par exemple les manifestations phobiques des nourris-
sons devant un bruit insolite, une lumière trop vive ou un simple
changement dans le costume de sa nurse, crainte élémentaire devant
un danger inconnu. C'est cet ensemble de phobies élémentaires que
l'on peut, si l'on y tient absolument, ériger en un instinct de conser-
vation, encore que les réactions à la crainte n'induisent pas inéluc-
tablement l'être à des actes conservateurs, puisqu'on les voit, dans
nombre de cas, précipiter celui-ci dans des réactions mortelles.
Témoins les toxicomanies, chez les humains auxquels leur moi
timoré ne permet pas d'affronter la réalité.
Exception dûment faite de ces réactions inadéquates, qui
frappent d'infirmité, sinon de nullité, ce soi-disant instinct de
conservation, il reste que, dans la majorité des cas, l'être menacé
dans son intégrité recourt à des moyens de défense qui sont en petit
nombre et remarquablement identiques dans toute la biologie. Et
ce n'est pas d'un mince intérêt, du point de vue strictement biolo-
gique, d'établir une parallèle entre les réactions d'une plasmodie
devant un agresseur possible et celles d'un patient devant les
entreprises de remue-ménage de son analyste.
Que peut faire une plasmodie ou une amibe devant un danger ?
La réaction la plus élémentaire est la fuite. Elle peut donc se retirer
devant le danger.
Ainsi font normalement les humains, la peur étant une réac-
tion normale devant un danger.
Cette réaction peut d'ailleurs être corrigée secondairement
pour des raisons complexes, souventes fois complexuelles. C'est
ainsi que l'on voit des patients prendre, sur les instances de leur
entourage, ou spontanément, à l'occasion d'un coup dur qui les
induit à demander une aide qualifiée, rendez-vous avec un analyste,
se récuser au dernier moment, prendre un nouveau rendez-vous, se
460 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
trouve que l'ambassadeur de Suisse, pour lequel une place avait été
retenue, est empêché de partir ; on lui propose donc de prendre sa
place.
Ce rêve signifie en clair : « Je veux bien me prêter à une cure
psychanalytique, à la double condition que je n'y sois pas obligée
par mon mari et que je puisse prendre la place de mon analyste.
Telle fut l'interprétation lapidaire que je donnai à la patiente
de son rêve, sans tenir compte de ses propres essais d'interprétation,
qui ne faisaient que confirmer la mienne, puisqu'elle se substituait
à moi en prétendant interpréter à ma place. Naturellement, elle
me demanda fort ironiquement, car elle était bardée de connais-
sances psychanalytiques, ce qui m'autorisait à tirer de son rêve de
telles déductions.
Je me gardai bien de lui donner mes raisons, afin de ne pas lui
fournir des armes contre elle-même et bien assuré de la justesse
de mon interprétation, confirmée par son ton de dépit.
Rien ne s'oppose à ce que j'entre ici dans les détails : se rendre
en Angleterre c'est se rendre chez Leuba, car lors de notre première
séance, renversant d'emblée les rôles, elle m'avait demandé, non
sans ironie, comment il se faisait que, Suisse, j'eusse une tête
d'intellectuel anglo-saxon. Lui ayant demandé pourquoi elle ne
veut pas retenir une place dans l'avion, elle me dit sur un ton de
pitié : « C'est mon mari qui a oublié de retenir la place ; l'auriez-
vous déjà oublié ?» — « Et qui rêve ? », demandai-je. — Elle est.
très attrapée.
L'ambassadeur de Suisse en France c'est encore son analyste,
car Suissesse, elle habite la Suisse et je suis le seul représentant de
son pays à exercer la psychanalyse en France. J'y fais donc pour
elle, sur le plan psychanalytique, figure d'ambassadeur de la psy-
chanalyse suisse à Paris. Enfin, je ne monte pas dans l'avion et
elle prend ma place. Elle entend donc faire son analyse toute seule,
sans mon aide ou en s'aidant des explications théoriques qu'elle,
cherche à m'extorquer ; étant donné sa défense narcissique, c'est
évidemment plus prudent.
Ici la défense narcissique biologique se double d'une révolte
contre les hommes et laisse percer un désir spamodique de prendre
leur place et de les humilier.
Toute négative et révoltée qu'elle est, cette attitude ne laisse
pas de montrer le point névralgique et c'est déjà une manière d'aveu
positive qui permet d'espérer venir à bout de ce tank hérissé d'armes
défensives et offensives.
474 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Autre exemple :
C'est celui d'une jeune femme que l'on dit fort belle et très
admirée des hommes. Elle les répartit en deux catégories : ceux qui
lui marquent de l'affection ou même de la tendresse, mais sans la
désirer, et ceux dont elle sent tout de suite que leur chaude sym-
pathie n'est pas désintéressée.
Elle est tout à fait à l'aise avec les premiers, du moment qu'ils
ne la recherchent pas en tant que femme, mais use avec les seconds
d'une tactique à laquelle elle attache une très grande valeur. Elle
les entraine dans des discussions interminables, sur des sujets
littéraires ou philosophiques, argumentant à perte de vue, les
saoulant de questions et d'arguties pour les amener à se mettre en
contradiction avec eux-mêmes, et ne les lâche que lorsqu'elle a le
sentiment d'avoir réussi à les dominer intellectuellement (disons,
moins civilement, mais de façon plus précisément adéquate : à les
« couillonner »).
Des premiers, au rebours, elle accepte leur supériorité et d'être
fécondée par eux intellectuellement.
Elle vient à l'analyse pour chercher à résoudre des conflits
affectifs extrêmement douloureux, conditionnés par un complexe
d'abandon qui lui a donné un sentiment de moindre valeur, sur-
compensé par cette mise en relief de ses facultés intellectuelles.
Sa défense contre l'analyse consiste tout naturellement à
vouloir m'entraîner dans des ergotages, à multiplier des questions
« pilpoulesques » auxquelles je ne réponds jamais et à se plaindre
alors, sur un ton geignard de petite fille revendicatrice, de ne
recevoir aucune aide de personne (de n'être pas aimée). Elle ne
tarde pas à trouver un bon truc pour m'obliger à parler : sous
prétexte que le français n'est pas sa langue maternelle, encore qu'elle
le possède assez pour exprimer toutes les nuances de sa pensée et
de ses sentiments, elle se raconte dans un charabia qui participe
du français, de l'anglais et de l'allemand, me demandant à chaque
instant de traduire exactement, dans une de ces trois langues, telle
ou telle expression.
Je lui fais tout de suite remarquer que sa malice est cousue de
fil blanc et que les questions incessantes qu'elle me pose concernant
ma propre personnalité semblent indiquer qu'elle en use avec moi
exactement de la même manière qu'avec les hommes de la première
catégorie, qu'elle n'est pas du tout disposée à se laisser « posséder »
par moi, mais serait toute prête à renverser les rôles et à
entreprendre mon analyse.
ÉTUDE CLINIQUE DU NARCISSISME 475
CHAPITRE II
Le narcissime secondaire
Le narcissisme est la haine de soi.
« Ma pauvre petite cocotte, heureusement que
tu t'as. »
(I) Ces malformations congénitales, liées à des gènes récessifs, ont été long-
temps imputées — et le sont encore par certains — à la syphilis. Récemment un
professeur sud-américain n'hésitait pas à insérer ce genre de malformations dans les
manifestations psychosomatiques. Il y a la syphilis, il y a la psychanalyse, et la
médecine psychosomatique, et il y a aussi le bon sens. Ne pas oublier le bon sens.
ÉTUDE CLINIQUE DU NARCISSISME 479
moindre gêne celles qu'on lui offrait, mais gardait pour elle et
dégustait secrètement celles qu'elle, recevait.
Ces phénomènes ne sont pas rares; on les connaît peu
parce qu'ils ne jouent aucun rôle social, et le plus grand bien qu'on
en puisse dire c'est qu'ils ne sont pas nocifs quand ils sont demeu-
rés à un stade aussi primitif du narcissisme infantile.
Malheureusement, il arrive beaucoup plus souvent que ces
« femmes-enfants » (1) soient douées d'élans libidinaux qui dépas-
sent le stade oral, et mettent toute leur séduction féminine au
service d'une sexualité infantile déréglée, asservissant les hommes
en les induisant aux pires folies et passant avec une parfaite
inconscience au milieu des dégâts qu'elles commettent partout
sur leur passage ; tout au plus diront-elles, comme Catherine
Hepburn après avoir démoli le brontosaure (dans Bringing up
Mister Baby) : « Oh ! Regardez ce que j'ai fait ! »
Je ne suis d'ailleurs pas si sûr qu'il faille mettre à part ces
cas-là en les considérant comme inévolués et donc comme n'étant
jamais sortis de leur narcissisme infantile, pour les opposer à
ceux où nous pouvons déterminer le point de départ d'une régres-
sion véritable au narcissisme infantile.
Car enfin si Betty Boop est demeurée attachée à son petit ours
en peluche et continue de se dorloter en le dorlotant, elle a pu,
par ailleurs, s'adapter dans une mesure appréciable à la réalité,
puisqu'elle se maintient dans une place de secrétaire. Il est assez
probable que l'amour qu'elle porte à son petit ours traduise une
déception ancienne que révélerait une analyse.
Mais les Betty Boop n'éprouvent nul besoin de se faire ana-
lyser ; quand les choses ne vont pas tout à fait comme elles
voudraient, elles dorlotent leur petit ours en pleurant un petit coup
sur leurs malheurs, puis reprennent leur petit trantran, n'aimant
au fond rien autant que leur propre société.
Il ne faudrait pas s'imaginer qu'un enfant unique, même
objet d'une dévotion perpétuelle de là part de ses parents, fût à
l'abri des frustrations les plus bénignes qui sont ressenties d'autant
plus douloureusement que rien n'a été apparemment refusé à
l'enfant ; et quand l'enfant garde le souvenir d'une frustration
réelle après avoir été choyé d'une invraisemblable manière, ce
(I) Cetype est tout à fait à part du type banal de la femme qui a répudié sa
féminité et que son sentiment d'infériorité induit à mettre constamment à l'épreuve
son pouvoir de séduction, que cette attitude s'accompagne ou non d'un désir incons-
cient de vengeance et de castration à l'égard des hommes.
482 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
n'est pas le fait d'être enfant unique qui changera rien à sa décep-
tion, ni le rassurera d'aucune manière.
Comment, en effet, un garçon pourrait-il ne pas éprouver
pour le reste de ses jours une véritable phobie de toute situation
nouvelle, quand collé au sein maternel jusqu'à l'âge de deux ans
ce sein lui est subitement retiré, parce que sa mère a décidé de
prendre une part active dans l'affaire commerciale de son mari ?
Quand, par surcroît, la bonne à laquelle l'enfant était confié et sur
qui il avait instantanément reporté toute la libido dont il avait
investi sa mère disparaît définitivement de son horizon au bout de
quinze jours ?
Cet enfant ne pouvait que devenir schizoïde,timoré, anxieux,
et que conserver une véritable phobie de toute situation nouvelle ;
gardant constamment la nostalgie de sa mère nourricière, il va
au-devant de la déception en s'arrangeant, l'ayant trouvée, pour
la perdre afin de ne pas être abandonné.
Le comportement de ce garçon avait été qualifié unanimement
de schizoïde (ces péremptoires étiquettes recouvrent parfois des
choses bien singulières, quand on y regarde de près). Il participait
de cette attitude tranchante, ignorante des relativités, que lon peut
dire attitude de tout ou rien, celle de l'enfant qui veut être aimé
de façon exclusive et n'admet pas le partage, — et de cette autre
attitude, typiquement narcissique, elle aussi, que Ton peut dire
(bien inélégamment, et je m'en excuse) d'« aquoibonisme » : à
quoi bon, puisqu'on ne m'aime pas ?
Certes, il n'avait pas de contact véritable avec ses contempo-
rains, encore qu'il recherchât leur société ; en fait, ce qui caracté-
rise son attitude, c'est la phobie à l'état pur, la phobie primaire,
dissimulée sous un rire stéréotypé qui traduit tout ensemble sa
peur et l'incarcération d'une agressivité réactionnelle qui n'a
jamais pu se donner jour.
Toute la vie de ce garçon est placée sous le signe de la peur
et de l'ennui. On ne peut prendre un contact normal avec ses
congénères quand on est en-proie à une peur élémentaire qui vous
fait rentrer sous terre à la simple vue d'un inoffensif agent occupé
à régler la circulation.
Evidemment, il s'y ajoute toute l'angoisse liée à l'agressivité
réactionnelle instantanément refoulée, ce qui se traduit en partie
par un rire stéréotypé et par un certain besoin de dominer, intel-
lectuellement en sautant sur toute occasion de « professer » et
ÉTUDE CLINIQUE DU NARCISSISME 483
car on fait faire des études à son frère tandis qu'on la fait rentrer
dans une administration dès qu'elle est en âge d'y entrer ; elle
donne à ses parents l'argent qu'elle gagne et l'on donne à son
frère de l'argent de poche ; les quinze jours de vacances annuelles
écoulées, elle rentre à son travail tandis que son frère reste
encore en vacances et que sa mère lui envoie quelque argent :
« Il faut bien qu'il s'amuse un peu, ce petit », dit-elle.
Bien que ses parents lui témoignent beaucoup d'affection,
ces différences de traitement n'en sont pas moins douloureuse-
ment ressenties, et la haine refoulée envers tous ces frustrateurs
se développe en conséquence, avec cependant de petites détentes
sporadiques par des soupapes de sûreté : « Ah s'ils pouvaient
!
tous claquer ! ».
La jeune fille ne. se lie avec personne ; presque mutiste, les
dents serrées, elle décourage les sympathies. Dès qu'elle est en
danger de s'attirer une affection, elle s'arrange pour se faire
mal juger par des propos cyniques ou des attitudes cassantes.
Car c'est un dés mécanismes de défense les plus constants
contre le retour des déceptions que de décourager les sympathies,
soit en repoussant systématiquement celle qu'on vous marque,
soit en se défendant contre une attirance envers une personne
en lui marquant de l'hostilité.
C'est folie pure de se laisser aller à marquer de l'affection à
quelqu'un, car ce quelqu'un risque de vous la rendre, et alors
on s'expose à perdre cette affection. Si vous êtes recherché par
autrui, c'est encore plus dangereux, parce qu'on s'apercevra très
vite que vous n'en valez pas la peine et l'on se verra retirer
l'affection.
Cette terreur inconsciente de l'abandon peut conduire à
des attitudes à peine croyables. C'est ainsi qu'une jeune femme
très narcissiste voulait bien être recherchée en tant que femme et
prenait pas mal de risques dans des expériences amoureuses où
elle se défendait d'engager ses sentiments. Elle me narra un
jour qu'ayant passé la nuit avec un sien ami qui l'avait comblée
physiquement, elle s'était réveillée avant lui au matin ; se
réveillant à demi à son tour, il la prit dans ses bras avec une
telle douceur qu'elle comprit subitement qu'il l'aimait de tendresse.
Elle en fut terrifiée, me dit-elle. Elle admettait fort bien qu'il
aimât son corps de femme et le désirât, mais — elle n'aurait su
dire pourquoi — l'idée qu'il pût l'aime? de tendresse la terrifiait.
Cette forme de défense contre le retour des déceptions dans
l'attente de la tendresse fait des narcissistes, agressifs et négatifs.
ÉTUDE CLINIQUE DU NARCISSISME 485
CHAPITRE III
CONCLUSIONS
par des appétitions sociales aussi bien que par des appétitions
individualistes.
Chez le petit d'homme, que cet effort d'adaptation au com-
portement altruiste se trouve barré par de trop douloureux renon-
cements aux appétitions individualistes, la tendance naturelle sera
de revenir aux positions qui offrent le maximum de sécurité :
c'est le retour au sein maternel, et le comble du narcissisme est
de s'enfouir sous ses couvertures, dans la position du foetus en sa
vie intra-utérine. Dès lors, à défaut d'une sécurité extérieure qui a
fait défaut, on cherche à s'appuyer sur soi-même : « Ma pauvre
petite Cocotte, heureusement que tu t'as », et cela explique que
!
SY HANALYSE 32
498 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
APPENDICE
(I) « Narcistische » problematiek van het narcisme. Psych. Neur. Bladen 1940.
Narcisme en Ikarisme ; Psych. Neur. Bladen 1941.
(2) H. H. Hart, Narcissistic Equilibrium, Int. Psycho-Anal. XXVIII, 1947.
502 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(II) Bien que dans « Zur Einführung des Narzissmus a Freud élargisse la
notion primitive du narcissisme, il oscille encore, les années suivantes, entre l'an-
cienne et la nouvelle conception. A côté de la large formule : « le mot « narcissisme »
veut seulement exprimer que l'égoïsme aussi est un phénomène libidinal », formule
qui se trouve dans « Mitapsychologischc Ergänzung zur Traumlehrfe » (1916), nous
sommes frappés de trouver dans les « Vorlesungen » (1916-17) un passage définissant
le narcissisme comme « une fixation de libido, non pas à un objet, mais à l'être même
du sujet en tant qu'unité psychique et physique ». Cette définition se ressent appa-
remment de l'ancienne conception. En effet, dans les écrits suivants il ne parlera plus
de la fixation comme d'une condition.
LE NARCISSSISME 505
(14) Il est intéressant de voir les scrupules qu'il fallait vaincre avant qu'on osât
appliquer le terme de narcissisme à des non-malades. Même Wälder se crut obligé
en 1924 d'insister sur le fait qu'un homme narcissiste n'est pas nécessairement psy-
chotique (Int. Zsch. f. Psychoanal. X, 393-414). Il faut bien croire que cela est dû
au fait que la notion de narcissisme fit son entrée dans la psychanalyse en relation
avec de graves états pathologiques.
(15) Uber libinöse Typen, G. S. XII, 115-119.
508 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
autre ordre dans des cas différents. Ceci vaut également pour les
facteurs narcissiques qui déterminent le type de choix objectai.
Quelles que soient les nuances des désirs et de l'envie dont on
cherche la satisfaction par des relations amoureuses, jamais ils
n'échappent à la qualification de narcissiques, au sens élargi du
mot. Et je n'ai même pas considéré les besoins narcissiques non
satisfaits, cause d'échec de tant de liaisons amoureuses. La façon
dont l'homme crée et maintient l'estime de soi est essentielle pour
la détermination de ses rapports avec son prochain en général, et
ses objets amoureux en particulier.
Freud oppose au type anaclitique de choix objectai, le type
de choix objectai dit narcissique (21). Il entend sans doute donner
par là un schéma qui rende compte de ce qu'on retrouve plus ou
moins clairement dans tout choix objectai. Un type purement
anaclitique de choix objectai aurait un caractère narcissique très
primitif. Comme le choix objectai s'inspirerait uniquement des
besoins d'amour les plus primitifs du moi amoureux, les intérêts
de l'objet seraient nécessairement contrecarrés. Ainsi, tout amour
objectai garde aussi un caractère narcissique. Ce qui importe est
de savoir si ce caractère narcissique est, ou non, primitif, car c'est
de cela que dépend la satisfaction des besoins narcissiques de
l'objet. Les êtres dont les Moi s'accordent, contentent mutuelle-
ment leurs besoins narcissiques secondaires de la façon décrite par
Ferenczi comme caractéristique des rapports sexuels normaux :
se donner mutuellement la satisfaction par la satisfaction des
propres désirs égoïstes (22). On serait choqué à tort du fait que
je parle à la fois d'amour et de narcissisme. Nous n'aurons vrai-
ment bien compris la conception du narcissisme, telle que l'enten-
dait Freud plus tard, qu'en saisissant que cette conception
comprend aussi les plus hautes et les plus nobles valeurs humaines.
Bien maniée, elle est dépourvue de tout jugement de valeur et
tient compte du plus primitif aussi bien que du plus évolué. Il va
de soi que les notions de libido narcissique, de libido du moi et de
libido objectale, d'après cet exposé, risquent de perdre leur valeur.
Leur emploi inconsidéré entrave la bonne compréhension des
rapports psychologiques.
Examinons maintenant de plus près l'idéal du moi, produit
de l'évolution du narcissisme secondaire (23). Freud le décrit
quand c'est la libido désexualisée qui est en jeu, c'est alors seulement que nous aurons
à faire à une évolution du narcissisme qui mérite le nom de narcissisme secondaire.
Voici les différents aspects de la libido du moi désexualisée, auxquels nous avons à
faire : a) l'énergie qui est à la base des fonctions du moi. b) la satisfaction produite
par l'exécution des fonctions dont est chargé le moi. c) sa manifestation dans les
phénomènes relatifs à l'idéal du moi. d) la libido fixée dans la structure du caractère.
Freud (Das Ich und das Es. G. S. VI, 388-389) estime que la façon dont fonctionne
notre appareil psychique nous force à supposer une énergie psychique, au fond indif-
férente, qui peut se déplacer, pouvant être ajoutée ainsi à une tendance erotique ou
destructive qualitativement différenciée. Cette énergie serait la libido narcissique
désexualisée. Quant à l'énergie nécessaire au travail de la pensée, Freud croit qu'elle
est fournie par la sublimation d'une énergie erotique (I. c. 380). Il est certain que
bien des intérêts du moi, plus tard dans la vie, tels que l'argent, la productivité, la
possession, l'intérêt esthétique, etc.. trouvent en tant que sublimations d'intérêts
autoérotiques leur racine dans l'époque du narcissisme primaire. Ici agissent des
identifications avec l'objet aimé prohibiteur. C'est surtout Federn (Zur Unterscheidung
des gesunden und krankhaften Narzissmus ; Imago XII, 1936, 28-29) qui fit remar-
quer la satisfaction fournie par le fonctionnement même du moi. Il appelle le nar-
cissisme normal un autoérotisme élevé dans le plan psychique qui nous fait tirer
une satisfaction, tout comme Narcisse, de notre propre moi.
(24) Il est peu probable que les identifications qui agissent dans la formation
du moi puissent être considérées comme des identifications narcissiques, (cf. rem. 23).
Freud a vu leurs meilleurs représentants dans les identifications qui terminent la
phase oedipienne. Jones (Der Ursprung und Aufbau des Uber-Ichs, Int. Zsch. f.
Psychoanal. XII, 1926, 253-262) estime que l'hostilité est la condition essentielle de
la formation du sur-moi. compromis entre le désir d'être aimé et le désir d'aimer.
S. Bornstein (Zum Problem der narzistischen Identifizierung, Int. Zsch. f. Psy-
choanal. XII. 1930, 400-416) décrit un cas où le moi, en effet, se modifie en vue de
s'offrir au Ça comme substitut de l'objet d'amour. Les suites en furent désastreuses,
car cette substitution ne menait pas à la formation normale du sur-moi, mais à la
formation d'un sur-moi pathologiquement sadique. C'est pourquoi Bornstein établit,
à juste titre, une différence rigoureuse entre cette identification narcissique (que
Freud a découverte dans la mélancolie) et l'identification normale, qui s'opère à la
fin de la phase oedipienne pour garder la bienveillance de l'objet. D'ailleurs, Abraham
a déjà décrit les identifications qui sont à la base de la formation de l'idéal du moi
à propos de l'enfant normal que l'on essaye de rendre propre. (Charackterbildung, 10).
L'importance, pour le développement psychique du changement de soi-même, effectué
LE NARCISSSISME 513
par amour pour l'objet ou pour garder l'amour de l'objet, ne peut être surestimée.
Ce changement est de la plus grande importance pour la construction du narcissisme
secondaire. Malgré cela, cette question a été curieusement négligée. W. Reich (Uber
einige Beziehungen zwischen Narzissmus und Schuldgefühl, Int. Zsch. f. Psychoanal. IX,
1923, 255) indique, en passant, la signification d'une enfance heureuse et de l'amour
parental pour le développement normal du narcissisme.
(25) Voyez par exemple la critique sévère avec laquelle O. Fenichel (Früh Ent-
wicklungsstadien des Ichs, Imago, XXIII, 1937, 246-249) et H. Hartmann (Ich-
Psychologie und Anpassungsprobleme, Int. Zsch. f. Psa. und Imago XXIV, 1939,
96) rejettent les tentatives de M. Balint (Zur Kritik der Lehre von der prägenitalen
Libido-organisation, Int Zsch. f. Psa. XXI, 1935 ; Frühe Entwicklungsstadiën des
Ichs. Primäre Objektliebe, Imago, XXIII, 1937, 286-287) pour approcher la dépen-
dance biologique et l'amour objectai primitif.
514 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(26) Joan Rivière, Zur Genèse der psychischen Konflikte im frühcn Lebensalter
Int. Zsch. f. Psychoanal. XXII, 1936, E. Glover, An examination of the Klein
System of child psychology, 1945. Reprinted from The psychoanalytic Study of the
child, I, 1945. Aussi R. Schilder (I. c. 65 et svy.) et G. Pernfeld (Psychologie des
Säuglings, 1925) attribuent au nouveau-né une certaine conscience des objets.
(27) S. Isaacs, The nature and function of Phantasy, Controversial Séries I
1943. Charlotte Bühler, Kindheit und Jugend, Leipzig, 1931. J. Piaget, La naissance
de l'intelligence chez l'enfant, Neuchâtel-Paris, 1936.
A. Gesell, Infancy and Human Growth, New-York, 1928 ;
The mental growth of the pre-school child, New-York, 1930.
The first years of life, New-York, 1940.
The embryology of human behavior, New-York, 1945.
LE NARCISSSISME 515
(28) J. Piaget, La représentation du monde chez l'enfant, Paris. Nouv. Ed. 1938
516 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(32) Anna Freud, Indications for Child Analysis, The psychoanalytic study of
the child I. 1945, 144-145. Le développement du sens de la réalité en tant qu'instru-
ment et l'apprentissage de son maniement dans l'exploration de la réalité, ne sont
naturellement pas la même chose, mais sont d'autant plus difficiles à séparer que
l'enfant est plus jeune.
LE NARCISSSISME 519
(35) Melanie Klein, The emotional life and lego-development of the infant with
spécial reference to the dépressive position, Controversial Séries IV, March 1944.
Il est peu probable que nous ayons jamais une connaissance certaine de la vie
psychique des premiers mois de la vie de l'enfant. Vu l'état mal développé, au
début, du sens extérieur, il n'est pas vraisemblable que dès le début " la mère
existe dans l'esprit de l'enfant comme un objet tout entier, mais pour ainsi dire,
aux contours vagues... » ; il n'est pas non plus vraisemblable « qu'il existe à partir
du second mois », « une relation intensive de caractère émotif avec la mère en
tant que personnalité » si l'on veut indiquer ce que l'enfant éprouve subjectivement.
520 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Brierly (cité dans Glover) fait remarquer à juste titre que Klein ne distingue pas
assez nettement de ses observations concernant les relations de la mère envers
l'enfant, ce que celui-ci éprouve subjectivement.
(36) Le travail connu de O. Isakover (Beitrag zur Pathopsychologie der Einsch-
lafphänomene, Int. Zsch. f. Psychoanal. XXII, 1936) rend probable l'existence de
réminiscences remarquables de cette période ancienne.
(37) A. Balint, Liebe zur Mutter une Mutterliebe, Int. Zsch. f. Psychoanal, und
Imago, XXIV, 1939, 37.
(38) Le mot « amour objectai » indique certainement un état de l'évolution
bien trop avancé pour pouvoir s'appliquer à cette relation primitive, mais aucun
autre terme n'est a notre disposition. J'entends ici par « amour objectai » seulement
ceci : déjà pendant la phase du narcissisme primaire se trouvent dans les sensations
de l'enfant, sans qu'il ait besoin de s'en rendre compte, des composantes relatives
au monde extérieur en général et à la mère en particulier à l'occasion de la nutrition
ou des soins qui lui sont prodigués ; ces sensations préparent l'enfant à se rendre
LE NARCISSSISME 521
pliqué que Piaget se vit forcé d'y consacrer deux gros volumes (39).
Bien loin d'être un changement instantané, c'est un processus
qui exige du temps. Et, bien que cette croissance soit un dévelop-
pement simplement imposé au moi infantile, les possibilités de
se soustraire aux conséquences qui en découlent ne lui manquent
pas, et pour de bonnes raisons. En effet, lorsque l'enfant com-
mence à connaître le monde objectai, ce qui est, psychologiquement
parlant, une construction inévitable que le moi infantile
doit réaliser, l'enfant se voit privé de la base même de la toutes
puissance. Il doit accepter cette vérité douloureuse que ce qui
avait l'apparence d'une toute-puissance n'est en réalité que
dépendance. Il n'est point douteux que l'enfant doive accomplir
ici une tâche lourde et difficile. La persistance du désir de toute-
puissance chez les adultes en est une preuve évidente. On pourrait
longuement discuter sur la question de savoir si la première bles-
sure portée au narcissisme de l'enfant appartient au développe-
ment du sens de la réalité. Mais ce qui est en tout cas certain,
c'est que beaucoup d'autres suivront (40). L'aspect du développe-
ment du moi, depuis la première interprétation objectivante
jusqu'à la puberté, donnant à l'enfant le monde tel que le connaît
l'adulte — comme l'a admirablement décrit Piaget — se compose
d'une série de pareilles blessures. A chaque nouveau pas, l'enfant
doit abandonner une partie de l'équilibre narcissique, déjà ins-
compte lui-même, plus tard, des rapports qu'il entretient avec sa mère. Selon Anna
Freud, l'enfant s'intéresse dans cette période seulement à son bien-être ; mais elle
croit également que les. relations objectales commencent à se composer déjà au
cours de la phase narcissique initiale. Les processus psychiques de cette phase sont
cependant gouvernés par l'urgence d'être satisfait et non par des fantaisies relatives
à l'objet (Controversial Séries, Discussion April 7th, 1943, cité dans Glover, 26, 27).
Certaines observations faites, cependant, font penser qu'une conduite pleine d'amour
de la part de la mère exerce pendant cette période une très grande influence sur la
vie psychique de l'enfant. Les observations faites par E. Petö (Säugling und Mutter,
Zsch. f. Psychoanal. Pädagogik, XI, 244-252) semblent bien le confirmer. En effet,
sous l'influence de conflits où est impliquée la mère, conflits qui agissent de quelque
façon sur l'enfant qui est allaité, il se produit chez celui-ci des perturbations dans
l'ingostion. Dans les troisième et quatrième cas; mentionnés par Petö, ces troubles
apparurent déjà au cours des premiers jours.
(39) J- Piaget, La naissance de l'intelligence chez l'enfant, 1936.
La construction du réel chez l'enfant, 1937.
(40) L. Andéas-Salomé (Narzissmus als Doppelrichtung, Imago, VII, 1921),
A. Stärcke (Der Kastrationskomplex, Int. Zsch. f. Psychoanal. VII, 1921) et H.
Deutsch (Uber Zufriedeuheit, Gluck und Extase, Int. Zsch. f. Psychoanal. XIII,
1927) décrivent ainsi la blessure narcissique primitive : c'est la nécessité de renoncer
à l'état de continuité du moi et du monde extérieur et l'isolement incompréhensible
qui s'ensuit. C'est par des moyens divers que l'enfant tâchera d'établir une nouvelle
union avec le monde. Deutsch relève le sentiment d'une identité du monde extérieur
et du moi, qui rétablit le bonheur de la personne.
522 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(43) Freud, Das Ich und das Es. G.S. VI, 404.
(44) On estime généralement que l'enfant, à partir d'un moment déterminé de
l'évolution, du moins, peut seulement produire un sentiment de soi suffisamment fort
s'il est aimé. Fenichel (Perversionen etc. 178) l'exprime de façon catégorique : « Le
nourrisson qui a connu le monde objectai n'a qu'un seul désir, c'est d'être aimé et
nourri par lui ». « T. Reik (Wie man Psychologe wird, Wien, 1927, 15) vent
distinguer du narcissisme primaire une phase de transition appelée narcissisme réfléchi.
L'investissement narcissique ne suffirait alors plus à soi-même, et l'enfant aurait
besoin d'une libido extérieure pour affermir la libido du moi.
J. Lampl de Groot (Hemmung und Narzissmus, Int. Zsch. f. Psychoanal.
XXII, 1936, 216) fait remarquer que la liaison objectale dans laquelle l'enfant s'est
engagé est de nature passive et a pour but unique : être aimé, admiré, soigné.
L'amour qu'on lui porte renforcerait alors le narcissisme qui chez l'enfant n'est pas
encore consolidé. Je ne crois pas que la description de ces rapports en termes de
la théorie de la libido, d'après laquelle description l'amour parental augmenterait la
libido du moi, puisse éclaircir cette question. Si, d'après Reik, le sentiment « d'être
contemplé » qui serait connexe au sentiment d'être aimé, se transforme en une
« contemplation de soi-même », on doit conclure, en vérité, qu'au fait d'être aimé
adhère, une certaine forme de l'amour de soi qui aide l'enfant à trouver envers
lui-même un rapport d'estime concordant avec le monde extérieur. Ainsi est établi
le fondement du côté amoureux du sur-moi, ou éventuellement de l'idéal du moi.
H. Nunberg (Das Schuldgefühl, Imago XX,. 1934, 264) parle, à ce propos, d'une
identification libidinale. Que celle-ci s'effectue déjà très tôt, apparaît clairement dans
l'épisode décrit par Nunberg : Un père, s'occupe à caresser le visage de son fils
âgé de seize mois. L'enfant est ravi. Le père vient à peine de cesser ses caresses que
l'enfant commence à se caresser en s'accompagnant des sons : ei-ei, qui exprimaient
pour lui la pins grande tendresse.
524 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
en serait d'être aimé. Chez le nourrisson les besoins erotiques et les besoins narcis-
siques coïncideraient ; chez l'adulte ces besoins sont différenciés et le besoin narcis-
sique trouve son expression dans les rapports avec le sur-moi. C'est pourquoi, selon
Fenichel, le sentiment de soi de l'adulte dépend essentiellement des relations entre
le moi et le sur-moi. Il me semble plutôt que cela est vrai pour le sentiment de soi
de nombre de névrotiques qui se sont séparés de leurs corps et qui sont privés par
conséquent de sources de plaisir narcissiques primaires. Hart (I. c. 107) compare
la façon dont l'équilibre narcissique est maintenu entre le moi et le sur-moi, à la
façon dont l'équilibre familial est soutenu par les rapports amicaux entre fils et
père, enfants et parents. C'est Abraham (Psychoanalytiche Studien zur Charaktérbil-
dung, 1925, II) qui fit remarquer la signification, pour ce qui plus tard sera le
sentiment de soi, d'une jouissance suffisamment grande du plaisir narcissique pri-
maire lors de l'excrétion.
(46) Dans la terminologie de Reich : une sublimation narcissique qui a, cepen-
dant, en même temps une signification névrotique compensatrice.
526 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
M. NACHT.
Nous devons remercier Leuba de la façon dont il a su s'ac-
quitter de la lourde tâche dont il avait été chargé.
Je me permettrai cependant de l'argumenter sur quelques
points de son rapport.
Il me semble, par exemple, que l'élément narcissique n'appa-
raît pas dans toute sa spécificité dans les tableaux cliniques qu'il
a brossés, par ailleurs, avec tant de talent.
Il est vrai, que selon l'optique adoptée, l'on peut voir le narcis-
sisme partout et nulle part.
Par ailleurs, du point de vue théorique, sa tentative d'effacer
la distinction classiquement adoptée entre narcissisme primaire
et secondaire, ne m'a guère convaincu.
Lorsque, pour commencer, il avait débaptisé le narcissisme
primaire pour le rebaptiser narcissisme biologique, je m'attendais
à ce qu'il élargisse à l'extrême la notion biologique du narcissisme ;
mais je me suis vite aperçu qu'il la réduisait plutôt, à un réflexe
de défense et de conservation.
Cette interprétation limitative vient d'être confirmée par
Leuba lui-même, puisqu'il nous a dit ce matin qu'il remplaçait le
terme de narcissisme biologique par celui de phobie primaire.
En réalité, le narcissisme primaire dépasse de beaucoup cette
fonction négative, il possède une valeur authentique, positive,
appelée à cimenter les diverses composantes de la personnalité
lorsque s'ébauche son organisation. Les perturbations subies dans
cette organisation structurale se reflètent plus tard dans le pro-
cessus de dissociation schizophrénique ; affections éminemment
narcissiques.
Il est d'ailleurs regrettable, ceci dit en passant, que le rappor-
teur ait complètement négligé ces formes cliniques dans son exposé.
Le narcissisme secondaire m'apparaît, par contre, essentiel-
lement réactionnel aux échecs subis lors des premières tentatives
d'investissements objectai. Il prend dès lors des caractères qua-
litatifs et quantitatifs distincts du narcissisme primaire.
Le repliement narcissique englobe alors par introjection des
objets frustateurs toute une série d'identifications.
Le narcissisme secondaire se trouve ainsi imprégné de sado-
masochisme. C'est d'ailleurs cet aspect qui apparaît le plus dans
les descriptions données par Leuba, et c'est ce mécanisme qui est
530 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
cet angle. Vous savez qu'il est le plus souvent extrêmement pervers
et objectivement très immoral. Il est savouré avec ferveur par
beaucoup de nerveux, peu ou beaucoup narcissistes, auxquels
pourtant un sur-moi féroce prescrit de renoncer à toute vie
sexuelle pratique-.
Je me suis autrefois demandé la raison de ce paradoxe qui
consiste en ce qu'un sur-moi tyrannique autorise une véritable
débauche d'imagination ; et cette raison, je l'ai exposée jadis dans
un travail sur le fantasme érotique. C'est tout simplement ceci que
l'individu, losrqu'il cultive son fantasme pervers, le fait, sur un
plan idéalement théorique, intégralement détaché de toute réalisa-
tion pratique : Freud dirait qu'« il a perdu alors la clef de la
motilité ».
Ces perversions sont dépourvues de toute espèce de capacité
d'agression. Et dans cet instant fugitif dans lequel le névrosé
caresse son rêve, ce rêve est voluptueux. Dans cet instant le névrosé
est dans un univers hermétique, un univers rigoureusement per-
sonnel, c'est-à-dire spécifiquement narcissique.
Messieurs, je ne veux pas poursuivre cette analyse de la culpa-
bilité du narcissisme, laquelle, de latente devient manifeste dans
toutes les situations dans lesquelles la plus minime tension
entraîne l'individu vers le domaine de la motilité, où règne la
terrible puissance du sur-moi, cette entité inauthentiquement mora-
lisatrice. Je ne puis non plus ici la suivre dans le monde de la
psychose, où le schéma freudien n'est plus valable et où le narcis-
cisme devient en quelque sorte cosmique : la culpabilité apparaît
alors totalement irréelle, mais tellement énorme qu'elle fonde, à
mon avis, la signification profonde même de la folie.
Comme l'a très bien dit tout à l'heure Nacht, si Leuba ne
s'était pas limité autant à lanévrose, s'il avait tenté de pénétrer
un peu cette espèce de gigantesque narcissisme que présentent les
psychopathes et pas seulement les schizophrènes dont il est
question, mais beaucoup d'aliénés (en particulier ceux que les
psychiatres appellent les « fakirs d'asile ») il me donnerait raison
lorsque j'ai dit, répété, ce que je répéterai demain dans un livre
qui va paraître, intitulé « L'Univers de la faute ». Il admettrait
que la psychose est un vaste narcissisme, constructeur d'un univers
singulier de culpabilité.
Pour terminer, je voudrais dire à Leuba et au public aussi
qui est ici, combien ces questions de psychanalyse gagneraient à
être exposées non plus uniquement dans cette langue causale et
métaphorique et dans les notions de cette psychologie qui était
536 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
M. D. LAGACHE
M. FLOURNOY.
M. PASCHE.
Je suis un débutant et je voudrais poser à M. Leuba des
questions de débutant. Je voudrais savoir comment au début d'une
analyse, alors qu'il apparaît cette sorte de fuite devant le traite-
ment on peut la distinguer, d'après lés exemples qu'il nous a
donnés des résistances qui apparaîtront plus tard.
Ses exemples m'ont donné l'impression de se rattacher, les
uns à la défense contre la frustation, d'autres à la défense contre
une agression anale, d'autres, enfin, à une défense contre la
castration, mais je n'ai pas bien vu en quoi ils étaient spécifiques
et dérivaient du narcissisme.
Certes, leur intensité est bien plus grande souvent que les
réactions ultérieures, mais ne traduit-elle pas les efforts faits par
le malade pour ajuster le psychanalyste à sa névrose, pour
reconstituer le milieu affectif pathologique qu'il s'est efforcé toute
sa vie de maintenir, l'un réclamant une nourrice, l'autre une mère
sévère, le troisième, un père castrateur, etc..
554 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
M"*. M. BONAPARTE.
Je voudrais ajouter quelques mots à ce que j'ai dit hier, en
relation avec le rapport si intéressant de M. Van der Waals.
Le rapport de M. Leuba, hier, ne pouvait vraiment traiter du
narcissisme en général normal comme pathologique, puisque, étant
une étude clinique, il était par cela même centré sur le problème
du narcissisme pathologique.
Le rapport de M. Van der Waals, aujourd'hui semblant plus,
théorique, comble heureusement cette lacune et, en tant qu'avocat
du pauvre narcissisme, comme je disais hier, je veux aujourd'hui
lui en exprimer toute ma gratitude.
Outre sa valeur historique, ce beau travail met admirablement
en relief ce fait central parfois négligé : aucun rapport objectai
satisfaisant ne saurait s'imaginer sans un corrélatif narcissique.
Et comme les investissements libidinaux des objets sont la
règle et la loi de l'évolution normale, cela revient à donner au nar-
cissisme la place dans l'évolution humaine infantile et adulte à
laquelle il a légitimement droit. Freud d'ailleurs dans l'introduc-
CONFÉRENCE DES PSYCHANALYSTES DE LANGUE FRANÇAISE 559
LEBOVICI.
Je m'excuse tout d'abord de revenir sur la partie clinique du
apport, mais les discussions d'hier ont bien montré, je crois,
u'il n'était pas possible de poursuivre un débat sur la clinique
sychanalytique sans défendre une position théorique. De même,
théorie ne peut se passer de certaines expériences cliniques ;
560 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Comptes Rendus
Réunion du 18 Octobre 1949
Présidence :
Dr S. NACHT, président
Communication de Mme Françoise DOLTO-MARETTE « A propos de la poupée-
fleur », exposé qui amplifie et prolonge son travail publié dans la Revue Française
de Psychanalyse, N° I, 1949, sous le titre de Cure psychanalytique à l'aide de la
poupée-fleur.
Le Dr HELD ouvre la discussion en demandant à mieux connaître la technique
de l'emploi de la poupée-fleur. Si on lui présentait une, poupée-fleur, il dirait qu'il
se sent en présence d'un enchantement, d'une scène magique. — Ne s'agit-il pas, pour
l'enfant, d'un déblocage au moyen d'un objet magique, permettant de passer de
la pensée magique à une pensée plus logique ?
Le Dr MARCUS-BLAJAN aimerait savoir si Mme DOLTO a essayé cette façon de
faire avec des enfants plus âgés, ou des enfants au stade anal.
Le Dr LACAN a le sentiment de plus en plus vif que la poupée-fleur de Mme
DOLTO s'intègre dans ses recherches personnelles sur l'imago du corps propre et le
stade du miroir et du corps morcelé. Il trouve important que la poupée-fleur n'ait
pas de bouche et après avoir fait remarquer qu'elle est un symbole sexuel et qu'elle
masque le visage humain, il termine en disant qu'il espère apporter un jour un
commentaire théorique à l'apport de Mme DOLTO.
Le Dr LEBOVICI a beaucoup admiré les résultats obtenus par Mme DOLTO. Une
question se pose, dit-il, au sujet du diagnostic des cas présentés ; Bernadette, par
exemple, est étiquetée schizophrène : c'est le diagnostic qui paraît, évident et le
résultat thérapeutique en est d'autant plus intéressant. Mais alors, que doit-on penser
du rôle du thérapeute ? S'agit-il simplement de présenter la poupée-fleur à l'enfant ?
Ce serait merveilleux et il n'y aurait plus besoin de psychanalystes d'enfants ! Il
a l'impression que la poupée-fleur concentre l'agressivité sur elle, ce qui libère l'enfant.
Il croit qu'il y aurait un certain danger à généraliser cette technique qui, dans
d'autres mains que celles de Mme DOLTO dont l'intuition est remarquable et joue
un rôle important, pourrait s'avérer beaucoup moins favorable.
Le Dr BENASSY fait remarquer que cette poupée-fleur ressemble à quelque chose
tel qu'on voit dans les rêves, que l'on peut analyser comme un rêve, quelque chose
qui a perdu la tête, quelque chose de castré.
Le Dr NACHT voudrait poser deux questions à Mme DOLTO. I° Pour quelle
raison est-ce que ce sont les tendances orales qui trouvent leur projection dans la
poupée-fleur et 2°, pourquoi une poupée-fleur plutôt que toute autre poupée ?
Mme DOLTO répond à ses interpellateurs. Au Dr HELD : « Oui je crois que
la poupée-fleur permet l'accès au monde magique, le monde des imaginations échap-
pant aux règles de la logique rationnelle. Mais il y a certainement quelque chose
de particulier avec cet objet floral dans la correspondance manifeste avec les états
narcissiques. »
A Mme MARCUS-BLAJAN : « Je ne me sers pas de la poupée-fleur dans les
séances de psychanalyse chez moi. Les enfants l'ont à leur domicile, fabriquée ou
SOCIÉTÉ PSYCHANALYTIQUE DE PARIS 567
achetée par leurs parents, avec la notion donnée aux parents que cette poupée n'est
pas faite pour être épargnée ou aimée et qu'une liberté absolue doit être laissée à
l'enfant à son égard. Chez moi, je n'utilise que papier et plastiline et je ne joue
jamais avec les enfants. Ils jouent parfois devant moi, mais je n'y prends pas de
part active.
Je n'ai pas essayé de faire donner des poupées-fleurs à des enfants de stade
affectif plus âgés, parce que c'est un travail ou une dépense pour les mères et que
la technique habituelle me parait très suffisante.
La poupée-fleur me semble avoir sa valeur dans les cas où le sujet ne peut pas
communiquer verbalement ou autrement avec le psychanalyste, dans les cas où l'activité
libre de la bouche — se nourrir ou s'exprimer vocalement — est pathologique, où
la mimique est absente, l'expression figée. »
Au Dr LACAN : « Oui, la poupée-fleur s'intègre aux réactions du stade du
».
miroir, mais il faut entendre l'idée du miroir comme objet de réflexion, — non
seulement du visible, — mais de l'audible, du sensible, de l'intentionnel. La poupée
n'a pas de visage, pas de mains ni de pieds, pas de face ni de dos, pas d'articulations,
pas de cou.
Au Dr LEBOVICI : « Il y a deux effets de la poupée-fleur.
I°) Le premier est l'abréaction. C'est l'un des effets qui semble indépendant de
la personne du thérapeute. Il se produit chaque fois qu'un enfant prend connais-
sance de cette poupée quand elle répond en lui à une nécessité. L'observation que
j'ai citée de la fillette en milieu scolaire en est la preuve. Actuellement, dans les
familles et les écoles où une poupée-fleur traîne un beau jour dans les jouets des
petits, sans avoir été donnée à tel ou tel enfant, les abréactions dont elle est le déclen-
cheur sont beaucoup plus libératrices que les abréactions sur les guignols, les poupées
ou les animaux en peluche.
Cet effet d'abréaction se passe aussi dans le cours du traitement, avec cette
nuance que l'enfant ne prête pas à la fleur de ressentiment, c'est-à-dire qu'elle n'a
pas mal si on lui fait mal ; elle n'a pas d'intention mauvaise quand elle est nuisible.
Si un enfant exprime un comportement nuisible d'une poupée ordinaire ou d'un
animal, celui-ci est jugé blâmable, parce que soi-disant responsable. Si l'enfant attaque
et se libère de tension agressive sur une poupée on un animal, il projette sur ces
objets qu'ils éprouvent une sensation douloureuse, qu'il se justifie de leur infliger.
Ils sont sensés et peuvent donc avoir du ressentiment. Cet effet d'abréaction est
indépendant de toute situation psychanalytique.
2°) Le second effet de la poupée-fleur, c'est, dans la situation psychanalytique
d'objectiver un transfert qui semble ne pas exister, ou qui est d'une qualité et d'une
intensité telle qu'il paralyse toute idéation, tout émoi autre que l'angoisse intradui-
sible. Quand le transfert participe au mode de fixation à l'objet de l'âge oral, le
sujet ne peut pas parler de ses émois, car il ne se sent pas exister de façon autonome.
Avec l'introduction, dans le circuit, de la poupée-fleur, l'enfant la décrit dans
son mode de penser; d'exister. La poupée lui parle, et lui-même peut parler d'elle
à la personne du psychanalyste. Celui-ci peut alors analyser ce qui se passe entre la
poupée-fleur et le monde (y compris lui-même), en même temps que l'enfant prend
conscience de ses réactions propres et peut en supporter la responsabilité avec l'aide
du surmoi du psychanalyste. La situation à deux existe toujours mais elle est arti-
ficiellement transformée en situation à trois.
De même qu'avec la terre à modeler l'enfant s'exprime et abréagit, — qu'il soit
seul ou dans la situation psychanalytique, de même, les formes de modelage créées
par l'enfant sous les yeux du psychanalyste sont utilisées dans la situation de transfert
particulière de la psychanalyse pour faire comprendre au sujet ses réactions incons-
cientes refoulées et lui en faire assumer la responsabilité, avec l'aide d'un surmoi
plus libéral auquel il participe par cette même situation de transfert.
Je ne pense pas qu'il y ait danger à l'utilisation de la poupée-fleur. Si on n'est
pas psychanalyste, on passera à côté des significations profondes des réactions de
l'enfant à son égard. De toutes façons, plus que les autres poupées, la poupée-fleur
permet des projections de situation affective illogiques. »
568 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
sur la pathologie corporelle, ne sont plus à démontrer aujourd'hui. C'est chose faite,
surtout depuis les travaux des psychophysiologistes, accomplis, ces dernières décades.
La recherche psycho-somatique se doit, selon moi, d'aller plus loin : appréhender_
dit qu'il aimerait faire quelques critiques. Pourquoi l'auteur n'a-t-il pas parlé du
stade, de la mère phallique, ce qui aurait permis de donner une description beaucoup
plus simple de ce cas magnifique. Là où BOUVET voit un virage au moment de la
prise de conscience de l'envie du pénis, lui, il voit l'émergence de l'image de la mère
phallique.
Le Dr LEBOVICI voudrait s'associer aux remarques de LACAN. Le rêve-charnière
du soulier pointu se sert d'un symbole ambigu, à la fois mâle et femelle et de qua-
lité prégénitale.
M. F. LECHAT a été frappé, dans la description du Dr BOUVET, par les fantasmes
du séade oral. Dans le cas présenté, y a-t-il vraiment un désir de castration ou
s'agit-il d'une revendication, du type nourisson-nourrice, de ce que la malade sent
avoir perdu après son sevrage ? Il lui paraît que, pour elle, le pénis du père est
l'équivalent du sein de sa mère.
Le Dr HESNARD dit que BOUVET à l'air de présenter la prise de conscience de
l'envie du pénis comme préalable au transfert, alors que c'est l'inverse qui a tou-
jours lieu. A son sens, il ne faudrait pas généraliser les données d'une observation.
Ici, le père a joué un rôle par son caractère faible ce qui a eu pour résultat la
non-formation d'un oedipe normal ; mais il y a des cas, au contraire, où l'oedipe
n'est pas normalement formé parce que le père est trop fort. Il est d'accord avec
LACAN que, dans le cas analysé par BOUVET, le plan génital n'a pas été atteint.
A quoi le Dr BOUVET répond, au Dr LACAN, qu'il n'a pas eu lui-même le senti-
ment que cette malade eût atteint le stade génital et qu'il avait, au contraire, souligné
qu'elle en était encore restée au stade pré-génital, et, à M. LECHAT, qu'il était d'accord
avec lui sur la grande importance de la réaction au sevrage de cette patiente.
Le gérant : J. LEUBA
.IMPRIMERIE SULLY — ROANNE
Edit. N° 22.411 Imp. N° 5054
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME XIII
N° 1
_ janvier-Mars 1949 Pages
N° 2 — Avril-Juin 1949
Guex)
22
Les conditions intellectuelles et affectives de l'oedipe (G.
25
Structures familiales et comportements politiques. L'autorité
dans la Famille et dans l'Etat (Joachim Marcus) ....... 27
576 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
N° 3 — Juillet-Septembre 1949
Pages
N° 4 — Octobre-Décembre 1949