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SOMMAIRE
Pourquoi je prends la direction de la R. S. : CHRONIQUES :
André Breton. Fragmentsd'une conférence : Louis Aragon.
POÈMES :
Le surréalisme et la peinture : André Breton.
Louis Aragon, Paul Éluard.
RÊVES : Note sur la liberté : Louis Aragon.
Max Morise, Michel Leiris, Exposition Chirico : Max Morise.
TEXTES SURRÉALISTES : Philosophies, L'étoile au front : Paul Eluard.
Philippe Soupault, Marcel Noll, Georges Malkine.
Correspondance.
Les parasites voyagent : Benjamin Péret.
ILLUSTRATIONS :
La baie de laiaim : Robert Desnos.
Qlossaire (suite) : Michel Leiris. Giorgio de Chirico, Max Ernst, André Masson.
Nomenclature : Jacques-André Boiffard. Joan Miro, Pablo Picasso, Mân Ray, Piètre Koy, etc,
Nous sommes en 1925. Je parle pour ceux qui ont vu la paix s'insinuer, pas
mal de gouvernements tenir, pour ceux qui ont vu l indicible but qu'ils se propo-
saient s'éloigner, quelques hommes et même quelques femmes faiblir. Leurs yeux
ont la couleur de la perte de temps. Ceux-là ont-ils tort de se défier l'un de l'autre,
de chercher l'un chez l'autre le point vulnérable ? L'incognito nous sauverait tous,
mais qu'y faire si tel d'entre nous passe déjà pour un interdit de séjour, et tel pour
un roi ? Nous n'avons pas assez fait pour ne point être mis en avant, ou en arrière.
L'utilité, la vague utilité dispose de nous ingénieusement. On nous prête un semblant
de raison sociale. Artiste, ce mot qui trouve son homme au ministère des Affaires
étrangères * tout comme au bas de l'affiche par laquelle s'annonce une tournée de
province, ce mot qui ne signifie rien : « Vous êtes artiste ! » Dès lors, quoi que je
* M. Briand
i POURQUOI JE PRENDS LA DIRECTION DE LA RÉVOLUTION SURRÉALISTE
fasse, quelque refus que j'oppose à mainte invitation grossière, — d'un de mes amis
le plaisir public attend exclusivement des contes, d'un autre des poèmes en alexan-
drins, d'un autre des tableaux où il y ait encore des oiseaux qui s'envolent — et
quelque certitude intérieure qu il me reste de déjouer finalement les calculs en appa-
rence les plus flatteurs qu'on aura faits sur moi, je suis, moi aussi, l'objet d'une
tolérance spéciale, dont je connais assez bien les limites et contre laquelle, pourtant,
je n ai pas fini de m élever.
On sait, on pourrait savoir à quels mobiles cédèrent, il y a six mois, les fonda-
teurs de cette revue. Il s'agissait avant tout, pour eux, de remédier à l'insigni-
fiance profonde à laquelle peut atteindre le langage sous i'impulsion d'un Anatole
France ou d'un André Gide. Et qu'importe si c'est par le chemin des mots que
nous avons cru pouvoir revenir à l'innocence. première ! Si péché il y eut, c est
quand l'esprit saisit ou crut saisir la pomme de la « clarté >». Au-dessus de la pomme
tremblait une feuille plus claire, de pur ombrage. Quelle était donc cette feuille ?
C'est ce sur quoi tous les chefs-d'oeuvre littéraires se taisent. C'est ce que nous,
surréalistes, nous pourrions dire sans nous gêner. En ce qui me concerne, j éprouve,
devant une certaine manière conventionnelle de s'exprimer, où l'on ménage exagéré-
ment l'interlocuteur ou le lecteur, le sentiment d'une telle dégradation d'énergie que
je ne puis manquer de tenir celui qui parle pour un lâche. Ce serait déjà trop de
toujours se comprendre : s'égaler toujours ! Le désir de comprendre, que je n'ai pas
l'intention de nier, a ceci de commun avec les autres désirs que pour durer il demande
à être incomplètement satisfait. Or ce désir est traîtreusement combattu par ceux
mêmes qui assument la charge de l'entretenir. Ils y pourvoient du moins à si peu
de frais que l'intelligence se forme aux solutions criardes. En dehors du surréalisme
j'ai toujours trop bien compris les ouvrages des hommes, pour si peu les ouvrages
de Dieu.
...Plutôt que de m'en faire comprendre, n'est-il rien que je puisse leur apprendre,
oui leur faire apprendre par coeur ? La belle expression ! C'est qu'ici réapparaît l'orgueil
mais le juste orgueil, celui qui ne peut triompher que de l'innocence. Il se fait jour
à travers ces lignes d'Antonin Artaud, de Robert Desnos. Il n'est pas comparable
à la vanité qu'on tire d'un raisonnement impeccable ou de quelque autre bon tour
joué.
Mais, derrière l'amorahté du style, de ce style qui continuera longtemps à avoir
cours, nous dénoncions l'amoralité de l'homme et nous entendions faire justice de
la suffisance incroyable qui s'étale dans la plupart de ses livres et de ses discours.
Le mystère est à sa porte, angoissant au possible, cependant qu'il vaque à des affaires
dérisoires, qu'il sacrifie "à l'immédiat son intérêt lointain. C'est le parfait mannequin
de Giorgio de Chirico, descendant l'escalier de la Bourse. Partout nous nous trouvons
aux prises avec lui. Nous nous en prendrons éternellement à son égoïsme amer.
Restent à définir les conditions de la lutte, puisque tant est que la jeunesse ei;
le risque de désoeuvrement absolu que nous courions nous l'ont fait engager. Nous
sommes quelques-uns à pouvoir mesurer déjà le terrain conquis, le terrain perdu.
Qu on le veuille ou non, notre volonté a été sentie. Peu importent les réserves de détail
auxquelles je veux bien que parmi nous prête toute personnalité. Il n'en est pas
moins vrai que d'un commun accord nous avons résolu une fois pour toutes d'en
finir avec l'ancien régime de l'esprit. C'est là, comme on a bien voulu, d'ailleurs, le
constater, une entreprise si hardie, qui nécessite si éperduement la confiance de tous
ceux qui s y donnent que, pour que jamais elle puisse être menée à bien, il nous
POURQUOI JE PRENDS LA DIRECTION DE LA RÉVOLUTION SURRÉALISTE 3
faut éviter dès maintenant la moindre erreur de tactique : ceci pour l'extérieur.
A l'intérieur il conviendrait de ne pas laisser s'accentuer quelques divergences de
vues, assez artificielles en somme, mais de nature un jour ou l'autre à nous paralyser.
On aimera peut-être savoir en quoi ont consisté jusqu'ici ces divergences et sur quelle
entente nouvelle je puis bien baser la présente déclaration.
Le problème de 1 objectivation des idées qui domine le débat qui nous occupe
est, naturellement, celui qui parmi nous a donné lieu aux plus âpres controverses.
A notre époque, les idées nouvelles ne rencontrent pas obligatoirement l'hostilité
générale et c'est ainsi qu'autour de nous nous avons vu le surréalisme bénéficier d'un
assez large crédit, tant à l'étranger qu'en France. On veut bien attendre quelque
chose de nous. Si les mots de« Révolution surréaliste» laissent le plus grand nombre
sceptique, du moins ne nous dénie-t-on pas une certaine ardeur et le sens de quelques
possibles ravages. A nous de ne pas mésuser d'un tel pouvoir. Mais le surréalisme
est-il une force d'opposition absolue ou un ensemble de propositions purement théo-
riques, ou un système reposant sur la confusion de tous les plans, ou la première
pierre d'un nouvel édifice social? Selon la réponse que lui paraît appeler semblable
question, chacun s'efforcera de faire rendre au surréalisme tout ce qu'il peut : la
contradiction n'est pas pour nous effrayer. On s'est sans doute un peu hâté de décréter
que toute licence devait être donnée à la spontanéité, ou qu'il fallait se laisser aller
à la grâce des événements, ou qu on n avait chance d'intimider le monde qu'à coups
de sommations brutales. Chacune de ces conceptions, primant tour à tour, a eu pour
effet de nous dérober le bien fondé originel de la cause surréaliste et de nous inspirer
d'elle un regrettable détachement.
Je fais à nouveau appel à la conviction qu'ici nous partageons tous, à savoir
que nous vivons en plein coeur de la société moderne sur un compromis si grave qu'il
justifie de notre part toutes les outrances. Que la beauté, la vérité, la justice inclinent
leurs fronts fantomatiques et charmants sur nos tombeaux, nous sommes sûrs de
ressusciter toujours. Nous n avons pas trop de toutes nos mains agrippées à une corde
de feu le long de la montagne noire. Qui parle de disposer de nous, de nous faire
contribuer à l'abominable confort terrestre ? Nous voulons, nous aurons « l'au-delà >'
de nos jours. Il suffit pour cela que nous n'écoutions que notre impatience et que
nous demeurions, sans aucune réticence, aux ordres du merveilleux. Quels que soient
les moyens auxquels nous jugerons bon de recourir, à quelque apparence fuyarde
que la vie momentanément nous condamne, il est impossible dans notre foi en son
aptitude vertigineuse et sans fin que nous puissions jamais démériter de l'esprit.
Qu'il soit bien entendu cependant que nous ne voulons prendre aucune part active
à l'attentat que perpétuent les hommes contre l'homme. Que nous n'avons aucun
préjugé civique. Que, dans 1 état actuel de la société en Europe, nous demeurons acquis
au principe de toute action révolutionnaire, quand bien même elle prendrait pour
point de départ une lutte de classes, et pourvu seulement qu'elle mène assez loin.
Dût l'ampleur du mouvement surréaliste en souffrir, il me paraît de rigueur de
n'ouvrir les colonnes de ceite revue qu'à des hommes qui ne soient pas à la recherche
d'un alibi littéraire. Sans y mettre aucun ostracisme je tiens en outre à éviter par-
dessus tout la répétition de menus actes de sabotage comme il s en est déjà produits
dans le sein de notre organisation. Au ciel, nous ne sommes pas à une étoile près.
Ne demeurerions-nous sur un îlot presque perdu que quelques âmes en voie de se
délivrer et sûres, mais vraiment sûres de la délivrance, que ce serait assez pour qu'in-
définiment les beaux navires fassent naufrage.
ANDRÉ BRETON
POEMES
LA CA RM EUE DU PRINTEMPS
A Jacques Decourt
Avril renaît Voici ses rubans cl ses flammes
Ses mille petits cris ses gentils pépiements
Ses bigoudis ses fleurs ses hommes et ses
femmes
Je lui fais de ses couleurs tous mes compli-
ments
Les assassins s'enfuyaient dans la perspec- Un homme aux yeux légers décrit le ciel
tive des courants d'air d'amour.
La victime, pendait à la grille comme un Il en rassemble les merveilles
bifteck Comme des feuilles dans un bois.
Une chaleur à claquer Comme des oiseaux dans leurs ailes
Aussi faut voir si les casernes en enten- Et des hommes dans le sommeil.
daient de drôles
L'alcool coulait « flot par les tabatières des
toits ANDRÉ MASSON
Le métropolitain, sortit de terre afin de
respirer La cruauté se noue et la douceur agile
Quand tout à coup il apparut, se dénoue. L'aimant des ailes prend des
Au détour de la nie visages bien clos, les flammes de la terre
Un petit âne qui traînait une voiture s'évadent par les seins et le jasmin des
Décorée pour la bataille des fleurs mains s'ouvre sur une étoile.
Premier prix pour toute la ville Le ciel tout engourdi, le ciel cjui se dévoue
Et les villes voisines n'est plus sur nous. L'oubli, mieux que
le soir, l'efface. Privée de sang et de reflets,
FALPARSI la cadence des tempes et des colonnes
subsiste.
A Marcel No 11 Les lignes de la main, autant de branches
La nature éternelle dans le vent tourbillonnant. Rampe des
Me réchauffe en ses seins mois d'hiver, jour pâle d'insomnie, mais
L'heure et ma ritournelle aussi, dans les chambres les plus secrètes
Sont mes deux médecins de l'ombre, la guirlande d'un, corps autour
de sa splendeur.
Dansez dansez danseuse PAUL ELUARD
Voici le temps d'aimer
D'aimer sous les yeuses
Comme cm bord de la nier
La chaleur enivrante
Me monte jusqu'aux yeux
Mon âme fulgurante
S'élève jusqu'aux deux
Loris ARAGON
GEORGES BRAQUE
Un oiseau s'envole.
Il rejette les nues comme un voile inutile,
Il n'a jamais craint la lumière,
Enfermé dans son- vol,
Il n'a jamais eu d'ombre.
Coquilles des moissons brisées par le soleil.
Toutes les feuilles dans les bois disent oui,
Elles ne savent dire que oui,
Toute question, toute réponse 2 ENFANTS SONT MENACÉS
Et la rosée coule au fond de ce oui. PAR UN ROSSIGNOL
Mat lirnxl
RÊVES
Max Morise :
Le train approche du terminus. Il s'engage
dans un long et étroit couloir dont le parquet est
Les personnes qui sont attablées avec moi méticuleusement ciré et dont les hautes parois
sont celles qui habitent ordinairement la propriété sont faites d'un beau bois jaune et brillant.
rurale de mon oncle L... Nous mangeons une Bientôt, sur la droite, la voie surplombe une ville,
excellente omelette préparée par mon frère A... tandis que sur la gauche s'ouvre une série de
Entre un curé, un curé de campagne dont la vastes stalles construites dans le même goût que
noirceur me cause un insupportable malaise. le couloir, séparées les unes des autres seulement
Nous apprenons la mort de quelqu'un. Naturel- par une cloison et comme tapissées du haut en
lement, tous les convives se lèvent aussitôt de bas de rayons de bibliothèque chargés d'un
table et passent dans la pièce voisine pour nombre incalculable de volumes. A chaque sts.lle,
manger une autre omelette plus cuite. J'en profite le train fait halte et tous les voyageurs descendent
pour me régaler subrepticement de ce qui reste pour chercher un livre, un seul qu'ils ne trouvent
de l'omelette défendue, tout en me réjouissant d'ailleurs pas. Cette opération doit être de la
à la pensée que je pourrai encore manger ma part première importance à en juger par l'activité
cle la seconde omelette que l'on m'aura certaine- fébrile que déploient mes compagnons de route..
ment gardée. Malheureusement, lorsque je me Je me mets moi-même à chercher, sans trop savoir
présente à table, je m'aperçois qu'on ne m'a d'ailleurs ce qu'il faut trouver.
réservé qu'une part minuscule, ce dont je me
console aisément car cette omelette est vraiment A l'un de ces arrêts, je suis amené à entrer
beaucoup trop cuite... dans les W.C. où je trouve quelques paquets
enveloppés dans de la cellophane et apparemment
La voiture dans laquelle je me promène en dénués d'intérêt. Toutefois je consulte les per-
compagnie de S... nous conduit vers la patinoire, sonnes présentes avant de les jeter et bien m'en
sorte d'enceinte ovale ressemblant à la fois à un prend car S... me fait remarquer que ces paquets
vélodrome cl: à des fortifications à la Vauban. contiennent des dessins. Et en effet j'ai la stupé-
En chemin, nous croisons des groupes de pati- faction de découvrir une grande variété de des-
neurs et de patineuses qui disputent des courses ; sins exécutés par moi à différentes ép'oques de
il y a des coureurs de vitesse qui avancent à ma vie, ainsi qu'un livre dédicacé de Paul Eluard,
rapides foulées, des coureurs de fond qui pédalent toutes choses que j'avais perdues quelques jours
sur des bicyclettes à patins. Nous arrivons à auparavant. Je ne peux d'ailleurs absolument pas
la patinoire juste pour assister à l'arrivée d'une arriver à me mettre dans la tête le titre du livre,
épreuve. Trois concurrents débouchent presque en tous points semblable à une grammaire d'en-
ensemble du dernier virage. Ils sont montés sur fant, que je m'obstine à appeler « Immortelle
de curieux véhicules construits tout en hauteur maladie » malgré les semonces d'Eluard.
et s'actionnant: au moyen d'une poignée à laquelle
on imprime un mouvement de va-et-vient arrière- Une fois descendu du train, je m'aperçois que
avant. Le but est: marqué par un pont de maçon- mes compagnons de voyage ne sont autres que
nerie que doit franchir le vainqueur. Or à peine mes anciens compagnons de régiment, et qu'en
celui-ci s'y est-il engagé que le pont s'écroule à somme nous ne sommes venus jusque-là que pour
grand fracas soulevant" un énorme nuage de faire l'exercice. Nous prenons donc nos fusils,
poussière. Quand le nuage s'est dissipé nous pou- avec le vague espoir de trouver ce que nous cher-
vons voir que les deux concurrents vaincus se chions tout à l'heure. S... est toujours avec moi,
sont arrêtés juste à temps pour éviter la chute mais chaque fois que les nécessités militaires
dans l'abîme qui s'ouvre à leurs pieds. passent au premier plan, par exemple dans les
Cet accident a eu, entre autres fâcheuses consé- rassemblements, elle est; remplacée à nies côtés
quences, celle cle couper par le milieu l'intermi- par René Crcvel, dont la personne s'efface à son
nable train de marchandises qui doit nous per- tour dès qu'on est mis au repos. Alors apparaît
mettre de continuer notre chemin. On finit par le lieutenant Flori, du 104e régiment d'infanterie,
décider cependant de se mettre en route, mais, un Corse à la cervelle exigu ë, sous les ordres
par précaution, on recommande aux vovageurs de quoi j'ai fait mon service militaire et à quoi
cle s'appuyer de la main à la haie qui borde le je n'ai jamais pu penser depuis sans nausées.
chemin de fer ou aux trucks chargés de pierres Dès ce moment, je sens que rien ne va plus, que
et de charbon garés sur les voies contiguës, ce je n'arriverai pas à tirer de mon fusil le parti
qui fait fort mal aux paumes et aux doigts. que j'en espérais et le rêve se termine au summum
de mon indignation.
REVES
jamais achetée : elle est donnée au boucher vers midi, pour d'autres que leur coeur monte à
comme prime. leurs lèvres
Les enfants mis en vente savent qu'ils vont Malaise des échelles, cercles des parricides,
être mangés membre par membre et l'explorateur préméditation des crimes, aviation de chamrjre,
m'a dit que ces petits souriaient en montrant noyades. Elle élève une main et porte jusqu'à
leurs dents, ô sagesse, ô destinée, ô commerce. son front le poids du sang et la simplicité des
Je songe à ce sourire de celui qui sera mangé, corolles.
* OBSERVATION PRÉSENTÉE PAR M. PHI- connue nous avons écrit. André Breton et moi-
même Les Champs magnétiques.
LIPPE SOUPAUI.T (AUTEUR EN COLLABORATION
2° Celui de Pierre Souvesire et. de Marcel Allain,
AVEC M. ANDRÉ BRETON DES « CHAMPS MAGNÉ- les auteurs de Fantômas, qui, de l'aven du dernier
TIQUES. ») nommé, écrivirent les quelque vingt volumes de
leur épopée en dictant 14 [quatorze) heures par jour.
Il semble que, jusqu'à présent, Vaspect- du sur- Je mets an défi n'importe quel écrivain d'écrire et
réalisme que l'on a surtout— je iiose dire presque à plus forte raison de dicter quatorze heures succes-
itniqiicmenl—étudié est Vaspectverbal si l'on peut sivement et pendant plusieurs jours sans obéir à
ainsi s'exprimer. un automatisme absolu.
Des observations que j'ai recueillies on peut Uexemple qu'à mon tour je propose sous le litre
déduire que sous certaines iujlueiiees !'imagination de L'Explorateur au long nez. est Une preuve d'un
des faits peut aussi dicter certains récits qui. quoique récit, d'une anecdote imaginée. Je ne suis jamais
moins colorés, moins chatoyants, présentent des allé en Afrique et personne ne m'a raconté celte-
caractères et offrent des symptômes 1res nets. histoire. Elle a été écrite en sept minutes environ
D'autre part, des exemples sont à citer: avant de partir pour Vexposition des Arts déco-
]° Celui de Raymond- Roussel. J'ai eu l'honneur ratifs où je devais pour la deuxième fois en 48 heures
et le plaisir d'entretenir l'auteur d'Impressions parcourir l'itinéraire du Gravity-Railway.
d'Afrique pendant une répétition de L'Etoile au Je nie permets, pour terminer, de demander à
front. Je ne crois pas être téméraire en déclarant quelques écrivains d'adresser à La Révolution
que Raymond Roussel écrit ses <c anecdotes » Surréaliste des exemples de récits qu'ils pourraient
{c'est- ainsi qu'il nomme les successions de faits) écrire.
TEXTES SURREALISTES
Georges Malkine :
Pierre /<»(/
Roi-paroi et désarroi obsèdent les pans-coupés.
Marcel Noll :
L'unique reflet que j'aie ne se peut comparer
ni opposer à une motion, et ce n'est pas humai-
Je faisais, cette nuit là, les cent pas dans nement que je t'en parlerai. Comme l'opium
l'intérieur de ce mécanisme d'horlogerie, en éloigne, il éloigne exactementautant de lui-même.
aspirant longuement cette fumée du temps, ou Enfin. On imaginerait volontiers que la prime
de l'espoir, cette eau dont les ailes se fanent est offerte à tout acheteur. Quand la terre passe
au petit matin. A l'effet de ne pas m'ennuyer entre la lune et la lune, ils disent: la lune est
outre mesure, j'avais pris soin d'effacer avant cachée, la lune est invisible. Voilà ce qu'ils sont.
d'entrer toutes les inscriptions par trop gênantes C'est pour des raisons de cette catégorie que je
du cadran, en commençant par la provenance, peux dire, entre autres: j'ai fait l'amour à
pour finir par les chiffres en passant par l'aiguille Maggic Chambcrs (86, avenue Victor-Hugo,
des heures. Le cadran était donc réduit à n'an- XVIe), dans le kiosque vide de l'avenue Mac-
noncer que les minutes, les secondes. J'arrivais Mahon. Le temps de la nuit confond les horloges.
même, peu à peu, à me défaire du joug de celles-ci ; La fameuse entente secrète entre les horloges
joug en somme supportable, mais qui me gênait est une dérision.
dans l'exercice de mes fonctions. Après avoir cheminé sans chemin parmi les
Je m'endormais donc, et voici comment je archanges et les arkhançclles, dans une solitude
sortis cle cette maison hantée clans laquelle telle qu'elle est une absence, elle demeura sur
je me vis aussitôt emprisonné. Un personnage l'un des derniers arbres. D'où je suis, je la vois
tenant à la fois du diable et de l'amant déchu, distinctivement. Ainsi, par l'ombre de cet arbre,
se présentait devant moi en se disant ancien elle va déterminer l'endroit où sera la rencontre.
professeur de rhétorique. Il se faisait fort d'ac- Les véritables rencontres n'ont lieu que dans
complir tous mes désirs d'un jour au moyen l'ombre, et l'ombre des arbres les provoque.
de sa baguette cle prestidigitation. « Bien, Pour les goûts personnels, il eût mieux valu
lui dis-je, une fois n'est pas coutume ; je vous que cela se passât dans la baie vitrée. Or, non.
suis, Monsieur, mais permettez, l'ombre de Et moi, j'ose si bien comprendre pourquoi,
vous-même ne serait-elle qu'une vulgaire imi- lorsque je pense qu'il s'agira de la rencontre de
tation ? » « Certes, non, vous, le curieux, mais l'homme et de la poupée. De plus, un vent de
quoique je sois dans l'impossibilité de vous le sirènes préside à tout. Le hameau proche, dans
TEXTES SURREALISTES
les maisons duquel on prévient les visites, ne l'occasion d'une chose. Du coeur de l'ange partait
sera pas prévenu. un fil imperceptible. Au bout du fil est un brin
Quant à la ville, elle reste à sa place. A peine de neige.
ville. Aussi bien, qu'est-ce qu'une ville ? 11 y a Enfin se disloque le tonnerre qui peut-être le
des années. débarrassera de sa nature adventive. Jusqu'à
Dans cette ville est un music-hall, et dans le présent seule sa main droite émerge.
music-hall un spectateur qui le fait exprès, et Il promène lentement sa main gauche sur le
sa mante est taillée dans une vague africaine de ciel, et les nuages disparaissent. Ensuite il s'al-
la plus belle eau. A la sortie, les danseuses l'atten- longea sur la terre et mit son oreille contre le
daient et lui dirent : « Monsieur, comme je suis méridien. Ce méridien traversait aussi le ciel,
heureuse de vous avoir admiré. Quel talent est où les quatre amiraux étrangers marchaient au
le vôtre. Voulez-vous me permettre ? » Les dan- son de l'orgue vers une habitation sur le toit de
seuses boivent les paroles qu'il pense, elles laquelle était l'autre l'une.
écoutent ce qui monte dans leur dos, elles man- Le premier amiral disait : C'est un gala des plus
gent sa bouche et la lui donnent pour la vie. importants.
Il faut que tout soit terminé avant l'aube. Il ne Le deuxième amiral disait: L'Orient du
sera rien dit de l'aube. On peut dire que tout marbre.
cela n'est qu'un rêve, bien entendu. Le troisième amiral disait ; Que de mondes.
Un soir. Ils marchaient dans les empreintes l'un de
Quelque part. l'autre. Leurs doigts deviennent transparents.
Quelqu'un. — Nous allons plus vite que l'habitation, dit
Au rendez-vous, l'homme y est déjà. Il entend celui qui avait une belle tête d'amiral.
qu'il dit : « Il faut que je regarde les objets pour Le deuxième répond : — Ah oui, c'est une
qu'ils soient immobiles. Fermé-je les yeux, et petite veuve élastique qui vient tous les jours.
dès lors cette pierre fait des culbutes: Elle les Sa signification ne change que lorsqu'apparaît
fait même avec bruit. D'ailleurs, le plus remar- la dent d'or. Elle ne boit jamais, mais elle vient
quable est que la fin cle la dernière culbute coïn- à ma table. Bonjour, la Mort, lui dis-je textuelle-
cide parfaitement avec l'instant que j'ouvre les ment.
yeux à nouveau. Comment serais-je avec moi ? »
11 tord sa bouche de chaleur avec ses mains,
Ils sonnèrent. —-
C'est bien ici, demanda l'un
d'eux, que nous allons voir la femme du monde ? Paul Eluard :
Il ne leur fut point répondu. Le diamant qu'il ne t'a pas donné, c'est parce
Une pancarte attira l'attention : Défense. qu'il l'a eu à la fin de sa vie, il n'en connaissait
Et tous trois s'écrièrent en même temps : plus la musique, il ne pouvait plus le lancer en
— Pourquoi me regardez-vous ? je vous prie de l'air, il avait perdu l'illusion du soleil, il ne
n'en rien faire. voyait plus la pierre de ta nudité, chaton de cette
Sur le chemin ils virent le mausolée du bague tournée vers toi.
quatrième amiral. Son nom brillait comme un De l'arabesque qui fermait les lieux d'ivresse,
miracle : Phillips Argenta. la ronce douce, squelette de ton pouce et tous ces
Les quatre escadres étrangères appareillèrent. signes précurseurs de l'incendie animal qui dévo-
Lorsqu'elles contournèrent le Maëlstrom, le haut- rera en un clin de retour de flamme ta grâce de
parleur fit entendre la voix du premier amiral : la Sainte-Claire.
— Le croiseur Amiral tournera sans cesse vers Dans les lieux d'ivresse, la bourrasque de pal-
la gauche, autour du Maëlstrom, dans le sens mes et de vin noir fait rage. Les figures dentelées
des autodromes. du jugement d'hier conservent aux journées leurs
Il y a l'instant de l'équilibre dans une chaise, heures entr'ouvertes. Es-tu sûre, héroïne aux
dans une prison. sens de phare, d'avoir vaincu la miséricorde et
La lune se déroule en forme de femme du l'ombre, ces deux soeurs lavandières, prenons-les
monde et regagne l'habitation à travers la che- à la gorge, elles ne sont pas jolies et pour ce que
minée. nous vouloris en faire, le monde se détachera bien
Les amiraux sont partis, mais ils ont laissé ce assez vite cle leur crinière peignant l'encens sur
qu'elle voulait et elle s'en caresse. le bord des fontaines.
Puis elle se déroule en forme de poulpe, et
regagne l'océan.
Le Maëlstrom est entouré par une terrasse en Sans la menace rouge d'une épée, défaisant sa
béton armé, large de 13 mètres et haute de chevelure qui guide des baisers, qui montre à
I.500 mètres, de façon que les plus grandes quel'endroit le baiser se repose, elle rit. L'ennui,
vagues, qui ne mesurent que 1.400 mètres, ne la sur son épaule, s'est endormi. L'ennui ne s'en-
puissent atteindre. nuie qu'avec elle qui rit, la téméraire, et d'un
Trois constructions marquent les tiers de cette rire insensé, d'un rire cle fin du jour semant sous
circonférence. La machinerie du tourbillon, le tous les ponts des soleils rouges, des lunes bleues,
bar et la maison de jà concierge. La concierge fleurs fanées d'un bouquet désenchanté. Elle est
est la mort. Elle est dans l'escalier. comme une grande voiture de blé et ses mains
L'homme se releva. germent et nous tirent la langue. Les routes qu'elle
traîne derrière elle sont ses animaux domes-
— Je suis grandi par l'épouvante, dit-il. tiques et ses pas majestueux leur ferment les
Il me faudrait un couloir très haut, et qui
descendît d'une seule traite. Or, je sais que je yeux.
dois voir ici la poupée, et j'ai décidé de- nous
satisfaire. Est-ce que cela se voit ? Comme
je suis favorable, ce soir. On m'attend au coin Grandes conspiratrices, routes sans destinée,
de la rue, au n° 12, et tendre. Un rire qu'elle croisant l'x de mes pas hésitants, nattes gonflées
jette par les fenêtres quand elle dit qu'elle ne sait de pierres ou de neige, puits légers dans l'espace,
pas si elle ne se sent pas bien. Quand elle se rayons de la roue des voyages, routes de brises et
déshabille, la mer danse du ventre derrière d'orages, routes viriles dans les champs humides,
l'écluse et pourrit lentement ce beau tableau. routes féminines clans les villes, ficelles d'une
Elle boit certainement plus que la raison, mais le toupie folle, l'homme, à vous fréquenter, perd
premier venu peut aussi la boire à vau-l'eau son chemin et cette vertu qui le condamne aux
qu'à cela ne tienne ou s'en aille. Aussitôt, elle buts. Il dénoue sa présence, il abdique son image
devine son nom et le dit. et rêve que les étoiles vont se guider sur lui.
Il se déshabilla par amour.
— L'amour est plus fort qu'elle, cria-t-il.
Davantage, il se dressa. Un effort prolongé lui Comment ne pas penser à l'amour quand (
permit de se hausser de quelques toises au-dessus regarde une coutellerie ?
du sol. Ses membres, se raidissant, prirent l'ap- CLARA WALLIN
parence de'la vie. Il montait, et fut bientôt en
face de la lune. Il l'immobilisa par le pouce et L'amour, c'est la contradiction qu: appa
l'index alphabétiques, et lui demanda : dans le réel.
— Autant t'en emporte le vent ? Louis ARAGON
LES PARASITES VOYAGENT
Voilà comment cela s'est passé : pas de l'amour (1)! Lui, surtout, éclairait (2)
« J'avais reçu un ferreux (i) sur le rond
(2) et je ne savais pas comment faire pour qu'il
et je glissais dans le blanc (3), lorsque je sentis parmint (3).
qu'on me serrait les tiges (4) -« J'eus un coup (4)— et il fallait que je fusse
(5) mais j'étais vraiment troue (5) pour n'avoir pas pensé à
« Je pensais : « Ça devient sec !» cela plus tôt. Je me mis à faire des fleurs (6)
trop loin pour m'exprimer (6). Quand il y eut et après quelques grosses tulipes (7) le rond de
de l'air (7) je me trouvais avec les voletants (8) l'éclai apparut hors de mon piston (8). Et il
à au moins quinze pipes (9) au-dessus des chantait, il chantait, c'était pire que la Chenal.
crottes (10); mais tu sais, je n'ai jamais aimé
jouer avec la fumée (n ) ; je ne souhaitais qu'une « Je tirais sur le rond de l'éclai, et après
chose : me retrouver sur les crottes. Je me dis : une dizaine de râles (9) d'efforts, je réussis à
me-débarrasser cle l'éclai. Libre, il n'eut rien
« Ce n'est: pas sourd (12), je n'ai qu'à me couler de plus pressé que de jouer la sève (10). Quant
« le long des poussants (13). » Mais de le dire, à moi, j'étais clans les bois flottants (11) et ce-
était autre chose que de le faire. Lorsque je voulus
pendant je prends le vieux (12) à rémoin que je
essayer, je vis que les poussants et moi ça ne n'avais rien dans la blague (13) depuis deux
faisait qu'un. Ce n'est pas drôle de se savoir tout
d'un coup un employé du noir (14) étant donné sets (14). J'avais des tiges d'air (15), sans cloute
surtout qu'il n'y avait pas de raison pour que parce que je n'avais rien saqué (16) depuis long-
'cela se terminât. J'essayais encore une fois cle temps, et au bout cle dix pipes, je fondis (17)
quitter le poussant, mais c'était du vent (15) ! et ne tardai pas à me balancer (iS). Je retour-
nai à l'air (19) en sentant des fraises (20) me
« J'étais poussant et bien poussant.
Je sentais tomber sur le rond.
le cogneur (16) qui s'affolait dans ma valise (17). « — Bon Dieu, voilà la décharge (21)!
Je croyais que j'en étais à la dernière ligne de « Cette claque (22) eut un effet magique, et
mon chapitre (18), je me mordais (19): un le brûleur (23) reparut. 11 pouvait être salé (24)
bavard (20) se posa sur mon occ (21), roula sur et, comme nous étions en été, le brûleur aurait
mon cornu (22), de là sur ma valise, descendit dû se trouver au-dessus cle moi. 11 était: à ma
sur mon perçut (23) et me brûla, une tige. gauche et il se rapprochait cle moi à toute
« Je gueulais comme une sirène, sans me vitesse. Cinq ou six râles plus tard, il était entre
rendre compte que, depuis que ma tige était mes jambes et mon radis (25) était prêt.
brûlée, je n'étais plus fixé au poussant. Je fis un « Ah ! Quelle douceur mon pope (26) ! C'était
bol (24) et tombai sur un éclai (25) qui, au lieu comme une mince (27) nouvelle et tout min-
d'être écrasé, s'enfonça clans ma valise. Ce n'était Çail (28) en moi. Jamais je n'aurais douille (29)
cela. Et je t'assure, que maintenant, c'est bien fini en pleine misère (1). Il me fit un petit signe
avec les culottes (i). Tu ne sais pas ! tu ne du plat (2) et me cria :
sais JXIS ! « — Hé ! Lohengrin ! Avance au rallie-
« Après cela, le brûleur disparut dans un ment !
poussant. « — Ta gueule, lui répondis-je, et je l'accom-
« Je sentais que j'étais galle (2) mince, et modai de mon mieux (3).
je minçais seul, pendant des pailles (3) et des « — Je suis le général Pau, entends-tu. Tu
pailles. Je partis \ ers le brûleur qui était retourné seras fusillé. Mauvais Français, traître !
à sa place dans le chapeau (4), mais au bout <' — Ta gueule, tu fais pousser le caca.
cle quelques râles, je sentis que je ne pourrais y « — Injures à un officier... Ah ! mon gaillard,
arriver, je retombais sur les crottes et m'y en- c'est le conseil de guerre et les travaux publics !
fonçai tout entier, mais c'était clial (5) et cela Ah, mon gaillard !
challai (6) de plus en plus. « J'accourus vers lui et lui pointai (4) sur les
« A la tin, je revins à la surface des crottes, tiges. 11 glissa dans le blanc, galla cygne, et
mais je m'aperçus (pie j'étais galle cygne, sur moi gros doré. C'était mon tour : je le saisis par
\\n porte-feuilles (7) cl j'avais les boucles (8) le tuyau (5) et crac ! il était, noir (0)...
au vent. Sur les crottes, était un gros doré (9) u Je changeai de lueur (7) et crossai (8)
longtemps : cinq pailles au moins. Je venais de Tu vois quelle descente (1) j'aurais eu sur les boule-
traverser une pousserie (l) et je longeais une vards avec un rond semblable : les roubes (2) m'au-
mouille (2) lorsque d'un vieux poussant, noir raient enchiné (3), ils auraient dit que j'étais
depuis des pattes (3), sortit l'éclai dont j'avais tur.
eu tant de peine à me débarrasser. Il se leva « Donc j'étais bien toûtu. C'est alors que j'eus
droit sur ses tiges arrière et me dit : le coup de me décaler (4). Pour un coup c'était
« — J'ai connu une
petite Japonaise qui por- un coup et je m'en félicitai aussitôt. J'étais à
« tait des griffes au bout des
seins. Cette Japo- peine décalé que je me trouvais au volant d'un
« naise était une petite vicieuse.
Elle avait une taxi arrêté sur La Toile (5). Je n'y pilais plus
« cage pleine d'oiseaux,
dans laquelle se trou- rien et je roussais (6) autour de moi comme
« vaient deux boules creuses
d'égale grosseur si j'étais tur. Les sipes (7) me roussaient et
« composées d'une feuille extrêmement
mince paraissaient se demander ce que je faisais là et
« de laiton. L'une était aboslument vide et
dans pourquoi j'avais l'air aussi tur. Finalement j'en
« l'autre se trouvait une boule
pleine moins pris mon parti. J'embrayai et démarrai à toute
« grosse de quelques
centimètres. La petite Ja- allure, dans la direction de la Porte Maillot. Je
« ponaise appelait cette dernière le mâle. Quand
n'avais pas fait cent pipes que je m'aperçus que
« elle tenait dans sa main les deux boules l'une la route était barrée.
« à côté cle l'autre, elle éprouvait une sorte « Un troupeau de pules (8) s'avançait sor-
« de frémissement qui durait longtemps et se tant d'une coque (9) située sur la droite de l'ave-
« renouvelait au moindre mouvement. nue de la Grande-Armée, traversait cette avenue
« Ce petit frémissement, cette secousse
légère au grand galop, rentrait dans une coque de l'autre
« mais longtemps continuée, faisait ses
délices. côté, ressortait par une large (10) du premier
« Elle introduisait d'abord la boule vide dans
étage et, montant sur le dos cle leurs popes (il),
« son vagin et la mettait en contact avec le col
qui arrivaient en sens inverse, retournait dans la
« cle la matrice, puis elle introduisait
l'autre coque du côté droit de l'avenue, pénétrait par
« boule. Alors, le plus
léger mouvement des une large du premier étage, en ressortait par une
« cuisses, du bassin, ou même la plus
légère large du deuxième, de nouveau traversait l'avenue
« érection des parties internes de la génération sur le dos de leurs popes, pénétrait dans la coque
« déterminaient une titillation voluptueuse qui du côté gauche cle l'avenue et ainsi cle suite, en
« se prolongeait à volonté. sorte que l'avenue était complètement barrée.
« Eh bien, le croiriez-vous,
je ne pouvais la « J'étais ponné (12) : Comment faire [jour
« voir faire cela sans me sentir un
irrésistible continuer mon chemin ? Il ne fallait pas songer
« désir de dévorer un canari.
à passer par-dessus ce troupeau de pules, ils
« Bonjour, Monsieur. »
étaient trop nombreux et formaient une muraille
« Et il partit, me laissant une énorme boussole
infranchissable. J'eus un coup héroïque — ou de
sur le rond. » génie, comme tu voudras. Je reculai d'une cen-
n Qu'est-ce que cela signifie ?
pensai-je. Sûre- taine de pipes, je démarrai en troisième, puis
mert cet éciai ::st tur (4) et j'allai grouter (5) poussant la pédale cle l'accélérateur, je donnai
lorsque du haut d'un poussant un veux-tu (6) tous les gaz et arrivai sur l'obstacle cle toute la
fondit de poussette (7) en poussette et vint se vitesse de mes douze pules.
placer sur le nord de ma boussole. L'aiguille « Je passai à travers sans accident. Quand je
aimantée qui était dirigée sur le pays cle chai (8) dis sans accident, je parle poyr l'escalope (13),
se détourna brusquement et resta caque (9) sur car je tuai deux pules, et j'avais à peine franchi
le nord. la muraille, qu'une détonation effroyable reten-
« Fadré (10), fis-je en moi-même, qu'est-ce qui tissait, faisant trembler les crottes et secouant
se passe ? les coques comme des châteaux de cartes.
« Ce n'était cependant pas sourd à piler
(u) : « Je me retournai, il n'y avait plus un seul
mon rond était galle boussole, eu plutôt la bous- [mie. A leur place, se trouvait un étang rempli
sole et mon rond s'étaient si bien réunis qu'ils de mercure, mais le plus étrange, était que l'arc
ne faisaient plus qu'un. J'étais bien toûtu (12).
(1) Descente : allure.
(1) Pousserie : forêt, bois (2) Roubes : agents.
(2) Mouille : rivière. (3) Enchiner : arrêter.
(3) Pattes : années. (4) Décaler : déshabiller.
(4) Tur :'Iov. (5) La Toile : la place de l'Etoile,
(5) Crouler : S'en aller (fi)Pousser : regarder.
(fi) Veux-tu : oeil (7) Sipcs : gens.
(7) Poussette : branches (8) Paies : chevaux.
(8) Le. pays de ctial : le sud. (9) Coque : maison.
(9) Caque : immobile. (10) Large: fenêtre.
(10) Fadré : exclamation exprimant l'inquiétude. (11) l^opes : ami, camarade, congénère.
(11) Sourd à piler: difficile à comprendre. (12) Être ponné : être indécis.
(12) Toûtu : ennuyé, inquiet. (13) L'escalope : moi.
LES PARASITES VOYAGENT .5
de triomphe avait disparu. Au-dessus de son « Enfin, les vieux, coupés en deux, sont utilisés
emplacement, se trouvait le S. I. (l) tenant une pour prendre des bains par ceux qui n'ont pas
casserole à la main, dans laquelle il cillait (2) de baignoires. »
en disant : « Je suis le docteur Vorônoff, écou- « Après ces claques, il vida sa casscrolle pleine
« tez-moi bien ! » Et il se mit à raconter cette de cille (1) sur la tête d'un roube qui se trouvait
petite histoire que je trouve stupide : au-dessous de lui et clans lequel je reconnus le
« — Avec les têtes on peut faire de superbes général Joffre, le vainqueur de la Marne, comme
fourrures imitant le lophophore. on dit. (Et moi, donc ?) On ne peut pas dire que
« Mais, ce sont surtout les jardiniers qui les ce n'était pas drôle : Ah, ce qu'on fabaille (2)
emploient, non seulement comme réservoirs, quand on est en République.
mais pour la culture intensive. « Je repartis à toute vitesse. C'est alors que
« On peut, dans les louves, trouver cle quoi se je te rencontrai, dans la pousserie cle Boulogne,
fabriquer un mobilier rustique. craquant (3) avec une cidotte qui criait : « Oh !
« Le fond donne le fond, les fèves le dossier « les bons champignonsgnongnons ! »
et les pieds et la messe ainsi faite, a l'air d'un « — Et voilà ! Qu'est-ce que tu penses cle
meuble en bois courbé. cela ?
pas le vrai Il était deux heures cle l'après-midi. d'une faction réactionnaire. Toute armée, sortie
?
Le soleil s'entr'ouvrit et une pluie de boussoles des manuels tendancieux, Jeanne d'Arc vient
s'abattit sur la terre : de magnifiques boussoles combattre Jeanne d'Arc-en-ciel. Celle-ci, pure
cle nickel indiquant toutes le même nord... héroïne vouée à la guerre par sadisme, appelle
Le même nord où la mission Albert agonise à son secours les multiples Théroigne cle Méri-
maintenant parmi les cristaux. Des années plus court, les terroristes russes en robe fourreau de
tard, des pêcheurs des îles cle la Sonde recueillent satin noir, les criminelles passionnées. La pêcheuse
un tonneau, vestige de l'expédition, un tonneau de perles voit grandir les yeux des hommes qui
blanc de sel et odorant. L'un des pêcheurs sent ]'écoutent. Enivrée elle se prend à son propre
grandir en lui l'attrait Ou mystère. Il part pour jeu. Son amant dans une barque participe du
Paris. 11 entre au service d'un club spécial. même rêve.
La pluie de boussoles cesse peu à peu sur l'asile. Alors la pêcheuse tirant un revolver de son
En place d'arc-en-ciel surgit Jeanne d'Arc-cn- corsage, là où les faibles mettent des billets
ciel. Elie revient pour déjouer les manoeuvres d'amour : « Je t'adore, ô mon amant ! et voici
i8 LA BAIE DE LA FAIM
qu'aujourd'hui, jour choisi par moi seule à cette s'érigent. Les animeurs viendront y déposer des
minute précise, je t'offre la blessure béante de couronnes et une petite lampe Davis qui brûlera
mon sexe et celle sanglante de mon coeur ! » nuit et jour en mémoire du sexe poilu de la
Elle dit et pressant son arme sur son sein, la véritable aventurière.
voilà qui tombe tandis qu'une petite fumée bleue Corsaire Sanglot que j'avais oublié dans la
«'élève à la suite d'une détonation. coquette cellule, s'endort.
La salle se vide en silence. Sur une- femme Un ange d'ébène s'installe à son chevet, éteint
admirable un homme en frac recueille de sa l'électricité et ouvre la grammaire du rêve.
bouche encore un baiser sur la bouche. Jeanne Lacordaire parle :
d'Arc-en-ciel, le sein nu et chevauchant un cheval « De même qu'en 1789 la monarchie absolue
blanc sans selle, parcourt Paris. Et voici que les fut renversée, il faut en 1925 abattre la divinité
pétards de dynamite détruisent la stupide effigie absolue. Il y a quelque chose de plus fort que
en cuivre à casserole de la rue des Pyramides, Dieu. Il faut rédiger la Déclaration des droits de
celle de la place saint Augustin et l'église (une l'âme, il faut libérer l'esprit, non pas en le sou-
de moins 1) par surcroît. mettant à la matière mais en lui soumettant à
Jeanne d'Arc-en-ciel, triomphant enfin de la jamais la matière ! »
calomnie, est rendue à l'amour. La mission Albert Jeanne d'Arc-en-ciel, en marche depuis des
avec ses mâts surmontés d'un oriflamme est années, arrive devant le sphinx des glaces avec,
maintenant au centre d'une pyramide de glace. sous le bras, LE VOYAGE AU CENTRE DE
Un sphinx de glace surgit et complète le paysage. LA TERRE.
De la brûlante Egypte au pôle irrésistible un Elle demande à résoudre l'énigme.
courant miraculeux s'établit. Le sphinx des Enignu
glaces parle au sphinx des sables
Qu'est-ce qui monte plus haut que le soleil
Sphinx des glaces. — Qu'il surgisse le Bonaparte et descend plus bas que le feu, qui est plus
lyrique ! Du sommet de ma pyramide quarante liquide que le vent et plus dur que le granit ?
époques géologiques contemplent non pas une Sans réfléchir, Jeanne d'Arc-en ciel répond :
poignée cle conquérants, mais le monde. Les
bateaux à voiles ou à cheminées, jolis chameaux, Une bouteille.
voguèrent vers moi sans m'atleindre et je m'obs-
tine à contempler dans les quatre faces parfai- — Et pourquoi ? demande le sphinx.
tement polies du monument translucide la décom- — Parce que je le veux.
position prismatique des aurores boréales. — C'est bien, lui peux passer, CEdipe idée et
peau. Dieu à pied.
Sphinx des sables. — Et voici que les temps Elle passe. Un trappeur vient à elle, chargé
approchent ! On soupçonne déjà l'existence d'une cle peaux de loutres. 11 lui demande si elle con-
Egypte polaire avec ses pharaons portant au naît Mathilde, mais elle ne la connaît pas. 11
cimier cle leur casque non pas le scarabée des lui donne un pigeon-voyageur et tous deux
sables, mais l'esturgeon. Du fond cle la nuit cle poursuivent -des chemins contradictoires.
six mois, une lsis blonde surgit, érigée sur un Dans le laboratoire des idées célestes un pseudo-
Salomon de Caus met la dernière main aux
ours blanc. Les baleines luisantes détruiront épures du mouvement perpétuel. Son système
d'un coup de queue le berceau flottant des
Moïses esquimaux. Les colosses de Memnon basé sur le jeu des marées et sur celui du soleil
appellent les colosses cle Memoui. Les crocodiles occupe quarante-huit feuilles de papier canson.
A l'heure où ces lignes sont écrites l'inventeur
se transforment" en phoques. Avant peu les
révélations sacrées traceront de grands signes est fort occupé à couvrir la quarante-huitième
algébriques pour relier les étoiles entre elles. feuille de petits drapeaux triangulaires et d'étoiles
asymétriques. Le résultat ne se fera pas attendre.
Sphinx des glaces. — Maux pour le corps, Comme la onzième heure s'approche toute gré-
mots pour la pensée ! L'énigme polaire que je sillante du bouillon des alchimistes, un petit
propose aux aventureux n'est pas un remède. bruit se fait entendre à la fenêtre. Elle s'ouvre.
Chaque énigme a vingt solutions ! Les mots La nuit pénètre dans le laboratoire sous l'aspect
disent indifféremment le pour et le contre. Là d'une femme nue et pâle sous un large manteau
n'est pas encore la possibilité d'entrevoir l'ab- d'astrakan. Ses cheveux blonds et coupés font
solu. une lueur vaporeuse autour de son visage fin.
La pêcheuse de perles toute sanglante, et Elle pose la main sur le front de l'ingénieur et
n'ai-jc pas voulu la tuer, mais elle survit à cet celui-ci sent couler une mystérieuse fontaine
attentat moral. La toute sanglante pêcheuse voit sous la muraille de ses tempes tourmentées par
entrer dans la salle Jeanne d'Arc-en-ciel sa soeur. les migraines.
Sur les socles inutiles de la Jeanne de Lorraine Pour calmer ces migraines, il faudrait une
de gigantesques pieuvres de charbon de terre migration d'albatros et de faisans. Ils passeraient
LA BAIE DE LA FAIM 19
une heure durant sur le pays d'alentour puis avec ses hautes murailles dépassées par des arbres
s'abattraient dans la fontaine. calmes et maigres, ressemble au tombeau du roi
Mais la migration ne s'accomplit pas. La fon- Mausole. Et voici que les sept merveilles du monde
taine coule régulièrement. paraissent. Elles sont envoyées du fond des âges
La nuit s'en va abandonnant sur le lit individuel aux fous victimes de l'arbitraire humain.
un bouquet de nénuphars. Au matin le gardien Voici le colosse de Rhodes. L'Asile n'arrive
voit le bouquet. Il questionne le fou qui ne pas à ses che\ilies. Il se tient debout, au-dessus,
répond pas et, dès iors, aux bras de la camisole les jambes écartées. Le phare d'Alexandrie, en
de force, le malheureux ne sortira plus de sa redingote, se met à toutes les fenêtres. De grands
cellule. rayons rouges balayent la ville déserte, déserte
Au petit jour, Corsaire Sanglot a déjà quitté en dépit des tramways, de trois millions d'habi-
ces lieux dérisoires. tants et d'une police bien organisée. D'une
Jeanne d'Arc-en-ciel, la pêcheuse de perles, caserne la diane surgit sonore et cruelle, tandis
Louise Lame se retrouvent dans un salon. Par que le croissant allégorique de la lune achève
la fenêtre on voit la tour Eiffel s'ériger en gris sur de se dissoudre à ras de l'horizon.
un ciel de cendres. Sur un bureau d'acajou un Les jardins du Champ-de-Mars sont parcourus
presse-papier de bronze en forme de sphinx par un vieillard puissant, au front vaste, aux
voisine avec une boule de verre parfaitement yeux sévères. Il se dirige vers la pyramide ajourée
blanc. cle la tour. Il monte. Le gardien voit le vieillard
Que faire quand on est trois ? Se déshabiller. s'absorber dans une méditation profonde. Il le
Voici que la robe de la pêcheuse tombée d'un laisse seul. Le vieillard alors enjambe la balus-
coup la révèle en chemise. Une chemise courte trade, se jette dans le vide et le reste ne nous
et blanche laissant voir les seins et les cuisses. intéresse pas.
Elle s'étire en bâillant cependant que Louise Il y a des instants de la vie où la raison de
Lame dégrafe minutieusement son costume nos actes nous apparaît avec "toute sa fragilité.
tailleur. La lenteur de l'opération rend plus Je respire, je regarde, je n'arrive pas à assigner
énervant le spectacle, un sein jaillit puis dispa- à mes réflexions un champ clos. Elles s'obstinent
raît. La voici nue elle aussi. Quant à Jeanne, elle à tracer des sillons entrecroisés. Comment vou-
a depuis longtemps lacéré son corsage et arraché lez-vous que le blé, préoccupation principale,
ses bas. des gens que je méprise, puisse y germer.
Toutes trois se mirent dans une psyché et la Mais le corsaire Sanglot, la chanteuse de Music-
nuit couleur de braises vives les enveloppe dans hall, Louise Lame, les explorateurs polaires et les
des reflets de réverbères et masque leur étreinte fous, réunis par inadvertance clans la plaine aride
sur le canapé. Leur groupe n'est plus qu'éclaircies d'un manuscrit, hisseront en vain au haut des
blanches dues aux gestes brusques et masse mâts blancs les pavillons noirs annonciateurs de
mouvante animée d'une respiration unique peste s'ils n'ont auparavant, fantômes jaillis cle
Corsaire Sanglot passe sous la fenêtre. Il la la nuit profonde de l'encrier, abandonné les pré-
regarde distraitement comme il a regardé d'autres occupations chères à celui qui cle cette nuit
fenêtres. 11 se demande où trouver ses trois liquide et parfaite ne fit jamais autre chose que
compagnes et continue sa promenade. Son ombre des taches à ses doigts, taches propres à l'appo-
projetée par un phare d'automobile tourne au sition d'empreintes digitales sur les murs ripo-
plafond du salon comme une aiguille de montre. linés du rêve et, par là, capables d'induire en
Un instant les trois femmes la contemplent. erreur les séraphins ridicules de la déduction
Longtemps après sa disparition, elles se deman- logique, persuadés que seul un esprit familier des
dent encore la raison de l'inquiétude qui les majestueuses ténèbres a pu laisser une trace tan-
tourmente. L'une d'elle prononce le nom du gible de sa nature indécise en s'enfuyant à l'ap-
corsaire. proche d'un danger comme le jour ou le réveil,
« Où est il à cette heure ? mort peut-être ? » et loin de penser que le travail du comptable et
Et jusqu'au soir elles rêvent au coin du feu. celui du poète laissent finalement les mêmes
La mission Albert a été découverte par des stigmates sur le papier et que seul l'oeil perspicace
pêcheurs de baleines. Le bateau emprisonné dans des aventuriers de la pensée est capable de faire
les glaces ne recelait plus que des cadavres. Un la différence entre les lignes sans mystère du pre-
drapeau fiché dans la banquise témoignait de mier et le grimoire prophétique et, peut-être à
l'effort des malheureux navigateurs. Leurs restes son insu, divin du second, car les pestes redou-
seront ramenés à Oslo (anciennement Chris- tables ne sont que tempêtes de coeurs entre-
tiania). Les honneurs seront rendus par deux choqués qu'il convient d'affronter avec des
croiseurs. Une compagnie de marins veillera leurs ambitions individuelles et un esprit dégagé du
dépouilles jusqu'à l'arrivée du cuirassé qui les stupide espoir de transformer en miroir le papier
emportera en France. par une écriture magique et efficace.
L'Asile d'aliénés, blanc sous le soleil levant, ROBERT DESNOS
GLOSSAIRE : J'Y SERRE MES GLOSES
(Suite) *
A F
AGONIE — je divague, j'affirme et je nie tour à FIRMAMENT •— firme menteuse des aigles.
tour, honni par l'âge qui m'est une dague. FLANC — blanc, il s'élance comme une flamme..
APPARENCE —forme happée par la présence.
ARMURE —ramure de larmes pétrifiées. G
ARTÈRES — lé~arde.s cl cratères.
GENOUX —engrenages ou-verrons.
AVENTURE -- les mal tires aveugles son! avides
de vent. GORGE — (les 2 G se recourbent et figurent deux
seins ; for du centre esl leur gage),
B
U
Ce qu'il faut surtout, c'est débarrasser l'art
UNIFORMITÉ — inutile monotonie de la noripe do tout ce qu'il contient de connu jusqu'à présent,
tout sujet, toute idée, toute pensée, tout symbole
figée. doivent être mis cle côté.
UNITÉ — nudité: nid de l'éternité.
UNIVERSEL — nivelé, par l'hiver de l'espace et dit
temps confondus. Il faut que la pensée se détache tellement
de tout ce qu'on appelle la logique et le sens,
qu'elle s'éloigne tellement cle toutes les entraves
V humaines, de sorte que les choses lui appa-
raissent sous un aspect nouveau comme illu-
VAL celui du vol se creuse dans l'air avec des
minées par une constellation brillante pour la
ailes. première fois.
VENTRE — il ne s'entrouvre qu'à la vie. G. DE CHIRICO (1913)
NOMENCLATURE
André Breton — prête aux clés l'encre Marcel Noll — mer d'argent anneau
tonne. salé.
André Masson — le son des antres. Paul Eluard '— ailes sol éludé.
Benjamin Péret —le nain aime les jambes Pierre Naville — île animale pétrie
de mon père. hier.
Francis Gérard Pablo Picasso
— frange
d'as- — é q u i p o 1-
sises gisantes. lence des pa-
raboles astra-
Giorgio cle Chi- les.
rico
Pierre Reverdy
— o rchi d ces
orgues de l'or- — hydre .épie
gie. et rêve.
Qui sont ces gens ? Qu'ai-je à faire avec eux ? me livriez le passage humain. Les femmes de
Etrangers je sors du train noir. Il n'y a rien de mon pays, cle mon pays, remarquez bien, que
commun entre vous et moi. Voici que vous êtes je déteste, où tout ce qui est français comme
devant moi comme l'alcool au fond d'un verre, moi me révolte à proportion que c'est français,
et je bois le lac de vos regards. Quels chemins, les femmes cle mon pays m'ont habitué à croire
queL signes d'encre, quelles conjonctions d'astres, aux mots que je prononce, et qui inaugurent
quels dessins purs dans le ciel transparent, non en elles un miracle où tout mon être prendra
rien, toute explication serait dérisoire. Ce qui part ; et pour mon esprit, sur la route intellec-
m accable est tuelle ou j aime
d'abord qu'ici je à exercer sa ty-
cesse cle croire rannie, l'esprit
à la toute-puis- d'un autre est
sance de la pa- toujours un peu
role. J'échoue à femme pour mon
cette falaise, vo- esprit.
tre oreille. Vous vous,
Mais
n'avez pas été hommes d'ail-
pétris avec mes leurs, comment
mots, mon lan- entendriez - vous
gage à peine y ce que je vais
avez-vous donné VOUS dire ? Tout
une attention ce qui pour moi
aimable. Mes vaut de vivre ou
mots, Messieurs, de mourir, qu'est-
sont ma réalité. ce pour vous
Chaque objet, la vraiment ? Peut-
lumière, et VOUS- être un para-
m èm es, vos doxe. Croyez-moi
corps, seul le pourtant, l'hom-
n om (| u e j e me ne s'exprime
donne à ce glis- point par para-
sant aspect de doxes. 11 vient
l'idée l'éveille en des confins d'un
moi à cette vie cyclone, et: ce
véritable, que les qu'il a traversé
mêmes sons ne jusqu'à vous, ces
suscitent: [joint montagnes cle
en vous. Je peids l'esprit auraient
auprès cle vous retenu de leurs
le vrai de ce pou- doigts gigantes-
voir, qui fait en ques les légères
même temps chevelures cle
qu'on m'appelle LA RÉVOLUTION LA NUIT Max Prnst
nuages, desquel-
auprès de vous, les les bateleurs
je perds l'effectif de ma parole, moi cpii ai, prennent soin d'orner leurs fronts. Mais vous ne
paraît-il, comme nul autre ce don de la magie, m'entendrez pas, car que sais-jc de vous? de ce
et le goût d'en user. Séduire ! à ce jeu s'est qui fut pour vous la douceur du monde, de ce
brûlé tout un peu de ma vie. Ce n'était pas qui vous a retenu, de cette école buissonnière
un jeu, au reste, c'était ma vie. J'ai connu les (les années oi'i vous avez égaré à la fois vos pas
voies sonores qui donnent accès dans l'esprit, et votre coeur ? Dans les rues ce charme qui
et s'ouvrent sur le coeur. O fenêtres, il fallait: vous arrête soudain, ces . manières d'une jeune
que ma main poussât vos persiennes, et vous fille, la rondeur d'une taille ou la courbe d'un
sein, pour moi qu'y vois-je qui ne soit l'exotisme
* Faite ù Madrid, à la Residencia des Esttidianles et sans doute que c'est cette couleur d'opérette,
(le 18 avril 1925). si le hasard vous la sert clans mes phrases, qui
*4 FRAGMENTS D'UNE CONFERENCE
me vaudra que vous tombiez au lacis de mes pays, n'a pas encore réduits doucement au
mots, dans mes pièges. Un Français, vous me trottoir, pourquoi le mépris se mêle-t-il à la
prenez pour un Français. Je me lève pourtant pitié sur vos lèvres et dans vos songes ? L'homme
en face cle cette idée locale, la bouche débordant qui a enfin consenti au travail pour assurer
d'imprécations, rejetant", rejetant ce qui voudrait sa vie, l'homme qui a osé sacrifier son attention,
me particulariserl'esprit, accuser ma dépendance, tout -"? qui demeurait en lui de divin, au désir
ce qui cherche à me définir, et à me fermer des puéril de continuer à vivre, celui-ci qu'il descende
territoires humains. Je ne suis borné que par en lui-même, et qu'il reconnaisse ce qu'est au
la bêtise, et si vous me lancez mon pays à la vrai la prostitution. Ah ! banquiers, étudiants,
tête, je le désavoue ; il est la bêtise, en tant ouvriers, fonctionnaires, domestiques, vous êtes
qu'il sert à me qualifier. J'arrache de moi cette les fellateurs de l'utile, les branleurs de la néces-
France, qui ne m'a rien donné, que de petites sité. Je ne travaillerai jamais, mes mains sont
chansons et des vêtements bleus d'assassin. pures. Insensés, cachez-moi vos paumes, et
Aux nouvelles que j'apporte, vous ne trou- ces callus intellectuels, dont vous tirez votre
verez pas de quoi rire. Fini le vaudeville, et je fierté. Je maudis la science, cette soeur jumelle
vous prie une seule fois cle considérer que je du travail. Connaître ! Etcs-vous jamais descendus
suis le messager d'un grand drame. Je ne suis au fond de ce puits noir ? Qu'y avez-vous trouvé,
pas venu pour vous plaire, pour vous faire quelle galerie vers le ciel ? Aussi bien je ne
passer un bon moment, et puis allez donc, le vous souhaite qu'un grand coup de grisou qui
lendemain repart, et c'est: encore la veille. vous restitue enfin à la paresse qui est la seule
Je suis un porteur de germes, un empoisonneur patrie de la véritable pensée.
public. Trouvez mauvais, si ça vous chante, Et quel tour imprévu la pensée humaine
le ton insolent qu'il me plaît de prendre pour vient de prendre dans l'aurore. Des animaux
parler, je ne suis pas de la race des amuseurs fabuleux se lèvent à l'horizon. Je n'annonce
et des valets. Je me tiens dans un heu sinistre pas le miracle, le miracle est là clans le jour.
de la pensée où la déclamation souveraine est Voyez : l'homme reconnaît qu'il savait voler, et
de mise, et honte à qui marcherait sur la traîne l'oiseau s'étonne. Désormais qu'importe que la
clu manteau de cour de mes mots. Ni politicien, terre soit ronde, nous sommes restitués à l'infini.
ni poète : je suis un homme, rare engeance en Permettez-moi, Messieurs, d'entreprendre la
ce siècle où tous ceux qui s'adonnent aux choses patiente histoire des temps nouveaux, que vous
de l'esprit ne sont plus que des toxicomanes, sachiez enfin comment, là où l'Europe meurt
clés ivrognes. Je ne m'abaisse pas à parler aux aux pieds de l'océan, vient, au milieu des signes
gens, il m'arrive de penser devant eux. Je ne de la mort, des invasions, des éclipses et des
cherche ni la discussion, ni la flagornerie. Je débordements de marécages, vient d'expirer
préfère les injures au goût, bâtard qu'on prend enfin la vieille ère chrétienne
parfois à mes syllabes chantantes. Je ne vous
entends pas, vous autres. Au bord de ce torrent Quel tour prend le Surréalisme, où cela mène,
sous les eaux écunieuses, je regarde s'enfuir ce qui en sort, si j'en suis toujours content,
l'ombre des oiseaux volant au-dessus des galets. voilà les questions ingénues qu'au printemps
On ne me détachera pas clu grand souci méta- de cette année 1925, qui est un éclatement
physique qui occupe et dévaste en même temps de tant: de merveilles", et tout me sollicite vers
ma vie. Vous aurez beau bayer, vous aurez mille douceurs profuscs, vers la dispersion
beau sourire. Je ne peux penser à rien, que je de ma colère et: de mon plaisir, voilà les questions
ne sache tout d'abord ce cpie je fais ici, sous cette ingénues qu'alors ceux qui m'abordent me
forme absurde, et pourquoi ces yeux bleus avec posent à chaque coup. Hé, Monsieur, étes-vous
ces cheveux noirs. Que la considération stérile content de la poésie ? Alors ça va, les images ?
de son destin enfin consume l'homme ! qu'il En vérité je vous le dis, incrédules et mendiants,
suit détourné du train de ses jours, du bonheur, aujourd'hui la pensée est aux pieds des hommes,
et surtout de l'immonde travail. l'esprit flambe à neuf clans la grande couleur
je vais dire son fait au travail, ce dieu incon- amorale clu vent. C'est: quand je vais, c'est
testé qui règne en Occident. quand je viens que tout se mue, et se dénoue.
Quand les prostituées aux lueurs finissantes L'ère des métamorphoses est ouverte. Regardez
clu jour, avec leur petit sac et leur poignant autour de vous, tout est fragile, et tout, si j'étends
espoir, apparaissentau coin des rues des capitales, cette main, va changer. Vous êtesdans une grotte.
quand les prostituées supputant leurs désirs Vous êtes sur la mer. Chut, entendez-vous les
regardent approcher les pardessus des hommes, sirènes ? Je ferai jaillir le sang blond des pavés.
leurs chapeaux melons et leurs chaînes d'or, Toutefois, si vous me demandez, à moi qui
pourquoi, o jeunes gens laborieux, et vous tout en proie à des sentiments extrêmes, et le
femmes que le besoin, ou par exemple la dépré- coeur possédé d'une passion démesurée qui se
ciation internationale cle la monnaie cle votre mesure, et où vous n'avez pas entré, vous autres,
FRAGMENTS DUNE CONFÉRENCE 25
à moi qui pourrait bien certains jours envoyer J'ai vu, et c'est tout ce que j'ai à vous dire,
promener l'univers, pour un regard qui ne me ceux-là que l'attention croissante qui les entourait
quitte point, si vous me demandez ce qui marque pouvait capter, et suffisamment divertir, je les
cette année par laquelle le siècle coud l'un à ai vus s'arrêter dans leur course, se consulter
l'autre ces deux premiers quarts, cette année du regard, et sans égard pour leurs amitiés,
qu'on a cru célébrer à Paris par une exposition leurs affections, instruire le procès cle chacun
des arts décoratifs qui est une vaste rigolade, d'entre eux avec une âpre soif de découvrir
la plaie cachée en chacun. Ils se sont jetés les
uns sur les autres, ils ont confronté les bassesses
de leurs âmes, leurs grandeurs. Et maintenant
ils se savent purs, quelque chose les joint que
rien ne peut rompre. Ils se connaissent, et qu'im-
porte, rieurs, vos narquoises chansons ?
Je vous annonce l'avènement d'un dictateur :
Antonin Artaud est celui qui s'est jeté à la mer.
Il assume aujourd'hui la tâche immense d'en-
traîner quarante hommes qui veulent l'être
vers un abîme inconnu, où s'embrase un grand
flambeau, qui ne respectera rien, ni vos écoles,
ni vos vies, ni vos plus secrètes pensées. Avec
lui, nous nous adressons au inonde, et chacun
sera touché, chacun saura ce qu'il a méprisé
de divin, ce qu'il a laissé perdre sous sa forme
dans une flaque i\u soleil, chacun saura son
ignominie, cl d'abord les grandes puissances
intellectuelles, universités, religions, gouverne-
ments, qui se partagent celle terre, et: qui dès
1 enfance détournent l'homme de soi-même
suivant un dessein ténébreusement préétabli.
A rien ne sert de nous opposer votre scepti-
cisme. Croyez-vous, oui ou non, à la force infinie
de la pensée ? Nous aurons raison de tout,
l'.t d'abord nous ruinerons cette ci 1 ilisation
qui vous est chère, où vous êtes moulés comme
des fossiles dans le schiste. Monde occidental,
tu es condamné à mort. Nous sommes les défai-
tistes de i'Europe, prenez garde, ou plutôt non :
riez encore. Nous pactiserons avec tous vos
COMPTE RENDU DE L'EXPOSITION
DES ARTS DÉCORATIFS Mon liuq ennemis, nous avons déjà signé avec ce démon
le Rêve, le parchemin scellé de notre sang et
je vous dirai que c'est au sein même du surréa- cle celui des pavots. Nous nous liguerons avec
lisme, et sous son aspect, l'avènement d'un les grands réservoirs d'irréel, (.lue l'Orient,
nouvel esprit de révolte, un esprit décidé à votre terreur, enfin, à notre voix réponde. Nous
s'attaquer à tout. C'est dans l'amour, c'est réveillerons partout les germes de la confusion
clans la poésie) que la révolte éternellement et du malaise. Nous sommes les agitateurs de
prend naissance. Celui cpii baigne i\cjh clans l'esprit, 'foutes les barricades sonl lionnes,
l'infini est prêt, hommes, à ren\ erser vos châteaux toutes les entraves à vos bonheurs maudits.
de cartes. Et naturellement (pie s'il y a dans Juifs, sortez des ghettos. Qu'on affame le peuple,
un coin du monde quarante hommes prêts à afin qu'il connaisse enfin le goût du pain de colère !
tout, à sacrifier leur vie pour le bouleversement Bouge, Inde aux mille bras, grand Lrahma
clu monde, et c'est peu que leur vie, et c'est peu légendaire. A toi, Egypte, l'.t que Jcs traficants
que le monde, vous allez rire et trouver dérisoire de drogues se jettent, sur nos pays terrifiés.
que des gens qui ne disposent d'aucun pouvoir, Que l'Amérique au loin croule de ses buildings
qui ne sont rien, sans argent, sans hypocrisie, blancs au milieu des prohibitions absurdes.
parlent tout d'un coup cle révolution, et prennent Soulève-toi, monde. Voyez comme cette terre
au premier pas le ton, et tout l'appareil mental est sèche, et. lionne pour tous les incendies
cle la Grande Terreur. C'est pourtant ce fait On dirait de la paille.
sans précédent clans l'histoire humaine qui Riez bien. Nous sommes ceux-là qui donne
vient d'unir ceux qui ne se croyaient que ce seul ront toujours la main à l'ennemi.
lien, la poésie, et un certain goût de l'insensé. Louis AKAGON
Le Surréalisme et la Peinture
que par contre je ne cesserai de refuser à l'ex-
pression musicale, celle-ci cle toutes la plus
profondément confusionnellc. En effet les images
auditives le cèdent aux images visuelles non
seulement en netteté, mais encore en rigueur,
et n'en déplaise à quelques mélomanes, elles ne
sont pas faites pour fortifier l'idée de la grandeur
humaine. Que la nuit continue donc à tomber
sur l'orchestre, et qu'on me laisse, moi qui
cherche encore quelque chose au monde, qu'on
me laisse les yeux ouverts, les yeux fermés
— il fait grand jour — à ma contemplation
silencieuse.
Le besoin de fixer les images visuelles, ces
images préexistant ou non à leur fixation, s'est
extériorisé de tout temps et a abouti à la for-
mation d'un véritable langage qui ne me paraît
pas plus artificiel que l'autre, et sur l'ori-
gine duquel il serait vain de m'attarder.
'fout au plus me dois-je de considérer l'état
actuel de ce langage, de même que l'état actuel
i\u langage poétique, et de le rappeler s'il est
nécessaire à sa. raison d'être. Il me semble que
je puis beaucoup exiger d'une faculté qui,
par-dessus presque toutes les autres, me donne
barre sur le réel, sur ce qu'on entend vulgai-
rement par le réel. De quoi suis-jc autant à la
ARLEQUIN Picasso lO'-i-l
merci que de quelques lignes, de quelques taches
colorées? L'objet, l'étrange objet lui-même
L'oeil existe à l'état sauvage. Les Merveilles
de la. terre à trente mètres de hauteur, les .Mer-
veilles de la mer à trente mètres de profondeur
n'ont guère pour témoin que l'oeil hagard qui,
pour les couleurs, rapporte tout à l'arc-cn-cicl.
11 préside à l'échange conventionnel de signaux
qu'exige, paraît-il, la navigation de l'esprit.
Mais cpii dressera l'échelle de la vision ? Il N- a
ce que j'ai déjà vu maintes fois, et ce (pie d'au!res
pareillement ni oui dit voir, ce que je crois
pouvoir reconnaître, soit (pic je n'y tienne pas,
soil que j'y tienne, par exemple la façade cle
l'Opéra de Paris ou bien un cheval, ou bien
l'horizon ; il v a ce cpie je n'ai VU que 1res rare-
ment et que ie n ai pas toujours choisi d'oublier
mi cle ne pas oublier, selon le cas ; il y a ce qu'ayant
beau le regarder je n'ose jamais voir, qui est
tout ce que j'aime (et je ne vois pas le reste
non plus) ; il v a ce que d'autres ont vu, disent
avoir vu, cl que par suggestion ils parviennent
-m ne parviennent pas à me taire voir; il y a
aussi ce que je vois différemment de ce >\uc le
voient tous les autres, cl même ce que je com-
mence à voir qui n'es! pas visible. Ce n'est pas
tout.
A ces divers degrés de sensations corres-
pondent des réalisations spirituelles assez précises
et assez distinctes pour qu'il nie soit, permis
d'accorder à l'expression plastique une valeur ÉTUDIANT Picasso 1913
LE SURREALISME ET LA PEINTURE
paraît de nature de plus en plus suspecte, de ce mot dérisoire pourrait-il me dérober le sens
consentir encore à pareil sacrifice. L'oeuvre prodigieux de la trouvaille qui pour moi se
plastique, pour répondre à la nécessité de révision place dans sa production entre « L'Usine, Horta
absolue des valeurs réelles sur laquelle aujour- de Ebro » et le portrait de M. Kahnweiler ?
d'hui tous les esprits s'accordent, se référera Ce ne sont pas non plus les témoignages inté-
donc à un modèle purement intérieur, ou ne sera ressés des assistants ni les pauvres exégèses
pas. de quelques scribes qui parviendront à réduire
Reste à savoir ce qu'on peut entendre par pour moi une telle aventure aux proportions
modèle intérieur, et c'est ici qu'il convient de d'un simple fait divers ou d'un phénomène
s'attaquer au grand problème soulevé ces der- artistique local. Il faut avoir pris conscience
nières années par l'attitude de quelques hommes à un si haut degré de la trahison des choses
ayant vraiment retrouvé la raison de peindre, sensibles pour oser rompre en visière avec elles,
problème qu'une misérable critique d'art s'ef- à plus forte raison avec ce que leur aspect cou-
force désespérément d'éluder. Si Lautréamont, tumier nous propose de facile, qu'on ne peut
Rimbaud et Mallarmé, dans le domaine poétique, manquer de reconnaître à Picasso une respon-
ont été les premiers à douer l'esprit humain sabilité immense. Il tenait à une défaillance
de ce qui lui faisait tellement défaut : je veux de volonté de cet homme que la partie qui nous
dire d'un véritable isolant grâce auquel cet occupe fut tout au moins remise, sinon perdue.
esprit: se trouvant idéalement abstrait de tout, Son admirable persévérance nous est un gage
commence à s'éprendre de sa vie propre où assez précieux pour que nous puissions nous
l'atteint et le désirable ne s'excluent plus et passer cle faire appel à tout autre autorité.
prétend dès lors soumettre à une censure perma- Qu'y a-t-il au bout de cet angoissant voyage,
nente, de l'espèce la plus rigoureuse, ce qui le saurons-nous même un jour ? Tout ce qui
jusque là le contraignait ; si, depuis eux, la importe est que l'exploration continue et que
notion du permis et du défendu a pris cette les signes objectifs cle ralliement s'imposent
consistance élastique que nous lui connaissons, sans équivoque possible, se succèdent sans inter-
à tel point par exemple que les mots famille, ruption. Il est bien entendu que l'engagement
patrie, société, nous font l'effet de plaisanteries héroïque que nous avons pris de lâcher systé-
macabres ; si vraiment ils nous ont décidés à matiquement la proie pour l'ombre, nous risquons
attendre de nous seuls notre rédemption ici-bas, d'autant moins d'y manquer qu'à cette ombre,
il a fallu pour que nous nous jetions à corps à cette deuxième ombre, à cette troisième
perdu sur leurs traces, animés de cette fièvre ombre, quelqu'un a su donner tour à tour
cle conquête, mais de totale conquête, qui ne tous les caractères de la proie. Nous laissons
nous quittera plus jamais, que nos yeux, nos derrière nous les grands « échafaudages »
c-.hcrs yeux reflétassent ce qui, n'étant pas, est gris ou beiges cle 1912, dont le type le plus
pourtant aussi intense que ce qui est, et que parfait est sans doute « L'Homme à la clari-
ce fussent à nouveau des images optiques réelles, nette », d'une élégance fabuleuse et sur l'exis-
nous évitant de regretter quoi que ce soit cle ce tence «' à coté » de qui nous n'en finirions
que nous quittions. La. route mystérieuse où pas de méditer. Dès aujourd'hui les préten-
la peur à chaque pas nous guette, où l'envie dues conditions matérielles de cette existence
que nous avons de rebrousser chemin n'est nous laissent indifférents. Que sera-ce doncvplus
vaincue que par l'espoir fallacieux d'être accom- tard ! L'Homme à la clarinette subsiste comme
pagnés, voici quinze ans que cette roule est: preuve tangible cle ce que nous continuons à
balayée par un puissant projecteur. Voici quinze avancer, à savoir que l'esprit nous entretient
ans que Picasso, explorant lui-même cette route, obstinément d'un continent futur et que chacun
y a porté fort: avant ses mains pleines cle rayons. est en mesure d'accompagner une toujours
Nul avant lui n'avait osé y voir. Les poètes plus belle Alice au pays des merveilles. A qui
parlaient bien d'une contrée, qu'ils axaient proclame la gratuité de ce jugement prophé-
découverte, où le plus naturellement du monde tique, puisse-t-il me suffire cle montrer les tableaux
leur était apparu « un salon au fond d'un de Picasso en les lui donnant pour ce que je
lac » mais c'était là pour nous, une image me les donne, c'est-à-dire pour pièces à con-
virtuelle. Par quel miracle cet homme, que j'ai viction. Et de lui dire : « Voyez ce sable qui
l'étonnemenl et le bonheur de connaître, se s'écoulait si lentement pour sonner les heures
trouva-t-il en possession de ce qu'il fallait pour de la terre. C'est toute votre vie qui si vous
donner corps à ce qui était resté jusqu'à lui du pouviez la ramasser, tiendrait clans le creux
domaine de la plus haute fantaisie ? Quelle de votre main. Voici le verre fragile que vous leviez
révolution dut s'opérer en lui pour qu'il s'y si haut, la carte que tout à l'heure il vous a
tint ! On cherchera plus tard avec passion ce manqué de retourner pour être à jamais celui
qui dut animer Picasso vers la fin de l'année 1909. qui ne se ravisera pas. Ce ne sont pas des sym-
Où était-il ? Comment vivait-il ? « Cubisme ». boles, mon cher ; c'est tout juste un adieu trop
LE SURREALISME ET LA PEINTURE 29
explicable qui traîne et c'est autant qu'emporte au journal immémorial « LE JOUR... » On a dit
le vent d'une chanson d'émigrant, si vous voulez. » qu'il ne saurait y avoir cle peinture surréaliste.
Il faut ne se faire aucune idée de la prédesti- Peinture, littérature, qu'est-ce là, ô Picasso,
nation exceptionnelle cle Picasso pour oser vous qui avez porté à son suprême degré l'esprit,
craindre ou espérer de lui un renoncement non plus de contradiction, mais d'évasion !
partiel. Que, pour décourager d'insupportables Vous avez laissé pendre cle chacun cle vos ta-
suiveurs ou arracher un soupir de soulagement bleaux une échelle cle corde, voire une échelle
à la bête réactionnaire, il fasse mine de temps faite avec les draps de votre lit, et il est probable
à autre d'adorer ce qu'il a brûlé, rien ne nie que, vous comme nous, nous ne cherchons
me semble plus divertissant, ni plus juste. Du qu'à descendre, à monter de notre sommeil.
laboratoire à ciel ouvert continueront à s'échapper Et ils viennent nous parler de la peinture, ils
à la nuit tombante des êtres divinement inso- viennent nous faire souvenir de cet. expédient
lites, danseurs entraînant avec eux des lambeaux lamentable qu'est la peinture !
de cheminées de marbre, tables adorablcment Enfants nous avions des jouets qui aujourd'hui
chargées, auprès desquelles les vôtres sont des nous feraient pleurer de pitié et cle rage. Plus
tables tournantes, et tout ce qui reste suspendu tard, qui sait, nous reverrons comme ceux de
3o NOTE SUR LA LIBERTE
notre enfance les jouets cle toute notre vie. nous proposons d'instituer. Le surréalisme,
C'est Picasso qui m'y fait songer. (La Femme s'il tient à s'assigner une ligne morale de con-
en chemise (1914) et cette nature morte ou duite, n'a qu'à en passer par où Picasso en a
l'inscription « VIVE LA», éclate sur un vase blanc passé et en passera encore ; j'espère en disant
au-dessus de deux drapeaux tricolores croisés.) cela me montrer très exigeant. Je m'opposerai
Cette impression je ne l'ai jamais éprouvée toujours à ce qu'une étiquette *, prête à l'activité
si fortement qu'à l'occasion clu ballet « Mercure », cle l'homme dont nous persistons le plus à
l'année dernière. Nous grandissons jusqu'à un attendre un caractère absurdement restrictif.
certain âge, paraît-il, et nos jouets grandissent Depuis longtemps l'étiquette cubiste a ce tort. Si
avec nous. En fonction du drame qui n'a pour elle convient à d'autres, il me paraît urgent qu'on
théâtre que l'esprit, Picasso, créateur cle jouets en fasse grâce à Picasso et à Braque.
tragiques à l'intention des adultes, a grandi
l'homme et mis, sous couleur parfois de l'exas- ANDRÉ BRETON
pérer, un terme à son agitation puérile.
(A suivre.)
C'est à ces multiples égards que nous le reven-
diquons hautement pour un des nôtres, alors
même qu'il est impossible et qu'il serait, du
reste impudent: de faire porter sur ses moyens
la critique rigoureuse que, par ailleurs, nous * Fut-ce l'étiquette « surréaliste ».
Note sur la Liberté * est. une limite, qu'il est: absurde d'envisager
la liberté autrement que comme une limite. Si
La liberté, toute enveloppée de ses consé- ce que je dis de la liberté est absolu, la liberté
quences, l'engageant d'une telle idée, son ombre, telle qu'elle apparaît dans le langage a toujours
et le mais alors mécanique aussitôt: prononcé un caractère uniquement relatif, et c'est cette
qu'elle se lève, tout cet écheveau de notions confusion entre deux ternies distincts en vérité,
prêtes à la parade entraîne le vulgaire à des l'emploi alternatif de ces deux termes cpii en-
représentations de ses tenues, sans qu'aucun gendrent les représentations dont je parlais,
concept se soit: préalablement formé qui les dont ie riais.
assemble et témoigne de leur subordination Il s'ensuit que je commettrai à toute occasion
réciproque. Là où il n'y a pas cle système philo- n'importe quel attentat contre la liberté d'autrui,
sophique, le mot liberté devient insensé. Qu'on me en égard à la liberté. L'homme libre est celui
montre, au vrai, ce point cle l'esprit qui ne suppjse cpii n'a cle volonté que ce qui concourt à l'idée.
pas un système philosophique. Et je dirai plus: L'homme parfaitement libre est parfaitement
là menu- où il y a un système philosophique, déterminé dans le devenir. Mort aux méca-
et n'importe quel système, et un système nouveau niques qui remontent le courant !
que je n'ai point, envisagé, là encore le mot
liberté prend un sens, et pas n'importe quel Louis ARAGON
sens, un sens toujours le menu-, unique, parce
que n'importe quel système n'est jamais, si
contraire en apparence qu'il lui soit, qu'une
élaboration de l'idée, une idéal ion, supposé
cloue au delà des suppositions le système idéa-
liste, et ses développements, ses retours, ses
solutions, où apparaît dans le jour de l'idée,
l'idée de la liberté, qui est la liberté même.
(Remarquez que raisonnant ainsi pour chaque
idée, j affirme qu'il n'y a pas d'autre système
philosophique que l'idéalisme, ou qu'il faut,
(pie les mots ne portent plus sens, et alors taisez-
vous.) Tout ce que je dis de la liberté est donc
irréfutable, absolu. Il en résulte que la liberté
•—
alézer vêler alambiquer ces insectes qui font une musique monotone en pensant
bélître (châsse) châsse et en mangeant, qui les écoulent a peine et qui ne com-
endéver = agencer
= coffre
dîme
prennent pas la grandeur de leur délire ?
faire
pacage
paître
= Prestidigitateurs, voici qu'ils transforment les mots
simples et purs en une foule de personnages bouleversés
pâturage — pacager = =
aiguayer pâlis = par les objet de la passion et c'est un rayon d'or qu'ils
arranger tiennent dans leur main, et c'est l'éclosion de la vérité,
de la dignité» de la liberté, de la félicité et de l'amour.
lieu communal en friche où Von mène paître les Que Haymond Roussel nous montre tout ce qui n'a pas
été. Nous sommes quelques-uns à qui cette réalité seule
bestiaux ao Citer s'aoûter importe.
aimer finir épandre P. E.
je lâche à agencer alèse voir
alézer allégeance = adoucissement Correspondance
rompre acquiesçâtes
aiguayer aiguayer /
ac que vous acquiesçassiez DE M. JOSEPH DELTEIL A M. ANDRÉ BRETON
Désormais Chirico semble vouloir nous per- Mon citer Ami,
Un journaliste
suader que l'âme réside dans la matière. Les pour un inleroieiv. Au roumain voudrait beaucoup vous voir
où cela vous amuserait, voudriez-
statues, les monuments, les choses qui nous vous lui donner uncas rendez-vous. Son adresse :
apparaissaient dans ses anciens tableaux comme Tudor Slioïmaru, o, rue du Monl-Dorc, Paris.
Il repart, je. crois, vendredi.
d'inintelligibles signes reviennent à des pro- El comment allez-vous ? A un de ces soirs, j'espère.
portions humaines. Bien amicalement.
Quelle est cette nouvelle énigme ? Quel piège DE M. ANDRÉ BRETON M. JOSEPH DELTEIL
A
nous tendez-vous là, Chirico ? Et pourquoi Mrrci pour te journaliste roumain, mais j'ai déjà fort
ne reléverai-je pas le défi ? Je ne puis me à faire avec toutes sortes d'emmerdeurs. Parmi lesquels, depuis
résoudre à ne pas comprendre et je sens qu'un quelques mois, j'ai Je regret, Joseph Dcltcil, de vous compter.
Entre nous, notre Jeanne d'Are esl une. vaste saloperie. Je me
voile a besoin d'être déchiré. La tentation me suis assez bien mépris sur votre compte mais qu'à cela ne
prend cle vous mettre en mauvaise posture. tienne. Vos innommablespapiers de L'Intransigeant, vos plai-
santeries infâmes sur l'amour comme celles qu'a publiées La Ré-
Mon amitié profonde et de tout temps étonnée, volution surréaliste, les belles déclarations que vous avez faites
inapte à mesurer votre grandeur, m'invite à à un certain Robert Oaby : « Ceux qui viennent » (.sir), voire
goût maniaque de ht vie en ce qu'elle a de plus moche, — vous
vous mettre sur ce socle, Chirico. Nous verrons ne rêvez jamais, — finissent par me laper singulièrement
bien si la statue du Commandeur... sur le système. La question serait de savoir si vous êtes un porc
ou un eon (on un porc cl un cou). Dans l'alternative, je. préfère
MAX MORISE bien entendu ne plus vous voir, ne plus avoir à vous examiner.
Et me borner, au cas où vous deviendriez gênant, voyez Cocteau,
à prendre les mesures nécessaires pour réduire votre activité
Manifestation Philosophies à ses justes proportions, ce qui tout de même, vous n'y swgcz
pas assez, est en mon pouvoir.
du 18 mai 1925 Il
Il esl bien que les déclarations mystiques lues par Georges DE Mmc DE BASSIANO A BHNJA'MIN PÉUET
Polilzcr, Henri Lcrebvre et Pierre Morhange aient fait
porter le débat qui suivit sur la Révolution. Mais il semble Cher Monsieur,
que peu sur la scène et dans la salle aient compris le sens Je n'ai pus bien compris si Commerce avait la permission
des mots « révolution totale « qu'ils prononcèrent fré- de publier votre poème que voici.
quemment ce soir-là avec une satisfaction visible. L'opti- Je serais très heureuse si vous mi répondiez « oui » et
misme des gens de Clarté en rayonnait, gloire sous le grand j'attends votre réponse pour mettre en marche le n° -1.
soleil des marteaux et des faucilles, d'un régime médiocre J'espère vous voir un de ces jours chez nous.
s'nppuyant, comme le régime capitaliste, sur l'ordre facile et .1 Icilleurs souven irs.
répugnant du travail. II importe peu» en vérité, à ceux Suivait le poème dont quatre vers avaient été suppri-
qui unissonL révolutionnaires, que l'inégalité des classes més et la ponctuation rétablie. Par retour Benjamin Péret
soit une injustice. Parmi tant d'autres et qui louchent proposait à nouveau le texte intégral et Mme de Bassiano
plus profondément l'individu. Que celui qui n'a pas pleuré
Unis les soirs de sa vie de la sottise de l'homme et des devoirs répondait :
qui lui sont dictés par la plus basse nécessité se taise. Ces Monsieur,
accords épouvantables créés entre l'homme, ses semblables
et les choses, Tordre, le bon sens, la logique, le Iravail, C'est la rédaction de Commerce qui a supprimé les vers
l'éducation, tous les devoirs sociaux, l'école, la famille, qui manquaient à la copie de votre poème que je vous ai envoyé.
l'armée, toutes les chaînes dont nous sommes chargés. Comme je désire vivement voir Attention nu Simoun au n° <î
Il n'est pas de. révolution totale, il n'est que la Révolution, j'espère que vous me permettrez de la faire imprimer ainsi.
perpétuelle, vie véritable, comme l'amour, éblouissante En attendant votre réponse, cle...
à chaque instant. Il n'est pas d'ordre révolutionnaire, il DE BENJAMIN PÉRET A Mmc DE BASSIANO
n'est pas de sagesse révolutionnaire, il n'est que désordre
et folie. * La guerre de la liberté doit être menée avec colère » Madame,
et menée sans cesse par tous ceux qui n'acceptent pus. Permettez-mni de ne pas qualifier le procédé que vous em-
ployez pour obtenir de moi la suppression de quatre vers
Raymond Roussel :
L'Étoile au front dans Attention au Simoun.
Peu m'importe que mes poèmes soient publiés ou non ;
Là se tiennent les conteurs. L'un commence, l'autre mais si, par hasard, ils le sont, je liens à ce qu'aucune censure
continue. Ils sont marqués du même signe, ils sont la proie n'intervienne. Je ne. saurais la supporter île personne, à
de la même imagination qui porte sur sa tête la terre et plus jorte raison venant de l'anonyme rédaction de Commerce.
les cicux. Toutes les histoires du monde sont tissées de Cependant, en temps de guerre, je la subirais avec joie, mais
leurs paroles, toutes les étoiles du monde sont sur leurs pour cela il faut employer la force et je ne vous le conseille
fronts, miroirs mystérieux de la magie des rêves et des pas.
faits les plus bizarres, les plus merveilleux. Distrairont-ils Croyez-moi, Madame, etc...
COLLABORATION RÉGULIÈRE :
GABRIELE D'ANNUNZIO, LOUIS ARAGON, JEAN BALDE, RENÉ BOYLESVE,GÉRARDBAUER,
EMMANUEL BERL, JACQUES et MARCEL BOULENGER, PAUL BOURGET, HENRI BREMOND,
ANDRÉ BRETON, FRANCIS CARCO, JEAN COCTEAU, MARCEL COULON, RENÉ CREVEL,
FERNAND DIVOIRE, ANDRÉ DODERET, DRIEU LA ROCHELLE, HENRI DUVERNOIS, CLAUDE
FARRÈRE, LUCIEN FABRE, BERNARD FAY, PAUL FIERENS, ANDRÉ GIDE, GEORGES GRAPPE,
DT GUTMANN, EMILE HENRIOT, CAMILLE JULLIAN, JOSEPH KESSEL, JACQUES DE LACRE-
TELLE, PIERRE LASSERRE, ANDRÉ LEBEY, PAUL LOMBARD, EUGÈNE MARSAN, HENRI
MASSIS, FRANÇOIS MAURIAC, P. DE NOLHAC, HENRY DE MONTHERLANT, PAUL
MORAND, Cesse DE NOAILLES, ANDRÉ ROUVEYRE, PAULSOUDAY, ANDRÉ SPIRE, FORTUNAT
STROWSKI, FRANÇOIS DE TESSAN, LOUIS THOMAS, ROBERT DE TRAZ, LÉON TREICH,
PAUL VALÉRY, FERNAND VANDÉREM, JEAN-LOUIS VAUDOYER, Dr VOIVENEL, BERNARD
ZIMMER, etc..
Dans chaque numéro : UNE NOUVELLE INÉDITE