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espagnole contemporaine
12 (2014)
printemps 2014
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Joël Delhom
César M. Lorenzo : Horacio Prieto. Mon
père
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Référence électronique
Joël Delhom, « César M. Lorenzo : Horacio Prieto. Mon père », Cahiers de civilisation espagnole contemporaine [En
ligne], 12 | 2014, mis en ligne le 03 juillet 2014, consulté le 14 juillet 2014. URL : http://ccec.revues.org/5107
Joël Delhom
7 La seconde partie du livre se veut une confrontation – souvent poignante – du fils avec le père,
vu sous un angle plus psychologique. Une grande place est faite à l’intimité familiale. Lorenzo
écrit d’emblée : « Je ne l’aimais pas, mais je ne l’ai jamais détesté alors qu’on m’y incitait ; je
ne pouvais non plus rester indifférent tant était grand son pouvoir de fascination. » Il évoque
aussi sa mère, fille d’un médecin libertaire, et les relations entre ses parents, qui se dégradèrent
dès le début de l’exil en France, un sujet très rarement abordé dans les autobiographies et
biographies de militants. Lorenzo décrit « l’enfer familial » qu’il a vécu et dresse un portrait
sans complaisance de ses parents, tout en prenant la défense de sa mère dont il était plus proche.
On y trouve aussi d’intéressantes informations sur la formation intellectuelle désordonnée et
lacunaire de Prieto.
8 De manière plus surprenante, et probablement moins convaincante que le reste de l’ouvrage,
Lorenzo se livre ensuite à un essai « d’histoire alternative » qui lui permet de « revenir sur
quelques moments clés où le cours des choses […] aurait pu changer – dans d’étroites limites
en définitive – si l’intervention de [son] père, son rôle et son influence avaient été autres. Soit
qu’on l’eût toujours écouté, soit qu’il eût opté pour une autre ligne de conduite », afin de mieux
cerner sa responsabilité historique et d’affiner le portrait psychologique. L’auteur en tire une
conclusion pessimiste.
9 La confrontation du fils avec le père, dans leur désaccord idéologique, qui est aussi celle
de l’observateur attentif du mouvement libertaire avec l’homme engagé dans l’histoire, fait
l’objet des quarante dernières pages. Lorenzo ouvre avec le lecteur le débat intellectuel qu’il
n’a pu avoir avec Prieto et pose la question de l’intérêt actuel des idées de ce dernier :
« Ce qui m’a le plus intéressé dans son œuvre […] ce sont les germes d’un renouveau du
socialisme » (198), écrit-il. Après une analyse assez pessimiste du monde actuel, l’auteur
plaide pour un « socialisme clairement défini » vs. un « vague possibilisme » (202). Il souligne
« une des faiblesses, la plus étonnante, de la pensée de [son] père » : l’absence « d’une
conception cohérente de la liberté » (212-213). Il va de soi que nous ne souhaitons pas
commenter ici « une opinion strictement personnelle » (198) sur le socialisme libertaire, mais
disons tout de même que Lorenzo continue de croire au potentiel émancipateur de l’anarcho-
syndicalisme et qu’il partage avec Prieto la conviction selon laquelle les libertaires devraient
se doter d’un parti (227). Il se veut pragmatique et fait des propositions pour un socialisme
éthique d’aujourd’hui. En se faisant l’interprète des jugements de son père dans la première
partie du livre, l’auteur a pu donner parfois l’impression de les partager, d’où sans doute la
nécessité de cette seconde partie pour clarifier les choses.
10 Il s’agit bien d’un livre utile et nécessaire, parfois provocant, pour tenter de comprendre
Horacio Prieto, un personnage complexe qui incarne à lui seul les contradictions, les pôles
extrêmes de l’anarcho-syndicalisme espagnol, un homme qui préférait pourtant « l’anarcho-
syndicalisme radical aux salmigondis du syndicalisme politique » (147), aux dires de Lorenzo.
Celui-ci, a cherché à mettre le sujet de son livre à distance critique et n’utilise l’expression
« mon père » pour la première fois qu’à la page 155. D’une certaine manière, c’est aussi
une autobiographie de l’auteur. Lorenzo n’a rien perdu de la sévérité qu’on lui connaît, aussi
bien sur l’évolution de la FAI, une « lente métamorphose […] en organisation politique à part
entière » (90), que sur celle de son père, comparée à celle de Pestaña : « […] l’orientation
idéologique globale et la raison d’être essentielle du mal nommé Parti syndicaliste ne seront
pas si différentes de celle du parti socialiste libertaire que projettera Horacio Prieto » (90-91).
Nous encourageons chaleureusement C. M. Lorenzo pour le travail d’édition des mémoires de
Prieto et d’autres manuscrits inédits qu’il a entrepris, et que nous attendons avec impatience.
Notes
1 Nous faisions allusion à la biographie de Dolores Prat Coll (1905-2001) écrite par son fils Progreso
Marín : Dolores. Une vie pour la liberté, Loubatières, Portet-sur-Garonne, 2002, 158 p. On dénombre
une cinquantaine de biographies et autant d’autobiographies entre 1990 et 2011. Sur cette production,
voir <http://ccec.revues.org/3958> et « Dos décadas de publicaciones sobre el anarquismo español:
1990-2011. Inventario ordenado precedido por un breve comentario », Germinal. Revista de estudios
libertarios (Madrid), n° 10, julio-diciembre 2012, p. 55-96.
2 Rappelons que C. M. Lorenzo est l’auteur du livre qui fit grand bruit à l’époque, Les Anarchistes
espagnols et le pouvoir, 1868-1969 (Seuil, 1969, 430 p.), traduit en espagnol en 1972 pour Ruedo Ibérico,
et dont il a récemment fait paraître une nouvelle édition actualisée et enrichie, Le mouvement anarchiste
en Espagne : pouvoir et révolution sociale (Les éditions libertaires, 2006, 559 p.).
Référence(s) :
César M[artínez]. Lorenzo : Horacio Prieto. Mon père, Les éditions libertaires, Saint-Georges-
d’Oléron, 2012, 252 p.
Référence électronique
Joël Delhom, « César M. Lorenzo : Horacio Prieto. Mon père », Cahiers de civilisation espagnole
contemporaine [En ligne], 12 | 2014, mis en ligne le 03 juillet 2014, consulté le 14 juillet 2014. URL :
http://ccec.revues.org/5107
À propos de l’auteur
Joël Delhom
Université de Lorient
Droits d’auteur
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