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DOSSIER

Zoom sur
quelques cursus
vétérinaires à
travers le monde
La Vétérinaire fête cette année ses 250 ans
d’existence. Mais à l’heure de Vet 2011, année
mondiale de notre profession, force est de constater
que les formations divergent entre les continents,
et même au sein de ceux-ci, tant au niveau
du parcours dans les écoles ou les facultés
que des moyens pour intégrer celles-ci.

> DOSSIER RÉALISÉ PAR CYRIL PARACHINI-WINTER


ET NATHALIE DEVOS

LA SEMAINE VÉTÉRINAIRE - N° 1462 - 16 SEPTEMBRE 2011 - 35


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© CYRIL PAPARACHINI-WINTER
DOSSIER

D epuis la création de la pre-


mière école vétérinaire à
Lyon, en 1761, par Claude
Bourgelat, les écoles et les
facultés vétérinaires se
sont multipliées à travers le monde. Les témoi-
gnages de vétérinaires de différentes nationa-
lités sur leurs cursus montrent leurs atouts et
leurs écueils.
Comme le souligne Bernard Vallat, directeur géné-
ral de l’Organisation mondiale de la santé animale
(OIE), l’idéal serait de tendre dans l’avenir vers une
harmonisation internationale des formations (voir
35 k$
Aux États-Unis,
entretien page 40). Mais la rencontre avec des étu-
diants venus du monde entier lors d’un stage de
l’undergrade coûte
découverte en Afrique du Sud (expédition Ecolife) entre 35 000
en juillet dernier montre que la route qui y mène et 50 000 $ par an.
est encore bien longue.

AMÉRIQUE DU NORD : ÉTATS-UNIS


Katelyn Litchko, 20 ans, étudiante en 3e année
à l’University of Connecticut, Kiley Cameron,
20 ans, étudiante en 3e année à la Clemson
University (Caroline du Sud), Mikaela Lewitt, 20 ans,
étudiante en 3e année à l’University of Florida,
et Melissa Whitherel, 21 ans, étudiante en 3e année
à la Fordham University (New York).

Ces 5 étudiantes en 3e année d’undergrade (équi- générales (maths, physiques, etc.) et nous devons
valent d’une classe préparatoire, à ceci près qu’elle également choisir des matières phares (ou major)
se déroule dans une faculté et dure 4 ans) vien- comme l’anatomie, la génétique ou l’embryologie.
nent des 4 coins des États-Unis et témoignent de Plus nous avançons dans la formation, plus les cours
leur parcours similaire, ses points forts et ses in- se focalisent sur ces majors. Nous ne faisons, en re-
convénients. vanche, que peu d’études espèce par espèce. Nous
« Nous entrons en undergrade à l’université après passons des examens intermédiaires et des partiels
le lycée, pour 4 ans. Celles-ci sont nombreuses, avec à chaque semestre, ainsi qu’une épreuve finale au
des niveaux très différents. De bonnes notes et un bout des 4 ans, le General Record Examination, qui
bon CV sont nécessaires pour intégrer une faculté consiste essentiellement en un test de compréhension
prestigieuse. En réalité, le niveau et le contenu de générale et de vocabulaire. Personne n’y échoue la
l’enseignement peuvent varier énormément de l’une plupart du temps. »
à l’autre selon les professeurs. En général, les élèves « Les étudiants postulent aux écoles vétérinaires de
restent dans leur État, car étudier dans un autre leur choix (il en existe 28 aux États-Unis) avant de
coûte deux fois plus cher à l’inscription (pour un prix passer cet examen. Les critères d’intégration sont les
normal déjà compris entre 35000 et 50000 $ par an). notes obtenues en undergrade, mais aussi, et presque
Durant ces 4 ans, nous abordons des matières très plus, les expériences de chacun dans le domaine ani-
mal et vétérinaire (stages, travail dans des fer-
mes, etc.). Un élève avec les meilleures notes du pays,

Aux États-Unis, mais sans aucune expérience à présenter, sera refusé


partout. Puis l’école vétérinaire dure 4 ans, avec une

l’undergrade, formation générale surtout focalisée sur les carni-


vores et le bétail (une filière importante aux États-

l’équivalent d’une classe Unis et au Canada). Quelques écoles, comme en Géor-


gie, proposent des programmes spécialisés portant
sur les animaux exotiques. Mais sinon, quiconque
préparatoire, dure 4 ans. veut se spécialiser doit prolonger ses études deux à

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00-CREDITPHOTOS
L’ÉVOLUTION
DU CURSUS FRANÇAIS
Trois arrêtés ont modifié ces dernières années le cursus vétérinaire français.
- L’arrêté du 8 mars 1994 a fixé une première année de formation scientifique
trois ans après son diplôme. Là encore, nous passons générale dans une classe préparatoire spécifique, suivie d’un concours puis
des partiels chaque semestre, et un examen général de 4 années en ENV.
à la fin de l’école. » Assez unanimement, le principal - L’arrêté du 13 juin 2003 a instauré 2 années de classes préparatoires BCPST
point fort du cursus est la qualité de la formation (biologie, chimie, physique, sciences de la terre) communes avec la filière
(notamment en productions animales), ainsi que la agronomique, qui constituent la voie A d’accès aux ENV.
quantité d’informations délivrées au cours du pas- Il a également mis en place les voies B, C et D qui permettent également
sage des étudiants dans ces lieux. Avec tout aussi d’accéder aux concours nationaux pour être admis à poursuivre le cursus
peu d’équivoque, le point négatif reste le prix de de formation vétérinaire dans les ENV. La voie B est accessible aux étudiants
ces universités, qui est d’autant plus handicapant en licence de sciences de la vie, la voie C concerne certains BTSA, BTS ou DUT.
que les bourses sont difficiles à obtenir, car seules Enfin, la voie D concerne les diplômés en médecine, pharmacie ou chirurgie
les familles disposant de très bas revenus les ob- dentaire, ou titulaires d’un grade de master 2 à dominante biologie (bac + 5).
tiennent. De fait, beaucoup d’élèves de classes Le cursus dans les ENV reste fixé à 4 ans.
moyennes voient leur rêve d’enfant se briser face - L’arrêté du 20 avril 2007 a, lui, ajouté une année supplémentaire
à cet obstacle financier. de formation dans les ENV.
La France détient actuellement le record de la durée d’études la plus longue
AMÉRIQUE DU NORD : CANADA parmi les 27 États membres de l’Union européenne.
Tiffany Gabriel-Bellantoni, 21 ans, étudiante
en 1re année à l’université de Montréal.

Le parcours de Tiffany est atypique. Elle a préféré Prairies, et University of Guelph en Ontario, an-
retarder son intégration dans une école vétérinaire glophones, et l’université de Montréal à Saint-Hya-
de quelques années pour multiplier les expé- cinthe qui est la seule francophone), nous devons
riences. « Je suis allée au lycée à la St Thomas High étudier deux ans dans un centre de formation, dit
School, à Montréal. Pour intégrer une des 5 écoles Cégep, au Vanier College dans mon cas. L’entrée est
vétérinaires du Canada (University of Prince Ed- sans examen et les étudiants doivent y choisir 3 ma-
ward Island à Charlottetown, University of Calgary, tières de chimie, 3 de physique, 1 de biologie, 2 de
University of Saskatchewan à Saskatoon, dite Les sciences humaines, 2 de français et 3 de sport. >>>

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DOSSIER

5 ans. En plus du R-score élevé exigé, j’ai dû, compte


tenu de mes origines, passer un test de français in-
ternational et un entretien au cours duquel 6 mises
en situation (avec des questions du type « vous êtes
un patron et l’un de vos employés ne fait pas son tra-
vail, comment réagissez-vous ? ») permettent de sé-
© UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

lectionner les élèves. L’enseignement reste général


jusqu’en 5 e année, moment du choix, comme en
France, de la spécialisation : petits animaux, gros
animaux (bétail et chevaux) ou animaux exotiques.
Pour moi, le vrai point positif de cette formation,
L‘université de Montréal, francophone, n’accepte que 2 % d’anglophones par an. conclut Tiffany, est qu’elle m’oblige à apprendre une
autre langue. En outre, avec des frais d’inscription
de 10 000 $ à l’année, ces universités ne sont pas
chères pour l’Amérique du Nord, d’autant plus qu’à
l’inverse des États-Unis, le gouvernement délivre de
nombreuses bourses. En revanche, je trouve que le
système de sélection qui se focalise uniquement sur
les notes et n’accorde qu’une attention minime au
vécu et aux expériences pratiques n’est pas juste. »

EUROPE : NORVÈGE
Maria Michaela Ostholm (Suédoise), 27 ans,
étudiante en 2e année à la Norvegian School
© KNUT BRY

of Veterinary Medicine.

Michaela explique, pour sa part, qu’après avoir étu-


Pour intégrer l’école de Norvège, l’expérience compte au moins autant que les notes. dié pendant un an le français à Aix-en-Provence,
suivi 4 années d’études en biomédecine à l’univer-
En Norvège, sité en Suède (grâce auxquelles elle est diplômée
en parasitologie intestinale des singes), et avoir
nous étudions les matières monté un projet de recherche au Kenya pendant
4 mois et demi, elle a réalisé son intérêt pour la

les unes après les autres. médecine vétérinaire. « J’ai donc décidé de me ré-
orienter vers cette voie. J’ai choisi d’aller en Norvège
plutôt qu’en Suède car, dans ce pays, mon âge et
>>> Nous sommes évalués dessus, et nous obtenons toutes les expériences que j’avais déjà vécues étaient
à la fin un R-score, qui reflète notre niveau global. un gros avantage et comptaient au moins autant que
Un R-score très élevé est requis pour entrer ensuite les notes pour intégrer la faculté vétérinaire. Il

10 k$ de frais
dans une des écoles, et particulièrement pour ceux
qui veulent intégrer Saint-Hyacinthe et qui viennent
du Canada anglophone, comme moi. Généralement,
les anglophones se dirigent en masse vers la Uni-
n’existe qu’une seule école en Suède, de même qu’en
Norvège, et les élèves y accèdent directement après
le lycée. Celle de Norvège est très populaire et reçoit
beaucoup de demandes. Pour autant, elle n’accepte
d’inscription versity of Guelph. Seuls environ 2 % d’entre eux que 70 étudiants par an, sur plus de 3 000 préten-
sont acceptés au Québec. Cependant, avant d’inté- dants. La formation dure entre 5 ans et demi et 6 ans,
à l’année grer l’université vétérinaire de Montréal, j’ai passé selon le choix de la date de passage de l’examen final
à Montréal. 3 ans à McGill University pour obtenir un diplôme de l’université. Certains le passe au printemps, d’au-
de spécialisation en sciences du vivant, maladies et tres à l’automne et ils disposent alors de 6 mois pour
santé animale. J’y ai suivi des cours d’anatomie du monter un projet ou une thèse. »
chien, de physiologie des mammifères, de micro- « Nous suivons des cours théoriques chaque année
biologie, de biochimie, de génétique, d’immunologie jusqu’à la fin de notre cursus, ajoute Michaela, tou-
© CYRIL PAPARACHINI-WINTER

et d’infectiologie. J’y ai fini mon cursus et je ren- jours entrecoupées de rotations en clinique, à partir
tre finalement cette année à Saint-Hyacinthe, pour de la 3e année. À la différence de beaucoup de pays,
© CYRIL PAPARACHINI-WINTER

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Tiffany Gabriel-Bellantoni Mikaela Lewitt Melissa Whitherel Katelyn Litchko Kiley Cameron

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nous n’étudions pas plusieurs matières en même

© CYRIL PAPARACHINI-WINTER
temps, mais les unes après les autres, séparées par
une évaluation. Cette année par exemple, j’ai travaillé
successivement sur la biologie animale, la biologie
cellulaire, les statistiques et l’épidémiologie, la phy-
siologie, l’anatomie et la nutrition. Nous étudions les
animaux classiques, mais une attention particulière
est accordée à l’étude des oiseaux et des poissons (le
saumon, en particulier, qui est une grosse filière de
production dans nos pays). Comme je l’ai déjà dit,
nous finissons l’école par un examen qui porte sur
tout le programme, orienté tout de même vers une
spécialisation que nous choisissons en dernière année
(production animale, sécurité alimentaire, médecine
aquatique, etc.) ».

EUROPE : BELGIQUE
Mathilde Rouelle, 23 ans, étudiante en 5e année La seule école d’Afrique du Sud, au nord de Prétoria, est mondialement reconnue.
à la faculté vétérinaire de l’université de Liège.

« L’entrée à la faculté se fait sans concours, à la dif- AFRIQUE DU SUD


férence de la France. La formation dure 6 ans, mais
malheureusement, la possibilité n’est pas offerte de UNE SÉLECtION
choisir une spécialisation en dernière année. Il est
possible de redoubler 3 fois. La plupart des étudiants
dans ce cas ont une moyenne générale trop faible ou
ont obtenu une note inférieure à 7/20 dans une des
70
étudiants par an
DES PLUS StrICtES
Le stage en Afrique du Sud n’a pas permis
de rencontrer d’étudiant vétérinaire de ce pays.
Toutefois, au cours de la visite d’Onderstepoort,
matières. Les cours deviennent plus ardus au fil des sont acceptés la seule école vétérinaire située au nord
années et la 5e, que je viens de finir, s’est révélée sans
conteste la plus difficile, avec une apothéose de
en Norvège, de Prétoria, un membre de l’administration
16 examens au mois de juin. Ce n’est qu’en 6e année sur plus de a fourni quelques explications sur le système
que nous arrêtons les cours et commençons la pra- 3000 prétendants. sud-africain.
tique, avec en plus 12 semaines de stage obligatoires
La formation dure 6 ans depuis 2011 (au lieu
et quelques cours d’autopsie et d’épidémiologie. »
de 5) après une entrée directement à la fin
« Pour moi, précise Mathilde, l’intérêt principal de
du lycée. Une sélection drastique est effectuée
notre cursus est la qualité de notre formation théo-
via un examen d’entrée qui ouvre les portes
rique, grâce notamment à sa diversité et son ouver-
de l’école à 135 élèves par promotion.
ture (domaine non libéral, recherches en laboratoire,
Le cursus se décompose en 1 an de formation
possibilité de suivre pendant 2 ans des cours à Anvers
générale où des matières comme la chimie ou
la génétique sont enseignées, 3 ans de formation

5
en médecine tropicale, etc.). L’autre gros avantage est
le prix (900 € par an). Contrepartie immédiate, nous
théorique en médecine vétérinaire, années
n’avons que peu de pratique, et comme nous n’avons
au cours desquelles les travaux pratiques
aucun stage obligatoire avant la 6e année, beaucoup
sont de plus en plus nombreux, et 2 ans réservés
entrent en clinique en ne sachant rien faire. De plus,
ans de cours avant uniquement à la pratique dans les cliniques
notre formation accueille trop de monde. Nous étions de commencer de l’école (clinique pour les carnivores, le bétail,
encore 250 dans ma promotion cette année. La Bel- la pratique les chevaux, mais aussi pour les oiseaux
et les animaux exotiques). Les frais d’inscription
gique n’offre pas de travail pour autant de vétéri- en Belgique. sont de 34000 rents par an, soit un peu plus
naires par an. Pour moi, ajoute Mathilde, un nume-
rus clausus devrait être instauré, au moins à partir
de 3500 €. La rigueur et la pluralité
de la 4e année où les étudiants de toutes les facultés
des disciplines enseignées, ainsi que la diversité
vétérinaires de Belgique francophone (Bruxelles,
des animaux sur lesquelles ces dernières portent,
Namur, Louvain-la-Neuve) se réunissent à Liège
ont fait la renommée de cette université,
unanimement reconnue comme une des meilleures
pour leurs deux dernières années. »
»> du monde. À titre d’exemple, un minimum de 40 %
de bonnes réponses est requis à un examen final
et l’échec à plus d’un d’entre eux au cours
de l’année entraîne le redoublement de la totalité
des matières l’année suivante.
© CYRIL PAPARACHINI-WINTER

© CYRIL PAPARACHINI-WINTER

À noter qu’au cours de la visite, une chose reste


universelle au xxIe siècle dans les écoles
vétérinaires : une balance hommes/femmes,
qui a tendance à pencher majoritairement
vers le beau sexe. Une mixité toutefois bien
ron Mathilde Rouelle Maria Michaela Ostholm tolérée par la gent minoritaire!

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