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Auteur(s) / Autrice(s) :
Frédéric Chambat
Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS
Lyon
Publié par :
Olivier Dequincey
Delphine Chareyron
Résumé
Ordre de grandeur et profil d'équilibre de la déformation due à la force de marée pour une Terre homogène.
Une fois la force de marée calculée, comment déterminer la déformation de la Terre ? Une première
approche est de chercher un ordre de grandeur. Pour cela, on suppose la Terre sphérique et on commence
par remarquer que la force de marée a la dimension d'une pesanteur. Le problème compte cinq variables : le
rayon de la Terre R, la distance Terre-Lune d, le déplacement de la surface au plus haut du bourrelet h max
m et de la gravité de la Terre sphériqueg = G. 2
sous l'effet combinée de la force de marée g L 0 T /R . Ces
variables comptent deux dimensions : les distances et la pesanteur. Il y a donc trois nombres sans
dimensions indépendants, par exemple, h max /R, R/d et g L m /g , et l'équation physique qui exprime le lien
0
entre les variables peut s'écrire :
gm
hmax
R
= fonction( Rd , L
g0
).
Cette méthode, dimensionnelle, est formalisée sous le nom de théorème Π ou théorème de Vaschy-
Buckingham[1].
Pour aller plus loin, on peut se placer dans le cadre d'une théorie linéaire de la déformation, élastique ou
m (d'ailleurs,
fluide. Cela exprime le fait que la déformation h max /R est proportionnelle à la force appliquée g L
on ne voit pas en quoi la distance d interviendrait autrement que dans la force de marée). Au final on a donc
un ordre de grandeur :
hmax gm
∝ g0 . R = 2. ΓL . R,
L
R
Avec R = 6371 km, d = 384 000 kmd=384 000 km, T = 81,3. L , on trouve ΓL = 5,6. 10−8 et
hmax = 72 cm . Avec le même raisonnement pour le Soleil et avec des notations évidentes : dS = 23 500. R,
3
= 333 000. ΓS = . ( dR ) = 2,6. 10−8 hmax = 32 cm et ΓL /ΓS = 2,2.
S
T T ; on trouve alors c'est-à-dire
T S
L'influence solaire n'est pas négligeable quoique inférieure à celle de la Lune. Lorsque les trois astres sont
alignés (tous les 14,75 jours) les forces de marées lunaire et solaire s'ajoutent, on a alors de grandes marées
qu'on appelle vives-eaux ; quand les astres sont en quadrature les marées sont faibles, ce sont les mortes-
eaux.
Procédons au même raisonnement pour la surface de la Terre et supposons que la surface est un fluide
parfait qui tourne en bloc autour de l'axe des pôles. La surface du fluide est alors celle pour laquelle la
somme de la pesanteur et de l'accélération de marée est perpendiculaire à la surface. C'est donc aussi,
comme pour l'exemple du récipient, la surface pour laquelle la somme du potentiel de pesanteur et du
potentiel de marée est constante. On trouve alors que le potentiel de pesanteur aplatit la Terre aux pôles,
avec une différence des rayons équatoriaux et polaires de 21 km[4]. Le potentiel de marée (Φm , voir la
définition du potentiel de marée dans le chapitre précédent) allonge lui la Terre dans la direction de la Lune
mais d'une quantité beaucoup plus petite. On trouve en effet que cet allongement s'exprime par :
2
h= Φm
g0
= hmax 3 cos2 θ−1 ,
avec hmax le maximum, dans la direction Terre-Lune, qui vaut :
hmax = ΓL . R,
et ˆ , l'angle entre TM et TL.
θ = LTM
Suivant cette théorie, la Terre fluide se soulève de 36 cm dans la direction de la Lune (θ = 0) et s'abaisse de
18 cm dans le plan perpendiculaire passant par le centre de la Terre (θ = π/2). La forme générale est ce que
les mathématiciens appellent un ellipsoïde allongé, ou oblong, dans la direction de la Lune, une sorte de
ballon de rugby en moins pointu (cf. figure ci-dessous).
Dans la réalité, on observe en fait que le déplacement moyen des continents est de l'ordre de 30 cm, alors
qu'il est très variable dans les océans, de 0 à 1 mètre en plein océan, et jusqu'à plusieurs mètres sur
certaines côtes. De plus, si la déformation des continents prend bien la forme du ballon de rugby, celle des
océans est beaucoup plus complexe. La suite de cet exposé nous permettra de comprendre les raisons de
ces différences. Pour cela nous allons commencer par parler des marées de la Terre solide, les plus simples,
puis nous en viendrons aux marées océaniques.
PLAN DE L'EXPOSÉ
Une partie de cet ensemble de notes sur les marées reprend des articles rédigés avec Étienne
Ghys pour le site internet des Mathématiques pour la Terre – 2013.