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Auteur(s) / Autrice(s) :
Frédéric Chambat
Daphné Lemasquerier
Publié par :
Olivier Dequincey
Delphine Chareyron
Résumé
Pourquoi la Terre est sphérique (parce que les montagnes ne peuvent pas être trop hautes) et rayon critique pour
la sphéricité des astres. Sismologie et mise en évidence de la sphéricité des enveloppes internes de la Terre.
Ces contraintes dans la montagne sont celles qui règnent dans une carotte de roche soumise à une contrainte σV
sur les deux bords opposés. Il en résulte, au fur et à mesure que la contrainte augmente, une déformation d'abord
élastique, puis “ductile”, résultant de processus de fluage, puis une déformation cassante (figure 2).
La figure 3 montre les résultats d'expériences de confinement de carottes de roches visant à mesurer cette
relation entre la contrainte appliquée et la déformation résultante.
Ces expériences montrent que la rupture des roches classiques de la croute intervient entre 100 et 500 MPa
(Fossen, 2010 [2]). Pour mener un calcul d'ordre de grandeur, prenons une contrainte maximale égale à τmaxn =
300 MPa. Or la contrainte à la base d'une montagne augmente avec sa hauteur. La hauteur d'une montagne est donc
limitée et son maximum, qu'on notera hmax, est donné par la contrainte de rupture, c'est-à-dire par la relation
τmax = ρgh max. En prenant ρ = 3000 kg.m −3 et g = 10 ms−2, il vient hmax = 10 km. Cet ordre de grandeur correspond
bien à ce qu'on observe sur Terre : la hauteur d'Hawaï, plus haute montagne isolée, est de 9 km (5 km immergés et
4 km émergés). Pour Mars, où la gravité est de g = 3, 6 ms−2, on obtient ainsi une hauteur maximale des montagnes
de 28 km, ce qui correspond là encore aux observations, le Mont Olympe (Olympus Mons) a 27 km d'altitude. Pour
ces deux planètes, et pour celles où la gravité est suffisante, la hauteur des montagnes est donc une toute petite
fraction de leur rayon : on peut considérer qu'elles sont sphériques.
Prenons par exemple comme critère de sphéricité hmax ≤ R/4, et notons Rc le rayon critique pour lequel l'égalité
τmax = ρgh max est satisfaite. Avec l'expression de g précedente, on trouve alors :
Rc = √
3 τmax
−
.
πGρρ
− −3
Pour les petits corps, ρ ≈ ρ ≈ 3000 kg.m , si bien que Rc ≈ 700 km. On en conclut qu'au-delà de quelques
centaines de kilomètres, un corps céleste auto-gravitant, non tournant, est (approximativement) sphérique. En
dessous de quelques centaines de kilomètres on ne peut rien dire : les corps peuvent être quelconques (dont
sphériques). Ce résultat est cohérent avec quelques formes d'astéroïdes connus (figure 4) : le plus gros d'entre eux
est sphérique alors que les autres ont parfois des formes éloignées de la sphère.
Nous avons expliqué pourquoi la surface de la Terre est sphérique, qu'en est-il de ses couches internes ?
On peut commencer par répondre à cette question de façon théorique. En écrivant les équations de la mécanique
et en faisant quelques hypothèses, on montre qu’à une interface entre deux couches, le saut de contrainte généré́
par ce relief est proportionnel à la gravité, à la hauteur de la topographie, et au saut de densité́ entre les deux
couches. On a alors [τ] = [σV − σH] = [ρ]gh, en notant entre crochets [] les sauts à l'interface. À partir de là, il est facile
de montrer que la hauteur des reliefs est limitée. L'intérieur de la Terre devrait donc aussi être à symétrie
sphérique. Voyons ce que les observations nous en disent.
Les nombreuses données de la sismologie sont de précieux outils pour étudier la structure interne de la Terre
(figure 5). On peut par exemple mesurer le temps de propagation des ondes sismiques du foyer à une station
sismique.
En combinant l'ensemble des mesures obtenues sur Terre, et en les reportant en fonction de la distance
épicentrale (on appelle ces graphiques des hodochrones), on obtient la figure 6 (à droite). Pour un même type d'onde,
les points d'une hodochrone forment une courbe fine et non une ligne très épaisse, ce qui signifie que tous les
couples séisme-station à une distance donnée voient un sous-sol identique où qu'ils soient. C'est d'ailleurs
évidemment le cas sur la figure 6 de gauche obtenue, justement, en modélisant la propagation des ondes sismiques
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en supposant la sphéricité. L'observation synthétisée dans la figure de droite atteste donc de la sphéricité interne
de la Terre.
Figure 6. Hodochrones théoriques et réelles montnant la sphéricité des interfaces internes de la Terre
À gauche, hodochrones théoriques (temps d'arrivée en fonction des distances épicentrales) obtenues à partir d'un
modèle de Terre à symétrie sphérique. Les différents sigles désignent différents types d'onde selon le trajet qu'elles
ont parcouru (on distingue les ondes qui ont traversé le noyau ou non, celles qui sont engendrées par réfraction,
celles qui se sont réfléchies).
À droite, hodochrones obtenues à partir de données réelles : combinaison des données de 33 000 sismogrammes
enregistrés lors de séismes de magnitude supérieure à 5. Chaque point est un temps de parcours mesuré. Sont
représentées les composantes verticale (bleu), longitudinale (vert) et transverse (rouge) du déplacement (Astiz et al.,
1996 [1]).
Sphéricité d'interfaces. En étudiant cette fois les temps d'arrivée des ondes sismiques dans l'épaisseur du trait de
la figure 6 (droite), on peut établir des cartes de la topographie d'une interface en profondeur. En mesurant la
différence de temps d'arrivée entre l'onde réfléchie à la surface et l'onde réfléchie à la discontinuité (par exemple
figure 7), on peut en déduire la distance entre la surface et cette discontinuité, et donc sa topographie. Par exemple,
Houser et al. (2008 [3]) ont déterminé la topographie de l'interface située autour de 410 km de profondeur (surface
supérieure de la zone dite de transition). On voit sur la carte obtenue un faible écart à la sphéricité (écarts inférieurs
à 20 km).
Entre deux interfaces. La sismologie permet également de quantifier les variations latérales de vitesses sismiques
entre deux interfaces. Cette méthode consiste à analyser les variations de temps d'arrivée des ondes pour en
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déduire où elles sont accélérées ou ralenties, et éventuellement interpréter cela en terme de densité et de
température des zones traversées par les ondes. À partir de multiples mesures, on peut ainsi reconstituer un profil
de variation de vitesse des ondes sismiques au sein du manteau. On voit par exemple sur les profils de la figure 8
que ces variations latérales relatives de vitesses sont de l'ordre de 1 %, ce qui est faible.
Figure 8. Profils de tomographie sismique (variations relatives de vitesse sismique) réalisés à partir de temps
d'arrivée d'ondes P (données de l'ISC)
Profils au niveau, de gauche à droite, (AA') de la mer d'Égée, (BB') des îles Kouriles, (CC') de la fosse d'Izu-Bonin.
Ces trois profils sont localisés au niveau de zones de subduction, et montrent des anomalies de vitesse rapides
associées aux plaques plongeantes. Dans la première coupe, la plaque subduite traverse la zone de transition, alors
que dans les deux autres elle y stagne.
Bibliographie
L. Astiz, P. Earle, P. Shearer, 1996. Global stacking of broadband seismograms , Seismological Research Letters,
67, 4, 8-18
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H. Fossen, 2010. Structural geology , Cambridge University Press, 480p
C. Houser, G. Masters, M. Flanagan, P. Shearer, 2008. Determination and analysis of long-wavelength transition
zone structure using SS precursors, Geophysical Journal International, 174, 1, 178-194 [pdf]
H. Kárason, R.D. van der Hilst, 2000. Constraints on mantle convection from seismic tomography, in The history
and dynamics of global plate motions, Geophysical Monograph, 121, 277–288