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LA FORCE DE MARÉE
30/03/2015
Auteur(s) / Autrice(s) :
Frédéric Chambat
Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS
Lyon
Publié par :
Olivier Dequincey
Delphine Chareyron
Résumé
Référentiel galiléen ou géocentrique, bien se repérer pour "ressentir" et définir la force de marée.
Pour simplifier nous allons considérer deux astres seulement : un astre attirant, la Lune, un astre attiré, la
Terre. Ce sont donc les effets de la force de marée lunaire sur la Terre que nous allons examiner (l'inverse
existe aussi et nous donnerons ses conséquences dans un futur chapitre).
Expliquer la force à l'origine des marées n'est pas simple car pour bien faire cela requiert quelques notions
→ →
de mécanique, notamment que la loi ∑ f = m. a est vraie uniquement dans les référentiels appelés
galiléens[1].
Il faut savoir que si la Lune tourne autour de la Terre, la Terre tourne autour de la Lune. Tout dépend bien sûr
du référentiel dans lequel on se place. Deux référentiels sont utiles : celui qui est centré au centre de masse
du système Terre-Lune (et donc à environ 5000 km du centre de la Terre) et dont les axes sont de directions
fixes. Celui-ci est galiléen (toujours en supposant que le système Terre-Lune est isolé), nous le noterons .
Dans ce référentiel les centres de la Terre et de la Lune tournent autour du centre Terre-Lune en gardant ces
trois points alignés. Le deuxième référentiel est centré au centre de la Terre et ses axes sont de directions
fixes : dans celui-ci le centre de la Terre est immobile mais il faut ajouter des forces d'inertie aux vraies
forces. C'est dans ce deuxième référentiel que les forces de marées sont ressenties, nous l'appellerons
référentiel géocentrique et le noterons g.
D'autre part il est important de bien réaliser que l'attraction de la Lune peut être décomposée en
deux termes :
la moyenne de l'attraction lunaire sur la Terre[2] est la source du mouvement orbital de la Terre (elle
tourne autour du centre de masse Terre-Lune) ; ce terme intéresse les mécaniciens célestes.
les écarts à la moyenne (l'attraction varie dans l'espace en intensité et en direction) génèrent des
déformations de la Terre ; ces écarts s'appellent force de marée et intéressent les géophysiciens et
géodésiens.
Il y a ainsi une première façon de présenter la force de marée : la force de marée correspond à l'écart à
la moyenne de l'attraction de la Lune c'est-à-dire à l'écart entre attraction de la Lune en un
point et attraction moyenne sur la Terre.
La deuxième façon de voir la force de marée demande plus de connaissances en mécanique mais elle
explique pourquoi on retranche la valeur moyenne de l'attraction lunaire. La force de marée correspond
à l'effet de l'attraction de la Lune vue dans un référentiel géocentrique, c'est-à-dire à l'effet de
l'attraction de la Lune en ajoutant la force apparente d'entraînement liée au mouvement orbital
de la Terre.
Listons les forces ressenties par un observateur situé en un point de la Terre :
l'attraction de la Terre,
la force centrifuge liée à la rotation de la Terre autour de l'axe des pôles,
la force de Coriolis, si le point est en mouvement,
l'attraction de la Lune,
une force d'entraînement uniforme.
Les deux premières constituent ensemble la pesanteur ; les deux dernières la force de marée. Essayons de
comprendre ce qu'est la force d'entraînement.
La Terre a tendance à tomber sur la Lune mais, puisqu'elle possède une vitesse orbitale, elle est en même
temps écartée de la Lune, ce qui fait qu'en terme de trajectoire elle ne tombe pas vraiment et décrit une
courbe quasi-circulaire [Terre-Lune]. Puisque la Terre ne tombe pas sur la Lune on peut dire qu'il existe une
"force" qui contrebalance l'attraction lunaire. Cette force apparente est, comment on vient de le voir, liée au
mouvement : c'est l'opposée de l'accélération de la Terre (multipliée par sa masse) dans le référentiel
galiléen .
S'il n'y avait pas l'attraction de la Lune, pendant un temps dt la Terre parcourrait une distance
v.dt en ligne droite. Avec l'attraction lunaire, pendant ce même laps de temps, elle tombe
aussi sur la Lune de la distance gL(dt)2/2 (figure). Or, on peut calculer cette longueur de chute
d'une autre façon : pour des petits angles, l'angle de déviation de la trajectoire α est tel que
α = v.dt/2r, de plus la trajectoire est quasi circulaire ce qui indique que la longueur de chute
est α.v.dt = (v.dt)2/2r. C'est ainsi que Newton a montré la relation bien connue gL = v2/r
(attraction égale accélération centripète). Et qu'il a découvert ce que raconte l'histoire de la
pomme : la Lune tombe vers la Terre suivant les mêmes principes que la pomme.
→
0 l'attraction moyenne de la Lune sur la Terre[3],
Mettons cela en équation. Notons g L T la masse de la Terre
→
et a (T ) l'accélération du centre T de la Terre dans le référentiel galiléen . Le principe fondamental de la
→
https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/maree-force.xml - Version du 02/09/22
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→ →
0
dynamique, T gL =
. T . a (T ), peut aussi s'écrire :
→ →
0
T . gL − T. a (T )= 0
→
On peut donc voir le mouvement comme un équilibre où le terme − T . a (T ) est une force apparente.
Chacun a déjà ressenti cette équivalence entre accélération et force dans une voiture qui prend un virage :
l'accélération centripète de la voiture est ressentie comme une force centrifuge par le passager. Chacun des
deux points de vue fait référence à un référentiel d'observation : dans un référentiel galiléen la somme des
forces est égale au produit de la masse par l'accélération alors que dans le référentiel mobile, l'accélération
de ce référentiel est perçue comme une force, de sens opposé, qu'on appelle force d'entraînement.
Le raisonnement que nous venons de tenir pour la Terre globale s'applique en partie à toute particule liée à
→
m située en un point M subit l'attraction de la Lune m. gL (M) mais aussi la force
la Terre. Une masse
→
d'entraînement −m T . a (T ). La somme de ces deux attractions s'appelle force de marée :
−→ → → → →
f m (M):=m. gL (M)−m. a (T )= m. gL (M)−m. gL0 .[4]
Par commodité on définit alors l'accélération de marée :
−→ → →
gLm (M):=gL (M)−gL0
→
Décrivons un peu plus l'accélération d'entraînement − g L 0 . Dans la marée, on ne s'intéresse pas à la rotation
de la Terre sur elle-même, celle-ci est contenue dans la pesanteur. On cherche donc la force dans un
référentiel dont les axes ont des directions fixes ; dans un tel référentiel tous les points ont une même
→
0 est donc uniforme (ne dépend pas du point M ). Ce n'est donc pas, comme on le lit parfois,
accélération : g L
une force centrifuge (qui n'est pas uniforme), mais une force inertielle de translation non rectiligne.
→ →
0 est égale à l'attraction au centre de la Terre g (T ). Dans
Si la Terre est sphérique l'attraction moyenne g L L
la plupart des livres, on confond d'emblée les deux, ce qui est une approximation très satisfaisante. C'est ce
que nous ferons aussi désormais.
L'ordre de grandeur de la force de marée est facile à estimer en faisant la différence des deux forces
d'attraction entre le point proche de la Lune et le centre de la Terre :
G. G. G.
gLm = − ≃ 2. . r.
L L L
(d−r)
2 d2 d3
C'est la différentielle d'une fonction en 1/d 2 , c'est donc une fonction proportionnelle à 1/d 3 .
Pour connaître complètement la force il nous faut son amplitude et sa direction partout.
Par le dessin tout d'abord, les deux forces qui composent la marée se déterminent aisément (figures ci-
dessous) : nous voyons que la force de marée a tendance à allonger la Terre dans la direction Terre-Lune, à
la comprimer dans le plan perpendiculaire et à créer ainsi deux "bourrelets".
Mathématiquement, on peut montrer que l'accélération de marée dérive d'un potentiel de marée (
−→ −−−→
gLm (M):= grad Φm ) qui a la forme :
G 3.cos2 θ−1 [4]
Φm (M):= . r2 .
L
,
d3 2
où r est la distance de M au centre de la Terre, et où θ est sa distance zénithale avec la Lune, c'est-à-dire
ˆ , angle entre la direction de la Lune (TL) et celle du point M (TM).
l'angle au centre de la Terre LTM
PLAN DE L'EXPOSÉ
Une partie de cet ensemble de notes sur les marées reprend des articles rédigés avec Étienne
Ghys pour le site internet des Mathématiques pour la Terre – 2013.
[1]
Un référentiel galiléen, ou inertiel, est un référentiel dans lequel un objet isolé (sur lequel ne s'exerce
aucune force ou sur lequel la résultante des forces est nulle) est en mouvement de translation rectiligne
uniforme.
[2] La résultante (somme) de l'attraction sur la Terre divisée par sa masse.
→ →
[3] 0 1
Mathématiquement g L = ∫Terre gL (M). dV.
T