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Novembre - Décembre 2012

& langages

Le spécialiste de la culture en ligne

magazine
Le spécialiste de la culture en ligne

L’ABCdaire
simplifié
l L’e
l L’e bonheur
bonheur est
est de la peinture
dans
dans le chant !

l Bien
l Bien rédiger
rédiger
un courrier

l Le
l Le pouvoir
pouvoir des
des sons
l Une
l Une thérapie
thérapie avec
avec
les marionnettes
ART & langages magazine

l Qu’est-ce
l Qu’est-ce que
que l’Art déco ?

Leonard de Vinci,
artiste et inventeur
 Édito
Novembre - Décembre 2012

Le bonheur est dans le chant !

L
Le chant, quelles que soient les époques, a toujours
été pour l’Homme une activité, un loisir, un besoin
incontournable. Qui n’a jamais entendu au coin d’une
ruelle, un matin, un maçon ou un peintre en bâtiment
chanter pendant qu’il oeuvre ? Le chant, parce qu’il
fait travailler les cordes vocales, elles-mêmes reliées
à des muscles, peut conduire un individu en quelques
minutes à un destress total. Sous sa douche, en voi-
ture, dans une chorale, le chant peut se pratiquer éga-
lement sous bien des formes. Oui, le chant est
thérapie. Comme toute autre forme d’expression ar-
tistique, il peut aider aussi des individus introvertis à
s’exprimer. De ce fait, ces
personnalités timides se
sentent mieux dans un quo-
tidien parfois difficile. En
outre, chanter libère ses
émotions et donne la possi-
bilité d’interpréter un texte
et ainsi de créer. En es-
bénéfique à l’équilibre psychologique de l’être hu- sayant de chercher sa voix,
main. La raison ? Avant de savoir parler, le bébé ga- il est même possible un jour
zouille et produit même de véritables vocalises ! de trouver sa voie... Les
Émettre des sons positifs resitue ainsi le psychisme chant-thérapeutes en attes-
dans une enveloppe protectrice physiologique qui lui tent, n’oubliant jamais que
permet joliment de recharger ses réservoirs énergé- la transmission reste avant
tiques. De plus, nul besoin d’avoir la voix de Céline tout orale. Reste à chacun de faire de son existence
Dion pour s’essayer à cet exercice. Un des premiers une mélodie...
bénéfices indéniables du chant sur le corps étant la
détente qu’il procure, il constitue donc une excellente

Ivan Calatayud

244/ Signes & sens

 Génie

Leonard de Vinci,
artiste et inventeur

“Le plaisir le plus noble est la joie de compren-

dre”... Cette citation de celui qui réussit à unir
l’art et les sciences résume à elle toute seule ce
personnage qui fascine encore l’humanité, cinq
siècles après sa disparition : Leonard de Vinci.
Plus qu’un artiste, un inventeur, un scientifique,
un penseur, il reste l’homme qui crée les premiers
plans de ce que l’on appellera longtemps après,
l’hélicoptère, au moment même où il donne les
derniers coups de pinceau à son célèbre tableau
“La Joconde”...

L
Leonard de Vinci (Leonardo di ser Piero da Vinci) contours et les contrastes. Le “style de Vinci” voit le
naît d’une relation illégitime le 15 avril 1452, d'un jour. À 30 ans, l’artiste entre au service du duc de
père notaire et d’une jeune paysanne, dans le village Sforza, il le restera presque 15 ans. Leonard réalise
d'Anchiano en Toscane. Après avoir suivi une sco- d’ailleurs sur place un de ses chefs d’oeuvre : “La
larité relativement complète, le jeune Leonard réussitcène”. Parallèlement à ses activités de peintre, Vinci
passe de plus en plus de temps à étudier les mathéma-
à entrer dans l’atelier du grand peintre florentin Ver-
rochio. Il y suit un solide enseignement de la peinture
tiques, la science et la technologie appliquée au quo-
et du dessin, bien qu’il n’y séjourne que peu de tidien. Il améliore un métier à tisser et un mécanisme
temps. En effet, l’élève florentin, très tôt après qued’horloge. C’est à ce moment-là aussi qu’il travaille
ses premiers travaux artistiques aient obtenu un cer- sur un système avant-gardiste d’irrigation. L’hydro-
tain succès localement, décide de voler de ses pro- logie et l’urbanisme suscitent un intérêt grandissant
pres ailes... chez l’apprenti savant : il pense à “sa cité idéale”.
Mais l’heure n’est plus à la rêverie... Les Français
Un avant-gardiste envahissent la Toscane, ce qui fait fuir de Vinci. Ces
Leonard de Vinci a 26 ans et déjà ce désir d’innover. évènements le conduisent à étudier des machines de
Il améliore sa technique sfumato (enfumé) qui donne défense qu’il proposera plus tard à des militaires,
un rendu velouté à ses toiles en adoucissant les sans grand succès... En 1503, il réalise le portrait de « Leonard de Vinci avait, dans tout ce qu’il faisait, tellement d’avance
qu’il ne pouvait être vraiment compris de son vivant »

245/ Signes & sens 246/ Signes & sens

 Mona Lisa, plus connue sous le nom de la Joconde...
Vers 1507, de plus en plus possédé par les sciences,
le peintre italien s’isole et passe plusieurs années à
observer le vol des oiseaux, les mouvements de
l’eau, à étudier l’astronomie, les corps humains. Il
est même autorisé à disséquer des cadavres par les
autorités de l’époque. Leonard de Vinci dessine plus
qu’il ne peint maintenant. Ses travaux d’observation
sont consignés sur son célèbre carnet de croquis : le
Codex. On peut y remarquer des esquisses et des
dessins d’une rare finesse, d’une justesse scientifique
sans pareille et d’une élégance artistique halluci-
nante. Les travaux du prodige témoignent d’un sens
de l’observation très développé, d’une capacité à re-
transcrire rigoureusement tout ce qu’il comprend de
la vie et des choses mais, surtout, à percer des mys-
tères jusque-là insoupçonnés...
Un génie méconnu de son vivant
En 1512, Leonard de Vinci s’installe à Rome sous la
protection des Médicis qui gouvernent alors le pays.
De nouveaux artistes de talent comme Raphaël et
Michel-Ange émergent et lui seront préférés... 1515,
la bataille de Marignan permet au précurseur de la
Renaissance de quitter l’Italie pour s’installer au
Clos-Lucé, à côté du château d’Amboise, en France,
à la demande de François 1er qui lui permettra de
247/ Signes & sens
faire tout ce qu’il veut pourvu que cela soit innovant
! Le roi de France a soif de modernité et veut impo-
ser le style italien chez lui. Mais Leonard de Vinci
est vieillissant et affaibli. Il ne produit presque plus
rien. Il meurt dans les bras de son dernier protecteur
en 1519, à 65 ans. La plupart des travaux artistiques
Frédérique Tirtiaux
Psychanalyste agréée
et scientifiques de ce grand génie ne feront que peu
écho de son vivant. De Vinci plus qu’un artiste, plus
qu’un scientifique, se révèle un grand visionnaire :
il avait, dans tout ce qu’il faisait, tellement d’avance Art-Thérapeute
qu’il ne pouvait être vraiment compris de son vivant.
Ses inventions telles que le bâteau à aubes, le roule-
ment à billes, l’hélicoptère ou bien encore le sca-
phandre, ne pouvaient être mis en application au
XVème siècle, faute de matériaux technologiques à 4 Echec affectif
la hauteur. Il faudra attendre 500 ans pour que cer-
tains de ses plans voient le jour en trois dimensions... 4 Echec professionnel
4 Echec scolaire
4 Manque de confiance en soi
Igor Capelle 4 Troubles du comportement
4 Préparation psychanalytique
à la naissance
*
Sète (34) - Tél : 04 99 02 78 68 (sur rendez-vous)
248/ Signes & sens
 Conseils

Bien rédiger un courrier

Faisant suite au téléphone, l’ère de l’informatique a bousculé la façon de com-

muniquer - mails, textos et autres MSN -, délaissant quelque peu le courrier pa-
pier. Pourtant, savoir rédiger une lettre reste d’actualité et peut d’ailleurs tout à
fait s’avérer utile pour effectuer un courriel.

QQue ce soit à l’aide d’un clavier ou de façon manus-

crite, écrire une lettre convoque des règles qu’il est
important de connaître. Cependant, rappelons qu’il
est toujours recommandé d’écrire une lettre de mo-
tivation à la main.

Une page aérée et cohérente

En haut à gauche de la page, inscrivez vos nom, pré-
nom, adresse, et numéro de téléphone le cas échéant.
En haut, à droite, le lieu et la date à laquelle vous
écrivez et au-dessous le nom de votre destinataire.
Pour une lettre administrative et afin de clarifier le
but de votre courrier, il est important de préciser en
trois ou quatre mots l’objet de votre écrit. Une lettre
commence toujours par une formule dite d’appel qui
est une façon de saluer votre correspondant, suivie
d’une virgule. Par exemple, Monsieur le Maire, Cher
Jean, etc. La première phrase revêt une importance
particulière. Il est conseillé, surtout s’il s’agit d’une
lettre de motivation, de ne pas commencer à la pre-
mière personne de manière à ce que le lecteur soit
d’emblée pris en compte. Cette phrase doit contenir
une douzaine de mots maximum et donner envie de
continuer la lecture. Vous pouvez maintenant com-
mencer à parler de vous. Veillez toutefois à ce que
votre page soit aérée en structurant le contenu en plu-
sieurs paragraphes d’une dizaine de lignes chacun,
séparés d’un saut de ligne. Rien n’est plus pénible
pour un lecteur que d’avoir affaire à un texte écrit
d’un seul tenant. D’autre part, sauf si vous êtes un « Il est toujours recommandé d’écrire une lettre de motivation à la main »

249 / Signes & sens 250 / Signes & sens

 écrivain de la lignée de Marcel Proust, évitez les
phrases à rallonge. Vous vous rendrez compte des
pauses lorsque vous lirez votre lettre à voix haute :
le test est très révélateur, aussi bien pour la cohé-
rence du contenu que pour la ponctuation. N’oubliez
pas de conclure par une formule de politesse adaptée
à votre destinataire : ainsi, un courrier informel et
plutôt amical peut se terminer par Cordialement ou
Bien à vous. Veuillez agréer, Madame, Monsieur,
l’assurance de mes sentiments respectueux convient
lorsque la relation à son correspondant se veut plus
solennelle. Pour un courrier officiel sollicitant un re-
tour, la formule Dans l’attente de votre réponse, je
vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, mes saluta-
tions distinguées reste une formulation standard
adaptée. Enfin, pensez surtout à signer ! Écrire une
lettre, quel qu’en soit l’objet, est l’occasion de véri-
fier la qualité de son orthographe et parfois de faire
des découvertes. Pour un texte numérique, le correc-
teur d’orthographe prend ici toute sa fonction.
Lorsque l’on écrit à la main - outre l’utilisation du
dictionnaire -, il est intéressant de consulter, sur In-
ternet, les sites orthographiques abordant de manière
claire, parfois sous forme de mini-leçons vidéo très
accessibles, les subtilités des accords grammaticaux,
ainsi que certaines figures de style.
Et le courriel ?
La correspondance par courriel, très pratique, est de
plus en plus prisée, aussi bien au niveau des parti-
culiers que des entreprises. Sachez toutefois qu’un
texte administratif informatique n’a aucune valeur
sur un plan juridique, pour l’unique raison qu’il peut
être modifié à la réception. Il peut aussi être soumis
251 / Signes & sens
au piratage et, bien qu’il existe aujourd’hui des pro-
cédés complexes de signature électronique, il doit
toujours être doublé par un courrier papier pour être
valide. Toutefois, le courriel reste un outil de com-
munication très intéressant, surtout lors d’une cor-
respondance suivie. Voici donc quelques conseils
pour en optimiser la pratique :
- L’objet : devant le nombre de mails reçus par votre
correspondant, il est nécessaire de soigner la formu-
lation de l’objet de votre courriel de manière à ce
qu’il attire l’attention. Il doit être le plus explicite
possible avec un maximum de 30 caractères.
- Le corps du mail : même si la mode est au SMS,
parfois écrit en phonétique, un texte de ce type passe
très mal en courriel et pas du tout - bien sûr - en cas
de communication professionnelle. La règle du texte
aéré et des paragraphes est également applicable à
un courriel de qualité, d’autant que votre destina-
taire, même si c’est un ami, se sentira respecté. Le
respect de l’orthographe reste essentiel pour éviter -
entre autres - les confusions. Effectivement, com-
bien de mails écrits à la va-vite ne sont pas entière-
ment compris par le destinataire et font souvent
perdre un temps précieux. Utiliser les possibilités
graphiques (caractères gras, italiques…) participe
aussi à la clarté du message. En outre, il faut éviter
d’écrire tout en majuscule (oui, cela arrive !) car
dans le langage web, il exprime de l’agressivité…
Marie-France Petit
252 / Signes & sens
 Mélodie

Le pouvoir des sons

Déjà perçus par le fœtus in utero, ces mouvements vibratoires rythmiques défi-
nissant le son précèdent le sens de la vue. Ainsi, avant de discerner le monde, le
petit d’Homme en possède une connaissance auditive. Les traditions spirituelles
considèrent d’ailleurs que la vibration sonore est à l’origine de la Création et *
transmettent qu’« Au commencement était le Verbe »…

L
Les sons nous fascinent ou nous dérangent, nous ber-
cent ou nous éveillent. De simples bruits peuvent,
par l’écoute singulière de l’artiste qui sommeille en
chacun, devenir musique et prendre soudainement
un sens inattendu. Peut-être est-ce d’ailleurs là que
se situe aussi l’un des sens de la bonne nouvelle de
l’Évangile : Que ceux qui ont des oreilles enten-
dent… ? Ainsi, l’Inde éternelle considère le son
comme étant à l’origine du cosmos, possédant un as-
pect non manifesté (parâ : le silence), subtil (pas-
hiantî : la vibration) et articulé (vaikharî : le
langage). Dans toutes les cultures, l’art musical
consiste à conjuguer ces trois qualités de manière à
obtenir certains résultats.
Des effets psychosomatiques
Si la matière originelle de la vibration sonore reste
universelle, les différences géographiques et histo-
riques ont enrichi la manière d’appréhender son pou-
voir mais aussi de le maîtriser et de l’utiliser. Dans
la légende d’Homère, il nous est conté qu’Ulysse est
prévenu que le chant des sirènes abrite un pouvoir
séducteur et peut engendrer certaines conséquences
du point de vue du comportement. La musique mili-
taire agit sur la combativité du soldat, tandis que
l’objectif d’une nocturne de Chopin ou d’une chan-
son de variété cherche à stimuler chez l’auditeur un
tout autre état émotionnel. De fait, les sons devien- « De simples bruits peuvent devenir musique
nent des outils logeant une dimension au service sal-
et prendre soudainement un sens inattendu »

253 / Signes & sens 254 / Signes & sens

 vateur du psychosomatique, dont les effets sont en tiseur ou autres…) et musicothérapie passive quand
prise directe sur les corps et les esprits. le choix du support se porte sur des enregistrements
sonores. L’aspect thérapeutique consiste à mettre en
Des applications positives lien la production musicale avec la résolution de la
Le musicien américain David Hykes popularise dans problématique à l’origine de la consultation. Le thé-
les années 90 le chant harmonique, une technique rapeute peut éventuellement être musicien mais ce
vocale consistant à utiliser savamment la cavité pré-requis n’est en aucun cas obligatoire. Le musi-
bucco-nasale pour produire plusieurs sons (polypho- cothérapeute, par sa connaissance du fonctionnement
nie), le corps devenant l’instrument naturel par ex- psychique conscient et inconscient, guide la séance
cellence. Issues des chants traditionnels mongols et en fonction d’un axe précis et la conclut par une in-
tibétains, on retrouve également ces techniques dans terprétation verbale, c’est-à-dire en donnant à enten-
les chants polyphoniques corses. Son principe dre un sens singulier, évolutif et libérateur pour son
consiste à laisser jaillir, à partir d’une note fonda- consultant.
mentale grave, ses harmoniques aiguës naturelles. Il
se trouve que cette pratique ancestrale véhicule des
vertus thérapeutiques, rééquilibrant l’énergie subtile
du pratiquant. Le thérapeute Alfred Tomatis s’est Martine Guillet
rendu compte de l’importance, pour l’équilibre de
l’individu, de ces vibrations. La voix, expliquait-il,
n’émet que les harmoniques que l’oreille peut enten-
dre. Il a fondé alors sur cette découverte une méthode
de rééducation, appelée audio-psycho-phonologie, vi-
sant à la restitution de certaines fréquences, à l’aide
d’ateliers audio-vocaux. Ses applications se révèlent,
toujours aujourd’hui, très positives dans les do-
maines de l’apprentissage scolaire mais également
pour les sujets manquant de confiance en soi.

La musicothérapie
Paradoxalement, la musicothérapie entre dans le
cadre des psychothérapies utilisant la musique
comme médiation dite muette ! Muette dans le sens
où elle permet aux personnes présentant des difficul-
tés de communication de passer par l’univers musi-
cal pour exprimer leurs émotions. Cette discipline
est appelée musicothérapie active lorsque le patient
se sert d’un instrument (percussions, piano, synthé-

255/ Signes & sens 256/ Signes & sens

Axe

Une thérapie avec les marionnettes

Lorsqu’on fait allusion au théâtre de marionnettes, difficile de faire l’impasse sur ce

trio de figurines – créées à Lyon au début du XIXème siècle par Laurent Mourget –
que sont Guignol, Gnafron et Madelon. Cette forme singulière de théâtralisation, uti-
lisant des marionnettes à gaines manipulées par des acteurs “invisibles”, doit son
succès au fait qu’elle permet d’aborder des sujets sensibles sous l’angle du comique
et de la dérision. En effet, à l’origine, une grande place était faite à l’improvisation.

« La marionnette facilite l’expression de soi

pour des sujets souffrant d’inhibition »

D
Dans son ouvrage « Jeu et réalité », le psychanalyste
Donald Winnicott écrit que le jeu est une thérapie
en soi. Lorsqu’il est question de marionnettes, l’as-
pect ludique s’associe très bien avec l’axe thérapeu-
tique, que ce soit dans le jeu théâtral ou dans la
confection des figurines.
Marionnettes et traditions
Communes à toutes les civilisations, les marion-
nettes appartiennent au patrimoine de l’humanité.
Ainsi a-t-on récemment découvert un bas-relief de
la période toltèque (datée des années 400 à 900 de
l’ère chrétienne) sur lequel est représenté un marion-
nettiste animant une marionnette à gaine du même
type que celle du célèbre Guignol lyonnais. En
Afrique, cette figurine représente une médiation
entre les ancêtres, les dieux et certains sujets aux
prises avec des difficultés.
Une médiation rassurante
Depuis longtemps utilisée au service d’enfants en
difficultés scolaires, la marionnette facilite l’expres-
sion de soi pour des sujets souffrant d’inhibition. La
parole se libère dans la mesure où est « joué » ce qui
ne peut se dire ou ne veut pas se dire. Protégé par la
marionnette, l’actant projette à loisir ce qui était re-
tenu jusque-là, sans angoisse de rétorsion puisqu’il
s’agit d’une mise en scène… Intégrée dans une tech-
nique d’art-thérapie, la marionnette donne ainsi toute
son importance au rêve, à l’imaginaire, à la créati-
vité. Indépendamment de son aspect directement ca-
thartique, le matériel psychique est interprété par le
thérapeute, apportant ainsi un mieux-être chez le
consultant. Par ailleurs, la séance ayant lieu en
groupe, elle permet d’autant plus de travailler sur un
axe de communication. Les arts plastiques sont éga-
lement largement sollicités puisque certains ateliers
créatifs proposent de confectionner sa propre ma-
rionnette de A à Z. Le dessin, la peinture, le mode- bres chinoises, son origine semble être, selon les spé-
lage participent donc aussi à libérer l’imagination. cialistes, d’origine indienne. Il s’agit de projeter sur
À la fois pédagogique et thérapeutique, l’écriture un écran des formes ombrées en utilisant une source
d’un scénario entre également dans ce cadre. lumineuse.
– La marionnette à fil demande une maîtrise impor-
Différentes formes tante du marionnettiste, toutes les articulations étant
Outre la marionnette enfilée comme un gant et ani- reliées à un fil.
mée derrière le castelet, cet objet singulier peut pren-
dre des formes différentes :
– La marionnette à manche est très intéressante d’un
point de vue de l’expression corporelle. Elle fait en Agnès Rondeau
effet corps avec le marionnettiste qui maintient un
manche au bout duquel se situe la tête de la figurine.
Les pieds, glissés sous les chaussures de la marion-
nette, permettent une identification complète.
– Le théâtre d’ombre est une forme très ancienne du
théâtre de marionnettes. Bien que l’on parle d’om-

257 / Signes & sens 258 / Signes & sens

 Style

Qu’est-ce que l’Art déco ?

Faisant suite et un peu en réaction aux excès et à

l’exubérance de l’Art Nouveau, mouvement artis-
tique de la fin du XIXème siècle, la période de
l’après-guerre 1914-1918 voit naître, dans l’archi-
tecture, le design et plus généralement les arts ap-
pliqués, un style plus épuré qui annonce la
modernité. L’emploi du vocable « Art déco », pour
définir cette tendance, prend son origine à Paris à
l’occasion de l’« Exposition internationale des Arts
Décoratifs et industriels modernes » de 1925 qui
attire 5 millions de visiteurs…

*
www.impressiondirect.fr

U Un grand bouleversement sociétal vient d’avoir lieu.

La Première Guerre Mondiale a laissé des villes
comme Reims ou Saint-Quentin quasiment ex-
sangues et le monde veut véritablement tourner la
page, rompre avec ces quatre années d’horreur. Au
niveau artistique, le mouvement cubiste s’organise
autour de Braque et Picasso, fidèle à la pensée de
Paul Cézanne selon laquelle la nature peut se traiter
par le cylindre, la sphère, le cône. Les couleurs pri-
maires et audacieuses du fauvisme sont mises en va-
leur par Matisse et Vlaminck. L’art nègre est en plein
essor. L’architecture, à l’instar de Le Corbusier, se doit
d’être à la fois esthétique et surtout fonctionnel. C’est
dans ce contexte des « années folles », influencé par
ces différentes approches, que l’Art déco va évoluer
jusque dans les années 1940.
« Le paradoxe de l’Art déco réside à la fois dans son côté élitiste,
traditionaliste et une volonté de modernité visant les couches moins
aisées de la population »

259/ Signes & sens 260/ Signes & sens

 Les arts appliqués Théâtre des Champs Élysées dans lequel se produi-
Appelé parfois « zigzag » à cause de l’abandon pro- sent, à l’époque, des musiciens noirs-américains et
gressif des lignes ondulées et sa prédilection pour la célèbre Joséphine Baker. Citons également la
des formes angulaires, l’Art déco est un style qui « Cité radieuse » à Marseille. Si vous allez à New
s’applique à l’architecture mais surtout au mobilier, York, ne manquez pas d’observer le Chrysler Buil-
aux bijoux et aux créations, sollicitant l’artisanat et ding, du nom de la marque d’automobile.
l’industrie à une période que l’on nomme l’« ère du
jazz ». Volontairement dépouillés, les éléments or- De la tradition au modernisme
nementaux peuvent rappeler le passé mais ces réfé- Le paradoxe de l’Art déco réside à la fois dans son
rences subissent une nette transformation. Ainsi, les côté élitiste, traditionaliste et une volonté de moder-
formes se géométrisent et les couleurs privilégient nité visant les couches moins aisées de la population.
les tons flamboyants et primaires rappelant l’art pri- Ainsi, au sein du même mouvement, deux tendances
mitif. Les matériaux utilisés pour les bas-reliefs et parallèles émergent au fil du temps. On assiste à la
autres fresques sont la terre cuite et les carreaux de création de meubles en bronze doré, en ébène de Ma-
céramique. On trouve aussi des alliages métalliques cassar, avec incrustations d’ivoire, aux lignes épu-
modernes, la brique de verre et l’acier inoxydable. rées, anguleuses, rappelant le style Louis-Philippe et
Le mouvement touche toutes les formes d’arts appli- restant des pièces luxueuses uniques accessibles à
qués puisqu’il influence aussi le style « garçonne » des acquéreurs aisés. D’un autre côté, sous l’in-
au niveau de la mode : c’est à cette époque que Coco fluence d’une école allemande, le Bahaus, annoncia-
Chanel dessine son premier tailleur et introduit le trice du design moderne, l’Art déco privilégie
bijou fantaisie. également l’apport de techniques industrielles, rê-
vant d’une fabrication en série abordable au plus
Des lieux représentatifs grand nombre. Le Corbusier est le premier à le réa-
Certains amateurs de football apprendront peut-être liser. Des artistes comme Kandinsky et Paul Klee
que le stade de Gerland, le 4ème plus grand stade sont influencés par l’enseignement de son fondateur,
français, réalisé par l’architecte lyonnais Tony Gar- Walter Gropius, et posent les bases de l’esthétique
nier en 1920, est une construction très représentative actuelle en matière de design.
de l’Art déco. Il est classé monument historique de-
puis 1967. Deux autres espaces, pour se familiariser Bernard Opaix
avec ce mouvement, sont d’une part le Musée des
années 30 à Boulogne Billancourt et, d’autre part, le

261/ Signes & sens 262 / Signes & sens

 L’ABCdaire simplifié
de la peinture
d’Ivan Calatayud
V comme Valadon, Vlaminck,
Vroubel...
V
Valadon Suzanne (1867-1938)
De son vrai prénom Marie-Clémen-
tine, elle répondait plus facilement à
l’évocation sonore de Marie. Née à
Bessines-sur-Gartempe en Haute-Vienne, elle suit sa
mère à Paris. L’enfant a cinq ans, l’argent manque.
Sa génitrice s’installe précisément à Montmartre où
elle est blanchisseuse. Très tôt, Marie se met au des-
sin. Surdouée, elle utilise jusqu’à des résidus de char-
bon de bois qu’elle applique avec un rare talent sur
les murs et les trottoirs… En revanche, peu douée
pour les études et pas vraiment encouragée dans ce
sens par sa mère, celle-ci lui conseille plutôt d’ap-
prendre la couture mais Marie n’aime pas coudre !
263/ Signes & sens
Culture
Les modestes revenus de la maison obligent la jeune
fille à travailler mais sans spécialité, elle accepte des
emplois parfois très différents dont des heures de mé-
nage aléatoires. Elle se rend compte alors qu’elle
aime le cirque et se fait engager. Formée sommaire-
ment à l’acrobatie, une chute sévère la contraint à ar-
rêter d’évoluer dans l’univers forain. Il n’y a pas
grand’chose à faire à Montmartre sur un plan profes-
sionnel, si ce n’est côtoyer les peintres qui recher-
chent des modèles. Elle pose, parfois nue, pour Puvis
de Chavannes durant huit ans, puis pour Renoir et
Toulouse-Lautrec. Un signe du destin : ils habitent la
même rue (Rue Tourlaque), sur le même palier !
Cette rencontre est déterminante pour Marie Vala-
264/ Signes & sens

don : Toulouse-Lautrec la voit griffonner, il est sous
le choc. Il met au courant Bartholomé, son ami
sculpteur qui, à son tour, parle du talent de Marie
Valadon à Degas. Degas devient son mentor. S’il la
nomme « la terrible Maria », il ne peut s’empêcher
de la pousser dans la voie artistique et l’initie à la
peinture. Il l’impose en 1882 au Salon de la société
nationale des Beaux-Arts. Marie devient Suzanne
Valadon et… mère en 1883. Le père de l’enfant,
Maurice Boissy, ne le reconnaît pas. S’il s’est essayé
à la peinture, il passe surtout beaucoup de temps à
errer dans les cafés de Montmartre où il s’alcoolise
jusqu’à en perdre raison. Ceci dit, Suzanne oublie vite
cet amant de passage et s’affiche désormais avec Paul
Moussis. Cette rencontre donne lieu à une union offi-
cielle en 1896 mais l’homme refuse catégoriquement
de reconnaître le petit Maurice… Toutefois, en 1895,
Moussis avait demandé à son ami Miguel Utrillo y
Molins de donner son nom au gamin, ce qu’Utrillo
accepta ! L’histoire ne dit pas fondamentalement
pourquoi ce Barcelonais a bien voulu accéder à la
265 / Signes & sens
demande de Moussis mais toujours est-il que Mau-
rice n’est plus à proprement parler un bâtard. En
outre, le mariage ne dure que quelques années. Le
divorce est prononcé en 1909 et Suzanne s’éprend
aussitôt d’André Utter, peintre vivant également à
Montmartre. La famille fonctionne plutôt bien d’un
point de vue de l’entente mais les finances battent
de l’aile. Animés d’une solide volonté, progressive-
ment le niveau matériel se redresse en 1926 et ils dé-
ménagent tous trois pour occuper un hôtel particulier
avenue Junot. Maurice Utrillo, bien que très dépen-
dant de sa mère d’une part pour des raisons de cul-
pabilité inconsciente, d’alcoolisme irréductible à
cette époque et de pathologie mentale, finira par vivre
sa vie d’adulte en épousant, sûrement poussé par Su-
zanne, Lucie Valore, peintre elle aussi. Suzanne Valadon
aime peindre et elle continue à exprimer son art avec
passion. Ses œuvres sont particulièrement reconnaissa-
bles par la caractéristique d’un travail qui allie avec
subtilité la force et la souplesse du trait. On retrouve
bien ici la psychologie de cette femme et de cette
mère qui ne baisse jamais les bras. Il n’y a pas de beaucoup ses fonds de culotte sur les bancs de
réel raffinement dans les peintures de Suzanne. Ses l’école et découvre la vie active par différents mé-
projections picturales témoignent sans cesse de son tiers : coureur cycliste, professeur de violon, journa-
authenticité naturelle : Suzanne Valadon n’a pas peur liste (à l’esprit rebelle). Il se sent cependant titillé par
de l’existence, elle assume ce qu’elle a à traverser, l’envie de peindre et s’adonne à ce qui sera sa vraie
un point c’est tout ! Et les solutions émergent comme grande passion dès 1899. Il a d’ailleurs d’excellentes
le prouvent ses représentations sur le support (Nu au fréquentations, dont celle de Derain ! Ils louent en-
bord du lit). Si certains crient à la vulgarité, il est plu- semble un atelier. Cinq ans plus tard, à force d’obs-
tôt logique de parler d’une sensualité exacerbée avec tination, il commence à faire parler positivement de
des jeux implicites de formes que l’on découvre dans lui au point que Berthe Weill décide de lui octroyer
ses natures mortes exception-
nelles. Suzanne Valadon est un
personnage ancré dans ses ori-
gines, elle ne les trahira jamais.
C’est sa force.
Vlaminck (de) Maurice (1876-1958)
Parfois la nature n’en finit pas
de nous surprendre ! Ainsi,
Maurice de Vlaminck – bien que
né à Paris – a pour parents un
père flamand et une mère lor-
raine qui sont tous deux musi-
ciens… Autant dire que le petit
Maurice côtoie très tôt à la fois
le milieu artistique et une cer-
taine essence flamande qui au-
réole encore de nos jours les
courants picturaux… Toutefois,
ce futur grand peintre est un très
mauvais élève. Il n’use pas
266 / Signes & sens

une véritable publicité. Deux Salons l’accueillent
alors : le Salon d’automne et le Salon des Indépen-
dants. Il rencontre ainsi des surdoués de la peinture
tels Marquet, Manguin, Matisse, Braque, Van Don-
gen… Les « Fauves » enthousiasment littéralement
de Vlaminck qui, malheureusement, ne mange pas
toujours à sa faim… La roue finit par tourner et Vol-
lard s’éprend du talent de l’artiste. Il lui achète tous
ses tableaux. La guerre éclate, de Vlaminck est mo-
bilisé et, contraint et forcé, abandonne momentané-
ment ses pinceaux. Dès 1919, le succès est au
rendez-vous. Il expose chez Druet. Ses toiles s’arra-
chent, ce qui permet au peintre parisien de s’acheter
une maison à la campagne, fuyant – ravi – la capitale
française dont il a toujours eu du mal à supporter le
rythme trépidant et les mondanités. D’ailleurs, Mau-
rice de Vlaminck aime (violemment – curieux para-
doxe !) la nature. On retrouve cette force démoniaque
dans sa toile Sur le zinc, expressionnisme affiché
aussi dans sa représentation du Père Bouju (1900).
Il est certain que Van Gogh l’influence (Moissons
sous l’orage, 1906). Affichant son parcours autodi-
dacte, cette liberté assumée explose de toutes parts,
tant au niveau du trait spontané, quasi pulsionnel,
que de la couleur pure. De Vlaminck reconnaît les
grandes pointures de la peinture du début du XXème
siècle et ne se prive pas de coucher aussi au bout du
pinceau une gestuelle à la Cézanne (Chatou, 1907).
Les années passent et, malgré un bref détour par le
cubisme lié en partie à sa vénération pour Cézanne,
les tons s’assombrissent progressivement mais les
contrastes trouent quasiment le support de façon
complexe, inattendue et légitime : ainsi le vermillon
peut-il faire son apparition à la manière de l’écriture
de Stendhal. D’ailleurs, de Vlaminck surprend sem-
piternellement, utilisant avec un excès délibéré la
fibre psychodramatique. Son œuvre est sublime. No-
tons aussi que ce prestigieux artiste a su mettre sur
le papier ses affects et autres fantasmes, se livrant en
parallèle aux romans et poèmes : D’un lit à l’autre,
1902 – Tout pour ça, 1903 – Le ventre ouvert,
1937…
* Découvrez la lettre « w »
sur Signes & Sens.com dès le 1er janvier...
267 / Signes & sens
Signes & sens magazine
Les annonces
Vroubel Mikhaïl Alexandrovitch (1856-1910)
Hyperactif enfant, ce peintre russe a quelques ex-
cuses. Sa filiation danoise et polonaise, Histoire ai-
Art
dant, a façonné un tempérament à la limite de la
paranoïa… Il canalise toutefois ses énergies débor-
dantes et démoniaques en leur obéissant quasiment !
Mikhaïl Alexandrovitch Vroubel ne tient pas en
place. Il voyage et applique en particulier ses vastes
connaissances artistiques sur des fresques. L’homme
dérange et ses amitiés professionnelles ne durent pas.
Souvent exclu des cercles où il cherche à s’imposer,
il saisit cependant qu’il peut sublimer ses angoisses
les plus pathologiques : l’Expressionnisme lui
convient à merveille, ses représentations sont le plus
souvent schizées (Pan, 1900) mais, paradoxalement,
Rejoignez le répertoire
sa toile La Princesse cygne (1900) reste un chef
d’œuvre alliant la subtilité orientale, la délicatesse et
des spécialistes de l’art
un sens anticipatoire des réalités qui entraîne à pen-
ser que l’existence peut changer très vite du tout au et
tout. Là encore les ruptures, perceptibles, annoncent
que l’être humain n’est jamais issu que de divisions
cellulaires qui, déjà, façonnaient au commencement
bénéficiez
son destin… À l’inverse des peintres français de son
époque, Vroubel finit par trop osciller entre passé et
de votre remise
futur. Empêché sûrement par loyauté académique de
quitter totalement le monde du rêve, il a peu marqué
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268 / Signes & sens
© Hergé – Moulinsart 2012