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c h a p i t r e Le livre du professeur • Français • 3e

THÈME IV : Regarder le monde, inventer des mondes

6 Nuits lyriques

Textes et images histoire des arts


1. Le lyrisme romantique p. 164 Visions poétiques de la nuit p. 174
Alphonse de Lamartine, « Le Lac » ✔ J’étudie la représentation de la nuit comme témoignage des
Victor Hugo, « Soleils couchants » émotions profondes.
✔ Je définis le lyrisme et les thèmes chers aux auteurs ■ JE MOBILISE DES RÉFÉRENCES CULTURELLES POUR INTERPRÉTER DES
romantiques. PRODUCTIONS LITTÉRAIRES OU ARTISTIQUES
■ J’INTERPRÈTE DES TEXTES LITTÉRAIRES EN M’APPUYANT SUR
DES ÉLÉMENTS D’ANALYSE POÉTIQUE
Lexique et langue  p. 176
2. Le moi au centre de l’expérience poétique p. 166 ✔ J’utilise les figures de style et la création de périphrases.
Anna de Noailles, « À la nuit »
✔ J’étudie la poésie à travers la ponctuation et je révise les
William Ernest Henley, « Invictus »
chaines d’accord.
✔ J’étudie la place du « je » dans le poème lyrique.
■ JE CONNAIS LA DIFFÉRENCE ENTRE L’ORAL ET L’ÉCRIT
■ J’INTERPRÈTE DES TEXTES LITTÉRAIRES EN SITUANT L’Œuvre DANS SON
CONTEXTE HISTORIQUE
Expression écrite et orale  p. 178
3. Le lyrisme amoureux p. 168
Pablo Neruda, Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée ✔ Je sais exprimer des émotions poétiquement.
(poème 20) ✔ Je sais dire des poèmes lyriques. Je sais faire passer mes
✔ Je découvre le lyrisme élégiaque. émotions à l’oral.
■ JE MAITRISE LE FONCTIONNEMENT DU VERBE ET SON ORTHOGRAPHE ■ J’ADOPTE DES STRATÉGIES D’ÉCRITURE EFFICACES

4. « Ô rafraîchissantes ténèbres ! » p. 170


projet – parcours citoyen  p. 180
Charles Baudelaire, « Le crépuscule du soir » (poème en prose
accompagné de sa version en vers) Donnez la parole à vos émotions
✔ J’analyse l’expression lyrique dans un poème en prose. ✔ Je sais exprimer mes sentiments.
■ JE LIS DES Œuvres LITTÉRAIRES ET ANALYSE LES CARACTÉRISTIQUES ■ JE M’EXPRIME DE FAÇON MAITRISÉE EN FORMULANT UN AVIS
DE LA POÉSIE EN PROSE PERSONNEL, UN RESSENTI

5. L’appel de la nuit p. 172


Jean Giono, Que ma joie demeure Sujets de brevet  p. 184
✔ J’étudie la façon dont la prose poétique intensifie notre rapport
au monde.
■ JE LIS DES TEXTES VARIÉS ET ME SERS DE LA NATURE DES DOCUMENTS
POUR LES COMPRENDRE

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Le livre du professeur • Français • 3e

THÈME IV : Regarder le monde, inventer des mondes


c h a p i t r e

6 Nuits lyriques

Présentation du chapitre
Place dans le cycle et dans les programmes
❱ Le chapitre correspond à l’enjeu littéraire et de formation personnelle « Regarder le › Fanny Deschamps, Lire
monde, inventer des mondes », qui en classe de 3e a comme thème « Visions poétiques l’image au collège et au lycée

Bibliographie
du monde ». en cours de français, Hatier,
2004.
❱ Avec ce thème, il s’agit pour l’élève de :
› découvrir des œuvres et des textes relevant principalement de la poésie lyrique du › Jean-Pierre Richard, Études
romantisme à nos jours ; sur le romantisme, Poche,
› comprendre que la poésie joue de toutes les ressources de la langue pour célébrer et Essais, Paris, 1999.
intensifier notre présence au monde, et pour en interroger le sens ; › Léon Rosenthal, Le
› cultiver la sensibilité à la beauté des textes poétiques et s’interroger sur le rapport Romantisme, Parkstone
au monde qu’ils invitent le lecteur à éprouver par l’expérience de leur lecture. (pro- International, 2014.
grammes, p. 249). › Jean-Yves Tadié, Le Récit poé-
❱ Ce thème est également traité dans le chapitre 6, qui se concentre sur le lyrisme du tique, Gallimard, 1994.
monde moderne urbain.

Présentation générale
❱ Le chapitre est construit autour d’un thème commun, la nuit, moment propice à l’ex- › Une analyse de Nuit Étoilée
pression des sentiments, ce qui invite à faire de nombreuses analogies et comparaisons Sitographie sur le Rhône de Van Gogh.
entre les textes.
› Un article encyclopédique
❱ Le corpus est composé de textes français et étrangers, des XIXe et XXe siècles, « de la sur le Romantisme en
poésie lyrique du romantisme à nos jours » (programmes, p. 249). littérature.
› Un article sur le mouvement
Progression du chapitre romantique.
❱ Le chapitre commence par des textes canoniques du lyrisme romantique (« Le Lac » › « Anne de Nouailles, Entre
de Lamartine, « Soleils couchants » de Hugo) et va vers des textes plus originaux. De la prose et poésie », Marie-Lise
même manière, il part de poèmes de forme classique et va jusqu’au poème en prose et à Allard, 2010. Disponible en
la prose poétique. ligne.
❱ Il permet ainsi de « comprendre que la poésie joue de toutes les ressources de la langue
pour célébrer et intensifier notre présence au monde, et pour en interroger le sens »
(Ibid.).
❱ Enfin, les iconographies choisies proposent des « exemples majeurs de paysages en
peinture » (Ibid.).

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TEXTES ET IMAGES
1. Alphonse de Lamartine, « Le Lac » / Victor Hugo, « Soleils couchants » p. 164 - 165
Deux extraits de deux poèmes romantiques canoniques (Lamartine et Hugo) pour travailler sur les liens entre lyrisme et romantisme, et
identifier des thèmes romantiques, l’écoulement du temps et la nature. Impression, de Claude Monet, permet d’aborder l’impressionnisme
et le lyrisme de ce mouvement.

2. Anna de Noailles, « À la nuit » / William Ernest Henley, « Invictus » p. 166 - 167


Deux poèmes de forme classique, mais plus originaux (Anna de Noailles et W. E. Henley), permettent de poursuivre et d’approfondir le
travail amorcé dans le Textes et Images 1.
Étude d’un tableau de Van Gogh qui transforme la réalité, selon la sensibilité de l’artiste.

3. Pablo Neruda, Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée (poème 20) p. 168 - 169
Un poème de Pablo Neruda, qui est l’occasion de retrouver le lyrisme amoureux abordé en 4e et donc de faire le lien avec l’année précé-
dente, tout en découvrant une élégie moderne.
Deux tableaux de Chagall associent nuit et amour.

4. Charles Baudelaire, « Le crépuscule du soir » (poème en prose accompagné de sa version en vers) p. 170 - 171
Cette double-page permet d’aborder efficacement le poème en prose à partir d’un poème de Baudelaire, en le comparant avec sa forme
versifiée, et de se demander ainsi sur quoi repose la dimension poétique d’un texte.

5. Jean Giono, Que ma joie demeure p. 172 - 173


Ce dernier Textes et Images propose l’incipit de Que ma joie demeure, qui est aussi une page de prose poétique et permet de poursuivre
la réflexion abordée dans le Texte et image précédent.

HISTOIRE DES ARTS p. 174 - 175

Visions poétiques de la nuit


❱ Choix du dossier : le dossier « Visions poétiques de la nuit » permet de valoriser la mise en lumière des émotions dans l’obscurité de la nuit
par l’allégorie (doc. 2), par le paysage (doc. 1 et 3), ou le cauchemar (doc. 4).
❱ Liens avec le programme : les documents étudiés permettent d’aborder le questionnement « visions poétiques du monde » et de découvrir de
nouveaux rapports au monde. En Histoire des arts, le dossier traite des thématiques 5 « l’art au temps des lumières et des révolutions » (sensa-
tion et sensibilité) et 6 « de la Belle Époque aux années folles : l’ère des avant-gardes » (paysages du réel, paysages intérieurs).

LEXIQUE / LANGUE - EXPRESSION ÉCRITE / EXPRESSION ORALE p. 176 - 179

❱ Lexique
On utilisera les ressources de la langue pour créer des images poétiques et prendre conscience de l’écart entre le langage commun (la
norme) et le langage poétique.
On travaillera la maitrise de dictionnaires, d’outils de vérification, de logiciels de traitement de texte pour trouver des éléments du texte
à produire.

❱ Langue
On travaillera la ponctuation en insistant sur les changements de sens induits par son emploi à bon escient, pour créer des effets de
sens : rôle de la ponctuation.
› Analyse du rôle syntaxique des signes de ponctuation et utilisation de ces signes à bon escient.
› Fonction prosodique, sémantique, syntaxique de la ponctuation.
On étudiera le fonctionnement des chaines d’accord grâce à des exercices de transformation.

❱ Expression écrite
On réinvestira les notions apprises sur le lyrisme et sur le langage poétique afin de pratiquer l’écriture d’invention par des exercices de
transformation, imitation ainsi que par la recherche collective de formulations pour améliorer un texte, l’enrichir, le transformer.

❱ Expression orale
Les exercices permettent de travailler les notions de diction des textes, en utilisant un outil numérique (ex. 2) ou à plusieurs (ex. 1 et 3).
Compétences du socle travaillées :
› Exploiter les ressources expressives et créatives de la parole.
› S’exprimer de façon maitrisée en s’adressant à un auditoire.

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PARCOURS CITOYEN p. 180 - 181

Donnez la parole à vos émotions


❱ Choix du Parcours : La partie du programme EMC « La sensibilité : soi et les autres » propose de réfléchir sur les sentiments de chacun, à
l’intérieur de la collectivité, à partir de situations données ou inventées et d’en débattre.
❱ Objectifs :
› Identifier et exprimer en les régulant ses émotions et ses sentiments.
› Comprendre la diversité des sentiments.
❱ Précisions sur la réalisation de l’activité (outils numériques, etc.) : Activité à réaliser plutôt en groupe de 4-5 élèves, avec un compte-rendu
à l’oral, par exemple, en fin d’activité. Le professeur d’arts plastiques peut créer, avec les élèves, un jeu de cartes : soit la carte « émotion » est
montrée et les autres élèves miment / créent la situation, soit l’inverse. On peut envisager aussi, d’associer une carte « situation » à une carte
« émotion », chaque élève doit défendre son choix.

ENSEIGNEMENT PRATIQUE INTERDISCIPLINAIRE

Un travail interdisciplinaire peut notamment être mené avec avec les langues et littératures vivantes étrangères (anglais et l’espagnol), à partir
du texte p. 167, « Invictus » et du texte pages 168-169 (poème de Pablo Neruda).

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Propositions de corrigés
OUVERTURE
Pour entrer dans le chapitre › le premier plan est dans les tons verts, tandis que l’arrière-plan
1. Cette entrée dans le chapitre pourra être l’occasion de réviser rapi- a des teintes cuivrées ;
dement le vocabulaire de la versification. Mais on pourra attendre › le premier plan est constitué de végétation, tandis qu’à l’ar-
d’élèves de 3e une réponse qui ne se limite pas à des aspects formels rière-plan se trouve la ville ;
de la poésie traditionnelle (strophes, vers, rimes…). › le premier représente les détails d’un visage (en gros plan), tan-
Le travail peut se faire par petits groupes avant une mise en commun. dis qu’à l’arrière-plan les immeubles et les rues se confondent ;
La carte mentale peut être réalisée sur papier, ou en numérique › le visage au premier plan est une image projetée, qui se super-
avec des logiciels comme Freemind ou X-mind, en téléchargement pose au paysage réel (les arbres).
libre sur Internet ou des applications pour tablette comme Mind 2. Le visage est celui d’une personne plutôt âgée, comme le
Map Memo (compatible avec l’ordinateur). montrent ses yeux. Le visage est paisible, calme, souriant. Il peut
Une carte mentale numérique à l’avantage de pouvoir être facile- symboliser le bonheur engendré par la nature, par opposition à
ment retouchée ou complétée. la ville. Ainsi projeté, il peut symboliser ce qui occupe l’esprit de
Il peut d’ailleurs être intéressant et utile de reprendre cette carte l’artiste : au spectacle de cette ville la nuit, se superpose dans son
mentale à la fin de la séquence afin de la faire évoluer si besoin. esprit le visage de cette personne, sans doute un être humain qui
2. Réponses à l’appréciation du professeur. Elles dépendent bien lui est cher. En réalité, c’est le visage de sa grand-mère.
sûr des œuvres qui ont été étudiées les années précédentes. 3. La lumière projetée par l’artiste dessine les contours du visage,
Si les élèves ont besoin d’aide pour raviver leurs souvenirs, on peut tout en laissant apparaitre les éléments du décor extérieur de la
leur rappeler qu’en 4e ils ont eu un thème intitulé « Dire l’amour ». ville : arbres, branches, feuilles. Le visage est surdimensionné par
3. Réponses à l’appréciation du professeur. rapport à la ville comme s’il sortait des arbres eux-mêmes.
Cet exercice peut permettre de compléter les réponses à la pre- Cette œuvre modifie la réalité qui devient ainsi l’expression de la
mière question : pourquoi retient-on plus facilement un poème sensibilité de l’artiste. Elle acquiert une dimension poétique au
qu’un texte d’un autre genre ? sens premier du terme (en grec, poiein signifie « faire, créer »).
On peut dire qu’elle relève du street art ou art urbain, mouvement
Autres suggestions d’angles d’attaque du chapitre : Pourquoi artistique contemporain qui regroupe toute forme d’art réalisé dans
écrire de la poésie ? Quel intérêt d’en écrire, à part montrer la la rue ou dans un espace public, dans le but d’être vu par un plus
virtuosité formelle ? grand nombre de personnes. Généralement, c’est un art éphémère
qui vise à transformer un endroit banal (la rue) mais accessible à
Image d’ouverture
tous, où l’artiste s’exprime ; ici, il peut s’agir de la nostalgie, de
1. a) Il y a le premier plan, avec l’image d’un visage incomplet, l’amour, en tout cas, d’un sentiment personnel. L’œuvre a ainsi une
projetée sur un décor végétal, sombre, et l’arrière-plan, constitué dimension lyrique indéniable.
de la vue d’ensemble d’une ville illuminée le soir.
Autres suggestions de question sur l’image : Écrivez un court
b) La démarcation entre les deux plans est nette, car ils s’opposent poème, de deux ou trois strophes, que cette image vous inspire.
de plusieurs façons :

TEXTES ET IMAGES

TEXTE 1 : Le lyrisme romantique (Alphonse de Lamartine, « Le Lac » / Victor Hugo, « Soleils couchants »)
1. a) Nous pouvons comprendre que l’expression « nuit éternelle » de la littérature amoureuse – on peut penser à Roméo et Juliette
(v. 2) désigne la mort. Nous sommes tous emportés irrémédiable- par exemple – puisque l’aurore signifie le retour à la réalité et la
ment vers la mort. séparation des amants) : « Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et
b) Dans cette première strophe, la nuit est l’ennemie du poète car l’aurore / Va dissiper la nuit » (v. 11-12).
elle symbolise la fin de cette course du temps. La nuit éternelle, 2. L’eau est la métaphore de la vie qui s’écoule, du temps qui
c’est l’impossible retour vers des moments heureux. passe inexorablement. Cette métaphore est filée tout au long du
Néanmoins, plus loin dans le poème, la nuit à laquelle il est fait texte : « toujours poussés vers de nouveaux rivages » (v. 1) ; « Ne
référence n’est plus la « nuit éternelle » mais la nuit d’amour pourrons-nous jamais sur l’océan des âges / Jeter l’ancre un seul
qu’il a connue avec sa bienaimée. « Gardez de cette nuit, gardez, jour ? » (v. 3-4) ; « vous, heures propices / Suspendez votre cours »
belle nature / Au moins le souvenir ! » écrit-il à la fin de l’extrait (v. 5-6), « L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ; / Il
(v. 19-20). D’ailleurs, il se souvient que lorsqu’ils étaient ensemble, coule, et nous passons ! » (v. 15-16). Cette métaphore filée traduit
sa bienaimée suppliait la nuit d’être plus lente (thème classique l’impossibilité d’arrêter le temps, ni même de le retenir un moment.

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3. a) Les moments de la journée évoqués dans cette strophe sont le s’exprime de manière moins exaltée que Lamartine. Il évoque sa
soir, (« ce soir », v. 1 puis « le soir », v. 2), puis « la nuit » (v. 2) mort prochaine par un euphémisme « Je m’en irai bientôt » (v. 15).
et enfin « l’aube » (v. 3). b) Cette énumération sert à souligner le 5. Le cadre choisi par les deux poètes est la nature, présente à tra-
passage rapide du temps, son écoulement, puisqu’en trois vers on vers le champ lexical des éléments naturels : « rochers », « forêt »,
est passé du crépuscule à l’aube. Elle sera renforcée au vers 4 par « grottes » (texte 1, v. 17), « mers », « monts », « fleuves », (texte
le parallélisme « puis les nuits, puis les jours » (v. 4) qui accentue 2, strophe 2) « eaux », « montagnes », « fleuve des campagnes »
l’idée de la fuite du temps, qui semble alors s’accélérer. (texte 2, strophe 3).
4. a) Les deux poètes expriment de la mélancolie, la nostalgie d’un 6. a) La nature est immuable, elle est immortelle : « Vous, que le
bonheur révolu, le regret de ne pas pouvoir retenir les moments temps épargne ou qu’il peut rajeunir » (texte 1, v. 18), « Et la face
heureux, d’agir sur le temps, ce qui donne aux textes leur tonalité des eaux, et le front des montagnes, / Ridés et non vieillis, et les
élégiaque. bois toujours verts / S’iront en rajeunissant » (texte 2, v. 9-11). Le
b) On note l’utilisation de nombreux points d’exclamation, avec dix temps n’a pas d’impact sur la nature. Les bois sont toujours verts et
occurrences pour Lamartine et deux pour Victor Hugo. la nature peut même « rajeunir » (le verbe est présent dans les deux
Lamartine, dans l’extrait proposé, laisse principalement la parole à textes). b) Le poète, donc l’être humain, n’a pas cette qualité, il est
sa bienaimée, mais à travers ses mots, c’est lui-même qui s’exprime, mortel, soumis au temps qui passe et qui l’emmène inexorablement
car ils partagent les mêmes sentiments. Tous deux apostrophent le vers la vieillesse et la mort. La condition de l’homme, mortel dans
temps (« Ô temps », v. 5) ; « Je dis à cette nuit : Sois plus lente » ce monde, est sujet de méditation poétique.
(v. 11) et la nature (« Ô lac », v. 17) ; c’est d’abord à eux qu’ils
7. a) La nature, présente à travers l’énumération du vers 17, et dési-
expriment leur désespoir de voir le temps s’écouler si vite.
gnée par le pronom personnel « vous » (v. 18), devient, grâce à la
Hugo emploie l’antithèse entre la nature éternelle, immuable
personnification, l’interlocuteur privilégié du poète, auquel celui-ci
(strophes 2 et 3) et lui, simple mortel, qui ne fait que passer sur
demande de garder le « souvenir » (v. 20) de son amour et de sa
cette terre (strophe 4) ; l’opposition est marquée par l’adverbe
bien-aimée (« cette nuit », v. 20). b) La poésie, comme la nature,
« Mais » en tête de strophe et le pronom « moi », en détachement.
permet, par son caractère intemporel, de garder la trace d’un passé
Son désespoir face à la fuite du temps et à la mort qui approche
heureux, de rendre éternel un souvenir.

IMAGE 1 : Claude Monet, Impression, soleil levant, 1872.


1. Dans ce tableau, on remarque les silhouettes de deux barques subjectivité du peintre, et non pas une représentation stricto
sur une étendue d’eau. À l’arrière-plan, on distingue un port : sensu de la réalité, de type photographique. D’ailleurs, le titre de
des mâts de grands voiliers à quai, des grues sur des docks et des ce tableau a donné le nom à mouvement pictural, l’impression-
cheminées d’usines. Mais ces contours restent si vagues, si flous nisme, qui exprime par la modulation des couleurs l’impression
que la question de la représentation de la réalité se pose. Nous ressentie devant le spectacle de la nature ou de la vie. Pour la
savons qu’il s’agit du port du Havre, ville d’enfance du peintre et première fois, la subjectivité (le ressenti), est plus importante
port symbole de la révolution industrielle du XIXe siècle. Le soleil, que l’objet peint.
disque rouge, est suspendu au-dessus d’une mer aux teintes bleu- 2. Dans les deux cas, la nature devient sujet de l’œuvre et accom-
vert. D’ailleurs, le titre même du tableau, Impression, indique pagne l’expression des sentiments personnels. Les œuvres sont
que ce tableau est la projection d’un sentiment, donc de la donc lyriques.

TEXTE 2 : L e moi au centre de l’expérience poétique (Anna de Noailles, « À la nuit » / William Ernest Henley,
« Invictus »)
1. a) La poétesse s’adresse directement à la « nuit » (v. 1, 5, 16) Dans le deuxième poème, au contraire, la nuit est connotée négative-
par le pronom personnel « toi » (v. 2) et la conjugaison des verbes ment : elle est inhumaine, elle est le lieu de le souffrance et de la mort.
à la deuxième personne du singulier (« regardes, v. 2, « vois », v. 3 5. « Je » est le sujet principal de ces poèmes. Les poètes y expri-
et 9, « accorde », v. 14, « sauve », v. 15). b) Il s’agit d’une person- ment leurs sentiments personnels, comme la souffrance, la douleur
nification (la poétesse parle à la nuit), ainsi que d’une apostrophe. ou le courage, la détermination.
2. a) Les termes associés à la nuit sont : « ténèbres qui m’en- 6. La première strophe associe le cœur de la poétesse à un « bateau
serrent » (v. 1), « puits où l’on se noie » (v. 2), « lieu de colère et ivre » (v. 3). Anna de Noailles fait ici référence au fameux poème de
de pleurs » (v. 9), « l’ombre de la mort » (v. 10). Rimbaud. La métaphore est filée avec les termes « mât » (v. 4) et
b) Ces termes sont connotés négativement. « toile » (v. 4). Son cœur est comme un bateau à la dérive.
Dans le premier vers, on remarque que les ténèbres sont sujet tan- La deuxième strophe compare (à l’aide de l’outil de comparaison
dis que le poète est le COD (« m’ ») du verbe « enserrent », il subit « ainsi que »), le cœur de la poétesse aux « yeux des hiboux » (v. 7).
donc les supplices de cette nuit. La brulure de son cœur est si vive qu’elle pourrait éclairer la nuit.
Le vers 2 associe la nuit à un puits où l’on se noie. L’accent est ainsi Son cœur est « phosphorescent » (v. 6) comme les yeux des hiboux.
mis sur l’impossibilité d’échapper aux épreuves imposées par le destin. La troisième strophe associe son cœur à un « rude filet que les
La troisième strophe reprend et poursuit ce lien entre la nuit et la mort. pêcheurs nocturnes // Lèvent, plein de poissons, d’algues et d’eau
3. Il ne s’agit pas d’une nuit réelle, mais plutôt d’une métaphore de mer » (v. 10-11). Son cœur est aussi « lourd » et « rompu » que
pour désigner une période de grande souffrance, physique et morale, ce filet plein à craquer.
dans laquelle l’amputation de sa jambe l’a plongé. 7. a) Les sentiments dominants sont la souffrance, la douleur,
4. Dans le premier texte, la nuit est présentée de façon méliora- l’amertume, mais aussi le regret, l’orgueil et l’amour (v. 15). b)
tive, comme une complice et une confidente bienveillante (« Toi Elle demande à la nuit de laisser son cœur en paix jusqu’à l’aube.
qui regardes l’homme avec tes yeux d’étoiles », v. 2), « pitoyable » Épuisée, elle demande à la nuit de lui accorder un peu de repos, du
(qui peut ressentir de la pitié, v. 16), et « humaine » (v. 16). sommeil « sans songes et sans peines » (v. 14).

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8. Le poète exprime sa fierté de ne pas avoir cédé à la souffrance (« Je de la vie, il est seul maitre à bord, il est le capitaine. Or, dans la
n’ai ni gémi ni pleuré », v. 6), d’être resté toujours « debout » (v. 8). religion, c’est Dieu qui est maitre du destin des hommes. L’homme
Malgré les vicissitudes du destin, il reste maitre de lui-même, doit se soumettre à la volonté divine. Si Dieu décide de reprendre
« capitaine de [m]on âme » (v. 16). la vie, il faut l’accepter. Pour les autorités religieuses, le poète fait
9. La métaphore du dernier vers exprime sa fierté d’être resté maitre preuve d’orgueil dans ce poème, car il semble refuser le destin que
de son destin ; dans le bateau de son âme, emportée par le courant Dieu a choisi pour lui.

IMAGE 2 : Vincent Van Gogh, Nuit Étoilée sur le Rhône, 1888.


1. La nuit est représentée avec des dégradés de couleurs sombres faire penser aux « yeux d’étoiles » évoqués par Anna de Noailles,
et des touches de jaune. Eau et terre se confondent facilement ; et l’eau et la ville de l’arrière-plan rappellent le vers 1. Les touches
en revanche, les étoiles et les reflets des lampadaires à gaz dans de jaune qui illuminent le tableau créent une atmosphère « sans
l’eau forment des touches de lumières vives. C’est une image clair de lune » (v. 8) mais baignée dans des couleurs vives : « phos-
apaisante de la nuit, calme, presque lumineuse grâce au jaune. phorescent » (v. 6), « argente » (v. 5). Les barques du second plan
2. On peut rapprocher ce tableau du texte 1 car la nuit étoilée peut peuvent évoquer des « pêcheurs nocturnes » (v. 10).

TEXTE 3 : Le lyrisme amoureux (Pablo Neruda, Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée (poème 20))
1. C’est une figure du passé car le poète emploie le passé composé ses sentiments. De plus, elle appartient au passé, c’est une histoire
pour évoquer cette relation amoureuse : « Dans les nuits comme finie.
celle-ci je l’ai tenue dans mes bras. / Je l’ai embrassée tant de fois 6. a) Le verbe « aimer » est conjugué au passé composé (« je l’ai
sous le ciel infini. » (v. 7-8) aimée », v. 6), au passé simple (« elle m’aima », v. 9), et au présent
Le portrait physique est vague et incomplet : « ses grands yeux de l’indicatif (« je l’aime », v. 27) b) La phrase au futur (« Elle
fixes » (v. 10) ; « Sa voix, son corps clair. Ses yeux infinis. » (v. 26). sera à un autre. », v.25) évoque l’avenir de la femme maintenant
2. Le sentiment dominant est l’amour qu’a eu le poète pour cette qu’ils sont séparés. Cet avenir est d’ailleurs mis en relation avec la
femme : « Je l’ai aimée, et parfois elle aussi m’aima. » (v. 6) mais période qui a précédé leur relation (« Comme avant mes baisers »).
il est aussitôt contrebalancé par un vers quasi-symétrique (il s’agit Leur relation est sans doute terminée, mais le sentiment amoureux,
d’un chiasme) : « Elle m’aima, parfois moi aussi je l’ai aimée. » lui, continuera, avec d’autres.
(v. 9), 7. a) Le poète est triste, nostalgique à cause de cette perte :
Le sentiment actuel du poète à l’égard de cette femme est tout « Mon âme n’est pas satisfaite, l’ayant perdue. » (v. 18) ; « Mon
aussi confus : « Déjà je ne l’aime plus, c’est vrai, mais combien cœur la cherche, et elle n’est pas avec moi. »(v. 20)
l’ai-je aimée. » (v. 23) devient quelques vers plus loin : « Déjà je b) Le nom « nuit », répété plusieurs fois dans ce poème, est associé
ne l’aime plus, c’est vrai, mais peut-être que je l’aime. » (v. 27) à un moment où les sentiments sont exacerbés. Cela se voit dès le
3. Il s’agit d’un amour sensuel, passionnel : « je l’ai tenue dans premier vers, que l’on retrouve dans la suite du poème comme un
mes bras. / Je l’ai embrassée tant de fois. » (v. 7-8), « toucher son refrain. Les vers « Dans les nuits comme celle-ci je l’ai tenue dans
oreille » (v. 24), « mes baisers » (v. 25), « sa voix » (v. 26), « son mes bras. » (v. 7) et « Parce qu’en des nuits comme celle-ci je l’ai
corps » (v. 26). C’est également un amour passionnel dans la mesure tenue dans mes bras » (v. 29) montrent que ce moment est favo-
où il fait souffrir (la passion, étymologiquement, c’est la souf- rable aux souvenirs par association : un moment / un sentiment.
france) : « Elle sera à un autre. Comme avant mes baisers. » (v. 25) ; 8. Les vers 21 et 22 insistent sur l’idée que le temps n’a pas d’im-
« Bien que celle-ci soit l’ultime douleur qu’elle m’inflige » (v. 31). pact sur la nature (« la même nuit », « les mêmes arbres ») tandis
4. Les deux réponses sont possibles. Ce qui compte est la justifi- qu’il modifie les hommes (« Nous hommes, ceux d’alors, déjà ne
cation. sommes plus les mêmes »).
Le verbe « sentir » exprime une sensation immédiate, instinctive, La même idée est exprimée dans les poèmes de Lamartine et d’Hugo.
tandis que le verbe « regretter » exprime une prise de recul, une 9. a) Le vers « Je puis / peux écrire les vers les plus tristes cette
réflexion, une maturation. nuit « apparait trois fois. Le verbe « aimer », conjugué à différents
5. a) Le poète s’exprime à la première personne : « je » (v. 1). Le temps et modes, est employé à plusieurs reprises, à des temps et
registre est lyrique. b) La femme aimée est désignée par la troi- modes différents.
sième personne, « elle » (v. 6). c) Le poète ne s’adresse pas avec Ces anaphores font penser à la chanson. Le premier vers revient
la deuxième personne à cette femme car son intention n’est pas comme un refrain.
d’établir un dialogue avec elle pour la reconquérir, mais d’exprimer b) Elles mettent en relief la tristesse et l’amour du poète.

TEXTE 4 : « Ô rafraîchissantes ténèbres ! » (Charles Baudelaire, « Le crépuscule du soir »)


1. a) A priori, ce texte n’est pas un poème, il ressemble à de personnification et une apostrophe.
la prose car le texte est mis en page avec des paragraphes, des 2. a) Les personnages qui peuplent cette nuit semblent inquié-
lignes, et non pas avec des strophes et des vers. tants : « une foule de cris discordants » (l. 5-6), « les infortunés
b) Les paragraphes sont relativement courts. Le texte ne raconte que le soir ne calme pas » (l. 8). En fait, il s’agit des malades d’un
pas à proprement parler une histoire. Une chronologie se déroule hôpital psychiatrique, à côté de la ville : « noir hospice perché sur
dans les deux premiers paragraphes, puis elle cède la place à de la la montagne » (l. 10).
description et à l’expression des sentiments du poète / narrateur. b) Le poète les perçoit uniquement par l’ouïe, ce qui réduit ces
Les figures de style sont nombreuses, les métaphores notamment ; personnages à des voix hurlant dans la nuit : « hurlement » (l. 5),
on retrouve également, comme dans le poème de Lamartine et « foule de cris discordants » (l. 5-6), « lugubre harmonie » (l.6),
dans celui d’Anna de Noailles, une adresse directe à la nuit (« Ô « ululation » (l. 9-10), « harmonies de l’enfer » (l. 14). Mêlant ce
nuit ! ô rafraîchissantes ténèbres ! »), qui constitue à la fois une

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Le livre du professeur • Français • 3e

qu’il entend au contexte crépusculaire dans lequel il se trouve, il entre l’effet que le soir a sur lui et celui qu’il a sur les malades
donne à ces voix une dimension infernale, maléfique (« ... et qui de l’hôpital voisin : « C’est l’heure où les douleurs des malades
prennent, comme les hiboux, la venue de la nuit pour un signal s’aigrissent ! [...] L’hôpital se remplit de leurs soupirs » (v. 9-10).
de sabbat », l. 8-9), des êtres sombres que la nuit n’apaise pas. b) Diverses réponses sont possibles. Ce qui est importe est la
3. a) Les sources de lumière dans cette nuit sont : justification.
› les lueurs du crépuscule : « les couleurs tendres et indécises Le texte 2 a les caractéristiques formelles traditionnelles de la
du crépuscule » (l. 2-3) ; « les lueurs roses qui traînent encore poésie, mais on peut considérer que le texte 1 est plus poétique
à l’horizon » (l. 19-20) ; « les dernières gloires du couchant » dans le sens où il y a plus de travail sur les images (l’écriture est
(l. 22) ; plus métaphorique).
› la lumière des étoiles : « scintillement des étoiles » (l. 17) ; 5. a) Il s’agit d’une « immense vallée, hérissée de maisons » (l.
› les lumières de la ville : « explosion des lanternes » (l. 17-18) ; 11). L’endroit où se trouve le poète est un « balcon » (l.4), d’où il
« les feux des candélabres qui font des taches d’un rouge opa- peut entendre les bruits extérieurs qui viennent d’un « noir hos-
que » (l. 20) ; pice perché sur la montagne » (l. 10). Le moment choisi est le
› e t au sein de la métaphore filée du dernier paragraphe : « les « crépuscule » (voir titre, l. 1, 3 et 19).
étoiles vacillantes d’or et d’argent » (l. 27-28). b) Le moment de la journée est le même ; chez ces auteurs, le
b) Les couleurs évoquées sont donc les couleurs du crépuscule, crépuscule exacerbe les émotions, les sentiments. En revanche, le
dont le rose, le scintillement or et argent des étoiles, le jaune et lieu est moins bucolique chez Baudelaire : il évoque une ville. On
le rouge des lumières de la ville. remarque néanmoins qu’il observe cette ville avec une certaine
c) Ces couleurs chaudes sont plutôt surprenantes pour une évoca- distance, de son balcon, comme s’il était entre la montagne (la
tion de la nuit ; on aurait pu s’attendre à des nuances plus froides nature) et la ville.
de bleu sombre. 6. a) Le poète s’exprime à la première personne : « à mon balcon »
Cela traduit le fait que le poète aime la nuit. Pour lui elle n’est pas (l. 4), « je » (l. 13), « moi » (l. 15). Il s’adresse directement à la nuit,
source d’angoisse mais d’apaisement, elle est une « fête intérieure » désignée par le pronom personnel « vous » (l. 15, 16, 18, 19), avec
(l. 15-16). La nuit est donc décrite comme étant particulièrement « nuit » (l. 15), « rafraîchissantes ténèbres », l. 15 ou « crépuscule »
lumineuse et cette lumière est chaude et festive : « vous êtes le (l. 19). b) Ces formules d’adresse directe s’appellent des apostrophes.
feu d’artifice de la déesse Liberté » (l. 18). On peut y voir également une personnification de la nuit.
4. a) Les deux textes ont le même titre, et le même sujet. On 7. La présence du poète est plus visible au milieu du poème (l. 8
retrouve cette célébration du soir, qu’il apostrophe (« Ô soir », -19) où il s’adresse directement à la nuit et emploie la première
v. 1), l’idée que le soir apaise, soulage. personne du singulier.
Comme dans le texte 1 également, le poète dresse une opposition

TEXTE 5 : L’appel de la nuit (Jean Giono, Que ma joie demeure)


1. La scène se déroule sur le plateau « Grémone » (l. 36), dans est « charbonné », donc noir, impur). Au contraire, la lumière de la
les Alpes de Haute Provence, à la campagne : Jourdan se rend à nuit est pure : « on connaissait tout d’un coup la pureté » (l. 42).
l’étable pour chercher le cheval afin de labourer le champ. 5. Cette nuit déclenche, chez Jourdan, l’envie de sortir et de
Plus précisément, on remarque une opposition entre la première labourer sa terre, comme dans un effort de s’unir avec la nature.
partie du texte, qui se déroule à l’intérieur de la maison tandis C’est surprenant car d’habitude, la nuit à la campagne est faite
que la deuxième se déroule à l’extérieur. L’opposition entre les pour se reposer des travaux des champs ; de plus, c’est l’hiver, qui
deux endroits est soulignée par le contraste entre la lumière pure n’est pas la meilleure saison pour labourer la terre.
de la nuit, sans lune (« pas de lune », l. 46) et la lueur sale du Sa femme, elle, est insensible au charme de ce « clair superbe » (l.
« fanal », (l. 43). 19) et décide de continuer à dormir.
La scène a lieu la nuit, ce qui est précisé dès la première phrase,
6. a) Le lecteur adopte le point de vue de Jourdan. b) « Ah ! dit-il,
au début de l’hiver (l. 47-48).
toi tu sais, au moins. Voilà que tu n’as pas osé te coucher. », (l.
2. La nuit est « extraordinaire » car malgré l’absence de lune, il y 38) est une phrase au discours direct qui donne accès aux pensées
a beaucoup de lumière grâce aux étoiles nombreuses qui éclairent et aux sentiments de Jourdan.
la paysage (« Dehors on voyait presque comme en plein jour le
7. C’est un texte poétique car la description de la nuit est réali-
plateau et la forêt Grémone. », l. 35-36). L’air est d’une grande
sée grâce à de nombreuses figures de style (voir réponse 3). On
« pureté » (l. 42).
peut y rajouter la métaphore : « des éclats de nuit partout dans
Cette nuit est tellement extraordinaire qu’elle en devient irréelle :
la chambre. » (l. 35) ainsi que l’antithèse évoquée à la réponse 4.
« C’était tout simplement le ciel qui descendait jusqu’à toucher la
L’anaphore « Pas de lune, oh ! Pas de lune. » (l. 46) insiste sur la
terre, racler les plaines, frapper les montagnes et faire sonner les
luminosité paradoxale de cette nuit, renforcée par la comparaison :
corridors des forêts. Après, il remontait au fond des hauteurs. »
« Mais on était comme dessous des braises, malgré ce début d’hiver
(l. 9-11).
et le froid. » (l. 47-48). L’odorat aussi est appelé à participer à cette
3. La description des étoiles est poétique. On remarque notam- description poétique : « Le ciel sentait la cendre. C’est l’odeur des
ment une comparaison : « les étoiles avaient éclaté comme de écorces d’amandiers et de la forêt sèche. » (l. 48-50). Le narration
l’herbe » (l. 2) et une métaphore : « Elles étaient en touffes avec alterne systématiquement avec des passages descriptifs, ce qui
des racines d’or, épanouies, enfoncées dans les ténèbres et qui donne du rythme au texte.
soulevaient des mottes luisantes de nuit » (l. 2-4). Les étoiles sont
8. a) Jourdan prend la décision de sortir, de labourer sa terre, dans
associées à des touffes d’herbe et le ciel à des mottes de terre.
un geste de communion avec la nature. b) L’aspect poétique du
Ces rapprochements surprennent (ils télescopent le haut et le bas,
texte contribue à créer une atmosphère particulière, où un banal
le ciel et la terre), émerveillent, et donnent à ce paysage une
acte de la vie d’un paysan (celui de labourer) se transforme en geste
dimension onirique plutôt que réaliste.
conscient de communion homme / nature.
4. La lumière artificielle est « sale », elle nait du charbon (son sang

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IMAGE 5 : Jean-François Millet, Nuit étoilée, v. 1850-1865.


1. La source de lumière de ce tableau est double : la lumière pro- la justification.
vient des étoiles, mais aussi du soleil qui se lève à l’arrière-plan. 3. Les points communs entre le texte et le tableau sont : le
Il crée un halo de lumière au-dessus de la terre et laisse dans paysage rural, la nuit étoilée, les arbres en arrière-plan, le sen-
l’ombre le premier plan. timent de plénitude et de sérénité, la communion de l’homme
2. Réponse à l’appréciation du professeur. Ce qui est importe est avec cette nature.

HISTOIRE DES ARTS

Visions poétiques de la nuit


1. a) Diverses réponses sont possibles, car la représentation n’est de l’image dans le sens vertical, et sur la ligne des tiers dans le
pas réaliste. Le peintre semble être en hauteur par rapport à la sens horizontal), mais également par la lumière (elles coupent la
zone plus claire au second plan. Est-il sur un balcon ? En bas d’un ligne lumineuse, très mince, de l’horizon).
escalier ? Ou au contraire en haut ? Peut-être la zone plus claire S’agit-il de souches d’arbres gigantesques, qui auraient été fou-
est-elle une étendue d’eau, auquel cas le peintre pourrait être sur droyés par l’orage ? S’agit-il de bateaux à voiles ? Cette deuxième
un bateau ? Ou s’agit-il d’une étendue de neige ? option semble la plus probable, mais il est difficile de l’affirmer
b) Le tableau n’est pas réaliste, tant au niveau des formes que des avec certitude. S’il s’agit de bateaux, on peut penser qu’ils sont
couleurs (le vert dans le ciel étoilé par exemple). Il témoigne donc en danger, à naviguer aussi près des rochers en pleine nuit sombre
d’une vision très subjective du paysage. et orageuse.
On peut remarquer que le tableau est particulièrement lumineux b) On peut rapprocher ce tableau de la littérature fantastique
pour un paysage de nuit. Cette nuit étoilée semble être source de notamment par le sentiment d’inquiétude, voire d’angoisse qu’il
joie, d’émerveillement. génère et par les doutes, les questionnements qu’il soulève : est-ce
2. a) Les deux tableaux représentent des nuits étoilées, donc lumi- le monde réel que l’on nous donne à voir, ou un monde imagi-
neuses. La nuit n’est pas assimilée à l’obscurité, mais au contraire naire ?
à la lumière et aux couleurs profondes. Dans les deux tableaux, Par ailleurs, l’horizon infini n’impose pas de limite à l’imaginaire.
c’est bien sûr le bleu qui domine, mais les lumières de la ville en 5. Ces tableaux représentent tous deux la nuit, et leurs couleurs
arrière-plan créent des tâches jaunes, chaudes, qui font comme un sont assez similaires : les bleus dominent, accompagnés notam-
écho visuel aux étoiles qui se trouvent au-dessus. ment de touches de vert. Néanmoins, le tableau de Munch est plus
En outre, les peintres ne cherchent pas à représenter ce qu’ils lumineux, et la présence du jaune au centre de l’image réchauffe
voient de manière réaliste et précise. Ils procèdent par aplats et l’ensemble des couleurs.
grands coups de pinceau, ce qui met en valeur les formes et les La composition est verticale chez Munch, horizontale chez Frie-
nuances de couleur, et traduit une vision subjective du paysage. drich. Le tableau de Friedrich est une marine ; son format horizon-
Or dans les deux cas, c’est l’émerveillement qui est suggéré. tal est propice à son thème : peindre l’horizon.
b) Van Gogh exprime sans doute le fait que les teintes du ciel sont On peut dire que chez Munch, la vision de la nuit est plus positive :
beaucoup plus riches et variées la nuit que le jour. Si l’on se réfère le traitement expressionniste à larges touches donne un dynamisme
au tableau reproduit dans le manuel, nous pouvons remarquer que à la composition, les formes sont arrondies, l’ensemble plus lumi-
la ville est également beaucoup plus colorée la nuit (puisqu’elle neux. Même si dans les deux tableaux, certains éléments de l’image
est éclairée) que le jour. sont difficiles à identifer (notamment le premier plan, chez Munch),
3. a) Une allégorie est la représentation figurée (personnage, court ce doute ne crée pas chez Munch un sentiment d’inquiétude.
récit, etc) d’une notion abstraite. Par exemple, la justice est souvent 6. a) Dans ce tableau de Füssli, le cauchemar est représenté par
représentée par une femme qui tient une balance et une épée. deux êtres monstrueux, sans doute issus de l’imagination de la
b) Tout d’abord, on peut observer que le croissant de lune forme femme endormie : un gnome assis sur le ventre de la femme, et un
une auréole autour de la tête du personnage (le panneau est cheval ou un âne aux yeux globuleux, dont la tête émerge de l’obs-
intitulé « Clair de lune »). On peut noter que la déesse romaine curité. Celui-ci déshabille du regard la femme et semble déranger le
Diane est elle aussi souvent représentée avec un croissant de lune gnome qui se retourne. b) Réponse libre de l’élève. Ce qui importe
au-dessus de la tête. est qu’elle soit justifiée.
En outre, le personnage est légèrement vêtu, ce qui peut suggérer 7. Il y a tout d’abord une opposition de couleurs et de lumière : la
que la nuit est propice à la sensualité. Son corps semble sim- femme, dont la peau est très blanche, est habillée d’une chemise
plement recouvert d’un drap, sur lequel on remarque des cercles de nuit blanche et elle se trouve dans la lumière. Au contraire, les
étoilés. Ainsi, la lune est entourée d’étoiles. monstres sont de couleur sombre et se trouvent dans l’obscurité.
Enfin, la main gauche du personnage se trouve devant sa bouche, La femme est dans une posture d’abandon total, tandis que les
ce qui peut représenter le silence caractéristique de la nuit. monstres sont éveillés et attentifs.
4. a) La vision proposée par ce tableau est celle d’une nuit noire, 8. Füssli et Mucha donnent deux visions différentes de la nuit,
inquiétante. En effet, le tableau est sombre, car le ciel est couvert sinon opposées : inquiétante et cauchemardesque chez Füssli, la
de nuages menaçants, comme si un orage était sur le point d’écla- nuit est attirante et sensuelle chez Mucha.
ter. Les couleurs sont plutôt froides. Au premier plan, la présence Il faut noter également que si chez Mucha, le personnage fémi-
de rochers plongés dans la pénombre font que le spectateur n’a nin est une allégorie de la nuit (donc un personnage totalement
pas envie de s’aventurer dans ce paysage. Au deuxième plan, on imaginaire), chez Füssli il s’agit plutôt d’une « vraie » femme ; les
note la présence de deux formes verticales, mystérieuses, mises en personnages symboliques et imaginaires sont les deux créatures
valeur par la construction de l’image (elles sont situées au centre monstrueuses.

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Le livre du professeur • Français • 3e

9. La nuit est représentée sous ses différentes facettes : inquié- une peinture plus symboliste chez Friedrich.
tante, allégorique, colorée ou cauchemardesque. Chaque artiste 10. Réponse libre laissée à l’appréciation du professeur. Ce qui
renforce son propos en utilisant différentes techniques ; de l’art importe est que l’élève soit capable de justifier son choix.
décoratif pour Mucha, à l’expressionnisme pour Munch, on découvre

Complément pour le professeur : La nuit est un thème qui a particulièrement inspiré le mouvement romantique, en littérature (Young,
Keats, Novalis, Musset…) comme en peinture (voir les lavis et encres de Victor Hugo).
La nuit se prête à la confusion entre la pénombre et la lumière. Elle laisse place à l’intuition mais aussi au dérangeant, à « l’inquiétante
étrangeté ».
La vision romantique lyrique fait de ce moment une interaction entre l’homme et l’univers infini. Mais la nuit révèle aussi une vision
cauchemardesque pendant laquelle se déchaînent les forces inconscientes du songe avec la présence de monstres ou de revenants qui
dévoilent toute la déraison de l’homme (voir le tableau de Füssli).
L’inspiration noire qui traverse le romantisme poétique et romanesque des années 1830-1850 trouve son écho en peinture dans un mouvement
où l’imaginaire et ses représentations fantasmatiques se multiplient. On s’éloigne de la réalité pour dériver vers le rêve et même le cauchemar.
Avec Caspar-Friedrich les paysages dévoilent l’inquiétude ou l’angoisse de celui qui les contemple. Le regard est porté au plus loin, au-delà
du tableau, comme une forme de désir de l’homme d’avancer vers ce qu’il ignore.
Pour aller plus loin : Article « Le Nocturne » de Vladimir Jankélévitch, in Cahiers du Sud, 1983.

LEXIQUE

Exercice 1 : 1. Dans le texte 1, les mots sont employés dans leur de l’obscurité.
sens premier. La description est précise, neutre. Le texte 2, quant c) On note une comparaison entre les épaules du nageur et l’at-
à lui, accumule les métaphores (par exemple « midi » est rem- tache des nageoires des poissons grâce à l’outil de comparaison
placé par « au centre du jour », l’autobus devient un coléoptère) « comme » afin de souligner la facilité de déplacement du nageur
au point que le texte devient comique et difficilement compré- dans l’eau.
hensible. On peut remarquer également que la syntaxe est moins d) Cet extrait comporte plusieurs figures de style :
fluide, plus apprêtée (« l’une, paisibles, d’entre elles »). ›«  le vent me frappe » est une personnification, qui souligne la
Ces différences rendent le texte 2 difficilement compréhensible, violence des rafales du vent et donne l’impression que le per-
mais également comique : il donne l’impression de quelqu’un qui sonnage est en train de combattre avec la nature ;
s’applique à bien écrire, mais n’y parvient pas réellement (du moins › le « mur de la pluie » qui « s’écroule » est une métaphore,
le résultat semble artificiel, exagéré). qui met en valeur la force de l’eau qui lui tombe dessus et la
2. L’objectif de l’exercice est donc de réécrire le texte en accumu- densité des averses ;
lant un maximum de métaphores, au point de le rendre comique. › c et effet est renforcé par la métaphore suivante : « l’eau m’en-
veloppe », qui donne l’impression que la pluie est tellement
Exercice 2 : a) Anaphore du présentatif « c’est » et allitération en
dense qu’elle occupe tout l’espace.
b au début des mots.
e) Le « ciel d’étain » et le « ciel de cuivre » sont des métaphores :
b) Jeu de mots basé sur l’homophonie « Maille » (la
la couleur du ciel est rapprochée de celle de ces deux métaux ;
marque) / « m’aille » (COI + verbe aller au présent du subjonctif).
cela permet de faire voir en très peu de mots des couleurs et une
c) Rime interne, suffisante : « marre / Malabar » ; l’écho sonore est
luminosité bien précises.
renforcé par la paronomase [amar] / [abar].
« La nuit fait un pas » est une personnification, qui permet de
d) Jeu de mots sur le nom de la marque « Lapeyre » et son homo-
dynamiser la description.
phone « la paire », renforcé par le pronom « deux ».
f) Les arbres dépouillés sont comparés à des fantômes grâce à l’ou-
e) Le slogan joue sur la proximité sonore entre « il est fou » et
til de comparaison « ainsi que », avec la métaphore « des sque-
« Afflelou » : trois syllabes, dans lesquelles on retrouve les sons
lettes blanchis » qui désigne le tronc des arbres, couverts de neige.
l - é / e - f - ou (on a donc une allitération en [f] [l] et une asso-
Ces deux figures de style accentuent l’effet lugubre, effrayant de la
nance en [u]).
scène.
f) Métaphore : comparé = « Twix », comparant = « deux doigts » ;
g) On remarque deux figures de style :
de plus visuellement, les deux doigts font penser à une paire de
› la lune est personnifiée (« vêtue d’une robe vaporeuse »,
ciseau qui « couperait » la faim : la métaphore figée (« couper la
« regardait », « souriait ») ce qui crée une proximité entre le
faim ») est alors prise à la fois au sens propre et au sens figuré, ce
narrateur et la lune, et donne de la lune une vision maternelle,
qui crée un effet comique.
rassurante, protectrice, comme si elle veillait sur le narrateur ;
g) Les bonbons sont personnifiés, ce qui les rend « sympathiques »,
› la lune, « vêtue d’une robe vaporeuse », est également comparée
et invite les enfants (public visé en priorité) à s’identifier.
à une « blanche fée », ce qui renforce l’effet de la personnifi-
Exercice 3 : a) Cette phrase comporte une métaphore : les rayons cation.
du soleil sont comparés à des trainées de pluie pour souligner l’in-
Exercice 4 : Sous un amandier fleuri le mammifère carnivore voi-
tensité de la lumière et de la chaleur à ce moment de la journée.
sin du chien, à la queue touffue, aux grandes oreilles, au museau
Le rapprochement entre le soleil et la pluie crée une antithèse, et
pointu et au pelage roux, qui passe pour un chasseur très rusé, se
un effet de surprise.
léchait les membres qui marchent, courent, sautent ou se perchent.
b) Il s’agit d’une comparaison, puisqu’on note la présence de l’ou-
Les insectes orthoptères sauteurs, aux très longues pattes posté-
til de comparaison « comme ». Le rapprochement avec un élément
rieures, aux larges ailes, aux longues antennes fines, vertes chan-
aussi grand que le monde suggère que la nuit est très noire et
taient. Elles étaient toutes immobiles sur les chardons pelucheux
très profonde. Mais on peut lire la comparaison dans l’autre sens :
qui gardent la chaleur de la clarté produite sur la Terre par la
le monde est noir comme la nuit, ce qui exprimerait une vision
lumière du Soleil. La végétation naturelle de plantes herbacées
pessimiste du monde. Enfin, dire que la nuit est « profonde » est
diverses s’étira. (Exercice réalisé avec le dictionnaire Larousse)
une métaphore, qui souligne l’immensité de la nuit et l’intensité

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LANGUE

Exercice 1 : 1. Plusieurs réponses sont envisageables. Voici le texte de Baudelaire :


Enfin ! Seul ! On n’entend plus que le roulement de quelques fiacres attardés et éreintés. Pendant quelques heures, nous posséderons le
silence, sinon le repos. Enfin ! La tyrannie de la face humaine a disparu, et je ne souffrirai plus que par moi-même.
Enfin ! Il m’est donc permis de me délasser dans un bain de ténèbres ! D’abord, un double tour à la serrure. Il me semble que ce tour de
clef augmentera ma solitude et fortifiera les barricades qui me séparent actuellement du monde.
Horrible vie ! Horrible ville !
2. Phrases verbales Phrases non-verbales
a) On n’entend plus que le roulement de quelques fiacres attar-
dés et éreintés. › E nfin !
b) Pendant quelques heures, nous posséderons le silence, sinon › S eul !
le repos. › Enfin !
c) La tyrannie de la face humaine a disparu, et je ne souffrirai › E nfin !
plus que par moi-même. ›D  ’abord, un double tour à la serrure.
d) Il me semble que ce tour de clef augmentera ma solitude et ›H  orrible vie ! Horrible ville !
fortifiera les barricades qui me séparent actuellement du monde.
3. Les phrases non-verbales sont employées pour insister sur les émotions du poète, sur son soulagement de se trouver à l’écart de la
ville qu’il déteste et de pouvoir se sentir seul, avec lui-même et sa souffrance : « Enfin ! » ; « Horrible ville ! » L’absence de verbe dans
ces phrases permet de mettre l’accent sur les mots-clés qui expriment au mieux ses sentiments.
Dans « D’abord, un double tour à la serrure », l’absence de verbe peut souligner la précipitation du poète à se retrancher dans la solitude.
Exercice 2 : › Voici deux exemples de couples de phrases :
Venez manger, les enfants ! / Venez manger les enfants !
« Le professeur, dit Pierre, est un imbécile ! » / Le professeur dit : « Pierre est un imbécile ! »
On peut prolonger le travail par ce « célèbre » texte, qui change totalement de sens selon la ponctuation :
› Lisez le texte suivant : s’agit-il d’une lettre de rupture ou d’une déclaration d’amour ? Rétablissez la ponctuation manquante en fonction
de votre réponse.
mon Aglaé j’ai pris une grande décision j’ai eu une violente discussion à propos de notre mariage avec mes parents maintenant tout est fini
entre nous ils se sont montrés odieux papa a dit grand père te tuera si tu épouses cette fille tu as compris ils veulent que j’épouse la fille de
la charcutière qui est laide comme toi je la trouve grotesque mais elle est riche il n’y a plus à hésiter et mon choix est fait t’oublier ma vie
serait un enfer avec toi je retrouverai le bonheur
› Lettre d’amour :
Mon Aglaé,
J’ai pris une grande décision ! J’ai eu une violente discussion avec mes parents à propos de notre mariage. Maintenant, tout est fini. Entre
nous, ils se sont montrés odieux. Papa a dit : « Grand-père te tuera si tu épouses cette fille ! ». « Mais non ! », sans hésitation, a ajouté
maman, « je saurai te défendre ». Tu as compris : ils veulent que j’épouse Charlotte, la fille de la charcutière qui est laide et grosse. Comme
toi, je la trouve grotesque mais elle est riche. Il n’y a plus à hésiter, et mon choix est fait. T’oublier ? Ma vie serait un enfer. Avec toi je
retrouverai le bonheur !
› Lettre du rupture :
Mon Aglaé,
J’ai pris une grande décision ! J’ai eu une violente discussion avec mes parents à propos de notre mariage. Maintenant tout est fini entre
nous. Ils se sont montrés odieux. Papa a dit : « Grand-père te tuera si tu épouses cette fille ». Mais, non sans hésitation, a ajouté maman,
« je saurai te défendre ». Tu as compris : ils veulent que j’épouse Charlotte, la fille de la charcutière qui est laide et grosse comme toi. Je la
trouve grotesque, mais elle est riche ! Il n’y a plus à hésiter, et mon choix est fait : t’oublier ! Ma vie serait un enfer avec toi. Je retrouverai
le bonheur.
Exercice 3 : Dans les terres, de nuit baignées,
Je contemplais, ému, les haillons
Des vieillards qui jetaient à poignées
La moisson future aux sillons.
Leur haute silhouette noire
Dominait les profonds labours.
On sentait à quel point ils devaient croire
À la fuite utile des jours.
Ils marchaient dans la plaine immense,
Allaient, venaient, lançaient la graine au loin,
Rouvraient leur main, et recommençaient,
Et je méditais, obscur témoin,
Pendant que, déployant ses voiles,
L’ombre, où se mêlait une rumeur,
Semblait élargir jusqu’aux étoiles
Le geste auguste des semeurs.

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Exercice 4 : a) L’été, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte


La plaine verse au loin un parfum enivrant ;
Les yeux fermés, l’oreille aux rumeurs entrouverte,
On ne dort qu’à demi d’un sommeil transparent.
Les astres sont plus purs, l’ombre paraît meilleure ;
Un vague demi-jour teint le dôme éternel ;
Et l’aube douce et pâle, en attendant son heure,
Semble toute la nuit errer au bas du ciel.
b) L’été, lorsque le jour fuira, de fleurs couverte
La plaine versera au loin un parfum enivrant ;
Les yeux fermés, l’oreille aux rumeurs entrouverte,
On ne dormira qu’à demi d’un sommeil transparent.
Les astres seront plus purs, l’ombre paraitra meilleure ;
Un vague demi-jour teindra le dôme éternel ;
Et l’aube douce et pâle, en attendant son heure,
Semblera toute la nuit errer au bas du ciel.

EXPRESSION ÉCRITE

Exercice 1 : Les objectifs de cet exercice sont :


›d
 e créer des images poétiques grâce à des associations de mots inhabituelles et ainsi de comprendre comment la poésie peut renou-
veler notre vision du monde ;
›d
 e travailler le registre lyrique en exprimant un sentiment (2e point de la méthode) ;
›d
 e travailler sur la musicalité de la langue, en choisissant des mots qui créent des assonances ou des allitérations, produisant ainsi
des effets entre le sens et la forme.

Exercice 2 : L’objectif est de travailler le registre lyrique, et plus Exercice 3 : L’objectif de cet exercice est d’initier à l’écriture d’un
spécifiquement de s’approprier par l’écriture le concept de « pay- poème en prose et de travailler les ressources du langage pour
sage état d’âme ». créer un langage poétique. Il fait la liaison avec le fantastique
À titre d’exemple, on peut donner la partie I du poème « Soleils travaillé en 4e.
couchants » (dont nous proposons des extraits à la page 165) : Voici un exemple de poème en prose fantastique :

J’aime les soirs sereins et beaux, j’aime les soirs, LE CLAIR DE LUNE
Soit qu’ils dorent le front des antiques manoirs
Ensevelis dans les feuillages ; Réveillez-vous, gens qui dormez,
Soit que la brume au loin s’allonge en bancs de feu ; Et priez pour les trépassés.
Soit que mille rayons brisent dans un ciel bleu Le cri du crieur de nuit.
À des archipels de nuages.
Oh ! qu’il est doux, quand l’heure tremble au clocher, de
Oh ! Regardez le ciel ! Cent nuages mouvants,
regarder la lune qui a le nez fait comme un carolus d’or !
Amoncelés là-haut sous le souffle des vents,

Groupent leurs formes inconnues ;
Deux ladres se lamentaient sous ma fenêtre, un chien hurlait
Sous leurs flots par moments flamboie un pâle éclair,
dans le carrefour, et le grillon de mon foyer vaticinait tout
Comme si tout à coup quelque géant de l’air
bas.
Tirait son glaive dans les nues.
Mais bientôt mon oreille n’interrogea plus qu’un silence pro-
fond. Les lépreux étaient rentrés dans leur chenil, aux coups
Victor Hugo, « Soleils couchants », in Les Feuilles d’automne, 1831.
de Jacquemart qui battait sa femme.
Le chien avait enfilé une venelle, devant les pertuisanes du
guet enrouillé par la pluie et morfondu par la bise.
Et le grillon s’était endormi, dès que la dernière bluette avait
éteint sa dernière lueur dans la cendre de la cheminée.
Et moi, il me semblait, – tant la fièvre est incohérente, –
que la lune, grimant sa face, me tirait la langue comme un
pendu !

A. Bertrand, Gaspard de la nuit, 1920.

Exercice 4 : L’objectif de cet exercice est de réinvestir les notions


acquises lors de la séance sur le lyrisme élégiaque et d’utiliser le
champ lexical de la tristesse ainsi que la ponctuation expressive.

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À titre, d’exemple, on peut donner ce célèbre poème de Verlaine :

Il pleure dans mon cœur


Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.
C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !

Paul Verlaine, Romances sans paroles, 1874.

Exercice 5 : L’objectif de cet exercice est d’écrire une suite en tenant compte des informations fournies par l’incipit (cadre spatio-tem-
porel, caractère des personnages, style d’écriture) mais aussi d’employer un langage poétique, surtout lors des passages descriptifs.

EXPRESSION ORALE

Exercice 1 : Cet exercice ludique conjugue expression écrite et › s ’entrainer à lire de manière expressiven ;
expression orale. Il permet de travailler la notion de syntaxe ainsi ›m  aitriser la prononciation ou non du e muet.
que les chaines d’accords dans la phrase.
Exercice 3 : Objectifs :
Il peut être intéressant de demander aux élèves quels cadavres ›p  rêter une plus grande attention à la musicalité d’un texte
exquis ont retenu leur attention, et pourquoi. poétique : rythme des phrases, échos sonores, etc. ;
Exercice 2 : Objectifs : › t ravailler en groupe ;
› t ravailler la diction ; › t ravailler la diction.

SUJETS DE BREVET

SUJET BREVET 11 : Nuit de guerre


Questions (v. 13), « périr » (v. 15), « attaque » (v. 16), « orgues » (v. 21).
1. Ce texte appartient au genre de la poésie car la mise en page se Les deux réponses sont possibles, tant que l’élève explique son
fait sous forme de vers (qui sont des alexandrins) et de strophes choix.
(trois quintils et un sizain). Les vers riment entre eux selon un Oui, on peut considérer que le champ lexical de la guerre est bien
schéma de rimes croisées : ABABA pour les quintils et ABABABA représenté dans ce poème, ce qui est normal, étant donné son
pour le sizain. sujet. Néanmoins, il est mêlé à un certain nombre de termes aux
Remarque : la forme du poème présente néanmoins quelques petits connotations bien plus positives, comme « étoilé » (v. 1), « mer-
écarts avec la poésie de forme classique. On remarque notamment veilleuse », « bal » (v. 2), « un air à triples-croches » (v. 3),
l’absence de ponctuation, ainsi que la mise en page originale de « romance » (v. 7), « mille soleils » (v. 8), etc.
certains vers, qui sont sur plusieurs lignes. Le « pur effet de l’art » (v. 20) permet de donner de cette nuit
Dans l’esprit des calligrammes, ces alexandrins peuvent évoquer la d’horreur une vision onirique.
chute des obus, les tuyaux en escalier de l’orgue pour la dernière 3. a) Il s’agit d’une métaphore.
strophe ou la parole coupée à cause de la peur. Autrement dit, b) On peut relever le passage suivant : « Comme un astre éperdu
pour ces vers la forme visuelle est liée au sens, ce qui est le propre qui cherche ses saisons / Cœur obus éclaté tu sifflais ta romance »
du calligramme. (v. 6-7). L’image est la même, mais il s’agit ici d’une comparaison
2. a) Ce poème fait référence à la Première Guerre mondiale. (puisqu’il y a la présence de l’outil de comparaison « comme »).
b) Voici le champ lexical de la guerre : « obus » (4 occurrences, c) Le rapprochement entre les obus et les étoiles (ou les astres)
v. 1, v. 7, v. 11, v. 14), « Boches » (v. 1), « mitrailleuse » (v. 3), est surprenante car elle associe deux termes aux connotations
créneaux »(v. 5), « caissons » (v. 8), « mourir » (v. 11), « sang » opposées ; en effet, « étoiles » a une connotation positive, tandis

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que « obus » a une connotation négative. Cette association a pour parti à la guerre, il est loin de la femme qu’il aime et ne sait pas
effet de donner à cette nuit d’horreur une dimension onirique, combien de temps il lui faudra pour rentrer chez lui et la retrouver.
poétique. La vision du poète transfigure la terrible réalité. 7. a) L’adjectif « paradisiaque » est formé à partir du radical
4. a) La métaphore du « bal » renvoie à la guerre. Les bruits et les « paradis- » et la suffixe « -iaque ». b) L’ensemble du poème
déplacements des troupes, sont associés à un grand bal. conjugue une vision négative, horrible de cette nuit de guerre, et
b) Le champ lexical de la musique est : « un air à triples-croches » une vision beaucoup plus positive, onirique, poétique. À la fin de
(v. 3), « ta romance » (v. 7), « chanter » (v. 14), « orgues » (v. 21), ce poème, c’est la vision poétique qui l’emporte.
« hymne » (v. 22). 8. On peut dire que ce poème est lyrique, car le poète s’exprime à
c) On peut estimer que la tonalité est plutôt joyeuse : la forêt la première personne du singulier (par exemple : « je vis », v. 2)
« merveilleuse » est le lieu d’un « bal » avec feu d’artifice. Le divers sentiments personnels mêlés, comme l’émerveillement, la
poème se termine avec « L’hymne de l’avenir paradisiaque » nostalgie ou la tristesse, l’amour.
(v. 27). Le soldat Apollinaire aime certains aspects de la guerre. Le poète est également attentif à la musicalité de son poème,
Celle-ci l’exalte, il se voit comme un des libérateurs de la France tant au niveau du rythme que des sonorités. Par exemple, quand il
(l’Allemagne possédait l’Alsace et la Lorraine) et le chantre d’un évoque le tir des mitraillettes, il rapproche du mot « mitraillette »
bel avenir. le mot « triples-croches », ce qui crée un ensemble de sons explo-
5. a) Il s’agit de l’amour. Le mot est d’ailleurs répété trois fois au sifs. Au contraire, les passages plus oniriques ont des sonorités
cours de cette strophe. beaucoup plus douces : « Les obus miaulaient un amour à mourir »
b) Mais l’amour est toujours mêlé à la mort dans cette strophe. Le (allitération en « m », assonances en « o » et « ou »).
dernier vers de la deuxième strophe, « Nous vous aimons ô vie mais 9. Oui, on peut considérer que le tableau de Felix Vallotton fait
nous vous agaçons » montre bien l’opposition entre l’amour de la bien écho au poème. En effet, la scène représentée est bien une
vie du soldat Apollinaire et sa provocation constante envers la vie, scène de guerre (et la légende nous indique qu’il s’agit de la même
par sa mise en danger permanente. Le soldat provoque la vie, il guerre : la Première Guerre mondiale) et la construction du tableau
la risque et « provoque » (dans un autre sens du verbe) la mort rend compte du chaos provoqué par les bombardements. Néan-
des autres. On trouve « fatal » (strophe 1) « le sang », « périr » moins, comme dans le poème, à la représentation d’un champ de
(strophe 3) et surtout le premier vers de la strophe 4 « Il pleut guerre en flammes que l’on voit au second plan, aux fumées noires
mon âme il pleut mais il pleut des yeux morts » montre l’omnipré- et blanches qui s’élèvent de ce champ de mort, s’ajoutent des fais-
sence de la mort dans ce « bal » fantastique. ceaux de lumières vives, qui évoquent plutôt la fête. À une vision
6. Le poète fait allusion à Ulysse et à son retour vers Ithaque, réaliste, s’ajoute une vision onirique.
qui dura dix ans, pour faire un parallèle avec sa propre situation :

Dictée
Cette dictée permet notamment de revoir les terminaisons en [é] ou [è] : « ils s’arrêtent épuisés », « peut-il bien durer », « puisque les
évènements prenaient ce tour désespéré, je me décidais à risquer », etc.
Remarque 1 : on pourra accepter le passé simple (« je me décidai ») au lieu de l’imparfait (« je me décidais »). De même, on pourra
accepter « j’allai lui parler » au lieu de « j’allais lui parler ».
Remarque 2 : la dictée est assez difficile, mais l’exercice de réécriture qui suit est très simple.

Réécriture
Le ciel était étoilé par les obus des Boches
La forêt merveilleuse où je vivais donnait un bal
La mitrailleuse jouait un air à triples-croches
Mais aviez-vous le mot
Eh ! oui le mot fatal
Aux créneaux Aux créneaux Laissez là les pioches

Exercice de réflexion
Il faudra prendre en compte toute forme d’expression artistique (littérature, cinéma, peinture, photographie etc.).
On réfléchira sur ce que l’art apporte à la réalité et la différence avec les ouvrages historiques : dimension didactique (le message impli-
cite ou explicite), affective (expression de sentiments de l’auteur auquel le lecteur s’identifie), personnelle (de témoignage, devoir de
mémoire), esthétique (frapper l’imagination, la sensibilité).

Exercice d’invention
L’objectif est de changer de genre, de passer de la poésie au récit autobiographique, sous forme de journal.
On écrira un récit au passé (alternance entre le présent d’énonciation, après le combat et le passé composé pour narrer la nuit passée dans
les tranchées).
On tiendra compte du cadre spatio-temporel, sans anachronismes : la Première Guerre mondiale, une nuit de combat.
On exprimera des sentiments personnels (champs lexicaux des sentiments, figures de style, phrase exclamatives et interrogatives) : la peur
de mourir, la tristesse de quitter la vie, de ne pas rentrer à la maison.

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SUJET BREVET 12 : Spleen nocturne


Questions 8. a) Les caractéristiques de l’âme sont : « fêlée » (v. 9), « affai-
1. Ce texte relève de la poésie car il est mis en page sous forme de blie » (v. 11), « ennuis » (v. 9), « plainte » (v. 11). b) La cloche et
vers (il s’agit d’alexandrins), de strophes (deux quatrains et deux l’âme s’opposent car le son de la cloche exprime la joie, le bonheur
tercets : il s’agit d’un sonnet), et les vers riment entre eux, selon (voir qu. 3), mis en relief grâce à la comparaison avec le soldat
un schéma de rimes croisées et suivies : ABAB CDCD EEF FGG. veilleur, dans la tente (v. 8) tandis que l’âme se caractérise par la
souffrance qui est comparée à un soldat agonisant, qui se meurt,
2. a) Il s’agit d’un oxymore = association de deux antonymes
dans le dernier tercet.
« doux et amer ». b) Le poème se construit ensuite sur l’opposi-
tion entre la douceur et la joie du son de la cloche, et l’amerture 9. a) Les connotations de la dernière strophe sont liées à la mort
de l’âme du poète, affaiblie et blessée. (« le râle épais », (v. 12), « lac de sang », (v. 13), « un grand tas
de morts », (v.13), « meurt », (v. 14)) et à l’horreur (« un blessé
3. a) Dans la deuxième strophe, les expressions qui personnifient
qu’on oublie », (v. 12),« un grand tas de morts », (v. 13), « meurt,
la cloche sont : « bienheureuse » (v. 5), « au gosier vigoureux »
sans bouger, dans d’immenses efforts », (v. 14)).
(v. 5), « sa vieillesse » (v. 6), « alerte et bien portante » (v. 6),
b) Les propositions subordonnées relatives qui caractérisent le
« jette...son cri » (v. 7). b) La cloche est pleine de joie de vivre
blessé sont : « qu’on oublie // Au bord d’un lac de sang, sous un
(« bienheureuse », v. 5, « alerte et bien portante », v. 6) et malgré
grand tas de morts » (v. 12-13), « qui meurt, sans bouger, dans
sa vieillesse, elle accomplit fidèlement son devoir. c) Le ton géné-
d’immenses efforts » (v. 14).
ral de cette strophe est joyeux, heureux. La plupart des mots de
c) Il y a une progression vers l’horreur car au début du sonnet,
cette strophe ont une connotation positive.
l’évocation du cadre spatio-temporel est teintée de douceur :
4. Ce vers semble plus court que les autres : prononcé sans tenir « doux », (v. 1), « près du feu », (v. 2), « les nuits d’hiver », (v. 1),
compte de la règle du « e » muet, il ne fait que neuf syllabes. Mais les cloches « chantent », (v. 4) ; ensuite, le deuxième quatrain
comme il s’agit d’un poème en vers régulier, il faut tenir compte célèbre la cloche ; le premier tercet constate le contraste entre la
de cette règle : « Jette fidèlement ». Le vers fait alors 11 syllabes. vigueur de la cloche et la faiblesse de l’âme, pour finir, en apo-
Mais dans un poème où tous les vers sont des alexandrins, cela théose, avec l’image de l’anéantissement par la comparaison avec
casserait le rythme de prononcer ce vers en onze syllabes. On va la description réaliste d’un champ de bataille, où l’impuissance
donc faire une diérèse sur « religieux » (re / li / gi / eux) afin que ce physique suggère l’incapacité de créer. On remarque la construc-
vers soit lui aussi un alexandrin. tion en chiasme de ce sonnet : contexte / cloche / âme / contexte,
5. a) Le sujet des deux tercets est « mon âme » (v. 9). b) Il est basée sur une analogie antithétique cloche / âme.
mis en relief par la forme emphatique du v. 9 : le pronom personnel 10. a) Finalement, la « cloche fêlée » du titre est l’âme du poète,
accentué « moi », qui reprend « mon âme », est détaché en tête de incapable de s’exprimer, donc de créer. D’ailleurs, ce poème s’intitu-
phrase. Même si du point de vue grammatical, la construction est lait « Spleen », comme les trois textes qui le suivent dans le recueil.
surprenante (« mon âme » devrait syntaxiquement être repris par b) L’état d’esprit du poète se caractérise par un mal physique et
« elle » à la place de « moi »), le poète crée une licence poétique moral, une tristesse profonde, qui affecte sa création, allant jusqu’à
qui a pour but de souligner que le sujet des deux tercets, ce sont l’incapacité de vivre. La solitude, la souffrance, l’impossibilité de
ses sentiments personnels. survivre créent une impression de paralysie, d’asphyxie.
6. Les deux mots à la rime, « ennuis » (v. 9) et « nuits » (v. 10) 11. La lithographie d’Odilon Redon fait un écho intéressant au
montrent que le spleen qu’il ressent (ce mal à la fois physique et poème de Baudelaire car elle représente une cloche sous laquelle
moral), est exacerbé la nuit. se trouve un squelette. Ce squelette est en train de sonner le
Notons que le mot « ennuis » avait auparavant un sens plus fort glas, c’est-à-dire prévenir de la mort de quelqu’un, comme le titre
que de nos jours (il était synonyme de « tourments »). l’indique. Ce thème sombre, macabre, fait écho à la tonalité morne
7. L’analogie entre la cloche et l’âme du poète se fait par le participe du poème de Baudelaire. Dans le texte de Baudelaire, c’est l’âme
passé « fêlée ». Baudelaire les compare au niveau de la « voix », elle-même du poète qui est en train de mourir.
de la musique, dont le champ lexical irrigue tout le poème : « au Le choix des couleurs évoque ce thème sombre (« amer », v.1), de
bruit des carillons » (v. 4), « chantent » (v. 4), « gosier vigoureux » la mort, mais le squelette est animé d’un visage « doux » (v. 1),
(v. 5) = avec le sens de voix, « jette..son cri » (v. 7), « ses chants » avec des yeux étonnamment enfantins et un nez, ce qui rend
(v. 10), « sa voix » (v. 11), « râle épais » (v. 12). humain ce squelette.

Dictée
Ce poème en prose de C. Baudelaire permet de travailler notamment :
› l’accord des adjectifs ;
› l’orthographe de quelquefois avec le sens de parfois ;
› les homophones et / est.
On acceptera l’orthographe « mûre » à la place de « mure ».

Réécriture
Il était amer et doux, pendant les nuits d’hiver,
D’écouter, près du feu qui palpitait et qui fumait,
Les souvenirs lointains lentement s’élever
Au bruit des carillons qui chantaient dans la brume,

Exercice de réflexion
Selon vous, la poésie est-elle le genre privilégié du lyrisme ?
Vous proposerez une réflexion structurée et nuancée, qui s’appuiera sur des exemples précis.

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Objectifs
› Être capable de réinvestir les connaissances acquises lors de l’étude de ce thème, mais également de mobiliser d’autres éléments de sa
culture personnelle ;
› Être capable de nuancer sa pensée ;
› Être capable de structurer sa pensée.
Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jetait fidèlement son cri religieux

Exercice d’invention
Les objectifs sont les suivants.
› Insérer un dialogue dans une narration (alternance récit / dialogue).
› Employer le registre lyrique (champs lexicaux, phrases exclamatives, interrogatives etc.).
› Trouver des arguments capables d’apaiser le spleen (souvenirs heureux, présence des amis, de la famille, projet de vie à suivre, accomplir
son destin).

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