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Annie Ernaux évoque sa jeunesse et rend hommage à son père.

Cet ancien ouvrier, devenu


petit commerçant dans un village normand, espérait pour sa fille une « bonne situation ».

Une photo de moi, prise seule, au-dehors, avec à ma droite la rangée de remises, les
anciennes accolées aux neuves. (...) J’ai seize ans. Dans le bas, l’ombre portée du buste de
mon père qui a pris la photo.

Il n’osait plus me raconter des histoires de son enfance. Je ne lui parlais plus de
mes études. Sauf le latin, parce qu’il avait servi la messe, elles lui étaient incompréhensibles
et il refusait de faire mine de s’y intéresser, à la différence de ma mère. Il se fâchait quand
je me plaignais du travail ou critiquais les cours. Le mot « prof » lui déplaisait, ou « dirlo »,
même « bouquin ». Et toujours la peur OU PEUT-ETRE LE DÉSIR que je n’y arrive pas.

Il s’énervait de me voir à longueur de journée dans les livres, mettant sur leur compte mon
visage fermé et ma mauvaise humeur. La lumière sous la porte de ma chambre le soir lui
faisait dire que je m’usais la santé. Les études, une souffrance obligée pour obtenir une bonne
situation et ne pas prendre un ouvrier. Mais que j’aime me casser la tête lui paraissait
suspect. Une absence de vie à la fleur de l’âge. Il avait parfois l’air de penser que j’étais
malheureuse.

Devant la famille, les clients, de la gêne, presque de la honte que je ne gagne pas encore ma
vie à dix-sept ans, autour de nous toutes les filles de cet âge allaient au bureau, à l’usine, ou
servaient derrière le comptoir de leurs parents. Il craignait qu’on ne me prenne pour une
paresseuse et lui pour un crâneur. Comme une excuse : « On ne l’a jamais poussée, elle avait
ça dans elle. ». Il disait que j’apprenais bien, jamais que je travaillais bien. Travailler, c’était
seulement travailler de ses mains.

Les études n’avaient pas pour lui de rapport avec la vie ordinaire. Il lavait la salade dans une
seule eau, aussi restait-il souvent des limaces. Il a été scandalisé quand, forte des principes de
désinfection reçus en troisième, j’ai proposé qu’on la lave dans plusieurs eaux. Une fois, sa
stupéfaction a été sans bornes, de me voir parler anglais avec un auto-stoppeur qu’un client
avait pris dans son camion. Que j’aie appris une langue étrangère en classe, sans aller dans le
pays, le laissait incrédule.(...)

La dispute éclatait à table pour un rien. Je croyais toujours avoir raison parce qu’il ne savait
pas discuter. Je lui faisais des remarques sur sa façon de manger ou de parler. J’aurais eu
honte de lui reprocher de ne pas pouvoir m’envoyer en vacances, j’étais sûre qu’il était
légitime de vouloir le faire changer de manières. Il aurait peut-être préféré avoir une autre
fille.

Annie Ernaux, La Place, 1983

Question de compréhension (10pts)

1/Complétez le tableau (2pts)

Nom de l’auteur Titre de l’œuvre Date de parution Type du texte


2/Quel est le genre du texte ? Justifiez votre réponse (1pt)

…………………………………………………………………………………………………..

3/Qui sont les personnages de cet extrait ? (1pt)

…………………………………………………………………………………………………

4/Complète le tableau (1,5pt)

phrases Vrai Faux Justifications dans le texte


Au moment de l’écriture, l’écrivain a ………………………………..
seize ans. ………………………………
Le père encourage sa fille pour lire. ………………………………..
……………………………….
la mère de la narratrice est intéressée par ………………………………
les études de sa fille. ……………………………….

5/Relève dans le texte le point de vue du père concernant (1pt)

La mauvaise humeur de sa fille :………………………………………………………………

Les études de l’auteur :…………………………………………………………………………

6/Pourquoi le père a –t-il honte de sa fille ?(1pt)

………………………………………………………………………………………………….

7/Relève le champ lexical (trois mots) de (1,5pt)

L’insatisfaction :………………………………………………………………………………..

Les sentiments :…………………………………………………………………………………

8/Partages-tu l’opinion du père de souhaiter une autre fille ?justifie ta réponse (1pt)

…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………

Langue (10pts)
1/Transforme au discours direct (2pts)

a/ Le père a déclaré : « Nous ne l’avons jamais poussée, elle avait ça dans elle. »

…………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………….

b / « aurai –je eu honte de lui reprocher de ne pas pouvoir m’envoyer en vacances. » se


demanda l’auteur.
…………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………….

2/ Termine la phrase en reprenant les mots soulignés par ce qui est demandé (2pts)

Mon père refusait de faire mine de s’intéresser à mes études, à la différence de ma mère.

Reprise pronominale :……………………………………………………………………….

Reprise nominale :……………………………………………………………………………

3/Conjuguez aux temps demandés (2pts)

a /Lorsqu’ils (se réunir /PQP……………………autour de la table, des discussions violentes


s’éclatèrent.

b/Le père se mettait à hurler chaque fois qu’il (apercevoir /PA………………………..)la


lumière sous la porte.

c/ 4. Aussitôt que la narratrice (découvrir /PA...........................................................)la boîte,


elle s’est mise à crier.

d/Sa vie est vite devenue un enfer quand elle (apprendrePQP ...........................que son père est
mort

4/Ecris correctement les participes passés (2pts)

a /Les années se sont (succédé …………………) et la jeune filles se rappelle les directives
que son père lui a ( imposé…………………..). Ils se sont (obstiné…………………..) souvent
ce qui a (crée…………………..) des querelles violentes et interminables.

5/ Remplace le mot souligné par un paronyme adéquat (2pts)

a/Le médecin a proscrit un médicament à sa patiente.

b/La narratrice met en cause l’habileté du père à diriger la famille………………………

c /Tout au long du prolongation du boulevard, des arbres ornaient le


chemin……………………

Production de l’écrit (20pts)


Vos parents vous ont refusé une permission (sortie, achat, vêtement, coiffure…) , rédige,
dans trente lignes, les circonstances de cet événement en décrivant ta réaction et sentiments.

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