Vous êtes sur la page 1sur 19

Au pied du mur

Miruna Radu Lefebvre - Advancia


François Fourcade - ESCP Europe

18 mai 2011
La peur de l’échec

Obstacle psychologique et culturel à la création d’entreprise


(European Commission 2003; OECD 2003; Zhao, Seibert & Lumpkin 2010)

Construit multidimensionnel, avec des implications


émotionnelles, cognitives et identitaires (Conroy 2001)

Menace pour le sentiment de valeur personnelle (self-worth, cf.


Segal, Chipman & Glaser 1985), la peur de l’échec bloque
l’accomplissement du potentiel de l’individu et génère des
conduites contre-productives ou auto-handicapantes -
pessimisme défensif
Question(s) de recherche

Comment les jeunes entrepreneurs potentiels apprennent-ils à


réguler leur peur de l’échec?

Quelles situations et méthodes pédagogiques utiliser pour aider


les jeunes entrepreneurs potentiels à apprendre à réguler leur
peur de l’échec et renforcer ainsi leur sentiment d’efficacité
personnelle et collective?
L’auto-efficacité émotionnelle
Pfau et al. (2001) - le concept d’auto-efficacité émotionnelle
décrit la capacité perçue de l’individu à faire face à des
situations stressantes, menaçantes ou difficiles (coping)

L’auto-efficacité émotionnelle joue un rôle clé dans l’éveil de


l’anxiété et la régulation des décisions et des comportements
en situation de prise de risques

Les situations pédagogiques peuvent être structurées de


manière à renforcer les compétences de coping des étudiants et
leurs croyances dans la possibilité d’exercer un contrôle sur
leurs émotions négatives
Les émotions, obstacles ou facilitateurs

Les interactions entre émotions et cognitions sont


“permanentes et continues” (Baron 2008)

Les émotions influencent l’intention entrepreneuriale, l’auto-


efficacité et les choix professionnels (Cardon, Wincent, Singh &
Drnovseck 2009)

Confrontés à des situations stressantes, les entrepreneurs


potentiels peuvent se laisser envahir par la peur et l’anxiété, ou
éprouver des émotions négatives comme la colère et l’hostilité
(Eisenberg 2001; Flett, Blankstein & Obertinsky 1996)
Réguler la peur de l’échec

La peur de l’échec génère un stress qui mobilise les capacités de


traitement de l’information, et réduit l’efficacité cognitive, avec
des conséquences contre-productives sur le comportement (Weick
1990)

Les individus diffèrent dans leur capacité à gérer leurs émotions


et humeurs négatives en raison des différences au niveau de
l’auto-efficacité émotionnelle (Bandura et al. 2003)

Les différences au niveau de l’auto-efficacité émotionnelle


expliquent la variabilité inter-individuelle dans l’éveil,
l’évitement, le maintien et l’ajustement des émotions (Caprara et al.
2008)
Appendre à gérer les émotions négatives

Le processus de coping permet d’ajuster ses cognitions et ses


comportements aux “demandes de la situation perçue comme
stressante” (Folkman & Moskowitz 2004)

Les stratégies de coping sont des stratégies cognitives et


comportementales apprises, activées de manière récurrente
lorsque l’individu est confronté à la peur ou la colère

Les stratégies de coping ne sont pas toutes favorables à la


poursuite des objectifs personnels, certaines ont une fonction
d’auto-protection, comme le déni ou la rationalisation
Le rôle de l’éducation entrepreneuriale
L’intention entrepreneuriale et les croyances d’auto-efficacité sont
le meilleur indicateur de la qualité d’un programme d’éducation
entrepreneuriale (Fayolle & Gailly 2007)

L’élaboration de situations pédagogiques qui renforcent l’auto-


efficacité entrepreneuriale est encore au stade d’exploration (Barbosa,
Kickul & Smith 2008)

Les étudiants apprennent à exercer un contrôle sur leurs humeurs et


émotions à travers des expériences de coping dans des
environnements pédagogiques (Shepherd, 2003)

L’apprentissage expérientiel peut contribuer au développement de


l’auto-efficacité émotionnelle (Kayes 2002)
Hypothèses
H1: Le renforcement de l’auto-efficacité émotionnelle des étudiants
relatif à la création d’entreprise pourrait diminuer la peur de
l’échec entrepreneurial

H2: La pédagogie expérientielle pourrait contribuer au renforcement


de l’auto-efficacité émotionnelle des étudiants et les aider à se
confronter progressivement à des situations de prise de risque
entrepreneurial

H3: La diminution de la peur de l’échec entrepreneurial pourrait


renforcer les intentions entrepreneuriales, et favoriser l’émergence
de représentations et d’attitudes positives envers l’entrepreneuriat
et la carrière de chef d’entreprise
Dispositif de recherche
Etape 1 – Entraînement en Mur d’escalade

Les étudiants doivent s’organiser pour avancer en performance


alors qu’ils sont dans une situation ou le non savoir, l’incertitude
individuelle et collective, la peur, sont omniprésents

Après une phase de transmission des conditions de sécurité, il


leur est demandé, au plus proche des situations d’entreprenariat,
de s’auto-organiser pour gérer leurs émotions, de renforcer leur
capacité d’analyse et de décision en situation de prise de risques,
de faire preuve de créativité pour faire face aux défis physiques
et psychologiques, afin de construire symboliquement et
concrètement « leur propre chemin » d’escalade
Dispositif de recherche

Etape 2 – Confrontation au réel – une semaine d’alpinisme en


haute montagne

Les étudiants sont mis en situation de prise de risques


encadrée, en conditions « réelles » d’escalade. Une course en
falaise « outdoor » est mise en place afin de tester les réactions
des participants et de mesurer l’efficacité du dispositif sur la
gestion individuelle et collective des émotions et notamment la
gestion de la peur de l’échec
Collecte des données

Observation participante lors des étapes 1 et 2 des interactions


interindividuelles et de groupe
Journal de bord individuel des étudiants
Echelles de personnalité (estime de soi, lieu de contrôle)
Questionnaires d’impact (éveil d’émotions négatives, auto-
efficacité, intentions comportementales)
Verbatim des participants (formateurs, alpinistes, étudiants)
Groupes de discussion dédiés au débriefing de chaque séance,
où les participants sont incités à réfléchir à la transposition des
apprentissages et des expériences à l’univers de la création
d’entreprise
Phase 1 (2010) - impacts
La peur de l’échec est aussi forte chez les femmes que chez les
hommes, avec des modalités d’expression et une autorégulation
des émotions spécifiques selon le genre; La « peur de tomber »
plus importante chez les femmes, « la peur de perdre la face » plus
importante chez les hommes

A la fin du dispositif, les auto-évaluations indiquent une confiance


accrue dans la capacité à gérer ses émotions et à se faire confiance,
moins d’irritation, de découragement ou de colère qu’au début

Le rôle du groupe de pairs est apparu comme essentiel dans le


renforcement du sentiment de maîtrise personnelle : les processus
de modelage avec les pairs seraient plus importants que prévus
Phase 1 - impacts
Un an après :

2/3 des participants ont créé leur entreprise (la moitié des
entreprises ainsi créées ont été lancées en binôme ou en
groupe)

1/3 des participants travaillent sur des postes de management


dans des grandes entreprises (IBM, l’Oréal, etc.)

Le taux de création d’entreprises chez les autres étudiants du


programme Master est d’env. 15% , dont 4% en équipe
Valorisation Phase 1 (2010/2011)
Fighting against the fear of failure in young potential
entrepreneurs: Learning to climb as a metaphor of starting up a
new business - Miruna Radu Lefebvre & François Fourcade,
Conférence ICSB, Cincinnati, Etats-Unis, juin 2010

Présentation & visite au Babson College, mai 2011 – François


Fourcade

Le leadership « au pied du mur » : recherche sur un


apprentissage expérientiel - Antonella Verdiani, chapitre dans
l’ouvrage « Leadership et management », de Boeck, 2011
Phase 2 (2011) - enjeux
Processus émotionnels & cognitifs
Peur constante vs situationnelle (stabilité, rôle du contexte)
Effet du renforcement de l’auto-efficacité sur la perception de peur
Rôle de l’expérience antérieure de prise de risques
Rôle du volontariat pour comprendre les motivations de participation
Groupes de contrôle
Travail en binôme
Dispositif et apprentissage
Pédagogie de la lenteur
Pédagogie de l'échec
Pédagogie du tâtonnement
Impacts
Auto-régulation des émotions négatives
Création d’entreprise & type d’emploi/fonction après le diplôme
Phase 2 (2011) – données
Groupe expérimental vs groupe contrôle
Avant le démarrage de l’expérimentation
o Echelle d’estime de soi; Echelle de lieu de contrôle; Echelle de recherche de
sensations
o Expériences antérieures (prise de risques, projets, création d’entreprise)
o Auto-efficacité entrepreneuriale; Intention entrepreneuriale

Après chaque session d’escalade:


o Journal de bord + groupe de discussion
o Questionnaire Beck Anxiety Inventory (1979), stratégies utilisées pour réguler
les émotions

Analyse des données qualitative et quantitative (ANOVA


comparaisons intra- et inter-individuelles)
Conclusion
Etudier les relations entre facteurs cognitifs et affectifs relatifs à
la création d’entreprise, afin de mieux évaluer le rôle de l’auto-
efficacité émotionnelle dans le passage à l’acte d’entreprendre

La prise en compte des enjeux identitaires, voire existentiels dans


la situation entrepreneuriale (gestion de l’image de soi et de
l’estime de soi dans un contexte de « mise à l’épreuve de soi »
publique)

Ce projet de recherche articule une approche phénoménologique


et une approche de régulation des émotions en situation de prise
de risques entrepreneuriaux. La dimension interactionnelle et
langagière des émotions est au cœur de notre démarche
MERCI POUR VOTRE ATTENTION

Vous aimerez peut-être aussi