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Patrick TAÏEB*
Si la con
lesquels le mécénat était la manifestation
influa positivement sur la genèse de publique d'une haute dignité aristocratique.
l'opéra, la fréquentation des deux cours Après l'édification du Residenztheater en
contribua tout autant à la physionomie 1753 sur les plans de l'architecte français
définitive áldomeneo. Avant son installa- François Cuvilliés, il avait maintenu une
tion à Munich la vie musicale très riche de
activité artistique de haut niveau. Parmi les
la troupe de Mannheim représentait une musiciens attachés à Munich à partir du
sorte d'avant-garde parmi l'ensemble des
milieu du siècle, on voit se succéder des
cours allemandes qui cultivaient la musiciens italiens tels que Aliprandi ou
musique d'orchestre et le théâtre. Il n'estBernasconi et parmi les invités on compte,
pas nécessaire, sans doute, de rappelerdans les années 1770, certaines des grandes
que l'école de Mannheim jouissait d'unefigures de la jeune génération : Tozzi,
renommée européenne depuis près de
Traetta ou Sacchini. L'opéra seria y était en
vingt ans et que les partitions qui reflé-
taient la virtuosité d'exécution de son
faveur et la langue italienne systématique.
On note cependant que XOrfeo de Gluck,
orchestre étaient répandues dans les
bien que remanié dans une veine plus
grandes capitales. Mais on ne doit pas
conforme à la tradition de l'opéra seria,
oublier que cet orchestre pratiquait égale-
ment l'opéra et que les chanteurs de la n'avait pas remporté un grand succès en
cour étaient eux-mêmes de très grands 1773 et la tentative de Seeau d'importer à
professionnels de la scène. Le répertoire Munich le répertoire le plus avancé de
Mannheim, dès la réunion des deux électo-
de la cour comportait des opéras seria, des
rats, resta un moment sans suite. Pour la
opéras en langue allemande et des opéras
buffa. Au cours des années 1760-1778, les première saison de 1779, on avait monté
plus grands compositeurs d'opéra italien l'opéra de Wieland et Schweitzer, Alkestis.
avaient reçu des commandes, à commen- Écrit en allemand, basé sur quatre person-
cer par Jommelli, Traetta, Piccinni et Jean- nages principaux seulement et composé
Chrétien Bach, pour mettre en musique les dans un style austère, mêlant le contrepoint
livrets du poète réformateur Mattia Verazi, allemand et une écriture vocale que Mozart
en service officiel à la cour. D'autre part, jugeait peu chantante (lettre du 11. IX. 1778),
l'émergence de YAußlarüng allemande Alkestis soutenait l'intérêt grâce à l'élo-
dans les années 1770 avait trouvé un quence de ses récitatifs accompagnés mais
mode d'expression au théâtre à la cour de
dut paraître d'un intérêt plutôt expérimental.
Mannheim. À partir de 1775, Ignaz Dès 1780, l'opéra de la saison revenait à un
Holzbauer et Anton Schweitzer produisirent genre plus conforme à la tradition locale
des opéras en allemand, Günther von
avec Telemaco, de Franz Paul Grua, qui
Schwarzburg (1777), Alkestis (Weimar/1773,
reflète le goût munichois pour lequel
Mannheim/1775) et Rosamunde (composé
Mozart et Varesco allaient concevoir
en 1778 et joué en répétition avec Mozart au
Idomeneo. Telemaco était basé sur un
piano) que Mozart a entendus et commen-
modèle français - de l'abbé Pellegrin ou
tés dans sa correspondance. Du premier il
peut-être même le Télémaque du librettiste
nous a laissé un témoignage d'estime auteur
parti- de Xldoménée français, Antoine
culièrement élogieux pour le compositeur,
Danchet. Le choix du comité de la cour,
affirmant « qu'il y a un feu incroyabledont
dans on peut supposer qu'il fut déterminé
cette musique » (lettre du 14.XI.1777).
en À la
concertation avec Mozart et Charles
fin des années 1770, le rang politique
Theodore, tous les deux connaisseurs de la
secondaire du Palatinat était nettement
tragédie lyrique et lecteurs avérés de
contrebalancé par le rayonnement artistique
Fénelon - source indirecte du livret de
que le prince électeur avait entretenu par
Varesco - , confirmait donc cette orienta-
une active politique de prestige.
tion. Une analyse $ Idomeneo placée sous le
A Munich, Maximilien III Joseph appar-
signe de l'histoire profiterait certainement
tenait aussi à ce type de souverains pour
de la comparaison entre le travail d'adapta-
(1) Cf. Kintzler, Catherine, - Idoménée et l'infanticide successoral dans le théâtre et l'opéra -, dans Échos de France et
d'Italie. Liber amicomm Yves Gérard, textes réunis par Marie-Claire Mussat, Jean Mongrédien et Jean-Michel Nectoux, Paris,
Buchet/Chastel-Société Française de Muicologie, 1997, p. 47-58.
(2) Mozart connaissait bien les capacités vocales des trois interprètes de Mannheim. Non seulement pour les avoir déjà
entendu mais également parce qu'il avait eu à composer pour eux ('cs airs de concerts : - Seallabbro mio- K.295 (1778, pour
Raaff) : -Hasta vincesti-- - Ah, non lasciarmù «ο·. récitatif et air K.295a (1778, pour D. Wendling). La symphonie concertante
:n mi bémol. K.297b a vraisemblablement été écrite pour les vents exceptionnels de l'orchestre de Mannheim.
l'agent
Neptune, littoral panoramique. Si Quaglio
ne s'était pas distingué tout au long de sa
tableaux
carrière par un éclectisme I
L'acte culturel étour-
c
dissant, la seule production dldomeneo le
quatre,
mentplacerait parmi les décorateurs qui ront su
le mieux transposer sur la scène lyrique le
Beaucou
desnéo-classicisme
arias naissant impulsé au milieu
du siècle par l'historien
cinq. Les de l'antiquité
obstant Johann Joachim Winckelmann. Ce n'est
évoquées donc pas un hasard si le compte rendu
les trois derniers airs. Plusieurs commen- officiel de la cour ne mentionne même pas
taires de Mozart portant sur l'invraisem- le nom des auteurs du livret et de la
blance de certains numéros prévus pour musique, et s'attarde au contraire sur le
décor conçu par « notre architecte de
intervenir au milieu d'une activité générale
théâtre [et] conseiller de la cour, Lorenzo
et jugés « déplacés »» par le compositeur
(lettres des 13.XI.1780, 15.XI.1780, Quaglio »(4), et c'est dire si la pompe du
spectacle était un volet essentiel du cahier
18.XI.1780, 3.1.1781 et 18.1.1781) indiquent
que l'acte III est celui qui a donné auxdes charges. Le livret aldomeneo reflétait
les conditions exceptionnelles dont un
auteurs le plus de difficultés pour l'empla-
cement des numéros chantés. jeune compositeur pouvait rêver en 1780 :
une tragédie en italien, mêlant grand spec-
tacle parisien et airs solos dans la lignée
Idamante de Métastase, cela en vue d'une mise en
Idoménée 1 11 (coupé) musique destinée à d'excellents interprètes
Jlia et au meilleur orchestre du temps.
Electre
TOTAL 5 4 5
{f>) Sur le schéma dramatique du premier acte, voir Daiilaus, Cari, « Dramaturgie de l'opéra italien ■ dans Histoire de l'
italien, Liège, Mardaga, 1995, vol. 6, p. 156 et suivantes.
(<u Cité par Daniel Hkartz, Haydn, Mozart and the Viennese scbœl. 1740-1780, New York, London, W. W. Nort
Company, 1995. p.7()8.
(S) La dernière scène précédant le ballet est en do tandis que l'ouverture est en ré.
f jf/K_T ' 1 1
Ή fl|J ^~^L|J J I J -I
sens au sein de l'opéra et comme une n°23) sous les mots : « or vedete, ah Numi !
figure expressive commune à son époque. con qual ciglio ? Svenar il genitor il próprio
Il s'agit du motif de la « douleur » qui fïglio » (et vous verriez, ô Dieux, d'un œil
consiste en l'ornementation chromatique indifférent, un père sacrifier son propre
d'un arpège descendant (voir l'exemple 2). fils). Ses résurgences au sein de l'air n°2,
du quatuor n°21, et dans plusieurs récitatifs
Dans Telemaco (Gluck), que Mozart
renforcent sa connotation sacrificielle et
put entendre à Vienne en 1765, il est la
traduction mélodique de la déploration hiératique, que Mozart semble avoir puisée
filiale : « Ah! qui viendra à mon secours, dans un usage commun à son époque.
qui me dira, par pitié, où est mon père ? » Jusqu'à quel point, cependant, faut-il
(1,6 ; voir l'exemple 3). se prêter au jeu du décryptage symbolique
des motifs et des tonalités sans tomber
On remarquera que les paroles du
héros sont portées par le thème qui, neuf dans un type d'exégèse complètement
ans plus tard, accueillera l'indignation anachronique ? Libre à chacun de croire
d'Agamemnon confronté à l'exigence du avec Catherine Kintzler que l'apparition du
sacrifice d'Iphigénie (1,1) dans Iphigénieen motif d'Idamante dans le récitatif
Aulide de Gluck (Paris, 1774). Quelques d'Idoménée qui suit son entretien avec I
années après il apparaît dans la partie de (11,3 ; Dover, p. 141) réintroduit subrept
violon du Crucifixus de la Messe K.317, cement la jalousie incestueuse du père e
puis dans les premières mesures du Kyrie suggérant sa contrariété face au sentime
K.341, lequel a vraisemblablement été amoureux exprimé à demi-mot par Ilia.
composé pour Munich en même temps l'opposé, Julian Rushton a suggéré que
qu'Idomeneo. Dans l'opéra, le motif de la réseau d'analogies indiscutables qui inne
douleur tisse un réseau d'analogies entre vent la partition est la conséquence
divers épisodes, depuis la coda de l'ouver- l'extrême concentration exigée des comp
ture (mes. 158) jusqu'à la sortie d'Idoménée siteurs lors d'une commande d'opéra se
à la fin du récitatif du Grand Prêtre (111,6 ; pour un carnaval(6). La manifestation d
(6) RUSHTON, Julian, - The musical language of Idomeneo », dans Cambridge Opera Handbooks,
Idomeneo, éd. par Julian Rushton, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, p. 119-128.
Andante
Ht* ^
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Vlnl.2,alt Ι Π Ι
s
Telemaco
J r1 '
J ' U
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ψ r Tr ir ι f 'nr ρ ffr Γι
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Ut^nfTf i'r if
è ? dov' è ?
;n j t .n
£wm/»ür 3 ; Gluck, Telemac
facteurs
quatuor en mi bémol établit une relation
de triton symbolique du tin
d'une point critique
atteint par le récit.
logie que La seconde part de do
teraient
mineur (n°24) pour retourner progressive-
composit
ment à ré majeur selon un parcours com-
ter les ressemblances. L'évaluation esthé- plexe quelque peu perturbé par les
tique de ce maillage subtil des tonalitésarrangements
et de dernière minute.
des motifs profitera de la prise en compte
Le souci de la continuité est constant
des propos émanant des écrits théoriques
de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. dans Idomeneo. Elle se traduit par toute
une série de procédés trop divers pour être
Tandis que les tenants de la réforme pos-
entièrement détaillés. Suivant la tendance
tulaient l'inféodation de la musique au
de la génération précédente, celle de
drame en même temps que la concentra-
Jommelli et Traetta, Mozart utilise abon-
tion extrême de ce dernier autour d'un
damment
scénario simplifié, les rares musiciens qui le récitatif accompagné comme
un
se sont exprimés sur ses implications spé-agent expressif propre à propulser les
airs,
cifiquement musicales ont avancé l'idée pour la plupart dénués de ritournelle
introductive,
que chaque opéra possédait en propre sa voire à les remplacer lorsque
la situation
couleur. Mais en dépit de l'exigeante cohé- dramatique l'exige (lettre du
sion interne qui rapproche Idomeneo 15.XI.1780).
des L'autographe est en outre
émaillé d'expressions telles que «« Attaca
partitions de Gluck, Mozart se distingue
l'aria d'Idamante » (n°2), « Segue il coro »
par des procédés de continuité qui tour-
nent le dos au pathétique lugubre et(n°3),
figé « Segue l'aria d'Idomeneo » (n°6),
de son prédécesseur. etc., traduisant cette préoccupation crois-
sante à mesure qu'approchait la première
Car aux symétries fréquentes de Gluck,
représentation. D'ultimes remaniements
on peut opposer la recherche perpétuelle
affectent même l'intégrité des numéros :
du mouvement qui caractérise la dans l'ultime version du n°6 « Vedrommi
démarche de Mozart. Dans chaque acte,
intorno » les dernières mesures forte du
Mozart tire profit de la référence à une
tutti sont remplacées par une conclusion
tonalité principale pour construire des
sur la pointe des pieds interdisant les accla-
progressions dont le principe est essentiel-
mations du public pour le premier air
lement linéaire. Reliés par des récitatifs
d'Anton Raaff.
dont la première tonalité est aussi, le plus
souvent, la dernière, les numéros se suc- Le premier air de l'opéra, confié à Ilia
cèdent au sein de grands ensembles déli- (n°l, « Padre, germani, addio ! ·>), indique
mités par des modulations radicales. Les d'emblée la règle du jeu aux spectateurs :
changements de décors et les événements l'air commence subrepticement, sans
ritournelle, mais aussi par une cadence
scéniques qui divisent chaque acte s'ac-
compagnent à chaque fois d'une modula- rompue et quatre mesures d'orchestre peu
affirmatives
tion décisive. La première partie de l'acte I du point de vue de la mesure.
est structurée autour de la tonique ré
La mobilité rythmique de l'écriture orches-
majeur/mineur (de l'ouverture au n°4),trale, la inspirée par la souplesse d'exécution
seconde décrit un parcours linéaire de do de l'orchestre de Mannheim, établit la
à fa. La chaîne de toniques disposées continuité
de avec le début de l'air qui devient
quinte en quinte qui régit l'acte II à partirperceptible seulement à l'entrée de la voix.
du n°12 est, elle aussi, brusquement per- Il fallait ensuite imposer le silence au
turbée par la tempête du n°17 en do public à l'instant où il était le plus naturel-
mineur. La correspondance des ruptures lement porté à intervenir en applaudissant
tonales et des axes principaux de l'intrigue l'interprète chérie de la cour munichoise,
est encore illustrée au troisième acte. La Dorothea Wendling. La cadence parfaite
première partie (n°19 à 22) est organisée qui conclut l'air après la vocalise est suivie,
autour de la majeur, au sein de laquelle dès le la croche suivante, d'un motif orches-
<7) Pour de plus amples détails sur les relations Telemaco-Iphigénie en Aulide-Idoménée, voir : Daniel Hkartz, Haydn,
Mozart and the Viennese school. 1740-1780 (New York, London : W. W. Norton & Company, 1995), p.2l6 et le chapitre consa-
cré à Idoménée, p. 699.
développ
(n°4, 7, 11, 19). La réexposition est tron-
mesure
quée après la transition vers la deuxième
partie (mes. 135). Au lieu du retour
motif en du
cutéthème en la mineur,
fort deux mesures basées
glissand
sur un motif encore inouï et apparenté à
l'ouvertu
un passage du premier récitatif d'Ilia (1,1,
première
mes. 27), conduit à la coda qui constitue
la mesur
la deuxième partie. Elle est principalement
dansfondée sur le fameux
le motif d'Idamante m
cendante énoncé sur trois octaves aux- déjà entendu aux mesures 9 et 11, et
flûtes, hautbois et bassons, posent une
juste avant la réexposition - partiellement
développé.
atmosphère totalement différente et intro-
duisent la couleur de ré mineur. La suc-
Les deux parties sont distinctes dans
cession de ses deux premiers épisodes
leur finalité dramatique. La première, un
affirment les caractères opposés du drame :
cinquième de l'ensemble du mouvement,
la majesté royale et le pathétique.
assume la fonction de l'exorde - annonce
La transition restaure le caractère mar- du sujet, de l'action principale et de son
tial et ne laisse aucunement prévoir l'évé-caractère - tandis que la seconde assume
nement qui survient lorsque débute leune fonction totalement différente d'où
second thème en la mineur. Cette utilisa- découle logiquement son caractère, celle
tion du mineur là où l'on s'attendrait à voir d'introduire la première scène. Une irrup-
apparaître un second thème en majeurtion tonitruante et pathétique semblable à
(dominante ou relatif majeur) se retrouvecelles par lesquelles s'achèvent deux
dans plusieurs airs dont la seconde ouvertures de Gluck liées à la première
strophe appelle un traitement passionné scène, Alceste et Iphigénie en Tauride,
Allegro
A™ Bn + lcor
ru Π, Ι Π, Ι Π ι
y pr '' ι ''
"fernTT γγτγγγγγ
Exemple 4 : Gluck, Iphigénie en Aulidc, Ouverture.
(8) Nota : la versification italienne considère le verso tronco comme ayant une syllabe supplémentaire. Le
l'air d'Ilia n°ll - Se il padre perdei · est donc un senario (sénaire. vers de six syllabes) : - È Creta per me -. Su
italienne, voir le - Glossaire · établi par Damien Colas dans L' Avant-scène Opéra, 157 (1994). L'Italienne à
le trille sur
rémaniée pour permettre une conclusion au
(lettre du
ton principal (voir le tableau n°3). 3
produit une
Les airs n°l, 4, 7, 11, 13, 29 adoptent la
ο de rinvigo
forme binaire avec des nuances, notam-
définitif « T
ment dans la relation entre parcours tonal
plus et répartition
satisfa des vers qui est présentée de
n'offre
manière simplifiée ici. pas
une vocalise : « Fiorisce in me l'età ». En
revanche, le premier vers, indépendant surL'air n°2 est à compter dans ce lot mais
il est doté d'une introduction et de deux
le plan sémantique, est un excellent vers
changements de tempo motivés par des
conclusif à cause de l'accent sur le a dans
fins expressives. Son introduction est
pace : Mozart le répète après que la pre-
basée sur les deux premiers vers « Non ho
mière strophe a été entièrement chantée,
colpa, e mi condanni / Idol mio, perché
avec la cadence dûment placée (Dover,
p. 320-323). t'adoro- 0e ne suis pas coupable, et tu
m'accables/ Ma bien aimée, parce que je
La typologie des formes d'air employées
t'adore) qui seront naturellement répétés
dans Idoménée divise les commentateurs. au début de A' mais réinterprétés par le
Pour Hermann Abert, trois types différen-dessin mélodique qui suggère un change-
ciés par le nombre des sections peuvent ment de ton sensible de la part
être dégagés de l'analyse(9). Séduisante pourd'Idamante.
son respect de la partition, elle laisse de
Les quatre changements de tempo sou-
côté un aspect essentiel de l'opéra au XVIIIe
lignent la prière d'Idamante exprimée dans
siècle : la convention, avec ce qu'elle auto-
le dernier vers de la deuxième strophe (voir
rise de déviances qui sont autant de le texte encadré, dernier vers en gras).
manière de traiter la forme comme vecteur
d'expression. Julian Rushton propose une Deuxième forme, la forme ternaire,
approche simplifiée qui identifie deux rappelant d'assez loin l'aria da capo, où la
formes canoniques. première strophe est répétée plusieurs fois
au long d'une partie A qui s'achève au ton
Une forme binaire dans laquelle les de la dominante. La partie B, générale-
deux strophes sont chantées deux fois, ment beaucoup plus concise que la précé-
chaque énoncé intégral correspondant à dente, est occupée par la seconde strophe
une exposition évoluant vers la dominante qui fait diversion par son caractère et sa
(ou le relatif) et à une réexposition. L'aria se
tonalité. La partie A' reprend la première
strophe et conclut l'air au ton principal.
termine par la seconde strophe qui doit être
A A'
vers 1-4 5-8 1-4 5-8
I - V (en majeur) I - I
i - III (en mineur) i - i
(9) Cette classification basée sur l'analyse interne des structures de chaque air est reprise par Harry Halbkei
commentaire pour L'Avant-scène Opéra, 89 (1986), Idoménée, p.31.
ABA1
vers 1-4 5-8 1-4
I - V (en majeur) χ I - I
i - III (en mineur) χ i - i
À l'époque où
(n° 27) et Mozart com
d'Idoménée (n° 30) procèdent à
l'ancienne forme
un da
transfert symbolique affectant capo
simulta-
reprise improvisée
nément leur tonalité et leuret ses r
forme respec-
drant tives. Tandis qu'Idamante
les retours duest texte,
associé à des n
la partie Atonalités
réécrite
à bémols (voir ses deux airsdans
au
entièrement écrite (voir le tableau n°4). premier acte en si bémol et fa) et
Cinq airs adoptent la forme ternaire - qu'Idoménée paraît le plus souvent en ré
contre sept pour la forme binaire. Il s'agit majeur (à l'exception de son premier air,
des n° 10, 12, 19, 22, et 27. en dó), les formes attachées respective-
ment aux deux personnages dessinent une
Les airs n° 6 et 30, qui paraissent échap- opposition sur le schéma forme ternaire-
per à cette classification, peuvent être rap- tradition-Idoménée, forme binaire-moder-
portés respectivement aux formes binaire nité-Idamante. La conclusion du troisième
et ternaire, avec des variantes. Le n°6, acte inverse la répartition : l'air qu'Idamante
« Vedrommi intorno »>, relève d'un jeu sur chante dans son face à face avec la mort est
les attentes de l'auditoire que Mozart a en ré majeur et adopte la coupe tradition-
déjà employé dans Lucio Silla (voir l'air de
nelle ABA', tandis qu'Idoménée déchu,
Giunia n°4, qui comporte trois strophes s'exprime en si bémol majeur dans un style
lui aussi). La troisième strophe survient au inattendu, inspiré par un modèle hasso-
point où le retour des deux premières métastasien (ABA avec Β dans un tempo et
aurait complété une forme binaire. Elle est une métrique différentes). Le fils est élevé à
écrite dans un tempo accéléré et peint la la grandeur monarchique et comme par-
panique confuse d'Idoménée avec une venu à maturité tandis que le père, libéré
éloquence décuplée. de sa fonction royale, accède à une huma-
L'idée que la forme des airs puisse être nité bienveillante et supérieure.
dictée par une typologie littéraire prééta- Une différence essentielle entre les
blie est partiellement vérifiée dans
deux formes (AA' et ΑΒΑ') est que la pre-
Idomeneo. Certes, le style comparatif des
n° 12 « Fuordel mar ho un mar in seno » et
mière, forme binaire, ne finit pas sur la
strophe initiale. Et comme le deuxième
n° 19 « Zeffiretti lusinghieri » relevait sans
énoncé doit en outre se plier aux impéra-
doute d'un type poétique trop courant
tifs d'une fin au ton principal, il en résulte
pour que Mozart se dispense du schéma
ABA1 et d'un certain nombre de conven-
une forme qui va potentiellement de
l'avant, la dernière section de l'air pouvant
tions rhétoriques, comme le style descrip-
être largement réécrite. Non seulement, la
tif pour le mot « mar » ou la vocalise sur
« volate ». Mais le choix de l'une ou l'autre réinterprétation du texte enrichit le portrait
psychologique du personnage mais dans
forme est dicté par des finalités drama-
certains airs elle peut également assumer
tiques très diverses. Il peut être justifié par
une fonction structurelle dépendante de la
des intentions symboliques, par la situa- situation de l'air dans l'acte. Mozart tire
tion de l'air dans l'acte ou, comme l'a
parti de cette particularité formelle dans
montré le bref commentaire précédent,
l'air de fureur d'Electre, « D'Oreste,
par les particularités psychologiques d'un
personnage.
d'Aiace » n° 29, pour mener le personnage
aux limites de son caractère et de son
Dans l'éventualité d'une exécution inté- dépit. Sa sortie est l'exécutoire du deus ex
grale, les deux derniers airs d'Idamante machina qui avait laissé tous les protago-
(IOJ Alecto est l'une des trois Euménides identifiées par Virgile. Elles étaient les esprits féminins de la justice et de la ven-
geance, et le châtiment des parricides était leur principale fonction.
(11) Les deux éditions citées dans l'avertissement préconisent des clarinettes en la. Sur ce point voir Daniel Heartz,
. Vorwort », NMA, vol. 6, p. XXIV.
(12) Lettre sur les drames-opéras (1776), dans Querelle des Gluckistes et des Piccinnistes, Genève, Minkoff Reprint, 1984,
t.II p. 135-136.
(13) L 'Avant-scène Opéra, 73 (1985), Alceste. p. 43.
Deum pa
mineur rompt avec le cycle des quintes
N'import
des n° 12 à 16 et son parcours tonal de do
de la mer
à si bémol est sans retour. Bien qu'unis par
le sujet de la tempête (fusées dans les
totaleme
cordes, flûtes dans l'aigu et écriture
comme c
n° 15 «
orchestrale motivique), Pl
les deux chœurs
Amor, sont indépendants par leur matériau. scLe
le choix d'une tonalité est résolument dicté principe d'une succession dynamique (stu-
par le souci de mettre entre parenthèses,peur populaire/aveu royal/débandade
de faire une pause dans l'action drama- générale) inspire une utilisation du chœur
tique : la tonalité de mi majeur pour le qui est aux antipodes de celle de Gluck.
n° 15 brise le cycle des quintes qui régit la
La fonction structurelle des chœurs est
succession des numéros de l'acte II.
le corollaire d'un traitement musical extrê-
mement varié dans Idomeneo. Les chœurs
Tout autres sont les chœurs où la pré-
sence d'un groupe chantant est un fait décoratifs
de (n° 3, 9, 15 et 3D sont des poly-
convention, comme dans la tempête phonies du homorythmiques à quatre parties
dotées d'un véritable thème (voir
n° 5 « Pietà, numi, pietà ! », et où l'action
de chanter est totalement irréaliste. Les l'exemple 5), figurant une exécution cho-
rale réaliste. La forme rondeau est de
chœurs n° 17 « Quai nuovo terrore ! », n° 18
« Corriamo, fuggiamo », n° 24 « Oh voto tre-
règle. Elle permet de structurer le numéro
mendo ! » et n° 26 «« Stupenda vittoria en » attribuant un refrain au chœur et des
répondent à cette définition dramatique
couplets à un personnage (Electre dans le
du chœur d'action. n° 15) ou à des coryphées (deux Cretois
et deux Troyens dans n° 3 ; voir les
S'il est vrai, donc, que parmi les
exemples 5a et 5b).
chœurs nombreux aldomeneo plusieurs
sont intégrés à la péripétie, les procédures A l'opposé, le style des n° 5, 17, 18, 24
de Mozart sont totalement différentes de et 26 suggère une parole collective
celles des chœurs a'Alceste. Tandis que« improvisée » telle que seule la musique
Gluck concevait des blocs englobant plu- peut en réaliser sans suspendre la marche
sieurs scènes, encadrés et comme portés du drame ou briser les mécanismes de
par la répétition d'épisodes choraux, l'illusion : l'unisson des quatre parties
Mozart ne répète jamais les siens. Le scandant un rythme répétitif (l'iambe pour
chœur joue un rôle de déclencheur (n° 5,les exclamations, n° 17 et 18, voir
12) et adopte alors une forme sans retourl'exemple 6a), le recto tono harmonisé
- le n° 12 est constitué de deux strophes(n° 18, et 26, voir l'exemple 6b), le style
non répétées et suit un parcours tonal asy- d'église, alternativement homorythmique
métrique do mineur-s* mineur - ou de et fugué, pour la scène de l'oracle (n° 24,
conclusion d'une entité englobant plu-voir les exemples 6c et 6d) ou une poly-
sieurs scènes et échelonnée sur plusieursphonie éclatée figurant le mouvement
numéros. La deuxième partie de l'acte II désorganisé de la panique (n° 18). Les
est exemplaire sur ce point. Le chœur formes employées pour ces épisodes sont
n° 17 « Quai nuovo terrore » est le point de asymétriques et les répétitions de texte
départ de la fin de l'acte : sa tonalité de do
sont fragmentaires.
ij't pi r r ι·1 ι Μ Π π ι r
Go-diam la pa- ce. tri- on- fi A- mo- re
Andantino
•J Pia- eido è il mar an- dia- mo lut- toei ras- si- eu- ra
Allegro assai
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