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ÉLÉMENTS POUR L'ANALYSE D'IDOMENEO DE MOZART (1781)

Author(s): Patrick TAÏEB


Source: Musurgia , 1997, Vol. 4, No. 4, Dossiers d'analyse (1997), pp. 41-58
Published by: Editions ESKA

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40591115

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ÉLÉMENTS POUR L'ANALYSE
ΌΊΌΟΜΕΝΕΟ DE MOZART (1781)

Patrick TAÏEB*

Avertissement 1. Aspects historiques


II n'existe pas à l'heure actuelle d'édi- Que la cour de Munich ait commandé
tion dldomeneo qui fasse la synthèse des un opéra à Mozart pour la saison de 1781
sources existantes. L'édition Dover propo- n'était pas une surprise. Depuis 1777,
sée comme référence aux épreuves des Mozart avait effectué plusieurs séjours à la
concours reprend en fac-similé un volume cour de Charles Théodore, prince électeur
des Mozart Werke édités par Breitkopf du et Palatinat à Mannheim, et à Munich, sur
Härtel (1881). Elle s'appuie exclusivement la route conduisant de Salzbourg à Paris.
Pendant ces années où sa production
sur l'autographe de Mozart dans lequel ne
lyrique fut interrompue faute de com-
figurent ni les changements survenus pen-
mande, Mozart multiplia les démarches en
dant les trois représentations de Munich
direction des cours et des théâtres
en 1781, ni ceux apportés pour la repré-
sentation de Vienne en 1786. La Neue - notamment vers Naples et Paris - et
courtisait assidûment Joseph Anton Seeau,
Mozart-Ausgabe (1973), qui présente
l'intendant des spectacles de la cour de
toutes les garanties d'un travail scienti-
Charles Théodore. Les liens qu'il tissa avec
fique, a été établie d'après trois sources les musiciens de l'orchestre et avec les
différentes : la partition et le matériel
chanteurs eurent une bonne part dans la
ayant servi aux représentations, deux ver-
commande qui échut finalement au com-
sions imprimées du livret et l'autographe positeur après que Charles Théodore éten-
pour l'acte III seulement. Les deux pre- dit sa souveraineté sur la Bavière à la mort
miers actes autographes ont été retrouvés de Maximilien III Joseph, en 1777. Le
à Cracovie postérieurement à cette édi- ténor Anton Raaff et le chef d'orchestre
tion. L'éditeur scientifique de la NMA, Christian Cannabich usèrent de leur
Daniel Heartz, a publié, depuis cette influence auprès de Seeau et de l'Électeur
découverte récente, plusieurs articles dont palatin pour obtenir cette commande pour
la lecture est indispensable à toute tenta- Mozart (lettres des 18. VII. 1778 et
tive d'analyse. 27. VIII. 1778).

• Maître de Conférences à l'Université de Rouen.

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Si la con
lesquels le mécénat était la manifestation
influa positivement sur la genèse de publique d'une haute dignité aristocratique.
l'opéra, la fréquentation des deux cours Après l'édification du Residenztheater en
contribua tout autant à la physionomie 1753 sur les plans de l'architecte français
définitive áldomeneo. Avant son installa- François Cuvilliés, il avait maintenu une
tion à Munich la vie musicale très riche de
activité artistique de haut niveau. Parmi les
la troupe de Mannheim représentait une musiciens attachés à Munich à partir du
sorte d'avant-garde parmi l'ensemble des
milieu du siècle, on voit se succéder des
cours allemandes qui cultivaient la musiciens italiens tels que Aliprandi ou
musique d'orchestre et le théâtre. Il n'estBernasconi et parmi les invités on compte,
pas nécessaire, sans doute, de rappelerdans les années 1770, certaines des grandes
que l'école de Mannheim jouissait d'unefigures de la jeune génération : Tozzi,
renommée européenne depuis près de
Traetta ou Sacchini. L'opéra seria y était en
vingt ans et que les partitions qui reflé-
taient la virtuosité d'exécution de son
faveur et la langue italienne systématique.
On note cependant que XOrfeo de Gluck,
orchestre étaient répandues dans les
bien que remanié dans une veine plus
grandes capitales. Mais on ne doit pas
conforme à la tradition de l'opéra seria,
oublier que cet orchestre pratiquait égale-
ment l'opéra et que les chanteurs de la n'avait pas remporté un grand succès en
cour étaient eux-mêmes de très grands 1773 et la tentative de Seeau d'importer à
professionnels de la scène. Le répertoire Munich le répertoire le plus avancé de
Mannheim, dès la réunion des deux électo-
de la cour comportait des opéras seria, des
rats, resta un moment sans suite. Pour la
opéras en langue allemande et des opéras
buffa. Au cours des années 1760-1778, les première saison de 1779, on avait monté
plus grands compositeurs d'opéra italien l'opéra de Wieland et Schweitzer, Alkestis.
avaient reçu des commandes, à commen- Écrit en allemand, basé sur quatre person-
cer par Jommelli, Traetta, Piccinni et Jean- nages principaux seulement et composé
Chrétien Bach, pour mettre en musique les dans un style austère, mêlant le contrepoint
livrets du poète réformateur Mattia Verazi, allemand et une écriture vocale que Mozart
en service officiel à la cour. D'autre part, jugeait peu chantante (lettre du 11. IX. 1778),
l'émergence de YAußlarüng allemande Alkestis soutenait l'intérêt grâce à l'élo-
dans les années 1770 avait trouvé un quence de ses récitatifs accompagnés mais
mode d'expression au théâtre à la cour de
dut paraître d'un intérêt plutôt expérimental.
Mannheim. À partir de 1775, Ignaz Dès 1780, l'opéra de la saison revenait à un
Holzbauer et Anton Schweitzer produisirent genre plus conforme à la tradition locale
des opéras en allemand, Günther von
avec Telemaco, de Franz Paul Grua, qui
Schwarzburg (1777), Alkestis (Weimar/1773,
reflète le goût munichois pour lequel
Mannheim/1775) et Rosamunde (composé
Mozart et Varesco allaient concevoir
en 1778 et joué en répétition avec Mozart au
Idomeneo. Telemaco était basé sur un
piano) que Mozart a entendus et commen-
modèle français - de l'abbé Pellegrin ou
tés dans sa correspondance. Du premier il
peut-être même le Télémaque du librettiste
nous a laissé un témoignage d'estime auteur
parti- de Xldoménée français, Antoine
culièrement élogieux pour le compositeur,
Danchet. Le choix du comité de la cour,
affirmant « qu'il y a un feu incroyabledont
dans on peut supposer qu'il fut déterminé
cette musique » (lettre du 14.XI.1777).
en À la
concertation avec Mozart et Charles
fin des années 1770, le rang politique
Theodore, tous les deux connaisseurs de la
secondaire du Palatinat était nettement
tragédie lyrique et lecteurs avérés de
contrebalancé par le rayonnement artistique
Fénelon - source indirecte du livret de
que le prince électeur avait entretenu par
Varesco - , confirmait donc cette orienta-
une active politique de prestige.
tion. Une analyse $ Idomeneo placée sous le
A Munich, Maximilien III Joseph appar-
signe de l'histoire profiterait certainement
tenait aussi à ce type de souverains pour
de la comparaison entre le travail d'adapta-

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ÉLÉMENTS POUR L'ANAIYSE ÏÏIDOMENEO DE MOZART (1781)

tion effectué par le comte


sentiments et réagissent àSerimann
des événements
Grua et celui de sur lesquels ils pour
Varesco n'ont aucune prise. Sur
Mozart. .
trente-deux numéros, quatorze sont des airs
2. Oldoménée àldomeneo - d'après la numérotation de la NMA - , ce
qui place Idomeneo en-dessous de Lucio
Silla (18 sur 23) mais au-dessus de La
En tout état de cause, il est flagrant que
le poète italien Varesco suivit fidèlement
Oemenza di Tito (11 sur 26). Chacun des
son modèle français : les trois premiersquatre personnages principaux (Ilia,
actes de Danchet se retrouvent dans les Idamante, Electre et Idoménée) en a trois,
deux premiers du livret italien et des scènes
tandis qu'Arbace, personnage secondaire,
entières sont des traductions presque litté-
n'en a que deux. Toutefois, la répartition
rales. Cependant, plusieurs points de diver-
des airs ne répond que partiellement aux
gence ramènent le scénario italien dans le
usages de l'opéra seria qui, s'ils avaient été
giron de la tradition métastasienne. Le rem-
observés, auraient conduit à un nombre
placement de la catastrophe finale (meurtre
d'airs pour les personnages principaux, Ilia
d'Idamante par son père) par un lieto fineet Idamante, supérieur à ceux des autres
n'est que l'élément le plus visible de rôles.
cet L'excellence des chanteurs de
infléchissement vers une conception mora-
Mannheim (Anton Raaff/Idoménée ;
lisante du drame. L'éviction de l'infanticide Dorothea Wendling/Ilia ; Elisabeth
est le corollaire de l'effacement de la rivalité Wendling/Electre) est probablement la cause
incestueuse qui oppose le père et le fils à de cette répartition parfaitement équili-
travers leur amour commun pour Ilia(1). brée (2). Quant au rôle d'Idamante rempli par
D'un seul coup le scénario àldomeneo se un castrat, il était normal que lui fût confié
trouve réduit à une confrontation entre des
un nombre d'airs au moins égal aux trois
mortels mus par des mobiles d'une impec- autres dans la mesure où traditionnellement
cable moralité et un dieu maléfique, le primo uomo est celui qui chante le plus
Neptune, dieu bourru dont l'amollissement dans un opéra seria. Et le jugement sévère
final permet une fin aussi heureuse que que Mozart nous a laissé sur le compte de
convenue.
Vincenzo dal Prato (Idamante) surprend
lorsqu'on sait que celui-ci était au seuil d'une
Ce transfert culturel qui affecte le fond
carrière brillante au théâtre de Munich.
même de l'argument s'accompagne d'une
transcription de la fable du système
La distribution
drama- des airs au sein de l'in-
turgique français, essentiellement continu,
trigue n'a pas été sans poser quelques pro-
vers l'italien, qui exige au blèmes
contraire decar il fallait encore les
au librettiste
ménager des espaces clairement différen-
répartir de manière à ce que l'expression de
ciés et indépendants pour lestelairs
ou tel(cf. l'ar-
sentiment intervînt à son heure, et
ticle de Michel Noiray ci-dessus).
ce, sansCar quelle
entraver la progression générale
que soit l'importance que l'on
d'unaccorde
drame conçuaux selon un découpage scé-
éléments réformateurs présents nique où les dans
entrées et sorties des person-
îdomeneo (chœur et ensembles), ses per-
nages obéissaient à des normes dramatiques
sonnages sont peu agissants radicalement
: les airs étrangères
sont au livret métasta-
donc les moments d'expressivité indispen- des actions qui régit
sien. L'indépendance
sables par lesquels les personnages affir-
nécessairement une exposition jusqu'au
ment leur caractère, dévoilent leurs moment d'une indication plus serrée est

(1) Cf. Kintzler, Catherine, - Idoménée et l'infanticide successoral dans le théâtre et l'opéra -, dans Échos de France et
d'Italie. Liber amicomm Yves Gérard, textes réunis par Marie-Claire Mussat, Jean Mongrédien et Jean-Michel Nectoux, Paris,
Buchet/Chastel-Société Française de Muicologie, 1997, p. 47-58.
(2) Mozart connaissait bien les capacités vocales des trois interprètes de Mannheim. Non seulement pour les avoir déjà
entendu mais également parce qu'il avait eu à composer pour eux ('cs airs de concerts : - Seallabbro mio- K.295 (1778, pour
Raaff) : -Hasta vincesti-- - Ah, non lasciarmù «ο·. récitatif et air K.295a (1778, pour D. Wendling). La symphonie concertante
:n mi bémol. K.297b a vraisemblablement été écrite pour les vents exceptionnels de l'orchestre de Mannheim.

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l'agent
Neptune, littoral panoramique. Si Quaglio
ne s'était pas distingué tout au long de sa
tableaux
carrière par un éclectisme I
L'acte culturel étour-
c
dissant, la seule production dldomeneo le
quatre,
mentplacerait parmi les décorateurs qui ront su
le mieux transposer sur la scène lyrique le
Beaucou
desnéo-classicisme
arias naissant impulsé au milieu
du siècle par l'historien
cinq. Les de l'antiquité
obstant Johann Joachim Winckelmann. Ce n'est
évoquées donc pas un hasard si le compte rendu
les trois derniers airs. Plusieurs commen- officiel de la cour ne mentionne même pas
taires de Mozart portant sur l'invraisem- le nom des auteurs du livret et de la
blance de certains numéros prévus pour musique, et s'attarde au contraire sur le
décor conçu par « notre architecte de
intervenir au milieu d'une activité générale
théâtre [et] conseiller de la cour, Lorenzo
et jugés « déplacés »» par le compositeur
(lettres des 13.XI.1780, 15.XI.1780, Quaglio »(4), et c'est dire si la pompe du
spectacle était un volet essentiel du cahier
18.XI.1780, 3.1.1781 et 18.1.1781) indiquent
que l'acte III est celui qui a donné auxdes charges. Le livret aldomeneo reflétait
les conditions exceptionnelles dont un
auteurs le plus de difficultés pour l'empla-
cement des numéros chantés. jeune compositeur pouvait rêver en 1780 :
une tragédie en italien, mêlant grand spec-
tacle parisien et airs solos dans la lignée
Idamante de Métastase, cela en vue d'une mise en
Idoménée 1 11 (coupé) musique destinée à d'excellents interprètes
Jlia et au meilleur orchestre du temps.
Electre

3. Éléments pour l'analyse


Arbace

TOTAL 5 4 5

Tableau n°l : Procédés d'unité


Répartition etdes
de continuité
airs dans Id

L'apport le plus Mozart écrit à une époque où de


visible l'usage la
française et des conditions
d'une tonalité principale à l'échelle d'un ex
la productionopéra munichoise
devient de plus en plus courant.est Si à
dans l'importance l'on peut considérer
accordéeque sur ce point, au
la danse et plus globalement
YAlceste française démontre imparfaitement a
scénique. La cour cette tendance de générale(5),
Mannheimon ne peut
d'un chœur qu'Ignaz Holzbauer avait négliger le fait que Gluck s'était montré
soucieux d'utiliser la tonalité comme un
magistralement exploité dans Günter von
Schwartzburg et elle s'était attaché deélément de structuration de blocs scéniques
longue date les services de l'architecte et
à grande échelle. Le souci croissant d'uni-
décorateur Lorenzo Quaglio, l'artisan desfier l'opéra par des procédés musicaux et
productions les plus marquantes au cours de bousculer le principe de constellation
des vingt dernières années. Les change- inhérent à l'alternance du récitatif simple et
ments de scènes sont une donnée essen- de l'air se manifeste aussi par la circulation
tielle du livret dldomeneo qui fait appel à
de motifs. On en trouve les prémices dans
sept décors différents : scène de tempête,Günther von Schwartzburg où des idées
appartements et jardins royaux, temple de
musicales soudent le récitatif accompagné

{f>) Sur le schéma dramatique du premier acte, voir Daiilaus, Cari, « Dramaturgie de l'opéra italien ■ dans Histoire de l'
italien, Liège, Mardaga, 1995, vol. 6, p. 156 et suivantes.
(<u Cité par Daniel Hkartz, Haydn, Mozart and the Viennese scbœl. 1740-1780, New York, London, W. W. Nort
Company, 1995. p.7()8.
(S) La dernière scène précédant le ballet est en do tandis que l'ouverture est en ré.

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ÉLÉMENTS POUR L'ANALYSE ΌΊΡ0ΜΕΝΕ0 DE MOZART (1781)

et l'air pour les errai


fondre à moi
» (le coupable, c'est l'échelle
seul). À l'op- d
scène. Plan tonal et circulation de motifs posé, ré mineur vient en association systé-
sont peut-être moins la marque originale matique avec les agents maléfiques du
d'un Mozart « symphoniste » qu'une consé- livret : le personnage d'Electre (air n°4 et
quence de l'unité des constituants du spec- récitatif accompagné conçu par Mozart en
remplacement du n° 29 pour les représen-
tacle prescrite depuis le milieu du siècle par
les écrits théoriques sur l'opéra qui débou-tations de Munich) et la terreur collective
chait incidemment sur une organisationqui dusuit l'aveu royal (chœur n°18).
discours musical d'après ses propres lois. Un autre facteur d'unité diversement
Idomeneo se distingue cependant parapprécié par les commentateurs modernes
son utilisation de la tonalité comme élé-
tient à la récurrence de plusieurs motifs.
ment unificateur. L'emploi spécifique Historiquement parlant, le «motif d'Idamante»
d'une tonique, ré, commune aux trois apparaît le premier dans l'ouvrage désor-
actes, le distingue des précédents opéras
mais classique d'Edward J. Dent {Les Opéras
seria de Mozart, Lucio Silla et Mitridate
de Mozart, 1913). Il est énoncé dès l'ouver-
qui, certes, possèdent une tonique parture sous trois présentations successives :
laquelle commence et finit l'opéra mais
une chute conjointe de quarte, de quinte
sans affecter les premier et deuxième ou de triton, la dernière comportant une
actes. Il n'est pas douteux, par ailleurs,
démultiplication rythmique des deux noires
que la tonalité assume des objectifs dudra-
premier énoncé (voir l'exemple 1).
matiques dont l'interprétation n'est pas
toujours limpide mais dont l'intention deDaniel Heartz a dégagé une vingtaine
d'occurrences du motif dont les plus trou-
faire sens est évidente. Les résurgences de
blantes sont à rechercher dans le premier
la tonique dans les deux modes, majeur et
air d'Ilia sous les mots « D'ingrata al
mineur, se produisent en des points essen-
tiels de l'intrigue et sont soulignéessangue
par mio »» (« Ingrate au sang qui est le
mien ·>, mes.31 et 82, Dover p. 17 et 20),
une écriture orchestrale et motivique qui
dans le deuxième air d'Ilia, lorsqu'elle dit
ne laisse aucune place à la coïncidence.
Pour ne citer que deux exemples en « soggiorno amoroso è Creta per me ·»
(mes. 27, Dover, p. 135), et dans le duo n° 20.
majeur, on renverra aux deux scènes cru-
ciales de la reconnaissance et de l'aveu La seconde version de ce dernier (KV289),
écrite pour Vienne en 1786, l'utilise dans
royal. Ré majeur fait irruption à l'acte I,
un but résolument symbolique sous les
scène 10 {Dover, p. 78), lorsque l'exclama-
mots « ma il cor tacendo ancora potra spie-
tion d'Idamante « È il padre mio ! » pro-
garlo appien » (« mais un cœur encore
voque le passage du récitatif simple à un
silencieux
récitatif accompagné par le tutti, presto et saura difficilement l'exprimer »,
NMA
forte, et forme, avec la réaction paternelle,
p. 376) comme si la musique venait
combler
« Spietatissimi Dei ! », un condensé de l'ar- l'insuffisance de la parole.
gument. Son apparition au deuxième acte Signalons un autre exemple en guise de
possède elle aussi toute la profondeurpoint
du de départ pour une analyse moti-
symbole {Dover, p. 190) : le peuple effrayé
vique car il place la question de l'unité sous
par la colère de Neptune réclame avec un angle différent. Son omniprésence dans
force le nom du coupable et provoquel'environnement
la sonore de Mozart oblige à
réplique d'Idoménée « II reo ! Io solo le considérer à la fois comme porteur de

mes. 9 mes. 11 mes. 152

Exemple 1 : Idomeneo, Ouverture « Motif d'I

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f jf/K_T ' 1 1
Ή fl|J ^~^L|J J I J -I

Exemple 2 : Idomeneo, Ouverture « Motif de la douleur ».

sens au sein de l'opéra et comme une n°23) sous les mots : « or vedete, ah Numi !
figure expressive commune à son époque. con qual ciglio ? Svenar il genitor il próprio
Il s'agit du motif de la « douleur » qui fïglio » (et vous verriez, ô Dieux, d'un œil
consiste en l'ornementation chromatique indifférent, un père sacrifier son propre
d'un arpège descendant (voir l'exemple 2). fils). Ses résurgences au sein de l'air n°2,
du quatuor n°21, et dans plusieurs récitatifs
Dans Telemaco (Gluck), que Mozart
renforcent sa connotation sacrificielle et
put entendre à Vienne en 1765, il est la
traduction mélodique de la déploration hiératique, que Mozart semble avoir puisée
filiale : « Ah! qui viendra à mon secours, dans un usage commun à son époque.
qui me dira, par pitié, où est mon père ? » Jusqu'à quel point, cependant, faut-il
(1,6 ; voir l'exemple 3). se prêter au jeu du décryptage symbolique
des motifs et des tonalités sans tomber
On remarquera que les paroles du
héros sont portées par le thème qui, neuf dans un type d'exégèse complètement
ans plus tard, accueillera l'indignation anachronique ? Libre à chacun de croire
d'Agamemnon confronté à l'exigence du avec Catherine Kintzler que l'apparition du
sacrifice d'Iphigénie (1,1) dans Iphigénieen motif d'Idamante dans le récitatif
Aulide de Gluck (Paris, 1774). Quelques d'Idoménée qui suit son entretien avec I
années après il apparaît dans la partie de (11,3 ; Dover, p. 141) réintroduit subrept
violon du Crucifixus de la Messe K.317, cement la jalousie incestueuse du père e
puis dans les premières mesures du Kyrie suggérant sa contrariété face au sentime
K.341, lequel a vraisemblablement été amoureux exprimé à demi-mot par Ilia.
composé pour Munich en même temps l'opposé, Julian Rushton a suggéré que
qu'Idomeneo. Dans l'opéra, le motif de la réseau d'analogies indiscutables qui inne
douleur tisse un réseau d'analogies entre vent la partition est la conséquence
divers épisodes, depuis la coda de l'ouver- l'extrême concentration exigée des comp
ture (mes. 158) jusqu'à la sortie d'Idoménée siteurs lors d'une commande d'opéra se
à la fin du récitatif du Grand Prêtre (111,6 ; pour un carnaval(6). La manifestation d

(6) RUSHTON, Julian, - The musical language of Idomeneo », dans Cambridge Opera Handbooks,
Idomeneo, éd. par Julian Rushton, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, p. 119-128.

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ÉLÉMENTS POUR L'ANALTSE d'IDOMENEO DE MOZART (1781)

Andante

Ht* ^


Vlnl.2,alt Ι Π Ι

s
Telemaco
J r1 '
J ' U

Ah ! Chi di voi m'ad· di- ta, Chi per pie-là mi

;λ»γ - I ■ I - υ ι j
ψ r Tr ir ι f 'nr ρ ffr Γι

*-f f^jf Tf f-r f-


di· ce il pa- dit mio dov* è? dov'

;λ,ι > j Ij ) j
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è ? dov' è ?

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£wm/»ür 3 ; Gluck, Telemac

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facteurs
quatuor en mi bémol établit une relation
de triton symbolique du tin
d'une point critique
atteint par le récit.
logie que La seconde part de do
teraient
mineur (n°24) pour retourner progressive-
composit
ment à ré majeur selon un parcours com-
ter les ressemblances. L'évaluation esthé- plexe quelque peu perturbé par les
tique de ce maillage subtil des tonalitésarrangements
et de dernière minute.
des motifs profitera de la prise en compte
Le souci de la continuité est constant
des propos émanant des écrits théoriques
de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. dans Idomeneo. Elle se traduit par toute
une série de procédés trop divers pour être
Tandis que les tenants de la réforme pos-
entièrement détaillés. Suivant la tendance
tulaient l'inféodation de la musique au
de la génération précédente, celle de
drame en même temps que la concentra-
Jommelli et Traetta, Mozart utilise abon-
tion extrême de ce dernier autour d'un
damment
scénario simplifié, les rares musiciens qui le récitatif accompagné comme
un
se sont exprimés sur ses implications spé-agent expressif propre à propulser les
airs,
cifiquement musicales ont avancé l'idée pour la plupart dénués de ritournelle
introductive,
que chaque opéra possédait en propre sa voire à les remplacer lorsque
la situation
couleur. Mais en dépit de l'exigeante cohé- dramatique l'exige (lettre du
sion interne qui rapproche Idomeneo 15.XI.1780).
des L'autographe est en outre
émaillé d'expressions telles que «« Attaca
partitions de Gluck, Mozart se distingue
l'aria d'Idamante » (n°2), « Segue il coro »
par des procédés de continuité qui tour-
nent le dos au pathétique lugubre et(n°3),
figé « Segue l'aria d'Idomeneo » (n°6),
de son prédécesseur. etc., traduisant cette préoccupation crois-
sante à mesure qu'approchait la première
Car aux symétries fréquentes de Gluck,
représentation. D'ultimes remaniements
on peut opposer la recherche perpétuelle
affectent même l'intégrité des numéros :
du mouvement qui caractérise la dans l'ultime version du n°6 « Vedrommi
démarche de Mozart. Dans chaque acte,
intorno » les dernières mesures forte du
Mozart tire profit de la référence à une
tutti sont remplacées par une conclusion
tonalité principale pour construire des
sur la pointe des pieds interdisant les accla-
progressions dont le principe est essentiel-
mations du public pour le premier air
lement linéaire. Reliés par des récitatifs
d'Anton Raaff.
dont la première tonalité est aussi, le plus
souvent, la dernière, les numéros se suc- Le premier air de l'opéra, confié à Ilia
cèdent au sein de grands ensembles déli- (n°l, « Padre, germani, addio ! ·>), indique
mités par des modulations radicales. Les d'emblée la règle du jeu aux spectateurs :
changements de décors et les événements l'air commence subrepticement, sans
ritournelle, mais aussi par une cadence
scéniques qui divisent chaque acte s'ac-
compagnent à chaque fois d'une modula- rompue et quatre mesures d'orchestre peu
affirmatives
tion décisive. La première partie de l'acte I du point de vue de la mesure.
est structurée autour de la tonique ré
La mobilité rythmique de l'écriture orches-
majeur/mineur (de l'ouverture au n°4),trale, la inspirée par la souplesse d'exécution
seconde décrit un parcours linéaire de do de l'orchestre de Mannheim, établit la
à fa. La chaîne de toniques disposées continuité
de avec le début de l'air qui devient
quinte en quinte qui régit l'acte II à partirperceptible seulement à l'entrée de la voix.
du n°12 est, elle aussi, brusquement per- Il fallait ensuite imposer le silence au
turbée par la tempête du n°17 en do public à l'instant où il était le plus naturel-
mineur. La correspondance des ruptures lement porté à intervenir en applaudissant
tonales et des axes principaux de l'intrigue l'interprète chérie de la cour munichoise,
est encore illustrée au troisième acte. La Dorothea Wendling. La cadence parfaite
première partie (n°19 à 22) est organisée qui conclut l'air après la vocalise est suivie,
autour de la majeur, au sein de laquelle dès le la croche suivante, d'un motif orches-

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ÉLÉMENTS POUR L'ANALYSE ÏÏIDOMENEO DE MOZART (1781)

tral indiqué forte, projetant


ture dans l'exclamat
l'opéra seria au début du XVIIIe
«« Ecco Idamante » (Voici Idamante). Le si
siècle ont montré que nos jugements
bécarre auquel il aboutit tourne la pageétaient grandement tributaires des œuvres
promptement et l'entrée de Vincenzo dal et théories romantiques qui ont imposé
Prato se produit tandis qu'Ilia chante une évaluation du lien ouverture-opéra
quatre vers en récitatif simple : la scène 2sur le seul critère de la citation théma-
a commencé sans que les spectateurs aienttique. Plusieurs écrits sur l'opéra, tel que le
eu l'opportunité de se manifester. Saggio sopra l'opéra in musica (1755) de
Au rang des effets sonores qui établis- Francesco Algarotti, plaident depuis le
milieu du siècle en faveur d'un lien entre
sent des continuités dramatiques suggérées
par le livret, on doit encore citer l'utilisa-ouverture et opéra. Le vocabulaire qui
tion de la sourdine pour les cordes, dans s'applique à l'ouverture est emprunté à la
l'air n°ll d'Ilia. L'aveu en demi-teinte de la rhétorique - « argument » ou « exorde » -
jeune femme étend son effet charmeur sur qu'une longue tradition d'écrits sur l'art
les premiers instants du monologue dramatique définit comme l'annonce
d'Idoménée qui paraît sortir de son état générale de l'action et des principales pas-
hypnotique par l'exclamation : «Ahimè ! sions dont le spectateur va faire l'expé-
sentimenti d'amor, gioia di speme ?...» rience. Un compositeur pouvait concevoir
(« Hélas ! sentiments d'amour, joie d'un un argument musical explicite grâce à
nouvel espoir ?...-; 11,3, mes. 10). l'analogie des caractères musicaux et litté-
raires sans que des citations textuelles de
L'ouverture l'opéra viennent préciser d'étroites rela-
tions avec un drame qui est toujours
La notoriété de l'épître dédicatoireentendu après l'ouverture.
d'Alceste publiée en tête de la première Mieux vaut donc aborder celle
édition de l'opéra de Gluck et Calzabigi en
d'Idoménée en considérant que sa phys
1769 a grandement contribué à obscurcir
nomie procède de traditions plus diver
notre appréciation du rôle de l'ouverture
dont Mozart était familier et résulte,
dans l'opéra avant l'avènement de Mozart.
conséquence, d'une attention très exi-
Elle a consacré l'idée qu'il existe un avant
geante aux spécificités du livret.
et un après Gluck délimité par la déclara-
Toutefois, l'influence de Gluck ne doit pas
tion de principe des réformateurs : « j'ai
être totalement rejetée. Le motif de la dou-
pensé que l'ouverture devrait informer les
spectateurs de la nature de l'action et for-
leur évoqué plus haut assume la même
fonction apaisante que dans l'ouverture
mer, en quelque sorte, son argument ·». Il
s'avère qu'une lecture trop confianted'Ipbigénie en Aulide où le demi-ton plain-
entraîne une vision excessivement sché- tif apporte une touche sensible en contre-
point de la grandeur royale d'Agamemnon
matique de l'histoire du genre. En premier
et contribue à la continuité entre l'ouver-
lieu, elle passe sous silence l'apport consé-
quent de la tradition française, tant dans la ture colossale et la première scène pré-
tragédie lyrique de Rameau que dans les sentant le roi-père seul et en proie,
comme Ilia, à un dilemme entre amour et
opéras-comiques de Philidor, Monsigny et
devoir. A même problème, solution iden-
Grétry, tradition qui se singularise dans le
tique (voir l'exemple 4)(7).
concert européen par une recherche
constante et ingénieuse de solutions visant Considéré du point de vue dramatur-
à investir l'ouverture d'une fonction dra- gique, son unique mouvement peut être
matique. Symétriquement, les recherches divisé en deux parties. La première, la plus
récentes de Reinhard Strohm sur l'ouver- longue, constitue une forme sonate sans

<7) Pour de plus amples détails sur les relations Telemaco-Iphigénie en Aulide-Idoménée, voir : Daniel Hkartz, Haydn,
Mozart and the Viennese school. 1740-1780 (New York, London : W. W. Norton & Company, 1995), p.2l6 et le chapitre consa-
cré à Idoménée, p. 699.

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50

développ
(n°4, 7, 11, 19). La réexposition est tron-
mesure
quée après la transition vers la deuxième
partie (mes. 135). Au lieu du retour
motif en du
cutéthème en la mineur,
fort deux mesures basées
glissand
sur un motif encore inouï et apparenté à
l'ouvertu
un passage du premier récitatif d'Ilia (1,1,
première
mes. 27), conduit à la coda qui constitue
la mesur
la deuxième partie. Elle est principalement
dansfondée sur le fameux
le motif d'Idamante m
cendante énoncé sur trois octaves aux- déjà entendu aux mesures 9 et 11, et
flûtes, hautbois et bassons, posent une
juste avant la réexposition - partiellement
développé.
atmosphère totalement différente et intro-
duisent la couleur de ré mineur. La suc-
Les deux parties sont distinctes dans
cession de ses deux premiers épisodes
leur finalité dramatique. La première, un
affirment les caractères opposés du drame :
cinquième de l'ensemble du mouvement,
la majesté royale et le pathétique.
assume la fonction de l'exorde - annonce
La transition restaure le caractère mar- du sujet, de l'action principale et de son
tial et ne laisse aucunement prévoir l'évé-caractère - tandis que la seconde assume
nement qui survient lorsque débute leune fonction totalement différente d'où
second thème en la mineur. Cette utilisa- découle logiquement son caractère, celle
tion du mineur là où l'on s'attendrait à voir d'introduire la première scène. Une irrup-
apparaître un second thème en majeurtion tonitruante et pathétique semblable à
(dominante ou relatif majeur) se retrouvecelles par lesquelles s'achèvent deux
dans plusieurs airs dont la seconde ouvertures de Gluck liées à la première
strophe appelle un traitement passionné scène, Alceste et Iphigénie en Tauride,

Allegro

v^u/cJ1 'LLULLU'f Ρ I" - - - - 1 ^


Htb

A™ Bn + lcor

ru Π, Ι Π, Ι Π ι

y pr '' ι ''

"fernTT γγτγγγγγ
Exemple 4 : Gluck, Iphigénie en Aulidc, Ouverture.

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ÉLÉMENTS POUR L'ANALYSE ÏÏIDOMENEO DE MOZART (1781)

étaient impossibles pour


addio ! », Idoménée.
les vers 2 et 3 riment tandis que La
seule solution permettant
les vers 1 et 4 sontde relier,
appariés avec les vers l'an-
nonce d'une tragédie correspondants
aussidemajestueuse
la seconde strophe et
(voir le Tableau n°2).
sinistre jusqu'au lietofine, à une première
scène empreinte d'une déploration inté-
Cette structure littéraire se retrouve
rieure et solitaire était celle choisie par
grosso modo dans tous les airs et les
Mozart. Sa fonction introductive est assu-
chœurs avec quelques variantes affectant
rée par des allusions aux sentiments qui
le nombre des vers (5 dans n°2, 11 et 13)
ont cours dans les premières scènes : le
ou le nombre de strophes (3 dans n°6),
personnage d'Idamante (motif à la basse
de l'air n°l, mes. 82-87), la douleur mais le vers tronco conclusif est une règle
immuable. Une autre particularité de l'air
d'Electre illustrée par une descente
conjointe de la basse que l'on retrouve métastasien que Varesco n'a pas toujours
respectée au grand dam de Mozart et de
(récitatif d'Electre, mes. 59-63, juste avant
Raaff, est la présence, à distance de
son air n°4) sur les mots «< Oh duol !. . . più
quelques syllabes de la fin du dernier vers,
non resisto ». Elle l'est aussi par la nuance
d'une voyelle accentuée et vocalisable (un
piano qui fait un trait d'union entre
« a ») sur laquelle le soliste pourra faire sa
l'exorde passionné et solennel en ré
cadence. La correspondance fébrile de
majeur et la scène d'exposition intimiste,
Mozart et Leopold au sujet du dernier air
mais encore par l'emprunt à sol mineur
de Raaff prouve que cette considération est
compris dans l'enchaînement plagal de la
mesure 162 (antépénultième) et tonalitéloin d'être secondaire. Dans la première
de départ du récitatif d'Ilia et de son pre-
version envoyée par Varesco pour satis-
mier air (n°l).
faire le chanteur, les derniers vers (3-4) de
la première strophe, par lesquels une aria
traditionnelle finit, étaient les suivants :
Structure générale des airs
Spirto novello in petto
Varesco a respecté la structure habi- Vienmi a rinvigorir.
tuelle du livret métastasien en fournissant
les paroles de treize arias conçues d'après Les plaintes de Mozart portent sur les
les normes en usage dans ce genre. Les derniers mots de chaque strophe : «< II
vers courts, réguliers, généralement de [Raaff] ne peut digérer le rinvigorir et le
sept syllabes(8), et répartis le plus souvent ringiovenir [fin de la première strophe] et
en deux strophes, contrastent avec la ver- déteste tout l'air à cause de ces 2 mots.
sification des récitatifs où sont préférés les (...) sur le premier, rinvigorir pour éviter
vers irréguliers (sciolti), alternative-
ment de sept et onze syllabes. Padre, germani, addio ! a verso piano
L'accentuation et la rime des qua-
Voi foste, io vi perdei. b verso piano
torze arias adoptent un schéma tra-
ditionnel dans lequel dominent les Grécia, cagion tu sei. b verso piano
versi piani (accent sur l'avant-der- Ε un greco adorerò ? c verso tronco
nière syllabe) et terminé par un D'ingrata al sangue mio a verso piano
verso tronco (accent sur la dernière
So ehe la colpa avrei ; b verso piano
syllabe). Ce dernier permet que la
cadence parfaite se produise sur la Ma quel semblante, oh Déi ! b verso piano
dernière syllabe chantée et corres- Odiare ancor non so. c verso tronco
ponde au point final. Dans le pre-
mier air d'Ilia, « Padre, germani, Tableau n°2 : Idomeneo, Air d'Ilia, n°l.

(8) Nota : la versification italienne considère le verso tronco comme ayant une syllabe supplémentaire. Le
l'air d'Ilia n°ll - Se il padre perdei · est donc un senario (sénaire. vers de six syllabes) : - È Creta per me -. Su
italienne, voir le - Glossaire · établi par Damien Colas dans L' Avant-scène Opéra, 157 (1994). L'Italienne à

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52 MUSURGIA

le trille sur
rémaniée pour permettre une conclusion au
(lettre du
ton principal (voir le tableau n°3). 3
produit une
Les airs n°l, 4, 7, 11, 13, 29 adoptent la
ο de rinvigo
forme binaire avec des nuances, notam-
définitif « T
ment dans la relation entre parcours tonal
plus et répartition
satisfa des vers qui est présentée de
n'offre
manière simplifiée ici. pas
une vocalise : « Fiorisce in me l'età ». En
revanche, le premier vers, indépendant surL'air n°2 est à compter dans ce lot mais
il est doté d'une introduction et de deux
le plan sémantique, est un excellent vers
changements de tempo motivés par des
conclusif à cause de l'accent sur le a dans
fins expressives. Son introduction est
pace : Mozart le répète après que la pre-
basée sur les deux premiers vers « Non ho
mière strophe a été entièrement chantée,
colpa, e mi condanni / Idol mio, perché
avec la cadence dûment placée (Dover,
p. 320-323). t'adoro- 0e ne suis pas coupable, et tu
m'accables/ Ma bien aimée, parce que je
La typologie des formes d'air employées
t'adore) qui seront naturellement répétés
dans Idoménée divise les commentateurs. au début de A' mais réinterprétés par le
Pour Hermann Abert, trois types différen-dessin mélodique qui suggère un change-
ciés par le nombre des sections peuvent ment de ton sensible de la part
être dégagés de l'analyse(9). Séduisante pourd'Idamante.
son respect de la partition, elle laisse de
Les quatre changements de tempo sou-
côté un aspect essentiel de l'opéra au XVIIIe
lignent la prière d'Idamante exprimée dans
siècle : la convention, avec ce qu'elle auto-
le dernier vers de la deuxième strophe (voir
rise de déviances qui sont autant de le texte encadré, dernier vers en gras).
manière de traiter la forme comme vecteur
d'expression. Julian Rushton propose une Deuxième forme, la forme ternaire,
approche simplifiée qui identifie deux rappelant d'assez loin l'aria da capo, où la
formes canoniques. première strophe est répétée plusieurs fois
au long d'une partie A qui s'achève au ton
Une forme binaire dans laquelle les de la dominante. La partie B, générale-
deux strophes sont chantées deux fois, ment beaucoup plus concise que la précé-
chaque énoncé intégral correspondant à dente, est occupée par la seconde strophe
une exposition évoluant vers la dominante qui fait diversion par son caractère et sa
(ou le relatif) et à une réexposition. L'aria se
tonalité. La partie A' reprend la première
strophe et conclut l'air au ton principal.
termine par la seconde strophe qui doit être

A A'
vers 1-4 5-8 1-4 5-8
I - V (en majeur) I - I
i - III (en mineur) i - i

Tableau n° 3 : Forme binait

Ne' tuoi lumi il


Je lis cet leggo, è il vero,
arrêt dans tes yeux, est vrai,
Ma me'l dica il labbro almeno Mais je veux l'entendre de ta bouche
Ε non cbiedo aura tnercè. Je ne demande point d'autre grâce.

(9) Cette classification basée sur l'analyse interne des structures de chaque air est reprise par Harry Halbkei
commentaire pour L'Avant-scène Opéra, 89 (1986), Idoménée, p.31.

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ÉLÉMENTS POUR L'ANALYSE ÏÏIDOMENEO DE MOZART (1781)

ABA1
vers 1-4 5-8 1-4
I - V (en majeur) χ I - I
i - III (en mineur) χ i - i

Tableau n° 4 : Forme tern

À l'époque où
(n° 27) et Mozart com
d'Idoménée (n° 30) procèdent à
l'ancienne forme
un da
transfert symbolique affectant capo
simulta-
reprise improvisée
nément leur tonalité et leuret ses r
forme respec-
drant tives. Tandis qu'Idamante
les retours duest texte,
associé à des n
la partie Atonalités
réécrite
à bémols (voir ses deux airsdans
au
entièrement écrite (voir le tableau n°4). premier acte en si bémol et fa) et
Cinq airs adoptent la forme ternaire - qu'Idoménée paraît le plus souvent en ré
contre sept pour la forme binaire. Il s'agit majeur (à l'exception de son premier air,
des n° 10, 12, 19, 22, et 27. en dó), les formes attachées respective-
ment aux deux personnages dessinent une
Les airs n° 6 et 30, qui paraissent échap- opposition sur le schéma forme ternaire-
per à cette classification, peuvent être rap- tradition-Idoménée, forme binaire-moder-
portés respectivement aux formes binaire nité-Idamante. La conclusion du troisième
et ternaire, avec des variantes. Le n°6, acte inverse la répartition : l'air qu'Idamante
« Vedrommi intorno »>, relève d'un jeu sur chante dans son face à face avec la mort est
les attentes de l'auditoire que Mozart a en ré majeur et adopte la coupe tradition-
déjà employé dans Lucio Silla (voir l'air de
nelle ABA', tandis qu'Idoménée déchu,
Giunia n°4, qui comporte trois strophes s'exprime en si bémol majeur dans un style
lui aussi). La troisième strophe survient au inattendu, inspiré par un modèle hasso-
point où le retour des deux premières métastasien (ABA avec Β dans un tempo et
aurait complété une forme binaire. Elle est une métrique différentes). Le fils est élevé à
écrite dans un tempo accéléré et peint la la grandeur monarchique et comme par-
panique confuse d'Idoménée avec une venu à maturité tandis que le père, libéré
éloquence décuplée. de sa fonction royale, accède à une huma-
L'idée que la forme des airs puisse être nité bienveillante et supérieure.
dictée par une typologie littéraire prééta- Une différence essentielle entre les
blie est partiellement vérifiée dans
deux formes (AA' et ΑΒΑ') est que la pre-
Idomeneo. Certes, le style comparatif des
n° 12 « Fuordel mar ho un mar in seno » et
mière, forme binaire, ne finit pas sur la
strophe initiale. Et comme le deuxième
n° 19 « Zeffiretti lusinghieri » relevait sans
énoncé doit en outre se plier aux impéra-
doute d'un type poétique trop courant
tifs d'une fin au ton principal, il en résulte
pour que Mozart se dispense du schéma
ABA1 et d'un certain nombre de conven-
une forme qui va potentiellement de
l'avant, la dernière section de l'air pouvant
tions rhétoriques, comme le style descrip-
être largement réécrite. Non seulement, la
tif pour le mot « mar » ou la vocalise sur
« volate ». Mais le choix de l'une ou l'autre réinterprétation du texte enrichit le portrait
psychologique du personnage mais dans
forme est dicté par des finalités drama-
certains airs elle peut également assumer
tiques très diverses. Il peut être justifié par
une fonction structurelle dépendante de la
des intentions symboliques, par la situa- situation de l'air dans l'acte. Mozart tire
tion de l'air dans l'acte ou, comme l'a
parti de cette particularité formelle dans
montré le bref commentaire précédent,
l'air de fureur d'Electre, « D'Oreste,
par les particularités psychologiques d'un
personnage.
d'Aiace » n° 29, pour mener le personnage
aux limites de son caractère et de son
Dans l'éventualité d'une exécution inté- dépit. Sa sortie est l'exécutoire du deus ex
grale, les deux derniers airs d'Idamante machina qui avait laissé tous les protago-

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54

D'Oreste, d1 Aia ce D'Oreste, d1 Ajax


hqjn seno_J torme nti, je ressens les affres,
d'Aletto la face le flambeau d'Alecto
già morte mi dà . est déjà sur moi.
Squarciatemi_Jl œ re, Déchirez-moi le cœur,
Céraste, serpe nti, cérastes, serpents,
o un ferojl dob re ou un fer en mon sein
in me finira. mettra fin à mes peines.
Tableau n°5 : Idomeneo, Air d'Electre n°29.

nistes cois après l'intervention de la une


interprète Voce.
première fois en se concen-
trant surdevait
En première intention, l'air d'Electre « il dolore » {verso piano) qui
être le dernier de l'opéra et donne lieu à une
précéder uninflexion expressive où
quatuor concluant le troisièmela septième diminuée se résoud faible-
acte (lettre
du 27.XII.1780). L'analyse montre
ment, parque de
enharmonie, sur la dominante
tous les airs d'Idoménée, il de mi bémol.
est celuiLequi
texte est rétabli ensuite
exploite le plus librement lespour ressources
conclure énergiquement sur «finira ».
de la forme AA' (voir le tableau n°5). Ce qui se produit ensuite est totalement
inattendu : la première strophe ramène le
Le texte comporte deux strophes de
premier motif mais dans une transition qui
quatre vers, distribués en trois versi piani
n'a pas le caractère d'une réexposition et
de six syllabes et un verso tronco de cinq
conduit rapidement (11 mesures) au
syllabes comptant comme six. Les deux
retour de la deuxième section qui va occu-
strophes ne s'opposent pas sur le fond
per plus d'un tiers de l'aria (51 mesures).
mais le style en est différent : la première
La transposition en do mineur du vers 5
utilise le « je », comme l'air n°4 où Electre
permet le déploiement sur l'octave du
décrit la progression de la fureur jalouse
« Squarciatemi il core » et l'intervention de
dont elle est la proie grâce à la répétition
l'orchestre complet, cette fois avec quatre
géniale du « vi sento ». Ici, Electre est
cors, deux trompettes et timbales. La folie
d'abord accompagnée par l'orchestre à
d'Electre occupe la conclusion qui ressasse
cordes, seul, dont les parties de violon sui-
vent la voix au note à note avec un motif les vers 7 et 8 en insistant davantage sur le
a de finira. Là, les syncopes ascendantes
nerveux, harcelant, figurant les fouets ou
atteignent la note la plus élevée de l'air et
les serpents qui accompagnent souvent la
de tout l'opéra, le contre ut, que l'on
représentation des Euménides(1()), tandis entendra deux fois suivis d'un sarcasme
que les altos divisés assurent un ostinato
effrayant. La dimension mythologique du
en arrière-plan. La voix est nue, aucune
personnage, en parfait contraste avec la
ligne mélodique ne vient concurrencer
noble humanité d'Ilia, est entièrement
l'expression débridée de sa vision de l'en-
fer. Elle décrit une arche culminant sur un dévoilée {Dover, p. 306-307, mes. 107-120).
Il ne fait aucun doute pour l'auditeur que
la bémol pour la fin du vers 2 avant dele drame a commencé de finir avec cette
retomber (vers 3-4) au si bémol, domi-
sortie spectaculaire, la plus saisissante
nante du relatif dans lequel est conçue la
qu'on ait jamais conçue pour une héroïne
deuxième strophe. La totalité de l'or-
d'opéra seria.
chestre, à l'exception des trompettes et
timbales, souligne la fermeté du mode Le choix des tonalités est un paramètre
impératif des vers 5 et 6. Puis Mozart « cor- important pour l'analyse des airs de
rige » momentanément l'inversion du com- Mozart. Il peut être interprété au sein d'un
plément et du verbe des vers 7-8 et les système symbolique propre à l'époque, tel

(IOJ Alecto est l'une des trois Euménides identifiées par Virgile. Elles étaient les esprits féminins de la justice et de la ven-
geance, et le châtiment des parricides était leur principale fonction.

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ÉLÉMENTS POUR L'ANALYSE VIDOMENEO DE MOZART (1781)

que le choix de Euridice


ré mineurde Gluck, 1762, oupour Ascanio in Ele
renvoie au finalAlba du
de Mozart, 1771 - le chœur
ballet de est sou-
Don
Gluck (1762) et vent
larequis
situepour accroître
dans la pompe l'univ
sionné du Sturm d'œuvres
undécrites en Drang,
vue de circonstances mais
rapport avec l'instrumentation exceptionnelles. L'apport essentiel de
découle. A l'époque la source française
dede Mozart,
l'opéra réformé le
sont à l'aise dans les tons diézés, au réside dans la réhabilitation du spectacle
scénique, consistant en danses, panto-
contraire des hautbois que l'on trouve rare-
ment au-delà de ré majeur ; les tonalitésmimes
de et chœurs, dont la tragédie
mi, la, mi bémol et si bémol conviennent
lyrique de Lully et Rameau ne s'était jamais
départie.
bien aux clarinettes ; enfin, les trompettes,
toujours associées aux timbales sont can-
Une récupération des réformateurs qui
tonnées à do, ré et mi bémol. Quant aux
fit sensation tient à l'emploi du chœur en
cors, comme dans les symphonies, ils sont
action. Le collaborateur de Gluck pour
au nombre de quatre lorsque la tonique est
YAlceste parisienne, Du Roullet, revendi-
mineure, cela pour être en mesure d'inter-
quait pour le compositeur cette innova-
venir alternativement au ton principal et au
tion : « L'habitude seule peut sans doute
relatif ; l'utilisation des quatre simultané-
faire tolérer ces personnages potiches qui,
ment se produit dans un seul air, le dernier
plantés sur le théâtre comme des tuyaux
d'Electre, dans lequel ils sont associés aux
d'orgue, ne sont amenés sur la scène que
trompettes et timbales pour une orchestra-
pour rendre de vains sons. (...) L'auteur
tion serrée, en paquet. Ré majeur convient
álphigénie en Aulide (...) a, ce me
à l'air de bravoure d'Idoménée (n°12,
semble, senti la nécessité de suivre [une
« Fuor del mar, ho un mar in seno ») ; mi
autre] règle, et il a mis presque tous ses
majeur, tonalité extrêmement rare et pour
chœurs en action »(12). La parenté des
laquelle Mozart a requis deux clarinettes
chœurs &Idomeneo avec ceux de Gluck,
en siin' est la tonique du dernier air d'Ilia
d'Alceste en particulier, est indéniable si
(n°19, « Zeffiretti lusinghieri »), air cantabile
l'on s'en tient à des ressemblances de
qui exprime un amour totalement idéal.
caractères. Il n'est pas douteux que Mozart
s'est souvenu du « Fuyons, nul espoir ne
Les chœurs et leur fonction nous reste « (version française, 1,4) qui
Une conséquence de la réforme arca- s'achève par la dispersion du peuple chan-
tant, pour son « Corriamo, fuggiamo »
dienne fut la disparition des chœurs de
(n°18). Michel Noiray a signalé par ailleurs
l'opéra au début du XVIIIe siècle. Métastase
en a écrit pour certains livrets, notamment la parenté des chœurs de stupéfaction
dans les sujets pastoraux - tels que « Quel oracle funeste * et de panique avec
ceux de Mozart (111,6 et II,6)(13).
V Achille in Sciro, 1736 - , mais la pratique
des théâtres italiens, qui ne disposaient pas Cependant, on trouve au moins deux
toujours des moyens nécessaires, étaienttypes de chœurs dans Idomeneo qui diffè-
de les couper. L'opéra seria en est avare, le
rent par leur niveau de vraisemblance.
coro des livrets italiens étant le plus sou-D'une part, ceux correspondant à des cir-
vent un ensemble réunissant les person-constances où l'on chanterait dans la réa-
nages du drame. Cependant, dans deslité, tel que le n°9 « Nettuno s'onori, quel
genres plus directement liés à la vie de nome risoni », épisode festif que Paolo
cour, comme les festa teatrale - Orfeo edGallarati qualifie judicieusement de « Te

(11) Les deux éditions citées dans l'avertissement préconisent des clarinettes en la. Sur ce point voir Daniel Heartz,
. Vorwort », NMA, vol. 6, p. XXIV.
(12) Lettre sur les drames-opéras (1776), dans Querelle des Gluckistes et des Piccinnistes, Genève, Minkoff Reprint, 1984,
t.II p. 135-136.
(13) L 'Avant-scène Opéra, 73 (1985), Alceste. p. 43.

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56

Deum pa
mineur rompt avec le cycle des quintes
N'import
des n° 12 à 16 et son parcours tonal de do
de la mer
à si bémol est sans retour. Bien qu'unis par
le sujet de la tempête (fusées dans les
totaleme
cordes, flûtes dans l'aigu et écriture
comme c
n° 15 «
orchestrale motivique), Pl
les deux chœurs
Amor, sont indépendants par leur matériau. scLe
le choix d'une tonalité est résolument dicté principe d'une succession dynamique (stu-
par le souci de mettre entre parenthèses,peur populaire/aveu royal/débandade
de faire une pause dans l'action drama- générale) inspire une utilisation du chœur
tique : la tonalité de mi majeur pour le qui est aux antipodes de celle de Gluck.
n° 15 brise le cycle des quintes qui régit la
La fonction structurelle des chœurs est
succession des numéros de l'acte II.
le corollaire d'un traitement musical extrê-
mement varié dans Idomeneo. Les chœurs
Tout autres sont les chœurs où la pré-
sence d'un groupe chantant est un fait décoratifs
de (n° 3, 9, 15 et 3D sont des poly-
convention, comme dans la tempête phonies du homorythmiques à quatre parties
dotées d'un véritable thème (voir
n° 5 « Pietà, numi, pietà ! », et où l'action
de chanter est totalement irréaliste. Les l'exemple 5), figurant une exécution cho-
rale réaliste. La forme rondeau est de
chœurs n° 17 « Quai nuovo terrore ! », n° 18
« Corriamo, fuggiamo », n° 24 « Oh voto tre-
règle. Elle permet de structurer le numéro
mendo ! » et n° 26 «« Stupenda vittoria en » attribuant un refrain au chœur et des
répondent à cette définition dramatique
couplets à un personnage (Electre dans le
du chœur d'action. n° 15) ou à des coryphées (deux Cretois
et deux Troyens dans n° 3 ; voir les
S'il est vrai, donc, que parmi les
exemples 5a et 5b).
chœurs nombreux aldomeneo plusieurs
sont intégrés à la péripétie, les procédures A l'opposé, le style des n° 5, 17, 18, 24
de Mozart sont totalement différentes de et 26 suggère une parole collective
celles des chœurs a'Alceste. Tandis que« improvisée » telle que seule la musique
Gluck concevait des blocs englobant plu- peut en réaliser sans suspendre la marche
sieurs scènes, encadrés et comme portés du drame ou briser les mécanismes de
par la répétition d'épisodes choraux, l'illusion : l'unisson des quatre parties
Mozart ne répète jamais les siens. Le scandant un rythme répétitif (l'iambe pour
chœur joue un rôle de déclencheur (n° 5,les exclamations, n° 17 et 18, voir
12) et adopte alors une forme sans retourl'exemple 6a), le recto tono harmonisé
- le n° 12 est constitué de deux strophes(n° 18, et 26, voir l'exemple 6b), le style
non répétées et suit un parcours tonal asy- d'église, alternativement homorythmique
métrique do mineur-s* mineur - ou de et fugué, pour la scène de l'oracle (n° 24,
conclusion d'une entité englobant plu-voir les exemples 6c et 6d) ou une poly-
sieurs scènes et échelonnée sur plusieursphonie éclatée figurant le mouvement
numéros. La deuxième partie de l'acte II désorganisé de la panique (n° 18). Les
est exemplaire sur ce point. Le chœur formes employées pour ces épisodes sont
n° 17 « Quai nuovo terrore » est le point de asymétriques et les répétitions de texte
départ de la fin de l'acte : sa tonalité de do
sont fragmentaires.

Allegro coq brio

ij't pi r r ι·1 ι Μ Π π ι r
Go-diam la pa- ce. tri- on- fi A- mo- re

Exemple 5.a : Idomenco, Chœur n°3.

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ÉLÉMENTS POUR L'ANALYSE VIDOMENEO DE MOZART (1781)

Andantino

•J Pia- eido è il mar an- dia- mo lut- toei ras- si- eu- ra

Exemple 5.b : Idomeneo, Chœur n°15.

Allegro assai

4'ifj,j, j jiu. j jiJ- J J'ir j, ι =


Cor-ria- mo, füg- gia- mo quel mos- tro spie- ta- to

Exemple 6.a : Idomeneo, Chœur n°18.

I h] J h.J 1 H

£jl ι i* Ι' ι' |ΐ ί fit ι,' |V


Chi, per- Γι- do fa- to ! più cm- do è di- te ?

Exemple 6.b : Idomeneo, Chœur n°18.

Irar Ρ *-«3 J J ^q^s ^^5 W * ir^ë


SÁ oh, oh vo- to tre- men-do! oh vo- to tre- men-do!

Exemple 6.c : Idomeneo, Chœur n°24.

SA Oh, oh vo- to tre- men-do! oh vo- to tre- men-do!

m.i » .f|r r»r Ir r


Exemple 6.d : Idomeneo, Chœur n°24.

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58 MÜSURGIA

Conclusion Heartz, Daniel, « Idomeneus Rex », Mozart-


Jahrbuch, 1973-4, p. 7-15
La réception des opéras de Mozart a
réservé une place singulière à Idomeneo Heartz, Daniel, « RaafPs Last Aria : A
depuis la fin du XVIIIe siècle. Bien qu'il aitMozartian Idyll in the Spirit of Hasse », The
Musical Quaterly, 60 (1974), p. 517-543.
échappé à l'oubli qui a durablement
frappé ses œuvres dites de jeunesse, ses Heartz, Daniel, « Tonality and Motif in
reprises intermittentes ne l'ont cependantIdomeneo », The Musical Times, 115 (1974),
jamais imposé véritablement au répertoire.p. 382-386.
Les jugements qui accompagnent cette
Heartz, Daniel, « The Great Quartet in
gloire fluctuante le décrivent alternative-
Mozart's Idomeneo », Music Forum, 5 (1980),
ment comme le produit de normes esthé- 233-256.
tiques contraignantes ou comme la
prémonition des chefs-d'œuvre de la Heartz, Daniel, « "Attaca subito " : Lessons
décennie viennoise. Idomeneo gagnerait from the Autograph Score of Idomeneo, Acts I
pourtant à être abordé sous un angle plus and II » Festschrift Wolfgang Rehm zum 60.
large sur le plan historique et moins étroi- Geburtstag, éd. D. Berke et H. Heckmann,
tement circonscrit à l'univers mozartien. Kassel, 1989, 83-92.

Composant pour une tragédie en italien


Heartz, Daniel, Mozart's Operas, Berkeley,
destinée à la cour de Munich, Mozart se
University of California Press, 1990.
trouvait sans aucun doute dans une situa-
Heartz, Daniel, Haydn, Mozart and the
tion de très grande liberté. Il serait souhai-
Viennese school. 1740-1780, New York,
table qu'une étude aldomeneo, inscrite
London, W. W. Norton <& Company, 1995.
dans la perspective plus globale de l'opéra
italien et de son évolution au XVIIIe siècle,Hirschberg, Jehoash, «Formal and Dramatic
établisse l'originalité et l'importance deAspects
sa of Sonata Form in Mozart's Idomeneo »
contribution à l'opéra réformé. The Music RetHew, 38 (1977), 192-210.

Kintzler, Catherine, «Idoménée et l'infanti-


Bibliographie cide successoral dans le théâtre et l'opéra. »,
dans Échos de France et d'Italie. Liber amicorum
Cet article est très étroitement inspiré des Yves Gérard, textes réunis par Marie-Claire
écrits de Daniel Heartz et du numéro spécial Mussat, Jean Mongrédien et Jean-Michel
du Cambridge Opéra Handbook consacré à Nectoux, Paris, Buchet/Chastel-Société Française
Idomeneo et préparé par Julian Rushton. de Musicologie, 1997, p. 47-58.
Abert, Hermann, W. A. Mozart. 2 vol., Platoff, John, « Writing About Influences :
Leipzig, Breitkopf & Härtel, 1919-1921 (8e édi- Idomeneo, A Case Study » dans Explanations in
tion en 1973).
Music, the Arts, and Ideas : Essays in honour of
L'Avant-scène Opéra, 89 (1986), Idoménée Leonard B. Meyer, éd. par E. Namour et
R. Solie, New York, Stuyvesant, 1988, p. 43-65.
Bianconi, Lorenzo, et PESTELLI Giorgio,
Histoire de l'opéra italien, (éd.) vol.4, 5, et 6, Rushton, Julian (éd.), W. A. Mozart.
Liège, Mardaga, 1992-1995. Idomeneo, Cambridge, Cambridge University
Press, 1993. coll. Cambridge Opera Handbooks.
Dent, Edward J., Mozart's Operas : A
Strohm, Reinhard, « Sinfonia and drama in
Critical Study, London, 1913 ; traduction fran-
early eighteenth-century opera seria» dans
çaise : Les Opéras de Mozart, trad, par René
Duchac, Paris, Gallimard, 1958. Opera and the Enlightenment, éd. par Thomas
Bauman et Marita Petzoldt McClymonds,
Gallarati, Paolo, La Forza délie parole.
Cambridge, Cambridge University Press, 1995,
Mozart drammaturgo, Torino, Einaudi, 1993. p. 91-104.

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