Vous êtes sur la page 1sur 14

L’OPERA, UN LOISIR EUROPEEN

A LA CONQUETE DU MONDE, DES METROPOLES ET DU PEUPLE

Céline Baccari

Né au début du XVIIème siècle en Italie, l’opéra a pour étymologie « l’œuvre » en italien.


Œuvre d’art totale, Gesamtkunstwerk selon Richard Wagner, elle permet la fusion de la
musique, du chant, de la poésie, du théâtre pour mettre en scène de manière symbolique et
philosophique des épreuves de la vie traversées par des héros. Fille indissociable de l’époque
classique, elle est néanmoins héritière d’une longue tradition antique et médiévale. Elle
s’inscrit en effet dans la tradition du théâtre grec avec une alternance du parlé et du chanté, la
présence de chœurs et l’importance accordée aux messages politiques et philosophiques. Si
par ailleurs elle rompt avec la tradition médiévale des polyphonies religieuses et une certaine
conception de l’Eglise, elle poursuit néanmoins la tradition des mystères joués sur les parvis
des églises au Moyen Age.

L’opéra correspond ainsi à cette tradition de drame chanté dans laquelle la voix est
fondamentale. Il s’agit également du lieu qui accueille ces spectacles, des théâtres qui ont
revêtu une tradition architecturale spécifique. Ces maisons d’opéra s’inscrivent dans une ville
au point parfois d’en devenir le symbole. L’opéra est également très souvent associé à l’art
des élites européennes et a joué une grande influence dans la vie politique et urbaine.
Comment un lieu musical peut-il avoir une telle influence ?

Comment l’opéra, un loisir européen destiné aux élites s’est-il diffusé dans le monde et dans
la société au point de marquer autant les espaces en particulier urbains ?

Si dans un premier temps l’opéra est un loisir européen qui se diffuse progressivement vers
les périphéries (I), il représente également un monument qui s’insère dans une ville et un
projet urbanistique (II). Il devient aujourd’hui un enjeu majeur de démocratisation (III)

I. Un loisir européen qui se diffuse vers les périphéries


A. L’Europe, centre de l’opéra

Frédéric Lamantia, géographe spécialiste de géographie culturelle explique : « On peut


comparer l’opéra à une religion artistique européenne qui possèderait ses lieux de culte, de
pèlerinage, une sociabilité spécifique motivée et unie autour de la Voix, objet de fantasmes et
de plaisir, mystère insaisissable dont la pratique varierait selon les aires culturelles,
religieuses et économiques ». En effet, l’Europe est le continent de naissance de l’opéra et
reste aujourd’hui l’espace de référence. Il est le pôle principal dans lequel depuis quatre cent
ans un riche réseau de théâtres s’est tissé grâce aux mobilités des artistes au sein d’un espace
constitué de châteaux et de métropoles bourgeoises et industrielles. Jusqu’à maintenant la
densité de théâtres d’opéra y est la plus dense. C’est également une référence en termes de
répertoire. L’essentiel des œuvres jouées jusqu’à aujourd’hui sont le produit de compositeurs
et librettistes européens. Très peu de pièces sont extra-européennes. De plus, à l’intérieur du
continent européen, des espaces lyriques se distinguent et plus particulièrement l’Italie,
l’Allemagne et des espaces plus périphériques à cette dorsale italo-germanique.

- L’Italie, berceau de l’opéra

L’Opéra en tant qu’œuvre lyrique et en tant que théâtre à l’architecture originale naît en Italie
à la fin du XVIème siècle. Il s’avère être une maturation de tous les apports de la Renaissance
italienne et naît dans les cercles d’humanistes et d’artistes à Florence. La camerata florentine,
appelée également camerata de Baldi fut le laboratoire d’expériences artistiques et musicales.
Les artistes italiens critiquaient alors les polyphonies contemporaines qui négligeaient
l’intelligibilité du texte et voulaient fonder une œuvre qui se rapprocherait du théâtre grec. On
estime que le premier opéra fut créé par Jacopo Peri avec Dafne entre 1594 et 1598 mais c’est
surtout son Euridice joué en 1600 pour le mariage par procuration de Marie de Médicis et
d’Henri IV qui eut un réel écho. Monteverdi s’affirme comme l’un des maîtres du genre avec
Orfeo en 1607. Ces drames musicaux eurent un grand succès à travers l’Italie (Rome, Venise,
Naples) où l’on fonda des théâtres spéciaux qui devinrent très vite réputés comme La Fenice,
ou San Carlo. D’ailleurs, la forme en fer à cheval fut créé par Fontana et s’exporta tout
comme les œuvres elles mêmes. Ce pays devint ainsi le lieu de la fusion entre la langue et la
musique. La langue italienne resta longtemps la langue de référence et les œuvres écrites dans
cette langue restent jusqu’à présent les plus nombreuses.

Cette tradition ne s’est pas perdue. Les artistes italiens ont exporté leurs travaux, ont voyagé à
travers l’Europe car ils étaient soutenus par des mécènes. L’opéra s’est fondu dans la tradition
et fut également vecteur de revendications nationalistes. A ce titre, Verdi au XIXème siècle
représente le compositeur phare dont les initiales du nom représentaient un acronyme à
vocation politique1 tandis que les œuvres retentissaient comme autant de couplets politiques
contre l’occupation autrichienne et pour l’unité italienne. L’air des esclaves de Nabucco en
est devenu le plus célèbre et le plus emblématique exemple.

Aujourd’hui l’opéra touche toutes les classes sociales. Des festivals sont organisés à travers le
pays, des œuvres telles Aida et Nabucco sont jouées dans les arènes de Vérone, la
fréquentation des salles restent très importantes.

- Les territoires lyriques germaniques

L’Allemagne est la première région qui fut touchée par le nouvel art italien. Vingt ans après
l’Orfeo, en 1627, un opéra est donné à Dresde par Heinrich Schütze qui reprend le thème de
Dafne. Ce territoire est marqué par l’adhésion au protestantisme luthérien qui accorde
beaucoup d’importance au chant choral et à la musique. C’est également un espace politique
qui connait une forte décentralisation, composé de nombreuses cours. Cette multiplicité des
pouvoirs locaux associée à la pratique musicale a permis la généralisation de la diffusion de
l’opéra. Aujourd’hui l’Allemagne est le territoire qui possède la plus forte densité d’opéras en
Europe.

1
Vittorio Emanuele Re D’ Italia
Par ailleurs, une fusion entre l’opéra italien et l’opéra allemand s’opéra dès le XVIIème siècle
et se généralisa au XVIIIème siècle. Une collaboration entre compositeurs allemands et
librettistes italiens devint très fréquente. La plus célèbre est celle qui unit Da Ponte à Mozart
sur les opéras italiens de ce dernier. Vienne, capitale de l’Empire autrichien devint une
véritable métropole de l’art lyrique dans laquelle les artistes italiens étaient très nombreux.
Les librettistes comme Métastase et les compositeurs comme Gluck en fixèrent définitivement
les caractéristiques dramatiques et musicales. Mozart en transforma encore certaines
conceptions. On retient surtout le fait qu’il fut le premier à produire des opéras en langue
allemande à la fin du XVIIIème siècle avec L’Enlèvement au sérail suivi de La flûte
enchantée. La pratique de l’opéra en langue allemande se généralisa alors au XIXème siècle
avec Beethoven, Hoffmann, Von Weber, Schumann. Richard Wagner en demeure le principal
représentant.

- Les périphéries européennes

La dorsale italo-germanique s’affirme comme un pôle puissamment réticulé à partir de


laquelle l’art lyrique s’est diffusé à l’Ouest en France, Grande Bretagne, Belgique, au Nord
dans les pays scandinaves et à l’Est, formant ainsi des territoires lyriques très originaux. Nous
nous attarderons ici surtout sur les cas de la France et de la Russie.

Le territoire lyrique français a eu beaucoup de mal à s’affirmer. Il souffre au XVIIème et au


XVIIIème siècle de la centralisation et du regard de l’Eglise catholique sur ces spectacles. Au
détriment de la province, Paris s’affirme cependant dès la fin du XVIIIème siècle comme une
métropole lyrique de grande importance. L’importance de l’émergence d’une bourgeoisie
laïque y est fondamentale pour que l’opéra s’implante réellement dans la société. Les artistes
italiens s’y retrouvent et la création y est intense. L’Opéra Garnier, construit sous le second
Empire paracheva ce statut à tel point que Victor Hugo dit de cet édifice qu’il est « une
réplique profane de Notre Dame de Paris ». Par ailleurs, il semble que l’opéra en tant
qu’œuvre chantée s’accommode mal de la structure de la langue française et le répertoire
français reste restreint et sans descendance définie. C’est donc une situation paradoxale qui se
fait jour puisque les Français aiment l’opéra, leur capitale en devient un pôle de création
majeur mais le répertoire proprement français est très restreint.

La diffusion de l’opéra en Russie est quant à elle plus tardive. Elle date de la moitié du
XVIIIème siècle mais un véritable répertoire original y nait. La cour de Russie depuis Pierre
le Grand avait été transférée à Saint-Pétersbourg et avait connu depuis une tradition d’accueil
d’artistes et de musiciens européens. On peut par ailleurs supposer que le règne de Catherine
la Grande qui était allemande à la fin du XVIIIème siècle a particulièrement contribué à
augmenter sa diffusion. Cette tradition lyrique s’est surtout développée au XIXème siècle, de
manière autonome en parallèle à la montée du nationalisme slave. On considère que l’œuvre
de Mikhaïl Glinka intitulée Vie pour le tsar et datant de 1836 est le point de départ de l’opéra
russe. Le groupe des cinq2 a essayé d’adapter l’opéra et la musique aux tonalités de la langue
russe et de se démarquer de l’héritage occidental. Le répertoire est original et se fonde sur les
traditions historiques et littéraires russes comme le Boris Godounov de Moussorgski.

2
Ce groupe comprend Balakirev, Borodine, Cui, Moussorgski et Rimski Korsakov.
Tchaïkovski quant à lui adaptera plus tard les ouvrages de Pouchkine comme Eugène
Onéguine et La dame de pique. Il continuera à affirmer ainsi l’originalité et l’autonomie de
l’opéra russe.

- Un art européen dans les sujets et les thèmes

L’opéra reste ainsi un art très européen tant par ses thèmes que par ses sujets. En effet, les
principaux thèmes sont issus de la mythologie grecque (Orphée et Eurydice, Daphné…) et de
la tradition chrétienne (Nabucco). Avant 1800, la moitié des opéras ont pour cadre l’Antiquité
romaine, grecque ou hébraïque. Progressivement on assiste à une utilisation d’œuvres
européennes plus contemporaines et en particulier une réadaptation de grands auteurs
dramatiques européens. Les librettistes diversifient leurs sources d’inspiration en adaptant de
grands auteurs. Si Shakespeare est celui qui fut le plus adapté avec des œuvres comme Romeo
et Juliette ou Richard III, de nombreux auteurs français comme Molière, Victor Hugo, L’abbé
Prévôt, Alexandre Dumas fils ont été adaptés dans autant de pièces devenues fondamentales
dans le répertoire classique3.

Les pays dans lesquels se déroulent les œuvres sont surtout les pays européens. D’après le
dictionnaire Kobbé 53 œuvres se situent en Italie et 50 en France, c'est-à-dire le quart des
œuvres recensées. Si on ajoute l’Allemagne, la Grande Bretagne et l’Espagne, on peut dire
que presque la moitié des opéras (42%) sont situés dans les grandes puissances dominantes
européennes du XVIIIème au XIXème siècle. Seulement quelques œuvres utilisent comme
lieu de l’action de l’opéra d’autres parties du monde – surtout l’Orient –. Deux œuvres
seulement se déroulent au Japon, six en Afrique, une en Amérique du Sud4.

B. L’extension d’un modèle au monde

L’opéra est donc principalement par son lieu de naissance, l’Italie, par la densité des réseaux
créés en Europe et par son répertoire un art et un loisir très européen. Il s’est néanmoins
étendu les deux derniers siècles au reste du monde, d’abord sous l’effet de la colonisation,
puis sous l’effet de la mondialisation actuelle. C’est une certaine forme du soft power
européen à travers le monde qui se confronte parfois à des traditions très différentes et qui
peut faire l’objet de syncrétisme.

- Au Nouveau Monde

Les opéras se sont d’abord diffusés en Amérique et en particulier en Amérique du Nord où de


grandes salles de concert furent construites à la fin du XIXème siècle sous l’influence des
fondations privées et du mécénat d’entreprise. La plus célèbre est celle du Metropolitan Opera
of New York qui fut fondé par un groupe de riches hommes d’affaires qui voulaient posséder
leur propre opéra5. Ces salles de concert se diffusèrent dans toute l’Amérique et les plus

3
On pense dans l’ordre à Don Juan, Le Barbier de Séville, Rigoletto adapté du Roi s’amuse violente critique du
pouvoir royal, Manon issue de Manon Lescaut et La Traviata qui emprunte l’intrigue de La dame aux camélias.
4
Ces données statistiques sont disponibles dans l’article de C. Montes intitulé « les lieux de l’opéra »
5
“The Metropolitan Opera was founded in 1883, with its first opera house built on Broadway and 39th Street by
a group of wealthy businessmen who wanted their own theater” http://www.metopera.org/About/The-Met/
dynamiques restent celles de la mégalopolis et de Californie. A Los Angeles la salle de
concert de la firme transnationale Disney est devenue très prestigieuse.

En Amérique latine, de nombreux projets ont été menés dans divers pays. L’opéra le plus
impressionnant reste néanmoins celui de Manaus, ville brésilienne de deux millions
d’habitants au cœur de la forêt amazonienne. On surnomme le Teatro Amazonas « le théâtre
de la jungle » tant il est isolé du reste du pays. Ce projet, évoqué dans le film de Werner
Herzog Fitzcarraldo, est très ambitieux et a un réel impact sur l’économie. En effet, dans
cette région, 2900 emplois sont liés à l’existence de ce théâtre qui organise des cycles
wagnériens et se fait livrer les décors par avions.

- Aux pays colonisés

Au XIXème siècle, les pays européens ont également diffusé leur tradition d’opéra dans les
pays colonisés. Les Français ont ainsi fait construire un opéra à Saigon tandis qu’au Caire, à
l’occasion de l’ouverture du canal de Suez, l’opéra fut construit par le khédive Ismail. Celui-
ci était influencé par ses voyages en Europe et par la présence britannique. Le bâtiment, le
premier opéra d’Afrique fut situé dans le quartier de Gézira et correspondait à une esthétique
européenne. Il fut inauguré par la première de Rigoletto en 1869. On y donna également Aïda
de Verdi. Le bâtiment brûla en 1971 et en 1987 le gouvernement japonais en finança la
reconstruction. Cette fois, l’architecture répondait aux critères de l’esthétique arabo-
islamique. On y trouve en effet les symboles des moucharabiehs et des portes sculptées.
L’Opéra du Caire promeut aujourd’hui le renouveau de la musique arabe, abrite en plus de
l’orchestre symphonique de nombreux groupes de musique arabe, organise un festival de
musique arabe. On note donc une volonté de s’émanciper de l’héritage colonial britannique
pour promouvoir l’héritage arabe autant dans l’architecture que dans le répertoire proposé.

- Le cas spécifique de la Chine

La Chine présente une situation particulière. En effet, le pays connait une tradition millénaire
d’opéra mais il se présente sous une autre forme. Il combine acrobaties, cirque, chant et
théâtre. Aujourd’hui, la Chine construit des opéras autant pour organiser des spectacles
s’inscrivant dans cette tradition que pour proposer des spectacles d’opéra européen. Les
Chinois ont en effet développé un enseignement de la musique classique européenne et de
nombreux opéras issus du répertoire européen y sont à présent joués. Des opéras comme ceux
de Shanghai et de Pékin y ont été construits ces vingt dernières années pour affirmer la
présence chinoise sur la scène mondiale.
II. L’opéra, un monument inséré dans une ville au service d’un projet urbain
A. Des châteaux à la ville
-Un art de château

L’opéra est intrinsèquement lié à l’époque classique. Issu de la Renaissance italienne et de sa


volonté de retour aux sources antiques, il est un marqueur de la « laïcisation de l’expression
musicale et vocale 6» à la fin du XVIème siècle. Le chant et le théâtre s’émancipe de la
religion et de la tutelle de l’Eglise. Il répond alors à la demande des princes et des
bourgeoisies naissantes en Italie. C’est la raison pour laquelle il se diffuse essentiellement
dans les châteaux et demeures princières. Porté par le mouvement baroque, un réseau très
dense de musiciens, de compositeurs et de librettistes se crée et irrigue l’Europe médiane
entre l’Italie, l’Autriche, la Hongrie, l’Allemagne. Des pôles de prestige réunissant les artistes
et les mécènes apparaissent comme Vienne, Venise, Versailles… Il y a une intense circulation
des artistes entre les cours princières. C’est pourquoi dans toutes les cours d’Europe jusqu’en
Suède et en Russie on trouve des opéras insérés au sein des châteaux.

De nombreux opéras royaux ont été très utilisés et très fréquentés comme ceux de Bayreuth
ou le Slottsteater du château de Drottningholm en Suède. Ce théâtre construit au sein du
château en 1766 a vu de nombreuses pièces y être données. La reine Lovisa Ulrika le faisait
utiliser tous les étés. Les machineries y étaient très ingénieuses et très recherchées pour
l’époque. Le roi Gustav III y faisait donner de nombreux opéras de Glück, Mozart et de
nombreux auteurs suédois. Cependant il fit construire un autre opéra dans la ville de
Stockholm et progressivement cet opéra perdit son usage. Aujourd’hui, on assiste à une
patrimonialisation de ces opéras royaux. Un festival est organisé tous les étés autour des
opéras de Mozart et Glück, les musiciens jouent en costume d’époque et des concerts autour
des pièces du XVIIème et XVIIIème siècle sont organisés.

En France, au début, le château de Versailles ne possédait pas un tel lieu de divertissement.


Les spectacles pouvaient être donnés dans les jardins – comme ceux de Molière et Lully – ou
plus généralement dans la salle de jeu de paume qui était rectangulaire. Quand le Petit Théâtre
a été construit, il a très vite remplacé cette salle. Enfin, la salle italienne d’opéra a été
construite plus tardivement, en 1770 pour célébrer le mariage de Louis XVI et Marie
Antoinette. Le lieu n’a connu qu’une vingtaine de soirées en raison des coûts exorbitants de
tels spectacles. Le lieu fut délaissé au XIXème siècle pour être utilisé comme Sénat en 1871.
Abîmé par la pose d’une verrière qui a provoqué l’effondrement des fondations, il a été
rénové à partir des années 50 et remis aux normes dans les années 2000. Il a ouvert au public
en 2009 dans la même logique de patrimonialisation que l’opéra de Drottningsholm. Les
machineries situées sous la scène ont elle-aussi été restaurées.

-L’opéra s’impose comme un élément urbain fondamental de l’architecture


du XIXème siècle

Au XIXème siècle, les bourgeois tentent d’imiter le mode de vie de ces aristocrates et
contractent des mariages avec la noblesse au point de fondre de manière plus ou moins

6
Cette expression est de Frédéric Lamantia.
harmonieuse les deux classes dirigeantes en une élite urbaine. C’est dans ce contexte que
l’opéra s’installe au cœur des villes et devient un élément fondamental de la notabilité
bourgeoise. Les maisons d’opéra sont les phares de grands projets urbains. Les plus célèbres
sont ceux de Vienne et de Paris.

A Paris, la création de l’Opéra Garnier est concomitante aux grands projets de restructuration
urbaine menés par le préfet Haussmann. La ville est transformée en profondeur, de grandes
artères percent la ville, des immeubles de rapport sont construits à travers la métropole. La
construction de l’Opéra répondait à un impératif de sécurité autant que de promotion de la
ville. L’opéra est construit sur un espace en forme de losange et Garnier a fait de nombreux
efforts pour que l’architecture réponde à des impératifs d’apparat. Alors qu’il est en
construction, l’avenue de l’opéra est percée entre la place de l’Opéra et les Tuileries. Elle est
une des rares avenues à ne pas avoir été prévue dans le plan d’urbanisme initial mais elle
répondait à la volonté de l’Empereur Napoléon III de pouvoir se rendre de ses appartements à
cet endroit en toute sécurité. Son percement a entraîné la destruction de tout un quartier, a mis
en valeur la façade du monument et vu la création de nombreux immeubles à caractères
spéculatifs (bureaux, banques, appartements de standing). Garnier s’est également opposé à la
plantation d’arbres sur l’avenue pour laisser une perspective impeccable et dégagée.

Charles Garnier s’est également illustré par la création d’un autre opéra qui répondait à un
projet urbanistique différent. La principauté de Monaco voulait attirer une clientèle fortunée
d’aristocrates et de grands bourgeois anglais, russes, européens à un moment où la Côte
d’Azur était particulièrement attractive. La Société des Bains de Mer avait pour objectif de
créer un casino pour fidéliser cette clientèle dans le quartier alors délaissé de Monte Carlo.
Charles Garnier, aidé de Gustave Eiffel, créa le casino au sein d’un grand jardin et installa une
salle d’opéra attenante. Cette salle a une capacité d’accueil assez faible (deux cent places)
mais offre un cadre architectural prestigieux : grandes vitres donnant sur la Méditerranée,
utilisation de trois ors…. Le complexe architectural est complété par l’Hôtel de Paris qui
accueille les touristes. L’opéra s’inscrit donc ici dans un contexte touristique particulier, celui
de la sociabilité propre aux stations balnéaires de luxe. Il contribue à l’identité du quartier de
Monte Carlo.

B. Un lieu symbole d’une ville


-Un lieu que l’on visite pour lui-même, en tant que monument

Les opéras sont devenus des lieux que l’on visite pour eux-mêmes autant que pour assister
aux représentations qui y sont données. L’Opéra Garnier ou l’Opéra de Vienne sont des lieux
symboliques de la ville, représentés par des artistes, mis en scène dans des films, des séries,
des dessins animés. Oskar Kokoschka a peint l’Opéra de Vienne et Pissaro celui de Paris.
L’opéra Garnier est le lieu de nombreuses intrigues comme Le fantôme de l’Opéra par
exemple. Ils sont l’objet d’une véritable patrimonialisation.
Des visites guidées sont donc organisées dans lesquelles les touristes sont amenés à voir non
seulement les salles de spectacle, le plafond de Chagall mais aussi le foyer et les salles de
répétition. Des boutiques permettent d’y acheter des souvenirs.

A la Scala de Milan, dans l’enceinte de l’Opéra se trouve un musée racontant l’histoire du lieu
mais également l’histoire de l’opéra, des compositeurs et des œuvres qui furent joués dans cet
endroit réputé.

-Entre l’affirmation des valeurs propres à la ville et l’inscription dans


l’Archipel Mégalopolitain Mondial.

La construction de nouveaux opéras répond aux mêmes exigences que ceux des siècles
précédents. Ces opéras par leur architecture affirment les valeurs nationales, s’inscrivent dans
des projets urbains et culturels ambitieux et permettent aux métropoles de rentrer dans
l’archipel mégalopolitain mondial. Ils sont un élément – parmi d’autres- qui donne un
rayonnement à la ville et qui permet de rentrer dans la compétition internationale.

Le premier opéra à avoir suscité un tel engouement est celui de Sydney. Construit dans les
années 60 et inauguré en 1973, il représente un voilier ou un coquillage. Il est situé dans un
très grand parc et est conçu avec un système de terrasses afin que les touristes s’y promènent
et aient une très belle vue. Il est très vite devenu le symbole de la ville et a permis d’affirmer
Sydney comme capitale culturelle en Australie.

Les autorités chinoises ont été impressionnées par l’exemple de la métropole australienne et
ont décidé elles-aussi de créer un opéra à Shanghai. Comme nous l’avons vu précédemment,
la tradition de l’opéra existe en Chine depuis longtemps et diffère de la tradition européenne.
Néanmoins, dans le cadre de la construction de cet opéra, on observe un transfert de la
culture européenne à la culture chinoise et une volonté de syncrétisme.

http://voyagesdechannaryetfrancois.com/nos-voyages/chine/lopera-shanghai-dessine-jean-marie-charpentier/

http://blog.chinevoyages.com/wp-content/uploads/2014/09/Top-10-des-lieux-atypiques-a-Shanghai-opera-Chinevoyages.jpg
Le grand théâtre de Shanghai a été inauguré en 1998. Il se trouve dans le quartier de Puxi, un
des deux grands quartiers de la zone urbaine centrale avec Pudong. Il s’inscrit dans un projet
urbain d’envergure affirmant la puissance politique et culturelle de la ville. Il est en effet situé
sur la place du peuple, un grand jardin dans lequel les familles viennent se promener. Il s’agit
d’un vaste programme urbanistique à vocation culturelle dans lequel se situent la mairie, le
musée des Beaux Arts et le musée de Shanghai. Par ailleurs, il est entouré de gratte-ciels
abritant des centres d’affaires et de finance comme le China Minsheng Banking Corporation
ou le Chong Hing Finance Center. Il est également entouré de centres commerciaux et de
nombreux hôtels et restaurants.

L’architecture du théâtre lui-même reflète cette volonté d’affirmation des valeurs chinoises.
Le théâtre a été construit par un cabinet d’architecte français mené par Jean-Marie
Charpentier mais il répond aux principes du Feng Shui. Aucune porte par exemple n’est
construite à l’Ouest car cela symbolise la mort. Le chiffre quatre et ses multiples est
également prohibé dans les constructions des escaliers ou des nombres de place. Le chiffre
quatre est en effet homophone du mot « mort ». Par ailleurs son architecture représente une
pagode, un temple chinois. Il a la forme extérieure d’un carré, la coupole comme la salle de
spectacle à l’intérieur sont des cercles. Ce schéma d’un carré dans un cercle est traditionnel
dans la culture chinoise, le carré symbolise la terre tandis que le cercle représente le ciel.
L’opéra de Shanghai intègre ainsi à la fois la dimension architecturale propre aux valeurs du
pays et de la ville dans un projet urbain fort.

Cet exemple a été suivi par d’autres grandes villes. Il en est effet de même avec l’Opéra
d’Oslo qui a été inauguré en 2008. Celui-ci s’inscrit dans un projet urbain d’importance et
affirme les valeurs du développement durable. Le bâtiment revêt la forme d’un iceberg qui
vient parfois bloquer les navires du port situé à proximité. Les fenêtres des murs d’entrée
symbolisent des cristaux de glace. Une petite partie émergée est entourée de vitres pour offrir
un large panorama sur la mer et permettre un espace ouvert sur la nature environnante. Une
très grande partie de l’édifice est immergée, sous le niveau de la mer, ce qui représente une
prouesse technique. Tous les matériaux sont conçus de manière écologique.

Cet opéra construit à l’extrémité du fjord d’Oslo, dans le quartier de Bjorvika, à proximité du
port commercial et industriel s’inscrit dans un projet de rénovation et de gentrification des
zones portuaires et de création d’un waterfront nommé « fjord city ». Il concerne plus de 11
km le long du fjord de Norvège et est devenu le laboratoire des architectes tels que l’agence
Snohetta ou Renzo Piano….. Le quartier de Bjorvika en est une des composantes. Les
autorités souhaitent y concentrer et une grande partie des institutions culturelles. La
Bibliothèque publique d’Oslo, le musée Munch, le navire Oseberg doivent y être déplacé.
L’opéra en fait partie et constitue également la limite du projet Barcode dans lequel se situent
de nombreux gratte-ciels où l’on trouve appartements de haut standing, commerces de luxe et
même une marina. L’opéra est donc à la fois un projet pour affirmer de manière architecturale
les valeurs norvégiennes et le développement durable tout en s’inscrivant dans un projet plus
global d’affirmation de la ville dans l’Archipel Mégalopolitain Mondial.
.III L’opéra, de l’entre-soi à la démocratisation

A. Une architecture favorisant l’entre-soi et mettant en scène la hiérarchie


sociale

L’opéra est un spectacle qui coûte cher. A l’Opéra de Paris, les places peuvent s’élever à des
sommes supérieures à 200€ et en province les meilleures places de loges montent à 150 €.
Certes le coût d’un spectacle lui-même est très élevé et est largement pris en charge en France
par les collectivités publiques et territoriales. Aux Etats Unis la politique de financement est
différente, elle ne repose que sur une tradition de mécénat mené par des fondations privées. Il
n’en reste pas moins que ces tarifs restent dissuasifs.

Traditionnellement, dans la vision classique, cet art est considéré comme ne touchant qu’une
élite cultivée et aisée à même de payer des sommes importantes pour assister à un spectacle
dans une langue étrangère dont elle connait la musique et les livrets. Cela se traduit plus
particulièrement dans la géographie interne au lieu, en particulier celle de l’opéra dénommé
traditionnellement italien.

Les loges :

Les loges sont les espaces les plus prestigieux, souvent associés à une famille ou à une
personne. Traditionnellement, la loge centrale située face à la scène était dévolue au chef de la
communauté. Ainsi, à Nice, cette loge du premier étage était réservée au Comte de Nice et
revient maintenant au maire de la ville qui assiste aux premières. Les loges elles-mêmes
étaient réservées par des familles de notables. Elles sont l’endroit idéal pour être vus et de
nombreux auteurs racontent comment les femmes y rivalisaient d’élégance tandis que les
hommes pouvaient y emmener leurs maîtresses 7. Elles peuvent aussi cacher les personnes en
retrait au regard du public tout en observant l’état de la scène et de la loge centrale par le biais
de miroirs posés sur les murs.

Le parterre

Aujourd’hui, le parterre est un endroit très recherché pour son confort et la qualité de la vue
qui est garantie au spectateur. Auparavant cependant cet espace n’était ni le plus recherché, ni
le plus confortable. Beaucoup de spectateurs y venaient pour y faire leurs affaires et la vue
était gênée par les fauteuils des nobles qui s’installaient à l’avant, à la limite de la scène.

Le foyer

Tous les opéras possèdent un foyer, un lieu où les notables se retrouvaient à l’entracte pour
boire ensemble et souvent régler les affaires. C’est un lieu important de la mondanité, souvent
de très beaux endroits s’inscrivant dans l’architecture générale du lieu. Ils ont gardé cette
dimension sociale lors des grands opéras. On les trouve principalement dans les opéras à
l’italienne. A l’Opéra Garnier, le foyer a reçu les fêtes de fin d’année de l’Ecole Saint-Cyr
favorisant ainsi l’entre-soi.

7
. Il en est ainsi dans La dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils et dans les ouvrages de Zola et de Balzac.
Ils ont été développés de différentes manières dans les opéras contemporains. L’opéra Bastille
comprend plusieurs foyers susceptibles d’accueillir des cocktails et des réceptions. Il s’agit
des foyers de l’amphithéâtre et du studio Bastille, le foyer panoramique et les « boucliers »
qui « tels des loges accrochées aux escaliers, dans l’épaisseur de la façade, (…) d’une
capacité de 60 personnes maximum sont des salons à demi- ouverts sur les espaces publics,
offrant l’intimité nécessaire à l’organisation de cocktails pendant les entractes des
spectacles.8 » Ce lieu garde donc la fonction d’espace de rencontre nécessaire aux affaires qui
lui était déjà dévolue au XIXème siècle.

Le foyer panoramique, situé au septième étage permet d’avoir une vue sur les monuments de
Paris avec une perspective Est-Ouest. La ville y est donc mise en scène, l’opéra devient un
lieu propice au tourisme et à la valorisation de la ville.

Le paradis

Le paradis est le lieu le plus élevé de l’opéra, la verticalité y est importante et la vision du
spectacle n’y est pas garantie. C’est la partie de l’opéra la plus incommode car les spectateurs
sont juchés sur des gradins incommodes. Plusieurs étymologies sont possibles pour expliquer
que l’on nomme cet espace le « paradis ». On l’appellerait ainsi car il était proche du plafond
sur lequel des scènes mythologiques étaient représentées. Une autre explication prête à penser
que l’acoustique y était la meilleure et proche du divin.

Cependant, on nomme également cet endroit le poulailler car les places y sont les moins
onéreuses au vu du confort sommaire et les spectateurs étaient issus de milieu populaire, aux
revenus modestes. Au XIXème siècle, on y trouvait tout un peuple de vendeuses. Le film
« Les enfants du paradis » de Marcel Carne datant de 1945 évoquait l’ambiance populaire qui
y régnait (mais cette fois dans un théâtre).

B. Vers une démocratisation ?


- Dans l’architecture et les lieux

Au XXème siècle, une nouvelle architecture est apparue qui ne correspond plus à
l’architecture traditionnelle et hiérarchisée de la salle italienne. Les sièges sont situés face à la
scène et on observe une véritable disparition des loges latérales. L’opéra Bastille met en avant
le fait que le confort et la visibilité est la même pour tous dans la grande salle de 2745 places 9.
Cette architecture se traduit également par une très grande verticalité. La visibilité est très
bonne où que l’on se trouve, l’acoustique est soignée et en général ces salles de spectacle sont
des réussites technologique et technique. Néanmoins, cette recherche de verticalité peut
provoquer la désertion d’une catégorie de la population gênée par le vertige provoquée par
cette verticalité des places.

8
https://www.operadeparis.fr/opera-et-vous/entreprises/locations-despaces/lopera-bastille
9
« La Salle de l’Opéra Bastille offre, grâce à sa visibilité optimale et son acoustique homogène, le même confort
à tous ses spectateurs », site de l’opéra de Paris
https://www.operadeparis.fr/opera-et-vous/entreprises/locations-despaces/lopera-bastille-
Si une nouvelle architecture apparaît, moins soucieuse de cloisonnement social, on peut aussi
affirmer que l’opéra a connu une réelle ouverture à d’autres espaces urbains que celui du
théâtre, touchant ainsi d’autres publics. A Lyon, lors de la rénovation de la salle, l’orchestre
de l’opéra a été accueilli à l’Auditorium. A cette occasion d’autres publics ont assisté à des
spectacles auxquels ils n’allaient pas traditionnellement. D’une manière générale, on se rend
compte que la nomadisation d’un orchestre ou d’une scène a beaucoup d’influence sur la
fréquentation et l’ouverture. On réalise aussi qu’il y a des logiques de territorialisation dans la
fréquentation des salles. Certaines personnes habitant en banlieue fuient le théâtre de l’opéra
en tant que tel et assistent à des concerts donnés dans de grandes salles plus périphériques.

Par ailleurs, de grandes salles de concert sont utilisées pour jouer des opéras équestres ou de
grands opéras. Le stade de France dont la capacité d’accueil s’élève à plus de 70 000
personnes a ainsi accueilli Nabucco. Les opéras équestres se jouent dans de grandes salles
comme à Bercy ou les palais des sports situés dans les périphéries des grandes métropoles. La
sociologie des spectateurs est alors transformée. On peut acheter les places dans les grandes
billetteries traditionnelles et l’on trouve souvent dans le public des groupes venus des comités
d’entreprise ou des agences de voyage.

De plus, l’opéra gagne et s’approprie l’espace de la ville. Des espaces publics sont utilisés
pour jouer de grands opéras comme sur les places publiques. Lors de l’inauguration du
tramway à Toulouse, un concert a été donné sur la place du Capitole et la foule a repris en
chœur l’air des esclaves de Nabucco. Cet exemple montre comment l’opéra peut alors revêtir
à nouveau le sens antique de mobilisation populaire. Le théâtre grec était indissociablement
associé à la pratique de la démocratie à Athènes, à l’union d’une communauté citoyenne. Par
ailleurs, d’autres espaces de la vie quotidienne ont été utilisés. Ainsi, le mardi 30 septembre
2008, la télévision suisse et Arte ont retransmis en direct La traviata joué dans la gare de
Zurich face aux 500 000 pendulaires utilisant le train. Les différents lieux de la gare étaient
utilisés pour la mise en scène comme la salle des pas perdus, les quais, les escaliers. Si
certains ont regretté la mauvaise acoustique, beaucoup ont apprécié la manière dont l’opéra
peut s’approprier l’espace quotidien de la population.

Enfin depuis 10 ans, l’opéra a également développé le « don d’ubiquité 10» et développé un
réseau très dense de spectateurs grâce au cinéma et aux retransmissions satellite. En effet, des
programmes de l’opéra du Metropolitan Opera of New York et du théâtre du Bolchoï étaient
diffusés en direct dans le réseau de cinéma Pathé-Gaumont. Ainsi dans des petites villes
pouvait-on assister à des spectacles donnés à New York et à Moscou pour des sommes plus
modiques que celles des théâtres eux-mêmes. Il faut compter environ 20 euro pour une
séance. Un abonnement annuel permettant d’assister à tous les spectacles s’élève à 240 euro.
Un maillage territorial s’est donc opéré grâce au réseau des salles de cinéma. Face à un tel
succès, les réseaux UGC ont eux aussi développé un programme appelé « Viva l’opera ! » et
des partenariats avec d’autres salles. La programmation 2017-2018 prévoit par exemple des
retransmissions de l’Opéra de Paris, de Munich, de Monte-Carlo, de la Fenice à Venise, de
Barcelone, du Royal Opéra House of London 11. Le réseau des salles de cinéma s’est donc
10
Cette formule est extraite du café géographique de Frédéric Lamantia sur les territoires de l’opéra.
11
https://www.vivalopera.fr/saison/annees/2017-2018
élargi mais ce qui frappe également c’est le nombre de maisons d’opéra qui ont accepté d’être
diffusé en direct. Le territoire de l’opéra autour d’un théâtre a donc éclaté en une multitude de
lieux qui amplifie la pratique de l’opéra.

Ce constat s’accentue avec Internet, réseau sur lequel on peut retrouver un grand nombre de
représentations. On peut visionner à l’envi la même interprétation d’un chanteur, comparer
plusieurs interprétations d’un même air, voir des mises en scènes différentes. Certains airs
sont également disponibles sous forme de dessins animés. Par Internet, on assiste à une
transformation de la notion de spectacle vivant.

- Développer l’accessibilité

Dans les années 80, la fréquentation de l’opéra était réservée à un petit groupe. On observait
alors une désertion de cet espace culturel. S’il y a eu une démocratisation efficace du public
de l’opéra dans la pratique des lieux, il y a également eu une démocratisation dans certaines
pratiques pédagogiques ou tarifaires.

Considérant qu’il fallait s’assurer un public large pour les décennies suivantes, une politique
en direction du jeune public a été développée depuis une vingtaine d’années. En France, c’est
l’Opéra de Paris qui a initié ce projet « Dix mois d’école et d’opéra » en mettant en place des
partenariats avec l’Education Nationale et les académies de Paris, Créteil et Versailles.
L’Opéra de Paris s’adaptait ainsi aux projets pédagogiques des professeurs en particulier des
réseaux d’éducation prioritaire non seulement sur les pièces jouées, mais également sur les
visites des lieux et la découverte professionnelle autour des métiers. Les diacosmies, lieux
dans lesquels on prépare les décors et les costumes s’ouvraient alors aux écoliers et
collégiens. Pour promouvoir ce projet, des informations et des sensibilisations étaient
également effectuées dans les IUFM d’autres académies.

Cette pratique pédagogique s’est élargie en proposant au jeune public des spectacles adaptés à
leur âge. A l’Opéra de Monte-Carlo, des ciné-concert sont organisés autour de Fantasia et du
Kid de Chaplin. Des spectacles autour d’Harry Potter pour Halloween ou des musiques de
jeux vidéo ont également trouvé leur place dans la programmation 2016-2017. L’Opéra de
Nice organise quant à elle des concerts le dimanche qui sont gratuits pour les enfants de
moins de 12 ans et qui sont souvent en lien avec la programmation adulte. Par exemple, alors
que La flûte enchantée était programmée, le spectacle du dimanche offrait des airs connus de
cet opéra avec un cadre pédagogique adapté.

Cette politique visant le jeune public s’est également traduite par une politique tarifaire
importante. Aujourd’hui, tous les opéras proposent des tarifs jeune public ou étudiant entre 10
et 20 euro en moyenne.

Par ailleurs, on a assisté à une volonté de rendre intelligible à tous les publics les spectacles
d’opéra. Aujourd’hui, il y a une généralisation des sous-titres quand les pièces ne sont pas
données dans la langue du pays. En général, les traductions sont projetées sur un bandeau au
dessus de la scène. Cette pratique a contribué à décomplexer de nombreuses personnes qui ne
connaissaient pas nécessairement le livret en langue originale. A la Scala, au Paradis, chaque
siège a un prompteur qui lui donne le texte en italien ou en anglais au choix. De plus, des
écrans plats sont disposés un peu partout pour permettre aux personnes ayant une visibilité
réduite de suivre l’interprétation et la mise en scène du spectacle.

D’autres musiques tels le jazz, le rock, les musiques latino-américaines ou encore les récentes
musiques urbaines présenteraient d’autres géographies, d’autres réseaux de diffusion et
d’acteurs. Il n’en reste pas moins que l’opéra reste un lieu profondément marqué par le
répertoire européen qui s’est diffusé progressivement dans le reste du monde. Son influence
sur l’architecture de grandes métropoles est importante. Sa diffusion constitue un enjeu à
l’échelle mondiale mais aussi revêt un caractère essentiel au sein des sociétés européennes. La
démocratisation de l’accès à cette culture demeure fondamentale en terme citoyen.

Article « opéra » de l’encyclopédie Larousse en ligne www.larousse.fr/encyclopédie

Sites de différentes maisons d’opéras

Cairo Opera House: http://www.cairoopera.org/operahous.php

Drottningholm à Stockholm https://dtm.se/home

New York www.metopera.org

Paris www.operadeparis.fr

Sydney www.sydneyoperahouse.com

FRANCOIS E., SERRIER T., « L’opéra » in Les lieux de mémoire européens, La


documentation photographique, n°8087, mai- juin 2012, p. 32

LAMANTIA F., « Les territoires de l’opéra », les cafés géographiques, 20 décembre 2006 in
www.cafe-geo.net

MONTES C., « Les lieux de l’opéra », Géographie et cultures, L’Harmattan, 1993, 6, p. 51-74

SAINT CYR S., Vers une démocratisation de l’opéra, L’Harmattan, Paris, 2006

Vous aimerez peut-être aussi