Chapitre 2

L’ENTREVUE MÉDICALE
Par Pascale Breault, M.D., Julie F. Thériault, M.D.,
et François Ratté, M.D.

Le bon médecin traite la maladie, l’excellent médecin traite le patient qui a la maladie.
Sir William Osler, circa 1900

Généralités patient, vous devez émettre des hypothèses et rechercher

les indices qui vous permettront finalement de poser
Qu’elle se déroule en cabinet, au chevet du patient,
votre diagnostic ou, à tout le moins, d’amorcer l’investi-
à son domicile ou dans le cadre nerveux d’une salle d’ur-
gation et la prise en charge appropriées pour soigner
gence, l’entrevue médicale est probablement l’outil le
adéquatement votre patient. Pour ce faire, vous allez
plus puissant, le plus sensible et le plus flexible du clini-
fouiller le présent et le passé du patient de manière à
cien1. Puisqu’un clinicien réalisera entre 100 000 et
dégager des facteurs de risque ou des circonstances ayant
200 000 entrevues au cours de sa carrière, il a tout intérêt
pu conduire à la situation clinique devant laquelle vous
à en maîtriser les aspects, d’autant plus qu’une entrevue
vous trouvez. Votre travail est de rechercher minutieuse-
bien menée permet d’aller chercher entre 60 % et 80 %
ment les données « discriminantes », c’est-à-dire celles
des informations nécessaires à l’établissement du
qui viendront influencer la probabilité de vos hypothèses
diagnostic et suffit à elle seule à poser un diagnostic dans
de départ. Ces données vous permettront de bien vous
les trois quarts des cas2.
représenter le problème et d’adopter une conduite
L’utilité de l’entrevue médicale dépasse par ailleurs adéquate. Cependant, la route pour résoudre votre
largement l’unique visée diagnostique. Elle permet d’éta- enquête sera parfois pavée d’embûches. En vous servant
blir la relation avec le patient, de lui démontrer notre de vos connaissances, de vos capacités de raisonnement
engagement à son égard, de cerner ses préoccupations et de votre jugement clinique, vous analyserez les infor-
tout en recueillant les éléments pertinents à notre mations que vous transmettra le patient. Assurément,
démarche diagnostique, puis de convenir d’une concep-
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l’expérience vous permettra de gagner en efficacité, mais

tion commune du problème et du traitement à y
apporter3. Elle est ainsi à la base de la relation thérapeu-
tique sur laquelle se fonde l’art de la médecine, un art
qui reste essentiellement modulé par les habiletés de
communication du médecin. La maîtrise des techniques
propres à l’entrevue médicale vous permettra donc
­d’atteindre tous ces objectifs.
L’entrevue médicale, un travail d’enquête
Le travail du clinicien ressemble à celui d’un
enquêteur. À partir de la raison de consultation du
1. Engel et Morgan, 1973, cité par Keifenheim et al. (2015).
2. (Keifenheim et al., 2015).
3. (C. B. Kaplan, Siegel, Madill, et Epstein, 1997).
quelques règles élémentaires peuvent être apprises afin
de vous aider à commencer votre travail d’enquête sur de
bonnes bases.
Les grandes parties de l’entrevue médicale
Pour être efficace, une entrevue (aussi appelée
« anamnèse ») doit être complète, pertinente et bien struc-
turée. De manière générale, disons que l’entrevue médi-
cale comporte trois grands axes : le premier consiste à
établir un portrait du patient – de la victime pour
reprendre l’analogie de l’enquêteur de police – : qui
est-il, quels sont ses antécédents ? Le second axe consiste
à définir la scène de crime ou, plus exactement, à clarifier
la raison de la consultation et à en définir les éléments

Ratté, Francois, et al. Démarche Clinique. Raisonnement Clinique. Examen Physique. Entrevue Médicale, Les Presses de l'Université Laval, 2017. ProQuest Ebook Central,
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