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Montpellier, 2009
Table des matières
Volume 1
Avant-Propos ……………………………………………………………..…………….. I
Hartwig Altenmüller
Acht Fragmente von Mumienbinden der Tascheritentnaret aus Abusir el Meleq . 1
Sydney H. Aufrère
Les alphabets dits « égyptiens » et « cophtes » de Fournier le Jeune (1766) et la
« guerre des polices » au XVIIIe siècle. En marge de la redécouverte de
l’écriture hiératique ……………………………………........................................ 29
Ladislav Bare‡
A case of proofreading in Ancient Egypt? ………………………………………. 51
Edward Brovarski
Gardiner Sign List Aa 31 …………………………………………....................... 57
Laurent Coulon
Les épithètes autobiographiques formées sur skm ………………………............. 71
Khaled El-Enany
À propos de quelques emplois de stp.n-X dans les cartouches royaux ….............. 99
Åke Engsheden
Un Mendésien en Dalécarlie (Statue ZAE 74 de la collection Zorn) …................ 113
Marguerite Erroux-Morfin
Du lait-blanc à l’orgeat de souchet ………………………………………………. 125
Christine Favard-Meeks
Les couronnes d’Andjéty et le temple de Behbeit el-Hagara ……………………. 137
Luc Gabolde
« “L’horizon d’Aton”, exactement ? » ……………………………....................... 145
Marc Gabolde
Égyptien ‡dÌ, grec ojinovmeli et mevlitith" latin mulsum, grec d’Égypte
stavgma : la même ivresse ? ……………………………………………………... 159
François Gaudard
Le P. Berlin 8278 et ses fragments. Un « nouveau » texte démotique
comprenant des noms de lettres …………………………………………............. 165
Jean-Claude Grenier
Parthénios ? ……………………………………………………………………… 171
Ivan Guermeur
Les monuments d’Ounnefer, fils de Djedbastetiouefânkh, contemporain de
Nectanébo Ier …………………………………………………………………….. 177
Nadine Guilhou
Une variante graphique dans la pyramide de Téti, formule 688 ………………… 201
Ben Haring
Requests from the Greatest Gods. The Right Doorjamb of Sennedjem’s Burial
Chamber ……………………………………………………………..................... 207
Antoine Hermary
Samos et l’Égypte au VIe s. av. J.-C. Le témoignage d’un petit sphinx en bronze 219
Volume 2
Anthony Leahy
A mysterious fragment and a monumental hinge. Necho II and Psammetichus II
once again ………………………………………………………………………. 227
Christian Leblanc
Nehy, prince et premier rapporteur du roi. Deux nouveaux documents relatifs au
vice-roi de Nubie, sous le règne de Thoutmosis III …………………………….. 241
Guy Lecuyot
Quelques vases Bès sortis des sables de Saqqâra ……………………………….. 253
Christian Leitz
Thot als Ichneumon in der Unterwelt. Der Hymnus im Grab des Amonmose
(TT 373) ………………………………………………………............................. 265
Geoffrey T. Martin
Protecting Pharaoh. Three Unpublished Magical Figures …………………......... 277
Bernard Mathieu
Le « Livre de Nout » du chancelier Ânou. « Nouvelles » versions de Textes des
Pyramides ……………………………………………………………………….. 295
Jean-Pierre Pätznick
Encore et toujours l’Horus « Nâr-mer » ? Vers une nouvelle approche de la
lecture et de l’interprétation de ce nom d’Horus ………………………............... 307
Patrice Pomey
Vers un renouveau des études de nautique égyptienne …………………….......... 325
Lilian Postel
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? Réflexions sur la formule de filiation
maternelle à la fin du Moyen Empire …………………………………………… 331
Stephen Quirke
Contexts for the Lahun Lists ………………………………………….................. 363
Isabelle Régen
À propos du sens de qrs « enterrer » ……………………………………….......... 387
Alessandro Roccati
Un’iscrizione „firmata“ della XXVI dinastia ......................................................... 401
Frédéric Servajean
Des poissons, des babouins et des crocodiles …………………………………… 405
Christophe Thiers
Les « quatre Ka » du démiurge (à Tôd) ……………………………………......... 425
Michel Valloggia
Un compendium tardif du Livre des Morts ……………………………………… 439
Pierre Zignani
Une culture sismique dans l’architecture des pharaons. De Djéser à la période
gréco-romaine …………………………………………………………………… 455
Quand réapparaît la forme ms(w).n ?
Réflexions sur la formule de filiation maternelle à la fin du Moyen Empire
Lilian Postel
L
ES QUELQUE CINQ siècles qui s’échelonnent de la fin du IIIe millénaire jusque
vers 1600 avant notre ère et que l’historiographie moderne a regroupés sous
l’appellation de Moyen Empire et de Deuxième Période intermédiaire ont
livré une abondante documentation épigraphique privée. Exceptionnellement riche,
ce corpus offre un champ d’étude privilégié pour la société et l’administration sur un
large éventail chronologique mais il n’a commencé à être systématiquement exploité
que relativement récemment, sans doute tant en raison de la trop grande dispersion
des stèles funéraires et votives qui en forment la plus grande partie que des flagrantes
incertitudes qui touchent à leur datation. Celle-ci est en effet longtemps restée
approximative et fluctuante en l’absence d’indice déterminant (cartouche royal
notamment). Seuls des critères internes, de nature typologique, stylistique,
épigraphique, paléographique et prosopographique, pouvaient alors fournir des
éléments susceptibles de rattacher l’objet à une période précise à l’intérieur de ces
cinq siècles. Si la première synthèse d’envergure sur les stèles du Moyen Empire a
été publiée dès 1933 sous la forme d’un long article de quarante pages 1, il a fallu
attendre 1941 pour que paraisse une étude pionnière visant à déterminer, pour la
première fois, un certain nombre de critères de datation précis destinés à faciliter le
classement chronologique de ces documents 2. Trente ans plus tard, en 1974,
W.K. Simpson rassemblait un large échantillon de stèles abydéniennes, matériau de
loin le plus abondant mais dispersé à travers le monde depuis le XIXe siècle, et les
ordonnait par séries prosopographiques et chronologiques – les groupes ANOC 3.
Ponctuellement enrichi et complété depuis sa parution, ce travail fondamental de
Simpson reste aujourd’hui à la base de toute étude sur les stèles du Moyen Empire.
Au cours des trente dernières années, articles et ouvrages de différents ordres 4 se
1
H.W. MÜLLER, « Die Totendenksteine des Mittleren Reichs, ihre Genesis, ihre Darstellung und ihre
Komposition », MDAIK 4, 1933, p. 165-206. Citons également K. PFLÜGER, « The Private Funerary
Stelae of the Middle Kingdom and Their Importance for the Study of Ancient Egyptian History »,
JAOS 67, 1947, p. 127-135.
2
C.J.C. BENNETT, « Growth of the Ìtp-dµ-nsw Formula in the Middle Kingdom », JEA 27, 1941,
p. 77-82, puis, du même auteur, « Motifs and Phrases on Funerary Stelae of the Later Middle
Kingdom », JEA 44, 1958, p. 120-121.
3
W.K. SIMPSON, The Terrace of the Great God at Abydos. The Offering Chapels of Dynasties 12 and
13, PPYEE 5, New Haven, Philadelphie, 1974. L’abréviation ANOC désigne une Abydos North
Offering Chapel (chapelle funéraire ou cénotaphe de la nécropole nord) et les monuments qui s’y
rattachent.
4
Il n’est bien sûr pas question de dresser une liste, même sommaire, de ces publications. Mentionnons
seulement, à titre d’exemples, l’outil prosopographique fondamental livré par D. FRANKE,
Personendaten aus dem Mittleren Reich (20.-16. Jahrhundert v. Chr.). Dossiers 1-796, ÄgAbh 41,
332 Lilian Postel
Wiesbaden, 1984, et le récent petit ouvrage de S. QUIRKE, Titles and Bureaux of Egypt 1850-1700 BC,
Londres, 2004.
5
Voir en ce sens les remarques de Cl. OBSOMER, « Dµ.f prt-≈rw et la filiation ms(t).n/µr(t).n comme
critères de datation dans les textes du Moyen Empire », dans Chr. Cannuyer, J.-M. Kruchten (éd.),
Individu, société et spiritualité dans l’Égypte pharaonique et copte. Mélanges égyptologiques offerts
au Professeur Aristide Théodoridès, Ath, Bruxelles, Mons, 1993, p. 164-165, avec un renvoi aux
principales études parues à cette date (article cité par la suite Mélanges Théodoridès).
6
Cl. OBSOMER, Mélanges Théodoridès, p. 163-200.
7
La filiation maternelle semble cependant apparaître dès la fin de la VIe dynastie et au cours de la
Première Période intermédiaire en différents lieux de la vallée du Nil : voir à ce propos J.C. MORENO
GARCÍA, « Élites provinciales, transformations sociales et idéologie à la fin de l’Ancien Empire et à la
Première Période Intermédiaire », dans L. Pantalacci, C. Berger-El-Naggar (éd.), Des Néferkarê aux
Montouhotep. Travaux archéologiques en cours sur la fin de la VIe dynastie et la Première Période
Intermédiaire, TMO 40, Lyon, 2005, p. 226, n. 61-62. Voir également les remarques de D. FRANKE,
Altägyptische Verwandtschaftsbezeichnungen im Mittleren Reich, HÄS 3, Hambourg, 1983, p. 317 et
329.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 333
Cette évolution se situe vers l’an 30 de Sésostris Ier : sept documents datés entre l’an
32 et l’an 43 portent en effet l’une ou l’autre version – ms(w).n ou µr(w).n – alors que
les documents pourvus d’une date antérieure à cet an 32 montrent un emploi exclusif
de ms(w).n. À partir du début du règne d’Amenemhat II, on ne rencontre plus guère
que la forme µr(w).n 8. La mise en évidence de cette évolution, sur à peine vingt ans à
la fin du règne de Sésostris Ier, a facilité le classement, jusqu’alors assez délicat, des
monuments privés du début de la XIIe dynastie. Ce critère, éventuellement renforcé
par d’autres indices, a désormais permis de trancher entre une appartenance au règne
d’Amenemhat Ier, à celui de Sésostris Ier, ou à celui d’Amenemhat II et de distinguer
nettement la production de stèles des premières décennies de la XIIe dynastie de celle
du milieu et de la seconde moitié de la même dynastie.
Dans la suite de son étude, Cl. Obsomer constatait une nouvelle évolution qui voyait
la réapparition à la fin du Moyen Empire de la filiation maternelle introduite par
ms(w).n, de plus en plus souvent combinée avec le titre nbt-pr, dont l’usage avait
commencé à se répandre plus largement sous Sésostris III, et qui pouvait alors être
associée à une filiation paternelle en µr(w).n. Sur ce point, Cl. Obsomer concluait
cependant : « La date de l’apparition de ces nouveautés reste à déterminer : il est
probable que cela a eu lieu sous la XIIIe dynastie. 9 »
C’est précisément la « date de l’apparition de ces nouveautés » que nous allons tenter
de cerner d’un peu plus près dans les lignes qui suivent.
µmy-r“ Ìmw-nÚr, Ìry-tp ©“ n Mnw Antef, provenant d’Akhmim ou, plus probablement,
d’Abydos, offre un autre exemple de cette cohabitation des deux formules, sans
doute sous Sésostris Ier : le nom de la mère d’Antef, Bout, est introduit une première
fois par ms(w).n (l. 7-8) puis, dans la légende de la scène de repas funéraire, par
µr(w).n (col. 6) ; dans cette même légende, le nom de la mère de son épouse, toutes
deux nommées Dédet, est également précédé de µrt.n (col. 7-8) 12. La tombe thébaine
de la dame Sénet (TT 60), dont la décoration se serait poursuivie au-delà de l’an 30
de Sésostris Ier, montre d’autres exemples de cette alternance entre ms(w).n et
µr(w).n 13.
Au vu de ces documents du début de la XIIe dynastie 14, il paraît raisonnable de
penser qu’il en existe de similaires, mais plus tardifs, sur lesquels la juxtaposition des
deux types de filiation marquerait le retour de la filiation ms(w).n et la réaffectation
de la forme µr(w).n à l’ascendance paternelle. Ces documents seraient par ailleurs
susceptibles de livrer des indices chronologiques sur les étapes de cette nouvelle
évolution.
L’enquête que nous avons menée a en effet permis de réunir un certain nombre de
monuments de ce type – stèles abydéniennes essentiellement –, datés de la seconde
moitié du Moyen Empire, entre la fin de la XIIe dynastie et le milieu de la
XIIIe dynastie. En l’absence de cartouche ou d’éléments de datation extérieurs, il est
souvent difficile de distinguer entre les documents des derniers règnes de la
XIIe dynastie et ceux du début de la XIIIe : la production semble en effet ne pas
connaître d’évolution marquée à cette époque, la césure se plaçant plus tôt, sous
Sésostris III ; par ailleurs, nos critères de datation, épigraphiques ou stylistiques,
demandent à être affinés pour cette période. De ce fait, le groupe chronologique large
« fin de la XIIe-XIIIe dynastie » compte de nombreux éléments. La liste ci-dessous,
organisée selon une progression chronologique, ne prétend pas à l’exhaustivité, mais
a pour vocation de fournir un échantillon représentatif 15.
12
H.O. LANGE, H. SCHÄFER, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs I, p. 26-29 ; sur la
provenance traditionnelle (Akhmim) de cette stèle, voir E. GRÉBAUT, Le Musée égyptien I, Le Caire,
1890, p. 15, pl. XVII. Par son style ainsi que par certains détails épigraphiques, cette stèle se rattache
aux productions du temps de Sésostris Ier, même si, d’après l’inscription du Ouadi Hammâmât
CM 199, le personnage a pu commencer sa carrière sous Amenemhat Ier : voir D. FRANKE,
Personendaten aus dem Mittleren Reich, dossier 132, p. 112. Cl. Obsomer place la stèle CG 20024 à
la fin du règne de Sésostris Ier, en raison de l’emploi de la filiation µr(w).n, et doute que son
propriétaire soit le même Antef que le µmy-r“ Ìmw-nÚr Mnw Antef du graffito CM 199 (Sésostris Ier .
Étude chronologique et historique du règne, CEA 5, Bruxelles, 1995, p. 361, n. 1).
13
N. de G. DAVIES, The Tomb of Antefo"er, Vizier of Sesostris I, and of His Wife Senet (No. 60),
TTS 2, Londres, 1920, pl. VII, XXX (ms(w).n), XXV, XXIX, XXXVIII (µr(w).n) ; Cl. OBSOMER,
Sésostris Ier, p. 220-221.
14
Ils ne sont pas les seuls et n’ont été choisis qu’à titre d’exemples. La stèle Leyde V 89, datée entre
autres par D. Franke de la fin de la XIIe dyn. (Personendaten, dossier 473, p. 292), peut difficilement
être postérieure au milieu de la dynastie, notamment en raison de l’utilisation de l’épithète µm“≈y,
var. µm“≈y ≈r nswt, et du nom du dieu Khentyimentyou pourvu d’un déterminatif (trait qui disparaît
dans la seconde moitié de la XIIe dyn.). La facture conviendrait à une œuvre du règne de Sésostris Ier,
date que confirmerait alors la prédominance de la filiation maternelle ms(w).n (cinq occurrences,
contre une seule pour µr(w).n).
15
Elle complète une première liste établie par Cl. Obsomer en 1993 : Mélanges Théodoridès, p. 198-
199, liste 11.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 335
16
Sur ces deux toponymes, qui se réfèrent à la ville de pyramide de Sésostris II à Illahoun, voir en
dernier lieu U. LUFT, « The Ancient Town of El-Lâhûn », dans S. Quirke (éd.), Lahun Studies,
Reigate, 1998, p. 1-41.
17
U. K APLONY-HECKEL, Ägyptische Handschriften I, Verzeichnis der orientalischen Handschriften in
Deutschland 19/1, Wiesbaden, 1971, p. 42-43.
336 Lilian Postel
18
Comparer, notamment pour la représentation du défunt assis devant le guéridon d’offrandes, avec la
stèle Leyde V 7, portant un cartouche d’Amenemhat III (P.A.A. BOESER, op. cit., n° 8, p. 4, pl. VII) et
les stèles BM EA 247 et EA 557 appartenant au groupe ANOC 26 (W.K. SIMPSON, The Terrace of the
Great God, pl. 39).
19
Ce motif serait caractéristique des stèles produites sous le règne d’Amenemhat III. Voir par
exemple les stèles Berlin 1198, datée de l’an 25 de ce roi, et Copenhague Aad 13, rattachée au même
ensemble de documents de l’époque d’Amenemhat III (D. FRANKE, Personendaten, dossiers 101, 116,
p. 95, 103). Voir également, sur cette datation, H. DE MEULENAERE, « Contributions à la
prosopographie du Moyen Empire », Suppl. BIFAO 81, 1981, p. 78-79.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 337
Filiation : les filiations maternelles ms(w).n et µr(w).n alternent dans le proscynème (deux
occurrences) ; la légende accompagnant la représentation du personnage principal
emploie la formule µr(w).n.
Date : 2e moitié/fin de la XIIe dyn. ; le nom du fils d’Amény, formé sur le nom de
couronnement de Sésostris II (Khâkhéperrê), fournit un terminus post quem ; le
proscynème développé (≈t nbt w©bt ddt pt Èm“t t“ ©n≈.tµ nÚr µm) situe la stèle après le
milieu de la XIIe dyn., tout comme l’épithète de Ptah nb ©n≈-t“w ; en revanche
l’introduction du nom du défunt par la formule n k“ n µm“≈y semble indiquer une date
antérieure à la XIIIe dyn. 20 ; la formule rare n k“ nb nty rn.f Ìr wƒ pn se retrouve sur la
stèle de l’intendant Sénousert, Leyde V 103, qui appartient à un groupe de monuments
partageant des caractéristiques stylistiques et épigraphiques communes daté du règne
d’Amenemhat III (voir supra) 21 ; une date au cours du règne d’Amenemhat III est donc
probable pour la stèle d’Oxford.
8 – Stèles Vienne ÄS 105, 136 et 156.
I. Hein, H. Satzinger, Stelen des Mittleren Reiches I, CAA Wien 4, Mayence, 1989,
p. 4.18-4.22, 4.48-4.54, 4.84-4.92.
Propriétaire : ≈tmw kf“-µb Séneb.
Filiation : sur ces trois stèles alternent les filiations maternelles ms(w).n et µr(w).n, la
première étant sensiblement plus fréquente ; les deux types de filiations maternelles
peuvent être combinés en une même séquence (ÄS 105, l. 5 : Snb m“©-≈rw ms(w).n nbt-pr
Ón.Ún-sy m“©t-≈rw µrt.n Órµ ; une filiation paternelle avec µr(w).n pourrait être attestée sur
ÄS 105 (l. 7 : S“-̵ µr(w).n Îr-m-Ìb), mais l’anthroponyme Îr-m-Ìb est fréquemment
féminin au Moyen Empire (PN I, 248, 7).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn. d’après les éditeurs des stèles ; D. Franke, Personendaten,
dossiers 619, 620, 644, 726, p. 366, 367, 370, 379, 421, situe ce groupe familial à la
XIIIe dyn. ; plusieurs caractéristiques de ces trois stèles rendent néanmoins assez
vraisemblable une datation à la fin de la XIIe dyn. (Amenemhat III-Amenemhat IV) : par
exemple présence d’Osiris et d’Oupouaout sur son pavois dans le cintre de ÄS 136, celle
de deux yeux-oudjat affrontés encadrés par deux représentations d’Oupouaout sur un
naos dans la partie supérieure de la stèle rectangulaire ÄS 156 (composition très proche
de celle de Louvre C 7 : voir supra), celle de snÚr et mrÌt dans la liste d’offrandes du
proscynème de ÄS 105 et de ÄS 156, et enfin celle de l’épithète d’Osiris nb ·dw sur
ÄS 105, plus rare à la XIIIe dyn. et ici avec une graphie fréquente dans la seconde
moitié de la XIIe dyn.
20
Le rapprochement qu’avait prudemment proposé D. Franke entre le s̃ s≈tyw Khâkhéperrê de la
stèle d’Oxford et le µmy-r“ s≈tyw Khâkhéperrêséneb des stèles Florence 2559, Florence 2560 et
CG 20520, daté de la XIIIe dyn., est donc peu probable (Personendaten, dossier 447, p. 279).
21
Pour la date de Sénousert, voir W. GRAJETZKI, Die höchsten Beamten der ägyptischen
Zentralverwaltung zur Zeit des Mittleren Reiches. Prosopographie, Titel und Titelreihen, Achet A2,
Berlin, 2000, p. 179 (XI.3). La formule n k“ nb nty rn.f Ìr wƒ pn semble bien être caractéristique du
règne d’Amenemhat III et serait à mettre en relation avec la multiplication du nombre de personnages
représentés, ou simplement mentionnés, sur les stèles privées à partir de la seconde moitié de la
XIIe dynastie : voir à ce propos W. GRAJETZKI, « Multiple Burials in Ancient Egypt to the End of the
Middle Kingdom », dans S. Grallert, W. Grajetzki (éd.), Life and Afterlife in Ancient Egypt during the
Middle Kingdom and Second Intermediate Period, GHP Egyptology 7, Londres, 2007, p. 32.
338 Lilian Postel
22
Le personnage portant ces titres (« échanson, préposé au croissant ») seraient chargés d’apporter des
offrandes au roi lui-même, ou à son image. La combinaison wdpw µry-µ©Ì n’apparaîtrait que sous le
règne d’Amenemhat III et se répandrait à la XIIIe dynastie : voir S. QUIRKE, Titles and Bureaux of
Egypt, p. 35 et O.D. BERLEV, -1?5;<2577@5 8<78>576B 2 ,369<5 A98=6 .:547538 /0:;<20,
Moscou, 1978, p. 275-278.
340 Lilian Postel
Date : vers le milieu de la XIIIe dyn. selon W. Grajetzki, Two Treasurers of the Late
Middle Kingdom, BAR 1007, Oxford, 2001, p. 13 et 69 (« shortly before Neferhotep I ») ;
voir également D. Franke, Personendaten, dossiers 98, 279, 629, p. 94, 193, 371
(XIIIe dyn., ou fin XIIe-XIIIe dyn. pour le dossier 279).
31 – Stèle Caire CG 20709.
H.O. Lange, H. Schäfer, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs II, p. 335, pl. LIV.
Propriétaire : “Úw n Út ÌÈ“ Iyméret.
Filiation : filiation maternelle ms(w).n pour le personnage principal et filiation maternelle
µr(w).n pour les autres personnages (deux exemples) 23.
Date : fin XIIe-XIIIe dyn., peut-être plutôt XIIIe.
32 – Stèle Florence 2500.
S. Bosticco, Le stele egiziane dall’Antico al Nuovo Regno, n° 30, p. 33-35.
Propriétaire : µmy-r“ ≈tmtyw Senbef.
Filiation : cinq exemples de filiation maternelle avec ms(w).n et un seul avec µr(w).n,
dans la légende du tableau d’offrande.
Date : fin XIIe ou plutôt XIIIe dyn. ; voir W. Grajetzki, Two Treasurers of the Late Middle
Kingdom, p. 10-11, qui, sans écarter la fin de la XIIe dyn. envisage le milieu de la
XIIIe dyn.
33 – Stèle Londres, BM EA 224.
Hieroglyphic Texts from Egyptian Stelae, &c., in the British Museum, III, Londres, 1912,
p. 7, pl. 17.
Propriétaire : ≈tmw Djaafrê/Ouni (?) 24.
Filiation : filiation maternelle ms(w).n généralisée à l’exception de deux exemples avec
µr(w).n, dont l’un dans l’ascendance d’un personnage dont le nom a été ajouté sur la
plinthe de la stèle (≈rp k“t N≈tµ µr(w).n mwt.f [...]).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn.
34 – Stèle Londres, BM EA 905.
Hieroglyphic Texts from Egyptian Stelae, &c., in the British Museum, III, Londres, 1912,
p. 10, pl. 41.
Propriétaire : µmy-r“ ©ßnwty, ≈rp k“t nt ≈nrt Sénéni.
Filiation : filiation maternelle µr(w).n généralisée à l’exception d’un exemple avec
ms(w).n ; un second exemple apparaît dans une ascendance double, mais l’ascendance
paternelle est introduite par ms(w) (sic) et l’ascendance maternelle par µr(w).n (©n≈ n nµwt
...≈r.f ms(w) ≈rp-k“t Óy m“©-≈rw µr(w).n {n} nbt-pr Nbt-kbny m“©t-≈rw).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn. ; voir D. Franke, Personendaten, dossiers 329, 600, p. 219, 357.
35 – Fragment de stèle Londres UC 14694.
H.M. Stewart, Egyptian Stelae, Reliefs and Paintings from the Petrie Collection,
II. Archaic Period to Second Intermediate Period, Warminster, 1979, n° 119, p. 29,
pl. 31.2.
Propriétaire : inconnu.
Filiation : filiation maternelle de deux frères (sn.f) introduite respectivement par ms(w).n
et µr(w).n.
Date : la date est difficile à préciser en raison du caractère fragmentaire du document ;
sans doute fin du Moyen Empire.
23
Il s’agit des deux fils d’une dame Dede(t)noub. L’ambiguïté née de la graphie masculine de ce
dernier anthroponyme est levée par la mention par ailleurs d’une dame Dédetnoub qui est
manifestement l’épouse d’Iyméret (Ìmt.f nbt-pr Ddt-nwb).
24
La lecture ·““.f-R©/Wnµ de l’anthroponyme est incertaine ; comparer avec PN I, 404, 14 et
D. FRANKE, Personendaten, dossier 770, p. 444 (·““-R©, époque d’Amenemhat III).
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 343
25
Sur ce titre, parfois mal identifié, voir S. QUIRKE, Titles and Bureaux of Egypt, p. 68-69 (« overseer
of exchange-values »).
26
Par exemple Caire CG 20191 et Louvre E 10846 : pour cette dernière, voir D. STEFANOVI", « Stela
Louvre E 10846 », GöttMisz 203, 2004, p. 73-77 (le nom du propriétaire doit être plutôt lu Îkkµ).
27
On considère en général la juxtaposition de ces deux anthroponymes comme un exemple de double
identité et il est répertorié comme tel par P. VERNUS, Le surnom au Moyen Empire, n° 198, p. 45 ; le
document comporte d’autres exemples de double identité, notamment pour les parents de
Khentyemhat. On ne peut toutefois complètement exclure que Khentyemhat soit le nom du directeur
des travaux qu’aurait alors servi un dénommé Méret. On retrouve la même ambiguïté à la ligne 10 :
µmy-r“ pr n wƒ“ n ≈rp-k“t Spdw Ómny.
344 Lilian Postel
28
P. V ERNUS, « Sur les graphies de la formule “L’offrande que donne le roi” au Moyen Empire et à la
Deuxième Période Intermédiaire », dans S. Quirke (éd.), Middle Kingdom Studies, New Malden,
1991, p. 141-152.
29
Cette inscription est située sur la route d’Assouan à Mahatta, au sud du New Cataract Hotel. Pour sa
localisation exacte, voir R.D. DELIA, « First Cataract Rock Inscriptions : Some Comments, Maps and
a New Group », JARCE 30, 1993, p. 79, carte I.
30
Sur la lecture du titre et du nom du personnage, voir H.G. FISCHER, « The Mark of a Second Hand
on Ancient Egyptian Antiquities », MMJ 9, 1974, p. 26-27 (= Ancient Egypt in the Metropolitan
Museum Journal, Volumes 1-11 (1968-1976), New York, 1977, p. 134-135) et Egyptian Titles of the
Middle Kingdom. A Supplement to Wm. Ward’s Index, 2e éd., New York, 1997, n° 1189a, p. 23.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 345
31
W.K. SIMPSON, Inscribed Material from the Pennsylvania-Yale Expedition at Abydos, PPYEE 6,
New Haven, 1995, p. 36-39, fig. 61, pl. 6B-7.
32
W.M.F. PETRIE, A Season in Egypt, pl. III, n° 81 et W.K. SIMPSON, op. cit., p. 39, fig. 62 (le
cartouche, lu « Mérenrê » par Petrie, doit être amendé en « Nymaâtrê »).
33
Hieroglyphic Texts from Egyptian Stelae, &c., in the British Museum, II, Londres, 1912, p. 9, pl. 30.
34
E. D ELANGE, Musée du Louvre. Catalogue des statues égyptiennes du Moyen Empire, Paris, 1987,
p. 69-71 et D. WILDUNG (éd.), Ägypten 2000 v. Chr. Die Geburt des Individuums, Munich, 2000,
n° 45, p. 117 et 182, avec une photographie de la statue sans les restaurations modernes.
346 Lilian Postel
35
Liste de trente-cinq documents établie par W.K. Simpson (The Terrace of the Great God at Abydos,
p. 28-29) à laquelle ont été ajoutées les stèles Caire JE 91243 et Londres BM EA 694-695,
respectivement de l’an 4 et de l’an 44 d’Amenemhat III, mais de laquelle ont été retranchés trois
documents ne portant pas de formules de filiation et deux autres qui n’ont pu être vérifiés.
36
Inscriptions 23, 24, 30, 31, 53, 54, 57, 83, 93, 94, 98, 100, 101, 103, 105, 107-109, 112, 113, 115,
119, 122, 123, 142, 409 : A.H. GARDINER, T.E. P EET, J. %ERN$, The Inscriptions of Sinai I-II,
ExcMem 45, 2e éd., Londres, 1952-1955, sub num.
37
Inscriptions CM 17, 43, 48, 108 et G 70 : respectivement J. COUYAT, P. MONTET, Les inscriptions
hiéroglyphiques et hiératiques du Ouâdi Hammâmât, MIFAO 34, Le Caire, 1912 et G. GOYON ,
Nouvelles inscriptions rupestres du Wadi Hammamat, Paris, 1957, sub num.
38
M. ABD EL-RAZIQ, G. CASTEL, P. TALLET, V. GHICA, Les inscriptions d’Ayn Soukhna, MIFAO 122,
Le Caire, 2002, n° 6, p. 44, fig. 15, pl. 55.
39
K.-J. S EYFRIED, Beiträge zu den Expeditionen des Mitleren Reiches in die Ost-Wüste, HÄB 15,
Hildesheim, 1981, nos 19-21, p. 54-61 ; A.I. SADEK, The Amethyst Mining Inscriptions of Wadi el-
Hudi I, 1980, n° 20, p. 41-45 ; II, 1985, pl. IX. La restitution proposée par Ashraf Sadek (op. cit., I,
n° 149, p. 96-97) d’une filiation ms(w).n dans la ligne 15 de l’inscription de Khor Dehmit, datée de
l’an 11 d’Amenemhat III, ne repose sur aucune trace évidente : comparer avec A.E.P. WEIGALL,
A Report on the Antiquities of Lower Nubia (the First Cataract to the Sudan Frontier) and Their
Condition in 1906-7, Oxford, 1907, p. 61, pl. 21 et K.-J. SEYFRIED, op. cit., n° IV, p. 105-106 et 311
(fig.).
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 347
Ce n’est que dans la première moitié de la XIIIe dynastie que la tendance s’inverse.
Pourtant, la filiation maternelle en µr(w).n reste bien attestée à cette époque, et même
au-delà. Les deux stèles thébaines du wÌmw Ibiâouantef (Caire CG 20429-20430)
témoignent ainsi d’un usage encore bien établi de la filiation maternelle avec µr(w).n
en Haute Égypte dans le courant de la XIIIe dynastie 40. Quelques exemples bien
datés de la seconde moitié de la XIIIe dynastie, voire de la XVIIe dynastie, montrent
sans doute possible que ce type de filiation peut apparaître assez tard. L’inscription
rupestre du Ouadi el-Houdi n° 23 (= Assouan 1485), rapportant un décret du roi
Khânéferrê Sobekhotep IV (milieu de la XIIIe dynastie), illustre l’utilisation de la
formule µr(w).n pour les filiations aussi bien maternelles et que paternelles 41. De
manière assez significative, l’inscription voisine, datée de l’an 6 de ce même roi et
manifestement contemporaine du décret, contient en revanche une filiation
maternelle avec ms(w).n 42. Gravée à l’époque du roi Sékhemrê-Ouahkhâou Rêhotep
(fin de la XIIIe ou début de la XVIIe dynastie), la stèle, probablement abydénienne,
du ©n≈ n nµwt Néferhotep (Caire CG 20419) constitue elle aussi un cas d’emploi
tardif de la filiation maternelle µr(w).n 43.
Ces exemples demeurent malgré tout bien peu nombreux à côté de la filiation
ms(w).n qui devient dominante au cours de la première moitié de la XIIIe dynastie et
s’impose presque exclusivement à partir du milieu de cette même dynastie : les
exemples de filiation maternelle avec µr(w).n doivent être considérés comme
résiduels et ne sont plus représentatifs des habitudes de l’époque.
40
H.O. LANGE, H. SCHÄFER, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs II, p. 25-27, pl. XXX ;
D. FRANKE, Personendaten, dossiers 64, 180, 259, p. 75, 140, 181.
41
PM VII, 319 ; K.-J. SEYFRIED , Beiträge zu den Expeditionen des Mittleren Reiches, n° 23, p. 63-70,
302-305, fig. 19-24 ; A.I. SADEK, The Amethyst Mining Inscriptions of Wadi el-Hudi I, n° 23, p. 48-
50, II, pl. XI.
42
PM VII, 319 ; K.-J. S EYFRIED, op. cit., p. 64, 70-71, 306, fig. 25 ; A.I. SADEK, op. cit., I, n° 24,
p. 51 ; II, pl. XII. L’inscription n° 155 (A.I. SADEK, op. cit., II, p. 5-7), elle aussi datée de l’an 6 de ce
roi, montre peut-être un usage concomitant des deux types de filiation maternelle mais la copie de ce
texte, qui mêle signes hiéroglyphiques et hiératiques, demande à être vérifiée : la lecture exacte et le
genre de l’anthroponyme qui suit la formule µr(w).n semblent en particulier incertains.
43
PM VIII/3, 803-028-145 ; H.O. LANGE, H. SCHÄFER, op. cit., p. 16 ; D. FRANKE, op. cit., dossier
313, p. 211.
348 Lilian Postel
44
Liste établie d’après la publication de L. HABACHI, The Sanctuary of Heqaib, et le classement
chronologique proposé par D. FRANKE, Das Heiligtum des Heqaib, p. 99-104, à l’exclusion des
monuments royaux et des monuments privés ne comportant aucune formule de filiation.
45
D. FRANKE, « Drei neue Stelen des Mittleren Reiches von Elephantine », MDAIK 57, 2001, p. 16-
17, fig. 1, p. 20-21, fig. 2, pl. 4-5.
46
Ibid., p. 32-33, pl. 8. A.O. BOLSHAKOV, S. QUIRKE, The Middle Kingdom Stelae in the Hermitage,
p. 24-27, pl. 3.
47
G.T. MARTIN, Stelae from Egypt and Nubia in the Fitzwilliam Museum, Cambridge, c. 3000 BC-AD
1150, Cambridge, 2005, n° 25, p. 40-42.
48
Stèle rectangulaire avec corniche à gorge, en grès, H. 46,5 cm : Éléphantine, fouilles Clermont-
Ganneau et Clédat, 1908 ; deux exemples de filiation maternelle avec µr(w).n. Mention dans
D. FRANKE, MDAIK 57, 2001, p. 15, n. 1.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 349
moitié de la XIIIe dynastie 49, ainsi que la stèle du smsw h“yt Néferhotep, retrouvée
dans le village de Siou, où la filiation maternelle avec ms(w).n est précédée d’une
filiation paternelle avec µr(w).n (XIIIe dynastie) 50.
La même tendance pourrait également s’être maintenue assez tard à Edfou, centre
régional distant d’Éléphantine d’environ cent kilomètres. On constate en effet une
utilisation de µr(w).n pour la formule de filiation maternelle sur les monuments du
µmy-r“ ‡nÚ ßry-Ìbt Nébit, personnage daté du milieu de la XIIIe dynastie, après le
règne de Khânéferrê Sobekhotep IV (statue Louvre E 14330 51, table d’offrandes
Louvre E 14410 52), concurremment à celle de ms(w).n, associée à une filiation
paternelle avec µr(w).n, sur des monuments contemporains (par exemple ceux de la
famille de Horâa, datés du règne de Sobekhotep IV 53). Il est bien sûr difficile de
fonder des conclusions sur un échantillon documentaire aussi restreint, d’autant plus
que la célèbre statue de Nebit présente de fortes similitudes avec la statuaire de la
XIIIe dynastie retrouvée dans le sanctuaire d’Héqaib et pourrait être une production
des ateliers d’Éléphantine. Cela montre néanmoins l’intérêt qu’offrirait une analyse
plus poussée des différentes traditions locales concernant l’emploi des formules de
filiation à la fin du Moyen Empire – analyse qui sort du cadre de la présente étude.
49
D. FRANKE, MDAIK 57, 2001, p. 22-32, pl. 6-8.
50
H.R. JENKINS, « The Stela of Neferhotep from the Sanctuary of Heqaib on Elephantine Island »,
JEA 82, 1996, p. 199-202, fig. 1, pl. XX.3.
51
M. ALLIOT, Tell Edfou 1933, FIFAO 10, Le Caire, 1935, p. 28, pl. XI et E. DELANGE, Catalogue
des statues égyptiennes du Moyen Empire, p. 72-75. Sur la date du personnage, voir D. FRANKE,
Personendaten, dossier 290, p. 199.
52
M. A LLIOT, Tell Edfou 1933, p. 29, pl. XII.1 et W. SEIPEL, Gott, Mensch, Pharao. Viertausend
Jahre Menschenbild in der Skulptur des alten Ägypten, Vienne, 1992, p. 204-205.
53
M. A LLIOT, Tell Edfou 1933, p. 30-38, pl. XV-XVIII.
350 Lilian Postel
« le fils de B, A » (B s“ A). Elle est complétée de temps à autre par le nom de la mère
introduit par ms(w).n, exceptionnellement par µr(w).n. C’est le cas pour Oukhhotep,
fils d’Oukhhotep, sous le règne d’Amenemhat II (tombe B4, cartouches du roi sur
l’encadrement de la niche de culte) : le nom de sa mère, Mersi, est précédé
alternativement de ms(w).n et µr(w).n 54. Pour Oukhhotep, fils d’Oukhhotep, qu’a mis
au monde Hényhéryib (tombe C1, époque de Sésostris III 55), c’est la construction
avec ms(w).n qui prévaut, de même que dans la tombe un peu plus ancienne de
Senbi, fils d’Oukhhotep (B3, époque de Sésostris Ier et Amenemhat II 56). Les
groupes statuaires d’Oukhhotep, fils d’Oukhhotep, conservés à Boston (MFA
1973.87) et au Caire (CG 459), illustrent également un usage exclusif de la filiation
maternelle ms(w).n à l’époque de Sésostris III 57.
À El-Bercha, si pour un certain nombre de personnages inhumés dans la nécropole
« nomarcale » de la XVe province de Haute Égypte la formule de filiation maternelle
semble suivre la mode du temps 58, en revanche, dans la tombe du gouverneur
Djéhoutyhotep II, fils de Kay et de la dame Satkhéperka, sous les règnes de
Sésostris II et Sésostris III, on rencontre alternativement les filiations maternelles
avec ms(w).n et µr(w).n, accolées ou non à une filiation paternelle de type B s“ A
(tombe n° 2 59). Il en va de même pour les personnages secondaires représentés ou
mentionnés dans cette même tombe 60.
À Béni Hassan, la tombe d’Amenemhat (tombe n° 2), montre, à travers deux
exemples isolés parmi les nombreuses mentions du défunt et de son entourage, une
persistance de la formule de filiation maternelle avec ms(w).n à la fin du règne de
Sésostris Ier et sous Amenemhat II 61. Dans la tombe de Khnoumhotep II, appartenant
à la génération suivante (tombe n° 3, époque d’Amenemhat II et Sésostris II), la
formule de filiation maternelle est attestée par de nombreux exemples, aussi bien
pour Khnoumhotep que pour les personnages secondaires, avec une nette
prédominance de µr(w.)n (seize exemples contre un seul avec ms(w).n) 62. La tombe
contemporaine de Nétjérinakht (tombe n° 23) ne comporte que des filiations
maternelles avec µr(w).n 63. On observe ainsi un décalage dans l’évolution de la
formule de filiation, avec une adoption plus tardive qu’ailleurs de µr(w).n à la place
de ms(w).n. La fin de la XIIe dynastie n’est malheureusement pas documentée à Béni
Hassan.
54
A.M. BLACKMAN, The Rock Tombs of Meir III, ASE 24, Londres, 1915, pl. XII, XV, XIX.
55
A.M. BLACKMAN, The Rock Tombs of Meir VI, ASE 29, Londres, 1953, pl. XI, XIII, XV-XVIII. Sur
la date, voir D. FRANKE, Personendaten, dossier 216, p. 158 (Sésostris II-Sésostris III), et N. FAVRY,
Le nomarque sous le règne de Sésostris Ier, IEA 1, Paris, 2004, p. 307-308 (Sésostris III ?).
56
A.M. BLACKMAN, The Rock Tombs of Meir VI, pl. VI-VIII ; N. FAVRY, loc. cit.
57
S. D’AURIA, P. LACOVARA, C. ROEHRIG, Mummies and Magic. The Funerary Arts of Ancient
Egypt, Boston, 1988, n° 48, p. 121-122 (MFA 1973.87) et L. BORCHARDT, Statuen und Statuetten von
Königen und Privatleuten II, CGC, Berlin, 1925, p. 51-52 (CG 459).
58
Ainsi P.E. NEWBERRY, El Bersheh II, ASE 4, Londres, 1895, p. 27-30, pl. XI (tombes nos 3, 4 et 6).
59
P.E. NEWBERRY, El Bersheh I, ASE 3, Londres, 1894, pl. VI, VIII, XII, XVI, XIX (ms(w).n) et VI,
IX, XI (µr(w).n). Pour la datation du personnage, voir N. FAVRY, Le nomarque, p. 56.
60
P.E. NEWBERRY, El Bersheh I, pl. XXIV, XXVII, XXIX (trois et quatre exemples respectivement
avec ms(w).n et µr(w).n).
61
P.E. NEWBERRY, Beni Hasan I, ASE 1, Londres, 1893, pl. VII et XVII. Les indications de filiation
sont rares dans cette tombe.
62
Ibid., pl. XXIV, XXX, XXXIII-XXXV (µr(w).n) et XXIV (ms(w).n).
63
P.E. N EWBERRY, Beni Hasan II, ASE 2, Londres, 1894, p. 27-28.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 351
Conclusion
Au terme de cette étude, après avoir esquissé quelques réflexions sur les
changements intervenus dans la forme des mentions de filiation au cours du Moyen
Empire, il apparaît que la substitution de la forme relative ms(w).n à µr(w).n pour
64
J.P. A LLEN, The Heqanakht Papyri, PMMAEE 27, New York, 2002, passim.
65
W.C. HAYES, A Papyrus of the Late Middle Kingdom in the Brooklyn Museum (Papyrus Brooklyn
35.1446), Brooklyn, 1955, p. 20-22, pl. I-VII.
66
Par exemple M. COLLIER, S. QUIRKE, The UCL Lahun Papyri : The Letters, BAR 1083, Oxford,
2002, p. 104-109 (lettre UC 32201). Les indications de filiation, paternelles uniquement, restent
cependant assez rares dans ce lot de documents de la fin de la XIIe dynastie.
67
G. GOYON, Nouvelles inscriptions rupestres du Wadi Hammamat, p. 89 et 90-91.
352 Lilian Postel
Au-delà de ces observations, il est bien difficile d’expliquer les raisons de ces
changements, tant pour le début que pour la fin de la XIIe dynastie. Pour l’évolution
qui fait l’objet de cette étude, on a pu avancer la nécessité de lever l’ambiguïté entre
filiation maternelle et filiation paternelle 68. On rencontre effectivement quelques cas
où les ascendances maternelle et paternelle sont exprimées par µr(w).n, mais ces
exemples isolés sont plus tardifs que la fin de la XIIe dynastie et ne marquent donc
pas une période de transition (ainsi stèle Vienne ÄS 160, XIIIe dynastie 69). Cet
argument ne convainc guère d’autre part car la filiation paternelle est en fait rarement
indiquée avec µr(w).n avant la XIIIe dynastie. La double filiation semble être par
ailleurs plus fréquente chez les élites – comme l’illustraient déjà à la XIIe dynastie les
filiations des gouverneurs provinciaux de Moyenne Égypte 70 – tandis que les
filiations paternelles isolées sont, d’une manière générale, peu courantes.
L’ambiguïté invoquée a probablement davantage perturbé les égyptologues que les
Égyptiens eux-mêmes !
Les nuances lexicales ont dû néanmoins jouer un rôle dans le choix de l’un ou de
l’autre terme. La société égyptienne est fondamentalement patriarcale tout en restant
teintée de matriarcat. D’un point de vue juridique, l’héritage se transmet par la voie
patrilinéaire, mais la référence à l’ascendance maternelle intervient dans plusieurs
domaines, en particulier dans un contexte religieux. C’est à cette dimension
religieuse que l’on doit peut-être le développement des filiations maternelles à partir
de la Première Période Intermédiaire, au détriment des filiations paternelles. La stèle,
qui constitue le support privilégié de la formule de filiation, s’inscrit en effet dans un
contexte funéraire – les stèles votives anticipant elle-même sur la survie post-mortem
du dédicant. L’usage d’une filiation maternelle, plutôt que paternelle, résulterait
d’une volonté de pérenniser par le texte l’enfantement du défunt et viserait donc,
dans une perspective funéraire, à assurer sa renaissance perpétuelle. On comprend
dès lors que le verbe msµ, « mettre au monde, enfanter », soit apparu sémantiquement
plus significatif que le terme µrµ, nettement moins marqué. De même, le caractère
profane des documents administratifs et épistolaires justifierait le maintien de
l’ancienne filiation paternelle B s“ A jusqu’à la fin de la XIIe dynastie dans ce type de
textes.
Cette primauté réaffirmée du lien maternel se manifeste à plusieurs reprises dans la
documentation rassemblée ci-dessus. On constate en effet une nette préséance de
ms(w).n lorsque les deux types de filiations maternelles se côtoient. Les formules
avec ms(w).n prédominent par leur nombre mais aussi par leur emplacement : elles
sont souvent appliquées de préférence au personnage principal et en priorité dans le
proscynème ; le nom de la mère est régulièrement précédé du titre nbt-pr ; les
mentions secondaires du défunt se distinguent alors parfois par une filiation
maternelle avec µr(w).n de même que celles les membres de l’entourage familial ou
socioprofessionnel de celui-ci ; l’usage du titre nbt-pr est dans ce cas moins
68
Comme en témoignerait par exemple l’inscription rupestre Petrie 286 = doc. 43.
69
I. H EIN, H. SATZINGER, Stelen des Mittleren Reiches II, p. 7.79-7.86.
70
L’exemple le plus évocateur est celui des rois Sobekhotep III et Néferhotep Ier qui font à plusieurs
reprises suivre leur nom de ceux de leurs parents (voir L. POSTEL, Protocole des souverains égyptiens
et dogme monarchique au début du Moyen Empire, MRE 10, Turnhout, 2004, p. 102-103) mais on
rencontre ces doubles filiations pour des personnages de condition beaucoup plus modeste.
354 Lilian Postel
régulier 71. De même, lorsqu’à la fin du Moyen Empire l’ascendance d’un personnage
remonte sur deux générations dans une même séquence, la première indication de
filiation introduit le plus souvent le nom de la mère par ms(w).n suivi du titre nbt-pr
tandis que la seconde fait précéder le nom de la grand-mère maternelle d’un simple
µr(w).n et peut se dispenser du titre nbt-pr (par exemple Vienne ÄS 105 ou Tübingen
479, doc. 8 et 17).
La réintroduction de la filiation paternelle, avec un sensible décalage par rapport au
retour en faveur de ms(w).n, aurait été motivée par le souci de perpétuer également le
lien social dans les inscriptions funéraires d’un plus large échantillon de la
population. On aurait ainsi ressenti la nécessité d’exprimer le titre et le nom du père
dans la séquence généalogique, le verbe µrµ, plus neutre, se spécialisant dans cet
usage alors que ms(w).n, gage de renaissance post mortem, retrouvait son emploi
originel.
Il s’agit là d’une simple hypothèse, mais elle permet de replacer l’évolution des
formules de filiation dans un contexte social et culturel. Par sa proximité
chronologique, cette transformation se rattache indéniablement aux changements qui
affectent la société égyptienne à partir du règne de Sésostris III. Elle traduirait une
modification du lien social au sein d’une large classe moyenne, issue de la petite et
moyenne administration, désireuse d’ancrer sa survie dans le tissu familial et
professionnel qui a constitué le cadre de son épanouissement.
71
Par exemple Budapest 51.2144 = doc. 4, Leyde V 103 = doc. 6, CG 20159 = doc. 9, CG 20460
= doc. 10, inscr. Petrie 160 = doc. 22 CG 20237 = doc. 28, CG 20709 = doc. 31, Pittsburgh 21538-38
= doc. 36, Rio 680 = doc. 37, Vienne ÄS 195 = doc. 39, inscr. Petrie 97 = doc. 40. Il existe néanmoins
des contre-exemples : par exemple Louvre C7 = doc. 1.