Vous êtes sur la page 1sur 32

Université Paul Valéry (Montpellier III) – CNRS

UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes »


Équipe « Égypte Nilotique et Méditerranéenne »

Cahiers de l’ENiM (CENiM) 2

Verba manent

Recueil d’études dédiées à Dimitri Meeks


par ses collègues et amis

Textes réunis et édités


par
Isabelle Régen et Frédéric Servajean

Montpellier, 2009
Table des matières

Volume 1

Avant-Propos ……………………………………………………………..…………….. I

Bibliographie de Dimitri Meeks …………………………………………....................... III

Hartwig Altenmüller
Acht Fragmente von Mumienbinden der Tascheritentnaret aus Abusir el Meleq . 1

Sydney H. Aufrère
Les alphabets dits « égyptiens » et « cophtes » de Fournier le Jeune (1766) et la
« guerre des polices » au XVIIIe siècle. En marge de la redécouverte de
l’écriture hiératique ……………………………………........................................ 29

Ladislav Bare‡
A case of proofreading in Ancient Egypt? ………………………………………. 51

Edward Brovarski
Gardiner Sign List Aa 31 …………………………………………....................... 57

Vivienne Gae Callender


A Magical Amulet, with a Life Insurance Policy ……………….......................... 63

Laurent Coulon
Les épithètes autobiographiques formées sur skm ………………………............. 71

Didier Devauchelle et Ghislaine Widmer


Un brouillon de requête au stratège (Ostracon Ifao Edfou D 632) ……………… 83

Khaled El-Enany
À propos de quelques emplois de stp.n-X dans les cartouches royaux ….............. 99

Åke Engsheden
Un Mendésien en Dalécarlie (Statue ZAE 74 de la collection Zorn) …................ 113

Marguerite Erroux-Morfin
Du lait-blanc à l’orgeat de souchet ………………………………………………. 125

Christine Favard-Meeks
Les couronnes d’Andjéty et le temple de Behbeit el-Hagara ……………………. 137

Luc Gabolde
« “L’horizon d’Aton”, exactement ? » ……………………………....................... 145
Marc Gabolde
Égyptien ‡dÌ, grec ojinovmeli et mevlitith" latin mulsum, grec d’Égypte
stavgma : la même ivresse ? ……………………………………………………... 159

François Gaudard
Le P. Berlin 8278 et ses fragments. Un « nouveau » texte démotique
comprenant des noms de lettres …………………………………………............. 165

Jean-Claude Grenier
Parthénios ? ……………………………………………………………………… 171

Ivan Guermeur
Les monuments d’Ounnefer, fils de Djedbastetiouefânkh, contemporain de
Nectanébo Ier …………………………………………………………………….. 177

Nadine Guilhou
Une variante graphique dans la pyramide de Téti, formule 688 ………………… 201

Ben Haring
Requests from the Greatest Gods. The Right Doorjamb of Sennedjem’s Burial
Chamber ……………………………………………………………..................... 207

Antoine Hermary
Samos et l’Égypte au VIe s. av. J.-C. Le témoignage d’un petit sphinx en bronze 219

Volume 2

Anthony Leahy
A mysterious fragment and a monumental hinge. Necho II and Psammetichus II
once again ………………………………………………………………………. 227

Christian Leblanc
Nehy, prince et premier rapporteur du roi. Deux nouveaux documents relatifs au
vice-roi de Nubie, sous le règne de Thoutmosis III …………………………….. 241

Guy Lecuyot
Quelques vases Bès sortis des sables de Saqqâra ……………………………….. 253

Christian Leitz
Thot als Ichneumon in der Unterwelt. Der Hymnus im Grab des Amonmose
(TT 373) ………………………………………………………............................. 265

Geoffrey T. Martin
Protecting Pharaoh. Three Unpublished Magical Figures …………………......... 277

Bernard Mathieu
Le « Livre de Nout » du chancelier Ânou. « Nouvelles » versions de Textes des
Pyramides ……………………………………………………………………….. 295

Jean-Pierre Pätznick
Encore et toujours l’Horus « Nâr-mer » ? Vers une nouvelle approche de la
lecture et de l’interprétation de ce nom d’Horus ………………………............... 307
Patrice Pomey
Vers un renouveau des études de nautique égyptienne …………………….......... 325

Lilian Postel
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? Réflexions sur la formule de filiation
maternelle à la fin du Moyen Empire …………………………………………… 331

Joachim Friedrich Quack


Ein Fragment einer Liste mit Naturerscheinungen. Papyrus Berlin 23055 ……... 355

Stephen Quirke
Contexts for the Lahun Lists ………………………………………….................. 363

Isabelle Régen
À propos du sens de qrs « enterrer » ……………………………………….......... 387

Alessandro Roccati
Un’iscrizione „firmata“ della XXVI dinastia ......................................................... 401

Frédéric Servajean
Des poissons, des babouins et des crocodiles …………………………………… 405

Christophe Thiers
Les « quatre Ka » du démiurge (à Tôd) ……………………………………......... 425

Michel Valloggia
Un compendium tardif du Livre des Morts ……………………………………… 439

Pierre Zignani
Une culture sismique dans l’architecture des pharaons. De Djéser à la période
gréco-romaine …………………………………………………………………… 455
Quand réapparaît la forme ms(w).n ?
Réflexions sur la formule de filiation maternelle à la fin du Moyen Empire

Lilian Postel

L
ES QUELQUE CINQ siècles qui s’échelonnent de la fin du IIIe millénaire jusque
vers 1600 avant notre ère et que l’historiographie moderne a regroupés sous
l’appellation de Moyen Empire et de Deuxième Période intermédiaire ont
livré une abondante documentation épigraphique privée. Exceptionnellement riche,
ce corpus offre un champ d’étude privilégié pour la société et l’administration sur un
large éventail chronologique mais il n’a commencé à être systématiquement exploité
que relativement récemment, sans doute tant en raison de la trop grande dispersion
des stèles funéraires et votives qui en forment la plus grande partie que des flagrantes
incertitudes qui touchent à leur datation. Celle-ci est en effet longtemps restée
approximative et fluctuante en l’absence d’indice déterminant (cartouche royal
notamment). Seuls des critères internes, de nature typologique, stylistique,
épigraphique, paléographique et prosopographique, pouvaient alors fournir des
éléments susceptibles de rattacher l’objet à une période précise à l’intérieur de ces
cinq siècles. Si la première synthèse d’envergure sur les stèles du Moyen Empire a
été publiée dès 1933 sous la forme d’un long article de quarante pages 1, il a fallu
attendre 1941 pour que paraisse une étude pionnière visant à déterminer, pour la
première fois, un certain nombre de critères de datation précis destinés à faciliter le
classement chronologique de ces documents 2. Trente ans plus tard, en 1974,
W.K. Simpson rassemblait un large échantillon de stèles abydéniennes, matériau de
loin le plus abondant mais dispersé à travers le monde depuis le XIXe siècle, et les
ordonnait par séries prosopographiques et chronologiques – les groupes ANOC 3.
Ponctuellement enrichi et complété depuis sa parution, ce travail fondamental de
Simpson reste aujourd’hui à la base de toute étude sur les stèles du Moyen Empire.
Au cours des trente dernières années, articles et ouvrages de différents ordres 4 se

1
H.W. MÜLLER, « Die Totendenksteine des Mittleren Reichs, ihre Genesis, ihre Darstellung und ihre
Komposition », MDAIK 4, 1933, p. 165-206. Citons également K. PFLÜGER, « The Private Funerary
Stelae of the Middle Kingdom and Their Importance for the Study of Ancient Egyptian History »,
JAOS 67, 1947, p. 127-135.
2
C.J.C. BENNETT, « Growth of the Ìtp-dµ-nsw Formula in the Middle Kingdom », JEA 27, 1941,
p. 77-82, puis, du même auteur, « Motifs and Phrases on Funerary Stelae of the Later Middle
Kingdom », JEA 44, 1958, p. 120-121.
3
W.K. SIMPSON, The Terrace of the Great God at Abydos. The Offering Chapels of Dynasties 12 and
13, PPYEE 5, New Haven, Philadelphie, 1974. L’abréviation ANOC désigne une Abydos North
Offering Chapel (chapelle funéraire ou cénotaphe de la nécropole nord) et les monuments qui s’y
rattachent.
4
Il n’est bien sûr pas question de dresser une liste, même sommaire, de ces publications. Mentionnons
seulement, à titre d’exemples, l’outil prosopographique fondamental livré par D. FRANKE,
Personendaten aus dem Mittleren Reich (20.-16. Jahrhundert v. Chr.). Dossiers 1-796, ÄgAbh 41,
332 Lilian Postel

sont succédé qui ont mis à la disposition de l’égyptologue un large faisceau de


critères de datations. Ces critères permettent aujourd’hui d’assigner, dans la grande
majorité des cas et de manière fiable, une date précise, au moins à l’intérieur d’une
fourchette chronologique restreinte, à un document en apparence laconique. Le
nombre de monuments publiés s’est enfin considérablement accru au cours des
dernières décennies, même si beaucoup reste encore à faire. Bien que le Manuel qui
réunirait en un ensemble cohérent tous les critères définis dans des études très
diverses et par trop éparpillées se fasse aujourd’hui instamment attendre, l’historien
peut désormais exploiter sur des bases solides le matériau qui lui est offert et affiner
notre connaissance de la société civile au Moyen Empire 5.
La présente contribution s’inscrit dans ce mouvement et a pour but d’apporter
quelques compléments d’analyse sur l’évolution dans le temps de la formule de
filiation utilisée sur les stèles du Moyen Empire. Je suis heureux de soumettre ces
réflexions à la sagacité de Dimitri Meeks, dont le vaste et savant intérêt pour tous les
aspects de la civilisation pharaonique n’a d’égal que la patience et la constance à
recueillir petit à petit un riche matériau, entre autre lexical, et à forger un outil
incomparable pour l’ensemble de la communauté égyptologique.

La formule de filiation maternelle comme critère de datation au Moyen Empire


La formule de filiation qui suit très fréquemment le nom des individus au Moyen
Empire fournit, en raison de l’évolution qu’elle connaît, des indices chronologiques
souvent déterminants. Cette évolution a pu être retracée de façon précise en 1993 par
Cl. Obsomer à partir de l’analyse d’un ample échantillon de monuments 6. Voici
l’essentiel des conclusions auxquelles il est parvenu.
L’habitude d’adjoindre au nom d’un personnage celui de sa mère se répand dans la
première moitié de la XIe dynastie 7. Il est alors introduit par le verbe msµ sous la
forme relative ms(w) dans un premier temps, puis ms(w).n, « qu’a mis au monde », à
partir du règne de Montouhotep II. Cette formule de filiation ms(w).n + nom de la
mère connaît un déclin à partir de la fin du règne de Sésostris Ier au profit de la
formule µr(w).n, « qu’a fait », toujours suivi du nom de la mère, qui finit assez
rapidement par la supplanter complètement.

Wiesbaden, 1984, et le récent petit ouvrage de S. QUIRKE, Titles and Bureaux of Egypt 1850-1700 BC,
Londres, 2004.
5
Voir en ce sens les remarques de Cl. OBSOMER, « Dµ.f prt-≈rw et la filiation ms(t).n/µr(t).n comme
critères de datation dans les textes du Moyen Empire », dans Chr. Cannuyer, J.-M. Kruchten (éd.),
Individu, société et spiritualité dans l’Égypte pharaonique et copte. Mélanges égyptologiques offerts
au Professeur Aristide Théodoridès, Ath, Bruxelles, Mons, 1993, p. 164-165, avec un renvoi aux
principales études parues à cette date (article cité par la suite Mélanges Théodoridès).
6
Cl. OBSOMER, Mélanges Théodoridès, p. 163-200.
7
La filiation maternelle semble cependant apparaître dès la fin de la VIe dynastie et au cours de la
Première Période intermédiaire en différents lieux de la vallée du Nil : voir à ce propos J.C. MORENO
GARCÍA, « Élites provinciales, transformations sociales et idéologie à la fin de l’Ancien Empire et à la
Première Période Intermédiaire », dans L. Pantalacci, C. Berger-El-Naggar (éd.), Des Néferkarê aux
Montouhotep. Travaux archéologiques en cours sur la fin de la VIe dynastie et la Première Période
Intermédiaire, TMO 40, Lyon, 2005, p. 226, n. 61-62. Voir également les remarques de D. FRANKE,
Altägyptische Verwandtschaftsbezeichnungen im Mittleren Reich, HÄS 3, Hambourg, 1983, p. 317 et
329.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 333

Cette évolution se situe vers l’an 30 de Sésostris Ier : sept documents datés entre l’an
32 et l’an 43 portent en effet l’une ou l’autre version – ms(w).n ou µr(w).n – alors que
les documents pourvus d’une date antérieure à cet an 32 montrent un emploi exclusif
de ms(w).n. À partir du début du règne d’Amenemhat II, on ne rencontre plus guère
que la forme µr(w).n 8. La mise en évidence de cette évolution, sur à peine vingt ans à
la fin du règne de Sésostris Ier, a facilité le classement, jusqu’alors assez délicat, des
monuments privés du début de la XIIe dynastie. Ce critère, éventuellement renforcé
par d’autres indices, a désormais permis de trancher entre une appartenance au règne
d’Amenemhat Ier, à celui de Sésostris Ier, ou à celui d’Amenemhat II et de distinguer
nettement la production de stèles des premières décennies de la XIIe dynastie de celle
du milieu et de la seconde moitié de la même dynastie.
Dans la suite de son étude, Cl. Obsomer constatait une nouvelle évolution qui voyait
la réapparition à la fin du Moyen Empire de la filiation maternelle introduite par
ms(w).n, de plus en plus souvent combinée avec le titre nbt-pr, dont l’usage avait
commencé à se répandre plus largement sous Sésostris III, et qui pouvait alors être
associée à une filiation paternelle en µr(w).n. Sur ce point, Cl. Obsomer concluait
cependant : « La date de l’apparition de ces nouveautés reste à déterminer : il est
probable que cela a eu lieu sous la XIIIe dynastie. 9 »
C’est précisément la « date de l’apparition de ces nouveautés » que nous allons tenter
de cerner d’un peu plus près dans les lignes qui suivent.

La coexistence des filiations maternelles ms(w).n et µr(w).n à la fin du Moyen


Empire
La transition entre les deux modes d’expression de la filiation maternelle au début de
la XIIe dynastie est illustrée par l’occurrence simultanée de l’un et de l’autre sur un
même monument. C’est le cas, parmi les quelques documents recensés dont la date
est assurée, de la stèle du ≈tmw Nakhti, Caire CG 20727, où la filiation µr(w).n S“t-
⁄nty-ßty côtoie une filiation ms(w).n Nfrt 10. On peut également mentionner la stèle
Berlin ÄM 7280, datable du règne d’Amenemhat II sur laquelle une filiation en
ms(w).n subsiste à côté de trois filiations en µr(w).n 11. La stèle Caire CG 20024 du
8
Il existe bien sûr des exceptions et la filiation maternelle en ms(w).n est encore occasionnellement
employée sous le règne d’Amenemhat II, par exemple sur la stèle du Ì“ty-© µmy-r“ Ìmw-nÚr wr dµw
Ipou, CG 20025, datée de l’an 20 de ce roi (H.O. LANGE, H. SCHÄFER, Grab- und Denksteine des
Mittleren Reichs im Museum von Kairo I, Berlin, 1902, p. 29-33), ou sur celle du µmy-r“ pr
Amenemhat, CG 20541, datée de l’an 2 (H.O. LANGE, H. SCHÄFER, Grab- und Denksteine des
Mittleren Reichs im Museum von Kairo II, Berlin, 1908, p. 161-162, pl. XXXIX).
9
Mélanges Théodoridès, p. 195.
10
H.O. LANGE, H. SCHÄFER, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs II, p. 211-213, pl. XLVI. La
stèle est datée par D. Franke du début de la XIIe dynastie (Personendaten, dossier 345, p. 227).
11
G. ROEDER, Ägyptische Inschriften aus den königlichen Museen zu Berlin, I. Inschriften von der
ältesten Zeit bis zum Ende der Hyksoszeit, Berlin, 1913, p. 178-179 ; K.-H. PRIESE (éd.), Museuminsel
Berlin. Ägyptisches Museum, Mayence, 1991, n° 36, p. 56-57. Cette stèle appartient à l’atelier 10 de
R. FREED, « Stela Workshops of Early Dynasty 12 », dans P. Der Manuelian (éd.), Studies in Honor of
William Kelly Simpson I, Boston, 1996, p. 328-329. Son style et son matériau – le granite – sont très
proches de ceux des stèles Louvre C 4 et Liverpool 13860 M : toutes trois semblent être dues à la
même équipe, voire à la même main. La stèle du Louvre, au nom du vizir Sénousert, souvent
mentionnée mais incomplètement publiée, est précisément datée de l’an 8 d’Amenemhat II (voir la
publication ancienne de A.-J. GAYET, Musée du Louvre. Stèles de la XIIe dynastie, BEHE 68, Paris,
1889, p. 1, pl. III).
334 Lilian Postel

µmy-r“ Ìmw-nÚr, Ìry-tp ©“ n Mnw Antef, provenant d’Akhmim ou, plus probablement,
d’Abydos, offre un autre exemple de cette cohabitation des deux formules, sans
doute sous Sésostris Ier : le nom de la mère d’Antef, Bout, est introduit une première
fois par ms(w).n (l. 7-8) puis, dans la légende de la scène de repas funéraire, par
µr(w).n (col. 6) ; dans cette même légende, le nom de la mère de son épouse, toutes
deux nommées Dédet, est également précédé de µrt.n (col. 7-8) 12. La tombe thébaine
de la dame Sénet (TT 60), dont la décoration se serait poursuivie au-delà de l’an 30
de Sésostris Ier, montre d’autres exemples de cette alternance entre ms(w).n et
µr(w).n 13.
Au vu de ces documents du début de la XIIe dynastie 14, il paraît raisonnable de
penser qu’il en existe de similaires, mais plus tardifs, sur lesquels la juxtaposition des
deux types de filiation marquerait le retour de la filiation ms(w).n et la réaffectation
de la forme µr(w).n à l’ascendance paternelle. Ces documents seraient par ailleurs
susceptibles de livrer des indices chronologiques sur les étapes de cette nouvelle
évolution.
L’enquête que nous avons menée a en effet permis de réunir un certain nombre de
monuments de ce type – stèles abydéniennes essentiellement –, datés de la seconde
moitié du Moyen Empire, entre la fin de la XIIe dynastie et le milieu de la
XIIIe dynastie. En l’absence de cartouche ou d’éléments de datation extérieurs, il est
souvent difficile de distinguer entre les documents des derniers règnes de la
XIIe dynastie et ceux du début de la XIIIe : la production semble en effet ne pas
connaître d’évolution marquée à cette époque, la césure se plaçant plus tôt, sous
Sésostris III ; par ailleurs, nos critères de datation, épigraphiques ou stylistiques,
demandent à être affinés pour cette période. De ce fait, le groupe chronologique large
« fin de la XIIe-XIIIe dynastie » compte de nombreux éléments. La liste ci-dessous,
organisée selon une progression chronologique, ne prétend pas à l’exhaustivité, mais
a pour vocation de fournir un échantillon représentatif 15.

12
H.O. LANGE, H. SCHÄFER, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs I, p. 26-29 ; sur la
provenance traditionnelle (Akhmim) de cette stèle, voir E. GRÉBAUT, Le Musée égyptien I, Le Caire,
1890, p. 15, pl. XVII. Par son style ainsi que par certains détails épigraphiques, cette stèle se rattache
aux productions du temps de Sésostris Ier, même si, d’après l’inscription du Ouadi Hammâmât
CM 199, le personnage a pu commencer sa carrière sous Amenemhat Ier : voir D. FRANKE,
Personendaten aus dem Mittleren Reich, dossier 132, p. 112. Cl. Obsomer place la stèle CG 20024 à
la fin du règne de Sésostris Ier, en raison de l’emploi de la filiation µr(w).n, et doute que son
propriétaire soit le même Antef que le µmy-r“ Ìmw-nÚr Mnw Antef du graffito CM 199 (Sésostris Ier .
Étude chronologique et historique du règne, CEA 5, Bruxelles, 1995, p. 361, n. 1).
13
N. de G. DAVIES, The Tomb of Antefo"er, Vizier of Sesostris I, and of His Wife Senet (No. 60),
TTS 2, Londres, 1920, pl. VII, XXX (ms(w).n), XXV, XXIX, XXXVIII (µr(w).n) ; Cl. OBSOMER,
Sésostris Ier, p. 220-221.
14
Ils ne sont pas les seuls et n’ont été choisis qu’à titre d’exemples. La stèle Leyde V 89, datée entre
autres par D. Franke de la fin de la XIIe dyn. (Personendaten, dossier 473, p. 292), peut difficilement
être postérieure au milieu de la dynastie, notamment en raison de l’utilisation de l’épithète µm“≈y,
var. µm“≈y ≈r nswt, et du nom du dieu Khentyimentyou pourvu d’un déterminatif (trait qui disparaît
dans la seconde moitié de la XIIe dyn.). La facture conviendrait à une œuvre du règne de Sésostris Ier,
date que confirmerait alors la prédominance de la filiation maternelle ms(w).n (cinq occurrences,
contre une seule pour µr(w).n).
15
Elle complète une première liste établie par Cl. Obsomer en 1993 : Mélanges Théodoridès, p. 198-
199, liste 11.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 335

1. Documents datés de la fin de la XIIe dynastie


- Par la présence d’un nom royal
1 – Stèle Louvre C 7.
A.-J. Gayet, Stèles de la XIIe dynastie, p. 2, pl. VI.
M. Valloggia, « Amenemhat IV et sa corégence avec Amenemhat III », RdE 21, 1969,
p. 124-126, pl. 12.
Propriétaires : ßry-© n µmy-r“ ≈tmt Sénousert et ßry-© n µmy-r“ ≈tmt Sobekhotep.
Filiation : alternance des filiations µr(w).n et ms(w).n avec nette prédominance de µr(w).n
(quatorze exemples contre cinq, ces derniers regroupés pour cinq personnages alignés sur
un même registre ; personnages principaux de la stèle avec filiation µr(w).n).
Date : cartouches d’Amenemhat III et d’Amenemhat IV ; le propriétaire de la stèle est
attesté entre l’an 41 du premier et l’an 1 du second ; pour les documents en relation, voir
D. Franke, Personendaten, dossiers 92, 148, 237, 280, 508, 708, p. 91, 121, 169, 194,
310, 412.

- Par des monuments connexes


2 – Stèle Oxford, Ashmolean Museum 1922.143.
W.M.F. Petrie, Tombs of the Courtiers and Oxyrhynkhos, BSAE 37, Londres, 1925, p. 10,
pl. XII.7.
Propriétaire : ßry-Ìbt ©‡“ m S≈m-S-n-Wsrt-m“©-≈rw, m““ bs m Ìwt-nÚr nt Ónpw tpy ƒw.f m
S≈m-S-n-Wsrt-m“©-≈rw, nty m srt m Îtp-S-n-Wsrt-m“©-≈rw 16, Dédousobek, fils de
Sathoremhat et de Menkaou, époux de Timaout.
Filiation : emploi généralisé de la filiation ms(w).n + mère, sauf dans deux cas dans les
deux colonnes de l’extrême gauche du texte du cintre de la stèle : sn.f mry.f Sbk-n≈t
µr(w).n S“t-Îr-m-Ì“t m“©-≈rw (sic) + dét. masc. (A1) et s“.f Ómny m“©-≈rw µr(w).n Tµ-m“t
m“©t-≈rw + dét. masc. (A1).
Date : personnage attesté en l’an 4 d’Amenemhat III (plutôt que de Sésostris III) d’après
P. Berlin 10091 17 (D. Franke, Personendaten, dossier 764, p. 440).

- Par des critères épigraphiques et stylistiques


3 – Stèle de la collection J. J. Clère.
J. J. Clère, « Une stèle familiale abydénienne de la XIIe dynastie », BIFAO 85, 1985,
p. 77-87, pl. XIII-XIV.
Propriétaire : µmy-r“ w Dédousobek.
Filiation : dans le proscynème, filiation maternelle µr(w).n ©wy-rdµt.s ; filiation msw.n Tµt
pour le père de Dédousobek (registre supérieur, à droite) ; filiation maternelle µr(w).n
pour les autres personnages mentionnés sur la stèle (onze occurrences) dont le nom est
introduit à chaque fois par msw N, « l’enfant de N ».
Date : fin XIIe dyn., peut-être Amenemhat III (notamment d’après le décor du cintre –
anneau-chenou, yeux-oudjat et fleurs de lotus – comparable à celui de Berlin 1198).
4 – Stèle Budapest 51.2144.

16
Sur ces deux toponymes, qui se réfèrent à la ville de pyramide de Sésostris II à Illahoun, voir en
dernier lieu U. LUFT, « The Ancient Town of El-Lâhûn », dans S. Quirke (éd.), Lahun Studies,
Reigate, 1998, p. 1-41.
17
U. K APLONY-HECKEL, Ägyptische Handschriften I, Verzeichnis der orientalischen Handschriften in
Deutschland 19/1, Wiesbaden, 1971, p. 42-43.
336 Lilian Postel

E. Mahler, « Egyptian Antiquities in the Hungarian National Museum of Budapest »,


BIFAO 27, 1927, p. 43-46, pl. I, fig. 2.
Propriétaire : s‡ Èdwt Merefem, rn.f nfr Amény.
Filiation : emploi de la filiation ms(w).n pour Amény (ms(w).n S“t-Ppy) et pour son père
(N≈t ms(w).n Snt-nt-t“ ?) ; puis usage de la filiation µr(w).n + mère pour sa mère, ses
frères et ses enfants (treize occurrences et deux en lacune).
Date : fin de la XIIe dyn. selon D. Franke, Personendaten, dossier 104, p. 97 (qui
rapproche ce document du fragment de stèle d’Amény µrw.n S“t-Ppy provenant des
fouilles de Petrie à Abydos : Abydos I, ExcMem 22, Londres, 1902, pl. LX.3), mais il
n’est pas exclu que la stèle soit plus ancienne (absence de dµ.f avant prt-≈rw, nom du
défunt introduit par n µm“≈y).
5 – Stèle Hanovre inv. 2930.
M. Cramer, « Ägyptische Denkmäler im Kestner-Museum zu Hannover », ZÄS 72, 1936,
p. 86-87, pl. IV.4.
Propriétaire : µmy-r“ ©Ì“w Khéperkarê.
Filiation : alternance des filiations maternelles µr(w).n et ms(w).n ; huit occurrences de
chacun des deux types, les premières réparties principalement, mais pas exclusivement,
dans le cintre et le registre supérieur, les secondes dans les registres médian et inférieur
de la stèle.
Date : fin de la XIIe dyn. (Sésostris III-Amenemhat III) ; le style de la stèle est apparenté
aux documents de ANOC 1 (W.K. Simpson, The Terrace of the Great God, pl. 1-4) ; la
date proposée par D. Franke, Personendaten, dossier 627, p. 370 (fin XIIe-XIIIe dyn.)
paraît trop basse.
6 – Stèle Leyde V 103.
P.A.A. Boeser, Beschreibung der aegyptischen Sammlung des Niederländischen
Reichsmuseums der Altertümer in Leiden. Die Denkmäler der Zeit zwischen dem Alten
und Mittleren Reich und des Mittleren Reiches, I. Stelen, La Haye, 1909, n° 30, p. 9,
pl. XIII.
Propriétaire : µmy-r“ pr Sénousert.
Filiation : la filiation maternelle est introduite par ms(w).n pour les personnages
principaux (registre médian, trois occurrences) et par µr(w).n pour les personnages
secondaires (registres médian et inférieur, quinze occurrences).
Date : fin de la XIIe dyn., sans doute Amenemhat III d’après le style 18, l’expression de la
double identité au moyen de l’expression rn.f nfr, tombée en désuétude à la XIIIe dyn., et
la présence de deux fleurs de lotus affrontées dans le cintre 19 ; voir P. Vernus, Le surnom
au Moyen Empire, StudPohl 13, Rome, 1986, n° 55, p. 14 ; la date proposée par
D. Franke, Personendaten, dossiers 596, 772, p. 355, 445 (XIIIe dyn.) est trop basse, y
compris pour les stèles Louvre C 249 et Stockholm NM 17 qu’il faut également situer à la
fin de la XIIe dyn.
7 – Stèle Oxford, Ashmolean Museum 1926.213.
H. Frankfort, « Cemeteries of Abydos : Work of the Season 1925-26 », JEA 14, 1928,
p. 239, n° 25, pl. XXI.1.
Propriétaire : s̃ s≈tyw Amény.

18
Comparer, notamment pour la représentation du défunt assis devant le guéridon d’offrandes, avec la
stèle Leyde V 7, portant un cartouche d’Amenemhat III (P.A.A. BOESER, op. cit., n° 8, p. 4, pl. VII) et
les stèles BM EA 247 et EA 557 appartenant au groupe ANOC 26 (W.K. SIMPSON, The Terrace of the
Great God, pl. 39).
19
Ce motif serait caractéristique des stèles produites sous le règne d’Amenemhat III. Voir par
exemple les stèles Berlin 1198, datée de l’an 25 de ce roi, et Copenhague Aad 13, rattachée au même
ensemble de documents de l’époque d’Amenemhat III (D. FRANKE, Personendaten, dossiers 101, 116,
p. 95, 103). Voir également, sur cette datation, H. DE MEULENAERE, « Contributions à la
prosopographie du Moyen Empire », Suppl. BIFAO 81, 1981, p. 78-79.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 337

Filiation : les filiations maternelles ms(w).n et µr(w).n alternent dans le proscynème (deux
occurrences) ; la légende accompagnant la représentation du personnage principal
emploie la formule µr(w).n.
Date : 2e moitié/fin de la XIIe dyn. ; le nom du fils d’Amény, formé sur le nom de
couronnement de Sésostris II (Khâkhéperrê), fournit un terminus post quem ; le
proscynème développé (≈t nbt w©bt ddt pt Èm“t t“ ©n≈.tµ nÚr µm) situe la stèle après le
milieu de la XIIe dyn., tout comme l’épithète de Ptah nb ©n≈-t“w ; en revanche
l’introduction du nom du défunt par la formule n k“ n µm“≈y semble indiquer une date
antérieure à la XIIIe dyn. 20 ; la formule rare n k“ nb nty rn.f Ìr wƒ pn se retrouve sur la
stèle de l’intendant Sénousert, Leyde V 103, qui appartient à un groupe de monuments
partageant des caractéristiques stylistiques et épigraphiques communes daté du règne
d’Amenemhat III (voir supra) 21 ; une date au cours du règne d’Amenemhat III est donc
probable pour la stèle d’Oxford.
8 – Stèles Vienne ÄS 105, 136 et 156.
I. Hein, H. Satzinger, Stelen des Mittleren Reiches I, CAA Wien 4, Mayence, 1989,
p. 4.18-4.22, 4.48-4.54, 4.84-4.92.
Propriétaire : ≈tmw kf“-µb Séneb.
Filiation : sur ces trois stèles alternent les filiations maternelles ms(w).n et µr(w).n, la
première étant sensiblement plus fréquente ; les deux types de filiations maternelles
peuvent être combinés en une même séquence (ÄS 105, l. 5 : Snb m“©-≈rw ms(w).n nbt-pr
Ón.Ún-sy m“©t-≈rw µrt.n Órµ ; une filiation paternelle avec µr(w).n pourrait être attestée sur
ÄS 105 (l. 7 : S“-̵ µr(w).n Îr-m-Ìb), mais l’anthroponyme Îr-m-Ìb est fréquemment
féminin au Moyen Empire (PN I, 248, 7).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn. d’après les éditeurs des stèles ; D. Franke, Personendaten,
dossiers 619, 620, 644, 726, p. 366, 367, 370, 379, 421, situe ce groupe familial à la
XIIIe dyn. ; plusieurs caractéristiques de ces trois stèles rendent néanmoins assez
vraisemblable une datation à la fin de la XIIe dyn. (Amenemhat III-Amenemhat IV) : par
exemple présence d’Osiris et d’Oupouaout sur son pavois dans le cintre de ÄS 136, celle
de deux yeux-oudjat affrontés encadrés par deux représentations d’Oupouaout sur un
naos dans la partie supérieure de la stèle rectangulaire ÄS 156 (composition très proche
de celle de Louvre C 7 : voir supra), celle de snÚr et mrÌt dans la liste d’offrandes du
proscynème de ÄS 105 et de ÄS 156, et enfin celle de l’épithète d’Osiris nb ·dw sur
ÄS 105, plus rare à la XIIIe dyn. et ici avec une graphie fréquente dans la seconde
moitié de la XIIe dyn.

2. Documents datés de la première moitié de la XIIIe dynastie


9 – Stèle Caire CG 20159.
H.O. Lange, H. Schäfer, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs I, p. 186-187.
Propriétaire : Ìry-pr Mémi.

20
Le rapprochement qu’avait prudemment proposé D. Franke entre le s̃ s≈tyw Khâkhéperrê de la
stèle d’Oxford et le µmy-r“ s≈tyw Khâkhéperrêséneb des stèles Florence 2559, Florence 2560 et
CG 20520, daté de la XIIIe dyn., est donc peu probable (Personendaten, dossier 447, p. 279).
21
Pour la date de Sénousert, voir W. GRAJETZKI, Die höchsten Beamten der ägyptischen
Zentralverwaltung zur Zeit des Mittleren Reiches. Prosopographie, Titel und Titelreihen, Achet A2,
Berlin, 2000, p. 179 (XI.3). La formule n k“ nb nty rn.f Ìr wƒ pn semble bien être caractéristique du
règne d’Amenemhat III et serait à mettre en relation avec la multiplication du nombre de personnages
représentés, ou simplement mentionnés, sur les stèles privées à partir de la seconde moitié de la
XIIe dynastie : voir à ce propos W. GRAJETZKI, « Multiple Burials in Ancient Egypt to the End of the
Middle Kingdom », dans S. Grallert, W. Grajetzki (éd.), Life and Afterlife in Ancient Egypt during the
Middle Kingdom and Second Intermediate Period, GHP Egyptology 7, Londres, 2007, p. 32.
338 Lilian Postel

Filiation : filiation maternelle ms(w).n pour le personnage principal (proscynème) et


µr(w).n pour les personnages secondaires.
Date : XIIIe dyn. (Sobekhotep II-Khendjer) ; voir D. Franke, Personendaten, dossier 248,
p. 176.
10 – Stèle Caire CG 20460.
H.O. Lange, H. Schäfer, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs II, p. 59.
Propriétaire : µmy-r“ pr wr Irgémetef.
Filiation : filiations maternelles ms(w).n pour le personnage principal (proscynème) et
µr(w).n pour les autres personnages.
Date : début de la XIIIe dyn. selon D. Franke, Personendaten, dossier 156, p. 127.
11 – Stèle Caire CG 20563.
H.O. Lange, H. Schäfer, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs II, p. 198-199,
pl. XLV.
Propriétaire : µmy-r“ ©ßnwty wr µmy-r“ ≈tmt Hérounéfer.
Filiation : filiation maternelle ms(w).n pour le personnage principal, avec en parallèle
filiation paternelle µr(w).n ; filiations maternelles µr(w).n pour les autres personnages.
Date : XIIIe dyn. ; voir D. Franke, Personendaten, dossier 407, p. 258.
12 – Stèle Caire CG 20742.
H.O. Lange, H. Schäfer, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs II, p. 373-376,
pl. LVI.
Propriétaire : ßnw n pr-̃ Horourrê.
Filiation : alternance de filiations maternelles ms(w).n (sept exemples) et µr(w).n (quatre
exemples) et présence d’une double filiation paternelle et maternelle (Bbµ µr(w).n µmy-r“ w
n ‡nwt Rn-snb ms(w).n Nwb).
Date : XIIIe dyn. ; voir D. Franke, Personendaten, dossier 707, p. 411.
13 – Stèle Dublin UCD 1361.
S. Quirke, « Six Hieroglyphic Inscriptions in University College Dublin », RdE 51, 2000,
p. 231-233, pl. XXXI (haut).
Propriétaire : <µmy-r“ ©>ßnwty (?) Séneb (?).
Filiation : les trois formules de filiation maternelle utilisées sur cette stèle à l’épigraphie
médiocre présentent chacune une forme différente : ms(w), ms(w).n et µr(w).n ; la forme
ms(w) est clairement fautive pour cette époque ; la forme complète ms(w).n apparaît
seulement dans la « signature d’artiste » ajoutée sur la plinthe de la stèle (ßrty-nÚr ¢n≈
ms(w).n Óntn [?]).
Date : 1re moitié de la XIIIe dyn.
14 – Stèle Ermitage 1067.
A.O. Bolshakov, S. Quirke, The Middle Kingdom Stelae in the Hermitage, PIREI 3,
Utrecht, Paris, 1999, n° 19, p. 88-90, pl. 19.
Propriétaire : Ènbty n w Sobekemhat.
Filiation : la filiation maternelle de la fille de Sobekemhat, représentée au centre du
registre, entre ses parents, est exprimée par la formule ms(w).n (nbt-pr Ÿ“wt ms(t).n
Mry(t)) ; les deux lignes formant plinthe sous le registre principal donnent le nom de
plusieurs personnages dont l’un est accompagné d’une double filiation, introduite dans les
deux cas par µr(w).n, indiquant soit son ascendance paternelle et maternelle, soit son
ascendance sur deux générations (père et grand-mère paternelle) : Ìry-pr Sn©©-µb m“©-≈rw
µr(w).n Îr-wr (?) wÌm-©n≈ µr(w).n Óbµ nb(t) µm“≈ ; l’ambiguïté de l’anthroponyme Óbµ,
pourtant pourvu d’un déterminatif féminin, a peut-être influé sur le choix de la formule
µr(w).n et sur la graphie défective nb(t) µm“≈.
Date : XIIIe dyn.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 339

15 – Stèle Ermitage 1078.


A.O. Bolshakov, S. Quirke, The Middle Kingdom Stelae in the Hermitage, n° 17, p. 79-
82, pl. 17.
Propriétaire : µmy-≈t s“-prw Nebsouménou.
Filiation : la filiation maternelle ms(w).n généralisée à l’exception de l’inscription ajoutée
dans un second temps sur la plinthe de la stèle par le « collègue » (≈nms.f) de
Nebsouménou, le wb“ n ©t µwf ·“f µr(w).n Ddt-∫nmw.
Date : XIIIe dyn. ; voir D. Franke, Personendaten, dossiers 303, 771, p. 206, 444.
16 – Stèle Florence 2512.
S. Bosticco, Museo archeologico di Firenze. Le stele egiziane dall’Antico al Nuovo
Regno, Rome, 1959, n° 45, p. 48.
Propriétaire : µry ©t n ©Ì Ibi.
Filiation : trois exemples de filiation maternelle avec µr(w).n et un seul avec ms(w).n,
dans l’inscription horizontale de la plinthe.
Date : 1re moitié-milieu de la XIIIe dyn. ; voir D. Franke, Das Heiligtum des Heqaib auf
Elephantine. Geschichte eines Provinzheiligtums im Mittleren Reich, SAGA 9,
Heidelberg, 1994, p. 69, 77, 109, 111-112 (style d’Éléphantine).
17 – Stèle Stuttgart 10 = Tübingen 479.
B. Pörtner, W. Spiegelberg, Aegyptische Grabsteine und Denksteine aus süddeutschen
Sammlungen, I. Karlsruhe, Mülhausen, Strassburg, Stuttgart, Strasbourg, 1902, n° 10,
p. 7-8, pl. VI.
E. Brunner-Traut, H. Brunner, Die ägyptische Sammlung der Universität Tübingen,
Mayence, 1981 n° 479, p. 82-83, pl. 52.
Propriétaire : wdpw µry-µ©Ì 22 Samenkhet.
Filiation : la filiation maternelle ms(w).n, généralisée, est associée à la filiation paternelle
µr(w).n ; dans l’ascendance du propriétaire de la stèle, le nom de sa grand-mère maternelle
est toutefois introduit par µr(w).n (S“-mn≈t m“©-≈rw µr(w).n Îr-ÎÈt m“©-≈rw ms(w).n nbt-
pr Ónµ m“©t-≈rw µrt.n nbt-pr Óµny m“©t-≈rw).
Date : milieu de la XIIIe dyn. (vers les règnes de Néferhotep Ier et Sobekhotep IV) ; voir
D. Franke, Personendaten, dossiers 244, 525, p. 174, 318.
18 – Stèle Turin cat. 1626.
G. Rosati, dans A.M. Donadoni Roveri (éd.), Civilisation des Égyptiens. Les croyances
religieuses, Musée égyptien de Turin, Milan, Turin, 1988, p. 112, fig. 149.
Propriétaire : µmy-r“ ©≈nwty n k“p Horisnéfrou.
Filiation : alternance aléatoire des filiations maternelles µr(w).n et ms(w).n
(respectivement quatre et trois exemples).
datation : milieu de la XIIIe dyn. ; voir D. Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 77, 95,
110-111 qui rattache cette stèle, d’après son style et le matériau utilisé (granite rose
sombre), à un atelier d’Éléphantine.
19 – Stèle Vienne ÄS 111.
I. Hein, H. Satzinger, Stelen des Mittleren Reiches II, CAA Wien 7, Mayence, 1993,
p. 7.45-7.50.
D. Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 110, pl. 12.
Propriétaire : s‡ n pr-̃ Noubkaourêséneb.

22
Le personnage portant ces titres (« échanson, préposé au croissant ») seraient chargés d’apporter des
offrandes au roi lui-même, ou à son image. La combinaison wdpw µry-µ©Ì n’apparaîtrait que sous le
règne d’Amenemhat III et se répandrait à la XIIIe dynastie : voir S. QUIRKE, Titles and Bureaux of
Egypt, p. 35 et O.D. BERLEV, -1?5;<2577@5 8<78>576B 2 ,369<5 A98=6 .:547538 /0:;<20,
Moscou, 1978, p. 275-278.
340 Lilian Postel

Filiation : un seul exemple de filiation maternelle ms(w).n (pour la fille de


Noubkaourêséneb) contre trois occurrences de filiation µr(w).n, y compris pour le
personnage principal et son épouse.
Date : milieu XIIIe dyn. ; voir D Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 77, 110 (atelier
d’Éléphantine).
20 – Naos Éléphantine, sanctuaire d’Héqaib n° 36.
L. Habachi, The Sanctuary of Heqaib, Elephantine IV, ArchVer 33, Mayence, 1985,
n° 36, p. 61-63, pl. 100-102.
D. Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 241-251.
Propriétaire : wr mƒw ‡m©w Aményiâtou.
Filiation : alternance aléatoire des filiations maternelles µr(w).n et ms(w).n
(respectivement sept et six exemples).
Date : 1re moitié XIIIe dyn. (Khendjer) ; voir D. Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 64,
93, 241.
21 – Stèle Éléphantine, sanctuaire d’Héqaib n° 80 = Assouan 1310.
L. Habachi, The Sanctuary of Heqaib, n° 80, p. 99, pl. 179a.
D. Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 102, 114, pl. 11.
Propriétaire : “Úw ©“ n nµwt Ibiref.
Filiation : alternance aléatoire des filiations maternelles µr(w).n et ms(w).n (trois
exemples de chaque).
Date : milieu XIIIe dyn. (vers le règne de Sobekhotep III) ; voir D. Franke, loc. cit.
22 – Inscription rupestre de la Ire Cataracte Petrie 160.
W.M.F. Petrie, A Season in Egypt 1887, Londres, 1888, n° 160, pl. VII.
J. de Morgan et al., Catalogue des monuments et inscriptions de l’Égypte antique,
Première série : Haute Égypte, I. De la frontière de Nubie à Kom Ombos, Vienne, 1894,
n° 182, p. 25.
Propriétaire : µmy-r“ pr wr Renséneb.
Filiation : la filiation maternelle ms(w).n est réservée au personnage principal, dans le
proscynème, alors que le nom de la mère des personnages secondaires est introduit par
µr(w).n (trois exemples).
Date : 1re moitié de la XIIIe dyn. (Sobekhotep II) ; voir D. Franke, Personendaten, dossier
374, p. 242.
23 – Inscription rupestre de la Ire Cataracte Petrie 270.
W.M.F. Petrie, A Season in Egypt 1887, n° 270, pl. X.
J. de Morgan et al., Catalogue des monuments I, n° 166, p. 38.
Propriétaire : µmy-r“ s‡rw Sobekour.
Filiation : filiations maternelles ms(w).n et µr(w).n en alternance (respectivement trois et
onze occurrences).
Date : XIIIe dyn. ; voir D. Franke, Personendaten, dossier 559, p. 336.

3. Documents de date incertaine (fin de la XIIe ou XIIIe dynastie)


24 – Stèle Berlin ÄMP 7294.
G. Roeder, Ägyptische Inschriften aus den königlichen Museen zu Berlin I, p. 202.
Propriétaires : s“-pr wr Ii (?) et ≈rp-© Montouhotep.
Filiation : les filiations maternelles des deux personnages principaux, issus de la même
mère (la dame Ménet), sont respectivement introduites par µr(w).n et ms(w).n (cette
dernière seule associée au titre nbt-pr).
Date : la date est difficile à préciser en l’absence de photographie de la stèle ; D. Franke,
Altägyptische Verwandschaftsbezeichnungen im Mittleren Reich, p. 112 se contente d’un
prudent « 12./13. Dyn. »
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 341

25 – Chapelle Berlin ÄMP 1624.


G. Roeder, Ägyptische Inschriften aus den königlichen Museen zu Berlin I, p. 151-152.
Propriétaire : Néhyrédi/Saimen.
Filiation : la juxtaposition de filiations maternelles µr(w).n et ms(w).n pour l’ascendance,
en ligne maternelle, du propriétaire de la stèle résulte manifestement d’une confusion
avec la combinaison µr(w).n + père et ms(w).n + mère (NÌy-rdµ S“-Ómn µr(w).n S“t-µp
ms(w).n (sic) Mnt m“©t-≈rw ; la forme de l’anthroponyme S“t-µp est clairement féminine).
Date : le rapprochement de ce document avec la stèle Berlin 7294, de date incertaine, qui
mentionne également une dame Ménet, est fragile ; D. Franke, Personendaten, dossier
513, p. 312, propose la XIIIe dyn., voire plus tard.
26 – Stèle Caire CG 20103.
H.O. Lange, H. Schäfer, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs I, p. 125-127.
Propriétaire : Ìmty n ‡m“ Ânkhou.
Filiation : alternance des deux types de filiations maternelles (trois avec ms(w).n, trois
avec µr(w).n).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn.
27 – Stèle Caire CG 20126.
H.O. Lange, H. Schäfer, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs I, p. 149-150, pl. XI.
Propriétaire : Hori.
Filiation : alternance irrégulière des deux types de filiations maternelles (une avec
ms(w).n – pour le fils du personnage principal –, neuf avec µr(w).n).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn., peut-être plutôt XIIIe dyn. (généralisation du titre nbt-pr et de
la représentation des hommes respirant un fleur de lotus, absence de titre pour les
personnages masculins).
28 – Stèle Caire CG 20237.
H.O. Lange, H. Schäfer, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs I, p. 257-259.
Propriétaire : Inpouâa.
Filiation : filiation maternelle ms(w).n pour les personnages principaux (registre
supérieur, trois occurrences), µr(w).n pour les autres personnages (neuf occurrences, avec
peut-être filiations maternelles et paternelles mêlées).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn.
29 – Stèle Caire CG 20330.
H.O. Lange, H. Schäfer, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs I, p. 342-343.
Propriétaire : ‡msw n rmn tp Ditou.
Filiation : alternance irrégulière des deux types de filiations maternelles (deux avec
ms(w).n, quatre avec µr(w).n ; le genre des anthroponymes n’est pas toujours aisé à
déterminer).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn. (comparer avec D. Franke, Personendaten, dossier 768, p. 443,
XIIIe dyn.).
30 – Stèle Caire CG 20562.
H.O. Lange, H. Schäfer, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs II, p. 196-198,
W.K. Simpson, The Terrace of the Great God, p. 17, pl. 19 (ANOC 10.3).
Propriétaire : µmy-r“ pr wr, wƒb wpt Amény.
Filiation : une occurrence isolée de filiation µrt.n à côté de plusieurs ms(w).n ;
l’anthroponyme T-n-Ì©“w, dépourvu de titre nbt-pr, de déterminatif et d’épithète m“©-≈rw,
reste cependant ambigu et pourrait être masculin plutôt que féminin (trois exemples
féminins contre un seul exemple masculin recensé dans PN I, 353, 10) ; les autres
documents du groupe ANOC 10 présentent exclusivement une filiation maternelle avec
ms(w).n.
342 Lilian Postel

Date : vers le milieu de la XIIIe dyn. selon W. Grajetzki, Two Treasurers of the Late
Middle Kingdom, BAR 1007, Oxford, 2001, p. 13 et 69 (« shortly before Neferhotep I ») ;
voir également D. Franke, Personendaten, dossiers 98, 279, 629, p. 94, 193, 371
(XIIIe dyn., ou fin XIIe-XIIIe dyn. pour le dossier 279).
31 – Stèle Caire CG 20709.
H.O. Lange, H. Schäfer, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs II, p. 335, pl. LIV.
Propriétaire : “Úw n Út ÌÈ“ Iyméret.
Filiation : filiation maternelle ms(w).n pour le personnage principal et filiation maternelle
µr(w).n pour les autres personnages (deux exemples) 23.
Date : fin XIIe-XIIIe dyn., peut-être plutôt XIIIe.
32 – Stèle Florence 2500.
S. Bosticco, Le stele egiziane dall’Antico al Nuovo Regno, n° 30, p. 33-35.
Propriétaire : µmy-r“ ≈tmtyw Senbef.
Filiation : cinq exemples de filiation maternelle avec ms(w).n et un seul avec µr(w).n,
dans la légende du tableau d’offrande.
Date : fin XIIe ou plutôt XIIIe dyn. ; voir W. Grajetzki, Two Treasurers of the Late Middle
Kingdom, p. 10-11, qui, sans écarter la fin de la XIIe dyn. envisage le milieu de la
XIIIe dyn.
33 – Stèle Londres, BM EA 224.
Hieroglyphic Texts from Egyptian Stelae, &c., in the British Museum, III, Londres, 1912,
p. 7, pl. 17.
Propriétaire : ≈tmw Djaafrê/Ouni (?) 24.
Filiation : filiation maternelle ms(w).n généralisée à l’exception de deux exemples avec
µr(w).n, dont l’un dans l’ascendance d’un personnage dont le nom a été ajouté sur la
plinthe de la stèle (≈rp k“t N≈tµ µr(w).n mwt.f [...]).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn.
34 – Stèle Londres, BM EA 905.
Hieroglyphic Texts from Egyptian Stelae, &c., in the British Museum, III, Londres, 1912,
p. 10, pl. 41.
Propriétaire : µmy-r“ ©ßnwty, ≈rp k“t nt ≈nrt Sénéni.
Filiation : filiation maternelle µr(w).n généralisée à l’exception d’un exemple avec
ms(w).n ; un second exemple apparaît dans une ascendance double, mais l’ascendance
paternelle est introduite par ms(w) (sic) et l’ascendance maternelle par µr(w).n (©n≈ n nµwt
...≈r.f ms(w) ≈rp-k“t Óy m“©-≈rw µr(w).n {n} nbt-pr Nbt-kbny m“©t-≈rw).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn. ; voir D. Franke, Personendaten, dossiers 329, 600, p. 219, 357.
35 – Fragment de stèle Londres UC 14694.
H.M. Stewart, Egyptian Stelae, Reliefs and Paintings from the Petrie Collection,
II. Archaic Period to Second Intermediate Period, Warminster, 1979, n° 119, p. 29,
pl. 31.2.
Propriétaire : inconnu.
Filiation : filiation maternelle de deux frères (sn.f) introduite respectivement par ms(w).n
et µr(w).n.
Date : la date est difficile à préciser en raison du caractère fragmentaire du document ;
sans doute fin du Moyen Empire.

23
Il s’agit des deux fils d’une dame Dede(t)noub. L’ambiguïté née de la graphie masculine de ce
dernier anthroponyme est levée par la mention par ailleurs d’une dame Dédetnoub qui est
manifestement l’épouse d’Iyméret (Ìmt.f nbt-pr Ddt-nwb).
24
La lecture ·““.f-R©/Wnµ de l’anthroponyme est incertaine ; comparer avec PN I, 404, 14 et
D. FRANKE, Personendaten, dossier 770, p. 444 (·““-R©, époque d’Amenemhat III).
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 343

36 – Stèle Pittsburgh, Carnegie Museum of Natural History 21538-38.


D. Craig Patch, Reflections of Greatness, Pittsburgh, 1990, n° 18, p. 28-29.
S. Quirke, Titles and Bureaux, p. 134-136 (dessin).
Propriétaire : µmy-r“ ‡n©tyw 25 Kemtou.
Filiation : emploi de la formule de filiation maternelle ms(w).n dans le proscynème qui
descend en colonnes de part et d’autre des registres décorés : Kmtw ms(w).n S“t-⁄nty-ßty-
ky m“©t-≈rw (côté droit ; le parallèle du côté gauche est détruit) ; partout ailleurs, filiation
maternelle de type µr(w).n/µrt.n, y compris pour l’épouse de Kemtou la nbt-pr Ót µrt.n Sp-
n-mwt.
Date : fin XIIe-XIIIe dyn (stèle rectangulaire avec yeux-oudjat affrontés dans le registre
supérieur, généralisation du titre nbt-pr).
37 – Stèle Rio de Janeiro inv. 680/cat. 21.
K.A. Kitchen, Catalogue of the Egyptian Collection in the National Museum, Rio de
Janeiro, Warminster, 1990, n° 21, p. 64-65, pl. 45.
Id., « Non-Egyptians Recorded on Middle-Kingdom Stelae in Rio de Janeiro », dans
S. Quirke (éd.), Middle Kingdom Studies, New Malden, 1991, p. 88 et 90 (fig.).
Propriétaire : ©n≈w ≈rp (?) Kérou.
Filiation : filiation maternelle ms(w).n pour le personnage principal, µr(w).n pour les
autres (six occurrences, mais ambiguïté sur le genre de certains anthroponymes).
Date : probablement fin XIIe-XIIIe dyn. (la date de ce document, auquel Kitchen n’a pas
eu un accès direct, est difficile à préciser en l’absence de photographie ; la présence dans
le cintre, de part et d’autre des yeux-oudjat, du canidé d’Oupouaout et d’Osiris
momiforme est cependant un trait fréquent des stèles de l’époque d’Amenemhat III et
d’Amenemhat IV).
38 – Stèle Vienne ÄS 171.
I. Hein, H. Satzinger, Stelen des Mittleren Reiches I, p. 4.124-4.128.
Propriétaire : “Úw n wr‡ Haânkhef.
Filiation : la filiation maternelle ms(w).n est généralisée à l’exception d’un exemple de
filiation µr(w).n (col. 16 : Kwy µr(w).n ”st ; la lecture du nom de la mère n’est toutefois
pas complètement assurée).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn. selon les éditeurs, avec une préférence pour la XIIIe d’après la
structure du proscynème ; la qualité médiocre du document se retrouve néanmoins pour
plusieurs séries de stèles de la fin de la XIIe dyn. (Sésostris III-Amenemhat III) 26.
39 – Stèle Vienne ÄS 195.
I. Hein, H. Satzinger, Stelen des Mittleren Reiches II, p. 7.128-7.132.
Propriétaire : µmy-r“ pr n wƒ“ n ≈rp-k“t Khentyemhat/Méret 27.
Filiation : filiation maternelle introduite par ms(w).n pour le personnage principal dont le
nom est mis en valeur par le recours à des signes d’un module plus important dans les
trois premières lignes de la stèle ; pour les nombreux autres personnages de l’entourage
familial et professionnel nommés sur le document, on constate un usage presque exclusif

25
Sur ce titre, parfois mal identifié, voir S. QUIRKE, Titles and Bureaux of Egypt, p. 68-69 (« overseer
of exchange-values »).
26
Par exemple Caire CG 20191 et Louvre E 10846 : pour cette dernière, voir D. STEFANOVI", « Stela
Louvre E 10846 », GöttMisz 203, 2004, p. 73-77 (le nom du propriétaire doit être plutôt lu Îkkµ).
27
On considère en général la juxtaposition de ces deux anthroponymes comme un exemple de double
identité et il est répertorié comme tel par P. VERNUS, Le surnom au Moyen Empire, n° 198, p. 45 ; le
document comporte d’autres exemples de double identité, notamment pour les parents de
Khentyemhat. On ne peut toutefois complètement exclure que Khentyemhat soit le nom du directeur
des travaux qu’aurait alors servi un dénommé Méret. On retrouve la même ambiguïté à la ligne 10 :
µmy-r“ pr n wƒ“ n ≈rp-k“t Spdw Ómny.
344 Lilian Postel

de la filiation maternelle µr(w).n (dix exemples) à l’exception d’une seconde occurrence


de ms(w).n (l. 5, ascendance maternelle de la mère de Khentyemhat/Méret).
Date : la date de ce document est problématique et oscille entre fin XIIe-XIIIe dyn.
(P. Vernus, Le surnom au Moyen Empire, n° 198, p. 45 ) et fin XIIIe-XVIIe dyn., voire
début XVIIIe dyn. (I. Hein, H. Satzinger, loc. cit.) ; les éditeurs du document se fondent
notamment, pour proposer une date tardive, sur l’utilisation de la graphie de type II pour
la formule Ìtp-dµ-nswt, qui se répand dans la seconde moitié de la XIIIe dyn. 28 ; pourtant,
l’onomastique tout comme l’alternance des différentes formules de filiation plaident
plutôt en faveur de la fin de la XIIe ou du début de la XIIIe dyn. et semblent en tout cas
exclure le début de la XVIIIe dyn. ; c’est la date fin XIIe-début XIIIe dyn. que nous
retiendrons en définitive.
40 – Inscription rupestre de la Ire Cataracte Petrie 97.
W.M.F. Petrie, A Season in Egypt 1887, n° 97, pl. IV.
J. de Morgan et al., Catalogue des monuments I, n° 110, p. 19.
Propriétaire : µmy-r“ ©Ì“w Néferkhnoum.
Filiation : la filiation maternelle ms(w).n est réservée au personnage principal, dans le
proscynème, alors que le nom de la mère des personnages secondaires est introduit par
µr(w).n (trois exemples).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn.
41 – Inscription rupestre de la Ire Cataracte Petrie 267-268 29.
W.M.F. Petrie, A Season in Egypt 1887, nos 267-268, p. 12, pl. IX.
J. de Morgan et al., Catalogue des monuments I, n° 172, p. 39.
Propriétaire : inscription familiale du µmy-r“ pr wr Amenemhat/Néhysenbi.
Filiation : la filiation maternelle ms(w).n prédomine (trente et une occurrences) ; trois
filiations maternelles sont néanmoins introduites par µr(w).n en fin d’inscription (n° 268,
l. 11-13).
Date : fin de la XIIe ou 1re moitié de la XIIIe dyn. ; voir P. Vernus, Le surnom au Moyen
Empire, p. 8-9, n° 22.
42 – Inscription rupestre de la Ire Cataracte Petrie 269.
W.M.F. Petrie, A Season in Egypt 1887, n° 269, pl. X.
J. de Morgan et al., Catalogue des monuments I, n° 162, p. 38.
Propriétaire : ßrdw n k“p Nenkhemsen et autres.
Filiation : la filiation maternelle ms(w).n est attestée une seule fois alors que prédomine
la filiation avec µr(w).n (cinq exemples).
Date : fin XIIe-XIIIe dyn.
43 – Inscription rupestre de la Ire Cataracte Petrie 286.
W.M.F. Petrie, A Season in Egypt 1887, n° 286, pl. XI.
J. de Morgan et al., Catalogue des monuments I, n° 5, p. 42.
Propriétaire : ßnwty s“ Séchen 30.
Filiation : la filiation maternelle µr(w).n est généralisée (dix occurrences), mais un cas de
filiation maternelle ms(w).n est associé à une filiation paternelle introduite par µr(w).n en

28
P. V ERNUS, « Sur les graphies de la formule “L’offrande que donne le roi” au Moyen Empire et à la
Deuxième Période Intermédiaire », dans S. Quirke (éd.), Middle Kingdom Studies, New Malden,
1991, p. 141-152.
29
Cette inscription est située sur la route d’Assouan à Mahatta, au sud du New Cataract Hotel. Pour sa
localisation exacte, voir R.D. DELIA, « First Cataract Rock Inscriptions : Some Comments, Maps and
a New Group », JARCE 30, 1993, p. 79, carte I.
30
Sur la lecture du titre et du nom du personnage, voir H.G. FISCHER, « The Mark of a Second Hand
on Ancient Egyptian Antiquities », MMJ 9, 1974, p. 26-27 (= Ancient Egypt in the Metropolitan
Museum Journal, Volumes 1-11 (1968-1976), New York, 1977, p. 134-135) et Egyptian Titles of the
Middle Kingdom. A Supplement to Wm. Ward’s Index, 2e éd., New York, 1997, n° 1189a, p. 23.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 345

fin d’inscription ; l’ascendance indiquée pour le personnage principal semble être


paternelle plutôt que maternelle, d’après la nature de l’anthroponyme Amény, assorti d’un
déterminatif masculin (A1), qui suit la formule µr(w).n.
Date : fin XIIe-XIIIe dyn.

Une époque charnière : les règnes d’Amenemhat III et d’Amenemhat IV


Sur les quarante-trois documents (ou groupes de documents) répertoriés ci-dessus,
huit appartiennent de manière sûre à la XIIe dynastie finissante, à partir du règne
d’Amenemhat III. Quinze peuvent être situés dans la première moitié de la
XIIIe dynastie et la date des vingt autres oscille, en l’absence d’indice déterminant,
entre la fin de la XIIe et le milieu de la XIIIe dynastie. La coexistence des deux types
de filiation maternelle s’étend ainsi sur un peu plus d’un siècle et on est donc loin du
phénomène rapide mis en évidence par Cl. Obsomer qui, dans les quinze dernières
années du règne de Sésostris Ier, voit la forme µr(w).n irrémédiablement supplanter
ms(w).n. Si cette évolution, progressive, se prolonge jusque vers le milieu de la
XIIIe dynastie, il est néanmoins possible de cerner de manière plus précise, au vu de
la documentation rassemblée ci-dessus, son point de départ.
La stèle Oxford Ashm. 1922.143 dont le propriétaire serait attesté en l’an 4
d’Amenemhat III constitue le premier témoin précisément daté de la réintroduction
de la filiation maternelle ms(w).n, à côté de la formule µr(w).n. Quelques documents
portant exclusivement la filiation ms(w).n fournissent des éléments de datation
supplémentaires. La stèle de l’µmy-r“ pr wr Méketânkhou, qu’a mis au monde
Satpépyidi, issue des fouilles américaines d’Abydos (Caire JE 91243) 31, serait elle
aussi à situer dans la première moitié du règne d’Amenemhat III si le rapprochement
avec le µmy-r“ pr wr Méketânkhou d’une inscription rupestre de la région de la
Ire Cataracte, gravée en l’an 4 de ce même roi 32, est justifié. Le jalon suivant est
fourni par la stèle de l’µmy-r“ ©Ì©w Sédiou dans le cintre de laquelle est mentionné
l’an 28 d’Amenemhat III (et qui comporte pas moins de vingt exemples de filiations
avec ms(w).n) 33. La statue du µmy-r“ Ìmw-nÚr Amenemhatânkh, datée par la présence
de cartouches du règne d’Amenemhat III (Louvre E 11053), comprend elle aussi une
filiation maternelle avec ms(w).n 34. Enfin, la stèle du ßry-© n µmy-r“ ≈tmt Sénousert
(Louvre C 7), sur laquelle alternent les deux types de filiation, porte les cartouches
d’Amenemhat III et d’Amenemhat IV, la carrière du personnage étant attestée par
ailleurs entre l’an 41 du premier et l’an 1 du second. C’est donc tout au long du règne
d’Amenemhat III que prend forme cette évolution. Néanmoins, sous les règnes de ce
dernier et de son successeur immédiat, l’emploi de µr(w).n reste largement
prédominant. Une rapide enquête sur un ensemble de trente-deux stèles abydéniennes
datées précisément du règne de l’un ou l’autre de ces deux rois par la présence d’un

31
W.K. SIMPSON, Inscribed Material from the Pennsylvania-Yale Expedition at Abydos, PPYEE 6,
New Haven, 1995, p. 36-39, fig. 61, pl. 6B-7.
32
W.M.F. PETRIE, A Season in Egypt, pl. III, n° 81 et W.K. SIMPSON, op. cit., p. 39, fig. 62 (le
cartouche, lu « Mérenrê » par Petrie, doit être amendé en « Nymaâtrê »).
33
Hieroglyphic Texts from Egyptian Stelae, &c., in the British Museum, II, Londres, 1912, p. 9, pl. 30.
34
E. D ELANGE, Musée du Louvre. Catalogue des statues égyptiennes du Moyen Empire, Paris, 1987,
p. 69-71 et D. WILDUNG (éd.), Ägypten 2000 v. Chr. Die Geburt des Individuums, Munich, 2000,
n° 45, p. 117 et 182, avec une photographie de la statue sans les restaurations modernes.
346 Lilian Postel

cartouche ou par l’association directe avec un document pourvu d’un cartouche 35


montre que vingt-neuf d’entre elles font encore un usage exclusif de µr(w).n alors que
seulement deux emploient ms(w).n ou une alternance µr(w).n/ms(w).n. De même, sur
les vingt-six inscriptions rupestres du Sinaï (Sérabit el-Khadim et environs 36)
pourvues d’une formule de filiation, qui s’échelonnent entre l’an 2 d’Amenemhat III
et l’an 9 d’Amenemhat IV, toutes introduisent sans exception le nom de la mère des
personnages nommés par µr(w).n. Il en va de même pour les cinq inscriptions
rupestres du Ouadi Hammamat qui se rattachent aux expéditions de l’an 2 et de l’an
19 d’Amenemhat III 37, pour l’unique inscription de l’an 2 d’Amenemhat III à Ayn
Sokhna 38, ainsi que pour les trois inscriptions du Ouadi el-Houdi, respectivement des
ans 20 et 28 d’Amenemhat III et de l’an 2 d’Amenemhat IV 39.
Par conséquent, la filiation maternelle en µr(w).n constitue toujours, de toute
évidence, la règle commune à la fin de la XIIe dynastie (95,45 % des soixante-six
documents recensés ci-dessus) et les monuments qui généralisent la formule ms(w).n
font figure d’exception : on ne peut guère citer que la stèle de Sédiou, datée de l’an
28 d’Amenemhat III (BM EA 827 ; voir ci-dessus).

Date µr(w).n + mère µr(w).n/ms(w).n + mère


Stèles abydéniennes Amenemhat III 27 (84,4 %) 2 (6,3 %)
(32 doc.) Amenemhat IV 2 (6,3 %) 1 (3,1 %)
Inscriptions du Sinaï Amenemhat III 22 (84,6 %) –
(26 doc.) Amenemhat IV 4 (15,4 %) –
Inscriptions d’Ayn Amenemhat III 1 (100 %) –
Sokhna (1 doc.) Amenemhat IV – –
Inscriptions du Ouadi Amenemhat III 4 (100 %) –
Hammamat (4 doc.) Amenemhat IV – –
Inscriptions du Ouadi Amenemhat III 2 (66,7 %) –
el-Houdi (3 doc.) Amenemhat IV 1 (33,3 %) –
63 (95,45 %) 3 (4,55 %)

35
Liste de trente-cinq documents établie par W.K. Simpson (The Terrace of the Great God at Abydos,
p. 28-29) à laquelle ont été ajoutées les stèles Caire JE 91243 et Londres BM EA 694-695,
respectivement de l’an 4 et de l’an 44 d’Amenemhat III, mais de laquelle ont été retranchés trois
documents ne portant pas de formules de filiation et deux autres qui n’ont pu être vérifiés.
36
Inscriptions 23, 24, 30, 31, 53, 54, 57, 83, 93, 94, 98, 100, 101, 103, 105, 107-109, 112, 113, 115,
119, 122, 123, 142, 409 : A.H. GARDINER, T.E. P EET, J. %ERN$, The Inscriptions of Sinai I-II,
ExcMem 45, 2e éd., Londres, 1952-1955, sub num.
37
Inscriptions CM 17, 43, 48, 108 et G 70 : respectivement J. COUYAT, P. MONTET, Les inscriptions
hiéroglyphiques et hiératiques du Ouâdi Hammâmât, MIFAO 34, Le Caire, 1912 et G. GOYON ,
Nouvelles inscriptions rupestres du Wadi Hammamat, Paris, 1957, sub num.
38
M. ABD EL-RAZIQ, G. CASTEL, P. TALLET, V. GHICA, Les inscriptions d’Ayn Soukhna, MIFAO 122,
Le Caire, 2002, n° 6, p. 44, fig. 15, pl. 55.
39
K.-J. S EYFRIED, Beiträge zu den Expeditionen des Mitleren Reiches in die Ost-Wüste, HÄB 15,
Hildesheim, 1981, nos 19-21, p. 54-61 ; A.I. SADEK, The Amethyst Mining Inscriptions of Wadi el-
Hudi I, 1980, n° 20, p. 41-45 ; II, 1985, pl. IX. La restitution proposée par Ashraf Sadek (op. cit., I,
n° 149, p. 96-97) d’une filiation ms(w).n dans la ligne 15 de l’inscription de Khor Dehmit, datée de
l’an 11 d’Amenemhat III, ne repose sur aucune trace évidente : comparer avec A.E.P. WEIGALL,
A Report on the Antiquities of Lower Nubia (the First Cataract to the Sudan Frontier) and Their
Condition in 1906-7, Oxford, 1907, p. 61, pl. 21 et K.-J. SEYFRIED, op. cit., n° IV, p. 105-106 et 311
(fig.).
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 347

Ce n’est que dans la première moitié de la XIIIe dynastie que la tendance s’inverse.
Pourtant, la filiation maternelle en µr(w).n reste bien attestée à cette époque, et même
au-delà. Les deux stèles thébaines du wÌmw Ibiâouantef (Caire CG 20429-20430)
témoignent ainsi d’un usage encore bien établi de la filiation maternelle avec µr(w).n
en Haute Égypte dans le courant de la XIIIe dynastie 40. Quelques exemples bien
datés de la seconde moitié de la XIIIe dynastie, voire de la XVIIe dynastie, montrent
sans doute possible que ce type de filiation peut apparaître assez tard. L’inscription
rupestre du Ouadi el-Houdi n° 23 (= Assouan 1485), rapportant un décret du roi
Khânéferrê Sobekhotep IV (milieu de la XIIIe dynastie), illustre l’utilisation de la
formule µr(w).n pour les filiations aussi bien maternelles et que paternelles 41. De
manière assez significative, l’inscription voisine, datée de l’an 6 de ce même roi et
manifestement contemporaine du décret, contient en revanche une filiation
maternelle avec ms(w).n 42. Gravée à l’époque du roi Sékhemrê-Ouahkhâou Rêhotep
(fin de la XIIIe ou début de la XVIIe dynastie), la stèle, probablement abydénienne,
du ©n≈ n nµwt Néferhotep (Caire CG 20419) constitue elle aussi un cas d’emploi
tardif de la filiation maternelle µr(w).n 43.
Ces exemples demeurent malgré tout bien peu nombreux à côté de la filiation
ms(w).n qui devient dominante au cours de la première moitié de la XIIIe dynastie et
s’impose presque exclusivement à partir du milieu de cette même dynastie : les
exemples de filiation maternelle avec µr(w).n doivent être considérés comme
résiduels et ne sont plus représentatifs des habitudes de l’époque.

Disparités régionales : la persistance de la filiation maternelle avec µr(w).n dans


le Sud de l’Égypte à la XIIIe dynastie (région de la Première Cataracte, Edfou)
La grande majorité des documents réunis ci-dessus est de provenance abydénienne,
avérée ou vraisemblable. Font exception les inscriptions rupestres de la région de la
Ire Cataracte (doc. 19-20, 38-41) et deux stèles que leurs caractéristiques rattachent au
style d’Éléphantine défini par D. Franke (doc. 16 et 18). S’il est parfois difficile de
déterminer précisément l’aire géographique dont sont issus les auteurs des
inscriptions rupestres, les deux stèles correspondent en revanche à des productions
locales. Toutes deux ont pu être datées de la XIIIe dynastie, voire même d’une
période avancée de cette dynastie.
Ces exemples de l’utilisation de la formule de filiation maternelle avec µr(w).n à la
XIIIe dynastie ne sont pas isolés dans la documentation épigraphique de la région
d’Éléphantine. Une rapide enquête sur les monuments votifs dédiés dans l’enceinte

40
H.O. LANGE, H. SCHÄFER, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs II, p. 25-27, pl. XXX ;
D. FRANKE, Personendaten, dossiers 64, 180, 259, p. 75, 140, 181.
41
PM VII, 319 ; K.-J. SEYFRIED , Beiträge zu den Expeditionen des Mittleren Reiches, n° 23, p. 63-70,
302-305, fig. 19-24 ; A.I. SADEK, The Amethyst Mining Inscriptions of Wadi el-Hudi I, n° 23, p. 48-
50, II, pl. XI.
42
PM VII, 319 ; K.-J. S EYFRIED, op. cit., p. 64, 70-71, 306, fig. 25 ; A.I. SADEK, op. cit., I, n° 24,
p. 51 ; II, pl. XII. L’inscription n° 155 (A.I. SADEK, op. cit., II, p. 5-7), elle aussi datée de l’an 6 de ce
roi, montre peut-être un usage concomitant des deux types de filiation maternelle mais la copie de ce
texte, qui mêle signes hiéroglyphiques et hiératiques, demande à être vérifiée : la lecture exacte et le
genre de l’anthroponyme qui suit la formule µr(w).n semblent en particulier incertains.
43
PM VIII/3, 803-028-145 ; H.O. LANGE, H. SCHÄFER, op. cit., p. 16 ; D. FRANKE, op. cit., dossier
313, p. 211.
348 Lilian Postel

du sanctuaire d’Héqaib entre la fin de la XIIe et la XVIIe dynastie révèle une


persistance certaine de cette formule. Sur les trente-neuf monuments au nom de
particuliers dont l’ascendance maternelle est précisée 44, dix-huit présentent une
filiation maternelle avec µr(w).n (Habachi nos 28, 31, 32, 34, 35, 37, 38, 64, 65, 69,
70, 72, 81, 85, 86, 89, 93, 94) contre dix-neuf avec ms(w).n (Habachi nos 16, 43-47,
50, 51, 54, 57, 63, 66, 82-84, 87, 91, 92, 107) ; sur deux documents, les deux types se
côtoient (Habachi nos 36, 80 = supra doc. 20-21). Leur date couvre l’ensemble de la
XIIIe et de la XVIIe dynastie et si le recours à ms(w).n croît avec le temps, suivant
ainsi la tendance générale établie ci-dessus pour les stèles abydéniennes, la formule
µr(w).n reste néanmoins employée avec le nom de la mère dans de fortes proportions
jusqu’à la XVIIe dynastie (voir tableau ci-dessous).

µr(w).n + mère ms(w).n + mère µr(w).n/ms(w).n + mère


Fin XIIe – début XIIIe 8 (66,7 %) 3 (25 %) 1 (8,3 %)
dyn. (12 doc.)
1re moitié XIIIe dyn. 4 (40 %) 6 (60 %) –
(10 doc.)
Milieu XIIIe dyn. 3 (27,3 %) 7 (63,6 %) 1 (9,1 %)
(11 doc.)
2e moitié XIIIe dyn. 1 (25 %) 3 (75 %) –
(4 doc.)
XVIIe dyn. 2 (100 %) – –
(2 doc.)
Total (39 doc.) 17 (43,6 %) 19 (48,7 %) 2 (5,1 %)

En dehors de cet ensemble, d’autres documents provenant de l’île d’Éléphantine


viennent s’ajouter aux stèles 16 et 18 de notre catalogue et confirment cette tendance
dans la production des ateliers locaux à la fin du Moyen Empire. À titre d’exemples,
pour s’en tenir à quelques monuments inédits ou publiés récemment, on retrouve la
filiation maternelle avec µr(w).n sur la « stèle-pilier » inv. K8247 (face C, l. 10 et
sans doute face A, l. 10 ; DAIK, campagne 1995-1996) de Nebânkh, qu’a fait
Hépouy, personnage connu par ailleurs et ayant vécu sous
er e 45
Néferhotep I /Sobekhotep IV (milieu de la XIII dynastie) , sur la stèle de
Sainhéret/Ânkhou, Ermitage 1065 46, de même qu’à plusieurs reprises sur la stèle de
Sobekemché, Cambridge E 199.1899 47, ou encore sur celle, inédite, de Dédoutjéni,
Louvre AF 10011 48. Parallèlement, la filiation maternelle avec ms(w).n se répand et
est bien représentée, au moins dès le milieu de la XIIIe dynastie. En témoignent les
monuments publiés avec la « stèle-pilier » K8247, datés du milieu et de la seconde

44
Liste établie d’après la publication de L. HABACHI, The Sanctuary of Heqaib, et le classement
chronologique proposé par D. FRANKE, Das Heiligtum des Heqaib, p. 99-104, à l’exclusion des
monuments royaux et des monuments privés ne comportant aucune formule de filiation.
45
D. FRANKE, « Drei neue Stelen des Mittleren Reiches von Elephantine », MDAIK 57, 2001, p. 16-
17, fig. 1, p. 20-21, fig. 2, pl. 4-5.
46
Ibid., p. 32-33, pl. 8. A.O. BOLSHAKOV, S. QUIRKE, The Middle Kingdom Stelae in the Hermitage,
p. 24-27, pl. 3.
47
G.T. MARTIN, Stelae from Egypt and Nubia in the Fitzwilliam Museum, Cambridge, c. 3000 BC-AD
1150, Cambridge, 2005, n° 25, p. 40-42.
48
Stèle rectangulaire avec corniche à gorge, en grès, H. 46,5 cm : Éléphantine, fouilles Clermont-
Ganneau et Clédat, 1908 ; deux exemples de filiation maternelle avec µr(w).n. Mention dans
D. FRANKE, MDAIK 57, 2001, p. 15, n. 1.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 349

moitié de la XIIIe dynastie 49, ainsi que la stèle du smsw h“yt Néferhotep, retrouvée
dans le village de Siou, où la filiation maternelle avec ms(w).n est précédée d’une
filiation paternelle avec µr(w).n (XIIIe dynastie) 50.
La même tendance pourrait également s’être maintenue assez tard à Edfou, centre
régional distant d’Éléphantine d’environ cent kilomètres. On constate en effet une
utilisation de µr(w).n pour la formule de filiation maternelle sur les monuments du
µmy-r“ ‡nÚ ßry-Ìbt Nébit, personnage daté du milieu de la XIIIe dynastie, après le
règne de Khânéferrê Sobekhotep IV (statue Louvre E 14330 51, table d’offrandes
Louvre E 14410 52), concurremment à celle de ms(w).n, associée à une filiation
paternelle avec µr(w).n, sur des monuments contemporains (par exemple ceux de la
famille de Horâa, datés du règne de Sobekhotep IV 53). Il est bien sûr difficile de
fonder des conclusions sur un échantillon documentaire aussi restreint, d’autant plus
que la célèbre statue de Nebit présente de fortes similitudes avec la statuaire de la
XIIIe dynastie retrouvée dans le sanctuaire d’Héqaib et pourrait être une production
des ateliers d’Éléphantine. Cela montre néanmoins l’intérêt qu’offrirait une analyse
plus poussée des différentes traditions locales concernant l’emploi des formules de
filiation à la fin du Moyen Empire – analyse qui sort du cadre de la présente étude.

Disparités sociales et disparités documentaires


À côté des disparités régionales que laisse entrevoir la documentation, il existe
d’autres disparités affectant la formule de la filiation maternelle, davantage liées au
contexte social et au type de texte dans lesquels elle est employée.

1. Les « nomarques » de Moyenne Égypte à la XIIe dynastie


Dans la première moitié de la XIIe dynastie, les indications généalogiques en vigueur
chez les gouverneurs provinciaux de Moyenne Égypte – à Meir, El-Bercha et Béni
Hassan notamment – échappent en partie à l’évolution qui s’est dessinée à partir de
la documentation avant tout abydénienne. La filiation patrilinéaire reste
prépondérante chez ces personnages dont la charge se transmettait la plupart du
temps de père en fils. Le nom de la mère n’est spécifié que de manière secondaire et
les pratiques diffèrent d’une province à l’autre, souvent sans strictement suivre la
tendance générale observée pour le reste de l’Égypte. Le phénomène se poursuit
jusqu’au milieu et à la seconde moitié de la XIIe dynastie (Sésostris III-
Amenemhat III), époque à partir de laquelle la documentation afférante à ces
« nomarques » se raréfie puis disparaît.
À Meir, jusqu’au milieu de la XIIe dynastie, on utilise une formule de type ancien,
remontant à la fin de l’Ancien Empire, où le nom du père est associé à celui du fils :

49
D. FRANKE, MDAIK 57, 2001, p. 22-32, pl. 6-8.
50
H.R. JENKINS, « The Stela of Neferhotep from the Sanctuary of Heqaib on Elephantine Island »,
JEA 82, 1996, p. 199-202, fig. 1, pl. XX.3.
51
M. ALLIOT, Tell Edfou 1933, FIFAO 10, Le Caire, 1935, p. 28, pl. XI et E. DELANGE, Catalogue
des statues égyptiennes du Moyen Empire, p. 72-75. Sur la date du personnage, voir D. FRANKE,
Personendaten, dossier 290, p. 199.
52
M. A LLIOT, Tell Edfou 1933, p. 29, pl. XII.1 et W. SEIPEL, Gott, Mensch, Pharao. Viertausend
Jahre Menschenbild in der Skulptur des alten Ägypten, Vienne, 1992, p. 204-205.
53
M. A LLIOT, Tell Edfou 1933, p. 30-38, pl. XV-XVIII.
350 Lilian Postel

« le fils de B, A » (B s“ A). Elle est complétée de temps à autre par le nom de la mère
introduit par ms(w).n, exceptionnellement par µr(w).n. C’est le cas pour Oukhhotep,
fils d’Oukhhotep, sous le règne d’Amenemhat II (tombe B4, cartouches du roi sur
l’encadrement de la niche de culte) : le nom de sa mère, Mersi, est précédé
alternativement de ms(w).n et µr(w).n 54. Pour Oukhhotep, fils d’Oukhhotep, qu’a mis
au monde Hényhéryib (tombe C1, époque de Sésostris III 55), c’est la construction
avec ms(w).n qui prévaut, de même que dans la tombe un peu plus ancienne de
Senbi, fils d’Oukhhotep (B3, époque de Sésostris Ier et Amenemhat II 56). Les
groupes statuaires d’Oukhhotep, fils d’Oukhhotep, conservés à Boston (MFA
1973.87) et au Caire (CG 459), illustrent également un usage exclusif de la filiation
maternelle ms(w).n à l’époque de Sésostris III 57.
À El-Bercha, si pour un certain nombre de personnages inhumés dans la nécropole
« nomarcale » de la XVe province de Haute Égypte la formule de filiation maternelle
semble suivre la mode du temps 58, en revanche, dans la tombe du gouverneur
Djéhoutyhotep II, fils de Kay et de la dame Satkhéperka, sous les règnes de
Sésostris II et Sésostris III, on rencontre alternativement les filiations maternelles
avec ms(w).n et µr(w).n, accolées ou non à une filiation paternelle de type B s“ A
(tombe n° 2 59). Il en va de même pour les personnages secondaires représentés ou
mentionnés dans cette même tombe 60.
À Béni Hassan, la tombe d’Amenemhat (tombe n° 2), montre, à travers deux
exemples isolés parmi les nombreuses mentions du défunt et de son entourage, une
persistance de la formule de filiation maternelle avec ms(w).n à la fin du règne de
Sésostris Ier et sous Amenemhat II 61. Dans la tombe de Khnoumhotep II, appartenant
à la génération suivante (tombe n° 3, époque d’Amenemhat II et Sésostris II), la
formule de filiation maternelle est attestée par de nombreux exemples, aussi bien
pour Khnoumhotep que pour les personnages secondaires, avec une nette
prédominance de µr(w.)n (seize exemples contre un seul avec ms(w).n) 62. La tombe
contemporaine de Nétjérinakht (tombe n° 23) ne comporte que des filiations
maternelles avec µr(w).n 63. On observe ainsi un décalage dans l’évolution de la
formule de filiation, avec une adoption plus tardive qu’ailleurs de µr(w).n à la place
de ms(w).n. La fin de la XIIe dynastie n’est malheureusement pas documentée à Béni
Hassan.

54
A.M. BLACKMAN, The Rock Tombs of Meir III, ASE 24, Londres, 1915, pl. XII, XV, XIX.
55
A.M. BLACKMAN, The Rock Tombs of Meir VI, ASE 29, Londres, 1953, pl. XI, XIII, XV-XVIII. Sur
la date, voir D. FRANKE, Personendaten, dossier 216, p. 158 (Sésostris II-Sésostris III), et N. FAVRY,
Le nomarque sous le règne de Sésostris Ier, IEA 1, Paris, 2004, p. 307-308 (Sésostris III ?).
56
A.M. BLACKMAN, The Rock Tombs of Meir VI, pl. VI-VIII ; N. FAVRY, loc. cit.
57
S. D’AURIA, P. LACOVARA, C. ROEHRIG, Mummies and Magic. The Funerary Arts of Ancient
Egypt, Boston, 1988, n° 48, p. 121-122 (MFA 1973.87) et L. BORCHARDT, Statuen und Statuetten von
Königen und Privatleuten II, CGC, Berlin, 1925, p. 51-52 (CG 459).
58
Ainsi P.E. NEWBERRY, El Bersheh II, ASE 4, Londres, 1895, p. 27-30, pl. XI (tombes nos 3, 4 et 6).
59
P.E. NEWBERRY, El Bersheh I, ASE 3, Londres, 1894, pl. VI, VIII, XII, XVI, XIX (ms(w).n) et VI,
IX, XI (µr(w).n). Pour la datation du personnage, voir N. FAVRY, Le nomarque, p. 56.
60
P.E. NEWBERRY, El Bersheh I, pl. XXIV, XXVII, XXIX (trois et quatre exemples respectivement
avec ms(w).n et µr(w).n).
61
P.E. NEWBERRY, Beni Hasan I, ASE 1, Londres, 1893, pl. VII et XVII. Les indications de filiation
sont rares dans cette tombe.
62
Ibid., pl. XXIV, XXX, XXXIII-XXXV (µr(w).n) et XXIV (ms(w).n).
63
P.E. N EWBERRY, Beni Hasan II, ASE 2, Londres, 1894, p. 27-28.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 351

Ailleurs, les usages paraissent plus classiques, en particulier à Qaou el-Kébir où la


filiation maternelle avec µr(w).n est la seule attestée au milieu et dans la seconde
moitié de la XIIe dynastie.

2. Les textes administratifs


Les inscriptions des tombes des gouverneurs provinciaux de Moyenne Égypte ne
constituent pas les seuls cas où la filiation patrilinéaire de type B s“ A subsiste à la
XIIe dynastie. Elle est encore fréquente dans les textes hiératiques documentaires –
administratifs ou épistolaires –, aussi bien au début (par exemple les papyrus
d’Héqanakht, maintenant datés du début du règne de Sésostris Ier 64) qu’à la fin de la
dynastie. Pour la fin de la XIIe dynastie et le règne d’Amenemhat III, le pBrookyln
35.1446, avec ses listes de noms 65, et les lettres des archives d’Illahoun 66 fournissent
plusieurs exemples.
Le recours à cette indication de filiation s’inscrit dans un contexte social assez
modeste, voire très modeste pour les listes de travailleurs et de serviteurs de
pBrooklyn 35.1446. Le statut social n’est cependant pas le seul facteur à l’origine de
cette préférence pour une mention de l’ascendance paternelle et non maternelle : la
nature de ces textes administratifs et le registre même de langue ont sans doute joué
un rôle déterminant.
Ainsi, dans les inscriptions rupestres laissées par les membres des expéditions
envoyées dans le désert oriental au cours de la XIIe dynastie, on rencontre
sporadiquement des filiations paternelles de type B s“ A, associées ou non à une
filiation maternelle. Les inscriptions G 66 (époque de Sésostris Ier) et G 69 (époque
de Sésostris III, avec filiation maternelle introduite par µr(w).n) du Ouadi Hammamat
en témoignent 67. Le rang et le statut social des personnages mentionnés dans ces
inscriptions ne sont pas particulièrement modestes puisqu’il s’agit de fonctionnaires
fréquemment issus de l’administration royale. Il faut sans doute reconnaître dans
l’emploi de la filiation paternelle B s“ A dans ce contexte la trace d’usages liés à la
« culture documentaire » de type administratif, familière à ces fonctionnaires,
parallèlement aux bulletins officiels gravés au nom du roi commanditaire de
l’expédition et des responsables l’ayant menée à bien qui se rattachent à une
épigraphie « officielle ».

Conclusion
Au terme de cette étude, après avoir esquissé quelques réflexions sur les
changements intervenus dans la forme des mentions de filiation au cours du Moyen
Empire, il apparaît que la substitution de la forme relative ms(w).n à µr(w).n pour

64
J.P. A LLEN, The Heqanakht Papyri, PMMAEE 27, New York, 2002, passim.
65
W.C. HAYES, A Papyrus of the Late Middle Kingdom in the Brooklyn Museum (Papyrus Brooklyn
35.1446), Brooklyn, 1955, p. 20-22, pl. I-VII.
66
Par exemple M. COLLIER, S. QUIRKE, The UCL Lahun Papyri : The Letters, BAR 1083, Oxford,
2002, p. 104-109 (lettre UC 32201). Les indications de filiation, paternelles uniquement, restent
cependant assez rares dans ce lot de documents de la fin de la XIIe dynastie.
67
G. GOYON, Nouvelles inscriptions rupestres du Wadi Hammamat, p. 89 et 90-91.
352 Lilian Postel

exprimer l’ascendance maternelle s’est opérée à la fin de la XIIe dynastie de façon


très progressive et s’est étendue sur plusieurs générations.
Les premiers exemples d’un retour à la forme ms(w).n sont datés du début du règne
d’Amenemhat III (Oxford Ashm. 1922.43, Caire JE 91243). Les témoignages de
cette évolution, encore peu nombreux, se succèdent ensuite tout au long du règne de
ce roi et de celui de son successeur, Amenemhat IV. En cette fin de la XIIe dynastie,
la documentation montre pourtant une large prédominance de la forme µr(w).n. Le
nombre de filiations maternelles avec ms(w).n croît de manière significative dans la
première moitié de la XIIIe dynastie mais l’usage de µr(w).n reste bien attesté dans un
contexte maternel. Ce n’est que vers le milieu et surtout dans la seconde moitié de la
dynastie que la tendance s’inverse nettement et que la filiation maternelle avec
ms(w).n s’impose largement, si ce n’est exclusivement. Il s’agit là d’un schéma
général, découlant pour une grande part d’une analyse de la documentation
abydénienne, et la filiation maternelle avec µr(w).n semble être restée en usage plus
longtemps qu’ailleurs dans certaines régions, en particulier à Éléphantine et dans le
sud de la Haute Égypte – même si notre connaissance des traditions épigraphiques
locales, moins marquées qu’auparavant selon l’opinion commune, demeure très
lacunaire pour la fin du Moyen Empire.
Le recours à la filiation maternelle comme critère de datation pour un monument
épigraphié de la fin du Moyen Empire doit donc tenir compte de plusieurs
paramètres : provenance géographique, nature du support, contexte social. Comme la
grande majorité les critères de datation, il ne saurait être pertinent à lui seul. Il est en
tout état de cause moins précis, et de ce fait moins pertinent, que le phénomène
observé au début de la XIIe dynastie, avec passage de ms(w).n à µr(w).n dans un laps
de temps réduit, circonscrit à la fin du règne de Sésostris Ier et au tout début de celui
d’Amenemhat II. Le long processus qui caractérise le retour à des filiations
maternelles avec ms(w).n confirme, s’il en était besoin, qu’il n’y a pas eu de rupture
culturelle et sociale majeure entre la fin de la XIIe et la XIIIe dynastie. Au contraire,
la réapparition de ce type de filiation au début du règne d’Amenemhat III souligne la
césure intervenue plus tôt, vers le règne de Sésostris III.
Il ressort de ces conclusions les indices chronologiques suivants :

– La présence d’une filiation avec ms(w).n peut servir à caractériser un


monument – une stèle abydénienne en particulier – de l’époque
d’Amenemhat III, ou de ses successeurs immédiats, parfois difficile à
distinguer, d’un seul point de vue stylistique ou typologique, d’un document
remontant au règne de Sésostris III.
– L’alternance des deux types de filiations maternelles dans une même
inscription renforce la probabilité que celle-ci appartienne à la fin de la XIIe ou
aux premières générations de la XIIIe dynastie, plutôt qu’à une date plus
avancée de la XIIIe dynastie (avec les réserves mentionnées plus haut pour la
documentation d’Éléphantine).
– Enfin, la généralisation de la filiation ms(w).n, qui plus est si elle est associée
à une filiation paternelle avec µr(w).n, tendrait à appuyer l’attribution d’un
document à la XIIIe dynastie, plutôt qu’à la fin de la XIIe.
Quand réapparaît la forme ms(w).n ? 353

Au-delà de ces observations, il est bien difficile d’expliquer les raisons de ces
changements, tant pour le début que pour la fin de la XIIe dynastie. Pour l’évolution
qui fait l’objet de cette étude, on a pu avancer la nécessité de lever l’ambiguïté entre
filiation maternelle et filiation paternelle 68. On rencontre effectivement quelques cas
où les ascendances maternelle et paternelle sont exprimées par µr(w).n, mais ces
exemples isolés sont plus tardifs que la fin de la XIIe dynastie et ne marquent donc
pas une période de transition (ainsi stèle Vienne ÄS 160, XIIIe dynastie 69). Cet
argument ne convainc guère d’autre part car la filiation paternelle est en fait rarement
indiquée avec µr(w).n avant la XIIIe dynastie. La double filiation semble être par
ailleurs plus fréquente chez les élites – comme l’illustraient déjà à la XIIe dynastie les
filiations des gouverneurs provinciaux de Moyenne Égypte 70 – tandis que les
filiations paternelles isolées sont, d’une manière générale, peu courantes.
L’ambiguïté invoquée a probablement davantage perturbé les égyptologues que les
Égyptiens eux-mêmes !
Les nuances lexicales ont dû néanmoins jouer un rôle dans le choix de l’un ou de
l’autre terme. La société égyptienne est fondamentalement patriarcale tout en restant
teintée de matriarcat. D’un point de vue juridique, l’héritage se transmet par la voie
patrilinéaire, mais la référence à l’ascendance maternelle intervient dans plusieurs
domaines, en particulier dans un contexte religieux. C’est à cette dimension
religieuse que l’on doit peut-être le développement des filiations maternelles à partir
de la Première Période Intermédiaire, au détriment des filiations paternelles. La stèle,
qui constitue le support privilégié de la formule de filiation, s’inscrit en effet dans un
contexte funéraire – les stèles votives anticipant elle-même sur la survie post-mortem
du dédicant. L’usage d’une filiation maternelle, plutôt que paternelle, résulterait
d’une volonté de pérenniser par le texte l’enfantement du défunt et viserait donc,
dans une perspective funéraire, à assurer sa renaissance perpétuelle. On comprend
dès lors que le verbe msµ, « mettre au monde, enfanter », soit apparu sémantiquement
plus significatif que le terme µrµ, nettement moins marqué. De même, le caractère
profane des documents administratifs et épistolaires justifierait le maintien de
l’ancienne filiation paternelle B s“ A jusqu’à la fin de la XIIe dynastie dans ce type de
textes.
Cette primauté réaffirmée du lien maternel se manifeste à plusieurs reprises dans la
documentation rassemblée ci-dessus. On constate en effet une nette préséance de
ms(w).n lorsque les deux types de filiations maternelles se côtoient. Les formules
avec ms(w).n prédominent par leur nombre mais aussi par leur emplacement : elles
sont souvent appliquées de préférence au personnage principal et en priorité dans le
proscynème ; le nom de la mère est régulièrement précédé du titre nbt-pr ; les
mentions secondaires du défunt se distinguent alors parfois par une filiation
maternelle avec µr(w).n de même que celles les membres de l’entourage familial ou
socioprofessionnel de celui-ci ; l’usage du titre nbt-pr est dans ce cas moins

68
Comme en témoignerait par exemple l’inscription rupestre Petrie 286 = doc. 43.
69
I. H EIN, H. SATZINGER, Stelen des Mittleren Reiches II, p. 7.79-7.86.
70
L’exemple le plus évocateur est celui des rois Sobekhotep III et Néferhotep Ier qui font à plusieurs
reprises suivre leur nom de ceux de leurs parents (voir L. POSTEL, Protocole des souverains égyptiens
et dogme monarchique au début du Moyen Empire, MRE 10, Turnhout, 2004, p. 102-103) mais on
rencontre ces doubles filiations pour des personnages de condition beaucoup plus modeste.
354 Lilian Postel

régulier 71. De même, lorsqu’à la fin du Moyen Empire l’ascendance d’un personnage
remonte sur deux générations dans une même séquence, la première indication de
filiation introduit le plus souvent le nom de la mère par ms(w).n suivi du titre nbt-pr
tandis que la seconde fait précéder le nom de la grand-mère maternelle d’un simple
µr(w).n et peut se dispenser du titre nbt-pr (par exemple Vienne ÄS 105 ou Tübingen
479, doc. 8 et 17).
La réintroduction de la filiation paternelle, avec un sensible décalage par rapport au
retour en faveur de ms(w).n, aurait été motivée par le souci de perpétuer également le
lien social dans les inscriptions funéraires d’un plus large échantillon de la
population. On aurait ainsi ressenti la nécessité d’exprimer le titre et le nom du père
dans la séquence généalogique, le verbe µrµ, plus neutre, se spécialisant dans cet
usage alors que ms(w).n, gage de renaissance post mortem, retrouvait son emploi
originel.
Il s’agit là d’une simple hypothèse, mais elle permet de replacer l’évolution des
formules de filiation dans un contexte social et culturel. Par sa proximité
chronologique, cette transformation se rattache indéniablement aux changements qui
affectent la société égyptienne à partir du règne de Sésostris III. Elle traduirait une
modification du lien social au sein d’une large classe moyenne, issue de la petite et
moyenne administration, désireuse d’ancrer sa survie dans le tissu familial et
professionnel qui a constitué le cadre de son épanouissement.

71
Par exemple Budapest 51.2144 = doc. 4, Leyde V 103 = doc. 6, CG 20159 = doc. 9, CG 20460
= doc. 10, inscr. Petrie 160 = doc. 22 CG 20237 = doc. 28, CG 20709 = doc. 31, Pittsburgh 21538-38
= doc. 36, Rio 680 = doc. 37, Vienne ÄS 195 = doc. 39, inscr. Petrie 97 = doc. 40. Il existe néanmoins
des contre-exemples : par exemple Louvre C7 = doc. 1.

Vous aimerez peut-être aussi