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La collection « opérations »
Elle regroupe les synthèses thématiques liées à un théâtre d’opération ou à une
fonction opérationnelle, ainsi que les recueils d’enseignement tactiques au format
poche.
La collection « exercices »
Elle publie les rapports d’analyse après action (3A) des exercices de niveau corps
à brigade.
La collection « recherche »
Elle publie des travaux à caractère historique ou exploratoire qui visent à éclairer
une problématique particulière de l’emploi des forces. Ils suivent le plus souvent une
méthodologie de recherche universitaire. Confiés à des officiers de réserve ou des
stagiaires, ils ne constituent pas un document officiel.
La collection « rapports »
Elle publie des études notamment celles menées à partir de témoignages de chefs
en opérations suivant la technique de l’interview d’autorité.
Illustration de couverture :
Combattants d’Al Shabaab pendant un entraînement dans la périphérie de Mogadiscio,
4 novembre 2008.
(Crédit : www.biyokulule.com)
À l’heure où les attaques terroristes se font de plus en plus nombreuses et de plus en plus
menaçantes, il importe de comprendre le mode de fonctionnement de leurs instigateurs afin de
mieux les mettre hors d’état de nuire.
Certes, la Somalie évoque en nous la piraterie, menace prégnante pour la sécurité de toute la
zone et le commerce international. Mais cette terre de conflits pose également la question des
actions des groupes terroristes. Ceux-ci ne s’en tiennent plus aux simples menaces : à l’intérieur
des frontières somaliennes, ils profitent de l’absence d’une structure étatique forte pour encadrer
et endoctriner la population. Et ils deviennent de plus en plus puissants comme l’a malheureu-
sement montré le double attentat meurtrier du 11 juillet 2010 à Kampala en Ouganda, revendiqué
par Al Shabaab. Cette première attaque à l’extérieur du territoire somalien semble illustrer la
volonté de ces groupes de mener un jihad au niveau mondial.
Ce Cahier de la Recherche étudie les causes internes et externes qui ont conduit à la naissance
de mouvements extrémistes et présente deux des principaux groupes terroristes présents en
Somalie. Sur un territoire propice aux revendications, dans une aire géographique traversée par
des flux logistiques et énergétiques d’importance mondiale, la stabilisation de la Somalie et de
sa région devient un enjeu crucial.
ENsEiGNEMENTs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
iNTRoDUCTioN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
CoNCLUsioN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
REPÈREs CHRoNoLoGiQUEs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
BiBLioGRAPHiE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
Régions en Somalie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Répartition de Mogadiscio par les seigneurs de la guerre avant l’arrivée de l’UTI en 2001 . . . . . . . . 44
Situation politique au 30 août 2009, zones d’influences des groupes Al Shabaab et Hizbul Islam . . . 67
enseignement n° 1
Dans la prise en compte de la dimension clanique d’un État, il faut garder à l’esprit qu’en favorisant
un clan par rapport aux autres, on prend le risque de renforcer les alliances inter-claniques. Les
clans ainsi fédérés se retournent contre les forces armées.
enseignement n° 2
L’action menée par les forces internationales contre la piraterie en Somalie est efficace mais ne
peut conduire à la disparition de ces actes criminels sans efforts préalables de stabilisation interne.
enseignement n° 3
Le commandement des opérations de forces multinationales doit être totalement unifié afin d’éviter
les quiproquos et les dispersements.
enseignement n° 4
Les spécificités géographiques telles que le désert ou les steppes épineuses ne protègent pas
d’embuscades régulières.
enseignement n° 5
Dans les anciens territoires coloniaux, tout étranger est perçu comme un colonisateur. Les popula-
tions sont donc naturellement réticentes et coopèrent difficilement.
enseignement n° 6
Le partage du renseignement entre troupes étrangères coalisées ou alliées est crucial pour le bon
déroulement des missions.
enseignement n° 7
L’opinion publique locale doit être prise en considération par les forces armées ou diplomatiques
étrangères lorsque des tentatives de constructions étatiques sont entreprises.
enseignement n° 8
Les forces armées étrangères ne peuvent s’appuyer sur un État lorsque celui-ci n’a aucune emprise
sur le territoire, car il ne peut alors assurer ses fonctions régaliennes.
enseignement n° 9
Les troupes françaises présentes à Djibouti occupent une position stratégique primordiale qui leur
permet d’intervenir rapidement sur n’importe quel théâtre africain (notamment en Afrique de l’Est)
ou de l’Océan Indien.
enseignement n° 10
Les divisions au sein d’un groupe islamiste peuvent permettre de se rapprocher des moins radicaux
et aider au morcellement du groupe.
enseignement n° 11
L’infiltration des groupes terroristes est quasi-impossible du fait de leur extrême méfiance.
« En fin de mission, nous conclûmes qu’ils en viendraient donc forcément à vivre de l’assistanat interna-
tional et à se déchirer entre eux pour avoir la meilleure part. Le thème dévastateur de la Grande Somalie,
[…] les amènerait à gaspiller les aides reçues en armement et à guerroyer contre leurs voisins jusqu’à
l’épuisement ».
Roger Joint-Daguenet, Histoire des Somalis, les Gaulois de la Corne de l’Afrique, Paris, L’Harmattan,
1994.
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Jubbada
Hoose
Chisimayu
(Kismaayo)
Kaambooni
● spécificités géographiques
Le climat somalien est aride à l’ouest avec des températures qui oscillent entre 25° C et 47° C et tropical
à l’est (18° C-35° C). Le pays est traversé par deux saisons des pluies, de mai à juillet ainsi que d’octobre
à novembre. La Somalie ne possède pas de ressources particulières, mais sa façade maritime constitue
un atout stratégique majeur avec 3 025 kilomètres de côtes dont un millier sur le golfe d’Aden.
● la population
la population somalienne à cause du nomadisme mais aussi à cause du nombre croissant de réfugiés.
4 Estimation CIA.
L’ethnie somalie partage la même langue et est divisée en deux tribus : les Samal, pasteurs nomades
constituant la tribu majoritaire et les Saab, des agriculteurs sédentaires.
Les tribus sont divisées en clans, eux-mêmes subdivisés en sous-clans 5. La dimension clanique de la popula-
tion somalienne est extrêmement importante car elle explique pour partie la division de la population. La
multitude de clans et sous-clans empêche en effet l’unité de la population et gangrène peu à peu le pays.
● époque précoloniale
La Somalie est une région habituée à une présence étrangère sur son territoire. Du II e au VII e siècle, le
royaume éthiopien d’Axoum annexe une grande partie de la région. Dès le III e siècle, les Égyptiens
viennent chercher de la myrrhe et de l’encens en Somalie ; ils nomment l’encens Punt et qualifient les
Somaliens de Berbères noirs. Les Grecs y établissent des comptoirs à la même époque. Au VIIe siècle,
des colonies d’Arabes du Sud, les Sabéens, s’installent sur les côtes et fondent le sultanat d’Adal, après
avoir repoussé les Éthiopiens. Tout en se convertissant à l’islam, les tribus locales conservent des
relations cordiales avec leur voisine chrétienne, l’Éthiopie.
Du IX e au XIII e siècle, les ports comme Zeila, Mogadiscio, Brava et Merca se développent permettant
à une petite population arabe commerçante d’y prospérer. La Somalie reste alors étroitement liée à
l’Éthiopie 6 qui utilise le port de Zeila – anciennement appelé Adulis – comme hinterland maritime 7. Le
terme « Somali » apparaît pour la première fois vers 1415 dans une chanson éthiopienne qui relate
l’histoire du roi éthiopien Yeshaq 1er.
Au cours des siècles suivants, la Somalie continue à connaître à plusieurs reprises des périodes de
domination étrangère. Explorant les côtes africaines en 1499, Vasco de Gama passe aux abords de
Mogadiscio et bombarde le port sans débarquer 8. La présence de nombreux comptoirs marchands attirent
les Portugais qui attaquent Brava en 1506. À ce sujet, le professeur Coupland note que « leur résistance
fut si acharnée que plus de quarante Portugais furent tués et plus de soixante blessés avant que la ville
ne fût à eux » 9. Malgré tout, les Portugais continuent leur avancée et brûlent le port de Zeila en 1516.
5 ethnie : « Société humaine réputée homogène, fondée sur la conviction de partager une même origine et sur une
communauté effective de langue et plus largement d’une culture » ;
tribu : « Groupement de familles de même origine, vivant dans la même région ou se déplaçant ensemble et ayant
une même organisation sociale, les mêmes croyances religieuses et le plus souvent une langue commune » ;
Clan : « unité sociale exogame, de filiation unilinéaire, se reconnaissant un ancêtre commun ».
Le Petit Larousse illustré, Paris, 2005.
D’un point de vue orthographique, nous choisirons de mettre la marque du pluriel quand cela s’avèrera nécessaire
pour les ethnies mais nous considèrerons les clans et les tribus comme des noms propres.
6 Un hadith de Mahomet interdit aux musulmans d’attaquer l’Éthiopie car cette dernière a donné refuge aux premiers
9 Reginald Coupland, East Africa and its Invaders from the Earliest to the death of Seyyid Said in 1856, New-York,
Le sultanat d’Adal est réduit à néant par les Portugais en 1543 qui installent une colonie et prolongent
leur présence jusqu’à la fin du XVII e siècle, période pendant laquelle la Somalie éclate en une multitude
d’États indépendants dont la plupart sont gouvernés par un chef somali. On peut également noter la
création d’un premier État centralisé fondé par la dynastie Ajuran dans la vallée de Shabelle à la moitié
du XVI e siècle. A l’époque, cet État pastoral est plus grand et plus puissant que les villes-États côtières
de Mogadiscio, Merca et Berawee réunies. Le sultanat de Zanzibar repousse les Portugais et prend le
pouvoir jusqu’au XIX e siècle. Puis entre 1850 et 1885, vient le tour des Anglais, Français et Italiens qui
s’installent en Somalie et se répartissent le territoire 10.
● la colonisation (1839-1977)
En s’installant, les colons européens séparent la zone en trois régions. La France prend position à
Djibouti, les Anglais au Somaliland et les Italiens au Puntland et dans le sud. Cette division n’est pas
sans conséquence car elle sépare arbitrairement les clans et leurs sous-clans somalis. Alors que la France
s’occupe peu ou pas de sa colonie, la Grande-Bretagne établit sur son territoire une autorité stricte tandis
que l’Italie entame un développement économique de sa zone. Peu à peu, des mouvements contestataires
s’élèvent et le désir d’indépendance du peuple somalien se fait de plus en plus pressant. La République
démocratique de Somalie naît le 1er juillet 1960 de la fusion de l’ancienne Somalia italienne avec le
Somaliland britannique. Djibouti de son côté obtient son indépendance en 1977.
● l’indépendance
La Somalie connaît alors une courte période démocratique avec l’élection de représentants politiques ainsi
que la mise en place d’institutions publiques. En 1969, avec l’aide d’une junte militaire, le général Siad
Barré réussit un coup d’État et s’installe au pouvoir pour vingt-trois ans de « socialisme scientifique » 11.
En 1991, lassés par le favoritisme instauré par le général en faveur de son clan, les Maheran, les autres
chefs de clans se rebellent et mettent en fuite le président. Une lutte acharnée pour le pouvoir entre ces
mêmes chefs s’ensuit, entraînant la famine dans tout le pays. Les images de souffrance de la population
choquent le monde entier si bien que la communauté internationale décide d’intervenir. Cette opération
humanitaire profite d’une très large couverture médiatique mais constitue néanmoins un échec militaire 12.
Les troupes américaines et françaises n’ont en effet pas assez pris en compte la dimension clanique de la
société somalienne et sans connaître les spécificités du pays et de sa population, ils ont lancé une campagne
contre les chefs de clans, leur offrant ainsi la possibilité de fédérer plusieurs sous-clans ensemble.
Après le retrait des troupes onusiennes, le 6 mars 1995, la situation ne s’est pas améliorée et les affron-
tements entre chefs de clans ont continué. Aucune solution n’a été proposée. Voyant la situation se
dégrader les grandes institutions internationales ainsi que les pays voisins ont tenté à plusieurs reprises
de mettre en place des gouvernements appelés « gouvernement national » ou « gouvernement fédéral
transitoire » mais ceux-ci n’ont pas su imposer leur légitimité auprès de la population qui s’est, pour
partie, radicalisée.
13 Traduction de l’anglais « Failed States » et qui traduit une décomposition des autorités politiques légales d’un pays.
14 On estime que 50 % de l’aide du Programme Alimentaire Mondial en Somalie est détournée. Rapport ONU,
janvier 2010 : http://www.rfi.fr/contenu/20100311-somalie-moitie-aide-mondiale-detournee.
Enfin, les enjeux occidentaux dans la zone sont très importants. 12 % du trafic maritime mondial ainsi
que 30 % du pétrole brut transitent par le golfe d’Aden. D’un point de vue économique, la région ne
peut pas rester instable. Or, la montée en puissance de groupes islamistes extrémistes est de plus en plus
réelle et par-delà très inquiétante.
Avant de savoir quelles solutions sont à envisager pour régler au mieux la situation, il convient de
comprendre comment ces groupes extrémistes ont vu le jour et quel est leur mode de fonctionnement.
L’une des questions centrales consiste à comprendre comment des groupes islamistes profitent de la
faiblesse de l’État somalien pour instaurer une politique de terreur.
Répondre à cette question suppose de prendre en considération des facteurs internes et externes. La
Somalie est un pays qui n’a jamais vraiment connu la stabilité. Désintéressée par une terre apparemment
sans ressources, éloignée économiquement des flux commerciaux internationaux, la communauté
internationale y est intervenue tardivement par les armes. La population somalienne est une population
traumatisée par son histoire, divisée pendant la colonisation, déchirée pendant la crise humanitaire et
maintenant torturée par des groupes extrémistes. Le processus de stabilisation de la Somalie risque d’être
long et parsemé de multiples obstacles qu’il faudra déjouer un à un.
En dehors de l’essor d’un profond ressentiment envers les Occidentaux intervenus en Somalie, divers
facteurs internes ont provoqué une division au sein de la population. Il est crucial de les comprendre
pour percevoir la complexité des événements. La sentiment de domination étrangère est particulièrement
important et a fait naître des mouvements de revendications. Toute emprise étrangère – occidentale ou
africaine – est très mal vécue au point que la population accorde une légitimité aux actions menées par
les groupes extrémistes.
Lorsque les colons européens s’installent en Somalie, leurs intérêts se portent surtout sur la large façade
maritime que possède le pays et qui peut indéniablement faciliter les échanges commerciaux. Se partageant
la région entre 1889 et 1914, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie fixent les limites de leurs territoires
coloniaux respectifs grâce à des traités qui créeront par la même occasion les frontières de l’actuelle Somalie.
● la colonisation française
La colonie devient Territoire d’Outre Mer (TOM) en 1946, les habitants accèdent au statut de citoyen
français et élisent une assemblée territoriale.
Lors du référendum de 1958, initié par le général de Gaulle, le maintien du statut de TOM l’emporte. Mais
les tensions à l’intérieur du pays entre Somalis et Afars s’amplifient, encouragées par les Éthiopiens, pro-
Afar et les Somaliens, pro-Issa. Le 26 août 1966, alors que le général de Gaulle fait une escale à Djibouti,
la légion étrangère intervient contre des manifestants venus voir le général. Plusieurs dizaines de personnes
sont tuées ou blessées. Le général quitte Djibouti dès le lendemain. En 1967, le pays est renommé
« Territoire français des Afars et des Issas » (TFAI) et de violentes émeutes sont durement réprimées par
l’armée française. Les mouvements indépendantistes se font de plus en plus pressants les années suivantes.
En 1975, la Somalie revendique la ville de Djibouti ainsi que l’arrière-pays principalement habité par les
Somalis. Cette revendication accélère sans nul doute le processus de décolonisation. Le 8 mai 1977, un
référendum donne une majorité de voix en faveur de l’indépendance de Djibouti ce qui permet la naissance
de la République de Djibouti le 27 juin 1977. Mais le fait d’avoir privilégié les ethnies tour à tour divise
la population. Djibouti rencontre donc beaucoup de difficultés à instaurer un pouvoir stable qui conserve
cependant des liens très étroits avec la France (la deuxième base militaire française d’Afrique).
● la colonisation britannique
Dès 1827, la Grande-Bretagne entreprend de signer des traités avec les Somalis. Ils ont pour objet princi-
pal de faciliter les escales des navires de la compagnie des Indes orientales dans les ports de Berbera et
de Zeila. En 1875, le khedive Égypte Ismaïl proclame sa souveraineté sur une grande partie de la côte
somalienne et fait accepter cette autorité par les Britanniques lors du traité d’Alexandrie, signé en 1877.
L’Égypte installe de nombreuses troupes dans les ports. Quand entre 1881 et 1885, la révolte de Madhi 16
fait rage au Soudan, l’Égypte rappelle ses troupes en renfort dégarnissant ainsi le territoire. L’installation
anglaise en Egypte (1882) puis la victoire des troupes britanniques sur le Madhi permettent finalement
aux Britanniques de s’imposer en Somalie.
Ils occupent la région appelée « Somaliland », située au nord-ouest du pays. En 1888, le gouvernement
britannique signe un traité avec la France délimitant les frontières du protectorat, puis en 1894 avec
l’Italie et en 1897 avec l’Éthiopie.
En février 1920, le « Mad Mullah » s’enfuit dans l’Ogaden éthiopien et y meurt de maladie. Cette
rébellion est importante puisque en plus d’être l’une des révoltes africaines les plus longues à vaincre
par les colonisateurs (1899-1920), c’est à cette occasion que l’arme aérienne fut utilisée pour la première
fois sur le village de Taleeh comme moyen d’ « action psychologique dissuasive » auprès de la population
somalienne 18. Mohammed Abdallah Hassan est aujourd’hui vu comme le père du nationalisme somalien.
Ces vingt années de guerre ravagent le pays qui a perdu près d’un
tiers de sa population. Près de quinze ans furent nécessaires pour
rétablir l’ordre dans la région. De 1941 à 1948, le Somaliland est sous
administration militaire, et de 1941 à 1950, la région est administrée
complètement par le Royaume-Uni. Entre 1946 et 1948, de violents
heurts opposent Somaliens et Éthiopiens dans la région de l’Ogaden
à majorité somalie.
Dessin représentant
En 1954, la Grande-Bretagne signe un accord avec l’Éthiopie
le « Mad Mullah », 1910,
reconnaissant l’autorité de celle-ci sur l’Ogaden en contrepartie Mary Evans Picture Library.
d’avantages pour les pasteurs nomades de la Somalie, avantages © burdi.dilll.blogspot.com
rarement consentis et souvent réfutés.
16 Mohammed Ahmed Abdallah dit « al-Madhi » (1844-1885) appelle au djihad contre les Egyptiens accusés de
collusion avec les Européens. Il meurt en 1885 mais son Etat lui survit jusqu’à la bataille d’Ondurman (1898).
17 Mohammed Abdallah Hassan, né vers 1856, pasteur nomade, surnommé « Mad Mullah », appartenant à la secte
ammadihah, la Salihieh
18 Phillipe Decraene, op. cit, p. 45.
Lorsque la Somalie obtient son indépendance en 1960, le Somaliland n’est doté d’aucune infrastructure
autre que militaire. Aucune construction de routes ou de chemin de fer n’est entreprise. Aucun secteur
n’est développé, l’élevage est la seule ressource économique de la région. Elle doit alors rattraper son
retard pour s’aligner sur la Somalia italienne.
● la colonisation italienne
Après la Grande Guerre, l’Italie connaît quelques années de répit. Sur la base de son programme national,
elle commence à propager une politique fasciste, enrôlant de force la population. Ainsi, lorsque l’Italie
entre en guerre contre l’Éthiopie en 1934, la population somalienne est intégrée à l’armée italienne
et envoyée en première ligne. Par ailleurs, les Somaliens sont victimes de mesures à caractère raciste :
le mélange des races est condamné et des rumeurs de stérilisation d’hommes somalis se répandent.
Entre 1941 et 1950, la Somalia italienne est administrée par la Grande-Bretagne qui, laissant un peu de
répit à la population, lui permet de s’organiser. En 1943, le Somali Youth Center (SYC) – renommé
Somalia Youth League (SYL) en 1944 – est créé pour miner les intérêts italiens. Favorable à l’unité
somalienne, ce mouvement fédère bientôt des milliers de Somaliens dont le futur premier Président du
pays et son Premier ministre, Yassin Hagi Osman et Ali Shermake.
A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les Italiens perdent leurs colonies (traité de Paris, 1947). Le
sort du territoire est confié à l’Organisation des Nations Unies car l’occupation est antérieure à 1936 et
relève des attributions de l’ancienne SDN. La troisième session de l’Assemblée générale de l’ONU, le
13 mai 1949, place la Somalie sous tutelle italienne pour une période de 10 ans. Cette décision provoque
des émeutes importantes dont celle du 5 novembre 1949, encore fêtée par les nationalistes somaliens, et
appelée « Dhagahtur », le « jour du lancement des pierres » 20.
19 Tué le 25 novembre 1896 par une bande de pillards venus d’Abyssinie, Phillipe Decraene, op. cit., p. 53.
20 Awa Taco, héroïne nationaliste, dont la statue s’élève sur une place de Mogadiscio, fut tuée par la police britan-
nique ce même jour.
Sous la nouvelle administration italienne, les autorités s’efforcent de promouvoir une classe sociale
susceptible de conserver l’héritage colonial. Pour ce faire, les Italiens intègrent peu à peu des Somaliens
à la vie administrative en formant une assemblée législative en 1956 ou encore des conseils municipaux.
Pour effectuer une « somalisation » de l’administration, il est décidé dès 1955 que seuls les Somalis
– c’est-à-dire appartenant à l’ethnie Somalie – peuvent être nommés aux postes de chefs de districts ou
de chefs de régions. Le premier gouvernement somalien est formé exclusivement de personnalités de la
SYL. Celle-ci renforce ses positions petit à petit en remportant la plupart des élections locales. Le droit
de vote est accordé aux femmes en 1958. Des travaux routiers et ferroviaires sont aussi entrepris. Le
gouvernement italien ayant prévu la fin de la tutelle au 1er juillet 1960, les représentants du Somaliland
proclament l’indépendance de la région le 26 juin 1960, celle de la Somalia le 1er juillet.
Mais, le nouvel État doit faire face à de nombreux défis comme le développement économique du pays,
la délimitation des frontières avec l’Éthiopie ou encore le projet de « Grande Somalie ». Toutes ces
questions laissées en suspens ne seront pas sans poser des problèmes et restent encore aujourd’hui des
enjeux majeurs pour la stabilisation du pays.
Avec l’indépendance, le nouvel État somalien entre dans une ère de reconstruction à la recherche d’une
identité qui lui est propre. Mais déjà des affrontements avec sa voisine chrétienne, l’Éthiopie, se profilent
à l’horizon.
La Grande-Bretagne ayant reconnu l’autorité de l’Éthiopie sur l’Ogaden en 1954, l’Éthiopie tient
à y préserver sa souveraineté. Or, cette région est habitée en majorité par des Somalis nomades. Le
28 décembre 1960, les troupes éthiopiennes armées par la Grande-Bretagne encerclent les Somalis et
les somment de quitter le territoire. Pour faire partir les nomades, les troupes éthiopiennes massacrent
leur bétail. Les Somalis se résignent donc à quitter le territoire temporairement.
Un peu plus tard, en mars 1963, la Grande-Bretagne déclare que le North Frontier District (NFD)
– région à majorité somalie – fait partie du Kenya même si la majorité de la population sondée dans la
région se déclare en faveur d’un rattachement à la Somalie. En réponse à cette décision jugée arbitraire,
le 18 mars 1963, la Somalie rompt ses relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne, qui de son côté,
cesse toute aide financière. La Somalie se retrouve isolée politiquement et économiquement.
Dans le contexte de la Guerre froide, l’URSS profite de cette occasion pour entamer un rapprochement
avec la Somalie, alors dirigée par Aden Abdullah Osman. En novembre 1963, elle fournit une aide
militaire conséquente et cherche à mettre sur pied une armée d’au moins 10 000 hommes.
Le projet de mise en place d’une « Grande Somalie » entraîne cependant le pays dans la guerre. Dès
1974, des tensions réapparaissent avec l’Éthiopie qui cherche à récupérer l’Ogaden. Quoique de façon
mineure, la région devient l’un des théâtres de la Guerre froide. D’ailleurs, durant la période, le pays
perd le soutien de l’URSS qui préfère se tourner vers l’Ethiopie. Les États-Unis en profitent pour
commencer à fournir en armes la Somalie et l’encouragent à lancer une attaque contre l’Éthiopie. Ainsi,
le 5 juin 1977, les Somaliens font sauter la voie ferrée entre Addis-Abeba et Djibouti, et le 13 novembre
1977, l’URSS rompt ses relations diplomatiques avec la Somalie. En février 1978, la Somalie subit une
contre-offensive soviéto-cubaine et éthiopienne. Elle entre officiellement en guerre contre le pays voisin
toujours soutenu par l’URSS qui voit là l’occasion de s’imposer : « Nous allons donner aux Somalis
une leçon qu’ils n’oublieront jamais. Nous allons les chasser de l’Ogaden et nous retournerons en
Somalie pour les mettre à genoux » déclare Georgy Samsonov, ambassadeur de l’URSS au Yémen 24.
Le 9 mars 1978, les troupes somaliennes se retirent de l’Ogaden : 8 000 soldats sont morts au cours de
cette guerre, les trois-quarts des chars ainsi que la moitié de l’aviation ont été perdus, des mutineries et
des désertions au sein de l’armée ont poussé les autorités à distribuer des armes à la population pour
qu’elle se défende elle-même en cas d’attaque éthiopienne.
Changement de gouvernement en
Éthiopie, l’URSS change de camp
et finit par la soutenir
Quelques affrontements
Les rebelles de la sporadiques sans trop
région de l’Ogaden de conséquence
prennent les armes
pour être rattaché
à la Somalie
Indépendance Somalie,
nouvelles frontières :
rêve d’une grande
Somalie
1974 : Fin de l’empire
1988 : accord de paix entre
d’Addis-Abeda
les deux pays
La guerre contre l’Éthiopie – dite aussi guerre de l’Ogaden – laisse des traces. Face à la défaite, la
population perd confiance et les esprits s’échauffent en particulier dans le corps des officiers somaliens.
Ainsi le 9 avril 1978, une tentative de coup d’Etat dirigée contre le gouvernement par des membres
du Somali Salvation Démocratic Front (SSDF) échoue. Près de 500 rebelles sont tués près d’Afgoï.
Cela n’empêche pas la guérilla de reprendre peu à peu en Ogaden, générant près de 500 réfugiés par
jour. Sur un laps de temps très court, près de 200 000 personnes sont déplacées ce qui constitue une
charge impossible à gérer par la Somalie, même avec l’aide internationale. Aussi, le pays se voit-il
contraint de renforcer son rapprochement avec les États-Unis. En échange d’une aide matérielle substan-
tielle, la Somalie passe un accord avec eux en août 1980 et leur cède l’ancienne base aéronavale –
autrefois soviétique – de Berbera.
YÉMEN N
On compte cinq groupes principaux :
ÉRYTHRÉE
GOLFE
DJIBOUTI Djibouti
D’ADEN – L’USC (United Somali Congress) du clan
Hawiye agissant au centre de la Somalie,
Berbera Bossaso
mouvement dominant,
Hargeisa
Somaliland Puntland – Le SNM (Somalia National Movement) du
Addis-Abeba clan Isaaq agissant au Somaliland,
Ogaden – Le SPM (Somalia Patriotic Movement) dans
ÉTHIOPIE l’Ogaden,
– Le SSLF (Somali Salvation and Liberation
Front) du clan Mayerteen,
SOMALIE – Le SDM (Somali Democratic Movement) du
OCÉAN
INDIEN clan Rahanwein du sud de la Somalie.
Mogadiscio
Le 27 janvier 1991, le palais présidentiel est
KENYA attaqué par ces opposants au régime. Le général
Somalie
Siad Barré prend la fuite avec ses fidèles 26,
400 km
Les grandes régions en Somalie.
© julienassoun.files.wordpress.com
25 Shaul Shay, Somalia between Jihad and Restoration, New Jersey, Transaction, 2008, p. 7.
26 Siad Barré obtient l’asile politique au Nigéria où il y meurt en 1995. Shaul Shay, op. cit., p. 8.
essentiellement des membres de son clan, les Darod, seuls véritables privilégiés du pouvoir. La relative
amélioration de la situation – un taux d’alphabétisation en hausse, par exemple – n’a pas suffi à faire
oublier un mode de gouvernance trop arbitraire divisant la population et le territoire.
Après la chute du général Siad Barré, une lutte pour le pouvoir se met en place entre les chefs de clan,
aussi appelés « seigneurs de la guerre ». Le pays devient peu à peu un champ de bataille où la conquête
du pouvoir devient l’objectif principal.
Dans la lutte qui les oppose, deux leaders se distinguent particulièrement par le soutien qu’ils reçoivent
des Somaliens.
Mais Ali Madhi Muhammad est presque aussitôt contesté par Aidid. Une lutte acharnée entre les deux
chefs de l’USC et leurs partisans se met en place à partir de septembre 1991. Ces affrontements rendent
la tenue d’élections impossible. La guerre civile éclate et on compte déjà près de 30 000 morts en 1992
dans la région de Mogadiscio à laquelle viennent s’ajouter les 300 000 morts dûs à la famine provoquée
par la guerre 27. C’est à cette période que les États-Unis et la France interviennent sous l’égide de l’ONU,
mais les parties rivales voient dans l’aide humanitaire un moyen pour renforcer leurs milices. Ils essaient
dès lors, par tous les moyens, de conquérir le territoire. En grande difficulté sur le terrain, les troupes
étrangères quittent le pays en 1994 sans qu’aucun règlement de la situation n’intervienne 28. La situation
ne s’améliore qu’en 1998, année où émerge une forme d’État confédéré (Somaliland, Puntland, Jubaland,
Hiranland). Mais aucun changement n’est réellement effectif.
Face à la multiplicité des intervenants, il semble que la communauté internationale ait voulu régler la
situation somalienne sans prendre en compte la population elle-même. En effet, en 2000, un gouverne-
ment national de transition (GNT) a été constitué à Djibouti en l’absence des chefs de guerre. Mais celui-
ci ne parvient pas à s’imposer, au contraire de certains groupes islamiques : Al-Ittihad – Union Islamique
– et l’Union des tribunaux islamiques présents sur le territoire depuis les années 1980. Ces derniers ont
pris le contrôle de certaines villes (Merca, Kismayo, Beledweyne) et veulent s’emparer du pouvoir au
même titre que les chefs de clans. Le gouvernement national de transition s’exile au Kenya et instaure
avec l’aide du gouvernement kenyan un gouvernement fédéral transitoire (GFT). Mais il n’est pas
reconnu par la population et les affrontements entre chefs de clans et groupes islamiques se poursuivent.
En 2006, alors que l’Union des tribunaux islamiques prend le contrôle de Mogadiscio, l’Éthiopie, sous
l’égide des États-Unis, décide d’intervenir et occupe le territoire pendant deux ans. Elle apporte son
soutien au GFT, qui se décrédibilise dès lors un peu plus aux yeux de la population. En effet, toutes ces
institutions installées et soutenues par des pouvoirs étrangers ne sont pas légitimes pour les Somaliens
et ne font que nourrir un anti-occidentalisme déjà fortement ancré dans les mentalités. Ce rejet est instru-
mentalisé par des groupes islamistes, Al Shabaab et Hizbul Islam qui naissent pendant l’occupation
éthiopienne (2006-2009).
L’État somalien convoité par les chefs de clans et des extrémistes est entré dans un engrenage qui semble
sans fin. Isolée du reste du monde, divisée culturellement par le clanisme, la population civile en est la
principale victime. Cependant, une source d’union existe bel et bien : la religion commune à tout le
peuple somalien, l’Islam.
28 L’intervention étrangère de 1992-1994 est étudiée plus en détail en deuxième partie de cette étude.
Composée à 85 % de Somalis, la population somalienne est régie selon un système très structuré, le
clanisme.
Les Somalis forment un groupe ethnique assez homogène parlant la même langue et pratiquant la même
religion. Les clans somaliens se sont constitués selon le principe de l’héritage, le Tol 29. En fonction des
liens de parentés entre membres, les clans sont plus ou moins larges.
Les groupes de pasteurs nomades sont majoritaires et exercent une domination sociale et militaire sur le
pays depuis plusieurs siècles. Parmi les clans les plus puissants 30, on trouve :
Au sein des clans, les vertus martiales sont très importantes. Tout homme est un guerrier et la prolifération
d'armes permet la mise en pratique des traditions ancestrales.
enseignement n° 1
Dans la prise en compte de la dimension clanique d’un État, il faut garder à l’esprit qu’en favorisant
un clan par rapport aux autres, on prend le risque de renforcer les alliances inter-claniques. Les
clans ainsi fédérés se retournent contre les forces armées.
29 Fonction de lien de parentés entre les membres des clans élaborée à partir des ancêtres masculins. Les clans
peuvent être restreints ou plus larges. Les groupes plus petits peuvent être intégrés à des groupes plus larges si
les liens de parentés sont avérés. Voir carte p. 37.
30 Fiche pays Somalie www.cft.terre.defense.gouv.fr
● le système clanique
Ethnie SOMALI
Clans ou
confédérations
claniques Dir Isaaq Darod Hawiye Dighil Rahanweyn
(zone nord) (Somaliland) (Pointe de la Corne, (zone centre) (zone sud) (zone sud-ouest)
Éthiopie et Kenya)
Principaux
sous-clans Gadabursi Haber Awal Maheran Haber Gedir Tunni Sagaal
En Somalie, la rareté des ressources (eau, pâturages…) est source de conflits entre les clans 31. Le système
clanique somalien est doté d’un corpus législatif oral appelé le Xeer, sorte de pacte de solidarité et de
responsabilité collective du clan. La responsabilité de tout le clan est ainsi engagée en cas d’exactions
commises par un membre du clan et doit verser au même titre que l’accusé des dédommagements, le
plus souvent sous forme de bétail au clan opposé. Cette décision est prise par des sages, membres respec-
tés de la communauté. Des clans peuvent protéger d’autres clans et s’allier entre eux afin d’être relati-
vement larges et de ne pas être défavorisés ou manipulés par d’autres clans plus importants.
Les clans ont une responsabilité collective et une structure politico-militaire propre. Tous les clans se
réfèrent au Xeer, ensemble de règles et de lois auxquelles tous les membres doivent se soumettre. Ainsi
lors du règlement d’un différend, le conseil traditionnel, le Shire, composé d’Elders (aînés) prend en
considération autant les lignages qui unissent les requérants entre eux que les affaires qui les opposent.
Le dédommagement des victimes est à diviser entre les membres du clan, tous responsables de la faute
d’un des leurs. De plus, ils se doivent de partager leurs ressources avec ceux qui en manquent 32. Lorsque
deux clans s’unissent, les lois du clan le plus fort prévalent. Le système clanique est mis à mal pendant la
colonisation (1839-1960) et la dictature de Siad Barré (1969-1991). En effet, la mise en place d’un État
centralisé dans une structure pastorale décentralisée a modifié en profondeur le système clanique. À cause
des politiques de nationalisation et de sédentarisation, les clans sont divisés et deviennent même un tabou
pendant la dictature puisqu’ils sont interdits tout comme les alliances inter-claniques. De même, il n’y a
pas de traces écrites somalies sur les lois traditionnelles de leur clan car elles sont transmises oralement
de génération en génération. Après la chute de Siad Barré, l’État central est déchu et les clans reprennent
peu à peu leurs droits. La division qui règne au sein même des clans est significative de ce problème
endémique. Ainsi, lors de la prise de Mogadiscio, les seigneurs de la guerre principaux sont issus du même
31 Anne Marouze et Antje Mengel, « Le rôle des clans somaliens dans le conflit et la construction de la paix, source
de conflits ou clé de la résolution ? », fiche 3/12 du dossier « La transformation politique des conflits », Modus
Operandi, université Stendhal de Grenoble, avril 2008, en ligne sur www.irenees.net.fr
32 Ibid.
clan, les Hawiye mais issus de sous-clans différents. Les conflits intra-claniques sont aussi fréquents que
les rivalités inter-claniques. « Les rivalités somalies sont telles que l’appartenance à une même grande
ethnie : Darod, Hawia ou Dir ne suffit pas à assurer la cohésion. Même au niveau des clans, les rivalités
s’affrontent et la confiance ne s’établit qu’au niveau du Rer : la famille élargie » 33.
Celui-ci est lié de près à la généalogie clanique. En effet, les Somaliens vouent un culte à leurs ancêtres
qu’ils considèrent comme des saints 34. La tradition nomade de cette population permet aux confréries
de diffuser leur doctrine ascétique en prêchant la pauvreté et l’oubli de soi. Ces confréries permettent
aussi de fédérer les clans entre eux.
Pendant la dictature de Siad Barré (1969-1991), le gouvernement accepte la pratique de l’islam qui n’est
pas contraire au socialisme scientifique :
« Notre foi islamique nous enseigne que les valeurs inhérentes sont éternelles et évoluent continuellement
comme le progrès humain (…) [aussi les] valeurs de l’Islam, [ont] toujours été le fondement de notre
organisation sociale et politique » 35.
34 International Crisis Group, “ Somalia’s Islamists”, Africa Report, n°100, 12 December 2005, p. 4.
35 Siad Barré, « Mon pays, Mon peuple », Discours choisis du président du conseil suprême de la Révolution
(1969-1974), Mogadiscio, octobre, 1974, p. 271-272.
Néanmoins, certaines valeurs prônées par le pouvoir sont en contradiction avec l’islam, notamment la
question du droit des femmes. Le régime réprime très durement les contestations que peuvent entraîner
les modifications apportées par le pouvoir. Ainsi en janvier 1976, dix hommes accusés d’avoir diffusé
des tracts religieux contre la politique du gouvernement de Siad Barré à l’égard des femmes, sont
condamnés à des peines allant de vingt à trente ans de prison 36.
Aidées par des associations caritatives musulmanes, les écoles coranique se développent peu à peu et
incitent à l’application de la charia. Très sévère, elle punit de manière extrême les contrevenants à la loi
(amputations, lapidations en public). Au cours des années 1980, on observe ainsi la montée d’un islam
plus radical. Avec les attaques du 11 septembre 2001 aux États-Unis, l’islam prend un rôle encore plus
politique en Somalie. Les villes contrôlées par les extrémistes sont réglementées exclusivement par la
loi religieuse, mais cette application constitue surtout le signe des efforts locaux mis en place pour instau-
rer la sécurité dans un État failli comme la Somalie 37. Ainsi peu à peu, certaines missions relevant de
l’État sont assurées par des groupes religieux.
Sans un gouvernement central fort, la population est livrée à elle-même et essaie de trouver des solutions
pour survivre. Dans le Somaliland qui a déclaré son indépendance unilatéralement en 1991, la situation
est plus ou moins contrôlée par un gouvernement central non reconnu mais tout de même en place. Dans
le reste du pays, la situation est plus alarmante.
● le puntland,
paradis des pirates Pirate attacks off Somalian coast
As of April 13, 0300 GMT
YEMEN Italian tug goat
Au Puntland, zone déclarée semi- Buccaneer hijacked
autonome en 1991, la piraterie, pratiquée DJIBOUTI
depuis des siècles, s’est largement
Somaliland French yacht
développée récemment. Ne possédant Puntland
Tanic (freed)
ni véritable armée, ni gardes-côtes, la Eyl
ETHIOPIA
Somalie n’a pas la possibilité effective
de protéger son littoral et d’empêcher des SOMALIA
Container ship Maersk Alabama
pillages en mer. Des pêcheurs locaux (boat freed; captain held hostage
MAGADISHU
rescued by the US Navy Sunday)
attaquent des cargos étrangers. Au départ
KENYA
Pour profiter de cet argent qui n’est pas nécessairement réinjecté dans l’économie locale, de plus en
plus de personnes rejoignent les rangs des pirates : enfants soldats, miliciens désœuvrés, marins,
officiers et gardes-côtes se reconvertissent. L’armée du Puntland ne compte plus que 2 000 hommes
sur les 14 000 initiaux, soit près de 12 000 déserteurs attirés par l’argent facile.
Le système d’action mis en place depuis 2008 pour lutter contre la piraterie semble efficace. En effet,
grâce aux diverses résolutions de l’ONU (n° 1816, 1838, 1846 et 1851), les États membres sont
désormais autorisés à intervenir dans les eaux territoriales somaliennes, ainsi que dans les eaux interna-
tionales, pour arrêter les pirates 39. Sur cette question, la France est particulièrement active puisque
qu’avec l’opération européenne Atalante, 71 pirates ont été interpellés en 2008 et 81 000 tonnes d’aide
alimentaire ont pu être acheminées en Somalie par le Programme Alimentaire Mondiale (PAM), escortées
par les forces françaises. Par ailleurs, plus de 20 pirates sont aujourd’hui détenus dans les prisons
françaises en attente de jugement. Mais 7 navires restent encore aux mains des pirates et 160 membres
d’équipages sont toujours en captivité actuellement 40.
Ignorés par beaucoup et désœuvrés, la plupart des jeunes Somaliens ne trouvent pas d’autre choix pour
survivre que de rejoindre les pirates. Profitant de l’instabilité du gouvernement, ces pirates agissent
librement dans une zone stratégique pour le commerce international. Ces actes de pirateries ont réveillé
l’intérêt de la communauté internationale pour la Corne de l’Afrique et l’attention est de plus en plus
dirigée vers les côtes somaliennes.
Les liens entre les pirates et les groupes extrémistes du sud sont
incertains, mais on peut tout même noter que les extrémistes ont
appelé les pirates à cesser leurs activités au plus vite à plusieurs
reprises 41. De plus, lorsque Hizbul Islam prend possession de la ville
d’Harardhere – haut lieu de piraterie en Somalie – le 1er mai 2010,
tous les pirates quittent la ville 42. En effet, bien que pouvant être
attirés par l’appât du gain, les extrémistes souhaitent y mettre fin car
Pirates somaliens la présence de la communauté internationale est de plus en plus dense
au large des côtes d’Aden. en mer, ce qui va à l’encontre de leurs intérêts. Dès lors, il est difficile
© www.flutrackers.com
d’estimer que les pirates sont considérés comme des alliés de ces
groupes. Les pirates n’ont pas de réelles revendications politiques ni même religieuses, et attaquent
n’importe quel bateau sans distinction aucune. Cependant, les actes de pirateries ne peuvent cesser tant
que la situation interne du pays n’est pas stabilisée.
enseignement n° 2
L’action menée par les forces internationales contre la piraterie en Somalie est efficace mais ne
peut conduire à la disparition de ces actes criminels sans efforts préalables de stabilisation interne.
39 Christopher Koch, International Piracy on High Seas, Hearing before the House Subcommittee on Coast Guard
and Maritime Transportation, World Shipping Council, 4 février 2009, p. 6. www.worlshipping.org
40 « Les pirates somaliens parviennent plus difficilement à leurs fins », Dépêche Agence France Presse (AFP),
18.02.2010.
41 « Les miliciens Shebab appellent les pirates à libérer le superpétrolier », Dépêche Agence France Presse (AFP),
du 20.11.2008. www.jeuneafrique.com
42 Tanguy Berthemet, « Les islamistes somaliens déclarent la guerre aux pirates », Le Figaro, 3 mai 2010.
Dans le sud de la Somalie, l’instabilité est plus forte qu’ailleurs. Deux groupes islamistes, Al Shabaab
et Hizbul Islam, y font régner la terreur. Tandis que le gouvernement fédéral transitoire (GFT), aidé par
l’Union Africaine, ne contrôle qu’une petite partie de Mogadiscio – contrôle très limité puisque les
risques d’attentats y sont très forts –, les groupes extrémistes ont pris possession de certaines de villes
importantes comme Merca, Harardhere et Kismayo.
Là, les islamistes appliquent une charia très dure (coupe de cheveux, voile réglementaire, musiques,
films et presse censurés…). Pour convaincre la population de respecter leurs ordres, les groupes
emploient des méthodes radicales que l’on peut qualifier de politique de terreur. De plus, ils prennent
peu à peu la place de l’État et comblent le vide gouvernemental. Ainsi, ils fournissent à la population
des services essentiels comme le nettoyage des rues, la réparation des routes, la mise en place de marchés
locaux et le maintien de l’ordre public 43. Les jeunes, portés par leur enthousiasme et convaincus du bien
fondé de ces règles, rejoignent ces groupes et grossissent les rangs des islamistes. Malgré la politique
de terreur, l’organisation mise en place est appréciée, ainsi, les marchés locaux aidant à améliorer
l’économie locale et permettant à davantage de personnes de subvenir à leurs besoins.
Les Somaliens, divisés par le système clanique, trouvent refuge dans la religion. L’islam devient un
espoir d’union et est utilisé par les extrémistes pour endoctriner la population. La population du sud est
devenue le souffre-douleur des islamistes. De plus, elle ne peut que se contenter des moindres services
que ceux-ci lui procurent. On pourrait croire que ces groupes sont nouveaux. Pourtant des précédents
existent bel et bien sur le territoire somalien.
43 Paula Cristina Roque, “Situation Report: Understanding Al-Shabaab”, Institute for Security Studies, juin 2009,
p. 3.
Les groupes extrémistes se sont formés pendant le régime de Siad Barré en Somalie. En désaccord avec
la politique d’égalité prônée par l’État, ceux-ci ont toujours voulu obtenir le pouvoir et instaurer un État
islamique 44 en Somalie. On compte deux groupes importants : Al-Ittihad al-Islami aussi appelée Union
Islamique (UI) et l’Union des Tribunaux Islamiques (UTI).
Apparue en 1983, Al-Ittihad al-Islami ou UI est formée de jeunes éduqués ou ayant travaillé en Moyen-
Orient 45. Ses membres se réclament de la lignée de Mohamed ben Abdallah Hassa dit « Mad mullah »,
le héros de la lutte contre les colons britanniques. Elle reçoit le support des salafistes proches des
wahhabites et des organisations de charité saoudiennes. Elle est aussi financée grâce à des dons provenant
du Zakat – 3 e pilier de l’Islam qui consiste en une contribution obligatoire pour tout musulman.
Entre 1991 et 1996, l’UI a réussi à contrôler la ville de Luuq située près de la frontière entre l’Éthiopie
et le Kenya, où elle a implanté la charia. L’occupation de cette ville s’est faite alors que la Somalie était
déchirée de toutes parts par les combats entre les chefs de guerre. Malgré le chaos qui l’entourait, la
ville de Luuq a été alors considérée comme l’une des villes les plus sûres de Somalie 47. Cependant, la
présence de l’UI dans cette ville, proche de la région d’Ogaden, a ravivé des mouvements séparatistes
et, de 1996 à 1997, et une série de tentatives d’assassinats et d’attentats est perpétré par Al Ittihad à
Addis-Abeba 48. En réponse, les forces éthiopiennes interviennent en 1996 et détruisent la zone refuge
d’UI à Luuq. L’UI décide alors de coopérer avec les clans et les sous clans, et de mieux s’intégrer à la
société. Elle tente de prendre contrôle de communautés locales plutôt que de villes entières – cibles fixes
fragiles. Elle utilise la stratégie dite « Turabi » 49 qui vise à essayer de prendre le contrôle sur des secteurs
clés – notamment la justice – afin d’établir une base de contrôle tout en restant discrète.
44 Par État islamique, les groupes entendent la mise en place d’un Émirat.
45 Ken Menkhaus, Somalia : State Collapse and the Threat of Terrorism, Routledge, 2004, p. 56.
46 Gregory Alonso Pirio, Hang Gregorian, “Jihadist Threat in Africa”, Middle East Times, 11 juillet 2006.
47 Ameen Jan, “Somalia : Building Sovereignty or Restoring Peace”, dans Elizabeth M. Cousens et al. eds.,
Peacebuilding as Politics: Cultivating Peace in Fragile Societies, Lynne Rienner Publishers, 2000, p. 56.
48 Ken Menkhaus, op. cit., p. 60.
49 Cette technique a été utilisée avec succès par Hassan al Turabi au Soudan en 1986 pendant les élections législatives.
Les liens de l’UI avec Al-Qaida sont incertains. Une analyse faite par The West Point’s Combatting
Terrorism Center considère que des liens plus ou moins forts sont établis 50, mais d’autres chercheurs
comme Ken Menkhaus, installé à Londres déclarent qu’« aucun Somalien n’a fait partie des leaders
d’Al-Qaida ni n’a été impliqué dans un complot envers un Occidental à l’extérieur de la Somalie avant
2003 » 51. Cependant, Al-Qaida revendique un rôle dans les actions menées pendant les années 1990,
notamment l’attaque de l’hélicoptère Black Hawk qui a provoqué le départ des Américains 52. On peut
cependant établir avec certitude que des membres-clés de l’UI ont des liens avec Al-Qaida, notamment
Aden Hashi Ayro (fondateur d’Al Shabaab). Après son exécution le 1er mai 2008 lors d’une attaque
aérienne de l’armée américaine, une biographie paraît prétendant que la bataille de Mogadiscio fut son
premier combat sous la supervision d’Al-Qaida. Il serait identifié comme ayant été l’un des décideurs
d’Al-Qaida pour l’Afrique de l’Est 53.
L’UI s’affaiblit avec le temps et est considérée en 2004, comme une force épuisée et marginale si ce
n’est même une organisation dissoute.
En juin 2006, l’UTI s’empare de Mogadiscio puis gagne plusieurs points stratégiques comme Kismayo
puis Beletwein le 9 août 2006. Réfugié à Baidoa, le gouvernement légal, le GFT, appelle la communauté
internationale à réagir et lui apporter son soutien. À la fin du mois d’octobre 2006, l’UTI contrôle la
plupart des points stratégiques du pays et, désormais capable de déplacer ses forces du nord au sud, elle
encercle les forces de l’ONU et du GFT à Baidoa. Dans les zones contrôlées, elle impose la charia
procédant notamment à des arrestations massives de citoyens qui regardent des films ou écoutent de la
Foundation, 2009, p. 4.
53 Daveed Gartenstei-Ross, The Strategic Challenge of Somalia’s Al shabaab dimension of Jihad, 2009, p. 3.
54 “Executive Order 13224”, US Tresuary Dept, 23 September 2001.
55 Daveed Gartenstei-Ross, op. cit., p. 4.
musique pendant les mariages. Elle va jusqu’à tuer des Somaliens pour avoir regardé des matchs de
football 56. Elle combat les chefs de guerres et élimine plusieurs de leurs check-points soulageant ainsi
une partie de la population du racket. L’UTI met en place une quinzaine de camps d’entraînement ; des
centaines d’hommes venus d’Afghanistan, de Tchétchénie, d’Irak, du Pakistan et de la péninsule arabique
viennent s’y entraîner et former de futurs combattants 57.
TOTHG ZONE
AREA HOTEL
BALAD ROAD
MUSA SUDI
KANYARE AFRAH Olympic zone
zone Stadium
OSMANATTO
zone Villa Somalia
HUSSEINAIDEED
SHANGAAN
UNIVERSITY zone
HAMAR
WEYN
US EMBASSY KM
INDIAN OCEAN
OLD
UNIVERSITY SULEMAN
zone
SCALE
0 1 2 km
Répartition de la ville de Mogadiscio entre les seigneurs de la guerre avant l’arrivée de l’UTI en 2001.
Extrait du livre de I.M. Lewis, A Modern History of the Somali, Revised, Updated and Expanded,
OHIO, Eastern African Studies, 2002, p. XVII.
56 Ibid.
57 Bruno Schiemsky, Report of the Monitoring Group on Somalia Pursuant to Security Council Resolution 1676,
U.N Security Council Committee, New-York, novembre 2006, p. 46.
58 Alex Wilner, “Is Somalia the Next Afghanistan?”, Atlantic Institute for Market Studies, Halifax, 24 novembre 2006.
En décembre 2006, sur recommandation des États-Unis, l’armée éthiopienne intervient et parvient à
repousser l’UTI.
L’armée éthiopienne se maintient en Somalie jusqu’en janvier 2009 afin de protéger le GFT. Le groupe
Al Shabaab naît en réaction à cette occupation et gagne petit à petit du terrain allant jusqu’à contrôler
actuellement les trois quarts de la ville de Mogadiscio ainsi que le sud de la Somalie. L’Éthiopie ne
réussissant pas à contenir les insurgés, elle est remplacée par les forces de maintien de la paix de l’Union
Africaine en janvier 2009. Mais les insurgés sont toujours déterminés à mener le jihad en Somalie.
Les luttes inter-claniques qui touchent la Somalie dans les années 1990 favorisent l’apparition de groupes
islamiques. L’intervention de l’ONU et de l’armée américaine y contribuent également. Les objectifs de
ces groupes – Al Shabaab et Hizbul Islam – visent clairement à instaurer en Somalie un État islamique.
Cependant, deux projets de jihad se rencontrent en Somalie, d’une part le jihad local et d’autre le jihad
global.
● le jihad local
Le jihad local ou nationaliste désigne la lutte d’une communauté contre une oppression ou une occupa-
tion étrangère. Aspirant à un État islamique ou luttant contre l’occidentalisation de la société, ces
communautés ont une volonté de jihad dans un cadre national et n’entendent pas l’étendre au-delà de
leurs frontières 59. En Somalie, les groupes de l’UI et de l’UTI – désormais dissous – et Hizbul Islam
– revendiquent un jihad local. Les interventions étrangères à répétition – ONU, Éthiopie, UA, actions
anti-piraterie – alimentent d’ailleurs beaucoup les revendications de ces groupes. Le sentiment anti-
occidental est réellement profond en Somalie et ne peut être pris à la légère. Le refus de négocier avec
l’étranger non musulman perçu comme infidèle est donc systématique pour les plus extrémistes.
● le jihad mondial
Aussi appelé jihadisme, le jihad mondial (ou « global » selon la terminologie anglo-saxonne) a une
dimension internationale plus affirmée. Les groupes jihadistes cherchent à résister contre l’influence et
l’expansion de l’Occident dans le monde. Pour ces groupes, le monde est divisé en deux, une partie
composée de fidèles, où l’islam est pratiqué, et une autre partie où vivent les incroyants. Ces deux mondes
peuvent coexister tant que les infidèles ne tentent pas de corrompre les fidèles, mais si une intrusion est
effective, le jihad est alors engagé et doit consister en l’élimination voire la conversion des infidèles.
Les jihadistes souhaitent que l’islam soit appliqué au monde entier afin de former un grand califat sans
frontières 60.
En Somalie, la branche la plus radicale d’Al Shabaab, dirigée par Ahmed Abdi Godane, cherche à
promouvoir un jihad mondial. Ses membres n’entendent pas s’arrêter à leurs frontières si l’État somalien
est déclaré islamique. Ces groupes font allégeance à Al-Qaida qui se pose en maître dans le combat
59 Jacques Baud, Djihad, L’asymétrie entre fanatisme et incompréhension, Paris, Lavauzelle, 2009, p. 38.
60 Idem, p. 62.
contre l’Occident. La volonté d’expansion de ces groupes est réelle et peut se constater dans le recrute-
ment de membres de nationalités étrangères 61. Dès lors, le jihad pratiqué par ces groupes extrémistes
est plus subversif car il s’étend en dehors des frontières. Les attentats perpétrés par ces groupes sont le
signe d’une volonté de correction de l’Occident et d’anéantissement de sa puissance.
Ainsi des facteurs internes et endémiques contribuent à l’apparition de groupes extrémistes islamistes
en Somalie. L’occupation étrangère, la dictature laïque de Siad Barré ou l’absence de pouvoir central
ont alimenté ces groupes. La Somalie étant majoritairement musulmane, les accords passés avec l’Occi-
dent ne sont pas valables aux yeux des islamistes puisqu’ils émanent de pays infidèles. La dimension
religieuse du pays doit donc être considérée sérieusement afin d’éviter de nouveaux affrontements ou
de prendre le risque de stimuler de nouveaux attentats. Les différentes interventions armées ont échoué
mais des leçons peuvent en être tirées.
61 Dr. Michael A. Weinstein, “Somalia: Ideological Diversity in Country’s Islamic Courts Movement”, 25 September
2008, en ligne sur allafrica.com
De 1992 à 2009, la Somalie est un terrain d’affrontement majeur. Dans un premier temps, les combats
ont lieu entre les forces onusiennes et les chefs de guerre (décembre 1992 à mars 1994). Puis à la suite
d’affrontements sporadiques avec l’armée éthiopienne, la Somalie va subir une occupation de ces forces
durant près de deux ans (décembre 2006 à janvier 2009). Celle-ci va nourrir de nombreux ressentiments
au sein de la population somalienne aboutissant ainsi à la création de groupes extrémistes.
En 1992, la crise touchant la Somalie bénéficie d’une large couverture médiatique qui met en lumière le
fait que l’intervention militaire occidentale ne se déroule pas comme prévu.
Dès 1991, les combats entre les chefs de guerre éclatent à Mogadiscio. Le 27 janvier 1991, le palais
présidentiel est occupé par l’United Somali Congress (USC). Le 29 janvier, Ali Madhi Mohamed est
nommé président. Cette nomination entraîne une rupture au sein du clan Hawiye. En effet, le général
Muhammad Farah Aidid, du sous-clan Haber Guedir n’accepte pas la nomination d’Ali Madhi Mohamed,
du sous-clan Abgal. De même, la victoire de l’USC sur le pouvoir provoque la défiance des autres
mouvements comme le Somali National Movement (SNM) et l’United Somali Front (USF). C’est ainsi
que l’ère des chefs de guerre commence en Somalie. Ceux-ci accaparent toute l’aide humanitaire et
plongent la population dans la famine provoquant jusqu’à 200 décès par jour.
La couverture médiatique de ces événements est importante et finit par indigner l’opinion publique
mondiale. Des appels aux dons sont lancés. L’envoi d’un convoi humanitaire est décidé mais il faut
avant tout le sécuriser pour s’assurer que la population reçoive l’aide acheminée. C’est ainsi que les
opérations militaires à but humanitaire ONUSOM et Restore Hope débutent le 9 décembre 1992.
ONUSOM
Créée par R. 794 du
3.12.1992
Restore Hope
(États-Unis) Commandement
dont
ORYX (France)
La mission française consiste d’abord à installer trois zones de contrôle, calquées sur les divisions territo-
riales, à apporter ensuite de l’aide à la population, et enfin à soutenir l’autorité politique. Cette mission
se déroule en trois étapes :
– l’établissement du contrôle de zones 63 (1er au 31 janvier 1993) au cours duquel l’effort est mis
sur le renseignement, la mise en place de dispositifs dissuasifs, le rétablissement de la libre
circulation, le déminage des axes ainsi que la dépollution des localités ;
– la phase de consolidation (février-mars 1993) maintient le contrôle des zones avec des actions
dynamiques (patrouilles, embuscades, ratissages…). Ces opérations permettent la prise d’arme-
ments légers ainsi que l’interception et la neutralisation de bandes armées. De même, les convois
humanitaires sont escortés par les troupes françaises, des opérations sanitaires (campagne de
vaccination) sont aussi menées ;
– la dernière phase est celle de transition vers ONUSOM 2 (avril 1993) avec la réduction progres-
sive des effectifs français à 1 100 soldats ainsi que le désengagement d’ORYX 1.
Selon les retours d’expérience, la mission confiée aux troupes françaises a été bien remplie. Les troupes
ont réussi à instaurer un climat d’apaisement en confisquant des armes (609 armes légères et 56 armes
lourdes) et en participant à l’aide humanitaire ainsi qu’en facilitant le processus de relance des structures
administratives et des politiques locales. Lors de cette opération, il n’y a eu qu’un blessé et un VAB 64
perdu. Les enseignements tirés insistent sur le gain de temps obtenu grâce à l’envoi de troupes déjà pré-
positionnées à Djibouti et l’existence préalable d’une relation de confiance entre alliés ; du coté opération-
nel, la décentralisation et l’action dynamique ont facilité le renseignement, l’appui et la manœuvre et,
finalement limité les risques, mais le ravitaillement en eau a été difficile et cela a affaibli les troupes ;
enfin, les forces armées ont besoin de davantage d’équipements tout particulièrement des conteneurs
d’équipements médico-chirurgicaux.
Dans l’ensemble, les premières opérations UNITAF se sont bien déroulées et ont ramené un peu de
calme 65. Cependant les opérations militaires à but humanitaire se sont peu à peu détournées de leurs
objectifs originels et ont pris des tournures politiques ce qui a entraîné une déstabilisation de la situation.
L’extension de la zone d’action de l’ONU jusqu’à la frontière kenyane est la dernière phase de l’opération.
Durant cette mission, les troupes onusiennes font face à de multiples agressions dont celle du 5 juin 1993
qui fait 24 morts au sein des troupes pakistanaises et permet au général somalien Aidid de reprendre le
contrôle de plusieurs installations à Mogadiscio. Suite à cet affrontement, un renfort de blindés est envoyé.
Le 17 juin, une partie des forces françaises dirigée par le colonel de Saqui de Sannes et composée de deux
sections d’infanterie sur VAB, de deux autres sections d’infanterie sur camions VLRA 67, d’un peloton de
blindés légers ERC 90 68 ainsi que d’un détachement d’hélicoptère viennent porter secours aux troupes
marocaines mises en difficulté par les factions du général Aidid. La présence de la foule au moment de
l’affrontement n’arrange pas la situation et les rebelles vont même jusqu’à se servir de la population pour
se défendre : « Le problème était que les tireurs ennemis utilisaient les femmes comme bouclier » 69.
D’abord mis en difficulté, les militaires français vont peu à peu gagner du terrain et permettent aux troupes
marocaines de se dégager. Ils mettent les factions du général Aidid en position difficile. Ceux-ci décident
de se replier. Les affrontements se poursuivent et la mission française touche à sa fin en décembre 1993.
Elle signifie sa volonté de ne pas prolonger sa participation à ONUSOM au-delà de cette date.
65 Jean-Christophe Mabire, « Somalie, l’interminable crise », Hérodote, 2003/4, n° 111, p. 57-80, p. 66,
URL : www.cairn.info
66 Engagés Volontaires pour les Actions Extérieures.
69 Témoignage du général de Saqui de Sannes, dans Michel Goya, « Agir et décider en situation d’extrême violence »,
La mission française est intégralement remplie dans la province du Bay, spécialement son volet humani-
taire axé sur l’aide au retour des réfugiés et des déplacés. Le calme et le retour à des conditions de vie
normale ont pu être assurés dans les deux autres zones sous commandement français. 1 050 armes
légères, 115 armes lourdes, 159 tonnes de munitions ainsi que 5 000 mines antipersonnel et antichar ont
été récupérées. On compte quatre blessés et aucune perte matérielle.
La mission ONUSOM 2 est considérée comme un échec même si les Français ont rempli leur part des
engagements. Les factions du général Aidid et d’Ali Madhi n’ont pas été contenues et continuent à gagner
en puissance. Les 3 et 4 octobre 1993, elles attaquent les troupes américaines et abattent deux de leurs
hélicoptères, faisant 18 morts et 76 blessés américains, provoquant l’humiliation des Américains 70.
En effet, des corps des soldats sont traînés à l’arrière de jeeps sous les yeux de plusieurs caméras. Cette
même journée, le 3 octobre, les assauts aériens américains ont fait 1 000 morts du côté somalien en un
seul après-midi 71.
Cet épisode traumatisant pour la nation américaine pousse les Américains à se retirer de la mission
ONUSOM. Une nouvelle intervention de l’ONU ainsi qu’un nouvel engagement français sous la forme
d’un détachement d’assistance militaire d’instruction (DAMI) est lancé en novembre.
Cette mission est une opération d’assistance militaire en marge d’une action humanitaire ONU suite à
la Résolution 814 du 28 mars 1993 qui prévoit notamment le transfert des responsabilités de sécurité à
la police nationale somalienne.
La mission du DAMI 72 est la continuation de la sécurisation de la zone dans la seule province de Bay,
ainsi que l’entraînement et la formation de forces auxiliaires de sécurité (FAS). Le DAMI est sous
commandement français (État-major des armées) et complètement autonome vis-à-vis de l’ONU.
Une centaine de spécialistes, basés initialement à Djibouti, sont ainsi envoyés sur place. 400 personnels
sont instruits (emploi des armes, conduite automobile, secourisme, patrouille…), cinq postes de police
reconstruits et quatre autres réhabilités. C’est le premier exemple de l’emploi d’un DAMI français dans
le cadre d’une opération de l’ONU. Cette mission s’est bien déroulée notamment grâce au maintien de
la neutralité vis-à-vis des clans.
Cependant, la seconde mission ONUSOM 2 est un échec et la situation continue à se dégrader. Les
troupes internationales commencent à procéder à leur retrait et quittent définitivement la Somalie en
mars 1994. Pourtant la situation ne s’est pas améliorée. Au contraire, les troupes du général Aidid ont
gagné du terrain, l’aide humanitaire a toujours des difficultés à parvenir à la population, mais la
communauté internationale, impuissante, abandonne la Somalie à son triste sort.
70 Cet épisode est relaté dans le film de Ridley Scott, La Chute du faucon noir (Black Hawk Down), 2001, adapté
du livre de Mark Bowden.
71 Tony Iltis, “Somalia : Ethiopian occupation ends, suffering continues”, International News, Green Left Weekly
L’opération onusienne menée en Somalie est un échec. La méconnaissance du terrain en est une des
principales causes, les troupes internationales ayant notamment beaucoup souffert du manque d’eau.
L’analyse du terrain pousse l’administration américaine à considérer que les embuscades des bandes
armées seront difficiles à être contournées à cause du relief plat parcouru d’épineux. Or, les chefs de
guerre connaissent bien leur territoire et savent l’exploiter judicieusement.
C’est surtout la méconnaissance du système clanique qui fait échouer les missions, et la tentative de
marginalisation des chefs de guerre – principalement celle menée contre le général Aidid – n’a pas eu
l’effet escompté. Cette tactique a fédéré les clans et les sous-clans ensemble contre leurs ennemis
communs, les troupes internationales, celles-ci n’ayant pas saisi que les chefs de guerre étaient aussi
perçus positivement comme des chefs de clans par la population.
Les troupes sont entrées gagnantes dans ce conflit car elles pensaient que les bandes somaliennes
n’oseraient jamais attaquer des forces armées aussi bien équipées et structurées que les forces interna-
tionales. Or, elles n’ont pas été perçues comme des sauveurs mais plutôt comme des agresseurs.
De même, la priorité de l’ONU est d’instaurer un gouvernement et de rétablir l’ordre. Seulement, les
clans s’opposent à toute action qui eut donnée un avantage à un autre clan.
enseignement n° 3
Le commandement des opérations de forces multinationales doit être totalement unifié afin d’éviter
les quiproquos et les dispersements.
enseignement n° 4
Les spécificités géographiques telles que le désert ou les steppes épineuses ne protègent pas
d’embuscades régulières.
Les troupes de l’ONU restent sur place jusqu’au 6 mars 1995, date à laquelle le retrait apparaît comme
total, plus aucun soldat étranger n’étant présent sur le sol somalien. Mais la situation est loin d’être
réglée et un peu partout les chefs de clans se disputent encore le pouvoir. Seul le Somaliland semble se
stabiliser. Les dissensions au sein du clan Hawiye se poursuivent, Aidid vainqueur de Siad Barré et
maintenant des Américains, faisant figure de héros au sein des populations locales 73. Le général Aidid
meurt dans la nuit du 1 au 2 août 1996 lors des combats contre les troupes d’Ali Madhi à Mogadiscio.
L’espoir d’un règlement de la situation renaît alors dans les cœurs des populations car Aidid était aussi
considéré comme le responsable de l’impasse politique dans laquelle se trouvait la Somalie. Dès le
2 août 1996, Ali Madhi fait appel à la communauté internationale pour l’élaboration d’une conférence
de paix internationale avec la proclamation unilatérale d’un cessez-le-feu. La Ligue arabe se dit prête à
parrainer cette conférence.
enseignement n° 5
Dans les anciens territoires coloniaux, tout étranger est perçu comme un colonisateur. Les popula-
tions sont donc naturellement réticentes et coopèrent difficilement.
enseignement n° 6
Le partage du renseignement entre troupes étrangères coalisées ou alliées est crucial pour le bon
déroulement des missions.
● interventions éthiopiennes
Cette intervention provoque la colère non seulement de la population somalienne qui craint le désir de
l’Éthiopie d’étendre son contrôle sur la Somalie mais aussi celui de la Ligue arabe, du Yémen ou encore
de l’Arabie Saoudite qui accusent l’Éthiopie de livrer des armes en Somalie, ce qui est contraire à
l’embargo sur les armes, voté par les Nations unies en 1992 74.
Cette première intervention n’a pas l’effet attendu. Au contraire, les mouvements rebelles se renforcent
obligeant l’Éthiopie à intervenir une nouvelle fois hors de son sol en juillet 1998. Pour consolider leurs
positions, elles réussissent à faire du clan Rahenwein un allié, ceux-ci étant déconsidérés par les Hawiye
et les Darod. Le gouvernement éthiopien entrant alors en guerre contre l’Érythrée 75, il ne peut maintenir
ses troupes en Somalie et compte donc sur l’appui de ce clan. Au sud de la Somalie, les combats se
poursuivent entre clans Maheran pour le contrôle de Kismayo. Les islamistes profitent de ces combats
pour en faire porter la responsabilité sur l’Éthiopie et renforcer le ressentiment de la population
somalienne envers ce pays.
Découpage administratif
et limites des États autoproclamés.
J.-C. Mabire, art. cit., p. 74.
74 Idem, p. 72.
75 La guerre entre l’Érythrée et l’Éthiopie dure deux ans entre l’été 1998 et l’été 2000.
Mais une fois de retour en Somalie, la plupart des clans dénigrent le processus lorsqu’ils s’aperçoivent
que le nouveau président est escorté par les milices des tribunaux islamistes lors de son séjour à Mogadis-
cio le 30 août 2000. De plus, Abdulkarim Salat Hassan était ministre de l’intérieur sous Siad Barré, ce
qui n’est pas sans rappeler de mauvais souvenirs à la population.
La plupart des chefs de clans ne reconnaissent pas la légitimité du nouveau président et organisent une
conférence de réconciliation nationale. Ils constituent le Conseil somalien de restauration et de réconci-
liation (CSRR) soutenu par le gouvernement éthiopien. L’arrivée du nouveau gouvernement provoque
la reprise des affrontements et les mouvements islamistes en profitent pour accroître leur puissance. Peu
à peu, le gouvernement se disloque et trois ministres démissionnent durant l’été 2002. Une nouvelle
conférence de réconciliation nationale réunissant les chefs de guerre et le GNT se tient à Eldoret au
Kenya dès le 26 septembre 2002. Là, on nomme le gouvernement fédéral transitoire (GFT) formé de
plusieurs représentants de clans. En octobre 2002, une opération de maintien de la paix est lancée par le
Kenya pour mettre fin aux combats de factions claniques. Sans résultat.
L’Éthiopie occupe alors le territoire somalien et combat l’UTI pendant près de deux ans, jusqu’en janvier
2009. Là encore, cette occupation n’est pas sans conséquences.
enseignement n° 7
L’opinion publique locale doit être prise en considération par les forces armées ou diplomatiques
étrangères lorsque des tentatives de constructions étatiques sont entreprises.
Le 20 décembre 2006, les troupes éthiopiennes de Mélès Zénawi, Premier ministre, franchissent la frontière
et entrent officiellement en guerre contre l’Union des Tribunaux Islamiques (UTI) qui contrôle Mogadiscio.
Appuyée par les États-Unis, l’Éthiopie va soutenir le gouvernement fédéral transitoire pendant deux années
consécutives. Mais cette occupation est perçue comme une invasion aux yeux de la population.
Avancée de l’UTI et début des interventions éthiopiennes fin décembre 2006, source AFP, Reuters, USAid.
Depuis le 11 septembre 2001, les États-Unis ont placé la Corne de l’Afrique sous haute surveillance avec le
déploiement de la Task Force 150 en Afrique 76. Ils conservent un souvenir amer de leur dernière intervention
en Somalie en 1993 et ne veulent pas d’intervention directe sur le territoire somalien. Cependant, dans un
souci de lutte anti-terroriste, les Américains décident de soutenir l’Éthiopie auprès de l’ONU dans le cadre
de sa lutte contre le terrorisme – Global War on Terrorism – et lui apporter une aide sans faille pour que les
forces éthiopiennes remettent Mogadiscio entre les mains du GFT au plus tôt. La montée de l’islamisme
radical dans cette région constitue une menace pour les deux pays : pour les États-Unis, la Somalie peut
devenir un refuge pour les terroristes, notamment ceux appartenant à Al-Qaida ; quant à l’Éthiopie, grand
pays enclavé, elle craint que les groupes islamistes ne reprennent l’Ogaden pour reformer la Grande Somalie.
Depuis la guerre de 1976, l’Éthiopie est restée traumatisée par cette crainte d’une Somalie trop forte. L’inter-
vention et l’occupation éthiopiennes ont donc pour but de maintenir la Somalie dans un état de faiblesse.
Dès la première semaine de décembre 2006, les forces éthiopiennes, fortes de 3 000 hommes, interviennent
à Beledweyne, ville somalienne proche de la frontière éthiopienne et réussissent à reprendre le contrôle
de la ville 77. Les troupes sont aussi présentes aux abords de Baïdoa. Il est à noter que Baïdoa et
Beldeweyne, en plus d’être proches de la frontière, sont des villes stratégiques car c’est par celles-ci que
passent les deux routes pour Mogadiscio. Le 19 décembre 2006, les milices de l’UTI donnent l’assaut sur
Baïdoa. Les troupes éthiopiennes contre-attaquent. Aidée par les services de renseignements satellitaires
américains, l’armée éthiopienne procède à des frappes précises et atteint le quartier général de l’UTI ainsi
que leur réserve de matériel. L’UTI est équipée de quelques « technicals 14,5 » (pick-up 4x4 japonais,
équipés de mitrailleuse) et d’armements légers type AK47, RPG.
76 Combined Task Force 150 (ou CFT-150) est une force opérationnelle navale fondée sur une coalition multina-
tionale. Créée en 2002, son quartier général se situe dans le golfe Persique au sein du complexe américain naval.
77 Pour des informations plus détaillées sur l’intervention éthiopienne, lire Capitaine de la Tousche, L’intervention
militaire éthiopienne en Somalie ou le reflet d’une sous-région en crise, 5e RIAOM , 1re Compagnie.
78 ARS-Djibouti, seconde branche, moins radicale que Army of reliberation of Somalia, fondée par Sheikh Sharif
Les milices rebelles ne laissent donc aucun répit aux troupes éthiopiennes qui ne peuvent quitter leur
territoire sans faillir à leur mission de protection. Elles attendent la relève de troupes de l’Union Africaine
– composée de 8 000 soldats burundais et ougandais – qui arrive à Mogadiscio en avril 2008. Parallèle-
ment, des tentatives de réconciliation sont initiées : en juin 2008, un accord entre GFT et l’Alliance for
Reliberation of Somalie à Djibouti (ARS-Djibouti), sous la médiation de l’ONU prévoit un cessez-le-feu,
le retrait des troupes éthiopiennes et le déploiement d’un groupe de maintien de la paix sur le territoire.
Les troupes éthiopiennes quittent la Somalie le 26 janvier 2009, après deux ans d’occupation. La situation
n’est guère différente de celle d’avant l’intervention éthiopienne. Le GFT contrôle une petite partie de la
capitale grâce au soutien militaire des troupes de l’UA tandis que les milices islamistes reprennent du terrain.
Les raisons de l’occupation éthiopienne sont purement politiques. La volonté de maintenir une Somalie
faible est d’ordre stratégique 80. En effet, depuis la guerre perdue contre l’Érythrée entre 1998 et 2000,
l’Éthiopie se retrouve enclavée. Elle n’a plus aucun accès à la mer depuis la perte des ports d’Assab et
de Mussawa, situés en Érythrée annexée par l’Éthiopie depuis les années 1950. La guerre avec l’Érythrée
provoque donc la perte de points stratégiques pour l’Éthiopie.
Qui plus est, l’Érythrée, maintenant ennemie de l’Éthiopie, soutient et finance les mouvements sépara-
tistes en Ogaden ainsi que les milices islamiques. La religion n’est pas en cause ici, les Érythréens étant
majoritairement chrétiens. C’est donc d’une lutte d’influence dont est victime la Somalie. L’idée de la
« Grande Somalie » fait peur à l’Éthiopie, car si la Somalie se stabilisait et s’unissait, l’Éthiopie serait
alors en position de faiblesse et pourrait perdre l’Ogaden, région aux ressources minières importantes.
La présence éthiopienne ravive donc de nombreux ressentiments. Le premier est celui d’un territoire
constamment occupé. Le pays a déjà subi de nombreuses interventions avec le soutien américain, ce qui
alimente d’ailleurs un très fort anti-américanisme. Car si les attaques américaines sont censées viser des
membres d’Al-Qaida présents sur le territoire – comme celle du 1er mai 2008 où Aden Hashi Ayro
(fondateur d’Al Shabaab) est assassiné – elles ne réussissent pas toujours à atteindre leurs cibles et tuent
de nombreux civils.
En gagnant le contrôle de nombreuses régions avant l’intervention éthiopienne, l’UTI paraissait être
en mesure de stabiliser la Somalie malgré sa politique de terreur comme l’indique le quotidien panarabe
Al-Quds Al-Arabi en juin 2006 : « Les rues sont propres, les commerces ont rouvert leur portes et les
gens n’ont plus peur de sortir la nuit. Après seize années de guerre civile (1991-2007), de désordre et de
folie meurtrière, les habitants de la capitale connaissent enfin la paix et la sécurité ». Ces propos doivent
être nuancés car la majorité de la population vit aussi dans la peur de la répression de l’UTI. Mais elle
ne considère pas pour autant l’Éthiopie comme une puissance libératrice. Au contraire, l’intervention
éthiopienne est avant tout perçue comme une occupation et seul le départ des troupes éthiopiennes semble
pouvoir apaiser la situation. Or, le retrait des forces ne se fait pas comme prévu.
L’impression de dévastation et d’abandon que laissent les forces étrangères à chaque fois qu’elles quittent
le pays sont très fortes tandis que la population se trouve impuissante face aux groupes extrémistes.
80 Dr Omar N. Mohamed, The Audacity of the Ethiopian Occupation in Somalia, blog de Omar N Mohamed,
13 janvier 2008, en ligne sur sirdoon.com
L’occupation éthiopienne a fait plus de 15 000 morts parmi les civils 81 et plus de 3 millions de déplacés 82.
La population est toujours en grande souffrance. Une étude d’Oxfam 83 du 3 février 2009 estime qu’envi-
ron 3,5 millions de Somaliens sont en danger de famine depuis le retrait des troupes éthiopiennes.
De même, Amnesty International dénonce les violences commises par les forces d’Addis-Abeba :
« La population somalienne est massacrée, violée, torturée. Le pillage s’est généralisé et des quartiers
entiers sont détruits » 84.
La scission qui s’effectue au sein de l’UTI engendre une radicalisation encore plus forte de certains
islamistes. Ceux qui rejoignent les rangs de l’ARS-Asmara, dont la plupart seront membres d’Hizbul
Al-Islam, sont décidés à mettre fin au GFT et à instaurer leur politique en Somalie. D’autres groupes
radicaux naissent comme Al Shabaab. Ces groupes vont tour
à tour s’allier et se délier pour combattre le gouvernement.
Depuis la chute de Siad Barré en 1991, la Somalie est en état de déliquescence. En droit, il n’existe pas
encore de définition officielle d’ « État failli », mais selon Serge Sur, professeur de droit public à la
faculté de droit de Panthéon-Assas et spécialiste de droit international, un « État failli » pourrait se
définir comme « un appareil d’État ne [pouvant] plus remplir ses fonctions essentielles, et spécialement
assurer la sécurité physique de sa population. […] est État défaillant celui qui ne peut résoudre seul
ses problèmes, qui a besoin, même s’il n’en est pas demandeur, d’une intervention extérieure » 85. Ainsi,
la Somalie peut être considérée comme un « État failli » ce qui attire des groupes extrémistes tels
Al-Qaida. Dès lors, afin d’éviter une « afghanisation » probable de l’Etat somalien, les États-Unis
surveillent le pays de très près.
Depuis la chute de Siad Barré, la Somalie est entrée dans une crise profonde qui semble sans fin. Sa
situation est telle qu’elle est aujourd’hui considérée comme un « État failli » 86. En effet, le territoire
somalien est dans un état d’ingouvernabilité globale. Cette situation résulte d’un ensemble de facteurs
sociaux, économiques et religieux.
On peut trouver l’origine même de la crise somalienne dès 1986, lorsque Siad Barré est reconduit au
pouvoir. Il privilégie alors exagérément les membres de son clan, les Darod et plus spécialement les
Maheran, sous-clan de Siad Barré. Le général dictateur place les membres de sa famille à la plupart des
postes-clés de l’État et dans les grandes entreprises de gestion de ressources. Ces agissements décrédi-
bilisent largement les structures étatiques. En accentuant les différentes factions claniques, Siad Barré
provoque la chute de l’État de droit car la société somalienne est fondée sur le lignage agnatique 87 et le
Xeer 88 que tout dirigeant doit respecter. Or, pendant sa dictature, Siad Barré, va détourner les principes
du Shire 89 pour octroyer aux membres de son clan des dédommagements injustifiés. De même, il va peu
à peu substituer le Shire à l’autorité des représentants de l’État privant la population d’un mode tradition-
nel de règlement des différends, installant alors un sentiment d’injustice. En 1991, à la chute du dictateur,
la société se retrouve sans repères et n’a plus aucune confiance dans les structures de l’État. D’autant
que le favoritisme des clans va se poursuivre avec l’intervention onusienne entre 1992 et 1994, les
occidentaux vont mener des campagnes pour favoriser le sous-clan d’Ali Madhi, les Abgal contre les
Haber-Guedir (sous-clan d’Aidid).
85 Serge Sur, « Sur les « États défaillants », Commentaire, vol. 28, n°112, hiver 2005-2006, p. 891-899.
86 Jean-Claude Mabire, « La défaillance des États, le cas de la Somalie », Les Cahiers de Mars, n° 191, 1er trimestre
2007, p. 23-29.
87 Positionnement des individus par rapport à une lignée patrilinéaire. Le lignage agnatique se distingue du lignage
utérin.
88 Le Xeer est un « contrat politique » qui s’applique dans le champ national en Somalie. Il est constitué par un
ensemble de règles et de lois conventionnelles auxquelles tous les membres doivent se soumettre.
89 Conseil traditionnel composé d’Elders (aînés).
● dissensions économiques
Le pays ayant perdu son Etat de droit, toutes les entreprises étrangères quittent le pays. L’aide humanitaire
est le plus souvent détournée au profit des chefs de guerre et de leurs milices. De même, l’insécurité
grandissante favorise la fermeture des petits commerces et l’apparition d’une Mooryaanisation 90 d’une
partie de la jeunesse. Ces jeunes intègrent les rangs des milices des chefs de guerre dans l’espoir d’une
vie meilleure. De même, beaucoup rejoignent les pirates qui agissent le long du littoral. Cette margina-
lisation de la jeunesse somalienne contribue à la chute de l’État. N’ayant plus aucun espoir d’éducation
et de vie intégrée dans une société sans aucune structure, il est en effet, plus intéressant de mener une
vie en marge avec ceux qui sont considérés comme les plus forts. De plus, la quantité impressionnante
d’armements laissée sur place par les forces américaines profite largement aux milices qui sont mainte-
nant lourdement armées et peuvent soumettre la population. Ceci provoque l’apparition de nouveaux
« entrepreneurs de la guerre ». L’absence de discipline des milices et surtout sa jeunesse fait basculer la
Somalie dans un conflit hors normes où tout devient une cible potentielle y compris la population. Le
chaos favorise l’appétit des chefs de guerre et de commerçants qui retirent de précieux bénéfices de leurs
différents trafics et actions criminelles. Les buts de guerres deviennent de moins en moins militaires,
plus aucun chef de guerre ne combattant pour le titre de président. Cela fait du pouvoir régalien et du
rétablissement de l’ordre un enjeu amoindri.
Au total depuis 1991, quatorze tentatives de reconstructions de l’État somalien ont été menées 91. Elles
ont toutes échoué et ont contribué au renforcement du chaos. Des tentatives de reconstruction « par le
bas » ont d’abord été mises en place. Celles-ci s’appuient sur une logique de « building blocs » qui part
du principe que les zones les plus stables et les plus homogènes peuvent générer une stabilisation globale.
Elles sont instaurées dès 1998 avec l’apparition du Puntland et l’émergence en 1999 du Hiranland et
du Jubaland mais échouent en 2000 à Djibouti. Lors de cette conférence pour la paix en Somalie,
les médiateurs militent pour une reconstruction « par le haut »
avec la mise en place directe d’un nouveau gouvernement (GNT).
La nomination d’Abdulkassirm Salat Hassan ne fait pas l’unani-
mité au sein de la population ainsi que pour les chefs de guerre qui
ne lui reconnaissent aucune légitimité. Pour se défendre, le GNT
utilise les milices de l’Union des Tribunaux Islamiques (UTI)
accentuant ainsi les combats. Ces mêmes méthodes sont utilisées
par le GFT lors de la mise en place du nouveau gouvernement
par le processus d’Eldoret en 2002 jusqu’à la prise du pouvoir par
Abdulkassirm Salat Hassan. l’UTI et l’intervention éthiopienne en 2006.
enseignement n° 8
Les forces armées étrangères ne peuvent s’appuyer sur un État lorsque celui-ci n’a aucune emprise
sur le territoire, car il ne peut alors assurer ses fonctions régaliennes.
Même si les différentes organisations qui tentent de reconstruire l’État somalien essayent de prendre en
considération la dimension clanique 92, elle n’est jamais complète et laisse des clans et sous-clans de côté.
Face à cette situation, beaucoup vont rejoindre l’UTI considérant alors la religion comme un moteur de
l’union.
Très présentes en Somalie, les confréries musulmanes sont fédératrices car elles donnent un point de repère
à la population. Très désorientée actuellement, celle-ci est plus facilement influençable et tentée de rejoindre
des groupes puissants. De plus, certaines organisations caritatives musulmanes étrangères cherchent à
évincer les confréries et participent à l’implantation d’un islam radical dans le pays 93. Les groupes
islamiques sont opposés au système clanique dans lequel ils voient un élément de désunion de la population.
Ils prônent une Somalie unie et organisée selon la loi islamique, la charia. Ce système de loi est extrême-
ment dur et punit les contrevenants très violemment. Beaucoup d’interdits sont mis en place : interdiction
de se dévoiler et de travailler pour les femmes, interdiction de participer à des jeux traditionnels, de jouer
ou d’écouter de la musique ou encore de porter des costumes occidentaux. La montée en puissance des
groupes islamiques est dangereuse et laisse penser à la situation afghane avant l’intervention américaine.
Désormais, le cas de la Somalie est devenu un cas d’école puisque l’on parle souvent de « somalisation » 94
d’un État. Toutes les structures de pouvoir (exécutif, législatif et judicaire) sont inexistantes dans cet État
miné par la corruption, l’autoritarisme, l’incurie et affaibli par ailleurs par des oppositions armées.
La situation actuelle laisse craindre à une « afghanisation » du territoire somalien. Avant l’intervention
américaine en 2001, l’Afghanistan avait subi une lourde guerre civile. Le pays en proie à toutes sortes
de chefs de guerre (Moudjahidin) avait provoqué la montée des extrémistes talibans. Peu à peu, ceux-ci
avaient repris le pouvoir et instauré la charia sur tout le territoire. En 2001, ils attirent l’attention de
la communauté internationale en détruisant les Bouddhas de Bamiyan (VI-IV e siècle avant J.-C.).
La destruction de ces monuments classés au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO crée
l’indignation de l’opinion publique internationale qui cautionne dès lors l’intervention américaine. Mais,
depuis octobre 2001, les forces armées engagées en Afghanistan sont dans l’impasse et ont de grandes
difficultés à stabiliser le pays.
La montée en puissance des groupes extrémistes en Somalie présente de grandes similitudes avec cette
situation. Si ces groupes réussissent à prendre totalement le pouvoir, les craintes d’une nouvelle interven-
tion armée apparaissent. Les officiers américains craignent que la Somalie ne devienne un refuge pour
les groupes terroristes comme Al-Qaida 95. Avant l’intervention éthiopienne de 2006, on a pu constater la
montée en popularité de l’UTI. Cette montée en puissance ressemble à celle des talibans avant leur prise
de pouvoir.
92 Règles des 4.5 prises lors des accords de Djibouti en 2000 : les quatre grands clans sont représentés équitablement
au sein du gouvernement.
93 Jean-Claude Mabire, art. cit, p. 24.
94 Pierre Conesa, « Groupes armés non étatiques : violence privée, sécurité privée », Revue internationale et
Si l’intervention éthiopienne a pu réduire la marge d’action de l’UTI, elle n’a pas arrêté la propagation
des groupes islamistes qui contrôlent aujourd’hui tout le sud de la Somalie ainsi qu’une grande partie
de la capitale. Qui plus est, à la différence de l’UTI, les milices d’Al Shabaab et d’Hizbul Islam souhaitent
imposer un État islamique en Somalie. Ils sont plus radicaux que l’UTI et les ressemblances avec le
régime taliban sont de plus en plus flagrantes.
Outre le fait qu’un pays sans État et donc sans aucune force de surveillance peut présenter de nombreux
avantages pour les chefs de guerre ou les commerçants corrompus, l’absence de régulation et de contrôle
étatique en Somalie n’est pas forcément involontaire. En effet, on peut imaginer les nombreux avantages
que perdraient certaines personnes avec la mise en place d’un État. L’apparition d’un État contrôlé
impliquerait la mise en place de taxes et impôts divers que les commerçants entre autres seraient alors
contraints de payer, ce qui représente pour la plupart un réel manque à gagner. Pour des chercheurs
américains tels que Ken Menkhaus, la volonté réelle d’une mise en place d’un gouvernement en Somalie
provient de la manne financière que celui-ci pourrait apporter grâce à l’aide humanitaire « Une fois que
le GTN fut établi, pratiquement toute l’énergie déployée fût pour courtiser l’aide étrangère » 96. De
même, certains considèrent que si les tentatives de mise en place de gouvernements en Somalie ont
échoué c’est parce que certaines personnes auraient souhaité avoir une place au sein du dit gouvernement
et ne l’ont pas eu 97. Un « État failli » permet aussi de faire transiter très facilement de l’argent, des
personnes ou des matériaux. La sécurité et le contrôle étant inexistants, tous ces mouvements peuvent
passer inaperçus.
Les « États faillis » peuvent nuire aux groupes terroristes car ils y sont plus exposés qu’ailleurs. L’inter-
vention de la communauté internationale serait d’autant moins problématique s’il n’y avait pas d’État
central, ou que celui-ci était incapable d’étendre son autorité sur tout le territoire. De plus, les États-
Unis pourraient facilement payer des chefs de guerre ou de clan pour les aider à poursuivre les
terroristes comme cela a déjà été le cas en mai 2003 en Somalie. La milice de Mohamed Dheere a
ainsi réussi à attraper un suspect yéménite, Suleiman Abdulla Salim Hemed et l’a remis aux autorités
américaines 99.
enseignement n° 9
Les troupes françaises présentes à Djibouti occupent une position stratégique primordiale qui leur
permet d’intervenir rapidement sur n’importe quel théâtre africain (notamment en Afrique de l’Est)
ou de l’Océan Indien.
96 Ken Menkhaus, Somalia : State Collapse and the Threat of Terrorism, New-York, Routledge, 2006, p. 45-46.
97 Idem, p. 39.
98 Idem, p. 71.
99 Idem, p. 72.
Les influences aussi bien internes qu’externes ont contribué à la naissance de groupes islamistes radicaux.
Parmi les plus extrêmes, on trouve Al Shabaab et Hizbul Islam.
Al Shabaab qui signifie la jeunesse en arabe est aussi appelée al-Shabab, Shebab, Shabaab, ou the Youth,
Mujahidin al-Shabaab Movement, Maujahideen Youth Movement, Mujahidin Youth Movement, MYM,
Harakat Shaba al-Mujahidin, Hizbul Shabaab, Hisb’ul Shabaab, al-Shabaab al-Islamiya, Youth Wing,
Al Shabaab al-Islaam, al-Shabaab al-Jihaad, The Unity of Islamic Youth 100.
L’origine d’Al Shabaab est assez obscure. Le groupe serait né pendant l’occupation éthiopienne qui a
commencé à la fin de l’année 2006. Les premiers membres d’Al Shabaab faisaient parti de l’UTI. Parmi
eux, Aden Hashi Ayro (aussi appelé Abu Muhsen al-Ansari ou Ayrow) fut le chef d’Al Shabaab jusqu’à sa
mort le 1er mai 2008. Le groupe a été désigné organisation terroriste étrangère sous la section 219 de la loi
sur l’immigration et la nationalité (Immigration and Nationality Act) le 29 février 2008 par le gouvernement
américain. Il s’agit du groupe armé le plus fort et le mieux organisé en Somalie. Il existe deux mouvances
au sein du groupe. La plus radicale est dirigée par Ahmed Abdi Godane et la seconde l’est par sheikh
Mukhtar Robow (aussi connu sous le nom d’Abu Mansour) qui est le porte-parole du mouvement.
Al Shabaab
Création : circa fin 2006
Leader en 2010 : Ahmed Abdi
Godane
100 www.terroristplanet.com
En juillet 2006, Ayrow envoie 720 volontaires Somaliens combattre contre l’armée israélienne au Liban.
Seuls 80 reviendront vivants. Son frère faisait partie de la société de transfert d’argent, Dalsan, qui fit
faillite après la découverte d’un détournement de plus de 10 millions de dollars.
Aweys le plaça à la tête d’Al Shabaab en 2006. Recherché par le gouvernement américain pour
terrorisme, plusieurs tentatives d’exécution furent menées contre lui. Le 1er mai 2008, à la suite d’une
attaque aérienne américaine sur sa maison de Dusamareb, Ayrow est tué avec un des leaders d’Hizbul
Islam, sheikh Muhyadin Omar.
● ahmed abdi godane (abu Zubaïr), alias ahmad abdi (ou godane), alias mukhtaar
raxmaan
Né dans les années 1960 dans le district de Berdaale, situé dans la région
de Bay au sud de la Somalie, Robow appartient au sous-clan Leysan du
clan Rahanweyn. Il étudie d’abord à l’école coranique locale puis à la
mosquée de Mogadiscio. Dans les années 1990, il se trouve à l’université
de Khartoum au Soudan. Il retourne par la suite en Somalie et travaille pour
la fondation saoudienne Al-Haramain. Cette ONG est accusée par le
gouvernement américain d’avoir des liens avec des terroristes islamistes.
Robow est nommé commandant adjoint au département sécurité de l’UTI
lorsque ceux-ci prennent le pouvoir. Il travaille avec Ayrow, devient le
Sheikh Mukhtar Robow.
porte-parole des Shebab et participe à l’entraînement des combattants. Il
© www.garoweonline.com fait partie de la liste des terroristes recherchés par les États-Unis. On l’a vu
apparaître dans plusieurs vidéos aux cotés d’Abu Mansur Al Amriki,
terroriste américain également recherché 101.
Ces leaders sont assistés par la Shura, un conseil de 10 hommes. Al Shabaab possède la même structure
générale que les organisations jihadistes classiques avec deux branches, une branche armée et une autre
chargée de la loi et de l’ordre (Jaish al-Hisbah, « armée de la moralité »). Le groupe est divisé en cellules
101 Evan F. Kohlman, “Shabaab al-Mujahideen: Migration and Jihad in the Horn of Africa”, Nine Eleven Finding
Answers (NEFA), mai 2009, p. 21.
indépendantes fonctionnant dans différentes régions. Cette décentralisation du groupe le rend difficile à
gérer et à combattre. Selon les estimations, il y aurait plusieurs milliers de combattants (entre 3 000 et
4 000) au sein d’Al Shabaab mais les chiffres sont incertains. La plupart appartiendrait au clan Hawiye.
L’idéologie globale d’Al Shabaab repose sur la défense de l’intégrité territoriale somalienne. Créée pour
former un mouvement de résistance à l’occupation éthiopienne, Al Shabaab accuse l’Éthiopie et le GFT
de procéder à des campagnes de punition voire de génocide ainsi qu’à une laïcisation de la société qui
serait très mal vécue. De leur côté, les Shebab prônent l’instauration de la charia sur tout le territoire
somalien et mènent la vie dure aux habitants qui vivent sous leur occupation.
● divisions en devenir
En septembre 2007, l’UTI
organise une conférence en
Érythrée sous la bannière de
l’ARS-Asmara, mais celle-ci
est boycottée par Al Shabaab.
Aweys y déclare n’avoir aucun
lien avec Al-Qaida : « Je suis
un nationaliste somalien qui
combat pour une Somalie libre
et unie » 102. Ces déclarations
marquent le début d’une divi-
sion entre l’UTI, appelée à dis-
paraître et Al Shabaab. Ayrow
est en effet plus radical que ses
confrères. Il vise à un jihad
global et à une lutte acharnée
envers les occidentaux et plus
Combattant Shebab à Mogadiscio. © www.kentv.net spécialement les chrétiens.
En décembre 2007, afin de clarifier la situation, Al Shabaab déclare :
« […] les principes de l’UTI sont basés sur des principes de coexistence pacifique, de respect mutuel et
de coopération avec les nations du monde libre, spécialement ses voisins […] [ils] respectent les traités
internationaux et travaillent pour l’amélioration des relations avec toutes les organisations régionales
et internationales […] dans les respect des droits de l’Homme, […] dans le but de rassembler tous les
Somaliens, peu importe qu’ils soient séculaires, démocratiques, parlementaires ou imposteurs, ils évitent
de supporter la cause du jihad dans les messages qu’ils délivrent. Al Shabaab cherche à établir un État
islamique sur la même lignée que les Talibans, gouverné par la loi d’Allah sur le territoire somalien,
considère les dirigeants du monde musulman actuel comme des branches de la conspiration interna-
tionale contre l’Islam, et ceux-ci doivent être considérés comme des infidèles et renversés […]
[Al Shabaab] cherche à étendre le jihad à ses voisins chrétiens, avec l’intention de conduire les infidèles
hors de la Corne de l’Afrique, suivant les mêmes principes qu’Al-Qaida (…) » 103.
102 “New Somali alliance threatens war”, BBC News, 12 September 2007. news.bbc.co.uk
103 Evan F. Kohlman, “Shabaab al-Mujahideen: Migration and Jihad in the Horn of Africa”, Nine Eleven Finding
Answers foundation (NEFA), mai 2009, p. 22.
Ainsi Al Shabaab considère que les buts de l’UTI sont biaisés par leur volonté de s’allier avec les
Occidentaux. Mais des divisions au sein du groupe existent aussi. Tous ne sont pas aussi radicaux
qu’Ayrow. Robow, par exemple, revendique un jihad uniquement local et serait même prêt à entamer
des discussions avec les forces occidentales. De plus, les membres d’Al Shabaab sont dispersés sur tout
le sud de la Somalie et chaque unité est menée par un dirigeant local qui mélange les revendications
d’Al Shabaab aux objectifs du clan. Par exemple, s’ils sont situés près de la frontière éthiopienne, leur
but sera de récupérer l’Ogaden. Le retrait des troupes éthiopiennes contribue aussi aux divisions, en
effet, le but principal de l’organisation a été atteint et Al Shabaab a pu reconquérir les territoires qu’ils
avaient perdus pendant l’occupation. Reste le GFT, protégé par les troupes de l’AMISOM, mais celui-
ci n’a aucun pouvoir puisqu’il contrôle une toute petite partie de la capitale.
La possibilité de jouer sur les divisions au sein même du groupe est une carte à jouer pour le GFT et les
négociateurs internationaux.
Quand les Shebab ont été désignés comme une organisation terroriste étrangère, ils ont été associés par
les Occidentaux à la nébuleuse terroriste constituée par Al-Qaida, sur la base du fait que les plus anciens
membres avaient bénéficié d’un entraînement en Afghanistan. Bien qu’il soit vrai que certains leaders
d’Al Shabaab aient effectué plusieurs séjours, les liens entre les deux organisations sont pourtant encore
incertains. En effet, il se peut que certains membres d’Al-Qaida aient des liens avec des Shebab, ceux-
ci seraient strictement personnels. De plus, même si les membres d’Al Shabaab ont proclamé officiel-
lement leur allégeance à Al-Qaida le 1er février 2010, il n’y a eu aucune confirmation en retour.
Entre temps, Al Shabaab se fait des alliés y compris en Somalie : l’organisation Ras Kamboni 104 a quitté
Hizbul Islam et les a rejoint. Leur chef, Hassan Abdullah Hersi al-Turki, est activement recherché par le
gouvernement américain.
• hassan abdullah hersi al-turki est né en 1944 en Ogaden et appartient au sous-clan des Reer
Abdille du clan Darod. Il a participé à la guerre de l’Ogaden dans les années 1970 et a rejoint la
Somalie à la défaite de celle-ci. Il est devenu un des leaders militaires de l’UTI en 2003 et était
en charge du district de Dhobley dans la région nord-est du pays ; il a aussi mené des opérations
dans le Jubaland et dirigé un camp d’entraînement près de la frontière kenyane. Le 2 mars 2008,
il est la cible d’une attaque aérienne américaine. Cette attaque touche la ville de Dobhley tuant
et blessant plusieurs civils mais elle n’atteint pas Turki. Il est actuellement le leader du groupe
Ras Kamboni Brigades.
Les Shebab ont des intérêts à se mettre sous la tutelle d’Al-Qaida. En effet, en faisant allégeance à la
plus célèbre nébuleuse terroriste mondiale, Al Shabaab acquiert de la notoriété et attire des combattants
étrangers expérimentés. Il y aurait environ 800 combattants étrangers parmi ses rangs. Contrairement à
l’UTI ou aux membres d’Hizbul Islam qui se refusaient dans les premiers temps à l’implication d’étran-
gers dans leurs milices, les Shebab ont souvent fait appel aux musulmans du monde entier pour qu’ils
les rejoignent, notamment ceux qui ne pourraient se risquer à aller en Afghanistan ou en Irak. La Somalie
se présente alors comme une alternative pour les moudjahidin.
104 Ras Kamboni Brigades est une organisation islamiste dirigée par Turki qui a combattu contre l’occupation
éthiopienne et a rejoint le groupe Hizbul Islam en janvier 2009. Cependant, elle l’a quitté pour rejoindre les
rangs des Shebab en février 2010.
« Frères d’Islam, nous venons de Mogadiscio et nous avons des milliers de combattants. Certains sont
somaliens, d’autres viennent du monde musulman. […] Si les chrétiens, menés par les Américains
amènent leurs infidèles, nous appelons tous nos fidèles combattants musulmans à nous rejoindre » 105.
De plus, Al-Qaida enjoint aussi les combattants à rejoindre Al Shabaab pour combattre l’ennemi.
Les plus motivés ont été recrutés dès l’intervention éthiopienne en 2006. Parmi eux, nombreux sont
recherchés par les autorités américaines.
Daniel Maldonado.
© www.foxnews.com
• issa osman issa (alias Abdullah al-Sudani), à l’image d’Abu Yousef al-Kini, est aussi originaire
du Kenya et décrit par le gouvernement américain comme un leader d’Al-Qaida en Afrique de
l’est. Il est recherché pour les mêmes raisons.
• fazul abdullah mohammed (alias Haroun al-Kamari) est décrit par le gouvernement
américain comme un leader d’Al-Qaida en Afrique de l’Est. Originaire des Comores, il est
recherché pour ses liens dans les attentats de l’ambassade des États-Unis à Nairobi (Kenya)
et à Dar es Salaam (Tanzanie) en 1998. Il échappe de peu à une attaque aérienne américaine le
7 janvier 2007. Sa tête est mise à prix pour 5 millions de dollars américains.
• tariq abdullah (alias Abu Talha al-Sudani), originaire du Soudan, appartiendrait à Al-Qaida
en Afrique de l’Est depuis le début des années 1990. Il aurait participé aux combats contre les
Américains et les troupes onusiennes à Mogadiscio entre 1992 et 1994 ainsi qu’aux attentats au
Kenya et en Tanzanie en 1998. Il aurait aussi effectué des repérages du camp américain de
Djibouti en 2003 afin de préparer une attaque 106.
105 “Somalia Islamists confirm they have foreign fighters” Garowe Online News, 27 september 2006,
www.garoweonline.com
106 Evan F. Kohlman, op. cit., p. 17.
• saleh ali saleh nabhan (alias Abu Yousef al-Kini) également décrit par le gouvernement
américain comme un des chefs d’Al-Qaida en Afrique de l’Est, est originaire du Kenya. Il est
impliqué dans l’attentat d’un hôtel à Monbasa et le serait dans les attentats de 1998. Il est mort
lors d’une attaque aérienne américaine le 14 septembre 2009 dans le village de Borow situé en
Somalie (sud de la côte somalienne).
Ces combattants font figures d’exemples aux yeux des plus fanatiques, la notoriété acquise par Al
Shabaab enjoignant d’autres jihadistes à les suivre. Les combattants étrangers apportent leurs expériences
au groupe et contrairement à certains membres somaliens d’Al Shabaab qui pourraient les rejoindre par
obligation financière, ceux-ci arrivent par pur fanatisme et sont, de ce fait, les plus dangereux. Cependant,
les membres d’Al Shabaab restent tout de même méfiants à leur encontre. Le groupe terroriste somalien
n’est pas dupe des tentatives d’infiltrations et n’hésite pas à exécuter ceux qu’ils pensent être coupables
d’espionnage. Quant aux liens avec Al-Qaida, les plus forts sont avant tout idéologiques, les soutiens
financier et humain étant incertains. La décision de gouvernement américain de mener des attaques
aériennes en Somalie contre ces membres potentiels d’Al-Qaida n’a pas obtenu le résultat escompté
puisqu’elles renforcent la notoriété des Shebab et l’anti-américanisme des Somaliens 107.
107 www.terroristplanet.com
Hizbul Islam (« le parti de l’islam ») aussi appelé Hizbul Islaami, Hisbi Islam, Hezr-ul Islam, a été fondé
en janvier 2009 suite à l’élection du président sheikh Sharif Sheikh Ahmed.
Logo ARS-Asmara.
© www.somalimirror.com
→ Sheikh Hassan Dahir Aweys est né en 1945 dans la région du Gamulduq, située au centre de la
Somalie. Il commence à prêcher l’idéologie wahhabite dans les années 1970. Colonel durant la
première guerre contre l’Éthiopie en 1978, il est décoré pour sa bravoure et devient chef militaire
de l’Union islamique (Al-Ittihaad al-Islami) fondée en 1984 puis de l’UTI dans les années 1990.
Il se rapproche alors d’Ayrow et poursuit la lutte contre les infidèles aux côtés de ses frères. En
2006, il est nommé conseiller au conseil de l’UTI. Parallèlement, il forme l’ARS et prend la tête
de l’ARS-Asmara.
En janvier 2009, son mouvement rejoint Hizbul Islam. Il est nommé à la tête du groupe en février 2009.
Il est recherché par le gouvernement américain pour actes de terrorisme.
• Jabhatul islamiya. Ce groupe conservateur et religieux est opposé à toute présence militaire en
Somalie. Fondé en décembre 2007, il a ses bases à Mogadiscio et prétend avoir plusieurs autres
organisations à travers la Somalie. Ses principaux chefs sont sheikh Abdi Muhammad Nur et
sheikh Muhammad Ibrahim Hayle.
L’un des chefs de Ras Kamboni est sheikh Ahmad Madobe. Commandant
du groupe, il aurait été impliqué dans un conflit inter-clanique avec des
membres d’Al Shabaab concernant le contrôle de Kismayo. Sa base de
soutien se trouve à Gedo dans la région du moyen et bas Jubba 108.
• muaskar Anole (« école Anole ») est un groupe islamiste militant situé au sud de la Somalie
et associé à Ras Kamboni. L’organisation a combattu plusieurs fois aux côtés des Shebab,
notamment à Kismayo en 2006 pour ensuite se désolidariser du groupe et rejoindre Hizbul Islam.
Son chef est Mukhtar Ali Abu Aisha.
Comme les Shebab, Hizbul Islam est assisté d’une shura et possède des camps d’entraînements situés
un peu partout, surtout au sud de la Somalie (zone de non-droit total). Considéré comme moins radical
qu’Al Shabaab, Hizbul Islam tend cependant à se radicaliser depuis l’hiver 2009.
Le groupe Hizbul Islam s’est formé en réaction à l’élection de Sharif Sheikh Ahmed, ancien membre de
l’ARS et de l’UTI. Désormais considéré comme un traître, Hizbul Islam se bat pour le destituer et faire
partir les forces de l’UA. Il prône un jihad local et n’a aucune volonté d’étendre le combat au monde
entier comme certains membres d’Al Shabaab. Cependant, il a la volonté de réunir la « Grande Somalie »
et donc de reconquérir l’Ogaden et le nord de la frontière kenyane. Hizbul Islam a pris le contrôle de
plusieurs villes dont Beldeyem et Harardhere où il y impose la charia. Considéré comme moins radical
qu’Al Shabaab, Hizbul Islam est pourtant de plus en plus rigoriste avec la population.
108 Andrew Mc Gregor, Who is who in Somali insurgency, Washington, The Jamestown Foundation, 30 September
2009, p. 22. www.jameston.org
Ainsi, au mois de décembre 2009, les membres d’Hizbul Islam ont procédé à l’assasinat de deux
Somaliens reconnus coupables d’adultère et de meurtre. C’est la première fois que le groupe condamne
quelqu’un à mort. Peu à peu, ils mettent en place une charia aussi dure que celle des Shebab.
Le 2 avril 2010, pour la première fois depuis sa création, le groupe a appelé Oussama ben Laden et les
combattants étrangers à rejoindre la Somalie et à les aider à y instaurer un Etat islamique. Une année aupara-
vant, le groupe avait déclaré n’avoir aucun lien avec Al-Qaida. En faisant appel à ce groupe terroriste,
Hizbul Islam montre qu’il durcit sa ligne de conduite qui se rapproche de plus en plus de celle des Shebab.
Le 25 mai 2010, Hizbul Islam a ordonné à tous les travailleurs humanitaires de la région d’Hiraan (nord-
ouest de Mogadiscio), de quitter les lieux dans les 24 heures. La famine menace pourtant la région mais
les membres du groupe estiment que les travailleurs humanitaires ne font pas assez pour la population
en dépit des dons qu’ils reçoivent. Ils préfèrent donc priver la population du peu qu’elle reçoit.
De plus le 3 juin 2010, Hizbul Islam a exigé que tous les bureaux d’Universal TV en Somalie ferment au
plus vite. La veille, la chaîne avait diffusé une émission concernant les caricatures de Mahomet, ce reportage
a été considéré comme blasphématoire. Les membres du groupe ont aussi sous-entendu qu’ils pourraient
avoir recours à la force pour obtenir la fermeture des lieux : « Il est possible que les islamistes en Somalie
utilisent des explosifs pour les bureaux d’Universal TV s’ils s’opposent aux ordres d’Hizbul Islam » 109.
Hizbul Islam trouve les mêmes moyens de financement que les Shebab. De plus, lorsqu’il y a entente
entre les deux groupes, le partage des otages est souvent pratiqué. Ceux qui tentaient de se différencier
des Shebab par leur politique moins radicale, utilisent aujourd’hui les mêmes pratiques que ces derniers.
Hizbul Islam n’offre plus d’alternative à la population qui ne peut différencier les deux groupes. La plupart
des radicaux tendent à développer un jihad de plus en plus global. Cependant, des divisions existent au
sein même du groupe ou entre les groupes. Ces divisions sont des signes de faiblesse à ne pas négliger.
2.3 – Hizbul Islam et Al Shabaab, des liens qui ne tiennent qu’à un fil
Lors de son apparition, Hizbul Islam s’est immédiatement allié avec Al Shabaab. Leur désir commun
de mettre fin au GFT et d’instaurer un État islamique les ont convaincu qu’il serait plus judicieux de se
battre ensemble. Ils mènent donc la plupart de leurs
combats ensemble. C’est ainsi qu’ils ont repris
possession de la ville de Kismayo en mai 2009.
109 Hizbul Islam orders to closure of all offices of Universal TV in Somalia : jihad-e-informacion.blogdpot.com
Cependant, le 9 juillet 2010, les deux leaders des groupes se sont rencontrés pour trouver un accord
d’unité afin de lancer une grande offensive contre leurs ennemis communs : l’AMISOM et le GFT. Les
deux groupes pourraient donc à nouveau décider de s’allier si les conditions l’exigeaient.
Hormis les enjeux de pouvoir entre les deux principaux groupes, des divisions importantes sont à prendre
en considération au sein même des factions. Ainsi, Ras Kamboni s’est désolidarisée d’Hizbul Islam pour
rejoindre les rangs d’Al Shabaab en février 2010. Cette décision a suscité des divisions au sein même
de Ras Kamboni. En effet, quelques jours plus tard, Bare Ali Bare, commandant adjoint de Ras Kamboni
a déclaré qu’aucune scission n’avait eu lieu. Les Shebab l’ont exécuté début mars sur le marché Baraka
à Mogadiscio. Hizbul Islam a répondu à cette attaque en assassinant sheikh Da’ud Ali Hassan dans la
ville de Dhobley (sud de la Somalie).
Beaucoup sont réticents à la présence de combattants étrangers au sein du groupe car ils entendent juste
mener un jihad local et craignent que ces combattants ne les incitent à rejoindre d’autres causes.
Le nombre de combattants au sein d’Hizbul Islam est incertain mais tend à s’amoindrir si on considère
les divisions de plus en plus nombreuses.
Ainsi, Hizbul Islam est considéré comme le second groupe le plus puissant de Somalie. Ses motivations
se rapprochent de plus en plus de celles des Shebab. Les divisions entre les groupes et au sein des groupes
mêmes sont de plus en plus nombreuses et les rendent plus fragiles.
enseignement n° 10
Les divisions au sein d’un groupe islamiste peuvent permettre de se rapprocher des moins radicaux
et aider au morcellement du groupe.
110 International Crisis Group, “Somalia’s divided Islamist”, Africa Briefing, n° 74, 18 mai 2010.
Al Shabaab et Hizbul Islam ont conquis la majeure partie du sud de la Somalie. Imposant la charia et
endoctrinant la population, ces groupes utilisent aussi des techniques de recrutement essayant d’être en
accord avec la société actuelle.
En avril 2007, Al Shabaab met en ligne un nouveau site similaire aux précédents à ceci près qu’il offre
désormais la possibilité de poser des questions à l’Émir des Shebab, Sheikh Mukhtar Abu az-Zubair.
Pour aller plus loin dans la propagande, ils font appel aux visiteurs du forum pour traduire leur texte
mais aussi à « Global Islamic Media Front » (GIMF), organisation transnationale virtuelle, qui donne
la possibilité aux internautes d’avoir accès aux informations des Shebab en arabe et en anglais. Ainsi le
31 mars 2007, le premier communiqué écrit d’Al Shabaab est publié sur divers forums par GIMF :
« Nous avons une branche officielle qui s’occupe de tous les contenus audios, vidéos et écrits. Cette
branche est appelée “Sada Al-Jihad Media Center et appartient au GIMF” » 112.
Le GIMF publie aussi un document intitulé « Ways to support our brothers in Somalia » qui appelle la
communauté musulmane à aider les Shebab en leur envoyant des fonds ou en les rejoignant directement
en Somalie. Les sites officiels d’Al Shabaab ont été fermés par leurs hébergeurs en 2008.
Pour pallier cette censure des hébergeurs, un autre dédié aux islamistes et aux musulmans relaie le
discours d’Al Shabaab, même si celui-ci apparaît comme un site de propagande. Par exemple, le 29 avril
2010, il annonce que l’attaque d’une base militaire a été perpétrée le 27 avril 2010 par les Shebab dans
la province du Bénadir (Mogadiscio). Le texte est on ne peut plus clair :
« le mardi 27 avril 2010 (Jumada Al-Ula 13, 1431) le bataillon des Martyrs du mouvement de la Jeunesse
Mujahideen a mené une opération martyre sur une base militaire préparée par les forces croisées pour
être une de leur base dans le voisinage de Shabs dans la province islamique du Bénadir (Mogadiscio) » 113.
Or, aucune attaque de ce genre n’a été reportée par les médias.
Comme le souligne Ken Menkhaus, il faut surtout prendre en considération ce que ces groupes font et
non ce qu’ils disent. Si cette information n’a pas été relayée par les médias internationaux, on peut douter
de la véracité de ces propos. En effet, les Shebab peuvent utiliser ce genre de propagande pour prouver
leur efficacité et leur détermination et ainsi convaincre d’autres extrémistes de rejoindre l’organisation.
Les Shebab ont même créé une page sur le site wordpress.com et mettent en ligne des offres d’emplois
de traducteurs, concepteurs vidéo en plusieurs langues (somali/anglais, somali/arabe) afin d’aider à faire
la propagande du groupe et les communiqués officiels de leur branche armée. Reste que cette page,
comme d’autres, a été fermée depuis. Al Shabaab se sert aussi d’internet pour diffuser des menaces
envers les gouvernements qu’il juge opposés à sa politique. Ces messages sont envoyés par le biais des
otages qu’ils détiennent.
De plus, Al Shabaab peut aussi compter sur la diaspora somalienne, très présente aux États-Unis, pour
propager sa parole. Ainsi, beaucoup de vidéos sont mises en ligne sur Youtube ou sur d’autres sites de
partages de fichiers (Dailymotion, Facebook…).
Enfin, Internet n’est pas qu’un outil de propagande, c’est aussi un outil très efficace pour lever des fonds.
enseignement n° 11
L’infiltration des groupes terroristes est quasi-impossible du fait de leur extrême méfiance.
On trouve plusieurs sources de financement du terrorisme. Parmi celles-ci, la Zakat (3 e pilier de l’Islam),
l’Hawala, les rassemblements de récoltes de fonds et les rançons.
● la zakat
L’une des principales sources de financement du terrorisme provient de la zakat 114 qui signifie « purifi-
cation » ou « épanouissement ». Il s’agit du troisième pilier de l’Islam qui consiste en une « contribution
obligatoire » dont chaque musulman doit s’acquitter en solidarité avec les plus pauvres. À l’origine, ce
don n’est pas conçu pour financer le terrorisme mais cet argent peut être très facilement détourné sans
que le donateur ne s’en aperçoive. Ainsi entre 1995 et 2003, 6 à 8 % des revenus de la Zakat ont été
détournés 115. Il existe deux sortes de Zakat. La Zakat al-maal représente 2,5 % des richesses accumulées
sur une année lunaire complète tandis que la Zakat al-fitr se paie uniquement à la fin du Ramadan (elle
est d’un montant fixe situé aux environs de 7 €). La Zakat est utilisée prioritairement pour aider les
nécessiteux mais elle sert aussi plus généralement la cause d’Allah c’est-à-dire à la rénovation ou
construction des mosquées, à la diffusion de l’Islam et par voie de conséquence au jihad 116. Il n’y a
aucune information précise sur le montant total généré chaque année par la Zakat mais une estimation
de 1979 faite par une banque égyptienne avait estimé que, pour ce seul pays, on pouvait estimer la
récolte à 200 millions de dollars. C’est dire si les sommes sont importantes. Reste que le montant alloué
pour financer le terrorisme est inconnu.
● l’hawala
L’Hawala ou « transfert de fonds » est à l’origine utilisé par des immigrants qui envoient une partie de
leurs salaires à leurs familles dans le pays d’origine. En dehors d’une redistribution des richesses du
Nord vers le Sud, ce système a l’immense avantage pour ceux qui le pratiquent d’éviter de très
nombreuses taxes.
En Somalie, la société de transfert d’argent Dalsan, accusée de financer le terrorisme somalien, a été
mise en faillite par le gouvernement américain. En effet, Dalsan détournait l’argent transféré au profit
des groupes terroristes. Les familles en attente de ces transferts de fonds pour subsister n’ont aucun
moyen de se défendre et perdent tout.
Les groupes seraient financés par certaines ONG musulmanes. Les Shebab récoltent aussi des contribu-
tions auprès de la population mais celles-ci sont moindres. De même, certains riches hommes d’affaires
situés au Kenya, aux Émirats Arabes Unis ou en Somalie aideraient aussi les mouvements terroristes.
Al Shabaab et Hizbul Islam organisent aussi souvent des collectes ou des cérémonies pour lever des
fonds et appellent aux dons via Internet.
Le recrutement de combattants étrangers peut aussi être une source de revenus pour Al Shabaab ainsi
qu’une source de liens avec Al-Qaida. De même, les groupes imposent des amendes fiduciaires à ceux
qui ne respectent pas la charia.
Dans les villes et les zones qu’ils contrôlent, Al Shabaab et Hizbul Islam imposent la charia. Cet ensemble
de lois est très dur et rigoriste. Les coupes de cheveux des hommes sont réglementées, les femmes doivent
être entièrement voilées ; on ne peut pas écouter de la musique ou encore regarder des films occidentaux ;
les hommes et les femmes sont séparés dans les bus. La population est contrainte de se plier à l’autorité
de ces groupes sous peine d’être punie voire exécutée publiquement. La justice est expéditive et rendue
par la branche « Loi et Morale » du groupe. Les exemples sont nombreux.
117 Amanda Lindhout, journaliste canadienne et Nigel Bennan, photographe australien ont été retenus par les Shebab
pendant plus de 15 mois. Cf. article de Reporters sans frontières, http://fr.rsf.org/somalie-amanda-lindhout-et-
nigel-brennan-25-11-2009,35091, 25 novembre 2009.
118 « Somalie : l’Armée de la moralité met Mogadiscio à la mode shebab », AFP, 23 février 2010, 9 h 47.
→ Le 13 décembre 2009, deux hommes ont été condamnés à mort par Hizbul Islam 119 : Mohamed
Abukar Ibrahim, 48 ans, a été condamné à la lapidation pour adultère ; la jeune fille de 15 ans
avec lequel le condamné avait eu des relations a reçu 100 coups de fouet, mais n’a pas été
condamnée à mort car elle n’était pas mariée au moment des faits.
→ Le même jour, Ahmed Mohamoud Awale, 61 ans, a été exécuté par rafales de kalachnikov car
il avait commis un meurtre.
Plusieurs personnes ont été amputées d’un bras ou d’une jambe ou des deux suite à des accusations de
de vol. Il s’agit là d’une application stricte de la charia pour ce genre de méfait.
Un autre témoignage de cette extrême violence est celui d’Aisha Ibrahim Duhulow, lapidée à mort le
27 octobre 2008. Cette jeune fille avait été violée par trois hommes mais comme le viol ne peut être
prouvé en Somalie qu’avec le témoignage de quatre personnes, Al Shabaab l’a condamnée à mort pour
adultère. Elle n’avait que treize ans 120.
Toutes ces atrocités sont commises en public devant des centaines voire des milliers de personnes réunies
pour constater la punition. Ces méthodes sont une véritable politique de terreur. En montrant leur toute
puissance, Al Shabaab et Hizbul Islam se mettent à l’abri des rébellions. Personne ne peut oser les contre-
dire car cela reviendrait à contredire la loi d’Allah.
Les méthodes employées par ces groupes terroristes sèment la terreur. Le nombre de Somaliens victimes
de la politique de terreur ou encore des combats est inconnu, mais un rapport du Haut Commissariat des
Nations unies aux réfugiés (HCR) fait état d’environ 258 morts pour le seul mois de janvier 2010. Le
nombre de victimes ne cesse de croître d’autant que les milices des Shebab ne se soucient guère du sort
des civils et n’ont aucun scrupule à bombarder près des hôpitaux ou des écoles.
Cette violence est pour partie liée à la vente massive d’armes dans la région. Malgré l’embargo sur les
armes établi par l’ONU depuis 1992 puis confirmé par les États-Unis et l’Union Européenne, les armes
sont présentes en abondance en Somalie. À tel point que le surplus d’armes peut être envoyé à l’étranger.
Ainsi, Ken Menkhaus estime qu’environ 5 000 armes automatiques sont envoyées tous les mois de la
Somalie au Kenya 121. À Mogadiscio, on peut acheter des pistolets et des fusils d’assaut en toute tranquil-
lité sur le marché de Baraka, le plus important de la capitale. Un rapport publié par l’ONU chargé de
surveiller l’embargo sur les armes en Somalie révèle que 80 % des investissements internationaux
destinés à restructurer les forces de sécurité gouvernementales avaient été détournés de leur objet premier.
D’autant que le GFT n’a pas la capacité d’empêcher le détournement de quantités substantielles de son
propre armement et des équipements militaires vers d’autres groupes armés pas plus qu’il ne peut lutter
contre le marché noir 122.
Face à ces menaces, une partie de la population se voit contrainte de fuir les zones les plus dangereuses.
Le HCR estime à 200 000 le nombre de Somaliens déplacés à l’intérieur du pays depuis janvier 2010 et
à 40 000 le nombre de réfugiés qui ont quitté le pays. Au total, plus de 580 000 Somaliens sont réfugiés
119 « Les insurgés du Herbz al-Islam jugent et exécutent deux hommes », AFP, 13 décembre 2009, 11 h 41.
120 www.pointdebasculecanada.ca
121 Ken Menkhaus, op. cit., p.51.
122 « Avant la bataille, les bonnes affaires du marché noir des armes », AFP, 18 février 2010
123 « Neuf Somaliens demandeurs d’asile meurent au large du Mozambique », All africa.com, 11 juin 2010,
fr.allafrica.com
La stabilisation de la Somalie est un enjeu important mais elle ne peut se faire dans de bonnes conditions
en raison de la présence de groupes extrémistes. Pour imposer la paix, les forces armées internationales
doivent prendre en considération les facteurs exogènes et endogènes qui secouent la société somalienne.
L’occupation étrangère et les interventions armées ont été mal vécues par une partie de la population
somalienne et ont provoqué très tôt la naissance de mouvements extrémistes (1986). La montée en
puissance d’Al Shabaab et d’Hizbul Islam est significative puisque leurs troupes remontent petit à petit
vers le nord de la Somalie et menacent maintenant le Somaliland. Partout dans le pays, l’insurrection
est constante et les difficultés connues par le passé par les troupes occidentales – en particulier lors de
l’opération Restore Hope de 1993 – n’ont pas arrangé la situation en dépit d’une couverture médiatique
d’une ampleur exceptionnelle.
Les techniques de contre-insurrection utilisées dans le cadre de la lutte contre des groupes terroristes
sur fond de divisions claniques semblent pour le moment peu efficaces car les buts des groupes insurrec-
tionnels sont divergents et particulièrement instables dans le temps et dans l’espace. Ils ont en effet
évolué avec la société somalienne et son histoire récente. Toutes les interventions armées –américaines,
éthiopiennes ou internationales – ont pour le moment échoué en Somalie au sens où elles ne sont jamais
parvenues à stabiliser le pouvoir ou à ralentir les affrontements. Au contraire, elles semblent avoir ont
nourri un sentiment d’hostilité à l’égard des occidentaux, devenu lui-même un élément structurant au
moment de la formation de groupes extrémistes.
Les facteurs internes sont donc à prendre en considération. Le système clanique de la société somalienne
a toujours été mal abordé et le favoritisme ne facilite pas son bon fonctionnement. La structure des
sociétés claniques ne doit pas être appréhendée à l’occidentale. La puissance d’un clan n’est pas une
donnée constante sur laquelle on peut légitimement se reposer. Le jeu d’alliance et de ralliement est un
point d’intégration de la stabilité en Somalie.
Les divisions au sein des groupes extrémistes sont un atout car elles les affaiblissent. Cependant, l’utili-
sation de méthodes de plus en plus dures envers la population – comme les attentats suicides – est à
prendre en compte. La présence d’un nombre croissant de combattants étrangers fanatiques est
dangereuse puisqu’ils sont à l’initiative de ce type d’attaques. Or ces méthodes sont contraires à la
volonté des moins radicaux qui pourraient être prêts à coopérer si leurs volontés étaient respectées.
124 Jean-Jacques Patry, Sonia Le Gouriellec, « Vers un nouveau modèle d’insurrection de déni du pouvoir central
dans les sociétés segmentaires : le cas somalien », Revue Sécurité Globale, à paraître été 2010.
Tous les Somaliens ne sont pas hostiles au GFT et d’ailleurs certains groupes le soutiennent. C’est le
cas de Alhu Sunna War Jamma – groupe politique fondé sur le soufisme – qui lutte contre Al Shabaab
et Hizbul Islam. Cette organisation s’oppose aux Shebab depuis que ceux-ci ont profané plusieurs tombes
soufies entre 2009 et 2010. D’autres groupes comme la Juba Valley Alliance et l’Armée de résistance
Rahanweyn militent pour leur indépendance et pourraient se joindre aux alliances hostiles aux
extrémistes. Mettre fin à ces mouvements serait avantageux pour bon nombre de Somaliens.
Le règlement de la situation est urgent. Les Shebab, qui menaçaient certains États intervenant en Somalie,
agissent maintenant hors de leur territoire. Ainsi le 11 juillet 2010, un double attentat faisant 74 morts à
Kampala en Ouganda a été revendiqué par Al Shabaab. Trois bombes ont explosé dans deux restaurants
qui diffusaient la finale de la Coupe du monde de football. Il s’agit de l’acte terroriste le plus meurtrier
depuis douze ans en Afrique de l’Est . Cette attaque vise à contraindre l’État ougandais à retirer ses
troupes de l’AMISOM. En perpétrant les attentats de Kampala, les Shebab atteignent trois cibles
physiques et symboliques : Kampala pour sa participation à l’AMISOM et pour l’organisation du
prochain sommet de l'UA (fin juillet), un restaurant éthiopien et enfin le football, une pratique jugée
non-islamique. Les groupes mettent donc leur menace à exécution et entament des actions à l’extérieur
de la Somalie donnant une dimension plus large à leurs actes jihadistes. Il semble qu’ils ne reculeront
devant rien pour atteindre leur but. Aussi la communauté internationale doit agir au plus vite pour pacifier
la situation.
La famine guettant le pays à chaque instant, le soutien à la population serait souhaitable car cela peut
empêcher les plus jeunes en particulier de venir grossir les rangs de la piraterie ou de l’extrémisme. Un
État central ou toute autre forme de gouvernance (fédération d’États, fédération clanique…) est par
ailleurs nécessaire à la reconstruction de la Somalie. Toutes ces mesures permettraient en outre de limiter
l’influence des groupes extrémistes qui se sont installés dans le pays. C’est dire si le règlement de la
question somalienne relève d’un enjeu de dimension internationale.
125 Le 7 août 1998, au Kenya et en Tanzanie, deux véhicules piégés ont explosé quasi-instantanément près des
ambassades des États-Unis à Nairobi et à Dar es Salaam, faisant 224 morts. « L’ONU condamne le double
attentat de Kampala », AFP, 13 juillet 2010, 00 h 47.
• 1943 : Le premier parti politique somali (Somali Youth Club) est créé grâce aux officiers politiques
locaux, il est remplacé par la Somali Youth League (SYL) en 1947
• 29 avril 1946 : La Grande-Bretagne publie le « plan Bevin » établissant l’idée de la « Grande
Somalie ». Il s’agit de réunir les trois anciennes colonies : le Somaliland, la Somalia, Djibouti et
l’Ogaden (pointe de l’actuelle Éthiopie) en un seul territoire pour réduire les problèmes de pâturages.
• 11 janvier 1948 : Manifestation anti-italienne de la SYL à Mogadiscio (décès de 51 Italiens et de
15 Somaliens).
• 18 octobre 1948 : Mémorandum de la SYL à l’ONU demandant de statuer sur les frontières, l’admi-
nistration et l’organisation de la future Somalia.
• 1948 : Le Somaliland passe sous protectorat britannique.
• 6 mai 1949 : Suite à un accord entre la Grande-Bretagne et l’Italie, le « compromis Bevin-Sforza »
est mis au point. La Somalie reste sous administration fiduciaire italienne pour une durée indéterminée.
• 17 mai 1949 : L’ONU rejette le compromis « Bevin-Sforza ».
• 21 novembre 1949 : La nouvelle administration fiduciaire italienne est mise en place pour dix ans
– AFIS (Administration Fiduciaire Italienne en Somalie).
• 28 septembre 1950 : L’Éthiopie revendique le principe d’autodétermination des peuples et envoie
une lettre à l’ONU.
• 2 décembre 1950 : L’ONU approuve la tutelle financière italienne.
• 28 mars 1954 : Première élection municipale : la SYL remporte 282 sièges.
• 31 mars 1955 : Première élection législative. Aden Abdullah Osman est élu président de la nouvelle
Assemblée.
• mai 1955 : Abdullahi Issa, nommé Premier ministre du 1er gouvernement somalien.
• 1950-55 : En guise d’aide, l’Italie verse chaque année 60 millions de shilling somali (sh-so), soit
l’équivalent de 30 000 euros, au gouvernement somalien.
• juillet 1957 : Scission de la SYL lors de la désignation de Hadji Mohamed Hussein à la présidence
du parti. Il a pour objectif de fonder la Great Somalia League (GSL) qui consiste à fonder une
« Grande Somalie » proarabe et proégyptienne. Il est naturellement soutenu par Nasser.
• octobre 1958 : L’échec des élections ainsi que de nombreux incidents (bureau de vote fermé à
Mogadiscio) provoquent la démission du Premier ministre (clan Hawia) ainsi que la démission des
autres ministres (clan Darrod) par solidarité.
• 1957 : La France met en place la « loi cadre » sur les Côtes Françaises Somaliennes (CFS) à
Djibouti. La première élection législative entre les ethnies Afars, Issas et Somalis est organisée.
• 4 mars 1959 : 2e élection de l’Assemblée législative : répartition équitable entre les ethnies
dominantes (Darod, Hawia, Dighil).
• La réunification de la Somalia et du Somaliland est prévue pour le 1er juillet 1960. Dans les CFS,
le général de Gaulle arrive au pouvoir et lance un référendum sur les colonies. Il obtient une majorité
en faveur du maintien de la France à Djibouti qui devient un TOM.
• 1er juillet 1960 : L’indépendance de la Somalie est proclamée. Elle adopte une politique de non-
alignement. Le président Mahmoud Harbi meurt dans un accident d’avion en novembre 1960, sans
doute provoqué par les Russes car la Somalie commerce avec la Chine.
• 28 décembre 1960 : Armée par la Grande-Bretagne (tanks blindés, avions), l’Ethiopie attaque
l’Ogaden. Réfugiés nombreux dans le Somaliland.
• mai 1961 : Le président de la République Somalie, Aden Abdullah Osman est élu.
• mars 1963 : La Grande-Bretagne déclare que le North Frontier District fait partie du Kenya et est
soumis à la même constitution même si la majorité de la population sondée en NFD voudrait être
rattachée à la Somalie.
• 18 mars 1963 : La Somalie annonce la rupture des relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne.
• novembre 1963 : L’URSS apporte une aide militaire et financière à la Somalie qui permet la mise
sur pied d’une armée de 10 000 hommes.
• 1967 : Abdirachid Ali Shermarke est élu président ; son Premier ministre est Mohamed Hadji
Ibrahim Egal.
• octobre 1967 : Lors de la conférence d’Arusha en Tanzanie, le Premier ministre somalien Egal et
le Président kenyan, Kenyatta, mettent fin à leur désaccord sur le North Frontier District.
• fin 1967 : Rétablissement annoncé des relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne.
• 1968 : Période de détente somalo-éthiopienne.
• mars 1969 : 62 partis politiques sont représentés lors d’élections multipartites.
• 15 octobre 1969 : Assassinat du Président Shermarke.
• 21 octobre 1969 : Coup d’Etat de l’armée somalienne soutenue par les Soviétiques. Suspension de
la Constitution.
• 1er novembre 1969 : Le Conseil suprême de la révolution désigne le général Siad Barré Président.
C’est la fin de la démocratie et le début du « socialisme scientifique ».
• 1969-1975 : Siad Barré s’efforce de s’intégrer dans la communauté africaine et d’y apparaître
comme médiateur mais il reste proche de l’URSS.
• 28 juin 1973 : Siad Barré déclare la Somalie « Etat socialiste à parti unique » (Parti socialiste
révolutionnaire somalien).
• 21 août 1973 : La Somalie est divisée en quinze régions administratives dirigées par un gouverneur
militaire nommé par le président du conseil révolutionnaire suprême (Siad Barré).
• 1974 : La Somalie devient membre de la Ligue Arabe.
• 1974 : Guerre contre l’Éthiopie pour reprendre l’Ogaden (présence de gisements de gaz naturel).
• 1975-1978 : Siad Barré reprend le flambeau du pan-somalisme et se rapproche encore des
Soviétiques. 20 000 hommes sont équipés, conseillés et soutenus par 1 678 conseillers soviétiques.
• 1975 : Siad Barré est élu président de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA).
• mars 1975 : Incidents avec la France, avec prises d’otages et échanges de « prisonniers ».
• décembre 1975 : Election d’Ali Aref en Côtes Françaises Somalienne. Il rencontre le président
français Giscard d’Estaing. L’indépendance de Djibouti est prévue mais les troupes françaises restent
sur place.
• 1976 : Une campagne anti-éthiopienne est lancée dans l’Ogaden. Haile Mariam Mengistu, nouveau
negus éthiopien se rapproche de l’URSS.
• 3 février 1976 : À Djibouti, prise d’otage d’enfants de militaires de l’armée de l’air française par
5 hommes du FLCS qui revendiquent l’indépendance immédiate. Le référendum est annulé.
• février 1977 : Les États-Unis suspendent l’aide militaire à l’Ethiopie de Mengistu pour « violation
des Droits de l’Homme ».
• 27 juin 1977 : Désengagement français à Djibouti.
• 13 octobre 1977 : Un Boeing 737 de la compagnie ouest-allemande Lufthansa est détourné par
quatre terroristes qui demandent la libération de détenus dont certains Palestiniens. Siad Barré
accueille les pirates de l’air puis accepte l’intervention des forces occidentales.
• 5 juin 1977 : En Éthiopie, les rebelles font sauter la voie ferrée qui relie Addis-Abeba à Djibouti et
attaquent l’Ogaden. Ils prennent Gode. Rupture des relations diplomatiques entre la Somalie et
l’Éthiopie.
• 13 novembre 1977 : Rupture des relations diplomatiques entre la Somalie et l’URSS.
• février 1978 : La Somalie entre officiellement en guerre.
• 9 mars 1978 : Retrait des troupes somaliennes de l’Ogaden : 8 000 soldats sont morts, trois quarts
des chars et la moitié des équipements aériens sont détruits.
• 9 avril 1978 : Des membres du Somali Salvation Démocratic Front (SSDF) tentent un coup d’Etat.
500 rebelles sont tués près d’Afghoï.
• mai 1978 : Reprise de la guerilla en Ogaden (multiplication des réfugiés).
• après 1978 : La Somalie se rapproche des États-Unis.
• 1978-1980 : La Somalie reprend des relations avec l’URSS.
• 21 octobre 1979 : Promulgation de la nouvelle constitution somalienne.
• 21 aout 1980 : La Somalie signe un accord avec les États-Unis leur permettant de s’établir sur la
base aéro-navale de Berbera.
• 21 octobre 1980 - 2 mars 1982 : Des dissensions inter-claniques provoquent de multiples affron-
tements. L’état d’urgence est décrété en Somalie.
• avril 1981 : Un groupe d’immigrés à Londres forme le Somali National Movemment (SNM) et
obtient l’aide de la Libye.
• 1982 : Le SNM s’allie avec le SSDF pour mener des actions commandos sur le territoire somalien.
• 1982 : La guérilla reprend en Ogaden, aidée par le SSDF.
• 1983 : La prison de Mandera au Kenya est attaquée par des rebelles somalis pour libérer les prison-
niers politiques.
• 1984 : Plusieurs attaques de postes militaires ont lieu dans le nord de la Somalie.
• 1986 : Siad Barré est réélu avec 99,93 % des voix.
• janvier 1987 : Dix médecins de MSF sont enlevés par des dissidents.
• mai et juin 1988 : Les villes d’Hargeisa et Berbera, fiefs des rebelles, sont détruites par l’armée
gouvernementale somalienne.
• 27 janvier 1991 : Le palais présidentiel est attaqué par les opposants au régime. Siad Barré prend
la fuite avec ses fidèles.
• mars 1991 : La « République Darod » est proclamée par le clan du même nom avec pour capitale
Kismayo ; la ville est reprise par l’Union des Tribunaux Islamiques (UTI).
• 18 mai 1991 : La sécession du Somaliland (clan Isaak) n’est pas reconnue par la communauté
internationale.
• 17 novembre 1991 : Alhi Mahdi Mohammed se nomme lui-même président par intérim.
• 1992 : Crise humanitaire pendant que les chefs de guerre se battent pour le pouvoir.
• 3 décembre 1992 : L’ONU vote la Résolution 794 et accepte, à la demande des États-Unis, le
déclenchement d’une opération militaire pour instaurer dans les plus brefs délais les conditions de
sécurité pour les opérations humanitaires en Somalie. La participation de la France (ORYX) au sein
des forces multinationales (UNITAF) se fait sous mandat de l’ONU (ONUSOM).
• 9 décembre 1992 : Début de l’envoi des troupes vers la Somalie.
• 3 et 4 octobre 1993 : Les factions d’Aidid attaquent les troupes américaines et abattent deux de
leurs hélicoptères, faisant 12 morts et 76 blessés américains ce qui provoquera ensuite leur retrait.
• 1993 : Des camps destinés à entraîner les extrémistes de l’UTI sont installés près frontières
éthiopiennes
• 1994 : Le retrait total des forces de l’ONU est annoncé bien que la situation ne se soit pas améliorée.
• 6 mars 1995 : Plus aucun militaire étranger n’est présent en Somalie.
• 1998 : Une forme d’État confédéré (Somaliland, Puntland, Jubaland, Hiranland) émerge mais n’est
pas reconnue.
• 26 août 2000 : Une conférence de la réconciliation somalienne (Processus d’Arta) est organisée à
Djibouti. Un Gouvernement National Transitoire (GNT) est créé à Djibouti. Le président Abdulka-
rim Salat Hassan est investi.
• fin août 2000 : Le nouveau gouvernement s’installe à Mogadiscio ; les milices des tribunaux
islamiques (UTI) deviennent le nouveau bras armé du gouvernement mais l’Éthiopie souhaite instau-
rer un gouvernement fédéral en Somalie.
• juin 2001 : Les négociations entamées avec l’Éthiopie n’aboutissent pas. Trois blocs peuvent être
distingués :
– Le régime du Somaliland gouverné par Egal et soutenu par l’Éthiopie.
– Le gouvernement de transition aidée par les milices des tribunaux islamiques.
– Le Conseil Somalien de Réconciliation et de Restauration (CSRR) qui regroupe l’ensemble des
opposants.
• octobre 2002 : Une opération de maintien de la paix est lancée par le Kenya pour mettre fin aux
combats de factions claniques – Intergovernmental authority on development (IGAD).
• septembre 2003 : Une charte nationale transitoire (TNC) et un parlement transitoire sont mis en
place.
• octobre 2004 : Le Parlement élit Abdullahi Yusuf Ahmed président.
• juin 2006 : Les milices des tribunaux islamiques (UTI) prennent le contrôle de Mogadiscio.
• décembre 2006 : Les troupes éthiopiennes entrent à Mogadiscio et occupent la Somalie pendant
deux années.
• entre 2007 et 2009 : Les groupes rebelles islamistes (Hizbul Islam, Al Shabaab) se forment en
réaction à l’occupation éthiopienne.
• 2007 : Le gouvernement fédéral transitoire (GFT) est mis en place. Les combats avec les insurgés
se poursuivent.
• juin 2008 : Un accord entre le GFT et l’Alliance for Re-liberation of Somalie (ARS-Djibouti) est
signé. Une médiation de l’ONU prévoit un cessez-le-feu, le retrait des troupes éthiopiennes ainsi
qu’un déploiement d’un groupe de maintien de la paix sur le territoire (AMISOM).
• 10 novembre 2008 : L’opération européenne Atalante visant à lutter contre la piraterie au large des
côtes somaliennes est lancée.
• fin 2008 : Le GFT perd le contrôle du centre-sud de la Somalie
• janvier 2009 : Retrait des troupes éthiopiennes. Le président Abdullahi Yussuf Ahmed démissionne
et s’exile car il n’est pas en accord avec la mission de maintien de la paix.
• fin janvier : Election de sheikh Sharif Sheikh Ahmed président par le Parlement.
• Affrontements entre le GFT et Al Shabaab qui contrôlent chacun des villes.
• fin juin 2009 : Al Shabaab et Hizbul Islam (ancien UTI) s’allient et prennent le port de Kismayo.
• 14 juillet 2009 : Deux membres des renseignements français (DGSE) sont pris en otages par
Al Shabaab et Hizbul Islam, l’un d’entre eux réussissant à s’échapper à la fin du mois d’août.
• septembre 2009 : Des combats entre Al Shabaab et Hizbul Islam ont lieu dans le port de Kismayo.
• 3 décembre 2009 : À Mogadiscio, un attentat-suicide revendiqué par Al Shabaab, tue quatre
ministres et trois journalistes ainsi que dix-sept autres civils.
• 1er février 2010 : Al Shabaab fait officiellement allégeance à Al-Qaida.
• 16 février 2010 : Depuis janvier 2010, environ 80 000 personnes ont dû fuir les combats.
• 2 mars 2010 : Al Shabaab interdit la distribution de l’aide du programme alimentaire mondiale
(PAM) alors que la famine menace la population.
• 10 mars 2010 : L’OTAN décide de prolonger son action anti-piraterie (opération Ocean Shield)
jusqu’en 2012.
• 3 avril 2010 : Le porte-parole d’Hizbul Islam, Moallim Hashi Mohammed Farah invite Al-Qaida
à apporter son soutien à la Somalie
• 22 mai 2010 : La conférence internationale d’Istanbul sur la Somalie s’achève sans réelle avancée.
• 11 juillet 2010 : Un double attentat-suicide revendiqué par les Shebab a lieu à Kampala en Ouganda.
Il fait 74 morts. C’est la première action terroriste du groupe menée à l’extérieur du territoire
somalien.
• 24 août 2010 : Un attentat-suicide revendiqué par les Shebab a lieu dans un hôtel abritant députés
et officiels du GFT à Mogadiscio. On dénombre 33 victimes dont quatre parlementaires.
• 25 août 2010 : Les combats entre les Shebab et le GFT et l’AMISOM s’intensifient à Mogadiscio.
Ouvrages généraux
– BAUD Jacques, Jihad, l’asymétrie entre fanatisme et incompréhension, Paris, Lavauzelle, 2009.
– DECRAENE Philippe, L’Expérience socialiste somalienne, Paris, Berger-Levrault, 1976.
– FOGUE TEDOM Alain, Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique Noire, Paris,
L’Harmattan, 2009.
– HUGON Phillipe, Géopolitique de l’Afrique, Paris, Sedes, 2009.
– JOINT-DAGUENET Roger, Histoire des Somalis, les Gaulois de la corne de l’Afrique, Paris,
L’Harmattan, 1994.
– MENKHAUS Ken, Somalia : State Collapse and the Threat of Terrorism, Londres, New-York,
Routledge-Taylor and Francis Group, 2004.
– I. M. LEWIS, A Modern History of the Somali, Oxford, Eatern African Studies, 2002.
– SHAY Shaul, Somalia between Jihad and Restauration, Londres-New Breswick (États-Unis),
Transaction Publishers, 2008.
– TORRENZANO Antonnio, L’Imbroglio somalien : historique d’une crise de succession, Paris,
L’Harmattan, 1995.
Ouvrages particuliers
– BRUTON E. Browyin, “Somalia : A New Approach”, Council special report n°52, Council on
Foreign Relations, mars 2010.
– DAGNE Ted, “Somalia : Current Conditions and Prospect for a Lasting Peace”, Congressional
Research Service, février 2009.
– H. SHINN David, “Somalia : US Government Policy and Challenges, hearing before the Subcom-
mittee on African Affairs of the Committee on Foreign Relations”, USA Senate, 11 July 2006.
– F. KOHLMAN Evan, “ Shabaab al-Mujahideen : Migration and Jihad in the Horn of Africa ”,
Nine Eleven Finding Answers Foundation, mai 2009.
– MENKHAUS Ken, “ Violent Islamic Extremism : Al-Shabaab Recruitment in America, hearing before
the Committee on Homeland Security and Governmental Affairs ”, USA Senate, 11 mars 2009.
– ROQUE Paula Cristina, “ Situation Report : Understanding Al-Shabaab ”, Institute for Security
Studies, juin 2009.
– SCHIEMSKY Bruno, “ Report of the Monitoring Group on Somalia Pursuant to Security Council
Resolution 1676 ”, U.N Security Council Committee, New York, novembre 2006.
– International Crisis group, “ Somalia : to Move Beyond the Failed State”, Africa Report, n°147,
23 December 2008.
– International Crisis group, “ Somalia : Countering Terrorism in a Failed State ”, Africa Report,
n°45, 23 May 2002.
– International Crisis group, “ Somalia’s Islamists ”, Africa Report, n°100, 12 December 2005.
– International Crisis group, “ Somalia’s divided Islamist ”, Africa Briefing, n°74, 18 mai 2010.
– United States Government Accountability Office (GAO Report to Congressional Requesters),
“Somalia : Several Challenges Limit U.S. and International Stabilization, Humanitarian, and
Development Efforts ”, February 2008.
● essais
– CONESA Pierre, « Groupes armés non étatiques : violence privée, sécurité privée », Revue interna-
tionale et stratégique, 2003/1, n° 49.
– GARTENSTEI-ROSS Daveed, The Strategic Challenge of Somalia’s Al Shabaab dimension of
Jihad, 2009.
– GARTENSTEI-ROSS Daveed et DABRUZZI, Kyle, Jihad’s New Learders, 2007, p. 3-10.
– HASSAN Ahmed A., Al Shabaab Threat Clouds the Horn of Africa, 2009.
– KOCH Christopher, International piracy on high seas, hearing before the House subcommittee on
Cost Guard and Maritime Transportation, 4 février 2009.
– MALIACH Asaf, Somalia : Africa’s Afghanistan, 2006.
– MCGREGOR Andrew, “Who is who in Somali insurgency”, Jamestown Foundation, Washington,
2009.
– MENKHAUS Ken, Somalia After the Ethiopian Occupation : First steps to end the Conflict and
Combat Extremism, février 2009.
– MOLLER Bojrn : Somalia After the Ethiopian Withdrawal, janvier 2009.
– LA TOUSCHE (de) Florian, colonel, L’intervention militaire éthiopienne ou le reflet d’une sous-
région en crise, 5e Régiment Interarmes Outre-mer, 1re Compagnie.
– PHAM J. Peter, Financing Somalia’s Islamist Warlords, 2006.
– SUR Serge, Sur les « États défaillants », Commentaire, n° 112, hiver 2005.
– WEINSTEIN Michael A., Somalia : Ideological Diversity in Country’s Islamic courts movement,
2008.
● rapport de mission
● périodiques
– MABIRE Jean-Christophe, « La défaillance des États : le cas de la Somalie », Les Cahiers de Mars,
1er trimestre 2007, n°191, p. 23-29.
– « Guerre civile et violence politique, Somalie, nation éclatée », Le Monde Diplomatique, 2008.
Sites Internet
– http://www.afp-direct.com
– http://www.cft.terre.defense.gouv.fr
– http://www.irenees.net.fr
– http://www.regards.fr
– http://www.ouest-france.fr
– http://www.jeuneafrique.com
– http://www.garoweonline.com
– http://www.terroristplanet.com
– http://jihad-e-informacion.blogdpot.com
– http://www.alqimmah.net
– http://www.pointdebasculecanada.ca
– http://fr.allafrica.com