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Le processus synodal :

une boîte de Pandore


— 100 Questions & 100 Réponses —
© Société française pour la défense de la
Tradition, Famille et Propriété – TFP
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Siège social : 12 avenue de Lowendal – 75007 Paris
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Août 2023
Publié originellement en italien sous le titre
Il processo sinodale, un vaso di Pandora: Cento domande e cento risposte
© 2023 Associazione Tradizione Famiglia Proprietà — Roma
Cette brochure a été également publiée en
anglais, espagnol, portugais, hollandais et allemand
par les TFPs locales et leurs organisations sœurs.
Hors-commerce ; ne peut être vendu.
ISBN : 978-2-901039-52-5
Dépôt légal : août 2023.
Couverture: Faoro & Barandiarán
Julio Loredo
José Antonio Ureta

Le processus synodal :
une boîte de Pandore
— 100 Questions & 100 Réponses —

Société française pour la défense de la


Tradition, Famille et Propriété TFP
Préface

Le 16 juin 2023
Fête du très Sacré Cœur de Jésus

Je vous félicite sincèrement pour la publication de la bro-


chure Il processo sinodale : un vaso di Pandora, qui aborde
de manière claire et complète une situation extrêmement
grave dans l’Église d’aujourd’hui. Cette situation préoccupe
à juste titre tous les catholiques réfléchis et les personnes de
bonne volonté qui observent les dommages évidents et graves
qu’elle inflige au corps mystique du Christ.
On nous dit que l’Église que nous professons, en com-
munion avec nos ancêtres dans la foi depuis le temps des
apôtres, comme étant Une, Sainte, Catholique et Apos-
tolique, doit maintenant être définie par la synodalité, un
terme qui n’a pas d’histoire dans la doctrine de l’Église et
pour lequel il n’y a pas de définition raisonnable. La sy-
nodalité et son adjectif, synodal, sont devenus des slogans
derrière lesquels une révolution est à l’œuvre pour changer
radicalement la compréhension que l’Église a d’elle-même,
en accord avec une idéologie contemporaine qui nie une
grande partie de ce que l’Église a toujours enseigné et prati-
qué. Il ne s’agit pas d’une question purement théorique, car
8 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

cette idéologie est déjà, depuis quelques années, mise en


pratique dans l’Église en Allemagne, répandant largement
la confusion et l’erreur et leur fruit, la division — voire
le schisme —, pour le plus grand malheur de nombreuses
âmes. Avec l’imminence du Synode sur la synodalité, on
peut craindre à juste titre que la même confusion, la même
erreur et la même division ne s’abattent sur l’Église univer-
selle. En fait, cela a déjà commencé à se produire à travers
la préparation du Synode au niveau local.
Seule la vérité du Christ, telle qu’elle nous est trans-
mise dans la doctrine et la discipline immuables et in-
changeables de l’Église, peut faire face efficacement à
la situation en dévoilant l’idéologie qui est à l’œuvre, en
corrigeant la confusion, l’erreur et la division mortelles
qu’elle propage, et en inspirant les membres de l’Église
à entreprendre la véritable réforme : la conversion quoti-
dienne au Christ vivant pour nous dans l’enseignement de
l’Église, sa prière et son culte, et sa pratique des vertus et
de la discipline. Par le biais d’une série de 100 questions
et réponses, Il processo sinodale : un vaso di Pandora
jette la lumière du Christ, la vérité du Christ, sur la situa-
tion actuelle, la plus préoccupante de l’Église. L’étude
des questions et des réponses aidera les catholiques sin-
cères à être les « ouvriers de la vérité » du Christ (3 Jn 8),
comme tous les membres de l’Église sont appelés à l’être,
et donc à devenir des agents du renouveau de l’Église en
notre temps, fidèles à la Tradition apostolique.
Je remercie tous ceux qui ont travaillé avec tant de
diligence et d’excellence pour formuler les questions ap-
propriées et fournir des réponses faisant autorité. J’espère
que le fruit de leur travail sera mis à la disposition des
catholiques du monde entier pour l’édification de l’Église,
comme nous l’enseigne Saint Paul : « Mais en disant la
vérité dans l’amour, nous grandirons en tout vers celui qui
est la tête, le Christ » (Eph 4, 15).
Préface 9

Par l’intercession et sous la protection de la bienheu-


reuse Vierge Marie, puisse la Vierge Mère de Notre Sei-
gneur, qu’Il nous a donnée comme Mère dans l’Église (cf.
Jn 19, 26-27), éviter à cette dernière le grave préjudice qui
la menace afin que, fidèle à Notre Seigneur, pour notre
seul salut, elle puisse accomplir sa mission dans le monde.
Avec l’assurance de ma plus profonde affection et
mon estime paternelle, je suis Bien à vous dans le Sa-
cré-Cœur de Jésus et le Cœur Immaculé de Marie,

Raymond Leo Cardinal BURKE


Présentation

Le pape François a convoqué un « Synode sur la sy-


nodalité » à Rome sous la devise « Pour une Église sy-
nodale : communion, participation et mission ». Il s’agit
de la 16ème assemblée générale ordinaire du Synode des
évêques.
Malgré son impact potentiellement révolutionnaire,
le débat autour de ce Synode est largement resté limité
aux « initiés » et le grand public n’en connaît pas grand-
chose. Cet opuscule tente donc de combler cette lacune
en expliquant les enjeux de cette initiative papale. En
fait, il s’agit d’un projet de réforme de notre Sainte Mère
l’Église qui, poussé à son terme, pourrait la bouleverser
dans ses fondements.
Bien qu’étant une assemblée ordinaire, plusieurs fac-
teurs font de ce synode un événement inhabituel, que cer-
tains voudraient regarder comme un tournant dans l’his-
toire de l’Église, une sorte de « Concile Vatican III » de
facto.

Une assemblée pas du tout « ordinaire »


Le premier facteur qui caractérise ce synode est son
organisation. Après une large consultation internationale,
pas moins de deux sessions plénières sont prévues à Rome
12 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

en 2023 et 2024, précédées d’une retraite spirituelle pour


les participants.
Le deuxième facteur est son contenu. Alors que les
Assemblées générales ordinaires traitent habituellement
de questions spécifiques (la Jeunesse en 2018, la Famille
en 2015, etc.), elles entendent cette fois remettre en ques-
tion la structure même de l’Église. Elles proposent de re-
penser l’Église, de la transformer en une nouvelle « Église
constitutivement synodale »1 en changeant les éléments de
base de sa constitution organique. Ce changement est si
radical que les documents synodaux parlent de « conver-
sion », comme si l’Église avait fait fausse route et devait
faire demi-tour.
Le troisième facteur qui rend cette assemblée inhabi-
tuelle est la méthode qui a été retenue. Ce Synode n’a pas
pour but de discuter de questions doctrinales ou pastorales et
d’aboutir à des conclusions, mais seulement d’entreprendre
un « processus ecclésial » pour réformer l’Église. Beaucoup
craignent que cela n’ouvre une boîte de Pandore.
Ainsi, la « synodalité » risque de devenir l’un de ces
« mots-talisman » dont parlait le penseur catholique Plinio
Corrêa de Oliveira. Ces mots sont des mots très élastiques
susceptibles d’être radicalisés et utilisés à des fins de pro-
pagande. Manipulé à ces fins, « un mot-talisman . . . com-
mence alors à briller aux yeux du patient d’une lumière
nouvelle qui le fascine et l’amène beaucoup plus loin que
ce qu’il pourrait imaginer ».2
Cette réforme radicale de l’Église permettrait de ré-
cupérer les anciennes procédures de participation commu-

1 Document préparatoire de la 16ème Assemblée générale ordinaire du Synode des


évêques, 7 septembre 2021, no. II.
2 Plinio Corrêa de Oliveira, Glissement idéologique à votre insu et Dialogue, https://
www.pliniocorreadeoliveira.info/FR_Dialogue_2019_FR.pdf.
Présentation 13

nautaire de l’Église primitive, trop longtemps négligées


en raison de l’hégémonie d’une ecclésiologie hiérarchique
défectueuse qu’il convient de surmonter.3
Le Synode sur la synodalité marque donc un tournant
dans l’histoire de l’Église et plus particulièrement dans le
pontificat actuel. « Surtout, il (le Pape François) prépare
sa réforme capitale : celle de la «synodalité» pour 2024.
Il espère convertir l’Église - pyramidale, centralisée et
cléricalisée - en une communauté plus démocratique, dé-
centralisée où le pouvoir sera davantage partagé avec des
laïcs », a écrit le vaticaniste Jean-Marie Guénois.4

Le Synodaler Weg allemand


Les évêques allemands, parmi les plus engagés dans
la « conversion synodale » de l’Église, ont lancé leur
propre « voie synodale » – le Synodaler Weg –, qui re-
groupe et ravive les revendications les plus extrêmes des
progressistes allemands.
Selon ses promoteurs, le Weg ne devrait pas se limiter
à l’Allemagne, mais servir de modèle et de force motrice
pour le Synode universel. Dans le vaste univers des pro-
moteurs de la « synodalité », les progressistes allemands
apparaissent donc comme une faction extrême, bien arti-
culée et influente. Certains vaticanistes craignent que leur
influence ne soit décisive dans le travail synodal, comme
ce fut en partie le cas durant le Concile Vatican II, lorsque
« Le Rhin se jette dans le Tibre ».5

3 Commission théologique internationale, La synodalité dans la vie et dans la mis-


sion de l’Église, n° 57, 119. https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/
cfaith/cti_documents/rc_cti_20180302_sinodalita_fr.html
4 « Contesté, sourd aux critiques... «Fin de règne» solitaire pour le pape François »,
Le Figaro 13 mai 2022 https://www.lefigaro.fr/actualite-france/conteste-sourd-
aux-critiques-fin-de-regne-solitaire-pour-le-pape-francois-20220513.
5 Ralph M. Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre. Dominique-Martin Morin, 1992.
14 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

Poussé jusqu’à ses dernières conséquences, le Weg


impliquerait une profonde subversion de la Sainte Église
catholique romaine. Le cardinal Gerhard Müller, ancien
préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a dé-
claré : « Ils rêvent d’une autre Église qui n’a rien à voir
avec la foi catholique ... et ils veulent abuser de ce pro-
cessus pour détourner l’Église catholique, pas seulement
dans une autre direction, mais vers la destruction de
l’Église catholique. »6
Si le Synode universel n’acceptait ne serait-ce qu’une
partie du programme du Weg allemand, cela pourrait défi-
gurer l’Église telle que nous la connaissons. Bien sûr, cela
ne serait pas la fin de l’Église. Confortée par la promesse
divine, elle a la certitude de l’indéfectibilité, cette préroga-
tive en vertu de laquelle elle subsistera jusqu’à la consom-
mation des temps (Mt 28, 20), et les portes de l’enfer ne
prévaudront pas contre elle (Mt 16, 18).

Une expérience ratée


Avant d’appliquer la « voie synodale » à l’Église
catholique, ses promoteurs feraient bien d’étudier les
expériences similaires menées dans d’autres religions,
expériences qui se sont révélées infructueuses. Prenons
l’exemple de l’Église d’Angleterre, qui s’est engagée dans
une « Voie synodale » dans les années 1950.
Gavin Ashenden, ancien évêque anglican et aumônier
de la Reine Elizabeth, qui s’est converti au catholicisme,
en a donné ce témoignage remarquable :
« Les anciens anglicans pensent pouvoir apporter
leur aide parce qu’ils ont été témoins de l’application du

6 https://www.ncregister.com/interview/cardinal-mueller-on-synod-on-synodality-a-
hostile-takeover-of-the-church-of-jesus-christ-we-must-resist (notre traduction)
Présentation 15

«stratagème» de la synodalité, qui a produit un effet hau-


tement fractionnel et destructeur dans l’Église d’Angle-
terre. En fait, les ex-anglicans ont déjà vu ce tour joué
à l’Église. Cela fait partie de la spiritualité des progres-
sistes. En termes très simples, ils enveloppent dans un em-
ballage spirituel réconfortant un contenu quasi marxiste
et parlent ensuite beaucoup du Saint-Esprit. »7
Le père Michael Nazir-Ali, ancien évêque anglican
de Rochester et aujourd’hui prêtre catholique, lance au-
jourd’hui un avertissement similaire. Il exhorte les évêques
à tirer les leçons de la « confusion et du chaos » résultant
de « ce qui est arrivé à la Communion anglicane et à cer-
taines églises protestantes libérales »8.
Pour constater l’échec de cette approche, il suffit de
regarder le désastre de l’Église en Allemagne. Alors que
le Synodaler Weg devait servir de modèle pour réformer
l’Église universelle, ironiquement le monde a vu l’Église
d’Allemagne presque disparaître au milieu de la crise la
plus grave de son histoire justement pour avoir appliqué
des idées et des pratiques similaires à celles dont s’inspire
le Weg.
Pourquoi imposer à l’Église universelle une « voie »
qui a déjà conduit au désastre au niveau local ?
En outre, comme il est précisé dans les pages qui
suivent, la voie synodale, qu’elle soit universelle ou al-
lemande, n’enthousiasme personne. Le nombre de gens
impliqués dans les différents processus de consultation est
dérisoire. L’indifférence est générale. Les promoteurs de la
voie synodale sauront-ils le comprendre ? Se rendront-ils
compte qu’ils jouent un match avec des tribunes vides ?

7 Jules Gomes, “Anglican Converts warn of Synodal Perils”, ChurchMilitant.com,


10 novembre 2022.
8 Ibid.
16 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

Hélas, il ne s’agit pas d’un match de football. Ce qui est en


jeu, n’est rien moins que l’Épouse du Christ !

Du conciliarisme à la synodalité
permanente
Les défenseurs de « l’esprit synodal » le présentent
comme « moderne » et « actualisé », alors qu’il s’ins-
pire d’erreurs et d’hérésies anciennes tel que le courant
dit «conciliariste » né au XVème siècle sous le prétexte
d’accommoder l’Église à la nouvelle mentalité née de
l’humanisme.
Ses partisans cherchaient à réduire le pouvoir hié-
rarchique du pape au profit d’une assemblée conciliaire.
Exprimant « la volonté des fidèles », l’Église devait être
structurée en « synodes » locaux et régionaux largement
autonomes, chacun avec sa langue et ses coutumes. Ces
synodes devaient se réunir périodiquement en un « Conseil
général » ou « Saint Synode » détenant la plus haute auto-
rité de l’Église. Le pape, réduit à un primum inter pares,
était censé se soumettre aux décisions des conciles prises
à l’issue d’un vote égal des participants.
Feu le cardinal Joseph Ratzinger a vivement dénoncé
ces anciennes erreurs :
« À la lumière de la tradition de l’Église, ainsi que
de la structure sacramentelle et de la finalité spécifique
de l’Église, l’idée d’un synode mixte comme autorité su-
prême et permanente des Églises nationales n’est qu’une
chimère. Un tel synode serait dépourvu de toute légitimité
et devrait se voir refuser l’obéissance de manière décisive
et claire. »9

9 Joseph Ratzinger, Democratizzazione della Chiesa? In Annunciatori della parola e ser-


vitori della vostra gioia, Opera Omnia, vol. XII, Libreria Editrice Vaticana 2013, p. 183
Présentation 17

Alienus factus sum in domo matris meæ


Pour un observateur attentif, ce panorama prend des
accents apocalyptiques. Une manœuvre est en cours pour
démolir la sainte Église en effaçant les éléments fonda-
mentaux de sa constitution organique et de sa doctrine, la
rendant méconnaissable. Comme nous l’avons mentionné,
le cardinal Müller a prévenu que si les intentions utopiques
de certains de ses promoteurs étaient appliquées, les ré-
formes synodales pourraient conduire à « la destruction de
l’Église catholique ». Cette destruction serait d’autant plus
terrible qu’elle serait perpétrée par des mains consacrées
devant au contraire la protéger de tout danger. L’avertis-
sement de Paul VI n’a jamais autant résonné : « Certains
pratiquent l’autodestruction ... L’Église est également af-
fectée par ceux qui en font partie. »10
Face à une perspective aussi sombre, de nombreux
catholiques se sentent perdus, découragés, confus, per-
plexes et même déçus, et tous ne réagissent pas comme il
le faut. Certains cèdent à la tentation du sédévacantisme,
abandonnent l’Église et adoptent une attitude autoréféren-
tielle. D’autres succombent à la tentation de l’apostasie
et délaissent l’Église pour embrasser de fausses religions.
La plupart sombrent dans l’indifférence, abandonnant
l’Église à son triste sort. Tous ont tort ! Amicus certus in
re incerta cernitur. C’est maintenant que notre sainte mère
l’Église a besoin d’enfants aimants et intrépides pour la
défendre contre ses ennemis extérieurs et intérieurs. Dieu
nous en demandera des comptes !
À l’instar de Plinio Corrêa de Oliveira en 1951,
nous nous demandons aujourd’hui « combien sont ceux
qui vivent en union avec l’Eglise en cette période qui est

10 Insegnamenti di Paolo VI, Tipografia Poliglotta Vaticana, vol. IV, 1968, pp. 1188-
1189.
18 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

tragique comme l’a été la Passion, en ce moment crucial


de l’Histoire où une humanité entière est en train de se
déclarer pour le Christ ou contre le Christ ? ». Et nous
faisons nôtre sa conclusion : « Nous devons penser comme
l’Eglise pense, sentir comme l’Eglise sent, agir comme
l’Eglise veut que nous nous comportions dans toutes les
circonstances de notre vie. (…) Cela suppose le sacrifice
d’une existence entière. »11 Un sacrifice de fidélité d’autant
plus douloureux qu’il est demandé envers des autorités qui
ne l’aiment pas toujours et le persécutent parfois cruelle-
ment.
En paraphrasant le psalmiste, nous pouvons presque
nous exclamer : « Alienus factus sum in domo matris
meæ– Je suis devenu un étranger chez ma mère » (Ps. 69,
7). Oui, alienus, mais toujours in domo matris meae, c’est-
à-dire dans la Sainte Église catholique et apostolique ro-
maine, en dehors de laquelle il n’y a pas de salut.
Voilà l’esprit qui anime les auteurs de cet opuscule.
* * *
Les auteurs remercient tout particulièrement M. Juan
Miguel Montes et M. Mathias von Gersdorff pour leur pré-
cieuse contribution à la rédaction de ce travail.
Julio Loredo

11 Plinio Corrêa de Oliveira, Chemin de Croix, Société française pour la défense de la


Tradition, Famille et Propriété TFP, 2003, p. 14.
Chapitre I

I - Le Synode des évêques

1. Qu’est-ce que le Synode des évêques ?

Le Synode des évêques est un organe permanent de


l’Église catholique, extérieur à la Curie romaine, qui repré-
sente l’épiscopat. Il a été créé par le pape Paul VI le 15 sep-
tembre 1965, avec le Motu Proprio Apostolica sollicitudo.
Le synode est convoqué par le pape, qui en fixe le
thème. Il peut se réunir sous trois formes : en Assemblée
générale ordinaire pour les questions concernant le bien de
l’Église universelle, en Assemblée générale extraordinaire
pour les questions urgentes, et en Assemblée spéciale pour
les questions concernant une ou plusieurs régions. Il a
un caractère purement consultatif, mais peut exercer une
fonction délibérative lorsque le pape le lui accorde.
Jusqu’à présent, on dénombre quinze assemblées gé-
nérales ordinaires du Synode des évêques. La seizième
aura lieu en octobre 2023.

2. Les conclusions d’un synode


sont-elles contraignantes ?

Non. Dans le passé, le document final d’un synode


d’évêques n’avait aucune valeur magistérielle puisque son
rôle n’était que de faire des suggestions au Souverain Pon-
tife. Le pape recueillait les idées du synode et publiait une
20 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

exhortation apostolique post-synodale, qui proposait les


conclusions du synode à l’ensemble de l’Église, parfois
avec des modifications significatives. Ce document papal
constituait le magistère.
Après les réformes introduites par le pape François en
2015, le document final fait directement partie du magis-
tère ordinaire s’il est expressément approuvé par le pon-
tife. Et si le pape a préalablement accordé au synode un
pouvoir de délibération, son document final fait partie du
magistère ordinaire une fois qu’il a été ratifié et promulgué
par le pape.

3. Un pape ou un synode d’évêques peut-


il changer la doctrine ou les structures de
l’Église catholique ?

Ni le pape, ni le synode des évêques, ni aucun autre


organisme ecclésiastique ou séculier n’a le pouvoir de
modifier la doctrine ou les structures de l’Église, fixées
et confiées en dépôt par son divin fondateur. Le Premier
Concile du Vatican enseigne :
« La doctrine de la foi que Dieu a révélée n’a pas
été livrée comme une invention philosophique aux perfec-
tionnements de l’esprit humain, mais elle a été transmise
comme un dépôt divin à l’Épouse du Christ pour être fidè-
lement gardée et infailliblement enseignée. Aussi doit-on
toujours retenir le sens des dogmes sacrés que la sainte
mère Église a déterminé une fois pour toutes, et ne jamais
s’en écarter sous prétexte et au nom d’une intelligence su-
périeure de ces dogmes. »12

12 Concile Vatican I, Constitution dogmatique Dei Filius, chapitre IV. https://lapor-


telatine.org/formation/magistere/concile-vatican-i-dei-filius-premiere-constitu-
tion-dogmatique
Chapitre I – Le Synode des évêques 21

Pour sa part, la Congrégation pour la doctrine de la


foi déclare :
« Le Pontife Romain est soumis - comme tous les fi-
dèles - à la Parole de Dieu, à la foi catholique, et il est le
garant de l’obéissance de l’Église; et, en ce sens, il est
servus servorum. Il ne décide pas selon son bon plai-
sir, mais il exprime la volonté du Seigneur qui parle à
l’homme dans l’Écriture vécue et interprétée par la Tra-
dition. En d’autres termes, «l’episkopè» du Primat a des
limites qui viennent de la loi divine et de la constitution
divine inviolable de l’Église, tel qu’elle est contenue dans
la Révélation. »13

4. Quels changements le pape François a-t-il


introduits dans le Synode des évêques ?

En 2015, à l’occasion du 50ème anniversaire de l’insti-


tution du Synode des évêques, le pape François a profon-
dément modifié cet organe.
Exprimant le désir que tout le Peuple de Dieu soit
consulté dans la préparation des assemblées synodales, le
pape a proposé un plan pour créer une nouvelle « Église
synodale » basée sur cette prémisse : étant donné son sens
surnaturel de la foi (sensus fidei), l’ensemble du Peuple
de Dieu ne peut pas se tromper (il est infaillible in cre-
dendo) et a un « flair » pour discerner les voies que le
Seigneur ouvre à son Église. L’Église synodale serait une
Église d’écoute réciproque entre le peuple fidèle, le col-
lège épiscopal et l’évêque de Rome pour savoir ce que

13 Congrégation pour la doctrine de la foi, La primauté du successeur de Pierre dans


le mystère de l’Église, n° 7. https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/
cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19981031_primato-successore-pietro_
fr.html.
22 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

l’Esprit Saint « dit aux Églises » (Ap. 2,7). À cette fin,


tous les organes ecclésiaux - dans les paroisses, les dio-
cèses et la Curie romaine - devraient rester connectés avec
« la base » et toujours partir « des gens, des problèmes de
chaque jour »14.
Se mettant au travail, François a modifié le Synode
des évêques avec la Constitution apostolique Episcopa-
lis communio (15 septembre 2018) pour impliquer les fi-
dèles. Le synode est désormais divisé en trois étapes : la
phase préparatoire de consultation du peuple de Dieu ; la
phase de célébration, c’est-à-dire la réunion des évêques
en assemblée ; et la phase de mise en œuvre, dans laquelle
les conclusions de l’assemblée, approuvées par le pape,
doivent être acceptées par l’ensemble de l’Église.

5. Comment le pape François justifie-t-il ce


changement radical au sein du Synode des
évêques ?

Selon le pape François, les évêques sont à la fois en-


seignants et disciples. Maîtres lorsqu’ils annoncent « la
Parole de vérité au nom du Christ, chef et pasteur », mais
aussi disciples lorsque « sachant que l’Esprit se répand
en chaque baptisé, il [s] se met [tent] à l’écoute de la voix
du Christ qui parle à travers le peuple de Dieu tout en-
tier ».15 Le Synode devient ainsi un instrument approprié
pour donner la parole à l’ensemble du Peuple de Dieu par
l’intermédiaire des évêques.

14 https://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2015/october/documents/
papa-francesco_20151017_50-anniversario-sinodo.html
15 https://www.vatican.va/content/francesco/fr/apost_constitutions/documents/pa-
pa-francesco_costituzione-ap_20180915_episcopalis-communio.html.
Chapitre II

Le Synode sur la synodalité

6. Quels sont le thème et


le programme du prochain synode ?

Le 24 avril 2021, lors d’une audience accordée au


cardinal Mario Grech, secrétaire général du Synode, Fran-
çois a approuvé le thème et le programme de l’assemblée
générale ordinaire du 16ème Synode des évêques.
A ainsi commencé la phase de consultation nationale/
locale du Peuple de Dieu, qui s’est achevée à la fin de l’an-
née 2022. La phase continentale l’a suivie, culminant en
février-mars 2023 avec les assemblées continentales, qui
ont présenté au Vatican leurs conclusions, appelées Syn-
thèses. À partir de là, on passera à la phase universelle,
pour laquelle seront convoquées à Rome deux assemblées
générales : la première en octobre 2023 et la seconde en
octobre 2024. Celle de 2023 sera précédée d’une retraite
spirituelle de tous les participants.
Le thème choisi est « Pour une Église synodale :
Communion, participation et mission ». Selon le pape, il
s’agit de « marcher ensemble—Laïcs, Pasteurs, Évêque de
Rome ».16 La plus grande difficulté à surmonter « est ce clé-

16 Discours du Pape François lors de la commémoration du 50ème anniversaire de l’ins-


titution du Synode des évêques, 17 octobre 2015. https://www.vatican.va/content/
francesco/fr/speeches/2015/october/documents/papa-francesco_20151017_50-an-
niversario-sinodo.html
24 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

ricalisme qui éloigne le prêtre, l’évêque des gens », car « il


y a beaucoup de résistances pour surmonter l’image d’une
Église   qui distingue rigidement entre chefs et subordonnés,
entre ceux qui enseignent et ceux qui doivent apprendre, en
oubliant que Dieu aime renverser les positions: «Il a ren-
versé les puissants de leurs trônes, il a exalté les humble»
(Lc 1, 52), a dit Marie. Marcher ensemble découvre l’hori-
zontalité plutôt que la verticalité comme sa ligne ».17
Le prochain Synode ne discutera donc pas d’un thème
pastoral spécifique, comme c’est habituellement le cas
dans ces assemblées, mais de la structure et de l’organi-
sation même de l’Église. C’est pourquoi il est également
connu sous le nom de « Synode sur la synodalité ».

7. Ce Synode a-t-il pour but de parvenir à


des conclusions spécifiques ou d’engager un
processus ?

Contrairement à d’autres synodes généraux, ce Sy-


node sur la synodalité n’est pas conçu et organisé pour
discuter de questions doctrinales ou pastorales et par-
venir à des conclusions spécifiques, mais pour ouvrir
une voie en vue de mettre en oeuvre un processus de ré-
forme de l’Église. Son document préparatoire propose
de « vivre un processus ecclésial impliquant la partici-
pation et l’inclusion de tous ».18 On devrait parler d’un
« voyage synodal » plutôt que d’un synode. Dans le
Document préparatoire, que nous analysons ci-après, le
terme « processus » est employé pas moins de 23 fois,

17 Discours du Pape François aux fidèles du Diocèse de Rome, 18 septembre 2021


https://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2021/september/docu-
ments/20210918-fedeli-diocesiroma.html
18 Document préparatoire à la 16ème Assemblée générale ordinaire du Synode des
évêques, 7 septembre 2021, n° 1-2.
Chapitre II – Le Synode sur la synodalité 25

ainsi que des synonymes tels que « chemin », « itiné-


raire », « route », etc.
Cette approche fluide doit être envisagée dans la pers-
pective plus large du pontificat actuel, qui privilégie le de-
venir et non l’être, le changement et non la stabilité, la
recherche et non la certitude : « Nous devons engager des
processus et non occuper des espaces. »19
Le cardinal Jean-Claude Hollerich, rapporteur géné-
ral du synode, a déclaré : « S’asseoir et parler ne font un
synode que si la discussion porte sur le voyage. Sinon,
cela devient une guerre de concepts. »20

8. Pourquoi le pape François


a-t-il décidé de tenir deux assemblées ?

Selon le plan initial, l’Assemblée synodale devait se


tenir à Rome en octobre 2023. Cependant, à la fin de l’An-
gélus, le dimanche 16 octobre 2022, le pape François a
annoncé que l’Assemblée comprendrait deux sessions à
un an d’intervalle.21
La raison invoquée est la nécessité qu’ « en raison de
son ampleur et de son importance, le thème de l’Église sy-
nodale fasse l’objet d’un discernement prolongé non seu-

19 Vœux de Noël du Saint-Père à la Curie romaine, 21 décembre2019. https://www.


vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2019/december/documents/papa-france-
sco_20191221_curia-romana.html Voir également Diego Benedetto Panetta, Il
cammino sinodale tedesco e il progetto di una nuova Chiesa, Tradizione Famiglia
Proprietà, décembre 2022.
20 Luca Tripalo, Cardinal Jean-Claude Hollerich sur les défis synodaux, la question de
la «femme» et les différends avec l’enseignement de l’Église. L’Esprit Saint génère
parfois une grande confusion pour apporter une nouvelle harmonie, Glas Koncila,
23 mars 2023, https://www.glas-koncila.hr/cardinal-jean-claude-hollerich-on-sy-
nodal-challenges-the-woman-question-and-the-disputes-with-churchs-teaching/
21 h t t p s : / / w w w. v a t i c a n . v a / c o n t e n t / f r a n c e s c o / f r / a n g e l u s / 2 0 2 2 / d o c u -
ments/20221016-angelus.html
26 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

lement de la part des membres de l’Assemblée synodale,


mais de l’Église tout entière ».22 La première session sera
donc suivie d’une nouvelle phase d’écoute du Peuple de
Dieu sur ce que les délégués auront discuté à Rome.

9. Que se passerait-il si un nombre


significatif de fidèles étaient en désaccord
avec les décisions du Synode ou du pape,
et les rejetaient ?

La Constitution apostolique Episcopalis Commu-


nio, par laquelle le pape François a modifié le Synode
des évêques, semble contenir une contradiction. Le para-
graphe 5 déclare que tout évêque est un disciple « quand,
sachant que l’Esprit se répand en chaque baptisé, il se met
à l’écoute de la voix du Christ qui parle à travers le Peuple
de Dieu tout entier, le rendant «infallibile in credendo» ».
Cette idée est renforcée au paragraphe 7, qui insiste sur le
fait que « le processus synodal a non seulement un point de
départ, mais également un point d’arrivée dans le Peuple
de Dieu ». Il semblerait donc que la mise en œuvre des dé-
cisions synodales dépende de leur bonne réception par les
fidèles, comme le suggère le site Internet du Secrétariat du
Synode : « Les orientations communes (...) après avoir été
approuvées par le Successeur de Pierre, sont appliquées
dans ces Églises locales. »23
Cependant, la section IV d’Episcopalis Communio,
qui traite précisément de la phase de mise en œuvre du
Synode, prévoit que les évêques diocésains « veillent à

22 https://www.synod.va/es/news/nuevas-fechas-para-el-sinodo-sobre-la-sinodalidad.
html (notre traduction)
23 https://www.vatican.va/roman_curia/synod/documents/rc_synod_20050309_do-
cumentation-profile_fr.html
Chapitre II – Le Synode sur la synodalité 27

l’accueil et à la mise en œuvre des conclusions de l’As-


semblée du Synode, reçues par le Pontife Romain » (Art.
19 § 1) et que les conférences épiscopales « coordonnent
la mise en œuvre des conclusions susmentionnées sur leur
territoire » (Art. 19 § 2).
Il ne dit rien de ce qui se passerait si un désaccord sur-
venait entre le Peuple de Dieu et les pasteurs concernant
les applications concrètes des orientations synodales. Si la
volonté des pasteurs l’emporte, tout le processus d’écoute
aura été vain, et la rhétorique de la synodalité pourra pa-
raître insincère. Si la volonté du peuple de Dieu l’emporte,
l’Église sera transformée en une démocratie de facto.
Chapitre III

Le processus synodal

A – La « Synodalité »
10. Qu’est-ce que la « synodalité » ?

Selon la Commission théologique internationale, le


terme « synodalité » a été inventé récemment et constitue un
« langage nouveau » qui ne figure ni dans les documents du
Concile Vatican II ni dans le Code de droit canonique. Se-
lon la Commission, dans le contexte d’un nouveau modèle
d’Église, « la synodalité signifie le modus vivendi et operan-
di spécifique de l’Église Peuple de Dieu qui manifeste et réalise
concrètement son être de communion dans le fait de cheminer
ensemble, de se réunir en assemblée et que tous ses membres
prennent une part active à sa mission évangélisatrice ».24
Selon le pape François, « La synodalité exprime la
nature de l’Église, sa forme, son style, sa mission ».25
La synodalité est donc une « dimension constitutive de
l’Église ».26

24 La synodalité dans la vie et dans la mission de l’Église, n° 6. https://www.vatican.va/


roman_curia/congregations/cfaith/cti_documents/rc_cti_20180302_sinodalita_fr.html
25 Discours du Pape François aux fidèles du Diocèse de Rome, 18 septembre 2021,
https://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2021/september/docu-
ments/20210918-fedeli-diocesiroma.html
26 Discours du Pape François, commémorant le 50ème anniversaire de l’institution du
Synode des évêques, https://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2015/
october/documents/papa-francesco_20151017_50-anniversario-sinodo.html .
30 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

11. Que recherche la synodalité ?

Les promoteurs du synode affirment qu’il serait sou-


haitable que la synodalité accroisse la participation et la
coresponsabilité de tous les fidèles dans la vie de l’Église.
Comme le dit le Vademecum du Synode sur la synodalité
préparé par le Secrétariat du Synode,
« La voie de la synodalité cherche à prendre des déci-
sions pastorales qui reflètent la volonté de Dieu,27 . . . en
les fondant sur la voix vivante du Peuple de Dieu ... pour
articuler la voix du Peuple de Dieu exprimant la réalité de
la foi sur la base de l’expérience vécue . . . La synodalité
appelle les pasteurs à écouter attentivement le troupeau
confié à leurs soins. »28

12. Quelles seront les conséquences de la


synodalité sur la vie de l’Église ?

Cette écoute de l’ensemble de la communauté im-


plique une reformulation de l’autorité dans l’Église. Selon
le pape François, il faut inverser la structure pyramidale de
l’Église : « Dans cette Église, comme dans une pyramide
renversée, le sommet se trouve sous la base. »29
Selon le cardinal Mario Grech, secrétaire du synode,
François « a fourni un modèle vivant et inspirant de l’image
de la «pyramide inversée» de l’autorité hiérarchique. . . .
Comme l’observe à juste titre Amanda C. Osheim, «concevoir
l’autorité hiérarchique comme une pyramide inversée ren-

27 Vademecum, p. 10. https://www.synod.va/content/dam/synod/document/common/


vademecum/FR-VADEMECUM_FULL_DEC_2021.pdf .
28 Op. cit, no. 68.
29 François, discours commémorant le 50ème anniversaire de l’institution du Synode des
évêques, 17 octobre 2015.
Chapitre III – Le processus synodal 31

verse une conception pyramidale plus ancienne de l’Église,


une économie ecclésiale par ruissellement dans laquelle le
Saint-Esprit était donné d’abord au pape et aux évêques, puis
au clergé et aux religieux, et enfin aux fidèles. .... Cette py-
ramide divisait effectivement l’Église en Église enseignante
(ecclesia docens) et Église apprenante (ecclesia discens). En
inversant la pyramide, l’analogie de François refonde l’au-
torité comme dépendant de la réception - l’écoute et l’ap-
prentissage des autres - au sein de l’Église» ».30
Une telle reformulation démocratique de l’autorité
dans l’Église permettrait de « surmonter le fléau du cléri-
calisme » puisque « nous sommes tous interdépendants les
uns des autres et nous partageons tous une égale dignité
au sein du saint peuple de Dieu ».31

B – « L’Écoute »
13. Pourquoi donne-t-on un rôle primordial
à « l’écoute des fidèles » ?

Dans le Vademecum, le mot « écoute » apparaît 102


fois. Tandis que le document fait référence à la voix des
fidèles 83 fois, il ne mentionne la Parole de Dieu que seu-
lement 19 fois.
Dans une interview publiée sur le site Internet du
Vatican, le cardinal Mario Grech a déclaré qu’« en écou-
tant le peuple de Dieu - c’est cela la consultation dans les
Églises particulières, car nous savons que nous pouvons
entendre ce que dit l’Esprit à l’Église. Cela ne signifie pas
que c’est le peuple de Dieu qui détermine le chemin de

30 Discours aux évêques d’Irlande, https://www.catholicbishops.ie/2021/03/04/address-


of-cardinal-mario-grech-to-the-bishops-of-ireland-on-synodality-2/ (notre traduction)
31 Vademecum, p. 19
32 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

l’Église. La tâche de discernement des pasteurs corres-


pond à la fonction prophétique de tout le peuple de Dieu (y
compris les pasteurs) : à partir de ce que dit le peuple de
Dieu, les pasteurs doivent saisir ce que l’Esprit veut dire à
l’Église. Mais le discernement doit commencer à partir de
l’écoute du peuple de Dieu ».32

14. Y a-t-il un sens traditionnel de l’« écoute »


des fidèles par les pasteurs ?

Oui, il ne fait aucun doute qu’un bon berger doit se


pencher sur ses brebis pour les écouter et comprendre leur
situation spirituelle et leurs aspirations. Mais aujourd’hui,
« l’écoute » signifie l’obligation d’être en phase avec les
brebis. Le critère d’évaluation cesse d’être la Vérité révé-
lée et la rectitude de conscience pour devenir l’acceptation
des aspirations des fidèles.

15. Le concept moderne d’« écoute »


présente-t-il un inconvénient ?

Dans la perspective moderne de l’« écoute », l’Église


cesse d’être la mère et la maîtresse qui transmet l’enseigne-
ment du Christ par la voix de ses pasteurs (« celui qui vous
écoute m’écoute » - Lc 10,16) et devient une Église qui
écoute, dialogue et questionne sans craindre de remettre
en cause des vérités jusqu’alors considérées comme indis-
cutables.33 Ce processus requiert « l’ouverture à la conver-
sion et au changement », affirme le Vademecum.34 « Le

32 https://www.vaticannews.va/en/vatican-city/news/2021-07/cardinal-grech-sy-
nod-synodality-interview-communion.html (notre traduction)
33 Guido Vignelli, A Pastoral Revolution-Six Talismanic Words in the Ecclesial De-
bate on the Family, American TFP, 2018.
34 Vademecum, p. 40.
Chapitre III – Le processus synodal 33

premier pas vers l’écoute consiste à libérer nos esprits et


nos cœurs des préjugés et des stéréotypes. »35 Plus loin :
« Le processus synodal nous donne l’occasion de nous ou-
vrir à l’écoute de manière authentique, sans recourir à des
réponses toutes faites ou à des préjugés. »36
À noter que, dans le texte cité ci-dessus, le cardinal
Grech affirme que le discernement d’un évêque ne consiste
pas à vérifier si ce que dit le peuple de Dieu coïncide avec
ce qu’enseigne la Révélation, mais le contraire : il s’agit
de saisir ce que dit le peuple et de le considérer comme la
parole du Saint Esprit.
L’Église catholique a toujours enseigné le contraire.
Prenant les vérités de la foi connues par la Révélation et
la Tradition comme fondement, elle les a appliquées à la
vie concrète, selon les circonstances de temps et de lieu,
pour éclairer et guider les hommes vers le salut éternel. Le
Synode sur la synodalité tend à faire l’inverse : partir de
situations concrètes pour élaborer une politique pastorale
et une discipline adaptées. Une telle méthode présuppose
une conception « historiciste » qui ne part pas de la Vérité
révélée, mais d’une situation historique concrète à laquelle
l’Église doit s’adapter.

16. La voix du peuple est-elle la voix de Dieu ?

Pas nécessairement. Dans l’Église, l’expression « vox


populi » a un sens très différent de celui que lui donnent
les démocraties modernes, selon lesquelles la voix de la
majorité est nécessairement bonne. Sur ce point, le cardi-
nal Gerhard Müller, ancien préfet de la Congrégation pour
la doctrine de la foi, a été précis :

35 Vademecum, p. 19.
36 Vademecum, p. 19.
34 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

« La participation de tous les croyants à la fonction


prophétique, royale et sacerdotale de l’Église est fondée
sacramentellement sur le baptême au nom du Père, du Fils
et du Saint-Esprit, et non sur le pouvoir émanant du peuple
comme dans le régime constitutionnel d’un État démocra-
tique. Le ministère des évêques, des prêtres et des diacres
est fondé sur l’autorité du Christ ... La voix du peuple a été
plutôt ambivalente dans l’histoire. Le peuple d’Athènes,
souvent offensé par ses philosophes, a démocratiquement
condamné Socrate à mort.
« Le peuple de Dieu s’est plaint contre le Seigneur
à plusieurs reprises. Pilate dit cyniquement à Jésus : «Ta
nation et les grands prêtres t’ont livré à moi» (Jn 18,35).
En revanche, dans la Nouvelle Alliance, le peuple mes-
sianique de Dieu se caractérise par le fait que tous les
croyants écoutent la parole de Dieu dans la mesure où
ils participent ensemble au sacerdoce du Christ, et que
les évêques et presbytres ordonnés sanctifient, guident et
enseignent le peuple sacerdotal en la personne du Christ,
chef de l’Église. »37

17. Quelle justification théologique


donnent-ils de la nécessité d’écouter ?

Le pape François, les organisateurs du synode et ses


documents préparatoires insistent sur ce point ad nau-
seam : « La collectivité des fidèles . . . ne peut se trom-
per dans la foi, ce don particulier qu’elle possède, elle
le manifeste moyennant le sens surnaturel de la foi.
Cette caractéristique se manifeste dans le sens surnatu-

37 Stillum Curiae, “Müller, Bätzing. Vescovo Nega il Peccato ? Ha Fallito la Sua Vo-
cazione”. - https://www.marcotosatti.com/2023/02/13/muller-su-batzing-vesco-
vo-che-nega-il-peccato-ha-fallito-la-sua-vocazione/. (notre traduction)
Chapitre III – Le processus synodal 35

rel de la foi (sensus fidei) . . . Ce fameux infaillible «in


credendo». »38
Comment justifient-ils une telle affirmation du point
de vue théologique ?
Entre 2011 et 2014, la Commission théologique inter-
nationale (CTI) a mené une étude sur le sens de la foi, qui
a abouti à la publication du document intitulé Le sensus
fidei dans la vie de l’Église.39
Cette étude décrit le sens de la foi du fidèle comme
« une réaction naturelle, immédiate et spontanée, compa-
rable à un instinct vital ou à une sorte de “flair”, par le-
quel le croyant adhère spontanément à ce qui est conforme
à la vérité de la foi et évite ce qui s’y oppose » (n° 54). Cet
instinct spirituel dérive « de la connaturalité que la vertu
de foi établit entre le sujet croyant et l’objet authentique
de la foi, à savoir la vérité de Dieu révélée dans le Christ
Jésus » (n° 50).
Ce sensus fidei fidelis « est infaillible de lui-même en
ce qui concerne son objet, la vraie foi » (n° 55). Mais il
n’est pas infaillible en chaque croyant. D’une part, parce
qu’il se développe en proportion du développement de la
vertu de foi. C’est pourquoi il est proportionnel à la sainte-
té de vie de chacun (n° 57). D’autre part, dans la vie réelle,
les intuitions des croyants peuvent se mêler à des opinions
purement humaines ou même aux erreurs dominantes de
leur contexte culturel.
Le document de la CTI s’empresse donc d’ajouter, en
citant le paragraphe 35 de la déclaration Donum veritatis
de la Congrégation pour la doctrine de la foi :

38 Pape François, discours commémorant le 50ème anniversaire de l’institution du Sy-


node des évêques, 17 octobre 2015.
39 https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/cti_documents/rc_
cti_20140610_sensus-fidei_fr.html
36 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

« Si donc la foi théologale en tant que telle ne peut


se tromper, le croyant peut par contre avoir des opinions
erronées, car toutes ses pensées ne procèdent pas de la foi.
Les idées qui circulent dans le Peuple de Dieu ne sont pas
toutes en cohérence avec la foi. » (n° 55)

18. Comment alors savoir


si les croyances des fidèles sont infaillibles ?

La seule méthode sûre est d’appliquer la règle de saint


Vincent de Lérins : est infaillible ce qui a toujours été cru
partout et par tous (quod semper, quod ubique, quod ab om-
nibus), c’est-à-dire la doctrine traditionnelle de l’Église.
« Le sensus fidelium n’est pas ce que les laïcs et les prêtres
peuvent penser à un moment donné, mais le consensus entre
les évêques et avec le dernier des fidèles, partout dans le
monde, au fil des siècles », a commenté le père Nazir-Ali,
ancien évêque anglican et aujourd’hui prêtre catholique.40
Il est donc téméraire de supposer que l’opinion des
fidèles sur telle ou telle nouveauté est infaillible à un mo-
ment donné, et encore plus téméraire d’imaginer qu’il faut
consulter non seulement les personnes vertueuses à la foi
bien enracinée, mais tous les baptisés, et même ceux qui
pratiquent d’autres religions ou qui sont athées, pour sa-
voir ce que l’Esprit Saint veut dire à l’Église.

19. Qui a l’oreille des promoteurs du synode ?

Les organisateurs du synode appellent à une écoute la


plus large possible, y compris des athées :

40 La Nuova Bussola Quotidiana, “Ex anglicano : ‘La sinodalità non vada contro la
fede’” https://lanuovabq.it/it/ex-anglicano-la-sinodalita-non-vada-contro-la-fede.
(notre traduction).
Chapitre III – Le processus synodal 37

« Ensemble, tous les baptisés sont le sujet du sensus


fidei fidelium, la voix vivante du Peuple de Dieu. En même
temps, pour participer pleinement à l’acte de discernement,
il est important que les baptisés entendent la voix d’autres
personnes dans leur contexte local, y compris des personnes
qui ont abandonné la pratique de la foi, des personnes
d’autres traditions de foi, des personnes sans croyance reli-
gieuse, etc. . . Il est important que les baptisés entendent la
voix d’autres personnes dans leur contexte local . . . Nous
devons personnellement atteindre les périphéries, ceux qui
ont quitté l’Église, ceux qui pratiquent leur foi rarement ou
jamais, ceux qui connaissent la pauvreté ou la marginalisa-
tion, les réfugiés, les exclus, les sans-voix, etc. »41

20. Quels sont les dangers


d’une écoute aussi extensive ?

Le père Nazir-Ali a mis en garde : « Les personnes


consultées doivent être catéchisées, voire évangélisées. Si-
non, nous n’obtiendrons que le reflet de la culture qui les
entoure. »42
De nombreuses propositions présentées au Synode
reflètent les tendances modernes. La Commission théolo-
gique internationale le reconnaît lorsqu’elle affirme que le
nouveau climat ecclésial est le fruit d’un « discernement
plus attentif des requêtes avancées par la conscience mo-
derne en termes de participation de tous les citoyens à la
gestion des affaires publiques ».43

41 Vademecum, pp. 17, 28.


42 La Nuova Bussola Quotidiana, “Ex anglicano : ‘La sinodalità non vada contro la fede’”,
https://lanuovabq.it/it/ex-anglicano-la-sinodalita-non-vada-contro-la-fede. (notre traduction)
43 Commission Théologique Internationale, La synodalité dans la vie de l’Église,
https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/cti_documents/rc_
cti_20180302_sinodalita_fr.html
38 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

21. Peut-on attribuer à l’Esprit Saint des


propositions erronées et scandaleuses ?

Non, car ce ne serait qu’une manipulation blasphéma-


toire. Mgr. Robert Mutsaerts, évêque auxiliaire de Bois-le-
Duc, (Pays-Bas) affirme :
« À ce jour, le processus synodal s’apparente davan-
tage à une expérience sociologique et n’a pas grand-chose
à voir avec le fait que l’Esprit Saint est censé se faire en-
tendre à travers tout cela. On pourrait presque parler de
blasphème. Ce qui devient de plus en plus clair, c’est que
le processus synodal sera utilisé pour modifier un certain
nombre de positions de l’Église, l’Esprit Saint étant jeté
dans la mêlée en tant qu’avocat, même si l’Esprit Saint a
en fait insufflé le contraire au cours des siècles. »44

C - Le rôle des fidèles dans le


développement doctrinal
22. Les fidèles jouent-ils un rôle dans
l’élaboration de la doctrine de l’Église ?

Oui, il est indéniable que les simples fidèles (les bap-


tisés qui n’ont pas reçu le sacrement de l’Ordre) jouent
un rôle très important dans la vie de l’Église, dont ils sont
les pierres vivantes. Le baptême les incorpore à l’Église
et les fait participer à sa mission,45 et par la confirmation
ils sont « obligés ainsi plus strictement à répandre et à

44 https://vitaminexp.blogspot.com/2022/11/synodaal-proces-als-instrument-om-
kerk.html (notre traduction)
45 Catéchisme de l’Église catholique, n° 1213.
Chapitre III – Le processus synodal 39

défendre la foi par la parole et par l’action ».46 L’as-


sistance divine de l’Esprit Saint, promise par Notre Sei-
gneur aux apôtres (Jn 14,16-17 ; 26-26), concerne toute
l’Église et, bien qu’elle se manifeste principalement à
travers le Magistère (infallibilitas in docendo), elle se
révèle aussi à travers le consensus des fidèles. Ce der-
nier exprime l’infaillibilité de l’Église dans sa croyance
(infallibilitas in credendo), qui, comme nous l’avons vu,
repose sur le sens de la foi que les fidèles reçoivent dans
le baptême.
Cependant, le « consensus fidei fidelium » ne peut être
assimilé à la « volonté générale » rousseauiste. Comme le
souligna le cardinal Walter Brandmüller lors d’une confé-
rence à Rome en avril 2018, « lorsque les catholiques
considèrent en masse qu’il est légitime de se remarier
après un divorce, pratiquer la contraception ou faire des
choses similaires, il ne s’agit pas d’un témoignage mas-
sif en faveur de la foi, mais d’un détournement massif de
celle-ci ».47
Au même auditoire, le cardinal Brandmüller précisa
que « le sensus fidei agit comme une sorte de système im-
munitaire spirituel qui conduit les fidèles à reconnaître et
à rejeter instinctivement toute erreur. C’est donc sur ce
sensus fidei que repose, avec la promesse divine, l’infail-
libilité passive de l’Église, c’est-à-dire la certitude que
l’Église, dans sa totalité, ne peut jamais tomber dans l’hé-
résie ».48

46 Catéchisme de l’Église catholique, n° 1285.


47 http://www.unavox.it/ArtDiversi/DIV2433_Card_Brandmuller_Consultazione_fe-
deli_su_dottrina.html.
48 Idem. (notre traduction)
40 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

23. Cela signifie-t-il que les fidèles jouent un


rôle actif dans l’infaillibilité de l’Église ?

Non. L’accent est mis ici sur l’infaillibilité « pas-


sive », c’est-à-dire réceptive. Seule l’infaillibilité de la
hiérarchie est « active » dans le magistère solennel des dé-
clarations dogmatiques du pape et des conciles et dans le
magistère ordinaire universel des évêques. Saint Pierre et
les apôtres (et leurs successeurs) ont reçu le mandat d’en-
seigner toutes les nations (Mt 28,19), obligeant ainsi les
fidèles à croire en leurs enseignements : « Celui qui vous
écoute m’écoute » (Lc 10,16).

24. Les promoteurs du Synode font-ils une


distinction entre le rôle actif du Magistère et le
rôle passif des fidèles dans le développement
organique du dépôt de la foi ?

Non. Le cardinal Grech a déclaré que « le sensus


fidei retrouve sa fonction active » à travers le processus
d’écoute synodale dont il aurait été privé après la réforme
grégorienne.49 Cette dernière a produit « des formes de
durcissement du corps ecclésial, surtout dans la relation
bloquée entre Ecclesia docens et Ecclesia discens ». Dans
cette Église à l’ancienne, selon le cardinal, « toutes les ca-
pacités actives [étaient] concentrées dans les mains de la
première, les fidèles – le peuple saint de Dieu – étant ré-
duits à l’état de sujets ».50 Le but du Synode serait donc
d’inverser cette situation.

49 Discours au Consistoire lors de sa réception dans le Collège des Cardinaux. https://


iglesiaactualidad.wordpress.com/2020/11/28/saludo-al-santo-padre-del-carde-
nal-mario-grech-durante-el-consistorio/ (notre traduction).
50 https://www.religiondigital.org/opinion/Cardenal-Grech-seminario-sinodali-
dad-escucha-Venezuela_0_2376062376.html (notre traduction).
Chapitre III – Le processus synodal 41

D - Le rôle des « minorités marginalisées »


25. Pourquoi les promoteurs du synode
insistent-ils sur la nécessité d’écouter en
particulier les « minorités marginalisées » ?

Le Vademecum insiste sur le fait que « de véritables


efforts doivent être faits pour assurer l’inclusion de ceux
qui sont en marge ou qui se sentent exclus » (p. 53). On
pourrait presque dire que le document exprime une option
préférentielle pour les minorités :
« La synthèse devrait accorder une attention parti-
culière aux voix de ceux qui ne sont pas souvent entendus
et intégrer ce que l’on pourrait appeler le «rapport des
minorités ». Le retour d’information doit non seulement
souligner les expériences positives, mais aussi mettre en
lumière les expériences difficiles (p. 29). . . . S’il y a des
points de vue contradictoires, ils ne devront pas être omis,
mais transcrits comme tels, y compris lorsqu’ils émanent
d’une petite minorité des participants, car ils peuvent par-
fois être un témoignage prophétique de ce que Dieu veut
dire à son Église. » (p. 46)

26. Quelles sont les « expériences difficiles »


contenues dans les « témoignages
prophétiques » recueillis lors des
consultations diocésaines ?

Le Document de travail (préparatoire) pour l’étape


continentale du synode en énumère quelques-unes : « Par-
mi ceux qui demandent un dialogue plus significatif et un
espace plus accueillant, nous trouvons également ceux
qui, pour diverses raisons, ressentent une tension entre
42 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

l’appartenance à l’Église et l’expérience de leurs propres


relations affectives, comme par exemple : les divorcés re-
mariés, les familles monoparentales, les personnes vivant
dans un mariage polygame, les personnes LGBTQ, etc. »
(n° 39) 51
Il s’agirait donc d’« inclure » ces « minorités margi-
nalisées » dans l’Église.

27. Les consultations au niveau continental


en ont-elles tenu compte ?

Oui. Presque tous les documents de conclusion des


étapes continentales du parcours synodal (Synthèses conti-
nentales) mentionnent explicitement qu’un soin particu-
lier a été apporté à la consultation des « minorités margi-
nalisées ».
Par exemple, dans la Synthèse nord-américaine, on lit :
« Lors de l’Assemblée continentale, comme dans
nos rapports nationaux, on note le profond désir d’une
plus grande inclusion et d’un meilleur accueil au sein de
l’Église. En fait, l’un des principaux facteurs de rupture
de la communion est l’expérience de personnes ou de
groupes qui ne se sentent pas les bienvenus dans l’Église.
Les groupes cités comprennent les femmes, les jeunes, les
immigrés, les minorités raciales ou linguistiques, les per-
sonnes LGBTQ+, les personnes divorcées et remariées
(sans nullité) et les personnes vivant avec des limites phy-
siques ou mentales. » (n° 26)52

51 https://www.synod.va/content/dam/synod/common/phases/continental-stage/dcs/
Documento-Tappa-Continentale-FR.pdf
52 Pour une Église synodale : Communion, Participation et Mission. Document fi-
nal nord-américain pour l’étape continentale du Synode 2021-2024, n° 26. https://
www.synod.va/content/dam/synod/common/phases/continental-stage/final_docu-
ment/North-American-Final-Document-_FR.pdf
Chapitre III – Le processus synodal 43

28. Que dit le document préparatoire sur


l’ordination des femmes ?

Les femmes feraient partie des « minorités exclues ».


Le document préparatoire affirme qu’une nouvelle culture
doit être établie dans l’Église, avec de nouvelles pratiques,
structures et habitudes (n° 60) pour une participation
pleine et égale des femmes aux structures dirigeantes des
organes ecclésiastiques (n° 64). Il affirme que de nom-
breuses femmes se sentent tristes du fait que leurs contri-
butions et charismes ne soient pas toujours appréciés (n°
61). Enfin, il indique que beaucoup réclament le diaconat
féminin et la possibilité de prêcher. Certains proposent
l’ordination des femmes à la prêtrise (n° 64).
Le pape François lui-même a franchi une étape im-
portante. En avril, pour la première fois dans l’histoire, il
a accordé aux femmes le droit de vote au synode. François
a décidé que jusqu’à 25 % des participants au synode se-
raient des laïcs, hommes et femmes, tous dotés d’un droit
de vote égal à celui des évêques.53

29. Ces sujets sont-ils nouveaux ?

Non. Ils correspondent à des revendications anciennes


des principaux courants progressistes, formulées notam-
ment depuis le Concile Vatican II. Mgr. Marian Eleganti,
évêque auxiliaire émérite de Coire, a commenté ce point:
« Je pensais, comme le titre l’indique, que le sujet
traité serait la «synodalité» en tant que nouveau modus

53 Gerard O’Connell, « For first time in history, Francis gives women right to
vote at the synod », America, 26 avril 2023, https://www.americamagazine.org/
faith/2023/04/26/pope-francis-women-vote-synod-245178
44 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

operandi supposé de l’Église. Ce n’est pas le cas. Au lieu


de cela, il s’agit à nouveau des mêmes reliquats synodaux
réchauffés pour la énième fois depuis les années 1970 :
démocratie, participation, autonomisation, femmes dans
toutes les fonctions et diaconat ou prêtrise ; révision de
la morale sexuelle sur les relations extraconjugales, le
remariage et l’homosexualité : fin de la prêtrise dans la
liturgie, etc. Nous le savons tous. »54
Dans ce domaine, le cas le plus représentatif a été
le soi-disant Conseil pastoral des Pays-Bas qui s’est
tenu au cours de la période triennale 1968-1970 avec
des modes et des propositions très semblables à ceux
que présente aujourd’hui le Synode de la synodalité. À
la suite de cette assemblée scandaleuse, l’Église néer-
landaise a plongé dans une crise profonde. En janvier
1980, pour la résoudre, Jean-Paul II a convoqué un
Synode particulier des évêques des Pays-Bas, qui ont
dû signer un document dont la teneur représentait une
rétractation de nombreuses erreurs professées par leur
concile de 1968-1970.55

E – « L’Inclusion »
30. Que signifie « inclusion » pour les
promoteurs du Synode ?

Aucun des documents officiels ne définit l’inclusion


malgré l’importance que le processus synodal attache à ce
terme. Il semblerait que, puisque la synodalité consiste à

54 « The Alleged Synod on Synodality », https://www.kath.net/news/79899 (notre


traduction)
55 https://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/speeches/1980/january/documents/
hf_jp-ii_spe_19800130_sinodo.html
Chapitre III – Le processus synodal 45

« marcher ensemble », toute l’humanité ait à participer à


ce voyage, sans exclure personne.56
En l’absence d’une définition religieuse du terme
« inclusion », on suppose que les rédacteurs des docu-
ments synodaux l’emploient dans son sens laïque moderne
: pratique ou politique consistant à fournir, aux personnes
qui pourraient être exclues ou marginalisées, un accès égal
aux opportunités et aux ressources.57
Bien que ce terme soit souvent utilisé comme syno-
nyme d’« intégration », il existe une différence importante
entre les deux, car « l’intégration implique l’adaptation
des individus aux caractéristiques de l’environnement »,
tandis que l’inclusion « repose sur l’adaptation des
normes, des politiques et des réalités sociales pour per-
mettre l’intégration de tous les membres de la société de
manière diversifiée »,58 c’est-à-dire en sacrifiant l’identité
collective pour accepter tout un chacun « tel qu’il est » au
nom de la diversité.

31. Qu’est-ce qui se cache derrière la


proposition d’« inclusion » ?

Gavin Ashenden, ancien évêque anglican et au-


mônier de la reine Élisabeth II, converti au catholicisme,
aujourd’hui vice-directeur du célèbre quotidien Catholic
Herald, a qualifié le document préparatoire du synode de

56 « Ce processus implique un discernement sur le thème synodal principal «comment


marchons-nous ensemble aujourd’hui» et sur ses priorités de façon la plus inclu-
sive possible » (FAQ - Questions fréquemment posées sur l’Etape Continentale,
n° 2 https://www.synod.va/content/dam/synod/common/phases/continental-stage/
FAQ_Continental-Stage_FR.pdf
57 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/inclusion/42281
58 https://conceptodefinicion.de/inclusion/.
46 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

cheval de Troie cherchant à manipuler l’esprit des gens


par le biais de « mots talisman »59 tels que « diversité »,
« inclusion » et « égalité ».
Selon lui, « l’astuce est très simple. Il s’agit d’utiliser
un mot qui semble très attrayant à première vue, mais qui
contient une ruse cachée, de sorte qu’il finit par signifier
quelque chose de différent, peut-être même son contraire ».
Et de préciser avec une grande acuité : « Le document
s’intitule “Élargis l’espace de ta tente”, d’après Isaïe
54,2. L’inclusion radicale’ est l’idée maîtresse qu’il s’ef-
force de mettre en œuvre. La tente est présentée comme
un lieu d’inclusion radicale dont personne n’est exclu, et
cette idée sert de clé herméneutique pour interpréter l’en-
semble du document.
« L’astuce des mots s’explique facilement. Le fait
d’être exclu est associé au fait de ne pas être aimé. Puisque
Dieu est amour, il ne veut évidemment pas que quiconque
fasse l’expérience d’être mal aimé et donc exclu ; par
conséquent, Dieu, qui est Amour, doit être en faveur d’une
inclusion radicale. Ainsi, le langage de l’enfer et du ju-
gement dans le Nouveau Testament doit être une forme
d’hyperbole aberrante qu’il ne faut pas prendre au sérieux
grâce au primat de l’idée de Dieu en tant qu’amour. Et
puisque ces deux concepts sont mutuellement contradic-
toires, l’un d’entre eux doit disparaître. L’inclusion reste,
le jugement et l’enfer disparaissent—c’est une autre façon
de dire “Jésus s’en va et Marx reste”.
« Ensuite, ce principe est appliqué pour renver-
ser tous les enseignements dogmatiques et éthiques de
l’Église. Les femmes ne sont plus exclues de l’ordination,

59 Dans son ouvrage Glissement idéologique imperceptible et Dialogue, Plinio Corrêa


de Oliveira étudie en profondeur le rôle joué par les « mots talisman » dans la pro-
pagande révolutionnaire.
Chapitre III – Le processus synodal 47

les relations LGBT sont reconnues comme un mariage, et


la véritable extension de l’ambition progressiste fait sur-
face lorsqu’on suggère de tendre la main aux polygames
et de les attirer “à l’intérieur de la tente de l’Église”.
« Ce serait une grave erreur de ne pas se rendre
compte que la mentalité progressiste libérale veut chan-
ger l’éthique de la foi. Elle remplace donc les catégories
“sainteté et péché” par “inclusion et aliénation”. Les ra-
cines de cette utilisation du terme aliénation se trouvent
bien sûr chez Marx. »60

32. L’» inclusion radicale » est-elle la clé pour


comprendre le prochain synode ?

Oui. Le Vademecum affirme que « de véritables ef-


forts doivent être faits pour assurer l’inclusion de ceux qui
sont en marge ou qui se sentent exclus » (n° 13). Selon le
Document de travail de l’étape continentale, la phrase qui
ouvre le chapitre 54 du livre d’Isaïe – “Élargis l’espace de
ta tente”– offre la clé d’interprétation du contenu du docu-
ment, car elle définit la vocation de l’Église comme un es-
pace ouvert de communion, de participation et de mission,
dans lequel l’écoute doit être comprise « comme ouverture
à l’accueil à partir d’un désir d’inclusion radicale - per-
sonne n’est exclu ! » (n° 10-11).
En effet, « la vision d’une Église capable d’une in-
clusion radicale, d’une appartenance partagée et d’une
réelle hospitalité, conformément aux enseignements de
Jésus, est au cœur du processus synodal » (n° 31), car
elle conduit à « un chemin de conversion vers une Église

60 « The Vatican new Synod’s document radically overturns Christian teaching »,


Catholic Herald, https://catholicherald.co.uk/the-vaticans-new-synod-docu-
ment-radically-overturns-christian-teaching/ (notre traduction).
48 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

synodale qui apprend de l’écoute comment renouveler sa


mission évangélisatrice à la lumière des signes des temps,
afin de continuer à offrir à l’humanité une manière d’être
et de vivre dans laquelle tous peuvent se sentir inclus et
protagonistes » (n° 13).
Le besoin d’« inclusivité » est si radical que le do-
cument Suggestions pour la célébration liturgique lors
de l’ouverture du Synode dans les Églises locales sti-
pule qu’« il faut également s’efforcer d’inclure ceux
qui peuvent parfois être exclus, notamment les membres
d’autres confessions chrétiennes et d’autres religions ». 61

33. Cette « inclusion radicale »


modifiera-t-elle les structures et
les doctrines de l’Église ?

Oui. Selon les promoteurs du Synode, le chemin


vers une plus grande inclusion « commence par l’écoute
et exige une conversion plus large et plus profonde des
attitudes et des structures ».62 « Cette conversion – pour-
suit le document de travail – se traduit par une réforme
tout aussi continue de l’Église, de ses structures et de
son style ».63 L’un des principaux objectifs du processus
synodal est de « renouveler nos mentalités et nos struc-
tures ecclésiales »,64 ce qui « appellera naturellement à
un renouvellement des structures à différents niveaux de
l’Église ».65

61 https://www.synod.va/content/dam/synod/common/phases/other_lang/FRA_
Step_8_Liturgy.pdf
62 Document de travail pour la phase continentale, n° 32.
63 Ibid, n° 101.
64 Vademecum, p. 10.
65 Ibid, p. 21.
Chapitre III – Le processus synodal 49

Le célèbre canoniste et analyste religieux américain,


le père Gerald E. Murray, fait observer à juste titre que
l’« inclusion » de ces « minorités marginalisées » entraî-
nerait tout de suite « le rejet des enseignements qui contre-
disent les croyances et les désirs de ceux qui vivent des
seconds «mariages» adultères, des hommes avec deux ou
trois femmes, voire plus, des homosexuels et des bisexuels,
des personnes qui croient qu’elles n’appartiennent pas à
son sexe de naissance, des femmes voulant être ordonnées
diacres et prêtres, des laïques qui veulent avoir l’autori-
té donnée par Dieu aux évêques et aux prêtres ». Et il
conclut : « Il y a manifestement dans l’Église aujourd’hui,
une révolution en marche, une tentative de nous convaincre
que l’acceptation de l’hérésie et de l’immoralité n’est pas
un péché, mais plutôt une réponse à la voix de l’Esprit
Saint qui s’exprime à travers des personnes qui se sentent
marginalisées par une Église qui, jusqu’à présent, a été
infidèle à sa mission. »66

34. L’« inclusion » met-elle en œuvre


l’« Église des pauvres » de la théologie de la
libération ?

Oui. Pendant des décennies, les soi-disant théolo-


giens de la libération ont commencé à élargir le concept
marxiste des « pauvres » - c’est-à-dire des personnes ma-
tériellement dépossédées - pour y inclure toutes les caté-
gories qui se sentent « opprimées », comme les femmes,
les indigènes, les Noirs, les homosexuels, etc.
À la lumière du parcours synodal, la Synthèse de
l’étape continentale du Synode pour l’Amérique latine et

66 https://www.thecatholicthing.org/2022/10/31/a-self-destructive-synod/ (notre tra-


duction)
50 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

les Caraïbes, fortement influencée par la théologie de la


libération, propose à nouveau la vieille idée de l’« Église
des pauvres » ou de l’« Église du peuple ».
En parlant d’une « Église comme refuge pour les
blessés et les brisés » (on dirait aujourd’hui les « oppri-
més »), le document latino-américain affirme :
« Il est important que, dans le processus synodal,
nous osions évoquer et discerner de grands thèmes sou-
vent oubliés ou mis de côté, et rencontrer l’autre et tous
ceux qui font partie de la famille humaine et qui sont
souvent marginalisés, même dans notre Église. Plusieurs
appels nous rappellent que, dans l’esprit de Jésus, nous
devons “inclure les pauvres, les communautés LGTBIQ+,
les couples en seconde union, les prêtres qui veulent reve-
nir dans l’Église dans leur nouvelle situation, les femmes
qui avortent par peur, les prisonniers, les malades” (Cono
Sur). Il s’agit de “marcher ensemble dans une Église
synodale qui écoute toutes sortes d’exilés, afin qu’ils se
sentent chez eux”, une Église qui est «un refuge pour les
blessés et les brisés”. »67

F - Le Document de travail pour l’étape


continentale
35. Plus précisément, sur quelle base les
fidèles étaient-ils censés discuter pendant la
phase préparatoire du Synode ?

La base devait être le Document de travail pour


l’étape continentale envoyé par le Secrétariat général du

67 CELAM, Synthèse de l’étape continentale du Synode pour l’Amérique latine et les


Caraïbes, n° 65. https://kongreskk.pl/wp-content/uploads/2023/04/Synteza-Ame-
ryki-Lacinskiej-i-Karaibow.pdf (notre traduction).
Chapitre III – Le processus synodal 51

Synode sous le titre « Élargis l’espace de ta tente », une


phrase tirée du livre du prophète Isaïe. Il est également
connu sous le nom de Document préparatoire.
Depuis sa publication, ce document a suscité de vives
critiques, même de la part de prélats de haut rang. Ainsi, feu
le cardinal George Pell l’a décrit comme « l’un des docu-
ments les plus incohérents que Rome ait jamais envoyés ». :
« Il ne s’agit pas d’un résumé de la foi catholique
ou de l’enseignement du Nouveau Testament. Il est incom-
plet et hostile de manière significative à la tradition apos-
tolique et ne reconnaît nulle part le Nouveau Testament
comme la Parole de Dieu, normative pour tout enseigne-
ment sur la foi et la morale. L’Ancien Testament est igno-
ré, le patriarcat rejeté et la loi mosaïque, y compris les dix
commandements, n’est pas reconnue.
« L’Église catholique doit se libérer de ce “cauche-
mar toxique”. »68
Ayant analysé le document, le professeur Mark Re-
gnerus, sociologue bien connu, le décrit ironiquement
comme « une liste de souhaits de réformistes frustrés qui
ont déplacé l’option préférentielle des pauvres vers les
«jeunes et les personnes culturellement aliénées ». De
manière explicite, il conclut : « En tant que chercheur en
sciences sociales, je suis très préoccupé par le désordre
méthodologique qui a caractérisé l’entreprise massive et
peu maniable de collecte et d’analyse de données de ce
synode. »
Selon lui, le document n’est pas basé sur des données
objectives : « Plusieurs questions visent plus clairement

68 Damien Thompson, « Cardinal George Pell, The Catholic Church must free itself
from this ‘toxic nightmare’ », The Spectator 11 janvier 2023. https://www.spec-
tator.co.uk/article/the-catholic-church-must-free-itself-from-this-toxic-nightmare/
(notre traduction)
52 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

l’expérience subjective des auteurs…. Les termes émotifs


saturent le document. »69

36. S’agit-il d’un document


idéologiquement biaisé ?

Oui. Les observations de Carl Olson, rédacteur en


chef du Catholic World Report, ne laissent aucun doute à
cet égard :
« [Le document préparatoire] ne mentionne le terme
“hiérarchie” que trois fois, et dans deux, de façon ouver-
tement négative, comme lorsqu’il identifie, en donnant
un exemple, la “persistance d’obstacles structurels”
avec des “structures hiérarchiques qui favorisent les
tendances autocratiques”. . . L’impression qui s’en dé-
gage est que l’Église est une société horizontale en per-
pétuelle évolution (où) le “peuple de Dieu”, certes ani-
mé par un dialogue sans fin (s’engage dans) des plaintes
incessantes et d’une variété éclectique de sentiments vic-
timaires . . . Lorsque les “laïcs” sont mentionnés, c’est
presque toujours au service de la plainte : les laïcs sont
passifs et distants du clergé (#19), victimes du clérica-
lisme (#58), surchargés (#66), on ne leur permet pas de
faire plus dans la paroisse (#68,# 91), et on les empêche
d’avoir des occasions de faire plus (#100) . . . Pourquoi
l’ “expérience” est-elle un thème si souvent répété dans
le document, y apparaissant plus de 60 fois ? Et pour-
quoi les termes “sainteté” et “vertu” apparaissent-ils
précisément zéro fois ? Le “voyage” est mentionné 37
fois, mais les mots “ciel”, “gloire” et “béatifique” sont

69 Marc Regnerus, « Census fidei ? Methodological Missteps are Undermining the


Catholic Church’s Synod on synodality », Public Discourse, 8 janvier 2023. https://
www.thepublicdiscourse.com/2023/01/86704/ . (notre traduction).
Chapitre III – Le processus synodal 53

totalement absents . . . Y a-t-il une bonne raison pour


que “l’écoute” et “écouter” apparaissent plus de cin-
quante fois, alors que “se repentir” et “repentance” ne
sont jamais mentionnés ? ... Le document ne fait aucune
référence au «mal», aux “transgressions”, à l‘“iniquité”
ou à quoi que ce soit d’autre. Pourquoi ? . . . J’accorde
peut-être trop d’importance aux chiffres et aux mots et
pas assez aux processus et aux structures. Mais dans un
document de quelque 15 000 mots qui traite de l’Église,
de l’esprit de l’Église, des laïcs, de l’évangélisation et de
vivre en catholique, il est frappant de constater que les
termes “processus” (44) et “dialogue” (31) apparaissent
beaucoup plus souvent que “culte” (0), “louange” (0) et
“action de grâces” (0). »70

G - Les fidèles ont-ils été consultés ?


37. Selon ses auteurs, le processus synodal
devait consulter l’ensemble du « peuple de
Dieu ». Cela a-t-il été fait ?

Non. Selon la doctrine qui inspire le Synode sur la sy-


nodalité, expliquée dans les pages précédentes, l’ensemble
du « Peuple de Dieu » doit être consulté comme infail-
lible in credendo. Et pourtant, seules quelques minorités
ont été autorisées à intervenir dans le processus consultatif
du Synode. Que ce soit par coïncidence ou délibérément,
il s’agissait de minorités progressistes déjà en lutte pour
réformer l’Église.

70 “Dialoguing with the most incoherent document ever sent out by Rome”, Catholic
World Report, 21 janvier 2023. https://www.catholicworldreport.com/2023/01/21/
dialoguing-with-the-most-incoherent-document-ever-sent-out-from-rome/. (notre
traduction)
54 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

Par exemple, la Conférence des évêques de France a


indiqué qu’« en France, plus de 150 000 personnes se sont
mobilisées pour contribuer à la réflexion sur le Synode
2023 ».71 Cela représente à peine 3,47 % des fidèles qui
vont à la messe le dimanche ou 0,35 % de tous les catho-
liques de France.
Un document du synode national de l’Église ca-
tholique espagnole précise qu’« en Espagne, 14 000
groupes synodaux ont participé . . . impliquant plus de
215 000 personnes, principalement des laïcs, mais aus-
si des personnes consacrées, des religieux, des prêtres
et des évêques ».72 Cela ne représente que 7,7 % des
fidèles qui vont à la messe le dimanche, soit 0,77 % des
catholiques.
Et dans presque tous les pays, les chiffres sont très
proches : en Autriche, 1,04% des catholiques ont partici-
pé ; en Belgique, 0,54% ; en Irlande, 1,13% ; en Angleterre,
0,79% ; en Amérique latine, 0,21% ; même dans la Po-
logne catholique, la participation n’a été que de 0,58%.73
En Allemagne, une initiative en ligne en faveur du
Synodaler Weg (la voie synodale allemande) n’a recueilli
que 12 000 signatures.74 Or les catholiques allemands sont
au nombre de 21,6 millions !

71 https://eglise.catholique.fr/le-synode-2023/synode-des-eveques-sur-la-synodalite-
2021-2023/527445-collecte-nationale-des-syntheses-locales-sur-le-synode-2023-
sur-la-synodalite/
72 https://laicos.conferenciaepiscopal.es/wp-content/uploads/2022/06/SINTESIS-FI-
NAL-FASE-DIOCESANA-DEL-SINODO.pdf
73 Luke Coppen, « How many peope took part in the synod’s diocesan phase? », The
Pillar, 29 janvier 2023. https://www.pillarcatholic.com/p/how-many-people-took-
part-in-the. (notre traduction)
74 Mathias von Gersdorff, “Il Weg può influenziare in senso negativo il prossimo Si-
nodo Generale”, Tradizione Famiglia Proprietà, mars 2023, p. 9.
Chapitre III – Le processus synodal 55

38. Que signifient ces chiffres ?

Sur la base de ces chiffres, qui sont cohérents au ni-


veau mondial, nous pouvons affirmer que le Synode gé-
néral sur la synodalité suscite très peu d’intérêt parmi
les fidèles. C’est la conclusion que partage également la
revue Catholic World Report qui rappelle dans un de ses
articles : « Le Vatican fait appel à des influenceurs pour
inciter les jeunes catholiques désenchantés à répondre à
l’enquête sur le Synode. »75
En tout état de cause, la maigre réponse des fidèles
aux enquêtes synodales soulève une question cruciale qui
pourrait invalider le Synode à la racine : peut-on encore
parler de consultation de l’ensemble du « peuple de Dieu »
quand seules d’infimes minorités ont participé ? Et qui
sont ces minorités et quelles sont leurs motivations ?

H - Une « secte » au cœur du Synode ?


39. Pourquoi les fidèles catholiques se
désintéressent-ils de la question ?

De nombreuses raisons peuvent expliquer le manque


d’intérêt des fidèles pour le processus synodal. Andrea
Grillo, professeur à l’Athénée pontifical Saint-Anselme,
bien connu pour ses combats progressistes et son soutien
inconditionnel aux thèses les plus audacieuses du Synode,
en soulève une : la question du « genre littéraire ».
Avec des mots que l’on pourrait extrapoler à l’en-
semble du processus synodal, Grillo écrit à propos du

75 https://www.catholicworldreport.com/2022/08/10/vatican-enlists-influen-
cers-to-get-young-disenchanted-catholics-to-answer-synod-survey/
56 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

Synodaler Weg allemand : « La grande production [do-


cumentaire] générée par la Voie synodale peut poser des
problèmes d’interprétation, car elle se réfère à des sources
et à des langages qui ne sont pas totalement transparents
pour un lecteur extérieur. » Selon le professeur romain, les
documents de la Voie synodale emploient un langage her-
métique non compréhensible par un lecteur « extérieur ».
Seul un cercle restreint d’ « initiés » (dirions-nous) peut
le comprendre et il faudrait donc d’après lui commencer
par habituer les fidèles à comprendre les mots dans un
sens nouveau, différent de leur sens originel. En d’autres
termes, Grillo propose d’initier les non-initiés.76

40. Grillo ne fait-il pas allusion à un groupe


occulte lorsqu’il parle du public catholique
comme d’un élément « extérieur » au cercle
des initiés ?

Tel semble être l’essentiel des déclarations du car-


dinal Gerhard Müller lorsqu’il évoque le Synodaler Weg
allemand : « Les idéologies homosexuelles et de genre,
qui contredisent toute anthropologie scientifique, philoso-
phique et théologique, ont remplacé l’herméneutique de la
foi catholique dans le catholicisme “ différent ” de la secte
synodale allemande. »77

76 Andrea Grillo, “La forma dell’incontro e le argomentazioni in campo : episcopato


tedesco e curia romana”, Rivista Europea di Cultura, 26 novembre 2023. https://
www.cittadellaeditrice.com/munera/la-forma-dellincontro-e-le-argomentazio-
ni-in-campo-episcopato-tedesco-e-curia-romana/
77 « Cdl. Müller, German ‘Synodal sect’ has replaced Catholic faith with lgbt ide-
ology », LifeSite News, 3 février 2023. https://www.lifesitenews.com/news/
cdl-muller-german-synodal-sect-has-replaced-catholic-faith-with-lgbt-ideology/
(notre traduction).
Chapitre IV

La Réforme de l’Église

41. Quelles sont les structures


de l’Église à modifier ?

Selon le Document préparatoire au synode, les struc-


tures de l’Église devraient être modifiées sur trois ni-
veaux :
1.« Le niveau du style ordinaire selon
lequel l’Église vit et œuvre au quotidien ;
2.« Le niveau des structures et
des processus ecclésiaux ;
3.« Le niveau des processus et
des événements synodaux ».78
Le Document de travail pour l’étape continentale af-
firme que la séparation entre les prêtres et le reste du Peuple
de Dieu doit être éliminée (n° 19), en dépassant une vision
de l’Église construite autour du ministère ordonné (n° 67)
et de structures hiérarchiques qui favorisent les tendances
autocratiques et fragmentent les relations entre les prêtres et
les laïcs (n° 33). Il propose un modèle institutionnel syno-
dal qui déconstruise le pouvoir pyramidal actuel (n° 57) et
permette à tous de pratiquer réellement la coresponsabilité
dans la vie de l’Église en réponse aux dons que l’Esprit ac-

78 Document préparatoire, n° 27-28. https://www.synod.va/content/dam/synod/docu-


ment/common/preparatory-document/word_pdf/DOCUMENTO-PREPARATO-
RIO-FRANCESE.pdf
58 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

corde aux fidèles (n° 66), en particulier en ce qui concerne


les institutions et les structures de gouvernement (n° 71). Il
souhaite que les divers conseils (paroissiaux, presbytéraux
et épiscopaux) ne soient pas simplement consultatifs, mais
des lieux où les décisions sont prises sur la base de proces-
sus de discernement communautaire (n° 78).

42. Ces changements affecteraient-ils


également la liturgie ?

Oui. S’agissant de la liturgie, le Document de travail


suggère de mettre en œuvre un style synodal de célébration li-
turgique qui permette la participation active de tous les fidèles
(n° 91) et de repenser les liturgies actuelles, qui accordent une
importance excessive au prêtre qui préside (n° 93).

43. Selon les promoteurs du synode, quel est


le principal problème de l’Église ?

Les promoteurs du synode affirment que le principal pro-


blème de l’Église serait le « cléricalisme », c’est-à-dire une
culture et des structures hiérarchiques qui la divisent entre
clercs et laïcs, entre Ecclesia docens et Ecclesia discens.
Ainsi, le Documentde travail pour l’étape continentale
déplore l’absence « des processus d’écoute, de dialogue
et de discernement communautaire » et souligne « la per-
sistance d’obstacles structurels, notamment des structures
hiérarchiques qui favorisent les tendances autocratiques,
une culture cléricale et individualiste qui isole les individus
et atomise les relations entre prêtres et laïcs ». Il conclut en
soulignant « l’importance de débarrasser l’Église du clérica-
lisme . . . une culture qui isole le clergé et nuit aux laïcs ».79

79 N° 33, 58. https://www.synod.va/content/dam/synod/common/phases/continental-s-


tage/dcs/Documento-Tappa-Continentale-FR.pdf
Chapitre IV – La Réforme de l'Église 59

44. Comment remédier au « cléricalisme » ?

Pour les promoteurs du Synode, le remède au « cléri-


calisme » serait de mettre en œuvre la « coresponsabilité »
en reconnaissant l’égale dignité de tous les baptisés et la
valeur des « charismes » et des « ministères » laïcs, car
« la direction des structures pastorales actuelles ainsi que
la mentalité de nombreux prêtres ne favorisent pas cette
coresponsabilité ».80 Ils estiment dans le Document de tra-
vail qu’il y a besoin de « dépasser une vision de l’Église
construite autour du ministère ordonné pour aller vers
une Église “toute ministérielle”, qui est une communion
de charismes et de ministères différents ».81

45. Quelles adaptations faut-il apporter


aux structures actuelles de l’Église ?

Les promoteurs du synode affirment dans le Docu-


ment de travail pour l’étape continentale que la dynamique
de la coresponsabilité doit imprégner « tous les niveaux de
la vie de l’Église ».
Les Conférences épiscopales, « tout en honorant leur
collégialité et leur liberté de décision exempte de toute
forme de pression, devraient inclure dans leurs débats et
leurs réunions, au nom de la synodalité, des représentants
du clergé et des laïcs des différents diocèses ».82
Au niveau diocésain, les conseils pastoraux seraient
« appelés à devenir des lieux de plus en plus institutionnels
d’inclusion, de dialogue, de transparence, de discernement,
d’évaluation et de responsabilisation de tous ».83

80 Ibid. n° 66.
81 Ibid, n° 67.
82 Ibid, n° 75.
83 Ibid, n° 78.
60 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

Au niveau paroissial, « l’Église doit aussi donner une


forme et une manière synodale de procéder à ses propres
institutions et structures, notamment celles relatives à la
gouvernance ».84 Le rapport présente une suggestion de la
Papouasie-Nouvelle-Guinée et des îles Salomon : « Lorsque
nous voulons faire quelque chose dans notre paroisse, nous
nous réunissons, nous écoutons les suggestions de tous les
membres de la communauté, nous décidons ensemble, et en-
semble nous appliquons les décisions prises. » 85

46. Ce système collégial ne va-t-il pas donner


lieu à des tensions et à des désaccords ?

Si des tensions apparaissent, « nous ne devons pas


en avoir peur, mais les articuler dans un processus de
constant discernement communautaire afin de les exploiter
comme une source d’énergie sans qu’elles ne deviennent
destructrices ».86

47. En quoi ce processus diffère-t-il de la


démocratie moderne ?

Afin d’apaiser « des inquiétudes . . . quant au fait que


l’accent mis sur la synodalité pourrait pousser à l’adop-
tion au sein de l’Église de mécanismes et de procédures
centrées sur le principe de la majorité démocratique », le
Document de travail précise que « les décisions sont prises
sur la base de processus de discernement communautaire
et non du principe de majorité tel qu’utilisé dans les ré-
gimes démocratiques ».87

84 Ibid, n° 71.
85 Ibid. n° 66.
86 Ibid, n° 71.
87 Ibid, n° 78.
Chapitre IV – La Réforme de l'Église 61

48. Qu’est-ce que le « discernement


communautaire » ?

Pour le Document préparatoire au synode, il faut s’ef-


forcer d’écouter jusqu’à parvenir à un « consensus una-
nime », fruit d’une « passion partagée pour la mission
commune de l’évangélisation et non pas la représentation
d’intérêts en conflit ». Ceci est atteignable grâce au « lien
fécond entre le sensus fidei du Peuple de Dieu et la fonc-
tion de magistère des pasteurs ».88
En ce sens, la hiérarchie n’utilise pas son autorité
pédagogique pour trancher une controverse de manière
dogmatique. Elle laisse cependant la tension entre la thèse
et l’antithèse se développer jusqu’à ce qu’une synthèse
consensuelle soit atteinte.

49. À quoi ressemblerait


le gouvernement de l’Église ?

Pour les promoteurs du synode, toute mesure gouver-


nementale devrait passer par deux étapes : la consultation
et l’élaboration au sein de la communauté, suivies de la
validation par l’autorité compétente.
La Commission théologique internationale écrit :
« Un synode, une assemblée, un conseil ne peut prendre
de décisions sans les pasteurs légitimes. Le processus syno-
dal doit se dérouler au sein d’une communauté hiérarchi-
quement structurée. Dans un diocèse, par exemple, il est
nécessaire de distinguer entre le processus en vue d’élabo-
rer une décision (decision-making) au moyen d’un travail
commun de discernement, consultation et coopération, et la
prise de décision pastorale (decision-taking) qui relève de

88 Ibid, n° 14.
62 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

l’autorité de l’évêque, garant de l’apostolicité et de la ca-


tholicité. L’élaboration est une tâche synodale ; la décision
est une responsabilité ministérielle. »89

50. Si l’opinion des fidèles et celle du pape


divergent, laquelle l’emportera ?

Le cardinal Francesco Coccopalmerio, président


émérite du Conseil pontifical pour les textes législatifs,
propose une solution synodale :
« Le pape pourrait s’engager à ne jamais accom-
plir d’actes particulièrement importants de magistère ou
d’actes particulièrement importants de gouvernement en
tant qu’individu et, par conséquent, il pourrait s’engager
à toujours faire appel au collège des évêques pour accom-
plir ces actes en tant que sujet communautaire. »90
Ainsi, en cas de divergence entre l’opinion des fidèles
et celle du pape, ce dernier s’engagerait à ne pas utiliser
son infaillibilité, mais à continuer à dialoguer avec la com-
munauté. C’est ce que semble insinuer le pape François en
parlant du synode amazonien :
« L’une des richesses et l’originalité de la pédagogie
synodale consiste précisément à sortir de la logique par-
lementaire pour apprendre à écouter, en communauté, ce
que l’Esprit dit à l’Église . . . « J’aime penser que, dans un
certain sens, le Synode n’est pas terminé. Ce temps d’ac-
cueil de tout le processus que nous avons vécu nous incite
à continuer à marcher ensemble et à mettre cette expé-
rience en pratique. »91

89 Commission théologique internationale, La synodalité dans la vie et la mission de


l’Église, n° 69.
90 Settimana News, “Coccopalmerio : nuovi esercizi di primato”, 7 janvier 2020, http://
www.settimananews.it/chiesa/coccopalmerio-nuovi-esercizi-primato/ [notre traduction].
91 https://www.laciviltacattolica.it/articolo/il-governo-di-francesco/.
Chapitre IV – La Réforme de l'Église 63

51. Quels fondements théologiques les


promoteurs du synode présentent-ils pour
justifier la coresponsabilité communale dans
la vie ecclésiale ?

Comme nous l’avons dit, pour les promoteurs du Sy-


node, la coresponsabilité est fondée sur l’égale dignité de
tous les baptisés et sur la reconnaissance des charismes et
des ministères des laïcs.
Le document sur la synodalité préparé par la Com-
mission théologique internationale affirme que la circula-
rité entre le sensus fidei et l’autorité de ceux qui exercent
le ministère pastoral d’unité et de gouvernement « pro-
meut la dignité baptismale et la coresponsabilité de tous,
met en valeur la présence des charismes répandus par le
Saint-Esprit dans le peuple de Dieu, reconnaît le ministère
spécifique des pasteurs en communion collégiale et hié-
rarchique avec l’évêque de Rome ».92

52. Dans quelle mesure entendent-


ils reconnaître les « charismes » et les
« ministères » de laïcs ?

Comme pour tout ce qui concerne ce Synode sur la


synodalité, les charismes et les ministères de laïcs sont
également ouverts à la discussion. Le sujet est en constante
évolution.
Certaines propositions semblent assez radicales. Par
exemple, la Synthèse continentale de l’Amérique latine et
des Caraïbes, fortement influencée par la théologie de la
libération et les conclusions du Synode de l’Amazonie de

92 Op. cit. no. 72.


64 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

2019, propose de reconnaître tout « ministère spontané »,


y compris dans les tribus amazoniennes :
« Il existe légitimement de nombreux ministères qui
découlent de la vocation baptismale, y compris des mi-
nistères spontanés et d’autres ministères reconnus, qui ne
sont pas institués et d’autres qui sont institués avec leur
formation, leur mission et leur stabilité. Certains peuples
indigènes ont même souligné qu’ils ont leurs propres mi-
nistères, qui sont déjà exercés, mais pas reconnus par
l’institution ecclésiale. »93
Rappelons que les documents du Synode de l’Ama-
zonie demandaient implicitement, entre autres, de recon-
naître le travail des sorciers et des chamans comme un
« ministère » de l’Église94.

93 CELAM, Synthèse de la phase continentale du Synode de la synodalité en Amé-


rique latine et dans les Caraïbes, n° 84. https://www.synod.va/content/dam/synod/
common/phases/continental-stage/final_document/celam.pdf (notre traduction)
94 Voir Secrétariat du Synode des évêques, « Document Préparatoire pour le Synode
pour l’Amazonie », n. I. 6, et Questionnaire, III. 3, http://secretariat.synod.va/
content/sinodoamazonico/fr/documents-/document-preparatoire.html; Secrétariat
du Synode des évêques, « Instrumentum laboris », n. 25, 43, 75, 87–89, 91, 98,
121, 123, 125–26, et 129, http://secretariat.synod.va/content/sinodoamazonico/fr/
documents-/instrumentum-laboris-.html.
Chapitre V

Le chemin synodal allemand

A - Une voie qui n’est pas réservée à


l’Allemagne
53. Qu’est-ce que le Synodaler Weg ?

Synodaler Weg signifie chemin (ou cheminement) sy-


nodal. Il s’agit de la manière particulière dont l’Église ca-
tholique a, en Allemagne, choisi de s’adapter à la synoda-
lité, indépendamment du Synode universel, en l’anticipant
et même en dépassant les orientations données par Rome.
Ce néologisme ne trouve aucun fondement dans le droit
canonique ou dans la tradition de l’Église.
Le Synodaler Weg a été approuvé lors de l’assemblée
générale de la Conférence épiscopale allemande à Lingen
en 2019 en tant que plateforme de discussion permanente
entre tous les fidèles, libres de s’exprimer sur l’Église.
Cette phase préparatoire, ou consultative, s’est achevée en
mars 2023. Les propositions ont été soumises aux évêques,
qui en discutent actuellement avant de les présenter au Sy-
node universel à Rome en octobre 2023.
Les promoteurs du Weg proposent de mettre en place
un Conseil synodal permanent composé de membres du
clergé et de laïcs, transformant ainsi l’Église allemande en
un organe pleinement démocratique. Le Conseil synodal
fonctionnerait « comme un organe consultatif et délibéra-
66 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

tif sur les changements essentiels concernant l’Église et


la société », et « comme un organe supra-diocésain pour
la planification pastorale et les questions budgétaires ».95
Bien que le Vatican ait opposé son veto à cette pro-
position, les évêques allemands sembleraient disposés à
poursuivre dans ce sens.
Le Weg n’a pas de forme définie, mais est présenté comme
un « processus » évolutif. Le site internet du Synodaler Weg
indique ainsi : « Le chemin synodal n’a pas de forme définie
par le droit canonique, mais est sui generis. Il peut être défini
comme un processus qui parcourt un chemin. »96
Ce « chemin » doit être totalement ouvert. Lors de l’as-
semblée générale de Lingen, le cardinal Reinhard Marx,
archevêque de Munich et alors président de la Conférence
épiscopale allemande, a déclaré : « La foi ne peut croître et
s’approfondir que si l’on se libère des blocages de la pen-
sée, si l’on se confronte à un débat libre et ouvert et si l’on
développe la capacité d’adopter de nouvelles positions et
d’ouvrir de nouvelles voies. »97
54. Le Synodaler Weg diffère-t-il
du Synode universel ?

Formellement oui, dans le sens où il s’agit d’un proces-


sus de l’Église allemande, autonome et parallèle au proces-

95 “Ein Synodaler Rat für die katholische Kirche in Deutschland”. https://www.sy-


nodalerweg.de/fileadmin/Synodalerweg/Dokumente_Reden_Beitraege/beschlues-
se-broschueren/SW10-
96 “Warum wurde ein Synodaler Weg beschlossen und keine Synode?” in “Struktu-
ren und Prozess,” in “FAQ,” SynodalerWeg.de, 20 juin 2023, https://www.syno-
dalerweg.de/faq [notre traduction].
97 Abschlusspressekonferenz der Frühjahrs-Vollversammlung 2019 der Deutschen Bi-
schofskonferenz in Lingen, 14.03.2019. https://www.dbk.de/presse/aktuelles/mel-
dung/abschlusspressekonferenz-der-fruehjahrs-vollversammlung-2019-der-deut-
schen-bischofskonferenz-in-linge/.
Chapitre V – Le chemin synodal allemand 67

sus synodal universel. En réalité, comme nous le verrons,


le Weg se déploie en lien étroit avec le processus synodal
universel, agissant presque comme une locomotive tirant
les autres wagons du processus synodal mondial inauguré
en 2015. C’est ainsi que les médias le présentent et que la
majorité des fidèles le perçoivent, et il est très probable que
les participants les plus progressistes du Synode général,
venant de divers continents, voudront insister sur des ques-
tions figurant à l’ordre du jour du Synodaler Weg allemand.
Ainsi, le Weg pourrait aider le processus universel à propa-
ger les causes les plus radicales du néomodernisme.
Une simple lecture de leurs propositions montre leur pro-
fonde analogie, même si la voie allemande est plus incisive.

55. D’où vient l’idée des évêques allemands ?

Les promoteurs du Synodaler Weg se sont dits ins-


pirés par le discours du pape François de 2015 prononcé
pour célébrer le cinquantième anniversaire de l’institution
du Synode des évêques. A cette occasion, le souverain
pontife a déclaré :
« Le chemin de la synodalité est justement celui que
Dieu attend de l’Église du troisième millénaire. . . Synoda-
lité, comme dimension constitutive de l’Église ».98
À cela s’ajoute la Lettre au peuple de Dieu sur le chemin
en Allemagne du 29 juin 2019, dans laquelle le pape a exhor-
té les évêques allemands à emprunter la voie synodale :
« Vos pasteurs ont proposé un chemin synodal. Ce que
cela signifie concrètement et comment cela se développera

98 Discours du Pape François pour la commémoration du 50ème anniversaire de l’ins-


titution du Synode des Évêques, 17 octobre 2015. https://www.vatican.va/content/
francesco/fr/speeches/2015/october/documents/papa-francesco_20151017_50-an-
niversario-sinodo.html
68 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

est sans doute encore en cours de réflexion. Pour ma part,


j’ai exprimé mes réflexions sur la synodalité de l’Église à
l’occasion de la célébration du 50ème anniversaire du synode
des évêques. En substance, il s’agit d’un synode sous la
conduite de l’Esprit Saint, c’est-à-dire marchant ensemble
et avec toute l’Église sous sa lumière, sa conduite et son
irruption, pour apprendre à écouter et à discerner l’horizon
toujours nouveau qu’il veut nous donner. Car la synodalité
présuppose et requiert l’irruption de l’Esprit Saint. »99
Ces propos ont été positivement reçus par le cardi-
nal Reinhard Marx et par le professeur Thomas Sternberg,
président du Comité central des catholiques allemands :
« Le pape François nous invite à devenir une Église
synodale, à marcher ensemble. Tel est l’objectif du Syno-
daler Weg de l’Église en Allemagne. Nous, évêques de la
Conférence épiscopale, avec les laïcs du Comité central
des catholiques allemands, voulons marcher ensemble
avec tous les catholiques, les religieux, les prêtres, et sur-
tout avec les jeunes. »100
Plus généralement, les promoteurs du Weg disent
suivre le magistère du pape François sur la synodalité, ex-
primé, par exemple, dans l’exhortation apostolique Evan-
gelii gaudium de 2013 :
« N’a pas encore été suffisamment explicité un statut
des conférences épiscopales qui les conçoive comme sujet
d’attributions concrètes, y compris une certaine autorité
doctrinale authentique. Une excessive centralisation, au

99 Lettre du Saint-Père François au Peuple de Dieu en Pèlerinage en Allemagne, 29


juin 2019. https://www.vatican.va/content/francesco/es/letters/2019/documents/
papa-francesco_20190629_lettera-fedeligermania.html [notre traduction]
100 R. Marx - T. Sternberg, Brief an die Gläubigen, 1 décembre 2019, p. 1 https://www.
dbk.de/fileadmin/redaktion/diverse_downloads/dossiers_2019/2019-12-01_Brief-
Kard.-Marx-und-Prof.-Dr.-Sternberg_englisch.pdf (notre traduction).
Chapitre V – Le chemin synodal allemand 69

lieu d’aider, complique la vie de l’Église et sa dynamique


missionnaire. »101

56. Qui a voix au chapitre dans le Synodaler Weg ?

En principe, tous les catholiques allemands, et même les


non-catholiques qui le souhaitent, devraient pouvoir s’expri-
mer au sein du Synodaler Weg. Cependant, l’organe le plus
important du Weg, l’Assemblée synodale (Synodalversam-
mlung), est monopolisé par les factions les plus progressistes
du catholicisme allemand. Elles font taire toute voix dis-
cordante et n’ont pas peur d’affronter Rome pour mettre en
œuvre leur programme, même si cela conduit à un schisme.
Ces individus et associations s’efforcent de subvertir l’Église
allemande depuis des décennies. Le Zentralkomitee der
deutschen Katholiken (ZdK) est l’une de ces associations.
Cette frange progressiste, qui impose son agenda au
sein du Synodaler Weg, n’est autre que le vieux Linkska-
tholizismus (gauche catholique), qui, depuis la période
post-conciliaire, rêve de révolutionner l’Église catholique
allemande. Par exemple, le diaconat des femmes, la par-
ticipation des laïcs à la prédication, l’élargissement du
système des conseils paroissiaux et diocésains, etc. sont
autant de propositions qui figuraient déjà à l’ordre du jour
du Synode de Würzburg (1971-1975).
Dans les années 1990, un certain nombre d’initiatives,
comme le mouvement Wir sind Kirche (Nous sommes
Église), ont appelé à un assouplissement de la morale
sexuelle, à l’approbation de l’usage des contraceptifs, à
l’abolition du célibat des prêtres, à la démocratisation des
structures d’autorité dans l’Église, etc.

101 Evangelii Gaudium, no. 32. https://www.vatican.va/content/francesco/fr/apost_ex-


hortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gau-
dium.html
70 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

Tout le Linkskatholizismus concentre maintenant son


action sur le Synodaler Weg et incite les évêques à adopter
des positions plus radicales. Par exemple, Daniela Or-
dowski, présidente du Mouvement de la jeunesse rurale
catholique, écrit :
« [Dans ses relations avec Rome], la Conférence épis-
copale allemande devrait réagir avec beaucoup plus de
courage, de fureur et de bruit. En fin de compte, elle devra
peut-être opter pour la désobéissance. Combien de temps
supporteront-ils le fossé entre les valeurs sociales, l’éga-
lité des sexes et le partage du pouvoir, d’une part, et une
monarchie catholique patriarcale, d’autre part ? » 102

57. Quelle est l’importance du Synodaler Weg ?

Le Synodaler Weg n’est pas seulement un processus


propre à l’Église en Allemagne. Il est aussi un modèle ex-
trême, pesant sur le Synode général convoqué à Rome. De
nombreux observateurs notent que ses conclusions pour-
raient influencer le développement de l’ensemble du pro-
cessus synodal dans l’Église universelle, en suivant le pré-
cédent établi par le Concile Vatican II, lorsque, selon une
expression célèbre, « le Rhin se jette dans le Tibre ».103
Le célèbre vaticaniste Sandro Magister a, par exemple,
exprimé cette crainte : « La contagion du ‘chemin synodal’
allemand, non endiguée par le pape, a franchi les frontières
et menace d’infecter le synode général sur la synodalité. »104

102 Daniela Ordowski, «Angst vor Rom», TAZ, 20 novembre 2022 (notre traduction)
103 Ralph Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre, Dominique Martin-Morin éditeur,
décembre 1992.
104 Sandro Magister, « Il sinodo tedesco contagia l’intera Chiesa, senza che il papa
lo freni », L’Espresso, 28 juin 2022. http://magister.blogautore.espresso.repubblica.
it/2022/06/28/il-sinodo-tedesco-contagia-l’intera-chiesa-senza-che-il-papa-lo-fre-
ni/ [notre traduction].
Chapitre V – Le chemin synodal allemand 71

Dénonçant la sympathie apparente du secrétaire du


synode, le cardinal Mario Grech, pour les propositions
allemandes, le vaticaniste Ed Condon a rapporté que les
évêques allemands donnent « l’impression à certains ob-
servateurs du Vatican que l’ensemble du processus syno-
dal global comporte une sorte d’«option préférentielle»
pour les Allemands ».105
Cette remarque semble confirmée par les propos de
Mgr Georg Bätzing, président de la Conférence épiscopale
allemande et principal promoteur du Weg, qui, se référant
au Document préparatoire au Synode intitulé « Élargis
l’espace de ta tente » dans lequel sont reprises de nom-
breuses propositions présentées par le Weg, a proclamé sur
un ton euphorique : « Le processus synodal [allemand] a
déjà changé l’Église. »106

58. Pourquoi le Synodaler Weg


a-t-il été convoqué ?

Officiellement, le Synodaler Weg a été convoqué pour


trouver des solutions au problème des abus sexuels dans
l’Église en Allemagne, un scandale qui a éclaté en 2010.
Depuis, les réunions, commissions et groupes de travail
se sont multipliés sans aboutir à une conclusion concrète.
Devant cette inertie, certains évêques et le Comité central
des catholiques allemands ont pris le problème en main
et ont lancé l’idée de créer une plateforme de discussion
permanente.

105 Ed Condon, « Is Pope Francis’ synodal extension a plan or a punt ? », The Pillar,
17 octobre 2022. https://www.pillarcatholic.com/is-pope-francis-synodal-exten-
sion-a-plan-or-a-punt/
106 Luke Coppen, « German Bishops’ leader : the Synodal Process has already changed
the Church », The Pillar, 27 octobre 2022. https://www.pillarcatholic.com/german-bish-
ops-leader-the-synodal-process-has-already-changed-the-church/ (notre traduction)
72 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

Comme indiqué précédemment, le Weg a été approuvé


par l’Assemblée générale de la Conférence épiscopale al-
lemande en décembre 2019 pour « affronter activement la
question des abus sexuels et renforcer leur prévention ».107

59. Y aurait-il des arrière-pensées


dans le Synodaler Weg ?

De nombreuses voix soulignent qu’un projet de ré-


forme de l’Église se cache derrière les propositions du
Weg. Dans un entretien accordé au magazine Communio,
le cardinal-archevêque de Vienne, Mgr Christoph Schön-
born, a par exemple déclaré : « [Il y a] comme une ins-
trumentalisation des abus ... car on utilise ici des com-
portements abusifs pour traiter de revendications pour la
réforme de l’Église et prendre des décisions. »108
Le cardinal Reinhard Marx, pionnier du Weg, le re-
connaît lui-même. Il estime que les affaires d’abus sexuels
ont fait perdre à l’Église sa crédibilité auprès du public et
qu’il faut abandonner l’idée que ceux qui ont été ordon-
nés prêtres peuvent la diriger. Il faut trouver de nouveaux
leaders, surtout parmi les laïcs, pour surveiller le clergé
dans ce domaine et dans d’autres. Selon le National Ca-
tholic Reporter, un journal progressiste, « Marx a décla-
ré que la compréhension par l’Église de la nécessité de
rendre des comptes “n’était que rudimentaire” en raison
de sa structure hiérarchique ». Pour lui, il est donc urgent

107 German Bishofskonferenz, Zentrale Maßnahmen der katholischen Kirche in


Deutschland im Zusammenhang mit sexuellem Missbrauch an Minderjährigen im
Kirchlichen Bereich seit Januar 2010. (notre traduction)
108 C. Shönborn, « Herr, Zeige uns deine wege. Christoph Kardinal Schönborn über
theologische Grundlagen, Chancen und Risiken von Synodalität », Communio, n.
3 (2022). https://www.communio.de/inhalte.php?jahrgang=2022&ausgabe=3&ar-
tikel=5 (notre traduction)
Chapitre V – Le chemin synodal allemand 73

d’apporter à l’institution un « changement fondamental et


systémique », ce qui nécessite des processus synodaux.109
Dans sa lettre de démission de la présidence de la
Conférence épiscopale allemande, adressée au pape, le
cardinal bavarois a explicitement parlé de « l’échec insti-
tutionnel qui appelle au changement et à la réforme dans
l’Église ». Et a ajouté : « À mon avis, un tournant pour
sortir de cette crise ne peut être que la “voie synodale”,
un chemin qui permet vraiment le “discernement des es-
prits”, comme vous l’avez souligné et écrit dans votre
lettre à l’Église d’Allemagne. »110

60. Le Synodaler Weg est-il un changement


de paradigme culturel dans l’Église ?

Oui. Ses promoteurs reconnaissent qu’il doit conduire


à un changement profond du paradigme culturel de l’Église.
« Le synode doit conduire à un changement de paradigme
culturel [Kulturwandel] et à un changement dans la praxis de
l’Église », déclare Mgr Georg Bätzing.111 En d’autres termes,
l’objectif du Weg est de changer non seulement des éléments
accidentels de l’Église, mais ses fondements mêmes.
Gregor Podschun, président de la Fédération alle-
mande de la jeunesse catholique et figure de proue du
Weg, écrit : « Il faut maintenant un changement de l’Église

109 Joshua J. McElwee, « Cardinal Marx calls for ‘fundamental, systemic change’
to confront abuse crisis », National Catholic Reporter, 8 octobre 2018. https://
www.ncronline.org/news/cardinal-marx-calls-fundamental-systemic-change-con-
front-abuse-crisis
110 Iacopo Scaramuzzi, « Abusi, il cardinale Marx offre al Papa le dimissioni e scuote
la Chiesa », Famiglia Cristiana, 4 juin 2021. https://www.famigliacristiana.it/arti-
colo/abusi-il-cardinale-marx-offre-al-papa-le-dimissioni-e-scuote-la-chiesa.aspx
111 Brief vom Bischof von Limburg zum Abschluss des Synodalen Weges vom 14.
Mars 2023.
74 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

catholique et sa (fausse) doctrine jusqu’aux racines.


Alors cette église devra s’autodétruire afin de construire
une nouvelle Église. . . Cela semble radical et, en fin de
compte, ça l’est. »112

61. Quelles sont les causes des abus sexuels


commis par des membres du clergé selon les
promoteurs du Weg ?

Les promoteurs du Synodaler Weg affirment que


le « cléricalisme » qui prévaut dans l’Église, fruit de sa
constitution hiérarchique et de sa morale traditionnelle, est
la cause principale des abus sexuels dans le clergé. Selon
le texte de base du Weg, les abus sexuels seraient dus à
« la structure et la doctrine actuelles de l’Église », qui
devraient donc être réformées.113
Lors de sa réunion plénière à Fulda en 2018, la
Conférence épiscopale allemande déclara : « Les défis spé-
cifiques à l’Église catholique, tels que les questions rela-
tives au célibat des prêtres et à divers aspects de la morale
sexuelle catholique, seront discutés avec la participation
d’experts de différentes disciplines dans le cadre d’un pro-
cessus de discussion transparent. »114
Pour sa part, le cardinal Reinhard Marx a affirmé :
« Dans une large mesure, les abus sexuels commis sur des

112 Gregor Podschun, « Die Pflicht zur radikalen Erneuerung », Futur-2. https://www.
futur2.org/article/die-pflicht-zur-radikalen-erneuerung/ . (notre traduction)
113 Der Synodale Weg, Grundtext Macht, in Synodalforum I „Macht und Gewaltentei-
lung in der Kirche“ - Gemeinsame Teilnahme und Teilhabe am Sendungsauftrag „,
p. 7, n° 219.
114 Deutshe Bishofskonferenz, Erklärung der deutschen Bischöfe zu den Ergebnissen
der Studie „Sexueller Missbrauch an Minderjährigen durch katholische Priester,
Diakone und männliche Ordensangehörige im Bereich der Deutschen Bischofs-
konferenz, 27 septembre2018. [notre traduction]
Chapitre V – Le chemin synodal allemand 75

enfants et des jeunes sont le fruit d’un abus de pouvoir


dans l’administration » [de l’Église].115
62. Quelles solutions le Synodaler Weg
propose-t-il ?

Les promoteurs du Synodaler Weg proposent de sur-


monter le « cléricalisme » censé prévaloir dans l’Église en
modifiant la structure hiérarchique et les mœurs de cette
dernière. Spécifiquement, ils militent pour :
a. La participation des laïcs à la nomination des
évêques et la démocratisation généralisée des
structures de l’Église ;
b. L’abrogation du célibat obligatoire des prêtres ;
c. L’admission des personnes homosexuelles dans
les ordres sacrés ;
d. L’ouverture du ministère sacramentel aux femmes ;
e. La réévaluation de l’homosexualité et l’accepta-
tion des unions entre personnes de même sexe ;
f. La condamnation de la morale sexuelle tradition-
nelle de l’Église.
On peut résumer l’agenda du Synodaler Weg en deux
points : la déconstruction de la morale catholique et de la
hiérarchie ecclésiastique.

63. Cela pourrait-il conduire


à la destruction de l’Église ?

C’est en tout cas ce que semblent vouloir faire certains.


Le cardinal Gerhard Müller, ancien préfet de la Congréga-

115 R. Marx, “Transparenza come comunità di credenti”, in Incontro : “ La protezione


dei minori nella Chiesa”, 23 février 2019.
76 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

tion pour la doctrine de la foi, affirme : « Ils rêvent d’une


autre église qui n’a rien à voir avec la foi catholique ... et
ils veulent abuser de ce processus pour détourner l’Église
catholique, pas seulement dans une autre direction, mais
vers sa destruction. »116
Mais, notons-le, selon les propres termes de l’illustre
théologien, ce serait quelque chose « qui n’a rien à voir
avec la foi catholique », et même pas avec l’Église, puisque,
comme nous l’avons rappelé plus haut, confortée par la
promesse divine, l’Église a la certitude de l’indéfectibilité,
c’est-à-dire la prérogative en vertu de laquelle elle durera
jusqu’à la consommation des temps (Mt 28,20), et les portes
de l’enfer ne prévaudront pas contre elle (Mt 16,18).

B – La démocratisation de l’Église
64. Que veulent faire les promoteurs du
Synodaler Weg au sujet de la gouvernance de
l’Église ?

Les promoteurs du Weg proposent de déconstruire


les structures hiérarchiques de l’Église pour modifier son
système d’autorité en profondeur. Des conseils de laïcs
dotés d’un pouvoir de décision limiteraient l’autorité des
évêques. Les laïcs participeraient aux niveaux national,
diocésain et paroissial par le biais de ce que l’on appelle
les Conseils synodaux. Cette démocratisation de l’Église
est l’un des points les plus controversés du Synodaler Weg.
Lors de la quatrième Assemblée synodale en sep-
tembre 2022, un comité a été créé pour discuter de la
formation d’un Conseil synodal national permanent. Ce

116 Raymond Arroyo, « Cardinal Müller on Synod on Synodality : ‘A Hostile Takeover


of the Church of Jesus Christ ... We Must Resist’ », National Catholic Register,
7 octobre 2022. https://www.ncregister.com/interview/cardinal-mueller-on-synod-
on-synodality-a-hostile-takeover-of-the-church-of-jesus-christ-we-must-resist.
Chapitre V – Le chemin synodal allemand 77

Conseil, composé d’évêques, de prêtres et de laïcs, de-


vrait veiller à la mise en œuvre des résolutions du chemin
synodal en le pérennisant dans le temps. Il ne serait pas
simplement consultatif, mais aurait un pouvoir de décision
supérieur à l’autorité des évêques diocésains.

65. La formation de ce Conseil synodal


a-t-elle fait l’objet d’un consensus ?

Non, car certains évêques s’y sont opposés. L’idée


d’introduire ce type de système parlementaire dans
l’Église a scandalisé jusqu’au cardinal Walter Kasper,
qui n’est pourtant pas un conservateur : « Les synodes ne
peuvent pas devenir des institutions permanentes. La tra-
dition de l’Église ne connaît pas de gouvernement syno-
dal. Un Conseil suprême synodal, tel qu’il est envisagé
aujourd’hui, n’a aucun fondement dans toute l’histoire de
la constitution [de l’Église]. Il ne s’agirait pas d’un re-
nouveau, mais d’une innovation sans précédent. »117

66. Le Vatican a-t-il approuvé ce Conseil synodal ?

Non. Le secrétaire d’État, le cardinal Pietro Parolin,


ainsi que les cardinaux Luis Ladaria (préfet de la Congréga-
tion pour la doctrine de la foi) et Marc Ouellet (préfet de la
Congrégation pour les évêques), ont rejeté la formation d’un
Conseil synodal dans une lettre datée du 16 janvier 2023.
Cette lettre, approuvée par le pape, déclare : « Le «Conseil
synodal» constituerait une nouvelle structure de gouvernance
pour l’Église en Allemagne, qui ... semble se situer au-dessus
de l’autorité de la Conférence épiscopale allemande et, en

117 A.C. Wimmer- Angela Ambrogetti, “ La Santa Sede tenta ancora di riportare alla
ortodossia il ‘Cammino Sinodale’ “, Acistampa, 25 janvier 2023. https://www.aci-
stampa.com/story/la-santa-sede-tenta-ancora-di-riportare-alla-ortodossia-il-cam-
mjno-sinodale-21648 (notre traduction)
78 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

fait, la remplacer ». La lettre précise en outre que « personne


n’a le droit de constituer un Conseil synodal, que ce soit au
niveau national, diocésain ou paroissial ».118
Cette position a été officiellement communiquée aux
évêques allemands lors de leur visite ad limina en novembre
2022. Le cardinal Marc Ouellet, alors préfet de la Congréga-
tion pour les évêques, déclaralors de cette visite : « J’ai déjà
dit très clairement aux évêques: Ce n’est pas catholique. .
. [parce que cela] ne correspondrait pas à l’ecclésiologie
catholique et au rôle unique des évêques, qui découle du
charisme de la consécration et signifie qu’ils doivent avoir
la liberté d’enseigner et de décider. »119
Lors de l’ouverture de la cinquième et dernière As-
semblée synodale à Francfort en mars 2023, le nonce apos-
tolique, Mgr Nikola Eterović, a réitéré le refus du Vatican
à la constitution d’un Conseil synodal permanent.

67. L’intervention du Vatican


a-t-elle eu un impact ?

Oui. Lors de la cinquième et dernière Assemblée syno-


dale allemande, après un débat houleux, le texte « Pouvoir et
séparation des pouvoirs dans l’Église - Participation conjointe
et participation à la mission », qui devait décider de la mise en
place de conseils synodaux dans les diocèses et les paroisses,
n’a pas été voté. Cependant, tout indique qu’il sera appliqué
de facto en laissant aux évêques le soin de mettre en place de
telles structures dans leurs diocèses.

118 José M. García Pelegrín, « Obispos alemanes en Roma : cardenales de la Cu-


ria expresan ‘inquietudes y reservas’ sobre el ‘camino sinodal’ «, Omnes, 19
novembre 2022. https://omnesmag.com/actualidad/cardenales-expresan-reser-
vas-sobre-el-camino-sinodal-aleman-omnes/
119 « German bishops’ president rebukes Pope Francis for criticism of Synodal Way »,
CNA Newsroom, 30 janvier 2023. https://ewtn.ie/2023/01/30/german-bish-
ops-president-rebukes-pope-francis-for-criticism-of-synodal-way/
Chapitre V – Le chemin synodal allemand 79

C – L’ordination des femmes


68. Quel est le lien entre l’ordination des
femmes et le thème du Synode ?

Les femmes sont censées faire partie de ces « mino-


rités marginalisées » à « inclure » dans la vie de l’Église.
À cette fin, elles doivent avoir accès à tous les niveaux
d’autorité et au sacrement de l’Ordre. « Nous attendons de
vous, Mgr Dieser, que vous disiez clairement si vous pou-
vez personnellement imaginer des femmes comme diacres
et prêtres, puisque tous les arguments théologiques sont
sur la table grâce au bon travail effectué dans le Forum
synodal 3 », peut-on lire dans une proposition du diocèse
d’Aix-la-Chapelle.120 L’ordination diaconale et même sa-
cerdotale des femmes est un point central des demandes
du Synodaler Weg.
Lors de la troisième Assemblée synodale allemande,
on a décidé que « les femmes qui se sentent appelées et
qui ont manifestement des charismes qui les orientent
aussi vers le ministère sacramentel ne doivent pas être
exclues ».121 À cette fin, les promoteurs du Weg avancent
qu’il faut revoir les documents magistériels sur ce sujet,
qui excluent strictement cette possibilité.
Tout en sachant qu’ils sont en contradiction avec la
doctrine et la discipline de l’Église, les promoteurs du Weg
semblent déterminés à aller de l’avant : « Dans l’Église

120„Offener Brief an Bischof Dieser“ der „Katholischen Frauengemeinschaft Deutsch-


lands“ - Bistum Aachen-vom 21 mars 2023 https://kfd-aachen.de/news/artikel/Of-
fener-Brief-an-Bischof-Dieser/ [notre traduction]
121 Frauen im sakramentalen Amt (Les femmes dans le ministère sacramentel), p. 2.
https://www.synodalerweg.de/fileadmin/Synodalerweg/Dokumente_Reden_Bei-
traege/SV-III-Synodalforum-III-Handlungstext.FrauenImSakramentalenAmt-Le-
sung1.pdf (14 mai 2022)
80 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

catholique romaine, un processus s’est mis en marche de


manière transparente, dans lequel l’organe qui poursuit
durablement la voie synodale en Allemagne joue le rôle
de chef de file. Une commission sera mise en place, qui
se consacrera exclusivement à la thématique du ministère
sacramentel des personnes de tous sexes. » 122
69. Le magistère de l’Église permet-il
d’ordonner des femmes à la prêtrise ?

Non. Le cardinal Luis Ladaria, préfet de la Congré-


gation pour la doctrine de la foi, a récemment réaffirmé la
position définitive du Magistère de l’Église sur ce sujet, en
citant la lettre apostolique Ordinatio Sacerdotalis de Jean-
Paul II, qui concluait : « C’est pourquoi, afin qu’il ne sub-
siste aucun doute sur une question de grande importance
qui concerne la constitution divine elle-même de l’Église,
je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères
(cf. Lc 22,32), que l’Église n’a en aucune manière le pou-
voir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes et
que cette position doit être définitivement tenue par tous
les fidèles de l’Église. » 123

70. Pourrait-on n’approuver


que le diaconat pour les femmes ?

Non. Le magazine Publik Forum commente : « Toute


personne familiarisée avec la dogmatique catholique sait

122 Frauen in Diensten und Ämtern in der Kirche, https://www.synodalerweg.de/filead-


min/Synodalerweg/Dokumente_Reden_Beitraege/SV-III-Synodalforum-III-Hand-
lungstext.FrauenImSakramentalenAmt-Lesung1.pdf , p. 2.
123 Luis Ladaria, A propos di alcuni dubbi circa il carattere definitivo della dottrina
di Ordinatio Sacerdotalis, 29 mai 2018. Lettre apostolique Ordinatio Sacerdotalis
du Pape Jean-Paul II sur l’ordination sacerdotale réservée aux hommes, 22 mai
1994, no. 4. https://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/apost_letters/1994/do-
cuments/hf_jp-ii_apl_19940522_ordinatio-sacerdotalis.html
Chapitre V – Le chemin synodal allemand 81

qu’il n’y a en fin de compte qu’une seule ordination sacra-


mentelle, qui comprend trois étapes [diacre, prêtre, évêque].
Une fois que le diaconat est ouvert aux femmes, il y a un ef-
fet de «pente glissante» vers le sacerdoce des femmes. » 124

D – « Inclure » les homosexuels


71. Y a-t-il un lien entre la question de
l’homosexualité et la synodalité ?

Dans une vision « ouverte » et « fraternelle » de


l’Église, les homosexuels – et plus largement les individus
LGBT – feraient partie de ces « minorités marginalisées »
qu’il faudrait « inclure » dans sa vie. « Nous espérons un
changement vers une Église équitable du point de vue du
genre », peut-on lire dans une proposition pour le synode
du diocèse d’Aix-la-Chapelle.125 Selon les promoteurs du
Synode, pour parvenir à l’« inclusion », il faut changer la
doctrine morale de l’Église.

72. Que dit l’Église sur l’homosexualité ?

Le Catéchisme de l’Église catholique dit : « S’ap-


puyant sur la Sainte Écriture, qui les présente comme
des dépravations graves (cf. Gn 19,1-29 Rm 1,24-27 1Co
6,10 1Tm 1,10), la Tradition a toujours déclaré que “les
actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés”
(CDF, décl. Persona humana, 8). Ils sont contraires à la
loi naturelle. Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie.

124 Der Stresstest wird nicht enden, Publik Forum, 23 mars 2023. https://www.pu-
blik-forum.de/religion-kirchen/der-stresstest-wird-nicht-enden?Danke=true.
125 « Offener Brief an Bischof Dieser » der « Katholischen Frauengemeinschaft
Deutschlands » - Bistum Aachen - 21 mars 2023.
82 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et


sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation
en aucun cas. »126
Par conséquent, les personnes ayant des tendances
homosexuelles manifestes ont toujours été exclues de la
prêtrise et des communautés religieuses. Il n’y a pas si
longtemps, les séminaires étaient particulièrement vigi-
lants sur ce point. En 2005, un document du Vatican ap-
prouvé par le pape Benoît XVI stipulait toujours :
« À la lumière de ce riche enseignement, la présente
Instruction n’entend pas aborder toutes les questions
d’ordre affectif ou sexuel qui exigent un discernement at-
tentif durant toute la période de formation. Elle donne des
normes sur une question particulière, rendue plus urgente
par la situation actuelle, celle de l’admission ou non au
Séminaire et aux Ordres sacrés des candidats qui pré-
sentent des tendances homosexuelles profondément enra-
cinées. »127

73. Cela signifie-t-il que


l’Église rejette les homosexuels ?

Non. L’Église rejette le péché, mais pas le pécheur,


qu’elle appelle à la conversion. Le Catéchisme de l’Église
catholique est très clair : « Les personnes homosexuelles
sont appelées à la chasteté. Par les vertus de maîtrise,
éducatrices de la liberté intérieure, quelquefois par le sou-

126 Catéchisme de l’Église catholique, n. 2357.


127 Congrégation pour l’Éducation catholique, Instruction sur les critères de discerne-
ment vocationnel au sujet des personnes présentant des tendances homosexuelles
en vue de l’admission au séminaire et aux Ordres sacrés, 4 novembre 2005. https://
www.vatican.va/roman_curia/congregations/ccatheduc/documents/rc_con_ccathe-
duc_doc_20051104_istruzione_fr.html
Chapitre V – Le chemin synodal allemand 83

tien d’une amitié désintéressée, par la prière et la grâce


sacramentelle, elles peuvent et doivent se rapprocher, gra-
duellement et résolument, de la perfection chrétienne. »128

74. Que signifie alors « inclure » les


homosexuels dans l’Église ?

Dans le sens proposé par le Synodaler Weg, et par de


nombreux promoteurs du Synode universel, « inclure »
les homosexuels signifie les accepter dans l’Église sans
aucune restriction ni appel à la conversion morale. En
d’autres termes, cela signifie accepter non seulement le
pécheur, mais aussi le péché.
Personne n’a peut-être exprimé cette thèse plus clai-
rement que le cardinal Robert McElroy, archevêque de
San Diego (États-Unis). Dans un article publié dans le
magazine jésuite America, il a déclaré que le Synode de-
vrait « inclure les personnes divorcées et remariées sans
déclaration de nullité de l’Église, les membres de la com-
munauté LGBT et les personnes mariées civilement, mais
qui n’ont pas été mariées dans l’Église ».129
Cette « inclusion » impliquerait la réception de la
Sainte Communion par des pécheurs publics : « J’ai pro-
posé que les catholiques divorcés et remariés ou LGBT qui
recherchent ardemment la grâce de Dieu dans leur vie ne
soient pas catégoriquement exclus de l’Eucharistie. »130

128 Catéchisme de l’Église catholique, n. 2359.


129 « Cardinal McElroy on “radical inclusion’ for L.G.B.T. people, women and others
in the Catholic Church », America, 24 janvier 2023- https://www.americamaga-
zine.org/faith/2023/01/24/mcelroy-synodality-inclusion-244587
130 Robert W. McElroy, “Cardinal McElroy Responds to His Critics on Sexual Sin, the
Eucharist, and LGBT and Divorced/Remarried Catholics”, America 2 Mars 2023.
https://www.americamagazine.org/faith/2023/03/02/mcelroy-eucharist-sin-inclu-
sion-response-244827
84 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

75. Faut-il changer la doctrine morale de


l’Église pour « inclure » les homosexuels ?

Oui, comme l’indique un document préparatoire pour


le Weg : « Nous sommes convaincus que la réorientation
du ministère pastoral ne sera pas possible sans un rema-
niement substantiel de la doctrine sexuelle de l’Église . . .
En particulier, la doctrine qui considère que les rapports
sexuels ne sont éthiquement légitimes que dans le contexte
d’un mariage légitime et seulement dans l’ouverture per-
manente à la procréation a conduit à une rupture généra-
lisée entre le Magistère et les fidèles. »131
De même, un autre document affirme : « Dans le cadre
de cette réévaluation de l’homosexualité, les passages
2357-2359 ainsi que 2396 (homosexualité et chasteté) du
Catéchisme [de l’Église catholique] devraient entre autres
être révisés. ... Les «actes homosexuels» doivent être retirés
de la liste des «péchés graves contre la chasteté». La sexua-
lité n’est donc pas un péché qui sépare de Dieu et ne doit
pas être jugée comme intrinsèquement mauvaise. »132
Il est également clairement précisé : « L’une des
tâches du Synode serait de développer une nouvelle vi-
sion de l’homosexualité et des relations entre personnes
du même sexe et de travailler à une ouverture. »133
Le cardinal luxembourgeois Jean-Claude Hollerich,
rapporteur général du synode, est d’accord avec cette po-

131 Leben in gelingenden Beziehungen - Grundlinien einer erneuerten Sexualethik (La


vie dans les relations amoureuses - Principes de base d’une éthique sexuelle renou-
velée).
132 Handlungstext « Lehramtliche Neubewertung von Homosexualität »- https://www.
synodalerweg.de/fileadmin/Synodalerweg/Dokumente_Reden_Beitraege/beschlu-
esse-broschueren/SW8-Handlungstext_LehramtlicheNeubewertungvonHomose-
xualitaet_2022.pdf, p. 5.
133 Der Synodaler Weg, Première Assemblée synodale, 30 janvier-1er février 2020, p. 16.
Chapitre V – Le chemin synodal allemand 85

sition. Il a déclaré que l’enseignement de l’Église sur les


relations homosexuelles est « faux » et doit donc être mo-
difié car « la base sociologique et scientifique de cet ensei-
gnement n’est plus correcte ».134
D’autres conférences épiscopales partagent cet avis.
Ainsi, des évêques français ont récemment demandé au
pape de modifier le Catéchisme de l’Église catholique afin
qu’il ne condamne pas les actes homosexuels comme « in-
trinsèquement désordonnés » et « contraires à la loi natu-
relle ». La Conférence des évêques de France a désigné
une commission de théologiens pour étudier une reformu-
lation de la doctrine sur ce sujet.135
76. Que proposent les promoteurs du
Synodaler Weg pour remplacer la doctrine
morale de l’Église?

Les promoteurs du Weg proposent une approche totale-


ment nouvelle de la morale sexuelle, qui ne serait plus fon-
dée sur le droit divin et le droit naturel, mais sur la perception
que chacun a de sa responsabilité à l’égard d’autrui. Le pro-
fesseur Thomas Söding, vice-président du Synodaler Weg, a
par exemple écrit : « La solution au problème consiste à re-
définir la relation entre la personnalité et la sexualité dans
l’enseignement de l’Église ... La responsabilité individuelle
augmente, associée à la tolérance sociale et à l’accepta-
tion par l’Église. Ce qui définit l’agression sexuelle c’est la
violation de la dignité et des droits d’une personne. Ainsi,

134 « Je crois que c’est faux. Mais je crois aussi qu’il s’agit ici d’approfondir la réflexion
sur l’enseignement. Donc, comme le pape l’a dit dans le passé, cela peut conduire
à un changement d’enseignement. Je crois donc que le fondement sociologique et
scientifique de cet enseignement n’est plus correct. » Simon Caldwell, « Cardinal
Hollerich: Church Teaching on Gay Sex Is “False’ and Can Be Changed”, The
Catholic Herald, 3 février 2022.
135 The Catholic Herald, 3 février 2022.
86 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

la sexualité est perçue comme une responsabilité à l’égard


des autres et de soi-même, sans que l’Église ait à épier les
pratiques sexuelles des fidèles. »136

77. Les promoteurs du Synodaler Weg sont-


ils les seuls à réclamer l’« inclusion » des
homosexuels ?

Non. Presque tous les documents de conclusion des


étapes continentales du parcours synodal (Synthèses conti-
nentales) mentionnent explicitement la nécessité d’« in-
clure » les personnes LGBT.
D’ailleurs, des prélats de haut rang ont adopté une
ligne similaire. Par exemple, comme nous l’avons dit,
le cardinal Jean-Claude Hollerich, rapporteur général du
synode, pense qu’un changement de l’enseignement de
l’Église sur l’homosexualité est nécessaire parce que le
« fondement sociologique et scientifique de cet enseigne-
ment n’est plus correct ».137
Pour sa part, le cardinal Robert McElroy, évêque de
San Diego, estime que le Synode général est l’occasion
idéale d’examiner certaines doctrines de l’Église, notam-
ment la question de l’ordination des femmes à la prêtrise.
Cependant, il concentre principalement son action sur
« l’inclusion radicale des personnes LGBT ».
Pour le cardinal californien, la distinction que fait
l’Église entre les personnes d’orientation homosexuelle qui
s’abstiennent de pécher et celles qui pèchent en commettant

136 Thomas Söding, Gemeinsam unterwegs : Synodalität in der katholischen Kirche, p. 271.
137 « El cardenal Hollerich dice que la enseñanza de la iglesia sobre los homosexuales
“ya no es correcta” » [Le cardinal Hollerich dit que l’enseignement de l’Église sur
les homosexuels „n‘est plus correct“], Blog de Noticias Católicas, https://tucristo.
com/noticias/actualizacion-el-cardenal-hollerich-dice-que-la-ensenanza-de-la-ig-
lesia-sobre-los-homosexuales-ya-no-es-correcta/
Chapitre V – Le chemin synodal allemand 87

des actes homosexuels est pastoralement gênante, car elle


divise la communauté sur la réception de la Sainte Com-
munion et la participation active à la vie de l’Église. Toutes
les personnes LGBT devraient donc être « incluses » sur la
base de la « dignité de chaque personne en tant qu’enfant de
Dieu » sans faire les distinctions que fait l’Église.138

78. Cherchent-ils des échappatoires pour


légitimer canoniquement les unions entre
personnes de même sexe ?

Oui. Pour les promoteurs du Synode, « l’inclusion »


des homosexuels dans l’Église signifie leur ouvrir tous les
sacrements, y compris le mariage. Ne pouvant approuver
le « mariage » entre deux personnes de même sexe, qui
heurterait de front le dogme catholique et la discipline de
l’Église, certaines conférences épiscopales choisissent
d’en donner une « bénédiction » (Segnung).
Par exemple, en 2022, les évêques flamands ont ap-
prouvé un « rite de bénédiction » pour les couples homo-
sexuels, qui a ensuite été adopté par le Synodaler Weg.
L’idée n’est pas nouvelle. En 2015, lors du Synode
sur la famille, le Comité central des catholiques allemands
proposa « un développement des formes liturgiques, en
particulier des bénédictions de partenariats de même
sexe, de nouveaux partenariats de divorcés et des déci-
sions importantes dans la vie familiale ».139

138 https://www.ncregister.com/commentaries/cardinal-mcelroy-s-attack-on-church-
teachings-on-sexuality-is-a-pastoral-disaster
139 Erklärung des Zentralkomitees der deutschen Katholiken anlässlich der XIV. Or-
dentlichen Generalversammlung der Bischofssynode im Vatikan 2015. https://
www.zdk.de/veroeffentlichungen/erklaerungen/detail/Zwischen-Lehre-und-Le-
benswelt-Bruecken-bauen-Familie-und-Kirche-in-der-Welt-von-heute-225w/
88 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

79. Le Vatican a-t-il approuvé ces


« bénédictions » ?

Non, au contraire, il les a condamnées. Le Responsum


de la Congrégation pour la doctrine de la foi à un dubium
concernant la bénédiction des unions de personnes de
même sexe, envoyé aux évêques allemands le 15 mars
2021, déclare : « Il n’est pas licite de donner une bénédic-
tion aux relations ou partenariats, même stables, qui im-
pliquent une pratique sexuelle hors mariage (c’est-à-dire
hors de l’union indissoluble d’un homme et d’une femme
ouverte en soi à la transmission de la vie), comme c’est le
cas des unions entre personnes du même sexe. »140

80. Comment certains évêques allemands


et conférences épiscopales européennes
ont-ils réagi ?

Certains évêques allemands et conférences épisco-


pales européennes ont agi de facto, défiant ouvertement le
veto du Vatican.
Par exemple, de nombreuses églises en Allemagne
proposent des « bénédictions, des cérémonies de bénédic-
tion et des célébrations de bénédiction pour les couples
alternatifs », y compris les couples homosexuels, les di-
vorcés « remariés », les couples en cohabitation, etc. Elles
affichent sur leur façade une affiche intitulée « Liebe ist
alles » (l’amour est tout), montrant deux hommes qui
s’embrassent. Dans certains cas, comme à Aix-la-Cha-
pelle, il s’agit d’une initiative diocésaine.

140 https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_
cfaith_doc_20210222_responsum-dubium-unioni_fr.html
Chapitre V – Le chemin synodal allemand 89

E – La destruction de la famille
81. Qu’est-ce que la famille selon la doctrine
de l’Église ?

Le Catéchisme de l’Église catholique enseigne : « Un


homme et une femme unis en mariage forment avec leurs
enfants une famille. » (n° 2202) Pour les baptisés, le ma-
riage est aussi un sacrement (n° 2225).

82. Quels changements le Synodaler Weg


entend-il apporter ?

Bien que les documents du Weg fassent parfois réfé-


rence au « mariage », ils utilisent le plus souvent la for-
mule Partnerschaftsformen (Formes de partenariat) qui
est pour eux « inclusive » et non discriminatoire. Une
autre formule utilisée est Paare, die sich lieben (Couples
qui s’aiment). Ces euphémismes désignent en fait des
unions civiles libres – y compris pour les couples de même
sexe – , tout sentiment romantique suffisant à légitimer de
telles unions.
Bien qu’elles n’aient pas été approuvées par le Vati-
can, les Segensfeiern für Paare, die sich lieben (bénédic-
tions pour les couples qui s’aiment) se multiplient égale-
ment. Un document du Weg explique que ces bénédictions
« cherchent à renforcer ce qui existe déjà dans la relation
du couple en termes d’amour, d’engagement et de respon-
sabilité mutuelle, en demandant et en promettant le sou-
tien de Dieu ».141

141 Handlungstext V. Synodalversammlung (Segensfeiern) : https://www.synodaler-


weg.de/fileadmin/Synodalerweg/Dokumente_Reden_Beitraege/SV-V/beschlues-
se/T9NEU2_SVV_9_Synodalforum_IV-Handlungstext_Segensfeiern-fuer_Paa-
re_die_sich_lieben_Les2.pdf
Chapitre VI

Un chemin semé d’embûches

A - Réactions contre le Synodaler Weg


83. Les cardinaux et les évêques ont-ils
protesté contre le Synodaler Weg ?

Oui, beaucoup se sont manifestés, à commencer par


Mgr Samuel Aquila, évêque de Denver (États-Unis), dans
une lettre ouverte de 18 pages envoyée à l’évêque Georg
Bätzing :
« Le chemin synodal ne se contente pas de répondre
à des préoccupations ‘structurelles’ : il remet en question
le dépôt de la foi, et dans certains cas le répudie. Les do-
cuments du chemin synodal ne peuvent être lus autrement
qu’en tant que soulevant les questions les plus sérieuses
sur la nature et l’autorité contraignantes de la révélation
divine, la nature et l’efficacité des sacrements, et la vérité
de l’enseignement catholique sur l’amour et la sexuali-
té humaines. »142
La réaction la plus pertinente a sans doute été la
« Lettre ouverte fraternelle à nos frères évêques d’Al-

142 « Archbishop Aquila: German synodal path repudiates the deposit of faith », CNA,
3 mai 2022.
92 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

lemagne », rédigée par 103 prélats du monde entier, y


compris les cardinaux Burke, Pell, Arinze, Napier, Rui-
ni et Zen. Ces prélats y rappellent qu’« à une époque où
la communication mondiale est si rapide, les événements
qui se produisent dans une nation ont inévitablement des
répercussions sur la vie ecclésiale ailleurs. Ainsi, le pro-
cessus du «chemin synodal», tel qu’il est actuellement mis
en œuvre par les catholiques en Allemagne, a des impli-
cations pour l’Église dans le monde entier. Les Églises
locales dont nous sommes les pasteurs et les nombreux
catholiques fidèles dont nous sommes responsables sont
également concernés ».
Et de dénoncer ce qui se dessine : « Tout en affichant
un vernis d’idées et de vocabulaire religieux, les docu-
ments du Chemin synodal allemand semblent largement
inspirés non point par l’Écriture et la Tradition - qui, pour
le Concile Vatican II, constituent «un unique dépôt sacré
de la Parole de Dieu» - mais par l’analyse sociologique
et les idéologies politiques contemporaines, y compris
l’idéologie du genre. Ils abordent l’Église et sa mission à
travers le prisme du monde plutôt qu’à travers le prisme
des vérités révélées dans l’Écriture et dans la Tradition de
l’Église qui fait autorité. Le processus du Chemin syno-
dal, quasiment à chaque pas, est un travail d’experts et de
comités : lourdement bureaucratique, obsessionnellement
critique, replié sur lui-même. Il reflète donc lui-même une
forme répandue de sclérose de l’Église et, ironie du sort,
devient anti-évangélique dans son expression. Dans ses
effets, le Chemin synodal montre davantage de soumis-
sion et d’obéissance au monde et aux idéologies qu’à Jé-
sus-Christ, Seigneur et Sauveur. »143

143 https://leblogdejeannesmits.blogspot.com/2022/04/le-chemin-synodal-alle-
mand-mene-au.html
Chapitre VI – Un chemin semé d'embûches 93

Le cardinal Gerhard Müller, ancien préfet de la


Congrégation pour la doctrine de la foi, a été également
très explicite dans les critiques qu’il a publiquement for-
mulées. Pour lui, le Weg est « controversé » et a conduit à
l’approbation de résolutions qui ont privé les fidèles catho-
liques de « la vérité de l’Évangile » pour la remplacer par
« une idéologie homosexualisée, véritable centre de gra-
vité du synodalisme allemand ». Il s’agit selon lui d’« une
idéologie répréhensible qui, dans son matérialisme gros-
sier, se moque de Dieu qui a créé l’homme à son image en
tant qu’homme et femme ». Le Synodaler Weg, conclut-il,
« n’est en aucun cas une discussion ouverte orientée vers
la Parole de Dieu [et n’a] aucun fondement dans la consti-
tution sacramentelle de l’Église ».144
En conséquence, le cardinal allemand ne demande
pas moins que la destitution des évêques qui soutiennent
des thèses hétérodoxes sur la voie synodale : « Il faut un
procès, ils doivent être condamnés et démis de leurs fonc-
tions s’ils ne se convertissent pas et n’acceptent pas la
doctrine catholique. »145
Quant au cardinal Raymond Burke, ancien préfet de
la Signature apostolique, il a également exhorté le Vatican
à sanctionner les évêques qui ont voté pour la bénédiction
des unions homosexuelles :
« Qu’il s’agisse d’une déviation, d’un enseignement
hérétique et de la négation d’une des doctrines de la foi,

144 « Il cardinale Müller descrive la Via Sinodale tedesca come dittatura della mediocrità »,
Acistampa, 20 mars 2023. https://www.acistampa.com/story/il-cardinale-muller-descri-
ve-la-via-sinodale-tedesca-come-dittatura-della-mediocrita-22074 (notre traduction)
145 « Los cardenales Müller y Burke piden sanciones contra los obispos alemanes
herejes » [Les cardinaux Müller et Burke demandent des sanctions contre les
évêques allemands hérétiques], Infovaticana, 21 mars 2023. https://infovaticana.
com/2023/03/21/los-cardenales-muller-y-burke-piden-sanciones-contra-los-obis-
pos-alemanes-herejes/.
94 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

ou d’une apostasie au sens où l’on se détourne simplement


du Christ et de son enseignement dans l’Église pour em-
brasser une autre forme de religion, ce sont des crimes . .
. Ce sont des péchés contre le Christ lui-même et, de toute
évidence, de la nature la plus grave. Le Code de droit ca-
nonique prévoit des sanctions appropriées. »146
L’essai de Mgr Thomas Paprocki, évêque de Spring-
field (États-Unis), intitulé « Imaginer un cardinal héré-
tique », constitue une critique digne d’intérêt. Il s’agit
d’une longue et savante réfutation des thèses du cardinal
McElroy sans le mentionner. L’évêque Paprocki écrit :
« Malheureusement, il n’est pas rare aujourd’hui d’en-
tendre des dirigeants catholiques affirmer des points de
vue non orthodoxes qui, il n’y a pas si longtemps, n’au-
raient été adoptés que par des hérétiques. «Hérétique» et
«hérésie» sont des mots forts, que la politesse ecclésias-
tique contemporaine a adoucis en les remplaçant par des
expressions plus douces telles que «nos frères séparés» ou
«les fidèles chrétiens qui ne sont pas en pleine communion
avec l’Église catholique ». Mais la réalité est que ceux qui
sont «séparés» et «qui ne sont pas en pleine communion»
sont séparés et ne sont pas en pleine communion parce
qu’ils rejettent des vérités essentielles de la foi. »147

84. Parmi les évêques, y a-t-il un consensus


sur le synode ?

Non. De sérieuses objections ont été soulevées à


l’encontre du document de travail Élargis l’espace de ta
tente lors de la réunion de Prague du 9 au 11 février 2023,

146 Idem./
147 Thomas J. Paprocki, “Imagining a Heretical Cardinal”, First Things, 28 février
2023. https://www.firstthings.com/web-exclusives/2023/02/imagining-a-hereti-
cal-cardinal?ref=the-pillar.
Chapitre VI – Un chemin semé d'embûches 95

convoquée pour analyser les résultats de la phase prépara-


toire (consultative) du Synode sur le continent européen.
Courtney Mares, journaliste au Vatican pour CNA
(Catholic News Agency), a ainsi témoigné :
« Les catholiques européens ont débattu jeudi matin
du contenu d’un document final qui influencera les discus-
sions du Synode des évêques au Vatican à l’automne. Le
document mentionne que de nombreux délégués européens
ont exprimé leur crainte que le Synode sur la synodalité
n’aboutisse à une “édulcoration” de la doctrine catho-
lique . . . Certains ont souligné que dans un tel processus,
il y avait un risque de se soumettre à l’esprit du monde.
Ces craintes ont également été exprimées ... [comme] pré-
occupation pour une éventuelle dilution de la doctrine ou
pour l’utilisation d’expressions sociologiques dans les
groupes de travail ».148
Le rapporteur du Synode, le cardinal Hollerich lui-
même, a admis que certaines délégations avaient été « cho-
quées » par les propositions de la délégation allemande.149

85. Qu’en est-il de l’Église aux États-Unis ?

La Conférence des évêques catholiques des États-


Unis est également très divisée.
L’ancien directeur exécutif de la Conférence amé-
ricaine des évêques catholiques, Jayd Henricks, a écrit :

148 Courtney Mares, « European Catholics debate final outcome of Synod on Synodal-
ity assembly in Prague », CNA, 9 février 2023. https://www.catholicnewsagency.
com/news/253596/european-catholics-debate-final-outcome-of-synod-on-synoda-
lity-assembly-in-prague.
149 AC Wimmer, « “We need time’, Synod on Synodality organizers tell German-lan-
guage media », The Catholic World Report, 14 février 2023. https://www.
catholicworldreport.com/2023/02/14/we-need-time-synod-on-synodality-organiz-
ers-tell-german-language-media/
96 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

« Il y a chez de nombreux évêques, prêtres, religieux et


laïcs engagés qui prêtent attention aux États-Unis, une
profonde suspicion à l’égard de ce que fait l’Église catho-
lique allemande en ce qui concerne la synodalité. Parfois,
cela frise le désespoir, car il est clair que les évêques alle-
mands n’ont aucun intérêt à écouter l’Église universelle,
ce qui laisse peu d’espoir que les Allemands se corrigent
d’eux-mêmes. L’impression est qu’ils ont un programme
pour changer l’Église et qu’ils veulent imposer leur vision
à l’Église universelle. . .Il est également révélateur qu’au-
cun des plus de 270 évêques des États-Unis n’ait exprimé
son soutien aux évêques allemands. À part quelques ex-
ceptions en Europe du Nord, l’épiscopat mondial n’a pas
non plus offert d’encouragement. »150

86. Peut-on parler d’un rejet du Synolader


Weg par les fidèles et, plus largement, du
Synode sur la synodalité ?

Les faits témoignent d’un rejet plus important que


celui auquel les promoteurs du Weg et du Synode sur la
synodalité auraient pu s’attendre. Et même sans parler de
rejet stricto sensu, on note un désintérêt réel et profond
des fidèles. La vérité est que le processus « d’écoute » ne
passionne presque personne. Cela inquiète les promoteurs,
car il est difficile de mener à bien un projet de réforme de
cette ampleur avec le soutien d’un petit nombre de fidèles.
Selon le cardinal George Pell, « par une marge
énorme, les catholiques pratiquant régulièrement le culte
n’approuvent pas les conclusions du synode actuel. Il n’y

150 Jayd Henricks, « An American perspective on the situation of the Church in Germa-
ny », The Catholic World Report, 9 février 2023. https://www.catholicworldreport.
com/2023/02/09/an-american-view-of-the-german-church-and-the-synodal-path/
Chapitre VI – Un chemin semé d'embûches 97

a pas non plus beaucoup d’enthousiasme dans les hautes


sphères de l’Église ».151
Cela oblige les promoteurs du Synode à recourir à la
méthode du « glissement idéologique imperceptible »,152
une tactique qui demande du temps et de la patience.

87. Que se serait-il passé si tous les fidèles


avaient été consultés, et pas seulement les
minorités progressistes ?

Il est impossible de savoir ce qui se serait passé si tous


les fidèles, et pas seulement les minorités progressistes,
avaient été consultés. Certains analystes ont observé que
les tactiques d’intimidation utilisées en de nombreux en-
droits pour faire taire les voix dissidentes (généralement
conservatrices) montrent que les promoteurs de la voie
synodale craignent que la majorité authentique ne soit
entendue. On peut donc supposer que si tous les fidèles
avaient été consultés, les documents qui en auraient ré-

151 Damien Thompson, « Cardinal George Pell, The Catholic Church must free itself
from this ‘toxic nightmare’ », The Spectator, 11 janvier 2023. https://www.spec-
tator.co.uk/article/the-catholic-church-must-free-itself-from-this-toxic-nightmare/
(notre traduction)
152 Le « glissement idéologique imperceptible » est une technique de propagande
révolutionnaire qui utilise des slogans ou des « mots talisman » pour amener les
gens à adopter des positions que, sinon, ils n’acceptaient pas. Selon la thèse du
professeur Plinio Corrêa de Oliveira dans son célèbre essai « Glissement idéolo-
gique à votre insu et Dialogue », « Un mot-talisman est un mot dont la significa-
tion naturelle est sympathique et parfois même noble. Mais il possède une certaine
élasticité qui permet de l’utiliser de manière tendancieuse. Aux yeux du patient, il
commence alors à briller d’une lumière nouvelle qui le fascine et l’amène beau-
coup plus loin que ce qu’il pourrait imaginer ». Dans le processus actuel de « sy-
nodalisation » de l’Église, des mots comme « inclusion », « accueil », « écoute »,
« coresponsabilité », etc. peuvent jouer le rôle de « mots talisman ». Cfr. Plinio
Corrêa de Oliveira, Glissement idéologique à votre insu et Dialogue, 2019, https://
www.pliniocorreadeoliveira.info/FR_Dialogue_2019_FR.htm.
98 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

sulté auraient été beaucoup plus conformes au magistère


traditionnel.
Par exemple, il est frappant de constater qu’aucune
des préoccupations soulevées par les communautés qui
participent à la messe traditionnelle (dite tridentine), qui
se multiplient partout, n’a été entendue, et que la plupart
de ces communautés n’ont pas été consultées. Ne sont-
elles pas pourtant une « minorité marginalisée » qu’il fau-
drait « inclure » ?

88. Tous les évêques allemands


soutiennent-ils le Synodaler Weg ?

Non. La situation est nuancée. Alors qu’une majori-


té d’évêques allemands soutient sans réserve le Synodaler
Weg, ou laisse les coudées franches à ses promoteurs en
gardant le silence, d’autres expriment leurs réticences et
suscitent la polémique. Paradoxalement, le Weg, qui de-
vrait signifier « cheminer ensemble », divise la Confé-
rence épiscopale allemande. Mgr Heiner Wilmer, évêque
de Hildesheim et fervent promoteur du Weg, s’est vu
contraint d’admettre que ce chemin commun n’unit pas,
mais divise :
« Pour certains, les résolutions n’allaient pas assez
loin, pour d’autres, les textes étaient en contradiction avec
les enseignements de l’Église. Le fossé entre les membres
du synode semblait se creuser de plus en plus, les factions
devenaient de plus en plus impatientes. Certains ont été
frustrés très tôt, pour d’autres l’excitation a augmenté,
pour d’autres encore, j’ai pu constater leur souffrance
physique ou psychique. »153

153 Bischof Wilmer zieht Bilanz nach Synodalem Weg, CNA online, 16 mars 2023.
Chapitre VI – Un chemin semé d'embûches 99

Critiquant les discussions excessives et le ton parfois


incendiaire des assemblées du Synodaler Weg, l’évêque
de Würzburg, Mgr Franz Jung, a déclaré qu’elles ressem-
blaient à des « salles pleines de blessés ».154
Les factions progressistes, longtemps majoritaires, ne
sont manifestement pas disposées à accepter les critiques
et se comportent comme un rouleau compresseur. « Hier,
à la fin de la réunion, je suis sorti frustré de l’auditorium.
Les dissidents de l’opinion majoritaire ont une fois de plus
été giflés verbalement », s’est plaint l’évêque d’Eichstätt,
Mgr Gregor Maria Hanke.155 Ce qui a conduit la jour-
naliste Anna Diouf à écrire un article intitulé « La voie
synodale abuse de la foi catholique ».156

89. Le pape François a-t-il exprimé sa


perplexité face au Synodaler Weg ?

Oui, tout en notant qu’il faut écouter « les signes des


temps », dans sa « Lettre au peuple de Dieu en pèleri-
nage en Allemagne », le pape a averti que cela n’est pas la
tâche d’un « groupe éclairé », faisant probablement allu-
sion au rôle décisif que certains lobbies idéologiques ont
joué dans le processus. En septembre de la même année, le
pontife a rappellé qu’un synode n’est pas un parlement. Il

154 “Bischof Jung zum Synodalen Weg: „Raum voller Verletzungen,’” Katholisch.
de, 20 mars 2023, https://katholisch.de/artikel/44153-bischof-jung-zum-synoda-
len-weg-raum-voller-verletzungen.
155 Bischof Gregor Maria Hanke : Gedanken zum dritten Tag der fünften Synodalver-
sammlung, du site web du diocèse d‘Eichstätt. https://www.bistum-eichstaett.de/
synodaler-weg/detailansicht-news/news/blog-quo-vadis-kirche-dritter-und-letz-
ter-tag-der-fuenften-synodalversammlung/
156 Anna Diouf : « Der Synodale Weg missbraucht den katholischen Glauben »,
Corrigenda 13 mars 2023. https://www.corrigenda.online/kultur/der-synoda-
le-weg-missbraucht-den-katholischen-glauben
100 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

a averti la voie synodale allemande de ne pas fonctionner


« comme un parti politique ». Dans un entretien accordé à
l’Associated Press, le pontife a également critiqué le Weg,
le qualifiant d’ « idéologique » et d’ « élitiste ».
L’Associated Press a rapporté: « “L’expérience al-
lemande n’aide pas”, note le pape, qui souligne que le
processus en Allemagne a été mené jusqu’à présent par
“l’élite”... “Le danger est que quelque chose de très, très
idéologique s’y introduise. Lorsque l’idéologie s’immisce
dans les processus ecclésiaux, le Saint-Esprit rentre chez
lui, car l’idéologie l’emporte sur le Saint-Esprit”. »157

90. Des dicastères du Vatican


ont-ils réagi au Synodaler Weg ?

Oui. Comme mentionné précédemment, les cardi-


naux Parolin, Ladaria et Ouellet ont écrit une lettre reje-
tant la proposition du chemin synodal allemand de créer
un Conseil synodal permanent, car cela saperait l’autorité
de chaque évêque dans son diocèse.
Dans une lettre adressée aux évêques du monde en-
tier le 26 janvier 2023, le Saint-Siège a rappelé la doc-
trine catholique sur le rôle de gouvernance qui incombe
à l’évêque diocésain. La lettre est signée par le Secrétaire
général du Synode, le cardinal Mario Grech, et par le car-
dinal Jean-Claude Hollerich, rapporteur général de la 16ème
Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques.
Tout en soulignant le rôle des évêques en collégialité
sous l’autorité suprême de l’évêque de Rome, la lettre cri-
tique le rôle des minorités militantes : « En effet, certains

157 Salvatore Cernuzio, « Il Papa : le critiche aiutano a crescere, ma vorrei che me


le facessero direttamente », Vatican News, 25 janvier 2023. https://www.vatican-
news.va/it/papa/news/2023-01/papa-francesco-intervista-associated-press.html
Chapitre VI – Un chemin semé d'embûches 101

prétendent déjà connaître les conclusions de l’Assemblée


synodale. D’autres voudraient imposer un ordre du jour
au Synode, avec l’intention de diriger la discussion et d’en
déterminer le résultat. »
Cependant, la lettre réitère le concept fondamental du
Synode : surmonter les difficultés à « écouter » le Peuple
de Dieu, qui « participe également à la fonction prophé-
tique du Christ ».158

91. Comment les évêques allemands ont-ils


réagi aux critiques de Rome ?

Malgré les appels à la modération de certains évêques


allemands – appels aussitôt réduits au silence -, la ten-
dance à avancer sur le Chemin synodal continue à préva-
loir, quitte à aboutir à un heurt avec Rome. La phrase du
cardinal Marx en 2015, « Wir sind keine Filiale Roms »
(nous ne sommes pas une filiale de Rome), est devenue un
leitmotiv.159 Nombreux sont ceux qui ont souligné sa simi-
litude avec une autre phrase datant du 16ème siècle : « Los
von Rom » (lâchons Rome), de Martin Luther.
Un exemple typique de cette attitude rebelle a été
l’approbation du document intitulé Segensfeiern für
Paare, die sich lieben (« Bénédictions pour les couples qui
s’aiment ») lors de la cinquième et dernière Assemblée sy-
nodale allemande en février. Le document a été adopté par
176 voix pour, 14 contre et 12 abstentions. Les évêques
ont voté par 38 voix pour, 9 contre et 11 abstentions. Ce
document est en contradiction flagrante avec la déclara-

158 https://www.synod.va/content/dam/synod/news/2023-01-30_news_letter_bishops/
EN---Letter-to-the-Bishops---Synod.pdf
159 Reaktionen auf Vatikan-Erklärung : Zwischen „ Misstrauensvotum „ und Lob, ka-
tholisch.de, 22 juillet 2022.
102 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

tion du Vatican de 2021 qui rappelle que « l’Église n’a


pas, et ne peut pas avoir, le pouvoir de bénir les unions
entre personnes de même sexe ». Fait révélateur, une mo-
tion en faveur d’un vote à bulletin secret ayant été rejetée,
le vote s’est fait par appel nominal. De toute évidence,
les dirigeants du Weg ont voulu s’assurer de contrôler les
évêques allemands un par un.
Il est également très révélateur que cette assemblée,
qui a conclu le Synodaler Weg, se soit achevée par un
« spectacle » très étrange intitulé verantwort:ich160 (moi,
responsable) qui s’est déroulé autour de l’autel principal
de la cathédrale de Francfort. Le spectaclecomprenait des
rites étranges exécutés par des personnages vêtus de noir
et ressemblant à des âmes damnées traînées sur le sol à
l’aide de cordes et de chaînes. S’agissait-il là d’une préfi-
guration des nouvelles « liturgies » que la Chemin synodal
cherche à introduire dans l’Église ?

B - Quelques balancements incertains


92. Les réactions du pape traduisent-elles
une hésitation de sa part ?

Oui, car elles paraissent contredire certaines de ses


déclarations et attitudes qui semblent favoriser le Syno-
daler Weg.
Mais une analyse attentive des critiques du pape
François à l’égard du Weg montre qu’elles portent davan-
tage sur la méthode que sur la substance. Il ne semble pas
y avoir de divergence sur la volonté de réformer l’Église.

160 https://www.hessenschau.de/kultur/performance-verantwortich-im-frankfur-
ter-dom-,audio-79190.html
Chapitre VI – Un chemin semé d'embûches 103

Par exemple, cette volonté s’est manifestée dans la


proposition faite par un groupe de cardinaux de nommer
Mgr Heiner Wilmer au poste de préfet de la Congrégation
pour la doctrine de la foi. Il est l’un des partisans les plus
radicaux de la « déconstruction » de l’Église par le biais du
Synodaler Weg. La proposition a suscité de vives réactions
et n’a pas prospéré.
Quoi qu’il en soit, le pape est optimiste quant à l’issue
du Synodaler Weg :
« [Les évêques allemands] sont bienveillants, ils ne
sont pas malveillants. Mais comme c’est étrange ! Leur
méthode fait de l’effort d’efficacité la chose fondamen-
tale.... Mais il faut être patient, rester en contact, accom-
pagner ces personnes sur leur vrai chemin synodal et ai-
der ce chemin plus élitiste pour qu’il ne se termine pas
mal, mais qu’il s’intègre dans l’Église. Il faut toujours
essayer d’unir. »161

93. Les réactions des autorités vaticanes


suscitent-elles de la perplexité ?

Oui. Par exemple, selon le vaticaniste anglais Ed-


ward Pentin, le cardinal Hollerich, rapporteur général du
Synode, que le document cité ci-dessus semble présenter
comme opposé aux demandes du Weg, a appelé à une ré-
vision de l’enseignement de l’Église sur l’homosexualité,
a soutenu l’ordination sacerdotale d’hommes mariés et
s’est déclaré ouvert à l’ordination de femmes.162 Ses di-
vergences avec le Weg semblent donc être plus méthodo-
logiques que substantielles.

161 Adista Notizie no. 4 du 4 février 2023. https://www.adista.it/edizione/5076


162 Edward Pentin, » Cardinal Hollerich : Critics of the Synod ‘Won’t Be Able to Stop’
It », National Catholic Register, 28 janvier 2023. https://www.ncregister.com/blog/
cardinal-hollerich-critics-of-synod-cant-stop-it.
104 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

Dans un entretien accordé au blog croate Glas Konci-


la, le cardinal a ouvertement remis en question le magis-
tère de Jean-Paul II sur l’ordination des femmes. Interrogé
sur la possibilité d’un changement, il a répondu : « Avec
le temps, oui. » A la question du journaliste «N’est-ce pas
là une pensée infaillible ? », le cardinal Hollerich a répon-
du : « Je ne suis pas sûr qu’on puisse la qualifier ainsi ;
probablement pas. » Il a également condamné la doctrine
du Catéchisme de l’Église catholique, qui appelle les per-
sonnes homosexuelles à la chasteté. « Mais appeler les
autres à la chasteté, c’est un peu comme parler égyptien »,
a-t-il exposé avant de dire en conclusion : « Je trouve un
peu douteuse la partie de l’enseignement qui qualifie l’ho-
mosexualité d’intrinsèquement désordonnée. »163
On pourrait dire la même chose du cardinal Mario
Grech, secrétaire général du Synode, qui s’en est pris aux
critiques du Synodaler Weg. De telles critiques, a dit le
cardinal Grech, « ne servent à rien, elles ne font que pola-
riser encore plus ».164 Le cardinal maltais affirme que toute
critique du Weg n’est q’une « dénonciation publique »165
et ne cache pas son soutien au Weg : « J’ai confiance dans
l’Église catholique en Allemagne, dans les évêques, j’ai
confiance qu’ils savent ce qu’ils font. »166

163 Luca Tripalo, “Cardinal Jean-Claude Hollerich On Synodal Challenges, The


“Woman’ Question, And The Disputes With Church’s Teaching. The Holy Spirit
sometimes generates great confusion to bring new harmony”, Glas Koncila, 23
mars 2023, https://www.glas-koncila.hr/cardinal-jean-claude-hollerich-on-synod-
al-challenges-the-woman-question-and-the-disputes-with-churchs-teaching/
164 “Grech : le lettere al Cammino sinodale... delazioni, non critiche”, Katholisch.de,
30 août 2022. http://www.settimananews.it/chiesa/grech-le-lettere-al-cammino-si-
nodale-delazioni-non-critiche/
165 Idem.
166 Luke Coppen, « German bishops’ leader : ‘The Synodal Process has already
changed the Church’ », The Pillar, 27 octobre 2022. https://www.pillarcatholic.
com/german-bishops-leader-the-synodal-process-has-already-changed-the-church/
Chapitre VI – Un chemin semé d'embûches 105

Il est à noter que ces deux cardinaux seront, natu-


rellement sous l’autorité du pape, les figures de proue du
prochain Synode général en raison des positions détermi-
nantes qu’ils y occupent.

94. Des promoteurs du Weg ont-ils été


sanctionnés ?

Non. Par exemple, il est frappant de constater l’ab-


sence de tout reproche de la part des autorités vaticanes en
réaction à l’article scandaleux du cardinal Robert McElroy
dans le magazine jésuite America. Pour sa part, le cardi-
nal Hollerich a été confirmé dans le rôle décisif de rap-
porteur général du synode, même après ses déclarations
scandaleuses sur la nécessité de modifier le magistère de
l’Église sur l’homosexualité. En outre, il a été inclus dans
le « C9 », le groupe restreint de cardinaux qui conseillent
directement le pape François.
Pour le vaticaniste français Jean-Marie Guénois :
« Le Vatican veille [sur le Weg], mais il semble avoir
perdu le contrôle sur cette initiative. Le pape François a mis
en garde l’Église allemande contre une éventuelle sortie de
route, mais il a curieusement nommé au poste clé de «rap-
porteur» du prochain synode romain sur la «synodalité» un
prélat qui soutient les orientations… du synode allemand ...
Le pape ne se pose pas en arbitre. Il est dans le parti de la
réforme, comme il l’a confié en septembre dernier à des jé-
suites slovaques qu’il rencontrait à Bratislava ».167
Fin 2022, John Allen, un vaticaniste proche des po-
sitions du pape, écrivait : « François n’a sanctionné au-
cun des architectes du processus allemand, semblant se

167 https://www.lefigaro.fr/actualite-france/conteste-sourd-aux-critiques-fin-de-regne-
solitaire-pour-le-pape-francois-20220513
106 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

contenter, au moins pour l’instant, de laisser les choses se


dérouler. »168
La décision des évêques flamands d’approuver les
« cérémonies de bénédiction » pour les couples homo-
sexuels a connu un sort similaire. Bien que cette décision
soit en contradiction avec une déclaration du Vatican, « le
pape François n’a ni soutenu ni combattu cette mesure,
indiquant qu’il appartenait aux évêques locaux de déci-
der, mais soulignant qu’ils devaient rester unis », a déclaré
Mgr Johann Bonny, évêque d’Anvers.169
Le Document de travail pour l’étape continentale,
envoyé par Rome pour la phase précédant le synode gé-
néral, soulève clairement la question de l’inclusion des
femmes, des personnes LGBT et d’autres points à l’ordre
du jour des factions les plus radicales.
95. Ce laxisme contraste-t-il avec d’autres
attitudes du pape François ?

Oui. L’absence de sanctions contre les promoteurs


du Weg, même les plus en ruptures avec l’orthodoxie et
la discipline de l’Église, contraste avec l’attitude ferme et
catégorique du pape François en d’autres occasions. Il n’a
pas hésité à renvoyer, parfois à excommunier, et à réduire
des prêtres et même un cardinal à l’état laïc. De nombreux
analystes se demandent pourquoi il n’adopte pas des atti-
tudes identiques avec les promoteurs du Synodaler Weg.
Comme le souligne le professeur Stefano Fontana,
le Vatican adopte deux attitudes contradictoires selon les

168 John L. Allen Jr, « Five (Cautious) Vatican Predictions for 2023 », Crux, 30 décem-
bre 2022. https://cruxnow.com/news-analysis/2022/12/five-cautious-vatican-pre-
dictions-for-2023 .
169 Luke Coppen, « German synodal way backs same-sex blessings », The Pillar, 10 mars
2023. https://www.pillarcatholic.com/p/german-synodal-way-backs-same-sex-blessings.
Chapitre VI – Un chemin semé d'embûches 107

cas : de la subsidiarité à la permissivité, ou de la centralisa-


tion à l’autoritarisme.170 Les promoteurs du Weg semblent
bénéficier de la première attitude.

96. Les catholiques sont-ils inquiets ?

Oui, tout à fait. Un article du magazine catholique The


Pillar mentionne « les craintes des catholiques qui ont af-
firmé que le synode sur la synodalité serait une sorte de
cheval de Troie pour minimiser ou s’écarter de la doctrine
catholique . . . François s’est efforcé de repousser cette
idée . . . [Mais] pour certains catholiques, McElroy a sem-
blé cette semaine le confirmer, et par là même, confirmer
leurs inquiétudes quant à l’ensemble du processus syno-
dal. Il reste à voir si François réagira à cette décision ».171
Comme nous l’avons vu, jusqu’à ce jour le pape Fran-
çois n’a rien dit sur cette affaire, ce qui accroît la confusion.
Peu avant sa mort, le cardinal George Pell avait commenté :
« Auparavant, elle [la devise] était : «Roma locuta.
Causa finita est» [Rome a parlé, la question est réglée].
Aujourd’hui, c’est : “Roma loquitur. Confusio augetur”
[Rome a parlé, la confusion s’installe]. Le synode alle-
mand s’exprime sur l’homosexualité, les femmes prêtres,
la communion pour les divorcés. La papauté se tait. Le
cardinal Hollerich rejette l’enseignement chrétien sur la
sexualité. La papauté se tait ».172

170 Stefano Fontana, « Case e proprietà, Papa pigliatutto : dottrina rovesciata », La


Nuova Bussola Quotidiana, 2 mars 2023. https://lanuovabq.it/it/case-e-proprie-
ta-papa-pigliatutto-dottrina-rovesciata
171 https://www.pillarcatholic.com/cardinal-mcelroy-pope-francis-and-the-synod/
172 Sandro Magister, “A Memorandum on the Next Conclave Is Circulating Among
the Cardinals. Here It Is,” L’Espresso, 15 mars 2023. http://magister.blogautore.
espresso.repubblica.it/2022/03/15/a-memorandum-on-the-next-conclave-is-circu-
lating-among-the-cardinals-here-it-is/
108 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

L’impression d’une acceptation implicite par le Vatican


des positions progressistes critiquées dans certains documents
se renforce alors que les responsables du Synode ont appelé
comme prédicateur pour leurs exercices spirituels, l’ancien
Maître général des Dominicains, le Père Timothy Redcliffe,
« connu pour ses positions hétérodoxes et, surtout, pour son
activisme en faveur de la reconnaissance de l’homosexualité
au sein de l’Église ».173 Les deux précédents pontifes l’avaient
tenu à l’écart en raison de ces positions.

C - Vers un compromis « à la romaine » ?


97. Y a-t-il des contradictions dans les
déclarations des autorités vaticanes et du
pape François ?

Oui, en effet.
Les opinions papales ont montré une oscillation conti-
nue, ce qu’Andrea Gagliarducci, un analyste attentif du
siège papal, a décrit avec des mots forts dans la Catholic
News Agency comme une « grande tromperie ». :
« Il faut admettre que le pape François a, d’une cer-
taine manière, contribué à cette « grande tromperie ».
Tout d’abord, sur le Synode de l’Église allemande, il a
exprimé sa préoccupation à plusieurs reprises, mais a en-
suite reproposé certains des thèmes du Synode sous des
formes et des manières différentes, voire contradictoires. .
. Dans cette ambiguïté continuelle, dans cette distinction
continuelle entre situations et actions, la pensée du Pape
semble peu claire ou, en tout cas, non arrêtée. Et c’est

173 Riccardo Cascioli, « Torna Radcliffe, la Sinodalità è sempre più arcobaleno », La


Nuova Bussola Quotidiana, 25 janvier 2023. https://lanuovabq.it/it/torna-radclif-
fe-la-sinodalita-e-sempre-piu-arcobaleno
Chapitre VI – Un chemin semé d'embûches 109

probablement là que se glisse la possibilité de mettre en


œuvre la « grande tromperie ». Nous ne savons pas si le
pape en est conscient ou s’il est de bonne foi. Nous ne
faisons que constater la situation. »174
Certains accusent les évêques allemands de trom-
per les fidèles en disant que le pape François a soutenu le
Synodaler Weg alors qu’il l’aurait critiqué. Comme nous
l’avons vu, la situation est plutôt confuse. La « trompe-
rie » n’existe pas seulement chez les évêques allemands.
Nous pourrions appliquer aux protagonistes du Synode
une critique qu’a formulée le cardinal Joseph Ratzinger
dans un document sur l’homosexualité : « Un examen at-
tentif de leurs déclarations publiques et des activités qu’ils
promeuvent révèle une ambiguïté étudiée par laquelle ils
tentent d’induire en erreur les pasteurs et les fidèles. »175
Comment expliquer ces contradictions ? L’ambiguïté
est-elle délibérée ? N’y a-t-il pas une manœuvre derrière
tout cela ? On ne peut pas ne pas évoquer cette possibilité,
au moins comme hypothèse ou critère d’analyse.

98. Peut-on expliquer cette manœuvre ?


En effet, quiconque étudie le processus historique du
déclin de l’Église et de la civilisation chrétienne, que les
historiens appellent la Révolution, se rend compte qu’il y
a souvent eu un jeu dialectique entre les courants extré-
mistes et les courants modérés, jeu dans lequel les pre-
miers ont servi de pionniers aux seconds.

174 Andrea Gagliarducci, « “Pope Francis and the challenge of the Synod », Monday
Vatican, 6 février 2023. http://www.mondayvatican.com/vatican/pope-francis-and-
the-challenge-of-the-synod (notre traduction)
175 Congrégation pour la doctrine de la foi, « Lettre aux évêques de l’Église catho-
lique sur la pastorale à l’égard des personnes homosexuelles », 1 octobre 1986, n°
14. https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_
cfaith_doc_19861001_homosexual-persons_sp.html
110 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

Dans son œuvre maîtresse, Révolution et contre-ré-


volution, Plinio Corrêa de Oliveira a expliqué que le pro-
cessus révolutionnaire se développe à deux vitesses : la
grande vitesse, représentée par les têtes brûlées radicales,
et la marche lente, appliquée par des factions apparem-
ment modérées. Ces deux vitesses s’harmonisent, chacune
a un rôle spécifique, et ensemble elles propulsent le pro-
cessus révolutionnaire :
« On pourrait croire que les mouvements les plus
rapides sont inutiles, car ils sont voués à l’échec. Ce
n’est pourtant pas le cas. Ces mouvements créent un
modèle et un objectif fixes dont le radicalisme fascine
les esprits modérés qui vont lentement se tourner vers
lui. . . . L’échec des extrémistes n’est donc qu’apparent.
Ils apportent à la Révolution une collaboration indi-
recte, mais décisive et entraînent peu à peu, en vue de
la réalisation de leurs chimères coupables et exaspé-
rées, la foule des « prudents », des « modérés » et des
médiocres. »176
On peut légitimement se demander si le rejet des affir-
mations les plus extrêmes du Weg ne peut pas permettre de
faire avancer une réforme de l’Église apparemment mo-
dérée - mais en fait subversive- qui pourrait sembler plus
acceptable à ce stade.
Les promoteurs du Weg eux-mêmes proclament que
c’est ainsi qu’ils veulent influencer le processus univer-
sel. La théologienne Julia Knop, l’une des figures de proue
du Weg, l’explique : « Avec ces 15 textes [proposés par
la Voie synodale allemande], l’Église catholique en Alle-
magne s’est prononcée en faveur de réformes importantes

176 Plinio Corrêa de Oliveira, Révolution et Contre-Révolution, TFP française, https://


www.pliniocorreadeoliveira.info/FR%20RCR/RCR_000tabledesmatieres_revolu-
tion_contre_revolution.htm
Chapitre VI – Un chemin semé d'embûches 111

et urgentes. Les textes de base vont surtout interpeller le


débat ecclésial (universel) et le faire avancer à moyen et
à long terme. »177
Nous attirons l’attention sur cette dernière phrase : le
moyen et le long terme. Plutôt que d’obtenir une victoire im-
médiate, les promoteurs les plus avisés du Weg veulent être
les pionniers de réformes profondes à moyen et long terme..

99. S’achemine-t-on ainsi vers


une sorte de compromis ?

Il semblerait que ce soit le cas. Certains observateurs


ont montré comment se dissimule une intention cachée
derrière les affrontements apparents entre le Vatican et
les promoteurs du Synodaler Weg. Ils veulent parvenir à
un compromis « à la romaine », c’est-à-dire à l’adoption
d’une solution intermédiaire.
C’est exactement ce qu’affirme Luisella Scrosati dans
La Nuova Bussola Quotidiana, en citant Mgr Georg Bät-
zing. Dans son article intitulé « Le pape et les Allemands
à couteaux tirés, mais pour un compromis », elle a montré
que le débat porte sur la manière de parvenir à certaines
conclusions plutôt que sur le contenu :
« Quant au risque de schisme [Mgr] Bätzing écarte
l’idée qu’il pourrait y avoir des schismes et indique la voie
à suivre : “Nous devons nous parler, faire un compromis
entre nous”. Faite un peu à la romaine, une concession
sur le célibat pourrait étouffer les pressions en faveur du
sacerdoce des femmes, et un feu vert à la bénédiction des

177 Julia Knop, « Vor allem die Grundlagentexte werden die (welt-)kirchliche Debatte
herausfordern ». Pfarrbriefservice.de, 22 mars 2023. https://www.pfarrbriefser-
vice.de/file/vor-allem-die-grundlagentexte-werden-die-welt-kirchliche-debatte-he-
rausfordern
112 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

couples de même sexe pourrait dispenser d’une approba-


tion doctrinale de la sodomie. »178
Le pape François a multiplié les appels au « dialogue »
et à l’« harmonie ». Dans un entretien désormais célèbre
avec l’Associated Press, le 25 janvier 2023, le pape a criti-
qué le Chemin synodal allemand, le qualifiant d’« idéolo-
gique » et d’« élitiste ». Il a toutefois ajouté : « Nous devons
être patients, dialoguer et accompagner ces personnes sur
leur chemin synodal réel et aider ce chemin [allemand]
plus élitiste afin qu’il ne se termine pas mal, mais qu’il soit
également intégré dans l’Église. »179
En d’autres termes, une fois leur caractère « idéolo-
gique » et « élitiste » supprimé, les propositions du Weg
allemand peuvent être « intégrées » dans l’Église, contri-
buant ainsi à la « véritable voie synodale » décrite à la fois
dans le Document préparatoire et dans l’étude de la Com-
mission théologique internationale.
Certaines revendications radicales ayant été rejetées,
la question de la réforme « démocratique » de l’Église res-
terait en suspens, ce que les évêques allemands souhai-
taient depuis le début, comme le reconnaît Mgr Bätzing :
« François déclare également dans l’interview que les ten-
sions doivent être apaisées, que nous devrions inclure nos
questions dans le Synode mondial du Vatican en cours.
C’est notre contenu original, c’est exactement ce que nous
voulons. »180

178 Luisella Scrosati, « Il Papa e i tedeschi ai ferri corti, ma per un compromesso »,


La Nuova Bussola Quotidiana, 30 janvier 2023. https://lanuovabq.it/it/il-papa-e-i-
tedeschi-ai-ferri-corti-ma-per-un-compromesso
179 Nicole Winfield and Frances D’Emilio, « Pope Warns German Church Re-
form Process Elitist, Ideological », APNews.com, 25 janvier 2023, https://
apnews.com/article/pope-francis-only-on-ap-vatican-city-germany-reli-
gion-15c469ce6a29a797f8235dd35eccb118.
180 Scrosati, « Il Papa e i tedeschi ».
Chapitre VI – Un chemin semé d'embûches 113

Tout cela a permis au doyen des vaticanistes, San-


dro Magister, d’écrire: « Le Synode allemand infecte toute
l’Église, sans que le Pape ne l’en empêche ». Une fois que
le caractère « élitiste » du Weg aura été corrigé, affirme
Magister, il sera possible de procéder à « l’inévitable lita-
nie de demandes qui vont des prêtres mariés aux femmes
prêtres, de la nouvelle morale sexuelle et homosexuelle à
la démocratisation de la gouvernance de l’Église. »181

100. Quel type d’Église résulterait du


processus synodal mené jusqu’à ses
conséquences finales ?

Même si seules quelques propositions du Synodaler


Weg ou du Synode général étaient approuvées (n’envisa-
geons même pas l’hypothèse où ces propositions seraient
menées jusqu’à leurs ultimes conséquences), les change-
ments dans l’Église catholique seraient si graves que l’on
pourrait légitimement se demander si cette dernière res-
semblerait encore à la Sainte Église catholique, aposto-
lique et romaine fondée par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

181 http://magister.blogautore.espresso.repubblica.it/2022/06/28/the-german-synod-is-
infecting-the-whole-church-without-the-pope%e2%80%99s-restraining-it/
Conclusion

Ce n’est peut-être pas une coïncidence si cet opus-


cule paraît à l’occasion du 80ème anniversaire de ce que
de nombreux spécialistes considèrent comme l’un des
premiers cris d’alarme sur la crise de l’Église, qui atteint
aujourd’hui son paroxysme : c’est en effet en 1943 que
Plinio Corrêa de Oliveira, à l’époque président du conseil
archidiocésain de l’Action catholique à São Paulo, au Bré-
sil, a publié En défense de l’action catholique. Le diri-
geant catholique y dénonçait l’infiltration généralisée des
erreurs néomodernistes et gauchistes dans l’Église : « Dès
le début, nous avons constaté qu’ils répandaient le mal
avec beaucoup d’art, d’habileté et de capacité à recru-
ter de nombreux prosélytes. C’est pourquoi, au milieu de
l’indifférence générale, nous devions sonner l’alerte pour
attirer l’attention de tous. »182 Il y insistait en outre sur la
manière dont ces erreurs étaient concrètement propagées
auprès des laïcs catholiques puis vécues par eux.
Toute sa vie, Plinio Correa de Oliveira a combattu ces
erreurs sans relâche au sein des Sociétés pour la Défense
de la Tradition, Famille et Propriété, qu’il avait créées.
Il n’est pas difficile de voir l’affinité entre les an-
ciennes propositions progressistes et celles que présentent
aujourd’hui les promoteurs de la Voie synodale.
Depuis la disparition de leur fondateur, les Sociétés
pour la Défense de la Tradition, Famille et Propriété —

182 Plinio Corrêa de Oliveira, « Kamikaze », Folha de S. Paulo, 15 février1969.


116 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

TFP et ses associations sœurs — ont poursuivi le combat


de celui qui ne voulait rien d’autre que d’être « un écho
très fidèle du Magistère suprême de l’Église », comme l’a
présenté une lettre de recommandation signée par le cardi-
nal Giuseppe Pizzardo, alors préfet de la Sacrée Congré-
gation pour les séminaires et les universités, à propos de
son livre La liberté de l’Église dans l’État communiste.
Le projet synodal qui a été précédemment analysé re-
prend les vieilles hérésies maintes fois condamnées par le
Magistère, poussant encore plus loin l’œuvre d’autodes-
truction évoquée par Paul VI. Aussi, par amour de l’Église,
de l’ordre hiérarchique et de la civilisation chrétienne, les
associations TFP regardent comme un de leurs impératifs
devoirs de dénoncer ces erreurs.
Au cours des dernières années, elles ont fait de leur
mieux pour remplir ce devoir en menant une série d’ini-
tiatives de grande envergure. Le présent ouvrage s’inscrit
pleinement dans cette ligne d’action.183

183 En voici quelques unes :


– L’« Appel filial au pape François sur l’avenir de la famille », document signé par
près d’un million de personnes, dont plus de 200 cardinaux et évêques, demandant
au souverain pontife des éclaircissements sur l’objectif du Synode sur la famille
de 2015. En même temps, avec des personnalités du monde catholique, parrainage
d’ une « Déclaration de fidélité à l’enseignement immuable de l’Église sur le ma-
riage » présentée au pape la même année avec plus de 35 000 signatures, dont celles
de trois cardinaux, neuf évêques et 635 prêtres.
– Option préférentielle pour la famille. 100 questions et 100 réponses autour du
synode, brochure dans laquelle trois évêques examinent les enjeux du synode sur
la famille. Publiée en 2015 avec une préface du cardinal Jorge Arturo Medina Es-
tévez, ancien préfet de la Congrégation pour le culte divin.
– Une révolution pastorale. Six mots talismaniques dans le débat synodal sur la
famille, opuscule publié par Guido Vignelli, 2017.
– Le « changement de paradigme » du pape François : Continuité ou rupture dans
la mission de l’Église, livre dans lequel José Antonio Ureta dresse le bilan des cinq
premières années du pape François, 2018.
– « Pan-Amazon Synod Watch », vaste campagne d’information sur les enjeux du
Conclusion 117

Supplions la Sainte Vierge, Mère de l’Église, de ne


pas permettre que le Corps mystique de son Divin Fils soit
encore plus défiguré qu’il ne l’est, et de réaliser au plus
vite la restauration qu’elle a promise à Fatima : « Enfin,
mon Cœur Immaculé triomphera. »

Adveniat regnum Christi! Adveniat per Mariam!

Synode spécial de 2019 pour la région amazonienne. Cette campagne s’est conclue
par une grande conférence internationale à Rome peu avant le synode.
– Der deutsche Synodale Weg und das Projekt einer neuen Kirche (La voie syno-
dale allemande et le projet d’une nouvelle Église), livre publié en 2023, dans lequel
Diego Benedetto Panetta examine les projets subversifs du Synodaler Weg.
Postface

Les pages précédentes ont été rédigées à partir des


documents relatifs au Synode sur la synodalité avant la
publication de l’Instrumentum Laboris, présenté à Rome
le 20 juin 2023.
L’Instrumentum change-t-il quelque chose de fonda-
mental à ce que dit notre étude ? Apparemment, non. Il
ne fait que confirmer la direction prise par le processus
synodal depuis des années et, par conséquent, accroît les
perplexités et les inquiétudes.
L’Instrumentum confirme que la synodalité est un
« processus dynamique » (n°18) qui part du principe qu’il
faut construire une nouvelle « dimension synodale consti-
tutive » de l’Église (n°23) en changeant sa structure et son
Magistère.
L’esprit du document réaffirme l’idée, lancée par le
pape François, d’une Église structurée comme une « py-
ramide inversée » dans laquelle la hiérarchie diffuserait
son autorité via un processus de consultation sans fin avec
l’ensemble du « peuple de Dieu ». Au cours de ce crescen-
do de « consultations », on procéderait à des changements
institutionnels et doctrinaux pour adapter l’Église aux
temps nouveaux.
La seule nouveauté du document est peut-être l’in-
sistance (à la limite de la naïveté) à laisser entendre que le
120 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

processus synodal est un fruit spontané de l’Esprit Saint,


un phénomène quasi pentecôtiste, alors qu’en réalité, il
résulte d’un lourd mécanisme bureaucratique de consul-
tations entre le Vatican, les évêques, quelques ecclésias-
tiques et un petit nombre de fidèles. Selon l’Instrumentum,
ce mécanisme s’est avéré être une agréable « surprise »
(n°17), provoquant chez les participants un véritable senti-
ment d’« émerveillement » (n°53). L’insistance des auteurs
sur une large participation des fidèles dénote une certaine
insécurité. En effet, comme le montre la présente étude,
elle est démentie par de nombreux rapports faisant état du
peu d’intérêt de la grande majorité des catholiques prati-
quants.
Ceux qui suivent depuis le début le « processus sy-
nodal » lancé par le pape François en 2015 ne sauraient
être « surpris » ou « émerveillés » par son orientation. Dès
le départ, l’intention était claire : faire de la « synodalité »
une « dimension constitutive » de l’Église. Bien sûr, tout
cela ne se fera pas immédiatement avec la force et même
l’insolence de la Voie synodale allemande, mais plutôt par
étapes progressives.
Bien que neutre dans son ton, l’Instrumentum reprend
les revendications de la Voie synodale allemande sur au
moins deux points. Premièrement, il présente la « synoda-
lité » comme un remède à la crise des abus sexuels dans le
clergé. Deuxièmement, il valide l’acceptation non seule-
ment des nouvelles formes de « moralité » qui existent de
facto dans la société déchristianisée d’aujourd’hui, mais
également la possibilité de modifier les enseignements
moraux de l’Église pour les adapter à la culture domi-
nante, expression du désir populaire.
L’Instrumentum présente tout cela comme le fruit
des consultations synodales de l’ensemble du « peuple de
Dieu ». Cependant, ceux qui sont conscients de la (mal-
Postface 121

heureuse) diminution du public qui fréquente les églises


catholiques auront beaucoup de mal à croire que les thèses
du document expriment unanimement la volonté des laïcs.
Ces derniers ne semblent pas aspirer à « participer » à la
gouvernance, à la prise de décision, à la mission et aux mi-
nistères « à tous les niveaux de l’Église » (n °B 2,3). Tout
pousse au contraire à conclure à une mystification faisant
passer pour une aspiration généralisée, les revendications
des lobbies et des petites minorités « engagées » qui, dans
certains cas, occupent les structures bureaucratiques de
l’Église depuis des décennies.
Dans son introduction, l’Instrumentum assure qu’il
sera difficile « de parvenir à des orientations concluantes »
et il laisse ce soin aux Assemblées générales de Rome
et, le cas échéant, au Saint-Père. Néanmoins, le document
ne cache pas l’intention d’établir des critères pour guider
les discussions de ces Assemblées grâce à la formule tant
vantée du « processus dynamique » (n°18). Cependant,
comme beaucoup de chemin reste à parcourir pour arriver
à des « orientations concluantes », le pape a voulu gagner
du temps dans la préparation des esprits en scindant l’As-
semblée générale en deux, afin qu’entre-temps l’Église
puisse « grandir dans son être synodal » (n° 43), une ma-
turité qu’elle n’aurait pas suffisamment atteinte.
L’Instrumentum révèle un autre déficit flagrant de
représentativité lorsqu’il affirme que « marcher ensemble
signifie ne laisser personne de côté » (n °B 1.1).184 En ré-
alité, le document ne mentionne que « les divorcés rema-
riés, les personnes vivant dans des mariages polygames,
les personnes LGBTQ+, etc. » (n °B 1,2, a) et omet la ré-

184 “Instrumentum Laboris per la Prima Sessione (octobre 2023),” Synod.va, 25 juin
2023, https://www.synod.va/content/dam/synod/common/phases/universal-stage/
il/ITA_INSTRUMENTUM-LABORIS.pdf (notre traduction.)
122 Le processus synodal – 100 Questions & 100 Réponses

alité largement visible sur la scène catholique, comme par


exemple, le public qui participe de plus en plus nombreux
au pèlerinage annuel Paris-Chartres.
Cette contradiction flagrante pourrait conduire à
conclure que le document est plutôt une source de divi-
sion, comme l’a opportunément commenté la vaticaniste
modérée Elise Ann Allen lors de la conférence de presse
tenue dans la Sala Stampa du Vatican à l’occasion de la
présentation de l’Instrumentum le 20 juin 2023.
En conclusion, le contenu du document est inquiétant
et n’est pas sans rappeler le titre d’un livre du vaticaniste
Edward Pentin : ne sommes-nous pas confrontés au « tru-
cage d’un synode du Vatican » ?
Table des Matières

Préface ........................................................................................................................................................................................................................ 7
Présentation ............................................................................................................................................................................................ 11
I - Le Synode des évêques ....................................................................................................................................... 19
II – Le Synode sur la synodalité ................................................................................................................... 23
III - Le processus synodal ........................................................................................................................................... 25
A – La « Synodalité » 29
B – « L’Écoute » 31
C – Le rôle des fidèles dans le développement doctrinal 38
D – Le rôle des « minorités marginalisées » 41
E – « L’Inclusion » 44
F – Le Document de travail pour l’étape continentale 50
G – Les fidèles ont-ils été consultés ? 52
H – Une « secte » au cœur du Synode ? 54

IV - La Réforme de l'Église ....................................................................................................................................... 57


V - Le chemin synodal allemand ................................................................................................................ 65
A – Une voie qui n'est pas réservée à l'Allemagne 65
B – La démocratisation de l'Église 76
C – L’ordination des femmes 78
D – « Inclure » les homosexuels 81
E – La destruction de la famille 88

VI - Un chemin semé d'embûches ........................................................................................................ 91


A – Réactions contre le Synodaler Weg 91
B – Quelques balancements incertains 102
C – Vers un compromis « à la romaine » ? 108

Conclusion .............................................................................................................................................................................................. 115


Postface ......................................................................................................................................................................................................... 119
Imprimé chez DRUKARNIA Read Me, Łódź, Polska.

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