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Manuscrit déposé le 8/08/02 Ann. Méd. Vét.

, 2002, 146, 303-310

ARTICLE ORIGINAL

Incidence d’une station d’épuration biologique sur le niveau de


contamination en salmonelles des eaux et des boues résiduaires

JACOB B.1, KORSAK N. 1 *; GROOVEN B. 1 ; FLAMENT E.2, DAUBE G.1.

1 Laboratoire de microbiologie des denrées alimentaires d’origine animale, Faculté de médecine vétérinaire, Université de Liège, Boulevard de
Colonster, 20, Bât. B43bis, 4000 Liège.
Tél. : 0032 (0)4 / 366 40 17
Fax : 0032 (0)4 / 366 40 16

2 Partenaire industriel. Route de Merckhof, 110 à 4880 Aubel


Tél. : 0032 (0)87 / 68 06 00
Fax : 0032 (0)87 / 68 06 10

Correspondance : E-mail : nkorsak@ulg.ac.be

RESUME : Des agents pathogènes, hébergés dans le tractus digestif de certains animaux domestiques,
peuvent se retrouver dans les eaux usées des abattoirs et finalement dans les boues des stations d’épu-
ration. Salmonella, agent pathogène pour l’homme et les animaux, est le plus souvent utilisé comme mar-
queur de risque biologique. La présente étude vise à déterminer l’efficacité d’une récente station d’épura-
tion industrielle par la détermination rapide et semi-quantitative de la présence de ce micro-organisme.
Parmi sept entreprises agro-alimentaires déversant leurs eaux usées dans cette station d’épuration indus-
trielle, un abattoir porcin fut la principale source de contamination avec un niveau moyen de contamination
de plus de 103 salmonelles/ml proche de celui du mélange des eaux en entrée d’épuration. La station,
basée sur un procédé d’épuration biologique, a permis de réduire le niveau de contamination dans les
eaux sortantes à moins de 1 salmonelle/ml, soit un taux de réduction de 4 logarithmes décimaux. Le
niveau de contamination diminue peu dans les étapes biologiques de traitement. C’est principalement
dans le clarificateur que s’opère la réduction par adsorption des bactéries sur les matières en suspension.
Le niveau moyen des salmonelles dans les boues fraîches s’élève à 102 salmonelles/g.
Lors du suivi microbiologique mensuel de deux tas de boues disposés en bordure de champs au début du
mois de décembre 1999, sept mois ont été nécessaires avant de ne plus pouvoir isoler de salmonelles
dans 25 g.

INTRODUCTION La quantité et la diversité des germes boues fermentescibles qui nécessitent


pathogènes retrouvés dans les boues une stabilisation ultérieure telle que
De nombreux organismes pathogènes, et les eaux de rejets sont plus grandes digestion aérobie ou anaérobie, com-
tant pour l’homme que pour les ani- postage, chaulage, stockage straté-
si certaines entreprises tels que des
maux, sont excrétés dans les matières gique longue durée,… Le devenir des
abattoirs sont en amont de la station.
fécales des individus infectés ou por- micro-organismes véhiculés par les
En effet, les animaux peuvent être
teurs sains (Jones et al., 1980). Ces eaux usées sera aussi fonction de l’es-
germes peuvent dès lors être rencon- porteurs d’organismes pathogènes au
niveau de la peau, des muqueuses, pèce microbienne (Farrah et Bitton,
trés dans les eaux usées municipales
dans leur tube digestif et dans leurs 1984 ; Elissalde et al., 1994). Dans le
et industrielles et finalement se
déjections (Hinton et Bale, 1991 ; cas d’une épuration biologique, c’est-
retrouver dans les boues de stations
Strauch, 1991 ; Jacob et al., 1999 ; à-dire avec aération prolongée, les
d’épuration (De Zutter et Van Hoof,
Groven et al., 2000). La concentra- boues récoltées sur clarificateur sont
1980). En effet, ils sont souvent asso-
tion de ces agents pathogènes dans les stabilisées et utilisables en l’état
ciés à la fraction solide des eaux usées
(Farrah et Bitton, 1983 ; Kayser et al., boues est fonction de leur affinité (Elissalde et al., 1994).
1987). Des métaux lourds et des com- pour les fractions solides des boues Dans les boues de stations d’épura-
posés organiques toxiques sont égale- ainsi que du manque d’efficacité des tions, Dudley et collaborateurs (1980)
ment associés aux boues résiduaires traitements d’inactivation. Les boues ont répertorié la présence de nom-
(Ahmed et Sorensen, 1995). récupérées des clarificateurs sont des breuses bactéries : Pseudomonas,

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Staphylococcus, Mycobacterium, encore chez l’homme et les animaux domadaire moyen d’abattage est de
Clostridium perfringens, Klebsiella, sauvages. Du fait de la localisation de 500 à 700 animaux, un procédé simi-
Salmonella, Shigella, Entero- cette bactérie dans le tube digestif, il laire est suivi. Le temps moyen de
bacteriaceae,… Certaines sont des résulte que les eaux usées provenant rétention de l’eau dans la station est
parasites obligés et ne survivent pas des abattoirs et des boyauderies peu- d’approximativement une semaine.
longtemps en dehors de l’hôte, alors vent être contaminées en salmonelles En outre, une comparaison a été
que d’autres, bien que principalement et ainsi les disséminer dans l’enviro- effectuée en 1999 avec la station
associées à des animaux survivent nement ; Daube et al., 1999 ; Daube et urbaine municipale de 8.000 équiva-
dans l’environnement durant de al., 2000 ; Groven et al., 2000). lents habitants, qui récolte les eaux
longues périodes et parfois même, Les objectifs de cette étude sont de provenant de l’égouttage public et des
peuvent s’y multiplier. D’autres quantifier les niveaux de contamina- voiries du village, le principe de fonc-
encore sont des parasites libres tion en salmonelles des eaux prove- tionnement de cette station étant, lui
(Hinton et Bale, 1991). nant de différentes entreprises agroa- aussi, exclusivement biologique.
Etant donné que les étables, via leurs limentaires, d’estimer également
installations de récupération des l’effet d’une station d’épuration
récente sur le niveau de contamina- B) Prélèvements
urines et des matières fécales, jouent
le rôle d’un bassin de récolte, les tion et, enfin, de mesurer le temps de Les eaux et les boues ont été récoltées
germes pathogènes excrétés par les survie de Salmonella dans les boues à quatre reprises (2x en été, 1x en
animaux domestiques parviennent au cours d’un stockage de longue hiver et 1x au printemps) pour évaluer
dans le fumier ou le lisier, même si les durée. les variations saisonnières du niveau
animaux n’ont jamais montré de signe de contamination. Le prélèvement a
clinique de maladie. C’est pourquoi été réalisé dans des flacons plastiques
les effluents d’élevage doivent être stériles de 1 litre pour les eaux et en
généralement considérés comme MATERIEL ET METHODES sacs stériles pour les boues. Après
infectés et faire l’objet de traitements collecte, les échantillons ont été ache-
d’assainissement particuliers (Strauch, minés au laboratoire, placés à une
A) Description de la station
1991). température de 5°C et analysés dans
Les problématiques sanitaires des La station étudiée, de 80.000 équiva- les 72 heures.
boues résiduaires et des déjections lents-habitants, traite les eaux usées Pour déterminer le temps de survie
animales sont finalement assez industrielles provenant exclusivement des salmonelles dans les boues durant
proches. Avec les déjections ani- de sept entreprises agro-alimentaires. un stockage de longue durée, deux
males, les risques de bouclage de Elle a une capacité de traitement de conteneurs de boues ont été placés en
cycles pathogéniques courts au sein 33 m3 par heure dont 11 m3 provien- bordure d’un champ l’un à côté de
même du troupeau en place ou des nent d’un abattoir porcin, 2 m3 d’un l’autre, à une semaine d’intervalle, au
élevages voisins sont accrus. Le pro- abattoir bovin et 20 m3 d’autres entre- début du mois de décembre 1999.
blème ne concerne pas uniquement la prises (cidrerie, siroperie, transforma- Ceci permettait de simuler des condi-
santé des animaux domestiques mais tion de la viande). Son fonctionne- tions réelles d’utilisation. L’échan-
aussi celle des humains (Elissalde et ment est un enchaînement de tillonnage a été réalisé mensuelle-
al., 1994). procédés biologiques comprenant ment, directement en surface ainsi
une homogénéisation forcée des eaux qu’à ± 60 cm de profondeur, du mois
Le principal risque sanitaire est lié à dans un bassin tampon suivi d’un trai-
l’ingestion par les animaux domes- de décembre au mois de juin 2000.
tement dans les bassins successifs sui-
tiques de végétaux pouvant être vants : anaérobie, anoxie, aération, Aucun traitement chimique n’a été
souillés lors de la valorisation dans endogène (dans ce bassin, existe une appliqué aux boues avant stockage et
l’agriculture des effluents d’élevage. alternance de phases aérobies et aucune manipulation n’a été effectuée
Les eaux de surface peuvent égale- anoxiques, les bactéries utilisant leurs une fois les conteneurs disposés sur
ment être atteintes à partir d’un sol propres réserves en carbone pour site.
contaminé en présence d’une pluvio- transformer les nitrates en azote
métrie importante, d’une forte pente, gazeux), dégazage et, finalement, un C) Méthodes d’analyse
d’un sol nu et de la proximité d’un clarificateur avec recirculation d’une
cours d’eau (Elissalde et al., 1994). partie des boues dans le bassin anaé- Des dilutions décimales successives
Finalement, les grandes cultures peu- robie. Les boues excédentaires sont des échantillons (de 100 ml à 10-3 ml
vent être contaminées et leurs pro- déshydratées et stockées en conte- suivant la charge de l’eau) ont été
duits peuvent entrer dans la prépara- neurs avant d’être prises en charge enrichies pendant 18 ± 2 heures à
tion d’aliments. par une société agréée pour l’évacua- 37 °C en eau peptonée tamponnée
Parmi les bactéries pathogènes, celles tion des boues. (EPT, CM509, Oxoid, Basingstoke,
du genre Salmonella, bactéries patho- L’abattoir porcin abat en moyenne Royaume-Uni).
gènes ubiquistes, sont responsables 9.000 porcs par semaine. Les esto- Une membrane d’acétate de cellulose
d’une grande partie des toxi-infec- macs et intestins des animaux sont d’une porosité de 0,45 mm
tions d’origine alimentaire (Mead et vidés, nettoyés et raclés mais la frac- (1140647ACN, Sartorius, Vilvoorde,
al., 1999). Elles sont fréquemment tion solide contenue dans l’eau est Belgique) a été incubée dans 100 ml
rencontrées dans les matières fécales récupérée avant d’atteindre la station, d’EPT après filtration de 100 ml
d’animaux porteurs sains, tels que les de même que les graisses. Pour d’échantillon. Pour les deux dilutions
porcs ou les volailles, et malades, ou l’abattoir bovin, dont le volume heb- décimales suivantes, aucune filtration

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n’a été opérée, 10 ml et 1 ml d’eau ont milieu « Triple Sugar Iron » (24h à (tableau I). Parmi les sept entreprises
été inoculés dans 90 et 9 ml d’ EPT 37°C) et une caractérisation biochi- déversant leurs eaux usées à la sta-
respectivement. mique (API 20 E) a confirmé le résul- tion, la principale source de contami-
Pour les plus petites quantités, des ali- tat. Les souches isolées ont été séroty- nation était l’abattoir porcin et occa-
quotes des différentes dilutions ont pées selon le schéma de Kauffman- sionnellement l’abattoir bovin (une
été inoculés dans un volume final White (Rowe et Hall, 1989 ; Popoff et seule fois sur trois essais). Aucune
d’EPT de 10 ml. Après incubation, Le Minor, 1997). salmonelle n’a pu être mise en évi-
100 µl du bouillon d’enrichissement Concernant les boues disposées en dence pour les autres entreprises
ont été placés au centre d’une boîte de conteneurs le long d’un champ, le agro-alimentaires. Le niveau de
milieu Diassalm (Lab 587, LabM, même protocole d’analyse a été suivi. contamination des salmonelles dans
International Diagnostic Group plc, Les salmonelles ont été recherchées les eaux du bassin tampon s’élevait à
Lancashire, Royaume-Uni) et incubés dans des quantités de boues allant de 103 salmonelles par ml tout comme
à 42°C pendant 24 heures. La sélecti- 25 g à 1 mg. dans les eaux provenant de l’abattoir
vité de ce milieu semi-solide est basée porcin (figure 1). En fin de processus,
sur la capacité des salmonelles à se le niveau de contamination a chuté à
multiplier et à diffuser dans l’épais- moins de 1 salmonelle/ml.
seur de la gélose. Si une présomption RESULTATS Durant le processus d’épuration de
de Salmonella était identifiée, une 1. Quantification du niveau de l’eau dans la station industrielle trai-
anse était étalée sur gélose XLT4 contamination de la station tant les eaux usées des entreprises
(Xylose Lysine Tergitol 4, 63654, agro-alimentaires (avant clarifica-
Biorad, Marnes La Coquette, France) Aucune variation saisonnière signifi- tion), la réduction des salmonelles est
et incubée pendant 22 heures à 37°C. cative n’a été observée entre les diffé- très faible. En aval de la station, les
Finalement, une seule colonie carac- rents essais pour l’estimation du eaux épurées de la station industrielle
téristique par boîte a été transférée sur niveau de contamination des eaux sont canalisées et vont se mélanger

Tableau I : Présentation des résultats de la station au cours des quatre essais selon les volumes des prises d’essai analysées
(A = absence, P = présence).

I.A.A. = Industrie Agro-alimentaire


Noir = première étude en juin 1999
Bleu = seconde étude en juillet 1999
Rouge = troisième étude en janvier 2000
Rose = quatrième étude en mai 2000

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Figure 1 : Illustration du niveau de contamination en salmonelles dans la station d’épuration, les différentes entreprises agroalimentaires (I.A.A.) et en aval de la station ainsi
que dans la station d’épuration urbaine.

avec celles d’un ruisseau. Aucune sal-


monelle n’a été mise en évidence
dans les eaux provenant de ce ruis-
seau avant mélange. Dix mètres après
le mélange des eaux du ruisseau et de
la station industrielle, le niveau de
salmonelles s’élève à environ 1 orga-
nisme/ml. Néanmoins, 500 mètres
plus loin, le niveau n’atteint plus que
1 salmonelle/100 ml. Enfin, 1 km
après la sortie de la station urbaine, le
niveau varie entre 1 et 100 salmo-
nelles/100 ml pour finalement ne plus
être détectable du tout lorsque le ruis-
seau se jette dans le cours d’eau plus
important.
Dans la station urbaine municipale,
des salmonelles y ont été détectées à
un niveau d’environ 1 organisme/ml
en entrée de station mais plus aucune Figure 2 : Evolution du taux mensuel des salmonelles dans les deux tas de boues au cours du stockage longue durée.
salmonelle n’a pu être détectée après
traitement et, ce, dans un échantillon
de 100 ml.
infantis
2. Effet de stockage des boues
derby
Les résultats montrent que les deux
tas n’ont pas évolué à la même vitesse Non typable
(figure 2). Après 7 mois de stockage,
aucun des deux tas ne permettait la typhimurium
mise en évidence de salmonelle dans
25 g. Durant les premières semaines goldcoast
de stockage, une activité microbienne
a été observée en raison d’une tempé- bovismorbificans
rature modérée au cœur des tas. Mais
avec les conditions hivernales, la tem- agona
pérature chuta et ne remonta pas au-
delà de la température extérieure, Autoagglutinable
même avec les meilleures conditions
climatiques du printemps. Cependant, Figure 3 : Prévalence des sérotypes de salmonelles dans les boues au cours du temps.

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avec l’augmentation des températures nelles déposées sur le lit. Un effet de faible à moyenne). Tous les traite-
printanières, le niveau de contamina- dilution n’est également pas exclure, ments qui favorisent le développe-
tion commença à décroître dans les puisque aucune salmonelle n’a été ment de la flore saprophyte et qui sta-
deux tas (après 2 et 4 mois de stoc- détectée dans le cours d’eau principal. bilisent la matière organique limitent
kage respectivement) avec une réduc- Si la réduction dans les eaux est les croissances ultérieures de
tion moyenne de 1 logarithme par bonne, en contrepartie, les patho- Salmonella.
mois. gènes se sont concentrés dans les Dans des conditions de laboratoire,
Durant le stockage longue durée, le boues d’épuration. Il est à noter que le Farrah et Bitton (1983) ont montré
pourcentage relatif des Salmonella fait de retrouver des salmonelles dans que la diminution de Salmonella
typhimurium parmi l’ensemble des le tas 1 en surface dans 10 g et pas typhimurium était similaire à 28°C
autres sérotypes augmente sensible- dans 25 g après 7 mois alors que l’on que ce soit sous conditions aérobies
ment avant disparition (figure 3). en avait plus détecté après 6 mois ou anaérobies mais était toujours
peut être dû à une contamination supérieure à une digestion aérobie à 6
aérienne par d’autres tas de boues °C, montrant ainsi l’importance de la
DISCUSSION température.
fraîchement placés juste à côté des tas
D’après Shuval (1991), le système le suivis dans l’expérience ou bien Farrell et collaborateurs (1990) ont
plus efficace pour le traitement des encore au hasard du prélèvement. cherché à évaluer si les stations sans
eaux de station d’épuration est l’utili- La problématique des boues étant clarificateur primaire mais avec une
sation des boues activées entraînant sensiblement la même que celle des longue rétention des eaux et boues
une réduction de 90 à 99% des virus, lisiers, une étude microbiologique dans un procédé biologique (comme
protozoaires et helminthes et de 90 à préliminaire a été réalisé sur quelques la station ici présentée) étaient en
99,9% des bactéries. Les procédés de lisiers provenant de différentes mesure d’atteindre les exigences
ce type ne peuvent atteindre de plus exploitations porcines. Un échantillon PSRP (Process to Significantly
haut taux de réduction des pathogènes de lisier sur 11 a donné une réponse Reduce Pathogens) pour les boues.
sans ajout de produits chimiques coû- positive pour les salmonelles dans 25 L’usage des boues de cette catégorie
teux, le but premier de ces stations g. Lors d’une étude de détermination sur les cultures est autorisé sous cer-
d’épuration étant, avant tout, de reti- du seuil de sensibilité de la méthode taines conditions. Tout d’abord, ces
rer les matières organiques de l’eau sur des échantillons de lisier artificiel- procédés engendrent un effluent de
pour éviter la pollution des cours lement contaminés, la méthode a per- qualité proche des autres procédés.
d’eau. D’après Elissalde et collabora- mis de montrer que le seuil minimal Ensuite, le flux unique de boues a
teurs (1994), le meilleur système pour de détection des salmonelles était généralement une fraction solide
éliminer les germes pathogènes des compris entre 1 et 100 CFU1/25g. volatile et un potentiel de putréfaction
eaux usées est le bassin de stabilisa- Ceci tend à montrer que ce n’est pas moindre que celui des boues mélan-
tion ouvert à l’air (lagunage) qui fait la méthode qui n’a pas permis de gées des autres stations. Toutefois, la
appel à de nombreux procédés chi- détecter des lisiers positifs mais qu’il réduction des pathogènes pourrait ne
miques et physiques. semble plus rare d’en rencontrer. pas être aussi grande qu’espérée car
Dans la présente étude, l’effet de ces boues sont intimement mélangées
L’efficacité d’un traitement ultérieur avec l’eau brute pour produire son
réduction de la station peut être établi des boues peut être examiné sur deux
à environ 4 log10, ce qui équivaut à effet ; cela leur laisse l’opportunité
plans : la réduction des contaminants d’adsorber ou d’inclure une grande
une réduction « moyenne à bonne » durant le traitement et la capacité de
(Elissalde et al., 1994). Les mêmes quantité de pathogènes provenant de
blocage des croissances ultérieures. l’eau entrante. Dans une étude réali-
auteurs qualifient la réduction de Le stockage longue durée des boues sée sur six stations d’épuration, le
« faible » quand elle est inférieure à est une alternative intéressante aux taux de réduction des salmonelles,
2 log10 et « d’excellente » quand elle procédés visant à réduire les patho- entre l’eau usée entrante et les boues
est supérieure à 6. Dans l’étude de De gènes (Ahmed et Sorensen, 1995). Le sortantes, a été évalué à 4,7 et à 1,81
Zutter et Van Hoof (1984), une réduc- stockage stratégique est, d’après log pour les deux stations fonction-
tion des salmonelles de 5 log10 a été Elissalde et collaborateurs (1994), nant avec un procédé d’aération et de
observée pour une station d’épuration considéré comme un traitement d’ef- boues activées. Cependant, l’unité
chimique lorsque le pH était ajusté à ficacité moyenne. Il peut néanmoins permettant de comparer les eaux et les
2,5. Le taux de réduction, qui permet permettre, sous certaines conditions, boues était le nombre d’organismes
d’exprimer l’efficacité du traitement une croissance bactérienne mais, par gramme de solide volatile en sus-
opéré (Elissalde et al., 1994), a été généralement, la plupart des patho- pension2 (Surampalli et al., 1994).
calculé et la valeur de 99,9 % a été gènes sont incapables de se multiplier L’âge des boues était cependant supé-
obtenue pour les salmonelles. dans le milieu que constituent les rieur à 20 et 30 jours respectivement.
Les variations du niveau de contami- boues et connaissent une évolution Kayser et collaborateurs (1987) ont
nation des salmonelles le long du variable suivant les saisons. C’est montré dans une station d’épuration
cours d’eau pourraient êtres attri- ainsi que 6 mois de stockage en été biologique que seulement 30 à 35 %
buables à des zones de courants plus sont efficaces (réduction bonne à des salmonelles étaient trouvées
importantes où les turbulences créées excellente) alors que 6 mois en hiver librement dans l’eau mais que 60 %
remettraient en suspension les salmo- le sont beaucoup moins (réduction de ces dernières étaient finalement

1 CFU = Colony Forming Unit (Unités Formant Colonies)


2 Les solides volatiles en suspension sont la portion du contenu solide total des boues qui est éliminée lorsque la boue est chauffée à 550°C.

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concentrées dans les boues. La décan- gique du milieu diminue la résistance quatre premières semaines au
tation semble donc être l’étape la plus des micro-organismes par compéti- moment de la chute importante du pH
importante pour éliminer les salmo- tion pour les nutriments et sans doute du lisier. Il existe également des
nelles des eaux. aussi par prédation par des proto- lignes de conduite pour l’utilisation
Étant donné que dans de nombreux zoaires ciliés (Dudley et al., 1980). normale du lisier (Strauch, 1991).
pays 40 à 80 % des boues sont utili- Millner et collaborateurs (1987) ont En conclusion, le risque direct pour la
sées dans l’agriculture, le problème montré qu’il existait des antagonistes santé animale et humaine suite à
des salmonelles doit être étudié plus microbiens qui, lorsqu’ils sont pré- l’épandage d’engrais organiques est
en détail. Dans une étude de grande sents, tuaient ou bien diminuaient la faible. Cependant, les boues d’abat-
envergure (Strauch, 1991), 303 échan- vitesse de croissance des salmonelles toir de mammifères représentent le
tillons de boue après épandage ont été dans les boues. danger le plus élevé pour les animaux
examinés. Salmonella a été retrouvée Comme la boue concentre la charge d’élevage mais globalement le risque
sur l’herbe dans 26 % de tous les microbienne, les risques liés à l’épan- n’est pas supérieur à celui lié à
échantillons analysés jusqu’à la cin- dage des boues doivent êtres maîtrisés l’épandage des effluents d’élevage.
quième semaine. Les échantillons par le respect d’un certain nombre de D’après des études épidémiologiques,
étaient négatifs seulement après six règles précises. Il existe des recom- il y a très peu de risques liés à
semaines. Dans 59 % des échantillons mandations qui traduisent des précau- Salmonella spp. lorsque les recom-
de la surface du sol, les salmonelles tions sanitaires ou des restrictions mandations d’épandage sont respec-
ont persisté jusqu’à la dixième semai- d’usage : restriction ou interdiction tées. L’absence de problèmes notables
ne. Dans la croûte de la boue qui peut d’épandre sur des cultures particu- depuis que la valorisation agrono-
se former lors de périodes prolongées lières (telles que fruits et légumes mique est pratiquée avec les règles
de sécheresse, 84 % de tous les échan- consommables crus ou pâturages); actuelles est extrêmement rassurante.
tillons pris jusqu'à la seizième délais à respecter entre l’épandage et L’amélioration progressive des règles
semaine contenaient des salmonelles. l’implantation ou l’utilisation de ces sanitaires, des conditions d’assainis-
Le temps de survie de Salmonella cultures particulières ; contraintes sur sement (augmentation du niveau glo-
dans les tas de boues (plus de 6 mois) les techniques d’épandage, l’époque bal d’épuration, traitement des
approche ce que d’autres ont déjà pu et le traitement des boues (Elissalde et boues,…) et des épandages permet-
mettre en évidence lors d’autres al., 1994). tent de penser que la situation évolue
études (Strauch, 1991). Ahmed et Bien que le « fumier » contienne sans cesse plus favorablement. Des
Sorensen (1995) ont montré, en labo- généralement au moins 1010 bacté- études expérimentales complémen-
ratoire, que la destruction de ries/ml, les enquêtes réalisées au taires sur l’évolution de la charge en
Salmonella typhimurium dans des Royaume-Uni n’ont jamais révélé des salmonelles des boues et lisiers sous
boues digérées dépendait surtout de la concentrations en salmonelles par ml différentes conditions de conservation
température puis, dans une moindre au-dessus de 10 2. Toutefois, les ou de traitement devraient être
mesure, du taux spécifique de concentrations peuvent être plus éle- menées pour établir des guides adap-
demande en oxygène. Ainsi, à 49°C, vées lorsque du bétail apparemment tés avec des critères à atteindre.
sept jours suffisaient pour ne plus sain excrète jusqu'à 107 salmonelles/g A partir de ces résultats, un pro-
pouvoir détecter de salmonelles, alors de fèces (Strauch, 1991). gramme national de surveillance bac-
qu’à 5°C, aucune destruction n’était Il est généralement admis que la plu- tériologique des stations d’épuration
détectable après 62 jours. Dans la pré- part des pathogènes sont réduits pen- devrait être instauré afin d’évaluer la
sente étude, une élimination plus qualité des eaux en fin de processus
dant le stockage de lisier (Findlay,
rapide aurait pu être atteinte si les tas d’épuration ainsi que des boues
1972). La raison en est que les patho-
avaient été placés initialement au d’épuration après traitement stabili-
gènes sont adaptés à croître dans le
printemps ou si un compostage avait sant mais avant épandage.
tube digestif de leurs hôtes et que le
été réalisé. De plus, comme les boues lisier n’est pas adapté à leur survie.
ont subi les effets du gel au début de Le type de lisier, la température de
leur entreposage, la flore compétitrice stockage et le sérotype des salmo-
des salmonelles pourrait avoir été REMERCIEMENTS
nelles peuvent affecter le temps de
réduite, expliquant ainsi la survie des survie qui dépend aussi en grande Les auteurs tiennent à remercier le
salmonelles. En conclusion, avec le partie du nombre de salmonelles pré- Ministère de la Région Wallonne
temps moyen de survie des salmo- sentes au début du stockage (Jones et (Direction Générale de l’Agriculture)
nelles qui a été déterminé dans cette al., 1980). La survie est plus grande à et le Ministère Fédéral de l’Agricul-
étude et si les boues étaient directe- des températures inférieures à 10°C et ture et des Petites Entreprises pour
ment épandues sur le sol sans stoc- dans les lisiers contenant plus de 5 % leur soutien financier au projet inti-
kage stratégique, il n’y aurait théori- de fraction solide (Jones, 1976). Elle tulé « Recherche d’un méthodologie
quement aucun risque, puisque la est plus longue dans les lisiers de pour la mise en place d’une filière
durée d’une grande culture est géné- bovins, intermédiaire dans les lisiers intégrée de production de viande por-
ralement d’au moins six à sept mois, de porc et plus courte dans les fumiers cine Salmonella-free », qui a débuté
ce qui est le délai observé pour ne de volailles (Strauch, 1991). Jones et en février 1999. Ils sont redevables
plus retrouver de salmonelles. collaborateurs (1980) citent encore également à E. Flament, qui a autorisé
Par la source de nutriments qu’elle une étude dans laquelle quelques sal- la collecte des échantillons dans les
représente, la matière organique des monelles ont survécu jusqu’à 150 fermes suivies et à la société Sanofi-
boues est favorable aux micro-orga- jours dans le lisier. Toutefois, 90% diagnostic Pasteur nouvellement inté-
nismes pathogènes. L’activité biolo- d’entre elles étaient mortes dans les grée dans la société Bio-Rad.

308
Influence of a water purification semi-quantitative detection of this only a little decrease of contami-
unit on the contamination level micro-organism. nation levels during the biological
of salmonella in outcoming The water purification unit collects treatment steps, in contrast with
water and sludge waste water of seven food-pro- the one observed during the clari-
cessing industries, including a pig fication step. This was due to
ABSTRACT
slaughterhouse. This latest was adsorption of bacteria by material
Foodborne pathogens occasion- the main source of Salmonella in suspension. Fresh sludge were
ally harboured in the gastro-intes- contamination with a level of more harboured an average of 102 CFU
tinal tract of some domestic ani- 103 colony forming unit (CFU) per of Salmonella per gram.
mals may be retrieved in ml, that was very close to the In the beginning of December
slaughterhouses waste water and average level of contamination of
1999, two sludge piles were let on
in sludge of water purification total incoming waste water. The
the ground along a field and sam-
units. Salmonella, pathogen com- unit, whose principle of action is
pled microbiologically every
mon to man and animals, is often based on biological purification,
month. Seven month later, no
used as a biological risk indicator. has permitted a 4 log10 reduction
The aim of the present study was Salmonella were recovered from
of Salmonella contamination, with
to assess effectiveness of a recent a final contamination level of less the piles.
water purification unit by rapid and than 1 CFU/ml. It was observed

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