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L'évaluation contre la lecture

- La résistance au changement
en didactique de la littérature

Après cinq années passées à accompagner des

enseignants et à les former à une démarche

d'enseignement de la littérature tournée vers les élèves,

nous nous retrouvons devant un bilan paradoxal. D'une

part, les enseignants initiés reconnaissent la pertinence


ous apportons à notre bilan d'accom­
pagnement d'enseignants de cinq de la démarche et ceux qui l'ont mise en œuvre

années deux pistes d'explication: témoignent de son efficacité {Lecavalier et Richard,


1. notre démarche stratégique d'enseigne­ 2010b); d'autre part, une majorité d'enseignants jugent
ment de la littérature (DSEL) bouleverse la que la démarche, malgré sa pertinence, ne s'applique
planification pédagogique et l'organisation du
pas dans leurs cours ou refusent d'emblée la formation
contenu;
proposée.

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l'œuvre. Une troisième phase est consacrée au relevé de

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données dans l'œuvre ainsi qu'à l'analyse et à l'interpré­


tation. La dernière phase consiste à évaluer les résultats
2. une démarche fondée sur l'apprentissage et le déroulement de la démarche.
contrevient aux pratiques évaluatives qui
visent d'abord la réussite scolaire (Cogérino,
2002).
L Es FACTEURS DE RÉSISTANCE: LA RÉORGANISATION
DE LA PLANIFICATION ET DU CONTENU
En préambule, nous présentons succincte­ La DSEL demande davantage de planification de la part du
ment cette démarche, qui a été exposée professeur, mais surtout une planification différente. Le
ailleurs (Lecavalier et Richard, 2010a). contenu doit être organisé suivant l'œuvre et les élèves
La démarche stratégique d'enseignement de la (Jorro, 2009). Ce sont les difficultés de compréhension de
littérature (DSEL) encadre avec souplesse la l'œuvre, anticipées ou constatées, qui déterminent l'orien­
conception d'une multitude de séquences tation, le contenu et la durée des cours magistraux. Par
didactiques pour l'enseignement et l'appren­ exemple, si l'on fait lire un conte du folklore québécois,
tissage de la littérature. Elle convient aux raconté par Louis Fréchette ou Honoré Beaugrand, il faudra
ordres d'enseignement secondaire et collégial, produire un exposé sur le contexte religieux dans le
qui équivalent au collège et au lycée en France. Québec du XIX• siècle, distribuer un lexique d'expres­
La DSEL se structure en quatre phases. La sions du parler paysan et se préparer à aider les élèves à
première phase sert de préparation à la contextualiser ces notions et définitions, en accompa­
lecture, alors que la seconde décrit l'accom­ gnant les équipes et en fournissant une rétroaction forma­
pagnement des élèves durant leur lecture de tive. Si le professeur se rend compte que les équipes

diversité 166 1 0 [l 0 B R E 1 0 11 1 131


u
manquent de temps pour comprendre le cadre
de l'action, il réduit la durée des exposés NE PÉOAGOGIE AXÉE SUR L'ÉVALUATION
magistraux ou il allonge le projet de lecture.
SOMMATIVE ET LA RÉUSSITE
L'enseignement traditionnel, au contraire,
détermine le contenu des cours magistraux La DSEL et, sans doute, toute approche didactique fondée
en partant d'une défmition a priori de ce qu'il sur l'apprentissage par l'élève, se heurte à une pédagogie
faut savoir sur la littérature orale québécoise, actuelle conçue en fonction de l'évaluation et asservie aux
ce qui entraînera le professeur dans un long impératifs de la réussite scolaire à tout prix. Depuis 2003,
historique- généralement plus politique et les institutions des réseaux élémentaire, secondaire et collé­
social que littéraire- consistant à traiter de gial du Québec sont obligées légalement de se doter d'un
plusieurs auteurs et à analyser des procédés plan de réussite scolaire et de le soumettre à un organisme
littéraires caractéristiques. Pour garder l'at­ chargé de l'évaluer. Ainsi, dans le réseau des collèges publics
tention du groupe et s'assurer que l'œuvre est québécois, le taux de réussite en première session est passé
lue, le professeur aura besoin d'un contrôle de de 77,0% à 83,0 % entre 1993 et 2005 et le taux de diplo­
matière et d'un test de lecture, deux modes mation, de 61,2% à 66,7%, entre 1993 et 2000 (Boileau, 2007).
d'évaluation sommative axés sur les connais­ Au secondaire, une commission scolaire comme celle de
sances et insérés dans un échéancier incom­ la région de Sherbrooke s'est donné comme objectif de
pressible. Or, les exposés magistraux durent << diminuer le taux de décrochage de huit points de pour­
souvent plus longtemps que prévu, à cause de centage pour atteindre 26,9% en 2014 ,, (CSRS, 2009, p. 9).
l'enthousiasme du professeur à l'égard de son La réussite et l'évaluation sont qualifiées de« cultures bien
contenu et de la surestimation des connais­ enracinées , (Boileau, 2007). On détermine aussi des objec­
sances historiques des élèves, de sorte qu'une tifs en termes de taux de décrochage ou de réussite pour
partie de la matière du contrôle peut se trou­ des programmes d'études précis ou pour des catégories
ver sous-expliquée. C'est à cette prédomi­ d'élèves. En somme,<< la tendance du ministère de l'Édu­
nance du discours du professeur que se heurte cation, du Loisir et du Sport du Québec (MELS) d'exiger d'at­
notre démarche. teindre un taux de diplomation a alimenté un glissement
En outre, la planification de la DSEL demande de la réussite éducative vers la réussite scolaire. , (Bachand,
de prévoir et d'organiser une tâche en coopé­ Bérubé et Grondin, 2008, p. 6).
ration, qui est requise pour obtenir une
coconstruction de l'interprétation (Brénas et La simulation du contexte des évaluations finales
Bucheton, 2005). Afin que les équipes effec­ Dans la mise en œuvre des plans de réussite, ,, les collè­
tuent un travail de relevé et d'analyse dans ges ont misé sur l'engagement et la créativité de leurs
l'œuvre, il faut les impliquer dans un projet de acteurs , (Boileau, 2007). En clair, les enseignants et les
lecture dont elles se sentent responsables. enseignantes du Québec subissent toutes sortes de pres­
Sinon, les tâches ne sont pas exécutées. C'est sions pour faire réussir les élèves et ils sont confinés dans
justement ce qui se passe avec l'enseignement une position de reddition de comptes. Les récits de profes­
traditionnel de la littérature: les élèves ne seurs que nous avons formés révèlent toutes sortes de
coopèrent pas pour répondre aux question­ mesures restrictives. Ils s'acquittent de leur responsabi­
naires de compréhension ni pour recueillir des lité, souvent, en plaçant les élèves dans le contexte de
données dans l'œuvre. Les professeurs sont 1'évaluation finale afin de mieux les y préparer. De la sorte,
habitués à attribuer des points à ces activités les élèves n'ont plus le temps d'apprendre et ils sont sans
intermédiaires, alors que la DSEL prescrit une cesse évalués. Au lieu d'accorder toute la durée requise
évaluation uniquement formative de la coopé­ par une activité d'apprentissage, les enseignants la limi­
ration. Si les professeurs font compter le travail tent à celle prévue pour l'épreuve finale. Ils ne divulguent
en équipe, les équipes cessent d'interpréter pas le sujet de dissertation avant le tout dernier moment.
l'œuvre, but ultime du projet, pour se concen­ Ils interdisent aux élèves d'utiliser la documentation d'ap­
trer sur la tâche immédiate qui leur procurera point, comme leurs notes de cours, voire le texte entier
des notes. de l'œuvre, si l'évaluation porte sur un extrait.

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À l'inverse, certains professeurs trouvent leurs cognitives des élèves les moins performants, ce qui se
élèves tellement démunis devant l'œuvre répercute sur<< le registre de la construction subjective de
qu'ils leur révèlent les réponses et les évaluent l'adolescent et des conflits identitaires et sociaux dans
seulement sur leur capacité à les consigner lesquels il se sent pris » (Bautier et Goigoux, p. 98).
par écrit. Ils n'évaluent plus alors la lecture
littéraire, mais << la capacité de produire un L'instrumentalisation de la littérature
texte complexe qui rende compte d'une Dans une pédagogie centrée sur la mesure et l'évalua­
manière linéaire d'une lecture à plusieurs tion, l'enseignement de la littérature transforme la lecture,
niveaux •• (Dufays, Gemenne, Ledur, 2009, activité subjective où le lecteur se projette dans l'œuvre,
p. 324). Ces mesures n'aident pas vraiment les en une tâche fastidieuse de collecte de données. Les
élèves en difficulté, mais on se donne l'illu­ œuvres servent de prétexte à l'étude de la langue, des
sion du développement des compétences, courants, de l'histoire littéraire, des procédés littéraires. On
alors qu'il s'est agi seulement de réaliser une assiste à une technicisation des savoirs littéraires
performance. On améliore la réussite scolaire, (Lecavalier et Richard, 2010), sans signification pour l'élève
oui, mais peut-on parler de réussite culturelle? et sans lien avec l'œuvre. Les tâches ou les questions
<< Les tâches ne permettent pas d'évaluer les portent sur le texte et excluent son effet sur l'élève
compétences » (Cogérino, 2002, p. 30), parce (Dumortier, 1994). Faire de la littérature se résume à analy­
que le respect de ces contraintes arbitraires ser des figures de style, des thèmes, des rimes ou des
ne figure pas dans le référentiel des compé­ procédés narratifs. L'élève ne perçoit aucun rapport avec
tences. C'est ainsi qu'on accorde un diplôme<< au son identité personnelle et il n'a pas à interpréter l'œuvre
rabais» et qu'on<< démocratise» l'école. Or, l'élève lui-même, ce dont le professeur se réserve le privilège,
de milieu défavorisé, au contraire de l'élève de (Baudelot, Cartier, Detrez, 1999, cités par Butlen, 2010). Au
classe moyenne, n'a pas accès, grâce à sa secondaire, on fait souvent lire n'importe quoi, pourvu
famille, à la culture légitimée qui lui permet­ que les jeunes lisent cinq œuvres par an, tel que le pres­
trait de compenser pour cette lacune scolaire crit le programme; mais ces lectures restent peu ou pas
et d'évoluer ensuite avec aisance en société. exploitées. Au lieu de la tendance élitiste des collèges,
Son diplôme ne favorise pas son insertion c'est là l'approche égalitariste qui prévaut, la littérature
sociale et professionnelle. de masse prédominant sur la littérature légitimée,
(Dezutter, Morissette, Bergeron, Lalumière, 2005).
La fragmentation des apprentissages
En plus de multiplier les évaluations somma­ L'insignifiance des tests et questionnaires
rives, la pédagogie traditionnelle morcelle les Il importe d'offrir à l'élève une occasion de s'exprimer bbre­
apprentissages. C'est la seule façon qu'elle ment à propos de la lecture littéraire qu'il a menée à terme
connaît de conférer à l'évaluation une appa­ (Grossman, 1995). Notre démarche demande au professeur
rence d'objectivité, ce que Tardif compare à la de recueillir les impressions de lecture de la classe. Or, l'en­
tentative << de créer une vidéographie à partir seignement axé sur l'évaluation sommative se place au
de photographies disparates » (2006, p. 131). Il départ dans une logique de bonne ou de mauvaise réponse.
préconise une<< évaluation éthique et équita­ Le professeur a créé un test de lecture ou un questionnaire
ble» (p. 129) des compétences. La critique de la de compréhension dont le corrigé est fixé d'avance. Il inter­
<< pédagogie du saucissonnage» remonte à 1980 dit la coopération par crainte du plagiat. Ces instruments
(De Ketele, 1993, p. 64), mais les procédures insignifiants compromettent le plaisir de lire (Dumortier,
d'évaluation ne sont pas objectives (Cogérino, 1991) et contrôlent la lecture au lieu de vérifier la compré­
2002; }orro, 2000) : << Deux professeurs sur cinq hension et de développer l'interprétation. Quant au test de
pensent qu'il y a manque de rigueur dans les lecture, les élèves sont laissés à eux-mêmes et leur façon
pratiques d'évaluation de beaucoup d'ensei­ de s'y préparer ne repose pas sur la relecture de l'œuvre,
gnants. » (Howe et Ménard, 1994, p. 25). Ces mais sur des techniques de bachotage ou de copiage. Ayant
évaluations fragmentées se caractérisent pour­ anticipé cela, le professeur, enfermé dans une logique du
tant toutes par leur accent sur les difficultés chat et de la souris, invente des questions toujours plus

d.J.vemlœ 1.66 1 � E Ill 0 Rl iD l1


éloignées du sens profond de l'œuvre, au point département interdit tel genre de pratique,- voilà le type
qu'un élève qui a lu celle-ci peut échouer au de remarques émises, qui révèlent diverses représenta­
test de lecture. tions ou attitudes à examiner.
En premier lieu, certains enseignants considèrent comme
la gestion autoritaire de la classe leur devoir d'assumer un rôle prépondérant. Ils ont un
Dans l'enseignement axé sur l'évaluation, les programme à couvrir et ils jugent leur responsabilité exer­
élèves ne sentent pas qu'ils contrôlent leur cée quand ils ont transmis les connaissances. Ils ne se
apprentissage et leur réussite, mais bien qu'ils remettent pas en question lorsque leurs élèves ne les
sont soumis à l'autorité du professeur, souvent acquièrent pas, mais ils se plaignent, alors, que le
perçue comme arbitraire. Faire de la discipline programme est trop chargé. Les changements pédago­
s'appelle maintenant- langue de bois oblige giques qu'ils envisagent consistent à perdre moins de
-gérer sa classe, mais il s'agit du même refus de temps avec des activités de coopération qui, de toute façon,
partager le pouvoir, de lâcher prise, de laisser place ne donnent pas les résultats escomptés et à consacrer plus
aux discours des élèves. Or, la DSEL, ainsi que de temps encore au cours magistral. Ce type d'enseignants
toute approche didactique centrée sur l'élève, n'a toujours pas compris que le passage au paradigme de
demande au professeur de construire sa crédi­ l'apprentissage modifie en profondeur leur rôle.
bilité auprès de chacun de ses groupes, ce qui Cette représentation s'accompagne souvent, surtout dans
s'obtient par la transparence et par la les collèges québécois, d'une conception de la responsa­
confiance dans les élèves et leurs capacités bilité culturelle qui amène les professeurs à vouloir trans­
d'apprendre. Les nouveaux élèves de la géné­ mettre le plus de connaissances littéraires possible.
ration « C , (Cefrio, 2011) sont branchés en Plusieurs trouvent inconcevable de donner à lire seule­
permanence et multitâches; ils peuvent utili­ ment deux œuvres complètes en une session de quinze
ser leurs appareils de communication partout, semaines, comme le recommande la DSEL. Ils en font lire
sauf dans la salle de classe, parce que la péda­ trois, quatre si possible, alors que d'autres utilisent une
gogie tarde à les intégrer. Cependant, quand anthologie et voient le plus d'extraits qu'ils peuvent. Ils
une démarche d'enseignement comme la perçoivent les élèves comme non cultivés, de sorte qu'ils
DSEL laisse les élèves prendre des initiatives, leur<< bourrent le crâne>>.
ils se servent des technologies pour la tâche Au secondaire, on prétexte plutôt qu'ils ne possèdent pas
de lecture et d'analyse en cours. les connaissances préalables à l'étude de la littérature, ce
qui justifie qu'on n'en fasse pas ou peu. Cette vision de la

D ES REPRÉSENTATIONS ET DES ATTITUDES culture comme un bagage encyclopédique correspond à


deux types de rapports à la culture que Falardeau et
À MODIFIER Simard (2007) ont qualifiés respectivement de scolaire et
Ce bilan analytique de nos efforts de forma­ d'instrumentaliste. Par opposition, la DSEL propose au
tion des professeurs montre qu'il ne suffit pas professeur de considérer la littérature comme une
de critiquer l'enseignement traditionnel de la pratique culturelle qui sert aux élèves à construire leur
littérature et de leur proposer de nouvelles identité personnelle et sociale.
pratiques didactiques et pédagogiques. Les Un troisième type de représentations et d'attitudes
professeurs que nous formons s'avèrent concerne le rapport des enseignants à l'autorité et aux
souvent volontaires, de bonne foi et ouverts pairs. L'enseignement de la littérature n'est pas circons­
au changement; ils reconnaissent générale­ crit seulement par des pratiques inhérentes à la salle de
ment le bien-fondé de la critique de la péda­ classe, mais par des normes administratives qui vont des
gogie en vigueur et n'essaient pas de nier l'au­ programmes ministériels jusqu'aux règles départemen­
thenticité des témoignages de professeurs et tales ou d'équipes de cours ou d'école.
d'élèves que nous citons. Leurs objections et L'attitude conformiste dite << politiquement correcte >>

leurs réticences relèvent d'un autre ordre: amène le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport
<< Cela ne marchera pas chez nous "• <
< Cela (MELS) du Québec ou certaines directions de collèges ou
n'entre pas dans mon échéancier "• <<Mon d'écoles à interdire la lecture d'œuvres littéraires au
contenu trop explosif, c'est-à-dire sexuel, reli­ professeurs et limitent les innovations pédagogiques, au
gieux, politiqUe, raciste, sexiste ou qui aborde point qu'on peut se demander si ces règles ne servent pas
des thèmes comme la violence, la drogue et à éviter chez les élèves la comparaison entre leurs profes­
le suicide. Les éditeurs d'ouvrages scolaires seurs. Bref, le conformisme et la résistance à l'autorité
tremblent d'être censurés par le Bureau d'ap­ jouent une partie complexe, pleine d'enjeux stratégiques
probation du matériel didactique du MELS. Des qui influencent les conditions de travail et qui causent un
directions ou des enseignants ont peur des stress important, en particulier pour les nouveaux profes­
réactions des parents ou des médias. seurs, souvent les plus susceptibles de s'inscrire à nos
L'administration scolaire s'ingère dans les formations.
décisions des enseignants concernant les révi­ Par opposition, les attitudes essentielles à la mise en
sions de notes, les retraits de milieux de stage œuvre de la DSEL comportent le sentiment de compé­
et les contextes d'évaluation. Dans un tel tence, la confiance en soi, le goût de prendre des risques
contexte, il faut de l'audace à un professeur et l'ouverture au changement. Le professeur qui se lance
pour se lancer avec ses élèves dans un projet avec ses élèves dans un projet de lecture doit accepter de
de lecture d'une œuvre significative qui susci­ se donner le droit à l'erreur, mettre la barre à une hauteur
tera des débats impossibles à prévoir et à optimale, et non pas maximale, et se résigner à ne pas
· contrôler entièrement. Dans cette logique de tout réussir du premier coup.
prudence et de reddition de comptes, il est
ardu aussi de laisser place à la subjectivité du
lecteur ou de la lectrice.
L A FORMATION CONTINUE
Avec l'approche par compétences, le ministère Même si le système d'éducation québécois fait actuelle­
a axé l'enseignement sur le paradigme de l'ap­ ment en sorte que tout est conçu en fonction de l'éva­
prentissage, mais le système d'évaluation n'a luation, il demeure possible de changer les pratiques par
pas pris le même virage. Au secondaire, le MELS la formation continue, par l'accompagnement, par le
vient de rétablir les bulletins avec des notes, réseautage. La dialectique théorie-pratique, qui sous-tend
discréditant ainsi les intervenants qui préco­ notre formation continue, permet d'agir sur les repré­
nisaient plus d'évaluation formative et une sentations des professeurs et de les persuader de s'enga­
évaluation certificative moins dévalorisante ger dans une démarche de transformation des pratiques.
pour les élèves en situation difficile. Cette volte­ Cette formation ne doit pas heurter les résistances des
face devient ainsi pour plusieurs une bonne enseignants (Bourguignon, Delahaye etVicher, 2005), mais
raison de ne pas changer leurs pratiques d'en­ les inviter à autoévaluer leurs pratiques.
seignement. Au collégial, les départements de Notre démarche ne constitue pas la seule voie de sortie du
français se sont dotés de règles internes plus paradigme de l'enseignement. Il se mène actuellement
contraignantes que les devis ministériels défi­ dans le réseau québécois de l'éducation plusieurs inno­
nissant les cours de formation générale. Ces vations qui se font lentement connaître par toutes sortes
décisions ont été prises souvent au terme de de plates-formes, de lieux d'échanges ou de tribunes. Nous
débats déchirants et de conflits persistants, qui encourageons toutes les pratiques d'enseignement qui
reflètent des tendances pédagogiques ancrées. ne se présentent pas comme une recette à reproduire,
Ainsi, bien que l'obligation d'enseigner l'his­ sûrs que les discussions et la réflexion sur nos gestes
toire littéraire soit supprimée depuis 2000, la professionnels finiront par rendre la littérature signifiante
plupart des collèges continuent à en faire l'axe pour nos élèves.
organisateur du contenu des trois cours de
littérature. Des règles d'évaluation prescrivent 1 JACOUES LECAVAUER.
des éléments didactiquement cruciaux comme Enseignant de francais au collège de Valleyfield. docteur en éducation.
le nombre d'œuvres à faire lire, le choix des chercheur en didactiQue du francais
œuvres, le contexte d'évaluation sommative,
la quantité d'évaluations, etc. Des plans de 1 SUZANNE RICHARD
cours-cadre sont imposés aux nouveaux Profemure Université de Sherbrooke

divérsité 166 1 u n � B fl f 10T1 1 :US


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