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commentairecompose.fr/le-malade-imaginaire-acte-1-scene-6/
En annonçant marier sa fille Angélique au médiocre fils d’un médecin, Argan suscite la
résistance comique de sa servante, Toinette. Leur conflit épuise Argan. Dans l’acte I scène
6, Béline, sa seconde femme et belle-mère d’Angélique, vient le réconforter.
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ARGAN.- Ah ! ma femme, approchez.
ARGAN.- Mamie.
ARGAN.- Votre coquine de Toinette est devenue plus insolente que jamais.
ARGAN.- Elle a contrecarré une heure durant les choses que je veux faire.
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BÉLINE.- Mon Dieu, mon fils, il n’y a point de serviteurs, et de servantes qui n’aient
leurs défauts. On est contraint parfois de souffrir leurs mauvaises qualités, à cause des
bonnes. Celle-ci est adroite, soigneuse, diligente, et surtout fidèle [i] ; et vous savez
qu’il faut maintenant de grandes précautions pour les gens que l’on prend. Holà,
Toinette.
TOINETTE.- Madame.
BÉLINE.- Pourquoi donc est-ce que vous mettez mon mari en colère ?
TOINETTE, d’un ton doucereux.- Moi, Madame, hélas ! Je ne sais pas ce que vous me
voulez dire, et je ne songe qu’à complaire à Monsieur en toutes choses.
ARGAN.- Ah ! la traîtresse.
TOINETTE.- Il nous a dit qu’il voulait donner sa fille en mariage au fils de Monsieur
Diafoirus ; je lui ai répondu que je trouvais le parti avantageux pour elle ; mais que je
croyais qu’il ferait mieux de la mettre dans un couvent.
ARGAN.- Ah ! mamour, vous la croyez ; c’est une scélérate. Elle m’a dit cent
insolences.
BÉLINE.- Hé bien je vous crois, mon ami. Là, remettez-vous. Écoutez, Toinette, si
vous fâchez jamais mon mari, je vous mettrai dehors. Çà, donnez-moi son manteau
fourré, et des oreillers, que je l’accommode dans sa chaise. Vous voilà je ne sais
comment. Enfoncez bien votre bonnet jusque sur vos oreilles ; il n’y a rien qui enrhume
tant, que de prendre l’air par les oreilles.
ARGAN.- Ah ! mamie, que je vous suis obligé de tous les soins que vous prenez de
moi.
BÉLINE, accommodant les oreillers qu’elle met autour d’Argan.- Levez-vous que je
mette ceci sous vous. Mettons celui-ci pour vous appuyer, et celui-là de l’autre côté.
Mettons celui-ci derrière votre dos, et cet autre-là pour soutenir votre tête.
TOINETTE, lui mettant rudement un oreiller sur la tête, et puis fuyant.- Et celui-ci pour
vous garder du serein.
ARGAN se lève en colère, et jette tous les oreillers à Toinette.- Ah ! coquine, tu veux
m’étouffer.
ARGAN, tout essoufflé, se jette dans sa chaise.- Ah, ah, ah ! je n’en puis plus.
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BÉLINE.- Pourquoi vous emporter ainsi ? Elle a cru faire bien.
ARGAN.- Pour tâcher de reconnaître l’amour que vous me portez, je veux, mon cœur,
comme je vous ai dit, faire mon testament.
BÉLINE.- Ah ! mon ami, ne parlons point de cela, je vous prie, je ne saurais souffrir
cette pensée ; et le seul mot de testament me fait tressaillir de douleur.
BÉLINE.- Hélas ! mon ami, quand on aime bien un mari, on n’est guère en état de
songer à tout cela.
Problématique
Comment l’apparition de Béline, l’affectueuse épouse d’Argan, révèle-t-elle son caractère
hypocrite et intéressé, opposé à la sincérité impertinente de Toinette ?
Puis, dans une deuxième partie, de « “Madame » à « pour vous garder du serein.” »,
l’ingénieuse Toinette parvient à ranger Béline de son côté.
Enfin, dans une troisième partie, de « Hé là, hé là ! » à la fin de la scène, Argan veut
récompenser Béline dans son testament
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La scène s’ouvre sur l’interjection exclamative « Ah ! », par laquelle Argan exprime sa
souffrance.
Celle-ci, par l’adjectif qualificatif « pauvre », considère d’emblée Argan comme une victime,
alors qu’il est le maître de maison. Cet écart antithétique est comique.
Argan est si bouleversé qu’il ne parvient pas à exprimer la cause de sa souffrance et appelle
à l’aide de manière paroxystique, comme si sa vie était en jeu : « “Venez-vous en ici à mon
secours.” » Cette réplique parodie la tragédie et tourne le personnage en ridicule.
Béline s’adresse à Argan avec des expressions qui l’infantilisent et le dévirilisent : « “mon
petit fils ”»). Ces appellations illustrent l’incapacité d’Argan à se gérer.
S’ensuivent des apostrophes amoureuses que les époux s’échangent avec une lourdeur
niaise et plaisante, ce qui rend le couple parodique.
Notons par exemple l’allitération en « m », comique ici car elle fait entendre un
marmottement infantile : « “Ma mie ! », « Mon ami ! », « me mettre en colère.” »
Incapable de gérer les conflits qui surgissent en son foyer, l’époux en appelle donc à sa
femme, comme un enfant demandant à ce que soit châtié celui qui l’aurait offensé : « “Votre
coquine de Toinette est devenue plus insolente que jamais.” »
Béline invite son mari au calme, soulignant le caractère incontrôlable des passions d’Argan :
« “Ne vous passionnez donc point.” »
Argan n’a cependant de cesse de justifier sa colère avec impuissance : « “Elle m’a fait
enrager » , « elle a contrecarré » , « a eu l’effronterie” » .
La réplique « “Et a eu l’effronterie de me dire que je ne suis point malade. ”» met en relief
l’absurde volonté d’Argan d’être malade.
Béline donne raison à son époux malgré l’aberration de son discours, comme une mère
consolatrice : « “c’est une impertinente » , « Oui, mon coeur, elle a tort” » . Elle ne cherche
pas à le raisonner mais uniquement à aller dans son sens pour l’apaiser.
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Argan va alors plus loin dans son accusation : « “M’amour, cette coquine-là me fera
mourir.” » Cette assertion hyperbolique fait rire le spectateur qui sait que Toinette œuvre
justement contre l’hypocondrie de son maître.
Argan veut par conséquent chasser Toinette, comme un despote : « “je vous dis de me la
chasser” » .
Béline s’oppose à cette décision en une réplique portant sur les mœurs des serviteurs et
servantes, dont elle reconnaît les « défauts », tout en soulignant les qualités de Toinette,
« “adroite, soigneuse, diligente, et surtout fidèle” ».
Cette réplique exprime l’ambivalence du regard que les maîtres portaient sur leur
personnel, entre défiance et reconnaissance.
Le discours indirect (« “il nous a dit que » , « je lui ai répondu que” » ) donne l’impression
d’un propos sincèrement rapporté, alors que le spectateur a assisté à la franchise
agressive de Toinette dans la scène précédente.
Par la proposition « “mais que je croyais qu’il ferait mieux de la mettre dans un couvent » ,
”la servante montre ici toute son habileté car cette suggestion attise la vénalité de Béline, la
mettant ainsi de son côté.
Béline donne en effet immédiatement son assentiment à cette suggestion : « “Il n’y a pas
grand mal à cela, et je trouve qu’elle a raison” » .
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Indifférente aux « “cent insolences ”» de Toinette à l’égard d’Argan, Béline continue à
chercher l’apaisement : elle rappelle à Toinette ses devoirs et « “accommode dans sa
chaise” » son époux hypocondriaque qu’elle infantilise pour mieux le maîtriser.
Argan, plein de tendresse (« “Ah ! ma mie, que je vous suis obligé de tous les soins que
vous prenez de moi !” »), ne remarque pas que son hypocondrie le rend dominable et
manipulable.
Béline arrange les oreillers autour de son époux. La répétition du pronom démonstratif
« celui-ci« et l’allitération en « s » est comique car elle exagère l’affection infantilisante de
Béline : « “que je mette ceci sous vous. Mettons celui-ci pour vous appuyer, et celui-là de
l’autre côté. Mettons celui-ci derrière votre dos, et cet autre là pour soutenir votre tête.” »
Toinette brise les cajoleries de Béline en « “mettant rudement un oreiller sur la tête” »
d’Argan, qui jette « “tous ses oreillers à Toinette, qui s’enfuit.” »
Cette cassure d’une relation affectueuse par un geste violent et extérieur est d’un comique
farcesque.
(De « “Hé là, hé là ! Qu’est-ce que c’est donc ?”» à la fin de la scène)
Béline, qui n’a pas vu le geste de Toinette, s’étonne vivement (« “Qu’est-ce que c’est
donc ? ”») tandis qu’ Argan se jette dans sa chaise « “tout essouffl锫 , avec impuissance.
Cette scène mouvementée est particulièrement farcesque et plaisante à voir.
Les époux sont ridiculisés par leur incapacité à régir leur espace domestique.
Argan prévoit que la médecine pourra l’apaiser : « “il faudra plus de huit médecines et de
douze lavements pour réparer tout ceci. ”» Ce dénombrement des remèdes est comique
car il dénote une approche quantitative et non qualitative de la médecine.
Mais l’hypocondriaque se console également en son épouse : « “Ma mie, vous êtes toute ma
consolation.” » Plutôt que d’un couple, il s’agit d’une relation parentale hiérarchisée
(« “Pauvre petit fils ! ”»).
Paradoxalement, c’est le fils qui entend rétribuer l’amour de sa mère : «“ je veux, mon cœur,
comme je vous ai dit, faire mon testament. ”»
Béline feint tout d’abord la peine à l’annonce de cette récompense, en s’exprimant de façon
hyperbolique : « “le seul mot de testament me fait tressaillir de douleur. ”» Le verbe
« tressaillir » suggère une émotion forte que le spectateur pourrait associer à de la joie si
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Béline ne précisait pas qu’il s’agit de douleur.
Mais de manière comique, Béline a déjà fait venir son notaire comme le souligne le
présentatif : « “Le voilà là-dedans” » .
Béline prétend : « “quand on aime bien un mari, on n’est guère en état de songer à tout
cela.” » .
Mais son empressement contredit ses paroles et trahit son intérêt pécuniaire.
Toinette se caractérise au contraire par son sincérité effrontée. Argan est entourée par deux
femmes qui, chacune à leur manière, le protègent tout en profitant de sa faiblesse.
C’est dans l’acte III scène 12 qu’Argan ouvrira les yeux sur Béline grâce à une ingénieuse
mise en scène de Toinette.
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