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Cours de Ponts : Les appuis de ponts M.R.

Soltani

CHAPITRE 6
LES APPUIS DES PONTS

6.1. Introduction
La conception des piles et des culées est tributaire du type et du mode de construction du
tablier, du type du mode d’exécution des fondations, et de certaines contraintes naturelles ou
fonctionnelles liées au site. Un projet de pont ne débute pas par l’étude du détail du tablier.
Dans la plupart de cas, on commence par implanter les appuis extrêmes, c’est-à-dire les
culées. Une fois ces culées implantées, on connait la longueur totale de la brèche à franchir, ce
qui permet d’esquisser diverses solutions : de ces esquisses découlera la position des appuis
intermédiaires éventuels. Par la suite, il faut examiner si, du point de vue géotechnique cette
position est convenable, sinon il convient de déplacer les appuis, ce qui peut entraîner un
changement de l’emplacement ou du type des appuis et par conséquent du type du tablier.

6.2. Culées
Les culées sont les appuis aux extrémités d’un pont qui ont pour fonction de :
- soutenir le poids du tablier et du trafic (effort vertical) et le transmettre au sol de fondation
dans les meilleures conditions possibles ;
- résister aux efforts horizontaux dus à la structure de l’ouvrage et limiter les déplacements
horizontaux en tête, de façon à ne pas entraver le fonctionnement des appareils d’appui ;
- limiter les déplacements verticaux (tassements) ;
- permettre souvent l’accès à l’intérieur de l’ouvrage ;
- permettre de faire passer des conduites ou des canalisations à l’intérieur du tablier.
On peut différencier 5 types de culées principales, les culées enterrées, remblayées, creuses,
en parois de soutènement ou encore en terre armée.

6.2.1. Les culées enterrées


Les culées enterrées sont celles dont la structure porteuse est noyée dans le remblai d’accès à
l’ouvrage ou en tête de déblai. Elles assurent essentiellement une fonction porteuse car elles
sont relativement peu sollicitées par des efforts horizontaux de poussée des terres. C’est vers
ce type de culée que le projeteur doit s’orienter au début du processus d’élaboration d’un
projet de pont.

6.2.1.1. Implantation
Une culée enterrée suppose une implantation en retrait par rapport aux limites extrêmes de
l’obstacle ou de la brèche à franchir, du fait de la présence des talus des remblais. Il en résulte
un allongement du tablier par rapport à ce qui serait strictement nécessaire en cas d’emploi,
par exemple, de culées remblayées. Mais cet allongement est généralement largement
compensé, au plan économique, par l’économie réalisée en disposant des culées enterrées,
dont la conception et la réalisation sont plus simples. La figure 6.1 montre des exemples
d’implantation des culées enterrées.
En général, les remblais sont talutés à 3/2 (3 horizontalement pour 2 verticalement).

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Fig. 6.1. Culées enterrées dans un remblai ou en tête de déblai

Si l’ouvrage franchit un cours d’eau, il convient de ménager une distance suffisante d’au
moins 2m entre la berge et le pied du talus. Cette distance doit être appréciée en fonction de la
tenue de la berge (au sens de la mécanique des sols) ou eu égard à d’éventuels problèmes
d’affouillement et de débouché du cours d’eau.

Fig. 6.2. Culée enterrée dans le cas d’un pont franchissant un cours d’eau

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6.2.1.2. Morphologie
Dans le cas d’un ouvrage en déblai, la tête de culée est implantée en phase définitive, au
voisinage de la crête du talus. En éliminant le cas où le talus est rocheux, la solution la plus
classique consiste à fonder le sommier d’appui sur des pieux, métalliques battues ou forés, en
béton armé, disposés en une (cas rare) ou deux files parallèles.

Fig. 6.3. Exemples de culées enterrées sur pieux

Dans le cas des ouvrages en remblai, il existe deux types de culées enterrées selon qu’elles
sont fondées superficiellement ou qu’elles nécessitent des pieux ou des barrettes moulés
dans le sol.
Si le sol en place est peu compressible et présente une bonne capacité portante, on fonde la
culée sur une semelle soit directement, soit par l’intermédiaire d’un massif de gros béton de
volume raisonnable (figure 6.4).

Fig. 6.4. Exemples de culées enterrées fondées superficiellement

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Un autre exemple de culée enterrée, qu’on appelle également pile-culée (figure 6.5) pour un
petit ouvrage de type pont-dalle. Le remblai est déposé par l’arrière puis compacté. Il en
résulte une dissymétrie dans le traitement du remblai entre l’avant et l’arrière, d’où des
poussées des terres qui peuvent ne pas être négligeables.

Fig. 6.5. Pile-culée

Dans le cas des grands ouvrages, on peut adopter une culée fondée sur une semelle et dont
laquelle la tête de culée repose sur des voiles robustes placés sous les appareils d’appui. Le
mode de construction de ces culées est différent du précédent. On commence par exécuter la
semelle et les voiles puis on vient déposer et compacter le remblai à l’arrière, à l’avant et
entre les deux voiles. Une fois cette phase achevée, on confectionne le sommier d’appui et
confectionne le tablier. Ce n’est qu’une fois ce dernier achevé que le mur garde-grève est
érigé et que l’on procède à la dernière phase de remblaiement.

Fig. 6.6. Culées enterrées fondées superficiellement par l’intermédiaire de voiles

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Lorsque le sol en place est de mauvaise qualité sur une profondeur telle qu’il ne soit pas
économique de le purger ou de l’excaver pour faire une fondation massive il convient à
recourir à une fondation sur pieux comme il est illustré sur la figure 6.3. Les éléments de
fondation, selon la descente de charge et l’intensité des efforts horizontaux liés à la poussée
des terres due à la dernière phase de remblaiement, pourront être des pieux métalliques battus,
des pieux forés en béton armé ou des barrettes moulés dans le sol. Les phases successives de
construction de la culée sont :
-forage ou exécution des pieux à travers le remblai ;
- confection du sommier d’appui à la côte voulue ;
- exécution du tablier ;
- construction du mur garde-grève
-exécution du remblai derrière le mur garde-grève.

6.2.1.3. Eléments de Prédimensionnement


a) Sommier
Pour les culées fondées superficiellement, et dans le cas où le tablier est de portée(s)
modeste(s), l’épaisseur du sommier est couramment de l’ordre de 0.6 à 0.7 m lorsque les
éléments porteurs sont directement sous les appareils d’appui et peut atteindre 0.9 m à 1 m si
les appareils d’appui sont un peu décalés. Dans le cas des grands ouvrages d’art, l’épaisseur
du sommier varie de 0.6 m à 1.2 m selon la distance entre les voiles porteurs, ou on peut
retenir une épaisseur une épaisseur correspondant à un élancement de l’ordre de 1/6 par
rapport à la portée du sommier entre axes de voiles voisins.
Dans le cas de culées fondées sur pieux, l’épaisseur du sommier est de l’ordre de 1.2 fois le
diamètre des pieux et son débord doit être d’un demi-diamètre. Dans la grande majorité des
cas, il pourra être utile de disposer plus de pieux sur la file avant que sur la file arrière ou, si
les deux files comportent le même nombre de pieux, de ne pas les mettre les uns en face des
autres pour limiter la distance entre les deux files.

Fig. 6.7. Exemple de disposition des pieux sous culée

b) Voiles porteurs
En ce qui concerne les culées enterrées des grands ouvrages, fondées superficiellement, les
voiles porteurs doivent être robustes. Leur épaisseur peut être prise égale à :

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 h
e  Max  0.6m; 
 8
h en mètres

La largeur des voiles est égale à celle du sommier à leur partie supérieure. Cette largeure va
augmenter vers la base ; elle est souvent égale à celle de la semelle diminuée d’un débord
arrière de 0.1 à 0.3 met d’un débord avant variant de 0.5 à 1m.

c) Murs en retour
Pour tenir latéralement les terres en tête des culées enterrées, celles-ci sont munies de petits
murs en retour suspendus, liés au mur garde-grève. La présence de ces murs ne correspond
pas à une nécessité mécanique ou fonctionnelle, mais elle résulte d’une intention d’ordre
architecturale de faire apparaitre partiellement la structure des appuis d’extrémités.
Dans les cas courants, leur épaisseur est comprise entre 30 et 40 cm, on peut descendre
jusqu’à 20 cm pour les très petits des piles culées d’ouvrages courants. Par ailleurs, le dessin
des murs en retour doit être tel que leur partie inférieure soit enterrée d’au moins 50 cm dans
le talus (côté extérieur). Enfin pour pouvoir poser des éléments de corniche préfabriqués, on
augmente généralement leur épaisseur en tête (50 à 60 cm).

Fig. 6.8. Exemple de mur en retour d’une culée enterrée

6.2.2. Les culées remblayées


6.2.2.1. Morphologie générale
Une culée remblayée est constitué par un ensemble de murs ou voiles en béton armé. Sur l’un
d’entre eux, appelé mur de front, s’appuie le tablier de l’ouvrage ; les autres sont les murs
latéraux, appelés murs en aile ou mur en retour selon qu’ils ne sont pas ou qu’ils sont

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parallèles à l’axe longitudinal de l’ouvrage. La figure 6.9 donne le schéma d’une culée
remblayée

En retour En retour En aile


encastré indépendant indépendant

Fig. 6.9 Schémas type d’une culée remblayée et des murs en retour et en aile

Une culée remblayée assure à la fois une fonction porteuse et une fonction de soutènement du
remblai. Elle subit de ce fait une poussée des terres.
La cinématique de construction d’une culée remblayée est la suivante. Après exécution de la
fondation, on confectionne le mur de front jusqu’au redan horizontal et la partie
correspondante des murs en retour. Puis on remblaie la culée jusqu’à cette hauteur. En
général, l’effort stabilisateur apporté par le tablier étant absent et la poussée des terres étant
nettement moins forte qu’une fois la culée achevée, la fondation subit un déséquilibre vers
l’arrière à la fin de cette phase. Selon la phase de chantier considérée, il peut y avoir
modification du sens de déséquilibre des efforts. Les culées remblayées sont généralement
fondées sur une fondation superficielle, ce qui suppose un sol de fondation de très bonne
qualité. Elles peuvent aussi être fondées sur des pieux ou sur des barrettes moulées.

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Une culée remblayée ne peut se concevoir que pour une hauteur limitée à une dizaine de
mètres. Au- delà, il est certainement plus économique, globalement d’allonger le tablier et de
passer à des culées à des culées enterrées qui, elles s’adaptent pratiquement à des hauteurs de
remblai quelconques.
Les murs en aile, du fait de leur taille et de leur implantation, sont généralement désolidarisés
du mur de front. Il s’ensuit qu’ils ne peuvent offrir un effet stabilisateur à la culée comme les
murs en retour. Ces derniers, sont don, dans la majorité des cas, préférables.

6.2.2.2. Implantation
L’implantation d’une culée remblayée est assez aisée : on place le parement vu du mur de
front au bord de l’obstacle à franchir ; on dessine ensuite la tête de culée en respectant les
contraintes fonctionnelles et mécaniques, puis on fait passer la trace du remblai d’accès,
talutée à 3/2 par le pied du mur de front au niveau du terrain naturel, à l’avant de la culée, et
en observant une revanche de l’ordre de 50 cm à 1 m. On en déduit alors la géométrie des
murs en retour pour lesquels on prévoit une garde d’au moins 1 m sous la trace du remblai
pour éviter le phénomène de « renard » solide. A noter que les remblais d’accès se termine en
quart de cône dont le sommet doit être placé à une distance R de l’extrémité du mur en retour
supérieure à 50 cm.

Fig. 6.10. Implantation d’une culée remblayée

6.2.2.3. Prédimensionnement
a) Le mur de front
Le mur de front est un voile épais dont l’épaisseur courante varie de 0.8 à 1.2 m selon la
hauteur. Le débord du nu du mur par rapport au nu des appareils d’appui ne doit pas être
inférieur à une vingtaine de centimètres.

b) Les murs en retour


Les murs en retour sont des voiles d’épaisseur constante sauf, éventuellement en partie
supérieure pour l’accrochage des corniches ou la fixation d’éventuelles barrières. Ils sont
encastrés à la fois sur le mur garde-grève, le mur de front et la semelle dans sa partie arrière.

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La longueur de la partie libre ne doit pas dépasser 7 à 8 m. L’épaisseur des murs varie entre
30 cm et 45 cm.

6.2.3. Les culées creuses


On appelle couramment culée creuse une culée comportant un mur de front, des murs en
retour et un platelage supérieur, formant une « boite » renversée, dans laquelle le remblai est
talutée de façon à ne pas pousser sur le mur de front. La figure 6.11 montre un exemple d’une
culée creuse.

Fig. 6.11. Schéma de constitution d’une culée creuse

Par le passée les culées creuses prenaient le relai des culées remblayées pour les grandes
hauteurs de terres. En fait il s’agissait de prolonger l’ouvrage de franchissement principal par
de petits ouvrages de façon à ne pas trop allonger le premier. En effet, elles permettent de le
raccourcir d’environ 6 à 7 m par culée. L’inconvénient majeur de cette technique est la
conception d’un second ouvrage, qui est intégral, et qui fait la liaison entre l’appui du tablier
et la dalle de transition. De nos jour, dans la grande majorité des cas il est beaucoup plus
rentable d’allonger le tablier en utilisant le béton précontraint par exemple et de prévoir des
culées enterrées même si le sol en place est très médiocre, en employant des techniques
modernes d’édification des remblais.

6.2.4. Les culées en terre armé


En ce qui concerne les culées de ponts, on rencontre essentiellement deux types de
conception. Le premier type correspond au cas où le tablier repose directement sur le remblai
d’accès en terre armé par l’intermédiaire d’une tête de culée ainsi que le montre la figure 6.12.
Cette conception ne peut s’envisager que pour des tabliers isostatiques, insensibles à
d’éventuels à d’éventuels tassements du massif de terre armée et du sol sous-adjacent.
Le deuxième type correspond au cas d’ouvrages dont le tablier repose sur une pile-culée
indépendante du massif en terre armée, géométriquement relié au remblai situé à l’arrière.
Ainsi, la fonction porteuse assurée par la pile-culée est dissocié de la fonction soutènement,
directement assurée par le remblai en terre armée.

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Fig. 6.12. Exemple d’une culée en terre armé

Fig. 6.13. Solution de renforcement par un voile cloué interrompu au droit des poteaux de la
pile-culée

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6.3. Les piles


6.3.1. Introduction
La conception des piles de pont, plus encore que celle des culées, est tributaire du type et du
mode de construction du tablier, du type et du mode d’exécution des fondations, et de
certaines contraintes naturelles ou fonctionnement liées au site.

6.3.2. Morphologie générale


On peut classer les piles en deux familles :
- les piles de type voile ;
- les piles de type poteau.

En réalité, la séparation entre ces deux familles n’est pas très précise : une rangée de petits
voiles tient autant de l’une que de l’autre.

6.3.2.1. Les piles de type voile


Le modèle de base le plus simple est le voile continu d’épaisseur constante, dont la longueur
est égale à la largeur (éventuellement biaise) du tablier porté.
Pour être robuste, facilement exécutable, et ne pas donner une impression trop grêle,
l’épaisseur du voile doit être nettement supérieure à ce qui est exigé par les conditions de
résistance mécanique. Ainsi, une épaisseur de 50 cm est une bonne base de départ pour des
tabliers dont la hauteur ne dépasse pas 80 cm. La figure 6.14 donne des exemples de
traitement d’une pile en partant du type voile.

Fig. 6.14. Pile de type voile

6.3.2.2. Piles-marteaux
Ce type de pile est intéressant du point de vue esthétique, mais également compte tenu de la
faible emprise au sol nécessaire, ce qui est particulièrement appréciable en site urbain. Cet
appui quasi-ponctuel permet de choisir une orientation quelconque de l'appui, sans augmenter
l'emprise au sol, ce qui permet de s'affranchir du problème du biais dans la plupart des cas.

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Le fût de pile est le plus souvent cylindrique ou assimilable et de dimensions quasiment


constantes avec la hauteur. Pour une hauteur maximale de 25 mètres, un diamètre de 2,00
mètres convient habituellement. Si cette valeur devient insuffisante, on pourra concevoir une
forme légèrement tronconique pour ne pas élargir inutilement le chevêtre. La forme de base,
strictement cylindrique, est assez pauvre esthétiquement, et il est courant d'en renforcer 1'
aspect architectural par un traitement particulier des formes ou des parements. On rencontre
ainsi fréquemment des formes polygonales plus ou moins régulières.

Fig. 6.15. Pile-marteau

6.3.2.3. Les piles en forme de portique


La deuxième famille de piles est celle dont les éléments porteurs sont de type poteau. Les
poteaux (ou colonnes) peuvent être libres en tête s’ils sont placés au droit des descentes de
charges par l’intermédiaire des appareils d’appui, ou liés par un chevêtre dans le cas contraire.
Le principal problème de ce type de pile est un problème de robustesse vis-à-vis des chocs de
véhicule. Lorsque les poteaux sont libres en tête, on les solidarise en pied par l’intermédiaire
d’un voile émergeant du sol d’une hauteur de 1.5 m environ. En revanche, s’ils sont
solidarisés par un chevêtre, les dimensions minimales qui seront évoquées au paragraphe sont
en principe suffisantes. La figure 6.15 donne quelques exemples de piles de type poteau.

6.3.3. Choix du type de pile


Etant donné un ouvrage courant dont la largeur est connue, le projeteur dispose d’une
enveloppe générale pour dessiner chacun de ses appuis. Les étapes de l’étude sont :
- choix de la morphologie ;
- répartition à l’intérieur de l’enveloppe générale et recherche des proportions ;
- choix d’une forme ;
- éventuellement, recherche de couleur ou de texture.
Lorsque les conditions mécaniques ne sont pas déterminantes, le choix de la morphologie peut
être fait sur la base de critères économique ou d’aspect. Ce sont les tabliers larges qui posent
généralement les problèmes d’aspect les plus délicats car il faut éviter l’effet de « forêt »
produit par un grand nombre de colonnes ou de poteaux rapprochés, ou au contraire, l’effet de
« mur » produit par un allongement excessif d’un voile unique.

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En ce qui concerne la forme, les épaisseurs des éléments doivent être choisies en fonction de
la hauteur vue de la pile, de l’épaisseur vue du tablier (y compris la corniche) et de la portée
des travées. Le dossier pilote PP73 du S.E.T.R.A propose une formule empirique, constituant
une bonne base de départ, liant l’épaisseur E des piles à leur hauteur H et à la portée L des
travées centrales :

( ) [ ( )]

Avec H et L en mètres

Fig. 6.16. Pile de type poteau

En site urbain, les choix tiennent souvent compte des contraintes de site (encombrement au
sol, délai d’exécution, nuisances, etc.) D’ailleurs, si pour les ouvrages urbains, le projet
commence souvent pat l’étude des appuis. La recherche de formes est généralement faite en
liaison avec un architecte.

6.3.4. Généralités sur les éléments de dimensionnement des piles


6.3.4.1. Dimensionnement de la tête des piles
D’une façon générale, les têtes de pile doivent être dimensionnées de façon à permettre
l’implantation :
- des appareils d’appui définitifs, lorsque le tablier n’est pas totalement encastré sur la pile ;
-des éventuels appareils d’appui provisoires ;
- de niches à vérin pour le changement des appareils d’appui définitifs ou le passage d’appui
définitifs ou le passage des appareils d’appui provisoires aux définitifs.

Les ponts courants (essentiellement les ponts-dalles en béton armé ou précontraint) reposent
sur leurs piles par l’intermédiaire d’appareils d’appui en élastomère fretté de dimensions
relativement modeste. Dans le cas des piles de type voile, il n’y’a généralement pas de
problème d’encombrement ; en revanche, dans le cas des piles de type poteau sans chevêtre

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de liaison en tête, on considère que l’encombrement des appareils d’appui et des


emplacements de vérinage conduit aux dimensions minimales suivantes :
- 0.5 m pour une zone d’affectation rectangulaire ou carré :
- 0.6 m pour une zone d’affectation circulaire.

Fig. 6.17. Vérinage dans une niche réalisée en tête de l’appui par des forages sécants

Par ailleurs, le débord du nu des piles par rapport au nu des appareils d’appui doit être
suffisant pour que les frettes d’acier placées sous les appareils d’appui soient correctement
ancrées. Le dessin de la figure 6.18 illustrent ces considérations.

Fig. 6.18. Disposition de l’appareil d’appui près du nu d’appui

Le chevêtre de la pile-marteau est de section sensiblement rectangulaire et son épaisseur est à


adapter à la longueur du porte-à-faux. Pour un porte-à-faux de 5,00 à 6,00 mètres, cette
épaisseur atteint couramment 2,00 mètres à l'encastrement avec le fût de pile où se situent les
efforts les plus importants. Le marteau est habituellement aminci vers son extrémité, et son
épaisseur diminue jusqu'à 1,00 mètre, voire moins, là où la hauteur à l'encastrement n'est plus
nécessaire.

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Une grande liberté de variation d'épaisseur est alors possible (formes arrondies ou lignes
brisées), dont on peut tirer parti au niveau architectural. Des marteaux d'épaisseur constante
sont cependant couramment réalisés.
Les dimensions des chevêtres des piles en forme de portique sont assez voisines de celles des
chevêtres des piles-marteaux. La zone centrale du chevêtre est souvent de section constante, la
zone en console, si elle existe, allant en s'amincissant vers l'extrémité libre, comme les
consoles des piles-marteaux.

6.3.4.2. Dimensionnement du fût de piles


Le dimensionnement des fûts de piles fait appel à trois critères :
- un critère de résistance mécanique ;
- un critère de robustesse ;
- un critère d’esthétique.
Le critère de résistance mécanique fait intervenir les diverses actions auxquelles sont
soumises les piles. Ces actions sont soit transmises directement par le tablier porté, soit
directement appliquées au fût de pile ou plus, rarement, à la fondation.
Lorsque le tablier repose sur ses appuis à la manière d’une poutre continue sur appui simple,
les actions transmises par le tablier se réduisent à deux forces, l’une verticale et l’autre
horizontale. Mais lorsque le tablier est partiellement ou totalement encastré sur les piles, ces
dernières reçoivent de sa part également un moment.
Les efforts transmis directement aux fûts de piles sont essentiellement des efforts
représentatifs de chocs de bateaux ou de véhicules. Lorsque de tels efforts sont susceptibles de
s’appliquer à une pile, il est nécessaire de la concevoir massive afin de limiter les désordres
locaux qui sont toujours difficilement réparables.
Dans le cas des piles hautes, il y’a lieu de considérer l’action du vent, notamment en cours de
construction, et éventuellement, les effets d’une différence de température dans le sens
transversal.
Les appuis de pont peuvent être sollicités par l’intermédiaire de leur fondation, notamment
lorsque cette fondation travers une couche de sol instable ou fluante ou en cas de séisme.
Les piles des ouvrages courants, du fait de leurs faibles dimensions transversales, sont
toujours pleines. Dans le cas des grands ouvrages, les piles doivent être pleines, du moins sur
une fraction adéquate de leur hauteur, si les fûts peuvent subir des chocs de bateaux ou de
véhicules. En dehors de ce cas, l’évidement des piles n’est intéressant qu’au-delàs d’une
certaine hauteur, lorsque l’économie de la matière est plus forte que le coût du coffrage
intérieur :
- en dessous de 10 m, les piles sont normalement pleines ;
- au-dessus de 15 m, si leur forme est régulière, les piles évidées sont plus intéressantes ;
- entre 10 et 15 m, le choix reste à l’initiative du projeteur. Si la pile peut être bétonnée en une
seule journée, il y’a généralement intérêt à la prévoir pleine.
Dans la détermination de la géométrie des fûts de piles, un autre élément doit être pris en
compte lorsque l’ouvrage franchit un cours d’eau avec un biais prononcé par rapport au sens
du courant. Vis-à-vis des problèmes d’affouillement, il y’a intérêt à offrir au courant des piles
de faible «maître-couple», mais pour des raisons mécaniques, il est souhaitable que le tablier
soit mécaniquement droit. Une solution simple consiste à prévoir un fût de pile circulaire,

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surmonté par un chevêtre rectangulaire d’axe perpendiculaire à celui du tablier. Mais cette
solution n’est pas très heureuse sur le plan esthétique.

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