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7 questions sur le salut

La notion de salut est le fil conducteur des Écritures et se rappelle sans


cesse au long de l’histoire de l’Église. Mais bien des personnes, même
chrétiennes, n’ont pas toujours le sentiment de devoir être sauvés... Alors,
de quoi s’agit-il ?
Youna Rivallain - le 31/03/2021 à 14:43

Le jugement dernier, par Giotto di Bondone (1267-1337), 1305 (détail).


Chapelle des Scrovegni, Padoue.

Le jugement dernier, par Giotto di Bondone (1267-1337), 1305 (détail).


Chapelle des Scrovegni, Padoue. ©Electa/Leemage

1. Qu’est-ce que le salut ?


La langue française désigne le salut comme étant l’expérience d’être
délivré d’un danger, d’une menace, d’un péril qui met notre vie en jeu.
Dans l’Ancien Testament, le salut est un des mots utilisés pour parler de
l’expérience fondamentale de délivrance, de libération, de guérison. «Le
salut est une histoire de relation. C’est ne plus être seul, savoir que Dieu
est avec moi, que je ne suis pas perdu», explique Christophe Pichon,
maître de conférences en exégèse biblique et docteur en théologie
catholique.
2. De quoi est-on libéré ?
Dans l’espérance chrétienne, à travers le sacrifice du Christ, l’homme est
sauvé du péché, de la mort, de ce qui l’empêche d’être fidèle à la Parole
de Dieu. « La Genèse nous montre que le péché, c’est la rupture d’avec
Dieu. Alors être sauvé du péché, c’est rétablir la relation», rappelle
Christophe Pichon. Jésuite et docteur en théologie, le père Michel Fédou
insiste sur l’aspect libérateur du salut. « Dans l’Évangile, cette libération
peut aussi être celle d’un mal physique. À l’aveugle Bartimée, Jésus dit
“Va, ta foi t’a sauvé”. C’est une façon de parler de la délivrance de notre
âme. » Le salut est une victoire sur la mort sous toutes ses formes, c’est
l’annonce de la vie éternelle déjà inaugurée par le Christ dans sa propre
résurrection.

3. Comment les Écritures parlent-elles du salut ?


Le salut, annoncé par les prophètes tout au long de l’Ancien Testament,
se concrétise avec la mort et la résurrection du Christ, qui s’est offert
pour racheter l’humanité de son péché. « Le nom même de Jésus
signifie” Dieu sauve”, expose le père Fédou. Tout le Nouveau Testament
souligne ce lien intime entre la présence de Jésus et le salut. » Les
Évangiles annoncent le salut du monde en Jésus, à commencer par
l’annonce à Joseph : « Marie enfantera un fils, et tu lui donneras le nom
de Jésus ; c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » (Mt 1, 21)
Au cours de sa vie publique, Jésus ne cesse d’annoncer ce salut et pose
des actes montrant que la libération est déjà à l’œuvre : guérison,
délivrance des possédés, libération des péchés. « Souvent, le salut
appelle une relecture, souligne Christophe Pichon. C’est seulement
après coup que l’on découvre que, dans une situation difficile, nous
n’étions pas seuls. L’Évangile de Luc est teinté de cette relecture, sur la
présence du Christ dans une situation donnée. »
4. Le sens du salut a-t-il évolué au cours des siècles ?
Si le sens de la rédemption reste le même au cours des siècles, la
question « Comment être sauvé » anime les théologiens depuis les
premiers siècles. «Les controverses ont commencé dès le V e siècle,
entre le moine britannique Pélage et saint Augustin, indique le père
Michel Fédou. Pélage pensait qu’on pouvait se sauver par ses propres
forces. Augustin, lui, rappelait que le salut est un don, une grâce faite par
Dieu à l’être humain, et que le salut de l’être humain a sa source dans la
volonté de Dieu. »
La question se pose de nouveau lors de la Réforme protestante au
XVIe siècle : Luther rappelle que seule l’intervention de la grâce divine («
sola gratia») sauve l’âme humaine. Les catholiques, d’accord sur le
principe de l’initiative divine du salut, insistent sur la liberté de l’être
humain, la façon dont il collabore au salut.

5. Quelle part avons-nous dans notre salut ?


Grâce au dialogue œcuménique, les différentes confessions chrétiennes
ont réussi à se mettre d’accord sur l’affirmation que le salut vient de
Dieu. Mais face à ce don, l’homme n’est pas passif. Il est libre d’accueillir
cette offre de salut. Comme le dit saint Augustin, « Dieu nous a créés
sans nous mais ne nous sauvera pas sans nous ». Pour accorder le
salut, le Père désire notre consentement. « Dans l’Évangile, quand Jésus
dit au paralytique “Lève toi et marche”, celui-ci est libre de répondre à
l’appel du Christ et de se lever, ou pas. On ne peut pas être sauvé
malgré soi », insiste Christophe Pichon.
6. Si on est déjà sauvé, pourquoi fait-on encore l’expérience
du mal et du péché ?
Si Jésus a offert le salut à tous les hommes, cela ne veut pas dire que le
mal ne continue pas son œuvre. «La foi chrétienne repose sur
l’espérance que le salut a été offert mais qu’il doit se déployer à travers
toute l’histoire humaine», argue Michel Fédou, avant de donner l’exemple
de la relation entre maître et esclave dans les lettres pauliniennes. «Paul
exhorte le maître à avoir une attitude de charité envers son esclave, mais
il a fallu des siècles pour que l’esclavage soit enfin aboli. Il faut le temps
de l’histoire pour que le salut puisse pénétrer toutes les dimensions de
l’expérience humaine. » Le combat contre le mal se poursuit alors
jusqu’à la fin des temps. « Mais les chrétiens ont l’assurance que la
victoire sur le mal est offerte, car Jésus a vaincu la mort», rappelle le
théologien.

7. Le salut, est-ce l’assurance du Ciel ?


Dans l’histoire de l’Église, différentes conceptions se sont affrontées sur
la question du paradis et de l’enfer : selon Jansénius, il y aurait une
prédestination pour certains êtres humains à ne pas être sauvés – une
position qui fut rejetée par l’Église. D’autres ont affirmé que tous, sans
exception et quoi qu’ils fassent, seraient sauvés. Cette conception a
aussi été rejetée. Le théologien suisse Hans Urs von Balthasar résume la
pensée de l’Église sur ce sujet : le salut est l’objet d’une espérance pour
tous. Ce qui incombe aux chrétiens, ce n’est pas de dire que certains
seront exclus du paradis ou que tout le monde y arrivera ; c’est d’espérer
que tous seront sauvés. «Car nous sommes tous appelés au salut
», rappelle Christophe Pichon.
Celui-ci est d’ailleurs moins une « chose » qu’on a qu’une relation qui se
tisse. Et pour Christophe Pichon, « dans toute relation, il y a des hauts et
bas. J’aime l’image du fil rompu que l’on répare en faisant un nœud. À
chaque nœud, le fil devient plus court, et la relation plus proche. »

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