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Cahiers du Centre Gustave Glotz

La famille de Septime-Sévère à travers les images monétaires


Madame Claude Brenot

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Brenot Claude. La famille de Septime-Sévère à travers les images monétaires. In: Cahiers du Centre Gustave Glotz, 11, 2000.
pp. 331-345;

doi : https://doi.org/10.3406/ccgg.2000.1539

https://www.persee.fr/doc/ccgg_1016-9008_2000_num_11_1_1539

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Claude Brenot

LA FAMILLE DE SEPTIME-SÉVÈRE
À TRAVERS LES IMAGES MONÉTAIRES*

Les émissions monétaires du règne de Septime Sévère réservent, à côté de


l'empereur lui-même, une très large place à sa famille, en l'occurrence à
l'impératrice et à leurs deux fils successivement élevés au césarat puis à l'augustat.
Frapper au nom et à l'effigie des princes de la Domus diuina ne constituait
certes pas une nouveauté. En effet, dès le début de l'Empire la monnaie a
commencé à diffuser des images évoquant tel ou tel membres de la famille
impériale. Ces images ne se situent pourtant pas toutes sur le même registre :
certaines - les plus nombreuses — désignent sans détour les personnes par leurs
effigies, entourées d'une légende qui les nomme ; d'autres, plus subtilement,
les désignent par le biais de figures allégoriques. Le message qu'elles sont
censées véhiculer, se nuance, prend de l'ampleur et du poids, par le jeu de la
position que ces images occupent au droit ou au revers, ou par la façon dont elles
se conjuguent sur l'une ou l'autre de ces faces, ou encore qu'elles se font
écho, au sein d'une même émission, d'une pièce à l'autre. La récurrence de
certains thèmes, au rythme même de la succession des ces émissions, n'est pas
moins chargée de signification.
Si certains schémas iconographiques ont migré sans grands changements de
l'époque julio-claudienne à la fin de l'époque antonine, en revanche selon les
circonstances et les objectifs idéologiques, l'utilisation de ces schémas n'est
assurément pas restée figée. Aussi n'est-ce qu'en les situant dans la
perspective des frappes dynastiques précédentes que les émissions de la famille de
Septime Sévère prennent tout leur sens.

Auguste et les Julio- Claudiens

Les émissions monétaires d'Auguste dont la titulature la plus fréquente


souligne pourtant la filiation {Augustus diui j), n'ont honoré Jules César qu'en
Espagne1, où, entre 19 et 18, des revers de deniers ont été frappés avec la
légende Diws ivlivs, encadrant un astre à huit branches2. Les membres
vivants de la famille du prince n'ont fait leur apparition dans le monnayage

* Le monnayage des ateliers orientaux n'est pas abordé ici. Par la richesse de son
iconographie concernant la famille sévérienne, il méritait une enquête dépassant les limites de la
communication dont les remarques font l'objet du présent texte.
1 En Tarraconaise (Caesaraugusta ?) et en Bétique (Colonia Patricia ?). Sur l'attribution à ces
deux ateliers des frappes d'or et d'argent voir RIC, I, 2e éd., p. 25-26.
2 RIC, I, 2e éd., n° 37-38 et 102.

Cahiers Glotz, XI, 2000, p. 331-345


332. Claude Brenot

que fort lentement et par étapes. Une première allusion y est faite à Rome
par les triumvirs monétaires de 13 avant J.-C. dont les émissions ont pour
thème central le renouvellement pour cinq ans des pouvoirs d'Auguste et
d'Agrippa3 . Il est significatif que, dans ce contexte, le revers d'un denier de
Marius Tro. représentant la tête de Julie entre celles de ses deux fils Caius et
Julius, rappelle discrètement à la fois l'union entre Agrippa et la fille
d'Auguste et leur descendance assurée par deux fils (fig. 2, n° 16). L'évocation
de la famille de l'empereur est, un peu plus tard, beaucoup plus franche à
Lyon. En 8-7 av. J.-C. d'abord, des aurei et des deniers y sont émis avec, au
revers, Caius César à cheval, avec derrière lui une aigle entre deux enseignes4
et la légende c caes - avgvs f, puis, six ans plus tard, de nouveau des aurei et
des deniers, ceux-ci très nombreux, avec la légende c l caesares avgvsti f
cos DESIG PRINC IWENT, autour des deux jeunes princes en toge, tenant les
boucliers et les lances d'argent qui venaient de leur être remis par les
chevaliers romains, au moment où le Sénat les avait désignés pour assumer, cinq ans
plus tard, le consulat5. Après leur disparition, il aura fallu un lustre pour que
la monnaie contribue à faire connaître le nouveau César mais, lorsque la
décision en fut prise, le nom de Tibère n'a plus été inscrit seulement au revers des
pièces mises en circulation : de 9 à 14, sa titulature et son effìgie, à l'égal de
celles d'Auguste, ont occupé le droit de bronzes frappés à Lyon et à Rome.
Dès son avènement, Tibère a laissé à l'image radiée et parfois surmontée
d'une étoile du Diuus Augustus Pater, le même espace que celui dont il avait
lui-même joui lorsqu'il n'était que César, au droit d'un abondant
monnayage de bronze6. S'il accorda aussi une place à Livie, désormais Julia Augusta,
elle fut assurément fort étroite7. Il en va de même pour les deux Césars,
Germanicus et Drusus, dont seul le second eut un bref monnayage à Rome,
à la veille de sa mort8, et, dix ans plus tard, à Cesaree de Cappadoce9. Les deux
fils jumeaux10 qu'eut ce dernier, sont enfin représentés, émergeant
symboliquement de deux cornes d'abondance croisées sur un caducée, au droit d'un
sesterce11 qui vient honorer la Fecunditas de la Domus diuina. Malgré ces émis-

3 Ces pièces sont rares voir RIC, I, 2e éd., p. 72-73. L'atelier colonial de Nîmes a largement
diffusé l'image des têtes adossées d'Auguste et Agrippa.
4 RIC, I, 2e éd., p. 54, aureus n° 198, denier n° 199.
5 RIC, 1,2e éd., n° 205-212.
6 RIC, I, 2e éd., p. 98-99.
7 Les sesterces, RIC, I, 2e éd., n° 50 et 51, qui portent au droit la légende SPQR ivliae
avgvstae, entourant un carpentutn traîné par deux mules, et, au revers, la titulature de Tibère
autour de s c, sont l'expression de l'hommage rendu par le Sénat à l'épouse d'Auguste et non
par Tibère qui s'était efforcé de mettre un frein à l'appétit de pouvoir de sa mère.
8 II est désigné comme fils de Tibère et petit-fils du Divin Auguste, RIC, I, 2e éd., n° 45.
9 RIC, I, 2e éd., n° 84-88 (drachmes).
10 L'un des deux, Tibérius Gémellus, fut adopté par Tibère en 35 et fait Prince de la
jeunes e par Caligula dont il est cousin germain par Livilla sa mère, elle-même sœur de Germanicus.
Le même Caligula le fit égorger presque immédiatement après. L'autre mourut sans doute en
bas âge cf. Svet., C. Caligula, XV et XXIX.
11 RIC, I, 2e éd., n° 42. Type repris en 148-149, sans le caducée, par Antonin le Pieux, avec
la légende temporvm félicitas cos mi, RIC, HI, n° 185 (aureus), 857 (sesterce) et 859
(dupondius).
La famille de Septime Sévère à travers les monnaies 333

sions pour Livie, pour Drusus et pour ses fils, le monnayage de Tibère reste
dominé par l'image d'Auguste divinisé. En ignorant Germanicus et les siens,
l'évocation de la famille impériale qu'il véhicule se situe surtout hors du
domaine des vivants.
Le monnayage de Caligula ne quitte pas le domaine des morts, mais
Caligula le peuple de toute une ascendance dont les liens de parenté avec le
nouvel empereur sont précisés par les titulatures qui accompagnent leurs
images. Des revers d'aurei et de deniers célèbrent la mémoire du Oiuus Avgustus
Pater Patriae son arrière-grand-père, d'Agrippine sa mère (fig. 2, 17), de
Germanicus son père12. L'effigie de ce dernier, désigné comme fils de Tibère
et petit-fils d'Auguste, occupe le droit de pièces de bronze13. Sur les mêmes
espèces, le buste d'Agrippine apparaît comme fille de Marcus (Agrippa) et
mère de Caius14 de même qu'est gravée la tête d'Agrippa coiffée de la
couronne rostrale15, ses deux frères, Nero et Drusus, les Césars disparus, sont
représentés caracolant16. Si, dans le monde des vivants, la famille de l'empereur ne
pouvait alors être représentés par un César — le jeune Tiberius Gemellus avait
été exécuté dès 37 - du moins le fut-elle par les sœurs du prince lui-même,
initiative qui représente un singulier élargissement de la place publiquement
accordée aux siens. Le revers de sesterces réunit en effet, Agrippine II, Drusille
et Julie17, assimilées de plus à Securitas, Concordia et Fortuna™.
Comme l'avait fait Caius, Claude honora dans son monnayage la mémoire
d'Auguste et de Livie, sa grand-mère, tous deux se partageant le droit et le
revers de la même pièce19 ; de ses parents, Antonia minor20 et Nero Claudius
Drusus21 ; de son frère Germanicus22 et de son épouse, Agrippine23. Il admit
pourtant, beaucoup plus largement que son prédécesseur, les princes vivants.
Il fit en effet frapper à Rome, entre 50 et 54, de l'or, de l'argent et du
bronze au nom d'Agrippine II qu'il élevait, en l'épousant, au rang d'Augusta24,
ainsi qu'au nom du jeune Néron César, Princeps Iuuentutis coopté en
surnuméraire par les collèges sacerdotaux25. La particularité des aurei et deniers du

12 RIC, I, 2e éd., p. 108-110, n° 1-31. À Cesaree, des drachmes sont aussi émises pour
Auguste et pour Germanicus, RIC, I, 2e éd., p. 112-113.
13 RIC, I, 2e éd., n° 43, 50 et 57.
14 RIC, I, 2e éd., n° 55.
15 RIC, I, 2e éd., n° 58.
16 RIC, I, 2e éd., n° 34, 42, 49.
17 Nées, selon Suet., G Caligula,Vll, à un an d'intervalle. Julia Livilla fut exécutée par
Claude, Suet., Diuus Clava., XXIX.
1S RIC, I, 2e éd., n° 55, 33, 41.
19 RIC, I, 2e éd., n° 101, la tête radiée d'Auguste avec la légende Diws avgvstvs, au droit,
accompagne la représentation de Livie-Cérès, tenant des épis de blé et une torche longue avec
la légende diva avgvsta, au revers.
20 RIC, I, 2e éd., n° 65-68, 92, 104.
21 RIC, 1, 2e éd., (Rome, aurei, deniers et bronzes) n° 69-74, 93, 109 (Cesaree de Cappadoce,
didrachmes) n° 125, 126.
22 RIC, I, 2e éd., n° 105, 106.
23 RIC, I, 2e éd., n° 102.
24 RIC, I, 2e éd., n° 75, 80 et 81 (revers), 103.
25 RIC, I, 2e éd., n° 76-79, 82 et 83 (revers), 107, 108.
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nouveau trio impérial est de réunir sur une même pièce entre le droit et le
revers les bustes d'Agrippine et de Néron, de Claude et d'Agrippine, de
Claude et de Néron26 : jamais précédemment ce type de jumelage n'était
intervenu dans le monnayage impérial. Une autre innovation iconographique
était en même temps introduite en Orient. Déjà sous Tibère et sous Caius,
l'atelier impérial de Cesaree de Cappadoce avait, par ses émissions de
drachmes et de didrachmes, honoré la famille impériale. Non seulement
celles-ci se poursuivent sous Claude en célébrant la mémoire de Claudius
Drusus, mais elles complètent aussi l'image que l'atelier de Rome donnait de
la Domus diuina : l'un de ses didrachmes porte, au droit, le nom et l'effigie de
Messaline tandis que le revers célèbre les deux enfants qu'elle eut de Claude :
Octavie, future épouse de Néron, et Britannicus se serrant la main et, à leur
droite, Antonia, la fille que Claude eut d'un précédent mariage avec Paetina27.
Un peu plus tard des cistophores furent émis, pour Néron et pour Agrippine,
par Pergame28 et par Ephèse29. Ce dernier atelier, en faisant figurer sur l'un
de ses droits le profil de Claude se détachant en surimpression sur celui
d'Agrippine, introduisait pour la première fois dans le monnayage impérial
romain, un type de représentation couramment utilisé par les graveurs
hellénistiques, tant pour les intailles et camées que pour les coins monétaires30.
D'Ephèse ce type de portraits superposés est très vite passé à Rome, où tout
au début du règne de Néron, il fut adopté pour des aurei et des deniers
réunissant l'empereur et Agrippine au droit et représentant au revers le quadrige
d'éléphants du divin Claude31 (fig. 2, n° 18). La même émission d'avènement
inaugure un autre type de droit qui jumelle Néron et sa mère dont les bustes
ne sont plus superposés mais face à face (fig. 2, n° 19). Sur ce point
particulier, touchant au jeu de l'utilisation du portrait, il faut encore citer les
différentes dénominations d'argent de Cesaree qui réunissent entre droit et revers,
Agrippine et Néron32, Néron et Claude divinisé33, comme ils l'avaient été à
Rome sous Claude. Ensuite les références à la famille impériale disparaissent
du monnayage jusqu'à la fin du règne — et pour cause. À l'exception
toutefois d'une dernière série de deniers et aurei qui s'y rapportent encore : il s'agit
des pièces qui affichent la légende de revers AVGVSTVS AVGVSTA accompagnant
la représentation de l'empereur en toge, tenant une patere et un sceptre,
accompagné de l'impératrice tenant aussi une patere et une corne
d'abondance34. Cette scène fait manifestement allusion à un mariage,
vraisemblablement celui qui unit Néron et Poppée en 62.

26 RIC, I, 2e éd., n° 75, 80-83.


27 RIC, I, 2e éd., n° 124.
28 RIC, I, 2e éd., n° 120, 121 (Claude et Néron).
29 RIC, I, 2e éd., n° 117-119 (Claude et Agrippine).
30Voir à ce sujet les exemples cités par Pierre Bastien, Le buste monétaire des empereurs romains,
Wetteren, 1993, t. II, p. 649-659.
31 RIC, I, 2e éd., n° 6-7, nero clavd divi f caes avg germ imp trp cos, bustes
superposés ; R/ AGRiPP avg divi clavd NERONis caes mater. Quadrige d'éléphants.
32 RIC, I, 2e éd., n° 607-612.
33 RIC, I, 2e éd., n° 613, 614, 619-622.
34 RIC, I, 2e éd., n° 44, 45, 56, 57.
La famille de Septime Sévère à travers les monnaies 335

La crise de 68-68 et les Flaviens

À la fin de la période julio-claudienne le schéma suivant lequel les images


monétaires sont utilisées au service de l'exaltation de la Domus diuina est
définitivement établi : en premier lieu, sont honorés les ascendants défunts,
hommes ou femmes, — parfois jusqu'à la troisième génération comme le fit
Caligula - qu'ils aient été ou non divinisés. Sont ensuite associés à l'aura
impériale d'abord les jeunes princes appelés à la succession, puis l'impératrice et
parfois d'autres membres de la famille (par exemple les trois sœurs de Caligula ou
les trois enfants de Claude). Un certain répertoire iconographique s'est en
outre déjà constitué : il concerne d'abord les têtes ou les bustes qui, sur l'une
des faces de la monnaie se présentent généralement seuls, mais aussi parfois face
à face ou encore sous la forme de deux profils jumelés, adoption par les
ateliers impériaux de modèles gravés depuis longtemps déjà en Orient ; ce
répertoire enregistre aussi les types qui, par convention, sont l'emblème d'un
événement comme le quadrige d'éléphants de l'apothéose, le quadrige de chevaux
du triomphe, l'empereur cavalier de Yaduentus. . . ou encore qui expriment un
état, une qualité comme les types qui doivent représenter les princes de la
jeunesse portant leurs armes d'argent ou caracolant... À travers le jeu des
légendes, des types et de l'espace qu'ils occupent soit au droit soit au revers,
s'expriment ainsi les nuances d'un message. Certes ce répertoire d'images
s'enrichira avec le temps mais les conventions de son utilisation ne varieront guère.
Dans cette perspective, on est tenté d'accorder à la monnaie de Galba en
l'honneur de Livie, le même sens que celle de Claude qui associait à un droit
en l'honneur d'Auguste un revers identique avec la légende Dina Augusta^ :
Claude honorait ses divins grands-parents mais Galba, plus qu'honorer le
souvenir de celle qui avait soutenu son début de carrière et voulu favoriser sa
fortune36, n'entendait-il pas se présenter comme descendant lui aussi du même
ancêtre ? De même, en mettant en circulation le revers Liberi imp German37,
accompagnant les têtes affrontées de son fils et de sa fille, Vitellius utilisait un
modèle préexistant assurément pour manifester ses intentions dynastiques.
Sous les Flaviens, la monnaie décline toutes les combinaisons qui associent
l'empereur aux différents membres de sa famille :Vespasien met en circulation
des pièces portant au droit la titulature et l'effigie de ses fils, Titus et
Domitien, mais ceux-ci apparaissent aussi individuellement ou réunis face à
face au revers de monnaies au nom de leur père ; Titus frappe pourVespasien
divinisé et pour Domitille, pour son frère encore César et pour sa fille Julie
(fig. 2, n°25) ; Domitien frappe au nom de sa nièce, la même Julie ; il frappe
aussi en son nom personnel et au nom de Domitia son épouse, ou encore, au
nom de celle-ci seule avec un revers qui évoquent la mémoire d'un fils mort
en bas âge, représenté parmi les astres (fig. 2 n° 22).

35 RIC, I, 2e éd., n° 142,150, 184, 223, 432, 483.


36 Suet.,V
37 RIC, 1, 2e éd., n° 8 (Espagne),57 (Gaule), 78, 100-103 (Rome). Des revers d'or (RIC 7 et
94) et de bronze (RIC 114, 134 et 135) célèbrent aussi son père, qui fut trois fois consul et
censeur et à qui le sénat fit élever une statue devant la tribune aux harangues (Suet., III).
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Les Antonins

Les monnaies antonines, dédiées à la Domus diuina, s'inscrivent dans un


schéma désormais bien en place et ordonné autour de trois thèmes : la
célébration des parents défunts, la succession à l'empire et la cohésion familiale.
Mais, au cours de ce IIe siècle, on voit ces frappes prendre une place
grandissante dans l'ensemble du monnayage impérial ; le répertoire de leurs types de
revers s'enrichit considérablement et, ce faisant, le message qu'elles véhiculent
s'élargit et se colore de nuances nouvelles ; les émissions, mises régulièrement
en circulation, accordent bientôt une place à chaque membre de la famille et,
de ce fait, la proportion des monnaies aux noms des princes et princesses
augmente considérablement par rapport à celle des monnaies de l'empereur seul.
La diffusion d'images illustrant certains événements intervenus au sein de
la Maison impériale, devait contribuer à en amplifier singulièrement le
retentissement. Ainsi Yadoptio d'Hadrien César est célébrée par une série de revers
de Trajan38 ; il en va de même des fiançailles puis du mariage de Marc Aurèle
et de Faustine II, Faustina Augusta Antonini Piifilia39, conclu en 145, c'est-à-
dire six ans avant la mort d'Antonin, ou du mariage de Commode et de
Crispine pour qui sont frappés des aurei et des deniers avec notamment les
légendes dis coniugalibus et dis genitalibus40 , autour d'un autel décoré et allumé.
De même, la fondation pieuse des puellae Faustinianae est rappelée sur des
aurei, des deniers et des sesterces émis pour l'impératrice mère divinisée41 . . .
À partir du règne d'Hadrien, l'abondance des frappes aux noms des Césars
s'explique bien plus par les mesures qui furent alors prises pour assurer la
transmission du pouvoir, que par la disparition prématurée des princes
héritiers. Il y eut certes des émissions pour Aelius César. Mais, de la date de son
premier consulat à son accession à l'empire en 161, plus de vingt années se
sont écoulées durant lesquelles Marc Aurèle César a eu un monnayage ; de
même, par la suite, Commode César en eut un à son tour, entre 172 et 180.
Toutes ces frappes ont en commun les types de Mars, de Minerve ou
d'Apollon, du Genivs exercitus ou du genius populi Romani, d'Honos, Virtus,
Pietas ou Clementia, de Spes, Félicitas ou Securitas.
De nombreuses monnaies sont désormais frappées, de son vivant, pour
l'impératrice. À l'époque de Trajan elles s'étendent même à tout le cénacle
féminin réuni autour de lui : Piotine, sa vertueuse épouse, Marciane, sa sœur42,
Matidie, la fille de cette dernière et donc sa nièce que des aurei et des deniers
représentent entre ses deux filles, Matidie jeune et Sabine, future épouse
d'Hadrien43, ses petites-nièces. Toutes ces dames ont été honorées du titre

38 RIC, II, n° 3, 22a-22c, 117.


39 RIC, III, n° 191, 402, 434, 441, 1253, 1269.
40 RIC, III, n° 280-281.
41 RIC, III, n° 397-399 et 1 149. Fondation mentionnée par l'Histoire Auguste pour Faustine
l'Ancienne, Vie d'Antonin le Pieux,VU, 1 et pour Faustine II, Vie de Marc Aurèle, XXVI, 6.
42 RIC, II, n° 742 porte la légende marci ana AVG SOROR imp traiani.
43 RIC, II, n° 759, pièce qui porte la légende de droit : MATIDIA AVG DIVAE MARCIANAE F.
La famille de Septime Sévère à travers les monnaies 337

d'Augusta. À leur mort elles ont été divinisées44 et, en tant que telles, ont eu
un monnayage. Plus tard, quand Antonin prit en 138 le pouvoir, des monnaies
continuèrent à être émises au nom de Faustine, comme elles l'avaient été au
temps où son époux n'était encore que César. Il en alla de même pour leur
fille, Faustine II, à partir du moment où elle fut, en 145, donnée en mariage
à Marc Aurèle et cela se répéta pour Lucille, leur fille, quand elle épousa
Lucius Vérus, et pour Crispine quand à son tour elle épousa Commode. Ces
frappes illustrent le culte rendu par ces princesses à Vesta, à luno Regina ou
Lucina, à Venus Genetrix ou Victrix, à Diana Lucifera, à Ceres, ou encore à Mater
magna. Ces frappes exaltent aussi les vertus qu'elles sont censées incarner et
qui en quelque sorte les constituent réellement impératrices : Pietas ainsi que
Pvdicitia. Elles insistent sur les bienfaits dont, grâce à la Concordia — le
mariage contracté avec l'empereur — elles sont tout ensemble Spes, l'heureuse
espérance et l'accomplissement : Fecunditas, Prouidentia, Félicitas, Laetitia.
Presque toutes ces Augustae, Piotine, Marciane, Matidie, Sabine, et les deux
Faustine, ont été divinisées après leur trépas et des monnaies ont continué a
être émises pour elles. Les revers gravés pour Faustine mère divinisée, est loin
de se limiter à la légende Consecratio. Il existe des revers qui font allusion à la
dédicace du temple élevé pour elle45, au bige d'éléphants (ou de mules) que
le Sénat lui accorda pour ses funérailles46, à la fondation des puellae
Faustinianae dont il à déjà été question, et d'autres revers encore qui
continuent à honorer Vénus, Junon, Vesta, Cérès dont elle partage désormais
YAeternitas. Il en est de même pour sa fille divinisée qui est saluée comme
Sideribus recepta47 et comme Mater castrorum48 (fig. 2, n° 27) titre que Marc
Aurèle lui décerna après sa mort au pied du Taurus, alors qu'elle
l'accompagnait dans sa campagne de 176. Les émissions pour les Diui ne sont pas plus
rares ni d'iconographie moins riche. Citons parmi elles la pièce de Trajan pour
son père par le sang, Trajan senior49 et celle qui associe au revers, ce dernier
et le divin Nerva, son père adoptif, tous deux face à face50 (fig. 2 n° 20). Un
revers d'Hadrien honore, selon la même disposition, Trajan et Piotine dont les
bustes sont accompagnés l'un et l'autre d'un astre à six branches, dominant
leurs fronts qui les désigne eux aussi comme sideribus recepii (fig. 2, n° 21) 51.
Les monnaies de consécration ne sont pas les seules à réunir entre droit et
revers deux ou trois membres de la Domus diuina. Ces associations jouent aussi
entre empereurs, Césars et impératrices vivants. Ainsi, répandues dans la
circulation, ces monnaies ne donnent pas seulement à voir les portraits de diffé-

44 À l'exception sans doute de Matidie jeune.


45 RIC III, n° 343 (Aed div Faustinae), 388, 1137,1138 {Dedicatio aedis).
46 RIC III, 390, 1139, 1140, 1141 (bige de mules).
47 RIC, III, n° 1715-1717, au revers : Diane tenant une torche ou Faustine emportée, voile
au vent, par un bige.
48 RIC, III, n° 1711-1714. H.A. Vie de Marc Aurèle, XXVI, 8. La légende monétaire est au
datif : MATRI CASTRORVM.
49 RIC, II, n° 762-764, revers : DIWS PATER traian, buste nu de Trajan père.
50 RIC, II, n° 726-727, divi nerva et traianvs patr.
51 RIC, II, n° 232, revers : divis parentibvs.
338 Claude Brenot

rents membres de la famille impériale, elles sont destinées surtout à répandre


une sorte d'emblème de la famille exemplaire.
Entre 180 et 193 ce parti iconographique ne s'est pas trouvé, par la force
des choses, mis en œuvre. Certes avant même que se déroulent ses funérailles,
Marc Aurèle avait été proclamé « dieu tutélaire »52 par le Sénat et le peuple.
Aussi Commode ne put-il faire moins que de célébrer la mémoire de son
père par des émissions de pièces d'or, d'argent et de bronze portant au revers
la légende CONSECRATIO autour de la représentation du bûcher funéraire et
de l'aigle qui s'en échappe au sommet53. Ce sont là les seules monnaies
frappées pour l'un des siens. Il est vraisemblable que celles au nom de son
épouse Crispine, ont été mises en circulation en majorité à l'occasion de son
mariage, directement évoqué par les revers Concordia, Dis coniugalïbus, Dis geni-
talibus avant la mort de Marc. Les autres types de revers sont propres à toutes
les impératrices et s'ils ont été utilisés après 180, ce fut pendant un bref laps
de temps puisque Crispine disparut dès 183.

Septime Sévère et les siens

De tous ceux qui prirent le pouvoir en 193, avec un succès moins durable
que celui que devait avoir Septime Sévère, seul Dide Julien introduisit son
entourage familial dans le monnayage. Il existe en effet des aurei, deniers,
sesterces et dupondii pour son épouse, Manlia Scantilla, aux types de Pietas et de
Inno Regina, et pour sa fille, Didia Clara, aux types de Fortunae felici et de
Hilar(itas) tempor(um)54, l'une et l'autre immédiatement nommées Augusta55.
Après qu'au mois de juin de la même année Julien eut été éliminé, Sévère
tint à associer à la diffusion de sa propre image celle de la princesse syrienne
qu'il avait épousée moins de six ans auparavant. En cela il agissait certes
comme son prédécesseur mais sous l'empire d'un mobile assurément
différent. Pour l'un, il s'agissait peut-être d'insister sur son droit légitime au
pouvoir à travers Manlia Scantilla, peut-être alliée aux Antonins, comme il l'était
lui-même, en tout cas issue d'une famille influente, ainsi que l'a récemment
montré F. Chausson56. Didia Clara dont le mari, fils d'un préfet du Prétoire
d' Antonin le Pieux puis de Marc Aurèle, qui accompagnait Julien se rendant
à la convocation du Sénat après l'assassinat de Commode avant d'être lui-
même nommé Préfet de la Ville, représentait une garantie de descendance57.

52 H. Α., Vie de Marc Aurèle, XVIII, 3 ;A. Chastagnol, Les empereurs romains des IIe et IIIe siècles,
1974, p. 145.
53 RIC, III, n° 264-275 et 654-664. Hérodien, IV, 2, 7-11, donne une description précise de
ce bûcher, notamment de la dernière structure, sans doute fort légère, d'où s'échappait l'aigle
censé emporter vers le ciel l'âme de l'empereur défunt.
54 Julien prend le pouvoir le 28 mars, trois jours après les Hilaria célébrées le 25.
55 H. Α., Vie de Dide Julien, III, 4, A. Chastagnol, op. cit., p. 289.
56 François Chausson, « De Dide Julien aux Nummi Albini », MEFRA, CXII, 2000 (sous près-
se).
57 H. Α., Vie de Dide Julien, II, 4, et III, 6, A. Chastagnol, op. cit., p. 289.
La famille de Septime Sévère à travers les monnaies 339

Pour l'autre, Septime Sévère, il s'agissait de s'engouffrer dans les perspectives


qu'un horoscope, lui assurant le pouvoir, lui avait ouvertes par son mariage
avec une princesse d'Émèse58.
Ses premières frappes, toutes à la gloire des légions qui avaient pris parti
pour lui, furent mises en circulation en même temps que des monnaies au
nom de Julia Domna Augusta, adoptant des types parfaitement fidèles à la plus
pure tradition romaine. On y voit au revers Venus Victrix59 (fig. I, n°10),
représentée de dos, appuyée à une colonne60, déjà présente sur les monnaies
d'Auguste parce qu'elle évoque les origines du divin Jules, mais par la suite
aussi sur celles des princesses de la maison impériale et par exemple sur celles
de Julie fille de Titus (fig. 2, n°25), de Matidie, Faustine Jeune ou Crispine61.
Venus genetrix62 est aussi présente en même temps que Fecunditas63 . Celle-ci,
représentée assise, tenant dans ses bras un enfant tandis qu'un autre se trouve
debout devant elle, est remarquablement significative. L'allusion à ses deux fils
dont l'un est né à Lyon en 189 et l'autre à Rome un an plus tard, n'est guère
voilée. On y voit enfin Vesta64, assise, tenant le Palladium et un sceptre.
L'impératrice venue d'Orient ne pouvait pas ne pas affirmer son respect pour
la protectrice du foyer civique dont la fête se célébrait le 9 juin, jour où
précisément Sévère avait fait son entrée à Rome. Le bronze complète ce groupe
en y joignant la déesse capitoline, Iuno regina65. Plus tard des pièces furent
émises au types de Cybèle, mater devm.
Entre 193 et 194, à Rome, donc en accord avec Sévère66, des monnaies ont
été émises aussi pour Clodius Albinus César67. Et pour compléter l'ensemble
des émissions dédiées à la famille impériale, selon le schéma qui s'était
imposé depuis Trajan, Pertinax, placé au rang des dieux, fut honoré par des pièces
qui, dans les trois métaux, portent au droit la légende diws PERT Pivs pater,
accompagnant sa tête nue à droite et au revers CONSECRATio avec un aigle ou
un bûcher, confirmant ainsi ce que rapporte l'Histoire Auguste68.
Les ateliers d'Orient — Alexandrie, Emèse, Laodicée - qui, entre 193 et 197,
ont émis des deniers impériaux aux noms de Sévère et de Julia Domna ont
utilisé des types qui leur sont propres mais aucun d'entre eux ne se rapporte
de façon originale au thème de la famille impériale. Au reste, et cela ne peut
surprendre, ce n'est qu'à Rome, en 195, que la monnaie devait prendre un
autre aspect.

58 H. Α., Vie de Sévère, III, 9, A. Chastagnol, op. cit., p. 315.


59 RIC IV1, n° 535-536, 841, 848.
60 La pomme du jugement de Paris est ici curieusement substituée au casque que
traditionnellement eËe tenait de sa main étendue.
61 RIC III, 723 (M. Aurèle) et 290 (Commode).
62 RIC IV1, n° 537.
63 RIC IV1, n° 534, 838-839, 844.
64 RIC IV1, n° 538, 843.
65 RIC IV1, n° 840-845.
66 Commode l'aurait désigné comme césar selon H. Α., Vie de Sévère,Vl, 9 et Vie de Cl.
Albinus II, 1-2.
67 RIC, IV1, p. 44-45 et 51-53.
68 H. Α., Vie de Sévère, VII, 8.
34° Claude Brenot

Le 14 avril de cette année-là, le titre de Mater castrorum était octroyé à Julia


Domna qui accompagnait l'empereur et son armée en marche vers
l'Osrhoène. Parvenue à Rome, la nouvelle en fut annoncée urbi et orbi par
une émission de pièces d'or, d'argent et de bronze. Deux types accompagnent
la légende matri (ou mater) CASTRORVM : l'un représente Julia Domna
assise tenant un sceptre et un globe surmonté d'un phœnix, repris de Faustine
II divinisée ; l'autre représente l'impératrice sacrifiant avec une patere
au-dessus d'un autel et tenant une boîte à parfum (fig. 2, n° 28). Ces pièces
rejoignaient celles, émises vingt ans plus tôt pour Faustine II, qui étaient encore
présentes dans la circulation. La princesse syrienne, fille du grand prêtre du
Baal d'Emèse, apparaissait ainsi, non seulement sacrifiant en impératrice
romaine, mais assimilée à une impératrice divinisée, sideribus recepta. Quelques
mois plus tard, la même année, l'empereur se proclamait ouvertement fils
adoptif du divin Marc à travers des monnaies qui portent au droit la mention
de la salutation impériale V (bronze)69 ou VII ( or et bronze)70 et, au revers, la
légende : divi m pii f ρ m tr ρ πι cos π ρε, monnaies par conséquent
antérieure au 10 décembre 195, date de la quatrième puissance tribunicienne de
Septime Sévère. Pour compléter cette série et en toute logique, la mémoire
de Commode se trouve audacieusement réhabilitée par un denier portant au
droit : M COMM ANTO AVG PIVS FEL autour d'une tête lauree et au revers un
aigle avec la légende consecratio.
Peu de temps après, et en tout cas avant la huitième acclamation
impériale, sont encore émis pour Sévère des aurei avec la légende discrète : SEVERI AVG
Pli fil, autour du buste drapé de Caracalla tête nue71, annonçant un fils dont
le nom n'est pas donné. Mais en même temps, avec la même légende
accompagnant les instruments du sacrifice sont émis d'autres deniers72 qui eux
portent au droit, clairement dévoilé, le nom de ce fils et César qui n'a pas
encore dix ans, le nom vénéré de Marc Aurèle l'empereur philosophe : M AVR
Anton CAES PONTIF qu'un troisième denier désigne sans ambages comme
DESTINATO IMPERAT (instruments du sacrifice)73. Ces revers s'insèrent dans un
ensemble beaucoup plus large, constitué par des types habituellement utilisés
pour les césars, tels que Spes, Securitas perpetua, Fides, principi iuuentutis ... La
hardiesse d'une décision qui bravait insolemment l'ordre établi s'entourait en
même temps des images de la tradition.

69 RIC IV1, n° 686 (sesterce au type de Rome assise à g. tenant une Victoire).
70 RIC IV1, n° 65-66 (aurei aux types de Mars, tenant une lance et un trophée, ou bien de
la Victoire, tenant une couronne et un trophée) et 700 (sesterces aux types de Rome assise ou
debout et de Félicitas).
71 RIC IV1, n° 72
72 RIClV\n° 15, p. 213.
73 RIC IV1, ρ 212, n° 6. Cette légende de revers à l'ablatif semble compléter avec un sens
causal la titulature du droit, M avr Anton caes pontif, et préciser qu'Antonin est pontife
« parce que » ou « puisque » il est destinatus imperator. Celui-ci n'avait en effet pas même dix ans
lorsque Sévère, à l'été 197, invita le Sénat à reconnaître son fils aîné comme César et à lui
décerner les insignes impériaux (H. Α., Vie de Sévère, XIV, 3). Son admission au sein du
collège des pontifes dut se situer dans cette perspective.
La famille de Septime Sévère à travers les monnaies 341

Fig. 1 . Septime Sévère et les siens.


342 Claude Brenot

Avec la nomination de Géta au rang de César et la promotion de son frère


à celui d'Auguste, Septime Sévère a achevé d'établir les fondements de
l'édifice dynastique qu'il a projeté74. Le monnayage des années 198-202 illustre de
façon saisissante la cohésion compacte de la famille sévérienne ou, du moins,
de l'image qu'en veut donner son fondateur. Les portraits de ses différents
membres accaparent le droit et le revers de la monnaie en démultipliant les
associations possibles, en les jumelant ou même les triplant, jusqu'à réunir
quatre personnages sur une même pièce. En effet chacun des princes, parents
et enfants, peut se trouver réuni, entre droit et revers d'une même pièce, à
chacun des trois autres, ou bien à deux des trois autres, représentés face à face,
ou jumelés superposé l'un à l'autre, ou même se trouver réuni aux trois autres.
Ainsi, par exemple, un droit de Septime Sévère avec la légende severvs pivs
avg est associé à un revers de Julia Domna avec la légende IVLIA AVGVSTA (fig.
1, n° 1), pièce non datée mais dont on peut rapprocher l'avers de celui de la
pièce frappée à l'occasion du mariage de Caracalla et Plautille en 202 (fig. 1 ,
n° 8 )75. Un aureus réunit Septime Sévère, au droit, et, au revers, Julia Domna
accompagnée de ses deux fils entourée de la légende félicitas saecvli76 (fig.
1, n° 2), datée, par la légende de droit de la dixième puissance tribunicienne,
c'est-à-dire de 202. D'autres pièces sont frappées pour Septime Sévère,
Caracalla et Géta, avec la légende aeternit imperi77 (fig. 1, n° 3) ou pour
Septime Sévère, L SEPT sev AVG imp xi part max et Géta, désigné par la
légende L SEPTIMIVS géta CAES78 (fig. 1, n° 4). La mention de la onzième
acclamation impériale date cette pièce du début de l'année 198. Du reste Géta y est
encore nommé Lucius Septimius Géta et non Publius comme il le sera un peu
plus tard. Enfin, Julia Domna, comme Sévère, occupe le droit de pièces dont
le revers reçoit les bustes des deux jeunes princes avec la légende Aeternit
imperi19 (fig. 1, n°6) ou l'un seulement des deux80 (fig. 1, n° 7, Géta). En 202, à
l'occasion de son mariage avec Plautille, la fille de Plautien, alors préfet du
prétoire, Caracalla prend la place de son père au droit d'une série de pièces et
notamment d'un aureus qui, au revers, réunit Sévère et son épouse Julia
Domna, avec l'édifiante légende CONCORDIAE AETERNAE autour de leurs
bustes superposés81 (fig. I, n° 5). Cette légende prend, dans ces circonstances,
tout son sens : l'empereur et l'impératrice sont, par leur propre union,
l'exemple proposé aux deux princes. Un aureus, apparemment inédit,
complète la série de ces portraits de famille : il porte au droit le buste drapé de

74 Projet dynastique que reflète son autobiographie, voir F. Chausson, « L'autobiographie de


Septime Sévère », RÉL 73, 1995, p. 183-198.
76 RIC IV1, 273
75 181a,(denier)
b, c. severvs pivs avg ρ m tr ρ x.
77 RIC IV1, 155 b. Le buste de l'empereur est représenté ici revêtu de l'égide, aureus daté
entre 200 et 201. Dans la même série la peau de lion remplace l'égide.
78 RIC IV1, n° 132, (denier).
79 RIC IV1, n° 540 (aurei et deniers). Il existe avec la même légende des aurei et des deniers
réunissant Septime Sévère et Caracalla, RIC, n° 539.
80 RIC IV1, n° 571. Ici Géta est nommé Publius Septimius Geta.
81 RIC IV1, n° 52, p.220. L'empereur porte une couronne solaire radiée et l'impératrice
repose sur un croissant de lune.
La famille de Septime Sévère à travers les monnaies 343

28 ^BtëWSgg^ 30
27 29
Fig. 2. L'empereur et les siens d'Auguste à Commode.
344 Claude Brenot

Sévère, et, au revers, ceux de Caracalla et de Plautille face à face, accompagnés


de leurs noms : ANTONINVS avg - plavtilla avgvsta82 (fig. I, n° 8). D'autres
monnaies encore diffusent l'image du jeune couple. Elles présentent au droit
l'effìgie de l'un ou de l'autre époux et, au revers, la réunion de l'un et de
l'autre, debout côte à côte, unissant leurs mains droites, au cours des rites
religieux du mariage. La légende qui accompagne cette scène, parfois réduite à la
seule représentation des mains, est généralement Concordici. Comme pour
insister, s'il en était encore besoin, sur le projet dynastique du chef de la
Domus
n° 9), qui
divina,
entreune
en nouvelle
résonancelégende
avec lesest
inscriptions
introduite,triomphales
PROPAGO IMPERI83
dans lesquelles
(fig. 1,
Sévère est dit propagator imperii. Dans cette perspective qui embrasse le temps
et l'espace, se joue YAetemitas d'un Empire s'étendant jusqu'aux limites de
l'orbis terrarum.
Ces associations de portraits ne sont pas les seules images des princes. Les
jeunes Césars ont eu très vite, on l'a vu , un monnayage par lequel ils se
trouvent célébrés et associés à tous les événements importants : à Vaduentus (fig. 1 ,
14), aux libéralités, à la Victoire (fig. I, n° 13), aux triomphes, aux sacrifices
accompagnant les célébrations religieuses, notamment celles des décennales
de 202 et fetes séculaires de 204. Emission après émission, il apparaît vite que
les revers, quand ils ne sont pas communs à tous les membres de la famille
impériale, se font écho et se complètent pour diffuser une information ou un
message qui doit contribuer à la louange et à la gloire de tous et de chacun
en particulier. Si quelques-uns de ces revers comportent des éléments
nouveaux, comme les légendes destinato imperatore), propago imperi, ou la mention
d'un fils de l'empereur sans titre ni nom, Seuer aug pii fil, poussant même
jusqu'à la plus insolente audace comme le revers de Julia Domna frappé après
211, qui la proclame « Mère des Augustes, Mère du Sénat, Mère de la
Patrie »84 (fig. 2, n° 29), tous les autres sont empruntés à un répertoire
traditionnel. Le cas des représentation de divinités a déjà été évoqué notamment
à propos de Venus Victrix. On pourrait, sur ce sujet, multiplier les exemples
analogues (fig. 1, n°s 11, 12). Le type du revers, peu répandu, représentant les
quatre saisons (felida tempora) frappé pour Caracalla et pour Géta (fig. 2, n° 30)
est repris des frappes de Commode (fig. 2, n° 26). L'image du revers de Géta
qui représente les princes de la jeunesse caracolant (fig. 2, n° 24), peut être
rapproché du revers de Néron (fig. 2, n° 23). La figure de Spes du sesterce de
Caracalla césar (fig. I, n° 15) est largement représentée dans la circulation
jusqu'à la fin du IIIe siècle. Si, pour Julia Domna Mater castrorum (fig. 2 n° 28),
est créé un revers propre, celui de Faustine (fig. 2 n° 27) est également
utilisé pour elle. Les monnaies à bustes multiples, si généreusement diffusées, ont

82 Numismatica Ars Classica, Zurich, vente du 16 novembre 1994, n° 556.


83 Propago, inis qui, au sens propre, désigne une greffe ou une marcotte, désigne, au figuré, la
descendance ou la lignée. La légende propago imperi traduit donc bien la détermination
d'assurer, par le mariage du nouvel Antonin et de Plautille, la continuité de l'Empire.
84 Suétone, rapporte dans la vie de Tibère, L, que « Tibère s'était indigné qu'il eût été
question au Sénat d'ajouter à ses titres celui de « fils de Livie » par analogie à celui de « fils
d'Auguste ». Aussi ne permit-il pas qu'elle fut appelée « mère de la patrie » ».
La famille de Septime Sévère à travers les monnaies 345

une origine non moins traditionnelle. Il a déjà été question des bustes
affrontés de Nerva et de Trajan senior ou de Trajan et Piotine divinisés. Mais plus
tôt encore Caligula avait frappé un denier portant au droit sa propre effigie
et, au revers, celle de sa mère Agrippine l'Ancienne85. Comme on l'a vu aussi,
les portraits de Néron et d'Agrippine II sa mère sont représentés conjoints,
soit gravés en surimpression, comme le montre Yaureus86 (fig. 2, n° 18) soit
gravés se faisant face, comme le montre Yaureus87 (fig. 2, n° 19). Les trois
bustes de Julia Domna et de ses fils fait appel au plus ancien des modèles cités
jusqu'à présent, le denier du monétaire d'Auguste, MariusTro., qui
représente Livie entre ses deux fils, Caius et Lucius, à ceci près qu'Octavie est de
profil et non de face comme Julie. Il ressort de tout cela que, ne se contentant
pas d'être fils de Marc Aurèle, petit-fils d'Antonin, arrière petit-fils
d'Hadrien... comme le publient certaines de ses inscriptions, Sévère est allé,
en l'occurrence, puiser ses modèles d'iconographie familiale aux origines
même de l'empire, dans la famille julio-claudienne88.

Ce qui frappe dans la série des monnaies réunissant les portraits de la


famil e sévérienne c'est donc moins la façon dont ils sont agencés que la façon
dont ils ont été massivement utilisés non pas exceptionnellement mais
régulièrement au moins entre 198 et 202. Mais l'image de solidité et de parfaite
cohésion familiale qu'ils entendaient véhiculer est bien loin de la réalité, telle
que les textes la suggèrent et les faits la démontrent. Qui pourrait en effet
imaginer, devant l'image de YAeternitas imperii, incarnée par les têtes candides
des deux charmants bambins que sont, à cette époque, Caracalla et Géta, la
ténacité de la haine qui les habitait et devait aboutir, une douzaine d'années
plus tard, au meurtre du plus jeune. Mais Hérodien ne rapporte-t-il pas
qu'enfants ils se querellaient déjà à propos de combats de cailles et de coqs89.
De même il fallut bien peu de temps pour que Plautille, pourtant garante de
la propago imperii, ne se trouve reléguée en Sicile90 puis purement et
simplement exécutée un peu plus tard. Une analyse détaillée de l'ensemble des
revers réunis par chaque émission, comme s'il s'agissait des éléments d'une
phrase ou d'un slogan, révélerait assurément, au fil de la succession de ces
émissions, toutes les subtilités d'un programme élaboré avec patience,
minutie et ténacité. Quelle perception pourtant ceux qui recevaient et
échangeaient la monnaie eurent-ils de ce progamme ?

85 RIC, I, 2e éd., n° 8 : c caesar avg germ ρ m tr pot et, au revers, agrippina mat c caes
AVG GERM.
86 RIC, I, 2e éd., n° 6. nero clavd divi caes avg germ imp trp cos et, au revers, agripp
AVG DIVI CLAVD NERONIS CAES MATER.
87 RIC, I, 2e éd., n° 3. agripp avg divi clavd neronis caes mater et, au revers, neri clavd
DIVI CAES AVG GERM IMP TRP COS.
88 Ceci tendrait à prouver que la monnaie conservait des archives accessibles, qu'il s'agisse
de dessins préalables à la gravure des coins ou des coins eux mêmes. La monnaie de Paris
conserve des coins d'Ancien Régime qui après avoir fourni le nombre de monnaies qu'ils
devaient fournir étaient biffés.
89 Her., Ill, 10, 3.
90 Her., Ill, 13, 3.

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