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La Houille Blanche

ISSN: 0018-6368 (Print) 1958-5551 (Online) Journal homepage: www.tandfonline.com/journals/tlhb20

Les normes de qualité d'eau potable : chimie,


turbidité

Charles Saout

To cite this article: Charles Saout (2003) Les normes de qualité d'eau potable : chimie,
turbidité, La Houille Blanche, 89:3, 27-29, DOI: 10.1051/lhb/2003042

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États qualitatifs et quantitatifs des eaux souterraines

Les normes de qualité d'eau potable: chimie, turbidité

Standards of quality for drinking water chemistry, turbidity

Charles Saout
Direction Générale de la Santé

The European decree 1220 on December 20 increases the consumer protection by a greater medical safety.lt defines
the organization of medical control with parameter Lists concerning controls in routine as well as a parameter List a
Little wider, concerning complete control information.

1 • INTRODUCTION trations limites est de 10 flg par litre, ainsi que des indica-
teurs de radioactivité. Certaines exigences de qualité sont
Le décret européen 1220 du 20 décembre vise à accroître sévérisées, comme celle de l'arsenic dont la valeur passe de
la protection du consommateur par une plus grande sécurité 50 flg par litre à 10 flg par litre, le nickel, de 50 à 20, l'anti-
sanitaire. Ce texte transpose trois directives: la Directive moine, de 10 à 5 et progressivement le plomb, de 50 actuel-
75.440 sur les eaux brutes potabilisables, la Directive 79 sur lement à 25 flg par litre en 2003, puis à 10 flg par litre à
la fréquence d'échantillonnage des eaux brutes superficielles, l'échéance 2013.
et la directive 98.83 sur l'eau destinée à la consommation À la suite des travaux d'expertise nationaux, et sur recom-
humaine. Il préconise des règles générales d'hygiène, protec- mandations de l'Organisation Mondiale de la Santé, des
trices pour la santé, portant sur la conception, la réalisation limites de qualité sont introduites pour préserver et améliorer
et l'entretien des installations de production et de distribu- le dispositif de sécurité sanitaire français. Elles concernent la
tion d'eau. Il définit l'organisation du contrôle sanitaire avec turbidité, le baryum, la microcystine-Ir (algale produite par
des listes de paramètres concernant les contrôles en routine les cyanophycées), les chlorites, sous-produits introduits
ainsi qu'une liste de paramètres un peu plus étendue, concer- dans le traitement du dioxyde de chlore, les excès de nutri-
nant les contrôles complets qui ont pour objectif de fournir ments tels que nitrates, phosphates issus de l'agriculture ou
les informations nécessaires pour déterminer si toutes les de l'urbanisation qui provoquent l'eutrophisation des eaux
valeurs établies ou fixées, prévues par la directive sont res- associée notamment à des proliférations algales, qui à leur
pectées. tour libèrent des toxines nocives. Les premières mesures
effectuées en France montrent qu'en certains endroits, on est
au-delà de ces recommandations. Le décret 12-20 conduit
II. LES PARAMÈTRES DE QUALITÉ
également à rechercher d'autres nouvelles molécules, des
solvants halogénés, donc les tri- et tetrachloréthylène,
Les modifications substantielles qui sont apportées au dis-
l'achrylamide, l'epichlorhydrine, le chlorure de vinyle. Il
positif préexistant relatif à la qualité de l'eau potable concer-
maintient les investigations concernant les produits phytosa-
nent la classification des paramètres de qualité de l'eau.
nitaires en y incluant les métabolites, les hydrocarbures
Cette classification distingue, d'une part les paramètres qui
polycycliques aromatiques plus des paramètres tels que le
ont une incidence directe sur la santé des personnes, avec
zinc, le potassium, le phosphore.
des valeurs limites édictées par l'Organisation Mondiale de
la Santé, et d'autre part des indicateurs de fonctionnement Au sein des modifications récentes, il faut signaler le
des installations de traitement et de distribution que sont contrôle de conformité des eaux des réseaux de distribution,
chlorure, sulfate, fer, manganèse, et quelques autres. La qui doit être effectué désormais au point d'utilisation normal
directive introduit de nouveaux paramètres notamment des de l'eau par les consommateurs et non plus au compteur de
sous-produits induits par le traitement des eaux: les bro- l'abonné.
mates, dont la teneur est fixée à 25 flg par litre en 2003 et
devra atteindre 10 flg par litre en 2008, les triahalométhanes, I I I . LE CADRE JURIDIQUE ET FINANCIER
dont la norme à respecter sera de 150 fl g par litre en 2003,
puis de 100 flg par litre en 2008, les tri- et les tetrachloroé- Autre nouveauté fondamentale, l'instauration d'un cadre
thylènes nouvellement cherchés, dont la somme des concen- juridique de gestion des situations de non-conformité de l'eau

LA HOUILLE BLANCHEIN° 3-2003

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États qualitatifs et quantitatifs des eaux souterraines
par rapport aux valeurs limites pour lesquelles sont introduits prévention et de précaution ont souligné le problème créé
des éléments d'une démarche d'évaluation associant les ins- par l'ensemble des pesticides et le niveau des recherches à
tances d'expertise nationales, d'évaluation et de gestion du développer concernant cette problématique. Si D. Ballay a
risque, puis d'information des consommateurs. C'est un sys- souligné les réglementations et les réflexions à l'échelon
tème dérogatoire potentiel qui s'échelonne sur des périodes européen sur la réévaluation de l'impact environnemental et
triennales, de 0 à 9 ans. C'est un système de main de fer dans sanitaire des molécules, les travaux européens s'échelonnent
un gant de velours, qui doit être associé aux plans de gestion. sur la révision de 700 ou 800 molécules jusqu'à 2008. Il en
La première dérogation triennale pourrait être donnée par les sortira vraisemblablement un certain nombre de restrictions
états membres, donc par les préfectures sous réserve que les fortes concernant l'utilisation d'anciennes molécules. Les
dérogations ne causent pas d'effets immédiats sur la santé des bilans de dégradation des ressources en eau en France ont
personnes. La deuxième dérogation triennale doit être signa- déjà conduit le Ministère de l'Agriculture à restreindre et à
lée à la Commission européenne qui jugera effectivement, interdire l'utilisation de triazine à la fin de l'année 2001. La
comme les autorités nationales, de la valeur, de la validité du réflexion internationale et nationale sur les pesticides
plan de gestion effectivement mis en œuvre et de ses pre- s'amplifie. Des travaux sont menés actuellement par le
miers résultats. Ces plans de gestion devront comprendre un Comité scientifique de l'alimentation humaine sur les pesti-
certain nombre d'indicateurs, d'échéanciers et de proposi- cides, notamment au sujet des métabolites résultants de leur
tions. La troisième dérogation triennale, au bout de 6 ans, ne dégradation.
sera octroyée que sur décision de la Commission européenne.
L'ensemble s'apparente à un outil qui oblige à avancer. La
V • IMPORTANCE DE LA FILTRATION
mise en conformité des eaux distribuées, dans les délais fixés
par la directive, 5, 10 ou 15 ans selon les substances, va Physiquement, cette fois, mais avec un prolongement sur
entraîner d'importants travaux pour rechercher et mobiliser l'activité bactérienne, l'abaissement de la turbidité vise à la
des ressources exemptes de contamination, aménager les mise en place d'une filtration des eaux vulnérables notam-
filières de traitement existantes, notamment garantir la réduc- ment les ressources des zones karstiques. Une référence
tion des teneurs en sous-produits organiques résultant de introduite dans le nouveau décret 1220 conduira à mieux
l'utilisation des produits de désinfection. définir les filtrations nécessaires. Malgré une circulaire rédi-
Les principaux enjeux financiers tels qu'ils ont été quanti- gée en 1997 par le Ministère de la Santé, il faudra attendre
fiés à ce jour, sont évalués à 4,5 milliards d'euros pour les la révélation des épisodes épidémiques en Amérique du
installations publiques, 3,5 milliards pour le plomb, 0,3 pour Nord, liés à l'usage d'une eau traitée de manière convention-
la turbidité, 0,3 pour les chlorites, 0,15 pour l'arsenic. Cer- nelle qui contenait des protozoaires. Des études récentes en
tains paramètres introduits par la directive s'adressent à France ont montré que 10 à 50 % des incidences endémiques
l'amélioration des filières de traitement dans une logique de de gastro-entérite seraient attribuables à l'eau de consomma-
produits fabriqués, de produits de consommation, plus que tion. Il conviendra de revoir la validité des indicateurs de
dans une logique d'environnement. Il s'agit des bromates, des gestion actuels de l'eau. Préalablement, il conviendra
sous-produits de désinfection ou de stabilisation des eaux vis- d'apprécier l'incidence de la forte augmentation du nombre
à-vis du potentiel de dissolution des métaux pour limiter les de personnes sous traitement immuno-dépresseur dans la
phénomènes de distribution dans les réseaux intérieurs. population en général. En matière d'eau potable, une sur-
veillance du risque endémique met en avant l'Institut natio-
IV • LES ENJEUX SANITAIRES nal de veille sanitaire.
Elle pourrait s'appuyer sur un réseau dont le nom de bap-
Les travaux d'expertise français ont conduit à introduire le tême serait Aqua Vigilance et dont l'objectif serait de limiter
paramètre «chlorites » qui ne figure pas dans la directive le risque microbiologique et notamment parasitaire. Ce
européenne mais qui figure dans le décret français. Il réseau repose sur des recherches qui proposent la turbidité
conduit à mieux traiter la matière organique dans les filières des eaux en tant qu'indicateur générique d'exposition aux
de traitement afin de diminuer les concentrations en sous- germes pathogènes pour des eaux satisfaisant aux normes
produits induits par le traitement. bactériologiques fécales classiques, et, d'autre part repose
Il reste des problèmes à résoudre concernant les nitrates, sur des investigations sur les épidémies d'origine hydrique et
les pesticides, les produits organo-halogénés volatils, les les accidents d'exploitation. Pour les eaux d'origine superfi-
hydrocarbures aromatiques polycycliques. Les composés chi- cielles, la limite de qualité des eaux est fixée par décret à
miques présents de façon durable engendrent des risques 1 NTU et la référence de qualité sur les indicateurs de ges-
sanitaires à moyen et à long terme. La mise en évidence tion de 0,5 NTU pour la turbidité au point de mise en distri-
d'un taux anormal pose toujours des problèmes décisionnels, bution. Pour les eaux d'origine souterraine provenant de
ardus, notamment par le fait que l'on ne connaît pas toujours milieux fissurés (karstiques), présentant une turbidité pério-
l'ancienneté de l'exposition des consommateurs. Bon an, dique importante, la limite est supérieure à 2 NTU. Un délai
mal an, plusieurs dossiers sur les nappes du territoire fran- de mise en conformité de 7 ans a été prévu pour les unités
çais remontent au niveau national dans les instances d'exper- de distribution de moins de 5 000 habitants. Cette notion
tise qui relatent la présence effective de tels composés. Les introduite dans le décret français, transcrit l'obligation géné-
nitrates sont suspectés d'être à l'origine de cancers de l'esto- rale prévue à l'article 4 de la directive 98.83 qui précise que
mac. Or la presse de ces derniers jours relate une augmenta- la turbidité doit être acceptable pour les consommateurs et
tion anormale, dans le Finistère, aux dires de certains ne subir aucun changement anormal. Elle mentionne que
praticiens d'un centre hospitalier, de cancers de l'œsophage. pour satisfaire aux exigences minimales, les eaux sont
Pour les pesticides, 1'IFEN, le Comité national de sécurité salubres et propres si elles ne contiennent pas un nombre, et
sanitaire, le Commissariat général du Plan, et le Comité de une concentration, de micro-organismes, de parasites ou de

LA HOUILLE BLANCHEIN° 3-2003


LES NORMES DE QUALITÉ D'EAU POTABLE: CHIMIE, TURBIDITÉ

toutes autres substances constituant un danger potentiel pour ressources en eau. Cette trentaine d'outils qui ont été histori-
la santé des personnes. quement juxtaposés et conçus comme des parades à des pro-
Il existe déjà une obligation de filtration pour les eaux blèmes (nitrates) ne révèlent pas une cohérence d'ensemble.
superficielles qui est prévue par la directive 75.440 mais la Les contentieux, les attentes des consommateurs, l'améliora-
même obligation n'existait pas à ce jour dans la réglementa- tion de la sécurité sanitaire devraient conduire à un change-
tion pour les eaux souterraines vulnérables. C'est un point ment de rythme et à la mise en œuvre de plans de gestion des
important introduit par le décret de l'année dernière qui va ressources en eau. Un acte réglementaire plus fort du Minis-
indirectement obliger dans les zones où les eaux parcourent tère de la Santé est en préparation sur la mise en œuvre effec-
des réseaux karstiques, à la mise en place de traitement par tive de ces plans de gestion des ressources en eau qui ont été
filtration ou nanofiltration pour lutter indirectement contre édictés d'abord dans le domaine des eaux superficielles par la
les risques parasitaires. On peut souligner que la turbidité directive 75.440 et l'ancien décret français. Peu de plans de
résiduelle au point de mise en distribution est un indicateur gestion ont été effectivement mis en œuvre. Lors de pré-
global du fonctionnement de l'étape de clarification-filtra- contentieux, la Commission européenne les demande. Ce qui
tion. Plus la turbidité est faible, plus la probabilité d'avoir nous a conduit à nous interroger sur ce qu'est juridiquement
des parasites dans l'eau est faible. Plus la teneur en matière cet outil de gestion. C'est souvent un responsable, un élu
organique coloïdale - qui contribue à la dégradation de la local qui a la responsabilité ou le pouvoir de police dans sa
qualité lors de son transfert dans les canalisations et à la for- commune. Il ne l'a pas dans la commune voisine. Il ne l'a
mation de sous-produits de traitement - est basse, plus on pas sur un ensemble de bassins versants. Il l'a vis-à-vis d'un
réduit les micropolluants liés aux matières en suspension. certain nombre d'interlocuteurs et la première réflexion
Enfin plus la clarification est bien menée et moins il y a de conduit à observer que cet outil de gestion est un contrat, que
risques de fuite de coagulant et notamment d'aluminium. tout le monde est responsable et solidaire en ce sens, que les
uns ne peuvent rien faire sans les autres. Cette réflexion a
Une obligation indirecte, de renforcement du traitement
révélé que le préfet se doit de renforcer la police des eaux,
des eaux d'origine karstique, laisse toutefois un champ
appuyée par un acte réglementaire définissant ou reconnais-
important de définition. Il serait souhaitable que cette défini- sant ce qu'est un plan de gestion.
tion soit homogène sur le territoire national notamment pour
La réflexion devra être poursuivie avec un certain nombre
la délimitation de zones karstiques où il faudra, au terme de
de partenaires, des agriculteurs, des politiques agricoles,
2008, améliorer les filières de traitement et imposer l'obliga-
dans des ensembles de bassins versants où de multiples
tion de filtration. À noter que la limite de qualité, qui a été
acteurs sont concernés. Faudra-t-il proposer une mise en
fixée à 0,5 ou à 1 NTU, conduit à un coût identique en
obligation, dès qu'on dépasse une norme de qualité pour la
matière d'investissement. La différence ne porte que sur le
consommation humaine? Des outils existent: les SAGES,
coût de fonctionnement. Cette valeur de 0,5 NTU a résulté
qui peut-être représenteront un pôle de négociation locale.
d'un consensus entre experts nationaux et s'est efforcée de
L'obligation réglementaire devrait être plus rigide que par le
prendre en compte les difficultés des réglages des usines de
passé. Les plans de gestion seront plus rigides que les
plus petite taille alimentées par des eaux présentant de fortes
consensus actuels; ils devront comporter des échéanciers et
fluctuations.
des indicateurs pour que l'on puisse éprouver les améliora-
tions au niveau national et vis-à-vis de la Commission euro-
VI • PLANS DE GESTION DES RESSOURCES péenne. En conclusion, retenons que si, en aval, la qualité
EN EAU des eaux constitue une obligation de résultat, cette obligation
sous-tend en amont une politique de prévention, une obliga-
L'analyse du Commissariat au Plan a évalué à une tren- tion de moyens, applicables aux eaux souterraines, et de pré-
taine les outils généraux de protection et de préservation des vention applicable à l'occupation et aux pratiques du sol.

LA HOUILLE BLANCHE/N° 3-2003

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