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Dans les années 1960-1970, les eaux souterraines étaient simplement pompées, chlorées et
distribuées. Toutes les filières de traitement d’eaux superficielles étaient conçues selon le schéma
classique « coagulation, floculation, décantation, filtration en profondeur, désinfection » avec une
pré-chloration quasiment systématique, permettant aux différents procédés de travailler en
ambiance chlorée sans qu’aucun phénomène biologique ne puisse y prendre place. Le
développement considérable des connaissances en chimie analytique et en toxicologie, la publication
de nouvelles réglementations et les exigences du consommateur permettent de comprendre
pourquoi les filières ont considérablement évolué à partir des années 1970-1980 (suppression de la
pré-chloration, optimisation de l’élimination des matières organiques, introduction de traitement
d’affinage de type ozonation/filtration sur charbon actif en grains). Ces filières sont désignées comme
« conventionnelles » dans cet article. Les filières conventionnelles de traitement peuvent parfois – et
cela sera encore plus le cas dans l’avenir – présenter des limites en termes d’efficacité et/ou de
fiabilité. Depuis la fin des années 1980, et beaucoup plus fréquemment aujourd’hui, les membranes
apportent des solutions nouvelles, qui, bien qu’elles ne soient pas universelles et généralisées,
permettent indéniablement d’alléger le dimensionnement et la conduite de la filière et d’améliorer la
qualité du produit. La microfiltration, l’ultrafiltration et, à moindre effet, la nanofiltration sont de plus
en plus utilisées dans les filières que nous qualifierons de « filières avancées ».
L'établissement d'une filière de traitement pour la production d'eau potable consiste toujours à
assembler, dans un ordre déterminé, un certain nombre de procédés (ou opérations unitaires) de
traitement des eaux, traditionnels et/ou avancés.
Le choix de ces procédés est évidemment guidé en priorité par la nature de l'eau à traiter et par le
débit souhaité. C'est pourquoi la filière définitive ne peut être choisie qu'après avoir rassemblé le
maximum de données analytiques sur la ressource.
Dans le cas d'une eau superficielle, sujette à des variations saisonnières, plusieurs campagnes
analytiques seront réalisées. L'arrêté du 21 janvier 2010 relatif au programme de prélèvements et
d'analyses du contrôle sanitaire peut aider dans cette démarche, bien que d'autres paramètres que
ceux demandés puissent être très utiles.
1.2 Procédés
D'autres critères que ceux énoncés ci-dessus peuvent ensuite entrer en ligne de compte, comme
l'autonomie des procédés, leur coût et parfois leur image médiatique. La protection de
l'environnement est également un critère important, en termes d'utilisation la plus faible possible de
réactifs chimiques, de faible dépense énergétique, de capacité à produire un minimum de déchets
(boues, concentrats, éluats de régénération, etc.) et d'encombrement au sol minimum.
1.3 Évolutivité
Enfin, la filière doit être choisie de façon à être évolutive compte tenu de la dégradation possible de
la qualité de la ressource, de l'augmentation de la demande en eau potable, par exemple par
l'accroissement de la population raccordée, et de l'évolution probablement de plus en plus fréquente
de la réglementation, voire de la prise de conscience de nouveaux problèmes.
2. Difficultés rencontrées
2.1 Qualité de l’eau distribuée, santé publique et demande du consommateur
■ Les ressources en eaux superficielles sont assez rarement d’excellente qualité et les eaux
souterraines sont de plus en plus souvent contaminées par les polluants d’origine anthropique.
La difficulté majeure est donc de toujours fournir une eau de bonne qualité, en accord avec la
réglementation en vigueur, même lorsque la qualité de la ressource est (ou est susceptible
d’être) contaminée. Par ailleurs, les limites et références (paramètres) de qualité des eaux de
consommation sont sévères et de plus en plus difficiles à respecter alors que les moyens
analytiques permettant de les contrôler sont de plus en plus perfectionnés. En outre, ces
paramètres doivent être désormais respectés au robinet du consommateur et non plus à la
sortie de la station de traitement. L’eau refoulée doit donc être chimiquement stable
(réduction maximale des métaux tels que Al, Fe, Mn...), biologiquement stable (élimination
du carbone organique biodégradable par traitement biologique) et chimiquement inerte vis-à-
vis des matériaux du réseau (neutralisation de l’agressivité carbonique, adoucissement ou
reminéralisation suivant le cas).
■ Une autre difficulté à surmonter est l’exigence de plus en plus grande du consommateur
sur le goût de l’eau, mais aussi sa méfiance sur la qualité de l’eau du robinet comparativement
aux eaux embouteillées qu’il consomme sans crainte [W 2 002]. Le traiteur d’eau doit donc
produire une eau sans (mauvaise) saveur et spécialement sans goût de chlore. Cependant,
comme la réglementation et la santé publique l’imposent, l’eau doit être impérativement
désinfectée, avant et pendant sa distribution. L’absence de goût de chlore ne peut alors être
obtenue que par application de faibles doses de ce réactif ou de ses dérivés, donc sur des eaux
d’excellente qualité, ce qui impose un traitement efficace avant la désinfection finale. 2.2
Sélection et optimisation des procédés Les procédés disponibles sont de plus en plus variés et
leur fonction n’est pas unique. En effet, nombre d’entre eux peuvent satisfaire totalement ou
partiellement plusieurs objectifs de qualité sans toutefois que les conditions optimales de
fonctionnement soient toujours compatibles avec chacun de ces différents objectifs. C’est
pourquoi, la conception actuelle (et future) des stations modernes s’appuie (et s’appuiera de
plus en plus) sur la notion de traitement « multibarrière », associant de réelles barrières
physiques (membranes) et des procédés biologiques aux procédés physico-chimiques
traditionnels. Outre l’acquisition de données analytiques sur la ressource, les tests en
laboratoire sont généralement indispensables et ils sont relativement aisés à réaliser (sélection
d’un coagulant, de sa dose et de son pH optimum d’utilisation, sélection d’un floculant,
sélection d’un charbon actif en poudre, détermination de la demande en désinfectant ou en
oxydant et du potentiel de formation de sous-produits de désinfection, tests simples de
filtration sur membrane comme le fouling index, etc.). Une démarche parfois pratiquée avant
la définition d’une filière consiste en des tests effectués à l’échelle pilote, qui sont
compliqués, coûteux et consommateurs de temps, mais qui peuvent dans certains cas
complexes éviter de graves déboires techniques et/ou financiers sur la future station
industrielle.
Les procédés à membrane ont fait une apparition notable ces dernières années et les filières
traditionnelles se sont progressivement modifiées [4] [8], soit au niveau de la clarification
pour les eaux souterraines (il est fréquent que la microfiltration ou l’ultrafiltration remplace la
filtration en profondeur), soit au niveau de l’étape d’affinage du traitement des eaux
superficielles (remplacement du filtre CAG, ou de l’ensemble O3/CAG, par le couplage
UF/CAP ou remplacement de O3/CAG par la nanofiltration NF). À titre d’exemple, on
trouvera dans le tableau 1 de l’article [W 4 120] un récapitulatif des applications de l’UF au
sein des filières traditionnelles de potabilisation.
4.1 Principaux problèmes rencontrés dans les eaux souterraines destinées à l'AEP
Pour les eaux souterraines, la qualité peut être :
excellente ;
détériorée naturellement par une turbidité épisodique (eaux en zone karstique), par des
micro-organismes, par le fer, le manganèse, l'ammoniaque, l'arsenic, le sélénium, le fluor,
ou trop « dure » pour être distribuée ;
détériorée par des activités d'origine anthropique conduisant à la présence de nitrates,
pesticides, solvants chlorés, additifs pétroliers (MTBE) ou autres micropolluants.
Les filières correspondant à ces différentes qualités sont décrites schématiquement ci-après.
Pour de plus amples informations sur les procédés mis en œuvre, on pourra se reporter aux
« Technologies de l'eau » et notamment aux opérations unitaires de traitement (volume W2).
5.1 Principaux problèmes rencontrés dans les eaux superficielles destinées à l'AEP
Pour les eaux superficielles (rivières et lacs naturels ou de barrage), la qualité est très
rarement excellente, les problèmes rencontrés sont de trois types :
problèmes courants d'origine naturelle (turbidité et MES, fer, manganèse,
aluminium, MON, bactéries, algues, faible minéralité) ;
problèmes de plus en plus fréquents d'origine anthropique (nitrates, pesticides,
résidus pharmaceutiques, perturbateurs endocriniens et autres micropolluants
organiques, métaux, bactéries et virus pathogènes, matières organiques issues
des rejets urbains et industriels, etc.) ;
problèmes engendrés par le traitement et la distribution (THM, chlorites,
bromates, plomb, acrylamide, chlorure de vinyle, épichlorhydrine, etc.).