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énergétiques
2050
Rapport complet
Février 2022
Futurs
énergétiques
2050
Rapport complet
Février 2022
REMERCIEMENTS
Remerciements
ÉQUIPE
Les résultats des Futurs énergétiques 2050 ont été présentés le 25 octobre 2021 (principaux résultats) et
le 16 février (résultats complets) par Xavier PIECHACZYK, président du directoire de RTE, et Thomas
VEYRENC, directeur exécutif de RTE en charge de la stratégie, la prospective et l’évaluation.
Les Futurs énergétiques 2050 sont le résultat d’un travail collectif de plusieurs années, depuis la conception des
modèles jusqu’à la restitution des résultats.
Les travaux ont été menés sous le pilotage de Olivier HOUVENAGEL, directeur adjoint à la direction
économie du système électrique.
Équipe complète
La réalisation de l’étude a mobilisé, au sein de RTE, une large équipe pluridisciplinaire (ingénieurs,
économistes, statisticiens, etc.). Ont notamment participé aux travaux :
Louise ANSART Marjorie COSSON Yannick JACQUEMART Paul PLESSIEZ
Fabiola ARAVENA Gro DE SAINT MARTIN Jean-Marc JANIN Marie PORTES
Jean-Baptiste ARNOUX Guillaume DENIS Laetitia JOINNEAU Apolline PRADA
Marion ARTAUD Wilfried DENOIZAY Bénédicte JOURDIER Thibault PREVOST
Maylis BABIN François DISPOT Madeleine LABORDE Marie-Clémentine
Gabriel BAREUX Laurent DUBUS Thomas LASSAIGNE QUILLERIET
Emeric BENONI Marie-Alix DUPRE LA TOUR Aude LAURENS Benjamin RICAUD
Frédéric BIENVENU Alvaro DURANTE Pauline LE BERTRE Yannick ROUQUETTE
Ilyes BORGI Virginie DUSSARTRE Guillaume LE PORT Cécile SAINT-SIMON
Christallan BRIEND Kevin FAVRE Olivier LEBOIS Cassandre SFILIO
Arthur BURLIN Claire FOURDAN Gaëlle LESTAGE Gaëlle SIMON
Guillaume BUSATO Mathilde FRANCON Marion LI Bianka SHOAI-TEHRANI
Julien CALLEC David GAME Guillaume MALINGUE Alberto TEJEDA
Gersende CHAFFARDON Pascal GIBIELLE Perrine MAS Olfa TLILI
Maxime CHAILLET Pierre GOUTIERRE Etienne MEYRUEY Thibault TOUJOUSE
Joris CHMIELEWSKI Mathilde GRESSET- Kutluhan PAK Josquin VERNON
Benjamin COMMANDRE BOURGEOIS Julien PERET Florent XAVIER
Hugo CORDIER Benjamin GUEDOU Jérôme PIGAT
Infographie
Nolwenn AUDOUEINEIX, Good Eye’d
Tout au long des deux années de travaux, un dispositif de concertation inédit a été mis en place, intégrant
tous les acteurs intéressés. Il s’agit d’une caractéristique essentielle des Futurs énergétiques 2050.
La concertation s’est déroulée sous l’égide de la Commission perspectives système et réseau (CPSR), présidée
par Thomas VEYRENC. La commission s’est réunie en format plénier à sept reprises entre mai 2019 et
septembre 2021.
Elle s’est appuyée sur les travaux de neuf groupes de travail thématiques, présidés par Olivier HOUVENAGEL.
Ces groupes de travail se sont réunis à plus de trente reprises entre 2019 et 2021, permettant d’approfondir
l’ensemble des composantes de l’étude et de couvrir un large champ d’investigation.
Début 2021, le cadrage et la définition des hypothèses de l’étude ont fait l’objet d’une large consultation
publique, qui a suscité plus de 4 000 réponses d’organisations et de particuliers.
RTE remercie toutes les organisations ayant participé aux réunions de la concertation (réunions plénières et
groupes de travail) et à la consultation publique pour les échanges constructifs et les contributions détaillées
ayant permis d’affiner le cadrage et les hypothèses de l’étude :
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Remerciements
Ces remerciements s’étendent aux nombreux citoyens ayant contribué à titre individuel à la consultation
publique de RTE sur le cadrage et les hypothèses des Futurs énergétiques 2050.
Pour apporter un avis indépendant sur les travaux et sa méthodologie sur le plan scientifique,
un conseil scientifique a été installé auprès du président du directoire de RTE, Xavier PIECHACZYK.
Le conseil scientifique a été sollicité pour avis sur la méthodologie d’analyse, les modèles et données
utilisés, ou encore pour discuter les résultats à neuf reprises en 2021 et 2022.
RTE remercie tous les membres pour leur implication constante, leurs conseils sur le cadrage,
les hypothèses et la restitution de l’étude.
10
Remerciements
COOPÉRATIONS ET PARTENARIATS
La réalisation des Futurs énergétiques 2050 a mobilisé, hors de RTE, des expertises pointues dans
de nombreux champs disciplinaires.
Des collaborations et partenariats spécifiques ont, à ce titre, été noués par RTE avec certains
partenaires :
Ces remerciements s’étendent également aux autorités françaises impliquées dans le suivi de l’étude :
1.2 Pour respecter les engagements climatiques de la France, il faut sortir des énergies
fossiles sur lesquelles notre économie et nos modes de vie sont aujourd’hui assis 46
1.3 La stratégie française pour l’avenir : une énergie bas-carbone et souveraine,
fondée sur l’efficacité énergétique, l’électricité bas-carbone et le développement
des usages de la biomasse 47
1.4 Un impensé du débat français : la fermeture prévisible du parc de seconde génération
au cours des prochaines décennies 48
1.6 Le système électrique de demain sera nécessairement différent de celui d’aujourd’hui 50
2.5 Une description temporelle des scénarios sur l’ensemble de la trajectoire 2020-2060 61
2.6 Une étude qui prend en compte les trajectoires climatiques du GIEC 62
2.9 Des scénarios analysés de manière systématique selon quatre volets principaux :
techniques, économiques, environnementaux et sociétaux 68
14
Sommaire
3.1 La trajectoire de référence pour la consommation d’énergie repose sur des progrès
substantiels d’efficacité énergétique et le remplacement des énergies fossiles
par des alternatives bas-carbone (électricité et biomasse) 72
3.1.1
Le cadre général de la SNBC : efficacité énergétique, électrification et mobilisation poussée
du gisement de biomasse dans une France globalement autosuffisante en énergie 72
3.1.1.1 La demande d’énergie finale : une réduction de 40 % en 30 ans 73
3.1.1.2 Le bouquet énergétique et la place des différents vecteurs :
une stratégie fondée sur l’électricité et la biomasse produites en France 74
3.1.2 Les Futurs énergétiques 2050 de RTE : l’évolution future de la consommation électrique
résulte d’une modélisation reprenant l’esprit de la SNBC, et adaptée pour tenir compte
de l’actualisation des perspectives techniques et des retours de la consultation publique 77
3.1.3 Un dispositif d’étude comprenant trois scénarios d’évolution de la consommation
à long terme, une trajectoire d’accélération à l’horizon 2030, et de multiples tests
de sensibilité, intégrant l’effet du réchauffement climatique 79
3.3
Une consommation d’électricité qui évolue en structure, dans sa répartition
entre les différents secteurs et usages 92
3.3.1 Transports : une forte augmentation de l’usage de l’électricité pour se passer d’énergies fossiles 92
3.3.2 Industrie : une stratégie de rénovation de l’appareil productif français qui passe largement
par l’électricité 95
3.3.3 Résidentiel : un secteur dont la consommation est maîtrisée sous réserve que la rénovation
des bâtiments soit au rendez-vous 98
3.3.4 Tertiaire : un secteur dont certains usages sont amenés à croître dans le numérique,
mais qui recèle également un fort gisement d’efficacité énergétique 101
3.3.5 Power-to-gas : une consommation d’électricité importante pour produire de l’hydrogène
bas-carbone par électrolyse 103
3.3.6 Une répartition sectorielle de la consommation qui évolue fortement 105
3.3.7 Synthèse des principales hypothèses dans la trajectoire de référence
sur la consommation d’électricité 107
3.5
Le scénario de sobriété permet de représenter les gains associés à des changements
des modes de vie 115
3.5.1 La question de la sobriété dans les Futurs énergétiques 2050 115
3.5.2 Une distinction explicite entre sobriété et efficacité 117
3.5.3 La sobriété, un outil pour la lutte contre le réchauffement climatique 118
3.5.4 Un scénario sobriété qui explore dans une approche systématique et dans des proportions
beaucoup plus importantes que la SNBC les conséquences d’une inflexion structurelle
des modes de vie vers la recherche d’un moindre impact sur l’environnement 118
3.5.5 Les gisements de sobriété sont détaillés et quantifiés 119
3.5.6 Des économies d’énergie potentiellement significatives, mais une trajectoire de consommation
qui reste néanmoins orientée à la hausse à l’horizon 2050 121
3.5.7 Synthèse des principales hypothèses du scénario de sobriété 122
3.6
Une trajectoire « accélération 2030 » pour atteindre le nouvel objectif européen
de -55 % sur les émissions nettes 123
3.6.1 Un nouvel objectif de réduction des émissions impliquant une électrification accrue à court terme 123
3.6.2 Une accélération marquée dans le secteur des transports 124
3.6.3 Une bascule vers les pompes à chaleur plus rapide dans le secteur du bâtiment 125
3.6.4 Un effet sur l’industrie dans le cadre du plan de relance 125
3.6.5 Bilan : un effet haussier sur la consommation d’électricité proche de 40 TWh à l’horizon 2030 126
3.7 D’autres configurations ont été étudiées, avec des évolutions contrastées
sur le rythme de déploiement de l’efficacité énergétique, de l’électrification directe
ou encore de l’hydrogène 127
3.7.1 Sur l’efficacité énergétique 127
3.7.2 Sur le rythme et le niveau cible d’électrification des usages 128
3.7.3 Sur un recours renforcé à l’hydrogène 128
3.7.4 Bilan des scénarios et variantes 129
3.7.5 Synthèse des principales hypothèses des différentes variantes étudiées 130
3.8 L’analyse en puissance : des usages flexibles qui représentent une part
de la consommation d’électricité en forte croissance 132
3.8.1 La consommation sera largement plus flexible à l’horizon 2050 qu’elle ne l’est aujourd’hui 132
3.8.2 La thermosensibilité de la consommation restera élevée en hiver et augmentera en été 134
3.8.3 Du fait de la flexibilité accrue de la consommation, les profils journaliers d’appel de puissance
n’auront plus le caractère relativement cyclique qu’ils présentent aujourd’hui 136
16
Sommaire
4.2 Le nucléaire : des avenirs contrastés, entre fermeture des réacteurs actuels,
différentes options de réinvestissement et possibilité d’une sortie 151
4.2.1 L’enjeu de disposer d’une prospective de qualité sur l’avenir de l’option nucléaire 151
4.2.2 La part du nucléaire dans les scénarios de mix : un débat symbolique,
mais insuffisant à décrire les enjeux techniques 152
4.2.3 Les réacteurs de seconde génération : une fermeture à anticiper au cours des années 2030 à 2060 153
4.2.3.1 Une trajectoire de référence : une durée d’exploitation maximale de 60 ans,
un panachage des fermetures à l’échéance des 5e et 6e réexamens périodiques 153
4.2.3.2 Un sous-jacent important à la trajectoire de référence : une réussite du grand carénage
pour prolonger l’ensemble des réacteurs actuels jusqu’à leur cinquième visite décennale,
et certains au-delà 154
4.2.3.3 Une trajectoire de fermeture plus rapide dans le scénario de sortie du nucléaire en 2050 155
4.2.3.4 Une option pour ralentir la fermeture en début de période 157
4.2.3.5 Une option pour la prolongation au-delà de 60 ans 158
4.2.4 Les réacteurs de troisième génération : des rythmes de développement de nouveaux EPR
conditionnés par le déploiement de capacités industrielles adéquates 161
4.2.4.1 Dans les scénarios « N », des trajectoires qui reprennent le programme « nouveau nucléaire
France » porté par les industriels du nucléaire sur la période 2035-2045 161
4.2.4.2 Des trajectoires contrastées sur le rythme de construction de réacteurs au-delà
du programme NNF, avec une accélération possible mais selon un rythme qui reste inférieur
à celui des années 1980 162
4.2.4.3 Dans le cas d’une relance du nucléaire en France, des décisions d’engagement
qui doivent être prises très rapidement pour que le nouveau nucléaire puisse faire
une différence à l’horizon 2050 164
4.2.5 Les petits réacteurs modulaires (SMR) : une opportunité pour le développement
de nouveau nucléaire complémentaire aux réacteurs de troisième génération 166
4.2.6 Les réacteurs de quatrième génération : pas de projet à moyen terme en France 167
4.2.7 À l’horizon 2050, le parc nucléaire maximal issu des propositions industrielles des acteurs
de la filière est d’environ 50 GW, dont environ la moitié issue de nouveaux réacteurs 168
4.5 Le thermique à flamme : une fermeture progressive des moyens les plus émetteurs
et une décarbonation du gaz en vue d’atteindre la neutralité carbone 193
4.5.1
Les grandes unités au fioul arrêtées en 2018, et une sortie du charbon imminente 193
4.5.2
Le gaz fossile : des unités récentes, mais des perspectives d’utilisation en diminution 195
4.5.3
Le gaz décarboné : une perspective pour les centrales actuelles, soumise à un grand nombre
d’incertitudes et de modèles envisageables 197
4.5.4
Le parc thermique décentralisé : un socle de plusieurs gigawatts de moyens
fonctionnant en base, mais amené à fermer à moyen terme 199
18
Sommaire
5.4 Des analyses de sensibilité portent sur la répartition des mix de production
autour de ces six configurations principales 224
5.4.1 Variantes de scénario 100 % renouvelable, sans nouveau nucléaire
mais avec une fermeture ralentie du nucléaire 224
5.4.2 Variantes des scénarios « M » et « N » sur la répartition entre les différentes énergies renouvelables 225
5.5 Un travail engagé pour approfondir les conséquences d’évolutions macroéconomiques
défavorables à la transition énergétique (variante « mondialisation contrariée ») 226
5.5.1 Une variante au contexte macroéconomique défavorable qui s’écarte du cadrage
de la plupart des scénarios énergétiques actuels 226
5.5.2 Des implications multiples qui peuvent aller d’une hausse du coût des technologies
de décarbonation à des difficultés d’atteinte des objectifs de la transition énergétique 227
6.2 Des ambitions européennes renforcées pour lutter contre le changement climatique
avec l’objectif de la neutralité carbone en 2050 244
6.3 Des stratégies nationales qui s’inscrivent dans les objectifs de l’Union européenne 246
6.5 L’étude Futurs énergétiques 2050 s’appuie sur des scénarios de contexte européen
contrastés pour évaluer la robustesse du fonctionnement du système électrique français
aux évolutions des systèmes électriques des pays voisins 264
6.5.1 Une représentation détaillée pour apprécier précisément le fonctionnement
du système électrique européen 264
6.5.2 Les scénarios considérés pour refléter le champ des incertitudes sur les évolutions
des systèmes énergétiques en Europe 266
6.5.3 Les scénarios sur le mix énergétique français sont comparés avec le même contexte européen 267
20
Sommaire
La sécurité d’approvisionnement :
garantir l’équilibre du système électrique dans des scénarios de neutralité
carbone reposant en grande partie sur des énergies renouvelables
7.1 Les scénarios de neutralité carbone nécessitent tous de développer des « flexibilités »
en France pour assurer l’équilibre offre-demande 288
7.1.1 Premier enjeu : disposer de capacités de flexibilité en puissance suffisantes pour couvrir
les périodes de forte consommation résiduelle, qui conditionnent le besoin en capacités pilotables 288
7.1.2 L’évolution des déterminants de l’équilibre offre-demande pose une question
sur le critère de dimensionnement du mix 290
7.1.2.1 Le critère de sécurité d’approvisionnement aujourd’hui 290
7.1.2.2 Le critère de sécurité d’approvisionnement à long terme 290
7.1.3 Deuxième enjeu : disposer de capacités de flexibilité mobilisables en des temps courts
pour les réserves opérationnelles qui vont également progresser 292
7.1.3.1 Réserve primaire : des besoins qui évoluent peu en volume mais un rehaussement
des exigences techniques à prévoir pour compenser la baisse de l’inertie du système
électrique européen 292
7.1.3.2 Réserves secondaire et tertiaire : des besoins qui évoluent avec l’accroissement
de la production renouvelable variable et pourraient atteindre jusqu’à 9 GW hors amélioration
de la qualité des prévisions de production éolienne et solaire 293
7.1.4 Dans l’ensemble, des besoins de flexibilité en augmentation dans tous les scénarios
mais dans des proportions variables selon les choix sur le mix 295
7.1.4.1 Les analyses confirment que les transformations prévues du système électrique à l’horizon 2030
ne posent pas de difficulté en matière de sécurité d’approvisionnement. 295
7.1.4.2 Des besoins en capacité massifs apparaissent à partir de l’horizon 2040 et sont d’autant
plus importants dans les scénarios de sortie du nucléaire 296
7.1.4.3 Au-delà du besoin de puissance, des besoins de modulation en énergie
portant sur des horizons différents 298
7.1.5 Différentes solutions de flexibilité, aux caractéristiques complémentaires, mobilisées
pour couvrir les besoins de l’équilibre offre-demande 302
7.3 La flexibilité de la demande : une option très peu coûteuse mais activable sur des durées
courtes, et dont le développement ne dépend pas que de facteurs économiques 318
7.3.1 Une évolution des usages électriques qui favorise un développement
de la flexibilité de la demande… 318
7.3.2 … mais des interrogations sur l’acceptabilité et la volonté de certains consommateurs
de s’engager dans ce type de démarche 320
7.3.3 Le développement de l’autoconsommation photovoltaïque facilitera le développement
de la flexibilité sur les usages dans le résidentiel 323
7.3.4 La mobilisation des flexibilités de la demande modifie sensiblement le profil de consommation
et permet de réduire l’amplitude des variations de la consommation résiduelle 326
7.4 Les batteries stationnaires : une solution adaptée dans les scénarios où le solaire
se développe largement 328
7.4.1 Les batteries apportent essentiellement un service de modulation à l’échelle journalière 328
7.4.2 Les batteries contribuent à la sécurité d’approvisionnement mais de façon limitée
du fait des contraintes de stock 329
22
Sommaire
7.6.3 Les centrales au gaz utiliseront des combustibles de synthèse ou du biométhane pour des volumes
limités, mais la mutualisation des moyens thermiques de « back-up » en Europe conduit la France
à importer de l’électricité produite à partir de centrales au gaz situées à l’étranger 341
7.6.4 Un moindre développement des interconnexions conduirait à accroître légèrement les besoins
de thermique décarboné en France, dans tous les scénarios 343
7.6.5 L’influence de l’évolution des mix des pays voisins sur la sécurité d’approvisionnement
en France : un besoin de coordination croissant mais des effets analogues sur tous les scénarios
de mix en France 348
7.6.6 Le développement des flexibilités de consommation permet de limiter le développement
des batteries stationnaires et de la production thermique décarbonée 350
7.6.7 Un espace économique pour les batteries compris entre quelques gigawatts
et quelques dizaines de gigawatts, qui dépend essentiellement de la part du photovoltaïque,
du développement de la flexibilité de la demande et de l’ampleur de la baisse des coûts
des batteries 354
7.6.8 Les batteries de seconde vie issues du secteur de la mobilité pourraient contribuer aux besoins
de flexibilité du système électrique, mais la performance économique et environnementale
de cette option n’apparaît pas établie par rapport à celle d’un recyclage des batteries 356
7.6.9 Le déploiement en Europe d’une infrastructure permettant de stocker des volumes importants
d’hydrogène et d’accéder à ces installations depuis les bassins de consommation d’hydrogène
permet de limiter le besoin de flexibilité du système électrique 358
7.6.10 Le développement des flexibilités de consommation permet de limiter le développement
des batteries stationnaires et de la production thermique décarbonée 361
7.6.11 Des résultats sur les bouquets de flexibilités qui se situent dans la fourchette des études externes 362
7.9.3
Un scénario conservant une capacité de production nucléaire importante associé
à un développement conséquent des renouvelables est de nature à limiter le risque
de non-atteinte des objectifs climatiques 376
7.11 La sobriété : un levier de maîtrise de la consommation qui permet aussi de limiter
les besoins de flexibilité pour assurer la sécurité d’approvisionnement 383
7.11.1 Dans le scénario sobriété, le besoin de nouvelles capacités flexibles est réduit d’environ
15 GW par rapport au scénario de référence, pour chaque mix de production étudié 383
7.11.2 La sobriété ne remet pas en cause l’intérêt de développer fortement les interconnexions 384
7.11.3 Dans le scénario sobriété, le volume de la consommation d’électricité flexible est
également réévalué à la baisse, hors appétence accrue pour la flexibilisation des usages 384
7.11.4 Dans tous les scénarios combinant sobriété et construction de nouveaux réacteurs nucléaires,
le besoin de centrales thermiques est limité 385
7.11.5 La sobriété permet de réduire le besoin de gaz décarboné pour la production d’électricité
ainsi que les pertes d’énergie associées aux besoins d’équilibrage du système 387
24
Sommaire
8.2.2 Le cycle hydrologique est modifié et les sécheresses deviennent plus fréquentes 402
8.2.2.1 Le changement climatique modifie les précipitations et les débits 402
8.2.2.2 Les sécheresses deviennent plus fréquentes 403
8.2.3 Le vent et le rayonnement solaire n’évoluent pas significativement 404
8.3 Le système électrique sera confronté à de nouveaux enjeux face à l’évolution
du climat, avec des effets importants sur la consommation et la production 406
8.3.1 Le changement climatique va entraîner une baisse de la consommation de chauffage
en hiver et une hausse de la consommation de climatisation en été 406
8.3.2 Une gestion des stocks hydrauliques qui devra évoluer 408
8.3.3 Les indisponibilités du parc nucléaire pour contraintes climatiques pourront concerner
un nombre accru de réacteurs 410
8.3.3.1 La disponibilité des différentes centrales nucléaires en cas de canicule est fonction
de la réglementation, de leur type de système de refroidissement, et de leur source froide 410
8.3.3.2 Les périodes de canicule ou de sécheresse ont conduit à des baisses de production du parc
pouvant atteindre ponctuellement 6 GW 412
8.3.3.3 Le réchauffement climatique va accroître le risque d’indisponibilité lors de canicules
ou de sécheresses pour les centrales actuelles en bord de fleuve 413
8.3.3.4 À l’horizon 2050, dans les différents scénarios conservant des tranches nucléaires, le nombre
de réacteurs arrêtés simultanément pour cause de canicule ou de sécheresse devrait progresser 414
8.3.4 Des évolutions mineures de la production éolienne et solaire liées au changement climatique 416
8.3.4.1 Un facteur de charge éolien moyen qui évolue peu sous l’effet du climat,
mais qui va augmenter avec le raccordement des parcs éoliens en mer 416
8.3.4.2 Un productible photovoltaïque peu affecté par le changement climatique
et qui dépendra surtout du type d’installations déployées 417
8.3.5 Le réchauffement climatique affecte également le dimensionnement des infrastructures de réseau 417
9.1 La place de l’hydrogène dans le mix énergétique fait l’objet de nombreux débats récents 440
9.1.1 La promesse de l’hydrogène bas-carbone 440
9.1.2 La prise en compte de l’hydrogène dans les Futurs énergétiques 2050 443
9.5 Dans l’ensemble, un volume total d’hydrogène produit par électrolyse en France
compris entre 35 et 65 TWhPCI selon les scénarios, dans la trajectoire de référence 455
9.6 La flexibilité de la production d’hydrogène par électrolyse : des impacts déterminants
pour la sécurité d’approvisionnement électrique 456
9.6.1 Différents modes opératoires sont envisagés pour les électrolyseurs 456
9.6.2 À moyen terme, un fonctionnement des électrolyseurs majoritairement en base 458
9.6.3 À long terme, des modes de fonctionnement des électrolyseurs potentiellement
plus flexibles pour favoriser l’équilibre offre-demande d’électricité 459
26
Sommaire
10
10.1 Une évaluation complète des besoins couvrant l’ensemble des réseaux
de transport et de distribution 476
10.1.1 Les réseaux sont au cœur de la transition énergétique 476
10.1.2 La démarche des Futurs énergétiques 2050 porte sur l’ensemble des réseaux 477
10.4 Au total, des coûts d’évolution du réseau en nette hausse à la fois sur les réseaux
de transport et de distribution 528
10.4.1 L’ensemble des scénarios conduisant à une décarbonation de l’économie a un impact profond
sur les réseaux de transport et de distribution d’électricité 528
10.4.2 Le développement d’une production plus locale fondée sur des installations de petite taille
implique un besoin accru de réseau 529
10.4.3 Les dispositifs de planification contribuent à limiter les coûts 529
10.4.4 Une nécessaire prise en compte de l’impact du réchauffement climatique
sur les infrastructures de réseau 530
28
Sommaire
11
11.1
Pour dépasser les controverses sur le coût de chaque filière,
la méthode d’analyse économique vise à appréhender tous les coûts
de chaque option de transition 534
11.1.1 Les méthodes d’évaluation du coût par filière présentent des limites intrinsèques 534
11.1.2 La méthode d’analyse des coûts complets à l’échelle du système
dans les Futurs énergétiques 2050 536
11.5 À long terme (horizon 2050-2060), un nouveau cycle d’investissement pour atteindre
la neutralité carbone et sortir des énergies fossiles mais un coût du système électrique
qui augmente de manière modérée 583
11.5.1 Les besoins d’investissement dans le système électrique sont en forte croissance 583
11.5.1.1 Les besoins d’investissement dans le système électrique doivent augmenter de 50 %
voire doubler par rapport aux tendances des années passées 583
11.5.1.2 Les besoins d’investissement sont fortement différenciés selon les scénarios de mix 584
11.5.1.3 Les montants d’investissement dans le système électrique représentent une faible part
de l’investissement total en France, mais des dépenses importantes sur les usages à l’aval
sont à prévoir 585
11.5.2 Le coût total du système électrique va augmenter pour accompagner la hausse des consommations,
mais le coût des importations d’énergies fossiles va diminuer dans le même temps 586
11.5.2.1 L’augmentation de la place de l’électricité dans le mix énergétique se traduit par des coûts
totaux du système électrique en nette hausse 586
11.5.2.2 Cette hausse est compensée par l’arrêt des importations de combustibles fossiles,
avec un effet positif sur le solde commercial 587
11.5.2.3 Le coût rapporté au mégawattheure consommé est susceptible d’augmenter,
mais dans des proportions maîtrisables 588
11.5.2.4 Les dépenses énergétiques complètes des ménages seront de moins en moins dépendantes
du prix des hydrocarbures et de plus en plus de la compétitivité du système électrique 590
30
Sommaire
32
Sommaire
11.9.4 La prise en compte des co-bénéfices de la décarbonation, notamment à l’échelle locale
sur la santé, renforce l’intérêt des politiques climatiques 642
11.9.4.1 De nombreux co-bénéfices possibles associés aux politiques de décarbonation
mais difficiles à intégrer de manière exhaustive à l’analyse économique 642
11.9.4.2 La réduction de la pollution atmosphérique dont l’impact sur la santé se chiffre à plusieurs
points de PIB paraît constituer un co-bénéfice de premier plan des politiques climatiques 643
11.9.4.3 Les co-bénéfices peuvent fortement réduire les coûts d’abattement mais leur évaluation
est incertaine et leur intégration difficile compte tenu de leur aspect local 644
12
12.2 Les émissions de gaz à effet de serre : une transformation du système électrique
qui contribue largement à la décarbonation de l’économie, même en tenant compte
du cycle de vie des infrastructures 652
12.2.1 L’équation climatique de la France : un secteur électrique déjà quasi décarboné grâce
aux choix historiques du nucléaire et de l’hydraulique, mais une production d’énergie totale
encore dépendante à 60 % des énergies fossiles 652
12.2.1.1 Le secteur électrique français : un système atypique, décarboné à 93 % 652
12.2.1.2 La clé de l’atteinte de la neutralité carbone consiste à faire baisser les émissions
dans les autres secteurs 653
12.2.2 Les perspectives pour les émissions dues à la production d’électricité d’ici 2050 :
une décarbonation complète est atteignable dans tous les scénarios, avec un point
de vigilance sur le thermique pour les scénarios à forte part en énergies renouvelables 655
12.2.2.1 La neutralité carbone peut être atteinte sur la base d’un système 100 % renouvelables
ou d’un système « renouvelables + nucléaire » 655
12.2.2.2 Les scénarios de mix électrique n’ont pas le même bilan sur la trajectoire de décarbonation
en France et surtout en Europe, avec un écart qui porte essentiellement sur le point 2030
pour lequel le nombre de réacteurs nucléaires en service diffère d’un scénario à l’autre 655
12.2.2.3 Un premier point de vigilance : l’atteinte de l’objectif de décarbonation du système électrique
est en partie conditionnée à la faculté de décarboner totalement le gaz utilisé dans les centrales
thermiques, notamment dans les scénarios sans nouveau nucléaire 657
12.2.2.4 Deuxième point de vigilance : en cas de non-atteinte des objectifs de développement des énergies
renouvelables ou du nucléaire, un risque de compensation par des centrales au gaz fossile 658
12.2.2.5 Troisième point de vigilance majeur : un scénario de « substitution » plutôt que « d’addition »
entre énergies bas-carbone conduit à faire augmenter les émissions 659
12.2.3
L’intégration des émissions indirectes liées au cycle de vie, même pour des technologies
comme le photovoltaïque, ne modifie pas le bénéfice climatique du remplacement des énergies
fossiles par de l’électricité bas-carbone 661
12.2.3.1 L’étude Futurs énergétiques 2050 intègre une vision prospective de l’empreinte carbone
des différentes technologies 661
12.2.3.2 Dès aujourd’hui : les facteurs d’émissions des technologies bas-carbone (nucléaire
et renouvelables) sont considérablement inférieurs à ceux des énergies fossiles même
en intégrant les émissions indirectes sur l’ensemble du cycle de vie 662
12.2.3.3 Au sein des technologies bas-carbone, le nucléaire, l’hydraulique et l’éolien se distinguent
aujourd’hui par une empreinte carbone particulièrement faible, tandis que celle du photovoltaïque,
légèrement plus élevée, devrait baisser à terme 663
12.2.3.4 Dans tous les scénarios, l’empreinte carbone de l’électricité produite en France est en forte baisse 665
12.3 Les ressources : des tensions possibles sur l’approvisionnement en ressources minérales,
particulièrement pour certains métaux, qu’il sera nécessaire d’anticiper 682
12.3.1
La transition énergétique réduit la dépendance liée aux énergies fossiles mais induit
des besoins et circuits d’approvisionnement nouveaux en ressources minérales 682
12.3.1.1 De nouveaux enjeux en matière d’approvisionnement en ressources pour le système énergétique 682
12.3.1.2 Des besoins en matières grandissants pour la transition énergétique au niveau mondial 684
12.3.1.3 Au-delà de l’évaluation de la quantité de ressources nécessaires, des enjeux d’approvisionnement,
de relations internationales, de stratégie industrielle et de responsabilité environnementale
et sociale sont intégrés à l’analyse 684
12.3.2
Les risques associés à l’approvisionnement des ressources dépendent à la fois de l’évolution
des gisements et des mutations énergétiques, industrielles et technologiques à l’échelle internationale 686
12.3.2.1 De nombreuses ressources différentes nécessaires pour l’évolution du système électrique
sont étudiées 686
12.3.2.2 La criticité d’une ressource, une notion à géométrie variable 687
12.3.3
Les terres rares, souvent évoquées dans le débat, ne présentent en pratique pas d’enjeu
de premier ordre du point de vue du système électrique 691
12.3.4
Les besoins en métaux spécifiques pour les batteries constituent un point de vigilance réel
surtout pour les véhicules électriques 693
12.3.4.1 Des batteries aujourd’hui largement consommatrices de métaux critiques comme le lithium,
le cobalt et le nickel 693
12.3.4.2 Une consommation de ressources spécifiques pour les batteries essentiellement dépendante
du développement des véhicules électriques et qui peut être modérée grâce à la sobriété énergétique 693
12.3.4.3 Lithium : une vigilance particulière dans un contexte d’essor du véhicule électrique
au niveau mondial, de dépendance croissante à la Chine et de faibles perspectives de recyclage 697
34
Sommaire
12.3.4.4 Cobalt : des réserves limitées et une chaîne d’approvisionnement qui repose
sur un petit nombre de pays 698
12.3.4.5 Nickel : des tensions possibles sur l’approvisionnement, qui pourraient à terme être réduites
grâce à une diversité technologique, un développement des capacités de production de nickel
en Europe et de meilleures performances de recyclage 701
12.3.4.6 Manganèse : des risques d’approvisionnement modérés mais des incidences environnementales
et sociales notables 703
12.3.4.7 Graphite : une ressource abondante, substituable mais produite majoritairement par la Chine 703
12.3.4.8 Argent : malgré des réserves appauvries, les stocks et les capacités de recyclage
pourraient permettre de limiter les tensions sur les besoins futurs 704
12.3.5
La croissance de la demande en ressources structurelles, tirée par le secteur électrique
mais aussi de nombreux autres secteurs, est susceptible de créer des tensions
sur l’approvisionnement de certaines matières comme le cuivre 706
12.3.5.1 Cuivre : un métal critique, consommé dans le secteur électrique et de nombreux autres secteurs,
et qui présente un risque de tensions sur l’approvisionnement à moyen terme 706
12.3.5.2 Aluminium : un classement comme matière critique par la Commission européenne
mais des enjeux a priori moins contraignants que pour le cuivre 707
12.3.5.3 Béton et acier : des consommations importantes en tonnage dans tous les scénarios
mais une chaîne d’approvisionnement plus facile à maîtriser 708
12.3.5.4 Chrome et Zinc : des besoins difficilement quantifiables mais des enjeux limités du fait
des très bonnes performances de recyclage 710
12.3.6
Un point d’attention doit également être porté à l’approvisionnement en silicium,
dans un contexte de forte croissance de la demande liée au développement du photovoltaïque 711
12.3.7
Des besoins de ressources spécifiques pour l’exploitation des centrales nucléaires
qui présentent peu de risques d’approvisionnement sur les prochaines années 713
12.3.7.1 Les réserves d’uranium naturel et la chaîne de production en uranium enrichi
ne semblent pas soulever de risques d’approvisionnement d’ici 2050 713
12.3.7.2 Zirconium : une ressource indispensable au combustible nucléaire, ne présentant pas
d’enjeu particulier 714
12.3.8
Le scénario de sobriété constitue un levier important pour faciliter la décarbonation
mais également pour réduire les tensions sur l’approvisionnement en ressources minérales
et limiter les impacts environnementaux et sociaux de l’exploitation minière 715
12.3.8.1 Dans le scénario « sobriété », la diminution de la demande en ressources minérales
est en proportion légèrement plus importante que la baisse de consommation électrique
car elle se concentre sur certains moyens de production et sur la mobilité électrique 715
12.3.8.2 La sobriété dans le domaine des transports réduit les besoins associés aux batteries de véhicules
électriques grâce à des véhicules plus petits et une évolution structurante des modes de déplacement 717
12.3.8.3 Les moindres capacités de production photovoltaïque et éolienne réduisent les besoins de terres rares,
de silicium et de façon plus modeste ceux de cuivre, d’aluminium et d’argent 717
12.3.8.4 Le scénario « sobriété » permet de réduire les tensions d’approvisionnement identifiées
sur les ressources minérales mais une analyse plus complète est nécessaire pour déterminer
si elles disparaissent 718
12.3.9
La réindustrialisation profonde du pays pourrait entraîner un accroissement du besoin
en ressources nécessaires en France qui serait toutefois en partie compensé
par une réduction dans d’autres pays 720
12.4 L’occupation des sols : un enjeu qui porte davantage sur le cadre de vie que
sur des questions strictement environnementales comme l’artificialisation 721
12.4.1
Un débat vif sur l’occupation de l’espace par les infrastructures énergétiques
mais avec des enjeux qui dépassent les questions environnementales 721
12.4.1.1 Des interrogations qui portent sur l’artificialisation des sols, en lien avec l’objectif de protection
de la biodiversité mais également sur l’impact paysager ou encore la concurrence d’usages 721
12.4.1.2 Une étude quantitative fondée sur des analyses bibliographiques et cartographiques détaillées
pour identifier les enjeux spécifiques à chaque type d’installation 722
12.4.2
Des enjeux d’occupation de l’espace qui se posent de manière contrastée selon les technologies 724
12.4.2.1 L’éolien terrestre : une emprise importante, mais une faible part de surfaces artificialisées
et de nombreux co-usages possibles 724
12.4.2.2 Le photovoltaïque au sol : une forte empreinte au sol mais une mutualisation
avec d’autres usages qui apparaît possible dans le cadre de modèles « agrivoltaïques » 726
12.4.2.3 La filière photovoltaïque sur toiture : une incidence nulle sur l’occupation des terres 728
12.5 Les matières et déchets radioactifs : des enjeux spécifiques pour le cycle
du combustible et ses installations de stockage, de retraitement et d’entreposage,
en fonction des scénarios d’évolution du parc nucléaire 743
12.5.1
Le cycle de vie du combustible produit des substances variées qui impliquent
des modes de gestion spécifiques 743
12.5.2
Dans tous les scénarios de mix, l’enjeu des déchets concerne principalement ceux de haute
et moyenne activité à vie longue destinés au stockage géologique profond Cigéo 745
12.5.2.1 Des déchets classés en fonction de leur niveau de radioactivité et de leur durée de vie 745
12.5.2.2 Des enjeux et des solutions de gestion différentes selon la catégorie de déchets, avec
une attention particulière sur le stockage géologique profond des déchets de plus forte activité 745
12.5.2.3 Une évaluation simplifiée des volumes de déchets radioactifs dans le cadre
des Futurs énergétiques 2050 soumise à de nombreuses incertitudes et dépendant
de plusieurs hypothèses sur l’évolution du cycle du combustible nucléaire 747
12.5.2.4 Un inventaire de déchets destinés au stockage géologique de Cigéo susceptible d’être adapté
notamment en fonction de l’évolution du parc de production nucléaire 750
12.5.3 Le cycle du combustible : une stratégie de retraitement à clarifier dans les années à venir
et des perspectives incertaines de valorisation traitées avec prudence 754
12.5.4 Dans tous les scénarios, la gestion du cycle du combustible doit être anticipée
afin de ne pas affecter la disponibilité du parc nucléaire 755
12.5.5 La consommation des matières issues du retraitement (plutonium, uranium de retraitement)
doit être pilotée 758
36
Sommaire
13
13.1 Les Futurs énergétiques 2050 décrivent des choix énergétiques majeurs
pour les décennies à venir, qui constituent autant de choix de société 792
13.1.1
Des implications sociétales associées aux différents scénarios qui touchent
à toutes les composantes du système énergétique : modes de vie et de consommation
d’énergie, acceptabilité des moyens de production 792
13.1.2
Des politiques publiques sur l’énergie historiquement tournées vers l’indépendance énergétique,
désormais centrées sur la lutte contre le changement climatique et la transition écologique 793
13.1.3
La consommation : tous les scénarios sont marqués par une forte maîtrise de la demande
en énergie ainsi que par des transferts d’usages, qui reposent sur de nombreux choix individuels
et collectifs (investissements, modes de vie…) 795
13.1.3.1
L’efficacité énergétique apparaît comme indispensable pour l’atteinte des objectifs climatiques
et suppose le déploiement de politiques publiques et d’actions ambitieuses de la part
de l’ensemble des acteurs économiques 796
13.1.3.2 La sobriété énergétique est un levier qui doit être envisagé bien que sa perception
dans le débat public soit très clivante 797
13.1.3.3 La décarbonation de la consommation énergétique suppose un transfert d’usages
des énergies fossiles vers l’électricité et les autres énergies bas-carbone 798
13.2 La sobriété : une opportunité pour maîtriser la demande d’énergie et atteindre
la neutralité carbone, qui implique une transformation majeure des comportements
individuels, des modes de vie et des organisations collectives 803
13.2.1 La sobriété est désormais bien identifiée comme un levier en tant que tel, complémentaire aux
solutions technologiques, pour atteindre les objectifs climatiques en réduisant la demande d’énergie 803
13.2.2 La « sobriété énergétique » correspond à une modération du recours aux ressources
via des changements des modes de vie, avec un contenu normatif plus ou moins précis
selon ses utilisations dans le débat public 806
13.2.3 Il n’existe pas de consensus sur les modalités concrètes à adopter pour déployer
un scénario de sobriété 808
13.2.4 Le scénario « sobriété » est un scénario en partie contre-tendanciel, qui nécessiterait
une inflexion très marquée des modes de vie 810
13.2.5 Le scénario « sobriété » de RTE : une trajectoire construite sur une vision systémique,
mobilisant des gisements de sobriété dans l’ensemble des secteurs de l’économie,
et dont les conditions sous-jacentes sont détaillées 811
13.2.5.1 La sobriété dans le secteur résidentiel : une évolution de l’habitat, une mutualisation d’espaces
et d’équipements et une maîtrise de certaines consommations énergétiques 812
13.2.5.2 La sobriété dans le secteur tertiaire : une généralisation du télétravail permettant une réduction
des surfaces des bureaux et une limitation de certaines consommations d’énergie 815
13.2.5.3 L’impact de la sobriété sur la consommation énergétique des transports : une généralisation
du télétravail et une densification des villes qui contribuent à réduire les déplacements
et un recours accru aux modes doux et aux véhicules plus légers 818
13.2.5.4 L’impact de la sobriété dans l’industrie : une évolution des modes de consommation de biens,
de l’alimentation et de la construction qui réduit les besoins énergétiques de l’industrie 821
13.3 L’acceptabilité des infrastructures et des technologies : un sujet de débat majeur dans un
contexte de vaste transformation du système de production d’électricité et du réseau électrique 823
13.3.1 Un débat de sémantique persistant sur l’emploi du terme d’acceptabilité, qui reste
cependant largement mobilisé dans les débats et dans le cadre du déploiement des projets 823
13.3.2 Les recherches en sciences humaines et sociales invitent à dépasser le concept de NIMBY,
l’acceptabilité étant multifactorielle et dynamique dans le temps 824
13.3.3 Des dynamiques et des enjeux d’acceptabilité nombreux pour toutes les technologies énergétiques 825
13.3.3.1 Les énergies renouvelables : des enjeux d’acceptabilité communs aux différentes filières
et d’autres plus spécifiques à l’éolien (à terre ou en mer) et au photovoltaïque 825
13.3.3.2 Le nucléaire : des facteurs d’acceptabilité qui portent sur la technologie en tant que telle,
dépassant les impacts des infrastructures au seul niveau local 836
13.4 La flexibilité des usages électriques : des opportunités de flexibilisation accrues
avec le développement de nouveaux usages électriques mais qui nécessiteront
d’impliquer plus largement les consommateurs 839
13.4.1 Le développement de la flexibilité de la demande est marqué par des dynamiques positives
mais également des freins 840
13.4.2 Le développement de la flexibilité des usages électriques pourra passer par différentes solutions,
alliant leviers technologiques et évolution des modes de vie et des pratiques de consommation 842
13.4.3 Les principaux gisements de flexibilité de la demande considérés dans les Futurs énergétiques 2050
se situent sur les usages aisément pilotables comme la recharge des véhicules électriques
ou le chauffage, avec des hypothèses relativement prudentes 843
13.4.4 Des approfondissements seront nécessaires pour consolider les projections sur les gisements
atteignables de flexibilité de la demande et les choix de société sous-jacents 845
38
Sommaire
14
14.2 La situation actuelle : un système électrique décarboné, mais dont les marges
ont été progressivement réduites au cours des vingt dernières années 851
14.2.1 Malgré le développement des énergies renouvelables, la France produit actuellement
autant d’électricité bas-carbone qu’il y a vingt ans 851
14.2.2 La consommation d’électricité a augmenté au cours de la première décennie des années 2000,
avant de se stabiliser 853
14.2.3 La sécurité d’approvisionnement est progressivement devenue un sujet de vigilance
et restreint désormais les options possibles sur l’évolution du mix 854
14.3 Dans les années qui viennent, la stratégie de transition devra être menée
dans un contexte en évolution, qui comprend plusieurs incertitudes importantes 856
14.3.1 La consommation d’électricité est attendue à la hausse d’ici 2030, mais avec une incertitude
sur l’ampleur de l’inflexion et son horizon de matérialisation 856
14.3.2 L’accélération du rythme de déploiement des énergies renouvelables doit encore être confirmée
et amplifiée 858
14.3.3 Le niveau de production effective du parc nucléaire de deuxième génération soulève
des incertitudes à court et moyen terme 859
14.3.4 Les choix de transition énergétique dans les pays voisins pour atteindre la neutralité carbone
sont en cours de définition 861
14.3.5 L’évolution à moyen terme de la conjoncture politique et macroéconomique internationale
constitue une inconnue, de même que la pérennité de la crise énergétique européenne en cours 862
Hypothèses de coûts des technologies de production et de certains usages (chapitre 11) 935
Coûts unitaires de technologies de production, de stockage, et du pilotage de la consommation 936
Hypothèses prises pour réaliser les analyses environnementales (chapitre 12) 941
Émissions de gaz à effet de serre directes, par secteur (émissions territoriales) 942
Émissions de gaz à effet de serre et intensité matières (en cycle de vie) 949
Matrice de criticité des ressources minérales pour l’analyse qualitative 963
Déchets radioactifs 965
Polluants atmosphériques 967
40
Sommaire
L’OBJET DE L’ÉTUDE :
QUEL SYSTÈME ÉLECTRIQUE POUR
SORTIR DES ÉNERGIES FOSSILES ET ÊTRE
NEUTRE EN CARBONE EN 2050 ?
Afin de contribuer à l’engagement pour limiter implique de sortir des énergies fossiles, qui ont ali-
le réchauffement de la planète, la France a pour menté la croissance économique depuis la révolu-
objectif d’être neutre en carbone d’ici 2050. tion industrielle.
Cet objectif engage la France auprès de l’Union Les engagements climatiques de la France, et plus
européenne et des Nations unies dans le cadre de généralement de l’Union européenne, ne se réduisent
l’accord de Paris. Il est intégré dans la loi française pas à une cible 2050. Ils impliquent qu’une partie de
depuis 2019 (loi climat-énergie). l’effort soit réalisée lors de la décennie 2020-2030, ce
qui se traduit à date par un engagement de réduire,
L’ambition de neutralité carbone en 2050 signi- d’ici 2030, les émissions de gaz à effet de serre de
fie que les émissions nationales de gaz à effet de 40 % par rapport à leur niveau de 1990.
serre ne devront alors pas dépasser les quantités
de gaz à effet de serre absorbées sur le territoire Cet engagement intermédiaire est lui-même en
français par les écosystèmes (forêts, prairies, sols cours de révision. Dans le cadre de la préparation de
agricoles…) et certains procédés industriels (cap- la COP 26 à Glasgow, l’Union européenne a adopté
ture et stockage ou réutilisation du carbone). Cela une loi climat et fixé un nouvel objectif de réduction
nécessite ainsi, d’une part, de réduire considéra- de 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre
blement les émissions brutes et de les rapprocher d’ici 2030. Cet objectif n’est pas encore traduit dans
le plus possible de zéro, et d’autre part, de déve- des cibles contraignantes pour chaque État membre,
lopper les puits de carbone pour parvenir a minima mais il est certain qu’il implique une augmentation
à compenser les émissions marginales. Dans tous de l’effort par rapport à l’objectif des -40 %.
les cas, il s’agit d’une tâche considérable, qui
44
L’objet de l’étude .1
Figure 1.1 Évolution des émissions et des puits de gaz à effet de serre (historique et objectifs)
400
2030 : Objectif de réduction
des émissions de GES
de 40% par rapport à 1990
300
Mt CO2 eq
100
2050 : Objectif
0 SNBC de zéro
émissions nettes
-100
1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050
(Source : SNBC)
En France, environ 60 % de l’énergie utilisée est 56 réacteurs nucléaires, construits et mis en ser-
d’origine fossile : il s’agit principalement des pro- vice de manière très rapprochée entre la fin des
duits pétroliers (de l’ordre de 40 %), du gaz naturel années 1970 et le début des années 1990 pour
(de l’ordre de 20 %) et du charbon (moins de 1 %). la plupart, et qui se sont ajoutés à une base de
production hydraulique déjà importante (60 TWh).
Cette énergie dépend des importations des pays Le programme électronucléaire français répondait
producteurs (notamment l’Arabie saoudite, le à un souci d’autonomie énergétique à la suite des
Kazakhstan, la Russie, le Nigeria et l’Algérie pour le chocs pétroliers. Aujourd’hui, il n’est pas contes-
pétrole brut, la Norvège, la Russie, les Pays-Bas et table qu’il constitue un atout majeur de la France
le Nigeria pour le gaz). Les crises énergétiques qui dans la lutte contre le changement climatique en
se succèdent ont montré combien la France était produisant une électricité très largement décarbo-
exposée par ce biais aux variations des cours des née en grandes quantités.
produits énergétiques sur les marchés mondiaux,
qui dépendent de dynamiques géopolitiques com- Comme dans toutes les démocraties occidentales,
plexes et de l’état de l’économie mondiale. le choix du nucléaire civil suscite en France un
débat démocratique. La discussion s’est cristalli-
C’est pourtant bien ce système articulé autour des sée, ces dernières années, autour de la notion de
énergies fossiles qui a été le socle de la croissance « part » du nucléaire dans le mix électrique, à tel
économique du pays au cours des Trente Glorieuses. point qu’une partie de la population a pu croire
Malgré les chocs pétroliers, il a alimenté la France que cette part renvoyait à celle du nucléaire dans
avec une énergie bon marché, encore abondante la consommation énergétique totale de la France.
et facilement stockable. Les combustibles fossiles Or, si le nucléaire représente bien 70 % de
satisfont aujourd’hui une consommation finale de l’électricité produite en France, il représente
plus de 930 TWh par an, contre 430 TWh pour moins de 20 % de l’énergie finale utilisée par
l’électricité. les français. La prépondérance du nucléaire dans
la production d’électricité ne doit pas occulter la
Le système électrique français, contrairement à dépendance de la France aux énergies fossiles et
celui de la majorité de ses voisins, n’est pas assis importées pour ses besoins en énergie. Dès lors,
sur les énergies fossiles. Sa caractéristique prin- l’atteinte de la neutralité carbone oblige à renoncer
cipale est de reposer en majorité sur un parc de en quasi-totalité à ces énergies fossiles.
46
L’objet de l’étude .1
La stratégie française pour atteindre la neutralité Côté offre, la SNBC est articulée sur deux piliers :
carbone est fixée par la Stratégie nationale bas- l’électricité décarbonée et la biomasse produite sur le
carbone (SNBC), réévaluée tous les cinq ans. La territoire. Elle exclut donc les imports massifs de gaz
dernière version de ce document, publiée en 2020, verts, de biomasse non durable ou de combustibles
détermine le cadrage de référence des Futurs décarbonés, à la différence de ce qui est envisagé
énergétiques 2050 de RTE. Ceux-ci examinent un dans certains pays européens. La France a donc fait
grand nombre de variantes, qui respectent toutes le choix, en 2020, d’un système neutre en carbone et
le cadre de neutralité carbone en 2050. souverain. Les implications en sont très larges.
L’étude permet ainsi de tester l’application des prin- D’une part, la SNBC implique une mobilisation très
cipes de la SNBC, d’en mesurer les conséquences, poussée de la biomasse, énergie destinée à croître
et également de préparer la révision de la stratégie le plus dans la stratégie française. D’autre part, la
française pour l’énergie et le climat qui aura lieu en SNBC prévoit une croissance de la consommation
2023 dans le cadre d’une loi de programme. d’électricité, mais dans des proportions générale-
ment inférieures à ce que prévoient les voisins de
Côté demande, la SNBC repose en premier lieu la France comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou
sur l’efficacité énergétique : elle prévoit que la l’Italie. Ces éléments de comparaison doivent être
consommation d’énergie finale de la France dimi- pris en compte dans les Futurs énergétiques 2050,
nue de 40 % en trente ans. Il s’agit d’une ambition alors que les scénarios de neutralité carbone les plus
très forte, dans le haut de la fourchette des straté- récents convergent pour rehausser l’ambition d’élec-
gies des pays limitrophes, qui conduirait la France trification par rapport aux visions d’il y a seulement
à retrouver son niveau de consommation d’énergie quelques années. Dans les Futurs énergétiques 2050,
de la fin des années 1960. le cadrage de la SNBC est conservé et légèrement
rehaussé pour la consommation d’électricité.
Aujourd’hui 2050
EnR hors
électricité,
déchets, EnR hors
électricité,
chaleur
Électricité*
25%
-40 % déchets,
chaleur
Électricité*
Énergies 55%
fossiles
Énergies Gaz
fossiles décarboné
dont hydrogène
produit à partir
d’électricité
*C
onsommation finale d’électricité (hors pertes, hors consommation issue du secteur de l’énergie et hors consommation pour la production d’hydrogène)
Consommation intérieure d’électricité dans la trajectoire de référence de RTE = 645 TWh
Pour alimenter une consommation de 645 TWh être intégrée à la stratégie française sur l’énergie
d’électricité en 2050, la France dispose d’un atout : et le climat.
sa production d’électricité décarbonée avoisine
déjà 500 TWh. Dès lors, la « marche » à franchir Deux échéances clés peuvent, sur cette base, être
est beaucoup moins haute que dans d’autres pays distinguées.
(l’Allemagne produit aujourd’hui environ 300 TWh
d’électricité bas-carbone, le Royaume-Uni près de À court/moyen terme (2030-2035), le choix de
200 TWh, l’Italie près de 100 TWh, alors que tous fermer des réacteurs nucléaires relève de choix
ces pays européens envisagent des consomma- politiques. À cette échéance, seules deux options
tions d’électricité de l’ordre de 600-800 TWh dans existent pour accroître le potentiel de produc-
trente ans). tion d’électricité décarbonée : maintenir en fonc-
tionnement les réacteurs nucléaires (les délais
S’en tenir à cette vision statique ne suffit pour- sont en toute hypothèse trop rapprochés pour en
tant pas à saisir l’ampleur du défi en France : l’âge construire de nouveaux) et développer les énergies
moyen du parc nucléaire est de 36 années et les renouvelables. La pondération entre ces solutions
réacteurs construits à la fin des années 1970 et au a été définie par la Programmation pluriannuelle
début des années 1980 atteignent progressivement de l’énergie (PPE) de 2020, et sera amenée à être
l’échéance de 40 ans qui avait été retenue comme réajustée lors de sa prochaine révision en 2023.
hypothèse de durée de fonctionnement lors de leur Ce réajustement devra prendre en compte
conception. Si la durée d’exploitation de ces cen- la nouvelle donne énergétique issue de ces
trales est en train d’être prolongée dans le cadre dernières années : des objectifs climatiques plus
des prescriptions édictées par l’Autorité de sûreté contraignants pour 2030, un paysage de sécurité
nucléaire et sous le contrôle de cette dernière, il est d’approvisionnement plus fragile avec la tension
généralement admis que les réacteurs ne pourront sur les approvisionnements en hydrocarbures, la
probablement pas fonctionner plus de 60 ans, sauf montée des prix de l’énergie, et la réduction des
exception et démarche de sûreté spécifique. marges sur le système électrique européen.
Définir une stratégie industrielle intégrant la fer- À long terme (2050-2060), la fermeture des réac-
meture prévisible du parc électronucléaire histo- teurs nucléaires de deuxième génération est une
rique, qui contribue aujourd’hui largement à la contrainte industrielle : en plus de soutenir l’aug-
réduction des émissions de gaz à effet de serre et à mentation prévue de la consommation d’électricité,
la compétitivité de l’électricité produite en France, l’appareil de production français devra profondé-
apparaît donc indispensable. Les arrêts définitifs ment se renouveler pour remplacer une production
seront très rapprochés (effet falaise), en raison de annuelle de l’ordre de 380-400 TWh.
la rapidité exceptionnelle avec laquelle la France a
bâti son parc dans les années 1980. C’est dans cette perspective qu’il convient de repla-
cer les choix énergétiques que doit faire la France
Cette perspective de fermeture constitue parfois un dans les prochaines années : répondre au double
impensé du débat énergétique français au niveau enjeu d’une nécessaire augmentation de la capa-
médiatique, où beaucoup de discussions prennent cité de production d’électricité décarbonée et d’une
pour fondement la possibilité de pérenniser sur le fermeture programmée de la majorité des installa-
long terme l’équilibre actuel du parc électrique. tions qui assurent aujourd’hui ce besoin. Ces choix
Une prospective énergétique sérieuse ne peut faire apparaissent d’une ampleur similaire à ceux réali-
l’impasse sur cette donnée structurante, qui doit sés lors des chocs pétroliers dans les années 1970.
48
L’objet de l’étude .1
Pour aborder ce défi, les options envisageables environnementales : incidence de l’hydraulique sur
ne sont pas les mêmes qu’au lendemain du choc la biodiversité, bilan carbone du photovoltaïque,
pétrolier. Puisque les énergies fossiles ne sont plus emprise paysagère de l’éolien et conséquences de
une option, que la solution du captage et stockage leur variabilité (« que se passe-t-il une nuit sans
du carbone (CCS) n’est pas privilégiée pour des vent ? »). Les enjeux d’appropriation et de gou-
raisons de maturité technologique, d’acceptabilité vernance jouent également un rôle : intérêt pour
et de disponibilité technique, et que la France ne l’autoproduction et pour la participation citoyenne
souhaite pas faire reposer l’atteinte de la neutralité aux projets, profondeur du clivage sur le sujet de
carbone sur des imports massifs de combustibles la sobriété et sur l’évolution des modes de vie,
verts, le débat sur la production d’électricité décar- accroissement du rôle des collectivités locales dans
bonée porte largement sur la répartition entre la politique énergétique : la France de 2021 n’est
énergies renouvelables et nouveaux réacteurs plus celle des années 1970.
nucléaires.
Les termes du débat technique sont, enfin, évo-
Entre ces deux énergies, les termes de la com- lutifs. Du côté des renouvelables, les systèmes à
paraison économique ont évolué. Alors que le forte part en énergies renouvelables constituent un
nucléaire historique s’est révélé très compétitif et objet de recherche dans de nombreux pays dans le
le demeure aujourd’hui, les réacteurs de troisième monde, et RTE a publié en janvier 2021, conjoin-
génération ont vu leur coût s’accroître tandis que tement avec l’Agence internationale de l’énergie,
celui des énergies renouvelables a diminué. Pour un rapport listant les prérequis techniques pour
autant, les caractéristiques mêmes de l’éolien et atteindre un système fondé sur une proportion
du solaire ne permettent pas de conclure en com- importante de renouvelables, ouvrant donc la
parant leurs seuls coûts de production : la variabi- voie à la possibilité de systèmes 100 % renouve-
lité de la production doit être compensée par des lables à terme. Ces scénarios s’accompagnent de
moyens de flexibilité, leur intégration au système paris importants, et notamment la maîtrise par-
nécessite de renforcer les réseaux. La discussion faite de l’intégration de l’« hydrogène ». Du côté
doit donc comparer le coût complet des différentes du nucléaire, les options apparaissent également
options (« coût système ») et non le coût individuel plus ouvertes : à côté des grands réacteurs de
de chaque technologie. type EPR 2 se multiplient les projets de petits réac-
teurs modulaires (SMR) et de nouvelles technolo-
La nature du débat de société a également changé. gies. La concertation sur les Futurs énergétiques
Si le nucléaire suscite toujours une opposition 2050 a mis en lumière que la France n’était dans
sous l’angle du risque d’accident et des enjeux tous les cas pas en capacité, à la date actuelle,
éthiques associés aux déchets radioactifs, les de construire des réacteurs nucléaires au même
énergies renouvelables soulèvent également des rythme que durant les années 1980.
controverses mêlant considérations sociétales et
Pour débattre de ces choix, RTE a proposé d’em- la concertation. Elle conduit à décrire deux types
blée un choix méthodologique clair, articulé autour de systèmes électriques différents de celui d’au-
de la distinction entre deux familles de scénarios, jourd’hui, nécessitant tous les deux des investisse-
qui représentent des tendances de la société fran- ments massifs. Cependant, il ne doit pas s’agir
çaise d’aujourd’hui, selon que les nouveaux inves- de l’unique clé de lecture des scénarios, une
tissements dans le parc de production se portent distinction trop forte entre scénarios M et N
exclusivement sur les énergies renouvelables (scé- masquerait en effet de grandes proximités
narios « M ») ou sur un mix plus diversifié tech- techniques (forte part des énergies renouvelables
nologiquement, c’est-à-dire une combinaison variables, importance des besoins en flexibilité)
d’énergies renouvelables et de nouveaux réacteurs et économiques (prépondérance des investisse-
nucléaires (scénarios « N »). ments sur les coûts de fonctionnement) entre les
scénarios.
Cette représentation met l’accent sur l’importance
de la décision de relance ou non d’un parc électro- Tous les cas de figure impliquent en effet de se
nucléaire, qui engagera le pays sur le temps long projeter sur un système électrique fondamenta-
et résultera d’un choix politique ayant des implica- lement différent. Qu’il soit 100 % renouvelable
tions techniques, économiques et sociétales très ou composé durablement de renouvelables et de
larges. La méthode a été largement confortée par réacteurs nucléaires fonctionnant de concert, ce
Charbon
1 800 Pétrole
Gaz (aujourd’hui
1 600 fossile, demain
décarboné)
1 400 Sources
Bois, biocarburant,
d’énergie
hors déchets, chaleur
1 200
électricité :
1 000
TWh
Électricité d’origine
800
thermique fossile
600 Électricité
d’origine éolienne,
400 ? photovoltaïque et
Électricité : issue de bioénergies
200 Hydraulique
Électricité d’origine
0 nucléaire
1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050
50
L’objet de l’étude .1
système ne répondra pas aux principes de fonc- Décrire ces mondes possibles en se fondant sur
tionnement que nous connaissons depuis 30 ans une étude technique approfondie, un chiffrage éco-
et ne peut être pensé à la marge du système nomique, une analyse environnementale et une
actuel. prise en compte des aspects sociétaux : tel est
l’objet des Futurs énergétiques 2050.
LE CADRAGE DE L’ÉTUDE :
UNE DESCRIPTION ET UNE ANALYSE DES OPTIONS
DE TRANSITION DU SECTEUR ÉLECTRIQUE
POUR ÉCLAIRER LE DÉBAT PUBLIC
Dans le cadre de ses missions légales (Bilan les stratégies nécessaires pour sortir des énergies
prévisionnel) et en réponse à une saisine du fossiles, atteindre la neutralité carbone en 2050
Gouvernement, RTE a lancé en 2019 une large et ainsi respecter les objectifs de l’accord de Paris.
étude sur l’évolution du système électrique intitu- Cela implique une transformation profonde de l’éco-
lée Futurs énergétiques 2050. nomie et des bouleversements dans le secteur des
transports, de l’industrie et du bâtiment aujourd’hui
Ce travail intervient à un moment clé du débat public encore très dépendants du pétrole, du gaz d’origine
sur l’énergie et le climat, au cours duquel se décident fossile, et parfois même encore du charbon.
Premier
Depuis mi-2019 27 janvier 2021 8 juin 2021 25 octobre 2021 trimestre 2022
54
Le cadrage de l’étude .2
Il n’existe plus aucun doute scientifique sur l’ur- au sens large et en explicitant les implications en
gence à agir. Le récent rapport du GIEC, publié en matière de modes de vie.
août 2021, a rappelé s’il en était encore besoin,
l’importance de réduire très rapidement les émis- L’étude consiste, en premier lieu, en un travail
sions de gaz à effet de serre pour limiter les effets technique de grande ampleur, qui s’est appuyé sur
potentiellement catastrophiques du changement un important effort de simulation et de calcul pour
climatique. La prochaine COP, organisée à Glasgow caractériser de manière rigoureuse une grande
à partir de novembre 2021, doit en prendre acte variété de systèmes électriques permettant d’at-
et conduire à des nouveaux engagements chiffrés, teindre la neutralité carbone en 2050.
pour la décennie qui vient.
La phase I de l’étude, consacrée au cadrage des
La transformation nécessaire pour sortir des éner- objectifs, des méthodes et des hypothèses, s’est
gies fossiles doit être menée à bien en seulement achevée au premier trimestre 2021. Elle a fait l’ob-
trois décennies et accélérer de manière substan- jet d’une large consultation publique, qui a suscité
tielle d’ici 2030. des réponses bien au-delà du cercle des « parties
prenantes expertes » habituellement concernées
Différentes options sont sur la table pour y parvenir. par ce genre d’exercices : près de 4 000 organi-
Elles présentent des points communs (baisse de la sations et particuliers ont participé, à travers des
consommation d’énergie, augmentation de la part contributions spécifiques très détaillées, lettres
de l’électricité, recours aux énergies renouvelables) ouvertes, pétitions et cyberactions. Le bilan
mais également des différences importantes en ce résumé de cette phase a été rendu public le 8 juin
qui concerne le rythme d’évolution de la consom- 2021 dans un rapport préliminaire1.
mation et sa répartition par usage, le développe-
ment de l’industrie, l’avenir du nucléaire, le rôle La phase II de l’étude est marquée par la publi-
de l’hydrogène, etc. Les Futurs énergétiques 2050 cation du présent rapport qui en expose les prin-
de RTE répondent au besoin de documenter ces cipaux résultats, rendus publics le 25 octobre
options en décrivant les évolutions du système sur 2021 afin de pouvoir éclairer le débat public. Cette
le plan technique, en chiffrant les coûts associés, phase II s’étale jusqu’à la publication des analyses
en détaillant les conséquences environnementales approfondies au premier trimestre 2022.
1. uturs énergétiques 2050, Bilan de la Phase I, Synthèse et enseignements issus de la consultation publique :
F
https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-09/BP50_Bilan%20de%20la%20consultation%20publique.pdf
L’étude Futurs énergétiques 2050 a été réalisée à ce que chaque partie intéressée puisse s’expri-
dans le cadre d’une concertation systématique mer et être entendue. Le planning de l’étude a
et étroite avec l’ensemble des parties prenantes notamment évolué pour prendre en compte les
intéressées. remarques et enrichir le dispositif en intégrant de
nombreux scénarios et variantes qui n’étaient pas
Cette démarche inédite est désormais une marque initialement prévus.
de fabrique des scénarios élaborés par RTE. Elle va
bien au-delà d’une diffusion d’information descen- La discussion avec les parties prenantes a été
dante et a pour ambition de définir un programme structurée autour d’une instance plénière rassem-
d’étude qui répond aux souhaits des parties pre- blant les parties prenantes au niveau décisionnel
nantes. Les scénarios sont élaborés au grand jour, (Commission perspectives système et réseau),
tous les paramètres de l’étude sont discutés, tra- de neuf groupes de travail thématiques d’experts
cés et débattus dans des groupes de travail et dans couvrant le champ d’investigation de l’étude, et
le cadre d’une instance plénière de concertation, d’une vaste consultation publication (voir section
selon une méthode ouverte et transparente visant précédente).
Figure 2.2 Réunions de concertation tenues dans le cadre de l’étude Futurs énergétiques 2050
56
Le cadrage de l’étude .2
Au total, une quarantaine de réunions ont été u modifier largement certaines trajectoires, sur la
menées et ont rassemblé des experts d’une cen- sobriété notamment,
taine d’organismes différents (entreprises du sec- u introduire des configurations nouvelles initiale-
teur de l’énergie, ONG, associations, think-tanks et ment placées hors du champ de l’étude (scé-
instituts, autorités de régulation, administrations narios de sortie très rapide du nucléaire ou de
publiques, etc.). Les réunions thématiques ont moratoire sur les énergies renouvelables),
conduit à la production d’une abondante littérature, u développer très largement les études sur le
qui est intégralement disponible sur le site web de thermique décarboné et la place des gaz verts
la concertation. À l’issue de chaque réunion, les dans le fonctionnement du système électrique,
contributions apportées par les parties prenantes u introduire des variantes de consommation en
ont été prises en compte pour la suite des travaux. rupture (variante hydrogène +),
u affronter des questions complexes (possibi-
Dans l’ensemble, le processus de concertation a été lité de prolonger certains réacteurs nucléaires
très structurant dans l’élaboration des scénarios de au-delà de 60 ans, rôle des SMR) initialement
l’étude Futurs énergétiques 2050. Il a conduit à : considérées comme fermées.
u repositionner structurellement certains thèmes :
par exemple, la réindustrialisation, à l’origine un Durant la concertation, RTE a ainsi fait évoluer la
sujet parmi d’autres, constitue aujourd’hui l’un trajectoire de consommation de référence, modifié
des principaux sujets d’étude avec une contri- les coûts de référence et cadré les configurations à
bution significative des industriels et des orga- étudier de manière différente de ce qui était initia-
nisations syndicales à ces travaux, lement envisagé.
Figure 2.3 Instances de concertation mises en place pour réaliser l’étude Futurs énergétiques 2050
Une instance
Une consultation
plénière de
publique
concertation
sur les différents
Commission
éléments de cadrage
Perspectives Système 9 groupes Un Conseil
et hypothèses
et Réseau (CPSR)
de travail scientifique
techniques
composé de spécialistes
réunissant experts reconnus représentant
6 réunions et parties prenantes Consultation menée des champs
intéressées disciplinaires variés
plénières du 27 janvier au 5 mars 2021
depuis le lancement 4 000 réponses reçues
de l’étude (contributions institutionnelles,
collectives et personnelles
très variées)
Une trentaine de réunions Plusieurs réunions
tenues depuis fin 2019 thématiques
Participants : énergéticiens, tenues depuis avril 2021
ONG, organisations syndicales,
organisations professionnelles,
chercheurs, think-tanks…
58
Le cadrage de l’étude .2
L’objectif de l’étude Futurs énergétiques 2050 est reposant sur des narratifs propres et distincts
de construire et d’évaluer plusieurs options pos- entre les scénarios.
sibles pour l’évolution du système électrique en
vue d’atteindre la neutralité carbone. L’approche Elle ne repose pas sur une optimisation économique
proposée consiste à présenter plusieurs tra- qui viserait à calculer un « mix optimal en 2050 »,
jectoires contrastées (notamment sur la dont les résultats seraient fortement dépendants
part des différentes filières de production), des hypothèses prises en compte et pourraient
Figure 2.4 Synthèse des principaux paramètres étudiés dans le cadre de l’étude
Cadrage
PIB Démographie
macroéconomique
Évolution de Sobriété
Part de Efficacité Électrification Recours à
la consommation et modes
l’industrie énergétique des usages l’hydrogène
d’électricité de vie
Compétitivité
Moyens de Développement des Flexibilités
des solutions de
flexibilité interconnexions de la demande
flexibilités
Variantes sur
Contexte
l’évolution des mix
européen
des pays voisins
60
Le cadrage de l’étude .2
Même si 2050 s’impose comme l’horizon central de En second lieu, l’objectif de l’étude n’est pas uni-
l’analyse en raison de l’objectif français et euro- quement de proposer une cible à long terme pour
péen d’atteinte de la neutralité carbone à cette le système électrique mais de présenter le chemin
date, l’étude Futurs énergétiques 2050 porte sur pour parvenir au mix électrique de la neutralité car-
une durée de 40 ans (2020-2060) et analyse les bone. Cela implique d’étudier l’ensemble de la
trajectoires d’évolution du système et de décarbo- trajectoire – et notamment les deux premières
nation sur l’ensemble de la période. décennies – afin d’analyser la contribution des scé-
narios aux objectifs climatiques de la France.
D’une part, il apparaît indispensable d’analyser les
scénarios sur une période longue, jusqu’en 2060 au À ce titre, le point de passage 2030 apparaît
moins, dans la mesure où c’est à cette échéance que comme un jalon majeur dans l’analyse des
le parc nucléaire actuel de seconde génération devrait scénarios. Les études climatiques alertent en
être entièrement mis à l’arrêt pour raison d’âge. De effet de manière récurrente sur l’étroitesse de la
ce fait, les effets complets d’une décision de fenêtre d’action pour lutter contre le changement
renouvellement ou de non-renouvellement climatique et l’importance des dix prochaines
du parc nucléaire ne peuvent être pleinement années pour infléchir les courbes en direction de
appréhendés qu’en poussant l’analyse jusqu’en l’objectif fixé.
2060 (certains participants à la concertation ayant
même suggéré d’étendre l’analyse jusqu’en 2100).
L’étude Futurs énergétiques 2050 décrit différentes Le scénario climatique utilisé par RTE pour réaliser
options d’infrastructures de production, d’achemi- les analyses techniques sur le système électrique
nement, de stockage et de consommation d’élec- correspond à la trajectoire RCP 4.5 du 5e rapport
tricité ou d’hydrogène. Or ces infrastructures sont du GIEC. Celle-ci conduirait à une augmentation
elles-mêmes sensibles au changement climatique. moyenne de la température à la fin du siècle supé-
L’analyse du fonctionnement du système rieure à l’objectif de l’accord de Paris sans pour
électrique s’appuie ainsi sur une description autant représenter une trajectoire tendancielle. Ce
complète du climat, en tenant compte d’une choix a été débattu en concertation – il se justifie
projection de son évolution future. Ceci consti- par un principe de prudence visant à éviter tout
tue une première en Europe pour une étude de biais à la sous-estimation des conséquences
ce type, qui permet de mieux prendre en compte concrètes du changement clima tique. Ainsi,
l’augmentation de la probabilité d’événements les analyses de résilience menées sur les différents
extrêmes. scénarios intègrent d’emblée la possibilité que les
Figure 2.6 Trajectoires climatiques du GIEC (AR5) et scénarios retenus pour l’étude à l’horizon 2050-2060
140
> 1000 ppm éqCO2 90e centile
720-1000 ppm éqCO2 Médiane
580-720 ppm éqCO2 10e centile
120
Émissions annuelles de GES (GtéqCO2/an)
80
60 RCP6
3,1-3,7 °C Climat 2050
utilisé par
prudence pour
40 les analyses
techniques
sur le système
20
RCP4.5 électrique
2,3-2,9 °C
0
RCP2.6
1,5-1,7 °C
Climat 2050
-20 souhaité
2000 2020 2040 2060 2080 2100
62
Le cadrage de l’étude .2
Des analyses spécifiques portant sur la trajectoire Ainsi, le dispositif d’étude a été, en conscience,
RCP 8.5, c’est-à-dire une trajectoire d’emballe- articulé autour de l’idée que les transformations
ment climatique (aujourd’hui jugée peu probable du climat impliquaient un effort d’adaptation des
par la plupart des répondants au regard des ambi- infrastructures et que la prospective publique
tions climatiques au niveau mondial), ont égale- devait se confronter à des scénarios dégradés.
ment été menées de manière à évaluer les effets
Les scénarios étudiés sont définis par un ensemble prévoyait en particulier une nette augmentation de
d’hypothèses, couvrant les différentes compo- la population française suivant la trajectoire cen-
santes de l’économie (démographie, PIB, activité trale de l’INSEE (71 millions d’habitants en 2050
industrielle...) et du secteur énergétique (consom- en France métropolitaine continentale contre envi-
mation, production, interfaces avec les autres vec- ron 65 millions aujourd’hui), une croissance du PIB
teurs, flexibilité, évolution du mix dans les pays soutenue (croissance annuelle de 1,3 % à 1,4 % par
voisins…). an d’ici 2030 puis de 1,7 % par an à partir de 2030,
correspondant aux valeurs recommandées par la
Dans cet ensemble d’hypothèses, le cadre Commission européenne dans son scénario de réfé-
macroéconomique retenu a un impact important rence en 2016) et enfin une inflexion dans l’activité
sur l’équilibre des scénarios et en particulier sur industrielle en France (maintien d’une part de l’in-
les besoins d’énergie. En effet, la consommation dustrie dans le PIB autour de 10 %, à l’opposé des
d’énergie et notamment d’électricité dépend for- tendances naturelles des dernières décennies).
tement de l’évolution de la population ainsi que
de l’activité économique, et plus précisément de Toutefois, à l’issue de la consultation publique,
l’activité dans chaque secteur. les hypothèses macroéconomiques ont été ajus-
tées pour tenir compte des perspectives les plus
Le cadrage macroéconomique retenu dans l’étude récentes et des retours des parties prenantes.
s’inspire du cadre utilisé par les pouvoirs publics Tout d’abord, l’hypothèse d’évolution du PIB sur
pour l’élaboration des politiques énergétiques le début de la décennie 2020-2030 a été adaptée
et plus spécifiquement pour la SNBC. Celui-ci pour prendre en compte l’effet de la crise sanitaire
70
3 500
Millions d'habitants
68
3 000 66
G€2015
64
2 500 62
60
2 000
58
1 500 56
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
64
Le cadrage de l’étude .2
en 2020. En outre, la projection de croissance éco- où les ressources planétaires ont un caractère fini
nomique au-delà de 2030 a été revue significative- et où les objectifs de décarbonation impliquent des
ment à la baisse (+1,3 % par an contre +1,7 % par efforts financiers importants.
an dans le cadrage initial).
Historiquement, la consommation d’énergie a été
Dans l’ensemble, le cadrage macroéconomique de marquée par une forte corrélation à la croissance
l’étude reste néanmoins fondé sur une croissance démographique et économique, avec des taux de
importante de la population et du PIB. Celui-ci croissance annuels élevés sur la fin du XXe siècle. Si
constitue le cadrage de base pour les principaux la demande d’énergie s’est stabilisée voire a légè-
scénarios étudiés – ceux-ci étant tous basés sur les rement baissé au cours des dernières années en
mêmes hypothèses macroéconomiques afin de les France, cette inflexion est en partie liée aux effets
rendre comparables (voir section 5.1). Sans pré- de la crise économique de la fin des années 2000 et
juger des évolutions probables ou souhaitables de de la croissance atone qui en a suivi. Si les efforts
la démographie et de l’activité économique à ces d’efficacité énergétique et de sobriété jouent éga-
horizons-là, cette hypothèse conduit à étudier des lement un rôle pour maîtriser la demande d’éner-
scénarios de mix énergétique plus « contraints » et gie, il existe aujourd’hui un débat important sur la
compatibles avec un contexte de croissance forte. capacité à découpler totalement la croissance éco-
nomique et l’évolution de la demande en énergie
En complément de ce cadrage de base, plusieurs à long terme.
autres scénarios et tests de sensibilité ont été
analysés. En particulier, l’étude intègre un scé- Dans les configurations proposées, de telles pers-
nario spécifique de réindustrialisation profonde pectives d’absence de croissance du PIB tendraient
(voir chapitre 3), dans lequel l’activité industrielle d’un côté à favoriser la maîtrise de la demande
française serait amenée à augmenter de manière énergétique mais pourraient de l’autre susciter
très importante afin de répondre à différents des difficultés sur le financement de la transition
objectifs socio-économiques : souveraineté straté- énergétique. En effet, une telle situation serait
gique, création d’emplois, réduction de l’empreinte susceptible de conduire à une forme de rareté
carbone, etc. des finances publiques et donc à des phénomènes
d’éviction des investissements, rendant plus diffi-
En outre, certains participants à la consultation cile le financement des infrastructures nécessaires
publique ont également proposé à RTE d’étudier à la décarbonation.
des scénarios de transition énergétique dans un
contexte de croissance économique nulle. En effet, Ce type de configuration n’a pu être analysé de
ceux-ci suggèrent qu’il sera très difficile de mainte- manière détaillée dans les délais de l’étude mais
nir une croissance de long terme dans un contexte pourra cependant faire l’objet de prolongements.
Quand bien même les États membres de l’Union traduction physique de ces échanges étant assurée
européenne demeurent responsables du choix de par les gestionnaires de réseau de transport dans
leur mix énergétique, la réalité opérationnelle du le respect des textes européens.
fonctionnement du système électrique est, dès
aujourd’hui, très largement européenne. En conséquence, le fonctionnement du sys-
tème électrique dans son ensemble (équilibre
Ce caractère européen s’opère sur le plan phy- offre-
demande, stabilité du système, besoins de
sique via les nombreuses interconnexions reliant réseau…), en particulier dans des scénarios très
l’ensemble des pays, et sur le plan réglementaire différents du mix actuel avec une intégration forte
par un ensemble de règles communes et de méca- des énergies renouvelables, doit nécessairement
nismes qui organisent, en pratique, le fonctionne- s’étudier à la maille européenne.
ment d’un système intégré.
L’étude Futurs énergétiques 2050 remplit cet
Dans ce système, ce ne sont pas les États qui objectif en modélisant de manière détaillée l’inté-
décident d’importer, d’exporter, mais des acteurs gralité du système électrique européen. Le modèle
de marché qui échangent sur des marchés, la utilisé par RTE, Antares, décrit ainsi le parc de
Volumes de réseau
Hypothèses France et Europe
Simulations de
l’équilibre offre- demande
Référentiels au pas horaire +
climatiques bouclage économique Volumes de
flexibilités et bilans
énergétiques
Chroniques de Étude des
disponibilité des besoins réseaux
moyens thermiques
Coûts complets
Chroniques de
système, besoins
production des énergies
d’investissement…
renouvelables
Chroniques de
consommation
Émissions de CO2,
consommation de
Flexibilités et matières, surfaces
couplages sectoriels artificialisées,
déchets
nucléaires…
66
Le cadrage de l’étude .2
production, le réseau, et les sources de consom- demande en France pourront être de nature très
mation dans tous les États européens, afin de pou- différente selon que les pays voisins (Allemagne,
voir restituer la production, la consommation et les Royaume-Uni, Italie, Espagne, Benelux…) s’ap-
échanges par pays au pas horaire dans toutes les puient sur un mix reposant quasi exclusivement
configurations étudiées. sur les énergies renouvelables variables ou sur
un mix intégrant des moyens de production ther-
Ce dispositif d’étude s’oppose à une analyse « en miques ou nucléaires pilotables. De même, les
France isolée », qui est manifestement tellement besoins de flexibilité en France pourront dépendre
éloignée du fonctionnement réel du système élec- de manière importante de la flexibilité des usages
trique européen qu’elle ne peut servir de base à électriques développée dans le reste des pays
une prospective énergétique sérieuse. européens.
L’interconnexion des systèmes électriques euro- De ce fait, l’analyse de la cohérence des choix
péens permet de mutualiser les moyens pour gérer français avec ceux des pays voisins, et notam-
l’équilibre entre l’offre et la demande et ainsi d’op- ment l’identification des situations de dépendance
timiser les coûts totaux de fonctionnement du sys- technique, fait partie intégrante de l’étude Futurs
tème électrique. Les effets d’optimisation peuvent énergétiques 2050.
être importants, notamment dans un contexte de
fort développement des énergies renouvelables Les hypothèses de mix pour les pays voisins
variables sur l’ensemble de l’Europe. s’appuient sur les objectifs définis à l’échelle de
l’Union européenne et précisés par les États dans
À titre d’exemple, les besoins de flexibilité et de leurs feuilles de route climatique et énergétique
capacité pour assurer l’équilibre entre l’offre et la respectives.
L’analyse prospective des scénarios de transition pour apporter un éclairage sur les principaux enjeux
énergétique implique des enjeux multiples. Le tra- remontés dans le cadre de la concertation (change-
vail engagé en concertation par RTE a fait émer- ment climatique, protection de la biodiversité, épui-
ger une grille d’analyse des scénarios fondée sur sement des ressources naturelles, santé humaine…).
quatre axes principaux. Ce volet est articulé autour d’un bilan des émissions
territoriales de gaz à effet de serre et de l’empreinte
Le volet technique consiste à décrire le fonction- carbone des scénarios, d’une quantification de la
nement du système électrique dans les différents consommation de ressources minérales associée à
scénarios, sur les différentes échéances temporelles chaque scénario, d’une analyse de l’emprise sur le
étudiées. Ce volet comprend notamment l’analyse territoire et d’une analyse des enjeux portant sur les
de l’équilibre du système et des besoins de flexibi- matières et les déchets radioactifs.
lité dans un contexte de développement massif des
énergies renouvelables, une description des besoins Le volet sociétal a pour objectif de clarifier les
de réseau associés à chaque mix énergétique, et implications des différents scénarios sur les modes
une analyse de sensibilité à différentes hypothèses de vie, afin que leur « périmètre de validité » soit
de réchauffement climatique fondées sur les trajec- bien compris. Les conditions évaluées dans ce
toires du GIEC (notamment RCP 4.5 et RCP 8.5). volet portent sur l’acceptabilité des infrastructures,
le degré de diffusion des moyens de flexibilité de
Le volet économique ressort comme une attente la consommation. Ce volet a fait l’objet de plu-
importante, étant donné les différentes apprécia- sieurs réunions de concertation2 et est restitué de
tions sur la compétitivité relative des différents manière transverse dans les principaux résultats
mix de production. Il consiste à chiffrer le coût de l’étude. Il donnera également lieu à une resti-
des différents scénarios étudiés. La méthode rete- tution spécifique dans la publication des analyses
nue s’appuie sur une analyse des coûts complets approfondies, au premier trimestre 2022.
des scénarios à l’échelle de la collectivité (produc-
tion – réseau – stockage – flexibilité), qui constitue Ce dispositif complet a été plébiscité lors de la concer-
la méthode pertinente pour éclairer les décisions tation, et largement enrichi par les demandes des dif-
publiques en matière d’énergie. Il ne se base pas sur férentes parties prenantes. Il pourra faire l’objet de
une analyse en LCOE (Levelized Cost Of Electricity) compléments, s’agissant notamment de demandes
qui comporte un certain nombre de biais (facteur très structurelles comme l’ajout d’un volet emploi
de charge exogène, non-prise en compte des diffé- (fortes demandes des organisations syndicales, qui
rences de services apportés par les différentes tech- n’entrait pas dans le champ initial de l’étude et ne
nologies…) et ne permet pas de se prononcer sur les pouvait être mené dans les délais impartis) ou d’une
coûts complets associés à certaines décisions. analyse générale de l’incidence des scénarios sur la
biodiversité (qui nécessiterait une déclinaison géo-
Le volet environnemental vise à apporter des élé- graphique très fine, là encore incompatible avec les
ments quantifiés sur les différents scénarios étudiés délais de production de l’étude).
2. TE, 2019, document de cadrage sur la prise en compte et l’intégration des aspirations et des modes de vie de la société française dans l’étude Futurs
R
énergétiques 2050 : https://www.concerte.fr/system/files/document_travail/Document%20de%20concertation%20-%20attentes%20de%20la%20
soci%C3%A9t%C3%A9_V1.pdf
RTE, 2020, document de cadrage sur l’acceptabilité des moyens de production et de transport d’électricité dans les scénarios de l’étude Futurs énergétiques
2050 : https://www.concerte.fr/system/files/document_travail/2020-11-04_GT5-Dynamiques%20soci%C3%A9tales_Document-Acceptabilite-V1-LQ.pdf
RTE, 2021, document de cadrage sur la sobriété dans l’étude Futurs énergétiques 2050 : https://www.concerte.fr/system/files/u12200/2021-07-01-
GT2%20Consommation%20-%20GT5%20Soci%C3%A9t%C3%A9%20-%20sobri%C3%A9t%C3%A9%20%C3%A9nerg%C3%A9tique-min.pdf
68
Le cadrage de l’étude .2
1 2
Technique Économique
•D
escription complète du système • Coût complet pour la collectivité
(production – réseau – consommation), •A
nalyses de sensibilité aux différents paramètres,
en énergie et en puissance, en 2030, 40, 50, 60 notamment le coût du capital
•P
rojections avec les scénarios RCP 4.5 et 8.5 •V
olet spécifique sur la faculté de chaque scénario
du GIEC et analyse de résilience avec stress-tests à intégrer des perspectives de relocalisation/
climatiques (canicule – sécheresse – grand froid – réindustrialisation
absence de vent en Europe continentale)
3 4
Environnemental Sociétal
LA CONSOMMATION :
DES ÉVOLUTIONS STRUCTURELLES DE LA DEMANDE
D’ÉLECTRICITÉ EN VUE DE DÉCARBONER L’ÉCONOMIE
72
La consommation .3
La SNBC projette que la consommation d’énergie et des progrès réguliers dans l’efficacité des maté-
finale de la France se réduira de 40 % d’ici 2050 riels. En revanche, réduire la consommation de
par rapport à aujourd’hui. 40 % en 30 ans, pour se situer en dessous de
1000 TWh (niveau dépassé par la France vers la fin
Cette évolution se décompose entre un effet haus- des années 1960) constituerait une véritable rup-
sier (« effet volume ») résultant de la croissance ture de pente et doit donc être considéré comme
projetée de la population (qui atteindrait près de ambitieux.
72 millions d’habitants en 2050, contre 65 mil-
lions aujourd’hui) et de l’économie (la SNBC pos- La concertation organisée par RTE a donné lieu à
tule une croissance continue du PIB à un rythme un débat animé entre participants sur cet objectif
moyen de près de 1,6 % par an) et un effet bais- d’efficacité énergétique, qui joue un rôle majeur
sier très important du fait de l’efficacité énergé- dans l’élaboration des trajectoires sectorielles. Ce
tique. Celui-ci se subdivise lui-même en plusieurs débat, initialement considéré hors du champ du
postes : travail des Futurs énergétiques 2050 de RTE, est
u un accroissement de l’efficacité énergétique apparu d’autant plus vif qu’il renvoie à des diffé
dans les différents secteurs (rénovation des rends méthodologiques de fond. De ce fait, certains
bâtiments, consommation des appareils éner- participants à la concertation ont regretté que ses
gétiques, efficacité des procédés industriels…), implications au sens large pour la société ne soient
à la fois en raison d’une progression mécanique pas suffisamment explicitées et demeurent noyées
(équipements électroménagers) et de politiques derrière le caractère apparemment consensuel
publiques spécifiques soutenues par l’État (avec d’une perspective à long terme de la diminution
notamment la rénovation thermique des bâti- d’énergie. Ainsi, alors que certains participants
ments visant à porter en 2050 le parc immo- ont considéré les perspectives de développement
bilier français au niveau moyen du standard de l’efficacité énergétique trop pessimistes et pas
BBC – bâtiment basse consommation) ; assez en rupture avec la société actuelle, d’autres
u un renforcement mécanique de l’efficacité ont au contraire trouvé ce cadrage trop optimiste
énergétique lors de l’électrification : ainsi, les et ont regretté qu’il ait été fixé de manière exo-
moteurs électriques pour les voitures affichent gène. À ce titre, on doit mentionner la proposition
un rendement deux à trois fois plus élevé que de certains participants de déterminer un niveau
les moteurs thermiques, et les pompes à cha- réaliste ou souhaitable de consommation énergé-
leur ont une efficacité de l’ordre de trois fois plus tique par la modélisation (niveau endogène) plutôt
importante que les chaudières traditionnelles ; que de se référer à la cible fixée par la SNBC.
u dans une moindre mesure, une réduction de
certains besoins énergétiques du fait d’évolu- L’analyse montre qu’une forte ambition sur l’ef-
tions comportementales permettant de tendre ficacité énergétique est un trait partagé des
vers des modes de vie plus sobres. stratégies nationales des États européens, et
que le degré d’ambition de la France se situe
Une baisse prolongée de la consommation d’éner- dans le haut de la fourchette des cibles annon-
gie finale ne constituerait pas une rupture par cées. Les trajectoires de consommation élaborées
rapport à la tendance actuelle : la consommation par RTE dans l’étude reprennent le cadrage et l’as-
française diminue de manière régulière depuis une sortissent de variantes et tests de sensibilité (voir
vingtaine d’années sous l’effet d’une plus faible parties 3.4 à 3.7).
croissance économique, de la désindustrialisation
La SNBC prévoit le remplacement des combustibles différentes (très forte réduction de l’utilisation des
fossiles par deux sources d’énergie (l’électricité combustibles liquides, les produits pétroliers devant
bas-carbone et la biomasse) alimentant différents être remplacés par des biocarburants, baisse de la
vecteurs (usages directs de l’électricité, chaleur, part du vecteur gaz restructuré autour d’un bouquet
vecteurs gazeux comme l’hydrogène ou des gaz de gaz verts produits par utilisation de la biomasse
issus de la biomasse, combustibles liquides). française ou synthétisés à base d’électricité, progres-
sion des vecteurs chaleur et déchets).
Du fait de la réduction projetée de la consomma-
tion, cette modification du bouquet énergétique ne Ces orientations sur la place des diffé-
se fait pas à volume d’énergie inchangé, et conduit rents vecteurs résultent très largement des
à une baisse de l’énergie primaire utilisée. contraintes pesant sur les différentes sources
d’approvisionnement en énergie bas-carbone.
Parmi les différents vecteurs, la SNBC retient une La SNBC est en effet fondée sur un raisonnement
trajectoire de consommation d’électricité orientée à physique sur la disponibilité des ressources, avant
la hausse. Sous l’effet de cette croissance et de la de résulter d’une optimisation économique sur le
réduction du besoin global d’énergie, la part de l’élec- coût des différents vecteurs.
tricité dans la consommation d’énergie finale est ainsi
appelée à augmenter fortement d’ici 2050 et devrait Ainsi, la SNBC prévoit que les vecteurs énergétiques
atteindre de l’ordre de 55 % du volume d’énergie finale décarbonés – autres que l’électricité – mobilisés
consommée, contre 27 % aujourd’hui. Les autres pour atteindre la neutralité carbone seront principa-
vecteurs énergétiques auraient des trajectoires très lement issus de la biomasse (biogaz, biocarburants
2 000
1 800
Projections SNBC
(intégrant une forte
1 600
baisse de la demande
en énergie finale totale)
1 400
1 200
TWh
1 000
800
600
400
~55%
200 24% 27% 37%
0
2005 2020 2035 2050
Électricité Gaz (dont gaz décarboné)* Pétrole Charbon Bois, biocarburants, déchets, chaleur
*L
e vecteur gaz consiste aujourd’hui quasi exclusivement en du gaz naturel d’origine fossile. Il est amené à évoluer pour n’être constitué, en 2050,
que de gaz verts (hydrogène, biométhane, méthane de synthèse, ammoniac, etc.).
74
La consommation .3
Figure 3.2 Projection de l’approvisionnement en énergie et de la consommation d’énergie finale à l’horizon 2050
1 400
Approvisionnement
800
énergétique :
TWh
pertes de Pétrole
conversion Chaleur renouvelable
600 Biomasse
énergétique et
d’acheminement Électricité
400 Consommation
finale projetée :
Pétrole
200 Bois, biocarburants,
déchets, chaleur
Gaz décarboné
0 Électricité
Approvisionnement Consommation finale
énergétique en 2050 projetée en 2050
ou bois-énergie) et dans une moindre mesure de des traits distinctifs de la SNBC réside dans le
chaleur renouvelable (géothermie, chaleur indus- pari d’une très forte croissance de la mobilisa-
trielle fatale…). Or les quantités accessibles sur le tion de la biomasse pour la production d’éner-
territoire sont limitées. gie, qui serait multipliée par 2,5 par rapport à
aujourd’hui. La stratégie de mobilisation de la bio-
Parmi les éléments structurants de la SNBC figure masse inclut notamment la perspective d’une aug-
le fait d’écarter ou de limiter très fortement le mentation significative des besoins pour la production
recours au captage et stockage du carbone (pour de biocarburants (20 TWh supplémentaires en 2050)
des questions de maturité et d’acceptabilité) ou et pour la production de biogaz (qui attendrait jusqu’à
de l’importation de combustible depuis d’autres environ 150 TWh1 en 2050 contre 11 TWh en 2019).
pays (pour des questions d’indépendance et de
souveraineté). En conséquence, l’approvision- Or, la capacité à développer de tels volumes de
nement énergétique d’une France neutre biomasse-énergie constitue justement un point
en carbone est appelé à être quasi exclusi- de débat, certes moins identifiable dans le grand
vement (à hauteur de 95 %) couvert par la public que celui qui porte sur les perspectives
biomasse et par de l’électricité bas-carbone d’évolution du nucléaire ou des énergies renou-
(énergies renouvelables et nucléaire, dont les velables électriques, mais néanmoins tout aussi
limites sur le potentiel technique sont moins structurant pour l’atteinte de la neutralité carbone.
contraignantes). Alors que les premières évaluations, sur lesquelles
s’était fondée la SNBC, considéraient un potentiel
À ce titre, la discussion d’experts sur le degré néces- total de mobilisation de la biomasse permettant
saire d’électrification – élevé dans tous les cas et de produire entre 400 et 450 TWh d’énergie, cette
commun à toutes les stratégies d’atteinte de la perspective apparaît notablement plus élevée que
neutralité carbone – ne doit pas masquer que l’un les stratégies nationales des pays voisins, et un
1.
PCS (pouvoir calorifique supérieur), énergie finale.
2.
France Stratégie, 2021, Biomasse agricole : quelles ressources pour quel potentiel énergétique ?
https://www.strategie.gouv.fr/publications/biomasse-agricole-ressources-potentiel-energetique
76
La consommation .3
Hypothèses
complémentaires • Réglementation environnementale 2020
issues du groupe Actuali- (RE2020)
de travail sation des
• Réforme du diagnostic de performance
« consommation » orientations énergétique (DPE) dans le secteur du bâtiment
politiques
• Stratégie hydrogène de la France
78
La consommation .3
Quand bien même l’étude Futurs énergétiques précisée régulièrement. Une prochaine évolution
2050 vise à apporter des éléments de réponse cir- de la SNBC est déjà programmée, dans un cadre
constanciés à la question du mix électrique, laissée nouveau institué par la loi énergie-climat de 2019
ouverte par les précédentes SNBC et PPE publiées (les prochaines SNBC et PPE découleront d’une loi
en 2020, elle doit permettre également d’actuali- de programme adoptée par le parlement). Les tra-
ser la réflexion sur les quantités d’électricité sus- vaux préparatoires à la réévaluation de la SNBC
ceptibles d’être consommées à long terme. ont ainsi été lancés fin 2020 par les services du
ministère de la transition énergétique.
La question de la consommation est en effet cen-
trale dans la prospective du secteur électrique, Ces possibles révisions concernent notam-
et elle ne peut être considérée comme ayant été ment les perspectives d’évolution de la
définitivement refermée par la SNBC en vigueur. consommation d’électricité, qui concentrent
En effet, cette dernière a été adoptée en 2020, des enjeux d’autant plus lourds que l’électri-
seulement un an après que l’objectif de neutra- cité est appelée à remplacer le pétrole comme
lité carbone a été inscrit dans la loi et, même si première source d’énergie du pays. De nom-
elle a bénéficié d’un travail de scénarisation et de breux éléments de cadrage sont susceptibles d’être
modélisation engagé dès 2017, elle doit être consi- réinterrogés dans le cadre de la réactualisation pré-
dérée comme la première version d’une stratégie vue de la stratégie nationale bas-carbone : antici-
nationale appelée à être approfondie, ajustée et pations du contexte macroéconomique et politique,
Scénario
Trajectoire Scénario
Scénarios de référence
« réindustrialisation
« sobriété »
profonde »
80
La consommation .3
Les orientations retenues pour la construction de la (taux de croissance annuel moyen de 0,6 % sur la
trajectoire de référence conduisent à une consom- décennie 2020, de 1,1 % sur la décennie 2030 et
mation totale de l’ordre de 645 TWh à l’horizon de 1,3 % sur la décennie 2040). La consommation
2050 en France métropolitaine continentale, en se stabiliserait ensuite, la neutralité carbone étant
incluant les pertes de transport et de distribution atteinte, pour n’évoluer que marginalement dans
ainsi que l’électricité utilisée pour la production la décennie suivante en fonction de l’évolution de
d’hydrogène. Ceci constitue une hausse de l’ordre la population et de l’activité économique.
de +35 % par rapport à aujourd’hui.
Ce scénario de consommation combine des évo-
La trajectoire de référence prévoit une augmen- lutions très différenciées selon les secteurs.
tation relativement régulière de la consommation, D’une part, la consommation électrique de trois
avec une tendance à l’accélération progressive secteurs est orientée très fortement à la hausse
82
La consommation .3
500
400
TWh
Décarbonation : efficacité
300 énergétique et électrification
poussée dans les secteurs
de la mobilité, de l’industrie
et des bâtiments
200
100
0
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050
Une conclusion importante des Futurs énergé- L’effet respectif de l’électrification et de l’efficacité
tiques 2050 est que la trajectoire d’évolution énergétique peut, par exemple, être représenté
de la consommation électrique nécessaire à pour la trajectoire de référence en décompo-
l’atteinte de la neutralité carbone est résolu- sant l’évolution projetée de la consommation
ment orientée à la hausse. d’électricité entre 2019 et 2050 selon différentes
composantes :
En effet, même dans le scénario « sobriété », l’effet u un effet « volume », haussier, induit par la crois-
haussier résultant du développement de nouveaux sance démographique et l’évolution de l’activité
usages électriques l’emporte sur celui, baissier, économique, qui contribue à une hausse de
associé au renforcement de l’efficacité énergétique l’ordre de 47 TWh ;
ou à la sobriété. Ce résultat découle directement u un effet « électrification des usages », haussier,
de l’importance des nouveaux usages à électri- très majoritairement lié aux secteurs de l’indus-
fier pour remplacer les énergies fossiles, dans un trie et des transports, qui constitue l’essentiel
pays où ces dernières alimentent encore 60 % des de l’augmentation de la consommation et repré-
besoins énergétiques finaux. Il apparaît beaucoup sente environ +324 TWh ;
plus nettement dans une trajectoire de neutra- u un effet « efficacité énergétique », baissier, qui
lité carbone, impliquant de se passer complète- touche l’ensemble des secteurs et usages pour
ment des énergies fossiles, que dans une politique un volume total d’environ -200 TWh ;
comme le « facteur 4 » visant à réduire les émis- u un effet « réchauffement climatique », globale-
sions de 75 %. ment faible en énergie annuelle (-1 TWh), mais
Évolution de la consommation intérieure d’électricité entre 2019 et 2050 dans la trajectoire de référence
Figure 3.7
et décomposition en effets
900
+324 TWh -200 TWh
800
700
-7 TWh +6 TWh
chauffage climatisation
TWh
600
+47 TWh
500
645 TWh
0
Consommation Effet “volume” Électrification Effet “efficacité Effet Consommation
2019 des usages énergétique” “réchauffement 2050
climatique”
84
La consommation .3
qui recouvre des évolutions contrastées sur les principal sur le secteur résidentiel – la rénovation
usages thermiques de l’électricité (-7 TWh sur énergétique (bâti et solutions de chauffage) effi-
le chauffage, +6 TWh sur la climatisation), avec cace des logements – est considéré déjà largement
en corollaire un impact significatif sur les appels activé dans la trajectoire de référence, puisqu’il
de puissance. contribue à réduire le besoin de 130 TWh. Il en va
de même pour le secteur tertiaire, pour les mêmes
Les effets de l’électrification, et dans une moindre raisons. A contrario, au-delà des efforts individuels
mesure les effets « volume », ne sont ainsi que par- de sobriété, des gains organisationnels sont pos-
tiellement contrebalancés par les effets de l’effica- sibles dans plusieurs secteurs, notamment dans
cité énergétique sur les usages électriques. celui des transports en cas de réduction du besoin
de mobilité par la voiture individuelle ou de réduc-
L’intérêt de cette décomposition réside également tion de la taille des véhicules, et sont explorés dans
dans l’identification des leviers de modération de le scénario « sobriété ».
l’augmentation de la consommation. Ainsi, le levier
Les différents scénarios et variantes présentés barre des 800 TWh en 2050 –, le cône de prévision
au paragraphe 3.1.3 conduisent à des évolutions cité précédemment apparaît de nature à bien reflé-
de nature similaire. Ils confortent la conclusion ter les incertitudes actuelles sur les déterminants
forte des Futurs énergétiques 2050 sur le besoin de la consommation.
de planifier un système électrique devant pouvoir
répondre à une augmentation de la demande inté- Le cône de prévision est plus élevé que celui qui est
rieure d’électricité qui lui sera adressée. retenu par l’ADEME dans la dernière édition de ses
« visions 2030-2050 », actuellement en cours de
Les trajectoires modélisées dans l’étude réévaluation dans le cadre de ses travaux de pros-
conduisent, à l’horizon 2050, à évaluer la consom- pective énergie-ressources. Dans des avis récents,
mation électrique dans une plage de plus ou moins l’Académie des sciences et l’Académie des techno-
100 TWh autour de la trajectoire de référence, logies ont, quant à elles, retenu des perspectives
s’échelonnant entre 555 TWh et 755 TWh en 2050, plus élevées, mais sans procéder à un travail de
néanmoins avec davantage de configurations qui modélisation de la consommation : une fois retrai-
seraient orientées à la hausse qu’à la baisse. Si des tées des différents effets, les estimations en ordre
combinaisons de variantes encore plus haussières de grandeur de l’Académie des technologies sont
pourraient être envisagées en sommant différents cohérentes avec les trajectoires hautes de RTE.
effets haussiers – conduisant alors à dépasser la
Figure 3.8 Cône de variation des différentes trajectoires de consommation des Futurs énergétiques 2050
800
700
+/-100 TWh
600
500
TWh
400
300
200
Historique
100 Trajectoire
de référence
Variantes autour
0 de la référence
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
86
La consommation .3
3.
CAN Europe, EEB, 2020, Building a Paris Agreement Compatible (PAC) energy scenario, http://www.caneurope.org/content/uploads/2020/06/PAC_
scenario_technical_summary_29jun20.pdf
hors électrolyse
140%
120%
100%
80%
60%
40% Réindustrialisation
Référence
20%
Sobriété
0%
France - Allemagne Royaume-Uni Pays-Bas Italie Espagne ENTSO-E IEA
Scénario RTE (UE 27) (monde)
avec électrolyse
350%
300%
250%
200%
150%
100%
Réindustrialisation
50%
Référence
Sobriété
0%
France - Allemagne Royaume-Uni Pays-Bas Italie Espagne ENTSO-E IEA
Scénario RTE (UE 27) (monde)
Sources :
France : Futurs énergétiques 2050, RTE (2021)
Allemagne : Leitstudie Integrierte Energiewende, DENA (2018)
Grande-Bretagne : The Sixth Carbon Budget Electricity Generation, Climate Change Committee (2020)
Pays-Bas : Klimaatneutrale energiescenario’s 2050, Tennet/Gasunie (2020)
Italie : Long Term Strategy
Espagne : Long Term Strategy
UE27 : TYNDP 2022, ENTSO-E (2021)
Monde : Net Zero by 2050, International Energy Agency
88
La consommation .3
4.
https://www.piie.com/publications/policy-briefs/climate-policy-macroeconomic-policy-and-implications-will-be-significant
Conséquences sur
Risque/facteur
la consommation
Hypothèses clés de la de non-respect
d’électricité (écart par
trajectoire de référence de la trajectoire
rapport à la trajectoire
de référence
de référence)
Moindre consommation
Poursuite de la déindustrisalisation électrique (-30 TWh) –
variante « désindustrialisation »
Industrie •P
art de l'industrie dans le PIB
stable à 10% Consommation électrique
plus élevée (+50 TWh) -
Croissance ou électrification
scénario « réindustrialisation »
supplémentaire
ou (+10 TWh) – variante
« électrification + »
Résidentiel/ •R
éussite de la politique Consommation électrique plus
tertiaire de rénovation thermique Pas d’inflexion de la trajectoire
élevée (+20 TWh) avec un impact
(parc équivalent proche important à la pointe – variante
de BBC en 2050) « efficacité énergétique - »
•E
ssor modéré des camions Consommation électrique
Essor plus soutenu des camions
plus élevée (+24 TWh) –
électriques (20% du parc) électriques (75% du parc)
variante « électrification + »
Moindre consommation
Développement moins rapide électrique (-10 TWh) –
Production variante « hydrogène - »
d’hydrogène •D
éveloppement conforme
à la SNBC et au plan de relance
Consommation électrique
Développement plus rapide plus élevée (+110 TWh) –
variante « hydrogène + »
90
La consommation .3
des pompes à chaleur, efficacité des procédés dans l’industrie que dans le tertiaire ou l’externa-
industriels, diminution de la consommation uni- lisation d’activités de l’industrie vers les services,
taire des véhicules, efficacité énergétique des d’autre part la dégradation du solde commercial. La
appareils électroménagers, etc. À titre d’exemple, perspective d’une rupture plus marquée avec cette
elle implique une inflexion très significative du évolution est traitée dans le scénario dédié « réin-
rythme des rénovations dans le secteur résidentiel. dustrialisation profonde ». Là encore, l’influence
De l’ordre de 400 000 par an aujourd’hui, l’ambi- pourrait atteindre une centaine de térawattheures
tion est de porter ce rythme à près de 700 000 par (hydrogène compris) dans le cas de figure le plus
an en moyenne autour de 2030 et à plus de élevé. Il est néanmoins important de rappeler que
800 000 par an à partir de 2040. Un échec de la l’évolution pourrait être également baissière : si le
politique de rénovation des bâtiments aurait rythme actuel d’électrification des procédés indus-
une influence haussière sur la consommation triels était poursuivi, la réduction de la consomma-
à hauteur d’une vingtaine de térawattheures. tion industrielle atteindrait 30 TWh.
S’agissant de l’industrie manufacturière, en cohé- Le cas des transports illustre bien les incertitudes
rence avec la SNBC, le scénario de référence associées à la prospective publique. Dans un scé-
Futurs énergétiques 2050 retient l’hypothèse d’un nario d’électrification massive des véhicules indi-
maintien de sa part relative dans le PIB français. viduels ou utilitaires légers, la consommation
Contrairement à ce que pourrait suggérer une électrique du secteur avoisinerait 100 TWh. Les
interprétation hâtive, le maintien à long terme incertitudes entourant cette trajectoire se
de ce ratio à son niveau actuel ne constitue comptent en dizaines de térawattheures :
pas un scénario de statu quo mais bien une à la hausse si les camions choisissaient majoritai-
trajectoire contre-tendancielle, qui nécessite rement l’électricité par batterie plutôt que l’hydro-
une inflexion par rapport à la tendance bais- gène ou d’autres carburants « verts », à la baisse
sière observée sur les dernières décennies. si l’électrification du parc automobile était moindre
Or l’évolution baissière de cet indicateur au cours ou si celui-ci se réduisait. Ces incertitudes sont
des dernières décennies résulte de tendances étudiées dans la variante « électrification + » et
lourdes – d’une part des facteurs structurels la trajectoire « accélération 2030 », spécifique à
comme la progression de la productivité plus forte cet horizon.
Le secteur des transports représente 30 % des et à des coûts faibles au regard d’autres actions
émissions nationales, et 32 % de la consommation de décarbonation (voir chapitre 12). L’analyse
d’énergie finale en France. L’électricité n’y joue du développement de l’électromobilité et de ses
aujourd’hui qu’un rôle restreint (2 %), principale- impacts sur le système électrique a fait l’objet de
ment dans le secteur ferroviaire avec notamment travaux menés dans le cadre d’un large groupe
les transports de passagers urbains et longue de travail, piloté par RTE en collaboration avec
distance. AVERE-France. Ces travaux ont été restitués dans
un rapport5, publié en mai 2019.
Le développement de l’électromobilité routière
constitue le principal levier de décarbonation du Il s’est forgé, au cours des dernières années, un
secteur des transports. Il s’agit en effet de l’une relatif consensus sur la priorité de cette action, qui
des actions qui permet d’agir le plus rapidement se décline en politiques publiques en Europe : tant
sur les émissions, pour des volumes importants les normes sur les émissions des véhicules neufs
Figure 3.11 Évolution de la structure du parc de véhicules légers entre 1950 et 2050
45
40
35
30
Millions d’unités
25
20
15
10
Hybride rechargeable
Électrique
5 Gaz
Diesel
0 Essence
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050
5.
https://assets.rte-france.com/prod/public/2020-05/RTE%20-%20Mobilite%20electrique%20-%20principaux%20resultats.pdf
92
La consommation .3
Figure 3.12 Consommation électrique du secteur des transports – Trajectoire de consommation de référence
120
100
80
TWh
60
que les politiques des villes pour chasser de leurs Pour tenir cette trajectoire, plus de 40 % du parc
centres les véhicules les plus polluants ouvrent un automobile léger et plus de 80 % des imma-
espace pour une bascule rapide vers la mobilité triculations neuves doivent être composés de
électrique. Depuis quelques mois, on assiste en véhicules électriques ou hybrides rechargeables
outre à des annonces de plus en plus volontaristes à l’horizon 2035, ce qui est cohérent avec une inter-
des constructeurs quant à l’électrification de leur diction en 2040 de la vente de voitures et véhicules
gamme, à des annonces d’implantation d’usines de utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles –
construction de batteries. soit le jalon retenu à ce jour par la France. À 2030,
cela implique un parc de 7,3 millions de véhicules
Ainsi, le consensus sur les trajectoires possibles électriques. La trajectoire « électrification + », qui per-
de développement de la mobilité électrique a été met d’atteindre un jalon plus ambitieux pour 2030,
significativement revu à la hausse depuis le der- en accord avec le nouvel objectif européen et les
nier Bilan prévisionnel long terme. La trajectoire annonces de la Commission européenne du 14 juil-
la plus haute, qui prévoyait 15 millions de véhi- let 2021, implique pour sa part une accélération par
cules électriques en 2035, constitue désormais la rapport à cet objectif : elle conduirait à atteindre
trajectoire centrale de l’étude Futurs énergétiques 13,1 millions de véhicules en circulation en 2030.
2050.
À l’horizon 2050, la trajectoire de référence
La trajectoire de consommation de référence implique que près de 95 % du parc de véhi-
implique des transferts vers l’électricité dès la cules légers, soit près de 36 millions d’unités,
décennie 2020 (pour les véhicules légers et cer- disposent d’une motorisation électrique6. Les
tains bus et camions opérant en zone urbaine) autres véhicules fonctionnent à l’hydrogène ou au
puis, massivement, au cours de la décennie 2030. GNL.
6.
Véhicules tout électriques ou hybrides rechargeables
94
La consommation .3
La consommation annuelle d’électricité dans le sec- Or l’analyse fine des tendances passées sur l’in-
teur de l’industrie atteint 113 TWh en 2019. Cette dustrie montre que la diminution de la part de l’in-
consommation est en baisse depuis les années dustrie dans le PIB résulte en grande partie d’effets
2000, sous les effets conjugués d’une contraction structurels (gains de productivité plus importants
de la production industrielle et d’une amélioration dans l’industrie que dans le tertiaire, évolution de
de l’efficacité énergétique au fur et à mesure que la structure de consommation qui porte de manière
l’appareil productif se modernisait ; cette baisse n’a croissante plus sur les services que sur les biens
été que partiellement compensée par des mesures manufacturés, externalisation et comptabilisation
d’électrification. La consommation électrique de des dépenses en services de l’industrie…) et seule-
l’industrie en France est très largement inférieure ment en partie à la croissance des importations. Le
à celle de l’Allemagne (223 TWh), comparable à maintien de la part de l’industrie dans le PIB
celle de l’Italie (120 TWh) et supérieure à celle du à 10 % apparaît donc déjà comme une stra-
Royaume-Uni (92 TWh). tégie de redéploiement industriel en France,
cohérente avec les ambitions publiques sur la
La poursuite de l’électrification des procédés indus- relocalisation d’une partie des importations
triels et des besoins de chaleur constitue un levier et la relance d’une dynamique industrielle
essentiel pour décarboner l’industrie, et il s’agit de en ce qui concerne certains secteurs straté-
ce fait de la principale voie de décarbonation du giques. Il s’agit d’un scénario contre-tendanciel
secteur établie par la SNBC. mais atteignable, qui reflète déjà un effort de réin-
dustrialisation du pays.
La trajectoire de référence de l’étude Futurs éner-
gétiques 2050 retient donc une évolution progres- Avec un PIB en augmentation d’environ 1,3 % par
sive mais profonde du mix énergétique du secteur an en moyenne dans la trajectoire de référence,
industriel. Les transformations prévues consistent il s’agit d’un scénario de croissance de l’activité
en un remplacement de l’utilisation de l’hydro- industrielle avec une augmentation d’environ 40 %
gène fossile (issu notamment du reformage du de la valeur ajoutée associée à l’industrie manu-
méthane) par de l’hydrogène bas- carbone entre facturière entre 2019 et 2050. Cette augmentation
2025 et 2035, ainsi qu’en une électrification des concernerait la plupart des branches, tout en étant
procédés par des technologies électriques (tech- plus marquée pour les industries stratégiques et
niques résistives, conduction, induction, compres- celles contribuant à la transition énergétique (pro-
sion mécanique de vapeur pour l’essentiel) et des duits électriques et électroniques, pharmacie,
besoins de chaleur via le remplacement de chau- industrie agroalimentaire…).
dières fossiles par des pompes à chaleur ou des
chaudières électriques – un mouvement qui serait Dans ce scénario de référence, l’expansion de l’ac-
surtout visible dans les décennies 2030 et 2040. La tivité industrielle va de pair avec une amélioration
part de l’électricité dans la consommation énergé- du solde commercial de l’industrie manufacturière,
tique finale dans l’industrie passerait alors de 40 % qui s’inverse en 2050 (presque +30 Md€ contre
aujourd’hui à 70 % à l’horizon 2050. presque -30 Md€ en 2019).
RTE retient dans son scénario central de consom- Bien que partiellement contrebalancés par plus de
mation une inflexion résolue de la tendance actuelle 30 TWh de gains d’efficacité énergétique attendus
200
180
160
140
120
TWh
100
80
60
40
20
0
Consommation Effet volume Effet structure Efficacité Électrification Consommation
2019 énergétique 2050
d’ici à 2050, les effets haussiers combinés de l’ac- L’incertitude sur la consommation industrielle
croissement de la production industrielle et de est explorée dans les différents scénarios et
l’électrification des procédés et des besoins de variantes. Ainsi, la consommation industrielle
chaleur industriels se traduiraient par une crois- pourrait atteindre de l’ordre de 210-250 TWh dans
sance marquée de la consommation d’électricité le scénario de réindustrialisation (dont plusieurs
dans l’industrie, qui atteindrait environ 180 TWh variantes ont été étudiées), et environ 190 TWh
en 2050 dans la trajectoire de référence, contre un dans la variante « efficacité énergétique faible »,
peu plus de 113 TWh en 2019. contre 180 TWh dans la référence. Dans le sens
opposé, une plus grande sobriété conduirait à une
Les industriels français, dans le cadre de la concer- consommation de l’ordre de 163 TWh.
tation, ont défendu la perspective d’augmentations
plus importantes des consommations industrielles. Les dynamiques sous-jacentes à la maille des
Par rapport à la trajectoire de référence, l’écart porte différentes grandes branches industrielles sont
essentiellement sur l’efficacité énergétique, plusieurs contrastées :
fédérations industrielles considérant les perspectives u la décarbonation de la production sidérur-
de gains comme plus faibles. Les travaux ulté- gique nécessitera un accroissement marqué
rieurs menés avec les fédérations conduisent de la consommation électrique de ce secteur,
désormais aux mêmes ordres de grandeur au travers d’un accroissement du recyclage (la
(environ 180 TWh de consommations directes production secondaire d’acier se fait très essen-
d’électricité dans le scénario correspondant à tiellement via la filière électrique) et de l’essor
la trajectoire de référence de RTE, et de l’ordre de filières peu émettrices pour la production
de 240 TWh dans le scénario de réindustrialisa- d’acier primaire (filières Direct Reduced Iron
tion), auxquels s’ajoutent des consommations utilisant de l’hydrogène ou procédé électroly-
directes d’hydrogène pour l’industrie. tique à plus long terme) ;
96
La consommation .3
u la métallurgie et la construction mécanique (hors l’horizon 2050, portée par le dynamisme éco-
secteur automobile), électrique et électronique nomique de cette branche d’activité et le fort
devraient également voir leur demande élec- potentiel d’électrification de ses procédés,
trique croître fortement du fait d’un fort poten- notamment par le recours à des techniques
tiel d’électrification des procédés productifs et résistives, à de la compression mécanique de
de la croissance de l’activité (avec notamment vapeur ou à des pompes à chaleur ;
le développement de la production de batteries u la consommation électrique des autres secteurs
électriques dans des gigafactories) ; de production est aussi projetée à la hausse,
u la consommation électrique des industries mais dans de moindres proportions.
agroalimentaires devrait croître fortement à
200
180
160
140
120
TWh
100
80
Industries diverses
Industrie du papier et du carton
60 Construction automobile
Chimie et parachimie
40 Minéraux et matériaux
Métallurgie, construction
mécanique, électrique
20 & électronique
Sidérurgie
0 Industrie agroalimentaire
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
Le secteur résidentiel est responsable de 10 % bâtiments neufs, qui sont soumis depuis la régle-
des émissions de gaz à effet de serre en France, mentation thermique de 2012 à des exigences
et de 30 % de la consommation finale d’énergie. très strictes, lesquelles ont encore été renforcées
L’électricité y est fortement présente, et constitue dans la réglementation environnementale 2020
notamment l’unique vecteur énergétique utilisé (RE 2020). Du fait du faible taux de rotation et de
pour l’éclairage, le « blanc » (équipements élec- renouvellement du parc immobilier, les logements
troménagers et pour la production de froid), les de 2050 existent déjà aujourd’hui en large partie,
technologies de l’information ou de communica- et c’est en conséquence dans l’amélioration de leur
tion (TIC) ou encore la climatisation. L’essentiel performance que réside le principal enjeu à long
des enjeux de décarbonation du secteur résidentiel terme pour la consommation des bâtiments.
concerne le chauffage, qui génère à lui seul 82 %
de ses émissions directes. Cela passe par une intensification du rythme de
rénovation thermique des logements, qui doit
Même si la France est connue pour un développe- conduire au doublement du nombre annuel d’opé-
ment du chauffage électrique plus marqué que dans rations (il faut atteindre un rythme de croisière
les pays voisins, le chauffage reste un usage dominé de 700 000 ou 800 000 opérations de rénovation
par les combustibles fossiles, qui alimentent 52 % efficaces par an, contre 400 000 en rythme ten-
des besoins. Il demeure aujourd’hui 3,4 millions de danciel). Cette trajectoire doit conduire, à l’horizon
logements chauffés au fioul, et plus de 12 millions 2050, le besoin de chauffage moyen d’un logement
au gaz. Le remplacement des combustibles fossiles à diminuer de 40 % environ. Néanmoins, la réno-
par des solutions bas-carbone (électricité, bois, bio- vation des logements est une politique complexe
gaz, réseaux de chaleur urbains alimentés par des à mettre en œuvre : elle met en jeu un soutien
énergies renouvelables), en commençant par une public budgétaire important, nécessite un investis-
sortie rapide du chauffage au fioul, et la réduction sement de la part des particuliers et repose sur
du besoin de chauffe constituent ainsi la principale la mobilisation d’un tissu de petites entreprises.
voie de réduction des émissions dans ce secteur, L’éventualité d’un échec partiel dans l’atteinte des
comme l’a récemment noté le Haut Conseil pour le objectifs publics doit donc être intégrée à l’étude
climat7. Des éléments d’analyse sur ce sujet ont été Futurs énergétiques 2050 – cette éventualité
apportés dans l’étude8 publiée en décembre 2020 est notamment prise en compte par RTE dans la
par RTE et l’ADEME, portant sur la contribution du variante « efficacité énergétique moins ».
chauffage des bâtiments à la réduction des émis-
sions de CO2 et son impact sur le système électrique Sur le plan de la bascule vers des solutions de chauf-
à l’horizon 2035. fage bas- carbone, les enjeux diffèrent là encore
dans le neuf et l’existant. Pour les bâtiments neufs,
L’État a défini, au cours des dernières années, la nouvelle RE 2020 prévoit que les nouveaux loge-
des politiques publiques permettant d’agir sur ces ments n’utiliseront plus de combustibles fossiles à
deux leviers – la performance énergétique des compter de 2022 pour les maisons et 2025 pour les
bâtiments et l’utilisation de solutions de chauffage immeubles collectifs. Elle devrait conduire à une
bas-carbone – qui constituent la clé de la réduction place prépondérante de l’électricité, via les pompes
des émissions dans ce secteur. à chaleur, dans les maisons et dans une moindre
mesure dans l’habitat collectif. Les incitations sont
Sur le plan de la performance des bâtiments, les également fortes pour le développement du chauf-
enjeux ne portent pas en premier lieu sur les fage au bois, ou au raccordement des immeubles à
7.
https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2021/06/HCC-rappport-annuel-2021.pdf
8.
https://assets.rte-france.com/prod/public/2020-12/Rapport%20chauffage_RTE_Ademe.pdf
98
La consommation .3
Millions de logements
des logements chauffés à l’électricité aujourd’hui à
25
70 % en 2050.
20
À ces évolutions sur le parc s’ajoute l’impact du
réchauffement climatique sur les besoins de 15
chauffe : avec l’élévation moyenne des tempéra-
tures hivernales (basées sur le scénario RCP4.5 du 10
GIEC), ceux-ci se contracteraient d’environ 13 %.
5
180
160
140
120
100
TWh
80
60
Autres usages
Éclairage
40 Cuisson
TIC
Blanc
20
Ventilation-climatisation
Eau chaude sanitaire
0 Chauffage
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
100
La consommation .3
3.3.4 Tertiaire : un secteur dont certains usages sont amenés à croître dans
le numérique, mais qui recèle également un fort gisement d’efficacité énergétique
Le secteur tertiaire représente 6 % des émissions tertiaires soient chauffées électriquement en 2050
de gaz à effet de serre françaises, et 16 % de la contre 30 % environ aujourd’hui. Malgré cette
consommation finale énergétique. Il a été marqué croissance du nombre de solutions de chauffage
par une dynamique haussière de la consommation électrique, les gains escomptés d’efficacité énergé-
énergétique durant plusieurs décennies, qui trouve tique sur le bâti et les systèmes de chauffe (pompes
sa source dans la tertiarisation de l’activité écono- à chaleur) apparaissent suffisamment élevés pour
mique et l’essor de nouveaux usages de l’électricité conduire à une diminution de la consommation
(électrification des usages thermiques, développe- électrique de chauffage dans le secteur tertiaire,
ment de la bureautique…). Toutefois, une inflexion attendue en baisse de près de 20 % en 2050 par
s’est fait jour depuis 2010 et se traduit depuis rapport à 2019 dans la trajectoire de référence.
lors par une relative stagnation de la demande en
énergie du secteur. Sa nature composite rend diffi- Le recours au vecteur électrique pour la production
cile l’interprétation fine des mouvements (moindre d’eau chaude sanitaire est supposé croître de façon
croissance de l’activité économique, efficacité éner- corrélée à la part des surfaces chauffées à l’élec-
gétique en hausse, développement important des tricité. Cet effet fortement haussier devrait toute-
TIC…), dont les effets tendent à se contrebalancer. fois être moindre que celui – baissier – des gains
160
140
120
100
TWh
80
60
Hors bâti
Éclairage
40
Cuisson
Autres usages spécifiques
20 Froid
Ventilation et climatisation
Eau chaude sanitaire
0 Chauffage
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
d’efficacité énergétique, au travers d’équipements bureautique, etc.) se poursuit sous l’effet moteur
thermodynamiques. La consommation électrique des règlements d’écoconception, avec un effet
pour la production d’eau chaude sanitaire s’établi- modérateur sur la consommation de ces usages.
rait ainsi en 2050 à un niveau 20 % plus bas que
celui de 2019. En revanche, face à la croissance très rapide des
flux de données, les perspectives de hausse de la
La consommation de climatisation-ventilation est consommation d’électricité associée aux usages
en revanche attendue en légère croissance (de numériques, et notamment aux data centers, fait
12 % environ) à l’horizon 2050, avec des gains l’objet de nombreux débats : certains acteurs
d’efficacité énergétique qui contrebalancent par- portent la vision d’une croissance exponentielle de
tiellement l’augmentation des surfaces climatisées la demande, tandis que d’autres tablent sur une
(par rapport aux logements, les surfaces tertiaires croissance plus modérée. Dans les scénarios de RTE,
comme les bureaux ou les centres commerciaux l’hypothèse retenue est celle d’une hausse marquée
sont déjà largement équipés de systèmes de ven- de la demande électrique des data centers, tout en
tilation et de climatisation) et celle de l’usage de modélisant une poursuite des gains d’efficacité éner-
la climatisation, renforcé par le réchauffement gétique (qui, au-delà des réglementations, répond
climatique. à un objectif de performance économique pour les
acteurs du numérique). Ce scénario conduit à un tri-
Avec un potentiel de gains énergétiques relative- plement de la demande d’électricité des data centers
ment modéré et une part de marché en très forte d’ici 2050, pour atteindre plus de 9 TWh.
croissance (près de 80 % en 2050 contre 40 %
aujourd’hui), l’usage cuisson devrait voir sa consom- Ainsi, la consommation du secteur tertiaire s’élève-
mation électrique croître de près de 70 % d’ici 2050. rait, dans la trajectoire de référence, à 113 TWh en
2050, contre 131 TWh en 2019. Ce niveau fluctue
Par ailleurs, comme dans le secteur résidentiel, l’ef- d’une vingtaine de térawattheures à la hausse ou
ficacité énergétique des usages spécifiques (froid, à la baisse selon les différentes variantes étudiées.
102
La consommation .3
La consommation d’hydrogène dans l’industrie qui est à la fois une énergie finale (utilisée notam-
représente 1 % des émissions de gaz à effet de ment dans le secteur du bâtiment pour le chauf-
serre en France, et 1 % de la consommation éner- fage ou dans l’industrie), et une énergie primaire
gétique. L’hydrogène utilisé aujourd’hui est en effet utilisée pour produire de l’électricité.
un dérivé des hydrocarbures, dont il est extrait par
vaporeformage. Avec la perspective d’un développement de l’hy-
drogène par électrolyse, l’électricité deviendra
Le développement de l’hydrogène bas- carbone un entrant servant à produire un autre vecteur
constitue aujourd’hui un élément revendiqué de la énergétique, qui pourra lui-même être soit direc-
stratégie énergétique française, au même titre que tement consommé en tant qu’énergie finale, soit
de celle de nombreux États européens (Allemagne, transformé en un autre combustible (comme le
Espagne, Pays-Bas, Belgique). Cette perspective est méthane de synthèse), soit stocké et retransformé
récente et s’est structurée au cours des toutes der- ultérieurement en électricité.
nières années, alors qu’elle ne figurait pas, ou alors
marginalement, dans les stratégies de décarbona- La consommation énergétique directe de l’hydrogène
tion. Elle s’articule autour de la double promesse que est appelée à se développer dans trois directions :
l’hydrogène permettrait de décarboner des secteurs u dans l’industrie, pour la production de cha-
où l’électrification est difficile ou onéreuse d’une part, leur haute température, en substitution à de la
et qu’elle constituerait un moyen de stocker de l’éner- biomasse ;
gie très complémentaire avec le développement des u en injection directe dans le réseau actuel de
énergies renouvelables électriques d’autre part. Les gaz naturel (mais de façon limitée en raison des
perspectives ouvertes par l’hydrogène bas- carbone contraintes de dilution) ;
ont été détaillées, récemment, par un rapport de u dans les transports, de manière limitée pour les
référence de l’Agence internationale de l’énergie9. transports ferroviaires et plus fortement dans
les transports lourds (4 % des camions en 2050,
En l’état actuel des technologies, l’hydrogène couvrant 8 % des distances).
bas-carbone serait très largement produit par
électrolyse de l’eau, c’est-à-dire par un procédé Les orientations de la SNBC, confirmées depuis par le
électrique. D’autres modes de production sont Plan hydrogène et France relance, privilégient l’usage
possibles, notamment la pyrolyse ou la pyrogazé- de l’hydrogène dans l’industrie dans un premier temps
ification de déchets. Néanmoins, ces technologies (afin de remplacer l’hydrogène actuel), puis dans les
sont moins matures et le passage à l’échelle dans transports lourds. L’injection directe d’hydrogène ne
la production d’hydrogène bas-carbone, si elle se constitue pas, en revanche, la voie privilégiée.
concrétise dans les prochaines années, sera large-
ment réalisé en utilisant l’électricité. RTE a mené des premières analyses des enjeux
techniques, économiques et environnementaux
Cette perspective conduit à envisager un nou- associés au développement en France de la pro-
veau rôle pour l’électricité. Celle-ci est aujourd’hui duction d’hydrogène par électrolyse à 2035, qui ont
uniquement une « énergie finale ». Elle est ainsi fait l’objet d’un rapport publié10 en janvier 2020.
directement consommée dans les bâtiments, dans Ces travaux s’intéressaient en particulier au mode
l’industrie ou pour le transport ferroviaire par opératoire des électrolyseurs, sous des hypothèses
exemple. En ce sens, elle diffère du gaz naturel, de développement correspondant aux orientations
60
50
Combustibles
de synthèse
40
Usage
TWh
30 énergétique
direct de Méthanation
l’hydrogène Transport aérien
Transport maritime
20 Transport ferroviaire
Transport routier
Injection directe en mélange
Chaleur industrielle
10 Usage non Sidérurgie
énergétique Raffinage
de l’hydrogène Divers
Chimie
0 Ammoniac et engrais
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
des pouvoirs publics décrits dans la SNBC. Ils ont trajectoires très ambitieuses articulées dans plu-
permis d’établir différents régimes de production sieurs États, considérant que le développement de
et de consommation d’hydrogène. l’hydrogène bas-carbone devait être restreint à un
socle « sans regret » constitué des usages actuels de
La production d’hydrogène est un procédé inten- l’hydrogène diminués de ceux associés au raffinage
sif en électricité. L’électricité nécessaire pour pro- et aux hydrocarbures en général – qui n’auraient plus
duire les volumes d’hydrogène correspondants à de justification dans une France neutre en carbone
la SNBC s’élève à 50 TWh environ en 2050, contre à l’horizon 205011. A contrario, plusieurs acteurs
zéro aujourd’hui. Ces volumes n’intègrent pas la soutiennent des perspectives de développement de
demande d’hydrogène qui serait éventuellement l’hydrogène à une échelle encore supérieure. Cette
nécessaire pour la production d’électricité, à tra- perspective est intégrée à l’étude Futurs énergé-
vers la boucle power-to-gas-to-power dans cer- tiques 2050 sous la forme de la variante « hydro-
tains scénarios de développement poussé des gène + », qui conduit à la production de 120 TWhH2
énergies renouvelables : ces volumes supplémen- (mobilisant un peu plus de 170 TWh d’électricité) et
taires sont déterminés par simulation et seront à une consommation électrique totale de 755 TWh.
détaillés au chapitre 9.
Ainsi, le spectre de la consommation électrique
S’agissant d’un vecteur nouveau, pratiquement pour la production d’hydrogène – hors production
inexistant à l’heure actuelle, l’incertitude sur son dédiée pour les besoins du système électrique –
développement apparaît extrêmement forte. est particulièrement large : entre 40 et 171 TWh,
Certaines ONG ont exprimé des réserves quant aux avec une référence de 50 TWh.
11.
https://www.agora-energiewende.de/en/publications/no-regret-hydrogen/
https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet-de-blog/reseau-transeuropeen-dhydrogene-quel-role-dans-la
https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet-de-blog/plan-hydrogene-en-europe-les-conditions-du-succes
104
La consommation .3
Sous l’effet des politiques de décarbonation, de La trajectoire de référence implique ainsi que la
l’apparition de nouveaux usages et des dynamiques consommation des secteurs du bâtiment (résiden-
d’évolution très différentes selon les grands sec- tiel et tertiaire) s’inscrive à la baisse grâce à l’amé-
teurs de consommation, les scénarios de l’étude lioration de l’efficacité énergétique. Dit autrement,
Futurs énergétiques 2050 impliquent tous une le maintien de la consommation d’électricité dans
évolution de la structure de la demande intérieure la zone des 645 TWh en 2050 est tributaire d’une
d’électricité. bonne exécution des politiques de rénovation du
Figure 3.20 Historique et évolution de la consommation d’électricité par secteur dans la trajectoire de référence
200
175
150
125
TWh
100
75
Résidentiel
50 Tertiaire
Industrie
Transports, énergie
25
& agriculture
Hydrogène
0 Pertes
2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
Figure 3.21 volution structurelle de la consommation intérieure d’électricité entre 2019 et 2050
É
dans la trajectoire de référence
8% 8%
7% 8% 21%
33%
Résidentiel
24%
2019 18% 2050 Tertiaire
Industrie
17% Transports, énergie
& agriculture
Hydrogène
Pertes
28% 28%
106
La consommation .3
Consommation
Consommation intérieure
475 TWh 508 TWh 567 TWh 645 TWh
d’électricité
Rénovations dans le résidentiel 400 000 680 000 830 000 830 000
(moyenne sur dix ans) par an par an par an par an
Gains d’une rénovation
dans le résidentiel 30 % 50 % 50 % 40 %
(moyenne sur dix ans)
Efficacité
énergétique Pompes à chaleur dans
+40 000 +270 000 +330 000 +350 000
les logements existants
par an par an par an par an
(moyenne sur dix ans)
Rénovations dans le tertiaire 1,5 % du 2,0 % du 2,5 % du 2,5 % du
(moyenne sur dix ans) parc par an parc par an parc par an parc par an
Gains d’une rénovation
dans le tertiaire 15 % 25 % 40 % 50 %
(moyenne sur dix ans)
Alors que la question de la réindustrialisation et Ces analyses confirment que la France dis-
des fuites de carbone constituait à l’origine un pose à date d’un double avantage compara-
thème d’étude parmi d’autres, elle s’est imposée tif (économique et climatique) en matière de
au cours des deux ans de concertation comme un production d’électricité (voir chapitres 11 et
enjeu central de l’étude Futurs énergétiques 2050. 12).
Cette priorisation fait écho au consensus politique Cet avantage par rapport à d’autres pays est
croissant, encore renforcé par la crise sanitaire, néanmoins transitoire : il est très marqué sur
en faveur de politiques de réindustrialisation et/ou la décennie 2020-2030, encore important sur la
de relocalisation de certaines activités considérées période 2030-2040, mais tend à s’estomper au fur
comme stratégiques. Les raisons associées sont et à mesure que les réacteurs nucléaires existants
multiples : elles tiennent à la défense et la qualité seront arrêtés sur critère d’âge.
de l’emploi, à la compétitivité de l’économie fran-
çaise, à la volonté de renforcer la souveraineté du Cette analyse implique qu’il existe une fenêtre
pays ou à celle d’en réduire l’empreinte carbone. d’opportunité en matière d’investissement
dans l’appareil industriel au cours des pro-
Dans le cadre de la concertation, l’intérêt de chaines années. Un réinvestissement dans
construire un scénario consacré spécifiquement à certains secteurs, ainsi que la relocalisation de cer-
ce thème a notamment été défendu par les orga- taines activités fortement émettrices au nom de la
nisations syndicales et les fédérations industrielles. réduction de l’empreinte carbone, peuvent se justi-
RTE a ainsi proposé, à l’issue de la consultation fier dans une perspective stratégique, économique
publique, de retenir ce scénario comme l’un des et climatique.
principaux de l’étude, et de l’analyser sur plu-
sieurs terrains en recherchant des réponses Cette fenêtre d’opportunité correspond au calen-
quantitatives : drier des dispositifs de France Relance, et encore
u l’évaluation des perspectives d’évolution de la plus de ceux du Plan d’investissement « France
consommation d’électricité et d’hydrogène du 2030 » annoncé par le président de la République
secteur industriel à court, moyen et long terme, le 12 octobre 2021, qui organisent un soutien à
en fonction des ambitions ; l’électrification des industriels énergo-intensifs. Le
u l’analyse des choix les plus pertinents sur le détail des mesures de « France 2030 » devrait per-
mix électrique nécessaire pour alimenter cette mettre d’affiner cette hypothèse et pourrait inflé-
consommation au meilleur coût ; chir plus nettement la tendance de décarbonation,
u les gains apportés par les scénarios de réindus- donc d’électrification.
trialisation sur les émissions en général et l’em-
preinte carbone de la France en particulier ; Le scénario de « réindustrialisation profonde »
u les conditions économiques et réglementaires doit servir à en analyser les prérequis et les
auxquelles un scénario d’accélération peut être conséquences.
crédible.
108
La consommation .3
Au cours des quinze dernières années, les émis- La désindustrialisation du pays au cours de ces
sions de gaz à effet de serre en France ont dimi- trente dernières années, accompagnée de l’aug-
nué : selon l’inventaire national, elles sont passées mentation de la demande intérieure en produits
d’environ 540 MtCO2eq à environ 440 MtCO2eq industriels, explique en large partie ce constat :
entre 2000 et 201512, soit une baisse de près de malgré les progrès dans l’efficacité éner-
20 %. Toutefois, dans le même temps, l’empreinte gétique des procédés en France et dans le
carbone de la France est demeurée globalement monde, une partie des émissions a simple-
stable, autour de 700 MtCO2eq, même si elle a eu ment été déplacée hors de France.
tendance à baisser légèrement au cours des toutes
dernières années.
Décomposition de l’empreinte carbone et des émissions nationales de la France entre 2000 et 2019
Figure 3.23
-5%
800
700
-20%
Importations
600
500
Mt CO2eq
400 Services
Construction
Transports
300 Production, distribution et
traitement d’eau, de gaz,
200 d’électricité et des déchets
Industrie manufacturière
(y compris cokéfaction & raffinage)
100 Industries extractives
Agriculture
0 Émissions directes des ménages
2000 2019 2000 2019
12.
Les estimations provisoires pour 2019 sont du même ordre de grandeur.
Par rapport à la trajectoire de référence – fondée sur l’industrie lourde et fortement consommatrice.
une inflexion dans la trajectoire industrielle condui- Ses conditions de réalisations sont à préciser,
sant à maintenir la part de l’industrie dans le PIB à mais intègrent la mise en œuvre de mécanismes
long terme, à rebours de la tendance actuelle –, le efficaces d’ajustement carbone aux frontières.
scénario de réindustrialisation profonde est u Un second type de réindustrialisation porte-
un scénario de rupture. Il implique de porter rait sur certains secteurs stratégiques tels que
la part de l’industrie manufacturière dans le l’électronique ou les équipements électriques.
PIB à 12-13 % en 2050. Ces secteurs sont ceux qui présentent des plus
fortes valeurs ajoutées et conduisent à la plus
De manière détaillée, plusieurs stratégies indus- forte croissance du PIB13. Ils sont moins sen-
trielles sont envisageables, en fonction des sibles au prix de l’énergie.
branches sur lesquelles l’accélération serait la
plus marquée. Or la contribution au PIB et l’in- Dans le scénario « réindustrialisation profonde »
tensité énergétique par rapport à la valeur ajou- de RTE, ces deux tendances sont panachées mais
tée peuvent différer très largement d’une branche avec une plus forte pondération pour les secteurs
à l’autre : l’analyse de ce scénario implique donc technologiques de pointe et stratégiques. Le scé-
de réaliser des projections détaillées, branche par nario est complété de quelques relocalisations
branche. de productions fortement émettrices à l’étranger
dans l’optique de réduire l’empreinte carbone de la
L’analyse menée a conduit à distinguer deux consommation française, mais n’est pas construit
formes différentes de réindustrialisation, qui n’en- autour du principe d’une relocalisation complète de
traînent pas le même type d’effet sur la consom- certaines branches comme la pharmacie ou le tex-
mation énergétique en France et les émissions : tile. En effet, les perspectives de relocalisation de
u Un premier type de réindustrialisation pour- ces activités sont très faibles dans une économie
rait concerner les industries exposées aux ouverte, pour des raisons de normes environne-
risques de fuites de carbone, donc notamment mentales ou de coût du travail.
13.
L’interdépendance entre les branches industrielles et entre l’industrie et les autres secteurs productifs, ainsi que l’effet sur le PIB, sont évaluées grâce à
des tableaux entrées-sorties de la comptabilité nationale, projetés sur l’horizon considéré. Ceci permet de disposer d’un cadre macroéconomique cohérent
reliant les différents secteurs. Le modèle ne tient en revanche pas compte des effets de bouclage macroéconomique (impacts sur les salaires, rétroaction
sur la consommation des ménages, etc.) pour lesquels un modèle d’équilibre général serait nécessaire.
110
La consommation .3
500
450
400
350
300
Md€2019
14.
Les branches « stratégiques » sont essentiellement celles mentionnées dans le plan de relance élaboré en 2020 par le gouvernement, ainsi que les branches
concernées par la transition énergétique (informatique et électronique, chimie, pharmacie, agroalimentaire, machines et équipements, équipements
électriques, matériel médical, automobile et autres matériels de transport, matières premières et métallurgie).
15.
Les branches à risque de fuite carbone considérées ici sont celles identifiées par l’Union européenne, qui bénéficient d’allocations d’un montant de quotas
gratuits dans le cadre du système communautaire d’échange de quotas d’émission.
300
250
200
150
Md€2019
100
Autres produits manufacturés
Machines et équipements
50 Produits électriques et
électroniques
0 Automobile et autres matériels
de transport
Métallurgie et matériaux
-50 non métalliques
Chimie et pharmacie
Bois, papier
-100 Textile et habillement
Industrie agroalimentaire
-150 • Solde commercial
2019 2050 2050
scénario de référence scénario de réindustrialisation
(maintien du poids de (secteurs stratégiques +
l'industrie manufacturière réduction des importations
dans le PIB) hors UE intensives en carbone)
Du point de vue énergétique, l’effet sur les 50 TWh, incluant les usages en tant que matière
consommations d’énergie est un surcroît de la première. En supposant que la moitié de ce besoin
consommation électrique directe de l’indus- en combustibles soit satisfait par la production en
trie de près de 60 TWh/an, accompagné d’une France d’hydrogène par électrolyse (le reste pou-
hausse de la consommation de combustibles vant correspondre par exemple à des combustibles
décarbonés comme l’hydrogène par rapport à importés), la réindustrialisation contribuerait indi-
la trajectoire de référence. Cette consommation rectement à la mobilisation de 37 TWh supplémen-
additionnelle de combustibles s’élèverait à environ taires d’électricité.
112
La consommation .3
Consommation
Consommation 538 TWh 631 TWh 752 TWh
475 TWh
intérieure d’électricité (508 TWh) (567 TWh) (645 TWh)
Solde commercial en
+34 +115 +227
biens manufacturés -27
(-11) (+6) (+29)
(milliards d’euros)
114
La consommation .3
116
La consommation .3
Si les débats relatifs à la sobriété sont nombreux, il Le choix méthodologique des Futurs énergétiques
n’existe pour autant pas de définition de la sobriété 2050 consiste à distinguer explicitement la notion
qui fasse consensus. de sobriété de celle d’efficacité, souvent confon-
dues dans les débats. L’efficacité correspond ici à
La notion de sobriété provient en effet de mouve- la diminution de consommations énergétiques d’un
ments et de racines très diverses. Dans les débats dispositif technique pour un service rendu équiva-
sur l’évolution des besoins énergétiques, plusieurs lent. Si l’efficacité s’avère complémentaire de la
parties prenantes ont progressivement tenté de sobriété, cette dernière vise, au-delà de la seule
définir les contours de la notion de « sobriété éner- amélioration de l’efficacité des matériels, à interro-
gétique » (qui ne couvre qu’une partie des enjeux ger plus fondamentalement les modes de produc-
de sobriété). Dans son panorama sur la sobriété, tion et de consommation.
l’ADEME la définit ainsi comme « une recherche de
“moins”, de modération des biens et des services Le scénario de sobriété étudié repose sur une
produits et consommés, tout en recherchant un recherche de gisements dans tous les secteurs de
“mieux”, notamment une augmentation de la qua- consommation. La méthodologie déployée pour
lité de vie et du bien-être »17. L’association négaWatt étudier ce scénario sobriété repose (i) sur une
évoque une démarche de réduction des consomma- revue de littérature exhaustive portant sur les
tions superflues s’organisant par une hiérarchisa- principaux axes de transformation en faveur d’une
tion des besoins, et favorisant les comportements société plus sobre et (ii) sur une identification des
et activités intrinsèquement peu consommateurs actions en faveur de la sobriété.
d’énergie au niveau individuel et collectif.
17.
ADEME, novembre 2019, Florian Cézard et Marie Mourad. « Panorama sur la notion de sobriété – Définition, mises en œuvre, enjeux » – Synthèse
Les actions sur la demande d’énergie au travers qui rendent difficile l’identification de l’ampleur des
des modes de vie constituent un outil évident transformations envisagées et leurs effets sur la
pour l’atteinte de la neutralité carbone, qui doit consommation énergétique ou la réduction des
être aujourd’hui systématiquement investigué. émissions.
Deux questions se posent pour la modélisation :
comment prendre en compte cet outil, et à quel Certains scénarios, comme ceux de l’Agence inter-
niveau. Chaque organisme appelé à investiguer le nationale de l’énergie (AIE), évoquent l’évolution
thème de la neutralité carbone a dû répondre à des comportements individuels comme une des
cette question. variables permettant de faciliter l’atteinte de la neu-
tralité carbone. Les leviers mobilisés par l’AIE dans
Cette intégration représente un défi méthodolo- son scénario Net-zero by 2050 restent toutefois
gique que certaines institutions ont relevé à l’instar limités et pèsent relativement peu dans la trajec-
du GIEC. Dans le cadre de ses derniers rapports, toire de réduction des émissions (4 % des baisses
celui-ci s’est appuyé sur un canevas de cinq trajec- d’émissions sur l’ensemble de la trajectoire).
toires appelées Shared socio-economic Pathways
(SSP ou « Trajectoires socio-économiques de réfé- À l’inverse, d’autres acteurs intègrent la sobriété
rence »), décrivant le cadrage démographique, au cœur de leur matrice d’analyse, en portant une
macroéconomique et quelques grands détermi- vision systémique sur la transformation de l’orga-
nants autour des modes de vie afin d’intégrer des nisation de la société et en déclinant de manière
composantes économiques, sociétales et géopoli- fine les effets de la sobriété activables dans les
tiques aux projections d’évolution des émissions et différents secteurs. En particulier, les associations
du climat. négaWatt et Virage Energie18 intègrent, de longue
date, un volet important sur la sobriété énergé-
De manière générale, l’évolution des modes de tique dans leurs travaux prospectifs, en vue de
vie vers davantage de sobriété est une notion proposer des trajectoires de transition vers un
désormais intégrée comme un des leviers futur sans énergies fossiles dans l’optique de limi-
de décarbonation dans la plupart des études ter le réchauffement climatique, tout en y ajoutant
prospectives, mais avec des définitions diverses un autre objectif de sortie du nucléaire.
La trajectoire de référence des Futurs énergétiques L’analyse des gisements de sobriété, qui fait l’objet
2050 suppose une poursuite des standards de vie d’un scénario dédié, explore via une approche sys-
actuels et notamment du degré de confort actuel. tématique les conséquences d’une inflexion struc-
À ce titre, elle intègre des évolutions comportemen- turelle des modes de vie et l’intérêt que revêtirait
tales lorsque celles-ci apparaissent déjà amorcées une telle évolution pour l’atteinte des objectifs
dans la société ou sont prescrites par la réglemen- climatiques.
tation. Elle ne présuppose donc pas de rupture
comportementale par rapport à aujourd’hui.
18.
Virage Energie, 2016, « Mieux vivre en Nord-Pas-de-Calais : pour un virage énergétique et des transformations sociétales »
118
La consommation .3
Figure 3.26 Décomposition des leviers de sobriété électrique par secteur d’activité
Habitat à espaces partagés et légère augmentation de la taille unitaire des ménages 11,9 TWh t
Limitation de la consommation de chauffage résidentiel 4,0 TWh t
Limitation de la consommation en eau chaude résidentielle 4,7 TWh t
Résidentiel Moindre taux d’équipement en climatisation résidentielle 1,1 TWh
Limitation de la consommation des autres usages résidentiels 0,7 TWh
Recours au télétravail (impact sur la consommation dans les bureaux) 9,1 TWh t
Limitation des besoins énergétiques sur le lieu de travail 4,7 TWh t
Limitation de la consommation de chauffage, climatisation et eau chaude
sanitaire tertiaires 1,8 TWh
Tertiaire Réduction de la surface des commerces 1,1 TWh
Réduction des écrans publicitaires 0,5 TWh
Limitation de la consommation des autres usages tertiaires 0,8 TWh
120
La consommation .3
Les économies d’énergie permises par l’activation L’enseignement le plus important pour la prospec-
des gisements de sobriété sont importantes. À l’ho- tive réside, de manière plus fondamentale, dans
rizon 2050, elles sont estimées à environ 90 TWh. le fait que l’activation simultanée des leviers
du scénario sobriété n’apparaît pas de nature
Juger du réalisme de ces gisements n’entre pas à infléchir la tendance prévisionnelle d’aug-
dans le champ du présent rapport, et renvoie très mentation de la consommation d’électricité
largement à des représentations politiques ou dans un cadre de neutralité carbone.
symboliques déjà évoquées plus haut. Il est cer-
tain que le scénario « sobriété » des Futurs éner- En effet, la consommation atteindrait 555 TWh en
gétiques 2050 constitue en lui-même un système 2050 dans le scénario sobriété contre 475 TWh en
différent de celui d’aujourd’hui, et implique des 2019. Si elles permettent d’infléchir de manière
changements organisationnels importants (orga- significative l’évolution de la consommation, les
nisation des villes et de l’habitat de manière mesures de sobriété ne remettent donc pas en
générale, inversion de la tendance à l’augmenta- cause son caractère haussier. A contrario, cela
tion de la taille des véhicules, etc.). Toutefois, il signifie que les scénarios impliquant une stabilité
représente une société dont les traits principaux voire une réduction de la consommation d’élec-
ont été conservés : la mobilité demeure essen- tricité reposent soit sur une organisation sociale
tiellement individuelle, l’habitat est toujours orga- plus fondamentalement en rupture par rapport à
nisé de manière prédominante autour des cellules aujourd’hui, soit sur un renoncement à la trajec-
familiales, etc. Des lectures antagonistes seront toire de neutralité carbone dans un cadre proche
donc possibles sur ce scénario : pour en déplorer de la SNBC.
le manque d’ambition ou au contraire en souligner
le caractère déjà très normatif.
Figure 3.27 Décomposition des effets d’actions de sobriété sur la consommation en 2050
700
645 -90
650
600
555
TWh
550
500
Production d’hydrogène
Industrie
450 Transports
Tertiaire
Résidentiel
400 Pertes évitées
Trajectoire Effet sobriété Scénario
de référence “sobriété”
Consommation
Consommation 479 TWh 509 TWh 555 TWh
475 TWh
intérieure d’électricité (508 TWh) (567 TWh) (645 TWh)
Baisse moyenne de
0,3 °C 0,7 °C 1 °C
la température de consigne -
(0 °C) (0 °C) (0 °C)
du chauffage
Gisement 20 % 35 % 50 %
% du temps de télétravail -
(4 %) (8 %) (10 %)
de sobriété
Taux d’occupation moyen 1,73 1,97 2,20
1,62
des véhicules légers (1,65) (1,68) (1,70)
122
La consommation .3
Dans le cadre de son nouveau « Pacte vert », La proposition de modification du règlement euro-
l’Union européenne a fixé l’objectif d’une réduc- péen sur la répartition des efforts, concernant les
tion des émissions de gaz à effet de serre de 55 % émissions des secteurs non couverts à l’origine par
net en 2030 (contre -40 % brut) par rapport aux le système d’échange de quotas d’émissions, éta-
niveaux de 1990 et l’atteinte de la neutralité car- blirait une réduction de 47,5 % des émissions fran-
bone à l’échelle de l’Union d’ici 2050. Il s’agit d’une çaises dans ces secteurs. D’autre part, la révision
réévaluation significative du degré d’ambition par du système d’échange de quotas (SEQE), égale-
rapport à l’objectif précédent. ment proposée par la Commission européenne en
juillet 2021, rehausserait l’objectif européen de
Ces nouvelles ambitions sont susceptibles d’ac- réduction des émissions couvertes par le SEQE, qui
célérer le transfert de certains usages d’énergie passerait de -43 % à -61 % en 2030.
vers l’électricité. Plusieurs mesures contenues
dans le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » L’accélération de l’électrification est un des
publié en juillet 2021 vont dans ce sens, notam- leviers efficaces pour permettre l’atteinte des
ment la mise en place d’un système d’échange nouveaux objectifs 2030, d’autant plus que
de quotas d’émissions pour le transport routier la production d’électricité bas- carbone en
et le bâtiment. La Commission européenne a France restera excédentaire à cet horizon.
également proposé un objectif de réduction de
100 % des émissions dans les parcs de véhicules La variante « accélération 2030 » implique des évo-
légers (voitures et véhicules utilitaires légers) lutions dans les rythmes de déploiement de l’élec-
vendus dès 2035. tricité sur les trois principaux secteurs émetteurs :
les transports, l’industrie et le bâtiment.
Le secteur des transports apparaît le plus propice engagée : la part de marché de l’électrique pro-
à une accélération. gresse, les constructeurs automobiles électrifient
leur flotte bien plus rapidement qu’initialement
D’une part, le taux de renouvellement naturel du escompté et les nouveaux objectifs annoncés à
parc automobile est élevé (6 à 7 % par an pour l’échelle européenne (fin de la vente de véhicules
les véhicules légers, contre 1 à 2 % par an dans le thermiques en 2035) sont de nature à accélérer la
logement) : il s’agit donc de remplacer des véhi- transition.
cules polluants en fin de vie par des véhicules neufs
utilisant un combustible bas- carbone. D’autre La trajectoire « accélération 2030 » prolonge
part, sous certaines conditions, la bascule vers le la dynamique positive observée en 2020-
véhicule électrique présente une bonne efficacité 2021, en supposant notamment une part de mar-
économique au regard d’autres actions de décar- ché de 50 % pour l’électrique (tout électrique et
bonation (les coûts d’abattement des émissions de hybride rechargeable) sur le segment des voitures
CO2 sont restituées dans la partie 11.9 de la pré- particulières en 2025, contre 2029 dans la trajec-
sente étude). Enfin, la dynamique industrielle est toire de référence.
France
(hyp. d’accélération)
100%
~ 50 % des ventes
en 2025
80%
Norvège
% des ventes
60% ~ 50 %
des ventes
en 2018 France
(hyp. de référence)
40%
~ 50 % des ventes
en 2029
20%
France (référence)
France (accélération 2030)
France (historique)
0% Norvège (historique)
2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
124
La consommation .3
3.6.3 Une bascule vers les pompes à chaleur plus rapide dans le secteur
du bâtiment
Dans le secteur du bâtiment, aussi bien résiden- c’est-à-dire d’appareils très performants sur le
tiel que tertiaire, la trajectoire de référence prend plan énergétique.
déjà en compte une électrification volontariste des
usages, en particulier du chauffage. En effet, le De ce fait, à un horizon de temps relativement court
rythme des transferts vers des solutions électriques à l’échelle de la durée de vie d’un système de chauf-
de chauffage dans l’existant entre 2021 et 2030 fage et en raison de l’inertie importante propre au
est doublé par rapport à la décennie précédente secteur du bâtiment, cette augmentation n’a qu’un
dans le résidentiel et même triplé dans le tertiaire. impact limité sur la consommation d’électricité en
Cette rupture de tendance répond aux orientations 2030. Ainsi, pour le résidentiel et le tertiaire, la
publiques de décarbonation des usages, portées variante d’électrification poussée conduit à une
par la SNBC. consommation en hausse d’environ 4 TWh en 2030
par rapport à la trajectoire de référence.
Dans une variante d’électrification plus pous-
sée, cette accélération est davantage marquée, Une accélération de la transition du secteur des
mais avec un effet cependant limité à l’horizon bâtiments au-delà de ces niveaux est possible
2030. Ainsi, la part de chauffage électrique dans mais elle nécessite un effort structurel très impor-
le bâtiment est rehaussée de l’ordre de quelques tant sur le parc de bâtiments existants, avec des
pourcents en 2030 par rapport à la trajectoire de incitations ou des obligations largement renforcées
référence, et par le biais de pompes à chaleur, par rapport aux mesures en vigueur.
La trajectoire de référence intègre déjà une forte du nouveau plan d’investissement « France 2030 »,
intensification des transferts d’usage dans le sec- permettent d’atteindre un rythme de conversion
teur industriel, tant sur les procédés que sur les plus soutenu des énergies fossiles (principalement
besoins de chaleur, des combustibles carbonés vers le fioul) vers l’électricité et les réseaux de chaleur.
l’électricité. Calibrée en s’appuyant sur la base de
données industrielle et les analyses du CEREN, elle Cette trajectoire peut s’appuyer sur des exemples
est fondée sur une estimation du potentiel techni- concrets de projets d’investissements dans les
quement réalisable d’électrification et de la cible grandes zones industrielles françaises (par exemple
atteignable en 2050 compte tenu des temps de à Dunkerque ou à Fos) pouvant concerner des sec-
retour des différentes technologies. teurs très énergivores comme la sidérurgie.
Figure 3.29 Consommation électrique dans les trajectoires de référence et « accélération 2030 »
600
+38 TWh
500
400
TWh
300
126
La consommation .3
Au-delà de la trajectoire de référence et des scé- Aussi, la trajectoire de référence retenue par RTE
narios de réindustrialisation et de plus grande s’accompagne de l’étude d’autres configurations.
sobriété, les débats et les retours de consultation Celles-ci visent à refléter des trajectoires contras-
publique ont mis en exergue des positions diver- tées s’agissant des modes de vie, des politiques
gentes sur les hypothèses associées à l’évolution publiques en matière de décarbonation de l’écono-
de la consommation à long terme. mie ou des rythmes de transformation du système
et à en dégager les conséquences pour le dimen-
sionnement du système électrique.
Comme évoqué à plusieurs reprises dans le pré- À l’inverse, d’autres répondants indiquent que
sent chapitre, la projection sur les gains futurs les leviers d’efficacité énergétique possèdent de
en matière d’efficacité énergétique est centrale nombreux bénéfices au-delà de la réduction de la
en matière de prospective énergétique. Avec une consommation énergétique et des émissions de
hypothèse de réduction de 40 % de la consomma- gaz à effet de serre et qu’ils sont sans regret et
tion d’énergie finale, la France a retenu une hypo- nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques
thèse qui se situe dans le haut de la fourchette des que la France s’est fixés.
autres pays européens.
Pour apporter un éclairage sur ces questions, RTE
Lors de la consultation publique, plusieurs répon- a intégré aux Futurs énergétiques 2050 une ana-
dants ont remis en cause l’intérêt de certaines lyse de sensibilité portant sur le rythme de déploie-
mesures d’efficacité prévues par la SNBC en met- ment des mesures d’efficacité énergétique. Cette
tant en avant leur coût important par rapport à variante conduirait à une consommation d’électri-
d’autres leviers de décarbonation ou le caractère cité de l’ordre de 720 TWh en 2050.
trop optimiste des trajectoires retenues.
Les débats sur le niveau d’électrification pour être consacrée à l’énergie (via le biogaz ou les bio-
atteindre la neutralité carbone sont tout aussi carburants) ou encore la capacité à déployer plus
structurants dans l’élaboration des perspectives. rapidement des solutions électriques, et mettent
Comme évoqué plus haut, s’il existe un consensus ainsi en évidence l’intérêt de cibler une électrifi-
sur la nécessité d’utiliser l’électricité pour rempla- cation plus rapide et/ou plus poussée des usages,
cer en partie les énergies fossiles et donc sur le fait notamment dans les transports.
que la part de l’électricité dans le mix énergétique
est amenée à s’accroître, les proportions de cette Les travaux des Futurs énergétiques 2050 intègrent
augmentation demeurent sujet de débat. ainsi deux trajectoires contrastées sur le rythme
d’électrification, avec un éclairage spécifique sur
Certains suggèrent que la SNBC accorde une place la possibilité d’accélérer l’électrification de certains
trop importante à l’électrification, notamment dans usages (en particulier les transports) d’ici 2030 en
l’industrie voire dans le résidentiel et les transports, vue d’atteindre les nouveaux objectifs européens
par rapport à d’autres sources comme la biomasse sur les émissions de gaz à effet de serre (la tra-
ou les imports de combustibles énergétiques jectoire d’électrification soutenue coïncide, à l’hori-
décarbonés. D’autres soulignent à l’inverse les zon 2030, avec la trajectoire « accélération 2030 »
incertitudes sur le gisement de biomasse pouvant présentée dans la partie 3.6).
Le développement de l’hydrogène bas- carbone conduisant à une demande finale d’hydrogène net-
constitue l’une des solutions mises en avant pour tement plus élevée que dans la trajectoire de réfé-
atteindre la neutralité carbone, notamment pour rence : plus de 120 TWh H2 PCI à l’horizon 2050
décarboner certains usages dans l’industrie ou contre environ 40 TWh H2 PCI dans la trajectoire
les transports (camions, bus, bateaux, avions…). de référence (hors hydrogène nécessaire à l’équi-
Au cours des dernières années, des visions ambi- librage du système électrique). L’hydrogène ainsi
tieuses de développement de l’hydrogène se sont développé se substitue à l’électrification directe
développées, et les pouvoir publics ont adopté en dans certains secteurs compliqués à électrifier
septembre 2020 une stratégie hydrogène en lien (sidérurgie…) ainsi qu’à l’utilisation de biomasse
avec le plan de relance adopté à la suite de la crise (transport lourd, chaleur industrielle).
sanitaire.
Dans le cas où tout ou partie de ce complément
Dans ce contexte et suite aux demandes issues de la d’hydrogène est produit par électrolyse en France,
concertation, RTE a élaboré et étudié une trajectoire il en résulte une consommation d’électricité sup-
fondée sur une accélération forte du développe- plémentaire, qui s’avère structurante pour le
ment de l’hydrogène (trajectoire « hydrogène + »), dimensionnement du système électrique.
128
La consommation .3
In fine, en complément de la trajectoire de réfé- qui font l’objet d’une analyse détaillée dans cette
rence, ce sont six trajectoires de consommation étude.
+58%
800 +36%
700 +17%
600
Efficacité énergétique -
500
Réindustrialisation
TWh
400
Électrification +
Électrification -
Hydrogène +
300
Référence
Sobriété
200
100
0
2019 2050
Figure 3.31 Synthèse des principales hypothèses des différentes trajectoires de consommation
Consommation
Consommation 527 TWh 610 TWh 714 TWh
475 TWh
intérieure d’électricité (508 TWh) (567 TWh) (645 TWh)
Consommation
Consommation 546 TWh 636 TWh 700 TWh
475 TWh
intérieure d’électricité (508 TWh) (567 TWh) (645 TWh)
24 % 60 % 76 %
Part des camions électrifiés 0%
(2 %) (8 %) (21 %)
130
La consommation .3
Consommation
Consommation 493 TWh 527 TWh 578 TWh
475 TWh
intérieure d’électricité (508 TWh) (567 TWh) (645 TWh)
2% 6% 16 %
Part des camions électrifiés 0%
(2 %) (8 %) (21 %)
Consommation
Consommation 525 TWh 635 TWh 754 TWh
475 TWh
intérieure d’électricité (508 TWh) (567 TWh) (645 TWh)
132
La consommation .3
acceptation sociale. Les hypothèses retenues dans d’approvisionnement sur des hypothèses incer-
la trajectoire de référence de la consommation taines (cf. chapitre 7). Différentes variantes de
sont relativement prudentes, permettant de ne flexibilité de consommation permettent d’illustrer
pas faire reposer les résultats relatifs à la sécurité l’apport des flexibilités sur le système électrique.
La consommation d’électricité est influencée par de manière sensible la part des logements chauffés
les températures extérieures en été, via la clima- à l’électricité à l’horizon 205019 (70 % contre 40 %
tisation, et surtout en hiver via le chauffage élec- environ aujourd’hui). Toutefois, dans le même
trique – largement répandu en France puisqu’il temps, l’amélioration de l’isolation du bâti (régle-
équipe près de 40 % du parc de logements et 30 % mentation environnementale dans le neuf, réno-
des surfaces du parc tertiaire. vations renforcées dans l’existant), combinée à
une performance accrue des systèmes de chauffe
Le système électrique français se caractérise par une (au travers des pompes à chaleur notamment)
forte thermosensibilité induite par le chauffage élec- et à l’effet du réchauffement climatique, devrait
trique : lors d’une vague de froid intense, les besoins permettre de stabiliser puis de faire décroître la
de chauffe peuvent être beaucoup plus importants consommation en énergie du chauffage électrique
et contribuer à une augmentation significative de la d’environ 24 % à l’horizon 2050. En corollaire, la
puissance appelée. Le gradient hivernal (sensibilité sensibilité de la consommation aux températures
de la consommation à la baisse de température en froides devrait se contracter d’environ 13 %.
hiver) est aujourd’hui estimé à 2 400 MW/°C.
Dès lors, les transferts importants vers les solu-
Les transferts de chauffage au fioul ou au gaz vers tions de chauffe électriques prévus dans le cadre
les pompes à chaleur électriques pour une partie de la SNBC ne conduisent pas à accroître la pointe
significative du parc de logements vont accroître de consommation du chauffage.
60
50
40
GW
30
20
10 Consommation
de chauffage 2019
Consommation
0 de chauffage 2050
-10 -5 0 5 10 15 20 25 30 35 40
Température (°C)
19.
Le développement des pompes à chaleur a des conséquences sur les consommations en énergie mais également sur les appels en puissance. En effet, le
profil de charge des pompes à chaleur est différent de celui du chauffage par effet Joule : leur coefficient de performance (COP), rapport entre l’énergie
restituée et l’énergie consommée, diminue lorsque l’écart de température entre le milieu de prélèvement et le milieu de restitution des calories augmente,
d’où le caractère non linéaire qui apparaît sur la figure 3.33.
La technologie de la pompe à chaleur a toutefois connu des progrès importants sur les dernières années. Les anciens modèles étaient dotés de résistances
thermiques d’appoint, ce qui pouvait conduire à une consommation équivalente à celle de convecteurs électriques lors de vagues de froid. Aujourd’hui, elles
sont en voie de disparition, car elles ne respectent pas les exigences requises par les labels de qualité ; la dégradation du COP à températures très froides
est ainsi limitée.
134
La consommation .3
25
20
15
GW
10
5 Consommation
de climatisation 2019
Consommation
0 de climatisation 2050
-10 -5 0 5 10 15 20 25 30 35 40
Température (°C)
90 90
Semaine de janvier Semaine de juin
80 80
70 70
60 60
50 50
GW
GW
40 40
30 30
20 20
10 10
0 0
lun. mar. mer. jeu. ven. sam. dim. lun. mar. mer. jeu. ven. sam. dim.
136
La consommation .3
110 110
Semaine de janvier Exemple 1 Semaine de janvier Exemple 2
100 100
90 90
80 80
70 70
60 60
GW
GW
50 50
40 40
30 30
20 20
10 10
0 0
lun. mar. mer. jeu. ven. sam. dim. lun. mar. mer. jeu. ven. sam. dim.
110 110
Semaine de janvier Exemple 3 Semaine de janvier Exemple 4
100 100
90 90
80 80
70 70
60 60
GW
GW
50 50
40 40
30 30
20 20
10 10
0 0
lun. mar. mer. jeu. ven. sam. dim. lun. mar. mer. jeu. ven. sam. dim.
Exemple de profil hebdomadaire de la consommation par usages d’une semaine de janvier en 2050
Figure 3.37
pour une chronique climatique possible
110
Semaine de janvier
100
90
80
70
60
GW
50
40 Hydrogène
Véhicules électriques
30 Eau chaude sanitaire
Pertes
Autres
20 Cuisson
Éclairage
10 Climatisation
Chauffage
Industrie et énergie
0
lun. mar. mer. jeu. ven. sam. dim.
138
La consommation .3
pointe de consommation du samedi est sensible- Plusieurs constats peuvent être dressés :
ment supérieure à celle des deux jours ouvrés pré- u le développement important de la climatisa-
cédents. Cette recharge méridienne des véhicules tion à l’horizon 2050 se traduit par des appels
électriques est observable sur les autres journées, de puissance élevés. Les niveaux de puissance
mais avec une profondeur variable selon le niveau appelée peuvent, sur des épisodes de très forte
de production fatale. chaleur, approcher 35 GW (contre un peu plus
de 20 GW aujourd’hui) ;
Au global, les pointes de consommation obser- u la production photovoltaïque abondante en
vées dans cet exemple ne reflètent donc période estivale permet de concentrer une part
pas des situations de tension sur l’équilibre importante de la demande flexible (véhicules
du système électrique mais résultent au électriques et eau chaude sanitaire notamment)
contraire d’un pilotage optimal de la consom- sur les heures méridiennes ;
mation flexible. u la charge des véhicules électriques, plus forte
les vendredis d’été en raison des départs en
L’impact de ce pilotage est également patent en vacances, explique le pic d’appel de puissance
période estivale. La figure 3.38 fournit un exemple sur la semaine ce jour-là.
de courbe de charge d’une semaine de juillet en
2050 pour un tirage d’aléas.
Exemple de profil hebdomadaire de la consommation par usages d’une semaine de juillet en 2050
Figure 3.38
pour une chronique climatique possible
110
Semaine de juillet
100
90
80
70
60
GW
50
40 Hydrogène
Véhicules électriques
30 Eau chaude sanitaire
Pertes
Autres
20 Cuisson
Éclairage
10 Climatisation
Chauffage
Industrie et énergie
0
lun. mar. mer. jeu. ven. sam. dim.
Outre le profil des appels de puissance, le pilotage Enfin, on peut noter l’amplitude hebdomadaire
d’une demande de plus en plus flexible selon les bien plus élevée pour les appels de puissance
contraintes du système se traduira par des niveaux horaires, de près de 75 GW. Ceci est notamment
globalement bien plus élevés des pointes estivales dû au creusement de l’écart jour/nuit, la demande
de consommation. flexible étant largement positionnée sur les heures
méridiennes pour offrir un débouché à la produc-
Pour illustrer cette évolution, la figure 3.39 repré- tion photovoltaïque.
sente, sur la dernière semaine de juillet, la plage
de variation des appels de puissance horaires Le même type d’analyse mené sur une semaine
modélisés pour les mille tirages annuels des diffé- hivernale (troisième semaine de janvier) fait appa-
rents aléas sur le système électrique de 2019. Elle raître des évolutions de moindre ampleur entre
fait apparaître, pour une heure donnée, une plage 2019 (figure 3.41) et 2050 (figure 3.42).
de fluctuation maximale de l’ordre d’une dizaine
de gigawatts et, à l’échelle de la semaine, la varia- En effet, le niveau de la plage de variation des
bilité totale des appels de puissance est de l’ordre appels de puissance se trouve, compte tenu de la
de 30 GW. forte croissance de la demande électrique, légè-
rement rehaussé (d’une quinzaine de gigawatts)
La figure 3.40 fournit les mêmes éléments pour en 2050 par rapport à 2019, mais bien moins que
l’année 2050. Globalement, le niveau des puis- dans le cas d’une semaine estivale. La baisse d’un
sances appelées est bien plus élevé : il peut appro- peu plus de 10 % de la consommation de chauf-
cher 120 GW sur les cas de figure extrêmes. fage électrique à cet horizon contribue à modérer
la hausse des appels de puissance.
Pour une heure donnée, la plage de variation des
appels de puissance apparaît bien plus large qu’en Sur les heures méridiennes de production pho-
2019, de l’ordre de plus de 30 GW sur certaines tovoltaïque, la puissance appelée peut atteindre
heures (soit trois fois plus qu’en 2019). Ceci est jusqu’à 130 GW pour certains tirages d’aléas, du
dû au fait qu’à la thermosensibilité estivale (seul fait du placement de la demande flexible sur ces
paramètre d’influence en 2019) s’ajoute la variabi- périodes quand l’état du système électrique l’au-
lité du pilotage de la demande flexible en fonction torise. Ces niveaux élevés de puissance appelée
des contraintes du système électrique. ne sont donc pas nécessairement le reflet d’une
tension sur l’équilibre du système électrique.
140
La consommation .3
Plage de variation des appels de puissance horaires sur 1 000 années de Monte-Carlo pour la dernière
Figure 3.39
semaine de juillet – Année 2019
140
120
100
80
GW
60
40
20
0
lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi dimanche
10 % des valeurs les plus faibles 80 % des valeurs 10 % des valeurs les plus élevées Médiane
Plage de variation des appels de puissance horaires sur 1 000 années de Monte-Carlo pour la dernière
Figure 3.40
semaine de juillet – Année 2050
140
120
100
80
GW
60
40
20
0
lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi dimanche
10 % des valeurs les plus faibles 80 % des valeurs 10 % des valeurs les plus élevées Médiane
140
120
100
80
GW
60
40
20
0
lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi dimanche
10 % des valeurs les plus faibles 80 % des valeurs 10 % des valeurs les plus élevées Médiane
Plage de variation des appels de puissance horaires sur 1 000 années de Monte-Carlo pour la troisième
Figure 3.42
semaine de janvier – Année 2050
140
120
100
80
GW
60
40
20
0
lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi dimanche
10 % des valeurs les plus faibles 80 % des valeurs 10 % des valeurs les plus élevées Médiane
142
La consommation .3
À l’horizon 2050, les valeurs atteintes par la à 100 GW près de 2,4 % du temps, alors que la
consommation seront projetées comme pou- probabilité d’atteindre cette valeur est aujourd’hui
vant être bien plus élevées que celles rencon- exceptionnelle (0,02 %). En 2050, certaines
trées aujourd’hui. Dans le scénario de référence, pointes pourront dépasser 120 GW.
la consommation atteint une valeur supérieure
Ces valeurs atteintes par la consommation ne
reflètent qu’imparfaitement la tension sur l’équi-
libre offre-demande. En effet, la consommation qui
Évolution des monotones de
Figure 3.43 doit être couverte par des moyens pilotables est
consommation entre 2019 et 2050 la consommation résiduelle, consommation défal-
quée des productions fatales, et cette production
160
fatale sera importante à l’horizon 2050 dans tous
140 les scénarios étudiés.
120
Les instants qui présenteront le plus de contraintes
100
sur l’équilibre offre-demande seront les instants à
GW
40
Le graphique ci-dessous, basé sur une semaine
20 d’hiver d’un des scénarios d’étude, permet de
0 représenter des instants où la consommation rési-
duelle atteint des valeurs très basses, voire néga-
2019 2050
tives alors que la consommation dépasse 120 GW.
140
120
100
80
60
GW
40 Consommation
Consommation
20 résiduelle
Production
0 photovoltaïque
Production éolienne
-20 Autres productions
fatales (hydraulique,
-40 bioénergies…)
lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi dimanche
La pointe à couvrir par des moyens pilotables Un point notable est le bénéfice apporté par la
est historiquement représentée par la pointe de flexibilité de la consommation. Sans flexibilité de
consommation à une chance sur dix. Cet indi- la consommation, les pointes à couvrir par les
cateur a peu à peu perdu de sa pertinence avec moyens pilotables seraient significativement plus
(i) le développement de productions renouvelables élevées. Ce bénéfice apporté sur la consomma-
variables et fatales (notamment éoliennes et pho- tion résiduelle par les flexibilités est aujourd’hui
tovoltaïques) et (ii) la flexibilité croissante de la de 3 GW et sera en 2050, selon les scénarios de
consommation. l’étude, compris entre 16 GW et 18 GW.
160
140
120
100
17 GW
GW
80
60
onsommation
C
hors flexibilité
Consommation
40 résiduelle hors
flexibilité
Consommation
20 avec flexibilité
Consommation
résiduelle avec
0 flexibilité
Pointe à une chance sur dix
144
La consommation .3
SCÉNARIOS
NIVEAU PRINCIPALES
HYPOTHÈSES
2050 ÉVOLUTIONS
Électrification progressive (en substitution aux énergies fossiles) et ambition 180 TWh
forte sur l’efficacité énergétique (hypothèse SNBC). Hypothèse de poursuite
134 TWh
Référence
Les habitudes de vie évoluent dans le sens d’une plus grande sobriété 160 TWh (-20 TWh)
des usages et des consommations (moins de déplacements individuels
555 111 TWh (-23 TWh)
Sobriété
Sans revenir à son niveau du début des années 1990, la part de 239 TWh (+59 TWh)
l’industrie manufacturière dans le PIB s’infléchit de manière forte
trialisation
752
profonde
Réindus-
pour atteindre 12-13 % en 2050. Le scénario modélise un investissement 134 TWh (0 TWh)
dans les secteurs technologiques de pointe et stratégiques, ainsi TWh 115 TWh (+2 TWh)
que la prise en compte de relocalisations de productions fortement (+107 TWh) 99 TWh (0 TWh)
émettrices à l’étranger dans l’optique de réduire l’empreinte carbone
de la consommation française. 87 TWh (+37 TWh)
VARIANTES
La part de l’électricité dans la consommation finale augmente de manière 150 TWh (-30 TWh)
électrification
moins forte et moins rapide que dans la SNBC. Dans l’industrie, par
578 126 TWh (-8 TWh)
Moindre
Les hypothèses de progrès de l’efficacité énergétique des équipements 191 TWh (+11 TWh)
énergétique
est prévu dans la trajectoire de référence. Dans le secteur du bâtiment, TWh 135 TWh (+22 TWh)
les objectifs de rénovation et la conversion aux pompes à chaleur ne sont (+69 TWh) 105 TWh (+6 TWh)
pas atteints, et le taux d’atteinte des gisements d’efficacité énergétique ne
dépasse pas 50% en 2050 (contre 70% dans la trajectoire de référence). 50 TWh (0 TWh)
se substitue à l’électrification directe dans certains secteurs difficiles à TWh 113 TWh (0 TWh)
électrifier (sidérurgie…) ainsi qu’à l’utilisation de biomasse (transport (+109 TWh) 93 TWh (-6 TWh)
lourd, chaleur industrielle). 171 TWh (+121 TWh)
LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ :
DES PERSPECTIVES INTÉGRANT
DES ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES SUR LES ÉNERGIES
RENOUVELABLES ET NUCLÉAIRE
La production d’électricité en France est déjà très structurante dans l’établissement d’une feuille de
largement décarbonée (à 93 % en 2019 et 2020)1. route énergétique pour les 40 prochaines années.
Comme présenté au chapitre 1, son bilan carbone
est l’un des meilleurs au monde (62 gCO2/kWh, S’agissant de la pyramide des âges de son parc
pour une moyenne européenne de 317 hors de production, la situation française est atypique.
France2). Au cours des prochaines années, la Même si l’éolien et le solaire se sont développés
fermeture définitive des dernières centrales au récemment en France, les installations bas-carbone
charbon et la moindre sollicitation attendue des françaises sont pour l’essentiel des centrales
centrales à gaz du fait de la croissance des éner- hydrauliques et nucléaires, et ces centrales ont,
gies renouvelables devraient conduire à renforcer pour la majorité, été construites il y a plusieurs
cette performance. La France est de plus un pays décennies. A contrario, un des cycles d’investis-
très largement exportateur, ce qui améliore encore sement les plus récents, celui des années 2010,
son bilan carbone. a porté sur des installations utilisant des combus-
tibles fossiles : les centrales à gaz françaises ont
De ce fait, la décarbonation du secteur électrique ainsi moins de dix ans de moyenne d’âge. Le cycle
n’est pas le levier principal pour améliorer la perfor- naturel de renouvellement des installations par cri-
mance climatique du pays. En revanche, le main- tère d’âge porte ainsi, en priorité, sur des installa-
tien de cette performance sur le temps long n’est tions bas-carbone.
pas acquis. Il est tributaire du renouvellement des
installations de production bas-carbone durant la C’est en particulier le cas des réacteurs nucléaires
période couverte par l’étude Futurs énergétiques de deuxième génération, qui fournissent 70 %
2050. Si cette problématique est largement passée de l’électricité du pays : construits de manière
sous silence dans le débat public, elle est pourtant rapprochée de la fin des années 1970 au début
148
La production d’électricité .4
800
700
des années 1990, ils ont été initialement conçus Enfin, durant les quarante prochaines années, les
en tablant sur une durée d’exploitation de qua- premières éoliennes et panneaux solaires installés
rante années, et donc avec la perspective qu’un sur le territoire au cours des 15 dernières années
cycle de renouvellement interviendrait entre la fin devront également être renouvelés. Ces installa-
des années 2010 et le début des années 2030. tions ont en effet des durées de vie plus courtes,
Même s’il a été depuis montré, en France et ail- de l’ordre de 20 à 25 ans.
leurs dans le monde, que ces réacteurs pouvaient
être exploités plus longtemps sous réserve que Dès lors, la question du mix électrique au cours
certains de leurs composants clés soient progres- des prochaines décennies doit nécessairement
sivement renouvelés, l’arrêt à terme de ces réac- être appréhendée en considérant qu’une large
teurs, comme de toute installation industrielle, partie des actifs actuels devront être renou-
revêt un caractère inéluctable et doit nécessaire- velés. Il ne s’agit donc pas uniquement de définir
ment être pris en compte dans la stratégie éner- comment l’incrément de consommation électrique
gétique française. pourra être alimenté, mais bien de réfléchir sur la
quasi-totalité du volume d’électricité à produire.
Pour alimenter une consommation d’électricité d’en- Organisée ainsi, l’étude Futurs énergétiques 2050
viron 650 TWh en 2050 et remplacer les réacteurs s’inscrit dans la séquence logique définie par les
nucléaires qui seront fermés, le débat technique pouvoirs publics pour prendre une décision sur le
et public s’est structuré autour de deux options renouvellement du parc nucléaire :
distinctes : (i) celle d’un mix « renouvelables + u La Programmation pluriannuelle de l’énergie
nucléaire », en lançant donc un nouveau programme (PPE) publiée en 2020 porte sur la période allant
nucléaire allié à un fort développement des éner- jusqu’à 2028 et est cadrée sur une vision pros-
gies renouvelables, (ii) celle d’un système reposant pective du système électrique à 15 ans, cohé-
à terme uniquement sur les énergies renouvelables. rente avec la temporalité retenue dans le Bilan
prévisionnel 2017 de RTE. L’échéance 2035 n’est
Dans le premier cas, le mix électrique – nécessaire- toutefois pas suffisante pour statuer sur l’inté-
ment intégralement bas-carbone pour atteindre la rêt et les enjeux du renouvellement du parc.
neutralité carbone – serait constitué de réacteurs u La PPE définit un programme de travail devant
nucléaires anciens et récents et d’un bouquet d’éner- permettre de documenter les différentes
gies renouvelables, dans des proportions différentes options pour le renouvellement du parc. Ce pro-
d’aujourd’hui et variables selon les scénarios. Dans gramme de travail inclut différents livrables, qui
le second cas, le système électrique s’acheminerait sont selon les cas de la responsabilité de l’État,
vers une solution « 100 % renouvelable ». de RTE, ou des acteurs de la filière nucléaire. Ce
programme de travail est coordonné par l’État.
La scénarisation des Futurs énergétiques 2050 u Au titre de ce programme, EDF a remis à l’État
est articulée autour de cette distinction entre les au printemps 2021 une proposition technique,
deux grandes options. Dans la première (scéna- économique et financière de renouvellement
rios N1, N2, N03), les nouveaux investissements du parc nucléaire. Cette proposition, appelée
dans le parc combinent énergies renouvelables et programme « nouveau nucléaire France » (pro-
de nouveaux réacteurs nucléaires ; dans la seconde gramme NNF) consiste à engager maintenant
(scénarios M0, M1, M23), ils se portent unique- un programme de construction de six nouveaux
ment sur les énergies renouvelables. Au sein de réacteurs (trois paires) de technologie EPR 2
chaque famille de scénarios, plusieurs trajectoires sur les sites de Penly (Normandie), Gravelines
de développement des énergies renouvelables et (Hauts-de-France) et Tricastin ou Bugey
du nucléaire sont considérées et reposent sur des (Auvergne-Rhône-Alpes). Les mises en service
logiques industrielles et sociétales contrastées. La seraient prévues entre 2035 et 2045.
suite de ce chapitre détaille les trajectoires sous- u Les administrations ont conduit de multiples
jacentes pour les différentes filières de production audits sur la proposition d’EDF. Elles doivent
tandis que les scénarios de mix production-consom- remettre au gouvernement une estimation
mation sont explicités dans le chapitre 5. actualisée de l’option du nouveau nucléaire,
associée à leur propre évaluation des coûts.
Cette représentation met ainsi l’accent sur l’impor- u Pour répondre aux questions relevant de son
tance de la décision de relance ou non d’un parc périmètre de responsabilité, RTE a engagé la
électronucléaire, qui engagera le pays sur le temps démarche Futurs énergétiques 2050. La consis-
long et résultera d’un choix structurant ayant des tance technique spécifique des scénarios 100 %
implications techniques, économiques, environ- renouvelables a fait l’objet d’un rapport commun
nementales et sociétales très larges et qui consti- entre RTE et l’Agence internationale de l’énergie,
tuera donc une décision politique. publié le 28 janvier 2021. La description tech-
nique, économique, sociétale et environnementale
Dans le cadre de la concertation, la distinction des scénarios du présent rapport et les analyses
claire entre les scénarios selon cette ligne a fait approfondies qui seront publiées au premier
l’objet d’un large consensus. trimestre 2022 complètent cette analyse.
150
La production d’électricité .4
L’étude Futurs énergétiques 2050 implique un tra- renouvellement du parc, en soulignant un potentiel
vail de prospective sur l’évolution de la production risque économique (surdimensionnement de l’ap-
électronucléaire française, réalisé en concertation pareil électronucléaire), climatique (retard dans la
avec les parties prenantes. mise en service des réacteurs, conduisant à ne pas
tenir les trajectoires) ou systémique (absence d’al-
Il s’agit d’un sujet qui suscite un débat très vif, qui ternative en cas de nécessité de procéder à l’arrêt
a animé la concertation menée sur l’étude. Dans anticipé de réacteurs pour des raisons de sûreté).
cette discussion à forte charge symbolique, la Un autre groupe a souligné le risque, a contrario,
détermination même de trajectoires de long terme que les limites actuelles de la filière soient surpon-
implique des sous-jacents qu’il est nécessaire d’ex- dérées dans la décision publique et qu’elles jouent
pliciter et de mettre en débat, tant sur la faculté de le rôle de prophéties auto-réalisatrices, conduisant
la filière à construire de nouveaux réacteurs dans à des risques majeurs sur le plan climatique (le
des délais maîtrisés que sur la faculté d’exploiter rythme nécessaire de déploiement des renouve-
un parc durablement constitué de réacteurs de lables devant être très important sans nucléaire),
deuxième génération qui auront fait l’objet de tra- économique (coût des renouvelables) ou tech-
vaux structurants dans la décennie 2020. niques (la faisabilité pratique d’un système 100 %
renouvelable étant soumise à la réussite de paris
Le travail spécifique d’explicitation des trajec- technologiques). Dans tous les cas, il en résulte un
toires possibles d’évolution du parc nucléaire au besoin d’articuler finement les trajectoires d’évo-
cours des 40 prochaines années est un produit lution du parc ainsi que ses principaux jalons, et
de la concertation. Il a fait l’objet de discussions d’en tenir compte dans l’analyse des stratégies de
ouvertes, qui ont progressivement conduit à élargir moindre regret.
le spectre des scénarios envisageables. La consul-
tation publique et les réunions de concertation ont Les perspectives pour le parc nucléaire français
illustré la diversité des appréciations portées sur le sont déterminées à la fois par les trajectoires de
choix du nucléaire. Un premier groupe de contribu- fermeture du nucléaire existant (deuxième géné-
tions a mis l’accent sur les risques d’une stratégie ration) et par le rythme possible de développement
reposant sur l’exploitation prolongée des réacteurs de nouveaux réacteurs (troisième génération et
de deuxième génération ou le lancement d’un petits réacteurs modulaires).
En France, le débat sur le nucléaire s’est structuré existantes. S’agissant du nucléaire, une double
de manière très spécifique autour de la notion de contrainte s’exerce : la durée de vie du parc
« part » du nucléaire dans la production d’électricité. nucléaire actuel et les rythmes envisageables
RTE a déjà eu l’occasion de préciser que, formulé pour la construction de nouveaux réacteurs. Ces
ainsi, ce débat ne rendait pas correctement compte contraintes ont été discutées avec les acteurs de
des enjeux sur la sécurité d’alimentation. Le niveau la filière nucléaire, qui ont pu s’exprimer lors de la
effectif de sécurité d’approvisionnement, tout comme concertation et de la consultation publique.
la résilience du système à divers aléas, ne dépendent
en effet pas de la « part » des différentes sources de La proposition industrielle la plus haute de
production mais du dimensionnement global de l’ap- la filière consiste à date à atteindre un parc
pareil de production par rapport à la consommation nucléaire d’une capacité complète de 50 GW
projetée et, ainsi, des marges de sécurité autorisées en 2050, dans un scénario de relance volon-
par chaque configuration de mix électrique. Ce niveau tariste du nucléaire.
est évalué alors par analyse probabiliste des aléas
et peut être comparé à des normes internationales Cette perspective, qui représente un défi
selon les métriques de référence utilisées dans le pré- industriel de premier plan, ne doit pas être
sent rapport (voir notamment chapitres 7 et 8 sur la interprétée comme un « renoncement » sur le
sécurité d’approvisionnement). Il peut être complété nucléaire. En effet, disposer d’un parc de 50 GW
par différents « stress-tests », qui peuvent porter par en 2050 implique de réunir quatre conditions :
exemple (pour l’appareil de production) sur le risque (i) prolonger l’essentiel des réacteurs actuels
d’indisponibilité générique de réacteurs nucléaires ou au moins jusqu’à 60 ans, (ii) être en mesure
les périodes « sans vent » mais, là encore, la notion d’exploiter certains d’entre eux au-delà de
de « part » d’une technologie ne permet pas, seule, de cette durée (et ce d’autant plus que certains
conclure sur la sécurité d’approvisionnement. fermeront à 50 ans) en respectant les prescrip-
tions de sûreté qui seront imposées par l’ASN,
Dans les Futurs énergétiques 2050, la part rela- (iii) mettre en service 14 nouveaux réacteurs
tive du nucléaire à l’horizon 2050 varie selon les de type EPR 2 entre 2035 et 2050, dont de très
scénarios en fonction de la taille projetée du parc nombreux entre 2040 et 2050, et (iv) instal-
nucléaire et du développement anticipé des éner- ler en complément une capacité significative
gies renouvelables. (4 GW) de petits réacteurs nucléaires.
Cette part est le résultat d’analyses techniques et Cette projection pourra être amenée à évoluer avec
n’est pas limitée par une contrainte politique qui serait le temps : sans réinvestissement dans la filière,
liée à la diversification du mix. Si la majorité des scé- sa capacité projetée à long terme continuera de
narios retient comme point de départ la SNBC et la diminuer, tandis qu’une décision rapide de relance
PPE adoptées en 2020, qui structurent les politiques pourrait conduire, ultérieurement, à revoir à la
publiques actuellement conduites par la France, cer- hausse ses perspectives.
tains scénarios s’en écartent et testent des confi-
gurations alternatives. Telle est bien la nature d’un Un parc de 50 GW est susceptible de produire de
exercice prospectif visant à déterminer des scénarios l’ordre de 325 TWh en 2050. Un tel volume repré-
permettant d’atteindre les objectifs climatiques de la sente, dans la trajectoire de consommation de réfé-
France, à en débattre de manière ouverte et struc- rence, environ 50 % de la production d’électricité
turée, à permettre aux pouvoirs publics de disposer nationale. La part relative du nucléaire dans la pro-
d’outils pour la prise de décision : pour les besoins duction varie selon la trajectoire de consommation
de l’étude, il n’y a donc pas lieu de limiter a considérée : dans le scénario « sobriété », un parc de
priori la part du nucléaire. 50 GW pourrait alimenter environ 60 % des besoins,
dans le scénario « réindustrialisation profonde » envi-
La part des différentes filières peut, en revanche, ron 44 %. Il n’y a donc aucune limite intrinsèque à la
être conditionnée aux contraintes industrielles part du nucléaire dans les différents scénarios.
152
La production d’électricité .4
Les scénarios prévoient tous une diminution pro- fermetures panachées entre 50 et 60 ans de durée
gressive de la capacité du parc nucléaire de d’exploitation, présente un fort intérêt industriel.
seconde génération entre aujourd’hui et 2060, Celui-ci favorise en particulier la gestion des consé-
pour des raisons techniques. En effet, l’étude quences sociales associées à la fermeture progres-
prend pour hypothèse – sans que ce point n’ait fait sive des tranches nucléaires ainsi que l’articulation
l’objet d’une contestation de la part des acteurs avec le développement de nouveaux moyens en
de la filière – que le parc actuel sera progressive- remplacement (qu’ils soient nucléaires ou renou-
ment mis à l’arrêt et que la durée d’exploitation velables) qui se fera nécessairement de manière
des réacteurs pourra aller au-delà de 50 ans pour progressive.
une grande partie mais ne pourra pas, dans le cas
général, excéder 60 ans. Cette trajectoire industrielle, intégrant un lissage
des arrêts, est celle qui est retenue en référence
L’essentiel des réacteurs de seconde génération dans l’étude.
ayant été mis en service entre la fin des années
1970 et le début des années 1990, de nombreux Le « début de trajectoire », c’est-à-dire le rythme
réacteurs existants atteindront 60 ans de durée de fermeture de réacteurs sur la période 2020-
de vie dans les décennies 2040 et 2050. Pour évi- 2035, est celui fixé par la PPE. Celle-ci prévoit
ter un « effet falaise » associé à l’arrêt d’un grand l’arrêt de 12 réacteurs nucléaires, en plus de ceux
nombre de réacteurs d’une année sur l’autre, le de Fessenheim, déjà fermés en 2020. Au-delà de
lissage des arrêts de réacteurs sur l’ensemble la possibilité de fermer deux réacteurs additionnels
de la période 2040-2060, correspondant à des en 2025-2026, la trajectoire de la PPE implique que
60
50
40
GW
30
20
10
0
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055 2060
Capacité nucléaire mise en service entre : 1970 et 1980 1980 et 1990 1990 et 2000 2000 et 2010 2020 et 2030
Arrêt à 50 ans Arrêt à 60 ans Arrêt lissé entre 50 ans et 60 ans
La prolongation de la durée de vie des réacteurs À l’issue d’une longue instruction, l’Autorité de
nucléaires de deuxième génération jusqu’à 50 ou sûreté nucléaire (ASN) a rendu en février 2021
60 ans constitue une opération lourde, dont la réus- son avis générique sur les conditions de la pour-
site ne peut être considérée comme acquise a priori. suite de fonctionnement des réacteurs de 900 MW
au-delà de leur quatrième réexamen périodique3,
Elle implique un programme industriel de grande c’est-à-dire pour une prolongation de 40 à 50 ans
ampleur, le grand carénage, actuellement mis de la durée de fonctionnement. Il s’agit d’un avis
en œuvre par EDF sur tous ses réacteurs dans particulièrement structurant, puisqu’il avait été
le cadre de leurs arrêts programmés pour main- retenu, lors de la conception de ces réacteurs,
tenance. Ce programme doit conduire à rempla- une hypothèse de 40 années de fonctionnement.
cer plusieurs grands composants des installations Par cet avis, l’ASN a validé le principe de la pro-
nucléaires (générateurs de vapeur, turbines) et à longation des réacteurs 900 MW jusqu’à 50 ans,
renforcer les dispositifs de sûreté en tenant compte tout en prescrivant la réalisation des améliorations
du retour d’expérience formalisé à l’issue de l’ac- majeures de la sûreté prévues par EDF dans le
cident nucléaire de Fukushima-Daiichi, comme le cadre du grand carénage et en fixant des disposi-
veut la règle générale en vigueur dans l’industrie tions supplémentaires pour atteindre les objectifs
nucléaire. À l’issue du grand carénage, la réévalua- du réexamen. Ces prescriptions génériques seront
tion de la sûreté des réacteurs existants doit donc ensuite appliquées à chaque réacteur dans le cadre
être réalisée au regard des nouvelles exigences de de son réexamen.
sûreté, de l’état de l’art en matière de technologies
nucléaires et de la durée de fonctionnement selon La publication de l’avis générique de l’ASN sur le
les termes utilisés par l’ASN, c’est-à-dire ceux des palier 900 MW conforte la crédibilité de la trajec-
réacteurs de troisième génération de type EPR. toire de référence, la prolongation pour dix ou vingt
ans de l’exploitation des réacteurs, sous réserve
Sur le plan réglementaire, il n’existe pas en France des importants travaux actuellement en cours ou
de limite fixée par la loi ou la réglementation pour demandés par l’ASN.
l’exploitation d’une installation nucléaire. Les auto-
risations sont délivrées sans limitation de durée, Néanmoins, ce processus souligne également qu’il
et des réexamens approfondis des installations demeure un grand nombre d’étapes à franchir
(réexamens périodiques) sont réalisés tous les pour atteindre ce scénario de référence. L’ASN
dix ans pour évaluer les conditions de la poursuite ne s’est prononcée que sur un seul des paliers –
d’exploitation pour dix années supplémentaires. celui de 900 MW – et uniquement pour une
154
La production d’électricité .4
4 Bugey
L’analyse de la stratégie de référence pour la pro- Blayais 4
Saint-Alban 2
Dans le cas d’une volonté de sortir du nucléaire atteindre serait encore plus important avec plus de
d’ici 2050, voire à une échéance plus rapprochée, il cinq réacteurs par an à arrêter dès les prochaines
est nécessaire d’accélérer nettement le rythme de années. Une telle configuration de « fermeture accé-
fermeture des réacteurs sur la période de l’étude. lérée du nucléaire » est étudiée dans les Futurs éner-
gétiques 2050 (voir chapitre 5) : au-delà des doutes
Ainsi, pour une sortie du nucléaire à l’horizon 2050 majeurs qu’elle suscite sur les capacités à remplacer
correspondant à l’objectif du scénario M0, il est ces installations pour assurer la sécurité d’approvi-
nécessaire de mettre à l’arrêt près de trois réacteurs sionnement et le respect des objectifs climatiques,
par an en moyenne dès l’horizon 2030 et jusqu’à un tel rythme de fermeture des centrales embarque
2050. Ceci implique de fermer l’essentiel des réac- des contraintes industrielles et sociales importantes.
teurs existants à 40 ou 50 ans de durée d’exploitation
(et même avant 40 ans pour l’EPR de Flamanville). Il existe deux précédents récents de fermeture
très rapide de réacteurs nucléaires : l’Allemagne
Dans un scénario de sortie du nucléaire à une date (de manière programmée) et le Japon (de manière
très rapprochée (2035), le rythme de fermeture à instantanée).
4. résentation du Rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 aux parlementaires de l’Office parlementaire d’évaluation
P
des choix scientifiques et technologiques (OPECST) par Bernard Doroszczuk, président de l’ASN, et Olivier Gupta, directeur général, le 27 mai 2021
Comparaison des trajectoires d’arrêt des réacteurs nucléaires proposée en France (2025-2060) et réalisée
Figure 4.4
en Allemagne (2011-2022)
60
~ -1,5 GW/an
40
156
La production d’électricité .4
Figure 4.5 Planning prévisionnel des quatrième et cinquième visites décennales des centrales nucléaires françaises jusqu’à 2035
DAM3
TRI3 CHB1
VD4 - 900 MW VD4 - 1 300 MW DAM1 DAM2 BUG3 CRU3 BLA4
VD5 - 900 MW BUG4 GRA1 GRA3 GRA2 GRA4 TRI4 BLA3
TRI1 BUG2 TRI2 BUG5 BLA1 SLB2 BLA2 DAM4 SLB1 CRU1
PAL4
DAM3 CAT1 BEL2 NOG2
BLA1 BUG3 BLA3 GRA5 NOG1 FLA2
TRI2 GRA1 DAM2 BLA2 CRU3 SLB1 CHB2 SAL2 CRU2
BUG4 BUG5 TRI3 CHB1 TRI4 BLA4 CRU4 CAT2 FLA1 BEL1 CAT4 PEN2
BUG2 DAM1 GRA3 SLB2 GRA2 GRA4 DAM4 CRU1 PAL1 PAL2 SAL1 CHB3 GRA6 CHB4 CAT3 PEN1 GOL1 PAL3 GOL2
2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 2031 2032 2033 2034 2035
Dans le cadre de la concertation menée par RTE D’une part, le fonctionnement des licences d’exploi-
sur les Futurs énergétiques 2050, plusieurs acteurs tation aux États-Unis, qui peuvent être renouvelées
se sont interrogés sur la possibilité de prolonger pour plusieurs décennies, diffère du processus mis
certains réacteurs nucléaires au-delà de 60 ans de en place en France : celui-ci prévoit une démons-
durée d’exploitation. tration de sûreté et des travaux de mise à niveau
tous les dix ans pour que les réacteurs puissent
Ces interrogations s’appuyaient en particulier sur être autorisés à prolonger leur exploitation dans
l’exemple de certains réacteurs nucléaires aux les meilleures conditions de sûreté. En outre, la
États-Unis, dont les licences ont été prolongées prolongation des licences d’exploitation de certains
par la Nuclear Regulatory Commission (NRC) pour réacteurs états-uniens jusqu’à 80 ans ne garan-
permettre une exploitation jusqu’à 80 ans. Parmi tit pas que ceux-ci seront techniquement et éco-
ces réacteurs, quelques-uns ont effectivement été nomiquement aptes à fonctionner jusqu’à cette
mis en service il y a désormais près de 60 ans sous échéance.
le contrôle de la NRC.
D’autre part, la démonstration de sûreté des réac-
En réponse à la consultation publique menée au teurs américains n’est pas basée sur les mêmes
début de l’année 2021, les industriels de la filière principes méthodologiques (méthode probabiliste
nucléaire se sont en outre montrés pour la pre- utilisée par la NRC aux États-Unis pour s’assurer
mière fois ouverts à l’hypothèse d’une prolonga- du maintien du niveau de sûreté par rapport à la
tion de certains réacteurs nucléaires au-delà de mise en service, méthode déterministe pour véri-
60 ans en France. Il s’agit d’une évolution notable fier l’amélioration continue de la sûreté utilisée par
de leur position, la fermeture de tous les réacteurs l’ASN en France) et ne peut donc être répliquée
à 60 ans au plus tard ayant toujours, jusque-là, dans les mêmes conditions.
fait office d’hypothèse de référence dans ces tra-
vaux sans que ce point ne soit contesté. En tout état de cause, si l’option de prolonga-
tion de certains réacteurs au-delà de 60 ans en
La comparaison avec les réacteurs états-uniens France apparaît ouverte, elle n’est possible que
doit être prise avec précaution. Bien que la techno- sous de strictes conditions et est soumise à la
logie utilisée pour la plupart des réacteurs français validation de l’ASN. Cette prolongation ne serait
soit identique à celle de nombreux réacteurs amé- d’une part vraisemblablement envisageable
ricains (réacteurs à eau pressurisée sous licence que pour certains réacteurs et ne pourra donc
Westinghouse), des différences de traitement de constituer un cas général. Elle doit d’autre part
la prolongation du nucléaire subsistent entre les être anticipée pour garantir la sûreté des réac-
deux pays. teurs concernés. Dans une récente audition au
158
La production d’électricité .4
Sénat6, le président de l’ASN a ainsi indiqué qu’il Malgré ces réserves, cette option ne peut être
n’y avait à ce jour pas de visibilité sur la tenue des exclue a priori au regard des expériences interna-
cuves au-delà de 50 ans et que les perspectives tionales et il apparaît en ce sens nécessaire qu’elle
semblaient « un peu justes » pour certains réac- fasse l’objet d’une description, ne serait-ce que
teurs. Il a également plaidé pour une anticipation pour évaluer ses prérequis et identifier les princi-
des études et des recherches sur le vieillissement paux jalons décisionnels associés. Pour que certains
des matériaux afin d’avoir de la visibilité sur les réacteurs nucléaires de deuxième génération soient
possibilités de prolongation au-delà de 60 ans et prolongés au-delà de 60 ans durant la décennie
de disposer d’un plan réaliste pour le nucléaire en 2040-2050, la décision devra être prise aux alen-
vue de projeter le mix énergétique de long terme. tours de 2040. Or une telle décision nécessite une
70
60
Fermeture ralentie (N03)
50
40
GW
30 Fermeture
de référence
Fermeture
accélérée (M0)
20
10
0
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055 2060
Tableau 4.1 Âge moyen des réacteurs encore en service par trajectoire de fermeture du nucléaire existant
2060 58 ans
6. Audition de M. Bernard Doroszczuk, président de l’Autorité de sûreté nucléaire, devant la Commission des affaires économiques du Sénat, le 7 avril 2021 :
https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210405/ecos.html#toc5
160
La production d’électricité .4
Après la principale phase d’investissement dans la de l’EPR de Flamanville, envisagé comme une tête
technologie nucléaire (années 1970 et 1980), plu- de série d’un nouveau programme nucléaire fran-
sieurs pays ont développé une nouvelle génération çais, a ainsi connu d’importants aléas (révision
de réacteurs nucléaires dits de « troisième généra- du contrôle-commande, défauts de fabrication du
tion » répondant à des exigences accrues en termes pont polaire, anomalies de l’acier de la cuve et du
de sûreté et de sécurité. Ces exigences visent à tirer couvercle, défaut de spécification de soudures,
les enseignements des accidents nucléaires et des etc.) qui ont retardé ce projet.
attentats ayant eu lieu depuis la fin des années 1970.
L’accident de Fukushima en mars 2011 a suscité
La France et l’Allemagne ont ainsi développé à partir une remise en question, à l’échelle internationale,
de 1989 la filière EPR de réacteur à eau pressurisée. des exigences appliquées aux réacteurs nucléaires
Après la décision allemande d’arrêter la construc- présents et à venir. Ceci a conduit à un infléchisse-
tion de réacteurs nucléaires en 1998, le projet n’a ment du nombre de nouveaux projets de réacteurs
plus été porté que par la France dont il constitue nucléaires dans le monde qui a contrecarré la stra-
aujourd’hui la filière privilégiée. Les grandes options tégie de construction en série d’EPR. EDF prévoit
de conception définies conjointement entre les donc, pour ses futurs réacteurs, la construction
ingénieries des deux pays n’ont pas été remises en d’EPR2 à la conception simplifiée.
cause compte tenu de l’avancement du projet.
En dépit des difficultés de la filière EPR, qui n’est pas
Dans les années 2000, dans un contexte interna- la seule à connaître des difficultés de mise en œuvre,
tional de « renaissance du nucléaire », les groupes la reprise des investissements nucléaires dans le
EDF et Areva ont suivi des stratégies industrielles monde est une réalité, pour des raisons tenant à la
distinctes, et les réacteurs EPR construits depuis fois à la lutte contre le réchauffement climatique et
présentent des différences de conception. Deux au souhait de certains pays de renforcer leur indé-
réacteurs de cette filière sont en service en Chine pendance énergétique. Les nouvelles constructions
(Taishan), deux sont construits et en préparation de réacteurs se situent aujourd’hui principalement
de mise en service (Olkiluoto en Finlande construit en Asie : au-delà des EPR, des réacteurs de troi-
par Areva, Flamanville en France construit par sième génération de conceptions différentes, nip-
EDF), et deux sont en phase de chantier à Hinkley po-américains (AP-1000 de Westinghouse et ABWR
Point au Royaume-Uni. de GE-Hitachi), russe (VVER-1200 de Rosatom),
chinois (Hualong One de CGNPC & CNCC), ou coréen
La construction des EPR européens en Finlande et (APR-1400 Kepco) sont ainsi également en cours de
en France a subi de nombreux retards. Le chantier déploiement dans le monde.
Le programme « nouveau nucléaire France » construits par paires, afin de bénéficier d’écono-
(NNF) porté par les acteurs de la filière nucléaire mies liées à « l’effet de paire » comme pour les
et étudié par le gouvernement conformément aux réacteurs de seconde génération, sur des sites
orientations de la PPE, consiste en la construc- existants et au rythme d’une paire tous les quatre
tion de six EPR2 (modèle de réacteur adapté de à cinq ans.
celui en cours de construction à Flamanville) sur
la période 2035-2045, représentant une capacité Ce programme est présenté par les acteurs du
d’environ 10 GW. Les nouveaux réacteurs seraient nucléaire comme une solution sans regret, en vue
de construire le mix électrique de la neutralité car- En particulier, les acteurs de la filière nucléaire
bone. Il peut ensuite se prolonger avec de nou- ont indiqué en réponse à la consultation publique
velles mises en services selon un rythme plus ou qu’un délai de 4 à 5 ans était nécessaire entre les
moins important à partir de 2045. mises en service des trois premières paires afin de
reconstituer progressivement une capacité indus-
La question du rythme de mise en service est trielle performante de construction de réacteurs
déterminante pour la part du nucléaire dans le mix nucléaires en France et de disposer d’un retour
électrique à l’horizon 2050 et celle-ci a fait l’objet d’expérience suffisant entre les premières mises
de nombreux échanges avec les parties prenantes en service. Ce délai est jugé difficilement compres-
dans le cadre de la concertation. sible par la filière et se retrouve ainsi dans les prin-
cipaux scénarios étudiés par RTE.
Au-delà du programme NNF, les mises en service Dans les trajectoires des scénarios N2 et N03,
de nouveaux réacteurs peuvent se prolonger selon le rythme de construction de nouveaux réac-
plusieurs trajectoires, avec un rythme maintenu au teurs s’accélère au-delà du programme NNF pour
même niveau ou au contraire accéléré. atteindre environ deux paires tous les trois ans à
partir de 2044. Dans ces scénarios, la capacité de
Dans la trajectoire du scénario N1, la mise en nouveaux EPR s’élève à environ 23 GW en 2050 et
service se poursuit au rythme d’une paire d’EPR2 jusqu’à près de 40 GW en 2060.
tous les cinq ans au-delà du programme NNF,
conduisant à la mise en service d’une quatrième Cette perspective d’accélération, considérée dans
paire entre 2045 et 2050 et de deux autres sur la les scénarios N2 et N03, correspond au rythme
décennie 2050-2060. Dans ce scénario, la capacité maximum communiqué par les acteurs de la filière
de nouveau nucléaire disponible atteint environ nucléaire au cours de la concertation. Il a notam-
13 GW en 2050 et autour de 20 GW en 2060. ment fait l’objet de contributions écrites spécifiques
de la part d’EDF, du GIFEN, de la SFEN et du CEA à
162
La production d’électricité .4
l’occasion de la consultation publique. Cette accé- Plusieurs acteurs ont suggéré d’étudier la possibilité
lération est soumise d’après ces mêmes acteurs d’aller au-delà de l’accélération décrite ci-dessus,
à plusieurs conditions parmi lesquelles le lance- pour disposer d’un scénario retenant une capacité
ment du programme NNF dans les tout prochains de production nucléaire plus importante, avec 35 à
mois, la stabilité du cadre politique et réglemen- 40 GW de nouveaux réacteurs en 2050. Un des
taire pour assurer une visibilité à long terme pour scénarios initialement proposés par RTE dans la
l’industrie, la standardisation des équipements et consultation publique était d’ailleurs basé sur ce
réacteurs développés ou encore la mise en place type de trajectoires. Pour autant, cette proposition
d’une logique partenariale entre maître d’ouvrage n’a pas été reprise par des acteurs industriels, qui
et acteurs de la supply chain. ont indiqué que les contraintes de supply chain
rendaient difficilement envisageable d’atteindre un
Le rythme de construction résultant de ces tel rythme. Celui-ci ne serait possible qu’en recou-
propositions industrielles (un à deux réac- rant à des capacités industrielles à l’étranger, soit
teurs par an au maximum à partir de 2045) en Europe dans le cadre de programmes nucléaires
ressort nettement en-dessous de celui du coordonnés avec le Royaume-Uni, la République
programme nucléaire historique, qui a vu tchèque et la Pologne notamment, soit en Asie.
trois à quatre réacteurs mis en service Ces conditions n’étant manifestement pas suscep-
chaque année en moyenne, entre la fin des tibles d’être remplies, RTE n’a pas retenu, parmi
années 1970 et le début des années 1990. les scénarios principaux, une trajectoire prévoyant
Cette différence entre le rythme historique et celui la construction de 35 à 40 GW de nouveaux réac-
projeté dans le meilleur des cas a fait l’objet en teurs d’ici 2050 (cette capacité ne pouvant être
concertation de discussions passionnées condui- atteinte qu’à l’horizon 2060).
sant à de multiples prismes d’interprétation,
mettant l’accent tantôt sur le caractère excep-
Le scénario N03 permet néanmoins de documen-
tionnel du programme nucléaire civil français des ter un scénario comprenant 23 GW de nouveau
années 1980, tantôt sur la perte de compétence nucléaire en 2050, et constitue donc un bon objet
industrielle du pays depuis. d’étude pour tester les conséquences de scénarios
de relance du nucléaire très ambitieux.
70
Trajectoire haute
60 initialement proposée
Rythme historique
nucléaire 1978-2002
50
30
20 Trajectoire basse N1
10
0
2030 2035 2040 2045 2050 2055 2060
Quoi qu’il en soit, une relance du nucléaire en années 1990 et l’engagement de la construction
France ne constitue un élément distinctif entre les d’un nouveau réacteur EPR en France décidé en
différents scénarios que dans le cas d’une décision 2006-2007 a conduit à une perte de compétences
rapide de construction de nouveaux réacteurs sous généralisée dans la filière nucléaire française, qui
la forme d’un programme. constitue une des raisons des délais et surcoûts
importants observés sur le chantier de l’EPR de
D’une part, cette rapidité apparaît nécessaire pour Flamanville7. D’après les acteurs de la filière, pour
maintenir un certain nombre de compétences et éviter un nouveau déclin des compétences, l’enga-
de ressources spécifiques pour l’industrie nucléaire gement rapide de nouveaux chantiers apparaît pri-
et éviter un « trou d’air » avant le lancement de mordial pour assurer la faisabilité des scénarios N.
nouveaux chantiers. Sur le passé récent, le délai
important entre la fin des chantiers des réacteurs D’autre part, il existe un délai très important
de seconde génération intervenue à la fin des entre une éventuelle décision de construction de
Figure 4.9 Délais moyens de construction des réacteurs nucléaires pour les réacteurs de seconde génération
et les réacteurs de troisième génération (EPR2)
1970 : autorisation
2 réacteurs à Fessenheim
1971 : autorisation
4 réacteurs à Bugey
1976 : lancement du …
contrat-programme 2
(10 tranches de 900 MW)
7. Jean-Martin Folz, « La construction de l’EPR de Flamanville, Rapport au Président Directeur Général d’EDF », Octobre 2019.
164
La production d’électricité .4
réacteurs et la production d’électricité décarbonée. Ces délais sont considérablement plus importants
Selon les informations communiquées par EDF, les que ceux du programme nucléaire historique : ainsi,
délais de développement et de construction de nou- les premiers paliers nucléaires (22 réacteurs des
veaux réacteurs entre la décision d’engagement et paliers dits « CP0 » et « CP1 »), dont la construction
la mise en service des premiers réacteurs EPR2 (y a été lancée au début des années 1970 et accélérée
compris pour la concertation et les demandes d’au- dans le cadre du « plan Messmer » de 1974 consé-
torisation) s’élèvent en effet à environ 12 à 14 ans cutif au premier choc pétrolier, ont été intégrale-
au minimum. Ainsi, seule une décision politique ment mis en service entre 1978 et 1983, souvent
sur la construction de nouveaux réacteurs au cours de l’ordre de sept à huit ans après les décisions
de l’année 2022 ou 2023 permettrait de disposer d’engagement. L’écart avec l’historique s’explique
de nouvelles tranches à l’horizon 2035, et elle ne en partie par un contexte économique et indus-
pourrait conduire à une accélération du rythme de triel différent, l’augmentation de la complexité de
mise en service qu’à compter de 2045. La fenêtre la conception des réacteurs du fait d’exigences de
d’action pour permettre à une relance du nucléaire sûreté renforcées, mais également la durée des
de contribuer à l’atteinte des objectifs de baisse procédures de débat public, d’autorisation et de
des émissions de CO2 à horizon 2040 et 2050 est concertation.
donc extrêmement étroite.
L’intérêt croissant pour la solution des petits réac- une nouvelle option de développement de nouvelles
teurs modulaires représente l’une des évolutions installations de production d’électricité nucléaire
les plus marquantes constatée au cours des deux dans le monde. Historiquement utilisé pour la pro-
ans de concertation sur les Futurs énergétiques pulsion navale dans certains sous-marins, ce type
2050. de réacteurs pourrait en effet à terme contribuer
à la production d’électricité. Les SMR ont ainsi fait
Les petits réacteurs modulaires (Small Modular l’objet d’une attention accrue au niveau mondial
Reactors en anglais, abrégé en SMR), qui corres- au cours des dernières années, avec le dévelop-
pondent à des réacteurs de faible puissance unitaire pement de nombreux projets et expérimentations.
(généralement inférieure à 300 MWe), constituent Ils pourraient offrir à long terme une solution
Figure 4.10 Nombre de projets de développement de SMR en cours dans le monde, et entreprises porteuses associées
Nombre de
projets en
Type de filière Quelques exemples de design de SMR
développement
en 2020
SMR terrestre
25 NUWARD : 2x170 MW (en phase de design)
refroidi à l’eau
Source : https://aris.iaea.org/Publications/SMR_Book_2020.pdf
166
La production d’électricité .4
supplémentaire pour la production d’électricité bas- Du fait de sa moindre taille, ce type de réacteurs
carbone, en particulier dans des zones isolées pour doit permettre de faciliter le respect des exigences
lesquelles des grands réacteurs ne se révèlent pas de sûreté, en s’appuyant notamment sur davan-
adaptés. tage de mécanismes de sûreté passifs, c’est-à-dire
sans intervention humaine ni alimentation en éner-
Les concepts de SMR développés par les puissances gie. Il est également caractérisé par une concep-
nucléaires à travers le monde peuvent correspondre tion modulaire simplifiée, permettant notamment
à des technologies très différentes. En France, un une fabrication et un pré-assemblage des réac-
consortium regroupant EDF, le CEA, NavalGroup et teurs directement en usine. D’après les acteurs de
TechnicAtome développe actuellement un modèle la filière, ceci constitue une opportunité de paral-
de SMR baptisé Nuward™, reprenant la technolo- léliser la construction de nouveaux réacteurs en
gie des réacteurs à eau sous pression de troisième France (1) en sollicitant des capacités de supply
génération, mais avec une puissance unitaire d’en- chain complémentaires à celles utilisées pour la
viron 170 MWe, dix fois inférieure à celle des EPR. construction des EPR, et (2) en réduisant les temps
Ce concept est aujourd’hui à un stade de conception de construction des réacteurs.
et de maturité moins avancée que l’EPR2 mais pour-
rait faire l’objet de démonstrateurs en France au Dans les scénarios de RTE, l’option SMR est déve-
cours de la décennie 2030 et représenter quelques loppée essentiellement dans le scénario N03, pour
gigawatts en service à l’horizon 2050, selon les un volume d’environ 4 GW en service à l’horizon
informations remontées par la filière. 2050, en complément des EPR2.
Au-delà des réacteurs de troisième génération, la l’absence de contrainte sur la ressource en ura-
France participe de longue date à une coopéra- nium sur les prochaines décennies, diminuant
tion internationale visant à développer des réac- ainsi l’intérêt des réacteurs de quatrième géné-
teurs de quatrième génération, dont les principaux ration, et du coût de développement élevé du
objectifs sont de permettre une amélioration signi- projet ASTRID, celui-ci a été réorienté par l’État
ficative de la sûreté, une diminution de l’utilisation depuis 2019. Ainsi, la PPE ne prévoit désormais
de ressources naturelles et de combustible, une pas de développement de réacteurs de quatrième
minimisation des déchets radioactifs et une réutili- génération en France avant la seconde moitié du
sation des combustibles usés. Plusieurs projets et XXIe siècle.
technologies de réacteurs de quatrième génération
sont ainsi étudiés à travers le monde. Cette réorientation n’a qu’un faible impact sur
la capacité à déployer de nouveaux réacteurs en
En France, les recherches sur les réacteurs de France d’ici 2050, horizon pour lequel la filière
quatrième génération portées par le CEA se sont privilégie le déploiement industriel de réacteurs
orientées autour de la technologie de réacteurs à de troisième génération présentés dans les sec-
neutrons rapides au sodium (RNR-Na). Cette tech- tions précédentes. Elle a en revanche soulevé des
nologie présentait l’avantage de rendre complète interrogations auprès des participants à la concer-
la stratégie de « fermeture du cycle » avec un mul- tation quant aux perspectives de réutilisation de
ti-recyclage des combustibles usés aujourd’hui combustible usé aujourd’hui entreposé en France
entreposés pouvant alimenter de tels réacteurs en attendant une éventuelle valorisation dans
pendant plusieurs décennies, voire plusieurs des réacteurs de quatrième génération. Plusieurs
siècles. Plusieurs réacteurs de recherche fonction- acteurs ont suggéré qu’un scénario ambitieux de
nant selon ce concept ont été testés en France relance du nucléaire devait porter sur un « écosys-
par le passé (Rapsodie, Phénix et Superphénix) et tème complet », intégrant la poursuite de l’effort
un démonstrateur technologique nommé ASTRID de recherche sur la quatrième génération.
a été lancé en 2010. Cependant, en raison de
En combinant les perspectives industrielles sur les La trajectoire haute (scénario N03) repose ainsi sur
réacteurs nucléaires existants et sur le dévelop- la mobilisation de l’ensemble des leviers possibles
pement de nouveaux réacteurs, la capacité instal- pour maximiser la capacité nucléaire tout en pre-
lée de nucléaire en France s’élève au maximum à nant en compte les contraintes industrielles remon-
50 GW à l’horizon 2050. tées par les acteurs de la filière.
Figure 4.11 Synthèse des trajectoires d’évolution du nucléaire (par type de technologie) dans les six scénarios
d’étude
Scénario M0 Scénario N1
70 70
60 60 29 GW en 2050
50 50
40 40
GW
GW
30 0 GW en 2050 30
20 20
10 10
0 0
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055 2060 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055 2060
Scénario M1 Scénario N2
70 70
60 60 39 GW en 2050
50 50
15,5 GW en 2050
40 40
GW
GW
30 30
20 20
10 10
0 0
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055 2060 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055 2060
70 70
51 GW en 2050
60 60
50 50
15,5 GW en 2050
40 40
GW
GW
30 30
20 20
10 10
0 0
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055 2060 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055 2060
168
La production d’électricité .4
Figure 4.12 Évolution des capacités installées des filières photovoltaïque et éoliennes dans les scénarios
(consommation de référence)
300 120 80
70
250 100
60
200 80
50
GW
GW
GW
150 60 40
30
100 40
20
50 20
10
0 0 0
2020 2030 2040 2050 2060 2020 2030 2040 2050 2060 2020 2030 2040 2050 2060
Rythme PPE Prolongé à l’horizon 2060 Solaire Éolien terrestre Éolien en mer
170
La production d’électricité .4
des fleuves comme le Rhône et le Rhin et en créant Les scénarios de l’étude Futurs énergétiques 2050
de larges retenues d’eau en montagne (Alpes, partagent la caractéristique de prévoir une forte
Pyrénées, Massif central). Elle soutient le dévelop- progression des énergies renouvelables. Cette pro-
pement de l’énergie solaire et éolienne depuis une gression se mesure en valeur absolue (avec une
quinzaine d’années, même si les volumes installés capacité installée minimale de l’ordre de 29 GW
sont moindres que dans d’autres pays. Elle est le pour l’hydraulique, de 22 GW pour l’éolien en mer,
théâtre d’un affrontement médiatique très vif entre de 43 GW pour l’éolien terrestre et de 70 GW pour
partisans des énergies renouvelables et partisans le solaire) et en valeur relative (avec une part mini-
du nucléaire. male de 50 % de la production d’électricité totale
en France en 2050).
Au niveau mondial, parmi les différentes technolo-
gies bas-carbone, les énergies renouvelables sont Les rythmes d’installation des énergies renouve-
celles qui se développent le plus vite : la petite lables varient selon les scénarios (à l’exception de
taille des projets et leurs caractéristiques tech- l’hydraulique, exploité au même niveau dans tous
niques intrinsèques (par exemple leur simplicité les scénarios car le potentiel exploitable au-delà
d’exploitation par rapport au nucléaire) rendent des installations actuelles est jugé limité) :
l’investissement à la portée de davantage d’acteurs u en 2030, le développement des énergies renou-
et d’États. Les scénarios de transition énergétique velables est supposé atteindre la cible de la tra-
sont ainsi, le plus souvent, construits largement jectoire basse de la PPE8 dans tous les scénarios ;
autour d’un développement poussé de l’éolien u après 2030, l’éventail des rythmes de dévelop-
terrestre, de l’éolien en mer et du solaire photo- pement s’élargit, avec des écarts pouvant aller
voltaïque. Dans le récent scénario « zéro émission du simple au quadruple, notamment pour le
nette » de l’Agence internationale de l’énergie, les photovoltaïque ;
deux tiers de l’énergie consommée dans le monde u les niveaux à atteindre sur chaque filière sont
en 2050 sont d’origine renouvelable, de même que échelonnés entre les scénarios et sont ajustés
90 % de l’électricité produite. de manière à couvrir la consommation.
Le parc hydroélectrique a été développé dès les des craintes sur les impacts pour les écosystèmes
années 1940 (aménagement du Rhône), puis et la biodiversité, ainsi que par des interrogations
essentiellement entre les années 1950 et 1970. Les sur l’évolution de la ressource en eau dans un
centrales hydroélectriques constituent aujourd’hui contexte de changement climatique et de concur-
la première source de production d’électricité rence avec d’autres usages susceptibles de croître
renouvelable en France. Elles représentent une (par exemple l’irrigation pour l’agriculture).
capacité installée d’environ 26 GW et une pro-
duction annuelle d’environ 60 TWh, soit de l’ordre Quelques opportunités existent néanmoins pour
de 15 % de la production électrique nationale augmenter la capacité de production hydraulique,
(variable d’une année sur l’autre selon les condi- notamment avec la création de nouvelles stations
tions météorologiques). de pompage-turbinage. La PPE envisage ainsi la
possibilité de mettre en service jusqu’à 1,5 GW de
Une partie des installations hydroélectriques pré- nouvelles STEP entre 2030 et 2035. Dans l’étude de
sentent l’avantage d’être pilotables (barrages de RTE, un potentiel total de l’ordre de 3 GW de STEP
type « lac »), voire de stocker de l’énergie pour la supplémentaires entre 2020 et 2050 est considéré
restituer ultérieurement dans le cas des stations et intégré aux scénarios. Au-delà de ces capacités
de pompage-turbinage (STEP). Ces installations supplémentaires, le rôle des STEP (y compris exis-
contribuent dès aujourd’hui fortement à la flexi- tantes) est amené à se renforcer avec l’augmenta-
bilité du système électrique et constituent un tion des besoins de flexibilité du système électrique
atout pour l’intégration des énergies renouvelables et se traduira par une utilisation accrue.
variables à long terme.
Plusieurs sites sont aujourd’hui envisagés pour
Le potentiel de production hydraulique en France l’accueil de ces nouvelles STEP mais leur dévelop-
est aujourd’hui considéré comme déjà largement pement effectif nécessite qu’un certain nombre de
exploité et présente peu d’opportunités supplé- conditions soient remplies, notamment en matière
mentaires à long terme. Les limites sur le dévelop- d’acceptabilité, de limitation des impacts environ-
pement de la filière sont par ailleurs renforcées par nementaux et de modèle économique.
35
30
25
20
GW
15
10
5 STEP
Lac
0 Fil de l’eau
2020 2030 2040 2050 2060
172
La production d’électricité .4
En complément, l’augmentation des capacités hydrauliques, bien que cristallisant une partie
des installations existantes à l’occasion de leur des inquiétudes pour la biodiversité, pourraient
remise à niveau (remplacement ou suréquipe- également représenter quelques centaines de
ment via l’ajout de nouvelles turbines) ou encore mégawatts supplémentaires.
le développement de nouvelles petites installations
La filière de production d’électricité à partir des Les trajectoires retenues par RTE se fondent sur
déchets utilise des combustibles dits de récupéra- ces orientations, avec un développement limité
tion qui auraient de toute manière été incinérés. des bioénergies pour la production d’électricité à
2
GW
Déchets
Biogaz
0 Biomasse bois
2020 2050
174
La production d’électricité .4
long terme. Ainsi, dans la trajectoire de référence, D’autres orientations pourraient être possibles,
seul un développement d’unités de cogénération notamment dans le cas d’un développement de la
au biométhane est considéré, notamment pour des production d’électricité ou de chaleur à partir de
installations éloignées du réseau de gaz et qui ne biomasse combinée à du captage et du stockage de
peuvent donc injecter directement le biométhane carbone (BECCS) permettant des émissions néga-
dans le réseau gazier national. Une variante des tives (le carbone biogénique n’est pas réémis dans
scénarios explore néanmoins la possibilité qu’un l’atmosphère lors de la combustion mais capté et
volume plus important de biogaz soit utilisé pour stocké, ce qui conduit à une absorption globale
la production d’électricité d’appoint dans les scé- de carbone sur l’ensemble du cycle de vie). Cette
narios à fort développement en énergies renouve- stratégie n’est toutefois pas envisagée à grande
lables (la production d’électricité à base de biogaz échelle en France.
étant susceptible de pouvoir concurrencer l’utilisa-
tion de l’hydrogène dans certains cas).
Développer l’énergie solaire constitue aujourd’hui un emprise paysagère réduite par rapport à l’éolien. En
axe prioritaire de la politique énergétique de la France. conséquence, le photovoltaïque fait partie des filières
Il n’en a pas toujours été ainsi, le développement de amenées à se développer de manière considérable
la filière ayant connu plusieurs à-coups au début des dans tous les scénarios énergétiques européens et
années 2010 (le mauvais calage des tarifs de rachat mondiaux visant la neutralité carbone.
a conduit à une bulle spéculative en 2011, qui a été
suivie d’un moratoire sur les projets et de nombreuses Ces perspectives sont reprises dans les scénarios de
années de croissance atone) ce qui conduit la France à l’étude, qui prévoient pour la France une multiplica-
disposer d’un parc de production solaire relativement tion par sept à vingt des capacités photovoltaïques en
faible par rapport à ses voisins en 2021. France à l’horizon 2050. L’habilité à suivre ces trajec-
toires représente toutefois plusieurs défis.
Sur le plan économique, les installations de produc-
tion d’électricité d’origine photovoltaïque ont connu D’une part, sur le plan industriel, il s’agit de parvenir à
des baisses de coûts très importantes au cours des accélérer effectivement le rythme de mise en service des
dix dernières années. La filière photovoltaïque appa- capacités photovoltaïques par rapport aux tendances
raît aujourd’hui mature sur le plan technologique, et récentes. La PPE de 2016 avait prévu l’installation de
il existe un large consensus pour considérer que l’in- près de 2 GW par an, et celle de 2020 un rythme de
dustrialisation de la fabrication de panneaux à très 3 à 4 GW par an d’ici 2023, en organisant le lancement
grande échelle conduira à terme à des innovations et de nombreux appels d’offres. Pour autant, les mises en
de nouvelles économies d’échelle. service effectives sont demeurées très inférieures et
n’ont jamais excédé 1 GW par an en France ces der-
Sur le plan de l’insertion de cette technologie, le nières années. Si, au premier semestre 2021, le rythme
développement des panneaux photovoltaïques appa- semble enfin s’être accéléré pour dépasser 1 GW en
raît soutenu par la population ainsi que par les col- l’espace de six mois, il ne s’agit toujours pas du rythme
lectivités territoriales, notamment en raison d’une prévu par la PPE : cette tendance devra non seulement
Figure 4.15 Évolution des capacités photovoltaïques en France depuis 2000 et projetées à 2060 dans les scénarios de mix
adaptés à la trajectoire de consommation de référence
300
250
200
GW
150
100
Historique
M0
50 M1
M23
N1
N2
0 N03
2000 2010 2020 2030 2040 2050 2060
176
La production d’électricité .4
se confirmer dans les prochains mois, mais en plus s’accé- incitatif adapté seraient nécessaires pour généraliser ce
lérer encore pour atteindre les objectifs de la PPE. type de pratiques à terme.
Dans la plupart des scénarios de l’étude adaptés à la Enfin, le solaire photovoltaïque est parfois critiqué pour son
trajectoire de consommation de référence (sauf N03), bilan carbone, en particulier parce que les panneaux sont
le rythme prévu par la PPE doit se maintenir au-delà de très majoritairement fabriqués en Asie et que cette étape
2030, voire s’accélérer dans les scénarios de faible ou de fabrication est intensive en énergie et donc émettrice
d’absence de relance du parc nucléaire. Dans le scénario de gaz à effet de serre. S’il est vrai que le bilan carbone
articulé autour de l’objectif de sortie du nucléaire à l’ho- des installations photovoltaïques reste plus important que
rizon 2050 (M0) et dans celui centré sur les installations celui des éoliennes et du nucléaire, celui-ci tend à diminuer
diffuses (M1), le rythme de mise en service de nouvelles nettement depuis quelques années avec les améliorations
installations atteint environ 7 GW par an sur l’ensemble technologiques (taille des wafers…) et l’augmentation de la
de la période 2020-2050 en considérant l’hypothèse de durée de vie anticipée des installations. Une relocalisation
consommation de référence. Au-delà de la croissance du des chaînes de production permettrait de réduire encore ce
parc, le renouvellement des installations les plus récentes bilan, même si celle-ci est aujourd’hui difficilement envisa-
devra s’organiser essentiellement à partir de la décennie geable. En outre, contrairement à certains discours, malgré
2040 (la durée de vie considérée des installations solaires un niveau légèrement plus élevé que pour les éoliennes et
est de 25 à 30 ans). La mise en place d’une capacité le nucléaire, le bilan de l’installation d’un panneau solaire
industrielle suffisante pour tenir cette accélération devra sur le cycle de vie est très largement positif dès qu’il rem-
s’anticiper afin que celle-ci puisse être déployée progressi- place une production d’origine fossile ou qu’il contribue à
vement et être au rendez-vous à partir des années 2030. accompagner la sortie des énergies fossiles (voir analyse
environnementale au chapitre 12).
D’autre part, sur le plan sociétal et environnemental, de
telles capacités photovoltaïques suscitent des interroga- Au-delà des orientations publiques à l’échelle nationale, le
tions de la part de certains acteurs en matière d’em- développement du photovoltaïque pourrait être déterminé
prise au sol et de coexistence avec d’autres usages. en grande partie par des initiatives locales voire indivi-
Ces points ont fait l’objet d’approfondissements spéci- duelles. Depuis plusieurs années, la construction d’instal-
fiques dans l’analyse des scénarios (voir section 5.2.4). lations photovoltaïques en autoconsommation, à l’échelle
En effet, si les panneaux photovoltaïques peuvent être individuelle ou collective, se développe progressivement,
installés en grande partie sur les toits, ce type d’instal- atteignant 100 000 installations pour l’autoconsommation
lations est nettement plus coûteux que les parcs au sol. individuelle et 50 opérations pour l’autoconsommation
Un développement important du photovoltaïque pour collective en 2021. À long terme, ce type de modèles
couvrir les besoins d’électricité de la France de manière pourrait être amené à prendre une place de plus en plus
compétitive passera donc à terme nécessairement par importante, dans un contexte où de nombreux consom-
le raccordement de grands parcs au sol, qui seront mateurs (foyers, entreprises, collectivités locales…) sont
alors soumis aux mêmes types de débat que les autres désireux de se réapproprier leur approvisionnement éner-
infrastructures énergétiques. Pour éviter une concur- gétique et de favoriser des modes de production locaux.
rence d’usages des sols, ces projets sont aujourd’hui L’un des scénarios élaborés par RTE prévoit ainsi un fort
incités à se développer sur des terrains déjà artificia- développement de ce type de modèles (scénario M1), qui
lisés (friches industrielles abandonnées notamment) passe par un déploiement important d’installations pho-
mais la disponibilité de foncier sur de tels terrains se tovoltaïques réparties de manière diffuse sur le territoire
fera plus rare au fur et à mesure du développement de et plus particulièrement à proximité des grands centres
la filière. En complément, le développement de parcs de consommation. Avec près de 35 GW d’installations
photovoltaïques sur des surfaces en co-usage avec des photovoltaïques en toiture résidentielle à l’horizon
usages agricoles est également possible (agrivoltaïsme, 2050 (consommation de référence), ce scénario
voir chapitre 12). Toutefois, ce type d’installations reste représente ainsi huit millions de maisons indivi-
aujourd’hui marginal et expérimental en France. Un duelles (soit une maison individuelle sur deux) qui
retour d’expérience approfondi sur l’impact du photovol- pourraient être en mesure de consommer directe-
taïque sur les cultures ainsi qu’un cadre réglementaire et ment leur production photovoltaïque.
9. ’autoconsommation individuelle correspond à un consommateur qui produit lui-même l’électricité qu’il consomme tandis que l’autoconsommation est dite
L
collective lorsque plusieurs consommateurs s’associent avec un ou plusieurs producteurs pour échanger de l’électricité
L’éolien terrestre constitue aujourd’hui la deuxième ainsi se faire à coût nul (voire négatif) pour le bud-
filière de production d’électricité renouvelable en get de l’État. Dans le débat médiatique demeure
France derrière l’hydraulique, avec près de 40 TWh l’idée que le soutien à l’éolien serait très onéreux :
de production électrique sur l’année 2020. Plus de cette idée ne correspond pas aux caractéristiques
8 000 éoliennes ont été installées sur le territoire de coût actuelles de la filière, et n’est pas non plus
national, pour une capacité installée de près de établie au niveau des soutiens financiers apportés
18 GW, et avec une croissance régulière des nou- par l’État (86 millions d’euros par an10, soit beau-
velles installations depuis plusieurs années. La France coup moins que le solaire avec 123 M€ annuel ou
dispose du quatrième plus gros parc européen, et le que les premiers parcs d’éoliennes en mer).
douzième si l’on considère la capacité de production
rapportée à la taille du territoire avec 3,3 kW/km². Bien que soutenu à l’échelle nationale d’après plu-
sieurs enquêtes d’opinion, le développement de
L’éolien terrestre est une technologie désormais l’éolien terrestre fait l’objet d’inquiétudes parmi
mature et compétitive. Les niveaux de prix issus une partie de la population et d’un débat politique
des derniers appels d’offres qui s’élèvent à envi- virulent depuis quelques années, qui s’est ren-
ron 60 €/MWh et continuent de baisser depuis plu- forcé au cours des derniers mois de 2021. Outre
sieurs années. Vu les niveaux de prix de marché les interrogations sur la variabilité de la production
de l’électricité observés en 2021, le soutien aux des éoliennes et les implications pour l’exploitation
nouvelles installations éoliennes terrestres pourrait du système électrique, des opposants pointent
Figure 4.16 Évolution des capacités d’éolien terrestre en France depuis 2000 et projetées à 2060 dans les scénarios de mix
adaptés à la trajectoire de consommation de référence
100
80
60
GW
40
Historique
M0
20
M1
M23
N1
N2
0 N03
2000 2010 2020 2030 2040 2050 2060
10. Synthèse de l’évaluation des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables électriques, Ministère de la transition écologique et solidaire, mai 2020,
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Artelys_R20108_Synth%C3%A8se_finale.pdf
178
La production d’électricité .4
régulièrement son emprise paysagère. Les projets Les principaux scénarios étudiés par RTE intègrent
de nouveaux parcs, qui sont aujourd’hui soumis donc tous un développement de l’éolien terrestre,
à des enquêtes publiques au niveau local, font mais selon des trajectoires contrastées au-delà de
souvent l’objet de recours contentieux de la part 2030 et sans inflexion forte : selon les scénarios, le
d’associations d’opposants, de riverains ou d’élus. rythme s’échelonne entre un fort ralentissement du
développement de nouvelles installations au-delà
En outre, certaines contraintes réglementaires, par de 2030 (scénario N03, atteignant 43 GW en 2050
exemple dans les zones situées à proximité des pour la consommation de référence) et un rythme
radars militaires, se sont renforcées ces dernières légèrement supérieur à celui observé ces dernières
années et sont susceptibles de restreindre large- années (scénarios M0 et M23, atteignant respecti-
ment les surfaces potentielles pour l’installation de vement 72 et 74 GW en 2050 pour la consomma-
nouvelles éoliennes. tion de référence)11. Tous les scénarios prennent
en compte un renouvellement des installations
Malgré ce contexte, le développement de l’éolien éoliennes au fur et à mesure. En effet, la durée de
terrestre se poursuit à un rythme régulier depuis vie considérée des installations éoliennes est de
plusieurs années, avec entre 1 GW et 1,7 GW par 25 à 30 ans ce qui conduit à un besoin de renouvel-
an de nouvelles installations mises en service. Si ce lement essentiellement à partir de l’horizon 2040.
rythme demeure très inférieur à celui observé dans
d’autres pays (notamment l’Allemagne entre 2011 Sur les plans technique et industriel, ces scéna-
et 2019, qui a atteint un rythme de +3,2 GW/an rios ne présentent pas de difficultés majeures : le
durant cette période, avant un net ralentissement potentiel technique de surfaces disponibles appa-
en 2020 et 2021 et des incréments inférieurs raît largement suffisant pour accueillir les capacités
à un gigawatt) et en dessous des objectifs de la totales envisagées et les rythmes de développe-
PPE (+2,2 GW/an), l’éolien terrestre constitue ment annuel de nouvelles installations restent du
aujourd’hui la principale source de croissance de la même ordre de grandeur que celui observé sur
production d’énergie bas-carbone en France, avec le passé récent en France et dans d’autres pays.
environ +4 à +6 TWh d’électricité bas- carbone À titre de comparaison, l’Allemagne a développé
supplémentaire apportée chaque année depuis en une quinzaine d’années plus de 50 GW d’éolien
cinq ans. terrestre sur un territoire 30 % plus petit.
Dans ces conditions, la poursuite du développe- Selon les acteurs de la filière, les trajectoires les
ment de l’éolien terrestre apparaît indispensable plus hautes ne sont toutefois atteignables que
à long terme pour atteindre la neutralité carbone, sous réserve d’évolutions structurantes du cadre
en particulier étant donné les enjeux sur l’intégra- réglementaire et de soutien politique renforcé. Les
tion des nouveaux usages électriques et la décrois- évolutions nécessaires concernent notamment la
sance attendue de la capacité nucléaire d’ici 2050. libération d’espaces fonciers aujourd’hui inacces-
Une configuration alternative fondée sur un mora- sibles, la possibilité d’installer des technologies
toire pour les énergies renouvelables et un arrêt du de plus grande taille (y compris pour les parcs
développement de l’éolien au-delà de 2025 a été existants faisant l’objet d’un renouvellement ou
également étudiée mais celle-ci met en évidence repowering), la réduction des délais d’instruction
les risques associés à une telle stratégie pour l’ap- des demandes d’autorisation, des incitations éco-
provisionnement énergétique et le respect des nomiques pour l’installation d’éoliennes dans des
objectifs climatiques (voir partie 5.5.2). zones moins venteuses ou encore le développe-
ment de la participation des citoyens dans les nou-
veaux projets à travers le financement participatif
ou via des projets les intégrant à la gouvernance.
11.
Les capacités installées d’éolien terrestre adaptées aux hypothèses de consommation avec sobriété ou en considérant une réindustrialisation du pays sont
détaillés dans la partie 5.3.
Les perspectives pour le développement de l’éo- globalement plus favorable que l’éolien terrestre,
lien en mer en Europe et en France sont désormais bien que leur déploiement suscite tout de même
orientées vers une forte croissance à long terme. certaines inquiétudes, notamment sur de pos-
sibles conflits d’usage avec la pêche artisanale
Historiquement plus coûteuse que les éner- ou sur son impact sur la biodiversité marine. Le
gies renouvelables terrestres, cette technologie développement de la filière éolienne en mer fran-
a connu une baisse rapide des coûts d’installa- çaise a en outre été caractérisé par la création de
tion au cours des dernières années, ce qui en fait nombreux emplois locaux, avec en particulier trois
désormais une des filières les plus prometteuses usines majeures de fabrication de composants des
pour la production d’électricité bas-carbone à long éoliennes en mer, et fait donc l’objet d’un soutien
terme. En France, au-delà des premiers parcs qui politique plus marqué au niveau régional.
ont été développés à des coûts de l’ordre de 150 à
200 €/MWh (après renégociation), le dernier appel Si la France ne dispose pas de parcs éoliens en
d’offres (à Dunkerque) a atteint le prix record de mer en service à l’heure actuelle, plusieurs projets
44 €/MWh, une valeur très inférieure aux prix de devraient être mis en service dans les toutes pro-
marché actuels. Néanmoins, le coût du raccorde- chaines années, en commençant par le parc éolien
ment ne suit pas la même trajectoire et devrait posé de Saint-Nazaire qui commencera à produire
croître au fur et à mesure que les projets sont de l’électricité en 2022. La PPE prévoit le raccor-
implantés de plus en plus loin des côtes. dement de plus de 5 GW d’éoliennes en mer d’ici
2028 et le lancement de nombreux appels d’offres
Par ailleurs, du fait de leur éloignement des côtes, afin d’atteindre un rythme de raccordement de
les éoliennes en mer bénéficient de vents plus 1 GW par an dès la fin des années 2020.
forts et plus réguliers ainsi que d’une acceptabilité
Figure 4.17 Évolution des capacités d’éolien en mer en France depuis 2000 et projetées à 2060 dans les scénarios de mix
adaptés à la trajectoire de consommation de référence
90
80
70
60
50
GW
40
30
Historique
20 M0
M1
M23
10 N1
N2
N03
0
2000 2010 2020 2030 2040 2050 2060
180
La production d’électricité .4
Figure 4.18 État des lieux des principales installations d’éolien en mer en service en Europe en 2020
Total 2020 : 25 GW
NB : la contribution des pays au développement des façades maritimes a été comptabilisée à partir de 100 MW
par pays (toutes façades confondues)
D’autres pays d’Europe ont par ailleurs vu leur Tous ces pays connaissent ainsi des perspectives
capacité éolienne en mer croître largement au cours de forte croissance pour l’éolien en mer. De même,
des dernières années, notamment le Royaume-Uni l’Union européenne prévoit dans sa stratégie pour
(10,4 GW), l’Allemagne (7,7 GW) ou encore les l’éolien en mer une capacité de 300 GW installés à
Pays-Bas (2,6 GW), avec des niveaux de prix com- l’horizon 205012. À l’échelle de la France, qui dis-
pétitifs (autour de 50 €/MWh pour les projets les pose du deuxième potentiel le plus important en
plus récents). Europe après le Royaume-Uni13, l’éolien en mer
12. U ne stratégie de l’UE pour exploiter le potentiel des énergies renouvelables en mer en vue d’un avenir neutre pour le climat, Commission européenne,
19/11/2020, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020DC0741&from=EN
13. Comité interministériel de la mer, Dossier de presse, janvier 2021,
https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2021/01/2021-01-22_dossier-presse-cimer.pdf
Toutefois, contrairement aux pays de la mer du Si l’espace maritime français apparaît suffisant
Nord, la plupart des côtes françaises sont marquées pour accueillir de telles capacités, ce type de scé-
par des profondeurs qui augmentent rapidement narios est adossé à des conditions fortes.
avec l’éloignement des côtes. Par conséquent, sur
certaines façades maritimes françaises (en parti- D’une part, l’espace mobilisé pour les parcs éoliens
culier sur la façade Atlantique et en Méditerranée), en mer serait alors significatif. Ceci implique de
le développement de l’éolien en mer ne pourra disposer d’un haut niveau d’acceptabilité local et
se faire qu’avec des parcs éoliens flottants. Cette d’assurer une coexistence avec les autres usages
technologie reste à un stade de maturité significa- de la mer, en particulier la pêche et les espaces
tivement moins avancé que pour l’éolien « posé », maritimes protégés.
qui est la technologie utilisée aujourd’hui dans
tous les projets commerciaux en Europe. Bien que D’autre part, les trajectoires les plus hautes pré-
présentant des perspectives favorables, la techno- voient un rythme de développement qui atteint
logie « flottante » possède donc des coûts plus éle- jusqu’à plus de 2,5 GW par an en moyenne au-delà
vés à moyen terme et des incertitudes plus fortes de 2030 pour les scénarios les plus hauts. S’agissant
sur son évolution à long terme que la technologie du renouvellement des installations, son impact sur
« posée ». les rythmes de développement est limité sur les
trente prochaines années, dans la mesure où aucune
Dans les Futurs énergétiques 2050, les trajectoires installation est aujourd’hui en service en France et
considérées pour le développement de l’éolien en que les premiers projets pourraient fonctionner
mer (posé et flottant) en France conduisent à une jusqu’à la fin des années 2040 au moins. Bien que
capacité installée en 2050 comprise entre 22 GW de tels niveaux de croissance aient été observés
(scénario N03, qui correspond à un rythme de ponctuellement dans d’autres pays, atteindre un
développement qui reste légèrement inférieur à tel rythme sur plusieurs décennies constitue un défi
1 GW par an sur les trente prochaines années) et industriel. Un tel défi nécessiterait une planification
environ 60 GW (scénarios M23 et M0) en considé- spatiale et temporelle renforcée pour apporter de la
rant la trajectoire de consommation de référence. visibilité à long terme sur le déploiement de la filière
Dans le scénario M23, la capacité installée atteint et optimiser le raccordement et le renforcement des
même plus de 70 GW en 2060 avec la trajectoire réseaux (voir chapitre 10).
182
La production d’électricité .4
Au-delà de l’éolien en mer, plusieurs technologies Golfe du Morbihan, raz de Barfleur). Bien que signifi-
sont envisageables pour produire de l’électricité en catif par rapport aux autres pays d’Europe, ce poten-
mer : hydroliennes (énergie des courants marins), tiel reste très limité comparé aux autres énergies
usines marémotrices (énergie des marées), cen- renouvelables en France. Cependant, notamment du
trales houlomotrices (énergie des vagues), instal- fait de leur moindre impact environnemental et de
lations maréthermiques (exploitant les écarts de leur immersion, les hydroliennes suscitent un inté-
température en surface et en profondeur), etc. rêt depuis plusieurs années. Si plusieurs démonstra-
teurs ont été mis en service en Europe et en France
L’usine marémotrice de la Rance (240 MW) a ces dernières années, la filière reste aujourd’hui à
été la première installation produisant de l’élec- un niveau de maturité technologique et de coûts
tricité à partir de l’énergie des marées (environ qui ne permettent pas d’envisager son déploiement
500 GWh par an). Depuis sa mise en service en à grande ampleur à court terme. La PPE de 2020
1966, d’autres usines ont vu le jour dans le monde n’a, ainsi, pas organisé de soutien public sous forme
(Canada, Corée du Sud) mais l’essor de la filière d’appel d’offres d’ici 2028 en privilégiant le principe
reste très limité, du fait de ses impacts environne- de la poursuite des expérimentations. À ce titre, de
mentaux. Son développement en France n’est pas nouveaux démonstrateurs devraient prochainement
envisagé à court terme. voir le jour au large des côtes bretonnes et dans la
Manche, pour de petites puissances.
S’agissant des hydroliennes en mer, la France dis-
pose d’un potentiel technique significatif grâce à des Enfin, la croissance des autres énergies marines
courants parmi les plus forts du monde. Ce potentiel renouvelables devrait rester limitée à court terme.
est estimé à quelques gigawatts et se situe essen- En effet, la filière houlomotrice est toujours au
tiellement au niveau du raz Blanchard (au large du stade de la démonstration technique et le gisement
Cotentin) ainsi que sur quelques autres sites favo- d’énergie thermique des mers est limité en France
rables (passage du Fromveur au large d’Ouessan, métropolitaine.
Figure 4.19 Évolution des capacités d’énergies marines en France depuis 2020 et projetées à 2060 dans les scénarios de mix
(consommation de référence)
3
GW
2 Trajectoire prudente
en énergies marines
(scénarios N)
Trajectoire ambitieuse
1 en énergies marines
(scénario M1)
Trajectoire très ambitieuse
en énergies marines
0 (scénarios M0 et M23)
2020 2030 2040 2050 2060
184
La production d’électricité .4
14. V
oir par exemple le rapport « Renewable Power Generation Costs in 2020 » publié par l’IRENA en juin 2021 : cette analyse néanmoins basée sur des données
resimulées pour un échantillon de parcs et dont la méthodologie n’est que partiellement décrite.
Éolien terrestre
L’évolution à moyen et long terme du facteur de la génératrice par rapport aux diamètres des
charge de la capacité de production éolienne ter- éoliennes, ce qui tend généralement à faire aug-
restre installée en France constitue un point de menter leur facteur de charge moyen.
débat entre spécialistes, tout comme l’évaluation du
nombre de mâts d’éoliennes qui seront nécessaires Dans un premier cas, sur des sites peu ventés
à terme dans les différents scénarios de neutralité mais pour lesquelles la hauteur des mâts n’est pas
carbone (plus le facteur de charge augmente, plus le limitée, les développeurs pourront avoir intérêt à
nombre d’éoliennes à développer peut être réduit). installer des éoliennes de grands diamètres avec
génératrices sous-dimensionnées pour maximiser
Comme pour toutes les énergies renouvelables, la production. Ceci a permis ces dernières années
l’évolution du facteur de charge des éoliennes d’exploiter des zones au potentiel éolien plus faible.
terrestres dépend de deux effets jouant dans des
sens opposés : saturation progressive des meil- Dans un autre cas typique, lorsque la hauteur des
leurs gisements d’un côté et progrès technologique mâts n’est pas limitée mais que le site présente des
de l’autre via une augmentation de la taille des contraintes sur le raccordement au réseau (coût de
pales des éoliennes. raccordement important ou limitation de la puis-
sance pouvant être évacuée), les développeurs
Cette évolution dépend donc aussi des contraintes auront également tendance à sous-dimensionner la
qui s’appliquent sur les projets éoliens terrestres, puissance maximale de la génératrice, ce qui aura
notamment en matière de hauteur des mâts. Selon tendance à augmenter le facteur de charge. Ce
les contraintes et les caractéristiques spécifiques des type d’installations s’est ainsi développé dans des
sites, les développeurs de projets éoliens terrestres zones pourtant ventées dans certains pays comme
peuvent choisir de calibrer différemment la taille ou les États-Unis ou la Chine, où les contraintes de
la puissance des différents composants : en particu- raccordement au réseau sont fortes tandis que la
lier, les choix de dimensionnement du diamètre des taille des machines n’est pas limitée. Ceci explique
pales et de la puissance de la génératrice peuvent en partie l’augmentation tendancielle du facteur de
influer assez largement sur la capacité des installa- charge dans ces pays.
tions mais également sur leur facteur de charge.
En France au contraire, les limitations sur la
À titre d’exemple, deux cas d’usage spéci- hauteur des mâts sont beaucoup plus fortes,
fiques conduisent parfois les développeurs à notamment du fait de contraintes aéronau-
sous-
dimensionner la puissance maximale de tiques et réglementaires importantes ou
186
La production d’électricité .4
encore en lien avec une prise en compte de en place ces dernières années. Elles réduisent ainsi
la proximité des habitations et des impacts la perspective d’un accroissement très marqué des
visuels sur le paysage et le patrimoine sou- facteurs de charge des éoliennes par le dévelop-
vent plus marquée que dans d’autres pays. En pement d’une nouvelle génération de machines de
conséquence, si le site d’accueil d’un parc éolien plus grande taille, occupant de nouveaux sites ou
est suffisamment venté, il apparaît souvent préfé- remplaçant la première génération d’éoliennes lors
rable aux développeurs d’augmenter la puissance de leur repowering. RTE a donc retenu par pru-
maximale de la génératrice de façon à augmenter dence, dans les Futurs énergétiques 2050, une
la production globale tout en limitant la taille de perspective de stabilité pour les facteurs de charge
l’éolienne. Ceci entraîne un effet baissier sur le fac- de l’éolien terrestre, compromis entre saturation
teur de charge car l’augmentation de la production des gisements et amélioration technologique limi-
(liée au surdimensionnement de la génératrice) est tée par les enjeux socio-environnementaux d’inté-
relativement moins importante que l’augmentation gration des éoliennes.
de la puissance installée.
Cette hypothèse joue un rôle dans la simulation
Les contraintes sur la taille des éoliennes en France technique. Elle explique certaines différences sur
sont observées depuis plusieurs années, comme le nombre de mâts d’éoliennes à installer néces-
le note l’Observatoire de l’éolien annuel publié saires entre les scénarios de RTE et d’autres
par France énergie éolienne : à titre d’exemple, études prospectives qui retiennent pour la France
les éoliennes terrestres installées en France en une perspective de croissance identique à celle des
2016-2017 étaient caractérisées par une hau- pays où les éoliennes bénéficient d’un cadre plus
teur moyenne bout de pale d’environ 135 mètres favorable et moins contraignant pour leur hauteur.
contre autour de 170 mètres pour celles installées Des approfondissements pourraient être menés en
sur la même période en Allemagne15. Ces limites prolongement de l’étude des Futurs énergétiques
à la hauteur des mâts ne semblent pas près d’être 2050 en vue des prochains exercices de prospec-
remises en cause en France au vu des mouvements tive afin d’affiner l’analyse sur les tendances en
d’opposition au développement des éoliennes et du matière de progrès technologique.
renforcement des contraintes aéronautiques mis
Éolien en mer
D’après les acteurs de la filière, les technologies de avec trackers présentent de meilleurs facteurs de
cellules photovoltaïques sont aujourd’hui matures charge celles-ci restent aujourd’hui marginales du
et leurs performances ne devraient pas s’amélio- fait de leur surcoût.
rer significativement dans les prochaines années
(même si leurs coûts de fabrication sont anticipés Le facteur de charge considéré pour le solaire est
comme fortement à la baisse). L’évolution du fac- finalement proche des valeurs actuelles et similaire
teur de charge dépendra donc au premier ordre dans tous les scénarios, à l’exception du scénario
du type de projets et de leur répartition géogra- M1 dans lequel l’installation massive de panneaux
phique : projets avec ou sans systèmes de suivi sur toitures conduit à équiper certaines toitures
(trackers), installations au sol ou sur toitures selon dont l’orientation est moins favorable, pour maxi-
différentes orientations, etc. Si les installations miser la production solaire.
Sur le plan méthodologique, les facteurs de charge 2050. Le modèle physique conduit à retenir un fac-
de l’éolien terrestre et du photovoltaïque sont cal- teur de charge moyen de l’ordre de 41 %, variant
culés à partir de modèles statistiques basés sur les entre 37,3 % et 46,2 % en fonction des années
données historiques et dépendent de la répartition météorologiques, et différent selon les scénarios
géographique des installations (voir partie 5.2.4) principalement du fait des différentes hypothèses
et des données climatiques (voir chapitre 8). Le de localisation.
facteur de charge annuel moyen pour l’éolien ter-
restre s’élève ainsi à environ 23 %, celui du photo- Les facteurs de charge retenus pour chacune des
voltaïque à environ 13 à 14 % selon les scénarios. filières d’énergies renouvelables représentent
donc l’évolution tendancielle des performances
Pour l’éolien en mer, compte tenu de l’absence de actuelles. Ils proposent une vision prudente ne
données historiques sur la France, le facteur de reposant sur aucun pari de rupture des techno-
charge des éoliennes en mer a été calculé à partir logies déployées. L’incidence de l’incertitude sur
des caractéristiques des turbines qui devraient être les facteurs de charge du solaire et de l’éolien
disponibles dans les prochaines années, des hypo- en 2050 peut être en partie évaluée via l’étude
thèses de localisation détaillées dans la suite (par- de sensibilité du bilan économique des scénarios
tie 5.2.4), des interactions entre turbines (effets de en fonction du coût des énergies renouvelables
sillage), et des données climatiques projetées en (voir partie 11.6).
188
La production d’électricité .4
Le développement massif et rapide des rythme maximal atteint en Europe au cours des
énergies renouvelables envisagé en France dernières années, soit celui de l’Allemagne avec
représente un défi industriel et sociétal consi- 4 GW/an : les scénarios M0 et M1 conduisent à des
dérable. Les rythmes nécessaires pour atteindre rythmes nettement supérieurs, N1 et M23 néces-
la neutralité carbone, selon les différents scéna- siteraient d’atteindre ce rythme, tandis que N03 et
rios, conduisent nécessairement à une discussion N2 reposent sur des trajectoires directement attei-
sur leur réalisme ou leur faisabilité. Pour documen- gnables à court terme en France, et même infé-
ter ce débat, le précédent des différents pays euro- rieures au rythme prévu par la PPE de 2020.
péens est important : il permet de vérifier quels
rythmes ont déjà pu être atteints par le passé alors Le rythme de développement de l’éolien terrestre
même que l’urgence climatique n’était pas perçue prévu apparaît, pour sa part, plus en retrait : compris
aussi clairement qu’aujourd’hui. entre un et deux gigawatts par an selon les scénarios
avec la trajectoire de consommation de référence, il
S’agissant du solaire, les rythmes annuels de déve- n’implique pas d’accélération par rapport à la ten-
loppement envisagés dans les Futurs énergétiques dance actuelle en France (le rythme moyen observé
2050 varient entre 2,5 et 7 GW/an en moyenne entre 2009 et 2020 est de 1,2 GW/an, avec un pic à
sur 2020-2050, en tenant compte des besoins de environ 2 GW en 2017) mais une pérennisation de ce
renouvellement des infrastructures de production rythme. En Europe, l’Allemagne, qui a développé en
et en considérant la trajectoire de consommation quinze ans un parc d’une cinquantaine de gigawatts,
de référence et jusqu’à près de 9 GW/an avec la est le pays ayant maintenu la trajectoire la plus
trajectoire de consommation réindustrialisation dynamique, même si celle-ci a largement ralenti au
(voir partie 5.3.2). Ils peuvent être comparés au cours des deux dernières années.
Figure 4.20 Rythmes moyens de développement historiques et projetés (scénario de référence) du solaire
10
6
GW/an
(en 2019)
4
(en 2011)
Rythme projeté (2020-2050)
2 (scénario de référence)
Renouvellement (2020-2050)
Rythme historique (2009-2020)
• Maximum historique (2009-2020)
0
N03 N2 N1 M23 M1 M0
(en 2017)
5
4
GW/an
La France ne possède aujourd’hui aucune ferme à une accélération importante et peuvent encore
éolienne en mer en service. Les rythmes de déve- s’accélérer en bénéficiant des retours d’expérience
loppement de la filière prévus dans cette étude des premières installations. Les rythmes prévus
requièrent donc une trajectoire très soutenue par la PPE devraient permettre à la France d’at-
(entre 0,7 et 2 GW par an de 2020 à 2050 avec teindre, au cours de la prochaine décennie, un
la consommation de référence). Parmi les pays rythme de 0,5 GW par an : c’est ainsi pour cette
européens ayant déjà des installations éoliennes filière que l’enjeu d’accélération apparaît le plus
en mer, certains ont déjà atteint un rythme moyen prégnant, bien plus que pour l’éolien terrestre ou le
sur les dix dernières années de près de 1 GW par solaire. Notamment, les scénarios M23 et M0 impli-
an (Grande-Bretagne) et ont récemment procédé queraient de tenir, durant les trente prochaines
Figure 4.22 Rythmes moyens de développement historiques et projetés (scénario de référence) de l’éolien en mer
(en 2015)
2 (en 2019)
GW/an
(en 2020)
1
Rythme projeté (2020-2050)
(scénario de référence)
Renouvellement (2020-2050)
Rythme historique (2009-2020)
• Maximum historique (2009-2020)
0
N03 N2 N1 M23 M1 M0
190
La production d’électricité .4
années, le rythme maximal atteint par l’Allemagne filière et quel que soit le scénario. La comparaison
ou le Royaume-Uni au cours des dernières années. avec les autres pays européens permet de mon-
trer qu’ils ne sont pas pour autant irréalistes. Les
Au total, les rythmes de développement des éner- scénarios M1 (pour le solaire), M23 (pour l’éolien
gies renouvelables envisagés apparaissent par- en mer) et M0 (pour ces deux filières) sont ceux
ticulièrement ambitieux par rapport aux rythmes pour lesquels l’enjeu de la faisabilité apparaît le
historiques atteints en France, quelle que soit la plus important, mais même un scénario de type N1
Figure 4.23 Cibles de capacités et de rythmes d’installation d’énergies renouvelables dans les orientations
de politiques énergétiques nationales en Europe
21,6 GW 52 GW 3 GW/an
192
La production d’électricité .4
4.5.1 Les grandes unités au fioul arrêtées en 2018, et une sortie du charbon
imminente
La France disposait, au début des années 2000, Pour des raisons principalement économiques, ce
d’un parc thermique composé de grandes et parc thermique conventionnel a été largement
moyennes unités fonctionnant au fioul et au char- réduit depuis le début des années 2000, avec la
bon. Moins développé que celui de ses voisins, ce mise à l’arrêt définitive des centrales au fioul (à
parc thermique totalisait tout de même une capa- l’exception de quelques turbines à combustion)
cité de l’ordre de 30 GW, et était composé d’unités et des centrales au charbon. Ce mouvement a
relativement anciennes, majoritairement mises en accompagné la décarbonation du mix électrique,
service dans les années 1970, mais également de ces filières étant les plus émettrices du parc.
petites unités de cogénération.
Figure 4.24 Évolution du parc de groupes fioul Figure 4.25 Évolution du parc de groupes charbon
depuis 2010 depuis 2010
Hornaing
1u (2013)
1u
3u Bouchain 3u
(2015) 2u
Le Havre
Porcheville (2013 & 2021) La Maxe 3 u1
4u (2017)
2u
(2015)
Blénod
(2013 & Emile Huchet
Vitry 2014) (2014)
(2015)
Cordemais 2
2u (2017 & 2018)
Cordemais 2u
Lucy
(2014)
Aramon
(2016)
1
Martigues 2u 1
(2011 & 2012) 2u
Provence
194
La production d’électricité .4
En parallèle de la fermeture progressive des centrales Le parc de cycles combinés au gaz en France est
au charbon et au fioul, l’Europe a été le théâtre d’un aujourd’hui composé de 14 unités représentant
important cycle d’investissement dans les centrales plus de 6 GW. Cette vague d’investissement est
au gaz au moment de l’ouverture du marché de l’élec- quasi achevée : une dernière unité doit être mise
tricité entre 2000 et 2015. Dans un contexte d’ouver- en service à Landivisiau en 2022, dans le cadre
ture des marchés, l’attrait pour ces centrales résultait d’un projet retenu en 2011 pour sécuriser l’ali-
de leur taille comparativement faible, ainsi que des mentation électrique de la Bretagne. En application
perspectives de compétitivité de la production d’élec- de la loi énergie-climat, cette unité sera la der-
tricité à partir de gaz par rapport au charbon. nière grande installation thermique fossile mise en
service en métropole.
La technologie du cycle combiné bénéficie d’un
rendement énergétique élevé et son impact sur Le mix électrique français comprend également des
les émissions de CO2 est moindre que celui d’une moyens de pointe, et notamment un parc de 2 GW
centrale thermique classique (à vapeur), avec un de turbines à combustion fonctionnant au fioul ou
facteur d’émission de CO2 réduit de moitié par rap- au gaz. Ces centrales sont conçues pour fonction-
port au charbon. Néanmoins, les centrales au gaz ner entre quelques dizaines et quelques centaines
en Europe demeurent des unités fossiles, respon- d’heures par an. Ce parc de turbines à combustion
sables d’une partie importante des émissions de est relativement récent, les deux tiers des installa-
gaz à effet de serre au niveau européen. tions ayant été mises en service après 2007.
Figure 4.26 Parc de cycles combinés au gaz Figure 4.27 Parc de turbines à combustion
au 30/09/21 au 30/09/21
DK6 2
Bouchain 1
Pont-sur-Sambre 1
Émile Huchet
2 Gennevilliers 1
1 Blénod Dirinon 2 3 Vaires/Marne
1 Landivisiau
1 Toul 2
Brennilis 3 Montereau
1 Montoir 2 Arrighi
1
Bayet
Combigolfe 1
Martigues 2 1 Cycofos
Centrale en service Centrale en construction x Nombre de groupes par site x TAC au gaz x TAC au fioul
x Nombre de groupes par site
196
La production d’électricité .4
198
La production d’électricité .4
Enfin, au-delà des grandes installations de produc- ambitions climatiques de la France. Ces moyens
tion, il existe en France un parc de moyens de pro- de production doivent donc trouver un modèle
duction dont la taille unitaire est plus modeste. Ces économique pour partie soutenu (jusqu’à expira-
installations contribuent néanmoins de manière tion des contrats d’obligation d’achat existants, à
significative à l’équilibre du système, avec une moins de leur renouvellement), et pour partie éga-
puissance installée de 7,1 GW fin 2020. lement laissé aux contraintes de rentabilité d’un
modèle marchand, quoique bénéficiant de sources
Ces moyens sont pour l’essentiel des installations de revenus provenant du secteur électrique et de
de cogénération au gaz (pour 5,2 GW), auxquelles la vente de chaleur.
se rajoutent des cogénérations au fioul, des
groupes diesel et des turbines à vapeur. Ce parc est donc amené à fermer, a minima pour
raison d’obsolescence d’ici 2050, et potentielle-
La Programmation pluriannuelle de l’énergie ne ment antérieurement pour raison économique
fixe pas d’objectif chiffré pour l’évolution des et/ou réglementaire. Aucune hypothèse de nou-
installations de cogénération au gaz naturel et velle installation de cogénération au gaz n’est rete-
prévoit qu’un soutien public aux nouvelles instal- nue dans les trajectoires des Futurs énergétiques
lations de cogénération fonctionnant au gaz natu- 2050.
rel n’apparaît désormais plus justifié au regard des
Figure 4.28 Évolution des capacités thermiques installées entre 2012 et 2060 en considérant la trajectoire
de consommation de référence
35 Scénario M1
Scénario M0
30 Scénario M23
25
20
GW
Scénario N1
15 Nouveaux CCG et TAC
nécessaires à l’équilibrage
(maximum atteint
10 dans l’étude)
Fioul existant
5 Scénario N2 Charbon existant
Gaz existant (CCG,
Scénario N03 TAC et cogénérations)
0
2016 2020 2030 2040 2050 2060
202
Les scénarios de mix production-consommation .5
Dans le cadre de la consultation publique, certains ci-dessus. Au titre de l’engagement pris dans le
répondants ont suggéré l’étude de configurations cadre de la concertation, RTE a étudié ces configu-
qui sortent du cadrage initial et qui ne permettent rations, afin de mettre en évidence les enjeux qui
pas de respecter l’ensemble des critères listés y sont associés.
L’appariement des hypothèses de consommation présenter l’ensemble des scénarios par rap-
et des scénarios de production soulève un débat port à la même trajectoire de consomma-
méthodologique important. Trois approches appa- tion (trajectoire de référence). Cette option
raissent en effet possibles et ont été mises en évi- constitue en effet la meilleure façon de com-
dence dans le cadre de la concertation, avec en parer les différentes options de mix.
particulier deux visions différentes :
u D’un côté, certains recommandent d’étudier et Ce choix s’explique également par le fait que les
de comparer des scénarios de mix électrique appariements alternatifs proposés ne sont pas
visant à couvrir une consommation donnée (par toujours consensuels. À titre d’exemple, rien n’im-
exemple, celle de la trajectoire de référence) et pose que les scénarios de sortie du nucléaire en
considérée identique pour les différents scéna- 2050 doivent par essence aller de pair avec plus de
rios. Cette approche permet ainsi de comparer sobriété (certaines ONG ou mouvements se récla-
des scénarios de mix toutes choses étant égales mant de l’écologie défendent à la fois le nucléaire
par ailleurs et d’isoler les effets liés aux seuls et la sobriété, et il existe des visions du développe-
choix sur le mix de production électrique. ment des renouvelables qui ne s’accompagnent pas
u A contrario, d’autres mettent en évidence les inte- d’une revendication sur le changement des modes
ractions possibles entre les choix publics sur la de vie), ou que la volonté de promouvoir une réin-
consommation et la production et proposent une dustrialisation du pays implique un appariement
logique différente, où chaque scénario corres- a priori avec un scénario reposant plus largement
pond à une « histoire ». En particulier, ces propo- sur le nucléaire. Sans méconnaître l’importance
sitions invitent RTE à privilégier des combinaisons du raisonnement par scénario et de construction
de scénarios de développement du nucléaire avec d’univers cohérents, l’approche méthodologique
des trajectoires plus hautes sur la consommation retenue dans les « Futurs énergétiques » consiste
électrique, considérant qu’un tel choix politique donc à multiplier les variantes en réduisant autant
et industriel serait naturellement associé à une que possible la définition de corrélations a priori
moindre maîtrise de la demande électrique. entre certaines variables de commande de l’étude.
De manière générale, ces différentes approches Au-delà de la présentation des scénarios de mix par
peuvent être complémentaires. S’agissant de rapport à la trajectoire de référence de consom-
l’étude Futurs énergétiques 2050, contraire- mation, l’analyse descriptive et comparative des
ment au Bilan prévisionnel publié en 2017 et scénarios sera complétée par un croisement entre
à l’issue de la concertation avec les parties les différentes trajectoires de consommation et
prenantes, RTE a choisi de restituer les résul- les scénarios de mix électrique afin d’identifier
tats selon une logique de comparaison toutes des configurations favorables ou des « univers
choses étant égales par ailleurs, à savoir de cohérents ».
La consultation publique menée début 2021 a Enfin, le dispositif d’étude des scénarios est com-
conduit à réduire le nombre de scénarios pour n’en plété avec des analyses de sensibilité sur les prin-
retenir que six, mais a également fait émerger une cipaux scénarios de mix de production (intégrant
demande d’études complémentaires portant sur des par exemple une répartition différente entre filières
configurations ne figurant pas dans le champ initial d’énergies renouvelables, à la marge des scénarios
de l’étude (sortie très rapide du nucléaire, mora- principaux) ainsi que par l’analyse de configura-
toire sur l’installation des renouvelables ou système tions alternatives, sortant du cadrage initial des
électrique reposant durablement sur la répartition scénarios, mais ayant fait l’objet de propositions
actuelle entre nucléaire et renouvelables). dans le cadre de la consultation publique.
Figure 5.1 Synthèse des scénarios et configurations considérés dans le cadre de l’étude Futurs énergétiques 2050
1
Périmètre de référence
6 scénarios de mix principaux
M0 M1 M23 N1 N2 N03
2 3 5
Configurations
Scénarios et variantes sur Tests de sensibilité alternatives
la consommation, à croiser sur la production (sortie rapide
avec les mix de production (rythme de du nucléaire, moratoire
déclassement, sur les énergies
répartitions filières…)
Scénarios : renouvelables…)
« Sobriété »
« Réindustrialisation profonde »
Variantes : 4
« Électrification + »
« Efficacité énergétique moindre » Test de sensibilité sur
« Consommation accrue d’hydrogène » le cadre macroéconomique :
… variante mondialisation contrariée
204
Les scénarios de mix production-consommation .5
Pour éclairer les différentes options de transition qui nécessitent tous deux des transformations très
possibles, RTE a proposé, dès le cadrage de l’étude, structurantes :
de considérer des trajectoires d’évolution du sys- u Les scénarios « M » sont ceux dans lesquels la
tème électrique contrastées et articulées autour France n’investit pas dans de nouveaux réac-
de deux familles de scénarios. Ces deux familles teurs nucléaires. Ils se distinguent par l’horizon
se distinguent selon que les nouveaux investisse- de sortie du nucléaire (2050 ou 20601) ainsi que
ments dans le parc se portent uniquement sur les par le type d’installations de production renou-
énergies renouvelables (scénarios M) ou sur une velable développées et les modes d’organisation
combinaison d’énergies renouvelables et de nou- de l’approvisionnement en électricité.
veaux réacteurs nucléaires (scénarios N). Cette u Les scénarios « N » sont ceux dans lesquels la
représentation met ainsi l’accent sur l’importance France engage un programme de nouveaux
de la décision de relance ou non d’un parc électro- réacteurs. Ils se distinguent selon le rythme
nucléaire, qui engagera le pays sur le temps long de fermeture du parc nucléaire existant et de
et résultera d’un choix politique ayant des implica- construction de nouveaux réacteurs, permet-
tions techniques, économiques et sociétales très tant ainsi de décrire une fourchette large sur la
larges. Elle conduit à décrire deux types de sys- part du nucléaire à l’horizon 2050.
tèmes électriques différents de celui d’aujourd’hui,
1. Dans les scénarios M1 et M23, l’EPR de Flamanville est toujours en fonctionnement en 2060.
Le scénario M0 est construit autour d’un objectif difficilement atteignables au vu des rythmes
de sortie complète du nucléaire en 2050. Pour que constatés et projetés et des difficultés d’acceptabi-
celle-ci obéisse à une trajectoire réaliste, permet- lité des nouveaux projets. La faisabilité technique
tant d’éviter « l’effet falaise » sur les fermetures, de M0 est en outre conditionnée aux différentes
le scénario prévoit une accélération de la ferme- conditions listées dans le rapport publié conjointe-
ture des réacteurs par rapport à la trajectoire ment par RTE et l’Agence internationale de l’éner-
actuellement retenue par la PPE. Ainsi, dans M0, 4 gie en janvier 2021. M0 implique notamment de
des 56 réacteurs nucléaires existants sont fermés mobiliser un bouquet de flexibilité très important
d’ici 2030 et 22 d’ici 2040. et nécessite une maîtrise plus rapide de la brique
du thermique décarboné que les autres scénarios.
Il s’agit d’un scénario de sortie choisie du nucléaire,
compatible avec l’atteinte de la neutralité carbone. Parmi les variantes de M0, celle associée au scé-
Pour parvenir à une sortie du nucléaire en 2050 nario de consommation « sobriété » apparaît inté-
sans augmentation des émissions de CO2, le scé- ressante car elle permet d’alléger les besoins
nario M0 prévoit que les rythmes d’installation des d’accélération sur le rythme de développement
énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien, des énergies renouvelables et de la flexibilité (voir
énergies marines) soient poussés à leur maximum. chapitres 4 et 7). Même dans cette configuration,
Il implique de passer de 10 GW à plus de 200 GW le scénario M0 demeure toutefois très volontariste,
sur le solaire, de développer un parc éolien ter- cumulant des conditions strictes sur le déploie-
restre de près de 75 GW et un parc éolien en mer de ment effectif de la sobriété dans tous les secteurs,
plus de 60 GW. Il ne peut exister aucune ambiguïté sur l’inflexion du rythme de développement des
sur le caractère très ambitieux de tels rythmes, énergies renouvelables et sur la possibilité de dis-
qui dépassent les meilleures performances euro- poser de tels volumes de flexibilité (modulation de
péennes en la matière, et qui semblent aujourd’hui la demande, stockage et thermique décarboné).
Moyens de flexibilité
Capacités installées par filière (capacités installées ou puissances moyennes disponibles)
150 Filière 2050
125
Capacité d’import (interconnexions) 39 GW
100 Flexibilités de la demande (hors V2G) 15 GW
GW
0 Batteries 26 GW
2019 2030 2040 2050 2060
* Le combustible des moyens thermiques existants est d’origine fossile en 2021. Il est amené à évoluer pour être exclusivement décarboné en 2050.
206
Les scénarios de mix production-consommation .5
Le scénario M1 est caractérisé par un développe- passer d’environ 1 GW/an (sur les dernières
ment très important des énergies renouvelables, années) à environ 2,5 GW/an dès les prochaines
réparti de manière diffuse sur le territoire national années, puis s’accélérer encore pour atteindre
et porté par des acteurs locaux participatifs ou par près de 9 GW/an sur la période 2030-2050. Cette
des collectivités locales. dynamique suppose une forte compétitivité de
la filière photovoltaïque et certaines innovations
Ce développement se concentre en particulier sur technologiques.
la filière photovoltaïque, avec une logique de large
diffusion de panneaux solaires sur tout le terri- Dans ce scénario, l’éolien terrestre se développe
toire, y compris dans les régions les moins enso- de manière modérée, avec une orientation vers
leillées. En particulier, le scénario M1 implique un des projets citoyens ou associant les acteurs
fort développement des panneaux sur petites et locaux, conduisant à une répartition des parcs
grandes toitures et de l’autoproduction chez les assez homogène sur le territoire. Le développe-
particuliers, les commerces et les petites entre- ment de l’éolien en mer s’accélère au-delà des dix
prises. Ces installations doivent le plus souvent prochaines années pour atteindre un rythme de
être associées à des solutions de flexibilités telles mise en service d’environ 1,5 GW par an, supé-
que le stockage ou les flexibilités de la demande. rieur à celui projeté par la PPE pour les prochaines
années mais qui reste plus limité que dans les scé-
Si le scénario repose notamment sur un développe- narios M0 et M23.
ment marqué du solaire diffus (plus de 100 GW), l’at-
teinte de tels volumes de production photovoltaïque La sortie du nucléaire est lissée dans le temps
impose également le développement de grands parcs. (trajectoire de fermeture de référence), avec une
capacité qui atteint environ 16 GW en 2050 et une
Ce scénario implique donc une très forte inflexion sortie du nucléaire à l’horizon 2060 (hors EPR de
sur le développement du photovoltaïque en France Flamanville). Par définition, aucun nouveau réac-
dont le rythme de mise en service doit rapidement teur nucléaire n’est prévu dans ce scénario.
Moyens de flexibilité
Capacités installées par filière (capacités installées ou puissances moyennes disponibles)
150
Filière 2050
125
Capacité d’import (interconnexions) 39 GW
100
Flexibilités de la demande (hors V2G) 17 GW
GW
75
Vehicle-to-grid 1,7 GW (1,1 million, soit 3 % du parc total de VE)
50
STEP 8 GW
25 Nouveau thermique décarboné 20 GW
NEW
0 Batteries 21 GW
2019 2030 2040 2050 2060
* Le combustible des moyens thermiques existants est d’origine fossile en 2021. Il est amené à évoluer pour être exclusivement décarboné en 2050.
Le scénario M23 est caractérisé par un développe- Dans le détail, pour atteindre ce mix, le dévelop-
ment poussé de l’ensemble des filières d’énergies pement de l’éolien terrestre se fait à un rythme
renouvelables, sous la forme de grands parcs afin soutenu et s’articule autour de grands parcs situés
de dégager des effets d’échelle et de mutualisation. dans les zones avec le meilleur facteur de charge
Sa logique répond ainsi à une volonté de minimi- (les plus venteuses). Une part importante de la
ser les coûts de transition dans un scénario 100 % production solaire provient de grandes fermes
renouvelable, tout en intégrant des contraintes solaires au sol dans les régions les plus ensoleil-
d’acceptabilité conduisant à répartir l’effort sur les lées. L’éolien en mer se développe sous la forme
différentes filières. de grandes installations posées et flottantes dans
les zones les plus propices en mutualisant autant
Ce principe conduit ainsi au développement impor- que possible les infrastructures de raccordement
tant de grands parcs éoliens, à la fois sur terre et associées.
en mer. Le développement de la filière photovol-
taïque est également rapide et articulé notamment De même que dans le scénario M1, aucun nouveau
autour de grands parcs au sol représentant les réacteur nucléaire n’est prévu dans ce scénario et
deux tiers des installations photovoltaïques. la sortie du nucléaire est lissée dans le temps et
s’opère à l’horizon 2060 (hors EPR de Flamanville).
22% 21%
200 Photovoltaïque 125 GW / 153 TWh
150 Énergies marines 3 GW / 9 TWh
100 32% Hydraulique (hors STEP) 22 GW / 62 TWh
50 Bioénergies 2 GW / 12 TWh
0
2019 2030 2040 2050 2060 Thermique existant* 0,5 GW / 0,5 TWh
Moyens de flexibilité
Capacités installées par filière (capacités installées ou puissances moyennes disponibles)
150
Filière 2050
125
Capacité d’import (interconnexions) 39 GW
100
Flexibilités de la demande (hors V2G) 15 GW
GW
75
Vehicle-to-grid 1,7 GW (1,1 million, soit 3 % du parc total de VE)
50
STEP 8 GW
25 Nouveau thermique décarboné 20 GW
NEW
0 Batteries 13 GW
2019 2030 2040 2050 2060
* Le combustible des moyens thermiques existants est d’origine fossile en 2021. Il est amené à évoluer pour être exclusivement décarboné en 2050.
208
Les scénarios de mix production-consommation .5
Le scénario N1 est caractérisé par le lancement d’un paires et de séries, conformément aux orienta-
programme de construction de nouveaux réacteurs tions communiquées par EDF.
nucléaires visant la mise en service de huit réac-
teurs d’ici 2050, accompagné du développement Un tel programme ne suffisant pas à compenser
des énergies renouvelables à un rythme soutenu. la fermeture des centrales nucléaires existantes,
le scénario N1 repose également sur un dévelop-
Le développement du nouveau nucléaire considéré pement très soutenu des énergies renouvelables.
dans le scénario N1 serait engagé dès maintenant Celles-ci seraient réparties selon une logique s’ap-
afin de permettre une première mise en service parentant à celle du scénario M23 (développement
de nouveaux réacteurs au plus tard à l’horizon ciblé sur les grands parcs mais avec une réparti-
2035. Il serait ensuite articulé autour de mises tion de l’effort sur toutes les filières renouvelables),
en service au rythme d’une paire tous les cinq dans la continuité des orientations de la PPE et avec
ans environ, dans la continuité du programme une possible accélération sur l’éolien en mer.
NNF (qui prévoit la mise en service de trois paires
de réacteurs jusqu’en 2045). Les nouveaux réac- Dans ce scénario, le mix électrique en 2050 est
teurs correspondent à des EPR2, développés par constitué d’environ 26 % de production nucléaire
paires sur des sites existants, afin de bénéficier et 74 % de production issue des énergies
des optimisations économiques liées aux effets de renouvelables.
Moyens de flexibilité
Capacités installées par filière (capacités installées ou puissances moyennes disponibles)
150
Filière 2050
125
Capacité d’import (interconnexions) 39 GW
100
Flexibilités de la demande (hors V2G) 15 GW
GW
75
Vehicle-to-grid 1,7 GW (1,1 million, soit 3 % du parc total de VE)
50
STEP 8 GW
25 Nouveau thermique décarboné 11 GW
NEW
0 Batteries 9 GW
2019 2030 2040 2050 2060
* Le combustible des moyens thermiques existants est d’origine fossile en 2021. Il est amené à évoluer pour être exclusivement décarboné en 2050.
Le scénario N2 est élaboré autour du lancement Comme dans le scénario N1, les nouveaux réac-
d’un programme plus important de construction teurs nucléaires seraient développés de manière
de nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR2, privilégiée en s’appuyant sur des paires d’EPR
selon un rythme correspondant à la capacité maxi- construites sur des sites existants, afin de bénéfi-
male communiquée par les industriels de la filière cier d’un effet de paires sur la réduction des coûts
nucléaire dans le cadre de la concertation. Ce du nucléaire.
développement de nouveaux EPR s’accompagne
d’un développement des énergies renouvelables Un tel développement du nouveau nucléaire abou-
à un rythme toujours soutenu mais moindre que tit à porter à environ 22 % la part du nouveau
dans N1 et dans les scénarios M. nucléaire dans le mix en 2050, ce qui ne suffit pas
à compenser la fermeture des réacteurs nucléaires
La trajectoire de développement du nouveau existants. Ainsi, le scénario N2 repose également
nucléaire considérée dans le scénario N2 passe sur une poursuite du développement des énergies
par un lancement d’un programme dès aujourd’hui renouvelables selon un rythme proche de celui
afin de permettre une première mise en service prévu par la PPE sur les prochaines années.
en 2035 au plus tard. Les trois premières paires
seraient espacées d’environ quatre ans, ce qui se En suivant ces trajectoires, le mix de production
rapproche du délai prévu dans le programme NNF électrique en 2050 est composé de 36 % de pro-
proposé par EDF. Le rythme de mise en service duction nucléaire et 64 % de production issue des
serait ensuite significativement accéléré au-delà énergies renouvelables.
de la troisième paire.
22%
200 Photovoltaïque 90 GW / 110 TWh
150 20% Énergies marines -
100 16%
Hydraulique (hors STEP) 22 GW / 63 TWh
50 Bioénergies 2 GW / 12 TWh
0
2019 2030 2040 2050 2060 Thermique existant* 0,5 GW / 0,5 TWh
Moyens de flexibilité
Capacités installées par filière (capacités installées ou puissances moyennes disponibles)
150
Filière 2050
125
Capacité d’import (interconnexions) 39 GW
100
Flexibilités de la demande (hors V2G) 15 GW
GW
75
Vehicle-to-grid 1,7 GW (1,1 million, soit 3 % du parc total de VE)
50
STEP 8 GW
25 Nouveau thermique décarboné 5 GW
NEW
0 Batteries 2 GW
2019 2030 2040 2050 2060
* Le combustible des moyens thermiques existants est d’origine fossile en 2021. Il est amené à évoluer pour être exclusivement décarboné en 2050.
210
Les scénarios de mix production-consommation .5
Le scénario N03 est structuré autour de l’idée (iv) la possibilité de développer d’autres types de
d’une part du nucléaire durablement importante, réacteurs tels que les petits réacteurs modu-
en combinant l’ensemble des leviers possibles (sur laires (SMR) pour quelques gigawatts.
l’existant et le nouveau) pour maximiser la capa-
cité à l’horizon de la neutralité carbone. En jouant sur ces quatre leviers, le maintien d’un parc
nucléaire d’une capacité de l’ordre de 50 GW est pos-
Ce scénario repose sur quatre piliers : sible à l’horizon 2050 et 2060, soit environ 50 % de
(i) une prolongation de la durée de vie de tous la production d’électricité à cet horizon dans la tra-
les réacteurs actuels tant qu’ils respectent les jectoire de consommation de référence. Ce chiffre
normes de sûreté fixées par l’Autorité de sûreté constitue un résultat de la construction des scénarios
nucléaire : N03 s’écarte donc de la trajectoire de (et non une hypothèse) : il résulte en effet de l’addi-
fermeture de réacteurs prévue par la PPE ; tion des contraintes industrielles portant sur la filière
(ii) la prolongation de quelques réacteurs au-delà de nucléaire, et non d’une contrainte politique.
60 ans d’exploitation (entre 3 et 5 ans dans ce
scénario selon les paliers et réacteurs retenus), Le scénario N03 s’appuie également sur un déve-
de manière à repousser au maximum les fer- loppement des énergies renouvelables au cours des
metures de réacteurs de deuxième génération, prochaines années, pour toutes les filières (éolien ter-
en attendant que le développement du nouveau restre, éolien en mer, solaire, hydraulique), mais à un
nucléaire atteigne son rythme de croisière ; rythme inférieur à celui de tous les autres scénarios.
(iii)
un rythme de construction des EPR2 poussé
au maximum (rythme similaire à celui du
scénario N2) ;
300
23% Éolien terrestre 43 GW / 87 TWh
13%
250 Éolien en mer 22 GW / 78 TWh
GW
Moyens de flexibilité
Capacités installées par filière (capacités installées ou puissances moyennes disponibles)
150
Filière 2050
125
Capacité d’import (interconnexions) 39 GW
100
Flexibilités de la demande (hors V2G) 13 GW
GW
75
Vehicle-to-grid 1,7 GW (1,1 million, soit 3 % du parc total de VE)
50
STEP 8 GW
25 Nouveau thermique décarboné -
NEW
0 Batteries 1 GW
2019 2030 2040 2050 2060
* Le combustible des moyens thermiques existants est d’origine fossile en 2021. Il est amené à évoluer pour être exclusivement décarboné en 2050.
La distinction entre les deux familles de scénarios solutions de développement de l’éolien en mer
de mix de l’étude Futurs énergétiques 2050 ne doit près des côtes.
pas masquer certains points communs aux six scé-
narios principaux : L’ensemble des six scénarios de mix permet finale-
u une réduction de la part du nucléaire par rap- ment de décrire un continuum d’équilibres possibles
port au point de départ, dans des proportions en matière de parts des énergies renouvelables et
variables selon qu’elle résulte d’une volonté du nucléaire. En particulier, un scénario de type
politique ou de contraintes industrielles ; N1 comprenant une relance du nucléaire aboutit
u une hausse de la part des énergies renouve- finalement à des parts importantes en énergies
lables dans tous les scénarios, avec un socle renouvelables (près de 75 %) et partage donc des
commun de solaire et d’éolien terrestre, et des caractéristiques proches de certains scénarios « M ».
Figure 5.2 Évolution de la répartition entre énergies renouvelables et nucléaire dans le mix de production
des six scénarios et dans le mix actuel (2020)
800
700
600
500
TWh
400
300
200
100
0
2020
2030
2040
2050
2060
2030
2040
2050
2060
2030
2040
2050
2060
2030
2040
2050
2060
2030
2040
2050
2060
2030
2040
2050
2060
M0 M1 M23 N1 N2 N03
212
Les scénarios de mix production-consommation .5
5.2.4.1 Les scénarios font l’objet d’une déclinaison géographique des hypothèses de
production et de consommation sur le territoire national afin d’approfondir leur analyse
Au-delà des volumes de capacité installée pro- compte d’une répartition géographique crédible
jetés à l’échelle nationale, les scénarios étudiés (un mégawatt éolien peut par exemple avoir un
par RTE font l’objet d’une déclinaison à diffé- profil de production différent selon sa localisa-
rentes mailles géographiques plus fines. Cette tion géographique) et en s’appuyant sur les don-
déclinaison géographique a plusieurs objectifs : nées météorologiques dont dispose RTE pour les
u elle est nécessaire pour évaluer les flux d’élec- différents points du territoire français ;
tricité sur les réseaux et étudier ainsi les besoins u enfin, elle constitue un outil d’appropriation des
d’évolution du réseau à long terme. Cette ana- scénarios par la population en projetant l’évolu-
lyse étant menée à la fois sur les réseaux de tion énergétique des territoires selon des pers-
transport et de distribution, elle requiert de pectives propres, avec par exemple des régions
spécifier la répartition de la production et de la littorales marquées par un fort développement
consommation au niveau local et selon les diffé- de l’éolien en mer ou des régions au sud mar-
rents niveaux de tension ; quées par une croissance importante du solaire.
u elle vise également à vérifier que les scénarios
sont compatibles avec les gisements/surfaces Il convient néanmoins d’insister sur le fait que
disponibles pour l’accueil des différents types les hypothèses de localisation géographique pro-
d’installation et à projeter les conséquences des posées sont destinées aux études prospectives
scénarios en matière d’occupation de l’espace menées par RTE et ne préjugent en rien des choix
(cf. partie 12 sur l’analyse environnementale) ; qui seront effectivement réalisés par les produc-
u elle permet de construire des simulations pré- teurs ou par l’État dans le cadre du développe-
cises sur les chroniques de production, tenant ment de l’éolien en mer.
S’agissant des énergies renouvelables, l’iden- Les choix de répartition géographique tiennent
tification de zones permettant leur installation également compte des orientations publiques
prend en compte un ensemble de facteurs, parmi apportées notamment au travers des SRADDET2
lesquels des obstacles considérés comme irré- (pour les installations terrestres) ou des docu-
ductibles : obstacles géographiques et topogra- ments stratégiques de façade (pour les énergies
phiques (pentes, massifs, carrières, étendues marines).
d’eau), obstacles d’infrastructures (distance
aux routes, aux aéroports, aux voies ferrées), En ce sens, l’étude Futurs énergétiques 2050 a
exclusion des espaces naturels protégés, prise nécessité un exercice poussé de cartographie du
en compte des conflits d’usage des sols, exclu- territoire, croisant toutes les contraintes carto
sion réglementaire au voisinage du patrimoine graphiables pour en déduire un univers des pos-
et d’installations particulières (tels les radars sibles en matière d’implantation de nouvelles
militaires). infrastructures.
2.
Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable du territoire et d’égalité des territoires
Quelles contraintes d’occupation des sols La surface disponible pour les installations d’EnR
dans chaque territoire ? Quels impacts sur résulte de la « superposition » de l’ensemble
le gisement effectivement accessible pour des champs (technique, économique et sociétal)
le développement des infrastructures
de production d’électricité ? Éolien Photovoltaïque au sol
Surfaces non accessibles à cause des contraintes réglementaires, techniques, sociétales ou environnementales
Surfaces avec des contraintes potentielles, ne préjugeant pas d’une interdiction d’implantation mais comportant des risques de freins à l’installation
Surfaces sans contraintes identifiées du point de vue cartographique
S’agissant du nucléaire, les principes de répar- Enfin, s’agissant des SMR, deux logiques pour-
tition géographique reposent sur des logiques raient présider à leur implantation :
industrielles. u utiliser les sites nucléaires existants sur les-
quels l’implantation d’EPR n’est pas possible ou
D’une part, l’arrêt du nucléaire existant prend en pas prévue : cette option serait privilégiée dans
compte les orientations déjà mentionnées dans la le cas où cette technologie s’orienterait vers le
PPE : fermeture privilégiée juste avant une visite choix de SMR de taille unitaire importante, de
décennale (principalement à 50 ou 60 ans), fer- l’ordre de 500 MW ;
meture rapprochée de réacteurs fonctionnant par u ou utiliser des sites nouveaux dans le cadre
paire, pas de fermeture totale de sites à moyen de boucles locales : cette option, investiguée
terme, etc. D’autre part, les nouveaux réacteurs notamment par le CEA en France, conduirait à
nucléaires de technologie EPR2 prévus dans les des implantations différentes, au cœur de zones
scénarios N sont installés par paires, sur des sites urbaines ou industrielles, c’est-à-dire à une
existants, conformément aux orientations commu- logique d’implantation très différente de celle
niquées par EDF. La liste précise des sites envisagés du nucléaire historique.
n’est toutefois pas connue3 et les choix d’hypo-
thèses utilisées par RTE dans le cadre de cette Au vu des perspectives actuelles, les analyses asso-
étude ont nécessairement un caractère normatif. ciées au scénario N03 ont été réalisées en considérant
une implantation sur les sites nucléaires existants.
3.
À date, seul le site de Penly a été officiellement identifié par EDF pour l’accueil de la première paire d’EPR2 proposée dans le cadre du programme « Nouveau
nucléaire France »
214
Les scénarios de mix production-consommation .5
Plusieurs logiques peuvent prévaloir dans la répar- u une logique suivant la planification régio-
tition géographique de la production, notamment : nale, reposant sur les objectifs affichés par les
u une logique purement économique : celle-ci régions au travers des SRADDET.
viserait à développer des parcs renouvelables en
priorité dans les zones présentant les productibles La localisation des moyens de production dans les
les plus favorables. Cette approche caricaturale différents scénarios résulte de stratégies inter-
conduirait néanmoins à des disparités géogra- médiaires pour éviter de privilégier une approche
phiques très marquées et à une concentration d’ins- unique et nécessairement caricaturale.
tallations dans certaines régions (photovoltaïque
uniquement au sud, éolien au nord), susceptible de Pour cinq des six scénarios, la localisation de la pro-
susciter des questions d’ordre sociétal mais aussi duction intègre une recherche d’optimisation écono-
des problématiques de développement du réseau ; mique : il s’agit de répartir les parcs de manière à
u une logique qui tiendrait compte d’une maximiser le productible. Ainsi, la préférence est don-
moindre acceptabilité des infrastructures née aux zones présentant les facteurs de charge les
de production sur certains territoires : celle-ci plus élevés, soit les régions avec le plus de vent pour
conduirait à restreindre les gisements acces- l’éolien terrestre ou les régions avec le plus d’ensoleil-
sibles de certaines filières (plus large distance lement pour le solaire photovoltaïque, et ce dans la
aux habitations, restrictions des espaces agri- limite des gisements théoriques identifiés.
coles accessibles, éloignement des éoliennes en
mer de certains littoraux, etc.) ; Pour le scénario M1 en revanche, la géographie
u une volonté de favoriser la production de la production est le résultat d’une répartition
« locale » : celle-ci se traduirait par une réparti- diffuse sur le territoire qui consiste à penser le
tion diffuse visant à rééquilibrer au moins partiel- développement des parcs renouvelables au plus
lement la production et la consommation annuelle proche de la consommation.
d’électricité à des échelles locales (région…) ;
Figure 5.4 Répartition des installations photovoltaïques par région dans les scénarios M1 et M23
M1 M23
11% 4%
3% 3%
8% 6% 10% 5%
5% 5%
6% 5%
4% 4%
6% 7%
Répartition de la
capacité installée (%)
5 7 4
21 11 18 12 13 6
11 11 6
Puissance 12 12 7
(GW) 9
14
9
13
5
8
0-5
5-10
31 28 27 33 19 16
10-15
15-20
20-25 23
35
20
27
14
22
25-30
30-35
3 1 1
12 6 8 5 7 3
6 4 3
6 6 4
5 4 3
8 6 5
17 15 14 13 11 9
21 16 13
13 10 8
M0 (75 GW terr. + 62 GW en mer) M1 (59 GW terr. + 45 GW en mer) M23 (72 GW terr. + 60 GW en mer)
(GW) 5
7
4
5
5
6
7 5 7
0,5-2
2-4
4-6 SA :
9 4
SA :
8 4
SA :
8 3
6-8 [4 ; 6] [1 ; 3] [4 ; 6]
8-10 1 1 1
9 6 9
10-12
12-13,5 MED : MED : MED :
[14 ; 19] [12 ; 16] [14 ; 18]
N1 (58 GW terr. + 45 GW en mer) N2 (52 GW terr. + 36 GW en mer) N03 (43 GW terr. + 22 GW en mer)
Éolien
en mer MEMN : MEMN : MEMN
Puissance [15 ; 18] [12 ; 16] [8 ; 12]
(GW) NAMO :
6
NAMO :
5
NAMO :
4
[10 ; 15] [8 ; 12] [4 ; 6]
1
3 2 2
2 2 9 2 8 1 7
5 5 4 4
4 4 3
6 5 5 4
5 4 4
10
12
14 8 4 7 4 6 3
SA : SA : SA :
17 [1 ; 3] [1 ; 3] [1 ; 2]
18
1 1 1
20 6 6 5
21 MED : MED : MED :
[12 ; 16] [8 ; 12] [4 ; 8]
MEMN : Manche Est - Mer du Nord NAMO : Nord Atlantique - Manche Ouest SA : Sud Atlantique MED : Méditerranée
216
Les scénarios de mix production-consommation .5
La logique des six scénarios de mix présentés des scénarios de mix adaptés aux trajectoires
dans la première partie du chapitre 5 est indépen- « sobriété » et « réindustrialisation profonde » sont
dante du niveau de demande électrique. Elle peut proposés ci-dessous.
donc être adaptée aux différentes trajectoires de
consommation présentées au chapitre 3. Pour ces deux trajectoires de consommation, six
scénarios de mix de production, fidèles à la philoso-
Dans le présent rapport, les principaux résultats phie des six scénarios de référence, sont proposés.
sont détaillés pour trois scénarios de consomma- Les grandes orientations quant au dimensionne-
tion : « référence », « sobriété » et « réindustrialisa- ment du mix sous des hypothèses très différentes
tion profonde ». Pour pouvoir évaluer leurs impacts de consommation électrique sont présentés ici.
techniques, économiques et environnementaux,
Dans le scénario « sobriété », le volume de moyens (en raison de leurs coûts et/ou pour éviter les
de production à installer est significativement réduit. besoins de flexibilité associés) ;
Par rapport au scénario de référence, la consomma- (4) en réduisant le nombre de nouveaux réacteurs
tion d’électricité y est réduite de 90 TWh (soit une nucléaires à construire pour alléger ainsi les
diminution de 15 % en volume) du fait de la prise contraintes industrielles sur le rythme de mise
en compte simultanée de nombreux effets baissiers en service de ces installations ;
dans le cadre d’une inflexion structurelle des modes (5) ou en accélérant le rythme de fermeture des
de vie (voir chapitre 13.2 pour plus de détails). Ce réacteurs existants, par exemple pour hâter
scénario permettrait en conséquence de réduire les la sortie du nucléaire dans les scénarios « M »
capacités installées de production (renouvelables comme le proposent certaines parties prenantes.
ou nucléaire) dans les différents scénarios de mix.
Quelle que soit la logique retenue, les économies
Du point de vue de la méthodologie de construc- de capacités à construire sont importantes. Elles
tion des scénarios, il est possible de faire évoluer se chiffrent à plusieurs dizaines de gigawatts évi-
les mix électriques définis pour le scénario de réfé- tés dans le cas d’un ajustement sur les énergies
rence de différentes façons : renouvelables, ou encore à une huitaine de réac-
(1) en réduisant de manière homogène par filière teurs de type EPR2 dans le cas d’un ajustement sur
les capacités requises pour garantir la sécurité le nouveau nucléaire.
d’approvisionnement ;
(2) en faisant porter de manière spécifique l’ajus- Les différentes logiques d’ajustement des mix pré-
tement à la baisse sur certaines filières au titre sentées ci-dessus sont toutes envisageables et
de contraintes industrielles ou d’une accepta- constituent autant de choix possibles pour l’évo-
bilité réputée plus faible ; lution du secteur électrique. Pour autant, l’analyse
(3) en adoptant une règle de minimisation des détaillée de ces scénarios (sur les plans technique,
coûts, ce qui conduit à limiter le besoin de économique et environnemental) ne peut être réa-
développement des filières qui génèrent le lisée sur chacune des combinaisons évoquées.
plus de coûts à l’échelle du système comme
l’éolien flottant éloigné des côtes ou encore les Pour les analyses détaillées présentées par
petites installations photovoltaïques sur toiture la suite, les six mix de production adaptés au
Ajustement sur :
-20 -13 GW
-25 GW
GW
-40
-45 GW
-60
-80 -73 GW
scénario sobriété conservent le même principe importante dans les scénarios « N » ainsi que dans
de construction que dans les scénarios initiaux. les scénarios M1 et M23 à l’horizon 2050 : elle
Le développement des énergies renouvelables atteint environ 57 % dans le scénario N03-sobriété
(éolien et photovoltaïque) y est ajusté à la baisse (contre 50 % dans le scénario N03-référence) ou
de manière homogène par rapport aux scénarios encore environ 43 % dans le scénario N2-sobriété
initiaux, et les trajectoires d’évolution du nucléaire (contre 36 % dans le scénario N2-référence).
demeurent quant à elles inchangées dans la mesure
où elles ont été fixées a priori et bornées par les L’effet baissier de la sobriété sur la consom-
capacités industrielles (ce qui n’est pas le cas pour mation permet de réduire nettement les
les énergies renouvelables). rythmes de mise en service des énergies
renouvelables nécessaires dans chacun des
Cette approche présente l’avantage de conserver la scénarios.
structure et le narratif initial des scénarios, leurs spé-
cificités ainsi que leurs équilibres globaux. Des défor- En particulier, le scénario M0 – qui propose par
mations hétérogènes des scénarios, par exemple en construction un mix 100 % renouvelable dès 2050 –
enlevant seulement de l’éolien dans M23 et seule- est associé à des rythmes de développement des
ment du photovoltaïque dans M1, conduiraient à énergies renouvelables particulièrement élevés sur
construire des scénarios totalement différents, dans les trente prochaines années dans la trajectoire
leur esprit, des scénarios de mix initiaux. de référence, qui vont au-delà des rythmes obser-
vés dans les pays européens les plus dynamiques.
Dans les configurations retenues pour l’analyse Y associer une dynamique de sobriété permettrait
détaillée, les capacités installées d’énergies renou- de réduire, toutes choses étant égales par ailleurs,
velables en 2050 sont donc plus faibles dans tous le rythme de développement requis au cours des
les scénarios « sobriété » que dans les versions trente prochaines années pour sortir du nucléaire
de référence. La part du nucléaire est donc plus et donc de limiter les difficultés industrielles,
218
Les scénarios de mix production-consommation .5
Figure 5.6 Capacités installées de production d’électricité dans les six scénarios de mix en 2050,
dans la trajectoire de consommation de référence et dans le scénario sobriété
400
350
Capacités installées (GW)
300
250
~208
~214
200 ~177 ~125
~172 ~118
~105 ~90
150 ~90 ~70 Bioénergies
~67 Hydraulique
~60 ~45
100 ~62 ~48 ~45 ~36 ~22 Énergies marines
~52 ~45 ~33 ~24 ~11
~35 Solaire
~52 ~43 ~37
50 ~72 ~58 ~50 ~45 Éolien en mer
~74 ~59 ~52 ~63
~68 Éolien terrestre
0 Nucléaire
Référence Sobriété Référence Sobriété Référence Sobriété Référence Sobriété Référence Sobriété Référence Sobriété
M0 M1 M23 N1 N2 N03
environnementales et sociétales associées à ce scé- demeurerait néanmoins considérable dans les scé-
nario. À titre d’exemple, le rythme annuel néces- narios « M-sobriété » et a fortiori dans M0-sobriété.
saire de développement de l’éolien en mer dans
le scénario M0-sobriété serait d’environ 1,8 GW Par construction, le rythme de développement des
par an sur la période 2020-2050 contre environ énergies renouvelables est aussi réduit dans les
2,2 GW par an dans M0-référence. L’accélération scénarios « N ». En particulier, le socle d’énergies
nécessaire des rythmes de développement des renouvelables nécessaire dans le scénario N03-
énergies renouvelables serait donc atténuée mais sobriété pour atteindre la neutralité carbone en
Figure 5.7 Rythmes d’installation des énergies renouvelables entre 2020 et 2050 requis dans le scénario sobriété,
vis-à-vis de la trajectoire de consommation de référence (incluant le repowering)
10 3 3
2 2
6
GW/an
GW/an
GW/an
4
1 1
0 0 0
N03 N2 N1 M23 M1 M0 N03 N2 N1 M23 M1 M0 N03 N2 N1 M23 M1 M0
Rythme projeté (2020-2050) Rythme projeté (2020-2050) Rythme projeté (2020-2050)
Repowering • Rythme d’installation prévu dans la trajectoire de consommation de référence (incluant le repowering)
Rythme historique en France (2009-2020)
220
Les scénarios de mix production-consommation .5
Un scénario de réindustrialisation profonde de l’éco- Se passer de nouveau nucléaire dans ces scé-
nomie française se traduirait par une consommation narios implique de dépasser largement les
d’électricité plus élevée en France que celle de la rythmes et les capacités installées d’énergies
trajectoire de référence (voir chapitre 3). Un effort renouvelables prévus dans les versions de
supplémentaire sur le développement ou le maintien référence alors que ceux-ci étaient déjà jugés
de capacités de production d’électricité bas-carbone très ambitieux par les parties prenantes dans
serait en conséquence nécessaire pour soutenir le le cadre de la concertation. Cette démarche
développement de l’industrie et les avantages asso- devrait en toute logique s’accompagner d’une
ciés en matière d’emploi, de balance commerciale politique volontariste aussi bien sur le plan indus-
ou encore d’empreinte carbone. triel que pour assurer l’acceptabilité des énergies
renouvelables sur le territoire, analogue à ce qui
Si l’effort d’adaptation était concentré sur une seule est actuellement envisagé en Allemagne (même si
filière, les capacités installées seraient susceptibles le rythme de développement reste inférieur dans
de se heurter à des contraintes en matière de tous les scénarios à celui prévu par l’Allemagne sur
gisements, d’acceptabilité ou encore de capacités la prochaine décennie).
industrielles à suivre des rythmes de mises en ser-
vice élevés. Par exemple, pour fournir la consom- Au cours des dix à vingt prochaines années,
mation supplémentaire d’un peu plus de 100 TWh poursuivre l’exploitation des réacteurs exis-
associée à une perspective de réindustrialisation tants répondant aux normes de sûreté fixées
profonde à l’horizon 2050, environ 85 GW de capa- par l’ASN constitue un levier évident pour
cités photovoltaïques supplémentaires ou 9 réac- adapter les scénarios de mix de production
teurs nucléaires de type EPR2 supplémentaires à une hausse plus importante de la consom-
devraient être développés. mation. Cette option, déjà considérée dans
le scénario N03 de référence, permettrait de
Une répartition de l’effort sur les différentes filières relâcher la contrainte aux horizons 2030 et
de production d’électricité (nucléaire et éner- 2040 dans tous les autres scénarios. À plus
gies renouvelables) allégerait potentiellement les long terme, elle permet d’augmenter la production
contraintes, mais entraîne des conséquences diffé- du nucléaire existant d’environ 50 TWh à l’horizon
renciées selon les scénarios. 2050 (dans les scénarios autres que N03, où ce
levier est déjà activé), sous condition de pouvoir
Dans les scénarios « N », une hausse de consom- prolonger certains réacteurs au-delà de 60 ans.
mation d’un peu plus de 100 TWh peut être Cette dernière hypothèse implique en revanche de
absorbée en rehaussant d’un cran les rythmes renoncer à l’hypothèse de sortie du nucléaire d’ici
de développement des énergies renouvelables. 2050 (dans le cas du scénario M0) et constitue un
Les capacités installées d’énergies renouvelables pari en soi, la prolongation de tous les réacteurs
du scénario N03-réindustrialisation seraient ainsi jusqu’à 60 ans, voire au-delà pour certains, n’étant
comparables à celles prévues dans le scénario pas acquise à date. De plus, elle ne permet pas de
N2-référence en 2050, tandis que les capacités du faire l’économie d’un effort accru sur les rythmes
scénario N2-réindustrialisation seraient proches de d’installation et les capacités d’énergies renouve-
celles prévues dans le scénario N1-référence. lables afin de fournir le productible nécessaire à
l’effort de réindustrialisation.
Les scénarios « M », qui prévoient déjà des rythmes
très ambitieux de développement des énergies De manière analogue aux scénarios « sobriété »,
renouvelables dans la trajectoire de référence, sont l’analyse détaillée des scénarios de mix compatibles
soumis à davantage de contraintes pour s’adapter avec une réindustrialisation profonde est présen-
à une dynamique de réindustrialisation profonde. tée par la suite dans une configuration où les mix
Figure 5.8 Capacités installées de production d’électricité dans les six scénarios de mix en 2050, dans la trajectoire
de consommation de référence et dans le scénario de réindustrialisation profonde
500
450
Capacités installées (GW)
400
350
300
~250
250 ~257 ~153
~208 ~214 ~149
200 ~125 ~119
~118 ~98 Bioénergies
~90 Hydraulique
150 ~70
~77 ~77 ~61 ~54 ~40 Énergies marines
~62 ~58 ~60 ~45 ~36 ~22
100 ~45 Solaire
~52 ~60 ~43 ~54 Éolien en mer
50 ~69 ~72 ~86 ~58 ~70
~74 ~89 ~59 Éolien terrestre
0 Nucléaire
Référence Réindus. Référence Réindus. Référence Réindus. Référence Réindus. Référence Réindus. Référence Réindus.
M0 M1 M23 N1 N2 N03
222
Les scénarios de mix production-consommation .5
Figure 5.9 Rythmes d’installation des énergies renouvelables entre 2020 et 2050 en considérant la réindustrialisation
profonde du pays et la trajectoire de consommation de référence (incluant le repowering)
10 3 3
2 2
6
GW/an
GW/an
GW/an
4
1 1
0 0 0
N03 N2 N1 M23 M1 M0 N03 N2 N1 M23 M1 M0 N03 N2 N1 M23 M1 M0
Rythme projeté (2020-2050) Rythme projeté (2020-2050) Rythme projeté (2020-2050)
Repowering • Rythme d’installation prévu dans la trajectoire de consommation de référence (incluant le repowering)
Rythme historique en France (2009-2020)
En complément des six scénarios principaux présen- émerger des suggestions de nouvelles combinaisons
tés ci-avant, les discussions en concertation ont fait de mix, à la marge des six scénarios de mix principaux.
L’une des propositions discutées lors de la concer- davantage de temps à l’inflexion souhaitée de se
tation consiste à combiner une perspective de matérialiser, et à concentrer l’investissement sur
sortie du nucléaire (dans les scénarios « M » où il des périodes où les baisses de coût supplémen-
n’y a pas de construction de nouveaux réacteurs) taires auront été atteintes.
avec un étalement dans le temps de la fermeture
des réacteurs existants par rapport au calendrier Au-delà de 2050, le maintien d’un socle de réac-
actuellement prévu, selon la même logique que teurs nucléaires de 2e génération, par exemple
sur le début de trajectoire du scénario N03. pour continuer à lisser le développement des
énergies renouvelables, implique en revanche
Ceci conduit à reprendre les principes de de pouvoir prolonger certains de ces réacteurs
construction du scénario M23, mais en prévoyant au-delà de 60 ans, ce qui constitue un pari en soi.
une capacité de nucléaire existant supérieure
en 2030 et 2040, voire au-delà. Si cette logique Ce type de variante permet de faciliter la compa-
est poursuivie jusqu’en 2050, la trajectoire de raison entre le scénario N03 et un scénario type
développement des énergies renouvelables peut M23, à stratégie de fermeture du nucléaire exis-
être adaptée en conséquence, de sorte à laisser tant identique.
Figure 5.10 Exemple de mix de production du scénario M23 avec une fermeture ralentie du nucléaire existant
de 2030 à 2050
800
700
600
500
TWh
400
Bioénergies
300 Thermique
Hydraulique
200 Énergies marines
Solaire
100 Éolien en mer
Éolien terrestre
0 Nucléaire
M23 M23 M23 M23 M23 M23
référence nucléaire référence nucléaire référence nucléaire
prolongé prolongé prolongé
2030 2040 2050
224
Les scénarios de mix production-consommation .5
Les six scénarios principaux de mix présentés pré- RTE. Il serait ainsi possible de fonder des scénarios
cédemment sont élaborés sur la base de trajec- de mix sur des logiques purement économiques en
toires industrielles pour les énergies renouvelables évaluant par exemple le mix 100 % renouvelable
et le nucléaire. Ils supposent des narratifs et des « optimal » présentant les coûts les plus faibles ou
stratégies contrastées sur la place des différentes encore en associant au nouveau nucléaire des bou-
technologies, mais s’appuient tous sur un effort quets d’énergies renouvelables plus optimisés dans
réparti entre les filières, ne relevant pas unique- les scénarios « N ». Cette logique est étudiée sur le
ment d’une logique économique. À titre d’exemple, plan économique dans la partie 11.7 du rapport.
tous les scénarios s’appuient sur une part plus ou
moins importante de panneaux photovoltaïques De manière plus générale, les scénarios « N » pour-
sur petite toiture, bien que ceux-ci constituent des raient intégrer des répartitions différentes entre les
installations plutôt coûteuses en comparaison de énergies renouvelables, conduisant par exemple
grands parcs d’énergies renouvelables. à privilégier le développement du photovoltaïque
ou de l’éolien en mer au détriment de l’éolien ter-
D’autres logiques d’élaboration des scénarios restre, ou inversement.
peuvent toutefois être envisagées et étudiées par
4.
Par exemple, la SNBC et les derniers scénarios publiés par l’AIE dans le World Energy Outlook 2021 considèrent respectivement, pour l’Union européenne,
un taux de croissance annuel moyen de 1,5 % et 1,6 % entre 2020 et 2050. À titre de comparaison, le PIB français a progressé de 1,4 % par an entre 2010
et 2019, et celui de l’Union européenne de 1,6 %.
5.
Selon un rapport récent de la Banque Mondiale, les chaînes de valeur mondiales (qui indiquent un processus de production réparti sur plusieurs pays),
représentent actuellement la moitié du commerce international. Source : Banque Mondiale (2020), “Trading for development in the age of global value
chains”.
6.
Perspectives économiques de l’OCDE, décembre 2021
226
Les scénarios de mix production-consommation .5
énergétiques 2050. C’est pourquoi l’étude appro- décrivant une situation de « mondialisation
fondie d’une ou plusieurs variantes présentant contrariée » est prévue au titre des prolonge-
un contexte macroéconomique défavorable et ments de l’étude.
5.5.2 Des implications multiples qui peuvent aller d’une hausse du coût
des technologies de décarbonation à des difficultés d’atteinte des objectifs
de la transition énergétique
La variante « mondialisation contrariée » est Les coûts des différentes technologies néces-
caractérisée par des relations internationales saires à la transition énergétique pourraient éga-
dégradées et des tensions sur les approvision- lement évoluer sous l’effet des augmentations
nements en matières premières et en compo- des prix des matières premières. Les hypothèses
sants, avec des répercussions multiples sur les de coûts de référence sont fondées sur des tra-
perspectives de croissance économique, sur les jectoires baissières (accompagnées d’une four-
coûts de la transition énergétique et son rythme. chette d’incertitude), dans le prolongement des
tendances observées sur les années passées, des
Dans une telle configuration, plusieurs consé- avancées technologiques attendues et des éco-
quences pourraient se manifester. nomies d’échelle et d’apprentissage atteignables.
En fonction de l’amplitude de l’effet des hausses
Ce contexte international défavorable pourrait en de prix des matières premières, les projections de
premier lieu entraîner des tensions sur les prix coûts des technologies dans le cadre de la variante
des matières premières et des combustibles, avec « mondialisation contrariée » pourraient s’éloigner
des effets négatifs en cascade sur l’activité écono- de la fourchette initialement considérée, remettant
mique et la consommation de biens et services de potentiellement en cause les tendances baissières
la part des ménages, résultant vraisemblablement considérées en hypothèse centrale de l’étude. Par
en une trajectoire d’évolution du PIB dégra- exemple, selon des estimations récentes de l’AIE,
dée par rapport à la trajectoire de référence. le poids des coûts des matières premières et du
Figure 5.11 Évolution des prix mensuels de différents métaux entre janvier 2015 et janvier 2022
25 12 4
milliers de dollars par tonne
10
20
3
8
15
6 2
10
4
1
5
2
0 0 0
2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021
7.
IEA (2021), “What is the impact of increasing commodity and energy prices on solar PV, wind and biofuels?”,
https://www.iea.org/articles/what-is-the-impact-of-increasing-commodity-and-energy-prices-on-solar-pv-wind-and-biofuels
228
Les scénarios de mix production-consommation .5
Configuration
6 scénarios d’étude « moratoire sur
Configuration
les énergies
« sortie
M0, M1, M23, N1, N2, N03 renouvelables et
du nucléaire
et leurs variantes développement
en 2035 »
maximal
du nucléaire »
De nombreuses contributions adressées à RTE initial des Futurs énergétiques 2050 dans la mesure
dans le cadre de la consultation publique du prin- où cette configuration engendre a priori des diffi-
temps 2021 portent sur l’analyse d’un scénario cultés pour atteindre les objectifs climatiques de
de fermeture au plus tôt du parc de réacteurs la France et/ou pour garantir la sécurité d’approvi-
nucléaires. Ces contributions font état d’inquié- sionnement en électricité.
tudes sur la sûreté des réacteurs actuels, et en
déduisent qu’il est indispensable que des scénarios Cependant, cette option a également été étudiée
de sortie immédiate du nucléaire soient élaborés. pour tenir compte de la consultation publique et
des contributions qui y ont été collectées.
Une sortie totale du nucléaire significativement
anticipée par rapport à 2050 sortait du cadrage
L’arrêt immédiat des réacteurs nucléaires n’étant « rapide » du nucléaire portent sur 2030 ou 2035.
pas envisageable sans rupture majeure dans l’ap- Or, même avec un préavis de dix ou quinze
provisionnement énergétique dans un pays qui en ans, ce scénario pose un problème évident de
dépend aussi largement, les perspectives de sortie bouclage énergétique.
Figure 5.13 Rythmes nécessaires de développement du photovoltaïque et de l’éolien entre 2025 et 2035 pour
couvrir les besoins en électricité dans le cas d’une sortie du nucléaire en 2035, en l’absence de recours
à une augmentation de la production thermique ou aux importations
40
30
TWh/an
20 Équivalent à :
~ rythme historique FR x10
~ meilleur rythme EU x3
~ rythme M0 x2
10
Solaire
Éolien terrestre
Éolien en mer
Toutes énergies
0 renouvelables
France Rythmes M0 Sortie Sortie
les plus élevés du nucléaire du nucléaire
observés en 2035 et en 2035 et
en Europe consommation consommation
avec efforts de référence
de sobriété
Rythmes historiques (2009-2020) Rythmes de développement nécessaires
230
Les scénarios de mix production-consommation .5
À l’horizon 2035, la consommation d’électricité fran- +35 TWh chaque année entre 2025 et 2035, soit
çaise dans la trajectoire de référence doit atteindre une multiplication par près de dix par rapport au
environ 540 TWh. Sans réacteur nucléaire, et en rythme observé lors des dix dernières années. Il
supposant inchangé le potentiel de production s’agit d’un doublement par rapport à la trajectoire
d’électricité d’origine thermique et hydraulique, du scénario M0, déjà considérée comme extrême-
la production photovoltaïque et éolienne annuelle ment ambitieuse dans le cadre de la concertation
devrait représenter de l’ordre de 450 TWh (contre avec les parties prenantes.
environ 50 TWh aujourd’hui) pour que les besoins
en électricité soient couverts en moyenne. Ce Un tel rythme ne peut s’appuyer non plus sur aucun
besoin serait limité à environ 415 TWh dans le scé- précédent historique et est loin d’avoir été appro-
nario « sobriété » en cas d’activation de tous les ché par les pays qui ont développé le plus rapide-
gisements présentés au chapitre 3. ment l’éolien et le solaire. Même en combinant les
rythmes de développement les plus élevés obser-
Passer de 50 TWh à 415 TWh en 15 ans n’a pas de vés ces dernières années en Europe, c’est-à-dire en
fondement industriel crédible. En tenant compte cumulant la performance allemande sur les éner-
de l’inertie associée à toute décision d’accélération gies renouvelables à terre (solaire et éolien) et celle
(il faut plusieurs années pour que les décisions du Royaume-Uni sur les énergies renouvelables en
puissent se traduire dans de nouveaux projets mer, le rythme obtenu resterait trois fois plus faible
industriels), le rythme de développement annuel de que celui nécessaire pour couvrir les besoins dans
l’éolien et du photovoltaïque nécessaire pour tenir une configuration de sortie rapide du nucléaire.
cette trajectoire devrait alors atteindre environ
5.6.1.2 Un scénario de sortie rapide du nucléaire conduit donc soit à accepter des
pénuries, soit à renoncer au respect de la trajectoire climatique de la France
Une compensation de la production nucléaire couverte par des importations massives, sans être
actuelle par les énergies renouvelables n’étant pas de nature à résorber le besoin.
possible sur une durée de 10-15 ans, les possi-
bilités pour ajuster production et consommation L’ajustement par l’offre consiste à combler le
relèvent soit de la demande (qu’il faudrait dimi- manque de production par une autre source de
nuer), soit de l’offre (qu’il faudrait augmenter par production : maintien des dernières centrales au
d’autres moyens que des énergies renouvelables). charbon, utilisation à plein des centrales au gaz et
construction de nouvelles unités.
L’ajustement par la demande peut prendre diffé-
rentes formes : un maintien de la trajectoire de Cette perspective irait à l’encontre du respect des
développement de nouveaux usages électriques trajectoires carbone, mais c’est bien celle qu’ont
tout en assumant un niveau de sécurité d’alimen- adopté les États ayant fermé leur parc nucléaire
tation beaucoup plus faible, ou un renoncement immédiatement (Japon) ou de manière planifiée
aux politiques d’électrification (par exemple dans (Allemagne – même si la croissance des renou-
le secteur des transports) pourtant jugées indis- velables a fait plus que compenser jusqu’ici la
pensables à l’atteinte de la neutralité carbone. réduction du nucléaire, Belgique avec le projet de
construire de nouvelles centrales à cycle combiné
Le déficit de production identifié étant a au gaz pour accompagner la sortie du nucléaire
minima de 180 TWh, l’ajustement requis sur annoncée pour 2025). Les perspectives de décar-
le niveau de sécurité d’approvisionnement bonation du vecteur gaz ne remettent pas en
serait considérable. Concrètement, il revien- cause ce constat, le biométhane se développant
drait à la gestion de situations de pénuries dans des proportions limitées et devant servir à
systématiques, et donc à recourir au ration- alimenter les usages existants du gaz en priorité
nement. Une partie pourrait éventuellement être ainsi que ceux ayant le meilleur rendement, tandis
750
500
TWh
250
Thermique
Énergies renouvelables
(solaire, éolien,
hydraulique)
0 Nucléaire
2035
que l’hydrogène engendrerait une consommation les plus performantes comme des cycles combinés
d’électricité supplémentaire pour l’électrolyse. au gaz avec des rendements de 60 %). Les émis-
sions de gaz à effet de serre du système électrique
Le coût climatique de cette politique peut atteindraient alors de l’ordre de 60 à 75 millions de
être chiffré à un surcroît d’émissions de 40 à tonnes de CO2 par an en 2035, soit un triplement
55 millions de tonnes de CO2 en 2035 par rap- par rapport aux émissions actuelles. La France ne
port à la trajectoire de référence dans le meil- tiendrait alors manifestement pas la trajectoire
leur des cas (c’est-à-dire en considérant que la qu’elle s’est fixée.
production serait apportée par les centrales au gaz
232
Les scénarios de mix production-consommation .5
Faisant pendant aux demandes de sortie immé- dans la mesure où il engendre a priori un risque
diate du nucléaire, de nombreuses contributions pour l’atteinte de la neutralité carbone.
collectées durant la consultation publique portent
une demande de maintien des équilibres actuels Toutefois, et pour des raisons là encore similaires
du système électrique français sur le long terme à celles du paragraphe 5.5.1, l’analyse de cette
et/ou d’arrêt du développement des énergies option a bien été menée, en considérant pour
renouvelables. hypothèse (i) un moratoire sur les nouveaux pro-
jets éoliens et solaires conduisant à l’absence de
Pour les raisons similaires à celles exprimées nouvelles installations à partir de 2025 combiné
au paragraphe précédent concernant l’arrêt du (ii) à l’effort maximal sur le nucléaire retenu dans
nucléaire, ce type de configuration n’était pas la trajectoire N03.
considéré dans le cadrage initial proposé par RTE
5.6.2.2 À compter de 2030-2035, cela placerait la France dans une position critique
par rapport à ses ambitions de réindustrialisation et à ses trajectoires climatiques
Au-delà de l’horizon 2030-2035, la progression des À plus long terme, le déficit de production se
usages électriques combinée au début de la fer- creuserait encore avec le développement des nou-
meture des réacteurs nucléaires les plus anciens veaux usages électriques, même avec un effort
conduirait progressivement la France à manquer maximal pour prolonger les réacteurs existants ou
d’électricité bas-carbone pour couvrir les besoins. en construire de nouveaux. En effet, en intégrant
Le déficit de production serait en particulier très les contraintes mentionnées au chapitre 4, la
marqué dans une trajectoire de réindustrialisation, mise en service de nouveaux réacteurs nucléaires
avec 40 TWh manquants dans cette configuration n’est pas en mesure de compenser en totalité la
dès 2035. fermeture des réacteurs de seconde génération
Déficit de production par rapport aux L’évolution vers des modes de vie
besoins de consommation à partir de plus sobres permet de retarder
2035, que l’essor accru sur le nucléaire ce déficit production de quelques
ne permet pas de compenser années, sans l’éliminer…
700
600
500
… tandis qu’une dynamique
de réindustrialisation
400
profonde conduirait
TWh
à observer un déficit
300 de production avant 2035
200
100
0
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
(notamment durant la décennie 2040). En 2050, Selon une logique similaire à celle du paragraphe 5.5.1
le déficit de production serait important, même les moyens de gérer un tel déficit porteraient soit sur
dans une trajectoire de sobriété, et compris entre la demande (renoncement à la trajectoire d’électri-
60 TWh et 260 TWh selon les trajectoires de fication ou sécurité d’approvisionnement dégradée),
consommation. soit sur l’offre (utilisation de centrales à gaz).
Certains participants à la concertation ont suggéré des réacteurs existants jusqu’à 70 voire 80 ans de
de résoudre différemment le déséquilibre, en com- durée d’exploitation. Ceci apparaît, dans l’ordre des
binant une relance vigoureuse du nouveau nucléaire connaissances actuelles, absolument exclu.
tout en prolongeant encore plus longtemps la durée
de vie des réacteurs de seconde génération. Alors Dans le cas d’une trajectoire de consommation
une part de nucléaire de l’ordre de 70 à 75 % dans plus élevée, par exemple issue d’une dynamique
la production d’électricité serait possible. de réindustrialisation profonde, elle nécessite-
rait également de nouveaux réacteurs selon un
L’analyse approfondie de cette option révèle qu’elle rythme similaire à celui du programme nucléaire
impliquerait en premier lieu de prolonger l’intégralité historique, et ce dès la prochaine décennie. Les
234
Les scénarios de mix production-consommation .5
contributions des industriels du nucléaire recueil- fenêtre d’opportunité pour décider d’une telle stra-
lies dans le cadre de la consultation publique tégie était encore ouverte dans les années 2000.
montrent que ceci n’est pas envisageable en l’état. Les perspectives d’augmentation de la consomma-
tion d’électricité et les objectifs climatiques de la
Il en résulte qu’une stratégie de maintien durable France n’étaient cependant pas les mêmes qu’au-
de l’équilibre atteint par le système français entre jourd’hui. Ceci illustre les délais temporels associés
les années 1990 et aujourd’hui aurait dû être déci- au nucléaire : les mêmes causes pouvant produire
dée il y a une vingtaine d’années pour avoir des les mêmes effets, les scénarios N1, mais surtout
chances de fonctionner. En intégrant une durée de N2 et N3 ne sont atteignables qu’en cas de décision
15 ans pour la mise en service de nouveaux EPR, la très rapide de relance du nouveau nucléaire.
13 %
Développement très important Nuc.
Répartition diffuse
13 %
Développement très important Nuc.
EnR grands parcs
32%
des meilleurs rendements et 13 GW
permettant des économies d’échelle.
26 %
Lancement d’un programme Nuc.
de construction de nouveaux 15 GW
EnR + nouveau
9% 14%
réacteurs, développés par paire sur ~ 118 ~ 58 13
nucléaire 1
24%
le déclassement des réacteurs de 9 GW
deuxième génération.
36 %
Lancement d’un programme Nuc.
plus rapide de construction 15 GW
EnR + nouveau
9% 14%
de nouveaux réacteurs (une ~ 90 ~ 52 23
nucléaire 2
16%
poursuit mais moins rapidement 2 GW
que dans les scénarios N1 et M.
50 %
Le mix de production repose
~27
Nuc.
à parts égales sur les énergies
EnR + nouveau
10%
renouvelables et sur le nucléaire ~ 70 ~ 43 GW 13 GW
nucléaire 3
23%
à l’horizon 2050. Cela implique 13%
~ 22 24 (soit
GW GW
N03
Hypothèses communes
Hydraulique (hors STEP) Énergies marines Bioénergies Imports STEP
~22 GW Entre 0 et 3 GW ~2 GW 39 GW 8 GW
*Les quantités et parts d’énergie sont exprimées par rapport au scénario de consommation de référence.
236
Les scénarios de mix production-consommation .5
L’EUROPE :
UN OBJECTIF COMMUN D’ATTEINTE DE LA NEUTRALITÉ
CARBONE, DES STRATÉGIES NATIONALES
DIFFÉRENCIÉES SUR LES LEVIERS À MOBILISER
Les systèmes électriques nationaux européens d’intégrer des volumes plus importants d’énergies
sont aujourd’hui assez largement interconnectés. décarbonées.
La fréquence électrique à 50 Hz est un paramètre
partagé à chaque seconde par l’ensemble du sys- Ainsi, les échanges entre pays européens per-
tème électrique continental synchrone. mettent une mutualisation des capacités néces-
saires à la sécurité d’approvisionnement et un
Le développement des interconnexions représente arbitrage économique à chaque instant entre les
de longue date une priorité de la politique énergé- différentes capacités de production disponibles
tique de l’Union européenne. Mentionné dès 19551, pour couvrir la demande d’électricité en Europe.
l’objectif de développement des interconnexions Le marché européen de l’énergie concourt à flui-
est considéré comme un moyen pour réduire le difier ces arbitrages entre moyens de production
coût de l’électricité. où qu’ils se trouvent, et donc à minimiser le coût
de fonctionnement du système électrique au péri-
L’interconnexion des réseaux nationaux consti- mètre européen.
tue en effet un prérequis à la mise en place du
marché européen de l’électricité. En permettant Par ailleurs, le renforcement des capacités
de tirer parti des complémentarités des mix éner- d’échange participe du projet politique de l’Union
gétiques nationaux, elle est de nature à bénéfi- européenne et est à ce titre investi sur le plan sym-
cier à la collectivité européenne selon trois axes : bolique par la Commission européenne, au-delà
le renforcement de la sécurité d’approvisionne- des seuls aspects économiques. Le règlement
ment en électricité et de la sécurité d’exploitation (UE) 2018/1999 du 11 décembre 2018 concernant
des systèmes interconnectés, la réduction des la gouvernance de l’Union de l’énergie et l’action
coûts de production à l’échelle du continent par pour le climat demande à chaque État membre,
l’accroissement de la concurrence, et la faculté dans le cadre des plans nationaux énergie-climat,
1.
La résolution de Messine (1955) mentionne que « toutes dispositions devront être prises pour développer les échanges de gaz et de courant électrique
propres à augmenter la rentabilité des investissements et à réduire le coût des fournitures ».
240
L’Europe .6
de prioriser ses investissements d’interconnexion Les échanges entre les pays européens repré-
afin de viser des capacités à hauteur de 15 % sentent aujourd’hui des volumes importants et
de ses capacités de production en 2030, sous variables. Le solde exportateur de la France a pu
réserve d’une analyse coûts-avantages positive atteindre environ 80 TWh (en 2002) et représente
pour chaque investissement et de certaines condi- aujourd’hui de l’ordre de 40 à 60 TWh selon les
tions, notamment d’intégration environnementale. années (38 TWh en 2017, 60 TWh en 2018), soit
Au titre du règlement sur les réseaux transeuro- entre 8 % et 13 % de la consommation d’électri-
péens d’énergie, l’Union européenne a introduit la cité. Au niveau de la puissance instantanée, cette
notion de « projets d’intérêt commun » qui permet variabilité est beaucoup plus flagrante, les flux
aux projets d’interconnexion qui en bénéficient de ayant varié ces dernières années entre 17,4 GW
devenir éligibles, sous certaines conditions com- d’export (le 22 février 2019) et 12,3 GW d’import
plémentaires, à des soutiens financiers européens (le 8 avril 2021), soit une amplitude de près de
dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion 30 GW.
en Europe (« Connecting Europe Facility »).
Le fonctionnement du système électrique
Le fonctionnement du système électrique à l’échelle français et en particulier la gestion de l’équi-
européenne constitue aujourd’hui une réalité. libre entre l’offre et la demande s’inscrit ainsi
Depuis dix ans, le renforcement des interconnexions dans un périmètre plus large au niveau euro-
entre les pays et le développement d’énergies péen et dépend largement des évolutions de
renouvelables variables ont conduit à une augmen- la consommation et de la production des pays
tation significative des échanges entre pays et de voisins.
leur variabilité. Dans le même temps, la solidarité
et la coordination entre systèmes électriques natio- L’analyse du fonctionnement du système élec-
naux se sont accrues pour la gestion des incidents trique s’étudie donc nécessairement au périmètre
de grande ampleur ou des périodes de tension sur européen.
la sécurité du système électrique européen.
Les interconnexions électriques ont été initialement de deux nouvelles lignes est imminente : un câble
développées pour accroître la sécurité d’alimenta- dans le tunnel sous la Manche début 2022 (Eleclink)
tion des systèmes électriques nationaux. Leur rôle et une liaison entre Chambéry et Turin en 2022
s’est amplifié depuis la mise en place du marché également. Deux projets actuellement menés par
unique de l’énergie et leur capacité s’est largement RTE avec ses homologues espagnols et irlandais
accrue depuis 2010, le plus souvent au travers de bénéficient de soutiens importants du mécanisme
projets de grande ampleur (en puissance de liaison pour l’interconnexion en Europe, avec des mises en
et en travaux d’ingénierie). service attendues aux horizons 2026 et 2027 : une
nouvelle liaison de 2 GW entre Bilbao et Bordeaux
Les nouveaux projets sont en effet le plus souvent (Golfe de Gascogne) et un câble sous-marin reliant
des liaisons à courant continu, sous-marines ou Brest à l’Irlande (Celtic). Le Schéma décennal de
traversant des massifs montagneux. Au cours des développement du réseau, publié en 2019, prévoit
dernières années, une liaison avec l’Espagne de encore quelques autres projets, conduisant à un
2 GW (Baixas-Santa Llogaia) a été mise en service doublement de la capacité d’interconnexion de la
en 2015, un câble sous-marin de 1 GW avec le France entre 2019 et 2035.
Royaume-Uni en 2020 (IFA2), et la mise en service
L’analyse du fonctionnement des scénarios de mix dans chaque pays et des échanges entre les pays
énergétique en France dans l’étude Futurs énergé- européens. Cette simulation vise à refléter le fonc-
tiques 2050 repose sur une modélisation explicite tionnement du marché, en visant une optimisation
des systèmes électriques des différents pays euro- économique du « dispatch » au niveau européen.
péens. Dix-huit pays européens (voir carte) sont
modélisés de façon détaillée, en tenant compte Cette simulation est réalisée sur un grand nombre
des informations publiques concernant l’évolution d’aléas, représentés au périmètre européen, por-
de la consommation d’électricité, des différents tant sur la disponibilité des moyens de production
moyens de production qui composent leur mix, et et sur les variables météorologiques qui condi-
des contraintes structurantes de leur réseau. La tionnent le fonctionnement du système électrique
construction des hypothèses dans les pays voisins (température, hydraulicité, vent et ensoleille-
est détaillée en partie 6.6. ment). En particulier, la « base climatique » repose
sur la simulation météorologique de l’ensemble de
L’analyse du fonctionnement du système électrique l’Europe sur 200 tirages climatiques en assurant
européen repose sur une simulation au pas horaire de la cohérence spatiale et temporelle des variables
la production, de l’activation des leviers de flexibilité météorologiques et climatiques (voir chapitre 8).
242
L’Europe .6
Figure 6.1 Périmètre des pays modélisés de manière détaillée dans l’étude Futurs énergétiques 2050
Figure 6.2 Émissions de l’Union européenne (EU27) depuis 1990 et objectifs à l’horizon 2030 et 2050
5 000
4 500
4 000
3 500
Objectif : -55%
3 000 sur les émissions
nettes en 2030 par Autres émissions
rapport à 1990 Émissions associées à
MtCO2eq
1 000
500
Objectif :
0 émissions
0 nettes en 2050
-500
1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
2.
Le paquet énergie-climat 2020, adopté en 2008 consiste en un ensemble de directives, règlements et décisions fixant des objectifs à l’horizon 2020 au
niveau de l’Union européenne : (i) une part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen de 20 %, (ii) une réduction des émissions
européennes de CO2 de 20 % et (iii) un accroissement de l’efficacité énergétique de 20 % (i.e. baisse de la consommation énergétique totale par rapport à
une trajectoire tendancielle).
3.
Il s’agit des émissions diminuées de l’absorption des puits de carbone naturels (forêts, sols et océans) et des méthodes faisant appel à la technologie de
captage et stockage du carbone (CCS).
244
L’Europe .6
et l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 des exemptions ou réduction de taxes sur les
dans la législation européenne. Pour atteindre énergies fossiles ;
les objectifs fixés dans la loi, la Commission euro- u la fin de mise en vente de véhicules thermiques
péenne a préparé un paquet de propositions, (essence et diesel) en 2035, pour favoriser le
baptisé « Fit for 55 ». Ces propositions portent développement de véhicules non émetteurs
notamment sur : (véhicules électriques notamment) ;
u la réforme du système d’échange de quotas u la mise en place de réglementations pour le déve-
d’émissions, avec un renforcement de l’objectif loppement de carburants alternatifs dans l’avia-
de réduction, son extension au transport mari- tion, le transport maritime et le transport routier
time, la proposition controversée d’un système (avec notamment une stratégie de déploiement
d’échange de droits d’émission distinct pour les d’infrastructures pour le transport routier).
secteurs du transport routier et du bâtiment et
l’alignement des règles concernant l’aviation sur Ces propositions sont désormais en discussion et
celles des autres secteurs ; seront examinées par le Parlement européen et le
u une révision de la règle de répartition entre les Conseil de l’Union européenne avant d’être formel-
États membres des efforts de réduction des lement adoptées. Leur entrée en vigueur est atten-
émissions 4, en proportionnant les efforts au PIB due à l’horizon 2023.
par habitant ;
u la mise en place d’un mécanisme d’ajustement Sans préjuger de l’issue de ces discussions, ces
aux frontières, pour réduire le risque de fuite de propositions révèlent une forte volonté de l’Union
carbone ; européenne de traduire les objectifs de décarbona-
u la révision de la directive sur les énergies renou- tion en actions concrètes et d’accélérer effective-
velables pour renforcer les objectifs collectifs au ment le rythme de la transition énergétique, tout
niveau de l’Union européenne en les passant de en veillant à une juste répartition des efforts (entre
32 % à 40 % de part des énergies renouvelables pays et secteurs) et en instaurant des dispositifs
dans la consommation finale d’énergie à l’hori- tendant à mettre l’industrie européenne sur un
zon 2030 ; pied d’égalité avec ses concurrents des autres
u la révision de la directive sur l’efficacité éner- régions du monde.
gétique pour renforcer les objectifs collectifs au
niveau de l’Union européenne en passant d’un Les Futurs énergétiques 2050 s’inscrivent
objectif de réduction de 32,5 % de la consom- résolument dans une dimension européenne.
mation énergétique finale par rapport à un scé- Ils prennent comme cadre de référence l’at-
nario tendanciel à un objectif de réduction d’au teinte des ambitions de l’Union européenne et
moins 36 % ; notamment la neutralité carbone en 2050, ce
u l’alignement de la taxation de l’énergie sur les qui constitue un cadre contraignant concer-
objectifs climatiques, avec notamment l’inter- nant la contribution des pays européens aux
diction aux États membres de mettre en place besoins du système électrique français.
4.
La répartition ne concerne que les émissions des secteurs non couverts par le système d’échange de quotas d’émissions. En incluant les transports, les
bâtiments et l’agriculture, les secteurs actuellement non couverts représentent 60 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne. Pour la
France et à périmètre inchangé, l’objectif passerait de -37 % à -47,5 % par rapport à la référence 2005.
Les objectifs européens de réduction des émissions Strategy » – LTS), qui porte sur l’horizon 2050 en
de gaz à effet de serre font l’objet d’une trajectoire définissant les cibles par secteur de réduction des
collective pour les secteurs concernés par le sys- émissions de gaz à effet de serre. Ces documents,
tème d’échange de quotas d’émissions (secteurs publics, contribuent à la coordination des stra-
« ETS ») et d’objectifs nationaux pour les autres tégies entre les États et permettent d’assurer
secteurs (« non-ETS »). Certains pays, comme la l’atteinte collective des objectifs et engage-
France, traduisent en plus dans leurs législations ments pris au niveau européen et notamment
et leurs stratégies nationales des engagements de garantir que la trajectoire de réduction des
de réduction des émissions totales tous secteurs émissions sur le long terme soit cohérente avec les
confondus. engagements pris par l’Union européenne dans le
cadre de l’accord de Paris de 2015.
Le règlement (UE) 2018/1999 du 11 décembre
2018 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie et Ces documents6 fournissent certains éléments sur
de l’action pour le climat prévoit que chaque État les orientations d’évolution du mix énergétique
membre (i) établisse une stratégie pour remplir ses sur les horizons 2030 et 2050. Ils sont néanmoins
objectifs en matière d’énergie et de climat à l’hori- hétérogènes et ne permettent pas de disposer
zon 2030 engageants vis-à-vis de la Commission pour tous les pays d’une vision quantitative précise
européenne et (ii) définisse ses objectifs au-delà des évolutions envisagées sur le mix énergétique
de 2030. En pratique, les stratégies nationales et en particulier sur le mix de production d’électri-
sont définies à travers deux documents : (i) le cité, notamment sur l’horizon 2050. Certains pays
plan national énergie climat (« National Energy and (comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal) fournissent
Climate Plan » – NECP), qui porte sur l’horizon 2030 des hypothèses et objectifs quantifiés sur l’évo-
et qui détaille notamment des objectifs chiffrés lution de la consommation électrique et la place
sur l’efficacité énergétique, le développement des des différentes filières. D’autres, plus nombreux,
énergies renouvelables et les interconnexions5, et décrivent de manière essentiellement qualitative
(ii) la stratégie nationale à long terme (« Long-Term les évolutions du mix électrique à l’horizon 2050.
5. La consolidation au niveau européen des objectifs nationaux en matière d’efficacité énergétique, d’énergies renouvelables et d’interconnexion permet
d’évaluer l’atteinte des objectifs européens.
6. National long-term strategies | European Commission (europa.eu) - https://ec.europa.eu/info/energy-climate-change-environment/implementation-eu-
countries/energy-and-climate-governance-and-reporting/national-long-term-strategies_en
National energy and climate plans | European Commission (europa.eu) - https://ec.europa.eu/info/energy-climate-change-environment/implementation-
eu-countries/energy-and-climate-governance-and-reporting/national-energy-and-climate-plans_en
246
L’Europe .6
Au-delà des documents décrivant les stratégies L’élaboration de ces scénarios répond à différents
officielles des pays européens, de nombreux scéna- enjeux, tels que l’éclairage des débats publics en
rios d’évolution du système énergétique à l’horizon Europe et dans les différents pays sur les futurs
2050, compatibles avec l’atteinte de la neutralité énergétiques possibles ou la fourniture d’un cadre
carbone, ont été publiés au cours des dernières pour l’évaluation technico-économique de certains
années par la Commission européenne, les États projets énergétiques (comme le développement
membres ou des institutions officiellement man- d’infrastructures de transport ou de stockage, le rôle
datées par eux, à l’instar des Futurs énergétiques des vecteurs dans la consommation finale, etc.).
2050 en France. D’autres études, qui ne répondent
pas à une commande publique, émanent de syndi- Les scénarios publiés diffèrent par leur périmètre
cats représentant certains acteurs de l’énergie ou géographique, leur couverture du mix énergétique
d’organisations non gouvernementales. ou les données quantitatives publiées7.
La Commission européenne a publié en 2020 Tous ces scénarios sont marqués par une
plusieurs scénarios déclinant des futurs possibles hausse de la part de l’électricité dans les
permettant d’atteindre les objectifs climatiques usages finaux et un recours important (même
de l’Union européenne (baisse de 55 % à l’horizon dans le scénario CPRICE où la part est la plus
2030 par rapport à 1990 et atteinte de la neutralité faible) au vecteur hydrogène dans les usages
carbone en 2050). Ces scénarios visaient à alimen- finaux, dont l’approvisionnement serait assuré par
ter l’analyse d’impact du projet de loi européenne l’électrolyse. Ils s’appuient tous sur un fort déve-
sur le climat et à éclairer le débat en amont des loppement des énergies renouvelables dans la pro-
discussions au sein des institutions sur ce projet duction d’électricité mais reposent aussi en partie,
de loi. Les quatre scénarios de neutralité carbone même de manière limitée, sur de la production
à l’horizon 2050 (REG, CPRICE, MIX et ALLBNK) nucléaire et de la production thermique en partie
reposent sur des leviers différents (réglementation combinée au captage et au stockage de CO2.
ou prix carbone). Il en résulte une place différente
des technologies, vecteurs énergétiques et imports Les associations européennes des gestionnaires
énergétiques extra-communautaires (à l’exception de réseaux de transport d’électricité et de gaz,
des gaz « verts » qui sont intégralement produits ENTSO-E et ENTSOG, publient tous les deux ans
en Europe dans tous les scénarios). des scénarios à long terme qui tiennent compte
des orientations de la Commission européenne et
7.
Afin de faciliter la comparaison des scénarios, les valeurs présentées dans cette section sont ajustées au périmètre EU27+Royaume-Uni+Norvège+Suisse.
Pour la demande énergétique, elles sont présentées sur la base de la consommation finale des pays en 2018.
248
L’Europe .6
Enfin, certains gestionnaires de réseau de trans- de son étude « Roadmap to Net Zero » à l’échelle
port établissent et restituent des hypothèses au européenne, ou de TransnetBW (un des quatre
périmètre européen, qu’ils utilisent dans l’ana- gestionnaires de réseau de transport d’électricité
lyse du fonctionnement des systèmes énergé- en Allemagne) qui établit un scénario européen
tiques européen ou nationaux. C’est par exemple pour évaluer les besoins d’investissement dans le
le cas du groupe Elia avec la publication prochaine réseau de transport en Allemagne.
Dans le cadre de la réflexion sur les stratégies de visant la neutralité carbone à l’horizon 2050 qui
décarbonation de leurs économies, les États euro- repose sur un mix 100 % renouvelable. Ce scénario
péens ou des organismes publics mandatés par a été actualisé en 2021 pour atteindre la neutralité
eux ont construit différents scénarios d’atteinte carbone en 2045, qui constitue désormais l’objectif
de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Certains de l’Allemagne, inscrit dans la loi.
pays (par exemple l’Espagne, l’Italie, le Portugal)
affichent ces scénarios comme une référence dans TransnetBW, l’un des gestionnaires de réseau de
leur stratégie nationale. Le nombre d’études et de transport d’électricité allemand, a publié un scé-
scénarios est très variable selon les pays. nario à l’horizon 2050, qui porte sur le système
électrique uniquement et sert de base à l’anticipa-
En Allemagne, de nombreux scénarios de neu- tion des besoins d’évolution du réseau de transport
tralité carbone ont été publiés. Dena (agence alle- d’électricité en Allemagne.
mande de l’énergie8) a publié en 2018 plusieurs
scénarios complets du système énergétique en Le gouvernement allemand n’a pas publié de
amont des discussions sur l’évolution des objec- scénario de référence précis à ce stade.
tifs climatiques et l’inscription de l’objectif de la
neutralité carbone en 2050 (qui a été avancé par Au Royaume-Uni, le Climate Change Committee,
la suite à 2045) dans sa législation. Deux scé- organisme public non ministériel destiné à éclai-
narios, EL95 (misant fortement sur l’électrifica- rer le gouvernement et le parlement britanniques
tion de la consommation finale) et TM95 (misant sur le changement climatique, a été mandaté pour
sur un maintien de différents vecteurs énergé- proposer une trajectoire de réduction des émis-
tiques) décrivent des évolutions du mix énergé- sions de gaz à effet de serre (budget carbone) à
tique compatibles avec l’atteinte de la neutralité l’horizon 2035. Dans ce cadre, plusieurs scénarios
carbone (soit une baisse de 95 % des émissions de neutralité carbone en 2050 ont été élaborés.
liées à l’énergie), avec une production 100 % Le scénario « Balanced Pathways » constitue le scé-
renouvelable. nario central, mobilisant l’ensemble des leviers de
façon équilibrée : électrification, développement
Certains acteurs produisent des études à l’échelon de l’hydrogène dans l’industrie et les transports,
national, destinées à mettre en relief des orien- développement des renouvelables (notamment
tations ou messages spécifiques à l’attention des éolien en mer) et du nucléaire. D’autres scéna-
pouvoirs publics. rios éclairent des configurations avec une moindre
consommation d’électricité à la fois sur l’électri-
Agora EnergieWende (think tank indépendant visant fication directe des usages et la production d’hy-
à éclairer les décisions publiques concernant l’at- drogène par électrolyse (scénario « Headwinds »)
teinte de la neutralité carbone) a aussi publié en ou au contraire une consommation électrique plus
2020 un scénario complet du système énergétique fortement orientée à la hausse, notamment du
8.
Dena est une agence d’État indépendance chargée d’éclairer les politiques publiques en matière d’énergie et de climat.
Évolution de la Taux
Périmètre consommation
Organisation Étude/publication Année de publication Scénario d'électrification
géographique d’énergie finale directe en 2050
aujoud’hui>2050
Decarbonisation UE27 + UK
Eurelectric 2018 Scenario 3 -36% 58%
Pathways + CH + NO
ONG européennes
(CAN Europe, EEB, PAC Scenario 2020 PAC Scenario UE 27 + UK -57% 69%
RGI & REN21)
Klimaneutrales
Agora Energiewende 2020 Klimaneutral 2050 DE -36% 45%
Deutschland 2050
Future energy
National Grid ESO 2021 System Transformation UK -30% 45%
scenarios
Leading the Way UK -42% 57%
9.
Les valeurs sont issues des publications listées et complétées par des estimations propres à RTE pour (i) reconstituer des informations non disponibles
(quand c’est possible avec l’utilisation d’hypothèses standard) et (ii) homogénéïser les périmètres des filières de production. Dans certains cas, certaines
hypothèses issues d’autres publications ont pu être utilisées pour compléter certaines informations manquantes.
250
L’Europe .6
Nucléaire Éolien terrestre Éolien en mer Solaire Hydraulique et autres renouvelables hors thermique à flamme (hydrolien, géothermie)
Thermique renouvelable biomasse/biogaz/gaz de synthèse sans CCS Thermique avec CCS (y.c. bioénergies avec CCS) Thermique fossile sans CCS
10.
En complément du document de la stratégie à long terme de l’Italie, RSE a mis en ligne plusieurs présentations détaillant les scénarios
252
L’Europe .6
Tous les scénarios d’atteinte de la neutralité Tous les scénarios reposent également sur une
carbone publiés en Europe reposent sur une forte électrification des usages. L’électricité
forte baisse de la consommation énergétique représente actuellement de l’ordre de 25 % de
finale, tous vecteurs confondus. Cette baisse la consommation finale d’énergie en Europe,
est supérieure à 20 % pour tous les scénarios avec des niveaux sensiblement différents
européens et nationaux identifiés. Elle résulte entre les pays. Dans la plupart des scénarios
en grande partie de la diffusion des solutions élec- européens ou de certains États, cette part se
triques qui sont plus efficaces énergétiquement. situe à l’horizon 2050 entre 40 % et 60 % et
certains scénarios envisagent des taux pou-
Dans le bâtiment, les pompes à chaleur ont une vant aller jusqu’à 75 %.
efficacité environ trois fois plus importante que les
chaudières traditionnelles. Dans les transports, Cette analyse montre que les taux d’électrification
les moteurs électriques pour les voitures affichent pris en compte dans les Futurs énergétiques 2050
un rendement deux à trois fois plus élevé que les de RTE (d’un peu plus de 55 %) sont bien cohé-
moteurs thermiques. Dans l’industrie, l’électrification rents avec les valeurs considérées en Europe.
de certains procédés (notamment pour la production
de chaleur basse température) permet là aussi une La transition vers l’électricité ainsi que les effets
réduction de la consommation énergétique. des actions d’efficacité énergétique sur les usages
de combustibles conduisent à une très forte baisse
Figure 6.3 Demande finale d’énergie en Europe dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050
Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège11
14 000
12 000
10 000
8 000
non précisée
Répartition
TWh
6 000
4 000
11.
Les études ayant des périmètres géographiques différents, les valeurs affichées des différentes études ont été extrapolées au périmètre EU27 + Royaume-
Uni + Suisse + Norvège. La consommation de chaleur de l’environnement n’est pas comptabilisée dans les valeurs affichées.
254
L’Europe .6
Dans tous les scénarios de neutralité car- produire de l’hydrogène à usage final ou en
bone, les combustibles fossiles disparaissent amont d’autres transformations12 (méthana-
complètement ou quasiment de l’approvi- tion notamment) ou aux imports de gaz « verts ».
sionnement énergétique de l’Europe et sont L’électrolyse représente une part significative de
remplacés par des combustibles « verts » l’approvisionnement en gaz verts dans tous les scé-
(hydrogène, biométhane, méthane de syn- narios, tant au niveau européen que national. Cette
thèse, bois, carburants liquides). Plusieurs part est très différenciée entre les scénarios et les
options sont possibles pour couvrir les besoins en pays, mais représente plus de 50 % des besoins
combustibles verts : utilisation de biomasse/bio- dans la plupart des scénarios. Les imports de gaz
gaz local, électrolyse en Europe ou imports en pro- « verts » sous forme de gaz de synthèse (hydrogène
venance d’autres régions du monde. ou méthane) produits en dehors de l’Europe à partir
d’électrolyse, de vaporeformage de biométhane ou
Compte tenu du caractère limité du gisement de vaporeformage de gaz naturel avec captage et
de biomasse en Europe, tous les scénarios stockage de CO2 (CCS) servent au bouclage éner-
envisagent un recours à l’électrolyse pour gétique dans plusieurs scénarios.
Figure 6.4 Approvisionnement en hydrogène de l’Europe pour la demande finale (énergétique ou non), la production
d’énergies de synthèse et la production d’électricité dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050
Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège13 (y.c. demande non énergétique)
3 500
3 000
Dimension non couverte
2 500
2 000
TWhPCI
1 500
1 000
500
0
REG CPRICE TYNDP 2022 - TYNDP 2022 - PAC Scenario Accelerated
Distributed Global scenario S3 Decarbonisation
Energy Ambition Pathway
ONG (CAN Gas for
Commission européenne ENTSO-E & ENTSOG Europe, EEB, Eurelectric
Climate
RGI & REN21)
2015 2050
12.
Transformations pour produire d’autres combustibles à partir de l’hydrogène
13.
Les études ayant des périmètres géographiques différents, les valeurs affichées des différentes études ont été extrapolées au périmètre EU27 + Royaume-
Uni + Suisse + Norvège.
6 000
5 000
3 000
2 000
1 000
0
REG CPRICE TYNDP 2022 - TYNDP 2022 - PAC Scenario Accelerated
Distributed Global scenario S3 Decarbonisation
Energy Ambition Pathway
ONG (CAN Gas for
Commission européenne ENTSO-E & ENTSOG Europe, EEB, Eurelectric
Climate
RGI & REN21)
2018 2050
14.
Les études ayant des périmètres géographiques différents, les valeurs affichées des différentes études ont été extrapolées au périmètre EU27 + Royaume-
Uni + Suisse + Norvège.
256
L’Europe .6
Tous les scénarios aux niveaux européen et national aujourd’hui. Les effets sont plus marqués sur les
envisagent une forte hausse de la consommation pays dont les usages sont relativement peu élec-
d’électricité. Cette hausse résulte essentiellement trifiés actuellement.
de l’électrification des usages, du développement
de l’électrolyse et de la croissance économique. Le En conséquence, l’approvisionnement en hydro-
développement de l’efficacité énergétique (sur les gène, méthane ou carburants liquides de synthèse
usages électrifiés) contribue à atténuer la hausse engendre une consommation d’électricité élevée
de la consommation d’électricité. mais dont l’ampleur est contrastée. À l’hori zon
2050, la consommation d’électrolyse pourra repré-
Plus précisément, l’électrification directe des senter une part importante de la consommation
usages, là où c’est possible, apparaît comme l’op- d’électricité. La plupart des scénarios européens
tion privilégiée de tous les scénarios. L’électrification prévoient un recours à l’électrolyse beaucoup plus
est considérée comme indispensable dans la mobi- soutenu qu’en France (où l’utilisation ne représente
lité, l’industrie et le bâtiment (via les pompes à que 8 % de la consommation intérieure d’électri-
chaleur essentiellement). Dans de nombreux scé- cité dans la SNBC et dans le scénario de référence
narios aux niveaux européen ou national, le taux des Futurs énergétiques 2050). Dans les scéna-
d’électrification double en 2050 par rapport à rios les plus hauts en matière d’hydrogène (ceux
Figure 6.6 Consommation totale d’électricité dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050
Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège15
10 000
9 000
8 000
7 000
6 000
TWh
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
REG CPRICE TYNDP 2022 - TYNDP 2022 - PAC Scenario Accelerated
Distributed Global scenario S3 Decarbonisation
Energy Ambition Pathway
ONG (CAN Gas for
Commission européenne ENTSO-E & ENTSOG Europe, EEB, Eurelectric
Climate
RGI & REN21)
2018 2050
15.
Les études ayant des périmètres géographiques différents, les valeurs affichées des différentes études ont été extrapolées au périmètre EU27 + Royaume-
Uni + Suisse + Norvège.
258
L’Europe .6
La bascule des solutions de chauffage basées sur Le développement des usages de l’électricité pour
des combustibles (fioul et gaz) vers l’électricité lesquels le service apporté peut être différé ou
contribuera à une augmentation de la thermosen- stocké (recharge de véhicules électrique, produc-
sibilité hivernale du système électrique européen, tion d’hydrogène par électrolyse, production d’eau
même si l’utilisation de solutions de chauffage chaude sanitaire) augmentera considérablement
performantes (pompes à chaleur) et les efforts de la part flexible de la consommation d’électricité
rénovation énergétique permettent de limiter cette en Europe, à l’instar des projections sur la flexi-
hausse. La consommation du chauffage électrique bilité de la demande en France (voir chapitre 7).
en Europe, qui représente aujourd’hui 250 TWh/an, Toutes les études recensées dans ce chapitre ne
est appelée à doubler dans la plupart des scénarios présentent pas dans le détail la représentation au
européens (parmi ceux qui détaillent cette infor- pas horaire du fonctionnement du système élec-
mation). Les scénarios dans les études nationales trique ou, quand elles le font, ne restituent pas
confirment cette tendance et l’ordre de grandeur de nécessairement avec beaucoup de précisions les
l’augmentation de la consommation. Cette électri- hypothèses associées. Néanmoins, les études qui
fication du chauffage en Europe ainsi que le déve- abordent cette question intègrent toutes l’hypo-
loppement de la climatisation en France et dans les thèse d’une flexibilité importante sur la recharge
autres pays rapprocheront le profil de consomma- des véhicules électriques et sur l’électrolyse.
tion saisonnier des autres pays européens de celui
de la France, dont la large proportion de chauffage
électrique représente aujourd’hui une exception.
Figure 6.7 Consommation totale d’électricité pour le chauffage dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050
Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège16
700
600
500
400
TWh
300
200
100
0
2018 1.5TECH17 1.5LIFE17 TYNDP 2022 - TYNDP 2022 - Fourchette Fourchette
Distributed Global basse haute
Energy Ambition
Agrégation des hypothèses
Commission européene ENTSO-E & ENTSOG d'études nationales
(et extrapolation)
16.
Les études ayant des périmètres géographiques différents, les valeurs affichées des différentes études ont été extrapolées au périmètre EU27 + Royaume-
Uni + Suisse + Norvège.
17. Scénarios publiés par la Commission européenne en 2018
Dans tous les scénarios d’atteinte de la neu- scénarios de référence de tous les pays européens,
tralité carbone à l’échelle européenne, la mais dans des proportions différenciées.
place des énergies renouvelables, notam-
ment l’éolien et le photovoltaïque, évolue for- Si tous les scénarios et stratégies au niveau euro-
tement pour représenter au moins 70 % de la péen et nationaux reposent sur un fort dévelop-
production totale d’électricité en Europe, au pement des productions d’origine renouvelable, la
détriment notamment de la production thermique part respective de l’éolien et du photovoltaïque est
fossile et, dans une moindre mesure, de la pro- différenciée selon les scénarios. L’ensemble des
duction nucléaire. Cette tendance au niveau euro- scénarios misent sur un rôle prépondérant de l’éo-
péen se vérifie dans les stratégies nationales et les lien par rapport au solaire dans la production.
Figure 6.8 Composition du mix de production d’électricité dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050
Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège18
Énergies
renouvelables
variables : 15% 67% 68% 83% 76% 92% 68% 85%
100%
90%
80%
70% Éolien en mer
Éolien terrestre
60% Solaire
Hydraulique et autres
50% renouvelables hors thermique à
40% flamme (hydrolien, géothermie)
Thermique biomasse/biogaz/gaz
30% de synthèse sans CCS
Thermique avec CCS (y.c.
20% bioénergies avec CCS)
Thermique fossile sans CCS
10% Charbon et fioul
0% Nucléaire
REG CPRICE TYNDP TYNDP PAC Scenario 3 Accelerated
2022 - 2022 - scenario Decarboni-
Distributed Global sation
Energy Ambition Pathway
2018 Commission ENTSO-E & ENTSOG ONG (CAN Eurelectric Gas for
européenne Europe, EEB, Climate
RGI & REN21)
18.
Sources :
- Valeur 2018 : ENTSO-E (Statistical Factsheet)
-S cénarios 2050 : Publications listées dans le tableau 6.1 et calculs RTE pour homogénéiser les périmètres des filières affichées. Concernant le captage
et le stockage du carbone (CCS), seul le CCS lors de la production d’électricité est affiché et pas l’éventuel CCS utilisé en amont (par exemple pour la
production d’hydrogène par vaporeformage de méthane)
Les études ayant des périmètres géographiques différents, les valeurs affichées des différentes études ont été extrapolées au périmètre EU27 + Royaume-
Uni + Suisse + Norvège.
260
L’Europe .6
Fin 2019, le parc de réacteurs nucléaires en Europe États (Royaume-Uni, Pologne, République tchèque,
(EU27, Royaume-Uni et Suisse) comptait 130 uni- Slovaquie, etc.) ont annoncé vouloir construire de
tés en service pour une puissance totale installée nouveaux réacteurs pour compenser la fermeture
de l’ordre de 122 GW, produisant près de 800 TWh à venir de leurs centrales nucléaires qui arriveront
(785 TWh en 2019), soit de l’ordre de 25 % de la en fin de vie dans les prochaines décennies ou pour
production d’électricité en Europe. permettre la fermeture de centrales au charbon.
Enfin, certains pays comme la France ou les Pays-
À l’horizon 2050, la plupart des réacteurs existants Bas n’ont pas encore pris de décision concernant
auront été fermés, soit car arrivant en fin de vie, l’éventuelle construction de nouveaux réacteurs.
soit par décision politique. Plusieurs États euro-
péens ont en effet décidé de sortir du nucléaire Cependant, dans tous les scénarios européens, la
dans les prochaines années : l’Allemagne en 2022, capacité nucléaire installée en 2050 est plus faible
la Belgique en 2025 et l’Espagne en 2035. D’autres (ou au plus du même niveau) que la capacité actuelle.
Bien que les sources renouvelables et nucléaires Les capacités installées et les volumes de produc-
représentent l’essentiel de la production d’électri- tion diffèrent selon les scénarios. Au niveau euro-
cité à l’horizon 2050, les scénarios prévoient dans péen, ces sources de production thermique ne
certains pays des productions complémentaires représentent qu’une part relativement faible de
bas-carbone : production à partir de biométhane, l’énergie produite en Europe (moins de 15 % dans
biomasse, gaz fossile parfois en combinaison avec tous les scénarios) mais certains pays envisagent
de la captation de CO2. Les options technologiques d’y recourir de façon significative. C’est le cas de
considérées dans les différents pays et pour les dif- l’Allemagne qui envisage une production impor-
férents scénarios sont contrastées. tante d’électricité à partir de combustibles « verts »
importés (a priori hydrogène).
Le développement massif de la production C’est le cas du TYNDP dont l’analyse confirme l’in-
renouvelable variable en Europe conduit à un tuition d’un besoin important de capacités pilotables
besoin important de capacités pilotables pour en Europe à l’horizon 2050. Dans les scénarios
gérer les situations de faible production renou- « Distributed Energy » et « Global Ambition » du
velable et de consommation importante. Peu TYNDP 2022, ce sont de l’ordre de 200 GW à 300 GW
d’études au périmètre européen analysent de batteries et capacités thermiques pilotables qui
et restituent de façon détaillée les besoins sont nécessaires à la sécurité d’approvisionnement
en puissances pour assurer la sécurité en Europe. Ces ordres de grandeur sont cohérents
d’approvisionnement. avec les propres analyses menées par RTE dans le
cadre des Futurs énergétiques 2050.
Les mix de production des différents pays euro- L’analyse des stratégies ou scénarios institution-
péens sont aujourd’hui très hétérogènes. Selon les nels nationaux des différents pays d’Europe à
pays, la part du nucléaire varie entre 0 % (pour de l’horizon 2050 confirme les tendances constatées
nombreux pays) et 71 % (France), celle des éner- sur les scénarios globaux européens. En particu-
gies renouvelables variables entre 3 % (Slovaquie) lier, tous les pays ayant publié des éléments
et 50 % (Danemark) et celle du charbon entre 0 % quantitatifs envisagent un très fort recours à
(Norvège) et 76 % (Pologne)19. Ces mix présentent la production renouvelable variable (éolien et
des performances climatiques très différentes, qui photovoltaïque).
conditionnent l’ampleur des efforts à fournir. Ils
relèvent souvent de la présence de réserves d’éner- Néanmoins, passé ce constat commun, les stra-
gies fossiles (charbon ou gaz) et de choix technolo- tégies qui se dessinent au niveau des États appa-
giques historiques différents, notamment concernant raissent sensiblement différenciées, avec plusieurs
le nucléaire, susceptibles de conditionner les trajec- types d’options :
toires futures. Tous ces mix électriques ont vocation
à se décarboner à l’horizon 2050. u Un surdimensionnement du mix renouve-
lable pour limiter les effets de l’intermittence sur
le système électrique national et l’export mas-
sif sous forme d’électricité ou d’hydrogène
Certains pays comme le Danemark, l’Irlande, le
Figure 6.9 Contenu carbone de la production
d’électricité dans les différents pays Royaume-Uni, la Norvège, voire l’Espagne, dispo-
européens en 2019 (source IEA) sant de gisements d’énergie renouvelable poten-
tiellement « abondants » semblent miser sur des
Intensité
800 carbone de mix de production d’électricité surdimensionnés
la production
électrique par rapport à leur consommation électrique. Ce
(en gCO2eq/kWh)
700 surdimensionnement permet de limiter l’effet de
l’intermittence sur leur système électrique et les
600 excédents sont exportés. Ce type de stratégie
conduit à « exporter » la variabilité de la produc-
500
tion aux pays voisins et nécessite un fort niveau
d’interconnexion ou à utiliser les excédents pour
400
produire de grandes quantités d’hydrogène (et
300
potentiellement les exporter).
19.
Valeurs 2018, source ENTSO-E Statistical Factsheet 2018
262
L’Europe .6
que vont rencontrer certains pays densément l’Italie et les Pays-Bas, ces pays sont structurel-
peuplés comme la Belgique, l’Allemagne et lement importateurs d’électricité.
potentiellement les Pays-bas et l’Italie. Cette
production thermique peut passer par plusieurs Pour des raisons diverses, les États européens et
options : les scénarios mettent en avant un développement
- la production à partir de gaz verts issus de important des interconnexions entre les pays, pour
la production d’EnR ou de biomasse produite profiter du foisonnement des énergie renouve-
dans le pays, lables en Europe mais aussi pour accompagner des
- la production à partir de gaz verts issus d’im- stratégies « exportatrices » ou des situations struc-
ports, a priori extra-européens, qui conduisent turellement « importatrices ».
à entretenir une dépendance énergétique vis-
à-vis d’autres parties du monde, Au final, même si de nombreux pays envi-
- le recours au captage et au stockage de car- sagent un parc de production électrique
bone lors de la production d’électricité à partir reposant uniquement sur des sources renou-
de combustibles fossiles, velables (i.e. sans nucléaire et sans CCS),
- le recours à la production nucléaire. ceci recouvre des situations contrastées avec
des implications différentes sur le fonction-
Le choix concernant le nucléaire constitue un nement du système électrique.
marqueur très clivant entre les États. De nom-
breux pays n’envisagent pas d’y recourir. C’est le Les filières renouvelables privilégiées par les États
cas de la quasi-totalité de ceux ne disposant pas sont fortement conditionnées par la géographie.
de production nucléaire actuellement (à l’excep- Tous les États envisagent de développer à la fois
tion notable de la Pologne) et de plusieurs États la production solaire et la production éolienne mais
ayant décidé de sortir du nucléaire (Allemagne, la part respective des filières sera liée aux condi-
Belgique, Espagne, Suisse) à la suite de la catas- tions géographiques. Les pays du Sud envisagent
trophe de Fukushima. un recours massif à la production photovoltaïque
(et même ponctuellement au solaire à concentra-
Ces différentes options sur la production pilo- tion), profitant ainsi de facteurs de charge impor-
table sont très clivantes et structurent de nom- tants. C’est le cas notamment de l’Italie et de
breux débats en Europe (par exemple sur la l’Espagne avec des cibles de plus de 55 % à de la
taxonomie « verte »). production totale dans les scénarios des stratégies
gouvernementales. A contrario, les pays du Nord,
u Un recours à des imports d’électricité, en notamment s’ils disposent d’une façade maritime,
comptant sur un dimensionnement suffisant du s’appuieront plus fortement sur l’éolien. C’est en
mix européen. particulier le cas du Royaume-Uni, du Danemark,
Les pays caractérisés par une forte densité de de l’Irlande.
population (ex. Belgique et Allemagne et pos-
siblement les Pays-bas et Italie), qui limite le Ces différences de mix de production entre les pays
gisement d’énergie renouvelable disponible du nord et du sud de l’Europe auront des consé-
par habitant, envisagent de s’appuyer sur les quences importantes sur les échanges d’électri-
imports d’électricité (potentiellement en complé- cité en Europe, avec des variations de flux jour/
ment d’imports de gaz « vert ») pour boucler leur nuit plus marquées, et sur les flux sur le réseau de
système électrique. Dans la plupart des scéna- transport français qui se situe à l’interface entre
rios énergétiques sur l’Allemagne, la Belgique, ces pays (voir chapitre 10).
La transformation des systèmes électriques des La scénarisation des contextes européens est
différents pays européens va conditionner la donc essentielle pour accompagner l’élaboration et
nature des échanges d’électricité en Europe et l’analyse des scénarios français. Elle doit répondre
leur contribution à la sécurité d’approvisionnement à plusieurs exigences : en premier lieu assurer
dans chaque zone. Il ne suffit pas en effet de dis- la cohérence avec les tendances et les éléments
poser de capacités d’interconnexions : la disponi- quantifiés des stratégies des États, mais égale-
bilité de moyens de production ou, au contraire, la ment permettre de construire des configurations
simultanéité de périodes de tension sur l’équilibre contrastées pour refléter les incertitudes sur les
offre-demande dans différents pays doivent faire évolutions des systèmes énergétiques en Europe
l’objet d’une analyse précise. et leurs effets sur le fonctionnement du système
électrique français.
Les stratégies de long terme des États et les diffé- les besoins de flexibilités nécessaires pour assurer
rents scénarios européens et nationaux publics dis- la sécurité d’approvisionnement ne soient fournis.
ponibles fournissent des informations sur les mix
énergétiques envisagés, mais celles-ci doivent être Seuls les scénarios européens élaborés par
complétées par des hypothèses plus détaillées. ENTSO-E dans le cadre du TYNDP disposent d’hy-
pothèses détaillées élaborées par les gestionnaires
En effet, l’analyse du fonctionnement et du coût de réseau de transport qui permettent de simu-
du mix électrique français dans un contexte de ler au pas horaire le fonctionnement du système
capacités d’interconnexion de plusieurs dizaines électrique européen. Cependant, leur utilisation
de gigawatts doit s’appuyer sur une représenta- soulève plusieurs difficultés. D’une part, l’élabora-
tion approfondie des systèmes électriques des pays tion des Futurs énergétiques 2050 s’est effectuée
européens. De la même façon que pour la France, de façon concomitante avec celle des scénarios
les capacités installées pour les différents moyens du TYNDP 2022, dont une version préliminaire
de production et leurs profils de disponibilité, les n’a été rendue publique que début octobre 2021.
leviers de flexibilité disponibles (batteries, power- D’autre part, certaines hypothèses ou résul-
to-gas-to-power, flexibilités de consommation, tats concernant certains pays peuvent s’écar-
etc.) et leurs caractéristiques d’activation ou encore ter très fortement des stratégies nationales
les profils horaires de consommation et la dépen- des États (parfois publiées postérieurement
dance à la température doivent être détaillés. Or au lancement des travaux du TYNDP 2022).
la plupart des stratégies nationales et des autres
scénarios considérés définissent de grands équi- Pour les Futurs énergétiques 2050, la construction
libres énergétiques à l’horizon 2050. Concernant le des scénarios européens a reposé sur un croisement
secteur électrique, leur restitution consiste essen- entre :
tiellement en des bilans énergétiques annuels, sans u les données du TYNDP 2020 et celles du TYNDP
que les détails sur le fonctionnement du système 2022 qui étaient accessibles, en particulier pour
électrique « en puissance », heure par heure, ou sur la définition du contexte général du scénario ;
264
L’Europe .6
u les éléments disponibles concernant les straté- u La définition des capacités de production
gies de long terme des États voisins et les scéna- des différentes filières, pour couvrir la
rios de référence nationaux émanant d’agences demande en énergie de chaque pays
publiques ou des gestionnaires de réseau de Sur la base d’hypothèses sur le mix énergétique
transport, pour tenir compte des spécificités de et notamment la place respective de chaque
chaque pays. filière renouvelable dans chaque pays, les capa-
cités installées sont définies de façon à couvrir la
Plusieurs scénarios européens possibles ont consommation en énergie annuelle. Cette étape
été considérés dans l’étude Futurs énergé- permet d’assurer un « bouclage en énergie ».
tiques 2050 pour prendre en compte les incer-
titudes concernant les choix de transition u L’évaluation des capacités flexibles néces-
énergétique dans les différents pays euro- saires à la sécurité d’approvisionnement
péens. Ces contextes contrastés permettent Sur la base des capacités de production définies
de tester la robustesse des conclusions de la précédemment, de courbes de consommations
présente étude aux choix énergétiques dans au pas horaire et des hypothèses sur les flexibi-
les pays voisins. Ils se basent sur les différents lités sur la demande dans les autres pays euro-
scénarios et stratégies publiques et se différencient péens20, une simulation du fonctionnement du
par le rôle des différents vecteurs énergétiques, la système électrique européen21 permet d’évaluer
répartition des approvisionnements énergétiques les besoins de flexibilité et d’identifier les capa-
(et en particulier pour l’électricité, la part relative cités flexibles à installer (batteries, capacités
des différentes filières bas-carbone), la flexibilité thermiques fonctionnant à l’hydrogène, inter-
permise par les couplages sectoriels (notamment connexions) pour assurer un niveau de sécurité
le power-to-gas), l’évolution du niveau de sécurité d’approvisionnement analogue au critère actuel
d’approvisionnement, etc. dans les différents pays22.
Cette étape est réalisée par une optimisation
La définition de chaque scénario européen économique des capacités de flexibilité à ins-
considéré repose sur plusieurs étapes, qui per- taller dans les autres pays européens : batte-
mettent d’assurer la cohérence de l’ensemble des ries, capacités de production thermique (boucle
hypothèses : power-to-gas-to-power)23 et capacités d’inter-
connexion des pays voisins entre eux24. Cette
uLa définition d’un contexte général sur étape permet aussi d’évaluer les pertes d’éner-
l’évolution du mix énergétique européen à gie dans différentes transformations de l’élec-
horizon 2050 tricité (STEP, batteries, power-to-gas-to-power)
Ce contexte général au niveau européen est et dans les écrêtements de production renouve-
ensuite décliné de façon différenciée dans cha- lable, et permet ainsi un ajustement de l’étape
cun des pays, en tenant compte des spécifici- précédente de « bouclage en énergie » pour tenir
tés qui leur sont propres et en se basant sur compte de ces quantités d’énergie qui sont per-
les scénarios publics cohérents avec ce cadrage dues dans les transformations.
général pour définir les hypothèses concernant
la consommation et la production d’électricité.
20.
Le taux de flexibilité de la consommation dans les autres pays européens, ainsi que les caractéristiques détaillées des effacements, ont été considérées
comme analogues à l’hypothèse de référence faite en France (hypothèse « Flexibilité basse »)
21.
Pour la France, il est fait l’hypothèse que le système électrique correspond à celui du scénario M23.
22.
Le niveau cible correspond à une probabilité de délestage des consommateurs analogue à celle considérée en France. Compte tenu des mix de production
électrique, ce risque correspond à une durée moyenne d’inadéquation entre l’offre et la demande de l’ordre de une à deux heures par an.
23.
Les moyens thermiques supplémentaires nécessaires au fonctionnement du système électrique sont supposés fonctionner avec de l’hydrogène.
24.
À l’instar de ce qui est retenu pour la France, les flexibilités de consommation sont considérées comme une hypothèse et non comme un résultat. Pour
chaque usage flexible, le taux de pilotage et les caractéristiques associées (contraintes d’utilisation, coûts d’activation, etc.) correspondent à la configuration
« flexibilité basse » retenue comme référence pour la France.
25.
Sur la base de la version projet des scénarios, publiés en octobre 2021.
26.
À l’instar de l’analyse effectuée sur la France (partie 7.1.2), le niveau de sécurité d’approvisionnement visé a été défini pour assurer un même risque de
délestage de consommateurs (i.e. un même volume d’énergie non distribuée) que le risque qui résulterait aujourd’hui d’une sécurité d’approvisionnement
au niveau des critères publics des États.
27.
L’espérance de durée de défaillance moyenne européenne est calculée en pondérant l’espérance de durée de défaillance des pays européens par leur
consommation d’électricité annuelle.
28.
Ces chiffres correspondent à la moyenne pondérée (par la consommation électrique) sur les pays européens des espérances de durée de défaillance nationales.
266
L’Europe .6
Figure 6.10 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) en Europe dans les configurations
testées et comparaison avec différents scénarios externes – Périmètre EU27+Royaume-Uni, Suisse et
Norvège incluant la France (avec hypothèse du scénario N2 pour la France)
9 000
8 000
7 000
6 000
5 000
TWh
4 000
3 000
2 000
1 000
0
Configuration Configuration REG CPRICE TYNDP 2020 - TYNDP 2020 - TYNDP 2022 - TYNDP 2022 - PAC Scénario 3 Accelerated Stromnetz 2050
A (référence) & B Distributed Global Distributed Global scenario Decarbonisation
configuration C Energy Ambition Energy Ambition Pathway
RTE - Futurs Commission ENTSO-E & ENTSOG ONG (CAN Eurelectric Gas for TransnetBW
énergétiques 2050 européenne Europe, EEB, Climate
RGI & REN21)
2018 2050
9 000
8 000
7 000
6 000
5 000
TWh
4 000
3 000
2 000
1 000
0
Configuration Configuration REG CPRICE TYNDP 2020 - TYNDP 2020 - TYNDP 2022 - TYNDP 2022 - PAC Scénario 3 Accelerated Stromnetz 2050
A (référence) & B Distributed Global Distributed Global scenario Decarbonisation
configuration C Energy Ambition Energy Ambition Pathway
RTE - Futurs Commission ENTSO-E & ENTSOG ONG (CAN Eurelectric Gas for TransnetBW
énergétiques 2050 européenne Europe, EEB, Climate
RGI & REN21)
2018 2050
Nucléaire Éolien terrestre Éolien en mer Solaire Hydraulique et autres renouvelables (hors thermique) Thermique (fossile ou décarboné)
Les choix sur le système électrique français sont européens de façon différenciée selon les scéna-
susceptibles d’avoir des effets sur les systèmes rios de mix de production et de consommation en
électriques des pays voisins et notamment les France. Une telle approche rend néanmoins diffi-
besoins en capacités flexibles nécessaires à leur cile la comparaison entre les scénarios, chacun ne
sécurité d’approvisionnement. s’appuyant pas sur le même système européen.
Pour éviter cet écueil, l’approche retenue consiste
Une approche possible pour comparer les scéna- à considérer le même système électrique européen
rios France consisterait à représenter des évolu- pour comparer les scénarios de mix électrique
tions des capacités installées dans les autres pays français.
6.6.1 Allemagne
Le tournant énergétique allemand (« Energie production au charbon et au lignite dans le mix de
wende »), engagé en 1998, a eu comme principaux production d’électricité (en 2019, lignite et char-
effets visibles un développement massif de l’éolien bon représentent 30 % de la production). La pro-
et du photovoltaïque et la réduction progressive de duction d’électricité a émis 222 MtCO229 en
la production nucléaire (les derniers réacteurs devant 2019, en baisse de 30 % par rapport à 2010.
fermer en 2022).
Les transferts d’usage vers l’électricité sont restés
Malgré le fort développement des énergies renou- jusqu’ici très limités, notamment dans le secteur des
velables, qui représentaient 40 % de la production bâtiments. La part de l’électricité dans la demande
d’électricité en 2019, le secteur de la produc- finale est relativement faible (21 %) comparativement
tion d’électricité reste un contributeur important à l’ensemble de l’Europe (24 %) et n’a quasiment pas
aux émissions de gaz à effet de serre du pays. augmenté sur ces dix dernières années La fiscalité
L’Allemagne a néanmoins fermé 16 GW de capa- (faibles taxes sur les produits pétroliers et tarifs éle-
cité au charbon et lignite depuis 2015. La ferme- vés de l’électricité) en constitue l’une des raisons.
ture d’une partie des capacités nucléaires depuis
la catastrophe de Fukushima en 2011 n’a pas per- L’objectif de baisse de 40 % des émissions de gaz
mis de réduire plus significativement la part de la à effet de serre en 2020 par rapport au niveau de
700
600
Énergies
renouvelables :
500 36%
400
TWh
300
Thermique
fossile :
200 52% Bioénergie
Solaire
Éolien
100 Hydraulique
Gaz
Nucléaire :
Fioul/Charbon
12%
0 Nucléaire
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018
29.
Source : ministère de l’Environnement allemand - https://www.umweltbundesamt.de/themen/klima-energie/energieversorgung/strom-waermeversorgung-
in-zahlen#Strommix
30.
Les valeurs sont affichées en production brute (en intégrant l’autoproduction)
268
L’Europe .6
1990 a été atteint d’un point de vue comptable, économique et la consommation d’énergie en
mais ce résultat est en grande partie lié à des 2020) : en 2018, les émissions de l’Allemagne
facteurs conjoncturels (hiver doux en 2019 et représentaient 889 MtCO2, en baisse de seule-
2020 et effet de la crise sanitaire sur l’activité ment 31 % par rapport au niveau de 1990.
6.6.1.2 À long terme, le mix énergétique allemand reposera sur les énergies
renouvelables et des imports énergétiques sous forme d’électricité et de gaz vert
Le gouvernement allemand n’a pas défini de scé- uSur la consommation d’énergie : une forte
nario de référence chiffré pour atteindre la neu- électrification de la consommation finale
tralité carbone à l’horizon 2050 (et même 2045). et un développement de l’utilisation de
Cependant, les documents de stratégie énergie- l’hydrogène
climat (plan d’action climat et stratégie hydro-
Comme l’ensemble des pays européens,
gène) ainsi que les scénarios publiés par Dena en l’Allemagne mise sur l’électrification des
2018, en amont des discussions sur l’évolution des usages finaux (notamment le transport et les
objectifs énergie-climat, permettent d’identifier les usages thermiques dans les bâtiments) pour
éléments structurants de la stratégie énergétique réduire la consommation totale d’énergie et
allemande. les émissions de gaz à effet de serre liées à
31.
IEA data browser
Figure 6.12 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) en Allemagne dans les configurations
considérées et comparaison avec différents scénarios publics compatibles avec la neutralité carbone
1 200
1 000
800
TWh
600
400
200
0
Configuration A Configuration B TM95 EL95 Stromnetz 2050 Klimaneutral 2050
(référence)
& configuration C
Agora
RTE - Futurs énergétiques 2050 Dena Transnet BW Energiewende
2018 2050
1 200
1 000
800
TWh
600
400
200
0
Configuration A Configuration B TM95 EL95 Stromnetz 2050 Klimaneutral 2050
(référence)
& configuration C
Agora
RTE - Futurs énergétiques 2050 Dena Transnet BW Energiewende
2018 2050
Nucléaire Éolien terrestre Éolien en mer Solaire Hydraulique et autres renouvelables (hors thermique)
Thermique (décarboné en 2050) Solde importateur
270
L’Europe .6
450
400
350
300
Énergies
250 renouvelables :
TWh
39%
200
150 Thermique
fossile : Bioénergie
100 44% Solaire
Éolien
Hydraulique
50 Gaz
Nucléaire :
17% Fioul/Charbon
0 Nucléaire
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018
32.
Ce dispositif a été complété et intègre désormais les contrats pour différence dont bénéficient les énergies renouvelables et le nucléaire
33.
Ce mécanisme prend la forme d’une taxe intervenant en complément du prix sur le système d’échange de quotas d’émissions.
34.
https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/875485/2019_UK_greenhouse_gas_emissions_
provisional_figures_statistical_release.pdf
272
L’Europe .6
6.6.2.1 Le Royaume-Uni s’est fixé pour objectif de diminuer ses émissions de gaz
à effet de serre de 68 % en 2030 par rapport à 1990. Sa stratégie nationale repose
sur l’électrification, l’accélération du développement des énergies renouvelables
et le recours au nucléaire.
En 2019, le Climate Change Act a été modifié et les du gestionnaire de réseau de transport d’électricité
objectifs de réduction des émissions de gaz à effet et de gaz (National Grid ESO) permettent d’identi-
de serre ont été rehaussés, avec notamment l’ob- fier des tendances sur les options à activer par le
jectif d’atteinte de la neutralité carbone en 2050, Royaume-Uni pour atteindre la neutralité carbone :
qui correspond à une baisse de l’ordre de 95 % des
émissions de gaz à effet de serre, contre une baisse uSur la consommation d’énergie : une élec-
de 80 % dans la version précédente de la loi. trification de la consommation finale et un
développement massif de l’utilisation de
Le gouvernement britannique n’a pas formalisé de l’hydrogène
scénario officiel d’atteinte de la neutralité carbone.
Le rôle de l’électricité dans la consommation
Cependant la stratégie de décarbonation (Green finale au Royaume-Uni est aujourd’hui relative-
growth strategy)37, bien qu’établie avant la fixation ment faible comparativement aux autres pays
de l’objectif de neutralité carbone et sur la base d’Europe. En 2018, le taux d’électrification se
d’un objectif moins ambitieux38 décrit plusieurs situe autour de 18 %, contre 21 % en moyenne
options possibles sur le rôle de l’électrification, de sur l’Europe40. Comme tous les pays européens,
l’hydrogène, du captage et stockage de carbone et le Royaume-Uni mise sur l’électrification des
du nucléaire. Les scénarios publics de référence, usages finaux pour réduire la consommation
dont ceux du Climate Change Committee39 et ceux totale d’énergie et les émissions de gaz à effet
35.
https://www.gov.uk/government/news/uk-sets-ambitious-new-climate-target-ahead-of-un-summit
36.
https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1011283/UK-Hydrogen-Strategy_web.pdf
37.
https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/700496/clean-growth-strategy-correction-april-2018.pdf
38.
Cette stratégie vise une réduction des émissions de 80 % à l’horizon 2050 par rapport au niveau de 1990.
39.
Autorité indépendante chargée d’évaluer les politiques climatiques du gouvernement et de formuler des recommandations.
40.
IEA data browser
u Une production d’électricité qui mise sur Dans la stratégie britannique, le développe-
l’éolien en mer, le nucléaire et l’utilisation de ment massif de l’éolien en mer et la relance
gaz décarboné ou de gaz naturel avec CCS. du nucléaire doivent ainsi permettre de faire
Pour décarboner la production d’électricité, le face aux besoins d’électricité croissants liés à
gouvernement britannique mise sur (i) la fer- l’électrification et au fort développement de
meture des trois dernières unités42 fonctionnant l’électrolyse et d’envisager des exports mas-
au charbon à l’horizon 2025, (ii) la poursuite sifs vers le continent européen.
41.
https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1011283/UK-Hydrogen-Strategy_web.pdf
42.
https://www.theguardian.com/business/2021/sep/13/britain-last-coal-power-stations-to-be-paid-huge-sums-to-keep-lights-on-record-energy-prices
274
L’Europe .6
Figure 6.14 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) au Royaume-Uni dans les configurations
considérées et comparaison avec différents scénarios publics compatibles avec la neutralité carbone
1 200
1 000
800
TWh
600
400
200
0
Configuration A Configuration B Consumer System Leading Balanced Headwinds Widespread
(référence) & Transformation Transformation the Way Pathway innovation
configuration C
RTE - Futurs National Grid ESO Climate Charge Committee
énergétiques 2050
2018 2050
1 200
1 000
800
TWh
600
400
200
0
Configuration A Configuration B Consumer System Leading Balanced Headwinds Widespread
(référence) & Transformation Transformation the Way Pathway innovation
configuration C
RTE - Futurs National Grid ESO Climate Charge Committee
énergétiques 2050
2018 2050
Nucléaire Éolien terrestre Éolien en mer Solaire Hydraulique et autres renouvelables (hors thermique)
Thermique (décarboné en 2050) Solde importateur
Après une hausse sur la période 1990-2005, les centrales au gaz et le développement des éner-
émissions globales de l’Italie ont baissé de 19 % gies renouvelables.
entre 2005 et 2019, au-delà des engagements
du pays. Le mix de production d’électricité a La production d’électricité repose encore essentielle-
fortement contribué à cette réduction des émis- ment sur la production d’origine fossile (qui repré-
sions, avec notamment la fermeture de 15 GW sente 59 % de la production) et notamment sur le
de capacité fonctionnant au fioul et au char- gaz. La production d’électricité a émis 81 MtCO2
bon depuis 2015 et leur remplacement par des en 2019, en baisse de 33 % par rapport à 2010.
Les objectifs officiels actuels de l’Italie en matière par rapport à leur niveau de 1990. En lien avec
de réduction des émissions de gaz à effet de les nouvelles ambitions de l’Union européenne
serre sont affichés dans le Plan national intégré (-55 % à l’horizon 2030), le gouvernement italien
énergie-climat43 et portent sur une réduction glo- a annoncé que cet objectif serait prochainement
bale de 37 % des émissions de gaz à effet de serre rehaussé et porté à -60 %.
350
300
250 Énergies
renouvelables :
41%
200
TWh
150
43. https://ec.europa.eu/energy/sites/default/files/documents/it_final_necp_main_en.pdf
276
L’Europe .6
Le plan énergie-climat mise sur l’électrification gaz sont nécessaires et sont en cours de construc-
des usages, les gains d’efficacité énergétique et tion, avec une rémunération sécurisée via un
la réduction des émissions liées à la production mécanisme de capacité.
d’électricité. L’Italie a notamment prévu de fermer
la totalité de son parc au charbon (7 GW) à l’ho- Le plan énergie-climat prévoit aussi une inflexion
rizon 2025. Pour maintenir le niveau de sécurité forte sur le rythme de développement des énergies
d’approvisionnement, de nouvelles centrales au renouvelables à horizon 2030.
À ce jour, l’Italie n’a pas inscrit dans sa législation ainsi que le développement de l’hydrogène et de
l’engagement formel d’atteinte de la neutralité car- combustibles de synthèse dans la consommation
bone à l’horizon 2050 mais a établi deux scénarios finale, essentiellement pour le transport et l’indus-
encadrants compatibles avec ces objectifs, dans trie. La stratégie évoque notamment entre 200 et
le cadre de la stratégie long terme transmise à la 300 GW de capacité photovoltaïque, couplée avec
Commission européenne. un développement important de batteries (entre
40 et 50 GW). La stratégie laisse ouverte l’option
Ces scénarios, qui se basent notamment sur les de continuer à utiliser des gaz fossiles importés
travaux de RSE44, reposent essentiellement sur dans la production d’électricité couplée avec des
l’électrification des usages (~55 % de la consom- solutions de CCS. Enfin, l’Italie envisage de recou-
mation finale d’énergie en 2050), le dévelop- rir aux imports d’électricité (de l’ordre de plusieurs
pement de la production d’électricité d’origine dizaines de TWh) pour couvrir sa consommation
renouvelable (représentant près de 75 % de l’éner- nationale.
gie primaire) et principalement du photovoltaïque
44.
Organisme de recherche mandaté par le gouvernement italien pour proposer des scénarios de décarbonation à l’horizon 2050
800
700
600
500
TWh
400
300
200
100
0
Configuration A Configuration B Scénario min Scénario max
(référence) &
configuration C
800
700
600
500
TWh
400
300
200
100
0
Configuration A Configuration B Scénario min Scénario max
(référence) &
configuration C
Nucléaire Éolien terrestre Éolien en mer Solaire Hydraulique et autres renouvelables (hors thermique)
Thermique (décarboné en 2050) Solde importateur
278
L’Europe .6
6.6.4 Espagne
Après une augmentation des émissions de gaz à La production d’électricité a émis 59 MtCO2
effet de serre jusqu’à la fin des années 2000, tirée en 2018, en baisse de 15 % par rapport à
par une forte croissance économique, les émissions 2010.
de l’Espagne sont nettement orientées à la baisse,
sous les effets conjugués du développement des La part de la production à partir de combustibles
énergies renouvelables et de la réduction de la fossiles ne représente plus que 41 % de la pro-
place du charbon dans la production d’électricité. duction totale.
L’Espagne a fermé près de 10 GW de capacité au
fioul et au charbon depuis 2015.
L’Espagne a adopté en 2021 sa première loi sur L’Espagne prévoit de sortir du charbon à l’horizon
le changement climatique et de transition éner- 2026 et de poursuivre le développement des éner-
gétique, qui fixe des objectifs de réduction des gies renouvelables pour permettre l’électrification
émissions de gaz à effet de serre, d’efficacité éner- des usages et réduire les émissions de son sec-
gétique et de part des énergies renouvelables dans teur électrique tout en fermant progressivement
la consommation finale et la production d’électri- ses centrales nucléaires (qui représentent plus de
cité. Le texte prévoit une réduction de 23 % des 7 GW de capacité installées actuellement) pour
émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 sortir complètement du nucléaire à l’horizon 2035.
par rapport à 1990. Compte tenu de leur niveau Les capacités au gaz joueront un rôle dans la tran-
actuel, supérieur à celui de 1990, il s’agit d’un sition pour compenser la fermeture des parcs char-
objectif aux ambitions comparables sur la décennie bon et nucléaire mais l’Espagne ne prévoit pas le
à celui de nombreux pays européens. développement de nouvelles capacités au gaz.
350
300
250
Énergies
renouvelables :
200 39%
TWh
150
Thermique
fossile :
100 Bioénergie
41%
Solaire
Éolien
50 Hydraulique
Nucléaire : Gaz
21% Fioul/Charbon
0 Nucléaire
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018
Figure 6.18 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) en Espagne dans les configurations
testées et comparaison avec la stratégie long terme du gouvernement45
600
500
400
TWh
300
200
100
0
Configuration A Configuration B ELP
(référence) &
configuration C
Gouvernement
RTE - Futurs énergétiques 2050 espagnol
2018 2050
600
400
TWh
300
200
Répartition éolien
100 terrestre et en mer
non précisée
0
Configuration A Configuration B ELP
(référence) &
configuration C
Gouvernement
RTE - Futurs énergétiques 2050 espagnol
2018 2050
Nucléaire Éolien terrestre Éolien en mer Solaire Hydraulique et autres renouvelables (hors thermique)
Thermique (décarboné en 2050) Solde importateur
45.
Le scénario à long terme de décarbonation du gouvernement espagnol est décrit dans la stratégie à long terme du gouvernement. Certaines informations
ne sont pas décrites de façon précise et plusieurs valeurs du graphique résultent d’hypothèses de RTE
280
L’Europe .6
Pour décarboner leurs économies, les stratégies au périmètre européen dans un contexte d’ac-
des États reposent toutes sur un rôle accru de croissement des capacités d’interconnexion entre
l’électricité et un fort développement de énergies les pays, la superposition des stratégies définies
renouvelables variables. Ces évolutions constituent au niveau national ne garantit pas la construction
un défi pour chaque état : il s’agit notamment d’un système où la sécurité d’approvisionnement
d’accélérer le rythme de développement des éner- est assurée et où les coûts sont optimisés.
gies renouvelables. Elles constituent un défi aussi
Figure 6.19 Hypothèses sur les mix de production et les capacités installées à l’horizon 2050 dans les principaux pays
voisins de la France - configuration de référence
800 300
700
250
600
500 200
TWh/an
400
GW
150
300
100
200
50 1 200 600
100
0 0 1 000 500
Demande Production Capacités
installées 800 400
TWh/an
GW
600 300
400 200
200 100
0 0
Demande Production Capacités
installées
600 350
500 300
400 250
TWh/an
200
300
GW
150
200
100
100
50
0 0 700 500
Demande Production Capacités
installées 600
400
Bilan énergétique Capacités 500
TWh/an
400 300
GW
300
200
200
100
100
0 0
Demande Production Capacités
installées
Solde importateur
PRODUCTION
Power-to-gas
Solde exportateur
Demande hors
power-to-gas
282
L’Europe .6
LA SÉCURITÉ D’APPROVISIONNEMENT :
GARANTIR L’ÉQUILIBRE DU SYSTÈME ÉLECTRIQUE
DANS DES SCÉNARIOS DE NEUTRALITÉ
CARBONE REPOSANT EN GRANDE PARTIE
SUR DES ÉNERGIES RENOUVELABLES
À l’horizon 2050, le mix électrique sera composé à l’horizon 2050 » a permis d’identifier quatre
largement d’énergies renouvelables dans une problématiques devant faire l’objet d’analyses
optique de neutralité carbone. Cette conclusion spécifiques :
est établie à l’échelle mondiale (scénario net-zero u la gestion de l’adéquation entre l’offre et la
de l’Agence internationale de l’énergie), euro- demande, notamment pour compenser la varia-
péenne (scénarios de la Commission européenne) bilité de la consommation et de la production
ou française (scénarios des Futurs énergétiques et, en particulier, faire face à des situations de
2050). forte consommation et/ou de faible production
renouvelable ;
La perspective d’un fort développement des éner- u le niveau des réserves opérationnelles permet-
gies renouvelables variables dans le mix soulève tant de faire face à des aléas en temps réel et
des questions nouvelles pour le fonctionnement de maintenir l’équilibre offre-demande et la fré-
du système électrique. L’étude réalisée conjointe- quence à son niveau nominal à tout instant ;
ment par l’AIE et RTE et publiée en janvier 2021 u la gestion de la stabilité du système électrique,
sur les « conditions et prérequis en matière de en lien notamment avec la baisse de l’inertie du
faisabilité technique pour un système électrique système associée à la fermeture progressive de
avec une forte proportion d’énergies renouvelables moyens thermiques et nucléaires ;
COMBIEN COMMENT OÙ
de capacités de production le système réagit-il en cas
sont situés les moyens
et de flexibilités sont d’aléa en temps réel ?
de production/consommation
nécessaires pour passer
sur le territoire ?
certains événements
Quels besoins de réseau ?
extrêmes ?
À l’échelle de la À l’échelle de
seconde, voire quelques minutes
milliseconde ou de l’heure
1 2 3 4
Sécurité
d’approvisionnement Réserves
Stabilité du
et gestion de la opérationnelles Réseau
système
variabilité des énergies et équilibrage
renouvelables
286
La sécurité d’approvisionnement .7
u les évolutions de réseau nécessaires pour des moyens nécessaires pour assurer l’équilibre du
accompagner cette transformation du mix système dans chacun des scénarios.
électrique.
Les problématiques associées à la sécurité d’ap-
Comme RTE s’y était engagé à l’occasion de la provisionnement, à la stabilité et aux réserves
publication du rapport du 28 janvier 2021, ces pro- opérationnelles sont décrites dans la suite de cette
blématiques techniques ont fait l’objet d’analyses partie. La description des enjeux pour le réseau
approfondies en vue d’évaluer le volume et le coût fait l’objet d’une partie dédiée (chapitre 10).
Le développement des flexibilités constitue un puissance (quelle que soit la technologie : produc-
thème important du débat autour de l’évolution tion, stockage, baisse de consommation) pilotable
des mix de production en France et en Europe pour nécessaire pour assurer l’équilibre entre l’offre et
atteindre la neutralité carbone. la demande en puissance à chaque instant.
Cependant, le terme « flexibilité » est utilisé Ce besoin de capacité doit être dissocié du besoin
à géométrie variable et s’apparente à un mot « en énergie » qui correspond aux quantités
« fourre-tout ». La présente étude s’attache donc annuelles d’énergie nécessaires pour couvrir la
au préalable à identifier les « besoins de flexibi- consommation.
lité » propres à chaque scénario, c’est-à-dire la
Faire face à la variabilité de la production éolienne le programme prévu par la PPE n’est pas tributaire
et solaire photovoltaïque constitue le principal défi d’un développement massif de capacités de stoc-
à relever pour intégrer les énergies renouvelables kage ou de nouvelles flexibilités dès lors que les
au système électrique. En moyenne, l’éolien et le hypothèses de la PPE sont respectées, c’est-à-dire
solaire photovoltaïque présentent des modes de un développement progressif des effacements et
production saisonniers différents et complémen- de la mobilité électrique, usage dont une partie est
taires, avec davantage d’énergie éolienne en hiver considérée comme flexible.
et de production photovoltaïque en été. Mais ce
n’est pas le cas sur des échelles de temps plus Cette conclusion n’est plus valable au-delà de cette
courtes. Leur variabilité suscite des nouvelles période, la variabilité intrinsèque de la production
questions pour maintenir un équilibre continu devenant plus importante au fur et à mesure du
entre production et consommation. développement des éoliennes et des panneaux
solaires.
À moyen terme (horizon 2030-2035), les derniers
Bilans prévisionnels publiés par RTE depuis 2017 L’enjeu pour le système électrique sera alors de
ont montré qu’une forte inflexion à la hausse dans disposer de moyens suffisants pour couvrir les
le développement des énergies éolienne et pho- périodes de forte consommation résiduelle. Cette
tovoltaïque n’était pas susceptible de générer de notion importante pour l’étude de la sécurité d’ap-
difficultés spécifiques pour la gestion de l’équilibre provisionnement correspond à la consommation
offre-demande, sous l’hypothèse d’une acceptation électrique diminuée de la production renouvelable
du critère de sécurité d’approvisionnement actuel « fatale ». Elle dépend des aléas sur la demande
et dans le cadre d’un système électrique plus forte- mais également des aléas météorologiques affec-
ment interconnecté à l’échelle européenne. Ainsi, tant la production éolienne et photovoltaïque.
288
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.2 Consommation et consommation résiduelle sur une semaine d’hiver dans le scénario M23 en 2050
100
80
60
40
20
GW
-20
-40
-60
-80
Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche
Production photovoltaïque Production éolienne Autres productions fatales (hydraulique fil de l’eau, etc.)
Consommation (sans mobilisation des leviers de flexibilité) Consommation résiduelle (sans mobilisation des leviers de flexibilité)
À long terme, la nature des risques sur l’équilibre de production beaucoup plus marqués sous l’effet
offre-demande évolue car le mix de production se de la plus grande variabilité de la production. Le
transforme. déficit de production moyen lors des situations de
défaillance modélisées atteindrait alors de l’ordre
Une stricte application du critère de sécurité d’ap- de la dizaine de gigawatts, voire plus dans les scé-
provisionnement dit des « trois heures » conduirait, narios avec une forte part d’énergies renouvelables,
dans tous les scénarios, à des épisodes de déficit contre de l’ordre de 4 GW aujourd’hui. Maintenir
290
La sécurité d’approvisionnement .7
une espérance de défaillance de trois heures à Le maintien du niveau actuel de risques portés
l’horizon 2050 impliquerait un quasi-triplement du par les consommateurs (en espérance de volume
volume d’énergie non-desservie, c’est-à-dire une d’énergie non distribuée) conduit alors à un
forte dégradation de la sécurité d’approvisionne- besoin de capacités supplémentaires de l’ordre de
ment en France. 5 à 10 GW par rapport au critère réglementaire
actuel exprimé seulement en termes de durée de
Pour l’éviter, RTE a retenu dans sa modélisa- défaillance.
tion des Futurs énergétiques 2050 le principe
d’un maintien du niveau de service actuel, Bien que représentant des volumes significatifs de
c’est-à-dire un volume moyen d’énergie non nouvelles centrales électriques, ces capacités ne
distribuée de l’ordre de 10 GWh. Dans tous représentent pas un enjeu économique très impor-
les scénarios, les volumes de flexibilité ont tant à l’échelle des coûts totaux du système élec-
été déterminés pour atteindre ce critère. trique (voir chapitre 11).
Projeté en 2050, ce même niveau conduit à la Une volonté de réduire la défaillance y compris dans
réduction de la durée moyenne de défaillance, qui les situations les plus rares conduirait à augmen-
atteindrait autour d’une heure par an dans tous ter le besoin de capacités de manière importante.
les scénarios, contre trois heures aujourd’hui. Ceci Enfin, il serait possible de différencier le niveau
confirme que les situations de défaillance suscep- de sécurité d’approvisionnement en fonction du
tibles de survenir en 2050 augmentent en sévérité. souhait individuel des consommateurs, dans une
La réflexion sur les usages susceptibles de faire logique de différentiation du niveau de service,
l’objet d’une réduction prioritaire et maîtrisée de mais cette option soulève des enjeux sociétaux qui
la consommation en cas de déséquilibre sur le sys- ne sont pas anodins et que RTE ne souhaite pas
tème électrique, annoncée dans le Bilan prévision- traiter sous un prisme uniquement technique.
nel 2021, demeure d’actualité.
Figure 7.3 Monotone de profondeur de défaillance du système électrique actuel et en 2050 dans les scénarios M23 et N2
60
50
Déficit de production (GW)
40
30
20
10
2022
N2 - 2050
0 M23 - 2050
0h 1h 2h 3h
7.1.3.1 Réserve primaire : des besoins qui évoluent peu en volume mais
un rehaussement des exigences techniques à prévoir pour compenser la baisse
de l’inertie du système électrique européen
Dans tous les scénarios, les besoins en capacité de français dans les scénarios M ne réduirait pas
réserve primaire évoluent légèrement à la hausse. sensiblement le besoin de réserve primaire, l’in-
Ils restent mutualisés au niveau européen et défi- cident dimensionnant restant du même ordre de
nis sur la base de l’ampleur d’un aléa « dimension- grandeur (défini par la perte brutale de moyens de
nant » affectant l’équilibre offre-demande européen production de grande taille ailleurs en Europe, de
de façon instantanée. raccordement de parc éolien en mer ou de liaisons
d’interconnexions).
Cet aléa dimensionnant correspond à la décon-
nexion simultanée des deux moyens de plus forte Par contre, le développement des productions
capacité en Europe, qui sont aujourd’hui des unités renouvelables connectées par de l’électronique de
de production nucléaire mais pourront demain être puissance conduit à une baisse de l’inertie du sys-
des parcs éoliens en mer ou des interconnexions, tème électrique européen, rendant les déviations
de taille unitaire du même ordre de grandeur. de fréquence plus rapides quand surviennent des
La variabilité des sources renouvelables, dont la aléas temps réel sur l’équilibre entre la produc-
dynamique est plus lente, ne conduit pas à modi- tion et la consommation. Pour maintenir le même
fier sensiblement l’ampleur de telles variations niveau de stabilité de la fréquence qu’aujourd’hui,
brutales. La fermeture totale du parc nucléaire les exigences sur la vitesse de réponse lors de
2.
Une partie de la fourniture de ces capacités de production « mobilisables » fait l’objet d’une contractualisation en amont au travers d’appels d’offres de
réserves (en particulier pour les échéances courtes), tandis qu’une autre partie est assurée par un suivi et des actions de réorganisation du plan de
production en temps réel lorsque nécessaire (ajustements pour cause marges). La répartition entre les différents modes de constitution des marges et
réserves fait l’objet d’études en cours par RTE mais n’est pas abordée dans ce rapport.
292
La sécurité d’approvisionnement .7
l’acti
vation devront être rehaussées. Ces évolu- problématique du fait d’une inertie plus faible que
tions devront être anticipées mais apparaissent celle du système électrique européen synchrone :
compatibles avec les capacités constructives de c’est le cas de la Grande-Bretagne, qui a adapté les
certains actifs, notamment des batteries. Certains exigences techniques sur la réserve primaire.
systèmes électriques sont déjà confrontés à cette
Alors que l’ampleur des incertitudes sur l’équi- Le dimensionnement précis de ces réserves sera
libre entre l’offre et la demande sur des horizons conditionné par la qualité des prévisions court
de quelques secondes reste dictée par le risque de terme de production renouvelable, et donc de la
perte de groupes de production de grande capacité, précision des prévisions météorologiques pour
l’augmentation de la part de la production renouve- évaluer le vent et l’ensoleillement, du niveau d’ob-
lable variable (éolien et photovoltaïque) conduit en servabilité en temps réel de la production (notam-
revanche à augmenter les incertitudes sur l’équilibre ment de la collecte et du traitement des données
offre-demande sur un horizon de plusieurs minutes à de production pour le parc solaire diffus) et des
plusieurs dizaines de minutes. Ainsi, au fur et à mesure incitations à l’équilibrage auxquelles feront face les
que la part des énergies renouvelables variables s’ac- producteurs dans un système de marché libéralisé.
croît dans le mix de production, le volume de réserves
opérationnelles pour des échéances comprises entre Sur la base d’une approche prudente de
quelques minutes et une demi-heure (réserve secon- l’évolution de la qualité de prévision proche
daire de fréquence, réserve rapide et réserve complé- du temps réel, les besoins totaux de réserves
mentaire) augmente. opérationnelles à l’horizon 2050 sont estimés
Figure 7.4 Évolution des besoins totaux de réserves (réserves primaire, secondaire, rapide et complémentaire) dans
les différents scénarios
10
9
Réserves opérationnelles (GW)
3
M0
2 M1
M23
1 N1
N2
N03
0
2020 2030 2040 2050 2060
294
La sécurité d’approvisionnement .7
Comme indiqué dans les dernières publications de tranches fermées d’ici 2030, dans les scénarios
RTE, les besoins en capacités pour assurer la sécu- M1, M23, N1 et N2), le critère de sécurité d’appro-
rité d’approvisionnement à l’horizon 2030 évoluent visionnement peut être respecté sans effort parti-
peu dans une configuration d’atteinte des objec- culier sur les flexibilités de consommation.
tifs publics d’évolution du parc de production et
peuvent être couverts par le développement anti- Dans cette configuration, une accélération des
cipé de la flexibilité de la demande (effacements transferts d’usage vers l’électricité (trajectoire
industriels et résidentiels, pilotage de la recharge « Électrification + ») ou de réindustrialisation pro-
des véhicules électriques, effacement des élec- fonde peut être envisagée mais nécessitera un réel
trolyseurs lors des jours de pointe), notamment effort sur le développement de la flexibilité, des
sous l’effet du développement d’usages naturel- énergies renouvelables ou sur l’efficacité énergé-
lement flexibles, et le développement des inter- tique. Les leviers existent (effacements industriels
connexions, tel que prévu par le Schéma décennal et tertiaires, flexibilité des véhicules électriques,
de développement du réseau (SDDR). etc.) mais devront être fortement mobilisés.
Les analyses complémentaires réalisées dans le Dans une trajectoire de fermeture accélérée des
cadre des Futurs énergétiques 2050 confirment tranches nucléaires (trajectoire M0 avec deux
ce constat mais le nuancent, en se plaçant dans tranches supplémentaires fermées d’ici 2030), la
une configuration plus prudente, cohérente avec sécurité d’approvisionnement pourra être assurée,
le contexte de fin 2021, sur (i) les trajectoires de sous réserve de réussir à développer sensiblement
développement des énergies renouvelables d’ici la flexibilité de la consommation (à un niveau qui
2030 (avec, pour toutes les filières, l’atteinte de serait inférieur à l’objectif de la PPE) ou d’un main-
l’objectif bas de la PPE en 2030 avec deux ans tien de marges importantes dans les pays voisins.
de retard), (ii) la trajectoire de consommation Néanmoins, cette configuration apparaît difficile-
avec une électrification plus rapide, en cohérence ment compatible avec une forte accélération des
avec le rehaussement des ambitions climatiques, transferts d’usage et de la réindustrialisation.
(iii) le niveau de développement des flexibilités de
consommation (avec une hypothèse plus prudente La configuration de maintien de l’intégralité du
que les objectifs de la PPE) et (iv) une prudence parc nucléaire en fonctionnement à l’horizon 2030
sur la contribution des pays voisins, qui pourraient (scénario N03) présente à l’inverse des marges
accélérer la fermeture de centrales thermiques significatives.
et l’électrification de leurs usages pour tenir le
rehaussement des objectifs européens à l’horizon Dans une optique d’accélération des actions d’élec-
2030 (« Fit for 55 % »). trification ou de réindustrialisation, l’étalement
de la fermeture des réacteurs nucléaires pour-
L’analyse confirme en particulier qu’il n’est rait constituer un levier efficace, au même titre
pas nécessaire à ces horizons de développer que l’accélération du développement des éner-
de nouvelles centrales thermiques fossiles gies renouvelables ou encore le renforcement des
ou de batteries. Avec la trajectoire de référence actions de maîtrise de la demande.
sur la fermeture du nucléaire (quatre nouvelles
En revanche, au-delà de 2030, les besoins de flexi- compenser des situations de faible production alors
bilité pour la sécurité d’approvisionnement évo- même que la consommation est plus importante,
luent fortement à la hausse dans presque tous les notamment l’hiver.
scénarios de l’étude, du fait de l’augmentation de
la consommation et de la réduction de la taille du À production équivalente en énergie annuelle, la
parc pilotable dans la trajectoire de référence. contribution statistique des énergies renouvelables à
la sécurité d’approvisionnement est significativement
Ces besoins se présentent de façon plus plus faible que celle des groupes de production ther-
marquée dans les scénarios sans nouveaux mique ou nucléaire : 1 TWh de production nucléaire
réacteurs nucléaires. En effet, si les énergies à la sécurité d’approvisionnement à hauteur de
renouvelables contribuent à la sécurité d’approvi- 150 MW3 alors que 1 TWh de production renouve-
sionnement sur le plan statistique, la variabilité de lable variable (éolien et photovoltaïque confondus)
la production et la dépendance aux aléas météoro- contribue à la sécurité d’approvisionnement à hau-
logiques – qui peuvent survenir sur une large zone teur de 30 à 50 MW4, selon le niveau de stockage
et pendant des durées significatives – induisent dans le système Les besoins en capacité sont les plus
à terme une modification significative du pro- importants dans les scénarios avec une forte part de
fil de production au cours de l’année par rapport photovoltaïque, du fait du profil de production jour-
à aujourd’hui. Il est alors nécessaire de pouvoir nuit et d’une moindre production en hiver.
Figure 7.5 Besoins de nouvelles capacités pour assurer la sécurité d’approvisionnement aux différents horizons
et dans les différents scénarios5
70
60
50
40
GW
30
20
M0
M1
10 M23
2030 : besoins capacitaires comblés par N1
les nouvelles interconnexions et flexibilités N2
0 N03
2019 2030 2040 2050 2060
( avant crise sanitaire)
3.
Ce calcul est basé sur l’évaluation de la puissance parfaite nécessaire pour compenser une situation où la filière considérée est retirée.
4.
La valeur dépend du niveau de développement du stockage dans le système électrique. L’ajout de production renouvelable contribue plus à la sécurité
d’approvisionnement dans un système avec un niveau important de stockage (flexibilité de consommation, batteries, STEP).
5.
Ces valeurs correspondent au besoin de nouvelles capacités flexibles nécessaires à la sécurité d’approvisionnement, par rapport aux capacités considérées dans
la définition des scénarios. Il s’agit des capacités supplémentaires à développer en complément de l’évolution du parc nucléaire, des capacités renouvelables,
de la fermeture progressive du parc de production thermique et des flexibilités existantes. Les besoins de flexibilité sont exprimés en unité de puissance
et correspondent au besoin de « puissance parfaite » (i.e. capacité 100 % disponible, sans contrainte de stock) qui doit être ajoutée au parc de production
renouvelable et nucléaire, ainsi qu’aux leviers de flexibilité « existantes » pour respecter l’objectif de sécurité d’approvisionnement. Les leviers de flexibilité
existants sont : les interconnexions (à leur niveau actuel), les flexibilités de consommation déjà existantes, les unités thermiques existantes dont la durée de
vie permet le maintien à l’horizon considéré, ainsi que le parc de production hydraulique existant.
296
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.6 Détail de l’évolution des besoins capacitaires dans le scénario M23 à l’horizon 20505
30
20
+
10
-60
Impact sur Besoin
les marges capacitaire
Les besoins pour la constitution de réserves opé- L’augmentation des besoins de flexibilité ne sou-
rationnelles sont en outre plus élevés dans les lève pas, en premier lieu, de problématique pure-
scénarios de sortie du nucléaire. Ces besoins pour ment technique dans la gestion du système, mais
la constitution des réserves opérationnelles ampli- plutôt une problématique industrielle (sur le réa-
fient ainsi le contraste entre les scénarios concer- lisme de disposer de ces moyens) et une problé-
nant le besoin de flexibilité. matique organisationnelle s’agissant des flexibilités
diffuses, qui doivent pouvoir participer au système
À l’horizon 2050, les besoins totaux de nou- en respectant de hauts standards de disponibi-
velles flexibilités sont importants dans tous les lité et de précision dans leur fonctionnement. Ces
scénarios et se situent entre 28 GW et 68 GW. besoins doivent être anticipés pour que l’équilibre
Ces valeurs correspondent aux leviers de flexibilité offre-demande puisse être assuré et ils doivent
supplémentaires à mobiliser en France ou à l’étranger être intégrés à l’analyse économique d’ensemble.
via les capacités d’import, en complément des leviers
actuels qui seront encore en service à cet horizon4.
Résumer les besoins de flexibilité à une puissance exemple en stockant puis en restituant de l’énergie
nécessaire à la sécurité d’approvisionnement est à l’échelle de plusieurs semaines.
insuffisant pour rendre compte de l’ensemble des
enjeux pour la sécurité d’approvisionnement et des Par conséquent, l’analyse proposée par RTE dans
caractéristiques des leviers à mobiliser. En effet, les plusieurs publications récentes consiste à présen-
besoins de puissance ne seront pas couverts par ter plusieurs indicateurs qui permettent d’apporter
les mêmes leviers selon qu’il s’agit de couvrir des des éclairages sur les « besoins de modulation » sur
situations ponctuelles de courte durée (quelques différents horizons de temps. Ces indicateurs, qui
heures ou à l’échelle d’une journée) ou de four- représentent des besoins de déplacement d’éner-
nir de la puissance sur des périodes longues, par gie, fournissent une indication sur les leviers de
Figure 7.7 Principes méthodologiques d’évaluation des besoins de modulation sur les différents horizons temporels
Puissance moyenne
48
annuelle (GW)
Modulation
inter-annuelle 46
44
42
Années
Année
Puissance moyenne
saisonnière (GW)
60 Été Hiver
Modulation
inter-saisonnière 50
40
30
Avr. Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc. Jan. Féb. Mars
Saisons
Demande résiduelle
100 Saison
hebdomadaire (GW)
Modulation 80
Puissance moyenne
80
inter-hebdomadaire 60
60
(GW)
40 40
20 20
Année 1 Année 2 Année 3 Année 4 Année 5 1 5 9 13 17 21
0 Semaines
Chroniques horaires
Semaine
Puissance moyenne
85
journalière (GW)
Modulation 80
inter-hebdomadaire
75
70
65
Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche
Jours
Journée
Puissance moyenne
75
horaire (GW)
70
Modulation 65
intra-journalière 60
55
50
0h 2h 4h 6h 8h 10h 12h 14h 16h 18h 20h 22h 0h
Heures
298
La sécurité d’approvisionnement .7
flexibilité les plus pertinents d’un point de vue tech- à l’échelle de la journée, et dans une moindre
nique en caractérisant la nature des sollicitations. mesure avec l’augmentation de la consommation
de certains usages qui affectent principalement
Plus précisément, ces indicateurs correspondent la consommation en début de soirée s’ils ne sont
aux volumes d’énergie à déplacer pour lisser pas pilotés (notamment la mobilité électrique) et
la courbe de consommation résiduelle6 (i) au de la production éolienne, qui varie au sein de la
sein d’une journée (besoin « intra-journalier »), journée.
(ii) d’une semaine (besoin « intra-hebdomadaire »),
(iii) entre les semaines d’une même saison (besoin Le besoin de modulation intra-
« inter-hebdomadaire »), (iv) entre les saisons hebdomadaire augmente très fortement,
d’une même année (besoin « inter-saisonnier ») et jusqu’à +300 % dans les scénarios avec
(v) entre les années (besoin « inter-annuel »). un fort développement de l’éolien, du
fait de la variabilité d’un jour sur l’autre
L’analyse réalisée sur les différents scénarios à de la production éolienne
l’horizon 2050 montre une augmentation signi- Le besoin de modulation intra-hebdomadaire qui
ficative des besoins de modulation dans tous les reflète les variations de la consommation rési-
scénarios, pour toutes les échéances étudiées. duelle entre les jours d’une même semaine est
aujourd’hui essentiellement déterminé par la diffé-
Les besoins de modulation évoluent de façon rence structurelle entre la consommation des jours
contrastée sur les différents indicateurs temporels ouvrés et celle des jours de fin de semaine.
et selon les scénarios et les échéances étudiées.
L’évolution de la consommation, de la production Cette structure de consommation, hors effet lié
d’origine renouvelable et la part respective des à l’utilisation des flexibilités de consommation7
différentes filières ont des effets différenciés sur reste relativement inchangée à l’horizon 2050. Par
les indicateurs aux différents horizons. contre, le développement de la production éolienne
conduit à une très forte augmentation du besoin de
Le besoin de modulation intra-journalier modulation intra-hebdomadaire. En effet, les varia-
augmente très fortement jusqu’à +600 % tions de consommation résiduelle les plus impor-
à l’horizon 2060 dans les scénarios avec tantes observées à l’échelle de quelques jours
beaucoup de production solaire, sous l’effet s’expliquent en grande partie par les variations de
principal du cycle jour/nuit de la production la production éolienne. Le facteur de charge éolien
solaire a ainsi environ 40 % de chance de varier de plus
Le besoin de modulation intra-journalier, qui reflète de 10 points (à la hausse ou à la baisse) entre
les variations de la consommation résiduelle entre deux journées consécutives. Ainsi, dans le scéna-
les heures d’une même journée, croît fortement rio M23 à l’horizon 2060, l’augmentation du besoin
dans tous les scénarios. de modulation intra-hebdomadaire est de l’ordre
de +300 %, résultant quasiment exclusivement
Ce dernier évolue principalement sous l’effet de du développement de l’éolien (l’évolution de la
la progression de la production d’origine photo- consommation et du photovoltaïque n’a pas d’effet
voltaïque, dont le profil jour-nuit induit des varia- important).
tions importantes de la consommation résiduelle
6.
Le besoin de modulation intra-journalier correspond au volume d’énergie moyen qu’il serait nécessaire de déplacer entre les heures d’une même journée
pour lisser complètement la consommation résiduelle (consommation diminuée des productions fatales, notamment photovoltaïque et éolienne). De façon
analogue, le besoin de modulation intra-hebdomadaire représente le volume d’énergie moyen à déplacer entre les jours d’une même semaine et le besoin
de modulation inter-hebdomadaire représente le volume moyen d’énergie à déplacer entre les semaines d’une même année.
7.
L’effet de la mobilisation des flexibilités de consommation n’est pas intégré dans l’évaluation du besoin de flexibilité, mais est considéré comme un levier
répondant au besoin de flexibilité.
300
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.8 Évolution des besoins de modulation sur les différents horizons temporels, dans les différents scénarios
et échéances
500 1,6
1,4
400
1,2
TWh/semaine
1,0
300
GWh/jour
0,8
200 0,6
0,4
100
0,2
0
0
M1
N1
M1
N1
M1
N1
M1
N1
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
M1
N1
M1
N1
M1
N1
M1
N1
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
-0,2
-100 -0,4
2022 2030 2040 2050 2060 2022 2030 2040 2050 2060
45 90
80
40
70
35 60
30 50
TWh/saison
40
25
TWh/an
30
20 20
15 10
0
10
-10
5 -20
0 -30
-40
M1
N1
M1
N1
M1
N1
M1
N1
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
M1
N1
M1
N1
M1
N1
M1
N1
-5
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
-50
-10 -60
2022 2030 2040 2050 2060 2022 2030 2040 2050 2060
25
20
15
TWh/an
10
Effet de la consommation (hors effet de la flexibilité)
Effet de l’éolien
Effet du photovoltaïque
5 Effet des autres productions fatales
Besoin total d’énergie à déplacer pour lisser les variations
0 au sein de l’horizon temporel considéré
M1
N1
M1
N1
M1
N1
M1
N1
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
M0
M23
N2
N03
-5
2022 2030 2040 2050 2060
Pour couvrir les différents besoins de flexibilité, d’augmenter le gisement d’effacement qui
l’élaboration des scénarios s’appuie sur la mobi- pourra être mobilisé. Enfin, le déploiement de
lisation de plusieurs solutions de flexibilité, qui communications numériques directes avec les
doivent par construction être décarbonées en appareils (5G, bluetooth…) et la généralisation de
cohérence avec l’objectif de neutralité carbone à gestionnaires techniques des bâtiments et des pro-
l’horizon 2050. cessus dans les industries permettra un pilotage
de plus en plus fin et sélectif des installations, tout
Tout d’abord, les scénarios s’appuient sur un déve- en limitant l’impact pour les consommateurs. Les
loppement de la production hydroélectrique, possibilités de modulation ou d’effacement de la
en particulier les stations de pompage-turbinage demande sont néanmoins associées à certaines
(STEP), offrant une solution de stockage d’électricité. contraintes (report de charge possible sur des
Comme mentionné au chapitre 4, les STEP jouent durées de l’ordre d’une journée voire de quelques
historiquement un rôle important dans la flexibilité du jours, mais rarement plus) et à une acceptabilité
système électrique. Des projets de développement de la part des consommateurs. Les flexibilités de
de la capacité de production hydraulique, notam- consommation ne pourront donc pas répondre à
ment de STEP, existent mais le nombre de sites pro- tous les types de besoins de flexibilité (en parti-
pices au développement d’installations hydrauliques culier pour gérer des longues périodes sans vent).
est limité. Les scénarios de RTE intègrent tous un
déploiement d’environ 3 GW de nouvelles STEP et En fonction des scénarios, il peut être nécessaire
de près de 1 GW d’autres installations hydrauliques. de construire de nouvelles unités thermiques
(cycle combiné, turbine à combustion) devant
En second lieu, les scénarios nécessitent une flexi- nécessairement utiliser des combustibles
bilité accrue de la demande : les nouveaux décarbonés dans un scénario de neutralité car-
usages qui se développent se caractérisent souvent bone (hydrogène, biométhane, méthane de syn-
par le fait qu’ils ne conduisent pas à une utilisa- thèse…) ou de développer des piles à combustible
tion instantanée de l’énergie, mais à son stockage utilisant de l’hydrogène. Ce type de solution est en
sous une forme adaptée pour une utilisation future. particulier adapté pour fournir du stockage d’éner-
C’est le cas de la recharge des batteries des véhi- gie sur des périodes longues (stockage inter-hebdo-
cules électriques et de la production d’hydrogène par madaire), via l’utilisation des capacités de stockage
électrolyse notamment. Ces usages sont donc plus de gaz existants, éventuellement adaptées à de
facilement déplaçables dans le temps que les usages nouveaux combustibles (hydrogène en particulier).
directs de l’électricité (éclairage, force motrice, Conformément aux orientations de la SNBC, les
chauffage…), comme c’était déjà le cas historique- centrales thermiques intégrées dans les cas de base
ment pour l’eau chaude sanitaire produite par les des scénarios à l’horizon 2050 et au-delà sont sup-
ballons et très généralement pilotée depuis quarante posées fonctionner avec des combustibles décarbo-
ans par un signal « heures creuses ». Le placement nés produits en France et ne reposent pas sur un
optimisé de ces consommations ou a minima leur recours aux technologies de captage et de stockage
effacement lors des périodes de forte consommation de carbone (CCS), ni sur des importations massives
résiduelle aura deux effets positifs : (i) ces consom- de combustibles décarbonés depuis l’étranger.
mations supplémentaires ne viendront pas renforcer
les besoins de pointe de consommation résiduelle et Des installations de stockage dédiées, en par-
(ii) elles fourniront des leviers de flexibilité supplé- ticulier des batteries stationnaires, dont les
mentaires pour la gestion de l’équilibre du système. coûts ont fortement chuté au cours des dernières
années, ont le potentiel de contribuer aux besoins
L’augmentation de la consommation élec- de flexibilité (au-delà des seuls services système
trique de l’industrie, sous l’effet de l’élec- fréquence qui constituent le modèle d’affaire actuel
trification des procédés, permet aussi des batteries récemment développées en France et
302
La sécurité d’approvisionnement .7
dans les pays voisins). Compte tenu des coûts qui La proportion des différentes solutions de flexibilité
dépendent fortement de la capacité de stockage, considérées varie donc selon les scénarios : l’ap-
les batteries ne sont néanmoins adaptées que pour proche retenue par RTE consiste à déterminer
stocker des volumes d’énergie relativement faibles pour chaque scénario un bouquet de flexibi-
et ne peuvent pas répondre à tous les besoins de lités sur la base d’une optimisation écono-
modulation, notamment au-delà de la journée. mique, qui permet d’identifier les leviers les
plus pertinents en fonction de leurs caracté-
Enfin, des réseaux électriques plus dévelop- ristiques, des contraintes que peuvent occa-
pés et interconnectés permettent de réduire le sionner leur utilisation et de leurs coûts.
besoin des autres types de flexibilités et doivent
donc être considérés comme un levier de flexibi- Ce raisonnement économique ne constitue que l’un
lité à part entière : via une intégration spatiale des déterminants de l’évaluation du bouquet de
à grande échelle, les interconnexions entre pays flexibilités possible. Des considérations sociétales,
européens permettront d’atténuer les consé- politiques et industrielles sont en effet de nature à
quences des variations locales et de faciliter la influer sur le développement de certains moyens
mutualisation des leviers de flexibilité. Le maillage de flexibilité, notamment des interconnexions
du système électrique au niveau régional et inter- (voir section 7.2), des flexibilités de la demande
national jouera ainsi un rôle primordial dans l’inté- (voir section 7.3), et des nouvelles capacités
gration des énergies renouvelables. hydrauliques flexibles (STEP et lac).
Figure 7.9 Solutions de flexibilité et horizons temporels sur lesquelles elles agissent
Interconnexions
Effacements ponctuels
de consommation Modulation sur des horizons longs possible selon
le vecteur gazier utilisé (méthane, hydrogène…)
Pilotage de la recharge des VE et selon le développement d’une infrastructure de
Consommations stockage et de transport à l’échelle européenne
Pilotage de l'ECS
Batteries
Réservoirs hydrauliques
Stockage et
production
STEP
7.2.1 Sur le plan économique : les études plaident pour un renforcement important
de la capacité d’échange entre pays européens
8.
Source : Factsheet ENTSO-E 2018
304
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.10 Probabilité d’occurrence sur les facteurs de charge de l’éolien en France et dans les pays voisins
100% 100%
facteur de charge <20%), la
production éolienne en Europe
n’est pas nécessairement
faible, voire peut être soutenue
80% 80%
(éolien terrestre et en mer agrégés)
Probabilité
d’occurence
40% 40%
0 - 0,25 %
0,25 - 0,5 %
0,5 - 1 %
20% 20% 1 - 1,5 %
1,5 - 2 %
2 - 3%
3 - 4%
>4 %
0% 20% 40% 60% 80% 100% 0% 20% 40% 60% 80% 100%
Hiver Été
ce facteur est inférieur à 10 % sur la France productions renouvelables fatales) européenne est
et ses premiers voisins ne représentent que bien plus lissée que la consommation résiduelle fran-
0,3 % du temps. çaise. Sur le scénario M23 en 2050. La pointe à une
chance sur dix de consommation résiduelle sur
En intégrant ces différents effets sur les profils de le périmètre de la France et ses voisins directs
production et de consommation à l’horizon 2050, la est ainsi plus faible de plus de 15 % que la
consommation résiduelle (production diminuée des somme de celles de chacun de ces pays.
Le développement des interconnexions permet de Les résultats des simulations de l’équilibre offre-
tirer le meilleur parti du foisonnement de la consom- demande européen montrent que les capaci-
mation et de la production renouvelable à l’échelle tés d’interconnexion déjà existantes permettent
européenne. Il rend donc possible une mutualisa- de réduire de l’ordre de 70 GW9 les capacités à
tion des moyens de flexibilité (batteries, centrales déployer dans les différents pays, par rapport
thermiques décarbonées…), avec un effet baissier à une situation théorique sans aucune capacité
sur les capacités à déployer dans chaque pays pour d’échange entre les pays.
assurer la sécurité d’approvisionnement en Europe.
9.
Cette puissance est évaluée en capacité parfaite équivalente, c’est-à-dire la puissance de capacités sans contraintes de disponibilité ni de contraintes de stock.
450
Besoin capacitaires en Europe (GW)
400 ~70 GW
350
~50 GW
300
~40 GW
250 ~50 GW
200
150
100
50
0
Sans interconnexion Avec les capacités Avec les capacités Avec les capacités Avec interconnexions
entre les pays européens d'interconnexion actuelles d'interconnexion d'interconnexion infinies (situation
(situation théorique) (12 GW de capacité prévues à l'horizon 2030 prévues dans l’hypothèse théorique)
d'import) (22 GW de capacité de référence en 2050
d'import) (39 GW de capacité
d'import)
Par rapport au niveau d’interconnexion actuel, le Un développement accru des interconnexions au-delà
développement des interconnexions envi- des trajectoires considérées dans l’étude serait de
sagé dans les scénarios à l’horizon 2050 nature à réduire encore le besoin de flexibilité, mais
permet d’aller plus loin dans la mutualisa- de manière moins importante. Ainsi, le cas théorique
tion des moyens de flexibilité et conduit à d’une Europe parfaitement interconnectée (« plaque
une réduction supplémentaire de l’ordre de de cuivre ») conduirait à diminuer encore le besoin de
90 GW du besoin total européen de nouvelles flexibilité d’environ 50 GW supplémentaires.
capacités nécessaires à la sécurité d’appro-
visionnement, dans le scénario M23. Sur ces De telles configurations soulèvent néanmoins des
90 GW, une réduction du besoin de 50 GW est questions économiques, industrielles et politiques
accessible grâce aux interconnexions prévues à qui sont particulièrement significatives.
l’horizon 2030.
10.
Les besoins capacitaires sont exprimés en « puissance parfaite » nécessaire supplémentaire, par rapport aux capacités de production prévues et leviers
de flexibilité déjà existants
306
La sécurité d’approvisionnement .7
Dans une approche d’optimisation économique, le régulation afin d’assurer leur intérêt pour la
niveau de développement des interconnexions doit collectivité.
être en premier lieu déterminé par la comparaison
entre les coûts des projets d’interconnexions et Les gains pour le système électrique résultent à la fois
les gains apportés au fonctionnement du système de la réduction des capacités de production flexibles
électrique européen. C’est ainsi qu’est aujourd’hui à développer mise en évidence dans les paragraphes
organisé le système d’autorisation des nouveaux précédents, mais également d’une meilleure optimi-
projets de capacités d’interconnexion, qui doivent sation de l’utilisation des différents moyens du mix
faire l’objet d’une justification économique auprès électrique via la sollicitation des capacités de produc-
des instances européennes et des autorités de tion et de flexibilité les moins coûteuses à l’échelle
Figure 7.12 Coûts et bénéfices pour le système électrique liés au développement des interconnexions dans
les scénarios M23 et N03 à l’horizon 2050, selon les hypothèses sur les prix du gaz, les coûts
des interconnexions et le niveau de développement des interconnexions
400 400
annualisés (en M€/GW/an)
300 300
200 200
Configuration
de référence 100 100
0 0
-100 -100
~22 GW > ~30 GW ~30 GW > ~39 GW ~39 GW > ~45 GW ~22 GW > ~30 GW ~30 GW > ~39 GW ~39 GW > ~45 GW
400 400
annualisés (en M€/GW/an)
300 300
Variante
avec prix 200 200
du gaz faible
et coût des 100 100
interconnexions
élevé 0 0
-100 -100
~22 GW > ~30 GW ~30 GW > ~39 GW ~39 GW > ~45 GW ~22 GW > ~30 GW ~30 GW > ~39 GW ~39 GW > ~45 GW
11.
Les bénéfices pour la collectivité française prennent en compte (i) les coûts d’investissement évités dans des capacités pour assurer la sécurité
d’approvisionnement (CCG/TAC, batteries), (ii) l’impact sur les coûts variables de production (thermique décarboné et nucléaire) en France et (iii) l’impact sur
la balance commerciale des échanges d’électricité. Il s’agit de la réduction des coûts du système électrique, selon la méthodologie décrite au chapitre 11.
12.
Cf. le rapport d’ENTSO-E « System needs » élaboré dans le cadre du plan décennal européen (TYNDP) 2020 et l’étude de la Commission européenne
« Optimal flexibility portfolios for a high-RES 2050 scenario »
13.
Cf. Étude du NREL menée sur l’Amérique du Nord : North American Renewable Integration Study Highlights Opportunities for a Coordinated, Continental
Low-Carbon Grid.
308
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.13 Capacités d’imports dans différentes études et comparaison avec les trajectoires retenues par RTE
50
40
Scénario référence
ADEME - Trajectoire 2020-2060 - Scénario
20 développement aisé des interconnexions
SFEN - Scénarios 2050
TransnetBW - Stromnetz 2050
Au-delà des bénéfices technico-économiques en France). À long terme, une plus grande mutuali-
résultant de la réduction des besoins de capacité et sation des leviers de flexibilité grâce au développe-
de l’optimisation de l’équilibre offre-demande, un ment des interconnexions conduit à l’accroître, pour
développement volontariste des interconnexions à atteindre de l’ordre de 3 % du temps dans les cas de
long terme induit un accroissement de la dépen- base des différents scénarios et de l’ordre de 1 % de
dance du système électrique français aux imports. volume d’électricité.
Cette dépendance est déjà une réalité. Depuis Dans les scénarios de neutralité carbone, cette
2011, l’évaluation de la sécurité d’approvisionne- situation de dépendance de la France aux pays
ment définie dans le Code de l’énergie intègre la voisins est par ailleurs réciproque et signifie une
prise en compte de la contribution des pays voi- maîtrise partagée au niveau européen du pilotage
sins dans les modélisations de l’équilibre offre- du système et de la sécurité d’approvisionnement.
demande. Ce principe s’appuie sur la volonté de ne
pas surdimensionner le parc de production élec- Cette interdépendance soulève différentes problé-
trique en France et d’éviter d’envoyer des signaux matiques :
inutilement alarmistes lors des situations où la u sur le plan technique d’une part, avec la néces-
France peut assurer la sécurité d’approvisionne- sité de mettre en place des modes d’exploitation
ment grâce aux imports. coordonnés avec les opérateurs des pays voisins ;
u sur le plan politique d’autre part, avec une ques-
Cette interdépendance est néanmoins extrême- tion sur l’acceptabilité et sur les leviers de maî-
ment limitée en volume (environ 1 % du temps trise de ce niveau de dépendance (voir ci-après).
aujourd’hui, pour 0,1 % de l’électricité consommée
Figure 7.14 Fréquence des situations où les imports sont strictement nécessaires à la sécurité d’approvisionnement
en France
10%
8%
% du temps
6%
4%
2% Supérieur à 30 GW
Entre 20 et 30 GW
Entre 10 et 20 GW
0% Inférieur à 10 GW
2021 2050 - M23
310
La sécurité d’approvisionnement .7
L’augmentation de la dépendance aux inter- terme, des garanties de livraison et des possibilités
connexions pour la sécurité d’approvisionnement de stockage significatives (via les stocks stratégiques
électrique doit être mise en regard de l’évolution en particulier) permettant d’anticiper de potentielles
de l’autonomie énergétique globale permise dans crises sur l’approvisionnement énergétique.
les scénarios de neutralité carbone. De manière
générale, les scénarios des Futurs énergé- Dans une France neutre en carbone dont l’électri-
tiques 2050 s’inscrivent dans une stratégie cité est la principale source d’énergie, la dépendance
énergétique globale de très forte réduction aux pays exportateurs de pétrole ou de gaz dispa-
de la dépendance énergétique de la France, à raît. En contrepartie, le système électrique possède
la fois sur le plan quantitatif et qualitatif. une dimension européenne et un certain niveau de
« codépendance » entre pays européens proches.
Pris dans son ensemble, le mix énergétique français Dans les scénarios des Futurs énergétiques 2050, la
repose aujourd’hui majoritairement sur les énergies France demeure légèrement exportatrice d’électri-
fossiles, qui composent plus de 60 % de la consom- cité et a recours à des imports pour des durées et
mation d’énergie finale du pays14. Ces énergies ne volumes plus élevés qu’aujourd’hui mais qui restent
sont pas extraites en France mais majoritairement limités. Le fonctionnement d’un tel système électrique
importées depuis le Moyen-Orient, l’Afrique du nord, obéit indéniablement à une réalité plus européenne.
la Russie et des pays européens (Norvège et Pays- Il implique a minima un système de marché visant
Bas). Malgré l’augmentation limitée de la dépen- à optimiser l’allocation des ressources à l’échelle du
dance du système électrique, la décarbonation continent et une coordination technique renforcée.
de l’économie et la sortie des énergies fossiles L’approvisionnement en électricité dépend des condi-
conduisent donc à réduire fortement la dépen- tions sur l’équilibre offre-demande des pays voisins et
dance de la France au reste du monde pour l’ap- notamment des conditions météorologiques vécues.
provisionnement énergétique à l’horizon 2050.
Cette absence de « garantie physique », comparée aux
Dans un système neutre en carbone reposant en relations commerciales de long terme et aux capaci-
plus grande partie sur l’électricité, l’enjeu de la tés de stockage intrinsèques aux énergies fossiles,
dépendance entre pays doit donc s’appréhender a suscité dans le cadre de la concertation un débat
de manière différente. sur la « dépendance » engendrée par les scénarios
d’électrification. Les éléments présentés ci-dessus
La situation énergétique générale de la France qui permettent de quantifier cet effet, qui doit s’intégrer
s’est structurée au cours du XXe siècle repose sur une à la perspective plus large d’une quasi-autosuffisance
organisation mondiale des flux d’énergies des pays énergétique de la France dans la SNBC, ce qui consti-
producteurs d’hydrocarbures vers les pays consom- tuerait sur le plan géostratégique une évolution
mateurs. Ce système repose sur des contrats de long considérable par rapport à aujourd’hui14.
14.
Ce taux est calculé sur l’énergie finale (sauf pour l’électricité, qui intègre les consommations du secteur de l’énergie : pertes, production d’hydrogène,
raffineries…) et est plus important que le taux officiel de 45%, publié par le SDES, qui est calculé sur l’énergie primaire et considère un facteur de conversion
entre énergie finale et énergie primaire sur la production nucléaire (1 TWh d’énergie finale d’origine nucléaire compte pour 2,5 TWh d’énergie primaire), qui
conduit à donner un poids important à la production nucléaire, supposée ne pas dépendre des importations.
L’évaluation de l’origine géographique de la consommation d’énergie consommée en la France repose sur les hypothèses et conventions suivantes :
-P our les énergies autres que l’électricité, les exportations sont défalquées des importations pour n’afficher que les importations servant à couvrir les
besoins de la France. Pour n’afficher que les importations nettes, une règle de prorata entre les origines géographiques est appliquée.
-L a consommation d’électricité est comptabilisée en consommation totale.
- Pour l’électricité, l’évaluation de la consommation d’énergie reposant sur des imports correspond à la somme de (i) l’électricité produite par des centrales
fonctionnant au combustible importé et (ii) l’électricité importée, dans les moments où ces imports étaient strictement nécessaires.
L’électricité d’origine nucléaire est comptabilisée comme provenant de France, même si l’uranium est importé, car les coûts d’approvisionnement en uranium
ne représentent qu’une très faible part des coûts de production d’électricité. C’est la convention retenue par le ministère de la Transition écologique. Cette
convention a un effet important sur l’évaluation de la dépendance aux imports. Si l’énergie nucléaire était considérée comme reposant sur les imports, la
part de l’énergie totale importée sur l’énergie totale consommée serait de 82 %, contre 61 % avec la convention adoptée.
La production d’hydrogène par électrolyse étant comptabilisée dans la consommation totale d’électricité, il a été choisi de ne pas intégrer la consommation
d’hydrogène dans la consommation finale de gaz.
2018 2050-M23
Consommation finale : 475 TWh 216 TWh 324 TWh 607 TWh 14 TWh 645 TWh 270 TWh 119 TWh 13 TWh
Part dépendante des imports : 35 TWh 30 TWh 324 TWh 599 TWh 14 TWh 3 TWh 0 TWh 1 TWh 13 TWh
(7%)* (14%) (100%) (99%) (100%) (0,5%)* (0%) (1%) (100%)
dont : dont :
1 TWh d'imports d'électricité nécessaires 3 TWh d'imports d'électricité nécessaires
à la sécurité d'approvisionnement à la sécurité d'approvisionnement
34 TWh de production à partir
de combustibles importés
France Union européenne, Royaume-Uni et Norvège Russie Moyen-Orient Afrique Autres Indéterminé
* La convention de référence sur le nucléaire consiste à considérer que la production nucléaire n’est pas dépendante de façon critique des imports d’uranium
312
La sécurité d’approvisionnement .7
Même si elle trouve une justification sur le plan dans les scénarios étudiés. Ce niveau, bien qu’en
économique, une trajectoire d’accélération forte du augmentation par rapport à aujourd’hui, demeure
développement des interconnexions présente de inférieur à celui de 45 GW qui ressort de l’analyse
nombreuses incertitudes : capacité à déployer les économique dans toutes les configurations étu-
projets, augmentation de l’interdépendance des diées. L’hypothèse centrale considérée de 39 GW
pays, acceptation politique et sociétale, etc. se situe dans le faisceau des études externes
et en dessous des études ayant défini le niveau
Les retours des participants à la concertation ont d’interconnexion sur la base d’une optimisation
fait émerger un point d’attention spécifique sur le économique.
réalisme d’un scénario reposant sur une capacité
d’interconnexion très importante. Plusieurs acteurs Le rythme de développement sous-jacent néces-
ont ainsi proposé de limiter leur développement à saire est de l’ordre de 0,9 GW par an sur les trente
un niveau inférieur à l’optimum économique pour prochaines années. Il est cohérent avec le plan de
éviter de reporter de manière trop importante le développement présenté par RTE dans le schéma
développement de la flexibilité à l’extérieur de la décennal de développement du réseau publié en
France, de créer une situation de dépendance trop 2019, qui prévoit un rythme de développement
forte ou encore de projeter un rythme de dévelop- des interconnexions d’environ 1 GW par an pour
pement des interconnexions trop rapide. les quinze prochaines années.
Dans ce contexte, une hypothèse prudente de Cette hypothèse est commune à tous les scénarios
39 GW de capacité d’import pour l’horizon 2050 et des variantes sont testées pour apprécier les
(contre environ 12 GW aujourd’hui et 22 GW pré- implications techniques et économiques associées
vus pour 2030) a été retenue comme référence au niveau de développement des interconnexions.
Figure 7.16 Évolution des capacités d’import, Figure 7.17 Capacités d’import en
dans la configuration de référence 2050, dans les différentes
configurations testées
45 45
40 40
35 35
30 30
25 25
GW
GW
20 20
15 15
10 10
5 5
0 0
2020 2030 2040 2050 2060 Configuration Configuration Configuration
interconnexion interconnexion interconnexion
basse médiane haute
La contribution des interconnexions à la de l’ordre de 3,9 heures/an dans les principaux pays
sécurité d’approvisionnement en France (configuration « C »), contre 1,4 heures/an dans la
va fortement augmenter dans les pro- configuration de référence (configuration « A »),
chaines décennies, passant d’environ 10 GW pourrait réduire la contribution des interconnexions
aujourd’hui à un niveau de 20 à 25 GW dans à la sécurité d’approvisionnement de la France de
les différents scénarios à l’horizon 2050. l’ordre de 5 GW. Ainsi, le niveau de sécurité d’appro-
L’augmentation de la contribution des inter- visionnement dont bénéficie la France via les inter-
connexions à la sécurité d’approvisionnement de connexions ne peut être considéré comme acquis à
la France est cependant plus faible que l’augmen- la hauteur du potentiel technique.
tation des capacités d’interconnexions, la contri-
bution passant de l’ordre de 80 % à 60 % de la La contribution des interconnexions est
capacité d’import à horizon 2050, du fait notam- de nature statistique et doit être comprise
ment des évolutions du mix de production dans les comme la réduction du besoin en capacité en
pays voisins, qui disposeront de moins de capaci- France pour maintenir un même niveau de
tés pilotables. sécurité d’approvisionnement. Elle ne consti-
tue pas une garantie systématique de disponibilité
Ce volume est évalué non pas sur la taille des inter- des imports dans les situations de tension. En pra-
connexions, mais sur leur potentiel d’utilisation en tique, les puissances disponibles pour des imports
tenant compte de la production et de la consomma- dans les situations de tension peuvent être très
tion projetées dans tous les pays européens (dont les variables. À titre d’exemple, dans le scénario M23
hypothèses ont été présentées au chapitre 6). Une en 2050, les imports français sont parfois infé-
dégradation de la sécurité d’approvisionnement en rieurs à la contribution statistique, mais sont aussi
Europe, avec une espérance de durée de défaillance supérieurs dans d’autres configurations.
Figure 7.18 Monotone d’imports lors des épisodes de défaillance dans le scénario M23 en 2050
40
Imports lors des épisodes de défaillance (GW)
25
20
15
10
0
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
314
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.19 Contribution moyenne des interconnexions et des autres leviers pilotables (batteries, hydraulique
pilotable, STEP, flexibilités de consommation, thermique pilotable, nucléaire) calculée sur les
quatre heures de plus forte demande résiduelle, pour les principaux pays européens, dans le scénario
M23 en 2050
100%
Contribution
90% moyenne des
interconnexions
80% lors des périodes
les plus chargées
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
M23 DE GB IT ES NL PL BE CZ AT PT CH
France - cas de référence Pays voisins modélisés - cas de référence du scénario 2050
du scénario 2050
Interconnexions
Autres leviers pilotables (batteries, hydraulique pilotable, STEP, flexibilités de consommation, thermique pilotable, nucléaire)
La France est aujourd’hui un pays structurelle- Cette variabilité se matérialise d’une part par le
ment exportateur d’électricité vers les pays voi- profil journalier moyen d’utilisation des inter-
sins, avec un solde net ayant évolué entre 40 et connexions, avec des flux du sud vers le nord pen-
60 TWh au cours des dernières années. Les inter- dant les périodes de production photovoltaïque
connexions ont donc été ces dernières décennies et des flux du nord vers le sud en dehors de ces
principalement utilisées pour exporter l’électricité périodes. D’autre part, l’amplitude du solde horaire
produite en France. Cette situation découlait de d’import/export augmente. Dans le scénario M23
différentiels structurels sur les coûts de produc- en 2050, l’amplitude de l’intervalle dans lequel se
tion de l’électricité, liés à des choix différents de situent 90 % des situations d’import/export est de
combustibles, et conduisait souvent à saturer 46 GW, contre seulement 15 GW actuellement.
la capacité d’interconnexion sur certaines fron-
tières. Sur la décennie 2000-2009, la France était Le recours aux imports (en position nette) devient
exportatrice nette d’électricité près de 95 % du moins rare : dans tous les scénarios, bien que
temps et près de 90 % du temps sur la décennie le solde exportateur de la France reste positif, la
2010-2019. France devient plus fréquemment importatrice, de
l’ordre de 45 %15 du temps dans le scénario M23
Depuis 2010 et les débuts de la transition énergé- en 2050, contre de l’ordre de 10 % ces dernières
tique en Europe, les flux sur les interconnexions années.
deviennent de plus en plus variables, et peuvent
changer de sens au sein même d’une journée. Les capacités d’interconnexion entre la France et
les pays voisins jouent donc un rôle croissant pour
Dans tous les scénarios à l’horizon 2050, la varia- accueillir des flux transeuropéens, ce qui entraî-
bilité des flux augmente significativement, ce nera des répercussions sur le dimensionnement et
qui découle directement de celle des productions la gestion du réseau de grand transport national
renouvelables dans chaque pays. (voir chapitre 10).
15.
Il convient de préciser que parmi les situations où la France importe, seulement une petite partie correspond à des situations où ces imports sont nécessaires
à la sécurité d’approvisionnement, le reste des situations sont des configurations où la France dispose de suffisamment de moyens pour assurer la sécurité
d’approvisionnement mais des productions à coût plus faibles sont disponibles (p.e. imports d’excédents de production renouvelable plutôt que démarrage
de capacités de production thermique).
316
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.20 Évolution de la moyenne et des 5e et 95e centiles du solde exportateur horaire de la France
50
40
Exports nets
30
Solde des échanges (GW)
20
10
-10
Imports nets
-20
Moyenne
-30 5e et 95e centile
Capacité maximale
-40 d’import
Capacité maximale
d’export
-50
2001-2010 2011-2020 2030 2040 2050 2060
Figure 7.21 Profil horaire moyen du solde des échanges de la France par frontière, et des 5e et 95e centiles,
sur l’historique 2011 à 2020 et pour le scénario M23 en 2050
40 40
Historique 2011-2020 M23 - 2050
30 30
Exports nets
Exports nets
20 20
10 10
GW
GW
0 0
Imports nets
Imports nets
-10 -10
-20 -20
-30 -30
0h 2h 4h 6h 8h 10h 12h 14h 16h 18h 20h 22h 0h 2h 4h 6h 8h 10h 12h 14h 16h 18h 20h 22h
Le pilotage de la demande n’est ni une problématique flexibilité importants, qui sont déjà en partie valo-
nouvelle, ni un enjeu uniquement pour l’avenir dans risés en France. Les effacements sont réalisés dans
un scénario de rupture : des solutions de ce type l’industrie grâce au décalage de la production dans
sont déjà déployées depuis longtemps en France. le temps, en exploitant l’inertie de certains procé-
dés, ou les marges existantes dans les plans de pro-
Dans le secteur résidentiel, la flexibilité de la duction des industriels. Ces effacements en France
consommation est exploitée depuis les années représentent aujourd’hui de l’ordre de 3 GW.
1970-1980 : le pilotage des chauffe-eau élec-
triques sur signal tarifaire, avec un décalage de En complément des efforts entrepris ces dernières
fonctionnement sur les heures de nuit ou méri- années par les pouvoirs publics et RTE pour déve-
diennes, concerne aujourd’hui environ 75 % du lopper les flexibilités sur les usages existants au
parc. Il s’agit d’une solution qui donne pleine travers d’évolutions des mécanismes de marché et
satisfaction et permet d’éviter des appels de puis- de la mise en place de dispositifs de soutien, des
sance sur la pointe du soir de l’ordre de 2 GW en évolutions structurelles de la consommation sont
moyenne. Sur le même segment, les effacements à l’œuvre et offrent de nouvelles opportunités.
de consommation de type EJP/Tempo, développés Une partie des nouveaux usages sont en effet par
à partir des années 1990, sont également des dis- essence de nature pilotables car ils ne conduisent
positifs connus de longue date. Des offres d’effa- pas à une utilisation instantanée de l’énergie ou
cement diffus ont aussi émergé depuis une dizaine parce qu’ils vont de paire avec le déploiement de
d’année sous la forme d’offres de marché, pour des moyens de pilotage via le numérique.
volumes beaucoup plus faibles.
La mobilité électrique (véhicules légers et lourds,
Dans le secteur industriel, les procédés industriels hors ferroviaire) représente en 2050 de l’ordre de
électro-intensifs représentent des gisements de 80 TWh dans le scénario de référence. 70 % à 80 %
318
La sécurité d’approvisionnement .7
des recharges sont estimées comme pouvant des conditions du système électrique et les
être réalisées en temps « non contraint », besoins pour usage final (industrie et mobi-
laissant la possibilité de placer la recharge lité lourde longue distance notamment). Mais
des véhicules sans impact sur les utilisateurs le niveau réel de flexibilité réelle sur le fonctionne-
aux moments où le système électrique dispose de ment des électrolyseurs dépendra des infrastruc-
marges de production, voire de forts excédents tures de transport et de stockage d’hydrogène
de production à faible coût variable. Différentes qui seront développée au niveau européen. Des
modalités de pilotages permettant un ajustement incertitudes existent à ce stade sur les capacités
plus ou moins dynamique aux conditions du sys- de stockage et la flexibilité associée au vecteur
tème électrique sont possibles. La plupart peuvent hydrogène.
se baser sur des dispositifs très simples : asservis-
sement tarifaire, déclenchement à heure fixe ou L’augmentation de la consommation industrielle
choix par l’utilisateur de brancher son véhicule cer- d’électricité, sous l’effet de l’électrification des pro-
tains jours (le week-end par exemple). cédés conduira aussi à une augmentation du gise-
ment d’effacement.
Le développement de l’électrolyse représente une
consommation d’électricité de 50 TWh en 2050 Dans les secteurs résidentiel et tertiaire, la diffu-
(et plus dans les scénarios où de l’hydrogène sion de solutions de pilotage fin de certains
décarboné est utilisé pour alimenter des moyens usages, comme les compteurs communicants,
thermiques contribuant à la sécurité d’approvision- les solutions de domotique ou les solutions
nement). Il constitue également un levier de flexi- de gestion technique du bâtiment16 consti-
bilité sur la consommation dès lors que cet usage tue une opportunité indéniable. Néanmoins,
ne vise pas une consommation instantanée de la consommation de ces secteurs sera stable ou
l’énergie : des capacités de stockage d’hydro- orientée à la baisse sur certains usages modu-
gène permettront de faire le « tampon » entre lables ou ponctuellement effaçables (chauffage et
une production par électrolyse qui dépendra eau chaude sanitaire notamment).
16.
Le décret n° 2020-887 du 20 juillet 2020, relatif au système d’automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels et à la régulation automatique
de la chaleur, prévoit l’obligation à l’horizon 2025 que tous les bâtiments tertiaires dont la puissance de chauffage et climatisation est supérieure à 290 kW
soient équipés de solutions de gestion technique des bâtiments, avec un système de management de l’énergie.
Pour les consommateurs concernés par le pilotage de publics et la confiance dans les éventuels intermé-
la demande, le facteur économique est supposé jouer diaires (opérateurs d’effacements, fournisseurs,
un rôle important : de la même façon que la recharge etc.) jouent également un rôle. Les retours d’expé-
automatique des chauffe-eaux permettait de dis- rience sur les dispositifs existants, comme les tarifs à
poser de tarifs plus bas, le pilotage de la recharge effacement dans les années 1990, ont déjà souligné
des véhicules électriques est susceptible d’offrir aux que leur adoption répondait à des segmentations
consommateurs des leviers de maîtrise de leur fac- sociologiques très marquées. La communication sur
ture énergétique. RTE a montré dans son rapport sur l’utilité et la simplicité de la mise en œuvre (pro-
la mobilité électrique de mai 2019 que ces gains pou- grammation automatique) seront donc des facteurs
vaient être importants à l’échelle d’un ménage. clés pour l’adoption de ce type de comportement.
Le facteur économique est cependant loin d’être le Dans les différents scénarios publics existants,
seul à entrer en jeu, notamment dans le secteur les gisements de flexibilité de la consommation
du grand public : l’enjeu sur le confort perçu et la reposent sur des hypothèses fortement contras-
représentation symbolique par rapport aux modes tées en termes de puissances mobilisables sur les
de vie, la simplicité des solutions proposées, l’ac- différents usages et de contraintes associées à
compagnement des opérateurs et des pouvoirs l’activation de ces flexibilités et aussi le caractère
Figure 7.22 Puissances moyennes effaçables de la demande d’électricité et nature du pilotage (statique ou dynamique)
à l’horizon 2050 dans les différentes configurations considérées et dans les études externes17
50 Type de pilotage
Situation RTE - Futurs énergétiques (2021) ADEME SFEN (2020)
actuelle (2018)
45 44 Statique
Dynamique
40
dynamique
Pilotage
(GW)
35
30
30
25 25
Flexibilité
GW
25
22 de la demande
41
10
20 Mobilité électrique
20
17
hors vehicle-to-grid
15 Vehicle-to-grid
22
hybrides
5
6
5 Climatisation
3
Usages blancs
0 Process industriels
2019 Configuration Configuration Configuration Configuration Mix Scénarios Scénarios Tertiaire
flexibilité flexibilité flexibilité flexibilité 2020-2060 - 2050 - 2050 - Production d’hydrogène
très basse prudente médiane haute Trajectoire configuration configuration par électrolyse
de référence flexibilité flexibilité
limitée accessible
2050
17. La puissance moyenne effaçable correspond à la baisse de consommation disponible en moyenne sur l’année grâce à la flexibilisation des usages, par rapport
à une consommation « naturelle » (i.e. une consommation qui serait celle si les consommateurs n’avaient aucun intérêt à flexibiliser leurs usages). Pour les
études externes, les valeurs affichées sont estimées par RTE pour se ramener à la même définition (et peuvent différer des valeurs affichées dans les études,
qui utilisent parfois d’autres règles de comptabilisation).
320
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.23 Évolution de la puissance moyenne effaçable de la demande d’électricité dans la configuration
« flexibilité prudente » sur la demande d’électricité, de 2020 à 2060
50
Situation RTE - Futurs énergétiques (2021) ADEME SFEN (2020)
actuelle 44 (2018)
45
40
35
30
30
25 25
GW
25 22
41
20 17 10
20
15
22
9 20
10 14
5 6
5
4
0
2019 Configuration Configuration Configuration Configuration Mix Scénarios Scénarios
flexibilité flexibilité flexibilité flexibilité 2020-2060 - 2050 - 2050 -
très basse prudente médiane haute Trajectoire configuration configuration
de référence flexibilité limitée flexibilité
accessible
20 Type de pilotage
Statique
18 17 17 Dynamique
dynamique
16
Pilotage
(GW)
14
12
12
Flexibilité de la demande
GW
14
14
10
8 Mobilité électrique hors vehicle-to-grid
8 Vehicle-to-grid
8
Climatisation
4 Usages blancs
3
Process industriels
2
Tertiaire
0 Production d’hydrogène par électrolyse
2020 2030 2040 2050 2060
dynamique18 ou non de la mobilisation de certains érosion des flexibilités sur les usages actuels et
leviers de flexibilité. Selon les sources considérées, faible développement de la flexibilité des nou-
le gisement total se situe entre 22 et 30 GW19, veaux usages (mobilité électrique, électrolyse) ;
mais ces chiffres, relativement proches, masquent u une configuration « flexibilité prudente » reflétant
des différences fortes sur les modalités de pilotage une situation de développement prudent de la
et les contraintes associées. flexibilité, portée essentiellement sur les nou-
veaux usages (mobilité électrique, électrolyse)
Dans la présente étude, compte tenu des incertitudes et qui n’intègre pas de pari sur l’acceptabilité des
sur le gisement de flexibilité, plusieurs configurations consommateurs ou de diffusion technologique20.
contrastées ont été considérées et testées : C’est la configuration de référence considérée.
u une configuration « sans aucune flexibilité de u une configuration « flexibilité médiane », qui
consommation », qui ne reflète pas une situation intègre un développement plus important de la
réaliste et sert de scénario contrefactuel pour flexibilité sur tous les secteurs, à des niveaux
évaluer l’apport des flexibilités de consomma- atteignables sous condition d’un bon niveau
tion au fonctionnement du système électrique ; d’appropriation des leviers de flexibilité par
u une configuration « flexibilité très basse », qui les consommateurs et les entreprises, et de
reflète une situation d’échec sur le développement la diffusion de solutions techniques existantes
de la flexibilité de la demande, avec stagnation/ permettant le pilotage dynamique de certains
18.
Un usage est considéré comme pilotable dynamiquement s’il peut agir en fonction de la situation de l’équilibre offre-demande du système électrique. C’est le cas
pour les consommateurs qui réagissent à un signal de prix dynamique (p.e. prix de marché Spot) et à une activation pilotée par un agrégateur en fonction des
besoins du système électrique. L’activation des effacements industriels, via les mécanismes de marché, constitue un exemple de pilotage dynamique. A contrario,
un usage est considéré comme piloté statiquement si son profil de consommation est adapté en structure pour les besoins du système électrique, par exemple via
un tarif statique (type le signal heures pleines/heures creuses actuel), sans que le consommateur réagisse dynamiquement aux besoins du système électrique. Le
pilotage actuel de la production d’eau chaude sanitaire par le signal HP/HC chez la plupart des consommateurs correspond à un pilotage statique.
19.
Ces valeurs intègrent la flexibilité de la production d’hydrogène par électrolyse, qui n’est pas systématiquement intégrée dans la restitution des hypothèses sur
la flexibilité de la consommation des études externes. Par ailleurs, les puissances affichées dans les études externes ne sont pas nécessairement comptabilisées
avec la même règle de calcul. Les valeurs affichées ici restituent la puissance effaçable en moyenne, telle que décrite en note de bas de page 23.
20.
En pratique, elle repose sur une légère amélioration du taux de pilotage de la recharge des véhicules électriques reposant sur des solutions de pilotage
simple et avec une très faible adoption du vehicle-to-grid. Le pilotage des usages dans le tertiaire et le résidentiel stagne tandis que les effacements
industriels se développent sous l’effet mécanique de l’électrification des process industriels. La production d’hydrogène par électrolyse est quant à elle
flexibilisée et les électrolyseurs s’effacent en particulier lors des périodes de tension menaçant la sécurité d’approvisionnement.
322
La sécurité d’approvisionnement .7
Au cours des dernières années, la baisse rapide du Au-delà de l’intérêt financier, le développement de
coût des panneaux solaires, associée à la hausse des l’autoconsommation répond à des attentes socié-
tarifs toutes taxes comprises de l’électricité, a rendu tales de développement d’une production d’électri-
possible l’émergence de l’autoconsommation photo cité décarbonée et locale.
voltaïque, notamment dans le secteur résidentiel.
Pour un nombre croissant de foyers, il devient inté- À l’horizon 2050, le développement de l’auto-
ressant, d’un point de vue financier, de produire sa consommation pourrait s’amplifier fortement.
propre électricité et de réduire ainsi l’énergie souti- Le scénario M1 évalue l’effet d’un développement
rée sur le réseau. En 2021, les autoconsommateurs important de production photovoltaïque sur toiture
représentent de l’ordre de 100 000 foyers en France21. dans une logique d’autoconsommation chez les
Soutirage
0h 1h 2h 3h 4h 5h 6h 7h 8h 9h 10h 11h 12h 13h 14h 15h 16h 17h 18h 19h 20h 21h 22h 23h
Injection
Puissance
Soutirage
0h 1h 2h 3h 4h 5h 6h 7h 8h 9h 10h 11h 12h 13h 14h 15h 16h 17h 18h 19h 20h 21h 22h 23h
21.
https://www.enedis.fr/presse/plus-de-100-000-operations-dautoconsommation-en-france-metropolitaine
Figure 7.25 Comparaison du gain sur la facture d’un consommateur ou d’un autoconsommateur associé
au déplacement d’une consommation de 1 kWh
x 1,5 à 5
25
c€ par kWh d'énergie déplacée
20
15
10
0
Taxes sur Niveau actuel Niveau actuel Niveau actuel Hausse des taxes Niveau actuel
l’électricité des taxes des taxes des taxes en compensation des taxes
de la baisse des recettes
sur les énergies fossiles
Niveau et structure Niveau et structure Niveau et structure Niveau et structure TURPE adapté
TURPE actuels du TURPE actuels du TURPE actuels du TURPE actuels du TURPE en niveau à 2050
(structure identique)
Achat des Tarif de rachat actuel Tarif de rachat actuel Avec achat des surplus Avec achat des surplus Avec achat des surplus
surplus (10 c€/kWh) (10 c€/kWh) au prix de marché 2050 au prix de marché 2050 au prix de marché 2050
Non
autoconsommateur Autoconsommateur
324
La sécurité d’approvisionnement .7
GW
et l’intérêt privé des autoconsommateurs reste rela- 30
22.
Ce chiffre représente l’énergie déplacée par la flexibilité de consommation, c’est-à-dire la somme des variations négatives de consommation horaire entre
une configuration sans aucune flexibilité et la configuration de référence.
326
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.27 Consommation d’électricité sur la première semaine de juillet dans le scénario M23 à l’horizon 2050
(dans une configuration sans flexibilité et avec les leviers de flexibilité de la configuration de référence)
160
140
120
100
GW
80
60
40
20
0
Lun. 3/7 Mar. 4/7 Mer. 5/7 Jeu. 6/7 Ven. 7/7 Sam. 8/7 Dim. 9/7
Consommation - configuration sans flexibilité Consommation - configuration de référence (« flexibilité prudente »)
Productible renouvelable et nucléaire
Figure 7.28 Consommation résiduelle d’électricité (consommation diminuée des productions fatales) sur la première
semaine de juillet dans le scénario M23 à l’horizon 2050 (dans une configuration sans flexibilité et avec
les leviers de flexibilité de la configuration de référence)
70
60
50
40
30
20
10
GW
0
-10
-20
-30
-40
-50
-60
-70
Lun. 3/7 Mar. 4/7 Mer. 5/7 Jeu. 6/7 Ven. 7/7 Sam. 8/7 Dim. 9/7
Consommation résiduelle - configuration sans flexibilité Consommation résiduelle - configuration de référence (« flexibilité prudente »)
Figure 7.29 Profil moyen d’injection et soutirage des batteries en France dans le scénario M1 en 2050
10
Injection
Puissance moyenne d'injection
Journée
5
pic de production solaire,
les batteries se rechargent
ou de soutirage (GW)
-5
Soutirage
-20
00:00 02:00 04:00 06:00 08:00 10:00 12:00 14:00 16:00 18:00 20:00 22:00 00:00
328
La sécurité d’approvisionnement .7
Les batteries contribuent à la sécurité d’appro- Ainsi, en dehors des batteries contribuant à la
visionnement. Lors de périodes de tension, elles fourniture de services systèmes, les batteries avec
peuvent injecter de l’énergie préalablement stoc- un stock de quatre heures contribuent à la sécurité
kée lors de périodes d’excédents de production. d’approvisionnement à hauteur de 30 à 40 % de
leur capacité installée. Cette contribution devient
Néanmoins, la contribution capacitaire des bat- de plus en plus faible au fur et à mesure du niveau
teries est limitée par leurs contraintes de stock. de développement des batteries. En effet, plus la
Si la durée des épisodes de tension est longue ou capacité installée de batteries est importante, plus
si l’excédent d’énergie disponible lors des autres les durées des périodes résiduelles de tension sont
heures de la journée est insuffisant, les batteries importantes, réduisant la contribution des batte-
ne pourront pas contribuer à hauteur de leur puis- ries à parité de puissance installée.
sance maximale sur l’intégralité de la période de
tension.
Figure 7.30 Contribution des batteries à la sécurité d’approvisionnement, en fonction de la capacité installée,
dans le scénario M23 205023
7 Configuration
Contribution capacitaire (GW)
de référence
6
0
0 5 10 15 20 25
23.
La contribution capacitaire correspond à la puissance parfaite (sans contrainte de stock ni de disponibilité) qui apporte le même niveau de sécurité
d’approvisionnement (i.e. même réduction de l’énergie non distribuée).
7.5.1 Dans les scénarios avec une part très importante d’énergies renouvelables,
des nouvelles centrales thermiques sont nécessaires pour assurer la sécurité
d’approvisionnement
Dans les scénarios à fort taux d’énergie renou- l’hydraulique peut jouer ce rôle, mais sa capacité
velable, des niveaux significatifs de capacités de développement est limitée par le potentiel géo-
thermiques décarbonés flexibles (CCG ou TAC) graphique et des questions d’acceptabilité. Dans la
apparaissent nécessaires, notamment pour four- configuration de référence sur le développement
nir de la flexibilité sur des échéances au-delà de des interconnexions (39 GW de capacité d’import),
la semaine, ce que ne permettent pas les autres des capacités thermiques pilotables décarbonées
leviers de flexibilité comme le pilotage de la plu- sont nécessaires dans tous les scénarios à l’excep-
part des usages, les batteries ou les STEP. Seule tion de N03.
Figure 7.31 Capacités thermiques flexibles installées dans les différents scénarios pour assurer la sécurité
d’approvisionnement24
40
35
30
25
GW
20
15
10
0
M0 M1M23 N1 N2 N03 M0 M1M23 N1 N2 N03 M0 M1M23 N1 N2 N03 M0 M1M23 N1 N2 N03
2019 2030 2040 2050 2060
Nouveau thermique décarboné (CCG et TAC hydrogène) Thermique existant (CCG et TAC méthane)
Autres non renouvelables (TAC fioul, charbon)
24. Les capacités non flexibles (p.e. cogénérations) qui ne peuvent pas adapter leur puissance fournie à la consommation ne sont pas représentées.
330
La sécurité d’approvisionnement .7
Afin d’approvisionner les centrales thermiques aujourd’hui étudiées et sont caractérisées par des
tout en respectant l’objectif de neutralité car- avantages et des contraintes distincts. Ces diffé-
bone, il est nécessaire de prévoir des combustibles rentes options sont expliquées ici et les caractéris-
décarbonés. Pour ce faire, plusieurs options sont tiques détaillées précisées au chapitre 11.
7.5.2.1 L’utilisation de biométhane dans des turbines à combustion est une option
qui devrait être compétitive mais sous réserve d’un gisement suffisant
La décarbonation du secteur gazier, qui utilise Dans ces conditions, l’utilisation du biométhane
aujourd’hui essentiellement sur du gaz d’origine en France est privilégiée pour d’autres usages que
fossile, passe par des actions d’efficacité énergé- la production d’électricité, notamment pour les
tique et des transferts d’usage vers d’autres vec- secteurs difficiles à électrifier (certains procédés
teurs comme l’électricité mais également par le industriels, chauffage dans les bâtiments existants
développement du « gaz vert ». équipés de chaudières gaz, transport lourd).
Parmi les différentes options de développement du La SNBC prévoit néanmoins qu’un faible volume de
« gaz vert », les orientations publiques décrites dans biométhane, de l’ordre de 25 TWh PCS, puisse être
la SNBC et les projections portées par les acteurs du utilisé pour la production d’électricité, sans pour
secteur mettent en évidence une place importante autant préciser le type de centrales associées. En
pour le biométhane à moyen et long terme. Le bio- pratique, le biométhane peut en effet être utilisé
méthane est produit par méthanisation de matières dans différents types d’installations plus ou moins
et résidus agricoles et déchets agro-alimentaires ou, flexibles :
dans une moindre mesure, par pyrogazéification de u dans des installations de cogénération, produi-
biomasse. Il s’agit d’une des solutions les plus éco- sant de l’électricité et de la chaleur à partir de
nomiques pour produire du méthane avec un bilan biogaz produit sur site : il s’agit notamment du
carbone neutre ou faible à l’échelle du cycle de vie. fonctionnement de nombreuses unités actuelles,
Elle présente également l’intérêt de conserver la et il pourrait continuer à se développer pour cer-
même molécule que le gaz fossile actuellement uti- tains cas spécifiques de fermes ou méthaniseurs
lisé (CH4), permettant ainsi d’utiliser les infrastruc- éloignés du réseau de gaz et qui ne pourraient
tures de transport et de stockage existantes. donc pas y être raccordés à un coût raisonnable.
Ce type d’installations dispose généralement de
En revanche, même si la France possède un poten- faibles capacités de stockage du gaz et présente
tiel de biomasse issue de l’agriculture et de la donc peu de marge de flexibilité.
forêt relativement important comparativement à u dans des centrales thermiques flexibles (cycle
d’autres pays, les quantités de biométhane pou- combiné au gaz ou turbine à combustion). Le bio-
vant être produit en France restent limitées par gaz utilisé dans de telles unités requiert un rac-
les contraintes de gisement (cf. partie 3). La SNBC cordement des méthaniseurs au réseau de gaz25.
prévoit ainsi de l’ordre de 150 TWh de biométhane
accessible en France à long terme (à comparer aux À défaut d’hypothèse précise, et dans une approche
480 TWh de consommation actuelle de gaz natu- prudente visant à ne pas faire reposer l’équilibre
rel), tandis que d’autres études suggèrent même des scénarios de mix électrique sur une ressource
que le gisement pourrait être plus limité. en biogaz qui est en pratique limitée, l’hypothèse
25.
Une alternative consistant à transporter le gaz par camions (biométhane « porté ») est également possible mais présente plusieurs inconvénients (nuisances,
consommation énergétique du transport, etc.).
Ces variantes permettent d’identifier que la mobili- Ainsi, dans le cas où le développement du biomé-
sation d’un volume de biométhane de l’ordre de thane suivrait une trajectoire très dynamique sans
20 à 35 TWhPCI/an26 dans des unités de produc- butter sur des contraintes de gisement, l’utilisation
tion flexibles avec un bon rendement (i.e. des d’une partie de ce biométhane pour servir de com-
cycles combinés au gaz) permettrait de couvrir bustible à des centrales à gaz servant à compenser
les besoins en gaz pour l’équilibrage du système la variabilité des énergies renouvelables électrique
électrique dans les scénarios M aux horizons serait une option compétitive.
2050 et 2060, en substitution à l’hydrogène.
7.5.2.2 Le couplage sectoriel avec l’hydrogène s’impose comme l’un des moyens
les plus pertinents pour assurer le bouclage des scénarios en limitant l’utilisation
de biométhane, mais nécessite que les infrastructures de production et de stockage
associées à l’hydrogène soient bien dimensionnées
26.
Lorsque le gaz utilisé dans les centrales au gaz provient de biométhane, la production d’électricité à partir des centrales au gaz est légèrement supérieure
à la configuration de référence où le gaz utilisé est de l’hydrogène produit à partir d’électrolyse. En effet dans la configuration de référence la production
d’hydrogène par le système électrique conduit à l’ajout de capacités de production renouvelable permettant de compenser la consommation d’électricité des
électrolyseurs. Ces capacités de production renouvelable contribuent à la sécurité d’approvisionnement dans les situations de tension : dans ces situations
les électrolyseurs s’effacent et la production de ces capacités réduit le besoin de production à partir des centrales au gaz. Dans le scénario M23 à l’horizon
2050, cet effet porte sur 3 TWh de production d’électricité.
27.
Dans la configuration d’utilisation d’un CCG pour la production d’électricité.
332
La sécurité d’approvisionnement .7
européen de transport d’hydrogène, différents types pour les besoins du système électrique et la ges-
de couplages sectoriels sont envisageables. Dans une tion de l’équilibre entre l’offre et la demande en
première configuration, l’hydrogène reste un vec- hydrogène pour les usages finaux. Cela signifie
teur énergétique marginal et le réseau de transport aussi que les moyens de stockage pour les besoins
d’hydrogène ne se développe pas à grande échelle. du système électrique ne seraient pas mutualisés
au niveau européen, via un réseau trans-européen
Dans cette configuration, la boucle « power-to- d’hydrogène. Chaque pays doit alors dimension-
hydrogen-to-power » s’apparente à une grande ner ses moyens de stockage pour pourvoir à ses
batterie : l’hydrogène serait produit en France par propres besoins et est limité par les contraintes de
électrolyse, stocké, puis déstocké lors des périodes gisement existantes sur son territoire.
de besoin (typiquement, une partie de l’hydrogène
serait produit au printemps et à l’été puis utilisé à Une autre vision fait cohabiter un secteur élec-
l’automne et l’hiver). En l’absence de réseau hydro- trique avec un système européen d’échange d’hy-
gène, la production d’hydrogène, son s tockage et drogène avec un fort développement de l’utilisation
sa conversion en électricité seraient localisés sur le directe de l’hydrogène : dans ce cas, c’est l’en-
même site. semble des moyens de stockage à hydrogène au
niveau européen qui sont mutualisés, ce qui per-
Cette configuration implique l’absence de mutua- met notamment à la France d’accéder à une capa-
lisation entre l’utilisation du stockage d’hydrogène cité beaucoup plus importante.
Une alternative à l’utilisation de l’hydrogène pro- à des technologies (transport, stockage, produc-
duit en France consiste à utiliser du méthane de tion d’électricité) déjà maîtrisées à grande échelle
synthèse, produit à partir d’électrolyse puis métha- et surtout de pouvoir réutiliser les infrastructures
nation. Cette solution présente l’intérêt de recourir existantes de transport et de stockage de méthane.
Usages finaux H2
Power-to-H2-to-Power
Rendement du cycle : ~25 % à ~35 %
Électricité
Électrolyse Réseau H2
Rendement : ~70 %
Stockage H2
européen
Power-to-CH4-to-Power CO2
Rendement du cycle : ~20 % à ~30 %
Électricité
CCG/TAC/PaC
Rendement :
~40 % (TAC) à Stockage CH4
~55 %/60 % (CCG)
En revanche, le passage par la méthanation conduit consisterait à coupler ce type d’installations avec
à un rendement d’ensemble significativement plus des méthaniseurs, qui constituent une source
faible (de l’ordre de 30 % au total) que la solution d’approvisionnement en CO2 potentiellement
passant par le stockage d’hydrogène. L’étape de intéressante.
méthanation conduit en outre à accroître les coûts
(via le développement du réacteur de méthanation De manière plus générale, la méthanation reste
mais également via les pertes de rendement) et actuellement à l’état d’expérimentation, avec de
présente des difficultés s’agissant de l’approvision- nombreux démonstrateurs à travers le monde,
nement en CO2 (dont le niveau de pureté requis est mais qui doivent encore démontrer leur viabilité à
relativement élevé). Une des perspectives envisa- l’échelle industrielle.
gées pour le développement de la méthanation
D’autres solutions existent pour alimenter les combustibles de synthèse dérivés) à des prix com-
centrales thermiques avec des combustibles pétitifs, depuis des zones à fort potentiel en éner-
décarbonés. gies renouvelables (Afrique du nord, Espagne…)
équipées avec des électrolyseurs.
D’une part, certains acteurs suggèrent qu’il serait
possible d’importer des combustibles décarbonés Cette perspective est en particulier prévue par les
depuis d’autres pays, pour alimenter des usages stratégies de long terme d’autres pays européens
énergétiques voire pour approvisionner des cen- comme l’Allemagne afin de « boucler » l’approvi-
trales électriques. Dans ce modèle, la France sionnement en énergie décarbonée. En France, la
pourrait ainsi importer de l’hydrogène (ou des SNBC ne prévoit cependant pas de recours à des
334
La sécurité d’approvisionnement .7
D’autre part, les technologies de captage et de En conséquence, ces deux options ne sont pas inté-
stockage de carbone (CCS) associées à des cen- grées en base dans l’étude mais pourraient cou-
trales thermiques utilisant des combustibles fos- vrir une partie du besoin de centrales thermiques
siles constituent également une option pour la décarboné identifié dans les scénarios.
À l’horizon 2050 et 2060, le rôle de la production Selon les scénarios, le facteur de charge des CCG
des centrales au gaz évolue et devient de nature se situera autour de 10 %, contre 47 % sur l’année
assurantielle, avec des durées de fonctionnement 2019.
annuelles beaucoup plus limitées qu’aujourd’hui.
Figure 7.34 Configuration avec peu de vent pendant la deuxième semaine de février, dans le scénario M23 en 2050
Hydraulique
40 Autres productions fatales (déchets,
biomasse, biogaz, hydroliennes)
20 Nucléaire
0 Pompage
Soutirage power-
-20 to-gas-to-power
Soutirage V2G
-40 Soutirage batteries
Exports
-60
Consommation
lun. 12 fév. mar. 13 fév. mer. 14 fév. jeu. 15 fév. ven. 16 fév. sam. 17 fév. dim. 18 fév.
Figure 7.35 Configuration avec peu de vent pendant la deuxième semaine de février, dans le scénario N2 en 2050
Hydraulique
40 Autres productions fatales (déchets,
biomasse, biogaz, hydroliennes)
20 Nucléaire
0 Pompage
Soutirage power-
-20 to-gas-to-power
Soutirage V2G
-40 Soutirage batteries
Exports
-60
Consommation
lun. 12 fév. mar. 13 fév. mer. 14 fév. jeu. 15 fév. ven. 16 fév. sam. 17 fév. dim. 18 fév.
336
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.36 Évolution des facteurs de charge mensuels de la production gaz (CCG et TAC confondus)
70%
Facteur de charge mensuel moyen
60%
(CCG et TAC confondus)
50%
40%
30%
20%
10%
0
Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc.
2019 (~24 TWh) M23 2030 (~19 TWh) M23 2050 (~9 TWh)
Cette évolution du rôle des moyens de production de limiter la sollicitation des capacités au
thermique s’explique par deux facteurs : gaz : batteries, interconnexions, flexibilités de
u D’une part, la production à partir de gaz « vert » consommation
n’est pas envisagée pour assurer le bouclage
énergétique28, la consommation annuelle d’élec- Les centrales au gaz seront donc sollicitées de
tricité devant être couverte par la production façon plus ponctuelle qu’aujourd’hui et quasi-
renouvelable et nucléaire. En dehors d’une pro- ment uniquement en période hivernale, lors de
duction d’électricité par des cogénérations fonc- périodes de faible vent et de faible température. La
tionnant au biogaz et dont le volume est limité, figure 7.36 illustre une situation dans le scénario
les centrales fonctionnant au gaz vert auront un M23 où il est nécessaire de démarrer les centrales
rôle pour la fourniture de flexibilité au système au gaz lors d’une semaine de février avec une tem-
électrique et non pour permettre le bouclage pérature faible et un facteur de charge faible (5° C
en énergie, dès lors que la France parvient à en moyenne et 13 % de facteur de charge éolien
développer le mix de production renouvelable et sur les journées de mardi, mercredi et jeudi).
nucléaire nécessaire.
u D’autre part, le prix des gaz « verts » (hydro- Ces facteurs de charge faibles ne sont pas spéci-
gène, biométhane, méthane de synthèse) sera fiques à la France. Malgré cela, il est intéressant
beaucoup plus élevé que les prix du gaz naturel qu’une partie des centrales au gaz soit des cycles
constatés ces dernières années et même que combinés au gaz dont les rendements sont plus
les prix observés ces dernières semaines et qui élevés mais les coûts d’investissement plus impor-
ont atteint des niveaux historiques. Les prix tants. En effet, avec des coûts du gaz beaucoup
considérés dans les différentes configurations plus élevés, la durée de fonctionnement à partir de
se situent en moyenne entre 70 €/MWhth et laquelle les CCG deviennent pertinentes par rap-
170 €/MWhth et ouvrent un espace économique port aux TAC est de l’ordre de 190 heures par an.
pour des solutions de flexibilité qui permettent
28.
Ce rôle pour les centrales au gaz est différent dans d’autres pays qui envisagent de recourir à des imports de gaz vert et à les utiliser dans des centrales
électriques pour compenser un déficit de production bas-carbone.
Comme précisé dans les parties précédentes, En revanche, le développement des capacités de
les scénarios sont analysés sur la base d’hypo- batteries et de thermique décarboné est supposé
thèses identiques en matière de capacités d’in- reposer sur des considérations essentiellement éco-
terconnexion, de flexibilité de la demande et de nomiques, qui conduiront à construire un mix de
nouveaux stockages hydrauliques. Ce choix tient flexibilités économiquement pertinent. Ces déve-
compte du fait que le développement de ces trois loppements dépendent donc des scénarios de mix.
types de flexibilité dépend en premier lieu de consi-
dérations techniques (gisement disponible), poli- En cohérence avec l’évaluation des besoins capa-
tiques ou sociétales et non purement de logiques citaires, l’optimisation du « bouquet de flexibilités »
économiques. Il permet par ailleurs de comparer pour assurer la sécurité d’approvisionnement fait
les scénarios sur une même base d’hypothèses. apparaître des capacités plus importantes de ther-
mique décarboné et de batteries dans les scénarios
sans nouveau nucléaire.
Dans les scénarios avec relance significative du Dans le scénario N03, avec l’hypothèse de référence
nucléaire et développement soutenu des inter- sur le développement des interconnexions (39 GW
connexions, les besoins de flexibilité peuvent être de capacité d’import en 2050) et sur la flexibilité
quasiment couverts par la contribution de ces de consommation (configuration « prudente »),
interconnexions, l’hydraulique et les flexibilités de il n’existe aucun besoin de nouvelles capacités
consommation. Selon les configurations sur les thermiques ou de batteries sur tout l’horizon étu-
flexibilités de la consommation et le développement dié. La fermeture des CCG peut être opérée avant
des interconnexions, il apparaît qu’un niveau de 2040, tout en maintenant le niveau de sécurité
capacité nucléaire de l’ordre de 40 à 50 GW d’approvisionnement ciblé. Dans N2, les besoins
constitue un socle au-delà duquel le recours sont très limités sur tout l’horizon. Ils peuvent être
à des capacités thermiques et à des batteries couverts par le prolongement d’une petite partie
peut être évité. des centrales existantes, éventuellement conver-
ties à l’hydrogène ou un développement plus
important de la flexibilité de la consommation que
dans l’hypothèse prudente retenue en référence.
338
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.37 Capacités flexibles installées en France dans les différents scénarios pour assurer la sécurité
d’approvisionnement29,30
160
140
120
100
GW
80
60
40
20
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
29.
Les capacités de batteries et de thermique décarboné sont des résultats d’une optimisation économique. Les flexibilités de consommation et les capacités
d’import sont issues d’une analyse intégrant considérations économique et autres considérations (acceptabilité, réalisme industriel…). Les capacités
d’hydraulique pilotable, de nucléaire sont issues de la scénarisation.
30.
Il s’agit de la capacité installée et non de la contribution capacitaire, qui varie selon le type de flexibilité.
Dans les scénarios sans relance du nucléaire, les très forte baisse des coûts, ne permet pas d’éviter le
interconnexions, l’hydraulique et la flexibilité de recours à des capacités thermiques.
la demande ne suffisent pas à assurer la sécu-
rité d’approvisionnement. Dans ces scénarios, la Il s’agit d’une conclusion forte de l’étude,
capacité aujourd’hui existante de centrales au gaz atteinte avec un très haut niveau de certi-
devient insuffisante. De nouvelles capacités ther- tude : le développement de capacités ther-
miques sont nécessaires dès 2040 et le besoin miques supplémentaires est indispensable
devient important en 2050. pour assurer la sécurité d’approvisionne-
ment dans les scénarios visant à sortir du
Le besoin de capacités thermiques est aussi nucléaire, ce qui signifie qu’aucune solution
valable, dans des proportions plus limitées et seu- de substitution n’est identifiée.
lement à partir de l’horizon 2050, dans un scéna-
rio de relance du nucléaire à un rythme modéré En outre, dans les scénarios sans nouveau
(scénario N1). nucléaire, le socle nécessaire de capacités ther-
miques dépasse la taille du parc de CCG et TAC
Dans ces scénarios, le développement des batteries au gaz : plus de 20 GW de centrales thermiques
est économiquement pertinent, surtout quand la au méthane ou hydrogène en 2050 sont néces-
capacité photovoltaïque est importante. Néanmoins, saires, contre un parc au gaz de l’ordre de 7 GW
compte tenu de leurs contraintes de stock, les aujourd’hui. Il ne s’agit donc pas uniquement
batteries contribuent de façon limitée à la sécurité
de convertir les centrales actuelles, mais éga-
d’approvisionnement. Un développement poussé des lement d’en construire de nouvelles.
batteries, par exemple dans une configuration de
340
La sécurité d’approvisionnement .7
30
25
20
TWh
15
10
0
M0 M1M23 N1 N2 N03 M0 M1M23 N1 N2 N03 M0 M1M23 N1 N2 N03 M0 M1M23 N1 N2 N03
31.
Les capacités flexibles peuvent adapter leur puissance fournie pour s’adapter à la demande. Les capacités non flexibles n’adaptent pas leur puissance fournie
à la consommation (leur production est profilée, souvent en bande).
20
18
16
14
12
TWh
10
8
6
4
2
0
Production CCG/TAC Effet des imports Effet des exports Effet net des besoins
en France de la France sur de la France sur de la France sur
la production des la production des la production thermique
CCG/TAC en Europe CCG/TAC en Europe CCG et TAC (hydrogène
hors France hors France et biométhane) en Europe
L’effet net du système électrique français sur L’analyse économique intègre bien ces effets via
la production d’électricité à partir de gaz en la balance commerciale des échanges d’électricité
Europe peut porter sur quelques TWh, dans des (imports/exports).
volumes qui dépendent de la configuration consi-
dérée dans le reste de l’Europe et des capacités
d’interconnexions.
342
La sécurité d’approvisionnement .7
Le développement des interconnexions constitue Dans tous les scénarios, le besoin de capacités
ainsi un levier important pour réduire le besoin de production au gaz se réduit avec le dévelop-
de capacité à l’échelle européenne (voir partie pement des interconnexions. L’effet du développe-
7.2.1.2). Les analyses permettent d’identifier que ment des capacités d’interconnexion ne porte pas
cet effet de mutualisation porte principalement sur uniquement sur le besoin en capacités installées
les capacités au gaz. mais aussi sur la production des capacités au gaz
Figure 7.40 Capacités thermiques pilotable (CCG et TAC) et batteries installées en France, production des CCG et TAC
en France et effet des imports/exports de la France sur la production thermique décarbonée en Europe,
selon le niveau de développement des interconnexions, à l’horizon 2050 dans les scénarios M23 et N2
Configuration Configuration
de référence de référence
50
Capacité installée (GW)
40
30
20
10
0
Configuration basse Configuration médiane Configuration basse Configuration médiane
~30 GW imports ~39 GW imports ~30 GW imports ~39 GW imports
Configuration Configuration
de référence de référence
20
Production thermique (TWh)
15
10
0
Configuration basse Configuration médiane Configuration basse Configuration médiane
~30 GW imports ~39 GW imports ~30 GW imports ~39 GW imports
Effets des imports/exports de la France sur le fonctionnement des CCG/TAC au gaz (hydrogène et biométhane) ailleurs en Europe
Production thermique CCG et TAC (hydrogène et biométhane)
344
La sécurité d’approvisionnement .7
L’évaluation des besoins en flexibilité du système thermiques (centrales à gaz, qui devront utili-
électrique français repose nécessairement sur une ser des « gaz verts » pour atteindre la neutra-
représentation du système électrique européen lité carbone) – ne suffit donc pas à restituer
(voir chapitre 6). À défaut, la modélisation ne l’ensemble des besoins de production ther-
rendrait pas compte de la réalité des flux qui par- mique nécessaires à la sécurité d’approvision-
courent un système qui est déjà, aujourd’hui, très nement du pays, une partie étant assurée par
largement interconnecté. En pratique, le besoin de des moyens à l’étranger. Dans l’étude des Futurs
flexibilité pour assurer la sécurité d’approvisionne- énergétiques 2050, RTE a porté une attention parti-
ment en France serait par exemple surestimé. culière à cette problématique :
(i) en s’assurant que le besoin de production ther-
Néanmoins, la prise en compte du périmètre mique n’était pas systématiquement déporté
européen augmente fortement la complexité des à l’étranger dans chacun des scénarios (voir
simulations et requiert de prendre des précau- partie 7.6.3) ;
tions spécifiques dans l’interprétation des résul- (ii) en vérifiant que les différences de besoin de
tats. L’équilibre offre-demande de la France repose production thermique en France selon les scé-
en effet en partie sur les échanges aux inter- narios ne s’expliquaient pas uniquement par
connexions, et les résultats sont alors sensibles des variations de la contribution des imports et
aux hypothèses considérées pour les pays voisins, donc de la production thermique à l’étranger ;
notamment en ce qui concerne l’évolution à long (iii) en restituant non seulement les besoins de pro-
terme de leur mix électrique et de la consomma- duction thermique en France mais également
tion d’électricité. Or il existe pour ces pays, comme ceux correspondant à la production thermique
pour la France, de nombreuses options encore située à l’étranger et contribuant à l’équilibre
ouvertes et donc une large gamme d’incertitude offre-demande de la France (voir figure 7.39) ;
sur certains des principaux paramètres influençant (iv) et en prenant soin d’intégrer le coût réel de la
l’analyse de l’équilibre offre-demande en France. production thermique à partir de gaz vert dans
la valorisation des échanges aux interconnexions
Les échanges menés au sein des groupes de tra- pour le chiffrage économique des scénarios.
vail dans le cadre de la concertation sur les Futurs
énergétiques 2050 ont permis d’aborder ce point, et Pour apporter cette garantie méthodologique, de très
notamment fait émerger des interrogations quant nombreuses variantes ont été simulées. À ce titre,
à l’utilisation de centrales de production ou de une « variante de contrôle » décrivant une configu-
moyens de flexibilité situés à l’étranger et pouvant ration théorique d’absence totale d’interconnexions
contribuer à l’équilibre offre-demande en France. entre la France et ses voisins (« France isolée ») a été
étudiée. Elle consiste à réévaluer, pour chacun des
En effet, dans les différents scénarios des Futurs scénarios, le bouquet de flexibilités (batteries, cen-
énergétiques 2050, la sécurité d’approvisionnement trales thermiques flexibles fonctionnant à l’hydrogène
en électricité est en partie assurée via la mutua- et électrolyseurs) économiquement pertinent pour
lisation des moyens de production et de flexibilité assurer le même niveau de sécurité d’approvisionne-
à l’échelle européenne, ce qui se traduit par des ment, sans interconnexion avec les pays voisins. Ceci
situations d’import. Comptabiliser les besoins de implique également d’ajuster les mix de production
flexibilité en France – et notamment les unités de ces configurations, via des capacités de production
Consommation et exports
60 Demande non flexible
Électrolyse
40 Charge pilotée VE
20 +21 GW EnR Charge batteries
Pompage
+12 GW électrolyse
0 Exports
+23 GW thermique
140 Production et imports
Imports
120 Thermique décarboné
100 Injection V2G
Imports Thermique Décharge Batterie
80 décarboné Hydraulique
GW
Solaire
60 Éolien
40 Bioénergies
Nucléaire
20
0
lun. 12 sept. lun. 12 sept.
solaires et éoliennes additionnelles, nécessaires pour conduit au même interclassement des scénarios en
le bouclage énergétique du scénario. matière de besoin de flexibilités (en capacités instal-
lées ainsi qu’en production thermique au gaz).
Dans les configurations « France isolée », l’absence
totale d’interconnexion conduit à rehausser très Elle montre qu’en l’absence d’interconnexions, la pro-
fortement les besoins de capacités pilotables en duction thermique décarbonée serait nécessaire dans
France (capacités thermiques fonctionnant au gaz des proportions significatives dans tous les scénarios,
décarboné ou batteries) pour assurer la sécurité y compris N03. Ceci montre que si le pari du thermique
d’approvisionnement. décarboné peut être évité dans certains scénarios
« N », ce résultat n’est valable que sous l’hypothèse
L’effet est de l’ordre de 15 GW à 28 GW selon les d’un développement significatif des interconnexions.
scénarios considérés. La production au gaz est
elle aussi fortement rehaussée, de l’ordre de 4 à Ainsi, les scénarios de type « N03 » décrivent une
20 TWh en espérance par rapport à la configura- forme de spécialisation des pays européens : la
tion de référence en « France interconnectée ». France conserve une base production nucléaire
qui est utile à toute l’Europe, ce qui en renforce
Bien que la configuration « France isolée » ne repré- la valeur économique (voir chapitre 11) ; tandis
sente pas une vision réaliste du système électrique, qu’une partie des moyens de pointe nécessaires
elle conforte néanmoins les tendances observées, et à l’équilibre offre-demande sont situés dans les
346
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.42 Capacités flexibles en France (hors interconnexion) dans les scénarios de référence en France interconnectée et
dans la variante « France isolée » – horizon 2060. Les capacités supplémentaires solaire, éolienne et d’électrolyse
permettant d’assurer la boucle power-to-hydrogen-to-power en France isolée ne sont pas comptabilisées.
140
120
100
80
GW
60 Batteries
Nouveau thermique
décarbonné (CCG et TAC
40 hydrogène)
Flexibilité de la demande
20 STEP
Hydraulique (lacs)
0 Nucléaire
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
Figure 7.43 Production d’électricité par les CCG et TAC au gaz dans les scénarios de référence en France
interconnectée et les scénarios en France isolée à l’horizon 2060
35
30
25
20
TWh
15
10
5 Production thermique
0 CCG et TAC (hydrogène)
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
2060 - référence 2060 - France isolée
pays voisins. Cette situation fait ainsi écho à celle du marché unique de l’énergie qui sert aujourd’hui
d’aujourd’hui, où la France est largement expor- de référence à l’exploitation du système électrique
tatrice mais a recours aux moyens de pointe ins- en Europe. À ce jour, bien que la France soit très
tallés dans d’autres pays pour assurer sa sécurité exportatrice (58 TWh de solde exportateur net en
d’approvisionnement. 2019), les interconnexions contribuent pour envi-
ron 10 GW aux besoins d’équilibrage du système
Ces analyses en « France isolée » ne doivent pas électrique français réduisant d’autant le besoin de
être considérées comme décrivant une situation de centrales thermiques nécessaires pour respecter le
référence et se situent en rupture avec le cadre critère public de sécurité d’approvisionnement.
Comme exposé dans le chapitre 6 sur l’Europe, de importantes et les volumes de production en France
nombreuses incertitudes existent aujourd’hui sur à partir de gaz plus importants. À l’horizon 2050,
les stratégies des pays voisins en termes de décar- dans la configuration où la sécurité d’approvision-
bonation de leur mix énergétique. Cela se traduit nement est dégradée en Europe par un manque de
en incertitudes sur la consommation d’électricité, capacités de pointe, l’effet sur la France porte prin-
sur les ambitions et rythmes effectifs sur l’élec- cipalement sur les capacités thermiques néces-
trification directe de certains secteurs (comme le saires (+6 GW à +7 GW) et de façon relativement
chauffage des bâtiments, l’industrie) et les volumes limitée sur les volumes de production (de l’ordre
de production de gaz de synthèse (hydrogène et de +4 TWh). En revanche, dans une situation de
méthane) à partir d’électricité. Des incertitudes sécurité d’approvisionnement en Europe analogue
analogues existent sur le mix de production d’élec- au niveau cible actuel mais où le système élec-
tricité, notamment concernant le rythme de déve- trique européen dispose de moins de flexibilité sur
loppement des énergies renouvelables et la part des horizons relativement longs (flexibilité qui peut
relative du photovoltaïque et de l’éolien (et dans être apportée par un développement important de
une moindre mesure, pour certains pays, sur le l’électrolyse flexible avec une infrastructure de
rôle du nucléaire) dans la production d’électricité. stockage de l’hydrogène), les besoins en capacités
supplémentaires peuvent être relativement limités
Plusieurs configurations contrastées d’évolution sur (de l’ordre de 3 à 4 GW) mais l’utilisation de ces
le système électrique européen ont donc été testées. capacités peut être sensiblement plus importante
(de l’ordre de 7 à 10 TWh supplémentaires).Ces
Dans un contexte de forte évolution des capacités effets sont importants et apportent un éclairage
d’interconnexion entre la de près trois France et les complémentaire sur la dépendance croissante de
pays voisins, les évolutions des mix énergétiques la France aux évolutions des systèmes électriques
en Europe ont une influence croissante sur les des pays voisins : la dépendance du système élec-
besoins en capacités à construire en France et trique français aux pays voisins ne se limite pas
leur utilisation. Les configurations alternatives tes- uniquement à l’existence d’un besoin d’import
tées montrent que l’influence des mix énergétiques dans certaines situations, relativement ponctuelles
des pays voisins porte essentiellement sur les capa- (comme exposé en partie 7.2.2.1) mais porte aussi
cités thermiques nécessaires en France et leur utili- sur l’adéquation du dimensionnement du mix de
sation. En effet, la mutualisation au niveau européen flexibilités en France aux situations dans les pays
des capacités porte en premier lieu sur ce type de voisins. Ce phénomène n’est pas nouveau, la sécu-
capacités. A contrario, l’influence des mix énergé- rité d’approvisionnement de la France dépendant
tiques des pays voisins est très faible sur les volumes déjà des mix électriques à l’étranger, mais pren-
de batteries, l’utilisation des batteries étant peu dra des proportions beaucoup plus importantes à
mutualisée entre les pays, du fait d’un profil d’uti- l’avenir.
lisation journalier analogue dans tous les pays car
dicté par le cycle de production du photovoltaïque. Dans un contexte où les capacités flexibles
contribuant à la sécurité d’approvisionne-
Dans les deux configurations défavorables tes- ment sont mutualisées, la coordination des
tées où la contribution des systèmes électriques politiques nationales revêt un enjeu crois-
des pays voisins est plus limitée (soit par une sant pour éviter des situations de sécurité
moindre flexibilité liée à une capacité d’électrolyse d’approvisionnement dégradée en Europe ou,
plus faible, soit par un niveau de sécurité d’appro- au contraire, de surinvestissements dans des
visionnement dégradé dans les pays voisins), les solutions de flexibilité (et notamment des
capacités thermiques nécessaires en France pour capacités thermiques de pointe).
assurer la sécurité d’approvisionnement sont plus
348
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.44 Capacités thermiques pilotable (CCG et TAC) et batteries installées en France, production des CCG et TAC
en France et effet des imports/exports de la France sur la production thermique décarbonée en Europe, dans
différentes configurations de mix énergétique européen32 à l’horizon 2050 dans les scénarios M23 et N2
Configuration Configuration
de référence de référence
50
40
30
GW
20
10
0
Configuration A Configuration B Configuration C Configuration A Configuration B Configuration C
Configuration Configuration
de référence de référence
30
25
20
TWh
15
10
0
Configuration A Configuration B Configuration C Configuration A Configuration B Configuration C
Effets des imports/exports de la France sur le fonctionnement des CCG/TAC au gaz (hydrogène et biométhane) ailleurs en Europe
Production thermique CCG et TAC (hydrogène et biométhane)
L’analyse met en évidence un autre résultat impor- En particulier, les scénarios sans nouveau nucléaire
tant : l’influence des mix énergétiques des pays ne sont pas plus sensibles aux choix des pays voi-
européens sur le système électrique français est sins que les scénarios avec nouveau nucléaire.
analogue dans tous les scénarios de mix en France.
Ce résultat porte à la fois (i) sur les capacités ther- Cela signifie que les hypothèses considérées
miques nécessaires à installer en France, (ii) sur en Europe n’ont pas d’effet significatif sur la
l’utilisation des capacités thermiques en France et comparaison des scénarios sur les besoins en
(iii) sur la sollicitation des capacités thermiques à capacités thermique et leur utilisation.
l’étranger pour les besoins de la France.
La flexibilité de la demande apparaît comme placée au milieu de la journée lors du pic de pro-
une solution concurrente au développement des duction photovoltaïque, éventuellement combinée
batteries stationnaires, dans la mesure où elle à une restitution partielle de l’énergie au réseau le
constitue un levier de modulation de l’équilibre soir et la nuit via la technologie vehicle-to-grid, a
offre-demande sur des échelles de temps de l’ordre un effet sur la courbe de consommation résiduelle
de quelques heures à quelques jours. relativement proche de celui des batteries station-
naires opérant un cycle jour-nuit comme illustré
En particulier, la recharge des véhicules électriques sur la figure 7.29.
ou des ballons d’eau chaude qui peut être en partie
Figure 7.45 Capacités thermiques (CCG et TAC) et batteries installées en France, production des CCG et TAC en France,
et effet des imports/exports de la France sur la production thermique décarbonée en Europe, selon le niveau
de développement des flexibilités de consommation, à l’horizon 2050 dans les scénarios M23 et N2
Configuration Configuration
de référence de référence
60
50
40
GW
30
20
10
0
Configuration Configuration Configuration Configuration Configuration Configuration Configuration Configuration Configuration Configuration
sans flexibilité de flexibilité flexibilité flexibilité flexibilité sans flexibilité de flexibilité flexibilité flexibilité flexibilité
consommation très basse prudente médiane haute consommation très basse prudente médiane haute
Configuration Configuration
de référence de référence
35
30
25
20
TWh
15
10
5
0
Configuration Configuration Configuration Configuration Configuration Configuration Configuration Configuration Configuration Configuration
sans flexibilité de flexibilité flexibilité flexibilité flexibilité sans flexibilité de flexibilité flexibilité flexibilité flexibilité
consommation très basse prudente médiane haute consommation très basse prudente médiane haute
Effets des imports/exports de la France sur le fonctionnement des CCG/TAC au gaz (hydrogène et biométhane) ailleurs en Europe
Production thermique CCG et TAC (hydrogène et biométhane)
350
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.46 Décomposition de l’impact du développement des flexibilités de consommation sur les capacités thermiques
pilotables (CCG et TAC) et les batteries installées en France à l’horizon 2050 dans le scénario M23
Configuration
de référence
60
50
40
GW
30
20
10
0
Configuration Eau chaude Process Mobilité PAC hybride Production Configuration
sans flexibilité de sanitaire industriels électrique d'hydrogène flexibilité
consommation + tertiaire (dont V2G) par électrolyse prudente
Par conséquent, les analyses montrent ainsi que qui présente une flexibilité hebdomadaire, les auto-
le développement de la flexibilité de la demande nomies des véhicules permettant souvent de couvrir
peut réduire fortement l’espace économique pour les déplacements sur une semaine. Certains leviers
les batteries stationnaires. Dans la configuration de flexibilité de la demande permettent des efface-
de référence, reposant sur des hypothèses pru- ments ponctuels en situation de tension. C’est le cas
dentes concernant la flexibilité de la consomma- des effacements industriels et des PAC hybrides.
tion, les flexibilités de consommation permettent
d’éviter la construction de 10 GW de batteries dans Ces leviers de flexibilité de consommation pré-
le scénario M23 à l’horizon 2050, sous l’effet prin- sentent ainsi des caractéristiques qui entrent en
cipal de la flexibilité de la recharge des véhicules concurrence avec les services apportés par les
électriques et du placement de la production d’eau capacités thermiques de pointe (notamment les
chaude sanitaire sur les heures méridiennes. Un turbines à combustion) et permettent de limiter
développement ambitieux des flexibilités permet- le besoin de centrales thermiques au gaz. Dans le
trait quasiment d’éviter la construction de batteries scénario M23 en 2050, le développement des flexi-
stationnaires jusqu’en 2050. bilités de consommation avec les hypothèses de
référence permet d’éviter de l’ordre de 12 GW de
Le développement de la flexibilité de la demande per- capacité thermique et une production thermique
met aussi de limiter le besoin en capacité thermique de l’ordre de 7 TWh/an, sous l’effet principalement
et l’utilisation de ces capacités. En effet, certains de la capacité d’effacement industrielle et tertiaire
usages permettent une modulation sur des horizons et de la flexibilité des électrolyseurs. Un dévelop-
temporels de l’ordre de la semaine ou plus. C’est le pement ambitieux des flexibilités de consomma-
cas de la flexibilité des électrolyseurs, sous réserve tion permettrait une réduction supplémentaire des
du dimensionnement des infrastructures de transport capacités thermiques installées de 4 GW et de la
et de stockage de l’hydrogène adapté, mais égale- production thermique de 3 TWh/an. Cependant,
ment de la recharge des véhicules électriques légers dans aucune configuration, les flexibilités de
Les PAC hydrides : un levier pour limiter les besoins de flexibilité du système
électrique mais dont l’intérêt énergétique et économique dépendra des coûts
d’installation et des modalités de bascule entre le fonctionnement électrique
et le fonctionnement au gaz
33.
Néanmoins, dans certains scénarios avec nouveau nucléaire et à partir d’un certain niveau de développement, les flexibilités de consommation permettent
d’éviter totalement la présence de capacités thermiques et de batteries dans le système. Tout effort de développement supplémentaire de la flexibilité de
consommation n’a alors plus d’effet sur les capacités installées mais seulement sur l’amélioration de la sécurité d’approvisionnement. C’est en particulier le
cas de N03.
352
La sécurité d’approvisionnement .7
Les pompes à chaleur hybrides sont présentées par d’électricité est assurée à partir d’énergies
certains acteurs comme une solution permettant renouvelables, de nucléaire ou même d’un CCG
d’allier les avantages de l’électricité (notamment au gaz décarboné, le bilan énergétique sera
le rendement énergétique très élevé des pompes défavorable.
à chaleur) et ceux du gaz (absence d’impact sur
la pointe électrique, caractère facilement stockable u le coût des installations : les coûts des capaci-
du gaz). tés de flexibilité du système électrique peuvent
être réduits par le développement massif de
Cependant, l’analyse de l’intérêt de cette solution PAC hybrides (moindres besoins en batteries et
à la place de l’installation de PAC doit tenir compte en capacités thermiques). Toutefois, l’analyse
de plusieurs enjeux : doit également tenir compte des coûts associés
au déploiement des PAC hybrides, à la fois chez
u l’enjeu énergétique : recourir au fonctionnement les consommateurs mais aussi sur le système
« chaudière au gaz » d’une PAC hybride conduit à gazier.
une consommation de gaz pour le chauffage du
logement, alors que le gaz décarboné sera une Or, de fortes incertitudes existent sur les coûts
ressource limitée. Cette consommation supplé- comparés des PAC électriques classiques et des
mentaire de gaz pourrait toutefois être contre- PAC hybrides. A puissance équivalente de la par-
balancée par une réduction de la consommation tie « PAC », une PAC hybride présente un coût
de gaz (biométhane ou hydrogène) pour la pro- plus élevé, lié au coût du dispositif de chau-
duction d’électricité, si le basculement vers la dière au gaz supplémentaire mais également au
chaudière au gaz intervient lors de périodes où besoin de maintenir un raccordement au réseau
des centrales thermiques fonctionnant au gaz de gaz. Cependant, compte tenu de l’utilisation
sont mobilisées. de l’appoint au gaz lors de période de grand
froid, il est possible de réduire le dimensionne-
Le bilan énergétique global dépend des rende- ment du module « PAC » dans une PAC hybride et
ments comparés d’une chaudière au gaz et de ainsi réduire les coûts. L’intérêt économique glo-
la chaîne de production d’électricité à partir de bal dépendra donc, au premier ordre, de l’écart
gaz pour alimenter la pompe à chaleur. L’effet de coût correspondant aux pratiques effectives
dépendra des périodes où les PAC hybrides bas- de dimensionnement et d’installation.
culent vers l’utilisation de gaz décarboné. Si
celles-ci sont ciblées sur des périodes de grand Des analyses approfondies sur l’intérêt écono-
froid (pendant lesquelles le COP des PAC est mique des PAC hybrides pourront être réalisées
plus faible) et de production d’électricité à partir en prolongement de l’étude Futurs énergétiques
de TAC au gaz, le bilan énergétique sera favo- 2050.
rable. A contrario, si la bascule intervient lors
de période de froid modéré et où la production
Le développement du photovoltaïque et, dans une autres heures de la journée et réduit l’intérêt à déve-
bien moindre mesure, les besoins en réserves de lopper des batteries (voir partie 7.4.1).
court terme (services système) constituent les prin-
cipaux facteurs déterminant l’espace économique L’espace économique des batteries sera aussi for-
des batteries à l’horizon 2050. À hypothèses iden- tement conditionné par l’évolution des coûts des
tiques sur le développement des interconnexions, batteries et le prix du gaz. En effet, à l’exception
les flexibilités de consommation et le coût des bat- de la fourniture de produits de réserves dont les
teries, le volume de batteries trouvant une justi- exigences techniques pourraient être rehaussées,
fication économique est directement corrélé à la tous les services apportés par les batteries sont
part du photovoltaïque dans le mix énergétique. substituables par d’autres leviers, comme les flexi-
bilités de consommation (mais dont le gisement
Cependant, la place des batteries dans le mix élec- est limité) et surtout la production thermique.
trique n’est pas garantie et peut être concurrencée Il est ainsi parfaitement possible d’assurer la sécu-
par d’autres solutions. Le développement de la flexi- rité d’approvisionnement dans tous les scénarios,
bilité de la demande, notamment le pilotage de l’eau sans recours à l’installation de batteries alors que,
chaude sanitaire et de la recharge des véhicules élec- a contrario, ce n’est pas le cas pour les capacités
triques, permet de réduire les écarts de consomma- thermiques, qui sont indispensables.
tion résiduelle entre les heures méridiennes et les
Figure 7.47 Capacités installées de batteries en fonction des capacités installées de photovoltaïque
dans les différents scénarios pour les horizons 2040, 2050 et 2060
45
40
Capacité installée de batteries (GW)
35
30
25
20
M0
15 M1
M23
N1
10 N2
N03
5
2040
2050
0 2060
0 50 100 150 200 250 300
354
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.48 Capacités installées de CCG, TAC et batteries en France, selon le coût des batteries,
dans le scénario M23 en 2050
Configuration
de référence
50
Capacité installée (GW)
40
30
20
10
0
Coût des batteries Coût des batteries Coût des batteries
à 260 €/kWhstockable à 185 €/kWhstockable à 110 €/kWhstockable
Les batteries n’ayant pas un espace « garanti », aussi par des volumes plus importants d’excédents
leur développement sera conditionné par l’évolu- de production photovoltaïque non valorisés (de
tion relative de leur coût et de celui des solutions l’ordre de 1 à 2 TWh).
concurrentes, notamment du prix des gaz verts.
A contrario, si la baisse des coûts des systèmes
Plusieurs configurations de coûts des batteries de stockage par batterie était plus marquée que
ont été testées et montrent la forte sensibilité du l’hypothèse de référence, le développement des
niveau de développement économiquement perti- batteries pourrait être sensiblement plus impor-
nent au coût des batteries. Dans le scénario M23 tant. Dans une configuration où le coût des batte-
en 2050, le volume de batteries ne serait que ries serait de l’ordre de 110 €/kWh, qui constitue
de 5 GW dans une configuration haute des coûts une hypothèse plausible pour certaines parties
(+40 % par rapport à l’hypothèse de référence) prenantes, le développement serait rehaussé de
contre de l’ordre de 13 GW dans la configuration l’ordre de 7 GW.
de référence. Une telle configuration se traduirait
Avec le développement massif des véhicules élec- seconde vie pourrait représenter entre de l’ordre
triques, les volumes de batteries en circulation de 400 à 800 GWhstockable à l’horizon 2050.
sont amenés à croître très rapidement dès les pro-
chaines années. À moyen terme, la gestion des Ces volumes dépassent très largement les besoins
batteries usagées constituera donc un enjeu envi- du système électrique, qui sont évalués selon les
ronnemental et économique important (maîtrise scénarios entre 0 et 100 GWhstockable à l’horizon
du volume de déchets à stocker, recyclage et réu- 2050. Ceci signifie que l’usage stationnaire pour le
tilisation de certaines matières dans une logique système électrique ne représenterait, à l’horizon
d’économie circulaire). Les batteries de véhicules 2050, qu’un faible débouché pour les batteries en
électriques sont souvent considérées comme usa- fin de vie « mobilité » (entre 0 % et 22 % selon les
gées dès lors que leur capacité descend sous 70 à scénarios et hypothèses considérées). Même si le
80 % de leur capacité initiale même si elles restent « marché » de batteries de seconde vie peut s’envi-
fonctionnelles. Selon les hypothèses retenues sur sager à un périmètre plus large que la France, ces
leur durée de vie (entre 10 et 15 ans), le flux estimations indiquent néanmoins que l’essentiel des
annuel de batteries usagées représenterait entre batteries en fin de vie de mobilité devra être recy-
0,5 et 1 millions de tonnes par an à l’horizon 2050. clée après leur utilisation pour la mobilité électrique.
356
La sécurité d’approvisionnement .7
Ces étapes représentent un coût significatif, en par- Une fois rapportés à un service équivalent (exprimé
ticulier le reconditionnement qui consiste à extraire en kWh de capacité de stockage par année de
les modules des « packs » de batteries usagées de durée de vie), et en prenant en compte les pers-
véhicules électriques, à tester ces modules pour pectives de baisse des coûts des batteries neuves,
éliminer ceux dont la capacité de stockage est la les systèmes fondés sur des batteries de seconde
plus dégradée, puis à les reconditionner dans un vie n’apparaissent pas beaucoup moins coûteux
assemblage adapté aux besoins du stockage sta- que ceux fondés sur des batteries neuves à l’ho-
tionnaire avec les modules sains. Différentes études rizon 2050 (horizon à partir duquel les besoins en
ou hypothèses avancées par certains acteurs per- stockage stationnaire peuvent devenir important
mettent de déterminer des ordres de grandeurs des dans certains scénarios). Les projections de coûts
coûts actuels de reconditionnement des batteries, des batteries (neuves ou seconde vie) sont tou-
mais de fortes incertitudes existent compte tenu du tefois marquées par des incertitudes importantes.
caractère actuellement confidentiel de cette acti-
vité. Selon les sources, les coûts de recondition- Sur l’intérêt environnemental
nement représentent entre 20 et 65 €/kWhstockable Privilégier l’utilisation de batteries de seconde vie
et apparaissent néanmoins inférieurs aux coûts pour les besoins de flexibilité du système électrique
des batteries neuves. Cependant, ces batteries de permet théoriquement de réduire le besoin en
seconde vie vont présenter une baisse de capacité métaux critiques, tels le nickel, le cobalt ou encore
au fil du temps plus rapide et surtout une durée de le lithium (voir partie 12.3 pour plus de détails).
vie beaucoup plus courte. Par ailleurs, les coûts des
modules ne représentent qu’une part des coûts d’un Cependant, l’utilisation d’une partie des batteries
stockage stationnaire. Les autres coûts ne seront de seconde vie pour un usage stationnaire réduira
pas réduits du fait de l’utilisation de batteries de les volumes recyclés de batteries et ainsi les
seconde vie et pourraient même être plus impor- quantités de matières critiques qui pourront être
tants (notamment du fait d’une densité énergétique récupérées par le recyclage. L’intérêt « matière »
nettement plus faible, nécessitant un foncier et des dépendra ainsi de la performance des filières de
installations plus volumineuses). recyclage qui pourront être mises en place.
Figure 7.49 Comparaison des coûts d’un système de stockage stationnaire selon qu’il est basé sur des batteries
neuves ou des batteries de seconde vie et selon les hypothèses considérées
40
35
Euros/kwhstockable/an
30
25
20
15
10
5
0
Études et hypothèses RTE, RTE, RTE, Étude Étude Colombus, Colombus, NREL, NREL, Element Element
retenues pour module hypothèse hypothèse hypothèse PEPS4, PEPS4, hypothèse hypothèse hypothèse hypothèse energy energy
de stockage haute médiane basse hypothèse hypothèse haute basse haute basse
Hypothèses haute basse
autres modules haut médian bas haut bas haut bas haut bas haut bas
Durée de vie 15 ans 5 ans
Module de stockage Module de gestion du système Module de conversion de puissance Ingénierie, approvisionnement et construction
358
La sécurité d’approvisionnement .7
Pour assurer l’équilibre du système électrique, la plu- le réseau de méthane, lui-même alimenté à la fois par
part des scénarios étudiés dans les Futurs énergé- du biométhane et du méthane de synthèse, produit
tiques 2050 reposent sur une production d’électricité en France ou importé. Cependant, à l’échelle annuelle
à partir de centrales au gaz « décarboné ». Il s’agit en France, le volume de gaz de synthèse produit doit
d’hydrogène dans la configuration de référence et de suffire à alimenter les centrales thermiques. Ainsi,
méthane dans la configuration « système hydrogène les besoins du système électrique ne réduisent pas
non déployé ». le gisement disponible de biométhane pour les autres
usages et ne rendent pas la France importatrice
L’étude Futurs énergétiques 2050 utilise le terme de nette de méthane. Ceci permet de comparer « toutes
« boucle » power-to-gas-to-power, pour décrire le fait choses égales par ailleurs » des scénarios de mix qui
que les volumes de gaz utilisés pour la production utilisent des quantités de gaz différentes pour l’équi-
d’électricité ont été préalablement produits à partir librage du système électrique.
d’électricité, puis stockés. Ceci n’implique pas que
les molécules de gaz produites à partir d’électricité Pour l’analyse économique des scénarios, les coûts
en France soient celles utilisées dans les centrales de combustibles des centrales thermiques sont donc
thermiques. En revanche, les quantités produites et comptabilisés comme étant associés à du méthane
consommées annuellement sont identiques. de synthèse produit en France. La comparaison éco-
nomique des scénarios se fait à utilisation inchangée
Dans le cas de la boucle passant par le vecteur du biométhane, sans masquer des différences de
méthane, les centrales au gaz s’approvisionnent sur coûts sur le reste du « système gaz ».
Figure 7.50 Capacités thermiques (CCG et TAC) et batteries installées en France, production des CCG et TAC en
France, dans les configurations de référence des scénarios M23 et N2 en 2060 et dans la variante
« système hydrogène non déployé »
60
50
40
GW
30
20
10
0
Référence H2 non déployé Référence H2 non déployé
M23 N2
40
30
TWh
20
10
0
Référence H2 non déployé Référence H2 non déployé
M23 N2
360
La sécurité d’approvisionnement .7
capacités de production thermique est très Cette production au gaz supplémentaire traduit la
sensiblement rehaussé car l’absence de possi- moindre performance énergétique liée au mode de
bilité de stockage massif d’hydrogène conduit, fonctionnement des électrolyseurs, amplifiée par
sur certaines périodes, à un fonctionnement l’utilisation du méthane de synthèse plutôt que de
simultané des électrolyseurs pour couvrir les l’hydrogène. Cet effet est particulièrement impor-
usages finaux d’hydrogène et d’une produc- tant dans les scénarios sans nouveau nucléaire,
tion d’électricité pour les alimenter à partir de pour lesquels un volume de gaz conséquent était
CCG et TAC au méthane de synthèse. déjà nécessaire (perte énergétique supplémentaire
de l’ordre de 20 TWh).
Ainsi, dans cette configuration, la production
d’électricité à partir de gaz est rehaussée par Au total, l’absence de déploiement d’une
rapport à la configuration de référence (où les infrastructure de stockage et de transport
infrastructures de stockage et de transport d’hy- d’hydrogène conduirait à une perte énergé-
drogène sont déployées). Ce besoin supplémen- tique pouvant atteindre une cinquantaine de
taire de production d’électricité à partir de gaz TWh dans le scénario M23 en 2060, contre
décarboné est particulièrement marqué dans les une quinzaine de TWh dans le scénario N2
scénarios sans nouveau nucléaire (de l’ordre de 2060. Cette énergie perdue doit être com-
20 TWh dans M23, contre seulement 5 TWh dans pensée34 par un effort supplémentaire pour
N2 à l’horizon 2060) dans lesquels le recours à la développer la production bas-carbone, ce qui
production thermique est déjà plus important dans augmente le coût des scénarios, notamment
la configuration de référence. pour les scénarios à haute part en énergies
renouvelables.
34.
Une partie peut également être couverte par une meilleure valorisation de la production bas-carbone et de moindres écrêtements de production renouvelable,
notamment dans le scénario M23 grâce à une capacité d’électrolyse et de méthanation (flexible) beaucoup plus importante permettant de « récupérer »
une partie significative des écrêtements de production renouvelable.
RTE a procédé à une analyse comparative de tous système électrique, et qui raisonnent sur année
les scénarios de neutralité carbone à horizon 2050 « moyenne », l’ensemble des études concluent
publiés pour mettre en perspective les résultats à des puissances installées totales relativement
obtenus sur le bouquet de flexibilités. Les scéna- analogues.
rios reposent sur des hypothèses très contras-
tées en termes de développement des flexibilités Dans toutes les études, un socle de capacité ther-
de consommation et d’interconnexions et pro- mique décarboné est identifié dans tous les scéna-
posent in fine des bouquets de flexibilités diffé- rios sans nouveau nucléaire. A contrario, tous les
renciés. Cependant, à l’exception de certaines scénarios avec nouveau nucléaire ont des besoins
études ne prenant pas en compte de représen- en capacités thermiques plus faibles, et parfois
tation des aléas pesant sur le fonctionnement du nuls dans certains scénarios.
Figure 7.51 Capacités pilotables installées dans les différents scénarios publics d’évolution du mix électrique
français à l’horizon 2050 avec et sans nouveau nucléaire35
Scénarios 100% renouvelable Scénarios sans nouveau nucléaire Scénarios avec nouveau nucléaire
200
RTE (2021) Ademe (2018) NégaWatt CIRED RTE Ademe (2018) SFEN (2020) RTE Ademe SFEN (2020)
180 (2017) (2021) (2021) (2018)
160
140
120
GW
100
80
60
40
20
0
M0 M23 Trajectoire Dév. 2050 2050 M23 Trajectoire Dév. Prolon- Sans Sans N2 EPR Avec Avec
- 2050 - 2060 de interco - 2050 de interco gement nouveau nouveau - 2050 en nouveau nouveau
référence aisé référence aisé nucléaire nucléaire nucléaire série nucléaire nucléaire
- 2060 - 2060 - 2050 - 2050 aisé + flex. + flex. + flex. + flex.
- 2050 limitée accessible limitée accessible
- 2050 - 2050
Nucléaire Hydraulique hors STEP Pompage STEP Capacité d'import Flexibilité de la demande
Nucléaire
Thermique existant (CCG et Hydraulique hors STEP
TAC méthane) (intègre thermique
et nouveau aussi le fil de l’eau36)
décarboné STEP
(CCG Capacité d’import
et TAC hydrogène) Batteries
Flexibilité de la demande Thermique CCG et TAC (hydrogène et biométhane) Batteries
35.
Les capacités flexibles peuvent adapter leur puissance fournie pour s’adapter à la demande. Les capacités non flexibles ne peuvent pas adapter leur
puissance fournie à la consommation et produisent « en bande ».
36.
Le détail flexible/non flexible n’est pas toujours disponible dans les études publiques. En particulier pour l’hydraulique, on inclut ici l’hydraulique fil de l’eau
qui n’est pas flexible.
362
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.52 Production annuelle d’électricité à partir de moyens thermiques flexibles dans les différents scénarios
publics d’évolution du mix électrique français à l’horizon 205037
Scénarios 100% renouvelable Scénarios sans nouveau nucléaire Scénarios avec nouveau nucléaire
RTE (2021) Ademe (2018) NégaWatt CIRED RTE Ademe (2018) SFEN (2020) RTE Ademe SFEN (2020)
(2017) (2021) (2021) (2018)
40
35
30
25
TWh
20
15
10
5
0
M0 M23 Trajectoire Dév. 2050 2050 M23 Trajectoire Dév. Prolon- Sans Sans N2 EPR Avec Avec
- 2050 - 2060 de interco - 2050 de interco gement nouveau nouveau - 2050 en nouveau nouveau
référence aisé référence aisé nucléaire nucléaire nucléaire série nucléaire nucléaire
- 2060 - 2060 - 2050 - 2050 aisé + flex. + flex. + flex. + flex.
- 2050 limitée accessible limitée accessible
- 2050 - 2050
Thermique existant (CCG et TAC méthane) et nouveau thermique décarboné (CCG et TAC hydrogène)
Production thermique CCG et TAC (hydrogène et biométhane)
37.
Le détail flexible/non flexible n’est pas toujours disponible dans les études publiques.
7.7.1 La nature des évènements qui font peser un risque sur la sécurité
d’approvisionnement évolue
Les scénarios de l’étude Futurs énergétiques 2050 La prise en compte de cette spécificité est essen-
sont construits pour maintenir à l’horizon 2050 le tielle pour l’analyse du risque de défaillance.
même niveau de risque sur la sécurité d’appro- Actuellement, les vagues de froid concentrent le
visionnement, c’est-à-dire la même occurrence risque de coupure du fait des niveaux très élevés
de délestage pour les consommateurs. Ainsi, par atteints par la consommation électrique durant ces
construction, les scénarios présentent tous le périodes. Il s’agit aujourd’hui du premier détermi-
même niveau de risque, sans évolution par rapport nant de la défaillance, avant les indisponibilités des
à la situation actuelle (hors situation exception- groupes de production et les périodes de vent faible.
nelle liée à la crise Covid, qui a conduit le système
électrique à ne pas respecter temporairement le À l’horizon 2050, le chauffage électrique va se
critère de sécurité d’approvisionnement). déployer de manière plus importante dans le bâti-
ment (70 % de logements seront chauffés à l’élec-
Néanmoins, le mix de production et la consomma- tricité en 2050, contre 40 % aujourd’hui) mais la
tion électrique étant fortement modifiés dans les thermosensibilité hivernale de la France est ame-
différents scénarios analysés, la nature des évè- née à baisser légèrement (passant de 2,4 GW à
nements conduisant à de la défaillance va évoluer. 2,2 GW par degrés) sous l’effet de l’efficacité éner-
gétique (logements mieux isolés et pénétrations
Le risque pour l’équilibre offre-demande des pompes à chaleur, qui permettent de diviser par
associé aux seules vagues de froid va dimi- trois la consommation). Le réchauffement clima
nuer, dans tous les scénarios. tique sera aussi de nature à augmenter les tem-
pératures hivernales à long terme et la fréquence
L’une des spécificités du système électrique fran- des situations conduisant à des forts appels de puis-
çais est sa forte sensibilité aux températures sance du fait de vagues de froid va diminuer.
basses. Celle-ci résulte du développement du
chauffage électrique depuis les années 1980. Dans Dans tous les scénarios de l’étude Futurs énergé-
le système actuel, la baisse d’un degré de la tem- tiques 2050, les conséquences de températures
pérature en hiver se traduit par une hausse de froides sur le risque de sécurité d’approvisionne-
l’ordre de 2,4 GW de la consommation d’électricité, ment vont fortement diminuer. Cette diminution ne
soit l’équivalent de la production de près de trois tient pas tant à la légère baisse de la thermosensi-
réacteurs nucléaires de 900 MW. Dans les autres bilité et au réchauffement climatique qu’à l’accrois-
pays européens, le recours au chauffage élec- sement d’autres aléas dans le système électrique,
trique est aujourd’hui beaucoup moins développé notamment le facteur de charge de l’éolien : à
qu’en France et la sensibilité de la consommation même niveau de sécurité d’approvisionnement,
électrique à la température est significativement l’accroissement de nouveaux aléas conduit à
inférieure, de l’ordre d’un facteur 438. réduire le risque pour le système électrique associé
38.
Valeur calculée à parité de consommation
364
La sécurité d’approvisionnement .7
à une seule vague de froid. Ainsi, en 2050, la plu- de l’ensemble des paramètres qui déterminent la
part de ces périodes de tension surviennent pour consommation résiduelle.
des températures inférieures à 5° C et un facteur
de charge éolien (terrestre et en mer) en France Dans tous les scénarios, avec le développement
bas, par exemple inférieur à 15 %. de l’éolien dont la production journalière est très
variable (beaucoup plus que celle du photovol-
La conjonction de périodes froides et sans taïque), c’est la conjonction de périodes froides
vent deviendra le premier facteur de risque et sans vent qui deviendra le premier facteur de
pour le système électrique. risque pour le système électrique.
Les différents scénarios de l’étude intègrent une En conséquence, les situations de pénurie pourront
part grandissante des énergies renouvelables dans apparaître dans des configurations moins froides
le mix électrique. La sécurité d’approvisionnement qu’aujourd’hui, dès lors que la production éolienne
dépend de la capacité des moyens pilotables à assu- est faible.
rer une production à la hauteur de la consommation
résiduelle, c’est à dire la part de la consommation Des exemples détaillés de situations de faible vent
qui n’est pas couverte par les productions fatales, ou d’autres situations potentiellement contrai-
notamment la production photovoltaïque et éolienne. gnantes pour le système électrique (canicule,
sécheresse) sont présentés dans le chapitre 8
Dans ce contexte, le risque ne dépendra plus uni- dédié aux questions climatiques.
quement de la consommation, mais donc bien
Figure 7.53 Distribution des niveaux de facteurs de charge éoliens (terrestre et en mer) et de la température
à la maille journalière en France dans le système actuel, en 2050 dans N2 et dans M23 et identification
des situations impliquant un risque pour l’équilibre offre-demande
Configurations modélisées :
• n’impliquant pas de risque pour l’équilibre offre-demande • impliquant un risque pour l’équilibre offre-demande
Aujourd’hui, les risques pour l’équilibre offre- Ce « lissage » est dû à plusieurs facteurs. D’une part,
demande sont concentrés sur le cœur et la fin la part grandissante de l’éolien et du photovoltaïque
d’
hiver (à plus de 90 % sur janvier et février), dans les mix de production, qui produisent théori-
période pendant laquelle les risques de vague de quement davantage en fin d’hiver qu’en fin d’au-
froid sont les plus élevés. tomne/début d’hiver. D’autre part, l’effet cumulé de
l’augmentation des températures hivernales et de la
Dans les prochaines décennies, la répartition des baisse de la thermosensibilité de la consommation
risques, qui dépendront majoritairement aussi devrait réduire la variabilité des appels de puissance
bien des températures que des conditions de vent, au cœur de l’hiver par rapport à aujourd’hui. Par ail-
devrait alors se lisser sur l’ensemble d’hiver, voire leurs, l’augmentation future des sécheresses en été
la fin de l’automne. conduira à l’augmentation des situations de faible
productible hydraulique à l’automne.
Figure 7.54 Puissance moyenne hebdomadaire (hors WE et jours fériés) de production renouvelable
et de consommation dans le scénario M23 à 2050
100
80 Consommation
Puissance moyenne (GW)
60
Éolien
40
Solaire
20 Conso.
résiduelle
0 Fil de l’eau
-20
juil. août sept. oct. nov. déc. jan. fév. mars avril mai juin
366
La sécurité d’approvisionnement .7
7.7.3 Les heures où les risques sont les plus importants restent concentrées
en soirée
25%
20%
15%
10%
5%
0%
1h 2h 3h 4h 5h 6h 7h 8h 9h 10h 11h 12h 13h 14h 15h 16h 17h 18h 19h 20h 21h 22h 23h 24h
Heures de la journée
Les scénarios des Futurs énergétiques 2050 sont important du stockage dans ces scénarios et
construits pour maintenir le niveau de sécurité d’ap- notamment des batteries. À même volume d’éner-
provisionnement actuel pour les consommateurs, gie non distribuée (par construction des scéna-
c’est-à-dire la même « énergie non distribuée ». rios), les scénarios avec un fort développement
Avec le développement des énergies renouvelables, des batteries conduisent à moins de périodes de
les profondeurs des situations d’insuffisance de pro- défaillance courtes (qui peuvent être gérées par
duction deviennent plus importantes. Cela signifie les batteries si la puissance est suffisante) mais
qu’à énergie non distribuée équivalente, l’espérance plus de périodes longues pour lesquelles l’apport
annuelle de durée où la production est insuffisante des batteries est moindre. Dans le M23 en 2050, la
diminue et s’établit autour d’une heure par an, durée continue des épisodes de défaillance s’établit
contre trois actuellement. à environ cinq heures contre environ trois heures
dans la situation actuelle et celle du scénario N2
Dans les scénarios sans nouveau nucléaire, les en 2050. Concrètement, cela signifie qu’il existe
durées des épisodes de défaillance s’allongent des périodes où c’est l’épuisement des stocks des
sensiblement. Cet effet tient au développement batteries qui occasionne des défaillances.
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
1 2 3 4 5 6 7 8 9 >10
368
La sécurité d’approvisionnement .7
Les centrales nucléaires, thermiques et hydrauliques d’électronique de puissance. Elles n’apportent pas
délivrent l’énergie au réseau électrique à partir d’inertie et ne contribuent ainsi pas à la stabilisa-
d’alternateurs dont la vitesse de rotation correspond tion de la fréquence du système électrique. Elles
à la fréquence du système électrique. La masse de fonctionnent actuellement avec des réglages dits
l’alternateur fournit de l’inertie au système électrique : « grid-following » plutôt que « grid-forming ».
les déséquilibres entre production et consommation
sont compensés par la variation d’énergie cinétique Au-delà de certains seuils (suivant le réseau, 60 %
de ces alternateurs. Leur masse permet de limiter la à 80 % de production instantanée de l’éolien et du
variation de fréquence suite à un déséquilibre. solaire sur la production totale), la stabilité du sys-
tème peut être menacée en raison du manque de
Les centrales éoliennes et photovoltaïques sont réglages stabilisateurs.
raccordées au système électrique par des solutions
Le rapport RTE-AIE a déjà exposé que, si plusieurs Deux solutions permettent d’avoir une part très
solutions techniques existent pour surmonter la dif- élevée de production éolienne et photovoltaïque
ficulté résultant de la réduction de l’inertie, elles se raccordée via de l’électronique de puissance, quelle
trouvent toutefois à différents stades de maturité. que soit celle des machines synchrones qui reste-
ront en fonctionnement à l’horizon 2050 (centrales
Si certaines solutions techniques sont déjà hydrauliques, nucléaires, à gaz) :
déployées dans le cadre d’une exploitation sur le u Les compensateurs synchrones fonctionnent de
terrain, d’autres en sont au stade de la recherche manière similaire aux alternateurs des centrales
et du développement (R&D) et devront être testées électriques conventionnelles synchrones. Leurs
dans des conditions réelles avant d’être déployées moteurs contribuent à la stabilité du système
à grande échelle. mais ils tournent librement, sans produire de
puissance électrique utile (à l’inverse des cen-
Pour faire face à la réduction de l’inertie fournie par trales de production : on ne considère que la
les machines tournantes lorsque les productions partie conversion électromécanique de la cen-
éoliennes et photovoltaïques deviennent majo- trale, pas du tout la production de puissance).
ritaires dans le système, outre le maintien d’une Les compensateurs synchrones sont une tech-
puissance minimale de machines tournantes, la nologie bien connue et éprouvée, auparavant
première étape consiste à mettre au point un nou- utilisés pour maintenir la référence de tension
veau mode d’exploitation des convertisseurs afin dans des zones spécifiques en France. Plus
qu’ils fournissent de nouveaux services dits de récemment, cette solution a été utilisée au
« réponse rapide en fréquence » ou « inertie syn- Danemark et en Australie-Méridionale et s’est
thétique/virtuelle ». Par exemple, ils sont déjà mis révélée efficace pour assurer la stabilité du sys-
en œuvre en Irlande et au Québec. Toutefois, il est tème. Si cette solution a fait ses preuves dans
nécessaire d’aller au-delà de ces solutions et de des situations spécifiques, son déploiement
revoir considérablement le mode d’exploitation du généralisé pour assurer la stabilité du système
système électrique si la part instantanée du photo- à grande échelle reste à évaluer.
voltaïque et de l’éolien devient très élevée, au-delà u Une autre possibilité consisterait à dévelop-
de 60-80 % dans la zone synchrone. per des contrôles « grid-forming » pour les
370
La sécurité d’approvisionnement .7
Le développement de solutions grid-forming par qui, cumulées sur des durées de fonctionnement
des onduleurs ou des compensateurs synchrones jusqu’à 70 % du temps, peuvent représenter des
induit des coûts annualisés supplémentaires de volumes de l’ordre de 10 TWh dans les scénarios
même ordre de grandeur, variant suivant les scé- avec le plus de production renouvelable variable
narios entre 200 et 900 millions d’euros en 2060. (éolienne et photovoltaïque). À l’inverse, les
Ce montant est faible comparé au coût total du onduleurs grid-forming nécessitent un investisse-
système dans les différents scénarios (cf. cha- ment jusqu’à trois fois plus important (à leur coût
pitre 11) et plusieurs éléments montrent que l’éva- actuel) que le coût d’investissement de compen-
luation réalisée à date est conservatrice. sateurs synchrones, mais génèrent dix fois moins
de pertes.
La comparaison doit être évaluée en sachant que
les compensateurs synchrones sont une technolo- Si l’option retenue est celle de n’installer que des
gie connue, même si elle est actuellement déployée compensateurs synchrones, la capacité nécessaire
pour des situations spécifiques, tandis que les varie peu d’un scénario à l’autre. Avec une capa-
onduleurs grid-forming utilisent une technologie cité unitaire aujourd’hui autour de 1,5 GVAs, une
émergente dont le coût pourrait baisser avec son centaine de ces machines pourrait être nécessaire
industrialisation. Malgré cela, à la cible, le déploie- à l’horizon 2060, y compris dans les scénarios avec
ment d’onduleurs grid-forming semble le moins une capacité nucléaire plus importante. Certes,
coûteux, une fois cette technologie en exploitation. les centrales nucléaires participent à la stabilité
du système lorsqu’elles produisent, mais durant
La composition des coûts diffère entre les deux les périodes de forte production éolienne et pho-
solutions. Certes, les compensateurs synchrones tovoltaïque, les centrales nucléaires peuvent être
sont une solution peu onéreuse à l’investisse- contraintes de s’arrêter. L’inertie fournie par les
ment mais leur fonctionnement génère des pertes moyens de production doit alors être complétée,
Figure 7.57 Estimation des coûts nécessaires au maintien de la stabilité de la fréquence du réseau
avec des compensateurs synchrones (à gauche) ou avec des onduleurs grid-forming de centrales
éoliennes et photovoltaïques (à droite)
1,0 1,0
Coûts annualisés (Md€/an)
0,8 0,8
0,6 0,6
0,4 0,4
0,2 0,2
0,0 0,0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
372
La sécurité d’approvisionnement .7
Il existe désormais un large consensus scientifique Les enjeux ne sont pas seulement techniques. Les
sur la stabilité théorique d’un système électrique instruments réglementaires choisis pour déployer
sans moyen de production conventionnel. La pro- ces technologies et l’attribution de la responsabilité
chaine étape nécessaire consiste à poursuivre les de la fourniture de ces services doivent également
projets de R&D afin de tirer des enseignements être examinés à la lumière des cadres institution-
de l’expérience de démonstrateurs et de projets nels français et européens actuels. Les pouvoirs
pilote, de comprendre et de tester la stabilité publics doivent rester vigilants lors de la mise
des systèmes dans des utilisations à plus grande en place et de l’évolution des codes de réseaux
échelle, comment les compensateurs synchrones car ceux-ci peuvent avoir des effets sur les coûts
et les onduleurs grid-forming pourraient interagir pour les consommateurs finaux, les constructeurs,
entre eux et avec le reste du système électrique. les développeurs et les gestionnaires de réseau.
Une première étape a déjà été franchie théori- Par exemple, des capacités spécifiques de « grid-
quement en montrant qu’1 MVA d’onduleurs grid- forming » peuvent être exigées par les normes
forming induisait un effet stabilisant au moins égal techniques imposées aux constructeurs de conver-
à celui d’1 MVA de machine tournante. Par ailleurs, tisseurs, avec des effets sur les coûts de la tech-
la répartition géographique de ces installations nologie. Les gestionnaires de transport peuvent
devra être précisée pour assurer la stabilité sur également posséder directement des compensa-
l’ensemble de la France (cf. rapport RTE-AIE39). teurs synchrones ou en contractualiser les ser-
vices auprès de tiers, ou encore créer des services
Une feuille de route claire pour les onduleurs concurrentiels paramétrables, laissant le choix de
grid-forming peut être définie pour la prochaine la technologie et du bon déploiement aux acteurs
décennie afin d’assurer la stabilité du système du marché. Ces trois options s’accompagnent d’ar-
en cohérence avec la politique énergétique natio- bitrages spécifiques en matière de coûts et de
nale et en tenant compte de l’impact sur tous sûreté du réseau, qui devront être évalués dans de
les acteurs du système. Il repose sur trois piliers futures analyses.
complémentaires :
u Des démonstrateurs pour permettre aux fabri- Une transition vers des contrôles « grid-forming »
cants d’onduleurs et aux gestionnaires de serait beaucoup plus difficile pour un système
réseau de transport de tester les onduleurs grid- électrique reposant largement sur des panneaux
forming en conditions opérationnelles et d’en photovoltaïques individuels, car elle aurait un fort
préciser les caractéristiques, tant en matière de impact sur l’exploitation des réseaux publics de
fiabilité que de coût raisonnable. distribution. Les difficultés seraient moins grandes
u La consultation des parties prenantes dans le si le système était principalement fondé sur des
processus réglementaire pour préparer une parcs éoliens d’envergure, à terre ou en mer. En
définition européenne harmonisée des exi- tout état de cause, un système comportant une
gences du système et des mesures de perfor- part importante de photovoltaïque distribué néces-
mance pour les solutions grid-forming. siterait une évaluation détaillée des impacts sur le
u L a collaboration internationale pour permettre réseau de distribution et de leurs implications pour
la constitution d’un marché suffisamment grand la sûreté du système électrique.
pour les fabricants de solutions grid-forming.
39.
Conditions and Requirements for the Technical Feasibility of a Power System with a High Share of Renewables in France Towards 2050
Atteindre un système neutre en carbone en 2050 Sur le plan technique, l’analyse a conduit à
représente un défi technologique. De nombreuses écarter la thèse d’une distinction fondamen-
innovations sont attendues et peuvent se révéler tale entre les scénarios M et N. Tous reposent à
plus ou moins nécessaires selon les scénarios : terme sur une forte part d’énergies renouvelables
véhicules électriques utilisant des batteries moins et seront donc concernés par les enjeux de gestion
gourmandes en métaux rares, boucle « power-to- d’un parc de production en large partie non pilo-
gas-to-power » via l’hydrogène ou le méthane de table, à des degrés divers cependant.
synthèse, centrales thermiques fonctionnant aux
gaz décarbonés, technologies numériques pour la Si les défis technologiques et de R&D associés
gestion de la demande, petits réacteurs nucléaires apparaissent « dépassables » dans les décennies à
modulaires (SMR), nouvelles énergies marines venir, les scénarios « 100 % renouvelable » ou fon-
comme les hydroliennes, etc. dés sur la prolongation à long terme des réacteurs
nucléaires actuels au-delà de 60 ans impliquent
L’Agence internationale de l’énergie a récem- qu’un grand nombre de prérequis techniques cri-
ment évalué que presque la moitié des réductions tiques soient respectés à court terme. Or rien
d’émissions nécessaires pour atteindre la neutralité ne le garantit en l’état. Décider de ces scénarios
carbone en 2050 reposait sur des technologies qui aujourd’hui, ou renoncer au principe de diversi-
étaient encore en phase de démonstration ou de fication technologique dans le mix de production
prototype aujourd’hui. L’analyse de RTE a cherché électrique, soulève donc un risque de non-atteinte
à minimiser le recours à des paris technologiques de l’objectif de neutralité carbone à la date rappro-
en privilégiant les technologies industriellement chée de 2050.
matures. Néanmoins, chaque scénario implique de
valider un certain nombre de prérequis techniques.
Ces quatre conditions sont les suivantes : (i) l’ar- Les validations techniques à apporter pour
rivée à maturité de solutions technologiques atteindre cette cible demeurent importantes
permettant de maintenir la stabilité du sys- et nécessitent un effort de R&D conséquent
tème électrique sans production conventionnelle, et soutenu.
(ii) le déploiement à grande échelle des flexi-
bilités (iii) la maîtrise des enjeux de développe- Si les scénarios « M » sont concernés par ces quatre
ment des réserves techniques, et (iv) une mise conditions, il en va de même de N1 puisque la
à niveau des réseaux électriques nationaux. part des renouvelables dépasserait 80 % en 2060.
374
La sécurité d’approvisionnement .7
Cinq des six scénarios des Futurs énergétiques conditions : (i) réussir la prolongation de l’essen-
2050 reposent sur une exploitation de certains tiel des réacteurs jusqu’à 60 ans, (ii) en prolonger
des réacteurs actuels au-delà de 50 ans, selon des certains au-delà de 60 ans (d’autant plus si cer-
prérequis de sûreté qui devront au préalable être tains ferment à 50 ans), (iii) construire et mettre
systématiquement vérifiés. L’Autorité de sûreté en service 14 réacteurs de type EPR 2 (soit 8 de
nucléaire a indiqué que la prolongation au-delà de plus que dans le programme « nouveau nucléaire
40 ans, pour laquelle elle a rendu un avis géné- France »), (iv) déployer une capacité de 4 GW de
rique favorable, nécessite déjà un « volume excep- SMR. Un tel scénario impliquerait de s’assurer
tionnel de travaux ». suffisamment tôt de la faisabilité d’un fonc-
tionnement au-delà de 60 ans. Il nécessite de
Trois des six scénarios prévoient la construction de manière générale un effort de R&D global sur
nouveaux réacteurs de type EPR 2, ce qui consti- la filière nucléaire, depuis la conception des
tue un défi industriel. Le scénario N03 nécessite nouveaux réacteurs jusqu’aux technologies
d’
aller plus loin et de remplir quatre permettant de « fermer le cycle ».
Figure 7.58 Prérequis technologiques et industriels associés aux différents scénarios et incertitudes
M0 M1 M23 N1 N2 N03
Assurer la stabilité
du système électrique
Incertitudes
Prolonger certains réacteurs associées :
Paris liés à la filière nucléaire
Les scénarios de type N2 permettent de s’affranchir de la prolongation des réacteurs au-delà de 60 ans
de plusieurs paris techniques et industriels pour et sa trajectoire est compatible avec un lissage
atteindre un haut niveau de production d’électri- de la fermeture des réacteurs actuels dans le but
cité bas-carbone. d’éviter « l’effet falaise ». Le développement d’une
filière de petits réacteurs modulaires – lesquels ne
En effet, la dépendance au système hydrogène y sont pas encore développés en France sur le plan
est plus faible, les aménagements du réseau s’ins- industriel – devient une opportunité (pour réduire
crivent dans le prolongement de l’accélération déjà le rythme nécessaire de construction des EPR 2) et
envisagée pour 2035 et les enjeux de maintien du non une obligation. Le défi industriel que consti-
synchronisme sont moins importants. Sur le volet tuerait la construction de 14 réacteurs EPR 2 en
nucléaire, ce type de scénario n’est pas tributaire 30 ans ne doit toutefois pas être sous-estimé.
376
La sécurité d’approvisionnement .7
7.10.1 Dans tous les scénarios, la France reste exportatrice d’électricité en 2050
et 2060, après un pic d’export d’électricité entre 2030 et 2040
Les scénarios des F uturs énergétiques 2050 sont nucléaire existant sera importante avec l’arrêt de
construits de façon à ce que le solde exportateur près de 28 GW réacteurs sur la période dans la tra-
annuel soit identique dans tous les scénarios et jectoire de référence. Néanmoins, le solde expor-
légèrement positif en 2050 (~20 TWh/an) et 2060 tateur ne dépendra pas que des évolutions sur le
(~30 TWh/an). Ces scénarios permettent ainsi parc de production d’électricité et la consommation
d’identifier les besoins de développement de capa- en France mais aussi de l’évolution des systèmes
cité bas-carbone pour que la France ne fasse pas énergétiques à l’étranger.
reposer son bouclage énergétique par un solde
importateur d’électricité, en cohérence avec la Le solde exportateur n’est que marginalement
SNBC, mais le niveau des exports à partir de 2050 affecté par le niveau de développement des capa-
constitue une hypothèse et non un résultat. cités d’interconnexions. Ceci constitue une traduc-
tion de l’évolution du rôle des interconnexions. Sur
Dans tous les scénarios, le solde exportateur de les dernières décennies, les interconnexions de la
la France atteindra un pic sur la période 2030- France ont surtout permis d’exporter les excédents
2040 autour de 80 à 90 TWh/an, sous l’effet de de production. À long terme, le dimensionnement
la prolongation d’une partie importante des réac- des interconnexions sera dicté par l’intérêt de
teurs nucléaires et du développement des éner- mutualiser les capacités de back-up et leur solli-
gies renouvelables, puis une décroissance forte citation mais pas pour exporter « en bande » des
sur la période 2040-2050, où la fermeture du parc excédents de production.
Figure 7.59 Évolution du solde exportateur de la France dans les différents scénarios
100
80
60
TWh
40
20
Faisceau des soldes
exportateurs des
différents scénarios
0 Historique
2000 2010 2020 2030 2040 2050 2060
Dans les scénarios avec une forte pénétration des Au total, ce sont de l’ordre de 60 TWh qui sont
énergies renouvelables, des puissances impor- soutirés par les moyens de stockage en 2050
tantes en leviers de flexibilité sont nécessaires dans M23, contre à peine plus de 6 TWh actuel-
pour gérer la variabilité de leur production. lement (6,5 TWh par les STEP en 2019), et qui
restituent de l’ordre de 40 TWh, soit une perte de
Les leviers existants seront plus fortement solli- 20 TWh dans les conversions. Les pertes d’énergie
cités : le nombre d’heures équivalent à pleine dans les rendements de conversion sont beaucoup
puissance en injection des STEP passera ainsi à plus importantes dans les scénarios sans nou-
près de 1 000 heures/an actuellement à près de veau nucléaire que dans les scénarios avec nou-
1 800 heures/an en 2050 dans le scénario M23. Par veau nucléaire. Elles peuvent représenter près de
ailleurs, de nouveaux leviers sont sollicités (batte- 35 TWh (pour M0) à environ 20 TWh (pour M23)
ries, flexibilités de consommation, boucle Power- dans les scénarios sans nouveau nucléaire à l’hori
to-gas-to-power). À l’exception des flexibilités sur zon 2050, contre seulement de 3 TWh (N03) à
la consommation, tous ces leviers conduisent à 15 TWh (N1) dans les scénarios avec une relance
des pertes d’énergie électrique dans les différentes du nouveau nucléaire.
conversions. C’est en particulier le cas de la boucle
Power-to-gas-to-power dont le rendement global Par ailleurs, une partie du productible renouve-
se situe au mieux proche de 40 % (configuration lable devra être écrêtée lors des périodes où la
avec une boucle passant par l’hydrogène et utilisa- production renouvelable excède la consomma-
tion d’un CCG) et pouvant descendre à 20 % (confi- tion et les possibilités d’export. Compte tenu
guration avec une boucle passant par le méthane du développement des capacités d’export et du
et utilisation d’une TAC). développement des flexibilités de consommation,
Figure 7.60 Énergie perdue par les écrêtements de la production des énergies renouvelables et par les conversions
dans les moyens de stockage (Power-to-gas-to-power, STEP, batteries, vehicle-to-grid)
70
60
50
40
TWh
30
20
10
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
Écrêtements de production renouvelable Pertes de rendement des cycles des STEP Pertes de rendement des cycles des batteries stationnaires
Pertes de rendement des cycles power-to-gas-to-power Pertes de rendement des cycles des batteries des véhicules électriques (vehicle-to-grid)
378
La sécurité d’approvisionnement .7
ces volumes restent relativement maîtrisés. important de moyens de stockage. Il est aussi
Ils peuvent représenter de l’ordre de 5 TWh/an possible de réduire ces volumes avec un dévelop-
(M23) à 20 TWh/an (M0) dans les scénarios sans pement accru des flexibilités de consommation.
nouveau nucléaire, soit de l’ordre de 1 % à 3 %
du total du productible renouvelable non pilotable Ces volumes ne s’additionnent pas avec les écrê-
(photovoltaïque, éolien, fil de l’eau, hydrolien). tements qui pourront être réalisés pour des
Ces chiffres deviennent plus importants en 2060, contraintes de réseau, dans une logique de dimen-
sous l’effet de l’accroissement de la capacité de sionnement optimisé des réseaux de transport et
production renouvelable, alors que la consomma- de distribution. En effet, les périodes d’écrêtement
tion est considérée au même niveau. Ils peuvent pour contraintes locales de réseau et insuffisance
atteindre 4 % dans les scénarios avec une forte de consommation se recouvrent en partie.
part de production solaire. Ces niveaux d’écrê-
tement du productible renouvelable ne sont pas Enfin, de façon analogue aux écrêtements de pro-
en soi un échec. Ils représentent une faible part duction renouvelable, une partie du productible
de la production et sont le résultat d’un arbitrage nucléaire décarboné ne peut être valorisée, faute
économique avec le coût d’un développement plus de débouchés (voir partie suivante).
À l’horizon 2050, le parc nucléaire existant de année, ne peut toutefois suffire à garantir à un tel
seconde génération dans les scénarios M1, M23, niveau disponibilité sur le temps long.
N1 et N2 aura une moyenne d’âge moyenne de
54 années. Les nouveaux réacteurs sont attendus RTE a retenu une approche prudente en retenant
avec une disponibilité plus importante. Dans son pour les EPR une disponibilité comprise entre celle
dossier de demande d’autorisation d’exploiter de annoncée pour l’EPR et celle estimée par RTE entre
l’EPR de Flamanville3, EDF cible une disponibilité 2010 et 2019 pour le palier N4 (le plus récent et
de 91 %40. le plus proche technologiquement). RTE a ainsi
retenu une hypothèse de coefficient de disponibilité
Le retour d’expérience 2019 de l’unité 1 de la cen- des EPR de près de 84 %, contre environ 71 % pour
trale de Taishan indique un coefficient de disponi- le parc existant de seconde génération, à l’horizon
bilité de 90,9 %41. Cette valeur, prise sur une seule 2050 (soit 73 % en intégrant l’EPR de Flamanville).
7.10.3.2 Le parc nucléaire devra davantage moduler dans les scénarios avec fort
développement des énergies renouvelables, du fait d’absence de débouchés
Malgré des coûts variables de production faibles, À l’horizon 2050, les déterminants de la perte de
comparativement à l’essentiel des moyens de pro- productible sur le parc nucléaire évoluent :
duction actuels en Europe, le parc nucléaire ne
produit pas à chaque instant au niveau de toute u Le parc nucléaire peut éviter de participer
la puissance disponible, pour plusieurs raisons. à la fourniture de services système
D’une part, une partie des services système fré-
quence est placée sur la production nucléaire, ce Dans tous les scénarios, les leviers de flexibilité
qui immobilise une partie de la capacité pour acti- sont en quantité suffisante pour pouvoir four-
vation en cas de besoin du système électrique. nir les services système. Il est à la fois possible
et plus pertinent économiquement de placer à
D’autre part, le dimensionnement en combus- chaque instant les besoins de réserve sur les
tible lors des arrêts pour rechargement ne vise batteries, les capacités thermiques ou les effa-
pas à ce que chaque centrale puisse produire à sa cements de consommation (notamment efface-
puissance maximale jusqu’au prochain arrêt. Les ment de l’électrolyse et recharge des véhicules
centrales doivent donc moduler. On parle de modu- électrique). Libérer de la puissance disponible
lation pour « économie de combustible ». sur le nucléaire permet une meilleure optimisa-
tion des capacités nucléaires. Ce constat peut
Enfin, à certaines périodes, la production nucléaire être nuancé dans le scénario N03 où les leviers
ne peut pas être à son maximum technique car la de flexibilité hors nucléaire sont plus limités.
consommation d’électricité et les possibilités d’ex- Selon les capacités techniques des flexibilités de
ports sont insuffisantes. On parle de modulation consommation à fournir des réserves avec des
« pour absence de débouchés ». délais de mobilisation courts et les possibilités
40.
http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/flamanville_-dossier_demande_d_autorisation_d_exploiter.pdf
41.
https://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/espaces-dedies/espace-finance-fr/informations-financieres/publications-financieres/faits-et-
chiffres/faits-et-chiffres-2019-v2.pdf
380
La sécurité d’approvisionnement .7
sur l’hydraulique, il peut exister des configura- u La modulation fatale, pour absence de
tions où une partie des réserves serait assurée débouchés
par le parc nucléaire42.
Malgré un développement important des inter-
u Le volume de modulation pour économie connexions permettant l’export de production, la
de combustible dépendra des adaptations réduction de la capacité nucléaire dans tous les
de stratégie de l’exploitant et présente de scénarios et l’évolution du solde exportateur vers
fortes incertitudes une situation plus équilibrée, le parc nucléaire
sera amené à moduler encore à l’horizon 2050.
Lors des rechargements en combustibles des Cette modulation se situera pendant les périodes
tranches nucléaires, le dimensionnement de de production renouvelable importante en France
l’énergie « rechargée » est défini par l’exploitant et en Europe et de consommation faible.
sur la base d’un arbitrage économique entre
les pertes d’opportunités qui seraient liées à Les scénarios avec une part plus importante de pro-
un sous-dimensionnement du stock et le risque duction renouvelable conduisent à des situations
de perte de combustible lors du prochain chan- plus fréquentes pendant lesquelles la production
gement de combustible si le stock n’a pas été renouvelable en Europe peut couvrir la consom-
entièrement utilisé (p.e. si la tranche n’a pas pu mation et conduisent à des niveaux de modulation
produire à sa puissance maximale pour diverses « pour absence de débouché » et donc de modulation
raisons, dont la survenue d’indisponibilités non totale du parc nucléaire Français significativement
planifiées). plus importantes. Ainsi, dans les scénarios M1 et
M23 en 2050, la modulation totale du parc nucléaire
Ainsi, l’exploitant peut être amené à réaliser est supérieure de près de quatre points à la modu-
des modulations de production sur les tranches lation dans le scénario N03, où elle est la plus faible.
pendant la campagne entre deux arrêts pour
rechargement. L’évolution du volume de cette Concrètement, une modulation plus élevée participe
modulation représente une inconnue et dépen- à réduire le facteur de charge du nucléaire. De plus,
dra de la stratégie de l’exploitant. Les évolutions les facteurs de charge des nouveaux réacteurs étant
du mix électrique et l’évolution de la capacité plus élevés que ceux des réacteurs existants, les
nucléaire pourraient requestionner l’ampleur scénarios M présentent des disponibilités moyennes
de cette modulation. Compte tenu de la diffi- du parc nucléaire inférieures aux scénarios N. Sur
culté à anticiper ce volume de modulation, RTE les 700 heures43/an de baisse de facteur de charge
a retenu que la modulation « pour économie de du nucléaire dans le scénario M1 par rapport au scé-
combustible » représente, dans tous les scéna- nario N03 à horizon 2050, environ 200 heures/an
rios, de l’ordre de 2 % de l’énergie qui peut être sont liées à la différence de modulation et près de
produite annuellement. Ce taux permet d’obte- 500 heures/an à la différence de disponibilité.
nir des taux de modulation totale des scénarios
2050 qui encadrent ceux observés ces dernières Les situations de modulation du nucléaire appa-
années (environ 7 %). raissent essentiellement en été et en milieu de
journée, quand la production photovoltaïque en
France et en Europe est maximale et la consom-
mation plus faible.
42.
Dans l’hypothèse de référence, les flexibilités sur la consommation sont considérées comme techniquement aptes à fournir l’intégralité des besoins de réserve.
43.
HEPP heures équivalentes pleine puissance
Heures de la journée
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23
0%
par rapport au disponible (%)
-5%
Baisse de production
-10%
-15%
-20%
-25%
Figure 7.62 Facteur de charge du nucléaire et production non réalisée pour indisponibilité et modulation
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Parc existant Parc existant Nouveaux Total parc
(y.c. FLA3) (y.c. FLA3) réacteurs
2019 M23 N2
Capacité
61,4 15,5 15,5 23,2 38,7
installée (GW)
382
La sécurité d’approvisionnement .7
7.11.1 Dans le scénario sobriété, le besoin de nouvelles capacités flexibles est réduit
d’environ 15 GW par rapport au scénario de référence, pour chaque mix de
production étudié
Le scénario sobriété des Futurs énergétiques 2050 flexibles pour assurer la sécurité d’approvisionne-
permet de limiter la hausse de la consommation ment de l’ordre de 15 GW, aux horizons 2050 et
d’électricité grâce à la mobilisation de différents 2060. Les besoins restent néanmoins orientés à la
leviers dans les secteurs résidentiel, tertiaire, hausse par rapport à la situation actuelle et il reste
de l’industrie et de la mobilité (réduction de la nécessaire de développer de nouvelles flexibilités
demande de 90 TWh par rapport au scénario de à hauteur de 13 GW à 53 GW selon les scénarios.
référence à l’horizon 2050).
Au-delà de la baisse des besoins en puissance, les
La réduction du besoin de développement des besoins de modulation en énergie (tels que décrits
énergies renouvelables, selon la logique présen- en 7.1.4.3) sont également réduits, sur tous les
tée au chapitre 5.3, se traduit également par un horizons temporels, par rapport au scénario de
ajustement à la baisse des besoins en capacités référence.
Figure 7.63 Besoins en nouvelles capacités pour assurer la sécurité d’approvisionnement pour les scénarios M23 et N2
dans leurs configurations de référence et sobriété
80
70
60
50
GW
40
30
20
10
0
2050 2060 2050 2060
M23 N2
384
La sécurité d’approvisionnement .7
Dans le scénario sobriété, les capacités de produc- que la logique de spécialisation déjà identifiée soit
tion au gaz sont réduites de l’ordre de 10 GW, et poussée à son maximum (la France dispose alors
celles en batteries de l’ordre de 2 à 5 GW selon d’un parc de production de base qui sert égale-
les scénarios de mix. Ces réductions, auxquelles ment à ses voisins, lesquels disposent des moyens
s’ajoutent à la baisse de la flexibilité de la consom- de pointe nécessaires ponctuellement pour assurer
mation (de l’ordre de 2 GW), se traduisent dans la sécurité d’approvisionnement en France).
tous les scénarios de mix, à l’exception de N2 et
surtout N03. En effet, pour ces scénarios, l’effet Dans le scénario N1, où la relance du nucléaire
de la sobriété sur la réduction du besoin en capa- est la moins forte, de l’ordre de 5 GW de capacité
cité de stockage dépasse l’ensemble des besoins au gaz et de batteries (~2 GW de gaz et ~3 GW
initialement identifiés dans leur configuration de de batteries) deviennent suffisants pour assurer
référence : les scénarios deviennent alors « sur- la sécurité d’approvisionnement dans le scéna-
capacitaires »44 et peuvent se passer tout à fait de rio sobriété, alors qu’il est nécessaire de dispo-
capacités de stockage, pourvu que le développe- ser de l’ordre de 20 GW dans la configuration de
ment des interconnexions soit très important et référence.
Figure 7.64 Capacités flexibles installées en France dans les différents scénarios de la variante sobriété
pour assurer la sécurité d’approvisionnement45
140
120
100 Batteries
Nouveau thermique
décarbonné (CCG et TAC
80 hydrogène)
GW
Thermique existant
60 (CCG et TAC méthane)
Autres non renouvelables
(TAC fioul, charbon)
40 Flexibilité de la demande
Capacités d’import
20 STEP
Hydraulique (lacs)
0 Nucléaire
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
44.
Le niveau de sécurité d’approvisionnement dans les variantes sobriété des scénarios N2 et N03 est ainsi plus élevé que le niveau de sécurité
d’approvisionnement cible, défini au 7.1.2.2, à savoir un volume d’énergie non distribuée de 10 GWh.
45.
Dans leur configuration sobriété, les hypothèses sur la fermeture des centrales existantes au méthane en 2040 et sur les capacités d’effacement ont été
adaptées pour assurer un même niveau de sécurité d’approvisionnement. En pratique, cela signifie que dans les scénarios M1, M23, N1, N2 et N03, certains
CCG sont fermés dès 2040 et que la capacité d’effacement est réduite par rapport aux hypothèses de référence.
60
50
40
GW
30
20
10
0
Référence Sobriété Référence Sobriété Référence Sobriété Référence Sobriété Référence Sobriété Référence Sobriété
M0 M1 M23 N1 N2 N03
386
La sécurité d’approvisionnement .7
Dans tous les scénarios (sauf N2 et N03), le de 7 à 12 TWh. D’autres pertes énergétiques sont
scénario sobriété conduit à réduire les besoins de également évitées dans les cycles des STEP et des
production d’électricité à partir de gaz décarboné batteries, ainsi que via les écrêtements de produc-
de l’ordre de 4 à 6 TWh/an par rapport à leur confi- tion renouvelable. Au total, ce sont de l’ordre de
guration de référence. 12 à 20 TWh de pertes énergétiques annuelles qui
sont évités dans tous les scénarios (hors N2 et N03)
Dans le scénario de référence des Futurs énergé- aux horizons 2050 et 2060.
tiques 2050, ce besoin est assuré par de l’hydrogène
produit en France par électrolyse et stocké. Compte Ainsi, en tenant compte de la réduction de la
tenu du rendement complet du cycle power-to-hy- consommation associée à la réduction des pertes
drogen-to-power (entre 25 % et 35 % selon que la énergétiques résultant de l’équilibrage des scéna-
production s’effectue dans une TAC ou un CCG), ce rios, ce sont de l’ordre de 100 à 120 TWh de pro-
moindre besoin d’hydrogène permet de réduire les duction d’électricité qui sont évités dans le scénario
pertes associées au rendement du cycle, de l’ordre de sobriété.
Figure 7.66 Production d’électricité à partir de capacités thermiques à flamme flexibles pour les différents scénarios
dans le scénario sobriété
12
10
8
TWh
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
2040 2050 2060
Le scénario de réindustrialisation profonde décrit nucléaires étant fixées a priori en fonction des
les implications d’une reconquête industrielle choix politiques (scénarios M) ou des capacités
d’ampleur pour la France. Il implique une aug- industrielles de la filière (scénarios N). Pour assu-
mentation du besoin de consommation d’électricité rer la sécurité d’approvisionnement, les besoins
de plus de 100 TWh par rapport au scénario de de flexibilité sont rehaussés de l’ordre de 13 GW
référence, pour alimenter à la fois les industries par rapport à la configuration de référence. Les
lourdes et consommatrices d’énergie et certains besoins en nouvelles capacités flexibles se situent
secteurs stratégiques (électroniques, équipe- ainsi entre 41 GW et 81 GW selon les scénarios.
ments électriques, équipements pour la transition
énergétique). Au-delà de la baisse des besoins en puissance, les
besoins de modulation en énergie (tels que décrits
Cette augmentation provient pour l’essentiel direc- en 7.1.4.3) augmentent aussi, sur tous les horizons
tement de l’augmentation de l’activité industrielle temporels, par rapport au scénario de référence.
(pour 96 TWh) avec à la fois une augmentation de
la consommation directe d’électricité (+59 TWh) et Les besoins de flexibilités supplémentaires
pour la production d’hydrogène (+37 TWh). L’effet conduisent à augmenter la valeur économique de
d’entraînement de l’industrie sur l’activité tertiaire tous les leviers de flexibilité. Cependant le déve-
ainsi que l’effet sur les pertes du réseau électrique loppement des interconnexions et des nouvelles
conduisent à un effet global légèrement supérieur STEP ne dépend pas uniquement des conditions
au seul effet au périmètre de l’industrie. économiques mais des gisements disponibles et
d’autres facteurs (notamment le gisement concer-
Le scénario de réindustrialisation profonde néces- nant les nouvelles STEP et la capacité industrielle
site ainsi une augmentation du besoin de capa- et l’acceptabilité politique concernant les inter-
cités de production bas-carbone pour alimenter connexions). Pour l’analyse des scénarios de réin-
cette consommation supplémentaire : dans les dustrialisation profonde, RTE a donc retenu les
configurations de mix étudiées, cette produc- mêmes hypothèses sur le développement des
tion supplémentaire est apportée par les éner- STEP et des interconnexions que dans la configu-
gies renouvelables, les capacités de production ration de référence.
388
La sécurité d’approvisionnement .7
Figure 7.67 Besoins en nouvelles capacités pour assurer la sécurité d’approvisionnement pour les scénarios M23 et N2
dans leurs configurations de référence et réindustrialisation profonde
80
70
60
50
GW
40
30
20
10
0
2050 2060 2050 2060
M23 N2
La demande d’électricité supplémentaire dans le flexible dès lors qu’une infrastructure de transport
scénario de réindustrialisation profonde provient et de stockage d’hydrogène est déployée, ce qui
pour l’essentiel de nouveaux processus industriels constitue la configuration de référence des Futurs
électriques ainsi que de la production d’hydrogène énergétiques 2050.
par électrolyse pour alimenter des processus diffi-
cilement électrifiables. Le scénario « réindustrialisation profonde » intègre
en base une flexibilité plus importante des élec-
Ces consommations supplémentaires peuvent trolyseurs (5 GW de capacité effaçable) mais pas
elles-mêmes être rendues plus flexibles. D’une de capacité d’effacement supplémentaire dans les
part, certains processus industriels électriques processus industriels utilisant directement l’électri-
peuvent s’effacer ponctuellement lors de périodes cité. Cette approche est conservatrice et vise à ne
de tension pour le système électrique. D’autre part, pas surestimer la flexibilité supplémentaire appor-
la production d’hydrogène par électrolyse peut être tée par la réindustrialisation.
390
La sécurité d’approvisionnement .7
Dans le scénario « réindustrialisation profonde », l’un En effet, même dans les scénarios avec relance forte
des principaux résultats du scénario de référence – du nucléaire, il devient alors nécessaire de déve-
à savoir la possibilité d’assurer la sécurité d’appro- lopper de nouvelles capacités au gaz et des batte-
visionnement sans développer (N03) ou alors de ries pour assurer la sécurité d’approvisionnement.
façon très limitée (N2) de leviers de flexibilité en Pour éviter le recours à des centrales thermiques
France comme les centrales au gaz et batteries dès fonctionnant au gaz décarboné dans N03-réindus,
lors que les interconnexions avec les pays voisins il serait alors nécessaire d’accroître très significati-
sont fortement développées – n’est plus valable. vement la mobilisation des gisements d’effacement.
Figure 7.68 Capacités flexibles installées en France dans les différents scénarios de la variante réindustrialisation
profonde pour assurer la sécurité d’approvisionnement.
180
160
Batteries
140
Nouveau thermique
120 décarbonné (CCG et TAC
hydrogène)
100 Thermique existant
GW
Figure 7.69 Capacités thermiques (CCG et TAC) et batteries installées en France dans les différents scénarios,
dans la variante réindustrialisation profonde, à l’horizon 2050
70
60
50
40
GW
30
20
Capacités
10 thermiques
CCG et TAC
0 Batteries
Référence Réindus. Référence Réindus. Référence Réindus. Référence Réindus. Référence Réindus. Référence Réindus.
M0 M1 M23 N1 N2 N03
2050
LE CLIMAT :
UNE SENSIBILITÉ ACCRUE DU SYSTÈME ÉLECTRIQUE
LIÉE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
ET À L’ÉVOLUTION DU MIX
Les Futurs énergétiques 2050 décrivent des D’autre part, le développement des énergies
chemins possibles pour transformer le système
renouvelables variables apporte une sensibi-
électrique en vue d’atteindre la neutralité carbone. lité accrue du système aux aléas météorolo-
Sur les horizons de temps considérés, l’évolution du giques (vent, rayonnement, température…).
mix électrique et du climat renforce la dépendance La question des périodes sans vent devient en par-
de l’équilibre du système aux aléas climatiques et ticulier centrale dans l’analyse des besoins de flexi-
constitue un élément crucial à prendre en compte bilité du système et RTE est ainsi régulièrement
dans la planification du système énergétique. interrogé sur le fonctionnement du système lors de
ce type d’événement. Le dimensionnement du parc
D’une part, le changement climatique, dont la de production électrique et du réseau repose ainsi
réalité ne fait aujourd’hui plus de doute et qui sur une analyse de risque intégrant l’occurrence
est amené à se poursuivre sur les prochaines de ces événements particuliers, en s’appuyant sur
décennies, conduit à s’interroger sur la rési- des modélisations climatiques approfondies et une
lience des infrastructures du système élec- représentation des corrélations météorologiques à
trique à ses effets. Afin de proposer des options l’échelle du système européen interconnecté.
de mix électrique robustes face aux effets du
changement climatique, la prospective du système Les études de dimensionnement du système élec-
énergétique doit donc nécessairement intégrer ces trique doivent ainsi pouvoir intégrer la palette des
effets dans l’étude du fonctionnement du système conditions climatiques et leur fréquence, y com-
à long terme. En particulier, l’augmentation de la pris des évènements rares. De manière générale,
fréquence et de l’intensité des canicules ou encore le développement des énergies renouvelables et
la multiplication des périodes de sécheresse consti- le changement climatique conduisent à porter une
tuent des enjeux de premier ordre dans le dimen- attention croissante à la prise en compte des aléas
sionnement du système électrique du fait de leurs météorologiques sur l’équilibre du système et du
impacts sur la consommation, la production et le réseau.
réseau.
394
Le climat .8
8.1.1 Le système électrique français est de longue date sensible aux aléas
météorologiques, et le deviendra encore plus avec l’évolution du mix
Les situations extrêmes auxquelles le système mais avec des effets qui restent aujourd’hui de
électrique est confronté, qu’elles résultent de moindre ampleur qu’au cours de l’hiver.
vagues de froid, de chaleur ou de tempêtes, ont
toujours joué un rôle clé dans le dimensionnement Si les vagues de froid ont un impact important
du système électrique. sur la consommation d’électricité en France, les
vagues de chaleur observées ces dernières années
Les effets de la météo sur le système sont nom- ont également influencé la production, en particu-
breux et variés : les variations de température lier des centrales nucléaires mais aussi des autres
et d’ensoleillement influent sur la consommation sources de production.
électrique des ménages et des entreprises, la pro-
duction éolienne est naturellement dépendante des La température n’est pas la seule variable clima-
conditions de vent, la production photovoltaïque tique ayant une influence sur les paramètres du
dépend du rayonnement solaire, mais aussi de la système électrique. Les variations de vent, de
température qui peut influer sur le rendement des rayonnement ou encore de précipitations affectent
panneaux, tandis que la disponibilité des centrales naturellement la production d’électricité d’origine
hydrauliques et nucléaires est dépendante des renouvelable.
débits et/ou de la température des cours d’eau.
Le développement des interconnexions conduit en
Pour l’équilibre offre-demande en France, un outre à accroître le foisonnement des productions
des principaux facteurs de risque correspond à la maille européenne, mais également les inter-
aujourd’hui à la survenue de vagues de froid, dépendances entre les différents pays européens.
durant lesquelles la consommation électrique fran- La simulation de l’équilibre offre-
demande passe
çaise peut atteindre des niveaux élevés, du fait de donc par une représentation fine de la corrélation
sa thermosensibilité hivernale. En été, la consom- des données météorologiques entre les différentes
mation française est également thermosensible zones géographiques.
1.
https://www.ipcc.ch/assessment-report/ar6/
2.
L’intervalle de confiance va de 0,95 à 1,20 °C, selon les chiffres du sixième rapport du GIEC.
3.
Les SSP (Shared Socioeconomic Pathways) sont des hypothèses d’évolution de la société et de l’économie mondiale. Les RCP (Representative Concentration
Pathways) sont des hypothèses associées sur l’évolution des concentrations en gaz à effet de serre de l’atmosphère.
Source : https://meteofrance.com/changement-climatique/quel-climat-futur/changement-climatique-les-scenarios-du-giec
396
Le climat .8
Il est à noter que ces valeurs moyennes sur le globe étude mettent en évidence les chemins possibles
masquent des disparités, les terres émergées se pour parvenir à réduire drastiquement les émis-
réchauffant plus que les océans. Ainsi, la hausse sions de gaz à effet de serre.
moyenne en France sera un peu plus élevée que la
hausse moyenne mondiale. D’autre part, il s’agit d’organiser l’adaptation de
la société aux effets du changement climatique.
Fort de ces constats, le GIEC a rappelé l’impor- Les effets déjà visibles aujourd’hui vont ainsi se
tance d’agir pour maîtriser les effets du change- poursuivre de manière inéluctable au cours des
ment climatique à long terme. prochaines décennies. Dans tous les cas, la tem-
pérature moyenne en France4 ainsi que l’occur-
D’une part, les experts du GIEC mettent en évi- rence des événements extrêmes seront modifiées
dence l’intérêt d’infléchir rapidement les émis- de manière conséquente à l’horizon 2050.
sions de gaz à effet de serre anthropiques pour
limiter l’ampleur du changement climatique à L’adaptation des infrastructures énergétiques,
long terme. L’enjeu est d’agir rapidement au particulièrement exposées aux variables cli-
cours des prochaines années, en particulier sur matiques, apparaît donc comme un enjeu de
la production et l’utilisation de l’énergie, qui premier ordre. Ceci a conduit RTE à dédier
représente plus des trois quarts des émissions un volet spécifique de l’étude à la prise en
de gaz à effet de serre au niveau mondial. Les compte des effets du changement climatique,
trajectoires d’évolution du système énergétique pour assurer la résilience des options de mix
décrites et analysées dans le cadre de cette électrique décrites à l’évolution du climat.
Figure 8.2 Évolution des températures de surface (moyenne globale, par rapport à 1850-1900) observée de 1950
à 2015 puis projetée jusqu’à 2100 selon différentes trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre.
Meilleures estimations et intervalles de confiance à 90 %. (Graphique reproduit à partir des données
du sixième rapport d’évaluation du GIEC5)
7
Climat 2050 utilisé
comme variante
6
Changement de température (°C)
pour certaines
analyses
5
2
Climat respectant
1 l’objectif de +1,5 °C
en fin de siècle
0
Observations
-1 SSP5 - RCP8.5
SSP2 - RCP4.5
1950 2000 2015 2050 2100
SSP1 - RCP1.9
4.
La température moyenne « France » correspond à une moyenne pondérée de données de températures d’un panier de 32 stations météorologiques. Le
choix des stations ainsi que la pondération correspondante ont été déterminés par RTE de façon à obtenir la meilleure représentation de l’impact de l’aléa
météorologique sur l’ensemble de la consommation française.
5.
https://catalogue.ceda.ac.uk/uuid/98af2184e13e4b91893ab72f301790db
Afin de prendre en compte la variabilité des condi- temporelles (entre les pas de temps), et les cor-
tions météorologiques dans ses études prévision- rélations géographiques (entre les différentes
nelles, RTE travaille depuis une dizaine d’années régions européennes). Elles fournissent un grand
avec Météo-France, qui réalise des simulations nombre d’années différentes afin d’explorer une
climatiques spécifiques pour ce type d’applica- grande diversité de conditions météorologiques
tions. Les référentiels climatiques utilisés dans possibles en incluant même des extrêmes pouvant
le cadre des Futurs énergétiques 2050 ont ainsi ne pas s’être réalisés dans les dernières décennies.
été générés par Météo-France sur la base de son
modèle de climat ARPEGE-CM5, dans une version Afin d’intégrer les effets du changement cli-
proche de celle utilisée pour le cinquième rapport matique à long terme, l’étude Futurs éner-
du GIEC. gétiques 2050 utilise une nouvelle version,
créée en 2018, de ces simulations clima-
Les sorties de ces simulations sont les variables tiques dédiées, intégrant différents niveaux
météorologiques nécessaires pour simuler le sys- de réchauffement climatique à l’horizon
tème électrique (en premier lieu température, 2050 correspondant à certaines trajectoires
vent, rayonnement solaire et précipitations) sous étudiées par le GIEC. Les travaux réalisés par
forme de chroniques temporelles au pas horaire, Météo-France en partenariat avec RTE permettent
couvrant l’ensemble du domaine européen avec ainsi de disposer de plusieurs ensembles de simu-
une résolution spatiale de 20 kilomètres. En com- lations climatiques, contenant chacun 200 chro-
plément, Météo-France a également utilisé sa niques annuelles au pas de temps horaire.
chaîne de modélisation hydrologique pour créer
des chroniques journalières de débits des rivières Chacun de ces ensembles est réalisé « à climat
françaises. constant » c’est-à-dire en cherchant à représen-
ter le climat d’une période donnée (par exemple
Ces simulations permettent de respecter la cohé- autour de 2050), en fixant les émissions de gaz
rence physique entre variables, les corrélations à effet de serre dans l’atmosphère aux valeurs
Figure 8.3 Méthodologie de simulation du système électrique et représentation des effets du climat
Référentiels climatiques
(climat 2050) Modélisation de Simulation du
la production et de système électrique
Chroniques météorologiques la consommation dans de très
(température, vent, rayonnement, au pas horaire nombreuses
nébulosité, précipitations) issues
de simulations climatiques
configurations d’aléas
Fonctions de transfert permettant
le passage en courbes de charge Fonctionnement de
Pour de nombreuses configurations de production renouvelable l’équilibre offre-demande
(200 chroniques annuelles) et de consommation et du réseau
et sur toute l’Europe
398
Le climat .8
proposées par le GIEC dans ses différentes trajec- du changement climatique en cours. Elle conduit
toires et en générant un grand nombre de configu- à une augmentation moyenne de la température
rations permettant de refléter la variabilité interne supérieure à l’objectif de l’accord de Paris pour
du climat : la fin du siècle, en visant toutefois des émissions
u Un premier ensemble est représentatif du cli- inférieures à celles que donnerait l’extrapolation
mat autour des années 2000. des tendances actuelles. La trajectoire RCP8.5 est
u Deux autres ensembles sont représentatifs du quant à elle utilisée en complément du RCP4.5, de
climat projeté à l’horizon 2050, selon deux tra- manière à évaluer les effets du réchauffement et la
jectoires d’émissions de gaz à effet de serre, résilience du système dans les situations les plus
correspondant aux travaux du GIEC : défavorables ou qui pourraient correspondre à des
- RCP4.5 : trajectoire d’émissions intermédiaire, horizons plus lointains.
correspondant à une inflexion sur les émis-
sions au niveau mondial mais qui ne permet Les simulations des Futurs énergétiques 2050
pas de contenir le réchauffement sous 1,5 ou reposent sur ces différents jeux de simulations
2 °C en fin de siècle. climatiques. Toutefois, compte tenu des incerti-
-RP8.5 : trajectoire d’émissions très élevées, tudes inhérentes à la modélisation du climat,
sans effort particulier destiné à les contenir, les résultats issus de ces simulations spéci-
mais aujourd’hui jugée peu probable. fiques ont systématiquement été mis en pers-
u Enfin, une variante de la température a éga- pective par rapport à d’autres études et jeux
lement été créée pour représenter le climat de données. Un accent particulier a été mis sur
actuel, déjà réchauffé par rapport à 2000. la comparaison avec d’autres modèles climatiques
que celui de Météo-France. Ces analyses montrent
La trajectoire RCP4.5 est utilisée comme référence que les simulations utilisées par RTE se situent
afin d’intégrer un principe de prudence, en évi- dans l’ensemble des projections données par les
tant de sous-estimer les conséquences concrètes autres modèles et études.
La température est la variable pour laquelle les À l’horizon 2050, l’ampleur de la hausse attendue
effets du changement climatique sont les plus en France dépend de la trajectoire d’évolution des
marqués et pour laquelle l’ensemble des simula- émissions au niveau mondial. Dans le référentiel
tions climatiques convergent, même si des diffé- climatique 2050 RCP4.5 utilisé dans l’étude, la tem-
rences d’amplitude peuvent être observées entre pérature moyenne France augmente de 1,6 °C par
les différents modèles. rapport au référentiel 2000, tandis que l’augmen-
tation atteint 2 °C dans le référentiel 2050 RCP8.5.
Figure 8.4 Température annuelle moyenne en France dans les différentes bases climatiques
15
Température France moyenne (°C)
14°C
14 13,6°C
13
12°C
12
11
10
Climat 2000 Climat 2050 - RCP4.5 Climat 2050 - RCP8.5
400
Le climat .8
Ces valeurs se situent dans la moyenne des aug- Ces changements sur la température moyenne
mentations de température estimées sur la même s’accompagnent logiquement d’une diminution
période par les modèles climatiques pris en compte de fréquence des températures froides (environ
dans les rapports du GIEC. Cette évolution est très 2,5 fois moins d’heures où la température est néga-
significative et conduit à des effets sur l’ensemble tive) et d’une augmentation de fréquence des tem-
du système : consommation (chauffage, climatisa- pératures chaudes (environ deux fois plus d’heures
tion…), production (rendement et disponibilité des où la température est supérieure à 25 °C).
centrales thermiques et nucléaires…).
En corollaire de l’augmentation moyenne des plus importante à l’horizon 2050 (~20 % dans le
températures en France, les extrêmes chauds référentiel RCP4.5 et ~25 % dans le référentiel
deviennent de plus en plus fréquents et plus RCP8.5), celui-ci étant parfois même dépassé à
intenses donnant lieu à de nouveaux records. plusieurs reprises dans l’année.
Dans le référentiel de climat 2000, le record de La durée des événements chauds tend également à
juillet 2019 (29,7 °C en moyenne journalière s’accroître. Dans certains cas extrêmes, les vagues
France) a une probabilité d’apparition très faible de chaleur peuvent s’étaler sur plusieurs semaines
(de l’ordre de 1,5 %), alors que la probabilité d’at- consécutives. Ces événements seront ainsi de
teindre ce niveau de température est nettement nature à solliciter fortement le système électrique.
Figure 8.5 Intensité des canicules simulées en climat 2000, en climat 2050 RCP4.5, et comparaison
avec les épisodes historiques
Canicule
Température journalière maximale France (°C)
34 de 2019
32
30
28
Canicule
26 de 2003
24
22
limat 2050 - RCP 4.5
C
Climat 2000
20 Références historiques
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Les épisodes de froid extrême deviennent quant à extrêmes projetées à l’horizon 2050 conduisent
eux plus rares. La probabilité d’atteindre des tem- ainsi à des températures journalières France large-
pératures négatives de l’ordre du record de froid ment négatives. Ce type de situations restera très
de février 2012 (-4,9 °C en moyenne journalière contraignant pour le système électrique dans la
France) au moins une fois dans l’année devient mesure où le chauffage électrique, même orienté
très faible (seulement 5 à 6 % dans les référentiels sur des solutions plus efficaces que par le passé
à l’horizon 2050). comme des pompes à chaleur et intégré dans une
stratégie globale de rénovation du bâti, induira
À long terme, l’occurrence de vagues de froid n’est durablement une sensibilité importante de la
cependant pas exclue. Certaines configurations consommation aux événements froids (voir 8.3.1).
Figure 8.6 Intensité des vagues de froid simulées en climat 2000, en climat 2050 RCP4.5 et comparaison
avec les épisodes historiques
Température journalière minimale France (°C)
-2
-4 Vague de froid
de 2012
-6
-8
-10
-12
Vague de froid
-14 de 1985 limat 2050 - RCP 4.5
C
Climat 2000
Références historiques
-16
0 5 10 15 20 25
Le changement climatique affecte aussi les précipita- région ciblée. Les modèles climatiques utilisés dans
tions et l’ensemble du cycle hydrologique. Les chan- les travaux du GIEC s’accordent sur une diminution
gements sont toutefois plus incertains que pour la des précipitations dans la zone méditerranéenne et
température, surtout s’agissant des impacts sur une une augmentation sur le nord de l’Europe. La France
402
Le climat .8
est située dans une zone de transition de sorte qu’il d’eau stockée dans le manteau neigeux et sa fonte
n’y a pas de tendance marquée en moyenne annuelle plus précoce au printemps, voire dès la fin de l’hiver.
à l’échelle nationale. Cela masque cependant des
différences entre les régions ainsi que des évolutions Ces modifications ont une incidence sur les
saisonnières avec des tendances à la hausse en hiver débits des cours d’eau, notamment en termes
et à la baisse en été. de saisonnalité. Dans les référentiels 2050 par
rapport à 2000, plusieurs effets sont observés :
Ces caractéristiques se retrouvent dans les réfé- u une diminution générale des débits sur la période
rentiels climatiques 2050 utilisés dans les travaux sèche d’août à octobre, période qui s’étend
de RTE, avec des variations d’amplitude limitée en même à novembre voire décembre en RCP8.5 ;
moyenne (quelques pourcents, pas de tendances u une augmentation des débits au printemps,
extrêmement fortes ni à la hausse ni à la baisse) excepté en montagne ;
même si la variabilité d’une année sur l’autre reste u en montagne, une hausse en fin d’hiver (janvier-
importante, avec certaines années très pluvieuses février) et une baisse au printemps (avril-mai).
et d’autres très sèches.
Ces évolutions vont logiquement modifier la ges-
Une tendance certaine des modèles est la dimi- tion de la production hydroélectrique (voir 8.3.2)
nution des chutes de neige. Sur les massifs mon- mais pourront aussi affecter la disponibilité des
tagneux, cela entraîne une diminution du volume centrales nucléaires (voir 8.3.3).
Les sécheresses des sols et des cours d’eau ont période mais aussi de l’évaporation qui est accen-
tendance à être plus fréquentes. Elles résultent tuée par la hausse des températures.
d’un manque de précipitations sur une longue
Figure 8.7 Occurrence moyenne de débits faibles sur quelques fleuves dans les trois référentiels climatiques
40
35 +86% +83%
+69%
Nombre de jours par an
où le débit est faible*
30
+44% +39% +42%
25
20
15
10
0
La Loire à Orléans Le Rhône à Valence La Meuse à Chooz
Les évolutions du vent en surface et du rayonne- particulier qu’il n’y a pas de convergence sur le
ment solaire en climat 2050 sont de faible ampli- signe des changements pour ces deux variables et
tude, et en tout cas nettement inférieures à la que les effets restent limités en moyenne.
variabilité interannuelle naturelle. Le changement
climatique ne semble ainsi pas avoir d’impact L’enjeu autour de l’évolution de la production
notable sur le vent et le rayonnement solaire. éolienne et solaire à long terme réside donc moins
dans l’effet du changement climatique que sur
Ceci est cohérent avec les résultats d’autres l’accroissement de la dépendance de l’équilibre
modèles. Les travaux du GIEC montrent en offre-demande à ces sources de production.
6.
Les débits des rivières projetés dans le cadre de l’étude sont des débits dit « naturels », c’est-à-dire correspondant à des débits qui seraient observés en
l’absence d’intervention humaine. Ils peuvent différer des débits mesurés, qui sont influencés par l’utilisation de l’eau en amont (barrages hydroélectriques,
aménagements, prélèvements agricoles…).
404
Le climat .8
Conceptualisés dans les années 1960, les régimes flux d’air froid et sec en provenance de Sibérie.
de temps (ou types de temps) correspondent à des Il en résulte des anomalies froides et humides
structures caractéristiques de l’atmosphère. Ces sur une grande partie de l’Europe, avec sur la
structures dites « de grande échelle » sont notam- France des vents plus faibles que les normales.
ment bien adaptées à la description des circulations u Le régime de dorsale atlantique (Atlantic Ridge)
atmosphériques typiques de l’Europe et du nord est associé à des anomalies sèches et froides
de l’Atlantique à des échelles intra-saisonnières. dans l’ouest de l’Europe et humides dans l’est.
Sur cette zone géographique et en hiver, quatre En France, ce régime favorise les flux de nord
régimes principaux peuvent être distingués : et les événements de mistral et de tramontane
u Le régime NAO+ (phase positive de l’oscillation dans le sud-est. Les amplitudes des anomalies
nord-atlantique) correspond à un renforcement en France sont toutefois assez limitées.
de la dépression d’Islande et de l’anticyclone
des Açores, qui entraîne des entrées d’air mari- Les quatre régimes d’hiver ont des probabilités
time doux et humide en provenance de l’océan d’occurrence relativement proches. Leurs durées
Atlantique. Il apporte des anomalies chaudes et sont très variables, pouvant s’établir de quelques
humides sur une grande partie de l’Europe, en jours à plusieurs semaines. Il n’y a pas aujourd’hui
particulier dans le nord où elles sont très mar- de consensus scientifique sur l’évolution future des
quées. Dans ce régime, le risque d’extrême froid régimes de temps, tant en termes de structure que
est très diminué alors que le risque de fortes de fréquence.
précipitations est fortement augmenté. Les flux
de sud-ouest étant favorisés sur la France, le Une telle classification en seulement quatre
régime NAO+ est associé à des anomalies posi- régimes rassemble des situations assez diverses au
tives de la vitesse du vent. sein de chaque catégorie. Une situation rattachée
u Le régime NAO- (phase négative de l’oscillation à un régime peut être très éloignée de la situation
nord-atlantique) est l’opposé du précédent. Il « moyenne » de ce régime. Par exemple, le régime
correspond à un affaiblissement de la dépression de blocage est souvent associé, en hiver, à des
d’Islande et de l’anticyclone des Açores. Il en situations froides au cours desquelles le vent est
résulte une diminution des entrées d’air maritime en moyenne inférieur aux normales. Pour autant,
provenant de l’ouest, qui laisse donc la place à contrairement à certaines idées reçues, toutes les
des masses d’air provenant du nord et de l’est. situations de blocage, et plus généralement les
Le régime NAO- est associé à de fortes anomalies situations de grand froid, ne correspondent pas
froides et sèches sur la moitié nord de l’Europe systématiquement à un déficit de vent. Ainsi, la
et chaudes et humides dans le sud-ouest, en vague de froid de 2018 était caractérisée par une
particulier sur la péninsule ibérique. En France, production éolienne supérieure à la normale.
les flux de sud sont favorisés mais les anomalies
de vitesse de vent sont peu marquées ; le risque L’étude Futurs énergétiques 2050, basée sur des
de froid est amplifié, tout comme le risque de simulations autour de 200 chroniques annuelles,
précipitations (souvent neigeuses). permet de couvrir un très large panel de confi-
u Le régime de blocage (scandinave) correspond gurations climatiques et météorologiques cohé-
à la prédominance d’une large zone anticyclo- rentes avec l’ensemble des régimes de temps
nique sur le nord et l’ouest de l’Europe, avec des envisageables.
Figure 8.8 Consommation journalière en fonction de la température dans quelques pays européens
(thermosensibilité en 2020)
2,5
Consommation journalière (TWh)
2,0
1,5
1,0
0,5
• France
• Grande-Bretagne
• Allemagne
• Espagne
0,0 • Italie
-10°C -5°C 0°C 5°C 10°C 15°C 20°C 25°C 30°C
406
Le climat .8
Figure 8.9 Consommation de chauffage et de climatisation dans la trajectoire de référence en 2050 avec le climat
actuel et avec les scénarios RCP4.5 et RCP8.5
60
50
40
TWh
60 30
50 20
40 10
TWh
30
0
Climat RCP4.5 RCP8.5 Climat RCP4.5 RCP8.5
20 actuel actuel
0
Climat RCP4.5 RCP8.5 Climat RCP4.5 RCP8.5
actuel actuel
u d’autre part, l’évolution du parc d’équipements équivalente à l’horizon 2050 mais celle-ci est répar-
de chauffage et de climatisation a un impact tie de manière différente dans l’année (un peu plus
sur la demande électrique. Cet « effet parc » de consommation en été et moins de consomma-
recouvre des phénomènes jouant en sens oppo- tion en hiver).
sés : l’augmentation du nombre de ménages
et de la part du parc de logements chauffés à Ces effets se traduisent également sur les puis-
l’électricité a un effet haussier sur la consom- sances appelées lors des pointes saisonnières. En
mation électrique de chauffage, mais l’amé- hiver, la contribution du chauffage à la pointe est en
lioration de l’isolation thermique du bâti (au baisse dans la trajectoire de référence (de l’ordre
travers des rénovations et de la réglementation d’une dizaine de gigawatts à l’horizon 2050), à la
thermique dans la construction neuve) et de fois du fait d’équipements et de bâtiments moins
la performance des systèmes de chauffe (part énergivores et de vagues de froid moins intenses
croissante des pompes à chaleur) fait plus que et moins fréquentes. À l’inverse, la demande asso-
contrebalancer cet effet, avec en corollaire une ciée à la climatisation lors des pointes estivales est
baisse globale de la consommation de chauf- en nette hausse sous l’effet de la croissance du
fage (cf. chapitre 3 pour plus de détails). parc de climatiseurs et de l’augmentation des tem-
pératures, passant d’environ 15 GW aujourd’hui à
Dans l’ensemble, la consommation de chauffage près de 30 GW à l’horizon 2050 dans les référen-
baisse ainsi d’une dizaine de térawattheures sous tiels climatiques considérés.
ces deux effets tandis que celle de climatisation
augmente du même ordre de grandeur. À l’échelle L’écart sur les pointes de chauffage ou de climati-
annuelle, la consommation cumulée de climati- sation n’est en revanche pas significatif entre les
sation et de chauffage serait donc globalement deux trajectoires climatiques RCP4.5 et RCP8.5.
Chauffage Climatisation
50 50
40 40
30 30
GW
GW
20 20
10 10
0 0
Climat Effet Effet Climat Passage du Climat Climat Effet Effet Climat Passage du Climat
actuel parc climatique RCP 4.5 RCP 4.5 RCP 8.5 actuel parc climatique RCP 4.5 RCP 4.5 RCP 8.5
RCP 4.5 au RCP 8.5 RCP 4.5 au RCP 8.5
La production hydraulique est dépendante de la Ces résultats doivent toutefois être pris avec pré-
disponibilité de la ressource en eau et donc forte- caution du fait des incertitudes sur l’évolution du
ment déterminée par les précipitations (neige et débit réel des cours d’eau à long terme. Au-delà
pluie) ainsi que les températures (et leur influence des effets directs du changement climatique sur
sur la chute des neiges et l’évaporation des lacs). les précipitations et les débits « naturels » des
À l’échelle annuelle, des variations importantes de rivières, qui pourraient avoir finalement un faible
la production hydraulique peuvent ainsi être obser- impact sur les volumes de productible hydraulique
vées d’une année sur l’autre (productible variant annuel à l’échelle de la France (toutes choses étant
entre 50 à 75 TWh sur l’historique), alors même que égales par ailleurs), les débits effectifs des rivières
la capacité du parc hydraulique est stable depuis pourraient aussi être modifiés par l’évolution des
plusieurs années. Sur des échelles de temps plus usages de l’eau. Les effets du réchauffement cli-
courtes, des situations de faibles précipitations et matique sur l’humidité des sols ou encore l’évolu-
de sécheresses peuvent conduire à des limitations tion des pratiques agricoles seraient par exemple
fortes de la production hydraulique sur certaines susceptibles d’accroître le recours à l’irrigation et
périodes spécifiques. de réduire l’évolution des volumes d’eau dispo-
nibles pour la production hydroélectrique.
À l’horizon 2050, le productible hydraulique annuel
moyen estimé est globalement équivalent à celui Au-delà des effets à l’échelle annuelle, la modi-
d’aujourd’hui (une soixantaine de térawattheures) fication du cycle hydrologique décrite à la partie
dans les deux trajectoires climatiques considérées, 8.2.2 a des conséquences sur la répartition du
malgré une hausse très légère de la capacité ins- productible hydraulique au sein de l’année. Les
tallée (de l’ordre de 1 GW d’ici à 2050, hors STEP). variations saisonnières des apports hydrauliques
408
Le climat .8
auront des conséquences sur la gestion du mix elles se combinaient à des périodes froides et/ou
électrique français. L’évolution du climat conduira sans vent. À l’inverse, des apports plus importants
très probablement à un moindre remplissage dès le milieu de l’hiver et au début du printemps
des réservoirs hydrauliques à la fin de l’automne devraient permettre une utilisation plus importante
et au début de l’hiver, pouvant occasionner des du parc hydraulique en fin d’hiver, tout en garan-
situations de sécheresse tardives qui pourraient tissant la reconstitution des stocks exigés pour la
accroître la tension sur l’équilibre offre-demande si saison touristique de l’été suivant.
Figure 8.11 Évolution des apports hydrauliques dans le climat 2050 RCP 4.5 par rapport au climat 2000
La sensibilité des réacteurs nucléaires aux effets être prise avec précautions dans la mesure
du changement climatique (température et débit où de nombreuses hypothèses présentent
des fleuves) constitue l’un des objets de discussion des incertitudes importantes à cet horizon :
récurrents dans le débat sur la résilience du mix trajectoire détaillée de fermeture du parc nucléaire
électrique à long terme. Dans le cadre des Futurs de deuxième génération, localisation d’éventuels
énergétiques 2050, un travail approfondi de modé- nouveaux réacteurs, nature des équipements per-
lisation a été mené pour intégrer ces effets dans mettant le refroidissement des centrales, évolution
la représentation de l’équilibre offre-demande des des débits réels intégrant l’évolution des différents
différents scénarios de mix. Ces travaux per- usages de l’eau, etc. L’analyse menée permet donc
mettent de disposer d’une évaluation quan- d’évaluer l’ordre de grandeur des effets attendus
titative détaillée des effets du changement mais pourra faire l’objet d’approfondissements
climatique sur la disponibilité du nucléaire pour préciser les volumes en jeu dans différentes
à l’horizon 2050 et de dépasser les discours configurations d’hypothèses.
qualitatifs. L’amplitude des effets présentée
dans la suite de cette partie doit néanmoins
410
Le climat .8
Figure 8.13 Fonctionnement d’une centrale en cycle ouvert (à gauche) et en cycle fermé avec aéroréfrigérant
(à droite).
Eau consommée
par évaporation
(40%)
Cheminée Cheminée
Condenseur Condenseur
Pompe Purge
L’essentiel du risque d’indisponibilité en cas de cani- plus faibles suite à une évolution de la réglemen-
cule ou de sécheresse est aujourd’hui porté par un tation à partir de 20067. Depuis quelques années,
nombre limité de sites nucléaires. Sur les 14 der- une nouvelle augmentation significative des arrêts
nières années, 90 % des pertes de production dues pour causes climatiques a néanmoins été consta-
aux indisponibilités dites « climatiques » (i.e. indis- tée avec des pertes s’élevant à plusieurs térawat-
ponibilités liées aux canicules et sécheresses) ont theures par an.
ainsi été concentrées sur 4 des 18 sites.
Si les volumes d’énergie en jeu à l’échelle annuelle
À l’échelle annuelle, l’énergie perdue correspon- peuvent apparaître faibles, la puissance coupée
dant à ces indisponibilités est globalement limi- lors de ces aléas climatiques peut toutefois être
tée (moins de 1 % sauf en 2003 marquée par une ponctuellement conséquente. À titre d’exemple,
canicule importante). Au début des années 2000, lors de la canicule de juillet 2019, ces indisponi-
les pertes de productible ont atteint des niveaux bilités simultanées ont atteint près de 6 GW (soit
significatifs avant de retomber à des niveaux bien environ 10 % de la capacité installée).
Figure 8.14 Historique des indisponibilités simultanées maximum (à gauche) et des pertes annuelles de production
(à droite) pour cause de canicule et/ou sécheresse
7 7
Changement de réglementation
6 6
5 5
4 4
TWh
GW
3 3
2 2
1 1
0 0
2015 2020 2000 2005 2010 2015 2020
Sources : données de 2000 à 2014 fournies par EDF ; données de 2015 à 2020 sur la plateforme Transparence
7.
Loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire
412
Le climat .8
Le réchauffement climatique va conduire d’une existantes, les risques d’indisponibilité des tranches
part à un accroissement des périodes de cani- devraient augmenter, comme illustré sur la figure
cule, d’autre part à une augmentation de la fré- ci-dessous. Selon la modélisation utilisée et pré-
quence des sécheresses. Ces tendances auront sentée dans le cadre des réunions du groupe de
un effet direct sur la source froide des réacteurs travail sur le climat (modèle croisant les données
nucléaires, et potentiellement sur leur disponi- locales d’hydraulicité projetées en 2050, de tem-
bilité. Les conséquences sur la disponibilité des pérature, les contraintes réglementaires et le type
réacteurs seront contrastées en fonction de leur de réacteurs), le risque d’indisponibilité pour les
type de source froide, de leur localisation, de réacteurs sensibles au climat pourrait augmenter
leur technologie de refroidissement et de son d’un facteur deux à trois.
dimensionnement.
L’augmentation des indisponibilités liées aux cani-
Pour les sites en bord de mer, des seuils environne- cules pourrait toutefois être contrebalancée par la
mentaux sont bien associés à leurs sources froides, mise en œuvre de leviers technologiques ou organi-
mais le réchauffement climatique ne devrait toute- sationnels sur les centrales, qui n’ont pas été inté-
fois pas induire leur dépassement, ni sur la base de grés à l’étude. En revanche, les leviers techniques
la trajectoire RCP4.5, ni sur la base de la trajectoire permettant de maîtriser les effets des sécheresses
RCP8.5. longues sont plus limités.
Pour les sites en bord de fleuve, à réglementa- Pour les éventuelles nouvelles installations
tion inchangée et sans adaptation des installations nucléaires en bord de rivière ou de fleuve, le
Figure 8.15 Comparaison des pertes de production en énergie (GWh) annuelles simulées en cas de canicule
et/ou sécheresse pour les centrales en bord de fleuve
1 200
La centrale de Chooz (équipée d'aéroréfrigérants) est contrainte
par un accord avec la Belgique fixant un débit minimum sur la Meuse
1 000
800
Cycles ouverts
GWh
600
(2 réacteurs sur 4 à Bugey)
400
200
0
Centrale Golfech Cattenom Chooz Civaux Nogent Blayais Tricastin Bugey St-Alban Cruas Belleville Dampierre St-Laurent Chinon
Fleuve Garonne Moselle Meuse Vienne Seine Gironde* Rhône Loire
Réalisé 2007-2020 Climat 2000 Climat 2050 - RCP4.5 Climat 2050 - RCP8.5
* embouchure de la Gironde
8.3.3.4 À l’horizon 2050, dans les différents scénarios conservant des tranches
nucléaires, le nombre de réacteurs arrêtés simultanément pour cause de canicule
ou de sécheresse devrait progresser
À l’horizon 2050, le risque d’indisponibilité en cas disponibilité du parc lors des phases de canicule ou
de canicule ou de sécheresse sur le parc global va de sécheresse. Les résultats fournis ici sont basés
évoluer, sous les effets conjoints du réchauffement sur des hypothèses retenues dans les scénarios
climatique et de la modification du parc. présentés par RTE lors des travaux de concertation
et qui ne préjugent en rien des choix qui seront
La modification du parc, la localisation des tranches effectués par l’exploitant. Des localisations alter-
actuelles qui resteraient en service et le choix des natives des nouveaux réacteurs dans les scénarios
sites d’implantation des nouvelles installations « N » pourraient modifier le risque d’indisponibilité
sont autant de paramètres qui influeront sur la liée à la sécheresse ou aux canicules.
Figure 8.16 Monotones des pertes de production annuelle (TWh) du nucléaire pour cause de canicule
et/ou sécheresse à l’horizon 2050
18
Pour un climat fixé, les pertes sont minimales
en scénario M1/M23 et maximales en scénario N03
12
Une année sur dix
10
8
TWh/an
0
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
Pour le parc actuel (61,4 GW) Pour les scénarios à 2050 (hors M0, 15,5 à 51,6 GW)
en climat 2000 en climat 2050 RCP 4.5
en climat 2050 RCP 8.5
414
Le climat .8
Figure 8.17 Monotones des maxima annuels de puissance (GW) simultanément indisponible pour cause de canicule
et/ou sécheresse à l’horizon 2050
20
Une année sur dix
18
16
14
12
GW
10
0
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
Pour le parc actuel (61,4 GW) Pour les scénarios à 2050 (hors M0, 15,5 à 51,6 GW)
en climat 2000 en climat 2050 RCP 4.5
en climat 2050 RCP 8.5
Sur la base de ces hypothèses, une légère dégrada- d’indisponibilité simultanée à une chance sur dix
tion de la production annuelle est attendue à l’hori- atteint ainsi 6 GW dans le scénario N03 sous la
zon 2050, dans les trajectoires du scénario RCP4.5 trajectoire RCP4.5, et 8,5 GW sous la trajectoire
ou RCP8.5. Ce productible annuel perdu reste RCP8.5. Dans un contexte marqué par une aug-
néanmoins très faible en moyenne (de 1 à 2 TWh mentation de la pointe de consommation liée à la
selon les scénarios de mix considérés), même s’il climatisation et des risques accrus de sécheresses
peut atteindre des niveaux bien supérieurs dans à la fin de l’été, ces pertes de puissance disponible
des configurations annuelles défavorables (plus de ne sont pas négligeables. Ceci montre l’intérêt de
10 TWh sur certaines années simulées). trouver des leviers pour minimiser la sensibilité du
parc de réacteurs nucléaires au changement clima-
Le risque en termes de puissance potentielle- tique, notamment en étudiant le positionnement
ment coupée simultanément devrait également des futurs réacteurs sur les fleuves peu contraints
progresser. En 2050, selon les référentiels clima- en matière de débits.
tiques et les hypothèses considérées, le risque
8.3.4.1 Un facteur de charge éolien moyen qui évolue peu sous l’effet du climat,
mais qui va augmenter avec le raccordement des parcs éoliens en mer
Les simulations climatiques réalisées dans le aura un effet haussier sur le facteur de charge
cadre des Futurs énergétiques 2050 ne montrent moyen de l’éolien déployé en France ;
pas d’effet important du changement climatique u De l’autre, la croissance de la capacité éolienne
sur le productible éolien (voir 8.2.3). La produc- terrestre pourra être marquée par des effets
tion éolienne reste en particulier caractérisée par contraires, susceptibles de se compenser : les
une saisonnalité marquée (production plus forte évolutions technologiques pourront améliorer les
en hiver qu’en été), et une forte variabilité d’une performances unitaires (sous réserve de la pos-
année à l’autre. sibilité de déployer des installations plus hautes
qu’à l’heure actuelle) mais, dans le même temps,
À l’horizon 2050, le facteur de charge de la filière les sites présentant les conditions de vent les
éolienne évoluera en revanche largement du fait plus favorables seront de plus en plus rares.
de l’évolution du parc, même si les projections à
un tel horizon restent difficiles à estimer avec pré- Dans l’ensemble, le facteur de charge de l’éolien
cision et seront dépendantes de la localisation pré- devrait donc progresser, essentiellement sous l’ef-
cise des parcs : fet du développement des parcs éoliens en mer.
u D’un côté, l’essor de l’éolien en mer, caractérisé Cette évolution du mix conduit également à réduire
par un facteur de charge moyen significative- la fréquence des périodes de faible production
ment supérieur à celui des installations à terre éolienne, grâce au foisonnement de la production
(~40 % contre 20-25 % pour l’éolien terrestre), à grande échelle.
60%
Facteur de charge éolien hebdomadaire (%)
50%
40%
20%
0%
2016 2017 2018
416
Le climat .8
L’analyse des effets du changement climatique met la répartition des installations sur le territoire : à titre
en évidence un impact limité sur la production pho- d’exemple, le facteur de charge modélisé dans le scé-
tovoltaïque, toutes choses étant égales par ailleurs. nario M1 (caractérisé par une part importante d’ins-
tallations sur toitures réparties de manière diffuse sur
En revanche, l’évolution du facteur de charge dépen- le territoire) est légèrement plus faible que dans le
dra plus largement des technologies déployées (avec scénario M23 (caractérisé à l’inverse par des grands
ou sans dispositif de suivi type tracker), du type parcs qui se développeraient dans les régions les plus
d’installations privilégiées (au sol ou sur toiture) et de favorables en matière de rayonnement solaire).
La capacité de transit des lignes aériennes du est importante. L’augmentation des températures
réseau de transport d’électricité est sensible à la associée au changement climatique devra donc
température. En effet, le courant pouvant être être intégrée dans le dimensionnement du réseau
transporté par une ligne est limité par le phéno- (uniquement pour les lignes aériennes, les lignes
mène d’échauffement de la ligne, qui dilate les souterraines étant a priori peu affectées par le
câbles et les rapproche du sol. Pour garantir la changement climatique).
sécurité des populations et de l’environnement,
l’intensité transitant dans la ligne ne doit pas Les travaux menés par RTE visent à prendre en
dépasser un certain seuil. compte ces effets et à préparer l’adaptation de
l’ensemble du réseau de transport d’électricité à
En conséquence, la capacité de transit des lignes l’évolution du climat à long terme. Au-delà de l’ef-
aériennes dépend de la température extérieure : fet des températures, d’autres phénomènes sont
plus celle-ci est élevée, moins la marge d’élévation également investigués dont les risques hydrau-
en température causée par les transits d’électricité liques à proximité des cours d’eau.
L’intégration d’un haut niveau de production renou- globalement en Europe, sont en effet régulière-
velable variable suscite des interrogations récur- ment constatés.
rentes quant à la capacité à assurer l’équilibre
offre-
demande en électricité à tout instant. Le Ces problématiques ont fait l’objet de nombreuses
débat se cristallise tout particulièrement autour de remarques au cours des réunions des groupes de
la variabilité de la production éolienne et le fonc- travail techniques ainsi que dans les réponses à la
tionnement du système électrique lors des périodes consultation publique. Pour apporter des éléments
sans vent. d’éclairage sur ces questions, RTE a consacré une
part importante de l’étude de sécurité d’appro
Cette interrogation légitime peut s’appuyer sur visionnement à la réalisation de stress tests
des exemples concrets que chacun peut obser- climatiques (périodes sans vent, canicules, séche-
ver : des épisodes pendant lesquels le facteur resses…), en complément de l’analyse probabiliste
de charge est très faible en France, voire plus servant à dimensionner le mix de flexibilités.
418
Le climat .8
Comme dans tout secteur industriel, le « risque et tournants de consommation de manière à évi-
zéro » pour le système électrique est impossible à ter une coupure généralisée. À l’horizon 2050,
atteindre. Le choix du niveau cible de sécurité d’ap- les technologies du numérique pourront en outre
provisionnement revient à déterminer les risques permettre des interruptions encore plus ciblées,
contre lesquels la collectivité souhaite se prémunir. consistant par exemple à n’arrêter que des usages
non essentiels lors des situations éventuelles de
Comme évoqué à la partie 7.1.2.2, le dimension- déséquilibre.
nement du mix électrique, et notamment des
capacités de flexibilités (stockage, centrales ther- S’agissant de l’analyse de sécurité d’approvision-
miques, flexibilité de la demande, hydraulique…), nement, celle-ci est réalisée sur la base de la simu-
est fondé sur l’atteinte d’un haut niveau de sécu- lation de l’équilibre offre-demande électrique, dans
rité d’approvisionnement conforme à l’actuel : le de très nombreuses configurations d’aléas (aléas
risque de se trouver en situation de manque de météorologiques mais également aléas techniques
production est alors relativement faible mais pas influant sur la disponibilité des centrales), incluant
totalement inexistant. des événements extrêmes en matière de vent et
de température. Dans certaines configurations
Il convient également de rappeler que les situa- étudiées, le facteur de charge descend ainsi à des
tions de déséquilibre entre l’offre et la demande niveaux très faibles, proches de zéro, même si la
ne conduisent pas, de manière générale, à un probabilité d’occurrence de ce type d’événements
blackout généralisé. Dans ces situations, de nom- est très réduite. En conséquence, les analyses
breux leviers d’exploitation peuvent en effet être de sécurité d’approvisionnement menées
activés en premier lieu pour éviter toute coupure par RTE ne se fondent pas sur la notion de
de consommateurs non volontaires et en second puissance garantie et encore moins sur l’hy-
lieu pour circonscrire l’effet du déséquilibre à un pothèse que le facteur de charge de l’éolien
nombre restreint de consommateurs. Dans un pre- serait systématiquement supérieur à un cer-
mier temps, RTE peut ainsi appeler des moyens tain pourcentage en hiver. Au même titre que
post marché (interruption de grands sites indus- des vagues de froid ou de chaleur extrêmes sont
triels rémunérés à cet effet, recours à des contrats représentées dans le référentiel climatique utilisé,
de secours auprès des autres gestionnaires de des périodes sans vent sur l’ensemble de la France,
réseau européens ou encore réduction de la ten- voire sur une bonne partie de l’Europe, font égale-
sion sur les réseaux de distribution). En dernier ment partie intégrante de l’ensemble des configu-
recours, RTE peut réaliser des délestages ciblés rations considérées dans l’étude.
À l’horizon 2050, la nature des situations condui- l’analyse) et ses conséquences (décrites dans les
sant à un risque pour l’équilibre offre- demande stress tests présentés dans la suite).
d’électricité évolue fortement. Si à l’heure actuelle,
le risque est essentiellement déterminé par l’occur- Du point de vue de l’analyse probabiliste, les indica-
rence de vagues de froid et par la disponibilité des teurs sur le risque de défaillance mettent en évidence
réacteurs nucléaires, à long terme le système élec- la plus forte sensibilité à la production éolienne.
trique sera plus fortement dépendant des condi-
tions de vent. En 2050, les configurations les À l’heure actuelle, le risque de défaillance est large-
plus à risque pour le système électrique cor- ment concentré sur les situations de froid extrême
respondent ainsi à des situations de manque et un peu moins sur les périodes de faible vent. En
de vent conjugué à une température froide, 2050 à l’inverse, l’essentiel des périodes de tension
en particulier sur l’ensemble de l’Europe. surviennent dans des cas combinant une tempéra-
Ces caractéristiques se retrouvent dans tous les ture inférieure à 5 °C et un facteur de charge éolien
scénarios à l’horizon 2050 du fait de la part signi- (terrestre et en mer) en France très bas, inférieur à
ficative de l’éolien en France et en Europe, même 15 % sur la journée (en 2050, cette conjonction inter-
si la dépendance au vent est évidemment d’autant vient seulement dans environ 1,5 % des heures d’une
plus marquée dans les scénarios à forte part en année). Néanmoins, l’apparition de ces conditions
énergies renouvelables. n’engendre pas systématiquement des défaillances.
Celles-ci dépendront alors d’autres facteurs et notam-
Ce risque peut être analysé sous deux angles : sa ment la disponibilité du reste du parc de production
probabilité (intégrée dans la partie probabiliste de en France, ou encore de la possibilité d’imports.
Figure 8.19 Caractérisation des conditions climatiques communes aux épisodes de défaillance, en 2021 et en 2050
dans le scénario M23
L’essentiel du risque sur la sécurité d’approvisionnement est aujourd’hui concentré sur les
vagues de froid. À l’horizon 2050, il interviendra principalement lors de périodes combinant
températures faibles et absence de vent (et moins pendant les périodes de froid extrême).
T < 5°C et
100% FC éolien (terrestre
Part des situations de défaillance
20%
0%
Aujourd'hui En 2050 (M23)
420
Le climat .8
8.4.2 Stress test n° 1 « périodes sans vent » : des configurations qui deviendront
de plus en plus contraignantes pour le système, même si elles ne conduiront
à un risque de déficit de production que dans des cas spécifiques
Un premier type de configuration spécifique étu- Dans l’essentiel des configurations avec faible vent
diée par RTE porte logiquement sur les périodes en France, la sécurité d’approvisionnement est
« sans vent » lors desquelles la production éolienne assurée : en effet, le dimensionnement du mix
atteint des niveaux très faibles. de capacités électriques est pensé pour garantir
la résilience du fonctionnement du système dans
En pratique, la notion de « période sans vent » ne la quasi-totalité des configurations considérées.
suffit pas à caractériser précisément les risques Seules des situations spécifiques combinant diffé-
pesant sur la sécurité d’approvisionnement. rents aléas peuvent ainsi conduire à de la défail-
En effet, une absence de vent n’engendre pas lance dans les différents scénarios.
le même niveau de risque sur l’équilibre offre-
demande selon qu’elle intervient en été ou en La logique de l’approche par stress tests détaillée
hiver, ou encore selon le niveau des températures dans la suite conduit à se focaliser sur des exemples
et de l’hydraulicité. Les configurations intégrées de situations sans vent possibles. Ces exemples
dans l’analyse probabiliste réalisée par RTE repré- ne peuvent être considérés comme représentatifs
sentent ainsi une multitude de combinaisons pos- mais ont vocation à fournir des illustrations et une
sibles entre les niveaux de température en France meilleure compréhension sur le fonctionnement du
et dans le reste de l’Europe, les niveaux de vent en système dans des configurations particulières.
France et dans les autres pays, etc.
En été (voire en intersaison), les périodes sans s’ajouterait alors le reste du parc de production
vent engendrent un risque faible pour la sécurité pilotable (hydraulique, nucléaire et thermique
d’approvisionnement électrique. Ceci s’explique décarboné). Les cycles de stockage/déstockage
notamment par une consommation généralement des STEP et des batteries permettent en outre de
plus faible qu’en hiver et une forte production fournir de la puissance en soirée et au cours de
photovoltaïque qui, associées à de nombreuses la nuit, tandis que la modulation de la demande
flexibilités de court terme, permettent de pallier conduit à placer l’essentiel de la consommation
l’absence de vent. En complément, les centrales pilotable en milieu de journée.
thermiques (notamment dans les scénarios « M »)
et les imports peuvent être mobilisés pour garantir Dans la majorité des cas étudiés, l’équilibre offre-
l’équilibre entre l’offre et la demande. demande pourrait même s’effectuer sans recourir
aux imports. Ainsi, dans l’exemple présenté ici,
Dans l’exemple illustratif présenté ci-dessous, la lors des semaines dites « sans vent », l’énergie
production éolienne chute à des niveaux faibles disponible en France pour produire de l’électricité
(facteur de charge éolien à terre et en mer de est supérieure à celle nécessaire pour alimenter la
l’ordre de 10 % en moyenne, correspondant au consommation en moyenne, et ce dans l’ensemble
quantile 1 % pour une semaine complète d’été), des scénarios.
tandis que la production solaire reste abondante :
elle s’élève en moyenne à 80 GW en milieu de jour- Pour autant, dans un système interconnecté, le
née en 2060 dans le scénario M23, et à 50 GW recours aux imports n’est pas la conséquence d’un
dans le scénario N2. À elle seule, la production manque de production dans un pays, mais le résul-
solaire couvre ainsi une large part des appels de tat d’une optimisation économique via les marchés
puissance de consommation, qui sont en moyenne de l’électricité. Ainsi, des moyens de production
de 70 GW sur une journée d’été. À cette production (en particulier thermiques à flamme) peuvent être
Figure 8.20 Énergie moyenne de consommation et de production disponible en France lors d’une semaine moyenne d’été,
lors de très faible vent (quantile 1 % de facteur de charge hebdomadaire), dans les scénarios M23 et N2 à 2060
16
14
12
10
TWh
8 Thermique décarboné
Autres productions fatales
6 Éolien (au quantile 1 %
hebdomadaire d’été,
4
i.e. FC ~10 % sur la semaine)
Solaire
2
Hydraulique
0 Nucléaire
Consommation Production Consommation Production
non flexible disponible non flexible disponible
M23 -2060 N2-2060
422
Le climat .8
à l’arrêt en France dès lors que de la production avec peu de vent durant laquelle les imports sont
moins chère est disponible ailleurs en Europe. mobilisés alors que des capacités de production
L’exemple ci-dessus illustre une semaine d’été restent disponibles.
Figure 8.21 Fonctionnement du système électrique lors d’une même semaine d’été sans vent,
dans les scénarios M23 et N2 à 2060
160
120
100
80
60
GW
40
20
-20
moy. hebdo : 22,5 °C moy. hebdo : 9,5 %
-40 min. horaire : 16,5 °C min. horaire : 2,5 %
-60
lun. 10 juil. mar. 11 juil. mer. 12 juil. jeu. 13 juil. ven. 14 juil. sam. 15 juil. dim. 16 juil.
160
Imports
140 N2 2060 Injection batteries
Injection VE
120 Thermique CCG/TAC
Hydrogène (injection
100 power-to-gas-to-power)
Thermique CCG
biométhane
80
Solaire
Éolien
60 Hydraulique
GW
0 Pompage
Soutirage power-
-20 to-gas-to-power
moy. hebdo : 22,5 °C moy. hebdo : 9,5 % Soutirage V2G
-40 min. horaire : 16,5 °C min. horaire : 2,5 % Soutirage batteries
Exports
-60 Consommation
lun. 10 juil. mar. 11 juil. mer. 12 juil. jeu. 13 juil. ven. 14 juil. sam. 15 juil. dim. 16 juil.
Les risques en cas de situations sans vent se u À ce parc pilotable s’ajoutent également, selon
concentrent donc principalement sur l’hiver. La les scénarios, des capacités importantes de
production éolienne sera certes plus élevée qu’en STEP et de batteries. Ces capacités flexibles
été (au quantile 1 %, le facteur de charge hebdo- sont essentielles pour couvrir les moments
madaire – pour les parcs terrestres et maritimes les plus critiques (soirées en semaine) mais
réunis – passe de 10 % en été à 13 % l’hiver), mais ne peuvent fournir de l’énergie pendant des
la consommation sera dans le même temps plus périodes longues de plusieurs jours.
élevée du fait du recours au chauffage, et la pro- u La couverture de la demande pourra aussi s’ap-
duction solaire plus réduite. puyer sur le socle de production renouvelable.
Au-delà de la part fatale de l’hydraulique et des
Dans ces situations, le système électrique reposera bioénergies, c’est en particulier le cas de la filière
de manière accrue sur l’ensemble du parc de pro- solaire, dont la production reste importante en
duction et de flexibilités : milieu de journée d’hiver, avec par exemple en
u la France disposera d’une part conséquente moyenne 40 GW en hiver dans le scénario M23
de production pilotable pouvant délivrer de à 2060. Celle-ci permet par ailleurs de reconsti-
l’électricité sur des périodes longues (hydrau- tuer des stocks, pour les STEP, les batteries voire
lique, nucléaire et thermique décarboné). l’hydrogène, pour que ceux-ci puissent contri-
Dans tous les scénarios, plusieurs dizaines de buer au cours des soirées et des nuits.
gigawatts sont ainsi disponibles. S’agissant
du thermique décarboné, le dimensionnement Pour autant, en cas de vent faible, il sera plus dif-
des scénarios se fonde sur la disponibilité ficile en hiver qu’en été de disposer de surplus de
de stocks significatifs de gaz verts, permet- production en France pour l’optimisation complète
tant de couvrir des périodes de plusieurs des cycles de stockage/déstockage des flexibilités
semaines, et donc notamment des situations (du moins jusqu’à leur capacité de stockage et leur
d’absence prolongée de vent. puissance maximale).
Figure 8.22 Énergie moyenne de consommation et de production disponible en France lors d’une semaine moyenne d’hiver,
lors de très faible vent (quantile 1 % de facteur de charge hebdomadaire), dans les scénarios M23 et N2 à 2060
16
14
12
10
TWh
8 Thermique décarboné
Autres productions fatales
6 Éolien (au quantile 1 %
hebdomadaire d’hiver,
4
i.e. FC ~13 % sur la semaine)
Solaire
2
Hydraulique
0 Nucléaire
Consommation Production Consommation Production
non flexible disponible non flexible disponible
M23 -2060 N2-2060
424
Le climat .8
Figure 8.23 Contribution moyenne à la pointe de consommation de 19 h en hiver, lors de très faible vent
(quantile 1 % de facteur de charge horaire), dans les scénarios M23 et N2 à 2060
90
80
70
60
50
GW
Thermique décarboné
40
Autres productions fatales
30 Éolien (au quantile 1 %
horaire d’hiver, i.e. FC ~5 %
20 sur l’heure)
Solaire
10 Hydraulique
0 Nucléaire
Consommation Production Besoin à Consommation Production Besoin à
non flexible disponible combler par non flexible disponible combler par
les flexibilités les flexibilités
(batteries, STEP, (batteries, STEP,
recharge VE, recharge VE,
effacements, etc) effacements, etc)
et les imports et les imports
M23 -2060 N2-2060
Figure 8.24 Fonctionnement du système électrique lors d’une même semaine d’hiver sans vent,
dans les scénarios M23 et N2 à 2060
160
120
100
80
60
GW
40
20
-20
moy. hebdo : 4,5 °C moy. hebdo : 12 %
-40 min. horaire : -0,5 °C min. horaire : 3,5 %
-60
lun. 20 nov. mar. 21 nov. mer. 22 nov. jeu. 23 nov. ven. 24 nov. sam. 25 nov. dim. 26 nov.
160 Effacements
Imports
140 N2 2060 Injection batteries
Injection VE
120 Thermique CCG/TAC
Hydrogène (injection
100 power-to-gas-to-power)
Thermique CCG
biométhane
80
Solaire
Éolien
60 Hydraulique
GW
0 Pompage
Soutirage power-
-20 to-gas-to-power
moy. hebdo : 4,5 °C moy. hebdo : 12 % Soutirage V2G
-40 min. horaire : -0,5 °C min. horaire : 3,5 % Soutirage batteries
Exports
-60 Consommation
lun. 20 nov. mar. 21 nov. mer. 22 nov. jeu. 23 nov. ven. 24 nov. sam. 25 nov. dim. 26 nov.
426
Le climat .8
Dans la plupart des configurations étudiées, l’équi- même au nord et au sud de l’Europe, et les
libre offre-
demande d’électricité en France pen- habitudes de vie et les spécificités nationales
dant les périodes de faible vent peut s’appuyer sur conduisent à des profils de consommation pré-
une contribution significative des imports. Cette sentant aujourd’hui des différences. Au-delà
analyse ne repose pas sur l’idée que des pays voi- de la désynchronisation partielle des pointes
sins réserveraient systématiquement de la capa- de consommation nationale, la consomma-
cité pour « aider » à l’équilibre offre-
demande en tion européenne disposera d’un grand nombre
France mais sur le fait que dans les configurations d’usages flexibles et reportables lors des
étudiées, les pays voisins disposent souvent de périodes de tension, au même titre que la
larges marges de production qui peuvent donc France.
être utilisées pour exporter de l’électricité vers la (iii) Enfin, au-delà de la structure des mix européens,
France. il est important de rappeler que la grande majo-
rité des épisodes de vent faible en France ne
Plusieurs effets peuvent expliquer que cette contri- seront pas simultanés avec une faible production
bution des imports soit aussi significative lors des éolienne sur l’ensemble de l’Europe. En effet, la
périodes de faible vent malgré une possible corré- diversité des situations de vent au sein d’une
lation entre les facteurs de risque en France (situa- zone géographique conduit à une décorrélation
tions froides et sans vent) et les facteurs de risque partielle et un certain degré de foisonnement,
sur le reste de l’Europe : rendant la production éolienne d’autant plus
(i) De façon analogue à la France, l’intégration stable que celle-ci est considérée à une maille
d’une part importante d’énergies renouvelables géographique large. Certains pays disposent par
variables en Europe poussera nécessairement ailleurs de vents plus forts et de grands parcs en
l’ensemble des pays à disposer d’un certain mer (en particulier la Grande-Bretagne, dont les
nombre de capacités pilotables et flexibles facteurs de charge éoliens sont notablement plus
afin d’assurer leur propre sécurité d’approvi- élevés que ceux de la France). Dans le cas où
sionnement. Lors de périodes à faible produc- le vent serait particulièrement faible en France,
tion éolienne en Europe de l’Ouest, les autres il demeure possible que les conditions de vent
productions renouvelables joueront également soient plus favorables dans le reste de l’Europe.
un rôle clé pour l’approvisionnement. C’est
notamment le cas de la production solaire, en L’analyse montre par ailleurs que le phénomène de
particulier dans les pays du sud de l’Europe foisonnement est plus fréquent au cœur de l’hiver
qui pourraient disposer de très grandes capa- que sur le reste de l’année. Cet aspect est globale-
cités sur cette filière et dont l’abondance en ment favorable pour la gestion de l’équilibre offre-
milieu de journée pourra permettre d’alimenter demande, puisque c’est au cours de l’hiver que se
les pays voisins. L’analyse montre aussi que présentent la majorité des risques de tension pour
les grands parcs hydrauliques de Scandinavie le système électrique (voir 7.7.2).
et d’Europe centrale (par exemple d’Autriche)
amortiront sensiblement les besoins. Ainsi, le facteur de charge éolien (terrestre et en
(ii) Les profils de consommation en Europe sont mer réunis) est inférieur à 10 % pendant 6 % des
par ailleurs différents selon les pays, qui ne heures hivernales en France, mais ce taux se réduit
présentent pas la même sensibilité aux aléas. à 4 % sur le périmètre de la France et de l’Alle-
Les heures de lever et de coucher du soleil magne (souvent scruté dans les débats), et même
jouent sur les pointes de consommation, les à 0,3 % si l’on élargit le périmètre à la France et
besoins d’éclairage nocturne ne sont pas les ses voisins directs.
70% Hiver
% des heures hivernales
60%
50%
40%
29%
30%
21%
20%
11% 12% 11% 9%
10% 6% 6% 4% 0,005%
1% 0,3% 3% 0,2% 3% 1% 3%
0,3% 0,04% 0% 0,04% 0% 0,3% 0%
0%
Région Hauts- France France et France et France et France et
de-France Allemagne Espagne Grande-Bretagne pays voisins
À l’inverse, en été, la probabilité d’être confronté Des situations de vent faible sur une large part
à un facteur de charge horaire en dessous de 10 % de l’Europe de l’Ouest ne sont pas à exclure mais
sur la France et ses pays voisins est de l’ordre de leurs probabilités d’occurrence sont extrêmement
5 %. Les risques d’occurrence d’absence de vent faibles.
sont donc plus faibles en hiver qu’en été.
428
Le climat .8
8.4.2.4 En hiver, lors des périodes sans vent en Europe combinées à des vagues
de froid, des situations de défaillance sont possibles
Par rapport à aujourd’hui, l’évolution du mix « situation de défaillance »), et ce, quel que
conduit à augmenter la résilience à une vague de soit le scénario de mix considéré.
froid, mais aussi à réduire celle à des épisodes
sans vent. Étant donné le critère de dimen- Les exemples ci-dessous permettent d’illustrer ce
sionnement du système électrique présenté type de configuration pour les scénarios M23 et N2
dans la partie 7.1.2.2, dans certaines confi- en 2050. Dans les deux scénarios, sur la semaine
gurations extrêmes de conjonction de froid d’hiver considérée, la consommation atteint des
et de très faible vent, le système électrique valeurs très élevées, avec des pointes de l’ordre de
français peut être marqué par un déséquilibre 110 GW, du fait de températures froides, de l’ordre
entre l’offre et la demande (aussi appelée de 1°C en moyenne journalière sur la France. Ces
Figure 8.26 Fonctionnement du système électrique lors d’une conjonction d’aléas de température basse
et de vent faible en 2050
160
100
80
60
GW
40
20
-20
moy. hebdo : 1,5 °C moy. hebdo : 17 % moy. hebdo : 19 %
-40 min. horaire : -1,8 °C min. horaire : 3 % min. horaire : 10 %
-60 Défaillance
lun. 1er jan. mar. 2 jan. mer. 3 jan. jeu. 4 jan. ven. 5 jan. sam. 6 jan. dim. 7 jan. Effacements
Imports
160 Injection batteries
Injection VE
140 N2 2050 Thermique CCG/TAC
Situation de défaillance Hydrogène (injection
120 power-to-gas-to-power)
Thermique CCG
100 biométhane
Solaire
80 Éolien
Hydraulique
60 Autres productions fatales
GW
(déchets, biomasse,
40 biogaz, hydroliennes)
Nucléaire
20
Pompage
0 Soutirage power-
to-gas-to-power
-20
moy. hebdo : 1,5 °C moy. hebdo : 17 % moy. hebdo : 19 % Soutirage V2G
-40 min. horaire : -1,8 °C min. horaire : 3 % min. horaire : 10 %
Soutirage batteries
Exports
-60 Consommation
lun. 1er jan. mar. 2 jan. mer. 3 jan. jeu. 4 jan. ven. 5 jan. sam. 6 jan. dim. 7 jan.
430
Le climat .8
Figure 8.27 Cartes de température (à gauche) et de vitesse de vent8 (à droite) moyennes sur la journée
du 2 janvier, menant à une situation de défaillance dans l’exemple de la figure 8.26
5 0 5 10 15 20 25 30 2 4 6 8 10 12 14 16
Température (°C) Vitesse du vent à 100 m (m/s)
Ces conditions météorologiques combinant froid et Ainsi, dans tous les scénarios mais plus particu-
manque de vent sur une grande partie de l’Europe lièrement ceux dans lesquels la capacité nucléaire
entraînent des risques de défaillance dans tous les est la plus faible, les épisodes de vent faible sur
scénarios considérés, du fait de la part croissante de l’ensemble de la plaque européenne et de tempé-
l’éolien dans le mix. Les scénarios de mix avec ratures basses constituent des périodes de stress,
des parts importantes d’éolien sont logique- dont les plus sévères conduisent à du délestage.
ment plus sensibles au manque de vent, avec Ces épisodes existent et ont été rencontrés dans
des situations de défaillance caractérisées par les années passées (par exemple sur la journée du
un vent très faible sur l’ensemble de l’Europe, et 20 janvier 2016).
en particulier sur la mer du Nord. Les scénarios
avec une part plus importante de nucléaire sont
quant à eux plus sensibles aux vagues de froid.
8.
Vitesse à une hauteur de 100 m (soit environ la hauteur des éoliennes). Les éoliennes démarrent à partir d’une vitesse d’environ 3 m/s et atteignent
leur puissance maximale pour des vents de l’ordre de 10 à 15 m/s.
M23 2050
8 6 4 2 0 2 4 6 8 60 40 20 0 20 40 60
Ecart absolu à la température moyenne (°C) Ecart relatif à la vitesse moyenne de vent (%)
N2 2050
8 6 4 2 0 2 4 6 8 60 40 20 0 20 40 60
Ecart absolu à la température moyenne (°C) Ecart relatif à la vitesse moyenne de vent (%)
432
Le climat .8
8.4.3 Stress test n° 2 « canicules » : une tension accrue sur le système électrique
mais un risque qui reste maîtrisé en s’appuyant sur une forte production solaire et
sur la sollicitation de capacités de flexibilité importantes
Le fonctionnement du système électrique lors des fin juillet 2019, la canicule avait amené à atteindre
périodes de canicule constitue également un point une consommation de près de 60 GW (dont environ
d’attention important dans l’analyse du système 14 GW dus à la climatisation) et à réduire la dis-
électrique. En effet, la canicule est susceptible ponibilité du parc nucléaire de près de 6 GW. Lors
d’affecter largement les différents déterminants en de cet épisode, les filières éolienne et solaire ont
matière de consommation et de production : pic contribué à l’équilibre offre-demande avec près de
de consommation lié à la climatisation, effets sur 8 GW en milieu de journée et encore 4 GW à 19 h
le rendement et la disponibilité des centrales ther- lors de la journée la plus chaude. Même réduites,
miques et nucléaires, dégradation du rendement les marges d’exploitation étaient toutefois restées
des panneaux photovoltaïques (lors des situations suffisantes, avec des nombreuses centrales ther-
d’extrême chaleur), corrélation avec un niveau de miques à l’arrêt et démarrables rapidement.
vent relativement faible, etc.
Sur des horizons de long terme, les effets du chan-
Cette sensibilité du système aux épisodes de cani- gement climatique et l’augmentation attendue de
cule n’est pas nouvelle et se retrouve dans les la fréquence et de l’intensité des vagues de cha-
expériences récentes. En août 2003, l’épisode leur (voir 8.2.1) conduisent à porter une attention
caniculaire avait conduit à limiter la production accrue à ces configurations.
nucléaire de plusieurs gigawatts, ce qui avait eu
pour conséquence de réduire les marges d’exploita- Dans les simulations réalisées pour les Futurs
tion et s’était traduit par des prix très élevés sur les énergétiques 2050, de nombreuses vagues de
marchés de plus de 1 000 €/MWh. Plus récemment, chaleur plus intenses et plus longues que celles
Figure 8.29 Fonctionnement du système électrique lors d’une canicule avec un faible vent dans le scénario N2 en 2050
160
140 Effacements
Imports
120 Injection batteries
Injection VE
Thermique CCG/TAC
100 Hydrogène (injection
power-to-gas-to-power)
80 Thermique CCG
biométhane
60 Solaire
Éolien
GW
Hydraulique
40 Autres productions fatales
(déchets, biomasse,
20 biogaz, hydroliennes)
Nucléaire
0
Pompage
Soutirage power-
-20 to-gas-to-power
Soutirage V2G
moy. hebdo : 30 °C moy. hebdo : 15 % canicule :
-40 Soutirage batteries
max. horaire : 38 °C min. horaire : 5 % entre -3 et -9 GW Exports
Consommation
-60
lun. 14 août mar. 15 août mer. 16 août jeu. 17 août ven. 18 août sam. 19 août dim. 20 août
9.
La température moyenne journalière (qui intègre la température observée sur l’ensemble de la journée et de la nuit) ne doit pas être confondue avec la
température maximale atteinte au cours de la journée. Ainsi, une situation avec une température moyenne journalière supérieure à 30 °C apparaît très
rarement, alors que ce niveau de température peut être atteint beaucoup plus fréquemment sur quelques heures de la journée.
434
Le climat .8
Les situations de sécheresse peuvent entraîner une au « fil de l’eau » (sans retenue), peut alors être plus
forte incidence sur le système électrique, dans la faible qu’à l’accoutumé. L’impact est toutefois dépen-
mesure où elles sont susceptibles d’affecter la pro- dant de la zone touchée par la sécheresse.
duction hydraulique mais également la disponibilité
des réacteurs nucléaires (dont la production com- Jusqu’à aujourd’hui, ces épisodes n’ont pas
binée représente plus de 80 % du mix électrique entraîné de tension pour le système électrique,
aujourd’hui). Ces situations peuvent par ailleurs se notamment car ils surviennent lors de périodes de
prolonger sur des durées relativement longues consommation faible ou modérée.
Au cours des quinze dernières années, l’impact des À l’horizon 2050, la plus forte probabilité des situa-
sécheresses sur le volume d’indisponibilités du parc tions de sécheresse notamment au cours de l’au-
nucléaire s’est accentué. Jusqu’à 4 GW de réacteurs tomne (voir 8.2.2) pourra conduire à un risque
nucléaires ont ainsi été simultanément mis à l’arrêt accru pour la sécurité d’approvisionnement en
lors d’épisodes de ce type survenus ces six dernières électricité, en particulier si elles se combinent avec
années. La durée d’indisponibilité est en revanche une situation de vent faible, voire de période froide.
variable selon les réacteurs concernés. À titre
d’exemple, lors de la sécheresse de l’été 2020, les Sans conjonction avec ces autres aléas, le risque
durées de mise à l’arrêt ont varié entre un et près de devrait rester faible, notamment grâce à des pro-
40 jours selon les tranches. Lors de ces épisodes, le ductions solaire et éolienne soutenues et qui suf-
niveau de production hydraulique, en particulier celle firont à faire face aux baisses de disponibilité du
Figure 8.30 Fonctionnement du système électrique lors d’une sécheresse sans vent concomitante
à une vague de froid précoce dans le scénario N2 en 2050
160
Défaillance
140
Effacements
Situations de défaillance
Imports
120 Injection batteries
Injection VE
100 Thermique CCG/TAC
Hydrogène (injection
power-to-gas-to-power)
80 Thermique CCG
biométhane
60 Solaire
Éolien
GW
Hydraulique
40
Autres productions fatales
(déchets, biomasse,
20 biogaz, hydroliennes)
Nucléaire
0
Pompage
Soutirage power-
-20 to-gas-to-power
moy. hebdo : 2,5 °C moy. hebdo : 27 % sécheresse : Soutirage V2G
-40 Soutirage batteries
min. horaire : -4,1 °C min. horaire : 4 % -3 GW
Exports
-60 Consommation
lun. 13 nov. mar. 14 nov. mer. 15 nov. jeu. 16 nov. ven. 17 nov. sam. 18 nov. dim. 19 nov.
436
Le climat .8
L’HYDROGÈNE ET
LE RÔLE DES COUPLAGES
ENTRE LES SECTEURS DU GAZ ET DE L’ÉLECTRICITÉ
440
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
D’autre part, des questions fondamentales et d’être connectés à un grand réseau gazier
demeurent sur le fonctionnement technique et interconnecté.
l’économie générale d’un système hydrogène. u les stratégies d’utilisation : s’il apparaît relative-
Parmi les interrogations figurent notamment les ment consensuel d’utiliser les premiers volumes
suivantes : d’hydrogène bas- carbone pour remplacer les
u le lieu de production : alors que la stratégie fran- consommations actuelles d’hydrogène fossile,
çaise consiste à produire l’hydrogène sur le ter- les stratégies divergent au-delà, allant d’usages
ritoire national selon le principe de souveraineté comme la mobilité lourde (ferroviaire sur les
énergétique posé par la SNBC, d’autres pays lignes difficilement électrifiables, aviation par
comme l’Allemagne comptent spécifiquement la production de combustibles de synthèse)
sur des imports d’hydrogène, depuis des pays ou l’industrie (sidérurgie, chaleur…) à d’autres
européens ou extra-européens, pour atteindre usages comme le chauffage.
la neutralité carbone ;
u les méthodes de production : le plan de relance Ainsi, plusieurs visions contrastées s’articulent sur
et la stratégie française promeuvent le déve- la place de l’hydrogène à long terme et sur l’enver-
loppement de l’hydrogène bas-carbone, produit gure des infrastructures à déployer pour assurer
à partir d’électrolyse de l’eau en utilisant une son développement.
électricité bas-carbone comme celle produite en
France. À moyen terme, cette stratégie passe D’un côté, des études portées par la Commission
par le développement de gros électrolyseurs, européenne ou par certains gestionnaires de réseau
installés à proximité des zones industrielles ou gaz (étude Tennet – Gasunie, sur la zone Pays-Bas/
des centres de consommation, et soutirant sur Allemagne ou encore l’étude « European Hydrogen
le réseau en bande. À plus long terme, les pers- Backbone »1 portée par un consortium de gestion-
pectives sur les modèles de développement des naires de réseau gaz européens) projettent un déve-
électrolyseurs sont plus ouvertes et certains loppement très important de l’hydrogène à long
projettent la possibilité de produire l’hydrogène terme (plusieurs centaines voire milliers de térawat-
bas-carbone de manière flexible selon la pro- theures en Europe) et proposent des plans de déve-
duction des énergies renouvelables : certains loppement d’un réseau d’hydrogène à grande échelle
acteurs bâtissent ainsi des modèles d’affaires couvrant l’ensemble du continent européen.
sur la base de systèmes intégrant des grands
parcs solaires à des électrolyseurs fonctionnant De l’autre, d’autres acteurs comme Agora
donc de manière plus ponctuelle. Enfin, d’autres Energiewende2 ou l’IDDRI3 suggèrent de concentrer
pays, notamment sur le pourtour de la mer dans un premier temps le développement de l’hy-
du Nord, entendent promouvoir « l’hydrogène drogène sur des usages privilégiés dans l’industrie
bleu » produit à base d’énergies fossiles mais et indiquent par ailleurs que la construction d’un
associées à des dispositifs de CCS ; réseau d’hydrogène transeuropéen n’est pas la prio-
u les modes de stockage et de transport : une rité. D’après ces acteurs, ce type d’infrastructures
fois produit, l’hydrogène doit être stocké, puis présente un risque de coûts échoués important, en
distribué. Certains modèles pointent vers la l’absence de vision claire et consensuelle sur les
création de petits stocks-tampons à proximité projections de demande d’hydrogène, le dévelop-
des centres industriels, tandis que d’autres pement des modes de production et les arbitrages
nécessitent d’être couplés à de grands stoc- possibles entre utilisation du réseau électrique et
kages, par exemple dans des cavités salines, développement d’un réseau hydrogène.
•É
lectrolyseurs non flexibles :
Électrolyse • Électrolyseurs flexibles • Électrolyseurs flexibles
fonctionnement en bande
•S
tockage largement accessible •S
tockage largement accessible • Possibilités de stockage
à l’échelle européenne (soit via les interconnexions, soit très limitées
via son développement en France)
Stockage •F
ortes interconnexions • Pas d’imports-exports
& réseau + routes commerciales •É
changes possibles avec
avec le reste du monde, l’étranger pour mutualiser
pour importer de l’hydrogène les capacités de stockage,
à moindre coût mais pas d’imports massifs
• Centrales thermiques •C
entrales thermiques utilisant • Centrales thermiques
utilisant l’hydrogène principalement l’hydrogène alimentées par du méthane
du réseau (produit en du réseau de synthèse produit
Production France ou importé) localement
thermique •V
ariante avec combinaison
de méthane de synthèse et
de biométhane
Europe Europe
Cartographie
schématisée
du réseau
Électrolyseur Stockage H2 Centrale thermique Routes commerciales d’import de gaz décarboné Interconnexions
442
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
Les Futurs énergétiques 2050 accordent une place Dans ce contexte, l’une des évolutions impor-
importante au sujet de l’hydrogène, qui s’est tra- tantes projetées dans les scénarios de décar-
duite, d’une part, par la création d’un groupe de bonation consiste à développer la production
travail dédié sur les interfaces entre secteur élec- d’hydrogène par électrolyse à partir d’électri-
trique et les autres vecteurs, d’autre part sur cité bas-carbone. L’hydrogène ainsi produit peut
l’élaboration d’une variante spécifiquement consa- alimenter certains usages directs ou être trans-
crée à l’analyse d’une perspective de développe- formé en combustibles ou carburants de synthèse
ment très poussé du vecteur hydrogène (variante sous forme gazeuse (méthane…) ou liquide (ammo-
« hydrogène + »). niac, méthanol…) qui pourront eux-mêmes servir à
des usages énergétiques. L’hydrogène ou ses déri-
Les systèmes gazier et électrique sont d’ores et vés peuvent également être réutilisés pour produire
déjà en interface, via les centrales thermiques de l’électricité dans des centrales thermiques.
produisant de l’électricité à partir de gaz. À long
terme, les interactions entre le système électrique Le développement de ces nouvelles interfaces
et les autres vecteurs sont appelées à se dévelop- implique en conséquence des évolutions profondes
per et se multiplier : la décarbonation complète de l’organisation du système énergétique.
du secteur énergétique conduit en effet à envisa-
ger de nouveaux transferts entre vecteurs en vue Les analyses réalisées par RTE dans le cadre de
de décarboner plus facilement certains usages de l’étude Futurs énergétiques 2050 ne visent pas à
l’énergie ou de bénéficier de complémentarités prendre parti sur l’intérêt d’un développement à
entre vecteurs. grande échelle des infrastructures de production et
Figure 9.2 Principales interactions entre l’électricité et les autres vecteurs énergétiques
Production
décarbonée
Consommation
Carburants
finale et stockage de synthèse
Électrolyse Consommation
Consommation
finale et stockage
Hydrogène finale et stockage
Méthanation
Énergies
renouvelables Pile à H2
Consommation
Turbine
finale et stockage
Électricité à H2
Pompe à chaleur
Chaleur/froid
Cogénération
Biomasse
444
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
Le développement de l’hydrogène bas- carbone d’un potentiel important en lien avec la transition
constitue l’une des solutions mises en avant pour simultanée du modèle agricole. L’hydrogène appa-
atteindre la neutralité carbone. raît alors comme un moyen de traiter le cas des
énergies fossiles non abattues.
Au cours des dernières années, des visions ambi-
tieuses de développement de l’hydrogène se sont Dans l’étude Futurs énergétiques 2050, la pro-
développées, et les pouvoirs publics ont défini en duction d’hydrogène bas-carbone est intégrée aux
septembre 2020 une stratégie hydrogène en lien scénarios. Elle constitue un poste de consommation
avec le plan France Relance adopté à l’issue de d’électricité qui peut être significatif. Le vecteur
la crise sanitaire de 2020. La Commission euro- hydrogène peut également, dans certains scéna-
péenne ainsi que de nombreux États européens rios, être utilisé pour stocker de l’énergie injectée
ont également publié des stratégies sur l’hydro- depuis le réseau électrique ou produite directe-
gène prévoyant un développement ambitieux au ment par des énergies renouvelables dédiées.
cours des prochaines décennies : l’intérêt pour le
vecteur hydrogène est donc largement partagé en RTE a analysé en détail les principaux modes de
Europe. Dans cette perspective européenne, l’un production d’hydrogène dans un rapport dédié
des rôles fondamentaux du vecteur hydrogène publié en janvier 2020. Ce rapport avait déjà
serait d’élargir l’effort de décarbonation à des sec- mis en évidence les deux raisons distinctes qui
teurs laissés aux énergies fossiles dans la majorité peuvent justifier le développement de l’hydro-
des scénarios. L’électrification totale des secteurs gène à long terme. Ces deux motifs sont bien
actuellement utilisateurs d’énergies fossiles est distingués dans la nouvelle étude, même si les
difficilement atteignable et des incertitudes sub- développements potentiels de l’hydrogène qu’ils
sistent sur la possibilité du recours à la biomasse induisent pourraient générer des synergies
en quantités suffisantes, nécessitant la mobilisation d’infrastructures.
1 2
Décarboner les usages via le Contribuer à l’équilibre du système
remplacement des énergies fossiles électrique en apportant une solution
≠
dans l’industrie ou le transport de stockage/déstockage
Pour répondre aux objectifs Stockage saisonnier via la
nationaux et internationaux boucle power-to-gas-to-power
de décarbonation >S
olution indispensable
>O
pportunités aux scénarios M0, M1, M23
dès maintenant et N1 à compter de l’horizon
2040 dans la trajectoire de
consommation de référence
446
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
L’hydrogène est dès aujourd’hui utilisé dans diffé- u les usages énergétiques directs de l’hydro-
rents secteurs industriels, avec environ un million gène : l’hydrogène est dans ce cas utilisé en
de tonnes consommées en France chaque année et tant que combustible comme source d’énergie
plus de soixante millions à l’échelle mondiale. directe, sous forme gazeuse ou liquide, pour
la mobilité (par exemple avec des piles à com-
L’utilisation actuelle de l’hydrogène est néan- bustible), pour la production d’électricité (piles
moins concentrée essentiellement sur des usages à combustible ou turbines) ou pour la chaleur
« matériau » et non sur des usages énergétiques. (chaudières).
Il convient en effet de distinguer plusieurs types u la fabrication de combustibles de synthèse à
d’usages pour l’hydrogène : partir d’hydrogène (usages énergétiques indi-
u les usages matériau, essentiellement indus- rects) : il peut s’agir de méthane gazeux, ou
triels : l’hydrogène est alors utilisé en tant que encore de combustibles liquides comme le
matière première dans le cadre de procédés méthanol, l’ammoniac (à vocation énergétique),
chimiques en particulier, par exemple pour la etc. L’hydrogène n’est dans ce cas pas utilisé
désulfuration de composés pétroliers (raffinage comme combustible direct mais constitue un
de pétrole) ou encore pour la fabrication d’am- des éléments de base des gaz ou carburants de
moniac pour la production d’engrais. synthèse.
Raffinerie
Ammoniac
Chimie
Métallurgie
Spatial
H2 matériau issu de coproduits
Sidérurgie H2 énergie issu de coproduits
H2 matériau par vaporeformage
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18
TWh H2 PCI/an
Transport Raffineries
Transport (hydrocraquage et
routier aérien
hydrodésulfuration de
carburants pétroliers)
Transport
Transport maritime Engrais
ferroviaire (production
d’ammoniac)
Transformation
Production
en méthane de
de chaleur
synthèse Chimie
et/ou d’électricité
(industrie, tertiaire,
résidentiel…)
Sidérurgie
Injection directe (réduction du
dans le réseau minerai de fer)
de gaz
Autres usages
industriels
(verrerie, métallurgie,
électronique,
agro-alimentaire)
À plus long terme, les usages matériau actuels Dans le détail, le développement de l’hydrogène
de l’hydrogène sont appelés à se réduire, étant bas-
carbone, au-delà des usages traditionnels
donné que les principaux secteurs concernés (raf- dans les raffineries et les usines d’engrais, pourrait
finage, production d’engrais) sont marqués par concerner plus spécifiquement quelques secteurs
des projections de baisse d’activité, en lien avec la et usages bien identifiés :
448
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
u dans la sidérurgie, l’utilisation de l’hydrogène est autonomies requises sont très importantes (fret
envisagée pour la réduction du minerai de fer grande distance…). Le recours à l’hydrogène est
(procédé type Hybrit), avec des volumes pou- une possibilité, avec là encore plusieurs solu-
vant être conséquents à l’échelle européenne à tions concurrentes : véhicules électriques à
long terme. Les perspectives précises restent batteries ou à caténaires, biodiesel et autres
néanmoins incertaines dans la mesure où des biocarburants, bio-GNV, etc.
procédés sidérurgiques alternatifs pourraient u dans le transport ferroviaire, l’hydrogène consti-
également se développer, comme la réduction tue un combustible de substitution envisageable
directe via des solutions électriques (procédé pour les trains au diesel. Ce segment représente
Ulcowin) ; toutefois des volumes qui devraient rester limi-
u dans le reste de l’industrie, l’hydrogène pourrait tés en France où la part des lignes électrifiées
être utilisé pour la production de chaleur dans de est déjà importante et où le gisement de substi-
nombreux procédés et secteurs. Le développe- tution au diesel devrait rester faible.
ment de cet usage dépendra de la concurrence u dans le transport aérien et maritime, l’hydro-
avec d’autres solutions : chaudières biomasse gène ou ses dérivés sont également envisagés
(sous réserve de disponibilité de la ressource), comme solution pour fournir des carburants de
pompes à chaleur ou chaudières électriques synthèse bas-carbone.
(qui peuvent techniquement répondre aux diffé u enfin, une partie de l’hydrogène produit pourrait
rents besoins de chaleur mais sont plus perti- être injecté directement dans le réseau de gaz,
nentes pour les besoins de chaleur à basse et dans des limites de volumes compatibles avec
moyenne température), ou encore chaudières à les caractéristiques du réseau et des équipe-
gaz utilisant du biométhane ou des dispositifs ments, ou être transformé en méthane de syn-
de captage et de stockage du carbone ; thèse pour contribuer à la décarbonation des
u pour le transport routier, l’hydrogène présente réseaux de méthane, même si cette dernière
un intérêt plus particulier pour les poids lourds perspective semble aujourd’hui plus incertaine
(bus, autocars et camions). La décarbonation et moins d’actualité du fait des pertes supplé-
de ce secteur est en effet plus difficile que mentaires induites par l’étape de méthanation
pour les véhicules légers (remplacés par des et de la difficulté à assurer un approvisionne-
voitures électriques) en particulier lorsque les ment en carbone.
Les perspectives de développement de l’hydrogène avec les orientations les plus récentes de la
ont fait l’objet de nombreuses discussions au cours stratégie hydrogène et avec les retours issus
des ateliers de travail. Au vu des incertitudes pré- de la consultation publique. La trajectoire de
sentées dans la section précédente sur l’essor des référence atteint ainsi environ 45 TWhPCI d’hy-
différents usages de l’hydrogène, l’étude a retenu drogène bas- carbone en 2050 pour les seuls
plusieurs trajectoires contrastées : usages finaux (donc hors contribution à la
u une trajectoire de référence, qui s’inscrit flexibilité du système électrique), mais avec
dans les orientations du scénario AMS de une partie qui resterait issue de coproductions
la SNBC et intègre les objectifs du plan fatales. Les volumes à produire à partir d’élec-
de relance et de son volet hydrogène. La trolyse seraient ainsi de l’ordre de 35 TWhPCI,
SNBC se concentre essentiellement sur la soit environ 50 TWhe d’électricité.
décarbonation des usages industriels actuels u une trajectoire « hydrogène + », qui
de l’hydrogène et un développement ciblé sur repose sur un développement plus fort de
quelques usages comme le transport routier. ce vecteur dans certains secteurs indus-
Malgré la décroissance des secteurs historiques triels (sidérurgie en particulier) et pour
(raffinage, engrais), les volumes d’hydrogène la décarbonation des soutes maritimes et
consommés augmentent à long terme. Par rap- aériennes du transport international, via
port aux projections de la SNBC, les volumes des carburants de synthèse. Dans cette
ont été légèrement rehaussés, notamment dans trajectoire, les usages de l’hydrogène se déve-
le transport routier et l’industrie, en cohérence loppent de manière importante, conduisant à
Figure 9.6 Consommation d’hydrogène (hors utilisation pour la production électrique) dans les trajectoires
de référence et « hydrogène + »
140
120
100
TWh H2 PCI
80 Méthanation
Transport aérien
Transport maritime
60 Transport ferroviaire
Transport routier
Injection directe
40 en mélange
Chaleur industrielle
Sidérurgie
20
Raffinage
Chimie
0 Ammoniac et engrais
référence hydrogène + référence hydrogène + référence hydrogène +
2030 2040 2050
Note : une partie de l'hydrogène consommé est couverte par de la coproduction fatale
450
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
Figure 9.7 Diagramme illustrant le fonctionnement de la production d’électricité thermique à partir d’hydrogène
(valeurs correspondant au scénario M23 2050 dans une configuration de système hydrogène flexible)
Électricité
Centrale à cycle combiné 7 TWhe/an restituée
au système
électrique pour
Hydrogène produit Turbine à combustion 2 TWhe/an
l’équilibrage
Une partie du parc Électricité par électrolyse
de production renouvelable
renouvelable 19 TWhH2/an
est atttribuée 10 TWh/an
à la boucle dite
de power-to-gas-
to-power
27 TWhe/an
8 TWh/an
Pertes de
combustion
Pertes
d’électrolyse
452
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
des piles à combustible pour produire de l’élec- place d’une logistique d’approvisionnement en
tricité. Cette possibilité nécessite l’accès à des CO2 et des pertes supplémentaires de rendement.
infrastructures de stockage en quantité suf- Cette option nécessite néanmoins des prére-
fisante (voir ci-après), afin de pouvoir stocker quis importants et est soumise à des incer-
l’hydrogène produit lors des périodes les plus titudes technologiques (la mise au point des
favorables pour le système électrique et de le turbines à hydrogène est encore en cours
restituer lors des périodes de tension sur l’équi- d’expérimentation) et surtout industrielles :
libre offre-demande ; disponibilité de stockages d’hydrogène (stoc-
u le recours à du méthane de synthèse produit kages salins notamment) et développement
en France, via des procédés de méthanation d’un réseau d’hydrogène.
transformant l’hydrogène en méthane avant
l’utilisation dans les centrales thermiques : ceci Des analyses économiques complémentaires
requiert une étape supplémentaire de transfor- seront toutefois nécessaires pour conforter l’option
mation et dégrade le rendement énergétique la plus compétitive et/ou la plus favorable sur le
d’ensemble mais permet d’utiliser les infrastruc- plan industriel.
tures gazières existantes sans devoir les adap-
ter à un gaz différent. Dans l’ensemble, la boucle consistant à produire
des gaz verts (hydrogène ou méthane) à partir
Dans ces deux cas, la production de gaz de syn- d’électricité pour ensuite produire de l’électricité
thèse (hydrogène ou méthane) en vue d’alimenter lors des périodes de tension du système électrique
des centrales électriques implique de disposer de présente un rendement relativement faible. Dans
suffisamment de capacités de production d’électri- l’exemple de la boucle power-to-hydrogen-to-
cité bas-carbone dans le mix. Il est donc néces- power, en prenant en compte les rendements des
saire d’en tenir compte dans le dimensionnement étapes d’électrolyse (~70 % de rendement PCI),
du mix électrique. de stockage (quelques pourcents de pertes) et
de reconversion en électricité dans des centrales
Dans leurs configurations de référence, les scé- thermiques (~60 % dans des cycles combinés au
narios des Futurs énergétiques 2050 sont gaz et ~40 % dans des turbines à combustion), le
présentés en retenant la première option, rendement final d’ensemble est de l’ordre de 30 %.
c’est-à-dire en considérant que des centrales Une partie des pertes de transformation dégagées
thermiques utilisent un stock d’hydrogène sous forme de chaleur pourrait être récupérée pour
bas-carbone (boucle power-to-hydrogen-to- alimenter des réseaux de chaleur et améliorer le
power) plutôt qu’un stock de méthane de rendement énergétique d’ensemble. Ceci requiert
synthèse. cependant des conditions spécifiques : localisation
géographique des électrolyseurs et des centrales
Ce choix de fonder les scénarios sur un « système de thermiques à proximité de réseaux de chaleur,
hydrogène » plutôt qu’un « système méthane » coordination temporelle des transformations et
tient à la perspective qu’un tel système soit à des besoins de chaleur (avec éventuellement stoc-
terme plus compétitif, en évitant notamment les kage de la chaleur pour restitution plusieurs mois
coûts liés à l’étape de méthanation, la mise en après), etc.
D’après les analyses sur l’équilibre offre-demande variables (voir chapitre 7). Pour les scénarios 100 %
d’électricité restituées dans le chapitre 7, le ther- renouvelable, la production nationale annuelle
mique décarboné constitue une solution nécessaire moyenne d’hydrogène requise pour alimenter les
pour assurer la sécurité d’approvisionnement dans besoins d’équilibrage du système électrique est
les scénarios à haute part en énergies renouve- de l’ordre de 25 TWhH2-PCI en 2060. Elle est égale-
lables, mais avec des volumes qui varient signifi- ment significative pour le scénario N1 (de l’ordre de
cativement selon les scénarios. 15 TWhH2-PCI) et moindre pour le scénario N2 (envi-
ron 3 TWhH2-PCI). Le scénario N03 ne recourt pas à
L’optimisation économique du bouquet de flexibilités la production d’électricité à partir de gaz verts en
de chaque scénario conduit à développer le recours France, mais s’appuie uniquement sur les autres
à l’utilisation de gaz verts pour la production d’élec- flexibilités : batteries, flexibilité de la consomma-
tricité, et ce de manière plus importante dans les tion, écrêtements de production, recours aux flexi-
scénarios à forte part en énergies renouvelables bilités à l’étranger à travers les importations.
Figure 9.8 Besoins d’hydrogène pour l’équilibrage en France aux différents horizons (configuration de référence :
absence de flexibilité de la production d’électricité au biogaz)
40
35
30
TWh H2 PCI
25
20
15
10
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
2040 2050 2060
Boucle power-to-hydrogen-to-power
Boucle power-to-methane-to-power
454
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
Au total, en additionnant les consommations d’hy- une part importante du besoin total d’hydro-
drogène pour les usages finaux et pour les besoins gène en France, avec des volumes consommés
du système électrique (dans le cas où l’hydrogène du même ordre que pour l’hydrogène final. Cette
est la solution privilégiée pour l’approvisionnement part est par ailleurs susceptible de varier d’une
des centrales thermiques) et en tenant compte année sur l’autre, en fonction des besoins réels
de la satisfaction de ces besoins par coproduc- d’équilibrage du système associés en particulier
tion à hauteur d’environ 10 TWhPCI/an, le volume aux conditions météorologiques (ce point est dis-
annuel moyen d’hydrogène produit par élec- cuté au chapitre 9.8).
trolyse en France est compris entre 35 et
65 TWhPCI selon les scénarios (dans la trajec- Compte tenu du rendement des électrolyseurs,
toire de référence pour la consommation). ces volumes représentent entre 50 et 93 TWhe de
consommation d’électricité à l’horizon 2050. Une
Dans les scénarios à forte part en énergies renou- partie de l’hydrogène est ensuite restituée au sys-
velables, le recours à l’hydrogène pour alimen- tème électrique via les centrales thermiques.
ter des centrales thermiques représente ainsi
Figure 9.9 Volume total d’hydrogène utilisé en France dans les différents scénarios à l’horizon 2050
(configuration de référence : développement d’une boucle power-to-hydrogen-to-power en France
avec possibilités de stockage de l’hydrogène)
100
90
80
70
TWh H2 PCI
60
Le rapport publié par RTE en janvier 2020 sur le approvisionnement en électricité à bas coût et
développement de l’hydrogène bas-carbone avait bas-carbone, avec des effets très positifs sur les
mis en évidence des impacts très variables pour émissions de gaz à effet de serre. En revanche, il
le système électrique en fonction des modes de implique un fonctionnement intermittent de l’élec-
fonctionnement des électrolyseurs, à la fois sur trolyse et donc un amortissement plus difficile des
le plan technique et sur les enjeux économiques coûts fixes des électrolyseurs.
et environnementaux (effet sur les émissions de
CO2 notamment). Plusieurs modes de fonctionne- À l’inverse, un fonctionnement en bande des élec-
ment distincts avaient ainsi été étudiés, selon que trolyseurs (mode n° 2) permet de limiter les pro-
les électrolyseurs opèrent en base ou uniquement blématiques de stockage pour les consommateurs
lors des périodes de prix faibles lorsqu’existent d’hydrogène souhaitant un approvisionnement
des marges de production renouvelable ou continu. Avec des durées de fonctionnement éten-
nucléaire, ou qu’ils sont couplés avec des moyens dues, les coûts fixes des électrolyseurs sont en
d’autoproduction. outre plus rapidement amortis. Toutefois, un tel
mode opératoire contribue faiblement à la flexi-
Un fonctionnement fondé sur les signaux de bilité du système électrique et à l’optimisation de
prix faibles (mode n° 1) permet de cibler un l’utilisation du mix.
Figure 9.10 Illustration de différents modes de fonctionnement possibles pour les électrolyseurs
40 000
En période de
tonnes H2/jour
30 000
Fonctionnement
marginalité
1 renouvelable
20 000 lors des périodes
10 000 de prix faibles
ou nucléaire
0
40 000
Fonctionnement
tonnes H2/jour
En base, 30 000
toute l’année sauf
2 hors situations 20 000
en cas de prix
de tension 10 000
élevés
0
40 000
Couplage avec de
tonnes H2/jour
30 000
Fonctionnement
l’autoproduction
3 (par exemple
20 000 sur site de
production
photovoltaïque)
10 000
456
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
Enfin, un mode opératoire intégrant un couplage au réseau électrique (afin de valoriser des surplus
avec l’autoproduction (mode n° 3) conduit à désen- de production photovoltaïque par exemple) ou à
sibiliser l’approvisionnement en électricité des prix l’inverse non raccordées au réseau électrique en
de marché. Plusieurs variantes de ce mode opéra- autoproduction dite offgrid (la quasi-totalité de
toire sont envisageables, avec différents couplages la production électrique est alors consommée par
possibles (photovoltaïque, éolien, voire nucléaire) les électrolyseurs mais avec un facteur de charge
et avec des installations pouvant être raccordées potentiellement faible).
À moyen terme (horizon 2030-2035), il est l’hydrogène, les analyses réalisées par RTE
attendu que les électrolyseurs fonctionneront ont montré que le contenu carbone horaire
majoritairement en bande. Ceci serait en effet de de l’hydrogène produit par électrolyse reste-
nature à favoriser l’équation économique de la rait inférieur à 3 kgCO2/kgH2, même à l’horizon
production d’hydrogène bas- carbone en permet- 2025.
tant des durées de fonctionnement élevées. Il en
résulte un meilleur amortissement des coûts fixes Sous réserve que la méthode de calcul soit proche
des électrolyseurs et in fine une réduction des de celle testée ici et que le seuil définissant l’hydro
besoins de soutien public et des surcoûts par rap- gène bas-carbone soit fixé autour de 3 kgCO2/kgH2
port aux solutions fossiles. Une telle configuration (ou à une valeur supérieure), cette définition ne
permet également de fournir un approvisionne- serait pas contraignante pour le fonctionnement
ment continu en hydrogène sans nécessiter d’in- des électrolyseurs en France : ceux-ci pourraient
frastructures lourdes de transport et de stockage ainsi opérer en base en soutirant de l’électricité sur
d’hydrogène, favorisant ainsi le déploiement pour le réseau, tout en conservant un bilan d’émissions
décarboner des usages industriels existants (raffi- permettant de qualifier l’hydrogène produit de
nerie, engrais) qui ont des besoins d’alimentation « bas-carbone » et ainsi être éligible aux dispositifs
en hydrogène tout au long de l’année. de soutien spécifiques.
Le mode opératoire privilégié et les périodes de Ce modèle pourrait en outre être favorisé par la
fonctionnement dépendront également de la régle- mise en œuvre des dispositifs de compensation des
mentation européenne, de la taxonomie verte coûts indirects du carbone permettant de désensi-
européenne et des méthodes de comptabilisation biliser le prix de marché payé par les exploitants
du bilan carbone des électrolyseurs. En appliquant d’électrolyseurs de l’évolution du prix du CO2 sur
une méthode consistant à évaluer le contenu CO2 le marché ETS, et par des mécanismes de soutien
horaire de l’électricité (i.e. émissions moyennes public adaptés visant à couvrir l’écart par rapport
de la production d’électricité nationale à chaque aux solutions reposant sur les énergies fossiles.
heure) et à le convertir en contenu carbone de
Figure 9.11 Distribution du contenu carbone de l’hydrogène produit par électrolyse (hypothèse de rendement
des électrolyseurs : 70 %)
100 %
90 %
80 %
70 %
60 %
50 %
40 %
30 % <0,5 kgCO2/kgH2
0,5-2 kgCO2/kgH2
20 %
2-3 kgCO2/kgH2
10 % 3-4 kgCO2/kgH2
>4 kgCO2/kgH2
0%
2015 2020 2025-2026
458
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
À plus long terme, les analyses montrent qu’un de production d’électricité bas-carbone plus fré-
mode de fonctionnement plus flexible calé quemment dans l’année et assure un contenu
sur les périodes les plus favorables pour le carbone faible pour l’hydrogène produit ;
système électrique, c’est-à-dire lorsqu’il u le développement des infrastructures de trans-
existe des marges de production d’électricité port et de stockage d’hydrogène, qui permettra
bas-carbone, est susceptible de se dévelop- d’absorber plus facilement le fonctionnement
per. Cette évolution serait ainsi favorisée par : variable des électrolyseurs (voir section 9.8).
u la diminution attendue des coûts des élec-
trolyseurs, qui rend le modèle économique de Dans l’étude Futurs énergétiques 2050, plusieurs
l’hydrogène produit moins sensible aux durées configurations sur le mode de fonctionnement et
de fonctionnement ; la flexibilité des électrolyseurs ont été testées, afin
u la décarbonation totale de l’électricité en France d’évaluer la sensibilité sur le fonctionnement du
et en Europe, qui conduit à disposer de marges système électrique.
Figure 9.12 Exemple de courbes de charge des électrolyseurs dans le mix électrique du scénario M23 2050,
sur une semaine de septembre – Comparaison de la configuration de référence où les électrolyseurs
fonctionnent de façon flexible (à gauche) et de la configuration où les électrolyseurs fonctionnent
en bande (à droite)
160 160
100 100
GW
GW
80 80 Consommation
et exports
60 60 Exports
Pompage
40 40
Charge batteries
20 20 Charge pilotée VE
Électrolyse
0 0 Consommation France
En mode « électrolyse flexible » la production En mode « électrolyse en base » la production
Lun. Mar. Mer. Jeu. Ven. Sam. Dim. Lun. Mar. Mer. Jeu. Ven. Sam. Dim.
thermique décarbonée est exclusive thermique décarbonée peut être concomitante
11/09 12/09 13/09 14/09 15/09 16/09 17/09 11/09 12/09 13/09 14/09 15/09 16/09 17/09
du fonctionnement des électrolyseurs avec le fonctionnement des électrolyseurs
160 160
140 140
GW
80 80
Décharge batterie
60 60 Hydraulique
Solaire
40 40 Éolien
Bioénergies
20 20
Nucléaire
0 0
Lun. Mar. Mer. Jeu. Ven. Sam. Dim. Lun. Mar. Mer. Jeu. Ven. Sam. Dim.
11/09 12/09 13/09 14/09 15/09 16/09 17/09 11/09 12/09 13/09 14/09 15/09 16/09 17/09
Figure 9.13 Besoins d’hydrogène pour l’équilibrage en France dans le scénario M23 2050 en fonction de la flexibilité
des électrolyseurs et du système hydrogène
50
45
40
35
TWh H2PCI
30
25
20
15
10
5 Électrolyseurs flexibles
0 Électrolyseurs en base
Boucle power-to- Boucle power-to-
hydrogen-to-power methane-to-power
M23 2050
460
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
inchangé mais les volumes augmentent en raison importants. Par ailleurs, les possibilités de produc-
des rendements de transformation supplémen- tion flexible de méthane de synthèse devraient
taires. L’utilisation de méthane de synthèse et non être vérifiées, en lien notamment avec les besoins
d’hydrogène permettrait d’utiliser les infrastruc- d’approvisionnement en CO2 requis par la fabrica-
tures gazières existantes, facilitant le stockage du tion du méthane de synthèse. Le besoin de flexibi-
gaz et donc la flexibilité du système, mais indui- lité pourrait ainsi engendrer un besoin de stockage
rait des volumes de consommation électrique plus de CO2.
Figure 9.14 Capacités additionnelles nécessaires en 2050 par rapport au scénario de référence,
pour le « scénario hydrogène+ », en cas d’ajustement seulement sur une filière
Ajustement sur :
100
+89 GW
90
80
70
60 +54 GW
GW
50
+41 GW Scénario avec production
40 intégrale de l’hydrogène
+31 GW
en France
30 +25 GW
Scénario avec import de
20 +14 GW +15,9 GW combustibles de synthèse
10 +7,3 GW dérivés de l’hydrogène
pour la transport aérien
0 et maritime
462
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
à un enjeu d’une ampleur différente sur le dimen- rend l’inflexion sur le rythme de développement
sionnement du mix électrique. Même si une partie des moyens de production d’électricité bas-carbone
de l’hydrogène supplémentaire à produire se subs- encore plus exigeante que dans les scénarios de
titue à de l’électrification directe dans les trans- mix principaux.
ports et l’industrie – ce qui a donc un effet baissier
sur la consommation d’électricité par rapport à la Dans un cas intermédiaire où la France s’auto-
trajectoire de référence –, une autre partie impor- riserait à continuer d’importer des combustibles
tante se substitue aussi largement à l’utilisation de notamment pour approvisionner certains secteurs
la biomasse (biocarburant, biogaz ou bois-énergie) contraints comme le transport aérien et maritime4,
et n’est donc pas compensée par un effet baissier le surcroît de consommation électrique en France
sur la consommation d’électricité « directe ». serait nettement moindre et atteindrait 50 TWh
de plus que dans la trajectoire de référence. Dans
Ainsi, dans cette configuration et dans le cas une telle configuration, reposant sur le principe
où l’hydrogène serait produit de manière inté- de l’existence de pays exportateurs nets de com-
grale en France, la consommation d’électri- bustibles décarbonés, la France pourrait importer
cité totale atteindrait de l’ordre de 755 TWh, directement des carburants de synthèse dérivés de
soit environ 100 TWh de plus que dans la tra- l’hydrogène (ammoniac, méthanol…) sous forme
jectoire de référence. Pour alimenter ce niveau liquide, dans la mesure où leur transport sur longue
de consommation, des capacités de moyens bas- distance (par bateau notamment) est plus adapté
carbone significatives seraient nécessaires comme que celui de l’hydrogène (voir partie 9.7.3).
illustré sur la figure ci-contre. Cette configuration
4.
La SNBC publiée en 2020 prévoit en particulier de continuer à recourir aux imports de produits pétroliers pour ces secteurs, quitte à compenser leurs
émissions avec des puits de carbone
Il convient de noter que ce calcul reflète une moyen des énergies renouvelables, et dépend
évaluation normative des coûts de l’hydrogène à fortement du fonctionnement du marché de
l’échelle de la collectivité mais peut s’écarter du l’électricité à cet horizon. D’autres modèles sont
prix effectif auquel sera échangé l’hydrogène entre également possibles avec par exemple des élec-
les différents acteurs de la chaîne. En particulier, trolyseurs alimentés par des parcs photovoltaïques
la convention retenue ici consiste à affecter une en autoproduction (totale ou partielle) : ceux-ci ont
part moyenne du coût des énergies renouvelables notamment fait l’objet d’analyses détaillées dans
présentes dans le mix en 2060 (intégrant donc des le cadre du rapport sur l’hydrogène bas- carbone
parcs renouvelables ayant fait l’objet d’investis- publié par RTE en janvier 2020. Dans ces modèles,
sements plusieurs années auparavant et/ou des les électrolyseurs bénéficient d’un approvisionne-
petites installations sur toiture plus onéreuses) ment en électricité dont le coût est potentiellement
ainsi qu’une part du coût d’adaptation des réseaux plus stable mais leur durée de fonctionnement
dans le calcul du coût de production d’hydrogène peut être réduite, ce qui accroît la part du coût lié
par électrolyse. à l’amortissement des électrolyseurs. Les perspec-
tives d’émergence des différents modèles et leurs
Or, dans un modèle où l’électrolyseur soutire de impacts sur le fonctionnement du système élec-
l’électricité sur le réseau national et s’approvi- trique à long terme pourront faire l’objet d’ana-
sionne sur les marchés de l’électricité, le prix de lyses complémentaires dans les prolongements
l’électricité peut se révéler très différent du coût des Futurs énergétiques 2050.
464
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
Une alternative – s’écartant du cadrage de la SNBC – l’hydrogène (mais avec des coûts et pertes éner-
pourrait être de recourir à des imports d’hydrogène gétiques conséquentes) ou de le transformer en
depuis d’autres pays, qui pourraient s’avérer plus des carburants liquides plus aisément transpor-
compétitifs. Il s’agirait par exemple d’importer de tables (ammoniac, méthanol…). Dans ce dernier
l’hydrogène produit à partir d’électricité photovol- cas, la transformation en carburant de synthèse
taïque dans des zones très ensoleillées au sud de et sa retransformation éventuelle en hydro-
la France ou à partir d’électricité d’origine éolienne gène à l’arrivée sont également coûteuses sur
dans la mer du Nord. Cette perspective nécessiterait le plan énergétique. Vu d’aujourd’hui, la pers-
de disposer de capacités de transport adaptées : pective d’import par bateau n’apparaît donc a
u soit par canalisation, ce qui nécessite la construc- priori pertinente que pour l’import de carburants
tion d’infrastructures conséquentes (canalisations énergétiques dérivés de l’hydrogène (ammoniac,
souterraines ou sous-marines sur plusieurs cen- méthanol…) qui ne seraient pas retransformés en
taines, voire plusieurs milliers de kilomètres) avec hydrogène mais utilisés comme énergie finale.
des enjeux industriels et politiques spécifiques ;
u soit par bateau, notamment pour permettre des Au-delà des incertitudes économiques, le recours
imports depuis des régions éloignées (Amérique, aux imports soulève une question politique sur l’indé-
Moyen-Orient…), mais avec une difficulté tech- pendance énergétique. Même si le mix énergétique
nico-économique spécifique pour ce mode de français est dès aujourd’hui fortement dépendant de
transport : la densité de l’hydrogène sous forme l’import de combustibles fossiles, le maintien d’une
gazeuse étant relativement faible, le trans- part de dépendance à d’autres pays pour des com-
port par bateau d’hydrogène gazeux n’est pas bustibles tels que l’hydrogène n’est pas jugé souhai-
évident. Il serait alors nécessaire de liquéfier table pour un certain nombre d’acteurs.
Figure 9.16 Routes commerciales envisagées pour l’importation d’hydrogène décarboné à l’horizon 2050
Amérique du Nord
Espagne
Maghreb
Péninsule arabique
Amérique du Sud
L’hypothèse retenue dans la plupart des études et À défaut d’accès aux capacités de stockage, le
scénarios comprenant un développement impor- développement de l’hydrogène perdrait l’un de
tant de l’hydrogène consiste à considérer que les ses intérêts – à savoir sa flexibilité – et d’autres
systèmes de production d’hydrogène (électroly- solutions pourraient alors prendre une place plus
seurs) seront relativement flexibles et qu’ils pour- importante : électrification directe, recours au
ront adapter leur fonctionnement aux conditions méthane de synthèse…
d’équilibre offre-demande électrique. La produc-
tion d’hydrogène par électrolyse est ainsi réguliè- Dans l’analyse technique des scénarios, la configu-
rement présentée comme une solution permettant ration principale étudiée prend l’hypothèse que l’hy-
d’adapter la demande d’électricité à la produc- drogène peut être stocké aisément et donc utilisé de
tion des énergies renouvelables, notamment lors manière flexible. Dans ces conditions, les simulations
des périodes de forte production. L’hydrogène est du fonctionnement du système électrique montrent
ainsi supposé constituer une solution de stockage alors que l’hydrogène serait produit tout au long de
d’énergie bas-carbone, là où l’électricité apparaît l’année, au fil des périodes de forte production renou-
aujourd’hui difficilement stockable. velable, mais de manière plus importante au prin-
temps et à l’été lorsque les marges de production du
Pour autant, cette flexibilité du système système électrique sont les plus élevées. À l’inverse,
hydrogène présuppose la disponibilité de la demande d’hydrogène pour l’équilibre du système
capacités de stockage conséquentes, à défaut électrique tend à se concentrer sur la période hiver-
de sources alternatives d’approvisionnement en nale, pendant laquelle les moments de tension sur
hydrogène. Il s’agit notamment de pouvoir stoc- l’équilibre offre-demande sont plus fréquentes.
ker l’hydrogène produit lors des périodes les plus
favorables du point de vue du système électrique Dans ce type de configuration, un besoin de
(par exemple, périodes de forte disponibilité des stockage d’hydrogène de plusieurs térawatt
renouvelables et du nucléaire et de faible consom- heures, voire de quelques dizaines de
mation) et de le restituer lorsque les utilisateurs térawatt
heures, apparaît nécessaire pour
d’hydrogène en ont besoin, c’est-à-dire tout au absorber la flexibilité des électrolyseurs.
long de l’année pour les usages dans l’industrie
et la mobilité et essentiellement l’hiver pour la Or, les capacités de stockage d’hydrogène
production d’électricité. De manière générale, en France restent aujourd’hui incertaines.
le rôle de l’hydrogène est donc favorisé par Les capacités de stockage en cavités salines (sites
un réseau de transport et des capacités de les plus adaptés au stockage de l’hydrogène, plus
stockage adéquats. volatil que le méthane) sont évaluées autour de 3 à
5 TWh en France5, soit un niveau potentiellement
5.
Gas Infrastructure Europe, 2021, Picturing the value of underground gas storage to the European hydrogen system
466
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
Figure 9.17 Profil annuel moyen de production et de demande d’hydrogène dans le scénario M23 à l’horizon 2050
8
Volume d’hydrogène
à déstocker Production d’hydrogène
7
par électrolyse
6
TWh H2 PCI
5
Consommation moyenne
Demande mensuelle d’hydrogène
4 d’hydrogène pour l’équilibrage du
système électrique
3 Consommation moyenne
mensuelle d’hydrogène
pour usage final
2
Consommation moyenne
mensuelle d’hydrogène
1 tout usage
Production mensuelle
0 moyenne par électrolyse
Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai. Juin
insuffisant pour bénéficier pleinement de la flexi- soit en disposant de réserves spécifiques pour
bilité du système hydrogène. Un développement absorber ces variations, soit en ayant ponctuelle-
de capacités de stockage supplémentaires en ment recours aux imports/exports.
France (notamment via l’adaptation des stockages
de méthane ou le développement de nouvelles Afin d’évaluer les enjeux associés à la flexibilité du
infrastructures qui pourraient permettre d’atteindre système hydrogène, le fonctionnement du système
une capacité de l’ordre de 30 TWh selon l’étude électrique a été simulé dans une configuration où
mentionnée ci-dessus) ou l’accès à des volumes les capacités de stockage d’hydrogène sont très
importants de stockages salins disponibles dans le limitées, sous forme de variantes des scénarios N2
reste de l’Europe (en particulier en Allemagne et et M23 à l’horizon 2060.
mer du Nord) via des interconnexions, constitue
dès lors un prérequis pour assurer pleinement la Dans cette configuration, les électrolyseurs doivent
flexibilité des moyens hydrogène, notamment dans fonctionner en base pour fournir l’hydrogène des-
les scénarios « M ». tiné à un usage final, avec la possibilité d’efface-
ments ponctuels gérables grâce à de petits stocks
Au-delà de l’enveloppe saisonnière, la produc- tampons. Ceux-ci permettent d’assurer la conti-
tion d’hydrogène par électrolyse d’une part et la nuité de l’alimentation en cas d’arrêt des élec-
consommation d’hydrogène d’autre part peuvent trolyseurs, par exemple en cas de défaillance ou
également varier fortement d’une année à l’autre, de maintenance ou encore pour effacer une partie
selon les conditions climatiques et la disponibi- de la consommation électrique pendant quelques
lité des moyens de production. Les années où la jours consécutifs. Ces installations représentent
demande d’hydrogène est la plus élevée en raison alors une capacité de stockage cumulée de l’ordre
des besoins d’équilibrage du système électrique de quelques jours de consommation d’hydrogène.
correspondent fréquemment à des années de faible
production par électrolyse. Pour assurer une totale Par ailleurs, l’équilibrage du système électrique
flexibilité, le système hydrogène devra donc être ne peut être assuré par la production de centrales
en mesure de gérer les variations interannuelles, fonctionnant à l’hydrogène, du fait d’une capacité
Europe
Production Requis
par électrolyse (technologie accessible mais progrès attendu sur coûts et rendement)
Stockage massif de H2
Requis
et réseau de transport
(incertitudes sur les capacités de Non requis
stockage accessibles et leurs coûts)
Méthanation et logistique
Requis
d’approvisionnement en CO2
Non requis (au stade de démonstrateur.
Incertitudes sur les sources de CO2)
Électrolyseur Stockage H2 Centrale thermique Routes commerciales d’import de gaz décarboné Interconnexions
468
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
de stockage insuffisante. La maîtrise d’alterna- système hydrogène non flexible contre une quin-
tives permettant d’assurer le fonctionnement de zaine de térawattheures dans le scénario N2.
la boucle power-to-gas-to-power apparait alors
nécessaire dans tous les scénarios sans relance Ces pertes énergétiques supplémentaires (par rap-
très forte du nucléaire (N03, voire N2). port à la configuration de référence avec système
hydrogène flexible) doivent ainsi être couvertes par
Lorsque les volumes d’hydrogène sont insuffisants des capacités de production renouvelable addition-
pour couvrir les besoins de flexibilité du système nelles. Une partie peut également être couverte par
électrique, la boucle power-to-gas-to-power peut une meilleure valorisation de la production bas-car-
fonctionner en recourant à du méthane, qui peut bone et de moindres écrêtements de production
être stocké en quantités importantes dans les renouvelable, notamment dans le scénario M23
réservoirs gaziers actuels (stockages aquifères grâce à une capacité d’électrolyse et de méthana-
ou déplétés, à hauteur de 130 TWh). Cette option tion (flexible) beaucoup plus importante permettant
requiert la maîtrise de la méthanation et de la de « récupérer » une partie significative des écrête-
logistique d’approvisionnement en CO2 associée. ments de production renouvelable.
Une autre alternative est de recourir au biomé-
thane, dont le gisement est cependant limité. Sur le plan économique, le développement des
capacités renouvelables additionnelles pour
La configuration où le système hydrogène assurer le bouclage énergétique, leur rac-
n’est pas flexible entraine des conséquences cordement, ainsi que les adaptations néces-
techniques et économiques importantes pour saires du réseau associées engendrent des
le système électrique. coûts supplémentaires, auxquels s’ajoutent
les coûts liés au besoin d’une capacité d’élec-
D’une part, le fonctionnement des capacités trolyse et de méthanation plus importante6.
de production thermique est très sensible- L’impact global sur les coûts du système
ment rehaussé. En effet, l’absence de possibi- énergétique dépend alors des coûts évités
lité de stockage massif d’hydrogène conduit, dans les infrastructures de stockage et de
sur certaines périodes, à un fonctionnement transport d’hydrogène, sur lesquels pèsent
simultané des électrolyseurs pour couvrir les aujourd’hui de nombreuses incertitudes.
usages finaux d’hydrogène et d’une produc-
tion d’électricité pour les alimenter à partir Dans la configuration avec système hydrogène non
de CCG et TAC fonctionnant au gaz. De plus, flexible, les coûts totaux du système électrique
le recours à la boucle méthane induit des pertes français (hors effet sur la balance commerciale)
de conversion plus importantes du fait de l’étape apparaissent sensiblement plus élevés de l’ordre
supplémentaire de méthanation. de 2 à 5 milliards d’euros selon les scénarios. En
particulier, un échec du pari sur la flexibilité du sys-
Sur le plan technique, l’absence de système hydro- tème hydrogène pénalise davantage un scénario
gène flexible induit des pertes énergétiques plus de type M23 qu’un scénario de type N2, avec un
importantes dans tous les scénarios. Cette confi- écart de coût supplémentaire de l’ordre de 3 mil-
guration a toutefois des conséquences plus mar- liards d’euros par an (hors effet sur la balance
quées dans les scénarios « M » dans lesquels la commerciale).
production à partir de gaz est plus importante.
Les pertes énergétiques liées à la boucle power- Néanmoins, l’absence de déploiement d’une
to-gas-to-power atteignent ainsi une cinquantaine infrastructure flexible d’hydrogène en Europe
de térawattaheures dans le scénario M23 avec conduit également à des modifications profondes
6.
Par rapport à la configuration de référence, la capacité d’électrolyse pour les usages finaux est diminuée (même volume de production mais reposant sur
un fonctionnement en base) mais la capacité d’électrolyse+méthanation est largement supérieure à la capacité d’électrolyse servant à couvrir les besoins
d’hydrogène pour la production d’électricité dans le scénario de référence. Ceci est dû à des besoins plus importants de production d’électricité à partir de
gaz, ainsi qu’à un rendement plus faible du couplage électrolyse+méthanation par rapport à l’électrolyse seule.
470
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
Figure 9.19 Préfiguration de la structure potentielle d’un réseau hydrogène européen incluant la France en 2040
dans l’hypothèse d’un système hydrogène flexible, inspirée de l’étude European Hydrogen Backbone
(Gas for Climate, 2021)
Dunkerque
Le Havre
Paris
Saint-Nazaire
Lyon
Nouvelles canalisations
hydrogène potentielles
Conversion de canalisations
de gaz existantes à l’hydrogène
potentielle
Interconnexions européennes
potentielles Marseille
Terminaux maritimes pour
imports/exports
Bassins potentiels de
consommation
Stockages salins d’hydrogène
potentiels
472
L’hydrogène et le rôle des couplages .9
LES RÉSEAUX :
DES BESOINS SIGNIFICATIFS DE NOUVELLES
INFRASTRUCTURES POUR ACCOMPAGNER
LES ÉVOLUTIONS DU MIX ÉLECTRIQUE
Le débat public sur le secteur électrique porte lar- service, il peut fonctionner jusqu’à plus de 80 ans
gement sur les sources de production, mais sa pour certaines infrastructures sous réserve d’une
réalité opérationnelle est de constituer une indus- maintenance régulière et adaptée). Pour implanter
trie de réseaux d’excellence : toutes les sources un nouvel ouvrage structurant, plusieurs années
de production et les sites de consommation y sont sont nécessaires pour des études détaillées et pour
connectés en permanence, avec une exigence obtenir les autorisations correspondantes. Les rac-
d’équilibre instantané qui n’existe dans aucune cordements aux réseaux vont se multiplier et le
autre industrie. Et toute nouvelle installation de rythme de raccordement constituera un défi tech-
production, de stockage, ou de consommation nique et de dialogue avec les parties prenantes
implique un raccordement et éventuellement une (autorités locales, filière industrielle, gestionnaires
adaptation du réseau. Dans l’équation de la transi- de réseaux, producteurs, associations) dans les
tion énergétique, les réseaux jouent donc un rôle scénarios les plus dynamiques sur cet aspect.
majeur.
Or cette transformation doit intervenir dans un
Ces réseaux vont devoir continuer à évo- contexte sociétal où les résultats doivent être
luer en profondeur de manière à rendre pos- rapides, pendant que se développent des phéno-
sible la transition énergétique. La dynamique mènes d’opposition systématiques, y compris quand
industrielle de cette évolution et son financement ces infrastructures sont indispensables pour la tran-
constituent par essence des sujets de temps long sition énergétique. Il en résulte une contradiction
(une fois les travaux réalisés et l’ouvrage mis en qu’il nous appartient collectivement de gérer.
476
Les réseaux . 10
Le réseau électrique français est large et inter- l’acheminement. Cette logique est en cours d’évo-
connecté. Trois fonctions peuvent y être distin- lution mais correspond aujourd’hui encore à une
guées : (i) le réseau de grand transport, national réalité dans laquelle la production raccordée sur
et européen, (ii) les réseaux régionaux et (iii) les les réseaux de distribution a contribué en 2020 à
réseaux de distribution. environ 10 % de la production nationale française,
u Le réseau de grand transport d’électricité alors que ces réseaux alimentent plus de 70 % de
(400 kV et une partie du 225 kV contribuant à la consommation.
son appui) a tout d’abord été développé pour
relier les lieux de production, historiquement les Les Futurs énergétiques 2050 envisagent des
massifs montagneux où se trouvent les barrages scénarios dans lesquels les installations de pro-
hydrauliques, et les centres de consommation : duction raccordées au réseau public de distribu-
villes et centres industriels. Il s’est ensuite for- tion assurent entre 25 % et 50 % de la production
tement développé dans les années 1980 en nationale annuelle. Ceci induit un bouleversement
parallèle des centrales nucléaires, et maille dans l’utilisation des réseaux : le réseau public
désormais tout le territoire national. Depuis les de distribution devient dans certains scénarios un
années 2000, le réseau national évolue moins, lieu privilégié de développement de la production,
mais les interconnexions avec les pays voisins tandis que le rôle d’acheminement des réseaux
ont été renforcées. Il constitue désormais une régionaux de transport devient structurellement
plateforme physique d’échange d’électricité en bidirectionnel.
Europe.
u Les réseaux régionaux (63, 90 et une partie du De la même façon, les très fortes proportions
225 kV) visent à répartir l’électricité vers l’en- d’énergies renouvelables dans le mix des pays
semble des territoires, en assurant la sécurité voisins impliquent une grande variabilité des flux
d’alimentation en tout lieu. entre pays. Le réseau de grand transport métropo-
u Les réseaux de distribution (10 à 20 kV et 230 V) litain peut ainsi se trouver parcouru de flux impor-
assurent la desserte de l’ensemble des clients tants, de façon très variable d’un jour sur l’autre,
de moindre puissance, à partir des « postes et même en cours de journée.
sources » qui les alimentent depuis le réseau de
transport. Il est donc plus que jamais nécessaire d’analyser
l’ensemble des besoins en matière d’infrastructure
En France métropolitaine continentale, le dévelop- de réseau de façon conjointe et cohérente entre
pement et l’exploitation des réseaux publics sont transport et distribution. Dans la lignée du rapport
confiés à RTE pour le réseau public de transport, à récent sur la recharge rapide sur autoroutes1, les
partir de 50 kV, et à Enedis et environ 150 entre- travaux des Futurs énergétiques 2050 portant sur
prises locales de distribution pour les réseaux le volet « réseaux » ont bénéficié d’une collabora-
publics de distribution. tion technique entre RTE et Enedis. Cette démarche
permet de disposer d’une analyse complète et
Le développement concomitant des réseaux régio- cohérente de l’impact de différents scénarios de
naux de transport et des réseaux de distribution décarbonation sur l’ensemble des composantes du
correspond depuis la seconde guerre mondiale à réseau électrique français.
une approche majoritairement descendante de
1.
Rapport RTE – Enedis « les besoins de la mobilité électrique longue distance sur autoroutes » publié en juillet 2021
478
Les réseaux . 10
Réseaux régionaux
Grand transport
~70 000 km
~30 000 km
Interconnexions
~12 GW import
Réseau en mer ~18 GW export
En devenir
Le rôle important des interconnexions pour mutua- l’horizon 2050 s’inscrivent dans la continuité
liser les moyens de production en Europe et assu- des projections prévues par RTE pour les pro-
rer la sécurité d’alimentation à moindre coût a été chaines années. Avec un rythme de +0,9 GW
décrit au chapitre 7. chaque année en moyenne sur trente ans, ils
marquent même un très léger ralentissement par
Les analyses montrent qu’un développement sou- rapport au rythme projeté dans le SDDR au-delà
tenu des interconnexions en Europe, de l’ordre de de 2030-2035. Du fait de contraintes d’accepta-
45 GW à la frontière française, peut se justifier à bilité, de disponibilité d’espaces pour de nouvelles
long terme dans le cadre d’un optimum global. lignes aériennes et du développement accru de
Néanmoins, de nombreux autres facteurs entrent lignes sous-marines, l’hypothèse retenue est que
en ligne de compte : incertitudes sur la faisabilité la majorité des projets d’interconnexion dévelop-
industrielle et l’acceptabilité des nouvelles lignes, pés au-delà de 2035 se basent sur la technologie à
volonté des pays voisins ou encore souhait de courant continu (HVDC), déjà utilisée aujourd’hui
chaque pays de régler son degré d’interdépendance mais de manière ponctuelle, et globalement plus
avec les pays voisins. La concertation a conduit à coûteuse.
retenir, dans le cadre des Futurs énergétiques 2050,
une capacité d’import totale de la France en deçà de Cette évolution se traduit directement sur les coûts
l’optimum économique, qui atteint 39 GW en 2050 associés à cette trajectoire. La construction des
dans tous les scénarios. interconnexions supplémentaires entre 2035 et
2050 représente un investissement total de 10 Md€,
Sur le plan de la capacité d’échange, les dévelop- à répartir entre la France et les pays voisins concer-
pements d’interconnexions entre la France nés. L’approche retenue est de considérer que le
et ses voisins intégrés dans les scénarios à coût de ces projets est réparti à moitié entre les pays
45
40
35
30
25
GW
20
15
10
0
2020 2030 2040 2050 2060
480
Les réseaux . 10
Figure 10.3 Hypothèses d’évolution des capacités d’interconnexion aux frontières françaises (import)
+3,4 GW
+0,7 GW +1,5 GW
+1,8 GW
+2-3 GW
+1,4 GW +2 GW
+1 GW +0,7 GW +2 GW
+1 GW +1 GW
+1 GW
+3 GW +2 GW
concernés, et ainsi de comptabiliser pour la France le financement de chaque projet fait l’objet de sa
la moitié de cet effort, soit 5 Md€, même si in fine propre clé de répartition entre les pays.
Les évolutions structurelles des parcs de produc- aux frontières à l’horizon 2050, avec en parti-
tion européens et le développement des inter- culier deux tendances observées dans tous les
connexions modifient profondément les échanges scénarios.
200
150
Imports <-> Exports (TWh)
100
50
0 Exports de production
française
Flux transeuropéens
-50 d’export
Imports comsommés
en France
-100 Flux transeuropéens
d’import
Solde annuel
-150
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
482
Les réseaux . 10
10.2.3.1 Une évolution des flux circulant sur le réseau de grand transport tirée
principalement par l’évolution de la production et des interconnexions
Le réseau de grand transport est composé des D’ici 2035 et encore plus au-delà, ces carac-
principales artères du réseau à très haute tension téristiques devraient s’accroître dans les scé-
(réseau 400 kV et une partie du réseau 225 kV). Il narios marqués par un fort développement
relie aujourd’hui les sources de production, large- des énergies renouvelables.
ment centralisées autour des centrales nucléaires
et des grands barrages hydrauliques, les inter- Dans le détail, les évolutions des flux d’électricité
connexions et les grands centres de consommation. sur le réseau de grand transport sont tirées par
trois principaux déterminants :
Sa structure est intimement liée au parc de pro- u la localisation de la production : l’évolution du
duction français : les grands axes 400kV organisés mix modifie de manière profonde la nature et
en toile d’araignée ont été bâtis des années 1970 la localisation des installations de production
aux années 1990 dans le contexte du développe- d’électricité. Le parc de production qui était his-
ment du parc électronucléaire. Ils se sont depuis toriquement organisé autour de grandes instal-
avérés particulièrement bien adaptés à l’intégra- lations nucléaires, thermiques et hydrauliques,
tion des renouvelables et n’ont dû être adaptés sera composé d’une part croissante d’énergies
qu’à la marge. renouvelables installées sur l’ensemble du ter-
ritoire mais avec une densité plus importante
À long terme, la structure de ce réseau devra être dans certaines régions (photovoltaïque au sud,
significativement réévaluée. L’évolution du mix éolien terrestre au nord-est, éolien en mer le
et le développement des échanges transfronta- long des côtes).
liers conduisent à ce que la nature des flux circu- u la plus grande variabilité de la production : le
lant sur les lignes du réseau de grand transport développement de la production éolienne et
évolue – ceci peut déjà être observé aujourd’hui. photovoltaïque accroît le phénomène précédent.
Figure 10.5 Localisation de la production annuelle : 2020 (à gauche), 2050 – scénarios M23 et N2 (à droite)
En 2021 2050
Hiver Un soir d’hiver avec peu de vent Un après-midi d’hiver avec vent
Été Un après-midi d’été avec peu de vent Une nuit d’été avec vent
Figure 10.7 épartition (origine et destination) des flux transeuropéens en 2050, un soir de janvier (à gauche) et
R
un après-midi de juin (à droite), dans le scénario M23
700 MW
6 800 MW 700 MW
6 000 MW
3 800 MW
5 300 MW
5 800 MW 5 800 MW
4 200 MW
3 300 MW
3 900 MW
1900 MW
8 100 MW
5 300 MW
484
Les réseaux . 10
10.2.3.2 Des besoins d’adaptation identifiés sur plusieurs axes nord-sud mais
également de manière croissante sur des axes ouest-est, en lien avec les besoins
liés à l’acheminement de la production éolienne en mer
M23 N2
transport, essentiellement sur des axes ouest- en mer qui nécessite des capacités d’achemine-
est : la côte méditerranéenne, le Nord-Est et la ment dans le sens ouest-est plus importantes.
zone de l’Anjou – Pays de la Loire. Ces besoins Les besoins apparaissent plus marqués dans
d’évolution apparaissent tirés par l’accroisse- les scénarios de sortie du nucléaire : dans ces
ment des échanges européens mais également zones, des renforcements du réseau sont donc
par le développement de la production éolienne probables à terme.
10.2.3.3 Les besoins de renforcement du réseau sont communs à tous les scénarios
mais significativement plus élevés dans les scénarios de non-renouvellement du parc
nucléaire
486
Les réseaux . 10
réacteurs de seconde génération auront été préa- tête de série du programme NNF serait implantée
lablement mis à l’arrêt, conduit à une localisation à Penly et interviendrait avant la mise à l’arrêt
du mix future qui se situe dans le prolongement des réacteurs existants, des aménagements du
de la situation actuelle. Cependant, l’intégration réseau permettant d’accueillir cette nouvelle pro-
de nouveaux réacteurs nucléaires nécessitera des duction nucléaire ainsi que les futurs parcs éoliens
études approfondies spécifiques à chaque site, en mer au large de la Normandie seront néces-
dont certaines pourront conduire au besoin de saires et devront être planifiés dès la décennie
renforcements du réseau. Ainsi, dans le cas où la 2020 vu leur caractère structurant.
Les besoins d’adaptation du réseau de grand trans- des congestions résiduelles de l’ordre du milliard
port identifiés sont trop importants pour pouvoir d’euros par an – une somme voisine de celle acquit-
être gérés uniquement par des flexibilités, et ils tée ces dernières années par les gestionnaires de
se traduiront pour partie en des investissements réseau allemand, et qui justifie sans difficulté des
d’adaptation de l’infrastructure. Des premières renforcements importants.
estimations des investissements nécessaires sont
apportées dans le cadre de l’étude Futurs énergé- À long terme, il sera nécessaire de recourir
tiques 2050 afin de pouvoir comparer les grandes dans tous les scénarios hormis N03 à l’une ou
tendances des scénarios sur l’ensemble de la l’autre des solutions suivantes, qui n’étaient
chaîne production-flexibilité-réseau. Ces estima- pas envisagées par le SDDR à court terme :
tions doivent être considérées avec précaution, des u la construction de nouvelles lignes aériennes
analyses approfondies étant nécessaires pour four- 400 kV en site vierge, principalement pour des
nir des trajectoires d’investissements consolidées. raisons environnementales et de faible accepta-
bilité sociale,
Le niveau de contrainte du réseau à moyen
terme (2030) peut être traité par des aména-
gements à la marge de la structure du réseau,
en évitant le recours à de nouvelles lignes
souterraines de grand transport ou à de nou- Figure 10.9 Fréquence annuelle des congestions avec
velles lignes aériennes en site vierge (hors le scénario M23, après application de tous
les renforcements 400 kV envisageables
raccordement). Le dernier SDDR de RTE a en effet
dans les conditions du SDDR.
montré qu’il était possible d’adapter le réseau pour
accueillir le mix de la PPE en recourant à un panel
M23 2050
d’opérations de moindre impact : adaptation de la
capacité des postes de transport, remplacement
des câbles existants par des câbles de capacité
plus importante, augmentation de la capacité de
transit des lignes existantes (passage en 400 kV
d’une ligne 225 kV ou dédoublement de lignes sur
une file de pylônes existante), ou ajout d’une ligne
dans un couloir existant.
Fréquence annuelle
de surcharge :
Le niveau de contraintes à long terme (2050) Modérée
ne peut être traité que par des adaptions plus Moyenne
Forte
structurantes. Dans un scénario comme M23,
des aménagements du type de ceux du SDDR per-
mettent de réduire les contraintes mais insuffisam-
ment, ce qui conduirait à des coûts de résolution
Les contraintes de tension basse sont susceptibles postes 400 kV, est estimé à un maximum de 3 Md€
de poser des risques d’écroulement de tension si sur la période 2020-2050 pour un scénario sans nou-
elles ne sont pas correctement gérées. Ce type de veau nucléaire. Le développement de liaisons à cou-
situation peut apparaître lors de périodes de fort rant continu serait un facteur favorable, les stations
transit sur les lignes 400 kV. La gestion de ces de conversion pouvant apporter des capacités de
situations repose aujourd’hui sur les capacités de réglage importantes et dans des zones pertinentes.
réglage des installations raccordées en 400 kV et
leur bonne répartition sur le territoire. La réduction Le recours accru aux capacités de réglage des
de ces capacités et le déplacement vers l’ouest de producteurs permettrait de réduire ce coût mais
la production considérée dans les scénarios sans également de réduire l’impact environnemental lié
nouveau nucléaire nécessite de recourir à d’autres à l’encombrement des solutions de réglages ins-
moyens de compensation. tallées dans les postes. Ce principe concerne les
groupes nucléaires mais également les renouve-
Les analyses menées par RTE montrent que les lables raccordées en haute tension (HTB) lors-
contraintes de tension engendrées par les situations qu’elles ne produisent pas (photovoltaïque la nuit)
de forts transits sur le réseau de grand transport ou en moyenne tension (HTA). Il suppose un ren-
sont maîtrisables dans tous les scénarios avec des forcement de la coordination entre producteurs,
technologies conventionnelles (condensateurs, élec- distributeurs et RTE à de multiples niveaux : tech-
tronique de puissance). Le coût de ces solutions, niques (solutions de pilotage), contractuels et
qui peuvent impliquer la création ou l’extension de réglementaires (modèles de marché).
488
Les réseaux . 10
Il résulte de l’analyse technique que les inves- Le scénario M1 occupe une place à part. Il présente
tissements sur le réseau de grand transport un niveau de contrainte moindre que les deux autres
seront, pour tous les scénarios envisagés, scénarios sans nouveau nucléaire, ce qui conduit à
en forte croissance sur la période 2035-2050 des besoins d’investissement plus faibles. Ce résul-
par rapport à la période 2020-2035. Le scé- tat s’explique essentiellement par des questions de
nario N03 nécessite des investissements moindres localisation géographique. Les critères de dévelop-
mais déjà légèrement supérieurs à ceux envisagés pement de la production spécifiques à ce scénario
pour la période 2020-2035. À l’inverse, le scénario conduisent à une répartition de la production sur
M0 se caractérise par des besoins de renforcement le territoire plus proche de la situation actuelle que
importants et un niveau de congestions résiduelles M0 et M23. Ce n’est donc pas, en soi, la recherche
élevé malgré la construction de quatre liaisons à d’équilibres locaux, pas plus que le recours à une
courant continu. production plus fortement décentralisée, qui conduit
à un moindre besoin d’investissements.
Figure 10.10 Coûts du réseau de grand transport entre 2035 et 2050 selon le scénario, avec les incertitudes
sur les congestions
16
700
14
600 Investissements
12 (échelle de gauche, en Md€)
500 Investissements courant
10 continu
M€/an
8 Investissements tenue
300 de tension
6
200 Congestions résiduelles
4
(échelle de droite, en M€/an)
2 100 Congestions résiduelles
Congestions
0 0 max et min
M0 M1 M23 N1 N2 N03
Initialement développés pour interconnecter des À long terme, l’insertion des énergies renouvelables
réseaux de distribution, les réseaux régionaux ont terrestres a un impact direct sur les réseaux régionaux
rapidement permis de répartir localement une pro- pour permettre l’évacuation de l’énergie produite
duction issue de sites centralisés (hydrauliques puis vers des lieux de consommation souvent éloignés.
nucléaires) vers des centres de consommation. La Les développements de réseau doivent comprendre
transition énergétique a conduit à repenser cette à la fois le raccordement des installations au réseau
logique de répartition descendante vers un modèle (soit via des liaisons directes au réseau haute ten-
bidirectionnel où les réseaux régionaux peuvent sion pour les parcs les plus importants, soit via de
tout autant contribuer à l’alimentation d’une zone nouveaux postes sources pour les parcs de puissance
de consommation qu’à l’évacuation et la mutuali- intermédiaire qui transitent par le réseau de distribu-
sation d’une part croissante de production répartie tion), et le renforcement des lignes en amont pour
de manière plus diffuse sur le territoire. assurer l’évacuation de la production vers le réseau
de grand transport dans de bonnes conditions.
490
Les réseaux . 10
Figure 10.11 Puissance raccordée des énergies renouvelables terrestres selon le scénario
300
250
200
GW
150
100
50
2035
2050
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03
120 000
100 000
80 000
km
60 000
40 000 Historique
M0
M1
20 000 M23
N1
N2
0 N03
1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
selon les cas par une accélération ou un ralentisse- avait conduit à la création et au raccordement de
ment par rapport aux hypothèses de la PPE ayant 500 postes sources en dix ans.
servi de base au SDDR de 2019.
Le développement des énergies renouvelables
Malgré l’expansion récente des énergies renouve- terrestre projeté à l’horizon 2050 implique un
lables, les réseaux de répartition régionaux n’ont effort qui, dans certains scénarios, dépassera
pas connu d’évolution majeure depuis la mise en celui réalisé dans la période 1985-1995. Les
œuvre – entre 1985 et 1995 – d’une politique investissements dans les énergies renouvelables vont
visant à améliorer la qualité d’alimentation des en effet entraîner une évolution conséquente des
consommateurs raccordés en moyenne (HTA) et réseaux régionaux, dont la longueur va progresser
basse tension (BT) en zone rurale. Cette politique de 10 à 40 % selon les scénarios entre 2020 et 2050.
RTE a fondé son SDDR de 2019 sur le principe du des investissements sur le réseau de l’ordre de
« dimensionnement optimal » du réseau, c’est- vingt milliards d’euros sur la période 2020-2050
à-dire sur un dimensionnement économique de en contrepartie d’un taux d’écrêtement de la
l’infrastructure. À ce titre, le réseau est prévu production renouvelable qui serait alors porté
pour permettre la collecte de toute la production à près de 1 %. Ces écrêtements concerneraient
variable à l’exception d’un volume limité : la pro- principalement la production photovoltaïque et
duction peut être écrêtée de manière ponctuelle, notamment à des moments où cette dernière est
par automates, afin de ne pas surcharger le réseau. importante face à une consommation faible : le
Ceci permet de réduire fortement les besoins de coût collectif d’écrêtement de cette production est
développement de l’infrastructure : RTE a chiffré donc très faible, et largement inférieur aux gains
les économies associées à 7 milliards d’euros sur le économiques qu’il induit sur le dimensionnement
réseau de transport entre 2020 et 2035. du réseau.
Le principe du dimensionnement optimal est éga- Les analyses restituées dans les Futurs énergé-
lement utilisé dans les Futurs énergétiques 2050. tiques 2050 reposent sur l’hypothèse que le taux
La cible de long terme pour le réseau de transport d’écrêtement peut être porté au niveau que sug-
comprend donc, en plus des ouvrages physiques, gère l’analyse économique. Ceci n’est possible que
le déploiement d’automates permettant d’exploi- dans un contexte où ce principe est bien accepté
ter les lignes au plus proche de leur capacité et au niveau politique et traduit dans la réglemen-
donc de réaliser des économies. Les premières tation. Des études plus approfondies, menées en
analyses technico-économiques montrent, pour concertation avec les acteurs, seront conduites
le scénario M23, qu’il permettrait une réduction dans le cadre de la préparation du p
rochain SDDR.
Figure 10.13 Impact du dimensionnement optimal sur les investissements sur les réseaux régionaux, scénario M23
(2020-2050)
60
50
12,5
40
Md€
30 20,4
20 3,1
10
0
Sans Gain Avec Ecrêtement Continuité Ecrêtement Dimensionnement
limitation automates automates 0,3% du SDDR 0,9% optimal
Raccordement Renforcement
492
Les réseaux . 10
Le scénario M1 se distingue des autres scénarios à si les batteries diffuses, réparties sur le territoire,
plusieurs titres. sont activées lors des moments où les conges-
tions sur le réseau sont les plus élevées (notam-
D’une part, ce scénario est fondé sur un déve- ment lors des pics de production solaire), alors
loppement important de la production photovol- des économies sur l’adaptation du réseau peuvent
taïque et comporte une forte part d’installations en être dégagées.
toiture. Ces installations ont un impact limité en
termes de raccordement au réseau haute tension, Une optimisation locale parfaite du position-
contrairement aux grands parcs éoliens à terre et nement des installations de stockage par
en mer par exemple. En revanche, le volume plus batteries dans M1, par rapport à une logique
important de production photovoltaïque nécessite purement centralisée, conduirait ainsi à une
une quantité de renforcements supérieure à celle réduction modérée des besoins de renfor-
qui est projetée dans M23. cement (réseaux de grand transport et de
répartition), de l’ordre de 10 %, soit environ
D’autre part, le scénario M1 intègre un déve- 2 Md€ sur la période 2020-2050. Cette valeur
loppement poussé de l’autoconsommation et un correspond à l’écart de coût entre deux hypothèses
possible déploiement de stockage diffus (petites extrêmes de localisation du stockage et constitue
batteries) directement chez les consommateurs. donc un majorant du bénéfice de l’autoconsomma-
Cette perspective pourrait ainsi présenter un inté- tion avec stockage.
rêt en matière de dimensionnement du réseau :
Figure 10.14 Impact du stockage sur les coûts de réseau – différence entre M1 et M23
80 2 Md€
1 Md€ 1 Md€
70
60
50
Md€
40
30
20
10
0
M23 Différence M1 Gain M1 Gain M1
sans stockage structurelle sans stockage stockage stockage centralisé autoconso stockage diffus
Les investissements attendus sur les réseaux de l’adaptation du réseau varient d’un rapport 5 à
répartition sont assez proches entre les divers scé- 10 entre N03 et M0 sur la période 2035-2050.
narios à court-moyen terme (horizon 2030), les tra-
jectoires d’évolution étant conformes ou proches de À ces coûts très contrastés s’ajoutent des termes
la PPE. Au-delà, les scénarios divergent fortement supposés indépendants des scénarios, concernant
et entraînent une importante disparité de coûts d’un le raccordement de consommateurs industriels et
scénario à l’autre. Les investissements néces- l’adaptation de certains ouvrages aériens au chan-
saires au raccordement des renouvelables et à gement climatique (voir partie 10.4.4).
Figure 10.15 Investissements sur le réseau régional de transport entre 2020 et 2050.
30
25
20
Md€
15
10
Adaptation au climat
Raccordement et adaptation
5
2035-2050
Raccordement et adaptation
0 2020 - 2035
M0 M1 M23 N1 N2 N03
494
Les réseaux . 10
10.2.5.1 Des parcs progressivement plus puissants et plus éloignés des côtes
qui conduisent à déployer de nouvelles solutions de raccordement, mutualisées
et à courant continu
Le développement de l’éolien en mer en France ne électriques en mer qui seraient posés sur des fonda-
pourra pas suivre le même chemin que celui des tions ancrées au fond marin par des pieux (« Jacket »).
pays riverains de la mer du Nord. En effet, les carac-
téristiques de profondeur au large de certaines côtes S’ils atteignent la maturité technologique, les postes
françaises conduisent à privilégier l’éolien flottant flottants peuvent présenter plusieurs avantages :
notamment sur les façades maritimes bretonnes et possibilité d’accéder à des profondeurs accrues,
méditerranéennes (caractérisées par des profon- notamment pour s’éloigner des côtes sur les façades
deurs chutant rapidement au large des côtes). bretonne et atlantique (zones dont la profondeur
dépasse 100 mètres), réduction potentielle du coût
À ce stade, la technologie des postes flottants n’est et de l’empreinte environnementale. Pour y parve-
pas maîtrisée sur le plan industriel. Dans les Futurs nir, l’effort de R&D porte notamment sur le dévelop-
énergétiques 2050, tous les parcs envisagés à 2050, pement de câbles HVDC « dynamiques » capables
y compris les parcs flottants en Méditerranée ou d’accompagner les mouvements entre la plateforme
en Bretagne, sont donc raccordés avec des postes par rapport au sol marin où ils sont posés.
Figure 10.17 Énergies marines – puissances raccordées par technologie (posé/flottant) en 2050 selon le scénario2
70
60
50
40
GW
30
20
10
Flottant
0 Posé
M0 M1 M23 N1 N2 N03
2.
La répartition proposée sur cette figure est indicative et basée sur un seuil de basculement posé/flottant à 50 mètres de profondeur. Une analyse de
sensibilité a été menée considérant une évolution de ce seuil allant de 40 mètres (cas où l’éolien flottant deviendrait plus économique et/ou plus acceptable
car avec un moindre impact environnemental) à 60 mètres (cas où l’éolien posé pourrait être installé jusqu’à 60 mètres sans remettre en cause l’équilibre
technico-économique). La part de l’éolien flottant peut ainsi varier de 35 à 70 % selon les scénarios considérés.
496
Les réseaux . 10
60
50
40
Md€
30
20
10
Période 2035-2050
Période 2020-2035
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03
Les infrastructures de réseaux électriques en mer temps d’interconnexion entre deux pays voisins.
sont amenées à se développer de manière impor- Les projets hybrides permettent ainsi d’envisager
tante dans les décennies à venir, portées par deux une mutualisation de certains coûts ainsi qu’une
dynamiques : un fort développement des énergies réduction de l’empreinte spatiale et environne-
marines renouvelables d’une part (et en particu- mentale des infrastructures de réseaux pour mieux
lier de l’éolien en mer sur les différentes façades concilier les différents usages de l’espace marin,
maritimes françaises) et un besoin d’augmenter en particulier avec les activités de pêche.
les capacités d’interconnexions avec les pays fron-
taliers ou de renforcer le réseau de grand transport Ce modèle est notamment poussé par certains pays
d’autre part. Dans ce contexte, les projets hybrides et développeurs de projets autour de la mer du
représentent un levier intéressant pour répondre à Nord et de la mer Baltique, qui peuvent bénéficier
ces deux besoins tout en limitant l’empreinte spa- des caractéristiques géographiques particulières
tiale et environnementale du réseau électrique. de la zone (fonds marins peu profonds, proximité
des pays, possibilité de production d’hydrogène
Un projet hybride vise à mutualiser certaines en mer et d’acheminement ou de stockage via
infrastructures de réseau entre une liaison d’in- des infrastructures gazières existantes en mer du
terconnexion ou de grand transport et le raccor- Nord…) pour combiner différents types d’infrastruc-
dement d’un ou plusieurs parcs éoliens en mer tures. Si la problématique se pose différemment
(cf. figure 10.19). Il permet de conduire l’élec- au large des côtes françaises, le développement
tricité produite par les éoliennes en mer vers les des réseaux hybrides pourrait toutefois également
réseaux électriques terrestres, et sert en même présenter des opportunités intéressantes à terme,
Figure 10.19 Raccordement hybride d’un parc éolien sur une liaison sous-marine
Interconnexion
ou liaison interne Interconnexion
Raccordement HVDC ou liaison interne
HVDC hybride
Station de conversion
alternatif/continu
498
Les réseaux . 10
dans un contexte de fort développement de l’éolien par l’hybridation, du fait de la concurrence entre
en mer, des interconnexions et de manière géné- imports et évacuation de la production éolienne en
rale du réseau de transport d’électricité en France. mer, « coûte plus cher » à la collectivité lorsque la
France est moins interconnectée. Les économies
L’appréciation de l’intérêt économique d’une telle d’infrastructure, quant à elles, ne dépendent pas
solution résulte d’un arbitrage entre une réduction du niveau d’interconnexion. Par conséquent, le
des coûts d’infrastructure (par rapport au dévelop- développement de réseaux hybrides est finalement
pement de deux infrastructures distinctes) et une moins intéressant sur le plan économique lors que
réduction de la valeur des ouvrages liée à un ser- la France est plus faiblement interconnectée.
vice rendu inférieur.
L’intérêt économique des réseaux hybrides dépend
Ainsi, d’un côté, la mutualisation des ouvrages de également du dimensionnement précis de chacune
raccordement de parcs éoliens en mer avec une des liaisons envisagées. Des études préalables
interconnexion permet d’envisager une réduction montrent par exemple que l’hybridation du raccor-
des coûts totaux d’infrastructure de l’ordre de 10 à dement d’un parc éolien en mer français et d’une
20 % dans le cas où le raccordement est prévu en interconnexion sous-marine présente parfois plus
courant continu. L’évaluation précise de cette éco- d’intérêt économique lorsque la capacité du parc
nomie dépend des configurations, et notamment éolien en mer (et de sa liaison de raccordement
de la longueur de câble économisée ainsi que du au réseau français) est de 2 GW et que celle de
nombre de stations de conversion à terre pouvant la liaison d’interconnexion est fixée à un niveau
être évitées (ou non). inférieur, par exemple 1 GW. Cette configuration
permet de réduire la concurrence entre les imports
De l’autre, une telle mutualisation des infrastruc- français et l’évacuation de la production offshore,
tures induit une concurrence entre les flux élec- par rapport à une configuration entièrement en
triques associés à des échanges et ceux liés à 1 GW, ce qui se traduit par une dégradation du
l’évacuation de production éolienne. Dans cer- service rendu moins importante.
taines situations (par exemple dans le cas d’une
forte production éolienne et d’un besoin d’échanges
du pays A vers le pays B), du fait des limites sur
la capacité de la ligne électrique mutualisée, il
n’est pas possible à la fois d’évacuer la production Exemple
Figure 10.20 de liaisons hybrides avec
éolienne en mer vers le pays B tout en transférant des branches de capacités différentes
dans le même temps de l’électricité du pays A vers
le pays B. Ceci aboutit par conséquent à un service
rendu inférieur par rapport à une situation d’ab-
sence de mutualisation et dégrade le bénéfice des
infrastructures pour la collectivité (social economic
welfare). L’impact de l’hybridation sur le service 2 GW
rendu dépend d’une façon générale du sens des
flux et, dans le cas des interconnexions, des confi-
gurations de marché mises en œuvre (offshore
bidding zone ou home market). 2 GW
1 GW
500
Les réseaux . 10
L’âge moyen du réseau de RTE est de l’ordre de aujourd’hui une priorité, conduisant à un réexa-
50 ans : les investissements de développement men des pratiques et des trajectoires formalisé
du réseau ont connu une forte croissance après- dans le SDDR de 2019.
guerre et particulièrement dans les années 1970
et 1980. La problématique du vieillissement des Plusieurs illustrations des enjeux du vieillissement
ouvrages et de leur fin de vie, qui n’était pas une peuvent être données en fonction des catégories
préoccupation centrale en matière de gestion d’ac- d’équipements qui se retrouvent sur le réseau.
tifs au début des années 2000, est donc devenue
L’âge moyen des ouvrages aériens est élevé. Les conducteurs, le renouvellement intègre désor-
problématiques de vétusté se concentrent en par- mais un programme volontariste de remplace-
ticulier sur les supports treillis en acier noir qui ment et de maintenance des supports en zone
affichent aujourd’hui un âge moyen de 65 ans et de corrosivité forte.
sur les câbles en aluminium-acier dont l’âge moyen u Les câbles aluminium-acier ont été installés
est de 67 ans : massivement jusque dans les années 1970 :
u Les dégradations importantes constatées sur ils posent des problèmes de tenue mécanique
les supports en acier noir en zone littorale ont et de résistance de l’acier au fur et à mesure de
conduit à des évolutions des méthodes de ges- leur vieillissement.
tion des actifs : jusque-là concentré sur les
Figure 10.21 Distribution des conducteurs par tranche d’âge en 2021 et période de renouvellement
18 000
16 000
2035-2050 2020-2035
14 000
12 000
Km de circuit
10 000
8 000
6 000
4 000
2 000
0
<0-10> <11-20> <21-30> <31-40> <41-50> <51-60> <61-70> <71-80> <81-85> 86 et +
10.2.6.3 Une forte inflexion sur les postes électriques, qui nécessitera
une accélération progressive
Les besoins de renouvellement des postes élec- un accroissement des actions de maintenance.
triques et de leurs équipements présentent une Au-delà de cette échéance, un second palier de
forte augmentation à l’horizon 2035, pour des renouvellement apparaît, avec un doublement
raisons différentes des lignes aériennes. Deux du rythme de renouvellement.
exemples illustrent ce phénomène.
u La pyramide des âges des transformateurs,
u Les postes sous enveloppe métallique (PSEM) d’une durée de vie de l’ordre de 70 ans, montre
sont des postes sources compacts isolés histori- également un accroissement des contraintes
quement par du SF6. Leur durée de vie maximale sur les années à venir, avec un pic de renouvel-
est de l’ordre de 60 ans, voire moins dans des cas lement qui arrive plus tôt, dès 2025.
d’obsolescence des matériels. RTE a déployé un
programme de renouvellement à l’horizon 2035 Ces trajectoires de renouvellement seront réexa-
des équipements les plus critiques, combiné à minées dans le cadre du prochain SDDR.
Figure 10.22 Échéance du besoin de reconstruction Figure 10.23 Projection du besoin de renouvellement
des PSEM en visant une durée de vie des transformateurs
maximum de 60 ans
30 160
140
25
120
Nombre de postes
Transformateurs
20
100
15 80
60
10
40
5
20
0 0
2021-2025 2026-2030 2031-2035 2036-2040 2041-2045 2046-2050 2021-2025 2026-2030 2031-2035 2036-2040 2041-2045 2046-2050
502
Les réseaux . 10
10.2.6.4 Des actions ont été engagées pour lisser au mieux les dépenses
de renouvellement du réseau
Accroître les actions de maintenance des les schémas de desserte sur une zone géogra-
ouvrages permet de prolonger leur durée de phique. L’accroissement conjoint des besoins de
vie. À court terme, il s’agit donc d’une des actions renouvellement et de renforcement dans certains
prioritaires pour éviter un pic de renouvellement scénarios permet d’envisager une plus grande
dans les années à venir. Elle passe par des opé- synergie entre les deux types d’investissements à
rations ciblées selon les types d’ouvrages et leur l’horizon 2050.
environnement : peinture des supports de lignes
et infrastructures de postes, réhabilitation à mi-vie Enfin, le développement de la supervision
des transformateurs etc. des actifs permet d’optimiser leur durée de
vie en ciblant les actions sur les matériels
Les méthodes de gestion des actifs per- qui le nécessitent le plus. La collecte d’infor-
mettent d’identifier les synergies avec les mations, via des capteurs ou des drones améliore
besoins d’adaptation et de limiter le renou- la connaissance de l’état de santé des infrastruc-
vellement au strict nécessaire. Dans le cadre tures. Le traitement automatisé de ces données
de ses processus industriels, RTE approche systé- par un système de supervision des actifs vise à
matiquement les besoins de renouvellement à un anticiper les avaries et améliorer la performance
périmètre régional, en les confrontant aux besoins de l’exploitation du réseau, connaître l’« âge réel »
prospectifs de raccordement et d’adaptation du des composants, optimiser leur durée d’exploita-
réseau. Cette approche permet de mutualiser les tion et rationaliser les actions d’entretien par un
investissements et conduit parfois à restructurer meilleur suivi de l’état de santé des actifs.
1 800
1 600
1 400
1 200
1000
M€
800
600
400
200
0
2020 2022 2024 2026 2028 2030 2032 2034 2036 2038 2040 2042 2044 2046 2048 2050
être appréciées, en matière d’adaptation de l’outil d’investissements. Une des trajectoires pos-
industriel chez RTE et ses prestataires, à la fois sibles est esquissée pour la première fois dans les
dans le domaine des travaux et de la fabrication de Futurs énergétiques 2050, intégrant une évolution
composants. annuelle à la hausse des investissements de l’ordre
de +25 M€/an sur 2020-2035 et de +50 M€/an sur
Cet enjeu industriel conduira RTE à proposer la période 2035-2050.
de lisser le plus possible les montants annuels
504
Les réseaux . 10
L’atteinte de la neutralité carbone en 2050 suppose, À l’inverse, les scénarios reposant sur une relance de
quel que soit le scénario envisagé, une augmenta- la production nucléaire présentent un coût de réseau
tion des investissements sur le réseau de transport d’autant plus réduit que la localisation et le type de
à partir de 2035 par rapport à la période 2020-2035. production sont proches de la situation actuelle.
Le montant des investissements est d’autant plus Dans tous les cas de figure, les besoins à 2050
élevé que la part d’énergies renouvelables est intègrent un socle d’investissements important
importante. Ce résultat découle de la combinaison pour le renouvellement. Ceux-ci représentent près
de plusieurs facteurs : le déplacement de la pro- de la moitié des investissements dans le cas du
duction (notamment vers l’ouest), les besoins de scénario N03 et, d’une façon générale, un volume
raccordement et de renforcement sur les réseaux d’investissement supérieur à celui nécessaire pour
régionaux, et l’importance des dépenses prévision- l’adaptation des réseaux régionaux ou du réseau
nelles pour raccorder l’éolien en mer. de grand transport.
Figure 10.25 Besoins d’investissement totaux sur le réseau de transport d’électricité, sur la période 2035-2050
100
90
80
70
60
Md€
50
40
30
20
10
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03
L’importance que revêt le développement des pour l’essentiel en aérien et que le réseau de grand
infrastructures de réseau pour réaliser les scéna- transport est pour l’essentiel constitué de lignes
rios de neutralité carbone a été soulignée à plu- aériennes 400kV, à concurrence du doublement
sieurs reprises dans ce rapport. Or le coût des d’une ligne existante.
réseaux dépend de l’acceptation collective des
infrastructures de réseau, notamment les réseaux Une moindre acceptation des ouvrages par les
aériens. riverains conduirait à un recours accru aux tech-
nologies souterraines en 225 kV et à une moindre
Les évaluations présentées plus haut reposent sur utilisation du 400 kV au profit de liaisons HVDC
l’hypothèse d’une bonne acceptation par la société supplémentaires. À titre d’illustration, le recours
d’infrastructures tant de production que de réseau. systématique au souterrain en 225 kV et l’ajout de
Elles se situent dans le prolongement du SDDR de trois liaisons HVDC permettant d’éviter de doubler
2019 sur plusieurs points, en faisant l’hypothèse des lignes 400 kV augmenteraient les investisse-
que les réseaux HTB1 sont réalisés en totalité en ments du scénario M23 d’environ 8 Md€.
souterrain, que les réseaux HTB2 sont réalisés
506
Les réseaux . 10
Figure 10.26 Écart du productible EnR et de la consommation annuelle sur le scénario N2 2050 entre la configuration
réindustrialisation profonde et la configuration de référence, en TWh/an
1 0 2 2
14 3
4 0 8 3
4 2
2 4
4 7
22 4
Figure 10.27 Fréquence de contraintes estimées dans des scénarios contrastés et dans des configurations sans
renforcement du réseau actuel
508
Les réseaux . 10
À l’inverse, dans la trajectoire de réindustrialisa- Ainsi, dans chacun des scénarios de mix, la varia-
tion profonde, les contraintes s’accroissent assez tion de la demande induit une évolution importante
largement notamment sur les axes ouest-est du des volumes de production renouvelable terrestre
fait de l’évolution de la répartition territoriale de à développer pour couvrir la consommation élec-
la consommation et de la production renouvelable trique annuelle. Cet effet est d’autant plus mar-
présentée à la section précédente. qué que les principes de construction des scénarios
de mix et de consommation impliquent un ajus-
À titre d’illustration sur le scénario N2, en l’ab- tement du parc de production fondé uniquement
sence de renforcement du réseau actuel, les coûts sur l’augmentation ou la réduction de la pro-
de congestions annuels atteignent respectivement duction renouvelable (la trajectoire de nucléaire
2,6 Md€ par an dans la trajectoire de sobriété en reste inchangée). Ainsi, dans le cas du scénario
2050 et 5,3 Md€ dans la trajectoire de réindustria- N2, une variation d’environ 15 % de la demande
lisation profonde contre 3,6 Md€ pour la demande à la hausse (réindustrialisation profonde) ou à la
de référence. baisse (sobriété) conduit à modifier la puissance
du parc photovoltaïque d’environ +30 % et -25 %
Cette analyse croisée des différents scénarios respectivement.
de mix et de consommation des contraintes
confirme par ailleurs la robustesse des dia- Réseau en mer
gnostics effectués dans le SDDR de 2019 Enfin, le coût de raccordement de la production en
s’agissant de l’identification des principales mer est directement dépendant du volume d’ins-
zones de fragilité. Ainsi, même dans les confi- tallations à raccorder.
gurations les moins contraignantes (du type N03-
sobriété), dans lesquelles le mix électrique est Dans un contexte de réindustrialisation profonde,
le plus proche du mix actuel, les quatre zones le volume de production à développer dans les
de fragilité présentées dans le SDDR de 2019 scénarios M0 et M23 conduit cependant à un éloi-
(Normandie-Manche-Paris, façade atlantique, gnement accru des côtes pour les derniers parcs.
Massif central-Centre, Rhône-Bourgogne) restent Cet éloignement implique non seulement un ren-
marquées par des congestions importantes. chérissement limité des coûts de raccordement du
fait de l’allongement des réseaux, mais surtout un
De manière générale, dans les différents scéna- développement dans des zones de profondeur plus
rios étudiés, les contraintes s’accroissent avec la importante. Le développement de postes de
part de production renouvelable et le niveau de raccordement flottants et de liaisons HVDC
consommation, et concernent ainsi la majeure par- dynamiques, évoqué dans la partie 10.2.3.2,
tie du réseau de grand transport dans des scéna- devient alors vraisemblablement une condi-
rios tels que M23-réindustrialisation profonde. tion nécessaire à l’atteinte du niveau de pro-
duction envisagé dans les scénarios de type
Réseaux régionaux M23-réindustrialisation (près de 80 GW d’éner-
Les besoins d’investissement sur les réseaux gies marines en 2050).
régionaux sont majoritairement motivés par le
développement des énergies renouvelables ter- Inversement, les scénarios reposant sur un fort
restres, aussi bien en termes de raccordement que développement de production nucléaire dans un
de renforcements. C’est en particulier ce déve- contexte de sobriété présentent des capacités de
loppement des énergies renouvelables qui production en mer réduites. Les possibilités de
fonde la grande majorité des différences de mutualisation des raccordements entre parcs sont
coûts de réseaux régionaux entre les scéna- alors limitées, ce qui conduit à une augmentation
rios pour un niveau de consommation donné. des coûts unitaires de raccordement.
Figure 10.28 Investissements nécessaires pour le renforcement des réseaux régionaux, selon leur origine principale
(période 2020-2050)
18
16
14
12
10
Md€
0
Sobriété Référence Indust. Sobriété Référence Indust.
M23 N2
Production Consommation
510
Les réseaux . 10
localement dans certaines zones du fait de l’ef- par des besoins de raccordement accrus, pouvant
fet baissier de la sobriété sur la consommation, créer des contraintes locales sur le réseau à très
elles peuvent aussi s’accroître dans d’autres du haute tension sans pour autant modifier les grands
fait de situations spécifiques : ceci concerne équilibres inter-régionaux. Ceci peut en particulier
notamment des zones dans lesquelles la produc- concerner le développement des électrolyseurs,
tion renouvelable, qui tend à compenser la hausse qui pourrait se concentrer dans quelques zones
de consommation dans les versions de référence nécessitant alors des renforcements significatifs du
des scénarios, est plus fortement réduite dans la réseau à un niveau très local.
configuration sobriété.
De manière générale, l’évaluation des effets struc-
S’agissant du réseau de grand transport, l’impact turels des projets d’hydrogène sur le réseau de
des évolutions de la consommation reste limité grand transport fera l’objet d’analyses approfon-
par rapport à celui des modifications du mix de dies dans le cadre des prolongements de l’étude
production. Cependant, une hypothèse de réin- Futurs énergétiques 2050.
dustrialisation profonde de l’industrie se traduit
10.2.8.3 Au total, le scénario de demande a une influence majeure sur les besoins
de réseau, mais le choix du mix de production reste le premier déterminant
Les analyses qui précèdent portent sur les domaines Le bilan global des coûts du réseau de trans-
d’investissement en réseau qui dépendent de l’évo- port sur les différents scénarios de consom-
lution du niveau de consommation et de production mation et de mix électrique montre ainsi
d’électricité. À ces termes s’ajoutent un certain l’impact très significatif de l’évolution de la
nombre de rubriques largement indépendantes du demande sur les besoins d’investissement
niveau de demande et des choix de mix de produc- dans le réseau de transport (voir la figure
tion, comme le renouvellement des infrastructures suivante avec l’exemple du scénario N2).
et le développement des interconnexions.
Figure 10.29 Besoins d’investissement sur le réseau de transport entre 2035 et 2050 selon le niveau de demande –
scénario N2
90
80
70 20
60
12
50
Md€
40
30
20
Réseaux en mer
10 Grand transport
Réseaux régionaux
0 Invariants
Réindustrialisation Impact Référence Impact sobriété Sobriété
réindustrialisation
120
100
80
Md€
60
40
20
Réindustrialisation
Référence
0 Sobriété
M0 M1 M23 N1 N2 N03
Le scénario sobriété nécessite de moindres dans leur ampleur, du fait également d’un impact
volumes d’investissement dans le réseau de trans- de la consommation. Les réseaux régionaux sont
port essentiellement du fait de la modification de plus sollicités par la consommation que dans les
mix de production qu’elle implique : besoin de scénarios de référence et les déséquilibres géogra-
raccordement de l’éolien en mer plus modéré, phiques est-ouest sont amplifiés sur le réseau de
investissements moins poussés sur les réseaux grand transport. Toutefois, ce sont bien les impacts
régionaux et de grand transport. Sur la période en matière de production, et notamment de rac-
2035-2050, les coûts d’investissement corres- cordement des énergies marines, qui dominent.
pondants sont ainsi réduits d’environ 12 milliards
d’euros dans le scénario N2-sobriété par rapport Les tendances sur l’impact des trajectoires de
au scénario N2-référence, ce qui représente près consommation illustrées sur N2 se retrouvent sur
de 20 % des investissements de la configuration l’ensemble des autres scénarios de mix. En par-
de référence. ticulier, l’interclassement des différents scénarios
de mix en matière de besoins d’investissement du
Dans un contexte de réindustrialisation profonde, réseau de transport reste inchangé dans les trajec-
les effets jouent dans le sens contraire (augmen- toires sobriété et réindustrialisation profonde par
tation des besoins d’investissement) et sont accrus rapport à leurs versions de référence.
512
Les réseaux . 10
Cette partie est consacrée aux coûts relatifs au ajouté au code de l’énergie par l’ordonnance du
réseau public de distribution des six scénarios de 3 mars 2021 dans le cadre de la transposition du
référence M0, M1, M23, N1, N2, N03, ainsi que des Clean Energy Package).
variantes retenues en matière de consommation
(paragraphe 10.3.4). Elle a été établie par Enedis Enfin, cette partie concerne la part du RPD gérée
qui gère le réseau public de distribution (RPD) sur par Enedis, et non pas le RPD dans son ensemble
95 % du territoire français métropolitain. Elle s’ins- (avec les entreprises locales de distribution). Elle
crit dans la continuité du rapport Enedis « Éléments donne les ordres de grandeur recherchés pour
de prospective du réseau public de distribution caractériser et comparer les différents scénarios.
d’électricité à l’horizon 2050 », paru en avril 2021.
En 2020, la part du RPD gérée par Enedis achemine
Il ne s’agit pas d’une prévision des coûts futurs vers les clients 72 % de l’électricité consommée en
d’Enedis, encore moins d’une trajectoire d’in- France3, et collecte 87 %4 de l’électricité produite
vestissements mais bien d’une contribution à partir des installations éoliennes et solaires. De
aux travaux de prospective pilotés par RTE même en 2050, suivant les scénarios étudiés, le
pour éclairer les décisions de politique éner- réseau de distribution sera mis à contribution de
gétique de long terme. Il ne s’agit pas non manière importante, et les coûts d’adaptation sont
plus du « plan de développement de réseau », calculés en conséquence.
requis par le code de l’énergie (article L322-11
Une partie importante des nouvelles installations pour chacun des six scénarios est de 420 TWh à
de consommation et de production attendues d’ici l’horizon 2050. Cette valeur est cohérente avec
2050, décrites au chapitre 5.2, seront raccordées les 645 TWh à l’échelle nationale, hypothèse étant
au RPD. RTE et Enedis ont fixé ensemble les hypo- faite dans ce rapport qu’une partie de la croissance
thèses permettant de les répartir sur les réseaux de la consommation porte sur l’industrie raccor-
de transport et de distribution. dée au réseau de transport et que les moyens de
production d’hydrogène en partie destinés à décar-
En matière de consommation, la valeur de la boner l’industrie (environ 50 TWh) seraient essen-
consommation retenue pour le RPD géré par Enedis tiellement connectés sur le RPT.
3.
Comparaison des bilans de consommation d’électricité en 2019 tirés des bilans électriques 2020 respectifs d’Enedis (331 TWh) et de RTE (460 TWh)
4.
Comparaison des bilans de production d’électricité éolienne et photovoltaïque en 2019 tirés des bilans électriques 2020 respectifs d’Enedis (45 TWh) et de
RTE (52 TWh)
Compte tenu des puissances en jeu, la répartition À l’échelle nationale, il en résulte que la totalité
de la production renouvelable selon les différents des capacités de production raccordées au péri-
niveaux de tension suppose que l’éolien en mer est mètre Enedis varie entre 93 et 237 GW selon les
entièrement connecté au réseau de transport, et scénarios.
Figure 10.31 Production renouvelable raccordée au RPD géré par Enedis en 2050
250
200
150
GW
100
50
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03
5.
Comparaison des capacités de production éolienne et photovoltaïque en 2019 tirés des Bilans Électriques 2020 respectifs d’Enedis (9 GW de photovoltaïque
et 15 GW d’éolien) et de RTE (10 GW de photovoltaïque et 18 GW d’éolien)
514
Les réseaux . 10
En sortie des postes sources, le réseau public de Suivant leurs caractéristiques, les points de
distribution est au niveau de tension HTA (moyenne consommation ou production sont connectés sur
Figure 10.32 Exemples schématiques de configurations de réseau de distribution : urbain dense et rural
Poste source
Réseau HTA
Poste HTA/BT
Réseau BT
Zone rurale
Réseau de
Réseau de
transport
transport
Poste source
Réseau HTA
Poste HTA/BT
Réseau BT
Poste HTA/BT
Réseau BT
Branchement
6.
Chiffre à fin 2020.
Figure 10.34 Impact sur le réseau basse tension suivant la demande des clients en injection ou/et soutirage
1
Renforcement du câble BT
2
Création d’un nouveau départ BT
3
Poste source
Création d’un nouveau départ BT et HTA Réseau HTA
Poste HTA/BT
Réseau BT
516
Les réseaux . 10
Poste source
Réseau HTA
Poste HTA/BT
Réseau BT
Réseau de
Exemple réseau type rural – en 2050 transport
Réseau de
Réseau de
transport
transport
Poste source
Réseau HTA
Poste HTA/BT
Réseau BT
Par ailleurs, outre la configuration initiale du réseau, 3. Des maisons sont déjà raccordées sur ce réseau
la création de nouveaux ouvrages réseaux (ou le ren- BT : lors du changement du câble, il est donc
forcement d’ouvrages existants) va varier suivant la nécessaire de reprendre les branchements des
puissance unitaire des projets et leur concentration maisons existantes pour les raccorder sur le
locale, comme le montre l’exemple illustratif ci-après. nouveau câble.
Si la production est très concentrée localement, elle Le coût des travaux réseaux (et l’impact auprès
va nécessiter des travaux conséquents au niveau des clients desservis) ne se limite ainsi pas au
du réseau sur la zone concernée. A contrario, si la simple branchement de l’habitation installant des
production est répartie de façon homogène avec panneaux photovoltaïques.
des puissances unitaires faibles, l’impact réseau
sera plus mesuré. Si, sur le même principe, des panneaux photovol-
taïques sont rajoutés sur l’ensemble des toitures
Exemple illustratif (en basse tension) : des installations raccordées sur ce câble BT, il sera
1. Un client souhaite recouvrir l’ensemble de sa toi- non seulement nécessaire de créer de nouveaux
ture de panneaux photovoltaïques. Dans l’exemple, réseaux BT mais également de nouveaux ouvrages
la production des panneaux est supérieure à la HTA. Dans certaines zones du sud de la France, ces
consommation de l’installation existante qui a servi cas de figure sont déjà actuellement rencontrés et
initialement à dimensionner le réseau. des travaux sont nécessaires au niveau des postes
2. Le réseau BT desservant l’installation n’est pas sources et même du réseau de transport.
en capacité d’accueillir ce supplément de pro-
duction, le réseau BT doit être renforcé (il est Des optimisations sont mises en place par Enedis
également possible suivant les configurations de avec les clients producteurs pour limiter les
créer un nouveau départ BT). besoins de renforcement du réseau à l’occasion
3
Pour réaliser le renforcement, nécessité de
reprendre les branchements des installations 1
existantes et de les raccorder sur le nouveau câble Nouvelles installations
de photovoltaïque en toiture
à raccorder
2
Nécessité de renforcer le câble BT Poste HTA/BT
(suppression du câble existant et pose en lieu Réseau BT
et place d’un câble d’une section supérieure) Branchement
Aussi, la quantité des ouvrages qui constituent Les coûts d’adaptation du RPD entre 2020 et 2050
le RPD est directement liée aux nombres et aux sont calculés comme la différence entre la valeur
types de clients connectés sur le réseau, et aux des ouvrages du réseau en 2050 et celle en 2020.
518
Les réseaux . 10
En estimant en 2050 des variables clés observables consommation et production qui pourraient appa-
que sont le nombre de clients, le niveau et le profil raître à long terme (comme illustré dans l’exemple
de consommation nette, la puissance souscrite ou ci-dessus).
encore la densité de réseau, et en utilisant la fonc-
tion mathématique donnant la valeur du réseau Il donne une valeur à une date donnée et ne délivre
correspondante, il est possible d’estimer la valeur pas de trajectoire (il atténue les effets de l’incré-
du réseau en 2050. mentation des nouvelles installations raccordées
sur le réseau).
Cette approche est aussi celle utilisée dans le rap-
port Enedis « Éléments de prospective du réseau Cas spécifique des branchements
public de distribution d’électricité à l’horizon sur le réseau BT
2050 », paru en avril 2021. Depuis lors, des appro- Branchements consommateurs
fondissements ont permis d’affiner la modélisation Le rythme annuel de raccordement des branche-
pour appréhender les évolutions à l’échelle de cha- ments « consommateurs » est lié à la fois à la dyna-
cun des postes sources du réseau. mique d’urbanisme en France (raccordement de
constructions neuves) et aux rénovations d’habi-
Bien qu’une estimation prospective de la quantité tats existants (toutes les rénovations n’impliquant
d’ouvrages du réseau alimentés par chaque poste pas une reprise de l’installation électrique). Ce
source puisse être mathématiquement détermi- rythme est globalement constant, voire en légère
née, l’approche économétrique employée ne per- augmentation depuis quelques années.
met pas une interprétation individuelle. Seule une
analyse globale permet d’obtenir une estimation Pour cette raison, le coût annuel des branchements
interprétable de la variation de la quantité d’ou- « consommateurs » a été maintenu constant d’ici à
vrages. Pour cette raison, les coûts d’adaptation 2050.
du RPD sont présentés pour chaque scénario à
l’échelle nationale. Branchements producteurs
Le rythme des branchements producteurs dépend
Par ailleurs, comme cela a été développé au cha- des scénarios.
pitre 7, des besoins additionnels d’installations
pour satisfaire l’équilibre offre-demande national Pour en chiffrer le montant, il est pris en compte
sont nécessaires dans l’ensemble des scénarios et que dans certains des cas où l’installation de pro-
d’autant plus dans les scénarios atteignant 100 % duction s’intègre à une installation déjà branchée
d’énergies renouvelables. Les analyses menées sur le réseau (comme des panneaux solaires sur
ici prennent pour hypothèse une contribution du un toit), il n’y a pas de travaux à engager sur le
réseau public de distribution nulle, l’ensemble (stoc- réseau. Par exemple, dans le cas d’une maison qui
kage, électrolyseurs, thermique décarboné…) étant dispose d’une puissance souscrite de 9kW, l’ins-
supposé raccordé au RPT, dans les modélisations tallation de panneaux solaires d’une puissance de
présentées plus haut dans ce chapitre. 4 kW ne devrait pas nécessiter de travaux réseaux.
L’évacuation de la production pourra se faire avec
Enfin le modèle génère de l’incertitude lorsqu’il est le branchement existant.
utilisé à des horizons lointains à 2050. En effet,
il établit des corrélations fondées sur le réseau Sur ce point, l’hypothèse conventionnelle retenue
dans son état actuel et prenant en compte les ten- est qu’une reprise de branchement est nécessaire
dances récentes de la consommation et de la pro- dans 30 % des cas où est raccordée une installa-
duction. Il n’intègre pas des adaptations notables tion de production de moins de 36 kVA7. Ce ratio
de la structure du réseau et du rapport local entre correspond à une tendance observée actuellement.
7.
Le nombre d’installations considéré est quant à lui est déterminé sur la base des capacités de production (inf. 36 kVA) en considérant une taille moyenne
d’installation d’environ 4 kWc.
Les coûts complets à horizon 2050 sont représen- u Charges totales annualisées (en Md€/an à un
tés sous deux angles : horizon donné) : cette représentation retrans-
u Besoins d’investissement moyen annuel crit les différentes charges de capital (adaptation,
sur la période 2020-2050 (en Md€/an en hors adaptation…) et d’exploitation en 2050. En
moyenne sur la période) : cette représen- reprenant les hypothèses conventionnelles cen-
tation traduit la moyenne des investissements trales retenues pour le système électrique, le taux
réseaux sur la période 2020-2050. Ces investis- d’annuité retenu est un taux réel de 4 % par an
sements réseaux incluent les investissements sur 40 ans. Par choix méthodologique en cohé-
hors adaptation, conservés identiques aux rence avec les besoins de l’exercice, l’évolution des
six scénarios par choix méthodologique et les charges de capital de l’existant est conservée iden-
investissements adaptation. Les montants sont tique pour les six scénarios. Les charges de capital
exprimés en euros constants 2020. de l’existant sont calculées en reprenant le taux
réel (4 %) et la durée (40 ans) utilisés pour l’étude.
520
Les réseaux . 10
10.3.3 Estimations des coûts d’adaptation nécessaires par scénario pour Enedis
En s’appuyant sur les principes présentés pré- u Sur les projections à l’horizon 2060 : dans les
cédemment, les investissements cumulés sur six scénarios, la consommation est supposée
la période 2020-2050 sont estimés entre 4,1 et identique à celle de 2050.
6,3 milliards d’euros par an (hors programme Les capacités de production raccordées au RPD
Linky) selon les scénarios (et en tenant compte des scénarios M0, N2 et N03 n’évoluent que
d’incertitudes). Ils sont globalement plus impor- marginalement entre 2050 et 2060. Avec ces
tants dans les scénarios à forte part en énergies hypothèses, les coûts d’adaptation additionnels
renouvelables et notamment dans les scénarios entre 2050 et 2060 sont négligeables.
M0 et M1 qui concentrent des capacités photovol- Pour les autres scénarios, les capacités de pro-
taïques importantes. duction raccordées au RPD évoluent davantage,
notamment dans le scénario M1. Les coûts
Ces évaluations appellent plusieurs commentaires : d’adaptation additionnels, hors branchements,
u Sur la comparaison des scénarios M0 et M1 : à seraient d’environ 11 milliards pour le scénario
l’horizon 2050, les capacités photovoltaïques M1, de 5,5 milliards pour le scénario M23 et de
installées sur le RPD géré par Enedis pour 4,5 milliards pour le scénario N1.
les scénarios M1 et M0 sont semblables, mais u Sur les hypothèses de coûts : les références de
elles sont plus concentrées sur la basse ten- coûts utilisées (pour les matériaux, les travaux…)
sion dans le scénario M1, ce qui augmente sont cohérents avec les pratiques actuelles. Ils
les coûts correspondants. En revanche, les n’intègrent pas de rupture technologique ou nor-
capacités éoliennes raccordées sont plus mative. Il en est de même pour les investisse-
importantes dans le scénario M0 relative- ments associés aux systèmes d’informations.
ment à M1. Ces deux effets se compensent et
conduisent à des montants proches pour les Traduits en coûts annualisés (en utilisant les
deux scénarios. besoins d’investissement hors incertitudes), ces
Figure 10.37 Besoins d’investissement moyens annuels Figure 10.38 Coût total annualisé Enedis en
sur la période 2020-2050 pour Enedis 2050 hors pertes et TURPE HTB,
(hors programme Linky), dans la trajectoire dans la trajectoire de référence sur
de référence sur la consommation la consommation
7 20
18
6
16
5 14
Md€/an
12
Md€/an
4
10
3 8
2 6
4
1
2
0 0
Actuel M0 M1 M23 N1 N2 N03 Actuel M0 M1 M23 N1 N2 N03
2050 2050
10.3.4 Une analyse des impacts des différents scénarios de consommation sur
les coûts du réseau de distribution (scénarios sobriété et réindustrialisation profonde)
Les trajectoires de consommation à l’horizon 2050 (mutualisation des équipements et des lieux de vie)
sobriété et réindustrialisation profonde reflètent combiné à une augmentation de la taille moyenne
respectivement une plus grande sobriété des usages des ménages (2,33 personnes par ménage au lieu
et des consommations, et un développement indus- de 1,98 dans la trajectoire de référence). Suivant
triel important, notamment dans les technologies ces hypothèses, une baisse de la consommation de
de pointe et à des fins de réduction de l’empreinte près de 12 TWh est attendue. De même, la diminu-
carbone française. Ces évolutions de consommation tion de la température de consigne de chauffage à
ont ainsi un impact significatif sur la consommation 19 °C dans le résidentiel contribue à une baisse de
raccordée au réseau de distribution. la consommation estimée à 4 TWh.
Dans le détail, le scénario sobriété projette une Le scénario réindustrialisation profonde projette
consommation nationale à 2050 de 555 TWh, soit quant à lui une consommation à 2050 de 752 TWh,
90 TWh de moins que la projection de consom- soit 107 TWh de plus que dans le scénario de réfé-
mation de référence (-14 %). Les hypothèses de rence (+17 %). Le secteur de l’industrie (+59 TWh)
sobriété concernent notamment les secteurs des et celui de l’hydrogène (+37 TWh) sont ceux pour
transports, résidentiel et tertiaire, majoritairement lesquels la consommation augmente le plus, les
connectés sur le réseau de distribution. Aussi, au consommations du résidentiel et des transports
périmètre d’Enedis, le scénario sobriété conduit à étant les mêmes que dans le scénario de référence.
une diminution de 77 TWh de la consommation.
Cela correspond à une baisse de 18 % par rapport Au périmètre d’Enedis, les effets de la réindustria-
au scénario de consommation de référence au péri- lisation sur la consommation sont plus limités du
mètre d’Enedis (420 TWh). Ce scénario implique fait de la nature de l’industrie qui est raccordée au
une évolution marquée des modes de vie, et par- RPD. Cela conduit à une augmentation de 13 TWh.
fois à contre-courant des tendances actuelles (voir Comme dans les autres scénarios, par convention,
chapitre 13). À titre d’exemple, ce scénario prévoit les électrolyseurs produisant de l’hydrogène sont
le développement d’habitats à espaces partagés réputés connectés au RPT.
522
Les réseaux . 10
À l’échelle nationale, avec les mêmes hypothèses Quel que soit le scénario, le rythme de raccorde-
de répartition entre réseau de transport et réseau ment pour la filière photovoltaïque est supérieur
de distribution que pour les scénarios de référence, à la moyenne des cinq dernières années. Pour le
les capacités de production raccordées au RPD scénario sobriété, les mix M et N1 sont au-dessus
géré par Enedis varient : du rythme record de 2021 avec plus de 2,5 GW
u entre -24 GW (M23) et –34 GW (M1 et M0) pour raccordés au réseau de distribution. Il en est de
le scénario sobriété, même pour tous les mix du scénario réindustria-
u et entre +35 GW (M23) et +56 GW (M1) pour le lisation profonde avec en particulier des rythmes
scénario réindustrialisation profonde. moyens sur la période compris entre 7 et 8 GW/an
pour les mix M1 et M0. Cela suggère que l’effort de
Plus précisément, dans le cadre du scénario raccordement du solaire sera nécessairement en
sobriété les installations renouvelables raccor- hausse par rapport aux tendances passées (sauf
dées au RPD géré par Enedis varient du simple dans les scénarios N2-sobriété et N03-sobriété où
(N03-sobriété) au triple (M0-sobriété). Ces écarts il se rapproche des rythmes récents).
concernent majoritairement la filière solaire.
Enfin, pour la filière éolienne terrestre, même si les
En revanche, dans le cadre du scénario réindus- rythmes peuvent varier du simple au quadruple les
trialisation profonde les écarts relatifs sont moins ordres de grandeurs restent relativement proches
prononcés et varient du simple (N03-réindus) au des rythmes récents. On notera cependant des
double (M0-réindus et M1-réindus). rythmes très soutenus pour le scénario « réindus-
trialisation profonde » avec les mix M0 et M23.
Figure 10.39 Capacités de production à raccorder au réseau de distribution entre 2020 et 2050 selon le mix électrique,
dans le scénario de réindustrialisation profonde (à gauche) et de sobriété (à droite)
300 300
250 250
200 200
GW
GW
150 150
100 100
50 50
0 0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
2 000
1 800
1 600
1 400
1 200
MW
1 000
800
600
400
200
0
Réind. Réf. Sobr. Réind. Réf. Sobr. Réind. Réf. Sobr. Réind. Réf. Sobr. Réind. Réf. Sobr. Réind. Réf. Sobr.
M0 M1 M23 N1 N2 N03
9 000
8 000
7 000
6 000
5 000
MW
4 000
3 000
2 000
1 000
0
Réind. Réf. Sobr. Réind. Réf. Sobr. Réind. Réf. Sobr. Réind. Réf. Sobr. Réind. Réf. Sobr. Réind. Réf. Sobr.
M0 M1 M23 N1 N2 N03
524
Les réseaux . 10
Md€/an
4
4
profonde, les coûts d’adaptation du réseau de
3
distribution sont plus élevés dans le cas du mix
de production M1 que dans le mix M0. 2
20
18
16
14
12
Md€/an
10
2 Sobriété
Réindustrialisation
0 profonde
M0 M1 M23 N1 N2 N03
Actuel 2050
Sans prise en compte des incertitudes, le coût total S’agissant des projections à l’horizon 2060,
annualisé associé en 2050 (hors pertes réseau et celles-ci sont basées, dans les six scénarios, sur
TURPE HTB), est : une consommation supposée identique à celle de
u pour le scénario réindustrialisation profonde, 2050. Les résultats obtenus sont sensiblement
de l’ordre de 16 à 20 Md€ suivant les mix de identiques aux ordres de grandeur de la trajectoire
production ; de référence.
u pour le scénario sobriété, de l’ordre de 13 à
16 Md€ suivant les mix de production.
526
Les réseaux . 10
Les évaluations prospectives réalisées par Enedis développer sur le RPD et nécessiteraient des
sur les coûts d’adaptation du réseau de distribu- investissements supplémentaires sur celui-ci.
tion dans les scénarios de neutralité carbone per- Les chiffres relatifs à ces scénarios sont donc des
mettent de tirer plusieurs enseignements : fourchettes basses pour ce qui relève du RPD.
1)
Les coûts d’adaptation du réseau de distribu- 3) Dans tous les scénarios, le développement des
tion au périmètre d’Enedis sont contrastés selon installations solaires et éoliennes sur le réseau
les scénarios. Ils pourraient varier du simple au de distribution est soutenu dans la durée. Il se
double dans la configuration de référence des fait au rythme de 2 à 3 GW en moyenne sur les
scénarios, d’environ 2 Md€ par an en moyenne 30 prochaines années dans les scénarios N03
sur 30 ans pour N03 à environ 4 Md€ par an et N2, ce qui est un peu supérieur au rythme
pour M0. constaté ces derniers mois. Il se fait à un rythme
de 4 à 5 GW en moyenne par an dans N1 et
La configuration de réindustrialisation profonde M23, et se fait à un rythme de plus de 6 et de
renchérit les coûts d’adaptation du réseau public 7 GW en moyenne par an dans les scénarios M1
de distribution. Dans les scénarios sobriété, les et M0.
investissements sont plus réduits, mais restent
importants et sont supérieurs au rythme actuel Le scénario de réindustrialisation profonde
(de 3,3 Md€ par an pour N03 à 5 Md€ pour M0 accentue l’effort de développement nécessaire,
ou M1). le scénario sobriété le réduit. Dans le scénario
sobriété, l’effort de développement des instal-
2)
Des besoins additionnels d’installations pour lations renouvelables raccordées au réseau de
satisfaire l’équilibre offre-
demande national distribution est au-dessus de 3 GW par an pour
sont nécessaires dans l’ensemble des scénarios N1 et les scénarios M.
(voir 7.6.1) et d’autant plus dans les scénarios
atteignant 100 % d’énergies renouvelables. Les Ces rythmes de croissance constituent un défi :
analyses menées ici reposent sur l’hypothèse ils nécessitent une mobilisation générale du
que ces moyens (notamment thermique décar- tissu industriel, des lieux de formation, des
boné et stockage stationnaire) sont raccordés au filières d’approvisionnement des matériels dans
réseau de transport et n’ont donc pas d’impact la durée et dans une période ou la tension sur
sur le RPD. Cependant, des installations telles ces ressources sera forte à l’échelle européenne.
que des cogénérations biogaz, du stockage Les éventuels effets sur les prix ne sont pas pris
par batteries ou des électrolyseurs peuvent se en compte dans les évaluations ci-dessus.
Les besoins d’investissement sur les réseaux sont Au-delà de l’aspect purement économique de
en nette augmentation sur l’ensemble des compo- cette évolution, les besoins de développement
santes, de la basse tension au grand transport. de nouveaux réseaux supposent une mobilisation
importante de l’ensemble des filières concernées :
Les évaluations de besoins d’investissement équipementiers et prestataires seront tout autant
menées sur la période 2020-2060 montrent un concernés par la mutation des réseaux que par la
impact différencié entre les divers scénarios. Dans transformation du parc de production et le déve-
tous les cas, les scénarios reposant sur une relance loppement de nouveaux moyens d’équilibrage. Il
plus ou moins marquée de la filière nucléaire néces- s’agit là d’un phénomène a minima européen qui
sitent un effort moindre en matière de réseau. Ce s’inscrit dans la durée.
constat est similaire sur les réseaux de transport et
de distribution, quoique de façon moins marquée
concernant ces derniers.
Figure 10.44 Investissements sur les réseaux de transport et distribution entre 2020 et 2060 pour les 6 scénarios,
dans la configuration de référence sur la consommation.
180 250
160
200
140
120
150
100
Md€
Md€
80
100
60
40
50
20
0 0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
528
Les réseaux . 10
10.4.2 Le développement d’une production plus locale fondée sur des installations
de petite taille implique un besoin accru de réseau
Les évaluations réalisées dans le cadre de l’étude totalité des composantes considérées dans la pré-
Futurs énergétiques 2050 supposent un déve- sente étude. Des dispositifs de planification,
loppement du réseau adapté à un besoin cible incluant les gestionnaires de réseau, sont
parfaitement déterminé : raccordements mutua- donc un facteur d’efficacité en permettant à
lisés de l’éolien en mer et des énergies marines, la fois des mutualisations et des développe-
renouvellement des ouvrages bien adapté aux ments anticipés tout en limitant les risques de
besoins futurs, développement des réseaux régio- coûts échoués. Ce type de dispositifs s’étend
naux et de grand transport adossé à l’évolution à diverses mailles :
de la structure et localisation de la production. Le u nationale : positionnement des grands sites de
développement des infrastructures de transport production centralisée, notamment au travers
est un processus long et d’autant plus exposé aux de documents stratégiques de façade pour les
risques de coûts échoués que les besoins seront énergies marines ou les choix de localisation et
incertains. de déclassement des réacteurs nucléaires ;
u régionale : localisation et rythme de déve-
La capacité des gestionnaires de réseaux à antici- loppement des énergies renouvelables, rôle
per l’évolution des besoins, tant en matière de pro- aujourd’hui rempli par les SRADDET et S3REnR ;
duction que de consommation, est donc un facteur u plus locale : développement de la recharge
essentiel d’efficacité économique qui influe sur la rapide de mobilité électrique par exemple.
Outre le fait qu’il nécessite la mise en œuvre de la par RTE ne montrent pas de fragilité structurelle
transition énergétique, le changement climatique a des postes électriques à des vagues de chaleur.
un impact direct sur les réseaux de transport et de En revanche, la capacité de transit des lignes
distribution d’électricité. aériennes dépend de la température extérieure :
plus celle-ci est élevée, moins la marge d’élévation
Il occasionne d’une part une modification de la en température causée par les transits d’électri-
demande et de la production. La demande, pour cité est importante. Lors d’une vague de chaleur, la
sa part thermosensible, répondra à des vagues de capacité des lignes aériennes est réduite et peut,
chaleur plus fortes et longues dans des scénarios dans le cas de certaines liaisons, devenir nulle.
de fort réchauffement que dans le climat actuel. La S’il est difficile d’estimer, aujourd’hui, dans quelle
production sera également modifiée, comme cela proportion la capacité de transit des lignes devra
est décrit au chapitre 8. Les analyses menées sur être révisée, les investissements envisagés pour le
le réseau dans la présente étude intègrent l’impact réseau de transport intègrent une mise à niveau de
d’un scénario de réchauffement de type RCP 4.5. la tenue en température des lignes et des travaux
doivent être poursuivis sur ce sujet.
D’autre part, les conditions climatiques affectent
les ouvrages de réseau de différentes façons. Par ailleurs, les travaux sur l’évolution du climat
montrent des évolutions de nature hydrologique.
Les liaisons de transport souterraines n’appa- Les fondations des supports de lignes aériennes
raissent pas, aujourd’hui, susceptibles d’être affec- situées à proximité de cours d’eau devront faire
tées par de futures vagues de chaleur, y compris l’objet d’un suivi et être adaptées en conséquence
en zone urbaine. De même, les travaux menés en fonction des besoins.
530
Les réseaux . 10
L’ANALYSE ÉCONOMIQUE :
UN CHIFFRAGE DES COÛTS DES SCÉNARIOS
POUR COMPARER LES DIFFÉRENTES OPTIONS
DE TRANSITION
Afin d’éclairer le débat et les décisions publiques du mégawattheure par technologie, coût com-
à venir, l’étude des options de transition du sys- plet annualisé, besoin de soutien public…), avec
tème énergétique comprend nécessairement une des conclusions pouvant être variables selon la
analyse de l’économie des scénarios. C’est ce à méthode employée.
quoi s’attache l’étude Futurs énergétiques 2050,
dont le volet économique ressort comme l’une des L’approche la plus répandue dans la littérature
priorités. économique consiste à évaluer le « coût actua-
lisé de l’énergie produite » par chaque technologie
Les attentes autour de l’analyse économique des (Levelized Cost of Energy en anglais, abrégé en
scénarios de mix électrique apparaissent d’au- LCOE). Celle-ci consiste à évaluer l’ensemble des
tant plus fortes que la controverse sur les « vrais coûts actualisés (CAPEX, OPEX…) des installations
coûts » du nucléaire et des énergies renouvelables de production considérées et à les rapporter à
agite régulièrement le débat public sur l’énergie l’énergie produite actualisée sur leur durée de vie.
en France, tout en étant accompagné de beau- Elle fournit ainsi un indicateur économique visant
coup d’imprécisions. Celles-ci n’ont pas été dissi- à comparer le coût de production de technologies
pées par la parution récente de plusieurs études variées possédant des structures de coût (répar-
visant à chiffrer le coût comparé des options tition CAPEX/OPEX), des durées de vie ou encore
« 100 % renouvelables » et « renouvelables + nou- des facteurs de charge différents.
veau nucléaire », aboutissant à des conclusions
très différentes du fait de méthodes et périmètres En d’autres termes, le LCOE correspond au prix
hétérogènes. de vente moyen auquel une installation doit valo-
riser sa production d’électricité pour rentabiliser
Pour fournir un éclairage pertinent, l’analyse l’investissement. Pour cette raison, il est sou-
économique pose en premier lieu une ques- vent rapproché des résultats des appels d’offres
tion de méthode. Plusieurs types d’indicateurs spécifiques à chaque technologie menés par les
économiques sont régulièrement comparés dans le pouvoirs publics dans différents pays à travers le
cadre du débat public (dépenses d’investissement, monde.
prix de l’électricité pour les consommateurs, coût
534
L’analyse économique . 11
Toutefois, ce type d’indicateur présente de réels Par conséquent, une comparaison des indica-
inconvénients qui le rendent inapproprié à la com- teurs de LCOE par technologie de production
paraison économique des scénarios de mix élec- ne suffit pas à déterminer les options d’évolu-
trique, notamment : tion du mix électrique qui seraient les moins
u le LCOE ne prend pas en compte les consé- coûteuses. Il est donc nécessaire d’intégrer l’en-
quences de l’insertion de chaque filière sur le semble des « coûts système » dans l’évaluation
système électrique, en particulier s’agissant économique, en se basant sur une modélisation
des besoins de flexibilité et de réseau. Or, en complète du système.
pratique, l’insertion d’un parc éolien, d’un parc
solaire, d’une centrale hydraulique ou d’un réac- Des approches dérivées du LCOE ont été propo-
teur nucléaire n’entraîne pas les mêmes consé- sées au cours des dernières années pour dépasser
quences sur le système et occasionne, à des ces limites. En particulier, l’indicateur de VALCOE
degrés divers, des coûts spécifiques (besoins de (« value-adjusted LCOE »), élaboré et utilisé par
flexibilité et de stockage pour assurer la sécu- l’Agence internationale de l’énergie dans le cadre
rité d’approvisionnement, raccordement, ren- de plusieurs publications récentes2, en constitue
forcement du réseau) qu’il convient d’intégrer un exemple : celui-ci vise à compléter l’indica-
à l’analyse ; teur de LCOE en ajoutant des composantes sup-
u il est calculé en retenant des hypothèses norma- plémentaires reflétant la différence de valeur pour
tives sur le facteur de charge1, alors que cette le système associée à chaque technologie (valeur
valeur devrait être endogène à chaque scénario. capacitaire et valeur de la flexibilité concernant
Par exemple, pour un profil de consommation l’équilibrage). Si une telle approche permet effec-
donné, la production d’un réacteur nucléaire tivement de déterminer un indicateur économique
peut être contrainte dans un scénario de fort intégrant de manière plus complète les différents
développement de l’éolien et du solaire et résul- postes de coût associés au développement de
ter en un facteur de charge effectif plus faible chaque technologie, elle reste déterminée par le
que le facteur de charge théorique, de la même contexte spécifique de chaque système énergétique
façon que de grandes centrales photovoltaïques (notamment, les coûts relatifs aux réseaux ne sont
peuvent voir leur production régulièrement pas représentés). Dès lors, cette approche permet
écrêtée durant la période méridienne dans ce de comparer l’intérêt économique de projets à la
même type de scénario. marge d’un scénario donné mais demeure insuf-
fisante pour comparer des scénarios d’ensemble.
1.
Rapport entre l’énergie produite effectivement par une installation de production sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite si elle avait
fonctionné tout le temps à la puissance nominale.
2.
Cet indicateur a été introduit dans le « World Energy Outlook 2018 », AIE (2018). Celui-ci a ensuite été repris dans le rapport « Projected costs of generating
electricity », AIE-AEN (2020)
La méthode utilisée par RTE consiste à comparer les (tels le LCOE ou le VALCOE), en comparant
coûts complets des scénarios de transition énergé- le coût complet des scénarios sur l’ensemble
tique. Elle a été largement confortée dans le cadre de de la chaîne production-flexibilité-réseau
la concertation. La nécessité d’y recourir est mise en à l’échelle de la collectivité et en tenant
avant dans le rapport présenté par RTE et l’Agence compte des taux de charge des actifs tels
internationale de l’énergie le 27 janvier 20213. qu’ils résultent de la modélisation du sys-
tème électrique. L’analyse prend en compte l’en-
La méthode utilisée dans les Futurs énergé- semble des coûts du système électrique, quels que
tiques 2050 permet de dépasser les limites soient les acteurs qui les portent et indépendam-
d’une analyse fondée sur la seule comparai- ment des mécanismes de marché mis en œuvre ou
son des coûts actualisés de chaque filière des effets redistributifs qui peuvent être associés.
Ne prend pas en compte les Ne prend pas en compte les Complexe à restituer
conséquences de l’insertion de conséquences de l’insertion de par rapport à des indicateurs
chaque filière sur le système chaque filière sur le réseau par technologie
électrique, en particulier
s’agissant des besoins de Déterminé à partir
Inconvénients
flexibilité et de réseau d’hypothèses normatives
sur le facteur de charge
Déterminé à partir
d’hypothèses normatives
sur le facteur de charge
3.
« Conditions et prérequis en matière de faisabilité technique pour un système électrique avec une forte proportion d’énergies renouvelables à l’horizon
2050 », RTE et AIE (janvier 2021)
536
L’analyse économique . 11
Cette approche permet d’apporter des éléments de Pour toutes les infrastructures, le périmètre
réponse à la question « Combien coûte le système des dépenses prises en compte recouvre
électrique français dans son ensemble ? », qui inté- l’ensemble du cycle de vie : développement,
resse le décideur public dans le cadre des décisions construction, exploitation, maintenance,
de planification du mix. combustible, démantèlement et gestion des
déchets à long terme. Les coûts de déconstruc-
Plus précisément, l’approche conduit à calculer tion sont en particulier bien intégrés à l’analyse
deux indicateurs principaux : (i) les dépenses d’in- sous forme de provisions à constituer, à la fois pour
vestissement dans le système électrique sur la les énergies renouvelables et pour le nucléaire, de
période considérée et (ii) le coût complet annualisé même que les coûts de gestion du combustible usé
du système électrique dans les différents scéna- et des déchets nucléaires.
rios. C’est bien ce dernier qui constitue l’indicateur
le plus pertinent pour la prise de décision publique, Cette approche se différencie d’une évaluation
dans la mesure où il comptabilise l’ensemble des socio-économique à la fois par le périmètre d’ana-
coûts du système (pas uniquement les investisse- lyse et par l’objectif. Le périmètre considéré com-
ments mais également les coûts d’exploitation et prend l’ensemble des coûts portés par les acteurs
de maintenance) et les rapporte à une année en du système électrique, qui n’inclut pas la valori-
tenant compte de la durée de vie des actifs (via un sation des externalités positives ou négatives des
amortissement économique). différentes options comme il y serait procédé dans
une pure analyse socio-économique. L’analyse
Le coût complet annualisé intègre les implications socio-économique répond à la question « Faut-il
de la trajectoire d’investissement en tenant compte réaliser l’investissement ? » et permet un inter-
de l’évolution au cours du temps du coût des tech- classement de plusieurs options sur la base d’un
nologies. Les coûts sont en effet comptabilisés en critère unique. L’objectif de l’évaluation du coût
tenant compte des dates auxquelles les investis- du système est en revanche celui de restituer un
sements seront réalisés dans chaque scénario de indicateur de coût complet qui puisse alimenter le
mix. L’approche se différencie ainsi d’une analyse débat, accompagné d’indicateurs sur les aspects
consistant à déterminer un mix optimal à une année techniques, environnementaux et sociétaux.
donnée en se fondant uniquement sur le coût des
technologies à l’horizon considéré. Par exemple, Cette méthode est utilisée par RTE depuis plu-
le coût complet annualisé du système en 2050 sieurs années pour chiffrer le coût des scénarios
intègre le fait qu’une partie des moyens de produc- de transformation du système électrique et a été
tion auront été construits plusieurs années avant, documentée dans plusieurs rapports4 et docu-
à un coût plus élevé que celui qui correspondrait ments de travail. La consultation publique a par
aux nouvelles installations de 2050. Cet indicateur ailleurs fait émerger un fort degré de consensus
traduit ainsi le coût complet collectif d’utilisation du sur cette méthode.
système électrique en 2050 ou en 2060, et non le
coût des nouvelles installations à cette échéance.
4.
Rapports RTE : « Bilan prévisionnel 2017 » (2017), « Enjeux du développement de l’électromobilité pour le système électrique » (2019), « Schéma décennal
de développement du réseau » (2019), « La transition vers un hydrogène bas-carbone » (2020), « Réduction des émissions de CO2, impact sur le système
électrique : quelle contribution du chauffage dans les bâtiments à l’horizon 2035 ? » (2020), « Conditions et prérequis en matière de faisabilité technique
pour un système électrique avec une forte proportion d’énergies renouvelables à l’horizon 2050 » (avec AIE, 2021).
Voir également chapitre 9, « Projected costs of generating electricity», AIE (2020)
Une première approche consiste à utiliser le taux reflétant la sensibilité des coûts et des bénéfices
d’actualisation recommandé pour l’évaluation associés au projet aux risques systémiques, notam-
socio-économique des investissements publics. ment au contexte macroéconomique.
Plusieurs rapports publiés depuis 2005 (rapports Le cadre d’application de cette approche présente
des missions présidées par Daniel Lebègue en toutefois deux difficultés par rapport au cadrage de
2005, Christian Gollier en 2011 et Émile Quinet en l’évaluation économique des scénarios des Futurs
2013) ont en effet progressivement précisé le cadre énergétiques 2050.
méthodologique applicable pour ce type d’investis-
sements, le rôle du taux d’actualisation au sein de D’une part, si le risque systémique (ou en d’autres
l’évaluation et les modalités de prise en compte du termes le « bêta ») doit en théorie être différencié
risque. L’approche préconisée consiste ainsi à éva- entre les technologies, il n’existe pas aujourd’hui
luer une valeur actualisée nette (VAN) socio-éco- de valeur de référence applicable aux éner-
nomique pour chaque projet (intégrant les coûts et gies renouvelables ou au nouveau nucléaire. Le
bénéfices économiques mais également la valorisa- calibrage de valeurs de référence de « bêta » pour
tion des externalités), en reflétant le risque associé ce type d’évaluation socio-économique constitue
à chaque type de projet, par exemple en utilisant un une étude en soi, dont la réalisation n’était pas
taux d’actualisation spécifique. Dans ce cas, la for- envisageable dans les délais de la présente étude,
mule indiquée pour le taux d’actualisation consiste mais pourra faire l’objet de prolongements.
en la somme de deux termes : un taux sans risque
(proposé à 2,5 % dans le dernier rapport de la D’autre part, le taux d’actualisation socio-écono-
Commission Quinet) et une prime de risque (pro- mique s’applique en théorie uniquement à l’éva-
posée à 2 %) pondérée par un coefficient « bêta » luation socio-économique des investissements
538
L’analyse économique . 11
publics. Or, dans la mesure où l’approche la puissance publique –, le choix du taux d’ac-
de chiffrage économique proposée par RTE tualisation utilisé dans l’étude doit refléter le
consiste à évaluer l’ensemble des coûts por- coût du capital supporté par les différentes
tés par les acteurs du système électrique – et technologies plutôt que le taux d’actualisa-
non la valeur des investissements portés par tion socio-économique.
La méthode utilisée par RTE dans l’analyse éco- de régulation pourrait même se voir renforcé, voire
nomique, présentée et discutée en concertation, étendu à d’autres filières. Dans ce contexte évo-
consiste à évaluer le coût des scénarios du point lutif, les projections de coût du capital pour
de vue des acteurs du système électrique, en inté- les investissements futurs ne peuvent donc
grant la composante de financement portée par que difficilement se fonder sur des références
les acteurs privés qui développent et exploitent les passées(voir la section suivante 11.2.3).
infrastructures. Ceci implique de préciser le coût
du capital associé à chaque technologie. Finalement, en l’absence de consensus sur
l’évolution du coût du capital des différentes
Même si les méthodes d’évaluation du coût du technologies et au vu des incertitudes sur
capital partagent, sur le plan théorique, certaines l’évolution du cadre de régulation et de finan-
caractéristiques avec la définition du taux d’actua cement des actifs de production d’électri-
lisation socio-économique5, le coût du capital cité, RTE propose de considérer différentes
auquel ont accès les investisseurs privés s’écarte variantes sur le coût du capital des différents
ainsi significativement des valeurs recommandées actifs dans la fourchette [1 %-7 %] avec,
pour le taux d’actualisation socio-économique. dans le cas de référence, une hypothèse de
coût du capital de 4 % uniforme pour toutes
En théorie, les hypothèses sur le coût du capital les technologies6.
peuvent être différenciées afin de refléter le coût
du capital observé pour chaque technologie spé- L’indifférenciation des valeurs de coût du capital
cifique. Or l’établissement de telles hypothèses pour les différentes technologies bas- carbone a
comporte à nouveau plusieurs difficultés méthodo- pour sous-jacent le fait que tous les investisse-
logiques : en particulier, le coût du capital dépend ments concourant à atteindre la neutralité carbone
fortement de la structure de financement et du puissent être engagés dans un cadre de finance-
cadre de régulation (mécanisme de sécurisation ment propice, ce qui conduit à lisser les différences
des revenus, voire financement public), qui peuvent théoriques en matière de risque (de manière à
largement évoluer à long terme. À titre d’exemple, réduire le coût du capital de technologies présen-
le cadre actuel prévoit des mécanismes de soutien tant un risque systémique plus élevé). Elle est
(tarifs d’achat ou compléments de rémunération) accompagnée, dans les Futurs énergétiques 2050,
pour les énergies renouvelables et l’État a d’ores de multiples variantes portant sur le niveau du coût
et déjà annoncé que, dans le cas d’une relance du du capital afin d’éclairer les enjeux économiques
nucléaire en France, les nouveaux réacteurs béné- associés à une situation dans laquelle les condi-
ficieraient également d’un soutien public. Ce type tions de financement des différentes technologies
5.
Dans la théorie économique, pour des « marchés parfaits » dans lesquels la valeur collective est alignée avec la valeur privée et où les capitaux sont
alloués de manière optimale, le taux d’actualisation socio-économique peut être considéré comme égal au coût du capital. Toutefois, les marchés financiers
peuvent en pratique être considérés comme des marchés imparfaits (myopie des investissements, sous-estimation des risques extrêmes, frictions…),
intrinsèquement inefficaces, et dans lesquels les coûts du capital associés aux investissements privés s’écartent de l’optimum social (voir C. Gollier, « Taux
d’actualisation et rémunération du capital », Revue française d’économie 2015/4, vol. XXX, pages 3-15).
6.
Les taux sont exprimés ici en valeur réelle (hors inflation) et hors impôts sur les sociétés, en cohérence avec un chiffrage économique des scénarios
réalisé en euros constants et ne prenant pas en compte les taxes et impôts (qui constituent des effets redistributifs entre l’État et les acteurs du système
électrique).
Figure 11.2 Illustration de l’effet du taux de rémunération du capital pour deux technologies fictives
ayant des durées de vie différentes et une même répartition CAPEX/OPEX par MWh produit
(exemple fictif avec durées de construction nulles)
80
70
60
50
€/MWh
40
30
20
oût de financement
C
de l’investissement
10 Amortissement brut des
CAPEX hors financement
0 Coût d’exploitation
1% 4% 7% 1% 4% 7%
Durée de vie : 40 ans Durée de vie : 20 ans
CAPEX : 4 Md€/GW CAPEX : 2 Md€/GW
OPEX fixes : 100 M€/GW/an OPEX fixes : 100 M€/GW/an
540
L’analyse économique . 11
11.2.3 Selon les études, un coût du capital uniforme ou différencié par technologie
qui dépend fortement du type et du niveau du soutien public
Si la notion de coût du capital est largement déve- L’une des difficultés inhérentes à la différenciation
loppée dans la théorie économique, la littérature du coût du capital par technologie provient de sa
concernant spécifiquement le coût du capital porté dépendance au degré de soutien public mis en
par les acteurs du système électrique est quant œuvre :
à elle plus réduite, compte tenu de la difficulté u le coût moyen pondéré du capital diminue
d’accès à ce type d’information commercialement lorsqu’une partie des risques n’est pas portée
sensible. RTE a recensé plusieurs études permet- par les investisseurs : c’est notamment le cas
tant de mettre en perspective le choix d’un taux lorsque les prix de vente de l’électricité sont
uniforme pour l’ensemble des technologies avec garantis par des tarifs d’achat fixés a priori,
une valeur de référence à 4 %, dans une fourchette comme cela a été largement mis en œuvre en
entre 1 % et 7 %. Europe pour assurer le décollage de l’éolien et
du solaire photovoltaïque ;
Plusieurs études retiennent également un taux u le financement par des fonds publics de tout ou
unique pour l’ensemble des technologies, qui partie d’un projet constitue également un levier
se trouve proche des valeurs retenues par RTE. pour réduire le coût du capital dans la mesure
Toutefois, la logique sous-jacente peut être diffé où l’Etat peut généralement bénéficier de condi-
rente : elle peut par exemple relever d’une tions de financement plus favorables que des
approche de type socio-économique7 ou être uti- investisseurs privés.
lisée pour d’autres objectifs tels que l’évaluation
de LCOE8. Bien que peu d’analyses précises soient dispo-
nibles à ce sujet, l’effet des modes de sou-
A l’inverse, certains organismes (AIE, ADEME) tien (notamment via les mécanismes de prix
préfèrent retenir une composante de financement garanti de type « tarifs d’achat » ou « com-
différenciée par technologie et généralement plus pléments de rémunération ») apparaît bien
élevée pour le nucléaire (autour de 7 % à 8 %) que être de premier ordre sur les conditions de
pour les énergies renouvelables matures (entre financement comme le souligne une analyse sur
2,5 % et 4 % pour l’AIE et 5,25 % pour l’ADEME)9. le photovoltaïque présentée dans le World Energy
La différenciation des coûts du capital selon les Outlook 2020 de l’AIE : les variations de coût de
technologies, constatés sur des projets récents, capital entre un modèle régulé ou une exposition
est souvent expliquée par une différence d’appré- au marché peuvent ainsi être de plus de 4 points
ciation du risque par les investisseurs. Toutefois, (entre 2,5 % et 4 % avec les mécanismes de sou-
cette comparaison est rendue délicate par la diver- tien actuels, contre entre 6,5 et 9,5 % en absence
sité des mécanismes de régulation, de soutien ou de soutien).
encore de financement auquel sont éligibles les dif-
férents types de projets. Il est donc aujourd’hui difficile de disposer de
valeurs comparables de coût du capital pour des
La revue de littérature montre que la plupart des technologies différentes (notamment éolien ter-
valeurs relevées dans la littérature se trouvent dans restre, photovoltaïque, éolien en mer posé ou
la fourchette encadrante retenue dans les Futurs flottant, nucléaire, thermique, etc.), à dispositif
énergétiques 2050 (l’incidence de ces valeurs sur de soutien et de financement identique. Vu d’au-
le coût du système électrique est restituée dans les jourd’hui, il est possible que des projets de nou-
parties 11.6.5.6 et 11.6.5.7). veaux réacteurs nucléaires ou de technologies en
7.
How sensitive are optimal fully renewable power systems to technology cost uncertainty?, Shirizadeh et al., 2020
8.
Projected costs of generating electricity, Nuclear Energy Agency, 2020
9.
World Energy Outlook, AIE, 2021 et Trajectoires d’évolution du mix électrique 2020-2060, ADEME, 2018
12%
Coût moyen pondéré du capital (%)
10% 10%
8%
7,5% 7,5%
7% 7%
6,3%
6% 5,9%
5% 5,25% 5,3%
4,5%
4% 4%
référence 3,25% 3,4% Nucléaire
3%
Éolien terrestre
2% Éolien en mer posé
Solaire
1% EnR (solaire et
0% éolien terrestre)
RTE - Nuclear Shirizadeh AIE - WEO ADEME Polzin
Futurs Energy et al. et net-zero Trajectoires et al.
énergétiques Agency (2020) by 2050 d'évolution (2021)**
2050 (2021) (2020) (2021)* du mix électrique
2020-2060 (2018)
Avec un taux unique Avec des taux différenciés par technologie
* Pour l’AIE, les valeurs présentées correspondent aux médianes des fourchettes relevées (exemple : entre 7 % et 8 % pour le nucléaire)
** The effect of differentiating costs of capital by country and technology on the European energy transition, Polzin et al., 2021
développement et à durées de vie longues (éner- européenne. La version finale de l’acte délégué
gies marines) soient financées à un coût plus élevé complémentaire relatif aux objectifs climatique de la
que d’autres technologies désormais considérées taxonomie présenté par la Commission européenne
comme matures et présentant moins de risque le 2 février 2022 inclut le nucléaire au titre des tech-
industriel (éolien terrestre ou photovoltaïque par nologies de transition (sous certaines conditions), ce
exemple). Ceci suggère alors qu’un soutien public qui peut permettre à cette technologie d’accéder à
plus fort sera nécessaire pour atteindre un coût un cadre plus favorable pour le financement des pro-
moyen pondéré du capital du même ordre que jets. Toutefois, les conditions de financement et le
celui des énergies renouvelables matures. coût du capital pour le nouveau nucléaire dépendront
aussi de la possibilité de mettre en place des dispo-
Pour atteindre un coût de financement favorable sitifs de soutien pour dérisquer les projets, voire des
pour le nouveau nucléaire dans les scénarios N, les mécanismes de financement public pour diminuer le
nouveaux réacteurs devront être développés selon coût du capital. À ce jour, les lignes directrices euro-
un régime différent de ceux mis en œuvre pour les péennes concernant les aides d’Etat au climat, à la
projets Flamanville 3 (hors mécanisme de soutien) protection de l’environnement et à l’énergie pour
et même d’Hinkley Point au Royaume-Uni (contrat 2022 n’incluent pas l’énergie nucléaire : ceci implique
pour différence), et pourraient inclure une part de que tout soutien public en faveur du nucléaire fasse
financement public. l’objet d’une demande spécifique (contrairement aux
énergies renouvelables).
Les conditions de financement des différentes tech-
nologies de production d’électricité ont été for- En France, les débats récents autour du finan-
tement débattues dans le cadre de la taxonomie cement du nucléaire confirment dans tous les
542
L’analyse économique . 11
cas l’impossibilité de fonder les projections sur le soutien public aux différentes technologies
de coût à long terme sur le cadre de régula- est amenée à évoluer substantiellement d’ici là. Le
tion passé, qui est en train d’être largement dispositif d’étude proposé par RTE consiste donc à
révisé dans l’optique d’accélérer la décarbo- retenir une hypothèse de taux identiques pour les
nation. Il n’est donc pas pertinent de s’appuyer technologies participant à l’objectif de décarbona-
sur les coûts moyens pondérés du capital consta- tion, et à réaliser des tests de sensibilité avec une
tés aujourd’hui pour différencier sur cette base les hypothèse différente où le coût de financement est
conditions de financement par technologie jusqu’à plus élevé pour le nouveau nucléaire.
l’horizon 2050-2060, alors que la réglementation
Les coûts de production d’électricité d’origine comptables) ou méthode économique (reposant sur
nucléaire ont fait l’objet de nombreuses éva- le principe de l’actualisation et sur le calcul d’une
luations et publications au cours des dernières annuité fixe sur la durée d’amortissement), qui est
années, dans le cadre du débat sur la comparai- celle retenue dans le cadre de la présente étude.
son des différentes filières ou encore dans le cadre
d’analyses sur les coûts du système électrique et Coûts d’investissement de prolongation
sur la fixation des prix et tarifs de l’électricité. Dans en deçà de 60 ans
ce débat, le cas des réacteurs existants doit être Si les coûts d’investissement passés dans les réac-
distingué de celui des futurs réacteurs, les problé- teurs existants10 sont relativement bien documentés11
matiques en jeu étant très différentes. et peu débattus, l’évaluation des investissements à
engager pour la prolongation des réacteurs est plus
Pour le nucléaire historique, l’évaluation et la com- souvent discutée dans le cadre du débat public.
paraison des coûts posent des questions de péri-
mètre et de méthode sur la comptabilisation des En France, la prolongation des réacteurs nucléaires
coûts passés. existants est conditionnée à une autorisation de
l’ASN qui doit être renouvelée tous les dix ans.
Ainsi, la méthodologie appliquée peut différer Celle-ci est délivrée à l’issue des visites décennales
selon qu’il s’agisse d’évaluer le coût complet (VD) menées par l’exploitant sur chaque réacteur et
du nucléaire sur l’ensemble de son cycle de vie qui visent à assurer un niveau de sûreté conforme
ou les seules dépenses à venir pour la prolon- aux exigences les plus récentes. À l’occa sion de
gation de l’exploitation des réacteurs. Dans ces visites décennales, des investissements impor-
le premier cas, l’ensemble des coûts doit être tants sont ainsi engagés par EDF pour prolonger la
intégré au calcul, y compris l’amortissement durée d’exploitation de dix ans.
des investissements passés et leur rémuné-
ration tandis que, dans le second cas, seules Au cours des dernières années, ces investissements
les dépenses liées à la production future sont de prolongation de l’exploitation des réacteurs
comptabilisées (coûts restant à engager). Par nucléaires existants ont été regroupés, avec les
ailleurs, les paramètres du calcul peuvent varier investissements dédiés à l’amélioration des normes
selon la méthode d’annualisation des coûts d’inves- de sûreté suite à l’accident de Fukushima, dans un
tissement utilisée : méthode comptable (reposant vaste programme industriel conduit par EDF et appelé
sur un amortissement de l’actif selon des règles « grand carénage ». Les coûts de ce programme ont
10.
Y compris l’EPR de Flamanville, dont l’essentiel des coûts liés à la construction ont déjà été dépensés et sont donc comptabilisés dans les amortissements
de coûts passés. Les dernières estimations communiquées par EDF ont été ainsi reprises dans le calcul.
11.
Notamment dans les rapports de la Cour des comptes : « Les coûts de la filière électronucléaire » (2012) ou « Le coût de production de l’électricité nucléaire,
actualisation 2014 » (2014), « La maintenance des centrales nucléaires : une politique remise à niveau, des incertitudes à lever – Tome I du rapport public
annuel » (2016)
544
L’analyse économique . 11
fait l’objet de différentes communications par le été consentis, que ces visites comprennent a priori
passé, notamment par la Cour des comptes ou par moins de changements de gros composants et que
EDF, avec néanmoins des périmètres et des périodes la puissance moyenne des réacteurs concernés à
différentes : 49,4 Md€2020 sur la période 2014- cet horizon est plus importante.
2025 pour l’évaluation communiquée par EDF12, et
100 Md€2013 – soit 106 Md€2020 – sur une période plus Les hypothèses retenues dans l’analyse ont été
large (2014-2030) dans l’estimation mentionnée réévaluées sur la base des éléments financiers
par la Cour des comptes en 2016, qui tenait compte communiqués par EDF, en lien avec le travail sur
des dépenses de maintenance mais également des le coût du mix électrique engagé par la Cour des
dépenses d’exploitation. Rapportées au nombre comptes au cours de l’année 2021. Le coût moyen
de visites décennales projetées (ou plus pré- des investissements de prolongation estimé est de
cisément à la puissance totale des réacteurs l’ordre de 650 €/kW sur la période 2020-2035.
concernés par des visites décennales), les réfé-
rences de coûts conduisent dans tous les cas Des hypothèses supplémentaires sont également
à un ordre de grandeur similaire d’investisse- nécessaires pour évaluer au-delà de 2035 les
ments d’environ 600 à 650 k€/MW pour pro- dépenses associées à la poursuite d’exploitation
longer l’exploitation des réacteurs de dix ans. des réacteurs nucléaires existants. Ces coûts sont
réputés être inférieurs à ceux à encourir durant la
Ces coûts sont représentatifs du flux actuel de période 2020-2035, qui comprend des dépenses
visites décennales, correspondant pour l’essentiel très concentrées au cours des prochaines années
à des troisièmes ou quatrièmes visites décennales, pour le changement des gros composants et les
caractérisées par des améliorations concernant améliorations de sûreté requises lors des qua-
la sûreté et/ou le remplacement de composants trièmes visites décennales pour les réacteurs de
importants (générateurs de vapeur…). Les visites 900 MW ou des troisièmes visites décennales pour
décennales qui interviendront à l’horizon 2030- ceux de 1 300 MW. Sur la base des éléments dispo-
2040 pourraient être moins coûteuses en moyenne, nibles, RTE estime les coûts associés à 440 €/kW
puisque les investissements majeurs permettant de sur la période 2035-2050, pour toutes les prolon-
prendre en compte le REX post-Fukushima auront gations ne dépassant pas 60 ans d’exploitation.
Avant 2035
Après 2035
€/kW
12.
Communication d’EDF du 20 octobre 2020, « EDF réajuste le coût du programme Grand Carénage »
13.
La rémunération des CAPEX du nucléaire existant n’est pas comptabilisée dans les coûts de prolongation, en considérant que ces coûts ont été amortis
sur la durée de vie initiale des réacteurs. Ainsi, les coûts de poursuite d’exploitation présentés ne sont pas comparables au niveau de prix qui pourrait être
considéré pour établir le prix d’un accès au nucléaire historique à cet horizon.
14.
Article L597-4 du code de l’environnement, créé par l’ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012 modifiant les livres Ier et V du Code de l’environnement.
15.
Ce qui reste un coût pour la collectivité mais n’est pas couvert par le périmètre considéré pour l’évaluation du coût complet des scénarios, au même titre
que d’autres externalités.
16.
La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit que l’exploitant puisse justifier d’une couverture de
sa responsabilité selon les montants prévus.
546
L’analyse économique . 11
S’agissant de la construction de nouveaux réacteurs Ces évaluations sont régulièrement citées dans
nucléaires dont aucun coût n’a encore été engagé, le débat pour souligner que le coût de nouveaux
l’évaluation économique des scénarios passe par réacteurs nucléaires serait particulièrement élevé
la prise en compte de l’ensemble des composantes au regard des coûts des autres filières. S’il est
sur le cycle de vie des réacteurs considérés : coûts vrai que ces niveaux de coûts sont significative-
de construction, d’exploitation et de maintenance, ment plus élevés que pour les énergies renouve-
provisions pour démantèlement et gestion à long lables (voir ci-après), ces références doivent être
terme du combustible usé et des déchets. considérées avec précaution dans la mesure où
elles correspondent à des têtes de série. Or des
Nouveaux réacteurs de type EPR2 expériences similaires ont pu être observées dans
Les caractéristiques de coûts des nouveaux réac- d’autres filières comme le photovoltaïque ou l’éo-
teurs font l’objet de nombreuses analyses et dis- lien en mer, pour lesquelles les coûts ont nettement
cussions dans le cadre du débat public, s’appuyant baissé ces dernières années malgré des niveaux de
en particulier sur les montants d’investissement ou départ très élevés (premiers parcs éoliens en mer
les références de coûts pour les réacteurs en cours attribués en France autour de 200 €/MWh avant
de construction. renégociation20). S’agissant du nucléaire histo-
rique, pour les paliers P4 et N4, des gains de 25 à
Pour l’EPR de Flamanville, les dernières estimations 30 % avaient été constatés entre les têtes de série
communiquées par EDF prévoient un coût total de industrielles et les réacteurs construits ultérieure-
construction18 de l’ordre de 12,4 Md€201519 (environ ment. À l’étranger, des tendances similaires ont
13 Md€2020), soit 7 900 €2020/kW. Début 2021, EDF été observées sur des programmes de centrales
a par ailleurs revu le coût du projet Hinkley Point C nucléaires par exemple en Corée du Sud ou en
en Grande Bretagne à 25-26 Md€2020, soit 7 800 à Suède21. Ces baisses de coût sont également envi-
8 100 €2020/kW. sagées pour les futurs réacteurs par l’AIE22 (20 à
17.
Les études de l’IRSN considèrent deux types d’accidents nucléaires impliquant la fusion du cœur d’un réacteur : « l’accident dit “grave” comporte des rejets
radioactifs importants, mais différés et partiellement filtrés, alors que l’accident dit “majeur” provoque des rejets massifs non filtrés ». Le coût d’un accident
“majeur” pourrait être bien supérieur à celui d’un accident « grave » et se situer autour de 430 Md€ (source : IRSN).
18.
À ces coûts de construction s’ajoutent des coûts complémentaires de 6,7 Md€2015 correspondant principalement aux intérêts intercalaires permettant de
financer le chantier. Ces intérêts dépendent de la durée de construction et du taux de financement, considéré par ailleurs dans l’analyse économique de RTE.
19.
Le coût de l’EPR de Flamanville a été revu en janvier 2022 à 12,7 Md€2015
20.
https://www.connaissancedesenergies.org/eolien-offshore-les-jeux-sont-faits-120406
21.
Réduction des coûts en capital des centrales nucléaires, OCDE, 2000
22.
World Energy Outlook, AIE, 2021
23.
Les coûts de production du nouveau nucléaire, SFEN, 2018
24.
https://www.world-nuclear-news.org/C-EDF-Energy-expects-20-cost-saving-for-Sizewell-C-18011801.html
25.
Hors coût de financement.
26.
World Energy Outlook, AIE, 2021
Trajectoires d’évolution du mix électrique 2020-2060, ADEME, 2018
Lazard’s levelized cost of enegy analysis, Lazard, 2018
Projected costs of generating electricity, Nuclear Energy Agency, 2020
Energy technology reference indicator projections for 2010 - 2050, JRC, 2014
548
L’analyse économique . 11
Figure 11.5 Évolution du coût d’investissement (dont coût de développement et démantèlement) des EPR2
en fonction de la date de mise en service
9 000
8 000
7 000
6 000
5 000
€/kW
4 000
3 000 Référence
Coûts élevés
2 000 Flamanville
Stress test coût
1 000 du nouveau nucléaire
équivalent à celui
0 de Flamanville
2020 2030 2040 2050 2060
Figure 11.6 Comparaison des coûts d’investissement dans du nouveau nucléaire au sein de différentes études
9 000
Stress test RTE : coût du nouveau nucléaire équivalent à celui de l’EPR de Flamanville
8 000
Coût d'investissement (€/kW)
5 000
Fourchette basse RTE :
4 000 coût des nouvelles paires
France à l’horizon 2050 dans l’hypothèse
3 000 de coûts de référence
2 000
1 000
0
AIE (WEO ADEME Lazard - Nuclear JRC - RTE
et net-zero Trajectoires 2018 Energy 2014
by 2050) - d'évolution du Agency -
2021 mix électrique 2020
2020-2060 -
2018
Pour l’AIE, la fourchette de coûts correspond aux hypothèses entre 2020 et 2050 (Europe) tandis que pour les autres études, les bornes hautes et basses
correspondent à des hypothèses différenciées de CAPEX en 2020. L’étude Lazard concerne les États-Unis, l’étude NEA étudie différents pays dans le monde,
enfin les autres études sont spécifiques à la France.
En revanche, bien que les coûts d’investissements configuration de référence retenue par RTE), du fait
considérés dans les différentes études soient du de différences d’hypothèses sur le coût du capital, et
même ordre de grandeur, les coûts actualisés de pro- dans une moindre mesure sur le facteur de charge ou
duction associés à de nouveaux réacteurs nucléaires encore sur le délai de construction des réacteurs. La
peuvent différer fortement d’une étude à l’autre sensibilité à ces hypothèses est analysée en détails
(et atteindre des niveaux plus élevés que dans la dans la suite de ce chapitre.
27.
Voir section la partie 11.2 pour une discussion sur la prise en compte du taux de rémunération du capital dans l’analyse économique des scénarios.
Des analyses de sensibilité des résultats économiques à cette hypothèse sont présentées dans la partie 11.6.
550
L’analyse économique . 11
Figure 11.7 Coût complet de production du nouveau nucléaire selon l’hypothèse de coût d’investissement, de coût
moyen pondéré du capital ou de facteur de charge
120
100
80
€/MWh
60
40
oût de financement
C
OPEX variables
20 OPEX fixes
Amortissement des coûts
bruts
0 • Total
Médian Élevé 1% 7% 70% 80%
Hypothèse de coût Hypothèse de CMPC Hypothèse de facteur
de construction (coût médian) de charge
et développement (coût médian)
(CMPC à 4%)
dans les études sur le financement d’un éventuel méthodologie présentée au début de ce chapitre
programme NNF, les estimations de coût rap- (et de manière à ne pas biaiser l’analyse avec des
porté à l’énergie produite peuvent différer. En différences de fiscalité entre les filières). Pour la
effet, les estimations réalisées par RTE n’incluent même raison, elles sont fondées sur des coûts de
pas les taxes ni les marges sur la construction et rémunération du capital normatifs.
l’exploitation des réacteurs, conformément à la
Au-delà des projections de coûts d’investissement Pour les réacteurs de deuxième génération en
pour la construction ou la prolongation des réac- exploitation, les coûts bruts de démantèlement
teurs, d’autres composantes de coût sont éga- étaient évalués à 19,6 Md€2013 (soit 360 M€2020 par
lement souvent discutées. Il s’agit en particulier réacteur) par la Cour des comptes dans son rapport
des coûts prévisionnels du démantèlement des sur les coûts de production nucléaire de 201428. Ils
centrales ou de ceux associés à la gestion à long ont été réévalués à 20,8 Md€2018 (370 M€2020 par
terme du combustible usé et des déchets. La prise réacteur) par la Cour des comptes dans son rapport
en compte de ces différentes composantes a fait de 2020 sur l’arrêt et le démantèlement des instal-
l’objet d’une attention particulière dans le cadre de lations nucléaires. La loi française prévoit que
l’étude. ces coûts soient provisionnés par l’opérateur
28.
« Le coût de production de l’électricité nucléaire. Actualisation 2014 », Cour des comptes (mai 2014)
« L’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires. Communication à la commission des Finances du Sénat », Cour des comptes (février 2020)
Au-delà des coûts associés à la construction, à l’ex- travaux de la Cour des comptes sur le coût de la
ploitation et à la fin de vie des réacteurs, le nucléaire production d’électricité en général, et du nucléaire
est caractérisé par une composante de coût spéci- en particulier, soulignent l’importance d’une bonne
fique, correspondant à l’aval du cycle du combus- intégration de ces postes de coûts, tout en resti-
tible. Cette composante porte précisément sur le tuant le degré d’incertitude qui peut caractériser
traitement et le recyclage des combustibles usés ceux qui s’inscrivent dans des perspectives à très
d’une part, et sur la gestion des déchets radioac- long terme.
tifs (y compris le stockage final sur le long terme)
d’autre part. Un soin particulier a été consacré Dans ce contexte et vu le caractère sensible
à intégrer ces composantes de coût à l’analyse des évaluations économiques des Futurs
économique des Futurs énergétiques 2050, en énergétiques 2050, RTE revendique avoir
se fondant sur des données recueillies auprès des adopté une approche prudente pour éva-
opérateurs concernés (EDF, Orano, Andra) mais luer les composantes de coût correspondant
également d’analyses propres à RTE. à l’aval du cycle du combustible nucléaire :
dans le cas où plusieurs hypothèses étaient
Les résultats de la consultation publique témoignent envisageables, RTE a systématiquement
d’un souhait général de porter une attention parti- retenu la plus haute, et a également intégré à
culière à la prise en compte de cette composante de dessein des majorants pour les composantes
coût, dont plusieurs ONG estiment qu’elle présente de coût les plus incertaines. Ces évaluations
le risque d’être sous-estimée dans l’évaluation du constituent donc des majorants en l’état des
coût de l’option nucléaire. Au cours des réunions connaissances à date : elles pourront être
de concertation, certains acteurs se sont interrogés approfondies dans le cadre d’un travail ulté-
sur le niveau de coûts à considérer pour l’aval du rieur sur les conséquences des scénarios « N »
cycle nucléaire, et sur la cohérence avec les mon- pour l’aval du cycle nucléaire dans le cas où
tants d’investissement de plusieurs milliards voire de nouveaux réacteurs seraient décidés, et
plusieurs dizaines de milliards d’euros envisagés elles n’ont pas vocation à se substituer aux
dans les infrastructures de traitement-recyclage du évaluations réalisées par les organismes en
combustible (éventuel renouvellement des usines charge de la gestion du cycle dans le cadre
de retraitement de La Hague, ajout d’une piscine de leur communication financière (pour les
d’entreposage supplémentaire…) et de stockage entreprises) ou des procédures prévues par
des déchets (projet Cigéo…). Enfin, les nombreux le droit (Andra).
29.
La loi prévoit que ces provisions sont placées sur des actifs dédiés ; elles sont calculées en plafonnant le taux de rémunération attendu en fonction d’un
indice reposant sur celui des obligations d’État. Le taux utilisé par EDF fin 2020 est de 2,1%/an hors inflation (rapport financier annuel 2020 EDF, annexe
aux comptes consolidés).
552
L’analyse économique . 11
Les étapes du retraitement Pour mener à bien les différentes étapes de retrai-
Les étapes d’enrichissement de l’uranium naturel tement-recyclage du combustible, plusieurs types
pour la fabrication de combustibles UOX (uranium d’infrastructures sont essentiels :
naturel enrichi) et de traitement de ces combus- u les piscines d’entreposage des combustibles
tibles après leur utilisation dans les réacteurs usés, situées près des réacteurs et sur le site
génèrent différentes substances radioactives : de La Hague ;
uranium appauvri (Uapp), plutonium, uranium de u les usines de retraitement du combustible de la
retraitement (URT), actinides mineurs et produits Hague (UP2-800 et UP3), qui constituent le plus
de fission. Une partie de ces substances (actinides grand site industriel de retraitement des com-
mineurs et produits de fission) ne peut être réutili- bustibles usés dans le monde ;
sée dans les réacteurs en service, ni dans les EPR : u l’usine de fabrication du combustible MOX
celle-ci est donc considérée comme un déchet (Melox) située à Marcoule ;
ultime devant être conditionné de manière stable u l’usine de conversion de l’uranium de retraite-
et stocké (voir section dédiée ci-après). ment (TU5) située au Tricastin ;
u des réacteurs nucléaires aptes à utiliser du
Les autres substances issues du cycle ont un poten- combustible MOX.
tiel énergétique conséquent et sont, en France,
considérées comme des matières valorisables. La Aujourd’hui, 24 réacteurs de 900 MW parmi les
stratégie française vise à maximiser le recyclage 56 réacteurs français sont autorisés à utiliser du
des combustibles usés (stratégie dite de « cycle combustible MOX. La production d’un combustible
fermé ») afin de produire de nouveaux combustibles MOX nécessite le traitement de huit combustibles
utilisables dans les centrales nucléaires, de réduire UOX usés, ce qui permet de réduire leur volume :
en conséquence la consommation de ressources le cycle français repose donc sur des capacités limi-
naturelles (uranium) et d’optimiser la gestion des tées d’entreposage pour ces matières. Cette situa-
déchets. Le recyclage du plutonium et de l’uranium tion implique de maintenir un nombre suffisant
extraits des combustibles usés permet de produire de réacteurs capables d’accueillir du combustible
respectivement les combustibles MOX (mélange MOX afin d’éviter la saturation des entreposages.
d’uranium appauvri et de plutonium) et les combus- Le « moxage » de nouveaux réacteurs nucléaires à
tibles URE (uranium de retraitement enrichi). Ces mesure que les premiers réacteurs moxés seront
combustibles ne sont pas retraités après leur uti- fermés apparaît donc nécessaire. La PPE prévoit
lisation en réacteur (mono-recyclage)30. L’uranium ainsi de mettre en œuvre le moxage des réacteurs
appauvri non utilisé pour la fabrication de combus- de 1 300 MW afin de pérenniser la gestion du cycle.
tibles MOX est, pour sa part, destiné à être réenrichi Le coût du moxage des centrales nucléaires exis-
ou valorisé dans de futures générations de réac- tantes n’a pas été pris en compte dans la présente
teurs. Cette stratégie de retraitement du combus- étude mais, au regard des ordres de grandeur
tible usé se retrouve dans plusieurs pays utilisant disponibles pour des tranches qui ont déjà réa-
l’énergie nucléaire (comme la Suisse ou le Japon), lisé cette opération, celui-ci n’est pas discriminant
tandis que d’autres considèrent les combustibles entre les scénarios.
usés comme des déchets, sans étape de retraite-
ment-recyclage (comme les États-Unis).
30.
Conformément aux orientations de la PPE, des études menées par les industriels de la filière sont en cours en vue du déploiement du multi-recyclage
de l’uranium et du plutonium dans les réacteurs du parc actuel. Grâce à ce multi-recyclage, il serait possible de réutiliser intégralement l’uranium et le
plutonium issus du traitement des combustibles UOx et MOX.
Figure 11.8 Coût complet des charges de traitement-recyclage dans les différents scénarios en 2060
1 400
1 200
1 000
800
M€/an
600
400
200
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03
31.
« Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs 2016-2018 », ASN et ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer (2017)
32.
Article 10 de l’arrêté du 23 février 2017 (…) établissant les prescriptions du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs.
33.
Avis n° 2018-AV-0316 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 18 octobre 2018 relatif à la cohérence du cycle du combustible nucléaire en France.
554
L’analyse économique . 11
d’une poursuite de la stratégie française de recy- se montent à plusieurs centaines de millions d’eu-
clage du combustible34. ros par an dans les différents scénarios. Rapportés
à la production nucléaire, ces montants conduisent
Dans le cadre d’une contribution aux travaux des à des coûts d’environ 3 à 4 €/MWh dans le scéna-
Futurs énergétiques 2050, Orano a communiqué rio N03, environ 4 à 5 €/MWh dans le scénario N2
à RTE les données de coûts d’investissements et et entre 6 et 7 €/MWh dans le scénario N1.
de coûts d’exploitation nécessaires dans les deux
usines de la Hague et de Melox, correspondant aux Ces politiques d’investissement doivent s’inscrire
scénarios avec renouvellement du parc électronu- dans le temps industriel long, avec un lancement
cléaire. Les investissements envisagés dans ces à opérer plus de 15 ans avant échéance, soit dès
usines se chiffrent ainsi à plusieurs milliards d’eu- 2025 en cas de décision de renouvellement du parc
ros. Dans son analyse, RTE considère également nucléaire. Comme le relève l’ASN35 et le prévoit la
une hypothèse d’investissement de 2 Md€ pour la PPE, indépendamment d’une décision éventuelle
densification et la création de nouvelles piscines de de relance, les stratégies de traitement-recyclage
stockage. au-delà de 2040 devront être précisées à court
terme pour permettre à la filière d’anticiper ses
Compte tenu de ces hypothèses, les coûts com- besoins en capacité de traitement-recyclage ou
plets des infrastructures de traitement-recyclage d’entreposage et de stockage de combustible usé.
11.3.1.6 Les coûts de gestion des déchets (entreposage et stockage à long terme) :
de fortes incertitudes sur les coûts de stockage en couche géologique profonde
des déchets radioactifs
Le stockage des déchets nucléaires géologique profonde (Cigéo) pour les stocker de
et les incertitudes associées manière pérenne. D’après la Cour des comptes36,
Les déchets radioactifs regroupent l’ensemble des les charges associées à la gestion à long terme des
matières contenant de la radioactivité et pour les- déchets MA-VL et HA représentent de l’ordre de
quelles il n’existe pas de valorisation ou de recy- 85 % des charges totales de gestion des déchets
clage possible. Ceux-ci sont issus de l’irradiation radioactifs en France.
du combustible nucléaire en réacteur ou encore de
la déconstruction des installations nucléaires. À l’heure actuelle, seule une faible partie des subs-
tances radioactives issues du traitement des com-
En France, les déchets sont classés en différentes bustibles usés est qualifiée de déchet en France
catégories selon leur durée de vie et leur activité : (actinides mineurs et produits de fission, représen-
déchets à vie très courte (VTC), très faible acti- tant 4 % du contenu des combustibles usés après
vité (TFA), faible et moyenne activité – vie courte irradiation en réacteur). Toutefois, les perspectives
(FMA-VC), faible activité – vie longue (FA-VL), d’utilisation de certaines matières aujourd’hui
moyenne activité – vie longue (MA-VL) et haute considérées comme valorisables (combustibles
activité (HA). Les déchets MA-VL et HA, qui sont MOX et URE usés) sont incertaines en l’absence de
essentiellement issus du passage du combustible mise en œuvre industrielle de multi-recyclage du
nucléaire en réacteur, sont ceux pour lesquels la combustible et de réacteur de génération IV (« sur-
gestion à long terme requiert les infrastructures générateur ») et pourraient à terme conduire à une
les plus coûteuses, avec en particulier la construc- requalification de ces matières en déchets. Dans
tion prévue d’un centre de stockage en couche ses comptes, EDF constitue ainsi des provisions
34.
Certains pays ne recyclent pas les combustibles usés et prévoient de les stocker définitivement tels quels. Cette alternative n’est toutefois pas envisagée en
France et n’a pas été considérée dans l’étude.
35.
https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/avis-sur-la-gestion-des-matieres-radioactives-et-l-evaluation-de-leur-caractere-valorisable
36.
« Les coûts de la filière électronucléaire », Cour des comptes (2012)
37.
https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/avis-sur-la-gestion-des-matieres-radioactives-et-l-evaluation-de-leur-caractere-valorisable
38.
Les chiffrages sont généralement exprimés pour le stockage de l’inventaire de référence (déchets ultimes des actinides mineurs extraits du combustible usé
et déchets de démantèlement des réacteurs existants et passés) mais Cigéo doit être conçu afin de lui permettre de s’adapter pour accueillir les substances
figurant dans un inventaire de réserve, comprenant notamment les colis HA et MA-VL correspondant à un allongement de la durée de fonctionnement des
réacteurs au-delà de 50 ans en moyenne.
39.
« L’aval du cycle du combustible nucléaire », Cour des comptes (2019), page 74.
40.
Évaluation haute de l’Andra en 2012 (31,8 Md€2012) hors taxes (-4,1 Md€) et rapporté en €2020.
556
L’analyse économique . 11
MOX et URE usés (dont les perspectives de recy- Ainsi, rapportés à la production des réacteurs de
clage sont incertaines) et des UOX usés dans la seconde génération supposés exploités de manière
perspective d’un arrêt ultime de la production normative jusqu’à 50 ans, ces 41 Md€ conduisent
électronucléaire. Les proportions respectives de à une estimation de l’ordre de 2,1 €/MWh pour
ces éventuels déchets dépendent des scénarios : les coûts liés au stockage en couche géologique
dans les scénarios M, un arrêt de la production profonde. À ceux-ci s’ajoutent les coûts de gestion
nucléaire se traduit par un volume conséquent de des autres types de déchets, qui représentent des
combustible UOX en fin d’exploitation. Dans les coûts bien plus faibles42.
scénarios N, ces combustibles sont recyclés mais
les quantités de MOX et URE usés augmentent. Dans la perspective de construction de nouveaux
réacteurs, de nouvelles capacités de stockage des
Les coûts d’investissement et d’exploitation dans déchets ultimes pourraient s’avérer nécessaires une
le projet Cigéo interviendront en moyenne bien fois celles de Cigéo tel que dimensionné actuelle-
après le passage du combustible en réacteur ment seraient remplies (tant par les déchets ultimes
(notamment pour tous les déchets déjà produits) du parc actuel que par ceux des nouveaux réac-
et rapporter ces coûts à la production électrique teurs). Les coûts associés sont supposés du même
nécessiterait de tenir compte de l’effet de l’actua- ordre que ceux du projet Cigéo actuel : de ce fait,
lisation. Cependant, faute d’hypothèses détaillées l’estimation de 2,1 €/MWh peut être maintenue pour
sur l’échéancier d’investissement, l’effet d’actuali- les réacteurs de troisième génération en conservant
sation des coûts de stockage utilisé pour évaluer le principe de prudence exposé ci-dessus. Le carac-
une provision et les effets sur le compte de résultat tère majorant de cette estimation est conforté par
l’actualisation n’ont pas été pris en compte dans le les conclusions de la Cour des comptes, qui estimait
cadre de ce rapport. Cette méthode de calcul sim- dans son rapport de 2012 qu’un doublement du devis
plifiée conduit à surestimer41 notablement le coût de Cigéo conduirait à une augmentation de 1 % du
de gestion des déchets en €/MWh coût de production de l’électricité (~0,50 €/MWh).
11.3.1.7 Bilan des coûts associés à l’aval du cycle en intégrant les principes de prudence
Au total, le coût du combustible rapporté à la pro- coûts rapportés au mégawattheure produit pour-
duction d’électricité nucléaire se situe autour de raient être plus faibles en cas de relance importante
10 €/MWh en fonction des scénarios. Alors que les du nucléaire, ou plus élevés dans le cas d’un nombre
composantes « amont » et « stockage des déchets » limité de nouveaux réacteurs sur lesquelles répartir
sont proportionnelles au volume de production les coûts fixes. Les parts correspondant à l’amortis-
d’électricité, la composante correspondant au trai- sement des investissements sont par ailleurs sen-
tement et recyclage est constituée en majorité de sibles au taux de financement du capital, comme
coûts indépendants des volumes produits. Ainsi, les pour les autres technologies du système électrique.
41.
À titre d’illustration, la prise en compte d’un taux d’actualisation de 2%/an sur 15 ans réduirait le montant de 2,1 €/MWh à 1,5 €/MWh.
42.
Dans son rapport d’analyse des coûts du cycle aval du combustible, la Cour des Comptes notait toutefois que, même si les coûts liés à la gestion des déchets
hors Cigéo restent faibles, il était nécessaire de trouver une solution à mettre en œuvre, notamment pour l’uranium appauvri de faible activité.
Les coûts des énergies renouvelables électriques et baisses de coût considérables en lien avec les amé-
leurs projections dans le temps sont aujourd’hui très liorations technologiques et les effets d’échelle.
largement documentés dans de nombreux rapports.
Les perspectives d’évolution à long terme sont par Si la poursuite d’une tendance baissière pour les
nature sujettes à discussion, avec des niveaux d’in- coûts des énergies renouvelables est globalement
certitude dépendant fortement des filières. admise, dans le détail les perspectives d’évolutions
futures sont plus ou moins incertaines selon les
Pour le photovoltaïque, l’éolien terrestre et l’éo- filières.
lien en mer posé, l’historique récent a montré des
L’hydraulique recouvre une grande variété d’instal- centrales hydrauliques (hors nouvelles STEP trai-
lations en matière de puissance, de caractéristiques tées de manière spécifique) est en conséquence
de fonctionnement et de capacité de stockage, qui regroupé dans une composante annuelle norma-
dépendent largement des sites équipés. Cette diver- tive. Sur la base des informations communiquées
sité rend difficile l’identification de coûts normatifs, par les exploitants, les hypothèses retenues pour
contrairement aux filières caractérisées par des ins- l’analyse économique sont fixées à 50 €/MWh.
tallations plus largement standardisées (batteries,
centrales thermiques, énergies renouvelables…). Pour les stations de pompage-turbinage (STEP),
qui portent l’essentiel des perspectives de crois-
Une partie des installations existantes devra sance du parc hydraulique dans les scénarios
faire l’objet d’investissements de rénovation considérés, des hypothèses de coûts d’investisse-
au cours des prochaines décennies pour assu- ment autour de 1000 €/kW sont retenues, sur la
rer leur maintien en exploitation. Néanmoins, les base des éléments disponibles dans la littérature
installations concernées et les montants d’investisse- et communiqués par les acteurs.
ment requis restent mal connus et hétérogènes d’une
centrale à l’autre, ce qui ne permet pas de définir des Dans la mesure où les capacités hydrauliques ne
trajectoires précises d’investissements et de coûts. sont pas différenciées entre les scénarios, ces
hypothèses n’ont pas d’impact sur la comparaison
Pour le chiffrage des scénarios, l’ensemble des économique des scénarios de mix.
coûts d’exploitation et d’investissement dans les
558
L’analyse économique . 11
Au cours de la dernière décennie, la filière pho- retenues44, avec un bon niveau de consensus
tovoltaïque a connu des baisses de coûts parti- observé dans le cadre de la concertation et
culièrement marquées : selon l’IRENA, les coûts de la consultation publique. Ces baisses s’en-
des centrales photovoltaïques au sol rapportés à tendent pour les coûts des systèmes installés tout
l’énergie produite ont ainsi diminué de 85 % au compris, soit un périmètre plus large que celui des
niveau mondial entre 2010 et 202043. seuls modules photovoltaïques pour lesquels des
baisses de coûts plus importantes sont attendues.
La poursuite de la baisse des coûts à un rythme rapide
fait l’objet d’un relatif consensus. Elle se justifie par Dans l’étude, les hypothèses de coûts sont diffé-
le déploiement des innovations les plus récentes renciées par type d’installations, afin de refléter la
(réduction de la consommation de polysilicium, aug- grande diversité d’installations en matière de taille,
mentation de la taille des wafers, développement de puissance et de mode de pose, et l’hétérogénéité
de cellules à haut rendement, développement de des coûts qui en résultent. Les hypothèses sont dif-
modules bifaciaux, réduction des pertes, etc.) et férentes pour les parcs au sol, qui constituent les
de nouveaux effets d’échelle liés à l’accélération du installations les moins coûteuses, et les installations
développement de la filière à l’échelle mondiale. sur grande toiture et sur petite toiture, qui sont bien
plus onéreuses du fait des moindres effets d’échelle
Des hypothèses de réduction des CAPEX de et du coût fixe important lié à l’installation des
35 % à 40 % à l’horizon 2050 ont ainsi été panneaux et du système photovoltaïque complet.
Figure 11.9 Évolution des coûts d’investissement en photovoltaïque à l’horizon 2050 (hors raccordement)
2 500
2 000
1 500
€/kW
1 000
500 Photovoltaïque
petite toiture
Photovoltaïque
grande toiture
0 Photovoltaïque au sol
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
11.3.2.3 Les coûts de l’éolien terrestre : une tendance à la baisse, mais avec
de fortes incertitudes sur la taille des éoliennes qui se généralisera à terme
Les perspectives d’évolution à long terme des coûts Plusieurs trajectoires d’évolution des coûts de
de l’éolien terrestre sont plus ouvertes. Si des l’éolien terrestre sont donc retenues dans l’étude,
réductions de coût liées aux effets d’apprentissage avec une trajectoire médiane intégrant une baisse
et aux effets d’échelle sont encore accessibles et d’environ 30 % à l’horizon 2050 par rapport à
se retrouvent dans de nombreuses publications de aujourd’hui45, mais également une trajectoire
référence (voir section 11.3.3), certains estiment à haute fondée sur une absence de diminution des
l’inverse que les futures installations éoliennes sur coûts unitaires et une trajectoire basse de baisse
le territoire français ne seront pas beaucoup moins plus significative.
coûteuses qu’aujourd’hui.
Figure 11.10 Évolution des coûts d’investissement dans l’éolien terrestre à l’horizon 2050 (hors raccordement)
1 400
1 200
1 000
800
€/kW
600
400
200
0
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
45.
Les CAPEX sont ensuite supposés rester constants entre 2050 et 2060.
560
L’analyse économique . 11
Les dernières années ont vu une baisse importante installations de production et dépendent peu du
des coûts unitaires d’installation des parcs d’éo- reste du système. Une autre convention aurait
liennes en mer posées. pu consister à les intégrer dans le volet « produc-
tion » (c’est par exemple la convention retenue par
Les niveaux de prix des premiers appels d’offres l’ADEME dans ses scénarios 2050 publiés en 2018).
attribués en France au début des années 2010
atteignaient de l’ordre de 200 €/MWh (raccordement Pour l’éolien en mer posé, qui représente la quasi-
inclus), diminués par la suite à 130-150 €/MWh (hors totalité des installations d’éolien en mer aujourd’hui
raccordement) après la renégociation engagée par en Europe, les projections de coûts sont orientées
l’État en 201846. Les appels d’offres européens les en nette baisse avec les effets d’échelle liés à l’ac-
plus récents ont vu émerger des références de prix célération du développement en Europe et avec
bien inférieures : autour de 50 €/MWh pour de le déploiement des technologies les plus récentes
nombreux parcs développés dans différents pays (notamment éoliennes de très grande puissance).
de la mer du Nord, et même 44 €/MWh pour le
futur parc éolien de Dunkerque attribué en 2019. En France, le gisement possible pour l’éolien en
mer posé est toutefois limité, la profondeur au
Ces niveaux de prix n’incluent pas le raccorde- large des côtes atlantiques ou méditerranéennes
ment47, souvent porté par les gestionnaires de ne permettant pas d’installer des éoliennes posées
réseau plutôt que par les développeurs de parcs. à des coûts compétitifs. Tous les scénarios consi-
La part du raccordement dans le coût complet de dérés par RTE conduisent donc à développer une
l’éolien en mer est néanmoins significative et est part plus ou moins importante d’éolien en mer
amenée à croître, notamment avec l’éloignement flottant à long terme en France.
progressif des parcs par rapport aux côtes. Dans la
suite du chapitre, les coûts de raccordement Pour la technologie flottante, les références de
de l’éolien en mer sont systématiquement coûts sont moins nombreuses et plus incertaines,
intégrés dans le volet « réseau de transport », dans la mesure où il n’existe à date aucun parc
par souci de cohérence avec les précédentes éva- de taille commerciale dans le monde. La filière
luations fournies dans le cadre du schéma décen- n’a pas atteint le même niveau de maturité que
nal de développement de réseau. Ceux-ci sont l’éolien en mer posé et présente donc des pers-
toutefois directement liés au développement des pectives de coûts plus élevées à moyen terme :
46. « Décision de la Commission européenne en matière d’aides d’état, C(2019) 5498 final » (2019)
47. Sauf les prix des appels d’offre des années 2010 avant renégociation.
3 000 3 000
2 500 2 500
2 000 2 000
€/kW
€/kW
1 500 1 500
1 000 1 000
500 500
0 0
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
les cibles de prix visés par l’État pour les premiers L’absence de déploiement commercial de la tech-
parcs éoliens flottants, dont les appels d’offres nologie a conduit plusieurs participants à la concer-
vont être lancés dans les prochains mois, s’éta- tation à suggérer une approche particulièrement
blissent autour de 110-120 €/MWh (hors raccor- prudente sur l’éolien en mer flottant. À l’instar de
dement). À long terme, le passage à l’échelle et la démarche retenue pour le nouveau nucléaire,
les perspectives de développement de la filière à un stress test est donc également réalisé sur cette
travers le monde orienteront probablement les technologie, en considérant que, tout au long de la
coûts à la baisse, dans la lignée des coûts de l’éo- trajectoire, les parcs sont développés à un coût de
lien en mer posé. Les diminutions de coûts pou- 100 €/MWh, c’est-à-dire un coût légèrement infé-
vant être attendues sont cependant loin de faire rieur à la cible indiquée par l’État pour le premier
consensus, certains estimant que les incertitudes appel d’offre commercial (A0 5, qui concerne le sud
restent fortes et suggérant de retenir des hypo- Bretagne). Ce stress test n’a pas vocation à rempla-
thèses prudentes. cer la variante haute, issue du travail de bibliogra-
phie sur l’évolution tendancielle attendue des coûts.
Les autres énergies marines (hors éolien en mer) quelques gigawatts. Au vu de l’état de maturité
recouvrent différentes technologies en cours des filières considérées et du très faible nombre
d’expérimentation et de développement à travers de projets en service à l’heure actuelle, les projec-
le monde : hydrolien, énergie marémotrice ou tions sur l’évolution des coûts à long terme restent
houlomotrice, etc. très incertaines.
Une partie des scénarios étudiés prévoit que ce Les estimations disponibles à l’heure actuelle
type de technologies se développerait en France indiquent des coûts complets de l’ordre de 200 à
à l’horizon 2050, pour des capacités de l’ordre de 300 €/MWh pour les installations les plus matures,
562
L’analyse économique . 11
notamment sur l’hydrolien48. À moyen-long terme, développement des énergies marines considérées
certains acteurs affirment que les coûts pourraient dans les scénarios. Dans le cas où ces installations
fortement baisser, sous l’effet des améliorations ne parviendraient pas à atteindre ce niveau de
technologiques et du passage à l’échelle indus- coûts, il est à prévoir que le développement des
trielle, et atteindre de l’ordre de 50 à 100 €/MWh. énergies marines demeure faible et soit compensé
par celui d’autres installations plus compétitives
Dans l’analyse économique des scénarios, les (éolien terrestre ou en mer, photovoltaïque). Sur le
hypothèses retenues pour le coût des énergies plan économique, compte tenu du coût très élevé
marines conduisent à des coûts complets de des énergies marines (hors éolien en mer), l’équi-
l’ordre de 140 €/MWh à l’horizon 2050. Si cette libre global des scénarios concernés n’en serait pas
trajectoire d’évolution des coûts peut apparaître fondamentalement modifié.
ambitieuse, elle est cohérente avec l’hypothèse de
11.3.2.6 Les coûts des bioénergies : des données parcellaires mais qui
n’ont qu’un faible impact sur le coût complet des scénarios de mix électrique
Les bioénergies électriques regroupent différents Ce recours limité au biométhane constitue l’option
types d’installations produisant de l’électricité la plus fidèle à la SNBC mais se situe en retrait
à partir de combustibles variés issus de la bio- d’autres scénarios qui utilisent plus largement
masse (bois, déchets, biogaz…). Celles-ci ne font cette ressource pour l’équilibrage du système élec-
pas l’objet d’un développement poussé dans les trique. Dans les Futurs énergétiques 2050, cette
scénarios considérés, conformément à l’orienta- incertitude est traitée sous la forme d’une variante
tion de la SNBC consistant à flécher l’utilisation sur le coût des gaz verts, pouvant reposer sur une
de la biomasse vers d’autres usages que la pro- mobilisation plus forte du biométhane pour la pro-
duction d’électricité (biométhane injecté dans les duction d’électricité ou le recours à des imports.
réseaux de gaz, production directe de chaleur ou
de biocarburants). Par simplification, un coût normatif reflétant celui
des installations de cogénération au biogaz est
Seul un développement limité d’installations de appliqué pour l’ensemble des bioénergies, soit
cogénération au biométhane est intégré dans les 80 €/MWh. Dans la mesure où cette filière des
différents scénarios : celles-ci correspondent à des bioénergies ne se développe que marginalement
installations qui pourraient difficilement injecter le et de manière uniforme entre les scénarios, cette
biométhane produit dans les réseaux de gaz (par hypothèse n’a que peu d’impact sur la comparai-
exemple du fait d’un éloignement trop important) son économique des scénarios.
et seraient contraintes de le valoriser autrement.
Pour consolider les hypothèses de coûts utilisées hypothèses de coûts considérées dans les Futurs
dans les Futurs énergétiques 2050, une comparai- énergétiques 2050 s’entendent hors fiscalité et
son approfondie avec d’autres références issues de hors raccordement alors que ces composantes
la littérature a été menée49,50,51,52. peuvent être intégrées aux références de la littéra-
ture et difficiles à isoler. Ceci explique notamment
Cette revue de littérature conforte la projection que les hypothèses de coûts affichées pour l’éo-
à la baisse des coûts des énergies renouvelables lien en mer, hors raccordement dans le cas de la
retenue dans les Futurs énergétiques 2050. Elle présente étude, apparaissent inférieures à celles
repose sur une hypothèse de poursuite des amélio- observées dans d’autres publications. L’ajout de
rations technologiques et de gains associés au pas- la composante de raccordement rehausserait
sage à l’échelle, qui correspondent à la tendance les coûts d’environ 15 €/MWh pour l’éolien
observée au cours des dernières années, non seu- en mer53.
lement sur les coûts d’investissement et d’exploi-
tation mais aussi sur les rendements et facteurs de La revue de littérature fait en outre apparaître
charge des installations. Dans les différentes publi- des fourchettes parfois plus larges dans certaines
cations recensées, la baisse des coûts rapportés à publications. Ceci s’explique par le fait qu’une
l’énergie produite est ainsi comprise : diversité plus importante de projets est considérée
u entre 15 % et 50 % pour l’éolien terrestre ; dans ces publications, avec des parcs spécifiques
u entre 30 % et 75 % pour l’éolien en mer posé ; qui peuvent être ponctuellement plus ou moins
u entre 35 % et 60 % pour le photovoltaïque. coûteux que la moyenne pour des raisons parti-
culières (localisation, foncier, acceptabilité), là où
S’agissant des niveaux absolus, la comparaison est l’étude de RTE vise à restituer l’évolution des coûts
plus délicate dans la mesure où les périmètres ne moyens des futures installations renouvelables en
sont pas toujours les mêmes : en particulier, les France.
49.
« Renewable power generation costs in 2020 », IRENA (2021)
50.
« Deployment Scenarios for Low Carbon Energy Technologies », JRC (2018)
51.
« Coûts des énergies renouvelables et de récupération en France 2019 », ADEME (2020)
52.
« Net Zero by 2050 », AIE (2021)
53.
Pour un taux de financement du capital de 4 %/an
564
L’analyse économique . 11
Figure 11.12 Comparaison des hypothèses de coûts de production rapportés à l’énergie produite par différentes
filières, à l’horizon 2050
Éolien terrestre
120
100
80
RTE
€/MWh
120 180
160
100
140
80 120
€/MWh
€/MWh
100
60
80
40 60
40
20
20
0 0
2020 2030 2040 2050 2020 2030 2040 2050
Les coûts considérés sont hors fiscalité et hors coûts de raccordement Les coûts considérés sont hors fiscalité et hors coûts de raccordement
pour RTE. Pour les études européennes comparatives, le coût de pour RTE. Pour les études européennes comparatives, le coût de
raccordement est attribué au porteur du projet ou à l’État selon les raccordement est attribué au porteur du projet ou à l’État selon les
politiques nationales. politiques nationales.
90 120
80
100
70
60 80
€/MWh
€/MWh
50
60
40
30 40
20
20
10
0 0
2020 2030 2040 2050 2020 2030 2040 2050
Les coûts considérés sont hors fiscalité et avec coûts de raccordement Les coûts considérés sont hors fiscalité et avec coûts de raccordement
dans les études AIE, ADEME. La moyenne des appels d’offres est dans les études AIE, ADEME. La moyenne des appels d’offres est
calculée sur les appels d’offres 2016-2021. calculée sur les appels d’offres 2016-2021.
La comparaison des seuls coûts de production chapitre, une analyse rigoureuse des coûts com-
(hors raccordement) entre les différentes filières plets des choix de politique énergétique impose
fait apparaître des coûts rapportés à l’énergie pro- de prendre également en compte les coûts de la
duite inférieurs pour les énergies renouvelables en flexibilité54 pour assurer l’équilibre offre-demande
comparaison du nouveau nucléaire. À coût du capi- ainsi que les coûts du réseau (raccordement et
tal identique (4 % dans l’hypothèse de référence), adaptation).
les grandes installations d’énergies renouve-
lables (éolien terrestre et en mer, photovol- De plus, la tendance à la réduction des coûts des
taïque au sol ou sur grandes toitures, dont énergies renouvelables pourrait être contrecarrée
les coûts de production en 2050 sont estimés par le fait que la poursuite de leur développement
entre 25 et 55 €/MWh) ressortent systéma- conduira à exploiter des gisements moins intéres-
tiquement moins coûteuses que le nouveau sants, ou par des tensions sur l’approvisionnement
nucléaire (entre 60 et 75 €/MWh pour les ins- en certains composants nécessaires à leur fabri-
tallations mises en service en 2050). cation (voir partie 5.5 variante « mondialisation
contrariée »).
Comme évoqué précédemment, cette analyse res-
treinte aux seuls coûts de production (comparaison Elle confirme néanmoins la tendance à la compéti-
des « LCOE ») n’est pas appropriée pour conclure tivité de la plupart des énergies renouvelables par
sur la pertinence économique des choix de mix rapport au nucléaire sur le seul poste du coût brut
électrique. Comme évoqué en introduction de ce de production.
Figure 11.13 Coût des principales filières de production rapporté à l’énergie produite pour des installations
mises en service à l’horizon 2050
140
120
100
€/MWh
80
60
40
20
0
Nouveau Éolien Éolien en Éolien en Photovoltaïque Photovoltaïque Photovoltaïque
nucléaire terrestre mer posé mer flottant au sol sur grande sur petite
toiture toiture
Raccordement en mer
Coûts de production (dont coût de raccordement pour l’éolien en mer), variantes sur les hypothèses de coûts d’investissement et d’opération et maintenance, avec
taux d’actualisation fixe à 4% pour toutes les technologies
54.
Capacités de production flexibles décarbonées et/ou de stockage nécessaires pour assurer la sécurité d’approvisionnement (voir chapitre 7).
566
L’analyse économique . 11
11.3.5 Les coûts de la flexibilité : des projections marquées par des incertitudes
importantes, notamment pour les centrales thermiques
Les coûts de la flexibilité du système électrique S’agissant des stations de pompage-turbinage, qui
recouvrent des technologies variées évoquées dans constituent l’une des solutions importantes pour
le chapitre 7. le développement de la flexibilité, les projections
de coûts sont présentées dans la partie 11.3.2.1,
relative aux coûts de l’hydraulique.
Les batteries ont vu leur coût fortement dimi- accréditent l’intérêt de traiter sérieusement la
nuer au cours des dernières années, avec l’essor possibilité d’une augmentation du coût de cer-
des véhicules électriques et le passage à l’échelle tains matériaux critiques dans les scénarios de
industrielle de leur fabrication. À long terme, il neutralité carbone. Le sujet de la tension sur l’ap-
existe un large consensus pour considérer que les provisionnement de ces matériaux est discuté au
coûts des batteries poursuivront leur baisse, même chapitre 12.
si des effets pourraient jouer en sens opposés.
De l’autre, les tendances sur l’amélioration des
D’un côté, la demande accrue de certains maté- procédés de fabrication et le passage à l’échelle
riaux critiques nécessaires à la fabrication des avec la multiplication des gigafactories permettent
batteries, notamment pour accompagner le des économies d’échelle et d’apprentissage qui
développement du véhicule électrique dans le tendent à faire nettement diminuer le coût des
monde, pourrait renchérir le coût des batteries. batteries. À long terme, des innovations ou rup-
De manière générale, les tensions géopolitiques tures technologiques importantes dans le domaine
qui se sont fait jour au cours des dernières années des batteries ne peuvent pas être exclues.
700
600
500
€/kWh utile
400
300
200
100
0
2020 2035 2050 2020 2035 2050
Batteries 1h Batteries 4h
(utilisées pour les réserves) (utilisées pour l'équilibrage)
Selon les niveaux de pilotage attendus, des équi- La flexibilité de la demande, dès lors qu’elle est
pements spécifiques peuvent être nécessaires : par pensée et intégrée directement dans la concep-
exemple un boîtier pour piloter le chauffage lors tion des bâtiments (systèmes de pilotage inté-
des périodes de tension du système électrique, ou grant l’eau chaude sanitaire, le chauffage), les
encore une borne de recharge spécifique pour accé- appareils électroniques (électroménager) ou
der à la fonctionnalité du vehicle-to-grid. les véhicules (pour favoriser la recharge intel-
ligente sans utiliser une borne sophistiquée)
Les coûts associés à ces dispositifs ont été intégrés constitue un facteur de coût minime. L’enjeu
à l’analyse après leur discussion en concertation, associé à son déploiement n’est donc pas économique
en particulier en tenant compte des possibilités de mais sociétal. Il implique une réflexion sur le cadre
mutualisation des dispositifs de pilotage de plusieurs approprié pour en favoriser le développement, qui
usages (chauffage, eau chaude sanitaire, certains pourrait par exemple s’appuyer sur des normes dans
grands appareils électroménagers…). Les coûts de la la construction des nouveaux bâtiments et la mise sur
flexibilité de la demande pèsent ainsi relativement le marché de nouveaux équipements. Ces questions
peu à l’échelle des coûts complets des scénarios. Ils pourront faire l’objet d’un prolongement dans la suite
ne sont par ailleurs pas discriminants entre les scé- des travaux, la mise en place d’un cadre incitatif pour
narios dans la mesure où des hypothèses similaires la flexibilité de la demande au-delà de la seule adapta-
ont été retenus dans la plupart des scénarios56. tion des mécanismes de marché de l’électricité appa-
raissant comme un objet de discussion prioritaire.
À titre d’ordre de grandeur, le coût des infrastructures
informatiques de pilotage de la charge d’un véhicule En revanche, le développement de la flexibilité de
électrique est estimé à 10 €/an. Le coût du convertis- la demande est plus coûteux quand il nécessite le
seur permettant son utilisation en mode vehicle-to- déploiement de systèmes dédiés pour interfacer le
grid est de l’ordre de 20 €/an. Dans la configuration consommateur et le système électrique (boîtiers
médiane de flexibilité de la demande, un parc de pour l’effacement diffus, bornes pour la recharge
1,1 million de véhicules pourrait être utilisé en mode électrique) qui doivent porter sur un grand nombre
vehicle-to-grid, pour une contribution d’environ de particuliers.
55.
Modification durable ou ponctuelle du profil d’appel de puissance pour qu’il s’adapte mieux aux profils de production des énergies renouvelables variables.
Le pilotage peut être de type statique simple, encouragé par exemple par des tarifs heures pleines/heures creuses, ou plus proche du temps réel à l’aide de
dispositifs dédiés (voir partie 7.3).
56.
Seul le scénario M1 présente un niveau de flexibilité de la demande un peu plus important en lien avec le développement marqué de l’autoconsommation.
568
L’analyse économique . 11
Figure 11.15 Hypothèses de coût des moyens de production d’électricité thermique décarbonée
1 200
1 000
800
€/kW
600
400
200
Méthane
0 Hydrogène
57.
Plus précisément, le rendement des piles à combustibles peut être très bon en tenant compte également de la chaleur générée. Les installations de plus
forte puissance (quelques mégawatts aujourd’hui) sont utilisées en général en cogénération, usage ne convenant pas aux besoins de flexibilité de pointe
du système électrique. Des systèmes réversibles électrolyseurs/piles à combustible sont par ailleurs à l’étude, mais encore au stade de prototype et de
puissance limitée.
58.
Pour le coût complet du système installé, dont une part significative concerne les bâtiments et réseaux divers. Cette hypothèse est compatible avec des
baisses plus significatives des piles elles-mêmes. Compte tenu du facteur de charge des électrolyseurs et du coût des autres composantes, cette hypothèse
est de second ordre dans le coût de revient de l’hydrogène.
570
L’analyse économique . 11
Les variantes sur le coût du gaz vert Symétriquement, la variante « gaz verts très chers »
La sensibilité de ce paramètre, susceptible de jouer envisage une limitation forte du recours possible
un rôle important dans l’analyse économique des au biométhane (par exemple en raison d’un par-
scénarios sans nucléaire, plaide pour qu’il soit étu- tage nécessaire de la biomasse ou de la difficulté
dié de manière détaillée via de multiples analyses de conversion du modèle agricole) et à l’hydrogène
de sensibilité. Un grand nombre d’acteurs, notam- directement utilisé comme vecteur énergétique
ment issus de l’industrie du pétrole et du gaz, (par exemple en raison de limitations de capacités
étudient de manière approfondie les différentes de stockage). Cette variante repose sur l’utilisation
options pour décarboner les vecteurs gazeux, et majoritaire de méthane de synthèse, requérant
cela dans une perspective mondiale en analysant des transformations supplémentaires à la seule
les différents schémas d’approvisionnement qui fabrication d’hydrogène, conduisant à un coût de
pourraient reposer sur des imports de différentes revient d’environ 160 €/MWhgaz.
molécules (hydrogène, méthane de synthèse,
ammoniac, e-methanol, etc.). Dans cette perspec- Le coût complet de production d’électricité
tive, le coût des gaz vert pourrait chuter. Comme à base de gaz vert
présenté au chapitre 9, l’économie des gaz verts Les coûts de production d’électricité à partir de
en général n’est pas aujourd’hui stabilisée et il thermique décarboné émergent dans tous les cas
demeure délicat de fonder la prospective de leurs à un niveau élevé et très largement supérieur au
coûts sur des bases consensuelles ; néanmoins il coût complet des énergies renouvelables et du
apparaît important pour l’analyse de tester des cas nucléaire. Ils atteignent un coût variable de
de figure où le gaz vert pourrait être utilisé à un production thermique pouvant être compris
coût inférieur à ce qui ressort de la modélisation. entre 120 €/MWhe dans le meilleur des cas
(cycle combiné fonctionnant avec un gaz
La variante « gaz verts très compétitifs » a été à 70 €/MWhgaz) à 400 €/MWhe dans le pire
construite en supposant un approvisionnement (turbine à combustion utilisant du méthane
en combustible à des coûts réduits à environ de synthèse à 160 €/MWhgaz). En conséquence,
70 €/MWhgaz, qui serait rendu possible par l’uti- le volume de production d’électricité issu de ces
lisation de biométhane (produit en France ou centrales thermiques et les options d’approvision-
importé) ou d’hydrogène importé à des coûts très nement en gaz verts sont des déterminants impor-
favorables. tants dans le coût complet des scénarios (voir
partie 11.6.5.5).
•S
tockage largement •S
tockage largement accessible • Possibilités de stockage
accessible à l’échelle (soit via les interconnexions, très limitées
européenne soit via son développement
en France) • Pas d’import-export
Stockage • Fortes interconnexions
& réseau + routes commerciales • Échanges possibles avec
avec le reste du monde, l’étranger pour mutualiser
pour importer de les capacités de stockage,
l’hydrogène à moindre coût mais pas d’imports massifs
• Centrales thermiques •C
entrales thermiques • Centrales thermiques
utilisant l’hydrogène utilisant principalement alimentées par du méthane
du réseau (produit en l’hydrogène du réseau de synthèse
Production France ou importé)
thermique •V
ariante avec combinaison
de méthane de synthèse
et de biométhane
Europe Europe
Cartographie
schématisée
du réseau
Électrolyseur Stockage H2 Centrale thermique Routes commerciales d’import de gaz décarboné Interconnexions
572
L’analyse économique . 11
Figure 11.18 Caractéristiques techniques de la chaîne de production d’électricité à partir de gaz verts
Hydrogène Méthane
Biométhane
1 Électrolyse Vaporeformage Pyrolyse
(fermentation
de l’eau du méthane de méthane Méthane
Technologie + épuration)
(coproduit : (coproduit : (coproduit : de synthèse
(coproduits :
oxygène) CO2 avec CCS) carbone solide)
CO2 + digestat)
Fabrication
• Stockage • Gisement
du • Stockage Passage difficile à
• Réseau d’électricité
combustible • Réseau Procédé l’échelle industrielle
Difficultés • Gisement bas-c arbone
• Logistique non mature (problèmes
électricité bas- • Approvisionnement
CCS d’acceptabilité)
carbone en CO2
Importations
Par gazoduc, depuis l’Europe étendue Depuis le monde (par gazoduc ou GNL)
possibles
Production
d’électricité
Maturité Expérimentation Industriel
pour
l’équilibrage
Rendement
~40% pour les TAC à ~55-60% pour les CCG ~40% pour les TAC à ~55-60% pour les CCG
(PCI)
Rendement
3 total du cycle 25% (TAC) à 35 % (CCG) 20% (TAC) à 30% (CCG)
Power-to-X-to-power (PCI)
Combustibles
Hydrogène Méthane
fossiles + CCS
CAPEX TAC : 800 €/kWe, CCG : 1 100 €/kWe TAC : 600 €/kWe, CCG : 900 €/kWe 2 000 €/kWe 4 400 €/kWe
170 €/MWhgaz
132 €/MWhH2 130 €/MWhH2
80 €/MWhgaz 3 €/kgH2
Coût 2050 3 €/kgH2 (2/3 EnR 1,8 €/kgH2 + CCS + méthanation
combustible + 1/3 électrolyse) (100 €/tCO2) ? (9 €/MWhCH4) 20 €/MWhgaz 80 €/t
Valeur ADEME
en centrale + stockage H2 + stockage H2
100 % gaz vert
+ CO2 (25 €/MWhCH4)
(25 €/MWh, (25 €/MWh, + stockage CH4
r=95 %) r=95 %) (5 €/MWhCH4,
r=95 %)
Coût
variable de 130 à 200 290 à 410
240 à 350 €/MWhe ? 37 €/MWhe 20 €/MWhe
production €/MWhe €/MWhe
électrique
L’évaluation économique vise enfin à tenir compte des périodes de tension sur l’équilibre offre-
des coûts de la flexibilité située à l’étranger et qui demande en France reflètent la contribu-
bénéficie au système français. Dans la mesure où tion des productions étrangères aux besoins
une partie des moyens de flexibilité est mutualisée d’équilibrage du système français : ils sont
à l’échelle européenne grâce aux interconnexions, donc comptabilisés dans les coûts de la flexibilité.
il est difficile d’attribuer des coûts de la flexibilité Réciproquement, les exports représentent la contri-
à la France plutôt qu’à un autre pays. Certains bution de la France aux besoins des pays étran-
moyens thermiques sont par exemple installés gers : ils sont comptabilisés en tant que recettes,
dans des pays limitrophes pour garantir un niveau identifiées par la suite, et permettent de constater
de sécurité d’approvisionnement suffisant dans que, dans les scénarios simulés, la France n’est
ces pays mais peuvent également contribuer à pas en situation de dépendance « nette » des capa-
la sécurité d’approvisionnement de la France sur cités des pays voisins.
certaines périodes de tension « non simultanées ».
L’attribution des coûts de cette flexibilité entre La méthode retenue permet ainsi de réduire la
pays européens constitue un sujet complexe dans sensibilité de l’analyse à la localisation des capaci-
l’analyse économique. tés utilisées pour l’équilibrage.
Dans les Futurs énergétiques 2050, ces coûts S’agissant des ouvrages d’interconnexions eux-
sont pris en compte au travers de la valori- mêmes, bien que ceux-ci contribuent à la flexi-
sation des échanges d’électricité. À chaque bilité et à l’équilibrage du système, leurs coûts
instant, les volumes d’électricité échangés sont sont comptabilisés dans la catégorie « réseau de
valorisés au coût marginal vu de France. Ainsi, les transport » dans toute la suite de ce chapitre, par
coûts associés aux imports d’électricité lors convention.
11.3.6 Les coûts des réseaux : des hypothèses de coûts fondées sur les références
utilisées par les gestionnaires de réseau pour dimensionner les infrastructures
Les évaluations des coûts de réseau réalisées par Le coût projeté des futures lignes tient compte
RTE et Enedis dans le cadre de cette étude s’ap- également d’une évolution progressive dans les
puient sur les références de coût utilisées par les choix technologiques visant à favoriser l’accepta-
gestionnaires de réseau pour dimensionner leurs bilité et à réduire l’empreinte environnementale.
infrastructures. En particulier, une grande partie des projets futurs
correspond à des lignes souterraines. Le schéma
S’agissant des coûts du réseau de transport, décennal de développement de réseau (SDDR)
ceux-ci s’appuient sur les hypothèses publiées de RTE publié en 2019 articule déjà des principes
dans le cadre des méthodes de calcul des coûts généraux, intégrant la préférence forte pour le
prévisionnels (MCCP) de RTE59. Ils sont évalués sur souterrain dans certaines configurations mais aussi
la base de modélisations économiques reprenant une réalité économique : le surcoût du souterrain
les principes de dimensionnement utilisés pour sur la durée de vie de l’ouvrage est faible pour les
l’évaluation des projets d’adaptation du réseau. niveaux de tension 63 et 90 kV, mais très signifi-
catif pour les niveaux de tension supérieurs. Pour
59. «
Documentation Technique de Référence de RTE, Chapitre 2 – Études et schémas de raccordement, Article 2.6 Méthodes de calcul du coût prévisionnel des
ouvrages à réaliser dans le cadre des Schémas Régionaux de Raccordement au Réseau des Énergies Renouvelables », RTE (décembre 2020), disponible en ligne.
574
L’analyse économique . 11
Figure 11.20 Amplitude des coûts d’investissement des liaisons aériennes et souterraines du réseau de transport
d’électricité
5
M€/km
0
Aérien Souterrain Aérien Souterrain Aérien Souterrain Aérien Souterrain Aérien Souterrain Aérien Souterrain
simple circuit double circuit simple circuit double circuit simple circuit double circuit
63 ou 90 kV 225 kV 400 kV
les réseaux de répartition (principalement 63 kV l’acceptabilité de telles lignes que pour des raisons
et 90 kV), il prévoit un principe «par défaut» de techniques (raccordement de parcs éoliens en mer
construction en souterrain de toutes les nouvelles à grande distance des côtes), le développement de
lignes, sauf impossibilité technique, environne- lignes à courant continu constitue une option envi-
mentale ou économique. La mise en souterrain sageable au-delà de 2030 (voir chapitre 10 sur les
pour les évolutions du réseau de grand transport réseaux). Un surcoût est attendu par rapport aux
est également prévue en complément du renfor- lignes en courant alternatif et pris en compte dans
cement des couloirs existants. Tant pour faciliter l’analyse technico-économique.
Dans ce contexte, certaines parties prenantes s’in- Ainsi, dans un système électrique évoluant
terrogent parfois sur la pertinence économique de vers la neutralité carbone, il existe un espace
prolonger les réacteurs nucléaires de deuxième économique pour la prolongation de tous les
génération. Pour autant, l’analyse montre que réacteurs nucléaires existants, même en cas
même en intégrant de manière rigoureuse la tota- de développement significatif de la produc-
lité des investissements nécessaires à la poursuite tion renouvelable suivant la trajectoire fixée
de l’exploitation du nucléaire existant au-delà de par les pouvoirs publics et en cas d’accélé-
40 ans et au changement des gros composants ration du développement de la production
des centrales, les coûts de production à engager renouvelable des pays voisins.
576
L’analyse économique . 11
Figure 11.21 Comparaison des coûts complets annualisés (OPEX et annuités dues) pour les différentes capacités
en exploitation à l’horizon 2030 dans les six scénarios de mix considérés (moyenne des scénarios)
180
160
140
120
€/MWh
100
80
60
40
20
0
Prolongation Éolien Éolien en mer Éolien en mer Photovoltaïque Photovoltaïque Photovoltaïque
du nucléaire terrestre posé flottant au sol sur grande sur petite
existant toiture toiture
Raccordement en mer
Cette conclusion est d’ordre purement économique notamment l’enjeu de sûreté des réacteurs et l’en-
et n’invalide en rien les autres déterminants à jeu d’un lissage cohérent avec les problématiques
prendre en compte pour décider de la trajectoire rappelées au chapitre 4 sur la gestion de « l’effet
de fermeture du parc de deuxième génération, et falaise ».
578
L’analyse économique . 11
60.
« La valeur de l’action pour le climat. Une valeur tutélaire du carbone pour évaluer les investissements et les politiques publiques », Rapport de la commission
présidée par Alain Quinet. France Stratégie (février 2019)
La déclinaison du nouvel objectif européen sur la minimal sur les nouveaux usages (pilotage de la
réduction des émissions de gaz à effet de serre recharge des véhicules électriques avec des dispo-
à l’horizon 2030 (-55 % sur les émissions nettes sitifs simples tels que le pilotage tarifaire heures
contre -40 % dans l’ancien objectif) va inévita- pleines/heures creuses, flexibilité des électroly-
blement conduire à mobiliser plus fortement l’en- seurs…) et de développer les interconnexions.
semble des leviers de décarbonation du système
énergétique. En conséquence, le socle de moyens de production
bas-
carbone existants (nucléaire, hydraulique et
Dans ce contexte, l’accélération de l’électrifica- renouvelables) et le développement des énergies
tion est amenée à jouer un rôle important pour renouvelables orienté sur des grands parcs consti-
l’atteinte de ces nouveaux objectifs climatiques. tuent des leviers très favorables pour intégrer les
Comme évoqué précédemment, ce mouvement nouveaux usages de l’électricité à un coût maîtrisé.
peut s’appuyer sur un ensemble de moyens de
production d’électricité bas-carbone très compé- L’accélération de l’électrification ne néces-
titifs, dont la production dépasse dès aujourd’hui site ainsi pas de « saut d’investissement »
les 500 TWh annuels et qui devrait croître au dans la production d’électricité et ne conduit
cours des prochaines années avec la poursuite du donc pas à une rupture haussière sur les
développement des énergies renouvelables (mise coûts du système électrique. Dans ces condi-
en service des premiers parcs éoliens en mer, tions, les coûts d’abattement des émissions
construction de nouveaux parcs éoliens terrestres de gaz à effet de serre restent nettement
et photovoltaïques). inférieurs à la valeur tutélaire du carbone
pour l’essentiel des transferts d’usages vers
Sur le plan technique, l’analyse de la variante l’électricité même en cas d’accélération de
« accélération 2030 » montre que le système élec- l’électrification.
trique français disposera de suffisamment de pro-
duction d’énergie bas- carbone à l’horizon 2030 La compétitivité d’une action côté offre sur la pro-
pour alimenter les nouveaux usages et pour inté- duction d’électricité est loin d’invalider l’intérêt
grer un déploiement accéléré. Du point de vue des leviers d’action côté demande : l’atteinte des
des besoins en puissance, les études de sécurité objectifs élevés sur l’efficacité énergétique, l’acti
d’approvisionnement menées par RTE ont mis en vation des gisements identifiés dans le scénario
évidence des marges suffisantes pour le système « sobriété », constituent autant d’actions au béné-
électrique à 2030, à condition d’accélérer le déve- fice climatique évident, et qui soulagent d’autant
loppement des énergies renouvelables comme le les enjeux industriels sur la production d’électricité.
prévoit la PPE, d’assurer un niveau de flexibilité
580
L’analyse économique . 11
11.4.4 Les leviers pour garantir l’atteinte de la trajectoire « accélération 2030 » sont
de prolonger l’exploitation des réacteurs du parc existant et de développer le plus
d’énergies renouvelables matures
Figure 11.22 Volumes de production électrique décarbonée disponibles entre 1990 et 2030
M1, M23,
M0 N1, N2 N03
600
500
400
TWh
300
200
Bioénergies
Photovoltaïque
100
Éolien
Hydraulique
Nucléaire
0
1990 2000 2010 2019
2030
61.
La valorisation de la perte de confort associée à la sobriété est une notion qui peut être largement débattue, sous l’angle économique mais aussi sociologique.
582
L’analyse économique . 11
Les investissements totaux dans le système élec- Deux facteurs expliquent cette hausse. D’une
trique français en vue d’atteindre la neutralité car- part, l’augmentation de la consommation élec-
bone sont estimés dans les Futurs énergétiques trique au détriment de celle des énergies fossiles
2050 à environ 750 à 1000 milliards d’euros sur entraîne mécaniquement le report sur l’électri-
l’ensemble de la période 2020-2060, soit de l’ordre cité d’une partie des fonds jusqu’alors investis
de 20 à 25 milliards d’euros par an en moyenne. Ils dans le pétrole ou le gaz fossile : il s’agit donc
portent sur l’ensemble des composantes du sys- d’un transfert entre énergies. D’autre part, le cycle
tème électrique, en particulier : de réinvestissement dans le système électrique
u sur la production, avec environ 500 milliards implique également d’assurer le remplacement des
d’euros pour prolonger les centrales existantes infrastructures approchant de leur fin de vie théo-
et construire des énergies renouvelables et des rique, même si les nouvelles méthodes de gestion
centrales nucléaires (dans les scénarios « N ») ; des actifs permettent aujourd’hui de remplacer les
u sur les réseaux, avec environ 250 à 350 mil- matériels par rapport à leur degré d’usure réel et
liards d’euros à mobiliser, en particulier pour non uniquement par classe d’âge. Parmi ces actifs,
raccorder l’éolien en mer, adapter les réseaux le cas des réacteurs nucléaires de seconde généra-
de transport et de distribution au nouveau mix tion a été largement abordé dans ce rapport mais
mais aussi renouveler les infrastructures les n’épuise pas la problématique : réinvestissement
plus anciennes. dans les installations hydrauliques, remplacement
des composants du réseau électrique national
À titre de comparaison, les investissements réa- construit immédiatement après la seconde guerre
lisés dans le système électrique au cours des dix mondiale, et même remplacement des éoliennes et
dernières années ont été estimés dans le cadre de panneaux solaires installés dans les années 2000,
cette étude à environ 13 milliards d’euros par an. dont la durée de vie normative est estimée entre
L’effort en matière d’investissement devra donc 20 et 30 ans selon les cas. Il s’agit donc bien d’un
être significativement renforcé par rapport aux cycle complet de réinvestissement dans le système
montants actuels. électrique.
Sur toute la période entre 2020 et 2060, il existe réseaux et les flexibilités plus élevés dans les
un écart de plus de 200 milliards d’euros entre le scénarios M et dans N1. Ces quatre scénarios
scénario nécessitant le plus d’investissement (M1) constituent des scénarios « à haute proportion en
et ceux en nécessitant le moins (N2 et N03). Il énergies renouvelables » selon les termes du rap-
s’agit d’un différentiel de cinq milliards d’euros par port commun entre RTE et l’Agence internationale
an, qui est donc significatif. de l’énergie et sont donc concernés par les pro-
blématiques soulevées dans ce rapport et dont il
Cet écart s’explique, pour le scénario M1, par le coût avait été indiqué qu’elles étaient susceptibles de
plus important du photovoltaïque en toiture par rap- présenter des postes de coût significatifs.
port aux autres scénarios où la capacité installée
est inférieure et qui n’est pas compensé par une La comparaison des montants d’investissement ne
diminution des coûts réseaux. En effet, les inves- suffit pas à discriminer les scénarios de mix sur
tissements dans le réseau de transport sont un peu leur performance économique. Il convient en effet
plus faibles, mais ceux dans le réseau de distribu- d’amortir les investissements sur les durées de vie
tion sont plus élevés, selon les estimations d’Ene- des différents actifs et de prendre en compte l’en-
dis, dans M1 par rapport aux scénarios M0 ou M23. semble des coûts du système, y compris les coûts
d’exploitation et les coûts variables (OPEX) qui
De manière plus générale, l’écart entre les scé- peuvent différer nettement selon les filières.
narios s’explique par les investissements sur les
Figure 11.23 Dépenses d’investissement dans le système électrique cumulées sur la période 2020-2060
1 200
1 000
800
Md€
600
400
istribution
D
Transport
200 Flexibilité
Énergies renouvelables
Nucléaire
0 • Total
M0 M1 M23 N1 N2 N03
584
L’analyse économique . 11
Les chiffres présentés au paragraphe précédent transition énergétique, qui s’avèrent également
peuvent sembler importants. Néanmoins, ils importantes. À titre d’exemple, RTE avait estimé dans
doivent être interprétés dans un contexte large. ses précédentes études un montant d’investissement
nécessaire de l’ordre de 30 milliards d’euros par an
Au travers des mécanismes de soutien et des dis- dans les bâtiments en vue de décarboner les besoins
positifs de régulation, l’État définit dans une large de chaleur (rénovations, remplacement d’équipe-
mesure le montant de ces investissements et en ments) et de l’ordre de 6 milliards d’euros par an
assure le financement partiel au-delà de la rému- pour assurer le développement des infrastructures
nération perçue sur les marchés. Cependant, ces nécessaires aux recharges des véhicules électriques.
investissements seront en majorité portés par des Des investissements importants dans d’autres sec-
acteurs privés et par les gestionnaires de réseau : teurs (biométhane, agriculture, réseaux de chaleur,
dans ce cas, ils ne constitueront donc pas directe- efficacité énergétique dans l’industrie…) seront aussi
ment des investissements publics. Dans un certain nécessaires pour atteindre la neutralité carbone.
nombre de cas, l’investissement public pourrait
s’avérer nécessaire (nouveau nucléaire, sociétés Plus généralement, les investissements dans le
d’économie mixte investissant dans des projets système électrique occupent aujourd’hui une faible
d’énergies renouvelables) : l’étude ne distingue part de l’investissement total (public et privé) en
pas les investissements selon qu’ils sont portés par France, qui s’élève à plus de 500 milliards d
’euros
l’État, les collectivités ou les acteurs privés. par an62. Les dépenses d’investissement pour
le système électrique (production, flexibilité et
D’autre part, les montants d’investissement envi- réseau) pourraient représenter finalement envi-
sagés (20 à 25 milliards d’euros par an) doivent ron 3 à 4 % de l’investissement total en France sur
être mis en perspective d’autres dépenses pour la toute la période considérée.
Figure 11.24 Rythmes d’investissement dans le système électrique et dans les usages aval
Investissement annuel (Md€/an)
700
600
Projections
500
400
300
200
100
0
Investissement Investissement Investissement Investissement Investissement
total en France historique dans projeté dans projeté dans projeté pour
(2019) le système électrique le système électrique la rénovation l'installation
(production, (production, des bâtiments, d'infrastructures
flexibilité, réseau), flexibilité,réseau), 2020-2035 de recharge pour
2010-2020 moyenne des les véhicules
scénarios 2020-2060 électriques
62.
Formation brute de capital fixe de l’ensemble des secteurs institutionnels à prix courants : 517 Md€ en 2017, 541 Md€ en 2018, 573 Md€ en 2019 (source :
INSEE, comptes nationaux).
Pour comparer les coûts totaux des scénarios, il est combustibles nécessaires à l’approvisionnement
nécessaire d’évaluer le coût complet annualisé du des centrales. Cette analyse a été menée sur l’en-
système électrique, intégrant l’amortissement des semble de la période 2020-2060 pour les scénarios
montants d’investissement (CAPEX) et les coûts de mix étudiés et sur trois trajectoires de consom-
de financement associés mais également les coûts mation : trajectoire de référence, scénario sobriété
d’exploitation, de maintenance et les coûts des et de réindustrialisation profonde.
L’électricité représente 25 % des besoins énergé- en évidence une augmentation du coût complet
tiques de la France aujourd’hui. À l’avenir, cette annualisé du système électrique au périmètre pro-
part progressera et devrait dépasser les 50 %, duction-flexibilité-réseau sur les prochaines décen-
voire plus en intégrant la production d’électricité nies et dans tous les scénarios. À l’horizon 2060,
nécessaire à la décarbonation des vecteurs gazeux le coût complet du système électrique atteindrait
et liquide. En volume brut, le coût du système est ainsi de l’ordre de 60 à 80 Md€/an selon les scéna-
donc amené à croître dans des proportions signifi- rios, soit une hausse de l’ordre de 15 à 40 Md€/an
catives, mais son financement s’appuiera sur une par rapport à aujourd’hui.
assiette élargie.
Cette augmentation doit être mise en regard de
Cette analyse est confirmée par l’analyse éco- l’augmentation de la part de l’électricité dans
nomique des Futurs énergétiques 2050, qui met le mix énergétique et de la baisse attendue des
Figure 11.25 Évolution du coût complet du système électrique, avec les hypothèses de coût de référence
(l’aire représente l’ensemble des scénarios de mix considérés)
90
80
70
60
+20 à +40
Md€/an
50
Md€/an
40
30
20
10
0
2020/2021 2030 2040 2050 2060
586
L’analyse économique . 11
11.5.2.2 Cette hausse est compensée par l’arrêt des importations de combustibles
fossiles, avec un effet positif sur le solde commercial
Si les coûts du système électrique augmentent du gaz et du pétrole), illustrant la forte dépen-
dans tous les scénarios considérés, cette évolution dance énergétique de la France aux sources d’ap-
doit être mise en regard des bénéfices à la sortie provisionnement à l’échelle mondiale.
des énergies fossiles, à la fois pour la décarbona-
tion de l’économie mais également pour réduire le Le solde des échanges de produits énergétiques
déficit commercial de la France. pèse par ailleurs très largement sur le solde com-
mercial de la France, aujourd’hui déficitaire de près
À l’heure actuelle, le solde d’importations de de 30 Md€ par an. L’augmentation de la facture
pétrole (brut et produits raffinés) de la France des importations de produits énergétiques consti-
représente entre 20 et 55 milliards d’euros par an tue l’une des principales raisons, avec la désindus-
tandis que le solde d’importations de gaz naturel trialisation, de l’inversion du solde commercial de
se situe autour de 10 à 20 milliards d’euros par la France en négatif et de l’aggravation du déficit
an depuis plusieurs années. Ces valeurs sont très au cours des 15 dernières années.
variables d’une année sur l’autre en fonction des
cours des combustibles sur les marchés de com- La transition vers la neutralité carbone prévue
modités et des volumes importés (elles pourraient par la SNBC conduit à réduire au minimum les
ainsi atteindre des valeurs à nouveau très élevées importations de combustibles énergétiques
en 2021 et 2022 dans un contexte de reprise de depuis l’étranger, contribuant ainsi à la
l’activité économique et de forte hausse des prix réduction du déficit commercial de la France.
90
80
70
60 30- 75 Md€ :
facture énergétique
Md€2020/an
30
roduits raffinés
P
20 Pétrole brut
Gaz
10
Charbon
Bois-énergie et biocarburants
0
Électricité
-10 Solde
1970 1980 1990 2000 2010 2020
60 Services
Agriculture, sylviculture et pêche
40 Industrie manufacturière
hors cokéfaction et raffinage
Cokéfaction et raffinage
20 Industries extractives, énergie,
eau, gestion des déchets*
Solde
0
Md€/an
-20
Poids des importations
de produits énergétiques
-40 sur le solde commercial
-60
-80
-100
1970 1980 1990 2000 2010 2020
*Le solde négatif de cette branche est dû essentiellement aux produits énergétiques
Elle permet de favoriser l’approvisionnement par énergétique (30 à 40 Md€). Notamment, à l’hori
des sources d’énergies locales comme l’électricité zon 2050, l’électrification permettrait d’économi-
bas-carbone. L’augmentation des coûts du sys- ser de l’ordre de 10 à 15 Md€/an d’importations
tème électrique évoquée précédemment (+20 à de combustibles fossiles, l’efficacité énergétique
40 Md€ environ en coûts annualisés) doit donc autant, et le recours à des combustibles décarbo-
être mise en regard de la réduction des imports nés, si produits en France, encore 8 à 10 Md€.
de combustibles fossiles permise par la transition
63.
Les coûts du système électrique sont ici rapportés à l’électricité consommée et non à l’électricité produite. En effet, une partie de la production d’électricité
prévue dans les scénarios est utilisée pour la boucle power-to-hydrogen-to-power et non à la consommation finale. Afin de comparer les coûts des scénarios
par rapport au « MWh utile », les coûts sont rapportés à l’électricité consommée.
588
L’analyse économique . 11
légèrement plus onéreuses que celles qui sont déjà Enfin, il existe une large zone d’incertitude. La borne
amorties. De plus, les scénarios prévoyant à terme basse de la fourchette (stabilité du coût complet du
une forte part en énergies renouvelables s’accom- système rapporté au mégawattheure consommé)
pagnent de coûts de développement de flexibilité peut être atteinte uniquement dans une configura-
et de réseau significatifs sur la période 2040-2060. tion très favorable et uniquement dans les scénarios
avec construction de nouveaux réacteurs nucléaires
Cette hausse est néanmoins maîtrisée du fait de la dans le cas où un grand nombre de conditions sont
compétitivité, acquise à court terme, par les éner- atteintes de manière simultanée : une forte diminu-
gies renouvelables matures comme l’éolien et le tion du coût unitaire des énergies renouvelables, le
solaire, qui est supposée s’accroître encore à l’ave- strict respect des coûts cibles issus des audits pour
nir. Même si elles représentent un poste de coût les nouveaux réacteurs (permettant d’atteindre
important, les flexibilités ne sont pas non plus de un coût pour le nouveau nucléaire de l’ordre de
nature à entraîner une très forte augmentation des 65 €/MWh), de bonnes conditions de financement ne
coûts à long terme : le coût des batteries devrait conduisant pas à excéder un coût moyen du capital
être fortement orienté à la baisse, celui de la flexi- de 4 %, une forte interconnexion européenne per-
bilité de la demande est très faible, les STEP sont mettant de mutualiser les besoins de flexibilité et de
des moyens compétitifs s’ils peuvent être déployés, les restreindre à la portion congrue.
et seul le « système hydrogène » (construction de
nouveaux moyens thermiques, production du gaz Une part importante des coûts de transition
vert et logistique associée à son stockage) consti- énergétique se situe à l’aval du système élec-
tue un poste de coût significatif même dans une trique, dans la transformation des usages :
trajectoire de réduction forte du coût des élec- rénovation des bâtiments et investissements
trolyseurs. Quant aux investissements dans les dans de nouvelles solutions de chauffage,
réseaux, ils sont importants mais peuvent s’amor- investissements dans les mobilités douces et
tir sur des durées longues, et ils conduisent donc le véhicule électrique, etc. Ces investissements
à des évolutions du coût complet des scénarios qui permettent en revanche des économies à l’utilisa-
n’invalident pas la perspective d’une augmentation tion (réduction des coûts d’approvisionnement en
modérée. énergie).
Figure 11.28 Évolution du coût complet du système électrique rapporté au volume d’électricité consommé, avec
les hypothèses de coût de référence (l’aire représente l’ensemble des scénarios de mix considérés)
140
120
+ 15%
100 (médiane)
€/MWhconsommé
80
60
40
20
0
2020/2021 2030 2040 2050 2060
Les conséquences d’une sortie des énergies fossiles Les dépenses énergétiques varient fortement selon
sont très importantes à de multiples niveaux et les foyers et les entreprises. La comparaison entre
probablement encore sous-évaluées. Elles entraî- un système fondé sur les énergies fossiles et un
neront, pour les ménages, une modification de la système reposant plus largement sur l’électricité
structure des dépenses énergétiques, puisqu’une dépend davantage du prix des hydrocarbures sur
partie des dépenses contraintes sont aujourd’hui les marchés, dont les variations au cours du temps
directement dépendantes du prix des énergies fos- sont amples, que du coût du système électrique.
siles (carburants pour la mobilité, fioul ou gaz fos- Par rapport aux périodes où les énergies fossiles
sile pour le chauffage). sont abondantes et bon marché, une bascule vers
l’électricité bas-carbone conduira à augmenter les
Des analyses préliminaires, appelées à être coûts. En revanche, par rapport aux situations de
consolidées dans la phase ultérieure, ont été tension sur les prix du pétrole, qui se sont multi-
réalisées dans le cadre des Futurs énergétiques pliées depuis une quinzaine d’années, la bascule
2050. Elles montrent que la transition énergé- vers un système électrique bas- carbone est sus-
tique ne conduit pas à un surcoût important ceptible de générer des économies potentiellement
par rapport à un système fossile et offre dans importantes pour certains types de foyers, même
certains cas des opportunités de stabilisation en intégrant le coût des scénarios des Futurs éner-
voire de réduction des dépenses énergétiques gétiques 2050.
contraintes.
590
L’analyse économique . 11
120
100
80
Md€/an
60
592
L’analyse économique . 11
L’évaluation économique des scénarios Dans l’ensemble, les écarts entre scénarios restent
montre que les coûts des seuls moyens de mesurés (10-15 % entre les six scénarios de mix)
production sont les plus faibles dans le scé- au périmètre des coûts de production.
nario M23 construit autour du développement
des grands parcs renouvelables. La modération de cet écart s’explique également
par la logique de construction des scénarios, qui ne
Ce résultat découle directement des hypothèses consiste pas en une pure optimisation économique
d’évolution des coûts présentées dans les sec- du mix de production. Ainsi, tous les scénarios
tions précédentes et qui mettaient en évidence les intègrent un développement du photovoltaïque
coûts plus élevés du nouveau nucléaire en com- sur toiture bien que cette filière ne soit pas la plus
paraison de ceux des énergies renouvelables les économique parmi les énergies renouvelables. Un
plus matures et les plus économiques (éolien ter- scénario fondé sur une pure optimisation écono-
restre, photovoltaïque au sol, éolien en mer posé). mique possède des attraits théoriques, mais ne
Le coût annualisé moyen de la production dans semble pas le plus réaliste pour l’évaluation de
N1, N2 et N03 est en conséquence plus élevé que choix publics qui ne sont pas fondés uniquement
dans M23 dans la trajectoire de référence, même sur le principe de minimisation du coût (il appa-
si l’écart reste limité. De même, les coûts de pro- raît peu probable que le développement du solaire
duction des scénarios M0 et M1 sont également sur toiture soit totalement absent d’un scénario
légèrement plus élevés du fait de la mobilisation sous prétexte qu’il serait économiquement moins
d’installations de plus petite taille comme le photo- intéressant).
voltaïque sur toiture. Cette comparaison ne prend
pas en compte le raccordement des nouvelles uni- La logique alternative visant à construire des scé-
tés de production, qui est inclus dans le périmètre narios qui seraient totalement optimisés sur le plan
des coûts de réseau, mais le raccordement peut économique a fait l’objet d’une analyse complé-
représenter un poste de coût important sur le mentaire restituée en section 11.7.
long terme, notamment pour l’éolien en mer.
40
35
30
Md€/an
25
20
15
Autres
10 Hydraulique
Photovoltaïque
5
Éolien
0 Nucléaire
M0 M1 M23 N1 N2 N03
Les analyses présentées au chapitre 7 ont montré choses étant égales par ailleurs à un coût encore
l’importance des volumes de flexibilités à dévelop- plus élevé pour le volet « flexibilités ».
per pour assurer la sécurité d’approvisionnement
électrique même dans un système très fortement Les différences entre scénarios sur les coûts de
interconnecté. Ces coûts sont significativement la flexibilité sont principalement déterminées par
plus importants dans les scénarios à forte part en les coûts de la production thermique décarbonée
énergies renouvelables. (en France et à l’étranger), et dans une moindre
mesure, par ceux des batteries.
Les imports d’électricité, qui permettent de
tirer parti du foisonnement64 et de la mutuali- En effet, même si la production thermique décarbo-
sation de la flexibilité à l’échelle européenne née représente des volumes globalement faibles à
et qui sont mobilisés de manière significative l’échelle du mix (0 à 15 TWhe en moyenne annuelle
dans tous les scénarios, représentent une selon les scénarios), les coûts de la production
part importante des coûts de flexibilité des délivrée atteignent des niveaux très importants,
scénarios. Dans des scénarios où l’interconnexion de l’ordre de 250 à 270 € par MWhe de produc-
électrique serait moins développée, ces imports tion électrique finale65. Ces coûts intègrent les
seraient moindres mais les quantités d’électricité à quotes-parts des énergies renouvelables corres-
produire en France à base de thermique décarboné pondant à l’énergie requise par l’électrolyse et les
seraient plus importantes, ce qui conduirait toutes coûts de réseaux correspondants (qui ne sont donc
Figure 11.31 Coût complet annualisé des moyens nécessaires à l’équilibrage du système, à l’horizon 2060
16
14
12
Md€/an
10
64.
Dans cette acception, il s’agit de la réduction des fluctuations de la production agrégée des énergies renouvelables grâce à leur dispersion géographique sur
des territoires susceptibles de présenter des conditions météorologiques différentes.
65.
Voir partie 11.6.5.5 pour une discussion de la sensibilité des résultats aux coûts des gaz verts.
594
L’analyse économique . 11
pas comptabilisés dans le poste « production » ou Des conditions d’acceptabilité plus favorables
le poste « réseau » de l’évaluation économique), sur la flexibilité des usages, via par exemple
auxquels s’ajoutent les coûts des électrolyseurs, la mise en œuvre généralisée de disposi-
ceux des installations de stockage ainsi que ceux tifs de pilotage de la recharge des véhicules
des réseaux d’hydrogène nécessaires. À ceux-ci électriques ou d’autres usages domestiques,
s’ajoutent également les coûts des centrales de seraient donc de nature à réduire nette-
production à hydrogène, de l’ordre de 100 €/kW/an ment les coûts des scénarios présentant des
pour les cycles combinés au gaz et 70 €/kW/an besoins de flexibilité importants.
pour les turbines à combustion66. L’ensemble de
ces coûts pèse de manière significative dans De la même manière, les coûts annualisés des
l’équation économique des scénarios, jusqu’à STEP sont relativement peu élevés au regard des
plusieurs milliards d’euros par an. autres flexibilités, alors même que ces installations
de pompage-turbinage contribuent largement à
Les coûts de la flexibilité de la demande restent l’optimisation de l’équilibre offre-demande dans les
quant à eux très faibles en comparaison du ther- différents scénarios. Ceci tend à montrer l’intérêt
mique et des batteries. Même si cette flexibilité économique des STEP dans les scénarios de long
est contrainte par les usages de l’électricité et ne terme marqués par une part croissante d’énergies
fournit pas exactement le même service que les renouvelables. Le développement de ces installa-
moyens susmentionnés, l’analyse tend à montrer tions, dès lors qu’il est compatible avec le respect
la pertinence économique des leviers de flexi- des milieux naturels et des contraintes environne-
bilité de la demande pour le système électrique. mentales, doit donc être encouragé.
66.
Pour les conditions de référence, en particulier un taux de financement du capital de 4 %/an.
Les éléments présentés au chapitre 10 sur les en mer, qui devient une des principales
besoins d’adaptation des réseaux ont mis en évi- composantes des coûts de réseau. Les diffé-
dence des besoins significativement différents sur rences entre les scénarios en matière de capacités
le réseau de transport et de distribution dans les éoliennes marines installées jouent ainsi directe-
scénarios à forte part en énergies renouvelables. ment sur cette composante de coût de réseau.
Cette conclusion était présentée de manière quali- Le raccordement des productions photovoltaïque
tative dans le rapport RTE-AIE de janvier 2021, et et éolienne terrestre, l’adaptation du réseau de
fait désormais l’objet d’un chiffrage précis dans le répartition et du réseau de distribution participent
cadre de ce rapport. également de cet écart.
Concernant le réseau de transport, l’écart de En coûts annualisés, les écarts peuvent ainsi
coût entre les scénarios résulte essentiel- atteindre plusieurs milliards d’euros par an.
lement du raccordement des parcs éoliens
Figure 11.32 Coût complet annualisé des réseaux de transport et distribution, à l’horizon 2060
30
25
20
Md€/an
15
istribution
D
Transport - autre
10
Transport - interconnexions
Transport - raccordement
5 éolien en mer
Transport - adaptation
Transport - réseau existant
0 et renouvellement
M0 M1 M23 N1 N2 N03
596
L’analyse économique . 11
En prenant en compte l’intégralité des coûts de par rapport au nouveau nucléaire, en particulier
flexibilité et de réseau, certains scénarios appa- au-delà de 2030.
raissent relativement proches, notamment le
scénario « 100 % renouvelable » reposant sur de L’écart de coût entre le scénario M23 et le scé-
grands parcs (scénario type M23) et les scénarios nario N2 représente 10 Md€ par an à l’hori-
avec nouveau nucléaire. zon 2060, dans la configuration de référence.
L’amplitude de l’écart est néanmoins largement
Le scénario M23 apparaît ainsi, dans la configura- dépendante des hypothèses de coûts. Afin de
tion de référence, de l’ordre de 5 % à 15 % plus vérifier la sensibilité de ces résultats, de très
coûteux que les différents scénarios comprenant nombreuses variantes ont été réalisées et sont
la construction de nouveaux réacteurs nucléaires restituées dans la suite.
à l’horizon 2050. À cette échéance, il comporte
toutefois encore 11 réacteurs nucléaires histo- De manière générale, l’absence d’écart « du
riques qui permettent de réduire les besoins de simple au double » entre les coûts projetés
flexibilité. À l’horizon 2060, il devient 8 % à 20 % pour les scénarios renforce la pertinence
plus coûteux que les scénarios avec nouveau d’une appréciation des scénarios fondée sur
nucléaire. Les besoins accrus de flexibilité et de plusieurs indicateurs qui ne soient pas exclu-
réseau dans les scénarios à forte part en énergies sivement de caractère économique, mais
renouvelables compensent en effet les moindres prennent également en compte les enjeux
coûts de production des énergies renouvelables industriels, environnementaux et sociétaux.
120
100
80
60
d’actualisation
Autres variantes avec
40 le taux d’actualisation
de référence
20 istribution
D
Transport
Flexibilité
0 Énergies renouvelables
Nucléaire
Exports
-20 • Total
M0 M1 M23 N1 N2 N03
L’écart entre les scénarios avec nouveau sur le déploiement du solaire dans les bâtiments
nucléaire et les scénarios M0 ou M1 (20 % à neufs ainsi que certains leviers de maîtrise des
30 % plus coûteux en 2060) apparaît plus signi- coûts du développement de panneaux photo
ficatif que celui entre les scénarios avec nouveau voltaïques sur toitures.
nucléaire et M23.
D’une part, la réglementation pourrait conduire
Dans le scénario M0, le choix de sortir du à généraliser l’installation de panneaux photo-
nucléaire de manière accélérée d’ici 2050 voltaïques sur certaines toitures des bâtiments
conduit à devoir développer des énergies neufs : par exemple, pour les grandes toitures, il
renouvelables selon un rythme très élevé au sera obligatoire d’installer des dispositifs de pro-
cours des trente prochaines années, ce qui ne duction d’énergie renouvelable ou de végétaliser
permet pas de capter l’ensemble des baisses une partie de la surface de toiture à partir de 2023.
de coût prévisionnelles sur la période. Ce scé- Dans ce contexte, l’installation de panneaux sur
nario passe de plus par un essor très important du toitures de bâtiments neufs pourrait constituer
photovoltaïque – a priori plus propice à l’accéléra- un socle commun à l’ensemble des scénarios et
tion que l’éolien terrestre et en mer – qui conduit ne créerait pas de différences significatives sur
à des besoins importants de réseau (raccordement l’analyse comparative des scénarios. Cette pers-
et adaptation sur les réseaux de distribution et les pective est déjà en partie intégrée puisque tous
réseaux de répartition) et de flexibilité pour assu- les scénarios contiennent une part d’installations
rer l’équilibre offre-
demande (batteries, produc- sur toitures dans leur configuration de référence,
tion thermique et importations). même dans les scénarios de relance significative
du nucléaire ou dans les scénarios ciblant principa-
Dans le scénario M1, le développement important lement les grands parcs d’énergies renouvelables.
de la production diffuse, notamment via des petites
installations photovoltaïques en autoconsommation D’autre part, le coût d’installation du photovol-
(sur toitures résidentielles ou tertiaires), renchérit taïque sur toiture pourrait être réduit sous l’hypo-
les coûts de production du scénario. Ces installa- thèse que l’ensemble des panneaux installés dans
tions bénéficient de moindres effets d’échelle que le secteur résidentiel soient directement posés par
les grands parcs du scénario M23 et que le pho- les propriétaires des logements (développement
tovoltaïque sur grandes toitures (ce dernier étant du « do it yourself »). Des kits de panneaux prêts à
environ deux fois moins coûteux que le photovol- poser existent dès aujourd’hui pour un coût com-
taïque sur petites toitures, principalement du fait pris entre 1 000 et 1 500 €/kW (sans compter la
des coûts de pose plus faible). valeur du temps passé par le consommateur final
à poser ses panneaux), soit un coût proche des
Même si la répartition diffuse des installa- installations photovoltaïques sur grandes toitures.
tions tend à favoriser le rapprochement des Ce coût pourrait par ailleurs encore diminuer en
centres de consommation et de production suivant les perspectives de baisse du coût des
et donc à réduire les besoins d’infrastruc- modules photovoltaïques.
ture de réseaux interrégionaux, les gains sur
le réseau de transport ne compensent que Ainsi, dans l’hypothèse extrême où l’ensemble des
très partiellement les surcoûts associés aux panneaux photovoltaïques sur toitures serait ins-
petites installations photovoltaïques et aux tallé par les particuliers eux-mêmes (hypothèse
besoins de flexibilité qui en découlent. très optimiste dans la mesure où ce modèle reste
très marginal aujourd’hui et pourrait difficilement
L’analyse sur les coûts du scénario M1 peut être être généralisé à l’ensemble des ménages), le coût
enrichie en intégrant les nouvelles réglementations de l’ensemble des installations photovoltaïques
598
L’analyse économique . 11
résidentielles du scénario M1 (environ 50 GW en sur petites toitures n’est pas de nature à modifier
2060) baisserait au mieux de 3 milliards d’eu- l’interclassement économique des scénarios mais
ros en coût complet annualisé. Même dans cette pourrait néanmoins réduire les écarts de coûts
configuration, la baisse du coût du photovoltaïque entre ceux-ci.
L’analyse de la trajectoire d’évolution des coûts dans les réseaux. Le coût du système électrique
montre que les écarts entre les scénarios s’ob- augmente ainsi progressivement dans tous les
servent sur l’ensemble de la période mais se scénarios, tiré par le développement des énergies
creusent plus fortement à partir de l’horizon renouvelables prévu par la PPE.
2040-2050.
À partir de l’horizon 2040-2050 en revanche,
À moyen terme (horizon 2030-2035), tous les scé- les besoins d’adaptation du réseau et de déve-
narios sont caractérisés par des trajectoires de loppement des nouvelles flexibilités se font plus
développement des énergies renouvelables et des importants dans les scénarios avec une forte part
niveaux d’investissements relativement modérés d’énergies renouvelables et creusent ainsi les
dans la flexibilité pour l’équilibre offre-demande et écarts de coûts.
Figure 11.34 Évolution des coûts complets des différents scénarios (hypothèses de coûts de référence)
90
80
70
60
Md€/an
50
40
30
M0
20 M1
M23
10 N1
N2
0 N03
2020/2021 2030 2040 2050 2060
L’avantage économique qui caractérise les scéna- scénarios, dans des proportions certes plus impor-
rios avec nouveau nucléaire apparaît robuste aux tantes pour ceux dont la part en énergies renouve-
différentes trajectoires d’évolution des coûts uni- lables est la plus forte, sans que cela ne remette en
taires de production considérées, et notamment cause l’intérêt économique du nouveau nucléaire.
aux différentes hypothèses de coût des technolo-
gies renouvelables ou nucléaires. Seule une configuration dans laquelle aucune
réduction de coût du nouveau nucléaire ne serait
Même si une hypothèse de coût du nucléaire cor- observée par rapport aux coûts de construction
respondant au scénario haut indiqué par les ser- de l’EPR de Flamanville tandis que dans le même
vices de l’État à l’issue des audits menés aurait temps les capacités renouvelables connaîtraient
tendance à réduire les écarts entre les scénarios une baisse très marquée de leurs coûts, conduit à
« N » et les scénarios « M », les premiers conser- ce que le scénario M23 atteigne la parité de coût
veraient tout de même un avantage économique. avec les scénarios « N ».
De la même manière, une configuration dans À l’inverse, dans une situation où les coûts des
laquelle les coûts des énergies renouvelables bais- énergies renouvelables resteraient dans les four-
seraient très fortement sur les prochaines décennies chettes hautes considérées dans l’étude, alors
est sans effet sur l’interclassement des scénarios. l’écart de coût entre les scénarios avec et sans
Une telle évolution bénéficierait en effet à tous les nouveau nucléaire s’accroît.
Figure 11.35 Coûts annualisés des scénarios en 2060, en fonction de la trajectoire de coûts des énergies
renouvelables et du nouveau nucléaire
90
80
70
60
Md€/an
50
40
30
20
10
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
Scénario de référence Variante coûts EnR faibles Variante coûts élevés Variante coûts
du nouveau nucléaire nouveau nucléaire
au niveau de Flamanville
et coûts EnR faibles
600
L’analyse économique . 11
Les stress tests sont, sans surprise, les configu- Il existe encore des marges d’optimisation pour
rations ayant le plus d’impact sur l’interclasse- les scénarios avec 100 % d’énergies renouve-
ment des scénarios : une dérive des coûts de lables, dans le cas où il serait possible de cibler
construction des nouveaux réacteurs condui- uniquement les grandes installations les moins
sant à conserver le coût de Flamanville 3, coûteuses (à l’échelle du système) comme l’éo-
ou à l’inverse un échec du pari industriel sur lien et les grands parcs photovoltaïques au sol.
l’éolien flottant conduisant à ce que son coût La construction de scénarios qui seraient tota-
demeure durablement voisin de 100 €/MWh, lement optimisés sur le plan économique a fait
conduisent tous les deux à un effet de six mil- l’objet d’une analyse complémentaire restituée
liards d’euros par an, bien que dans un sens en section 11.7.
opposé, sur l’écart entre le scénario M23 et le
scénario N2 (voir partie 11.6.5.7).
Une partie significative de l’avantage économique 2050, le poste de coût relatif à la production ther-
des scénarios avec nouveau nucléaire réside dans mique décarbonée joue un rôle important dans la
les coûts évités en matière de production ther- comparaison des scénarios.
mique décarbonée. Dans la mesure où ce point
constitue un élément différenciant entre les scé- Plusieurs options d’approvisionnement sont en
narios et que l’approvisionnement en gaz verts effet possibles (hydrogène vs méthane, production
présente des perspectives très ouvertes à l’horizon en France vs imports, flexibilité des électrolyseurs
Figure 11.36 Sensibilité des coûts annuels complets par scénario à l’hypothèse de coût des gaz verts
100
80
60
Md€/an
40
20
-20
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
Scénario de référence Variante gaz pas cher Variante gaz très cher
602
L’analyse économique . 11
11.6.5.6 Le coût du capital a un impact important sur le coût complet des scénarios
mais influe plus faiblement sur l’écart de coûts des scénarios, sauf dans une
configuration où le coût du capital diffère entre les filières
Le coût de financement du capital pour les acteurs d’hypothèses de taux de rémunération du capital
est un paramètre déterminant pour l’évaluation du si celles-ci s’appliquent à toutes les technologies
coût du système électrique (voir partie 11.2 dans et types d’infrastructures. La grande majorité des
le présent chapitre). Le niveau du taux de rémuné- infrastructures d’un système électrique neutre en
ration a un impact très marqué sur le niveau global carbone (que ce soient le nucléaire, les énergies
des coûts pour l’ensemble des scénarios : le coût renouvelables, les flexibilités ou le réseau) sont en
de la transition énergétique, quel que soit le scéna- effet caractérisées par une part de CAPEX importante
rio de mix envisagé, est susceptible d’être bien plus et des durées de vie plutôt longues en moyenne,
faible si les conditions de financement des capaci- et leurs coûts complets évoluent donc de manière
tés de production décarbonée sont favorables. proche en cas d’évolution du coût du capital.
Pour une variation du taux annuel de rému- Seule la configuration où les différentes tech-
nération du capital allant de 1 % à 7 %, le nologies ne pourraient pas se financer aux
coût complet annuel varie de plus 35 Md€/ mêmes conditions, avec un coût du capital
an pour tous les scénarios, ordre de grandeur plus élevé pour le nouveau nucléaire (7 %
bien supérieur aux écarts dus aux propor- contre 4 % pour les énergies renouvelables),
tions respectives de production renouvelable pourrait amener à un rapprochement signifi-
et de nucléaire. catif de coût entre le scénario M23 et les scé-
narios « N », voire à une inversion de l’écart si
L’interclassement des scénarios en matière de la différence de coût de financement s’avérait très
coût complet apparaît robuste à des variations importante.
Figure 11.37 Coûts annualisés des scénarios en 2060, en fonction du coût moyen pondéré du capital pour les acteurs
du système électrique
120
101
100 96
90
86
81 82 81
80 77
71 71 70 69
Md€/an
60 66
60 63 61 59
55
40 50
45
42
CMPC 7 %
CMPC 4 %
20 sauf nouveau
Nucléaire à 7 %
CMPC 4 %
0 CMPC 1 %
M0 M1 M23 N1 N2 N03
Figure 11.38 Coûts annualisés des scénarios en 2060, dans les différentes variantes et stress tests analysés
120
• Référence (CMPC 4 %)
100 • CMPC 1 % pour toutes les technologies
• CMPC 7 % pour toutes les technologies
Ensemble de variantes avec CMPC 4 %
pour toutes les technologies
80 Coût EnR haut
Coût EnR bas
Coût nucléaire élevé
Md€/an
604
L’analyse économique . 11
Figure 11.39 Différence de coûts annualisés en 2060 entre le scénario M23 et les scénarios N2 et N1
18 18
Éolien flottant
à 100 €/MWh
16 16
Coût gaz vert
très cher
+ EnR haut
14 14
Coût EnR haut
Les énergies renouvelables produisent de l’énergie une nécessité industrielle et climatique : elle est
à un coût complet rapporté à leur production qui également pertinente sur le plan économique.
est plus faible que celui des nouveaux réacteurs
nucléaires. L’augmentation des coûts associés aux Cet avantage de nature purement économique se
énergies renouvelables constatée dans les ana- réduit puis s’annule au fur et à mesure qu’appa-
lyses de RTE provient de leur intégration au sys- raissent et croissent les besoins de flexibilités per-
tème électrique, notamment les coûts de réseaux mettant de gérer la variabilité. Les simulations
et surtout les coûts pour assurer la sécurité d’ap- réalisées dans le cadre des Futurs énergétiques
provisionnement en développant les flexibilités 2050 montrent que ces besoins se matérialiseront
(productions thermiques à partir de gaz verts et en premier lieu dans les pays limitrophes, où la part
batteries en particulier) qui sont plus élevés que de l’éolien et du solaire est plus élevée qu’en France.
l’écart des coûts de production eux-mêmes.
En France, l’analyse économique montre que le
Lorsque les besoins de flexibilité supplémentaires gain conduisant à passer d’un parc nucléaire de
restent relativement limités, comme c’est le cas 40 GW (N2 – soit environ 36 % de nucléaire dans
aujourd’hui, le surcoût système induit par les éner- la consommation de référence) à environ 50 GW
gies renouvelables est moindre. Le développement (N03 – soit environ 50 % de nucléaire dans la
d’une part d’énergies renouvelables plus impor- consommation de référence) est faible dans la plu-
tante qu’aujourd’hui n’est donc pas uniquement part des configurations étudiées.
606
L’analyse économique . 11
Pour illustrer les effets des échanges aux inter- renouvelable en provenance des pays voisins ainsi
connexions sur l’équilibre et les coûts du système que la production issue de capacités pilotables
électrique, une configuration théorique sans inter- situées à l’étranger. Cette production thermique
connexions, dite en « France isolée », a été simu- occasionne des surcoûts pour le système électrique
lée et étudiée (voir partie 7.6.4). Elle consiste à français (coût des moyens de flexibilité comme les
réévaluer, pour chacun des scénarios, le bouquet batteries et les centrales thermiques et coût de la
de flexibilités (batteries, centrales thermiques production des gaz verts nécessaires pour les ali-
flexibles fonctionnant à l’hydrogène et électroly- menter) qui viennent en contrepartie des écono-
seurs) économiquement pertinent pour assurer mies sur le développement des interconnexions et
le même niveau de sécurité d’approvisionnement, le coût des importations.
dans un cas illustratif sans aucune interconnexion
avec les pays voisins. Ceci implique également L’évaluation doit également tenir compte des
d’ajuster les mix de production de ces configura- effets des interconnexions sur la balance com-
tions, via des capacités de production solaires et merciale : en effet, l’absence d’interconnexions
éoliennes additionnelles, nécessaires pour le bou- se traduit également par l’impossibilité d’expor-
clage énergétique du scénario. ter de l’électricité, et donc un manque à gagner
sur les ventes d’électricité aux pays voisins. Ceci
Cette analyse permet de conclure qu’en l’absence contribue à accroître encore le coût complet du
d’interconnexions, la production thermique décar- système électrique français (net de la balance
bonée serait nécessaire dans des proportions commerciale).
significatives dans tous les scénarios, du fait de
l’impossibilité d’utiliser, via les interconnexions, Dans un cas théorique sans interconnexion
les opportunités d’excédents de production (« France isolée »), l’analyse montre que le
Figure 11.40 Comparaison des coûts complets annuels des scénarios de référence et des scénarios en France isolée
90
80
70
60
Md€/an
50
40
30
20
10
France isolée
0 France interconnectée
M0 M1 M23 N1 N2 N03
Figure 11.41 Décomposition des différences de coûts complets annuels du scénario M23 de référence et du scénario M23
en France isolée (CAPEX et OPEX fixes)
10
6
Md€/an
M23 2060
5 France isolée
Surcoût de 2,8 Md€
4
0
Photovoltaïque Réseau Électrolyse CCG Exports Imports Interconnexions
et éolien stockage H2 et TAC non réalisés évités évitées
M23 2060
inteconnecté
608
L’analyse économique . 11
11.6.8 Les points de vigilance sur le bilan économique peuvent être différents
selon les scénarios : une forte sensibilité aux coûts de financement (dans tous
les scénarios) et aux coûts de la flexibilité (dans les scénarios à forte part
en énergies renouvelables)
11.6.8.1 Le coût du capital est déterminant pour le coût complet des scénarios,
en particulier pour ceux avec du nouveau nucléaire
Toutes les technologies et infrastructures caracté- nucléaires, ces derniers étant caractérisés par des
risées par des dépenses d’investissement impor- durées de construction (10 à 15 ans) et des durées
tantes et des durées de vie longues ont un coût de de vie (60 ans) particulièrement longues.
revient très sensible au taux de rémunération du
capital (cf. partie 11.2). Ceci conduit dans tous les cas à porter une
vigilance spécifique sur le coût de rémuné-
L’équilibre économique des scénarios de neutralité ration du capital et donc sur les conditions
carbone, qui repose largement sur des investisse- de financement des investissements bas-
ments de cette nature – les énergies renouvelables, carbone afin de maîtriser l’évolution du coût
le nucléaire ou encore le réseau sont tous des actifs de l’électricité pour les consommateurs.
à forte intensité capitalistique – présentent donc
tous une forte sensibilité aux hypothèses sur les La mise en place de dispositifs de soutien, que ce
coûts du capital. Comme l’ont montré les analyses soit pour les énergies renouvelables ou le nucléaire,
précédentes, une variation de trois points sur le constitue ainsi un levier incontournable pour béné-
coût du capital peut faire varier le coût du système ficier de coûts de financement favorables. De
de l’ordre de 17 à 18 Md€/an à la hausse ou à la manière générale, toutes les politiques publiques
baisse (soit ±25 à 30 % du coût complet annuel aboutissant à dérisquer l’investissement dans les
estimé avec un taux de rémunération du capital technologies bas-carbone auront une influence
de 4 %). La sensibilité est un peu plus marquée directe sur la réduction de la facture à long terme
dans les scénarios avec de nouveaux réacteurs des consommateurs.
Figure 11.42 Variation des coûts complets par rapport à la situation de référence selon l’hypothèse de CMPC
50%
% de variation par rapport à la référence
40%
30%
20%
10%
CMPC 7 % toutes technologies
CMPC 1 % toutes technologies
0%
-10%
-20%
-30%
-40%
-50%
M0 M1 M23 N1 N2 N03
Un autre déterminant important dans l’économie l’électricité soit utilisée pour produire de
des différents scénarios réside dans le coût de la l’hydrogène concomitamment à l’utilisation
flexibilité et plus particulièrement dans les enjeux de méthane de synthèse pour produire de
autour de l’hydrogène et des gaz verts. l’électricité en un point différent du terri-
toire, ce qui conduit à des pertes énergé-
La faculté à déployer un système hydrogène per- tiques importantes et in fine à des surcoûts
formant et flexible a des effets importants sur le pour le système électrique. La flexibilité du
besoin et le coût des moyens de flexibilité du sys- système dépend en particulier de la capacité de
tème électrique (un effet volume et un effet prix) : stockage des gaz produits, et concernant l’hy-
u d’une part, l’absence de flexibilité du système drogène, la disponibilité de stockage salins.
hydrogène et notamment des électrolyseurs u d’autre part, les conditions économiques sur
conduirait à renchérir significativement les l’approvisionnement en hydrogène et en gaz
besoins de production thermique des scéna- verts ont un impact sur la composante « flexi-
rios. De manière schématique, dans les périodes bilité » du coût des scénarios. Ainsi, dans une
de tension du système (semaines froides avec situation d’abondance de gaz verts à faible coût
vent faible en France et en Europe), les élec- à l’échelle européenne (biométhane accessible
trolyseurs ne pourraient alors pas effacer leur en des volumes importants et pour des coûts
consommation d’électricité et devraient conti- relativement faibles, hydrogène produit avec des
nuer à fonctionner pour alimenter les usages de électrolyseurs et des parcs d’énergies renouve-
l’hydrogène, conduisant potentiellement à faire lables à coûts faibles ou éventuellement importé
fonctionner dans le même temps des centrales depuis des régions avec des conditions de pro-
utilisant des gaz de synthèse pour assurer l’équi- duction favorables, etc.), les coûts de production
libre offre-demande (voir chapitre 9.6.3). Dans à partir de moyens thermiques baissent signifi-
cette configuration, il est possible que de cativement ; a contrario un renchérissement des
Figure 11.43 Variation des coûts complets par rapport à la situation de référence selon le coût des gaz verts
10%
% de variation par rapport à la référence
8%
6%
4%
2%
Coûts gaz vert faibles
0% Coûts gaz vert élevés
-2%
-4%
-6%
-8%
-10%
M0 M1 M23 N1 N2 N03
610
L’analyse économique . 11
gaz décarbonés, correspondant par exemple au fonction des besoins d’équilibrage qui leur sont
recours nécessaire à la fabrication de méthane propres. Pour les scénarios M et le scénario N1,
de synthèse, pénalise les coûts de flexibilité. les besoins de flexibilité sont importants : leur
En particulier, dans une configuration où le sys- coût diminue logiquement si celui des gaz verts
tème hydrogène n’est pas flexible, il devient est faible, et augmente dans le cas contraire.
alors nécessaire de recourir au méthane. S’il Pour les scénarios N2 et N03, non seulement le
s’agit de méthane de synthèse, produit à partir besoin d’équilibrage à partir de production ther-
d’hydrogène, son coût est plus élevé que celui mique est plus limité, mais les exports sont valo-
de l’hydrogène, du fait des coûts (des unités de risés en cas de renchérissement des gaz verts,
méthanation et de la logistique du CO2) et des par évitement des productions thermiques à
pertes énergétiques de la phase de méthanation. l’étranger. L’effet est donc inverse : les coûts des
scénarios N2 et N03, diminués des gains asso-
La sensibilité de l’analyse à l’hypothèse de coût ciés aux exports, sont moindres en cas de coût
des gaz décarbonés diffère selon les scénarios, en élevé des gaz verts.
La modélisation des scénarios des Futurs énergé- électrique (en assurant qu’un volume suffisant de
tiques 2050 repose sur l’hypothèse d’un système méthane de synthèse soit produit pour couvrir ces
hydrogène flexible, c’est-à-dire pour lequel les besoins). Dans cette configuration, le méthane
sites de production et de consommation d’hydro- est stocké dans les infrastructures existantes,
gène sont connectées à des capacités de stockage ce qui permet d’éviter le développement de nou-
significatives. Ceci permet ainsi une double flexi- velles infrastructures de transport et de stockage
bilité : d’une part dans la production d’hydrogène d’hydrogène.
par électrolyse qui peut s’adapter à l’équilibre de
l’offre-demande électrique, et d’autre part dans le Comme indiqué au chapitre 7, l’absence de sys-
recours à l’hydrogène pour la production d’électri- tème hydrogène flexible conduit ainsi à une
cité (boucle power-to-hydrogen-to-power). moindre efficacité énergétique pour deux raisons :
d’une part, les électrolyseurs peuvent fonctionner
Néanmoins, il demeure des incertitudes sur la concomitamment avec de la production d’élec-
possibilité technique de développer des capacités tricité à partir de gaz et d’autre part, la boucle
massives de stockage d’hydrogène à des coûts méthane est moins efficace énergétiquement que
maîtrisés (voir partie 9.8). la boucle hydrogène. L’absence de flexibilité sur
l’hydrogène pénalise plus particulièrement les
Afin d’évaluer la dépendance des résultats à scénarios où la production à partir de gaz est plus
l’hypothèse retenue sur la flexibilité du vecteur importante.
hydrogènes enjeux associés à cette flexibilité,
le fonctionnement du système électrique a été Ces pertes énergétiques supplémentaires (par
simulé dans une configuration où les capacités rapport à la configuration de référence avec
de stockage sont très limitées (voir partie 7.6.9). système hydrogène flexible) doivent ainsi être
Cela se traduit d’une part par un fonctionnement couvertes par des capacités de production renou-
des électrolyseurs en base (avec la possibilité d’ef- velable additionnelles. Une partie peut également
facements ponctuels gérables grâce à de petits être couverte par une meilleure valorisation de
stocks tampons) pour fournir l’hydrogène destiné la production bas-carbone et de moindres écrê-
à un usage final, à hauteur de 50 TWh de consom- tements de production renouvelable, notamment
mation d’électricité. D’autre part, du méthane de dans le scénario M23 grâce à une capacité d’élec-
synthèse est utilisé pour l’équilibrage du système trolyse et de méthanation (flexible) beaucoup
Figure 11.44 Écart de coûts complets du système électrique entre les scénarios M23 et N2 dans les configurations
système hydrogène flexible (configuration de référence) et sans système hydrogène déployé
(hors effet sur la balance commerciale)
14
12
10
Md€/an
0
Avec système EnR et réseau Électrolyse + stockage Avec système
hydrogène flexible supplémentaire + méthanation hydrogène
(référence) + CCG/TAC non déployé
67. P
ar rapport à la configuration de référence, la capacité d’électrolyse pour les usages finaux est diminuée (même volume de production mais reposant sur
un fonctionnement en base) mais la capacité d’électrolyse+méthanation est largement supérieure à la capacité d’électrolyse servant à couvrir les besoins
d’hydrogène pour la production d’électricité dans le scénario de référence. Ceci est dû à des besoins plus importants de production d’électricité à partir de
gaz, ainsi qu’à un rendement plus faible du couplage électrolyse+méthanation par rapport à l’électrolyse seule.
612
L’analyse économique . 11
11.7.1 Les scénarios des Futurs énergétiques 2050 ne sont pas fondés sur une
unique logique d’optimisation économique : leur bilan économique peut donc être
amélioré en modifiant certains équilibres
Les mix de production considérés dans les Futurs un mix possible du point de vue des acteurs du
énergétiques 2050 sont définis a priori, pour reflé- système électrique, RTE a néanmoins intégré au
ter différents choix politiques et industriels et les scénario certaines limites de gisements et d’ac-
aspirations sociétales identifiées dans le cadre de ceptabilité délibérées avec les professionnels du
la concertation. Ils ne résultent pas d’une optimi- secteur dans le cadre de la concertation, ainsi
sation du coût total du système électrique même que de contraintes industrielles ;
si la répartition des moyens de flexibilité fait bien u les scénarios « N » reflètent différents rythmes
l’objet d’une optimisation économique. possibles de poursuite d’exploitation des réac-
teurs nucléaires existants et de développement
Il s’agit d’un choix de modélisation assumé car de nouveaux réacteurs (à grande puissance
plus réaliste sur le plan de la décision publique. comme les EPR2 ou à faible puissance comme
En pratique, le dimensionnement du mix élec- les SMR) sans chercher à optimiser cette capa-
trique résulte d’arbitrages politiques où la puis- cité nucléaire sur le plan économique ;
sance publique prend une part importante dans u enfin, tous les scénarios prévoient un dévelop-
le choix des technologies de production, en fixant pement, d’ampleur plus ou moins importante,
des objectifs pour chacune d’entre elles et en met- d’éoliennes en mer flottantes et de panneaux
tant en œuvre des mécanismes pour les atteindre. solaires sur toiture, bien que ces installations
Ces objectifs sont pris en fonction de nombreuses soient en apparence plus coûteuses que d’autres
considérations, qui intègrent la volonté de réduire technologies renouvelables.
le coût du système mais ne s’y bornent pas.
Cette méthode permet de refléter le fait que le mix
Cette logique de construction se retrouve dans de production électrique ne dépend pas uniquement
chaque scénario, avec des logiques très marquées de considérations économiques. Au-delà des déci-
qui peuvent entraîner un coût : sions de politique industrielle mise en œuvre par la
u le scénario M1 est articulé autour du principe puissance publique, l’évolution du mix électrique
d’initiatives locales (autoconsommation, com- relève aussi de l’appétence des consommateurs
munautés énergétiques locales…) même si cette (par exemple, consommateurs souhaitant s’équi-
perspective a un coût : installer des panneaux per de panneaux dans une logique « citoyenne »
solaires sur petites toitures est plus cher que pour favoriser la transition énergétique), ou encore
développer de grands parcs au sol sauf à ce que de dynamiques territoriales (par exemple, répar-
les consommateurs installent les panneaux eux- tition du développement de l’éolien en mer selon
mêmes, les coûts de réseaux de distribution les différentes régions et façades maritimes, ce qui
induits sont plus élevés que dans les autres scé- conduira dans tous les cas à construire des parcs
narios, les besoins de flexibilité saisonnière sont éoliens flottants au large de la Bretagne et en
accentués par la forte part de photovoltaïque ; Méditerranée dans les prochaines années) ou de
u à l’inverse, le scénario M23 correspond à une choix industriels.
trajectoire vers un mix 100 % énergies renou-
velables qui privilégie les grands parcs afin de Dans le cadre de l’analyse économique, les
bénéficier d’économies d’échelle. Pour refléter coûts complets de ces scénarios sont calculés a
614
L’analyse économique . 11
La détermination d’un mix optimal selon une conscience des facteurs limitants sur le plan écono-
unique logique de la minimisation des coûts du mique. Elle constitue un sujet d’interrogation récur-
système électrique constitue un exercice de style, rent dans le débat public et le monde de la recherche :
intéressant sur le plan théorique mais susceptible plusieurs études externes sont ainsi fondées sur ce
de livrer des conclusions manichéennes (telles que type d’approche68, et aboutissent parfois à des résul-
l’éviction complète du photovoltaïque sur toiture tats divergents d’une étude à l’autre, le mix optimal
par rapport à d’autres filières) et donc peu réa- étant composé à 100 % d’énergies renouvelables
listes prises en dehors de leur contexte. dans certaines et intégrant une part significative de
nucléaire dans d’autres.
Sur le plan purement méthodologique, il faut noter
que l’approche de type « mix optimal » peut s’avérer Les modèles d’optimisation utilisées par RTE per-
très sensible au calage des hypothèses d’entrée sur mettent d’identifier de tels mix optimaux, ou alors
le coût des différentes technologies si le « coût sys- d’identifier des « optima partiels » en fixant tel ou
tème » de ces dernières est proche, ce qui est bien tel paramètre dans le modèle. Dans le cadre des
le cas à long terme pour la production d’électricité. compléments apportés en février 2022, RTE
Dans certains cas, l’approche peut conduire à iden- a réalisé ce type de calcul et a évalué diffé-
tifier un mix « optimal » caractérisé par des parts rentes configurations de mix optimal avec
très importantes de l’une ou l’autre des filières alors ou sans contraintes sur le développement de
même que d’autres configurations très différentes chaque filière. Les conclusions de cette ana-
donnent des coûts proches : le choix d’hypothèses de lyse sont mises en regard des analyses sur
départ légèrement différentes pourrait alors conduire les six mix de production et permettent de
à faire basculer l’optimum vers un mix complètement tirer des conclusions, présentées en partie
différent. RTE considère ainsi que les analyses 11.7.3.4, sur les enjeux économiques asso-
de mix optimal doivent être prises avec beau- ciés au déploiement de certaines filières.
coup de précaution, dans la mesure où leurs
résultats sont fortement dépendants des hypo- Dans le détail, l’analyse réalisée consiste à éva-
thèses initiales et où elles tendent à qualifier luer, pour des hypothèses de consommation et
un mix « d’optimal » là où la conclusion devrait de coûts des technologies données, les capacités
plutôt être que plusieurs configurations de mix de production et de flexibilité optimales du point
entraînent des coûts relativement proches. de vue des coûts complets annualisés (CAPEX
et OPEX) en tenant compte des implications sur
Malgré ces limites, la recherche d’optimisation éco- le réseau. L’optimisation peut être libre ou sous
nomique dans l’élaboration des scénarios de mix contrainte, et par exemple appliquée en fixant a
constitue un outil intéressant qui permet de prendre priori la capacité de production nucléaire ou en la
68.
Par exemple : « Trajectoire du mix électrique 2020-2060 », ADEME, 2018 ou «Low-carbon options for the French power sector : What role for renewables,
nuclear energy and carbon capture and storage», B. Shirizadeh and P. Quirion, Energy Economics, 2020
L’analyse montre alors que tous les scénarios pour- Cette plus faible part du photovoltaïque dans
raient être optimisés sur le plan économique en un système optimisé s’explique par la moins
modifiant certains des équilibres sur le mix de pro- bonne adéquation de son profil de produc-
duction renouvelable des différents scénarios. tion à la demande d’électricité à satisfaire
(consommation de laquelle on déduit la pro-
En premier lieu, tous les scénarios « optimisés » duction hydraulique non pilotable, comme
ne contiendraient aucune installation de photo- illustré ci-contre), par rapport à l’éolien. En
voltaïque sur toiture dans la mesure où leur profil effet, la production photovoltaïque est naturelle-
de production est quasi-similaire à celui du pho- ment plus élevée en été que l’hiver alors que la
tovoltaïque au sol pour un coût unitaire supérieur, demande est à l’inverse plus importante l’hiver, ce
et très peu d’éolien en mer flottant en raison des qui génère donc un besoin de stockage saisonnier
perspectives de coûts plus importantes pour cette particulièrement coûteux. De même, l’alternance
technologie que pour l’éolien terrestre et l’éolien en jour-nuit de cette production conduit à mobiliser
mer posé. Les scénarios optimisés du point de vue des flexibilités spécifiques comme les batteries
économique recourent donc presque uniquement au-delà d’une certaine capacité photovoltaïque. La
aux sources renouvelables les moins coûteuses production photovoltaïque est néanmoins néces-
(éolien terrestre, éolien en mer posé et photo- saire pour gérer une partie de la variation journa-
voltaïque au sol) et ce, quelle que soit la capacité lière de la consommation ainsi que pour limiter une
nucléaire développée. trop forte dépendance au vent dans les différents
scénarios.
En particulier, ces configurations optimisées
conduisent à mobiliser très fortement l’éolien En conséquence, les configurations optimisées
dans le mix renouvelable et plus faiblement des scénarios conduisent à un développement
le photovoltaïque. Ainsi, l’optimisation conduit très poussé de l’éolien, et en particulier de
à une part de photovoltaïque dans le mix renou- l’éolien terrestre, étant donné le gisement
velable (i.e. part de la production photovoltaïque vraisemblablement limité pour l’éolien en mer
par rapport au total de la production éolienne et posé et les surcoûts associés à la technologie
616
L’analyse économique . 11
Figure 11.45 Adéquation à la demande du mix de production renouvelable non pilotable dans différentes configurations
100 % EnR – profils moyens
90 140
80
120
70
100
60
80 Excédent
50
Déficit
GW
40 60 Demande
30 satisfaite
40 Demande
20
avec flexibilités
20
10 Production
0 0
variable
Été Automne Hiver Printemps Sa Di Lu Ma Me Je Ve Sa Di Lu Ma Me Je Ve
Année au pas hebdomadaire Semaine au pas horaire : hiver Semaine au pas horaire : été
90 180
80 160
70 140
60 120
Excédent
50 100
GW
Déficit
40 80 Demande
30 60 satisfaite
Demande
20 40
avec flexibilités
10 20 Production
0 0 variable
Été Automne Hiver Printemps Sa Di Lu Ma Me Je Ve Sa Di Lu Ma Me Je Ve
Année au pas hebdomadaire Semaine au pas horaire : hiver Semaine au pas horaire : été
90 140
80
120
70
100
60
50 80 Excédent
GW
Déficit
40 60 Demande
30 satisfaite
40
20
Demande
20
avec flexibilités
10 Production
0 0 variable
Été Automne Hiver Printemps Sa Di Lu Ma Me Je Ve Sa Di Lu Ma Me Je Ve
Année au pas hebdomadaire Semaine au pas horaire : hiver Semaine au pas horaire : été
Avertissement : les figures présentées ci-contre sont à vocation illustrative. Les adéquations qui y sont illustrées à partir de profils moyens ne reflètent pas les
besoins de flexibilité associés à la variabilité des productions en fonction des chroniques météo. Les besoins de flexibilité sont tout de même bien intégrés à
l’optimisation du parc. En particulier, si ces figures restituent bien les plus forts besoins de flexibilité saisonnière et journalière associé à la présence de fort taux
de photovoltaïque, elles masquent les besoins de flexibilité hebdomadaire et pluriannuelle associés aux forts taux d’éolien.
L’analyse en mix optimal différencie le cas des réac- quarantaine de gigawatts de capacité nucléaire,
teurs actuels de deuxième génération d’une part, et avec un degré d’incertitude important. Le mix
la construction de nouveaux réacteurs d’autre part. optimal intègre donc également l’éolien terrestre
dans des proportions importantes, l’éolien en mer
S’agissant des réacteurs actuels, elle montre posé et le photovoltaïque en privilégiant les grands
l’avantage économique de poursuivre l’ex- centrales au sol. Les configurations comprenant
ploitation des réacteurs existants à l’horizon une capacité significative de nucléaire restent
2030-2040. En effet, le coût de prolongation des sensiblement moins coûteuses que des configura-
réacteurs nucléaires actuels au-delà de 40 ou de tions « 100 % renouvelable » optimisées, avec des
50 ans d’exploitation (autour de 40 €/MWh) appa- écarts de coûts complets annualisés de l’ordre de
raît aujourd’hui comme très compétitif par rapport 6 à 7 Md€ par an (contre par exemple 9 à 10 Md€
à la construction de nouvelles capacités renouve- d’écart de coût entre M23 et N2 dans la configura-
lables, nucléaires ou même thermiques. Ce résultat tion de référence).
est cohérent avec le résultat de très nombreuses
études et apparaît indiscutable sur le plan écono- L’analyse confirme qu’au-delà d’un cer-
mique (voir partie 11.3). tain volume de capacité nucléaire, le coût
des différentes options de mix devient très
S’agissant de la construction de nouveaux réac- proche (phénomène dit des « optimums
teurs, l’analyse en mix optimal confirme plats »). Ainsi, l’optimisation ne peut servir
avantage économique des scénarios avec à discriminer les scénarios : des configura-
nouveau nucléaire même dans le cas où tions a priori très différentes (par exemple
ceux-ci se comparent avec des mix de pro- à partir de 40 GW de nucléaire) sont très
duction renouvelable totalement optimisés proches en matière de coûts complets pour
sur le plan économique. Ceci est vrai même si, la collectivité.
à long terme, le nouveau nucléaire conserve un
coût de production supérieur à celui des énergies En d’autres termes, au-delà d’une certaine capa-
renouvelables matures. Le résultat se justifie sur le cité nucléaire, il est relativement indifférent, sur
plan économique du fait qu’il soit pilotable et qu’il le plan économique, de développer de grands
permette ainsi de réduire le besoin de flexibilité du parcs d’énergies renouvelables technologiquement
système électrique européen interconnecté (voir matures ou des réacteurs nucléaires additionnels.
partie 11.6).
Cette proximité des coûts complets des scé-
En retenant les hypothèses de coûts de référence, narios comprenant une capacité significative
l’optimum économique se situerait à partir d’une de nucléaire (à partir d’une quarantaine de
618
L’analyse économique . 11
Figure 11.46 Coût complet annuel en 2060 des scénarios de référence et des scénarios de moindre coût
(coûts unitaires de référence sauf mention contraire, CMPC 4 %)
100
90 M1
80
M23 N1
70 N2 N03
60
Md€/an
50
Mix de référence
40
Mix avec EnR optimisées
en France isolée
30
Mix avec EnR optimisées
en France interconnectée
20
Mix avec EnR optimisées
10 en France interconnectée
et coût faible des énergies
0 renouvelables
0 10 20 30 40 50 60 70
Nucléaire (GW)
gigawatts) conduit à rendre l’analyse très l’optimum pourrait être atteint pour une capacité
sensible à la modélisation du système élec- nucléaire inférieure à celle obtenue « en France
trique européen ainsi qu’aux hypothèses de interconnectée », avec une différence de coûts
coûts unitaires des technologies. entre des configurations avec ou sans nouveau
nucléaire par ailleurs légèrement réduite.
Ainsi, dans l’analyse des mix de moindre coût en
France interconnectée, la diminution des coûts Ceci illustre à nouveau le caractère très « plat » de la
complets annualisés nets du système électrique courbe de coût en fonction de la capacité nucléaire
français dans les scénarios avec nouveau nucléaire dans des systèmes optimisés, en particulier pour
est due en partie à une valorisation plus impor- un système isolé pour lequel les débouchés de
tante des exports d’électricité français. Ceci signi- la production nucléaire à l’export n’existent plus.
fie que le nouveau nucléaire ne se justifie alors pas Cette forme de la courbe de coût fait écho à la
uniquement pour apporter de la capacité pilotable conclusion générale de l’analyse économique pré-
en France mais également pour valoriser cette sentée à la partie 11.6.1, qui confirmait l’espace
flexibilité à l’échelle du système électrique euro- économique pour développer du nouveau nucléaire
péen (en limitant les coûts de production à l’étran- tout en soulignant que l’écart de coût avec un scé-
ger). L’analyse dans une configuration théorique nario « 100 % renouvelable » centré sur les grandes
« en France isolée » optimisée (courbe jaune dans fermes solaires, éoliennes terrestre et éolienne en
la figure ci-dessus) permet d’améliorer la compré- mer (M23) était faible et pouvait s’annuler selon
hension de ce phénomène, puisqu’elle montre que certaines hypothèses.
La recherche du système électrique de moindre coût d’ici à 2050 (en particulier pour l’éolien terrestre)
conduit, sous conditions de disponibilité des gise- conduit à des coûts très proches entre les diffé-
ments de production renouvelable et de production rents scénarios optimisés avec et sans nucléaire,
nucléaire requis, à une courbe de coûts optimisés au point que la quantité de nucléaire devient très
relativement « plate ». Dès lors, le point bas de cette peu différenciante. À l’inverse, une hypothèse de
courbe, définissant le scénario théoriquement optimal coûts élevés des énergies renouvelables accroît
devient encore plus sensible aux hypothèses de coûts les différences entre scénarios optimisés avec
unitaires des différents composants du système. et sans nouveau nucléaire et conduit à un mix
théoriquement optimal très fortement fondé sur
À titre d’illustration, une hypothèse de baisse de le nucléaire.
coûts plus importante des énergies renouvelables
Les analyses en mix optimal ne peuvent suffire à De la même manière, ces analyses montrent
être prescriptives s’agissant des choix des poli- que les limites au développement du nucléaire
tiques publiques, puisqu’elles ne portent que sur ne sont pas non plus de nature économique.
l’une des dimensions qui interviennent dans le Elles sont tout d’abord de nature industrielle.
dimensionnement du mix électrique et les déci- Certaines configurations optimisées pourraient en
sions des agents. Elles permettent par contre de effet conduire à mobiliser une capacité importante
mettre en lumière les enjeux associés à certaines de nucléaire au-delà des niveaux de N2 ou N03,
filières. c’est-à-dire de la proposition la plus haute de la
filière nucléaire dans le cadre de la concertation.
Les analyses économiques complémentaires Ces valeurs sont en outre extrêmement sensibles
montrent tout d’abord que les limites au déve- à de nombreux paramètres et donc au coût effectif
loppement de l’éolien terrestre en France ne de construction de nouveaux réacteurs nucléaires,
sont pas de nature économique. En l’absence qui demande à être confirmé dans la pratique, et
de contrainte sur le déploiement des éoliennes, il à leurs conditions de financement. Des questions
serait ainsi possible de dépasser les 100 GW dans de nature sociétale (perception du risque d’acci-
certaines configurations même en présence de dent nucléaire, question du traitement des déchets
réacteurs nucléaires, voire d’aller bien au-delà si radioactifs) se posent également dans le débat
le nucléaire est exclu par principe69. Dès lors, ce public.
sont bien les enjeux de natures sociétale qui appa-
raissent à même de limiter le développement de Ces analyses montrent enfin qu’une approche
la filière, voire des enjeux de nature industrielle si réduite à la recherche d’un optimum parfait
une unique logique de minimisation des coûts était entraîne un effet évictif très important sur l’éo-
choisie. lien en mer flottant ou le petit photovoltaïque,
69.
Avec une hypothèse de consommation électrique plus faible que celle intégrée dans la trajectoire de référence des Futurs énergétiques 2050 (~645 TWh en
2050), les capacités éoliennes terrestres mobilisées dans le cadre d’un « mix optimal » pourraient être réduites. Une telle hypothèse de moindre hausse de
la consommation électrique est ainsi parfois intégrée dans certaines études, mais elle interroge sur le bouclage énergétique d’ensemble pour atteindre la
neutralité carbone. En effet, elle nécessite dans ce cas soit une très forte maîtrise de la demande passant par des efforts importants de sobriété énergétique,
soit une mobilisation d’autres vecteurs bas-carbone, probablement via des importations depuis d’autres pays, les autres productions d’énergies bas-carbone
en France (biométhane, biocarburants, bois-énergie) étant limitées par le gisement de biomasse.
620
L’analyse économique . 11
qui ne semble pas justifié au regard de l’ur- sur l’éolien terrestre pourrait avoir un impact néga-
gence d’augmenter la production d’électri- tif sur l’effet de foisonnement de la production à
cité décarbonée pour atteindre les objectifs l’échelle nationale (voir partie 8).
climatiques et qui apparaît même contestable
dès lors que certaines externalités sont prises en Les résultats confirment donc la réserve exprimée
compte. Par exemple, ne pas recourir à l’éolien en au début de ce paragraphe : si les simulations
mer flottant, et le recours exclusif à l’éolien en mer sur le mix optimal sont intéressantes sur le plan
posé, impliquerait une concentration géographique théorique et permettent d’enrichir la compréhen-
très marquée des productions maritimes dans les sion des résultats en montrant par exemple que
zones de faible profondeur des fonds marins, essen- les contraintes posées a priori sur l’éolien terrestre
tiellement dans le nord de la France et sur la côte ou le nucléaire réduisent le potentiel d’optimisa-
normande. De même, l’absence de photovoltaïque tion économique des scénarios, elles ne peuvent
en toiture s’accorde mal avec le souhait d’utilisation se substituer à l’analyse complète des différentes
de surfaces déjà artificialisées et de diffusion des options présentées dans la concertation qui per-
productions renouvelables facilitant une appropria- mettent de représenter de manière plus réaliste
tion citoyenne. Par ailleurs, miser sur un dévelop- l’éventail des choix pour la collectivité.
pement des énergies renouvelables trop concentré
Dans le scénario « sobriété », la hausse de consom- aux différentes combinaisons des scénarios de mix
mation d’électricité est réduite par rapport à la croisés avec la trajectoire de sobriété dont l’ana-
trajectoire de référence grâce à des évolutions de lyse est présentée dans les chapitres précédents
modes de vie structurantes qui touchent tous les aux parties 5.3 (construction des scénarios), 7.11
secteurs de l’économie (bâtiment, transport, indus- et 7.12 (analyse des besoins de flexibilité), 10.2.8
trie). La sobriété se traduit ainsi sur le dimension- et 10.3.4 (analyse des besoins de réseau).
nement du système électrique par une diminution
du besoin en capacités de production bas-carbone En intégrant l’ensemble des composantes pro-
et de moyens de flexibilité et permet en consé- duction-flexibilité-réseau, le chiffrage écono-
quence des économies importantes sur les coûts mique montre que la trajectoire de sobriété a
totaux du système électrique. un effet baissier de l’ordre de 10 à 15 % envi-
ron sur les coûts complets annuels du sys-
Afin d’évaluer l’impact de la sobriété sur les coûts tème électrique à l’horizon 2060, par rapport
du système électrique, la méthode d’analyse écono- à la trajectoire de référence. Compte tenu de
mique des Futurs énergétiques 2050 a été appliquée la dynamique avec laquelle pourrait intervenir une
Figure 11.47 Coûts complets du système électrique dans le scénario de consommation « sobriété »,
comparés à ceux de la trajectoire de référence
100
80
60
Md€/an
40
622
L’analyse économique . 11
transformation sociétale de l’ampleur requise dans Il est important de noter que ce résultat provient de
le scénario sobriété la mise en place de la sobriété la construction même des mix, qui sont déterminés
et ses effets à long terme, les principales réductions a priori par rapport à des aspirations sociétales et
de coût se situent à partir de 2040 : les économies selon des principes discutés en concertation et ne
s’élèvent à environ 1 Md€ par an à l’horizon 2030, se résument pas à une optimisation économique.
et peuvent atteindre entre 6 et 12 Md€ en 2060. Ainsi, la baisse de la demande entre le scénario de
référence et le scénario sobriété ne conduit pas à
Cette réduction des coûts par rapport à la tra- ajuster le mix en supprimant les technologies les
jectoire de référence doit être mise en regard de plus onéreuses (voir principes présentés au cha-
la baisse de la consommation d’électricité asso- pitre 5 dans la partie 5.3), sauf à accepter l’évic-
ciée : le coût total du système électrique est plus tion de filières entières (solaire sur toiture, éolien
faible dans le scénario de sobriété mais pour une en mer flottant, etc.). Selon la même logique que
énergie fournie moins importante. Rapportés celle présentée dans la partie 11.7.2 ci-dessus,
au MWh d’énergie consommée, le coût de des optimisations purement économiques sont
l’électricité reste similaire entre les confi- possibles pour faire baisser les coûts de chaque
gurations de référence et avec sobriété. configuration de mix.
Dans la trajectoire de sobriété, toutes les com- scénarios de mix M23 et N2 diminue de quelques
posantes de coûts sont orientées à la baisse par milliards d’euros par an par rapport à leur version
rapport à la trajectoire de référence : la sobriété de référence (environ 7 à 8 Md€ d’écart entre M23-
conduit en effet à diminuer le besoin de capaci- sobriété et N2-sobriété contre environ 9 à 10 Md€
tés de production renouvelable mais également le d’écart entre M23-référence et N2-référence)
besoin de capacités flexibles et d’infrastructures de notamment car les coûts des batteries et des cen-
réseau. trales thermiques baissent plus fortement dans
M23 que dans N2.
En particulier, la baisse des coûts de flexibilité et
de réseau est légèrement plus importante dans les L’analyse montre que la sobriété n’est pas de
scénarios à forte part en énergies renouvelables. nature à remettre en cause l’interclassement
Ceci s’explique notamment par le fait que les coûts économique des scénarios de mix établi dans
de la flexibilité étaient d’ores et déjà relativement la trajectoire de référence. L’évaluation éco-
faibles dans les scénarios N2-référence et N03- nomique confirme ainsi les conclusions des pré-
référence, notamment du fait du faible besoin cédentes parties : d’une part, il existe un espace
de capacités thermiques alimentées par des gaz économique pour la construction de nouveaux réac-
décarbonés dans ces scénarios (sous réserve d’une teurs même dans une configuration de sobriété et
forte interconnexion avec les pays voisins). Ainsi, d’autre part, les énergies renouvelables présentent
réduire la consommation par rapport au scénario un intérêt économique réel, d’autant plus marqué
de référence se traduit par une évolution des coûts avec le développement de grands parcs éoliens et
d’autant plus marquée que le poste de coût lié aux solaires.
flexibilités était important.
Le niveau de consommation influence les
Par conséquent, l’écart entre les scéna- résultats au moins autant que les choix sur
rios avec et sans nouveau nucléaire est les mix de production. L’écart de coûts entre
légèrement atténué dans la configuration deux scénarios de mix fondés sur des trajec-
« sobriété ». À titre d’exemple, l’écart entre les toires de consommation différentes (par exemple,
80
60
Md€/an
Distribution
40 Transport
Flexibilité
Énergies
20 renouvelables
Nucléaire
Exports
0 • Total
-20
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
Référence Sobriété
environ 10 Md€ d’écart entre N1-référence et scénarios « M » montre qu’un mix 100 % renou-
N1-sobriété, hors valorisation des externalités velable dès 2050 (scénario M0-sobriété) associé
liées à la sobriété) est ainsi du même ordre de à une hypothèse de sobriété peut-être atteint à
grandeur que l’écart de coûts entre des scéna- un coût complet équivalent ou inférieur à des scé-
rios avec ou sans nouveau nucléaire fondés sur narios qui n’atteindraient cet objectif qu’en 2060
une même trajectoire de consommation (par (scénario M23-référence).
exemple, environ 10 Md€ d’écart de coûts entre
M23-référence et N2-référence). De même, le Ceci confirme qu’au-delà des conséquences
chiffrage comparé des scénarios montre que le industrielles, environnementales et sociétales, la
coût total d’un scénario M23-sobriété est proche sobriété constitue un levier de maîtrise des coûts
du coût des scénarios de type N1-référence ou pour le système électrique.
N2-référence. Enfin, l’analyse détaillée des
11.8.1.3 En s’appuyant sur l’évolution des modes de vie, la sobriété induit plusieurs
externalités dont la valeur économique fait débat
Les baisses de coût en cas de développement de D’un côté, certains estiment que la sobriété
la sobriété, ici évaluées à l’échelle du seul système embarque des externalités négatives non directe-
électrique, sont très significatives et mettent ainsi ment économiques mais qui devraient être valori-
en évidence tout le potentiel de la sobriété pour sées dans l’analyse : réduction du confort (dans le
favoriser une transition énergétique à un coût cas d’une baisse de la température de chauffage ou
maîtrisé. Au-delà de ce calcul de coût brut, la de partage d’équipements), perte d’utilité associée
valorisation des externalités associées à la à certaines consommations énergétiques, etc. La
sobriété fait débat sur le plan de la théorie valorisation de ce type d’externalités ne fait toute-
socio-économique. fois pas consensus, notamment dans le cadre d’une
624
L’analyse économique . 11
sobriété « choisie » et accompagnée d’une véritable Ce débat ne peut être tranché dans le cadre des
transformation de la société et des modes de vie. Futurs énergétiques 2050. Les évaluations éco-
nomiques de l’étude montrent néanmoins
D’autres à l’inverse soulignent les effets positifs que les actions de maîtrise de la demande
de la sobriété énergétique sur la qualité de vie, conduisent bien à soulager des besoins d’in-
qui donneraient lieu à des externalités positives : vestissement déjà structurellement impor-
réduction de la pollution, du bruit associé au trafic tants, et constituent donc, au niveau du
routier, du temps passé dans les transports, amé- système énergétique, un facteur important
lioration de la qualité de l’alimentation, etc. de réduction des coûts.
Figure 11.49 Coûts complets du système électrique dans le scénario « réindustrialisation profonde », comparés
à ceux de la trajectoire de référence (l’aire représente l’ensemble des scénarios de mix considérés)
100
80
60
Md€/an
40
Coût du système électrique
avec la trajectoire de
consommation de référence
20
Coût du système électrique
avec la trajectoire
de consommation
0 réindustrialisation profonde
2020 2030 2040 2050 2060
626
L’analyse économique . 11
électrifiables. Il nécessite donc de bâtir un système un recours accru à la flexibilité et des développe-
électrique apte à alimenter une consommation ments de réseau supplémentaires (que ce soit sur
plus importante d’environ 750 TWh (voir partie le réseau de transport ou le réseau de distribution,
5.3.2), qui porterait la part de l’industrie à environ pour alimenter les industriels et raccorder les éner-
12-13 % du PIB français. gies renouvelables supplémentaires).
De manière symétrique à l’analyse des scénarios La hausse des coûts du système électrique français
de sobriété, la trajectoire de réindustrialisa- dans la trajectoire de réindustrialisation profonde
tion profonde se traduit par un coût complet doit être rapportée à la consommation d’électri-
du système électrique plus élevé de l’ordre de cité supplémentaire couverte dans ce scénario : le
10 à 15 % à l’horizon 2060. coût moyen du MWh de consommation supplémen-
taire atteint ainsi autour de 95 €/MWh, quel que
Pour couvrir la consommation supplémentaire soit le scénario de mix considéré. Ce coût moyen
d’électricité du secteur industriel, les différents du MWh ajouté est globalement du même ordre
mix de production voient leur besoin en capacité de grandeur voire inférieur aux coûts moyens de
de production bas-carbone augmenter. Cet effet l’électricité dans les scénarios de référence. Ceci
explique au premier ordre la hausse globale des s’explique par le « profil plat » de la consommation
coûts complets avec la réindustrialisation pro- industrielle (voire « profil flexible » dans le cas des
fonde. En outre, le maintien d’un haut niveau de usages de l’hydrogène), qui génère de moindres
sécurité d’approvisionnement dans un contexte besoins de flexibilité et de réseau que le reste de
d’augmentation de la consommation nécessite la consommation.
La hausse des coûts complets dans la tra- photovoltaïque au sol, éolien en mer posé proche
jectoire de réindustrialisation profonde est des côtes).
générale et peu différenciée selon les mix de
production. En effet, la consommation d’électri- Sur le long terme, l’analyse confirme à nouveau
cité supplémentaire dans le scénario de réindus- la robustesse des conclusions sur l’espace écono-
trialisation profonde génère des coûts additionnels mique du nucléaire et des grands parcs d’énergies
de production, de flexibilité et de réseau relative- renouvelables dans une trajectoire de consomma-
ment homogènes entre les scénarios. tion plus haute que la trajectoire de référence. En
particulier, l’écart entre les scénarios avec et sans
La configuration de réindustrialisation pro- nouveau nucléaire n’évolue pratiquement pas dans
fonde n’est donc pas de nature à modifier l’in- la trajectoire de réindustrialisation profonde. Ce
terclassement économique des scénarios de résultat admet pour corollaire qu’une hypothèse de
mix qui reste identique à celui obtenu avec consommation plus haute que dans la trajectoire
la trajectoire de consommation de référence. de référence ne conduit donc pas à créer un avan-
tage économique plus important pour les scénarios
Sur le moyen terme, la réindustrialisation profonde avec nouveau nucléaire.
de l’économie peut être accompagnée favorable-
ment par une maximisation de la production des Cette conclusion diffère ainsi de celle obtenue avec
sources d’électricité bas-carbone les plus compé- l’analyse des effets de la sobriété, qui montrait une
titives, avec une prolongation de l’essentiel des atténuation des écarts de coûts entre scénarios de
réacteurs nucléaire existants et l’accélération du mix électrique par rapport à la trajectoire de réfé-
développement des énergies renouvelables les plus rence, du fait d’une baisse des besoins de flexibilité
matures et les moins coûteuses (éolien terrestre, plus ou moins importante selon les scénarios.
80
60
Md€/an
Distribution
40 Transport
Flexibilité
Énergies
20 renouvelables
Nucléaire
Exports
0 • Total
-20
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
Référence Réindustrialisation
Les coûts additionnels des scénarios de réindus- Des bénéfices apparaissent également au niveau
trialisation profonde doivent être mis en regard de l’emploi : une estimation simplifiée70 montre
des bénéfices qui découleraient d’une réindustria- que plusieurs centaines de milliers d’emplois pour-
lisation poussée de l’économie française. En effet, raient être créés dans l’industrie à l’horizon 2050
la réindustrialisation contribue à l’amélioration dans le scénario de réindustrialisation profonde,
du solde commercial de l’industrie manufactu- mais ces analyses méritent d’être précisées (en
rière et de manière générale au solde commercial intégrant l’effet de l’amélioration de la productivité,
de la France. Le gain par rapport à la trajectoire ce qui aurait l’effet de réduire le nombre d’emplois
de référence (qui intégrait déjà une légère amé- estimé). Au-delà des bénéfices économiques, les
lioration – voir chapitre 3) est déjà marquée sur analyses environnementales soulignent que la
le court/moyen terme (+46 Md€ en 2030) pour combinaison d’une stratégie de réindustrialisation
ensuite gagner en ampleur au fil de la progression avec le développement des capacités de produc-
de la réindustrialisation, jusqu’à atteindre plus de tion d’électricité décarbonée permettrait d’obtenir
200 Md€ d’écart en 2050. une réduction importante de l’empreinte carbone
de la France71.
70.
Avec un modèle entrées-sorties, à productivité inchangée et sans considérer les rétroactions macroéconomiques (effets sur les salaires, la consommation
de biens…).
71. Voir partie 12.2.6 pour une description détailée.
628
L’analyse économique . 11
Figure 11.51 Effet du scénario de réindustrialisation profonde sur les coûts du système électrique et le solde
commercial de l’industrie manufacturière
250
200
150
Md€/an
100
mélioration du
A
50 solde commercial
de l’industrie
manufacturière
Surcoût pour le
0 système électrique
Du côté des coûts hors système électrique, un En effet, pour une partie des industries consi-
volume d’investissement important serait néces- dérées, notamment celles à forte valeur ajoutée
saire de la part des industriels pour créer ou (électronique, aéronautique, pharmaceutique…),
agrandir des capacités de production en France. Un la facture énergétique représente une faible par-
soutien public pourrait également être requis pour tie des coûts de production : pour ces entreprises,
assurer le déclenchement des investissements et/ la qualité et la continuité de l’alimentation consti-
ou pour compenser la moindre compétitivité de tuent des exigences plus importantes en matière
certaines industries situées en France par rapport de fourniture d’électricité que son prix.
aux marchés mondiaux, notamment du fait de la
tarification du carbone. Les industries grandes consommatrices d’énergie
seraient en revanche plus sensibles à une variation
Finalement, même si une trajectoire volon- des coûts d’approvisionnement en électricité. Pour
tariste de réindustrialisation est susceptible ces branches électro-intensives, la possibilité de
de renchérir les coûts bruts de production bénéficier de contrats de long terme avec des prix
d’électricité, l’enjeu économique associé sur garantis ou de dispositifs facilitant l’intégration au
le mix de production n’apparaît pas de pre- système pourraient constituer des prérequis pour
mier ordre au regard des autres coûts et assurer une visibilité et une confiance suffisante à
bénéfices associés à une telle stratégie. même de déclencher des investissements.
L’atteinte des objectifs climatiques (actuellement Dans le cadre de ses études récentes sur l’in-
-40 % d’émissions en 2030 par rapport à 1990, tégration des nouveaux usages électriques
neutralité carbone en 2050) nécessite des investis- (mobilité, hydrogène, chauffage), RTE avait
sements conséquents, notamment pour l’évolution calculé et publié des analyses sur le coût
de la production et des usages électriques. Dans d’abattement associé à chacune des trans-
une logique d’efficacité économique et de minimi- formations considérées. Ces évaluations sont
sation des dépenses publiques pour la décarbona- actualisées et complétées dans l’étude des
tion, de nombreux acteurs cherchent à identifier Futurs énergétiques 2050. Elles confirment dans
les leviers les moins coûteux pour réduire les émis- les six scénarios de mix et les trois scénarios de
sions de gaz à effet de serre. consommation, la pertinence économique des tra-
jectoires d’efficacité énergétique et d’électrifica-
Pour cela, le « coût d’abattement des émissions de tion envisagées dans le cadrage de l’étude. Elles
gaz à effet de serre » constitue un indicateur clé permettent également d’identifier, au sein de ces
à l’élaboration d’une stratégie climat efficiente : il trajectoires, les actions sans regret pouvant faire
représente le coût unitaire, du point de vue de la l’objet d’une priorisation par les politiques publiques
collectivité, associé à la réduction d’émissions per- et d’une accélération dans le cadre du rehausse-
mise par une action donnée, exprimé en euros par ment des objectifs climatiques à l’horizon 2030.
tonne de CO2eq évitée.
630
L’analyse économique . 11
11.9.1 Une analyse détaillée du coût d’abattement action par action confirme
l’intérêt d’activer de nombreux leviers dès aujourd’hui pour atteindre les objectifs
climatiques
L’évaluation du coût d’abattement d’un projet ou Une attention particulière doit être portée à
d’une politique publique repose sur une comparai- l’affectation des coûts et émissions du sys-
son en coûts et en émissions entre deux solutions : tème électrique compte tenu de l’importance
l’une fossile et l’autre permettant de réduire ces de l’électrification des usages dans l’atteinte
émissions par une réduction de la consommation de la neutralité carbone (près de 50 % de
d’énergie ou par un transfert vers une solution la réduction des émissions territoriales d’ici
moins carbonée. La valeur du coût d’abattement 2050). Cela pose une difficulté méthodologique
d’une action de décarbonation correspond alors au spécifique puisque d’une part, côté production,
surcoût qu’elle induit, rapporté au volume d’émis- l’électricité voit son contenu carbone varier en
sions qu’elle permet d’éviter. Son efficacité éco- fonction des moyens et sources de production solli-
nomique et climatique peut alors s’apprécier en cités sur la plaque européenne et d’autre part, côté
comparant ce coût d’abattement à la valeur de consommation, l’électricité ainsi produite alimente
l’action pour le climat (VAC) définie par le rap- plusieurs usages simultanément, ce qui pose la
port Quinet72, supposée refléter le niveau d’effort question de l’attribution des émissions à chaque
collectif à engager pour atteindre les objectifs de usage. Pour traiter ce sujet, plusieurs méthodes
réduction des émissions de gaz à effet de serre. ont émergé et ont été débattues au regard des
objectifs visés. RTE a retenu dans ses précédentes
La valeur du coût d’abattement est donc for- publications une approche dite « incrémentale avec
tement dépendante de la solution contrefac- adaptation du mix électrique », la plus à même de
tuelle (utilisant une énergie fossile) retenue représenter les conséquences du développement
ainsi que du périmètre de comptabilisation des usages électriques et de l’évolution simultanée
des coûts et des émissions. du parc de production. Cette approche est égale-
ment retenue dans l’étude des Futurs énergétiques
En particulier, différents périmètres pour la comp- 2050 : pour chaque action d’électrification, le coût
tabilisation des émissions de gaz à effet de serre et les émissions de CO2 associés à la demande
peuvent être envisagés. Une première approche d’électricité additionnelle sont évalués de manière
consisterait à respecter stricto sensu le périmètre incrémentale par rapport aux scénarios étudiés (ici
défini pour le calcul de la valeur de l’action pour le à l’horizon 2030). Ceci permet de tenir compte du
climat, c’est-à-dire se limiter aux émissions territo- fait que selon les usages concernés et le profil de
riales. Cependant, ce périmètre pourrait favoriser demande au cours de l’année, le coût et les émis-
certaines techniques d’électrification en négligeant sions liés à un besoin supplémentaire d’électricité
par exemple l’impact climatique de la production ne seront pas les mêmes. Par exemple, la produc-
d’une batterie de véhicule électrique à l’étranger tion d’électricité induite par un développement du
ou les émissions induites sur le système électrique chauffage électrique n’aura pas le même coût ni
européen. Autant que possible, une approche le même contenu carbone que celle nécessaire à
« en cycle de vie » a été adoptée dans les études l’alimentation des véhicules électriques dont la
menées par RTE (cf. partie 12.2.3). recharge est flexible.
72.
« La valeur de l’action pour le climat – Une valeur tutélaire du carbone pour évaluer les investissements et les politiques publiques », Rapport de la
commission présidée par Alain Quinet, février 2019
73.
« Les coûts d’abattement – Partie 1 Méthodologie », Rapport de la commission présidée par P. Criqui, juin 2021
74.
Les résultats de l’approche en « budget carbone » ne sont théoriquement pas directement comparables à la valeur de l’action pour le climat car la trajectoire
de cette dernière croit plus vite que le taux d’actualisation public (4,5 %) d’ici 2030. Cependant, l’approche en « budget carbone » donne des valeurs de coût
d’abattement plus élevés que la méthode « ajustée à la VAC », ce qui assure que, si les actions ont des coûts d’abattement en approche « budget carbone »
plus faibles que la valeur de l’action pour le climat, alors elles sont bien pertinentes pour la collectivité.
75.
World Energy Outlook 2020
632
L’analyse économique . 11
À l’horizon 2030, les coûts d’abattement de la plu- Cette conclusion est renforcée par le fait que la
part des actions de réduction des émissions envisa- trajectoire de la valeur de l’action pour le climat,
gées dans les Futurs énergétiques 2050 sont moins calculée par rapport aux objectifs de la SNBC, sera
élevés que la valeur tutélaire (250 €/tCO2eq) issue revue à la hausse en cas d’adoption par la France
du rapport Quinet de 2019. Ceci signifie que les d’objectifs plus contraignants à l’horizon 2030
solutions disponibles et matures pour décar- (paquet « Fit for 55 »). À l’horizon 2040, l’ensemble
boner l’économie sont pertinentes du point des actions étudiées sont inférieures à la valeur
de vue de la collectivité et devraient être de l’action pour le climat (500 €/tCO2eq), ce qui
engagées sans tarder. justifie de se préparer à déployer ces solutions sur
le long terme pour atteindre la neutralité carbone.
Figure 11.52 Coûts d’abattement et leurs incertitudes comparés aux valeurs de l’action pour le climat (2030, 2040 et 2050)
600
Valeur tutélaire 2040
400
Valeur tutélaire 2030
200
-200
-400
-600
Isolation Électrification Électrification Isolation Électrification Électrification 100% Hybride Hydrogène 100% Hydrogène Combustible Électricité Chaudière Chaudière Pompe Résistances Induction Conduction Production Réduction Électrolyse
- pompe - pompe - pompe à - pompe électrique rechargeable électrique fossile électrique à hydrogène à chaleur d'ammoniac de l'acier à
à chaleur à chaleur chaleur air/eau à chaleur décarboné à partir l'hydrogène
air/eau air/eau + air/eau + d'hydrogène décarboné
isolation isolation décarboné
Mobilité Mobilité Besoin Procédés Usages
Fioul Gaz légère lourde Efficacité de chaleur industriels matières
Impact de l’effet rebond Service rendu faible (logements neufs, kilométrage annuel faible ou part faible Coût faible des Prix des
Baisse des coûts du trajet réalisée en mode électrique pour les hybrides...) équipements combustibles élevés
envisageable Service rendu élevé (logements anciens, kilométrage annuel élevé des véhicules Coût élevé des Coût de
à l’horizon 2030 ou part élevée des trajets réalisée en mode électrique pour les hybrides...) équipements l’électricité élevé
Clé de lecture : Le remplacement d’une voiture particulière essence ou diesel par un véhicule électrique léger conduit à un coût d’abattement entre 200 et
350 €/tCO2eq évitée selon le kilométrage annuel du véhicule remplacé. Dans le cas où les coûts des véhicules électriques baisseraient d’ici 2030, le coût
d’abattement serait réduit à environ 150 €/tCO2eq évitée.
* : le TRL (Technology Readiness Level) est évalué sur une échelle de 1 à 9 et définit le niveau de maturité technologique
L’indicateur de coût d’abattement est régulière- chauffé au gaz) et qui sont donc difficiles à discri-
ment utilisé pour déterminer une préséance dans miner. Ce constat se trouve renforcé par les ana-
les actions à entreprendre sur la base de l’inter- lyses de sensibilité représentant les incertitudes
classement de leurs coûts d’abattement (par ordre entourant ces coûts d’abattement (évolution des
croissant). Cependant, l’analyse menée par RTE prix des combustibles, intensité d’utilisation par
montre qu’il n’est pas possible de concentrer l’en- les usagers, coûts des solutions décarbonées) :
semble des efforts sur un secteur de l’économie les actions ayant des coûts d’abattement proches
plutôt qu’un autre. peuvent voir leur interclassement modifié dès lors
qu’une hypothèse est légèrement modifiée.
En effet, il existe des solutions de réduction des
émissions au sein de différents secteurs qui pré- Par ailleurs, le coût d’abattement ne saurait
sentent des coûts d’abattement proches (par déterminer à lui seul l’ordre des solutions
exemple, le passage d’un véhicule thermique à un à déployer de par l’écart entre sa nature
véhicule électrique et l’électrification d’un logement intensive (€/tCO2eq) et celle des objectifs
Figure 11.53 Coûts d’abattement des différentes actions d’efficacité et d’électrification associées aux volumes
d’émissions territoriales
1 000
€/tonne de CO2 évitée
800
600
400
200
0
TRL : 7-9 TRL : 7-8 TRL : 5-9 TRL : 3
-200
Isolation Électrification Électrification Isolation Électrification Électrification 100% Hybride 100% Hydrogène Combustible Électricité Chaudière Chaudière Pompe Résistances Induction Conduction Production Réduction Électrolyse
- pompe - pompe - pompe à - pompe électrique rechargeable électrique fossile électrique à hydrogène à chaleur d'ammoniac de l'acier à
à chaleur à chaleur chaleur air/eau à chaleur décarboné à partir l'hydrogène
air/eau air/eau + air/eau + d'hydrogène décarboné
isolation isolation décarboné
Mobilité Mobilité Besoin Procédés Usages
Fioul Gaz légère lourde Efficacité de chaleur industriels matières
4 MtCO2
14 MtCO2
27 MtCO2 24 MtCO2
32 MtCO2
La partie blanche correspond 50 MtCO2
à la baisse des émissions territoriales
réalisée d’ici 2030, dans la trajectoire
de consommation de référence 95 MtCO2
Clé de lecture : les émissions territoriales liées à la mobilité légère qui représentent environ 95 MtCO2eq aujourd’hui sont réduites de 39 MtCO2eq d’ici 2030 dans
le scénario de référence, grâce à la mise en œuvre de différentes mesures (électrification, hybridation mais aussi report modal, meilleure efficacité énergétique
des véhicules thermiques…).
634
L’analyse économique . 11
climatiques qui se déclinent en volume d’émis- d’artisans pour rénover la totalité du parc de loge-
sions à réduire. Les coûts d’abattement doivent en ments de manière immédiate.
conséquence être mis en regard des des volumes
d’émissions qui leur sont associés. Cela confirme Dans le souci de l’atteinte de la neutralité clima-
l’impossibilité pour la France d’atteindre ses objec- tique à long terme, il est nécessaire d’éviter d’en-
tifs de réduction des émissions de gaz à effet de gager aujourd’hui, de manière systématique des
serre en portant son action climatique dans un seul actions à coûts d’abattement faibles qui auraient
secteur puisque la réduction visée d’ici 2030, dans des effets limités sur les émissions, notam-
la SNBC actuelle, est de près de 125 MtCO2 par rap- ment en cas de « lock-in technologique »76. Par
port à 2019 (ce qui est supérieur aux émissions du exemple, compte tenu de leur longue durée de
transport – premier secteur émetteur) et pourrait vie, si des installations industrielles sont renou-
être rehaussée à 160 MtCO2 en cas d’adoption du velées aujourd’hui, elles pourraient encore être
paquet « Fit for 55 ». Pour atteindre l’objectif « zéro en fonctionnement en 2050 voire bien au-delà.
émissions nettes » en 2050, des actions même coû- Le recours à de nouvelles installations fossiles
teuses devront être engagées dans l’ensemble des dans les prochaines années rendrait très com-
secteurs de l’économie, les puits de carbone ne plexe leur décarbonation ultérieure, sauf à anti-
permettant qu’une absorption limitée d’émissions ciper leur fin de vie, constituant alors des coûts
résiduelles. échoués. De même, certaines solutions pré-
sentent des contraintes en matière de gisement
À moyen terme, au-delà de l’évaluation des qui pourraient conduire à des difficultés d’appro-
coûts d’abattement, l’atteinte de ces objec- visionnement en cas de développement massif :
tifs nécessite de prendre en compte les il s’agit par exemple des solutions reposant sur le
dynamiques de déploiement des différentes bois-énergie ou le biométhane dont le potentiel
solutions. Par exemple, le taux de renouvelle- disponible en France est limité. Enfin, la prise en
ment du parc est plus rapide dans les transports compte des effets de volume sur les émissions
que dans le bâtiment (6 à 7 % par an pour les permet d’identifier des leviers potentiellement
véhicules légers, contre 1 à 2 % pour le logement), coûteux ou des solutions non disponibles indus-
offrant ainsi une opportunité de décarbonation plus triellement à date (dont le niveau de maturité est
rapide. Pour les secteurs soumis à des constantes mesuré par le TRL – Technology Readiness Level,
de temps longues, une restauration ou modernisa- sur une échelle de 1 à 9) mais qui permettent
tion de l’existant doit être envisagé, comme dans des gains substantiels sur les émissions et qui
le bâtiment via l’isolation des logements actuels. seront incontournables pour atteindre la neutra-
Toutefois, même dans ce cas, il est nécessaire de lité carbone.
tenir compte des capacités techniques ou indus-
trielles nécessitant une mise en œuvre lissée dans En conséquence, l’atteinte des objectifs cli-
le temps de certaines actions : par exemple, même matiques à moyen terme devra mobiliser
avec la volonté de généraliser la rénovation des des actions dans l’ensemble des secteurs de
bâtiments existants, il n’apparaît pas possible de l’économie.
mobiliser un nombre suffisant d’entreprises ou
76.
Cette notion de « verrouillage technologique » désigne l’adoption durable d’une technologie au détriment d’une autre qui s’avérerait plus efficace.
Les émissions directes liées aux usages énergé- ont donc un intérêt climatique et économique mar-
tiques dans le secteur des bâtiments (résidentiels qué, qui se traduit par un coût d’abattement parti-
et tertiaires) ont représenté un peu moins de 20 % culièrement faible, inférieur à 100 €/tCO2eq évitée
des émissions de gaz à effet de serre nationales en en cas d’électrification. Les actions sur les loge-
2019, dont environ 11 % pour les seules émissions ments chauffés au gaz présentent quant à elles des
liées au chauffage. coûts d’abattements plus élevés que pour les loge-
ments chauffés au fioul (du fait d’un facteur d’émis-
Compte tenu du faible taux de renouvellement du sion moindre pour le gaz que pour le fioul) mais
parc de bâtiments (environ 1 à 2 % par an), l’enjeu ces coûts restent inférieurs à la valeur de l’action
de décarbonation de ce secteur porte en premier pour le climat en 2030. La rénovation des bâtiments
lieu sur les logements existants qui, pour une large chauffés au gaz reste donc justifiée du point de vue
part, existeront toujours en 2050. Le calcul des économique pour la réduction des émissions de gaz
coûts d’abattement s’est donc concentré sur les à effet de serre, notamment lorsqu’elle intègre le
logements chauffés au fioul et au gaz fossile en remplacement du système de chauffe.
évaluant des actions d’efficacité énergétique sur le
bâti (isolation) et d’électrification (remplacement L’évaluation des coûts d’abattement montre
de chaudières alimentées par des combustibles également que les actions portant seulement
fossiles par des solutions électriques comme les sur l’isolation du bâti (sans changement de
pompes à chaleur). la solution de chauffage) ont un intérêt cli-
matique marqué dans les logements chauffés
De manière générale, cette analyse montre par des combustibles fossiles mais sont coû-
que la combinaison d’un effort d’efficacité sur teuses et doivent être concentrées, au moins
le bâti et d’une action d’électrification effi- dans un premier temps, sur les passoires
cace à partir d’une pompe à chaleur sur les thermiques.
logements chauffés avec des combustibles
fossiles offre le meilleur potentiel de décar- Ces évaluations sont néanmoins particulièrement
bonation. Le déploiement de ce type d’actions sensibles à la prise en compte de l’effet rebond ou en
apparaît tout à fait justifié par rapport à la d’autres termes à l’intégration du « service rendu »
valeur de l’action pour le climat. dans l’analyse. En effet, la meilleure efficacité éner-
gétique du bâti conduit généralement à une augmen-
Dans le détail, l’analyse des coûts d’abattement tation de la température de consigne ou du nombre
associés aux différentes actions sur le chauffage de pièces chauffées qui vient contrebalancer une
et le bâti permet d’identifier des stratégies de partie du gain sur la consommation énergétique et
priorisation. les émissions de gaz à effet de serre mais améliore
le confort des individus. La prise en compte de l’effet
En particulier, l’évolution des coûts d’abatte- rebond conduit à un coût d’abattement plus élevé,
ment dans les différents types de logements qui peut parfois devenir supérieur à la valeur de l’ac-
met en évidence l’importance de prioriser la tion pour le climat (sauf pour la rénovation ciblée sur
décarbonation des logements chauffés au fioul les passoires thermiques chauffées aux combustibles
sur ceux chauffés au gaz. En effet, le chauffage fossiles). Ce résultat soulève néanmoins la question
au fioul, bien que minoritaire en France (~3,4 mil- de la valorisation de l’externalité positive associée
lions de logements) représente une part substan- au gain de confort qui se traduit notamment par
tielle des émissions du bâtiment (~14 MtCO2eq). une réduction de la précarité énergétique (voir par-
Les actions de décarbonation visant ces logements tie 11.9.4 sur les co-bénéfices).
636
L’analyse économique . 11
Le secteur des transports est le seul dont les émis- même si le développement massif du véhicule élec-
sions n’ont pas diminué depuis 1990 et représente trique à long terme conduit à un point de vigilance
aujourd’hui près d’un tiers des émissions de gaz à sur la consommation de métaux critiques associés
effet de serre de la France. Celles-ci proviennent tels que le cobalt ou le lithium (voir partie 12.3).
principalement du secteur du transport routier, sur
lequel se concentrent donc de nombreuses mesures S’agissant du véhicule hybride rechargeable,
de décarbonation (normes sur les émissions de gaz celui-ci rend possible une plus faible réduction des
à effet de serre, primes pour l’achat de véhicules émissions (risque de lock-in technologique), avec
électriques, interdiction de la vente de véhicules une part incertaine des trajets qui est effectivement
thermiques neufs à partir de 2040 voire potentiel- réalisée en mode électrique. Le coût d’abattement
lement à partir de 2035 si les nouveaux objectifs plus élevé associé au remplacement d’un véhicule
discutés au niveau européen sont adoptés…). essence par un véhicule hybride rechargeable est
donc nettement plus élevé et plus incertain que
Sur ce secteur, l’évaluation des coûts d’abattement pour le passage à un véhicule 100 % électrique.
réalisée par RTE a porté sur le remplacement des Quant au véhicule à hydrogène, celui-ci présente
véhicules existants par des véhicules électriques, un coût très élevé (> 1 000 €/tCO2eq évitée) et
hybrides rechargeables ou hydrogène. D’autres ne semble donc pas présenter d’intérêt particulier
solutions techniques ou organisationnelles existent pour la mobilité légère vu d’aujourd’hui.
comme le report modal, la sobriété dans les dépla-
cements, l’amélioration de l’efficacité énergétique Pour la mobilité lourde, l’analyse met en évi-
des véhicules neufs ou encore le recours à d’autres dence des coûts de décarbonation plus éle-
carburants (biogaz ou biocarburants, sujets à des vés (autour de 500-600 €/tCO2eq évitée) que
contraintes de gisement sur la biomasse), mais pour l’électrification de la mobilité légère et
n’ont pas été évaluées en détails à ce stade. qui atteignent des niveaux proches entre dif-
férentes solutions (notamment poids lourds
Pour la mobilité légère, le passage à des véhi- électriques ou à l’hydrogène77). En effet, l’élec-
cules 100 % électriques semble être l’option trification du segment des poids lourds nécessite
à privilégier avec des gains importants sur les des batteries de taille importante et le surcoût est
émissions de gaz à effet de serre à un coût d’autant plus élevé que leur poids et leurs besoins
maîtrisé. La baisse des coûts attendue sur les d’autonomie sont importants. La concurrence avec
batteries pourrait par ailleurs faire diminuer encore d’autres solutions de décarbonation est par ailleurs
le coût d’abattement lié au passage au véhicule plus marquée et présente plus d’incertitudes que
électrique (autour de 150 €/tCO2eq évitée d’ici pour la mobilité légère, les différentes technologies
quelques années). Il s’agit ainsi de la manière la étant aujourd’hui encore très peu déployées par
plus efficiente de décarboner le transport routier rapport aux poids lourds essence et diesel.
77.
D’autres technologies comme les biocarburants ou le bio-GNV sont également susceptibles de permettre la décarbonation du transport lourd mais avec un
enjeu sur le gisement de biomasse mobilisable. Les coûts d’abattement correspondant à ces technologies n’ont toutefois pas pu être évalués à date dans le
cadre des Futurs énergétiques 2050
Les émissions de l’industrie manufacturière repré- fossiles dans l’industrie (par exemple, pompes à
sentent aujourd’hui près de 20 % des émissions chaleur, techniques de résistance, d’induction,
nationales soit 80 MtCO2eq (dont 50 MtCO2eq sont de conduction, de compression mécanique de
liées à l’utilisation de l’énergie et 30 MtCO2eq sont vapeur ou encore d’infra-rouge)79. Les équipe-
des émissions dites « de procédés », associées à des ments reposant sur ces techniques électriques
réactions mécaniques ou chimiques). L’industrie ont généralement de meilleurs rendements que
constitue un ensemble très hétérogène, qui recouvre leurs équivalents fonctionnant aux combustibles,
une grande diversité de procédés78, impliquant des même si cet avantage est moindre pour les pro-
équipements de types et de tailles très différents. cédés nécessitant les plus hautes températures.
Les coûts d’abattement associés à l’électrification
L’évaluation des coûts d’abattement pour la des besoins de chaleur basses températures se
décarbonation de l’industrie est par conséquent situent ainsi dès aujourd’hui en deçà de 50 €/tCO2eq
particulièrement difficile, les actions à enga- grâce aux coefficients de performances élevés des
ger étant nombreuses et de natures variées. pompes à chaleur et de la recompression méca-
Elle permet néanmoins de tirer quelques grands nique de vapeur. L’électrification des besoins de
enseignements. chaleur ou des procédés nécessitant des tempé-
ratures plus élevées (à plus de 150 °C) présente
D’une part, les actions d’efficacité énergé- des coûts d’abattement plus importants mais qui
tique dans l’industrie affichent un gain à la restent a priori inférieurs à la valeur de l’action
fois climatique et économique important. Des pour le climat en 2030.
efforts conséquents en matière d’efficacité énergé-
tique ont déjà été engagés par le secteur dans le Sur la durée de vie d’un tel équipement, l’essentiel
passé, mais des progrès apparaissent encore pos- de la dépense des industriels est surtout à l’usage,
sibles dans certains secteurs ciblés. Des actions pour la consommation d’énergie : le coût d’abat-
supplémentaires notamment de valorisation de tement dépend moins du surcoût d’investissement
la chaleur fatale, de valorisation énergétique des initial que des coûts relatifs de l’énergie et du gain
déchets ou encore d’optimisation peuvent être énergétique permis par le passage à l’électrique.
déployées. Les règlements d’éco-conception qui
accompagnent le renouvellement progressif des Afin de ne pas obérer la capacité à décarboner ces
équipements industriels permettront également de usages en créant un verrouillage technologique,
réduire la consommation d’énergie. La majorité de ces solutions doivent être mises en œuvre dès
ces actions semblent pouvoir permettre à moyen les prochains renouvellements des installations
et long terme des économies aux industriels, et concernées car leurs durées de vie peuvent dépas-
sont donc à des coûts d’abattement négatifs. ser 30 ans. Il est ainsi essentiel d’assurer l’aligne-
ment des intérêts privés et collectifs, en s’assurant
D’autre part, l’électrification d’un grand notamment que les coûts et les bénéfices de la
nombre d’usages énergétiques dans l’indus- décarbonation portés par les industriels reflètent
trie apparaît possible à moyen terme pour un bien l’intérêt de réduire les émissions de gaz à
coût d’abattement inférieur à 200 €/tCO2eq. Pour effet de serre pour la collectivité.
la décarbonation des procédés industriels, plu-
sieurs techniques électriques déjà matures peuvent Enfin, à plus long terme, des changements de
se substituer à la consommation de combustibles procédés pourraient permettre de réduire les
78.
Un procédé industriel désigne toute opération ou ensemble d’opérations de transformation (mécanique, chimique ou autre) permettant d’obtenir à partir de
matières premières des biens, matériaux ou produits chimiques en grande quantité
79.
Rapport « Première analyse du potentiel technique d’électrification des procédés industriels thermiques par des technologies matures », Centre d’études et
de recherches économiques sur l’énergie (CEREN), octobre 2019
638
L’analyse économique . 11
émissions des usages matières. Certains sec- consommation d’environ 600 kg de coke obtenu
teurs, comme la production d’acier, d’éthylène ou à partir de charbon. Pour ces industries, il ne
d’ammoniac, utilisent en effet des combustibles suffit pas de décarboner le service énergétique :
fossiles en tant que matières premières. Dans les un basculement vers de nouveaux procédés, qui
hauts-fourneaux par exemple, le procédé de pro- sont aujourd’hui pour l’essentiel peu matures, sera
duction d’une tonne d’acier primaire implique la nécessaire.
Axe prioritaire de la stratégie hydrogène de la France, L’évaluation de ce coût d’abattement apparaît par-
le déploiement d’électrolyseurs en remplacement des ticulièrement sensible au coût de l’énergie qui est
unités de vaporeformage au méthane permettrait un paramètre clé de l’équation économique d’un
d’éviter plusieurs millions de tonnes de CO2 par an. électrolyseur. L’augmentation du coût de l’électri-
cité pourrait renchérir de près de 100 €/tCO2eq le
L’estimation du coût d’abattement confirme l’in- coût d’abattement tandis qu’à l’inverse une hausse
térêt de l’électrolyse pour décarboner la pro- du prix du gaz (telle que celle observée fin 2021 et
duction d’hydrogène et la pertinence d’un début 2022) pourrait faire chuter le coût d’abatte-
fonctionnement en bande à moyen terme avec ment à moins de 50 €/tCO2eq.
un coût d’abattement de l’ordre de 200 €/tCO2eq.
Un électrolyseur fonctionnant de manière flexible Le gisement d’émissions de CO2 associé uni-
(par exemple uniquement sur les heures où le quement à la production d’hydrogène à base de
contenu carbone de l’électricité est le plus faible) vaporeformage apparaît limité en comparaison
présente à moyen terme un coût d’abattement d’autres secteurs de l’économie mais l’usage d’hy-
plus élevé, de l’ordre de 300 €/tCO2eq, du fait d’un drogène en tant que vecteur énergétique aurait
amortissement des coûts d’investissement des la propriété de pouvoir décarboner d’autres sec-
électrolyseurs sur un nombre plus réduit d’heures teurs pour lesquels les solutions d’électrification
de fonctionnement. À plus long terme, ce type de semblent difficiles à mettre en place sur le plan
fonctionnement pourrait néanmoins devenir très technique ou économique (procédés industriels ou
compétitif, en particulier dans des mix à forte part mobilité lourde par exemple).
en énergies renouvelables et si les baisses de coûts
attendues pour les électrolyseurs et le transport et
le stockage d’hydrogène se matérialisent.
La littérature sur l’évaluation des coûts d’abatte- avec les résultats obtenus par RTE, par exemple
ment est aujourd’hui concentrée sur un nombre pour l’électrification des besoins de chauffage ou
limité d’études, notamment si le périmètre est de mobilité.
restreint au cas français (la comparaison avec les
coûts d’abattement d’actions situées dans d’autres Lorsque des différences sont observées, il est
pays serait délicate compte tenu des différences difficile d’en expliciter les causes compte tenu des
de contexte et de mix électrique pouvant exister). différences en matière de méthodologie, de péri-
Même si elle n’est pas exhaustive, la littérature étu- mètre (intégration des co-bénéfices, périmètre de
diée80 montre de nombreux points de convergence comptabilisation des émissions de CO2, en analyse
Figure 11.54 Comparaison aux coûts d’abattement de la littérature pour différentes actions de décarbonation
800
700
600
500
€/tonne de CO2 évitée
400
300
200
100
0
-100
-200
-300
-400
-500
RTE Études RTE Études RTE Études RTE Études RTE Études RTE Études RTE Études RTE Études RTE Études RTE Études
externes externes externes externes externes externes externes externes externes externes
Isolation Remplacement Isolation Isolation Passage à Passage à un Efficacité Électrification Pompe à Électrolyse
d'un logement d'une d'un logement + pompe à un véhicule bus électrique énergétique de la chaleur chaleur à
fioul chaudière gaz chaleur air/eau électrique industrielle usage
fioul par une dans un industriel
pompe à logement
chaleur air/eau au gaz
80.
« Les coûts d’abattement – Partie 2 : Transports », rapport de France Stratégie (commission présidée par P. Criqui), 2021 ;
« Baromètre de la décarbonation – Comment décarboner en profondeur et sans tarder le bâtiment, les transports et l’industrie ? », Carbone 4, novembre 2018 ;
« Thématique – Trajectoires de transition au moindre coût », Commissariat général au développement durable, novembre 2016 ;
« Les clés pour financer l’évolution de la demande en France – Méthode et résultats », Union Française de l’électricité, 2016 ;
« La valeur de l’action pour le climat – Compléments », rapport de France Stratégie (commission présidée par A. Quinet), 2019 ;
« La décarbonation des entreprises en France », Conseil général de l’économie, 2021
640
L’analyse économique . 11
de cycle de vie ou en émissions directes…) et par Patrick Criqui souhaite établir une série de coûts
plus largement sur les hypothèses de référence d’abattement harmonisés pour les grands secteurs
utilisées (notamment le prix des combustibles de l’économie (transports, électricité, hydrogène,
fossiles). bâtiment, industrie et agriculture) qui devrait à
terme constituer une référence en matière de
À noter qu’en plus de définir un cadre méthodolo- valeurs de coûts d’abattement en France (à date,
gique de référence pour le calcul des coûts d’abat- seules les études concernant le secteur des trans-
tement, la commission France Stratégie présidée ports et de l’électricité sont disponibles).
Sanitaire Économique
Actions possibles Environnementale
et sociale & stratégique
• Efficacité énergétique •R
éduction de la • Réduction de la pollution • Innovations
• Électrification pollution atmosphérique atmosphérique technologiques
• Recours à d’autres (augmentation de (préservation • Baisse de la dépendance
Tous secteurs vecteurs énergétiques l’espérance de vie, des écosystèmes) énergétique de la France
confondus décarbonés réduction des maladies • Réduction de la
• Sobriété des modes respiratoires et pollution atmosphérique
de vie cardiovasculaires…) (amélioration des
rendements agricoles)
642
L’analyse économique . 11
Les politiques climatiques visent en priorité à décar- u Stratégique : en améliorant la sécurité d’appro-
boner l’économie, mais leur mise en œuvre peut visionnement énergétique.
induire d’autres externalités que les bénéfices liés à
la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Du fait de leurs conséquences généralement
Ces externalités sont qualifiées de co-bénéfices si concrètes et observables immédiatement au niveau
elles sont positives pour la collectivité, et de co- local (au contraire des émissions de gaz à effet de
dommages dans le cas contraire. À titre d’exemple, serre), les co-bénéfices sont de nature à favoriser
si l’accord de Paris a pour principal objectif la baisse l’acceptation sociale des politiques de décarbona-
des émissions de gaz à effet de serre pour limiter tion et donc participer activement à leur déploie-
le réchauffement climatique, la recherche des co- ment. Ils peuvent également représenter un gain
bénéfices de la décarbonation y est aussi un facteur tangible pour la collectivité (par exemple, en rédui-
essentiel pouvant justifier et accélérer le déclenche- sant les coûts du système de santé) qui peut être
ment d’actions en faveur du climat. intégré en tant que tel à l’évaluation des coûts
d’abattement (sur la base de valeurs tutélaires).
Les co-bénéfices de la décarbonation peuvent
apparaître à des degrés divers dans les différents Toutefois, la prise en compte et la valorisation
secteurs de l’économie et sont de nature variés : systématique de ces externalités s’avère par-
u Sanitaire et sociale : avec la baisse des inéga- ticulièrement complexe compte tenu d’une
lités, en particulier la réduction de la précarité part de la difficulté à les estimer de manière
énergétique (bâtiment) ; exhaustive (il est également nécessaire de
u Environnementale : par leurs effets sur les éco- considérer les co-dommages) et d’autre
systèmes et la biodiversité ; part de la difficulté à les traduire sur le plan
u Économique : en influençant l’innovation, la économique.
localisation des emplois, ou encore la compétiti-
vité hors prix (industrie) ;
Au niveau mondial, le principal co-bénéfice milliards d’euros par an en France, soit de l’ordre
associé à la lutte contre le changement clima- de plusieurs points de PIB. Ceci permet d’établir
tique est l’amélioration de la qualité de l’air que l’amélioration de la qualité de l’air peut déga-
permise par la réduction de la production de ger des bénéfices potentiellement importants sur
charbon (déjà faible en France), mais égale- le plan économique.
ment par l’évolution du transport routier, du chauf-
fage résidentiel et de l’industrie. Dans le cadre de Au-delà de la réduction de certains impacts nocifs
l’analyse environnementale des Futurs énergé- comme celui des polluants atmosphériques, les
tiques 2050, un volet a ainsi été consacré au sujet politiques climatiques peuvent également être
de la pollution atmosphérique (partie 12.6), qui est de nature à améliorer le confort (notamment
à l’origine de nombreuses maladies respiratoires effet rebond associé à la rénovation du bâtiment)
et responsable de plusieurs dizaines de milliers de et avoir des effets positifs sur le plan sanitaire
décès prématurés chaque année en France. (réduction du taux de surmortalité hivernale, de
certaines maladies cardio-vasculaires et respira-
Bien qu’une quantification économique soit difficile toires…). D’autres co-bénéfices d’une politique de
(les évaluations variant d’un facteur un à quatre du décarbonation profonde peuvent également appa-
fait de méthodologies hétérogènes), les différentes raître, comme la création d’emplois locaux non
études sur le sujet convergent sur un coût sanitaire délocalisables ou encore la réduction de la dépen-
de la pollution extérieure se chiffrant en dizaine de dance énergétique.
Figure 11.56 Incidence de la prise en compte de co-bénéfices sur l’évaluation des coûts d’abattement de certaines
actions de décarbonation (exemples)
700
600
500
€/t CO2 évitée
400
300
gain de
confort faible
milieu peu dense
200 Sans prise
en compte des
co-bénéfices
100
milieu densément Avec prise
gain de peuplé en compte de
confort élevé co-bénéfices
0
Isolation d'un logement Isolation d'un logement Électrification de Électrification de
chauffé au fioul chauffé au gaz la mobilité légère la mobilité lourde
81.
Cassen, C., Guivarch, C. & Lecocq, F. (2015). Les cobénéfices des politiques climatiques : un concept opérant pour les négociations climat ? Natures Sciences
Sociétés, 41-51.
644
L’analyse économique . 11
conduit à faire baisser de manière très significative donc principalement sur des considérations éco-
le coût d’abattement lié à des actions d’isolation de nomiques et climatiques, mais cela ne suffit pas
logements chauffés par des énergies fossiles. à représenter l’ensemble des implications de ces
leviers de décarbonation.
Pour mesurer les bénéfices sanitaires liés au rem-
placement des véhicules diesel et essence par des En pratique, le remplacement d’une technologie par
véhicules électriques, les véhicules thermiques une autre ne se fait pas toujours à même service
peuvent être pénalisés à hauteur de leurs émis- rendu (plus d’attente à la recharge d’un véhicule
sions de polluants atmosphériques compte tenu électrique qu’à celle d’un véhicule thermique par
de leur impact sur la santé humaine : une esti- exemple) et peut induire des changements d’usage.
mation moyenne, à partir de la littérature, conduit De la même façon, un changement technologique
à attribuer à ces polluants un coût de l’ordre de n’aura pas, au-delà des émissions de gaz à effet de
70 milliards par an pour la collectivité. Leur impact serre, le même impact environnemental (la fabri-
est d’autant plus élevé qu’une zone est densément cation de ces véhicules électriques a une plus forte
peuplée : si 54 % de la mortalité associée aux incidence sur les écosystèmes que celle d’un véhi-
polluants atmosphériques a lieu dans les grandes cule thermique, notamment dans les territoires où
villes, seulement 20 % des kilomètres parcourus les ressources minérales destinées aux batteries
en voiture ont lieu dans des communes densément sont extraites et traitées). L’incidence environne-
peuplées82. La prise en compte de ce surcoût attri- mentale des différents scénarios est étudiée dans
buable à la pollution atmosphérique des véhicules la suite immédiate de ce rapport (chapitre 12).
thermiques conduit également à diminuer forte-
ment le coût d’abattement lié au véhicule élec- Par ailleurs, d’autres leviers de décarbonation
trique, notamment pour les véhicules particuliers. possibles ne reposent pas sur des changements
technologiques mais de modes de vie. Il apparaît
La prise en compte des différentes externalités dans encore plus difficile d’évaluer les coûts et/ou les
l’évaluation des coûts d’abattement est limitée aux bénéfices associés à ces transformations organi-
impacts qui peuvent être quantifiés économique- sationnelles ou comportementales (report sur des
ment et est soumise à une certaine subjectivité modes de transport doux, hausse de la cohabita-
(quel coût donner aux nuisances sonores, à l’im- tion, alimentation plus locale, autres actions de
pact sur la santé humaine…). L’analyse des actions sobriété…). Ces différents leviers sont étudiés plus
de décarbonation réalisée dans cette partie repose en détail dans le chapitre 13.
82.
Enquête « Mobilité des personnes » 2019, SDES
L’ANALYSE ENVIRONNEMENTALE :
UNE ÉVALUATION APPROFONDIE DES IMPACTS
ENVIRONNEMENTAUX DE LA TRANSFORMATION
DU SYSTÈME ÉLECTRIQUE ET DE L’ÉLECTRIFICATION
DES USAGES
La transition énergétique s’inscrit dans une préoc- accusées de contenir des terres rares. Du fait de
cupation d’ordre environnemental plus globale : la la variabilité de leur production, les éoliennes et
lutte contre le changement climatique en constitue les panneaux solaires sont suspectés de servir de
l’un des piliers mais pas le seul, le respect de la paravent au maintien de la production à base de
biodiversité figurant également parmi les objectifs charbon ou de gaz et donc de ne pas permettre
majeurs. de réellement réduire les émissions. Les pan-
neaux solaires sont associés à une polémique sur
Ce cadrage est d’autant plus important que les dif- la réalité de leur bilan environnemental du fait des
férentes options pour réaliser la transition énergé- conditions de leur production, souvent en Asie par
tique suscitent toutes leur part de polémiques sur des procédés énergivores dans des mix carbonés
la question environnementale. et donc polluants. Les éoliennes en mer sont sus-
pectées de perturber les espèces vivant à proxi-
Le nucléaire, qui n’émet pas de gaz à effet de mité. Le bilan environnemental des batteries, les
serre, trouve des terrains de contestation sur le besoins en matières premières qui sont associés à
plan des déchets radioactifs à long terme pour les leur développement pour les besoins du système
générations futures, vis-à-vis de son influence sur électrique ou dans le cadre de la transition vers la
l’écosystème local (températures de rejet des eaux mobilité bas- carbone, sont pointés du doigt. Les
utilisées pour le refroidissement) et des consé- autres vecteurs énergétiques ne sont pas en reste :
quences en termes de dissémination de matières contestation de l’implantation de méthaniseurs au
radioactives en cas d’accident. L’hydraulique est titre de la pollution des nappes phréatiques, inter-
contestée pour son impact sur l’écosystème local rogations sur les conséquences d’une mobilisation
(interruption du cours des rivières, créations de accrue de la biomasse, pollutions aux particules
retenues d’eau artificielles entraînant des inci- fines avec le chauffage au bois, réévaluation de
dences sur l’environnement). Les nouvelles éner- l’effet anthropique des fuites de méthane dans les
gies renouvelables sont critiquées pour leur gazoducs, etc.
consommation de ressources minérales et sont
648
L’analyse environnementale . 12
Cette liste, non exhaustive, souligne l’enjeu de la intégrer certaines à l’évaluation des choix publics et
discussion : toutes les technologies de production, privés. Dans le débat, l’entrelacement de ces pro-
de transport ou de consommation d’énergie ont une blématiques de natures différentes rend difficile la
incidence sur l’environnement. Cette incidence peut prise de décision en matière énergétique, dans la
prendre des formes différentes, qui sont généra- mesure où aucun n’apparaît comme systématique-
lement non mesurables même si l’analyse socioé- ment moins-disant sur le terrain environnemental,
conomique permet dans une certaine mesure d’en mis à la part l’absence de consommation d’énergie.
L’objet du volet environnemental des Futurs éner- en déterminer une unique valeur socioéconomique.
gétiques 2050 est de sortir du débat « par techno- D’une part, l’analyse ne peut prétendre à ce stade
logie » et « par projet » en proposant une analyse à l’exhaustivité. D’autre part, certains indicateurs
systématique de l’incidence environnementale sont difficiles à monétiser (cas de la biodiversité
« par scénario », selon une méthode rigoureuse et par exemple), ou alors les méthodes pour y par-
un jeu d’indicateurs partagés. venir ne font pas consensus. Enfin, la réduction
de l’ensemble de la complexité du monde à un
Sur le plan méthodologique, RTE revendique de unique indicateur semble insuffisante aux besoins
présenter les différents indicateurs sans chercher à du débat démocratique, qui nécessite que soient
Figure 12.1 Facteurs directs et indirects impactant les écosystèmes terrestres, marins et d’eau douce
Facteurs indirects
Facteurs
démographiques Facteurs directs
Valeurs et comportements
et socioculturels
Facteurs
Terrestre
économiques et
technologiques
Eau douce
Institutions et
gouvernance
Marin
0 20 40 60 80 100
Conflits et
épidémies
Changement d’utilisation Pollution
des terres/mers Espèces exotiques envahissantes
Exploitation directe Autres
Changements climatiques
Source : issue du Rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques (IPBES, 2019)
1 2 3 4 5
Les émissions Les Le volume
L’occupation Polluants
du système ressources de déchets
et l’usage atmos-
électrique minérales et matières
des sols phériques
et des usages radioactives
1.
L’IPBES est un organisme intergouvernemental indépendant comprenant plus de 130 États membres. Mis en place par les gouvernements en 2012,
l’IPBES fournit aux décideurs des évaluations scientifiques objectives sur l’état des connaissances sur la biodiversité de la planète, les écosystèmes et les
contributions qu’ils apportent aux populations, ainsi que les outils et les méthodes pour protéger et utiliser durablement ces atouts naturels vitaux.
650
L’analyse environnementale . 12
La France a fait le choix du nucléaire civil pour la été fermés depuis les années 2010, seules trois
production d’électricité dans les années 1970 pour centrales au charbon sont encore en service et ne
des raisons d’indépendance énergétique. Ce choix fonctionnent plus que de manière marginale. La
est aujourd’hui le principal facteur de performance fermeture des trois derniers sites est désormais
du pays sur le plan du climat, l’exploitation d’une actée par les pouvoirs publics : deux sites seront
centrale nucléaire n’émettant pas de gaz à effet de mis à l’arrêt d’ici fin 2022 et le dernier site sera mis
serre qui perturbe le climat. Depuis l’achèvement à l’arrêt au plus tard entre 2024 et 2026.
du programme nucléaire, la France a ainsi pu s’ap-
puyer sur une production de l’ordre de 400 TWh Une fois que ce mouvement sera achevé, il ne
par an de production d’électricité bas-carbone. demeurera plus en France que quelques turbines
à combustion au fioul et au gaz et qu’une dizaine
Ce parc nucléaire s’est ajouté à un socle d’instal- de centrales à gaz. Ces dernières sont récentes
lations hydrauliques (allant du petit barrage sur puisque construites entre 2008 et 2016 au moment
différents cours d’eau aux grandes retenues d’eau de l’ouverture à la concurrence du marché de la
artificielles en montagne) déjà largement constitué production, participant d’un cycle d’investissement
à la fin des années 1970, également non émetteur commun aux différents pays européens avant que
de gaz à effet de serre en exploitation. L’hydraulique les politiques publiques ne s’infléchissent vers la
produit aujourd’hui de l’ordre 60 TWh par an d’élec- neutralité carbone. L’espace économique de ces
tricité bas-carbone, en partie flexible et donc très centrales est appelé à se réduire progressivement
utile au fonctionnement du système électrique. pour en faire des centrales d’appoint répondant à
une logique européenne : leur durée de fonction-
Dès les années 1990, la France disposait donc d’un nement, et donc les émissions de gaz à effet de
système électrique largement décarboné. serre associées, devraient alors se réduire.
Cette performance s’est encore accrue depuis vingt Ce mix électrique est fortement décarboné
ans, de nouvelles technologies bas-carbone ayant (20 MtCO2eq en 2019) par rapport à ceux des
été ajoutées. La production combinée de l’éolien pays voisins, et notamment ceux de l’Allemagne
(40 TWh), du photovoltaïque (13 TWh) et des bioé- (222 MtCO2eq en 2019) ou dans une moindre
nergies (10 TWh) est aujourd’hui équivalente à celle mesure du Royaume-Uni (59 MtCO2eq). Si ces pays
du parc hydraulique français, contribuant ainsi à la se sont engagés dans l’objectif de décarbonation à
réduction des émissions du secteur électrique. l’horizon 2050, leurs mix électriques restent encore
à ce jour composés à moitié d’installations fonc-
Durant cette période, une grande part des instal- tionnant au charbon ou au gaz. En conséquence,
lations les plus émettrices de gaz à effet de serre l’Allemagne a émis en 2019 neuf fois plus d’émis-
(installations fonctionnant au fioul et au char- sions par habitant (2,7 tCO2eq/hab) que la France
bon) ont été mises à l’arrêt. Plus de 10 GW ont (0,3 tCO2eq/hab) pour la production d’électricité.
652
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.3 Évolution des émissions directes du secteur électrique entre 1990 et aujourd’hui en Allemagne,
au Royaume-Uni et en France
400
350
300
en Mt CO2 eq
250
200
150
100
50 Allemagne
Royaume-uni
0 France
1990 2000 2010 2017 2019
Sources : Umweltbundesamt (2021) / «The Sixth Carbon Budget report, the UK’s path to Net Zero » Committee on Climate Change (2020)
L’enjeu pour le système électrique français n’est consommation liée à des transferts d’usage vers
donc pas, in fine, celui de la décarbonation de la l’électricité, et la fermeture d’ici 2050 d’une grande
production d’électricité. Il s’agit plutôt d’assurer sa partie du parc nucléaire pour raison d’âge indépen-
transformation vers un système qui resterait bas- damment des décisions politiques sur la diversifi-
carbone tout en accompagnant la croissance de la cation du parc.
La performance actuelle du système électrique u d’autre part, il fait l’hypothèse d’une stabilité du
français conduit parfois, dans le débat public, à secteur électrique alors que les scénarios de tran-
une interrogation : ce secteur étant déjà large- sition énergétique sont dans la plupart des cas
ment bas-carbone, pourquoi devrait-il faire l’objet fondés sur l’idée d’une électrification des usages.
d’une politique de développement des renouve-
lables ? Dans cette discussion, certains opposants Dans la perspective générale de la neutra-
aux énergies renouvelables comme l’éolien ou le lité carbone, l’ajout/retrait de moyens bas-
solaire utilisent ainsi largement ce point pour justi- carbone (hydraulique, nucléaire, éolien,
fier l’inutilité d’une politique de développement de solaire) doit ainsi être appréhendé non pas
ces filières en France. au périmètre du système électrique, mais du
système énergétique tout entier et en parti-
Ce raisonnement est statique (à parc inchangé et à culier vis-à-vis des usages de l’énergie.
taille du secteur électrique constante). Il est donc
inopérant à double titre : La partie suivante est organisée pour intégrer ces
u d’une part, il néglige le fait que les réacteurs enjeux :
nucléaires actuels devront à terme être fer- u la partie 12.2.2 est consacrée aux émissions
més – voir la problématique générale exposée directes de la production d’électricité à long
au chapitre 4 ; terme ;
654
L’analyse environnementale . 12
12.2.2.1 La neutralité carbone peut être atteinte sur la base d’un système
100 % renouvelables ou d’un système « renouvelables + nucléaire »
Par construction, les scénarios de l’étude Futurs En conséquence, les émissions directes de la produc-
énergétiques 2050 conduisent à des systèmes tion d’électricité associées aux combustibles fossiles,
électriques complétement décarbonés : à l’hori- déjà faibles aujourd’hui, disparaissent progressive-
zon 2050-2060, seules des émissions résiduelles ment dans ces scénarios par construction. D’une
liées à la valorisation de déchets pour la production part, l’augmentation de la part du biométhane dans le
d’électricité et de chaleur (i.e. énergies de récupé- réseau de gaz (supposée évoluer en cohérence avec
ration) peuvent subsister (2 MtCO2eq/an), celles-ci la trajectoire de la SNBC, soit 10 % en 2030, 37 % en
étant difficilement compressibles. 2040 et 100 % en 2050) contribue à moyen terme à
la réduction des émissions attribuables au fonctionne-
L’essentiel des moyens de production construits ment des centrales au gaz. D’autre part, la transfor-
sur l’horizon d’étude sont, pour les scénarios de mation complète du parc thermique actuel (fermeture
type « M », des installations renouvelables et, pour progressive ou conversion à l’hydrogène des installa-
les scénarios de type « N », des installations renou- tions fonctionnant au gaz fossile et construction éven-
velables et nucléaires. Ces moyens sont complé- tuelle de nouveaux moyens thermiques fonctionnant
tés, selon les scénarios, par des batteries et des exclusivement avec des combustibles décarbonés
moyens thermiques pilotables, n’utilisant en 2050 comme le biométhane, l’hydrogène ou le méthane de
plus que des combustibles décarbonés. synthèse) permet à long terme d’assurer la décarbo-
nation totale du parc de production électrique.
12.2.2.2 Les scénarios de mix électrique n’ont pas le même bilan sur
la trajectoire de décarbonation en France et surtout en Europe, avec un écart
qui porte essentiellement sur le point 2030 pour lequel le nombre de réacteurs
nucléaires en service diffère d’un scénario à l’autre
Les trajectoires de diminution des émissions (iii) le scénario N03 ne prévoit à l’inverse aucune
directes de gaz à effet de serre liées à la production fermeture de réacteurs d’ici 2030.
d’électricité en France sont relativement proches
dans les différents scénarios. Toutes choses étant égales par ailleurs, la ferme-
ture de réacteurs nucléaires conduit à une dimi-
Toutefois, des écarts sont observés à l’horizon nution plus lente de la production d’électricité
2030, pour lequel les scénarios sont équivalents d’origine thermique fossile, en France mais surtout
en matière de consommation et de production en Europe, car les exports français d’électricité
renouvelable mais se distinguent par la capacité s’en trouvent réduits.
nucléaire en service :
(i) les scénarios M1, M23, N1 et N2 se fondent sur En conséquence, à l’horizon 2030, si les bilans
la trajectoire de fermeture de tranches prévue d’émissions directes du système électrique en France
par la PPE (quatre tranches fermées en 2030, présentent de faibles écarts, de l’ordre de moins d’un
en plus de celles de Fessenheim), million de tonnes de CO2 équivalent entre les diffé-
(ii) le scénario M0 intègre la fermeture de deux rents scénarios de mix, la réduction des émissions de
tranches supplémentaires par rapport à la tra- gaz à effet de serre associées à l’échelle de l’Europe
jectoire de la PPE, présentent des écarts un peu plus notables.
Figure 12.4 Émissions directes évitées en Europe selon le maintien ou la fermeture des centrales nucléaires en 2030
2030
Aucune fermeture de réacteurs Quatre réacteurs fermés Six réacteurs fermés
0
-5
-10
en Mt CO2eq
-15
-20
-25
-25
-30 -28
-35
-34
Figure 12.5 Évolution des émissions directes de la production d’électricité en France dans les différents scénarios
25
20
en Mt CO2 eq
15
0
2019 2030 2040 2050 2060
Scénario M0 Scénario M1 Scénario M23 Scénario N1 Scénario N2 Scénario N03 2019
656
L’analyse environnementale . 12
d’ici 2030 paraît plus difficilement envisageable, car accélération des efforts d’efficacité énergétique,
elle conduirait alors à devoir fermer un très grand actions de sobriété, accélération du développe-
nombre de réacteurs entre 2030 et 2050. ment des énergies renouvelables, flexibilité des
nouveaux usages tels que la recharge de véhicules
Par ailleurs, d’autres leviers peuvent aussi avoir électriques qui permet de réduire la sollicitation
des effets significatifs sur les émissions directes des moyens thermiques fossiles, etc.
de la production d’électricité à l’horizon 2030 :
La disparition quasi complète des émissions Cette condition apparaît d’autant plus importante
directes de la production électrique à l’horizon dans les scénarios « M » et N1 pour lesquels le
2050 est conditionnée à la fois par la capacité à développement de moyens thermiques en France
développer suffisamment de moyens de produc- est nécessaire pour assurer la sécurité d’appro-
tion renouvelables et nucléaires pour accompagner visionnement à long terme (voir détails au cha-
l’évolution de la consommation énergétique, mais pitre 7), ceux-ci devant alors être alimentés par
également par celle à convertir dans des délais rai- des combustibles bas- carbone comme le biomé-
sonnables la nature des combustibles gazeux utili- thane, l’hydrogène ou le méthane de synthèse.
sés dans les centrales thermiques. Dans les autres scénarios (N2, N03), une grande
partie de la flexibilité de pointe étant assurée
Figure 12.6 Évolution des émissions directes du système électrique français entre 2020 et 2050 selon
l’atteinte des objectifs de décarbonation du gaz et selon le développement des gaz de synthèse
et de leur utilisation pour la production d’électricité
25
20
Mt CO2eq
15
10
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
2019 2030 2040 2050
Émissions directes du système électrique dans les configurations de référence des scénarios
Émissions supplémentaires du système électrique en cas d’absence de développement du biométhane
Émissions supplémentaires du système électrique en cas d’absence de développement des gaz de synthèse
Si le risque de ne pas réussir à décarboner les com- éventuelles d’une non-atteinte des objectifs sur
bustibles gazeux utilisés pour la production d’élec- le développement du parc renouvelable et/ou
tricité flexible est réel, celui-ci reste néanmoins nucléaire dans les différents scénarios des Futurs
de second ordre par rapport aux conséquences énergétiques 2050.
Figure 12.7 Émissions supplémentaires liées à un retard de développement des moyens de production décarbonés
(dans le cas d’une substitution par un moyen thermique au gaz)
4
3,6
3
en Mt CO2 eq/an
1,2
1 0,8
0,4
0
1,65 GW de nucléaire 1 GW 1 GW 1 GW
Équivalent d'un EPR d'éolien terrestre d'éolien en mer de photovoltaïque
658
L’analyse environnementale . 12
En cas de retard ou de non-développement de pro- Ce risque est significativement plus élevé dans le
duction renouvelable ou nucléaire, le risque pour le scénario « M0 », et de manière générale dans tout
système électrique serait de double nature : (i) un scénario prévoyant un rythme rapide de fermeture
risque en matière d’émissions de CO2eq avec le du nucléaire par rapport aux rythmes envisageables
recours à du gaz fossile pour compenser le manque de développement des énergies renouvelables.
de production, mais aussi (ii) au-delà d’un certain Par exemple, le rythme élevé de développement
retard dans l’installation des moyens de production, des renouvelables sur les dernières années en
des risques sur la sécurité d’approvisionnement. Allemagne n’a pas conduit à une forte réduction
de l’utilisation du charbon, et donc des émissions,
Ainsi, dans le cas où des retards dans les moyens du fait de la fermeture progressive des réacteurs
de production bas- carbone devraient être com- nucléaires (dont certains doivent encore être mis à
pensés par le développement ou le maintien de l’arrêt d’ici fin 2022). La Belgique s’achemine vers
moyens de production d’électricité à partir de gaz la construction de centrales à gaz pour compen-
fossile en France, le surcroît d’émissions pour- ser la fermeture de son parc nucléaire et devrait
rait atteindre de l’ordre de plusieurs millions ainsi voir les émissions de son secteur électrique
de tonnes par an. augmenter.
Seule une logique « additive » entre les énergies nucléaire sont de plusieurs ordres une fois le
bas-
carbone permet au système électrique de rythme de développement des énergies renou-
pourvoir à court/moyen terme à des besoins en velables poussé à son maximum sur une période
augmentation. de 10-15 ans (rythme scénario M0) : diminuer
la consommation d’électricité (par des mesures
Dans un scénario de sortie du nucléaire à une date de sobriété ou en renonçant à l’électrification de
très rapprochée (2035), décrit dans la partie 5.5.1, certains usages) et/ou assumer un niveau de
les leviers pour compenser la perte de production sécurité d’alimentation beaucoup plus faible et/ou
Figure 12.8 Évolution des émissions directes de la production d’électricité en France en 2035 par rapport à 2019
60 +55
+40
40
Mt CO2 eq/an
20
660
L’analyse environnementale . 12
12.2.3 L’intégration des émissions indirectes liées au cycle de vie, même pour
des technologies comme le photovoltaïque, ne modifie pas le bénéfice climatique
du remplacement des énergies fossiles par de l’électricité bas-carbone
Les émissions directes de gaz à effet de serre intégrant les émissions sur l’ensemble du cycle
du système électrique français, aujourd’hui très de vie des installations) est également évaluée en
faibles, tendent vers zéro à l’horizon 2050 dans le complément du calcul en émissions directes.
cadre de l’objectif de décarbonation.
L’analyse des émissions du système électrique
Pour autant, l’empreinte réelle du système élec- en cycle de vie nécessite l’utilisation de fac-
trique en termes d’émissions peut être partielle- teurs d’émissions pour chacune des technologies
ment masquée. En effet, les émissions de gaz à qui composent le système. La base carbone de
effet de serre des installations ne se limitent pas l’ADEME, la base de données ecoinvent (base de
aux seules phases de production d’électricité. données d’inventaire internationale la plus exhaus-
Les phases de construction ou de démantèle- tive à ce jour) ou encore la littérature scientifique
ment des installations et l’approvisionnement en sont autant de sources qui permettent de dispo-
combustible génèrent également des gaz à effet ser d’un certain nombre de facteurs d’émissions.
de serre. Les émissions associées à ces étapes, Ces données correspondent toutefois à un horizon
qu’elles soient réalisées en France ou à l’étran- temporel, une situation géographique et des tech-
ger, doivent être prises en compte pour refléter nologies précises, qui présentent des limites pour
au mieux l’impact carbone de l’évolution du mix se projeter à l’horizon 2050 ou encore s’adapter au
électrique. contexte français.
Aussi, afin d’éviter une délocalisation masquée Pour adapter l’analyse en cycle de vie au plus
d’une partie des émissions de gaz à effet de serre juste des installations électriques et intégrer les
qui serait contraire aux objectifs climatiques, l’em- évolutions possibles du contexte à long terme,
preinte carbone du système électrique (calcul l’étude réalisée par RTE s’appuie sur des modèles
Émissions directes
Cycle de vie
Extraction,
des infrastructures
fabrication, transport
d’électricité – aval
du combustible
(démantèlement)
Construction
des infrastructures Production d’électricité Aval du combustible
d’électricité (matières, (émissions de combustion (déchets)
énergie, transport) en centrale)
Figure 12.10 Émissions en cycle de vie pour différentes filières aujourd’hui (émissions directes et indirectes)
1 200 1 100
1 000 930
en g CO2eq / kWh
800
600
600 530
400
400
200
66 70
43 16 14 6 7
0
Charbon Fioul TAC Cogénération CCG Bois Biogaz Photo- Éolien Éolien Hydraulique Nucléaire
agricole voltaïque terrestre en mer
Gaz fossile Biomasse Énergies renouvelables
Émissions directes (combustion dans la centrale) Émissions indirectes (en cycle de vie hors combustion dans la centrale)
2.
(Cooper et al. 2012) Parameterization in Life Cycle Assessment inventory data: review of current use and the representation of uncertainty.
https://doi.org/10.1007/s11367-012-0411-1
662
L’analyse environnementale . 12
Parmi les technologies bas- carbone, les bilans filière à réduire l’empreinte carbone des panneaux
d’émissions des installations présentent quelques à un niveau autour de 15 gCO2eq/kWh à terme
différences. Les filières nucléaire, hydraulique et et davantage dans le cas de la décarbonation de
éolienne sont celles pour lesquelles les émissions l’énergie à la fabrication.
totales sur le cycle de vie sont les plus faibles, avec
des niveaux dès aujourd’hui inférieurs à ou proche Les baisses d’émissions pourront aussi concerner
de 15 gCO2eq/kWh. la filière éolienne. Néanmoins, compte tenu de
la maturité de la filière, les leviers semblent plus
Même si les émissions des installations photovol- limités et concernent essentiellement la durée de
taïques ont baissé, par exemple passant depuis vie des installations.
2005 de 80 gCO2eq/kWh à 43 gCO2eq/kWh5, elles
restent néanmoins légèrement plus élevées que Enfin, les émissions associées à la combustion de
celles des autres installations décarbonées. Cette biomasse ou de biogaz agricole sont nulles6 mais
baisse devrait se poursuivre dans les prochaines les émissions en cycle de vie restent supérieures
années sous l’effet de plusieurs facteurs : (i) une (autour de 70 gCO2eq/kWh). Mais d’une part ces
augmentation de la durée de vie des installations, émissions correspondent à un impact carbone dit
(ii) l’amélioration de l’efficacité des modules et cut-off, c’est-à-dire que les émissions évitées par
(iii) la réduction de la quantité d’énergie pour la la valorisation des « co-produits » comme la cha-
fabrication. Ces progrès pourraient conduire la leur, ou la valorisation de déchets (déchets verts
3.
Assessment of the environmental footprint of nuclear energy system. Comparison between closed and open fuel cycles. (2014, C. Poinssot)
4.
Deux grandes familles de technologies existent dans la filière photovoltaïque, les cellules cristallines à base de silicium et les cellules dites couches minces.
Cette dernière était présente sur le marché au début du développement de la filière pour son avantage économique, mais depuis les cellules cristallines ont
vu leur rendement s’améliorer plus rapidement et leurs coûts de fabrication baisser, inondant ainsi le marché [Photovoltaics Report (fraunhofer.de)].
5.
Selon la base carbone de l’ADEME : https://www.bilans-ges.ademe.fr/fr/basecarbone/donnees-consulter/liste-element/categorie/71 et l’outil INCER-ACV :
http://viewer.webservice-energy.org/incer-acv/app/
6.
Le carbone émis à la combustion de la biomasse d’origine agricole ou forestière correspond à du carbone biogénique. Quelle que soit son origine, biogénique
ou fossile, une molécule de CO2 agit de la même façon sur l’effet de serre. Cependant, au contraire des énergies fossiles, la biomasse peut se renouveler à
l’échelle humaine, avec des cycles plus ou moins longs (cultures annuelles, forêts).
80
70
70 66
en g CO2 eq/kWh électrique
60
50
43
40
28
30
20 16 15 14
14 13
10
10 7 6 6 6 7 6 6
0
Bois Biogaz agricole Photovoltaïque Éolien terrestre Éolien en mer Hydraulique Nucléaire
Biomasse Énergies renouvelables
2020 2050 - Évolution pessimiste (faible amélioration technologique) 2050 - Évolution tendancielle (amélioration technologique)
ou effluents d’élevage par exemple) ne sont pas Ces niveaux d’émissions demeurent dans tous les
prises en compte. D’autre part, ces filières ne sont cas très inférieurs à ceux associés aux énergies fos-
mobilisées qu’à la marge dans les scénarios étu- siles et ne remettent pas en cause l’opportunité du
diés, qui intègrent uniquement les installations développement des différentes filières pour décar-
existantes ou les sites pour lesquels il n’existe pas boner l’économie. En particulier, le déploiement
d’autres débouchés possibles que la production des énergies renouvelables permet non seulement
d’électricité (par exemple, les sites agricoles éloi- d’éviter le recours aux centrales thermiques fossiles
gnés du réseau gazier et ne pouvant y être raccor- pour la production d’électricité mais aussi d’accom-
dés pour injecter le biogaz produit). pagner l’électrification des usages et donc la réduc-
tion du recours aux énergies fossiles dans tous les
Ces progrès sur l’empreinte carbone pourraient autres secteurs (bâtiments, transport, industrie…)
par ailleurs être accentués par la décarbonation ce qui a globalement un bilan positif pour le climat.
des mix énergétiques dans les pays producteurs À titre d’exemple, même en prenant en compte les
des infrastructures des moyens de production. émissions en cycle de vie, l’empreinte carbone de la
Pour l’évaluation des émissions en cycle de vie mobilité des français dans le scénario de référence
du système électrique, le choix méthodologique passerait d’environ 2,8 tCO2eq/hab7 à 0,6 tCO2eq/hab,
retenu dans les Futurs énergétiques 2050 consiste sans prendre en compte la décarbonation des
à rester prudent quant à l’atteinte des objectifs de autres pays. Des analyses complémentaires sur
décarbonation des autres pays. les analyses en cycle de vie au niveau des usages
pourront faire l’objet de prolongements ultérieurs.
7.
« L’empreinte carbone de la France » SDES, 2020
664
L’analyse environnementale . 12
En prenant en compte l’ensemble des émissions technologiques et toujours sans intégrer la décar-
sur le cycle de vie, l’empreinte carbone du sys- bonation des mix énergétiques étrangers, la réduc-
tème électrique français est aujourd’hui d’environ tion des émissions du système électrique est de
26 MtCO2eq annuelles (à conditions météorolo- l’ordre de 40 à 65 %.
giques moyennes). L’essentiel de cette empreinte
provient des émissions directes liées à la combus- Cette diminution, importante en pourcentage,
tion de fioul, gaz et charbon dans les centrales reste néanmoins limitée en valeur absolue compte
(20 MtCO2eq) mais avec un talon également issu du tenu de l’empreinte carbone déjà relativement
reste du cycle de vie des installations (6 MtCO2eq), faible du système électrique actuel. La baisse obte-
correspondant aux émissions amont (extraction et nue représente tout de même de l’ordre de 2,5 %
transport des combustibles) et à la construction et à de l’empreinte carbone totale actuelle de la France.
la fin de vie des moyens de production et de réseau.
Dans l’hypothèse où l’intensité carbone des mix éner-
Dans tous les scénarios étudiés, cette empreinte est gétiques mondiaux baisserait, comme mentionné
nettement réduite à l’horizon 2050, le bilan carbone dans la partie 12.2.6, alors l’empreinte carbone du
associé aux nouvelles infrastructures (notamment secteur électrique français pourrait être encore plus
énergies renouvelables et stockage) étant large- faible à l’horizon 2050, avec en corollaire une réduc-
ment compensé par les gains liés à la décarbona- tion de l’écart entre les scénarios étudiés.
tion de la production d’électricité. Dans l’hypothèse
de référence (améliorations technologiques tendan- Finalement, les émissions du système élec-
cielles mais sans décarbonation des mix énergé- trique français se réduisent donc significa-
tiques à l’étranger), les émissions en cycle de vie du tivement même en intégrant l’ensemble du
système électrique français sont ainsi réduites de cycle de vie des moyens de production, de
60 % à 75 % d’ici 2050 selon les scénarios, avec une stockage et de réseau et ce alors même que
baisse un peu plus prononcée dans les scénarios la consommation et la production d’électri-
comprenant le développement du photovoltaïque et cité sont amenées à augmenter. Ceci conforte
des batteries le plus faible. Même dans une hypo- l’intérêt d’un recours à l’électricité pour décarboner
thèse plus pessimiste de moindres améliorations les usages énergétiques quand cela est possible.
Figure 12.12 Émissions en cycle de vie du système électrique en France en 2020 et en 2050 dans les six scénarios
30
25,7 Réseau
25 Électrolyseurs
Batteries
Bioénergies
en Mt CO2 eq
20 Photovoltaïque
Éolien
15 Hydraulique
15 14
Fioul
10,9 12 11 Charbon
10,4 10
10 8,9 8,4 9 Gaz
7,5 Nucléaire
6,8
X «hypothèses
5 pessimistes
(moindre évolution
0 technologique)»
M0 M1 M23 N1 N2 N03
2019 2050
La majeure partie des émissions de gaz à effet de d’usages énergétiques en vue d’atteindre la neu-
serre de la France est aujourd’hui associée à l’utili- tralité carbone.
sation d’énergie fossile (70 % des émissions natio-
nales en 2019), le reste étant issu de l’agriculture, Les effets de la transformation du secteur élec-
des procédés industriels non énergétiques et de la trique sur les émissions de gaz à effet de serre au
gestion des déchets. cours des trente à quarante prochaines années ne
doivent donc pas s’étudier sur le seul périmètre de
Parmi les usages énergétiques, l’électricité repré- la production d’électricité mais plutôt en intégrant
sente une part limitée des émissions en France, l’ensemble des transferts d’usages vers l’électricité.
l’essentiel de la production étant déjà bas-carbone.
En revanche, le recours aux énergies fossiles dans Au-delà de l’utilisation de l’énergie, le recours à
les transports, les bâtiments et l’industrie contribue l’électricité peut également favoriser la réduction des
largement aux émissions nationales et constitue émissions de certains procédés industriels utilisant
le gisement principal de réduction des émissions de l’hydrogène. Ainsi, le développement de la pro-
de la France. La SNBC, tout comme l’ensemble duction d’hydrogène à partir d’électricité bas-carbone
des stratégies de décarbonation publiées dans le (via l’électrolyse) contribue à remplacer des procédés
monde, prévoit ainsi d’électrifier (directement ou utilisant des énergies fossiles dans la chimie, la sidé-
indirectement via l’hydrogène) un certain nombre rurgie ou encore dans les raffineries et bioraffineries.
Figure 12.13 Répartition par source des émissions de gaz à effet de serre en France entre 1990 et 2019
600
6%
22%
500
400
39%
Mt CO2 eq
16%
300
5%
12%
200
100
Production d’électricité
Transport terrestre
Chauffage résidentiel
0 Chauffage tertiaire
1990 2000 2010 2019 Industrie manufacturière
Autres*
Déchets Agriculture Procédés industriels Utilisation d’énergie
*S
outes maritimes, aérien, autre énergie
(raffinage, fuites de gaz,etc), industrie de
Source : «Chiffres clés du climat : France, Europe et Monde» SDES (2021) construction, énergie dans l’agriculture, autres
666
L’analyse environnementale . 12
À l’horizon 2050, la SNBC table sur une décarbo- u un remplacement des énergies fossiles par
nation quasi complète de la consommation d’éner- des énergies bas-carbone, notamment via des
gie, dont les émissions, aujourd’hui de l’ordre de transferts d’usages importants vers l’électricité.
310 MtCO2eq, se réduisent à 6 MtCO2eq. Les émis-
sions résiduelles, qui correspondent aux trans- En conséquence, une grande partie des baisses
ports aériens et maritimes internationaux (appelés d’émissions projetées est directement liée au
« combustibles soutes »), sont considérées comme développement des nouveaux usages de l’électri-
difficilement compressibles et visent donc à être cité dans les transports, les bâtiments et l’indus-
compensées par des puits de carbone. trie. Au cours des dernières années, RTE a étudié
de manière approfondie ces effets à travers plu-
Cette trajectoire de réduction des émissions liées sieurs publications8, qui ont permis de préciser les
à la consommation d’énergie projetée par la SNBC méthodologies d’analyse et de quantifier les émis-
s’appuie sur deux principaux leviers : sions de gaz à effet de serre évitées par l’électrifi-
u la baisse de la demande en énergie notamment cation à l’horizon 2030-2035.
via des mesures d’efficacité énergétique ;
Figure 12.14 Évolution des émissions de gaz à effet de serre territoriales de la France et contribution du système
électrique à la décarbonation de l’économie à l’horizon 2050
500
-18
400
-97 -121 Mt CO2eq
Mt CO2 eq
300 -21
-51 Mt CO2eq
-21 -50 Mt CO2eq
200
-9
-114
Électrification
100 Utilisation de l’énergie
Procédés industriels
Agriculture
0 Déchets
2019 Production Transports Chauffage Industrie Production Autres 2050
d'électricité résidentiel manufacturière d'hydrogène
et tertiaire matière
NB : la catégorie « Autres » regroupe la baisse des émissions liées à l’agriculture, au traitement des déchets, aux procédés industriels et le reste des émissions
liées à l’énergie dans le secteur du bâtiment (équipements domestiques, cuisson, etc.) et le secteur de la construction
8.
« Enjeux du développement de l’électromobilité pour le système électrique » (mai 2019) :
https://assets.rte-france.com/prod/public/2020-05/RTE%20-%20Mobilite%20electrique%20-%20principaux%20resultats.pdf
« La transition vers un hydrogène bas-carbone » (janvier 2020) :
https://assets.rte-france.com/prod/public/2020-07/rapport%20hydrogene.pdf
« Réduction des émissions de CO2, impact sur le système électrique : quelle contribution du chauffage dans les bâtiments à l’horizon 2035 ? » (décembre 2020) :
https://assets.rte-france.com/prod/public/2020-12/Rapport%20chauffage_RTE_Ademe.pdf
Les émissions directes dans le secteur des trans- combiné de l’électrique, de l’hydrogène, des bio-
ports (liées au seul usage des véhicules) repré- carburants et du bio-GNV pour les poids lourds ;
sentent aujourd’hui la principale source d’émissions u une diminution de la consommation unitaire
territoriales, avec plus de 120 MtCO2eq/an en des véhicules, via l’amélioration du rende-
incluant les émissions des véhicules particuliers et ment des moteurs, qu’ils soient électriques ou
celles associées aux transports en commun et au thermiques.
transport de marchandises.
Parmi ces leviers, le recours massif au véhicule
À l’horizon 2050, les perspectives d’évolution de électrique constitue une condition nécessaire à
la consommation énergétique intègrent une aug- l’atteinte de la neutralité carbone. Ainsi, l’électri-
mentation de la distance moyenne parcourue par fication de 95 % du parc de véhicules particuliers
les personnes et les marchandises, dans la conti- et le développement des poids lourds fonction-
nuité des tendances actuelles. Toutes choses étant nant à l’électricité ou à l’hydrogène (produit par
égales par ailleurs, cette hypothèse tendrait à faire électrolyse) contribuent à réduire les émissions
croître légèrement les émissions dans le scénario directes du secteur des transports de plus de 80 %
de référence, même si la hausse est partiellement d’ici 2050. Le reste des baisses d’émissions est
compensée par une augmentation des taux de atteint avec le report modal et le développement
remplissage des véhicules. des biocarburants et du bio-GNV pour décarboner
une partie des poids lourds.
Pour décarboner le secteur, les politiques publiques
visent à s’appuyer sur différents leviers : À titre de comparaison, un scénario dans lequel la
u le report modal, qui se traduit par un transfert décarbonation des transports s’appuierait unique-
des déplacements en voiture vers les transports ment sur l’amélioration des véhicules thermiques
en commun et la mobilité douce, et un report (remplacement du parc par des véhicules aux
des transports de marchandises par camions meilleures performances actuelles) ne permettrait
vers le fret ferroviaire ; de réduire que près de 50 % des émissions évitées
u une décarbonation de l’énergie utilisée, avec en par le déploiement des véhicules électriques à long
particulier un développement massif des véhicules terme.
particuliers électriques ainsi qu’un développement
668
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.15 Évolution des émissions dans le secteur des transports terrestres entre 2019 et 2050
140
+10 -8
120
sans électrification, environ
50% de cette baisse serait
100 atteinte grâce à l'amélioration
de l'efficacité des véhicules
en Mt CO2 eq
thermiques
80 -97
60 121
40
20
-26
0
2019 Évolution de Report modal Véhicules Transfert d'usages 2050
la demande électriques vers bioénergies
et hydrogène
Les émissions directes liées aux usages éner- leviers permet de sortir du chauffage au fioul et
gétiques dans le secteur des bâtiments (rési- de diviser par deux les émissions du chauffage en
dentiels et tertiaires) ont représenté environ France.
70 MtCO2eq en 2019 (16 % des émissions totales
de la France), dont environ 50 MtCO2eq pour les À l’horizon 2050, la décarbonation profonde passe
seules émissions liées au chauffage (le reste cor- par une accélération de la rénovation et des
respondant à la cuisson, à l’eau chaude sanitaire transferts vers les solutions décarbonées. Dans
et aux émissions des fluides frigorigènes pour la cette stratégie, le déploiement massif de sys-
climatisation). tèmes très efficaces comme les pompes à chaleur
conduit à augmenter la part de l’électricité dans
Le rapport publié par RTE et l’ADEME en décembre les bâtiments de 40 % aujourd’hui à 70 % en 2050
2020 a mis en évidence les principaux leviers mis (cf. chapitre 3), et contribue ainsi à réduire de plus
en place par les pouvoirs publics pour réduire les de 40 % les émissions du chauffage en France.
émissions du chauffage : performance énergétique
et climatique de la construction neuve (notamment Contrairement à une idée parfois reçue, la stra-
via la nouvelle réglementation environnementale tégie nationale bas-carbone ne prévoit toutefois
des bâtiments RE2020), rénovation des bâtiments pas une vision tout-électrique pour le bâtiment en
existants, recours aux solutions de chauffage les 2050, mais conduit à une part significative de loge-
plus efficaces (notamment pompes à chaleur) et ments et bâtiments tertiaires chauffés au bois, au
bascule vers des vecteurs décarbonés comme biométhane ou encore avec des réseaux de cha-
l’électricité, la biomasse et les réseaux de chaleur leur alimentés par des sources renouvelables ou de
alimentés par des énergies renouvelables et de récupération. La transformation de ces bâtiments
récupération. Cette étude avait montré qu’à l’ho- constitue donc également une condition nécessaire
rizon 2035, une combinaison de l’ensemble des à la décarbonation totale du chauffage en 2050.
70
60
+7 -8 aisse accessible grâce
B
50 à la rénovation des
-5 logements (même
en Mt CO2 eq
sans électrification)
40 Baisse accessible
uniquement avec
-21 l’électrification
30 Baisse accessible grâce
51 à la rénovation des
logements (même sans
20 -4
transferts vers d’autres
énergies bas-carbone)
Baisse accessible
10 -18 uniquement avec le
transfert vers d’autres
0 énergies bas-carbone
2019 Effet volume Performance Électrification Transfert vers 2050
énergétique de des bâtiment d'autres énergies
la construction bas-carbone
neuve
Enfin, l’amélioration de la performance du bâti partie contrebalancé par un effet rebond (suite
(murs, toits, fenêtres…) à la fois dans le neuf, aux travaux de rénovation, les utilisateurs sont
via la réglementation environnementale des bâti- ainsi susceptibles d’augmenter leur température
ments, et dans l’existant, via la rénovation, appa- de chauffage, effaçant ainsi partiellement les gains
raît comme un levier important de la stratégie de énergétiques liés aux travaux).
décarbonation, même si ce type d’actions est en
L’industrie manufacturière est aujourd’hui à l’ori- Cette croissance de l’industrie (en valeur ajou-
gine de près de 17 % des émissions de la France tée) si elle ne s’accompagnait pas d’une straté-
(près de 74 MtCO2eq/an, dont 50 sont associées à gie de décarbonation serait de nature à accroître
des usages énergétiques et 24 pour les procédés les émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins,
industriels non énergétiques). cet effet haussier est en partie compensé par un
effet de structure : la croissance de l’industrie se
À l’horizon 2050, la stratégie nationale bas- porte sur des secteurs moins énergivores (équi-
carbone considère que le secteur de l’industrie pements électriques et électroniques, matériel
manufacturière ne se décarbone pas entièrement de transport…) tandis que l’activité de certaines
du fait des émissions incompressibles des procé- des branches les plus énergivores et émettrices
dés industriels, mais table en revanche sur une doit baisser (engrais azotés, baisse du besoin en
suppression des émissions liées à l’utilisation de ciment et matériaux de construction…).
l’énergie, malgré une forte croissance de l’activité
industrielle. Au-delà de ces effets « volume » et « structure »,
plusieurs leviers de décarbonation doivent être
670
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.17 Évolution des émissions directes (hors procédés) dans l’industrie manufacturière entre 2019 et 2050
80
70
-13
60 +21
-8
en Mt CO2 eq
50
sans électrification,
environ 36 % de
40 cette baisse serait
-29 atteinte grâce à
l'amélioration de
30 l'efficacité énergétique
50
20
10 -21
0
2019 Effet volume Effet structure Recyclage Électrification Décarbonation 2050
et hydrogène des combustibles
énergie restants
déployés pour réduire les émissions énergétiques combustibles solides, biométhane), dans la
de l’industrie et atteindre la neutralité carbone : mesure de leur disponibilité ;
u en premier lieu l’électrification des procédés et u enfin, le recyclage des produits, qui est moins
de la production de chaleur (chaudières élec- énergivore que la filière primaire de production
triques et pompes à chaleur), qui contribue pour et contribue ainsi à réduire les émissions asso-
plus de 55 % aux baisses d’émissions ; ciées à la combustion dans certains secteurs
u le recours aux bioénergies (bois et autres (acier, aluminium, verre, papier-carton…).
L’hydrogène à usage matériau que ce soit pour le fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Si
raffinage (carburants et biocarburants), la pro- une partie de la production d’hydrogène est fatale
duction d’ammoniac ou autre produit chimique, et inhérente à certains procédés industriels (et
est une substance difficilement substituable dans donc difficilement substituable), une grande par-
les procédés chimiques. Si certains de ces usages tie est encore assurée par des unités dédiées de
sont appelés à diminuer à long terme (raffinage vaporeformage du méthane susceptibles d’être
de pétrole, engrais azotés), de nouveaux usages remplacées par de l’électrolyse bas-carbone.
matériau de l’hydrogène pourront aussi se déve-
lopper, comme par exemple l’utilisation de l’hydro- Dans les scénarios étudiés, une telle straté-
gène pour la réduction du minerai de fer dans la gie permet d’assurer la production d’environ
sidérurgie. 900 000 tonnes d’hydrogène pour des usages
matériau à partir d’électricité bas-carbone, ce qui
Pour ces usages matériau, la quasi-totalité de l’hy- contribue à baisser les émissions nationales de
drogène concerné est aujourd’hui produit à par- près de 9 MtCO2eq/an.
tir de procédés utilisant des énergies fossiles et
Au-delà de l’atteinte de l’objectif de neutralité car- la répartition des efforts, concernant les émissions
bone en 2050 se pose la question du rythme de des secteurs non couverts à l’origine par le système
cette décarbonation. Dans le cadre du nouveau d’échange de quotas d’émissions, établirait une
« Pacte vert », l’Union européenne a fixé l’objectif réduction de 47,5 % des émissions françaises dans
d’une réduction des émissions nettes de gaz à effet ces secteurs en 2030. De manière générale, le nou-
de serre de 55 % en 2030 par rapport aux niveaux vel objectif de -55 % sur les émissions nettes appli-
de 1990, soit un renforcement important de l’ob- qué à la France pourrait se traduire par une réduction
jectif précédent qui consistait en une réduction des de l’ordre de -50 % sur les émissions brutes (c’est-
émissions de 40 % à cet horizon. à-dire hors prise en compte des puits de carbone).
Plusieurs mesures contenues dans le paquet L’accélération de l’électrification est un des leviers
« Ajustement à l’objectif 55 » publié en juillet 2021 efficaces pour permettre l’atteinte des nouveaux
visent à accompagner cet objectif, avec notamment objectifs 2030, d’autant plus que la production
la mise en place d’un système d’échange de quotas d’électricité bas-carbone en France restera excé-
d’émissions pour le transport routier et le bâtiment, dentaire à cet horizon, résultat déjà mis en avant
ou encore la réduction de 100 % des émissions dans par l’étude publiée par RTE au printemps 20219.
les parcs de véhicules légers (voitures et véhicules
utilitaires légers) vendus dès 2035. Dans le cadre des Futurs énergétiques 2050, l’ana-
lyse des perspectives d’accélération de la décarbona-
Même si le nouvel objectif de réduction des émis- tion à l’horizon 2030 a été approfondie, notamment
sions pour la France n’est pas encore fixé, la pro- au travers de l’étude d’une variante spécifique
position de modification du règlement européen sur (« Accélération 2030 ») présentée dans le chapitre 3.
Figure 12.18 Émissions évitées supplémentaires en 2030 dans le scénario « accélération 2030 »
Émissions évitées
Scénario Scénario
supplémentaires dans
de référence « accélération 2030 »
« accélération 2030 »
Chauffages résidentiels
56 TWh 58 TWh 0,4 MtCO2eq
et tertiaires
Industrie
113 TWh 116 TWh 0,7 MtCO2eq
manufacturière
9. RTE, 2021, Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France, édition 2021,
https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-04/Bilan%20previsionnel%202021%20-%20principaux%20enseignements.pdf
672
L’analyse environnementale . 12
Cette variante repose sur des transferts d’usages plus électrique (13 millions de véhicules électriques
poussés, dans les secteurs du transport, des bâti- en 2030 contre 7 millions dans la trajectoire de
ments et de l’industrie. Parmi ces différents secteurs, référence), et dans une moindre mesure une accé-
le transport présente en particulier plusieurs caracté- lération des transferts d’usages vers l’électricité
ristiques qui en font un segment propice pour l’accé- dans le bâtiment et l’industrie. D’autres stratégies
lération de l’électrification : taux de renouvellement consistant à accélérer plus spécifiquement sur le
du parc relativement rapide, efficacité économique chauffage ou certains procédés industriels sont
par rapport à d’autres mesures de décarbonation, également envisageables. Par ailleurs, cette tra-
dynamique positive déjà engagée en 2020 avec un jectoire doit s’intégrer dans un effort plus global
bond de la part de marché de l’électrique dans les d’accélération sur d’autres actions, notamment en
ventes (plus de 10 % des véhicules neufs), accéléra- matière d’efficacité énergétique et de décarbona-
tion prévisible avec le nouvel objectif de fin de vente tion des autres vecteurs : l’accélération de l’élec-
de nouveaux véhicules thermiques en 2035. trification constitue en effet un prérequis important
pour l’atteinte des nouveaux objectifs mais ne sera
La variante « accélération 2030 » prévoit en consé- pas suffisante à elle seule.
quence un déploiement plus rapide du véhicule
L’accélération des transferts d’usage vers l’élec- à l’horizon 2030 dans la trajectoire de référence et
tricité contribue largement à la réduction des 33 % dans la variante « accélération 2030 ».
émissions de gaz à effet de serre. En reprenant
le principe des évaluations présentées ci-dessus, Ces évaluations montrent ainsi l’intérêt d’accé-
l’analyse montre que la contribution du système lérer les transferts d’usages pour contribuer aux
électrique à la décarbonation pèse pour 29 % dans nouveaux objectifs climatiques de la France et de
la réduction des émissions de gaz à effet de serre l’Europe.
600
-18
500 - 20% en émissions brutes
- 22% en émissions nettes
- 43% en émissions brutes
- 49% en émissions brutes
400 - 48% en émissions nettes
- 55% en émissions nettes
Mt CO2 eq
300
200
100 Autres
Électrification
Émissions nationales
hors UTCATF
0
1990 2019 2030 SNBC 2030 accéléré
674
L’analyse environnementale . 12
Au-delà de la seule question des émissions directes, par des normes reconnues et différentes approches
dans un contexte d’accélération de la lutte contre méthodologiques existent. Néanmoins, la modé-
le changement climatique, l’attention se focalise lisation macroéconomique est la méthode10 pri-
également sur la notion d’empreinte carbone, qui vilégiée par la communauté scientifique et les
inclut les émissions induites à l’échelle mondiale organismes statistiques internationaux ou natio-
par la consommation des Français, plutôt que sur naux, tel que le Service des données et études
les seules émissions nationales. statistiques (SDES) du Ministère de la Transition
écologique en France.
L’empreinte carbone permet d’apprécier les pres-
sions exercées sur le climat par la demande Le GIEC a estimé dans son rapport11 publié en
intérieure française quelle que soit l’origine géo- octobre 2018 un « budget » carbone mondial res-
graphique des produits consommés. Elle est com- tant compatible avec une limitation du réchauffe-
plémentaire de l’inventaire national qui estime les ment planétaire de 2 °C. Rapporté à la population, le
émissions directes. Son calcul n’est pas encadré « budget CO2 » de chaque habitant sur Terre devrait
800
668 Mt CO2eq soit environ
10 tCO2eq par habitant
700
100
Émissions directes des ménages Émissions directes des ménages
0
Empreinte carbone Inventaire des émissions directes
10. L es calculs d’empreinte carbone réalisés dans ce chapitre s’appuient sur la méthode proposée par le SDES, qui est décrite ici :
https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2020-01/empreinte-carbone-methodologie-012020.pdf
Ils reposent sur l’exploitation de données fournies par le Citepa, par Eurostat, par les Douanes, par l’AIE et par la FAO. Les analyses d’empreinte carbone
se restreignent aux trois principaux gaz à effet de serre, c’est-à-dire le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et l’oxyde nitreux (N2O). L’agrégation
en équivalent CO2 se fait à partir du pouvoir de réchauffement global à 100 ans (PRG) de chacun de ces gaz à effet de serre, chiffres fournis par le GIEC.
11. Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (2018), « Rapport spécial sur le réchauffement planétaire de 1,5 °C »
Malgré une baisse des émissions de gaz à effet une réduction de 48 % visée auparavant) et l’at-
de serre sur le territoire français au cours des teinte de la neutralité carbone en 2050. La Chine a
quinze dernières années, l’empreinte carbone de la quant à elle annoncé fin 2020 un objectif de réduc-
France est demeurée globalement stable autour de tion de son intensité carbone (émissions de CO2
700 MtCO2eq entre 2000 et 2015, même si elle tend rapportées au PIB) de 65 % par rapport au niveau
à baisser légèrement après 2015. Une partie de ce de 2005, et de zéro émissions nettes au plus tard
constat s’explique par l’augmentation des émis- en 2060. Après avoir rejoint de nouveau les signa-
sions dues aux importations, qui est passée d’envi- taires de l’accord de Paris, les États-Unis ont affi-
ron 285 à 360 MtCO2eq sur la période 2000-2019. ché en 2021 la volonté de réduire leurs émissions
Aujourd’hui, l’empreinte carbone de la France est de 50 % en 2030 comparé au niveau de 2005 et
1,5 fois plus élevée que les émissions territoriales. s’engagent avec leur plan d’action en faveur du cli-
mat à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Dans l’Union européenne, les objectifs du nouveau Mi-octobre, le président de la Russie a également
« Pacte vert » incluent la réduction des émissions déclaré vouloir atteindre la neutralité carbone au
nettes de 55 % en 2030 par rapport à 1990 (contre plus tard en 2060.
Figure 12.21 Décomposition des contributions de chaque pays à l’empreinte carbone de la France en 2011
AFRIQUE
RUSSIE
Source : données Haut Conseil pour le Climat et Observatoire Français de la Conjoncture Economique
676
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.22 volution de l’empreinte carbone de la France dans la trajectoire de référence (en tenant compte
É
de la décarbonation progressive de la France et des autres pays selon leurs objectifs publics)
800
700
Importations
600
500 ervices
S
Construction
Mt CO2 eq
Transports
400 Production, distribution
et traitement d’eau,
de gaz, d’électricité
300 et des déchets
Industrie
manufacturière
200 (y compris cokéfaction
& raffinage)
Industries extractives
100 Agriculture
Émissions directes
0 des ménages
2000 2019 2030 2050
Ainsi, dans le scénario consommation de référence, À l’horizon 2050, l’empreinte carbone de la France
une diminution progressive de l’empreinte carbone reste significative, notamment du fait des émissions
de la France est attendue, principalement sous l’ef- liées aux importations. Ceci s’explique essentielle-
fet de la réduction des émissions du mix énergé- ment par le fait que les objectifs de décarbonation
tique en France, ainsi que dans les pays depuis suivent un rythme plus lent dans beaucoup d’autres
lesquels la France importe des produits manufac- pays que la France (peu de pays dans le monde ont
turés. L’empreinte carbone passe ainsi d’environ encore adopté un objectif de neutralité carbone à
670 MtCO2eq en 2019 à environ 470 MtCO2eq en l’horizon 2050, la plupart ayant à ce jour unique-
2030 (-30 %) et 195 MtCO2eq en 2050 (-72 %). ment des objectifs de baisse à l’horizon 2030) et
Le volume des échanges reste globalement pro- dans une moindre mesure par le fait que la France
portionnel à la progression du PIB, les importa- continue d’importer des biens dont les procédés
tions et les exportations augmentant de manière de production apparaissent difficiles à décarboner,
tendancielle. comme des métaux ou des produits agricoles.
L’industrie française est aujourd’hui toujours alimen- énergétique de l’ordre de 30 % depuis 2000. De
tée par un mix énergétique majoritairement carboné même, l’intensité carbone de l’énergie consommée
(65 % de combustibles fossiles). Cependant, des a baissé de 7 % sur cette même période12, grâce à
efforts sur l’efficacité énergétique de divers procé- un recours croissant à la biomasse qui représente
dés de fabrication ont permis de réduire l’intensité aujourd’hui 5 % du mix énergétique, à l’électricité
12. D
ossier INSEE : « Une analyse de la baisse des émissions de CO2 dues à la combustion d’énergie en France depuis 1990 »
https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/3280934/Enviro17d_D3_Emissions-carbone.pdf
Figure 12.23 omparaison des émissions par unité de valeur ajoutée de l’industrie manufacturière (directes de
C
l’industrie et indirectes associées à la consommation d’électricité) (traitement de données AIE)
250
Intensité des émissions par unité de
valeur ajoutée (base 100=France)
200
150
100
50
0
France Belgique Allemagne Italie Japon Espagne Turquie Royaume-Uni États-Unis
678
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.24 mpreinte carbone de la France en 2019 et empreinte fictive 2019 calculée en supposant
E
que l’ensemble des produits manufacturés importés en 2019 avaient été produits en France
700
600
Millions de tonnes de CO2eq
300
Émissions de la production
100
Émissions directes des ménages Émissions directes des ménages
(véhicules particuliers et chauffage) (véhicules particuliers et chauffage)
0
Empreinte carbone réelle Empreinte carbone fictive en 2019
calculée en 2019 si l'ensemble des biens manufacturés
importés étaient produits en France
Dans le détail, l’effet d’une stratégie de réindus- la réindustrialisation est combinée avec une relo-
trialisation réaliste sur l’empreinte carbone à l’ho- calisation pour une production davantage orien-
rizon 2050 dépendra de plusieurs facteurs parmi tée vers la satisfaction de la demande intérieure,
lesquels : elle se traduirait par une réduction significative de
u l’ampleur de la relocalisation des importations, l’empreinte carbone de la France.
u les branches sur lesquels porte la stratégie de
réindustrialisation, L’hypothèse retenue dans le scénario de réfé-
u l’évolution du commerce extérieur de la France, rence est celle d’une évolution tendancielle du
u la trajectoire de décarbonation du mix énergé- commerce extérieur, sans volonté particulière de
tique français, relocaliser la production malgré une progression
u la trajectoire de décarbonation des autres pays, de l’activité industrielle. En revanche, le scénario
sachant que la plupart des pays industrialisés « réindustrialisation profonde » est caractérisé par
affichent aujourd’hui des objectifs ambitieux en une réindustrialisation essentiellement orientée
la matière. vers l’alimentation de la demande intérieure et
la réduction des importations. Dans ce scénario,
Dans le cas d’une réindustrialisation essentiel- l’empreinte carbone est d’environ 25 MtCO2eq plus
lement tournée vers le commerce extérieur, la faible en 2030 que dans le scénario de référence,
France contribuera à la réduction des émissions de et de 45 MtCO2eq plus faible en 2050. Au total,
gaz à effet de serre dans le monde, avec un impact la trajectoire de réindustrialisation profonde per-
moindre sur l’empreinte du pays. Au contraire, si met d’éviter environ 900 MtCO2eq supplémentaires
300
Figure 12.26 éduction de l’empreinte carbone de la France associée au scénario de réindustrialisation profonde,
R
par rapport au scénario de référence, en fonction de la trajectoire de décarbonation des autres pays
(la France respecte la trajectoire de neutralité carbone en 2050 dans les deux cas)
-20
MtCO2eq évitées par rapport
à la trajectoire de référence
-40
-60
-80
-100
-120
+140
2030 2040 2050
Sans décarbonation des pays étrangers Avec décarbonation des pays étrangers selon les objectifs affichés
entre 2020 et 2050 par rapport à la trajectoire de Si cette réindustrialisation profonde est combinée
référence. L’empreinte carbone d’un français en avec une accélération du processus de décarbonation
2050 serait alors réduite de 2,7 tCO2eq/hab dans en France ainsi que dans les pays de l’Union euro-
le scénario de référence à 2 tonnes grâce à la péenne, en cohérence avec le nouvel objectif plus
réindustrialisation. ambitieux « Fit for 55 », le bénéfice observé sur l’em-
preinte carbone est plus élevé encore, notamment
680
L’analyse environnementale . 12
en 2030. Sur la période 2020-2050, 600 MtCO2eq Pour illustrer cet enjeu, il est possible d’évaluer un
supplémentaires pourraient alors être évitées. Ce majorant de la réduction de l’empreinte carbone
résultat ne dépend alors pas uniquement de la capa- dans le cas théorique où seule la France tiendrait
cité de la France à réindustrialiser et à décarboner ses objectifs de décarbonation du mix énergétique.
son économie mais aussi de la faculté des pays euro- Dans cette configuration, l’empreinte carbone de la
péens à tenir leurs objectifs climatiques. France en 2050 serait alors d’environ 400 MtCO2eq
dans la trajectoire de référence, et d’environ
Les bénéfices de la réindustrialisation pourraient 275 MtCO2eq dans un scénario de « réindustriali-
être par ailleurs encore plus importants dans le cas sation profonde », soit donc un bénéfice de plus de
où les autres pays ne parviennent pas à atteindre 125 MtCO2eq à cet horizon.
leurs objectifs de décarbonation.
Entre octobre 2021 et février 2022, ce chapitre a fait l’objet d’études complémentaires et
des résultats ont été actualisés suite à la mise à jour de plusieurs hypothèses. Les conclu-
sions restent néanmoins inchangées.
13.
«Évolution de la consommation intérieure de matières en France», Ministère de la transition écologique (2021)
https://www.notre-environnement.gouv.fr/donnees-et-ressources/ressources/graphiques/article/evolution-de-la-consommation-interieure-en-equivalent-
matieres-premieres-rmc
682
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.27 Bilan matières (hors biomasse) des imports/exports/production intérieure en France en 2018
100%
382
millions de tonnes
Production intérieure
23%
16%
41%
63% 22%
36%
23% 103
264 millions de tonnes
millions de tonnes Exportations
4%
Importations
73%
Ressources fossiles
(pétrole, gaz, etc)
Ressources minérales non
métalliques (béton, sable, etc)
Ressources minérales métalliques
(cuivre, fer, lithium, nickel, etc)
543 Mt de consommation apparente
Source : «Évolution de la consommation intérieure de matières en France», Ministère de la transition écologique (2021)
Les analyses sur les ressources au niveau mon- de difficultés d’approvisionnement (béton, acier…).
dial mettent en évidence l’accroissement de la À l’inverse, une augmentation de la consomma-
demande en ressources minérales dans les scé- tion de certaines matières qui représentent des
narios de transition énergétique. Pour autant, volumes faibles en absolu peut susciter des enjeux
ces résultats d’ensemble doivent être pris avec d’approvisionnement beaucoup plus critiques (par
précaution dans la mesure où ils agrègent des exemple pour le cobalt). Ainsi dans un rapport16 de
matières pour lesquelles les enjeux sont très 2020, la Banque mondiale estime que la consom-
différents. mation de métaux17 pour la production et le stoc-
kage d’électricité dont les batteries de véhicules
Ainsi, une demande en volume importante pour sera multipliée par 4 d’ici 2050 dans le scénario
certaines matières ne pose pas nécessairement 2DS18 de l’AIE et si l’acier, l’aluminium représentent
14.
« The Role of Critical World Energy Outlook Special Report Minerals in Clean Energy Transitions », IEA (2021)
15.
SDS = « sustainable development scenario », repose sur une montée en puissance des politiques et des investissements en matière d’énergie propre qui
met le système énergétique sur la voie des principaux ODD (Objectif Développement Durable). Dans ce scénario, tous les engagements actuels de réduction
nette zéro sont pleinement réalisés et des efforts considérables sont déployés pour réduire les émissions à court terme : atteinte de la neutralité carbone
en 2050 dans les économies les plus avancées, en 2060 en Chine et au plus tard en 2070 dans les autres pays ; IEA, 2021 « WEO-2021 »
16.
« Minerals for Climate Action: The Mineral Intensity of the Clean Energy Transition », World Bank group (2020)
17.
Aluminium, chrome, cobalt, cuivre, graphite, indium, fer, plomb, lithium, manganèse, molybdenum, néodyme, nickel, argent, titane, vanadium, zinc
18.
2DS = ”2 °C scenario”, le secteur de l’énergie mondiale atteint la neutralité carbone en 2060 grâce à des ambitions poussées de décarbonation par les
technologies bas-carbone, atteignant un réchauffement limité à 2 °C en 2100 ; IEA, 2017, “Energy Technologies Perspectives 2017”
684
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.29 emande annuelle en 2050 pour la production d’électricité et le stockage en pourcentage de la
D
production de 2018 (dans le scénario 2DS de l’AIE)
600%
500%
400%
300%
200%
100%
0%
Graphite
Lithium
Cobalt
Indium
Vanadium
Nickel
Néodyme
Plomb
Molybdène
Aluminium
Zinc
Cuivre
Manganèse
Chrome
Fer
Titane
Argent
Source: « Minerals for Climate Action: The Mineral Intensity of the Clean Energy Transition », World Bank group (2020)
des volumes importants, ce sont le graphite, le Cependant, la seule évaluation des quantités de res-
lithium et le cobalt qui voient leur demande s’ac- sources minérales nécessaires à la transformation
croître le plus fortement. du système énergétique ne suffit pas à identifier les
principaux enjeux en matière d’approvisionnement.
Dans le cadre des Futurs énergétiques 2050, une
évaluation de la consommation de ressources Il apparaît nécessaire de mettre en perspective
minérales pour l’évolution du système élec- les volumes requis en identifiant plus précisément
trique français a été réalisée et montre que, si les points de criticité associés à chaque type de
aujourd’hui les imports de ressources fossiles ressources étudiées : niveau de réserves sur le
représentent environ 160 Mt/an, le volume de plan géologique, disponibilité sur le plan technico-
ressources minérales nécessaire pour le sys- économique, dépendance géostratégique, conflit
tème électrique et les batteries des véhicules sur d’usage, caractère recyclable, substituable ou
la période 2020-2050 serait compris entre 6 et encore impact environnemental et social au niveau
8 Mt/an (dont 15 % de ressources métalliques). des mines d’extraction, etc.
Cette analyse répond à une demande exprimée de
manière récurrente dans la concertation de pou- Les ressources étudiées et la grille d’analyse rete-
voir identifier les volumes de ressources néces- nue pour préciser les enjeux en matière de criticité
saires à chaque scénario. sont présentées dans les paragraphes suivants.
De très nombreux types de ressources sont néces- stockage d’électricité, pour l’adaptation du réseau
saires à la transformation du système énergétique de transport électrique, ainsi que sur la demande
et embarquent des enjeux différents en matière en ressources des batteries associée au dévelop-
d’approvisionnement. pement du véhicule électrique, dans la mesure où
celui-ci conduit à des enjeux spécifiques sur cer-
Afin de concentrer l’analyse sur les probléma- taines ressources qui se trouvent dans les batte-
tiques les plus importantes, l’analyse quantitative ries (cobalt, lithium…).
réalisée par RTE s’est concentrée sur 16 types de
ressources, listées dans la figure 12.30. Ces res- L’analyse consiste à évaluer à la fois les ressources
sources correspondent à celles qui sont requises immobilisées dans l’infrastructure mais aussi l’en-
pour la transition énergétique et qui présentent semble des autres ressources mobilisées et dépla-
un enjeu en matière de criticité, identifié en s’ap- cées sur l’ensemble du cycle de vie (fabrication,
puyant notamment sur les références suivantes : utilisation et recyclage de l’infrastructure). Plus
u la liste de matières premières critiques d’après précisément, ceci signifie qu’une fraction des
le comité des métaux stratégiques (COMES) et matières utilisées par une usine de production
celle de la Commission européenne (lithium, de lingots de silicium est attribuée à un panneau
cobalt, bauxite – pour l’aluminium –, etc.) ; solaire, au prorata des quantités de lingots de sili-
u les études publiées récemment (AIE, World cium nécessaires pour le panneau considéré.
Bank) ;
u le débat public (béton, uranium, etc.). Cette méthode s’appuie sur l’approche de cycle
de vie et sur les mêmes modèles que ceux utili-
La liste des ressources n’est donc pas exhaustive19 sés pour les analyses en cycle de vie des émis-
mais a été confortée par la concertation avec les sions de gaz à effet de serre. Les calculs sont
parties prenantes. Parmi ces ressources certaines menés pour l’ensemble des matières précisées
sont minérales métalliques et d’autres minérales ci-dessus et les résultats sont restitués pour cha-
non métalliques. Par ailleurs, certaines peuvent cune des matières. Ceux-ci ne sont pas ramenés
être qualifiées de « structurelles » dans la mesure à un indicateur unique agrégeant l’ensemble des
où on les retrouve dans de nombreux composants masses de différentes matières en une forme de
tandis que d’autres sont plus spécifiques à cer- « matière équivalente » comme cela est parfois fait
taines technologies. (via l’unité d’antimoine), afin de ne pas masquer
les enjeux spécifiques à chacune des matières. La
L’évaluation quantitative a été centrée sur les méthode employée se rapproche de l’indicateur
besoins pour les moyens de production et de MIPS (Material Input per Service-unit)20.
19.
Pour certains métaux comme le chrome, le nickel, le silicium ou encore le manganèse, la consommation pour les alliages n’est pas intégrée à l’analyse
quantitative (seule la consommation en tant que composant principal hors alliages est évaluée), faute de données disponibles, comme mentionné dans
l’« inventaire des besoins en matière, énergie, eau et sols des technologies de la transition énergétique » (ADEME, 2021).
20.
L’indicateur MIPS au niveau du produit : Dématérialisation – Mesure par bilans matières et MIPS : L’indicateur MIPS au niveau du produit | Techniques de
l’Ingénieur (techniques-ingenieur.fr)
686
L’analyse environnementale . 12
Aluminium
Cuivre
Acier
Béton
Terres rares
Argent
Silicium
Uranium
Zirconium
Graphite
Lithium
Cobalt
Manganèse
Nickel
Chrome
Zinc
Ressource mobilisée dans la structure ou pour le combustible Ressource mobilisée dans des alliages (non quantifiable)
La notion de criticité des ressources fait l’objet disponibilité de la substance et son importance
d’un nombre croissant de publications scientifiques économique. Les facteurs qui influencent ces deux
et est de plus en plus utilisée dans diverses études axes peuvent être nombreux. La disponibilité de
sur la transition énergétique. Toutefois cette notion la substance peut aussi bien dépendre de l’ac-
n’est aujourd’hui pas définie de manière standardi- cès géologique à la ressource que des monopoles
sée et renvoie à des enjeux de natures différentes, existants que ce soit au niveau de la production
déjà évoqués précédemment. Selon le cadre d’ap- minière ou métallurgique. L’impact social et envi-
plication, les indicateurs qui permettent d’aboutir ronnemental de l’exploitation d’une ressource peut
à un niveau de criticité peuvent ainsi être variables également constituer un facteur influent sur la dis-
et plus ou moins nombreux. ponibilité de la ressource. De même, l’importance
économique pour le territoire concerné dépend à
En particulier, le Bureau de recherches géolo- la fois de l’importance stratégique de la ressource
giques et minières (BRGM) qui est l’établissement dans l’économie et de la capacité de recyclage ou
public français de référence sur le sujet, exprime de substitution de la ressource.
la criticité d’une ressource selon deux axes : la
21.
Les réserves minérales désignent la partie économiquement exploitable des ressources minérales mesurées ou indiquées, démontrée par au moins une
étude préliminaire de faisabilité
688
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.31 Enjeux de criticité des ressources clés en 2019 et les tendances à venir vues d’aujourd’hui au regard des besoins
dans les Futurs Énergétiques 2050
Niveau d’accroissement*
de la demande par rapport
Indicateurs de criticité**
aux consommations et réserves
connues actuellement pour…
… les batteries Risque de
… le système des véhicules Disponibilité monopole Concurrence Impact social et
électrique électriques des réserves sur le marché entre usages Recyclabilité Substituabilité environnemental
Cuivre
Aluminium
Cobalt
Lithium
Nickel
Graphite
Silicium
Acier
Argent
Manganèse
Béton
Terres rares NC
Uranium NC
Zirconium NC
Zinc ND ND
Chrome ND ND
Clé de lecture : le niveau de risque d’approvisionnement du cuivre vis-à-vis des réserves actuelles est moyen et risque de devenir élevé dans les prochaines années/décennies ;
ses capacités de recyclage sont moyennes aujourd’hui et pourraient s’améliorer dans le futur, tandis que l’exploitation minière du cuivre a un impact environnemental et social
(pour les populations riveraines) élevé et risque de le rester dans les années à venir. De plus, dans les Futurs énergétiques 2050, les besoins de cuivre sont élevés par rapport
au niveau de consommation actuelle en France (besoins représentant plus de 20 % de la consommation actuelle totale de cuivre, voir partie 12.3.5.1).
690
L’analyse environnementale . 12
Dans le débat qui entoure le développement des pratique peu consommatrices de terres rares. En
énergies renouvelables, la question des ressources effet, ces ressources ne sont nécessaires que pour
est souvent réduite à celle des terres rares, avec des alternateurs synchrones à aimants permanents
l’idée que celles-ci présentent une forme de rareté qui ne sont utilisés que dans certaines technologies
créant une difficulté pour assurer la transition du d’éoliennes (essentiellement pour les éoliennes en
système électrique. mer), mais quasiment pas pour les autres filières. En
2019, l’ADEME a ainsi estimé que 6 % des éoliennes
Cependant, l’approvisionnement en terres en France contenaient des alternateurs synchrones
rares, s’il soulève des questions spécifiques utilisant des terres rares22 (néodyme et dysprosium)
en matière de dépendance à certains pays, ne dont seulement la moitié avec des générateurs à
constitue pas un enjeu de premier ordre pour aimants permanents à entraînement direct qui sont
l’évolution du système électrique. les technologies les plus consommatrices de terres
rares. L’essor de l’éolien en mer pourrait conduire à
D’une part, contrairement à leur dénomination, faire augmenter cette part à moyen terme mais des
ces métaux ne présentent pas de rareté géolo- leviers existent pour limiter la demande en terres
gique : ils sont aussi abondants que le cuivre ou rares dans les scénarios à l’horizon 2050 avec le
le nickel dans la croûte terrestre, même s’ils sont recours à des technologies moins consommatrices.
plus dispersés.
Dans les scénarios les plus ambitieux en matière
D’autre part, les technologies déployées pour la de développement de l’éolien en mer (M0 et M23
transformation du système électrique sont en qui prévoient environ 60 GW à l’horizon 2050), la
Figure 12.32 Consommation cumulée des terres rares entre 2020 et 2050 dans les aimants permanents
des éoliennes en mer selon deux choix technologiques
18
16
14
12
en ktonnes
10
8
6
4
2
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03
onfiguration haute avec recours systématique aux technologies de générateurs à aimants permanents à entraînement direct
C
Configuration basse avec recours systématique aux technologies de générateurs à aimants permanents à transmission avec multiplicateur
22.
« Terres rares, énergies renouvelables et stockage d’énergie – Avis technique » ADEME (2020)
23.
« Fiche de synthèse sur la criticité des métaux – Le dysprosium » BRGM (2016)
https://www.mineralinfo.fr/sites/default/files/documents/2020-12/fichecriticitedysprosium-publique160913.pdf
24.
« Mineral Commodity Summaries, Rare Earth » U.S. Geological Survey (2019)
https://www.usgs.gov/media/files/rare-earths-mcs-2019-data-sheet
692
L’analyse environnementale . 12
Les batteries s’imposent aujourd’hui comme un stationnaires fournissant des services au système
élément incontournable de la décarbonation des électrique.
systèmes énergétiques dans le monde, notamment
à travers le développement du véhicule électrique. Pour autant, ces batteries présentent des besoins
Ce dernier doit ainsi permettre de remplacer les importants en métaux, et en particulier en lithium,
véhicules à essence et diesel, nettement plus cobalt, nickel, manganèse et graphite. Les consom-
émetteurs de gaz à effet de serre (même en tenant mations de tels métaux peuvent varier selon les
compte du cycle de vie des batteries pour les véhi- technologies précises25 mais suscitent dans tous
cules électriques) et d’autres polluants atmos- les cas un point de vigilance particulier en matière
phériques. Comme présenté à la partie 12.2.4, d’approvisionnement. Pour chacune des matières
l’électrification des transports contribuera ainsi à considérées, les enjeux sont variables : disponibilité
une part très importante de la réduction des émis- des réserves géologiques, dépendance géostraté-
sions de gaz à effet de serre, en France mais éga- gique ou économique ou encore impact environ-
lement dans beaucoup d’autres pays. nemental et social associé à leur extraction dans
les mines. Ceux-ci sont détaillés dans la suite de
Plus spécifiquement, les batteries lithium-ion, dont cette partie pour le lithium, le cobalt et le nickel
la technologie a progressé et les coûts ont forte- en particulier, qui présentent, vu d’aujourd’hui, les
ment baissé ces dernières années, apparaissent problématiques de criticité les plus importantes. Les
comme la solution privilégiée aujourd’hui pour les enjeux identifiés pour le manganèse, le graphite et
véhicules électriques ou encore pour les stockages l’argent sont également décrits par la suite.
Dans les Futurs énergétiques 2050, les batteries gigawattheures et quelques dizaines de gigawat-
sont mobilisées de manière importante pour la theures (voir chapitre 7), soit des capacités sans
décarbonation du système énergétique, à la fois commune mesure avec celles correspondant au
pour les véhicules électriques (qui représentent parc de véhicules électriques au même horizon qui
95 % du parc de véhicules légers à l’horizon 2050) atteint plusieurs milliers de gigawattheures.
et pour la fourniture de services au système élec-
trique (batteries dites « stationnaires »). L’essentiel de l’enjeu autour de la consommation
en métaux critiques des batteries porte donc sur
Toutefois, les volumes en jeu pour ces deux types les effets associés à l’essor du véhicule électrique.
de fonctions sont d’ordres de grandeur très diffé- Dans ce cadre, un des principaux leviers pour
rents. Dans tous les scénarios étudiés, les batte- réduire la demande en métaux critiques des
ries dédiées à l’équilibrage du système électrique batteries consiste à accompagner la décar-
à l’horizon 2050 représentent ainsi entre quelques bonation des transports et le développement
25.
Il est possible de distinguer plusieurs technologies de batteries lithium-ion parmi lesquelles :
- NMC (nickel, cobalt, manganèse), les plus répandues pour leur bon rapport poids/énergie et qualité/prix ;
- NCA (nickel, cobalt, aluminium) moins répandue ;
- LFP (lithium, fer, phosphate), technologie aujourd’hui peu répandue mais qui pourrait se développer.
Figure 12.33 Capacité des batteries stationnaires en 2050 dans les six scénarios et dans les véhicules électriques
légers dans les scénarios de référence et sobriété
3 500
2 916
3 000
en GWh de capacité
2 500
2 000 1 752
1 500
1 000
500
94 74 44 29 3 1
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 Scénario Scénario
de référence « sobriété »
Figure 12.34 Consommations cumulées entre 2020 et 2050 de différentes ressources spécifiques pour les batteries
des véhicules électriques légers dans différentes trajectoires de consommation électrique26
3 500
3 000
2 500
en ktonnes
2 000
1 500
1 000
500
Scénario de référence
0 Scénario « sobriété »
Cuivre Lithium Nickel Cobalt Manganèse Graphite
26. L
es consommations cumulées sont données pour les véhicules électriques légers de batteries NMC, sans amélioration des performances technologiques
autre que le passage de la technologie NMC 333 à NMC 811 (voir Annexes pour la trajectoire d’évolution)
694
L’analyse environnementale . 12
27. Au dernier trimestre 2020, 56 % des batteries de véhicules électriques en circulation en Chine étaient des LFP pour 44 % de NMC.
Figure 12.35 Consommations cumulées entre 2020 et 2050 de différentes ressources spécifiques pour les batteries
de tous les véhicules électriques dans différentes trajectoires de consommation électrique29
7 000
6 000
5 000
en ktonnes
4 000
La figure ci-dessus montre également que l’ac- légers), les poids lourds étant moins nombreux et
croissement de la demande en batteries pour la moins électrifiés que les véhicules légers dans la
mobilité est tiré en quasi-totalité par la mobilité trajectoire de référence considérée.
légère (véhicules particuliers et véhicules utilitaires
28.
La cathode d’une batterie NMC 333 contient 1/3 de nickel, 1/3 de manganèse, 1/3 de cobalt. De façon similaire, la cathode d’une batterie NMC 811 contient
80% de nickel, 10% de manganèse et 10% de cobalt.
29.
Les consommations cumulées sont données pour les véhicules électriques lourds et légers de batteries NMC, sans et avec amélioration de la densité
énergétique et avec des batteries NMC333 en début de période et NMC811 en 2050 (voir Annexes pour la trajectoire d’évolution)
696
L’analyse environnementale . 12
La demande en lithium a connu une forte croissance du parc de véhicules légers ainsi qu’une partie des
au cours des dernières années, portée par le déve- poids lourds et décarboner les transports. Cette
loppement des batteries lithium-ion et leur utilisa- demande représente de l’ordre de 2,5 % des
tion généralisée dans les appareils électroportatifs réserves mondiales connues de lithium31, pour les
et les véhicules électriques. Cette augmentation seuls besoins associés aux véhicules électriques
de la demande, qui devrait se poursuivre et même français alors même que d’autres secteurs sont
s’accentuer dans les prochaines décennies, suscite également consommateurs de lithium (industrie
des inquiétudes sur l’approvisionnement en lithium du verre et de la céramique…) et que la plupart
à long terme pour différentes raisons. des pays dans le monde prévoient également un
développement massif du véhicule électrique.
En premier lieu, les réserves mondiales de lithium Même dans le scénario de sobriété, la consomma-
connues à l’heure actuelle pourraient devenir limi- tion en lithium sur la période 2020-2050 attein-
tées en regard de la croissance de la consomma- drait un peu moins de 2 % des réserves, ce qui
tion. Le scénario de référence décrit dans les Futurs apparaît contraignant étant donné que la France
énergétiques 2050 prévoit une demande cumulée compte aujourd’hui pour environ 1 % de la popu-
en lithium d’environ un demi million de tonnes sur lation mondiale et 2,7 % des véhicules dans le
les trente prochaines années pour électrifier 95 % monde.
30.
Les consommations cumulées sont données pour les véhicules électriques lourds et légers de batteries NMC, sans amélioration des performances
technologiques autre que le passage de la technologie NMC 333 à NMC 811 (voir Annexes pour la trajectoire d’évolution).
31. « Mineral Commodity Summaries, Lithium » U.S. Geological Survey (2021) https://pubs.usgs.gov/periodicals/mcs2021/mcs2021-lithium.pdf
Produits dérivés
(dont batteries)
Bases chimiques
(LiOH, Li2 CO3) 347 Mtonnes
raffinage, aujourd’hui concentré en Chine et qui est producteur de lithium transformé. Bien qu’elle
très énergivore et émetteur de gaz à effet de serre. importe la majorité des ressources qu’elle raf-
fine sur son territoire (dont 75 % de spodumène
Enfin, l’approvisionnement en lithium pose des en provenance d’Australie et 25 % de saumures
questions de dépendance géostratégique vis- en provenance d’Amérique du Sud), elle devrait
à-vis de la Chine. Celle-ci constitue un acteur garder à moyen terme une place prédominante
majeur intégré dans le secteur du lithium avec avec un fort risque de capter les nouvelles pro-
deux importantes compagnies, Tianqi Lithium et ductions de lithium mondiales, malgré l’initiation
Ganfeng Lithium Co. La Chine est ainsi devenue le de stratégies en Europe, aux États-Unis et en
plus gros consommateur de lithium et le plus gros Australie.
Le cobalt est aujourd’hui essentiellement extrait moyen terme une ressource stratégique pour les
à partir des mines de cuivre, nickel et gise- batteries rechargeables mobiles à moyen long
ments sulfurés. Il constitue désormais une des terme (pour les véhicules électriques mais éga-
ressources essentielles pour les technologies de lement pour de nombreuses autres applications
batteries actuellement les plus utilisées pour les comme le numérique) du fait de la stabilité qu’il
véhicules électriques, à savoir les batteries nic- procure à la batterie.
kel-manganèse-cobalt (NMC). Les évolutions
technologiques récentes conduisent à dévelop- Il s’agit en outre d’une des ressources présentant
per des batteries moins gourmandes en cobalt aujourd’hui le plus de vigilance en matière d’ap-
(NMC811), permettant de modérer l’accroisse- provisionnement, pour plusieurs raisons d’ordre
ment de la demande, mais le cobalt restera à géologique et stratégique.
698
L’analyse environnementale . 12
En premier lieu, le niveau de réserves connues ne Dans l’ensemble, les nouveaux gisements attendus
permet de répondre qu’à quelques dizaines d’années pourront atténuer la pression sur le cobalt sans tou-
de consommation au rythme actuel tout au plus : le tefois annuler le caractère critique de cette ressource.
niveau de réserves est passé d’environ 150 ans en
2002 à 50 ans de consommation aujourd’hui, étant En second lieu, l’approvisionnement en
donné que les besoins augmentent fortement tandis cobalt présente à l’heure actuelle une forte
que le niveau des réserves connues tend à stagner. dépendance à un nombre réduit de pays et
À moyen terme, l’accélération du développe- d’acteurs. Au niveau de la production minière,
ment du véhicule électrique et du numérique 72 % du cobalt est produit en République démocra-
à travers le monde contribuera à accentuer tique du Congo (RDC), tandis que la Chine dispose
encore la pression sur les réserves de cobalt. d’un monopole sur le raffinage (production métal-
lurgique). Étant donné les gisements disponibles
À titre d’illustration, à l’échelle des besoins français et les dynamiques actuelles, la RDC et la Chine
pour la décarbonation des transports, la demande devraient garder leur monopole à moyen terme.
en cobalt s’élèverait, selon l’évolution des parts
de marché des différentes technologies (NMC333, Des capacités de production existent également en
NMC622, NMC811…), entre 360 et 1 000 kilotonnes Europe et représentent environ 15 % de la produc-
sur la période de 2020-2050 dans la trajectoire de tion totale actuelle, essentiellement en Belgique et
référence. Dans le cas le plus favorable intégrant en Finlande. En termes de gisement, le potentiel
une évolution vers le recours à des batteries moins minier en Europe (notamment en Finlande) pourrait
consommatrices de cobalt, ceci représente une couvrir une large part voire la totalité des besoins
consommation annuelle d’environ 12 kt/an, soit du continent (selon l’évolution des besoins), mais
l’équivalent de 8,5 % de la production mondiale32 aucune stratégie européenne n’est engagée à ce
de cobalt en 2019 (uniquement pour les véhicules stade pour aller dans ce sens.
électriques français).
En matière de recyclage, des filières existent dès
Dans le scénario sobriété, la consommation aujourd’hui pour recycler les chutes de production
annuelle de cobalt est réduite à 9 kt/an, soit 6 % ou les usages en fin de vie. Du fait de la tension
de la production actuelle au niveau mondial, ce croissante sur le cobalt et de l’augmentation de
qui reste un niveau très important (d’autant que sa valeur sur les marchés mondiaux, le taux de
le parc de véhicules français ne représente qu’en- recyclage devrait s’accroître dans les prochaines
viron 2,7 % du nombre total de véhicules dans le années contribuant à modérer les tensions sur
monde et que cette part devrait baisser à l’avenir). l’approvisionnement (sans les faire disparaître).
160
80
60
40
20
0
2020 2030 2040 2050
160
60
40
20
0
2020 2030 2040 2050
34.
La part de cobalt secondaire dans la consommation est identique à celle d’aujourd’hui, soit 32 %
35.
Les consommations cumulées sont données pour les véhicules électriques lourds et légers de batteries NMC, sans évolutions technologiques autre que le
passage de la technologie NMC 333 à NMC 811 dans un cas et sans changement de technologie dans l’autre cas (voir Annexes pour la trajectoire d’évolution)
700
L’analyse environnementale . 12
Le nickel est principalement utilisé aujourd’hui dans Toutefois, ces prévisions peuvent varier grandement
la fabrication d’aciers inoxydables, pour environ en fonction des hypothèses retenues. D’un côté,
70 % de la demande globale, alors que le secteur l’évolution des technologies de batteries NMC semble
des batteries n’en représente que 6 %. Avec l’essor tendre vers un accroissement de la consommation de
du marché de la mobilité et les besoins croissants nickel, et moins de cobalt (passage des batteries NMC
en aciers inoxydables des populations, notamment 333, dont les cathodes contiennent 30 % de nickel,
des pays émergents, la demande en nickel devrait aux NMC 811, dont les cathodes contiennent 80 % de
considérablement progresser dans les années à nickel). De l’autre, l’accroissement de la consomma-
venir. En effet, au niveau mondial, les projections tion de nickel pourrait être modéré par exemple par
des analystes tablent sur une demande en nickel du le déploiement de batteries ayant recours à d’autres
secteur des batteries (pour les véhicules et les bat- éléments que le nickel (les batteries LFP – lithium,
teries stationnaires) de l’ordre de 500 kt dès 2025 fer, phosphate – par exemple).
et qui atteindrait 1 Mt et 1,8 Mt en 2030 et 2040
respectivement36, comparés à 156 kt aujourd’hui Les stratégies de mobilité retenues (modes de
pour les batteries, tous usages confondus. transport, distance parcourues, etc.) ont également
Figure 12.39 Estimation des consommations annuelles de nickel pour les batteries de la mobilité électrique en France
en 2030, selon plusieurs hypothèses
35
30
-5 5 -5 kt
-1
25
-5
en kt/an
20
-3 kt
15 31
26
10 20
17
5
2
0
2019 2030 Technologie Objectif Pénétration 2030 2030 2030
scénario de de batterie européen des LFP sur scénario de scénario scénario
référence – inchangée atteint de le marché référence – ”sobriété“– “sobriété”–
vision haute (NMC333) contenu en (20%) vision basse vision haute vision basse
sur la demande nickel recyclé sur la demande sur la sur la
en nickel en nickel demande demande
en nickel en nickel
Scénario haut : passage des batteries NMC333 à batteries NMC 811 sans recyclage du nickel et sans batteries LFP sur le marché
Scénario bas : technologie NMC333 inchangée, 4% de nickel recyclé dans les batteries et 20% de batteries LFP sur le marché
36. R
oskill, 2021 : Fraser, Jake; Anderson, Jack; Lazuen, Jose; Lu, Ying; Heathman, Oliver; Brewster, Neal; Bedder, Jack; Masson, Oliver, Study on future
demand and supply security of nickel for electric vehicle batteries, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2021, ISBN 978-92-76-29139-8,
doi:10.2760/212807, JRC123439
En effet, la visibilité sur les réserves, au rythme Deuxièmement, la production de sulfate de n ickel
de consommation actuel, est aujourd’hui d’envi- pourrait se diversifier avec le développement
ron 40 ans. Si ce niveau a légèrement augmenté de filières australienne et européenne. À titre
ces dernières années, la croissance attendue de la d’exemple, le producteur de nickel finlandais
demande à l’avenir risque d’être plus importante Terrafame a lancé la production commerciale de
que l’augmentation des niveaux de réserves. sulfate de nickel et de cobalt pour l’équivalent d’en-
viron 170 kt par an de nickel et 7,4 kt de cobalt à
Le risque d’approvisionnement se concentre en pleine capacité en juin 2021.
outre à l’aval de la chaîne de production. La pro-
duction minière de nickel est relativement bien L’exploitation de nickel, comme la plupart
diversifiée et répartie entre l’Asie, la Russie, l’Aus- des exploitations minières, a un impact signi-
tralie, le Canada ainsi que la Nouvelle Calédonie ficatif sur l’environnement et les populations
(qui représente 8 % de la production mondiale locales. Or, l’approvisionnement en nickel pour les
en 2020 soit environ 190 kt). Il en est de même filières acier et batteries devient de plus en plus
pour la production des produits intermédiaires de dépendant de pays considérés « à risques » de ce
nickel. En revanche, la production finale de sulfate point de vue par l’industrie minière (Indonésie,
de nickel, utilisé dans les batteries lithium-ion, est Philippines, etc.). Parmi les impacts environne-
dominée actuellement par la Chine (65 % de la mentaux, les mines à ciel ouvert situées dans des
production mondiale en 2019). zones d’importance écologique représentent un
enjeu fort vis-à-vis de la préservation de la bio-
Toutefois les performances de recyclage et diversité, ainsi que des pollutions de l’eau par les
l’arrivée de nouveaux acteurs dans la produc- phénomènes de drainage minier acide37.
tion de sulfate de nickel pourraient réduire le
37.
Le drainage minier acide (DMA) ou encore drainage rocheux acide (DRA) est un phénomène de production d’une solution minérale acide qui s’écoule
régulièrement, à la suite d’une production d’acide sulfurique induite par la mise en contact avec l’air de certains minéraux (sulfures métalliques),
généralement à l’occasion de grandes excavations (carrières) et travaux miniers ou de stockage de déchets miniers. Il contribue localement au phénomène
global d’acidification des eaux douces constaté depuis plusieurs décennies à grande échelle entrainant une réduction de la biodiversité et la contamination
des ressources en eau.
702
L’analyse environnementale . 12
Le manganèse est étroitement lié à la ressource en quasi-complète du parc automobile mondial, cela
fer, tant pour des raisons géologiques que métal- représenterait une augmentation de consomma-
lurgiques. D’une part, leurs gisements sont sou- tion de manganèse de seulement 5 %.
vent associés du fait de leurs modes de formation
similaires. D’autre part, le manganèse est princi- Comme pour le nickel, si la production minière
palement utilisé dans les ferro-alliages (90% de la est relativement diversifiée (28 % en Afrique du
consommation actuelle) à destination des secteurs sud, 18 % en Australie et 15 % au Gabon), la
du bâtiment et de l’automobile pour leurs proprié- production métallique est beaucoup plus
tés de dureté, d’élasticité, de résistance à l’usure concentrée et principalement située en
et à l’abrasion. Les aciers peuvent contenir jusqu’à Chine (70 %). Dans le même temps, il reste
14 % de manganèse et 6 à 7 % en moyenne. Le nécessaire de surveiller les risques d’ap-
reste de la production de manganèse est à desti- provisionnement associés à la production
nation des batteries et de la chimie. minière car l’Afrique du sud souffre de pro-
blèmes d’infrastructures récurrents, notam-
Les réserves de manganèse sont aujourd’hui ment ferroviaires et portuaires. Port Elizabeth est
estimées à 66 ans au rythme de production et par exemple l’unique infrastructure portuaire pour
de consommation actuelle. La consommation assurer les exportations de manganèse du pays,
de manganèse devrait augmenter du fait des mais sa capacité est insuffisante pour faire face
besoins croissants d’acier et du développement aux hausses récentes de production.
de la mobilité électrique, et ce, d’autant plus que
le manganèse contenu dans les alliages d’aciers Si les enjeux de criticité pour le manganèse ne
n’est pas substituable. Néanmoins, il est d’ores sont pas de premier ordre sur les aspects d’appro-
et déjà pour une grande partie recyclé, ce qui visionnement, l’exploitation de manganèse repré-
modère les risques d’approvisionnement. sente des enjeux environnementaux et sociaux
notables. D’un point de vue social, 10 à 20 % de
Par ailleurs, l’augmentation de la demande de la production minière est issue de mines artisa-
manganèse pour satisfaire le développement nales, employant potentiellement des enfants
de la mobilité électrique devrait être contenue. (en Afrique du sud, Chine, Gabon, Brésil, Inde et
À l’échelle de la France, la consommation annuelle Ghana). Quant à l’impact environnemental, il est
estimée pour la mobilité électrique, dans le scé- multiple du fait de la consommation d’eau et d’es-
nario de référence, est de 26 kt, soit 0,1 % de la pace importants, notamment sur des sites proté-
production mondiale actuelle. Si l’ensemble de la gés. De plus, les conditions de stockage de déchets
flotte automobile mondiale suivait l’ambition du sont parfois insuffisantes entraînant diverses
scénario de référence, à savoir une électrification pollutions de l’eau (au Gabon notamment).
12.3.4.8 Argent : malgré des réserves appauvries, les stocks et les capacités
de recyclage pourraient permettre de limiter les tensions sur les besoins futurs
38. Le coke de pétrole est un coproduit solide des raffineries de pétrole et le brai de houille est produit par la distillation du goudron de houille lui-même issu
de la cokéfaction ou de la gazéification de la houille.
39. « Mineral Commodity Summaries, Silver » U.S. Geological Survey (2021) – https://pubs.usgs.gov/periodicals/mcs2021/mcs2021-silver.pdf
40. « Fiche de criticité de l’argent » BRGM 2021
704
L’analyse environnementale . 12
en argent n’est pas anticipée car une large catalyseurs d’oxyde d’éthylène ont en partie
part de ce métal est utilisée aujourd’hui à amélioré les capacités de recyclage des ferrailles
des fins financières et spéculatives. Et même d’origines industrielles. De plus, la filière d’ap-
si la demande d’argent devait augmenter dans les provisionnement de l’argent ne présente pas de
années à venir, les stocks d’argent pourraient large- risques particuliers car les marchés, de l’exploita-
ment couvrir cette hausse. tion minière à la production métallique, sont rela-
tivement diversifiés.
De plus, le taux de recyclage de l’argent est rela-
tivement élevé, si bien qu’en 2019, 17 % de la En revanche, les mines d’argent, systémati-
consommation d’argent provenait du recyclage. quement associées à celles de l’or, ont des
Les performances du recyclage pourraient encore incidences importantes sur l’environnement
s’améliorer comme cela a été le cas au cours des (consommation d’espace, déforestation, pollution
dernières années41. En 2020, la hausse des prix des cours d’eau, etc.) et les populations locales
de l’argent a encouragé le recyclage de l’argen- (mines artisanales, conflits avec les populations
terie et des bijoux et les gains de recyclage des locales, etc.).
41.
« World Silver Survey 2021 » The Silver Institute – https://www.silverinstitute.org/wp-content/uploads/2021/04/World-Silver-Survey-2021.pdf
De nombreuses matières structurelles (cuivre, alu- soutenu des technologies du numérique (internet,
minium, béton, acier) connaissent aujourd’hui un objets connectés…) ou encore l’évolution démo-
net accroissement de la demande, tiré par diffé- graphique et l’augmentation du niveau de vie qui
rents effets : les besoins pour la transition éner- accroît la demande en bâtiments, transports et
gétique (évolution du mix énergétique et des équipements divers.
équipements) mais également le développement
Le cuivre est aujourd’hui utilisé dans la plupart Le niveau de réserves rapporté au volume de
des secteurs économiques et notamment dans consommation du cuivre est stable depuis plu-
le secteur du bâtiment, que ce soit pour l’électri- sieurs années et estimé à 30-40 ans. Bien que
cité, les télécommunications ou la plomberie, ou les budgets d’exploration sur les dernières années
encore dans les infrastructures de production et de soient en hausse, le rythme de découverte de
transport d’électricité. Il est également utilisé dans nouveaux gisements s’étiole, en particulier depuis
l’automobile, les biens de consommation, la réfri- 2014. Le manque de découverte de nouveaux
gération et la climatisation, etc. Le cuivre consti- gisements susceptibles de prendre le relais
tue en conséquence une ressource désormais très des grands gisements en fin de vie conduirait
stratégique. à de sérieux problèmes d’approvisionnement
dans un futur proche, notamment dans un
Plusieurs organismes mentionnent un point de contexte d’accroissement de la demande. Des
vigilance concernant l’approvisionnement en fluctuations récentes du prix du cuivre illustrent
cuivre. L’Agence internationale de l’énergie pro- dès à présent les tensions croissantes sur l’appro-
jette par exemple un pic d’extraction autour de visionnement de cette ressource.
2024 compte tenu des mines existantes, de celles
en construction et du besoin de cuivre pour la tran- Dans ce contexte, le recyclage constitue un
sition énergétique. L’IFPen estime dans une autre levier essentiel pour faire face à l’accroisse-
étude42 que la consommation mondiale de cuivre ment de consommation de cuivre. Le niveau de
cumulée d’ici 2050 pourrait dépasser le niveau de cuivre recyclé en Europe stagne depuis 2005 et si les
ressources connues43 en 201944. Même en prenant taux de recyclage pourraient être améliorés, ils sont
en compte les capacités de recyclage du cuivre toutefois conditionnés par la durée d’immobilisation
(aujourd’hui environ un tiers de la demande mon- de la ressource consommée durant la durée de vie
diale est satisfaite à partir de cuivre recyclé), la des infrastructures dans lesquelles elle est intégrée.
consommation de cuivre primaire d’ici 2050 s’élè-
verait à plus de 80 % des ressources connues en En France, la consommation française de cuivre
2019 soit un niveau susceptible de compliquer for- primaire et secondaire était estimée à environ
tement l’approvisionnement en cuivre. 530 kt en 201545. D’ici 2050, l’évolution du système
42. « Le cuivre dans la transition énergétique : un métal essentiel, structurel et géopolitique » Les métaux dans la transition énergétique, n° 2, IFPEN (2020)
43. Les ressources désignent les volumes de ressources minérales connues et contenues dans les sous-sols, tandis que les réserves minérales désignent la
partie économiquement exploitable des ressources mesurées ou indiquées, démontrée par au moins une étude préliminaire de faisabilité
44. « Mineral Commodity Summaries, Copper » U.S. Geological Survey (2021) https://pubs.usgs.gov/periodicals/mcs2021/mcs2021-copper.pdf
45. D’après données Exiobase + Eurostat – ComExt et BNR
706
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.40 Consommation annuelle moyenne de cuivre entre 2020 et 2050 dans les scénarios et les batteries
de véhicules électriques et comparaison par rapport à la consommation annuelle de cuivre
(primaire et recyclé, tous secteurs confondus) en 201846
120
20 % de la consommation
100 annuelle de cuivre
Les véhicules électriques (primaire et secondaire)
consomment plus de cuivre en 2015*
80 que le système électrique
en kt/an
60
10 %
40
5 %
20
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 Scénario de Scénario
référence « sobriété »
Système électrique
(flexibilité et réseau de transport compris) + Batteries des
véhicules électriques
(hors moteurs électriques)
électrique (flexibilité et réseau de transports com- les véhicules électriques sont également gour-
pris) consommera l’équivalent de 6 à 13 % de la mands en cuivre, que ce soit dans les batteries
demande française actuelle de cuivre en moyenne ou les moteurs électriques (pour ne pas utiliser de
chaque année. La demande en cuivre estimée terres rares). À elles seules, les batteries dédiées
pour les infrastructures de production, stockage et à la mobilité électrique conduiraient dans la tra-
réseau dépend ainsi de manière non négligeable jectoire de référence à une demande annuelle de
des choix sur le mix électrique : les scénarios avec cuivre évaluée à environ 19 % de la consommation
relance du nucléaire seront en moyenne moins actuelle française de cuivre, valeur qui peut être à
consommateurs de cuivre. Du côté des usages, réduite à 13 % dans le scénario de sobriété.
46.
Les consommations cumulées sont données pour les véhicules électriques légers de batteries NMC, sans amélioration des performances technologiques
autre que le passage de la technologie NMC 333 à NMC 811 (voir Annexes pour la trajectoire d’évolution)
250
200
20 % de la production
d’alumnium française
150 (primaire et secondaire)
en kt/an
en 2018
100
10 %
50
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 Scénario de Scénario
référence « sobriété »
Système électrique
(flexibilité et réseau de transport compris) + Batteries des véhicules
électriques (hors
moteurs électriques)
Si les chaînes d’approvisionnement en aluminium Dans le cadre des scénarios des Futurs énergétiques
nécessitent donc un point de vigilance, les possibili- 2050, la consommation d’aluminium augmente
tés de tension sur l’approvisionnement sont de bien pour satisfaire les besoins du système électrique,
moindre ampleur que pour le cuivre. Les réserves pour le cadre des panneaux photovoltaïque notam-
en bauxite sont présentes en abondance dans de ment et les conducteurs du réseau, mais aussi des
nombreuses régions du monde. Même si la Chine batteries des véhicules électriques. Ainsi d’ici 2050,
représente une part importante de la production d’alu- la consommation annuelle moyenne d’aluminium
minium, des usines sont également présentes dans de pour les batteries de véhicules électriques et les
nombreux pays. Enfin, l’aluminium possède des pro- infrastructures du système électrique pourrait être
priétés qui rendent son recyclage possible dans de très comprise entre 200 et 350 kilotonnes (selon les
fortes proportions. La croissance du taux de recyclage scénarios de mix et de consommation) soit l’équi-
serait donc également de nature à atténuer encore valent de 22 % à 38 % de la production française
d’éventuelles pressions sur l’approvisionnement. actuelle, ce qui est relativement significatif.
Dans le débat public sur l’évolution du système élec- Les volumes de béton nécessaires pour le génie
trique, de nombreuses parties prenantes attirent civil accompagnant la construction de nouvelles
régulièrement l’attention sur la consommation de infrastructures du système électrique sont en effet
béton requise pour la construction de nouveaux importants : entre 2020 et 2050, ils sont ainsi esti-
moyens de production, que ce soit pour les énergies més autour de 4 millions de tonnes en moyenne,
renouvelables (par exemple, fondations des mâts soit de l’ordre de 2 à 4 % de la production fran-
d’éoliennes) ou encore les centrales nucléaires. çaise de béton. La consommation de béton est en
708
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.42 Consommations annuelles moyennes de béton et d’acier pour le système électrique entre 2020 et 2050
et comparaison par rapport à la production annuelle actuelle en France (primaire et recyclée et tous
secteurs confondus)
5 000 2 000
3,5 %
de la production
4 500 1 800 12 %
française
(primaire et de la production
4 000 1 600 française
secondaire)
en 2018 (primaire et
3 500 1 400
secondaire)
en 2018
3 000 1 200
en kt/an
en kt/an
2%
2 500 1 000
6%
2 000 800
1 500 600
1 000 400
500 200
0 0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
Béton Acier
47.
Les besoins en béton pour les infrastructures de retraitement et de stockage de déchets nucléaires ne sont pas pris en compte dans le périmètre de cette
étude, ni le béton nécessaire à la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires existantes.
48.
L’arrêté du 22 juin 2020 introduit dans la règlementation française, l’obligation de démanteler la totalité des fondations sauf dans le cas où le bilan
environnemental est défavorable sans que l’objectif de démantèlement puisse être inférieur à 1 mètre de profondeur.
Le chrome et le zinc sont principalement utilisés géologique ou une complexité plus importante
dans les aciers pour assurer une protection contre d’extraction, mais par une très bonne capacité
la corrosion. Ces substances sont donc utilisées technique de recyclage et de réutilisation qui n’en-
dans de nombreux secteurs comme l’industrie, courage pas les acteurs du marché à développer
les transports, l’énergie, etc. La part des métaux davantage d’exploitations minières. Le risque sur
présents dans les alliages des aciers, comme le la chaîne d’approvisionnement est limité, bien qu’il
chrome, le zinc, le nickel ou le manganèse, est y ait plusieurs acteurs majeurs sur le marché (la
toutefois difficile à évaluer avec précision et est Chine pour le zinc, la Russie et la France pour la
donc difficilement quantifiable. Néanmoins, leur production de chrome), aucune concentration de
présence étant liée à la consommation des aciers marché importante ne semble avérée.
(le zinc est par exemple particulièrement uti-
lisé pour les pylônes des lignes électriques), leur L’exploitation minière du chrome et du zinc génère
consommation dans le système électrique devrait des impacts environnementaux et sociaux. Il existe
s’accroître. de nombreuses « petites » mines de chrome
sujettes à des risques sanitaires et sociaux dans
Bien que le zinc et le chrome soient des ressources des zones à fort stress hydrique et l’exploitation
communes, ces métaux sont tout de même carac- minière du zinc peut être associé à diverses pol-
térisés par la relative faiblesse de leurs niveaux de lutions aux métaux lourds via le drainage minier
réserves (14 ans pour le chrome et 20 ans pour acide notamment.
le zinc). Cela s’explique non pas par une rareté
710
L’analyse environnementale . 12
Le marché des panneaux photovoltaïques est représentent qu’une part des volumes totaux de
aujourd’hui dominé par la technologie de cellules silicium. Les réserves se situent principalement en
cristallines à base de silicium, du fait de ses carac- Chine mais de nombreux autres pays en possèdent
téristiques favorables en matière de rendement également, dont la France et l’Espagne avec des
et de coûts de production. Cette filière a connu réserves estimées à plus d’une vingtaine de mil-
des améliorations de performance et des baisses lions de tonnes. À des horizons de long terme, la
de coûts très importantes au cours des dernières tension sur les réserves pourrait s’accroître essen-
années et devrait rester majoritaire sur le marché tiellement dans des scénarios de forte accélération
du solaire à moyen terme. sur le photovoltaïque et d’absence de découverte de
nouveaux gisements de silice haute pureté. Vis-à-
Au niveau mondial, l’accélération du développement vis des besoins pour le système électrique français,
des installations photovoltaïques conduit en consé- les réserves estimées en Europe semblent toutefois
quence à mobiliser des quantités importantes de suffisantes pour tous les scénarios.
silicium métallique, issu de la carboréduction de la
silice de haute pureté. En dehors du système élec- À moyen terme, les tensions attendues sur
trique, la microélectronique est également devenue le silicium sont donc, vu d’aujourd’hui, moins
un consommateur important de silicium métallique. contraignantes que pour le cuivre ou le cobalt.
L’approvisionnement en silicium pour le photo-
Contrairement à d’autres ressources, le silicium ne voltaïque suscite néanmoins une vigilance par-
présente pas de rareté géologique : il est l’un des ticulière. En septembre-octobre 2021, le prix du
éléments les plus abondants de la croûte terrestre silicium métallique a bondi de +300 % d’après
même si les gisements spécifiques de roches sili- l’agence Bloomberg. Cette évolution s’explique
ceuses de haute pureté exploitables, nécessaires notamment par un ralentissement de la production
à la production de panneaux photovoltaïques, ne chinoise de silicium, du fait d’un rationnement de la
Figure 12.43 Consommations cumulées de silicium métallique pour les panneaux photovoltaïques
entre 2020 et 2050, selon les six scénarios
700
Consommation cumulée entre 2020
600
et 2050 (en ktonnes)
500
400
300
200
100
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03
712
L’analyse environnementale . 12
En 2019, les réserves mondiales d’uranium iden- certains pays (Chine, Royaume-Uni, Europe de l’Est)
tifiées comme exploitables étaient de l’ordre de pourraient conduire à un nouveau cycle d’investisse-
6 800 kilotonnes, représentant plus d’un siècle de ment dans le nucléaire, aucune pénurie sur l’uranium
consommation au rythme actuel : la consomma- naturel n’est anticipée à moyen terme.
tion d’uranium naturel pour le système électrique
français s’élève à environ 8 kilotonnes par an, sur Dans les différents scénarios de mix de l’étude Futurs
un total d’environ 59 kilotonnes consommées dans énergétiques 2050, la consommation d’uranium
le monde49 chaque année. devrait en outre ralentir de manière plus ou moins
importante, sous l’effet de la réduction de la capa-
Historiquement marquée par des perspectives plus cité nucléaire et de l’amélioration du rendement per-
incertaines, la disponibilité des réserves d’uranium mise par les réacteurs de troisième génération de
naturel à long terme fait aujourd’hui l’objet de moins type EPR. Dans le scénario le plus haut en matière de
d’inquiétudes, dans un contexte où de nombreux pays capacité nucléaire (N03), la consommation cumulée
prévoient de fermer leur parc de réacteurs nucléaires d’uranium naturel atteint près de 200 kt sur la période
et où le nombre de réacteurs en construction reste 2020-2060 (5 kilotonnes par an), sous l’hypothèse
limité. Si les stratégies de transition énergétique dans d’une poursuite de la stratégie de mono-recyclage
Figure 12.44 Consommation cumulée d’uranium naturel entre 2020 et 2070, considérant la poursuite de la politique
de retraitement dans les scénarios N et son arrêt en 2040 dans les scénarios M
Consommation cumulée d'uranium naturel
300
250
supplémentaire
N2 d'uranium à prévoir
150 N1 au-delà de 2060
50
0
2020 2030 2040 2050 2060
49.
«Uranium 2020 ressources, production and demand » Nuclear Energy Agency and International Atomic Energy Agency (2020) – p.77
Le zirconium métal, utilisé pour les deux tiers dans Le zirconium étant un élément relativement abon-
l’industrie nucléaire, est élaboré à partir du zircon50, dant dans la croûte terrestre, le niveau des réserves
dont il ne représente que 3 % de sa consommation. augmente régulièrement avec aujourd’hui une visi-
bilité de 45 ans environ.
Il s’agit cependant d’un secteur à haute valeur
ajoutée : le zirconium métal est utilisé sous forme Du point de vue de la filière d’approvisionnement,
d’alliages à hautes performances techniques, notam- les capacités d’extraction sont situées aux deux
ment pour le nucléaire ou encore l’industrie chimique tiers en Australie et en Afrique du Sud, tandis que
et l’aéronautique. Dans les centrales nucléaires, il sert le raffinage s’opère aux deux tiers aux États-Unis
de composants aux gaines isolantes qui entourent et en France. Le marché est ainsi concentré, avec
l’uranium enrichi. L’évolution de la demande en une part de marché substantielle pour la France.
zirconium métal, qui s’élevait à 28,5 kt en 2020, est Les différentes étapes de la métallurgie du zirco-
donc très corrélée à l’évolution de la demande des nium sont maîtrisées sur le territoire français (par
industries nucléaire et aéronautique. la société Framatome) au-delà des besoins du sys-
tème énergétique national.
À l’échelle française, la consommation de zirconium
pour le système électrique entre 2020 et 2050 est esti- Les exploitations de zirconium sont plus apparen-
mée sur l’ensemble de la période entre 6 kt dans M0 tées à des exploitations de sables que de métaux,
où la production nucléaire s’arrête en 2050 et environ réduisant ainsi une partie des incidences envi-
9 kt dans N03 où le parc nucléaire est renouvelé pour ronnementales. À noter toutefois que les sables
atteindre 50 GW en 2050. Étant donné la baisse de la exploités pour l’obtention de zirconium génèrent
capacité nucléaire observée dans tous les scénarios, des poussières contenant des éléments radioactifs
la demande de zirconium pour le système électrique pouvant affecter la santé des travailleurs.
français sera dans tous les cas en diminution.
50.
Le zircon sert principalement à la production de céramiques (47 %), de produits chimiques (21 %), de matériaux réfractaires (17 %), de sables de fonderies
(12 %) et enfin celle d’éponge de zirconium métal (3 %).
714
L’analyse environnementale . 12
Dans le scénario « sobriété », la hausse de consom- u D’autre part, l’évolution des usages élec-
mation d’électricité est plus limitée que dans la tra- triques conduit à une réduction de la consom-
jectoire de référence (baisse de l’ordre de 90 TWh), mation de biens et de certains équipements
grâce à des changements sociétaux et d’organisa- électriques. En particulier, les besoins de
tion collective qui touchent l’ensemble des secteurs mobilité sont fortement limités par rapport au
de l’économie (bâtiment, transport, industrie). scénario de référence, avec moins de dépla-
cements et de reports modaux au bénéfice
Au-delà des enjeux techniques et économiques des modes de déplacements les moins éner-
déjà présentés dans les chapitres précédents, le givores (transports en commun, modes de
scénario de sobriété contribue à limiter les impacts transports doux ou partagés), et induisent en
environnementaux du système électrique et de conséquence une diminution du nombre de
l’électromobilité (émissions de gaz à effets de serre, véhicules particuliers et donc des volumes de
épuisement des ressources, etc.) à deux niveaux : batteries associés.
u D’une part, l’effet baissier de la sobriété sur
la consommation d’électricité se traduit sur le Pour mettre en évidence ces effets spécifiquement
dimensionnement du système électrique par sur les ressources minérales, le scénario « sobriété »
une diminution des capacités requises de pro- a fait l’objet d’une évaluation des besoins de
duction bas-carbone et de moyens de flexibilité matières, tant pour le système électrique que pour
(voir partie 5.3.1) et donc des besoins de res- les batteries des véhicules électriques.
sources associées (minérales, sols, eau, etc.).
Clé de lecture : les économies d’aluminium dans le scénario « sobriété » sont d’environ -25 %. La baisse des besoins pour le système électrique permettent un
baisse d’environ 10 % tandis que la mobilité sobre permet d’éviter environ 15 %. Selon les scénarios les économies d’aluminium, pour le système électrique et
les batteries de la mobilité électrique, varient entre -25 % et -28 %
la période 2030-2050 (voir partie 5.3.1 pour scénario de référence tandis que celles des éner-
plus de détails). Ainsi les trajectoires d’évolution gies renouvelables, des moyens de flexibilité et
du nucléaire restent inchangées par rapport au réseau sont revues à la baisse.
716
L’analyse environnementale . 12
Dans le scénario « sobriété », la combinaison de en commun, en particulier de l’usage des bus élec-
différents leviers permet d’économiser de l’ordre triques augmente peu le besoin de ressources
de 30 % de cuivre, aluminium, cobalt, nickel, minérales. La baisse de transport de marchandises
manganèse, lithium, graphite et argent pour les dans le scénario « sobriété » n’a par ailleurs pas
besoins de mobilité. L’essentiel de cette baisse d’effet significatif sur les batteries de véhicules
provient de la réduction du nombre de véhicules et lourds car leur électrification reste modérée tant
de leur poids. À l’inverse, la hausse des transports dans les scénarios de référence que « sobriété ».
Figure 12.46 Évolution des besoins en ressources spécifiques aux batteries (cuivre, aluminium cobalt, nickel,
manganèse, lithium, graphite, argent) dans le scénario « sobriété » par rapport au scénario de référence
+1%
100%
-21%
80% -7% -1%
60%
100%
40%
72%
20%
0
Scénario de Hausse des Baisse du nombre Baisse de la taille Baisse du nombre Scénario
référence transports de voitures des batteries des de camions ”sobriété“
en commun particulières voitures particulières
L’effet baissier de la demande dans le scénario 20 GW dans M23, soit respectivement de l’ordre de
« sobriété » a pour conséquence de réduire nettement -18 % et -14 %.
le besoin de développement des énergies renouve-
lables par rapport au scénario de référence. La réduc- Par conséquent, le scénario « sobriété » réduit
tion des besoins de matières associés à chaque filière davantage les besoins de silicium spécifiques à la
est d’autant plus importante que celle-ci occupe une technologie photovoltaïque pour le système élec-
part importante du mix électrique. À titre d’exemple, trique dans les scénarios M0 et M1. La consomma-
la réduction de la consommation entre les scénarios tion de terres rares, susceptibles d’être nécessaires
de référence et « sobriété » induit une réduction de pour une partie des parcs éoliens en mer, est égale-
la capacité photovoltaïque de 40 GW dans M1 et de ment réduite d’environ 1300 tonnes, d’autant plus
De façon similaire, l’ampleur de la réduction du besoin Enfin, les besoins de ressources nécessaires aux
de cuivre dans le scénario « sobriété » est d’autant batteries stationnaires pour le système électrique,
plus forte que la part de production éolienne et pho- (lithium, nickel, cobalt, manganèse et graphite)
tovoltaïque est importante dans le mix électrique. La baissent dans le scénario « sobriété », notam-
baisse liée à l’aluminium et à l’argent est quant à elle ment les mix à forte part en photovoltaïque, mais
liée à la part de production photovoltaïque dans le dans des proportions tout à fait négligeables au
mix électrique. Le mix électrique ne contribue tou- regard des besoins pour les batteries des véhicules
tefois qu’à hauteur de 20-30 % des économies qui électriques.
peuvent être faites sur ces trois ressources dans le
Si le scénario « sobriété » permet d’alléger la Dans le même temps, cette évaluation ne consti-
demande de différentes ressources, il ne conduit tue pas une mesure exhaustive des économies de
pas à faire disparaître les points de vigilance sur ressources induites dans le scénario « sobriété »
les risques en matière d’approvisionnement. car seuls les besoins du système électrique et de
Notamment, les tensions sur l’approvisionnement mobilité électrique sont étudiés. Or, d’autres sec-
du cuivre, du cobalt, du nickel, du lithium et l’alu- teurs seront également affectés par les efforts de
minium pourraient persister. sobriété, avec de possibles économies complémen-
taires en matière de consommation de ressources.
Figure 12.47 Baisse du besoin de cuivre dans le scénario « sobriété » pour le système électrique et les batteries
de véhicules en % de la consommation annuelle de cuivre
(primaire et secondaire) en France en 2015
160 30%
au moins 30 000 tonnes/an
140 de cuivre économisées
dans le scénario sobriété 25%
120
20%
100
en kt/an
80 15%
60
10%
40
5%
20
0 0%
M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03
718
L’analyse environnementale . 12
51. « Inventaire des besoins en matières, énergie, eau et sols des technologies de la transition énergétique » ADEME 2021
Figure 12.48 Accroissement des besoins en ressources minérales consommées en France dans le scénario
de consommation « réindustrialisation profonde » par rapport au scénario de référence
par raapport à la trajectoire de référence
Évoluion des consommations cumulées
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Aluminium Cuivre Acier Béton Terres Argent Silicium Uranium Zirconium Graphite Lithium Cobalt Manganese Nickel
rares (batteries) (batteries) (batteries) (batterie)
720
L’analyse environnementale . 12
12.4.1 Un débat vif sur l’occupation de l’espace par les infrastructures énergétiques
mais avec des enjeux qui dépassent les questions environnementales
12.4.1.1 Des interrogations qui portent sur l’artificialisation des sols, en lien
avec l’objectif de protection de la biodiversité mais également sur l’impact paysager
ou encore la concurrence d’usages
D’une part, comme mentionné en introduction du D’autre part, d’autres enjeux évoqués dans le
chapitre (voir partie 12.1), l’attention croissante débat concernent des sujets sociétaux, d’ordres
portée sur la préservation de la biodiversité esthétiques ou patrimoniaux, et touchent plus lar-
conduit à un point de vigilance spécifique sur gement au cadre de vie : il s’agit notamment des
l’artificialisation des sols et de manière plus questions portant sur la visibilité des infrastructures
générale sur les changements d’usages des énergétiques, de leur intégration dans le cadre de
terres liés à toute nouvelle infrastructure. vie des français ou encore autour des conflits avec
Le plan Biodiversité publié par le Gouvernement d’autres usages du sol notamment agricoles.
en 2018, ou encore l’objectif d’atteindre à terme
« zéro artificialisation nette », témoigne ainsi de Ces questions doivent également être traitées avec
cette volonté publique de réduire l’artificialisation attention pour assurer l’intégration et l’accepta-
des sols pour protéger la nature et la biodiversité. tion des énergies renouvelables. Elles sont détail-
lées dans la suite de cette section mais renvoient
Dans ce contexte, la plupart des grandes infrastruc- également à une problématique plus générale sur
tures du système électrique suscitent une vigilance l’acceptabilité des infrastructures énergétiques, qui
particulière en matière d’impacts sur les sols : ce est détaillée dans le chapitre 13.
point de vigilance concerne plus particulièrement
Le calcul de la surface nécessaire au système élec- Ainsi, si les analyses en cycle de vie permettent
trique nécessite l’identification des surfaces occupées de rendre compte de l’impact potentiel sur les sols
par chaque type d’ouvrage. Cette notion de surface sur tout le cycle de vie des ouvrages, que ce soit
occupée n’est toutefois pas définie de manière stan- d’un point de vue géographique ou temporel, elles
dard et peut recouvrir différentes conceptions. ne permettent pas d’identifier finement les impacts
sur l’artificialisation des sols en France ou des
Il apparaît en effet nécessaire de pouvoir co-usages possibles. S’agissant des travaux actuels
distinguer : sur le suivi de l’artificialisation, qui s’appuient
u les surfaces artificialisées ; pour l’instant sur la méthode des fichiers fonciers,
-dont les surfaces imperméabilisées, qui ont ceux-ci ont mis en évidence le caractère ambigu de
un impact fort sur les fonctions hydriques des certaines surfaces dont celles des éoliennes et des
sols ; centrales solaires photovoltaïques au même titre
u les surfaces non artificialisées mais susceptibles que celles des carrières ou des terrains militaires
de restreindre certains co-usages. entre autres52. Ainsi à la connaissance de RTE,
aucune méthode reconnue ne permet d’évaluer
Cette dernière notion restitue une vision les surfaces artificialisées, imperméabilisées ou en
extensive de la surface occupée par les co-usages.
infrastructures électriques. Par exemple pour
une éolienne, ceci permet de ne pas se limiter à L’évaluation quantitative des différentes surfaces
la seule zone d’implantation du mât, mais d’inté- par technologie a été réalisée à partir de la littéra-
grer dans la surface occupée un rayon autour de ture existante, comme le rapport d’« inventaire des
cette éolienne dans lequel certains usages peuvent besoins en matières, énergie, eau et sols des tech-
être restreints. Néanmoins ces surfaces acces- nologies de la transition énergétique » de l’ADEME,
sibles pour d’autres usages recouvrent des réa- des documents techniques de projets existants53
lités contrastées. À titre d’exemple, les surfaces (pour le photovoltaïque et l’éolien notamment)
situées autour d’une installation éolienne ou sous
des panneaux photovoltaïques ne présentent pas
les mêmes opportunités de co-usages.
Dans le cadre des Futurs énergétiques 2050, une Figure 12.49 chéma de principe des différentes
S
évaluation des surfaces occupées par le système surfaces étudiées
électrique selon les indicateurs présentés ci-des-
sus a été réalisée. Cette analyse a été menée en
s’appuyant sur des valeurs moyennes associées à
Zone de co-usage
chaque filière, calculées sur la base d’analyses car-
tographiques et d’études bibliographiques. Surface imperméabilisée
Surface artificialisée
L’étude s’est ainsi fondée sur des méthodologies de
comptabilisation ad hoc, dans la mesure où aucune Distance minimale (entre les
éoliennes et zone de co-usage)
méthode existante ne semblait suffire à restituer
l’ensemble des enjeux discutés en concertation.
52. C EREMA, 2019, Mesure de l’artificialisation à l’aide des fichiers fonciers, https://artificialisation.biodiversitetousvivants.fr/sites/artificialisation/files/inline-
files/definition%20artificialisation%20FF%20V3.pdf
53. Par exemple les documents de consultation publique ICPE des projets de parcs éoliens retenus dans le dernier appel d’offre CRE (CRE, 2020) ou encore des
études d’impact existantes sur le photovoltaïque.
722
L’analyse environnementale . 12
ou encore de relevés cartographiques à partir des Les analyses se sont focalisées sur l’occupation des
ouvrages existants (pour les lignes électriques sols terrestres des centrales de production (notam-
aériennes54 par exemple). ment éoliennes et photovoltaïques) et le réseau de
transport d’électricité. Des analyses complémen-
Ces travaux constituent ainsi une descrip- taires sur l’occupation de l’espace maritime par les
tion inédite de l’occupation du territoire et de énergies marines ou encore sur l’intégration des
l’artificialisation des surfaces par le système centrales hydrauliques pourront également faire
électrique. l’objet de prolongements ultérieurs.
54. V
égétation dans l’emprise des lignes aériennes : https://opendata.reseaux-energies.fr/api/datasets/1.0/vegetation-emprise-lignes-rte/attachments/bdr_
cggla_vegeo_20190705_zip/
Du fait de leur caractère « vertical » et « diffus », visuel paysager que sur la question de l’occupa-
les éoliennes terrestres sont devenues en quelques tion des sols.
années l’une des filières de production d’énergie les
plus visibles sur le territoire français, là où beau- En effet, même si l’emprise des parcs éoliens est
coup d’autres infrastructures associées aux éner- plus importante que d’autres moyens de pro-
gies fossiles (raffineries, centrales thermiques…) duction (les éoliennes ont des pâles de plusieurs
sont moins visibles, concentrées dans des zones dizaines de mètres et les éoliennes d’un même
industrialisées ou encore situées en dehors du ter- parc sont espacées en moyenne de 400 mètres,
ritoire français. Cette visibilité fait parfois débat conduisant à des parcs qui ponctuent des zones
avec des critiques sur l’impact paysager du déve- relativement étendues), les surfaces artificialisées
loppement des éoliennes en zone rurale. et imperméabilisées sont largement contenues.
L’artificialisation ne concerne que les différents
L’éolien terrestre fait ainsi l’objet de beaucoup équipements composant le parc éolien (poste élec-
plus de préoccupations sur le plan de l’impact trique, piste d’accès, plateforme des éoliennes…)
500 mètres
Plateforme
Poste de
livraison
Piste d’accès
724
L’analyse environnementale . 12
Éolienne terrestre
Agricole
Pas d’interdiction d’installer des éoliennes au sein d’un massif forestier55, mais de fortes contraintes
Forestier liées à la présence importante d’oiseaux et de chiroptères sensibles à la présence des éoliennes 56
(seule l’étude d’impact locale permet de déterminer le niveau d’impact possible ou non).
Pas d’interdiction d’installer des éoliennes au sein d’une zone naturelle non réglementée, mais fortes
Naturel hors forêts contraintes liées à la présence importante d’oiseaux et de chiroptères sensibles à la présence des
éoliennes 56 (seule l’étude d’impact locale permet de déterminer le niveau d’impact potentiel).
Interdiction d’installer des éoliennes à moins de 300 m des centrales nucléaires et des installations
classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Distance aux autres bâtiments hors
Tertiaire, industrie
résidentiels traitée au cas par cas par les préfets entre autres, en tenant compte du niveau sonore
et des enjeux de sécurité.
Réseau de transport
Les éoliennes ne peuvent être situées à moins de 100 m des routes et 200 m des voies ferrées.
terrestre
Réseau d'utilité
Les éoliennes ne peuvent être situées à moins de 200m des lignes électriques aériennes
publique
Les éoliennes ne peuvent pas être situées à moins de plusieurs kilomètres des zones de radars
Aérien
météorologiques, militaires ainsi que dans les couloirs de l’aviation civile
soit une faible part de l’emprise totale des parcs, d’une autorisation administrative). À l’inverse, ces
tandis que la partie imperméabilisée se limite aux surfaces non artificialisées ne sont absolument pas
fondations et mâts d’éoliennes et aux postes de accessibles à des usages résidentiels ou aériens.
livraison électrique (de l’ordre de 0,2 hectare pour
un parc éolien de 10 MW). Au-delà des enjeux sur l’occupation des surfaces
et sur le partage avec d’autres usages naturels et
S’agissant de la surface totale située sous et économiques, le développement des éoliennes sus-
autour des éoliennes, l’essentiel est disponible cite des questions en matière d’impact sur l’avifaune
pour des co-usages, sous certaines conditions par- (ensemble des oiseaux des régions considérées).
fois. La surface non artificialisée est compatible Ces impacts apparaissent relativement bien connus
sans exclusion avec les usages agricoles. Elle est aujourd’hui. La ligue de protection des oiseaux esti-
également, dans une certaine mesure, compatible mait en 2017 qu’une éolienne pouvait être respon-
avec les usages naturels et forestiers, les réseaux sable de la mort de 0,3 à 18 oiseaux par an57. Ce
de transports et réseaux d’utilité publique et avec chiffre est faible en comparaison d’autres causes de
les usages tertiaires et industriels (sous réserve mortalité des oiseaux (notamment morts d’oiseaux
55. P ar exemple, en avril 2021, le conseil d’État a donné son avis favorable à l’installation d’un parc éolien de 17 mats dans la forêt de Lanouée, en Bretagne.»
56. LPO, juin 2017, Le parc éolien français et ses impacts sur l’avifaune
57. Loss, S., Will, T. & Marra, P. The impact of free-ranging domestic cats on wildlife of the United States. Nat Commun 4, 1396 (2013).
https://doi.org/10.1038/ncomms2380
12.4.2.2 Le photovoltaïque au sol : une forte empreinte au sol mais une mutualisation
avec d’autres usages qui apparaît possible dans le cadre de modèles « agrivoltaïques »
Les installations photovoltaïques au sol présentent potentiel est toutefois limité et ne pourra suffire
des enjeux nettement différents de ceux associés à intégrer les volumes de photovoltaïques prévus
aux parcs éoliens. Les panneaux solaires au sol dans les différents scénarios considérés, d’au-
sont moins critiqués pour leur impact paysager – il tant que des difficultés en matière de dépollution
ne s’agit en effet pas de structures « verticales » ou de concurrence d’usages peuvent compliquer
comme les éoliennes et pylônes mais plutôt des l’installation sur ces surfaces. D’autre part, même
structures « horizontales » – que pour leur consom- en cas d’installation dans des espaces naturels,
mation d’espace au sol. l’artificialisation des sols reste dans le cas général
faible : les panneaux photovoltaïques sont plantés
À mi-2021, le parc photovoltaïque au sol repré- dans le sol à l’aide de pieux et ne sont pas équi-
sentait environ 5 GW (installations sur ombrières pés de fondations tandis que l’espace situé sous
de parkings non incluses), et occupait au total les panneaux reste à l’état naturel (sauf cas parti
de l’ordre de 5 000 à 8 500 ha, avec une densité culier) et laisse plus de liberté à l’usage du sol.
moyenne actuelle estimée entre 1 et 1,7 ha/MW59. Finalement, les surfaces strictement artificialisées
se limitent donc aux pieux, aux pistes, à l’espace
À long terme, l’accélération prévisible du dévelop- du poste électrique et des éventuelles citernes
pement du photovoltaïque suscite donc des inter- (pour le risque incendie et le nettoyage des pan-
rogations sur l’ampleur des surfaces dédiées à ces neaux). Ceci ne signifie pas pour autant que les
installations. Dans ce débat, il convient cependant parcs photo voltaïques n’ont pas d’impact sur la
de bien distinguer les différents enjeux associés à biodiversité mais l’analyse doit alors dépasser la
l’utilisation des surfaces par les panneaux photo- seule question de l’artificialisation.
voltaïques, notamment entre les impacts sur la bio-
diversité et la concurrence avec d’autres usages. Sur le plan de la concurrence d’usages du sol, les
panneaux peuvent être nettement plus contrai-
Les impacts en matière d’artificialisation et d’im- gnants. Les centrales photovoltaïques au sol ne
perméabilisation des sols devraient en particulier permettent pas d’utiliser les espaces à des fins
rester relativement faibles. D’une part, les parcs résidentielles60 ou économiques (hors cas particu-
photovoltaïques au sol sont aujourd’hui incités à lier), les réseaux routiers61 et ferrés ou les milieux
s’installer sur des surfaces déjà artificialisées telles forestiers. Sous certaines conditions, elles peuvent
que d’anciennes zones industrielles et décharges en revanche être compatibles avec des surfaces
afin de limiter leur effet sur la biodiversité. Ce naturelles et agricoles.
58. À noter que l’impact sur la biodiversité fait l’objet d’un suivi, et les informations issues du suivi environnemental périodique doivent être transmises
au Muséum national d’histoire naturelle, en complément du dépôt légal des données brutes de biodiversité (sur la plateforme depobio).
59. Valeurs issues de la revue de littérature (« Évaluation macroscopique du potentiel photovoltaïque mobilisable au sol en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. »
CEREMA, (avril 2019) et « Un mix électrique 100 % renouvelabes ? » ADEME (2015)) complétée des relevés d’études d’impacts existantes.
60. Ce qui n’est pas le cas du photovoltaïque sur toitures.
61. La première expérimentation de route solaire en Normandie n’a pas répondu aux attentes de production et s’est usée prématurément.
726
L’analyse environnementale . 12
Dès aujourd’hui, plusieurs projets dits agrivoltaïques une étude visant à produire un guide de recomman-
permettent la cohabitation avec certains usages agri- dations à destination des pouvoirs publics à partir
coles comme les prairies ou des surfaces en pâtu- de plusieurs retours d’expériences. L’essor de ce
rages. Plusieurs projets agrivoltaïques ont ainsi été type d’installations dépendra donc des avantages
sélectionnés dans le cadre des appels d’offres menés et inconvénients identifiés par ce retour d’expé-
par le ministère pour le développement d’installations rience, ainsi que de l’évolution de la réglementation.
photovoltaïques innovantes62. Une telle compatibilité À l’heure actuelle, le changement d’usage des terres
avec des co-usages agricoles ne va toutefois pas de agricoles pour un usage strictement énergétique est
soi et doit s’organiser en amont du développement interdit. En contrepartie de la possibilité de parta-
pour permettre à la production photovoltaïque de ger l’espace avec des usages agricoles, les panneaux
s’adapter à la pratique agricole et non l’inverse. Il photovoltaïques pourraient s’étaler sur une surface
s’agit par exemple si besoin de rehausser les pan- plus grande et – du fait des modifications d’orienta-
neaux en les installant sur des portiques en hauteur tion des panneaux pour favoriser les cultures étant
ou encore de les espacer pour laisser une circulation susceptibles de sous-optimiser la production – voir
plus aisée entre les panneaux et éventuellement une leur productible réduit. À terme, l’analyse de pro-
mécanisation de l’exploitation des surfaces cultivées. jets concrets d’agrivoltaïsme permettra de mesurer
Ces installations seraient ainsi compatibles avec un leur gain environnemental et leur compétitivité par
certain nombre de cultures : céréales, vignes, cultures rapport aux installations classiques de photo
maraîchères… L’« agrivoltaïsme » étant une pratique voltaïques au sol.
nouvelle, l’ADEME doit publier très prochainement
Citerne
Poste de
livraison
Piste d’accès
62. R
apports de synthèse (version publique) 2018-2020 de la CRE sur les appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production
d’électricité innovantes à partir de l’énergie solaire des 1re, 2e et 3e périodes
Photovoltaïque au sol
Compatibilité dès aujourd’hui possible avec certaines surfaces agricoles (prairies, vignes, vergers et
Agricole
maraîchage)
Forestier
Naturel hors forêts Les pelouses naturelles sont compatibles avec les panneaux photovoltaïques
Résidentiel
Tertiaire, industrie Comptabilité dans le cas d’installations photovoltaïques sur les parkings ou sur des friches délaissées
Réseau de transport
terrestre
Réseau d’utilité
publique
Interdiction à 300 m autour des pistes d’aéroport en activité, mais pas d’incompatibilité
Aérien
avec les radars
Les installations photovoltaïques sur toiture sont par vis-à-vis du patrimoine notamment. Celles-ci ne
définition compatibles avec tous les usages équi- présentent donc pas d’enjeu spécifique en matière
pés de bâti, soit les usages résidentiels, tertiaires d’artificialisation ou de concurrence d’usages.
et industriels dans la limite de la réglementation
12.4.2.4 Les filières nucléaire et thermique : des sites qui concentrent des capacités
de production importantes mais majoritairement artificialisés et sans possibilité
de co-usages
Les sites des centrales nucléaires et thermiques En revanche, les sites des centrales nucléaires et
sont généralement situés dans des enceintes clô- thermiques concentrent des capacités de produc-
turées dans lesquelles l’essentiel des terrains sont tion importantes sur des zones restreintes. Ainsi, la
artificialisés (même si en pratique, il peut exister densité actuelle des centrales est estimée à environ
des zones qui restent végétalisées). La compatibi- 0,06 ha/MW soit une surface totale de l’ordre de
lité avec d’autres usages est très fortement limitée 4 400 ha pour l’ensemble des centrales nucléaires
du fait des contraintes de sûreté des installations françaises, y compris les centrales nucléaires de
industrielles. première génération dont le démantèlement est
prévu à la fin du siècle (surface estimée totalement
728
L’analyse environnementale . 12
artificialisée et à 50 % imperméabilisée). Pour les valeurs sont très faibles en comparaison des sur-
nouveaux réacteurs, une densité entre 0,03 et faces totales nécessaires aux énergies renouve-
0,06 ha/MW est retenue car elles pourront béné- lables (notamment de l’ordre de 1 à 1,7 ha/MW
ficier d’une partie des installations existantes. Ces pour les parcs photovoltaïques au sol).
12.4.2.5 Les infrastructures de réseau : une emprise importante, mais une faible
part de surfaces artificialisées et de nombreux co-usages possibles sous conditions
du respect des distances de sécurité
63. E
n fonction de l’arrêté technique du 17 mai 2001 décrivant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d’énergie électrique et
du code du travail.
Agricole
Réseau de transport
Selon les distances de sécurité
terrestre
64. R TE s’est engagé dans une démarche d’abandon progressif de l’utilisation des produits phytosanitaires sur ses postes électriques les plus sensibles
(proximité de zones d’eau en surface ou souterraines). Lorsque cela est pertinent d’un point de vue économique, cette conversion dite « zéro-phyto »
s’accompagne d’un aménagement préalable du poste visant à végétaliser sa surface (« couvert végétal ») ce qui permet de limiter la fréquence d’entretien
nécessaire pour garantir le respect des normes de sécurité.
65. Arrêté technique du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d’énergie électrique
730
L’analyse environnementale . 12
Agricole NC
Forestier NC
Résidentiel
Tertiaire, industrie
Réseau de transport
NC
terrestre
Réseau d’utilité
NC
publique
Aérien
Des objectifs de réduction de la base des fichiers fonciers. D’après cette même
l’artificialisation des sols pour contribuer référence, le rythme actuel correspond à l’artifi-
à la préservation de la biodiversité cialisation d’une surface équivalent à celle d’un
La préservation de la biodiversité s’inscrit désor- département comme les Yvelines, soit 20 000 hec-
mais comme l’une des causes environnementales tares par an correspondant à 0,4 % du territoire
majeures du XXIe siècle, au même titre que la lutte national tous les dix ans, causée pour l’essentiel
contre le changement climatique. par le développement des zones résidentielles (de
l’ordre de 68 % des surfaces concernées).
À l’instar du GIEC créé en 1988 pour évaluer l’état
des connaissances sur l’évolution du climat, les Dans le cadre des Futurs énergétiques 2050, RTE
Nations Unies ont mis en place plus récemment a réalisé une évaluation approfondie des surfaces
l’IPBES66, un organisme dédié à la préservation de artificialisées et imperméabilisées pour le dévelop-
la biodiversité. Même si les facteurs d’impact sur pement des infrastructures du système électrique
la biodiversité sont multiples, l’IPBES a identifié, (production et réseau de transport d’électricité).
dans son rapport d’évaluation de 2019, le chan- Ces indicateurs ne reflètent qu’une partie de la
gement d’affectation des terres comme le facteur problématique de la biodiversité, celle-ci restant
principal de détérioration de la nature au niveau difficile à traiter de manière globale (comme évo-
mondial. qué à la partie 12.1)
Au niveau national, cette thématique fait éga- Une caractérisation précise des surfaces
lement l’objet d’une attention croissante depuis considérées comme artificialisées qui reste
quelques années. En 2018, la France a publié un à définir
plan Biodiversité, dans lequel elle s’est fixé un La loi climat et résilience de 2021 précise que
objectif de « zéro artificialisation nette ». La loi « l’artificialisation est définie comme l’altération
« climat et résilience » promulguée à l’été durable de tout ou partie des fonctions écologiques
2021 a précisé cet objectif, en fixant notam- d’un sol, en particulier de ses fonctions biolo-
ment l’objectif d’atteindre le zéro artificiali- giques, hydriques et climatiques, ainsi que de son
sation nette à l’horizon 2050 et en prévoyant potentiel agronomique par son occupation ou son
une division par deux du rythme d’artificiali- usage ». Toutefois, si la notion de surface imper-
sation sur les dix prochaines années (par rap- méabilisée est relativement bien caractérisée, celle
port à celui de la décennie passée). Elle décline de surface artificialisée n’est pas toujours précisée.
également les mesures permettant de contribuer à
l’atteinte et au suivi de cet objectif. Dans le cadre de la mise en œuvre de l’objectif de
« zéro artificialisation nette », la France s’est dotée
Après une nette diminution du rythme d’artificia- d’un observatoire qui permet un suivi de l’évolution
lisation entre 2011 et 2015, la tendance des trois des zones artificialisées. Les outils et méthodes
dernières années est à la stagnation du rythme sur utilisés dans le cadre du suivi de l’objectif sur la
66. L
’IPBES est un organisme intergouvernemental indépendant comprenant plus de 130 États membres. Mis en place par les gouvernements en 2012,
l’IPBES fournit aux décideurs des évaluations scientifiques objectives sur l’état des connaissances sur la biodiversité de la planète, les écosystèmes et les
contributions qu’ils apportent aux populations, ainsi que les outils et les méthodes pour protéger et utiliser durablement ces atouts naturels vitaux.
732
L’analyse environnementale . 12
Terres agricoles
Terres arables et cultures
À titre d’exemple, la méthodologie actuelle utili- permanentes
sée dans le portail de suivi de l’artificialisation des Prairies
Zones agricoles
sols ne prend pas en compte les éoliennes dans hétérogènes
la comptabilité mise en place67. Dans le cas des Forêts et milieux semi-naturels
parcs photovoltaïques au sol, elle comptabilise Espaces boisés
Espaces ouverts
en revanche l’ensemble du parc comme artificia-
Milieux aquatiques
lisé alors que la majorité des installations sont a Zones humides et surfaces en eau
minima végétalisées sous les panneaux et que leur
impact sur la biodiversité est plus faible que pour (https://www.geoportail.gouv.fr/donnees/corine-land-cover-2018)
La loi « climat et résilience » prévoit au contraire fonctions écologiques du sol ». Même si les modali-
« qu’un espace naturel ou agricole occupé par tés d’application devront être précisées par décret,
une installation de production d’énergie photo- ceci devrait concerner ainsi la grande majorité des
voltaïque n’est pas comptabilisé dans la consom- parcs photovoltaïques au sol, pour lesquels les
mation d’espaces naturels, agricoles et forestiers panneaux sont plantés directement dans le sol à
dès lors que les modalités de cette installation l’aide de pieux et en faisant en sorte de laisser l’es-
permettent qu’elle n’affecte pas durablement les pace libre sous les panneaux.
67. Mesures de l’artificialisation à l’aide des fichiers fonciers (définition, limites et comparaison avec d’autres sources)
Le système électrique fait aujourd’hui partie inté- les centrales nucléaires, les postes électriques et
grante du paysage français, avec des infrastruc- les parcs éoliens (les surfaces sous les panneaux
tures facilement identifiables (éoliennes, centrales photovoltaïques ne sont ici pas intégrées dans
nucléaires, lignes électriques…). Cependant, il l’artificialisation conformément à l’approche adop-
conduit à des surfaces artificialisées qui restent tée dans la loi « climat et résilience » – seuls les
aujourd’hui faibles à l’échelle du territoire. pieux, les chemins d’accès, le poste de livraison ou
encore les citernes sont comptabilisées). Pour les
Avec environ 12 000 hectares artificialisés et moins parcs éoliens et les postes, les surfaces artificiali-
de 3 000 hectares imperméabilisés, les infrastruc- sées ne sont pour l’essentiel pas imperméabilisées
tures de l’ensemble du système électrique (hors (pistes d’accès en stabilisé minéral ou en terre,
réseau de distribution) représentent de l’ordre de revêtement minéral dans les postes électriques…).
0,35 % des surfaces artificialisées en France et La quasi-totalité de l’imperméabilisation associée
0,2 % des surfaces imperméabilisées68. au système électrique (hors réseau de distribu-
tion) correspond donc aujourd’hui aux sites des
À l’heure actuelle, les surfaces artificialisées du centrales nucléaires.
système électrique comprennent essentiellement
Dans les Futurs énergétiques 2050, les surfaces de la totalité des surfaces artificialisées en
artificialisées et imperméabilisées du système France aujourd’hui, et bien plus faibles que
électrique augmentent par rapport à aujourd’hui, l’artificialisation résultant aujourd’hui du
et ce, dans tous les scénarios. Cette augmenta- réseau routier et des bâtiments.
tion s’explique par le développement des énergies
renouvelables et l’adaptation du réseau de trans- Ce résultat est toutefois très dépendant de la caté-
port d’électricité. gorisation des parcs photovoltaïques au sol. Dans le
cas où ces installations seraient finalement compta-
Dans les différents scénarios à l’horizon bilisées comme des surfaces entièrement artificiali-
2050, les surfaces artificialisées sont ainsi sées, l’artificialisation totale du système électrique
multipliées par 2 à 5 suivant les hypothèses serait nettement plus importante. Ceci illustre l’im-
associées au photovoltaïque au sol et à l’éo- portance de réguler les modes de développement
lien tandis que les surfaces imperméabilisées du photovoltaïque au sol vis-à-vis des enjeux sur
augmentent de 50 %. À l’échelle du territoire, la biodiversité et l’artificialisation des sols, sujet
ces valeurs demeurent faibles, moins de 1 % abordé notamment dans la loi climat et résilience.
68. S
urfaces artificialisées : 3,25 Mha selon Corine Land Cover ; 4,32 Mha selon Teruti-Lucas (valeur estimée pour le périmètre France métropolitaine) ;
3,52 Mha selon les fichiers fonciers (valeur estimée)
Surfaces imperméabilisées : 1,9 Mha selon Teruti-Lucas (valeur estimée)
734
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.57 Comparaison des surfaces artificialisées et imperméabilisées du système électrique en 2019 et 2050 à celles
d’autres infrastructures (routes et bâtiments)
1400
En milliers d'hectares
1200
1000
800
600
400
200
0
Routes et autoroutes Bâtiments M0
2019 2050
Surfaces artificialisées du système électrique en 2019 et 2050 dans les six scénarios
160
En milliers d'hectares
140
120
100
80
60
40
20
0
Bas Haut Bas Haut Bas Haut Bas Haut Bas Haut Bas Haut
M0 M1 M23 N1 N2 N03
2050
Nucléaire Centrales thermiques
Réseau Eolien terrestre - hypothèse basse
Eolien terrestre - hypothèse haute Photovoltaïque au sol - hypothèse basse
Photovoltaïque au sol - hypothèse haute Photovoltaïque au sol, toutes surfaces occupées comprises
Surfaces imperméabilisées du système électrique en 2019 et 2050 dans les six scénarios
En milliers d'hectares
6
5
4
3
2
1
0
M0 M1 M23 N1 N2 N03
2019 2050
L’enjeu autour de l’artificialisation des surfaces En moyenne, les scénarios à plus forte proportion
ne porte pas uniquement sur le stock de surfaces en énergies renouvelables sont ceux pour lesquels
artificialisées mais surtout sur le taux d’artificia- le flux d’artificialisation est le plus important, tiré
lisation, ou encore flux d’artificialisation, c’est-à- par le développement du photovoltaïque, de l’éolien
dire le nombre d’hectares qui passent d’un état et dans une moindre mesure du réseau. Il atteint
non artificialisé à un état artificialisé sur une jusqu’à environ 600 ha/an dans le scénario M0
période donnée. En particulier, l’objectif de zéro contre moins de 250 ha/an pour le scénario N03.
artificialisation nette que s’est fixé la France en
vue de protéger la biodiversité porte bien sur le Ces valeurs demeurent faibles en compa-
flux d’artificialisation. raison du rythme actuel d’artificialisation et
même par rapport au rythme d’artificialisa-
Dans le cas du système électrique, ce flux dépend tion cible pour les dix prochaines années : le
largement des scénarios mais également des sols flux associé au système électrique ne repré-
qui seront utilisés pour le déploiement des installa- sente ainsi qu’environ 1 à 3 % du rythme
tions éoliennes, photovoltaïques, des infrastructures actuel d’artificialisation et 2 à 6 % de l’ob-
du réseau et des éventuelles centrales nucléaires. jectif fixé pour les prochaines années, en
Figure 12.58 Flux d’artificialisation associé aux infrastructures du système électrique (hors réseau de distribution)
artificialisation
hectares/an
nette 500
400
30 000
300
200
20 000
100
0
10 000 M0 M1 M23 N1 N2 N03
0
Historique Objectif loi Artificialisation
« climat et annuelle générée par Enquêtes Teruti (moyenne 2010-2018)
résilience » les installations du
Observatoire de l’artificialisation
système électrique
sur 2020-2050 d’après les fichiers fonciers (moyenne 2010-2020)
Analyse de CORINE Land Cover (moyenne 2006-2012)
736
L’analyse environnementale . 12
69. É valuation du gisement relatif aux zones délaissées et artificialisées propices à l’implantation de centrales photovoltaïques (ADEME 2019 )
70. Cahier des charges de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’Installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire « Centrales
au sol ». AO PPE2 PV Sol https://www.cre.fr/media/Fichiers/publications/appelsoffres/2021-pv-sol-telecharger-le-cahier-des-charges-en-vigueur
Au-delà des enjeux de lutte contre l’artificialisation plusieurs mouvements politiques ont récemment
des sols et de préservation de la biodiversité, le appelé à réserver 2 % du territoire allemand pour
débat public sur l’évolution du système électrique l’implantation d’éoliennes (alors que seulement
évoque régulièrement l’évaluation des surfaces 0,9 % serait accessible aujourd’hui). La convention
totales occupées par le système électrique. de calcul retenue dans le débat en Allemagne est
ainsi susceptible de différer de celles prises dans la
Dans son étude sur l’atteinte d’un mix électrique présente analyse.
100 % renouvelable en 2050, l’ADEME avait ainsi
estimé la surface nécessaire pour un tel mix à L’évaluation de ces surfaces ne s’appuie pas
environ 3 % du territoire national71. En Allemagne, toujours sur une même définition partagée et
Figure 12.59 Surface « totale » (y compris co-usages) du système électrique (production, réseau de transport)
en 2019 et 2050
2500
2000
En milliers d'hectares
Éolien terrestre
1500
Photovoltaïque au sol
Photovoltaïque toiture
Poste électrique
1000
Ligne souterraine
Ligne aérienne
Centrales thermiques
500
Nucléaire
0
Bas Haut Bas Haut Bas Haut Bas Haut Bas Haut Bas Haut
M0 M1 M23 N1 N2 N03
2019 2050
738
L’analyse environnementale . 12
il n’existe pas de méthodologie standard pour Comme le montre la figure 12.53, cette convention
calculer la surface occupée par chaque type tend néanmoins à attribuer une surface très impor-
d’infrastructure. tante à l’éolien terrestre et aux lignes électriques
alors même que la surface correspondante est très
Une convention possible consiste à définir la surface peu artificialisée et est très largement accessible à
occupée par une installation donnée (par exemple d’autres usages, notamment agricoles. À l’inverse,
une éolienne) comme celle qui délimite l’espace la surface occupée par les panneaux photovol-
dans lequel il n’est pas possible de construire taïques apparaît plus restreinte alors qu’elle peut
une autre installation du même type. Selon cette être beaucoup plus contraignante pour d’autres
approche, la surface totale occupée par le système usages.
électrique (production et réseau de transport)
atteint entre 1 et 1,6 million d’hectares à l’horizon Une analyse approfondie de la surface occupée par
2050, soit de l’ordre de 2 à 3 % du territoire métro- le système électrique nécessite donc d’aller plus
politain (contre 1 % aujourd’hui). Elle est globale- loin, en regardant notamment les possibilités de
ment plus importante dans les scénarios à forte co-usages associés aux surfaces concernées.
part en énergies renouvelables (« scénarios M »).
spécifique, ces installations peuvent contraindre Parcs éoliens Lignes aériennes RTE
300
Entre 155 et 250 milliers d’hectares
selon les tailles unitaires considérées
250
Milliers d'hectares
200
150
100
50
0
Mi-2021 M0 M1 M23 N1 N2 N03
plus facilement des co-usages agricoles (voir par- Si les espaces abandonnées (friches, ancienne car-
tie 12.4.2). En contrepartie, les installations sont rière, etc.) ne suffiront pas à accueillir l’ensemble
susceptibles d’occuper un espace plus important. des capacités photovoltaïques, les dynamiques
agricoles à venir pourraient constituer des oppor-
Compte tenu de l’incertitude sur la densité des tunités et des freins. D’une part, la diminution
parcs photovoltaïques, en particulier dans le cas de des surfaces agricoles utiles laisse peu de marge
co-usages agrivoltaïques, une fourchette de den- à d’autres usages que la production alimentaire,
sité moyenne du parc de centrales photovoltaïques d’autant plus dans un contexte de hausse de la
au sol entre 1 ha/MW et 2 ha/MW72 a été retenue population, d’augmentation de la fréquence des
à l’horizon 2050. accidents climatiques et de la transition vers des
pratiques agricoles biologiques. Et enfin, un main-
Dans les différents scénarios, la surface nécessaire tien des prairies naturelles avec une diminution
pour l’accueil des panneaux photovoltaïques au sol du nombre d’élevages bovins offre des surfaces
est estimée à environ 70 000 hectares (scénarios potentiellement compatibles avec une production
N2 et N03) à de l’ordre de 200 000 hectares (scé- photovoltaïque adaptée (des panneaux photo-
nario M0). Cette valeur peut paraître importante voltaïques verticaux à faible emprise au sol) tout
en absolu mais doit être relativisée : notamment, en maintenant un caractère multifonctionnel du
ces surfaces ne représentent que 0,1 % à 0,3 % du sol : stockage de carbone, biodiversité, paysage,
territoire. alimentation et production d’énergie.
72. V
aleurs issues de la revue de littérature (CEREMA, avril 2019, ADEME 2015) complétée des relevés d’études d’impacts existantes en retenant une
dé-densification des parcs de photovoltaïque au sol pour les nouveaux types de parcs agrivoltaïques (cf. 12.4.2).
740
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.62 Estimation du nombre de mâts d’éoliennes terrestres en 2050 dans les différents scénarios considérés
30
25
20
15
10
0
2020 M0 M1 M23 N1 N2 N03
5,0
4,5
4,0
Millions de personnes
3,5
3,0
2,5
2,0
1,5
1,0
0,5
0,0
Rayon de 2 km Rayon de 5 km
Nombre de personnes voyant au moins un mât Nombre de personnes ne voyant pas de mâts
localisés dans des zones dans lesquelles ils ont un éolienne depuis leur résidence principale (dans un
impact visuel limité ou pas d’impact visuel pour les rayon de 5 km autour d’un parc éolien), soit moins
populations locales ou à l’inverse être concentrés de 4 % de la population française. Toutefois, les
dans des zones déjà denses en éoliennes. perceptions entre 3 et 10 km dépendent grande-
ment des caractéristiques du paysage alentour,
Pour apporter un ordre de grandeur sur le nombre ainsi cette analyse succincte ne peut p rétendre à
de personnes concernées à l’heure actuelle par présenter une vision complète de l’impact paysager.
la visibilité de parcs éoliens, une estimation a
été menée en s’appuyant sur une analyse carto- L’estimation de l’impact paysager nécessiterait de
graphique détaillée intégrant la topographie, la disposer des emplacements exacts des éoliennes,
localisation et la taille des parcs éoliens existants. d’évaluations paysagères ad hoc et d’études de
Celle-ci suggère qu’en 2021, environ 2,7 millions perception, positive, négative ou indifférente qu’a
de personnes étaient susceptibles de percevoir une la population locale.
742
L’analyse environnementale . 12
La question des déchets radioactifs cristallise de Les choix politiques et industriels en matière de
nombreuses oppositions à l’énergie nucléaire. En prolongation et renouvellement du parc nucléaire,
effet, les centrales nucléaires, si elles constituent notamment dans les différents scénarios étudiés
des moyens de production d’énergie bas-carbone, dans cette analyse, structurent donc, au-delà du
induisent en contrepartie la production de matières parc de réacteurs, l’ensemble des infrastructures
et déchets radioactifs qu’il est nécessaire de pou- nécessaires à la gestion du cycle de vie du com-
voir traiter et gérer sur des horizons de très long bustible nucléaire.
terme.
Le cycle du combustible nucléaire génère différents u les trois types de substances issues du passage
types de substances radioactives, dont les moda- du combustible en réacteur, à savoir :
lités de gestion à long terme diffèrent selon leur - 1 % de plutonium,
nature. Le fonctionnement du cycle conduit en par- - 95 % d’uranium de retraitement (URT),
ticulier à distinguer : - 4 % d’actinides mineurs et produits de fission.
u d’une part, les matières valorisables, qui sont
vouées à être réemployées, sur la base de tech- Le plutonium et l’uranium de retraitement
niques industrielles actuelles ou d’évolutions sont considérés comme des matières valori-
techniques envisageables : ces matières valo- sables car ils peuvent, sous certaines conditions,
risables doivent être entreposées de manière être réutilisés pour la fabrication du combustible :
sûre, en attendant leur éventuel traitement et u Le plutonium, une fois séparé, est associé à de
leur réutilisation dans des réacteurs (actuels ou l’uranium appauvri pour former le combustible
futurs) ; « MOX », utilisé dans les réacteurs certifiés pour
u d’autre part, les déchets radioactifs ultimes, en accueillir en tant que combustible. 24 réac-
qui ne peuvent être valorisés : ceux-ci doivent teurs de 900 MW sont ainsi dits « moxés » sur
alors être conditionnés et stockés de manière l’ensemble des 56 réacteurs actuellement en
définitive. exploitation dans le parc français.
u À partir de 2023, l’enrichissement de l’uranium de
Dans le détail, l’enrichissement et l’utilisation de retraitement (URT) en uranium de retraitement
l’uranium naturel dans les centrales nucléaires enrichi (URE) reprendra – après avoir été arrêté
génèrent principalement quatre types de subs- pendant dix ans – afin de faire décroître le stock
tances radioactives, objets du cycle du combus- français d’URT (32 700 tML73), aujourd’hui entre-
tible et représentés sur le schéma suivant : posé sur le site de Tricastin. L’uranium de retraite-
u l’uranium appauvri, résidu de l’enrichissement ment enrichi est ensuite chargé dans les réacteurs
d’uranium, en substitution de l’uranium naturel enrichi (UNE).
Figure 12.64 Cycle du combustible nucléaire avec retraitement en mono-recyclage et fermeture partielle
Produits de fission
Uranium appauvri
(PF) et actinides
(Uapp)
mineurs (AM)
Uranium naturel
Uranium naturel Plutonium
enrichi (UNE)
Uranium de
retraitement
(URT)
Ressource naturelle
Uranium
Combustible nucléaire
Matière valorisable en mono-recyclage de retraitement URE usé
Matière valorisable en RNR enrichi (URE)
Déchets ultimes
74.
Trois réacteurs à neutrons rapides alimentent un réseau électrique à ce jour : les réacteurs russes Beloyarsk-3 (BN-600, de 560 MWe) et Beloyarsk-4
(BN-800, de 820 MWe) et le CEFR chinois (20 MWe).
744
L’analyse environnementale . 12
12.5.2 Dans tous les scénarios de mix, l’enjeu des déchets concerne principalement ceux
de haute et moyenne activité à vie longue destinés au stockage géologique profond Cigéo
Les déchets radioactifs produits par le fonctionne- déchets issus d’équipements ou du traitement
ment des centrales nucléaires doivent faire l’objet de d’effluents résultant du fonctionnement ou de la
mesures afin de protéger l’homme et son environ- maintenance des installations nucléaires ;
nement contre les dangers qu’ils peuvent présenter. u les déchets de faible activité à vie longue (FA-VL)
sont essentiellement des déchets de graphite ou
La gestion des déchets radioactifs est encadrée par contenant du radium provenant du démantèle-
la loi75 : afin d’assurer qu’ils ne créent pas de risque ment des réacteurs de première génération de
radiologique, les modalités de stockage de chaque la filière uranium naturel graphite gaz (UNGG)
type de déchets sont définies en fonction de leur construits à partir de 1956 et dont le dernier
niveau de radioactivité et de leur durée de vie (de réacteur s’est arrêté en 1994 à Bugey ;
façon simplifiée, les déchets dont la durée de vie, u les déchets de faible activité et moyenne acti-
c’est-à-dire le temps nécessaire à ce que leur radioac- vité à vie courte (FMA-VC) et les déchets de
tivité devienne négligeable, est de plus de 300 ans très faible activité (TFA) sont majoritairement
sont dits de vie longue et ceux de durée de vie infé- issus de l’exploitation, de la maintenance et du
rieure à 300 ans sont dits de vie courte). Leur gestion démantèlement des centrales nucléaires ainsi
est ainsi adaptée à leur nature et la plus sûre possible. que des installations du cycle du combustible ;
u les déchets à vie très courte (VTC) proviennent prin-
Les producteurs de déchets radioactifs (en parti- cipalement du secteur médical ou de la recherche et
culier les exploitants de centrales nucléaires) ont non de la production électrique et sont gérés par la
l’obligation de les caractériser selon une classifi- décroissance naturelle de leur radioactivité.
cation qui permet ensuite d’établir les modalités
de gestion correspondantes. Six catégories de Dans l’hypothèse d’une poursuite de la politique de
déchets radioactifs sont ainsi considérées : retraitement des combustibles usés, la prolonga-
u les déchets de haute activité (HA) sont pour l’es- tion de la production d’électricité d’origine nucléaire
sentiel issus des combustibles usés après retrai- (« scénarios N ») induit une production supplémen-
tement (actinides mineurs et produits de fission) ; taire de déchets HA et MA-VL globalement propor-
u les déchets de moyenne activité à vie longue (MA tionnelle à la production électrique ainsi qu’une
VL) sont principalement issus des assemblages production de déchets TFA et FMA-VC corrélées au
portant le combustible nucléaire, ainsi que des nombre d’installations en fonctionnement.
Les enjeux de stockage et le stade de maturité des Les déchets TFA disposent déjà d’un centre de stoc-
solutions diffèrent en fonction des catégories de kage en exploitation, le centre industriel de regrou-
déchets. Des solutions de stockage existent d’ores pement, d’entreposage et de stockage (Cires).
et déjà, notamment pour les déchets de plus faible L’Andra prévoit la production de 2,2 millions de
activité et de plus courte durée de vie. m3 de déchets TFA issus de l’exploitation et du
75.
Loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs
Figure 12.65 Enjeux des solutions de stockage en fonction des catégories de déchets radioactifs en 201977
4 HA 95 %
(0,2 %)
Stockage géologique profond
en projet (Cigéo)
43 MA-VL 5%
(2,6 %)
76.
Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2016-2018
77.
Source : Inventaire national des matières et déchets radioactifs 2021
746
L’analyse environnementale . 12
Si les 320 000 tML d’uranium appauvri issu de l’en- Ils sont aujourd’hui principalement entreposés sur
richissement du combustible nucléaire devaient le site de La Hague (cf. paragraphe 12.5.4). La
être requalifiés en déchets, ils présenteraient des stratégie de stockage définitif retenue par l’Andra
enjeux de gestion de leur stockage similaires à et les pouvoirs publics consiste à terme à stocker
certains déchets FA-VL. ces déchets (HA et MA-VL) dans le centre de stoc-
kage en couche géologique profonde Cigéo, dont la
Bien que ne représentant qu’un très faible déclaration d’utilité publique est en cours d’instruc-
volume (moins de 3 % de l’ensemble des tion. Cette solution vise notamment à protéger les
déchets radioactifs français), les déchets HA populations et les générations futures des déchets
et MA-VL sont ceux dont le stockage repré- radioactifs les plus dangereux en les stockant de
sente l’essentiel du coût et des enjeux de la manière pérenne dans un site stable fonctionnant
gestion des déchets radioactifs. À eux seuls, de manière passive pour des échelles de temps
les déchets HA et MA-VL représentent à terme très longues.
85 % des coûts totaux de la gestion des déchets78.
12.5.2.3 Une évaluation simplifiée des volumes de déchets radioactifs dans le cadre
des Futurs énergétiques 2050 soumise à de nombreuses incertitudes et dépendant
de plusieurs hypothèses sur l’évolution du cycle du combustible nucléaire
L’intérêt d’une évaluation des volumes de déchets substituer aux exercices de chiffrage qui sont
radioactifs dans les différents scénarios de mix a et seront réalisés par les pouvoirs publics, les
été soulevé à plusieurs reprises par les parties pre- exploitants et l’Andra sur le dimensionnement
nantes dans le cadre de la concertation. En effet, et l’identification des besoins d’infrastruc-
l’analyse des choix sur le mix électrique futur doit tures d’entreposage des combustibles usés
intégrer cette problématique, dans la mesure où les et de stockage des déchets. Celles-ci mobi-
scénarios se différencient largement sur ce point liseront toutes les parties prenantes néces-
et où les déchets radioactifs ultimes associés à la saires dans le cadre de la mise en œuvre du
production électronucléaire devront être stockés plan national de gestion des matières et des
sur des durées extrêmement longues (plusieurs déchets radioactifs.
dizaines de milliers d’années). Cette problématique
relève ainsi d’un débat de société pour les décisions De ce fait, l’évaluation de RTE ne traite pas
sur le mix électrique. les questions relatives à la capacité de Cigéo à
accueillir l’ensemble des déchets ultimes pro-
Pour répondre à ces demandes émanant de la duits dans les différents scénarios de mix élec-
concertation et éclairer l’ensemble des consé- trique étudiés, ni les conséquences sur ses
quences associées aux choix publics sur le système conditions d’exploitation.
électrique, RTE a réalisé une évaluation de la
quantité de matières et de déchets radioactifs L’analyse permet en revanche d’identifier les
dans les différents scénarios des Futurs éner- grandes tendances d’évolution du stock de
gétiques 2050. Ce chiffrage est néanmoins matières et de déchets radioactifs dans les diffé-
un exercice complexe, qui intègre différents rents scénarios de production et avec prolongation
scénarios de politique de gestion du combus- ou arrêt du retraitement des combustibles, ainsi
tible, de mix énergétique, ainsi que de larges que les conséquences globales sur la gestion du
incertitudes sur les caractéristiques phy- cycle du combustible et des matières et déchets.
siques des colis de déchets à entreposer et à Elle permet ainsi de préciser les analyses qualita-
stocker. L’évaluation menée par RTE est donc tives publiées le 25 octobre 2021.
fortement simplifiée et n’a pas vocation à se
78.
Cour des comptes, 2012, Les coûts de la filière électronucléaire
79.
Le format des déchets de démantèlement ne sont pas nécessairement standardisés et compactés comme ceux issus du retraitement du combustible.
80. Plan stratégique d’entreprise EDF – octobre 2020
81. Andra, Inventaire national des matières et déchets radioactifs 2013 à 2021
82. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France 2010 à 2020
83. Rapport IRSN n°2018-00007, Cycle du combustible nucléaire en France - Dossier « Impact Cycle 2016 »
748
L’analyse environnementale . 12
décalage joue un rôle important dans l’évolution u Sauf mention contraire, la politique de retrai-
du besoin d’entreposage de combustibles usés, tement du combustible est supposée perdurer
a fortiori dans la perspective d’une réduction dans les scénarios N, sans préjuger de la mise
du parc électronucléaire. En effet, comme indi- en œuvre d’un éventuel multi-recyclage du
qué précédemment, ce décalage implique que la combustible dans des réacteurs de technologie
consommation de combustible usé nécessaire à adaptée. Dans les scénarios M, sans nouveau
la fabrication du MOX d’un réacteur s’interrompt nucléaire, et dans les variantes des scénarios N
trois ans avant la fermeture de celui-ci. où l’arrêt du retraitement est envisagé, il est
pris pour hypothèse que les usines de retraite-
u En matière de stratégie d’utilisation de MOX, les ment de La Hague cessent leur fonctionnement
hypothèses prises en compte sont homogènes en 2040. La consommation du stock historique
entre les scénarios de manière à pouvoir les de plutonium français n’est alors pas considé-
comparer sur une même base. L’étude menée rée pour produire du MOX après 2043 et aucun
dans les Futurs énergétiques 2050 considère réacteur ne reçoit de nouveau MOX après cette
ainsi que, dans chaque scénario, à mesure que échéance. Dans cette hypothèse d’arrêt, la
les réacteurs « moxés » ferment, EDF entreprend production de déchets HA et MA-VL issus du
le moxage de nouveaux réacteurs de manière à retraitement prend fin mais la production de
ce qu’un équilibre soit maintenu entre la quan- combustibles usés, qui devraient alors être
tité de combustible à base d’uranium naturel requalifiés en déchets HA, s’accélère nettement.
enrichi usé produite et celle retraitée. Seuls les
réacteurs de 1 300 MW et les EPR, pour lesquels u Les volumes de déchets HA et MA-VL estimés
les industriels concernés 84 ont indiqué avoir fait correspondent aux volumes de colis standard
des études afin de permettre leur approvision- de déchets vitrifiés (dits CSD-V) et compactés
nement par du MOX, sont considérés comme (dits CSD-C) produits sur la période d’étude. Ils
pouvant en utiliser. Ceci conduit à envisager sont estimés sur la base de la production de colis
dans tous les scénarios l’utilisation de MOX dans de l’usine de La Hague déclarée à l’Andra depuis
des réacteurs de 1 300 MW à partir du début de 2013 par Orano dans son fonctionnement actuel.
la décennie 2030, comme l’a annoncé EDF, ce Les projets nouveaux procédés de conditionne-
qui entraîne l’utilisation du MOX dans 8 de ces ments nouveaux ne sont pas pris en compte.
réacteurs au maximum à partir de 2040 envi-
ron dans les scénarios N. Dans cette logique, u Enfin, les volumes de matières et déchets
l’utilisation de MOX dans le palier de réacteurs radioactifs estimés à terminaison du parc
EPR apparaît nécessaire à partir du milieu de nucléaire, c’est-à-dire à l’issue de la durée
la décennie 2040 dans les scénarios N et n’est d’exploitation des réacteurs considérés dans
jamais envisagée dans les scénarios M où le les scénarios, supposent une exploitation de
retraitement du combustible est supposé arrêté 60 ans pour les nouveaux réacteurs. Au-delà
à cette échéance. Les rebuts de fabrication de de la période d’étude modélisée dans les Futurs
MOX (correspondant à la part de la production énergétiques (2020-2060), il est considéré que
de MOX neuf qui n’est pas conforme à la qualité chaque EPR procède à une recharge de combus-
attendue), estimés à 5 % de la production, sont tible de 80 assemblages tous les 18 mois.
considérés comme tous entreposés en piscine.
84. Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire - Présentation du « Cycle du combustible » français en 2018, p.90
85.
Article D542-90 du code de l’environnement.
750
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.66 Estimation en ordre de grandeur du volume de déchets radioactifs HA et MA-VL issus de la production
de 100 TWh d’électricité d’origine nucléaire
40
~ 180 colis
35
30
~ 150 colis
25
m3
20
15
10
0
Déchets MA-VL Déchets HA
tML
m3
m3
0 0 0
M0 M1 M23 N1 N2 N03 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 N1 N2 N03
Avec arrêt du Avec poursuite Avec arrêt Avec poursuite Avec arrêt du Avec poursuite
retraitement, les du retraitement du retraitement du retraitement retraitement, les du retraitement
combustibles usés combustibles usés
deviendraient alors deviendraient alors
des déchets HA des déchets HA
ou non d’installations de retraitement. Dans tous S’agissant des volumes de combustibles usés,
les cas, le volume à terminaison devrait atteindre ceux-ci peuvent se décomposer en différents types
ou dépasser celui prévu dans l’inventaire de réfé- (UNE, URE et MOX usés). Il convient de noter que
rence, du fait des quantités de déchets supplé- l’évolution de ces volumes est très dépendante des
mentaires générés par les nouveaux réacteurs stratégies de traitement-recyclage considérées en
nucléaires. hypothèse. En particulier, l’hypothèse de straté-
gie identique d’utilisation du MOX et de l’URT/URE
Le volume de déchets MA-VL relatifs à l’utilisation entre les différents scénarios conduit à ne pas opti-
du combustible (hors déchets de démantèlement) miser le volume de combustible usé en fonction de
apparaît quant à lui relativement peu influencé par l’évolution du mix électrique. Il conviendrait d’an-
le scénario énergétique choisi86. Ceci s’explique ticiper toute évolution de mix énergétique pour
en partie par le stock déjà important de ce type rechercher les optimisations possibles s’agissant
de déchets issus de technologies nucléaires qui ne de la nature et de la quantité de déchets radioactifs
sont plus utilisées. au regard des orientations choisies.
86.
Il convient de noter que la non-prise en compte des déchets issus du démantèlement conditionnés après 2020 dans l’analyse (du fait de la difficulté à
évaluer les volumes correspondants sur la base de références publiques consolidées) explique en grande partie l’écart entre les résultats présentés ici et les
estimations prudentes menées par l’Andra pour les inventaires de Cigéo.
752
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.68 Trajectoire de stock français de combustibles usés (tML), en ordre de grandeur
35 000
30 000 N03-AR
N2-AR Scénarios
25 000 N1-AR avec arrêt du
M23-AR, M1-AR
20 000 retraitement
M0-AR
tML
N1, N2
15 000 N03
10 000
5 000
0
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055
(-AR) : scénario dans lequel le retraitement du combustible usé est arrêté en 2040
7 000
N03
6 000 N2
N1
N03-AR Scénarios
5 000 N1-AR, N2-AR
M23-AR, M1-AR avec arrêt du
M0-AR retraitement
4 000
tML
3 000
2 000
1 000
0
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055
(-AR) : scénario dans lequel le retraitement du combustible usé est arrêté en 2040
5 000
N03 N03-AR
4 000
Scénarios
avec arrêt du
N2 N2-AR, M0-AR retraitement
3 000 N1 N1-AR
M23-AR, M1-AR
tML
2 000
1 000
0
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055
(-AR) : scénario dans lequel le retraitement du combustible usé est arrêté en 2040
N.B. : ces trajectoires doivent être étendues pour couvrir la durée de vie supposée de l’ensemble des réacteurs pour
retrouver les volumes de combustibles usés estimés à terminaison du parc (figure 12.67)
Le cycle du combustible implique de disposer des de traitement des combustibles usés à l’ho-
infrastructures adaptées au traitement des combus- rizon 2040 (ou d’une jouvence complète des
tibles usés et à leur éventuel recyclage pour réutili- usines actuelles) ou bien une décision de
sation dans les centrales. Les enjeux autour de ces changement majeure de la stratégie de ges-
infrastructures se posent de façon radicalement dif- tion des combustibles nucléaires usés.
férente suivant que les scénarios de mix électriques
intègrent ou non de nouveaux réacteurs nucléaires. En cas de non-réinvestissement dans les chaînes
Dans tous les cas, les exigences de sûreté et de de retraitement de l’usine de la Hague, fort pro-
transparence liées aux actions impliquant des subs- bable dans l’hypothèse d’une sortie à terme du
tances radioactives nécessitent l’anticipation de la nucléaire envisagée dans les scénarios M, une
trajectoire du parc nucléaire et des prises de déci- stratégie de requalification du combustible usé non
sions plusieurs années à l’avance pour s’ancrer dans retraité (UNE, URE et MOX usés) serait à déter-
un temps industriel et démocratique long. miner pour en évaluer la gestion comme déchet.
Ceci reste toutefois cohérent avec les propositions
Dans les scénarios M, sans nouveau nucléaire, de l’Andra pour l’inventaire de réserve de Cigéo
l’enjeu est d’adapter la gestion du combustible mais augmente très significativement le tonnage
à la réduction progressive de la capacité du parc de déchets voués à y être stockés.
nucléaire actuel et à la sortie complète de l’énergie
nucléaire. À l’inverse, dans les scénarios N, avec En outre, compte tenu de la réorientation des pro-
l’investissement dans de nouveaux EPR2, l’enjeu grammes de recherche français sur les réacteurs à
principal en termes de nature et de quantité de neutrons rapides (RNR) avec la mise en veille du
déchets à stocker est celui du renouvellement des projet ASTRID et de l’absence de processus adapté
installations de retraitement. pour retraiter le MOX usé et l’URE usé à une cadence
industrielle à court terme, la perspective de réemploi
Au-delà des décisions de relance ou non d’un nou- de ces combustibles s’est éloignée dans le temps.
veau parc nucléaire, les stratégies de retraitement Cette stratégie reste toutefois dans la PPE celle de
au-delà de 2040 devront impérativement être éta- référence pour la gestion de l’aval du combustible
blies suffisamment tôt pour permettre à la filière nucléaire avec une volonté à long terme d’exploiter
d’anticiper ses besoins en capacité de retraitement ces combustibles usés en multi-recyclage. Comme
ou d’entreposage et stockage du combustible usé. le demande ainsi l’ASN87, cet état de fait industriel
À cet égard, l’ASN a ainsi demandé que cette straté- invite à projeter pour la filière des principes de ges-
gie soit précisée dans la prochaine Programmation tion de ces combustibles usés compatibles avec leur
pluriannuelle de l’énergie (PPE). utilisation dans les 30 ans à venir. Cet éloignement
des perspectives de recyclage pour les MOX et URE
Dans l’hypothèse d’une relance du nucléaire, usés a ainsi conduit RTE à un traitement prudent
une décision d’investissement apparaît pour ce type de matières dans les études écono-
nécessaire au cours des prochaines années miques (cf. chapitre 11), comme le fait d’ailleurs EDF
pour la mise en service d’une nouvelle usine pour provisionner des sommes par des actifs dédiés.
87.
Avis n° 2020-AV-0363 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 8 octobre 2020.
754
L’analyse environnementale . 12
Chaque année, l’équivalent du volume de combus- l’accroissement des volumes de matières radioac-
tible chargé dans les réacteurs est retiré des pis- tives entreposées à la Hague (un volume de l’ordre
cines d’entreposage des réacteurs pour rejoindre de 1 %/an du tonnage de la piscine et à terme pour
les piscines de la Hague. Fin 2019, les piscines de 2 %/an avec l’entreposage de l’URE usé).
la Hague étaient remplies à un niveau supérieur
à 80-90 %. Afin de produire le plutonium destiné Différentes évaluations88 prévoient la saturation
à la production de MOX, un certain volume d’ura- des piscines d’entreposage de combustible usé à
nium naturel enrichi (UNE) usé (souvent analogue l’horizon 2030. Une marge par rapport au rem-
à la quantité d’UNE accueillie) est sorti des pis- plissage total des piscines doit être maintenue
cines de La Hague pour retraitement. Ceci implique pour assurer la continuité des chargements et
chaque année un flux entrant-sortant de matières déchargements de combustible dans les réacteurs
de l’ordre de 8 % de la capacité totale d’entrepo- nucléaires à cet horizon.
sage de la piscine.
Cette dynamique dépend fortement de plusieurs
Le MOX usé et l’URE usé, résultant de l’utilisa- paramètres :
tion du MOX et de l’URE comme combustibles, u d’une part, de l’évolution de la stratégie et des
restent entreposés en piscine, conduisant ainsi à capacités de retraitement : en effet, le traitement
Figure 12.69 Remplissage des piscines de la Hague, vision annuelle des flux entrant-sortant (chiffres 2016).
Chaque année, le stock s’accroît du volume du MOX usé et de l’URE usé.
Densification
Aujourd’hui envisagée
Retraitement
avant entrée dans
Entrent après 3 ans les bâtiments
dans les bâtiments Sortent après 7 ans combustibles
combustibles après dans la piscine pour 3 ans avant
utilisation de la Hague chargement
88. «
Avis n° 2020-AV-0363 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 8 octobre 2020 sur les études concernant la gestion des matières radioactives et l’évaluation de
leur caractère valorisable remises en application du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2016-2018, en vue de l’élaboration du
cinquième plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs ».
« Plan national de gestion des matières et des déchets radioactif 2016-2018 ».
« Clarification des controverses techniques. Note de synthèse 21 mars ». Débat public plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs,
5e édition 2019-2021.
« L’aval du cycle du combustible nucléaire. Les matières et les déchets radioactifs, de la sortie du réacteur au stockage », Cour des comptes (2019).
30 000
N03-AR
15 000
Capacité actuelle des
piscines de la Hague
10 000
La densification des piscines permettra
de satisfaire les besoins d’entreposage
pour la décennie 2030. Néanmoins,
La saturation des piscines la saturation des piscines densifiées de
5 000
de la Hague interviendra la Hague interviendra à l’horizon 2040
à horizon 2030 pour les scénarios M et pour les
scénarios N avec arrêt du retraitement.
0
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055
* À date, cette densification n’est pas acquise et il n’est pas garanti qu’elle soit pérenne
(-AR) : scénario dans lequel le retraitement du combustible usé est arrêté en 2040
NB : l’en-cours de combustible usé présent en centrale nucléaire, qui était d’environ 8800 tML fin 2019, est supposé
constant pendant la période.
89.
Article 10 de l’arrêté du 23 février 2017 pris en application du décret n° 2017-231 du 23 février 2017
756
L’analyse environnementale . 12
ne soit aujourd’hui décidée. En tout état de nouvelle piscine d’entreposage d’une capa-
cause, leur valorisation n’étant pas envisa- cité de 6 500 tML.
geable avant plusieurs décennies, le Ministère
de la transition écologique a prescrit à EDF de À long terme, dans les variantes des scéna-
déposer une demande d’autorisation pour un rios « N » prévoyant un arrêt du retraitement, le
nouvel entreposage de combustible usé. EDF rythme d’accroissement des besoins d’entreposage
prévoit ainsi la construction d’une piscine d’une de combustible usé au-delà de 2040 deviendrait
capacité de l’ordre de 6 500 tML pour assurer beaucoup plus soutenu qu’il ne l’est aujourd’hui.
l’entreposage à long terme du combustible usé Compte tenu des délais de mises en œuvre de tels
de façon centralisée à l’horizon 2035. projets, dépassant la décennie, dans les scénarios
avec la poursuite de l’exploitation du nucléaire
Les évaluations simplifiées réalisées par RTE mais l’arrêt du retraitement, la construction d’une
confirment l’importance d’anticiper les évolutions capacité d’entreposage analogue à celle du projet
nécessaires des infrastructures d’entreposage et de piscine d’EDF devrait être entreprise peu après
de gestion du combustible usé. la mise en service de celle-ci.
En particulier, la construction d’un nouvel entrepo- À l’inverse, dans l’hypothèse d’une pérennité de la
sage de combustible usé apparaît ainsi nécessaire politique de retraitement, la mise en service d’un
dans l’ensemble des scénarios étudiés, qui pré- tel ouvrage n’apparaît pas indispensable avant
voient tous un maintien de la production nucléaire plus de 20 ans au moins en cas de densification
sur la décennie 2030-2040. Cette perspective est des piscines actuelles de La Hague, si les autorités
en particulier intégrée à l’analyse économique des de sûreté et de sécurité nucléaires se prononcent
scénarios (voir partie 11.3.1.5). favorablement.
Dans l’attente de la construction d’une piscine Compte tenu de l’arrivée en fin de vie d’une grande
d’entreposage centralisé de combustibles usés partie des installations de retraitement de la Hague
par EDF, Orano envisage la densification de sa à l’horizon 2040, des investissements dans ces
piscine de La Hague dans la décennie à venir afin infrastructures seront nécessaires dans le cas d’une
de pallier un risque de saturation qui remettrait relance d’un programme nucléaire (« scénarios N »),
en cause la disponibilité du parc nucléaire. Dans si la politique de retraitement du combustible est
tous les scénarios, une telle densification poursuivie. Ces coûts sont pris en compte de
des piscines de La Hague semble nécessaire manière systématique dans l’analyse économique
compte tenu de l’annonce par EDF d’une (voire partie 11.3.1.5).
mise en service au plus tôt en 2034 d’une
90.
Avis n° 2020-AV-0363 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 8 octobre 2020 sur les études concernant la gestion des matières radioactives et l’évaluation de
leur caractère valorisable remises en application du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2016-2018, en vue de l’élaboration du
cinquième plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs.
91.
Séparation transmutation des éléments radioactifs à vie longue, CEA, Décembre 2012
758
L’analyse environnementale . 12
La pollution atmosphérique est un enjeu majeur du cœur et du poumon, etc.). Or, en prenant en
de santé public. En effet, elle constitue le premier compte les valeurs guides de l’Organisation mon-
risque sanitaire d’origine environnementale en diale de la santé (OMS) qui donne des recomman-
Europe et en France, notamment dans les zones dations en termes d’exposition, plus de 90 % de la
urbaines. La pollution de l’air réduit l’espérance de population urbaine européenne est exposée à des
vie de la population et provoque des maladies et polluants dans des concentrations supérieures aux
des troubles respiratoires (comme des infections niveaux de qualité de l’air supposés nocifs pour la
respiratoires aiguës), cardio-vasculaires (comme santé (en moyenne journalière ou annuelle selon
les accidents vasculaires cérébraux et les cardio- les polluants considérés)92.
pathies) et des cancers. Les impacts sur la santé
peuvent se manifester à court ou à long terme. En Europe et en France, les trois polluants
considérés comme les plus problématiques
L’exposition chronique aux polluants atmosphé- sont les particules fines de diamètre inférieur
riques est particulièrement problématique pour la à 2,5 μm (PM2.5) le dioxyde d’azote (NO2) et
santé, notamment chez les personnes sensibles l’ozone (O3). D’après l’Agence européenne pour
(enfants, personnes âgées, asthmatiques, malades l’environnement92, la pollution atmosphérique
Campagnes
PM2.5 … aux particules
374 000 décès 40 000 décès
fines 17%
54%
… au dioxyde 29%
NO2 68 000 décès 7 000 décès Petites et Grandes
d’azote
moyennes villes*
villes**
provoque plus de 400 000 décès prématurés par En France, la pollution de l’air est ainsi la
an en Europe (EU-28). En France, chaque année troisième cause de mortalité derrière le tabac
(sur les années 2016-2019) près de 40 000 décès et l’alcool. Elle touche en particulier les grandes
seraient attribuables à une exposition de la popu- villes : l’exposition aux PM2.5 représenterait une
lation aux particules fines (PM2.5), et 7 000 décès à perte d’espérance de vie moyenne de près de
une exposition de la population au dioxyde d’azote 8 mois pour la population âgée de plus de 30 ans,
(NO2), représentant respectivement 7 % et 1 % de et même de près de 2 ans dans les secteurs urbains
la mortalité totale annuelle93. les plus pollués.
Au cours de la dernière décennie, la pollution D’après plusieurs études réalisées ces dernières
atmosphérique a baissé (-30 % d’émissions de années, le coût des impacts de la pollution de
PM2.5 primaires entre 2008 et 201694), contri- l’air sur la santé en France se chiffre en dizaines
buant ainsi à réduire le nombre de décès préma- de milliards d’euros par an. Au-delà de la morta-
turés associés : d’après Santé publique France95, lité directe engendrée par la pollution atmosphérique,
la mortalité liée aux PM2.5 est ainsi passé d’envi- les dépenses de soin liées à des maladies en lien avec
ron 48 000 morts par an en 2007-2008 à environ la pollution atmosphérique sont importantes.
40 000 sur les années 2016-2019. Plus récem-
ment, Santé publique France estimait que le pre- Par ailleurs, au-delà de l’impact sanitaire, l’émis-
mier confinement de l’année 2020 a permis de sion de polluants a également des impacts sur :
limiter la mortalité liée aux PM2.5 et au NO2, grâce u les écosystèmes (flore, faune, qualité de l’eau
notamment à la baisse de la circulation routière96. et des sols, services rendus, etc.) : les polluants
peuvent entraîner des nécroses des plantes et
93. I mpact de la pollution de l’air ambiant sur la mortalité en France métropolitaine, Santé Publique France, avril 2021
94. Rapport national d’inventaire format SECTEN, CITEPA, édition juillet 2021
95. Impacts de l’exposition chronique aux particules fines sur la mortalité en France continentale et analyse des gains en santé de plusieurs scénarios de
réduction de la pollution atmosphérique, Santé Publique France, juin 2016.
Peu de données sur la mortalité causée par la pollution atmosphérique sont disponibles avant 2007.
96. Impact de la pollution de l’air ambiant sur la mortalité en France métropolitaine, Santé Publique France, avril 2021
760
L’analyse environnementale . 12
Plus les particules sont fines, plus elles sont dangereuses pour la santé.
Les particules PM2.5 représentent un excellent marqueur de la pollution
car elles ont un impact significatif sur la santé.
Les particules (ou particules totales en suspen- Les particules peuvent être de différentes tailles et
sion dites « TSP ») sont constituées d’un mélange sont classées selon leur diamètre : les particules
de différents composés chimiques et minéraux en entre 2,5 et 10 μm sont dénommées particules
suspension dans l’air. Elles peuvent être émises grossières, celles de diamètre inférieur à 2,5 µm
directement dans l’air (particules dites primaires) sont qualifiées de particules fines.
ou bien être issues de réactions chimiques com-
plexes à partir de gaz précurseurs dans l’atmos- Plus les particules sont fines, plus elles sont
phère (NOx, COVnm97, SO2 et NH3) et sont alors dangereuses pour la santé car elles peuvent
qualifiées de particules secondaires. Ainsi, dans atteindre les alvéoles pulmonaires et pénétrer dans
l’air ambiant, les particules présentes sont à la fois le sang pour les plus fines d’entre elles. Les parti-
primaires et secondaires. Les particules peuvent cules PM2.5 sont suffisamment fines pour pénétrer
être d’origine mécanique (broyage, concassage, au plus profond des poumons (dans les alvéoles),
érosion, abrasion, etc.), chimique, thermique ou s’insérer dans la circulation sanguine et ainsi affec-
biologique (pollens, champignons, bactéries, etc.). ter les organes.
Figure 12.72 Les différents types de particules et leurs impacts sur le corps humain
Particules grossières
… dans la trachée et
les poumons (bronches)
2,5 μm PM2.5
… dans le sang
0,1 μm PM0,1
Particules ultrafines et le corps entier
Certains usages énergétiques sont à l’origine de la C’est la raison pour laquelle un des volets de l’ana-
formation de quantités importantes de polluants : lyse environnementale des Futurs énergétiques
le chauffage résidentiel et tertiaire pour les émis- 2050 a été consacré à l’évolution de la pollution
sions directes de PM2.5, le transport routier pour les atmosphérique : il s’agit ainsi d’étudier dans quelle
émissions de NOx, l’industrie manufacturière pour mesure les leviers de décarbonation peuvent
les émissions de SO2, l’agriculture pour les émis- contribuer à la diminution de la pollution atmos-
sions de NH3 (voir le détail à la partie 12.6.2). phérique à long terme et d’identifier les éventuels
enseignements en matière de politiques publiques.
Trois de ces secteurs (chauffage, transport
routier et industrie) sont tout particulière- Sur le plan économique, dans la mesure où certains
ment affectés par les stratégies de décarbo- leviers de décarbonation permettent de limiter les
nation de l’énergie étudiées dans les Futurs émissions de polluants atmosphériques au-delà du
énergétiques 2050 : en conséquence, l’évo- CO2 (fermeture des centrales au charbon, dispari-
lution des émissions de certains polluants est tion progressive des véhicules diesel et essence…),
très fortement liée à la décarbonation du sec- il apparaît utile de prendre en compte les bénéfices
teur énergétique. sanitaires comme externalité positive dans leur
évaluation économique (cf. partie 11.9.4).
La pollution atmosphérique est difficile à modéliser la dispersion des polluants) ainsi que des facteurs
et à anticiper car elle résulte d’interactions com- humains (intensité de la circulation routière, épan-
plexes et concernent de nombreux polluants : dages agricoles au printemps, chauffage lors des
vagues de grand froid, etc.). Par ailleurs, la pollu-
1. Il n’existe en effet pas de relation simple tion atmosphérique est un phénomène local mais
entre les quantités de polluants émises et les également régional voire international. En effet,
niveaux de concentration de ces polluants à les polluants atmosphériques émis dans un pays
un endroit donné. Plusieurs paramètres com- peuvent voyager dans l’atmosphère et impacter
plexes et interdépendants (phénomènes physi- négativement la qualité de l’air d’un autre pays.
co-chimiques et météorologiques) influent sur La répartition des polluants et leur origine peuvent
la dispersion ou la concentration des polluants. être très différentes d’un territoire à l’autre. Par
Plusieurs facteurs météorologiques peuvent être exemple dans la vallée de l’Arve, les PM10 pro-
aggravants (soleil et vent faible, nuits froides sui- viennent à 64 % du chauffage au bois dans le
vies de journées chaudes qui ne permettent pas secteur résidentiel98, alors qu’en Île-de-France, le
762
L’analyse environnementale . 12
chauffage bois résidentiel ne représente que 30 % 3. Enfin, deux catégories de polluants atmosphé-
des émissions de PM1099. riques sont à considérer :
u les polluants dits primaires, émis directement :
2.
Il existe beaucoup de types de polluants monoxyde d’azote (NO), dioxyde de soufre
atmosphériques car les sources d’émis- (SO2), monoxyde de carbone (CO), particules
sions sont très nombreuses. Les polluants (ou poussières), dioxyde d’azote (NO2), métaux
atmosphériques peuvent être d’origine : lourds, composés organiques volatils (COV),
u naturelle : les éruptions volcaniques, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, etc. ;
poussières portées par le vent, la dispersion u les polluants dits secondaires, issus de
de sédiments marins et les émissions de com- transformations physico-chimiques entre
posés organiques volatils des végétaux, etc. polluants, dépendant de conditions météoro-
u ou anthropique : tous les secteurs d’activités logiques : ozone (O3), particules, etc.
sont concernés (industrie, transports, agricul-
ture, secteurs résidentiels et tertiaires, etc).
4 Formation de polluants
2 Transport et dispersion secondaires
Vent O3 Etc.
Turbulence
Gradient Particules
thermique
3 Transformation
Chaleur, lumière, humidité, température
1
Émissions de 5 Dépôts
polluants primaires
Particules COVnm
SO2 Humides Secs
(pluies acides, neiges, brouillards)
NOx HAP
CO
Etc. Métaux
lourds
Émissions Émissions
anthropiques naturelles
Industrie Transports Résidentiel Tertiaire Agriculture Végétation Milieux urbains, ruraux, sites naturels et agricoles, etc.
764
L’analyse environnementale . 12
L’enjeu de réduction des polluants atmosphériques des objectifs nationaux de réduction pour cinq pol-
n’est pas nouveau et fait l’objet de politiques luants (PM2.5, NOx, SO2, COVnm, et NH3) pour les
publiques à l’échelle nationale et internationale pays signataires.
depuis plusieurs décennies, afin de limiter les
conséquences en matière sanitaire. Ces objectifs sont repris dans le droit européen par
la directive 2016/2284 (dire directive NEC) qui vise
Les instruments de politique publique sont de à réduire de 50 % la mortalité prématurée due à
différentes natures : objectifs nationaux et euro- la pollution atmosphérique au niveau européen d’ici
péens, réglementations sectorielles, dispositifs de 2030. Celle-ci oblige par ailleurs les États membres
surveillance, etc. à mettre en place :
u un système d’inventaires nationaux d’émissions
12.6.1.4.1 Des objectifs de réduction fixés de polluants atmosphériques, réalisé en France
au niveau national pour cinq polluants par le CITEPA100 ;
(PM2.5, NOx, SO2, COVnm et NH3) u un plan d’action national de réduction des émis-
Dans les années 1960-1970, les impacts signifi- sions de polluants atmosphériques.
catifs des polluants, notamment du SO2 sur les
forêts et les lacs (pluies acides) dans les pays de En France, l’État a adopté un nouveau Plan national
l’hémisphère Nord ont incité 32 États à signer une de réduction des émissions de polluants atmos-
Convention sur la pollution atmosphérique trans- phériques (PREPA) en mai 2016, afin d’améliorer la
frontalière à longue distance (CLRTAP). Dans qualité de l’air101. Celui-ci fixe des objectifs natio-
le cadre de cette convention, le protocole de naux aux horizons 2020 et 2030, récapitulés dans
Göteborg, signé en 1999 et amendé en 2012, fixe le tableau ci-dessous.
Figure 12.74 Objectifs nationaux de réduction des polluants atmosphériques. Les objectifs 2010 sont exprimés
en valeur absolue, les objectifs 2020 et 2030 sont exprimés en pourcentage par rapport à 2005
* La première version du protocole de Göteborg signée en 1999 ne fixait pas d’engagements sur les PM2.5 pour 2010
100. A ssociation et opérateur d’Etat pour le compte du Ministère de la transition écologique, le CITEPA satisfait aux obligations de reporting des émissions de
polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre de la France
101. Arrêté du 10 mai 2017 établissant le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques
102. https://atmo-france.org/la-qualite-de-lair-dans-votre-region/
766
L’analyse environnementale . 12
12.6.1.5 Malgré des émissions de polluants atmosphériques en nette baisse depuis les
années 1990, des épisodes de pollution subsistent notamment dans les grandes villes
Suite à la mise en place des différentes régle- de Göteborg (avec des objectifs de réduction au
mentations sectorielles, on observe depuis les niveau national), notamment dans les secteurs
années 1990 une nette diminution de tous les industriels, résidentiels et dans les transports
polluants atmosphériques visés par le protocole routiers.
Figure 12.75 Évolution des émissions des 5 polluants visés par le protocole de Göteborg
300
• mise en place de techniques de dépoussiérage dans
200
l’industrie
• normes Euro dans le secteur routier (filtres à particules) 100
0
1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020
1 500
pots catalytiques)
1 000
• renouvellement progressif du parc de véhicules, et ceci
malgré l’accroissement du trafic 500
0
1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020
600
• baisse du cheptel 500
400
• baisse de la quantité d’engrais azotés épandus 300
200
100
0
1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020
Figure 12.76 Évolution des dépassements des seuils réglementaires de qualité de l’air fixés pour la protection
de la santé dans les agglomérations pour les polluants NO2, O3, PM10 et PM2.5
NO2 PM10
(en nombre d'agglomérations)
120 120
Nombre de dépassements
Nombre de dépassements
100 100
80 80
60 60
40 40
20 20
0 0
2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020
O3 PM2.5
(en nombre d'agglomérations)
(en nombre d'agglomérations)
120
Nombre de dépassements
120
Nombre de dépassements
100 100
80 80
60 60
40 40
20 20
0 0
2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
768
L’analyse environnementale . 12
12.6.2 Pour étudier l’impact des Futurs énergétiques 2050 sur la pollution
atmosphérique, RTE a déterminé les trajectoires d’émissions de quatre polluants
principaux (hors agriculture, produits chimiques et procédés) pour les différents
scénarios simulés
Pour répondre aux demandes d’éclairage sur les sujet local, voire régional (et dans une moindre
impacts de la transformation du système éner- mesure transfrontalier) ;
gétique en matière de pollution atmosphérique, u enfin, l’évaluation s’est concentrée sur les
RTE a mené une analyse détaillée de l’évolution émissions directes de polluants (polluants pri-
des émissions de polluants dans les différents scé- maires). La formation d’ozone et de particules
narios. Cette évaluation s’est concentrée sur les PM2.5 d’origine secondaire résultent de transfor-
substances et les secteurs les plus importants dans mations physico-chimiques complexes qui n’ont
le cadre des Futurs énergétiques 2050 et repose pas été modélisées.
sur les principes suivants :
u l’analyse quantitative porte sur les émis- La figure 12.77 récapitule les caractéristiques de
sions de quatre polluants primaires chacun des polluants primaires retenus.
principaux (SO2, NOx, COVnm, PM2.5) issus
d’émissions directes (émises directement dans Les quatre secteurs étudiés (production d’électri-
l’atmosphère). Ces polluants sont ceux qui ont cité, chauffage, transports routiers et combustion
le plus d’impacts pour la santé, qui font l’objet dans l’industrie) représentent entre deux tiers et
d’objectifs nationaux104 et qui contribuent direc- les trois quarts des émissions de PM2.5, NOx, SO2
tement ou indirectement aux dépassements et environ 29 % des émissions de COVnm, comme
réguliers constatés dans certaines grandes illustré sur la figure 12.78. Les autres émissions de
agglomérations ; COVnm proviennent de l’usage de solvants dans le
u l’analyse s’est en outre centrée sur des sec- secteur domestique (peintures, aérosols), de pro-
teurs fortement émetteurs pour la produc- cédés dans l’industrie et d’émissions dans le sec-
tion d’énergie (chauffage pour les bâtiments, teur de la construction.
transports routiers et combustion dans l’indus-
trie), qui peuvent bénéficier d’actions d’électri- Cette répartition montre que le chauffage
fication permettant de diminuer l’émission de représente une source majeure d’émissions
polluants105. Le secteur de la production d’élec- de PM2.5, le transport routier contribue for-
tricité, bien que contribuant de façon marginale tement à la production de NOx tandis que la
aux émissions de polluants atmosphériques, a combustion dans l’industrie représente quant
également été considéré, dans la mesure où les à elle l’essentiel des émissions de SO2. En
Futurs énergétiques 2050 ont un impact direct revanche, le secteur de la production d’électricité
sur l’évolution de ce secteur ; représente dès aujourd’hui une très faible part des
u l’analyse proposée par RTE porte uniquement émissions considérées pour tous les polluants, du
sur des émissions de polluants atmosphériques fait de la part importante de la production nucléaire
territoriales (émissions résultantes d’une acti- et renouvelable qui ne contribue pas aux émissions
vité ayant eu lieu sur le territoire français). des polluants étudiés ici ainsi que de la fermeture
L’analyse en cycle de vie n’a pas été réalisée, progressive des centrales au fioul et au charbon
car la pollution atmosphérique est avant tout un engagée ces dernières années.
104. L ’ammoniac (NH3) qui bénéficie également d’un objectif de réduction au niveau national n’a pas été retenu dans l’analyse car il est produit à 94 % par
le secteur agricole, notamment par l’utilisation de fertilisants azotés et par le cheptel.
105. Il convient de noter que la décarbonation de la production d’hydrogène (remplacement du vaporeformage par l’électrolyse) n’entraîne pas de gain substantiel
d’émissions liées au procédé sur les polluants hormis sur le CO2 (selon les données de la base OMINEA du CITEPA). Les émissions de procédés de la production
d’hydrogène par vaporeformage n’ont donc pas été retenues dans l’analyse des polluants atmosphériques, contrairement à l’analyse réalisée sur le CO2.
Dénomi-
Caractéristiques Origine Impacts sur la santé
nation
PM2.5 Ces particules peuvent être primaires Issues d’activités de combustion Les particules peuvent provoquer
(issues de rejets directs dans l’air) ou (bois notamment), de l’industrie ou aggraver des maladies
secondaires (issues de recombinaison (chantiers de construction, cardiovasculaires et pulmonaires,
chimique entre polluants : NOx, NH3, sidérurgie, carrières), du des infarctus et des arythmies.
SO2, COVnm) dans l’atmosphère. transport (lié à la combustion et Elles peuvent aussi provoquer
Les particules fines peuvent rester l’abrasion), de l’agriculture. des cancers.
en suspension, stagner dans l’air
pendant plusieurs jours voire
quelques semaines et voyager sur Premier émetteur :
de longues distances.
NOx Les oxydes d’azote comprennent Issus principalement lors de Les NOx affectent directement
le NO2 (dioxyde d’azote) et le NO la combustion. Les transports le système respiratoire (asthme,
(monoxyde d’azote). routiers (véhicules diesel infection pulmonaire) et contribuent
Les NOx contribuent à l’acidification, notamment) représentent plus à la formation de particules, de
à l’excès de retombées azotées de 50 % des émissions. pluies acides et d’ozone.
(eutrophisation), à la formation de
particules secondaires et interviennent
dans la formation de l’ozone Premier émetteur :
troposphérique.
SO2 Gaz incolore, le SO2 participe à Issus essentiellement du Le SO2 est toxique avec une
l’acidification de l’air et peut former processus de combustion odeur pénétrante et fortement
un brouillard et des aérosols d’acide des combustibles fossiles irritant pour les yeux et les voies
sulfurique et de sulfates. Il est un soufrés (charbon, lignite, coke respiratoires.
précurseur de particules secondaires. de pétrole, fioul lourd, fioul Le SO2 contribue à la formation
domestique, gazole, etc.) et de particules, de pluies acides.
certains procédés industriels
Premier émetteur :
COVnm Les Composés Organiques Volatiles Issus de l’utilisation de solvants Les COVnm réagissent avec les
non méthaniques sont des espèces à usage domestique, de NOx, sous l’effet du rayonnement
organiques gazeuses issues des procédés industriels impliquant solaire, pour former de l’ozone
phénomènes de combustion, des solvants, d’équipements troposphérique. Ce sont aussi
d’évaporation, de réactions chimiques de combustion domestiques des précurseurs de particules
ou biologiques. au bois, de la construction, de secondaires.
La notation COVnm est utilisée afin de la distribution des carburants Les COVnm ont également des
distinguer le méthane (gaz à effet de effets sanitaires directs : difficultés
serre (CH4)) des autres COV. respiratoires, irritations oculaires,
certains COV sont cancérigènes.
770
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.78 Répartition des émissions de polluants selon les secteurs d’activités
Périmètre d’étude
Industrie
manufacturière
(émissions de
Production Chauffage Transports combustion et
d’électricité résidentiel/tertiaire routiers de procédés) Agriculture* Autres**
16 %
6% 10 %
0,1 %
PM2.5 44 % 24 %
(primaire)
11 % 12 % 7% 12 %
1%
NOx 57 %
Contribuent à la formation d’ozone
Contribuent à la formation
de PM2.5 (secondaire)
15 %
2% 1% 1%
SO2 50 % 31 %
18 %
8%
0,06 % 1% 2%
COVnm 71 %
* Dans ce schéma, les émissions de l’agriculture pour les NOx et les COVnm ne comprennent que celles émises par le brûlage de résidus de récolte et celles
en lien avec les consommations énergétiques du secteur. Pour l’agriculture, c’est en effet sur ces deux types d’émissions que les objectifs de réduction de
la directive 2016/2284 se sont initialement basés pour le NOx et les COVnm. Les NOx et COVnm issus des cultures et de l’élevage ne sont pas comptabilisés
dans les objectifs de réduction et ne sont donc pas pris en compte ici.
** Autres : industrie de construction, émissions de procédés dans l’industrie, raffinage du pétrole, traitement des déchets, utilisation de peinture et aérosols
dans le secteur domestique ou tertiaire, transports autres que routiers, etc.
Les analyses réalisées montrent que les émissions de En revanche, pour les COVnm, la baisse liée
PM2.5, NOx, SO2, COVnm des quatre secteurs étudiés106 à la transformation du système énergétique
sont amenées à diminuer dans les prochaines décen- est mineure par rapport aux volumes actuels
nies, sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs : les d’émissions. En effet, l’essentiel des émissions de
actions d’électrification et d’efficacité énergétique, COVnm n’est pas lié à l’énergie et provient d’autres
le renforcement de la réglementation et des valeurs secteurs que ceux modélisés (en particulier l’utilisa-
limites d’émission autorisées ainsi que le renouvelle- tion de solvants dans le secteur résidentiel/tertiaire
ment des installations ou du parc de véhicules. et les procédés dans l’industrie). L’électrification
des usages contribue ainsi de manière marginale à
Sur les secteurs modélisés, les baisses la réduction des COVnm et d’autres actions seront
d’émissions sont très significatives pour les sans doute nécessaires pour atteindre les objectifs
PM2.5, les NOx et le SO2. Les actions de trans- à l’horizon 2030.
formation du système énergétique consi-
dérées dans la trajectoire de référence des Il convient de noter que ces projections portent sur
Futurs énergétiques 2050 permettent ainsi une évaluation au niveau national et ne permettent
de tenir les objectifs nationaux de réduction pas d’anticiper ou de prévoir d’éventuelles baisses de
d’ici à 2030 pour ces trois polluants (sous réserve concentration de la pollution au niveau local. La pollu-
que les émissions n’explosent pas sur les secteurs tion locale devrait toutefois également se réduire, vu
hors du périmètre d’étude). les baisses d’émissions g lobales envisagées.
12.6.3.2 L’évolution des émissions de polluants dépend peu des scénarios sur le mix
de production électrique et beaucoup plus de l’évolution des usages énergétiques
De manière générale, l’évolution des émissions À l’inverse, la production d’électricité, qui repré-
pour les différents types de polluants considérés sente dès aujourd’hui une part minime des
est logiquement dépendante des transformations émissions avec la disparition progressive de la pro-
des secteurs les plus fortement contributeurs : duction à partir de charbon et de fioul et le ren-
u les émissions de PM dépendent au premier forcement des normes environnementales, a très
2.5
ordre de l’évolution du chauffage résidentiel peu d’impact sur l’évolution de la pollution atmos-
et tertiaire (notamment chauffage au bois) et, phérique. En conséquence, les six scénarios de
dans une moindre mesure, de l’évolution du mix considérés dans les Futurs énergétiques
transport routier ; 2050 ne sont pas différenciés du point de vue
u les émissions de SO évoluent essentiellement
2
de l’indicateur de pollution atmosphérique.
en fonction du parc d’équipements de combus-
tion dans l’industrie ; Les différences entre scénarios s’observent donc
u les émissions de NO dépendent fortement de
x
essentiellement sur les différentes trajectoires de
l’évolution du transport routier (normes d’émis- consommation (notamment dans les scénarios
sions, renouvellement du parc, électrification, « accélération 2030 » ou encore « sobriété »).
évolution des déplacements et report modal).
106. P
our la suite de l’analyse, les émissions des autres secteurs n’ont pas été modélisées et sont représentées par défaut avec les mêmes valeurs qu’en 2019
pour toutes les autres années dans tous les graphiques suivants.
772
L’analyse environnementale . 12
Pour tous les polluants, l’analyse met en évidence u Pour les NOx : baisse d’environ 55 % entre
qu’une très forte baisse des émissions doit être 2019 et 2030 (et de 65 % entre 2019 et 2050).
atteinte à l’horizon 2030 si les politiques publiques u Pour le SO2 : baisse d’environ 45 % entre
annoncées produisent leurs effets. L’évolution serait 2019 et 2030 (et de 55 % entre 2019 et 2050).
plus limitée au-delà.
u Pour les PM : baisse d’environ 30 % En effet, les transformations anticipées à l’horizon
2.5
entre 2019 et 2030 (et de 40 % entre 2019 et 2030, en matière d’électrification mais également
2050) sur le renouvellement des équipements (parc de
Figure 12.79 Sources des émissions directes de polluants de 2000 à 2019, puis en projection jusqu’en 2050
350 1 800
1 600
300
1 400
250
1 200
936
kt PM2.5
kt NOx
200 1 000
150
150 800 585
600
100 58
55 400 410
34 29 19
50
200 98 51 52
0 0
2000 2010 2019 2030 2040 2050 2000 2010 2019 2030 2040 2050
700 1 800
1 600
600
1 400 Combustion
178
500 dans l’industrie
1 200 Transports
kt COVnm
369 routiers
kt SO2
400 1 000
Chauffage
800 (résidentiel,
300
tertiaire, urbain)
188
91 600 Production
200 108 72 63
400 41 d’électricité
Autres
100 15 12 9
53 200 Non modélisé
• Objectif national
0 0 2030
2000 2010 2019 2030 2040 2050 2000 2010 2019 2030 2040 2050
Les réductions d’émissions projetées dans les Ces dispositifs, qui équipent un grand nombre de
graphiques présentés ci-avant s’expliquent par résidences aujourd’hui sont en effet à l’origine
de multiples évolutions des secteurs résidentiel, de la grande majorité des émissions de PM2.5.
tertiaire, industriel et des transports. De manière Les équipements les plus performants (notam-
générale, le principal enjeu sur l’évolution de la ment les chaudières à bois) sont nettement moins
pollution atmosphérique porte sur le remplace- contributeurs aux émissions de particules fines.
ment d’équipements anciens et peu performants : En conséquence, la diminution des émissions de
disparition ou remplacement des véhicules diesel polluants associée au chauffage résidentiel est
et essence les plus anciens pour la réduction des compatible avec une croissance de la part du bois
NOx, des chauffages au bois en foyers ouverts/ comme source de chauffage principal, dès lors que
foyers fermés anciens et peu performants pour la cette croissance passe par des équipements per-
réduction des PM2.5 et des équipements industriels formants et que, dans le même temps, l’utilisa-
les moins performants d’un point de vue environ- tion des équipements les plus émetteurs comme
nemental pour la réduction du SO2. les foyers ouverts se réduit progressivement. Les
actions d’électrification dans le chauffage résiden-
Dans ce cadre, l’électrification des usages tiel et tertiaire n’auront quant à elles qu’un effet
constitue l’une des solutions contribuant de marginal sur les émissions de PM2.5 dans la mesure
manière significative au remplacement de où le développement du chauffage électrique se
ces équipements les plus anciens et donc à la fera essentiellement en substitution aux énergies
diminution des émissions de polluants atmos- fossiles plutôt que pour remplacer du chauffage au
phériques qui en découle. bois.
Dans le détail, la part des effets de l’électrification Cette stratégie, intégrée dans la trajectoire de
dans les baisses d’émissions évaluées diffèrent référence des Futurs énergétiques 2050, présente
selon les polluants. toutefois des incertitudes. En effet, la Stratégie
Nationale Bas-Carbone étant concentrée sur l’ob-
Pour les PM2.5, le principal levier de réduction jectif de réduction des émissions de gaz à effet de
repose sur l’évolution du chauffage au bois serre, elle vise essentiellement le remplacement
résidentiel et en particulier la réduction du des chaudières à source d’énergie fossile et la
nombre de foyers ouverts ou de foyers fer- réduction de la consommation mais ne traite pas la
més anciens, notamment utilisés en chauf- question des chauffages aux bois peu performants
fage d’appoint ou en chauffage d’agrément. ou en foyers ouverts. Le Ministère de la Transition
774
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.80 Facteurs d’évolution des émissions de PM2.5, NOx et SO2 entre 2019 et 2030
140
120 +5 -5
-15
100
79
kt PM2.5
80
60 45
40
20 Non
modélisé
0
2019 Effet volume Électrification Autres baisses 2030
800
+23
700
-136
600
500
-180
kt NOx
578
400
300
187
200
100 Non
modélisé
0
2019 Effet volume Électrification Autres baisses 2030
120
+6 missions modélisées
É
100 -9 Autres
Évolution de la production
-20 d’électricité
80 Électrification du chauffage
Électrification des véhicules
-22
kt SO2
70 Électrification de l’industrie
60 Baisse liée au recyclage,
à l’efficacité énergétique et à
22 la baisse des VLE dans l’industrie
40 Baisse liée au renouvellement
du parc de véhicules thermiques
20 Baisse liée au renouvellement
Non du parc chauffage bois
modélisé
Autres actions
0 • Objectif national 2030
2019 Effet volume Électrification Autres baisses 2030
Dans le cadre des nouveaux objectifs de réduc- de nombreux usages, notamment dans la mobi-
tion des émissions de gaz à effet de serre fixés lité électrique mais également dans l’industrie et
par le Pacte vert européen (-55 % net en 2030), le le bâtiment. En particulier, l’accélération du déve-
déploiement de nombreux leviers de décarbona- loppement des véhicules électriques intégrée dans
tion comme l’électrification des usages devra être cette trajectoire s’inscrit en cohérence avec un pro-
accéléré. longement de la dynamique enclenchée en 2020-
2021 sur les ventes de véhicules électriques neufs
Cette perspective est étudiée dans la variante (qui représentent désormais près de 15 à 20 % des
de consommation « accélération 2030 » qui pré- immatriculations) et avec le nouvel objectif euro-
voit une accélération du rythme d’électrification péen sur la fin de la vente de véhicules thermiques
776
L’analyse environnementale . 12
neufs à l’horizon 2035. Dans cette configuration, à trajectoire « accélération 2030 » consiste en un
l’horizon 2030, le nombre de véhicules électriques plus fort développement du véhicule électrique
en France atteint 13 millions d’unités contre 7 mil- plutôt qu’un renouvellement par des véhicules
lions dans la trajectoire de référence. thermiques aux normes plus strictes (en antici-
pant également l’arrivée de nouvelles normes
Cette accélération de l’électrification, en suivant l’amélioration tendancielle de l’efficacité
particulier dans les transports, contribue à énergétique) en 2030. Ainsi, l’effet supplémen-
diminuer encore les émissions de polluants taire de l’électrification des véhicules est réduit
atmosphériques à l’horizon 2030. lorsqu’il est évalué par rapport à une situation
future dans laquelle les normes des véhicules
Ainsi, dans la variante « accélération 2030 », une ont déjà été améliorées et non par rapport à une
réduction supplémentaire des émissions de NOx situation actuelle (avec un nombre important de
de près de 20 kt pourrait être atteinte à l’horizon véhicules anciens et fortement émetteurs).
2030, ce qui représente environ 5 % du niveau
d’émissions du transport routier en 2019. Cette Ainsi, la transition vers l’électricité (véhicules élec-
réduction de pollution atmosphérique pourrait être triques, hybrides rechargeables voire hydrogène)
légèrement accrue en ciblant le remplacement d’ici 2030, contribuera non seulement à participer
des véhicules diesel, responsables aujourd’hui de à l’effort accru de décarbonation de l’économie
96 % des émissions de NOx. prévu par le nouvel objectif climatique du pacte
vert européen, mais elle aura également un effet
Cet écart est plus limité que dans l’analyse du dif- positif sur la diminution de polluants atmosphé-
férentiel entre le point 2030 de la trajectoire de riques et donc sur la santé humaine (bien que
référence et le point 2019 (-76 %) pour les trans- cet effet soit limité si les véhicules électriques se
ports routiers. Ceci s’explique par le fait que la substituent à des véhicules diesel ou essence aux
différence entre la trajectoire de référence et la meilleures normes).
Figure 12.81 Baisse des émissions de NOx dans le transport routier à l’horizon 2030 dans le scénario de référence
et dans le scénario « accélération 2030 »
450
400
350
300
En kt NOx
250
200 410
150
100
Émissions nationales
50 du transport routier
98 82 Électrification
0 Autres
2019 2030 - 2030 -
trajectoire de référence accélération
Figure 12.82 Évolution des émissions de SO2 et zoom sur les émissions de la production d’électricité selon le type de
combustible utilisé
700 2,5
2,0
600
1,5
kt SO2
500 1,0
0,5
400
kt SO2
0,0
2019 2030 2040 2050
300
118 Gaz Charbon Fioul Déchets Biomasse
200
778
L’analyse environnementale . 12
Allemagne en 2019, les émissions de SO2 issues de de la SNBC, sans développement massif de
la production d’électricité et des réseaux de c haleur l’utilisation de la biomasse pour la production
représentaient un tiers des émissions nationales107 d’électricité).
de SO2 (soit 99 kt), principalement en lien avec les
centrales au charbon. Les baisses d’émissions de polluants liées à
la production électrique sont donc pratique-
Sur les prochaines décennies, ces émissions vont ment identiques pour tous les mix de produc-
encore diminuer avec l’arrêt progressif des der- tion du scénario de référence. Les émissions de
nières centrales fonctionnant au charbon et au polluants pourraient être légèrement plus élevées
fioul, ainsi que la réduction progressive de l’utili- dans les scénarios à haute part d’énergies renou-
sation du méthane pour la production d’électricité. velables si leur bouclage en flexibilité était assuré
En 2050, les émissions résiduelles concernent par des centrales thermiques fonctionnant au bio-
uniquement la combustion de biomasse, de gaz méthane ou au gaz fossile108, mais ces différences
décarboné et de déchets, qui représentent une entre scénarios resteraient toutefois marginales à
part minime du mix électrique dans tous les scé- l’échelle des volumes nationaux.
narios (socle résiduel reprenant les orientations
107.
Émissions de polluants atmosphériques | Agence fédérale de l’environnement (umweltbundesamt.de)
108. Il convient de noter qu’en l’absence de données fiables, les émissions de centrales fonctionnant à l’hydrogène ont été considérées comme nulles.
109.
Données SECTEN 2019 (CITEPA)
110.
Calculs RTE d’après Le bois énergie et la qualité de l’air, ADEME et Flamme Verte, dossier de presse 2015
111.
ADEME, étude sur le chauffage domestique au bois, août 2018
112.
Suivi du marché 2019 des appareils domestiques de chauffage au bois, données Observ’er, juillet 2020
780
L’analyse environnementale . 12
12.6.4.2.2 D’ici 2050, les émissions de À l’inverse, d’autres facteurs devraient contribuer à
PM2.5 du chauffage diminueront grâce au baisser fortement les émissions de PM2.5 du chauf-
renouvellement des appareils individuels fage au bois domestique et feront plus que com-
au bois par des modèles plus performants penser les effets haussiers mentionnés ci-dessus.
et grâce à la diminution de l’utilisation du L’enjeu majeur dans les années futures por-
bois en chauffage d’appoint ou d’agrément tera sur la baisse de l’utilisation du bois en
À l’horizon 2050, les émissions de PM2.5 issues du tant que chauffage d’appoint ou d’agrément et
chauffage devraient diminuer de deux tiers à l’hori- le renouvellement progressif des appareils de
zon 2050, du fait de différents effets antagonistes. chauffage au bois. En effet, le chauffage d’agré-
ment (constitué notamment des foyers ouverts)
Deux facteurs contribueront à la hausse des émis- présente souvent les plus mauvaises performances
sions : l’augmentation du nombre total de loge- environnementales du parc113.
ments ainsi que l’augmentation de la part de
logements chauffés au bois (en tant que source Ces évolutions contribueraient en outre à maximi-
de chauffage principal), pour suivre les orienta- ser le service rendu par le chauffage au bois dans
tions de la SNBC et les nouvelles réglementations un contexte où le volume de biomasse est limité.
du bâtiment en vue de décarboner le chauffage. L’hypothèse retenue dans les modélisations suppose
Toutefois, le déploiement de nouveaux chauffages ainsi une forte baisse de la consommation du bois
au bois s’accompagnera de normes exigeantes sur comme chauffage d’appoint ou d’agrément (alors
la performance énergétique (efficacité des équipe- qu’il représente aujourd’hui de l’ordre de 50 % de la
ments et isolation du bâti) et sur le taux d’émissions consommation de bois de chauffage).
de particules, ce qui devrait limiter l’augmentation
des émissions de particules liées à ces nouvelles Enfin, le remplacement progressif du parc de chauf-
installations. fage individuel (amélioration du rendement et de
Figure 12.84 Facteurs de diminution des émissions de PM2.5 du chauffage entre 2019 et 2050
70
60 +9 -11 +16
50 -4
-31
en kt PM2.5
40
30
55 -15
20
10 19
0
2019 Effet Performance Rénovation Transfert vers Diminution Remplacement 2050
volume énergétique de des bâtiments le bois en chauffage des appareils
la construction chauffage d'appoint et de chauffage
neuve principal d'agrément au bois
au bois
113.
ADEME, étude sur le chauffage domestique au bois, août 2018
12.6.4.3.1 Malgré une forte baisse COVnm ou encore des phénomènes d’abrasion
constatée depuis 30 ans, les transports (freins, pneus, route) pour les PM2.5.
routiers restent un contributeur majeur
aux émissions de NOx et représentent Au cours des dernières décennies, les normes Euro
aussi une part non négligeable de progressivement introduites sur tous les véhicules
particules fines neufs de l’Union européenne depuis les années
Les émissions du transport routier sont issues 1990 ainsi que des directives sur les teneurs en
de la combustion des carburants pour les quatre soufre du diesel et de l’essence ont permis d’abais-
polluants considérés dans l’étude, et plus spéci- ser largement les émissions des différents pol-
fiquement de l’évaporation de l’essence pour les luants. Les normes Euro ont ainsi progressivement
Figure 12.85 Valeurs limite en gramme par kilowatt-heure (g/kWh) des NOx et des particules pour les poids lourds,
bus et cars (source Ministère de la Transition écologique)
114.
Voir les données de la base OMINEA du CITEPA
782
L’analyse environnementale . 12
115.
Afin d’obtenir la répartition prospective des véhicules selon les différentes normes Euro, RTE s’est basé sur les projections jusqu’en 2050 de l’IFSTTAR
(Institut français des sciences et technologies, des transports, de l’aménagement et des réseaux). Cette projection estime par exemple qu’il n’y aura plus
de véhicules particuliers diesel roulants avec des normes Euro inférieures à la norme 3 en 2030 et uniquement des véhicules thermiques roulants avec
les dernières normes (norme 6) en 2050. Par ailleurs, la modélisation réalisée anticipe également l’arrivée de nouvelles normes en suivant l’amélioration
tendancielle de l’efficacité énergétique, qui tend à limiter les émissions de polluants atmosphériques.
500
+16 -8
400
-159
300
en kt NOx
200
410
-208
100
52
0
2019 Évolution de Report modal Électrification Renouvellement 2050
la demande du parc
En 2050, les émissions seront nettement réduites l’essentiel des émissions résiduelles seront liées à
par rapport à aujourd’hui et ne représenteront des poids lourds roulant au biométhane (bio-GNV),
plus qu’un dixième des émissions de 2019. Alors la part de véhicules roulant au diesel étant alors
qu’en 2019, 96 % des NOx sont émis par des véhi- quasi nulle.
cules diesel, à l’horizon de la neutralité carbone,
Figure 12.87 Émissions de NOx dans le transport routier par type d’énergie
450
400
350
300
GPL
250 Gaz
kt NOx
Diesel
200 395 Hybride rechargeable
Essence
150
100
784
L’analyse environnementale . 12
(surtout pour les véhicules diesel), voire dis- Source : données CITEPA
paraissent quasiment à partir de 2040 avec la
sortie des énergies fossiles et en particulier du
diesel ;
u les émissions de PM liées à l’abrasion (i.e. émis-
2.5
sions issues de phénomènes de frottement et batteries pourraient avoir tendance à émettre
d’usure liés aux pneus, freins et aux routes116) plus de particules fines lors du freinage117 que
restent en revanche stables, voire pourraient les véhicules thermiques. Les émissions de PM2.5
augmenter avec le poids des véhicules. En effet, liées à l’abrasion représenteront à long terme
les voitures électriques du fait du poids des l’essentiel des é
missions de PM2.5.
20
15
Baisse de 50%, dont la moitié liée à l’électrification
et l’autre moitié au renouvellement du parc
kt PM2.5
10
Abrasion
5 Combustion -
autre énergie
(essence, gaz, GPL)
Combustion -
0 moteur diesel
2019 2030 2040 2050
116.
Données CITEPA
117.
Non-exhaust Particulate Emissions from Road Transport, An Ignored Environmental Policy Challenge, rapport de l’OCDE, 2020
12.6.4.4.1 Malgré une forte baisse constatée Les émissions liées aux activités de com-
depuis 30 ans, la combustion dans le secteur bustion de l’industrie ont considérablement
industriel reste un contributeur majeur diminué depuis les années 1990 : -61 % de
aux émissions de SO2 PM2.5, -58 % de NOx, -87 % de SO2, et -65 % de
Les émissions de polluants de l’industrie manufac- COVnm. La baisse observée s’explique par l’évolu-
turière proviennent essentiellement de l’utilisation tion du mix énergétique (utilisation croissante du
d’énergie (combustion dans les chaudières, tur- gaz naturel), la réduction de la teneur en soufre
bines, moteurs et fours), mais aussi de réactions de certains produits pétroliers, en particulier le
chimiques ou mécaniques qu’impliquent certains fioul lourd et le fioul domestique, la mise en place
procédés industriels. de réglementations contraignantes (directive IED)
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20% Procédés
Fours spécifiques
10% Combustion
0% dans chaudière
PM2.5 NOX SO2 COVnm
118.
Non-exhaust Particulate Emissions from Road Transport, An Ignored Environmental Policy Challenge, rapport de l’OCDE, 2020
786
L’analyse environnementale . 12
Figure 12.91 Facteurs d’évolution des émissions de SO2 liées à la combustion dans l’industrie
70
40
de cette baisse en supposant que les secteurs
-28 serait atteinte
industriels qui restent difficiles
grâce à
30 l'efficacité à décarboner seraient toujours
53 énergétique alimentés par des combus-
tibles fossiles.
20
-13
10 +3
12
9
0
Émissions Effet Effet Recylclage Électrification Baisse Émissions Effet Émissions 2050
2019 volume structure des VLE 2050 réindustrialisation scénario
profonde ”réindustrialisation
profonde”
*B
aisse des VLE = baisse des valeurs limites d’émission (leur baisse est liée à des normes environnementales de plus en plus
contraignantes via les Directives IED et MCP)
788
L’analyse environnementale . 12
L’ANALYSE SOCIÉTALE :
REPRÉSENTER LES DYNAMIQUES SOCIÉTALES
DE LA TRANSITION ET LEURS IMPLICATIONS
SUR LES MODES DE VIE
792
L’analyse sociétale . 13
12
Durant les années 1970-1980, les politiques Ce changement de contexte modifie les termes
publiques sur l’offre et la demande d’énergie en du débat sur l’évolution du système énergétique.
France avaient pour objectif principal de favoriser À titre d’exemple, les discussions intervenues au
l’indépendance énergétique, notamment en réac- cours des deux ans de concertation menée par RTE
tion aux chocs pétroliers successifs. Ainsi le lance- autour de l’étude Futurs énergétiques 2050 ont fait
ment du programme électronucléaire de seconde émerger un débat très intense sur l’efficacité et
génération a-t-il été motivé par un souhait d’in- l’efficience des politiques sur l’offre et la demande
dépendance énergétique et de compétitivité de d’énergie pour atteindre les objectifs de décarbo-
l’économie française. Cependant, les mesures nation. À l’inverse, la problématique de la diver-
déployées à cette époque ont également visé la sification des sources de production d’énergie,
demande d’énergie, avec en particulier l’apparition très présente dans le débat au début des années
des premières réglementations thermiques des 2010, a été beaucoup moins centrale que plusieurs
bâtiments. années auparavant.
L’ensemble de ces mesures a conduit à une trans- Ces nouveaux objectifs de lutte contre le change-
formation significative du paysage énergétique ment climatique, qui découlent notamment de l’ac-
français au cours des années 1980 et du début des cord de Paris de 2015, impliquent de prendre des
années 1990. décisions structurantes concernant le mix énergé-
tique dans les années à venir. Du fait des délais
À partir de la fin du XXe siècle, et face aux alertes inhérents à la mise en œuvre de mesures sur la
concernant l’urgence climatique (conférence de consommation et la production d’énergie ou à la
Rio en 1992), les politiques énergétiques ont évo- construction de nouvelles infrastructures, le sys-
lué et sont devenues – sur le plan des objectifs tème énergétique des trente prochaines années se
sinon des faits – déterminées de manière crois- décide en grande partie dès maintenant.
sante par l’enjeu de la lutte contre le changement
climatique et de réduction des émissions de gaz à Dans le même temps, au cours des dernières
effet de serre. Ce nouveau contexte comporte des décennies, les débats sur l’évolution du sys-
ambitions communes avec celles poursuivies par le tème énergétique ont fait émerger un souhait
passé, dont l’objectif de réduction progressive de des citoyens d’être plus largement impliqués
l’utilisation des énergies fossiles. dans les choix de transition1, en soulignant la
nécessité de prendre en compte les impacts
La finalité des objectifs de transition énergé- sociétaux à toutes les échelles au-delà des
tique a ainsi changé de nature. Si la question arbitrages technico-économiques. La volonté
de la protection du climat et de l’environne- de participation aux décisions en matière de tran-
ment a toujours été présente dans les débats sition énergétique s’accompagne également d’une
portant sur l’énergie et dans certaines oppo- forte demande de justice sociale. Ces éléments
sitions à des grands projets, elle consti- sont désormais intégrés dans la réflexion sur la
tue désormais le fondement des politiques construction des politiques publiques par des orga-
énergétiques. nismes internationaux comme l’OCDE2.
1. Qui s’est exprimé par exemple en France à travers des tribunes comme celle portée par dix associations « Pour un débat démocratique sur nos choix
énergétiques » (L’Obs, 30 novembre 2021), par une volonté de concertation plus large sur l’éolien, ou dans les pays voisins par des référendums d’initiative
populaire concernant les choix énergétiques (Suisse, Italie). On peut également mentionner la recommandation récente de la CNDP en ce qui concerne le
débat public sur le nucléaire.
2. Par exemple, voir « The inequalities-environment nexus. Towards a people-centred green transition ». OECD green growth papers, mars 2021.
794
L’analyse sociétale . 13
12
13.1.3 La consommation : tous les scénarios sont marqués par une forte maîtrise
de la demande en énergie ainsi que par des transferts d’usages, qui reposent sur
de nombreux choix individuels et collectifs (investissements, modes de vie…)
Les projections de consommation d’électricité sur déploiement d’équipements ou des travaux spéci-
lesquelles se fondent les Futurs énergétiques 2050 fiques chez les particuliers et dans les entreprises,
mettent en évidence plusieurs ruptures en vue tandis que la sobriété implique un engagement
d’atteindre la neutralité carbone. fort de l’ensemble des acteurs dans de nouveaux
modes de vie et de consommation d’énergie.
D’une part, il s’agit de baisser la consommation
d’énergie totale de 40 % d’ici 2050 – soit l’objectif Différents leviers doivent être mobilisés pour y
poursuivi par la SNBC. Cette trajectoire a suscité parvenir. Les politiques publiques en matière de
des débats lors de la concertation, et elle en sus- maîtrise de la demande, historiquement centrées
cite toujours aujourd’hui dans le débat public. Une sur la réglementation des bâtiments (première
baisse de cette ampleur ne peut être atteinte que réglementation thermique dès 1974) et l’efficacité
via un net renforcement des actions d’efficacité dans l’industrie, se sont progressivement élargies
énergétique dans tous les secteurs de l’économie, avec par exemple une plus grande sensibilisation
en s’appuyant sur les trois leviers mentionnés au et information des consommateurs. La sensibi-
chapitre 3 : performance énergétique des équipe- lisation et les incitations économiques envoyées
ments ménagers et des procédés industriels, isola- aux consommateurs ne peuvent toutefois suffire
tion des logements, et remplacement des moteurs pour produire un impact significatif sur la demande
ou chaudières fonctionnant avec des énergies fos- d’énergie et sont en outre parfois vécues comme
siles par des équipements électriques à meilleur des injustices sociales, comme l’a montrée la crise
rendement (voiture électrique, pompe à chaleur). des gilets jaunes en France. Les analyses mettent
ainsi l’accent sur le triptyque sensibilisation/
La sobriété énergétique peut également permettre incitation/obligation3 :
d’aller au-delà de l’objectif de -40 % de consom- u des actions accrues de sensibilisation et d’in-
mation d’énergie finale et/ou d’y parvenir plus formation des consommateurs, en lien avec les
rapidement, en s’appuyant sur une organisation thèmes du changement climatique et de la pro-
repensée des liens entre société et consommation tection de l’environnement ;
d’énergie. u des subventions et incitations économiques
(par exemple : aides à la rénovation, primes à
D’autre part, il convient de remplacer l’utilisation la conversion, aides à la formation à certains
d’énergies fossiles par des énergies bas-carbone, métiers dans l’efficacité énergétique…) ;
au travers de transferts d’usages. Les équipements u ou encore des mesures législatives et régle-
fonctionnant à l’électricité sont amenés à prendre mentaires contraignantes (par exemple : régle-
une place croissante dans l’économie française. mentation environnementale des bâtiments,
étiquettes énergétiques, taxes, etc.).
De telles évolutions de la consommation
énergétique passent dans tous les cas par Les dynamiques et enjeux peuvent être de nature
des décisions politiques majeures et par une différente selon les transformations envisa-
implication des ménages et entreprises dans gées (efficacité énergétique, sobriété, transferts
cette transition. Les actions d’efficacité énergé- d’usages vers l’électricité).
tique et de transferts d’usages nécessitent ainsi un
3. aresca Maresca, B., Picard, R., & Dujin, A. (2009). La consommation d’énergie dans l’habitat entre recherche de confort et impératif écologique. CREDOC,
M
Cahier de recherche, 264. https://www.credoc.fr/download/pdf/Rech/C264.pdf
2 000
1 800
1 600
1 400
1 200
TWh
1 000
800
600
400
Énergies fossiles
200 Énergie décarbonée
hors électricité
0 Electricité
1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050
Projections
796
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Dans la trajectoire de référence des Futurs éner- du bâti. Les Futurs énergétiques 2050 prévoient
gétiques 2050, le potentiel d’efficacité énergétique ainsi, dans la trajectoire de référence, un double-
est fortement mobilisé, alors même que des déca- ment du rythme annuel de rénovation, qui doit
lages sont aujourd’hui constatés entre les ambi- passer d’environ 400 000 rénovations aujourd’hui
tions d’efficacité énergétique et la réalité de son à 700 000 à 800 000 sur la période 2030-2050,
rythme de déploiement, notamment dans le sec- ainsi qu’une hausse de la performance de ces
teur de la rénovation des bâtiments. rénovations.
En effet, si l’efficacité énergétique des équipements Au-delà des mesures pouvant être mises en œuvre
électroménagers ou des véhicules particuliers peut par les individus à leur échelle, ces derniers ont
être améliorée via le renouvellement tendanciel des besoin de dispositifs collectifs en appui à leur
équipements (durée de vie de quelques années à action permettant de dépasser un certain nombre
quelques dizaines d’années), elle est plus difficile- de blocages (aversion au changement, à la perte,
ment atteignable dans le secteur du bâtiment pour au risque, etc.) vis-à-vis de mesures d’efficacité.
lequel le taux de renouvellement du parc est plus Il s’avère ainsi nécessaire d’articuler des outils,
limité (de l’ordre de 1 à 2 % par an). L’amélioration des acteurs et des échelles d’action différentes
de la performance thermique des bâtiments passe pour encourager l’adhésion des individus à ces
donc nécessairement par des actions de rénovation dispositifs4.
13.1.3.2 La sobriété énergétique est un levier qui doit être envisagé bien que
sa perception dans le débat public soit très clivante
4. Martin et Gaspard, « Changer les comportements, faire évoluer les pratiques sociales vers plus de durabilité ».
La transformation du système énergétique repose autonomie limitée, peur de la panne, manque d’in-
également sur des transferts d’usages massifs vers frastructures de recharge. Ces incertitudes, même
les énergies bas-carbone (dont l’électricité), dans si elles persistent, sont moins relayées dans les
tous les secteurs de l’économie : bâtiments avec réunions de concertation et ne sont plus vues
notamment le développement des pompes à cha- comme bloquantes pour l’électrification des trans-
leur électriques, transport via le véhicule électrique ports. En outre, la part de voitures électriques dans
et le recours accru au train et aux transports en les ventes de véhicules neufs observée dans de
commun ou encore industrie. nombreux pays européens a fortement augmenté
en 2020 et 2021, y compris en France, et se rap-
Si l’électrification des procédés dans l’industrie proche de la trajectoire d’accélération de l’électrifi-
relève essentiellement de considérations techni- cation présentée dans le chapitre 35. Ces éléments
co-économiques, certains transferts d’usages (par conduisent à rassurer sur la capacité de la filière
exemple dans le domaine des transports) peuvent à enclencher le passage à l’électrique. L’ampleur
induire des changements sociétaux importants et le rythme d’accélération du développement du
tant au niveau des individus que de l’organisation véhicule électrique induit toutefois des réflexions
des modes de vie. sur l’évolution des emplois de la filière automobile
ou encore sur la capacité de financement de la
Par exemple, le rapport au véhicule individuel et transition vers la mobilité électrique de la part des
l’usage auquel il est destiné (déplacement de proxi- ménages les plus modestes.
mité versus longs trajets) pourraient se retrouver
modifiés par une éventuelle perception de limita- Enfin, d’autres usages comme le chauffage sont
tions de son autonomie. Le report modal vers le également amenés à être électrifiés en vue de
train ou les transports en commun peut influer sur l’abandon des énergies fossiles. La réglementation
les rythmes de vie des individus. Enfin, même au thermique des bâtiments neufs joue bien sûr un
niveau collectif, le développement des transports rôle important pour y parvenir, mais la trajectoire
collectifs et la diffusion des bornes de recharges impose surtout d’agir sur les bâtiments existants.
électriques peuvent conduire à repenser l’espace Les enjeux de ce secteur ont été étudiés conjoin-
public et son organisation. tement par RTE et l’ADEME dans leur rapport de
décembre 2020 : la réduction des émissions dans
Au cours des dernières années, plusieurs acteurs le secteur du bâtiment à hauteur des exigences
ont émis des doutes sur la faculté à accélérer le de la neutralité carbone ne sera rendue possible
déploiement du véhicule électrique, étant donné qu’avec des politiques publiques fortes en matière
les contraintes, ou a minima la perception des de rénovation, alliant incitations économiques et
contraintes, induites par la recharge des batteries : accompagnement des ménages et entreprises.
5. En 2021, les véhicules électriques et hybrides rechargeables ont représenté 15 % des ventres de véhicules légers en France (véhicules particuliers et
véhicules utilitaires légers) [source : AVERE, baromètre des immatriculations]. Dans la trajectoire « accélération 2030 » présentée dans le chapitre 3, la part
dans les ventes s’élève à 16 % cette année-là.
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La seconde rupture identifiée dans les Futurs éner- notamment depuis la fin de l’exploitation des
gétiques 2050 porte sur l’évolution des modes mines de charbon et des gisements de gaz naturel.
de production d’énergie et en particulier du mix L’exploitation des hydrocarbures étant invisible sur
électrique, avec des questions autour de « l’ac- le territoire, le choix du mix électrique consti-
ceptabilité » du développement des différentes tue aujourd’hui l’un des objets principaux du
technologies. débat public dans la mesure où les politiques
énergétiques ont un impact direct sur le déve-
Historiquement, au sortir de la deuxième guerre loppement des infrastructures associées.
mondiale, l’énergie a été considérée comme une
des pierres angulaires de la politique de recons- Au cours des dernières décennies, les termes du
truction menée par l’État. Le développement des débat sur la planification du mix électrique ont
infrastructures énergétiques, perçu comme facteur néanmoins fortement évolué, en suivant les trans-
de progrès, de modernisation du pays et d’aug- formations de la structure des modes de production
mentation du niveau de vie de ses habitants, a dès ainsi que l’évolution des problématiques sur l’appro
lors constitué un axe fort de la planification éco- visionnement énergétique et l’environnement.
nomique organisée par l’État via le Commissariat
général au plan, à un niveau largement centralisé. Comme évoqué précédemment, l’évolution du
système électrique a en particulier été mar-
Le système sociotechnique de l’énergie a par la quée par le développement du parc électronu-
suite fait l’objet de mutations importantes tout cléaire (et l’accélération de son développement)
au long de la fin du XXe siècle et du début du à la suite des chocs pétroliers des années 1970,
XXIe siècle, qui se sont notamment caractérisées en visant en premier lieu à renforcer l’indépen-
par l’introduction progressive de nouvelles sources dance énergétique de la France par rapport au
d’énergie dans le système existant (nucléaire, gaz pétrole. Cette phase a conduit en parallèle à la
naturel puis énergies renouvelables). décarbonation de la production d’électricité en
France, avant même que la lutte contre le chan-
En France, les débats relatifs à l’énergie se sont gement climatique ne soit au cœur des politiques
régulièrement orientés sur la question du mix publiques de l’énergie.
électrique, alors même que l’électricité ne repré-
sente encore aujourd’hui qu’une part modérée Avec le nucléaire et l’hydraulique, la France bénéfi-
de la consommation finale d’énergie (~25 %, cie ainsi de longue date d’un mix électrique large-
voir chapitre 1 pour plus de détails). Les discus- ment bas-carbone. Toutefois, les risques et impacts
sions menées dans le cadre de la concertation ont sur l’environnement associés au parc nucléaire et à
confirmé ce point d’attention spécifique concernant sa prédominance dans le mix électrique suscitent
le mix électrique, avec un clivage fort entre les dif- une opposition de la part d’une partie de la société
férentes parties prenantes. civile, depuis plusieurs décennies. Les débats
autour du nucléaire se sont ponctuellement ren-
Cette particularité peut s’expliquer par le fait que forcés, notamment au moment des accidents de
la production d’électricité constitue aujourd’hui Tchernobyl (1986) et de Fukushima (2011).
l’une des rares sources de production d’énergie pri-
maire présente sur le territoire national6 (avec le En France, ces divergences de vue sur l’énergie
bois et autres énergies renouvelables thermiques), nucléaire ont donné lieu à un débat sur la réduction
6. nR électriques et énergie nucléaire, selon la convention qui consiste à comptabiliser l’énergie nucléaire comme provenant de France (même si l’uranium
E
est importé). Les coûts d’approvisionnement en uranium ne représentent qu’une très faible part des coûts de production d’électricité.
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Une troisième rupture possible identifiée dans les tarifaire qui déclenche la recharge des ballons
Futurs énergétiques 2050 porte sur le dévelop- d’eau chaude en heures creuses. S’agissant de la
pement de la flexibilité de la demande. Comme recharge des véhicules électriques, la capacité de
détaillé au chapitre 7, l’équilibre offre-demande en pilotage dépendra fortement des comportements
électricité nécessitera à long terme le développe- des consommateurs et de leur rapport à ce nou-
ment de nombreuses solutions de flexibilité, d’au- veau type de véhicule : souhait de disposer d’une
tant que les énergies renouvelables variables sont batterie complètement chargée dès que possible
appelées à occuper une place croissante dans le ou volonté d’optimiser la recharge sur le plan éco-
mix électrique européen. Les solutions de flexibi- nomique, ou encore appétence pour la flexibilité en
lité jouent ainsi un rôle déterminant dans le fonc- vue de contribuer à l’insertion des énergies renou-
tionnement technique du système électrique à long velables, etc.
terme ainsi que dans l’analyse économique du coût
des scénarios. D’autre part, l’évolution des technologies ainsi
que des dispositions réglementaires ou tarifaires
Si pour plusieurs des solutions de flexibilité jouera un rôle déterminant dans le développement
considérées les conditions de développement de la flexibilité de la consommation électrique. En
dépendront essentiellement de considérations effet, les modalités de déploiement et d’activation
économiques (batteries, centrales à gaz…), l’es- de cette flexibilité peuvent être variées (flexibi-
sor de la flexibilité de la demande électrique lité activée via des dispositifs automatiques gérés
sera fortement influencé par l’acceptabilité par des agrégateurs spécialisés ou restant à la
des consommateurs, en particulier dans le main du consommateur, de manière quotidienne
cas de la flexibilité de la demande chez les ou seulement dans les situations de forte tension
particuliers. La flexibilité de la demande permet comme moyens exceptionnels…), de même que
de réduire le coût du système pour la collectivité, les incitations et finalités pour les consomma-
présentant également un bénéfice économique teurs (incitations économiques via un signal-prix,
pour les consommateurs, mais elle peut être per- volonté de favoriser l’autoconsommation d’une
çue comme une forme de pénurie ou de privation production renouvelable locale, volonté de contri-
par certains. Ainsi, l’acceptabilité de la flexibilité de buer à l’équilibre du système électrique et à la
la demande résidentielle à long terme présente de transition énergétique…). Les nouvelles technolo-
nombreuses incertitudes7. gies de l’information et de la communication, avec
en particulier le développement des compteurs
D’une part, le développement de la flexibilité de la communicants ou encore la domotique, consti-
consommation électrique s’inscrit dans un contexte tuent des moyens de faciliter l’accès à la flexi-
d’évolution des usages électriques, avec l’apparition bilité des usages électriques, avec toutefois des
de nouveaux usages présentant des opportunités incertitudes sur l’appropriation effective de ces
de flexibilisation comme la recharge des véhicules technologies par les usagers : celles-ci peuvent
électriques. Certains usages font l’objet d’un pilo- constituer un atout pour faciliter l’activation de la
tage permettant de valoriser la flexibilité pour le flexibilité en limitant les gestes à opérer par les
système électrique, depuis déjà de nombreuses utilisateurs mais peuvent aussi être difficilement
années : il s’agit en particulier de l’eau chaude acceptées par certains consommateurs (rejet de
sanitaire, pour laquelle l’essentiel des installa- la technologie dans l’organisation de la vie des
tions électriques fait l’objet d’un asservissement ménages).
7. u point de vue de la théorie microéconomique, la flexibilité de la demande serait acceptée si le gain économique pour le consommateur était supérieur à
D
la perte d’utilité dérivante de la modification du profil de consommation (plus un éventuel coût des équipements de pilotage).
Les dynamiques sociétales associées à l’évolu- publique) et qui ont montré des clivages assez
tion des modes de consommation et de produc- forts entre les parties prenantes :
tion couvrent finalement un champ très large de 1) L’évolution des modes de vie au prisme de la
problématiques. sobriété ;
2) L’acceptabilité des infrastructures et des tech-
Sans prétendre à restituer de manière exhaus- nologies de production d’électricité ;
tive les enjeux sociétaux associés aux différents 3) La flexibilité des usages électriques.
scénarios de transition du système énergétique
considérés, l’analyse menée dans le cadre des Sur ces différents volets, les travaux menés ont
Futurs énergétiques 2050 s’est resserrée autour consisté à analyser les ressorts des dynamiques
de trois grandes problématiques d’étude. Ces pro- sociétales sous-jacentes et à expliciter les condi-
blématiques sont celles qui ont généré le plus de tions et enjeux relatifs à chacun des scénarios
remarques au cours de la concertation (réunions considérés. Les résultats de ces travaux sont resti-
des groupes de travail et réponses à la consultation tués dans la suite du chapitre.
Modes de
Sobriété et
1 consommation
modes de vie
d’électricité
Modes de Acceptabilité
2 production des infrastructures
d’électricité et des technologies
Modes de Acceptabilité de
3 flexibilisation la flexibilité des usages
802
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13.2.1 La sobriété est désormais bien identifiée comme un levier en tant que
tel, complémentaire aux solutions technologiques, pour atteindre les objectifs
climatiques en réduisant la demande d’énergie
Le défi posé par la contrainte climatique néces- examiner d’autres leviers pour adapter la
site une transformation complète des modes de consommation aux limites physiques ou tech-
production et de consommation d’énergie. Cette niques à l’utilisation de sources d’énergie
transformation est souvent présentée sous l’angle bas-carbone, via une évolution des modes de
des solutions techniques ou technologiques à vie. Agir sur les besoins énergétiques dans le
mobiliser pour y parvenir. sens d’une plus forte sobriété des comporte-
ments y participe.
Dans le scénario de référence des Futurs énergé-
tiques 2050, la neutralité carbone est atteinte en Le débat autour des conséquences des différents
mobilisant ce type de solutions techniques et tech- scénarios de neutralité carbone sur les modes de
nologiques. C’est le cas pour réduire la demande vie a émergé largement dans la concertation sur
(efficacité énergétique dans le bâti et les équi- les Futurs énergétiques 2050, et s’est cristallisé
pements) et pour modifier la structure de l’offre autour de la notion de sobriété avec des clivages
d’énergie en substituant aux énergies fossiles des très nets.
technologies de production bas-carbone (énergies
renouvelables, nucléaire mais aussi biométhane, Les réponses à la consultation publique du prin-
biocarburants, etc.). temps 2021 ont tout particulièrement mis en évi-
dence ce clivage, avec de nombreux commentaires
Or les dynamiques considérées en matière de reçus sur les trajectoires de consommation et leur
déploiement de ces solutions sont très exigeantes, lien avec les choix de société et de politique énergé-
ce qui peut soulever des doutes quant à la capa- tique. Une partie des remarques collectées a porté
cité à les traduire en pratique. À titre d’exemple, sur la prise en compte des gisements de sobriété
l’accélération du rythme de rénovation par rapport induits par une transformation des modes de vie
aux tendances passées (présentée dans le cha- dans les trajectoires de consommation, jugés à
pitre 3), la forte accélération du développement la fois sous-estimés par certains répondants et
des énergies renouvelables et le développement surestimés par d’autres. En particulier, un nombre
de nouveaux réacteurs nucléaires (discutés dans significatif de contributeurs ont directement remis
le chapitre 4), ou encore le développement massif en question certaines hypothèses ou implications
des usages énergétiques de la biomasse prévu par des trajectoires de la SNBC sur les modes de vie
la SNBC (bois pour le chauffage, biométhane en (par exemple, interrogations sur l’acceptabilité de
substitution au gaz fossile dans le bâtiment, bio- la baisse de la température de chauffage de 1 °C
carburants pour la mobilité lourde) apparaissent dans les logements) et leur caractère désirable.
vu d’aujourd’hui comme des défis majeurs.
Il s’agit de questions lourdes, les discussions
Indépendamment de toute considération faisant systématiquement ressortir des com-
morale, il existe un risque que ces rythmes mentaires portant à la fois (i) sur les modes
ne puissent être atteints. Ceci conduit à de vie souhaitables en tant que tels et (ii) sur
Efficacité Sobriété
900
800
200
700
600 90
500
TWh
845
400
300 645 555
200
100
0
Consommation Effets de Trajectoire de Effets de la Scénario
électrique théorique l’efficacité consommation mobilisation de sobriété
en 2050, sans autre énergétique de référence des gisements
efficacité énergétique des « Futurs de sobriété
que celle induite énergétiques
par l’électrification 2050 »
des usages
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réduire la consommation des ressources (fossiles L’analyse a été conduite dans le cadre d’un
ou matérielles). Il reste à s’entendre sur la signi- scénario « sobriété » dédié en complément
fication réelle de ce terme, le détail des mesures du scénario de référence. Ce scénario a été
qu’il peut recouvrir, et les modalités pratiques de croisé avec tous les scénarios de mix et non
mise en œuvre associées. Cette analyse, fortement uniquement avec certains d’entre eux au
demandée par les participants à la concertation, nom d’une association a priori (par exemple
vise à être transparent sur les transformations entre choix des énergies renouvelables et
structurantes de la société sur lesquelles repose la sobriété, lien que la concertation n’a pas per-
sobriété, afin que celles-ci puissent être anticipées mis d’établir et qui est contesté par certains
et assumées. participants).
La sobriété est un thème clivant, et le terme même comprendre pourquoi la sobriété des uns peut
ne bénéficie pas d’une compréhension commune. différer de celle des autres. Les diverses compré-
Il s’ensuit que débattre de la sobriété expose hensions de la notion de sobriété convergent vers
fréquemment à des réactions extrêmes. Parmi l’idée d’une modération organisée des recours aux
celles-ci figure la mobilisation du registre de la ressources pour éviter la « surconsommation »
décroissance, du retour à la bougie ou au Moyen- mais divergent en revanche sur ce qu’il convient
Âge par ceux qui refusent le principe de ce type de qualifier de sobre ou non, dans un monde où les
d’approche. À l’opposé, des visions très positives besoins, les envies, les contraintes des individus
voire iréniques de la « société sobre » ont parfois sont différentes.
été exposées, avec une grande difficulté à aborder
les conditions concrètes associées. Ces postures La notion de sobriété est présente dans la stratégie
rendent le débat difficile, et ne favorisent pas une française pour l’énergie et le climat (SFEC). Dans
discussion sereine au niveau collectif concernant la SNBC, la sobriété est définie de façon succincte :
les orientations à prendre pour réaliser la transi- « [Elle] consiste à consommer avec modération les
tion énergétique. biens et services à forts impacts environnemen-
taux (typiquement réduire sa température de
Premièrement, ce manque de consensus autour chauffage) » et se décline de plusieurs manières :
d’une définition partagée de la sobriété via des écogestes, de la sensibilisation des usagers
conduit à une confusion courante avec la ainsi que de l’éducation des citoyens.
notion d’efficacité énergétique, laquelle cor-
respond à la diminution de consommations Dans le débat français actuel, certaines institu-
énergétiques permise par un dispositif tech- tions issues de la société civile (telles que Virage
nique pour un service rendu équivalent. Énergie, négaWatt, Le Labo de l’économie sociale
et solidaire) ont joué un rôle majeur dans la pro-
Dans le débat public, les deux notions sont sou- motion du concept de sobriété en cherchant à lui
vent regroupées derrière l’objectif apparemment donner un statut directeur dans la discussion sur
consensuel de réduction des consommations l’énergie et le climat. Les scénarios de l’association
d’énergie. Ainsi, de nombreux discours appelant à négaWatt sont ainsi construits autour de la notion
la sobriété dans le secteur du bâtiment proposent de sobriété et ont fait beaucoup pour populariser
généralement d’y parvenir en isolant mieux les cette notion.
logements, ce qui relève du domaine de l’efficacité
énergétique (un logement mieux isolé permet de L’ADEME a publié en 2019 un « Panorama de la
consommer moins à niveau de confort équivalent) sobriété » et construit largement ses récents scé-
et non de celui de la sobriété (qui impliquerait de narios autour de la notion. Elle définit la sobriété
se chauffer moins, ou de disposer de moins d’ap- comme relevant de « démarches multiples, dont
pareils électroménagers individuels). le dénominateur commun est une recherche de
« moins », de modération des biens et des ser-
Deuxièmement, une fois les deux notions d’effica- vices produits et consommés, tout en recherchant
cité et de sobriété bien séparées, cette dernière un « mieux », notamment une augmentation de
demeure parfois difficile à caractériser. la qualité de vie et du bien-être – où le « mieux »
et le « moins » sont des notions relatives ». Cette
Sur le plan de l’histoire des idées, la notion de définition expose bien toute la difficulté
sobriété peut se rattacher à des traditions phi- qui entoure le concept de sobriété : en ne
losophiques, morales et religieuses différentes « fixant » pas de manière précise ce qui est
et donner lieu à une large gamme de lectures. entendu par « moins » et « mieux », elle laisse
Cette diversité d’origines et d’intérêts permet de ces notions à l’interprétation de chacun.
806
L’analyse sociétale . 13
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Pour certains économistes, cette recherche du Cet exemple souligne, enfin, la dimension morale
« mieux » par la sobriété peut être vue comme du concept de sobriété. Ces liens peuvent ren-
utopique, dans la mesure où en cherchant une voyer à des traditions de philosophies anciennes –
rupture avec l’équilibre économique tendanciel, la sobriété peut ainsi être associée à la notion de
elle ne peut qu’aboutir à une diminution de l’uti- vertu développée dans la philosophie antique, au
lité collective. Selon ce point de vue, les bénéfices souci de tempérance dans la recherche d’excel-
de la sobriété pour la collectivité doivent être mis lence. Mais cette définition la positionne comme
en regard de la perte d’utilité qui dériverait des une démarche individuelle, alors que la mise en
changements de modes de vie. D’autres à l’inverse débat récente de la notion tend au contraire à en
voient dans la sobriété une manière de favoriser le faire un projet collectif résultant d’un choix de
réalignement de l’intérêt individuel et collectif en société, bien que la question de la morale indi-
générant des externalités positives qui ne seraient viduelle et/ou collective fasse l’objet de contro-
sinon pas valorisées par le système économique verses structurelles en philosophie, anthropologie
actuel. et sociologie.
La notion de sobriété est souvent associée, dans Cette dimension morale est peu mise en avant
les discours, à d’autres revendications. Ainsi en dans les discours publics ou politiques sur la
est-il des questions de justice et d’équité, considé- sobriété, qui se réfèrent la plupart du temps à l’ac-
rées aujourd’hui comme centrales dans la réflexion tion de l’État (souvent pour lui reprocher de ne pas
sur les politiques publiques. Sur le plan théorique, mener de politique de sobriété). Pourtant, même si
l’ambiguïté autour du « moins » ne doit pas conduire la puissance publique a un rôle important à jouer
à l’écueil consistant à vouloir limiter uniquement pour coordonner les actions et rendre possible des
la consommation « des autres », ni de celles des « choix sobres », viser une société sobre implique
citoyens déjà fortement contraints et aujourd’hui un travail de nature philosophique permettant
en situation de précarité énergétique. Sur le plan d’assumer une inversion par rapport à la tendance
pratique, il est néanmoins difficile d’imaginer la passée à l’accumulation de biens matériels.
façon de « répartir la sobriété » entre les citoyens
(voir paragraphe 13.2.4 ci-dessous).
Clarifier le contenu opérationnel de la notion de ménages les plus modestes étant ceux dont les
sobriété et envisager ses modalités concrètes de dépenses énergétiques contraintes sont les plus
déploiement apparaît une façon de sortir de cer- élevées en proportion de leurs revenus).
taines des ambiguïtés présentées dans la section
précédente. Entre ces deux archétypes, par essence sché-
matique, plusieurs leviers d’action apparaissent
De manière schématique, deux catégories de possibles pour favoriser la réduction de la consom-
sobriété peuvent être distinguées : mation d’énergie : information et pédagogie auprès
u D’un côté, une sobriété qui reposerait des consommateurs, développement d’infrastruc-
essentiellement sur des changements tures favorisant des modes de consommation plus
volontaires initiés par les citoyens à sobres, etc.
l’échelle individuelle ou collective (par
exemple autour de communautés partageant la Dans le cadre de la concertation, de nombreux parti-
volonté de s’engager dans un nouveau mode de cipants ont plaidé pour ne pas restreindre la sobriété
vie sobre). Cette évolution est alors par défini- à un changement des comportements individuels
tion « choisie » et se met en place via de nou- mais plutôt à penser l’évolution des modes de vie
velles normes sociales et la volonté de petits à plusieurs échelles. En effet, les comportements
groupes. L’effet de ces actions sur la consom- et pratiques énergétiques individuelles sont plus
mation d’énergie globale peut être important ou moins contraints ou encouragés par un contexte
si ces nouveaux modes de vie sont adoptés à socio-économique, culturel ou matériel donné. Par
l’échelle de l’ensemble de la société, mais limité exemple, l’adoption du vélo suppose un changement
si une partie voire une majorité de la population de comportement individuel, qui a une incidence sur
y demeure hostile. les modes de vie à une grande échelle (moyen et
u De l’autre, une sobriété où les modes de temps de transport...) mais présuppose aussi la mise
vie évolueraient par la contrainte, par en œuvre de politiques publiques en faveur du vélo
exemple via des réglementations s’appli- (aide à l’achat, vélos en libre services, aménage-
quant aux individus et aux organisations. ments cyclables, indemnité kilométrique...).
La sobriété est alors le résultat d’obligations
délibérées, dans le cadre collectif. Un sys- Malgré cela, envisager la façon dont la société pour-
tème de prix intégrant des incitations fortes rait passer de son état actuel à une situation de plus
peut également s’apparenter à une contrainte, forte sobriété soulève des questions lourdes.
en particulier pour une partie de la population
qui pourrait se retrouver dans une condition D’une part, il apparaît que la question économique
de « sobriété subie ». Les questions de justice est traitée de manière paradoxale dans le débat sur
sociale ne s’appréhendent pas de la même la sobriété. La théorie économique prévoit en effet
façon selon le cadre choisi : dans le cas où l’in- que le niveau optimal de bien-être est déterminé
citation à la sobriété résulte d’un mécanisme par chacun face au système de prix. Si ces derniers
de marché exposant les acteurs économiques intègrent correctement les externalités – ce qui est
au prix de l’énergie associé à une tarification possible en ce qui concerne les émissions par une
du carbone reflétant son coût social, les indivi- tarification carbone adaptée8 –, le niveau effectif
dus demeurent libres d’arbitrer sur la façon de de sobriété varie selon les personnes concernées et
réduire leur budget carbone mais potentielle- résulte de l’optimisation économique propre à cha-
ment au prix du creusement des inégalités (les cun. Dans cette vision, le curseur est déplacé vers
8. a sobriété est susceptible d’apporter des bénéfices vis-à-vis d’autres externalités que celles climatiques (pollution, biodiversité…) qui mériteraient
L
également d’être reflétées dans les prix pour guider les choix des consommateurs.
808
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la sobriété si (i) le prix des externalités est élevé, L’alternative au système de prix consiste à recourir
(ii) le coût de l’énergie est élevé, (iii) les consomma- à la prescription. La norme est déjà un outil très
teurs sont suffisamment bien informés quant à leurs utilisé, avec un très grand nombre de mesures sec-
postes de consommations d’énergie et aux manières torielles édictées à l’échelle européenne ou natio-
de les réduire. Le mode de déploiement à privilégier nale et portant sur une grande variété de sujets.
pour « débloquer le potentiel de sobriété » consiste Ces normes semblent bien acceptées quand elles
en conséquence à supprimer les différentes subven- sont de nature technique et touchent par exemple
tions à la consommation d’énergie, à instaurer une à la performance énergétique des matériels – mais
fiscalité reflétant le coût collectif du réchauffement l’on se situe alors dans le domaine de l’effica-
climatique (voire d’autres externalités) et à promou- cité énergétique et non de la sobriété – et plus
voir l’information des consommateurs sur le sujet. contestées lorsqu’elles entrent dans le champ de
la sobriété. Les mesures proposées par la conven-
De telles mesures font parties du corps de doc- tion citoyenne pour le climat, et notamment cer-
trine des institutions internationales comme taines des plus médiatiques comme la limitation de
l’OCDE, l’Agence internationale de l’énergie ou la la vitesse maximale sur autoroute, en constituent
Commission européenne. Elles ont été complé- des exemples récents.
tées, ces dernières années, par une réflexion sur
la nécessité d’une fiscalité redistributive permettant Le débat, politique ou philosophique, entre parti-
d’amortir les conséquences de la fiscalité carbone sans d’un régime où l’État prescrit davantage les
pour les personnes pour lesquelles l’achat d’énergie modes de vie pour les rendre compatibles avec le
constitue une dépense contrainte très importante. respect des biens communs comme l’environne-
ment et les adversaires d’un régime qu’ils décrivent
La gestion de l’ajustement entre la demande et comme attentatoire aux libertés individuelles et
l’offre d’énergie décarbonée par les prix se heurte, donc non démocratique, dépasse le champ de ce
en pratique, à la compréhension commune de rapport. Pour autant, le système de prix et le sys-
l’énergie – et notamment de l’électricité – comme tème de prescription apparaissent bien comme les
un bien de première nécessité, devant à ce titre solutions permettant d’envisager le déploiement à
être largement accessible à des prix abordables. grande échelle de la sobriété dès lors que celle-ci
En France, des « bonnets rouges » aux « gilets ne se matérialise pas « spontanément », comme
jaunes », plusieurs mouvements sociaux se sont, produit d’une posture morale, ou pas assez rapi-
ces dernières années, construits autour de la dement pour que la France atteigne l’objectif de la
remise en cause de la taxation des carburants. neutralité carbone en 2050.
Cela souligne les grandes difficultés associées à la
mise en œuvre pratique de cet instrument.
Le scénario « sobriété » des Futurs Énergétiques u Les véhicules sont plus gros et plus lourds
2050 constitue un scénario contre-tendanciel sur (1 233 kg pour le poids moyen d’un véhicule par-
plusieurs aspects. Les évolutions de la société au ticulier neuf en 2020, contre 1 142 kg en 20009),
cours des dernières dizaines d’années ne tendent ce qui contrebalance en partie l’amélioration de
pas en effet vers l’idéal d’une société sobre. leur performance énergétique10 ;
u Le transport aérien s’est considérablement
Ainsi, la richesse d’ensemble des sociétés occi- démocratisé au cours des 20 dernières années,
dentales a progressé continûment au cours des alors qu’il s’agit d’une des actions les plus émet-
dernières décennies en s’appuyant sur la consom- trices de CO2 ;
mation de volumes d’énergie de plus en plus impor- u La consommation numérique des Français a elle
tants, et notamment d’énergie fossiles. Quand bien aussi considérablement augmenté, avec des
même la consommation d’énergie française est en conséquences environnementales réelles.
légère décroissance depuis une vingtaine d’an-
nées, l’évolution des modes de vie semble parfois Ceci suffit à montrer que la construction d’un
s’inscrire en contradiction avec les grands détermi- avenir énergétique fondé sur la sobriété des
nants d’un scénario de sobriété : usages ne s’inscrit pas dans la prolongation
u L’étalement urbain se poursuit : entre 2007 et d’un certain nombre de tendances actuelles.
2017, la population a augmenté de 9 % dans les Il n’est donc pas possible de tenir la sobriété pour
communes rurales périurbaines contre 4 % dans acquise.
l’urbain ;
u Le nombre de véhicules a crû de manière conti- Un enjeu du débat consiste à passer d’une situation
nue (39 millions de véhicules en 2020, contre où la sobriété est intégrée aux alternatives présen-
33 en 2000, 21 en 1980, et 6 en 1960), soit un tées au débat public à un état où elle est articulée
passage de 0,13 à 0,58 véhicule par habitant en à une évaluation concrète des actions possibles et
60 ans – même si l’augmentation du nombre de de leur incidence sur la consommation d’énergie
véhicules par habitant a été moins rapide sur la (toutes les actions de sobriété ne se valent pas sur
dernière période ; le plan énergétique) associée à des leviers d’action.
810
L’analyse sociétale . 13
12
13.2.5 Le scénario « sobriété » de RTE : une trajectoire construite sur une vision
systémique, mobilisant des gisements de sobriété dans l’ensemble des secteurs de
l’économie, et dont les conditions sous-jacentes sont détaillées
Dans le cadre des groupes de travail sur les Futurs u À l’échelle institutionnelle et politique, la
énergétiques 2050, les modalités de déploiement sobriété énergétique s’inscrit dans les objectifs
associées à la sobriété n’ont été que rarement détail- des feuilles de route stratégiques, dans les poli-
lées dans les contributions des acteurs. Toutefois, les tiques publiques et dans les dispositifs de gou-
trajectoires proposées suggèrent une mobilisation vernance : stratégies nationales ou régionales,
combinée de multiples leviers de différentes natures. SRADDET, PPE, mais aussi au travers des outils
mis en débat dans la partie 13.2.3.
L’acception de la notion de sobriété reprise dans les
travaux prospectifs de RTE s’entend donc comme Les travaux réalisés par RTE conduisent à expli-
un ensemble d’actions visant un recours limité aux citer les implications associées à la trajectoire de
ressources et s’appuyant sur des changements de sobriété et notamment à préciser les évolutions
comportements, de modes de vie et d’organisations des modes de vie sur lesquelles elle repose.
collectives et non pas exclusivement par l’usage de
technologies. Ces changements s’opèrent à diffé- Représenter les modes de vie dans les exercices de
rentes échelles11 : prospective énergie-climat pose un défi méthodo-
u À l’échelle individuelle, le principe de sobriété logique13. Au niveau international, le GIEC affirme
s’inscrit dans les niveaux de besoin en énergie, dans son cinquième rapport, avec un haut niveau
inscrits dans différentes “sphères de vie” (domi- de confiance, qu’une réduction importante des
cile, travail, lieux publics, transport), et dans les émissions nécessite un ensemble de politiques,
pratiques associées à ces besoins. Si le niveau institutions et technologies ainsi qu’un change-
individuel est le plus représenté dans la docu- ment dans les comportements humains et les
mentation existante sur la sobriété et dans sa modes de consommation14. Le sujet est également
mise en discours médiatique, il n’en demeure évoqué dans la construction des Shared Socio-
pas moins le plus flou, au-delà de l’établisse- economic Pathways, mais le terme de sobriété est
ment d’un ensemble d’écogestes, thème déjà absent dans la plupart des exercices de scénarisa-
largement popularisé, mais tend à porter l’en- tion prospective, et notamment dans les scénarios
tièreté de la responsabilité de la sobriété entre utilisés par la Commission européenne.
les mains des individus12 ;
u À l’échelle collective, la sobriété énergétique Dans l’ensemble, ces exercices font systématique-
s’inscrit dans les modalités de gestion d’un col- ment face à une difficulté méthodologique pour
lectif organisé (écoquartier, projets, bâtiment, traduire les dynamiques en faveur de la sobriété
etc.), mais aussi plus globalement sur les inten- dans des projections chiffrées sur l’évolution de la
tions des organisations (territoires, entreprises, consommation énergétique. L’élaboration et l’ana-
associations, etc.) pour intégrer la sobriété lyse quantitative d’un scénario de sobriété sont
à leur échelle. Elle peut prendre la forme par d’autant plus difficiles qu’aucune évolution des
exemple d’un aménagement du territoire favo- modes de vie considérée ne fait consensus auprès
rable aux modes doux, de lieux d’échange favo- des parties prenantes et que ces évolutions sont
risant la réutilisation, le partage entre voisins par nature en rupture avec les tendances passées.
ou la réparation d’objets… ; Le choix et l’ampleur des changements de modes
11. G uérineau, M., & Mayer, J. (2020). Projet de recherche – La sobriété énergétique : Quelle(s) trajectoire(s) ? Rapport intermédiaire – Phase 1 « Conceptualiser
la sobriété énergétique à partir de sa mise en discours et pratiques ».
12. Voir notamment Martin, S., & Dubuisson-Quellier, S. (2019, mai 21) cité précédemment
13. Voir Saujot, M., & Waisman, H. (2020) précédemment cité
14. Victor, D. G., D. Zhou, E. H. M. Ahmed, P. K. Dadhich, J. G. J. Olivier, H.-H. Rogner, K. Sheikho et M. Yamaguchi. 2014, Climate Change 2014 : Mitigation of
Climate Change. Contribution of Working Group III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, chap. Introductory
Chapter, Cambridge University Press.
Dans le secteur résidentiel, deux principaux vie (augmentation du nombre de familles mono-
gisements de sobriété sont considérés. Il s’agit, parentales, baisse du nombre d’enfants par foyer,
d’une part, de la mutualisation et du partage des décohabition intergénérationnelle, vieillissement
espaces et équipements dans l’habitat et, d’autre de la population...). Ce nombre est ainsi passé de
part, de la réduction, consciente et volontaire, de 2,4 individus par ménage en 1999 à environ 2,2 en
la consommation d’énergie liée au chauffage et à 2020 et continue de diminuer. Ceci tend à accélé-
l’eau chaude sanitaire. rer la croissance de la demande de surface habi-
table car le partage d’espaces au sein des foyers se
Sur le plan de l’habitat, un gisement potentiel réduit mécaniquement.
de sobriété consiste à freiner le phénomène
de décohabitation observé ces dernières Le scénario « sobriété » présenté dans le rapport
décennies. Le nombre d’habitants par ménage fait l’hypothèse d’une stabilisation puis d’une légère
tend en effet à décroître depuis de nombreuses augmentation du nombre d’individus par foyer
années, sous l’effet de l’évolution des modes de sur les trente prochaines années. Cela suppose
812
L’analyse sociétale . 13
12
notamment que les individus consentent à parta- pour le chauffage ou encore pour l’eau chaude
ger une plus grande part d’espaces habitables, par sanitaire. L’hypothèse retenue pour le scénario de
exemple au sein de colocations générationnelles sobriété consiste ainsi en une baisse de la tem-
ou intergénérationnelles, ou encore dans le cadre pérature de consigne moyenne dans les espaces
de communautés élargies. Cette évolution s’inscrit chauffés à 19 °C (valeur recommandée depuis
au rebours des tendances passées et en particulier plusieurs années par des organismes comme
de l’aspiration croissante des personnes pour des l’ADEME) contre environ 20 °C aujourd’hui, ainsi
maisons individuelles et des grands espaces. qu’en une réduction de 30 % de la consommation
d’eau chaude sanitaire.
Au-delà du nombre d’individus par ménage, la
sobriété peut se concrétiser par un plus fort D’après une étude du CREDOC16, 69 % des Français
partage des équipements, par exemple au sein se déclarent d’accord pour « réduire les consom-
de buanderies collectives comme cela existe déjà mations d’énergie en France, en renonçant à une
fréquemment dans certains pays (Suisse, États- partie de leur confort, par exemple en se chauffant
Unis…). Une étude d’ObsoCo, datant de 2019, moins », et 19 % se disent prêts à le faire. Cette
permet de soutenir cette hypothèse : 32 % des posture peut couvrir divers gestes : diminuer le
Français interrogés se disaient favorables à « vivre chauffage, éteindre certains appareils électriques
dans un lieu avec d’autres familles ayant décidé au lieu de les laisser en veille, éteindre les lumières
de mutualiser leurs ressources, réaliser et financer en sortant d’une pièce, etc. Toutefois, là encore,
leur logement au sein d’un ensemble géré collecti- ces volontés peinent à se concrétiser aujourd’hui :
vement et disposant d’équipements partagés », et une augmentation de la température souhaitée
8 % « tout à fait » favorables15. Malgré ces chiffres, dans le logement a même été observée sur l’his-
le recours à l’habitat partagé reste encore marginal torique, passant de 18 °C à 21 °C entre les années
aujourd’hui, même s’il tend à se développer depuis 1980 et 2003, avant de se stabiliser à une valeur
quelques années. autour de 20 °C. Ceci montre une certaine iner-
tie dans les comportements de consommation et
Un autre gisement de sobriété dans le sec- les représentations sociales autour de la notion de
teur résidentiel porte sur la modération confort17. La norme de 20 °C est désormais ancrée
consciente et volontaire de la consomma- dans l’imaginaire collectif, des températures basses
tion de certains équipements, principalement étant associées à la maladie.
15. M oati, P. (2019). L’observatoire des perspectives utopiques. Vague #1 Octobre 2019. ObsoCo, avec le soutien de l’ADEME, BPI France, ESCP Europe et
E.Leclerc.
16. « Habitants, habitats et modes de vie ». (2013). CREDOC.
17. Brisepierre Gaëtan. (2013). Analyse sociologique de la consommation d’énergie dans les bâtiments résidentiels et tertiaires Bilan et perspectives. ADEME.
Secteur résidentiel
2019*
2050 2050
Indicateurs + tendance Tendances favorables et défavorables
Référence Sobriété
récente**
37 L 37 L 25L
Volume d’ECS Une tendance à la baisse de la consommation d’eau
(m) (g par rapport (-32 % par rapport
L/pers./jr à usage domestique depuis plus de dix ans
à 2019) à 2019)
18. M oati, P. (2019). L’observatoire des perspectives utopiques. Vague #1 Octobre 2019. ObsoCo, avec le soutien de l’ADEME, BPI France, ESCP Europe et
E.Leclerc.
19. Bonvalet, C. (2020, mars 14). Les aspirations des Français en matière de logement en 1945 : Un regard sur l’histoire du modèle pavillonnaire | Politique
du logement.com. https://politiquedulogement.com/2020/03/les-aspirations-des-francais-en-matiere-de-logement-en-1945-un-regard-sur-lhistoire-du-
modele-pavillonnaire/
20. Les comportements et opinion en matière de consommation d’énergie, étude réalisée pour RTE. (2018). CREDOC.
21. Ibid
814
L’analyse sociétale . 13
12
22. D ARES (2022). « Télétravail durant la crise sanitaire. Quelles pratiques en janvier 2021 ? Quels impacts sur le travail et la santé ? »
https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/teletravail-durant-la-crise-quelles-pratiques-quels-impacts-sur-le-travail-et-sur-la-sante
23. Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (2021). « Télétravail de crise : Les résultats de notre consultation 2021 »
https://www.anact.fr/teletravail-de-crise-les-resultats-de-notre-consultation-2021
24. CSA – Baromètre télétravail annuel 2021. (2021). https://csa.eu/news/barometre-teletravail-annuel-2021/
Un autre gisement de sobriété spécifique au secteur Enfin, le dernier gisement repose sur l’hypothèse
tertiaire concerne la diminution de la surface globale d’une disparition progressive des écrans publici-
des commerces, du fait de changements de modes taires. Au-delà des économies d’énergie associées
de consommation. Dans le scénario « sobriété » aux écrans eux-mêmes, qui sont faibles, cette
présenté dans l’étude, ces changements s’appuient mesure pourrait s’inscrire dans une approche glo-
notamment sur trois dynamiques importantes : bale de régulation de la publicité (discutée à l’occa
u un développement rapide des points de vente sion de la Convention citoyenne pour le climat)
en circuit court (marchés de producteurs, AMAP, visant à limiter les incitations à consommer. Elle
ruches, magasins de producteurs…) ; aurait également une forte valeur symbolique pour
u une baisse globale de la consommation de favoriser la sobriété : les ménages et entreprises
biens, grâce aux appels à « moins consommer » seront vraisemblablement plus enclins à limiter leur
et à la lutte contre l’obsolescence program- consommation d’énergie dans le cas où leur envi-
mée (indices de réparabilité…) qui contribuent ronnement n’est pas saturé d’écrans publicitaires.
à réduire la demande de certains biens et ser- Une telle évolution nécessiterait toutefois une
vices. De manière générale, d’après une étude inflexion forte par rapport à la tendance actuelle, le
Greenflex de 2019, 27 % des Français pensent nombre d’écrans publicitaires étant actuellement
que consommer moins est nécessaire. en forte croissance d’année en année.
25. D
es Français encore peu sensibles à leur empreinte numérique mais prêts à faire des efforts ! – Odoxa : Odoxa. (s. d.). Consulté 22 juin 2021, à l’adresse
http://www.odoxa.fr/sondage/francais-sensibles-a-empreinte-numerique-prets-a-faire-efforts/
816
L’analyse sociétale . 13
12
Figure 13.5 Hypothèses structurantes des scénarios de référence et de sobriété vis-à-vis des tendances actuelles –
secteur tertiaire
Secteur tertiaire
2019*
2050 2050
Indicateurs + tendance Tendances favorables et défavorables
Référence Sobriété
récente**
~9 000 écrans Pénétration Pénétration Plusieurs dispositions prévues par la loi climat
publicitaires progressive progressive et résilience et par la loi anti-gaspillage (respect
numériques des écrans des écrans du stop pub, fin de la publicité sur les parebrises,
Pénétration en 2019 publicitaires publicitaires encadrement de la publicité sur les énergies fossiles).
des écrans (k)30 numériques numériques, puis
publicitaires (~ 50 % du parc stabilisation en Proposition par la convention citoyenne pour
numériques existant d’écrans milieu de période le climat d’une régulation des affichages publicitaires
publicitaires) et disparition
progressive Augmentation forte du nombre d’écrans publicitaires
d’ici 2050 ces dernières années (environ +20 %/an)31
26. T élétravail : regards croisés salariés et dirigeants – Le comptoir de la nouvelle entreprise, 19 Février 2019
https://zevillage.net/wp-content/uploads/2019/02/Etude-Teletravail-Malakoff-Mederic-comptoir-Nelle-entreprise-2019.pdf
27 . CREDOC. (2020). Fiche prospective—La décélération.
28. Des Français encore peu sensibles à leur empreinte numérique mais prêts à faire des efforts ! – Odoxa : Odoxa. (s. d.). Consulté 22 juin 2021, à l’adresse
http://www.odoxa.fr/sondage/francais-sensibles-a-empreinte-numerique-prets-a-faire-efforts/
29. ADEME, juin 2017, « Alimentation. Les circuits courts de proximité ». Les avis de l’ADEME.
30. ADEME, septembre 2020, «Modélisation et évaluation environnementale de panneaux publicitaires numériques »
https://librairie.ademe.fr/recherche-et-innovation/3871-modelisation-et-evaluation-environnementale-de-panneaux-publicitaires-numeriques.html
31. Idib
Concernant les transports, quatre gisements prin- Au-delà du télétravail et de l’aménagement urbain,
cipaux de sobriété ont été identifiés dans la revue le développement des formes de mobilité partagée,
de littérature et la concertation : réduction des qui se traduit par une augmentation du nombre
déplacements, report modal, diminution de la moyen de passagers par véhicule, présente un
vitesse de déplacement et de la taille des véhicules intérêt réel pour la maîtrise des consommations
et diminution du nombre de kilomètres du fret. énergétiques. Là encore, plusieurs dynamiques
soutiennent cette hypothèse : le développement
En premier lieu, la réduction du nombre de kilo- du covoiturage (3 % des trajets domicile-travail et
mètres parcourus en voiture constitue une source 1,6 % des trajets longue distance en 2020)33, de
d’économie d’énergie importante. Celle-ci repose la location de voiture entre particuliers, ou encore
sur plusieurs évolutions. D’une part, la généralisa- des associations et clubs d’autopartage (dont le
tion du télétravail telle que présentée dans la par- nombre de membres en Europe a doublé entre
tie précédente doit contribuer à la réduction des 2014 et 2016, passant de 2,2 millions à 4,4 mil-
déplacements domicile-travail (dans la mesure où lions) en sont autant d’exemples.
elle ne conduit pas à modifier la localisation de la
résidence principale des ménages et à augmen- Par ailleurs, la redéfinition des modes de dépla-
ter la distance entre celle-ci et le lieu de travail). cement et le report modal constituent égale-
D’autre part, la reconcentration des fonctions ment des leviers possibles de réduction de
de vie au sein des villes (ex : modèle de la la consommation énergétique des véhicules
« ville du quart d’heure » dans laquelle les particuliers. Si le scénario de référence en matière
différentes fonctions sont accessibles à pied de consommation intègre déjà une réduction de la
en moins d’un quart d’heure) a également part de la voiture particulière (dont l’utilisation est
vocation à réduire les besoins de déplace- moins systématique chez les jeunes générations34
ments en véhicules motorisés. Celle-ci néces- et devient limitée dans certains centres-villes),
site une transformation des formes urbaines, avec cette réduction est poussée encore beaucoup plus
une mixité fonctionnelle plutôt qu’une spécialisa- loin dans le scénario de sobriété dans lequel les
tion des espaces : densification des villes, aug- déplacements en voitures ne représentent qu’un
mentation de la part des logements collectifs et peu plus de la moitié des distances parcourues en
augmentation de la fréquence des commerces de 2050. Elle doit être encouragée par des politiques
proximité. Si certaines villes comme Paris, Nantes publiques contraignant les déplacements en voi-
ou encore Mulhouse affichent aujourd’hui la volonté ture et incitant à l’inverse le report vers les trajets
de développer ce type de modèle, les tendances en train (notamment pour les longues distances),
récentes associées à l’étalement urbain, à l’aspi- vers les transports en commun ou encore vers la
ration croissante des Français pour la maison indi- marche ou le vélo pour les courts trajets. L’essor
viduelle avec jardin32 ou encore le développement du vélo, observé depuis quelques années et qui
des grandes zones commerciales au détriment des s’est accéléré depuis la crise sanitaire, ainsi que de
commerces de centre-ville vont aujourd’hui à l’en- nombreuses mesures récentes, sont de nature à
contre de cette transformation. permettre ce report modal : plan vélo visant à faire
passer la part du vélo dans les trajets du quotidien
32. B onvalet, C. (2020, mars 14). Les aspirations des Français en matière de logement en 1945 : Un regard sur l’histoire du modèle pavillonnaire | Politique du logement.com.
https://politiquedulogement.com/2020/03/les-aspirations-des-francais-en-matiere-de-logement-en-1945-un-regard-sur-lhistoire-du-modele-
pavillonnaire/
33. Covoiturage : Informations à connaître | Ministère de la Transition écologique. (2020, juillet 9).
https://www.ecologie.gouv.fr/covoiturage-en-france-avantages-et-reglementationen-vigueur
34. Les comportements et opinion en matière de consommation d’énergie, étude réalisée pour RTE. (2018). CREDOC.
818
L’analyse sociétale . 13
12
Part modale
du fret
Effets escomptés du plan d’aide pour
% Train 9,7 % (m) 12,4 % 20 %
le développement du fret fluvial et ferroviaire
% Route 88,3 % (k) 85,2 % 75 %
% Fluvial 2 % (m) 2,4 % 5%
820
L’analyse sociétale . 13
12
Les effets de la sobriété peuvent également se tra- véhicules de petite taille (augmentation de 10 %
duire dans le secteur industriel via une diminution de part de marché des citadines), réduisant la
de la demande de biens et d’équipements. demande en matériaux associée.
45. C
ombien de végétariens en Europe ? Synthèse des résultats à partir de l’étude « Panorama de la consommation végétarienne en Europe », réalisée par
le CREDOC pour FranceAgriMer et l’OCHA en 2018. (2019). [Les études]. France AgriMer. https://www.franceagrimer.fr/fam/content/download/62309/
document/11_Synth%C3%A8se%20Panorama%20v%C3%A9g%C3%A9tarisme%20en%20Europe.pdf?version=1
Consommation 4,7 Mt 5,1 Mt 3,9 Mt Développement des initiatives zéro déchet dans les entreprises
de papier-carton (k) (+10 % par (-15 % par Développement du e-commerce et de la livraison à domicile (+37 %
d’emballages rapport à 2019) rapport à 2019) de chiffre d’affaires pour le e-commerce entre 2017 et 202055)
46. B ase de données « IFASTAT – Consumption », International Fertilizer Association (IFA) https://www.ifastat.org/databases/plant-nutrition
47. Base de données « Env_waspac – Déchets produits/ Emballages en matières plastiques/Tonnes/France», Eurostat,
https://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=env_waspac&lang=fr
48. « La tendance du consommer moins pour consommer mieux s’installe », Kantar, 2019 https://monde-epicerie-fine.fr/etude-kantar-2/
49. Données sur les immatriculations de véhicules, Ministère de la vtransition écologique, 2021.
https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/donnees-sur-les-immatriculations-des-vehicules
50. Bonvalet, C. (2020, mars 14). Les aspirations des Français en matière de logement en 1945 : Un regard sur l’histoire du modèle pavillonnaire | Politique du logement.
com. https://politiquedulogement.com/2020/03/les-aspirations-des-francais-en-matiere-de-logement-en-1945-un-regard-sur-lhistoire-du-modele-pavillonnaire/
51. Données industrielles à propos des aciers – L’Elementarium https://lelementarium.fr/product/aciers/
52. Gaëtan Brisepierre pour Coenove, Décembre 2018 https://www.coenove.fr/lentretien-coenove-gaetan-brisepierre-sociologue
53. Indicateurs clés pour le suivi de l’économie circulaire, Ministère de la transition écologique, https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-
numerique/economie-circulaire/pdf/pages/partie2/12-incorporation-des-matieres-premieres-de-recyclage-dans-les-processus-de-production.pdf
54. COPACEL https://www.copacel.fr/wp-content/uploads/2021/04/copacel-statistiques-annuelles-2019.pdf
55. Source Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance)
822
L’analyse sociétale . 13
12
Tout comme le sujet de l’évolution de la consomma- ou moins fort d’acceptabilité. L’acceptabilité est
tion d’électricité en fonction des modes de vie pro- un facteur complexe, contextualisé et dynamique
jetés, celui du mix de production d’électricité a fait dans le temps. Il n’est donc pas possible, à un
l’objet de nombreux commentaires dans le cadre horizon de trente ans, de tracer avec certitude
de la concertation. Outre leurs conditions technico- les différents chemins que prendront les rapports
économiques de validité, les scénarios impliquent sociaux aux différentes technologies.
aussi un critère de « réception sociale » des différentes
technologies qu’ils mobilisent, condition sine qua non Le travail d’analyse sur l’acceptabilité des
à leur déploiement sans heurts sur le territoire. infrastructures restitué par la suite décrit de
manière problématisée les différents arguments
Pour autant, l’étude n’a pas pour objectif de hié- discutés dans la concertation.
rarchiser les technologies selon leur degré plus
Le concept d’acceptabilité sociale est un terme très questionné l’emploi du terme d’acceptabilité et
souvent mobilisé par les acteurs du domaine de l’éner- proposé d’utiliser celui « d’appropriation (sociale) ».
gie dès qu’il s’agit d’aborder les questions sociétales Selon eux, ce terme refléterait une vision moins
soulevées par le développement d’infrastructures descendante et technicienne que la notion d’accep-
de production ou de réseau. Plusieurs définitions tabilité, et permettrait de restituer de manière plus
de l’acceptabilité cohabitent dans le monde acadé- ouverte les possibilités d’engagement des citoyens
mique, mais le terme est communément utilisé pour et du corps social dans la transition énergétique.
qualifier de manière englobante tout ce qui relève À l’inverse, de nombreuses parties prenantes
des réactions, des mobilisations et des relations liant ont mobilisé la notion d’acceptabilité dans leurs
les différentes parties prenantes des projets56. réponses, notamment pour évoquer les limites
posées, selon eux, par certains scénarios de mix
Il existe pourtant un débat sémantique vif et récur- électrique sur le plan sociétal.
rent au sein du monde académique, mais égale-
ment auprès d’un nombre croissant d’acteurs, Cet enjeu sémantique a déjà fait l’objet de nom-
autour de l’emploi de ce terme et de sa pertinence breuses discussions dans le cadre des groupes de
pour nommer les dynamiques sociétales en lien travail dédiés, sans parvenir à établir un consen-
avec le déploiement des infrastructures énergé- sus. Sans nier les limites du concept d’acceptabilité
tiques et des technologies. Cette réticence s’ex- (caractère descendant et technicien, passivité…),
plique du fait notamment de sa charge normative, il apparaît que celui-ci reste en pratique celui
les chercheurs hésitants entre critique de la notion autour duquel s’engagent les discussions sur les
ou élaboration de notions alternatives. Ainsi, lors infrastructures et les technologies dans le débat
des différentes phases de concertation et en par- public sur l’évolution du mix électrique57. Il a donc
ticulier en réponse à la consultation publique sur été conservé dans la problématisation et la restitu-
les Futurs énergétiques 2050, certains acteurs ont tion autour des Futurs énergétiques 2050.
56. V
oir par exemple Upham, P., Oltra, C., & Boso, À. (2015). Towards a cross-paradigmatic framework of the social acceptance of energy systems. Energy
Research & Social Science, 8, 100‑112.
57.
Barbier, R., & Nadaï, A. (2015). Acceptabilité sociale : Partager l’embarras. VertigO, Volume 15 Numéro 3. Les auteurs expliquant notamment que
« l’acceptabilité sociale est devenue progressivement un registre de qualification incontournable pour tout dispositif sociotechnique, qu’il soit à l’état de
projet ou en fonctionnement » Ils continuent leur proposition en conférant à la notion d’acceptabilité une dimension de « mot de passe » qui permet de
circuler et de travailler avec « les multiples mondes sociaux qui la mobilisent ».
58. D evine-Wright, P. (2009). Rethinking NIMBYism : The role of place attachment and place identity in explaining place-protective action. Journal of Community
& Applied Social Psychology, 19(6), 426‑441.
59. Ellis, G., & Gianluca, F. (2016). The social acceptance of wind energy. Where we stand and the path ahead. (p. 77). European Commission.
60. Ibid.
61. Voir Shindler et al. (2002) dans Batellier, P. (2016). Acceptabilité sociale des grands projets à fort impact socio-environnemental au Québec : Définitions et
postulats. VertigO, Volume 16 Numéro 1. https://doi.org/10.4000/vertigo.16920
62. Voir les travaux de Pierre Batellier (2016) ou de Marteen Wolsink (2011)
63. Batel, S. (2020). Research on the social acceptance of renewable energy technologies : Past, present and future. Energy Research & Social Sciences, pp7-8.
824
L’analyse sociétale . 13
12
Si la problématique de l’acceptabilité des infrastruc- d’acceptabilité associés à leur mise en œuvre, tout
tures à long terme se pose pour toutes les tech- en ayant conscience que ces facteurs évolueront
nologies, il est difficile de la traiter de manière de manière dynamique dans le temps, avec de
uniforme tant les problématiques associées à cha- nombreuses incertitudes sur l’évolution de la per-
cune des technologies diffèrent. ception des différentes filières par les Français à
long terme. Ces travaux s’appuient pour cela sur
En particulier, toutes les technologies se situent une large revue de littérature et une analyse des
aujourd’hui dans des dynamiques différentes et comptes rendus des débats publics organisés sur
n’ont pas la même place dans le système élec- les projets liés au système électrique.
trique actuel ou dans les différents scénarios consi-
dérés dans les Futurs énergétiques 2050, ce qui En particulier, l’analyse a largement porté sur le
peut positionner de manière différente la percep- nucléaire et les énergies renouvelables variables
tion actuelle de leur acceptabilité par la population. (éolien et photovoltaïque), qui constituent deux
À titre d’exemple, les grands parcs photovoltaïques objets de débat évidents et importants autour de
au sol sont rarement évoqués dans le débat poli- l’évolution du mix électrique, avec des spécifici-
tique sur l’acceptabilité des infrastructures éner- tés pour chacune des filières. Les autres tech-
gétiques, contrairement à l’éolien terrestre par nologies constituant le mix énergétique (biogaz,
exemple, mais ils sont aussi plus faiblement déve- infrastructures hydrogène, batteries…) ne sont
loppés aujourd’hui, ce qui peut biaiser l’analyse sur pas exemptes de difficultés en matière d’accepta-
l’acceptabilité de ce type de projets à long terme. bilité de leur déploiement sur le territoire, notam-
ment du fait de leur emprise, mais celles-ci sont
Les travaux réalisés par RTE ne visent pas à plus difficiles à caractériser d’autant plus que ces
définir lequel des scénarios apparaît comme infrastructures restent encore émergentes voire
le plus acceptable (vu du contexte actuel). En prospectives à ce jour.
revanche, ils conduisent à expliciter les facteurs
Le développement des énergies renouvelables, par les territoires et les citoyens concernés. De
nécessaire dans tous les scénarios visant la neutra- l’autre, la problématique de l’acceptabilité des parcs
lité carbone en 2050, intervient dans un contexte d’énergies renouvelables apparaît de manière pré-
marqué par un débat public fortement polarisé et gnante dans le débat sur l’évolution du mix élec-
par de nombreuses contestations sur la déclinaison trique. Les enjeux peuvent se poser différemment
territoriale de leur déploiement. selon les filières et selon les types d’installations :
des questions d’insertion paysagère et environne-
Ainsi, si les filières éoliennes et solaires ont connu mentale pour l’éolien terrestre, d’occupation des
ces dernières années un essor significatif, l’am- sols pour les fermes photovoltaïques au sol et de
pleur et les modalités des développements futurs conciliation avec les usages agricoles, de conflits
et les interactions avec la société suscitent de vives d’usages pour l’éolien en mer, etc.
discussions entre les différentes parties prenantes,
à toutes les échelles. D’un côté, certains mettent En matière d’acceptabilité, les débats publics se
en avant les bénéfices des installations d’énergies structurent essentiellement autour des impacts
renouvelables pour l’économie locale ou encore négatifs, avérés ou non, des technologies sur le
pour la réappropriation des enjeux énergétiques territoire (par exemple, impacts sur le tourisme,
64. P our plus de détail sur la justice énergétique (dont la justice distributive et procédurale) voir les travaux de Sari, R. et al. (2017). Energy justice – A social
sciences and humanities cross-cutting theme report [Cross-cutting theme report].
65. Assemblée Nationale. (2019). Compte rendu n° 43, Commission d’enquête sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies
renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique.
http://www.assemblee-nationale.fr/15/cr-cetransene/18-19/c1819043.asp
66. Nadaï, A., & Labussière, O. (2010). Politiques éoliennes et paysages (p. 86), p21.
826
L’analyse sociétale . 13
12
naturel local. Ce paradoxe est à la source du attention particulière à ces différentes dynamiques,
concept de « green on green »67 : une tension et ce d’autant plus dans les scénarios prévoyant
entre le local (protection de la biodiversité) et le une sortie du nucléaire à terme.
global (lutte contre le changement climatique).
Si la réglementation prévoit des dispositions En sus de ces différentes problématiques, certains
pour limiter les impacts environnementaux des enjeux et dynamiques apparaissent plus spéci-
projets, le manque de connaissances scien- fiques à chaque type d’énergie renouvelable.
tifiques par rapport aux impacts de certaines
technologies nouvelles contribue à renforcer un L’éolien terrestre
sentiment d’incertitude défavorable aux projets. L’éolien terrestre constitue l’une des principales
filières de production renouvelable développées
4)
La question du paysage est une de celles les ces dernières années en France, avec des coûts
plus abordées dans la littérature concernant désormais très compétitifs par rapport à d’autres
le déploiement des projets énergétiques. Elle sources d’énergies bas-carbone (voir chapitre 11).
concerne tout particulièrement l’éolien terrestre, Bien que soutenu à l’échelle nationale d’après plu-
dont l’insertion paysagère est largement débat- sieurs enquêtes d’opinion, son essor sur le terri-
tue à l’échelle nationale, mais peut également se toire national suscite néanmoins des inquiétudes
retrouver dans les concertations autour de cer- de la part d’une partie de la population et fait l’ob-
tains projets éoliens en mer et photovoltaïques. jet d’un débat politique virulent depuis quelques
La France se caractérise ainsi par une approche années, qui s’est renforcé au cours des derniers
très patrimoniale de ses paysages, fondée sur mois de 2021.
l’idée que ce qu’il y a à protéger dans le pay-
sage porte essentiellement sur le patrimoine68. Le premier enjeu d’acceptabilité autour du déploie-
Cependant, la question du paysage apparaît bien ment de l’éolien terrestre porte sur l’impact paysa-
plus complexe et possède un caractère subjectif ger, régulièrement évoqué dans les débats locaux
et contextualisé. Cette part de subjectivité per- mais également dans le cadre de la concertation
met aux acteurs d’exprimer leurs rapports au autour des Futurs énergétiques 2050. Les éoliennes,
territoire en signifiant ce qui est important pour par leur verticalité, entraînent nécessairement une
eux. ces rapports se construisent à la fois avec covisibilité avec d’autres éléments du territoire,
des « dimensions matérielles du territoire », des dont parfois des bâtiments classés, dans un rayon
« aspects symboliques » mais aussi autour des de plusieurs kilomètres. Ceci induit des contraintes
rapports sociaux établis entre les acteurs indivi- en matière de localisation et de taille des sites, dans
duels ou collectifs. Les oppositions des habitants un contexte où la France possède un patrimoine
à des projets rappellent la réalité du paysage extrêmement riche et accorde une attention toute
vécu, habité, qui va à l’encontre d’une hiérar- particulière à sa préservation. Ainsi, certains projets
chisation sur la base de critères dit objectifs des de parc éolien peuvent se voir refuser un permis de
« paysages extraordinaires » sur les « paysages construire du fait de la covisibilité ou être contraints
ordinaires » ou du quotidien. La question du pay- dans la taille des éoliennes pouvant être installées.
sage est ainsi intrinsèquement liée à celle des Le droit concernant la covisibilité reste toutefois
identités des habitants vis-à-vis de leur territoire. encore assez flou et laisse ouvertes des questions
quant à son application.
Dans la mesure où tous les scénarios de mix consi-
dérés dans les Futurs énergétiques 2050 intègrent Cette problématique fait ressortir l’importance de la
une accélération du développement des énergies localisation des parcs éoliens et appelle un traite-
renouvelables, leur mise en œuvre nécessite une ment de ce sujet par des professionnels du paysage
67. Warren et al. (2005) dans Oiry, A. (2019). Entre la rumeur et l’alerte environnementales : La parole des opposants face aux impacts environnementaux des
énergies marines renouvelables sur la façade atlantique française. Géocarrefour, 93(93).
68. Nadaï, A., & Labussière, O. (2010). Politiques éoliennes et paysages (p. 86).
69. L abussière, O. (2007). Le défi esthétique en aménagement : Vers une prospective du milieu : Le cas des lignes très haute tension (Lot) et des parcs éoliens
(Aveyron et Aude) [PhD Thesis]. http://www.theses.fr/2007PAUU1005
70. Ministère de la transition écologique et solidaire (2019). « Éolien et urbanisme. Guide à destination des élus. »
828
L’analyse sociétale . 13
12
Figure 13.9 Proportion des surfaces régionales non accessibles pour l’éolien terrestre et détail de la contribution de
la contrainte de distance minimale aux habitations à la restriction du gisement. 100% représente la totalité
de la surface de la région.
100%
80%
urface théoriquement
S
accessible pour l’éolien
terrestre
60% Surface exclue à cause
d’autres contraintes
(radars, etc.)
40% Surface exclue à cause
de la distance minimale
aux habitations et
20% d’autres contraintes
Surface exclue à cause
de la distance minimale
0% aux habitations
Auvergne- Bourgogne- Bretagne Centre- Grand Est Hauts-de- Ile-de- Normandie Nouvelle- Occitanie Pays de Provence-
Rhône- Franche- Val de Loire France France Aquitaine la Loire Alpes-Côte
Alpes Comté d'Azur
830
L’analyse sociétale . 13
12
Enfin, le développement de l’éolien terrestre est personnalités politiques et publiques. À cette incer-
également contraint par d’autres déterminants, qui titude s’ajoute celle du déploiement du repowering,
relèvent moins de facteurs d’acceptabilité locale qui peut avoir des effets importants sur la capacité
que de choix politiques. Il s’agit par exemple des éolienne qui pourra être renouvelée à terme, selon
limitations aéronautiques fixées par le ministère les exigences en matière de renouvellement de
de la Défense : si certaines zones d’entraînement l’autorisation environnementale des projets.
au vol ont été déclassées au cours des dernières
années et rendues accessibles à l’éolien, d’autres Le photovoltaïque
zones sont désormais plus contraintes, notamment La technologie photovoltaïque se décline en des ins-
celles situées à proximité des radars militaires. tallations de natures assez différentes, avec d’une
part des installations sur toitures et d’autre part des
L’ensemble de ces dynamiques et facteurs d’ac- grandes installations au sol. Ces deux types d’instal-
ceptabilité joue de manière importante sur les lations sont caractérisés par des facteurs d’acceptabi-
capacités d’éolien terrestre qui pourront être lité contrastés, notamment en raison de leurs impacts
installées à terme, ainsi que sur leur réparti- différenciés en matière d’occupation de l’espace.
tion territoriale et leurs caractéristiques tech-
nologiques. L’élaboration des trajectoires de Pour le photovoltaïque sur toiture, l’enjeu prin-
développement de l’éolien terrestre (présen- cipal est la maîtrise des coûts : ces installations
tées au chapitre 4), ainsi que de sa répartition généralement plus petites, notamment dans le cas
territoriale (présentée au chapitre 5), ont tenu des panneaux équipant les toitures résidentielles,
compte de ces facteurs et des éléments remon- ne permettent pas de bénéficier des mêmes éco-
tés par les parties prenantes dans le cadre de la nomies d’échelle que les grands parcs solaires au
consultation. En particulier, ceci s’est traduit : sol. En revanche, elles font l’objet d’une bonne
u par des trajectoires ne dépassant pas les 75 GW acceptabilité par l’ensemble de la population et
d’éolien terrestre en 2050 dans les configura- peuvent même favoriser la réappropriation de
tions de référence des scénarios (M0-référence), l’approvisionnement énergétique par les citoyens
alors même que le territoire français pourrait eux-mêmes, notamment via les modèles d’auto-
techniquement et théoriquement accueillir des consommation. L’attrait pour ce type de modèles
capacités supérieures (la densité d’éoliennes représente en effet une dynamique positive en
dans le scénario le plus haut reste ainsi inférieure faveur du déploiement des énergies renouve-
à celle observée aujourd’hui en Allemagne) ; lables comme les panneaux photovoltaïques sur
u ou encore par des hypothèses prudentes sur la toitures. Il se combine à un effet de spatial spil-
puissance unitaire des mâts et sur le facteur de lover (traduit par « phénomène de contagion »
charge des installations dans un contexte d’in- ou « effet de pairs ») induit par une plus grande
certitudes sur les contraintes de hauteur qui familiarité avec la technologie et constaté par plu-
s’appliqueront aux futures éoliennes déployées sieurs études71,72.
en France (voir partie 4.3.8).
De manière générale, le caractère diffus du photo-
À l’horizon 2050, l’évolution du contexte politique voltaïque peut constituer un avantage pour favo-
et sociétal autour de l’éolien terrestre constitue riser la participation des citoyens et des acteurs
ainsi une incertitude de premier ordre pour les locaux des territoires dans les projets, quel que
scénarios énergétiques, d’autant plus dans un soit le type d’installation (toitures ou petits parcs
contexte où cette filière fait l’objet d’un important au sol). Le développement des installations photo-
clivage et d‘une forte politisation, avec des prises voltaïques peut être organisé à l’échelle de com-
de positions marquées de la part de certaines munautés énergétiques locales, ce qui favorise son
71. N otamment Irwin, N. B. (2021). Sunny days : Spatial spillovers in photovoltaic system adoptions. Energy Policy, 151, 112192.
72. Baranzini, A., Carattini, S., & Peclat, M. (2017). What drives social contagion in the adoption of solar photovoltaic technology. Grantham Resaerch Institute
on Climate Change and the Environment, GRI Working Papers 270.
832
L’analyse sociétale . 13
12
dans des espaces naturels ou agricoles, en prio- y compris sur toitures résidentielles, bien
rité sur des zones pour lesquelles il existe peu que celles-ci soient en moyenne plus coû-
de concurrence d’usages. Les scénarios considé- teuses. Dans les différents scénarios, les ins-
rés impliquent aussi d’envisager plus largement tallations sur toiture représentent ainsi entre
des modèles agrivoltaïques pour concilier l’effort un tiers et la moitié (scénario M1) des capacités
de développement du photovoltaïque. Selon les photovoltaïques totales. Ceci permet d’une part
scénarios, l’emprise au sol des parcs solaires de maîtriser l’impact de l’essor du photovol-
représente entre 50 000 et 200 000 hectares. taïque sur l’occupation des sols et les risques de
concurrence d’usages et d’autre part de refléter
Outre les enjeux en matière d’occupation des sols l’appétence des consommateurs pour l’installa-
et de concurrence d’usages, le photovoltaïque tion de systèmes énergétiques locaux et pour
suscite parfois aussi des interrogations quant à la l’autoconsommation ;
consommation de matières qu’il engendre (notam- u dans la répartition territoriale : la déclinai-
ment silicium) ainsi que la dépendance par rapport son géographique des scénarios sur le
à des fournisseurs étrangers pour les modules et solaire se caractérise par une répartition
panneaux. des installations (sur toitures et au sol)
sur l’ensemble des régions françaises.
Enfin, si la question de la covisibilité se pose de Si les installations restent naturellement plus
manière moins prononcée que pour l’éolien ter- nombreuses dans le sud de la France, plus
restre, celle-ci est également présente dans les ensoleillé, dans tous les scénarios, le dévelop-
débats autour du déploiement du photovoltaïque, pement de parcs solaires est supposé toucher
en particulier dans les zones à proximité de monu- l’ensemble des régions françaises, tiré en partie
ments historiques et de sites classés. Une instal- par l’appétence des acteurs locaux. Ceci permet
lation photovoltaïque est ainsi concernée par le ainsi d’éviter une trop forte densification des
régime de protection des monuments historiques parcs photovoltaïques dans seulement quelques
(article L.621-1 et suivants du Code du patrimoine) régions françaises.
si elle se déploie dans le périmètre d’un bâtiment
classé. Selon les cas, l’installation peut nécessiter Dans un contexte d’inflexion du développement du
l’accord ou l’avis des architectes des bâtiments de photovoltaïque, les prochaines années seront clés
France76, qui peuvent formuler des recommanda- pour évaluer l’acceptabilité de cette technologie et
tions pour le dossier d’autorisation des travaux et des infrastructures à long terme.
ainsi apporter des contraintes supplémentaires
pour l’implantation de panneaux photovoltaïques. L’éolien en mer
Au-delà des bâtiments classés, la visibilité des L’éolien en mer se caractérise par une situation
panneaux photovoltaïques au sein de certains particulière par rapport à l’éolien terrestre et au
paysages et espaces naturels suscite parfois aussi photovoltaïque, dans la mesure où aucun parc
l’inquiétude des populations locales. commercial n’est aujourd’hui en service en France
(le premier prévu à Saint-Nazaire entrera en
Dans les Futurs énergétiques 2050, l’ensemble de service au cours de l’année 2022).
ces facteurs d’acceptabilité autour du photovol-
taïque a été pris en compte dans l’élaboration des Le développement de cette technologie, avec plus
hypothèses des scénarios, notamment : d’une dizaine de parcs en projets ou envisagés
u dans la répartition entre installations sur toi- à moyen terme au large des côtes françaises, a
tures et parcs au sol : les hypothèses rete- cependant déjà fait l’objet de nombreux débats et
nues prévoient dans tous les scénarios une concertations organisés dans les régions concer-
part significative d’installation sur toitures nées. Ceux-ci mettent en évidence des facteurs
77. V an Dalen, P. (2020). Working document on the impact on the fishing sector of offshore windfarms and other renewable energy systems. Committee on
Fisheries ; European Parliament
78. Chatelin, Sylvie, Danielle Faysse, Gérard Bavouzet, Jean-Louis Marechal, et Jean-Luc Pirot. « Enquête publique unique : « Projet de construction d’un parc
éolien en mer en baie de Saint Brieuc » ». Ordonnance du Tribunal Administratif de Rennes du 28 juin 2016, s. d.
79. Stelzenmüller, V. et al., (2020), Research for PECH Committee – Impact of the use of offshore wind and other marine renewables on European fisheries.
European Parliament, Policy Department for Structural and Cohesion Policies, Brussel
80. Oiry, A. (2015). Conflits et stratégies d’acceptabilité sociale autour des énergies marines renouvelables sur le littoral français. VertigO, 15(3).
81. CNPMEM – Comité national des pêches maritimes et des élevages marins. (2015). Position des comités des pêches maritimes et des élevages marins à
l’égard du développement des énergies marines renouvelables.
82. Kermagoret, C., Levrel, H., Carlier, A., & Dachary-Bernard, J. (2014). Acceptation et préférences des acteurs de territoire pour la compensation
socioenvironnementale dans un contexte de développement économique : Application au projet de parc éolien en mer de la baie de Saint-Brieuc. 20.
834
L’analyse sociétale . 13
12
60 % des Français considèrent que la protection de éloignés des côtes sera là encore un facteur de
la mer ne serait pas suffisamment prise en compte meilleure acceptabilité à long terme.
dans les politiques publiques, tandis que plus de
70 % se sont prononcés en faveur du développe- L’éolien en mer est aussi caractérisé par des dyna-
ment d’activités humaines « plus respectueuses de miques sociétales positives en vue de l’accélération
l’environnement marin afin de protéger la mer ». de son développement. Au-delà de son caractère
bas-carbone et de sa nécessité pour réduire les
Ce sujet conduit à date à une situation paradoxale émissions de gaz à effet de serre, l’éolien en mer
marquée par des divergences fortes de point de constitue une technologie dont les coûts ont forte-
vue. D’un côté, les participants aux débats organi- ment décru ces dernières années, avec l’industria-
sés à l’échelle locale autour des projets éoliens en lisation de la filière. L’éolien en mer posé, qui se
mer témoignent souvent d’un manque de connais- développe partout en Europe, est désormais l’une
sances scientifiques et d’un déficit de retour d’ex- des filières les plus compétitives pour la production
périence à propos des effets de l’éolien en mer sur d’électricité.
la biodiversité marine à long terme83. De l’autre,
certaines études mettent en évidence un socle de En outre, la filière éolienne en mer génère de fortes
connaissances important et une littérature inter- retombées économiques locales et de nombreux
nationale abondante sur ce sujet84, qui serait de emplois industriels. Les appels d’offres lancés à
nature à rassurer sur les impacts environnemen- partir de 2011 en France ont contribué à assurer la
taux de l’éolien en mer. constitution d’un tissu industriel français, via des
critères de sélection incluant un contenu d’emploi
Des mesures permettant de limiter le bruit occa- local. La France compte ainsi dès aujourd’hui plu-
sionné par les travaux ou encore l’emprise sur sieurs usines majeures pour la filière éolienne en
les fonds marins seront de nature à favoriser une mer au Havre, à Cherbourg ou encore à Montoir-
meilleure insertion des projets dans l’environne- de-Bretagne. Ces perspectives induisent ainsi un
ment. La compensation environnementale, à tra- large soutien des collectivités territoriales au déve-
vers l’approche ERC (éviter, réduire, compenser), loppement de l’éolien en mer.
est également propre à améliorer l’acceptabilité
des projets. Tous les scénarios considérés dans les Futurs éner-
gétiques 2050 impliquent une accélération du
Enfin, si la question paysagère est moins prégnante développement de l’éolien en mer pour atteindre
que pour l’éolien terrestre, elle peut localement l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.
susciter des oppositions, en particulier dans les Cette perspective invite à organiser une planifica-
zones touristiques, au large des stations balnéaires tion de l’arrivée des futurs parcs éoliens en mer,
ou encore dans les zones à forte composante patri- d’une part en vue d’apporter de la visibilité à long
moniale. À l’échelle mondiale, l’analyse de l’impact terme pour l’ensemble des parties prenantes locales
de l’éolien en mer sur le tourisme présente des et d’autre part pour anticiper le développement d’in-
résultats divergents selon les régions (effet néga- frastructures nécessaires à leur accueil (intégration
tif en Catalogne85, effet positif aux États-Unis86). au réseau, adaptation des ports et voies d’accès…).
Dans tous les cas, cette problématique reste un
point d’attention important pour l’acceptabilité des Dans le schéma de réseau publié en 2019, RTE
futurs parcs. Le fait de privilégier des parcs plus avait mis en évidence l’intérêt d’approfondir la
83. B eaucire, F., (2020) « En mer, en Normandie, de nouvelles éoliennes ? Compte rendu du débat public ». Normandie: CNDP. .
84. ADEME, Deloitte, Devauze Chloé, Mariane Planchon, Florian Lecorps, Maxime Calais, et Mathilde Borie. « État de l’art des impacts des énergies renouvelables
sur la biodiversité, les sols et les paysages, et des moyens d’évaluation de ces impacts – Rapport final ». ADEME, 2019.
85. Voltaire, Louinord, et Obafèmi Philippe Koutchade. « Public Acceptance of and Heterogeneity in Behavioral Beach Trip Responses to Offshore Wind Farm
Development in Catalonia (Spain) ». Resource and Energy Economics 60 (mai 2020): 101152. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/
S0928765519300302?via%3Dihub
86. Carr-Harris, Andrew, et Corey Lang. « Sustainability and Tourism: The Effect of the United States’ First Offshore Wind Farm on the Vacation Rental Market ».
Resource and Energy Economics 57 (août 2019): 51‑67. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0928765518302902?via%3Dihub
836
L’analyse sociétale . 13
12
du nucléaire dans le mix électrique apparait ainsi En troisième lieu, les critiques envers la filière
comme un élément moteur du débat démocratique nucléaire portent également sur son caractère
autour de la transition énergétique, caractérisé par réputé peu démocratique et son manque de trans-
plusieurs facteurs d’acceptabilité spécifiques. parence. Cette caractéristique a par exemple été
largement discutée à la suite de l’accident de
En premier lieu, le risque d’accident reste une Tchernobyl en 1986, puisque les conséquences
préoccupation majeure par rapport au développe- en matière de radioactivité en France ont pu être
ment de la filière nucléaire. Bien que les Français diversement appréciées et communiquées auprès
reconnaissent l’importance du nucléaire dans l’ap- du grand public. Cet événement constitue encore
provisionnement énergétique de la France, cer- aujourd’hui un élément déterminant dans la per-
tains le perçoivent dans le même temps comme ception des Français sur la transparence du sec-
un risque et une menace. Selon le baromètre teur nucléaire.
2021 de l’Institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire87, les centrales nucléaires apparaissent En outre, avant les années 2000, les décisions sur
toujours comme les premières causes potentielles le nucléaire ont fait l’objet de très peu de débat
d’accidents pour les Français et les catastrophes public au niveau national ou local. Les sondages
nucléaires restent des évènements perçus comme d’opinion et les débats de la CNDP organisés plus
les plus « effrayants ». Les accidents de Tchernobyl récemment montrent ainsi une défiance d’une par-
et Fukushima ont ainsi conduit à une remise en tie du public vis-à-vis de la filière non seulement au
question de la place du nucléaire dans certains niveau des risques associés mais également sur la
pays. Ce rapport au risque, qui évolue en fonction gouvernance des projets nucléaires (construction,
des populations et du niveau de connaissance sur sûreté d’exploitation, démantèlement, gestion des
la technologie, reste un enjeu structurant pour la déchets) traduisant le sentiment d’une faible place
technologie nucléaire. Le risque nucléaire appa- laissée à la population pour s’exprimer90. La CNDP
raît d’autant plus complexe à appréhender par note également une méfiance importante des
les citoyens dans la mesure où il est caractérisé citoyens sur les données fournies par les membres
par une probabilité d’accident très faible mais aux de la filière90. Afin d’approfondir l’effort de trans-
conséquences potentiellement dramatiques. parence et de concertation, plusieurs mesures ont
été mises en place depuis une vingtaine d’années.
En deuxième lieu, les débats sur l’acceptabilité Chaque centrale met à disposition tous les mois un
du nucléaire se concentrent régulièrement sur la rapport complet sur les risques via la Commission
question des déchets radioactifs et de leur gestion locale d’information tandis que l’Autorité de sûreté
à long terme. En effet, le fait que cette technolo- nucléaire et l’Institut de radioprotection et de
gie conduise à générer des déchets radioactifs qui sûreté nucléaire publient de nombreux rapports
resteront dangereux pendant plusieurs dizaines de sur l’état des centrales et les rapports d’incident.
milliers d’années constitue un point de contesta- Malgré ces dispositifs, de nombreuses parties pre-
tion important pour une partie de la société civile. nantes affichent encore leurs doutes sur la qualité
Cette problématique pose une question éthique des informations et des données transmises dans
vis-à-vis du poids légué aux générations futures88. ces différents rapports.
Elle nécessite en outre des infrastructures spé-
cifiques pour le traitement et de stockage des En matière de concertation et de gouvernance,
déchets (projet Cigéo) évoquées au chapitre 12.5, les années 2000 ont aussi marqué le début de
qui génèrent elles-mêmes des difficultés d’accep- l’évolution de la gouvernance des projets avec le
tabilité au niveau local89. développement des débats publics sur les projets
nucléaires que ce soit sur la question de la gestion
88. C NDP, 2019, compte rendu du débat public sur le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, 200 pages
89. Thôrel, J. (2016), A Bure, les habitants et paysans refusent que leur territoire devienne une « grande poubelle nucléaire », Bastamag.
90. CNDP, 2018, Débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, Bilan de la Présidente, 6 pages
91. Voir SFEN (2020), Interview du maire de Fessenheim, défi d’une reconversion complexe.
838
L’analyse sociétale . 13
12
En complément des transformations attendues sur Ainsi, le thème de la flexibilité, souvent abordé sous
les volets de la consommation et de la production l’angle très technique des « smart grids », est fausse-
énergétique, l’évolution du système électrique est ment anodin. Plusieurs expressions, dans le cadre de
marquée par un besoin de flexibilité accru, en lien la concertation, l’ont assimilé à une gestion déguisée
avec la part croissante des énergies renouvelables de la pénurie. Ceci illustre bien la sensibilité de cette
variables dans le mix. Ce besoin de flexibilité peut thématique et la raison pour laquelle elle est abordée
être couvert en s’appuyant sur des moyens de au sein de ce chapitre sur les enjeux sociétaux. Il est
stockage ou de production mais également via la ainsi importer de rappeler (i) que la consommation
modulation de la demande électrique associée à est déjà naturellement flexible pour certains de ses
certains usages. usages (par une exposition aux prix ou via des dis-
positifs techniques) et (ii) que le besoin de flexibilité
Cette flexibilité des usages électriques ne sera ne doit pas être résumé à la question des énergies
accessible à terme que si elle est bien accep- renouvelables, la France ayant été un pays pionnier
tée par les consommateurs, notamment chez les dans le développement, dès les années 1970-1980,
particuliers. Elle suppose en effet certains chan- d’une tarification dynamique (heures pleines-heures
gements de paradigmes dans les normes, habi- creuses) et de la flexibilité de la demande, avec la
tudes et comportements de consommation : en recharge pilotée de la recharge des chauffe-eau (eau
cela, la flexibilité des usages revêt des enjeux chaude sanitaire). Les leviers étudiés par la suite
sociétaux. sont de ce type.
92. D esjeux, D., Berthier, C., Jarrafoux, S., Orhant, I., & Taponier, S. (1996). Les représentations de l’électricité : Perception et imaginaire. In Anthropologie de
l’électricité. Les objets électriques dans la vie quotidienne en France (l’Harmattan).
93. Brisepierre Gaëtan. (2013). Analyse sociologique de la consommation d’énergie dans les bâtiments résidentiels et tertiaires Bilan et perspectives. ADEME.
94. Maresca, B., Picard, R., & Dujin, A. (2009). La consommation d’énergie dans l’habitat entre recherche de confort et impératif écologique. CREDOC, Cahier
de recherche, 264. https://www.credoc.fr/download/pdf/Rech/C264.pdf
95. Rocci, A. (2018). « L’apport des SHS pour accompagner la transition vers les nouvelles mobilités ». In Les nouvelles mobilités à la lumière des sciences
humaines et sociales (MSH Paris-Saclay Editions).
840
L’analyse sociétale . 13
12
à la connaissance de l’individu certaines solu- en partie les rythmes de vie et donc la flexibilité
tions de maîtrise de la consommation d’énergie accessible sur certains usages.
et la valeur de ces solutions pour le système
électrique. En troisième lieu, il ressort de nombreux tra-
u les normes, notamment pour les nouveaux équi- vaux une volonté forte des individus de garder
pements, permettent d’encadrer et d’orienter le contrôle sur leurs équipements. C’est pourquoi
les pratiques95 de manière à garantir le déploie- un effacement de certains équipements piloté
ment effectif de la flexibilité. On peut notam- par un tiers peut se heurter, d’une part, à cette
ment citer l’installation de bornes de recharge volonté et d’autre part, à l’attachement à la vie
flexibles pour les véhicules électriques dans privée et aux données personnelles. Ainsi, 20 %
certains secteurs, la fixation de normes spéci- des Français seulement sont disposés à accepter
fiques pour la gestion intelligente de la charge un pilotage automatisé par un tiers de ses équi-
dans les nouveaux bâtiments, etc. pements97. Dans ce contexte, les perspectives de
développement d’effacements manuels, activés à
En second lieu, le développement de la flexibilité distance (par exemple via une application de smart-
de la demande peut être contraint par les rythmes phone) ou directement au niveau de la connexion
de vie. Par exemple, les usages électriques pour la électrique, ne doivent pas être négligées.
cuisson ou le lavage (machine à laver, lave-vais-
selle…) peuvent être rythmés par les horaires de Enfin, de manière plus générale, les possibili-
présence au domicile96 et la synchronisation ou le tés de déploiement de la flexibilité apparaissent
séquencement de certaines activités quotidiennes. déterminées par plusieurs facteurs, qui dépendent
Les contraintes organisationnelles des ménages des catégories de population : facteurs démo-
sont rigides, tant spatialement que temporelle- graphiques (âge du consommateur et composi-
ment, et rendent l’acceptabilité de la flexibilité iné- tion du ménage), facteurs socio-spatiaux (type
gale selon les équipements. Ceci constitue ainsi un d’habitat et taux d’accès à la propriété), facteurs
frein potentiel à la flexibilisation de certains usages socio-économiques (catégorie socio-profession-
même si des évolutions récentes de la structura- nelle et normes sociales), facteurs politiques (prise
tion des activités (augmentation de l’amplitude de conscience des enjeux écologiques, diffusion
horaire des ouvertures de magasins, développe- des éco-gestes…), facteurs techniques et techno-
ment du télétravail…) sont susceptibles de modifier logiques (développement de la domotique…).
96. C ass, Noel Flay & Shove, Elizabeth Anne. (2019). Time, Practices and Energy Demand:Implications for flexibility. https://eprints.lancs.ac.uk/id/eprint/130369
97. CREDOC (Juin 2018) Enquête « Conditions de vie et Aspirations »
De la même manière que pour les autres transfor- Selon les modalités envisagées pour le pilotage de
mations sociétales décrites dans ce chapitre, l’es- la demande, l’acceptabilité de telles fonctionnali-
sor de la flexibilité des usages électriques pose la tés peut varier fortement. S’il est souvent indiqué
question des modalités de son déploiement. que l’avenir de la flexibilité réside dans l’inter-
médiation d’un tiers pour « décharger » l’usager
D’une part, la flexibilité de la demande électrique final de la nécessité de procéder à des arbitrages
peut se traduire par des dispositifs très différents, en temps réel, certaines enquêtes montrent
qui engagent plus ou moins le consommateur. Elle aujourd’hui que peu de ménages sont disposés à
peut en effet passer par des dispositifs automatiques accepter un pilotage automatisé par un tiers98. La
de pilotage de la recharge, déclenchés soit par des flexibilité « manuelle » constitue ainsi un levier à
agrégateurs spécialisés, soit par un signal tarifaire. ne pas négliger pour assurer un essor significatif
Elle peut également correspondre à des actions de la flexibilité de la consommation électrique à
manuelles réalisées directement par l’utilisateur (par terme.
exemple, un utilisateur de véhicule électrique qui ne
brancherait son véhicule que lors des week-ends, D’autre part, le développement de la flexibi-
pendant lesquels la consommation est générale- lité de la demande peut être déterminé par des
ment moins importante). Le recours aux fonctionna- leviers d’action publique de différentes natures :
lités des compteurs communicants ou de la grande mesures d’accompagnement, normes pour les
variété d’applications de domotique peuvent égale- nouveaux appareils, incitation économique,
ment faciliter l’accès à la flexibilité de la demande, information et pédagogie sur les enjeux environ-
avec des possibilités d’activation simplifiées mais qui nementaux, etc.
restent à la main du consommateur final.
842
L’analyse sociétale . 13
12
Dans tous les scénarios considérés dans En particulier, la flexibilité liée à la recharge des véhi-
l’étude, la flexibilité de la demande électrique cules électriques (pilotage de la recharge et vehicle-
est supposée croître de manière significative, to-grid), qui représente un potentiel très important
notamment en s’appuyant sur les nouveaux s’élevant à plusieurs dizaines de gigawatts, a fait
usages les plus flexibles comme la recharge l’objet de nombreux débats dans le cadre de la
des véhicules électriques. Les hypothèses pré- concertation. Celle-ci peut se décliner selon diffé-
sentées au chapitre 7 et en annexe permettent rentes modalités, allant du pilotage tarifaire de la
ainsi d’illustrer les gisements attendus. recharge (qui peut être transparente pour l’utilisa-
teur comme dans le cas des ballons d’eau chaude
Pour autant, compte tenu des implications de asservis au signal heures pleines/heures creuses
cette flexibilisation pour les consommateurs et de aujourd’hui). Accéder à cette flexibilité requiert que
l’absence de recul sur de nombreux usages (par les utilisateurs acceptent que leurs véhicules élec-
exemple les véhicules électriques) et les modes triques se rechargent au meilleur moment pour le
d’organisation concrets de cette flexibilité, de système électrique, voire, dans le cas du vehicle-
nombreuses incertitudes existent sur le dévelop- to-grid, qu’ils acceptent que leurs batteries soient
pement effectif qui pourrait être atteint. L’analyse ponctuellement partiellement vidées pour contri-
comparative des hypothèses considérées dans de buer à l’équilibre du système électrique. Au-delà
nombreuses études, présentée en partie 7.3.2, des inquiétudes sur le fait de manquer d’électricité
permet d’illustrer cette disparité. RTE a retenu pour les trajets futurs, un tel pilotage de la recharge
une configuration dite « prudente » comme suscite parfois un point de vigilance quant à son
configuration de référence, qui correspond impact sur la durée de vie des batteries.
au second niveau possible sur une échelle
de quatre pour la flexibilité de la demande. Au vu du développement encore limité du véhicule
Ceci permet de prendre en compte les nouveaux électrique en France et en Europe, les habitudes
usages sans présumer de leur efficacité en matière de recharge des utilisateurs et leurs évolutions à
de révolution des usages. long terme restent encore incertaines. D’après une
étude du CREDOC, 65 % des Français déclarent
Dans le détail, la flexibilité de la demande repré- préférer recharger le véhicule électrique au
sente une capacité (exprimée en puissance moment où l’électricité est la moins chère. Ainsi,
moyenne effaçable) pouvant varier entre 9 et un signal tarifaire pourrait avoir des effets positifs
44 GW selon les configurations contrastées consi- sur le report de la recharge. En revanche, 56 % des
dérées par RTE. Cette capacité est significative à sondés se disent réticents à un pilotage automatisé
l’échelle des autres moyens de flexibilité mobili- de la recharge. Enfin, parmi les 30 % d’individus
sés : à titre d’exemple, les batteries représentent acceptant un pilotage automatisé, 23 % ne veulent
entre 1 et 40 GW dans les différents scénarios, soit pas que la batterie soit déchargée à distance, ce
des ordres de grandeur comparables. Les princi- qui est une contrainte au vehicle-to-grid99.
paux gisements de flexibilité identifiés portent sur
la recharge des véhicules électriques, la production De manière générale, dans le cadre de la consul-
d’hydrogène par électrolyse, la production d’eau tation publique, plusieurs acteurs ont invité RTE à
chaude sanitaire et l’effacement de certains pro- retenir des hypothèses prudentes sur les possibili-
cess industriels. tés de flexibilité des usages électriques, notamment
Figure 13.10 Hypothèses de flexibilité sur les différents usages, dans les quatre configurations étudiées.
Les pourcentages indiquent la part pilotée des usages considérés100,101
- +
électrique
des consommateurs particuliers
Pilotage dynamique 0% 0% 23 % 40 % 57 %
Vehicle-to-grid 0% 0% 2% 6% 20 %
Eau chaude
Pilotage tarifaire statique ~75 % 50 % 60 % 75 % 90 %
sanitaire
Effacements longs avec
alternative de chauffage ~2 % 0% 4% 4% 7%
(y.c. PAC hybrides)
Chauffage
Effacements courts
(1 heure) sans alternative ~0 % 0% 0% 8% 25 %
de chauffage, avec report
Effacements courts
Climatisation 0% 0% 0% 8% 25 %
(1 heure) avec report
Usages blancs Effacements ponctuels 0% 0% 0% 0% 0%
Process
Effacements ponctuels 18 % 11 % 19 % 26 % 35 %
industriels
Usages
Effacements ponctuels ~1 % 1% 2% 3% 4%
tertiaire
Fonctionnement en période
de prix faibles (marginalité 0% 86 % 86 % 100 %
EnR ou nucléaire) quasi
Electrolyse
Electrolyseurs fonctionnant inexistant
en bande, effaçables 50 % 14 % 14 % 0%
ponctuellement
100. En pratique, il s’agit de la puissance moyenne effaçable/modulable divisée par la puissance moyenne du soutirage de l’usage considérée.
101. Les hypothèses retenues sur la flexibilité de la consommation dans la configuration de référence et les configurations alternatives considérées sont
détaillées dans les annexes.
844
L’analyse sociétale . 13
12
L’évolution à long terme des potentiels de flexibi- Enfin, l’accessibilité des gisements de flexi-
lité de la demande électrique dépendra d’un grand bilité de la demande devient fondamenta-
nombre de facteurs, qui doivent faire l’objet d’un lement imbriquée avec la problématique de
suivi dans le temps. la sécurité d’approvisionnement en électri-
cité. En effet, les possibilités de flexibilisation
L’observation du développement des nouveaux de la demande électrique dépendent de la valeur
usages comme le véhicule électrique et l’hydro- que les utilisateurs accordent à leur approvision-
gène et le retour d’expérience sur les possibilités nement en électricité pour alimenter certains
effectives de flexibilisation de la demande sera usages. À ce sujet, des travaux seront menés par
en particulier clé pour consolider les projections RTE sur l’évolution du critère de sécurité d’appro-
sur l’évolution de la flexibilité de la consomma- visionnement électrique pour mieux prendre en
tion à long terme. Ce retour d’expérience pourra compte les possibilités de flexibilité accrue des
s’appuyer sur des démonstrateurs ou encore sur usages électriques.
l’étude de panels d’utilisateurs.
Le travail mené dans le cadre des Futurs énergé- (production et réseau), avenir du parc nucléaire de
tiques 2050 et restitué dans le présent rapport deuxième génération, dont 12 réacteurs doivent
a consisté à analyser différentes options pour faire l’objet d’une fermeture entre 2025 et 2035
atteindre la neutralité carbone en 2050. selon la PPE adoptée en 2020, potentielle relance
du nucléaire via la construction de nouveaux réac-
Les options présentent des points communs (baisse teurs, accélération du déploiement des énergies
de la consommation d’énergie, augmentation de la renouvelables, et plus généralement sortie des
part de l’électricité, recours aux énergies renou- énergies fossiles. Ces choix doivent être réalisés
velables) mais également des différences impor- dans un intervalle de temps très restreint en raison
tantes en ce qui concerne le rythme d’évolution de l’urgence à réduire les émissions de gaz à effet
de la consommation et sa répartition par usage, le de serre.
développement de l’industrie, l’avenir du nucléaire,
le rôle de l’hydrogène, l’évolution des modes de L’intérêt et la forte participation des parties pre-
vie, etc. Les Futurs énergétiques 2050 répondent nantes à la concertation organisée par RTE sur les
ainsi au besoin de documenter ces options en Futurs énergétiques 2050 découlent précisément
décrivant les évolutions du système électrique sur de l’importance de ces choix, du besoin de les
le plan technique, en chiffrant les coûts associés, documenter avant de les trancher dans le cadre
en détaillant les conséquences environnementales des échéances électorales à venir et du vote de la
au sens large et en explicitant les implications en loi de programme.
matière de modes de vie.
L’articulation des travaux autour de grands scé-
L’étude met l’accent sur le caractère structurant des narios décrivant des logiques définies a priori
décisions à prendre pour concevoir la nouvelle stra- correspond à ce besoin. Ainsi, les scénarios ne
tégie française pour l’énergie et le climat (SFEC). sont pas calés par rapport à un optimum tech-
Celle-ci sera cadrée par une loi de programmation nique ou économique, mais par référence aux
en 2023 et précisée par des textes réglementaires différentes aspirations identifiées dans le cadre
(PPE, SNBC) à réviser d’ici 2024. Les décisions de la concertation :
dont il est question portent sur les principaux para- u sur le volet production : avec ou sans nouveau
mètres de l’approvisionnement énergétique de la nucléaire, en considérant une trajectoire plus
France : prévision des besoins énergétiques du ou moins rapide de fermeture des réacteurs
pays par secteur et type d’énergie, planification du actuels, selon des mix renouvelables et des
développement des infrastructures énergétiques logiques différentes ;
848
L’analyse des dynamiques . 14
12
u sur le volet consommation : dans le cadre de simulés, soit 18 configurations complètes. Ces
référence fixé par la SNBC ou en rupture via « scénarios de base » sont complétés par l’en-
le développement de la sobriété ou la réindus- semble des variantes portant sur la consommation
trialisation profonde, avec plus ou moins d’hy- (« accélération 2030 », « hydrogène + », « électrifi-
drogène, via une accélération des transferts cation +/- », « efficacité énergétique - »), les coûts,
d’usages plus ou moins marquée à court terme… etc. Certaines de ces variantes, comme « hydro-
gène + » ou « mondialisation contrariée », feront
Ce travail permet de disposer de trois scénarios de l’objet de travaux spécifiques dans le prolongement
demande et des six scénarios de mix intégralement de l’étude.
L’approche par scénario ne doit pas masquer le fait entreprises et les particuliers, dans un cadre fixé par
que les décisions prises prochainement ne condui- les pouvoirs publics à différent niveaux. Les choix de
ront pas à figer, pour les trente prochaines années, politique énergétique sont donc régulièrement réac-
les trajectoires de transition énergétique. Une tualisés et réinterrogés. Le travail réalisé par RTE, en
vision « dynamique » des enjeux de la transition est ne procédant pas à des appariements entre certains
donc également nécessaire. scénarios de consommation et certains scénarios
de production fixés a priori, permet de mettre plus
Tout d’abord, il est nécessaire de disposer d’une d’options sur la table.
représentation temporelle pour prendre en compte
les différents objectifs climatiques en fonction des Enfin, la conjoncture internationale joue un rôle impor-
échéances et pour matérialiser les points d’inflexion tant, qui peut favoriser ou au contraire rendre plus
sur les trajectoires de consommation énergétique difficiles certaines options de transition énergétique.
et de développement des moyens de production
et de flexibilité électriques. Toutes les options étu- Les choix qui attendent la France vont ainsi devoir
diées dans les Futurs énergétiques 2050 ne sont être réalisés dans un contexte international qui
ainsi pas équivalentes par rapport à l’enjeu d’une n’est en rien comparable à celui qui prévalait au
accélération de la décarbonation à l’horizon 2030. début des travaux sur les Futurs énergétiques 2050.
Outre la crise sanitaire et ses conséquences, la crise
Les résultats présentés ont été largement articulés énergétique qui sévit en Europe depuis le second
autour d’échéances de long terme – à l’horizon de semestre 2021 trouve son origine à la fois dans des
la neutralité carbone (2050) ou au terme du renou- phénomènes structurels tels que la dépendance aux
vellement complet du parc nucléaire de deuxième énergies fossiles ou le fonctionnement du système
génération (2060). Or, les engagements clima- électrique européen interconnecté, déjà décrits et
tiques de la France ne se restreignent pas à 2050 et problématisés dans l’étude, mais également dans
prévoient notamment une baisse très rapide pour des évènements conjoncturels tels que l’augmenta-
s’accorder avec le nouvel objectif de -55 % sur les tion sans précédent du prix du gaz fossile. Dans une
émissions nettes d’ici 2030 fixé au niveau européen telle situation, l’investissement dans les solutions
dans le cadre du Pacte vert (Green Deal). Cet objec- de transition énergétique est à la fois plus rentable
tif est au moins aussi structurant que celui de 2050, (puisque les énergies fossiles sont plus chères) et
dans la mesure où il implique un changement de plus compliqué à enclencher (puisque le coût de
trajectoire très marqué et donc une rupture avec la l’énergie renforce la part des dépenses contraintes
tendance historique avec des exigences de résul- dans le budget des entreprises et des ménages au
tats à court terme. Cet objectif pourrait se retrouver détriment de leurs capacités de financement).
d’ores et déjà hors de portée si des inflexions ne se
manifestent pas très rapidement dans les courbes Ces différents éléments conduisent à mettre en
de production et de consommation. perspective, dans ce dernier chapitre des Futurs
énergétiques 2050, les conclusions du rapport
Deuxièmement, le travail sur les scénarios ne doit au regard de différents échéances temporelles.
pas enfermer le débat dans des visions trop mani-
chéennes des avenirs possibles. Cette présentation complémentaire des résultats vise
(i) à analyser les indicateurs des différents scéna-
En effet, les scénarios représentent, par essence, une rios selon un prisme temporel plus riche, (ii) à faire
vision simplifiée des évolutions du secteur : la poli- émerger les principaux choix et jalons décisionnels
tique énergétique ne se résume pas dans le choix d’un à respecter pour atteindre les objectifs climatiques,
scénario puis en sa déclinaison, même si elle peut s’en et (iii) à préciser comment s’ouvrent ou se ferment
inspirer dans son orientation générale. Au contraire, les options envisageables selon les échéances tem-
elle est le fruit de multiples décisions prises par les porelles et selon les différents scénarios.
850
L’analyse des dynamiques . 14
12
Figure 14.1 Volumes de production électrique décarbonée disponibles entre 1990 et 2021, et en 2030 dans les différents
scénarios
N03
M1, M23, N1, N2
M0
600
500
400
TWh
300
200
Bioénergies
Photovoltaïque
100 Éolien
Hydraulique
0 Nucléaire
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2030
852
L’analyse des dynamiques . 14
12
Entre 2000 et 2019, la consommation électrique besoins de chauffage peuvent être plus importants
intérieure française est passée de 449 TWh à et contribuer à une augmentation significative de
476 TWh. La croissance de la consommation a eu la puissance appelée. Au début des années 2010,
lieu essentiellement durant la première partie de l’évolution des pointes de consommation du sys-
la période, avec un décroché lors de la crise finan- tème électrique est ainsi devenue une source de
cière de 2008, puis plus récemment lors de la crise vigilance, avec notamment une consommation de
sanitaire du Covid-19. plus de 102 GW enregistrée lors de la vague de
froid de février 2012.
Cette évolution de la consommation s’est égale-
ment traduite, au cours des années 2000, par une Sous l’effet des réglementations thermiques et
augmentation de la pointe de consommation, dans de la modernisation des équipement de chauf-
des proportions plus importantes que l’augmen- fage, les pointes de consommation ne croissent
tation de la consommation d’électricité à l’échelle plus : même si la part du chauffage électrique
annuelle. La forte volatilité de la pointe liée aux a continué à progresser en France, la sensibilité
aléas de température est apparue à la fin des de la pointe de consommation à la température
années 1970 avec le développement du chauffage apparaît aujourd’hui stabilisée depuis une dizaine
électrique : lors d’une vague de froid intense, les d’années.
854
L’analyse des dynamiques . 14
12
Les scénarios des Futurs énergétiques 2050 u dans le scénario sobriété, les effets sont beau-
prévoient un infléchissement à la hausse de la coup plus diffus et progressifs ;
consommation d’électricité au cours de la décennie u dans le scénario réindustrialisation profonde
2020 en raison d’une accélération de l’électrifica- ou la variante accélération 2030, l’inflexion est
tion (notamment dans les transports, le bâtiment beaucoup plus marquée notamment dans le
et l’industrie) pour réduire les émissions de gaz secteur des transports : elle conduit à une aug-
à effet de serre. Dans le scénario de référence, mentation de 60 à 70 TWh en 2030 par rapport
qui correspond aux orientations publiques à date au niveau de 2019.
(objectif de réduction des émissions de gaz à
effet de serre de 40 % en 2030) complétées des Si une accélération de l’électrification, en complé-
politiques sectorielles adoptées depuis (France ment d’autres mesures, apparaît incontournable
relance, France 2030, stratégie hydrogène, loi cli- pour atteindre l’objectif de 55 % de réduction des
mat et résilience, réglementation sur le bâtiment, émissions nettes de gaz à effet de serre à l’horizon
etc.), l’augmentation est de 33 TWh à l’horizon 2030, sa concrétisation dépendra de la capacité de
2030 par rapport au niveau de 2019. la France à accélérer ces transformations (évolu-
tion des parts de marché des véhicules électriques,
Il s’agit d’une inflexion par rapport à la tendance de la place de l’électricité dans les constructions
des dernières années. Malgré la légère crois- neuves et le parc existant, etc.).
sance du poids de l’électricité dans la consomma-
tion finale d’énergie (passant de 24 % en 2005 à Dans le même temps, une moindre diffusion de
26 % en 2010 et 27 % en 2019), la consommation l’efficacité énergétique pourrait conduire à une
d’électricité est en effet entrée depuis une dizaine consommation supplémentaire d’électricité de
d’années dans une phase de stabilité, après plu- l’ordre de 20 TWh à l’horizon 2030, tandis que les
sieurs décennies de croissance. Comme exposé au effets de la sobriété peuvent entraîner une dimi-
chapitre 3, cette stabilité apparente résulte de la nution de l’ordre de 30 TWh toutes choses étant
compensation de deux effets opposés : l’un bais- égales par ailleurs.
sier lié à l’efficacité énergétique et aux évolutions
structurelles de l’activité économique (tertiarisa- Il existe donc une incertitude totale d’envi-
tion notamment), l’autre haussier résultant de la ron +/- 40 TWh autour du scénario de réfé-
croissance démographique et d’une électrification rence à l’horizon 2030, d’autant plus forte que
tendancielle. l’inflexion à la hausse n’a pas encore été obser-
vée. Une telle incertitude est significative au péri-
Il existe une incertitude sur le calendrier mètre des évolutions étudiées dans les Futurs
précis de matérialisation de cette inflexion énergétiques 2050.
attendue à la hausse :
u dans la configuration de référence, elle doit
intervenir de manière graduelle d’ici 2025 puis
s’accélérer ensuite ;
856
L’analyse des dynamiques . 14
12
Figure 14.2 Cône de variation des différentes trajectoires de consommation des Futurs énergétiques 2050
600
+/-40 TWh
500
400
TWh
300
200
100 Historique
Trajectoire
de référence
Variantes autour
0 de la référence
2005 2010 2015 2020 2025 2030
Tous les scénarios présentés dans les Futurs éner- (appels d’offres, guichets ouverts pour les petites
gétiques 2050 reposent sur une accélération du installations). Les échanges en concertation ont
rythme d’installation des énergies renouvelables, davantage mis en évidence l’effet des procédures
notamment de l’éolien en mer et du solaire photo administratives nécessaires au déploiement des
voltaïque. Il s’agit d’un défi industriel et sociétal projets et les délais d’instruction. Des travaux ont
considérable. été récemment lancés par l’État pour rationaliser
les procédures et accélérer le raccordement des
Cette inflexion doit intervenir dès que possible, le énergies renouvelables.
respect des trajectoires de la PPE étant indispen-
sable à l’atteinte des objectifs à 2030. Dans l’hypothèse où les rythmes de développement
des énergies renouvelables ne s’accéléreraient pas
Ceci nécessite une rupture par rapport aux trajec- par rapport à la tendance des années passées,
toires actuelles de développement des énergies ceci conduirait à un écart significatif par rapport
renouvelables, qui demeurent à ce jour en deçà à la trajectoire de référence à l’horizon 2030, qui
des objectifs. Des signaux encourageants sont concernerait l’ensemble des filières renouvelables.
apparus récemment – l’année 2021 a été marquée
par une progression sans précédent du nombre L’incertitude potentielle porte sur une pro-
d’installations photovoltaïques raccordées, et les duction d’environ 70 TWh (qui résulte d’une
premiers parcs éoliens en mer entreront en ser- comparaison entre une configuration d’atteinte des
vice à compter de 2022 – mais sans atteindre les objectifs médians de la PPE à l’horizon 2030 et une
rythmes fixés par la PPE. Les raisons associées à configuration prudente sans inflexion du rythme
ce retard ne sont pas d’ordre économique ou finan- historique des filières photovoltaïque et éolienne
cier, la France ayant mis en place les dispositifs terrestre et un retard de cinq ans sur le développe-
de soutien nécessaires à l’atteinte des objectifs ment de l’éolien en mer).
858
L’analyse des dynamiques . 14
12
Des incertitudes de deux types pèsent aujourd’hui de l’ordre de 400 TWh annuels. En 2019, ces pré-
sur le parc nucléaire en France : le facteur de visions étaient réévaluées à la baisse, à hauteur de
charge et la taille du parc installé. 380 TWh pour ces mêmes années. À l’issue de la
crise sanitaire et en intégrant le décalage dans la
La première incertitude porte ainsi sur la produc- mise en service de l’EPR de Flamanville, la prévision
tion effective des réacteurs en service. Comme pour 2022 a été portée par EDF à 300-330 TWh,
présenté ci-dessus, cette production a sensible- puis révisée à 295-330 TWh en février 2022 pour
ment diminué au cours des dernières années : tenir compte des contrôles en cours sur certains
alors qu’elle a pu atteindre 430 TWh en 2005, elle réacteurs.
s’était stabilisée aux alentours de 380 TWh avant
la crise sanitaire, avant de diminuer à nouveau. La seconde incertitude porte sur la taille du parc
en service.
Trois facteurs expliquent, à ce jour, cette dimi-
nution tendancielle de la production nucléaire en Du côté des incréments de production, la mise
France : en service de l’EPR de Flamanville est aujourd’hui
u d’une part, le parc nucléaire fait actuellement annoncée pour le deuxième trimestre 2023. Une
l’objet de travaux de grande ampleur dans le fois en service, le réacteur devra subir un arrêt
cadre du grand carénage (voir partie 4.2.3.2). long pour procéder au changement du couvercle
Le programme, qui atteint son pic d’activité au de la cuve, suivi de sa première visite complète.
début des années 2020, concentre un grand Il n’est donc pas envisageable de considérer une
nombre de quatrièmes visites décennales pour disponibilité nominale du réacteur avant l’année
les réacteurs du palier 900 MW, mais également 2025, au plus tôt.
des changements de grands composants sur les
autres réacteurs en lien avec le renforcement Concernant la fermeture des réacteurs en service,
des dispositifs de sûreté dans le cadre du retour la PPE actuelle prévoit d’échelonner la fermeture
d’expérience post-Fukushima ; de douze d’entre eux entre 2027 et 2035, selon
u d’autre part, le calendrier de maintenance des un échéancier qui reste à préciser. Elle prévoit
réacteurs a été durablement chamboulé par la également la fermeture optionnelle de deux réac-
crise sanitaire, conduisant à des adaptations de teurs supplémentaires en 2025-2026, sous un
plannings impliquant des économies de combus- ensemble de conditions qui n’apparaissent pas
tibles dans le but de maximiser la disponibilité remplies à date.
des réacteurs pendant les périodes hivernales ;
u enfin, la détection de défauts à proximité des La possibilité de réinterroger la trajectoire de fer-
soudures dans le circuit d’injection de sécurité meture a été évoquée à de nombreuses reprises
des réacteurs du palier N4 et du réacteur de dans le cadre de la concertation. En effet, au-delà
Penly 1, a conduit à la mise à l’arrêt préven- des enseignements du présent rapport sur l’in-
tive de ces réacteurs et à la mise en œuvre par térêt économique et climatique de prolonger la
EDF d’une stratégie de contrôle sur les centrales durée d’exploitation de tout ou partie des réac-
nucléaires conduisant à réduire leur disponibilité teurs concernés au-delà du terme fixé par la PPE,
de manière très importante durant les années la diminution des marges d’exploitation du sys-
2022 et 2023 a minima. tème électrique – qui elle-même résulte en partie
de la baisse de la performance du parc nucléaire
La production attendue du parc nucléaire au cours existant – a conduit à dégrader le diagnostic en
des prochaines années apparaît donc inférieure à matière de sécurité d’approvisionnement. En jan-
celle qui était envisagée il y a peu de temps encore. vier 2022, dans le cadre de la présentation de ses
En 2017, les prévisions de production nucléaire pour vœux à la presse et d’un premier bilan de l’année
les premières années de la décennie 2020 étaient 2021, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire
860
L’analyse des dynamiques . 14
12
14.3.4 Les choix de transition énergétique dans les pays voisins pour atteindre
la neutralité carbone sont en cours de définition
Les Futurs énergétiques 2050 décrivent un sys- À ces éléments connus de longue date, il faut ajouter
tème électrique de plus en plus interconnecté à les conséquences du rehaussement des objectifs de
l’échelle européenne. Dans ce contexte, la sécu- réduction des émissions de gaz à effet de serre au
rité d’approvisionnement en électricité dépend non niveau européen (paquet Fit for 55) et de l’ajuste-
seulement des décisions prises en France mais ment des plans nationaux qui en découleront. À titre
aussi de celles prises dans les États voisins et du d’exemple, la stratégie annoncée par le nouveau
degré de coopération entre pays. gouvernement allemand en novembre 2021 accélère
la fermeture des centrales au charbon – aujourd’hui
Certaines des évolutions sur le système électrique un parc d’une quarantaine de gigawatts2 – en fixant
sont communes aux différents pays européens, le terme « idéalement en 2030 » et annonce un déve-
même si les horizons temporels associés aux dif- loppement considérable des énergies renouvelables
férentes actions diffèrent d’un pays à l’autre. On ainsi que la construction de nouvelles centrales au
peut notamment citer (i) la fermeture program- gaz. Ces évolutions structurantes ne se restrei-
mée de centrales thermiques au charbon, lignite gnent pas à l’Alle
magne : d’autres pays, tels que
ou fioul, (ii) le fort développement des énergies le Royaume-Uni, procèdent à la fermeture de leur
renouvelables, ou encore (iii) la perspective d’aug- parc au charbon et ont annoncé des investissements
mentation de la consommation d’électricité. importants dans l’éolien en mer ou le nucléaire.
Ce n’est pas le cas de toutes les évolutions. Pour autant, la déclinaison précise des objectifs de
S’agissant du nucléaire notamment, des tendances réduction des émissions entre les États membres
opposées coexistent. Des programmes importants n’est pas encore connue et les conséquences de
de fermeture sont encore en cours, notamment en ces nouveaux objectifs à l’horizon 2030 sur le
Allemagne, en Belgique et en Espagne. D’autres fonctionnement du système électrique européen
pays ont, au contraire, débuté ou annoncé la demeurent à consolider.
construction de nouveaux réacteurs : c’est le cas
du Royaume-Uni et de la Finlande, mais également Dans un contexte d’interdépendance croissante
de la Pologne, de la République tchèque ou de la (la France est supposée disposer de capacités d’inter
Slovaquie. connexion avec ses voisins d’environ 25 GW en
2030, contre de l’ordre de 15 GW aujourd’hui), ces
Dans l’ensemble, la France n’est pas le seul pays incertitudes jouent un rôle important dans l’analyse
concerné par une réduction des marges sur le sys- technique et économique. En particulier, la contri-
tème électrique. La période 2021-2025 est iden- bution des pays voisins à la sécurité d’approvision-
tifiée depuis 2018 par RTE comme une période nement de la France pourrait se trouver largement
charnière : au-delà de la transformation du sys- réduite par la fermeture massive de capacités pilo-
tème électrique en France (avec notamment la tables en Europe conjuguée avec une forte hausse
fermeture des centrales au charbon), le système de la consommation.
électrique européen est concerné par la ferme-
ture des réacteurs allemands (qui produisaient Les conséquences des stratégies nationales sur la
encore en 2021 de l’ordre de 65 TWh, soit l’équi- sécurité d’approvisionnement restent, à ce jour,
valent de la production hydraulique annuelle fran- incertaines et des études européennes (ENTSO-E)
çaise) et belges (qui produisent environ 44 TWh1 ou nationales (futures éditions du Bilan prévision-
et ont ces dernières années un très bon niveau de nel) seront nécessaires pour en préciser l’impact.
disponibilité).
1.
Source : AIE Belgium - Countries & Regions - IEA
2.
Source : Transparency Data View (entsoe.eu)
L’année 2021 a été marquée par une reprise La crise énergétique, si elle devait se pour-
économique en Asie puis en Europe, qui a occa- suivre, pourrait avoir des effets sur les straté-
sionné des tensions sur l’approvisionnement en gies des États et les choix des acteurs privés.
différentes matières premières. En particulier, la D’une part, elle contribue à augmenter l’intérêt des
demande en combustibles fossiles a crû fortement États à réduire leur dépendance aux énergies fos-
sans être suivie d’une hausse similaire de l’offre. siles importées : dans un système international
Ce décalage entre l’offre et la demande a conduit où le coût des combustibles fossiles est élevé,
à une augmentation considérable du prix du gaz l’électrification associée au développement de
fossile et à une hausse des cours du pétrole (dans production d’électricité bas-carbone n’est plus
de moindres proportions toutefois). La production seulement une nécessité pour atteindre la neu-
d’électricité étant encore dépendante du gaz et tralité carbone mais devient rentable d’un point
du charbon en Europe, un mouvement similaire a de vue économique. D’autre part, elle incite à la
touché l’électricité à compter du second semestre réduction des consommations énergétiques ou des
2021, sur les marchés spot comme sur les mar- solutions électriques, à condition que les coûts de
chés à terme. l’électricité soient maîtrisés pour les consommateurs
finaux et décorrélés des variations de prix de marché
La France est habituée à des prix beaucoup plus bas de l’électricité, via des mécanismes ad hoc.
grâce à son mix électrique reposant essentiellement
sur des énergies bas-carbone (nucléaire et renou- A contrario, cette crise a conduit à la mise en place
velables). Pour autant, si l’utilisation de centrales au à court terme de dispositifs d’amortissement, coû-
gaz ne représente qu’une fraction de la production teux pour les finances publiques et qui peuvent
nationale, le prix de gros est formé sur le marché réduire leur capacité à financer la transition éner-
européen interconnecté par la centrale marginale gétique. Il en va de même pour les entreprises et
(dernière unité appelée dans l’ordre de préséance les ménages en fonction du degré avec lequel s’ap-
économique), en France ou dans les pays voisins. pliquent les mesures de protection tarifaire, puisque
Cette centrale est le plus souvent thermique, notam- leurs capacités de financement peuvent être grevées
ment en dehors des périodes estivales de faible par la hausse des dépenses énergétiques au moment
consommation3. Par conséquent, le prix de l’électri- même où les investissements dans des solutions
cité sur le marché de gros est fixé aujourd’hui régu- électriques (chauffage, voiture) ou dans l’efficacité
lièrement au niveau du coût variable des centrales énergétique apparaissent les plus rentables. Il peut
au gaz, qui a augmenté dans de très fortes propor- donc exister une tension entre le coût immédiat
tions ces derniers mois. qu’occasionne la crise énergétique (pour les
particuliers, les entreprises et l’État) et l’intérêt
En France, des dispositifs redistributifs (ARENH, à long terme qu’elle révèle pour des investisse-
tarif réglementé de vente, complément de rému- ments dans l’efficacité énergétique et la décar-
nération des énergies renouvelables…), complétant bonation – investissements dont l’analyse présentée
le fonctionnement du marché, ont contribué à sta- dans la partie 11.9 montre qu’ils sont pour l’essentiel
biliser les revenus des producteurs, les dépenses cohérents dès maintenant (avec le coût des tech-
des consommateurs particuliers et de certains nologies actuelles) avec la valeur cible du carbone
industriels en les rapprochant des coûts de produc- retenue pour l’action publique.
tion. Ces dispositifs d’amortissement n’ont pas été
généralisés dans tous les pays, conduisant à une La durée de cette crise et ses implications sur les
exposition très importante des particuliers et des évolutions du système électrique européen restent,
entreprises à la hausse des cours de l’électricité. à ce stade, difficiles à anticiper.
3.
Par ailleurs, lorsque la dernière centrale appelée est une unité hydraulique, sa valeur d’usage est généralement alignée sur la production qu’elle remplace,
qui est également le plus souvent une unité thermique
862
L’analyse des dynamiques . 14
12
Par construction, les configurations de référence des Dans ce contexte, les analyses des Futurs éner-
scénarios de mix de production des Futurs énergé- gétiques 2050 indiquent qu’une stratégie com-
tiques 2050 permettent d’accueillir les transferts binant (i) développement de nouveaux usages
d’usage dans des proportions compatibles avec l’ob- électriques, (ii) fort accent sur l’efficacité éner-
jectif de diminution de 40 % d’émissions de gaz à gétique (voire sur la sobriété) et (iii) maximisa-
effet de serre à l’horizon 2030, tout en garantissant la tion de la production d’électricité bas-carbone
sécurité d’alimentation. Cependant, le rehaussement (renouvelables et nucléaires) permet d’accélé-
des objectifs climatiques européens dans le cadre du rer significativement la décarbonation à grande
Fit for 55 va inévitablement conduire à mobiliser plus échelle du pays. La mobilisation de ces trois leviers
fortement l’ensemble des leviers de décarbonation présente un intérêt dans une logique de minimisation
permis par le système électrique. du risque de regret par rapport à l’objectif climatique
(approche « min-max regret »).
Sur le plan technique, les analyses publiées dans
l’édition 2021 du Bilan prévisionnel ont conclu Les mesures à discuter dans cette optique sont
à la capacité du système électrique à absorber détaillées ci-dessous.
Les trajectoires d’évolution du mix étudiées dans les sont fermés d’ici 2030, soit une capacité totale
Futurs énergétiques 2050 contraignent de manière de 3,6 GW, pour une production de l’ordre de
plus ou moins importante le volume de production 20 à 25 TWh ;
d’électricité décarbonée à moyen terme. u la trajectoire basse implique la fermeture accé-
lérée de certains réacteurs : deux fermetures
À moyen terme, trois trajectoires d’évolution du de réacteurs supplémentaires d’ici 2030 ;
parc nucléaire existant ont été considérées dans u la trajectoire haute se fonde sur la prolongation
l’étude (voir partie 4.2.3) : de l’exploitation de l’ensemble des réacteurs
u la trajectoire centrale prévoit la mise en œuvre au-delà des limites fixées par la PPE : aucun
de la PPE adoptée en 2020 : dans les scénarios réacteur fermé d’ici 2030.
M1, M23, N1 et N2, quatre réacteurs nucléaires
864
L’analyse des dynamiques . 14
12
Tous les scénarios de l’étude Futurs énergétiques Ainsi, l’accélération sur l’ensemble des filières
2050 partagent la caractéristique de prévoir une renouvelables est a minima indispensable et le
forte progression des énergies renouvelables. dépassement éventuel des objectifs à l’horizon
Si les niveaux à atteindre sur chaque filière dif- 2030 présente un caractère sans regret.
fèrent à l’horizon 2050, tous les scénarios sont
supposés atteindre la cible de la trajectoire basse La concrétisation de l’accélération du dévelop-
de la PPE à l’horizon 2030. pement des énergies renouvelables avant 2030
nécessite une simplification des procédures admi-
Pour autant, le maintien des rythmes actuels de nistratives conduisant à un raccourcissement des
développement des énergies renouvelables élec- délais d’implantation des infrastructures de pro-
triques ne suffisent pas à atteindre les objectifs duction ainsi que des ouvrages de raccordement
bas de la PPE. Sans inflexion, la production de l’éo- associés. À ce titre, le ministère de la Transition
lien et du photovoltaïque atteindrait de l’ordre de écologique s’est saisi de cette problématique
100 TWh4 en 2030, contre un objectif médian de via le lancement d’un groupe de travail visant à
l’ordre de 160 TWh5. rendre les procédures actuelles compatibles avec
la massification prochaine de l’arrivée de nouveaux
Si l’enjeu principal du développement des énergies moyens de production bas-carbone.
renouvelables porte sur le volume de production
bas-carbone disponible, le développement de l’éo- En complément du chantier sur la simplification
lien et du solaire photovoltaïque contribue égale- des procédures, la révision de certaines contraintes
ment à la sécurité d’approvisionnement, malgré administratives sur la taille ou la possibilité d’ins-
le caractère variable de leur production. L’atteinte tallation d’infrastructures de production d’électri-
des objectifs de la PPE (dans l’hypothèse médiane) cité renouvelable, en particulier concernant l’éolien
sur ces trajectoires contribuerait à hauteur de terrestre, pourrait également constituer un levier à
4 GW de marges. l’accélération de leur développement ainsi qu’à la
maximisation du productible décarboné.
Les Futurs énergétiques 2050 ont montré que les D’autre part, elles permettent de réduire un cer-
interconnexions présentaient plusieurs intérêts. tain nombre de risque de nature économique.
Dans un système électrique interconnecté où les
D’une part, elles renforcent la sécurité d’appro- pays voisins utilisent encore largement ou majori-
visionnement. L’intérêt de disposer d’un système tairement des énergies fossiles, il n’y a en effet
bien interconnecté a été rendu plus visible lors de aucun risque de coût échoué à développer ou
l’hiver 2021-2022, du fait de la faible disponibilité maintenir en France un parc de production
du parc nucléaire et lors des épisodes de très faible d’électricité bas-carbone. Les exports d’électri-
production du parc éolien : des niveaux très impor- cité sont rentables sur le plan économique, les prix
tants d’import ont été enregistrés, évitant ainsi atteints sur le marché européen dépendant le plus
l’activation de leviers post marché (interruptibilité, souvent de ceux des combustibles fossiles et du
baisse de tensions et coupures ciblées). prix du carbone sur le marché EU-ETS.
4.
L’hypothèse considérée est un prolongement des rythmes moyens sur les cinq dernières années (2017-2021) sur le photovoltaïque et l’éolien terrestre et
un retard de cinq années sur l’éolien en mer.
5.
Il s’agit de l’objectif PPE 2028 prolongé à 2030.
La variante accélération 2030 implique des évolu- Dans le secteur du bâtiment, aussi bien rési-
tions rapides dans les rythmes de déploiement de dentiel que tertiaire, l’électrification du chauf-
l’électricité au sein de trois des principaux secteurs fage est plus poussée que dans la trajectoire de
émetteurs de gaz à effet de serre en France : les référence, mais dans une moindre mesure, cette
transports, l’industrie et le bâtiment. dernière présentant déjà un caractère de rup-
ture par rapport à la tendance observée. Cette
Le secteur des transports apparaît le plus propice à augmentation repose sur une accélération des
une accélération. D’une part, le taux de renouvelle- installations de pompes à chaleur, c’est-à-dire
ment naturel du parc automobile est élevé et permet d’appareils très performants sur le plan énergé-
donc de remplacer des véhicules polluants en fin de tique, qui n’a donc qu’un impact limité sur la
vie par des véhicules neufs utilisant un combustible consommation d’électricité en 2030.
bas-carbone. D’autre part, la dynamique industrielle
est engagée : l’électrification des véhicules progresse Enfin, dans le secteur de l’industrie, la trajectoire
bien plus rapidement qu’initialement escompté et accélération 2030 repose sur un rythme d’élec-
les nouveaux objectifs annoncés à l’échelle euro- trification particulièrement rapide (et au-delà de
péenne (fin de la vente de véhicules thermiques en la trajectoire de réindustrialisation profonde sur
2035) sont de nature à accélérer la transition. La la décennie à venir), en considérant que les sou-
trajectoire accélération 2030 prolonge la dynamique tiens publics mis en place dans le cadre de France
positive observée en 2020-2021, en supposant Relance, puis du nouveau plan d’investissement
notamment une part de marché de 50 % pour l’élec- « France 2030 », permettent d’atteindre un rythme
trique (tout-électrique et hybride rechargeable) sur le de conversion plus soutenu des énergies fossiles
segment des voitures particulières dès 2025, contre (principalement le fioul) vers l’électricité et les
2029 dans la trajectoire de référence. réseaux de chaleur. Cette trajectoire s’appuie sur
866
L’analyse des dynamiques . 14
12
des exemples concrets de projets d’investissements énergétique afin de « consommer moins ». L’objectif
dans les grandes zones industrielles françaises (par d’une réduction de 40 % en 30 ans retenu apparaît
exemple à Dunkerque ou à Fos-sur-mer) pouvant nécessaire dès lors que le pays souhaite tenir les
concerner des secteurs très énergivores comme la trajectoires sur lesquelles il est engagé.
sidérurgie. En pratique, les conditions de réussite
de la trajectoire accélération 2030 impliquent la De multiples rapports de RTE ont déjà mis en évi-
déclinaison rapide des perspectives d’électrifica- dence l’intérêt de la maîtrise de l’énergie, pour
tion en projets concrets ainsi qu’une réflexion sur garantir la sécurité d’approvisionnement élec-
les délais d’adaptation du réseau avec en particu- trique dans la période de transition du système
lier une inversion de la logique décisionnelle sur d’une part, et réduire la pression climatique
le raccordement. L’approche sur le raccorde- et environnementale du système énergétique
ment gagnerait donc à se placer dans une d’autre part.
dynamique de mutualisation, d’anticipation
et d’accélération sur certaines zones indus- Ce message demeure vrai pour toutes les configu-
trielles ciblées plutôt que sur des études au rations de mix électrique des Futurs énergétiques
cas par cas et au fil de l’arrivée des projets. 2050, et ce même si la production d’électricité
française est déjà quasi décarbonée.
La variante accélération 2030 porterait la consom-
mation d’électricité à près de 550 TWh en 2030, Réduire la consommation permet en effet de dimi-
soit un effet haussier d’une quarantaine de nuer le rythme nécessaire de réinvestissement dans
térawattheures par rapport à la trajectoire de réfé- le système électrique, soulage la pression sur les
rence. Une plus grande sobriété pourrait conduire ressources et augmente la résilience du système
à une valeur plus basse, tandis qu’un échec dans aux chocs de toute nature. Dans un système
l’atteinte des objectifs d’efficacité énergétique de énergétique appelé à entamer un nouveau
la SNBC conduirait au contraire à la rehausser. cycle d’investissement et avec une perspec-
tive de consommation électrique à la hausse
Enfin, comme cela a été mentionné à plusieurs pour remplacer les énergies fossiles, un degré
reprises au sein de ce rapport, l’atteinte de l’objec- élevé de maîtrise de la demande présente
tif global « d’émettre moins » passe non seulement donc un intérêt manifeste et apparaît comme
par la bascule vers des énergies moins polluantes indispensable pour accompagner la transition.
comme l’électricité décarbonée mais également Ceci sera d’autant plus vrai que les perspectives de
par des efforts visant à renforcer l’efficacité réindustrialisation sont ambitieuses.
868
L’analyse des dynamiques . 14
12
14.4.2 Pour l’atteinte des objectifs de long terme, des décisions rapides
sont nécessaires pour garder ouvertes certaines options, quitte à procéder
ensuite à des ajustements sur la décennie 2030-2040
De plus, bien que les Futurs énergétiques 2050 aient Enfin, ces évolutions qui peuvent conduire à des
cherché à réduire le recours à des paris technolo- modifications des modes et des cadres de vie
giques en privilégiant les technologies industrielle- devront être pensées et préparées en intégrant la
ment matures, chaque scénario repose sur un certain dimension sociétale.
Atteindre un système neutre en carbone en 2050 publié en janvier 2021, à des degrés divers cepen-
représente un défi technologique. De nombreuses dant. Si les défis technologiques et de R&D asso-
innovations sont attendues et peuvent se révéler ciés apparaissent atteignables dans les décennies
plus ou moins nécessaires selon les scénarios : à venir, les scénarios visant à terme un mix 100 %
véhicules électriques utilisant des batteries moins renouvelable ou ceux fondés sur la prolongation
gourmandes en métaux rares, boucle power-to- à long terme des réacteurs nucléaires actuels
gas-to-power via l’hydrogène ou le méthane de au-delà de 60 ans impliquent qu’un grand nombre
synthèse, centrales thermiques fonctionnant aux de prérequis techniques critiques soient respectés
gaz décarbonés, technologies numériques pour la à court terme. Or rien ne le garantit en l’état.
gestion de la demande, petits réacteurs nucléaires
modulaires (SMR), nouvelles énergies marines Ainsi, instruire l’ensemble des paris technologiques
comme les hydroliennes, etc. sous-jacents aux scénarios de transition énergé-
tique des Futurs énergétiques 2050 permet d’aug-
Sur le plan technique, l’analyse a conduit à menter la résilience des choix qui seront réalisés.
écarter la thèse d’une distinction fondamen- Maintenir l’ensemble des options technologiques
tale, entre les scénarios « M » et « N ». Tous ouvertes permettra d’effectuer des arbitrages et des
reposent à terme sur une forte part d’éner- ajustements à moyen terme en cas de non concré-
gies renouvelables et seront donc concernés tisation de certains paris ou prérequis techniques.
par les enjeux de gestion d’un parc de pro- A contrario, renoncer au principe de diversification
duction en large partie non pilotable tels que technologique dans le mix de production électrique
ceux explicités dans le rapport commun de soulève un risque de non-atteinte de l’objectif de
RTE et de l’Agence internationale de l’énergie neutralité carbone à la date rapprochée de 2050.
Au sein de la filière nucléaire Par ailleurs, l’intérêt pour la solution des Small
La relance du nucléaire en France ne constitue un modular reactors (ou SMR) qui correspondent à
élément distinctif entre les différents scénarios des réacteurs de faible puissance unitaire (géné-
que dans le cas d’une décision rapide de construc- ralement inférieure à 300 MWe) s’est confirmé au
tion de nouveaux réacteurs sous la forme d’un cours des deux ans de concertation des Futurs éner-
programme. gétiques 2050. Ils constituent une nouvelle option
d’installations de production d’électricité nucléaire
D’une part, cette rapidité apparaît nécessaire et, développés par les puissances nucléaires à
pour maintenir un certain nombre de compé- travers le monde, ils peuvent correspondre à des
tences et de ressources spécifiques pour l’indus- technologies très différentes.
trie nucléaire et éviter un « trou d’air » avant le
lancement de nouveaux chantiers. Sur le passé En France, un consortium regroupant EDF, le CEA,
récent, le délai important entre la fin des chan- NavalGroup et TechnicAtome développe actuellement
tiers des réacteurs de seconde génération inter- un modèle de SMR baptisé Nuward™, reprenant la
venue à la fin des années 1990 et l’engagement technologie des réacteurs à eau sous pression de
de la construction d’un nouveau réacteur EPR troisième génération, mais avec une puissance uni-
en France décidé en 2006-2007 a conduit à une taire d’environ 170 MWe, dix fois inférieure à celle
perte de compétences généralisée dans la filière des EPR. Ce concept est aujourd’hui à un stade de
nucléaire française, qui constitue une des rai- conception et de maturité moins avancé que l’EPR2
sons des délais et surcoûts importants observés mais pourrait faire l’objet de démonstrateurs en
sur le chantier de l’EPR de Flamanville. D’après France au cours de la décennie 2030 et représen-
les acteurs de la filière, pour éviter un nouveau ter quelques gigawatts en service à l’horizon 2050,
déclin des compétences, l’engagement rapide de selon les informations remontées par la filière et
nouveaux chantiers ainsi qu’une visibilité à long sous réserve d’une impulsion politique rapide.
terme du programme apparaît primordial pour
assurer la faisabilité des scénarios « N ». Enfin, dans le cadre de la concertation menée par
RTE sur les Futurs énergétiques 2050, plusieurs
D’autre part, il existe un délai très important entre acteurs se sont interrogés sur la possibilité de
une éventuelle décision de construction de réac- prolonger certains réacteurs nucléaires au-delà
teurs et la production d’électricité effective de ces de 60 ans de durée d’exploitation. Il s’agit d’une
nouveaux moyens. Selon les informations com- évolution notable de leur position, la fermeture de
muniquées par EDF, les délais de développement tous les réacteurs à 60 ans au plus tard ayant tou-
et de construction de nouveaux réacteurs entre la jours, jusque-là, a été prise comme hypothèse de
décision d’engagement et la mise en service des référence dans ces travaux sans que ce point ne
premiers réacteurs EPR2 (y compris pour la concer- soit contesté.
tation et les demandes d’autorisation) s’élèvent en
effet à environ 12 à 14 ans au minimum. Ainsi, En tout état de cause, cette prolongation ne serait
seule une décision politique sur la construction de possible que sous de strictes conditions soumises
nouveaux réacteurs au cours de l’année 2022 ou à la validation de l’ASN et doit être anticipée pour
2023 permettrait de disposer de nouveaux réac- garantir la sûreté des réacteurs concernés. Dans
teurs à l’horizon 2035, et elle ne pourrait conduire une récente audition au Sénat, le président de
à une accélération du rythme de mise en service l’ASN a notamment indiqué que rien ne permettait
qu’à compter de 2045. La fenêtre d’action pour de garantir qu’un fonctionnement des réacteurs
permettre à une relance du nucléaire de contribuer au-delà de 50 ou 60 ans sera possible. Il a ainsi
à l’atteinte des objectifs de baisse des émissions plaidé pour une anticipation des études et des
de CO2 à horizon 2040 et 2050 est donc extrême- recherches sur le vieillissement des matériaux
ment étroite. afin de disposer de la visibilité sur les possibilités
870
L’analyse des dynamiques . 14
12
de prolongation au-delà de 60 ans, sans résultat libération d’espaces fonciers aujourd’hui inacces-
garanti, et de disposer d’un plan réaliste pour le sibles (pour l’éolien terrestre et le photovoltaïque),
nucléaire en vue de projeter le mix énergétique la réduction des délais d’instruction des demandes
de long terme. d’autorisation, la mise en place d’incitations écono-
miques pour l’installation de parcs dans des zones
Afin que certains réacteurs nucléaires de deu- à plus faible productible (zones moins venteuses ou
xième génération soient prolongés au-delà de moins ensoleillées), le développement de la parti-
60 ans durant la décennie 2040-2050, la décision cipation des citoyens dans les nouveaux projets à
devra être prise aux alentours de 2040. Or une travers le financement participatif ou des nouveaux
telle décision nécessite une instruction d’au moins modes gouvernance, ou encore dans le cas de l’éo-
dix ans, ce qui implique de disposer des éléments lien, la possibilité d’installer des technologies de plus
techniques aux alentours de 2030, au moment grande taille (y compris pour les parcs existants fai-
du cinquième réexamen de sûreté des réacteurs sant l’objet d’un renouvellement ou repowering).
nucléaires du palier 900 MW. L’option d’une pro-
longation de certains réacteurs au-delà de 60 ans Les perspectives pour le développement de l’éolien
impliquerait donc, dès aujourd’hui, qu’un pro- en mer en France sont désormais orientées vers
gramme de recherche et développement spéci- une forte croissance à long terme, en lien avec
fique lui soit consacré. les gisements disponibles sur l’ensemble de ses
façades maritimes (le deuxième plus important,
Au sein des filières renouvelables derrière le Royaume-Uni).
Au-delà des prérequis technologiques associés
aux scénarios présentant de fortes proportions en Toutefois, contrairement aux pays de la mer du
renouvelables explicitées dans le rapport commun Nord, la plupart des côtes françaises sont marquées
publié par RTE et l’Agence internationale de l’éner- par des profondeurs qui augmentent rapidement
gie en janvier 2021, certains défis sont inhérents avec l’éloignement des côtes. Par conséquent, sur
au développement des filières elles-mêmes et certaines façades maritimes françaises (en parti-
peuvent être de natures très différentes. culier sur la façade Atlantique et en Méditerranée),
le développement de l’éolien en mer ne pourra
Les principaux scénarios étudiés par RTE intègrent se faire qu’avec des parcs éoliens flottants. Cette
donc tous un développement de l’éolien terrestre, technologie reste à un stade de maturité significa-
mais selon des trajectoires contrastées au-delà de tivement moins avancé que celui de l’éolien posé,
2030 et sans inflexion majeure par rapport à la qui est la technologie utilisée aujourd’hui dans tous
tendance historique. les projets commerciaux en Europe. Bien que pré-
sentant des perspectives favorables, la technolo-
Sur les plans technique et industriel, les cibles de gie flottante possède donc des coûts plus élevés à
développement des énergies renouvelables pré- moyen terme et des incertitudes plus fortes sur son
sentées dans les différents scénarios ne présentent évolution à long terme que la technologie posée.
pas de difficultés majeures : le potentiel technique
de surfaces disponibles apparaît largement suffi- Les cibles de développement des éner-
sant pour accueillir les capacités totales envisa- gies renouvelables à moyen-long terme qui
gées et les rythmes de développement annuel de doivent impérativement faire l’objet de déci-
nouvelles installations restent du même ordre de sions prochaines conduiront à donner de la
grandeur que celui observé sur le passé récent en visibilité aux acteurs industriels, leur per-
France et dans d’autres pays. mettant de structurer et de dimensionner les
filières en conséquence.
Selon les acteurs de la filière, les trajectoires les
plus hautes ne sont toutefois atteignables que sous De plus, la visibilité ouvre la possibilité et le temps
réserve d’évolutions structurantes du cadre régle- de recréer le tissu industriel associé sur le territoire
mentaire et d’un soutien politique renforcé. Les français, dans une démarche de réindustrialisation
évolutions nécessaires concernent notamment la de l’activité économique du pays. Ce fut le cas de
Une analyse plus dynamique de la trajectoire De même, dans tous les scénarios et en parti-
permet de mettre en évidence les décisions qui culier les scénarios « M », les objectifs pour les
doivent être prises aujourd’hui pour garder cer- principales filières d’énergies renouvelables pour-
taines options ouvertes et celles qui pourront être ront être adaptés pour orienter l’effort de déve-
prises plus tard, au cours des prochaines décen- loppement de l’offre sur les technologies les
nies, pour ajuster la stratégie énergétique. plus compétitives et présentant les perspectives
de développement les plus favorables, en lien
À court terme, il est ainsi essentiel d’accélérer le avec leur degré d’acceptabilité observé. Enfin,
développement des énergies renouvelables sans les- des décisions sur les moyens de flexibilité pour-
quelles l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon ront s’appuyer sur les retours d’expérience des
2050 est impossible, quels que soient les choix à démonstrateurs et l’identification des solutions
venir sur le nucléaire ou encore sur la consommation les plus adaptées et les plus compétitives, notam-
d’électricité. Dans ce contexte, les cibles à atteindre ment pour le thermique décarboné (biométhane,
sur l’ensemble des filières concernées sont telles qu’il hydrogène, méthane de synthèse…).
n’y ait pas de regret à fournir le meilleur effort pour
L’intérêt pour l’hydrogène bas-carbone dans le (vecteur combinant flexibilité, faculté à être pro-
débat énergétique est récent mais intense. La pro- duit en masse à base d’électricité bas-carbone et
messe d’une « révolution de l’hydrogène » peut en pouvant remplacer le gaz d’origine fossile dans de
effet apparaître comme une solution séduisante nombreux usages). Il existe néanmoins encore
872
L’analyse des dynamiques . 14
12
Le débat public sur le secteur électrique porte lar- Dès les prochaines années, les raccordements aux
gement sur les sources de production, mais sa réa- réseaux vont se multiplier, constituant un défi tech-
lité opérationnelle est de constituer une industrie nique et organisationnel en lien avec les parties
de réseau. Ainsi, toute nouvelle installation de pro- prenantes (autorités locales, filière industrielle,
duction, de stockage ou de consommation implique producteurs, associations). Or cette transforma-
un raccordement et éventuellement une adaptation tion doit intervenir dans un contexte sociétal où
du réseau. Dans l’équation de la transition énergé- les résultats doivent être rapides, pendant que se
tique, les réseaux jouent donc un rôle majeur. développent des phénomènes d’opposition systé-
matique y compris quand ces infrastructures sont
La dynamique industrielle des évolutions de réseaux indispensables pour la transition énergétique.
ainsi que leur financement constituent par essence
des sujets de temps long. Pour implanter un nou- RTE a publié en 2019 son Schéma décennal de
vel ouvrage, plusieurs années sont nécessaires pour développement du réseau (SDDR), depuis validé
réaliser les études et recueillir les autorisations rele- par la ministre et par la CRE. Il vise à porter le
vant du droit de l’urbanisme, de l’environnement réseau au niveau requis pour accueillir le mix élec-
et de la politique sectorielle de l’énergie. Une fois trique de la PPE à 2035 et pour engager le renou-
l’ouvrage mis en service, il peut fonctionner plus de vellement des infrastructures construites pour
80 ans pour certaines infrastructures sous réserve certaines au lendemain de la Seconde Guerre mon-
d’une maintenance régulière et adaptée. diale. Il constitue un invariant à l’ensemble des
scénarios de transition étudiés.
Les Futurs énergétiques 2050 décrivent des options il engage la France sur des constantes de temps
possibles pour construire le système électrique de longues.
la neutralité carbone et impliquent des modifica-
tions profondes des modes de consommation et de Mais au-delà de la question de l’offre, le volet
production d’énergie. Au-delà des considérations « demande » constitue un enjeu tout aussi impor-
techniques ou économiques, les décisions de poli- tant. Les évolutions envisagées pour la consom-
tiques publiques sur le système électrique corres- mation d’énergie prévoient des transformations
pondent à des choix de société fondamentaux. structurantes en matière d’efficacité énergétique,
d’électrification des usages ou encore de sobriété
Le débat sur l’énergie en France se focalise régu- énergétique, qui impliquent toutes des investisse-
lièrement sur la question du mix électrique et ments importants ou des changements de pratiques
l’opposition entre nucléaire et énergies renouve- de la part des consommateurs finaux. Dans l’en-
lables, en y intégrant des questions d’éthique et semble, les différentes évolutions sur la consom-
d’acceptabilité des différentes technologies. Le mation d’énergie ne pourront ainsi se matérialiser
choix d’un bouquet énergétique constitue en effet qu’avec un réel engagement des citoyens dans la
un débat de société important dans la mesure où transition.
874
L’analyse des dynamiques . 14
12
Ces transformations, essentielles pour l’atteinte certaine adhésion pour éviter les ruptures, des
des objectifs climatiques, doivent être accompa- mesures pourtant favorables à la lutte contre le
gnées par des politiques publiques adaptées à la changement climatique pouvant être à l’origine de
fois pour inciter à des évolutions de pratiques ou mouvements de contestation de premier plan.
des changements d’équipements (subventions,
incitations économiques, réglementation, etc.) Pour organiser l’évolution de la société vers un
mais également pour assurer leur acceptabilité modèle moins « énergivore » et atteindre la neutra-
à long terme (information des consommateurs, lité carbone, le débat sur le modèle de société doit
pédagogie sur les enjeux énergie-climat, etc.). s’organiser dès à présent et impliquer largement
Il s’agira également de pouvoir s’assurer d’une l’ensemble de la population.
Trajectoire de référence
880
Annexes
Scénario « sobriété »
Variante « électrification - »
Variante « électrification + »
Variante « hydrogène + »
882
Annexes
Contexte socioéconomique
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Secteur résidentiel
2019 2050
en TWh Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Climatisation et ventilation
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
884
Annexes
Secteur tertiaire
2019 2050
en TWh Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
2019 2050
en TWh Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
2019 2050
en millions de m² Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Bâtiments du transport 26 22 23 22
Chauffage
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
886
Annexes
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Climatisation et ventilation
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
2019 2050
en TWh Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
2019 2050
En % Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Industrie agroalimentaire 35 % 75 % 76 % 74 %
Sidérurgie 20 % 69 % 68 % 69 %
Minéraux et matériaux 19 % 50 % 53 % 51 %
Chimie et parachimie 24 % 43 % 44 % 42 %
Construction automobile 52 % 75 % 74 % 74 %
Industries diverses 46 % 66 % 67 % 65 %
Total 31 % 62 % 63 % 61 %
888
Annexes
Valeur ajoutée
2019 2050
en milliards d’euros 2019 Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Solde commercial
2019 2050
en milliards d’euros 2019 Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
2019 2050
en millions de tonnes Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Production de batteries
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Acier 40 % 80 % 73 % 83 %
Aluminium 56 % 70 % 49 % 73 %
Verre 61 % 80 % 75 % 86 %
Papier 62 % 87 % 75 % 87 %
Plastiques 6% 35 % 35 % 40 %
890
Annexes
2019 2050
en TWh Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
2019 2050
en TWh Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Besoin de transport
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
892
Annexes
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Véhicules légers
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Part des VE/VHR dans le parc automobile 0,7 % 93,4 % 93,4 % 91,6 %
Kilométrage annuel moyen par véhicule léger (km) 14 300 13 400 13 400 12 200
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Kilométrage annuel moyen des bus (km) 40 600 40 600 40 600 40 600
Autocars
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Kilométrage annuel moyen des autocars (km) 30 200 30 200 30 200 30 200
894
Annexes
Camions
2019 2050
Référence Réindustrialisation Sobriété
profonde
Production (TWh)
Demande totale 538,4 579,2 702,1 773,3 803,4
Consommation France (1) 475,2 508,2 567,1 645,0 645,0
dont power-to-gas pour usage final 0,0 25,0 33,0 50,0 50,0
Solde exportateur 56,7 67,3 81,7 12,7 29,7
Pompage 6,5 3,4 16,6 21,3 21,2
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,3 15,4 30,6 43,9
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,0 0,8 2,0 2,0
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 9,3 42,2 34,7
Énergie écrêtée 0,0 0,0 11,2 19,5 26,9
Offre totale 538,4 579,2 702,1 773,3 803,4
Énergies renouvelables 114,7 204,2 480,4 725,6 747,1
Hydraulique 59,5 65,6 76,1 79,8 79,8
dont STEP 5,5 2,8 13,3 17,0 17,0
Éolien 33,9 86,7 230,7 372,8 376,8
dont éolien terrestre 33,9 68,3 110,1 149,3 153,5
dont éolien en mer 0,0 18,4 120,6 223,5 223,5
Solaire 11,6 42,3 159,5 254,5 269,2
Bioénergies (2) 9,7 9,6 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 0,0 4,3 8,7 11,5
Nucléaire 379,0 343,2 197,2 0,0 0,0
Nucléaire existant 379,0 343,2 197,2 0,0 0,0
EPR2 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 31,5 9,9 18,3 14,9
Méthane 38,6 29,2 4,4 0,5 0,0
Fioul 2,3 0,1 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 3,7 16,0 13,1
Flexibilités (4) 0,0 0,3 14,6 29,4 41,4
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,1 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,0 0,7 1,9 1,9
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,2 13,9 27,5 39,5
898
Annexes
M1 - référence
2019 2030 2040 2050 2060
Production (TWh)
Demande totale 538,4 587,4 676,4 755,3 822,1
Consommation France (1) 475,2 508,2 567,1 645,0 645,0
dont power-to-gas pour usage final 0,0 25,0 33,0 50,0 50,0
Solde exportateur 56,7 75,4 73,1 20,7 34,6
Pompage 6,5 3,5 16,2 20,9 21,5
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,3 9,9 24,1 48,3
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,0 0,8 2,0 2,0
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 2,3 27,5 37,0
Énergie écrêtée 0,0 0,0 7,0 15,1 33,7
Offre totale 538,4 587,4 676,4 755,3 822,1
Énergies renouvelables 114,7 204,2 413,4 628,2 750,8
Hydraulique 59,5 65,6 75,7 79,5 80,0
dont STEP 5,5 2,8 12,9 16,7 17,2
Éolien 33,9 86,7 175,7 281,1 346,0
dont éolien terrestre 33,9 68,3 97,9 118,7 142,8
dont éolien en mer 0,0 18,4 77,8 162,4 203,2
Solaire 11,6 42,3 150,8 254,9 312,1
Bioénergies (2) 9,7 9,6 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 0,0 1,4 2,9 2,9
Nucléaire 379,0 352,9 245,9 90,7 10,2
Nucléaire existant 379,0 352,9 245,9 90,7 10,2
EPR2 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 30,0 7,5 12,8 15,7
Méthane 38,6 27,8 4,8 0,5 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 0,9 10,5 13,9
Flexibilités (4) 0,0 0,3 9,6 23,6 45,4
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,1 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,0 0,7 1,9 1,9
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,2 8,9 21,7 43,5
Production (TWh)
Demande totale 538,4 587,4 676,0 726,3 770,9
Consommation France (1) 475,2 508,2 567,1 645,0 645,0
dont power-to-gas pour usage final 0,0 25,0 33,0 50,0 50,0
Solde exportateur 56,7 75,4 79,1 17,2 32,8
Pompage 6,5 3,5 16,1 19,4 20,4
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,3 4,8 13,1 22,3
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,0 0,8 2,0 2,0
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 3,8 24,1 30,5
Énergie écrêtée 0,0 0,0 4,3 5,5 17,9
Offre totale 538,4 587,4 676,0 726,3 770,9
Énergies renouvelables 114,7 204,2 420,4 610,3 726,2
Hydraulique 59,5 65,6 75,7 78,2 79,0
dont STEP 5,5 2,8 12,9 15,5 16,3
Éolien 33,9 86,7 230,0 360,6 442,3
dont éolien terrestre 33,9 68,3 109,3 145,3 169,6
dont éolien en mer 0,0 18,4 120,7 215,3 272,7
Solaire 11,6 42,3 103,5 153,0 183,6
Bioénergies (2) 9,7 9,6 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 0,0 1,4 8,7 11,5
Nucléaire 379,0 352,9 242,8 91,1 9,8
Nucléaire existant 379,0 352,9 242,8 91,1 9,8
EPR2 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 30,0 7,7 11,2 13,0
Méthane 38,6 27,8 4,4 0,5 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 1,5 8,9 11,2
Flexibilités (4) 0,0 0,3 5,1 13,7 21,9
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,1 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,0 0,7 1,9 1,9
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,2 4,4 11,8 20,0
900
Annexes
N1 - référence
2019 2030 2040 2050 2060
Production (TWh)
Demande totale 538,4 587,4 652,8 709,2 739,3
Consommation France (1) 475,2 508,2 567,1 645,0 645,0
dont power-to-gas pour usage final 0,0 25,0 33,0 50,0 50,0
Solde exportateur 56,7 75,4 67,8 17,9 34,2
Pompage 6,5 3,5 15,3 18,8 20,1
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,3 0,0 8,6 12,6
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,0 0,8 2,0 2,0
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 0,0 14,6 19,0
Énergie écrêtée 0,0 0,0 1,8 2,3 6,4
Offre totale 538,4 587,4 652,8 709,2 739,3
Énergies renouvelables 114,7 204,2 351,5 509,6 579,1
Hydraulique 59,5 65,6 75,0 77,9 78,9
dont STEP 5,5 2,8 12,2 15,1 16,1
Éolien 33,9 86,7 169,3 277,5 320,3
dont éolien terrestre 33,9 68,3 95,1 117,3 133,0
dont éolien en mer 0,0 18,4 74,2 160,2 187,3
Solaire 11,6 42,3 97,4 144,4 170,1
Bioénergies (2) 9,7 9,6 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Nucléaire 379,0 352,9 294,0 182,0 137,7
Nucléaire existant 379,0 352,9 251,2 92,4 10,3
EPR2 0,0 0,0 42,8 89,6 127,4
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 30,0 6,5 8,0 9,2
Méthane 38,6 27,8 4,7 0,5 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 0,0 5,7 7,4
Flexibilités (4) 0,0 0,3 0,8 9,6 13,3
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,1 0,1 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,0 0,7 1,9 1,9
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,2 0,0 7,7 11,4
Production (TWh)
Demande totale 538,4 587,4 619,8 688,3 699,3
Consommation France (1) 475,2 508,2 567,1 645,0 645,0
dont power-to-gas pour usage final 0,0 25,0 33,0 50,0 50,0
Solde exportateur 56,7 75,4 33,8 18,0 29,2
Pompage 6,5 3,5 13,5 17,7 18,3
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,3 0,0 0,3 0,2
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,0 0,8 1,9 1,9
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 4,3 4,8 3,8
Énergie écrêtée 0,0 0,0 0,3 0,6 0,9
Offre totale 538,4 587,4 619,8 688,3 699,3
Énergies renouvelables 114,7 204,2 307,0 429,7 439,8
Hydraulique 59,5 65,6 73,6 76,9 77,3
dont STEP 5,5 2,8 10,8 14,2 14,6
Éolien 33,9 86,7 149,0 232,9 238,9
dont éolien terrestre 33,9 68,3 81,9 103,8 106,8
dont éolien en mer 0,0 18,4 67,1 129,1 132,1
Solaire 11,6 42,3 74,6 110,1 113,8
Bioénergies (2) 9,7 9,6 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Nucléaire 379,0 352,9 303,4 252,4 254,1
Nucléaire existant 379,0 352,9 258,8 93,1 10,7
EPR2 0,0 0,0 44,6 159,3 243,4
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 30,0 8,6 4,1 3,3
Méthane 38,6 27,8 5,1 0,4 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 1,7 1,9 1,5
Flexibilités (4) 0,0 0,3 0,8 2,1 2,1
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,1 0,1 0,1 0,1
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,0 0,7 1,8 1,8
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,2 0,0 0,2 0,2
902
Annexes
N03 - référence
2019 2030 2040 2050 2060
Production (TWh)
Demande totale 538,4 606,1 658,8 677,4 695,4
Consommation France (1) 475,2 508,2 567,1 645,0 645,0
dont power-to-gas pour usage final 0,0 25,0 33,0 50,0 50,0
Solde exportateur 56,7 93,8 77,6 14,8 33,2
Pompage 6,5 3,8 13,3 15,7 15,3
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,3 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,0 0,6 1,9 1,9
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Énergie écrêtée 0,0 0,0 0,2 0,0 0,0
Offre totale 538,4 606,1 658,8 677,4 695,4
Énergies renouvelables 114,7 204,4 277,7 335,3 347,9
Hydraulique 59,5 65,8 73,5 75,2 74,9
dont STEP 5,5 3,0 10,7 12,5 12,2
Éolien 33,9 86,7 129,3 164,6 177,5
dont éolien terrestre 33,9 68,3 78,6 86,7 86,7
dont éolien en mer 0,0 18,4 50,7 77,9 90,9
Solaire 11,6 42,3 65,1 85,7 85,7
Bioénergies (2) 9,7 9,6 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Nucléaire 379,0 374,3 376,8 338,5 343,9
Nucléaire existant 379,0 374,3 326,4 149,2 27,3
EPR2 0,0 0,0 43,7 162,3 274,6
SMR 0,0 0,0 6,7 27,0 42,0
Thermique (3) 44,7 27,1 3,7 1,8 1,8
Méthane 38,6 24,9 1,9 0,0 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Flexibilités (4) 0,0 0,3 0,6 1,8 1,8
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,0 0,6 1,8 1,8
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,3 0,0 0,0 0,0
Production (TWh)
Demande totale 538,4 622,4 667,9 689,5
Consommation France (1) 475,2 508,8 554,6 554,6
dont power-to-gas pour usage final 0,0 31,0 47,0 47,0
Solde exportateur 56,7 87,7 26,1 37,7
Pompage 6,5 16,8 20,4 20,3
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,0 25,3 33,6
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,5 1,4 1,4
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 27,2 25,3
Énergie écrêtée 0,0 8,6 12,9 16,6
Offre totale 538,4 622,4 667,9 689,5
Énergies renouvelables 114,7 417,0 631,2 646,5
Hydraulique 59,5 76,3 79,1 79,0
dont STEP 5,5 13,5 16,3 16,2
Éolien 33,9 200,9 321,7 328,3
dont éolien terrestre 33,9 99,6 135,5 138,0
dont éolien en mer 0,0 101,3 186,2 190,3
Solaire 11,6 125,7 211,9 217,9
Bioénergies (2) 9,7 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 4,3 8,7 11,5
Nucléaire 379,0 198,4 0,0 0,0
Nucléaire existant 379,0 198,4 0,0 0,0
EPR2 0,0 0,0 0,0 0,0
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 6,4 12,7 11,5
Méthane 38,6 4,6 0,5 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 10,4 9,7
Flexibilités (4) 0,0 0,6 24,0 31,5
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,1 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,5 1,3 1,3
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,0 22,7 30,2
904
Annexes
M1 - sobriété
2019 2040 2050 2060
Production (TWh)
Demande totale 538,4 619,6 643,0 694,6
Consommation France (1) 475,2 508,8 554,6 554,6
dont power-to-gas pour usage final 0,0 31,0 47,0 47,0
Solde exportateur 56,7 88,8 27,7 38,3
Pompage 6,5 16,2 19,9 20,9
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,0 16,7 31,6
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,5 1,4 1,4
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 14,5 25,8
Énergie écrêtée 0,0 5,3 8,2 22,0
Offre totale 538,4 619,6 643,0 694,6
Énergies renouvelables 114,7 368,8 526,6 642,6
Hydraulique 59,5 75,7 78,7 79,5
dont STEP 5,5 12,9 15,9 16,7
Éolien 33,9 158,0 230,3 299,1
dont éolien terrestre 33,9 86,4 104,7 130,8
dont éolien en mer 0,0 71,6 125,6 168,3
Solaire 11,6 123,9 204,9 251,3
Bioénergies (2) 9,7 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 1,4 2,9 2,9
Nucléaire 379,0 246,5 91,9 10,4
Nucléaire existant 379,0 246,5 91,9 10,4
EPR2 0,0 0,0 0,0 0,0
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 3,8 8,1 11,9
Méthane 38,6 2,0 0,5 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 5,8 10,1
Flexibilités (4) 0,0 0,5 16,4 29,7
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,0 0,1 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,5 1,3 1,3
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,0 15,0 28,4
Production (TWh)
Demande totale 538,4 614,8 627,5 663,8
Consommation France (1) 475,2 508,8 554,6 554,6
dont power-to-gas pour usage final 0,0 31,0 47,0 47,0
Solde exportateur 56,7 88,2 26,9 38,0
Pompage 6,5 15,2 18,3 19,3
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,0 10,3 20,2
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,5 1,3 1,4
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 13,1 19,5
Énergie écrêtée 0,0 2,1 3,0 10,8
Offre totale 538,4 614,8 627,5 663,8
Énergies renouvelables 114,7 362,9 517,8 625,0
Hydraulique 59,5 75,0 77,3 78,2
dont STEP 5,5 12,2 14,6 15,5
Éolien 33,9 190,4 297,0 370,7
dont éolien terrestre 33,9 96,5 126,7 148,3
dont éolien en mer 0,0 93,9 170,3 222,4
Solaire 11,6 83,4 125,0 154,8
Bioénergies (2) 9,7 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 4,3 8,7 11,5
Nucléaire 379,0 247,7 92,0 10,5
Nucléaire existant 379,0 247,7 92,0 10,5
EPR2 0,0 0,0 0,0 0,0
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 3,7 7,2 8,8
Méthane 38,6 1,9 0,4 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 5,0 7,0
Flexibilités (4) 0,0 0,5 10,5 19,5
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,5 1,2 1,3
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,0 9,3 18,2
906
Annexes
N1 - sobriété
2019 2040 2050 2060
Production (TWh)
Demande totale 538,4 609,6 600,9 628,6
Consommation France (1) 475,2 508,8 554,6 554,6
dont power-to-gas pour usage final 0,0 31,0 47,0 47,0
Solde exportateur 56,7 85,4 24,7 39,1
Pompage 6,5 14,2 17,8 19,4
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,0 1,6 4,8
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,5 1,3 1,4
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 0,0 5,8
Énergie écrêtée 0,0 0,7 0,9 3,5
Offre totale 538,4 609,6 600,9 628,6
Énergies renouvelables 114,7 309,2 412,0 479,0
Hydraulique 59,5 74,1 77,0 78,3
dont STEP 5,5 11,3 14,2 15,5
Éolien 33,9 150,8 218,0 256,3
dont éolien terrestre 33,9 83,3 100,3 118,1
dont éolien en mer 0,0 67,5 117,7 138,2
Solaire 11,6 74,5 107,2 134,6
Bioénergies (2) 9,7 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 0,0 0,0 0,0
Nucléaire 379,0 296,2 183,9 139,9
Nucléaire existant 379,0 252,9 93,1 10,5
EPR2 0,0 43,3 90,8 129,4
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 3,7 2,2 4,0
Méthane 38,6 1,9 0,4 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 0,0 2,2
Flexibilités (4) 0,0 0,5 2,8 5,7
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,0 0,1 0,1
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,5 1,2 1,3
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,0 1,5 4,3
Production (TWh)
Demande totale 538,4 577,6 597,5 610,1
Consommation France (1) 475,2 508,8 554,6 554,6
dont power-to-gas pour usage final 0,0 31,0 47,0 47,0
Solde exportateur 56,7 55,4 25,9 37,8
Pompage 6,5 12,8 15,6 16,2
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,5 1,3 1,3
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 0,0 0,0
Énergie écrêtée 0,0 0,1 0,1 0,2
Offre totale 538,4 577,6 597,5 610,1
Énergies renouvelables 114,7 270,1 339,0 348,0
Hydraulique 59,5 73,0 75,2 75,7
dont STEP 5,5 10,2 12,5 13,0
Éolien 33,9 127,1 174,2 178,0
dont éolien terrestre 33,9 77,1 90,2 92,1
dont éolien en mer 0,0 50,0 84,0 85,9
Solaire 11,6 60,2 79,8 84,5
Bioénergies (2) 9,7 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 0,0 0,0 0,0
Nucléaire 379,0 303,2 255,5 259,1
Nucléaire existant 379,0 258,5 93,8 10,9
EPR2 0,0 44,7 161,7 248,2
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 3,8 1,8 1,8
Méthane 38,6 2,0 0,0 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 0,0 0,0
Flexibilités (4) 0,0 0,5 1,2 1,2
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,5 1,2 1,2
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,0 0,0 0,0
908
Annexes
N03 - sobriété
2019 2040 2050 2060
Production (TWh)
Demande totale 538,4 612,3 594,1 608,5
Consommation France (1) 475,2 508,8 554,6 554,6
dont power-to-gas pour usage final 0,0 31,0 47,0 47,0
Solde exportateur 56,7 91,2 25,0 39,6
Pompage 6,5 11,8 13,2 13,0
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,5 1,3 1,3
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 0,0 0,0
Énergie écrêtée 0,0 0,0 0,0 0,0
Offre totale 538,4 612,3 594,1 608,5
Énergies renouvelables 114,7 227,7 249,6 257,8
Hydraulique 59,5 72,3 73,3 73,2
dont STEP 5,5 9,5 10,5 10,4
Éolien 33,9 97,9 112,9 121,2
dont éolien terrestre 33,9 69,1 74,4 74,4
dont éolien en mer 0,0 28,8 38,5 47,1
Solaire 11,6 47,7 53,6 53,6
Bioénergies (2) 9,7 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 0,0 0,0 0,0
Nucléaire 379,0 380,4 341,5 347,7
Nucléaire existant 379,0 329,1 149,8 27,5
EPR2 0,0 44,5 164,1 277,5
SMR 0,0 6,8 27,6 42,6
Thermique (3) 44,7 3,7 1,8 1,8
Méthane 38,6 1,9 0,0 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 0,0 0,0
Flexibilités (4) 0,0 0,5 1,2 1,2
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,5 1,2 1,2
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,0 0,0 0,0
Production (TWh)
Demande totale 538,4 757,3 900,9 923,9
Consommation France (1) 475,2 631,4 751,7 751,7
dont power-to-gas pour usage final 0,0 63,9 86,7 86,7
Solde exportateur 56,7 69,5 19,4 31,1
Pompage 6,5 15,8 21,8 21,4
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 16,4 32,0 48,4
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,6 2,0 2,0
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 14,8 46,4 37,6
Énergie écrêtée 0,0 8,8 27,6 31,7
Offre totale 538,4 757,3 900,9 923,9
Énergies renouvelables 114,7 527,6 850,9 863,0
Hydraulique 59,5 75,5 80,2 79,9
dont STEP 5,5 12,7 17,4 17,1
Éolien 33,9 267,7 454,5 461,7
dont éolien terrestre 33,9 122,1 178,3 178,4
dont éolien en mer 0,0 145,6 276,2 283,3
Solaire 11,6 170,3 297,7 300,1
Bioénergies (2) 9,7 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 4,3 8,7 11,5
Nucléaire 379,0 202,4 0,0 0,0
Nucléaire existant 379,0 202,4 0,0 0,0
EPR2 0,0 0,0 0,0 0,0
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 11,9 19,3 15,5
Méthane 38,6 4,2 0,5 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 5,9 17,0 13,7
Flexibilités (4) 0,0 15,4 30,7 45,4
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,6 1,9 1,9
Batteries stationnaires (injection) 0,0 14,8 28,8 43,5
910
Annexes
M1 - réindustrialisation profonde
2019 2040 2050 2060
Production (TWh)
Demande totale 538,4 747,3 881,9 951,2
Consommation France (1) 475,2 631,4 751,7 751,7
dont power-to-gas pour usage final 0,0 63,9 86,7 86,7
Solde exportateur 56,7 72,9 20,9 32,8
Pompage 6,5 15,8 21,0 21,7
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 14,6 33,8 59,8
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,6 2,0 2,0
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 3,8 31,0 38,1
Énergie écrêtée 0,0 8,2 21,5 45,1
Offre totale 538,4 747,3 881,9 951,2
Énergies renouvelables 114,7 477,9 745,5 869,2
Hydraulique 59,5 75,4 79,6 80,2
dont STEP 5,5 12,6 16,8 17,4
Éolien 33,9 214,9 347,1 408,2
dont éolien terrestre 33,9 103,1 139,0 160,8
dont éolien en mer 0,0 111,8 208,1 247,4
Solaire 11,6 176,4 306,1 368,1
Bioénergies (2) 9,7 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 1,4 2,9 2,9
Nucléaire 379,0 247,9 90,4 10,2
Nucléaire existant 379,0 247,9 90,4 10,2
EPR2 0,0 0,0 0,0 0,0
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 7,8 13,7 16,1
Méthane 38,6 4,5 0,5 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 1,5 11,4 14,3
Flexibilités (4) 0,0 13,7 32,3 55,7
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,6 1,9 1,9
Batteries stationnaires (injection) 0,0 13,1 30,4 53,8
Production (TWh)
Demande totale 538,4 733,1 846,6 890,1
Consommation France (1) 475,2 631,4 751,7 751,7
dont power-to-gas pour usage final 0,0 63,9 86,7 86,7
Solde exportateur 56,7 68,2 20,4 30,7
Pompage 6,5 14,7 19,8 20,5
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 8,5 15,9 26,7
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,6 2,0 1,9
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 6,8 28,4 35,8
Énergie écrêtée 0,0 2,9 8,4 22,8
Offre totale 538,4 733,1 846,6 890,1
Énergies renouvelables 114,7 466,8 727,7 839,6
Hydraulique 59,5 74,5 78,5 79,1
dont STEP 5,5 11,7 15,8 16,4
Éolien 33,9 265,6 448,5 527,3
dont éolien terrestre 33,9 119,7 172,2 197,3
dont éolien en mer 0,0 145,9 276,3 330,0
Solaire 11,6 112,6 182,2 211,9
Bioénergies (2) 9,7 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 4,3 8,7 11,5
Nucléaire 379,0 249,3 90,4 10,2
Nucléaire existant 379,0 249,3 90,4 10,2
EPR2 0,0 0,0 0,0 0,0
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 8,7 12,3 14,5
Méthane 38,6 4,2 0,5 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 2,7 10,0 12,7
Flexibilités (4) 0,0 8,3 16,2 25,8
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,6 1,9 1,8
Batteries stationnaires (injection) 0,0 7,7 14,3 24,0
912
Annexes
N1 - réindustrialisation profonde
2019 2040 2050 2060
Production (TWh)
Demande totale 538,4 722,0 827,4 853,9
Consommation France (1) 475,2 631,4 751,7 751,7
dont power-to-gas pour usage final 0,0 63,9 86,7 86,7
Solde exportateur 56,7 68,5 19,8 31,3
Pompage 6,5 14,8 18,9 19,9
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 4,7 15,1 23,4
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,6 2,0 2,0
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 16,2 17,4
Énergie écrêtée 0,0 2,0 3,7 8,2
Offre totale 538,4 722,0 827,4 853,9
Énergies renouvelables 114,7 416,3 623,1 686,4
Hydraulique 59,5 74,6 77,8 78,7
dont STEP 5,5 11,8 15,1 16,0
Éolien 33,9 220,4 358,1 397,9
dont éolien terrestre 33,9 103,2 140,1 157,4
dont éolien en mer 0,0 117,2 218,0 240,5
Solaire 11,6 111,5 177,4 200,0
Bioénergies (2) 9,7 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 0,0 0,0 0,0
Nucléaire 379,0 294,7 181,0 136,9
Nucléaire existant 379,0 251,7 91,9 10,2
EPR2 0,0 43,0 89,1 126,7
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 6,2 7,9 7,7
Méthane 38,6 4,4 0,4 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 5,7 5,9
Flexibilités (4) 0,0 4,8 15,4 22,9
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,6 1,9 1,9
Batteries stationnaires (injection) 0,0 4,2 13,5 21,0
Production (TWh)
Demande totale 538,4 694,8 808,6 820,7
Consommation France (1) 475,2 631,4 751,7 751,7
dont power-to-gas pour usage final 0,0 63,9 86,7 86,7
Solde exportateur 56,7 41,8 19,8 30,7
Pompage 6,5 13,2 17,4 18,2
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 5,5 10,9 11,0
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,6 1,9 1,9
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 1,7 5,8 5,4
Énergie écrêtée 0,0 0,6 1,1 1,8
Offre totale 538,4 694,8 808,6 820,7
Énergies renouvelables 114,7 379,5 541,4 553,4
Hydraulique 59,5 73,4 76,6 77,4
dont STEP 5,5 10,6 13,9 14,6
Éolien 33,9 200,9 313,3 317,4
dont éolien terrestre 33,9 96,1 119,9 124,2
dont éolien en mer 0,0 104,8 193,4 193,4
Solaire 11,6 95,4 141,7 148,8
Bioénergies (2) 9,7 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 0,0 0,0 0,0
Nucléaire 379,0 302,7 251,7 252,2
Nucléaire existant 379,0 258,2 92,8 10,6
EPR2 0,0 44,5 158,9 241,6
SMR 0,0 0,0 0,0 0,0
Thermique (3) 44,7 7,1 3,9 3,4
Méthane 38,6 4,7 0,4 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,6 1,7 1,6
Flexibilités (4) 0,0 5,5 11,6 11,7
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,6 1,8 1,8
Batteries stationnaires (injection) 0,0 4,9 9,8 9,9
914
Annexes
Production (TWh)
Demande totale 538,4 720,0 793,8 806,4
Consommation France (1) 475,2 631,4 751,7 751,7
dont power-to-gas pour usage final 0,0 63,9 86,7 86,7
Solde exportateur 56,7 74,2 19,5 32,6
Pompage 6,5 13,4 16,3 15,9
Batteries stationnaires (soutirage) 0,0 0,0 4,1 4,1
Vehicle-to-grid (soutirage) 0,0 0,6 1,9 1,9
Power-to-gas pour le système électrique 0,0 0,0 0,0 0,0
Énergie écrêtée 0,0 0,4 0,3 0,2
Offre totale 538,4 720,0 793,8 806,4
Énergies renouvelables 114,7 337,7 449,9 457,2
Hydraulique 59,5 73,5 75,8 75,4
dont STEP 5,5 10,7 13,1 12,7
Éolien 33,9 170,9 247,6 251,1
dont éolien terrestre 33,9 89,4 108,1 108,5
dont éolien en mer 0,0 81,5 139,5 142,6
Solaire 11,6 83,5 116,7 120,9
Bioénergies (2) 9,7 9,8 9,8 9,8
Énergies marines 0,0 0,0 0,0 0,0
Nucléaire 379,0 378,0 336,2 341,9
Nucléaire existant 379,0 327,2 148,2 27,3
EPR2 0,0 44,1 161,2 272,7
SMR 0,0 6,7 26,8 41,8
Thermique (3) 44,7 3,7 2,2 1,8
Méthane 38,6 1,9 0,4 0,0
Fioul 2,3 0,0 0,0 0,0
Charbon 1,6 0,0 0,0 0,0
Déchets (part non renouvelable) 2,2 1,8 1,8 1,8
Hydrogène 0,0 0,0 0,0 0,0
Flexibilités (4) 0,0 0,6 5,5 5,5
Effacements (industriels et tertiaires) 0,0 0,0 0,0 0,0
Vehicle-to-grid (injection) 0,0 0,6 1,8 1,8
Batteries stationnaires (injection) 0,0 0,0 3,7 3,7
(1) L
a consommation totale en France n’inclut pas le soutirage des moyens de flexibilité du système
électrique (batteries, pompage, power-to-gaz pour le système électrique, vehicle-to-grid).
(2) L
a catégorie bioénergies regroupe la biomasse, le biogaz et la part renouvelable des déchets.
(3) L
es moyens thermiques sont regroupés par type de combustible. La catégorie méthane regroupe le
méthane fossile et le biométhane.
(4) S
eules les flexibilités ayant un impact sur le bilan énergétique annuel sont détaillées ici (la recharge
des véhicules électriques hors vehicle-to-grid, l’eau chaude sanitaire et les électrolyseurs flexibles
ne sont pas inclus).
(5) L
a catégorie « Flexibilités » ne regroupe qu’une partie des flexibilités (batteries, électrolyse, flexi-
bilité sur la consommation et capacités d’échange). La production flexible à partir de gaz renou-
velable est intégrée dans le périmètre « Thermique ». Les STEP sont intégrées dans le périmètre
« Hydraulique ».
(6) L
a capacité affichée représente la capacité totale installée d’électrolyse. Les annexes sur la flexibi-
lité de la demande et graphiques présentés dans le chapitre 7 affichent quant à eux la puissance
moyenne effaçable de l’électrolyse. cf. partie 7.3.2
916
MODÉLISATION
DES PAYS EUROPÉENS
(chapitre 6)
Bilans électriques de l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie
et l’Espagne, modélisés en 2050
GW 2050 2050
1. Les valeurs affichées sont au périmètre de l’Europe modélisée de manière explicite dans l’étude Futurs énergétiques 2050. Elles incluent la France et dix-sept autres
pays (voir la figure 6.1 pour le détail) et correspondent à la configuration «A» (configuration de référence présentée dans le chapitre 6) pour les pays européens hors
France et à la configuration N2-référence pour la France.
2. La production des STEP ainsi que la production thermique à partir de combustibles renouvelables n’est pas intégrée dans le périmètre « Énergies renouvelables ». La production
des STEP est comptabilisée dans le périmètre « Stockages » et la production thermique renouvelable est comptabilisée dans le périmètre « Thermique ».
La production des EnR est présentée en valeur nette des écrêtements de production.
3. La production thermique regroupe l’ensemble des unités thermiques à flamme, quelque soit l’origine du combustible (renouvelable ou non).
918
Annexes
Eau chaude
Véhicules électriques (légers et lourds) sanitaire
(résidentiel)
Consommation annuelle de l'usage en 2019 <1 TWh 22 TWh
Puissance maximale naturelle appelée en 2019 Négligeable 7,5 GW
Pilotage Pilotage
Pilotage
Modalité de pilotage tarifaire Vehicle-to-grid tarifaire
dynamique
statique statique
Taux de pilotage (sur la conso annuelle) ~40% à domicile Négligeable Négligeable 75%
Situation en Énergie modulable ou effaçable
< 1 TWh 17 TWh
2020 (TWh/an)
Puissance maximale effaçable (GW) 0,0 GW 5,6 GW
922
Annexes
Effacements
courts (limite
Effacements journalière en Effacement
Effacements courts (~1 h) énergie : 2 h par 8 h max avec Électrolyseurs
longs (sur sans alternative jour équivalent report 0 %, à Effacement 1 h utilisés en
Électrolyseurs
plusieurs de chauffe, Pmax, toute heure max avec report bande et
utilisés sur
heures) avec report sur les pas d'effacement (disponibilité 0 %, en journée effaçables
périodes de
alternative de 24 h suivantes sur 2 h d'affilée), modulée par la (de 7 h à 19 h), lors des
prix faibles
chauffe (y.c. (puissance report sur les consommation Fiabilité 100 % tensions sur
PAC hybrides) de report 24 h suivantes industrielle), le système
décroissante) (puissance Fiabilité 100 %
de report
décroissante)
Aucun 200 €/MWh 200 €/MWh 350 €/MWh 350 €/MWh 49 €/MWh 164 €/MWh
0,2 TWh < 0,1 TWh 0 TWh < 0,1 TWh 0 TWh
Fonctionnement en bande
Pas de PAC hybrides Aucun Aucun
0% Aucune modulation et aucun
Aucun effacement effacement effacement
effacement
0% 0% 0% 11% 1% 0% 50%
3 TWh 9 TWh 1,7 TWh 63,1 TWh 5,2 TWh 50 TWh 0 TWh
Ammoniac et engrais
0,7 0,6 0,6 0,6 0,6
Usages - coproduction
matériaux
Chimie 1,0 1,0 1,0 1,0 1,0
Chaleur industrielle
7,9 7,6 7,6 6,7 6,7
- coproduction
Usages
énergétiques Injection H2 en mélange 0,0 1,0 1,0 1,0 1,0
Carburants
Transport aérien 0,0 0,0 0,0 1,9 19,1
de synthèse
926
Annexes
2050 2060
Ammoniac et engrais
0,5 0,5 0,5 0,5
- coproduction Usages
matériaux
1,0 1,0 1,0 1,0 Chimie
Chaleur industrielle
5,7 5,7 5,7 5,7
- coproduction
Usages
1,0 1,0 1,0 1,0 Injection H2 en mélange énergétiques
Carburants
3,8 38,3 3,8 38,3 Transport aérien
de synthèse
M0 0,0 18 30 64 59
M1 0,0 18 25 54 61
M23 0,0 18 26 52 56
N1 0,0 18 23 45 48
N2 0,0 18 26 38 37
N03 0,0 18 23 35 35
928
Annexes
Sobriété 76 63 64 58 48 34
Référence 90 75 79 71 59 43
Renouvellement 42 42 42 42 42 42
Ossature numérique 9 9 8 8 8 8
Grand transport 21 15 19 14 11 9
Réseaux régionaux 28 29 24 19 13 10
Raccordement offshore 48 41 57 38 27 18
Interconnexions 7 7 7 7 7 7
Investissements d’adaptations
105 117 92 84 73 67
des réseaux
932
Annexes
TAC fioul 74 60
Charbon 124 15
Cogénération gaz 94 30
1.
Les coûts variables de fonctionnement dépendent des coûts des combustibles. Comme mentionné dans le document de consultation publique de l’étude,
RTE a retenu les hypothèses du scénario Sustainable Development de l’AIE (World Energy Outlook 2020) pour les prix du gaz, du charbon, du fioul et du
CO2 en Europe, établies bien avant la crise de 2021-2022. Le prix du CO2 est utilisé pour la simulation de l’appel aux groupes de production européens,
mais les valorisations économiques de productions en France se font hors externalités : les OPEX variables du Tableau 1 correspondent à un prix bas
des combustibles, et n’intègrent pas le prix du CO2. Ces hypothèses n’ont toutefois pas d’impacts sur les coûts des scénarios à long terme dans la mesure
où ceux-ci sont fondés sur une sortie des énergies fossiles.
2.
Les capacités des productions éoliennes et solaires exploitées en 2020 décroissent au fur et à mesure de leur durée de vie. Le coût de leur utilisation
dépend de l’année et tient compte de cette décroissance ainsi que de la diminution progressive de leur coût entre les années 2000 et 2020. Ainsi en 2040
ne subsistent plus que les capacités installées les plus récentes, qui sont donc les moins coûteuses. En 2050 tout le parc existant est supposé avoir été
renouvelé.
936
Annexes
Hydrolien référence 4790 2400 2150 1900 1900 450 380 328 275 275 25 25 25 25 25 -
Hors
Hydraulique référence 1 000 15 70 -
STEP
3.
Hors intérêts intercalaires. Pour l’éolien offshore, les intérêts intercalaires sont supposés dépendre linéairement du taux d’actualisation, via un facteur 3
tenant compte de l’échéancier de construction (par ex : pour un taux de 4 %, les intérêts intercalaires valent 3 X 4 % = 12 % des CAPEX) ; ils sont négligés
pour les autres technologies.
Prolongations
650 440 10 10
inférieures à 60 ans
Tableau 4 Coûts complets annuels du traitement-recyclage des combustibles nucléaires par scénario
M0 93
M1 93
M23 93
N1 870
N2 1160
N03 1328
Tableau 5 Coûts unitaires des technologies de production électrique par gaz de synthèse
4.
Hors intérêts intercalaires, sauf pour l’EPR de Flamanville. Pour les EPR2 et les SMR, les intérêts intercalaires sont supposés dépendre linéairement du taux
d’actualisation, via un facteur 7 tenant compte de l’échéancier de construction (par ex : pour un taux de 4 %, les intérêts intercalaires valent 7 x 4 % = 28 %
des CAPEX)
938
Annexes
Les coûts de combustibles sont endogènes à l’analyse ; ils s’élèvent à environ 120 €/MWhPCI pour
l’hydrogène et 160 €/MWhPCI pour le méthane de synthèse (cf. chapitres 9 et 11).
par kW
Électrolyse 1 313 641 574 507 440 12 20
électrique
par kWhPCI
Stockages salins 350 2 40
de capacité
** Par défaut, faute de disposer des implications détaillées sur les réseaux de gaz et d’hydrogène, faisant l’objet de travaux ultérieurs
STEP 1 000 15 50
Batteries
basse 1 284 855 616 568 568 30 15
stationnaires 4 h
Effacement 35
V2G 30
Les facteurs d’émissions indiqués dans cette partie sont comptées comme nulles pour le secteur étu-
correspondent aux gaz à effet de serre émis dans dié. Pour autant, les émissions directes produites
la phase d’usage des équipements, dites émissions pour la production électricité ou les réseaux de
directes. Ainsi, que ce soit pour la mobilité, le chaleur sont comptées dans le secteur de la pro-
chauffage, l’industrie ou la production d’hydrogène, duction d’énergie. Le périmètre retenu selon les
les émissions directes des usages fonctionnant à secteurs correspond à celui utilisé dans l’inventaire
l’électricité, au réseau de chaleur ou à l’hydrogène national du CITEPA1.
Électricité
Transports
Production
d’électricité
Gaz Chauffage
Chaleur
Émissions directes par Industrie
production d’électricité
(combustion dans les centrales) Combustibles
liquides
Hydrogène
Production Usages
d’énergie
1.
Source : CITEPA
942
Annexes
Les émissions produites pour la production de gaz fossile diminue dans le réseau de gaz au pro-
l’énergie utilisée, les phases de fabrication de l’in- fit du biométhane, plus les facteurs d’émissions
frastructure ou encore la gestion des déchets sont des équipements fonctionnant au gaz (centrales
comptabilisées dans les émissions dites « en cycle électriques, véhicules, chauffage, industrie, etc.)
de vie » (voir section suivante). seront faibles. De façon similaire, plus le taux de
pénétration des biocarburants est élevé, plus les
Les hypothèses concernant les carburants et le facteurs d’émissions des véhicules thermiques
réseau de gaz sont précisées dans les tableaux seront faibles.
suivants. Ainsi, dans tous les secteurs, plus le
Tableau 1 Évolution de la part des différentes sources dans le réseau de gaz (hypothèses SNBC)
Biodiesel 7 12 56 100
Bioéthanol 7 12 56 100
Biokérosène 0 4 27 50
Tableau 3 Émissions directes de gaz à effet de serre du système électrique (périmètre CITEPA)
Nucléaire 0 0 0 0
CCG H2 0 0 0 0
TAC H2 0 0 0 0
Hydraulique 0 0 0 0
Éolien terrestre 0 0 0 0
Éolien en mer 0 0 0 0
Solaire 0 0 0 0
Bois2 0 0 0 0
Biogaz2 0 0 0 0
Déchets (renouvelables)2 0 0 0 0
Les facteurs d’émissions des différents modes de déplacement ont été calculés à partir des facteurs
d’émissions des combustibles de la base carbone de l’ADEME, des hypothèses de consommations
énergétiques et de taux de pénétration des bioénergies issues de la SNBC publiée en 2020.
2.
Les émissions de CO2 issues de la combustion de la biomasse sont considérées comme nulles dans l’étude, du fait que ces émissions sont équivalentes
aux flux captés lors de sa croissance (cycle de CO2 biogénique). Cette convention suppose une gestion durable de la biomasse.
944
Annexes
Tableau 4 Émissions directes de gaz à effet de serre dans le secteur des transports (périmètre CITEPA)
Transport de personnes
Véhicules particuliers3
Autobus
Autocars
3.
La répartition citadine/berline est supposée constante entre 2019 et 2050 dans le scénario de référence, soit 70 %/30 %.
4.
Les gisements de biomasse étant limités pour les usages énergétiques, le facteur d’émission nul est garanti uniquement si le nombre d’usages
(chauffage, véhicules, industrie) consommant de la biomasse est limité pour pouvoir disposer d’une ressource renouvelable.
Camions
Diesel
Gaz
5.
Les gisements de biomasse étant limités pour les usages énergétiques, le facteur d’émission nul est garanti uniquement si le nombre d’usages
(chauffage, véhicules, industrie) consommant de la biomasse est limité pour pouvoir disposer d’une ressource renouvelable.
946
Annexes
Tableau 5 Émissions directes de gaz à effet de serre du chauffage dans les bâtiments (périmètre CITEPA)
6.
Les gisements de biomasse étant limités pour les usages énergétiques, le facteur d’émission nul est garanti uniquement si le nombre d’usages
(chauffage, véhicules, industrie) consommant de la biomasse est limité pour pouvoir disposer d’une ressource renouvelable.
7.
Les émissions générées pour la production d’électricité ou la chaleur urbaine sont comptées dans le secteur de la production d’énergie (périmètre CITEPA).
Tableau 6 Émissions directes de gaz à effet de serre du secteur de l’industrie manufacturière (périmètre CITEPA)
E18 - Métallurgie de 1re transformation des métaux non ferreux 202 167 79
E20 - Fabrication de plâtres, produits en plâtre, chaux et ciments 3 235 2 679 1 779
948
Annexes
Les facteurs d’émissions de gaz à effet de serre l’infrastructure (pour la fabrication, l’utilisation et
ont été calculés à partir de modèles paramétrés8 la fin de vie de l’infrastructure). Toutefois la prise
développés avec le centre OIE MINES ParisTech. en compte des matières sur tout le cycle de vie
Le principe est de repartir de sources de référence a montré que les ressources mobilisées dans les
(notamment base ecoinvent) mais de décomposer infrastructures constituent la majorité des besoins
les émissions de gaz à effet de serre selon différents en ressources.
paramètres (durée de vie, technologie, rendement,
intensité carbone des différentes phases de fabri- Ces valeurs ainsi obtenues ont été comparées
cation...). Ceci permet de vérifier la robustesse des avec la littérature et lorsqu’elles divergeaient de
données et projeter leur évolution dans le temps. façon trop importante pour des raisons autres
que le cycle de vie, les valeurs issues de la litté-
Plusieurs jeux d’hypothèses de paramètres ont rature les plus récentes et consensuelles ont été
été retenus pour disposer de facteurs d’émissions retenues. Par exemple, le modèle génère une
adaptés aux technologies, situations géographiques intensité matière de lithium pour une batterie
et horizons temporels étudiés. Les paramètres ainsi nickel-manganèse-cobalt de 0,23 kg/kWh. Or cette
retenus correspondent à l’état moyen des techno- valeur est surestimée par rapport à la littéra-
logies installées à l’horizon temporel d’étude. Par ture, qui établit l’intensité matière en lithium de
exemple, le rendement énergétique des panneaux ces batteries entre environ 0,1 et 0,14 kg/kWh.
photovoltaïques est supposé s’élever en moyenne En effet, la base de données ecoinvent 3.6, dite
à 15 % en 2020 et à 25 % en 2050, même si dès d’arrière-plan du modèle, considère un besoin de
aujourd’hui, certains panneaux photovoltaïques ont 0,28 kg de lithium pour la fabrication d’un kilo-
des rendements bien supérieurs à 15 %. gramme de lithium carbonate9 (un des éléments
intermédiaires pour la constitution des batteries),
Les intensités matières ont été calculées égale- alors que la production d’un kilogramme de lithium
ment à partir des modèles paramétrés en analyse carbonate nécessite maintenant 0,18 kg de lithium
de cycle de vie. Ainsi, ces intensités reflètent les extrait10. Cette valeur a donc été revue à la baisse
ressources immobilisées dans l’infrastructure mais dans l’étude de RTE, en cohérence avec le consen-
aussi l’ensemble des autres ressources mobilisées sus scientifique actuel.
et déplacées sur l’ensemble du cycle de vie de
8. Les modèles paramétrés ont été développés par des outils issus du projet INCER-ACV, soutenu par l’ADEME
9. Activité ecoinvent 3.6 “lithium carbonate production, from concentrated brine”
10.
USGS, Lithium Use in Batteries, Circular 1371, https://pubs.usgs.gov/circ/1371/pdf/circ1371_508.pdf
Le tableau ci-dessous recense les principales matières, que ce soit comme inventaire en cycle
sources utilisées pour le calcul des facteurs d’émis- de vie de base ou comme source pour le choix des
sions de gaz à effet de serre et les intensités paramètres.
Principales sources
Tableau 7
Technologies
Besseau et al. 201913 ; Sacchi et al. 201914 ; ADEME 2021 « Inventaire des besoins en
Éolien terrestre
matières, énergie, eau et sols des technologies de la transition énergétique »
Besseau et al. 2019 ; Sacchi et al. 2019, « Bilan carbone du parc éolien en mer de
Fécamp »15 ; Étude d’impact de la ferme pilote éoliennes flottantes de Gruissan16 ;
Éolien en mer
ADEME 2021 « Inventaire des besoins en matières, énergie, eau et sols des
technologies de la transition énergétique »
ecoinvent 3.6 ; Base carbone de l’ADEME ; Étude ACV du biométhane 201717 et mise à
Biogaz/biométhane
jour 2020 ;
Batteries stationnaires Schmidt et al. 201918 ; IVL Swedish Environmental Research Institut 201919
Batteries véhicules électriques Schmidt et al. 2019; IVL Swedish Environmental Research Institut 2019
950
Annexes
Les intensités matières évoluent dans le temps au Les technologies de génératrices retenues pour
fil de l’amélioration supposée des performances les éoliennes terrestres et en mer (posé et flot-
technologiques ou de choix technologiques, décrits tant) sont les suivantes aux différents horizons
ci-après. d’études :
Synchrone
3% 0% 0% 0% 50% 50% 0% 50% 50% 0% 50% 50%
à rotor bobiné
Synchrone
à aimants 3% 100% 100% 0% 50% 50% 0% 50% 50% 0% 50% 50%
permanents
Les batteries stationnaires sont composées du mix Les batteries pour la mobilité sont supposées
de technologies suivant : 25 % de NMC (nickel- être des batteries nickel-manganèse-cobalt,
manganèse-cobalt), 25 % de NCA (nickel- cobalt- avec une répartition des technologies (NMC333,
aluminium), 25 % de LFP (lithium-fer-phosphate) NMC622, NMC811) qui évolue dans le temps.
et 25 % de LTO ( lithium-titanate-oxyde). Deux Différentes analyses de sensibilité ont en outre
types de batteries sont utilisés dans les mix élec- été menées sur ce point et sont restituées dans
triques : des batteries d’équilibrage (charge 4 h) et le rapport.
des batteries de réserve (charge 1 h).
Tableau 9 Hypothèses relatives au passage des batteries NMC333 au NMC811 (batteries de véhicules électriques)
NMC333 100 % 70 % 30 % 0% 10 %
NMC622 0% 30 % 30 % 20 % 30 %
NMC811 0% 0% 40 % 80 % 60 %
Tableau 10 Hypothèses d’évolution des paramètres principaux (dans les modèles paramétrés)
Technologie Paramètre Unité 2019 2030 2040 2050 2019 2030 2040 2050
Densité énergétique LFP kWh/kg 0,12 0,12 0,12 0,12 0,12 0,15 0,18 0,20
Densité énergétique LTO kWh/kg 0,07 0,07 0,07 0,07 0,07 0,09 0,10 0,11
Densité énergétique NCA, NMC kWh/kg 0,15 0,15 0,15 0,15 0,15 0,18 0,22 0,25
Technologie Paramètre Unité 2019 2030 2040 2050 2019 2030 2040 2050
Cogénération % 41 41 41 41 41 41 41 41
Turbine à combustion % 38 38 38 38 38 40 40 40
952
Annexes
Technologie Paramètre Unité 2019 2030 2040 2050 2019 2030 2040 2050
Durée de vie du
années 25 25 25 25 25 30 30 30
photovoltaïque
Photovoltaïque
Rendement module
% 15 17 19 19 15 18 22 25
photovoltaïque
Quantité d'électricité
kWh/kg 90 70 60 60 90 60 30 15
à la fabrication
Quantité d'argent g/m² 9,60 8,47 7,58 7,58 9,60 8,11 6,62 5,96
Épaisseur du wafer µm 190 170 155 155 190 163 136 110
Technologie Paramètre Unité 2019 2030 2040 2050 2019 2030 2040 2050
Selon la durée de vie des infrastructures ou des en 2020 devront être renouvelées en 2045. Ainsi,
équipements électriques, les besoins de construc- si les capacités installées de panneaux photovol-
tion peuvent être plus ou moins importants. Par taïques sont de 208 GW en 2050 dans le scéna-
exemple, les panneaux photovoltaïques ayant une rio M23, le besoin de capacité à construire entre
durée de vie de 25 ans (dans les hypothèses des 2020-2050, tenant compte des besoins de renou-
Futurs énergétiques 2050), les capacités installées vellement, est de 222 GW.
En GW M0 M1 M23 N1 N2 N03
Nucléaire 0 0 0 13 23 23
Éolien terrestre 83 68 81 67 61 52
Hydraulique 4 4 4 4 4 4
Centrale à charbon 0 0 0 0 0 0
Turbine à combustion20 14 9 12 4 2 0
Cycle combiné20 16 11 9 8 3 1
Batteries stationnaires20 96 76 46 31 5 3
20.
Le renouvellement des unités de production sur la période 2020-2050 n’a pas été pris en compte.
21.
Deux types de batteries sont utilisés dans les Futurs énergétiques 2050 : batteries pour l’adéquation (charge de 4 h) et batteries de réserve (charge d’1 h)
954
Annexes
En GW M0 M1 M23 N1 N2 N03
Nucléaire 0 0 0 13 23 23
Éolien terrestre 77 61 73 59 54 46
Photovoltaïque toiture 78 93 43 37 34 25
Hydraulique 4 4 4 4 4 4
Centrale à charbon 0 0 0 0 0 0
Turbine à combustion 9 3 5 2 0 0
Cycle combiné 11 8 7 1 1 1
Batteries stationnaires 24 17 13 5 3 3
En GW M0 M1 M23 N1 N2 N03
Nucléaire 0 0 0 13 23 23
Éolien terrestre 98 78 95 79 69 63
Hydraulique 4 4 4 4 4 4
Centrale à charbon 0 0 0 0 0 0
Turbine à combustion 24 16 21 13 10 2
Cycle combiné 15 11 8 6 5 2
956
Annexes
Volume de batteries de véhicules électriques à construire sur la période 2020-2050 dans les scénarios
Tableau 14
de référence, « sobriété » et « réindustrialisation profonde »
Scénario de référence et
GWh de capacité Scénario « sobriété »
scénario « réindustrialisation profonde »
Véhicules légers
3 546 2 464
(voitures et VUL)
Véhicules lourds
142 171
(camions, bus, car)
KWh de capacité 2020 2030 2040 2050 2020 2030 2040 2050
Véhicules légers
40 65 79 85 40 58 71 76
(voitures et VUL)
Véhicules lourds - bus 350 383 417 450 350 383 417 450
Véhicules lourds - car 300 367 433 500 300 367 433 500
Véhicules lourds –
150 162 175 187 150 162 175 187
camions < 19 t
Véhicules lourds –
350 383 417 450 350 383 417 450
camions > 19 t
Véhicules lourds –
800 933 1067 1200 800 933 1067 1200
tracteurs routiers
Facteurs d’émissions de gaz à effet de serre en cycle de vie pour le système électrique
Tableau 15
2050 -
2050 -
Évolution
Évolution Sources
pessimiste
2020 tendancielle des facteurs Unité
(faible
(amélioration d’émissions
amélioration
technologique)
technologique)
Modèle gCO2eq/
Bois 66 66 66
paramétré kWh
Biomasse
Modèle gCO2eq/
Biogaz agricole 70 70 70
paramétré kWh
Modèle gCO2eq/
Photovoltaïque 43 28 14
paramétré kWh
Modèle gCO2eq/
Éolien terrestre 16 15 13
paramétré kWh
Énergies
renouvelables
Modèle gCO2eq/
Éolien en mer 14 10 7
paramétré kWh
gCO2eq/
Hydraulique 6 6 6 ecoinvent 3.6
kWh
Modèle gCO2eq/
CCG 400 85 81
paramétré kWh
Modèle gCO2eq/
Cogénération 530 100 98
paramétré kWh
Modèle gCO2eq/
CCG 35 35 35
paramétré kWh
Hydrogène
Modèle gCO2eq/
TAC 35 35 35
paramétré kWh
Modèle gCO2eq/
Nucléaire 7 6 6
paramétré kWh
Modèle gCO2eq/
Électrolyseurs 5 5 5
paramétré kWh
gCO2eq/
entre 26 et 90 Modèle
Batteries stationnaires 84 63 kWh de
selon les scénarios paramétré
capacité
gCO2eq/
Réseau 1,2 1,2 1,2 RTE kWh
transité
gCO2eq/
Charbon 1100 1100 1100 ecoinvent 3.6
kWh
958
Annexes
Intensités matières des infrastructures du système électrique et des batteries de véhicules électriques
Tableau 16
en 2020
t/MWh de t/MWh de
Unité t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW
capacité capacité
Aluminium 0,35 29,00 20,00 0,69 1,00 1,10 0,52 0,06 0,75 1,10 1,70 1,60
Cuivre 1,60 3,40 3,40 2,77 7,00 7,10 0,18 0,12 0,79 1,20 1,78 0,90
Terres
0 0 0 0,01 0,21 0,21 0 0 0 0 0 0
rares
En t/TWh Nucléaire
Zirconium 0,847
t/MWh de t/MWh de
Unité t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW
capacité capacité
Aluminium 0,35 24,36 16,80 0,69 1,00 1,15 0,52 0,06 0,75 1,10 1,45 1,36
Cuivre 1,60 3,40 3,40 2,60 8,50 8,55 0,18 0,12 0,79 1,20 1,41 0,75
Terres
0 0 0 0,00 0,11 0,11 0 0 0 0 0 0
rares
En t/TWh Nucléaire
Zirconium 0,847
960
Annexes
Intensités matières des infrastructures du système électrique et des batteries de véhicules électriques
Tableau 18
à l’horizon 2040
t/MWh de t/MWh de
Unité t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW
capacité capacité
Aluminium 0,35 19,72 13,60 0,69 1,00 1,15 0,52 0,06 0,75 1,10 1,28 1,20
Cuivre 1,60 3,20 3,20 2,60 8,50 8,55 0,18 0,12 0,79 1,20 1,25 0,65
Terres
0 0 0 0,00 0,11 0,11 0 0 0 0 0 0
rares
En t/TWh Nucléaire
Zirconium 0,847
t/MWh de t/MWh de
Unité t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW t/MW
capacité capacité
Aluminium 0,35 17,40 12,00 0,69 1,00 1,15 0,52 0,06 0,75 1,10 1,20 1,07
Cuivre 1,60 3,10 3,10 2,60 8,50 8,55 0,18 0,12 0,79 1,20 1,17 0,55
Terres
0 0 0 0,00 0,11 0,11 0 0 0 0 0 0
rares
En t/TWh Nucléaire
Zirconium 0,847
962
Annexes
La criticité des ressources est évaluée en fonction Pour chacun de ces indicateurs, un ou plusieurs
de six indicateurs : sous-indicateurs ont été retenus pour permettre
u les réserves, traduisant la disponibilité phy- de juger ou non du niveau de criticité actuelle
sique et technico-économique de la matière du couple indicateur/ressource et de la tendance
première ; à venir. Le choix de ces indicateurs a été réalisé
u la présence de monopole ou de concentration sur la base de données disponibles dans les fiches
du marché exposant la ressource à des risques d’expertise du BRGM.
d’approvisionnement ;
u le risque de conflit d’usage de la ressource ; Par exemple, la criticité liée aux réserves a été éva-
u la capacité technique et économique de recyclage ; luée à partir de l’indicateur existant dit « R/P », qui
u l’existence ou non de solutions de substitution, traduit la quantité restante de la ressource, tandis
soit de la ressource elle-même, soit par un que la criticité liée au recyclage est évaluée selon les
changement de technologie ; capacités techniques de recyclage et de réutilisation
u l’impact social et environnemental de l’exploita- ainsi que du taux de recyclage actuel. Si la criticité
tion et de la production de la ressource. liée au niveau de réserves est relativement robuste,
celle liée au recyclage renvoie à des questions plus
Dans la mesure du possible, la criticité est exa- larges d’économie circulaire, qui nécessiteraient des
minée de la mine ou carrière (matière première) travaux approfondis pour rendre compte plus fidèle-
au produit final. Par exemple, l’aluminium est ment de l’enjeu du recyclage de la ressource.
principalement extrait de la bauxite sous forme
d’alumine qui est transformée en métal par Ainsi pour chacun des indicateurs cités ci-dessus,
électrolyse. les sous-indicateurs et grilles d’évaluations asso-
ciés sont les suivants :
Monopole/ u IHH22 de la production minière et 1:a ucun IHH de plus de 0,4 ou si l’IHH n’est pas dis-
concentration métallique ponible : aucun acteur ne détient plus de 50 % de
de marché marché sur la chaîne d’approvisionnement ;
Ou si IHH non disponible :
2:a
u moins une étape de production avec IHH de plus de 0,4
u arts de marché des différents acteurs
P
ou si l’IHH n’est pas disponible : acteur à +50 % de part
pays
de marché, sauf si la France semble indépendante ;
3:a
u moins une étape de production avec IHH de plus
de 0,6 ou deux étapes de plus de 0,4 ou si l’IHH n’est pas
disponible : +50 % de part de marché sauf si la France
semble indépendante
22.
Indice de Herfindahl-Hirschmann
Impact social et u La nature moyenne en termes de gou- L’impact social et environnemental de l’exploitation des
environnemental vernance et d’impact sanitaire et social ressources est par nature non négligeable, encore plus
dans le cas de ressources d’exploitation minière. La cri-
u L’impact sur l’eau (stress hydrique,
ticité des ressources a été estimée selon les fiches d’ex-
consommation d’eau)
pertise du BRGM en supposant une criticité modérée
u La consommation de l’espace, atteinte uniquement pour les ressources issues d’exploitations non
à la biodiversité minières (comme le béton ou le silicium) et les ressources
aux impacts qui semblent plus modérés et maîtrisés sur
u Les diverses pollutions
les enjeux environnementaux (eau, biodiversité, GES)
u La consommation énergétique/GES et sociaux par rapport aux autres ressources.
23.
La notion de « difficilement » renvoie à des questions de coûts et/ou de maturité technologique et la notion de « partiel » renvoie au fait que cela ne s’applique
pas à tous les usages. Par exemple, le graphite utilisé dans les garnitures de freins n’est pas recyclable, puisqu’il est consommé tandis que le graphite
présent dans les batteries pourrait l’être.
964
Annexes
Déchets radioactifs
Données utilisées pour la modélisation des déchets radioactifs issus de l’utilisation de combustible nucléaire
à la section 12.5 :
Valeur
Donnée Source
retenue
Consommation moyenne de Mox en tML/TWh par Rapport HCTISN - Présentation du « Cycle du combustible »
0,9
les 900 MW français en 2018
Consommation moyenne d'URE en tML/TWh par Rapport HCTISN - Présentation du « Cycle du combustible »
3,1
les 900 MW français en 2018 + Base PRIS AIEA
Production de plutonium par tML retraité 1% Avis IRSN/2018-00126 de l'IRSN (4 mai 2018)
Combustibles usés entreposés hors centrales Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de
9 955
nucléaires (en tML) la radioprotection en France en 2020
Combustibles usés dans les centrales nucléaires Calcul à partir de l'inventaire ANDRA 2021 et rapport
8 777,2
(en tML) annuel de l'ASN 2019
Stock d’UNE usé (tML) 15 482 Calcul à partir inventaire ANDRA et Cours des comptes
Capacité de stockage de la piscine de la Hague Orano - Résumé non technique - projet de densification
12 000
(tML) des piscines C, D et E du site de La Hague.
Capacité de stockage de la piscine de la Hague Orano - Résumé non technique - projet de densification
15 600
après densification (tML) des piscines C, D et E du site de La Hague.
Capacité d'entreposage de la piscine d'EDF (tML) EDF - Dossier de consertation - Projet de construction
6 500 d’une installation d'entreposage sous eau de
combustibles usés à La Hague
Nombre de CSD-V produits par 1 tML de Calcul à partir des inventaires ANDRA
0,74
combustible retraité
Nombre de CSD-C produits par 1 tML de Calcul à partir des inventaires ANDRA
0,61
combustible retraité
Volume occupé par un CSD-C (en m3) 0,22 Calcul à partir des inventaires ANDRA
Volume occupé par un CSD-V (en m3) 0,19 Calcul à partir des inventaires ANDRA
966
Annexes
Polluants atmosphériques
Les facteurs d’émission des polluants utilisés l’étude. Les facteurs d’émission prospectifs à
pour l’année 2019 sont issus de la base publique 2030, 2040 et 2050 ont été fournis par le CITEPA
OMINEA (données CITEPA). Ils sont exprimés en (données non publiques). Ainsi, seuls les facteurs
g/kWh pour les quatre polluants considérés dans d’émission de 2019 sont explicités ci-dessous.
Facteurs d’émissions 2019 utilisés pour la production d’électricité pour les PM2.5, NOx, SO2 et COVnm
Tableau 20
Facteurs d’émissions 2019 utilisés pour la production de chaleur pour les PM2.5, NOx, SO2 et COVnm
Tableau 21
Résidentiel
Tertiaire
Réseaux de chaleur
Afin d’obtenir la répartition prospective des véhi- et biométhane sont considérées comme égales
cules selon les différentes normes Euro, RTE s’est à celles respectivement de l’essence, du diesel
basé sur les projections de l’IFSTTAR (Institut et du gaz naturel liquéfié.
français des sciences et technologies, des trans-
u Les facteurs d’émission liés à l’abrasion ont été
ports, de l’aménagement et des réseaux) jusqu’en considérés comme constants jusqu’en 2050.
2050. La base de données de l’IFSTTAR sur les véhi- Aujourd’hui, les émissions liées à l’abrasion
cules décline notamment la projection du trafic rou- représentent environ 50 % des émissions de
tier jusqu’en 2050 en véhicule.kilomètre (veh.km), particules fines du transport routier.
selon tous les types de véhicules (véhicules particu-
liers, véhicules utilitaires, poids lourds, bus et cars, Par ailleurs, les calculs ont été réalisés en suppo-
deux roues), les énergies utilisées et les normes sant un gain d’efficacité énergétique des différents
Euro en vigueur, en prenant en compte les données véhicules à différents horizons de temps, ce qui
annuelles d’immatriculations et des hypothèses de revient à abaisser les valeurs limites d’émission
survie des différents types de véhicules24. Ces tra- (VLE) liées à la combustion et donc à anticiper des
vaux sont financés conjointement par l’ADEME et la normes Euro plus restrictives (comme la norme
DGITM. Euro 7 qui devrait sortir en 2025).
Certaines hypothèses ont été formulées concer- Les facteurs d’émission fournis par le CITEPA
nant les facteurs d’émissions, notamment sur reflètent les performances réelles des véhicules
les facteurs d’émissions de polluants émis à par- (niveaux d’émission moyens mesurés en labo-
tir de bioénergies et les facteurs d’émissions liés ratoire) en termes de rejets de polluants atmos-
à l’abrasion. Ces hypothèses sont prudentes et phériques (et non les VLE affichées pour chaque
représentent une fourchette haute des futures norme Euro).
émissions :
u Plusieurs études ont estimé les émissions de Les facteurs d’émission utilisés dans les Futurs
polluants émises à partir de bioénergies, mais Énergétiques 2050 pour les véhicules sont télé-
aucun consensus n’émerge. Globalement, chargeables sur le site du CITEPA (lien vers la base
il semble tout de même que les bioénergies OMINEA du CITEPA : https://www.citepa.org/
soient moins émettrices que les carburants wp-content/uploads/publications/ominea/omi-
fossiles, mais cette conclusion dépend des pol- nea-2021.zip). Les facteurs d’émission sont détail-
luants considérés. Des études supplémentaires lés par type de véhicule, par type d’énergie, par
sont donc nécessaires. En l’absence de données norme Euro et selon le type de route empruntée
fiables, l’hypothèse conservatrice retenue est (urbain, rural, autoroute).
que les émissions liées au bioéthanol, biodiesel
24.
Ifsttar (2019), Connaissance et prospective des parcs automobiles
968
Annexes
Les facteurs d’émissions moyens ont été calculés CEREN pour la consommation d’énergie par secteur
à partir des données du CITEPA et des données d’activité NCE.
Facteurs d’émissions 2019 utilisés pour la combustion dans l’industrie pour les PM2.5, NOx, SO2 et COVnm
Tableau 22
E18 - Métallurgie de 1re transformation des métaux non ferreux 0,005 0,197 0,011 0,008
E20 - Fabrication de plâtres, produits en plâtre, chaux et ciments 0,024 0,954 0,330 0,031
E21 - Production d'autres matériaux de construction et de céramique 0,025 0,253 0,155 0,027
E25 - Mat. plastiques, caoutchouc synthétique et autres élastomères 0,008 0,266 0,260 0,007
E26 - Autres industries de la chimie organique de base 0,021 0,279 0,225 0,010
E32 - Véhicules automobiles et autres matériels de transport terrestre 0,006 0,206 0,045 0,010
Figure 1.1 Évolution des émissions et des puits de gaz à effet de serre (historique et objectifs) 45
Figure 2.2 Réunions de concertation tenues dans le cadre de l’étude Futurs énergétiques 2050 56
Figure 2.3 Instances de concertation mises en place pour réaliser l’étude Futurs énergétiques 2050 58
Figure 2.4 Synthèse des principaux paramètres étudiés dans le cadre de l’étude 59
Figure 2.6 Trajectoires climatiques du GIEC (AR5) et scénarios retenus pour l’étude à l’horizon 2050-2060 62
Figure 3.2 Projection de l’approvisionnement en énergie et de la consommation d’énergie finale à l’horizon 2050 75
Figure 3.8 Cône de variation des différentes trajectoires de consommation des Futurs énergétiques 2050 86
Figure 3.11 Évolution de la structure du parc de véhicules légers entre 1950 et 2050 92
Figure 3.12 Consommation électrique du secteur des transports – Trajectoire de consommation de référence 93
Évolution du parc de chauffage résidentiel entre aujourd’hui et 2050 dans la trajectoire de référence
Figure 3.15 99
Évolution du parc de chauffage tertiaire entre aujourd’hui et 2050 dans la trajectoire de référence
Figure 3.17 101
972
Liste des figures
Figure 3.19 Consommation électrique pour la production d’hydrogène – Trajectoire de référence 104
Figure 3.20 Historique et évolution de la consommation d’électricité par secteur dans la trajectoire de référence 105
Figure 3.21 Évolution structurelle de la consommation intérieure d’électricité entre 2019 et 2050
dans la trajectoire de référence 105
Décomposition de l’empreinte carbone et des émissions nationales de la France entre 2000 et 2019
Figure 3.23 109
Solde commercial de l’industrie manufacturière (et décomposition des soldes par branche) en 2019,
Figure 3.25
en 2050 dans la trajectoire de référence et en 2050 dans le scénario « réindustrialisation profonde » 112
Figure 3.26 Décomposition des leviers de sobriété électrique par secteur d’activité 120
Figure 3.27 Décomposition des effets d’actions de sobriété sur la consommation en 2050 121
Figure 3.29 Consommation électrique dans les trajectoires de référence et « accélération 2030 » 126
Figure 3.30 Synthèse des trajectoires de consommation modélisées dans l’étude 129
Figure 3.31 Synthèse des principales hypothèses des différentes trajectoires de consommation 130
Figure 3.32 É
volution de la consommation flexible entre 2019 et 2050 132
Figure 3.33 Appel de puissance moyen du chauffage en fonction de la température lissée 134
Figure 3.34 Appel de puissance moyen de la climatisation en fonction de la température lissée 135
Plage de variation des appels de puissance horaires sur 1 000 années de Monte-Carlo
Figure 3.39
pour la dernière semaine de juillet – Année 2019 141
Plage de variation des appels de puissance horaires sur 1 000 années de Monte-Carlo
Figure 3.40
pour la dernière semaine de juillet – Année 2050 141
Plage de variation des appels de puissance horaires sur 1 000 années de Monte-Carlo
Figure 3.41
pour la troisième semaine de janvier – Année 2019 142
Plage de variation des appels de puissance horaires sur 1 000 années de Monte-Carlo
Figure 3.42
pour la troisième semaine de janvier – Année 2050 142
Figure 4.1 Perspectives d’évolution de la production d’électricité entre 2020 et 2050 149
Comparaison des trajectoires d’arrêt des réacteurs nucléaires proposée en France (2025-2060)
Figure 4.4
et réalisée en Allemagne (2011-2022) 156
Tableau 4.1 Âge moyen des réacteurs encore en service par trajectoire de fermeture du nucléaire existant 159
Figure 4.7 Programme « nouveau nucléaire France » et délais estimés entre les premières mises en service
des EPR2 162
Figure 4.8 Trajectoires de développement de nouvelles tranches nucléaires (nouveaux EPR2) 163
Figure 4.9 Délais moyens de construction des réacteurs nucléaires pour les réacteurs de seconde génération
et les réacteurs de troisième génération (EPR2) 164
Figure 4.11 Synthèse des trajectoires d’évolution du nucléaire (par type de technologie)
dans les six scénarios d’étude 168
Figure 4.12 Évolution des capacités installées des filières photovoltaïque et éoliennes dans les scénarios
(consommation de référence) 170
Figure 4.13 Capacités hydrauliques installées en France en 2020 et projetées à 2060 172
Figure 4.14 Capacités de bioénergies installées en France en 2020 et projetées à 2050 174
Figure 4.15 Évolution des capacités photovoltaïques en France depuis 2000 et projetées à 2060
dans les scénarios de mix adaptés à la trajectoire de consommation de référence 176
Figure 4.16 Évolution des capacités d’éolien terrestre en France depuis 2000 et projetées à 2060
dans les scénarios de mix adaptés à la trajectoire de consommation de référence 178
Figure 4.17 Évolution des capacités d’éolien en mer en France depuis 2000 et projetées à 2060
dans les scénarios de mix adaptés à la trajectoire de consommation de référence 180
Figure 4.18 État des lieux des principales installations d’éolien en mer en service en Europe en 2020 181
Figure 4.19 Évolution des capacités d’énergies marines en France depuis 2020 et projetées à 2060
dans les scénarios de mix (consommation de référence) 183
Figure 4.20 Rythmes moyens de développement historiques et projetés (scénario de référence) du solaire 189
Figure 4.21 Rythmes moyens de développement historiques et projetés (scénario de référence) de l’éolien terrestre 190
Figure 4.22 Rythmes moyens de développement historiques et projetés (scénario de référence) de l’éolien en mer 190
Figure 4.23 Cibles de capacités et de rythmes d’installation d’énergies renouvelables dans les orientations
de politiques énergétiques nationales en Europe 191
Figure 4.28 Évolution des capacités thermiques installées entre 2012 et 2060 en considérant
la trajectoire de consommation de référence 199
974
Liste des figures
Figure 5.1 Synthèse des scénarios et configurations considérés dans le cadre de l’étude Futurs énergétiques 2050 204
Figure 5.2 Évolution de la répartition entre énergies renouvelables et nucléaire dans le mix de production
des six scénarios et dans le mix actuel (2020) 212
Figure 5.3 Gisements théoriques pour le développement des énergies renouvelables 214
Figure 5.4 Répartition des installations photovoltaïques par région dans les scénarios M1 et M23 215
Figure 5.5 Capacités évitées en 2050 dans le scénario sobriété par rapport au scénario de référence
sur la consommation, en cas d’ajustement seulement sur une filière 218
Figure 5.6 Capacités installées de production d’électricité dans les six scénarios de mix en 2050,
dans la trajectoire de consommation de référence et dans le scénario sobriété 219
Figure 5.7 Rythmes d’installation des énergies renouvelables entre 2020 et 2050 requis dans le scénario
sobriété, vis-à-vis de la trajectoire de consommation de référence (incluant le repowering) 219
Figure 5.8 Capacités installées de production d’électricité dans les six scénarios de mix en 2050, dans
la trajectoire de consommation de référence et dans le scénario de réindustrialisation profonde 222
Figure 5.9 Rythmes d’installation des énergies renouvelables entre 2020 et 2050 en considérant la réindustrialisation
profonde du pays et la trajectoire de consommation de référence (incluant le repowering) 223
Figure 5.10 Exemple de mix de production du scénario M23 avec une fermeture ralentie du nucléaire
existant de 2030 à 2050 224
Figure 5.11 Évolution des prix mensuels de différents métaux entre janvier 2015 et janvier 2022 227
Figure 5.13 Rythmes nécessaires de développement du photovoltaïque et de l’éolien entre 2025 et 2035
pour couvrir les besoins en électricité dans le cas d’une sortie du nucléaire en 2035, en l’absence
de recours à une augmentation de la production thermique ou aux importations 230
Figure 5.14 Bilans énergétiques en 2019 et 2035 dans deux configurations de sortie du nucléaire en 2035,
et émissions de CO2 associées 232
Figure 6.1 Périmètre des pays modélisés de manière détaillée dans l’étude Futurs énergétiques 2050 243
Figure 6.2 Émissions de l’Union européenne (EU27) depuis 1990 et objectifs à l’horizon 2030 et 2050 244
Tableau 6.1 S
cénarios d’évolution jusqu’à l’horizon 2050 du système énergétique en Europe ou
dans certains pays européens et compatibles avec l’atteinte de la neutralité carbone à cet horizon 250
Figure 6.3 Demande finale d’énergie en Europe dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050
Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège 253
Figure 6.4 Approvisionnement en hydrogène de l’Europe pour la demande finale (énergétique ou non),
la production d’énergies de synthèse et la production d’électricité dans plusieurs scénarios
européens à l’horizon 2050 – Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège
(y.c. demande non énergétique) 255
Figure 6.5 Approvisionnement en méthane de l’Europe pour la demande énergétique finale et la production
d’électricité dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050 – Valeurs au périmètre EU27 +
Royaume-Uni + Suisse + Norvège 256
Figure 6.6 Consommation totale d’électricité dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050
Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège 257
Figure 6.7 Consommation totale d’électricité pour le chauffage dans plusieurs scénarios européens
à l’horizon 2050 – Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège 259
Figure 6.8 Composition du mix de production d’électricité dans plusieurs scénarios européens
à l’horizon 2050 Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège 260
Figure 6.10 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) en Europe dans les configurations
testées et comparaison avec différents scénarios externes – Périmètre EU27+Royaume-Uni, Suisse
et Norvège incluant la France (avec hypothèse du scénario N2 pour la France) 267
Figure 6.12 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) en Allemagne dans les configurations
considérées et comparaison avec différents scénarios publics compatibles avec la neutralité carbone 270
Figure 6.14 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) au Royaume-Uni
dans les configurations considérées et comparaison avec différents scénarios publics compatibles
avec la neutralité carbone 275
Figure 6.16 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) en Italie dans les configurations
testées et comparaison avec les scénarios encadrant de la stratégie long terme du gouvernement 278
Figure 6.18 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) en Espagne dans
les configurations testées et comparaison avec la stratégie long terme du gouvernement 280
Figure 6.19 Hypothèses sur les mix de production et les capacités installées à l’horizon 2050
dans les principaux pays voisins de la France - configuration de référence 281
Figure 7.2 Consommation et consommation résiduelle sur une semaine d’hiver dans le scénario M23 en 2050 289
Figure 7.4 Évolution des besoins totaux de réserves (réserves primaire, secondaire, rapide
et complémentaire) dans les différents scénarios 293
Figure 7.6 Détail de l’évolution des besoins capacitaires dans le scénario M23 à l’horizon 2050 297
Figure 7.7 Principes méthodologiques d’évaluation des besoins de modulation sur les différents horizons temporels 298
Figure 7.8 Évolution des besoins de modulation sur les différents horizons temporels,
dans les différents scénarios et échéances 301
Figure 7.9 Solutions de flexibilité et horizons temporels sur lesquelles elles agissent 303
Figure 7.10 Probabilité d’occurrence sur les facteurs de charge de l’éolien en France et dans les pays voisins 305
Figure 7.11 Besoins capacitaires à l’échelle européenne pour assurer la sécurité d’approvisionnement dans
différentes configurations de développement des interconnexions dans le scénario M23 en 2050 306
Figure 7.12 Coûts et bénéfices pour le système électrique liés au développement des interconnexions dans
les scénarios M23 et N03 à l’horizon 2050, selon les hypothèses sur les prix du gaz, les coûts
des interconnexions et le niveau de développement des interconnexions 307
Figure 7.13 Capacités d’imports dans différentes études et comparaison avec les trajectoires retenues par RTE 309
Figure 7.14 Fréquence des situations où les imports sont strictement nécessaires
à la sécurité d’approvisionnement en France 310
Figure 7.15 Répartition de la consommation totale d’électricité et de la consommation finale pour les autres
énergies de la France en fonction de l’origine géographique, tous vecteurs énergétiques confondus 312
976
Liste des figures
Figure 7.16 Évolution des capacités d’import, dans la configuration de référence 313
Figure 7.17 Capacités d’import en 2050, dans les différentes configurations testées 313
Figure 7.18 Monotone d’imports lors des épisodes de défaillance dans le scénario M23 en 2050 314
Figure 7.19 Contribution moyenne des interconnexions et des autres leviers pilotables (batteries, hydraulique pilotable,
STEP, flexibilités de consommation, thermique pilotable, nucléaire) calculée sur les quatre heures de plus
forte demande résiduelle, pour les principaux pays européens, dans le scénario M23 en 2050 315
Figure 7.20 Évolution de la moyenne et des 5e et 95e centiles du solde exportateur horaire de la France 317
Figure 7.21 Profil horaire moyen du solde des échanges de la France par frontière, et des 5e et 95e centiles,
sur l’historique 2011 à 2020 et pour le scénario M23 en 2050 317
Figure 7.22 Puissances moyennes effaçables de la demande d’électricité et nature du pilotage (statique ou dynamique)
à l’horizon 2050 dans les différentes configurations considérées et dans les études externes 320
Figure 7.23 Évolution de la puissance moyenne effaçable de la demande d’électricité dans la configuration
« flexibilité prudente » sur la demande d’électricité, de 2020 à 2060 321
Figure 7.24 Intérêt comparé du déplacement de la consommation pour un consommateur et un autoconsommateur 323
Figure 7.25 Comparaison du gain sur la facture d’un consommateur ou d’un autoconsommateur associé
au déplacement d’une consommation de 1 kWh 324
Figure 7.26 Effet du développement de l’autoconsommation sur les capacités installées des leviers de flexibilité
dans le scénario M1 à l’horizon 2050 325
Figure 7.27 Consommation d’électricité sur la première semaine de juillet dans le scénario M23 à l’horizon 2050
(dans une configuration sans flexibilité et avec les leviers de flexibilité de la configuration de référence) 327
Figure 7.28 Consommation résiduelle d’électricité (consommation diminuée des productions fatales)
sur la première semaine de juillet dans le scénario M23 à l’horizon 2050 (dans une configuration
sans flexibilité et avec les leviers de flexibilité de la configuration de référence) 327
Figure 7.29 Profil moyen d’injection et soutirage des batteries en France dans le scénario M1 en 2050 328
Figure 7.30 Contribution des batteries à la sécurité d’approvisionnement, en fonction de la capacité installée,
dans le scénario M23 2050 329
Figure 7.31 Capacités thermiques flexibles installées dans les différents scénarios pour assurer la sécurité
d’approvisionnement 330
Figure 7.34 Configuration avec peu de vent pendant la deuxième semaine de février, dans le scénario M23 en 2050 336
Figure 7.35 Configuration avec peu de vent pendant la deuxième semaine de février, dans le scénario N2 en 2050 336
Figure 7.36 Évolution des facteurs de charge mensuels de la production gaz (CCG et TAC confondus) 337
Figure 7.37 Capacités flexibles installées en France dans les différents scénarios pour assurer la sécurité
d’approvisionnement 339
Figure 7.39 Production d’électricité par les CCG et TAC au gaz en France à l’horizon 2060 dans le scénario M23
et effet des imports et des exports de la France sur la production au gaz en Europe. 342
Figure 7.40 Capacités thermiques pilotable (CCG et TAC) et batteries installées en France, production des CCG et TAC
en France et effet des imports/exports de la France sur la production thermique décarbonée en Europe,
selon le niveau de développement des interconnexions, à l’horizon 2050 dans les scénarios M23 et N2 343
Figure 7.41 Illustration du passage en France isolée sur un jour ouvré de septembre du scénario M23
à l’horizon 2060 346
Figure 7.43 Production d’électricité par les CCG et TAC au gaz dans les scénarios de référence en France
interconnectée et les scénarios en France isolée à l’horizon 2060 347
Figure 7.44 Capacités thermiques pilotable (CCG et TAC) et batteries installées en France, production
des CCG et TAC en France et effet des imports/exports de la France sur la production thermique
décarbonée en Europe, dans différentes configurations de mix énergétique européen
à l’horizon 2050 dans les scénarios M23 et N2 349
Figure 7.45 Capacités thermiques (CCG et TAC) et batteries installées en France, production des CCG et TAC
en France, et effet des imports/exports de la France sur la production thermique décarbonée
en Europe, selon le niveau de développement des flexibilités de consommation, à l’horizon 2050
dans les scénarios M23 et N2 350
Figure 7.46 Décomposition de l’impact du développement des flexibilités de consommation sur les capacités
thermiques pilotables (CCG et TAC) et les batteries installées en France à l’horizon 2050
dans le scénario M23 351
Figure 7.47 Capacités installées de batteries en fonction des capacités installées de photovoltaïque
dans les différents scénarios pour les horizons 2040, 2050 et 2060 354
Figure 7.48 Capacités installées de CCG, TAC et batteries en France, selon le coût des batteries,
dans le scénario M23 en 2050 355
Figure 7.49 Comparaison des coûts d’un système de stockage stationnaire selon qu’il est basé sur
des batteries neuves ou des batteries de seconde vie et selon les hypothèses considérées 357
Figure 7.50 Capacités thermiques (CCG et TAC) et batteries installées en France, production des CCG et TAC
en France, dans les configurations de référence des scénarios M23 et N2 en 2060 et dans la variante
« système hydrogène non déployé » 360
Figure 7.51 Capacités pilotables installées dans les différents scénarios publics d’évolution du mix électrique
français à l’horizon 2050 avec et sans nouveau nucléaire 362
Figure 7.52 Production annuelle d’électricité à partir de moyens thermiques flexibles dans les différents
scénarios publics d’évolution du mix électrique français à l’horizon 2050 363
Figure 7.53 Distribution des niveaux de facteurs de charge éoliens (terrestre et en mer) et de la température
à la maille journalière en France dans le système actuel, en 2050 dans N2 et dans M23
et identification des situations impliquant un risque pour l’équilibre offre-demande 365
Figure 7.54 Puissance moyenne hebdomadaire (hors WE et jours fériés) de production renouvelable
et de consommation dans le scénario M23 à 2050 366
Figure 7.56 Répartition des durées continues des épisodes de défaillance 368
Figure 7.57 Estimation des coûts nécessaires au maintien de la stabilité de la fréquence du réseau
avec des compensateurs synchrones (à gauche) ou avec des onduleurs grid-forming
de centrales éoliennes et photovoltaïques (à droite) 371
Figure 7.58 Prérequis technologiques et industriels associés aux différents scénarios et incertitudes 375
Figure 7.59 Évolution du solde exportateur de la France dans les différents scénarios 377
Figure 7.60 Énergie perdue par les écrêtements de la production des énergies renouvelables et par les conversions
dans les moyens de stockage (Power-to-gas-to-power, STEP, batteries, vehicle-to-grid) 378
Figure 7.61 Profil journalier de modulation du parc nucléaire dans les différents scénarios à l’horizon 2050 382
Figure 7.62 Facteur de charge du nucléaire et production non réalisée pour indisponibilité et modulation 382
Figure 7.63 Besoins en nouvelles capacités pour assurer la sécurité d’approvisionnement pour les scénarios M23
et N2 dans leurs configurations de référence et sobriété 383
978
Liste des figures
Figure 7.64 Capacités flexibles installées en France dans les différents scénarios de la variante sobriété
pour assurer la sécurité d’approvisionnement 385
Figure 7.65 Capacités thermiques (CCG et TAC) et batteries installées en France dans les différents scénarios
de référence et de la variante sobriété, à l’horizon 2050 386
Figure 7.67 Besoins en nouvelles capacités pour assurer la sécurité d’approvisionnement pour les scénarios M23
et N2 dans leurs configurations de référence et réindustrialisation profonde 389
Figure 7.68 Capacités flexibles installées en France dans les différents scénarios de la variante
réindustrialisation profonde pour assurer la sécurité d’approvisionnement. 391
Figure 7.69 Capacités thermiques (CCG et TAC) et batteries installées en France dans les différents scénarios,
dans la variante réindustrialisation profonde, à l’horizon 2050 391
Figure 8.1 Périmètre des pays modélisés de manière explicite sur le plan des aléas météorologiques 396
Figure 8.2 Évolution des températures de surface (moyenne globale, par rapport à 1850-1900)
observée de 1950 à 2015 puis projetée jusqu’à 2100 selon différentes trajectoires
d’émissions de gaz à effet de serre. Meilleures estimations et intervalles de confiance à 90 %
(graphique reproduit à partir des données du sixième rapport d’évaluation du GIEC) 397
Figure 8.3 Méthodologie de simulation du système électrique et représentation des effets du climat 398
Figure 8.4 Température annuelle moyenne en France dans les différentes bases climatiques 400
Figure 8.5 Intensité des canicules simulées en climat 2000, en climat 2050 RCP4.5, et comparaison
avec les épisodes historiques 401
Figure 8.6 Intensité des vagues de froid simulées en climat 2000, en climat 2050 RCP4.5 et comparaison
avec les épisodes historiques 402
Figure 8.7 Occurrence moyenne de débits faibles sur quelques fleuves dans les trois référentiels climatiques 403
Figure 8.8 Consommation journalière en fonction de la température dans quelques pays européens
(thermosensibilité en 2020) 406
Figure 8.10 Décomposition de l’évolution de la pointe à une chance sur dix de la consommation
de chauffage et de climatisation entre 2019 et 2050 408
Figure 8.11 Évolution des apports hydrauliques dans le climat 2050 RCP 4.5 par rapport au climat 2000 409
Figure 8.12 Paliers techniques et source de refroidissement des centrales nucléaires 410
Figure 8.13 Fonctionnement d’une centrale en cycle ouvert (à gauche) et en cycle fermé
avec aéroréfrigérant (à droite). 411
Figure 8.14 Historique des indisponibilités simultanées maximum (à gauche) et des pertes annuelles
de production (à droite) pour cause de canicule et/ou sécheresse 412
Figure 8.15 Comparaison des pertes de production en énergie (GWh) annuelles simulées en cas de canicule
et/ou sécheresse pour les centrales en bord de fleuve 413
Figure 8.16 Monotones des pertes de production annuelle (TWh) du nucléaire pour cause de canicule
et/ou sécheresse à l’horizon 2050 414
Figure 8.17 Monotones des maxima annuels de puissance (GW) simultanément indisponible pour cause
de canicule et/ou sécheresse à l’horizon 2050 415
Figure 8.18 Facteur de charge éolien hebdomadaire observé de 2016 à 2018 416
Figure 8.19 Caractérisation des conditions climatiques communes aux épisodes de défaillance, en 2021
et en 2050 dans le scénario M23 420
Figure 8.21 Fonctionnement du système électrique lors d’une même semaine d’été sans vent,
dans les scénarios M23 et N2 à 2060 423
Figure 8.22 Énergie moyenne de consommation et de production disponible en France lors d’une semaine
moyenne d’hiver, lors de très faible vent (quantile 1 % de facteur de charge hebdomadaire),
dans les scénarios M23 et N2 à 2060 424
Figure 8.23 Contribution moyenne à la pointe de consommation de 19 h en hiver, lors de très faible vent
(quantile 1 % de facteur de charge horaire), dans les scénarios M23 et N2 à 2060 425
Figure 8.24 Fonctionnement du système électrique lors d’une même semaine d’hiver sans vent,
dans les scénarios M23 et N2 à 2060 426
Figure 8.25 Pourcentage des heures hivernales et estivales avec un faible facteur de charge éolien,
à différents périmètres géographiques, dans M23-2050, pour l’hiver (en haut) et l’été (en bas) 428
Figure 8.26 Fonctionnement du système électrique lors d’une conjonction d’aléas de température basse
et de vent faible en 2050 429
Figure 8.27 Cartes de température (à gauche) et de vitesse de vent (à droite) moyennes sur la journée
du 2 janvier, menant à une situation de défaillance dans l’exemple de la figure 8.26 431
Figure 8.28 Cartes des écarts en température et en vitesse de vent de la moyenne des jours menant
à une situation de défaillance en France dans les scénarios M23 ou N2 en 2050, par rapport
à la moyenne sur l’ensemble de l’hiver (novembre-février) 432
Figure 8.29 Fonctionnement du système électrique lors d’une canicule avec un faible vent
dans le scénario N2 en 2050 433
Figure 8.30 Fonctionnement du système électrique lors d’une sécheresse sans vent concomitante
à une vague de froid précoce dans le scénario N2 en 2050 435
Figure 9.2 Principales interactions entre l’électricité et les autres vecteurs énergétiques 443
Figure 9.3 Deux raisons distinctes de développer la production d’hydrogène bas-carbone 445
Figure 9.6 Consommation d’hydrogène (hors utilisation pour la production électrique) dans les trajectoires
de référence et « hydrogène + » 450
Figure 9.7 Diagramme illustrant le fonctionnement de la production d’électricité thermique à partir d’hydrogène
(valeurs correspondant au scénario M23 2050 dans une configuration de système hydrogène flexible) 452
Figure 9.8 Besoins d’hydrogène pour l’équilibrage en France aux différents horizons (configuration de référence :
absence de flexibilité de la production d’électricité au biogaz) 454
Figure 9.9 Volume total d’hydrogène utilisé en France dans les différents scénarios à l’horizon 2050
(configuration de référence : développement d’une boucle power-to-hydrogen-to-power en France
avec possibilités de stockage de l’hydrogène) 455
Figure 9.10 Illustration de différents modes de fonctionnement possibles pour les électrolyseurs 456
Figure 9.12 Exemple de courbes de charge des électrolyseurs dans le mix électrique du scénario M23 2050,
sur une semaine de septembre – Comparaison de la configuration de référence
où les électrolyseurs fonctionnent de façon flexible (à gauche) et de la configuration
où les électrolyseurs fonctionnent en bande (à droite) 459
980
Liste des figures
Figure 9.13 Besoins d’hydrogène pour l’équilibrage en France dans le scénario M23 2050 en fonction
de la flexibilité des électrolyseurs et du système hydrogène 460
Figure 9.14 Capacités additionnelles nécessaires en 2050 par rapport au scénario de référence,
pour le « scénario hydrogène+ », en cas d’ajustement seulement sur une filière 462
Figure 9.16 Routes commerciales envisagées pour l’importation d’hydrogène décarboné à l’horizon 2050 465
Figure 9.17 Profil annuel moyen de production et de demande d’hydrogène dans le scénario M23 à l’horizon 2050 467
Figure 9.18 echnologies dont la maîtrise et l’industrialisation sont nécessaires dans l’hypothèse d’un système
T
hydrogène flexible et dans la configuration d’un système hydrogène non flexible 468
Figure 9.19 Préfiguration de la structure potentielle d’un réseau hydrogène européen incluant la France en 2040
dans l’hypothèse d’un système hydrogène flexible, inspirée de l’étude European Hydrogen Backbone
(Gas for Climate, 2021) 470
Figure 10.1 Le réseau public de transport et ses différentes composantes en 2021 479
Figure 10.2 Évolution des capacités d’import en France – trajectoire de référence 480
Figure 10.3 Hypothèses d’évolution des capacités d’interconnexion aux frontières françaises (import) 481
Figure 10.5 Localisation de la production annuelle : 2020 (à gauche), 2050 – scénarios M23 et N2 (à droite) 483
Figure 10.7 épartition (origine et destination) des flux transeuropéens en 2050, un soir de janvier
R
(à gauche) et un après-midi de juin (à droite), dans le scénario M23 484
Figure 10.8 Fréquence annuelle des congestions sur le réseau de 2020 détectées en 2035 dans le SDDR
et en 2050 dans les scénarios M23 (milieu) et N2 (droite) 486
Figure 10.9 Fréquence annuelle des congestions avec le scénario M23, après application de tous les renforcements
400 kV envisageables dans les conditions du SDDR. 487
Figure 10.10 Coûts du réseau de grand transport entre 2035 et 2050 selon le scénario, avec les incertitudes
sur les congestions 489
Figure 10.11 Puissance raccordée des énergies renouvelables terrestres selon le scénario 491
Figure 10.12 Évolution de la longueur du réseau régional de transport (km de circuits) 491
Figure 10.13 Impact du dimensionnement optimal sur les investissements sur les réseaux régionaux,
scénario M23 (2020-2050) 492
Figure 10.14 Impact du stockage sur les coûts de réseau – différence entre M1 et M23 493
Figure 10.15 Investissements sur le réseau régional de transport entre 2020 et 2050. 494
Figure 10.17 Énergies marines – puissances raccordées par technologie (posé/flottant) en 2050 selon le scénario 496
Figure 10.19 Raccordement hybride d’un parc éolien sur une liaison sous-marine 498
Figure 10.20 Exemple de liaisons hybrides avec des branches de capacités différentes 499
Figure 10.21 Distribution des conducteurs par tranche d’âge en 2021 et période de renouvellement 501
Figure 10.22 Échéance du besoin de reconstruction des PSEM en visant une durée de vie maximum de 60 ans 502
Figure 10.25 Besoins d’investissement totaux sur le réseau de transport d’électricité, sur la période 2035-2050 505
Figure 10.26 Écart du productible EnR et de la consommation annuelle sur le scénario N2 2050
entre la configuration réindustrialisation profonde et la configuration de référence, en TWh/an 507
Figure 10.27 Fréquence de contraintes estimées dans des scénarios contrastés et dans des configurations
sans renforcement du réseau actuel 508
Figure 10.29 Besoins d’investissement sur le réseau de transport entre 2035 et 2050
selon le niveau de demande – scénario N2 511
Figure 10.30 Besoins d’investissement totaux sur le réseau de transport d’électricité, sur la période 2035-2050,
selon les scénarios et les niveaux de demande 512
Figure 10.31 Production renouvelable raccordée au RPD géré par Enedis en 2050 514
Figure 10.32 Exemples schématiques de configurations de réseau de distribution : urbain dense et rural 515
Figure 10.33 Exemple schématique de configuration d’un réseau basse tension 515
Figure 10.34 Impact sur le réseau basse tension suivant la demande des clients en injection ou/et soutirage 516
Figure 10.36 Exemple d’impact sur le réseau d’un raccordement photovoltaïque en basse tension 518
Figure 10.37 Besoins d’investissement moyens annuels sur la période 2020-2050 pour Enedis
(hors programme Linky), dans la trajectoire de référence sur la consommation 521
Figure 10.38 Coût total annualisé Enedis en 2050 hors pertes et TURPE HTB, dans la trajectoire de référence
sur la consommation 521
Figure 10.39 Capacités de production à raccorder au réseau de distribution entre 2020 et 2050 selon le mix
électrique, dans le scénario de réindustrialisation profonde (à gauche) et de sobriété (à droite) 523
Figure 10.40 Rythme moyen de développement des énergies renouvelables sur le réseau de distribution
selon le mix électrique 524
Figure 10.41 Besoins d’investissement moyens annuels sur la période 2020-2050 pour Enedis
(hors programme Linky) dans un cadre de réindustrialisation profonde 525
Figure 10.42 Besoins d’investissement moyens annuels sur la période 2020-2050 pour Enedis
(hors programme Linky) dans un contexte de sobriété 525
Figure 10.43 Coût total annualisé Enedis en 2050 hors pertes et TURPE HTB, selon le niveau de demande 526
Figure 10.44 Investissements sur les réseaux de transport et distribution entre 2020 et 2060
pour les 6 scénarios, dans la configuration de référence sur la consommation. 528
Figure 11.2 Illustration de l’effet du taux de rémunération du capital pour deux technologies fictives
ayant des durées de vie différentes et une même répartition CAPEX/OPEX par MWh produit
(exemple fictif avec durées de construction nulles) 540
Figure 11.3 Comparaison des hypothèses retenues sur le coût du capital avec d’autres études ou analyses 542
Figure 11.5 Évolution du coût d’investissement (dont coût de développement et démantèlement) des EPR2
en fonction de la date de mise en service 549
982
Liste des figures
Figure 11.6 Comparaison des coûts d’investissement dans du nouveau nucléaire au sein de différentes études 549
Figure 11.7 Coût complet de production du nouveau nucléaire selon l’hypothèse de coût d’investissement,
de coût moyen pondéré du capital ou de facteur de charge 551
Figure 11.8 Coût complet des charges de traitement-recyclage dans les différents scénarios en 2060 554
Figure 11.9 Évolution des coûts d’investissement en photovoltaïque à l’horizon 2050 (hors raccordement) 559
Figure 11.10 Évolution des coûts d’investissement dans l’éolien terrestre à l’horizon 2050 (hors raccordement) 560
Figure 11.11 Évolution des coûts d’investissement de l’éolien en mer à l’horizon 2050 (hors raccordement) 562
Figure 11.12 Comparaison des hypothèses de coûts de production rapportés à l’énergie produite
par différentes filières, à l’horizon 2050 565
Figure 11.13 Coût des principales filières de production rapporté à l’énergie produite pour des installations
mises en service à l’horizon 2050 566
Figure 11.14 Coût des batteries en fonction de l’horizon et de leur capacité 567
Figure 11.15 Hypothèses de coût des moyens de production d’électricité thermique décarbonée 569
Figure 11.16 Coût moyen de revient de l’hydrogène dans les scénarios simulés 570
Figure 11.18 Caractéristiques techniques de la chaîne de production d’électricité à partir de gaz verts 573
Figure 11.20 Amplitude des coûts d’investissement des liaisons aériennes et souterraines
du réseau de transport d’électricité 575
Figure 11.21 Comparaison des coûts complets annualisés (OPEX et annuités dues) pour les différentes capacités
en exploitation à l’horizon 2030 dans les six scénarios de mix considérés (moyenne des scénarios) 577
Figure 11.22 Volumes de production électrique décarbonée disponibles entre 1990 et 2030 581
Figure 11.23 Dépenses d’investissement dans le système électrique cumulées sur la période 2020-2060 584
Figure 11.24 Rythmes d’investissement dans le système électrique et dans les usages aval 585
Figure 11.25 Évolution du coût complet du système électrique, avec les hypothèses de coût de référence
(l’aire représente l’ensemble des scénarios de mix considérés) 586
Figure 11.27 Solde des échanges extérieurs de biens et services de la France entre 1970 et 2019 588
Figure 11.28 Évolution du coût complet du système électrique rapporté au volume d’électricité consommé, avec
les hypothèses de coût de référence (l’aire représente l’ensemble des scénarios de mix considérés) 589
Figure 11.29 Coûts complets annualisés des scénarios à l’horizon 2060 591
Figure 11.30 Coûts complets annualisés des scénarios à l’horizon 2060 593
Figure 11.31 Coût complet annualisé des moyens nécessaires à l’équilibrage du système, à l’horizon 2060 594
Figure 11.32 Coût complet annualisé des réseaux de transport et distribution, à l’horizon 2060 596
Figure 11.33 Coûts complets annualisés des scénarios à l’horizon 2060 597
Figure 11.34 Évolution des coûts complets des différents scénarios (hypothèses de coûts de référence) 599
Figure 11.35 Coûts annualisés des scénarios en 2060, en fonction de la trajectoire de coûts des énergies
renouvelables et du nouveau nucléaire 600
Figure 11.36 Sensibilité des coûts annuels complets par scénario à l’hypothèse de coût des gaz verts 601
Figure 11.38 Coûts annualisés des scénarios en 2060, dans les différentes variantes et stress tests analysés 604
Figure 11.39 Différence de coûts annualisés en 2060 entre le scénario M23 et les scénarios N2 et N1 605
Figure 11.40 Comparaison des coûts complets annuels des scénarios de référence et des scénarios en France isolée 607
Figure 11.41 Décomposition des différences de coûts complets annuels du scénario M23 de référence
et du scénario M23 en France isolée (CAPEX et OPEX fixes) 608
Figure 11.42 Variation des coûts complets par rapport à la situation de référence selon l’hypothèse de CMPC 609
Figure 11.43 Variation des coûts complets par rapport à la situation de référence selon le coût des gaz verts 610
Figure 11.44 Écart de coûts complets du système électrique entre les scénarios M23 et N2
dans les configurations système hydrogène flexible (configuration de référence)
et sans système hydrogène déployé (hors effet sur la balance commerciale) 612
Figure 11.46 Coût complet annuel en 2060 des scénarios de référence et des scénarios de moindre coût
(coûts unitaires de référence sauf mention contraire, CMPC 4 %) 619
Figure 11.47 Coûts complets du système électrique dans le scénario de consommation « sobriété »,
comparés à ceux de la trajectoire de référence 622
Figure 11.48 Coûts complets du système électrique dans le scénario « sobriété », comparés au scénario
de référence, en 2060, selon le mix de production 624
Figure 11.49 Coûts complets du système électrique dans le scénario « réindustrialisation profonde », comparés
à ceux de la trajectoire de référence (l’aire représente l’ensemble des scénarios de mix considérés) 626
Figure 11.50 Coûts complets du système électrique dans le scénario de consommation « réindustrialisation profonde »,
comparés à ceux en trajectoire de consommation de référence, en 2060, selon le mix de production 628
Figure 11.51 Effet du scénario de réindustrialisation profonde sur les coûts du système électrique et le solde
commercial de l’industrie manufacturière 629
Figure 11.52 Coûts d’abattement et leurs incertitudes comparés aux valeurs de l’action pour le climat
(2030, 2040 et 2050) 633
Figure 11.53 Coûts d’abattement des différentes actions d’efficacité et d’électrification associées
aux volumes d’émissions territoriales 634
Figure 11.54 Comparaison aux coûts d’abattement de la littérature pour différentes actions de décarbonation 640
Figure 11.56 Incidence de la prise en compte de co-bénéfices sur l’évaluation des coûts d’abattement
de certaines actions de décarbonation (exemples) 644
Figure 12.1 Facteurs directs et indirects impactant les écosystèmes terrestres, marins et d’eau douce 649
Figure 12.3 Évolution des émissions directes du secteur électrique entre 1990 et aujourd’hui en Allemagne,
au Royaume-Uni et en France 653
Figure 12.4 Émissions directes évitées en Europe selon le maintien ou la fermeture des centrales nucléaires en 2030 656
Figure 12.5 Évolution des émissions directes de la production d’électricité en France dans les différents scénarios 656
Figure 12.6 Évolution des émissions directes du système électrique français entre 2020 et 2050 selon
l’atteinte des objectifs de décarbonation du gaz et selon le développement des gaz de synthèse
et de leur utilisation pour la production d’électricité 657
984
Liste des figures
Figure 12.7 Émissions supplémentaires liées à un retard de développement des moyens de production
décarbonés (dans le cas d’une substitution par un moyen thermique au gaz) 658
Figure 12.8 Évolution des émissions directes de la production d’électricité en France en 2035 par rapport à 2019 659
Figure 12.9 Schéma de principe des émissions directes et en cycle de vie 661
Figure 12.10 Émissions en cycle de vie pour différentes filières aujourd’hui (émissions directes et indirectes) 662
Figure 12.11 Émissions en cycle de vie des technologies bas-carbone en 2020 et en 2050
(évolution pessimiste et tendancielle) 664
Figure 12.12 Émissions en cycle de vie du système électrique en France en 2020 et en 2050 dans les six scénarios 665
Figure 12.13 Répartition par source des émissions de gaz à effet de serre en France entre 1990 et 2019 666
Figure 12.14 Évolution des émissions de gaz à effet de serre territoriales de la France et contribution
du système électrique à la décarbonation de l’économie à l’horizon 2050 667
Figure 12.15 Évolution des émissions dans le secteur des transports terrestres entre 2019 et 2050 669
Figure 12.16 Évolution des émissions liées au chauffage dans les secteurs résidentiel et tertiaire entre 2019 et 2050 670
Figure 12.17 Évolution des émissions directes (hors procédés) dans l’industrie manufacturière entre 2019 et 2050 671
Figure 12.18 Émissions évitées supplémentaires en 2030 dans le scénario « accélération 2030 » 672
Figure 12.21 Décomposition des contributions de chaque pays à l’empreinte carbone de la France en 2011 676
Figure 12.22 volution de l’empreinte carbone de la France dans la trajectoire de référence (en tenant compte
É
de la décarbonation progressive de la France et des autres pays selon leurs objectifs publics) 677
Figure 12.23 omparaison des émissions par unité de valeur ajoutée de l’industrie manufacturière (directes
C
de l’industrie et indirectes associées à la consommation d’électricité) (traitement de données AIE) 678
Figure 12.24 mpreinte carbone de la France en 2019 et empreinte fictive 2019 calculée en supposant
E
que l’ensemble des produits manufacturés importés en 2019 avaient été produits en France 679
Figure 12.26 éduction de l’empreinte carbone de la France associée au scénario de réindustrialisation profonde,
R
par rapport au scénario de référence, en fonction de la trajectoire de décarbonation des autres pays
(la France respecte la trajectoire de neutralité carbone en 2050 dans les deux cas) 680
Figure 12.27 Bilan matières (hors biomasse) des imports/exports/production intérieure en France en 2018 683
Figure 12.28 Consommation cumulée de ressources minérales (cuivre, cobalt, chrome, nickel, lithium, graphite,
manganèse, zinc) entre 2020 et 2040 (dans le scénario SDS de l’AIE) 684
Figure 12.29 emande annuelle en 2050 pour la production d’électricité et le stockage en pourcentage
D
de la production de 2018 (dans le scénario 2DS de l’AIE) 685
Figure 12.31 Enjeux de criticité des ressources clés en 2019 et les tendances à venir vues d’aujourd’hui
au regard des besoins dans les Futurs Énergétiques 2050 689
Figure 12.32 Consommation cumulée des terres rares entre 2020 et 2050 dans les aimants permanents
des éoliennes en mer selon deux choix technologiques 691
Figure 12.33 Capacité des batteries stationnaires en 2050 dans les six scénarios et dans les véhicules
électriques légers dans les scénarios de référence et sobriété 694
Figure 12.35 Consommations cumulées entre 2020 et 2050 de différentes ressources spécifiques pour les batteries
de tous les véhicules électriques dans différentes trajectoires de consommation électrique 696
Figure 12.36 Consommation cumulée de lithium entre 2020 et 2050 dans le scénario de référence
et le scénario sobriété pour les batteries de véhicules électriques et comparaison par rapport
aux réserves mondiales connues en 2019 697
Figure 12.38 Trajectoire de consommation du cobalt primaire pour les batteries de véhicules électriques
dans le scénario de référence et le scénario de sobriété, selon deux évolutions possibles
de la technologie de batterie NMC 700
Figure 12.39 Estimation des consommations annuelles de nickel pour les batteries de la mobilité électrique
en France en 2030, selon plusieurs hypothèses 701
Figure 12.40 Consommation annuelle moyenne de cuivre entre 2020 et 2050 dans les scénarios
et les batteries de véhicules électriques et comparaison par rapport à la consommation annuelle
de cuivre (primaire et recyclé, tous secteurs confondus) en 2018 707
Figure 12.41 Consommation annuelle moyenne d’aluminium pour le système électrique et pour les batteries
de véhicules électriques sur 2020-2050 et comparaison par rapport à la production annuelle
d’aluminium (primaire et recyclée, tous secteurs confondus) en 2018 708
Figure 12.42 Consommations annuelles moyennes de béton et d’acier pour le système électrique
entre 2020 et 2050 et comparaison par rapport à la production annuelle actuelle en France
(primaire et recyclée et tous secteurs confondus) 709
Figure 12.43 Consommations cumulées de silicium métallique pour les panneaux photovoltaïques
entre 2020 et 2050, selon les six scénarios 711
Figure 12.44 Consommation cumulée d’uranium naturel entre 2020 et 2070, considérant la poursuite
de la politique de retraitement dans les scénarios N et son arrêt en 2040 dans les scénarios M 713
Figure 12.45 Diminution moyenne des ressources nécessaires au système électrique et à l’électromobilité
dans le scénario « sobriété » par rapport au scénario de référence 716
Figure 12.46 Évolution des besoins en ressources spécifiques aux batteries (cuivre, aluminium cobalt, nickel,
manganèse, lithium, graphite, argent) dans le scénario « sobriété » par rapport au scénario de référence 717
Figure 12.47 Baisse du besoin de cuivre dans le scénario « sobriété » pour le système électrique
et les batteries de véhicules 718
Figure 12.48 Accroissement des besoins en ressources minérales consommées en France dans le scénario
de consommation « réindustrialisation profonde » par rapport au scénario de référence 720
Figure 12.51 Compatibilité des usages avec les éoliennes terrestres 725
Figure 12.52 Surface d’un parc photovoltaïque au sol – schéma de principe 727
Figure 12.53 Compatibilité des usages avec les panneaux photovoltaïques au sol 728
Figure 12.55 Compatibilité des usages avec les lignes électriques 730
Figure 12.57 Comparaison des surfaces artificialisées et imperméabilisées du système électrique en 2019 et 2050
à celles d’autres infrastructures (routes et bâtiments) 735
Figure 12.58 Flux d’artificialisation associé aux infrastructures du système électrique (hors réseau de distribution) 736
986
Liste des figures
Figure 12.59 Surface « totale » (y compris co-usages) du système électrique (production, réseau de transport)
en 2019 et 2050 738
Figure 12.60 Répartition des types de surfaces sous et aux abords des lignes électriques aériennes
et autour des éoliennes en 2019 739
Figure 12.61 Estimation du nombre d’hectares nécessaires pour la production photovoltaïque au sol en 2050 740
Figure 12.62 Estimation du nombre de mâts d’éoliennes terrestres en 2050 dans les différents scénarios considérés 741
Figure 12.63 Nombre de personnes voyant au moins une éolienne à 2 ou 5 km en fonction de la population
dans ce rayon 742
Figure 12.64 Cycle du combustible nucléaire avec retraitement en mono-recyclage et fermeture partielle 744
Figure 12.65 Enjeux des solutions de stockage en fonction des catégories de déchets radioactifs en 2019 746
Figure 12.67 Estimation en ordre de grandeur de la quantité de déchets HA, MA-VL et de combustible usé
(hors déchet de démantèlement conditionné après 2020) à terminaison des parcs électronucléaires
intégrant les réacteurs mis en service entre 2035 et 2060 dans chacun des scénarios 752
Figure 12.68 Trajectoire de stock français de combustibles usés (tML), en ordre de grandeur 753
Figure 12.69 Remplissage des piscines de la Hague, vision annuelle des flux entrant-sortant (chiffres 2016).
Chaque année, le stock s’accroît du volume du MOX usé et de l’URE usé. 755
Figure 12.70 Besoin d’entreposage de combustible usé hors centrale nucléaire 756
Figure 12.71 Nombre de décès imputables à la pollution atmosphérique en Europe (données 2019)
et en France (données 2016-2019) 760
Figure 12.72 Les différents types de particules et leurs impacts sur le corps humain 761
Figure 12.73 Illustration des principes d’émissions, transformation et dépôts de polluants 763
Figure 12.74 Objectifs nationaux de réduction des polluants atmosphériques. Les objectifs 2010 sont exprimés
en valeur absolue, les objectifs 2020 et 2030 sont exprimés en pourcentage par rapport à 2005 765
Figure 12.75 Évolution des émissions des 5 polluants visés par le protocole de Göteborg 767
Figure 12.76 Évolution des dépassements des seuils réglementaires de qualité de l’air fixés pour la protection
de la santé dans les agglomérations pour les polluants NO2, O3, PM10 et PM2.5 768
Figure 12.77 Caractéristiques, origine et impacts sur la santé des 4 polluants (PM2.5, NOx, SO2 et COVnm)
retenus dans l’étude 770
Figure 12.78 Répartition des émissions de polluants selon les secteurs d’activités 771
Figure 12.79 Sources des émissions directes de polluants de 2000 à 2019, puis en projection jusqu’en 2050 773
Figure 12.80 Facteurs d’évolution des émissions de PM2.5, NOx et SO2 entre 2019 et 2030 775
Figure 12.81 Baisse des émissions de NOx dans le transport routier à l’horizon 2030 dans le scénario de référence
et dans le scénario « accélération 2030 » 777
Figure 12.82 Évolution des émissions de SO2 et zoom sur les émissions de la production d’électricité
selon le type de combustible utilisé 778
Figure 12.84 Facteurs de diminution des émissions de PM2.5 du chauffage entre 2019 et 2050 781
Figure 12.85 Valeurs limite en gramme par kilowatt-heure (g/kWh) des NOx et des particules
pour les poids lourds, bus et cars (source Ministère de la Transition écologique) 782
Figure 12.87 Émissions de NOx dans le transport routier par type d’énergie 784
Figure 12.88 Répartition des sources d’émissions de PM2.5 liées à l’abrasion dans le transport routier 785
Figure 12.91 Facteurs d’évolution des émissions de SO2 liées à la combustion dans l’industrie 787
Figure 13.8 Classification des surfaces susceptibles d’accueillir des parcs éoliens terrestres 829
Figure 13.9 Proportion des surfaces régionales non accessibles pour l’éolien terrestre et détail de
la contribution de la contrainte de distance minimale aux habitations à la restriction du gisement.
100% représente la totalité de la surface de la région. 830
Figure 13.10 Hypothèses de flexibilité sur les différents usages, dans les quatre configurations étudiées.
Les pourcentages indiquent la part pilotée des usages considérés 844
Figure 14.1 Volumes de production électrique décarbonée disponibles entre 1990 et 2021,
et en 2030 dans les différents scénarios 852
Figure 14.2 Cône de variation des différentes trajectoires de consommation des Futurs énergétiques 2050 857
988
Liste des figures
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