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GOUVERNEMENT

Jacques Chirac (1986-1988)

Jacques Chirac a cumulé


les plus hautes fonctions au
service de l'État français. Il
a été nommé deux fois
Premier ministre, de 1974 à
1976, sous la présidence de
Valéry Giscard d'Estaing,
puis en cohabitation avec le
président François
Mitterrand de 1986 à 1988.
Il fut également le premier
maire de Paris après la
réhabilitation de cette
fonction et effectua deux
mandats de président de la
République.

Photo : AFP

« Depuis une semaine nous sommes entrés


dans ce que nous appelons la cohabitation.
Cette situation institutionnelle particulière, je
l'ai déjà vécue. C'était en 1986, j'étais Premier
ministre et j'avais pu apprécier le rôle
fondamental, je l'avais indiqué, du président
de la République en tant que gardien de nos
institutions. Aujourd'hui, mon devoir c'est de
veiller à ce que chacun ait sa place, et
respectant l'autre, nous servions tous
ensemble des intérêts et des valeurs qui nous
dépassent, qui nous unissent aussi et qui sont
tout simplement les idéaux de la République
au premier rang desquels l'égalité des chances,
la morale civique, la vertu républicaine ».

Jacques Chirac, le 7 juin 1997.

Né le 29 novembre 1932 à
Paris, décédé le 26 septembre
2019 à Paris
Profession : haut fonctionnaire
(Cour des comptes)
Partis politiques : UDR - RPR -
UMP
Premier ministre sous la
présidence de Valéry Giscard
d'Estaing de mai 1974 à août
1976
Maire de Paris de mars 1977 à
mai 1995
Premier ministre sous la
présidence de François
Mitterrand de mars 1986 à
mai 1988
Président de la République de
mai 1995 à mai 2007

Né à Paris, Jacques Chirac est le fils


d'un administrateur de biens ; sa
famille est originaire de Corrèze.
Ses deux grands-pères sont
instituteurs et radicaux-socialistes.
Elève à Louis-le-Grand, il y
développe une passion jamais
démentie pour les civilisations
anciennes et/ou asiatiques.
Intégrant l'Institut d'études
politiques de Paris, il y fréquente les
cercles de gauche, dont son
condisciple Michel Rocard. Il
s’inscrit ensuite à la Summer School
de l'université de Harvard, et
entreprend un tour des États-Unis
en auto-stop.

N’échouant que de peu à être le


major de sa promotion de Sciences-
Po, admis à l’Ena, il décide
d’accomplir avant ses obligations
militaires. Major de sa promotion
d’élèves officiers de réserve à l’Ecole
de Saumur, il demande à servir en
Algérie. Promotion Vauban (1959)
de l’Ena, il est nommé auditeur à la
Cour des comptes à sa sortie.

En 1962, il rejoint le cabinet de


Georges Pompidou, alors
Premier ministre. Il est chargé
de mission au Secrétariat général
du Gouvernement puis chargé de
mission au cabinet du Premier
ministre Georges Pompidou. Ce
dernier apprécie le tempérament
énergique de celui qu’il surnomme
affectueusement « mon bulldozer ».
Jacques Chirac est ensuite
conseiller référendaire à la Cour des
comptes de mars 1965 à mars 1977.
A 35 ans, il est élu député de
Corrèze en 1967, mais il ne siégera
que deux mois à l'Assemblée
nationale, car il commence alors
une longue carrière ministérielle.

Après la mort de Georges


Pompidou, il pousse Pierre
Messmer à être le candidat gaulliste
à l’élection présidentielle.
Finalement, il choisit Valéry
Giscard d’Estaing contre Jacques
Chaban-Delmas.

Les postes ministériels

À savoir
Jacques Chirac est le seul
responsable politique à avoir
été Premier ministre de deux
présidents de la République
sous la Ve République.

1967-1968 : secrétaire d'État


chargé des problèmes de
l'emploi (gouvernement de
Georges Pompidou), il joue un rôle
crucial dans les accords de Grenelle,
le 25 mai 1968

1968-1969 : secrétaire d'État à


l'Economie et aux Finances
(gouvernement de Maurice Couve
de Murville)

1969-1971 : secrétaire d'État


chargé de l'Economie et des
Finances (gouvernement de
Jacques Chaban-Delmas)

1971-1972 : ministre d'État,


ministre des Relations avec le
Parlement (gouvernement de
Jacques Chaban-Delmas)

1972-1973 : ministre de
l'Agriculture et du
Développement rural
(gouvernement de Pierre Messmer)

1974 : ministre de l'Intérieur


(gouvernement de Pierre Messmer)

Mai 1974 - août 1976 : Premier


ministre sous la présidence de
Valéry Giscard d'Estaing

Le retour à Matignon

En 1986, Jacques Chirac est nommé


Premier ministre par François
Mitterrand à l'issue des élections
législatives qui donnent une
majorité de droite à l'Assemblée
nationale. Commence alors,
pour la première fois dans
l’histoire de la Ve République,
une période dite de «
cohabitation » entre un
président de la République et
un Premier ministre de
couleur politique opposée.
Edouard Balladur, ancien secrétaire
général de l’Elysée sous Pompidou
devenu le conseiller privilégié de
Jacques Chirac, a formalisé avec
précision, au cours des années
1980, les contours de ladite
cohabitation.

JACQUES CHIRAC À L'HÔTEL


DE MATIGNON (1986-1988)

Photo : AFP

Au soir du 16 mars 1986, la droite


obtient la majorité absolue. Le
président Mitterrand nomme
Premier ministre le leader néo-
gaulliste Jacques Chirac. Celui-ci
demeure le seul homme politique à
avoir ainsi occupé l’Hôtel Matignon
sous deux présidents différents et
de couleurs politiques différentes.
Le gouvernement est composé de
gaullistes, de libéraux et de
démocrates-sociaux. Le Premier
ministre conserve son fauteuil
de maire de Paris.
Pour encadrer et coordonner les
ministres, Jacques Chirac s’entoure
d’un cabinet étoffé. Les contacts
directs entre l’Elysée et les
ministres sont réduits au
maximum. Le choix d’un diplomate
aguerri comme directeur de cabinet,
Maurice Ulrich, montre la volonté
de peser également dans le «
domaine réservé » du président, les
affaires internationales. Le concept
de « domaine réservé » va peu à peu
laisser place à celui de « domaine
partagé ».

Discours de politique générale,


9 avril 1986

Le Premier ministre dresse un


tableau très noir de l’état
économique de la France. Si la
puissance de l’État fait partie
de la culture française et de
son goût pour l’égalité, elle a
enfanté une société bloquée,
explique-t-il. Le remède préconisé
est une forte libéralisation de
l’économie. L’initiative privée doit
permettre la relance de la machine
économique. La maîtrise des
déficits, l’allègement des charges, la
compression des dépenses
publiques, la rigueur de la politique
monétaire, la facilitation des
licenciements, la réforme du droit
de la concurrence sont dits être
autant de moyens de redressement
économique. Il s’agit de générer une
amélioration de la compétitivité des
entreprises françaises qui, en
retour, devraient produire des
emplois et une société moins
administrée. Ce chantier doit se
faire en y associant les syndicats
autant que faire se peut. Pour le
Premier ministre : « Il nous faut
donc développer nos capacités
d'exportation ce qui implique à la
fois des progrès de productivité de
la part de nos entreprises
industrielles, un puissant effort de
recherche qui renforce nos
positions dans les technologies du
futur et la promotion de secteurs
plus traditionnels mais qui doivent
contribuer fortement à l'équilibre
de nos échanges. Et je pense tout
spécialement, bien sûr, à notre
agriculture ».

Les conceptions libérales ne sont


pas réduites à la sphère
économique. Le Premier
ministre souhaite une
simplification administrative
et une transformation de
l’enseignement secondaire et
supérieur reposant sur une
amélioration globale par
l’autonomisation et la mise en
concurrence des unités.

Toutefois, la nation ne serait pas


confrontée qu’à ce déficit de
libéralisme. Le pays est dit rongé
par l’insécurité, en sus de connaître
le feu du terrorisme. Par ailleurs, le
Premier ministre s’interroge sur la
capacité de la France à intégrer les
flux migratoires. Si les liens entre
outre-mer et métropole doivent être
fortifiés, le code de la nationalité
doit être réformée et les dispositifs
légaux quant à l’immigration
révisés. La question renvoie à un
malaise culturel : « Plus
profondément encore, la France
s'interroge sur son avenir en tant
que nation, unie dans l'amour de la
même culture et dans la volonté de
vivre ensemble. D'un côté,
l'accroissement ininterrompu de la
population étrangère sur son sol,
malgré l'arrêt officiel mais non
contrôlé de l'immigration ; de
l'autre côté, l'hiver démographique
qui engourdit notre dynamisme et
ne nous permet même plus de
renouveler nos générations. Tous
ces phénomènes, qui touchent à
l'âme collective d'un peuple,
contribuent à créer un climat
complexe où se mêlent à la fois
l'incertitude mais aussi l'attente et
l'espérance ».

En ce début de première
cohabitation, le Premier ministre
n’ignore pas en son discours la
question de la politique
internationale. C’est là le point de
son discours le plus proche de celui
prononcé en 1974, après qu’il fut
nommé à Matignon par le président
Giscard d’Estaing. Il rappelle les
alliances de la France et la nécessité
cependant d’entretenir un dialogue
avec les pays d’Europe de l’Est et
l’Union soviétique. Clairement, il
s’inscrit dans des traditions
diplomatiques gaullistes tout en
soulignant explicitement ses
convergences de vue avec le
président Mitterrand.

L’équilibre constitutionnel est


un point important de ce
discours marquant l’ouverture
d’un nouveau type d’exécutif.
Les conceptions du Premier
ministre sont marquées de
l’influence de la pensée d’Edouard
Balladur en la matière. En effet, il
déclare que les institutions reposent
sur un triptyque : « le président de
la République qui incarne l'unité de
la Nation et la continuité de l'État,
et dispose pour cela de pouvoirs qui
lui sont conférés par la Constitution
; le Gouvernement qui détermine et
conduit la politique de la Nation,
toute sa politique, et qui en est
responsable devant l'Assemblée
nationale ; le Parlement qui légifère.
[…] Si chacun joue son rôle,
dans le strict respect de la
lettre et de l'esprit de la
Constitution, il n'y aura ni
contretemps ni blocage.
L'opinion publique y sera
vigilante et sanctionnerait
quiconque prétendrait
transgresser cette règle du jeu
démocratique !.

La première cohabitation

Pour Jacques Chirac, il s’agit


d’appliquer à la lettre l’article 20 de
la Constitution selon lequel « le
gouvernement détermine et conduit
la politique de la nation ». Mais
François Mitterrand souhaite
imposer le respect des prérogatives
présidentielles, notamment dans
son domaine réservé.
Pressée par le calendrier (l’élection
présidentielle se tiendra dans moins
de deux ans), la majorité
parlementaire autorise Jacques
Chirac à recourir aux procédures
d’urgence, notamment les
ordonnances1. Mais le président
Mitterrand refuse d'en signer
certaines, récusant l’idée que le
Premier ministre puisse forcer la
main du président, et l’obligeant à
oeuvrer avec le pouvoir législatif.

AUTORISER AUTORISER

Le gouvernement souhaite
libéraliser l’économie française.
L’autorisation administrative de
licenciement est supprimée en
quelques semaines. Le
gouvernement engage une réforme
de l’audiovisuel de grande ampleur,
marquée par la privatisation de TF1
et l’installation de la Commission
nationale de la communication et
des libertés (CNCL). Le ministre de
l’Economie et des Finances,
Edouard Balladur, supprime l’impôt
sur la fortune. Institué sous
François Mitterrand après sa
victoire en 1981, il est jugé
improductif par la majorité, qui
estime qu’il rapporte peu et qu’il est
à l’origine d’une évasion fiscale
massive.

L’Assemblée adopte également le


retour au scrutin majoritaire pour
les prochaines législatives.
Alors que la France est endeuillée
par une vague d’attentats
terroristes, Charles Pasqua,
ministre de l'Intérieur, fait voter
une loi sur la sécurité et les
conditions d'entrée et de séjour des
étrangers en France.
La cohabitation fonctionne, non
sans tensions. Celles-ci néanmoins
parviennent à s’exprimer dans la
tradition de la Ve République,
donnant raison aux théories
politiques d’Edouard Balladur :
quoique conçues pour le pouvoir
fort du général de Gaulle, les
institutions se sont avérées assez
souples pour s’adapter.

L'APRÈS-MATIGNON

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