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37e année - N°1571
Jeudi 16 juin 2011 Le journal des pouvoirs d’aujourd’hui Hebdomadaire 5 €
La dictature de la bien-pensance
Le pouvoir selon moi
“Notre société est malade. On a élevé
nos enfants dans l’obsession du principe
de précaution. Du coup, cette génération a
perdu le goût de ce qui a toujours été ma Ses totems, ses tabous, ses indignations sélectives. Et son incapacité à voir traiter les vrais sujets
devise : le risque, le rire, le rêve.”
Bernard Tapie, Le Point Par Caroline Castets
Ne pas polluer, ne pas discriminer, ne pas
fumer, ni arroser en été... Qu’elles soient
Brèches proferées au nom de la santé, de la planète ou
Tous accros de la République, les injonctions morales se
à l’addictologie p.8 multiplient. Relayées par deux vecteurs parti-
PAR PAUL-HENRI MOINET culièrement persuasifs que sont la morale et l’é-
motion, elles en viennent à s’apparenter à de
véritables idéologies auquel chacun est tenu de
Economie souscrire, conformément à une nouvelle forme
La partie de poker d’intégrisme moral. Or si celui-ci présente l’a-
de la dette grecque vantage de forger des unanimités propres à
PAR BERTRAND JACQUILLAT p.6 créer le ciment social nécessaire à toute société,
il s’accompagne également d’inconvénients de
taille.A commencer par le fait de rejeter toute
Mondialisation contestation et même, tout questionnement,
Allemagne: 5,4 € - Antilles/Guyane: 6 € - Cameroun/Congo/Côte d'Ivoire/Sénégal: 4200 CFA - Djibouti: 6 € - Italie: 4,8 € - Japon: 1080 JPY-Liban: 10 000 LBP - Madagascar: 5,2 € - Maroc: 40 MAD - Ile Maurice: 6,4 € - Réunion: 6 € - Tunisie: 5,3 € - Vietnam: 6,6 $
Climat : chronique dès lors qu’il s’agit d’un de ces sujets – écologie,
d’un désastre annoncé ? parité, diversité... - déclarés intouchables au
PAR PHILIPPE DELMAS p.30 nom du bien public. Ou pire encore, à en taire
d’autres, jugés contradictoires par rapport à ces
vérités décrétées.
L’Afrique est bien partie p.30 Car à trop réduire le champ de l’expression, on
PAR PASCAL LOROT affaiblit le débat public. Surtout, on aboutit à
une société intolérante, pétrie de tabous d’un
SIPA
A réduire constamment le champ de l’expression et du débat public, on aboutit à une société intolérante, côté et de demi-vérités de l’autre.Tout cela,avec
Chine pétrie de tabous d’un côté et de demi-vérités de l’autre. les meilleures intentions du monde. Lirep.2
L’énergie solaire
et le moulin à prières p.10
La primaire du PS
Galéjade ou pas
PAR PHILIPPE BARRET
Les orphelins
DOSSIERS
ART DE VIVRE
Le soutien de Jacques Chirac à François Hollande,quoi qu’il en soit, pose problème
Par Michèle Cotta
aux deux hommes qui seront peut-être face à face en 2012 de DSK
Pierre Moscovici veut éviter la dispersion
Habillement Pour un lancement, c’est un lance- dite pour que nul ne l’ignore, pour an- bas, que, face à son entourage rappro- de l’héritage moderniste
L’habit fait le moine ment ! Déjà, par ses nombreuses allu- noncer avec un air de défi au sortir de ché qui craint, à juste titre, des écarts Par Sylvie Pierre-Brossolette
Dress code professionnel p.15 sions aux multiples accrochages, que la visite du musée qui porte son nom, de langage, il reste libre de ses pro- Que va faire Pierre Moscovici ? Celui qui
l’on croyait oubliés, avec Nicolas Sar- à Sarran, qu’il votera pour François pos ? Les deux à la fois sans doute. préparait l’ “atterrissage” de son ami Domi-
kozy,le second tome des mémoires de Hollande à la présidentielle de 2012, Il est vrai qu’il aime bien François nique Strauss-Kahn et se dit l’héritier de sa
Jacques Chirac pouvait être assuré de sauf, la nuance est d’importance, si Hollande, sans doute plus vrai encore ligne politique, songe fortement à se présen-
Domaine viticole
trouver un public encore plus vaste Juppé se présentait. qu’il n’aime pas Nicolas Sarkozy. ter à la primaire socialiste. Il avait d’ailleurs
Side business que le premier.Depuis dimanche der- Est-ce la marque de l’âge, une blague Pourquoi apprécie-t-il François Hol- dit dans le passé... Lire p.6
S’offrir un domaine p.19 nier, le livre à peine en librairie, la de potache, un signe de l’humour cor- lande ? Cela n’a pas toujours été le
chose est certaine. Le succès sera à la rézien, comme on le lui a fait dire le cas, notamment quand en 1981, Hol-
hauteur du “buzz” que l’ancien pré- lendemain ? Ou bien Jacques Chirac, lande, 27 ans à l’époque, avait, non La primaire du PS - bis
FINANCE
Services bancaires
sident de la République a déclenché
samedi dernier : une seule phrase, re-
à 78 ans, penset-il qu’il a enfin le droit
de dire tout haut ce qu’il pense tout
sans culot, choisi de défier Jacques
Chirac... Lire p.6 Machine
m-banking à construire ou
Le champ des possibles p.25
A voix haute à déconstruire
MICHEL PIRON, député UMP de Maine-et-Loire, Il y aura des surprises
coprésident de l’Institut de décentralisation Par Jean-Michel Lamy
Chiffres révélateurs Les dimanches 9 et 16 octobre prochains, le
Une Assemblée peu représentative
Sur 577 députés, 18 seulement peuvent
“La décentralisation est Parti socialiste va jouer à l’élection présiden-
tielle en blanc.Ce sera une vaste opération mi-
être considérés comme étant (ou ayant été)
des industriels ou des chefs d’entreprise,
au milieu du gué” métique avec listes électorales et bureaux de
vote. Il y aura même deux tours...Lire p.10
relève Nicolas Lecaussin, président de Avant tout pragmatique, Michel Piron se prononce pour
l’IREF, think tank d’obédience libérale. 189
sont fonctionnaires ou cadres d’entreprises
une répartition des compétences en faveur de la région Le génocide de Srebrenica
publiques, 39 avocats, 37 médecins, 32 cad-
res du secteur privé, 23 retraités, 14 agricul-
Par Jean-Michel Lamy
Il faut l’entendre interpeller, dans les couloirs de l’im- pétences. Un saut que la réforme actuelle n’a pas osé Ca s’est passé
teurs et 15 déclarés comme “permanents
politiques”.
meuble Chaban-Delmas, ses collègues UMP pour les
rallier à un amendement fiscal relevant le taux
franchir.
“Mon jugement d’ensemble sur le fonctionnement ac- près de chez vous
Source : Iref, Institut de recherches écono- marginal de l’impôt sur le revenu. Michel Piron est tuel du système français de décentralisation ? On est Les “Plus jamais ça” ne sont
miques et fiscales ainsi, frondeur et passionné. Mais il est d’abord le chan- au milieu du gué. L’addition d’un certain nombre de qu’incantatoires
tre d’une décentralisation apaisée et lucide. Dans un textes pousse dans le sens d’une décentralisation plus
Par Caroline Castets
système presque kafkaïen, où “l’on peut instruire le forte. Je vous rappelle qu’il y a eu l’acte I avec les lois
Il y a une quinzaine de jours, l'émission
même dossier dans cinq ou six services administratifs qui Defferre, ce qu’on avait appelé l’acte II de la décentra-
M 02191 - 1571 - F: 5,00 E ont les mêmes compétences mais à des échelons différents”, lisation à l’époque de Jean-Pierre Raffarin Premier mi-
Envoyé spécial aurait pu s’intituler “Ca s’est
3:HIKMLJ=VUZUU[:?b@p@h@b@k;
passé près de chez vous”. Elle revenait, suite
il plaide pour une vraie rénovation de la relation ré- nistre, et il y a les derniers textes qui viennent d’être à l’arrestation de l’ancien chef des Serbes
gion-département par une vraie répartition des com- votés”... Lire p.12 de Bosnie, ... Lire p.8
N
“On entend partout cette phrase : “l’immigration
otre trop grande liberté – du bas.” Résultat : l’Etat est omnipré- ou celui de Claude Monnier sur les mé-
d’action, d’expression, sent et nous dit comment nous nourrir, est une chance pour la France” et on est sommé d’y souscrire faits de l’écologie sur l’agriculture : L’a-
d’opinion… - d’homme mo- comment conduire, comment nous sans que celle-ci soit étayée du moindre argument factuel. griculture française en proie à
derne nous encombrerait- comporter... Au point d’être devenu Et le simple fait de demander “en quoi est-elle une chance ?” l’écologisme,pour ne citer qu’eux) ou les
elle ? Tout porte à le croire puisque à “l’infrastructure du déploiement des li- suffirait à vous assimiler FN” résultats dérangeants de certaines étu-
l’heure où gouvernants, élites en tout bertés individuelles”. Pour y parvenir, des - sont tout simplement écartés du
genre et citoyens lambdas ne cessent nul besoin de règles et d’injonctions. Il débat public. Motif : trop subversifs.
de proclamer un attachement sans li- lui suffit de parier sur les émotions col- on est sommé d’y souscrire sans que celle- cités par le rouleau compresseur de la “La diversité, l’écologie,... dire qu’on est
mites au principe même des libertés in- lectives, ce puissant vecteur d’adhésion ci soit étayée du moindre argument fac- bonne conscience tient au fait qu’il in- contre est inenvisageable. Tout autant
dividuelles, les mêmes s’évertuent à les apte à créer ce qu’Hervé Juvin appelle tuel. Du moindre chiffre. Et le simple fait vite à ne plus réfléchir. Ou du moins à qu’évoquer le racisme anti-blanc qui est
rogner. Non pas à coups de lois et de dé- des “consensus moraux”permettant au de demander “en quoi est-elle une ne plus s’interroger face à des vérités pourtant une réalité. La bien-pensance le
crets mais au nom de causes décrétées collectif de gérer l’individuel dans le chance ?” suffirait à vous assimiler FN.” préétablies, le fait de disposer de mou- dit : tous les racismes existent, sauf celui-
tellement justes qu’elles en sont deve- but “d’ordonner le réel, de créer des repè- Même effet avec le levier de l’émotion les de prêt-à-penser nous dédouanant là !”, martèle Malika Sorel avant de
nues inattaquables ; de vérités irréfu- res”. D’où l’utilité de lutter “ensemble” qui, une fois activé, permet, sans trop de certains questionnements pour souligner une tout autre réalité. “C’est
tables à force d’être consensuelles. Au contre les criminels qui roulent à d’effort,de susciter l’unanimité. Que ce nous permettre de fonctionner,résume pourtant un fait : 85 % des profanations
point d’incarner de nouvelles formes 50km/h en agglomération, ceux qui fu- soit contre l’affaire d’Outreau ou pour Hervé Juvin, “par unanimités successi- de sépultures ont lieu dans des cimetières
de dictatures morales. Plus discrètes ment dans les lieux publics et ceux qui Home, le film aussitôt sorti aussitôt ves”. Fort utile lorsqu’il s’agit d’adhé- chrétiens mais, là encore, avancer ce chif-
que celles habituellement combattues ne trient pas leurs déchets… autant de culte deYann Arthus-Bertrand sur l’é- rer ou de condamner en bloc et sans fre est impossible. En revanche, que la
par nos démocraties, certes, ou plus croisades déclarées d’utilité publique tat de la planète. Un procédé implaca- nuance sous le coup de l’émotion moindre dégradation survienne dans un
exactement, plus larvées, mais aux ef- et sans lesquelles, résume le philoso- ble auquel tous les courants de (comme Homeet Outreau nous en ont, cimetière juif et l’affaire sera reprise dans
fets tout aussi néfastes sur les libertés phe, “on serait contraint de s’interroger bien-pensance ont un jour eu recours une fois encore, fourni l’occasion…), ou tous les médias. Cela montre bien qu’il
individuelles. Leurs noms sont bien sur le sens réel du bien et du mal”. “Sans et que dénonce ouvertement l’écrivain sous la pression de nouvelles normes existe un filtre dans le choix de ce qui est
connus et pour cause, ils remportent – compter, ajoute-t-il, qu’il n’est pas facile habilité à choquer l’opinion et les cons-
du moins officiellement – tous les suf- de faire vivre une société sans convictions “Lorsqu’une voix dissidente s’élève ciences ; c’est la preuve qu’on est bien dans
frages. Citons au hasard l’écologie, la partagées. Il est simplement inquiétant un phénomène d’indignations sélectives,
ou qu’une information contradictoire émerge, lequel est le propre des dictatures mora-
tout est fait pour qu’elle ne soit pas relayée” les.”
“Il existe un intégrisme moral
qui empêche de poser sereinement les sujets” Iegor Gran, seule voix discordante à morales : tout le monde étant ainsi Sujets tabous et vérités
avoir critiqué dans une tribune parue contre le sexisme, parce que c’est mal, passées sous silence
parité, la diversité, mais aussi tout ce que ce soit là le seul ciment social dont on dans Libération“Le terrorisme des bel- et pour la diversité parce que c’est bien.
qui relève de la santé (la lutte contre dispose.” les images, et les discours moralisa- Simple, efficace, fédérateur et par Difficile de prétendre le contraire
l’obésité, contre la cigarette...), la sécu- D’où notre acharnement à le protéger ; teurs” sur lesquels Yann conséquent, rassurant. puisque, qui dit indignation sélective
rité routière, etc. Autant de domaines quitte à injecter une dose d’intolérance Arthus-Bertrand appuyait son plai- Et qu’importe si l’effet produit est ce- dit nécessairement sujets tabous et vé-
classés intouchables et qui, mis bout à dans nos principes démocratiques, doyer pour la planète. Un exercice de lui d’une société manichéenne oppo- rités passées sous silence.
bout, nous fournissent un kit à penser comme cela fut le cas avec la création dissidence réitéré depuis dans un livre sant les bons qui pensent Parmi celles-ci : le racisme anti-blanc,
d’une rare efficacité et produisent une du délit d’opinion qui, rappelle Hervé intitulé L’Ecologie en bas de chez moi et conformément aux normes en vigueur l’échec scolaire de certaines catégories
société sinon assujettie, du moins sous Juvin, a par exemple fait passer le ra- s’attaquant, cette fois, à la dictature du aux méchants qui les réfutent ou, sim- de la population ou encore le taux de
influence. Immersion. cisme du statut d’opinion à celui de dé- développement durable. plement, les discutent.“Nos sociétés sont chômage élevé... Des réalités inquié-
lit. “Or rendre l’opinion délictueuse et non Pour Hervé Juvin, le phénomène d’ad- devenues tellement fragiles qu’elles ne tantes et pourtant indicibles. Car dans
Les nouveaux territoires plus seulement sa manifestation est très hésion émotionnelle qui donne tout supportent plus que l’unanimité, laquelle le régime unanimiste que nous avons
d’adhésion imposée grave. C’est le principe même de l’inqui- leur poids à ces dictatures morales passe d’un bord à un autre”, assène établi, en parler signifie nécessaire-
sition.” Une façon efficace d’empiéter s’inscrit dans une logique de mémoire Hervé Juvin. Exagéré ? Pas tant que ment “stigmatiser”. “Le dire c’est s’ex-
Philosophe et essayiste auteur, entre sur les choix privés à coups d’injonc- sélective.“Nous sommes dans une société cela,estime Malika Sorel qui atteste de poser à un procès en sorcellerie, confirme
autres, du Renversement du monde, tions morales. “On dit : “voilà ce qui est qui vit par emballements de l’instant,par la même réalité : dès lors qu’il est ques- Malika Sorel. Résultat, on ne peut ni for-
Hervé Juvin a depuis longtemps iden- bien, allez à l’encontre de cela et vous se- états d’adhésion émotionnelle successifs tion de l’une de ces nouvelles dictatu- muler le problème, ni en poser les facteurs,
tifié ces nouveaux territoires d’adhé- rez un hérétique”, résume Hervé Juvin. et qui fabrique, par le vecteur de l’émo- res morales, on s’interdit toute forme ni bien entendu le résoudre.”
sion imposée dans lesquels il voit les Ce que risquent les réfractaires ? Au tion, des unanimités qui en disent long de contestation ou même d’interroga- Exemple de ce phénomène d’autocen-
manifestations d’une religiosité d’un mieux de voir leur parole discréditée, sur l’histoire de la sensibilité.” Des cho- tion. “Lorsqu’une voix dissidente s’élève sure : une étude publiée en avril der-
autre ordre. “On est, sur tout ce qui tou- au pire,d’être purement et simplement ses considérées comme anodines il y a ou qu’une information contradictoire nier par le Crest (Centre de recherche
che au corps, à l’égalité et à la planète, inaudibles. Phénomène qui se vérifie encore quelques décennies comme fu- émerge, tout est fait pour qu’elle ne soit en économie et statistiques) et réalisée
dans le domaine de la piété religieuse,es- aisément sur des questions telles que en collaboration avec Pôle Emploi ré-
time-t-il. Si bien qu’on s’aperçoit qu’on le réchauffement climatique - “On n’a “Ce sont ceux qui se drapent dans de grands principes vèle que non seulement le recours au
s’est libéré du sacré et de ses contraintes tout simplement pas le droit de ne pas être républicains pour justifier cette mise sous silence CV anonyme n’avantagerait pas les de-
pour le déplacer et en fabriquer de nou- d’accord” - les méfaits de l’agriculture qui nuisent le plus à la démocratie” mandeurs d’emploi issus de l’immi-
velles ailleurs.” intensive ou, à l’inverse, les bienfaits de gration mais que celui-ci les
A l’origine du phénomène, un double la mixité. Normal. Il ne s’agit plus d’o- mer enceinte, conduire vite ou encore pas relayée, déclare-t-elle. Et ce sont ceux pénaliserait. On apprend ainsi que les
besoin, aussi inconscient que vital. Ce- pinions mais de vérités décrétées. ne pas recycler ses déchets vous valant qui se drapent dans de grands principes CV nominatifs donnent à ces candidats
lui de se créer des espaces collectifs sé- aujourd’hui d’être livré à la vindicte pu- républicains pour justifier cette mise sous une chance sur dix d’être reçus en en-
curisés – “Parce que l’homme marche à Les deux outils de propagande : blique… Pour Hervé Juvin, ce carac- silence qui nuisent le plus à la démocra- tretien (contre 1 sur 8 pour les autres)
cela. Il a besoin de plages d’intolérance” - l’émotion et la morale tère fluctuant du bien et du mal tel que tie.” et que cette probabilité chute à une sur
et celui de forger du ciment social. Or nous le proclamons prouve que nous 22 avec un CV anonyme (contre 1 sur 6
quoi de tel que des aversions et des en- Et pour les étayer, deux outils de pro- sommes sur des registres extrêmement Des indignations sélectives pour les autres).Traduction : le taux de
gouements collectifs pour souder un pagande s’avèrent particulièrement ef- rapides d’évolution de la sensibilité col- chômage supérieur à la moyenne na-
groupe, aussi disparate et hétéroclite ficaces : la morale et l’émotion. Le lective, ce dont nous n’avons absolu- Sans pour autant que l’on en ait cons- tionale dans certaines catégories de po-
soit-il ? premier permet de jouer la carte de la ment pas conscience. “Si bien que l’on cience car, encore une fois, le principal pulation n’est pas nécessairement dû
“La question qui se pose à toute société culpabilisation en établissant deux s’interdit toute forme de recul, et que l’on avantage qu’il y a à asseoir toute forme à l’explication habituelle, à savoir : les
est : qu’est-ce qui nous fait tenir ensemble, camps - le bien et le mal –, le second sur ne peut relativiser aucun des dogmes qui, d’intégrisme moral sur des arguments dirigeants d’entreprise sont racistes.
poursuit Hervé Juvin. Pendant long- celle de la compassion en agitant les aujourd’hui, conditionnent nos façons de à caractères exclusivement émotion- Un argument confortable et bigrement
temps, ce qui nous a fait tenir ensemble chiffons rouges de la pauvreté,de la dis- vivre et de penser”, conclut-t-il. D’où les nels et moraux tient au fait que ceux-ci politiquement correct, j’en conviens,
est venu du haut. Aujourd’hui, cela vient crimination, des atteintes à la planète oukases qui, au pays des libertés indi- empêchent de dérouler tous les para- mais qui ne tient plus dès lors qu’une
Je ne crois pas que la société française viants”, autrement dit, non conformes Je dirais pour commencer que no-
donne plus dans l’unanimisme qu’une au discours dominant dans les médias tre réputation de peuple frondeur
autre. Je pense que son goût du débat et l’opinion. Lorsque trop de gens pen- et réfractaire n’est pas très an-
et de la polémique la sauve de trop d’u- sent différemment, les sociétés de- cienne et remonte sans doute à la
nanimisme en permettant l’émer- viennent difficiles à gérer. C’est Révolution. Ceci dit, il est clair que
gence d’une forme de contestation ; en pourquoi cette tendance à radicaliser “Radicaliser l’autre pour le discréditer l’unanimisme avec lequel nous ac-
est une tentation ancienne de la vie
tout cas, tant que les médias jouent l’autre pour le discréditer est une ten- cueillons certains dogmes aujour-
publique”
leur rôle et donnent la parole à des opi- tation ancienne de la vie publique. d’hui est assez frappant. Pour moi,
nions discordantes – et pas seulement Cela renforce le groupe et cela sécurise ner à des valeurs morales de bien et de cette attitude de la société présente
dans le but de les pointer du doigt en créant un sentiment d’apparte- mal.Aux Etats-Unis,il est vrai que l’ex- d’importantes similitudes avec
comme cela a trop souvent été le cas -, nance. Au final je pense qu’il est nor- pression est très libre et que l’on peut celle qui était déjà la nôtre sous
“Cette tentation qui nous pousse vraiment tout dire mais cela a égale- l’Ancien Régime et même durant
à traquer les comportements déviants” ment permis l’émergence de certains les temps médiévaux. Certes le pays
extrémismes comme le puritanisme. n’a plus grand-chose de chrétien
ce qui s’était sans doute un peu perdu mal que toute société se cherche des De son côté,la société française est sau- mais cela ne nous empêche pas de
ces dernières années mais qui tend à adhésions communes mais celles-ci vée par son goût du débat. Encore une continuer à pratiquer un dogma-
revenir plus ou moins aujourd’hui. doivent être régulièrement contestées fois, elle est un des seuls pays à débat- tisme propre au temps où l’on brû-
“On n’a le droit de penser librement
Je pense que cette tentation d’unani- afin que cela ne devienne pas malsain tre pour savoir s’il faut débattre sur l’Is- lait les hérétiques. Car c’est qu’à la condition expresse que cette
misme est présente dans tous les grou- et que l’on ne tombe pas dans la crimi- lam et la laïcité ! indéniable : il y a une dimension re- pensée s’inscrive dans le cadre
pes, toutes les sociétés, sous une forme nalisation de ceux qui ne pensent pas *Auteur de Le racisme anti-blanc ; ne ligieuse dans notre façon de stig- autorisé.”
assez inconsciente qui nous pousse à dans le cadre ; accepter des opinions et pas en parler : un déni de réalité matiser aujourd’hui la pensée
traquer les comportements “dé- des voix discordantes sans tout rame- réfractaire et ceci même si les an-
ciens dogmes religieux ont été rem- lement débuté avec la loi Guessaut
Norbert Chatillon, placés par des valeurs dites de 1989 qui faisait du négation-
civiques et citoyennes. Cela nous nisme un délit, ce qui représentait
psychanalyste donne un aperçu de ce que pouvait une première manifestation de res-
“L’unanimisme, c’est la fabrication partagée de zones
aveugles” “Nous continuons à pratiquer un dogmatisme
propre au temps où l’on brûlait les hérétiques”
L’unanimité est paradoxale, elle est à prendre l’idéologie de l’unanimisme,
la fois “pour” et “contre” le rejet de ce laquelle vise des ralliements tactiques
pour quoi elle est “pour”. Elle est d’au- par suppression progressive de la pen- être la position des libres-penseurs triction de la liberté d’expression et
tant plus ambivalente en France où,ef- sée propre. Ce qui n’est pas nouveau et dans la société du Moyen Age, alors une première atteinte au débat pu-
fectivement, nous voulons croire fait que,déjà,la sagesse antique se mé- que leurs discours étaient considé- blic. Alors que, au contraire, celui-
unanimement à une utopie tant que fiait de cette logique qui consiste à os- rés comme subversifs parce que les ci aurait dû suffire à écarter
nous ne la voyons pas réalisée, et où traciser quiconque procède à la “Déjà, la sagesse antique se méfiait dogmes chrétiens ne pouvaient être naturellement cette opinion. Eprou-
de cette logique qui consiste à contestés. Aujourd’hui, on retrouve ver le besoin de légiférer pour le
“C’est le polissage des modes de pensée ” ostraciser quiconque procède à la cette même logique. Le débat pu- faire est en soi un signal assez in-
moindre objection.” blic se caractérise par une absence quiétant.
nous nous employons à la contester moindre objection. La dynamique de perçu comme ringard ou anormal. nette de pensée critique car on n’a
aussitôt qu’elle se fait réalité. Ce que l’unanimisme est connue : c’est celle Cela s’inscrit dans un dispositif sou- le droit de penser librement qu’à la
résumait Umberto Eco lorsqu’il disait d’un polissage des modes de pensée. terrain de normalisation. Un condition expresse que cette pen-
à notre sujet : “Le Français ne sait pas D’une fabrication partagée de zones deuxième temps consistant à fabri- sée s’inscrive dans le cadre autorisé.
bien ce qu’il veut, sauf qu’il sait à la per- aveugles ; ce qui permet à chacun de quer des slogans, des images-mots qui Je dirais que le phénomène a réel-
fection qu’il ne veut pas de ce qu’il a.” se rallier à ce qui est présenté de telle touchent et viennent renforcer l’ad-
Une fois ce contexte établi,reste à com- sorte que ne pas y souscrire serait hésion.
Le génocide de Srebrenica
Brèches
Tous accros à l’addictologie Ca s’est passé près de chez vous
Les “Plus jamais ça” ne sont qu’incantatoires
PAUL-HENRI MOINET
passer.Si Srebrenica démontre quelque historien. Surtout dans les pays artificiels
Un hasard heureux de l’agenda vient de prendre notre époque en flagrant chose, c’est bien que le pire n’est pas ou les anciennes colonies où les Etats sont,
délit de contradiction : le Salon mondial du jeu vidéo s’est tenu le même toujours l’apanage des autres. par nature,moins légitimes.Et lorsque l’E-
week-end que la présentation du Livre blanc de l’addictologie par la Fé- Suffit, pour s’en convaincre, de s’inté- tat se délite, les passions reprennent le des-
dération française d’addictologie. L’un à Los Angeles, l’autre à Paris. resser dans un premier temps sur les sus et se cristallisent autour de
D’un côté, on appelle au massacre à gogo avec Modern Warfare 3 ou Killer conditions du massacre avant de se de- ressentiments historiques. Parfois ances-
Freaks From Outer Space ; de l’autre, on lance un “grand débat politique et mander pourquoi celui-ci se reproduira. traux.” Comme ce fut – ou est encore –
sociétal qui pourrait se conclure par une loi d’orientation concernant les ad- le cas entre la Palestine et Israël, entre
dictions pour réduire les dommages liés aux consommations”. Au nom du sacro-saint principe la Grèce et laTurquie et au sein de l’ex-
On vend du vertige et on recommande la prudence, on vend de l’extase et de non-ingérence Yougoslavie où les rancoeurs remonte-
on voudrait la contrôler, on achète de la jouissance immédiate et on app- Historien et auteur, entre autres, de raient quasiment au Moyen Age. “Des
rend à nos enfants à différer leur plaisir. Pas facile de s’en sortir, surtout 1648, la paix de Westphalie ; ou la nais- rancunes anciennes peuvent alors être en-
quand on vit dans une société addictogène. Pourquoi notre société est de- sance de l'Europe politique moderne, Ar- tretenues de façon collective et instru-
venue addictogène? Parce que, selon le Livre blanc, elle ne met pas suffi- naud Blin situe l’origine de tout dans un mentalisées par les gouvernants. Jusqu’à
samment de limites à “la valorisation et la promotion du bonheur individuel, principe essentiel de la diplomatie mo- déboucher sur des conflits.”
Arnaud Blin, historien. “Lorsque l’Etat se
l’hyperconsommation, la vitesse, l’immédiateté”. Plus fort encore, l’intégra- délite, les passions reprennent le dessus
derne : celui de la non-ingérence dans Reste à comprendre comment ceux-ci
tion et la reconnaissance sociale passent désormais par l’addiction. et se cristallisent autour de ressentiments les affaires internes des Etats. “Ce prin- peuvent aussi aisément déraper en cri-
historiques. Parfois ancestraux.” cipe de non-ingérence date de 1648 et aussi mes contre l’humanité. Comme ce fut
étonnant que cela puisse paraître aujour- le cas avec l’Allemagne nazie ou le
Il y a une quinzaine de jours,l’émission d’hui, il a été mis en place pour des raisons Rwanda,la première procédant par mé-
On vend du vertige et on recommande la prudence,
Envoyé Spécialaurait pu s’intituler “Ca humanitaires, explique-t-il. Pour proté- thode, le second de façon désorganisée,
on vend de l’extase et on voudrait la contrôler s’est passé près de chez vous”. Elle reve- ger les populations des actions d’Etats voi- et tous deux produisant,au final,les mê-
nait, suite à l’arrestation de l’ancien sins. C’est d’ailleurs ce principe de mes effets infamants.Preuve que la bar-
chef des Serbes de Bosnie, Ratko Mla- souveraineté qui a mis fin aux guerres de barie traverse les époques aussi
Mais attention, ce n’est pas parce que l’addiction devient une nouvelle dic, sur la guerre de Bosnie et plus pré- religions.” Principe qui, depuis, gou- facilement que les frontières et que
norme sociale, comme le constate Cynthia Fleury, qu’il faut la légitimer. cisément,sur le massacre de Srebrenica verne les relations internationales et même les civilisations les plus avancées
Faire de l’addict d’aujourd’hui le contre-modèle performant du drogué au cours duquel quelque 8 000 Bos- qui,dès lors que l’on parle d’Etat-nation, ne peuvent se croire à l’abri. D’où les
marginal des années 70 serait aussi dégueulasse que stupide. Non, l’addict niaques musulmans furent exécutés sur interdit toute intervention extérieure interrogations suscitées par la décou-
n’est pas la figure chic et radieuse du capitalisme pulsionnel triomphant, ordre du “boucher des balcans”. Un re- ou alors, les limite à des actions “à re- verte des camps de concentration sur la
il en est le symptôme, le petit moteur, la victime, bien souvent consentante, portage d’une véritable nature de
parfois aussi le déchet. rare violence qui Si Srebrenica démontre quelque chose, l’homme. Interro-
Au fait, à quoi reconnaître un comportement addictif ? Trois critères selon puisait son inten- c’est bien que le pire n’est pas toujours l’apanage des autres gations toujours
la FFA : l’impossibilité de contrôler son comportement, la poursuite de ce sité dans sa capa- d’actualité aujour-
comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négati- cité à retracer – un peu à la manière des culons” ; comme cela fut le cas en Bos- d’hui, puisque non seulement les mê-
ves, sa répétition compulsive en vue de produire plus de plaisir ou au moins Bienveillantes, de Jonathan Littell – le nie en 1995 où, se souvientArnaud Blin, mes horreurs se répètent mais aussi
d’éviter une sensation de malaise interne. Tout dépend ensuite des objets caractère méthodique des exactions la France voulait intervenir et les Etats- puisque celles-ci, lorsqu’elles sont ré-
de l’addiction et du degré de dépendance qu’ils provoquent. Dans une commises sur ces populations, les ef- Unis non. “Un général français – le géné- vélées, ne suscitent que peu de réac-
étude très utile, livrée avec le Livre Blanc de la FFA, sur la dangerosité des forts de rationalisation de cette armée ral Bachelet – gouvernait les forces de tions.
produits addictifs, soit, entre autres réjouissances, les jeux d’argent, le dans son entreprise d’exécutions de ci- l’ONU ; explique-t-il. Il était déterminé à
cannabis, l’alcool, le tabac, l’héroïne et les drogues de synthèse comme vils, sa “bonne gestion”, en somme, du mener une action musclée et soutenu là- Au nom de l’indifférence nationale
l’ecstasy ou les amphétamines, chaque produit est évalué sur un rapport génocide. dessus par le président Chirac. Les Etats- “Dans nos démocraties, c’est l'opinion du
variable bénéfices/dommages. En ressort un témoignage bouleversant Unis ont fait pression sur lui pour que cela peuple qui l’emporte, rappelle Arnaud
Côté bénéfices : on distingue les bénéfices hédoniques, identitaires, auto- qui, 16 ans après les faits, perturbe à ne se produise pas. Résultat : il y avait bien Blin. Et il ne faut pas se leurrer, lorsqu’un
thérapeutiques, sociaux, culturels, autrement dit le pouvoir de chaque pro- plus d’un titre. D’abord par les ques- des casques bleus sur place mais ils avaient conflit sanglant se déroule au loin, les gens
duit à me procurer du plaisir et des sensations fortes, à renforcer ma per- tions qu’il soulève sur les anciennes reçu l’ordre de ne tuer personne. Ils étaient sont toujours réticents à intervenir. D’a-
sonnalité, à soulager mes tensions, à m’intégrer dans un groupe social en responsabilités de l’époque - celle de pieds et poings liés. Et face à des brutes dé- bord parce que l’on a toujours été éduqué
reproduisant ses codes ou à me valoriser comme acteur d’une culture do- l’Europe, de l’ONU et des grandes puis- terminées, une présence sans moyens – à privilégier l’intérêt national, ensuite par
minante.Côté dommages : les dommages sanitaires aigus ou chroniques, sances mondiales qui ont laissé l’hor- même internationale – ne pouvait être dis- manque pur et simple de solidarité chez les
la dépendance, les dommages sanitaires et sociaux directs ou indirects liés reur se perpétuer en toute suasive.” individus.”Ce qui nous permet de nous
à la prise en charge et à l’hospitalisation ou aux coûts des arrêts de travail connaissance de cause -,par les illusions Résultat : des charniers de milliers de déclarer horrifiés lorsqu’un charnier est
et de l’invalidité, les dommages économiques et financiers relatifs aux co- auquel il met fin, ensuite. corps dans une ville pourtant déclarée découvert ou qu’un massacre est révélé,
“Zone de sécurité de l’ONU”. En tout mais nous empêche de nous exprimer
Au nom de l’indicible supportable point semblables à ceux d’Auschwitz ou en faveur d’une intervention interna-
Le Livre Blanc de l’addictologie de la FFA Parce que cette fois, on ne peut plus s’a- du Darfour. Preuve que l’on ne tire au- tionale, à moins que celle-ci ne soit pré-
vient de sortir : à consulter sans modération briter derrière les arguments qui, jus- cune leçon du passé, aussi innommable sentée comme relevant de notre propre
qu’alors, rendaient l’indicible soit-il. Preuve, surtout, que les senti- intérêt. Les gouvernants le savent bien.
supportable.A savoir : c’était il y a long- ments à l’origine de ces massacres de- D’où leur empressement à user de l’ar-
ûts légaux liés à la violence et aux comportements antisociaux provoqués temps – autrement dit : gument de “l’intérêt na-
par la consommation mais aussi à la lutte contre l’économie parallèle des cela n’arriverait plus Cette fois, on ne peut plus s’abriter derrière tional” et non de la
produits illicites et aux frais de police et de justice. aujourd’hui (exemple : les arguments qui, jusqu’alors, rendaient l’indicible “raison humanitaire”,
Petit florilège des observations de Catherine Bourgain, Bruno Falissard et la Shoah),et c’était très supportable. A savoir : c’était il y a longtemps lorsqu’ils veulent obtenir
Michel Reynaud, respectivement chercheurs à l’Inserm et chef du service loin - autrement dit : les et c’etait très loin l’adhésion de l’opinion.
addictologie de l’hôpital Paul-Brousse, qui ont dirigé l’étude : ce sont l’al- gens qui se sont livrés à Peu glorieux,certes,mais
cool et l’héroïne qui représentent les coûts sanitaires et sociaux les plus ces monstruosités ne sont pas comme meurent inchangés, quels que soient efficace.
importants. L’alcool et le tabac sont les rois des dommages sanitaires chro- nous (exemple : les massacres à la ma- l’époque ou le contexte. Et puisqu’on ne changera pas l’âme hu-
niques mais ce sont l’alcool et l’héroïne qui l’emportent pour les domma- chette du Rwanda ou du Darfour, maine,reste à anticiper ses possibles dé-
ges sanitaires aigus. Dans la balance bénéfices/dommages, les jeux contrées bien éloignées de l’inconscient Au nom des rancunes ancestrales rives afin de mettre en place des garde-
d’argent présentent des bénéfices très supérieurs aux dommages. Le can- collectif, force est de le reconnaître). Car comme le rappelle Arnaud Blin, il fous. Ce qui fut le cas, rappelle Arnaud
nabis arrive en deuxième position derrière l’alcool en termes de bénéfi- Deux arguments qui, jusqu’alors, nous est une constante dans l’histoire des na- Blin, avec la création de l’Europe la-
ces culturels. Le tabac présente des dommages individuels bien supérieurs permettaient de maintenir l’horreur à tions et des hommes contre laquelle on quelle fut en grande partie motivée,
à ses bénéfices mais des bénéfices sociaux bien supérieurs à ses domma- distance – que celle-ci soit temporelle ne peut lutter. C’est le ressentiment. après la Seconde Guerre mondiale, par
ges. Les pistes pour s’en sortir ne sont pas révélées dans l’étude. En voici ou géographique. Et d’en tirer un senti- Cette force qui pousse les peuples à mé- une volonté de “plus jamais ça.” Une
quelques-unes. Travailler sur soi. Apprendre à se connaître. Ecouter Lou ment d’immunité nous permettant, en moriser et à alimenter chaque vexation promesse qui, au vu des événements
Reed et Mozart puis Bob Dylan et Bach. Résister à la pression sociale. Evi- toute bonne foi, de crier notre indigna- et à demander réparation dans une lo- des dernières décennies, apparaît plus
ter l’évitement. S’émanciper de la culture de la performance. Faire face à tion sans nous sentir concernés. Idéal. gique d’oeil pour œil forcément meur- incantatoire que formelle et qui, en
l’angoisse, ce manque du manque comme disait Lacan. Ne pas chercher à Le problème avec le génocide bos- trière. cela, contribue à rendre cette émission
intensifier la jouissance pour anesthésier l’angoisse. Enseigner l’abon- niaque, c’est qu’il échappe à ces deux “Tant que les relations internationales d’Envoyé Spécial doublement boule-
dance frugale. Ne pas avoir peur de souffrir. Entretenir ses blessures. Lire arguments. Motif : il s’est produit aux étaient muselées par les Etats, les passions versante.Par l’horreur qu’elle dévoilait,
le dernier texte d’Hélène Cixous sur Jean Genet, Entretien de la blessure : portes de l’Europe il y a moins de 15 ans étaient bridées, mais depuis la fin de la mais aussi et surtout, par celle qu’elle
“Tout homme garde en soi une blessure, différente pour chacun, cachée ou vi- à peine. Dès lors, difficile de se retran- guerre froide, on assiste au retour des peu- suggérait, en faisant la démonstration
sible. Hébergement réciproque. Je te garderai toujours. Signé : Ta Blessure. D’au- cher derrière nos bonnes consciences ples qui, sur tous les domaines de la vie pu- de notre caractère irrécupérable.Tout
cuns la fuient, bâillonnent, rejettent, rêvent de guérir. Lui Genet chaque année d’hommes civilisés et modernes par qui, blique,ont de plus en plus voix au chapitre, simplement.
naît et renaît de la blessure retrouvée,relue, sondée jusqu’au Souvenir.” bien sûr, de telles horreurs ne sauraient et au recul relatif des Etats ; souligne l’- caroline.castets@nouveleconomiste.fr
La primaire du PS
La Chine s’est éveillée
L’énergie solaire
et le moulin à prières
Machine à construire
PHILIPPE BARRET
Le Tibet est, pour la Chine, une terre de promotion
de l’énergie solaire ou à déconstruire
Il y aura des surprises
Pour un bouddhiste tibétain, le moulin unchargementd’unejournée,ilpeutali-
à prières ne doit pas s’arrêter de tourner. menter deux lampes pendant toute la Montebourg, député de Saône-et-Loire,
Mais quand il est au volant de sa voiture, nuit. minimise le tout en affirmant que le dé-
il lui faut trouver un moyen de ne pas Dans les régions montagneuses de bat est légitime et que l’essentiel est d’ê-
interrompre ce mouvement perpétuel. l’ouest et du nord du Tibet, on utilise tre unis derrière le vainqueur.
Et ce moyen,il l’a trouvé : pour 30 yuans, beaucoup le solaire “passif” : les murs, Michel Vauzelle, député des Bouches-
soit à peine plus de trois euros,il a acheté les sols et les fenêtres de ces construc- du-Rhône,président de la région PACA,
unmoulinàprièresalimentéparunepe- tions sont conçus pour collecter,stocker est plus dubitatif, salle des Quatre Co-
tite batterie solaire de 4cm de long sur 2 et distribuer l’énergie solaire.Ces dispo- lonnes, à l’Assemblée :“La primaire est
de large. Grâce à quoi il peut, en toutes sitifs, moins chers que les adjuvants mé- une méthode américaine qui correspond
à la culture politique américaine.C’est une
Ce sont les fourneaux solaires qui ont le plus de succès :
bonne idée parce que cela permet de dés-
395 000 pour une population totale enclaver tout un public militant qui n’est
de 2,6 millions d’habitants pas forcément inscrit dans un parti poli-
circonstances, envoyer ses prières à caniques et électriques qui sont tique.
Bouddha. Mais l’énergie solaire, au Ti- nécessaires dans le solaire “actif”, per- C’était une bonne idée tant qu’il y avait
bet,n’estpaslimitéeà l’alimentationdes mettentdegagner10degrés parrapport Michel Vauzelle, président de PACA, député PS : “Ce n’est plus une bonne idée.” plusieurs partis ou sensibilités,comme aux
moulins à prières.C’est qu’il s’agit d’une àlatempératureextérieure;ilséquipent Etats-Unis,qui allaient se rassembler pour
énergie particulièrement bien adaptée aujourd’hui 400 000 mètres carrés de lo- Les dimanches 9 et 16 octobre pro- démocratiques du procédé. désigner le candidat.Or on a vu que les par-
à cette région,qui bénéficie en moyenne gement. Le coût du nucléaire passif ren- chains, le Parti socialiste va jouer à l’é- L’aléa technique tis de gauche se divisaient et qu’à l’inté-
de 3 000 heures d’ensoleillement par an. chérit de 20 % seulement celui de la lection présidentielle en blanc. Ce sera En France, le PS va entrer en terre in- rieur du PS les courants allaient se diviser.
Ce sont les fourneaux solaires qui ont le construction. Des centrales photovol- une vaste opération mimétique avec lis- connue et devra faire face à deux gran- Tout cela pour attendre,avec un calendrier
plus de succès : 395 000 pour une popu- taïques classiques ont commencé d’être tes électorales et bureaux de vote. Il y des incertitudes. La plus délicate est extrêmement long, qu’en octobre - pour-
lation totale de 2,6 millions d’habitants, installées : elles totalisent 9 mégawatts, aura même deux tours, sauf si l’un des paradoxalement d’ordre technique. Le quoi pas à la veille des élections - on dési-
soit 800 000 foyers environ – dont soit 13 % du total de l’électricité photo- candidats obtient 50 % des suffrages PS entend mettre en place 11 000 bu- gne enfin un candidat socialiste quand
2,4 millions de Tibétains. Avant cela, voltaïqueenChine.Deplusgrandescen- plus une voix.Tout cela se déroulera en- reaux de vote en s’appuyant sur les lis- chacun se sera bien tapé dessus. Ce n’est
beaucoup de fourneaux, auTibet, fonc- trales, convertissant l’énergie solaire en tre soi, entre électeurs de gauche. tes électorales communiquées par les plus une bonne idée. On a même des can-
tionnaient avec de la bouse de yack, courant direct, sont en cours de cons- L’UMP a choisi de prendre l’entreprise préfectures. Les unes le font par infor- didats qui disent “c’est pas sûr, je vais
combustible écologique assurément, truction : 10 MW à Yang, à 90 km de à la rigolade, mais le parti majoritaire matique et d’autres sont encore au pa- voir, etc.”. Les gens en ont assez. Il faut au
mais singulièrement malodorant ! Aux Lhassa ; 30 MW à Xigaze,à 250 km de la se méfie. Et si jamais naissait de cette pier ! Les risques de contestation et de plus vite un candidat de gauche pour que,
fourneaux viennent souvent s’ajouter capitale ; une autre, d’une capacité de mascarade une dynamique électorale contentieux sont réels. Il faut aussi des comme à Milan, on l’emporte face au Ber-
les chauffe-eau solaires, qu’on trouve 2 MW,dans la préfecture de Ngari,dans à plusieurs millions de voix balayant lieux appropriés. lusconi français. Heureusement, tout est
ainsi dans la quasi-totalité des apparte- l’ouest duTibet.Et l’énergie solaire n’est tout sur son passage ? Le rêve d’une pri- Quant aux électeurs, ils devront verser rattrapable compte tenu de l’impopula-
ments d’une banlieue de Lhassa.Ce sont pas la seule énergie verte à faire l’objet maire à la “Obama” hante les couloirs une contribution minimum d’un euro rité profonde du président français et du
ensuite les générateurs solaires porta- d’un soutien particulier au Tibet. Dans de la rue Solférino, le siège du PS. et signer la charte d’adhésion aux va- gouvernement.”
tifs (5 kg) pour fournir l’électricité dans le nord de la région, une centrale éo- leurs de la gauche. Entre le flop et la ve- C’est l’état d’esprit du PS. Que la pri-
les tentes quand on va faire paître son lienne est programmée, avec une puis- Deux certitudes nue en masse, aucun institut de maire soit une machine infernale ou
troupeau dans les pâturages d’été.Après sance de 50 MW. Dans cette aventure, il y a au moins sondage n’est capable de trancher.A ce pas, les vents conduiront le candidat so-
deux certitudes.Tout d’abord, c’est l’in- jour, les contours de ce corps électoral cialiste à l’Elysée ! Salle des Quatre Co-
capacité du PS à trouver dans ses rangs d’un nouveau genre restent une lonnes, Bernard Debré,député UMP de
un leader incontestable et incontesté énigme : il n’y a pas d’échantillon re- Paris, joue à l’analyste imprécateur :
qui explique cette recherche d’une for- présentatif. “C’est une mauvaise idée. EntreValls, Au-
mule magique pour désigner “le” can- bry, Royal, les Français ne comprennent
didat à l’Elysée.Chacun se rappelle que L’inconnue politique pas très bien. On s’agresse, on s’engueule,
le congrès de Reims a vu Martine L’autre grande incertitude est politique. et après on va s’embrasser, cela va laisser
Aubry triompher de des séquelles. Les socialis-
Ségolène Royal “C’était une bonne idée tant qu’il y avait plusieurs partis tes n’ont pas de leader na-
péniblement, à ou sensibilités, comme aux Etats-Unis, qui allaient turel alors que l’UMP en a
quelques voix près se rassembler pour désigner le candidat. un, Nicolas Sarkozy. Re-
obtenues plus ou gardez ce qui se passe à Eu-
moins clairement.
Or on a vu que les partis de gauche se divisaient rope- Ecologie- Les - Verts,
D’où son ralliement et qu’à l’intérieur du PS les courants allaient se diviser” vous avez Eva Joly qui dit
au projet porté – tout le mal qu’elle pense de
couvé – par Arnaud Montebourg d’or- “Il y aura de grandes surprises”, promet- Nicolas Hulot, ce n’est pas bon.Tous les pré-
ganiser une primaire entre les diffé- tent les “jeunes” candidats qui espè- sidents de la Ve République ont créé leur
rents postulants à l’Elysée. C’était une rent tirer avantage du mode de propre parti. Mitterrand a créé le PS pour
façon d’éviter des frondes multiples. désignation. “Quand on convoque le peu- lui. Chirac a créé le RPR pour lui. VGE
L’affaire s’est conclue à l’été 2009, à l’u- ple pour choisir, tout est possible”, assure l’UDF pour lui. Sarkozy a pris l’UMP. Les
niversité d’été de La Rochelle.Elle a en- ManuelValls, député PS de l’Essonne. socialistes se sont toujours plantés parce
suite été ratifiée par les militants, La logique traditionnelle d’un parti de qu’ils ont un parti qui, depuis Mitterrand,
malgré les réserves notamment de gauche était pourtant de confier le dos- n’est pour personne. Il ne savent pas où ils
François Hollande. sard numéro un à son… numéro un. La habitent.”
Le montage s’est fait sous les auspices logique de laVe République, elle, étant La greffe d’une primaire à l’américaine
du modèle américain. C’est la seconde de laisser le soin de la sélection aux par- sur la société politique sera de toute fa-
certitude : la France reste très éloignée tis politiques qui, selon l’article 4 de la çon un tournant. Si elle prend, elle peut
des pratiques politiques d’outre-Atlan- Constitution, “concourent à l’expression imposer la neutralité à l’appareil du PS,
tique.Tout s’y déroule dans le cadre de du suffrage”.Visiblement, le PS a pris le ce qui le dévitalise ; elle peut solidifier
cinquante Etats qui ont chacun com- risque de se dessaisir de ce double pri- le projet économique “qui fait consen-
pétence pour fixer les règles relatives vilège. Ce qui équivaut à renforcer l’in- sus”, dixit Pierre-Alain Muet,député PS
aux élections locales et fédérales. Le fluence de la médiacratie. Les du Rhône ; elle peut embrayer sur une
système des primaires au sein d’un interférences du moment politique que victoire socialiste aux sénatoriales de
parti est d’usage courant pour de mul- vivra l’opinion publique, au mois d’oc- septembre et devenir un accélérateur
tiples élections, en particulier munici- tobre, impacteront fortement la sélec- de mobilisation dans la campagne. Elle
pales. Bien entendu le point d’orgue tion. Alors que le moment du choix peut enfin ouvrir la porte à uneVIe Ré-
reste la compétition pour la présiden- présidentiel “pour de vrai” sera par dé- publique dont rêve Arnaud Monte-
tielle - un rituel rôdé depuis des décen- finition différent.A quoi les experts ré- bourg. L’enjeu caché est institutionnel.
nies. Le bipartisme,républicains contre pondent que cet inconvénient existe Comme dans tout gros enjeu, il est à
démocrates, en facilite la lisibilité. indépendamment du mode de dési- risque.
Même si le poids d’Internet et de l’ar- gnation. Tout comme celui du déchire-
gent commencent à peser sur les vertus ment entre les compétiteurs. Arnaud jean-michel.lamy@nouveleconomiste.fr
“On est dans une décentralisation inachevée et une centralisation perpétuée. On est entre les deux parce qu’on n’a pas choisi politiquement la responsabilité ou le risque de l’intelligence partagée.”
M
on jugement d’ensemble sur le fonctionnement Cela veut dire que nous avons un Etat qui garde, outre le champ Pardonnez-moi, ce n’est pas ce qui se passe depuis vingt ou trente
actuel du système français de décentralisation ? législatif, la quasi-totalité du champ réglementaire, des normes ans. On le voit bien non seulement d’une région à l’autre, com-
On est au milieu du gué. L’addition d’un certain en tout genre, en matière d’urbanisme ou de construction. Pour parez la Champagne-Ardenne ou le Limousin à l’Ile-de-France ou
nombre de textes pousse dans le sens d’une dé- prendre un exemple parmi d’autres, même en matière de valida- à Rhône-Alpes, ou à travers les métropoles et dans les phénomè-
centralisation plus forte. Je vous rappelle qu’il y a eu l’acte I avec tion des formations professionnelles. Alors que c’est une respon- nes de métropolisation.
les lois Defferre, ce qu’on avait appelé l’acte II de la décentralisa- Je dirais qu’on est un peu dans une décentralisation inachevée
tion à l’époque de Jean-Pierre Raffarin Premier ministre, et il y a “Entre l’initiative territoriale, et une centralisation perpétuée. On est entre les deux, parce qu’on
les derniers textes qui viennent d’être votés - dont d’ailleurs l’exa- la réalisation du projet, la réglementation n’a sans doute pas choisi. On n’a pas choisi politiquement de pren-
men n’est pas achevé. Je pense notamment au mode d’élection dre la responsabilité ou le risque, je ne sais pas comment il faut
dans les communes, au mode de désignation des délégués inter- nationale, il y a beaucoup de déperdition” le dire, de l’intelligence partagée - tout simplement.
communaux. Ce mouvement est à l’image de ce qui se passe, et de
ce qui s’est passé depuis de très longues années chez nos voisins. sabilité régionale éminente ! Nous avons d’un côté un Etat qui est L’exception qui confirme la règle
dans une espèce de sur-réglementation, qui essaie de plus en plus L’intelligence nationale et territoriale partagée, cela veut dire
Le retard français difficilementd’encadrer la totalité des situations locales, et de l’au- quoi ? Je vais saisir l’exemple du plan de relance.
Sans même parler même de l’Allemagne fédérale, la plupart des tre côté des collectivités territoriales qui, elles, ont des projets, Je trouve que si l’on faisait un bilan du plan de relance, qui ne soit
pays qui nous entourent ont un fonctionnement de fait hyper dé- prennent des initiatives et tentent de les valoriser dans un excès pas seulement un bilan économique, ni même encore de façon
centralisé. Les régions en Italie légifèrent, en Espagne aussi bien de règles qui devient un véritable carcan. Entre l’initiative terri- plus réductrice un bilan financier, mais un vrai bilan de gouver-
sûr. Depuis la loi de Dévolution, l’Ecosse et le Pays de Galles légifè- toriale, la réalisation du projet, la réglementation nationale, il y a nance – ce qui est en question quand on veut faire de la décen-
rent. Dans ce paysage, la France est restée très très en retard. Pour- beaucoup de déperdition. tralisation – on verrait, je n’hésite pas à le dire, une très grande
“La loi pour tous, oui ; Les écarts territoriaux “L’intelligence nationale et territoriale partagée,
mais le règlement uniforme Certes, de par la Constitution, la France est un Etat unitaire, donc
cela veut dire quoi ?”
pour tous et en tout lieu ne fonctionne plus” centralisé. Est-ce une raison pour confondre, comme on continue
de le faire trop souvent à travers notamment les textes législatifs
quoi ? Parce que les sociétés dans lesquelles nous vivons sont et réglementaires, l’égalité et l’uniformité ? La meilleure ques- réussite. Elle n’est pas seulement à mettre au compte du gou-
extraordinairement complexes.Tout le monde le sait bien. Des gou- tion pour interroger le système est la suivante : est-ce que cet Etat vernement ou du président de la République, qui incontestable-
vernements hypercentralisés n’arrivent plus à gouverner correcte- ment ont joué un rôle exemplaire, mais aussi au compte des
ment des sociétés où les régions sont différenciées, où les individus “Est-ce une raison de confondre régions et des intelligences territoriales.
expriment des attentes de participation aux décisions. En d’autres l’égalité et l’uniformité ?” C’est quoi, la réussite de ce plan de relance ? Je vais être concret.
termes, la loi pour tous, oui ; mais le règlement uniforme pour tous L’Etat a dit à un moment donné, nous allons faire un grand em-
et en tout lieu ne fonctionne plus. La standardisation de la régle- unitaire dont on attend beaucoup, à la fois pas assez sur le plan prunt et financer des projets structurants, c’est-à-dire des équi-
mentation ou des règles du jeu ne peut plus s’adapter la plupart du de la péréquation et probablement trop sur le plan des règles, a pements porteurs eux-mêmes de recettes d’avenir. Et cet Etat
temps aux territoires, à leur diversité. De ce point de vue, je le redis réussi à atténuer les écarts territoriaux, les inégalités considéra- centralisé d’une manière invraisemblable mais très française -
clairement, la France est bel et bien au milieu du gué. bles qu’il y a entre les territoires ? “Paris et le désert français” date des années cinquante - a fait un
SIPA
relance, ce qui est en train de se passer. tées, il y a un service administratif dont la fonction est
Est-ce que la décentralisation, dont nous avons écrit un chapitre d’instruire les mêmes dossiers que ses voisins. Nous sommes “Le rôle de l’Etat est de se concentrer sur l’essentiel, pas de s’occuper
donc le pays où l’on peut instruire le même dossier dans cinq ou de tout et de rien.”
“Il faut confier aux régions la capacité six services administratifs, qui ont les mêmes compétences mais
organisationnelle subrégionale, à des échelons différents. C’est tout simplement de la suradmi-
nistration qui génère des surcoûts invraisemblables, et qui par- pas satisfaisant.
comme cela se passe dans la plupart des pays” dessus le marché ralentit quasiment toutes les opérations. Parce que la capacité d’organisation doit être attribuée évidem-
Comme on n’a jamais tout le monde prêt en même temps, cela ment au cercle le plus large. Cela me paraît normal. Que les mé-
plutôt consensuel et satisfaisant sur le plan commune et inter- implique de faire systématiquement en cinq ou six ans ce qu’on tropoles aient une vocation à exercer par subsidiarité des
communalité, n’aurait pas dû aller plus loin sur le chapitre “ré- aurait dû pouvoir faire en un ou deux.
gion département” ? C’est la question. Je dis qu’une évaluation “La relation à privilégier
du plan de relance qui serait une évaluation également de gou- Le conseiller territorial est celle de la subsidiarité,
vernance serait bienvenue et pourrait nous inspirer sur ce cha- Donc mutualisons déjà davantage que le jeu commune-inter- pas celle de la relation directe à Paris”
pitre à venir certainement, et qui reste à écrire. Je le dis communalité. Comment peut se présenter une meilleure dis-
clairement, je suis pour un système qui s’appuie sur une vérita- tribution des compétences et des rôles concernant les régions compétences éventuellement régionales, certes. Mais ce devrait
ble gouvernance régionale assise sur des échanges subrégionaux. et les départements ? Cet objectif est d’ailleurs sous-entendu être aux régions d’en décider. Or, dans ce domaine, nous sommes
Il faut confier aux régions la capacité organisationnelle subré- dans un des textes de la dernière loi votée. Il est quand même dans l’ambiguïté. Pourquoi ? Parce qu’on est probablement plu-
gionale, comme cela se passe dans la plupart des autres pays. tôt dans un désir de relation directe des métropoles à Paris, des
Que les régions soient majoritairement à gauche, ce n’est pas la “Qu’au moins les dossiers instruits par la région régions à Paris, alors que la relation à privilégier aurait dû être
question. Il s’agit de réforme structurelle. Ce dont le pays a le plus ne le soient pas par le département et celle de la subsidiarité - les régions organisant l’espace entre mé-
grand besoin. Parce que nous sommes dans une situation d’hy- réciproquement ? Voilà des exemples d’économies tropoles et départements.
en termes d’administration”
“Que les régions soient majoritairement Le département
à gauche, ce n’est pas la question : écrit que dans les six mois qui suivent l’élection des conseillers Je ne suis pas de ceux qui disent il faut supprimer le département.
territoriaux (fusion à partir des élections de 2014 des fonctions Mais je suis de ceux qui disent clairement que la région doit or-
il s’agit de réforme structurelle” de conseiller territorial et général), ils essaient de se mettre ganiser les compétences, y compris entre régions et départe-
d’accord pour savoir ce qui revient aux régions et ce qui revient ments. Parce que je suis décentralisateur, je ne conçois pas que
perdépense publique, il faut cesser d’être condamné à “surdé- aux départements. S’il n’y a pas d’accord, bon. Et s’il y en a un, les départements eux-mêmes dépendent directement des servi-
penser” dans le paysage institutionnel tel qu’il se profile. Le quand l’un s’occupe d’une chose, l’autre ne s’en occupe pas. ces de l’Etat. Mais c’est bien effectivement dans le cadre d’une
rapport Balladur posait excellemment le sujet en disant qu’il faut Pourrait-on faire en sorte qu’au moins les dossiers instruits par organisation subrégionale que les départements peuvent garder
absolument se reposer sur deux couples, qu’il faut rapprocher le la région ne le soient pas par le département et réciproque- un rôle. Sans doute un rôle plus maigre. Etre décentralisateur,
couple commune-communauté et le couple région-département. ment ? Voilà des exemples d’économies en termes d’adminis- c’est aussi admettre qu’il n’y a pas forcément à plaquer un schéma
Ou intercommunalité - commune et région-département. Cette tration. uniforme, y compris dans l’organisation des régions, c’est accep-
réforme structurelle est assez bien engagée sur le plan commune ter qu’à des échelons subrégionaux correspondent éventuelle-
-communauté. Sauf si les directives préfectorales devenaient, à Les dérives ment des réponses différenciées. Certaines régions gageraient à
nouveau, un petit peu trop prégnantes ! Il reste à agir du point de Je n’emploierai pas le mot “dérive” pour les finances publiques se rapprocher. Les deux Normandie, même Aquitaine et Poitou-
vue région-département. locales. Il ne me semble pas le plus approprié. Parce que struc- Charentes, ce n’est pas forcément stupide.
turellement le travail n’est pas fait quand vous n’avez pas les bon- La relation de l’Etat aux régions mérite d’être nettement amé-
L’enjeu nes structures. Quand tout le monde s’occupe de tout, si vous avez liorée. Le rôle de l’Etat est de se concentrer sur l’essentiel, pas de
Est-ce que la réforme que j’appelle de mes vœux, on va la faire ? des délégations de compétences ou si vous avez un retrait de l’E- s’occuper de tout et de rien. Au plus fort de la crise, ma région a
Est-ce que c’est une réforme pour les cinq ans à venir, pour les dix tat, ça ne marche pas.
ans à venir ? Ou est-ce que c’est une réforme pour les cinquante Là où l’Etat n’est plus dans ses administrations, par exemple “Je suis de ceux qui disent clairement
ou quatre-vingts ans qui viennent? Il s’agit de réformer la gou- concernant l’urbanisme, les permis de construire, etc., qui in-
vernance du pays parce qu’on ne peut continuer à le gouverner struit ? Là où l’Etat instruisait, qui instruit ? Là où l’Etat appor- que la région doit organiser les compétences,
comme au début du XIXe siècle. C’est tout sauf un enjeu passa- tait son ingénierie, où est-elle aujourd’hui ? Personne n’en a y compris entre régions et départements”
ger. décidé. On n’a pas posé la question. Donc réforme de l’Etat, oui ;
C’est un enjeu de très long terme. Rappelez-vous la réforme en RGPP (Révision générale des politiques publiques), oui. Je suis monté en six mois des formations professionnelles nouvelles pour
Italie, la réforme extraordinaire en Espagne, les réformes com- d’accord, mais en même temps, je répète, là où l’Etat n’est plus, des gens dont le métier était en train de s’effondrer, après il a fallu
deux ans pour les valider au niveau national. C’est un coût mas-
“Il s’agit de réformer la gouvernance “Là où l’Etat instruisait, qui instruit ? qué, c’est le coût de la non-initiative, de la bureaucratie. Forma-
du pays parce qu’on ne peut continuer Là ou l’Etat apportait son ingénierie, où est-elle ? tion professionnelle, apprentissage, politique industrielle, le lien
à le gouverner comme au début du XIXe siècle” est énorme entre ces trois éléments. Cela pourrait être un très
Personne n’en a décidé” grand sujet pour la présidentielle, mais en même temps je ne
jette pas l’enfant avec l’eau du bain. Ce qui a été fait, ce n’est pas
munales en Belgique, la loi de Dévolution en Grande-Bretagne. que se passe-t-il ? Je prends l’exemple des documents d’urba- rien. Je ne suis pas sévère sur la réforme actuelle. Le chapitre
Tout cela a plus de vingt-trente ans. C’était le type de réforme que nisme ou des permis de construire. A l’échelle de 36 700 commu- “commune-intercommunalité”, qui a fait un très large consen-
voulait le général de Gaulle en 1969. Ce fut le référendum perdu. nes, comment fait-on ? sus, est un chapitre qui constitue un progrès incontestable. Il ou-
Aujourd’hui, la France est devant cette même question de dé- Dès que vous avez un bourg qui a 5 000 - 6 000 habitants, il recrute vre des perspectives. C’est le chapitre “région-département” qui
centralisation forte et complète qui, en fait, n’a jamais été véri- ses services. Dès que vous avez une communauté d’une certaine n’est pas abouti. Je dirais que la réforme n’épuise pas la faim des
tablement tranchée. Cette question est pendante. C’est pour cette taille, elle en fait autant. Et le département pourquoi pas, avec sa décentralisateurs, dont je suis.
raison que j’affirme clairement que si on fait une réforme pour cellule ingénierie ou environnement. Là où l’Etat n’est pas, en
des décennies, eh bien ce n’est ni une question de droite ni une matière par exemple d’ingénierie publique qui est un vrai pro-
question de gauche. Les régions changeront de majorité un jour, blème, qui se saisit des questions d’environnement ? Toutes les
l’Etat aussi… communautés, dès qu’elles ont une certaine taille, sont tentées
Il y a autant de centralisateurs à droite qu’à gauche et autant de de prendre la compétence qu’on n’a pas véritablement répartie.
décentralisateurs à gauche qu’à droite. C’est un sujet absolument
transpartisan.
On peut appeler cela dérive. Je dirais plutôt qu’il y a une absence
de réflexion sur les compétences et la répartition des compéten-
Bio express
ces parce que la réforme structurelle n’est pas faite. L’absence de Territorial
La suradministration réflexion a généré certainement des recrutements redondants. Michel Pirona été enseignant, licence de philo-
La perspective dans laquelle vont devoir s’inscrire nos Il y a trop de redondance. C’est organisationnel. sophie, puis chef d’entreprise en devenant di-
36 700 communes, beaucoup plus fortement encore qu’hier, est recteur-fondateur de la Société Emballages
probablement la mutualisation d’un certains nombre de servi- La métropole et la région spéciaux de l’Ouest. Il est député depuis 2002.
ces. Peut-on faire autant avec moins, voire mieux ? Cela veut Dans la réforme actuelle, il demeure une ambiguïté importante. C’est un élu, également conseiller général du
dire qu’il faudra faire autrement et s’interroger sur les redon- Quel rôle pour les régions ? Quel rôle pour les métropoles ? Et en- Maine-et-Loire, qui a l’ancrage territorial dans l’âme. Les défis du
dances énormes que nous avons.Vous savez ce qu’est le parcours tre région et métropole, quelle est la collectivité qui a le pouvoir vignoble AOC n’ont pas de secret pour lui. Il déploie aussi sa fougue
aujourd’hui du maire d’une ville moyenne ou même d’un gros organisationnel en quelque sorte ?Vous comprenez bien que si dans le cadre du think tank “Institut de décentralisation” et rêve
bourg rural qui a un projet. les métropoles avaient de leur propre chef le pouvoir de prendre sans doute d’être le rapporteur d’une loi de vraie décentralisation.
Je commence par monter mon dossier. Je ne peux le financer aux régions des compétences qu’elles ont a priori, cela ne serait Il est né à Saumur en 1943.
- L’arrêt “bermuda”
- La première impression
- Dress code
- “Ni clown, ni clone”
L’apparence vestimentaire peut sembler être un sujet léger. Pourtant, elle renvoie
à des considérations relativement profondes sur l’identité, le groupe et les valeurs.
Avant même d’être verbale, la communication est d’abord non verbale. La façon
dont on perçoit l’autre passe donc, en partie, par sa tenue vestimentaire. Dans l’en-
treprise, les tendances en matière de tenue vestimentaire sont souvent assez codi-
fiées. Même si elles ne sont pas toujours formalisées d’une part et qu’elles évoluent
beaucoup d’autre part.
D
e la même façon qu’un acteur talon forme un léger pli juste au-dessus de la confiance après “avoir marqué publiquement les autres pays. “En Allemagne, explique-t-il,
de théâtre a besoin de porter chaussure.” Sans compter l’obligation de son refus d’adhésion aux valeurs fondamentales une salariée a été licenciée car elle se refusait à por-
son costume d’empereur ou demander l’accord d’un supérieur hiérar- de la société”. Il entame alors une procédure ter des soutiens-gorge. L’affaire a démarré en pre-
d’esclave pour entrer pleine- chique pour enlever sa veste! prud’homale, mais n’obtient pas gain de cause. mière instance en mars 2009 et s’est terminée en
ment dans son rôle, il est plus facile pour un(e) “Rares sont les entreprises qui détaillent à ce point Par un arrêt remarqué du 28 mai 2003, la Cour appel récemment. Le juge a estimé que le refus de
dirigeant(e) de s’imposer et de se faire respec- les impératifs vestimentaires, mais il n’est pas rare de cassation a posé le principe que “la liberté modifier une tenue suggestive était de nature à
ter avec une veste à épaulettes qu’avec un pan- qu’un paragraphe ou un chapitre du règlement de se vêtir à sa guise au temps et au lieu de travail causer un trouble dans l’entreprise et que l’obli-
talon baggy. Sans compter qu’il/elle a intérieur y soit consacré. C’est parfaitement légal n’entre pas dans la catégorie des libertés fonda- gation de porter des sous-vêtements ne portait pas
également un devoir d’exemplarité face à l’en- dès lors que l’employeur peut les justifier par la mentales”. Encore récemment, une salariée atteinte aux droits des salariés.” La jurispru-
semble des salariés. Pour autant, faut-il “for- dence inclut tout ce qui concerne l’apparence
maliser” à travers un règlement ce qu’il est de physique: pas seulement les vêtements, mais
bon ton de porter? “La liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu de travail aussi la barbe, les cheveux longs pour les hom-
En décembre dernier, la banque suisse UBS n’entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales” mes, les tatouages ou encore les piercings..
défrayait la chronique avec un pavé de Bastien Ottaviani cite d’ailleurs le cas d’un chef
40 pages consacré aux bonnes manières vesti- de rang dans un restaurant, “muté car il portait
mentaires pour ses employés dans la banque tâche à accomplir d’une part et les résultats fixés dans le secteur de l’industrie a été licenciée car une boucle d’oreille de nature à déranger la clien-
de détail. Une liste exhaustive des “do’s and d’autre part”, précise Bastien Ottaviani, avocat elle venait en survêtement bien qu’elle soit en tèle”.
don’ts” en la matière. On y découvrait que les directeur au sein du cabinet Vaughan. contact avec la clientèle. “Elle a attaqué l’en-
jupes des femmes devaient tomber au milieu treprise qui l’avait licenciée, mais n’a pas obtenu La première impression
du genou, avec une marge de cinq centimètres L’arrêt “bermuda” gain de cause car il ne s’agissait pas d’un abus de Généralement, les salariés des entreprises
en dessous. Autre recommandation: “Des sous- Sur ce sujet, l’arrêt dit “bermuda” a défrayé la pouvoir”, observe maître Ottavani. “Le licen- s’autocensurent, non pas tant pas peur des
vêtements chair et pas de maquillage dans le cou chronique. En 2003, Cédric Monribot, employé ciement est toutefois un cas un peu extrême, représailles, que par volonté de se fondre dans
pour éviter d’éventuelles traces sur les chemises.” de la Sagem, vient travailler en bermuda, un confesse-t-il. Quand les codes ne sont pas respec- la masse pour se faire une place dans le groupe.
Pour la gent masculine, même rigueur : “Le jour de forte chaleur. Face à sa hiérarchie qui tés, les entreprises privilégient plutôt le blâme ou Pour Charles Merchin, consultant en image,
vêtement doit toujours être boutonné de sorte à s’indigne de cette tenue jugée inadaptée, il fait l’avertissement.” “rester dans la norme permet de ne pas perturber
ne pas vous sentir étriqué et la fente dorsale ne doit valoir qu’elle est tout à fait correcte et que son À ses yeux, il y a une relative homogénéité des le regard. Dans la fonction publique, notamment,
pas s’ouvrir. La veste doit complètement couvrir travail donne toute satisfaction. Mais il se voit normes vestimentaires en Europe, et la France il faut être le plus neutre possible. Ne pas se faire
le postérieur. Veillez à ce que le bas de votre pan- notifier un licenciement pour perte de n’est ni plus permissive ni plus coercitive que remarquer”. Car à trop vouloir être vu, le risque
généiser les looks. “Si je veux communiquer plutôt sur notre profil
“Chaque couleur a sa signification. Les consul- de consultant, je privilégie le costume.
tants sont souvent en gris. Les conquérants, Inversement, si je veux mettre en avant nos
comme Arnaud Lagardère, portent assez volon- métiers de créatifs, je serais beaucoup plus crédi-
tiers le bleu roi”, analyse Charles Merchin. Et ble en jeans”, confesse Thierry Wellhoff. Pour
d’ajouter : “C’est la première impression qui Charles Merchin, le bon code est celui qui est
compte. Quand on voit quelqu’un, on cherche à le plus adapté à la circonstance: “Les hommes
l’identifier. Autrement dit, on met les gens dans politiques portent parfois de vieilles fripes élimées
des cases. Et leur tenue aide à les y ranger.”Thierry pour aller séduire leur électorat sur les marchés,
Wellhoff, à la tête de l’agence de communica- et s’habillent en Armani pour les soirées mondai-
tion Wellcom, confirme que “l’on se fait une nes. De la même façon qu’il faut parler en fonc-
impression sur les gens par le biais de leurs vête- tion de son auditoire, il faut s’habiller en fonction
ments qui en disent long sur leur connaissance de du lieu où l’on va.”
certains usages. Par exemple, avant de passer
“Formaliser des impératifs est légal dès lors que devant une femme, j’essaie de percevoir si ses Dress code “Une entreprise est un peu comme une église ou
l’employeur peut les justifier par la tâche à valeurs lui permettront de comprendre qu’il s’a- Les codes vestimentaires permettent ainsi d’ê- n’importe quel autre lieu de culte, où l’on
accomplir et les résultats fixés.” Bastien git d’une forme de politesse, et non du contraire”. tre reconnu comme faisant partie ou pas de la communie sur des valeurs communes.” Charles
Ottaviani, cabinet Vaughan. Ainsi, si l’apparence physique et la tenue sont même tribu. Pour un consultant en stratégie ou Merchin, consultant.
fondamentales, c’est parce qu’elles permettent un avocat, il est de bon ton de porter des vestes
serait d’être mal vu. de se faire une idée d’une personne avant cintrées, avec des surpiqûres et de beaux bou- Concilier la personnalité des individus avec les
Ainsi, si dans le monde du droit ou de la même qu’elle ait pris la parole. Une veste trop tons de manchette… “Ce côté un peu bling-bling valeurs de leur entreprise est l’un des défis de
finance, les costumes ou tailleurs demeurent Valérie Sanyas. Styliste, elle conseille des diri-
la règle, dans d’autres métiers, les conventions “La barbe, la coiffure, les bijoux, les attachés-cases, mais aussi les chevalières geants sur leur apparence, entre autres pour le
sont très différentes. Dans la communication, d’université ou encore la légion d’honneur sont un ensemble de signes compte de Personnalité, agence de conseil en
la publicité ou les nouvelles technologies, l’am- communication des dirigeants: “Dans ma pra-
biance est généralement beaucoup plus décon- qui dénotent une appartenance, et permettent de se différencier” tique, connaître la culture de l’entreprise est pri-
tractée. Non seulement chaque univers a ses mordial. La cohérence et la pertinence de la
codes, mais chaque entreprise a ses spécifici- large, trop étriquée ou mal boutonnée peut peut rassurer l’interlocuteur, dans le sens où il per- personne que je vais coacher en dépendent. Vient
tés propres à ses valeurs. A l’intérieur de ce révéler certains traits de caractère. Selon les çoit qu’il a en face de lui quelqu’un qui partage ensuite sa fonction, ce à quoi elle aspire, les objec-
deuxième cercle, on observe des fossés impor- spécialistes de l’image, le look dit tout de nous. les mêmes codes, les mêmes références et parle tifs de sa démarche (prise de poste, évolution vers
tants d’un service à l’autre, en matière de tenue Il révèle un manque de confiance en soi ou donc a priori la même langue”, conclut Bastien
vestimentaire. A cela s’ajoutent les spécifici- encore une propension à l’ostentation. Des Ottaviani.
tés nationales. En France, la notion d’uniforme rayures mal coordonnées, des socquettes blan- “On porte des marques en guise de galons, observe
est très importante car il existe beaucoup de ches ou une juxtaposition d’un trop grand nom- la stylisteValérie Sanyas. C’est un peu comme à
corps constitués, au sein desquels chapeaux, bre de couleurs sont le signe d’un manque de l’armée où l’on ajoute des barrettes sur les épau-
galons… sont de rigueur. Dans les pays anglo- goût, qui peut disqualifier une personne. En lettes de l’uniforme: dans la vie civile, ce sera la
saxons, surtout dans le monde de la finance, on effet, elle risque de ne pas être prise au taille du bureau, mais aussi la marque du costume
exhibe assez volontiers une certaine exubé- sérieux. Bien loin d’être un simple détail esthé- ou la griffe de la chemise, la montre, la pochette,
rance, alors que culturellement, les Français tique, des erreurs vestimentaires peuvent donc la cravate, la besace. Les grands patrons appré-
sont moins friands des signes ostentatoires. freiner la fluidité de relations professionnel- cieront les costumes Boss, Cerutti ou Zegna. Les
Mais de manière générale, les grands groupes les. Peut-être même des perspectives de car- banquiers préféreront Dormeuil, tandis que, pour
internationaux parviennent assez bien à homo- rière. les traders, Gucci ou Prada ajouteront une touche
mode.”
Les codes ne s’arrêtent bien sûr pas à la tenue.
RH et dress-code “On ne porte pas de belles montres pour avoir
l’heure, mais parce qu’à des prix qui dépassent
Qui donne le ton ? parfois les 15000 euros, elles renforcent une sym-
“Nous n’avons pas de dress-code écrit sauf dans nos taire ne vient pas des RH, mais de la direction. “En l’ab- bolique de réussite, ironise Charles Merchin. La
laboratoires où les gens portent une blouse et des sence de code vestimentaire écrit, ce sont générale- barbe, la coiffure, les bijoux, les attachés-cases de
chaussures fermées, pour des raisons de sécurité. Il y ment les managers qui donnent le ton. Ils expriment marque, mais aussi les chevalières d’université ou
a près de 2500 personnes dans le groupe et nous n’a- implicitement ce qui se fait et ne se fait pas en matière encore la légion d’honneur sont un ensemble de
vons jamais ressenti le besoin de formaliser des règles, vestimentaire”, explique Valérie Sanyas. Sans comp- signes qui dénotent une appartenance, et per-
qui seraient plutôt de nature à créer une pression”, ter que les entreprises recrutent généralement des mettent de se différencier.” Ces règles, plus ou
explique Francis Bergeron, DRH du groupe SBS. Même gens qui leur ressemblent, en vertu du dicton “qui se moins tacites, permettent à des individus de “De manière générale, on observe un mimétisme
son de cloche de la part d’Agnès Burgaud chez Viadéo: ressemble s’assemble”, surtout lorsqu’existent des s’identifier comme un groupe. “Il y a quelque avec sa hiérarchie.” Florence Charles, SGS.
“C’est presque un bizutage pour les nouveaux qui arri- mécanismes de cooptation. chose de l’ordre du rituel, voire du religieux, dans
vent en costumes et tailleurs et qui se sentent vite “Notre président, Sergio Macchione, a tendance à por- ces signes d’appartenance. A ce titre, une entre-
déphasés. Rien n’est formalisé en matière de dress ter des cols roulés noirs. Indirectement, cela incite les prise est un peu comme une église ou n’importe un autre poste, augmentation de sa visibilité,
code. Nous n’imposons rien et respectons la diversité. managers à ne pas porter de cravate. Il y a bien sûr des quel autre lieu de culte, où l’on communie sur des développement du charisme et de son leaders-
La convivialité est l’une de nos valeurs. En témoignent différences d’un service à l’autre, mais de manière valeurs communes, conclut Charles Merchin. hip…). Nous pouvons ensuite travailler sur une
la façon dont sont designés nos espaces de travail et générale, on observe un mimétisme avec sa hiérar- C’est pour cela que c’est important, lorsque l’on démarcation et une affirmation de son image.
de détente.” Force est de constater que depuis chie”, souligne Florence Charles. Idem chez Viadéo. prend de nouvelles fonctions, d’avoir une bonne J’attache une grande importance à l’écologie de la
quelques années, l’heure est plutôt à la tolérance. A “Dan Sarfati, notre président, s’est récemment rendu à connaissance des codes vestimentaires en personne, afin de ne pas la dépersonnaliser.” Un
quelques exceptions près, les entreprises acceptent une interview en T-shirt, alors même qu’il devait faire la vigueur.” état d’esprit que Charles Merchin résume en
une plus grande décontraction. En témoigne le désor- couverture. Le journaliste a eu l’air assez surpris”, ces termes: “ni clown, ni clone” !
mais célèbre “casual Friday” instauré depuis quelques raconte fièrement Agnès Burgaud. Si certains patrons “Ni clown, ni clone”
années déjà. “Près de deux tiers des patrons laissent le donnent le ton, d’autres, en revanche, vivent leur sta- Autrement dit, même lorsqu’aucun uniforme
choix à leurs employés quant au port de la cravate. tut de dirigeant comme un gage de liberté, qui leur n’est imposé, les membres du groupe mettent
Dans l’ensemble, deux salariés sur cinq s’habillent donne le droit de ne pas porter de cravate, mais atten- tout de même en place un mimétisme vesti-
mentaire, qu’il s’agisse de la panoplie jean-bas-
“En l’absence de code vestimentaire écrit, ce sont généralement kets, ou de l’attirail de marques. D’ailleurs,
les managers qui donnent le ton. Ils expriment implicitement d’après une étude publiée en octobre 2010 par CHIFFRES REVELATEURS
ce qui se fait et ne se fait pas” le site de recherche d’emploi Monster, les sala-
Un climat plutôt tolérant
riés français avouent rester soumis à des nor-
selon leurs propres goûts et envies pour aller travailler. dent en revanche de leurs équipes qu’elles ne suivent mes implicites, quand bien même ils déclarent Plus de 80 % des entreprises n’imposent pas de dress-
La majeure partie d’entre eux estime arborer un look pas cet exemple. “C’est le cas par exemple dans les se sentir assez libres de s’habiller comme ils le code à leurs salariés, mais 58 % d’entre eux affirment
plutôt chic mais pas strict et de plus en plus osent le hedge funds, raconte David Levin. Le fait de pouvoir se souhaitaient dans leur cadre professionnel. veiller à ce que leur tenue ne nuise pas à l’image de
style chic décalé mélangeant, par exemple, costume et vêtir (presque) à sa guise est un signe de pouvoir.” Or Plus de 80 % des entreprises n’imposent pas leur entreprise.
baskets”, note Valérie Sanyas. le pouvoir n’a de sens que dès lors qu’il n’est pas par- de dress-code à leurs salariés, mais 58 % d’en- Près de deux tiers des patrons laissent le choix à leurs
“Il nous est arrivé, en revanche, de rappeler à l’ordre tagé par tous. tre eux affirment veiller à ce que leur tenue ne employés quant au port de la cravate.
certains salariés sur des questions d’hygiène, ce qui C’est peut-être pour les femmes que le mimétisme nuise pas à l’image de leur entreprise. Deux salariés sur cinq s’habillent selon leurs propres
n’est jamais évident à faire. Mais nous n’avons jamais avec la hiérarchie est le plus pertinent. Charles Merchin Pour beaucoup de dirigeants, la question se goûts.
été confrontés à des problèmes graves”, explique reconnaît en effet qu’elles sont souvent plus vulnéra- pose tous les matins de savoir comment conci-
Florence Charles, chez SGS. Et d’ajouter: “Pour l’inter- bles que les hommes sur l’aspect vestimentaire: “Si lier le souci d’authenticité avec qui ils sont
ne, nous avons une culture très libérale. Toutefois, elles jouent trop sur leur féminité, elles risquent, sur- d’une part, et l’appartenance au groupe d’au-
nous avons sollicité des entretiens avec des personnes tout dans certains univers, de ne pas être prises au tre part. “Ils n’ont pas forcément envie d’être dans
dont la tenue nous paraissait peu appropriée pour des sérieux. Si elles sont trop masculines, elles peuvent une conformité totale pour ne pas étouffer leur
rendez-vous avec des clients. C’est le seul cas où nous être mal perçues également.” Entre les deux, il y a un personnalité, ce qui reviendrait à être dans le déni Lire les dossiers précédents
Les archives numériques
sommes un peu plus exigeants.” équilibre difficile à trouver! d’eux-mêmes, et en même temps, ils ont besoin d’ê- nouveleconomiste.fr
Mais chez SGS comme ailleurs, l’impulsion vestimen- A.W. tre acceptés”, confirme Thierry Wellhoff. (consultation gratuite)
- Un cru ou un générique ?
- Un “vignoble” et/ou une “propriété”
- Capital intensif
- Travail intensif
- “Hands on ou hands off”
S’offrir un domaine
Side business
Tout n’est qu’une question d’arbitrage entre agrément et rendement
Loin des idées reçues, s’offrir un domaine viticole n’est pas nécessairement syno-
nyme de gouffre financier. Mais comme toute activité économique, la gestion d’un
vignoble répond à des règles strictes, tant en termes agronomiques que financiers,
juridiques, fiscaux ou managériaux. Autant de fonctions dans lesquels les néo-
vignerons doivent savoir mettre leurs certitudes – et parfois leur ego – de côté pour
s’adjoindre les services de professionnels spécialisés.
S
i l’abus d’alcool est dangereux la crise. Cela montre un vrai retour de l’intérêt domaine vinicole s’apparente à une activité travailler de manière raisonnée et privilégier la
pour la santé du consommateur, des investisseurs pour les domaines viticoles.” économique à part entière, avec ses contrain- qualité. Dans ce cas, il est préférable de se fixer
l’achat d’un vignoble nuirait gra- Une reprise portée par l’embellie économique tes et ses spécificités. Au premier rang de cel- sur des surfaces de 10 ou 15 ha.” Autre élément
vement à la santé financière de globale, par la forte demande d’investisseurs les-ci, le choix du lieu et de la taille de clé avant de se lancer, l’emplacement du
l’investisseur. Le domaine vinicole, cette “dan- étrangers – Chinois et Russes notamment – l’exploitation. domaine, qui pèse lourdement sur le prix d’a-
seuse”, coûterait cher et rapporterait peu, si ainsi que par la succession de trois très bons chat de celui-ci, comme l’explique Michel
ce n’est le plaisir pour des acheteurs étrangers millésimes avec une production faible: 2007, Un cru ou un générique ? Veyrier, gérant fondateur du réseau
au monde du vin de voir leur nom sur l’éti- 2009 et 2010. Mais l’intérêt suscité par un Entre 40 ha de vignoble en Languedoc et 10 ha Vinéatransaction. com: “Les crus sont très chers,
quette de leurs bouteilles et d’embrasser la vie domaine n’est pas uniquement à chercher de vignoble en Champagne, les probléma- les génériques très abordables. Pour un ou deux
de gentlemen farmers. Un plaisir qui pèse au dans ce type d’éléments exogènes. “Les candi- tiques ne sont pas les mêmes. Aussi, même si millions d’euros, on peut aller sur des petites pro-
moment de franchir le Rubicon, puisque l’a- dats repreneurs sont des passionnés, des gens aver- l’aspect coup de cœur ne peut être totalement priétés, en côtes-du-rhône ou en bordeaux géné-
chat d’exploitations continue d’avoir le vent tis qui désirent s’impliquer et dont l’achat s’avère mis de côté, est-il primordial avant d’investir riques par exemple. Si l’on possède une enveloppe
en poupe, malgré un ralentissement de l’acti- mûrement réfléchi, affirme Thibault Langloys, de réfléchir au type de vin que l’on désire pro- de quatre ou cinq millions, on peut aller sur des
vité durant la crise. “Depuis six mois, note responsable de la partie viticole pour le sud de duire. “Tout dépend de ce que l’on aime et de ce appellations comme des Saint Emilion, Lalande
Bruno Marie, directeur de l’agence immobi- la France chez Emile Garcin Propriétés. Le plus que l’on a envie de faire, prévient Thibault Pommerol, Saint Joseph, voire toucher quelques
lière Saint-Emilion et vignobles de Bordeaux, souvent, ils ont aussi intégré le fait que le projet Langloys. Si on veut faire du volume et du busi- ouvrées de clos bourguignons.” Mais si acheter
on retrouve une cadence de demandes de rensei- doit être financièrement très bien ficelé.” Car au- ness, il faut aller vers des exploitations qui repré- une appellation coûte plus à l’achat, elle repré-
gnement presque similaire à ce qu’elle était avant delà de l’image de la danseuse, la gestion d’un sentent plus de 30 ha de vigne. D’autres préfèrent sente aussi une sécurité, le vin produit étant,
décrets d’appellation ; un terroir générique Thibault Langloys, ce qui importe avant toute juridiques de la gestion de son domaine.
orientera la commercialisation de son vin vers chose, c’est l’agrément. Une belle demeure, sans
l’international davantage qu’un cru, qu’on pré- nuisances, dans laquelle l’acheteur se sent bien. Capital intensif
férera réserver à un marché français plus Car l’immobilier constitue une assurance pour le Car même pour des investisseurs rompus aux
connaisseur. Par ailleurs, l’implantation dans futur.” Pour autant, le terroir ne peut être règles du monde de l’entreprise, un domaine
une région nécessite aussi de respecter cer- négligé pour qui veut se lancer sérieusement agricole peut prendre des allures de labyrin-
taines règles locales non écrites. C’est en tout dans la viniculture. “La performance du vigno- the. “En termes de réglementations, il n’est pas
cas l’avis de Catherine Pivot, membre de l’a- ble passe notamment par le terroir”, rappelle de milieu plus féodal et rigide que la viticulture
cadémie Amorim et qui enseigne l’économie Gilles Perdriol, responsable juridique et fiscal française”, regrette Jean Chancel, ancien pré-
viti-vinicole à l’Université Jean Moulin (Lyon au CER Drôme-Vaucluse. Seulement, le ter- sident d’Unipol et aujourd’hui propriétaire du
3) et à l’Université du vin: “Dans toute région roir figure au sein de toute une série de para- domaine Val Joanis. Tout d’abord, en matière
viticole, il importe de respecter la tradition et la mètres – météo, savoir-faire du vigneron, juridique, les baux octroyés ne sont pas des
typicité du vin local et de travailler avec les aut- capacité de commercialisation – qui participe baux commerciaux mais des baux ruraux, non
res afin de défendre une image collective du vin. du succès d’un vignoble. Face à ce choix diffi- cessibles par principe, ce qui peut rendre plus
Par exemple, si vous vous installez en cile, Catherine Pivot plaide de son côté pour difficile l’achat de domaine. Par ailleurs, une
Champagne et que vous produisez un petit vin une différenciation entre l’agrément de la exploitation peut aussi s’inscrire dans un
rouge sans lien avec la tradition locale, cela risque résidence secondaire et la terre proprement cadre sociétaire comme celui d’un GAEC ou
de ne pas être un succès.” Une fois ces arbitra- dite. “Il ne faut pas encourager le mélange des
ges effectués, restent à connaître certaines for- deux, ce n’est pas favorable au vin. Le proprié-
d’une EARL, avec tous les avantages que cela celui que vous aviez prévu à l’origine”, prévient
peut entraîner. “Cela vaut donc le coup de se Jean Chancel. En termes d’apport personnel,
poser la question, quoique de nombreux inves- donc, les professionnels du secteur sont una-
tisseurs s’en tiennent en général aux formes juri- nimes: sans 50 % au moins de fonds propres,
diques qu’ils connaissent”, regrette Gilles l’achat d’un domaine s’avère risqué.
Perdriol. En termes fiscaux cette fois, poursuit Pourquoi? “Car les effets de levier ne sont pas les
le même, les revenus d’un vignoble “relèvent mêmes que sur une entreprise classique, explique
du bénéfice agricole, et profitent donc de disposi- Thibault Langloys. Pour une entreprise non agri-
tions dérogatoires pour appréhender les particu- cole, on peut racheter un fonds de commerce, une
larités du milieu vinicole. Ainsi, à titre d’exemple, clientèle et louer les murs. Les charges d’exploi-
il est possible de constituer des dotations pour des tation ne sont alors pas impactées par le coût d’ac-
investissements futurs ou prévenir les aléas quisition de l’immobilier. Sur cette base, le
potentiels.” Bref, toute une série de particula- repreneur se dit donc qu’en 7 ans en moyenne, il
rités à connaître et à anticiper pour éviter les doit avoir remboursé sa dette. Pour un domaine
mauvaises surprises. Christian Palleiro viticole, en revanche, quand bien même vous
explique d’ailleurs le montage juridique que apportez 50 % en fonds propres, vous allez devoir
nombre de propriétaires échafaudent afin de rembourser l’immobilier sur une période plus lon-
minimiser leurs contributions sociales : “Les gue que 7 ans.”Toutefois, en fonction des com-
sociétés viticoles sont affiliées à une caisse de coti- pétences diverses de l’investisseur, la
sation spécifique : la MSA. Or, les cotisations de demande d’apport en fonds propres exigée par
celle-ci s’élèvent à 43 % pour chaque euro gagné. la banque peut varier de 10 % pour les gens du
Beaucoup créent donc une SCI pour acquérir les métier, à 70 % pour les plus béotiens, confie
terres et le bâti. La société d’exploitation agricole un spécialiste. Mais en plus de l’achat propre-
s’acquitte auprès de la SCI d’un loyer pour la loca- ment dit, de nombreux frais sont aussi à pré-
tion des terres et des bâtiments, et facture ses pro- voir dès les premiers mois : matériel à
duits à des prix légèrement supérieurs aux coûts renouveler, pieds à replanter (3 % de la sur-
de production. Les résultats de cette société sont face viticole chaque année), mises aux normes
réduits, limitant ainsi les cotisations sociales dues diverses, premières vendanges à amortir, achat
à la MSA. Cette organisation permet également des matières sèches. Sans compter les aléas
une meilleure protection du patrimoine acquis.” météorologiques, d’autant que la vigne est sor-
En matière financière, là aussi, le secteur tie, le 1er janvier 2011, du Fonds des calami-
connaît de nombreuses spécificités et réserve tés agricoles. Autant de raisons qui expliquent
des surprises. “Vous vous retrouvez vite avec un la nécessité de jouir d’un important fonds de
schéma d’investissement trois fois supérieur à roulement. Michel Veyrier : “Au minimum,
3 questions à
Robert Beynat, directeur du salon Vinexpo 2011*
“L’Asie, marché de demain”
vin, un domaine représente des charges d’ex- solution plus radicale: l’externalisation totale mais aussi des solutions plus originales comme
ploitation nombreuses et spécifiques au sec- de la gestion du vignoble. Soit par l’intermé- l’œnotourisme, voire la création de chambres
teur, qu’énumère Bruno Marie : “Les frais diaire d’entreprise spécialisée, soit par celui d’hôtes, apparaissent comme de plus en plus
généraux, les engrais et produits de traitement, d’un fermier. Ou encore, comme l’explique porteuses. “Sans l’œnotourisme, on ne vivrait
les frais de remplacement viticole, l’entretien et Catherine Pivot, “une autre voie peut être celle pas”, affirme même Jean Chancel. Enfin, la
la mécanisation, les frais de vendange, de vinifi- de la viticulture. Ne faire que le raisin et laisser à vente à l’international s’avère aujourd’hui
cation, de vieillissement et les matières une coopérative le soin de réaliser le vin”. Ainsi, incontournable, comme l’explique Franck
sèches”. Mais le poste le plus important pour toute la partie technique, le rôle du pro- Mazy: “Il est possible de faire un produit très ciblé
demeure le personnel. Car pour des investis- priétaire consiste donc avant tout à bien savoir qui trouvera automatiquement une clientèle à
seurs étrangers au milieu vinicole, bien s’en- s’entourer. l’étranger.” Si le rôle du propriétaire est donc
tourer s’avère primordial. Et, si possible, avec primordial en termes de commercialisation, il
les salariés déjà présents sur le domaine, qui “Hands on ou hands off” n’est toutefois pas exclu, là encore, de s’en-
connaissent la vigne. Tout d’abord, il importe Non, répondent quasi à l’unanimité les pro- tourer, car une clientèle met en moyenne 3 à 5
de faire appel à un conseiller œnologique pour fessionnels. C’est ainsi en premier lieu au pro- ans pour se construire.
aider le propriétaire à vinifier. Ensuite, un priétaire que revient de “créer une mystique
“Le stock pèse lourd sur la trésorerie, d’autant maître de chais qui travaille avec l’œnologue, autour de son domaine”, selon les mots de Jean
que sur des cuvées de garde, il peut y avoir deux voire, sur les propriétés plus importantes, un Chancel. “Le rôle du propriétaire n’est certaine-
ou trois millésimes en cave.” Christian Palleiro, gestionnaire de domaine, qui joue le rôle de ment pas de faire marcher le tracteur, mais bien
CER France. manager sur l’exploitation. Enfin, des ouvriers plutôt de s’occuper de la partie commerciale,
CHIFFRES REVELATEURS
agricoles en fonction de la taille du domaine, martèle Bruno Marie. Aujourd’hui, on trouve
celui-ci doit représenter 18 mois d’exploitation. ainsi que des saisonniers. Autant de salariés des vins de qualité dans toutes les appellations.
Pour une propriété de 8 ha dans le Ventoux, par qualifiés qui font bénéficier le propriétaire de Ce qui fait la différence, c’est sa mise en valeur.” Coûts d’exploitation
exemple, où l’hectare revient à 3000€ par an, il leur savoir-faire et de leur expérience. Mais Pourquoi ? “Car l’acheteur aime avoir le pro- Par an, un hectare nécessite en moyenne entre3000et
faut donc 40 000 € de trésorerie. Et c’est le dou- ces savoir-faire ont un prix. En interne, un priétaire en face de lui”, affirme Christian 6000 € de frais de culture dans une exploitation en
ble pour une appellation plus prestigieuse.” Un responsable de domaine peut par exemple Palleiro. C’est donc aussi au propriétaire de générique. Pour une appellation, ce coût peut doubler.
besoin de trésorerie qui peut toutefois évoluer coûter entre 40 000€ et 70 000€ annuel hors décider, en fonction du vin qu’il veut produire, Un hectare en Bordeaux générique coûte environ
en fonction de certains critères. L’un d’eux, charges. Toutefois, sauf sur des domaines de du marché qu’il veut toucher et des canaux de 20000 € à l’achat, contre 10000 à 15000€ dans le
non négligeable, est le stock que rachète l’in- Jura.
vestisseur en même temps que la propriété.
“Celui-ci pèse lourd sur la trésorerie, d’autant que Certains propriétaires optent même pour une solution plus radicale:
Sigles & acronymes
sur des cuvées de garde, il peut y avoir deux ou l’externalisation totale de la gestion du vignoble
trois millésimes en cave”, précise Christian MSA (Mutualité sociale agricole); Safer
Palleiro. Une période longue pendant laquelle (Sociétés d’aménagement foncier et d’éta-
il faut payer les frais de culture du millésime taille importante – supérieurs à une vingtaine distribution qu’il compte utiliser. La grande
à venir. d’hectares environ – tout conseil œnologique majorité des néopropriétaires se tourne vers
blissement rural).
doit être externalisé. De nombreuses sociétés le marché b-to-c, pour lequel la vente au
Travail intensif proposent d’ailleurs des prestations ponc- caveau apparaît comme la solution privilé-
Lire les dossiers précédents
Et en termes d’exploitation, la balance sem- tuelles, du conseil vinicole à la mise en bou- giée. “Car on vend au meilleur prix et l’argent Les archives numériques
ble a priori défavorable. Car si la colonne teille du vin, idéales pour les néophytes. est immédiatement encaissé”, explique Thibault nouveleconomiste.fr
recette tient en une seule ligne, la vente du Certains propriétaires optent même pour une Langloys. Pour autant, les salons, Internet, (consultation gratuite)
cela puisqu’il véhicule des notions et des vin continue plus que jamais de diffuser une
valeurs ancestrales. N’oublions pas que le vin culture européenne que les classes moyennes
est au cœur de nombreux mythes fondateurs. vont s’approprier, pour avoir le sentiment de
Noé ne replante-t-il pas des vignes pour faire vivre un anoblissement de leur condition. Car
repartir le monde? Dans ce même esprit, le le vin véhicule une image de réussite sociale,
vin devrait prendre le contre-pied des réseaux et d’accomplissement de la civilisation dans
sociaux et du virtuel. Il n’est pas impossible à les pays non occidentaux. A ce titre, le vin a
l’avenir de devoir laisser son portable à l’en- tout intérêt à se construire une image forte
trée des bars à vin, comme les cow-boys lais- opposée à la rapidité du monde moderne, une
saient leur revolver à l’entrée des saloons, et image qui donne un sentiment de cohésion.
que toute connexion non humaine y soit inter-
dite. En France, en revanche, le vin aurait
plutôt mauvaise presse…
Pourquoi lui plus qu’un autre? La société se durcit et laisse de moins en
Car il est au cœur de l’art de la conversation. Il moins de place à la liberté individuelle sous
“Le vin véhicule une image de réussite sociale, et d’accomplissement de la civilisation dans les est comme un totem qui permet de fluidifier prétexte qu’elle empiète sur celle des autres.
pays non occidentaux”
la relation entre les gens. Le meilleur exemple Et le vin subit cela de plein fouet avec une
de cette place du vin se trouve dans le film Des législation qui n’est pas tendre avec lui. Mais
Hommes et des Dieux, où se bâtit autour du vin cette diabolisation fait partie de son histoire.
une scène d’une incroyable jovialité. Elle le rend plus intéressant car elle en fait un
Par Olivier Faure “Le vin continue plus que jamais de diffuser une culture européenne
Christian Gatard, La place du vin aujourd’hui dans la que les classes moyennes vont s’approprier, pour avoir le sentiment
société? de vivre un anoblissement de leur condition”
directeur Le vin s’inscrit dans un mouvement qui tra-
du cabinet d’études verse et influence l’ensemble de notre
Gatard&Associés, société: la transparence. On veut tout savoir D’ailleurs, on devrait s’orienter vers de nou- rebelle, et donc un objet de fascination de
et auteur de sur tout, Wikileaks ou Facebook en sont la velles manières de boire le vin en groupe, afin plus en plus fort. Elle accroît aussi l’aspect
preuve. De plus en plus, les gens veulent donc de retrouver le rituel de connivence. Par attractif de l’interdit. De plus, la société s’a-
“Nos 20 prochaines années”, connaître la vigne, jouer au vigneron dans une exemple, dans des grandes coupes avec des dapte, avec le principe de capitaine de soirée
L’Archipel, 2009. sorte de mise en spectacle quasi orgasmique pailles dans lesquelles tout le monde pourrait par exemple. Elle s’invente de quoi soigner
avec le produit: il faut le toucher, l’apprécier, boire ensemble, ou encore via des Bag in Box ses blessures.
le goûter. Cela se traduit par l’apparition de que les designers pourraient transformer en
gourous des saveurs, qui expliquent comment fontaines de cristal. Par ailleurs, le vin a peu En France comme ailleurs, rien
on peut jouir de chaque élément qui compose de concurrence culturelle, car il est à la fois n’empêchera donc le vin d’occuper une
le vin. La particularité de cette expérience, extraordinairement vivant et ancré dans l’his- place prépondérante?
c’est son aspect très personnel. Le vin s’appa- toire. En ce sens, il se rapproche de l’art, Le vin va rester dans l’univers du luxe. Il est de
rente à un plaisir égoïste que l’on savoure exception faite que l’art ne s’incorpore pas. Le plus en plus élitiste et de plus en plus ration-
dans des séances de dégustation qui prennent vin, lui, va plus loin car il est impliquant. Le nel. C’est cette fonction de sophistication du
presque le caractère de cérémonies occultes. corps est là! N’oublions pas que le vin, c’est vin qui constitue la marque du luxe. Et ce sont
Surprenant pour un breuvage réputé vecteur aussi le sang du Christ! les riches essentiellement qui vont partager
de convivialité… cela.Tout concourt d’ailleurs à faire rester le
Justement, ce temps de la jouissance indivi- Cette place centrale, la gardera-t-il vin dans cet univers: lorsqu’une célébrité
duelle devrait, à mon sens, se fondre dans un longtemps? achète un domaine, par exemple. Pour les
autre mouvement sociétal majeur: l’hybrida- Oui, mais elle devrait une fois encore s’adap- moins riches, le vin va constituer une fenêtre
tion, qui voudra faire sauter ce carcan trop ter à une troisième évolution majeure de la sur une expérience du sublime. Là encore, il
s’agit d’une expérience de civilisation. Mais le
vin devient parallèlement plus accessible,
“On va progressivement se rendre compte de l’urgence de suspendre le temps, notamment avec la possibilité de le consom-
et le vin apparaît comme un excellent support à cela” mer au verre, ou les opérations de promotion
type semaines ou mois du vin. Et puis, le vin
s’adapte de plus en plus à la société. Par exem-
personnel. Cela va se concrétiser de différen- société que j’appelle l’allégeance rebelle. ple, on observe l’apparition de vins commu-
tes manières.Tout d’abord, le vin pourrait se C’est l’idée que l’homme ne pourra pas faire nautaires: vin cachère ou vin gay. C’est le
trouver au cœur d’une nouvelle alliance fon- autrement que d’accepter le changement même produit mais qui se développe autour
dée sur la convivialité. Celle-ci pourrait elle- mais qu’il faudra reconstruire le monde de de communautés culturelles.
même s’exprimer par le retour en grâce de la l’intérieur. Ce sera le rôle des artistes qui quit-
notion de banquet. Des événements comme la teront leur image de maudits pour en endos- Qui s’offre un domaine a donc toutes les
fête des voisins apparaissent comme des ser une autre: ils seront ceux qui repensent et chances de réussir à vendre son vin?
signaux de cette évolution. Le bonheur convi- reconstruisent le réel. Pour le vin, ils vont per- Je suis convaincu qu’un domaine viticole
vial autour du vin va même constituer un élé- mettre d’inventer de nouvelles formes, non représente aujourd’hui un potentiel énorme
ment de réponse à la question du comment pas révolutionnaires, mais qui s’inscriront si c’est suivi de près. Comme une marque ou
revivre ensemble. Un art de la sociabilité dont dans une ligne de conduite passé-présent- une œuvre d’ailleurs. Le potentiel est à la fois
certains artistes annoncent l’avènement avec futur. Regardez par exemple La Cène de David culturel et historique dans cette notion de ter-
des performances qui se réduisent au fait de de Lachapelle. D’ailleurs, lorsque le vin sera roir. C’est la fable Le laboureur et ses
s’installer simplement autour d’une table classé au patrimoine mondial, il le sera dans la enfants.
avec du pâté et un verre de vin. Parallèlement rubrique culture.
à ce mouvement, le vin reviendra aussi à ce
qui a fait sa grandeur: l’art de l’assemblage. Cet art restera-t-il l’apanage des
On va assister à un retour à la notion paysanne hommes?
de la viticulture. Car au-delà de ces éléments, La femme va reprendre à son compte la
m-banking
D
’après une étude réalisée par offre innovante”, constate François Larcher, responsable des offres sur mobile de la Société agence et 22 % pour récolter des informations
Médiamétrie/NetRatings, responsable innovation chez Alti, société de Générale. Les banques ont également travaillé pratiques sur une banque.
Internet est de plus en plus uti- conseil et ingénierie en systèmes d’information. sur l’accessibilité des services: difficile, par Ainsi Boursorama. La banque en ligne a déve-
lisé dans la recherche et la sous- De fait, la quasi-totalité des banques propose exemple, de taper un mot de passe sur un cla- loppé ses applications iPhone, et plus récem-
cription de produits bancaires. 37 % des désormais des services de m-banking. “Il y a eu vier de smartphone. Les applications prennent ment Android. “On est totalement convaincu par
internautes interrogés ont recherché au cours un avant iPhone et un après iPhone. 90 % des désormais en compte les spécificités du mobile ce type d’outils, affirme Benoît Grisoni, directeur
des 6 derniers mois des informations en rapport banques ont maintenant développé des services afin d’assurer une navigation aussi fluide que de Boursorama Banque. Les applications per-
avec les services bancaires et financiers via pour mobile”, constate Sébastien Burlet, PDG de possible à l’utilisateur. “Avec notre application, mettent d’instaurer un lien plus solide avec le client
Internet, contre seulement 17 % en agence. Lemon Way. Si les offres pour smartphones se le client peut par exemple savoir où en est son et de favoriser son autonomie. C’est aussi un axe de
Possibilité de comparer les prix et les produits, sont parfois limitées à un simple lien renvoyant compte sans rentrer de code”, indique Olivier différentiation par rapport aux autres banques.”
autonomie, gain de temps: les raisons qui expli- vers le site Web de la banque, elles se sont per- Chédeville. L’application proposée par Boursorama offre les
quent le succès des services bancaires en ligne fectionnées depuis. Les clients peuvent désor- services classiques de gestion de compte –
sont multiples. Un engouement qui s’est encore mais bénéficier d’applications en lien avec la De la gestion de comptes consultation de solde ou historique des opéra-
accentué avec le développement de l’Internet mobilité et utilisant les fonctionnalités du au mobile trading tions – mais elle permet également de réaliser
mobile. Le succès des smartphones – 7,7millions mobile, comme des services d’alertes permet- Il est désormais possible à un client de faire tou-
vendus en France en 2010, selon l’institut GFK tant de connaître l’état de son compte, ou des tes les opérations de base via son mobile, comme
– a entraîné l’explosion des services bancaires
sur mobile. Déjà 59 % des mobinautes surfent
sur des sites financiers. “Il y a eu un avant iPhone et un après iPhone”
De l’interface Web à l’application mobile
Jusque-là limité à l’envoi de SMS, c’est désor- outils de géolocalisation pour situer une agence, consulter ses opérations ou gérer son compte,
mais l’essentiel des services en ligne que le ce que propose par exemple BNP Paribas. Fer quel que soit l’endroit où il se trouve. La concur-
client peut retrouver sur son smartphone. de lance de ces services: les applications pour rence entre établissements a favorisé l’offre le
Pourquoi? Car les utilisateurs de smartphones smartphone. “Nos clients disposaient auparavant développement non payant de ces services, d’où
constituent une population de CSP+ jeune, d’une simple interface Web sur mobile. Avec le lan- leur succès auprès des clients. Déjà 49% des uti-
urbaine et active, que les banques espèrent bien cement de notre application iPhone, en juin der- lisateurs de smartphones (contre 35% en 2010)
capter. “Développer ce type de services permet à nier, le nombre d’utilisateurs de services sur mobile consultent leur compte bancaire via leur “90 % des banques proposent désormais des
une banque d’interagir davantage avec les clients, a été multiplié par 3 ou 4. L’effet client est extrê- mobile, 29 % se servent de leur mobile pour services de mobile banking.” Sébastien Burlet,
mais aussi d’en attirer de nouveaux grâce à une mement important” détaille Olivier Chédeville, gérer leurs comptes, 24 % pour localiser une Lemon Way.
des virements vers des comptes internes ou de renforcer le lien entre la banque et son client. Autres outils intéressants développés par les technologie NFC ont été distribués. Pour
externes, d’effectuer une demande d’augmen- Nombreuses sont les banques qui offrent éga- établissements financiers, des simulateurs de François Larcher, cette technologie est promise
tation de plafond, et même d’envoyer un chèque lement un service d’assistance via leur applica- prêts. L’internaute peut ainsi savoir combien lui à un bel avenir: “la majorité des personnes qui ont
ou un RIB via son mobile. L’ensemble des servi- tion mobile (Axa Banque, ING Direct…), coûtera un crédit. Si ces simulateurs sont la plu- testé ce service a été convaincue”. Le cabinet
permettant de faire immédiatement opposition part du temps développés par les banques elles- Juniper Research estime le potentiel du m-paie-
ment en Europe à 27 milliards de dollars en
2014. Google vient d’ailleurs de dévoiler fin mai
“Les applications permettent d’instaurer un lien plus solide avec le client sa solution de paiement via mobile, déployée
et de favoriser son autonomie”
en cas de perte ou de vol de carte bancaire. mêmes, le mobinaute dispose tout de même de
L’utilisateur peut ainsi communiquer où qu’il quelques outils créés par des sites de courtage
soit avec sa banque, grâce à des services qui permettant de comparer les offres de différents
visent à faciliter cette mise en contact. établissements. Vitae Assurances, développé
Le mobinaute a donc la possibilité de gérer ses par le courtier en crédit Cafpi, propose sur
comptes bancaires à tout moment. Mais l’inno- iPhone et Android une application permettant
vation mobile va plus loin. D’autres produits de comparer des offres d’assurance-crédit pro-
financiers, comme les crédits ou les assurances, posées par différentes banques, via la mise en
apparaissent ainsi sur smartphones. Ainsi, l’ap- relation de l’utilisateur avec les conseillers de
plication développée par l’assureur Generali Vitae Assurances. Le réseau national de cour-
“Les applications sont un axe de différenciation permet de suivre en temps réel l’évolution de tiers franchisés en crédits In&Fi Crédits propose
par rapport aux autres banques.” Benoît Grisoni, son épargne assurance-vie et de connaître à tout de son côté une application iPhone permettant
Boursorama. moment la performance des fonds. Une autre de calculer la mensualité d’un crédit, le montant
Faits révélateurs
L’Afrique est bien partie
La publication par la Banque mondiale de ses C’est dans ce contexte que l’Afrique subsaha- pide. Ensuite, le renforcement du commerce
perspectives de croissance pour l’économie mon- rienne fait un retour remarqué sur la scène mon- interrégional qui connaît une vraie embellie no-
diale ne saurait le cacher. Au-delà d’une diale. Bien sûr, au titre de plusieurs évolutions tamment en Afrique de l’Est. A cet égard, la déci-
prévision globale de 3,2 % pour la planète, un vé- démocratiques récentes, qui attestent que démo- sion prise le 12 juin à Johannesbourg par 26 pays
ritable découplage se poursuit à l’échelle du cratie et africanité peuvent être compatibles. Ce de l’est et du sud du continent de lancer des né-
monde entre Occident et monde émergent. Les dont on ne peut que se féliciter. Surtout, la ma- gociations en vue de la création d’un immense
pays du Nord, souvent qualifiés de “pays riches”, chine économique africaine est en marche. La marché commun couvrant toute la moitié orien-
tardent toujours en effet à sortir franchement de Banque africaine de développement prévoit tale de l’Afrique illustre pleinement cette nou-
la crise économique mondiale née de celle dite ainsi une poursuite vigoureuse en 2011 et surtout velle dynamique.
des subprimes. Qui plus est, ils doivent faire face en 2012 de la croissance économique à l’échelle Il faut toutefois raison garder. Ce vieux rêve émis
PASCAL LOROT,
également aux conséquences économiques de la du continent noir (près de 7 %). Avec des pays où il y a plus d’un siècle par Cecil Rhodes d’un
président de l’Institut
Choiseul catastrophe de Fukushima, ce qui handicape en- la croissance se lit même à deux chiffres comme continent uni allant du Caire au Cap bute encore
core plus des sorties de crise déjà bien difficiles au Ghana, en Ethiopie ou encore en Angola. sur de nombreux obstacles. Le premier est celui
La croissance à trouver. Au total, la croissance occidentale
devrait s’établir à quelque 2,2 % cette année - en
économique à l’échelle diminution par rapport à la dernière estimation La décision de lancer des négociations en vue de la création d’un immense marché
du continent sera de réalisée. A l’inverse, le PIB des pays émergents commun couvrant la moitié orientale de l’Afrique illustre cette nouvelle dynamique
près de 7 % en 2012, devrait lui progresser de 6,3 % en moyenne sur
l’année. Chez ces derniers, la crise n’est plus en
avec des taux à deux effet qu’un très vieux souvenir. L’activité indus- L’activité économique en Afrique subsaharienne du manque d’infrastructures, notamment de
chiffres au Ghana, en trielle en Asie de l’Est atteint ainsi, par exemple, reste bien sûr en grande partie soutenue par une transport pour relier entre eux les différents
un niveau supérieur de près de 40 % à ses points demande internationale pour ses abondantes marchés du continent. Le second est celui de l’ac-
Ethiopie et en Angola hauts observés en 2008, tandis que celle de l’Eu- ressources minières, minérales et agricoles – lar- cès au financement international. Aujourd’hui,
rope, des Etats-Unis et du Japon, si on prend ces gement dominée par les grands pays émergents. seule une petite dizaine d’Etats africains sur les
pays collectivement, reste toujours très en deçà Le maintien de leurs cours à un haut niveau est 53 que compte le continent ont un accès, au
de ce qui prévalait à la même époque. Cette évo- un facteur favorable pour les pays qui en sont moins partiel, au marché des capitaux, le reste
lution différenciée explique pour beaucoup la producteurs. Il n’en demeure pas moins que la devant se contenter de l’aide internationale.
poursuite de la flambée des prix des produits ali- croissance est aussi, aujourd’hui, de plus en plus
mentaires, du pétrole et des produits de base in- tirée par une dynamique interne, propre au sous-
dustriels que l’on observe actuellement. continent. Elle s’explique de deux façons. Tout
Toujours selon la Banque mondiale, rien ne sem- d’abord, une progression démographique impor-
ble pouvoir la contenir à court terme. tante à laquelle est associée une urbanisation ra-