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septembre-décembre 2009 la revue d’
Inter-réseaux
Développement rural

Quels outils de régulation pour


relancer la riziculture au Sénégal ?

Quand un technicien relaie


les innovations paysannes

Vente groupée de soja


par une OP au Bénin

Mécanisation et motorisation agricole


en Afrique : entre mythe et réalités
Inter-réseaux
Les opinions exprimées dans les articles
ne reflètent pas nécessairement celles
d’Inter-réseaux, mais celles des auteurs.
Les photos, quand elles ne sont pas cré-
ditées, sont de la rédaction, de même
que les articles non signés.
Photo de couverture : © Patrick Delmas
Tous les articles sont libres de droit. En
cas de rediffusion, merci de faire figurer
Karime Séré (Intermon Oxfam)

la mention « © Grain de sel » et de nous


envoyer une copie de la publication.

Grain de sel est imprimé sur du papier cou-


ché entièrement recyclé (Cyclus Print).

Inter-réseaux
développement
rural
I nter-réseaux développement rural a
été créé en 1996, à l’initiative de per-
sonnes engagées dans le développement
pays francophones ;
– accompagner les acteurs du Sud (en
priorité ceux d’Afrique francophone)
propre pratique professionnelle face à
des enjeux nationaux et internationaux
complexes. Le travail en réseau, par une
rural, et des pouvoirs publics français. dans leurs efforts pour promouvoir leurs réflexion partagée et une large circulation
Ses objectifs sont les suivants : agricultures paysannes familiales dans de l’information, permet de construire
– permettre la participation des acteurs le contexte de la mondialisation. et de proposer des pratiques et des po-
du Sud à la construction des politiques Des convictions : Inter-réseaux est litiques de développement prenant en
agricoles nationales et sous-régionales, convaincu que faire connaître, compa- compte l’intérêt de ceux qu’elles concer-
en disposant de moyens de s’informer rer et discuter librement d’expériences nent le plus directement.
et d’échanger en réseau sur les enjeux multiples, rassembler à ce propos des per- Une particularité : Inter-réseaux réunit
du développement rural ; sonnes issues d’environnements profes- plus de 3 000 membres issus d’organisa-
– animer et renforcer un réseau de sionnels, géographiques et disciplinaires tions paysannes, d’ONG, de services pu-
réflexions, d’échanges, de débats et variés — mais ayant pour centre d’intérêt blics, du Sud et du Nord. Les activités d’In-
d’expériences entre acteurs du déve- commun le développement rural du Sud ter-réseaux s’appuient sur le dynamisme
loppement rural et agricole dans les — permettent à chacun d’améliorer sa et la participation de ses membres.

Actualité « vie du réseau » sont aussi là pour rece-


voir vos articles, réactions, etc.
Grain de sel. Nous lui souhaitons bonne
réussite dans son nouvel emploi. Fanny

d’Inter-réseaux Groupe de travail


Après quelques mois de dormance, le
Grandval est arrivée dans l’équipe mi
novembre pour participer à l’animation
du réseau. Elle sera dans les prochains
pôle « Conseil à l’exploitation familiale » mois plus particulièrement en charge
Bulletin de veille électronique va reprendre ses activités début 2010 : de la réalisation du prochain dossier de
Ce trimestre, plusieurs bulletins de veille échanges de pratiques, réflexions collec- Grain de sel sur les aléas climatiques en
électroniques (BDV) ont été envoyés à plus tives, mise à disposition d’informations agriculture. Fanny a auparavant travaillé
de 6000 personnes. Ces bulletins sont seront à nouveau à l’ordre du jour. au Bénin et au Burkina Faso.
toujours aussi appréciés. Si vous n’êtes La diffusion d’informations sur les poli- Le Conseil d’administration d’Inter-
pas encore inscrit ou si vous souhaitez tiques agricoles régionales et nationales réseaux a décidé d’ouvrir rapidement
inscrire des collègues, n’attendez plus ! en Afrique de l’Ouest se poursuit. Deux un poste Inter-réseaux en Afrique de
L’inscription se fait très facilement à partir bulletins de veille sur cette thématique l’Ouest (basé à Dakar). Le descriptif du
du site internet d’Inter-réseaux. Durant sont prévus d’ici mi 2010. Le site Internet poste sera présenté prochainement sur
les prochains mois, nous continuerons la d’Inter-réseaux va aussi s’étoffer par la le site d’Inter-réseaux.
publication de BDV sur la souveraineté mise en ligne de nombreux documents Nous vous souhaitons une bonne et
alimentaire avec 8 numéros sur 2010. concernant les politiques agricoles. heureuse année 2010 !
Des BDV spéciaux sont aussi prévus Le document intitulé « Accès au mar-
(politiques agricoles, Nigeria, céréales, ché et commercialisation de produits
semences, etc.). Si vous souhaitez nous agricoles : Valorisation d’initiatives de
faire parvenir des informations, nous producteurs » présenté dans le dernier
pourrons les présenter et les diffuser : numéro de Grain de sel connaît un franc
secretariat@inter-reseaux.org succès. Plusieurs réactions très positives
et encourageantes nous sont parvenues.
Grain de sel Une version anglaise sera éditée très pro-
Les trois premiers numéros de Grain chainement.
À Paris, le Secrétariat exécutif d’Inter-ré-
de sel en 2010 porteront sur : agriculture
seaux Développement rural est composé
et aléas climatiques ; le Nigeria ; leaders Secrétariat exécutif et vie associative
de : Nathalie Boquien, chargée de mis-
d’organisations paysannes et gouvernance De nouveaux mouvements de per-
sion ; Fanny Grandval, chargée de mis-
dans les OP. Si vous souhaitez contribuer, sonnel ont eu lieu au sein du secré-
sion ; Christophe Jacqmin, directeur ;
alimenter les réflexions et participer, écri- tariat exécutif d’Inter-réseaux avec le
Sylvie Lopy, secrétaire ; Joël Teyssier,
vez nous, nous sommes très demandeurs. départ de Anne Perrin qui a été, durant
chargé de mission.
Les rubriques, « initiatives », « forum », plusieurs années, rédactrice en chef de

2 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Sommaire Éditorial

L’Afrique et la mécanisation :
un paradoxe et une nécessité?
L
Gros sel L’invité de Grain de sel : 4    dispose de condi-
tions physiques plutôt favorables à la mé-
Bassiaka Dao canisation de l’agriculture : vastes éten-
dues de terres cultivables, faibles contraintes
Forum Riz Quels outils de régulation 5 topographiques. A priori les obstacles naturels
à son développement ne sont donc pas majeurs
Sénégal pour relancer la si ce n’est la vulnérabilité des sols tropicaux à
riziculture au Sénégal ? des interventions mécaniques inappropriées.
Or en dépit de ces conditions la mécanisation
y est encore peu développée.
Régulation du La régulation du marché de 7 Pourtant, de nombreuses tentatives d’in-
marché l’oignon au Sénégal troduction de la mécanisation-motorisation
ont été faites en Afrique subsaharienne. La
coopération française a pendant de longues
Initiatives Commercialisation La vente groupée de soja, 9 années tenté, sans grand succès, d’adapter la
un moyen pour mieux motorisation aux exploitations familiales afri-
vendre ? caines ; tandis qu’un certain nombre de pays,
ayant opté après leur indépendance pour la
voie socialiste, ont fait de la mécanisation de
Le dossier Mécanisation et 11 l’agriculture un moyen privilégié de transfor-
motorisation agricole en mation des structures agraires qui s’est, lui
aussi, soldé par un échec.
Afrique : entre mythe et Des travaux de recherche se sont efforcés
réalités d’analyser les causes de ces échecs et en parti-
culier les contraintes d’ordre environnemental
et social qui freinent le développement de la
Initiatives Innovation Quand un technicien 31 mécanisation - motorisation de l’agriculture
paysanne du cacao relaie les dans les pays africains. Ils ont montré l’im-
innovations paysannes pact négatif que peut avoir en milieu tropical
l’usage du tracteur sur la compaction des sols,
induisant de fortes pertes de fertilité. D’autre
Boîte à outils Repères : Évaluer la 33 part, il a été souvent évoqué le risque de voir
productivité de la mécanisation de l’agriculture entraîner une
augmentation du chômage en milieu rural
l’agriculture familiale : et de l’exode vers les villes. L’expérience de
aiguisons nos outils de certains pays (Inde, Maroc) montre que cet
mesure… effet n’est pas systématique. La main d’œuvre
rendue disponible par la mécanisation peut
développer de nouvelles activités et le recours
Vie du réseau Le président du 36 à des prestataires de service pour les travaux
Roppa s’exprime mécanisés n’exclut pas les petites exploitations
des bénéfices de la mécanisation.
sur la mécanisation- Il est important de replacer le débat sur
motorisation la mécanisation dans le contexte actuel des
pays africains. Il y a  ans, un paysan afri-
cain devait nourrir en moyenne deux per-
Commerce du bétail en 37 sonnes ; désormais, la modification très ra-
Afrique de l’Ouest, atouts pide du rapport entre population rurale et
et défis pour les éleveurs population urbaine nécessite, si l’on vise si-
non l’autosuffisance du moins une certaine
sécurité alimentaire, que ce même paysan
Projet Réseau Paar,les 39 puisse nourrir  à  personnes. Pour ce faire
choses avancent! il est nécessaire d’augmenter la productivité
du travail des paysans africains. Cela n’est
Inter-réseaux en Tanzanie guère possible tant que l’agriculture restera
majoritairement manuelle. Le développement
de la mécanisation de l’agriculture apparaît
donc comme une condition indispensable pour
nourrir les populations africaines.

Philippe Jouve, agronome___________________

Grain de sel 3
nº 48 — septembre – décembre 2009
Gros
Forumsel

L’invité de Grain de sel :


Bassiaka Dao
„ Bassiaka Dao Grain de sel : Pouvez vous nous pré- outil performant mais souffre de ne structure. Nous avons travaillé sur
(tressapoulou senter votre parcours ? pas avoir de statut. On travaille alors plusieurs modules autour du thème
@yahoo.fr) est sur un cadre juridique formel adapté « Comment arriver à renforcer les ca-
président de la Bassiaka Dao : Je suis un produc- à ce cadre de concertation, et en , pacités des organisations membres ».
Confédération teur de maïs basé à Bobo Dioulasso la Confédération paysanne du Faso Nous avons mené de nombreux plai-
paysanne du Faso au Burkina Faso. En , je me suis (CPF) est créée. doyers en faveur du monde rural. Nous
(CPF). installé comme agriculteur au côté de nous sommes mobilisés contre les APE,
mon père. À cette époque, je lui ser- GDS : Qui sont les membres de la CPF les OGM et l’agro business, en faveur
vais de secrétaire au sein de l’Union et quel est son mandat ? de la souveraineté alimentaire basée
régionale des coopératives agricoles sur l’exploitation familiale et sur des
et maraîchères du Burkina Faso. Voilà BD : La CPF regroupe la FepaB, la Fé- politiques agricoles appropriées et
comment je suis entré dans le monde dération des éleveurs du Burkina, la concertées. Pour asseoir notre crédi-
des organisations paysannes (OP). Élu Fédération des femmes rurales, l’Union bilité et notre légitimité, nous avons
administrateur de cette union régio- nationale des producteurs de coton du mis en place  cadres de concertation
nale, j’ai ensuite participé avec d’autres Burkina, l’Union nationale des produc- au niveau régional, qui sont des relais
leaders d’OP à des concertations, fai- teurs de riz du Burkina, l’Union des de la CPF. Ces structures sont dotées
sant suite au désengagement de l’État jeunes agriculteurs, l’Union nationale de matériels informatiques et d’une
de l’agriculture. C’est ainsi qu’en , des producteurs de semences, l’Union connexion internet, pour favoriser la
nous avons mis en place la Fédération nationale des producteurs de banane, circulation d’informations.
des professionnels agricoles du Burkina et la Fédération nationale des unions de Les chantiers à venir sont nom-
(FepaB) dont je suis actuellement le groupements de gestion forestière. Son breux. Nous sommes actuellement
président. La FepaB avait pour objec- mandat est de porter le discours poli- dans l’élaboration d’une loi d’orien-
tif de prendre en charge des fonctions tique des OP, de travailler sur tout axe tation agricole qui devra donner des
auparavant effectuées par l’État : for- transversal à ses organisations mem- directives cohérentes en termes de
mation, conseil, approvisionnement en bres tout en respectant le principe de politique agricole pour les années
intrants, etc. Elle souhaitait concourir subsidiarité (information, formation, à venir. On veut que les exploitants
à une professionnalisation à « visage plaidoyer), de les accompagner vers la aient un statut, qu’ils aient droit à
humain » des producteurs. professionnalisation, et de prôner la la protection sociale et que le métier
En , plusieurs OP faîtières met- solidarité entre elles. d’agriculteurs soit reconnu et valorisé.
tent en place un Cadre de concerta- Notre objectif final : que les exploi-
tion des organisations faîtières (CCOF) GDS : Quelles sont les avancées de la tations familiales du Burkina Faso
afin d’avoir une interface privilégiée CPF depuis sa création ? nourrissent l’ensemble du pays ! §
avec nos partenaires (État, bailleurs,
etc.). Le CCOF est reconnu comme BD : La CPF est encore une jeune

sans
commentaire… Une image Une parole Un chiffre

« L’Afrique, qui aura de grands besoins


de terres en raison de l’accroissement
de sa population, ne cultive que moins
2000
du quart de ses surfaces cultivables L’écart de productivité du travail entre
mais il faut se rappeler qu’une grande l’agriculture manuelle non chimisée
partie de l’Afrique est sèche, et ses sols et l’agriculture la plus lourdement
usés, et que les régions humides sont motorisée et chimisée du monde est
des régions de forêt tropicale qu’il fau- aujourd’hui de l’ordre de  à   en
drait conserver. Les surfaces réellement productivité brute et de  à plus de 
disponibles en Afrique subsaharienne en productivité nette.
sont donc les surfaces en jachère, et Marcel Mazoyer, Protéger la paysan-
leur mise en valeur suppose de recons- nerie pauvre dans un contexte de mon-
tituer en permanence leur fertilité par dialisation, FAO, .
des apports d’engrais. »
Michel Griffon, Alternatives Interna-
tionales hors-série n (déc. ).

4 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Forum

Quels outils de régulation pour


„
„
Riz
Sénégal relancer la riziculture au Sénégal?
Pierre Baris (baris.p@noos.fr)__________
F ace à la situation de variabilité brutale des prix du riz
importé et local sur le marché de Dakar, la question de la
mise en place d’outils de régulation de marché est plus que
jamais d’actualité. Contenter producteurs et consommateurs
tout en se prémunissant des aléas de prix et de taux de change
est un défi à relever.

L
„ Pierre Baris est docteur      non parfumé importé  FCFA et la colère gronde dans la vallée du fleuve
en économie et consultant vient de tomber en octobre  à  FCFA/ pendant la campagne de contre saison .
indépendant. Il est kg à Dakar, ainsi que dans plusieurs villes du
spécialisé dans les Sénégal. S’il s’agit d’une bonne nouvelle pour le con- Comment contenter producteurs et consomma-
politiques agricoles, sommateur, ce n’est pas le cas pour le producteur teurs ? Cette décision est délicate et nécessite des
l’analyse économique des sénégalais qui voit le prix de son paddy chuter à  calculs. Selon une étude récente ¹, un prix « incitatif »
filières et l’intégration FCFA/kg alors qu’il était à  FCFA la campagne du paddy à  FCFA/kg permettrait de poursuivre
régionale. En juillet , précédente. Il faut savoir en effet qu’au Sénégal, le la relance de la production. Par contre en dessous du
il a conduit une étude sur prix du riz importé conditionne celui du riz local et prix plancher de  FCFA/kg, certains producteurs
la compétitivité du riz de la en conséquence celui du paddy. C’est la première fois se détourneront de la double culture et n’investiront
vallée du fleuve Sénégal sur que l’on tombe à un niveau de prix du paddy aussi bas pas dans l’extension des surfaces cultivées. Or, on est
les marches nationaux et depuis le lancement de la Grande offensive agricole déjà aujourd’hui en dessous de ce seuil ! Pour assurer
régionaux (étude financée pour la nourriture et l’abondance (Goana) en , cette fourchette de prix au producteur, le prix du riz
par l’Agence française de qui prévoit l’autosuffisance en riz pour l’horizon importé devrait se situer entre  et  FCFA/kg
développement). , avec un objectif de production de , millions sur le marché de Dakar. Il a chuté en octobre 
de tonnes de riz paddy. à  FCFA/kg !
Que faire ? La protection du marché est un enjeu
Une année 2008 exceptionnelle. Peut-on viser central. Rappelons que l’abaissement du niveau de
l’autosuffisance et laisser les prix du paddy chuter en protection du riz à  , suite à la mise en place du
dessous de  FCFA/kg ? Revenons à , année de Tarif extérieur commun (Tec²) au sein de l’Union éco-
tous les dangers. Le prix du riz triple sur le marché nomique et monétaire ouest africaine (UEMOA) en
international, le dollar fluctue fortement, le prix du , a fortement favorisé au Sénégal l’augmentation
riz importé grimpe sur le marché de Dakar jusqu’à des importations et la dépendance alimentaire qui dé-
 FCFA/kg, les consommateurs sont dans la rue. passe aujourd’hui  . Le Sénégal, à l’instar d’autres
Le gouvernement gère au mieux la flambée des prix pays d’Afrique de l’Ouest, a vécu dramatiquement les
en suspendant les droits de douanes, puis en sub- conséquences de cette dépendance pendant la crise
ventionnant le riz importé et en évitant la pénurie de . Il s’agit aujourd’hui dans le cadre des négo-
sur le marché. Pour le riziculteur sénégalais, avec un ciations UEMOA/Cedeao sur le Tec et le Mécanisme
prix du paddy qui atteint  FCFA/kg suite à l’aug- de sauvegarde communautaire (MSC) ³ de définir une
mentation du prix du riz importé, l’année  est politique de protection douanière efficace et équita-
une aubaine. Après des années de stagnation de la ble pour les différents pays de la zone. Le passage des
production, les effets conjugués de l’augmentation droits de douane du riz importé du niveau actuel de
des prix du paddy, des interventions de la Goana et   à   voire   ( bande) est en cours de né-
d’une bonne pluviométrie, ont entraîné une pro- gociation. Ce changement de protection, s’il a lieu,
duction record de plus de   tonnes pour l’en- aura de fortes conséquences sur la compétitivité du
semble du pays et une augmentation spectaculaire riz local mais aussi sur le prix au consommateur. Ici
de   de la production dans la vallée du fleuve aussi des calculs s’imposent. Sur la base des prix en
Sénégal. Le producteur sénégalais a donc répondu octobre , les simulations montrent que :
à l’augmentation du prix du paddy en investissant – Le passage à la  bande (droit de douane de  )
dans la double culture et la réhabilitation des amé- entraînerait une augmentation des prix du riz au
nagements abandonnés. Pour la première fois le riz détail à Dakar de   (soit  FCFA/kg). Si le dif-
de la Vallée se vend significativement sur le marché férentiel de prix entre le riz importé et le riz local
de Dakar à des prix équivalents à ceux du riz im- reste le même, ce qui est probable, le prix du paddy Ü
porté. La crise a démontré que la relance de la rizi-
culture était donc possible au Sénégal pour un prix . Compétitivité du riz de la Vallée du Fleuve Sénégal sur le
attractif du paddy. marché national et régional. P. Baris, N. Gergely. AFD, octobre
Cette relance sera-t-elle sans lendemain suite au .
retournement du prix du paddy ? En effet, en  tout . Cf. Repère du GDS -.
s’inverse. Le prix international du riz baisse fortement, . La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest
le dollar perd   de sa valeur, et à Dakar le prix du (Cedeao) a décidé de se doter d’un mécanisme de sauvegarde
riz retombe pas loin de son niveau d’avant la crise. communautaire (MSC), qui s’inspirera du mécanisme de
En conséquence le prix du paddy passe en dessous de sauvegarde spécial (MSS) actuellement en discussion à l’OMC.

Grain de sel 5
nº 48 — septembre – décembre 2009
Forum
Forum

Évolution des prix de détail à


Dakar des riz importés et local
d’avril 2008 à octobre 2009

mentation du volume des importations, à la baisse


des prix internationaux, ainsi qu’aux variations de
change. Les enjeux pour la compétitivité du riz de
l’Afrique de l’Ouest et sa souveraineté alimentaire
sont donc stratégiques, mais le MSC est un outil nou-
veau et complexe qui doit, entre autres, s’appliquer
à des pays qui n’ont pas la même monnaie. Ici aussi
une approche quantitative est nécessaire ainsi qu’un
consensus des différents acteurs et pays impliqués.
On ne peut que regretter le peu d’études et de débats
sur le MSC, alors qu’il peut être, s’il est bien conçu,
un outil puissant de régulation du marché du riz.
L’avenir, en sortie de crise mondiale, est incertain,
aussi bien sur les devises avec le risque d’une forte
appréciation du Franc CFA arrimé à l’Euro, que sur
le prix international du riz sur lequel les prévisions
divergent.
Devant l’incertitude qui plane sur l’avenir du mar-
Û serait de  FCFA/kg, donc à un niveau en dessous ché mondial et les risques de pénurie, la prudence
du prix plancher, ce qui n’est pas suffisant pour as- s’impose. Une politique de limitation de la dépen-
surer la relance. Le passage à la  bande entraîne- dance aux importations de riz sur le moyen terme est
rait une perte de pouvoir d’achat de ,  pour les plus que jamais nécessaire. L’enjeu économique de la
ménages les plus pauvres, ce qui est relativement relance de la production rizicole est central car les
peu. Les revenus de l’État augmenteraient de prés pertes en devises dues aux importations de riz sont
de  milliards suite à l’augmentation des droits de de l’ordre de  milliards de FCFA par an. En ,
douane et les revenus ruraux de  milliards suite à l’État a perdu  milliards pour le fonctionnement des
l’augmentation du prix du paddy. filières rizicoles (hors investissements de la Goana),
– Le passage à la  bande (droit de douane de  ) par les subventions à la consommation et la suspen-
entraînerait une augmentation du prix du riz importé sion des droits de douanes. Les pertes engendrées
de   qui passerait à  FCFA/kg, ce qui donne- par la crise de  auraient été bien moindres si la
rait un prix du paddy dans la Vallée à  FCFA/ dépendance aux importations avait été moins forte.
kg, donc un prix incitatif pour assurer la relance. À titre d’exemple, l’augmentation de la production
La perte de pouvoir d’achat serait alors par contre nationale de   à   tonnes entraînerait
de ,  pour les consommateurs pauvres, le gain un revenu rural annuel additionnel de  milliards
pour l’État de  milliards, et celui des ruraux de FCFA et un gain en devises de  milliards FCFA. On
 milliards. voit ici tout l’intérêt d’une politique de reconquête
La décision est politiquement délicate, mais elle du marché national qui, outre l’amélioration de la
peut être prise en connaissance des causes et des ef- sécurité et de l’indépendance alimentaire, permet
fets. Hélas ces mesures ne suffisent pas. Si elles amé- d’économiser des devises et surtout de créer des re-
liorent « structurellement » la compétitivité du riz venus ruraux, élément central dans la lutte contre
local, elles ne permettent pas de se prémunir contre la pauvreté.
les fluctuations des prix internationaux du riz et sur- Le temps presse et des décisions difficiles doivent
tout du taux de change du dollar face à l’euro, que être prises rapidement. La crise alimentaire a doulou-
l’on a tendance aujourd’hui à négliger. Soulignons reusement montré la vulnérabilité du Sénégal mais
que le dollar a perdu   depuis le début de l’année aussi les possibilités de relance de la riziculture. Le
, diminuant en conséquence le prix du riz im- Sénégal a su gérer la flambée des prix ; il doit main-
porté et le prix du paddy. On voit que le passage à la tenant affronter, dans le cadre régional, la baisse des
 bande (augmentation de   des droits de douane cours du riz et du dollar, et les aléas du marché in-
par rapport au niveau actuel), qui est l’objet d’une ternational. Car au-delà du Sénégal, c’est l’avenir de
grande polémique, ne ferait en gros que compenser la riziculture ouest africaine qui est en jeu ! §
les effets de la chute du dollar.

Comment se prémunir des aléas de prix et de


change ? La décision revient à la Cedeao qui doit
mettre prochainement en place un mécanisme de
sauvegarde communautaire (MSC) en remplacement
de la Taxe conjoncturelle à l’importation (TCI) ⁴ mise . La Taxe conjoncturelle d’importation est une taxe
en place au niveau de l’UEMOA. Cet outil doit per- additionnelle qui peut être appliquée pour certains produits,
mettre aux États membres de la Cedeao de protéger, pour une période déterminée par un pays de l’UEMOA
pour certains produits agricoles sensibles, leur mar- après autorisation de cette dernière (règlement nº /
ché intérieur des chocs conjoncturels liés à l’aug- CMIUEMOA du  septembre ).

6 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Forum

La régulation du marché de l’oignon


„ Régulation du marché au Sénégal
Idrissa Wade (idrissa.wade@gmail.com) et Oumar
Samba Ndiaye (oumarsambandiaye@hotmail.com)_ A u Sénégal, la production locale d’oignon était fortement
concurrencée par les importations, surtout lors des pics
de récolte. Des concertations au sein d’un comité oignon, ini-
tié par l’Agence de régulation des marchés, permettent de
réduire cette concurrence, grâce à un gel temporaire des im-
portations.

L
„ Idrissa Wade est ’     des cultures d’oignon, soit environ   de ses besoins intérieurs.
enseignant chercheur à maraîchères au Sénégal, avec une superficie de Des importations qui posaient il y a quelques années
l’École nationale près de  ha en . La production locale de sérieux problèmes aux producteurs.
supérieure d’agriculture de provient essentiellement de deux zones : des Niayes,
iès (Université de iès). bande côtière s’étendant de Dakar à Saint-Louis, et de La concurrence de l’oignon importé. L’approvi-
„ Oumar Samba Ndiaye est la Vallée du fleuve Sénégal. Malgré sa forte augmen- sionnement des marchés sénégalais connaît deux
directeur d’exploitation à tation, la production locale d’oignon ne couvre pas périodes annuelles d’abondance en oignon. La
l’Agence de régulation des l’intégralité de la demande du fait de la saisonnalité première va de mars à mai avec la présence sur les
marchés (ARM). de la récolte et de la nature du produit qui ne per- marchés d’oignons provenant à la fois des Niayes et
met pas une longue conservation. Le Sénégal importe de la Vallée. La seconde va de juillet à septembre et
donc chaque année entre   et   tonnes coïncide avec la deuxième période de récolte dans
la majeure partie de la zone des Niayes. Durant ces
deux périodes, la présence concomitante d’oignon
L’Agence de régulation des importé et local sur les marchés entraînait chaque
année une forte baisse des prix. En effet le calen-
marchés (ARM) drier de l’entrée des importations posait problème
à l’écoulement de l’oignon local : les importations

L a création de l’ARM témoigne de l’évolution de


l’intervention de l’État sénégalais dans le sec-
teur agricole. Jusqu’aux années , la régulation de
démarraient en général dès le mois de juillet (les
producteurs hollandais cherchant à se débarrasser
des reliquats de stocks avant l’arrivée de la nouvelle
la filière rizicole était assurée par l’État, qui avait le récolte) et se poursuivaient jusqu’à la fin du premier
monopole de l’importation et de la distribution du trimestre de l’année suivante, alors que les premiers
riz brisé. En , la filière rizicole est libéralisée et oignons locaux arrivent en février.
l’État crée la Cellule de gestion et de surveillance Déjà en , la forte production locale entraîna une
des marchés du riz (CGSMR) qui est censée régu- baisse drastique des prix d’achat aux producteurs : de
ler le marché du riz par le biais de l’information  FCFA l’année précédente, les prix chutèrent en
fournie grâce à un système d’information sur les dessous de  FCFA. Les producteurs commencèrent
marchés du riz. Cette cellule est érigée en ARM alors à s’organiser autour d’un comité provisoire pour
en septembre . Ce changement s’accompagne faire face aux problèmes d’écoulement de l’oignon.
d’une extension de son champ d’action avec la prise Ils tentèrent de fixer un prix de vente minimum de
en charge de nouveaux produits (oignon, pomme l’oignon et de réguler la commercialisation. Mais les
de terre, banane, mil, sorgho, riz). mesures prises n’ont eu qu’un impact limité. Ce n’est
L’ARM est une structure administrative auto- qu’avec la création de l’Agence de régulation des mar-
nome placée sous la tutelle technique du ministère chés (ARM) en  et la mise en place d’un comité
du Commerce. Ses missions sont, entre autres, de de concertation et de suivi de l’oignon par cette der-
suivre le fonctionnement et l’évolution des marchés nière que l’on assiste en  aux premières mesures
notamment grâce à la mise en place d’un système efficaces de régulation du marché de l’oignon, visant
d’information et d’alerte pour permettre aux dé- à restreindre les importations d’oignon durant les
cideurs de disposer d’une information sur l’état périodes de production locale.
des marchés, et d’animer un cadre de concertation
regroupant les différents acteurs des filières. Un Le fonctionnement du comité oignon. Depuis ,
système d’information sur les marchés couvre tout les concertations initiées par l’ARM réunissent à la
le territoire national grâce au suivi de  marchés même table les professionnels de la filière (organisa-
permanents et  marchés hebdomadaires. Ces in- tions faîtières des producteurs ¹, principaux impor- Ü
formations constituent des données nécessaires à la
concertation entre les acteurs privés et l’État pour la . Association des producteurs d’oignon de la Vallée (APOV),
régulation ; elles servent aussi au contrôle et au suivi Association des unions maraîchères de Niayes (AUMN),
du respect des accords obtenus de manière consen- Association nationale des horticulteurs du Sénégal (ANDH),
suelle suite aux discussions. Ainsi, le mécanisme de Union des jeunes agriculteurs de Koyli-Wirnde (UJAK),
régulation adopté par l’ARM se base principalement Association des producteurs privés de Nianga (APPN),
sur l’information et la concertation. Organisation nationale des producteurs exportateurs du
Sénégal (ONAPES).

Grain de sel 7
nº 48 — septembre – décembre 2009
Forum

pêche ainsi toute importation.


En second lieu, la période de restriction va passer
de trois mois à cinq mois, allant d’avril à septembre
entre  et . À partir de , cette période
est précédée de février à mars par une restriction des
importations à   tonnes, assortie d’une clause
transitoire permettant aux opérations déjà enclen-
chées de se dénouer.
La mise en place d’un comité de suivi où les diffé-
© P. Delmas

rentes parties prenantes sont représentées vient com-


pléter le dispositif. Ce comité veille au respect des
mesures et décide de la levée du gel des importations
si les prix à la consommation dépassent ceux prévus
Û tateurs d’oignon et associations de commerçants ², dans la charte des prix. En  par exemple, les
représentants des négociants et intermédiaires), les prix du kilogramme d’oignon au producteur retenus
associations de consommateurs, l’ARM et les servi- d’un commun accord sont de  et  FCFA (bord
ces techniques de l’État ³. champs) et  et  FCFA (rendus Dakar) respec-
L’objet principal de ces concertations est la fixation tivement pour la Vallée et les Niayes. Le contrôle est
de la période de suspension des importations afin de facilité par l’existence d’un système d’information
faciliter l’écoulement de l’oignon local. En parallèle, sur les marchés fournissant l’évolution des prix sur
une charte des prix est discutée en vue d’éviter que les différents marchés.
les consommateurs ne soient lésés. Ce n’est que lors- Réguler le marché de l’oignon n’est pas si simple,
qu’un accord est trouvé de manière consensuelle sur et en particulier, la décision de la levée du gel des
ces deux points que des mesures sont prises et mises importations pose parfois problème. Ainsi, en août
en œuvre par les services techniques de l’État. , un journaliste du Walf Fadjri relatait : « La
En , le Sénégal a eu recours à la clause de sau- levée par l’Agence de régulation des marchés de la
vegarde spéciale pour l’agriculture définie dans les mesure de gel des importations d’oignon n’a pas fini
accords du GATT pour geler les importations d’oignon de diviser les acteurs de la filière qui se réunissaient,
du  juillet  au  août . Cette clause stipule vendredi dernier, au ministère du Commerce. Si les
que les gouvernements sont autorisés à prendre des pouvoirs publics, par le biais de l’ARM, sont convain-
mesures d’urgence en cas d’effondrement des prix sur cus de la justesse de cette initiative, les producteurs
le marché mondial ou d’augmentation soudaine des eux tiennent un autre discours (…). Pour sa part, le
importations, afin de protéger leurs marchés et leurs président du conseil d’orientation de l’ARM a expli-
producteurs locaux. En , les restrictions ont fait qué vouloir protéger les consommateurs en assurant
passer les importations de   tonnes à  tonnes la disponibilité de l’oignon sur le marché tout en rap-
par mois d’avril à août. Cependant elles ont repris pelant la pénurie de l’année dernière. Une pénurie
dès septembre à   tonnes. En , anticipant qui avait fini par causer une hausse vertigineuse du
les mesures de restriction, les commerçants ont alors prix de l’oignon. »
importé plus de   tonnes d’oignon de janvier à
avril. La mise en œuvre des mesures de blocage des Un facteur de succès : l’intervention de l’État pour
importations dès le  avril  pour trois mois n’a la mise en œuvre effective d’accords consensuels.
pas eu l’effet escompté. La régulation des importations a permis à la fois une
Ceci a entraîné un ajustement des mesures prises. hausse de la production locale, de   tonnes en
Premièrement, avec la difficulté que pose le recours à  à   tonnes en , mais aussi des ni-
la clause de sauvegarde — complexe dans sa mise en veaux de prix aux producteurs, de - FCFA/kg
œuvre et limitée dans le temps — un autre mécanisme à - FCFA/kg.
est mis en place : il s’agit d’un arrêt de délivrance des Pour résoudre un problème d’offre sur le marché,
autorisations préalables et des procès verbaux d’ins- lié à la concurrence entre l’oignon importé et local,
pection par la Direction de la protection des végétaux les acteurs de la filière ont donc mis en place un cadre
(DPV) d’une part et de la déclaration d’importation de concertation interprofessionnel. L’animation de ce
par la Direction du commerce intérieur (DCI) d’autre cadre par l’ARM permet la mise en œuvre effective
part. La non disposition de ces deux documents em- des solutions institutionnelles : arrêt des importa-
tions, contingentements. L’implication de la DPV
. Union nationale des commerçants et industriels du et de la DCI garantit l’arrêt effectif des importa-
Sénégal (UNACOIS). tions. Finalement c’est un partenariat public privés
. Direction du commerce intérieur (DCI), Direction du qui conduit les acteurs à s’accorder sur des règles et
commerce extérieur (DCE), Direction de la protection des surtout qui permet aux règles d’être applicables. Ce
végétaux (DPV), Douane, Direction de l’horticulture (DH), cas de l’oignon illustre la possibilité de l’émergence
Société nationale d’aménagement et d’exploitation des terres de stratégies collectives permettant une régulation
du delta du Fleuve Sénégal et des Vallées du Fleuve Sénégal concertée des marchés agricoles en relation avec les
et de la Falémé (SAED). pouvoirs publics. §

8 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Initiatives

La vente groupée de soja, un


„ Commercialisation moyen pour mieux vendre?
Lionel Guézodjé (guezolionel@yahoo.fr)____
A u Bénin et en particulier à Zogbodomè, beaucoup délais-
sent la production de coton au profit de celle de soja, plus
rentable. L’Union communale des producteurs de Zogbodomè
s’est lancée dans l’appui à cette culture à travers l’octroi de
crédits à ses membres et la vente groupée de leur production
grâce à un contrat avec un industriel.

D
„ Lionel Guézodjé est     Z, au centre du avec des retards. Dans la vague de restructuration
agriculteur dans la Bénin, l’Union communale des producteurs au sein du réseau Fupro ¹, l’UCPZ s’est engagée dans
commune de Zogbodomè de Zogbodomè (UCPZ) a entrepris depuis un processus de diversification des productions et
au Bénin, président de  un processus de mise en marché collective de d’offres de services économiques à ses membres.
l’Union communale des produits agricoles. L’union a ciblé le soja dans cette Ainsi elle a identifié plusieurs contraintes dans la
producteurs de Zogbodomè démarche en raison de deux importants marchés filière soja locale :
(UCPZ) et secrétaire potentiels d’écoulement de ce produit : deux indus- – Un approvisionnement difficile en semences au mo-
général de la Fédération tries de production d’huiles végétales (à Zogbodomè ment opportun : pour se procurer des semences de
des unions de producteurs et dans la commune voisine de Bohicon) ayant une soja, les producteurs sont parfois obligés de parcou-
du Bénin (Fupro). capacité totale de transformation d’environ    rir de longues distances. Ces déplacements, parfois
de tonnes par an, et des femmes transformatrices de infructueux, rendent difficiles les planifications des
soja en fromages et autres produits dérivés. producteurs et obligent à des semis tardifs, ce qui
La première opération de mise en marché collec- provoque des baisses de rendement ;
tive, menée en -, n’a pas été une réussite : – Une faible disponibilité des semences de qualité : les
sur la base d’un objectif contractuel de  tonnes semences livrées et achetées ne sont pas toujours
à livrer à un industriel, l’UCPZ n’a pu livrer que  certifiées et produites par des spécialistes. Il s’agit
tonnes. En effet, les producteurs n’ont pas respecté parfois de réserves sur des productions ordinai-
leurs engagements car beaucoup étaient contraints res : il s’ensuit de faibles taux de germination, une
de rembourser en nature les usuriers et collecteurs de maîtrise difficile du cycle de la variété et des ren-
produits agricoles qui avaient préfinancé leur campa- dements faibles ;
gne. Pour lever cette contrainte, l’UCPZ a décidé de – Une mise en marché du produit « hasardeuse » : la
pré-financer partiellement ses producteurs à travers plupart des producteurs de soja ont des difficultés
des crédits intrants pour la campagne -, à trouver des acheteurs offrant des prix suffisam-
ainsi que des crédits pour les frais de campagne en ment rémunérateurs, ou utilisent une grande partie
-. Cette action a permis d’augmenter de fa- de leur production pour rembourser les crédits de
çon substantielle la quantité de soja vendue via l’or- campagne qui leur sont octroyés par des usuriers.
ganisation, à la grande satisfaction du client. Ces crédits sont parfois remboursés à des taux d’in-
térêt de  , du fait des techniques de rembourse-
Des contraintes au niveau des semences et de ment en nature pratiquées. Le soja est cédé au prix
la mise en marché du soja. À Zogbodomè, le co- le plus bas de la campagne, sans aucune marge de
ton occupait il y a quelques années une place très négociation possible de la part des producteurs.
importante. Mais aujourd’hui le contexte n’est plus
favorable à cette culture : les prix s’effondrent sur Les stratégies mises en œuvre par l’UCPZ. L’UCPZ
le marché international, les producteurs sont payés a mis en place un certain nombre de stratégies pour
tenter de partiellement libérer ses membres de l’em-
prise des usuriers et des collecteurs. C’est ainsi que,
grâce aux appuis du Programme d’appui à la diver-
sification des filières agricoles (PADFA) et du Cen-
tre communal pour la promotion agricole (CeCPA),
l’UCPZ a sélectionné  producteurs pour produire
localement des semences de soja, et ainsi réduire la
dépendance de la Commune de Zogbodomè vis-à-vis
de l’extérieur pour l’approvisionnement en semences
© Peasant Farmers Association of Ghana

de qualité. Chaque producteur semencier dispose en


moyenne d’un hectare pour produire des semences de
soja. Cette opération a permis à l’UCPZ de disposer

. La Fédération des unions de producteurs du Bénin


(Fupro) est une structure faîtière des organisations
paysannes du Bénin. Auparavant très orientée vers le
coton, la Fupro s’intéresse aujourd’hui à d’autres filières
agricoles et d’autres catégories de producteurs. Ü

Grain de sel 9
nº 48 — septembre – décembre 2009
Initiatives

 villages de la commune, puis évacue les produc-


tions vers l’usine.
L’UCPZ implique fortement les autorités locales dans
le processus. Cela permet, entre autres, de dispenser
de taxes locales les véhicules transportant le soja.

Des résultats encore mitigés mais encourageants.


Au cours de la campagne -, les surfaces em-
blavées en soja ont augmenté de façon spectaculaire :
© Peasant Farmers Association of Ghana

  hectares contre  hectares prévus par l’UCPZ


en début de campagne (sur la base des semences li-
vrées par l’union). Les producteurs se sont montrés
enthousiastes par le fait que le paiement du soja soit
comptant, et qu’ils soient impliqués dans tout le pro-
cessus (fixation du prix, contrôle de qualité, pesée et
livraison à l’usine). Ils ont délaissé le coton, au profit
du soja plus rentable. Si les livraisons de l’UCPZ à
l’industriel ont augmenté de   entre les deux
dernières campagnes, le contrat avec l’industriel n’a
toutefois pas pu être complètement honoré. En effet,
Û d’un stock de  tonnes de semences à la fin de la cam- afin de ne pas perdre leur marché, les usuriers ont
pagne - ; cette quantité permettra d’embla- volontairement augmenté leurs prix de  à  FCFA/
ver environ  ha. L’opération devrait se poursuivre kg au dessus du prix négocié avec l’industriel et se
et être renforcée dans les années à venir pour rendre sont hâtés d’acheter le soja aux producteurs, pour le
la commune entièrement autonome en semence de revendre aux fabricants d’aliments pour animaux des
soja, la quantité produite cette année ne représentant grands centres urbains. L’UCPZ n’a donc pu livrer
en effet que   de la demande locale. à l’industriel que   des  tonnes initialement
Les semences sont ensuite fournies par l’UCPZ à prévues. Il faut noter que cette hausse des prix par
crédit aux producteurs en début de campagne. Les les usuriers a tout de même participé à l’amélioration
producteurs remboursent l’UCPZ en « équivalent des revenus des producteurs. Mais les usuriers ne pe-
poids » au moment de la récolte. Les semences sont sant pas les productions achetées bord champs (à la
ainsi indirectement subventionnées, car le rembour- différence de l’UCPZ pour la vente à l’industriel), il
sement en nature n’a pas la même valeur marchande n’est toutefois pas exclu qu’il y ait eu des tromperies
que les semences initialement fournies. En -, de la part des usuriers sur le poids des sacs…
environ   producteurs ont bénéficié de semences Par contre, plus de   des crédits octroyés via
à crédit. Les frais de distribution sont pris en charge l’UCPZ ont été remboursés. La forte implication de
par les producteurs (ils sont fonction de la quantité l’industriel à tous les stades de l’opération a permis
fournie et de l’éloignement des villages). de nouer un partenariat durable, malgré les difficul-
Les crédits intrants sont octroyés aux producteurs tés rencontrées.
progressivement : la première année, un producteur Par ailleurs, avec cette nouvelle approche, l’UCPZ
ne peut bénéficier que d’un crédit semences ; si le rem- commence à disposer de statistiques précises sur la
boursement se passe bien, l’UCPZ peut lui octroyer production (surfaces, quantités de semences, nombre
à partir de la campagne suivante un crédit intrants de producteurs, rendements, etc.), ce qui constitue un
( sacs d’engrais par hectare) et un crédit de cam- véritable outil de planification et de décision.
pagne pour les frais d’entretien de la culture et de La mise en place du crédit et l’organisation de la
récolte (maximum de   FCFA/ha). vente groupée ont permis de générer des ressources
La mise en marché du soja est collective, à tra- internes pour le fonctionnement de l’union (environ
vers un contrat avec un industriel. L’UCPZ et l’in-   FCFA, soit   des salaires).
dustriel s’accordent en début de campagne sur Cette expérience montre que l’organisation des
un prix plancher de vente du soja. Les termes de producteurs peut avoir un impact sur les négociations
l’accord sont signés par les deux parties. Ce prix des prix des produits agricoles. Par ailleurs, l’offre
plancher était de  FCFA/kg pour la campagne de services économiques permet à l’organisation de
- ( FCFA/kg payés au producteur et  générer des ressources internes indispensables à son
FCFA/kg prélevés pour les frais de fonctionnement fonctionnement. Enfin, la fidélisation des producteurs
de l’union). Le prix de vente est ensuite renégocié à la vente groupée passe par un contrat soutenu et
en cours de campagne, à la hausse, entre l’UCPZ par un crédit en début de campagne.
et l’industriel. Il est censé être supérieur à celui des L’UCPZ ne compte pas s’arrêter là. Son objectif
usuriers. En -, l’industriel a renégocié le pour les années à venir : pré-financer les charges de
prix à  FCFA/kg. production de  producteurs avec écoulement de
Au moment de la récolte, l’UCPZ met en place un la totalité de leur production via le système de vente
comité en charge de la pré-collecte du soja dans les groupée mis en place. Une expérience à suivre ! §

10 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
48
Inter-réseaux
Développement rural

C
’ , il y a une part de
mythe et d’idéologie qui accompa-
gne l’exaltation de la motorisation agri-
cole par les autorités politiques d’Afrique subsaharienne.
Mais au-delà de ce constat, la volonté de mécaniser n’est-elle pas égale-
ment le reflet d’un choix stratégique de « moderniser » l’agriculture africaine ?
Un choix implicite d’une transformation en profondeur de l’agriculture, qui va ten-
dre de la petite agriculture familiale vers une agriculture industrielle et commerciale ?
De ce point de vue, une série de questions émergent. Dans quelle mesure la mécanisation
et la motorisation sont-elles conciliables avec une petite agriculture familiale sur de faibles
surfaces et avec une main d’œuvre familiale ? Le discours sur la mécanisation n’est-il pas un
argument pour promouvoir une agriculture, souvent appelée agrobusiness, caractérisée par de
très grandes superficies, fortement motorisée, utilisant une main d’œuvre salariale qualifiée ? Le
mythe de la mécanisation peut être perçu sous cet angle comme le contre-pied d’une perception
que certains ont de notre agriculture ouest-africaine, qu’ils caractérisent par des exploitations
familiales incapables de se moderniser et de nourrir les populations croissantes.
Pourtant, la mécanisation peut aussi être perçue comme étant une voie de transformation et
de modernisation des exploitations familiales. Des analystes raisonnent sur la mécanisation
des exploitations en termes de trajectoires, le parcellaire s’adaptant en fonction du niveau
de mécanisation. En somme, il se pose la question du choix entre le laisser faire, l’inten-
sification écologique des agricultures familiales, et/ou l’encouragement des investis-
sements vers les agro entreprises.
Daouda Diagne

Nous remercions pour leurs contributions, tous les auteurs, et en


particulier M. Havard, V. Beauval, P. Delmas, P. Lhoste,
E. Deniel. Ce dossier a été coordonné par
N. Boquien.

Des réalités contrastées 12

Des initiatives diverses 15

Le dossier : Des enjeux, des défis 24

Mécanisation et motorisation agricole


en Afrique : entre mythe et réalités
LeForum
dossier Des réalités contrastées

Des agricultures manuelles à la motorisation lourde :


des écarts de productivité considérables
Marcel Mazoyer (marcel.mazoyer@agroparis
tech.fr) et Laurence Roudart (laurence.
roudart@agroparistech.fr)________________
L a révolution agricole et la révolution verte ont permis
à un certain nombre d’agriculteurs d’accroître de façon
considérable la productivité de leur travail. Mais tous n’ont
pas eu accès à ces progrès techniques, et aujourd’hui la pau-
vreté et les insuffisances alimentaires sont le lot quotidien
de la majorité de la paysannerie mondiale.

L
„ Marcel Mazoyer    active du travail ne dépassant pas une tonne dans les pays développés et dans quel-
est ingénieur du monde, qui s’élève à  milliard d’équivalent-céréales par actif. À la ques secteurs limités des pays en déve-
agronome,  millions de personnes, soit même époque, les systèmes de culture loppement. En quelques décennies, on
ingénieur des eaux environ   de la population active attelée lourde sans jachère en Europe, est ainsi passé à des superficies pouvant
et forêts, et du monde, ne dispose en tout et pour ainsi que les systèmes hydrorizicoles aller jusqu’à  hectares par actif en
professeur émérite tout que de  millions d’animaux de de culture attelée de certains deltas grande culture céréalière, et des ren-
à AgroParisTech. travail, soit environ   du nombre d’Asie, permettaient d’obtenir une pro- dements pouvant atteindre plus de 
„ Laurence des actifs agricoles, et de  millions ductivité brute de l’ordre de  tonnes tonnes par hectare. En conséquence,
Roudart est de tracteurs, soit   d’entre eux. La par actif. Les agricultures du monde la productivité brute du travail peut
ingénieur très grande majorité des agriculteurs s’inscrivaient donc dans un écart de aujourd’hui, dans les régions les plus
agronome, du monde continue donc de travailler productivité de l’ordre de  à . favorisées, atteindre   t/actif.
docteur de à la main, en particulier en Afrique Dès la fin du  siècle, l’industrie Mais la situation de l’agriculture
l’Institut national subsaharienne. En effet dans cette ré- commença à produire de nouveaux mondiale est violemment contrastée :
agronomique gion, il n’y aurait par exemple qu’un matériels mécaniques à traction ani- seuls quelques millions d’agriculteurs
Paris-Grignon, et peu plus de   tracteurs. male qui furent adoptés par les fermes ont été touchés par cette révolution
professeur de bien dimensionnées dans les colonies agricole. Parmi les agriculteurs non
développement Origine du fossé croissant entre agri- agricoles d’origine européenne et, plus motorisés, deux tiers environ ont été
agricole à cultures : le triomphe de la révolution lentement, en Europe. Les exploitations touchés par la révolution verte, dans
l’Université Libre agricole dans les pays développés et les mieux équipées atteignirent ainsi les régions favorables des pays en déve-
de Bruxelles. dans certains secteurs des pays en une productivité brute du travail de loppement, et produisent entre  et 
„ Ils sont auteurs développement. Au milieu du  quelque  t/actif. tonnes de grain par travailleur, selon
du livre « Histoire siècle, la plupart des paysans du mon- Au  siècle, la révolution agricole qu’ils bénéficient ou non de la traction
des agricultures de pratiquait une agriculture stricte- contemporaine stricto sensu (motori- animale. Il reste à peu près un tiers des
du monde. Du ment manuelle (houe, bêche, hache, sation, grande mécanisation, sélection, agriculteurs du monde privés de se-
néolithique à nos machette, etc.), avec une productivité chimisation, spécialisation) a triomphé mences sélectionnées, d’engrais et qui
jours » (éditions disposent uniquement d’un outillage
du Seuil). manuel de culture sommaire utilisé
�������� �� ����� �������� ��� ������������ ��� sur de faibles surfaces. Cette agri-
���� culture paysanne pauvre, orpheline
de toute recherche et de tout projet,
���������������� � � compte encore presque la moitié de
��������� �� ���� �� ��� �� la population agricole mondiale, soit
 milliard  millions de personnes
������� ��������
(actifs agricoles et leurs familles) vivant
Les étapes du ������� ������� ������ mal ou très mal de l’agriculture et ne
développement pouvant guère dépasser une produc-
de l’outillage ������� ������� ������ tivité brute d’une tonne de grain par
et de la moto- ���� travailleur et par an.
mécanisation ������� ������� ��������� L’écart de productivité du travail
en culture ���������������� �� �
entre l’agriculture manuelle non chimi-
céréalière ��������� �� �� � ��� �� sée et l’agriculture la plus lourdement
motorisée et chimisée du monde est
���������������� ��� � aujourd’hui de l’ordre de  à   en
��������� �� �� � �� �� productivité brute. Dans ce contexte
où l’Afrique subsaharienne n’a béné-
���������������� �� � ficié ni de la révolution agricole con-
��������� �� �� � �� ��
temporaine ni de la révolution verte
���������������� � � et dont l’agriculture reste principale-
�� ��������� �� ����� �� �� ��
� ment manuelle, il reste à s’interroger

� sur les voies possibles pour combiner
� � � �� �� �� ��� ��� au mieux les divers progrès agricoles
���������� ��� ����������� ���� possibles. §

12 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Des réalités contrastées LeForum
dossier

Mécanisation dans le contexte africain :


notions préliminaires sur les techniques et enjeux
Valentin Beauval (valentin.beauval@wanadoo.fr)
et Nathalie Boquien (nathalie.boquien@inter-
reseaux.org)__________________________
A fin d’améliorer la productivité du travail dans les ex-
ploitations agricoles africaines, différentes stratégies de
mécanisation sont testées et adaptées aux divers contextes
techniques et environnementaux. Mécanisation, motorisa-
tion, techniques alternatives, quelles solutions pour quels
enjeux ?

A
„ Valentin    possibilité d’accès à des crédits rem- traction animale est dominante. Elle
Beauval est un du travail des agricultures fa- boursables sur  à  ans ont favorisé a permis une nette augmentation de la
agronome ayant miliales des pays en dévelop- cette évolution. D’autres paysans ont productivité du travail, surtout dans les
travaillé  ans pement est une absolue nécessité. Plu- choisi de conserver la traction animale zones équipées de semoirs polyvalents,
au Nicaragua, en sieurs raisons à cela : pour permettre en nourrissant leurs animaux grâce d’outils à dents pour les désherbages,
Algérie, au de mieux nourrir les populations de ces aux pailles de riz et à des cultures et de charrettes pour les transports.
Cameroun et au pays, pour produire des denrées plus fourragères sur les collines. Ces deux dernières décennies, la quasi
Sénégal sur des compétitives, et pour freiner l’exode absence de crédits d’équipements a
questions de rural des jeunes de moins en moins D’autres facteurs influencent des malheureusement handicapé le dé-
développement motivés par les agricultures manuel- choix différenciés de mécanisation. veloppement de ces formes de trac-
intégré, les. Or, dans les pays d’Afrique, face Dans les zones soudano-guinéennes, tion animale qui, dans ce contexte
animation, à des situations très diversifiées, il ne où la saison des pluies dure plus de  pédoclimatique, ont largement fait
formations peut exister de solution unique en mois, la trypanosomiase freine tou- leurs preuves en termes d’efficience
rurales et matière de traction animale, de mo- jours l’extension de l’élevage de zébus économique et de durabilité envi-
expérimentations torisation et bien entendu de mode et les taurins résistants à la maladie ronnementale.
agronomiques de production. n’ont pas le gabarit suffisant pour ef- Dans les zones sahéliennes du Bur-
en milieu réel. fectuer des travaux lourds. De plus, kina Faso et du Mali, la technique du
Depuis , il Des stratégies de mécanisation di- dans ces zones, des éléments clés des zaï s’est fortement développée de
est agriculteur verses et adaptées. Dans le delta et systèmes de production comme les pair avec la confection de diguettes
en Anjou une partie de la moyenne vallée du gros tubercules (igname, manioc), la et de cordons pierreux. Cela a permis
(France) et a fleuve Sénégal, la traction animale n’a fréquence des vergers ou la présence d’augmenter la productivité du sol ou
réalisé, pas pu se développer pour les opéra- de nombreux arbres utiles dans les au moins d’enrayer son déclin. Mal-
parallèlement tions culturales car les terres sont très parcelles complexifient l’introduction heureusement ces techniques sont très
aux travaux de argileuses et l’aridité du climat rend de la traction animale ou du tracteur exigeantes en temps de travail et des
sa ferme, une difficile l’alimentation des animaux qui permettrait d’accroître la produc- agronomes testent avec des paysans
centaine de de trait hors des casiers rizicoles. La tivité du travail. Les programmes vi- des formes mécanisées de zaï plus
missions d’appui production de fourrages dans ces ca- sant à développer la traction animale économique en travail.
à des projets de siers a été testée, mais a été jugée trop se sont par exemple heurtés au coût
développement coûteuse par les paysans. La motori- de « dessouchage » des parcelles. Dans Quelles solutions sont proposées
rural en Afrique sation a donc été promue même si elle ces zones, des techniques de mise en aujourd’hui aux agriculteurs afri-
de l’Ouest, au a accru les coûts de production déjà place de cultures annuelles sur couver- cains ? Les expériences de motorisa-
Maghreb et en pénalisés par la nécessité de pompage ture végétale sont en cours de test et tion avec introduction de tracteurs en
Amérique latine. de l’eau. peuvent, en complément de certaines Afrique subsaharienne ont eu par le
„ Nathalie Par contre, au Mali, dans les casiers pratiques paysannes, constituer une passé, et encore aujourd’hui, des résul-
Boquien est rizicoles de l’Office du Niger, la trac- solution pour améliorer la productivité tats mitigés. Plusieurs États africains
animatrice tion animale domine car les terres de certaines cultures annuelles. incitent actuellement à la motorisation
réseaux au sein sont moins argileuses et les paysans Dans les zones guinéennes d’al- (programme Team  en partenariat
du secrétariat parviennent encore à nourrir les ani- titude, souvent fortement arrosées, avec l’Inde), mais ces programmes sont
exécutif d’Inter- maux dans les espaces pastoraux lors l’agriculture est principalement ma- souvent mis en œuvre sans réflexion
réseaux des périodes de végétation du riz. nuelle vu la dominance des cultures suffisante.
Développement Au lac Alaotra, à Madagascar, les associées (arbres et arbustes très utiles Or, si le tracteur accroît la productivité
rural. terres sont souvent argileuses mais les sur les plans économique et alimen- du travail pour certaines activités im-
paysans ont depuis longtemps résolu taire), des pentes parfois excessives, portantes (labour, transport), lorsque
cette difficulté en attelant deux pai- etc. Ces agricultures ont généralement les autres activités comme le semis, le
res de zébus à la charrue. Par contre, une productivité à l’hectare impor- désherbage ou la récolte restent ma-
la disponibilité en pâturages naturels tante mais la productivité du travail nuelles, la productivité globale est au
s’est progressivement réduite et, le coût reste faible et n’a pas beaucoup évolué final peu améliorée.
de production de fourrages dans les jusqu’à présent pour la majorité des Les impacts environnementaux sont
casiers ayant été jugé excessif, de plus cultures annuelles. par ailleurs souvent négatifs, que ce
en plus de paysans optent pour les mo- Par contre, dans les zones souda- soit sur la matière organique des sols,
toculteurs. Le faible coût de ceux-ci, le niennes d’Afrique et, en particulier les l’érosion, ou encore la difficulté de pré-
prix assez attractif du riz ainsi que la zones cotonnières ou arachidières, la server les arbres utiles (karité, néré, Ü

Grain de sel 13
nº 48 — septembre – décembre 2009
LeForum
dossier Des réalités contrastées

Le zaï

L    est une technique


de récupération des terrains en-
croûtés, qui est traditionnelle en pays
Dogon et s’est répandue dans plu-
sieurs zones sahéliennes du Burkina
Faso. Il consiste à creuser des trous
de  à  cm de largeur et de  à
 cm de profondeur, dans lesquels
de la matière organique est apportée
sous forme de fumier ou de com-
post avant la période de semis. Les
cuvettes ainsi créées permettent de
recueillir les eaux de ruissellement
et de favoriser leur infiltration.
Û etc.), importants économiquement campagne ! Les avantages du zaï sont : la cap-
pour les femmes de beaucoup de zo- Comme en Europe avec l’extension ture des eaux de ruissellement et de
nes soudano-sahéliennes. des techniques sans labour, des pay- pluie, la préservation des semences
Ces initiatives doivent être accom- sans africains testent des modes de et de la matière organique, la con-
pagnées d’une réflexion sur la place du semis direct ou avec un travail du sol centration de la fertilité et des eaux
tracteur dans les systèmes de produc- très réduit. L’appui à la mécanisation disponibles au début de la saison
tion, le choix des divers équipements, de ces pratiques pourrait être encou- des pluies et une augmentation de
des bénéficiaires, la formation des agri- ragé comme c’est le cas dans la région la production agricole. Mais c’est
culteurs et des tractoristes, l’entretien de Koutiala au Mali (partenariat entre une technique pénible, car réalisée
du matériel et la disponibilité des piè- une OP, Afdi Touraine et le Cirad) où au moment des grandes chaleurs, et
ces de rechange. est mis au point un semoir de semis lente : le temps de travail est de l’or-
Des alternatives à la motorisation direct deux rangs à traction animale. dre de  heures/ha.
sont parallèlement testées avec l’appui Celui-ci devrait, si cette recherche-ac- Le zaï mécanique consiste à réali-
de bailleurs du Nord, en particulier les tion est positive, être en grande partie ser les cuvettes grâce à des passages
semis sur couverture végétale (SCV). fabriqué au Mali. croisés d’une dent de travail du sol
Ils permettent de réduire fortement les Les systèmes paysans agroforestiers en traction animale (asine, bovine,
charges de mécanisation pour certai- sont souvent très adaptés sur le plan équine), avec un premier passage
nes cultures annuelles, mais les con- environnemental aux écologies des dans le sens de la pente et un se-
traintes à leur extension sont encore zones soudano-guinéennes ou gui- cond passage qui croise la pente. À
nombreuses en Afrique. La technicité néennes. Les arbres ont plusieurs rô- l’intersection des deux passages se
requise est en effet assez pointue ; la les : cultures de rente (palmier à huile, trouve la cuvette de zaï. Cela per-
dominance de la vaine pâture dans la anacardier), production alimentaire met de réduire considérablement la
majorité des systèmes agraires rend (arbre à pain, jacquier sur la côte Est pénibilité et le temps de travail qui
difficile le maintien des couvertures de Madagascar), haies pour marquer passe alors à  heures/ha.
végétales en saison sèche ; les itinéraires le territoire et protéger les cultures des
techniques sont souvent peu adaptés intrusions des animaux, production
pour les gros tubercules et les associa- de bois de chauffe, affouragement du Les OP doivent par ailleurs être
tions d’arbres et de cultures ; et l’em- bétail, etc. accompagnées dans leurs réflexions
ploi plus fréquent de pesticides dans Comme l’ont montré plusieurs en matière d’introduction de la mo-
ces itinéraires techniques entraîne des expériences, les cultures en couloir torisation et d’appui à leurs adhérents
risques pour la santé humaine. (système agroforestier qui consiste à pour sa gestion (sur l’exploitation, à
établir des cultures entre des rangées travers des prestataires de services, ou
Des pistes de réflexion pour l’amé- d’arbustes) ou des arrangements spa- dans le cadre d’une utilisation en com-
lioration de la productivité du travail tiaux bien étudiés lors de la constitu- mun), d’étude des complémentarités
en Afrique subsaharienne. Dans les tion d’un verger d’anacardiers ou de entre traction animale et motorisa-
zones soudano-sahéliennes d’Afrique, palmiers peuvent permettre de con- tion, d’accès au crédit d’équipement
la traction animale a indéniablement cilier arbres et mécanisation. et de négociation d’appuis de l’État
prouvé son efficience économique et Les débats concernant le tracteur dans ce domaine.
sa durabilité environnementale, liées ne doivent pas faire oublier que l’uti- Enfin, un suivi des évolutions écono-
aux multiples bénéfices de l’intégration lisation du moteur pour diverses acti- miques, sociales et environnementales
agriculture/élevage. Les agricultures vités (battage, décorticage, râpage des des innovations en cours en matière de
familiales de ces zones devraient à tubercules, pompage de l’eau, etc.) est motomécanisation devrait être assuré
nouveau pouvoir bénéficier de cré- très utile et réduit incontestablement par les instituts de recherche des États
dits d’équipements remboursables la charge de travail, en particulier des concernés et ce en partenariat avec les
sur plusieurs années et avec des taux femmes. Favoriser l’accès à des outils agriculteurs et leurs OP ainsi que les
d’intérêt qui ne soient pas ceux des motorisés pour ces activités est donc responsables des ministères de l’Agri-
crédits court terme ou des crédits de primordial. culture en charge de ces dossiers. §

14 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Des réalités contrastées LeForum
dossier

Évolution de la traction animale


en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale
Michel Havard (michel.havard@cirad.fr), Éric
Vall (eric.vall@cirad.fr), Philippe Lhoste
(lhosteph@orange.fr)____________________
I ntroduite en Afrique subsaharienne dans les années 50, la
traction animale est souvent présentée comme le moteur de
la modernisation de l’agriculture familiale. La présentation
de son évolution dans quelques pays d’Afrique de l’Ouest et
du Centre met en lumière l’appropriation de ces équipements
par les paysans mais aussi quelques difficultés.

E
„ Michel Havard  A subsaharienne, la Une nouvelle dynamique pour la trac- et difficiles à réaliser. Elle passe par
a travaillé au traction animale a été intro- tion animale depuis les années 90. l’acquisition puis progressivement
Centre de duite dans les années , afin Malgré le désengagement progressif par la maîtrise technique d’animaux
coopération de développer les cultures industriel- de l’État et le démantèlement des ser- et d’équipements souvent coûteux. En-
internationale en les administrées (coton et arachide), vices para-étatiques d’appui à la trac- suite, pour réussir son intégration au
recherche destinées à satisfaire les demandes des tion animale, les taux d’équipement se sein des exploitations, de nombreux
agronomique huileries et filatures des pays du Nord. sont maintenus et le développement changements sont nécessaires : aug-
pour le Cette mécanisation des exploitations de la traction animale s’est poursuivi mentation si possible des superficies,
développement agricoles, possible grâce à la présence en s’appuyant sur un système de ser- modification des assolements et de
(Cirad) comme d’un cheptel bovin important, visait à vices recomposés. l’organisation du travail, apparition
spécialiste de la augmenter la productivité du travail Les services matériels (réparation de nouvelles activités (gestion des
mécanisation et à favoriser l’essor économique des et entretien des équipements, vente animaux de trait, prestations de ser-
agricole. Il est exploitations. d’animaux, approvisionnement en ma- vice, etc.).
depuis  en Entre  et , l’adoption de la tériels agricoles, etc.) ont été en grande Acquérir un attelage et des équipe-
poste à l’Institut traction animale fût lente et irrégulière, partie repris par des privés (forgerons, ments demeure une priorité pour de
de recherche alternant phases d’essor et de recul liées vendeurs d’animaux, petites et moyen- nombreux paysans, mais les crédits
agricole pour le entre autres aux conditions proposées nes entreprises). Dans de nombreux d’équipement des sociétés de dévelop-
développement par les services d’appui (crédits, taux pays, l’arrêt des programmes d’appui pement se réduisent, même si tous les
(Irad) au d’intérêt, etc.), aux conditions clima- à l’agriculture a mis en difficulté les pays n’en sont pas au même stade. Au
Cameroun. tiques et aux problèmes de maîtrise de usines de fabrication de matériels agri- Cameroun, il existe encore des crédits
„ Philippe la santé des animaux. coles de traction animale. L’artisanat d’équipement en traction animale par
Lhoste est Finalement, les paysans choisirent forgeron s’est fortement développé pour la Société de développement du coton
zootechnicien la traction animale pour la rapidité l’entretien et la maintenance des ma- (Sodecoton), alors que dans d’autres
tropicaliste. Il a d’exécution des opérations culturales tériels agricoles de traction animale, pays, ce type de crédits a disparu. La
été chercheur à (labour et semis en particulier) qui leur mais aussi pour la fabrication de cer- pression démographique constante sur
l’Orstom puis au permettait d’augmenter les surfaces tains équipements. Aujourd’hui, les la terre rend par ailleurs plus difficile
Cirad où il a cultivées. Entre le début des années  artisans forgerons couvrent l’essen- l’augmentation des superficies des
développé les et la fin des années , la diffusion et tiel de la demande en charrues, sar- exploitations agricoles permettant
approches le financement de la traction animale, cleurs et charrettes ainsi qu’en pièces de rentabiliser la traction animale.
systémiques des le choix des matériels agricoles, leur de rechange. Les produits artisanaux Les trajectoires d’équipements et les
élevages distribution, la formation des artisans fabriqués avec des matériaux de récu- stratégies des agriculteurs pour accéder
tropicaux. et des paysans ainsi que les actions de pération sont souvent de qualité moin- à la traction animale, puis pour con-
„ Éric Vall est vulgarisation technique étaient sous le dre que les produits industriels, mais server le niveau d’équipement atteint,
zootechnicien et contrôle des sociétés de développement ils ont l’avantage d’être disponibles sont diverses.
a effectué des agricole liées au coton ou à l’arachide. sur les marchés locaux et beaucoup Dans le Bassin Arachidier du Sénégal,
recherches sur la Ces programmes d’appui des socié- moins chers. le taux d’équipement des exploitations
traction animale tés cotonnières et les prix favorables En revanche, les activités de for- est d’environ   depuis  ans, ce
en Afrique du coton et de l’arachide ont permis mation, d’appui-conseil et les servi- qui signifie que   des exploitations
Centrale. Depuis l’augmentation importante du nombre ces financiers et vétérinaires dans ce agricoles possèdent au moins un ani-
, il d’attelages qui a été multiplié par  dans secteur ont des difficultés à se péren- mal de trait (cheval, âne ou bœuf) et
développe des le bassin arachidier du Sénégal, par  niser : les paysans ont des problèmes au moins un équipement de base (se-
recherches sur au Nord-Cameroun et par  dans le pour effectuer les suivis vétérinaires et moir, houe). Les seules évolutions ont
les dynamiques sud du Tchad. En parallèle les travaux zootechniques des attelages et surtout été les acquisitions d’attelages par les
des systèmes de la recherche agricole portaient sur pour financer leurs équipements. nouvelles exploitations créées et le
d’élevage au les outils (plus de  ont été testés au remplacement des animaux de trait
Centre Sénégal,  ont été proposés à la vul- Des stratégies diverses pour l’accès dans les autres.
international de garisation et une dizaine ont eu une aux attelages : les cas du bassin ara- La majorité des paysans achètent
recherche- diffusion significative), les attelages, la chidier du Sénégal et du Nord Ca- les animaux et les équipements. Ce-
développement mise au point de systèmes de culture meroun. L’appropriation de la traction pendant, le confiage d’animaux et la
sur l’élevage en mécanisés et l’élaboration du concept animale par les agriculteurs nécessite location des attelages se sont intensifiés
zone subhumide de système mixte de production asso- des transformations importantes de entre les exploitations. Des agriculteurs
(Cirdes). ciant l’agriculture et l’élevage. leurs exploitations, souvent longues propriétaires d’animaux les confient à Ü

Grain de sel 15
nº 48 — septembre – décembre 2009
LeForum
dossier Des initiatives diverses

Zonage des modes d’utilisation


de la traction animale en Afrique
de l’Ouest et du Centre

pivot de la traction animale dans le


cycle de vie des exploitations concer-
nées, qui est aujourd’hui solidement
implantée dans toute l’Afrique de
l’Ouest et du Centre.

Une répartition différenciée selon


les zones agro-écologiques. Selon
les régions, les types d’utilisation de
la traction animale sont différents, et
dans certaines zones le passage à la
traction bovine n’est pas nécessaire-
ment un objectif pour les paysans.
La traction bovine est surtout ré-
pandue en zone sub-humide, basée sur
une paire de zébus attelée à une chaîne
d’outils comprenant une charrue, des
outils de sarclage et de buttage et le
char à bœufs. Elle est adaptée à ces
zones où une puissance de traction
élevée est requise pour le labour à la
charrue, le sarclage et le buttage.
La traction légère quant à elle est
basée sur un âne attelé à des outils
légers. C’est le système dominant
dans les zones semi-arides où la ra-
Û de petits agriculteurs qui peuvent ainsi de paysans équipés jusqu’à un seuil pidité d’intervention pour les semis,
disposer d’un attelage, mais également nécessitant l’achat d’attelages (autour les désherbages et les travaux du sol
bénéficier de sous-produits : avec les de  ha/exploitation). superficiels sont nécessaires. Le bas-
femelles (juments le plus souvent, va- À l’exception de conditions de dé- sin arachidier du Sénégal y fait figure
ches parfois), le propriétaire bénéficie marrage favorables (appui financier d’exception avec l’utilisation du cheval
des produits des deux premières mises de la famille, activité extra-agricole et du semoir.
bas, et le troisième produit revient au importante, etc.), la phase d’équipe- En plus de la culture attelée, la
locataire. En échange, le locataire nour- ment en bovins de trait est un processus traction animale remplit différentes
rit, entretient et soigne l’animal. de longue haleine pouvant atteindre fonctions économiques (épargne sur
Pour bénéficier du matériel, les pe- jusqu’à  ans pour certaines exploi- pieds, sources de revenus, etc.) et so-
tits agriculteurs pas ou peu équipés tations, du fait de l’inexistence de cré- ciales (« prestige du laboureur »), et
ont recours à la location de leur terre dits d’acquisition des animaux et de la intervient dans la conduite des cultures
(c’est le cas de   des exploitations), difficulté de constituer une épargne. selon les spécificités des systèmes de
ou de leur force de travail, et ont accès Pour la raccourcir, les agriculteurs production. Elle contribue également
en retour au matériel des agriculteurs procèdent par des étapes successives au transport des biens et des personnes,
équipés (  des exploitations prati- de capitalisation-décapitalisation des et dans certaines régions les paysans
quent ainsi la location de leur matériel animaux : achat de petits ruminants utilisent d’ailleurs des combinaisons
à de petites exploitations). ou de porcins à partir du revenu tiré de plusieurs formes de traction avec
Au Nord Cameroun, le taux d’équi- des meilleures campagnes agricoles par exemple l’utilisation des bovins
pement des exploitations est d’environ puis acquisition d’un bovin que l’on pour les labours, buttages et sarcla-
 . Le passage de la culture manuelle engraisse pour le revendre, ou que l’on ges, et des ânes et chevaux pour les
à la culture attelée est toujours associé fait travailler en association avec un transports.
à une stratégie de financement et à un autre propriétaire mono-bovin, ou Pourtant tous les problèmes ne sont
projet de l’agriculteur à court terme encore acquisition d’un attelage asin pas réglés et la traction animale, sou-
(extension de la surface cultivée, spé- permettant de travailler en autonomie vent présentée comme le moteur du
cialisation, etc.). La nécessité d’étendre — les attelages asins sont en effet cinq progrès et de la modernisation de l’agri-
les surfaces cultivées naît le plus sou- fois moins chers à l’achat que les attela- culture familiale, est confrontée à des
vent des difficultés pour l’agriculteur ges bovins. La constitution de la paire difficultés. La mécanisation du travail
à satisfaire par le travail manuel les de bovins marque la fin du processus du sol par la traction animale a ainsi
besoins alimentaires et monétaires de d’acquisition de l’attelage car les outils déplacé les goulots d’étranglement
sa famille (limite technique de  ha/ de travail du sol peuvent être obtenus en main d’œuvre sur les opérations
actif). Pour soutenir leur objectif d’ex- chez les artisans-forgerons ou à crédit difficilement mécanisables (récoltes,
tension foncière, beaucoup de jeunes auprès de la Sodecoton. sarclages) pour lesquelles les besoins
agriculteurs dépourvus d’équipements Ces différentes trajectoires et straté- en main d’œuvre sont parfois difficile
agricoles louent d’abord les attelages gies d’équipement confirment le rôle à assurer. §

16 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Des initiatives diverses LeForum
dossier

La motorisation est-elle utile aux exploitations


familiales du bassin cotonnier malien?
Pierre Girard (pierre.girard@fondation-farm.org)
et Patrick Dugué (patrick.dugue@cirad.fr)_____ À partir des résultats d’une étude d’impact de la motori-
sation sur le fonctionnement des exploitations agricoles
familiales de Koutiala au Mali, les questions de rentabilité
de l’investissement dans le tracteur et de l’impact de son
utilisation sur la fertilité des sols sont posées.

A
„ Pierre Girard    ’ , la  par la Compagnie malienne de dé- Augmentation du rendement et
est agro- promotion de la motorisation veloppement des textiles (CMDT). Ces fertilité des sols. L’augmentation
économiste. Il agricole prend de l’ampleur au exploitations motorisées sont pour la des superficies cultivées étant limitée,
est actuellement Mali avec la vente à crédit par l’État plupart tenues par les familles fonda- l’accroissement du produit brut des ex-
chef de projets de  tracteurs au « monde paysan » trices des villages qui contrôlent une ploitations motorisées doit passer par
vivriers à la et la construction d’une usine d’as- bonne partie du foncier cultivable. une augmentation du rendement afin
Fondation pour semblage de tracteurs en partenariat de rentabiliser l’investissement « trac-
l’agriculture et la avec une entreprise indienne. Avant Une augmentation limitée des sur- teur ». La motorisation devait permettre
ruralité dans le cela, de  à , la Coopérative faces. Dans la région de Koutiala, le de labourer rapidement en valorisant les
monde (Farm). ll des exploitations motorisées de Kou- recours au tracteur peut difficilement premières pluies (fin mai, début juin)
a réalisé en  tiala (CEMK) a importé de France  entraîner une augmentation de la su- afin de semer précocement les parcelles
une étude sur la tracteurs de  CV d’occasion avec perficie cultivée : les terres en friche, de cotonnier et de maïs, ce qui favorise
motorisation à l’appui d’Afdi Aveyron. Ces acqui- surtout situées sur des sols gravillon- l’obtention de bons rendements. Cet
Koutiala pour sitions ont été réalisées grâce à des naires peu profonds, sont souvent réser- impact attendu de la motorisation est
l’association crédits octroyés par la banque rurale vées au pâturage en saison des pluies, très recherché aujourd’hui au vu de l’ac-
Agriculteurs Kafo Jiginew. Suite à un faible taux de et les terres agricoles sont cultivées centuation des aléas pluviométriques.
français et remboursement du crédit, Afdi Avey- en continu sans recours à la jachère. Cependant, notre étude portant sur la
développement ron avec l’appui du Cirad a souhaité Dans ce contexte les agriculteurs non campagne agricole - n’a pas
international mieux caractériser les impacts de la motorisés pourraient céder une par- pu mettre en évidence une augmen-
(Afdi) Aveyron motorisation sur les systèmes de pro- tie de leurs champs aux agriculteurs tation du rendement par rapport aux
et le Centre de duction. Ce texte présente les princi- motorisés, mais cela semble être une exploitations non motorisées. Soit le
coopération pales conclusions de l’étude réalisée pratique exceptionnelle, le marché de calendrier de semis a été peu modifié
internationale en auprès de  exploitations familiales la terre n’étant pas officiel, et chaque par la motorisation, dans ce cas les
recherche dont  motorisées suite à la campa- famille préservant son capital foncier. chefs d’exploitation ont certainement
agronomique gne agricole / ¹. Selon les agriculteurs non motorisés, du mal à combiner opérations cultura-
pour le les risques d’une monopolisation des les manuelles et motorisées et à gérer
développement Qui sont les exploitations motori- terres par les « motorisés » semblent un grand nombre d’actifs familiaux.
(Cirad). sées ? Les exploitations disposant d’un faibles même si la possibilité législa- Soit la faible fertilité du sol constitue
„ Patrick Dugué tracteur sont toutes de type familial, tive récente d’immatriculation foncière un facteur prépondérant limitant la
est chercheur en avec un chef d’exploitation assez âgé pourrait le permettre. production.
agronomie à et plusieurs ménages : en moyenne Les tracteurs sont équipés le plus L’utilisation des résidus de culture
l’Unité mixte de  actifs pour  bouches à nourrir souvent d’outils à disques (charrue, pour fabriquer de la fumure organi-
recherche et  ha de cultures pluviales. L’ac- crover-crop) pour réaliser un travail que est une pratique courante dans
Innovation au quisition d’un tracteur a été facilitée du sol superficiel. Les autres opérations la zone de Koutiala, quel que soit le
Cirad. Il travaille par la grande taille des familles car les culturales — sarclage, démariage et niveau d’équipement des exploitants.
sur les processus surplus dégagés par les actifs s’addi- récolte — sont réalisées manuellement Même si la motorisation leur permet
d’innovation tionnent. Elle fait suite à une logique ou en traction bovine faute de maté- de récolter plus facilement de grandes
paysans et antérieure d’accumulation du capital riels adaptés au tracteur. Ces travaux quantités de résidus de culture (pailles
l’amélioration facilitée par la régularité des revenus d’entretien nécessitent beaucoup de de céréales, tiges de cotonnier), ils mo-
des systèmes de cotonniers. Avant d’avoir un tracteur, main d’œuvre, rare dans la région bilisent autant le couple âne-charrette
polyculture ces familles possédaient en moyenne à ces périodes de pointe de travail. pour cela, afin de réduire la dépense
élevage.  paires de bœufs et certaines avaient Ainsi, dans les campagnes malien- en carburant. Au final, les apports de
déjà acquis des tracteurs de marque nes, contrairement aux pays euro- fumure organique par unité de sur-
Bouyer vulgarisés au début des années péens, le tracteur n’est pas à l’origine face cultivée dans les exploitations
de l’exode rural. motorisées ne sont pas supérieurs à
Au vu de ces deux éléments — con- ceux observés dans les exploitations
. Cette étude s’appuie sur les trainte foncière, chaîne d’équipement en traction animale, car vu la grande
résultats obtenus par un échantillon incomplète — le gain de surface cultivée superficie cultivée le ratio bovin/ha
d’exploitations motorisées durant une par actif est peu significatif : , ha/ cultivé dans les exploitations moto-
mauvaise saison des pluies — / actif pour les motorisées contre , ha/ risées est inférieur à celui des exploi-
 — ce qui peut limiter la portée des actif pour les exploitations possédant tations en culture attelée (respective-
conclusions présentées dans ce texte. deux paires de bœufs de labour. ment , bovins/ha et , bovins/ha). Ü

Grain de sel 17
nº 48 — septembre – décembre 2009
LeForum
dossier Des initiatives diverses

les. Cependant, dans d’autres exploi-


tations sans contrainte foncière forte,
la motorisation a permis d’accroître la
surface cultivée et de ce fait la quantité
de travail pour le semis, le sarclage,
le démariage et la récolte réalisés en
grande partie par les femmes ce qui a
augmenté leur charge de travail.
Les effets de l’introduction du
tracteur sur la cohésion familiale et
le maintien des grandes exploitations
patriarcales sont variables suivant les
familles. Aucune des exploitations mo-
torisées enquêtées ne s’est pour le mo-
ment scindée même si, pour certaines,
la gestion du tracteur est source de
mésententes : prestige social pour celui
qui conduit le tracteur, réallocation des
taches manuelles à d’autres, etc. Pour
d’autres exploitations, le tracteur est
plutôt un élément qui contribue à la
© P. Girard

cohésion familiale car il est vu comme


une source d’augmentation des reve-
nus qu’il faut à tout prix conserver et
donc bien gérer.
Battage Û Par contre les exploitations motori- contracté. L’augmentation du revenu Au final, le bilan de la motorisation
du sées proches de Koutiala valorisent le agricole et la rentabilité de l’investis- agricole chez les adhérents de la CEMK
sorgho tracteur pour transporter des déchets sement ne peuvent donc être assurés est mitigé. La motorisation des tra-
au ménagers urbains ou issus des usines que par des prestations de service : le vaux culturaux n’a pas été à l’origine
tracteur d’égrenage de coton, ce qui permet battage des céréales, le labour et dans d’une augmentation de la production,
d’augmenter sensiblement la quantité une moindre mesure le transport (res- du moins pour la campagne agricole
de fumure organique disponible pour pectivement  ,   et   de la va- /. Pour améliorer la rentabilité
leurs cultures. leur des revenus issus des prestations). de cet investissement, les agriculteurs
Afin de faciliter le passage de la char- Ces prestations participent pleinement explorent diverses pistes comme la mo-
rue pour le labour motorisé et de li- aux frais d’entretien et de réparation du torisation du sarclage et du buttage et
miter la détérioration du tracteur, les tracteur et au remboursement du prêt. le transport sur de plus longues dis-
agriculteurs ont généralement procédé L’importance des prestations dans le tances de matières organiques.
à un dessouchage poussé des parcel- revenu agricole explique que plusieurs Le développement de la motorisation
les. Une moindre densité d’arbres et agriculteurs enquêtés veuillent acquérir au Mali repose sur l’accumulation en
d’arbustes dans les champs diminue un deuxième tracteur. Cependant, avec capital des plus grandes exploitations
les transferts verticaux de fertilité, et les multiples opérations de promotion et de certains commerçants. Il diffère
le labour avec un outil à disques réa- de la motorisation et la paupérisation du modèle des régions de polyculture
lisé dans des conditions trop sèches d’une partie des agriculteurs dans la élevage françaises des années /,
peut accroître les quantités de terre zone du fait de la crise cotonnière, on marqué par une présence forte des
érodée. Inversement un labour réalisé peut penser que ce marché sera rapi- coopératives d’utilisation du matériel
en sol trop humide va entraîner un dement saturé. agricole (Cuma). Plus globalement, pour
tassement du sol et un mauvais enra- le développement rural de l’Afrique de
cinement des cultures. Des mesures Des conséquences sociales variables. l’Ouest, il ne faudrait pas entretenir le
précises au champ comparant les ef- Dans certaines exploitations, le temps mythe d’une révolution agricole par
fets des divers modes d’implantation de travail libéré par le labour au trac- la seule motorisation agricole qui ne
des cultures seraient nécessaires pour teur permet aux hommes de s’investir peut concerner qu’une petite partie des
conclure sur ce point. plus dans les travaux de semis et de agriculteurs (ceux qui sont solvables)
démariage traditionnellement dévolus contrairement à la culture attelée pour
Une rentabilité assurée par les tra- aux femmes. Celles-ci ont alors plus laquelle des progrès sont encore possi-
vaux motorisés en prestation. Étant de temps pour cultiver leurs parcelles bles. Il demeure néanmoins important
données les charges supplémentaires individuelles, faire du petit commerce de conseiller et d’accompagner les agri-
(réparations, gasoil) et l’augmentation ou transformer les noix de karité en culteurs possédant des tracteurs afin
limitée de la production agricole liées beurre. Les femmes soulignent que les qu’ils puissent rentabiliser leur inves-
au tracteur, le revenu dégagé par les bœufs de trait des exploitations mo- tissement, et que les travaux culturaux
exploitations motorisées ne permet torisées sont plus disponibles pour motorisés n’aggravent pas la dégradation
pas toujours de rembourser le crédit labourer leurs parcelles individuel- de la fertilité des sols de ces régions. §

18 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Des initiatives diverses LeForum
dossier

Le boom des motoculteurs au Lac Alaotra à


Madagascar
Andriatsitohaina Rakotoarimanana (tsito
@cirad.mg), Philippe Grandjean (grandjean
@cirad.mg), Éric Penot (eric.penot@cirad.fr),
D epuis le début des années 2000, les motoculteurs rencon-
trent un succès important dans la région du Lac Alaotra
au nord de Madagascar. Au delà d’un investissement quasi
Marie-Hélène Dabat (marie-helene.dabat
@cirad.fr)____________________________
égal à celui de l’attelage traditionnel, c’est son caractère
multifonctionnel qui séduit les populations.

L
„ Andriatsitohaina   du Lac Alaotra, située permet d’enfouir les mauvaises herbes coïncide avec une conjonction d’oppor-
Rakotoarimanana à  km au Nord de la capitale non appétées par les zébus en contre- tunités dans les années  : ) L’ar-
est ingénieur Antananarivo, a connu une for- saison. Ce labour est suivi d’un passage rivée sur le marché de motoculteurs
agro-économiste, midable diffusion des petits motocul- à la herse pour émotter et, dans certains chinois « bon marché » qui ont bénéficié
adjoint au teurs chinois (appelés localement « Ku- cas, est suivi d’un piétinement par les de la part du gouvernement d’une dé-
directeur de la bota » du nom de la marque japonaise zébus pour disposer d’une boue dans taxation à l’importation en  pour
Cellule de qui y a été vulgarisée dans les années laquelle le riz est repiqué. promouvoir l’agriculture mécanisée.
maîtrise d’œuvre ) au cours des dernières années. Ce Le riziculteur en périmètre irri- Ces motoculteurs sont d’autant moins
déléguée du phénomène est intéressant à étudier gué est soumis à des obligations de onéreux qu’ils arrivent en « pièces déta-
projet BVLac tant sur le plan de la façon dont cet coordination de ses activités avec les chées » dans des conteneurs (ce qui en
pour le Centre de équipement s’est inséré dans les pra- autres usagers de l’eau pour respecter réduisant l’encombrement diminue les
coopération tiques locales que des facteurs qui ont le calendrier cultural dicté par la date coûts de fret) et sont montés sur place
internationale en permis cette mécanisation. prévisionnelle du lâché d’eau du bar- par les revendeurs locaux à bas coût
recherche Les premières expériences de mé- rage et le photopériodisme de la variété (le montage ne nécessite pas de main
agronomique canisation de l’agriculture au Lac Makalioka qui y est largement plan- d’œuvre qualifiée) ; ) Le moindre in-
pour le Alaotra remontent aux années  tée. Tout retard est sanctionné par une térêt pour les attelages à quatre zébus
développement avec la vulgarisation de la charrue baisse significative des rendements. Le pour les diverses causes mentionnées
(Cirad). Il est brabant double attelée. Les premiers travail de préparation du sol, avant sa plus haut (vol, maladie, alimentation,
responsable du essais de motoculteurs à roues de fer mise en eau, requiert une force de tra- gestion des animaux, etc.) ; ) La pos-
suivi-évaluation datent des années . Tandis que les vail qui, au Lac Alaotra se fait le plus sibilité de générer un complément de
interne du projet opérations de vulgarisation des pre- souvent à la charrue de type Bajac, at- revenus en diversifiant les usages du
BVLac depuis miers motoculteurs ont démarré dans telée avec deux paires de zébus. Il est motoculteur : service de travail à fa-
. les années - avec démonstra- alors fréquent en système traditionnel çon auprès des autres producteurs,
„ Philippe tion des possibilités de substitution aux que chaque exploitation détienne au utilisation comme moyen de trans-
Grandjean est travaux attelés traditionnels. Mais le moins deux paires de zébus, également port, etc. ; ) Enfin l’amélioration du
ingénieur vrai boom des motoculteurs au Lac utilisés pour le transport (charrette) et prix de vente du paddy donnant les
agronome. Il Alaotra est récent. pour le battage du riz. L’exploitant doit moyens financiers de l’acquisition de
dirige la cellule de donc disposer d’un parc à bœufs, d’un ces motoculteurs.
maîtrise d’œuvre Rôle de la mécanisation agricole en bouvier et d’une aire de pâturage. Une L’acquisition d’un bœuf de trait
déléguée du riziculture irriguée dans la région du alternative est de louer les zébus pour coûte   Ariary ¹ en  (
projet BVLac Lac Alaotra. La riziculture est la pre- des travaux à façon. Puisque toutes les ) soit    Ariary pour quatre
pour le Cirad mière activité agricole dans la région demandes arrivent au même moment, têtes (  ) sans compter les coûts
depuis . du Lac Alaotra, véritable grenier à riz la disponibilité des zébus influe forte- de dressage, gardiennage, alimenta-
„ Éric Penot est de Madagascar. La riziculture irriguée ment sur les coûts de ces travaux. tion et entretien.
agro-économiste se concentre dans les bas fonds et les La recrudescence des vols de bœufs Si le tracteur agricole reste hors d’at-
au Cirad. Il est en plaines. Sur   ha dans la plaine depuis les années  et la réduction teinte pour la plupart des exploitations
poste à du lac,   ha ont été aménagés pour des aires de pâturage, due à l’extension familiales du Lac, un motoculteur de 
Madagascar l’irrigation de  à . Ce type de des cultures sur les collines combinée CV est proposé sur le marché à partir
depuis . riziculture est fait sur des sols lourds à la dégradation des ressources four- de    Ariary en  (  )²,
„ Marie-Hélène de type hydromorphes tourbeux al- ragères, ainsi qu’à l’insuffisance de la pratiquement équivalent au prix d’un
Dabat est lant du limoneux au sablo-argileux, couverture de soins vétérinaires ont attelage bovin équipé d’une charrue.
économiste au avec un apport alluvionnaire. La forte réduit l’offre en bœufs de trait. L’en- L’entretien est beaucoup plus sim-
Cirad. Elle a été descente de la nappe phréatique en pé- semble de ces facteurs a contribué au ple que celui d’un tracteur et reste à
en poste à riode sèche réduit fortement les pos- développement des motoculteurs, al- la portée des exploitations familiales :
Madagascar de sibilités de cultures de contre-saison. ternative plus rapide et indépendante des garages pouvant entretenir ou
 à  et La sécheresse rend le sol très compact des aires de pâturages. réparer les motoculteurs se trouvent
responsable du pendant l’intersaison. La préparation dans presque chaque village bordant Ü
suivi-évaluation du sol nécessite ainsi un labour assez De la traction bovine au motocul-
interne du projet profond ( à  cm) et régulier pour teur : un changement majeur dans . Unité monétaire malagasy.
BVLac de  à assurer un bon lit du semis et un bon le paysage. Malgré plusieurs tentati- . Prix moyen affiché sur le marché en
. repiquage. Le labour joue un rôle dé- ves antérieures de mécanisation dans  pour un motoculteur  CV avec
terminant pour la production car il la région du Lac Alaotra, le vrai boom accessoires.

Grain de sel 19
nº 48 — septembre – décembre 2009
LeForum
dossier Des initiatives diverses

Récupération mécanique des sols dégradés à la


charrue Delphino : une technique efficiente en
zone sahélienne

Û les routes, et certains revendeurs as-


surent même un service après vente.
Ces derniers disposent de jeux de piè-
L   D, inventée
par un ingénieur italien (V. Val-
lerani) pour la restauration mécanisée
un rapport de /. Les conclusions de
l’étude de la FAO de  confirment
cette tendance. Selon cette étude, les
ces de rechange pour toutes les pièces à grande échelle des glacis et autres impacts économiques et financiers de
courantes (courroies, câbles, filtres, terres marginales a été expérimentée à  à  /an en année  seraient jugés
carburateurs, segments, pistons). la fin des années  par la FAO dans suffisamment importants pour per-
L’approvisionnement en carburant les régions sèches du Burkina Faso et mettre aux collectivités rurales de
se fait de manière régulière via  sta- du Sénégal. La technique permet de prendre en charge les frais d’utilisa-
tions services présentes dans la zone réaliser de façon mécanique des tran- tion de ces équipements au bout de 
et un réseau de taxi brousses assurant chées ou de micro-bassins en forme à  ans, voire de les renouveler si be-
le transport de fûts de carburant sur de demi-lunes qui collectent les eaux soin au bout de  à  ans. Ceci montre
leurs trajets. de ruissellement des pluies. qu’il existe, dans certaines conditions,
L’adaptation du motoculteur pour le Du point de vue de la productivité des formes de mécanisation utiles et
transport (fixation d’une remorque) est du travail, un tracteur de  CV et valorisables par les pays sahéliens, ne
relativement facile. Ces « motoculteurs une charrue permettent potentielle- constituant pas un investissement trop
transporteurs » supplantent de plus ment de réaliser de  à ha/jour, lourd et pouvant être supporté par les
en plus les charrettes traditionnelles. ce qui aurait nécessité au moins  pays, et plus particulièrement par les
L’activité de service de transport est jours de travail pour une personne collectivités rurales.
très appréciée par les villageois car les en travail manuel. L’étude du Cilss en  dans la
motoculteurs desservent des axes que Cette technologie est aussi bien région sahélienne du Burkina Faso
n’atteignent pas les transports publics utilisable pour l’agriculture que a montré que, associée au semis di-
(« taxi-brousses »). Rançon du succès de pour l’amélioration des pâturages rect d’espèces forestières, la techno-
ces motoculteurs, les autorités commu- et pour le reboisement. Le coût de logie est économiquement très effi-
nales ont dû prendre des mesures pour réalisation par hectare est évalué de ciente car elle permet d’obtenir une
que les conducteurs de motoculteurs  à  US. Plusieurs intervenants densité ligneuse au moins deux fois
transporteurs soient initiés au code de étatiques et ONG y ont recours de plus économique que les techniques
la route. Ainsi,  conducteurs ont été nos jours au Burkina Faso. habituellement utilisées.
formés en maintenance et conduite L’évaluation agronomique et en- La mécanisation avec la charrue
durant la période  à . vironnementale de cette technologie Delfino, si elle est correctement uti-
Les paysans deviennent ainsi de plus au Nord Burkina a montré ses effets lisée, peut ainsi être un excellent
en plus mobiles et les produits agricoles spectaculaires sur la régénération de catalyseur et accélérateur pour la
peuvent être plus rapidement transpor- la végétation herbacée et l’améliora- restauration du potentiel agro-sylvo
tés sur des distances plus grandes. Si la tion des rendements, avec un dou- pastoral et le développement dans les
charge maximale pour une charrette blement des rendements céréaliers régions arides.
est d’environ  kg, les remorques (mil-sorgho) soit en moyenne de
associées aux motoculteurs peuvent   à   kg/ha. Edwige Botoni (edwige.botoni@cilss.bf),
charger   kg, pour un motoculteur Selon l’inventeur de la technologie, Bertrand Reysset (bertrand.reysset@cilss.bf),
son coût/bénéfice serait supérieur à Sibiri Ouedraogo (sibiri.ouedraogo@cilss.bf)_

de puissance moyenne ( CV). sés dans  de ces  exploitations, en


Il n’est pas rare également de voir de complémentarité avec le motoculteur :
petites unités de décortiqueries rura- les motoculteurs sont alors plutôt af-
les alimentées en énergie par les mo- fectés aux travaux des rizières, et les
toculteurs dont le moteur relié à une attelages bovins réservés aux terrains
dynamo est exploité comme groupe situés sur les collines, pour le travail de
électrogène, ou parfois directement préparation des sols, le transport des
relié aux machines. intrants (fumier, poudrette de parc),
Depuis , le nombre de moto- et le transfert des récoltes jusqu’à des
culteurs est en progression constante points accessibles aux motoculteurs.
au Lac Alaotra. Une enquête auprès de Cette progression de la mécanisa-
 exploitations (Durand C., Nave S., tion au Lac Alaotra montre comment
) a révélé en  un taux de dif- une synergie de facteurs a joué pour
fusion de   des motoculteurs dans pallier la carence de la traction ani-
les exploitations. La même année, male. L’appui de l’État, la dynamique
sur les  exploitations suivies par productive de la région, l’incitation
le projet BVLac,  disposaient d’un du marché et l’aptitude de l’équipe-
ou plusieurs motoculteurs (soit   des ment à répondre à plusieurs types de
© P. Grandjean

exploitations) avec un maximum de  besoins, ont permis aux motoculteurs


machines pour une seule exploitation. de pénétrer de façon significative ce
Les bœufs de trait sont toujours utili- milieu rural. §

20 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Des initiatives diverses LeForum
dossier

Expérience des Gumac au Tchad : se regrouper


pour un meilleur accès à la mécanisation
Entretien avec M’Baïtelsem Betel Esaïe
(atader.doba@yahoo.fr)_________________ A u Tchad, l’association tchadienne des acteurs du déve-
loppement rural (Atader) et l’association Afdi Poitou-
Charentes travaillent en partenariat pour favoriser l’accès
des petits producteurs à la traction animale et au tracteur, à
travers la création de Groupements d’utilisation du matériel
agricole en commun (Gumac).

„ M’Baïtelsem Grain de sel : Quelles sont les activités semblage géré par les groupements sur la mécanisation agricole mais aussi
Betel Esaïe est du partenariat Atader – Afdi Poitou- de forgerons) un fond de roulement sur les itinéraires techniques des cul-
ingénieur Charentes au Tchad ? qui lui permettait de vendre du ma- tures. Les gens ont aussi l’espoir de
agronome de M’Baïtelsem Betel Esaïe : L’Atader et tériel à crédit aux Gumac. Les taux pouvoir un jour bénéficier d’un crédit
formation. Après Afdi Poitou-Charentes interviennent d’intérêt pratiqués étaient autour de de charrue, car nous sommes en train
avoir travaillé au Logone Oriental, une région produc-   du montant total du crédit, pour de chercher de nouvelles possibilités
pour l’association trice de sorgho, mais aussi de riz, de mil une durée de  ans pour les charrues, pour l’accès au crédit.
Agriculteurs pénicillaire, de maïs, d’arachide et de  ans pour les charrettes.
français et coton, considérée comme le « grenier » Un contrat était signé entre la Sote- GDS : Comment ces Gumac s’organi-
développement du Tchad. Leur intervention porte sur qad, les acheteurs et le chef du village, sent-ils au niveau régional ?
international la sécurité alimentaire, la formation et témoin de la vente. Dans ce contrat MBE : Au niveau villageois les Gumac
(Afdi) Poitou- les visites-échanges entre organisations était stipulé qu’en cas de non rem- constituent des Unions de Gumac, qui
Charentes au de producteurs, et le développement boursement, le matériel serait retiré se regroupent au niveau de la Fédéra-
Tchad, il est de la culture attelée, avec la formation s’il était encore en bon état, sinon le tion régionale. La fédération rassemble
désormais de forgerons, la création d’ateliers de problème serait réglé par les autorités les demandes issues des unions (en
coordinateur de fabrication-réparation de matériels, et compétentes. crédit, charrues et charrettes) et sert
l’Association la création de Groupements d’utilisa- Pendant cette période, au moins d’intermédiaire. C’est elle aussi qui
tchadienne des tion du matériel agricole en commun  charrettes et  charrues ont organise les formations. Les unions
acteurs du (Gumac). été vendues aux Gumac, et au moins jouent le rôle d’interface entre la fé-
développement   producteurs ont pu bénéficier dération et la base. Ce sont elles qui
rural (Atader). GDS : Pourquoi avoir créé des Gumac de ces matériels. Mais il y a eu beau- connaissent les besoins des Gumac qui
„ L’association et comment s’organisent-ils ? coup d’impayés et l’opération a été les composent, elles assurent aussi le
Afdi Poitou- MBE : Les Gumac ont été créés pour stoppée. suivi des crédits octroyés et rendent
Charentes répondre aux besoins des agricul- Ensuite, entre  et , le pro- des comptes à la fédération. Pour per-
intervient depuis teurs en matériel agricole de traction jet Promotion des entreprises privées mettre à ces structures de fonctionner,
 dans la animale. Ce sont des petits groupes, (Pep) de l’ONG américaine Volunteers chaque Gumac cotise   FCFA/an
région du Logone souvent familiaux, qui se réunissent in technical assistance (Vita) a octroyé à son union et une part est reversée à
oriental, au de façon informelle pour acheter des des crédits d’équipement aux paysans. la fédération.
Tchad, et en outils en commun : principalement la Cette initiative a permis l’accès à 
partenariat charrue, achetée   FCFA par des charrettes et  charrues pour les Gu- GDS : Les Gumac s’intéressent-ils éga-
depuis  avec groupes de  personnes, et la charrette, mac. Mais le grand problème, c’était lement à la motorisation ?
l’association achetée   FCFA par des groupes le taux d’intérêt qui était de   par MBE : Dans les zones cotonnières, la
tchadienne de  personnes. Chaque Gumac a son an! Cela devenait exorbitant et n’a pas motorisation n’est pas adaptée et on
Atader, qui règlement intérieur pour l’utilisation fonctionné longtemps. doit aider les producteurs à avoir un
regroupe  du matériel. Certains ont rencontré des meilleur accès à la traction animale,
fédérations difficultés de gestion car lors des pre- GDS : Et aujourd’hui où en sont les mais nous avons aussi de grandes
professionnelles mières pluies, chacun voulait utiliser Gumac ? plaines rizicoles où il est possible
régionales : la charrue en premier. Maintenant une MBE : Depuis , l’État subvention- d’envisager la motorisation. Pour
fédération des règle a été établie : un vote détermine ne les charrues à   FCFA au lieu le moment, ces plaines ne sont pas
artisans (Faflor), l’ordre d’utilisation pour le labour. Une de  , et les charrettes à   aménagées, et les Gumac souhaitent
des greniers fois qu’ils ont fini dans leurs parcel- FCFA au lieu de  . Mais il faut acquérir des équipements (tracteurs,
communautaires les, ils peuvent ensuite louer la char- payer comptant car depuis , les charrues, cultivateurs) pour les met-
(Komadji), des rue, ce qui permet de la rentabiliser. Gumac n’ont plus accès au crédit ! Les tre en culture.
Gumac Aujourd’hui, on compte   Gumac Gumac continuent donc de fonctionner Actuellement, la motorisation fait
(Argumac) et des (groupes de  à  personnes). avec leur ancien matériel. Seulement partie de la politique agricole de l’État,
femmes (Atekor).  personnes ont acheté du matériel avec le programme Team . Le Tchad
GDS : Les Gumac ont-ils accès au crédit depuis  car peu de producteurs a ainsi reçu des tracteurs et une usine
Consultez la pour l’achat des équipements ? ont les moyens de payer cash. d’assemblage a été créée à N’Djamena.
version longue de MBE : De  à , Afdi a mis à Mais des Gumac se créent toujours, Jusqu’à ce jour malheureusement, les
cet interview : disposition de la Société tchadienne même si elles n’ont pas accès aux cré- Gumac n’ont pas encore eu accès à
www.inter- d’équipement agricole pour le déve- dits d’équipement, car cela permet aux ces tracteurs, mais nous sommes en
reseaux.org loppement (Soteqad : l’atelier d’as- membres de bénéficier de formations négociation pour en obtenir. §

Grain de sel 21
nº 48 — septembre – décembre 2009
LeForum
dossier Des initiatives diverses

Le système de culture sur couverture végétale (SCV) :


un système de culture durable?
Jean-François Richard (richardjf@afd.fr)__
L e SCV n’est pas une alternative à la motorisation. C’est
une option technique qui, en permettant l’amélioration des
qualités agronomiques des sols, permet d’inscrire l’activité
agricole dans la durée. En Afrique subsaharienne, le SCV est
encore peu développé et soulève de nombreux défis.

L
„ Jean-François    (MO) Une technique conciliable avec dif- prix se renchérit avec celui des carbu-
Richard est est un élément essentiel de la férents niveaux de mécanisation. Il rants fossiles.
chargé de projets fertilité des sols. De son niveau est possible d’allier agriculture de con- Plus de  millions d’hectares ont
à l’Agence dépendent le potentiel de production servation et motorisation ; les outils été cultivés en agriculture de conser-
française de et la stabilité des sols agricoles. Or le agricoles utilisés sont alors, en sus du vation en  (Derpsch, ), soit
développement labour et le travail du sol réduisent le tracteur : le semoir spécialisé, le pul- environ   des terres cultivables de
(AFD). Il a taux de MO d’autant plus rapidement vérisateur et les machines de récolte la planète, mais ces superficies ont
commencé sa que le climat est chaud : pour perdre qui sont en général des moissonneu- concerné presque exclusivement les
carrière comme la moitié du stock initial de MO après ses-batteuses automotrices. Cela in- agricultures motorisées du conti-
chercheur au défrichage d’une forêt, il faut environ duit une réduction des équipements nent américain et de l’Australie. Les
Centre de  ans en régions tempérées,  à  nécessaires (moins de puissance de superficies en culture manuelle et
coopération ans en régions tropicales et  ans en tracteurs) et une baisse des consom- attelée sont restées encore très mo-
internationale en régions équatoriales. L’intégration de mations d’énergie fossiles (moins de destes. L’impact de l’agriculture de
recherche l’élevage et l’utilisation des légumi- fuel par hectare) et par conséquent conservation est limité sur les rende-
agronomique neuses dans la rotation ont permis des productions moins émettrices de ments mais il va en s’accroissant avec
pour le en régions tempérées de conserver gaz à effet de serre, avec une capacité le temps. Il est par contre significatif
développement des niveaux de MO suffisants pour à séquestrer du carbone dans les sols sur la baisse des coûts de production
(Cirad), puis garantir un niveau de production agricoles. (moins d’énergie et de travail) et sur
comme ingénieur élevé. Cette situation ne s’est pas L’agriculture de conservation peut le résultat économique, à condition de
d’étude et de produite en milieux tropicaux où également être pratiquée en culture maîtriser les changements liés à cette
projets seules les jachères ont pu permettre manuelle, avec un outillage pour le innovation.
notamment sur de reconstituer un peu de MO, mais semis (canne planteuse, bâton fouis-
la culture l’accroissement de la pression démo- seur), le contrôle des mauvaises herbes L’agriculture de conservation en
motorisée sous graphique a raccourci les durées voire (pulvérisateur), la récolte pouvant être Afrique subsaharienne : des expé-
irrigation dans le supprimé les jachères, entraînant les réalisée avec une faucille ou un coupe- riences et des défis. En Afrique au
désert de Libye. agricultures dans un cercle vicieux coupe. En culture attelée, il existe des sud du Sahara (ASS), le SCV n’en est
d’agriculture « minière » et d’appau- semoirs spécialisés mais qui sont peu qu’à un stade embryonnaire, avec quel-
vrissement des sols. disponibles sur le marché, les outils de ques expériences en zone cotonnière
L’agriculture de conservation, dont pulvérisation sont manuels et il n’y a au Mali et au Burkina portant sur des
l’étape la plus aboutie correspond aux pas d’outils de récolte. La culture at- superficies de l’ordre de plusieurs di-
systèmes de culture sur couverture telée se justifie pour le transport, la zaines d’hectares, et au Nord Came-
végétale (SCV) tels que ceux mis au charrette étant l’instrument le plus roun avec un début de diffusion orga-
point par des équipes du Cirad per- répandu après la charrue, la houe et nisé sur plusieurs milliers d’hectares.
met de cultiver durablement sans la- le semoir. Cette diffusion est en outre confrontée
bourer, à condition : ) de laisser au Cette option technique offre une à l’absence de disponibilité d’outilla-
champ des résidus de récolte, voire opportunité d’inverser la tendance à ges adaptés. Les semoirs classiques, en
d’accroître la biomasse par des plantes la dégradation des sols par la recons- culture motorisée ou attelée, peuvent
de couverture plantées en intercalaire titution de la matière organique. Cela être utilisés à condition d’écarter de
de la culture principale, généralement se traduit par un accroissement de la la ligne de semis les résidus de récolte,
à une date décalée ; ) de ne pratiquer porosité et de l’agrégation des sols, ce ce qui implique un surcroît de travail
aucun travail du sol pour éviter l’ac- qui permet une meilleure infiltration et ne respecte pas l’orthodoxie de la
célération de la décomposition de la des eaux et par conséquent un moin- pratique.
matière organique (pour semer sur dre ruissellement. L’effet « mulch » des On peut citer la tentative de mise au
cette biomasse, il faut disposer d’un résidus limite l’évaporation et permet point d’un semoir de semis direct attelé
semoir spécialisé de semis direct) ; ainsi de limiter l’érosion et d’accroître sur résidus de récolte par l’association
) de pratiquer des rotations de cul- la résistance des cultures aux phéno- Agriculteurs français et développement
ture (légumineuses, céréales, autres mènes extrêmes (sécheresses). Outre international (Afdi) Touraine au Mali,
espèces) ; ) de pouvoir contrôler les cet effet d’atténuation, elle permet une utilisant une technologie innovante
mauvaises herbes par des herbicides, gestion durable des sols et participe à où l’angle d’entrure remplace le poids
et notamment un herbicide total avant l’adaptation aux changements clima- pour permettre la pénétration du dis-
le semis, le glyphosate. tiques. Enfin, elle permet de mobiliser que de semis dans le sol. Elle va être
des unités fertilisantes (azote) dont le poursuivie avec ce partenaire et l’ONG

22 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Des initiatives diverses LeForum
dossier

Formation pour l’épanouissement et le


renouveau de la terre (Fert) au Maroc
et au Mali, pour en parfaire la mise au
point, avec un financement de la Fa-
cilité d’investissement pour les ONG
(Fisong) de l’AFD.
Mais le décollage des SCV dans la
zone ASS nécessite de relever plusieurs
défis, en particulier la production et le
maintien de la biomasse en quantité
suffisante. Or celle-ci est fortement
dépendante de la pluviométrie. C’est
pourquoi le SCV sera beaucoup plus
facile à mettre en œuvre en zone sou-
dano-guinéenne qu’en zone soudanien-
ne, et à fortiori qu’en zone sahélienne.
Le défi relève de la compétition entre
élevage et SCV pour la biomasse, qui
est le fourrage des éleveurs sédentai-
res et transhumants, mais également
le carburant du redressement de la
fertilité, ainsi que la couverture des
habitations. La pratique de la vaine
pâture est donc difficilement compati-
ble avec l’appropriation de la biomasse
par les agriculteurs, et ceux-ci doivent
trouver des solutions telles que la ré-
duction des droits de vaine pâture, la Plutôt que de s’orienter vers l’acqui- accessible qu’à de gros exploitants, et
plantation de haies vives autour des sition de matériels importés (tracteurs l’usage d’intrants avec des crédits de
parcelles de culture, ou l’utilisation et outils) coûteux et difficiles à renta- campagne restant nécessaire.
d’espèces non appétées comme plan- biliser dans les conditions de l’ASS, les . De la recherche-expérimentation
tes de couverture. responsables de l’agriculture pourraient pour faire la démonstration chez,
L’interaction agriculture-élevage s’interroger sur les moyens à mettre en pour et avec les paysans, que d’autres
pourrait en revanche avoir un impact œuvre pour développer une agriculture pratiques sont possibles et durables.
positif sur le développement des SCV à faible consommation d’énergie, en Ceci en synergie avec la diffusion
si l’on parvenait à mettre au point et développant des matériels de culture d’autres innovations (variétés, in-
à diffuser les semoirs de semis direct attelée permettant le SCV. trants, etc.).
en culture attelée, seule solution per- Cependant, l’accès au seul matériel . De la vulgarisation, le passage à de
mettant un progrès significatif dans la ne pourra engendrer une évolution ra- nouvelles pratiques implique un
productivité du travail en agriculture pide des pratiques, si l’environnement accompagnement pour accélérer la
de conservation. Le zaï se développe des exploitations ne fait pas l’objet diffusion et minimiser les risques
par ailleurs presque exclusivement en d’améliorations, en particulier aux pour les agriculteurs.
culture attelée. plans suivants, par ordre d’impor- C’est à ce prix qu’il sera possible
tance décroissante : d’amorcer ce que certains ont déjà
Un changement de paradigme.Malgré . Économique, en touchant des pro- baptisé la « révolution doublement
les défis à relever pour une diffusion ductions pour lesquelles les prix sont verte ». §
large des SCV en ASS, on peut s’inter- suffisamment garantis ou stabilisés
roger sur la pertinence de poursuivre pour limiter les risques.
la diffusion de matériels de travail du . Foncier, la sécurité de l’exploitant est
sol. À long terme, ces outils peuvent indispensable pour lui permettre de
en effet avoir pour conséquences une s’approprier la biomasse qu’il a lui-
baisse continue de la matière organi- même produite. Cette sécurité sera
que, et une érosion des sols causée par accrue par des haies vives autour des
une moindre infiltration de l’eau et une parcelles pour empêcher le pâturage
diminution de l’agrégation des sols. par les animaux divagants.
Cette poursuite d’une agriculture mi- . Social, une révision des règles de
nière n’a pas les moyens de restituer la vaine pâture est nécessaire pour
les éléments minéraux exportés, avec limiter les conflits entre éleveurs sé-
des fumures minérales trop faibles, dentaires ou nomades et agriculteurs
et la réduction, voire la disparition pour la maîtrise de la biomasse.
des jachères. . Du crédit, le coût d’un semoir n’étant

Grain de sel 23
nº 48 — septembre – décembre 2009
LeForum
dossier Des enjeux, des défis

Le financement de l’équipement, élément clé de la


modernisation de l’agriculture familiale
Betty Wampfler (betty.wampfler@supagro.
inra.fr)_____________________________
L ’accès au crédit d’équipement, notamment pour la mé-
canisation des exploitations africaines, n’est pas chose
simple. Quelques institutions financières en Afrique inno-
vent en la matière. L’exemple des Cecam à Madagascar est
encourageant.

D
„ Betty    des pays élevé et plus difficile à gérer. été souscrits. En , sur les  
Wampfler est d’Afrique subsaharienne, LVM octroyés,   ont été souscrits
professeur l’investissement dans la mé- Des innovations dans l’offre de cré- pour des investissements agricoles dont
d’économie du canisation et, à fortiori, la motorisation, dit équipement. Pourtant, quelques   pour la mécanisation et la moto-
développement à dépasse les capacités d’autofinancement institutions financières innovent et dé- risation. Le développement du réseau
Montpellier de la plupart des ménages agricoles, veloppent une offre de CMT finançant Cecam dans la région du lac Aloatra
SupAgro, et rendant incontournable le recours au l’équipement agricole. L’initiative est a accentué cette tendance avec le fi-
chercheur à crédit de moyen terme (CMT). D’autre le fait de banques d’origine agricole nancement des motoculteurs.
l’Unité mixte de part, l’offre de CMT reste peu déve- —Banque nationale de développement L’étude d’impact du réseau Cecam
recherche loppée, malgré le regain d’intérêt et de agricole (BNDA) au Mali, Caisse na- menée entre  et  a mis en évi-
Marchés, ressources dont bénéficie aujourd’hui tionale de crédit agricole (CNCA) au dence le caractère stratégique de l’accès
organisations, la finance rurale. Sénégal, etc. — de banques de solida- au LVM pour les ménages. Non seule-
institutions et Les causes de ce rationnement de rité et quelques banques commercia- ment il permet l’accès à l’équipement
stratégies crédit sont bien connues. Pour les ra- les comme la Bank of Africa (BOA) à agricole, mais il peut ouvrir un cercle
d’acteurs (UMR res banques commerciales qui expé- Madagascar. Parmi les institutions de vertueux de développement, le capital
Moisa) du Centre rimentent une implantation rurale, le microfinance, ce sont principalement constitué par le bien initial pouvant
de coopération CMT, plus compliqué et risqué que le des réseaux mutualistes qui expérimen- ensuite être mobilisé comme garantie
internationale en crédit court terme, n’est pas une prio- tent le CMT, par exemple les Caisses pour l’accès à un nouveau crédit. Si
recherche rité. Pour la microfinance, le principal d’épargne et de crédit agricole mu- toutes les catégories de ménages y ont
agronomique facteur de blocage réside dans le man- tualiste (Cecam) à Madagascar, Kafo accès, les ménages pauvres prennent
pour le que de ressources financières adaptées. Jiginew au Mali, le Réseau des caisses néanmoins un risque plus important,
développement Confrontées à une très forte deman- populaires du Burkina (RCPB), mais tout aléa pouvant compromettre le rem-
(Cirad). Elle est de en crédit rural, les institutions de aussi les Caisses villageoises d’épar- boursement et les entraîner dans un
également microfinance parent au plus pressé gne et de crédit autogérées (Cveca) au cycle d’endettement.
directrice et concentrent leurs ressources sur Mali. Ces institutions financières ont Qu’il soit crédit-bail ou CMT clas-
adjointe de le crédit court terme. Par ailleurs, le des caractéristiques communes : des sique, ce crédit reste coûteux : taux
l’Institut des CMT nécessite des ressources finan- liens étroits avec le monde agricole, d’intérêt de , à   par mois selon
régions chaudes cières longues, immobilisées plus de des ressources (épargne mutualiste les institutions. Pour améliorer l’ac-
de Montpellier douze mois, qui font souvent défaut à ou des migrants, refinancement par cès à l’équipement, l’État malgache
SupAgro. la microfinance. Enfin, comme le CMT des banques proches du monde rural), a expérimenté entre  et ,
porte sur des montants plus importants et une implantation dans des zones à plusieurs programmes de réduction
et des durées plus longues que le crédit bon potentiel agricole. des taux d’intérêt par « bonification »
court terme, il engendre un risque plus du crédit, s’inspirant de la politique
Le cas du réseau Cecam à Madagas- de financement de la modernisation
car. Parmi elles, l’expérience la plus agricole française. Les institutions
ancienne et étendue est celle du réseau financières impliquées indiquent des
Crédit-bails de type location-vente Nombre d’octrois
Cecam à Madagascar qui développe résultats positifs : baisse des coûts du
mutualiste (LVM) en 2006 ( %)
depuis  un crédit-bail de moyen crédit, croissance du nombre d’em-
Bœufs de trait et vaches laitières 847 (35 %) terme ( mois à  ans) pour l’équipe- prunteurs, remboursements satis-
ment agricole et rural : le produit LVM, faisants, etc. Mais une évaluation
Charrettes 390 (16 %) location-vente mutualiste. Le principe rigoureuse de cette expérimentation
du crédit-bail est que l’institution fi- et de la faisabilité d’une bonification
Décortiquerie, dépailleur, broyeur 89 (4 %) nancière reste propriétaire du bien jus- de crédit équipement à échelle natio-
Source : Réseau CECAM, statistiques

qu’à son remboursement intégral par nale reste à faire. Même si la perti-
Motoculteurs 169 (7 %) l’emprunteur. Renforcé par une sévère nence des outils utilisés (bonification,
Sous-total matériels agricoles 1 495 (62 %) procédure de sélection et de suivi des fonds de garantie, ressources dédiées)
emprunteurs, il permet de sécuriser peut être discutée, il est évident que le
Autres véhicules 102 (4 %) le crédit pour l’institution financière, développement d’une offre de crédit
de gagner la confiance des banques de équipement à l’échelle des besoins de
Autres 825 (34 %) refinancement et de développer ainsi la modernisation des agricultures fa-
Total 2 422 (100 %)
une offre significative de CMT. Entre miliales nécessitera une mobilisation
 et , plus de   LVM ont politique. §

24 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Des enjeux, des défis LeForum
dossier

Quelle mécanisation agricole envisager


pour l’Afrique soudanienne?
Marc Dufumier (marc.dufumier@agroparistech.fr)_
L es choix de mécanisation agricole pour les pays d’Afri-
que soudanienne doivent être raisonnés en fonction des
objectifs de réduction de la pénibilité du travail humain et
d’augmentation de sa productivité, sans pour autant occa-
sionner de chômage ni de dégâts environnementaux.

D
„ Marc Dufumier     N ancien- de main-d’œuvre. menter sensiblement les quantités de
est depuis  nement industrialisés, l’em- Ainsi en a-t-il été récemment dans fumure organique apportées à l’hec-
professeur ploi de tracteurs et d’engins les régions du sud du Mali où grâce à tare. Cela a rendu possible la mise en
d’agriculture motorisés pour déplacer et actionner l’emploi d’équipements attelés, les ex- culture annuelle de ces parcelles, sans
comparée et de les machines agricoles est intervenu à ploitants agricoles ont été en mesure de période de friche. Grâce à ces apports
développement un moment où les agriculteurs équi- substituer progressivement leur ancien de fumure organique en provenance
agricole à pés de divers équipements attelés système d’agriculture sur abattis-brû- des parcs nocturnes, les terrains qui
AgroParisTech. Il avaient déjà les moyens de manier et lis par des systèmes de culture dans peuvent être cultivés tous les ans ne
est également transporter les matières organiques lesquels les parcelles régulièrement se limitent plus seulement à de petits
membre du (biomasse des champs transportés amendées avec des matières organi- « champs de case », mais couvrent
conseil vers les bâtiments d’élevage, fumier ques peuvent être désormais cultivées désormais des superficies bien plus
stratégique de produit dans ces derniers puis étendu tous les ans, sans perte apparente de étendues. Ces parcelles accueillent les
l’agriculture et de sur les champs, même lointains), de fertilité, du moins pour les agriculteurs plantes anciennement cultivées sur les
l’agro-industrie façon à assurer la reproduction de la ayant un nombre de bovins suffisant « champs de brousse » après abattis-
durables fertilité des sols, sans ne plus devoir pour fumer leurs terres. brûlis : le cotonnier, les céréales (maïs,
(CSAAD) du nécessairement laisser leurs terrains Il y a à peine plus de quatre décen- sorgho, mil, etc.) et l’arachide.
ministère de en friche (« jachère »). Le recours aux nies, dans les régions cotonnières du La décision d’emblaver tous les ans
l’Alimentation, de instruments motorisés y a permis d’ac- sud du Mali, seuls les « champs de les mêmes champs semble bien avoir
l’Agriculture et de croître la productivité du travail dans case » situés à proximité des villages relevé d’un choix délibéré. Les paysans
la Pêche. des proportions considérables, par suite et fertilisés par les déchets de cuisine y avaient intérêt pour accroître leurs
de l’extension des superficies mises en et les excréments de petits ruminants productions à l’unité de surface, dans
valeur annuellement par actif agricole, pouvaient être cultivés tous les ans, un contexte de fort accroissement dé-
de la hausse des productions rappor- sans jamais être laissés en friche (« ja- mographique. Les rotations de culture
tées à l’hectare, et de la rapidité avec chère »). Les parcelles plus éloignées, en continu, grâce aux apports réguliers
laquelle ont pu être réalisées les opé- qualifiées de « champs de brousse », de matières organiques et d’intrants
rations post-récolte (battage, décorti- ne pouvaient être cultivées, quant à chimiques, sont très clairement celles
cage, etc.). La moto-mécanisation des elles, qu’épisodiquement, après abattis dont les rendements, les valeurs ajou-
travaux agricoles s’y est traduite par et brûlis du couvert ligneux, entre des tées et les revenus moyens annuels à
une accélération de l’exode rural, du périodes de friche relativement lon- l’hectare, sont les plus élevés. La rota-
fait du remplacement des travailleurs gues. Les désherbages constituaient tion biennale intensive cotonnier - maïs
par les nouvelles machines, et ces der- alors la principale contrainte pour les et celle du maïs en succession conti-
niers ont alors tant bien que mal trouvé paysans dotés strictement d’outils ma- nue avec lui-même parvenaient ainsi
des emplois en ville à une époque où nuels. Mais grâce aux crédits d’équi- en  à fournir une valeur ajoutée à
les pays du Nord réalisaient leur ré- pement octroyés par la Compagnie l’hectare de l’ordre de   FCFA;
volution industrielle. malienne des textiles (CMDT) et tandis que les rotations dans lesquelles,
Mais tel n’est pas souvent le cas dans gagés sur la production cotonnière, faute de fumure, les agriculteurs de-
les pays non industrialisés du Sud où le nombreux ont été les agriculteurs qui vaient laisser périodiquement les par-
remplacement direct des agriculteurs purent acquérir des animaux de trait celles en « jachère », ne fournissaient
travaillant à la main par des engins mo- et des outils de culture attelée avec qu’une valeur ajoutée de l’ordre de
torisés se traduit aujourd’hui surtout pour effet d’associer plus étroitement   FCFA à l’hectare.
par un exode rural occasionnant un agriculture et élevage. Mais bien que plus intensifs en tra-
taux de chômage croissant dans des Les labours à la charrue et les dés- vail, ces systèmes de cultures dans les-
bidonvilles surpeuplés. herbages au sarclo-bineur (« houe at- quels les champs parviennent à être
telée ») leur ont permis tout d’abord cultivés tous les ans sont aussi ceux
La traction animale : une option in- de lutter plus efficacement contre les dont la productivité du travail est su-
téressante pour les pays du Sud. Le herbes adventices. Mais le recours à périeure : de   à   FCFA par
passage d’une agriculture manuelle à des charrettes attelées pour transpor- jour au lieu de seulement  à  .
des systèmes de culture ayant recours ter des quantités accrues de déjections Les parcelles cultivées tous les ans sont
à la traction animale permet souvent animales depuis les parcs où les ani- en effet généralement moins distantes
au contraire d’accroître sensiblement maux sont regroupés toutes les nuits en de l’habitat que les terrains soumis
les productions à l’hectare sans pro- hivernage vers les parcelles à cultiver épisodiquement à l’abattis-brûlis et
voquer de déplacements prématurés leur a surtout permis ensuite d’aug- occasionnent donc de moindres dé- Ü

Grain de sel 25
nº 48 — septembre – décembre 2009
LeForum
dossier Des enjeux, des défis

Des outils innovants en traction animale

placements. Les champs étant défri-


chés une fois pour toutes, les nouveaux
systèmes de culture n’exigent plus, par
L ’ Promotion d’un
machinisme moderne à traction
animale (Prommata) est l’héritière
ditions climatiques. Le matériel est
mis au point en fonction des besoins
réels des petits agriculteurs d’une zone
ailleurs, de procéder annuellement à directe de Jean Nolle, ingénieur donnée et selon  principes : la po-
des abattis exigeants en travail. En- et agriculteur picard qui a inventé lyvalence, la standardisation, l’auto-
fin, la division plus stricte des finages des outils de traction animale pour constructibilité.
villageois en zones de culture et aires ceux qu’il appelait « les petits paysans Prommata fait la promotion de la
de parcours allège la surveillance des oubliés ». Ayant travaillé de nombreu- Kassine, un porte-outil destiné aux
troupeaux. C’est cet accroissement de ses années pour diverses organisations petits paysans du Sud et adaptable aux
la productivité du travail qui explique internationales (dont la FAO), Jean petits animaux de trait. Sa légèreté,
pourquoi les agriculteurs ont eu intérêt Nolle avait fait le constat que les outils sa souplesse et son adaptabilité font
à passer aux cultures continues sans y proposés aux petits producteurs des que la Kassine est particulièrement
être contraints par une crise écologi- pays du Sud n’étaient pas adaptés à efficace avec les ânes, animaux de trait
que préalable. Du fait d’assurer aussi leurs besoins, car peu maniables et des paysans les plus pauvres.
des revenus supérieurs à l’hectare, le nécessitant l’importation de matières Parmi les porte-outils créés par Jean
recours à la traction animale et aux premières coûteuses. Nolle, la houe sine est le plus répandu
engins attelés ne s’est pas traduit pour Depuis , Prommata intervient en zones sahéliennes. Ce porte-outils
autant par une expulsion de la force sur différents projets de développe- est utilisé principalement pour le tra-
de travail paysanne. ment agricole en Algérie, au Burkina vail du sol à la dent sur sol léger, le
Faso, au Niger et à Madagascar. sarclage et le sarclobinage. Il peut être
La culture attelée : une option pour la Les outils mis au point sont sim- attelé aussi bien à un âne, un cheval,
préservation des arbres au champs, ples et complémentaires : ce sont des ou une paire de bœufs, auxquels il
source de fertilité. Un autre avantage porte-outils sur lesquels il est possible est relié par des chaînes ou des cor-
de la culture attelée est d’avoir per- d’interchanger divers outils. Ce sys- des. Cette houe est très répandue au
mis le maintien d’un parc de nérés et tème, nommé Mamata (Machinisme Sénégal (plus de  ).
de karités au sein des aires cultivées, agricole moderne à traction animale)
avec pour fonction d’assurer un revenu peut s’adapter à tous les animaux de Pour plus d’informations :
complémentaire aux familles tout en trait, tous les types de terrain et con- www.prommata.org/
assurant une fertilisation organique des
sols grâce à la chute de leurs feuilles.
Il n’en a plus été de même lorsque des de vouloir alors les déboiser entière- sources de revenus à la main-d’œuvre
exploitants agricoles un peu plus for- ment, avec pour conséquence de les ainsi déplacée. On peut se demander
tunés ont commencé à vouloir labou- exposer plus directement aux agents quel intérêt présente réellement, du
Sarclo- rer leurs terrains avec des charrues d’érosion. point de vue de l’intérêt général, un
bineur attelé tirées au moyen de tracteurs. Le pas- Mais plus grave encore, sans doute, tel processus destiné avant tout à rem-
et champ sage de ces derniers dans les champs a été le fait que ces travaux moto-mé- placer la main-d’œuvre : les gains ap-
cultivé sous est en effet rendu plus difficile lorsque canisés ont contribué surtout à réduire parents de productivité réalisés par
parc à karités les terrains restent « encombrés » de les besoins en travail à l’hectare sans les seuls actifs agricoles restant dans
(Mali) tels arbres ; et la tentation est grande pouvoir pour autant assurer d’autres les exploitations ne représentent pas
en effet une réelle augmentation de
productivité du travail à l’échelle de
la nation toute entière, sachant que la
main-d’œuvre déplacée par la moto-
mécanisation de l’agriculture ne trouve
généralement pas d’emplois dans les
autres secteurs d’activités.
Il importe en fait de raisonner le re-
cours à la mécanisation avec pour ob-
jectif de réduire la pénibilité du travail
humain et d’accroître sa productivité
sans occasionner de chômage ni de
dégâts environnementaux. En Afrique
soudano-sahélienne, à l’inverse de la
moto-mécanisation agricole, le recours
à la traction animale et aux engins at-
telés permet bien souvent de rehausser
conjointement les rendements à l’hec-
tare et la productivité du travail par
© M. Dufumier

actif, sans expulsion de main-d’œuvre,


du moins tant qu’il reste encore des
terres cultivables disponibles. §

26 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Des enjeux, des défis LeForum
dossier

La fabrication locale d’équipements agricoles :


l’expérience de la Socafon au Mali
Ousmane Djiré (socafon01@yahoo.fr)________
A u Mali, dans la zone Office du Niger, les forgerons se
sont organisés depuis les années 90 et ont mis en place
une structure efficace et rentable pour assurer l’approvi-
sionnement des producteurs de la zone en outils de qualité,
à bas prix, adaptés à leurs besoins, et leur offrir un service
de proximité en maintenance et réparation.

D
„ Ousmane Djiré    en , Le développement d’outils adaptés équipements aratoires attelés, mo-
est agro- l’Office du Niger (ON) a for- aux besoins des paysans. Au Mali, les toculteurs et accessoires ; la charrue
machiniste, tement encadré la diffusion paysans rencontrent de nombreuses Rumpstad par exemple est un mo-
diplômé en de la traction animale. Il intervenait contraintes d’approvisionnement en dèle développé depuis , adapté
gestion des PME- ainsi dans l’approvisionnement des outils : appui conseil insuffisant pour aux conditions de l’ON, très efficace
PMI. Il travaille paysans en équipements agricoles, le choix de leurs équipements ; faible pour les terres lourdes et permettant
depuis  avec le matériel étant importé ou acheté pouvoir d’achat qui ne leur permet pas de lutter efficacement contre le diga ¹
les forgerons de auprès de la Société malienne d’étude d’avoir accès à des équipements de qua- (plus de   des paysans en sont
l’Office du Niger, et de construction de matériels agri- lité ; difficultés à obtenir des crédits. équipés actuellement) ;
au Mali, coles (Smecma), et la maintenance Par ailleurs, les pièces de rechange sont – du matériel post-récolte : batteuse,
successivement relevant de la section Travaux et ma- difficiles à obtenir pour la plupart des décortiqueuse, botteleuse, trieuse,
au sein du projet chinisme de l’ON. équipements importés. mini-rizerie locale et charrettes ;
Arpon, puis de Cette situation a radicalement Pour répondre à ces contraintes, – du matériel de transformation
l’AAMA/Action changé dans les années  avec le la Socafon offre sur le marché une d’échalote : découpeuse, broyeur,
Forgeron, et désengagement de l’ON des activités gamme très variée de produits fabri- séchoir.
depuis  productives et commerciales. Les Pays- qués localement, à caractère innovant
comme directeur Bas ont alors lancé un projet d’Amé- de par leur facilité d’utilisation, leur Une initiative rentable. Depuis ,
technique de la lioration de la riziculture paysanne à robustesse, leur coût réduit et leur la Socafon a atteint son autonomie fi-
Société l’ON (Arpon), dans le cadre duquel adaptation à la capacité technique nancière. Elle bénéficie désormais de
coopérative des ils ont appuyé la mise en place d’un des utilisateurs. crédit fournisseur avec des modalités
forgerons à réseau de forgerons locaux, et réalisé La qualité des outils est assurée par de paiement intéressantes et n’a donc
l’Office du Niger leur formation et leur équipement, afin l’utilisation de matière première stan- plus besoin de recourir au crédit ban-
(Socafon). qu’ils puissent assurer des prestations dard résistante aux frottements (fer- caire. Cependant, pour ses activités de
de proximité aux agriculteurs. raille industrielle à étirage à froid), ce recherche et d’adaptation de nouveaux
qui permet d’obtenir des outils avec une prototypes, elle a bénéficié de l’appui
La structuration des forgerons en espérance de vie de  à plus de  ans, de l’Ambassade des Pays Bas jusqu’en
coopérative. En , ces forgerons contre  à  ans pour les autres produits . L’activité de la Socafon est donc
ont créé l’Association des forgerons locaux. L’emploi de gabarits (modèle rentable, le chiffre d’affaire ayant évolué
de l’ON (Afon) qui a été transformée ou patron de la pièce à fabriquer) au entre  et  de  millions à
en  en Coopérative (Cafon), puis sein de la coopérative permet égale- plus de  millions de FCFA.
en Société coopérative (Socafon) en ment une uniformité de production La Socafon est ainsi devenue le
. Ces structures ont été mises de la gamme des équipements. premier fournisseur des paysans en
en place par les forgerons pour leur La fabrication locale des outils per- équipements agricoles en zone ON,
permettre de mieux coordonner leurs met aux paysans d’avoir accès à un et a aujourd’hui des options sérieuses
activités, de leur faciliter l’accès au service après vente : maintenance, pour développer l’exportation dans la
crédit, de s’approvisionner de façon réparation. L’approvisionnement en sous-région. Mais la coopérative con-
collective en matières premières, et pièces de rechange est assuré par des naît encore des difficultés dans son
de s’entraider. boutiques villageoises gérées par la développement, liées en particulier au
Aujourd’hui, la Socafon compte Socafon depuis  : les pièces sont poids de la fiscalité, à l’accès difficile
 ateliers, chacun appartenant à un ainsi disponibles dans des zones très et coûteux à des matières premières
forgeron membre ayant ses propres reculées, ce qui réduit le temps d’im- de qualité ainsi qu’à l’électricité, au
machines-outils, ainsi qu’un atelier mobilisation des machines. D’autres faible pouvoir d’achat des paysans,
central, basé à Niono, dont la gestion opérateurs privés ont d’ailleurs égale- à l’insuffisance de crédits en milieu
est collective. Elle intervient dans la ment ouvert plusieurs dépôts de pièces rural, et au manque de financement
formation des  forgerons membres dans la zone. des recherches sur les nouveaux pro-
(techniques de fabrication, mécanique, Les outils sont élaborés en fonc- totypes. §
vie associative et gestion comptable), tion des besoins locaux des paysans,
mais assure aussi l’approvisionnement et la plupart sont adaptés à la trac-
et le préfinancement des matières pre- tion animale et au motoculteur. Parmi
mières. les produits phares de la Socafon, on . Adventice fréquente dans les rizières
peut citer : au Mali ; variété de riz sauvage (Oryzae
– du matériel de préparation du sol : longistaminata).

Grain de sel 27
nº 48 — septembre – décembre 2009
LeForum
dossier Des enjeux, des défis

Quand l’État motorise des exploitations agricoles…


Joachim Saizonou (sjoachim2004@yahoo.fr)___
A u Bénin, l’État a mis en place le Programme de promotion
de la mécanisation agricole (PPMA) qui a permis de met-
tre à disposition du monde paysan des tracteurs d’origines
indienne et chinoise. Mais le bilan de la première campagne
est mitigé du fait de la sous utilisation du matériel, des diffi-
cultés de paiement, et des nombreuses pannes survenues.

L
„ Joachim  P  de relan- ses acquisitions vers ces deux origines. tandis que les autres attendent encore »
Saizonou est ce du secteur agricole (PSRSA) Ainsi, à travers des consultations res- nous a indiqué le directeur général.
l’ancien adopté en conseil des ministres treintes auprès des fournisseurs agréés Selon lui, « il est encore trop tôt pour
directeur de en juin  veut faire du Bénin une par les fabricants indiens et chinois, le apprécier l’impact de l’opération ». On
publication de la puissance agricole. Pour atteindre cet PPMA a acquis en plusieurs lots  note, par endroits, des augmentations
revue Agri- objectif, il est apparu indispensable que tracteurs avec différents accessoires d’emblavures liées à la motorisation.
Culture. Il est le gouvernement crée les conditions pour la mécanisation des exploitations Il faudra cependant attendre la fin des
aujourd’hui en nécessaires pour réduire la pénibilité agricoles au Bénin. Pour compléter la récoltes pour apprécier l’impact sur la
poste au service des travaux en agriculture, augmenter gamme des tracteurs dont le besoin production.
Information, les surfaces cultivées et la productivité était pressant pour cette première cam- À Copargo, le producteur Moudachi-
communication du travail. La mécanisation et la moto- pagne, le PPMA a acquis  essoucheuses rou Alaza qui a obtenu le seul tracteur
et risation s’avèrent donc indispensables. d’origine canadienne. En prélude au de la commune — un tracteur de 
documentation Le document de la stratégie nationale démarrage de la deuxième campagne CV au lieu de  CV demandé — ne
de l’Association de mécanisation adopté en  a déjà (-), d’autres lots de tracteurs peut pas jouir de cette acquisition. Il
inter- balisé le terrain à cet effet. Il s’agissait certainement des mêmes origines sont continue de travailler à la houe et en
professionnelle seulement pour l’actuel gouvernement en commande. « Nous sommes décidés traction animale et pour cause. « Le
du coton du de passer à l’acte. Un fonds d’environ à pousser très loin le niveau de moto- tracteur est d’une puissance trop faible
Bénin (AIC). Il  milliards de FCFA a été mobilisé risation de nos exploitations agricoles pour le sol ce qui provoque des pannes
est titulaire par le budget national pour engager et le gouvernement nous accompagne trop fréquentes de cassure des pièces
d’une maîtrise les premières actions. Une structure dans ce sens en y mettant les moyens (charrues, arbre, etc.), un labour trop
en légère, le Programme de promotion nécessaires » a affirmé le coordonna- lent ( ha par jour) ». Actuellement le
communication de la mécanisation agricole (PPMA), teur du PPMA. tracteur est garé à la gendarmerie de la
d’entreprise et a été mise en place pour conduire les localité. À Parakou par contre, aucun
d’un DESS en premières actions, le temps de la créa- Une répartition et une utilisation pro- exploitant individuel n’a pu obtenir
management et tion d’une agence qui sera chargée du blématiques. Pour la première cam- de tracteur. Les tracteurs sont sous la
développement pilotage de la stratégie à long terme. pagne (-) de motorisation, gestion du Centre communal pour la
des projets. Pour la toute première campagne, il on distingue  types de bénéficiaires. promotion agricole (Cecpa). Les pro-
s’agissait pour le PPMA d’acquérir Il y a les exploitants individuels, les ducteurs bénéficient des prestations
des tracteurs, de les mettre en place groupements de producteurs, le pro- de services (labour et semis) contre
suivant les conditions définies par le gramme d’insertion des jeunes dans   FCFA par ha. À Gogounou,
gouvernement et de suivre leur fonc- l’agriculture et les centres de forma- pour des raisons que le producteur
tionnement. tion. Les centres de formation et les Togou Nourou ignore, les nouveaux
différentes ramifications régionales du tracteurs ne sont pas encore fonction-
Du matériel d’origine indienne et programme d’insertion des jeunes dans nels. « Seuls les tracteurs de la mairie
chinoise. « Pour garantir le bon fonc- l’agriculture sont d’office attributaires qui sont là depuis plus de  campagnes
tionnement des tracteurs à mettre en respectivement de   et de   du continuent de faire le travail ».
place, il était nécessaire de disposer des nombre total des tracteurs acquis par Banikoara est la première commu-
équipements de même type et de même le PPMA. Par contre, les exploitants ne de production cotonnière du Bé-
origine » avait déclaré à la presse le individuels et les groupements doivent nin. Six producteurs individuels ont
coordonnateur du PPMA Monsieur formuler des demandes dont la satisfac- reçu chacun un tracteur de  CV et
André Okounlola Biaou lors d’un tion dépend fortement de la disponi- un seul a reçu un tracteur de  CV.
débat télévisé sur le sujet. En effet, le bilité. « Pour un total de  tracteurs à D’après les statistiques fournies par le
Bénin avait reçu en don une centaine distribuer, nous avons reçu plus de   Cecpa, cette acquisition aurait permis
de tracteurs de la Chine et de l’Inde. demandes et ça continue » a signalé le de faire passer les superficies emblavées
Pour assurer la maintenance de ces coordonnateur du PPMA. pour les cultures vivrières (céréales,
équipements qui ont été offerts aux Le Centre régional pour la promo- légumineuses, maraîchage, racines et
Centres régionaux pour la promotion tion agricole (Cerpa) Atlantique Litto- tubercules) de   ha pour la cam-
agricole (Cerpa), des cadres béninois ral a reçu  tracteurs de  CV et  pagne - à   ha pour la
avaient déjà été envoyés en formation de  CV. Tous les tracteurs ne sont campagne - !
dans ces pays. C’est pour profiter des pas accompagnés des accessoires. « Le Presque toutes les communes abri-
expériences acquises par ces tracto- matériel est déjà fonctionnel chez ceux tent des domaines attribués au Pro-
ristes béninois que le PPMA a orienté qui ont eu des équipements complets gramme d’insertion des jeunes dans

28 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Des enjeux, des défis LeForum
dossier

l’agriculture. La commune de Ba-


nikoara a reçu à elle seule  tracteurs
dans le cadre de ce programme ( de
 CV et  de  CV). À Kika dans la
commune de Tchaourou, c’est environ
 ha de maïs qui ont été emblavés
par les jeunes de ce programme à l’aide
des tracteurs mis à leur disposition par
le PPMA. Pour le moment, les opé-
rations faites avec les tracteurs sont
le défrichage et le labour à plat. Les
autres opérations suivront au fur et à
mesure que les tractoristes acquerront
plus de compétences. Parlant de for-
mation, le coordonnateur du PPMA
assure : « Nous avons organisé en début
de campagne deux sessions de formation
© J. Saizonou

au profit des acquéreurs et des utilisa-


teurs des tracteurs. D’autres sessions
sont programmées pour la campagne
prochaine ». Ces formations devront
permettre l’utilisation plus efficiente
des tracteurs et des accessoires.
Un rapide tour dans les Cerpa bé-
néficiaires des machines agricoles penser à une autre erreur du gouver- Des tracteurs au
montre que moins de deux tracteurs nement, à mettre encore une fois sur siège du PPMA
sur trois marchent. Les pannes sont le compte de la précipitation. §
trop fréquentes et bon nombre d’ac-
quéreurs ont tout simplement garé
les tracteurs dans les gendarmeries.
« Nous avons en construction sur tou-
te l’étendue du territoire  centres de Qu’est-ce que le Team 10?
réparation des équipements agricoles
avec des boutiques de vente des pièces
de rechange » a indiqué le coordonna-
teur du PPMA.
Malgré les conditions très alléchan-
L   T  (qui signi-
fie, en français : Approche tech-
nico-économique pour la coopération
teurs équipés, etc. Les pays concernés
mettent ensuite en vente ces matériels,
souvent avec une subvention ( 
tes de paiement, les tracteurs ne sont entre l’Afrique et l’Inde) a été mis en pour les tracteurs dans plusieurs pays)
toujours pas à la portée de tous les place en mars  entre l’Inde et  et à crédit sur  à  ans. Si en théorie
exploitants. Pour un tracteur de  pays africains : le Burkina Faso, le les bénéficiaires sont les producteurs
CV dont la demande est la plus forte, Tchad, la Côte d’Ivoire, la Guinée agricoles, les premiers résultats (fai-
il faut payer  millions de FCFA ce Équatoriale, le Ghana, la Guinée-Bis- ble nombre de tracteurs achetés, diffi-
qui représente   de son coût réel sau, le Mali, et le Sénégal. Le Niger y cultés de remboursement) ont obligé
de cession. Ce montant est payable sur a été inclus par la suite, puis le Bénin. les pays à rechercher des acquéreurs
 ans. La première tranche de   À travers ce programme, l’Inde sou- différents (grands producteurs, ca-
est payable à l’enlèvement,   la haite intensifier sa coopération avec dres et ministres) ou de tenter des
deuxième et la troisième année et les les pays d’Afrique de l’Ouest. locations (Niger).
  restant la quatrième année. Les Une ligne de crédit préférentielle Le deuxième volet de ces program-
tracteurs de  CV coûtent , mil- de  millions de dollars US a été mes de mécanisation concerne la cons-
lions et les conditions de paiement sont allouée par l’Inde aux  pays afri- truction d’usines d’assemblage et de
les mêmes. Mais la demande pour ce cains, pour une assistance financière montage des tracteurs, comme au Mali
type de tracteur est très faible. Ceux à divers programmes prioritaires, et (usine de Samanko, d’une capacité de
qui l’ont reçu ne s’en servent pas et le notamment la mécanisation de l’agri-  à  tracteurs par jour) ou au Tchad
PPMA devra trouver une solution à culture à travers l’achat d’équipements (usine de N’Djamena, d’une capacité
cette difficulté de terrain. agricoles indiens. de  tracteurs par jour).
Pour cette première campagne, Le Burkina Faso a ainsi acquis Certains pays, comme le Burkina
l’opération mécanisation a donc déjà  tracteurs et   motopompes, Faso, ont par ailleurs accompagné
du plomb dans l’aile. À la confusion le Mali  tracteurs et  divers ce programme d’un service après
totale qui entoure les conditions d’at- matériels (pulvérisateurs, batteuses vente et d’un service de formation
tribution des tracteurs, il faut ajouter à riz, remorques), le Bénin  trac- des tractoristes.
les pannes trop fréquentes qui laissent

Grain de sel 29
nº 48 — septembre – décembre 2009
LeForum
dossier Des enjeux, des défis

Quelques perspectives pour la mécanisation agricole


en Afrique subsaharienne
Henry-Hervé Bichat (henry-herve.bichat@
laposte.net)________________________
A vec une démographie et une urbanisation croissantes,
l’Afrique subsaharienne doit relever le défi d’améliorer
la productivité des sols et du travail, tout en tenant compte
des enjeux écologiques du xxi e siècle. Dans cette perspec-
tive, de nouvelles formes de coopération et de recherche
sont à espérer.

D
„ Henry-Hervé  ’, l’histoire de plus favorisé l’accès des paysans aux sation des synergies entre différentes
Bichat est l’agriculture est celle d’une équipements. Pourtant dans les régions espèces végétales en matière de ferti-
ingénieur général co-évolution des sociétés soudaniennes, là où des productions lisation et de protection sanitaire, et
honoraire du humaines, des systèmes agricoles et de type commercial, comme le coton pratiqué depuis longtemps par toutes
génie rural des de leurs équipements sous la pression ou le riz, ont été mises en place avec les agricultures traditionnelles, notam-
eaux et forêts. Il a de l’évolution démographique. C’est succès, on constate un développement ment en région tropicale, devient une
été le premier particulièrement vrai en Afrique subsa- remarquable de la traction animale qui référence incontournable. Mais pour en
directeur général harienne où, jusqu’à la seconde guerre a permis d’augmenter durablement la améliorer de façon significative la pro-
du Centre de mondiale, les campagnes sont carac- productivité du travail dans les exploi- ductivité du travail, des technologies
coopération térisées par de faibles densités démo- tations familiales. nouvelles devront être développées. On
internationale en graphiques, sauf dans quelques régions Sans tomber dans un béat optimis- peut donc espérer que, dans l’avenir,
recherche privilégiées comme sur les hauts pla- me, les perspectives de la mécanisa- de nouveaux systèmes de culture et
agronomique teaux volcaniques d’Afrique centrale. tion agricole en Afrique subsaharienne d’équipements agricoles adaptés aux
pour le En conséquence, l’agriculture y a été devraient pouvoir bénéficier de l’aug- cultures associées vont émerger.
développement longtemps extensive et son équipement mentation de la demande en produits Dans cette perspective, agriculteurs,
(Cirad) (-), très rudimentaire. agricoles, liée à la croissance démogra- techniciens et chercheurs du Nord et
membre du Mais depuis une cinquantaine phique très rapide des agglomérations du Sud ont un intérêt à coopérer pour
conseil d’années, la croissance démographi- (en  plus de   de la population mettre au point de nouveaux systèmes
scientifique et que exceptionnelle de l’Afrique sub- sera urbaine contre   aujourd’hui). de mécanisation adaptés aux évolutions
directeur général saharienne est en train de provoquer Ce levier des marchés urbains sera rendues nécessaires du fait de la pres-
de l’Institut des changements très rapides des d’autant plus efficace que des politi- sion démographique, des évolutions
national de systèmes agricoles et donc de leurs ques novatrices en matière de foncier économiques et sociales et des aléas
recherche équipements. et d’incitation à la consommation de climatiques. C’est le vœu que nous
agronomique En outre, comme dans toutes les productions locales pourront être mises pouvons tous former en conclusion
(Inra), directeur régions du monde, l’agriculture fa- en place pour accompagner l’évolution de ce précieux dossier. §
général de miliale africaine doit relever le défi des agricultures familiales.
l’enseignement et de l’amélioration de la productivité D’autre part, l’agriculture africaine
de la recherche au des sols et du travail, non seulement devrait bénéficier des efforts poursui-
ministère de pour satisfaire des marchés de plus en vis dans différents pays pour mettre au
l’Agriculture et de plus urbains, mais aussi pour survivre point une nouvelle agriculture suscep-
la Pêche (-), en assurant à la fois sécurité alimen- tible de relever les défis écologiques du
président section taire et revenus. De ce point de vue, le  siècle prenant en compte la fin de
du Conseil général passage d’une agriculture manuelle à l’ère des ressources fossiles abondantes En complément
du génie rural des de nouveaux systèmes d’exploitation et à bas prix, et la nécessité de déve-
eaux et des forêts ayant un niveau plus performant de lopper des pratiques s’insérant mieux de ce dossier : des
et président du mécanisation/motorisation est un dans la dynamique des écosystèmes
Groupe de processus incontournable. tout en préservant encore mieux la ressources en ligne
recherche et Or du fait de son histoire mais aussi santé des consommateurs. Le déve-
d’échanges
technologiques
(Gret). Depuis sa
de ses caractéristiques géographiques
et écologiques, la mécanisation des
pratiques agricoles a été et est encore
loppement des systèmes de culture
sous couverture végétale qui connaît
un vif succès dans les régions tropi-
R    des res-
sources complémentaires sur
le thème de la mécanisation et de
retraite il est particulièrement difficile en Afrique cales, au Brésil notamment, et qui a la motorisation agricole : versions
président du club subsaharienne : la structure très hé- fait émerger de nouveaux équipements longues des articles et interviews,
« Jardin térogène des sols, les conditions sani- agricoles, constitue une première étape. articles en supplément, etc.
planétaire » de taires, les modes de gestion du foncier Une autre voie d’avenir est constituée Inter-réseaux a par ailleurs réa-
l’association et les systèmes de cultures complexes, par l’agroforesterie qui fait l’objet de lisé un bulletin de veille consacré
« Prospective notamment dans les zones forestières, nombreux travaux. à la mécanisation agricole au mois
 ». constituent des contraintes difficiles Lorsqu’on s’efforce d’imaginer ce que d’avril  (nº ).
à surmonter. Des appuis techniques pourrait être une agriculture à basse
et des systèmes de financement lacu- consommation énergétique, d’engrais www.inter-reseaux.org/mot/mecanisation-
naires ainsi qu’un environnement éco- et de produits chimiques, le modèle des motorisation
nomique peu sécurisé n’ont pas non cultures associées, fondé sur la valori-

30 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Initiatives

Quand un technicien du cacao


„ Innovation paysanne relaie les innovations paysannes
François Ruf (francois.ruf@cirad.fr) et
Yoddang (cirad@idola.net.id)___________ M uhtar, planteur, et Husin, technicien, sont les héros discrets
d’une révolution cacaoyère à Sulawesi, en Indonésie. Muh-
tar construit des clones remarquables par leur productivité et la
qualité du cacao qu’ils produisent. Husin adapte les innovations
pour relancer la production de Sulawesi. Une leçon de dévelop-
pement rural.

A
„ François Ruf est      , programme national. Mais d’une part ce programme,
économiste au Centre de Sulawesi, à l’est de l’archipel indonésien, a loin des acquis de la recherche malaisienne, repose
coopération internationale connu un des booms du cacao les plus ra- sur une nouvelle technique de production de matériel
en recherche agronomique pides de l’histoire. D’une production méconnue de végétal — l’embryogenèse somatique — qui semble
pour le développement quelques dizaines de tonnes au début des années , prometteuse mais n’est pas encore au point. D’autre
(Cirad) à l’Unité mixte de Sulawesi flirte avec le seuil de   tonnes dans part, ces programmes d’aide publique sont lents, en
recherche Innovation. les années . Comme l’État ne taxe pas la filière, retard sur les calendriers agricoles, avec des subven-
Yoddang est ingénieur les paysans en profitent directement, passant de la tions annoncées qui n’arrivent pas forcement. Presque
agricole en contrat avec le marche à pied à la moto japonaise. Les antennes sa- tout semble programmé à Sulawesi pour que l’histoire
Cirad. tellites poussent dans les jardins. Un des facteurs de des récessions cacaoyères se répète. Sauf que…
„ Cette approche de cette « success story » est le formidable réseau d’in-
l’innovation dans le formation circulant parmi les populations Bugis, le Les réseaux familiaux et la diffusion de clones
secteur cacao indonésien groupe le plus important à Sulawesi, et l’un des plus malaisiens. Les réseaux d’information, qui avaient
s’intègre dans un projet de dynamiques, se risquant à l’aventure commerciale si bien réussi aux familles Bugis en phase de boom,
recherche financé par dans tout l’archipel indonésien, et même au-delà, pourraient bien réduire les risques de récession. Les
l’aide bilatérale notamment en Malaisie. rares plantations de cacao encore en activité en Ma-
australienne, Ausaid, en laisie emploient toujours quelques Bugis. Dans plu-
coopération avec La malédiction cacaoyère. À la fin des années , sieurs villages de Sulawesi, des Bugis ont bénéficié
l’université de Sydney, sur Sulawesi semble pourtant ne pas échapper à la « ma- d’une formation informelle auprès d’un parent ou
un projet intitulé lédiction cacaoyère ». Les rendements prestigieux, de ami en Malaisie, ou revenu de Malaisie. Ces réseaux
Agricultural Markets in l’ordre de   ou   kg/ha retombent en des- leur permettent de diffuser les techniques de greffe
Tropical Commodity Value sous de  kg/ha, et même en deçà de  kg/ha et de microgreffe : des technologies au point, maîtri-
Chains: e Case of Cocoa dans les zones les plus touchées. Les insectes et les sables par les paysans, qui permettent de remonter
Farmers in Indonesia. maladies viennent dévaster les vergers. Malgré des les rendements rapidement. Alors que les planteurs
Cette analyse et les nouvelles plantations créées chaque année, la pro- restent sceptiques sur les plants d’embryogenèse so-
opinions ébauchées dans duction retombe à   tonnes en . Presque matique, ils sont de plus en plus convaincus de la
l’article n’engagent que les tous les ingrédients de la récession cacaoyère sem- nécessité de replanter avec des techniques de gref-
auteurs, et non les blent réunis : vieillissement d’une partie du verger et fage en pépinière.
institutions citées. des planteurs, maladies et dégâts sur les cacaoyers, Cette conviction, récente, s’est d’abord cons-
concurrence du palmier à huile, faible vulgarisation truite par une diffusion de savoirs entre paysans,
agricole, éloignement de la recherche. Seuls trois fac- souvent au sein d’un réseau familial, puis s’ouvrant
teurs limitent l’ampleur de la chute : la quasi absence vers d’autres planteurs, en tant que nouvelle activité
de taxation du secteur par l’État, l’efficacité d’un sys- commerciale, assurant du même coup la promotion
tème de commercialisation en forte concurrence, et des techniques.
la relative faiblesse des alternatives au cacao.
Quinze ans avant l’Indonésie, la Malaisie, pays voi- Les clones construits par Muhtar, le grand inno-
sin, connaît lui aussi son boom du cacao. La recherche vateur paysan. Ici et là, depuis le début des années
publique et les plantations privées travaillent sur ce , quelques commerçants nous montraient des
qui apparaît alors comme de nouvelles techniques fèves d’une taille exceptionnelle mais ne voulaient
de réhabilitation cacaoyère, tel le greffage et la sélec- pas ou ne pouvaient pas en donner l’origine, si ce
tion de clones. Cependant, ce travail de recherche ne n’est « vers Masemba », un des districts de Sulawesi.
suffit pas à sauver le cacao de Malaisie. La politique Ce clone, devenu « Muhtar  », est le produit d’une
malaisienne de restriction des migrations de travail remarquable innovation, restée confidentielle.
d’origine étrangère et le palmier à huile avec ses éco- L’histoire remonte aux années . En , dans la
nomies d’échelle condamnent les chances du cacao région de Masemba, le jeune Muhtar entend parler
dans ce pays. « En Malaisie, avec le palmier, tu roules des richesses apportées par le cacao en Malaisie et
en ×, avec le cacao, tu restes sur ta moto ». voit les tout premiers vendeurs ambulants propo-
Souvent, dans l’histoire du cacao, la recherche ac- ser des plants de cacao. Il décide d’aller lui-même
cumulée dans un pays en fin de cycle cacaoyer tend à en Malaisie pour en apprendre plus sur la culture.
se perdre et le pays qui prend le relais ne profite pas de Muhtar y reste  ans, dans une plantation de  ha.
cet investissement. Ainsi, en , l’État indonésien À l’insu de son patron, il se finance lui-même des
décide enfin d’aider ses planteurs de cacao avec un cours de pollinisation manuelle et, ne parlant pas Ü

Grain de sel 31
nº 48 — septembre – décembre 2009
Initiatives

Muhtar © F. Ruf

Û anglais, va même jusqu’à se payer un traducteur apportée par sa hiérarchie permettent cette démar-
pour suivre les cours. che. L’objectif et les moyens sont ainsi reportés sur
De retour à Sulawesi dans les années , il se crée la réhabilitation.
progressivement une plantation de  hectares, com- Une première priorité est donnée à la greffe sur les
mence ses propres essais et croisements par polli- arbres adultes. Ce n’est pas encore la solution qui sauve
nisation manuelle, et sélectionne ses clones. Il part le cacao de Sulawesi mais elle permet aux planteurs
du matériel végétal « local », en choisissant certains de régénérer des arbres en quelques mois, et donc de
arbres pour leur production, et d’autres pour la taille ne pas prendre trop de risques en se lançant dans un
de leurs fèves. Loin de tout centre de savoir officiel, il abattage/replantation. L’important ici est de trouver et
obtient ses premiers clones dès . Mais c’est surtout construire du matériel végétal, si possible tolérant aux
à partir des années  et des déclins de rendements, maladies et dégâts d’insectes. Husin et le projet ont
que des planteurs s’intéressent à ses innovations. Il l’intelligence d’organiser des concours entre planteurs,
commence alors à former des groupes de planteurs, pour identifier du matériel végétal performant. C’est
mais même avec une telle générosité, le processus de une excellente méthode pour transférer du savoir et
diffusion, sans grands moyens, reste lent. La chance de l’innovation paysanne vers des projets. C’est ainsi
de Muhtar s’appelle Husin Purung. qu’Husin va découvrir le premier clone de Muhtar,
d’abord indirectement, via un des planteurs formés
Le relais par Husin Purung, merveilleux techni- par Muhtar. Il faudra plusieurs mois avant que, par
cien, et par un projet « empirique ». En , tout un coup de chance, les deux hommes se rencontrent.
en prenant soin de s’associer aux institutions loca- À partir de là, Husin Purung découvre des trésors
les, y compris la vulgarisation agricole, une grande de clones, qu’il va pouvoir mettre en test.
société internationale du chocolat décide d’investir En , l’essentiel des clones en diffusion à Su-
directement dans un programme de recherche-déve- lawesi et dans les îles voisines viennent des mains de
loppement à Sulawesi. Il s’agit alors de lutter contre Muhtar, relayées par Husin Purung. Certes, le projet
l’insecte foreur de cabosses qui ravage les plantations. est financé par une société internationale, accom-
La première chance de cette société est de disposer pagné par des ingénieurs qui connaissent le cacao,
d’un remarquable technicien malaisien, Husin Pu- des chercheurs de niveau international, y compris
rung, qui va pouvoir s’appuyer sur son expérience australiens, mais au départ tout repose sur l’inno-
malaisienne et celle de sa famille ayant plusieurs vation d’un planteur et d’un technicien. La force du
années dans la production de cacao. technicien se mesure d’ailleurs au choix des noms
Après  ans de projet, Husin Purung et son équipe de clones, portant celui de son créateur.
font avancer les moyens de contrôle de l’insecte, mais
prennent conscience d’un problème récurrent : les Un prix Nobel de l’innovation. S’il existait un prix
attaques d’insectes et les maladies sont surtout les Nobel de l’innovation, il faudrait le donner aux quel-
symptômes du vieillissement des arbres. Ces con- ques rares Muhtar et Husin Purung, très souvent
traintes ramènent Husin Purung et le projet au cœur oubliés de l’histoire du développement. Grâce à eux,
du problème cacao : la réhabilitation des vieilles ca- et quelques autres de la société multinationale qui ont
caoyères. Si c’est une chose d’en prendre conscience, su promouvoir et reconnaître leurs initiatives, ce qui
c’en est une autre de transformer la conclusion en n’est pas le moindre des accidents dans l’histoire du
action, car souvent la lourdeur de la recherche pu- développement, Sulawesi va peut-être s’avérer être
blique limite la flexibilité et le changement d’objec- un des premiers cas de l’histoire du cacao à éviter la
tif. Ici pourtant, la technicité d’Husin et la souplesse récession. §

32 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Boîte à outils

Repères
Évaluer la productivité de l’agriculture
„ Isabelle mobilisant le concept de valeur ajoutée
Touzard brute (VAB). Celle-ci représente la richesse

familiale : aiguisons nos outils de


(isabelle.touzard créée par l’agriculteur. Pour un système
@supagro.inra.fr) de culture donné (SC), la valeur ajoutée

mesure…
est responsable brute, ou VAB, est le produit brut dimi-
du service Defis nué des consommations intermédiaires :
(Développe- VAB = PB - CI
ment, expertise, – Le Produit Brut (PB) traduit la valeur de

L
formation la production annuelle finale. Il s’appli-
et ingénierie a productivité est au cœur des un rapport entre une production réali- que aux quantités produites finales sur
pour le Sud) mécanismes économiques globaux. sée, et les quantités de facteurs de pro- l’ensemble de la surface totale consa-
de l’Institut L’agriculture étant un secteur pro- duction utilisées pour l’obtenir. La pro- crée au système de culture étudié, mul-
des régions ductif clé, les gains de productivité, mo- ductivité est une grandeur qui permet tipliées par le prix unitaire de chaque
chaudes, teurs de la croissance économique, consti- de mesurer l’efficience d’un processus produit ou sous produit, quelle que soit
Montpellier tuent une des priorités des États. L’Afrique de production. Un processus est une leur destination (PB = productions fina-
SupAgro. Elle vient de dépasser le milliard d’habitants. combinaison de moyens de production les annuelles * prix unitaires) ;
a récemment Comment améliorer la productivité des (terre, capital) auxquels on applique une – Les consommations intermédiaires
élaboré, agricultures locales pour nourrir cette po- certaine quantité de travail, pour créer (CI) sont les biens et services intégra-
avec Nicolas pulation ? D’autant plus que la plupart une nouvelle richesse. lement détruits au cours d’un cycle de
Ferraton, des pays africains revendiquent leur sou- Or, ces processus de production dans production. Il s’agit pour « les biens »
un manuel veraineté alimentaire. À leur niveau, les l’agriculture sont complexes ; c’est pour- des semences, des plants, des engrais,
méthodologi- agriculteurs eux aussi cherchent à être quoi on utilise les concepts de systèmes des pesticides et du carburant achetés ;
que intitulé les plus efficients possibles, c’est-à-dire à de culture B et systèmes d’élevage C pour les « services » sont des prestations
« Comprendre produire le plus possible en fonction des les décrire et les comprendre. La producti- que l’agriculteur ne peut pas réaliser
une agriculture facteurs de production dont ils disposent, vité s’applique donc à un système et non lui-même faute de savoir-faire, de tech-
familiale : afin de garantir un revenu suffisant pour à une pratique ou à une culture isolée. Il nicité ou d’équipements.
l’analyse leurs familles. s’agit de mesurer la richesse créée grâce Cette richesse créée (VAB) rapportée
diagnostic des L’agriculture familiale est couram- à un mode de production donné pour à un facteur, en l’occurrence à la quan-
systèmes de ment qualifiée de moins « productive » tenir compte de toutes les interactions tité de force de travail E investie mesurée
production » que les autres formes d’agriculture (agri- — liées aux assolements et aux rotations en homme-jours (HJ), ou bien encore à
(Éditions Quae, culture capitaliste ou agri business). Les entre autres —, et des pratiques réelles la quantité de terre mobilisée (hectare :
2009). exploitations agricoles manuelles, ou des agriculteurs qui, à l’échelle de leur ha), permet de mesurer respectivement
„ Khalid Belarbi plus généralement celles qui utilisent système de production D, raisonnent la productivité du travail (VAB/HJ) et de la
(khalid.belarbi peu d’intrants ou peu de capital tech- quotidiennement de façon globale. La terre (VAB/ha) pour le système de culture
@supagro.inra.fr) nique, sont quant à elles souvent qua- productivité est mesurée en valeur, en ou le système d’élevage considéré.
est ingénieur lifiées « d’extensives », par opposition à
Formation des formes d’exploitation utilisant des 1. Ensemble des modalités techniques La productivité de la terre :
conseil à Defis semences dites améliorées, des engrais, mises en œuvre sur des parcelles traitées VAB d’un système de culture ramenée
de l’Institut des produits phytosanitaires, des équi- de manières identiques. Ce concept à la surface = VAB totale pour un SC ⁄ la
des régions pements mécanisés voire motorisés, et s’applique donc à l’échelle des parcelles surface consacrée à ce SC (ha)
chaudes, dites « intensives ». Or de la façon dont qui sont exploitées de la même manière. Cette variable permet de comparer
Montpellier on « juge » une agriculture et ses per- Un système de culture se caractérise par des systèmes de culture en termes de
SupAgro. formances, dépendent bien entendu les une homogénéité dans la conduite d’une richesse produite par unité de surface.
Il anime priorités qui seront faites en termes de ou de plusieurs cultures sur un ensemble Elle traduit souvent le caractère plus ou
régulièrement politiques agricoles, de mesures d’accom- de parcelles : mêmes espèces, associations moins intensif du système de culture.
des formations- pagnement et de soutien. Il est primor- de culture, mêmes successions En général, les producteurs ayant peu
actions dans dial pour les acteurs, amenés à orienter culturales, mêmes itinéraires techniques de terres ont intérêt à mettre en œuvre
plusieurs pays ces choix, de s’accorder sur le diagnostic (Sébillotte M. 1987). des systèmes de culture ayant une forte
d’Afrique. porté sur ces agricultures. 2. Un système d’élevage se définit à productivité de la terre. Pour un système
Qu’en est-il précisément de ces notions l’échelle du groupe d’animaux de même de culture comprenant une rotation avec
de productivité de la terre et du travail ? espèce, conduits de la même façon, des jachères, on ajoute les valeurs ajou-
Qu’est-ce que l’intensification, l’augmen- depuis la naissance jusqu’à la fin de leur tées par hectare des différents cycles qui
tation de la productivité ? De quels pro- « carrière ». C’est : une ou des espèces et se succèdent dans le temps (tout au long
cessus parle-t-on ? Les définitions sont races données ; une conduite donnée du de la rotation), divisées par le nombre
désormais fixées et il est important de troupeau ; des produits finaux (Landais E. d’années total «n» que comprend la Ü
s’y référer, pour s’accorder sur les juge- 1993).
ments portés sur les agricultures et sur 3. C’est une façon de combiner les 4. On évalue le temps de travail requis
les voies de leur développement. facteurs de production pour obtenir pour chaque opération. L’unité de mesure
diverses productions. Il correspond à une du temps de travail est l’homme/jour
Qu’est ce que la productivité en agri- association spécifique de systèmes de (H/J). Elle correspond au travail d’un actif
culture ? La productivité est toujours culture et d’élevage. agricole pendant une journée de travail.

Grain de sel 33
nº 48 — septembre – décembre 2009
Boîte à outils

Productivité du travail (VAB/HJ) Productivité de la terre (VAB/ha)

Û rotation, y compris la jachère. même si la productivité du travail est tensifs en consommations intermédiaires
– Exemple : Coton⁄⁄ Fmaïs⁄⁄mil⁄⁄jachère faible (2 400 FCFA/HJ). ne sont pas forcément ceux qui procurent
deux ans ; L’usage des notions de productivité de la plus forte valeur ajoutée par unité de
– VAB/ha = (VAB/ha du coton + VAB/ha la terre et du travail amène donc à rela- surface. Prenons le cas de la production
du maïs + VAB/ha du mil) / 5. tiviser totalement la notion de « renta- d’oignons : de nombreux producteurs en
bilité » d’une activité. Afrique de l’Ouest ne sont pas tant en at-
La productivité du travail : tente de nouveaux engrais ou produits qui
VAB d’un système de culture ramenée à Qu’est-ce qu’une agriculture intensive ? augmenteraient leurs rendements, mais
la quantité totale de travail nécessaire = En anglais, le terme « intensive » se rap- plutôt de solutions qui leur permettraient
VAB totale pour un SC ⁄ temps de travail porte à la quantité de facteurs mobilisés de décaler leurs cycles de production et
total consacré à ce système de culture pour le processus de production. Des sys- de vendre leurs produits au meilleur prix.
(homme-jours) tèmes « land intensives » sont gourmands Dans les Terres Neuves du Sénégal, sur les
La productivité du travail permet de en terre : ils mobilisent beaucoup de sur- champs de case fumés où l’on sème dès les
mesurer la richesse créée par journée face à des fins de productions végétales premières pluies du maïs et du mil souna
de travail investie dans le système de ou animales. Les latifundias sud-améri- de cycle court, qui arriveront à maturité
culture. Quand la main d’œuvre se fait cains, fondés sur de vastes étendues de en pleine période de soudure (valeur de
relativement rare (par rapport à la terre), prairies naturelles pour l’élevage bovin, la production calculée au prix maximum),
il devient intéressant de mettre en œuvre sont selon cette définition « land inten- la valeur ajoutée produite par hectare est
des systèmes de culture procurant une sives ». Toujours dans les conceptions an- plus grande que dans les champs de cé-
forte productivité du travail. glophones, les systèmes de production réales en rotation avec l’arachide fertilisés
Les graphes ci-dessus tirés des résul- « labor intensive » mobilisent quant avec de l’engrais chimique. Ces exemples
tats d’une étude menée à Siniéna, dans la à eux beaucoup de main d’œuvre par montrent qu’il faut se pencher sérieuse-
zone cotonnière du sud-ouest du Burkina unité de surface. ment sur les conditions dans lesquelles les
Faso, en décembre 2008, illustrent par- Dans les approches francophones, la agriculteurs produisent et vendent pour
faitement ces notions de productivités notion de « système agricole intensif » se réfléchir aux voies les plus appropriées de
de la terre et du travail. Un système peut rapporte soit à la quantité d’intrants, soit l’intensification.
avoir une faible productivité de la terre à la quantité de travail mobilisée par unité
mais être intéressant pour le propriétaire de surface exploitée. Il en ressort que des Quelles sont les voies de l’augmentation
qui dispose de beaucoup de terres : c’est systèmes de culture manuels, tels que la de la productivité en agriculture ? L’aug-
le cas ici du système de culture « man- production de riz inondé, la culture de la mentation de la productivité en agricul-
guier », qui bien que ne procurant que patate douce en bas-fonds, la culture de ture peut prendre des voies très variées,
130 000 FCFA par hectare, « rapporte » produits vivriers en association peuvent selon que l’on considère la productivité
à l’agriculteur plus de 21 000 FCFA par être très intensifs… en travail, même si de la terre, la productivité du travail, ou
journée de travail consacrée aux vergers. les agriculteurs n’ont recours à aucun les deux conjointement.
En revanche un système procurant une intrant. Ces modes de production ne
forte productivité de la terre, comme le peuvent donc en aucune façon, comme L’augmentation de la productivité du
maraîchage sur les rives de la Comoé c’est malheureusement souvent le cas, travail. La mécanisation des opérations
(800 000 FCFA/ha), intéresse tous ceux être qualifiés d’extensifs. manuelles, c’est-à-dire l’emploi de machi-
qui ne disposent que de peu de terres, Dans les systèmes intensifs, les rende- nes, et l’usage de la traction animale ou
ments, c’est-à-dire les productions par motorisée, autrement dit la substitution
5. ⁄⁄ : Ce symbole correspond à une unité de surface, sont en général élevés. de l’énergie humaine par l’énergie ani-
succession inter annuelle. Mais attention, les systèmes de culture in- male ou thermique, sont les principaux

34 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Boîte à outils

L’intensification ?

moyens d’augmenter la productivité du


travail : ces investissements permettent
de diminuer le nombre de jours de travail
hectare exploité (semences, engrais, fu-
mure organique).
À ce sujet, la fumure animale constitue
L ’intensification traduit une augmen-
tation des consommations intermé-
diaires et/ou de la quantité de force de
nécessaires pour atteindre un niveau de un élément clef de l’augmentation de la travail mobilisée par unité de surface
production donné. Il en va de même de productivité de la terre. Dans la frange exploitée. On parlera respectivement
l’usage de produits chimiques tels que soudano-sahélienne, l’intensification des d’intensification par le capital ou d’in-
les herbicides. systèmes de culture est indissociable des tensification par le travail. Dans certains
En supprimant des goulets d’étrangle- évolutions constatées au niveau des mo- cas, l’intensification ne se traduit pas par
ment qui, en fonction des lieux et des des de conduite des ruminants, guidées une augmentation de la productivité de
cultures considérés, peuvent se situer par les préoccupations de gestion de la la terre et encore moins du travail : c’est
au niveau de la préparation du sol, du fertilité des sols cultivés : développement le cas, par exemple, de situations de pres-
semis, du désherbage, de l’arrosage, etc., du parcage de nuit, conduite au piquet en sion accrue des adventices qui amènent
la mécanisation et/ou la motorisation saison sèche sur les jachères, stabulation les agriculteurs à consacrer de plus en
permettent à un actif seul d’exploiter saisonnière. L’affouragement prend une plus de temps au désherbage pour main-
de plus grandes surfaces. part de plus en plus importante sur la tenir leurs rendements en céréales ; les
Quand les revenus permettent de déga- pâture (résidus de récoltes, arbres four- temps de travaux par hectare ont aug-
ger un surplus, le développement d’espè- ragers, herbes fauchées), et la capacité menté sans que la valeur ajoutée n’ait
ces végétales ou animales nécessitant peu à s’équiper en charrettes et animaux de cru pour autant. Le contraire de l’inten-
de soins (par exemple les cultures péren- trait pour le transport de la fumure de- sification est l’extensification : la dimi-
nes de manguiers, d’anacardiers qui, une vient déterminante. nution des quantités de consommations
fois la plantation établie, ne requièrent La mécanisation et la motorisation intermédiaires et/ou de travail investi
du travail que pour la récolte, ou encore peuvent aussi permettre d’augmenter la par unité de surface.
l’élevage de bovins et d’ovins) augmente productivité de la terre, dès lors qu’elles
la productivité du travail, au prix de forts permettent d’augmenter la valeur ajoutée
investissements dans des vergers ou dans par hectare, par exemple en permettant tes des villes), le continent africain est
des animaux reproducteurs. de mener certaines opérations dans les celui dont la part irriguée de la surface
C’est donc la capacité à acquérir du ca- conditions optimales, et d’augmenter agricole utile est la plus faible.
pital, qu’il soit technique ou biologique, les rendements. Ainsi, la traction ani- Tous ces exemples montrent bien que
qui, dans un milieu donné, détermine male permet dans certaines régions du l’intensification ne s’accompagne pas tou-
les niveaux de productivité du travail Sénégal, de semer rapidement les cé- jours d’une augmentation de la produc-
en agriculture. réales et l’arachide dans les meilleures tivité du travail, bien au contraire.
conditions possibles, dans des fenêtres
L’augmentation de la productivité de la temps étroites, et ainsi d’obtenir des ren- Conclusion : les moteurs de l’augmenta-
terre. C’est l’augmentation de la valeur dements supérieurs à ceux obtenus en tion de la productivité sont avant tout
ajoutée produite par unité de surface culture manuelle. politiques. Certains auteurs avancent que
exploitée. Elle est obtenue par la mobi- Les aménagements tels que les haies, c’est l’accroissement démographique et
lisation de plus de force de travail ou de les diguettes, les cordons pierreux, les ter- la diminution des surfaces disponibles
plus de capital technique, c’est-à-dire par rasses, etc. consistent à modifier dura- par actif qui amènent les agriculteurs
l’intensification. blement les conditions du milieu, dans à intensifier leur agriculture. Certes, les
La diminution des temps de jachère le but d’augmenter les valeurs ajoutées quantités de jours travaillés par unité de
dans les successions interannuelles est par unité de surface. Ils permettent de surface augmentent dans de nombreu-
une voie dans laquelle sont engagées limiter le ruissellement des eaux de ses régions, les calendriers agricoles se
de nombreuses agricultures en Afrique pluie et donc d’augmenter l’infiltration remplissent, les pics de travail se mul-
subsaharienne. Elle peut s’accompagner de l’eau, ou bien encore d’augmenter la tiplient. Ces processus s’accompagnent
certes d’une baisse des rendements an- profondeur des sols pour améliorer leur d’innovations fortes. Depuis 20 ou 30
nuels, calculés par unité de surface cul- capacité de rétention en eau, etc. La voie ans, les modes de culture se sont remo-
tivée, mais aussi d’une augmentation de de l’aménagement requiert des investis- delés dans de très nombreuses régions,
la production totale par unité de surface sements accrus en travail familial, ou en comme dans le Sud Bénin où la culture
exploitée : un système de culture fondé prestations de services. continue sur billons a remplacé la dé-
sur deux cycles successifs de céréales don- L’irrigation, par l’investissement en friche brûlis.
nant 15 quintaux/ha, suivis de 3 années travail familial et en capital dans les Mais pour la plupart des agriculteurs,
de jachère, a une productivité par hectare moyens d’exhaure, d’amenée d’eau et tous ces efforts ne permettent bien sou-
de 30 quintaux / 5 = 6 quintaux/ha, plus d’arrosage, concourt également à aug- vent que de maintenir leurs revenus agri-
faible qu’un système de culture continue menter la productivité de la terre. Cepen- coles à des niveaux très bas. Les capacités
de céréales à 8 quintaux/ha. dant, malgré les efforts consentis à la fois propres d’investissements sont faibles
Cette voie d’augmentation de la pro- par les États (aménagements des fleuves ou inexistantes. Seules des politiques
ductivité de la terre s’accompagne d’un pour la production rizicole notamment), d’appui volontaristes et partagées sont
accroissement des temps de travaux et par les paysans eux-mêmes (dévelop- à l’origine de l’augmentation durable de
(préparation du sol, désherbages, etc.), pement du maraîchage de saison sèche la productivité du travail et des revenus
et parfois d’un apport plus important dans de nombreuses régions africaines des agriculteurs, et donc de leur capacité
de consommations intermédiaires par en réponse aux demandes grandissan- à « intensifier ». §

Grain de sel 35
nº 48 — septembre – décembre 2009
Vie du réseau

Le président du Roppa s’exprime


sur la mécanisation-motorisation
„Entretien de la Grain de sel : Ces dernières années, plusieurs pro- NDF : Au Sénégal, des milliers de tracteurs ont été
rédaction avec N’Diogou grammes de motorisation de l’agriculture africaine, distribués, mais leur coût s’élève à  ou  millions
Fall, président du Réseau à travers l’acquisition de tracteurs indiens et chinois, de FCFA. Très peu d’exploitations familiales ont la
des organisations ont vu le jour. Quelle est la position du Réseau des capacité de mobiliser ces ressources, donc très peu
paysannes et des organisations paysannes et des producteurs agrico- ont finalement bénéficié de ces machines. Ceci est
producteurs agricoles de les de l’Afrique de l’Ouest (Roppa) par rapport à ces le premier blocage que rencontrent les agriculteurs
l’Afrique de l’Ouest programmes ? africains.
(Roppa). Les autres aspects sont liés à l’adaptation du ma-
N’Diogou Fall : Le Roppa est incontestablement d’ac- tériel aux conditions et besoins locaux, à l’accès au
cord avec le principe de moderniser les agricultures crédit, et à la question organisationnelle. Les mesu-
familiales à travers la mécanisation. Jusqu’à présent, res d’accompagnement sont également insuffisan-
très peu d’efforts ont été consentis et, dans la plupart tes : les agriculteurs se sont pas du tout disposés à
de nos régions, les paysans cultivent encore à la daba s’endetter pour un matériel, sans savoir s’ils pour-
ou à la houe, ce qui constitue un facteur limitant. Le ront le rentabiliser !
travail de la terre reste extrêmement dur, et cela ne
permet pas d’augmenter la productivité. GDS : Pensez-vous qu’il soit possible de concilier la
mécanisation-motorisation et le maintien de petites
GDS : Dans le passé, de nombreuses tentatives de exploitations familiales ?
motorisation des agricultures africaines se sont sol-
dées par des échecs. D’après vous, pourquoi cela n’a NDF : Effectivement le nœud du problème est là. Nous
pas marché ? pensons que la mécanisation doit se faire confor-
mément au soutien à la petite agriculture familiale :
NDF : Le problème, c’est que ces tentatives n’ont pas nous voulons moderniser, mais tout en maintenant le
reposé sur une cohérence politique et une rationa- maximum d’agriculteurs, pour des raisons sociales et
lité économique. Il n’y a pas eu d’analyse pointue économiques principalement. Nous nous opposons à
des besoins, des conditions spécifiques de chaque une reconfiguration des systèmes de production, où
région et des types de mécanisation adaptés. Si l’on les grandes exploitations domineraient.
regarde de plus près les expériences qui n’ont pas Il faut surtout mettre l’accent sur une mécanisation
bien fonctionné, on se rend compte que ces initiati- adaptée à l’exploitation familiale, avec des matériels
ves ont toutes été conduites selon les mêmes appro- conformes à nos systèmes de production, c’est-à-dire
ches, et concernent en général de grands périmètres des équipements légers, dont les coûts sont suppor-
rizicoles ou des cultures d’exportation. Le manque tables au niveau des exploitations familiales : de pe-
de mesures d’accompagnement de la motorisation tites machines motorisées pour semer et sarcler par
a souvent posé problème. Et aujourd’hui nous som- exemple, mais aussi du matériel pour le transport, la
mes en train de répéter les mêmes erreurs, alors qu’il transformation, tout cela à l’échelle familiale.
faudrait vraiment tirer des leçons du passé pour que À un deuxième niveau, il faut développer l’aspect
nos actions s’inscrivent dans une perspective de du- organisationnel pour l’accès aux autres types de ma-
rabilité. Il y a aussi des pays qui nous envoient des tériels. Les gens peuvent se mettre en coopératives
tracteurs et matériels non adaptés à la situation de pour gérer le matériel de façon partagée. Par exem-
nos régions. ple, pour le battage du mil, chaque famille n’a pas
Mais il faut aussi souligner les réussites, qui doivent besoin d’une batteuse, mais une batteuse peut être
faire écoles. La traction animale par exemple donne gérée par une organisation professionnelle et servir
d’excellents résultats dans la plupart des pays. Elle à plusieurs familles dans un rayon de  ou  villages.
est adaptée au contexte africain, avec du matériel fa- Malheureusement ce type d’initiative est insuffisam-
cile à renouveler et à réparer car il existe tout un ré- ment développé aujourd’hui.
seau pour l’entretien local, des artisans capables de
remettre en état les machines. Alors que ce n’est pas GDS : Quelles sont les actions du Roppa et de ses pla-
le cas avec les tracteurs : une fois tombés en panne, tes-formes pour développer une mécanisation plus du-
tout est perdu, faute de pièces de rechange. rable et plus adaptée aux situations locales ?
Il faudrait donc prendre le temps de réfléchir aux
avantages et inconvénients des différents types de NDF : Dans la plupart des pays, les plates-formes ont
mécanisation, aux systèmes les plus adaptés à nos interpellé les autorités pour la mise en place d’ap-
sols, à nos environnements. Nous pourrions inscrire proches plus raisonnées, plus avantageuses pour
ces réflexions dans de vraies stratégies de dévelop- les exploitations familiales, et pour que les actions
pement, dans des politiques nationales et régionales, soient durables, adaptées au contexte et servent aux
pour que cela soit durable. personnes qui en ont vraiment besoin. Dans le ca-
dre de la politique agricole de la Cedeao, à laquelle
GDS : Et aujourd’hui, quels sont les facteurs de blo- nous prenons une part active, nous essayons aussi de
cages au développement de la mécanisation et de la proposer d’autres schémas qui partent par exemple
motorisation ? de questions touchant à l’accès au crédit et à la dé-
taxation du matériel agricole par les États. §

36 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Vie du réseau

Commerce du bétail en Afrique de


l’Ouest, atouts et défis pour les éleveurs
Bernard Bonnet (b.bonnet@iram-fr.org) et Ber-
trand Guibert (b.guibert@iram-fr.org)______ E n Afrique de l’Ouest, le secteur de l’élevage pastoral et
de la commercialisation du bétail est en pleine mutation.
Pour répondre à la demande croissante en viande, notam-
ment des grands centres urbains, des politiques incitatives
sont mises en place et des éleveurs s’organisent.

L
„ Bernard Bonnet et ’   de bétail en en -. Les importations de viande rouge ont
Bertrand Guibert sont Afrique de l’Ouest et du Centre est en pleine donc considérablement réduit au profit de celles de
chargés de programme évolution sous l’effet de la demande croissante volaille : l’offre brésilienne en viande rouge a ainsi
au pôle Acteurs, en viande. Elle se caractérise par de grands circuits, reculé de  , celle de l’Argentine de   et celle de
ressources et territoires à illustrant le fait que le bétail constitue un facteur im- l’Union européenne de ,  entre  et .
l’Institut de recherche et portant d’intégration des échanges régionaux. Aux Concernant les prix, une ascension a été amor-
d’applications des circuits verticaux anciens construits autour des com- cée à partir de , jusqu’en  où le prix de la
méthodes de plémentarités entre zones pastorales septentrionales viande a atteint des niveaux records. Dans les pays
développement (Iram). et zones littorales plus densément peuplées, s’ajoutent exportateurs, on assiste également à une augmenta-
„ Cet article vient en de nouveaux circuits horizontaux nés autour de la tion des prix, de  à   en Europe, plus du double
complément du dossier forte demande nigériane ou encore de l’urbanisation au Brésil, avant de chuter récemment depuis le der-
Élevage du Grain de sel croissante des régions côtières et des changements nier trimestre .
nº -. alimentaires que cela implique. Le marché mondial des produits animaux se trou-
Il s’appuie sur une étude ve ainsi dans une tourmente dont il est difficile de
réalisée pour la SNV Au niveau des grandes tendances commerciales, il prévoir clairement l’évolution et les conséquences
(Organisation y a lieu de souligner un net accroissement des échan- pour l’élevage de l’Afrique de l’Ouest.
néerlandaise de ges de bétail et de produits animaux entre les pays
développement) par de la sous-région. Durant les deux dernières décen- Au niveau du marché régional, l’offre est handicapée
l’Iram et le Laboratoire nies, les transactions de l’élevage sont en très nette par de multiples fragmentations de nature commer-
d’analyse régionale et augmentation. De l’ordre de  millions de dollars ciale, monétaire ou encore fiscale. Face à cela, les po-
d’expertise sociale US en , elles sont passées à  millions de dol- litiques commencent à s’organiser au niveau régio-
(Lares) en  : lars en . Aujourd’hui en , les transactions nal. À ce titre, la nouvelle ossature du Tarif extérieur
B. Guibert, M. Banzhaf, auraient quasiment doublé depuis . commun (Tec) de la Cedeao prévoit une cinquième
B. G. Soulé, D. H. Sur la période - à -, les impor- bande tarifaire à   où devraient se retrouver la
Balami, G. Idé, Étude tations ouest-africaines de viandes, toutes catégories plupart des produits animaux.
régionale sur les confondues, ont doublé, passant de   à   Par ailleurs, des politiques plus incitatives se met-
contextes de la tonnes. Toutefois, derrière cette tendance générale, tent en place en faveur du développement du sec-
commercialisation du il faut noter que ce sont les importations de viandes teur de l’élevage. On assiste à un regain d’intérêt
bétail – accès aux de volailles, principalement des abats à très bas prix, au niveau continental avec l’inscription de l’élevage
marchés et défis qui dominent. La part de cet approvisionnement par- comme cinquième pilier du Programme détaillé de
d’amélioration des ticulier est ainsi passée de   en - à   développement de l’agriculture africaine, notam- Ü
conditions de vie des
communautés pastorales,
SNV-Iram/Lares, avril
,  p. Trois pôles majeurs structurent les échanges
de produits animaux en Afrique de l’Ouest

L  - Ouest polarisé sur le Sénégal et la


Guinée Conakry. Le Sénégal demeure le princi-
pal pôle commercial de ce sous-espace, avec quel-
Le sous-espace Est, constitué par le Nigeria et ses
pays voisins. Il s’agit d’un marché en pleine expan-
sion du fait de la demande nigériane qui va consti-
ques   têtes de bovins reçus du Mali et du Bur- tuer un élément prépondérant dans les prochaines
kina en . décennies. Selon la FAO, la disponibilité nationale
Le couloir Central : la Côte d’Ivoire, le Ghana et en viande du Nigeria est passée de près de  
le Togo. Environ   à   têtes de bétail tonnes en  à plus de   tonnes en . Les
sur pied alimentent les marchés de ce couloir cha- importations nigérianes de bétail sur pied, en pro-
que année. La demande ivoirienne, après la dépri- venance du Tchad et du Niger, seraient de  
me des années  à , est nettement relancée. à plus d’un million de têtes par an, soit de l’ordre de
La demande ghanéenne devrait aussi très fortement  à   de la consommation du Nigeria.
augmenter ces prochaines années.

Grain de sel 37
nº 48 — septembre – décembre 2009
Vie du réseau

vue d’une future vente (besoin de trésorerie immé-


diat, pas de capacité d’achat d’aliments complémen-
taires aux parcours ou bien d’intrants vétérinaires,
par exemple).
Cependant, des changements commencent à ap-
paraître. Une meilleure préparation des animaux en
faveur d’une transaction plus rémunératrice s’obser-
ve et ce, grâce en particulier au développement de
la téléphonie mobile (immédiateté de l’information
et élargissement de l’espace relationnel). L’appro-
visionnement collectif en intrants, la mise en lot
d’animaux homogènes (embouche en anticipation
de fêtes religieuses impliquant une demande élevée),
l’émergence et la consolidation de niches commer-
© Iram

ciales singulières (viande séchée ou kilitchi au Niger,


demande en viande sahélienne pour les fast food du
Nigeria) ainsi que l’activation de circuits courts pé-
riurbains (rôtisseries) illustrent des avancés dans le
Û ment au travers de la Politique agricole de l’ensem- domaine. De même, certaines transhumances acti-
ble Cedeao (Ecowap). ves et opportunistes, couplant à la fois un déplace-
ment commercial et un engraissement/finition, sont
Au niveau des éleveurs, des inégalités fortes sont autant de tactiques spécifiques à l’échelle du trou-
observées concernant leur assise économique et leur peau qui améliorent sensiblement le prix de vente
marge de manœuvre qui reste réduite face aux ache- des animaux (cf. encadré).
teurs. L’évolution des prix au producteur n’obéit pas Les défis qui pèsent sur l’élevage pastoral et sur la
forcément à la rencontre entre l’offre et la deman- commercialisation du bétail sur pied se situent donc
de. En effet, bien souvent, les difficultés financières à plusieurs niveaux institutionnels. Toutefois, la con-
périodiques contraignent les éleveurs à se séparer jonction d’actions innovantes peut à la fois améliorer
d’animaux au profit d’un prêt usuraire accordé par sensiblement le revenu au producteur et également
un intermédiaire de vente. La sécurité alimentaire et dynamiser les économies locales et régionales. Pour
les dépenses sociales restent capitales pour les petits la prochaine décennie, l’élevage pastoral doit donc
producteurs et l’élevage joue un rôle de plus en plus être véritablement considéré comme un atout écono-
important dans le budget des ménages. Le pouvoir mique et social. Pour cela, il apparaît clairement que
de discussion des éleveurs pauvres face aux commer- les éleveurs et leurs organisations se doivent d’être
çants pour l’obtention d’un juste prix à la production offensifs face aux contraintes que la mondialisation
reste réduit. En effet chez ces éleveurs pauvres, il est impose au marché régional. §
bien rare de trouver une tactique d’anticipation en

Les marchés autogérés du Nord Bénin

L ’    au Nord Bé-


nin souligne une dynamique paysanne intéres-
sante. Ces marchés sont gérés par une organisation
une taxe est prélevée, permettant le développement
du marché (infrastructures, services).
Une fructueuse collaboration s’instaure également
d’éleveurs et les autres acteurs de la filière (bouchers, sur la durée avec les collectivités décentralisées. Cer-
commerçants, témoins, chargeurs, etc.). Les transac- tains marchés deviennent ainsi incontestablement
tions s’opèrent ici directement entre les acheteurs et des pôles de développement local. Ils ne se limitent
les éleveurs/vendeurs. Les prix pratiqués sont donc plus à l’amélioration du seul secteur de l’élevage si-
censés être plus transparents du fait de cette relation tué dans la proximité immédiate du marché. Au Bé-
directe privilégiée. L’essai de quantification du gain nin, l’existence d’une dizaine de marchés autogérés
pour les éleveurs reste encore imprécis mais il oscille- a permis la construction de douze écoles commu-
rait de   à environ  . Paradoxalement, les in- nales et de cinq écoles communautaires. Au niveau
termédiaires ne sont pas complètement exclus de ces national, les directives de la politique rurale prônent
modes d’organisation : ils se cantonnent à l’exercice même ces types de marchés comme exemple de mo-
de la fonction de témoins lors des transactions. dernisation des marchés ruraux offrant une fiscalité
Les marchés autogérés disposent d’un statut légal, locale assainie ainsi qu’une bonne gouvernance avec
attesté par un certain nombre de documents (tickets les collectivités.
de transaction, reçus, etc.). Sur chaque transaction,

38 Grain de sel
nº 48 — septembre – décembre 2009
Vie du réseau

Projet Réseau Paar, Inter-réseaux


les choses avancent ! en Tanzanie
Inter-réseaux assure la maîtrise d’ouvrage plates-formes du Roppa. Ces plates-for- Fin novembre, Inter-réseaux a été invité à parti-
du projet de renforcement des capacités mes nationales avaient envoyé à la fois ciper à un atelier organisé par Agricord (réseau
des réseaux d’organisations agricoles en un élu et un ou deux membres de leur international de 7 agri-agences) à Arusha en
matière de politiques agricoles, alimen- équipe technique. Inter-réseaux était éga- Tanzanie, sur le thème de l’accès aux marchés
taires et rurales (Réseau Paar) financé par lement représenté par trois personnes et du développement des filières. Ce séminaire
l’Agence française de développement du secrétariat exécutif. Les débats ont a été l’occasion d’échanger sur les méthodes et
(AFD). Depuis la parution du dernier permis de mettre tout le monde au clair expériences des différentes agri-agences, orga-
numéro de Grain de sel, de nombreux sur les procédures de fonctionnement du nisations paysannes et ONG présentes, venues
événements ont eu lieu. Réseau Paar pour que les plates-formes du Kenya, d’Ouganda, de Tanzanie mais aussi
En octobre s’est tenu le premier comité et le Roppa puissent avancer ensemble. des Pays-Bas, de Belgique et de France.
d’orientation du projet. Cette réunion a Un fonctionnement administratif cohé- Inter-réseaux a ainsi pu témoigner de l’expé-
rassemblé des représentants de l’AFD, rent sera d’autant plus important que les rience du groupe de travail « accès aux marchés
du Réseau des organisations paysannes actions à réaliser au niveau des pays et et commercialisation des produits agricoles », à
et des producteurs agricoles d’Afrique au niveau régional sont souvent complé- travers notamment la présentation de la publi-
de l’Ouest (Roppa), d’Inter-réseaux, de mentaires, avec des processus d’échanges cation « Accès au marché et commercialisation
différentes structures ayant été mobili- et d’appuis mutuels à favoriser. de produits agricoles : Valorisation d’initiati-
sées dans la construction du projet (Afdi, Le Roppa utilisera aussi l’appui du ves de producteurs et enseignements d’une
AVSF, Fert, Iram) ainsi que du ministère Réseau Paar (et du financement UE- démarche de réflexions collectives » et des vi-
français de l’Alimentation, de l’Agricul- Fida) pour avancer vers la constitution déos produites.
ture et de la Pêche et du réseau Agricord. officielle de la plate-forme panafricaine Parmi les participants à ce séminaire, Harold
Cela a été l’occasion d’échanger sur les des organisations paysannes. Lema témoigne : « Je travaille pour Faida Mali,
actions en cours ou envisagées sur les En décembre, à la suite des échanges une ONG tanzanienne fondée en 2003, et dont
différents volets du projet. Plusieurs avec les participants du comité d’orienta- les activités sont centrées sur l’identification et la
thèmes sont apparus comme devant tion, a été lancé l’appel à capitalisations promotion des opportunités économiques dans
être au centre des travaux du projet, en qui doit permettre de financer des tra- les zones rurales du nord de la Tanzanie. Nous tra-
particulier : les producteurs agricoles vaux qui seront menés par des structures vaillons en particulier en appui aux organisations
et l’intégration économique régionale du Nord et du Sud en lien avec les préoc- de producteurs. J’ai appris beaucoup de choses
en Afrique de l’Ouest, les changements cupations des OPR (quelques exemples durant ce séminaire : premièrement, que les ac-
climatiques, la mise en place des lois et ont été cités plus haut). L’information et tions collectives ou ventes groupées ne sont pas la
politiques agricoles, la question foncière. le dossier de candidature ont été diffu- seule possibilité pour améliorer l’accès des paysans
Mais au delà de ces thèmes qui sont des sés initialement à plus de 60 réseaux et au marché. Ensuite, qu’il est possible de travailler
questions majeures pour les organisa- organisations (ONG, structures d’appui avec les intermédiaires des filières, pas pour toutes
tions paysannes, le travail important aux OPR, bureaux d’études, structures les filières, mais pour certaines ; leur rôle doit être
concernant le renforcement des com- de recherche, etc.). Les organisations analysé et reconnu ! J’ai aussi découvert d’autres
pétences des plates-formes nationales doivent envoyer leurs dossiers avant le types d’approches, qui partent de la base, et qui
et du Roppa est également au cœur du 31 janvier 2010 à Inter-réseaux. Ensuite, semblent être vraiment durables. »
projet. Des sujets comme l’information la sélection se déroulera de façon à ce
et la communication, la place des fem- que les travaux de réflexion et de terrain
mes et des jeunes dans les organisations,
la mise en place d’outils stratégiques de
puissent commencer avant la fin du pre-
mier trimestre 2010. Le dossier est dispo- Annonce aux
pilotage, le renforcement des modes de
gouvernance, ont été jugés très impor-
nible sur le site internet d’Inter-réseaux
(www.inter-reseaux.org). abonnés de
tants pour augmenter la crédibilité et
l’efficacité des réseaux d’organisations
paysannes et rurales (OPR).
Sur le volet piloté par Agricord, les agri-
agences vont aussi pouvoir commencer
des travaux d’échanges et de capitalisa-
Grain de sel
Tous ces thèmes stratégiques seront tion en janvier, toujours en partenariat
traités avec le Roppa en lien avec un autre avec des OPR. Afin d’économiser des frais de port et d’édition,
projet qui vient contribuer à renforcer En parallèle de tous ces volets, Inter- de plus en plus coûteux, nous vous proposons
les réseaux régionaux d’Afrique subsaha- réseaux a continué ses activités contri- de recevoir Grain de sel via email en format PDF.
rienne grâce à un cofinancement Union buant à la capitalisation d’expériences Si vous êtes d’accord, merci de nous le confirmer
européenne – Fida. et à la diffusion d’informations au pro- par email à l’adresse suivante : secretariat@inter-
En novembre, à Ouagadougou, se sont fit des acteurs impliqués dans le monde reseaux.org, en n’oubliant pas de préciser vos
rencontrés durant deux jours, à l’initia- rural africain. nom, prénom, organisme et adresse postale
tive du Roppa, les représentants des 12 pour que puissions vous retirer de notre liste
d’envoi courrier.

Grain de sel 39
nº 48 — septembre – décembre 2009
on en parle… directeur
de la publication Jean-Claude Devèze
responsable du dossier Nathalie Boquien
responsable du hors dossier Joël Teyssier
comité de rédaction Roger Blein, Nathalie Boquien, Patrick
Delmas, Daouda Diagne, Benoît Faivre-

Dupaigre, Dominique Gentil, Fanny Grandval,

Christophe Jacqmin, Anne Legile, Souleymane

Ouattara, Philippe Remy, Joachim Saizonou,

Rose Somba, Joël Teyssier, Marie-Pauline Voufo


Aide à l’agriculture :
conception graphique, mise en œuvre Bureau Issala
des promesses
aux réalités de terrain. photogravure, impression IMB, 14400 Bayeux
Rapport Oxfam International, éditeur Inter-réseaux Développement rural
Jean-Denis Crolas (Oxfam 32, rue Le Peletier, 75009 Paris
France – Agir ici)
téléphone : +33 (0) 1 42 46 57 13
http://www.oxfamfrance.org/pdf/
Oxfam_des-promesses-aux-realites-de-terrain.pdf gds@inter-reseaux.org

www.inter-reseaux.org

L
dépôt légal 4e trimestre 2009
   , les sommets mondiaux sur
ISSN 1253-0166
l’alimentation se suivent et se ressemblent souvent, sans parler
des Sommets du G, Forum de haut niveau et autres événe- terrain, etc. Les princi-
ments. Les objectifs ? Savoir « Qui va nourrir le monde », comment pales difficultés qui en résultent
« Garantir la sécurité alimentaire pour tous », « Comment nourrir sont : un financement au coup par coup, la
le monde en  ? ». Les titres nous interpellent, les annoncent sont création de structures parallèles non pérennes,
grandiloquentes mais le constat demeure alarmant :  milliard de l’accaparement des ressources humaines locales, l’af-
personnes souffrent de la faim. faiblissement des capacités locales, la multiplication des
Entre juin  et juillet , plus de  milliards de dollars ont procédures. L’aide à l’agriculture est donc un système rodé,
été annoncés par les principaux pays donateurs pour apporter des mais qui manque cruellement d’efficacité.
réponses d’urgence à la crise alimentaire et investir durablement À travers des illustrations concrètes, l’étude dresse ensuite
dans l’agriculture des pays en développement. Parallèlement, les pays un premier bilan des financements et des interventions mis
donateurs et bénéficiaires, les agences des Nations Unies, la Banque en œuvre dans les trois pays en réponse à la hausse des prix
Mondiale et d’autres acteurs appellent à une meilleure coordination alimentaires de . Si l’on constate un certain réengagement
des interventions sur le terrain, ainsi qu’à un investissement accru financier depuis , il s’est agi principalement d’actions d’ur-
dans les stratégies et les politiques nationales. gence visant à soulager les populations les plus vulnérables, à
Lancé à la veille du sommet mondial sur l’alimentation qui s’est soutenir les mesures des gouvernements, ou à assurer, à court
tenu à Rome du  au  novembre , le rapport « Aide à l’agri- terme, un niveau de récolte suffisant. Par ailleurs, la majorité des
culture : des promesses aux réalités de terrain » revient sur la mise financements ne semble pas être le reflet d’une aide additionnelle
en œuvre des promesses faites par la communauté internationale au et durable, mais plutôt d’une réallocation de financements desti-
cours des douze derniers mois pour soutenir l’agriculture et assurer nés initialement à d’autres secteurs de développement. L’urgence
la sécurité alimentaire dans trois pays ouest africains : le Burkina dans laquelle ont été mis en œuvre les projets n’a par ailleurs pas
Faso, le Niger et le Ghana. Un rapport qui pointe du doigt le manque favorisé la coordination des interventions des PTF.
d’efficacité dans la coordination de l’aide sur le terrain. L’étude expose dans un troisième chapitre la nécessité de renforcer
L’étude analyse dans un premier temps les caractéristiques de les politiques nationales de développement agricole des pays d’inter-
l’aide à l’agriculture dans les  pays étudiés : la part des financements vention. L’étude fait le constat d’une part de l’état d’avancement de
extérieurs des partenaires techniques et financiers (PTF) dans les l’élaboration de ces politiques dans les pays étudiés, des principaux
budgets nationaux dédiés au secteur rural est située entre  et  , facteurs de blocage de l’intervention des PTF via les programmes
les projets sont nombreux (par exemple au Burkina Faso en ,  nationaux, et de l’importance de s’aligner sur les procédures et prio-
partenaires au développement intervenaient dans le domaine agro- rités nationales. Elle rappelle enfin les engagements de Maputo et
sylvo-pastoral à travers  projets) mais ont des durées et des moda- qu’il est essentiel que les États démontrent activement leur volonté
lités variées, avec des visions de développement souvent différentes à mettre en œuvre ces programmes en faisant du secteur agricole
et parfois divergentes, un manque de coordination des actions de et alimentaire une véritable priorité budgétaire.

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(20 euros pour 4 numéros, chèque à l’ordre de Adeprina – Inter-réseaux). Pour vous abonner, envoyez
un courrier postal avec vos prénom, nom, adresse postale et adresse de courrier électronique à Inter-
réseaux, 32 rue Le Peletier, 75009 Paris ou un message à : secretariat@inter-reseaux.org

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