Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Histoire de l’Art
#2
HELHa 2022-2023 P106A
Coup d’œil
LE STREET ART
Le parcours « L’Art habite la ville » de la ville de Mons vous a peut-être
permis de découvrir la ville autrement et de casser son image. Depuis sa
désignation comme capitale européenne de la culture (en 2015), il faut
reconnaître que la cité du Doudou fait des efforts... même si la gare de
Calatrava rappelle qu’art et magouilles font encore parfois bon ménage.
Terminé, l’art réservé aux élites, abrité dans des musées que seuls les
initiés fréquentent. Le street art s’offre à tous, sous toutes les formes et
dans toutes sortes d’environnements. Ce n’est d’ailleurs pas le seul de ses
mérites.
© Banksy
© B. Devuyst 2
HELHa 2022-2023 P106A
© Matt Willey
© B. Devuyst 3
HELHa 2022-2023 P106A
• Il fait passer un message perd-il pas son âme dès qu’il entre dans un processus marchand et
• Il stimule le débat spéculatif ?
Banksy est probablement le plus « bankable » des artistes street art. Kaws
n’est pas mal non plus dans le genre. Il a vendu plus d’œuvres en 2019
qu’une des stars de l’art contemporain : Jean-Michel Basquiat. Ses œuvres
atteignent environ 15 millions de dollars. Comme pour tous les courants
artistiques qui se développent, la question reste la même : le street art ne
© B. Devuyst 4
HELHa 2022-2023 P106A
Les premiers tags apparaissent sur des trains à New York dans les années On retrouve dans le geste de ce Kilroy les prémices du mouvement
70. C’est l’époque où la discipline est encore confondue avec vandalisme, artistique qui apparaîtra un peu plus tard : un message, un contexte et une
et ses auteurs pourchassés par la police. Zephyr (Andew Witten) et Phase viralité (tout le monde en parle).
2 (Lonny Wood) incarnent cette époque sauvage et clandestine du street
art. Phase 2 est considéré comme l’inventeur des Bubble letters. Autre particularité du street art : l’œuvre est dépendante de son
environnement. Elle fait partie d’un tout, elle s’intègre dans un contexte
(urbain, le plus souvent) qui signifie quelque chose cf. Mark Jenkins ci-
dessous. C’est une autre grande règle du tag - et des autres formes
d’expression qui suivront -. Les tagueurs ont l’œil pour dénicher les
endroits où leur travail aura le plus d’impact et le plus d’allure. On raconte
même que des équipes de JCDecaux (l’entreprise leader mondial en
matière d’espace publicitaires) surveillent les endroits tagués pour les
acquérir et les transformer ensuite en espaces publicitaires.
Qui dit tag dit bombe aérosol. C’est le premier matériau avec lequel les
artistes de rue se sont exprimés dès les années 70. La bombe aérosol était
un outil purement industriel utilisé (notamment) dans l’automobile et le
secteur de l’armement.
© Mark Jenkins
© B. Devuyst 5
HELHa 2022-2023 P106A
Chicago. L’artiste ne se contente plus d’écrire et de signer mais représente C’est Magda Sayeg qui, la première, décide d’envelopper la poignée de
un message beaucoup plus élaboré, une « scène ». Pourquoi parler de porte de sa boutique de Houston (USA) avec du tricot. Son idée se répand
graffiti plutôt que de fresque ? Parce que le graffiti est clandestin et illégal, à grande vitesse et envahit l’espace public des villes d’Amérique du Nord ,
au contraire de la fresque. Assez rapidement, le graffiti s’affine et devient puis du Royaume-Uni, puis d’Europe. Bancs, bicyclettes, statues, ponts,
de plus en plus « designé ». Les graffeurs célèbres ne sont plus escaliers et bien sûr arbres renaissent grâce au crochet. Il faut dire que le
nécessairement ceux qui prennent le plus de risques ou qui produisent le tricot urbain plaît : il est généreux, il apporte de la couleur dans des villes
plus mais ceux qui développent un travail très esthétique. C’est à partir de parfois tristes, il suscite la discussion et provoque les rencontres (cf.
ce moment que le milieu des galeries d’art s’intéresse au street art. On expérience perso). Certaines réalisations sont épatantes. Le MoMA
connaît la suite. (Museum of Modern Art) de NY a récemment acquis ses premières pièces...
< Vidéo Arte Creative >
Sans compter que le tricot fait son come-back au sein des jeunes
YARN BOMBING générations cf. le snood (longue écharpe en forme de tube) dont il existe
Yarn = fil. Bombing = bombardement. À vos aiguilles ! Le tricot urbain est des versions canines assez esthétiques (ben oui, c’est aussi une forme d’art
une forme d’expression du street art issue du Land Art*. C’est doux, de la rue)... Le yarn bombing représente une source de relaxation et de
moelleux, gentil, poétique, jamais agressif, humoristique. Définition créativité bien dans l’air du temps. D’après certaines études, le tricot
officielle : « Action de couvrir ou de décorer des objets appartenant à rendrait ses pratiquants plus heureux que les autres. Un supplément de
l’espace public avec des morceaux de laine tricotés. Forme d’art urbain ». bonheur, quoi !
< Vidéo Track >
*LAND ART
CONTEXTE
Le Land Art est un courant artistique contemporain qui utilise
l’environnement et les matériaux naturels pour s’exprimer : bois, pierre,
glace, terre, sable, feuilles, eau, etc. Il s’agit très souvent d’œuvres
extérieures soumises aux caprices du temps, et éphémères. Même si cette
forme d’art trouve ses racines dans la nature, elle n’en reste pas moins
associée au street art, résolument urbain. Certains artistes du land art
exposent d’ailleurs leurs œuvres uniquement dans des métropoles.
© B. Devuyst 6
HELHa 2022-2023 P106A
Arne Quinze a frappé les esprits avec son œuvre monumentale éphémère
Uchronia réalisée à l’occasion du festival Burning Man dans le désert du
Nevada. Sacré événement ce Burning Man. Pour rappel, ce rassemblement
entre communauté libertaire, fêtards absolus et people en manque
d’expériences inédites se clôture par un immense brasier. Uchronia,
appelée aussi La gaufre belge, a été réduite en cendres lors de l’édition
2006.
© D. Oppenheim, P. Dougherty, M. Heizer
< Vidéo Burning Man >
Certains pionniers du land art étaient aussi des artistes reconnus d’un autre
courant artistique, le Body Art. Dennis Oppenheim, Patrick Dougherty, CHRISTO (1935-2020)
Michael Heizer sont des références du land art surtout actives dans les On l’appelait l’Emballeur. Né en Bulgarie, Christo Vladimiroff Javacheff fuit
années 70-80. à 20 ans le régime communiste pour s’installer aux États-Unis après un
passage à Paris où il rencontre sa partenaire prénommée Jeanne-Claude.
ARNE QUINZE (1971) Quel couple ! Lui au dessin, elle à l’organisation, eux deux aux idées. Ils
n’ont peur de rien et bousculent les idées reçues. Leur idée ? Dévoiler tout
Vous le connaissez très bien. Son œuvre The Passenger se trouvait au
centre-ville de Mons. Cocorico : il est belge. Il doit sa renommée en cachant. Ou cacher tout en dévoilant.
internationale à ses gigantesques sculptures en bois, souvent colorées. Issu
du street art, il réalise aussi des peintures, de petites sculptures et des
installations lumineuses.
© B. Devuyst 7
HELHa 2022-2023 P106A
Rien ne les arrête et tous les endroits de la terre les inspirent : muraille de
Chine, îles du Pacifique, lacs italiens, parcs (cf. The Gates, Central Park NYC
2005)... Leurs installations ne durent en moyenne qu’une quinzaine de
jours et ne s’achètent évidemment pas ! Cette dimension de liberté
absolue ajoute à la démarche unique de ce couple d’artistes majeurs de
notre époque.
© B. Devuyst 8
HELHa 2022-2023 P106A
emballés il y a quand même quelques années. Une démonstration de plus « clan » est un autre fondement de la culture artistique du graffiti. Les
que l’art contemporain ne laisse personne indifférent. On n’apprécie pas bandes (souvent organisées selon des origines ethniques) rivalisent entre
trop quand nos habitudes visuelles, nos repères, notre confort quotidien elles.
sont subitement transformés. Pourtant, à y regarder de plus près, le
monument emballé sort en effet de sa léthargie historique : la lumière se Des wagons de chemins de fer au métro, il n’y a qu’un pas que Keith Haring,
reflète dans la structure, le vent s’engouffre dans le drapé, l’œuvre Basquiat et leurs potes vont franchir ensuite allègrement.
retrouve de la vie... < Vidéo >
< Vidéo >
HOTSPOTS
Valparaiso, Lagos, Bristol, Paris, Bruxelles, Liège... Les musées à ciel ouvert
qui offrent des œuvres street art ne manquent pas. De nouvelles
destinations apparaissent, d’autres disparaissent. La faute à plein de
raisons ! Une tendance se dessine : celle d’organiser des parcours d’artistes
à travers la ville. une bonne façon d’attirer des touristes qui profitent de
leur balade arty pour consommer. Une « récupération » un peu triste mais
qui n’enlève rien au talent des artistes ni au plaisir de découvrir l’art et la
ville autrement. Petit tour non exhaustif (et tout à fait subjectif) de
MELBOURNE
quelques bonnes adresses :
La deuxième plus grande ville d’Australie est considérée comme une des
PHILADELPHIE capitales du street art depuis les années 80. Les autorités municipales ont
compris que cette empreinte artistique au caractère bien trempé pouvait
C’est d’abord à Philadelphie que le graffiti fait parler de lui. Un amoureux
faire venir du monde de loin, et pas uniquement des artistes. Des touristes,
fou nommé Cornbread déclare sa passion pour une jeune femme sur de
aussi. Melbourne est une des premières villes à avoir mis sur pied des
nombreux murs de la ville dans la plus grande illégalité. Il s’amuse et
circuits touristiques spécifiques qui parcourent les quartiers de la ville.
multiplie les messages dans des lieux de plus en plus touchy. Le gars devient
Moyennant le respect de certaines règles, les graffeurs amateurs sont
une célébrité locale et suscite les vocations. C’est le début du graffiti, dans
même encouragés à s’exprimer. Et la ville accueille régulièrement un des
les années 60.
festivals les plus célèbres dédiés au street art.
Fin de la décennie : de nombreuses liaisons ferroviaires relient Philadelphie
à New York, distante d’environ 150 km. Qui dit liaisons ferroviaires dit
wagons ! Un formidable support pour les artistes à la recherche de
notoriété et de succès. Les graffeurs de Philadelphie montrent à ceux de
NYC de quoi ils sont capables, et inversement. À noter que la notion de
© B. Devuyst 9
HELHa 2022-2023 P106A
BERLIN
Si la capitale allemande fait partie des destinations incontournables en
matière de street art, elle le doit d’abord à son passé tumultueux. Quand
les grandes puissances ont géré la ville à la fin de la WW2, elles ont un jour
de 1961 élevé un mur resté longtemps vierge de toute trace artistique ou
revendicative. Jusqu’en 1989. Dès que le mur est tombé cette année-là, il
a été envahi de graffitis. Normal, les habitants avaient pas mal de choses à
dire... Keith Haring aussi se rendra sur place.
Le street art est présent partout à Berlin. Toutes les formes d’expression
coexistent. Les quartiers de Kreuzberg et Friedrichshain valent le détour.
Mais le lieu de rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte, c’est
SAO PAULO
évidemment l’East Side Gallery, un pan du mur de Berlin d’environ 1,5 km.
Sale temps pour la métropole brésilienne. Après avoir soutenu pendant
Plus de 100 œuvres réalisées par des artistes nationaux et internationaux
des décennies la pratique du street art, les autorités de la ville ont décidé
décorent l’endroit. Best of des œuvres de l’endroit : Bruderkuss, Test the
en 2017 de changer leur fusil d’épaule et de rendre la ville « plus belle et
Rest, The Wall...
plus attractive ». Ah bon ? L’avenue du 23 mai qui traverse la ville sur 5,5
km et dont les murs étaient recouverts de magnifiques fresques & graffitis
L’un des artistes les plus souvent associés au street art berlinois n’est pas
a été complètement nettoyée. Résultat : du gris à perte de vue. Exit
allemand mais Italien. Son nom d’artiste : Blu. Ses œuvres sont en général
l’espace de street art le plus long d’Amérique latine. Dans ce pays dirigé
immenses. Elles dénoncent les travers de notre temps : guerre, violence,
par l’extrême droite et gangréné par la corruption, graffer ou taguer est
pollution, manipulation. Elles représentent souvent des personnages
condamné par la loi et peut entraîner une peine de prison allant jusqu’à 1
plantés dans un décor inquiétant ou absurde, parfois amusant. Autres stars
an. Les œuvres de cette avenue n’avaient pourtant rien d’illégal ; c’est le
actives : Roa, Eduardo Kobra, Xoooox.
maire précédent qui les avait commandées !
< Vidéo >
© B. Devuyst 10
HELHa 2022-2023 P106A
ET CHEZ NOUS ?
Charleroi, Liège, Mons ou Bruxelles multiplient les initiatives et tentent de
se forger une réputation de villes ouvertes au street art. On n’a vraiment
pas à rougir.
Au nord du pays, un petit village hors normes fait lui aussi figure de hotspot
BARCELONE planétaire... Son nom : Doel, à une trentaine de km d’Anvers.
Ici encore, grandeur et décadence. Depuis le milieu des années 2000, c’est Soyez prévenu(e)s : l’accueil est spécial. Tout occupée à développer ses
la chasse au graffiti. Celui ou celle qui se fait pincer reçoit une amende activités portuaires, la métropole flamande a peu à peu exproprié les
immédiate de 800 à 1.000 €. Beaucoup d’œuvres ont disparu. Il faut se habitants de ce paisible village du Pays de Waes. Sans compter qu’à l’image
rendre dans la vieille ville, là où les ruelles sont minuscules et tordues, pour du village wallon de Tihange, Doel avait été choisi comme lieu
encore apercevoir quelques réalisations. Le quartier du Raval, où se trouve d’implantation d’une nouvelle centrale nucléaire. Résultat : quasi tout le
le célèbre marché de la Boqueria, fait de la résistance. Là-bas, bon nombre monde a fui et le village a été progressivement abandonné.
de camionnettes de livraison ont offert leurs flancs aux artistes. Bien vu, et
en plus, ça bouge ! Il n’en fallait pas plus pour que les street artistes prennent possession des
lieux. D’abord considéré comme un endroit glauque qu’il fallait raser dès
que possible, Doel est au fil du temps devenu une destination
incontournable des fans du genre. Il faut dire que le silence et l’inactivité
qui y règnent rendent l’endroit particulièrement surréaliste. Franchement
si vous faites une virée à Anvers, poussez une pointe jusque-là mais
dépêchez-vous : les autorités régionales ont enfin proposé un plan de
rénovation du site. Les maisons délabrées, ce sera bientôt de l’histoire
ancienne.
© B. Devuyst 11
HELHa 2022-2023 P106A
GRANDS MAÎTRES
Bozar organisait en 2020 une grande expo consacrée à Keith Haring, une
des stars de l’art de rue et de l’art tout court. Tout le monde connaît aussi
l’énigmatique Banksy, les mosaïques d’Invader, les animaux de Roa, les
personnages de Blu... Focus sur l’un ou l’autre géant du street art.
OBEY
Son vrai nom est Shepard Fairay. Ce quinqua américain est avant tout
illustrateur, graphiste et activiste. Il manifeste ses critiques à l’égard du
monde politique en réalisant des fresques dans des espaces publics. Son
œuvre la plus connue ? Hope, portrait de Barak Obama (2008)
< explications >
© B. Devuyst 12
HELHa 2022-2023 P106A
© B. Devuyst 13
HELHa 2022-2023 P106A
© B. Devuyst 14
HELHa 2022-2023 P106A
Il commence à faire parler de lui début des années 80. L’homme déambule
beaucoup en ville, craie ou feutres en poches. Comme au cours de rough,
pas de crayon ni de gomme : c’est du direct ! Dès qu’il aperçoit un espace
vierge sur lequel il peut dessiner (quel qu’il soit), en avant, il trace. Il faut
voir avec quelle maîtrise du geste et quelle rapidité...
Tout ça pourrait donner l’impression que Keith Haring est un peu déprimé
et fataliste. Que nenni ! Radiant Baby illustre bien son état d’esprit :
survitaminé, boulimique, joyeux, « rayonnant ». il faut dire qu’à l’époque,
il profite à fond de l’ambiance alternative qui règne dans East Village, à NY...
Elle est loin sa ville natale, Pittsburgh (où il s’ennuyait ferme).
© B. Devuyst 15