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Histoire universelle, sacrée et

profane, depuis le
commencement du monde
jusqu'à nos jours, par le R. P.
Dom Augustin [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Calmet, Augustin (1672-1757). Histoire universelle, sacrée et
profane, depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours,
par le R. P. Dom Augustin Calmet,.... 1737.

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HISTOIRE
UNIVERSELLE,
SACREE ET PROFANE,
DEPUIS LE COMMENCEMENT DU MONDE
JUSQU'A NOS JOURS.

Par le R. P. DOM
AUGUSTIN CALMET,
ABBE' DE SENONES ET PRESIDENT DE LA CONGREGATION
DE VANNE ET DE S. HJLDULPHE.
TOME TROISIEME
S.

M DCC XXXVII.
AVEC APPROBATION.
PREFACE
OU DISCOURS PRELIMINAIRE SUR LE TROISIEME
TOME DE L'HISTOIRE UNIVERSELLE.
1.
Progrés de la République Romaine.
1
A RépubliqueRomaine, après avoir assujetti toute l'Italie,
la Sicile, les Isles de Sardaigne & de Corse, & avoir ré-
duit Carthage à lui demander la paix, se trouva en^ état
de tout entreprendre. Bientôt les Romains passérent
dans rillyne & dans la Grèce; la victoire les lulvlt, comme elle
avoit toujours fait. La réputation de leurs armes, autant que leur
valeur & leur conduite, leur sournirent tous les peuples , chez qui
ils portèrent la guerre. Ils passoient en quelque sorte pour invin-
cibles Leur nom seul & leur approche inspiroient la terreur.^
Pour prouver aux Grecs, peuples si jaloux de leur liberté, que Politique des Ro-
Rome ne faisoit la
pas guerre par intérêt, & qu'elle cherchoit moins mains en
dans ses conquêtes l'aggrandissement de sa domination, que le bon- affratichif.
heur des peuples, & de procurer la paix par-tout où elle portait ses fant les
villes Grc-
armes: elle fit rendre aux villes & aux peuples de la Gréce & de l'Asie ques.
mineure leur liberté. Politique fine & interessee, qui rendant les
peuples independans, les affoibliffoit en les séparantles uns des au-
tres, & insensiblement ruïnoit les Monarchies les plus redoutables,
en leur ôtant leurs sujets, & les obligeant sous
prétexte de liberté, de
relâcher les conquêtes qu'ils avoient faites. Les peuples affranchis
devenoient tout dévouez aux Romains, qui dans le besoin emplo-
ïoient leurs armes, pour humilier & depouïiler les Rois. Ensuite ils
supprimoient les titres de Roy, & réduiraient les Royaumes en Pro-
vinces, pour former plus iûrementleur propre Empire, & pour éta-
blir leur domination sur la ruine de toutes les autres, sans qu'on en
prît ombrage, & sans exciter la jalousie des peuples libres, qui au
fond n'avoient que l'ombre de liberté, & étoient très-réellement dans
les liens & la servitude des Romains, lesquels dans l'occasion savoient
les faire obéir, & les priver même de leur liberté, quand ils manquoient
de respect ou de soûmissîon pour cette République, qui ne souffroit
ni supérieure ni égale.
LesGau-' Les Gaulois tant de deça-que de delà les Alpes, ou jaloux de la
lois formi- gloire & de la grandeur Romaine ou craignant qu'à la fin ils
dables à la , ne fuf-
Républi- lent opprimez par cette Puissance, qui devenoit de jour en jour plus
que Ro- formidable, forment une puissànte ligue,& se joignent aux Falisques
maine. peuples d'Etrurie, & à d'autres peuples des environs duPo, resolus
de faire un dernier effort pour renverser l'ambitieuse République.
Rome avoit toujours rédouté les efforts des Gaulois plus que d'aucun
autre ennemi. On se souvenoit de les avoir vus dans Rome, & la
République réduite presqu'au seul Capitole. Dez-qu'il étoit question
de les repousser, on avoit recours aux moïens les plus extrêmes.
Nul n'écoit alors exemt de la milice. Dans la circonstance dont nous
parlons, il couroit à Rome une Prophétie, que les Gaulois & les
Grecs s'en rendroient un jour le maître. On avoit, disoit-on, trou-
vé cet Oracle dans les Livres Sibyllins. Pour éluder la Prophétie &
rendre la tranquillité d'esprit aux Romains, on résolut d'enfouir tout
vivans un Gaulois & une Gauloise un Grec & une Greque dans la
,
place du marché aux bœufs. La chose fut exécutée par un Décret
des Decemvirs, ou des dix hommes préposez à la garde des Livres
Sybillins. On crut que c'en étoit allez pour vérifier la Prophétie.
Les Gaulois & les Grecs furent par ce moïen barbare & par une Íùbti-
lité ridicule mis en possession de Rome. Telle étoit la terreur du nom
Gaulois. Il faut avouër, que si la nation Gauloise avoit eu autant
de confiance, de fermeté, d'exercice & de methode dans l'art mili-
taire qu'en avoient les Romains; si leur feu, leur courage, leur im-
pétuosité eussent été mieux ménagées & mieux loûtenuës, ils auroient
été invincibles. Les Romains connoissoient le foible de ces puissans
ennemis, & ils savoient en profiter, sen leur laissant jetter leur pré-
mière ardeur, & lassant leur prémiére impétuosité par lel}rfaçon mé-
thodique de combattre.
II.
Guerres d'Annibal contre Rome, & des Romains contre
Carthage.
Carthage
Rivale de
ia çran-
^ Arthage Emule de la grandeur de Rome, avoit souvent essàyé ses
forces contr'elle. Souvent elle avoit vaincu les Romains, mais
plus
plus souvent elle avoit été vaincue. Jugeant que deux Républiques deur de
si voisines, si puissantes, si
guerrières, si ambitieuses, ne pourroient Rome. Annibal
subsister longtems ensemble , & que l'une feroit nécessairement quel- paffe en
jour la victime de l'autre Carthage prenoit de loin toutes les me- Italie.
que :
sures convenables pour se soûtenir, ou même pour renverser sa Rivale.
Hamilcar Général des troupes Carthaginoises en Espagne nourrissoit
les Romains une haine implacable. Craignant de ne pas vivre
contre
allez longtems pour leur en faire ressentir tous les effets, il' prit des
mesures pour inspirée de bonne heure sa paillon à Annibal son fils. Il
lui fit jurer sur les viaimes qu'il immoloit au point de palier en Espa-
qu'il seroit l'ennemi éternel des Romains. Annibal n'exécuta
gne, promesses. ses exploits militai-
que trop fidèlement ses Il commença
Espagne sous les yeux de son Pere. Aprés la mort d'Hamil-
res en alliée des Romains; après
car, il prit & saccagea la ville de Sagunte
quoi il patre les Pyrénées, entre dans les Gaules, force le passage des
Alpes, & avec des peines & des fatigues infinies il entre en Italie & y
porte la terreur. Il est inutile de rappeller tout ce qu'il y fit. On
le peut lire dans ce volume.
On voit peu de Guerriers du merite d'Annibal. Il sçut joindre Caractère Annibal.
à l'aétivité & aux ruses d'un Carthaginois con10mmé dans le métier<1*

de la guerre, toute la sagesse, la prévoyance, la consiance, le sens


rassis d'un homme toujours maitre de lui-même. Il eut le secret de
se faire craindre , obéir & aimer du soldat, de telle sorte qu'au milieu
des travaux les plus rudes, des plus grands dangers, & des plus pres-
sans besoins, jamais son armée ne fit paroître de mécontentement,
ni ne se porta à la mutinerie ; parceque le Chef leur donnoit l'exem-
nlr3 nue sans troo exDoser sa oersonne . il ne se refuloit point aux
plus grands travaux des voyages & de la milice, [oûtenant toujours le
personnage d'un grand Général & d'un guerrier infatigable. Aprés
avoir fait trembler l'Italie, il se trouve avec une poignée de gens ref-
ferré dans un coin du Brutium & de la Lucanie, & quoiqu'affoibli
par tant de batailles, & hors d'état de recevoir du secours de Carthage,
il est encore terrible aux Romains, & il trouve dans son genie &
dans son industrie tant de ressources, qu'il s'y maintient malgré ses
ennemis, & n'en sort que quand les ordres & les besoins de sa Patrie
le rappellent.
Il retourne à Carthage après trente-trois ans d'absence, & envi- Annibal
vingt de sejour Italie. Il est chargé de faire la à retourne
ron ans en guerre en Afri-
Scipion, & néanmoins il tâche de persuader aux siens de faire la paix que.
avec Rome. Il avoit éprouvé les forces de cette République, & sa fer-
meté dans les plus grandes disgrâces. Vaincu par Scipion, sans écou-
ter ni son chagrin ni son reilentiment, il insiste de nouveau à faire la
paix avec les Romains.
A Carthage le peuple s'étoit comme rendu maitre absolu des de-
cisions, & n'écoutoit presque plus le Senat. Les plus làges Magistrats
& les Capitaines les plus expérimentez étoient exposez tous les jours
à la fureur & a l'ingratitude d'un peuple insolent,qui les faisoit mou-
rir ignominieuiement.dez-que le luccés ne repondoit pas à lès desirs ;
cette mauvaise maniére de gouverner étoit cause que plusieurs se re-
tiroient des affaires, & refusoient leurs Íecours à leur Patrie dans les
plus pressans besoins. Giscon un des prémiers du Senat de Carthage,
voulant dissuader de faire la paix avec Rome, Annibal le prit par le
bras, & le jetta à bas de la Tribune. Cette a£Hon excita un murmure
général. Annibal s'excusa en disant: Sorti de Carthage à l'âge de neuf
ans, j'en ai passé trente-six au milieu des armées, & je me flatte d'y
avoir réiiiH. Pour vos Loix & vos coutumes, on ne doit pas être
surpris si je les ignore; je viens ici pour les apprendre. Il parla & on
l'écouta. Il perluada le peuple de la neceffiré de faire la paix avec
Rome. C'étoit le plus grand service qu'il pût rendre à sa Patrie.
Mort Toutefois on voit par l'événement, que ce même Annibal, qui
é'Aiinibalr avoit jusqu'alors si fidélement & si utilement servi sa Patrie, &qui sem-
bloit en être le salut & la relIàurce, en fut le malheur & la ruine.
Rome n'oublia jamais les frayeurs qu'il lui avoit causees, & les dan-
gers auxquels elle s'étoit vue exposée aprés la bataille de Cannes. Elle
n'eut point de repos que Carthage ne fût non seulement soumise &
domptée, mais même détruite & rasée , & hors d état de lui faire ja-
mais ombrage. Annibal étoit trop connu pour être l'ennemi irré-
conciliable de Rome. Il avoit trop ofFensê cette République, pour
qu'elle pût ni l'oublier ni lui pardonner. Il est forcé de quitter sa Pa-
trie, de peur d'être livré à ces puissàns ennemis. Par-tout où il va,
il porte sa haine contre les Romains. Il l'inspire à tous ceux qui lui
donnent un azyle. Tout exilé & tout vagabond qu'il eir, il le fait
encore craindre. Il donne des conseils utils à ceux qui font la guerre
à Ces ennemis. Enfin il est la vi&ime de la puissance Romaine, & mal-
gré la ressource de ses ru ses & de sa valeur, il est contraint d'avaler du
poison, pour ne pas tomber entre les mains du Consul Flaminius.
Une telle vengeance n'est-elle pas une vraïe confèssion de foiblesse de
lapait des Romains?
Du
Du coté des Romains, les guerres d'Annibal ont donné un grand Grands
relief aux Heros que Rome lui a opposez. Fabius Maximus, Mar- hommes du côté
cellus, Scipion l'Africain, doivent la plus grande partie de leur gloire des Ro-
à la valeur d'Annibal. Ce grand homme lui-même ne leur refusa point mains.
la justice qu'il devoit à leur merite extraordinaire. ^ Rome ne parut
jamais plus grande & plus invincible, que dans ces circonstances, les
plus périlleuses où elle se soit jamais vuë. Aprés la perte de la bataille
de Cannes, le Consul Terentius, à qui l'on en imputoit à bon droit
la caulè, est reçu à Rome avec honneur; on envoye au-devant de lui
des Deputez de tous les ordres, pour le remercier de n'avoir point
desesperé des affaires de la République. Annibal victorieux eil campé
aux portes de Rome, & s'il eût sçu diligemment profiter de sa viétoi-
re, peut-être auroit-il emporté cette Capitale. Rome ne se décon-
certe point. Elle fait partir en même tems deux armées, l'une pour
I'Espagne & l'autre pour l'Afrique, bravant ainsi la fortune, & insui-
tant en quelque sorte à Annibal.
Mais on ne peut qu'on ne blâme les Romains de leur ingratitude Ingratitu-
de des Ro-
envers Scipion l'Afr'icain , & Marcellus, les deux hommes qui lui fi- mains en-'
rent le plus d'honneur dans ces guerres contre Annibal & contre l'A- vers Sci-
frique. Scipion le plus généreux & le plus décinterelsé des Romains, pion &
fut accusé par deux Tribuns du peuple à l'instigation de Caton. Il fut Marcellus.
acculé d'avoir passé un hyver inutilement en Sicile, avant que de pat
fer en Afrique; d'avoir contribüé au pillage déLocres; d'avoir recu
de grosses sommes du Roy Antiochus, pour lui faire accorder la paix
à des conditions avantageuses. Scipion sans beaucoup s'arrêter à re-
pliquer à ses adversaires, fit so-,,i venir le peuple qu'à pareil jour il a voit
vaincu Annibal. Il invita l'assenibl'ée à en venir rendre graces aux
Dieux. 11 monte au Capitole ; tout le monde l'y suivit. Les Tri-
buns s'en tinrent insultez, & citérent Scipion pour la troisiéme fois
à comparoitre dans vingt jours. Scipion ennuyé de tant de chicanes,
se retira dans sa maison de campagne prés de tapies , & n'en revint
jamais. Il y mourut bientôt après à l'âge de quarante-huit ans. Mar-
cellus ne fut guéres mieux traité. Après la prise de Syracuse & la ré-
duction de la Sicile, on lui réfuta le triomphe. Le peuple Romain y
qui l'avoit choisi Consul, se plaignit ensuite de ce qu'on, ne faisoit que
desConduis belliqueux, & non des hommes pacifiques; que la Répu-
blique épuisée d'hommes & d'argent, avoit plus befbin de repos que
de canqueces. Marcellus introduisît à Rome le bon goût & l'amour
des beaux arts, en apportant de Syracuic k Rome les Ouvrages des
plus grands Peintres & des plus habiles Sculpteurs. Quelques uns lui
en tcurent mauvais gré, comme ayant, dilbient-ils, introduit à Rome
la mollessè, le luxe, & la corruption des moeurs. Tel est le genie des
Républiques. Le peuple s'y plait à abaisser le merite & les services
des grands hommes , & à faire montre de son autorité, en maltraitant
ceux à qui elle a les plus grandes obligations. Nous avons vu le mê-
me esprit de méconnoiHnce dans les Républiques Gréques.
Compa- On vante avec grande raison les exploits d'Alexandre le Grand ,
raison des
la rapidité de ses conquêtes, la valeur de ce Conquérant & celle de ses
guertes
d'Alexan- troupes. Mais si au lieu d'un Darius Codomannus & des armées de
dre & de soldats Asiatiques, il avoit eu en tête des Romains commandez par un
c 'Ues des Fabius Maximus,
Romains un Scipion l'Africain, ou un Marcellus; ou même
& des Car- des Carthaginos & des Espagnols commandez par Annibal, auroit-il
thagmoi'. poussé ses conquêtes
avec la précipitation & la facilité qu'il a fait?
Dans une seule bataille il mettoit en fuite une armée de cent mille hom-
mes, & quelquefois de deux ou trois cens mille. Dans un jour il fai-
foit la conquête de plusieurs Provinces, quelquefois de plusieurs Roy-
aumes, au lieu que les Romains ont fait la guerre pendant cinq cens
ans pour conquérir l'Italie seule, qu'ils ont livré une infinité de batail-
les, à la verité avec des ennemis moins nombreux, mais làns com-
paraiibn plus aguerris & plus vaillans que les Asiatiques. La seule ville
de Tyr renfermée dans une petite Isle & denüée de tout (ecours étran-
ger, a plus coûté à Alexandre que la conquête de toute l'Asie. Les
Romains ont plus fait pour allujettir Carthage & pour se defendre
contre Annibal, qu'Alexandre n'a fait pour vaincre & Darius & Po-
à le bien prendre,
rus & les autres Rois de l'Asie & des Indes. Ainsi
ce fameux Conquérant auroit acquis plus de
solide gloire:, & mieux
merité le nom de grand, en domptant les Romains ou les Carthagi-
nois du tems dont nous parlons, qu'il n'en a eu à soûmettre toute
l'ACie ; mais il n'auroit peut-être pas acquis une si grande réputation,
parcequ'on ne juge d'ordinaire des choses que par l'événement & par
ce qui frappe les yeux des simples.
III.
Grandeur, Divisions, Superstitions, Sciences, Chronologie
des Romains.
où nous la voyons après
LA République Romaine portée au point,ruinée
Divisions
iuneites la ruine de Carthage, ne pouvoit être que par elle-même.
Elle
Elle étoit invincible tandis que ses forces demeureroient réünies, & blique»à la Répu-
ses Chefs agiroient de concert & avec la subordination qui faisoit
que
sa force & ion [oûrien. Elle ne pouvoit être renversée que par ses
divisions domestiques, ou par sa propre grandeur. Nous voyons
dans ce troisiéme tome de cette Histoire Universelle la République agi-
tée & divilee par les fanions deSylla, de Marius, & de Cinna. Mais
n'étoit-là que les préludes des maux, que lui causérent les divisions
ce
de Jules Cézar, de Pompée, & de Marc-Antoine, que nous verrons
cy-aprés. Rome alors cessa d'être République & devint Royaume &
Monarchie. Dans la suite cet Empire immense se ruïne de lui-même
& se renverse, comme un Colosse trop élevé & trop massif prend ai-
sément charge, & sortant de son équilibre, est tout d'un coup en-
traîné à bas par son propre poid. L'Histoire de l'Empire Romain ne
justifiera que trop ce que nous venons de dire.
Au milieu de ces sentimens heroïques des Généraux & de quel- d'esprit&
Foiblesse

ques Senateurs Romains ; parmi ces vastes idées de domination & de de super-
conquêtes; parmi ces grands exploits & cette constance que rien ne stitiori du
sentimens bas, peuple
peut ébranler, je vois dans le peuple Romain des cer- Romain.
taines superstitions cruelles, d'autres pueriles & indignes de la Majesté
du nom Romain. Nous avons déjà rélevé inhumaine cérémonie
d'enfouir un Gaulois & une Gauloise, un Grec & une Gréque, dans
une place de Rome, pour écarter les effets d'une vraie prédittion.
Les Romains réitérent la même inhumanité aprés la perte de la ba-
taille de Cannes. Quelle idée avoient-ils donc de la Divinité, s'ils la
croyoient capable d'approuver de pareils sacrifices? Annibal paroit-
ilen Italie? D'abord on consulte les Livres Sybillins, qui ordonnent
de faire venir de Peiïînunte à Rome une Divinité étrangère. Cibéle
étoit la grande Divinité de Peilinunte, ville de la Phrygie ou de la Ga-
latie. C'étoit la Mére des Dieux, & on l'adoroit dans cette ville sous
la figure d'une pierre informe, qu'on disoit êtredescenduë du Ciel sur
le mont Ida. Au1Jirôt on la fait venir en grande cérémonie. Malheu-
reusement le vaiileau qui la portoir,vint échouër sur un banc de sable
prés l'embouchure du Tibre. En vain on employa l'industrie & la
force des hommes & des animaux pour degager le vaÍsseau. On dit
qu'une Veltale nommée Claudia y attacha sa ceinture, & le degagea
facilement. Ainsi on se jouoit de la crédulité & de la simplicité du
peuple.
Quelque tems auparavant on avoit amené à Rome le serpent d'E-
pidaure, qu'on croyoit être le Dieu Elculape. Veut-on faire un traité
[olemnel
solemnel avec les Carthaginois? On envoye exprés de Rome à Car.
thage des Féciaux, portant un caillou & des verveines d'Italie, com-
me si les cailloux & les verveines d'Afrique étoient souillées. Le cail-
lou étoit pour frapper la vi&ime, & les verveines pour couronner
ceux quifaisoient la cérémonie. Scipion l'Africain évoque sérieulè-
ment les Divinitez deCarthage, & les prie de venir à Rome, avec pro-
mesle d'y être bien reçues & adorées; il devouë les Carthaginois à tous
les malheurs, & aux mauvais genies; il sacrifie à l'audace & à la crain-
te; il fait un sacrifice à Vulcain de tout ce qu'il a pris surSyphax &
sur les Carthaginois; hommes, armes, Chevaux, Elephans, tout est
consumé par les flammes. Quelle pouvoit être la religion des Ro-
mains, puisque Scipion le plus moderé de leurs Généraux use de cette
cruauté ? Ce fut après que ,les Romains eurent porté leurs armes dans
la Gréce, qu'on commença à diviniser la ville de Rome, & à lui bâtir
des Temples dans ce pays. Autre puérilité !
Gout des Les Romains desprémiers tems de la République n'étoient guéres
Romains
occupez que de la guerre & de l'agriculture. Ils n'avoientpas le loi-
pour les
sciences sir de cultiver les lettres. La Poesie, laPhilosophie, l'éloquence ar-
& les tificielle, les beaux arts, ne leur étoient que peu ou presque point
beaux
arts. connus. Les prémiers Poëtes qui parurent à Rome, n'ont fleuri que
depuis la guerre de Sicile. C'est.là que les Romains prirent goût à la
Poesie. Ennius un des plus anciens Poëtes, étoit né en Calabre. Sa
langue maternelle étoit la Gréque. Il apprit le Latin, & le parla fort
.purement pour son tems. Caton le trouva à Sardaigne, & l'amena à
Rome; sesPoë(1es font historiques ; il est le Pere du vers hexametre
chez les Latins. Il écrivit la vie de Scipion l'Africain en vers Chorai-
Il fit plusieurs autres ouvrages, dont il ne nous reste que quel-
lues.
ques fragmens.
En même tems vivoit Na?vius, qui se fit connoître non seulement
prémiére guerre Pu-
par ses Comédies, mais aussi par l'Histoire de lavivoit Lucius Livius
nique qu'il composa en vers. Avant ceux-cy
Andronicus, Reformateur du Théâtre Latin. A vant lui on n'a voit vû sur
la scéne que des Aé1eurs en habits de Satyres, qui par des postures con-
formes, des discours sans suite, des plaisanteries grossiéres & hazardées
sans meditation amusoient le menu peuple. Andronicus mit sur le
Théatre des fables suivies, à peu prés comme celles de la Gréce.
Plaute qui vint ensuite, perfe&ionna beaucoup la Poesie Latine; mais
Terence l'emporta sur tous ceux qui l'avoient précédé, par la pureté
dustile, & la naïveté des peintures. bcipion l'Africain l'amena d'Afrique,
& le
& le chérit toujours. On disoit publiquement, que lui & Lælius ai-
doient Terence dans la composition de ses pièces; & Terence ne se
defend pas beaucoup de ce reproche, qui ne lui faisoit qu'hon-
neur.
A l'imitation des ànciens Grecs, les plus illustres d'entre les Ro-
mains écrivirent sur l'agriculture. Nous avons encore ce que Caton
&Varron ont écrit sur ce sujet. Longtems aprés Virgile écrivit ses
Géorgiques, & Columelle son ouvrage de re ruflica. Marcellus après
la prilè de Syracuse, & Mummius après la prise de Corinthe, appor-
térent à Rome tout ce qu'ils y trouvérent de plus exquis en ouvrages
de sculpture & de peinture, & enrichiiIànt leur Patrie de ces excel-
lens originaux, y introduisirent le goût pour les belles choies, &
l'émulation parmi les Ouvriers pour les imiter.
Par une suite du peu de goût qu'avoient les anciens Romains Chronolo- -

pour la Philosophie & les Mathématiques, leur Chronologie étoit peu gie de l'iii.
floire
certaine, & leurs années peu réglées. Romulus avoit fixé l'année à dix maine.Rot
mois, & elle n'étoit composée que de trois cens jours. Numa Pom-
pilius, ou selon d'autres, le Roi Tarquin, y ajouta deux mois, Jan-
vier & Fevrier, & la fit de trois cens cinquante-cinq jours; & on or-
donna que tous les deux ans on ajoûteroit un jour au mois de Fevrier,
pour rendre l'année civile égale à l'année naturelle. On s'appercut
bientôt que cette intercalation ne suffisoit pas. On ordonna aux Prê-
tres d'ajoûter quelques jours à l'année, comme ils le jugeroient à pro-
pos, pour la rendre complette. Soit ignorance ou negligence de la
part des Prêtres, on remarqua une si grande confusion dans l'année
Romaine sous Jules Cézar, la 42e. année avant jEsus Christ, du
Monde S. de la période Julienne 4668. que Cézar comme souverain
Pontife intercala vingt-trois jours au mois de Février,& soixante-sept
autres jours entre les mois de Novembre & de Décembre, en sorte
que cette année fut de quinze mois ou de quatre cens soixante& quinze
jours. 11 fixa pour l'avenir l'année à trois cens soixante & cinq jours
& six heures, en sorte que tous les quatre ans on intercala un jour au
mois de Fevrier.
Sur ce pied-là il est impossible que l'ancienne Chronologie de l'hi-
stoire Romaine ne soit très-peu certaine. Les Historiens Romains
comptent ordinairement leurs années dépuis la fondation de Rome;
& comme le tems de cette fondation est encore allez douteux, il s'en-
suit que les dattes des événemens fixez par rapport à cette année, sont
peu certains. Dans le cours de cette histoire nous marquons comme
les autres les années de Rome, que nous supposons avoir été fondée
l'an du monde 32)'6.& nous réduisons les années de Rome, comme
si dez-lors elles avoient été solaires & reglées suivant la reformation de
Jules Cézar, ajoutant à cette somme de 32$6. ans, les années données de
la fondation de Rome, quoique nous soïons bien perluadez qu'elles
n'y reviennent pas exactement; mais on aime à être determiné,& sa-
voir au moins à peu prés en quel tems une chose est: arrivée par rap-
port à la création du monde, & à la venuë de Jesus Christ. Nous
sommes bien aises de faire ici cette déclaration à nos Letteurs, afin
qu'ils ne tiennent pas pour indubitable ce que nous ne donnons pas
pour tel.
IV.
Successeurs d'Alexandre le Grand.

Mort de ALexandre le Grand à sa mort laisra un fils nommé Hercules né de


la Mere,
.des Sœurs,
Barsine sa Concubine, & la Reine Roxane son Epou re
enceinte
& des en- de six mois, qui trois mois après accoucha d'un fils, qui fut nommé
sans d'Ale- Alexandre comme son Pere, & fut aussitôt réconnu Roi & Successèur
xandre. d'Alexandre. Les deux Princes Hercules & Alexandre furent mis sous
la tutéle dePerdiccas, Beau-Frere d'Alexandre le Grand, & Regent de
ses vastes Etats. Olympias Mere de ce Conquérant vivoit encore, de
même que Cléopatre fille d'Olympias Epouse dd Perdiccas, & Thefla-
Ionique qui épousa le Roi Casiander. Philippe surnommé Aridée, fils
naturel de Philippe Roi de Macédoine, & frere bâtard d'Alexandre le
Grand, reçut le titre de Roi de Macédoine aprés la mort du Conqué-
rant & regna quelque tems sous le ministére de Perdiccas, de Pithon,
,
d'Antipater.
Cette nombreuse famille fut éteinte en peu de tems; ceux qui la
composoient, moururent par l'épée; & cette maison de sang, qui
avoit rempli de sang & de carnage & la Gréce & l'Asie, pour conten-
ter son ambition & acquérir une gloire permanente, fut il son tour
immolée à la fureur à la vengeance, & à la cruauté de ceux qu'elle
,
avoit élevez & comblez de biens & d'honneurs. Perdiccas fut percé
de
de coups dans sa propre tente, la troisiéme année de son ministére.
Aridée fut arrêté & mis à mort par Olympias Mere d'Alexandre, avec
là femme Eyridice & cent Nobles Macédoniens, qui étoient de son
parti, cinq ou six ans aprés la mort d'Alexandre. Olympias elle-même
fut acculée par les Principaux de la Macédoine, &.-eondamnée sans être
ouïe dans l'assemblée générale de cette nation. Caslànder l'ailiégea
dans Pidne, la prit & la fit mourir un an après la mort d'Aridée. Le
même Caflander épousa la PrincefleTheslàloniquefille d'Olympias, &
fit mettre à mort Alexandre fils d'Alexandre le Grand. Il engagea
Polysperchon à se defaire d'Hercules prémier fils de ce Conquérant,
& vers le même tems le Roi Antigone fit mourir Cléopatre soeur de
ce Prince & veuve de Perdiccas. Ainsi fut éteinte en moins de quinze
ou dix-huit ans la race de ce célébre vainqueur de l'ACie & destructeur
de l'Empire des Perses.
Sa Monarchie si étendue, si puissante, formée avec tant de bon- Les Princes
heur & de rapidité, fut demembrée, & devint comme la pomme de ou Gou-
discorde entre les Généraux qui avoient servi sous lui. D'abord ils se verneurs
des Pro-
partagérent les Provinces de ce vaste Empire, & les possédérent en vinces
qualité de Gouverneurs; s'abstenant par respect du nom de Roi tant prennent
le titre de
qu'il y eut des Princes du sang d'Alexandre. Ensuite ils prirent le Dia- Rois,
dème & la qualité de Rois indépendans les uns des autres. Tout cela
entraîna une infinité de guerres entre ces Gouverneurs,* & il coûta
plus de sang pour établir ces divers Royaumes, qu'il n'en avoit coûté
pour les conquérir. Chacun de ces Gouverneurs jaloux de la gloire
& de la puissance de son voisin, chercha a le deposséder & à le de-
pouïller. Delà des haines implacables & des divisions fatales aux uns
& aux autres. Aprés un allez petit nombre d'années, de plus de vingt
Gouverneurs des Provinces, il ne resta que quatre Rois, qui formè-
rent des Etats permanens & successifs, savoir la Macédoine, l'Allé,
la Syrie & l'Egypte.
L'histoire qui nous décrit tous ces grands événemens, ne nous La chûte
y fait appercevoir que les effets de la paillon des hommes, de l'am- de la mai.
son d'Ale.
bition, de la cruauté, de l'orgueil, de la vengeance. Mais les Livres xandre
S.S. nous y découvrent la main de Dieu, sa puissance, sa providence, prédite
dans l'E-
sa Sagesse; Dieu veut détruire la Monarchie des Perses; (a) il choisit
criture.
Alexandre pour executer ses desseins; il le décrit longtems avant sa Ca)
naissance sous la figure d'un bouc, qui court d'une vitesse si extraordi. Da7i. VIII.
Cc-
5. 6. 7.
naire qu'il ne touche. pas la terre. Ce bouc vient fondre sur le Roi des
Perses figuré par un grand bélier, qui a voit ren verte tout ce qui s'étoit
trouvé devant lui à l'Occident, au Septentrion & au Midi. Le bouc
se jette lur lui, lui rompt les cornes, le foule aux pieds, & nul n'est
capable de le délivrer ode ses mains. Voila Alexandre vainqueur de
Darius Codomannus Roi des Perses. Il se voit par cette victoire tout
d'un coup maitre d'une multitude de grandes & riches Provinces.
(h) Toute la terre est réduite au silence devant lui (b).
i. Macc,l.
3.
CO
Mais son tour viendra. La grande corne qui est sur son front, (c)
Dan. VIII. & qui a servi d'Ínst:rulllent à ces conquêtes, sera brisée; & en sa place
S. (6c.
on verra sortir quatre cornes, qui sont les figures des quatre Royau-
mes formez du démembrement de sa vaste Monarchie, celui de Macé-
doine, de Syrie , d'Egypte & de la haute Afie. Mais ces Royaumes
ne subsisteront pas longtems. Les Romains annéantiront toutes ces
puissances. Nous en voions l'exécution en partie dans ce volume.
Nous en verrons l'accomplissèment parfait dans le tome suivant.
V.
Histoire du Peuple de Dieu.

Itat des AU milieu de ces grands mouvemens, qui mettent en trouble &
Juifs dé- l'Orient par les armes des Successeurs d'Alexandre le Grand, &
puis leur
retour de
l'Occident & l'Afrique par celles des Romains & des Carthaginois, le
la captivité Peuple de Dieu, qui étoit revenu dépuis peu d'années Je la captivité
de Babi. de Babilonne
loftftC. en Judée, y vivoit dans 1 l'obCcurité,ne faisant prelqu'au-
cune figure dans le monde, ne prenant quetrés.peu de part aux arai-
res publiques,sans Rois',[ans Princes de leur nation, sournis auxRois
de Syrie,ou à ceux d'Egypte, selon que le sort des armes rendoit les uns
ou les autres maîtres de la Païenne jouïjlant au reste d'une adez grande
paix, & plus artaché que jamais à l'observance de la Loi de Dieu,
fournis aux Grands-Prêtres de leur nation, qui leur servoient de Juges
& de Gouverneurs. Etat peut-être le plus heureu^ où ils eufsent1 ja-
mais été, puisque c'est réellement la paix & le culte du Seigneur qui
font le plus solide bonheur de l'homme.
Cette paix fut troublée ppr l'ambition & l'impiété de quelques
Prêtres Juifs, qui méprilânt les prâtiques de leur religion, voulurent
intro-
introduire dans leur Patrie les jeux d'exercices, qui étoient dépuis long-
tems en honneur chez les Grecs & les Macédoniens, maitres de l'O-
rient. La circoncision, qui distinguoit leur nation de toutes les autres,
leur parut honteuse ; ils s'efforcèrent d'en effacer la marque. Ils trou-
blérent l'ordre de la succession des grands Sacrificateurs, & s'adresfé-
rent au Roi Antiochus Epiphane, pour rendre vénale une dignité qui
n'étoit duë qu'à la naissance. Jason, Menelaus, Alcime, succefJive-
ment achetèrent la grande Sacrificature, & attirérent une guerre fan-
glante dans leur pays. Antiochus Epiphane animé par ces faux Prê-
tres plûtôt que par zéle pour sa propre religion, dont il se mettoit peu
en peine, résolut de contraindre les Juifs à abandonner la religion de
leurs Peres, &àembrasser celle des Grecs. C'étoit une tentation trés-
dangereuse pour un peuple infiniment enclin à l'idolatrie, & alors af..
servi au Roi de Syrie, qui ne proposoit aux Juifs que la religion de
tout l'Orient & de presque tout le monde.
La main de Dieu Auteur de la Religion Judaïque, soûtint son
peuple dans ce pas si glissànt, & suscita Mathatias & ses fils, hommes
pleins de zéle, de religion & de courage, pour resister à Epiphane;
& non seulement ils appuïérent la religion chancelante, mais tirérent
leur nation de la servitude des Roii de Syrie, & lui firent récouvrer
la liberté & même la Souveraineté & la Royauté. C'est ce qu'on verra
dans cette histoire, & qui avoit été longtems auparavant prédit par
Daniel d'une maniére si précisè & si détaillée, que les ennemis de la Dan. F?/&
religion chrétienne ont soupçonné sans aucun fondement, que ces 23.24.45»
Prophéties étoient plutôt des histoires que des prédirions, & qu'elles
avoient été faites après l'événement.
Quand au sortir de la levure des Auteurs profanes, qui nous ra- Differcncc'
l'histoire des Grecs, (les histoi-
content des Romains & des Carthaginois, on prend res sacrées,
en main les Livres sacrez, qui nous racontent les exploits des Macca- & des hi-
bées, & le martyre des defenseurs' de la vraie religion, on se trouve stoires
profanes.
comme dans un pays tout nouveau; on y respire un air tout difrerent;
ce n'eH: plus le même esprit qui anime les Ecrivains. Dans les pre-
miers on ne voit que des payions humaines dans toute leur vivacité;
tout y respire le sang & l'ambition, tout cela revetu des plus belles
couleurs d amour du bien public, de la gloire du Prince, du bonheur
des peuples, de defendre (es frontiéres, de reprimer un ennemi re-
muant, de venger une insulte, de faire valoir ses droits & ses prêtera
lions, de pourvoir aux besoins de l'Etat. Il n'y a rien qu'on ne Ju-
stisie & qu'on ne colore par quelque spécieux pretexte. Dieu, la re-
ligion, lajustice, la providence n'y sont presque jamais pour rien.
On attribue tout à l'homme, à sa sagesse, à sa valeur, à sa prévoïance,
à sa conduite. Il est à lui-même son commencement & sa fin. Si l'on
n'a rien à s'attribuër, on le donne à la fortune, ou au destin. On
parle des honneurs divins affectez par certains Princes, & lâchement
accordez par certains peuples, comme d'une chose indifferente. Les
crimes les plus odieux & les actions les plus honteules sont racon-
tées comme des avions, communes & ordinaires.

Dans les Livres sacrez c'est tout le contraire ; on y rapporte


tout à Dieu, à sa puissance & à sa volonté. C'est lui qui récompense
& qui punit, qui abaisse & qui relève ; qui châtie les pêchez de son
peuple par des persécutions; qui l'écoute dans son humiliation & le
délivre des plus grands dangers. On louë les Maccabées comme des
Héros suscitez de Dieu, pour defendre la religion & pour renfler aux
Impies. Ces Heros se disposent au combat par la prière; ils s'y soû-
tiennentpar l'esperance du secours de Dieu; ils réconnoissent qu'ils
lui doivent leurs succés & leurs victoires, qu'il accorde la victoire à
qui il veut, indépendamment du nombre des combattans; que c'est
lui qui donne l'intelligence, ou qui inspire l'esprit de trouble & de
vertige, qui reléve le courage des Guerriers,ou qui leur inspire le dé-
couragement. Dieu est réprésenté comme le Chef des armées de son
peuple; on n'y fait rien sans ses ordres, du moins on n'y entreprend
rien qui ne ibit dans l'ordre de la justice. Les succés merveilleux des
armes des Maccabées sont une preuve sensible de la protection deDieu
sur eux. Une poignée de gens mal armez, peu aguerris, dont la pro-
session n'étoit pas de porter les armes, puisqu'ils étoient Prêtres du
Seigneur, ne laisse pas de déconcerter les armées du Roi de Syrie; Epi-
phanes dêsespéré de voir ses trésors épuisez, les armées défaites, est
obligé d'aller dans les Provinces les plus éloignées de ses Etats, pour
y trouver de l'argent. Il y périt miserablement,& réconnoit par une
pénitence forcée & trop tardive, qu'en vain l'homme veut s'élever
contre Dieu, & resister à ses volontez.
VI.
Philosophcs de la Gréce.

'T'Outes les nations du monde & tous les siécles onteuleursPhiloso. Philofo-
phes; c'eit-àdire, des gens qui se distinguoient par leur applica- phesjparmi
toutes les
tion à l'étude de la sagesse, & à mener une vie plus parfaite que les nations.
autres. L'Histoire vante les Sages de Caldée, d'Egypte & des Indes. Baruch.
Baruch parle des Sages de Chanaan &"de la terre de Theman, des fils 1U. zz. 2?»
d'Agar, ou des Arabes qui recherchoient la prudence de la terre, des
Auteurs des paraboles & des fables qui étudiaient laiageile & 1 intel-
ligence. Les peuples les plus barbares vantent aussi leurs Sages, leurs
Devins & leurs Poëtes; comme les Gaulois, les peuples de la Grande-
Bretagne & même les Scythes. Mais il faut avouër que nulle, nation
n'a porté plus loin l'étude de la Philosophie , nulle n'a acquis plus de
reputation par cette étude que les Grecs. Cette nation en a formé
des sets:es nombreuses, qui se sont maintenuës longtems en honneur
& en reputation parmi les Etrangers. Nous avons parlé ailleurs des
sept Sages de la Grèce. Ils ne formèrent jamais un corps de Philo-
sophie soûtenu de principes & réduit en Systéme, & ils ne paroissent
pas avoir eu des-Disciples & des SeCtateurs; si ce n'est Thalés de Mi-
let, que l'on regarde comme Auteur de la Seae Jonienne, ainsi que
Pythagore l'est: de la Se£le Italique. Thalés étoit prelqu'entiérement
borné à la Physique. Pythagore avoit pour principal objet la
morale.
J'attribue à la prospérité d'Athènes, à sa grande puiflànce* à son Gause de
indépendance, au grand loisir du plupart de ses citoïens, à l'estime la multi-
tude des
& à la consideration qu'elle témoignoit pour les gens qui se dif1:in- Sectes de
guoient par leur esprit, leur savoir & leur éloquence, cette multitude Philofo-
de Se&es de Philosophes, qui se formèrent dans son sein. L'amour la. phes dans
Gré=
dela nouveauté, la curiosité & la vanité furent causes, que chaque
Philosophe voulut se faire connoître, & se mettre en reputation par
quelque principe nouveau, enchérissant toujours suries anciens. De
la même source sont venus les beaux arts & la perfection de la fcul-
pture, de la peinture, de laMusqué, de la Poësie, de l'Architecture.
Car la Philosophie ne se borne pas à la Théorie; elle va à la prâtique
& à l'amour du beau & du bon. Elle donne du goût pour tout ce qui
per-
perfeaionne le Coeur & l'esprit; elle inspire l'amour de la vertu, ,& la
haine du vice; elle adoucit les moeurs, lie lasocieté, détruit la su-
perstition & la vaine crédulité; elle apprend à douter sagement, à
demêler les Sophismes, à éviter les surprifèS* La Philosophie bien
expliquée & prise dans sa juste étendue, elt d'une trés-grande utilité
dans tous les états. Elle forme de bons Magistrats, de bons Généraux
d'armées, de bons soldats, de bons citoïens, & de sages Politiques.

Abus de la Mais comme on abuse des meilleures choses, on a aussi souvent


Philofo- abusé de la Philosophie, par la licence qu'on s'est donnée de disputer
phie.
sur tout, de réduire tout en problémes, de douter de tout, de rai-
sonner sans fin sur des choses, claires par elles, & que la dispute ne
fait qu'embrouiller. Combien n'a-t'on pas diiputé sur l'essence de Dieu,
sur son existence , sur la nature du bien & du mal, sur le souverain
bien de l'homme, sur la fin qu'il doit se proposer dans ses avions?
A quoi ont abouti toutes ces discussions si subtiles, si ingenieuses,
traitées avec tant d'art & d'éloquence? est-on à la fin convenu de
quelque principesolide & certain sur ces matiéres sieflentielles à l'hom-
me, & sans la connoissance desquelles il est impossible de regler ses
mœurs, ni de former un systéme de vie sage & raisonnable?
Les uns ont posé pour certain qu'il y avoit des principes affurez
de nos connoissances; d'autres ont soûtenu qu'il falloit suspendre son
jugement sur toutes choses,- d'autres, qu'on ne savoit rien; d'autres
qu'on savoit au moins qu'on ne savoit rien. Quelques uns ont nié
qu'il y eût un Dieu ; d'autres ont cru Dieu corporel ; d'autres que la
Divinité étoit si fort au dessus de nôtre portée, qu'il nous étoit im-
possible de parvenir à sa connoissance. On accusoit Socrate de ne pas
adorer les Dieux de son pais, d'adorer les nues; il juroit par le Chien
& par le Plane, & étant prêt de mourir, il ordonna qu'on immolât
un coq à Apollon;étoit-ce lui par dérision des Dieux du Paganisme? S'il
rendoit-il gloire, & que ne declaroit-il
connoissoit Dieu, que ne
clairement son Centiment. Ils n'ont pas été mieux d'accord sur la na-
l'ont fait consister dans la connoifc
ture du souverain bien. Les unsl'exemtion
sance de la vérité; d'autres dans des passions; d'autres à
indifférence; d'autres dans
ne rien admirer, & à considerer tout avec
l'amour & dans la prâtique de la vertu; d'autres dans la volupté & les
plaisirs des sens ; d'autres à vivre conformement à la nature. Peut-
général, les doutes des Aca-
on excuser l'orgueil des Philosophes en demi-
démiciens, l'irréiolution & l'incertitude Pyrrhonienne-, les principes
outrez de Zenon, l'impudence des Cyniques, la mollesse des Epicu-
riens, l'Apathie & l'inlennbilité affectée des Stoïciens?

VIL
Sectes des Juifs; les Pharisiens, les Sadducéens les
Esséniens..

A L'exemple des Grecs, les Juifs dépuis le retour de la captivité


de Babilonne des se&es, qui étoient partagées de senti-
Voyez à: sa'
tête de
ont eu nôtre
ment sur l'explication des loix de Moïse, & sur la matiére de les pra- Commen-
tiquer. Ces [eétes ne sont pas d'une grande antiquité parmi eux. taire sur
Elles n'ont commencé au plus tôt que vers le tems, que par une ridi- 1..Maee.
notre dit-
cule émulation ils voulurent introduire parmi eux les jeux & les exer- Jertation
cices des Grecs, vers l'an du monde 3820. avant J. C. 180. On con- des sur la -Scac
juifs.
noit vers ce tems-là les Pharisiens, les Saducéens & les Esséniens. Les
Pharisiens semblent avoir voulu copier les Stoïciens, & les Saducéens
approchent allez des Epicuriens; les Elléniens ploient moins nom-
breux, plus retirez du monde, vivoient plus amplement, & d'une:
manière plus conforme à la loi de Moïse, pisse <dans son sens natureL.
Joseph les compare aux Pythagoriciens.
Les Pharisiens donnoient beaucoup au dëssin, mais ne lui don- Sedte des
noient pas tout, laissànt à l'homme la liberté de faire ou de ne pas faire Phariliens^
les-actions de iultice. Ils étoient nombreux & puissàns, & le peuple gf-ofeph.
Antiq.
avoit beaucoup de respeEl:pour eux, à cause de leur' vertu apparente, I. ig. -r. 2.
& de la reputation de science qu'ils s'étoient acquise. Leur extérieur
C. 9. tflibr
étoit fort compote, leur nourriture simple & frugale'; & leur atta- de Belloc.%,-
chement à l'observation literale de la loi de Moïse alloit jusqu'au fcru-
pule. Ils jeûnoient beaucoup, faisoient de longues. priéres, distri- Jvîattb.
büoient de grandes aumônes, païoient exactement la dixme, même XXIIL27.. XV.4.,.6.
des choses qui n'étoient pas ordonnées par la loi. Ils usoient de pu- Marc. VIL.
rifications fréquentes pour se tenir toujours nets, portoient de larges 4-10.11.:iz..
phylactères sur leurs fronts, & sur leurs poignets; & par le moïen d'une
foule de traditions de leurs anciens, ils avoient surchargé la loi d'un.
grand nombre d'observances frivoles, & avoient même corrompu la
loi en divers articles importans, comme jerus Christ le leur reproche
dans l'Evangile. Cette fe&e asubsH1:é longtems, & subsiste encore
aujourd'hui parmi les Juifs.
Secte des Les Saducéens réconnoissentpour Auteur de leur secte un nommé
Sadurécns. Sadok, diiciple d'Antigone.
Leur principale erreur rouloit sur l'exi-
ftence des Anges & sur l'immortalité de l'ame. Ils nioient l'un & l'au-
tre; ils nioient aussi les peines & les recompenses de l'autre vie; & c'é-
toit une suite naturelle de leurs principes ; car si l'ame périt avec le
corps, nous ne deyons rien ni craindre ni espéreraprés cette vie.
C'ést pour cela qu'ils étoient trés-sévéres à punir les crimes, & à faire
observer les loix de Moïse. Ils rejettoient les traditions des anciens,
& les explications de la Loi faites par les Pharisiens. AulU leur frète
n'étoit pas fort nombreu[e, mais en recompense elle étoit compoièe
de la plûpart des plus riches & des plus puissans d'entre les Juifs. Ils
subsistent encore aujourd'hui, mais en petit nombre, & sont regardez
par le commun des Juifs comme des Hérétiques. Autrefois on les
iouffroit non seulement dans lasocieté & dans les emplois, mais même
dans la Grande Sacrificature.

Secte des Les £sséniens étoient parmi les Juifs à peu prés ce que font chez
Ëtlemens.
ffofepb. nous les Solitaires. Ils vivoient entr'eux dans une parfaite union,
Autiq. & avoient en horreur la volupté, gardant exactement la continence,
ô-?
& resistant au plaisir. Ils ne se marioient point, mais élevoient les
lib. 2. de
Bello c. 1 2. enfans des autres,& leur inspiroient, pendant qu'ils étoient jeunes,
($c. Plin. leur esprit & leurs maximes. Ils polTédent tout ce qu'ils ont, en com-
i. f.c. 17.
mun, dit Joseph, & nul d'entr'eux n'est plus riche que l'autre. Ils
ont horreur des huiles & des parfums, & se purifient même, lorsque
par hazard ils les ont touchez. Ils aiment la propreté, & portent toû-
jours des habits bien blancs. Ils demeurent en divers endroits fixes
& stables, & recoivent dans leurs demeures ceux de leur se£te avec
beaucoup de cordialité. Les enfans qu'ils élévent, sont tous vêtus,
nourris & traitez de même. Ils ne vendent ni n'achètent rien entr'eux;
tout leur trafic se fait par échange. Ils ne parlent point avant le lever
du Soleti, mais recitent des prières qu'ils ont reçuës de leurs Peres.
Après le lever du Soleil, ils sont envoiez au travail par celui qui pré-
fide. Ils travaillent jusqu'à la cinquiéme heure, ou à onze heures du
matin , après quoi ils reviennent dans leurs cellules, & delà vont au
Refe-
Refeaoire, où ils demeurent assîs dans un profond saïence. On leur
fert du pain & un mets; on louë Dieu avant & aprés le repas. Aprés
cela ils retournent au travail, & y demeurent jusqu'au soir ; & alors
ils entrent de nouveau au Réfectoire & y prennent un repas frugal.
Ils évitent le serment comme le parjure même, étudient beaucoup
les ouvrages des Anciens, & ont grand soin des malades. Ils éprou-
vent pendant un an ceux qui doivent entrer dans leur seéte, & en
chassent ceux qui commettent des fautes notables. Ils croïent les
ames immortelles, & tiennent qu'elles descendent de l'air dans les
corps, où elles sont attirées par un attrait naturel & presqu'invin-
cible. Ils tiennent que Dieu gouverne toutes choses. Ils n'alloient
pas au temple de Jerusalem, & n'y offroient point de sacrifices, de
peur de se souiller par le commerce des autres hommes.
Il ne nous reste aucuns écrits des anciens Saducéens, ni des Esle-
niens. Mais Joseph, qui étoit Phariiien, a écrit en Grec plusieurs
trés-bons ouvrages, où il décrit assez exactement: les opinions de sa
fe&e, & les exercices des Esséniens. Les Philosophes juifs n'étoient
pas si grands discoureurs, ni si éloquens que les Philosophes Grecs.
La langue des prémiers n'est pas aussi féconde ni aussi propre à traiter
les matières abllraites de laPhilosophie que l'est celle des Grecs. Mais
les Hébreux avoieat par-dessus les plus éclairez des Grecs Payens un
avantage essentiel, en ce qu'ils connoiflbient le vrai Dieu, ses divins
Rttributs, sa providence, ses loix , & qu'ils mettoient leur bonheur
à les prâtiquer, & à connoitrela volonté de l'Etre supréme. Les Hé-
breux tenoient l'immortalité de l'arne, la vie future, les- récompenses
des bons, & les châtimens des méchans dans une autre vie. Ce qui'
rétranchoit bien de disculllons & de disputes. LaPhilosophie des Juifs
étoit plus de prâtique que de speculation.
Lorsque le Sauveur du monde parut sur la terre, il trouva la Ju-

de l'ame, sa subsistance dans une autre vie ,


dée partagée par ces différentes se&es, & il s'étudia à les reformer. Il
renversa les faux principes des Saducéens, en prouvant l'immortalité
recompense des bons &
le supplice des mechans aprés leur mort. Il prit à tâche sur tout de
reprimer l'orgueil & la vaine suffisance des Pharisiens, qui par leurs
fausses traditions ébranloient ou renversoient les fondemens de la loi
Divine. Il n'a pas parlé des Esséniens, parcequ'étant peu nombreux,
& vivant d'une maniére plus pure, plus reglée & plus innocente, il
n'a rien trouvé dans leur vie, ou dans leurs dogmes, qui méritât sa
censure. Les Apôtres ont achevé ce que le Sauveur avoit ébauché.
Ils ont montré que la loi cérémonielle étoit inutile iàns la foi & la cha-
rité. Ils ont découvert la vanité & l'inutilité de la Philosophie des
Grecs, Íàns la foi, la bonne vie,, & la charité; que la seule science
utile au salut étoit la science de la croix. Ils ont en un mot refuté
plus d'opinions Philosophiques par le simple exposé de la morale de
Jesus Christ, par l'innocence & la:pureté de leur vie, par les miracles
qui les suivoient par-tout, qu'ils n'auroient pu faire par toutes
les subtilitez de la Dialectique, & par tous les raison-
nemens de la PhiloCophie.

TABLE
-
TABLE CHRONOLOGIQUE
Du troisième tome de THiftoire Université.
Ans Juj Ans avaltt
"¡onde. | ~
J.

3397. 'VT Aiflance de Thaïes Miléfien 603.


3450. Anaximénes disciple d'Anaximandre fleurit f jo.
3483. Le Philosophe Heraclite fleurit S18*
En même tems fleurit Pythagore disciple de Deraocrite
3 ^03. .'IN'aitlànce d'ânaxagore disciple d'Anaximénes 497-
3540. Naiflince de Democrite d'Abdére 450.
jHippocrate fleurit vers le même tems
2f68. Mort de l'Orateur Isocrates 432.
,
3618. Naissànce d'Aristote
622.'NadIànce de l'Orateur Demoslhéne
3642. Lysippe fameux Sculpteur fleurit
382.
378-
358»
3^59. Aristote est mis auprés d'Alexandre le Grand 341-
4664. Mort de Speusippe Successeur de Platon 3 3 6.
3666.'Anaxarque Abdérite fleurit 334*
3667. Anaxarque se retire à Athènes .
333.
Naissànce d'Epicure
3578. Crates le Cynique fleurit 322.
3681. Les Successëurs d'Alexandre le Grand s'érigent en Souverains 319.
3682. Mort de Demosthénes- 318.
Guerre Lamiaque
3683. Perdiccas fait la guerre au Roi d'Egypte. Sa mort 317.
Nouveau partage des Etats d'Alexandre le Grand fait par Antipater
3684. Défaite d'Euménes par Antigone 316.
Ptolémée fils de Lagus s'empare de la Judée
3685 Viâoire d'Antigone contre Alcéte . $1?.
3686. Antigone se révolte contre les Rois Aridée & Alexandre 314.
Caflander fait tuèr Nicanor
3687. Aridée &Eyridice Roi & Reine de Macédoine sont mis à mort 313.
3688. Antigone paffe en Médie J12.
Euménes arrive à Ilersepplis _
3689. Bataille entre Euménes & Antigone
Dispute entre Jeux femmes pour être brûlées avec leur mari
31 l.
Mort d'Olympias Mere d'Alexandre le Grand
CafTander épouse Thessalonique so^ur d'Alexandre le Grand
Euménes est livré à Antigone & mis à mort
3 590. Polemon Philosophe succéde à Xenocrates 310.
d 369o. Eschine
TABLE CHRONOLOGIQUE,
3690. Eschine fameux Orateur fleurit 310.
Naissance d'Arcefilas Auteur de la moïenne Academie
Ligue dePtolemée, Caffander & Lysimaque contre Antigone
Poly(perchon & Alexandre Ion fils prennent le parti d5Antigone
3691. Antigone passe en Asie pour s'opposer à Caflander 3cg.
3^92. Bataille de Demetrius fils d'Antigone contre Ptolémée Roi d'Egypte 308.
Seleucus se rend maitre de Babilonne
3r93. Naissance de Diogenes le Cynique 307.
Ptolémée abandonne la Syrie à Antigone
3694. Mort d5Alexandre & de Roxane sa Mere 306.
3 Mort; d'Hercule fils aîné d'Alexandre 3°)'.
3696.1 Mort de Cléopatre sœur d" Alexandre le Grand 3°4''
3698- Le Roi Demetrius rend la liberté à Athénes 3CZ.
(Bataille navale
entre le Roi Demetrius & Ptolémée Roi d'Egypte
3 69.9. Seleucus Nicanor se rend maitre des Provinces de la haute AÎle
jGuerre du Roi Demetrius contre les Rhodiens
301.
3700.Î Paix entre Demetrius & les Rhodiens 500.
3701. Demetrius prend Corinthe & quelques autres villes du Peloponése 299.
3702. Paix entre Demetrius & Lysimaque 298.
,.
3703 Mort du Roi Antigone
37°4, Fondation d'Antioche 3c de Seleucie
37°)' )Vlariage du Roi Seleucus avec Stratonice fille deDemetrius
297.
296.
29j.
3706. Brouïlleries entre Seleucus & Demetrius 294.
3707.IMort de Caflànder Roi de Macédoine 293.
3710. Mort de TheÍfalonique Reine de Macédoine 290.
Demetrius le preneur des villes s'empare de la Macédoine
3711. Paix entre Lysimaque & Demetrius 289.
37x7. Demetrius attaqué de tous cotez effc abandonné de son armée 283.
3718. Demetrius Ce rend à Seleucus , & efl: envoïé dans une Peninsule de Syrie 282.
Mort de Ptolémée Roi d'Egypte
3720. Arrivée du Dieu Serapis en Egypte 280.
372I. Mort du Roi Demetrius
Mort de Demetritts de Phalére
279.
3723. Guerre entre les Rois Seleucus & Lysimaque 277.
3724. Mort du Roi Seleucus 276.
Pyrrhus Roi d'Epire pasle en Italie
Antiochus Gonatas fait la guerre en Macédoine
372f.|Antiochus Soter succéde au Roi Seleucus Nicator 27
Irruption des Gaulois dans la Gréce '
3727. Ptolémée la foudre est vaincu & mis à mort par les Gaulois 273.
Commencement de la Bibliothèque du Roi Ptolémée à Alexandrie
Histoire de la version des Septante
Apelles Peintre fameux fleurit
3 i28.Dé.
TABLE. CHRONOLOGIQUE. Aycmt
3728. Défaite des Gaulois en Macédoine 2J24
3730 Retour de Pyrrhus d'Italie en Epire 270.
Victoire de Pyrrhus contre Antigone Roi de Macédoine
3731. Mort de Pyrrhus dans la ville d'Argos • 269.
3734- Mort d'Epicure 266.
3743. Mort d'Antiochus Soter Roi de Syrie. Antiochus le Dieu lui succéde 2î7-
3744. Mort de Zenon Chef des Stoïciens. Cléanthes lui succé(le 21 6.
3714. Commencement du Royaume des ArCacides en Perse 24-6.
3758- Mort de Ptolémée Philadelphe Roi d'Egypte. Evergétes lui succéde 242.
Mort d'Antiochus le Dieu Roi de Syrie. Seleucus Callinicus lui succéde.
Ptolémée Evergétes Roi d'Egypte fait la conquête de la Syrie
37)'. Seleucus Roi de Syrie est rétabli dans ses Etats 241.
3760. Victore d'Evergétes sur Seleucus 240.
3762. Mort du Philosophe ArcéGlas 238.
Mort du Philosophe Carnéades
Mort du Roi Antigone Gonatas. Demetrius lui succéde
3763- Commencement du regne d'Attale Roi de Pergame 2;7.
3767. Fin de la prémiére guerre Punique 233.
3768. Guerre des Romains contre les Falisques 2J2.
3769. Guerre des soldats mercénaires en Afrique 231.
3771.!Fin de la guerre des soldats étrangers & mercénaires en Afrique 229.
Onias II. succéde à Manassé dans la dignité de Grand-Prêtre des Juifs
Guerre des Romains en Sardaigne
3772. Mort de Demetrius Roi de Macédoine. Philippe son fils lui succéde 223.
Guerre des Romains contre les Gaulois Boïens, les Falisques & les Liguriens

.....
3771.Le Roi Hieron à Rome. Ilaflîste aux jeux sèoulaires 227.
3 774. Révolte de l'Isle de Sardaigne 226.
377'.¡Prémier divorce à Rome 325".
3776.1 Guerre Sardaione r 224.
en
''
3777. J
3778. Alort de Seleucus Callinicus
3779. Guerre des Romains en Illyrie
Roi de Syrie & d'Antiochus Jerax:
i 223.

Dyrrachium Romains 221*


3780 Prise de par les
3781. Seleucus Ceraunus ou la foudre est empoisonnés Antiochus le jeune son fils
lui succéde
219.
Paix avec le Roi d'Illyrie
3782. Guerre des Gaulois contre les Romains 218.
Chûte du Colosse de Rhodes
Revolte de Molon & d'Alexandre contre Antiochus le Grand Roi de Syrie
3783. Mort de Ptolémée Evergéte Roi d'Egypte. Ptolémée Philopatorlui succéde 217.
1
3"'84.ICleomenes Roi de Lacédémone vient demander du secours au Roi d'Egypte
o j
5"
Mort d'Antigone Doson Gouverneur de Macédoine. Philippe lui succéde,
| & regne en Macédoine
d 2 378f. Guerre
izt TABLE CHRONOLOGIQUE.
378 S Guerre des Romains contre les Gaulois Insubriens
Guerre d'Antiochus le Grand contre Artabaze 2I*'
Gut-rre des Romains en Illyrie.
Chirurgien à Rome pour la prémiére fois
3786, commencement de la seconde
guerre Punique
Annibal succéde à Asdrubal dans le commandement des 214.
troupes Cartha.
ginoises.
Guerre entre Ptolémée Philopator & Antiochus le Grand
Siège de Sagunte par Annibal
3787- Vi&oirede Ptolémée Philopator sur le Roi de Syrie
Persécution de Ptolémée Philopator contre les Juifs d'Egypte 21
Annibal en Italie
Antiochus le Grand fait la conquête de la Célé-Syrie
3788- Xenophanes est envoie par Philippe Roi de Macédoine à Annibal
Guerre d'Antiochus le Grand contre Achée
Mort de Hieron Roi de Syracuse
3 789*
Révolte des Egyptiens contre le Roi Philopator 21
Achée eA: pris & livré à Antiochus
Paix de Philippe Roi de Macédoine avec les Etoliens
379°- Siège de Syncuse par Marcellus
Alliance de Philippe Roi de Macédoine avec Annibal 210.
Archimédes fleurit
3791.,Mort des deux Scipions en Espagne
5792. Guerre d'Antiochus le Grand contre Arsace? 209.
Marcellus accusé par les Syracusains est absoÍ1 par les Romains 208.
3793. Scipion prend Carthagéne
3794.;Mort de Marcellus
379f.jMort d-Asdi-Libal
3796. Guerre de Philippe Roi de Macédoine contre les Etoliens 20)".2°4.

3797. Troubles en Espagne à Poccasion d'Agathocles


Exploits du jeune Scipion en Espagne ^
3798. Scipion palTe en Sicile, & delà en Afrique en 3799.
3800. Guerre de Philippe Roi de Macédoine contre les Romains 200.202.
Mort de Ptolémée Philopator Roi d'Egypte. Epiphanes lui succéde °"
Mort du Philosophe Chrysippe.
Les juifs Ce déclarent pour le Roi de Syrie contre le Roi d'Egypte
3801. Guerre de Philippe Roi de Macédoine contre les Rhodiens
a802. Défaite de Philippe Roi de Macédoine, & du Roi Attale battus par la flotte j
1 des Rhodiens I

3803 Fin de la séconde guerre Punique r


98.
Les Romains prennent la resolution de faire la guerre a Philippe Roi de j1^^'
Macédoine. ' j
.804'!L. Déeâè CMe est amenée à Rome 1196
804. Paix
.4nsdu
monde.
TABLE CHRONOLOGIQUE. ^T" '
«*

3804. Paix entre les Romains & Philippe Roi de Macédoine ^ 19*6.
3 805. Onias III. Grand-Prêtre des Juifs
silccéde à Simon II. dans la grande Sacri- IS.
ficature
3806. Annibal quitte l'Italie & arrive en Afrique 194.
Antiochus fait la conquête du Roïaume d'Attalus
Guerre des Romains contre Philippe Roi de Macédoine
Philippe est reçu par les Juifs à Jérusalem
Défaite d'Annibal par Scipion
3807. Ptolémée Roi d'Egypte prend la Célé-Syrie & lajudée. Antiochus la reprend 193.
sur Ptolémée
Mort d'Attale Roi de Pergame. Euménes lui succéde
Philippe Roi de Macédoine se remet à la decision du Senat Romain
Défaite d'Annibal par Scipion
Viâoire du Consul Flaminius sur Philippe Roi de Macédoine
Antiochus Roi de Syrie palTe en Italie
38o8. Paix entre les Romains & Philippe Roi de Macédoine 192,
Publication de Paffianchiifement des villesGréques par Flaminius
Antiochus entre dans la Thrace
Annibal se rend auprés d'Antiochus Roi de Syrie
3 809.1 Revocation de la Loi Appia à Rome 191.
Porcius Caton Consul est envoïé en Espagne pour y faire la guerre
Nabis Roi de Lacédémone fait la guerre aux Romains, & est contraint de
demander la paix
9810- Défaite des Gaulois par Sempronius 19°.
38ii''Ambasradeur du Roi Antiochus à Rome
Annibal porte Antiochus à faire la guerre aux Romains
Difficulté entre Mass'lnlssa & les Carthaginois au sujet des Empories
3812. Les Etoliens sollicitent Nabis, Philippe & Antiochus à se declarer contre les
Romains Igg.
Entretien de Scipion l'Africain avec Annibal
Philopaemen est fait Général des Achéens
Mort de Nabis Tyran de Lacédémone. Cette ville embrasse KEtat Répu-
blicain.
Antiochus Roi de Syrie pasle en Europe , & est declaré Général des Grecs
contre Rome
3813 Les Romains font la guerre à Antiochus Roi de Syrie 187..
'Défaite d'Antiochus aux Thermopyles
Défaite de l'armée navale d'Antiochus par les Romains
3814 Les deux Scipions marchent contre Antiochus jgg.
38 Antiochus le Grand fait des propositions de paix aux ScipfoM
Victoire des Romains remportée sur Antiochus
]8\-
Conditions de paix accordées à Aoticchus
Guerre contre les Etoliens
TABLE CHRONOLOGIQUE.
38is. Guerre contre les Galates t8).
3816. Ils sont défaits; on leur accorde la paix 184.
Bro,uïlleries entre les Achéens & les Lacédémoniens
Lacédémone est soumise aux Achéens & renonce aux loix de Lycurgue
,
Paix entre le Roi Antiochus & les Romains
Rétraite d'Annibal dans l'île de Créte
3817* Mort d'Antiochus le Grand, Roi de Syrie r83.
3818. Heliodore vient ? Jerusalem pour y prendre les trésors du Temple 182.
Mort de Philopaemen. „
:
3819- Mort de Scipion l'Africain 181.
Bacchanales abolies à Rome
3820. Porcius Caton Censeur 180.
3821. Annibal se retire auprés du Roi Prusias
3822.'Mort de Plaute Poëte Comique 178.
Mort d'Annibal
PerCés rend suspeâ Demetrius au Roi Philippe son Pere
3823. Mort de Demetrius fils de Philippe Roi de Macédoine 177.
Guerre dePharnaces Roi de Pont contre Ariarathe Roi de Cappadoce
Découverte du tombeau & des écrits deNÙma Pompilius
On brûle ces ecrits 1
3 824. Mort
de Ptolémée Epiphanes Roi d'Egypte. Ptolémée Philopator lui succéde 1 76.
j Guerre des Romains contre les Liguriens
382fJMort de Philippe Roi de Macédoine. Persés lui Íilccéde
jyç.
Mort d'Antigone Competiteur de Persés dans le Roiaume de Macédoine
3826. Guerre en Illrie
3827. L'Istrie est assujettie aux Romains
^

3828-Guerre en Ligurie
Mort de Seleucus Philopator
Antiochus Epiphanes son srere revient en Syrie
Défaite des Bastarnesj ils sont obligez de retourner au delà du Danube
3829. Les Geltibériens sont vaincus par Claudius
3830. Les Liguriens réduits en esclavage par Popilius, sont mis en liberté par le
Sénat 170.
3832. Le Roi Euménes vient à Rome 168.
Le Roi Emuénes eflasfassiné par ordre du Roi Persés; Attalus son sfére lui
succéde
Menelaus achète la grande Sacrificature des Juifs
3833. On reCoud de faire la guerre à Perles Roi de Macédoine 1^7.
3834, Mort du Grand-Prêtre Onias III.
Mort de Jason faux Grand-Prêtre des Juifs
Entreprise du Roi Antiochus Epiphanë contre l'Egypte
Persécutiond'Antiochus Epiphanes contre les Juifs
383Profanation de l'autel du temple dejerufalein
383 1. Pto-
A,::1Z'J:. TABLE CHRONOLOGIQUE. "yvc™

383f • Ptolémée Philométor est dépouillé duRoïaume d'Egypte. Evergétes son frere .165,
lui succéde
3836. Apollonius est envoie en Judée par Antiochus Epiphane l1^*
Paul Emile en Macédoine ; Perdes Roi de Macédoine est vaincu j Ruine
de la Monarchie Macédonienne
3837. Les Maccabées se retirent dans le defert 163.
Profanation du temple de Jérusalem par les ordres du Roi Antiochus
DisgrâcedesRhodiens; ils sont mal reçus à Rome
Martyre du Vieillard Eleazar & des îeptfrères Maccabées
3838 Mort de Mathatias Pere des Maccabées. Judas son fils lui succéde 162.
Prusias Roi de Bithynie vient à Rome ; ses bassesses
3839. Voiage du Roi Antiochus Epiphanes au delà de TEuphrate 16r.
Vi&oire de Judas Maccabée contre Gorgias
3840. Brouilleries en Egypte entre les Rois Philométor & Physcon 160,
Viâoire de Judas Maccabée contre Lysias
Purification & nouvelle dédicace du Temple de Jérusalem
Mort d'Antiochus Epiphanes. Antiochus Eupator son fils lui succéde
3841. Conspirations des nations contre les Juifs 1^9.
Lysias vient en Judée & fait la paix avec les Juifs
Prise & punition de Joppé par Judas l\1accabée
Le Roi Eupator vient en Judée & fait la paix avec les Juifs
OniasIV. bâtit un temple au vrai Dieu en Egypte
Mort de Menelaus Grand-Prêtre des Juifs
Le Roi Demetrius s'échappe de Rome & revient en Judée
Défalte de Gorgias par Judas Maccabée
î842. Alcime Grand-Prêtre des Juifs vient en Judée avec Bacchides
Mort du jeune Roi Eupator & de Lysias son Gouverneur
3843 Nicanor essàye de surprendre Judas Maccabée
Révolte de la Cyrénaïque contre Ptolémée Physcon
Défaite de Nicanor par Judas Maccabée
Clepsydre ou horloge à eau à Rome
Alliance dejudas Maccabée avec les Romains
Mort dejudas Maccabée ; Jonathas son frere lui succéde
Mort de Paul Emile
3844. Mort d'¡ilcime Grand-Prêtre des Juifs 1J6.
Ariarathe Roi deCappadocf: est dépouillé de son Roïaume
3846. Caton conseille la destru&ion de Carthage ïf4«
3847. Guerre contre les Dalmates
Ptolémée Philométor se réconcilie avec Physcon son srere
3848- Guerre contre Oropherne & Ariarathe Rois de Cappadoce
3 84,9. Les PhilosophesCarnéades, Cntolaus & Diogénes sont envoiez à Rome par les
Athéniens
Guerre entre Prusias Roi de Bithynie & Attale Roi de Pergame
3 8fO. Fin
"
38)0. Fin
TABLE CHRONOLOGIQUE.
de cette guerre entre les deux Rois
I 1)o.

i.
Brouilleries en Egypte entre les Princes Philométor & Evergétes
Alexandre Balles diipute le Roïaume de Syrie à Demetrius Soter
Alexandre Ballés est réconnu par le Senat pour Roi de Syrie
149.
Guerre des Romains en Espagne
Le Roi Demetrius recherche l'amitié de Jonathas Maccabée
Le Poete Terence fleurit à Rome
3852. Andrilcus se veut faire passer pour le fils du Roi Persés 143.
5853. Commencement de la troisiéme guerre Punique contre Carthage ^7.,^
3854. Guerre en Espagne
Natica fait suspendre la guerre contre Carthage
Mort de Demetrius Soter tlié dans une bataille contre Alexandre Balles
Mariage de Balles avec Cléopatre fille de Philométor Roi d'Egypte
38^5. Bataille entre le Roi Massinissa & les Carthaginois
Carthage se remet entiérement entre les mains des Romains
Les Carthaginois au désespoir se préparent à la guerre
Siège de Carthage
Commencement de Viriathe en Espagne
Atidr;.Ccus soûléve une partie de la Macédoine
28^6. Nicon-ié,,Ies & Menas conspirent contre le Roi Prusias Pere de Nicoméde XAA
Mort du Roi Prusias
Mort de Massinissa Roi de Numidie
Andrifcus est vaincu & remis à Metellus
Demetrius fils du Roi Demetrius Soter fait la- guerre à Alexandre Ballés
-38^7-jScipion Emilianus passe en Afrique & assiége Carthage
38î8. Pnfe, Incendie & pillage de Carthage IA,
Guerre contre l'Achaïe ^
Prise de Corinthe par Mummius
Le Peloponése est réduit en Province
Ptolémée Philométor Roi d'Egypte dépouillé Alexandre Ballés du Roïaume
de Syrie
Mort d'Alexandre Balles
Ptolémée Evergéte ou Physcon s'empare du Roïaume d'Egypte
38ig. Demetrius Nicanor Roi de Syrie donne trop d'autorité à Laithéne
•3860. Revolte de ceux d'Antioche contre Demetrius Nicanor
rr.
Demetrius Nicanor est chasle du Roiaume par Antiochus le Dieu ,40#
Jonathas Maccabée prend le parti d'Antiochus le Dieu & fait alliance avec les
Romains
Guerre en Espagne contre Viriathe
3861. Jonchas est pris à Ptolemaïde par Tryphon. Simon son srére lui succéde 139.
Philippe prétendu fils de Persés fait revolter la Macédoine
!Mort de Jonathas Maccabée & de ses fils
'Tryphon fait périr Antiochus le Dieu, & s'empare du Roïaume de Syrie
* 3861. Deme-
àlnsmo;,jde.du TABLE CHRONOLOGIQUE.
3861. Demetrius Nicanor donne la liberté à la Judée ^ \I39>
Simon Maccabée prend le parti de Demetrius Nicanor, & affranchit la Judée^

du joug des nations


Simon Maccabée prend la citadelle de Jerusalem
B8621 Il est confirmé dans la dignité de Grand-Prêtre 13s,.
Arrivée de Pompeïus en Espagne. Viriathe fait sa paix
3863. Nouvelle guerre contre Viriathe; sa mort 137,
Demetrius Nicanor est fait prisonuier par les Perses. Antiochus Sidétes lui
succéde
3861. Tryphon est mis en fuite par Antiochus Sidétes, & depouïllé du Royaume
de Syrie 135»
3866* Cendebée fait la guerre aux Juifs 134.
Ambassade de Scipion iEmilianus, de Mummius PAchaïque, & deMetellus
en Macédoine, en Syrie, en Egypte &c.
9867. La paix faite en 3 8 66. avec Numance, est declarée nulle 13 3,
3869. Simon & ses fils sont assassinez,àJéricho. Hircan son fils lui succéde *3*»
Ptolémée Physcon attire des hommes doâres à Alexandrie
-
3870. Siége de Jerusalem par Antiochus Sidétes, Hircan fait la paix avec
lui 130-
Scipion iEmilianus pase en Espagne &a.ssiége Numance; Jugurtha l'y vient
trouver;
Commencement de la guerre des enclaves en Sicile
3871. Prise de Numance 12'.
Trouble ? Rome excité par Tiberius Gracchus; sa mort
Attalus Roi de Pergame instituë le peuple Romain héritier de ses Etats

3873 Expédition de Sidétes contre lesParthes


liberté
,
3872. AriG:onicus revendique le Royaume de Pergame
. pour mettre Nicator son frere en
12 7.
3874. DemetriusNicatorrentre en Syrie avec une armée 126.
Mort d'Antiochus Sidétes Roi de Syrie
3875. Hircan Maccabée assujettit les Iduméens J2.f«
Guerre du Roi Phraates contre les Scythes
Mort d'Artabane Roi des Parthes
Mort de Scipion jEmilianus
3876. Guerre entre Ptolémée Physcon Roi d'Egypte & Cléopatre qu'il avoit ré-
pudiée 124*
3877* Revolte des peuples de Syrie contre Demetrius Nicator 123»
LesMarsèillois obtiennent des Romains le pardon pour les Phocéens, leurs
Auteurs
3878. Mort de Demetrius Nicator. Alexandre Zebina lui succéde 122.
3879- Pesle en Afrique causée par une multitude de sauterelles mortes & pourries
sur le rivage de la Mer 121 «
3$8o. Caïus Gracchus élu Tribun du peuple j 20.
tLt! TABLE CHRONOLOGIQUE.
3880- Seleucus fils de Demetrius Nicator est fait Roi de Syrie. Il meurt > & An- 120.
tiochus son frére lui succéde
Cléopatre se réconcilie avec Ptolémée Physcon
3832.. Bataille entre Zébina & Antiochus Gryphus, 118*
Expédition de Metellus dans les îles Baléares
Expédition de Sextius Calvinus dans les Gaules
Le Senat Romain permet de rebâtir Carthage
3883* Mort. deFulvius & de Caïus Gracchus. Abrogation de la loi desGracches 1.17.
Guerre contre les Allobroges
388't. Guerre contre les DaLmates & les Selgestans 116.
388 î. Commencementde Jugurtha; il se brouille avec ses freres 1 1 f.

3886. Fondation de la Colonie de Narbonne 114.


3887- Commencement de Marius; il est fait Prét'eur 113.
Mort de Ptolémée Physcon ouEvergétes.
3,88 Guerre contre les Scordisqties. 112.
Irruption des. Cimbres & des. Teutons.
3889- Papirius Carbo estr vaincu par les Cimbres. * 1 1 I.

3 890,, Guerre entre Antiochus, Gryphus, & Antiochus de Cizyque: sou frere Roi de
Syrie 110.
Jugurtha fait la guerre à son frere Adherbal & le met à mort
3891. Commencement dela guerre des Romains contre Jugurtha. 109.
Traité de paix avecjugurtha désapprouvé. à Kome.
3892. Antiochus de Cyzique regne en Syrie 108.
Jugurtha vient à Rome. Il gagne le Tribun Baebius & s'enfuit en
Afrique
Aulus Pofihumius, est vaincu par Jugurtha.. L'armée, Romaine pase sous le
j°ug
. la guerre à Jugurtha & le met en fuite
3893» Metellus fait 107.
Metellus fait le siége de Zania, puis l'abandonne.
Jugurtha recommence la guerre
Marius: décrie Metellus, obtient le Consulat> paire en Afrique & fait la
guerre à Jugurtha.. Il remporte une vi&oire sur lui & sur Bocchus, Roi
de Mauritanie. Jugurtha est livre à Sylla.
3894* Prise de Samarie par Jean Hircan 1\laccabée: 106.
389^:LaSeâ:e desPhariGens sè forme du tenis, d'Hircan.. iof.
Antiochus de Cyzique vient inutilement au secours de Samarie
Le Consul imalliusestdéfait dans la GauleNarb@nnoi[e
3897. Mariuspaisedansdans les Gaules. Les Cimbres se retirent en Espagne 103.
385 8 Cléopatre chasle de l'Egypte son fils Ptolémée Lathure 102.
Mort de Hircan Prince & Grand-Prêtre des Juifs,. Aristobule lui suc-
céde
Aristobule fait tuër son frere Antigone
Mort d'Aristobule Prince des Juifs
3899.. AICl-
M TABLE CHRONOLOGIQUE. 'Ans aT>
monde.

3899. Alexandre Jannée succéde à Aristobule 1014,


3900. Kevolte des Esclaves en Italie & en Sicile 100.
Ptolémée Lathure fait lever le siége de Ptolémàïde
; I.
0 Cléopatre fait la guerre en Syrie
LesCimbres reviennent dans les Gaules
99.
3902. Défaite des Teutons & des Ambrons 98.
3903. Viccoirede Marius contre les Cimbres 97-
C :Iéopatre rappelle en Egypte ion fils Alexandre
3904. Mithridates envoye des Ambassadeurs à Rome 96.
Apuleïus propose une Loi au p'rosit des soldats de Mariai
Metellus leNumidique est banni de Rome
39°)'. Apuleïus affeste la Royauté; sa mort
39o6, Rappel de Metellus Ntlmidicus 94*
Sertorius se fait connoitre -en Espâgne'
Reforme des Publicains en AÎle par Scævola
3907. Mort d'Antiochus Gryphus Roi de Syrie * : 93.
3908. Mort de Ptolémée Apion Roi de Cyréne 92.
3909.(Commencement de la
guerre des alliez.
3911 Commencement des brouïlleries, causées par Mithridates Roi de Pont. Ses
premiers exploits Se.
Troubles en Syrie entre les fils d'Antiochus le Cyzique
391z, Mithridates s'empare de la Cappadoce gg.
Mort d'Ariarathe fecond fils du Roi de Cappadoce
Vidoire d'dntiochus le pieux contre Antiochus. & Philippe
39x3. Ariobarzane créé Roi de Cappadoce 87.
3914. Ariubarzane est rétabli par Sylla dans le Royaume de Cappadoce 86.
3915. Mélange du cuivre dans la monnoye: Romaine 8)'.
3916. Guerre des alliez contre les Romains 84-
Les Marges & les Marucins sont vaincus par les Romains
Droit de bourgeoisie Romaine accordé aux peuples d'Italie
3917. Troubles dans Rome à l'occasion des Usuriers 83-
Nouvelles Tribus formées par les Censeurs
Cluentius est défait par Sylla :
Fin de la «uerre des alliez
O
3918, Sylla va faire la guerre à Mithridates 82.
Mithridates épouse Monime
Brouilleries entre Sylla & Marius. Bataille dans Rome entre les troupes des
deux partis
Marius & ses adherans (ont proscrits. Marius pasle en Afrique
Rome assiégée par Cinna, Sertorius & Marius
Cruautez de Mithridates contre les Romains. si assiége la ville de
Rhodes
Lucullus en Egypte
^'<*<1 TABLE CHRONOLOGIQUE. AV':™
monde. ^ **
_____
39I8.Prire d'Athènes par Sylla 82.
Victoire de Sylla contre Mithridates.
Nicoméde rétabli Roi en Bithynie & Ariobarzane en Cappadoce
Viétoires & conquêtes de Mithridates
gI. Paix
Viâoire de Sylla contre Dorylas
entre Sylla & Mithridates
81.
80.
2920.
Mort d'Alexandre Jannée Roi des Juifs. Alexandra sa femme lui succede 78.
2 922.
3935. Mort de la Reine Alexandra. Hircati son fils aine lui succéde 65.
Guerre entre Aristobule & Hircan son frere
Pompée
3940. Hircan & Aristobule comparoiffent devant 60.
Pompée assiége Jerusalem
Prise de Jérusalem & du Temple. La Judée est réduite en Province
3941. Alexandre fils d'Aristobule esi assiégé dans Alexandrion 5 9.
3948.IAnŒobule s'échappe de Rome & revient en Judée 5 2.
39U-lMort d'Aristobule Maccabée Uj,
Antipater Pere d'Herodes est fait Gouverneur de la Judée. \

HISTOI-
HISTOIRE UNIVERSELLE
SACREE ET PROFANE,
DEPUIS LE COMMENCEMENT DU MONDE JUSQU'A NOS JOURS.

TOME TROISIEME.
Livre XXV. -
RépubliqueRomaine par la conclusion de la paix avec Cartilage, /.
se voyoit maîtresse de l'Italie, de la Sicile, des Isles deSardaigne, QJLutatias
de Corse & des autres qui sont répanduës entre la Sicile & l'Ita- Cera & A.
lie. Sa domination étoit bien établie par mer & par terre; & Manlius Atticus
après avoir réduit les Carthiginois à luy demander la paix, elle Consuls.
pouvoit espérer que rien ne retarderoit désormais le cours de ses conquêtes. An de Ro-
Cependant l'année même qui suivit la fin de la premiere guerre Punique, les me ^12. d.
Falisque nation Etrusque depuis longtems assujettie, se révolta. On ne sait M. 3768.
distinétement la cause de revolte. Plutarque dit fut l'occa- avant J. (J.r
pas cette que ce à
232.
sion d'un insulte faitte à un tribun du peuple nommé Genucius. Quoy qu'il Guerre dec
en soit, les Falisques mirent une puissante armée en campagne, & les deux Romainsles
nouveaux Consuls Lutatius Cera frere de celui qui étoit alors Proncon- contre
sul en Sicile, & Manlius Atticus, furent obligez de marcher contr' eux. On Falisques. Polyb. /.
leur livra deux batailles dans l'espace de six jours, & ils furent obligez de Plutarch.1.
se rendre à la bonne soy du peuple Romain. in Grac-
Ces termes de bonne foy flattérent les Romains & furent cause qu'on mo- chis.
déra les articles de leur composition. On rasa leur capitale qui étoit située Zonar. 1.
sur une montagne presqu' inaccessible, mais on leur permit de la rebâtir dans
lî plaine. On-confisqua la moitié de leurs terres, & on leurôta leurs armes
& leurs chevaux. Ces exploits furent recompensez par l'honneur du triom-
phe qui fut décerné aux Consuls.
77. Bientost après cette guerre, qui dura fort peu de tems, les deux Consuls
Confirma- se rendirent Sicile, où ils mirent la derniére main à la paix conclue avec
en
tion de la les Carthaginois. Aprés
paix avec un sacrifice solemnel où l'on immola une truyle,
Carthage. Giscon Gouverneur de Lilybée avec les commissaires des Carthaginois, &
les Consuls Romains avec le Proconsul & le Propréteur, jurèrent la paix,
suivant les conditions arrétées entre les deux peuples. Aprés quoi on déclara
la Sicile province Romaine, dans laquelle les Romains envoyèrent un Préteur
pour le gouverner & y rendre la juitice en leur nom, & un Questeur qui le-
voit les tributs en argent & la dixme du produit des campagnes; & quelques
impositions & péages sur les marchandises, tel étoit en général l'etat des Pro-
vinces assujettées à l'empire de la Republique, La Sicile fut proprement la
première des Provinces qu'elle régla-sur ce pied la.
Hieron avec son petit Royaume de Syracuse, fut compris dans la paix.
Les Romains ne changérent rien à son egard. Quant-aux Gaulois qui s'éto-
ient établis dans l'isle, avec la permission même des Romains, on crut qu'il
n'étoit pas expédient de les y laitier, de peur qu'à l'avenir ils n'y causaient
quelque trouble. On les fit sortir de l'isle, sous prétexte qu'autrefois ils avo-
ient pillé le temple de Venus Erycine.
1)1. Aprés avoir ainsi pacifié la Sicile, & y avoir établi le bon ordre, les deux
Triomphe Consuls, le Proconsul & le Propréteur retournèrent à Rome. On accorda
du Procon-
sul Lutatius sens difficulté les honneurs du triomphe au Proconsul Lutatius; Mais il y eut
& du Pro- difficulté pour le PropréteurValerius. L'affaire fut mise en arbitrage. Atti-
preteur lius Calatinus Juge arbitre demanda à Valerius, si Lutatius eût été d'avis qu'on
Vaterius. donnât le combat &
que vous eussiez été d'un avis contraire, n'auriez-vous
pas cédé à Lutatius? sàns doute, répliqua Valerius. Calatinus en inféra,qu'il
ne devoit donc pas triompher, n'ayant pas commandé en chef; mais le peu-
ple plus favorable à Valerius, lui accorda ce que le Juge.luy avoitresusé.
IV. La même année l'histoire a marqué une inondation du tibre si extraor":
Incendie dinaire qu'on se souvenoit pas d'avoir rien veu de pareil, à cette inonda-
à Rome. ne
Ijv. Epito- tion succéda un incendie si terrible, qu'il consuma une grande partie de la
me 19, ville de Rome. Le Pontife Coecilius Metellus, dont on à parlé plus d'une
Plin. 1. 7. fois, voyant que les flammes avoient gagné le temple de Vcl,ta y accourut,
,
c. 43. se jetta dans le temple à travers les flammes, & en tira le Palladium, qui pas-
soit pour la Divinité tutelaire de Rome. Il en perdit la veuë & eut un bras
fort endommagé par le feu. En reconnoissance de sa pieté, on lui accorda
de se faire conduire au Senat en chariot; distinction qui n'avoit jamais été
v: accordée à aucun autre.
Les fo!dats Les Carthaginois, dont nous ne séparerons pas désormais l'histoire de
étrangers celle des Romains, retombèrent dans une guerre nouvelle, pres qu'aussytost
font envo-
à Car- qu'ils furent sortis de celle de Sicile. Amilcar ayant conduit dans Lilybée
yez
thigs. les trouppes qu'il avoit k Eryx, se démit du commandement,& laissa à Giscon
gouver-
gouvernent de Lilybée, le soin de faire palier en Afrique, les trouppes qui Ptlyb, 4 ii
avoient servi en Sicile. Celuy-ci par un trait de prudence, ne les fit pas par-
tir toutes ensemble, mais les envoya par petites bandes, afin que les premiers-
venus étant payez de ce qui leur étoit
dut pour leur solde, on pût les ren-
voyer chez eux avant l'arrivée des autres. Mais comme à Carthage on étoit
epuisé par les dépenses d'une longue guerre, & par de très grosses somnes

,
qu'il avoit fallu payer comptant aux Romains, on ne se hâta pas de payer
les trouppes, à mesure qu'elles arrivoient. On attendit qu'elles fussent tou-
tes arivées, afin de les payer ensemble dans l'espérance d'en obtenir quelque
remise de ce qui leur étoit dût.
Ces soldats qui entrérent dans Carthage, étant accoutumez à une grande
licence, y causérent beaucoup de désordres, ce qui fut cause qu'on proposa
à leurs chefs de les conduire tous à une petite ville voisine nommée Sica, en
attendant qu'on leur donnât leur solde. Ces gens de guerre avoient demandé
qu'on laissàt à Carthage leurs femmes & leurs enfans, mais on le leur refusa;
la première fut d'assembler toutes ces
en quoi l'on commit plusieurs fautes;
trouppes, au lieu de les renvoyer à mesure qu'elles arrivoient, la seconde de
ne pas retenir au moins leurs femmes & leurs enfans,perdre comme autant d'otages
de leur fidélité, & la troisiéme de vouloir leur faire quelque chose de
leur solde. Hannon qui étoit àlors gouverneur de l'Afrique , est envoyé
pour leur en saire la proposition, veu l'épuisement où se trouvoit la Répu-
blique. On ne luy répond que par des reproches, des cris, des murmures,
des menaces; & en même tems ces etrangers, Gaulois, Espagnols, Siguriens,
Grecs & Africains prennent les armes au nombre de plus de vingt mille &
vont camper à Tunis, qui n'étoit pas loin de Carthage. '
Les Carthaginois reconnurent trop tard la faute qu'ils avoient faitte. Il VI.
Mutinerie
n'y a point de bassesse qu'ils ne fissent pour faire quitter les à
armes ces sé- des soldats
ditieux, & point de perfidie que les soldats mutinez ne fissent pour tirer étrangers,a
d'eux de l'argent. On ne leur avoit pas plutost accordé une chose, qu'ils en Sica prés
demandoient une autre , tantost c'estoit le prix de leurs chevaux morts dont de Car-
thage.
ils prétendoient qu'on leur tînt compte, tantost ils demandoient qu'on réali-
sat les grandes promesses que les Généraux leur avoient faittes. On leur
proposa de s'en rapporter à quelqu'uns des Généraux mêmes qui les avoient
commandez en Sicile. Ils agréerent Giscon sous qui ils avoient servi, & qui ,e
les avoit toujours assez contenté. Il leur parla avec douceur,leur remontra
le longtemps qu'ils avoient,servi la République, & les sommes considérables
qu'ils en avoient recuës; enfin il les satisfit de telle sorte,qu'il ne restoitpres-
que plus rien à régler. Vll.
Tout d'un coup deux séditieux remplirent de tumulte tout le camp, & Spondius
firent rompre l'accord. L'un étoit Spondius natif de Capouë, qui avoit été & Mathos
esclave à Rome & s'étoit jette parmi les Carthaginois; l'autre un nommé Chefs des
l\lathos Africain de naissance. Ces deux hommes commencèrent à crier que Mut-ins.
l'on ne cherchoit qu'à faire perir les Africains, que les autres soldats merce- Mercenai-Guerre des
naires ne seroient pas plutost embarquez pour leur pays, que ceux d'Afrique res.
deviendroient la victime des Carthaginois, qui vengeroient sur eux tout ce qui
venoit d'arriver, & lestraitteroient comme séditieux & rebelles. Il n'en fallut
pas d'avantage pour les faire entrer en fureur. Ils choisissent pour Chefs Spon-
dius &LVlathos, & courant à la tente de Giscon, ils pillent l'argent qu'il avoit
apporté pour le payement des trouppes, l'entrainent luy-même en prison avec
toute sa suitte, aprés les avoir traittez avec la dernière indignité.
En même tems ils envoyerent des députez à toutes les villes d'Afrique,
pour les exhorter à s'ecouër le joug des Carthaginois, & à se mettre en liberté.
Ces villes ne manquèrent pas de prendre leur parti. Il n'y eut qu'Utique &
Hippara qui persistérent dans l'obeissance de Carthage, & qui furent sur le
champ assiégées par les mutins. Les Carthaginois se trouvérent alors dans
le plus grand danger où ils se fussent encore veus; dépourveus d'argent, de
trouppes, de flottes <&sans espérance de secours de leurs alliez, ou de leurs
amis; Ceux-qui auroient pu ou du les secourir s'étant àlors déclarez leurs
ennemis. Les Africains leurs^ sujets avoient été traittez durant la derniére
guerre avec une extrême dureté. On avoit exigé d'eux des tributs excessifs,
& on les avoit exigez de la manière la plus impitoïable, traînant en prison
ceux qui n'étoient pas en etat de-payer. Ils embrasèrent avec ardeur le parti
des seditieux. Leur femmes dans cette occasion se dépouïllérent avec joye
de leurs ornements pour fournir aux frais de la guerre; de sorte que les chefs
après avoir bien payé le soldat, avoient encore de reste. Tels furent les ef-
fets du ressentiment d'un peuple trop foulé & poussé à bout.
Viii. Dans cette embarassante circonstance les Carthaginois ne perdirent pas
Hannon est Ils firent les derniers efforts pour se soûtenir contre les rebelles.
etabli Gé- courage.
néral de Ils donnèrent le commandement de leur armée à Hannon ; ils levérent des
l'armée de trouppes de pied & de cheval, de terre & de mer; on fit prendre les armes
Carthage. à tous les citoyens qui étoient en etat de servir. On equippa une flotte
Il cst révo- composée de tout ce qui ressoit de vaiiTeaux à la Republique,
qué. on fit venir de
tous côtez des soldats mercenaires. Hannon se trouva bientost à la tête d'une
armée assez nombreuse, & alla attaquer les rebelles qui étoient devant UtiÇue.
Il les dispersa, & au lieu de les poursuivre, il entra dans Utique, & ne sbn<
gea qu'à s'y divertir, pendant que ses soldats qu'il avoit laissez dans un camp
hors la ville, se débandérent de côté & d'autre. Les mutins qui s'étoient
retirez sur une hauteur voisine, ayant été informez de ce qui se passoit, vin-
rent fondre sur le camp d'Hannon, le prirent, le pillèrent, & enlevèrent
tout ce qui s'y trouva, sur tout les choses qu'on avoit apportées pour le fe-
cours d'utique. Cette première faute fut cause qu'on rappella Hannon, &
qu'on donna le commandement de l'armée à Hamilcar surnommé Barca, qui
s'étoit si fort distingué en Sicile.
lX Les mécontens avoient grossi leur armée jusqu'à soixante & dix mille
Hamilcar hommes & avoient formé comme trois corps d'Armée, dont deux éto-
Barca sue-
en
rede à ient occupez au siége d'Utique & d'Hippara,le troisiéme étoit campé à Tunis,
Hannon d'où ils tenoient Carthage en quelque forte bloquée, approchant souvent de
dans le ses murs, & y répandant la terreur, & de jour, &de nuit. Hamilcar ne fut
comman- pas plutost à la tête des trouppes Carthaginoises, qu'il marcha contre les re-
de oMlit belles & leur fit lever le siége d'Utique. Puis s'avançant contre le gros de leur
arnlé,
armée qui étoit prés de Carthage, il en défit une partie & les chassa de pres- des treup-
que tous les lieux avantageux qu'ils occupoient. pcs.
Ces succés rendirent le courage aux Carthaginois ; & presqu'en même
tems un jeune seigneur Numide nommé Naravase, attiré par la réputation du
mérite d'Hamilcar, vint luy offrir ses services, accompagné de deux mille
Numides. Avec ce rensort Barca attaqua les séditieux, qui se tenoient comme
enfermez dans un vallon, leur tua dix mille hommes & leur fit quatre mille
prisonniers. Barca reçut dans ses trouppes tous ceux des prisonniers qui y
voulurent prendre parti, & laissaaux autres la liberté de se retirer où ils vou-
droient;à charge qu'ils ne porteroient jamais les armes contre les Carthaginois,
& avec menace, s'ils étoient jamais pris les armes à la main contre la Répu-
blique d'étre punis du dernier supplice. 1
,
Cette douceur de Barca fit craindre à Spondius que- plusieurs des siens
revenant de leur premier emportement, ne se rendissent à l'armée Carthagi-
noise, & dela ne s'en retournassent en leur pays. Il résolut de les porter
à une adion d'éclat, qui leur ôtât toute espérance de reconciliation avec les
Carthaginois. Il leur lût des lettres fausses & supposées, par lesquelles on
lui donnoit avis d'une prétenduë conspiration formée par quelques uns de
leurs camarades, pour tirer Giscon de prison, où ilétoit retenu depuis assez
longtems; la multitude, sans examiner la chose de plus prés, prend sur le
champ la barbare résolution de l'egorger & tous les autres prisonniers Car- X.
thaginois ; on fait donc sortir de prison Giscon & sept cens autres prisonniers, Giscon &
les autres
&on les conduit à la teste du camp, où l'on les exécute les uns aprés les au- prisonniers
tres , en commençant par Giscon. On leur couppe les mains, on leur casse font mis
les cuisses, puis on les jette tous vivans dans une folle. Les Carthaginois à mort.
envoyérent demander leur corps pour leur donner une sépulture convena-
ble ; on les renvoya en disant que si jamais Carthage leur envoyoit quelque
Héraut on quelque député, ils luy feroient le même traittement. En même
tems la résolution fut prise dans leur camp de traitter de même tous les Car-
thaginois qui tomberoient entre leurs mains, & pour les étrangers, qu'on les
renvoyeroit, après leur avoir couppé les mains ; ils ne tinrent que trop ex-
adement leur paroles.
Hamilcar voyant que les rebelles portoient les choses à l'extrémité, ne Xl.
trouva point de meilleur expédient pour leur résister, que de réünir toutes les Hamilcar
forces de Carthage tant de terre que de' mer. Il fit donc venir Hannon & ils & Hannon
réunifient
résolurent ensemble de ne faire quartier à aucun des ennemis dans le combat leurs for-
& de faire exposer aux bétes ceux qui tomberoient vivans entre leurs mains. ces.
L'union des chefs fut bientost troublée. Ils se brouillèrent, on ne sait
a propos de quoy, de telle sorte qu'ils ne pouvoient s'accorder sur aucune
entreprise, & quand l'un vouloit une chose, l'autre s'y opposoit.Ce qui leur
fit manqueur plusieurs belles occasions de battre les ennemis. Presqu'en même
tems les villes d'Utique & d'Hippara , qui jusqu'alors étoient demeurées fidel-
les aux Carthaginois, se détachérent de leur obeissance & passerent du côté
des revoltez. Les vivres qu'on amenoit par mer à Carthage, & dont ils avoient
un extréme bésoin, furent submergez par une tempête, avec les Yaifîeaux
qui les portaient:> enfin pour comble de malheurs les séditieux allèrent mettre
le siége devantCarthage même. Hamilcar ayant fait rappeller Hannon,& s'étant
fait donner pour ajoint dans le commandement Annibal, les harcela de tant
de manières & leur ferma si bien toutes les avenuës d'où ils pouvoient tirer
des vivres, qu'ils furent contraints de.se retirer & de chercher à subsister sur
les côtes d'Afrique.
Y IL Dans tout cela Hamilcar tira de grands secours du Numide Maravase.
Naravafe Le Roy de Syracuse Hieron ne leur manqua pas non plus dans le besoin; cro-
Numide se qu'il étoit egalement de son intérét d'empêcher la ruine de Carthage &
rend au- yant
prés de de cultiver l'amitié des Romains. Les Romains eux-mêmes, à qui les Cartha-
Barca. ginois renvoyoient de bonne grace environ cinq cens hommes qu'ils teno-
ient en prison, pour avoir fourni des provisions de bouche aux rebelles, les
Romains, di-je, à leur tour leurs envoyèrent tous leurs prisonniers, qui re-
Hoient entre leurs mains, depuis la guerre de Sicile , & leur fournirent tous
les secours qu'ils purent souhaitter, permirent à leurs négotians de leur por-
ter des vivres & défendirent d'en porter à leurs ennemis; les Romains firent
plus; ils ne voulurent point écouter les propositions que leur faisoient ceux
de l'isle de Sardaigne, qui étoient de la dépendance de Carthage, & refusérent
de recevoir la ville d'Utique, qui se vouloit donner à eux sous certaines con-
ditions.
XIll. Les rebelles ne laissoient pas de continuer la guerre, ayant ramasse une
Défaitte de armée de cinquante mille hommes, ils cotoyoient l'armée de Hamilcar, te
Spondius tenant toujours sur les hauteurs & n'osant paroître devant lui en rase cam-
& de son
armée. pagne. Hamilcar beaucoup plus savant qu'eux dans les métier de la guerre,
les observoit de prés, profitoit de toutes leurs fautes, & faisoit expoler aux
bétes tous ceux d'entr'eux qui tomboient entre ses ma'ins. Un jour il les en-
veloppa dans un lieu d'où ils ne pouvoient sortir. N'osant ni hacarder la ba-
taille, ni prendre la suitte devant un Général aussi vigilant qu'Hamilcar,ils se
retranchérent dans leur camp résolus de s'y bien défendre. Hamilcar
les laissa faire & ne fit aucun mouvement pour les y forcer. Ils furent
bientost réduits a une famine si extraordinaire qu'ils se mangeoient l'un
l'autre. Ils commencèrent par les prisonniers, puis ils prirent les esclaves;
il ne leur restoit plus que de manger leur Concitoyens. Ils en eurent horreur,
& les Chefs craignant pour leur propre vie, demandèrent un sauf conduit
à Hamilcar pour l'aller trouver & traitter avec luy ; les conditions du traitté
furent que les Carthaginois prendroient à leur choix dix personnes dans l'ar-
mée des revoltez pour leur faire tel traittement qu'ils jugeroient à propos;
Que les autres seroient renvoyez chacun avec un seul habit.
Quand le traitté fut signé, on arréta d'abord les Chefs comme les plus
coupables, Les autres qui étoient dans le camp , ne sachant rien de ce qui
avoit été conclu, & croyant qu'on les avoit trahis, prirent les armes résolus
de vendre leur vie, le plus cher qu'ils pourroient; Mais Hamilcar ayant fait
avancer contr'eux san armée avec les Eléphans, ils furent tous écrasez sous
les pieds de ces animaux ou passez au fil de l'epée au nombre de plus de
quarante mille. Hamilcar sçut profiter de cette victoire, il parcourut prom-
tement
tement toutes les villes qui avoient pris de gré ou de force le parti des mé;"
contens, & les ramena sans violence à l'obéï{[ance de Carthage.
Cependant Mathos étoit encore maître de Tunis , où il s'étoit enfermé xiv.
avec une bonne garnison. Le Général Carthaginois alla l'assiéger. Il prit Mathos lur-
la
pour son quartier le côté de la ville qui regardoit campagne, & donna à prend An-
Annibal celui qui regardoit Carthage. La premiére chose qu'il fit étant arri- nibal & le
fait mourir
vé devant la ville, fut de faire élever de croix, & d'y faire élever Spondius & sur une
les autres chefs de rebelles, qui avoient été arrétez avec lui. Ce spe&acle ne croix.
fit qu'irriter Mathos & le rendre plus vigilant & plus attentif à prendre ses
avantages contre les assiégeans. Ayant remarqué qu'Annibal & les siens fai-
soient fort mauvaise garde & vivoient dans une grande négligence, il fit une
sortie sur eux, forçafeurs retranchemens, leur tua beaucoup de monde, prit
tout le bagage & fit grand nombre de prisonniers. 11 prit entr'autres Anni-
bal qu'il fit aussitost mettre en croix à la place de Spondius , aprés lui avoir
fait souffrir une infinité de tourmens. Il fit mourir au tour de sa croix trente
des principaux prisonniers de Carthage qu'il immola comme autant de vi-
, On n'avoit jamais vu faire
ctimes aux manes du compagnon de sa revolte.
la guerre avec tant de cruauté. C'étoit à qui surpasserait son compagnon
dans les supplices qu'ils inventoient contre ceux qui tomboient entre leurs
mains. Barca apprit trop trop tard le malheur de son collégue , pour pou-
voir accourir à l'on secours.
Cet accident obligea Hamilcar a changer la place de son camp ; il vint XV.
se placer sur l'embouchure du fleuve Macar dans la mer. Les Carthaginois R,-concilia-
^
furent infiniment sensibles à la perte de leurs citoïens & réfblurent de faire tion de&
Barca
un dernier effort pour réduire Mathos. Ils firent prendre les armes à tout d'Hanaon»
ce qui restoit de jeunesse dans leur ville & nommèrent Hannon pour com-
mander l'armée avec Hamilcar ; & députèrent en même tems trente Sena":
teurs pour reconcilier ces deux Généraux , qui étoient brouïllez ensemble.
La chose se fit de fort bonne grace de part & d'autre, & ils sacrifiérent leurs
ressentiment particuliers aux intérêts de l'état.
Depuis ce tems les affaires des Carthaginois se rétablirent, ils rempor- XVI.
tèrent divers avantages sur Mathos, sur tout à Leptine où on lui tua quelque Mort de
monde ; à la fin Mathos résolut d'en venir à une bataille ; c'est ce que les Mathos.FIn
de la
Carthaginois desiroient le plus. De part ex; d'autre on rangea ses troupes & re desguer-
on les exhorta à bien faire par tous les motifs qu'on crut les plus pressants. Mercenai-
La viftoire ne sut pas-Iongtems disputée, les séditieux furent mis en déroute, res.
l'a plupart périrent dans le combat, les autres se rendirent. Mathos fut pris An du M.
3771.
en vie, & conduit à Carthage. Les villes qui s'étoient données aux rebelles, avant J. C.
rentrérent dans le devoir. Celles d'Utique & d'Hippare qui s'étoient revol- 229.
tées sans aucune bonne raison, furent les derniéres à se rendre, il fallut même Polyb. 1. 1.
les assiéger pour les obliger à recevoir la loy des Carthaginois. Mathos &
les siens aprés avoir servi d'ornement au triomphe des Généraux Carthagi-
nois, furent mis à mort d'une manière aussi cruelle & aussi ignominieuse, que
le méritoient les cruautez qu'ils avoient exercées contre les autres. Ainsi fi-
nit la guerre des Mercenaires, autrement nommée la guerre de Lybie, aprés
avoir
avoir duré trois ans & environ quatre mois. Il faut revenir à l'hisloire Ro-
maine.
XVII. Les Consuls de l'année qui suivit lapremière guerre Punique, furent C.
C.Glaudius Claudius Centho & M. Sempronius Tuditanus. Leur Consulat n'est marque
Centho, & par aucun événement notable, ni qui doive entrer dans une histoire univer-
M. Sem- selle, celui-ci. Sous les Consuls qui leurs succédérent les deux an-
pronius comme
Tuditanus. nées suivantes , Rome jouït d'une assez grande tranquilitéé au dedans & au
An de Ro- dehors ; pendant que Carthage étoit dans l'embarras que nous avons veu à
me 513. du l'occasion de la guerre que lui firent les soldats mercénaires. La Sardaigne
M. 3769. étoit retournée on ne sait comment sous la domination des Carthaginois.
avant J 6. Ils s'en réjouïssoient ,
autant que de la paix concluë en Sicile entre Lutatius&
221.
XVlll. Hamilcar. Dez-qu'on y eut appris ce qu'avoient fait Spondius & Mathos
C Manilius en Afrique, les soldats étrangers qui étoient dans cette Isle, se révoltèrent de
Turinus, & même & égorgérent Bostar leur commandant , & tout ce qu'il y avoit de
Q Valerius Carthaginois ,
Falto Con- avec lui. On y envoya en sa place un autre Général ; toutes
suls. lestrouppes qu'il avoit amenées se rangèrent du côté des séditieux, mirent à
An de R. mort celui qui les avoit amenées, firent main basse sur tous les Carthaginois
S'14.du M. qui restoient dans l'Isle, prirent toutes les places du pays, & en peu de tems
3770. se trouvèrent maîtres de toute la Sardaigne.
avant J. G.
220. Ils envoyérent inviter les Romains à venir s'emparer de ce pays ; Mais
Révolté en les Romains refusérent pour lors de prêtre l'oreille à ces proposions.Quel-
séditieux & les anciens ha-
que tems après la division s'étant mise entre les
Sardaigne.
bitans de l'Isle, les mercénaires en furent entièrement chassez & se retirèrent
XIX.
en Italie, où ils implorèrent le secours de la Republique. Les Romains ré-
Tib. Sem- solurent de les secourir & prirent cette occasion pour s'emparer de la Sar-
pronius flotte. Le Consui
Gaulus, & daigne. Ils y firent passer le Consul Sempronius avec une
P. Valerius à son arrivée déclara la guerre aux Carthaginois, s'ils poursuiveient leurs
Falto Con- entreprises contre les milices étrangères de Sardaigne, qui s'étoient misessous
suls. leur protection. Les Carthaginois qui étoient à peine sortis d'une des plus
An de Ro-
facheuses guerres qu'ils eussent encore soutenus, & qui n'étoient nullement
me 515'.
du monde en état de rentrer en guerre avec les Romains , furent obligez d'en pasfer
3771.avant partout où l'on voulut. Ils firent un nouveau traité par lequel les Carthagi-
J. G. 219. nois renonçoient pour toujours à la Sardaigne, & s'obligéoient à donner à la
Guerre en République somme de douze talens, ou douze cens mille écus,pour
Sardaigne. une cens
Lonar.l. 8. indemnité des frais de la guerre, ou selon Zonare, pour dédommager la Re-
Tolyb. 1. 1. publique des pertes que les négotians sujets des Romains, avoient souffertes
~ 3. de la part des corsaires Carthaginois.
Cette conduite des Romains , qu'on ne peut regarder que comme une
véritable injustice, & une violence exercée envers un peuple trop foible pour
se défendre, fut la vraïe cause de la seconde guerre Punique dont nous parle-
confirma plus Hamilcar dans la haine
rons cy-aprés. On assure que rien nerendit Annibal son fils plus inexorable,
qu'il avoit contre les Romains, ni ne
que cette mauvaise foy des Romains contre les
Carthaginois, & cette ambi-
tion démésurée de s'aggrandir à quelque titre que ce fût.
Hamilcar
Hamilcar n'eût pas plùtost terminé la guer-re contre les mercenaires, qu'il XX.
songea à prendre de loin les mesures pour humilier les Romains ; & comme Guerres
s'il ne lui eût pas suffi de.les humilier par lui-même, ou comme s'il eût craint d'Hamiie
de ne vivre pas assez longtems pour exécuter ses desseins. Il s'étudia à in- Espagne, car en
spirer à son fils Annibal la même haine qu'il avoit concuë contr'eux, & à le
former au métier de la guerre, pour la leur faire un jour à outrance. L'E-
spagne fut le premier objet auquel il s'attacha. C'étoit un pays à portée de
l'Afrique, ses richesses,e*toient vantées; Les Carthaginois en avoient autrefois
possédé la plus grande partie qu'ils avoient présque perduë pendant les
, la réduire à l'obéïssance, dans l'espérance de
guerres de Sicile. Il résolut de
paffer dela dans l'Italie, ou du moins de tirer de l'Espagne des hommes &
des richesses propres à attaquer les Romains, ou à se défendre contr'eux, s'ils
étoient les premiers à attaquer Carthage.
Avant que s'embarquer pour passer le détroit de Gibraltar , il offrit un XXL
sacrifice solemnel, & dans le moment qu'ii alloit égorger la victime , il de- Annibal
manda à Annibal agé àlors seulement de neuf ans, s'il vouloit l'accompagner fait ser-
ment
en Espagne, l'enfant y consentit avec plaisir; Il ajouta : Jurez-moi sur ces vi- d'être en";
ctimes que vous serez l'ennemi éternel des Romains. Il le jura & n'oublia nemi irré-
jamais ion serment. Amilcar inspira les mêmes sentimens de haine à Asdrubal conciliable
ion gendre ; mais ce dernier ne vécut pas assez longtems pour donner des des Ro-
mains.
preuves effectives de son animosité contre Rome. Hamilcar étant entré en Polyb. 1. i.
Espagne soumit par la force des armes ou par sa douceur la plus grande par- K.lO. 1il.12.
tie de ces peuples; & aprés les avoir gouverné pendant neuf ans, il mourut Liv. /. 21.
les armes à la main pour le service de sa patrie. n. I.
Asdrubal son gendre fut mis en sa place & bâtit une ville nouvelle en
Espagne dans un endroit trés commode, sur tout par rapport à son port,& à
son commerce. Il la nomma Carthage la neuve, & elle devint une des plus
considérables de toute l'Espagne c'est la même que nous appelions Cartha-
,
géne. Nous laisserons pour quelque tems les affaires des Carthaginois,pour
suivre celles des Romains.
Les Boïens peuples Gaulois établis en Italie avoient étéafsujettis par XXII.
,
les Romains depuis un assez grand nombre d'années ; Ils se revoltérent l'an Guerre ,Io&
de Rome Sous le consulat de Tib. Sempronius Gracchus, & de Publ. Romains
ValeriusFalto. Les Falisques peuples d'Etruire se joignirent à eux ; On en- contre les
Gaulois
voya contr'eux le Consul Valerius Falto; D'une autre côté les Liguriens,con- Boïens, 1«
tre qui lesRomains n'avoient eu jusque la rien à déméler, commençoietat à re- Falisques&
muer, & on fit marcher dans leur pays l'autre Consul Sempronius Gracchus. les Liguri-
Celui-ci battit les Liguriens dans une bataille ; Aprés quoi il eut ordre de se ens.
transporter en Sardaignr pour soûtenir les soldats mercénaires revoltez con-
tre les Carthaginois. 11 y eut le succés que nous avons veu, en obligeant les
Carthaginois de se soumettre aux conditions qu'il leur préscrivit.
Pour Valerius Falto, il livra la bataille aux Gaulois & aux Falisques &
perdit trois mille cinq cens hommes. Rome fit partir un renfort pour le
mettre en état de réduire les ennemis; Mais il ne jugea pas à propos de l'at-
tendre de peur qu'on n'imputât à un autre l'honneur de la victoire. Il atta-
,
qua de nouveau les ennemis, leur tua quatorze mille hommes, & leur fit dix
mille prisonniers.
XXIII. On dit que le Préteur M. Cipus sortant de la ville de Rome, s'apperçut
Fable de que deux cornes lui étoient sortis du front. Etonné de ce prodige, il appaisa
M. Genu- les Dieux par un sacrifice, puis il consulta un devin Etrusque qui lui dit que
cius. cela signifioit qu'il parviendroit à la royauté & sur le champ il le salua Roy.
Val. Max.
J.,. c.6. Ce pronostic l'effraya & sur tout il eut horreur du nom de Roy , qu'on ne
Ovid. Me- pouvoit souffrir dans sa République. Il pria le Sénat de venir s'assembler
tamorph. hors des murs, n'osant plus lui-même entrer dans la ville. Il pria le Sénat de
i.
prononcer contre lui un decret d'exil perpétuel ; de Le Senat loiia l'on zéle
pour la liberté de sa patrie, & lui accorda autant terrain qu'il pourroit
enfermer pendant un jour avec deux boeufs tirant la charrue. De plus on
fit fondre une teste aïant deux cornes, que l'on attacha à la porte de la ville
d'où Cipus étoit sorti , lorsque l'accident lui arriva, & on l'appella la porte
d'erain. Ces derniéres circonstances semblent prouver que l'avanture de Ci-
Tiin. 1. Il.
pus n'est pas entièrement fabuleuse ; mais il est malaisé d'en admettre le récit
?7- dans toutes ses circonstances. Ce qui s'y fait le plus remarquer, est l'amour
XXIV.
L. Corne- dominant que tout les
Romains avoient pour la liberté.
Jius Lentu- Sous les Consuls de l'année suivante on continua la guerre contre les
lus, & Gaulois Boïens, & les Liguriens. Les deux Consuls marchèrent ensemble
Fulvius
contre les ennemis. Ensuite ils se séparérent & allérent l'un, s'avoir Fulvius
Flaccus c'est-à-dire Cornélius Lentulus, contre
Consuls. Flaccus contre les Gaulois, & l'autre,
An de Ro- les Liguriens, ces peuples osérent se mettre en campagne ; mais quelque nom-
me î16. du breuse que sur leur armée; Ils ne purent tenir contre les légions Romaines.
M. 37 7*- Ils laissérent sur la place vingt quatre mille & on prit sur eux cinq mille pri-
avant J. G. Pour Fulvius, il fut obligé, de demeurer dans ses retranchemens,
218. sonniers
sans ôser paroître en rase campagne devant les Gaulois, dont l'armée étoit
.
8uerre
contre les extrêmement grossie par les secours qu'ils avoient reçus des peuples de delà
Gaulois
Boïens &
les Liguri-
ens.
les Alpes.L'anné'
suivante on ,
représenta à Rome des jeux séculaires qu'on ne re-
présentoit qu'au bout d'un Siecle ; & dont on avoit accoutumé de dire en les
XXV. publiant, que les plus vieux ne les avoient jamais veus, & que les plus jeunes
Jeux iceu- les verroient jamais. Hieron Roy de Syracuse ancien ami & allié du peu-
Jaires à ne jeux de sa présence, il n'y vint pas les mains
ple Romain, voulut honorer ces
Rome. Le
Roy Hie- vuides Il y fit conduire deux cens mille muids de froment pour contribuer
faireregner l'abondance dans la ville durant cette pompeuse cérémonie,
son y assïste à ,
où se devoient trouver une infinité d'étrangers, de toutes les provinces d'I-
talie & des pays voisins. Le Roy Heron y reçut des honneurs tout extraor-
dinaires & la Republique témoigna une joye infinie de voir dans l'enceinte
de sa capitale un Roy étranger & ami, venu uniquement pour prendre part à
la joye publique de cette feUe.
Les jeux némpêchérent pas que les nouveaux Consuls ne marchalient
XXVI. Les Gaulois Boïens enflez de Id vidoire qu'ils avoient rem-
P. Corne- en campagne. du nombre de leur trouppes,
lius Lentu- portée l'année précédente sur les Romains, &
lus, & C. ucumvwdemandèrent que la Republique leur rendit Ariminum.Les Romains l'avoient
Liciruus autresois
autrefois conquise sur les Gaulois, & y avoient envoyé une Colonie " qui te- VarusSon'
noit en respeci les peuples des environs. Les Consuls renvoyérent l'affaire suis. An de
Senat, dans la veuë de faire traîner la négociation longueur & de R. S17. da
au en ga- M. ;77;.
gner du tems. Les Gaulois de leur côté ne surent pas fachez de ce retard,
devoient avant J. G.
parcequ'ils attendoient de grands renforts, qui de leur venir de delà 2.2?*
les Alpes. En effet deux Roys, ou si l'on veut, deux Chefs des Gaulois,
nommez Atys & Galates amenerent en Italie deux grosses armées ; leur
multitude allarma les Boiens qui craignirent que ces nouveaux venus ne s'em-
parassent de: leur pays. Ils mirent d'abord à mort les deux Chefs, puis ils at-
taquérent leurs trouppes, les mirent en suitte & les diffipérent.
Les Consuls aprés cela ne craignirent plus les Gaulois. Lentulus seul
marcha contr'eux & leur fit céder une partie de leurs terres. Delà il tomba
sur les Liguriens & les mit en suitte , & leur enleva quelques unes de leurs
forteresses.
Licinius Varus le second Consul passa dans l'Isle de Corse quis'étoit XXVIL
soulevée contre les Romains & s'étoit remise en liberté. On croit , Le Consul
que les Varus ré-
Carthaginois sous main l'avoient sollicitée à secouër le joug des Romains. Va- duit l'Isle
rus n'ayant pas de flotte prête, se fit conduire en Corse sur une escadre com- de Corse à
mandée par le même Claudius Glycias, qui quelques années auparavant avoit l'obéis-
été nommé Dictateur, il se flatta sottement de pouvoir faire la paix avec les sane.
Corses, & étant passé dans leur Isle il conclut avec eux un traité peu hono- Val. Mam.
1.6.c.;.
rable au peuple Romain. Le Consul Varus à son arrivée n'eut nul égard à Zonar. /. r.
ce traite, fit la guerre aux Corses, réduisit l'Isle à l'obéïssance de la Republi-
que, & renvoya Glycias au Sénat pour punir sa témérité. Le Senat le remit Dio. in Ex.
aux Corses pour en faire justice; & ceux-ci le renvoyèrent à Rome , où il(cerptis Va-
fut condamné à une prison perpétuelle. Aprés sa mort le peuple Romain le les. /. çpat.
fit exposer sur le fameux degré nommé Gemonies d'où on le traina avec
de fer dans le Tibre. ,
un croc
Cette punition ne satisfit point les Corses. Ils se plaignirent qu'on les XXVlll.
avoit amusé par une paix trompeuse pour ensuite les réduire par les armes. G. Attiliu-S
,
Les peuples de Sardaigne n'étoient pas plus contents. Ils regrettoient les Bulbus de
Manlius
Carthaginois leurs anciens maîtres. On étoit persuadé à Rome que secrete- T. Torquatus
mentceux-ci souffloient le feu & animoient les uns & les autres. La Sardaigne ConfÜts.
se révolta, & Rome resolut de porter la guerre en Afrique & d'attaquer Car- L'an de R.
thage même, comme la premiere cause de la révolte. Les Carthaginois n'é- 5" 18. du M.
toient pas remis de leurs pertes. Ils envoyèrent ambassades sur ambassades avant
Rome pour demander la paix. Ils n'en reçurent que des réponses sévéres & 22 6.J. G.
à 3774.

ménaçantes. Enfin le Senat de Carthage députa dix des principaux de ses Révolte de
membres pour négotier la paix avec Rome. Aprés bien des remontrances l'Jsle de
& des priéres le Senat Romain demeurant inflexible, un jeune Seigneur Car- Sardaigne. Zonar. /.S.
thaginois nommé Hannon las de tant de remises & de soumission, dit hardi- Polyb. 4 1.
ment au Sénat ; si vous étes résolu de rompre le traité que vous avez fait
avec nous , remettez-nous en l'état où nous étoiens avant qu'il fût conclu.
Rendez-nous les villes que nous vous avons cédées pour achetter la paix.
Il n'est pas juste que vous ayez à la sois & l'argent & la chose achettée.
Cette réponse frappa le Senat. Il reconnut la justice des plaintes des Car.
thaginois, & renvoya les députez avec de bonnes paroles. La Sardaigne
rentra dans le devoir , l'Italie & toutes les Provinces de la domination des
Romains étant en paix; on ferma pour la première fois depuis Numa Pom-
:xxix. pilius le Temple de Janus ; mais il ne demeura fermé que quelques mois.
le Temple On le rouvrit l'année suivante pour n'être fermé de nouveau que sous le
de Janus ,
cst fermé régne d'Auguste.
XXX. Les nouveaux Consuls L. Posthumius & Spurius Carvilius reprirent les
1. Pofthu- armes & marchèrent l'un, s'avoir P01lhunlÏus contre la Ligurie Carvilius
mius Albi- contre les Corses, & le Préteur P. Cornélius contre , ,
&Spur.
les Sardins. Ce dernier
.nus l'Isle de Sardaigne & son armée couroit risque
Carvilius fut enlevé par la peste dans ,
Gonsuls. d'y périr ou par le mauvais aîr, ou par la main des habitans, si le Consul Car-
An de R. vilius, aprés avoir pacifié l'Isle de Corse, ne fut allé se mettre à la tête de l'ar-

519. du M. mée du Préteur.


j
Il fallut livrer bataille aux Sardiens, mais il ne firent pas
9775- grande resistance. Ce n'étoient que des soldats ramassez à la hâte. Ils furent
avant J. G. aisément
225. mis en déroute par une armée aguerrie & disciplinée. Le Consul
Guerre Posthumius ne fit rïen de remarquable chez les Liguriens. Carvilius entra
dans la Li- triomphant dans Rome.
gure, en
Sardaigne,
On place sous son Consulat le premier divorce qu'on ait veu à Rome.
.& en Les Censeurs dans le dénombrement qu'ils firent du peuple Romain ayant
,
Corse. remarqué que le nombre des nouveaux citoïens n'augmentoit à
pas propor-
Aul Gell. tion du grand nombre des bourgeois
, en attribuèrent la cause à l'inconti-
/.4.C.3./.17.
nence secrete de plusieurs Romains , ou qui ne se manioient point, ou qui
#.21.
xxxî. après le mariage, se livroient à des debauches honteuses, quî nuisoient à la fé-
Première condité des mariages légitimes. Les Censeurs pour remédier à ce désordre
divorce à obligérent tous les citoïens Romains, à faire serment de ne se marier que pour
Rome. multiplier les sujets de la Republique. Un nommé Cornelius Ruga dont la
femme étoit stérile , se crut obligé pour cette seule raison , de fàire divorce
avec elle, & d'en prendre une autre qui pût lui donner des héritiers & des
sujets à la Republique. Son procédé , quoiqu' authorisé par les Censeurs, &
fondé sur la religion du serment, fut blamé de tout le monde ; parceque de-
puis l'établissement de la Republique, c'est-à-dire depuis cinq cens dix neuf
ans, on n'avoit rien veu de semblable.
XXXII. On choisit de nouveaux Consuls & le choix tomba sur M. Pomponius
M.Pompo- Matho, & sur Q. Fabius Maximus
; C'est Fabius qui par sa sage lenteur ré-
nius Matho Annibal. Dans sa première jeunesse on
& CLFab. tablit les asfaires des Romains sous
Maximus lui donna dans sa famille le sur nom cVOvkula, ou Brebis, a cause de son ex-
Consuls. trême douceur.Le sort lui assigna la Ligurie & à son collégue la Sardaigne.
An de R. L'un & l'autre s'y conduisirent avec tant de ,sagesse & de valeur, qu'ils mé-
520. du M. ritérent les honneurs du triomphe.
J776. On ne doutoit point à Rome que les fréquens mouvemens de la Sar-
avant J. G.
224. daigne ne fussent causez par les intelligences que les Carthaginois y conser-
Guerre en voient, & parles voïages presque continuels que leurs marchands y fiisoictit.
Ligurie & Rome donc des Ambaffideurs à Carthage, sous prétexte de demander
en Sardai- envoya
gne. les sommes dont on étoit convenu dans le dernier traité de paix, mais en effet
pour
pour sonder les dispositions de Carthage & pour luy faire connoitre le mé- XXXIÏT.
Ambassade
contentement où l'on étoit des mauvaïses impressions qu'ils donnoient aux des Ro-
sujets de la République, pour les engager dans la revolte. On joignit à cela mains à
des menaces & les Ambassadeurs Romains présentérent au Didateur de Car- Garthage.
thage un Caducée & un Javelot, pour marquer la paix ou la guerre. Le Zenar. 1.3.

...
ne prit ni l'un ni l'autre; mais repondit qu'il prendroit ce
,
Didateur qu'il plai-
roit aux Romains de lui donner. Depuis ce tems les deux Républiques usé-
rent de beaucoup de réserve l'une envers l'autre, & sans rompre la paix, on
vivoit sans confiance & sans liaison réciproque.
L'année luivante
_ Inbun au
*laminius rr..1 i peuple propoia
1 r de r
i taIre

le parcage. XXÆmi-
1 2. XIV.
de certaines terres prisés sur les Gaulois, & de les distribuer aux pauvres ci-lius Lepi-'
Ni.
le
toïens,quin'avoient aucun fond pour leur subsistance, Senat & la noblesse eltlS, & M»
s'opposérent au Tribun, & Flaminius, pere de celui-ci eut assez d'authorité Poplicius
pour faire descendre son fils de laTribune où il haranguait le'peuple sur cette malleolus

ger...
distribution. L'autorité paternelle fut respedée, & le peuple Romain ne Consuls. An de Ro-
s'émut point de voir imposer silence à un de ses Tribuns,par un pere respe-
me pI. du

..
étable. Cette affaire du partage des terres fut renouvellée quelque tems après M. 3 777-
par le tribun Carvilius, qui l'emporta contre la noblesse ; mais cette distribu- avant J. C.
tion irrita etrangement les Gaulois, qui prirent les armes pour s'en ven- Guerre 22?.
en
Sardaigne.
La guerre continua contre la Sardaigne, les onus y conduihrent,
eux _ -
leur armée & y firent le dégat; Mais ayant débarqué dans l'Isle de Corse,
les Insulaires pillèrent la flotte Romains & leur enlevérent les dépouilles qu'ils
avoient prises enSardaigne. Cette témérité ne demeura pas impunie. Les
Consuls de l'année suivante portérent la guerre dans l'une & l'autre Isle & xxxv.
forcérent les habitans qui s'étoient retirez dans des foréts & des rochers in- M.Pompo-
nius Ma-
accessibles, à se soûmettre à la domination de Rome. Papirius Maso celui tho, & C.
des Consuls qui avoit réduit l'Isle de Corse, n'ayant pu obtenir les honneurs Papirius r<
du triomphe, en prit de luy-même tout l'appareil & se rendit monté sur un Ma(b Coti-
char & couronné de myrte , au lieu de laurier, accompagné de son armée, suIs l'an du de
Jupiter situé d'Albe, rendre R. q22.
au temple de Latialis sur la montagne pour y ses M. 3778.
avions de graces à Jupiter, puis qu'on ne lui permettoit pas de les luy ren- avant J. G.
dre au Capitole; le peuple Romain ne punit pas cette entreprise, & dans la 222.
suitte elle eut des imitateurs. La Sar-
&
En Fabience des Consuls on nomma C. Duitius Didateurs pour, présider daigne l'isle de
à l'eleftion des Consuls, qui furent M. Æmilius Barbula & M. Junius Pera ; Carre soû*
les Gaulois Boïens toujours inquiets & mécontent avoient levé beaucoup de mires aux
soldats & traittoient sousmain avec les autres Gaulois de delà les Alpes.On dé- Romains.
couvrit que leur dessein étoit de marcher droit à Rome pour la surprendre, Z012ar. XX XVI.
/. 8.

dez quils saurçient que les Consuls avec leur armée, en ieroient sortis. Les M /Emilius
Consuls se mirent en campagne, & sans faire mention des Gaulois Boïens, Barbula, &
prirent leur marche vers là Ligurie. Les uns & les autres, je veux dire, les M. Junius
Gaulois & les Consuls se rencontrèrent en chemin, les Gaulois fort étonnez suls. Pera COll.
An
feignirent de vouloir joindre leurs forcesà celles des Romains contre les Li- du Rome
guriens & les Romains leur dirent qu'ils passeroient donc sur leur terres, pour 52?. du
avant J. G.aller à l'ennemi commun. Les Liguriens apparemment ne parurent pas en
221. campagne, & les Gaulois demeurérent en paix dans leur pays.
Guerre Dans le même'tems la République se trouva engagée à faire la guerre
contre les
Boïens & dans l'Illyrie. Agron Roy de ce pays avoit laissé en mourant un fils en bas âge
les Ligu- nommé Pinée, sous la tutelle de sa mere nommée Tenta. Cette Princelle
riens- avoit ordonné à ses sujets d'exercer la piraterie sur toutes les côtes & d'enle-
XXXVII. ver autant de place qu'ils pourroient, sans distinction d'amis on d'ennemis.
Guerre en
Illyrie Elle s'empara parce moïen de la ville de Phenlce dans l'Epire, d'où les cor-
Polyb 1. 2. saires faisoient des courses continuelles sur les Marchans Italiens qui tran-
uippian. in quoient dans la mer Adriatique. On en porta des plaintes au Senat, qui envoya
Illyrie. ambassade à la Reine pour s'en plaindre. Les Alnbasscldeurs furent écou-
Pofihu- une
L. assez de tranquilite, & Tenta leur répondit qu'elle donneroit les or-
mius Albi- tez avec
nus, & Cn. dres qu'on n'attaquât
plus les Romains par autorité publique, Mais qu'elle
Fulvius ne pouvoit empêcher que les particuliers ne tirassent de la mer tous les pro-
Centuma- fits qu'ils pourroient, que les Roys ne leur ôtoient point cette liberté. Cette
cius Con- réponse & l'air de fierté
suls. An que la Reine affecta dans l'audience qu'elle donna
deR. ,24. aux Ambassadeurs, porta le plus jeune de ceux-cy à luy dire avec une liber-
duM.373o. té qui n'étoit nullement de saison; Tenta, les Romains sont dans des principes
avant J. C. tout differents des vôtres. Ils répriment par des châtiments publics les torts
220. que les particuliers se font les uns aux autres, & ils prêtent leur secours à ceux
à qui l'on fait mjustice.
XS'X'XVW. Tenta piquée de ce discours fit suivre les Ambassadeurs & les fit affusfi-
La Reine On dit même qu'elle fit empoisonner tous ceux de leur suitte & fit pé-
Tenta fait ner.
massacrer rir par le feu ceux qui les avoient amenez sur leurs vaisseaux d'Italie en Illvrie.
les Ambar- Le Senat & le peuple Romain ne différèrent pas la vengeance de cet attentat.
sadeursRo- Ce fut en vain que la Princesse protesta qu'elle n'avoit aucune part au meur-
mains. tre commis sur les Ambassadeurs, & qu'elle étoit prête de livrer les auteurs
Polyb. /. 2.
du crime. Les promesses n'eurent point d'effets, quelques nouveaux succés
enflèrent le cœur de Tenta;elle fit entendre qu'elle ne livreroit pas les meur-
triers des Ambassadeurs; & elle eut l'imprudence d'attaquer l'Isle d'Issa, que
les Romains avoient prise sous leur protection.
On fit donc partir les Consuls pour faire laguerre à la Reine d'Illyrie.
Fulvius Centimalus s'embarqua sur une flotte de deux cens galéres & s'avança
vers l'isle de Corcyra nommée aujourd'huy Cursola, on Cursoli, fort diffé-
rente d'une autre Isle nommée aussi Corcyra, & aujourd'huy Corfou. Le
Gouverneur de Cursoli s'appelloit Demetrius, & avoit promis à Fulvius de
lui livrer & la ville & l'isle, dont il avoit la garde. 11 tint parole, & Fulvius
entra dans l'isle. Demetrius persuada de plus à Fulvius de faire le siége d'Ap-
pollonie, ville à lors célèbre par ses ecoles de belles lettres. Le Consul Ful-
vius l'assiégea par mer, pendant que son Collégue Posthumius l'attaqua par
terre. La ville ne fit que peu de résistance, & par sa prise les Romains se
trouvèrent en etat de pénétrer dans l'intérieur du Royaume d'illyrie.
XXXIX. Dyrrachium, nommée aujourd'huy Durazzo, située suries côtes de la
Prise de mer Adriatique,avoit failli d.étre surprise par les gens de la Reine Tenta. Leurs
Dyrra- vaisseaux se prélèntérent devant la place, & les Illyriens feignant d'y aller
chium par prendre
prendre de Il eâu, cachérent des armes dans les tonneaux qu'ils portérent dans les Ro-
la ville, & tout à coup prirent ces armes pour égorger les bourgeois. Ceux- Polyb. mains.
/.a-.
ci se défendirent & châtièrent les Illyriens. Quelque tems après ils revinrent
mettre le liège devant la ville. Ils y étoient encore, lorsque le Consul Fulvius
y survint avec sa flotte & fit lever le liège. Ceux de
Dyrrachium reçurent
garnison Romaine, & Demetrius qui s'étoit donné au Consul Fulvius, lui fut
d'un grand secours dans cette expédition,exhortant les peuples à entrer dans
l'alliance des Romains, & à secouër le joug de Tenta. La flotte Romaine ran-
geoit la côte de la mer Adriatique, pendant que l'armée de terre commandée
par Porthumius côtoyait le même rivage, & s'emparoit de gré ou de force de
la plupart des villes. Ils prirent entr'autres celle de Nutrie, qui leur coûta
bien des peines & bien de leurs braves soldats & officiers.
Les deux armées Romaines arrivèrent enfin à Issa, qui étoit assiêgée par
les trouppes de la Reine. A leur approche l'armée Illyrienne se diffipajssa se
rendit aux Romains, & vingt vaisseaux corsaires Illyriens qui venoient de
la Gréce chargez de butin, etant venus donner dans la flotte Romaine, fu-
rent arrétez & dépouïllez, tel fut le succés de la première campagne d'Il-
lyrie.
On choisit de nouveaux Consuls qui furent Spurius Carvilius & Q. Fa- XL.
bius Verrucosus ou MaximusiÏQ même qui fut déja Consul quatre ans auparavant. vilius Spur. Car-
&
On avoit laissé dans l'Illyrie Fulvius en qualité de Proconsul. Ce dernier con- Fabius Ver-
tint dans l'obeïssant les villes qui s'étoient rendues aux Romains & empécha rucosus
la Reine de rien entreprendre contre elles. Elle se vit bientost obligée An de Ro-
de se retirer dans une ville nommée Rhizon, d'où elle envoya une am- M. me du
baiTade aux Romains. Elle excusa comme elle put, les pirateries que sesgens 3781.
Roy avant J. C.
avoient exercées sur les côtes, & en rejetta toute la saute sur le feu son 719.
mary. Rome en crut ce qu'elle jugea à propos; elle accorda la paix, non Paix avec
à la Reine, dont-il ne fut pas fait mention dans le traitté, mais au jeune Roy, le Roy d'il.
quel imposa forme de tribut certaine somme année; lyrie.
au on 1°. par une par Polyb. 1 2.
2°. qu'il cédéroit à la République une partie de ses etats; 3°. qu'il ne pourroit Zonar. 1. 8,
envoyer plus de trois de ses vaisseaux ensemble & armez en guerre, au dela
de la ville de Lyssos, nommée aujourd'huy Alesio. Par ce traitté les Romains
demeurérent Maîtres des Isles de Corcyre, de Pharos, d'Issa, de la ville de
Dyrrachium & du pays des Atintanes.
Le Proconsul Fulvius ayant ainsy réglé au profit de la République les XLl.
affaires de l'Illyrie, envoya des Ambassadeurs auxEtoliens& enAchaïe, pour Ambafla-
des des
les informer des motifs qui avoient porté les Romains à porter la guerre en Romains
Illyrie, & du succés de cette guerre ; & pour leur faire connoître les condi- aux Eto-
tions de la paix qu'ils avoient conclue avec le Roy d'Illyrie. Cette ambassade liens, aux
fut fort bien reçue ; celle que le peuple Romain envoya dans le même tems peuples
à Athénes & à Corinthe ne le fut pas moins. Ces deux villes se tinrent fort d'Achaïe,
d'Athènes,
honorées de cette marque de distindion. Les Corinthiens accordérent aux & de Go-
Romains pour toujours une place honorable dans les jeux Isthmiques ; & rinthe.
Athènes leur accorda le droit de bourgeoisie, & la participation aux mystéres Polyb. 1. 2.
d'Eleusis. Les Romains pour témoigner qu'ils ne cherchoient point dans Zonar. /. g*
leur
leur aggrandiflsement&dans leur conquêtes, que de procurer le bonheur & la
liberté des peuples, rendirent la liberté à Apollonie, àCorcyre & à quelques
autres ; ce qui leur acquit l'estime & l'affection des Grecs.
XLII. On ne voit pas que les Consuls de cette année ayent fait aucune entre-
Limites des
prise remarquable. En Espagne Asdrubal gendre & successêur d'IIamilcar
2. empires poussait ses
de Cartha- conquêtes autant & plus par la force de la persuasion, que par celle
ge & Ro- des armes. Rome prit ombrage de ces progrés si grands & si rapides. Elle
me, à l'E- députa & à Carthage & à Asdrubal, pour fixer les limites de l'empire de Car-
bre en thage au dela desquels il ne leur seroit pas permis d'avancer. Il fut arrêté
E.spagne. ,
d'un commun consentement que la riviére d'Ebre seroit en borne des deux
empires & que la ville deSJgunte située entre l'Ebre & l'Espagne Carthaginoi-
se, demeureroit en paix & demeureroit neutre.
Y LUI Les Consuls qui succédérent à ceux que nous avons veus, ne furent pas
P. Valerius plus occupez au dehors que leurs prédécesseurs. 11 paŒoitpour confiant que
Flaccus & les Gaulois & les Liguriens sepréparoient à faire la
M. Attilius guerre, & qu'ils formoient
Regulus une puissante confédération entr'eux & les
Gaulois de delà les Alpes. Ro-
Consuls. me contre son ordinaire, au lieu de les prévenir, faisoit ses préparatifs pour
An de R. les recevoir, au cas qu'ils vinssent attaquer Rome. La terreur du nom Gau-
121. du lois seul faisoit encore impressions sur les Romains. On faisoit courir parmi
M. 3782. le peuple espéce d'oracle qui portoit que le tems viendroit que les
avant J. C. une ,
218. Gaulois & les Grecs se rendroient maîtres de Rome. On craignoit que le
Un Gaulois tems fatal ne fut arrivé. Pour guérir les esprits du peuple les Decemvirs
& uneGau- préposez pour la garde & i'inspeftion des livres Sybillins ordonnèrent que
l< ,ii"e, un
&
l'on enfouït tout-vivans un Gaulois & une Gauloise,un Grec & uneGréque,
,
Grec
Gré- & que par la on accompliroit la prophétie, & on eloigneroit de la ville ce-
une de fâcheux. La choie s'exécuta ; & cette
que , en- que l'oracle pouvoit lui prédire
fouis vi- révéré République n'eût point de honte d'eluder par une cruauté inaüe, une
vais à Ro- prophétie qu'elle croyoit vraie; ou si elle ne la croyoit pas vraïe, pourquoy
me.
Oros. 1. 4. se jouïr de la
religion, de la crédulité du peuple & du sang innocent?
c. 13.
Comme les Gaulois ménaçoient d'innonder l'Italie d'une multitude in-
nombrable de gens de leur nation, aussi Rome mit sur pied la plus nombreuse
Tit. Liv. armée qu'on eut encore veuë dans ce pays. TiteLive dit qu'il y avoit jusqu'à
Epitom. /. trois cens mille hommes des peuples du Latium & des alliez. Pline, en met
20. Plin. 1- quatre vingt mille chevaux ,& sept cens mille hommes de pied sans les troup-
3. c. 20.
Oros. 1. 4. pes auxiliaires; Fabius qui avoit été à cetté guerre & qui elt cité dans Orole,
e.i?.Polyb fait l'armée Romaine de trois cens mille hommes. Polybe dans le dénom-
J. 2. brement qu'il en fait, fait monter le nombre des soldats tant Romains que
des alliez, à sept cens mille hommes de pied, & soixante & dix mille Che-
vaux. Les Gaulois avec tous ce qu'ils avoientpu ramasser de secours de leurs
alliez, ne passoient pas cinquante mille hommes de pied & vingt mille Che-
vaux. Les Cenomanes & les Venetes, peuples Gaulois d'origine abbandon-
nérent les Boïens & se joignirent à l'armée Romaine, les Gaulois de dela les
Alpes n'étoient pas encore pastez. L'impétuosité Gauloise ne se donna pas
le loisir de les attendre. Ils se mirent en marche & s'avançant à Travers l'E.
trurie, ils prirent le chemin dç Rome. Les Gantes ouGauloisTransalpiro
lv?«
tes joignirent en chemin & leur aménérent un renfort montànt au moins à
deux cens mille hommes, commandez par deux Roys de leur nation , Con-
colitan, & Ancroëste.
Les Consuls de l'année étoient P. iEmilius Papus, &C Attilius Regulus XLlV.
jîs furent dessinez l'un , savoir Attilius , pour aller pacifier la Sardaigne, & L. jflïiniiius
Æmilius, s'opposer Gaulois, qui étoient marche Papus, de
l'autre savoir pour aux en G. Attilius
pour venir à Rome. Les Consuls avoient partagé leurs forces en trois corps, Regulus
l'un étoit parti pour la Sardaigne sous la conduitte du Consul Attilius, le sé- Con(u!s.
cond sous le commandementd'iEmilius, étoit allé du côté d'Ariminum, sur An!deR.
la mer Adriatique, dans la crainte que les Gaulois ne prissent leur route de ce 12 8. du m.
378$.avant
côté la, le troisiéme commandé par un Préteur , dont on ignore le nom, J. G. ai7.
«voit pris la route d'Etrurie. Bataille
Les Gaulois Boïens & les Goesates de delà les Alpes, s'étoient réunis, entre les
& etoient entrez ensemble dans l'Etrurie, faisant le ravage par tout où ils les Gaulois &:
Ro-
passoient. Ils arrivérent à Clusium, qui n'étoit qu'à trois journées de Rome. mains.
Le Préteur Romain ne s'etant pas trouvé sur la même ligne que les Gaulois Poîyb. /. "i
dans leur marche, les suivoit en queuë, puis tout d'un coup prenant ûn dé-
tour, il marcha vers Fesules, comme pour se rapprocher du Consul jEmilius,
& mettre les deux armées à portée de se joindre. Les Gaulois qui brûlaient
d'envie d'en venir à une bataille, suivirent le Prétenr, & les deux armées se
trouvèrent presque à la veuë l'une de l'autre vers le coucher du soleil. Les
Gaulois postérent leur Cavalerie assez prés des Romains, & envoyérent leur
Infanterie du côté de Fesules. C'étoit un statagéme pour attirer l'armée Ro-
maine hors de ses retranchemens & l'engager au combat.
Le lendemain le Préteur croyant n'avoir à faire qu'à la Cavalerie Gan-
loise, fait sortirson armée des retranchemens. Les Cavaliers Gaulois aprés
un leger combat, se retirent vers Fesules & joignent leur Infanterie. Les Ro.
mains les poursuivent à perte d'haleine. Ils trouvent enfin toute l'armée
Gauloise, Cavalerie & Infanterie prête à les recevoir. Du premier choc les
Romains perdent six mille hommes, & la partie n'étant pas égale, ils se re-
tirent sur une montagne voisine, où ils se retranchent pour y passer la nuit.
L'infanterie Gauloise se retira dans son camp , & la Cavalerie seule de- XLV.
investir les Romains. Ceux-cy pendant la nuit Le Consul
meura pour ayant apperçu iEmilius
à
des feux une certaine distance, conjecturèrent que ce pouvoit être l'armée tire les Ro-
du Consul jEmilius, en effet le Consul ayant appris que les Gaulois avoient mains du
pris leur route par l'Etrurie,marcha de ce côté-la,pour les arrêter dans leur danger &
marche. Dez-qu'on fut assuré par les espions qu'on avoit envoyez à la dé- poursuit
les Gau-
couverte, qu'1Emilius étoit à portée, les Romains qui étoient investis sur lois.
la montagne, se raflurêrent. Les Gaulois au contraire se trouvérent dans
une grande perplexité. Dans une assemblée que leurs Chefs tinrent entr'eux;
Ancroëste l'un des Chefs fut d'avis de retourner en arriére, de mettre en seû-
reté dans quelques unes des provinces qui leurs obeïssoient, les bestiaux &
autre butin dont leur armée étoit chargée, sauf aprés cela de revenir sur les
terres des Romains. Ce Conseil fut approuvée sans délibérer ils décampèrent
& reprirent le chemin de leur pays, en suivant la côte de la mer d'Etrurie.
'JrLrll. Le Consul Ætl1ilius ayant joint à son armée, celle qui étoitcommandée
le Consul par lePrêteur, se mit àsuivreen queuë les Gaulois, assez content d'avoir
Attilius
éloigné de Rome un ennemi il redoutable. Dans le même tems le Consul
renconrte Attilius
lesGaulois. aprés avoir pacifié laSardaigne,repassa promtement en Italie, & vint
Bataille . sans y penser donner dans l'armée Gauloise, qui suivoit en retournant, la
générale. même route qu'il suivoit en venant vers Rome. Il apprit de quelques prifon-
Les Gau- ses coureurs, que les Gaulois s'en
lois sont niers Gaulois, qui lui furent amenez par
défaits. retournoient dans leur pays; que le Consul iEmilius les suivoit en queue,
& que bientost il les auroit sur les bras. Attilius aussitôt range son armée prés
le port de Talamondansl'Etrurie. Ildispose son Infanterie sur un aussi grand
front que le terrain le lui permet, & avec sa Cavalerie occupe une hauteur
par où l'armée ennemie devoit nécessairement passer. Bientôt les Gaulois
apperçurent la Cavalerie Romaine postée sur Peminence dont on a parlé. Ils
crurent d'abord que c'étoit£niilius qui avoit fait prendre les devants à quel-
ques escadrons pour les attendre au passage; &à l'iiistant ils la firent attaquer
& en firent perir un grand nombre.^
Æn1ilius savoit que son Collègue étoit arrivé en Italie, & avoit pris
terre à Pise ; mais il ne sçut qu'il étoit aux prises avec les Gaulois, que quand
il apperçut de loin les apparences d'un combat, dans le moment ii^ fit mar-
cher sa Cavalerie au secours de celle d'Attilius, qui étoit mal menée par les
Gaulois. A son arrivée le combat se ralluma avec plus de chaleur, qu'aupa-
ravant. Le Consul Attilius y perdit la vie,& l'on s'y battit de part & d'autre
avec toute la valeur possible. A la fin la Cavalerie Romaine demeura en pos-
session du terre contesté.
Pendant ce choc l'Infanterie Gauloise se rangeoit en bataille. Attaquée
de front par Attiiius, & en queuë par iEmilius, elle fit face des deux côtez.
Les Gœfates ou Gaulois venus de dela les Alpes, s'etant apperçus que la
campagne où ils étoient rangez, étoit parsemée de ronces & d'epines, &
craignant que s'attachant à leurs habits elles ne les empéchassent de com-
battre, ils se dépouïllerent & parurent presque nuds devant les Romains.
Le Consul Æmilius fit avancer contr'eux ses gens de traits, qui en firent un
grand carnage & les mirent en déroute. Après cela les legions Romaines
donnérent sur les autres Gaulois qui se trouvérent mieux couverts, & par la
plus en état de résister.Mais la différence des armes dont ils se servoient, con-
tre celles des Romains, leur portérent un grand préjudice. Les Romains
étoient armez d'epées d'un bon acier, bien trempées & propres à pointer.
Les Gaulois au contraire n'avoient que des sabres de mauvais fer, saciles a
s'émousser & ne frappant que du trénchant. Cette différence donna une
grande supériorité aux Romains, & les Gaulois commençoient à plier, tant
du côté de l'armée d'Attilius, que de celuy du Consul iEmilius. Dans ce
moment la Cavalerie Romaine qui jusqu'à lors étoient demeurée sur la hau-
teur, vi'nt fondre sur les bataillons Gaulois & acheva leur désaitte. prison-Il en
demeura quarante mille sur la place; plus de dix mille furent faits
niers avec Concolitan l'un de leurs Roys. Le reste se sauva par la suitte,
Ancro-
Àticroëfte l'autre de leurRoys, se tua de désespoir apres la perte de la ba-
taille, & plusieurs de ses Officiers en firent de même.
Æmilius conduisit son armée viftorieuse dans le pays des Gaulois Boïens
premiers auteurs dela guerre & l'abbandonna au pillage de ses soldats, à son
ce qui leur avoit été enlevé par les Gaulois,
retour il fit rendre auxEtrurienstriomphe.
puis il rendra dans Rome en Les Gaulois avoient, dit-on, fait
de quitter leurs Baudriers, qu'ils ne se sussent rendus maîtres du
voeu ne pas
Capitole. Le Consul voulut qu'ils parussent à la cérémonie de son triomphe
leurs Baudriers, & on les en dépouïlla au Capitole en dérision de leurs
avec
présomption. On suspendit au temple de Jupiter Capitolin une infinité de
braflTeléts & de colliers d'or, & d'etendards pris lur l'ennen11.
La guerre contre les Gaulois Boïens fut continuée pendant la campagne T.XLV1L Manlius
suivante sous les Consuls Tit. Manlius Torquatus, & Q, Fulvius Flaccus. Ils
achevèrent d'y ruiner l'armée Torqua-
s'avancèrent dans pays le ennemi, & ce que tus , & Q_
d'JEmilius y avoit épargné l'année précédente. Les Boïens se sournirent aux Fulvius
Romains; mais les Consuls empêchez parlapeste qui se mit dans leur armée Flaccus Consuls.
furent obligez de demeurer en campagne & ne pûrent affilier à l'élection des
On cette fondion Dictateur Cæcilius Me- An de R.
nouveaux Consuls. nomma pour f29. du M.
tellus, qui étoit àlors aveugle, ainsy qu'on l'a remarqué cy-devant.
5 784. avant
Les nouveaux Consuls furent C. Flaminius Nepos, & P. Furius Philus. J.S-216.
Ils allérent se mettre à la tété des armées Romaines, passérent le Po, & aprés Les Gau-
lois Boïens
divers combats contre les Gaulois, ils furent contraints de repasser le fleuve fournis aux
& de se retirer chez les Gaulois Cnomanes leurs alliez ; Dela ils rentrérent Romains.
dans le pays ennemi où ils trouvérent les Gaulois armez & prêts à leurlivrer XLVilla
bataille. Ces peuples avoient tiré de leurs temples leurs enseignes dorées, qu'ils C. Flami-
nommoient immobiles , parcequ'ils ne les remuoient que dans les dernières nius Nepos
& P. Furius
necessité. PhilusCon-
En ce même tems les Consuls reçurent des lettres du Sénat, qui sous suls. An de
prétexte qu'il y avoit eu quelque défaut de religion dans leur élection, leur R, 13o. du
ordonnoit de revenir à Rome & d'abdiquer le Consulat. Avant que d'ouvrir M. 378?.
J.
lettres, ils résolurent de livrer la bataille aux ennemis; aussi bien n'au- avant G.
ces 21
roient-ils pu faire leur retraitte devant une armée de cinquante mille Gau- Polyb. 1. 2,
lois, sans s'exposer à périr. Ils livrèrent donc le combat, & les Tribuns Les deux
militaires ayant fait prendre à leur premiére ligne les armes des triaires, qui Consuls
étoient des espéces de demies-piques ou de hallebardes, ils rendirent inuti- rappeliez. Victoire
les les sabres des Gaulois; & comme ils savoient que le Gaulois n'a guére remportée
impétuosité, ordonnérent
que le premier feu & la premiére si prés, qu'il ils pût se servir deaux soldats sur IcsGau-
Romains de joindre l'ennemi de ne son sabre, lois.
qui n'est bon qu'à frapper de haut, & d'employer contre lui l'epée qui de-
couvre moins son homme. & porte son coup à la gorge ou à la poitrine-
Ces précautions produisirent un effet merveilleux ; Les Gaulois furent
entièrement défaits. On leur fit environ dix sept^mille prisonniers & on
leur tua un grand nombre de soldats. Aprés la bataille les Consuls ouvri-
rent les lettres du Senat, qui leur ordonnoit de quitter leur entreprise & de
rpnnncer au Conlulat. Les deux Consuls furent d'avis différent, Furius plus
timide demeura dans l'inaction avant comme après le combat. Flaminius
plus entreprenant entra dans le pays ennemi, le livra au pillage de son armée,
prit quelques villes & quelques chateaux puis rejoignit son Colégue avec
lequel il se rendit à Rome. Le peuple gagné ,
par les légionaires, à qui Fla-
minius avoit abandonné le pillage de I'Iniùbrie décerna le triomphe aux
deux Consuls. Le Senat indigné les obligea de, se démettre de leur dignité
avant l'expiration de leur année,
XL1XJ Ceux qui leur succédérent furent M. Claudius Marcellus & Cn. Cor-
M. Glaudi- nelius Scipio. Au commencement de leur Consulat les Gaulois ,
Insubriens,
Marcel- qui on avoit fait la guerre l'année précédente, envoyèrent à Rome de-
lus, & Cn. contre
1iS

Cornélius mander la paix. Les Consuls ne crurent pas qu'il fût de l'intérêt de la Re-
Scipio publique de la leur accorder. Peut-être un peu de retour sur eux-mémes, &
Consuls. le désir de s'acquérir de la gloire par leur défaite; influérent surie refus qu'on
An de Ro- fit de leur demande. Les Gaulois Insubriens implorèrent le secours de leurs
me ni. du anciens compatriotes, & il leur vint delà
M. 3786. un secours de trente mille hommes
avant J. 6. commandez par Virdomare.
214. Les deux Consuls passérent le Po, & s'attachèrent au siége d'Acerres»
guerre ville peu éloignée de Cremone. Les Gaulois dont l'armée étoit d'environ
contre les mille hommes depuis la jondion de Virdomare, au lieu d'atta-
Gaulois quatre vingt
Insubriens. quer les Romains devant Acerres , passérent le Po & firent le dégât dans la
l'olyb. 1. 2. Ligurie intèrieure.qui appartenoit aux Romains. Marcellus avec un déta-
Plutllrcb. chement de moitié de sa Cavalerie & d'une partie de son Infanterie armée à la
inMurceUo. légère, abandonne le soin du siége à son Collégue & se
111et à suivre Virdo-
mare, il l'atteignit prés Clastidium & ne craignit point de lui livrer bataille,
Virdomare qui étoit jeune vigoureux adroit, bien armé se détache de sa
L. trouppe& vient entre les deux , ,
armées défier Marcellus à un ,combat singulier.
Ti&oirede Marcellus
Marcellus accepte le défi , & son cheval à la veuë de l'ennemi ayant fait la
contre Vir- demie volte; Il la lui fit faire entiére, puis il adora le Soleil,comme s'il n'eut
domare fait ce mouvemant que pour rendre ses hommages à cet astre & de peur
Gaulois. que les siens ne prissent en mauvais augure ce qui lui étoit arrivé. ,
Puis
courant à Virdomare à toutes brides , il luï perce la cuirassc d'un coup de
lance, lui en,fonce le fer dans la poitrine, & poussant son cheval contre celui
de son ennemi, il le fait reculer, renverse Virdomare, le tue à coups redoub-
lez, & le dépouille à la veuë des deux armées, & en même tems il fait voeu
de consacrer ces dépouïlles à Jupiter, & animant ses gens par son exemple,
ils donnent sur les Gaulois, les poussent & les mettent en fuite.
Pendant son absence Cornélius Scipio son Collégue avoit emporté la
ville d'Acerres & étoit allé faire le siége de Milan qui dés lors étoit très-
,très-forte. Les Gaulois
grande ville & répandus autour de l'armée Romaine
latenoient comme assiégée. A l'arrivée de Marcellus,. ils se retirérent)repas-
iérent les Alpes & abandonnèrent Milan aux Romains. Après la reddition
de cette ville comme se rendit aussi & enfin toute l'Infubrie & la Ligu-
rie, qui furent ,réduite: au rang des Provinces Romaines, & Rome envoya
des colonies à Crémone & à Plaisance pour s-assûrer des peuples de ces
,
païs.
Pour
Pour le coup la République se vit maîtresse de toute l'Italie ; Le tri- Ll
omphe de Marcellus fut remarquable par la multitude de Gaulois ou de Triomphe
Germains , qui en faisoient l'ornement & par la quantité de colliers & de de Marcel-
brasfeléts d'or qu'on avoit pris sur ces peuples, & qui se portoient entassez les.
sur des brancards. Marcellus monté sur son char de triomphe portoit d'une
main la palme & de l'autre un trophée appuyé sur ses épaules. Ce trophée
n'étoit autre chose qu'un trônc d'arbre ébranché& chargé des armes de Vir-
domare. Ces dépouïlles furent déposées dans le Temple de Jupiter Feretrien;
On fit ensuite le partage des choses prétieuses prises sur les Gaulois. On en
envoya par présent à Hieron Roy de Syracuse ancien ami de la Republique
& à d'autres villes alliées de Rome; Enfin on envoya au Temple d'Apollon
Pythien à Delphes une couppe d'or de grand prix » qui fut faite des mêmes
dépouïlles.
Aprés la conquête de l'Italie entiére & des Isles voisines, la Republique LU.
sembloit devoir demeurer en paix; Mais l'ambition ne dit iamais, c'est assez: M. Minuti- Rufus,
Les Iftriens situez entre les Gaulois & les Illyriens , ne devinrent pas sages us & P. Cor-
au dépens de leurs voisins.Ils armèrent en course & firent quelques prises sur nelius Sci-
les Romains. C'en fut assez pour leur faire la guerre. Leur pays étoit à la pio Asina
bienséance des Romains pour joindre l'Italie avec l'Illyrie. Les deuxCon- Concis. de R.
,
suls de l'année partirent pour l'Istrie & en firent la conquête dans une seule An du M.
campagne. On ignore les circonstances de cette guerre. 3786.
L'année suivante les Consuls marchérent dans la Gaule Cisalpine , & avant J. C.
achevérent d'y assûjettir tous les peuples, qui n'y reconnoissoient pas encore 214.
la domination Romaine. On remarqua quelque défaut dans leur éledion, Guerre
& on les contraignit d'abdiquer avant l'année expirée. Ce fut cette année contre
l'istrie.
que l'on batit le Cirque de Flaminius & que l'on fit le chemin qui porca le Tit. Liv.
même nom, via fiaminia, le même Flaminius Censeur fit le dénombrement du 1. t Epitom.
peuple Romain, qui se trouva monter à deux cent soixante & dix mille deux Oros. 1. 4.
c. 1?.
cent treize citoïens capables de porter les armes. LUI
Demetrius surnommé Pharos , qui avoit trahi la Reine Tenta & avoit L. Veturius
rendu de si bons offices aux Romains pour réduire l'Illyrie sous leur obéïs- Philo & C.
sance, en avoit été récompensé par la charge de tuteur du jeune Roy Pinée, Lutatius
& par la qualité de Regent du Royaume, que les Romains lui avoient pro- Consuls. de R.
curée. Cet homme oubliant qu'il leur devoit toute son élévation & sa for- An 3;. du M..
tune, entreprit de leur enlever les Antiates qui s'étoient donné à eux , de ?787-
s'arroger la souveraine autorité dans TIllyrie , & d'envoyer contre le traitté, avant J. <5.
cinquante Galéres au delà de Lyssos, pour aller piller, ou mettre à contribu- Zonar. 21?.
1, 8.
tion les Isles Cyclades. Le Senat informé de ces infradions des traittez, en- Cuerre en
voya contre Demetrius les deux nouveaux Consuls qui furent M. Livius Sa- Hlyriecon.
linator, & Lucius Æmilius Paulus. Ils s'attacherent d'abord au siége de Di- tre Deme-
male que Demetrius avoit fortifiée & dont il vouloit faire une place impre- trius rie
nable. Emilius qui paroit avoir eu la plus grande part à cette expédi- Pharo LIV.
s.
tion , s'y prit avec tant de vigueur, qu'il emporta la place en sept jours de M. Livin3
tems. Salinator &
C 3 Cette L. iEmilius
Pau! us
Consuls.
' Cette conquête lui valut le recouvrement de toute l'Illyrie,qui se rangea
volontairement sous les loys du vainqueur. Pharos patrie de Démetrius,
An de R.
134. du M.
étoit sa derniére reiïource; Le Consul résolut de la lui enlever. On l'atta-
?788. qua par mer & par terre; mais on usa de stratagème. Æmilius fit débarquer
avant. J. G. secretement pendant la nuit une partie de se s troupes, qui se tinrent cachées
212. dans des bois & derrière des rochers. Cependant il abborda prés Pharos
LV.
Revolte de avec son Collégue & la plus grande partie de l'armée. Demetrius & les
l'Illyrie siens parurent sur le rivage pour empêcher le débarquement de l'armée.La
causée par garnison de Pharos en fit de , même & laissa la place dégarnie. En même tems
Demetrius les légionaires débarquez pendant la nuit s'emparèrent d'une hauteur située
de Pharos.
Polyb. 1. entre le port & la ville & coupèrent à Démetrius Sr à la garnison le retour
dans la place. Démetrius aussitost marche aux Romains qui ténoient la
LVI. hauteur dans le dessein de les en châtier. Mais ils tinrent ferme & se batti.
Demetrius rent assez longtems pour donner aux Consuls le loisir de débarquer leur
cst vaincu troupes. Alors les Illyriens se voyant attaquez en teste & en queue, prirent
& obligé la suitte
de prendre comme ils purent, & Demetrius se jetta dans une barque qu'il te-
la fuite. noit toujours prête, & se retira chez Philippe Roy de Macédoine san ami, &
qui lui avoit des obligations essentielles.
Pharos fut prise & abandonnée au pillage ; les Consuls la rasérent &
laissérent l'Illyrie au jeune Roy Pinée, qui n'avoit point eu de part à la ré-
volte de Demetrius, mais on ajoûta quelque nouvelle charge, à celles qu'on
lui avoit imposees sous la Reine Tenta sa mere,
On avoit été jusqu'alors à Rome sans chirurgien de profession. Chacun
LVII. traittoit ses playes & ses maladies par des remèdes simples & communs
Chirurgien y
à Rome qu'on tenoit dans les familles par tradition, & qu'on se communiquoit de,
pour la main en main, & de maison en maison. Ce fut un nommé Archagathe fils
première deLysanias sorti du Peloponese qui étant venu offrir ses services aux Ro-
fois. ,
-Plin. 1.2 9.
mains, fut reçu à bras ouverts. On lui bâtit une boutique au frais du public
& il fut d'abord en grande vogue. Dans la suite on rabbattit beaucoup de
e. j.
l'estime qu'on avoit d'abord concuë pour lui. Les Romains ne purent s'ac-
coutumer à sa maniére de traiter les blessez, il leur faisoit de larges & pro-
LTTlIl.
sondes incitions, ce qui lui fit donner le surnom de boucher.
Démoli- Dans le même tems le Senat ordonna la démolition des Temples d'Isis
tion des & d'Osiris, Divinitez Egyptiennes, qui depuis quelque tems s'êtoient intro-
Temples duites dans la ville. Nul ouvrier ne voulut prêter sa main pour faire cette
des Dieux. démolition, tant la superstition avoit dejà fait de progres. Le Consul Æmi-
Egyptien. prendre sur soy l'exécution der ordres du Senat. Il quitta
Val. Max. lius fut obligé de
1.1. c. 3. sa robbe Consulaire & brisa à coups, de coignées le sanduaire de ces fausses
& nouvelles Déïtez.
LIX. Après la mort d'Hasdrubal, les Carthaginois confiérent le commande-
Premiers ment de leur armée au jeune Annibal fils d'Amilcar le plus grand ennemi
,
exploits des Romains. Annibal pouvoit avoir alors vingt sept ,ans. Il fit d'abord la
d'Annibal.
Polyb. 1. ?. guerre aux
Olcades , peuples d'Espagne assez voisins de l'Ebre ; ce fleuve
Liv. 1.21. étoit, comme on la veu, la barriére entre les Romains & les Carthaginois.
î.pitom. Par la conquête du païs des Olcades , il se rendit maître des riches mines
d'argent
d'argent de ce païs. Il passa l'hyver à Carthage la neuve, & y gagna le
coeur de ses soldats par ses libéralitez. La seconde campagne fut employée
contre les Vaccéens., autre peuple d'Espagne , dont le pays est arrosé par le
Duero. Les habitans des principales villes de ce pays les abandonnérent,
& se jettérent dans le pays des Carpetans, situez entre le Tage & l'Anas.
Les Vaccéens, les Carpétans & les Olcades, qui avoient quitté leur païs, LX.
formèrent ensemble une confédération contre Annibal & mirent sur pied Vaccéens DéfaitécJçs
une armée de cent mille hommes , qui se posta sur les bords & au delà du & des Car.
Tage, pour y attendre Annibal & lui livrer la bataille. Ce Général attendit pctans.
que les confédérez se furent retirez dans leur retranchemens, & pendant une
sombre nuit il fit passer le fleuve à ses troupes dans une endroit guéable.
Les alliez prirent ce mouvement pour un effet de crainte de la part d'Annibal,
& s'imaginérent qu'il n'avoit passé le fleuve que pour le mettre devant soy,
& les empêcher de venir à lui ; Ils se jettérent donc précipitamment dans
l'eau, & sans attendre les ordres de leurs commandans ils marchèrent droit
aux Carthaginois.
Annibal ?voit fait entrer sa Cavalerie dans l'eau & l'avoit placé à une
petite distance de l'un & de l'autre bord, pour arrêter Pennemi dans l'eau
même, & l'obliger à combattre dans un endroit si peu commode. SesElé-
phans au nombre de quarante défendoient le rivage de la rivière, & derriére
eux étoit rangée l'Infanterie. On peut juger par cette sage disposition, si les
Espagnols purent re"sister. Il en périt un trés grand nombre dans le lit du Tage.
Ceux qui purent gagner le rivage, furent écrasez sous les pieds desEléphans.
Le reste de l'armée confédérée fut contrainte de regagner le bord d'où elle étoit
partie. Annibal ne lui laissa pas le loisir de se rallier. Il fondit sur eux &
dissipa l'armée Espagnole. Tout le pays des Vaccéens & des Carpétans de-
meura assujetti à la domination Carthaginoise,
On aveu cy-devant que Sagunte avoit été expressement exceptée dans LXI.
le traité que les Romains firent avec Carthage au sujet des limites que les Siège de
,
deux peuples s'étoient volontairement préscrittes. Annibal sans avoir égard Sagunte
traittez vint le siége devant ville. Au premier bruit par Anni-
aux mettre cette de cette pal.
entreprise, Rome résolut de faire partir une ambassade pour détourner Anni-
bal du siége de Sagunte; & au cas qu'il ne voudroitpas écouter les Ambas-
sadeurs, pour passer jusqu'à Carthage & pour y demander justice de l'infrac-
tion des traitez. Pendant que Rome délibère & que les; Ambassadeurs se di-
sposent à partir, Annibal pousse vivement le siége de Sagunte & lorsqu'ils
,
furent arrivez à son camp, il leur fit dire qu'il n'avoit pas le tems de les en-
tendre. Les députez passérent à Carthage où ils ne furent pas mieux reçus,
Carthage étoit alors partagée entre deux fadions celle d'Hannon & celle
,
d'Amilcar sur nommé Barca, Pere d'Annibal ; Cette derniére fadion avoit
pris le dessus, & les sages remontrances d'Hannon ne furent pas écou-
tées.
Cependant le siége de Sagunte continuoit avec beaucoup de vigueur.
Annibal l'attaquoit par trois endroits. La plus forte attaque fut du côté où
les murailles s'avancent en angle vers un vallon, où il étoit aisé de dispose*
des
des trouppes en bataille. Annibal avoit envie d'abbattre cet angle à coups de
bélier. Il n'y réüssit pas, les assiégez défendoient cet endroit d'une haute
tour, d'où ils lançoient une infinité de dards sur les Carthaginois & les em-
pêchoient d'approcher.Annibal qui se trouvoit par tout, fut blessé d'un coup
de Javelot à la cuisse, ce qui donna quelque relache aux assiégez.
Bientost on recommença à les attaquer avec plus de fureur qu'aupara-
vant, à force de machines & de travaux les Carthaginois avoient abbatu un
grand pan de murailles avec trois tours qui en faisoient la défense. La bréche
étoit si vaste, qu'on s'y battoit en bataille rangée. Le courage des Sagun-
tins suppleoit à leur nombre; Car l'armée Carthaginoise étoit de présdecent
mille hommes, & les Saguntins étoient beaucoup moins. Ils se servoient
d'une sorte de pertuisanne nommé Phalarique ; elle étoit d'environ trois
pieds de long; La partie ou le fer le joignoit au manche , étoit enveloppée
de filasse enduite de bitume & de poix rét1ne , on y mettoit le feu , puis on
lançoit ce Javelot. Le fer perçoit le bouclier & blessoit le soldat contre le-
quel il étoit posté, & le feu brûloit & écartait l'ennemi. Par ce moyen les
Saguntins éloignérent les Carthaginois de leurs murailles,& les firent rentrer
dans leur-camp.
Les assiégez profitérent de cet interval pour réparer les bréches &pour
construire un nouveau mur en la place du premier. Annibal retourna à l'at-
taque de la place avec plus de vigueur que jamais , & fit présenter l'escalade
de tous les côtez de la ville. Les ailiégez se défendirent avec toute la force
qu'inspire la fureur & le désespoir. Annibal fit abbattre les nouveaux murs
que les Saguntins avoiez rebatis à la hate ; Ceux-ci firent de nouveaux re-
tranchemens dans le coeur de leur ville , & s'y défendirent le mieux qu'ils
purent. Dans cet entretems Annibal fut obligé de quitter le siége pour al-
ler réduire les Orétans & les Carpétans, qui s'étoient soûlevez; mais il laissa
en son absence la conduite du siége à Maharbal. L'émotion de ces peuples
fut bientost appaisée, & Annibal revient au siége. Il attaqua la ville haute de
Sagunte ; & y gagna quelques poiles où ses gens se logérent.
LXll. Un Saguntin de condition nommé Alcon s'échappa de la ville & vint
Prise d.e de son chef proposer à Annibal des moïens d'accommodement. Annibal
Sagunte. n'accorda rien
que sous des conditions insuportables. Alcon n'osa les rap-
porter à ses compatriotes ni rentrer dans la ville. Un autre soldat Espagnol
nommé Alorcus qui servoit dans Parmée Carthaginoise , entre dans la ville,
parle au Senat, leur conseille de se rendre à Annibal, qui offroit de leur don-
ner la vie, de leur céder leur campagnes, pour y bâtir une nouvelle ville, &
qui ne demandoit la ville de Sagunte, que pour la ruiner de fond en comble.
Les Sénateurs sans s'expliquer sur la résolution qu'ils avoient prise , ordon-
nérent au peuple d'apporter tout l'or & l'argent qu'ils avoient en particulier,
tout ce qu'il y en avoit dans le trésor public, &quantité
l'ayant mis en un tas dans la
de bois & y mirent le
place publique, y firent apporter une grande
feu. Plusieurs même s'y élancérent & y périrent. Ceux qui aimèrent mieux
vivre ne se réservérent que pour faire achetter leur vie aux Carthaginois. Ils
se défendirent dans les débris de leur ville en désespérez, & quand l'ennemi
s'et
s'en fut rendu maitre , ils mirent le feu dans leurs maisons & s'y brûlèrent
avec leurs femmes & leurs ensans.
Telle fut la fin du siége de Sagunte, qui
le défendit pendant six mois avec un fermeté & un courage, qui a mérité les
éloges des anciens, sur tout des Romains , qui ne peuvent se lasser de louër
sa consiante fidélité. LXIII.
Annibal avoit commandé de faire main basse sur tout ce qui auroit at- Annibal se
teint l'âge de puberté, & de sacager la ville. Le soldat y trouva encore de dispose à
,grandes richesses, & le Général en ramassa de quoi saire de grandes libérali- faire la
tez & à ses troupes & à ceux de son parti à Carthage. Par là il se disposoit guerre Romains.
aux
aux grandes entreprîtes qu'on verra bientoit. 11 ne longea plus après cela
qu'à porter la guerre en Italie , & à contenter l'extréme averlion qu'il avoit
conçuë contre Rome. Il laissa à son frere Asdruballecapables gouvernement de l'E-
fpagne & lui donna une flotte &des troupes de terre, de résisteraux
Romains, au cas qu'il leur prit envie de faire une descente en Espagne ; Il
fit passer en Afrique , les Espagnols qui servoient en Espagne ; & en Espagne
les Africains qui servoient en Afrique,afin de s'assûrer de leur fidélité & de leur
attachement,il laissa en Espagne environ douze mille hommes de pied,&deux
mille cinq cens chevaux,& fit passer en Afrique environ quarante mille hom-
mes, dont il y avoit douze cens de Cavalerie.
Les Romains de leur côté s'imputèrent la perte de Sagunte & résolurent
d'employer toutes leurs forces de terre & de mer, à tirer vengeance des Car-
thaginois qui avoient ainsi les premiers rompu les traitez. Les Ambassadeurs
qui avoient été envoyez à Annibal & delà à Carthage,revinrent dans le même
tems, & rendirent compte au Sénat du mauvais succés de leur ambassade ; c.)
Qu'Annibal n'avoit pas daigné leur repondre, qu'il les avoit renvoyez à Car- Polyb. 1.
thage, que le Senat de cette ville les avoit, voulu amuser par des discours & dit œjjez
de vaines subtilitez; qu'après avoir satisfait à toutes leurs objedions, le Chef clairement.
de l'ambassade insistant toujours qu'on livrât Annibal comme premiére cause une que ce fut
sécondé
de la rupture, & le Senat de Carthage continuant à éluder cette demande il Légation
,
avoit fait deux plis à sa robbe & leur avoit dit : Je porte ici la paix & la qtfon en-
à
guerre. Choisissez lequel il vous plaira , ïls répondirent. Nous vous laissons voya
le choix a vous mêmes; puisque cela est , repondit l'Ambassadeur Romain, Carthagt. O)
je vous laisse donc la guerre. Nous l'acceptons, répondirent-ils. D'au- Pompon.l.it
tres (b) racontent que l'Ambassadeur présenta au Senat de Carthage deux tab- de origine
lettes ; sur l'une étoit gravée une Javeline & sur l'autre un Caducée & qu'il juris.
leur fit present de celle qui portoit la javeline. LXIV.
La guerre ayant été résoluë contre les Carthaginois , on fit partir le liusCorne-
P.
Scipie
Consul Tib. Sempronius Longus pour la Sicile,avec ordre de passer en Afri- &Tih.Sem-
que & d'y commencer les hostilitez ; & l'autre Consul P. Cornelius Scipio, pronius
eut commission de passer en Espagne, ou du moins de marcher contre Anni- Longus
bal, par tout où il setois & de l'empêcher de passer en Italie. Les forces de Conluls. An de R.
la Republique étoient d'environ vingt quatre mille hommes de pied & de M.
chevaux Le tiré de Rome ,
mille huit cens tout ou des citoïens Romains ; 3786.
;
Les peuples d'Italie qui obeï{foientà la Republique,fournirent quarante mille avant J. G.
hommes de pied & quatre mille chevaux. Laflotte étoit de deux cens vingt Gammçii- 214.
vaisseaux à cinq rangs de rames & de vingt autres batimens légers. L'on
,
«ment de partagea ces forces en troits parts ; Cornelius Scipio eut pour sa part huit
la guerre mille hommes de pied & six cens chevaux de troupes Romaines, avec qua-
Punique. torze mille piétons & mille Cavaliers de trouppes des alliez. On lui donna
Liv. 1. 21. de raines pour transporter cette armée le long
Pobb. /. 3. soixante vaisseaux a cinq rangs
des côtes de Ligurie, dans les Gaules Cisalpines.
Le Consul Sempronius, qui devoit passer en Afrique , reçut huit mille
hommes de troupes Romaines & seize mille hommes de pied de troupes
alliées, & dix huit cens chevaux. Le tout fut embarqué sur une flotte de
cent soixante Galéres & d'onze batimens légers. Le Préteur Lucius l\lan-
lius, qui devoit resier en Italie pour contenir la Gaule Cisalpine, avoit deux
Légions ou huit mille hommes de troupes Romaines, avec quatorze mille
hommes des alliez d'Infanterie, & seize cens Chevaux.
LXV. Annibal avoit au commencement de la campagne environ cent mille
Annibal hommes, dont il y avoit douze mille de Cavalerie & de plus quarante Elé-
patre les phans. Ayant paffé l'Ebre il assujettit de , les peuples quiétoient
Pyrenées. en peu tems
Polyb. 1. 3. sur sa route, & y perdit assez de
monde. Il laissa Hannon pour C0l11man-
Liv. 1. der dans tout le païs entre l'Ebre & les Pyrenées , avec onze mille hommes,
n. 2Z. 24. aux quels il confia le bagage de ceux qui le devoient suivre en Italie. Il en
renvoya autant dans leur païs.Il passa les Pyrenées & s'avança vers le
Rhône,
ayant seulement cinquante mille hommes de pied & neuf mille chevaux.tous
gens de coeur & d'une grande expérience, ayant longtems fait la guerre sous
d'excellens Généraux.
LXVI. Avant que d'écrire la route de ce conquérant, nous dirons un^ mot des
Expéditi- expéditions des Généraux de l'armée Romaine. Sempronius arriva à Messine
on de avec sa flotte, & y trouva le Roy I-Iieron, qui venoit d'enlever quelques vais-
Sempro- Carthaginois, & les avoit empêché d'entrer dans le port de Lily-
nius en seaux, aux
Sicile. bée. Delà le Roy & le Consul se rendirent à Lilybée, d'où Sempronius alla
dans l'Isle de Melita, aujourd'hui Malte , dont il se rendit maître sans beau-
les ordres qu'il reçut da Sénat, de
coup de peine. Il fut ensuite obligé par
retourner en Italie. Il entra dans le Golphe Adriatique & débarqua à Ari-
minium.
LXVll. L'autre Consul Cornelius Scipio étant , ,
parti de PiFe
_ _
,
& ayant razé la
Cornelius côte de Ligurie vint débarquer proche de celle des trois embouchures du
Scipio Rhone qui
,
est la plus voisine de Marseille. Cette ville étoit dans le parti
marche au , le des Salyes qui font parti de la Gaule
devant des Romains aussi bien que pays ,
«P Annibal. Narbonnoise. ,
Scipion avoit dessein de livrer bataille aux Carthaginois avant
qu'ils tentassent le passage des Alpes. Les Volces peuples Gaulois occupoi-
ent en deça & en dela, les deux bords du Rhône. Ils nul résolurent d'en difpu-
ter le passage à Annibal. Ce fleuve n'étoit guéable en endroit, & Anni-
hal n'étoit pas assez informé du local, pour trouver à point nommé un en-
droit propre pour le passage.Il envoya Hannon à la découverte, &aprèsquel-
ques nuits d'une marche fort secrete, Hannon arriva en qu'il un lieu où le Rhône
étoit plus large & moins profond qu'ailleurs , parce étoit partage par
cours y étoit moins rapide. Il le passa par le
une petite lsle , & que son préparez
moïen de quelques radeaux à la hâte,) & les soldats EspagnoL éten-
dant
dant leurs boucliers sur des outres enflés , passerent aisement le fleuve a la
nage.
Hannon après avoir ainsi traversé le Rhône avec son détachement vint LXVI1L Annibal
s'embusquer à côté du camp des Volces & donna avis à Annibal de son paf- paffe le
faire par des feux allumez dont ils étoient couverts. Annibal trouva le se- Rhône.
la rivière du Rhône où il
cret de gagner par argent les Volces qui gardoient Il monter sur
*
étoit, ils lui prétérent tout ce qu'ils avoient de batteaux. fit
batteaux sa Cavalerie, & mit les chevaux quatre à quatre à la queue de
ces
chaque batteau, rangez en fils pour rompre les courant de l'eau. L'Infan-
terie à l'abri des barques, qui la paroient de l'impetuolite du fleuve, lepaÍsa
dans des canots formez du trônc d'un seul arbre creusé. Les Volces qui
étoient sur le bord opposé se préparérent à leur disputer le passage; mais ils
furent arrétez par les troupes d'Hannon, qui vinrent les prendre en queuê.
Alors les Volces attaquez par devant & par derrière & se figurant encore le
danger plus grand qu'il n'étoit, se retirérent dans leurs demeures & laissérent
Annibal maître du Rhône & de la campagne.
Il ne lui restoit que ses Eléphans à passer. Il inventa une espee ^ de ra-
deau composé de plusieurs pièces de bois liées ensemble long de 200. pieds
& large de cinquante. On l'attacha solidement avec des cables aux deux
bords du fleuve , & on le couvrit de terre & de gazons comme le rivage
d'une rivière. On fit entrer sur ce radeau un Eléphant femelle, la mâle l'y
suivit aisément. Delà on les fit passer dans un autre radeau qui n'avoit que
cent pieds de long, & qui étoit aisé à détacher du premier. On le conduisit
à l'autre bord, d'où aprés avoir mis à terre les premiers Eléphans , il venoit
prendre les autres. Quelques-uns à force de s'agitter, tombérent dans l'eau,
mais ils s'en tirérent en nageant.
Scipion n'étoit point informe de tout ce qui se pailoit; s'il l'eut fçu , il LXIX.
n'auroit pas manqué de profiter de la circonstance , pour attaquer Annibal. d'un Rencontre
lui déta-
Il se contenta d'envoyer à la découverte trois cens chevaux pour appren- chement
dre des nouvelles du camp d'Annibal. Les trois cens chevaux firent ren- de l'armée
contre d'un detachement qu'Annibal avoit formé de quelques cinq cens Nu- d'Annibal de 300.
mides, pour savoir des nouvelles de l'armée Consulaire. Il y eut un choc & Cavaliers
entre ces deux detachemens, dans lequel les Romains aidez des Gaulois eu- Romains,
rent tout l'avantage. Annibal délibéra quelques tems s'il livreroit la bataille
à Scipion; Mais une députation qu'il reçut des Boïens de la Gaule Cisalpine,
qui avoient pris les armes contre les Romains , & qui avoient même rem-
porté quelque avantage contre le Preteur Manlius, le déterminérent à passer
promptement les Alpes afin d'acourir à leur secours.
Il partit dés le lendemain, & au lieu d'aller vers les Alpes en droiture, il LXX.
remonta le Rhône , apparemment pour éviter la rencontre de Scipion & ar- Cornélius
riva aprés quatre jours de marche au confluent de l'Isere & du Rhône , & manque Annibal.
fut pris pour arbitre entre deux fréres qui se disputoient le Royaume. Celui
à qui il l' ajugea fournit à toute l'armée des habits & des armes, & servit de
guide à Annibal jusqu'au pied des Alpes. Il s'avança jusqu'à la Durance sans
trouver de difficulté.
Quelque diligence que put faire Scipion, il n'arriva qu'au bout de trois
jours à l'endroit où Annibal avoit passé le Rhône. Désespérant de l'atteindre,
il se rembarqua dans la résolution de l'aller attendre & de le combattre à la
descente des Alpes en Italie;mais auparavant il envoya son frere CneiusCor-
nelius en Espagne, avec un détachement pour y faire la guerre à Asdrubal,
qui y avoit été laissé par Annibal son frere.
LXXI. On n'est pas d'accord sur l'endroit où Annibal passa les Alpes. Le sen-
Annibal timent le plus probable est qu'il les passa par le grand saint Bernard à quel-
pafi les que distance de Syon en Valais. La veuë de
Alpes. ces montagnes escarpées& cou-
vertes de neige jettérent la terreur dans le coeur des soldats, étant entrez dans
les défilez ils apperçurent les montagnards qui s'étoient emparés des hau-
,
teurs, & qui se préparoient à leur en dilputer le passage. S'ils s'étoient em-
busqués dans les ouvertures des rochers ils auroient seûrement fait périr
,
toute l'armée Carthaginoise. Annibal remarqua qu'ils ne se tenoient sur ces
hauteurs que pendant le jour; Il les fit occuper pendant la nuit, & ils furent
fort déconcertez, lorsqu'au matin ils virent ces postes saisis par l'ennemi. Ce-
pendant ils ne perdirent pas courage, accoutumez à grimper surcesrocherss,
ils harceloient continuellement les soldats d'Annibal, & les prenant tantost
en telle tantost en queuë ils en tuérent un grand nombre. Les chevaux
effrayez par les hurlemens des Gaulois étoient renversez avec les Cavaliers
dans les précipices. Les bêtes de somme & les Eléphans étoient à tout mo-
ment exposez au même danger. Annibal qui savoit de qu'elle importance
il étoit pour lui de les conserver vint au secours des siens & se mettant à
,
l'arriére garde, il dissipa les montagnards Allobroges, qui les avoit inquiété
jusques-là.
LXXIL Il continua sa route avec assez de tranquilité & arriva au bourg, d'où les
Les mon- Gaulois
tagnards se qui l'avoient traversé jusqu'alors, étoient sorti. Il le trouva presque
tournent abandonné; & y rencontra de même que dans les autres villages des environs,
contre une grande quantité de grains & de toutes sortes de provisions, dont il nour-
Annibal. rit son armée pendant trois jours. Après
une marche assez paisible les mon-
tagnards des environs vinrent à sa rencontre, portant des branches à la main
& couronnez de verdure, ils lui firent de grandes proteslations de fidélité, &
s'offrirent à lui servir de guides. D'abord il eut assez de peine à prendre
confiance en eux. Il les fit observer & les bissa parmi ses troupes, enfin il
suivit la route qu'ils lui indiquérent. Les Eléphans & les chevaux marchoient
à la tête. Il suivoit avec le gros de son Infanterie.
On arrive dans un défilé fort étroit commandé par une hauteur, où les
Gaulois avoient caché une embuscade. Elle tomba tout à coup sur l'arriére
garde, tandis que les conducteurs infidèles tournérent visage contre l'avant
garde. Les uns rouloient de grosses pierres de haut en bas, & renversoient
Chevaux & E'léphans, les autres tiroient contre les hommes & en tuoient
plusicurs à cause de l'avantage de la situation où ils étoient. Annibal perdit
beaucoup d'hommes & beaucoup d'animaux, Les Eléphans arrêtèrent ceux
qui uttaquoient l'armée en face, & Annibal avec son infanterie réprima les
autres.
autres. Il fut obligé de palier la nuit sur un rocher avec son Infanterie, &
son avant garde la passa au lieu même du combat.
LXXlll.
Enfin le neuviéme jour de sa marche, il arriva aprés mille travaux & Annibal
mille dangers, sur le sommet des Alpes. Il y rencontra une espéce de plaine rive au ar-
dans laquelle il fit camper son armée. Elle y passa deux jours à se reposer & Commet
à se refaire de ses fatigues. On y vit arriver bien des Chevaux qu'on avoit des Alpes.
cru perdus & qui se tirèrent des précipices où ils étoient roulez. Comme cee-
toit vers le milieu de Septembre, il étoit tombé récemment beaucoup de neige,
qui couvroit tous les chemins. Les Africains & lesEspagnols transis de froid
dans un climat si différent du leur , tombèrent dans le découragement. Pour
les rassûrer, Annibal les conduisit sur une hauteur, d'où l'on découvroit toute
l'Italie, & leur montrant les campagnes fertiles arrosées par le Po, il les ex-
horta à prendre courage & leur dit que dez qu'ils seroient arrivez en ces fer-
tiles campagnes, il trouveroientles Gaulois Boïens qui les attendoient & les
recevroient à bras ouverts ; que delà il n'y avoit pas loin jusqu'à Rome, ca-
pitale de la fameuse République ; que toutes ses richesses seroient la recom-
pense de leurs travaux. On continua :donc de marcher; & on commença
a descendre les Alpes.
Mais la descente n'en étoit pas plus aisée que la montée. Les chemins LXXIV.
étoient étroits, escarpez &avec cela glissants , parla neige ancienne qui étoit desceudles
Annibal
couverte d'une croute de glace, au dessus de laquelle étoit répanduë la neige Alpes en-
de l'année, dans laquelle les hommes & les animaux enfonçoientbien avant, Italie.
& ne trouvant au dessous rien de ferme & d'assuré, étoient souvent précipi-
tez dans les fondriéres. On assûre que dans cette route si périlleuse , Anni-
bal ne perdit ni moins d'hommes ni moins de Chevaux qu'en montant. On
arriva en un endroit où ni les hommes, ni les Chevaux, ni les E'Iephans ne
pouvoient avancer. Il n'y avoit qu'un sentier trés étroit entre deux préci-
pices , lequel étoit devenu encore plus dangereux par l'eboulement des ter-
res, qui montroit un précipice profond de plus de douze cens pieds. La
Cavalerie s'y arréta tout court. Annibal y accourut & fut d'avis de prendre
un détour & de chercher une autre route ; Mais cet expédient fut jugé im-
possible. Les neiges étoient si hautes aux environs qu'il auroit été téméraire
de s'y exposer.
Il fallut donc tenter la descente par un terrain couppé au pic, sur une
petite surface de neige qui couvroit une glace dure & profonde, à tout mo-
ment le pied glissoit, & si l'ontOlnboit sur les genoux,comme on ne trouvoit
ni racines ni branche, pour se retenir, il étoit comme impossible de se rele-
ver. Les Chevaux chargez rouloient souvent comme les hommes; quelque-
fois aussi frappant la glace pour se retenir , ils enfonçoient leurs pieds & ne
pouvoient plus les retirer. Ils y demeuroient pris comme dans un piège,
Annibal voyant FimposTibilité de continuer cette route, fit nettoyer le terrain
de cette montagne & en ôter toute la neige, tant l'ancienne que la nouvelle
& y fit camper & reposer son armée. Il commanda des soldats Numides pour
creuser un chemin dans le rocher même;Ce travail fut poussé avec une ardeur
& une consiance incroïable.
LXXV. Pour l'exécution de ce dessein 011 couppa tous les arbres des environs ^
Annibal
on les rangea surie rocher & on y mit le feu. Quand la pierre étoit aussi rouge
casse les
rochers & aussi brûlante que le brasier même, faute d'eau on y versoit du vinaigre,
parlemo- quifaisoit éclatter la pierre, & ensuitte on la mettoit en piéces sans difficulté.
lieti du vin- C'est ce qui se pratique tous les jours, quand on veut rompre des rochers
aigre. très durs; & c'est principalement sur la pierre morte & sur le plus dur rocher
(a) le feu cause cet effet. Quant-au vinaigre que l'on emploïa dans cette
Spartian. que
Con- opération, il est certain qu'on en portoit beaucoup dans les armées pour
c. io.
flantin. la boisson du soldat, (a) & c'etoit une provision nécessaire dans lepasii'gede
mag. 1.1. ces montagnes, où l'on pouvoit à peine trouver de l'eau pour abreverles ani-
c. de ero- maux. D'ailleurs on lait que le vinaigre a une force particulière pour rompre
gat, milit. les pierres (b) & les calciner avec les mortier. On en a diverses ex-
annon. pour
vide Crit'c. périences dans les anciennes hissoires (c) comme dans les modernes.
in De cette sorte par un travail opiniatre on s'ouvrit un passage, & en pre-
xx li'lI. nant un assés long circuit on pratiqua un chemin aux troupes & même aux
4S.
(b) Chevaux & aux! Elephans; on fut quatre jours à cette pénible opération. Les
Plin. 1 2e- animaux mouroient de faim dans ces montagnes stériles. On arriva enfin
1.1./. dans les vallons où l'on rencontra de gras & abondans pâturages. Annibal
C. 2. avoit employé neuf jours à monter & six à descendre les Alpes. Il perdit
(0 beaucoup de monde dans ce panage ; car de prés de soixante mille hommes,
Dio. 1 g 6.
p. 8. Mé- dont son
armée étoit composée au l'ortir del'Espagne, elle étoit déjà réduitte
moires du à trente huit mille hommes de pied, & huit mille Chevaux après le passage
Duc deGui- du Rhône. Le passage des Alpes diminua ce nombre de prés de moitié; de
selà Naples. qu'arrivant Italie, il ne luy ressoit plus que deux mille Africains,
LXXV1. sorte en
Annibal huit mille Espagnols d'Infanterie, & six mille Chevaux. Il y avoit cinq mois
arrive en & demi qu'il étoit parti de la nouvelle Carthage.
Italie. Ce qui restoit de soldats à Annibal resembloient plutost à des speéhes
qu'à des hommes vivant, tant ils étoient défaits, fatiguez, extenuez. Les
animaux n'avoient pas moins de besoin de repos que les hommes. Le pre-
mier soin d'Annibal fut de les rafraichir, & de leur procurer du repos, dont
ils avoient un si extrême besoin. L'entreprise qu'il avoit formée de faire la
guerre aux Romains dans leur propre pays avec une armée aussi peunombreu-
se, paroissoit téméraire. Cependant nous allons voir quels furent les succés
decette entreprise, & dequoy est capable un homme d'esprit, hardi & en-
treprenant.Infubriens,
LXXV11. c'est-à dire, les peuples du Milanois, faisoient alors la
l)rise de ennemis des Romains; Anni-
aux Piémontois. Les premiers étoientassiégeaTurin,
guerre
Turin par bal se joignit à eux, entra dans le Piémont, le prit au bout
Annibal.
de trois jours,& y fit passer au fil de l'epée tous ceux qui luy avoient été op-
posez. Cette expédition jetta la terreur parmi les Barbares des environs; ils
vinrent se rendre aux Carthaginois; les Gaulois de ces quartiers-la en auroient
fait autant, s'ils n'avoient été retenus par l'armée desConsuls qui approchoit.
Annibal jugea qu'il étoit important pour la réputation de ses armes, & pour
donner de la confiance aux peuples qui auroient envie de se déclarer pour luy,
d'avancer
d'avancer dans le pays, & d'entreprendre quelque action d'éclat > ses trou-
endurcis à toutes sortes de travaux militaires.
pes étoient en haleine & Consuls s'avançoient Adria-
Cependant les deux ; Sempronius par la mer
tique & Cornelius Scipio parla merThyrrhénienne; Scipio arriva le pre-
mier & débarqua au port dePise, d'où il étoit parti. Il alla joindre les restes
de l'armée du Préteur Manlius, qui avoit si mal sait contre les Boïens ; il
passa le Po & vint camper sur le Tesin petite riviére dans la Lombardie. Les
deux Généraux ne respiroient que d'en venir aux mains. Ils se trouvérent en
présence, n'étant séparés que de cette petite riviére, dont on vient de par-
ler. Ils haranguérent leur troupes & leur représentèrent tout ce qu'ils cru-
rent le plus propre à leur inspirer du courage. Annibal inventases dans cette
occasion un nouveau moïen de persuader,en parlant aux yeux de soldats,
avant que de parler à leurs oreilles. Il avoit fait grand nombre de prison-
niers montagnards dans le passage des Alpes. Il les avoit traittés avec beau-
de rigueur. Il leur proposa de se battre l'un contre l'autre à la maniéré
coup
des Gladiateurs,promettant de grandes recompenses à ceux qui seroient vain-
queurs; des armes, des Chevaux, enfin la liberté, le plus grand detous'les
biens. Pour ceux qui seroient vaincus, ils devoient regarder la mort comme
bonheur comparaison de l'esclavage où ils étoient, & des maux qu'ils
un en
souffroient. Ils tirérent au sort à qui combattroit, & ils regardoient avec
envie ceux sur qui le sort tomboit.
La joye avec laquelle ces Barbares coururent à ces combats sur de pa- LXXVIII.
reils motifs, fournit à Annibal des moyens pour encourager les siens à mar- Scipion &
Annibal
cher contre les Romains. Les vaincre, c'étoit le plus grand bonheur qui se disp o-
leur pût arriver. Etre vaincu dans la circonstanceprésente, c'étoit étre perdu sent à une
sans ressource, étre réduit en servitude,& exposé à tous les plus grands maux, batailles
dans un pays ennemi, sans aucune espérance de retour. Il leur proposapour
récompense le pillage de l'Italie & de Rome même, enfin il excita leur cou-
rage par tous les endroits les plus propres à les piquer d'honneur & à leur in-
spirer la haine contre les Romains. Ce discours produisit tout l'effet qu'il at-
tendoit; Annibal rangea ses troupes en bataille, & Scipion fitpaÍser les sien-
nes,sur un pont qu'il avoit jetté sur le Tesin, & s'avança jusqu'au lieu nommé
tumulus, ou la hauteur; certains mauvais présages avoient jetté la frayeur dans
son armée ; cela ne l'empécha pas de s'avancer vers l'ennemi. ^
Ensuitte ayant appris par ses coureurs, que l'armée Romaine étoit pro-
che, il renouvella ses promesses à ses troupes , & ayant pris un agneau pour
l'immoler à Jupiter, il luy caÍfa la teste d'un caillou qu'il tenoit en main, en
disant: Grand Jupiter, si je manque à ma parole, frappe-moy, comme je
fais cette victime que je vas immoler. Cette cérémonie augmenta la con-
fiance de ses troupes. Les deux Généraux marchoient à la tété de la Ca-
valerie. Le Consul avoit à ses côtez son fils alors en allez bas âge, qu'il
instruisoit dans le métier dela guerre. C'est ce Scipion qui dans la fui tte de-
vint si célébre sous le nom d'Africain. Les Chevaux de la Cavalerie Numide
n'avoient point de brides. Les Chevaux de ces peuples se conduisent à la
main,
niain, ou a la houssine. Annibal avoit rangé la Cavalerie Numide
ailes ; celle des Espagnols étoit au milieu. aux deux
LXXIX. Scipionfit marcher à la premiére ligne ses gens de traits
Bataille en- avec la Cava-
lerie Gauloisë, & forma sa seconde ligne de l'elite de la Cavalerie des Alliez.
tre les Ro- Comme
mains & on ne dern--,-ndoit des deux cotez qu'à combattre, on commença à
les Cartha. charger. D'abord l'épouvante saisit les
gens de trait des Romains. Ils se re-
ginois. An- tirèrent daus les intervalles de la seconde ligne,
nibal rem- décharge craignant avant que d'avoir fait leur
d etre écrasez par les Chevaux des ennemis, qui
porte la ient ,
Le veno-
victoire sur contre eux. succés du combat fut assez long tems douteux,les deux
Cornelius armées combattant a forces a peu prés égales & avec un également
Scipion. courage
soutenu. La Cavalerie des deux côtez mit pied à terre, de forte
lit. Liv. 1. qui d'abord n'avoit été que de la Cavalerie, que l'action
devint de Cavalerie & d'Infanterie
2U Polyb.
Ih tout à la fois. Alors la Cavalerie Numidienne ayant enveloppé les Romains,
& les ayant pris en queue, les troupes Romaines prirent la suitte & le Con-
suI combattant vaillamment, fut abbattu & blessé dangereusement. ,
Ce Gé-
néral seroit peut-être demeuré sur la place, sans son fils, qui accourut à sa dé-
sense avec un gros de Cavalerie, qui le tira du combat & le conduisit dans
son camp. ,
Il n'y demeura par longtems ; il passa le Po & campa dans les plaines
de delà ce fleuve, en attendant que sa blessures fut guérie, & qu'il pût com-
battre. Annibal avec ses Légions qui n'avoient point été à la bataille, & qui
faisoient la principale force des armées Romaines. Comme Annibal étoit
plus fort en Cavalerie il étoit de la prudence du Consul déviter ces vastes
, dégagées,
plaines & ces campagnes qui s'étendoient entre le Po& les Alpes.
Aprés cette victoire tous les Gaulois des environs vinrent à l'envie se livrer à
Annibal, & prendre partie dans ses troupes. C'étoit là son unique ressource
dans la conjouéture présente, étant dans l'impuissance avec ses seules forces
de résister aux armées Romaines & n'ayant aucun moyen de retourner en
arriére aprés le passage des Alpes.,
LXXX. Le Consul Sempronius étant arrivé de Sicile à Rimini, après quarante
Sempro- jours d'une navigation trés pénible, se rendit à Rome où l'on fit la reveuë de
niuc; arrive ses légions qui étoient trés bon état ; delà il marcha vers Trebia dans le
en Italie & en ,
dessein d'y joindre Cornelius Scipion son Collègue. Celui-cy avoit changé de
remporte
quelqu'a camp & s'étoit retiré vers Plaisance. Le mouvement du tranlport d'un
,
vantage camp à l'autre avoit fait empirer sa playe. Sempronius prit connoissance
sur Anni- des forces de l'ennemi, & de sa maniére de combattre; il s'aiïura des
Joal. moyens
de faire subsister son armée, & d'attendre une circonstance favorable pour
attaquer Annibal. Ce Général s'approcha du camp des Romains, dont-il
n'étoit séparé que par une petite riviére; mais il ne jugea p is à propos de
l'attaquer. Il se contenta de faire des courtes dans le pjys & d'attirer dans
son parti les Gaulois mécontents des Romains.
La proximité des deux armées donnoit lieu à de fréquentes escarmou-
ches, dans l'une desquellesSempronius à la téted'un corps de Cavalerie rem-
porta contre un parti Carthaginois un avantage assez peu çonsidérable, mais
qui augmenta beaucoup la bonne opinion que ce Général avoit de son mérite.
il
Il ordonna aux deux armées Consulaires de se tenir prétes pour le combat.
C'étoit ce qu'Annibal souhaittoit davantage & ce qui lui étoit plus avantageux,
dans la situation présente de ses affaires. Scipion au contraire dissuadoit Sem-
pronius, il luy remontroit que l'intérêt de Rome étoit de tirer cette guerre
en longueur, que l'armée d'Annibal diminueroit tous les jours parla mala-
die & les désertions; quesi l'onvouloit donner une bataille générale, il étoit
bon que les deux Consuls s'y trouvassent pour en partager la gloire, ou les pé-
rils. Sempronius negoûtoitpas ses raisons, il disoit par tout & à toutpropros,
que la dernière bataille avoit rendu son Collègue trop timide ; que son esprit
étoit aussi foible & aussi malade que son corps ; qu'il n'y avoit que lui qui
ne desiroit pas qu'on en vint à une action.
Annibal sachant les dispositions de Sempronius, ordonna à Magon un LXXXL
de ses premiers Officiers de se mettre enembuscade avec deux mille hommes, Bataille en-
les Gar-
tant Cavalerie qu'Infanterie, & de se tenir caché dans des brouïssailles sur les tre thaginois
bords escarpez d'un petit ruisseau qui séparoitles deux camps. Il fit ensuitte & les Ro-
passer laTrebie aux Cavaliers Numides, avec ordre de s'avancer dés le point rnains,
du jour jusqu'aux portes du camp des ennemis, pour les attirer au combat, <comman.
& de repasser ensuitte la riviére, en se retirant, pour engager les Romains \riez par
à la passer aussi. Il ne fut pas difficile d'engager Sempronius au combat']Sempro- nius.
Il n'eut pas plutost apperçu les Numides, qu'il fit sortir sur eux toute sa Ca-
valerie & ensuitte son Infanterie. Les Numides se retirérent & repassérent
,
la riviére. Les Romains les suivirent avec assez peu d'ordre, la Cavalerie la
première, l'Infanterie aprés.
On étoit alors au solstice d'hyver c'est-à dire en Décembre. Il avoit
,
tombé de la neige ce jour la, & la Riviére de Trebia étoit enflée par les eaux
qui étoient venuës de la montagne. L'Infanterie qui étoit sortis du camp
à jeun, & sans prendre aucune précaution contre le froid se trouva saisie,
morfondue accablée de faim & de fatigues. Les Carthaginois ,
, au contraire
avoient repÙ, s'étoient reposé, s'étoient chauffez & frottez d'huile. On
en vint aux mains. Les soldats Romains soûtinrent assez longtems avec beau-
coup de vigueur les efforts des Carthaginois, & s'ils n'avoientpas été poussez
par la Cavalerie Carthaginoise, qui étoit de beaucoup supérieure à celle des
Romains. La victoire auroit été plus long tems contestée. La Cavalerie Ro-
maine fut la premiére à prendre la suitte.L'Infanterie la suivit; Magon avec
les troupes de l'embuscade ayant paru tout à propos donna sur elle par
,
derriére & acheva la déroute. Les Eléphans poussez dans l'Infanterie Ro-
maine, en firent une grand carnage; & ils en auroient fait beaucoup plus,
sans l'Infanterie légére qui écarta ces animaux avec des eguillons qu'ils luy
dardoient sur la queue, qui est le seul endroit où ils soïent sensibles.
Un corps de troupes Romaines au nombre de plus de dix mille hom- LXXXII.
mes, ne pouvant ni regagner leur camp , dont les Cavaliers Numides & la Défaitte de
riviere leur fermoient le chemin, ni secourir les leurs qui étoient absolu- J'armée
ment mis en déroute, se firent jour à travers les Gaulois & les Africains, & Romaine
gagnérent Plaisance où plusieurs de leurs camarades qui avoient pris la suitte, comman-
dée par
les vinrent rejoindre. Le Courul Scipio s'y fit aussi porter la nuit suivante. Sempro.
Tom. Il. E Sem- nius.
,
Sempronius y étoit arrivé avec les débris de son armée. Le reste perit dans
la riviere de Trebie, où sur les bords de cette riviere, écrasez sous les pieds
desElephans ou mal1àcrez par l'epée des Gaulois, & desEspagnols. La vi-
doire fut entiére de la part des Carthaginois, & la perte inestimable de la
part des Romains. Annibal perdit dans cette campagne grand nombre de
Chevaux & tous ses Eléphans hors un seul. Le froid, les pluies, les neiges
sont extrêmement contraires à ces animaux.
J.,XXXVll1. Cneius Cornelius Scipio fut plus heureux en Espagne que ne l'avoient
60nquesie été en Italie, ni Publius Cornelius son frere, ni Sempronius. Il fit la con-
de Gncius queste de jusqu'à l'Ebre, & défit Hannon & le fit prisonnier. Publius
Cornélius ce pays
Scipio en Cornelius son frere, pour
épargner Plaisance, se retira avec une grande par-
Espagne. tie de ses troupes à Cremone. Sempronius se rendit à Rome pour présider
Polyb. 1. 3. à l'eledion des Consuls. Le peuple Romain luy sçut bon gré de s'être ainsi
Tit. Liv. exposé, & d'avoir passé à travers les troupes ennemies répandues dans
/. 21. An
du monde l'Italie.
3786.avant Les nouveaux Consuls qu'on choisit,furentCaïusFlaminius dont on a parlé
J. 6. 214. cy-devant, &quis'étoit fait remarquer par là désobeïssance aux ordres dela
République qui lui commandoit d'abdiquer, & qui depuis avoit en qualité
de Préteur, fait porter une loy qui défendoit aux Senateurs & aux Patriciens
LXXXIV. de trafiquer pour leur compte. C'est ce qu'on apella la Loy Flaminia. Il
G. Flami- fut élevé
au Consulat par la brigue, dans un tems où l'on avoit besoin plus
nius & Chefs capables & expérimentez.' L'autre Consul fut P. Servi-
Publ. Ser- que jamais de
vilius Ge- lius Geminus, qui etoit d'une capacité fort médiocre pour la guerre. Le Con-
minusGon- sul Publius Cornelius Scipio fut destiné pour commander enEspagne en qua-
suIs. An de lité de Proconsul.
R. du Annibal avoit mis ses soldats en garnison dans les villes du pays, &
m. ?787. les habitans, il mit en liberté les prisonniers qu'il avoit fait
avant J. C. pour en gagner
213. des nations alliées aux Romains, disant qu'il étoit venu pour procurer la li-
berté aux peuples d'Italie, & qu'il ne faisoit la guerre qu'aux Romains. Cette
conduitté lui gagna ceux qui n'obei!soient qu'à regret à la République. De-
plus s'etant apperçu que ses gens pilloient assez indifféremment les ennemis
comme les amis il leur fit sur cela de sevéres défenses & leur ordonna de ne
faire des courses que sur les terres des Romains.
Livius Avant l'ouverture de la campagne, il attaqua en personne une bourga-
/. 2I. de située sur les bords du Po, que Ies,Romains avoient fortifié pour en faire
leurs magazin de blé. Il se présenta au milieu de la nuit avec de la Cavalerie
legére & de l'Infanterie pour surprendre le magazin. Les sentinelles & la gar-
nison éveillées jettérent des cris qui furent entendus jusqu'à Plaisance, où
étoit Sempronius. Aussytofl: il semes à la teste de ses troupes & vient donner
sur Annibal. Ce General reçut une blessure qui l'obligea de se retirer avec
ses gens. Avant que sa playe fut guerie, il marcha contre Vidumvies petite
ville d'Insubrie, qui servoit de retraitte aux Insubriens attachez au parti des
Romains & aux Gaulois mécontens des pillages des Carthaginois. Ils forti-
rent tumultuairement contre Annibal ; mais ils furent aisément mis en déroute.
Leur ville se rendit, & néanmoins fut abbandonnée au pillage & aux bruta-
litez
Annibal..
litez des troupes Africains.
délassement à
Ces sortes d'expéditions servoient comme de

Il ne fut pas longtems sans s'appercevoir de , l'humeur inconstante n des LXXXV.


Stratagème
Gaulois, au milieu des quels il habitoit; il remarqua qu'ils avoient envie de se
d'Annibal
saisir de luy ou de s'en défaire; Pour mettre sa vie en seureté il se fit faire
, différentes pour em-
des peruques, ou des cheveux postiches & des habits pour les pécher
sortes d'âge; il en changeoit quelque fois plus d'une fois le jour, & se ren- le qu'on ne
doit par la si méconnoissable, que ses amis mêmes ne le reconnoislbient pas. nutrecon- dans
Cette sujettion n'accommodoit pas son humeur, dez qu'il put se mettre en son propre
campagne , & avant que l'hyver fut entiérement fini, il entra en campa- Camp. I.
gne, tant pour se tirer d'inquiétudedonner du côte des Gaulois, à qui il n'ignoroit Polyb. J,
pas qu'il étoit à charge, que pour de la réputatîon à ses armes par une Liv.L 2Z.
n. i. Af>-
démarche aussi hardie. pian. de
Il voulut passer l'Apennin dans une saison où ces montagnes ne sont pas Bell. Anni.
encore praticables. Il y sut accueïlli d'une tempéte qui l'empêcha d'avancer; bal.
ses soldats ne purent pas même camper ni planter leur tentes ; tant l'orage Il LXXXVI. veutpaC'
& les vents étoient violents. Aprés avoir perdu bien des hommes & des Che- ser l'Ap-
vaux, il fallut retourner en arriére & descendre dans la plaine. Il campa pennin.
environ à dix milles de Plaisance. Il sortit bientost de son camp & défia Sem. Il est com-
pronius au combat. Sempronius accepta le défi & rangea ses troupes. D'a- battu par
bord la viCtoire pancha du côté des Romains, Sempronius repoussa les enne- Sempro- nius.
mis jusque dans leur camp, qu'il entreprit de forcer ; mais il fut obligé d'ab-
bandonner son entreprise; & comme il s'en retournoit vers Plaisance, Anni-
bal sortit sur luy & luy tua du monde. La perte sut à peu prés egale des deux
cotez.
Il délibéra ensuitte sur les moïens d'entrer en Toscane. Il y avoit deux LXXXVII.
Il traverse
routes pour y aller, l'une plus courte, mais plus difficile ; l'autre plus longue, les marais
mais plus aisée. En suivant la première il falloit paffer par des eaux & des pour ga*
marais, difficiles à la vérité, mais dont le fond étoit solide. Ce fut celui-la gner IIE.
que choisit Annibal. Il fit marcher les Africains & les Espagnols à la teste ; perd trurie. Il
ayant leurs vivres & leur bagage au milieu d'eux; jusqu' alors, selon la re- oeil. un
marque dePolybe, il ne s'étoit pas mis en peine de la subsistence de les sol-
dats; il étoit persuadé qu' en pays ennemi il ne manqueraient de rien. Aprés
cette avant garde suivoient les Gaulois ; la Cavalerie fermoit la marche. Les
Cavaliers Numides etoient placez iur les cotez des troupes Gauloiies pour
,
les animer à avancer & pour empécher la désertion.
Quand on fut arrivé au pays marécageux, les Espagnols & les Africains
entrèrent dans l'eau sans difficulté, & sans quitter leur rang. Ceux qui sui-
voient trouvérent plus de difficulté, par rapport à ce que l'eau étoit troublée,
& le marais plus profond, par ce qu'il étoit plus broyé & plus dilayé. 11
fallut continuer une si pénible marche pendant quatre jours & trois nuits, tou-
jours le pied dans l'eau, sans trouver un terrain secoùils pussent se reposer;
Annibal lui-même eut part à toutes les fatigues, il étoit monté sur le seul Elé-
phant qui luy restoit, & encore par la fatigue, l'insomnie, le mauvais air, il
lui tomba une fluxion sur la téte & sur les yeux, qui faute de soulagement
lui fit perdre un oeil. Il sôrtit enfin des marais, & aprés avoir sait prendre
quelque repos à ses troupes, il alla camper entre Aretium & Fesules, dans le
terrain le plus fertile de la Toscane.
lXXXVIll. La il apprit que Sempronius ayant amené l'armée Romaine à Luques,
Il arrive en sur les frontiéres de la Toscane,
Etrarie. en avoit remis le commandement auConsul
6araétére Flaminius. Annibal s'informa d'abord des qualitez & du caractère de ceCon-
«uGonsul sul; car c'est la premiére étude que doit faire un Général d'armée, de connoÎ-
Flaminius. tre le génie, les bonnes & les mauvaises qualitez de celui à qui il a affaire.
Il apprit bientost que Flaminius étoit un homme rempli de luy-méme, enteté,
entreprenant, hardi. Annibal résolut de profiter de sonfoible & de l'agacer
pour l'attirer au combat. Il fait faire le dégat dans tout le pays, mettant tout
à feu & à sang. Il s'avance vers Fesules & y fait camper son armée. Flami-
nius qui n'avoit pas besoin d'etre excité pour marcher à l'ennemi, ne put voir
sans indignation la hardiesse d'Annibal & le désordre que ses troupes cau-
soient dans le pays. On eut beau luy représenter qu'il falloit attendre la jon-
ction des troupes de l'autre Consul ; en vain luy fit-on voir que les Auspices
n'étoient pas heureux, & que les piquéts qui portoient les aigles Romaines
tenoient si fort en terre, qu'on ne les pouvoit arracher. Il ordonna qu'on
les tirât de force & que sans differer on marchât à l'ennemi. Il se tenoit si seur
delavictoire, que les paysans des environs & les valets de l'armée, s'étoient
munis de chaînes & de cordes, pour lier les Carthaginois qu'on devoit pren-
dre aprés la bataille.
LXXXIX. Annibal cependant s'avançoit toujours, faisant le plus de ravages qu'il
Annibal trouvé un endroit propre à son
attire Fla- pouvoit dans les campagnes. Dez qu'il eut
minius sur dessein, il s'arrêta dans la veuë d'y livrer le combat à Flaminius, qui ne pou-
le lac Thra- voit plus prendre ses avantages, & qui peut-être par vanité & par entêtement,
ftmene. les négligeait. Annibal plaça son armée au voisinage du lac nommé alors
Thrasiméne, aujourd'huy lac dePerouse, dans un grand vallon où l'on ne
,
peut entrer que par un défilé assez étroit entre le lac dont on vient de par-
ler, & les montagnes de Cortone. C'est dans ce vallon qu'il attendoit Fla-
minius, ayant posté sa Cavalerie & les Gaulois à l'entrée & à côté de l'entrée
du défilé, & son Infanterie légére & ses frondeurs de l'autre côté , le long
du vallon. Pour lui avec l'Infanterie Espagnole & Africaine, il occupoit le
milieu du vallon.
XC. Flaminius arriva sur le soir à l'entrée du vallon où il campa. Le len-
Vi&oire demain il passa le défilé & arriva sur le bord du lac Thrasiméne. Il recon-
d'Annibal
sur Fla- nut aisément qu'Annibal étoit campé dans le même vallon ; mais il ne savoit
minius à pas qu'il avoit occupé toutes les hauteurs & que tous les débouchez étoient
Thrafi- saisis. Flaminius range son armée, & la fait marcher droit au camp d'Anni-
mcne. bal. Celui-ci fait sortir ses troupes en ordre de bataille, & s'avance contre
Flaminius ; en même teins il envoye ordre à ses troupes de sortir de leur
embuseade & de venir fondre de tous côtez sur l'ennemi. Un brouillard
épais qui s'étoit élevé du lac avoit dérobé aux Romains la veuë de ceux
qui vinrent tout à coup tomber, sur eux. Ils se virent en un instant envelop-
pez par les. côtez & par derrière, & ayant en telle Annibal avec l'elite de ses
troup.
troupes. Flaminius donnoit ses ordres & de la voix & de la main , mais
dans le trouble où l'on étoit, on ne pouvoit l'entendre. Il alloit ça & la en-
courageant les liens & leur disant, que ce n'étoit pas par de vaines priéres &
ensefaisant
par l'invocation des Dieux qu'il falloit chercher la victoire, mais
jour à travers les ennemis.
Leur désespoir se changea en fureur & en courage, se voyant pris de Flaminius XCI.
tous côtez , ils se battirent avec tant d'achernement que l'on ne s'apperçut est tué
pas d'un tremblement de terre qui arriva pendant le combat, & qui renversa dans la ba-
des villes entiéres. Flaminius combattoit au milieu d'un troupe de braves, taille.
& faisoit tous ses efforts pour rallier ses gens qui combattoient sans ordre &
au hazard ; mais ce Général ayant été tué par un Gaulois Insubrien, les Ro-
mains pliérent & prirent enfin ouvertement la fuite. Plusieurs se noyèrent
dans le lac en voulant se sauver à la nage , d'autres prirent le chemin des
montagnes; mais ils rencontrérent des ennemis qui les mirent à mort;six mille
seulement se firent jour à travers les vainqueurs & se retirèrent en lieu de
seureté ; le lendemain ils furent obligez de se rendre prisonniers de guerre.
On leur avoit promis la vie, & de les renvoyer sans armes dans leur païs ;
Mais Annibal ne jugea pas à propos de tenir la parole qu'on leur avoit don-
née. Il fit charger de chaines & réduisit en servitude tous les Romains. Pour
les alliez, il les renvoya sans rançon, leur disant qu'il n'en vouloit qu'aux Ro-
mains, & que pour eux il venoit leur rendre la liberté , & les tirer de l'op-
pression où Rome les tenoit depuis si longtems.
Les Romains perdirent quinze mille hommes dans cette journée. En-
viron dix mille se rendirent à Rome par différens chemins. Les Carthagi-
nois ne perdirent qu'environ quinze cens hommes. On ne put trouver le
corps de Flaminius. Annibal l'avoit fait chercher pour lui donner la sépul-
ture. Il envoya des couriers à Carthage pour y annoncer cette grande
viftoire; elle y causa une joie inexprimable, & inspira de nouvelles espéran-
ces pour l'avenir, & l'on s'empressa à envoyer en diligence les recruës necef-
saires pour renforcer l'armée.
A Rome au contraire la consternation fut extrême sur tout lorsque le
, XCl1.
paroles : Nous Consterna-
Tribun du peuple eut annoncé au peuple assemblé ces tristes
venons de perdre une grande bataille.On n'étoit pas accoutumé à y entendre tion à Ro-
annoncer de pareilles nouvelles ni en termes si concis. Le mal ne pouvoit nouvelle me à la
guéres être plus grand ; Cependant ceux qui revenoient de l'armée l'exagé-
de la dé-
roient encore, comme c'est l'ordinaire ; On n'avoit jamais veu une assemblée faite de
si nombreuse, les femmes mêmes s'y étoient trouvées contre la coutume. Ce Flaminius.
furent des cris & des lamentations par toute la ville. On dit que deux meres
furent tellement sailles à la porte de la ville, l'une pour avoir veu son fils de
retour en sa maison, l'autre pour y avoir rencontré celui qu'elle «n'attendoit
plus, qu'elles en moururent de joïe.
Le Consul Servilius à qui l'on avoit confié le commandement de l'autre XClll.
armée & qui étoit chargé de contenir dans le devoir les Gaulois sujets ou Défaite de
, quelques
alliez de la Republique, avoit envoyé quatre mille chevaux pour rensorcer
troupes de
l'armée de Flaminius ; Maïs le renfort arriva trop tard ; la bataille étoit per- Servilius.
due. Annibal envoya contre eux Maharbal un de ses Généraux, qui en tua
deux mille & fit prisonnier le reste qui s'étoit sauvé sur une éminence. ils
furent traittez comme l'avoient été les prisonniers faits au combat de Thrasi.
méne.
XCIV. Le Senat reçut coup sur coup toutes ces mauvais nouvelles. Il s'as-
Fabius Ma-
ximus Di- sembloit tous
les jours pour délibérer, & après trois jours de délibération,on
ctateur. nomma Didateur CL Fabius Maximus sur nommé Ovicula ou Verrucosus, dont
on a déja parlé. C'était au Consul à le nommer ; mais à cause de son ab-
sence, il fut nommé par le Senat, & afin de ne paroître pas violer les loys an-
ciennes , on lui donna seulement le tître de ProdiElatcur en attendant la no-
mination ou la confirmation du Consul. Fabius étoit un homme doux, sage,
modéré, vaillant, aussy mésuré dans sa conduitte, queSempronius, &Fla-
minius avoientété ardents &impetueux dans leurs entreprises. On lui donna
pour Colonel Général de la Cavalerie M. Minucius Rufus, qui étoit plus du
choix du peuple, que du goût du DiCtateur.
XCV. Celui-ci n'ignoroit pas queFlaminius étoit décrié parmi les Romains par
Superfti- son impiété, & parle mépris qu'il failoit des cérémonies Romaines. On s'étoit
tion des misdansPesprit les malheurs dont la République avoit été frappée, étoient
Romains. que
On consul- des suittesde ses ades d'irréligion.
Le Didateur; soit qu'il le crut, ou qu'il
te les liv- jugeât nécessaire de guérir le peuple sur ces préventions, demanda au Sénat
res Sybil- qu'on consultât les livres Sybillins, pour savoir la cause des calamitez publi-
lins.
ques. Les Décemvirs répondirent que les Dieux étoient irritez du mépris
qu'on avoit fait d'accomplir le voeu qu'Aulus Cornélius avoit fait à Mars, de"
lui immoler tous les animaux qui naîtroient dans un Printems. Il fut résolu
que ce voeu seroit exécuté , & qu'on y ajouteroit de grands jeux en l'honneur
de Jupiter, qu'on bâtiroit un temple à Venus Erycyne,& un autre àlaDeéire
du bon conseil; qu'on dresseroit des repas sacrez, auxquels les principales
Divinitez seroient invitées, & qu'on feroit des priéres publiques dans tous les
temples de la ville tout cela fut ordonné par arrét du Senat, puis Fabius de-
manda qu'on lui permit de paroître à cheval à la teste de son armée. Jus-
qu'à lors les Didateurs n'avoient combattu qu'à piéd. 11 ordonna ensuitte aux
gens de la campagne de mettre le feu à leur maisons <St de saire le dégat dans
leurs propres champs, pour mettre l'ennemi hors d'etat desubsister, puis de
se retirer où ils pourroient en lieu de seûreté.
XCVI. Fabius sortit de Rome à la teste de ses trouppes. Le Consul Servilius vint
Fabius va luy amener son armée vers Ocricule sur le Tibre. LeDidateur luy ordonna de
à la ren- venir luy rendre ses obeiflsances. Le Consul obéît, parut en sa présence comme
contre & luy fit remettre ses troupes par FulviusFlaccus un de ses
d'Annibal. simple particulier,
Lieutenans Généraux. Fabius donna au Consul Servilius l'inspeétion sur les
villes maritimes d'Italie, poi^empêcherqueles Carthaginois n'y fissent quelque
descente. Aprés quoy il marcna du côté ou étoit Annibal. Ce Conquérant ne
crut pas qu'il fut tems de marcher droit à Rome. Il vint par le Picenum à
Adria, ville alors condérable sur Je Golphe Adriatique. Il y arriva après dix
jours de marche & chargé d'un riche butin, qu'il avoit fait sur sa route; epar-
gnant
gmnt les alliez de Rome, & faisant main basse sur tous les Romains qu'il ren-
controit.
D'Adria Annibal, aprés avoir rétabli son armée qui étoit epuisée de
,
fatigues & de mauvaise nourriture, se rendit dans l'Apulie. Fabius en fit de
même & vint camper prés la ville ËMca, ou Ægæ, environ à six milles ou
deux lieues du camp d'Annibal. Celui-ci vint ranger son armée en bataille
devant le camp de Fabius ; mais rien ne remua. En vain les soldats Cartha-
ginois reprochèrent aux Romains leur lâcheté & leur timidité on ne leur
répondit que par un grand silence. Annibal comprit alors qu'il ,
n'avoit plus
à faire à des Sempronius & à des Flaminius & qu'enfin Rome avoit trouvé
,
un Général dont la prudence déconcertoit sa vivacité & son adivité. Le Dicta-
teur toujours circonspect ne faisoit marcher ni camper ses troupes que sur
des hauteurs, abandonnant à son Antagoniste les campagnes qu'il 'désoloit,
mais en même tems il mettoit la disette dans son armée, qui n'avoit d'autre
ressource que les travaux des gens de la campagne.
Fabius pour tenir son armée en haleine, ne laissoit pas de lui permettre XCVll.
quelque sorties & de legers combats , mais toujours à coup seûr, & avec Petits
ordre de se retirer au premier signal. Cette conduite genoit extrêmement combats
Annibal, qui auroit voulu des occasions décisives ; Minucius Général de la de l'armée
Cavalerie de Fabius, étoit un homme d'un caradére tout différent du Dicta- de Fabius.
teur, hardi, téméraire, jaloux, il attribuoit à lâcheté les lenteurs de Fabius, &
se laiïoit de ne commander dans l'armée qu'en sécond. Il y avoit son parti
& se tenoit fort de la faveur du peuple. Fabius méprisoit ou diffimuloit ses.
murmures & ses bravades; Il ne perdoit point de veuê son ennemi & le sui-
voit, pour ainsi dire, à la piste.
Annibal ne put subsister long tems dans l'Apulie, il entra dans le Sam- XCVIII.
nium. Il y fit le dégat à son ordinaire, Fabius ne s'en émut pas. Il assiégea M!nutius
Telesse ville du Samnium, on la lui laissa prendre. Il entra dans la Campa- blame la
nie, Fabius auroit pu s'opposer à son passage, il ne le fit pas. Voyant bien conduite
de Fabius.
que l'ennemi s'étoit engagé dans un païs,d'où il ne pourroit que difficilement
sortir. Le Colonel Général Minutius & les soldats de son parti blamoient
hautement la conduite de Fabius. Il feignit pour un peu de tems d'avoir
autant d'impatience qu'eux d'attaquer l'ennemi. Il le suivit avec promtitude
jusqu'au pied du mont Falernes, alors il reprit son flegme & vit sans s'émou-
voir du haut du mont Mastic, les ravages que fàisoient les Carthaginois dans
la pleine, ne lâchant ses troupes que par pelottons contre les coureurs & les
pillards, contre lesquels il remportoit toujours quelque avantage.
Annibal résolut enfin de quitter la Campanie & Fabius jugeant qu'il xcix.
,
n'en pourroit sortir que par le chemin qu'il y étoit entré, résolut de l'inquié- Maurinus
ter dans sa retraite. Il plaça un corps de ses troupes dans la petite ville de est battuAnni-
Casilin & sur la hauteur deCallicule; pour lui ilse tint sur ses hauteurs. Il par baL
avoit donné à un jeune Officier nommé Hostilius Maurinus, le commande-
ment de quatre cens chevaux , à qui il avoit ordonné d'observer l'ennemi,
mais d'éviter le combat. Maurinus se laissant aller à son ardeur, se jetta sur
quelques Cavaliers Numides, qui ravageoient la campagne.Il en tua quelques-
uns
uns & poursuivit les autres; mais à son tour il fut poursuivi dans l'espace de
cinq milles, par Carthalon chef de la Cavalerie Carthaginoise , qui le mit à
mort avec l'elite de ses troupes.
c. Ce petit désavantage rendit Fabius encore plus circonspect. Il s'em-
Fabius at-
tendant para du poste de Terracine & du défilé qui est entre la mer & la ville, pour
Annibal empêcher Annibal de sortir de la Campanie & d'entrer dans le Latium.
au défilé, Annibal vint attaquer la troupe de Fabius rangées sous ses retranchemens dans
pour sortir un poile avantaguex. mais il y perdit huit cens hommes, & Fabius seulement
dela Cam- deux Le Carthaginois dêsespérant de forcer le débouchée deTerracine,
panie. cens.
résolut de retourner dans le Samnium par le même défilé d'Eribans par où il
étoit venu sur les bords du Vulturne, Fabius l'y prévint & vint camper sur le
mont Calicule qui dominoit sur le passage , & mit quatre mille hommes
sur le défilé par où Annibal devoit nécessairement passer. Par ce moyen le
Carthaginois se trouvoit dans le même cas où s'étoit trouvé Flaminius sur le
lac Thrafiméne. Fabius se flattoit de terminer la guerre par cette seule adion
& de recouvrer en un seul jour tout le butin , dont l'armée d'Annibal s'étoit
chargée dans toute l'Italie.
Le rusé Carthaginois reconnut qu'on employoit contre lui les mêmes
Cl. artifices, qui lui avoient si bien réüOi. Mais il ne perdit rien de sa présence
Annibal d'esprit, fécond en expédient, il en inventa un qui le tira d'embarras. Parmi
met de feu
ce grand nombre de boeufs qu'il avoit ramassé dans son camp , il en choisit
aux cornes deux mille des plus vigoureux, & ordonne qu'on leur attache aux cornes des
de mille
boeufs, & fagots de sarments secs. Vers le milieu de la nuit il fit méner ces anitnaux
setire par vers la montagne où il savoit qu'un corps de Romains étoit embusqué pour
ce strata- l'attendre au passage. 11 fit mettre le feu aux sarments & fit chaiTer ces ani-
géine de la condudeurs, qui étoient soùtenus de quelques bataillons ar-
Campanie. maux par leurs Romaine. Fabius vit ces feux & ne douta pas qu'Anni-
mez de Javelots à la
bal ne décampât à la lueur des falots ; mais il ne crut pas devoir sortir de
son camp ni s'exposer aux avantures d'une action nocturne; d'ailleurs il com-
ptoit sur son embuscade, qui devoit faire son devoir, L'embuscade ne s'é-
branla point, si non,lorsque les boeufs sentant la chaleur qui leur brùloit &
les cornes & la chair , commencèrent à courir en furieux de toutes parts ;
Alors les Romains de l'embuscade se croyant enveloppez de toutes parts,
prirent la fuite & se retirérent au camp de Fabius ; Cependant les troupes
envoyées par Annibal se saisirent du poste que les Romains venoient d'aban-
donner & par là donnérent moïen à Annibal de sauver son armée par le dé-
filé, que Fabius avoit occupé avec tant de précaution.
Il donna sur l'arriére garde des Carthaginois , mais sans beaucoup de
succés; & Annibal vint camper à Aliffes ; delà il entra dans le pays des Sam-
CIL
Fabius est nites,
& feignit de prendre le chemin de Rome ; Enfin il retourna dans l'A-
rapellé à pulie , où Fabius le suivit & malgré les railleries & les
discours de plusieurs
Rome.. des fiens, il ne changea rien dans sa conduite, se contentant de cotoïer & de
harceler l'armée Carthaginoise. Arrivé dans le territoire de Lavinum,il reçut
des lettres du Sénat, qui le rappelloit à Rome , pour assister à un sacrifice
solemnel
solemnel qui deinandoit sa présence ; il partit sans hésiter & défendit à Mi-
nucius son Lieutenant Général de Cavalerie de rien entreprendre contre l'en-
nemi, qu'il ne fût de retour à l'armée. Minucius écouta Fabius, fort résolu
de ne rien faire de ce qu'il recommandoit. En effet Annibal ayant envoyé-
la troisiéme partie de ses troupes à la provision de blé il vint avec le relie
,
de son armée se poster vis-à-vis le camp des Romains, pour favoriser sesnloif..
sonneurs.
Au milieu des deux camps s'élevoit un coteau dont Annibal s'empara CIl1.
,
par le moyen de deux mille hommes qu'il y envoya pendant la nuit. Minu- Avantage-
cius les y fit attaquer & les y força. 11 écrivit à Rome ce qui s'étoit pasfé, & que Minus
cius rem-
en fit le récit comme d'une victoire considérable. 11 s'avança ensuite plus
porte sur
prés du camp d'Annibal ; & ayant rangé ses Légions en bataille dans la plai- Annibal.
ne, il envoya sa Cavalerie & son Infanterie armée à la légére en divers pe-
tits corps qu'il lâcha contre les soldats Carthaginois occupez à moif-
sonner. Ils en tuérent un assez grand nombre sans qu'Annibal osât
sortir de ses retranchemens. ,
Il n'en sortit que quand Asdrubal lui eût
ramené un corps de quatre mille Cavaliers qu'il avoit ramasse dans la
,
campagne. Avec ce renfort il sortit de son camp ; Mais Minucius ne
jugea pas à propos de hazarder une bataille, il fit sa retraite, & rentra dans
son camp.
Ces petits avantages étant rapportez à Rome, attirerent à Fabius beau-
coup de railleries & de reproches. Il le souffrit sans s'émouvoir. On en
vint jusqu'à le soupçonner de quelque intelligence avec Annibal & l'artifi-
cieux Carthaginois avoit donné lieu à ces soupçons, en épargnant ,les champs
de Fabius pendant que ses soldats ravageoient tous les autres appartenans
,
aux Romains. Le Senat même avoit donné dans ces injustes soupçons ; &
ce fut pour cela qu'il lui refusa l'argent qu'il demandoit pour la rançon de
deux cens quarante sept prisonniers , qui n'avoient pû être échangez par
d'autres prisonniers Carthaginois. On le blama même d'avoir traité avec
Annibal pour l'échange & le rachat des prisonniers qui ne méritoisnt pas
la Republique les revendiquât, s'étant lâchement,
que laissé prendre par l'en-
nemi. Fabius n'ayant point d'argent pour les rachetter envoya son fils
,
vendre une de ses terres pour en donner le prix convenu à Annibal.Plusieurs
de ces captifs offrirent à leur retour de rembourser Fabius, mais il refuialeur
argent.
Les nouvelles de ce qu'avoit fait Minucius contre Annibal étoient civ.
publiques à Rome, lorsque le Didateur y arriva. Les espnts s'étoient extré- Accusation
mement prévenus contre ce dernier , & les amis de Minucius n'oublièrent formée à
rien pour rendre sa conduite odieuse. Fabius sans s'émouvoir témoigna qu'il Romecon-
craignoit que ces petits avantages, ne fussent suivis de grands maux pour la tre Fabius.
République. Ces paroles furent prises en si mauvaise part, que Metilius Tri-
bun du peuple dans une harangue séditieuse, ne foignit point d'avanter que
Fabius de concert avec Annibal vouloit regner à Rome ou même que la
, ,
noblesse Romaine ennemie du partie Plébéien vouloit avoir Annibal pour
,
Liv. 1. 22. Roy ; Que Fabius avoit veu sans s'émouvoir la plus grande partie de lltalic
Plâtarch. ravagée & asservie, sans vouloir user de la bonne volonté des Officiers & des
in Fabi,. soldats qui demandoient de combattre. Il conclut qu'il falloit partager le
commandement entre Fabius & Minucius.
CV. Fabius harangua à son tour, & sans entrer dans le détail de sa conduite,
On donne cérémonies du sacrifice pour lequel il
à Minucius il répondit qu'il alloit achever les
une autho étoit venu à Rome, & qu'arrivé à la teile de
son armée il sauroit ppnir la
, Le
Tïté égale à désobéïssance de Minucius, qui avoit osé combattre contre ses ordres.
celle de peuple inquiet sur le sort de Minucius, & craignant, que le Didateur n'usât
Fabius.
de son autorité & ne le condamnât à mort dans le camp où il étoit lllaÍtre
absolu, suscita un second Tribun du peuple nommé Terentius Varro, homme
sans naissance , qui se joignit à Metilius , & fit paÍfer par les suffrages du
peuple la loy qui égaloit en authorité Minucius au Didateur ; nouveauté
, qui ne laida pas d'être approuvée du Senat, Fabius n'atten-
inouïe jusqu'alors,
dit pas à Rome qu'on lui fit cette insulte. il en partit aprés avoir présidé à
l'élection d'Attilius Regulus, qui fut fait Consul en la place de Flaminius tué
àThrasiméne.
Fabius n'étoit pas encore arrivé à l'armée, qu'il reçut l'ordre de céder à
son subalterne l'égalité du commandement. Il soûtint cela avec une con-
siance héroïque, se consolant sur ce que le peuple Romain n'ajoutoit rien au
mérité ni à l'habileté de Minucius, & ne diminuoit rien de ses qualitez de
Dictateur. Cette distinftion ne laissa pas d'augmenter infiniment la préemp-
tion du Colonel. 11 demanda au Dictateur de commander à l'alternative
toute l'armée de deux jours l'un, ou semaine par semaine, Fabius aimalemieux
partager l'armée & en donner moitié à Minucius, pourLes ne pas risquer tout,
lui lai toute l'autorité pendant U'l seul jour. deux Généraux le

plaine..
en (Tant
séparérent ainsi & camperent chacun a part , mais n 'e"anmoiiis assez a portée
l'un de l'autre. Fabius sur la hauteur, & Minucius sur le penchant assésprés
de la
CVI. Annibal bien informé de tout ce qui se „ passoit dans l'armée Romaine,
Annibal résolut d'attirer Minucius au combat. Il y avoit entre son camp & celui de
profite de Minucius
une hauteur, qui pouvoit donner beaucoup d'avantage à celui qui
la témérité premier. Annibal s'en servit comme d'une amorce pour
de Minu- s'en empareroit le
cius. conduire Minucius au point où il l'attendoit. La campagne des environs
embuscade, n 'y ayant ni foret, ni
ne paroissoit nullement propre a cacher une
broussailles ; Mais il y avoit des racines, des coupures & des rochers dans les-
quelles il étoit aisé de cacher un assez grand nombre de soldats partagez par
bandes de deux cens. Annibal y embusqua cinq mille de ses fantassins &
cinq cens chevaux. On auroit pu les découvrir de la hauteur , mais il
les y envoya pendant la nuit , & il lui suffisoit qu'ils y demeuraient pen-
dant les premiéres heures du jour , ne doutant pas que Minucius ne
donnât brusquement sur les premiers qu'il verroit monter sur 1 eminence
dont on à parlé. En effet il fit sortir de trés-grand matin un petit corps de
troupes pour se saisir de la hauteur. Minucius & ses gens au comble de leur
souhaits, sortirent sur les Carthaginois. Annibal envoya divers secours àfa
troupe
qui déjà s'étoit emparée de la hauteur. Enfin il fit sortir toutes ses
troupe
troupes, & Minucius rangea son armée en bataille.
L'Infanterie légére des Romains fit tous ses efforts pour chalier«.,01lesCartha- eVll.
ginois de la hauteur dont ils s'étoient déja emparés. Les Carrhaginois aidez Minucius est battu
situation du lieu renversérent aîsément l'Infanterie Romaine. Elle
par la confusion. En même par Anni-
tomba sur la Cavalerie qui étoit derriére & y mit de la bal.
tems la Cavalerie Carthaginoise fondit sur la Cavalerie Romaine , qui fut ob-
ligée de céder & de se retirer dans les intervalles des Légions. Celles-ci
soutinrent vigoureusementl'attaque de l'Infanterie Carthaginoise ; Mais les
troupes qui étoient en embuscade étant venuës tout a coup prendre les Ro-
mains en queue & en flanc, elles en firent un grand carnage , & y répandi-
rent le découragement & la terreur.
Fabius & les siens avoient été speétateurs du combat 5 du haut de la CVIII.
montagne, où ils étoient campez. Tandis que le danger ne fut que mé- Fabius dc.
diocre, il ne fit aucun mouvement, mais voyant l'affaire désespérée , il des- livre Mi-
cendit avec impétuosité & fondit sur les troupes Carthaginoises sortisdes em- nucius.
buscades, les mit en déroute & rendit le courage aux troupes demi-vaincues
de Minucius. Les deux armées se réünirent & se mirent en état de donner
une nouvelle bataille. Annibal étoit trop prudent pour s'y exposer 3> il fit
sonner la retraite & se retira dans son camp ; Il reconnut la supériorité de
Fabius & dit qu'il s'attendoit bien que cette nuée qui étoit depuis si long-
tems sur la montagne, creveroit enfin & causeroit un grand fracas.
Fabius & Minucius retournèrent chacun dans leur camp. Il n'échappa CIX.
pas au premier une seule parole de mépris ou d'insulte contre Minucius ny Réunion
de vanité ou d'ostentation sur soy-méme ; Minucius sçut se faire justice & à de Minu-
Fabius. Il parla à ses soldats en des termes pleins de reconnoissance pour Fabius. cius avec
son libérateur. J'ay souvent ouï dire, que celui qui sait commander3doit par
tout avoir le premier rang, aprés cela celui qui sait obéir, mais ne savoir pas
commander & ne vouloir pas obéïr, c'est le caracrére d'un petit esprit. Je
viens d'apprendre par ma propre experience que je n'ai pas les qualitez
pour commander , je veux montrer que j'ay au moins celles qu'il faut pour
obéïr. Allons nous remettre sous la conduite de Fabius ; Je veux le recon-
noitre pour mon Pere & mon Général ; pour vous; donnez aux soldats qui
vous ont tirez du péril , le nom de Patrons ; Il est plus glorieux de nous
être vaincus nous mêmes, que d'avoir vaincu l'ennemi. Minucius exécuta
tout ce qu'il avoit promis, & Fabius l'embrassa avec tendresse. Tout le camp
sut dans la joïe, & la nouvelle de la vidoire & de la réunion des deux Chefs
étant arrivée à Rome donna un nouveau lustre à la réputation de Fabius.
On commença à lui rendre justice, & Annibal lui-même reconnut que pour
le coup on lui avoit opposé un homme digne de la réputation des armées
Romaines. ex.
tn Espagne les deux freres Scipion , Publius & Cneius firent de trés- succés Heureux
grands progrés sur les Carthaginois : Cneius dez l'année précédente avoit Romainsdes
gagné une victoire signalée sur Asdrubal frere d'Annibal aux embouchures en Elpag-
,
de l'Ebre, & de Quarante vaisseaux qu'avoit le Général Carthaginois, il lui en ne.
avoit pris vingt cinq & fait périr les autres ; De sorte que par cette vidoire-,
il se vit maître de la mer d'Espagne & réduisit Asdrubal à ses seules forces
,
de mer. Delà il fit descente en Espagne à Honosca où il prit & sacagea
la ville, & fit le dégat autour de la nouvelle Carthage, ; 11 porta ses
dans l'Isle d'Ebuse nommée aujourd'huy Yvica, & en emporta de armes
des richesses. Enfin, il revint au Port de Tarragone d'où il étoit parti. gran-
Cependant Asdrubal, qui ne pouvoit faire subsister son armée sans
flotte, fut obligé d'abandonner les environs de l'Ebre & de se retirer sur
l'Ocean dans la Lusitanie. Cneius s'empara sans peine, du pays que le Car-
thaginois avoit abandonné. Cent villes Capitales, d'autant de petites Pro-
vinces se rendirent a lui & pour asseurance de leur fidélité luy donnèrent
,
des otages. Il n'y fut pas longtems en paix. Deux freres Espagnols
nommez Mandonius & Indibilis , affectionnez aux Carthaginois vinrent à
la teste de leurs sujets ravager les terres des nouveaux alliez des, Romains.
Ils furent défaits & dislipez par quelques troupes que Scipion envoya contre
eux.
Asdrubal quitta la Lusitanie & vint au secours des deux freres ; Mais
les Celtibériens peuples Espagnols alliez des Romains lui firent changer
,
de résolution. Ils se jettérent sur les terres qui obéïssoient aux Carthaginois
& y prirent trois villes. Asdrubal leur présenta la bataille, & fut battu. On
luy tua quinze mille hommes, & on lui fit quatre mille priionniers. Tel
étoit l'état des armes Romaines en Espagne lorsque Publius Cornelius Sci-
pion y arriva avec sa flotte ; Elle n'étoit que ,
de vingt galéres mais elle
portoit huit mille hommes de troupes Romaines & grande quantité ,
de mu-
nitions sur d'autres bàtimens. Ainsi leur flotte réünie étoit de soixante ga-
léres & leur armée de terre n'étoit pas moins considérable à propor-
tion. , De sorte que les deux Scipions étoient en état de tout entrepren.
dre.
CXI. Annibal avant sou départ pour l'Italie avoit rassemblé les ôtages qu il
,
Prise de avoit tirez des différentes contrées de l'Espagne, dont il s'étoit rendu maî-
Sagunte tre. Il les avoit rassemblez dans le chateau & dans la ville de Sagunte où
par les il leur faisoit fournir tout ce qu'ils pouvoient raisonnablement dfsirer. ,Une
Romains. bonne garnison commandée
Poiyb. 1. 3. par Bostar, gardoit & la ville & les otages. Un
Tit, Liv. Espagnol nommé Abelox qui servoit dans les troupes de Bostar dégoûté
1. 22. du service des Carthaginois, résolut de se donner aux Romains, & , pour mé-
riter parmi eux quelque considération il se proposa de leur remettre les
,
otages, qui étoient enfermez dans Sagunte. 11 fit entendre à Boshr que le
moyen le plus efficace de regagner les coeurs des Espagnols ébranlez par la
présence des. Scipions, seroit de leur renvoyer leurs otages.
Bostar donna dans le piége & permit à Abelox de les reconduire à leur
parents. La nuit suivante l'Espagnol alla trouver le Proconsul P. Scipio &
lui promit de lui remettre la plus illustre jeunesse d'Espagne, qui étoit en
otage dans Sagunte, & il luy raconta les mesures qu'il avoit prises pour l'ex-
écution de ce projet. Scipio le comble de caresses & luy fait de grandes pro-
messes, au cas qu'il exécute ce projet. En même tems on convient deplacer
une
& Abelox & les otages
une embuscade au lieu le plus propre pour enlever
qu'il conduiroit. La chose s'exécuta comme elle étoit projettée. Les otages
furent remis au Proconsul, qui les renvoya à leur parens par Abelox, & par
la s'aquit l'affedion des principaux Seigneurs de l'Espagne.
Pendant que ces choses se passoient en Espagne ; Annibal étoit dans son
passa l'hyver dans l'inadion, il craignoit que la
camp de Geronium, où il
campagne suivante ne luy fit consumer le reste de ses troupes, par des délais
semblables à ceux de Fabius. Toute sa ressource étoit l'esperance de trouver
de nouveaux Consuls du caradére de Sempronius & de Flaminius & de les
attirer comme eux dans les piéges qu'il sauroit leur dresser. Heureusement
pour luy on choisit pour Consuls de l'année M. Terentius Varro, le même
qui s'étoit lié avec le Tribun l'vletilius, pour faire donner à Minucius une éga- CXII.
lité d'autorité avec le Didateur Fabius? il eut pour Collègue L. Æmilius M. Teren-
Paulus, qui avoit deja été Consul, & qui s'étoit distingué dans la guerre con- tius Varro
& L. iEmi-
tre les Illyriens. Il fut ordonné que les deux Consuls commanderoient l'ar- lius Paulus
mée sl1ccesIivenlent & chacun à son tour. Les deux Consuls de l'année pré- Goufuls.
cédente; Attilius & Servilius demeurèrent dans l'armée en qualité de Pro- An de R.
consuls. du M.
?7§ 7-
Rome augmenta alors considérablement ses troupes. Le Grand Fa- avant J. C.
bius n'avoit commandé que quatre Légions. La République en mit huit sur 213.
pied. La Légion jusqu'à lors n'avoit été que de quatre mille hommes de pied Tit. Li-v.
& de huit cens Chevaux. On la fit monter à cinq mille hommes de pied & à 1. 2.Con- ?.
Les
trois cens chevaux. On ordonna aux alliez de donner le double de leur conr suls Ro-
tingent de troupes. Parla on forma des armées trés nombreuses. Le Roy mains
Hieron y ajouta encore deux mille hommes, partie armez de fléches & partie comman-
de frondes. En même tems on envoya ordre à Otacilius, qui commandoit dent suc-
ceffive-
la flotte de Sicile, de faire une descente en Afrique & d'y porter la guerre ment &
pour occuper les Carthaginois dans leur pays, &les empêcher d'envoyer des chacun â
renforts en Espagne & en Italie. son tour,
Le Consul Terentius Varro dans la haranguequ'il fit au peuple selon la CXIIL
Pré[omp"
coutume avant son départ de Rome, avoit déclaré que dez le premier jour tion du
qu'il rencontreroit l'ennemi, il lui livreroit bataille, &termineroit la guerre, Consul
laquelle ne finiroit jamais, tandis qu'on mettroit des Fabius à la tété des ar- Terentius
mées. Les deuxProconsuls remirent l'armée en bon etat entre les mains des Varro,
Consuls. Elle consistoit en quatre vingt sept mille hommes. Les Consuls
campoient eniemble avec la grosse armée, les deux Proconsuls campoient
séparémment avec un autre corps d'armee beaucoup moins nombreux.
Annibal avoit consumé toutes ses provisions, & indépendamment de la
saison qui l'invitoit à se mettre en campagne, il y étoit forcé par la nécesïï-
té des vivres. Quelques-uns de ses gens, qui étoient sortis pour piller, turent
rencontrez par un gros parti des troupes Consulaires, qui fondirent sur eux
& leur tuèrent environ dix sept cens hommes iEmilius étoit alors de jour.
In arréta l'impétuosité des Tiens, de peur de tomber dans quelque embuscade.
Ces ménagemens n'étoient pas du goût de Terentius, il en murmura, disant.
que ion Collègue avoit perdu l'occasion de remporter une victoire confidéra-
ble. Annibal qui connoissoit Terentius, ne douta pas que ce petit avantage
ne luy donnât envie de venir à son tour l'attaquer, pour peu qu'il y eût d'ou-
verture.
CXIV. Il la luy donna dez le lendemain, en abbandonnant son camp pendant
Stratagème la nuit & feignant de fuir,
•d'Annibal avec précipitation. iEmilius y soupçonna du stra-
& envoya dans le camp abbandonné un officier avec deux soldats qui
pour atti- tagéme
rer les Ro- rapportèrent que les Carthaginois en se retirant n'avoient allumé des feux
mains au que du côté des Romains, que les tentes étoient encore dressées & les hardes
ombat. demeurées à l'abandon,
que l'on avoit même affecte de femer de l'argent dans
les intervalles des tentes, que tout cela donnoit lieu de croire que c'étoit un
piége qu'Annibal tendoit à l'armée. Ces raisons au lieu de retenir le soldat,
excitèrent son envie; ils protestérent qu'il sortiroient sans leurs Chefs, si on
vouloit les retenir au camp. Ætl1ilius n'ayant plus d'autre ressource pour les
arréter, fit consulter les poulets qu'on portoit toujours dans l'armée. Ils ne
sortirent qu'avec peine de leur cage, & ne coururent pas au manger qu'on
leur présenta. Ce prétendu mauvais augure fut plus efficace que les bonnes
raisons d'iEmilius. Le même jour on apprit par deux transfuges qu'Anni-
bal avoit embusqué ses troupes au voifIinage du camp, dans le dessein de
fondre sur les Romains, lorsqu'il les auroit veus occupez au pillage. Annibal
revint sur le soir coucher dans son camp.
CXV. Ce Général souffroit beaucoup de la disette & ses troupes mécontentes
Annibal luy demandèrent & leur solde & des vivres. Dans cette extrémité il eut la
pres de 1, pensée de se
retirer avec sa Cavalerie dans la Gaule Cisalpine & d'abbandon-
1 Cannes
dans i'Ita- ner son Infanterie à la mercy des ennemis, mais aprés y avoir réfléchi il aima
lie. mieux se retirer dans l'Apulie, où il espiroit trouver des vivres avec plus de
commodité & d'abondance. 11 décampa la nuit, laissant des feux allumez&
des tentes dressées dans son camp. On crut que c'étoit encore une suitte si-
mulée, & on ne jugea pas à propros de le poursuivre. Il arriva sur le fleuve
Aufide, &se campa entre Cannes & Canusium; il trouva dans la ville de Can-
nes un magazin de blé destiné pour l'armée Romaine, dont-il se servit pour
la nourriture de ses troupes. Dela il pouvoit faire des courses dans toute
l'Apulie, & s'il falloit livrer un combat, la plaine où il se trouvoit.luy don-
noit tous les avantages possibles, sur tout pour sa Cavalerie, qui faisoit sa
plus grande force.
CXVI. Les Consuls envoyérent à Rome des couriers pour savoir l'intention du
Les deux Senat sur le parti qu'on devoit prendre. Le Senat fut d'avis qu'il fdlloit livrer
Gonsuls user de beaucoup de sagesse & de retenuë. On
à portée le combat à Annibal, mais
d'Annibal décampa & en deux jours de marche, on arriva sur les bords de l'Aufide, où
dans l'A- Annibal étoit campé, assez prés de Cannes. Ce Général avoit pris son porte
pulie. si
de manière, que l'on en venoit aux mains, les Carthaginois auroient au dos,
& le soleil dans sa.plus grande force, &le vent de' Vulturne, c'est-à dire du
midy vers le sudest. iEmilius qui étoit de jour, ne voulut pas avancer dans
la plaine, craignant la Cavalerie d'Annibal, qui étoit beaucoup meilleure que
la sienne. Le lendemain Terentius fit marcher toute l'armée dans la plaine,

où il eut quelque avantage dans une escarmouche entre ses troupes & les
Carthaginoises.
Le jour suivant Æmlllus ne pouvant plus sortir de la plaine fit fortifieE
,
deux camps, l'un en deça & l'autre au dela de l'Aufide ; Annibal aussitost
passa de la rive Orientale, à la rive Occidentale du fleuve. Dez le lendemain
il vint présenter la bataille à Ænl1hus qui étoit de jour. Celuy-cy ne sTébranla
point & lelaiiTa se retirer. Quelque tems aprés Annibal s'étant apperçu que
les soldats du petit camp des Romains étoient occupez à puiser de l'eau dans
le fleuve pour en faire provision, fit fondre sur eux des Cavaliers Numides
qui les mirent en désordre. Cependant la journée se passa sans aucune action
remarquable.
Le jour suivant auquel le commandement appartenoit à Terentius, on ex VII.
de
vit dez le matin arborée sur sa tente la Casaque rouge, qui,étoit le signal du Bataile
combat ; & en même tems le Consul fit sortir son armée du grand camp, luy Cannes, où les Ro-
fit passer l'Aufide, & la rangea dans la grande plaine où étoit le petit camp, mains lent
La Cavalerie Romaine étoit à côté des legionaires ou des troupes Romaines, entiére-
& la Cavalerie des alliez couvroit l'infanterie alliée. ÎEmiliùs commanda l'aile ment dé,,
droitte, & Terentius l'aile gauche. Les Proconsuls Servilius & Attilius don- faits.
noient leurs ordres au corps de bataille. Annibal ravi d'avoir enfin trouvé ce
qu'il cherchoit depuis si longtems, sortit promtement de son camp passa
la riviére & se rangea vis à vis les Consuls. Il posta sa Cavalerie Gauloiie,
&
Espagnole à sa gauche pour faire teste aux Chevaliers Romains, & sa Cavalerie
Numide à sa droitte pour l'opposer à la Cavalerie des alliez. L'armée Cartha-
ginoise n'etoit que d'environ cinquante mille hommes parmi lesquels il
,
y en avoit dix mille d'excellente Cavalerie. Asdrubal commandoit l'aile gau-
che, Maharbal l'aile droitte. Annibal & Magon son frére étoient au corps
de bataille. Il s'étoit rangé, de manière que tout le jour il ne devoit point
avoir le soleil au visage, & que les Romains devoient avoir pendant le com-
bat la poussiére au visage poussée par un vent réglé qui devoit se lever à certaine
heure.
Il avoit appuyé sa gauche sur la riviére d'Aufide, & avoit placé l'infante-
rie Espagnole &Gauloise au centre, & l'infanterie Africainepésàiiimentarmée
moitié à leur droitte & moitié à leur gauche, sur une même ligne avec la Ca-
valerie. 11 se mit à la téte de ce corps d'infanterie Espagnole &Gauloise &
l'ayant tirée de la ligne, il marcha en avant pour commencer le combat,
, en
arrondissant son front, à mesure qu'il approchoit de l'ennemy, & allongeant
ses ailes en espéce de demi-cercle. On en vint bientost
aux mains, & les
legions Romaines voyant leur centre vivement attaqué, s'avancérent pour
prendre l'ennemi en flanc. Le corps d'Annibal se voyant presle de toutes
parts, ceda au nombre & se retira par l'intervalle qu'il avoit laisse, dans
le centre de la lisrne.
Les légionsu Romaines l'y^ayant suivi avec chaleur & avec allez de CXVlll.
fusion, les deux ailes de l'infanterie Africaine, qui n'avoient point con-
Le Con[ul
encore com- /Emilius
battu, s'etant tout d'un coup, par une demie conversion, tournée vers ce
vuide dans lequel les Romains s'étoient jette en détordre, les chargèrent des est blessë,
,
deux
deux côtez avec tant de vigueur, qu'ils ne leur laisserent pas le temps de se
former. En même tems les deux ailes de la Cavalerie qui venoient de battre la
Cavalerie Romaine, & l'avaient poussée jusqu'au point de ne pouvoir se ral-
lier, revinrent par derriére sur l'Infanterie Romaine, qui étant ainsi envelop-
pée de toute part, fut entiérenTent taillée en pièces, malgré la brave résistan-
ce qu'elle fit, toute mal commandée qu'elle étoit;cariEmilius avoit été blessé
au commencement du combat, & aprés avoir fait tout ce qu'on pouvoit at-
tendre de son expérience & d& sa sagesse, on le porta hors du combat.
Le Consul Terentius qui étoit à la gauche n'attaqua que foiblement les
Carthaginois. Annibal avoit donné ordre à cinq cens de ses Cavaliers Numi-
des de quitter leur polies & d'aller par une feinte désertion se livrer à Teren-
tius. Ils mirent bas leurs armes & leurs boucliers & se mirent derriére les lignes;
mais aussy tost qu'ils virent la vidoire se déclarer pour les Carthaginois, ils
tirèrent leurs epées qu'ils avoient tenues cachées sous leurs habits & firent main
basse sur tout ce qu'ils rencontrèrent. Terentius suivi de ioixante & dix Ca-
valiers, s'en fuit à Venusie où ilrassembla quelques soldats des débris de son
armée.
CXIX. PouriEmilius, qui par un préssentiment de ce qui devoit arriver, n'étoit
Mort du allé au combat qu'à regrét, il fut tiré du combat tout percé de coups. 11 n'eut
Consul
,&miiius. pas la force de regagner le camp. il s'assit sur une roche pour respirer. Un
Tribun de l'armée Romaine luy offrit son cheval; mais il le réfuta luy dit de
se sauver luy-même, d'avertir le Senat de bien munir & fortifier Rome & de
dire à Fabius qu'il mourroit sans s'étre départi de ses Conseils. Peu de, tems
aprés arrivérent les ennemis qui sans le connoitre le percèrent de traits.
Ainsy mourut le Consus iEmilius un des plus sages & des plus vaillans Géné-
raux de la République. Ce grand homme, avant que de l'ortir du camp, y
avoit laissé dix mille hommes, avec ordre d'aller attaquer le camp d'Annibal,
au plus fort dela mêlées'imaginant qu'Annibalinférieur en nombre de trou-
pes, ne laisseroit dans ses retranchemens que le moins de monde qu'il pour-
roit. Mais il y en avoit laissé assez pour le défendre, & aprés l'action Anni-
bal y étant accourru, tua deux mille des assaillans, & obligea le rcite it se
rendre à discrétion. Environ deux mille Romains s'etoient jettés dans la Ci-
tadelle de Cannes; Mais ils furent bientost obligez de se rendre à Carthalon,
qui les y investit.
Tel fut le succés de la fameuse bataille de Cannes, où les Romains per-
dirent au moins quarante cinq mille hommes; sans compter le Consul /Emi-
lius,, les deux proconsuls Servilius & Attilius, deux Questeurs de l'armée,
vingt neuf Tribuns légionaires. Plusieurs Officiers de considération, dont
les uns avoient-été autrefois ou Consuls ou Préteurs, ou Ediles. On remar-
qua entr'autres çel\linucius qui l'année précedente avoit été Colonel Géné-
ral de la Cavalerie sous le Didateur Fabius ; Annibal ne perdit que quatre mille
Gaulois, quinze cens tant Espagnols qu'Africains, & deux cens Chevaux.
cxx. Dix sept mille hommes de l'aile droite des Romains se iauvérent dans
Retraitte les deux camps, sçavoir dix dans le plus grand & sept dans le plus petit. Ceux
de quel-
ques.
du grand camp invitérent ceux du petit à se joindre à eux pour gagner pendant
la
la nuit la ville de Canufium, & s'y mettre à couvert. Un point d'honneur Romains Soldats
mal entendu pensa brouïller ces malheureux débris de l'armée Romaine. à Canuse.
Ceux du petit camp se piquèrent de ce que ceux du grand camp les invU Liv. 1.ai.
toient à venir à eux, & vouloient les engager à courrirle risque de leur jon-
ction. Sempronius Fuditanus un de leurs Tribuns eût assez de peine à les
résoudre à prendre le bon parti, & à venir se joindre au plus grand nombre ;
& encore y en eut-il, qui par poltronnerie, ou par .unefaune délicatesse,aimé-
rent mieux demeurer dans le petit camp,que de suivre les autres à Canusium.
Maharbal l'un des Généraux d'Annibal, étoit d'avis que de suite on CJCX1.
marchât droit à Rome, promettant à Annibal que dans cinq jours delà il le Annibal ne
feroit soupper au Capitole; Et comme Annibal lui dit que la chose méritoit profitersait pas
de
bien qu'il en délibérât , Maharbal répondit : Je vois bien que les Dieux la vi étoire
n'ont pas donné a un même homme tous les talens à la* fois ; Annibal sait en allant A
vaincre, mais il ne sait pas profiter de sa victoire. Plusieurs anciens croyent Rome.
qu'en effet il fit en cela une faute capitale , & que si sans délay il avoit mar-
ché contre Rome, c'étoit fait de cette Republique. D'autres sont plus réser-
vez & prétendent qu'Annibal à qui l'on n'a jamais reproché d'avoir manque
ni de courage, ni de prudence , avoit fait tout ce que les circonstances luy
permettaient, & que pour en juger sainement , il faudroit savoir au juste les
raisons qu'il eut de ne pas faire ce qu'on lui conseilloit.
Aprés avoir dépouïllé les morts, on marcha sur le soir pour forcer les
deux-camps des Romains. Il n'y restoit qu'environ quatre mille hommes ;
Il n'étoit pas en état de résister. C'étoit ou des blessez ou des esclaves , ou
des soldats qui n'avoient pas eu le courage de se sauver avec les autres a Ca-
nusium. Ils se rendirent à discrétion,& on leur permit de sortir du camp sans
armes, leur rançon fut fixée à trois cens deniers d'argent pour chaque Romain
d'origine, à deux cens pour les alliez, & à cent pour les esclaves.On les retint
partagez en différentes bandes , jusqu'à l'entier payement de leur rançons.
Les troupes qui s'étoient retirées à Canurtum, se donnèrent pour Chefs CXXll.
deux Tribuns, l'un nommé Appius Claudius Pulcher, & l'autre nommé Sci- Belle a&ion du
pion fils de Publius , qui étoit alors en Espagne en qualité de Pro-consul. jeune Sci.
Cest le même Scipion dont on parlera souvent ci aprés, sous le nom de Sri-, pion à Ga..
pion l'Africain. Il n'avoit alors qu'environ dix huit ans. Pendant qu'il dé- nu se.
libéroit avec son Collégue sur le parti qu'ils avoient à prendre , on lui vint
dire que plusieurs Romains de qualité étoient actuellement assemblez dans
une maison de la ville , pour complotter de se retirer hors de l'Italie dans
quelque pays ami des Romains. Le jeune Scipion marche aussitost avec une
troupe de soldats vers cette maison , & y étant entré l'épée à la main , il
s'addresse à Cecilius Metellus Chef de cette assemblée ; & aprés avoir fait ser-
ment de n'abandonner jamais sa patrie, & de ne permettre jamais à personne
d£ l'abandonner il force Cecilius & les autres d'en faire de même ; Ils con-
,
sentirent même qu'on leur donnât des gardes pour s'assûrcr de leur fidé-
lité.
Le Consul Terentius Varro étoit toujours à Venufie, ou il avoit rassem-
ble autour de lui environ quatre mille soldats, qui s'étoient sauvez de la ba-
'c,YYIII. taille; ayant appris qu'il y avoit
d'autres
troupes il s'y rendît avec
à Canuse,
Mareellus sa troupe, & se trouva à la téte d'environ dix mille hommes. Delà il écrivit
cst envoyé à Rome la perte de la bataille : La mort d'iEmilius, l'état présent de ses af:"
à Canuse, faires, & qu'Annibal étoit encore campé à Cannes. En même teins on ap-
pour pren- prit que la flotte Carthaginoise ménaçoit la Sicile, qu'une escadre de la même
dre le
comman- flotte ravageoit la
côtedeSyracuse, & que le Roy Hiéron demandoit du se-
dement de cours. On délibéra sur les moïens de sauver Rome & la Sicile. Marcellus,
l'armle. dont on a déjà parlé, & qui s'étoit distingué dans le combat singulier, où il
tua Virdomare Roy Gaulois, fut envoyé à Canuse pour prendre le comman-
dement des troupes que l'on ôtoit à Terentius. Marcellus étoit alors occupé
à équipper une flotte pour la Sicile. On donna le commandement de cette
flotte au Préteur Furius; & on en tira quinze cens hommes pour fortifier la
garnison de la ville de Rome. On en détacha encore une Légion entière
qui fut envoyée à Canuse. Marcellus s'y rendit bientost après.
rlXXIV. Terentius revint à Rome & y fut reçu avec honneur. On envoya au
Terentius devant de lui des députez de tous les ordres, pour lui rendre graces de n'a-
est reçu à voir
Rome avec pas désespéré des affaires de la Republique , aprés un si grand désastre.
honneur. Aprés cela le Senat nomma un Di(-Itateur , qui sut Marcus Junius Pera , qui
prit pour son Colonel Général déla Cavalerie Tiberius Sempronius Gracchus.
cxxv. Pendant que le Senat & les Patriciens faisoient éclatter leur constance
Expiations de tant de traverses le peuple Romain.
fuperstiti- & leur grandeur d'ame , au milieu
,

,
euses & suivoit son penchant à la superstition & cherchoit des causes surnaturelles
cruelles à de ce qui lui étoit arrivé. On étoit persuadé que le violement des choses
Rome. saintes ne se fait jamais, sans que Dieu en tire vengeance. On trouva que
deux vestales avoient profané leur consecration par des incestes. L'une fut
enfouïe toute vivante, & l'autre se donna la mort. On députa à Delphes,
pour savoir ce qui avoit attiré sur Rome les effets de la colére des Dieux, &
de qu'elles expiations on devoit se servir pour les appaiser. On renouvella
un ancien sacrifice plein de cruauté , qui sut d'enterrer tous vivans dans un
caveau fait exprés, une Grec & une Gréque , un Gaulois & une Gauloise.
Ainsi on imputoit sottement aux Dieux les fautes du peuple enteté dans le
choix qu'il faisoit de mauvais Généraux, & les entetemens des Généraux ca.
pricieus & temeraires.
'XXV}. Aussitost aprés la bataille de Cannes Annibal avoit dépêche son frere
Magon est Magonpour porter a Carthage la nouvelle de sa viétoire, & pour demander
envoyé à afin de continuer la guerre. Magon parla
Carthage les secours dont il avoit besoin
de- en plein Senat & exposa les grands exploits de son frere, & en même tems
pour
mander du pour preuve de ce qu'il disoit il fit répandre au milieu de l'assemblée un
- ,
renfort. boisseau d'anneaux d'or, qui avoient été tirez des doigts des nobles Romains
tuez dans la bataille. Il conclut par demander de l'argent, de vivres & de
nouvelles troupes. Ce discours sut reçu avec applaudissement,alors Imil-
con, qui étoit du parti d'Annibal!, demanda avec un risfaché railleur & in-
sultant à Hannon qui étoit du parti opposé, s'il étoit encore qu'on eut
entrepris la guerre contre les Romains, & s'il étoit encore d'avis qu'on leur
livrât Annibal, pour les avoir attaquez?
Hannon
Hannon sans s'émouvoir, répondit qu'il étoit toujours -dans les mêmes
sentimens; que la vidoire dont on parloit, ne lui paroissoit utile à la Repub-
lique qu'autant qu'elle pourroit contribuer à faire une paix -ovantageuse avec
Rome. Vous me dites que vous avez taillé en pièces les armées Romaines;
Et en même tems vous nous demandez des soldats de renfort; que pourriés-
vous demander autre chose, si vous aviez été vaincu?Vous vous êtes rendu
maître du camp ennemi, rempli sans doute d'argent & de provisions;&vous
nous dites, envoyez nous des vivres & de l'argent. Tiendriez-vous un au.
tre langage, si vous aviez vous-nlêmes perdu vôtre camp, & vos bagages?
continua à interroger Magon. Quelqu'un des peuples Latins est-il venu se
Il
rendre à Annibal 1 Les Romains lui ont-ils fait des propoiitions de paix?
Magon fut forcé d'avouer que non. Nous avons donc, répliqua Hannon,
la guerre en Italie aussi forte que jamais. Il en conclut qu'on ne devoit
en-
voyer à Annibal ni argent, ni troupes, ni provisions. Mais son discours fut
régardé comme un effet ou de jalousie ou de prévention & on accorda à
Magon tout ce qu'il demandoit. Il partit sur le champ pour, lever enEspagne
vingt quatre mille hommes d'Infanterie, & quatre mille Chevaux.
Annibal manquoit d'argent; il espéra d'en tirer une bonne somme de
ses prisonniers ; Il renvoya sans rançon les alliez cxxvit.
ainsi qu'il avoit déja fait Rome re-
dans d'autres occasions, mais pour les Romains, il, voulut les ftire rachetter, fuse de
d'abord il ne les avoit taxez qu'à trois cens deniers; ensuite il les mit à cinq rachetter
cens deniers qui font environ deux cens cinquante livres par teste en pré.. les prison-
nant le denier à dix sols. , niers faits à
Il envoya Carthalon à Rome pour y saire, des propositions de paix & Gannes.
pour tirer la rançon des prisonniers ; & il permit à dix de ces derniers sur
leur parole de retourner à Rome pour négotier leur rachat à condition
qu'ils reviendroient a lui, s'ils ne réùssissbîent pas dans leur négociation.
, Un
de ces dix députez crut par un petit artifice eluder son serment. Il retourna
au camp quelque tems après en être sorti faignant d'avoir oublié quelque
,
chose, & croyant par la être quittç de sa promette. Mais on méprisa cette
souplesse, comme contraire à la bonne 'foy. Dez que le Dictateur Junius
eut appris que Carthalon approchoit de la ville & qu'il étoit changé de trai-
ter de la paix, il envoya sur le champ un Licteur pour lui dénoncer qu'il eût
a f or tir des terres des Romains avant la nuit. Quant-aux dix députez des
prisonniers de guerre, le Senat leur donna audiance hors des
murs, parceque
en qualité de captifs, ils étoient considérez comme étrangers.
Un nomme Junius parla au nom de tous & représenta
s'ils avoient survécu aux Senateurs,
que au malheur de leur Compatriotes, on ne pouvoit
l'imputer a lacheté puisque dans le combat ils avoient fait
attendre d'eux. , ce qu'on pou-
voit Le grand nombre des Senateurs, & tout le peuple
etoient d'avis qu'on les rachettât même au dépens du public de moins
qu'onleur Pfny.r deJe rachetter eux mêmes, par le , ou
moyen de leur famille.;
Mais Titus Manlius Torquatus fut d'un avis contraire. Il fit
Senat que ceux qui se présentoient pour être rachettez, n'avoient remarquer au
voulu
se retirer avec leurs Camarades à Canuuum,aimant mieux s'exposer pas à la merci
des Carthaginois, que de profiter de l'occasion qui se présentoit pour se sau-
ver. Ce sentiment fut suivi, le Sénat voulut faire comprendre à Annibal
que Rome n'avoit pas un aussi grand besoin d'hommes, qu'il se l'imaginoit;
en même tems on donnoit aux soldats Romains cette leçon, qu'il falloit on
vaincre, ou mourir.
exxviu. Les dix députez des prisonniers faits à Cannes s'en retournèrent donc
Sévérité
exercée vers Annibal, celui dont on a parlé & qui par un rafinement frauduleux pré-
tendoit avoir satisfait à sa parole fut renvoyé avec les autres. On allure que
contre les dans la suite
prisonniers ces dix prisonniers s'échappèrent des liens cFAnmbal i mais ils
Romains. furent toûjours regardez dans leur patrie comme des lâches & notez d'Infa-
Zonar. 1. 8. mie parmi leurs Concitoyens. Pour les autres prisonniers, Annibal les fit
servir de spedacle à son armée les faisans battre les uns contre les autres,
,
parens contre parens,ainsi que des gladiateurs , les plus notables furent en-
voyez à Carthage.
CXXIX. Depuis la vidoire qu'Annibal avoit remportée à Cannes sur les Ro-
Plusieurs mains, la plûpart des peuples de la grande Gréce, les Bruttiens les Hirpi-
peuples ,
niens, les Apuliens, les Samnites, les Crotoniates, les Lucaniens, les Locri-
d'Italie se
donnent à ens, les Tarentins se déclarèrent pour le vainqueur. Il voulut s'emparer de
Annibal. Naples, afin d'avoir un bon port sur la Méditerranée, mais il trouva dela ré-
sistance de la<port des Néapolitains, & il n'osa-se hazarder à les assiéger.l)elà
il se rendit à Capouë: Cette ville étoit aprés Rome la plus grande la plus
,
opulente & la plus magnifique ville de l'Italie. Elle étoit alors gouvernée
par un nommé Pacuvius Caluvius, homme accrédité & aimé du peuple, qui
dés l'année précédente après la bataille de Thrasiméne, avoit résolu de livrer
la ville aux Carthaginois, s'ils entroient dans la Campanie. Réflechissant
ensuite sur les maux que Capouë auroit à souffrir de la part des Carthagi-
nois, li elle se livroit à eux, il résolut de s'emparer lui-même de la souveraine
autorité du moins de se rendre en quelque sorte maître du Senat & du
peuple. ,
fXXX. Il gagna le Senat en le garantissant de la mort que le peuple étoit
Annibal résolu de lui faire souffrir, pour se délivrer de sa domination. Il gagna le
gagne les peuple par ses bienfaits & par la liberté qu'il lui donnoit de faire ce qu'il
Capotians.
vouloit. Aprés la défaite de Terentius, plusieurs jeunes Cavaliers de Capouë,
qui avoient épouse des femmes Romaines , insistérent auprés de Pacuvius
qu'on députât vers le Consul vaincu, pour lui offrir du secours. Pacuvius
eut peine à l'accorder , néanmoins les députez partirent, & Terentius leur
parla en des termes si peu dignes de son rang, de sa dignité e% de la Majesté
de Rome , qu'il se rendit méprisable & fit comprendre aux députet que la
Republique Romaine étoit perduë sans ressource , & que Capouë pouvoit
CXXXI. espérer non
seulement de recouvrer sa liberté mais même de dominer un
,
Conditi- jour dans l'Italie, lors qu'Annibal en seroit sorti.
ons sous A leur retour ils inspirèrent ces sentimens aux Capoüans,& le plus grand
les quelles nombre étoit d'avis de traiter avec Annibal sous des conditions avantageu-
Annibal est ses. Quelques Vieillards seulement leur inspirerent de rien précipiter &
reçu dans ne
Capouë, de ne se séparer de Rome qu'en gardant certaines bienséances ; qu'il falloit
demander
demandera Rome ce qu'onétoit bien assùréqu'elle n'accorderaitpas,[avoir
une parfaite égalité entre Rome & Capouë,& que tous les ans on choisiroit
un Consul Romain & un Capoüan. Romerejetta cette proposition, & Ca-
pouë sur le champ résolut d'envoyer vers Annibal les mêmes. députez pour
traitter avec luy. Ils convinrent i°.-Que nul Magistrat Carthaginois, fût-il
Général d'Armée, n'exerceroit dans Capouë nulle juridiction sur aucun des
citoïens. 2°. Que nul Capoüan ne seroit contraint de servir dans les troupes
Carthaginoises, 30. Que Capouë seroit gouvernée à l'ordinaire sélon ses loyx
& par ses propres Magistrats. 4°. Qu'Annibal livreroit aux Capoiians qua-
tre cens Chevaliers Romains, pour étre échangez contre autant de jeunes
Capoiians qui seruoient dans les armées Romaines en Sicile. Annibal signa
tout ce qu'on voulut, pour veu qu'on luy livrât Capouë.
Il ne restoit plus pour mettre le comble à la perfidie, que de se défaire cxxxII.
des Officiers & de la Garnison Romaine & des autres Romains qui se trouvo- Courage
ient alors dans la ville. Le peuple les arréta, les invertit & les enferma dans quide Magius
s'op-
les bains publics, où ils furent tous étouffez par la chaleur , ou par. les va- pose seul
peurs des bains que l'on chauffa excessivement. Parmi les Capoüans il se trou- a la réce-
va quelques personnes qui désapprouvérentbeaucoup les engagemens que l'on ption
avoit pris avec Annibal, un nommé Decius Magius leur réprésenta le danger d'Anniba!.
auquel ifs s'exposoient en recevant Annibal. 11 eut même assez de courage
pour leur inspirer de faire périr les Carthaginois à leur entrée dans la ville.
Annibal fut informé des discours de Magius & luy ordonna de se rendre dans
son camp. Magius ne voulut pas obeïr.
On fit une entrée magnifique à Annibal, il voulut sur le champ qu'on
assemblasse Senatpourfaire condamner Magius. On le pria de ne pas souïller
cette journée par lefang de ce citoyen, & on l'amusa dans de grands repas. Pa-
cuvius devoit donner à souper à Annibal. Son fils nommé Perola rempli du
même esprit que Magius, s'ouvrit à son pere sur larésolution qu'il avoit prise
de poignarder Annibal pendant le souper. Pacuvius fit tant par ses priéres &
par ses larmes qu'il désarma son sils & l'amena souper avec Annibal. Le len-
demain Magius fut condamné par arrêt du Senat & livré à Annibal, qui le fit
eAbarquer pour étre envoyé à Carthage. LevaisTeau qui le portoit fut pousse
par la tempéte à Cyrenequi obeissoit au Roy d'Egypte. Il se réfugia sous l'a-
zyle de la statuë de ce Prince, qui luy permit de retourner à Rome ou à Ca-
pouë. Il aima mieux demeurer à Alexandrie, où il vecût en paix. Telles
furent les prémices de la liberté qu'Annibal avoit promise aux Capoiians.
Autant qu'Annibal saisoit de progrés en Italie, autant Asdrubal son frere cxxxiii-
avoit de désavantage enEspagne,contre les deux Scipions,Publius & Cne- Avantages
remportés
ïus; le premier commandoit la flotte Romaine & le second Parmée de terre. par lesSei.
Asdruba! ayant réprimandé quelques troupes Espagnoles, qui étoient à san pions sur
service, comme ayant mal fait leur devoir à la bataille donnée à l'embouchure les Cartha.
del'Ebre; ces troupes désertérent & se retirérent chez les Carpetans, qu'ils ginois en
soûlevérent contre les Carthaginois, & dont ils prirent les villes. Asdrubal Espagne.
y accourut & y mit tout à feu & à sang, mais il n osa hazarder la bataille con-
tre les mécontens, qui s'étoient donné pour Chef un nommé Chalpus. Cè-'
luy-cy ayant enlevé d'emblée la ville d'Asena où étoient les magazins des
Carthaginois, pendant que ses gens pillent cette place & en ravagent les
Campagnes, Asdrubal prend son temps, attaque les retranchements de Chal-
pus, fait un carnage effroyable des Espagnols rebelles, & réduit toute la
province de Carpétans à l'obeissance de, Carthage.
çxxxir. Dans ces entrefaittes Asdrubal reçoit un courier de Carthage, qui luy
Asdrubal
reçoit apporte l'ordre de se rendre en Italie auprès d'Annibal, avec tout ce quilpour-
ordre de roit de ses meilleures troupes. 11 écrivit au Senat & lui remontra la nécessité
se rendre qu'il y avoit d'envoyer en Espagne un Général capable de tenir teste
aux
en Italie. deux Scipions & de contenir dans le devoir les Espagnols, qui tous étoient
Il est battu portez d'inclination les Romains. Le Senat de Carthage envoya
par les Sci-
pour pour
pions. le relever, Trimilcon avec une armée raisonnable & une flotte pour tenir la
mer; ce nouveau Général fit débarquer ses troupes & mit sa flotte à couvert,
& se rendit dans le camp d'Asdrubal,afin de recevoir des instructions pour le
Gouvernement de l'Espagne.
Asdrubal dans le dessein de passer en Italie le plutost qu'il lui seroit pos-
à
sible, mit contribution tout le pays Espagnol, qui obeïssoit aux Cartha-
ginois, afin de ramasser le plus d'argent qu'il pourroit pour ce passage. Ces
exactions irritérent les Espagnols; les deux Scipions informez de ces disposi-
tions résolurent de joindre Asdrubal avant son départ pour l'Italie & dt lui liv-
rer bataille. Ils attaquèrent la ville de Tortose, afin d'attirer Asdrubal au
combat; Asdrubal de son côté assiégea une autre ville qui depuis peu s'étoit
,
donnée aux Romains. Les camps des deux armées n'étoient eloignez que d'en-
viron deux lieuës; enfin aprés bien des escarmouches on résolut de part &
d'autre de donner le combat. Le nombre des combattans étoit à peu prés
egal. Dez le premier choc le Corps de bataille d'Asdrubal tout composé
d'Espagnols, lâcha le piéd & prit la suitte; presqu'en mémetems la Cavalerie
Numide se retira & sauva les Eléphans, tout le reste abbandonné à la mercy
des Romains fut taillé ex pièces; Asdrubal ne longea plus à passer en Italie,
& à peine fut-il en etat de demeurer seûrement en Espagne.
cxxxv. Les affaires des Carthaginois n'alloient pas mieux enSardaigne voulant
Affaires profiter de quelques revoltes qui s'y étoient excitées, ils y perdirent douie
des Ro- mille.hommes dans une bataille contre les Romains, sans compter les pri-
mains ep sonniers de guerre, qui furent en grand nombre, & parmy lesquels on com-
Sardaigne.
ptoit Asdrubal sur nommé Calvus ; Hannon & Magon, distingué dufrere d'An-
nibal, tousgensde considération & denaissance, distinguez par leurs services
militaires.
Pendant qu'Annibal jouïssoit des délices de la Campanie, & attendoit
vainement du secours de Carthage & d'Espagne, le Dictateur Junius travailloit
à remettre une armée sur piéd. Il arma les esclaves & ceux qui étant détenus
dans les prisons pour crimes ou pour dettes, voudroient bien s'engager pour la
milice. De tous ces gens-la joints à quelques citoyens il forma un corps
d'environ six mille hommes, qu'il arma de sabres & de boucliers enlevez autre-
fois sur les Gaulois. Ainsy toute l'armée Romaine se trouva d'environ vingt
cinq mille hommes, dont le Préteur Marcellus avoit environ quinze mille
raJTem-
rassemblez aux environs de Cafilinum, & l'autre de dix mille hommes étoit
Jous le commandement duDictateur, qui se tenoit assez à portée de l'enne-
my; mais toute fois sans oser beaucoup s'en approcher.
Annibal de son côté déja seûr de Capouë, cherchoit à assujettir toute la cxxxvi.
Campanie. Il employa contre Naples tout ce qu'il eût d'addresse, les menaces, Annibal
les promesses, les invitations, rien ne reüssit. Il n'osa employer la force, ne peut
se rendre
ny en tenter le siége. Il ne réüssit pas mieux sur Noie. Marcellus s'y ren- maître de
dit & la rassûra.. Annibal prit Nucerie; mais nul des Nuceriens ne voulut Noie.
prendre parti dans ses troupes. Annibal cependant avoit toujours un parti Echec qu'il
.dans Noie. Il s'approcha des murailles de la ville, & Marcellus s'y retira avec y reçoit.
ses troupes, car jusqu' alors il avoit campé au voisinage de la ville. C'était
1

tous les jours des escarmouches & de petits combats entre les Carthaginois &
les Romains. A la fin Marcellus résolut de livrer la bataille. Il partagèa son
armée en trois corps, avec ordre de sortirau premier signal, chacun parla
porte qui luy seroit marquée; & deffense aux bourgeois sous peine de la vie
de mettre le pied hors de leurs maisons.
Annibal étonné de ne voir plus personne sur les murs, crut qu'il étoit
arrivé quelque sédition dans la ville, s'avança en bon ordre jusqu'aux pieds
des murailles dans la résolution de faire escalader la ville, afin de favori ser
le mouvement des séditieux. Dans ce moment Marcellus fit sortir d'une dts
portes son Infanterie, puis sa Cavalerie, qui renversérent tout ce qui se pré-
sensa devant eux. Quelque tems aprés un second corps de troupes sortit d'une
seconde porte; & enfin Je troisieme corps fitsasortie par unetroisiéllle porte.
Ces éruptions faites coup sur coup étonnerent Annibal. Il crut l'arméeRo-
maine beaucoup plus nombreuse qu'elle n'étoit en effet. Il se retira avec
perte de cinq mille hommes. Les Romains ny en perdirent que cinq cens.
Marcellus étant rentré dans la ville, fit mourir environ soixante & dix bour-
geois convaincus d'avoir eu des conférences nodurnes avec Annibal; il mit
bonne garnison dans la ville & se retira sur la hauteur d'une autre ville nom-
mée Suessula en Campanie.
Aprés cet echec Annibal prit la ville d'Acerres, dont- les habitans sé.. CXXXVII.
toient retirez dans les autres villes de Campanie fidéles aux Romains. Delà il Siège de
alla assiéger Casilinum; mais aprés y avoir perdu bien du monde, & avoir Cafilinum
ployé toutes ses forces & toutes ses machines, il fut obligé d en ychangerem- par Anai-
le 1baL
liége en bloccus,& de se retirer à Capouëpour y palierl'hyver. Telle fut la
campagne qui suivit celle de la bataille de Cannes.
Aprés l'hyver Annibal retourna au siége de Casilinum. Le Didateur
jutiius & le Préteur Marcellus etoient avec leur armée à portée de la place;
mais ils n'osoient exposer l'espérance de la République a la défend d'une
place de.si petite conséquence. Cependant la garnison ,
étoit réduitte à la
derniére nécessité, manquantabsolument de vivres.& étant obligée de se ser-
CXXXVUl.
vir pour nourriture de ce dont la nature mêmé a horreur. Cette consiance PriCe de
rendit Annibal plus facile à leur accorder une composition raisonnable. 11 Cafilinum*
leur permit de sortir de Casilinum, en payant par tête pour chaque personne Belle (lé.
sense des
libre, sept onces d'or. Les Romains reconnurent la fidélité de cette brave assiégez.
garni-
garnison en erigeant une flatuë à Mancius leur Chef, en donnant double
paye aux soldats & leur offrant le droit de bourgeoisie Romaine, Ils étoient
partie de Preneste & partie de Peruse. Ceux dePreneste refusérent ce privi-
lege qu 'on leur offroit, & on ne lit pas que ceux de Peruse l'ayent accepté.
txxxix. Dans 1 épuisement ou se trouvoit la République, ce qui luy étoit le plus
M. Fabius sensible, étoit de
Buteo l'e-
voir le nombre des Senateurs, autre fois de trois cens, ré-
condDifita- duit à un tiers. Depuis cinq ans nul Censeur n'avoit rempli les places vacan-
teur pour tes au Senat. On obligea le Consul Terentius Varro à nommer un second
remplir les Didateur, pour en remplir les places. Il
places du nomma Al. Fabius Buteo qui avoit
benat.
été autre fois Censeur. Le Senateur Carvilius avoit ouvert un sentiment veu
la disette des sujets Romains, d'admettre dans le Sénat quelqu'uns des prin- , *
cipaux Latins;Mais ce sentiment fut rejetté & condamné à un oubli perpetuel. 1
Le nouveau Dictateur remplit les places vacantes, 1°. Par des magistrats qui
avoient autrefois possédé des magistratures Curules, 2°. Par d'autres magistrats
qui avoient été ou Ediles, ou Tribuns ou Questeurs, 30. Enfin par ceux d'entre
les citoyens qui s etoient distinguez dans les armées, & y avoient mérité des
prix militaires.
CXL. * Ensuitte on jugea à propos derappeller à la ville le Dictateur Junius &

L. Pofthu- lePreteur Marcellus, poursavoir d'eux d'une manière plus précité, l'état des
mius Albi- affaires du dehors. Aprés quoy on choisit de ConCulsqui furent L.
& Tib. nouveaux
nus Posthumius Albinus, &Tib. Sempronius Gracchus. Le Dictateur Junius dont
Sempro-
nius Grac- les six mois n'étoient pas encore expirez, retourna aton camp devant Tliea-
chus Con- num en Apulie. Posthumius Albinus désigné Consul commandoit dans la
suls. Gaule Cisalpine, où il fut entiérement défait avec son armée par les Gaulois
An de Ro- Boïens, qui luy avoient dresséune embuscade dans la forêt
me du Litane; le Préteur
M. 3788. Appius Claudius Pulcher alla commander en Sicile en la place d'Otacilius; le
avant J. C. Preteur Scævola fut destiné pour la Sardaigne; mais étant tombé malade,on luy
2.12. substitua T. Manlius Torquatus,qui avoit subjugué cette Illedans son premier
Consulat. Sempronius resté seul Consul, fut envoyé prendre le comman-
dement de l'armée, quijusqu' alors avoit été sous le commandement du Di-
dateur Junius. Les Scipions furentlcontinuezdans leur employs enEspagne.
CXLI. Terentius Varro malgré le mauvais succés de la bataille de Cannes,
Terentius ne fut pas oublié dans la, promotion qui se fit des Officiers Généraux de la Ré-
Varro Pro- publique. On luy donna le commandement de quelques
consul troupes dans l'A-
dansl'Ap-! pulie, avec la qualité de Proconsul. Ensuitte il fut envoyé dans le Picenum.
pulie. Depuis sa défaitte il avoit témoigné le plus sincére répentir de sa mauvaise
Val. Max.' conduitte. Il s'étoit condamné à ne plus manger couché sur lit à la ma-
1. 4. c.
un
e nière des Romains, il mangeoitde bout ou assis; il avoit laissé croître ses
/. t. c. 4. cheveux & sa barbe ; il avoit fait paroître une grande modestie dans toutson
il
extérieur, & avoitrefusélaDittature, que le peuple obstiné à le iavoriser,
voulut lui faire avoir en la place de Fabius Buteo.
CXLII. Restoità remplir la place du Consul Posthumius Albinus, qui étoit mort
Fabius Ma- avant que d'entrer dans l'exercice de sa aignité. Le peuple malgré la jalousie du
ximusCon- Consul Sempronius, choisit
sul en la pour le remplacer le celebre lVlarcellus, & ne
place voulut pas procéder aux élections, qu'il ne fût de retour à Rome. Pendant
qu'on
-qu'on etoit encore assemblé en comices, il survint un orage & le tonnëre se d'Alî>îmi$
fit entendre. Les Augures déclarèrent l'ele&ion de Marcellus vitieuse & en Marcellus
sa place on choisit Fabius Maximus. On donna à Marcellus la qualité de ProconsuL
l'ro-consul, & le commandement des mêmes troupes qu'il avoit euës aupa-
ravant à Noie. Fabius Maximus sut mis à la tête de l'armée que le Dicta-
teur Junius avoit commandée , & Sempronius prit le commandement des
nouvelles levées qu'on fit à Rome, & qui consistoient principalement
en esclaves volontaires, à qui l'on donna le nom de Volons , parcequ'ils s'é-
toient engagez volontairement, & de vingt cinq mille hommes de troupes al-
liées. Le Senat ordonna à tous les fernliers de la campagne de transporter
,
avant le premier jour de Juin, leurs grains dans les villes murées sous peine
,
de voir leur metairies brûlées, & leurs esclaves vendus à l'encan. On confia
la garde des côtes d'Italie aux deux Préteurs Fulvius Flaccus & Valerius Lx-
vinus, avec vingt cinq galéres. Laevinus fut chargé de veiller à la conserva-
tion des pays maritimes depuis Brunduse jusqu'à Tarente, & Fulvius Flaccus,
depuis Ostie jusqu'à la Campanie & l'Etrurie.
Les coureurs de l'armée de Lsevinus prirent sur la côte vers le Promon- Xénopha- CXLIlI.
toire Lacinien, une troupe de Grecs, qu'ils amenerent en sa présence. A leur ncs envoya
teste étoit une nommé Xénophanes fils de Cléomaque. Xénophanes lui dé- par le Roy
clara que Philippe Roy de Macédoine l'avoit envoyé en ambassade vers le de Macé-
Senat Romain, pour traitter en son nom avec la Republique. Laevinus étonné doine à
de cette avanture sur laquelle il ne forma pas même le moindre soupçon, Annibal.Polgb. /. 7.
,
Xénophanes,
reçut fort bien & sa suite, & leur donna uneescorte pour les Liv.l.% 4.
conduire à Rome. C'étoit une ambassade du Roy de Macédoine, âgé pour
lors de vingt ans, envoyée à la sollicitation de Demetrius de Pharos ennemi
des Romains, vers Annibal pour faire alliance avec lui. Xénophanes après
avoir joüé le rôle qu'on a veu, s'échappa de ses guides & vint trouver Anni-
bal, avec qui il fit un traité, que l'on trouve tout entier dans le livre septiémc
de Polybe, & qui contient une ligue offensive & défensive des Carthaginois
& de Macédoniens, contre les Romains ; portant que ceux-ci rendront à
Demetrius de Pharos le domaine des villes de Corcyre, de Dyrrachium, de
Pharos de Dimalie, de Parthenie & de Latintanie & qu'ils remettront au
,
même Demetrius ,
tous ses parens & amis qui sont entre leurs mains.
Dez que Xénophanes eut achevé sa commission il s'embarqua sur ses CXLIY.
vaisseaux avec trois Ambassadeurs d'Annibal savoir Magon ,
Bostar & Gi- Xénopha-
,
scon, dans le dessein de se rendre en Macédoine ; mais il fut pris ,
nes est pris
en chemin, & mené i
par les Fregates détachées par Fulvius Flaccus. Xénophanes crut esquiver Rome.
p ,ir un mensonge, en trompant Fulvius , comme il avoit fait Laevinus ; Mais
l"habit & le langage des Carthaginois qu l'accompagnoient, le trahirent, ils
surent tous envoyez à Rome séparez sur divers vaisseaux & gardés à veuë.
Ils arrivérent à Rome oules quatre Ambassadeurs furent ,mis dans d'étroittes
prisons & leurs gens faits esclaves, & vendus à l'encan. A l'instant Rome
résolut de porter la guerre dans les états de Philippe de Macédoine &
elle l'y porta en effet par une Hotte commandée par Publius Valerius Flac- ,

cus.
exiv. La Campanie étoit alors le principal théatre de la guerre. Les Ro-
Défaite des mains y avoient leurs partisans & le Carthaginois le leurs. Naples,Noie &
Campanois Cumes demeuroient constamment attachées à Rome
Sem- ; Les autres villes du
par pays obéïssoient à Annibal, & pour lui témoigner plus efficacement leur af-
pronius.
Liv. /. 24. fedion, elles avoient formé une armée d'environ quatre mille hommes, com-
mandez par Marius Alfius dans le dessèin d'amener à son parti les autres
,
villes, qui étoient encore attachées aux Romains. Ils résolurent de coni-
mencer par se rendre maître de Cumes. Tous les ans on célébroit un sacri-
sice solemnel assez proche de Cumes, en un lieu nommé Hama, où tous les
principaux des Campanois se rendoient. Ceux de Cumes y furent invitez,
sous prétexte de délibérer si l'on devoit préférer le parti Romain au Cartha-
ginois. Les Cumains y soupçonnérent de la fraude & donnérent avis de tout
au Consul Sempronius qui campoit à Siniiesse, environ à deux lieues de Cu-
mes. Le Consul informé que l'armée des Campanois composée de quatorze
mille hommes, devoit se trouver à Hama, se rendit secretementaCumes.en fit
exactement garder les portes, afin que personne n'en sortit, & aprés le cou-
cher du soleil fait sortir ses troupes de Cumes, marche en silence vers Hama,
surprend les ennemis leur tuë environ deux mille hommes, pille leur camp
,
& en raporte trente quatre etendards.
CXLVI. Delà il se retira promtement à Cumes ; Annibal qui étoit campé sur le
Annibal mont Tifate à portée de Capouë, accourut aussitost à Hama , croyant y trou-
levé le
siége de ver l'armée Consulaire occupée à piller le camp des ennemis. Mais voyant
Gumes. que Sempronius s'étoit jette dans Cumes, il n'osa en former le siége , sous
prétexte qu'il manquoit de machines propres à cette entreprise. Toutefois
pressé par les insiances des Capoiïans il se rendit devant la place le jour
suivantàun mille dela ville,&en ravagea tous
,
les environs.Le siége fut pousfé
avec assez de vigueur. Sempronius inspira tant de courage à ses troupes
nouvellement levées qu'elles soûtinrent les attaques des Carthaginois avec
une force extraordinaire. Dans une sortie qu'elles firent sur eux, aprés avoir
mis le feu à une de leur tours de bois, elles leur tuérent treize cens hommes
& leur prirent cinquante neuf prisonniers. Peu de tems aprés Annibal leva
le siége & s'en retourna a Tifate, Le Grand Fabius étoit cependant campé
à Cales au dela du Vulturne, observant Annibal, & donnant lieu aux Géné-
raux subalternes des armées Romaines, de remporter divers avantages sur les
Carthaginois, ce qui affoiblissoit insensiblement Annibal, & rendoit le cou-
rage aux soldats Romains.
CXLVll. Ce ne fut pas assez à Fabius de demeurer sur la défensive ; ayant reeonnu
Annibal que l'inaction d'Annibatprocédoit d'une foiblesse réelle , & de l'impuissance
assiêge où il étoit d'attaquer, il décampe de Cales, passe le Vulturne s'avance vers
Noie. ,
Cumes à la vue d'Annibal & de Capouë, & vient joindre son Collégue à Cu-
mes. Les deux Consuls résolurent de reprendre les places qui s'étoient sé-
parées de Rome. Ils envoyèrent Marcellus à Noie, pour contenir cette ville,
dont il connoissoit l'état, & pour faire des courses dans le pays voisin. Les
Samnites implorérent le secours d'Annibal, & se plaignirent qu'on les aban-
donnoit. Le Carthaginois s'approcha de Noie dans le dessein de combattre
iUar-
Marcellus. Hannon vint l'y joindre avec un corps de troupes, qu'il lui ame-
noit, & quelques Eléphans qu'on lui envoyoit de Carthage, avec ces forces il
assiégea Noie dans les formes.
Marcellus fit des sorties & livra des combats dans la plaine. Dans un de cxLvm.
Annibal perdit#lus de cinq mille hommes, dix neuf étendards Fabius de-
ces combats
Eléphans, six prisonniers qu'on lui prit. Peu de tems vant Ga-
& deux outre cens pouë.
aprés douze cens soixante & douze hommes de sa meilleure Cavalerie Nu- Marcellus
rnide & Espagnole, lui déserterent & se donnerent a Marcellus. De dépit à Nole.
Annibal leva le siége de Noie & se retira proche d'Arpi en Auplie , à peine
fut-il sorti des environs des Capouë que Fabius s'en approcha. Les Capoü-
ans formèrent une armée de leur plus vaillante jeuneÍfe, & se campèrent de-
vant la ville, pour en défendre l'approche aux Romains,& pour mettre à cou-
vert leurs campagnes. Ils avoient environ six mille hommes de pied & une
assez bonne Cavalerie, qui escarmoucha souvent avec les Cavaliers Romains
qui alloientau fourage; mais ils ne tinrent pas longtems la campagne. Ils
(p retirèrent dans leurs murailles.
Peu de tems aprés Marcellus reçut ordre de Fabius, de congédier les trou-
pes qu'il commandoit à Noie , & de n'y laisser qu'autant de monde qu'il en
falloit pour garder la place , ainsi se passa la campagne en Italie. Fabius
quitta le voisinage de Capouë , pour laisser aux habitans la commodité de
faire leurs semailles, bien résolu de venir fourager leurs champs, dez que les
grains seroient en herbe. Il établit un camp aux environs de Suessula , afin
d'être à portée de secourir les villes de Noie deNaple en cas d'attaque; aprés
quoi il revint camper prés de Capouë. Pour Marcellus il passa l'hyver à
Noie.
En Espagne, les Scipions avoient eu tout le succés qu'on attendoit de CXLIX.
leur sagesse & de leur valeur. Mais ils firent savoir au Senat qu'ils man- affaires Etat des
quoient d'argent, de blé & d'habits pour leurs troupes; Que si la Republique Scipionsdes
en
ne pouvoit pas leur faire toucher d'argent, ils chercheroient quelques expé- Espagne.
diens pour en trouver en Espagne; Mais que l'armée ne pouvoit plus se paf- Le Sénat
ser ni d'habits, ni de vivres. Le Senat fut obligé pour la première fois d'a- emprunte
voir recours aux Traittans, nommez autrement Publicains, & de les obliger de l'argent
des Publi-
de faire les avances des sommes nécessaires pour l'entretien de l'armée d'E- cains.
spagne, avec prolneÍfe qu'ils seroient rembourcez des premiers , lorsque le
trésor public seroit en état de les satisfaire. La chose fut promtement exé-
cuté,& ni la flotte ni l'armée de terre ne manquèrent de rien en Espagne.Seu-
lement les Traittans demandèrent qu'ils fussent exemts de la milice pendant
Je tems de leur gestion & que les munitions qu'ils envoyéroient à l'armée,
,
fussent embarquées aux risques de la Republique, ce qui leur fut accordé. CL.
Défaite des
Avec ces munitions les Scipions furent en état de tout entreprendre.Les trois Géné-
Carthaginois partagez en trois camps séparez, afliégeoient Iliturgis ville située raux Car-
sur le Betis. Asdrubal commandoit au premier camp, Magon au sécond, & thaginois
Amilcar dans le troisiéme. Les Iliturgiens manquoient de vivres, les Scipions enEfpagne
leurs l'épée à la main conduisirent de blé dans la ville. par les Sci-
avec gens un convoy pions.
Delà ils s'avancérent vers le camp d'Asdrubal, comme pour le forcer. Ma- Liv. /. 24.
gon & Amilcar y accoururent. Les trois armées Carthaginoises rassemblJes
étoient fortes de soixante mille hommes. Celle des Scipions n'étoit que
d'environ seize mille combattans. Les Carthaginois ne laissérent pas d'être
mis en déroute. Ils perdirent plus de quinze mille hommes de pied , mille
chevaux & un bon nombre d'Elephans ; Les Romains firent trois mille pri-
sonniers & prirent cinquante neuf drappeaux. Le siége d'iliturgis fut levé,
& les trois camps abandonnez au pillage. Aprés des exploits extraordinaires
on ne doit pas étre surpris qu'on donnât en Espagne aux Scipions le titre de
foudres de guerre,
CLI. Les Généraux Cathaginois eurent bientost levé une nouvelle armée"
Siège d'In- avec laquelle ils allérent former le siége d'Indibilis située sur le fleuve Cer-
,
dibilis par vol, frontière de Catalogue, Les Scipions accoururent au secours de la
les Cartha- livrèrent la bataille aux assiégeans, leur tuérent treize mille hommes &
ginois. place,
neuf Eléphans , prirent trois nulle prisonniers & quarante deux drap-
CL IL peaux.
Annibal le En Sicile Titus Otacilius, qui commandoit la flotte Romaine , fit une
6hauve descente en Afrique & ravagea le territoire de Carthage. A son retour
perd sept ayant appris qu'Annibal le Chauve quittoit la Sardaigne après sa déroute, il
vaisseaux. l'attendit
au passage sur nier, le battit, & lui prit sept vaisseaux,
CLlll. En même tems mourut Hieron Roy de Syracuse. L'année précédentesan
Mort fils unique nommé Gelon, avoit pris des mesures avec Annibal, pour se ren-
d'Hieron son Pere. Sa mort arrivée dans ces circonstances
Roy de dre maître du Royaume de
Syracuse. délivra Hieron des inquiétudes que lui causa cette révolté commencée. Le
An du M. bon Roy mourut âgé de quatre vingt dix ans. Hieronyme fils de Gelon &
978.',>- petit fils du Roy, n'avoit alors que quinze ans; il fut nommé par le testament
JLiv. 1.2 4.
d'Hieron pour lui succéder au Royaume de Syracuse, fous la conduite ou la
tutelle de quinze tuteurs , dont Andranodore & Zoïppe les deux gendres
étoient les premiers. Andranodore trouva le secret d'éloigner d'auprès du
jeune Roy ses principaux tuteurs ; il fit déclarer qu'Hieronyme étoit en état
de gouverner par lui-même, & s'étant rendu maître de^ ion esprit & du gou-
vernement il engagea ce jeune Prince dans des excés si crians qu'il aliéna
Pesprit des grands & du peuple.
CLIV. Andranodore & Zoïppe ses deux oncles panchoient pour le parti Car-
Hiérony- thaginois. Hiéronyme entra aisément dans leur veuës ; il fit partir des dé-
me Roy de putez une ambassade
Syracuse pour le camp d'Annibal, & Annibal de son côté envoya
se ligue à Hieronyme en Sicile. Déjà ces- AmbassàdeurS'avoient eu audience du Roy,
à Sy-
avec Anni- lorsque Claudius Pulcher alors Préteur des Romains en Sicile , envoya
bal. racuse des députez, pour renouveller avec Hieronyme l'alliance qu'Hierora
avec les Romains. Le jeune Roy leur demanda d'un
Liv.1.24. avoit toûjours cultivée
ton railleur , qui d'eux ou des Carthaginois avoient remporté la victoire à.
Cannes. Les députez lui répondirent gravement, que quand il parleroit d'un
aïr sérieux., ils reviendroient à son audiance. Ils y retournèrent en effet , &
dirent au Roy qu'il n'étoit ni de l'équité, ni de ses intérêts T de préférer l'alli-
si longtems
ance de Carthage à celle de Rome, que le Roy son ayeul avoit
& si fidellement gardée.. Hiéronyme répliqua que c'étoit sans toute par un
dret
effét de leur bonne amitié pour Hieron, qu'ils avoient immédiatement après
sa mort paru avec leur flotte à la veuë de Syracuse; que c'étoit pour le proté-
à propos de re-
ger qu'ils s'étoient montré; mais, ajouta-t'il, vous avez jugé
virer de bord, & moi je prens le bon vent qui est celui de Carthage.
Les envoyez du Préteur se retirérent sans repondre, & lui firent leur ra- CLV.
port, il ne manqua pas d'en donner avis. à Rome, & dés lors on compta Hie- Hierony- me déclaré
ronyme au nombre des ennemis de la République. Hieronyme ne ménagea ennemi
plus rien avec les Romains , & envoya à Carthage des Ambassadeurs pûurcon- des Ro-
sommer son alliance avec Annibal. En voicy les conditions. i°. Que les main Sr
Carthaginois envoyéront au secours d'Hieronyme, une flotte & une armée de
terre. 2°. Que les Syracusains joints aux Carthaginois feront à forces com-
munes r la conqueste de la Sicile, & enfuitte la partageront en parties égales,
dont le fleuve Himerafera l'a limite commune. Les conseillers d'Hieronyme-
trouvèrent ce traitté désavantageux au jeune Prince. Ils lui représentérent
que la Sicile entière étoit à lui, &que les Carthaginois devaient étre contens
qu'il les secoûrut en Italie, comme ils le secoureroient en Sicile. Il envoye
sur le champ à Carthage & fait réformer le premier traitté conformément à
ion idée. C'étoit toujours beaucoup pour Carthage de détacher Hieronyme
de l'alliance des Romains.
Le Préteur Romain qui voyoit avec peine, sur tout dans des eirconstan- GLVl
aussi périlleuses ,
qu'Hieronyme se départit de l'amitié des Romains, fit Mort
ces ,
en- d'Hiero-
core quelques tentatives pour le ramener. Ce fut en vain. Le jeune Roy lui
nyme Roy
repondit que si Rome vouloit lui restituer tout ce que Hieron son ayeul avoit de Syra-
donné aux Romains depuis qu'il avoit fait alliance avec eux , & qu'ils vou- cuse,
,
sussent que le fleuve lmera servît de limites entr'eux & luy, qu'à ces conditions,
& non autrement il renouvelleroit les anciens traittez. Sur cette réponse le
,
Preteur Claudius Pulcher fit le dégat dans les terres de Syracuse, & Hiero-
nyme de son côté se mit en campagne à la teste d'environ quinze mille hom-
mes, tant infanterie que Cavalerie & fixa sa demeure à Leontium.
Parmi ces soldats étoient des mécontens qui conspirérent de' mettre æ.
mort le jeune Roy, comme il passeroit par une ruë fort étroitte un nonH11é'
Dinoméne qui étoit garde du Prince devoit arrêter la marche, en- levant le'
pied, comme pour arréter les liens de ses souliers, C'étoit le signal dont les
conjurez étoient convenus.IIs sortent d'une maison voislne & percent le Roy
de plusieurs coups. Aufsytost ils retournent à Syracuse, y annoncent la: mort
du Roy & exhortent le peuple à recouvrer sa liberté. En même tems le Préteur
ÿ
Claudius Pllicher donna avis à Rome de ce qui étoit arrivé afin qu'on prit les;
précautions pour conserver la paix en Sicile.
Le temsapprochoitqu'on devoit nommer de nouveaux Consuîs. Fabius crrnr",
revint à Rome pour assister aux ele&ions. Il trouva le peuple déjà assemblé au Maxîrrras- Q. Fabius
ehamp de Mars. Il y parut en habit militaire & avec ses Liseurs. Le fort vou- & Marcuss
lut que la tribu Anio futdesignée pour donner les premierssuffrages;elle nomma Claudius
au Consulat T. Otacilius & M JEmriius Regillus. I.-I y avoit à craind«t que les iCfarceîIas
autres tribus ne leur donnassent aussi leursvoix. Fabius interrompiti'eledHon, Confuîs
harangua l'assëmblêe & lui fit sentir la nécessité de donner à la République des An étz Il..
<1UM.?739» Chefs capables de tenir téte à AnnibaL § Otacilius voulut parler. Fabius qui
avant J. G. étoit son allié, le fit environner par ses Liâeurs & le réduisit au silence. Alors
an. les tribus choisirent unanimement le même Fabius qui sortoit du Coniulat; &
Marcellus qui s'étoit si fort diltingué dans plus d'une rencontre contre Anni-
bal. On ne pouvoit faire un choix plus judicieux dans les circonstances d'alors.
Pour tout le reste la Républice ne changea presque rien dans la disposition
des Officiers de l'année précédente. Les Scipions demeurérent en Afrique,
Scoevola en Sardaigne, Otacilius en Sicile, Sempronius Gracchus enLucanie,
Terentius Varro dans le Picenum, ou la marche d'Ancone.
CLTf] II. On remarque en cette année diverses réformes dans la République.Dez
Les Fem- l'année précédente on avoit défendu aux femmes Romaines d'avbir en Bijoux
mes Ro- plus d'une demie once d'or, de porter des étoffes de diverses couleurs; d'aller
de Rome, si ce n'étoit pour assister aux sa-
en chariot plus loin qu'à un mille
maines ne
peuvent crifices. Les Censeurs de cette année condamnèrent Cecilius Metellus, qui
avoir en
Bijoux après la bataille de Cannes avoit projetté de se retirer dans un pays étranger;
qu'une ils le dégradèrent lui & ses complices du rang de citoiens Romains.leur nom
once d'or. fut rayé du rôle de leur tribu, ils furent déclarez incapables de voix adive &
&c.
llaler. passive dans les assemblées, & on les sournit à toutes les impolitions publiques.
M*x. /. 9. On réduisit au rang de la plus vile populace ces dix députez, qu'Annibal avoit
ils s'étoient furti-
f, 1. 2. envoyez à Rome, pour solliciter le rachat des prisonniers;
vement rendus à Rome, au lieu de retourner au camp d'Annibal; on les re-
légua en Sicile pour y servir jusqu'à la fin de la guerre sans en pouvoir iortir.
Par cette sage sévérité la République sesoûtenoit& relevoit le
eux.
citoyens..
Elle fit cette annéedeslevées de troupes prodigieuies,

courage de ses

eu égard a I epui-
Désintére[- fcment.où elle se trouvoit. Elle mit sur pied dix huit légions, sans compter
sernent des
Officiers les troupes auxiliaires, qui d'ordinaire montoient au double des légions Ro-
de l'armée maines. Chacun des deuxConsuls eut deux
légions sous ses ordres; hs Pré-
Romaine. teurs qui devoient commander en Sicile & en Sardaigne, en eurent aussi
Tous les chacun deux. Le reste fut distribué à proportion. L'argent pour faire sub-
particu- sister tant de troupes, manquoit absolument à la République. On trouva
fiers con-
tribuent une ressource dans le
désintéressement des Officiers, & danslagénérositédes
pour l'en- bourgeois. Nul Centurion,
nul Cavalier, n'exigea sa solde, & si quelqu'un
tretien des la demandoitau Questeur, il étoit regardé avec mépris dans sa légion , il en
flottes. devenoit la fable; on lui reprochoit de servir sa patrie en mercenaire. Pour
Valer. les cottisa chaque bourgeois selon ses re-
1. ?• payer les matelots ou rameurs , on
qui avoient depuis cînquante jusqu'à cent mille as d'erain de re-
c. 4. venus ; ceux
Liv.i. 24. venu,devoient entretenir un marinier au service de la République pendant
six mois. Ceux dont le revenu alloit depuis cent mille as jusqu'à trois cens
mille as,devoient fournir trois hommes & les entretenir pendant un an. Cette
obligation montoit à proportion des revenus. Les Senateurs de leur propre
mouvement s'obligèrent à entretenir chacun huit hommes pendant une année.
Par ce moyen on trouva dequoi satisfaire à tous les besoins de la République.
CLX. Les Capoüans effrayez à la veuë de tant de préparatifs, envoyérent eti
Vittoire -diligence prier Annibal de venir au voii1nage de leur ville , pour les mettre
à cou-
à couvert de l'indignation des Romains. Annibal y revint & se campa dans remportée
son ancien camp de Tifate. Le Consul Fabius ayant formé le dessein de faire csclavespar les
le siége de Cafilinum , ordonna a Sempronius Gracchus de s'emparer de Be- Volons de
nevent. Hanon un des Généraux Carthaginois étant venu aussi pour s'en Sempro-
rendre maître, se voyant prévenu il fit le dégat dans la campagne. Sempro- nius,sur les
Carthagi-
nius promit la liberté à ses soldats, qui étaient, comme on là veu,des esclaves nois.
volontaires qu'on avoit armez dans le besoin ; à condition qu'ils lui apporte- Liv. /. z4.
roient chaçun la telle d'un Carthaginois, & livra la bataille à Hannon. Pen-
dant quatre heures qu'elle dura, on fit de part & d'autre des efforts extraor-
dinaires. Les esclaves empressez de recouvrer leur liberté, couppoient à
l'envi les telles de ceux des ennemis qu'ils avoient renversez. Cet acharne-
ment retardoit la victoire, chaque soldat se contentant d'avoir fait sa part & \
laissant faire le reste aux autres. Sempronius s'en apperçut & leur fit dire
qu'il n'y avoit point de liberté à espérer que l'ennemi ne fût mis en déroute.
A ces mots le courage des Volons se ranime, l'ennemi prend la fuite & rentre
dans son camp. Les Romains y entrent pêle mêle avec eux. Le combat s'y
renouvelle; mais les prisonniers qu'Hannon avoit faits sur les Romains sétant
joints aux Volons, & ayant pris les ennemis par derrière , la défaite fut en-
tiére. De dix huit mille hommes qu'Hannon avoit aménez ; à peine s'en
sauva-t'il deux mille, qu'Hannon reconduisit dans le pays des Bruttiens.
Après la gain de la bataille, quatre mille Volons qui n'avoient pas suivi
leur Camarades dans le camp des Carthaginois, de honte se retirérent sur une
montagne, n'osant paraître avec les autres.Semproniusleur envoya un Tribun
pour les inviter à revenir, puis leur accorda à tous la liberté, sans distinction,
mais il défendit à ceux qui par timidité s'étoient ainsi retirez du combat, de
manger assis ou couchez sur des lits de table , tous le tems qu'ils seroient au
service.
Le parti d'Annibal s'affoiblissoit tous les jours. Il avoit décampé de Ti- CLXï.
fate & s'étoit approché de Pouzole, dans le dessein de la forcer, mais il n'y Marcellus
réüf1it pas. Le peuple de Noie l'invita à venir les délivrer de la domination remporte
victoi-
des Romains. Marcellus averti par le Senat de la même ville le prévient, unesur An-
lui livre bataille & le met en fuite, aprés lui avoir tué deux mille , re
hommes. nibal.
Si Claudius Nero, à qui Marcellus avoit donné ordre de le prendre par der-
riére pendant le combat, ne s'étoit égaré, Annibal couroit risque d'être en-
tiérement défait. Ce Général en même tems étoit invité par les Tarentins
de se retirer dans leur ville. Il quitte le voisinage de Noie & prend la route
de Tarente. Le Préteur s'étant apperçu de son dessein le prévint & fit en-
,
trer des troupes dans Tarente , avant qu'Annibal parût aux portes. Ainsi
il sut obligé de se retirer à Salapia dans l'Apulie où il vouloit passer l'hy-
,
ver.
L'éloignement d'Annibal fournit à Fabius le moïen de former le siége
de Casilinum. Cette ville étoit située à deux mille de Capouë, & sur le même Fabius CLX l'.
fleuve. Ce poste étoit important par rapport à Capouë, dont le Consul dés aSi.ege Ca..
lors méditoit
^ de se rendre maître. Casilinum étoit dans une situation avan- filinum.
tageuse & défenduë par deux mille Campanois & sept cent Carthaginois.
,
Dez.
Dez-que Fabius en eut fait les approches,Magius qui commandoit à Capoue.
arma tout ce qu'il avoit de soldats, & fit même prendre les armes aux efcla-
ves, pour attaquer les Romains dans leur retranchemens ; Mais il en fut em-
pêché par Marcellus, à qui Fabius avoit fait dire de se rendre dans la plaine
avec le plus de troupes qu'il pourroit , pour couvrir le siége de Casilinum.
La place fut défendue avec tant de vigueur , que Fabius en auroit peut-être
abandonné l'entreprise., si Marcellus ne l'eût raffermi.
11 continua donc à la battre avec plus de force qu'auparavant. Les deux
mille Campanois , qui s'y étoient renfermez , demandèrent d'en sortir la vie
fauve, Fabius la leur accorda. Marcellus s'embusqua prés la porte de la ville,
& lorsque ces troupes commencèrent à sortir, il en força la garde, entra dans
la place, y mit à mort tout ce qui fit résistance , & fit prisonniers tous ceux
qui mirent les armes bas. Ainsi Casilinum fut reduite au pouvoir des Ro-
mains.
cLXiu- Annibal se flattoit que Philppe Roy de Macédoine , où^ débarquerait
ïntrcpriscs en Italie ou du moins feroit une puissante diversion en sa faveur au delà
dePhilippe de la , En effet ce jeune Prince tenta le siége de la ville
mer Adriatique.
Roy de l'entrée de la nier Adriatique. Il manqua son coup, &
Macédoi- d'Apollonie située à
fa- vint retomber sur Oricum autre ville maritime nommée aujourd'huy la
ne en , insormé
de ,
entreprise, vint avec ses vaiiTe-
veur d'An- Vallone. Le Préteur Laevinus cette
nibal. secourir la ville. 11 la trouva déja prise. Laevinus la reprit aisement
aux pour Le Préteur le
& suivit Philippe, qui s'étoit attaché au siége d'Apollonie.
saisit de l'embouchure de la riviére, qui conduit à Apollonie , puis se jetta
pendant la nuit dans la place assiégée , sans que les Macédoniens s'en apper-
cuffent.
cr,xiv. suivante Laevïnus entre dans le camp de Philippe sans trouver
Philippe aucune résistance. Tout lé monde y dormoit profondément.
On auroit
est forcé pris le Roy dans son lit, sans le bruit que firent les Romains, en tuant tout ce
dans son qu'ils rencontrèrent. Philippe fut obligé de s'en fuir demwiud avec une
camp & poignée de tes gens, il regagna ses vaisseaux qui étoient dans le fleuve; Mais
obligé de
se retirer comme Lsevinus en avoit
fermé l'embouchure Philippe pritle parti de mettre
,
de terre dans ses états, avec les débris de
en Macé- le feu à sa flotte & s'en retourner par
doine. san armée sans armes &sans bagage. Son camp futfpillé par les Romains & par
les Apolloniates;Les machines de guerre préparées pour le siége, furent trans-
portées dans Apollonie. On compte qu'il perdit trois mille hommes dans
cette expédition, & plus grand nombre de prisonniers.
Depuis la mort du jeune Roy Hiéronyme, les affaires de Sicile étoient
extrêmement brouillées. Le peuple se flattoit de recouvrer sa liberté , &
Andranodore gendre du Roy Hiéron, & oncle du dernier Roy , esperant de
maintenir à Syracuse l'état monarchique & de se taire reconnoitre pour iou..
vTrain!
s'étoit emparé de l'Isle d'Ortygie, qui étoit comme la Citadelle de
Syracuse & qui tenoit à Lacradine , qui en étoit comme la cite , par un
bati sur un bras de la mer. Andranodore s'étoit de plus rendu maître
pont il avoit mis garnison,
des greniers publics, qui étoit un lieu bien fortifié, où rétablir
Mais la garnison se rendit aux Magistrats, qui vouloient dans la
l'état
Fetat Démocratique; & Andranodore craignant d'échouer dans 'son entre-
prise, entra en négociation avec le peuple, lui livra l'Isle & la forteresse d'Or-
tygie, avec les trésors d'Hieronyme. Le peuple choisit des Préteurs pour
gouverner la République, & abolit dans Syracuse le nom de Roy & l'autorité
Koyale.
CLXV.
Les agens d'Annibal, qu'Hieronyme avoit mis à la teste de ses troupes, Syracuse
ayant appris la mort du jeune Prince , se rendirent à Syracuse, & demandé- fait mourit
rent qu'on leur donnât une escorte pour les conduire à Locres en Italie, au- les filles
prés de leur Maître. Pendant qu'on differe de leur donner l'e- d'Hieron,
scorte ils demeurerent dans la ville & y entretiennent les dispo- & choisit
sissons , où plusieurs étoient de se donner aux Carthaginois, de peur de pourGau-
verneurs
tomber sous la domination des Romains, & de perdre leur liberté. Andra- les deux
nodore n'ignoroit point ces ménées & les favorisoit sous main; il conçut agens
donc le dessein de rétablir la monarchie à Syracuse, & s'en ouvrit à Themi- d'Annibal.
stius epoux d'Harmonie soeurdu dernier Roy. Themistius eut l'imprudence
d'en parler à Anston Comédien de profession, qui déclara la chose aux Pré-
teurs, lesquels firent mourir Andranodore & Themistius, comme ils vou-
loient entrer au Senat. Leur mort fut suivie de celle des Princesses filles d'Hie-
ron ; & ce qui est de plus remarquable, le peuple de Syracuse choisit les deux
Ambassadeurs d'Annibal, pour remplacer Andranodore & Themistius.
CL XVI,
Rome comprit bien que ces mouvemens arrivez à Syracuse ne manque- Accord
en-
roient pas d'y attirer la guerre, & que Carthage profiteroit de la bonne dis- tre Syracu-
position où étoit Syracuse à son égard. Elle y envoya Marcellus avec ses se &lesRo-
troupes. Il y trouva Claudius Pulcher & Lentulus, qui gouvernoient cha- mains,
cun une partie de la Sicile. Les Senateurs de Syracuse, qui étoient affection- lesrompu par
parti.
nez aux Romains, a voient fait une députation à Claudius pour renouveller sans d'An-
l'alliance de Syracuse avec Rome, sous certaines conditions. Claudius en nibal.
renvoya la décision à Marcellus, qui les agréa. Il fit partir une ambassade Liv. 1.24.
pour Syracuse, afin de conclure le traitté. Mais l'ambassade arriva trop tard.
On avoitnnlitieusementrépandu le bruit dans Syracuse, que quelques Sena-
teurs avoient vendu la ville aux Romains, pour y exercer leur domination.
Le parti d'Annibal, les soldats mercénaires & les déserteurs Romains excitérent
le peuple à prendre les armes, pour empêcher la descente d'Otacilius, qui
avoic paru avec sa flotte aux environs de Syracuse.
Tout étoit disposé à une rupture éclatante avec Rome, lorsqu'un Séna-
teur nommé Apollonides remontra au peuple le danger, auquel il s'exposoit
sans raison, en se séparant ainsy des Romains, ainsy il fut conclu qu'on feroit
une députation à Marcellus, pour l'assurer de la continuation de l'alliance
avec les Romains. Marcellus y consentit, à condition que la ville de Leon-
tium & les autres, qui étoient de l'ancien-domaine des Rays, seroient com.
prises dans le traitté.
Quelque tems aprés Leontium ayant demandé des troupes pour lesoppo- CLXVII.
ser aux courses de ses voisins, Syracuse saisit cette occasion pour se décharger Les soldatS
d'une multitude de séditieux qui troubloient la ville, & de leur donner pour mercenai.
res & les
ChefHippocrate un des deux Ambassadeurs d'Annibal. Il sortit de Syracuse Annibili*
stes envo- avec les soldats mercenaires & les transfuges Romains, qui formoient un
ïcz de Sy- corps d'environ quatre mille hommes. Hippocrate
racuse à ne se contenta pas de
Leontium. défendre les Leontins. Il exerçafeshostilitez sur les terres des Romains, datis
la veuê de brouïller Syracuse avec Rome, & par ce moïen de réduire Syra-
cuse dans la nécessité de recourir à Annibal, & aux Carthaginois. Marcel-
lus se plaignit aux Syracusains de ce procéde & leur demanda qu'ils lui livraf-
sentHippocrates &Epicidesambassadeurs&agens d'Annibal. Ils étoient alors
tous deux à Leontium & hors des mains desSyracusains,quilaissérent libre aMar-
cellus de les réduire par la sorce, & promirent d'aider les Romains dans cette
guerre, à condition néanmoins que les Leontins retourneroient sous la puis-
sance des Syracusains leurs anciens Maîtres.
tLXVlll. Marcellus marcha contre Leontium, força la ville au premier assaut,
Prise de Hippocrate & Epicides se jettérent dans la citadelle, & la nuit suivante se
Leontium
par Mar- retirèrent à Erbesse. Delà ils envoyérent quelques-uns de leur emissaires
cellus. au devant de huit mille homme, qui venoient de Syracuse, pour se joindre
à l'armée de Marcellus. Ils leurs firent entendre que le Consul avoit mis tout
à feu & à sang dans Leontium, & avoit ruiné la ville. Rien n'étoit plus faux
que ce récit. Les soldats Syracusains ne laissérent pas de se mutiner ; & au
lieu de continuer leur route, ils se retirérent à Megare, où ils apprirent la
vérité du fait & la fourberie des Annibalistes. On résolut de les attaquer dans
Erbesse & de les faire périr. Désespérant de s'y soutenir, ils vinrent en ha-
bits de supplians, portant dans leurs mains des bandelettes & des branches
d'olivier; au devant de l'armée de Syracuse, & se mirent sous la protection
d'un corps de soldats Crétois, qui marchoit à la teste de l'armée & à qui An-
nibal avoit rendu la liberté, aprés la bataille de Thrasiméne. Ces Crétois re-
çurent les Annibalistes, & les Chefs qui commandoient les troupes, ne furent
plus les maîtres de les tirer de leur mains. Ces rusez partisans d'Annibal con-
trefirent une lettre des Chefs de l'armée de Syracuse, qui donnoient avis à
Marcellus de venir à Mégare exercer contre les soldats mercenaires qu'ils
comlnandoient, la même sévérité qu'il avoit exercée contre les Leontins &
contre les soldats qui s'étoient trouvé dans la place.
CLXIX. Cette Lettre trouva créance dans l'esprit du soldat. Il se mit en furie,
Une lettre & résolut de retourner à Syracuse. Un des soldats qui s'étoit sauvé de Leon-
prétendue
de Marcel- tium, instruit par les Annibalistes, confirma, comme prétendu témoin ocu-
lus, déta- laire, ce que la lettre portoit. Le peuple de Syracuse se laissa séduire, &
che entié- il fut résolu qu'on fermeroit la ville aux Romains & qu'on s'en défieroit comme
rement les d'un peuple ennemi. Cependant les Annibalistes raménérent l'armée à Syra-
Syracusains
des Ro. cuse. Ils en trouvérent les portes fermées, mais ils se les firent ouvrir, par-
mains. tie degré partie de force, & malgré la résistance & les sagesremontrances des
magistrats, les Annibalisies se rendirent maîtres de Syracuse. Ils commencé-
rent par se désaire de ceux qu'ils croyoient trop affectionnez aux Romains,
puis ils travaillèrent à mettre la ville en etat de se défendre contre Marcellus,
qui en effet en commença le siége. Nous en verrons la suisse & le succés
1 année suivante.
Les années Romaines sous la conduire des deux Scipions, sotenoient
le ur
leur réputation en Espagne. Les Carthaginois y avoient trois corps d'armées CLXX.
commandez par trois Généraux, savoir Asdrubal frere du fameux Annibal, Avantages
Magon & Asdrubal. 11 s'y donna trois combats fameux, dans lesquels les Car- remportez
thaginois eurent toujours du dessous. Le premier se donna prés dIhturgls par les Sci-
pions en
,.Pssiégée par les Carthaginois. Publius Scipion se fit jour à travers les ennemis, Espagne
entra dans la ville , puis fit sur les asslégeans une si vigoureuse sortie, qu'il leur contre les
tua plus de douze mille hommes, leur fit dix mille prisonniers, &leur enleva Carthagi.
trente six drappeaux. La seconde bataille fut prés de Munda. Les deuxSci- nois.
pions engagérent une action générale, en quelque sorte malgré les Cartha.
ginois. Elle dura quatre heures, & les Romains auroiententiérement défait
l'armée ennemie, sans une blessure que le jeune Scipion reçut dans la cuisse
& qui obligea son frere à faire sonner la retraitte. Les Carthaginois v per-
dirent environ douze mille hommes & trente neuf Eléphans. On leur fit trois
mille prisonniers & on leur prit cinquante sept etendards, l'ennemi se retira
proche d'Aurinx. Le jeune Scipion s'y fit porter en litiére. On y livra un
nouveau combat où les Carthaginois perdirent encore beaucoup de monde.
Magon fit de nouvelles recruës & forma une nouvelle armée, qui ne fut CLXXL
pas plus heureuse que la première. On lui tua huit mille hommes & huit Elé- Vittoire des Seir
phans & on lui prit mille prisonniers & trois Eléphans. Les Romains n'ayant pions*iÉgi*-
,
plus d'ennemis capables de leur faire teste en campagne, reprirent la ville de tre Magbn.
Sagunte, y rétablirent les anciens habitans & leurs resiituérellt leurs terres.
Les Turdetans, qui s'étoient joints aux Carthaginois, furent obligez de se
rendre à discrétion & furent réduits en esclavage, tels furent les succés de
cette campagne, où les Romains reprirent la supériorité sus les Carthaginois. CLXXII.
Fabius étant de retour àRomeprésida aux Comices, auxquels élut CLFabius
Consuls Q. Fabius son fils, &Tib. Sempronius Gracchus dont on & Tib.
on a souvent Sempro-
parlé. Ces deux Consuls étoient absents lors de leur éleétions. Ils revinrent
bientost à Rome & rendirent compte au Senat de l'etat des Provinces, où ils chus nius Grac-
Con-
avoient commandé. On laissa Marcellus en Sicile avec la qualité de Proconsul, suls. An fia
& le Grand Fabius continuade servir sous son fils pendant la Rome 540.
campagne,
qualité de son Lieutenant Général. Les Scipions furent continuez Espagne, du monde en
de meme que les autres Préteurs & Généraux chacun dans leur départements. en 4790.avanC
Le jeune Fabius se rendit dabord à Suessula, où il prit le commandement CLXX J. C. 2I0.
NU
de l'armée, que son pere avoit commandée l'année précédente. Ayant appris- Le jeune
que son pere alloit arriver, ilsortit de la ville enequippagede Consul, monté Fabius soû-
à Cheval & précédé de ses Licteurs qui marchoient tient sa di..
en file devant lnv C'ptnlt gnité, &
la coutume de descendre de Cheval par respect, lors qu'on approchoit du Con- fait
sul. Fabius le peres'avançait toujours à Cheval, sans qu'on osât l'arrêter mettre
en- pied a ter-
fin etant arrivé au douzième Lisseur; Fabius le fils lui fit dire de pied re a leson
mettre
à terre. Le pere obeït sur le champ & courant embrasser son fils, il luy dit- pere
je voulois vous éprouver & voir si voussauriezsoûtenir la Majesté de l'empire, hius. Grand Fa-
qui doit l'emporter sur toutes les considérations particulieres du sang, de Plutareb.
l'estime & de l'amitié. in Fabio
Pendant que les deux Fabius délibéroient surles operations de la Max. Liv.
cam- 1. 4 T,'a1er,
pagne, un certain Altinius qui avoit livré la ville d'Arfpi auxCartha,ginois,
& Max. I, a.à
CLXXIV. qui Annibal avoit cédé la ville pour récompense de sa perfidie. Altinius arriva
Altinius dans le camp du Consul & offrit de lui livrer sa ville,
livre Arspi somme. Le jeune Fabius vouloit moyennant une certaine
à Annibal, qu'on arrétât le traitre & qu'on le renvo-
est arrêté yât àses compatriotes, comme Camillus autrefois avoit renvoyé le maître d'é-
dans le cole aux Falisques ; mais le vieux Fabius, à qui les voyes extrêmes & violen-
camp des tes déplaisoient, opina à retiner Altinius sous bonne garde jusqu'à la tin de
Romains. la éprouver sa fidélité. Annibal
guerre, pour usa
en tout différemment en-
vers la femme & les enfans de cet homme. Il les appliqua à la question pour
savoir où étoient leurs trésors ; & après s'en être emparé, il condamna la fem-
me & les enfans à étre brûlez vifs.
CLXXV. La première expédition de Fabius fut contre Arspi. La place étoit dé-
Prise fenduë par une garnison de cinq mille Carthaginois & de trois mille bourgeois
«l'Aïspi sur D'un côté la place paroissoit inaccessible, &'la garnison ne s'étoit nullement
Annibal.
précautionnée pour la défendre. Les Fabius envoyérent pendant la nuit un
Tribun de l'armée avec six cent hommesd'elite, pour se saisir de cet endroit,
qu'on croyoit imprenable. On avoit disposé d'espace en espace des trom-
pettes depuis la ville jusqu'au camp qui n'étoit qu'à un mille delà pour
avertir du succés de l'entreprise. !)ez, que le Tribun eût logé son monde ,
sur
l'endroit en question, les Fabius en furent avertis, l'armée marcha en bon
ordre contre la ville. Elle en trouva les portes briseés par le tribun, & la
garnison rangée en armes au milieu de la place. Les Arspirmtes se rendirent
à leurs anciens maîtres ; mille Espagnols prirent partie dans les troupes Ro-
maines; le reste de la garnison ne demanda d'autre grace que d'étre renvo-
yée la vie sauve. Elle se rendit auprés d'Annibal, qui campoit aux environs
de Salapie.
€LXXV1. Le reste de la campagne se passa à s'observer de part & d'autre. Anni-
Les Sci- bal n'osa faire aucune entreprise d'eclat,& les Preteurs Romains faisoient tous
pions en-
voyent en les jours
de nouveaux progrés & rappelloient les villes & les Provinces à l'ob-
Afrique eïfsance de la République. Les Scipions n'en faisbientpasmoinsen Espagne.
pour en- Ayantappris que deux Roys Numides, l'un nommé Gela, qui regnoit sur les
gage 'y- Mafsesiliens, & l'autre nommé Syphax, s'étoit brouïllé avec les Carthaginois
phax dans
leur parti. ses voisins, & étoit tout prêt à leur faire la guerre, les Scipions attentifs aux
Liv. l.z5. intérêts de leurRépublique, firent passer en Afrique trois Centurions, pour lui
offrir l'alliance du peuple Romain & son secours contre les Carthaginois.
Syphax reçut fort bien les députez & se tinthonnoré de l'alliance des Romains;
mais pour entrer en guerre avec Carthage, il avoit besoin de bons Capitaines
& de troupes bien disciplinées; il pria l'un des trois Centurions de demeurer
auprés de luy pour former son infanterie au métier de la guerre Statoriusl'un
des trois y demeura, & en peu de tems apprit aux soldats Massesiliens la bonne
manière de faire la guerre.
Les Carthaginois de leur côté engagérent dans leur parti Gela Roy des
Massesiliens. Gela n'étoit pas guerrier. Il confia la conduite de Pentreprise
à san fils nommé Massinissa qui attaqua les Massesiliens & leur tua dit-on,
,
trente mille hommes. Syphax ramasse une plus nombreuse armée ,& se di-
spose à passer le détroit pour se joindre aux Scipions en Elpagne. Mais le
jeune
jeune Massinissa le prévint,lui livre un second combat & le défait. C'est tout
ce qui se passa cette année de ce eôté-la.
La guerre étoit ouverte avec Syracuse ; & Marcellus dez l'an passé avoit CLXXVII.
commencé le siége de cette place, Cependant pour ne point aigrir les choses Rupture
& ne les point porter à l'extrémité, le Préteur Appius & le Consul Marcellus cuse entre Syra-
& les
chacun de son côté voulurent encore tenter les voies d'accommodement. Romains.
Appius envoya deux Galères qui portoient des Ambassadeurs à Syracuse.
L'une des deux Galéres fut poussée dans le port de la ville, & aussitost elle fut
saisie comme ennemie par les Syracusains.L'autre Galére prit le large & évita
la violence qu'ils étoient prêts de faire aux Ambassadeurs. Marcellus envoya
de son côté une ambassade aux Syracusains;Mais Hippocrate & Epicide Chefs
des Annibalistes vinrent au devant d'eux avec une suite nombreuse leur
,
dirent insolemment de s'en retourner, leur tournérent le dos, rentrèrent, dans
Syracuse &leur enfermèrent les portes. Alors on investit la ville par mer&
par terre.
Archinléde, dont on parlera souvent dans le récit de ce fameux siége, CLXXVlII.
qu'il fit durer trois ans par ses inventions & son industrie, étoit né à Syracuse, Vie d'Ar-
& d'une race illustre, puisqu'il étoit parent du Roy Hieron. Dez-la jeunesse chirnéde
il eût un goût particulier pour la Géométrie & les Mathématiques ; & il fit Fameux mathéma-
servir la profonde connoissance qu'il en avoit, à faire des machines propres à ticien &
la defense de sa patrie. Un jour s'entretenant avec le Roy Hieron, il dit à ce ingénieur.
il
Prince qu'il avoit dans, l'esprit une machine, par le moïen de laquelle pour- plutareb.
Mar-
roit attirer à soi le globe de la terre, s'il avoit un lieu stuble où il pût placer in cello
sa machine. Hieron qui l'honoroit de son affedion le pria d'en faire l'é- >

,
preuve dans quelque chose beaucoup moins grande & moins pesante. Il
achetta une Galére des plus grandes & des plus lourdes qu'on avoit tirée à
,
terre à grande peine. Il y fit monter plusieurs hommes , la chargea de sa
charge ordinaire,puis s'étant assis sur l'autre bord à une distance considérable
il la tira de nouveau dans l'eau doucement & sans effort, & comme si elle y
eût couru d'elle même.
Hiéron étonné du succés de cette épreuve, engagea Archimédes à force
de prières à s'appliquer à la construétion des machines de guerre, propres
,
à attaquer & à défendre des places. Le bon Roy ne fut jamais dans la né-
ceflité de s'en servir, ayant toujours vécu dans une profonde paix mais elles
vinrent à propos pour la défense de Syracuse assiégée par les Romains. , Mar-
cellus tenta de la prendre d'assaut du premier coup,comme il avoit fait Leon-
tium, il se chargea de l'attaquer par mer, pendant que le Préteur Appius l'at-
taqueroit par terre. Syracuse avoit, dit-on, vingt deux milles, c'est-à-dire,
plus de sept lieues de circuit. La situation en étoit fort inégale & fort irré. Liv. 1. 24.

guliére, & elle étoit partagée en trois espéces de ville, dont l'une étoïtnom- Polyb. Plutareb.
L y.

mée Acradine, l'autre Tyché, & l'autre Néapolis, ou neuve-ville. Il étoit mal- in Mar..
aisé que les Romains pûflsent l'attaquer de toutes parts, & qu'Archimedes la celle.
pût mettre à couvert par ses machines de tous cotez* Cependant Archimé-
des repoussa les Romains, & rendit tous les efforts inutiles tant du côté de
la mer que du côté de la terre, ,
cLXXI x. Marcellus avoit inventé une machine, à la quelle ïl avoit donné le nom
Archimé- de Sambusque, à cause de sa ressemblance avec un instrument de Musiquede
des rend
inutiles les ce nom. Elle étoit placée sur huit Galères jointes ensemble par les côtez ;
machines La machine étoit une espéce de tour de bois, sur laquelle on montoit par un
&les ef- escalier de quatre pieds de large. Sur le fàîte de la tour étoit une platte
forts de forme, sur laquelle pouvoient combattre quatre hommes de front. Archi-
Marcellus.
Tit. Liv. medes par le moïen de ses balistes lança contre cette Sambuque des pierres
1. *4- de dix talents pesant selon Plutarque & Polybe. Or le talent étoit de cent
livres pesant, silon Hisychius, ou de i2s. selon saint Epiphanes, ou même de
IG). ou de 300. mais en ne prenant le talent qu'à cent livres, c'est encore un
poid énorme , & il est presqu' incroïable que la baliste d'Archimédes ait pu
lancer des pierres de mille livres de poid ; nos canons n'approcheroient pas
de ces terribles machines. Archimédes fit pleuvoir sur la flotte Romainenon
seulement des pierres de différentes grosseurs mais aussi des poutres & des
,
solives enflammées & armées de ser pointu; Ce qui rendit inutiles tous les
efforts de Marcellus ; Toutefois il ne se déconcerta point, & crut que ces
machines n'étoient dressées que pour tirer de loin & qu'en s'approchant
,
tout prés des murs , on les rendroit inutiles, ou du moins peu dangereuses.
Archiinéde lui fit voir qu'il avoit des catapultes pour toutes les distances. Il
y avoit sur les murs les espéces de grues, d'où tomboient des morceaux de
rochers sur les vaisseaux qui en approchoient; de plus on leur tiroit par des
meurtrières une multitude de traits qui les incommodoient infiniment. Il
avoit encore inventé une sorte de corbeau garni de crochets de fer attachez
à une longue chaine, qu'on faisoit tomber par le moïen d'une bascule suries
vaisseaux. Le bec du corbeau par son poid perçoit le vaisseaux vers la prouë.
Les crochets le saisissoient. On relevoit la bascule par le moïen d'une 111a(se
de plomb, le vaisseau élevé par la prouë , plongeoit la pouppe dans l'eau ;
quelque fois le corbeau lâchant prise, le vaisseau retomboit lourdement dans
l'eau & couloit bas. Tant de difficultez venant coup sur coup obligérent
Marcellus de quitter prise.
CL XXX.
Le Préteur Appius n'eut pas moins à souffrir des inventions d'Archimé-
Inutilité des, Appius attaquoit la ville par terre du côté de Tyché. Archin1édes fai-
des efforts soit rouler du haut des rochers, sur les troupes Romaines de trésgrosses pier-
des Ro-
mains con-
res qui les renversoient & les écrasoient, & lorsqu'on vouloit pointer le bé-
lier contre les murs, les assiégeans faisoient tomber des poûtres ou de grosses
tre Syra- pierres sur les mantelets qui couvroient ces machines, & qui en étoient écra-
cuic.
fez. Lorsqu'un soldat vouloit s'approcher trop prés des murailles, on l'ac-
crochoit du haut des murailles par des mains de fer, qui l'élevoient en haut,
pour le laisser retomber & froisser contre terre.
Les deux Chefs de l'entreprise Marcellus & Appius, rebuttez de tems
de difficultez, résolurent d'affamer la ville,1 en fermant tellement les avenues
par mer & par terre, qu'on n'y put faire entrer aucune provision ; & pour ne
pas laisser inutile une si grande armée devant Syracuse, Marcellus en prit une
partie pour réduire à l'obéïssance les places qui pendant les troubles s'étoient
lépa-
réparées du parti des Romains. Elore & Erbeffe se rendirent volontairement,
Megare se défendit, mais fut prise d'assaut & détruitté.
Cependant Himilcon Carthaginois débarqua à Héraclée vingt mille CLXXXl.
hommes de pied, trois mille chevaux & douze Eléphans. Avec ces forces il Himilcon
prit Agrigente sur les Romains , & réünit à son parti plusieurs villes qui s'en amène des
étoient séparées. Hippocrates trompa la vigilance d'Appius ; sortit de Syra- troupes au
secours de
cuse à la tête de dix mille hommes & de quinze cens chev-aux & alla joindre Syracusc.
Himilcon ; Mais il fut rencontré par Marcellus qui tailla en piéces son In-
fanterie. Hippocrates s'enfuit avec sa Cavalerie, vers HimUcon. Ce dernier
résolut de marcher vers Syracuse & dans ce dessein il abandonna Agrigente.
En chemin ayant appris qu'il venoit une Légion de secours à Marcellus il
voulut la coupper ; mais la Légion au lieu de venir par terre continua, sa
,
route par mer, jusqu'au Promontoire de Pachin, où le Préteur Appius la vint
prendre pour l'amener devant Syracuse. En même tems Bomilcar entra
dans le grand port de Syracuse avec une flotte de cinquante cinq voiles.
Mais il n'osa y demeurer, ne se sentant pas en état de résister à la flotte Ro-
maine beaucoup plus sorte que la sienne. Il s'en retourna à Carthage. Pour
Himilcon, ne pouvant engager Marcellus au combat il s'appliqua à déta-
cher du parti des Romains autant de villes, qu'il pourroit ,
& il réiïflit à l'é-
gard de plusieurs. ,
Cependant Rome se donna de nouveaux Consuls,qui furent Q. Fulvius CLXXXIJ -
Flaccus, & Appius Claudius Pulcher. On laissa Alarcellus en Sicile avec la Fulvius
qualité de Proconsul. Les Scipions furent continuez en Espagne, & la plu- Flaccus &
Appius
part des autres Préteurs demeurétent de même dans leurs postes. Les nou- Claudius
-
veaux Consuls ajoûtérent deux Légions à celles qui étoient déjà sur piéd,& Pulcher,
par ce moïen laRepublique se trùuva avec vingt trois Légions en armes ré- Consuls.
panduës en différentes Provinces, selon les besoins de l'état. An de R.
du M.
Les deux Consuls furent arrétez assez longtems à Rome pour des affai- S41. avant
siége 3791.
res particuliéres. Ils en partirent enfin dans la rêsolution de faire le de J.G-20..
Capouë. Annibal depuis longtems n'étoit occupé que du dessein de se ren- Liv. 1.2.i.
dre maître de Tarente, ou de Thurie, pour avoir en sa disposition un port de
mer de ce côté-là. Enfin Marcellus étoit attaché au siége de Syracuse ; Ces
trois objets avec ce qui se passa cette année en Espagne, font le principal sujet
de l'Histoire que nous allons poursuivre.

livre XXVI.

MAlgré là vigilance de Marcellus, il entroit sans cesse dans Syracuse


1.
des convois par mer & par terre. Les machines d'Archimédes
Continua-
buttoient les Officiers & les soldats, qui n'osoient s'exposer à des re-
at- tion du fié-
taques, où la plus grande valeur n'étoit d'aucun usage contre des ge de Syra-
maçhines à qui rien ne réfistoit. La seule ressource qui restoit au, Consul étoit cuse par
Maree!lus.
de
An de Ro- de menager des intelligences dans la place, par le moïen de quelques Syra-
me )41. du cusains qui s'étoient réfugiez dans son camp. Il y avoit entr'autres un Pré-
M. 3791. teur nommé Sofis & quelques autres personnes de conudération.a quiMar-
avant J G. cellus s'en ouvrit. 11 leur promit au nom de la Republique une seureté en-
aop. tière pour leur vie & pour leur liberté , s'ils vouloient le donner aux
Romains; On leur promit même de laitier à la ville l'usage de les anciennes
loys, sans autre dépendance, que celle des anciens alliez de Rome. On fit
entrer dans la ville comme déserteur, un esclave d'un des confidens de l\'lar-
cellus, que l'on instruisit de ce qu'il devoit dire aux amis des réfugiez. Ils
y prirent goût , & quelqu'uns vinrent au camp des Romains pour conférer
avec le Proconsul. Le complot fut enfin découvert par un homme jaloux
de n'avoir pas été du secret. Epicide fit mourir tous ceux qui furent con-
vaincus d'en avoir été.
11. La fête de Diane se célébroit à Syracuse durant trois jours, pendant les-
Prise de la quels on faisoit grand chére, & comme Epicide avoit du vin dans la place en
partie de
Syracuse abondance, on ne l'épargna pas aux soldats. Marcellus choisit une nuit de
qu'on. cette feste pour donner un assaut général à la ville. Il en vouloit sur tout
nommoit à une tour nommée Galeagre qui n'étoit pas sort haute, & qu'on pouvoit
Ipïpole,& aisément escalader. En effet , s'en rend maître & delà
de: Tyché.
on on monte par di-
vers endroits surs les murs & on abbat une poterne pour donner entrée
aux troupes Romaines. En cet endroit étoit leur rendus-vous général, delà
ils se rendirent en ordre de bataille à Epipole qui étoit comme une cinqiéme
ville, qui avoit encore sa citadelle affile sur un roc escarpé. Les Romains y
passérent la nuit, faisant un trés-grand bruit des trompetes, pour répandre la
fraïeur dans Syracuse. Les ténébres, l'yvresse des bourgeois & des soldats,
la confusion qui régnoit par tout, firent coire que les Romains s'étoient ren-
dus maîtres de toute la ville.
lll demeure Marcellus n'y entra toutefois qu'au point du jour. Epicide qui avoit sa
Ipicide se dans Ortygie, sortit de cette lsle & traversa l'Acradine avec un gros
campe des combattans. 11 ne pouvoit s'imaginer que l'armée Romaine fut dansSy-
dans Acra.- racuse. Il croyoit que c'étoit quelque fausse allarme ou que quelques sol-
dinc. ,
dats déterminez auroient cause ce tumulte ; Mais aïant veu la chose de ses
yeux, il se campa au centre de l'Acradine pour rassûrer les bourgeois & pré-
venir les séditions. Marcellus de son côté quitta l'enceinte de Tyché , &
rentre dans l'Epipole, où étoient ses gens. Ce n'étoit pas la toute la ville de
Syracuse. Il lui restoit encore à prendre l'Acradine & Oltygie , qui étoient
trés-bien munies & trés-bien fortifiées. Marcellus à la veuë des maux qui
menaçaient cette malheureuse ville, autrefois si florissante & si riche, ne put
retenir ses larmes. Il chercha tous les moïens de la réduire par la voïe de la
douceur & de la négociation pour epargner le sang , & pour conserver une
des plus belles & des plus grandes villes du monde. Cette clemence & ces
vuës n'étoient du goût ni des Officiers , ni sur tout du soldat , qui regardoit
Syracuse même une proye qui lui étoit duë.
Le Pro-Consul voyant que l'on n'écoutoit pas dans la ville les moïens
d'accommodement qu'il proposoit, resolut d'attaquer l'Acradine à force ou-
verte.
Il étoit maître d'Epipolis & de Tyche il prit encore Neapolis, & s'y dans Acra.
verte ;
Il ne pouvoit refuser à ses soldats le pillage de ces trois villes qui dine.
campa il leur défendit de frapper, d'outrager , de 1V.
avoient été prises de force ; Mais Prise de la
personne de condition libre & de peur que l avidité partie de
mettre à mort aucune ,son di-
du pillage ne fournît à l'ennemi occasion d'insulter camp , il plaça de Syracuse
stance en distance des corps de garde pour le défendre, & on ne commença nommé Neapolis.
le pillée que lorsqu'il en eût donné le signal. Dans le même tems le Gou-
vint se rendre à Marcellus, qui lui permit
verneur de la Citadelle d'EpipoleEpicide,
de retourner avec sa garnÎÍon à qui défendoit ce qui restoit àpren-
dre de Syracuse.
Cependant les Carthaginois informez du danger de la pla-ce , tirent un V.
dernier effort pour la délivrer. Himilcon & Hippocrates parurent devant forts Vains ef-
des
Syracuse. Himilcon devoit attaquer le camp de Marcellus; Hippocrates de- Carthagi-
voit tenter de forcer les retranchemens de Quintius Crispinus , qui étoit de- nois pou£
meuré hors la ville dans l'ancien camp des Romains. En même tems la secourir
flotte Carthaginoise se rangea le long de la côte, à portée de l'Acradine,pour Syracufe»
coupper la communication entre Marcellus & Crispinus; Pendant que cessortie trois
corps devoient agir chacun selon ses veuës ; Epicides devoit faire une des
sur les assiégeans. Tout cela s'exécuta, mais sans aucun succés de la part
Carthaginois ; Hippocrates fut repoussé & mis en suitte par Crispinus. Epi-
cides fut obligé de rentrer dans Acradine , & Himilcon fut réprimé par
Marcellus qui continua le siége avec un peu plus d'assurance qu'aupara-
,
vant.
La famine qui régnoit dans Syracuse , y fit périr un grand nombre de VI
personnes; la peste s'y communiqua bientost du dehors , où elle faisoit Famine dans Syra-
d'etranges ravages dans les camps d'Himilcon & de Crispinus. Toutefois les cuse. Mor-
Carthaginois & les nouvelles levées qu'ils avoient faites dans le pays , en talité par-
souffrirent beaucoup davantage que les troupes Romaines habituées depuis mi les Ro-
plus longtems à l'air & aux eaux du pays. Les deux Généraux Himilcon & mai&&.
Hippocrates y perdirent la vie. Aprés leur mort les Siciliens de leur armée
se débandérent, & chacun s'en retourna chez soy. Leur retraite mit Marcellus
plus au large & plus en état de soulager ses malades , mais le mal croissoit
dans la ville, ou les soldats & les bourgeois mouroient par tas. On étoit si
fort endurci à voir des malades & des morts, qu'on ne songeoit plus ni àsou-
lager les uns, ni à enterrer les autres.
Bomilcar avec sa flotte rapporta ces nouvelles à Carthage , & fit enten- Vit.
dre au Senat que l'armée Romaine infiniment affoiblie par les maladies & di- Bornilcac
minuées par la mort d'un grand nombre de soldats, pourroit être forcée de vient au
secours de
lever le siége, si l'on envoyoit un promt secours à Syracuse. On lui permit Syracuse,
d'augmenter sa flotte qui n'étoit que de cinquante vaisseaux. 11 équippa jus- puis sans
qu'à cent trente Galéres, accompagnées de sept cens batimens de transport ; rien faire
Marcellus avoit beaucoup moins de navires , mais il avoit beaucoup de con- s'en re-
fiance en ses troupes. Il résolut de livrer bataille à Bomilcar, la flotte de ce Gaithag#, tourne à
dernier étoit arrêtée par les vents contraire au Cap de Pachin, Epicide impa-
tient du retard de cette flotte de laquelle dépendoit le salut de Syracuse,
quitte imprudemment l'Acradine & laisse le commandement des troupes de
la ville, aux Chefs des soldats mercenaires, qui étoient à la solde. Epicide
arrivé prés de Bomilcar, le détermine à combattre. Il s'y prépare,& l'on étoit
prêt d'en venir aux niains lorsque tout d'un coup Bomilcar abandonne la
,
Sicile & fait voile vers l'Italie.Epicide déconcerté, n'osa retourner à Syracuse;
Il se jetta dans Agrigente, attendant que la fortune lui fournit quelque moïen
de se tirer d'embarras.
VIll. Syracuse n'avoit plus de ressource. Hippocrates & Epicide auteurs de
Paix arré. ses infortunes, n'étoient plus ni en état de brouïller, ni de la secourir. Les
tée entre Carthaginois l'abandonnoient. Quelques troupes Syracusaines qui étoient
les Syracu- dans
fains & un camp prés l'Acradine, députèrent vers Marcellus pour lui offrir le
Marcellus, domaine patrimonial des anciens Roys de Syracuse , à condition qu'on con-
rompue serveroit aux bourgeois de cette ville leur biens & la liberté de vivre sélon
parles sol- leurs loys. Marcellus n'eut pas de peine à leur accorder leur demande. Les
tfats etran- mêmes députez entrérent dans Acradine & rapportéret Bourgeois ce
sers. aux
qu'ils avoient fait,&quelles étoient lesdispositions du Proconsul.Les Bourgeois
resolurent de suivre leur exempleimais pour n'erre pas traversez par les Com-
mandans des troupes, ils les égorgèrent puis ayant élu de nouveaux Magi-
,
strass, ils en députèrent quelqu'uns à Marcellus pour arrêter les conditions
,
de la paix.
Les soldats de la Garnison qui étoient pour la plupart tranfuges des trou-
pes Romaines , firent entendre aux soldats étrangers & mercenaires qui
étoient dans la ville, que ces députations & ces pour parlers n'avoient pour
fin que de les livrer au Proconsul. La fureur s'empara de leurs esprits ils
,
égorgèrent les nouveaux Magistrats , massacrérent tout ce qu'ils trouvérent
de Bourgeois dans les rues, créèrent trois Gouverneurs pour Acradine & au-
tant pour Ortygie. Aprés cela les députez envoyez à Marcellus,retournèrent
dans la ville, & firent entendre aux troupes étrangères, que le Proconsul n'avoit
décerné aucune peine contre eux. Ce discours leur fit ouvrir les yeux, & ils
se repentirent d'avoir agi avec trop de précipitation.
IX. Du nombre des nouveaux Gouverneurs d'Acradine, il y avoit un nom-
Syra'cuse
mé Meric Espagnol Marcellus sçut gagner par le moyen d'un autre "
est livrée , que
à Marcel- Espagnol, qui étoit dans son armée. 1\leric vint secretement au camp du
lus. Proconsul & s'engagea avec serment sous certaines conditions avantageuses,
de livrer Acradine aux Romains. Pour y réiisïir il proposa de partager les
quartiers de la ville de chaque Gouverneur , afin de les rendre responsables
enpersonne de ce qui arriveroit dans leur département. Celui de Meric s'é-
tendoit depuis la fontaine d'Arethuse, jusqu'au grand Port. il en donna avis
à Marcellus & lui promit d'ouvrir une porte à ses gens, dez qu'ils se présen-
teroient. Ils se présentérent à six heures du matin & entrérent dans la ville.
Au même moment Marcellus fit donner une (-sclade dans un quartier voisin.
On accourut de toutes parts pour repousser l'ennemi.
La Garnison d'Urtygie y accourut comme les autres, & les soldats.
Romains que Marcellus avoit mis exprés dans des barques s'étant jetté dans
cette forteresse, la trouvèrent presque sans défense & s'en emparèrent. Par
ce
moïen Marcellus se vit maître de toute la ville de Syracuse. Il ordonna
ce C'étoit une clemence
d'abord qu'on laissàt aller les transfuges Romains.
il accorda la vie aux habitans. Enfin il or-
presque sans exemple. Ensuite
donna au Questeur de son armée de s'emparer des trésors des Roypillage. s de Syra-
cuse qui étoient dedant Ortygie , tout le reste fut abandonné au X.
tumulte étoit dans son cabinet ^ à Mort <i'Ar«
Archiméde pendant tout ce ,
occupe chiméde.
Un soldat étant entré lui mit l'épée sur la
tracer des figures de Géométrie. y Plutarcb.
Archin1éde occupé d'autre chose, lui dit : in Marcel.
gorge & lui demanda son laargent.
Attendez un moment, .ie finis démonfltâtion que je cherche. Le soldat'irrite de ce lo. Liv. 1.
1àng froid & de cette réponse lui décharge un coup d'épée & le renverse
,
lllort. D'autres racontent qu'un soldat ayant rencontré Archiméde qui
portoit à Marcellus une cassette remplie d'initruments de Mathématique ^

crut que cette cassette étoit pleine d'or & d'argent,& le massacra dans la rue.
On varie un peu sur les circonstances de sa mort ; Mais elles revien-
nent à peu prés à ce que nous venons de dire. Ce grand homme étoit, dit-
Géométriques, qu'il en
on , si appliqué à ses études & à ses demonstrations
négligeoit le boire le manger & les autres besoins corporels. Il falloit quo
ses amis pourveulsent à son habillement & qu'ils l'entraînassent au bain pour
l'entretenir dans une bienséance convenable à sa condition. Il fut enterré
la porte Acragane, où Ci-
par les soins de Marcellus proche de Syracuse hors
ceron long tems aprés découvrit son tombeau qui étoit caché dans des ronces
& des épines,qu'on y avoit laissé croître. Ce tombeau étoit entiérement in-
Cylindrique
connu & négligé , & Ciceron ne le reconnut qu'à une figure
qu'on y avoit érigée, & que le tems avoit épargné. XI.
Pendant que ces choses se paflbient en Sicile, Annibal se rendit maître Annibal se
de Tarente. Il y avoit longtems qu'il cherchoit l'occasion de s'en empa- rend inal-;
rer ; Mais Rome avoit pris de si-bonnes mesures pour l'empêcher qu'il ne tre de Ta- 1
,
paroiflfoit guéres possible qu'il y réussit par la force. Aussi n'osa-t'il le tenter rente.
par cette voïe. 11 en vint à bout par la conspiration de treize jeunes Taren-
tins, qui complottérent de lui livrer la ville., II faut reprendre la chose de
plus haut.
Pour s'assurer de la fidélité de Tarente , Rome s'étoit fait donner pour
otages un certain nombre de personnes deTarente que l'ongardoit dans une
maison du mont Aventin. Un nommé Phineas député de Tarente qui étoit
à Rome depuis allez longtems, trouva moïen de parler à ces otages, & leurs
procura moïen de s'échapper de cette espéce de captivité dans laquelle on les
retenoit. Il leur servit de guide & ils arrivèrent à Terracine. Le lendemain
matin on s'apperçut de leur evasion. On les suivit en on les atteignit à
Terracine. On prit cette fuite au criminel , on frappa de verges les otages,
& on les précipita du Capitole.
Cette sévérité fit naître dans l'esprit des Tarentins & des Thuriens , une
haine implacable contre Rome. Ils cherchérent toutes les voies de secouër Pùfyb. L r.
le joug & de se donner à Annibal. Mais la garnison Romaine qui étoit dans Lii,.I.:% 2$.
la ville, étoit un frein qui les retenoit. Treize jeunes Seigneurs de Tarente,
avant à leur teste deux hommes de la première Qualités , l'un nommé Nicon,
l'autre Phileméne résolurent de se défaire des Romains. Ils feignirent une
partie de chasse & , sortirent sur le soir de la ville par différentes portes, pour
le trouver à leur rendez-vous, Nicon & Phileluene seul, se rendirent au camp
d'Annibal & lui découvrirent le dessein qu'ils avoient formé. Pour déguiser
leur longue absence ils enlevérent du consentement d'Annibal,un troup-
,
peau de beufs qu'ils ramenèrent à la ville, disant au Gouverneur Romain,que
l'envie de faire'une bonne proye les avoit menez un peu loin & avoit retar-
dé leur retour. Sous de semblables prétextes ils obtinrent permission de sor-
tir souvent de la ville d'ailleurs Philemene étoit connu pour chasseur de
,
profession & faisant souvent des présens de gibier aux Gouverneurs & aux
Officiers des troupes Romaines, il avoit la liberté de sortir, quand il vouloit,
Plant la nuit, que le jour.
Xll. Ce manège dura assez long tems & Annibal pour mieux cacher sots
,
Surprime de dessein s'éloigna de Tarente de trois journées de chemin. Lorsque
la ville de préparé tout fut
Tarente. pour le faire entrer dans la place; Les conjurez l'avertirent qu'il pou..
voit venir tel jour à telle heure, & qu'il pouvoit compter d'être admis dans
Tarente. Il part à la teste de dix mille hommes choisis à qui il fit prendre
des vivres pour quatre jours. Il fit marcher devant une ,troupe de Cavaliers
Numides avec ordre de faire rebrousser chemin ou de mettre à mort tous
ceux qu'ils rencontroîent allant à Tarente. Il arrive dans un vallon écarté
ou Phileinene le vint joindre, & l'avertit que le Commandant Romain devoit
être d'un grand repas où il ne manqueroit point de bien boire & qu'il ne
falloit manquer cette occasion. En effet au sortir du repas , les conjurez
joignirent le Commandant & l'accompagnèrent jusqu'à son logis feignant
de sortir d'une bonne table & d'être en belle humeur. Lorsqu'ils ,sçurent le
Commandant profondément endormi ils disposérent tout pour introduire
,
Annibal dans la ville.
Sur le minuit Phileméne se présenta à une poterne par où il avoit ac-
coutumé d'entrer & de sorrir & au premier coup de, sifflet ou lui ouvre
sans aucun soupçon. Il apportoit ,
avec ses chasseurs un sanglier d'une gros-
seur énorme. Pendant que la garde considére cet Animal Phileméne le
,
perce d'un grand coup d'épée ; En même tems trente soldats Carthaginois
foncent dans la place & égorgent les autres gardes. Ils sont bientoit
suivis par d'autres soldats d'Annibal & Annibal luy-même au signal que
,
Nicon lui donne de dedans la ville se présente avec son armée à la porte
Timenide qui luy est ouverte par , ceux du parti de Nicon. Il y entre,
& laisse au dehors deux mille hommes de Cavalerie. Il fait publier défense
aux bourgeois de sortir dans la ruë, & ordonna à ses gens de saire main basse
XllI. sur tous les Romains qu'ils trouveront dans les rues.
Le Com- Le Commandant des troupes Romaines informé de tout ce qui se pas-
mandant soit,
éfès trou- se jette dans une barque avec sa suite & se sauve dans la cidatelle qui
,
pesRcmai» étoit gardée par les Romains. Plusieurs soldats échappez du carnage s'y
Des se reti- rendirent aussi: Les autres furent massacrez par les Carthaginois dans les-
re dans la quels ils s'étoient jettez ,Philenléne
Gitadelle avoit malitieusement attirez par le Ion de la trompette que
,
«dTarcnte fait sonner à la Romaine dans le Theatre. Dez-que le
jour fut venu Annibal assembla les Tarentins dans la place publique, leur fit
de
de grandes promesses , leur dit d'ecrire sur la porte de leurs maisons ces
mots : Tarentins , pour les distinguer de celles des Romains habituez à Ta-
rente, avec menaces de faire mourir quiconque auroit inscrit le même nom
sur aucune maison des Romains. Aprés quoy il abandonna ces derniers au
pillage de ses troupes.
Annibal songea aprés cela à mettre la ville hors d'insulte du côte de la xiv.
citadille. Il bâtit un mur qui la séparoit de la ville, & par derrière le mur assiége Annibal
du côté de Tarente il creusa un profond fossé , & avec la terre qu'on en vain la en Ci-
, côté-la.
avoit tirée il forma une terrasse qui mit la ville en seureté de ce tadelle de
Alors les Tarentins craignant que les Carthaginois ne s'emparassent de leur Tarente.
ville & ne les réduisissent au même état où ils étoient sous les Ronlains,ttPent
entendre à Annibal qu'ils luy étoient obligez de les avoir tirez de la servi-
tude où ils étoient & qu'à présent ils pouvoient se défendre eux mêmes.
,
Annibal pour ne leur pas donner d'ombrage se retira avec ses troupes à cinq
mille de Tarente, sur les bords de la riviére de Galese. Ensuite ayant at-
tentivement considéré la lituation de la citadelle il crut la pouvoir réduire
en son pouvoir par un siége dans les formes. Elle étoit située dans une
présqu' Isle environnée de la mer de trois côtez & dont le terrain quoi-
,
qu'assez plat, étoit bordé de rochers escarpez. Annibal la fit envelopper du
côté de la ville & fit avancer ses machines pour battre les murs.
Présqu'en même tems le Gouverneur reçut un renfort de troupes venuës XV.
de Metaponte ce qui le mit en état dez la nuit suivante de faire une sortie Annibal
,
sur les Carthaginois, dans laquelle il ruina leurs, travaux & brûla leurs machi- transporte
Dez lors Annibal désespéra de venir à bout de son dessein sur la cita- par terre
nes. les Galéres
delle. Il en forma un autre pour ôter aux Romains la liberté de faire entrer du port de
par mer dans la citadelle du secours & des vivres, & pour procurer aux Ta- Tarente.
rentins les mêmes avantages, dont il privoit les Romains. Ceux-ci étoient
maîtres de l'entrée du port & n'y laissoient entrer que ce qu'ils jugeoient à
propos. Il y avoit au fond du port de Tarente bon nombre de vaisseaux
qui y^demeuroient enfermez & inutiles. Il résolut de les faire transporter
par terre, du port où ils étoients de l'autre côté la citadelle, afin de tenir
la mer & d'empêcher que rien n'entrât dans le port de Tarente, que ce qu'ils
voudroient bien y laisser entrer. La chose parut d'abord impossible néan-
moins à force de bras & de machines on tira les vaisseaux du port , on les
chargea sur des chariots faits exprés. On les fit passer à travers la , ville par
une rue qui se trouva assez large , & les Tarentins se virent tout d'un coup
avec une flotte maîtres de l'entrée de leur port & de la mer des environs, en
sorte que par ce moyen la citadelle de Tarente se trouva bloquée par mer&
par terre.
Cnpouë étoit menacée d'un siége par lesConsuls FulviusFlaccus & Ap- XVI.
pius Pulcher, Ils avoient fait le,dégat autour de la ville, & les bourgeois Hannon
privez de l.ur moisson, étoient déja pressez par la famine. Ils donnérent fait passer
avis à Annibal de l'état où ils se trouvoient & le prièrent de les secourir. Ce des vivres
dans Ga-
Général ne pouvoit alors abband-onner le siége de la citadelle de Tarente; il pout:. Han-
envoya au secours d-e Capouë Hannon un de ses Généraux, avec ordre d'y Ítouelldé.
par les faire conduire du blé autant qu'il pourroit.
ffeit Il en ramassa une trés grande
Romains. quantité, mais les Capoüans n'en prirent qu'une quantité assez médiocre
Hannon en fut indigné & leur fit des reproches de leur indolence. Ils
voyérent d'autres chariots à Hannon pour en charger. Mais le Consul Ful. ren-
vius informé de leurs mouvemens le rendit de trés grand matin
d'Hannon & l'attaqua vigoureusement. Les Carthaginois se défendirent au camp
tant de valeur , que Fulvius avoit pris le parti de le retirer. Mais les soldatsawc
de l'armée Romaine: animez par un Capitaine nommé Vibius, &
par un autre
nommé Pedanius, qui avoit jetté un etendard sur le rempart des Carthaginois,
s'élançerent à travers les traits des ennemis, & malgré le peu de résolution du
Coaful, malgré la rapidité du terrain qu'il falloit surmonter ils vinrent à
bout de forcer le camp des ennemis & de défaire l'armée d'Hannon. ,
Ses
soldats furent passez au fil de l'epée; on n'épargna ni païian ni charretier,
ni esclaves. On tua sur la place six mille hommes & on fit sept ,
mille prison-
niers. L'on prit les grains, les Chevaux les charettes & tout le butin dont
,
les Carthaginois s'étoient enrichi dans le pillage de tant de villages & de cam-
pagnes. Hannon se sauva avec quelque Cavalerie dans le pays des Bruttiens,
d'où il étoit
^
venu.
XVII. Cependant Annibal se rendit maître de Metaponte & de Thurie, mais
Prise de
pour la citadelle de Tarente, il ne réüssit pas à l'affamer, comme il l'avoit
Metapon- elpéré; elle reçut un gros convoi de vivres, qu'on luy envoya d'Etrurie. Les
te & de
Thurie par Consuls songeoient toujours au siége de Capouë, mais ils craignoient qu'An-
Annibal. nibal ne vint les y troubler. Ils ecrivirent à Sempronius Gracchus qui
mandoit un corps de Volons dans laLucanie, de venir joindre ses forcesconi. aux
leurs. Comme il se disposoit à partir, il fut tué en trahison par les Cartha-
ginois, aux quels un traitre Lucanien l'avoit livré en l'attirant dans leur em-
bulcade, sous prétexte de luy ramener toute la nation Lucanienne. L'armée
de Volons ou d'esclaves volontaires, que Sempronius avoit dressee & qu'il
commandoit, fut confiée au commandement du Questeur Cneïus Cornelius.
qui s'avança vers Capouë.
XVIII. Au défaut deSempronius, lesConsuls appellérent à leur secours le Pré-
Siége de teur Claudius Nero, qui campoit à Suessula ainsiils
; se disposerent à assiéger
Capouë Capouë avec trois corps d'armée, pendant que d'autres Commendans étoient
par les
Romains. employez à faire venir de Sardaigne & d'Etrurie les provisions nécessaires à
l'armée Romaine, & à veiller que le Général Carthaginois n'entrât point à
Capouë. Les Capoiians lui envoyoient députez sur députez pour l'informer
du danger où ils étoient. Annibal s'approcha deBenevent, présenta bataille
aux Consuls. On en vint aux mains. Pendant que les deux partis se dispu-
toient la.vidoire, on vit paroître suries hauteurs un corps de troupes. C'é-
toit celui qu'avoit commandé Sempronius. Comme ni les Romains ni les
Carthaginois n'étoient point informez de leur arrivée. L'un craignit de part
& d'autre que ce ne fut du secours qu'on amenoit à son Antagoniste, & l'on
sonna la retraitte. Les deux armées se retirèrent dans leur camp avec un
avantage à peu prés égal.
Aprés cela les deux Consuls jugèrent.» propos de partager leurs troupes.
Fulvius
Fulvius prit la route de Cumes, & AppiusClaudius celle de Lucanie. Anni- xix.
bal suivit ce dernier dans l'espérance de le joindre dans quelque endroit dés- Annibal se
avantageux & de lui livrer bataille. Appius s'en défia, & se conduisit avec devant retire de
circonspedion qu'il luy donna prise. Annibal Ca-
tant de ne aucune envoya en pouë. Il
Lucanie, & Appius revint auprés de Capouë. défait Gen-
Dans le même tems un Centenier Romain nommé Marcus Centenius, tenius.j
bon sbldat,qui s'étoit distingué dans differéntes occasions & qui avoit rempli
toutes ses années de service, vint s'offrir au Senat, se faisant fort de réduire
Annibal, si l'on vouloit lui donner seulement cinq mille hommes On lui
en donna huit mille, & il en ranlassa encore prés d'autant, qui se joignirent
à lui volontairement sur sa route. Arrivé en Lucanie il eut la témérité de
présenter bataille à Annibal, mais il la perdit si absolument qu'à peine s'en
échappa-t'il mille hommes. Lui-même de désespoir se jetta au milieu des enne-
mis & y trouva la mort qu'il cherchoit.
Le Préteur Cneïus Fulvius commandoit un corps d'armée en Apulie. XX.
Annibal fut averti que ces troupes remplies de présomption ne gardoient Défaitte
point une discipline exaéte & n'avoient pas pour leur commandant la sôu- du Préteur
mission convenable. Le Carthaginois résolut de mettre à profit ces disposi- Gne'ius
Fulvius.
tions de l'armée de Fulvius; il embusca trois mille hommes armez à la légére Liv.1. 25.
dans les hameaux & dans les buissons du voisinage ; il ordonna à Magon à
la tête de deux mille hommes, de s'emparer de tous les passages par où il
prévoyoit que les fuyards pourroient s'échapper. Tout cela fut exécuté
pendant la nuit. Pour luy, dez le point du jour il rangéa son armée. Les
soldats Romains aufsytost sortirent de leur camp, sans écouter leur Comman-
dant & se rangérent à leur volonté. Annibal eut bon marché d'une armée si
peu subordonnée, & si remplie de présomptions. 11 en tua environ seize
mille à peine s'en sauva-t'il deux mille. Le Prêteur se sauva avec environ
deux cent Cavaliers, laissant ion armée & son camp à la merci du vidorieux.
Le Senat ayant reçu avis de ces deux échecs, envoya ordre aux deux Con- XXI.
suls de ramasser les débris de ces deux armées, de peur que les soldats craignant Continua-
la sévéritédont on usoit envers ceux qui s'étoient laissé vaincre, ne prissentparti tiondeduGa-
Sié-
chez les ennemis. Les Consuls envoyérent de toutes parts pour satisfaire aux pouë. ge
ordres du Senat, & commencèrent à resserrercapouë & à en faire le siége dans
les régies. LesCapoüans firent d'abord quelques sorties, mais qui n'eurent
aucun succés considérable. Les députations qu'ils firent vers Annibal ne fu-
rent pas plus heureuses. Ils n'en rapportérent que de belles paroles & de
magnifiques promesses. Annibal avoit entrepris de réduire la citadelle de
Tarente & ne vouloit pas quitter cette entreprise, espérant que Capouë soû-
tiendroit un long siége & qu'il auroit encore le loisir de la secourir. Le Sénat
avoit envoyé des ordres aux Consuls d'offrir aux Capoiians s'ils vouloient
,
ouvrir leurs portes, la liberté de sortir de leur villes, & d'emporter avec eux
leurs effets. On leur laissoit la liberté d'accepter ces offres jusqu'aux Ides
des Mars ; Aprés quoy ils n'auroient plus de quartier à espérer ; Ils mépri-
iérent ces offres, & ne répondirent aux Consuls que par des insultes & des
menaces.
Pendant
XXII Pendant que ces choses se passoient en Italie. On apprit à Rome la
Malheur mort des deux Scipions arrivée en Espagne l'un aprés l'autre dans l'espace
des deux d'un mois. Voicy les circonstances de
Scipions ce trille événement.Les trois Cartha-
en Espa-
ginois, Asdrubal frére d'Annibal, un autre Asdrubal fils de Giscon, & Magon,
gne. commandoient trois corps d'armée en Espagne, de môme qu'ils avoient tait
les années précédentes. Les deux Scipions résolus de finir la guerre en
Espagne & sur tout d'empêcher qu'Asdrubal ne passât en Italie, partagérent
leurs forces ; Publius avec un corps de troupes toutes Romaines nurcha contre
Ma.gon. Il laissa à son frere Cneïus une armée composée de trente mille Celti-
bériens ou Espagnols & de quelques mille Romains. Asdrubal par les emis-
saires offrit aux Celtiberiens plus qu'ils pouvoient espérer des Romains, &
les porta à abbandonner Cneius, pour se retirer dans leur pays : ils partirent
donc enseignes déployées, malgré tout ce que put faire Cneïus pour les re-
tenir. Publius son frere étoit trop éloigné pour le rappeller ou pour l'aller
joindre. Cneius étoit trop soible pour se défendre contre Asdrubal; il prit le
parti de s'éloigner du Carthaginois, & d'éviter d'en venir à une bataille. Il
suivit la même route qu'avoient suivit les Celtibériens, qui l'avoient abban-
donné.
XXIll. Publius se vit bientost encore plus en danger que Cneïus. MasinisTa fils
Mort de du Roy des Manen!iens dont on a parlé sous l'année précédente, aptes avoir
Publius
Scipion. vaincu ie Roy Syphax en Afrique, s'etoit jetté en Espagne avec séb troupes.
Il entreprit de réduire Publius & de le harceler, en attendant que les Cartha-
ginois d'un côté & Indibilis un des petits Roys d'Elpagne, de l'autre, sefus-
sent joints à luy pour l'accabler par leur grand nombre. Publius prit la ré-
solution de prévenir la jondion d'Indibilis. il partit au milieu de la nuit;
mais J\11asinissa le suivit avec sa Cavalerie, & l'inquiéta beaucoup dans la mar-
che. Publius atteignit Indibilis & luy livrd bataille. D'abord les tioupes
Romaines eurent quelque avantage, mais la Cavalerie de MasinisTa les ayant
prises en flanc & les armées de Magon & d'Asdrubal fils de Giscon, ayant
,
paru en même tems & les ayant attaqué en queue, Publiusfaisant tout ce qu'on
pouvoit attendre d'un grand Capitaine, fut percé d'un coup de lance. Sa
mort jetta l'effroy parmi ses troupes; elles se firent jour à travers l'insanterie
ennemie, & se retirérent où elles purent. La nuit qui survint, les déroba
3 la poursuitte des Cavaliers Numides, qui ne laissérent pas d'en tuër un très
grand nombre.
XXIV. Les trois armées VtCtorieuses,sans s'arrêter à forcer le camp de Publius,
Les Cartha- où
ginois ce Proconsul avoit laissé une grande partie de son armée, se rendirent
poursui- en diligence auprès d'Asdrubal fils d'Annibal, pour réiinir toutes leurs forces
ventCne- & exterminer le nom Romain dans toute l'Espagne. Ils firent prendre les de-
YusSc!p!on. vants à leur Cavalerie, afin de harceler Cneïus Scipion & de retarder sa
mar-
Liv.1.
che, en attendant que leur infanterie pût joindre les ennemis. Cneïus igno-
Zonar.
Polyb. roitla déroute de l'armée Romaine & la mort de son frere; mais ne recevant
4ppian. point de tes nouvelles & se voyant à dos les trois Généraux Carthaginois, il
ttc. ne douta point qu'il ne fut arrivé quelque malheur à Publius. 11 marcha
deux
deux ou trois jours dans des inquiétudes continuelles, toujours poiirsuivi
& harcelé par la Cavalerie Numide. Enfin il se retira sur une colline que le
hazard lui offrit.
Il s'y retrancha avec les bagages de ses troupes, comme il put, la fitua- XXV.
Mort de
tion du lieu , qui étoit un rocher, ne permettant pas de le faire autrement. Gneïus
D'abord les Carthaginois surpris de voir une telle manière de rempart, recu- Scipion, &
lerent quelques pas, en arriere, mais animez par leurs Chefs, ils franchirent déroute de
ces barriéres & se firent jour dans le camp de Cneïus qui y fut tué combat- son armée
tant vaillamment , d'autres écrivent que s'étant jette dans une tour avec
quelques-uns des siens, il y fut étouffé par la fumée. Son armée fut taillée
en piéces ; Il s'en échappa néanmoins un grand nombre qui se rendit au
camp de Publius Scipion, ou le Lieutenant-Général T. Fonteïus avoit une
armée assés nombreuse laquelle fut encore très considérablement augmen-
tée par l'industrie d'un, jeune Chevalier Romain nommé C. Martius, qui
prit soin de ramasser les débris des deux armées des Scipions & tira les gar-
nirons de différens postes pour en former un corps d'armée , qui se réunit
sous Fonteïus.
Ce nouveau Général décampa du lieu où l'avoit laissé Publius & se 6.XXVI. Martius
campa au delà del'Ebre, mettant ce fleuve entre lui & les ennemis. Alors les se met àla
soldats ne jugeant peut-être pas Fonteïus capable de les commander, ou in- tête de l'ar-
disposez contre lui pour des raisons qui nous sont inconnues , se donnant mée Ro-
maine en
pour Chef le jeune Martius. Bientost ils changèrent de dispositions , son Espagne.
âge , son peu d'expérience & de réputation , firent revivre dans l'esprit du
soldat les grandes qualitez des deux Généraux qu'ils venoient de perdre.
Giscon s'étant présenté devant leur retranchemens, & Martius ayant donné
le signal du combat, on n'entendit de toute part dans le camp, que gémisse-
niens, que lamentations, que cris de la part des soldats , qui se frappoient la
tête avec leurs armes, ou se jettoient par terre réclamant la mémoire des Sci-
pions. Martius les consolois & les animoit de son mieux & enfin il les
fureur. ,
fondirent sur les
mena à l'ennemi, leur douleur se changea en Ils
Carthaginois qui venoient à eux en désordre n'ayant que du mépris pour
, ,
ces nlalheureux restes de deux armées défaites & déstituées de Généraux.
Le choc fut si vif, que les Africains prirent la suitte sans avoir le tems de se
reconnoître.
Martius ne profita pas de sa victoire
, parce qu'il craignit de tomber XXVll.
dans quelque embuscade de l'ennemi. Giscon en conclut que le jeune Gé- Défaite de
néral etoit où mal-entendu ou mal-avisé. Il le méprisa & négligea de se pré- Giscon pas
cautionner contre lui. Martius de son côté craignant d'avoir bientost tou- Martius,
tes les forces des Carthaginois sur les bras , résolut d'attaquer Giscon avant
la jondion des autres troupes. Il partit au milieu de la nuit dans un profond
f11ence & alla attaquer le premier des deux camps dans lesquels Giscon
,
avoit enfermé son armée. Les Romains y entrérent ,sans résistance, égorge-
rent les Carthaginois dans leur lits , mirent le feu aux tentes couvertes de
chaumes. La plus grande partie de l'armée Africaine y périt. Ceux qui
voulurent gagner l'autré camp, surent arrétez en chemin & mis à mort par
la Cavalerie Romaine embusquée dans un bois entre les deux camps.
Delà Martius marcha contre le sécond camp. Il étoit alors grand jour,
& il fallut soûtenir un rude combat à la porte du camp, avant que de s'en
rendre maître. A la fili les Carthaginois furent obligez de céder on leur
tua dans les deux camps jusqu'à trente sept mille hommes , & on, leur fit
mille huit cent trente prisonniers. Les deux camps furent abandonnez au
pillage, & on y remarqua entr'autres un bouclier d'argent du poid de trente
huit livres Romaines, sur lequel étoit représenté le portrait.d'Asdrubal srére
d'Annibal. Cette piéce fut transportée à Rome & suspenduë au Capitole où
elle subsista jusqu'à une incendie qui en réduisit les édifices en cendres. Tels
furent les succés de cette campagne en Espagne.
-Txvill. La Republique se donna pour Chefs Cneïus Fulvius Centumalus, & P.
Cn.Fulvius Sulpicius Galba. Elle laissa la conduite du siége de Capouë aux deux Con-
Genturna- suls de l'année précédente. Marcellus fut continué dans
lus & P. le Proconsulat de
Sulpitius Sicile. Le jeune Martius qui avoit si bien fait en Espagne, parcequ'il avoit
GalbaGon- été élu contre les régles ordinaires ne fut pas reconnu pour Propréteur,
,
suls. jusqu'à ce que le peuple Romain lui eût donné cette qualité par un nouveau
An de R. choix. La bataille le Préteur Cneïus Fulvius frere du Consul de l'année
5 42. du M. que
3792.
précédente, avoit perduë en Apulie fit grand bruit à Rome. Un des Tri-
avant J. G. buns du peuple nommé Sempronius Blatsus l'accusa d'abord au civil , puis
208. au criminel, & soutenu du corps des autres Tribuns , auxquels Fulvius en
Fulvius avoit appellé, il le fit condamner à l'exil. Le Proconsul son frere demanda
s'exile vo- secours de son frere accusé. Il ne l'ob-
lontaire- au Sénat la perniission de venir au
ment à tint pas. Fluvius prévint sa condamnation & s'exila lui-même à Tarqui-
Tarquinie. nie.
XXIX. Le siége de Capouë se poussoit assez foiblement, parceque les Procon-
Stratagème suls étoient résolus de la reduire par famine, plutost que par force. Les sol-
de la Ca- dats de la garnison faisoient souvent des sorties sur tout la Cavalerie Afri-
,
caine, qui l'emportoit de beaucoup sur la Cavalerie Romaine;l\lais un Cen-
vat'erie Ro-
maine
pour com- turion Romain nommé Navius inventa une nouvelle manière de les com-
battres les battre, qui réùssit aux Romains. Ce fut de mettre en croupe sur les chevaux
Cavaliers de la Cavalerie Romaine, des hommes de pied
Numides. armez de sept Javelots. Cette
Infanterie descendant de cheval, se réunissoit en un moment & se rangeoiten
bataille puis lançoit contre la Cavalerie Numide ces Javelots dont on a
,
parlé, blessoit les chevaux & les hommes, & donnoit lieu à la Cavalerie Ro-
maine de profiter du désordre où cette Infanterie les avoit jettez.
XXX. Annibal fut enfin oblige de quitter le liège de la Citadelle de Tarente,
Annibal pour accourrir au secours de Capouë. Il ne prit avec lui que sa Cavalerie,
vient inuti- son Infanterie légèrement armée & trente trois Eléphans.Il arriva au voisinage
lement au de Capouë, prit la petite ville de Calatie & se derriére le mont Ti-
secours de ,
campa
GapoiVê, & phate. Il attaqua le camp des Proconsuls en même tems que les assiégez
cst lél)ous- firent une sortie sur les assiégeans. Les deux Proconsuls partagèrent leurs
u. forces ; Appius fit tête aux Capoüans, & n'eut pas de peine a les repousser
dans la ville. Il s etoit mis à la téte des siens résolu de pénétrer dans la
ville
Tîlle avec les fuyards , mais un trait parti d'un balisle des ennemis , l'ayant
atteint à l'epaule gauche, le mit hors de combat , & 1 'obligea de retourner
au camp. vigoureusement
r XXXI.
Le Proconsul Fulvius fut attaqué# bien, plus
, par Anni-
.
Annibal
bal. Un corps d'Eipagnols, précède de trois Eléphans , en força la sixiéme prend le
Légion & s'avança jusqu'aux remparts du camp. Fulvius les fit envelopper chemin de
& tailler en pièces. Aprés ce mauvais succés Annibal se retira, & resolut de Rome.
marcher contre Rome, qu'il supposoit sans défense ; espérant d'ailleurs que Liv.
les Proconsuls tae manqueroient pas d'abandonner le iiége de Capouë, pour
accourir au secours de la Capitale de la Republique. C'est ce qu'il fit en-
tendre aux Capoüans avant son départ. Le dessein d'Annibal ne put être si
secret que le Proconsul Fulvius n'en fut informé & n'en donnat avis au Se-
nat. Les sentimens des Senateurs furent partagez. Quelqu'uns vouloient
qu'on ht revenir au tour de Rome toutes les armées, qui étoient répandues
dans diverses Provinces. C'est ce que souhaittoit le plus Annibal. Fabius
soûtint que Rome aveG les forces qu'elle renfermoit , pouvoit se défendre
contre Annibal; D'autres prirent un parti mitoïen qui fut d'écrire aux deux
Proconsuls qui étoient devant Capouë de détacher autant de troupes qu'ils
jugeroient nécessaire, sans abandonner le siége, & que l'un d'eux les aménât
au secours de Rome. Fulvius avec un detachement de quinze mille hom-
n1es de pied, & de mille chevaux, se rendit à Rome. Il y entra par porte
la
Capene, & le Sénat rendit un arrêt qui égaloit son autorité à celle des Con-
suls.
Annibal ne vint pas en droiture de Capouë à Rome. Il passa par Cales, XXXlI.
Sidicinum, Suëflsa, Alises, Casin, Aquin, Interamne, Fregelles, Labice, Thu- Annibalapproche
sculum, Gabies, & enfin campa à huit cens pas de Rome, dans les terres de des murs
la Tribu Pupia. Il fit par tout des dégats affreux & son armée y ramassa un de Rome,
butin inéstimable. Bientost il remarqua que Rome n'étoit point dépourvuë il est rc-
de force & que la fraïeur n'en avoit pas banni le conseil & la résolution. Il poufsé.
se retira au dela de l'Anio à trois mille de son premier camp, un jour il eut la
curiosité de venir jusqu'à la porte Colliria à la tête de deux mille hom-
mes de Cavalerie. Fluvius aussitost détacha quelques Cavaliers avec ordre
de le combattre, & en même tems fit partir un corps de douze cens Numi-
des déserteurs de l'armée d'Annibal , pour soûtenir la Cavalerie Romaine.
Ces Numides qui furent obligez de passer à travers la ville, y causserent une
grandé fraïeur, parcequ'on le prit pour des ennemis. Ils joignirent les esca-
drons Romains, & obligèrent Annibal à se retirer avec perte.
Quelque tems aprés il fit avancer son armée & la rangea en bataille de- XXXlll.
Une
vant la ville. Les Consuls en firent de même. Rome étoit dans l'attente péte tem-
d'une grande aétian. Tout d'un coup une tempête, qu'on crut miraculeuse, pécheem- les
obligea les deux armées de se retirer.Cela arriva, dit-on trois jours de mite; Carthagi-
& aussitost que les armées étoient retirées dans leur camp, le tems devenoit nois & les
calme & serain comme auparavant. C'est ce que racontent Tite Live, Florus Romains de com-
& plusieurs autres ; Mais Polybe ne parle ni de bataille ni de tempête. Tite battre.
Live ajoute qu'Annibal étonné de ce qui étoit arrivé, & y reconnoissant Polyb. 4e,
quelque choie de surnaturel, dit que tantost la fortune & tantost la volonté
lui manquoit pour se rendre maître de Rome ; faisant attention à ce qu'il
avoit manqué sou coup aprés la bataille de Cannes. Le Senat Romain de
son côté demeura toujours assemblé dans la place publique, pour les délibé-
rations sur les événemens subites.
XXXIV. Une chose fit désespérer a Annibal de se rendre maitre de Rome. Les
Renfort Romains dans les tems même qu'il les assiégéoit firent partir un renfort
confidé- considérable l'Espagne, ,
rable en- pour & un champ qui étoit située au lieu même 01'1
voyé en il campait alors, fut vendu aussi cher qu'en tems de paix. Il régarda cela
TLspagne, comme une insulte faite à son armée & à lui môme. Par reprétailles il fit
pendant mettre à l'enchere les boutiques des banquiers qui environnoient la place de
qu' Anni- Rome s'il en eût déja été le maître. Mais il ne se trouva point
bal est de- , comme
vant d'achetteurs. Il s'approcha jusqu'à la porte Capêne & y plaça son camp,
Rome. mais il fut obligé de s'en éloigner. Ces mouvemens lui donnèrent une
elpéce de ridicule, & rassurérent beaucoup les Romains. Il quitta enfin le
voisinage de Rome & fut suivi dans sa retraite par un des Consuls qui lui
prit quelques soldats & enleva quelque butin à ses troupes. ,
XXXV. Annibal n'avoit pas encore abandonné la résolution de secourir Capouë.
Annibal Il s'approcha de cette ville & attaqua le Proconsul Appius pendant la nuit
abandon- dans ses retranchemens. Appius fut obligé de quitter son
neCapanë. les hauteurs camp &degagner
Députa- en attendant du renfort. Fulvius y arriva bientost , & Annibal
tion du Se- se retira dans la Lucanie. Capouë désespéra alors de son salut, ses princi-
11at de Ca- paux magistrats denuëz de recours & d'autorité ne songeoient plus à déli-
,
pouë vers bérer sur les affaires publiques. Hannon & Boitar Carthaginois ne pensoient
JesPrecon- qu'à leur
suls Ro- propre seûreté & à celle des troupes qu'ils commandoient. Un
mains. nommé Lisius homme de néant étoit à la tête des affaires. On le força
d'assembler Les senateurs, qui conclurent à la pluralité des voix qu'il falloit
Proconsuls, ,
envoyer une députation aux pour en obtenir des conditions sup-
portables. Ceux qui furent d'un sentiment contraire , s'invitèrent tous au
nombre de vingt sept, à un festin, ou aprés avoir bien bu & bien mangé, ils
prirent tous du poison , & prévinrent par cette mort volontaire , celle qui
leur étoit préparée.
-YXXVI. La députation fut recuë au camp des Romains. On ignore les condi-
Prise de tions qu'on accorda aux Capoiians. Dez le lendemain uneLégion Romaine
Cajouë.
avec quelques escadrons de Cavalerie entra dans la place & en prit possession.
Les Proconsuls ordonnérent que les Senateurs qui étoient les plus coupab-
les, fussent conduits les uns à Coles, & les autres à Théane. Les deux Pro-
Consuls se partagérent sur le sort de ces misérables. Appius vouloit ren-
voier la chose au jugement du Sénat , son Collègue vouloit qu'on fit un
exemple de sévérité, Appius écrivit à Rome. Mais en attendant la reponse
Fulvius fit sustiger ces Senateurs, puis leur fit coupper la tête par sesLitteurs.
Il n'avoit pas encore achevé cette exécution , lorsque les lettres du Sénat
qui évoquoit à Rome la connoissance de cette affaire, arrivèrent. Il les mit
dans son sein, fit trancher la tête aux coupables, puis lut les lettres. Rome
ne désapprouva par sa conduite.
Pendant
Pendant cet intervalle le Proconsul Appius mourut. Fulvius demeura XXXV11.
seul chargé de la vengeance publique contre Capouë & contre les villes, qui Triste dition
con-
de
avoient eu part à sa revolte. Il se contenta de punir du dernier supplice les Gapouë
auteurs de la défection des villes voisines. Pour le peuple de Capouë, il fut aprés sa
vendu à l'encan & réduit en captivité. La ville fut cédée à des labouréurs, prise.
pour cultiver les campagnes des environs. Rome se conserva le domaine
dela ville, des maisons&des campagnes.Tel fut le sort de Capouë. Sa chute
lut un terrible echec pour les Carthaginois en Italie. On comprit alors com-
bien peu de fond on pouvoit faire sur leur alliance, & sur leur protection..
PhilippeRoy de Macedoine s'etoit, comme on l'a veu, ligué avec An- XXXVlll.
Romains. M. Valerius Lœvinus Propréteur, qui Ligue for-
nibal contre les comman- mée en
doit alors une flotte de cinquante vaisseaux de guerre, & une Légion de faveur des
débarquement, observoit les démarches de ce Prince. Il résolut de former Romains
une ligue de peuples de la Grécé, capables de faire diversion & d'arrêter lippe contre Phi-
Philippe dans l'on Royaume, il y engage lesEtobiens, les Lacédémoniens, de Macé- Roy
les peuples de l'Elide, AttaleRoy dePergame, PleurateRoy d'une partie de doine.
la Thrace &SchordiladusRoy d'une partie de l'Illyrie. En même tems Lœ- Liv. 1,2?.
vinus s'empara de l'Isle & de la ville deZacynthe & des villes de Nasos &
d'iEniades dans l'Acarnanie, qu'il remit sous la domination des Etoliens.
C'en fut assez pour donner de l'occupation à Philippe dans la Grèce & pour
le retenir dans la Macédoine; Lœvinus alors n'en demandoit pas davantage.
Il lui suffisoit d'empêcher qu'il ne passat en Italie, & ne joignit ses forces
à Annibal.
EnEspagne les affaires des Romains se soûtenoient encore quoyque foi- XXXIX.
blement, par la valeur de Martius & par le moïen des troupes qu'il avoit Asdrubal est obligé
ramaÍfées. La République lui fit pasfer un renfort trés considérable, sous la
de se reti-
conduitte de Claudius Nero Propreteur, qui avoit eu le commandement de
rer pressé
quelques troupes devant Capouë. Avec ce renfort qui consistoit en six mille par l'armé.
Legionaires de troupes choihes, iix mille loldats alliez, & huit cens Chevaux, Romaine.
Martius & Nero résolurent de livrer le combat à Asdrubal, qui étoit alors
campé à lliturgis & Alentifla au pied des roches noires. Claudius Nero l'en-
ferma dans cet endroit, de manière qu'il ne pouvoit plus tirer de vivres d'au-
cun endroit. Asdrubal pour se tirer de ce mauvais pas, feignit de vouloir
entrer en négociation avec Nero, & lui fit faire des propositions qui furent
agrées. Pendant qu'on confere sur les moïens d'exécuter le traitté, le Car-
thaginois fait naitre des incidens & forme des difficultez, pour gagner du
tems & pour tirer la chose en longueur, & cependant fait passer ses troupes
par pelottons durant les nuits du côté des Pyrénées. Il ne ressoit plus q.ue
sa Cavalerie & ses Eléphans à passer.11 les fit partir pendant un grand brouïl-
lard & pria Nero de l'excuser, s'il ne se trouvoit pas ce jour-la au lieu de
la conferénce, disant que c'étoit une féte parmi les Carthaginois qui ne luy
permettoit pas de quitter son camp. Lorsque le brouïllard fut dissipé, on
reconnut que les Carthaginois étoient décampez on les suivit pendant quelque
tems, mais il fut impollible de les entamer,
La nouvelle de cette evasion d'Asdrubal, fit de nouveau regretter1es
XL. Scipions, & le Senat parmi tant de grands hommes qui étoient alors à Rome,
Le Jeune n'en trouva point de plus propre pour les remplacer,
Scipion que le jeune Cneius
est envoyé
Scipion fils de Publius. Il tut fait Propréteur d'Espagne, agé seulement de
en qualité
vingt quatre ans. Il avoit du côté de la naissance, du cœur, de l'esprit, du
de Préteur corps & de la valeur, tout ce qui pouvoit relever l'espérance des Romains.
en Ripa- Bienfait, poli, gracieux, vaillant, heureux, prévenant, affable, désintér-
gnc. essé, sage, modéré, & de plus on le croyoit particulièrement aimé & favo-
risé de Jupiter, auquel il alloit tous les jours rendre ses hommages au Ca-
pitole de trés grand matin. On lui donna pour ajoint & pour Conseil Ju-
niusrSilanus; il partit du port d'Ostie avec dix mille hommes de pied & nulle
Chevaux & arriva heureusement en Espagne. Nous y verrons ses exploits
sous l'année suivante.
XIII. Marcellus aprés la conqueste de Syracuse & l'aiïujettilTement de presque
Marcellus toute la Sicile, où il ne restoit plus aux Carthaginois qu'un coin de terrain,
-

ne peut Marcellus ne put obtenir les honneurs du triomphe. On se contenta de lui


obtenir les
honneurs accorder l'ovation, & la faculté de demeurer à Rome sans quitter les marques
du triom- du Généralat & la qualité de Préteur. Mais ce grand homme, aprés étre
phe. entré à pied dans Rome, sélon les régies de l'ovation, se décerna, pour ainsi
dire à lui même le triomphe, en paroissant sur le mont d'Albe dans tout
l'appareil du plus brillant triomphe, porté sur un char, couronné de Lau-
riers, & au bruit des trompettes, on porta devant lui la ville de Syracuse
représentée en relief, les machines qu'Archiméde avoit inventées pour la dé-
fendre, les richesses dont on avoit dépouillée cette superbe ville, les statuës
& les peintures d'un goût exquis que l'on en avoit tirées pour orner la ville
de Rome. Huit Eléphans & un peuple innombrable ornoient la marche au
,
lieu de l'armée qui étoit demeurée en Sicile.
XLII.
Marcellus
Ilfittransporter dans les temples de la Vertu & de l'Honneur,qu'il avoit
autrefois fait bâtir, tous ces riches monumens de sculpture&de peinture qui
introduit
à Rome le firent naitre aux Romains ce bon gout & cette délicatesse qui les diitingue-
bon goût rent dans la suitte. L'exemple de Marcellus, qui dépouïlla Syracuse de ce
de la fcul- qu'elle avoit deplus exquis en ce genre, fut suivi parles conquérans qui
pture & de vinrent aprés luy, & qui ramassérent dans Rome tout ce qui servoit à l'orne-
la pein-
ture. ment des villes de la Gréce, de l'Asie & de l'Egypte. Conduitte qui n'a pas
Liv. 1.2 été approuvée de tous les anciens. Tite Live se plaint de cette avidité des
Romains, qui dépouïlloient jusqu'aux temples des Dieux, pour orner la ville
de Rome. D'autres attribuent à Marcellus l'origine du luxe, de la molesTe,
de la curiosité & le mépris de l'agriculture & des métiers les plus utiles à la

XLII1.
M.Clau-
vie.
Dans la nouvelle élection desConsuls il arriva un incident remarquable
le sort voulut que la Centurie des plus jeu-nes gens de la tribu Veturia, fut la
dius Mar- première à donner son suffrage pour l'élection des Consuls. D'ordinaire les
cellus & premiers suffrages étoient suivis
M.Valerius par les autres Centuries; déjà les premières
Lœvinus voix étoient données à T. Manlius Torquatus, & à T. Otacilius, quoique ce
Consuls. dernier fut absent. Torquatus fendit la presse & etant arrivé au Tribunal,
An de R. où étoit assis le Président des Comices, demanda qu'on ôtât le privilège des
sulfra-
suffrages à la Centurie qui venoit de faire le choix de sa personne, d'autant, ;4e. du M.
dit-il,qu'elle a jetté les yeux sur moi qui ai la veuë extrémement foible, & 979 ?.
J. C.
qui suis incapable de gérer le Consulat, sur tout dans la circonstance pré- avant 207.
sente, où la guerre contre Annibal demande un homme actif & clairvoïant. Torquatus
Comme ces jeunes gens s'obstinoient à le choisir, il leur déclara que s'ils le refuse le
choissoient pour Consul, il sauroit réprimer leur licence , & leur faire sen- Colisulat. * .
tir tout le poid de son autorité. A ces mots les jeunes gens prirent conseil
des plus anciens de leur Tribu, qui leur conseillérent de se désister, & leur
proposérent de choisir le Grand Fabius, Marcellus, où Lœvinus, qui avoit
arrété les mouvemens de Philippe Roy de Macédoine. Le choix tomba
sur Marcellus & Lœvinus. Ce dernier étoit alors malade à Anticyre & ne
put revenir sitost à la ville, pour y prendre possession de sa nouvelle dignité. XLIV.
Dez qu'il y fut arrivé, aprés avoir rendu compte au Sénat de l'etat où Marcellus
cède le
il avoit laissé le Roy de Macédoine, on fit tirer les deux Consuls au sort, comman-
Sçavoir celui qui demeuroit en Italie & celui qui iroit commander en Sicile. dement
Le sort ajugea la Sicile à Marcellus & l'Italie à Lœvinus. Ce fut un coup de des trou-
foudre pour les Siciliens. Ils firent entendre leurs cris par toute la ville, & pes de Si-
Marcellus demanda avec instance qu'on fit un échange & qu'on attribuât la vinus.cile, àLœ-
Sicile à son Collègue; la chose fut agrée, & Marcellus se trouva chargé de
la guerre contre Annibal, Lœvinns passa en Sicile avec deux Légions; Ful-
vius Centumalus Consul de l'année précédente demeura à la teste de l'armée,
qu'il commandoit en Apulie. Fulvius FlaccusrestaProconsul enCampante.
On songea ensuitte à diminuer le nombre des Légions. De deux on n'en
fit qu'une, qui fut composée de cinq mille hommes de pied & de trois cens
Chevaux.
Avant que Marcellus partit pour l'armée, il voulut qu'on entendit au XLV.
Senat les accusations que les Bourgeois de Syracuse formoient contre luy. Marcellus
cst accusé
Il les entendit luy-méme avec son Collegue dans l'assemblée du Senat, il les Sy-
par
quitta les ornemens de sa dignité & répondit aux accusations. Il sortit de racufains.
l'aflfemblée pendent qu'on délibéra. On se plaignoit de ce qu'il eût abban- Le Senat
donné Syracuse au pillage & qu'il eût porté les choses à l'extrémité au lieu le déclare
de les pacifier. Le Senat reconnut qu'il n'avoit rien fait contre les régies. innocent.
Cependant on ordonna au Consul Lœvinus de traitter Syracuse avec toute la
(louceur, que les intéréts de la République pourroient permettre. LesSyra-
cusains se jettérent aux pieds de Marcellus & le prièrent de leur pardonner
une démarche que l'excès de leur douleur & de leur misére les avoit forcés
de saire; Marcellus leur pardonna avec bonté & leur promit sa proteéHol1
pour l'avenir. En effet il obtint en leur faveur qu'ils jouïroient de leur li-
berté, & qu'ils vivroient sélon leurs loys & coutumes, & demeureroient sur
le pied des autres alliez de la Republique. La famille des Marcellus fut tou-
jours regardée comme la protectrice de Syracuse, & les Bourgeois de cette
ville firent un règlement, que toutes les fois que quelqu'uns de sa raceab-
borderoient en Sicile, on célébreroit ce jour la par des sacrifices, & qu'on
iroit au devant d'eux avec des couronnes de fleurs,
Aprés ce jugement on entendit les plaintes desCampanois&desCapou-
ans
XLVI. ans en particulier. Le Sénat, après le decretdu peuple Romain, qui rau.
Plaintes thorifoit a connoître de cette matière, parce qu'auparavant les Campanois
des Cam- etoient citoyens Romains,
panais & prononça que le Conlul Fulvius n'avoit rien fait
des Capou- que de juste. On régla le sort de Capouë & des autres villes, qui avoient
ans sans eu part à sa revolte, & le Senat proportionna le châtiment de chacun à la
effet. grandeur de sa faute. Le Proconsul Fulvius étoit absent. On entendit
sa jul1ification Attilius Regulus, qui avoit eu part à la prise de Capouë,pour & il
rendit témoignage à l'équité & à la juite sévérité de Fulvius.
XLV11. Restoit à régler les affaires de la marine. Rome ne pouvoit se soûtenir
Le Senat ni contre Carthage, ni contre le Roy de LVlacedoine, sans
&les No-
flottes. Les une ou plusieurs
bles don- finances de la République étoient épuisées. On voulut obliger
nent leur les particuliers à fournir aux frais des armemens; le peuple éclatta en plaintes,
or, & leur en murmures, & peu s'en fallut qu'il n'en vint à une sédition. Ils déclarérent
argent & auxConsuls que si dans trois jours ils ne révoquoient leur edit, ils sauroient
leurs plus se saire justice. Le Senat sut assemblé
prétieux dez le lendemain, pour délibérer sur
ornemens les plaintes du peuple. D'abord les Senateurs opinèrent à tenir terme; mais
pour la le Consul Lœvinus ouvrit un sentiment plus modéré, qui fut que chaque Sé-
Républi- nateur donnât sans délay tout
ce qu'il y avoit d'or, d'argent & de cuivre
que. monnoyé De plus les bijoux, bagues, colliers, braslèlets, anneaux, bul-
les d'or, des femmes & des enfans, que l'on ne réiervat pour l'usage des
femmes qu'une once d'or, & pour ceux qui avoient poiïèdé des Dignitez
curules, qu'une couppe d'argent du poid d'une livre, pour s'en servir dans
les sacrifices ; que chaque famille ne se réservat pour les besoins domestiques,
que cinq mille as d'Airain. L'avis de Lœvinus fut embrassé & sur le champ
exécuté par les Senateuts & les Patriciens. Les Chevaliers Romains & le
peuple à l'envi fournit plus qu'il n'étoit nécessaire. Les flottes Romaines fu-
rent remises en etat, &personne n'eut lieu de se plaindre. On rendit graces
aux deux Consuls de leur modération.
XLVW. Annibal étoit toujours occupé de la conqueste dela citadelle de Tarente.
Les Provi- La faim qui s'y faisoit sentir, étoit plus à craindre qu'Annibal même,. le
sions devi- Consul Lœvinus fit partir de Sicile où il étoit arrivé,
nées pour bon nombre de barques
la citadelle chargées de provisions escortées de quelques galéres, que commandoitDe-
de Taren- cimusQuintius bon officier de marine. Quintius n'ignoroit pas que lesTa-
te, font rentins avoient en mer une flotte plus forte que la sienne, il renforça la sienne
prise s. divers vaisseaux qu'il prit dans les ports des villes alliés,
Liv. 1,26. par Avec cette
flotte il fit voile vers la citadelle de Tarente; mais il fut attendu,pris, & n1is
à mort par Democrate Commandant de la flotte qui croisoit devant le port
de Tarente, & les provisions qu'il portoit à la citadelle, furent enlevées, &
la plupart des vaisseaux furent pris ou échoüérent. Le Gouverneur ne laissa
pas de faire subsister sa garnison, en fourageant la campagne des environs de
Tarente.
Marcellus dans le Samnium étoit occupé à reprendre les places qui s'é-
toiént rangées du parti d'Annibal ; dans l'Apulie Fulvius Centumalus voulut
de même reconquérir aux Romains les places qu'Annibal leur avoit enlevées.
Il s'attacha à la ville d'Herdonée & se flatta de la réduire. L'eloignement
d'Anni-
d'Ànnîbal le rendit moins attentif & moins circonspeft. Le Carthaginois
marche à luy en toute diligence, lui donne la bataille & met son armée en
déroute. Fulvius y perit avec onze Tribuns Légionaires. Il demeura sur le
champ de bataille, [elon ceux qui en mettent le moins, sept mille morts.
Le camp du Proconsul fut pillé,
Marcellus crut pouvoir réparer cette perte. Il s'avance vers le pays des XLIX.
Bruttiens, & vint camper prés la ville de Numistron. Annibal étoit campé Combat
sur une hauteur voisine; Marcellus le premier rangea son armée en bataille. cellus entre Mar-i
»5c
Annibal descendit dans la plaine. On se battit tout le jour avec une vigueur Annibal.
incroïable. La nuit sépara les combattans. Au lever du soleil Marcellus mit Liv. 1. a f* ^
de nouveau son armée en bataille. Le Carthaginois demeura dans son camp.
Marcellus abbandonna à ses troupes les dépouïlles des Carthaginois & fit
brûler les corps des Romains, qui avoient été tuez le jour précédent. !Anni-
bal décampa la nuit suivante & reprit la route d'Apulie. Marcellus l'y sui-
yit ; mais il ne put l'engager à une action générale. La campagne se passa
entre ces deux grands Généraux à s'observer & se suivre l'un l'autre.
Le jeune Scipion ne fut pas plutost arrivé en Espagne, qu'il prit connoif- L.
.sance des villes & des postes occupez par les Romains. Il mit Martius au- Le jeune
prés de sa personne, & donna à Julius Silanus, la place de Lieutenant Géné- Scipion
ral qu'occupoit auparavant Nero. Aprés cela il se disposa à passer l'Ebre; il marche
laissa au deça de ce fleuve Silanus, pour la défense des alliez du peuple Ro- contreCartha.
main. Il confia la conduittede la flotte à Lœlius son ami intime, à qui seul géne.
il confia le dessein qu'il avoit formé de faire la conquête de Carthagéne. Il Liv. 1. 16.1
marcha pendant sept nuits & arriva enfin devant Carthagene au lever de Polyb. 4 io,
l'aurore. Lœlius y arriva en même tems par mer, & se saisit des entrées du Ibericis.Appian. i.
port pour empêcher que les galéres Carthaginoises n'én sortisient. Scipion
invertit la place par terre, en tirant des lignes, quitenoient,à à la mer demi
cercles par leur extrémitez. Magon commandoit dans la ville. La garnison en
n'étoit que d'environ mille hommes; mais le nombre des Bourgeois étoit
considérable. La ville ne tenoit au continent que par une petite langue de
terre ; mais dans le tems de la marée elle étoit abbordable & du côté du port
& du côté de la terre dans une assés grande étendue, pour y présenter l'esca-
lade. Scipion eut soin d'avertir ses soldats de ce mouvement de la qui
mer,
ne leur étoit pas connu.
Le quatrième jour de ion arrivée il fit sonner les trompettes pour don- LI.
ner l'assaut. Aussitost Magon fit sortir de la ville deux mille Bourgeois en Prise de
armes dans le dessein d'attaquer les Romains qui conduisoient les machines Garthage
dont on devoit se servir dans l'attaque de la place. Scipion attendit qu'ils la neuve.
sussent assez avancez dans la plaine avant que de faire donner sur les
siens. Ils se défendirent avec beaucoup de courage, mais ils eux par
ne laissérent
pas d'être repoussez dans la ville. Tout d'un coup l'armée de terre & celle
de mer montèrent à l'assaut. Le dessein de Scipion n'étoit
pas d'emporter la
place par cette premiére attaque. Il fit sonner la retraitte. 11
recommença
iiir le midy, lorsque la marée ayant décru, les eaux de l'etang étoient
extrê-
mement diminuées. De ce côté-la la muraille n'étoit ni sort élevé? ni trmnïf
de machines, ni garnie de défenseurs. Les assiégeans gagnèrent le haut des
à la porte qu'ils rompirent. Cinq cens.
murs, & s'y logeant. Ils coururent marchèrent aussitost en ordre de bataille
homes qui étoient entrez de ce côté le
côté de la terre.
vers les assiégez, qui se deffendoient contre les Romains du
U7. Dez que les Carthaginois apperçurent les Romains entrez dans la ville,
Pillage de ils perdirent courage. Les assiégeans entrérent aussi de ce côté la dans la
Carthage place, & en ouvrirent la porte. Le soldat viétorieux n'épargna rien de tout
la neuve. lui-même entré dans Carthagene,
ce qui se trouva devant luy. Scipion etant
marcha contre Magon, qui s'étoit jetté dans la citadelle avec quelques trou-
11 se rendit à discretion,
pes. * Magon ne put tenir contre l'armée Romaine.
& Scipion luy accorda la vie & le livra à Loelius, auquel il recommenda
ïtlyb. 1- io. d'en avoir soin. Lorsque tous les Citoyens se turent rendus & eurent mis les
bas, Scipion abbandonna la ville au pillage. Cela se faLoit avec réglé.
armes
On détachoit un certain nombre de soldats de chaque Légion pour exercer
pillage, pendant que le reste de la Légion demeureroit en armes ou dans
ce
la ville ou hors des murs, à tout événement. Chaque soldat deitiné au pil-
lage étoit obligé de remettre le butin qu'il avoit fait au Tribun de sa Légion,
aprés avoir prété serment qu'il n'avoit rien détourné a son profit. Les dé-
pouïlles & l'argent qui provenoient de la vente des effets des vaincus, étoient
remises entre les mains des Tribuns, qui distribuoient le tout par égales por-
tions, à ceux qui avoient été employez au pillage, comme à ceux qui a-
voient fait garde; même aux malades & aux absens, qui avoient été comman-
dez ailleurs pour quelque expédition militaire.
Scipion usa modéremment de sa vidoire. Il rendit auxEspagnols qui le
trouvèrent dans Carthagene, leur maisons, & il fit vendre les Carthaginois
& les réduisit en servitude. Il augmenta sa flotte de dix huit galéres qui se
trouvèrent dans le port de Carthagene. On saisit outre cela dans le port cent
trei'ze vaisseaux marchans chargez de blé, d'erain, defer & d'autres mar-
chandises propres à equipper des vaisseaux. On mit entre les mains du Que-
steur de l'armée, l'or, l'argent, le blé & l'orge qu'on trouva chez le Bour-
seois & dans les magazins publiques, de meme que les machines de guerre
& les provisions destinees pour les troupes.
LIn. Les Carthaginois avoient rassemblé à Carthagene f , les
, ... &
ôtages des villes
Scipion des Provinces qui leurs obeïssoient. Scipion les renvoya en liberté chez leurs
jrenvoyc sans exiger d'eux autre chose, si non qu'ils se souviendroient de la
les étages parens, accordoit. Le lendemain il distribua les prix a qui ils éto-
lui étoient grace qu'il leur
à CartUa-
fent dûs. 11 donna à Lœlius son intime ami, une couronne d'or & trente
géne. beufs, & à deux concurrens, qui se disputoient l'honneur d'avoir les pre-
miers montez sur la muraille, à chacun une couronne murale d'or. Les deux
armées de terre & de mer prenoient part à la conteitation des deux concur-
recompensé qu'un icul, il couroit risque de
rens; & si le Général n'en eut
voir une sédition.
LITr Entre les captives qui se trouvèrent , dans Carthagene,
_ . , il y en avo.t
Belle a- plusieurs qui étoient femmes ou filles des petits Roys ou des Princes des
ltios de gspag>nes., Une d'entr'eUes qui avoit été femme de Mandomus trere d lndi-
Scipion
bÍ1is,.Roy des Illergétes, conjura Scipion les larmes aux yeux, d ordonner envers une
à ses gens d'avoir plus d'égard pour les captives de condition, que n'en avo- d'une
captive
ient eu les Carthaginois, Il crut d'abord qu'on avoit négligé de leur donner beauté ex-
la subsi(tance nécessaire; mais il apprit bientost que cette Dame vouloit pi^r- traordi-
avoit été exposée; il les naire.
quer les dangers auxquels la pudeur de ces vierges
confia a un de ses gens d'une sagesse reconnuë, & ordonna qu'on les traittat
dans la même occasion que quel-
comme ses fœurs & comme ses filles. Ce fut dans une maison de Carthagéne,une
ques jeunes officiers Romains ayant trouvé
jeune personne d'une beauté extraordinaire l'aménent a Scipion, agé alors
d'environ vingt quatre ans. Il interrogea la jeune captive, & il apprit qu elle
étoit fiancée à un Prince Celtiberien nommé Allucius. Scipion fit venir le
de la fille, & le Prince Celtiberien. Il rendit à ce dernier celle qui luy
pere
était accordée; le pere offrit à Scipion une grosse somme d'argent pour la
rançon de sa fille. Scipion en fit present au jeune époux.
fit
l'Espagne,
«
infiniment d'hon-
Cette action qui fut divulguée dans toute
Espagnols. Quinze cens
neur au jeune guerrier, & lui gagna le cœur des
Cavaliers du pays ou régnoit Allucius vinrent prendre parti dans les troupes
Romaines; ensuitte Scipion fit partir un vaisseau pour transporter à Rome
Magon Gouverneur de Carthagene, quinze des Senateurs, & les principaux
.captifs qu'il avoir faits dans la ville.
D'un autre côté le Consul Lœvinus chassa entièrement les Carthaginois LV.
de la Sicile. Ils n'y possédoient plus qu'Agrigente ; mais il y avoit dans cette Prise el'A';
grigente
0
ville une armée commandée par Hannon, qui avoit pour Lieutenant Général sur les Car-
un nommé l\:Iutinehomnle de cœur, d'expérience & de conduitte, qu'Annibal thaginois
avoit fait passer d'Italie en Sicile, comme dans un honnête exil, par ce qu'il par la tra-
luy faisoit ombrage. Hannon n'étoit pas moins jaloux des grandes qualitez Mutine. hison de
de Mutine, il envint jusqu'à le dépouïller de son employ; Mutine fit entrer
dans ion ressentiment la Cavalerïe Numide, qui faisoit la principale force
des armées Carthaginoises, & le Consul Lœvinus s'etant présenté devant
Agrigente, Mutine avec ses Numides lui livra la porte de la ville qui donnoit
sur la mer. La ville étoit prise & les. Romains étoient au centre de la place
avec les Numides, qu'Hannon n'en étoit pas encore informé. Lorsqu'il les
apperçut, il se jetta dans un vaisseaux qu'il trouva au port, & se sauva. Les
soldats Carthaginois furent mis à mort sans exception; le Consul leur ayant
fermé toutes les issuës par où ils auroient pu s'échapper. Les Agrigentins
furent réduits enesclavage, les Chefs de la rebellion fouëttez de verges & dé-
capitez, la ville abbandonnée au pillage. Mutine fut comblé d'honneur
par le Senat, & on luy accorda le droit de Bourgeoisie Romaine.
Lœvinus aprés avoir ainsy heureusement pacifié la Sicile, étoit revenu a
Rome, pour présider à l'eledion des nouveaux Consuls; mais sur j'avis que
les Carthaginois équippoient une nouvelle flotte, pour faire de nouveau la
conquête de Sicile, il fut obligé de se rendre dans ce pays. Avant son dé-
part, on le pressa de nommer un Dictateur pour présider aux Comices. Il
s'opiniatra a ne vouloir nommer le Dictateur que quand il seroit en Sicile, &
de nommer Valerius Malîula qui étoit dans ce pays. Tout cela sans doute
pour se conserver plus longtems l'autorité Consulaire; mais le Senat peu con-
tent de ce procédé, déféra au peuple par un exemple nouveau, le droit de
nommer leDittateur. Il nomma FulviusFlaccus qui commandoit dans laCatn-
pante, en qualité de Proconsul. Les Cousulsque le peuple Romain se donna
furent Q. Fabius Maximus & Q. Fulvius Flaccus, qu'on venoit de nommer
Didateur.
LVL L'on trouva quelques difficultez à faire les enrôlemens & les levées de
Fulvius deniers nécessaires pour faire la campagne. Douze colonies Romaines refu-
Flaccus Le Senat les méprisa &
Dictateur sérent absolument de contribuer. ne daigna pas les
& Q. Fa- forcer à fournir ce qu'elles devoient. Rome trouva des ressources dans elle
bius Maxi. même, &dans dix huit autres colonies, qui offrirent de bonne
grace leur
mus avec contingent & même de l'augmenter, sil étoit nécessaire. On tira du trésor
(LFulvius public
Flaccus quatre mille livres d'or pesant, qu'on y réservoit depuis longtems
eonsuls. pour les deniers besoins de l'état. On attendoit le passage d'Asdrubal en
An de R. Italie pour se joindre à Annibal son frere. On ne croyoit pas que la Répu-
f44. du M. blique se pût trouver dans un plus éminent danger.
375>3. Pour les opérations de la campagne, il fut réglé que Fabius feroit le siége
avant J. G.
de Tarente, tandis que Fulvius son Collégue s'opposeroit aux entreprises
207.
JJv. /. 37. d'Annibal, & que Marcellus le tiendroit en haleine & le harcelleroit conti-
nuellement. En effet dez que la campagne fournit de quoy faire subsister la
Cavalerie, Marcellus se mit à suivre Annibal. Il le joignit prés la ville de
» Canuse, que ce Général affiégeoit. A l'approche de Marcellus, il quitta la
plaine & se jetta dans les défilez, faisant alors le personnage que lui-même
au commencement avoit obligé desaire à Fabius. Cependant il se trouva en-
fin obligé de combattre.
LVll. La bataille commença sur le soir, & la nuit sépara les armées, avec un
Bataille avantage à peu prés égal de part & d'autre. Le lendemain Fanion recom-
entre Mar- de Marcellus commençant à plier, ce Général fit pas-
cellus & mença. L'aile drojtte
Annibal. ser à la première ligne la Legion qui combattoit à la seconde ligne; mais
Ce dernier dans ce mouvement qui se fit trop brusquement de la part de ceux qui rem-
cst obligé plaçoient, les Carthaginois poussèrent les Romains & les mirent
de se reti- en dérou-
te; ils se retirèrent dans leur camp, avec perte d'environ deux mille lèpt
res.
cens hommes, & de six étentards. Arrivé au camp Marcellus fit des repro-
ches améres à ses troupes de leur lâcheté, dégrada les Centurions des com-
pagnies qui avoient perdu leurs etentards, & ordonna qu'au lieu de froment,
en ne dounât que de l'orge aux compagnies, qui avoient lâché le pied.
Dez le lendemain matin il parut en bataille. Annibal n'avoit garde de
lefuser le combat. Les compagnies qui avoient perdu leur enlèignes furent
mises à la tête de la première ligne. L'aftion commença avec chaleur de
part & d.autre, & la vi&oire fut longtems douteuse. Annibal ayant fait
avancer ses Eléphans contre l'infanterie Romaine, y causa de la confuiîon.
Il y avoit danger que ces animaux ne jetta!Tent le trouble & l'épouvante
dans toute l'armée, lorsqu'un Tribun Légionaire ayant pris l'enseigne dela
première compagnie des nattâtes, les ména contre ces animaux, & ayant fait
tirer contI'eux, les obligea à reculer & à se jetter sur le4 Carthaginois qui les
sui voient
iuivoient, ils y firent un ravage étonnant. Les Légions qui le virent, pra-
fitèrent de ce desordre, & achevérent de mettre en déroute l'infanterie Car.
thaginoise. Aprés vint la Cavalerie Romaine, qui acheva de la dissiper.
Pendant que les Carthaginois fuient vers leur camp, deux Eléphans tom-
bent morts à la porte du même camp & en ferment l'entrée aux fuyards ; ce
qui n'empéche pas qu'un bon nombre ne se faflfe jour, & ne saute par deiïus
les remparts. Ils demeurérent dans leurs retranchemens jusque dans la nuit,
alors Annibal décampa & se retira dans le pays des Bruttiens, d'où il envoya
des détachemens pour faire le dégat dans les terres qui obeissoient aux Ro-
mains.
Le Consul Fulvius Flaccus fut allez heureux pour raméner à l'obeilTance LVIII.
de la République l'Hirpinie & la Lucanie. Ces deux Provinces se livrèrent Rédu&ion
de l'Hirpi-
à luy sans effusion de sang, &le Bruttiun1 qui avoit jusqu' alors paru si attaché nie &de la
à Annibal, envoya des députez au Consul pour obtenir de luy les mêmes con- Lucanie
ditions qu'il avoit accordées aux Lucaniens. Ainsi le parti d'Annibal s'affoi- à l'obeïs-
blifloit de jour en jour en Italie; ce qui luy faisoit désirer avec d'autant plus sance des
d'empressement l'arrivée de sonfrere, pour se soûtenir mutuellement. Romains.
La prise de Tarente occupoit uniquement Fabius. Déja il s'etoit rendu LIX.
maître de Mandurie quin'étoit qu'à vingt milles de Tarente. Marcellus & Siége de
Fuivius avoient.mis Annibal hors d'etat de rien entreprendre de considérable. Tarente
Tarente étoit défenduë par Carthalon à la teste d'une nombreuse & vaillante par Fabius.
garnison. Fabius attaqua la place du côté de la mer, apparemment pour
étre soutenu de Livius qui commandoit dans la citadelle. Il dressa ses ma-
chines sur les galéres & autres vaisseaux qui étoient dans le port.
Pendant qu'il étoit occupé de ce grand dessein de réduire Tarente, un
jeune Tarentin qui servoit dans son armée, vint luy dire qu'il étoit informé
que le Général des Bruttiens qui étoient dans Tarente, étoit éperdument
amoureux de sa sœur, que s'il vouloit lui permettre de rentrer dans Tarente,
il se saisoit fort en se joignant à sa sœur, de gagner les Bruttiens & de livrer
la ville aux Romains. Fabius ne se rendit pas difficile à accepter cette pro-
position, il permit au jeune Tarentin de rentrer dans sa ville en qualité de
transfuge. il joua parfaittement bien son personnage; & quand il vit les
Bruttiens disposez à faire ce qu'on souhaittoit d'eux, le jeune homme in-
forma Fabius, & luy désigna le. poste où les Bruttiens devoient se trouver,
en
pour remettre une porte aux Romains. Le Consul profita de cet avis, fit
donner à la ville un assaut général par terre & par mer, sur tout aux endroits
où il n'esperoit pas se rendre maitre de la place, afin d'y attirer le plus grand
nombre de défenseurs qu'il pourroit. Pendant ce tems Fabius"en personne
marche en silence vers l'endroit où les Bruttiens l'attendoient. Il y fait don-
ner l'esealade, & n'y trouvant point de résistance, il entre dans Tarente &
se saisit de la porte qu'on étoit convenu de luy livrer, puis il s'avança bon
ordre dans la place publique, & ordonnnà les gens de jetter de grands cris.en
Au1sytoit la garnison quitte les remparts & accourt à l'endroit où elle entend
le grand bruit.
La se donne un combat sang!ant, mais de peu de durée les Tarentins
i
LX. n'eurent pas le cottrage de se défendre, voyant les Romains dans la ville;
Tarente Carthalon Chef des Carthaginois avoit mis bas les armes & alloit se rendre à
est prise Fabius, dont la famille étoit liée par les droits de- l'hospitalité avec la sienne;
Eas la tra-
ison du mais il fut mis à mort par un soldat Romain. On fit un carnage effroïable
Chef des de toutes sortes de personnes dans la ville; Tarentins, Carthaginois, Brut-
Brutticns. tiens-méme, on mit tout à mort; puis la ville fut livrée au pillage. Aprés
le niaiïàcre, on y trôuva encore trente mille habitans, qui furent vendus
comme esclaves; & on livra aux questeurs quatre vingt sept mille livres d'or.
Liv. 1. 27. Quant-aux statuës & aux peintures dont Tarente étoit décorée autant qu'au-
cune autre ville des Grecs, le Secrétaire du Questeur ayant demandé à Fa-
bius ce qu'il vouloit qu'on en fit, il lui répondit: Laissons aux Tarentins leurs
Dieux irritez,i parce qu'à Tarente, de même qu'à Lacédémone, les Dieux
étoient représentez en armes, & avec un air ménaçant.
LXI. Pendant ce tems Annibal étoit occupé à dissiper un corps de bandits,
Anniqal décharger; ils étoient ac-
viént trop qu'on avoit envoyez de Sicile à Rhége, pour s'en
tard au re- compagnez d'une troupe de Bruttiens transfuges, qui ne valoient pas mieux
cours de qu'eux & qui étoient de longue main accoutumez au pillage. Cette troupe
Tarciite. étoit d'environ huit mille hommes. Ils reçurent ordre d'attaquer la ville de
Canlonia, dont la conservation importoit infiniment à Annibal. Ce Géné-
ral accourut au secours de la ville, & le Gouverneur de Rhége à son appro-
che, se retrancha avec sa troupe sur une hauteur, où il se défendit quelque
tems avec beaucoup de valeur. Annibal l'obligea enfin à se rendre à com-
position ; après quoy il s'avança à grandes journées pour venir au secours de
Tarente. Il n'etoit qu'à cinq milles ou environ deux lieues de la ville, lorsqu'il
apprit que Fabius l'avoit surpris par artifice. On dit qu' alors il s'écria : pj- ^i
les Romains ont donc aujJileur Annibal. il campa au même endroit, y sejourna
trois jours, puis se retira à LVletaponte.
LXll Il y mit en oeuvre un stratagéme qui faillit à luy réunir. Il envoya vers
Annibal
le
Fabius des députez Metapontins, lui prometttant de le rendre maitre de leur
par mo. ville, s'il vouloit leur accorder l'abolition
ïen des pour le passé & la paix pour l'a-
Métapon. venir. Fabius accorda tout ce qu'on voulut, & promit de paraître devant
tins, cher- Metaponte un certain jour qu'il désigna. Annibal ne manqua pas de placer

.
che à en- embuscade sur sa route. Mais les Aruspices ayant averti Fabius que ni les
gagerFa- une
hius dans Auspices ni les Aruspices, ne lui promettoient rien de bon,
il remit son vo-
une embu ïage. Annibal envoya d'autres députez, qui
témoignèrent au Consul leur
seade. surprise de son manque de parole. Fabius les retint, les intimida, & ils
avouèrent qu'ils n'avoient agi qu'à l'instigation d'Annibal, qui s'étoit flatté

LXIII.
Italie.
de l'attirer dans ses pièges. Tels furent les exploits de cette campagne en
^ ,
En Espagne le jeune Scipion après la pnie deLartiiagene.exerçoit con-
Le jeune tinuellement ses troupes de terre & de mer, dans des exercices propres à les
Scipion & auxmouvemens capable de les tenir en haleine, &
exerce Ces former aux fatigues,
troupes à les préparer aux grandes entreprises qu'il
méditoit. 11 fit de la ville de Car-
dans les thagéne une espéce d'Arsenal où l'on fabriquoit sans relâche des armes de
travaux de toutes sortes. Il vifitoit luy-même fréquemment les ouvriers, pour les en.
la guerre. coura-
solidement. Il ne don-
courager & pour voir s'ils travailloient fidélement &
noit de repos à ses soldats, même pendant la paix que de quatre jours l'un.
Tantost il les faisoit marcher rapidement tout armez dans l'espace de quatre
mille pas, comme pour prévenir l'ennemi & s'emparer d'un poste avanta-
geux. Un autre jour il les faisoit jouter l'un contre l'autre avec des lances
garnies de cuir parle bout, de peurs qu'ils ne se blessassent. Quelquesois
c'étoit à se lancer des dards garnis d'un bouton à la pointe & à parer les
coups avec le bouclier. Pendant ce même tems il mettoit Carthagene en
etat de soûtenir un long siége, en réparant & rehaussant ses murs du côté où
il l'avoit prise. Il n'en sortit qu'après y avoir laissé une forte garnison. LXlV.
Arrivé à Tarragone, où il fit conduire sa flotte, & où il amena son Scipion à
armée de terre, il n'y prit pas moins de soin d'exercer sa Cavalerie à tous les Tarragone.
mouvemens & les évolutions militaires, qu'il en avoit pris a Carthagene pour Edescon un
former son Infanterie. Pendant qu'il étoit occupé a aguerrir ses troupes, des Roys
Edescon un des plus puissansRoy d'Espagne, dont les Romains avoient pris de PElpa- sc rend
accompagné de & gne
la femme & les enfans, vint se rendre à Scipion ses gens à luy.
de ses amis. 11 fut reçu avec toutes les marques de bienveillance & comblé
de caresses; ce bon accueil fut cause que plusieurs peuples de dela l'Ebre, re-
noncérent au parti des Carthaginois pour se donner aux Romains.
Au commencement de la campagne Scipion ayant tiré de dessus sa flotte
ce grand nombre de soldat, de matelots & de rameurs, qui y étoient alors
inutiles, les incorpora dans ses Légions, & etant parti de Tarragone avec
Lœlius, il résolut de marcher contre Asdrubal frere d'Annibal, avant que les
deux autres Généraux Carthaginois, Magon&Asdrubal filsdeGiscon, eussent
joint leurs forces aux siennes. Il y avoit dans l'armée du premier Asdrubal,
deux Roys Espagnols, dont Scipion avoit trouvé les femmes & les enfans en
otage dans la nouvelle Carthage, & qu'il ménoit avec luy dans le dessein de
les rendre à ces deux Princes, qui se nommoient Indibilis & IVlandonius.
Lorsque Scipion fut à portée du camp d'Asdrubal, ces deux Princes Indibilis LXV.
&
échappèrent secrettement de l'armée du Carthaginois, & se rendirent à Sci- Mando-
pion, qui leur remit en main leurs femmes & leurs enfans, les traitta avec nius se ren-
beaucoup d'humanité, & se servit d'eux pour conduire son armée vers le dent à Sci-
camp d'Asdrubal. De leur côté ces deuxRoysluy aménérent les troupes qu'ils pion.
avoient dans l'armêe d'Asdrubal, & par cette défection affaiblirent trés consi-
dérablement les forces du Général Carthaginois. Celui-cy ne laissa pas de
prendre sa résolution pour accepter la bataille que lui présentoit Scipion.
Elle se donna sur la riviére du Tech, à portée de la ville nommée Bœcula.
Asdrubal s'etoit campé sur un tertre disposé comme en Amphithéâtre, LXVh
d'où il voyoit & étoit veu de toute la plaine. Quelque avantageux que fut Bataille de
Scipion
ce poste, Scipion craignant l'arrivée des deux autres Généraux Carthaginois, contre At-
ne feignit point d'y attaquer Asdrubal. Il se rendit maitre du premier etage drubal.
avec ailés de facilité, y ayant employé son Infanterie légére & même les
valets de l'armée ; ensuitte il partagea son armée en trois corps, il eq donna
une partie à Lœlius, en prit une autre partie, & ordonna à l'Infanterie légére
qui avoit surmonté le premier étage du rocher, de saire effort pôur monter
au
au sécond, pendant que Lœlius à la droitte, & luy à la gauche, donne-
roient l'assàut au camp d'Asdrubal. Celuy-cy n'avoitpas encore rangé ses trou-
pes, lorsqu'il vit Lœlius déja monté avec sa troupe, qui donna incontinent
sur ses soldats mal arranges. Il les mit en désordre ; presqu'en même tems
Scipion ayant gagné la hauteur, causa une telle confusion dans l'armée en-
nemie , que tous pele mêle, Chevaux, Eléphans, Infanterie, s'empressérent
pour rentrer dans le camp. Les Romains en firent un horrible carnage. Les
Carthaginois perdirent huit mille hommes & dix mille prisonniers d'Infan-
terie & deux mille Chevaux qui furent pris dans le camp.
LXVII. Pour Asdrubal il rassembla ce qu'il put de troupes, de Chevaux & d'E-
Asdrubal léphans, & leur ayant fait passer le Tech, s'avança vers les Pyrénées pour
prend le pasfer dans les Gaules & dela
.chemin en Italie, afin d'y joindre son frere &de faire
d'Italie. ensemble la guerre aux Romains.. Le succés de cette journée ramena à Sci-
pion grand nombre de petits Roys Espagnols, qui quittèrent le parti des Car-
thaginois & embrassérent celui des Romains. Ces Princes prosternez à ses
pieds lui donnérent le nom de Roy, & lui rendirent hommage comme à leur
Souverain. Scipion fremit au seul nom de Roy; il 'fit assembler ses troupes,
& leur déclara gue non seulement il n'acceptoit point ce titre, mais qu'il l'avoit
en horreur, & défendit qu'on en usât jamais à Ion égard. Il reçut du reste
très gratieusement ces Princes, les combla decaresses & de presens, & les ren-
voya dans leur pays,charmez de la modération & du désintéressement du jeune
conquérant.
Cependant Magon & Asdrubal frere de Giscon avoient fait la jonttioI1
de leurs' forces à celles d'Asdrubal frere d'Annibal. Ils résolurent, veu la si-
tuation présente de leurs affaires, qu'Asdrubal fils de Giscon partiroit pour
les lies Baleares, où ils feroient de nouvelles recruës & ramafleroit autant de
troupes qu'il pourroit, que Magon avec son armée se retireroit au fond des
Espagnes, vers la Lusitanie ou le Portugal, où les Romainsn'avoient pas en-
core pénétré; que l'1:asinissa avec trois mille hommes de Cavalerie, demeure-
roit au centre de l'Espagne, pour contenir dans le devoir ce qu'il y avoit en-
core d'Espagnols attachez aux Carthiginois, & qu'Asdrubal avec les meilleu-
res troupes de l'armée, iroit en Italie pour s'y joindre à Annibal son frère.
LXVIII. Marcellus aprés tant de grandes aCtions, devoit s'attendre à toute autre
M. Clau- chose qu'à étre accusé par le tribun Bibulus devant le peuple Romain, d'avoir
dius Mar- été battu deux fois par Annibal, d'avoir négligé de deffendre les
cellus & campagnes
T.Qumtius des peuples sournis aux Romains, & de mener pendant ce tems une vie molle
Grifpinus & voluptueuse à Venusie. Marcellus méprisa d'abord ces accusations; enfin
Consias. ses amis luy ayant conseillé de se rendre à Rome, sa présence seule & le sim-
An de Ro pie exposé de ce qu'il avoit fait, non seulement fit tomber les accusations,
me Ç4Ç. du mais aussi lui, mérita de nouveaux applaudiÛemens, & l'honneur du Consu-
M. 3794-
avant J. C. lat, qui luy fut
déféré avec Titus Quinétius,
20 6. Avant que les Consuls entrassent en fonction, Calpurnius qui comman-
doit en Etrurie, annonça au Senat que cette Province étoit prête àse soûlever.
Hostilius qui devoit succéder à Calpurnius, se campa prés d'Aretium, par qui
avoit commencé la défedion, Terentius Varro eut ordre de s'y transporter ex-
traordi-
traordinairement. On ordonne à ceux d'Antium de donner des otages. Ils
demandèrent du tems. Pendant la nuit sept familles de Senateurs se sauvérenfc
de la ville. Les autres fournirent des otages. Varro en conduisit six vingt
à Rome. Hostilius parcourut l'Etrurie & la mit hors d'etat de rien entre-
prendre.
Dans lemême tems lesTarentins se présentérent au Senat, pour recevoir LXIX._
la décision de leur sort & de celui de leur ville. Fabius s'etoit déclaré leur On permet
.protedeur, & le Senat en sa considération ordonna que lesTarentins seroient tins aux Taren-
de dCt-
obligez de demeurer dans leur ville sans en sortir, en attendant que le Senat meurer
dans des tems plus tranquiles, prononceroit sur leur sujet un arrêt définitif. dans leur
C'étoit remettre leur bon ou mauvais sort entre leur mains, & le faire dé- ville, jus-
pendre de leur fidélité ou de leur infidélité. Livius qui'avoit laissé surpren- v=qu'àordre. l nou-
dre la ville par Anaibal, fut accusé de son peu de vigilance, mais il fut loüé
de sa valeur dans la defiense de la citadelle de Tarente. 11 échappa même
à-un de ses partisans de dire, que sans luy Fabius n'auroit pas pris la ville.
Il eli vrai, repartit Fabius je ne l'aurais pas prÏJ. s'il ne l'avait l/lifTé (,"Yhf'P'JulYfJ
Aprés cela les Consuls,
partirent pour leurs départements. Quin&ius se LXX.
renditdans la Lucanie, résolu de faire le siége de Locres, & d'enlever cette Siége de
place à Annibal, Marcellus vint à Venusie & reprit le commandement de l'ar- Locres
les
mée qu'il y avoit laissée, & qu'il avoit considérablement augmentée. Ainsy par Romains.
les deux Consuls se trouvérent d'abord à portée l'un de l'autre, &
bientost joint leurs forces. Ils campèrent dans deux camps différentseurent & di-
stans seulement de trois mille l'un de l'autre. Ils résolurent de faire le siége
de Locres par mer & par terre. Ils mandèrent à Cincius Général de la flotte
de se rendre devant Locres par mer, & à celuy qui commandoit les troupes
qui campoient devant Tarente, de se rendre avec une partie de ses de-
la même ville, & de l'assiéger par terre. Annibal informé du mouvement uens
vant
que devoient faire les troupes qui venoient de Tarent», leur dressa une em-
buscade, leur tua deux mille hommes & leur fit douze cens prisonniers. Le
reste se sauva comme il put vers Tarente. Cincius ne laissa
pas de commen-
cer le liege, mais il le fit avec beaucoup de lenteur & très foiblement.
Annibal suivoit toujours QuinCtius, & se trouva
les deux
presque sans le savoir, LXXI.
pres camps des Consuls. Leurs forces étoient trop considérables Les deux
oser les attaquer ensemble ; il s appliqua a les attirer dans le piège pour Consuls
tifices. Il y avoit entre les deux armées un tertre que ni Annibal, par ses ar- donnent
ni les dans une
Consuls n avoient point saisi. Marcellus entendoit impatiemment les soldats embuscade
de l'armée, qui se disoient l'un a l'autre, qu'ils ne savoient à quoi songeoient dressée
les Généraux de négliger un poste si avantageux. Annibal avoit mis par
Annibal.
y une Liv. 1. f.
embuscade de Cavaliers Numides qui se cachèrent dans les trous des rochers Plutarch. 2
& dans les brossailles qui couvroient une partie de la hauteur. Marcellus '
son Collégue Quin&ius résolurent imprudemment d'aller considérer & in Mar-
ce poste cesse.
& donnèrent ordre à leurs troupes de décamper au premier signal & de
venir
s'emparer du tertre, Jls n'étoient escortez que de deux
liers, dont la plupart étoient Etrusques, & par consequent étrangers cens vingt Cava-
& mé
LXXI1. Dez-qu'ils furent assez avancez dans la montagne , ils se virent in-
Mort de - vestis en queuë par une troupe de Numides, & presqu'en même tems
Marcellus. attaquez par devant, par d'autres Cavaliers de la même nation, qui les ac-
cablérent à coups de traits. Les Consuls essayérent de se faire jour pour re-
gagner leur camp. Mais ayant été abbandonnez par les Etrusques, ils ne se
trouvérent accompagnez que d'un petit nombre d'officiers & de quelque
quarante Cavaliers de Frégelles ; ils Ülccon1bérent sous les coups de la mul-
titude. Marcellus tomba percé d'un coup de lance. Son Collégue dange-
reusement blesle, & le jeune Marcellus qui avoit voulu étre de la partie, se
retirerent dans le camp. Leur présence rassûra un peu les soldats; mais ils
pleurérent la mort de Marcellus, comme d'un des plus grands Généraux de
la République. Annibal luy-même parut sensible au malheur d'un si grand
homme. 11 luy fit ôter du doïgt l'anneau dont il cachettoit ses lettres ; &
après avoir considére sa taille, Ion air, sa bonne mine, il ordonna qu'on
enveloppàt son corps d'une'étoffé prétieuse & qu'on le mit sur le bûcher,

LXXIII.
Annibal
rencontre..
où il devoit étre consumé par les flammes, ses cendres recueïllies dans une
urne d'argent surmontée d'une couronne d'or & d'une autre de laurier, fu-
rent renvoyées au jeune Marcellus son fils, legérement blesle dans la derniére
Bientost Annibal vint camper sur le tertre fatal. Le Consul Qiiinatus
dez la nuit suivante se retira dans .les montagnes avec les deux armées Con-
muni du fulaires, pour les mettre à couvert des insultes d'Annibal. Le même Consul
cachet de
ayant appris qu'Annibal s'etoit saisi de l'anneau & du cachet de Marcellus,
Marcellus, couriers à toutes les villes des environs qui obeïf-
veut sur- dépécha en diligence des
prendre soient aux Romains, pour les avertir de ne pas ajoûter foy aux lettres qu'on
Salapie. pourroit leur écrire au nom de Marcellus.
En effet Annibal avoit écrit a ceux de balapie . tous le nom ce iviarcei-
lus, que ce Consul Irriveroit le lendemain à une certaine heure & qu'ils se
tinssent prêts pour le recevoir. Le'courier du Carthaginois n'arriva qu'après
celui de Quindiii. On feignit d'ajouter foy à l'avis qu'il apportoit, & on
le chargea de faire reponse que tout seroit prêt pour la réception de Marcel-
lus; cependant on fit armer toute la garnison & la Bourgeoisie, & on les
disposa sur les murs & dans divers postes de la ville, toute fois d'une manière
si secrette, que personne n'en eut vent au dehors. Annibal ne manqua dez
trois heures du matin de s'approcher de Salapie. Il avoit mis à son avant-
garde des soldats Romains déserteurs, qui demandérent en latin qu'en ouvrît
aussitost avec empressement, & on bifsa
aux troupes de Marcellus. On ouvrit à

avancez..
entrer autant de monde qu'on jugea propos, aprés quoi on laissa tomber
la herce, & on fit main basle sur tous ceux qui étoient dans la ville, tandis-
que des remparts on faisoit pleuvoir une grêle de traits sur ceux qui s'etoient
trop
Pour Annibal, il ne s'exposa point, c'étoit une de ses maximes ad-
optée par tous les bons Généraux, que celuy qui commande doit avc,,,r foin
.
de la conservation de sa personne, & que s'il succombe dans un combat, ce
doit étre entre les mains de la vertu & de la valeur & non pas de la témérité.
Ce
Ce grand homme dans tant de batailles où il s'etoit trouvé, se vantoit de n'y
avoir j amais été blessé. On a blamé Alexandre le grand de s'être trop sou-
vent exposé, & on avoue que Marcellus auroit beaucoup mieux fait, de ne
le lieu où il devoit
pas aller inconsidéremment découvrir en personne
camper.
Peu de tems après Annibal fit lever le siege de Locres, & le Consul Quin- LXXITI;
dius partagea l'armée Romaine. Il mit celle qu'avoit commandée Marcellus Levée dl&

à Vfnufle, & celle qu'il commandoit il la mena dans laCampante, & se retira 1Locres..
siége de
à Capoiïë, pour se faire traitter de ses blessures. Il écrivit dela au Senat l'état
déplorable où il se trouvoit & celui des affaires de la République. Il nomma
avant sa mort T. Manlius Torquatus pour Di&ateur, afin qu'il présidât à l'e-
leétion des nouveaux Consuls. Le Senat fit partir le jeune Fabius pour com-
mander l'armée qui campoit sous.Venusie. On craignoit pour Tarente, &
l'armée de Qtiinttius y fut envoyée, pour défendre la ville. Annibal ne sut
pas profiter de l'avantage que lui donnoit la mort des deux Consuls, & les
Romains demeurérent sur la défensive.
Du côté de laSicile le Proconsul Valerius Lœvinus informé del'eloigne- LXXV.
Lévinus ra-
ment de la flotte Carthaginoise, fit une descente en Afrique, & ravagea tout vage les
le territoire de Clupée, après quoi s'étant rembarqué avec tout le riche butin côtes d'A-
qu'il avoit fait, il battit l'armée navale de Carthage, leur prit dix huit galères, frique.
& revint heureusement à Lilybée.
Le Procopsul Sulpicius avec sa flotte, déconcerta tous les projets de LXXVI.
Philippe Roy de Macédoine & lui suscita audehors & au dedans de les états, Philippe
assez d'ennemis pour l'empêcher de joindre ses forces à celles d'Annibal. Pto- Roi de Ma-
cédoine est
lemée Philopator Roy d'Egypte, avoit envoyé ses Ambassadeurs avec les dé- empêche
putez des Isles de Chio, de Rhodes & de la ville d'Athènes, pour engager de faire la
Philippe & les Etotiens à s'accorder, de peur ^d'attirer les Romains dans la guerre aut
Gréce, ils avoient choisi Aminandre Roy des Athonlal1eS pour médiateur de Komains.
la paix. L'assemblée pour la traitter se tint en Achaïe. Philippe y envoya
ses députez. On y proposa des raisons de part & d'autre. Les Etotiens tra-
verserent toutes les propôsitions de paix & déclarèrent qu'ils n'y consenti-
roient jamais, à moins qu'on ne renditPylos aux Messêniens, l'Aiintanie aux
Romains, & le pays des Ardienssitué dans l'Illyrie, à Pleurate & à Scherdi-
ladus. Philippe protesta qu'il n'avoit jamais espéré que les£totiens feroient
la paix mais qu'il étoit bien aise que ses alliez sçussent qu'il n'avoit pas tenu
,
à luy que la paix ne se fit.
Ce qui occupoit le plus alors la République, étoit le passage d'Asdru- LXXVII.
bal qui menaçoit de passer les Alpes & de venir en Italie. On se hâta de T. Di&ateut
s
, Man-
procéder à l'élection des Consuls, & l'on jetta les yeux sur Claudius Nero, lius Tor-
& sur Marcus Livius; Nero s'etoit fait remarquer par sa hardiesse &sa valeur; quatus.
on luy donna pour'Collègue un homme plus meûr & plus rassi, qui étoit ce Consuls.M.
même Livius, à qui douze an^^paravant aprés l'année de son Consulat, on Livius Pa-
avoit sait l'affront de le condamner à une grosse amende, pour avoir, disoit- linator &
6. Claudius
on , mal partagé les dépouilles de l'Illyrie. Il en avoit conçu un si grand dé- Nero. An
pit, que depuis ce tems il s'etoit, pour ainsi dire, banni de la compagnie de Rome
N 2 des 545.du 1£
V99-?800. des hommes, ne paroissant qu'avec une barbe longue, des cheveux négligez,
avant J. G. un habit en désordre; lesCenseurs lui avoient ordonné de sè faire râler & de
2g6. 2oi. reprendre son rang au Senat. Il y parut, mais toujours
avec son air morne
& mécontent, demeurant dans le silence, ou opiniâtre en deux mots. Un
jour il se trouva obligé de défendre Livius, qui avoit laissé surprendreTaren-
te, & il le fit avec tant de force & d'eloquence, que dés-lors il fut résolu de
l'elever au Consulat il eut beau s'en défendre & reprocher au peuple ion in-
constance, il fut élu d'un consentement unanime.
LXXVlll. Les deux Consuls étoient fort divisez & toute l'autorité du Senat ne fut
Le Consul pas capable de vaincre leur antipathie, & de surmonter leur mésintelligence.
Fulvius est
destiné à Il fallut leur donner des départemens différens. Livius fut destiné à s'oppo-
s'oppose» ser à Asdrubal qui passoit les Alpes pour pénétrer en Italie; Claudius Nero fut
à Asdru- envoyé contre Annibal dans le Bruttium &.dans la Lucanie. Les deux frères
bal, & Scipions, Cneïus & Lucius continuèrent à commander enjilpagne. On re-
Claudius
Nero à An- marque que cette année le dénombrement du peuple Romain ne monta qu'à
nibal, cent trente sept mille cent huit Citoiens Romains capables de porter les ar-
mes } les dénombremens des années précédentes étoient conlidérablement
plus forts.
Néanmoins les besoins de l'etat étoient les mêmes; ils étoient encore
augmentez par la venue d'Asdrubal. Aussy pressa- t'on les enrolemens avec
une rigueur extraordinaire. On obligea les colonies maritimes a iournir des
soldats, dont jusqu" alors elles avoient été exempts. On n'en excepta qu'O-
stie & Antium. On arma de nouveau les Volons ou esclas.es volontaires,
à qui l'on avoit accordé la liberté sous Sempronius Gracchus. L'on rit' venir
de Sicile quatre mille hommes armez de l'arc & de la fronde, & le jeune Sci'
piôn qui n'avoit pu empêcher Asdrubal de franchir les Pyrénées, envoya par
mer au Consul Livius un détachement de deux mille Légionaires, huit mille
tant Espagnols que Gaulois, & prés de deux mille hommes de Cavalerie. Le
grand objet des deux Consuls étoit d'empêcher la jonction des deux ircres
Carthaginois. Heureusement Annibal ne se hâta pas de marcher au devant
d'Asdrubal, ne pouvant se persuader qu'il pafleroit*les Alpes en aulîi peu de
tems qu'il le fit, ayant trouvé la route beaucoup plusailée & plus fréquentée,
que ne l'avoit trouvée Annibal, & les montagnards au lieu de l'empêcher,
ayant favorisé son paiTagt;, & s'etant joints à luy pour entrer à sa luitte en
Italie.
LXXIX. ClaudiusNero étant arrivé à Venusie, y trouva le Preteur flostilius, qui
Glaudias
Nero dans
avoit déja remporté quelque avantage sur Annibal, ayant surpris Ion armée
le Brut- sur le chemin de Sallente & luy avant tué quatre mille hommes & pris neus
tium. etendards, Nero choisit quarante mille hommes d'Infanterie, & deux mille
à
cinq cens Chevaux, & donna le rette à Hostilius pour les conduire Capouë,
Annibal ayant quitté le Tarentin, se retira dans le Bruttium, où il forma la
plus grosse armée qu'il luy fut possible, entr*lasrant les garnisons qu'il avoit
dans les villes,par les joindre au reste de ses troupes. 11 se campa prés Grus-
nente dans la Lucanie, où le Consul Claudius Nero le joignit bientost & le
campa à cinq cens ,pas de luy.
-Les
comme la chose du monde la plus importante pour le salut de la République.'
A Rome on n'apprit le dessein du Consul, que quand il ne fut plus possible
de le cacher, chacun en raisonna à là manière; la plûpart le blâmèrent & le
désapprouvèrent. 11 est certain qu'il étoit contre la régie, n'étant pas autho-
risé par le Sénat,.& n'étant pas permis à un Consul d'entrer de son Chef dans
le département de son Collègue.
LXXXllf. Claudius étant prés du camp de Livius, luy fit demander s'il jugeoit à
* Nero entre propos de faire camper lej renfort qu'il amenoit.separemment de ion armée,
de nuit
les & s'il devoit entrer de nuit & secrettement dans son camp ou en'plein jour &
avec
Gens dans hautement, pour intimider l'ennemi. Livius fut d'avis qu'il entrât dans ion.
le camp de camp durant la nuit, & qu'il s'y logeât, sans en augmenter le circuit, tout
Fulvius. cela se fit sans desordre. Les Tribuns & les soldats de Livius, ayant bien
voulu se prêter pour recevoir le renfort dans leur tentes. Claudius avoit
amené sept mille hommes deviens, & grand nombre de volontaires s'étoient
joints à luy sur sa route. L'armée d'Asdrubal aprés le passage des Alpes,
étoit de quarante mille hommes de pied, de huit mille Chevaux & de quinze
Eléphans. Mais depuis son arrivée. en Italie, elle s'étoit fort accruë par la
jon&ion des Gaulois Insubriens, & par l'enrôlement des Liguriens.
L.Xxxl;r. Le Préteur Lucius Porcius étoit campé prés le Consul Livius, & étoit
Asdrubal etat de joindre ses forces à celles des Consuls. Dez le matin qui suivit
se retire
en
l'arrivée de Claudius au camp de Livius, on tint le conseil pour delibérer si
dans l'la-
fubrie. l'on livreroit la bataille aussitost, ou si l'on donneroit le tems aux troupes
Zonar. /. 9. de se remettre de leur fatigue. Claudius soutient fortement qu'il n'y avoit
Liv. /. 27. pas un moment à perdre & que le jour même il falloit combattre Asdrubal.
.pqlyb. 1. X. Ce dernier
Xl. voyant l'armée Romaine en bataille, comprit sans peine que le
second Consul étoit arrivé au camp, il en conclut que son frere étoit battu.
Il retira ses troupes dans son camp, & la nuit suivante il décampa & retourna
dans l'Insubrie vers les Alpes, pour y attendre des nouvelles plus certaines
id'Annibal. De deux guides qu'il avoit pris, l'un se cacha & l'autre passa le
fleuveMetaure à la nage, & ne parut plus. • L'armée Carthaginoise abban-
donnée ainsy dans les ténébres, erroit de côté & d'autre sans savoir où elle
étoit.
LXXXV. Cependant les Consuls informez de sh retraitte.Ie suivirent & l'atteigni-
Bataille sur rent au matin comme il étoit occupé à fortifier un camp sur la rive de Me-
le fleuve --D'abord Claudius avec sa Cavalerie, & Porcius avec les troupes légè-
Metaur-e, taure.
ott Asdru- rement armées, donnérent sur l'arriére garde des Carthaginois. Livius arri-
bal cst va ensuitte avec le reste de l'armée, & obligea Asdrubal à interrompre san
vaincu, ouvrage & à ranger son armée en bataille. Il nlit à la droitte les Espagnols,
& les Carthaginois; à gauche les Gaulois; au centre les Liguriens; à la teste
desquels il se plaça. Du côté des Romains Claudius Nero eut l'aile droitte,
Livius la gauche, & Porcius le centre. LesEspagnols & les Carthaginois com-
mencèrent l'attaque. " Les Légions Romaines commandées par Livius, soû-
tinrent le choc avec une vigueur extraordinaire. Il y eut bien du iang ré-
pandu de part & d'autre. Aprés cela Asdrubal fit avancer les Eléphans qui
étoient au centre avec les Liguriens,en même tems Porcius fit marcher le corps
de
de bataille, ayant sait prendre un fantassin en croupe à chaque Cavalier, pour
écarter les Eléphans. Le stratagéme réüilit, & ces animaux en sureur com-
mencérent à se tourner contre ceux qui les suivoient. Asdrubal avoit ordonne
qu'ausfytost qu'on s'apperceveroit que les Eléphans ne seroient plus dociles,
on les fit mourir en leur enfonçant un eguillon sous l'oreille. De cette forte
on en fit mourir six des plus furieux , les autres se jettérent à tort & à travers
sur les Carthaginois, comme sur les Romains, & en foulèrent aux pieds un
grand nombre.
Le Consul Claudius avec son aile droitte étoit posté de maniére qu'il ne
pouvoit avancer, ayant devant soi une colline escarpée, qui couvroit les
Gaulois qu'il avoit en face. Ses soldats essayérent en vain de se rendre maitre
de la hauteur. Elle n'étoit pas accessible; en même tems Claudius ordonna
à un gros détachement des siens de passer derriére la colline & d'aller prendre
à dos l'armée Çarthaginoise, qui étoit aux mains avec Livius & Porcius. Ce
détachement usa d'une telle diligence qu'il se trouva à dos des Gaulois pres-
qu'en même tems, que Claudius les prenoit de front.
La fatigue, la faim, l'insomnie avoit fait déserter plusieurs Gaulois. Le
reste pouvoit à peine soùtenir ses armes. Ils se livrérent presque sans résistance
à la mort, ou à l'esclavage, au gré des vainqueurs. Asdrubal fit des efforts
inouïs pour soûtenir ses gens. Il avoit pris son parti avant le combat de
vaincre ou de mourir. Voyant que tout plioit, il se jetta dans un bataillon LXXXVI: d'As-
Romain & y fut percé de coups. Aprés sa mort la viétoire fut complette. Mort drubal.
On prétend qu'il y eut dans ce combat jusqu'à cinquante six mille ennemis (a).
de morts (a) & qu'on prit sur eux ciÉq mille quatre cens prisonniers, & qua- Polyb.LXL
tre Eléphans, & qu'on délivra quatre mille Citoyens Romains, qu'Asdrubal dix ne met que
mille
avoit enlevez en différens endroits. Le butin, l'or & l'argent qu'on trouva du
dans son fut trés considérable. Du côté des Romains il mille morts
camp y eut coté des
hommes de tuez, ou selon d'autres, seulement deux mille. Cartha-
Aprés une journée ii glorieuse, qui revalut aux Carthaginois la victoire nois&
qu'ils avoient remportée sur les Romains à Cannes; il ne restoit plus à Clau- deux mille
dmsNero qu'à se rendre en diligence à son camp de Canusium. Il se chargea du côté
des Ro-
dQla telle d'Asdrubal, qu'il emporta avec luy, & dans six jours il se rendit maMM,
à son camp. Lorsque la nouvelle de la défaitte d'Asdrubal arriva à Rome,
on n'en voulut rien croire. Ensuitte la chose s'étant confirmée, il y eut
débat entre le Sénat & le peuple, à qui on en liroit premièrement le récit.
Le Sénat l'emporta, & ensuitte on en fit lecture dans l'assemblée du peuple,
On ordonna des priéres publiques & de solen,nelles adions de grâces qui de-
voient durer pendant trois jours, & on commença à ne plus craindre Anni-
bal & à regarder la guerre comme finie.
Claudius N^ro arrivé à Canuse, envoya quelques Captifs Carthaginois vsxxnt.
Claudius
pour annoncer au camp d'Annibal la défaitte de son srere, & il fit jetter la Nero
téte d'Asdrub.l dans le camp ou au pied pied des remparts d'AnnibaL Ce re-
GénéraLaccabi-é de douleur & outré de dépit, se retira dans le Bruttium où son tourne à
camp
il attendit le moment de relever son parti chancellant. Metaponte& quelques de ICauule,
autres villes luy obeissoïent encore, & les Bruttiens lui demeuroient fidèles. Liv. I. 2g.
I^s
Les Carthaginois ne furent pas déconcertez par la mort & la désaitte
d'Asdrubal. Bientost une nouvelle armée commandée par un Général nom-
mé Hannon arriva en Espagne & se joignit à Magon; il fit dans la Celtibérie
'des levées d'environ neuf mille hommes. Scipion informé de son arrivée,
détacha Silanus avec seulement dix mille hommes d'Infanterie, & cinq cens
Chevaux, pour aller attaquer les nouvelles levées d'Hwinon. Il usa d'une
diligence si extraordinaire, qu'il surprit Hannon avant qu'il eut aucune con-
noissance de sa venue. Le Carthaginois avoit fait camper lès nouvelles trou-
pes dans un camp différent des anciennes, & comme elles n'étoient nulle-
ment disciplinées, Silanus s'avança jusqu'à un mille de leur camp, sans qu'el-
les l'apperçussent. Alors elles jettérent un grand cri, qui se fit entendre dans
le camp des Carthaginois. Hannon & Magon accoururent à leur secours
avec un corps de soldats bien armez, mais du côté des Celtibériens il ne se
trouva que quatre mille houunes armez de boucliers & deux cens Chevaux
en etat de combattre.
Lxxxyiu. Les deux Généraux Carthaginois rangérent leur soldats en bataille, &
Désaite de Silanus s'avança contreux les troupes. Les Celtibériens essuïérent la pre-
avec
Magon par mière décharge des Javelots de l'Infanterie Romaine,
Silanus. en se penchant, pour
éviter leur coups. Après cela ils lancèrent leurs traits contre les Romains,
qui les reçurent sur leurs boucliers, enfin on en vint aux mains. Le lieu de
l'adion étoit une espéce de taillis, qui nuisoit aux uns & aux autres, mais
beaucoup plus aux Celtibériens accoutumez à voltiger & à combattre, tan-
tost en reculant & tantost en avançant. Ils ne firent pas une longue résistance,
& prirent la suitte, laissant sur la placeun grand nombre des leurs. Enluitte
les Romains passérent à la seconde ligne composée principaliment des Cartha-
ginois. Ils ne firent pas plus de résistance que les Celtibériens. Magon prit
la suitte avec toute la Cavalerie & deux mille hommes de pied. Hannon de-
meura seul dans le combat & y fut faitprisonnier de guerre, avec bon nombre
des siens. Magon se sauva vers Asdrubal fils de Gilcon, qui commandoit la
grosse armée aux environs de Gadés. Par cette bataille Rome sè vit 11laitreflè
de toute la partie Occidentale de PEspagne.
LXXXlX. Scipion n'ayant plus à partager ses forces, se mit à poursuivre Asdfct-
Asdrubal bal. Celui cy à son approche, le retira précipitamment dans les défilez du
fils de Gi- de Gadés ; puis il partagea ses troupes dans les places du pays, pour
scon se re- pays
tire à Ga- donner de J'occupation aux Romains & les empêcher de l'attaquer avec tou-
des. tes leurs forces. Scipion se retira aussi dans le centre de l'Espagne, laissant
à-son frere Lucius un détachement de dix mille hommes de pied & de mille
Chevaux, avec ordre de se rendre maître de la ville à'Aimnx qui étoit, dit-
on, située dans la partie Occidentale de l'Andalousie. Cette ville étoit riche
& grande. La garnison Carthaginoise qui la défendoit étoit nombreuse, &
les Bourgeois étoient belliqueux. Lucius partagea ses troupes en trois corps,
afin qu'ils pussent successivement être employez aux travaux du siége.
XC. Le premier.jour, le tiers de l'armée de Lucius attaqua la place avec af-
Prise de la sez de vigueur, mais sans beaucoup de succés, parce que leur nombre n'etoit
ville d'Au-
riax. pas suffisant pour faire teste de tous côte*: aux assiégez. Le sécond jour
Lucius
^
Lucius fit marcher les deux tiers de son armée à l'attaque. Les Bourgeois
prirent l'ëpouvante,&abandonnant la défensede leurs murailles,ouvrirentune
de leurs portes & portant seulement un bouclier au bras sans aucune arme of-
fensive, ils allérent au devant des Romains qui les chargérent & en tuérent
Romaines, entrèrent
un grand nombre. Les troupes dans la place par la
même porte qu'ils trouvérent ouverte ; Les Carthaginois qui s'étoient ran-
gez en bataille dans une place de la ville , furent taillez en pièces ou faits
prisonniers de guerre. La ville fut préservée du pillage, telle fut la première
expédition de Lucius Scipion.
Bientost il fut envoyé à Rome, menant avec lui le Général Magon &les XCL
Philippe
plus considérables des prisonniers faits sur les Carthaginois. Philippe Roy Roy de
de Macédoine malgré ses engagemens avec Annibal, & l'ardent desir qu'il Macédoine
,
avoit de le servir contre les Romains, ne put réunir à palier en Italie , ni à esi empô-
lui donner aucun secours électif. On lui avoit sùscité tant d'ennemis autour ché de re-
de lui, que ce qu'il put faire, fut de s'en défendre & de les repousser. courir An-
nibal.
Aprés une si belle & si glorieuse campagne, les Consuls revinrent àRome XC11.
parfaittement réünis. Le Senat accorda le triomphe à Livius vainqueur Triomphe
d'Asdrubal. Pour Claudius Nero, il n'eut que l'ovation, il entra simplement de Livius.
à cheval dans la ville, sans être accompagné de son armée. Le peuple Ro- Ovation
de
main ne laissa pas de lui donner des preuves de son estime beaucoup plus Nero.
marquées qu'à Livius. Sur son passage on n'entendoit que des applaudisse-
ment & des louanges que l'on donnoit à sa valeur & à cette marche si utile
à la Republique, par la quelle il avoit en six jours traversé toute l'Italie,pour
venir au secours de son Collègue, & pour lui procurer la victoire contre As-
drubal. On remarqua, dit Tite Live, que les soldats mêmes qui accompag-
noientle triomphe de Livius, s'attachèrent plus à jetter des traits piquans &
tl10rdans contre Nero, que contre Livius jugeant son entrée plus brillante
,
que celle de son Collègue.
Quelques tems après on choisit un Diél:ateur pour présider à l'élection XC11L
des Consuls. Le choix tomba sur le Consul Livius, sous lequel on elutpour M. Livius
Consuls Livius Veturius Philo & Q. Cœcilius Metellus. Ce dernier avoit SalinatoE
été fort recommandé au peuple par les Chevaliers Romains Diétateur.
qui avoient
combattu contre Asdrubal , & c'est à leur recommandation ,qu'il fut réde- Q Cœcilius
Metellus<5c
vable de sa dignité. Les deux Scipions furent continuez dans l'Espagne. L. Veturius
Livius avant l'expiration de sa Didature marcha en Etrurie, & y chatia quel- Philo Con-
ques villes de ce pays, dont la fidélité avoit paru chancellantea l'arrivée d'A,s- An de Ro-
suls*
drubal en Italie. Les deux Consuls partirent ensemble pour faire la guerre
me f47. dit
à Annibal, qui étoit toûjours dans le Bruttium. Ils se rendirent chacun de M. 3797.
leur côté à Consentia sur les bords du Chratis. Annibal demeura sur la dé- avant J. 6.
fensive & ne parut pas en campagne; Mais les Consuls n'osérent l'attaquer, ao?.
Guerre
tout foible & tout consterné qu'il étoit on le craignoit encore , & ses Cava- contre Aa..
liers Numides remportèrent quelque avantage sur les Romains répandus dans n&al.
la campagne pour fourager.
Le théatre de la guerre étoit transporté en Espagne, Asdrubal fils de
Giscon aprés les pertes de la dernière campagne avoit trouvé moïen de
,
(4) mettre sur pied une nouvelle armée composée de soixante dix mille hommes
T.LivMS. de pied, de quatre mille cinq cens Chevaux (a) & de trente deux Eléphans.
Ne lui don- Magon frere d'Annibal lui avoit amené de grosses recruës tirées des villes
ne que cin- Espagnoles du parti Carthaginois. Ces deux Généraux s'avancèrent jusqu'à
quante Masiniffa Roy de Numidieleur amena un bon
mille hom. Silpie, autrement Elînge , ou
mis de pied. renfort de Cavalerie. Avec ces forces ils résolurent de livrer bataille au jeune
Polybe ne Scipion, dez-qu'il paroîtroit en campagne.
lui compte Scipion étoit encore à Tarragone , lorsqu'il apprit ces grands prépara-
que 4,000. tifs d'Asdrubal ses forces étoient beaucoup moindres que celles des Car-
Chevaux, ,
Appien thaginois; à peine pÚt-il former une armée de quarante cinq mille hommes
feulement de pied & de trois mille Chevaux; Cependant à son approche l'armée Car-
1joo. Che- thaginoise abandonna le siége d'une ville qu'elle avoit assiégée, & vint se for-
vaux Bécula, sur les confins de la Bétique.. Scipion entre-
Eléphans. tifier aux environs de
XCiV. prit de se camper dans la même plaine où les Carthaginois étoient retranchez.
Asdrubal Asdrubal le fit attaquer par sa Cavalerie; Mais elle fut repoussée, & Scipion
& Scipion se fortifia tranquilement dans son camp. Plusieurs fois les deux Généraux
en prés'cn- rangèrent leurs armées sans en venir au combat. Scipion ayant observé
que le Carthaginois portoit toujours ses Africains au corps de bataille, & les
troupes Espagnoles sur les deux aîles, aïant les Eléphans par devant, il ran-
geoit de même sesLégionaires au centre de la bataille & les Espagnols suries
aîles.
Le jour auquel il avoit résolu de donner la bataille, il ordonna des sa-
IPefybJ. 11.
T.Liv.l.1%. crifices, consulta
les entrailles des vidimes fit croire que les Dieux lui pro-
,
Appian. i1t mettoient une vidoire assurée contrefit l'homme inspiré & transporté il
,
Ibtricit. inspira même cetEnthousiasme à ses troupes,qui imitèrent ses mouvemens, &
ses agitations alors il marche a l'ennemi , ayant rangé ses troupes dans un
,
ordre tout different de ce qu'il avoit fait paroÎtre auparavant ; Car il parta-
gea ses Légions en deux corps, dont il mit moitié à l'aile droite où il com-
manda en perionne, & Pautre à l'aile gauche, sous le commandement de Si-
lanus & de Marcius. Les Espagnols, dont il n'étoit pas si seùr, composérent
le corps de bataille. Ainsi les plus braves & les plus aguerris de ion armée,
se trouvèrent opposez aux plus foibles & aux moins aguerris de l'armée Car-
thaginoise.
Scipion eut encore une autre précaution, qui lui fut trés-avantageuse.Il
fit avancer les Légions Romaines à grands pas vers l'ennemy, pendant que les
Espagnols qui formoient le corps de sa bataille , n'avancèrent que trés lente-
ment contre les troupes Africaines , lesquelles par ce moïen d'en venir aux
mains, craignant d'être enveloppées & serrées en flanc, par les deux ailes de
l'armée Romaine.
jrcr. Scipion n'ignoroit pas qu'Asdrubal n'avoit pas donné à ses troupes le
Viftoircde loisir de prendre de la nourriture avant que de les ranger en bataille. Il
Scipion différa exprés le combat jusque deux heures après midy pour les Jaisser lan-
contre guir de faim & de chaud ; Le choc commença avec beaucoup d'impetuosité.
Asdcubal.
Les troupes Espagnoles ne tinrent pas longtems contre les Légions Romai-
nes. Les Eléphans qui couvroient les troupes Carthaginoises, furent mis en
dés-
désordre par la milice légèrement armée ; Mais le combat fut long & opi-
niatre entre les vielles troupes Africaines & les Légions. Celles-cy rebuttées
par le grand nombre & par la vigoureuse résistance des Carthaginois , com-
nlençoient à se rebutter, lorsque Scipion descendant de cheval, saisit un bou-
clier & se jette au milieu d"un bataillon ennemi; criant à moy, soldats , sui-
vez vôtre Général.
Les Romains jetterent un grand cri & s animant l'un l'autre , le lance-
rent avec furie dans le bataillon, où Scipion combattoit en heros. Ils le
dégagérent & firent un carnage effroïable des ennemis. Ceux-ci se retiré-
rent dans leur camp, où Scipion ne put les poursuivre , arrêté qu'il fut par
un orage qui survint sur le soir. Asdrubal ne douta point que le lendemain
dez le matin les Romains ne vinssent pour forcer son camp. Il emploïa
toute la nuit à le fortifier ; Mais la fraïeur avoit tellement saisi ses troupes,
que les Espagnols l'abandonnérent par grandes troupes, de manière qu'il prit
le parti de quitter son camp & de se retirer.
XeVl.
Scipion le fit suivre par sa Cavalerie, qui l'auroit aisement atteint, si sur Défaite
la foy de ses guides , elle n'eût quitté le droit chemin , pour en prendre un entière
plus court, dans l'espérance de le coupper, & de l'arrêter au passage du Be~ d'Asdru-
tis ; Mais Asdrubal en habile Capitaine , au lieu de se presenter pour passer bal. Il sç
retire à
ce fleuve, se rabbattit du côté de l'Océan, & mit quelque distance entre son Gades.
armée & celle des Romains. La Cavalerie de ceux-cy l'atteignit enfin & fit
tant par ses attaques tantost en queue , tantost en fianc , quelle retarda trés-
îj considérablement la marche des Africains, & qu'elle donna à Scipion le loi-
sir d'arriver avec le gros de son armée. Celle des Carthaginois ne fit pres-
qu'aucune résistance. Elle se laissa tailler en pièces, & de tout ce grand
nombre de soldats qu'Asdrubal , Magon & MaHni{[a conduisoient, à peine
s'en sauva-t'il six mille, la plupart désarmez,qui se retirérent avec leursChefs,
sur une montagne ^oisine, où ils se retranchérent comme ils purent.
Mais comme ce poste n'étoitpas tenable, Asdrubal la nuit même sejetta XCVIL
Massinissa
dans quelques vaisseaux qui se trouvèrent à portée & se fit transporter à Sa- traitte
dés, delà il renvoya ses vaisseaux pour servir a Magon, qui se retira de même. avec Sila-
Pour 1\iasinitsa se trouvant ainsi abandonné par les Généraux Carthaginois, nus & Cil"
il se défendit tant qu'il put avec le débris de l'armée Africaine qui demeura tre dans le
invertie avec Silanus tandis que Scipion reprit le chemin de, Tarragone & parti des
,
fortifia dans son parties peuples Espagnols chez qui il passa. Silanus n'em- Romains.
ploya pas la force pour réduire Masinissa. Il le gagna aux Romains par des
conditions raisonnables, qu'il lui proposa & qui furent acceptées. Les trou-
pes qu'il commandoit eurent la liberté de se retirer. Pour lui il se rendit
dans ses états, résolu de s'attacher désormais aux Romains avec une fidélité
inviolable. Ainsi l'Espagne se trouva presque toute entière assujettie à la do-
Scipion en donna avis au Senat par Lucius son Entrevuë XCVlll.
mination des Romains.
frere, qui fut envoyé à Rome pour en porter la nouvelle. de Scipion
Le jeune Héros songeoit alors à porter la guerre en Afrique comme & de Sy-
Annibal l'avoit portée en Italie; il lui importoit de se concilier les, Roys de phax, 3c
d'Asdru-
ce pays & de les detacher du parti Carthaginois. Silanus lui avoit gagné baL
Mafinisisa. Il envoya son ami Lœlius auprès de Syphax Roy des AlafreFilictis,
pour l'attirer dans l'alliance des Romains. Lœlius ébranla & persuada Sy-
phax; Mais ce Prince ne voulut rien conclure, qu'avec Scipion lui-même.
11 étoit perilleux à Scipion de se livrer à un Roy barbare & inconstant. il
ne laissa pas de s'embarquer à Carthagéne avec Lœlius, sur deux Galères à
cinq rangs de rames. Depuis peu Asdrubal étoit arrivé au même port où
Zonar. 1 g. Scipion devoit se rendre; tous deux y venoient pour briguer l'amitié de Sy-
,
T.Liv.U 8.
Appian. in phax. Les vaisseaux d'Asdrubal s'étoient mis en devoir d'attaquer ceux de
lbtrieis. Scipion, mais pendant qu'ils se disposent, Scipion favorisé par les vents entre
dans le port & y demeure en seureté sous la protection de Syphax.
Ce Prince reçut ces deux grands Capitaines avec honneur il les logea
dans son Palais, les invita à sa table. Scyphax avoit même essayé ,
de les faire
entrer en négociation pour traitter de paix; mais Scipion s'en excusa, disant
qu'il n' avoit pour cela aucune commission de sa Republique & que person-
nellement il n'avoit jamais eu d'inimitié contre Asdrubal. , Les hiitoriens
remarquent que Scipion s'attira l'estime & l'amitié des Africains autant par
ses manières sages & polies, que par la réputation de sa valeur & par sà mo-
dération; & qu'Asdrubal même fut contraint d'avouër que ce grand homme
avoit autant de supériorité dans la négociation, dans les repas mêmes & dans
let entretiens ordinaires, qu'à la telte des armées, qu'il n'avoit pas fait moins
de conquêtes en Espagne par ses manières gratieuses & prévenantes que
,
par son épée ; qu'il auroit été à souhaitter pour les intérêts de Carthage,
qu'Annibal en eutusé de même en Italie.
Le Roy Syphax fut si charmé des manières de Scipion, qu'il fit avec *
lui un traitté secret, qui toutesfois, pour certaines circonltanccs à déduire
en leur tems, n'eut pas son effet ; & de peur que ce Romain ne fût attaqué
dans son retour par les galéres d'Asdrubal, il retint chez lui Asdrubal sous
divers prétextes. Scipion arriva à Carthagéne & trouva p. esque toute l'Es-
pagne soumise aux armes Romaines. Les villes d'Iliturgis & de Castulon
s'étaient signalées par leur attachement aux Carthaginois, & par leur inhu-
manité envers les Romains, Scipion résolut de les châtier & d'en faire un
exemple de sévérité.
JtCîX. Marcius fut chargé du siége de Castulon & Scipion entreprit celui
d'iliturgis. ,
Scipion Cette dernière ville avoit livré aux ennemis, ou 11ll]{]àcré ie&
assiége & Romains qui s'y étoient resugiez aprés la
prend mort des deL¿x premiers Scipions.
lliturgis. Elle fit une
résistance telle qu'on pouvoit l'attendre d'une ville, qui n'eiperoit
Zonar. 1.9, point de quartier, & que la fureur & le désespoir animoient. Le Général
T.Xï'f./.a8. Romain pour encourager les soldats rebuttez du travail fut obligé de
,
prendre une echelle & de monter lui-même à l'assaut, blessé d un trait entre
la teste & les épaules, ii se fit reporter dans son camp. Lœlius supplea à sou
absence , & encouragea les soldats avec tant d'efficace qu'ils emportèrent la
place. La citadelle même qui paroissoit inaccessible, & qui étoit si élevée
que nulle echelle ne pouvoit atteindre à la hauteur de ses murs, fut obligée
de céder aux efsorts des Africains déserteurs de l'armée d'Asdrubal. Ils fiché-
sent de gros cloux par intervalles dans le rocher & se donnant la main les
uns
uns aux autres, ils parvinrent aidez de leur agilité naturelle, au haut des
murs & se rendirent maîtres de la citadelle. On y mit tout à feu & à sang
sans diitiné1ion, & le soldat acharné négligea même le pillage d'une ville si
opulente.
Castulon étoit défendue par un reste de Carthaginois commandez par C
Himilcon. Celui-ci capitula secrettement avec Marcius, & obtint pour luy, Prise de
pour les Carthaginois & pour les Bourgeois, des conditions tolérables. De- (-,,ailulon
là Marcius fut envoyé contre la ville d'Astapa, nommée aujourd'huy Estepa, par Mar-
clus.
qui confine avec le royaume de Grenade & l'Andalousie. Cette ville avoit
toujours été dans les intérêts de Carthage & ennemie déclarée du nom Ro-
main. A l'approche de Marcius, au lieu de s'en fermer dans leurs murailles,
les Citoiens firent un monceau de tout ce qu'ils avoient de plus prétieux au
milieu de la ville, .placèrent sur ce monceau leurs femmes & leurs enfans,
enveloppèrent le tout d'une enceinte de fagots & de matiéres combustibles,
conjurèrent par les plus terribles sermens cinquante de leurs plus notables Appian. in
Citoyens, s'il arrivoit qu'ils fussent vaincus par les Romains d'égorger sur. lbericis.
, Tit. Liv.
ce bucher leurs femmes & leurs enfans, puis d'y mettre le feu. 1. 28.
Après cela ils sortirent de la ville en ordre de bataille. Marcius détacha Cl.
d abord contr eux quelque Cavalerie, mais elle fut repoussé d'A.
par ces hommes Prisc
déterminez a périr. Ensuitte il fit marcher contre eux quelques compagnies stapa, cru-
de ses Légionaires, qui les défirent sans peine, nul de ces désespérez n'echap- elle réso- '
lution de
pa. A la nouvelle de leur défaitte, on égorgea leurs femmes & leurs enfans, ses habi-
puis on mit le feu au bucher sur lequel leurs corps étoient entafifez. Les tans.
cinquante exécuteurs de cette cruelle boucherie, s'élancérent ensuitte eux-
mêmes dans les flammes & y périrent. Ces exécutions répandirent la terreur
au loin, & de toute l'Espagne il n'y eut que la ville de Gadés qui demeura
attachée au parti-Carthaginois. Magon & Masinifla y étoient encore
quelques troupes. avec
Cependant Scipion étoit occupé a Carthagene à rendre des devoirs fu-
nebres aux deuxScipions, son pore & son oncle, dont jusqu' alors il n'avoit
pas eu la commodité ni le loisir de célébrer les obséques avec la dignité con-
venable. Il fit représenter en leur honneur un combat de Gladiateurs. Ceux
qui entreront
^
en lice, étoient pour la plupart des braves, que l'amour de la
-loire & 1 envie de faire preuve de leur addresse engagérent dans les combats.
rendant que Scipion donnoit ces spedacles à son armée, & aux peuples de
^ transfuges de Gadés luy vinrent proposer de le mettre
possession & même cij,- luy livrer & Magon & la garnison qu'il commandoit. en
Aprés s etre assure de la fidélité des transfuges, il fit partir Marcius
& Lœlius avec une escadre par mer, pour attaquér Gadés. C'etoitpar
terre,
le
de partie pour purger entiérement l'Espagne des Carthaginois. Mais coup il ne
réiilnt pas, comme nous l'allons voir.
lvbgon s'etoit retranché hors de Gadés avec ses troupes, qui consig,, CIl.
totent seulement en quatre mille hommes. Marcius les attaqua & les Marcius
traignit avec Magon à se sauver dans la ville. con- manque da
Magon sur ces entrefaittes
OA
découvrit la conspiration de ceux de Gadés, qui avoient oromis dp
3
" MV AVUUiUV
~, se tendre

rpmpttrp maître de
la Gadés.
la place aux Romains. Il les arréta & les nlit sur un vaiflseau à cinq'rangs de
rames & les envoya pour étre jugez à Carthage, sous l'escorte de huit galéres
commandées par Adherbal. Cette petite flotte fut rencontrée par celle de
Lœlius qui la battit & la nlit en désordre, mais la galére qui portoit les pri-
sonniers de Gadés ayant pris les devants, se sauva ; aprés cela Lœlius qui
vit le coup manqué sur Gadés, fit dire à Maicius de s'en retourner à Car-
thagéne, & luy-même s'y rendit avec son escadre. Ainsi Magon demeura
maître de Gadés.
Cili. En ce même tems Scipion tomba malade, & comme c'est l'ordinaire,
Maladie de
Scipion, la
renommée exagéra son danger & publia qu'il étoit mort. Sur cette fautre
Suitte de nouvelle Indibilis & Mandonius Roy d'une partie des Espagnes, qui ne s'e-
cet acci- toient donnez aux Romains que dans l'espérance de se servir des armes de
dent par ceux-cy, pour chasser les Carthaginois du pays, & ensuitte d'en chasser
rapport à leur tour les Romains, & demeurer seuls les maitres des Espagnes; se sou-
aux affai-
res d'Espa-
levérent, prirent les armes & firent des hostilitez sur les terres des alliez de
gne. la République Romaine. D'un autre côté huit mille soldats Romaines qui
Appian. in étoient campez sur leSurron pour tenir en bride les peuples des environs se
lbericis mutinèrent & se donnèrent de nouveaux Tribuns. Ces officiers d'une créa-
Zonar. 1. p. Consuls, & se firent
Tit. Liv. tion si irréguliére prirent le nom & les marques de
/. 2 9. précéder par des Lideurs. Bientost on reçut au camp des nouvelles certai-
nes de la san té de Scipion, & on y vit arriver sept tribuns Legionaires pour
remplacer ceux qu'on avoit déposez & chassez.
Ces nouveaux Tribuns n'eurent garde d'user de rigueur, ni d'aigrir les
esprits par de vives repréhensions. Ils écoutèrent patiemment les plaintes
des soldats, feignirent d'entrer dans leur raisons, promirent de les faire en-
tendre au General. Scipion leur fit dire qu'il vouloit qu'on leur donnât au
plutoit la solde qui leur étoit duë; on se hâta de la lever sur les villes Espa-
gnoles. On dit aux séditieux qu'on leur donnoit le choix de la recevoir
dans leur camp ou à Carthagéne, & en même tems il fit courrirle bruit qu'il
alloit faire marcher les troupes qui étoient à Carthagéne, contre Indibilis &
Mandonius. Les mécontens donnérent dans le piége qu'il leur tendoit.
Comptant sur son extréme clémence, ils se rendirent à Carthagéne.
Scipion avec son conseil avoit relolu de faire mourir les trente cinq
Chefs de lasédition & d'epargner les soldats. Il ordonna aux sept nouveaux
Tribuns qu'il avoit envoyez au séditieux, d'inviter à soupper dans leur logis
chacun cinq de ces Chefs de révolte, de les bien faire boire, & aprés cela
de les arrêter & de les mettre dans les liens , de défendre a qui que ce fut
de sortir de leur logis & de luy donner avis de ce qu'ils avoient fait. En
même tems le Proconsul avoit ordonné à Marcius de faire sortir de la ville
l'ancienne garnison , comme pour marcher à l'ennemi, mais de ne pas s'é-
loigner des murailles, pour y pouvoir rentrer en armes au premier lignai
qu'on luy en donneroit.
civ. Toutes ces mesures ainsi prises, le Proconsul fit venir dans la place les
punition séditieux pour entendre ses ordres. Ils y vinrent sans armes ne se défiant de
des Chefs resolus, si le Proconsul ordonnoit quelque chose contr'eux,
de larcbcL- rien ; mais bien
de
1
de Finterrompre & de l'etourdir par leurs cris. Dez qu'ils furent assemblez, lion des
Scipion parut sur Ion Tribunal plein de santé, & en même tems Marcius Troupes
rentra dans la ville avec ses troupes en armes, & enveloppa les mutins. Le Rom a nés.
Proconsu! les harangua, leur reprocha avec force leur rebellion, fit réçiter
les noms des trente cinq qu'il avoit condamnez à mort. A leurs testes.
étoient les deux prétendus Consuls. On leur trancha la teste. Aprés eux
périrent les trente trois complices de leur revolté. Aprés quoy Scipion re-
çut un nouveau serment de fidélité des troupes qui s'étoient laissees réduire,
& les renvoya dans leur logis.
Indibilis & Mandonius informez de la rigueur exercée "contre les Chefs CV-
de la rebellion des troupes Romaines, désespérérent d'obtenir le pardon du Défaitte
Proconsul. Ils se mirent à la teste de vingt mille Espagnols & de deux mille ries Roys
cinq cens Chevaux & entrérent sur les terres qui obeissoient aux Romains Mando- Indibilis 8c
pour y faire le dégat. Scipion mena contre eux les troupes ci-devant muti- nius.
nées; il voulut leur donner cette marque de sa contiance pour les affermir
dans leur devoir. Dans quatre jours de marche il arriva à portée des deux
Roys. 118 étoient campez dans le fond d'un vallon, dont-il n'étoit aisé
de les tirer pour leur livrer bataille. Scipion pour les attirer dans lapas plaine
où il étoit campé, lâcha dans leur vallon quelques bestiaux, qu'il fit suivre
par la milice armée à la légére.Derriére le coteau étoit caché Loelius avec la
Cavalerie, pour soûtenir ceux qui seroient attaquez par les Espagnols.
Ceux-ci se jetterent sur le bétail, & la milice Romaine fondit sur On
eux.
combattit de part & d'autre avec assés de courage ; mais Lœlius étant sur-
venu avec sa Cavalerie, passa sur le ventre à ces troupes Espagnoles. Le len-
demain les deux Roys parurent en bataille dans le vallon qu'ils occupoient;
mais comme ils y étoient fortrefferrez, ils ne pouvoient faire agir toute leur 1

Infanterie. Ils en placèrent une partie sur le penchant du coteau & les olus
aguerries au milieu du vallon, ayant la Cavalerie sur les ailes. .
Scipion ne pouvant faire entrer dans le vallon son Infanterie, se
con- CV1.
tenta de la ranger dans la plaine, sans la faire soutenir par la Cavalerie; mais Victoire
il ordonna à Lœlius de partager la Cavalerie en deux
corps, de la faire'mon- contre In-
ter sur la montagne aux deux côtez du vallon où se donnoit le combat, & dibilis &
de prendre en flanc la Cavalerie ennemie, tout cela fut exécuté & la défaitte Mando-
, nius.
de Espagnols fut telle, qu'il n'en echappa pas un seul. Les deux Roys se
sauvérent comme ils purent avec leur milice légérement armée, qui n'avoit
point eu de part au combat. Indibilis n'osa venir se présenter devant Scipion.
Mandonius qui s'étoit rendu, fut son médiateur. Scipion leur accorda la vie
à tous deux, sans leur ôter leurs armes, ni leur demander d'otages. Ils
exi-
gea seulement qu'ils luy fourni rent l'argent nécessaire pour payer ses troupes
aprés cela il fit partir une partie de son armée pour Tarragone & l'autre
Cjddcs» pour
Scipion avoit en veuë de gagner Manimfîa, dont-il savoit déja les bon- C TilT.
nes dispositions en faveur des Romains. Il suivit de prés son armée & arriva Co nféren-
bientoIt sur les bords de l Océan. Alaslinisla n'en eut ce entre
pas plustost avis, qu'il Maffinif1J.
prit pour prétexte que sa Cavalerie se ruinoit dans l'islede Gadés&passadans
ôc Seip/uo,
Je
Liv. I 28. le continent, pour l'y faire subsister plus commodément, & pour faire, di-
soit-il, des courses sur le pays ennemi. Il envoya trois Seigneurs Numides au
camp du Proconsul, afin de prendre jour pour une entreveuë. Deux de ces
Seigneurs demeurerent en otage auprés deScipion. Le troisiéme alla porter
la réponse à Massinissa. Ce Prince se trouva au rendez-vous presque rani
suitte.
Scipion s'y rendit de même, Massinissa fut charmé de ses manières, de
sa bonne mine, de son air majestueux & en même tems gratieux & préve-
nant. Il s'engagea à demeurer fidellement attaché au parti des Romains, &
il tint parole. L'entreveuë fut courte, parce qu'on en vouloit dérober la
connoissance aux Carthaginois ; Massinissa fit quelque dégat dans le conti-
nent, puis repassa à Gadés Magon ne demeura pas longtems dans ce pos-
te; il reçut ordre de le quitter & d'aller secourir son srere Annibal en Italie.
Avant ion départ il pilla les temples & le trésor public de Gadés, & fit de
cruelles exadions sur les principaux Bourgeois de la ville. Il emporta avec
luy de grosses sommes dans le dessein de faire des levées en Italie.
GV111. Au sortir de Gadés il prit sa route sur les côtes d'Espagne & fit une de-
Magon es. scente pendant la nuit a Carthagéne, espérant de prendre la place par esca-
saye en lade; mais la Garnison Romaine avertie de son dessein, étoit sur ses gardes.
vain de
surprendre Elle sortit de la ville & repoussa les Carthaginois, plusieurs furent noyez,
Cartha- d'autres périrent sur le rivage. Les Romains seroient entrez dans les vaisseaux
génc. de Magon avec les fuiards, si ceux-ci n'avoient promtementretiré leurs ponts.
Après ce mauvais succés il voulut retourner à Gadés, mais on luy en ferma
les portes. Il se retira à Cimbis qui étoit au voisinage, & envoya des dépu-
tez à Gadés, pour se plaindre de la conduitte que tenoit à son égard une
ville de tout tems attachée à Carthage. Les Magistrats rejettérent la chose
sur la Bourgeoisie irritée des exadions qu'on avoit exercées contr'elle. Deux
des principaux Magistrats se rendirent auprés de luy pour luy en faire des
excuses. Magon les fit arrêter, & aprés les avoir fait déchirera coups de
fouët, ils furent attachez à la croix. Bientost après les Gaditans se rendirent
aux Ronanins, & ainsy finit la domination des Carthaginois en Espagne.
La saison étoit trop avancée, pour que Magon pût arriver avant l'hyver
en Italie, Il avoit résolu de passer l'hyver dans la première des IslesBaléares,
c'est-à dire à Majorque; mais les habitans l'empêchèrent d'y abborder à coups
à
de pierres. Il fut donc obligé de palier Minorque, où il tr.ouva plus d'ac-
cés. Puis il se rendit auprès de son frere, dez-que le tems luy permit de se
mettre en mer.
C1X. Pour Scipion, on luy donna pour successeurs deux Proconsuls, Corne-
Scipion est lius Lentulus & Manlius Acidinus. Le premier prit le gouvernement de
rappellé rEspagne citerieure, ou de celle qui approche des Pyrénées, & Acidinus de
à Rome. l'Espagne ultérieure qui regarde l'Afrique. Un historien dit la République
Zonar. 1.9. que
avoit conçu quelque espéce de défiance, que Scipion ne voulut s'ériger en
souverain dans ce pays, dont-il venoit de faire la conquete, & que pour le
prévenir on le rappella à Rome. Cette défiance étoit infiniment mal fondée.
Scipion arriva en Italie avec Lucius son frere & Lœlius son ami. Il n'entra
pas
pas d'abord à Rome, mais le Senat selon l'ancienne coutume, s'aiïembla hors
de la ville pour entendre le récit de ses grandes adions. Il demanda le tri-
omphe mais modestement & comme chose qu'il n'espéroit pas d'obtenir,
,
non Qu'il ne l'eût mérité par ses vidoires , mais il ne se trouvoit pas revêtu
de la dignité de Consul, ni ne l'avoit jamais possédée , & n'avoit pas pris le
commandement de l'armée sous les Auspices ordinaires. Il ne triompha donc cix:
pas, mais son entrée dans Rome fut accompagnée des voeux & des applau- P, Cornéli-
diflemens du peuple, qui dans les Comices qui se tinrent bientost aprés , lui us Scipio,
déféra le Consulat; quoiqu'il n'eût encore que vingt huit à vingt neufans,son & P. Lici-
Collégue fut P. Licinius Crassus. nius Gra(-
sus Con-
Scipion comptoit si fort sur l'affedion du peuple , qui le destinoit à la fiais.
guerre en Afrique contre Carthage, qu'il s'étoit expliqué sur cela en des ter- An de Ro-
n1es qui marquoient trop sa confiance. Le Senat &sur tout le fameuxFabius, me S48.
du
âgé pour lors de; quatre vingt seize ans, en furent piquez.Scipion s'étoit im- M. ?7S>8.6.
J.
prudemment vanté, que si le Senat lui refusoit le département de l'Afrique, il avant 202.
se le feroit décerner par le peuple. Fulvius qui avoit été quatre fois Consul Scipion ne
& une fois Censeur, lui demanda : Que ferez-vous, si le Senat prononce sur peut obte-
le département des Consuls? Acquiescerés-vous à son décret, ou en appelle- nir du Se-*;
de faire
rés-vous au peuple? Je ferai, repondit Scipion, ce que je croirai plus utile à nat la guerre.
la Republique. En même tems Fulvius réclama l'assistance des Tribuns du euAfriquç.
peuple, & déclara qu'il ne diroit pas son avis, puisque le Consul neparoissoit
pas disposé à acquiescer à la décilion des Sénateurs. Les Tribuns répondi-
rent qu'ils ne souffriroient pas qu'il donnât pour cela sa requête au peuple.
Scipion demanda un jour pour délibérer ; & l'assemblée se sépara sans rien
conclure.
Les personnes les moins clairvoyantes jugérent qu'il entroit beaucoup CX.
de jalousie dans la conduite de Fabius contre le jeune Consul. La chose Scipion
étoit trop marquée, pour qu'on en pût douter. Pendant l'intervalle qu'on passe en
avoit accordé à Scipion pour délibérer, Fabius mit tout en oeuvre pour le Sicile.
traverser. Le lendemain le Senat s'étant rassemblé il fut résolu que Sci-
,
pion passeroit en Sicile, & auroit sous son commandement la flotte Romaine,
composée seulement de trente vaisseaux de guerre, avec pouvoir de palseren
Afrique, s'il jugeoit que la chose fût utile à la Republique. On lui permit
de plus de prendre autant de volontaires qu'il s'en présenterois,& de deman-
der aux alliez du peuple Romain ce qu'ils voudroientvolontairement donner
pour lui aider à équipper une nouvelle flotte. On ne sauroit croire avec
combien d'empressement, sur tout le peuple d'Etturie, se porta à savoriser
son entreprise. Au bout de quarante jours aprés la couppe des bois , il mit
en mer vingt quinqueremes , & dix quadriremes , ou galéres à quatre rangs
de rames, & il fut accompagné de sept mille volontaires, qui passérent avec
lui en Sicile. CXI.
Licinius son Collégue eut son département dans le Brutium afin de Licinius &
continuër la guerre contre Annibal. On lui permit de prendre à son , choix Cæcilius
vont faire
celle des armées queCœcilius ou que Veturius avoient commandées la cam- la guerre à
pagne précédente. Cœcilius avec la qualité de Proconsul se joignit au Con- Annibal.
sul Licinius, pour entrer en aétion contre Annibal. En même tems Magon
frere d'Annibal débarqua à Génes en Italie. Sa flotte étoit d'environ trente
vaisseaux de guerre & d'un plus grand nombre de vailïeaux de transport, son
armée étoit d'environ douze mille hommes de pied & de deux mille Chevaux.
Il trouva en Italie les Liguriens en guerre les uns contre les autres ; les In-
gauniens situez sur la mer de Ligurie étoient en guerre contre les Interne-
liens dont la capitale étoit alors la , ville nommée aujourd'huyVintimille.
,
Magon prit le parti de ces derniers ; fit sa place d'armes de Savone & ren-
,
voya à Carthage vingt de ses galéres , sur la fausse nouvelle que le Consul
Scipion alloit passer en Afrique. Un trés-grand nombre de Gaulois des en-
virons se joignirent à lui, & grossirent considérablement son armée.
Le Senat informé de tout cela par le Préteur Spurius Lucretius qui
cxu. commandoit
Magon dé- dans ce pays, donna ordre au Proconsul M. Livius qui gouver-
barque en noit l'Etrurie, de joindre ses forces à celles de Lucretius, & à Servilius
Ligurie.
,
commandoit dans Rome, de faire partir ce qu'il avoit de milice dans la ville,
il reçoit s'il le jugeoit nécessaire pour aller au secours de Lucretius & de Livius
,

qui

ordre de se , ;
rendre au- Mais la lenteur de Magon rendit tous ses préparatifs inutiles; Après avoir at-
prés d'An- tendu l'Ongtems, il reçut enfin un renfort de vingt cinq galéres qui venoient
ziil)al de Carthage, & qui lui apportoient des ordres précis de se rendre incefsam-
ment auprès d'Annibal, avec la plus forte armée qu'il pourroit ramasser. Ma-
gon fit confidence de ses ordres aux Chefs des Gaulois Cisalpines, qui lui té-
moignèrent qu'ils ne pouvoient se déclarer ouvertement, étant environnez
d'armées Romaines, mais qu'ils lui rendroient ensecret tous lesservices qu'ils
pourroient. En effet ils lui fournirent toutes sortes de provisions, & Magon
enrôla parmi eux grand nombre de soldats. Pour les Liguriens, ils n'userent
d'aucuns ménagemens & se déclarèrent hautement contre Rome. Il ne re-
stoitplusà Magon qu'à marcher au secours d'Annibal;Mais les armées réu-
nies de Livius & de Lucretius le tinrent en échec, sans pouvoir sortir de la
Ligurie.
CXIII. Annibal réduit dans un coin du Bruttium, accablé par la famine & par
Inaction la peste qui faisoient de grands
forcée ravages dans son armée , sut obligé faute de
il7 Annibal secours,
de demeurer dans l'inaction. Les armées du Consul Licinius & de
Cœciliusne manquoient de rien, mais la contagion qui moissonnoit tous les
jours grand nombre de soldats Romains , reténoient les Généraux dans une
inadion forcé, ainsi malgré la jalousie de plusieurs Senateurs, les yeux de tout
le monde étoient tournez sur le jeune Scipion, qui ne perdoit point de veuë
son grand objet de la conquëte de l'Afrique.
exiv. N'ayant pu obtenir du Senat les secours nécessaires pour une entreprise
Scipion de cette importance, il trouva dans son industrie des ressources qui suppléé-
»
choisiqoo. rent à qui lui manquoit d'ailleurs. Il mit tous ses soins à former & à dif-
ce
jeunes Car cipliner à sa maniére les soldats qu'il avoit amenez d'Italie
valiers & ceux qu'il
, ,
Sicile. Pour les volontaires qui l'avoit suivis, il en forma
pour sa avoit trouvez en
garde. des corps de troupes réglées, de leur nombre il choisit trois cens jeunes hom-
T.jLivJ.29. mes des mieux faits & des plus robustes pour être toûjours auprés de sa
per-
Íonne & pour en former sa garde,& sa compagnie favorite. Pour les équip-
per
per il usa de stratagéme. Il ordonna a trois censàjeunes Siciliens des meil-
leurs maisons du pays, de se rendre auprés de lui cheval , en equjpage de
guerre pour servir à leur frais dans son armée. Il s'attendoit bien témoigna
qu'ils ne
viendraient qu'à régret. Dez-qu'ils furent en sa présence, il leur
que son intention n'étoit pas de les engager par force, & que s'ils sincére-
avoient
de la répugnance à le suivre , ils pouvoient parler & lui exprimer
ment ce qu'ils pensoient.
Un de la troupe lui avoûa, que si la chose étoit laissée à son choix , il
préférerait de demeurer en Sicile, aux dangers d'une expédition en un pays
étranger. Scipion»lui dit qu'il pouvoit suivre son inclination, qu'il avoit un
jeune homme de bonne volonté tout prêt à le remplacer ; Donnez-lui vôtre
cheval & vos armes, conduisez-le chez vous, ayez-en soin & l'instruisez dans
tous les exercices propres à un Cavalier. A l'exemple de ce premier tous
les autres jeunes Siciliens. s'excusérent de servir & acceptérent la condi-
tion de donner leur cheval & leurs armes à autant de jeunes Italiens , qui
par ce moïen se trouvérent montez , armez & formez , sans qu'il en coûtât
rien au Consul.
Aprés cela il fit choix parmi les troupes qui étoient en Sicile des plus CXV.
Préparatiss
anciens soldats , sur tout qui avoient servi sous Marcellus au siége de Syra- de Scipion.
tuse,pour le suivre dans son expédition contre l'Afrique; 11 ramassa de gran- Lœlius paf-
des provisions de blé , fit radouber les anciennes galéres qui se trouvérent se en Afri-
dans l'Isle, & en donna la conduite à Lcelius, qui partit avec elles pour faire que.
le dégât sur les côtes d'Afrique. Il arriva de nuit devant Hippone. De grand Liv. 1.29.
matin il fit son débarquement sans rencontrer la moindre opposition; la ter-
reur se répandit jusque dans Carthage, où l'on dit que Scipion en personne
étoit arrivé en Afrique. On prit & dans la ville & au dehors toutes les pré-
cautions comme contre une ennemi si redoutable. Enfin on apprit la vérité.
Lœlius aprés avoir ravagé tous les environs d'Hippone, se rembarqua & se
disposa à repasser en Sicile.
Son départ fut retardé de quelques jours par l'arrivée du Roy Massinissa.
qui vint exhorter Lœlius à presser Scipion de passer en Afrique , lui disant
que l'occasion ne pouvoit être plus favorable ; Syphax ne s'étant pas encore
déterminé pour Carthage, & lui Massinissa étant tout prêt de joindre ses sor-
ces à celles des Romains,dez qu'ils seroient débarquez en Afrique. Lœlius partit
dez-le lendemain, & arriva heureusement en Sicile , où il raconta à Scipion
l'entretien qu'il avoit eu avec Massinissa.
Cependant Carthage prit toutes les précautions que la prudence luy CXVI.
suggéra pour se mettre en défense contre Scipion , lorsqu'il viendroit en Efforts de
, Elle fit partir des Ambassadeurs Carthage
Afrique. pour Syphax Roy de Numidie, pour em-
& po'Ur les autres Princes d'Afrique, afin de les engager à fournir du secours pêcher le
it Carthage. On en fit de même envers Philippe Roy de Macédoine, ennemi départ
des Romains. On lui promit deux cens talens d'argent, s'il vouloit passer en de Scipion
Afrique, ou porter la guerre en Sicile. On envoya à Magon dans laLigurie YOur Afrique.
vingt cinq galéres chargées de six mille hommes de pied de huit cens che-
,
vaux, & de sept Eléphans, avec de grosses sommes , pour lever des troupes
dans la Cisalpine ; On lui ecrivit de faire tous ses efforts pour joindre au
plutost son frere Annibal, & pour traverser de concert avec lui, autant qu'ils
poufroient, le depart de Scipion pour l'Afrique; Mais Magon, comme nous
l'avons veu, ne put rien exécuter de ce qu'on souhaittoit de lui, étant arrété
en Ligurie par les deux Généraux Romains Livius & Lucretius.
exvii. Pendant que Scipion travailloit aux préparatifs pour sa grande entreprise
Scipion se contre l'Afrique, il concut le dessein de prendre la ville de Locres sur Anni-
xend maî- bal. Quelques Seigneurs Locriens exilez de leur patrie & demeurant à
tre des Rhége avoient formé la résolution de remettre Rome en polièssioii de leur
Locres. ville. Le,
hazard leur en fournit l'occasion, un partie Romain ayant pris une
bande de Massons de Locres, les conduisit à Rhége. Ces artisans promirent
aux Seigneurs Locriens leurs compatriotes , de taire entrer les troupes Ro-
maines à Locres, si l'on vouloit leur accorder la liberté. On en informa
Scipion, qui envoya deux Tribuns Légionaires vers le Propreteur Pleminiu?,
afin qu'il conduisit trois mille hommes devant Locres au lieu & au tems qu'on
lui marqueroit. Il exécuta ponctuellement ces ordres & fut introduit par le
moïen des Massons, dans la citadelle de Locres qui regardoit la mer. La
garnison qu'Annibal avoit dans la place, se refugia dans une autre citadelle,
qui étoit de l'autre côté de la ville ;;de sorte que Locres étoit comme assiégée
d'un côté par les Romains, & de l'autre par les Carthaginois.
Ceux-ci informèrent Annibal de l'état où ils étoient réduits & Plemi-
,
nius en même tems pria Scipion qui étoit à Messine de lui envoyer du li>
,
cours. Ce Consul s'embarqua en personne, & se rendit secrettement à Loc-
res. Annibal l'avoit précédé & avoit fait donner un assaut à la ville ; Muis
comme il manquoit d'echelles & de machines, il avoit été obligé de se reti-
rer. Scipion fut reçu dans la ville, qui étoit dégouté des Carthaginois, An-
nibal dez le lendemain donna un second assaut à la place ; mais s'étant ap-
perçu que Scipion étoit à la teste des troupes Romaines , il se retira & or-
donna a ses gens, qui étoient dans la citadelle d'en faire de même ; Ainsi le
Consul Romain se rendit maître de Locres dont il laissa le gouvernement à
Pleminius, ,
CXVIIL Les affaires d'Espagne depuis le depart de Scipion, avoient changé de
Révolté de face. Les Roys Indibilis & Mandonius avoient repris les armes & avoient
Mandoni- engagé dans leur révolte quelques peuples du Leur,
armée étoit
& d'ln. autres pays.
us
dibilis en de trente mille hommes de pied & de quatre mille Chevaux. Les deux Pro-
Espagne consuls Acidinus & Lentulus réunirent leurs forces & marchèrent contre k*s
Ils son t dé- deux Princes, leur livrérent bataille, & Indibilis ayant été percé d'un javelot
faits par les & tué sur la place, les Espagnols prirent la suite dans lelpérance de
Proconsuls gagner
leur camp ; mais ils furent prévenus par les Romains, qui leur tuèrent treize
mille hommes leur firent huit cens prisonniers de guerre & pillèrent les
, Roys.
camps des deux
Mandonius rassembla ce qu'il put de soldats & délibéra avec eux sur le
parti qu'ils avoient à prendre; Mais ils déclarèrent qu'ils n'étoient plus d'hu-
meur à s'exposer aux dangers de la guerre , & qu'il falloir députer vers les
Proconsuls, pour leur demander la paix & des conditions tolérables. 'Les
Pro-
Proconsuls exigèrent qu'on leur livrât vivant Mandonius & les autres Chefs
de la revolte, que l'on payât double solde à l'armée Romaine , qu'on fournit
à chaque soldat un pourpoint , une saye & du blé pour six mois , & qu'on
donnât des ôtages tirez des trente peuples qui s'étoient revoltez , à ce prix
l'Espagne fut pacifiée, & on pardonna aux rebelles.
Le tems de l'élection des nouveaux Consuls approchant, & ni Licinius, CXIX.
ni Scipion ne se trouvant pas à portée de se rendre à Rome,Licinius nomma Q^Gaeeilius Dictetcur
pour présider aux Comices Cæcilius Dictateur; & l'on désigna pour Consuls GonfulsM.
M. Cornelius Cethegus , & P. Sempronius Tuditanus ; Cependant la peste Cornélius
qui avoit désolé l'armée Romaine dans le Brutium , & les orages qui avoient Cethegus
effrayé Rome pendant tout l'été, obligèrent à consulter les livres Sybillins.où & P. Sem-
pronius
l'on trouva que quand un étranger passeroit en Italie pour y porter la guerre Tuditanus.
on ne pourroit le vaincre ni le chassèr qu'en amenant en Italie Cibele ou la An de R.
mere des Dieux honorée à Peiununte dans la Galatie. Cette Divinité n'étoit 548. du M.
autre qu'une pierre informé , qu'on prétendoit être tembée du Ciel surie 3804.
mont Ida. Pour obtenir ce prétieux don, les Romains résolurent d'employer avant. J. G.
Attalus Roy de Pergame leur allié.
On fit donc partir une députation composée de cinq des principaux
ex#
196.

membres de la Republique , à la tête desquels étoitValerius Lœvinus , qui -Transport


autrefois avoit fait la guerre à Philippe Roy de Macédoine avec le Roy Atta- de laDées-
Cibele à
lus. Les Députez payèrent par Delphe, & l'Oracle leur dit qu'ils réiiÍliroi- se Rome.
ent dans leur députation ; mais qu'ils eussent soin à leur arrivée dans Rome,
de ne remettre le simulacre de la Déesse, qu'au plus homme de bien qui fût
dans la Republique. Le Roy Attalus accompagna les députez à Peffinunte
& obtint pour eux la pierre tant désirée. On la mit sur la principale des ga-
léres, & elle arriva heureusement à Rome. La difficulté fut de trouver le
plus homme de bien de tous les états Romains, demandé par l'Oracle. Le
Sénat après bien des délibérations se déclara en faveur de Publius Cornélius
Scipion surnommé Nasica, fils de Cneïus Scipio mort en Espagne, & cousin
Germain de Scipion, qui venoit de quitter le Consulat.
Nasica se rendit donc au portd'Ostie pour recevoir la Déesse à son dé- CXXL
barquement. Il fut suivi des Dames Romaines les plus respeétables par leur Cornélius Scipio Na-
vertu, quelques vestales les accompagnèrent, entr'autres Quinta Claudia Ve- fica estimé
stale d'une naissance illustre , mais dont les maniéres peu compoffées & un le plus
grand les avoient , homme de
trop amour pour parures ,
fait naître quelques soupçons
contre sa pudicité. Nasica monté sur une galère reçut le simulacre de Cibele bien les de
de la main des Prétres de Peffinunte, qui l'avoient accompagnée. Il s'avança tous Romains.
tranquilement vers le bord , & sans y penser vint échouër sur un banc de T.Li-v.1.29.
sable. On emploïa la force & l'industrie pour le dégager tout fut inutile, (a)
,
jusqu'à ce que la Vestale Quinta Claudia ayant prié la Deésse de faire Vide La-

3
dilliper les soupçons qu'on avoit conçus contre elle détacha sa ceinture, liant. 1. 2.

& tira sans effort le vaisseau du lieu où il étoit ensablé.


,
Evénement cé- l.C,s.IÇ).Augujl.
de
léb;e 00 les Peres de l'Eglise. Les païens Pont attribué à la vertu Civit. c, 16.

P-
connu par
miraculeuse de la mere des Dieux. Ovide (b), regarde le fait comme si cer-
tain qu'il est passé de l'histoire au théâtre. Tite Live n'en parle )it fit
*
* Il Ovid. Fuji,
I.4.Clauiii&
Exiguë ru- est croïable que les poètes tragiques 1 ont invente pour orner leurs poësie, &
nent Cona que les historiens l'ont tiré d'eux pour donner du relief & du merveilleux
mine tra- à l'arrivée de la Déesse à Rome.
xit. Mira, Elle fut portée partant d'Ostie à Rome sur un brancard richement paré,
fied& seena
teflificata, & dans l'appareil le plus pompeux. Les Dames Romaines tour à tour se
Luquar. firent un grand honneur de porter le brancard; les peuples des envirÓns ac-
coururent de tous côtez pour honorer la cérémonie. On prodigua l'encens
& les parfums; enfin la pierre sacrée futdéposée dans le temple de la vidoire
sur le mont Palatin. On fixa un jour pour célébrer sa sette on lui dressa un
,
banquet sacré, & on célébra des jeux soleinnels en son honneur.

LIVRE XXVII.

1. SEmpronius Tuditanus étoit absent, lorsqu'ilfut nommé Consul. Il ne


PSix avec revint à Rome qu'après avoir conclu la paix avec Philippe Roy de Ma-
Philippe cédoine. Ce Prince voyant les affaires d'Annibal désdpérées en Italie,
Roy de & la République de Carthage en danger de succomber sous les efforts
Macé-
doine. des Romains, avoitiait sa paix avec les Etoliens, qui étoÍentles plus puissans
An du de Tes ennemis, & nedésiroit rien tant que de sortir de la guerre qu'il avoit
Monde commencée contre les Romains. Sulpitius prédécesseur deSempronius avoit
3804. de sa négligence dérangé les affaires de la République dans la Gréce. Sem-
Rome 548- par
à Dyrrachium avec une flotte de trente cinq vaisseaux de guerre,
avant J. G. pronius arriva
196. chargée de dix mille hommes de pied & de mille Chevaux. Ce secours n'ar-
riva qu'après la conclusion de la paix de Philippe avec les Etoliens. Les
Epirotes alliez des Romains, étoientauffi las de la gùerre.que le Roy de Ma-
cédoine. Ils le prièrent de faire sa paix & la leur. il y acquiesça sans peine.
On s'assembla â Phénice çlâl1S la Chaonie, & les articles de la paix furent ar-
rétez.
lI. On y comprit du côté des Romains tous leurs alliez & tous ceux qui
Condi- s'étoient déclarez pour eux pendant la guerre, savoir: le Roy Attalus, le
tions (1ja Roy Pleurale, Nabis Roy de Lacédémone, les Eléens, leslliens, ou ceux
la paix dans Léordée, les Messéniens, les Athéniens, les Partheniens, Di-
avec le d'Ilion
Roy de male, Eugenie & Bargules. Philippe de son côté fit entrer dans le traitté
M-icd- Prusias Roy de Bithynie, l'Achaïe, la Beotie, la Thessalie , l'Acarnanie &
doinc. l'Epire. Sempronius lui rendit l'Alintanie; le tout sous le bon plaisir du Se-
nat, à qui l'on renvoya le traitté pour le confirmer En attendant on fit une
tréve de deux mois. Ainsy finit la guerre de Philippe Roy de Macédoine
contre la République.
Jil. Aprés cela Sempronius revint à Rome & entra en po{session du Consu-
Commen- lat. On laissa le jeune Scipion en Sicile, d'où il se disposoit de passer en
cement de Afrique. Lentulus & Acidinus demeurèrent en Espagne; Livius reCta aans
Porcius observer Magon, Licinius fut continué dans le
Caton. Il la.Gaule Cisalpine pour
Brutium
Brutium, pour commander les troupes destinées à combattre Annibal. Por- vient à Ro-
cius Caton l'ancieii fut envoyé en Sicile auprés de Scipion en qualité de me.
Quêteur ou de Trésorier. Porcius Caton étoit né à Tusculum d'une famille Plutarch.
honête, mais qui n'avoit jamais été honnorée des charges qui donnent un in Catane
rang dans la République. Il passa les premiéres années de son âge dans Majort.
l'exercice de l'agriculture,&dans l'etude de l'eloquence & de la plaidoierie,
qu'il exerça dans les bourgades des environs de Tusculum. 11 joignit à cela
une vertu austére, beaucoup d'équité & de valeur. L. Valerius Flaccus l'a-
yant connu à la campagne, l'engagea à venir à Rome, où appuyé de la fa-
veur de Valerius, il se fit bientost connoître par sa sagesse & par son courage,
& entra de bonne heure dans les honneurs militaires. Il fut Tribun militaire
& mérita d'avoir accés auprès du GrandFabius, par le crédit duquel il fut
envoyé Questeur en Sicile dans le tems que Scipion travailloit à ses prépara-
tifs pour passer en Afrique.
Caton étoit naturellement serré, & son education avoit augmenté son 1V.
penchant à l'epargne sordide; Scipion étoit d'un caractère tout différent, Caton ne ~

libéral, désintéressé, bienfaisant, aimant une dépense noble & bien placée, sympathise
il s'étudioit à gagner Paffeftion de ses soldars par des largesses & des bienfaits, pas avec
Scipion. Il
qu'il leur faisoit à propos. Caton s'erigea en Censeur de cette conduitte,& revient à
Scipion luy ayant témoigné qu'il ne se croyoit pas obligé à prendre ses avis; Rome.
Caton s'en retourna brusquement à Rome, & y fit eclatter son mécontente-
ment contre les profusions du Proconsul. Les jaloux de Scipion se joigni-
à
rent Caton & les Locriens étant venus en même tems faire de grandes plain-
tes contre Pleminius, que Scipion leur avoit donné pour Gouverneur, & qui
avoit exercé contre éux plus de rigueur que les Carthaginois mêmes, on fai-
soit retomber ces vexations sur Scipion qui avoit etabli Pleminius & qui le
soutenoit. Fabius Maximus Prince du Senat donna à ces accusations
odieux & les fit retomber sur le Proconsul. un tour
Plus d'un Senateur entrérent
dans sa passion ; on résolut enfin après une meûre délibération de faire venir
à Rome Pleminius pour se justifier sur les accusations formées contre lui
les Locriens, & d'envoyer en Sicile le Préteur Marcus Pomponius, dixCom- par
miflaires du nombre des Senateurs,avec deux Tribuns du peuple & Edile,
informer un
pour contre le Proconsul; & au cas qu'il se trouveroit coupable de
le renvoyer à Ronie. S 'il étoit deja parti pour l'Afrique, &
que par les in-
formations faittes en Sicile, on le trouvat coupable,les deux Tribuns, l'Edi-
le & deux Senateurs de la commission devoient se rendre Afrique, l'obli-
en
ger de quitter le commandement & de venir à Rome pour iustifier sa
conduitte.
D'abord les Commissaires se rendirent à Locres & firent arréter Plemi- V.
nius; il fut conduit àRhége enchaîné; on rendit aux Locriens ce qui leur Gommir-
ap-
partenoit, & on les remit en liberté pour vivre à l'avenir selon leurs loys. saires en-
Pour Scipion il attendit ses juges à Syracuse & ordonna à toutes ses troupes volez en si-
cite pour
& a sa flotte de s'y rendre ; il rangea son armée navale & son armée de examiner
terre
en bataille & leur fit faire l'exercice devant les Commissaires. Il les condui- ce qu'on
sit ensuitte dans les greniers publics, dans les arsenaux, dans les disoit cati-
magazins, tre scil)ioàlt.
dans
dans les chantiers, où l'on construisoit des vaisseaux & des machines pour
attaquer des villes. Les Commissaires furent ravis d'admiration en voyant tant
d'ordre, de discipline & de magnificence dans ces préparatifs. Ils comblérent
de louanges le Proconsul, & l'exhortèrent de passer au plutost en Afrique,
publiant par tout que si Carthage n'étoit pas invincible, elle seroit vaincue
par une si belle armée. Arrivez à Rome ils rendirent compte au Senat de ce
qu'ils avoient veû, & du bon etat des choses en Sicile, sur leur rapport leSe-
xaat rendit un arrêt pour hâter ion départ pour l'Afrique, avec pouvoir de
choisir parmi les troupes Romaines qui étoient en Sicile, celles qui lui paroî-
troient les plus propres pour son expédition.
VI. Sur ces entrefaites arriva à Syracuse un envoyé de Syphax Roy de Nu-
Syphax midie, qui détournoit Scipion de hâter son départ pour l'Afrique. Voicy ce
Roy de qui donna lieu à ce changement du Roy de Numidie qui jusqu'alors a voit
>Iumidie
epouse So- si
paru bien disposé en faveur de Scipion & des ,
Romains. Asdrubal fils de
phonisbe Giseon, que nous avons veu faire en Espagne un si grand personnage avoit
,
& se dé. une fille nommée Sophonisbe, qui passoit pour la plus belle personne & la
clare pour Princesse la plus accomplie de toute l'Afrique.. Asdrubal son pere l'avoit
Carthage. promise à Massinissa, & le mariage se seroit sans doute accompli sans le dé-
^
rangement des affaires de Massinissa. Ce Prince dépouïllé de sès etats & n'a-
yant plus d'espérance de les recouvrer que par le secours des Romains, de-
vint inutile à la République de Carthage & aux veuës d'Asdrubal. Ce der-
nier songea à donner Sophonisbe à Syphax, dont le royaume voisin de Car-
f
thage, pouvoit luy étre d'un grand avantage contre les Romains. Le ma-
riage fut sait & conclu, & Syphax à la priére d'Asdrubal écrivit à Scipion
qu'il le prioit de différer son expédition en Afrique, qu'autrement il seroit
obligé de rompre avec luy, & de prendre les armes pour défendre Carthage.
En même tems il luy apprit les engagemens qu'il venoit de prendre avec As-
drubal, en épousant Sophonisbe.
Vil Scipion sur le champ fit réponse à Syphax, qu'il fit attention à la dé-
Stratagéme marche qu'il alloit faire en se déclarant contre Rome ; qu'en cela il violoit la
de Scipion. foy publique &les droits sacrez de l'hospitalité ; en même tems il
il fait cou- renvoya
rir le bruit le
messager en Afrique & publia à la telle de son armée qu'il étoit invité à se
que Sy- rendre au plûtost en Afrique, que Syphax & Alaffiniflà luy faisoient entendre
phax l'in- que s'il différoit son départ, ils seroient obligez de se déclarer pour Carthage;
vite àpas- qu'ainsy il ordonnoit à toutes ses troupes tant de terre que de mer de se trou-
ser prom-
tement ver au premier jour à Lilybée. Il fut obeï & il se rendit dans cette ville &
si grande quantité de navires & de galéres & une si grande
en Afrique. dans son port une
multitude de soldats, quem la ville ni le port ne les purent contenir. Tous
s'empressoientà aller combattre avec luy contre Carthage,on remarque qu'il
choisit entr'autres les Légions qui avoient fui dans la bataille de Cannes. C'é-
toient de vielles troupes que le Senat avoit confinées en Sicile, sans en pou-
voir sortir pendant qu'Annibalseroit en Italie. Elles avoient toujours été dans
l'exercice de la guerre, & elles regardoient leur passage en Asrique comine
la fin de leur exil, & une occasion de rétablir leur honneur & leur réputation
pétrie depuis tant d'années.
Lœlius
Laelïus ami de Scipion fut chargé du gouvernement de la flotte ; il fit VIII.
monter sur les vaisseaux les gens de mer , puis il embarqua les troupes de Départ de
terre. Quand tout fut disposé sur les vaisseaux, Scipion fit avancer sa flotte pourl'Aftfr
Scipion
en cet ordre; Lui & son frere Lucius prirent le commandement de Pâlie droite, que.
composée de vingt vaisseaux de guerre-. Lælius & Caton de retour en Sicile,
pour y faire l'office de Questeur, commandèrent l'aile gauche composée aussi
de vingt vaisseaux de guerre. Le corps de bataille étoit compote de tous
les bâtimens de transport qui suivoient l'armée. La nuit qui précéda le dé-
part, il y eut ordre d'allumer trois fanaux sur chaques galeres, qui portaient
les Commandans; deux fanaux sur chaque flute, & un fanal sur chaque bar-
que. Jamais on n'avoit veurien de si brillant. Tous les bords de la Mer étoient
chargez de speétateurs, tant des environs, que des villes voisines,pour voir ce
spectacle. Dez-qu'il fut jour, Scipion placé sur la poupe de sa galére fitaux
l)i?ux la priére solemnelle pour l'heureux succés de son voyage. Après
quoy ayant fait egorger une vidime, il en jetta les entrailles dans la Mer, &;
donna le signal pour lever l'ancre & pour partir. 11 arriva heureusement au
Beau-Promontoire, & y fit débarquer ses troupes.
Cependant Rome n'étoit pas sans inquiétude au sujet d'Annibal & de lX.
Magon l'on frere, dont l'un étoit à l'extrémité de l'Italie dans le Brutium & On empê-
, che Magon
l'autre dans l'autre extrémité du même pays dans la Ligurie, où il attendoit de se join-
l'occasion de se joindre à Annibal. Les Consuls de l'année tirèrent au sort dreà Anoi-
leur département. L'Etrurie echut à Cethégus, & le Brutium à Sempronius. bal.
Ce dernier eut ordre d'agir contre Annibal, & Cethegus contre Magon ; On
donna pour ajoint à Cethegus le Proconsul Publius Licinius & à Sempro-
nius un autre Licinius, chacun avec une armée, pour agir de concert avec les
Consuils.
Sempronius ne fut pas plûtost arrivé dans le Brutium, qu'il marcha vers X.
Crotone, où Annibal étoit campé. En chemin Annibal vint tomber sur son Avantages dé Sem-
armée, & lui tua douze cens hommes, puis se retira. De son côté le Consul pronius sut-
envoya dire au Proconsul Licinius de joindre son armée à la sienne. Avec AnnibaL
ce renfort il présenta le combat à Annibal ; On se battit avec beaucoup de
valeur, mais le Carthaginois eut du dessous. Il perdit dans l'a&ion plus de
quatre mille hommes, trois cens prisonniers & onze étendards. Annibal qui
n'avoit nulle ressource dans le pays, se retira à Crotone, & ne parut plus en
campagne. Sempronius prit quelques places dans le Brutium & revint à
Rome.
Cethegus ne combattit pas Magon parceque ce frere d'Annibal n'ôsa JCI.
, Animosité
bazarder la bataille, mais il réprima ceux des Etruriens qui avoient des intel- scandaleu-
ligences secretes avec l'ennemi, & retint les peuples de ce pays dans l'obéïs- se desdeux
rance de la Republique. Les deux Censeurs Livius Saiinator & Claudius Censeurs
Nero firent éclatter leur animosité particuliére dans des réformes de Cheva- l'un contre
liers Romains, où il parut beaucoup plus d'aigreur que d'équité ; ces deux l'autre.
grands hommes s'étant flétris & dégradez l'un l'autre d'une saçon scandaleuse.
Dans le dénombrement Qu'ils firent du Deuole Romain, ils comntérent denr
cens quinze mille hommes en état de porterles armes. Tel étoit l'état des
affaires de là Republique en Italie.
Xll. Le jeune Scipion attiroit l'attention de toute l'Afrique, de la Gréce de
Guerre de l'Espagne & de l'italie. On regardoit justice ion entreprise ,
Syphax & avec , comme le
de Meze- coup décisif pour la supériorité de Rome sur Carthage, s'il réuflissoit ; ou de
tule contre Carthage sur Rome, s'il succomboit. Les-deux Roys de Numidie Syphax
Massinissà. & Massinissa, aprés avoir été longtems ,
s'étoient reconciliez du
T.Lw.l.zg. moins en guerre , ,
Zonar. /. en apparence. Il faut reprendre cette histoire d'un peu plus haut.
jippian. in Elle mérite attention. Syphax & l\1Iezetule liguez avec les Carthaginois at-
Punieis. taquérent Massinissa, qui quoique dépouïllé des Etats de ses Peres, avoit eu le
credit de lever une armée de vingt mille Cavaliers Numides, mais sans Infan-
terie. Il est aisé d'entretenir en ce pays-là de la Cavalerie. Les chevaux le
nourrissent à la campagne pendant toute l'année, & se nourrissent de peu,
demeurant quelque fois une journée entière, sans manger ni boire. Les Ca-
valiers Numides ne coûtent guéres plus à entretenir. Ils vont en campagne
sans provision, & faute d'autres alimens ils se nourrissent d'herbes & de ra-
cines.
Mezetule régnoit dans le Royaume que Massinissa prétendoit lui appar-
tenir; mais ce n'étoit pas lui qui l'avoit usurpé sur Massinissa. Mezetule
avoit vaincu & fait mourir Capusa neveu ,de Massinissa & fils de Desalcés sort
Oncle. Il épousa la mere de Capusa, qui étoit nièce d'Annibal par sa soeur,.
& s'empara du gouvernement sous le titre de tuteur du jeune Lacumacés, sé-
cond fils de Deialcés & de la nièce d'Annibal.
JCW. Les Carthaginois, Syphax & Mezetule s'étant donc liguez contre Mas-
Massinissa sinissa, firent marcher contre luyune nombreuse armée de
gens de pied & de
rentre Cavalerie. Massinissa n'avoit garde de se commettre, ni de livrer bataille.
dans la
)OU!tIance Toute son application étoit de les harceler, & de leur derober la connoif-
du Royau- sance des lieux où il le retiroit; souvent il venoit pendant la nuit fondre sur
me de ses les villes ouvertes, ou sur les villages, dont il partageoit le pillage à ses trou-
Ancêtres. pes;. d'autrefois il faisoit exécuter les ordres qu'il donnoit la nuit à l'es gens,
sans s'y trouver en personne, craignant les embuches de ses ennemis. Un
jour il battit l'escorte qui conduisoit le jeune Roy LaCU111acés dans les Etats
de Syphax; mais ce jeune Prince eut le bonheur de lui échaper. Les suc-
cés & la réputation de ses armes lui attirèrent grand nombre d'anciens sul#
dats qui avaient servi sous le Roy G.'la san Pere & en peu de tems il sj
,
trouva à la tête d'une armée capable de livrer bataille à ses ennemis. Il vain-
quit LVlezetule, qui se refugia avec fonPupile chez les Carthaginois ; & l'laC:'
sinissa par ce moïen remonta sur le Trône de ses Peres ; puis il se reconcilia
avec Mezetule & Lacumacés, qu'il reçut dans ses Etats, pour y vivre tranqui-
lement dans la jouïssance de leurs biens. #
XLV-
Syphax pressé par Asdrubal, attaqua à son tour l\taffinisf], le dent & l'ob-
Syphax ligea à le retirer sur une montagne, ou il vécut quelque tems avec ses pro.
s'empare pres Pâtres. Syphax s'empara de ses Etats & meprila Massinissa , qui n'avait
ries Etats ni troupes, ni argent, ni places pour se retirer mais qui ne laissa pas de ra-
de Malli- jnaifër assezde monde ,
giaàl autour de lui, pour faire d'abord des courtes nodurnes
' dans.
m
dans les campagnes & dans les bourgades des environs, & ensuîte d'envoyer des
partis sur les terres des Carthaginois. Ceux-ci priérent Syphax de réprimer
ces coureurs, qui désoloient & dépeuploient toutes leurs campagnes. Syphax
envoya contre Massinissa un de ses Officiers Généraux nommé Bocchar, qui
surprit Massinissa sur sa montagne pendant que ses troupes étoient éparses
,
par les champs. Massinissa battu & défait, n'échappa qu'avec peine, accom-
pagné de cinquante Cavaliers. Bocchar le poursuit & l'oblige de se battre
dans les plaines de Clupée. Il s'échappe encore, n'ayant plus que quatre Ca-
valiers avec lui ; encore en perdit-il deux au passage d'une rivière.
Il se cacha dans une caverne tout blessé qu'il étoit; On le crut mort, & XV
Massinissà
on cessa de le poursuivre. Dez-que sa plaïe fut guérie, il reprend le chemin est défais
de ses Etats, & rassemble environ quarante Cavaliers. Avec cette troupe ilse &blessé.
montre sur les frontières de Numidie. Bientost il se vit à la tête de six mille Il a un cft-
hommes de pied, & de quatre mille Chevaux, avec lesquels il porta la terreur tretien
dans les terres des Carthaginois, & jusque dans le Royaume de Syphax. Ce- avec Lat?
lui-ci marcha contre lui ; envoya son fils Vermina pour le prendre par der- Jms.
riére, pendant que lui-même l'attaqueroit de front. Massinissa fut entiére-
ment défait, & poursuivi par Vermina; mais il échappa à sespoursuites, & se
rendit avec seulement soixante Cavaliers au port le plus proche de la petite
Syrthe, où il eut avec Lælius l'entretien dont on a parlé ailleurs.
Carthage craignoit toujours la valeur de Massinissa quoique détrôné X VI
,
& fugitif ; Asdrubal engagea Syphax à se reconcilier en apparence Mas- Syphax
avec feint d'a.
sinissa, & à lui rendre ses Etats. Ces deux Princes jouirent des personnages voir du
fort differens; Syphax feignit d'avoir let inclinations Romaines, & Massinissa penchant
de les avoir Carthaginoises ; pendant que l'un & l'autre penchoient l'un sa- pourRomc.
voir Syphax, pour Carthage ; & IVlaffinifIa.pour Rome. Voila l'état où Sci- & Mafli-
nissa pour
pion trouva ces deux Roys Numides en arrivant en Afrique. Carthage.
L'epouvante fut extréme sur toutes les côtes d'Afrique lors qu'on y vit XVII.
,
arriver une flotte biaucoup plus nombreuse que toutes celles qu'on y avoit Arrivée de
veuës jusqu'alors ; & une armée commandée par un Général, dont la sagesse SAfrique. ci pi an en
& la valeur n'étoient que trop connuës à Carthage. Cette ville prit d'abord Ses
les précautions comme si l'armée eût été à ses portes. Scipion fit avancer sa mierspre- ex-
fiotte versUtique; pendant que son armée de terre la côtoyoit à quelque di- ploits dans-
stance de la Mer. Hannon Carthaginois fut envoyé à la tête de quelques trou- ce oays.
pes pour traverser la deseente des Romains. Il tomba sur un parti qu-ifou-
rageoit dans la campagne ; Mais le Carthaginois fut tué, & sa troupe taillée
en pièces; Après cela Scipionattaqua la ville de Loche. Les Bourgeois de-
mandèrent qu'on leur accordât la vie & la liberté de se retirer. Scipion
,
l'accorda sans peine; mais lp soldat avide du pillage,de concert avec les Cen-
turions, forcérent la ville & la pillèrent. Le Général punit les Centurions,
donna la liberté aux Citoyens de Loche qu'on trouva en vie & on envoya
,
en Sicile le butin que les soldats avoient fait dans la ville.
Dans ces entrefaites Massinissa vint sécretement conférer avec Scipion. XVIIl.
Il convint de demeurer encore quelque tems attaché extérieurement au parti dans MaflîuilTà
des Carthaginois, en attendant l'occasion de se déclarer utilement pour les- entrevue une
srcà Scipi- Romains , lorsqu'il auroit conduit les Carthaginois dans quelque piège. II
on , prend ne différa pas à le faire; il persuada à Asdrubal Général de l'armée Carthagi-
secrete- noise, d'envoyer Ton fils Hannon avec un détachement de mille chevaux &
mentle
parti des de quelques hommes de pied, pour rassurer ceuxd'Utique , que Scipion mé-
Romains. naçoit d'investir. Hannon marcha sans défiance vers Utique, & donna dans
Appian. in une embuscade de cinq mille Chevaux que Scipion instruit par Massinissa,
Punicis. avoit posté sur sa route.. Le jeune Carthaginois fut fait prisonnier
Zonar. 1. ç,. avec qua-
tomparez tre cens
sbldats;tout le reste fut passé au fil de l'épée. Depuis longtems la
T.Liv.I.29. Mere de Massinissa étoit détenue captive entre les mains du Roy Syphax ;
qui ejiajjez Massinissa fut charmé de tenir le jeune Hannon pour gage de la vie de sa
différent Mere, &
d'Appian* pour faire un échange de l'un avec l'autre. Ainsi rien ne l'empêcha
plus de se déclarer ouvertement pour les Romains.
XIX. Asdrubal & Magon étoient à la tête de l'armée Carthaginoise, ; Syphax
Asdrubal ne se déclaroit pas encore pour Carthage; ilse donnoit pour médiateur entre
cst battu. les deux Republique1, menaçant de prendre parti contre celle qui refuseroit
Utique de faire la paix. Scipion sans s'effrayer du grand nombre des Carthaginois
aflfégéc»
& des forces de Syphax poussoit ses conquêtes prenoit des villes & des
,
bourgades & faisoit un grand butin. Asdrubal lui, livra bataille; Magonl'at-
taqua de front, & Asdrubal le prit en queue. Les Romains firent face des
deux cotez tuérent sur la place cinq mille Africains,& firent dix-huit cens
prisonniers. , Aprés cette victoire Scipion assiégea Utique par mer & par
terre. Aprés Carthage Utique étoit la plus forte & la plus riche de toutes
les villes qui obéïssoient à Carthage. Le Général Romain en voulait faire la
place d'armes dans l'Afrique. On employa dans ce siége de part & d'autre
tout ce que l'adresse & la force avoient alors mis en usage pour prendre &
pour défendre les villes.
XX. des conditionsSyphax faisoit toujours le personnage de médiateur, & proposoit même
Syphax de paix entre les deux Republiques. Son dessein étoit d'amu-
veut déta- ser Scipion, & de donner aux Carthaginois le loisir d'equipper leur flotte.
cher Mafli- Voyant que Scipion ne prenoit pas le change, & qu'il poussait toujours avec
nissa du vigueur le siége d'Utique, Syphax envoya secretement vers Massinissa, pour
parti des
4iamains» lui offrir les conditions les plus avantageuses ; de lui faire époufer celle de
ses trois filles qu'il aimeroit le mieux, & de le rétablir dans la joui'flànce de
ses Etats. Il donna même commission au cas que Massinissa n'accepteroit
point ces conditions, de corrompre à sorce , d'argent quelqu'un de ses dôme-
Itiques pour l'empoisonner. Un serviteur d'i Massinissa feignit d'entrer dans
le complot, reçut l'argent & promit tout ce qu'on voulut; Mais il découvrit
l'intrigue à son Maître ; Aprés quoy Syphax ne ménagea plus rien avec les
Romains. Il prit la ville de Tholus, & passa au fil de l'épée la garnison Ro-
maine,. qui étoit dans la place. Scipion sentant l'hyver approcher, leva le
siége d'Utique, qui duroit depuis quarante jours, & alla camper sur un Pro-
montoire, à l'abry duquel il mit sa flotte en seûreté.
XXI Les deux Consuls de l'année suivante furent Cn. Servilius Cœpio & C..
.CneïusSer-
riliusGse- Servilius Geminus. On continua Scipion dans l'Afrique avec sa qualité de
yio^ & C. JProcoflluI* qui lui fut prorogée jusqu'à la fin de la guerre, & on eut soin que
ci
ni luy ni ses troupes ne manquaient ni deprovisions ni d'habits, ni de mu- Serviliua
nitions, ni d'armes. Pendant le quartier d'hyver, Scipion e{[aïa-de dégager Gcminus
Syphax du parti de Carthage, & luy fit faire des propositions de paix. Le Consuls.
Roy Numide demanda toujours pour préliminaire, que Scipion quittât l'Afri- An de Ro-
me ,)0..
que, & que Carthage rappellât Annibal de l'Italie. Scipion n'avoit garde de duMonde
sortir d'un pays où il espéroit d'aquérir une gloire immortelle. Cependant ? 806. avant
il crut pouvoir mettre à profit les liaisons qu'il avoit avecJSyphax ; il y envoya J. S. 194.
plus d'une sois des députez, avec ordre d'observer la disposition des camps Scipion sait
observer
d'Asdrubal & de Syphax, qui étoient peu éloignez l'un de l'autre. Ses gens l'état & la
luy rapportérent que les baraques des Africains n'étoient couvertes que de dispositioa
joncs, ou de chaumes, & seulement construites de bois , que celles des Nu- du camp
mides n'étoient composées que de clayes couvertes de nattes ou de feuïllages; de Syphax
étoient placées sans ordre te hazard, le fer- & des Car-
que les unes & les autres au que thaginois.
vice s'y faisoit avec assez peu de précautions; enfin, comme les Ambassadeurs
y retournèrent plus d'une fois, on leur donna pour escorte & pour dome-
itiques des Centurions & d'autres Officiers déguisez en valets, avec ordre de
tout observer, les entrées & les avenues du camp, la hauteur des remparts,
la profondeur des fossez. Pendant tout ce tems on gardoit la trêve de part
& d'autre,& l'on feignoit du côté des Romains de souhaitter ardemment la
paix.
Les Carthaginois formérent difficultez sur difficultez, & enfin on se sé- XXII
para sans rien conclure, & la guerre recommença. Scipion fit fortifier le Scipion va
attaquer
tertre dont il s'étoit emparé l'année précédente en faisant le siége d'Utique, le camp
& on ne douta pas même dansson camp, qu'il ne dût retourner devant cette des Car-
place. Il n'en avoit nulle envie; sur le midy ayant convoqué ses troupes, thaginois»
il leur déclara qu'il étoitrésolu d'attaquer la nuit suivante^e camp de Syphax;
que chacun eût à prendre de la nourriture,& à se disposer à partir au premier
sonde toutes les trompettes.&de se munir de matiéres propres à mettre le feu
au camp des Numides. On partit à neuf heures du foir. Scipion après avoir
sacrifié à l'audace & à la crainte, donna le commandement d'une partie de ses
troupes à Massinissa, & l'autre à Lasiius, avec ordre de mettre le feu au camp
de Syphax, le réservant luy-même avec le corps qu'il commandoit, d'attaquer
le camp d'Asdrubal, lorsqu'il verroit la flamme s'élever du camp du Roy de
Numidie.
Les deux camps des ennemis étoient environ à soixante stades, ou en- XXIII.
viron trois lieues de celui des Romains. ^ On arriva au camp de Syphax sur Scipion
le milieu de la nuit. Laelius d'un côte & Massinissa de l'autre forcèrent le met le feu
camp deSyphax & y mirent le feu. La flamme s'y communiqua dans un mcy- desCasdU* au camp
ment d'une tente à l'autre, dans toutes les parties du camp. Les soldats derni- gÍnoil.
endormis croïant que cet incendie etoit l'effet du hazard, accourent demi-
nuds pour l'eteindre. Les autres sont etouffez & brûlez dans leurs lits & dans
leurs baraques ; Massinissa & les siens font main baffe sur tout ce qu'ils rencon-
trent. Ceux qui veulent se sauver, tombent entre les mains des soldats de
Loelius, qui ne leur font aucun quartier. On ne voit de toutes parts que
trilles images de la mort.
XXIV. Du camp d'Asdrubal on apperçoit les flammes, &
on entend les cris
Défaite de des mourans. Chacun s'empresse d'y accourir; mais Scipion qui s'étoit
l'armée rendu
entre les deux camps, fait main bafse sur tout ce qui le présente. Il intto-
d'Asdru- duit ensuite
bal. dans le camp d'Asdrubal des soldats, qui y causent le même in-
cendie & le même désordre qu'on voyoit dans celuy de Syphax. Tout périt
y
par les flammes, hommes , Chevaux, Eléphans. Ceux qui cherchent la vie
par la fuite, rencontrent la mort dans la campagne par les armes des soldats
Romains. A peine de ces deux camps où l'on comptoit plus de
mille hommes, s'en sauva-t'il deux mille hommes de pied & cinq quarante Che-
les deux cens
Chefs Syphax & Asdrubal. On prit cent soixante quatre
vaux, avec
étendards,& deux mille sept cens Chevaux Numides,
Scipion ne perdit qui environ cent hommes dans cette action. avec iix Eléphans.
On dit que ce
Général sacrifia à Vulcain & consuma par les flammes tout
pris dr'ns les deux camps,, sàns épargner ni les hommes, ni les ce qui avoit été
animaux.
XXV: Scipion poursuivit Asdrubal, qui s'étoit enfermé dans la ville d'Anda.
Asdrubal D'abord il s'étoit disposé à defendre la place;
se retire
mais ayant remarqué de l'irré-
à Anda.
solution dans les Bourgeois, il se retira à Carthage, ou il sut djns lessen-
timens de reçu
il est con- tristesse & d'abbattement qu'on peut s'imaginer après telle
damné à .perte. Toute la ville étoit dans la derniére coniternation, & l'on
une
mort. serieusement à songer à la paix, ou à rappeller Annibal commença
Polyb. I.14. pion. Cependant la faction pour l'opposer à Sci-
Tit. Liv. qui étoit pour soûtenir la guerre & pour laisser
J. 29.
Annibal en Italie, prévalut. Asdrubal fut condamné à mort, pour avoir mai
conduit l'armée de la République; mais il ne se sournit pas à cet arrêt. Il se
maintint dans le. commandement, & ayant rassemblé trois mille Chevaux &
trois mille hommes de pied, il tint la campagne & y fit subsister sa petite
La Republique Hannon ar-
mee. nomma fils deBomilcar, pour commander les
Appian. in armées, mais il fit si peu de figure & d'exploits,qu'il eit
Punicis. les Historiens.
presque oublié
par
XXTTl. Pour Syphax aprés l'incendie de con camp, il se retira dans la ville
Syphax & d Abba a (sez proche de Carthage, où il rassembla -ce qu'il put de Numides qui
Asdrubal
se retirent
étoient echappez à l'epée & aux flammes. Asdrubal se joignit à lui, & quatre
à Abba mille Espagnols, dont on vantoit beaucoup la valeur. Toutes ces troupes
proche réiinies sormèrent une armée capable de tenir la campagne, & de s'opposer
Carthage.
Tit. Liv. aux desseins de Scipion. Ce dernier étoit retourné au liège d'Utique, où
I. 90. ayant appris que les ennemis au nombre d'environ titnte mille hommes,
etoient campez dans une grande plaine, eloignee d'Utique d'environ cinq
jours de marche, il résolut de les aller attaquer.
XXVII. Il arriva à portée de leur camp & leur présenta la bataille. Deux jours
Seconde se passérent en escarmouches ; le troisiéme jour le combat se donna. Scipion
défaite de commandoit les Légions placées au corps de bataille. Massînissà avec sa Ca-
Syphax &
d'Asdru- valerie Numide d'un côté, & Laelius avec sa Cavalerie Italienne de l'autre,
bal. commandoient les deux aîles. Les deux ailes d& la Cavalerie Africaine furent
commandées par Syphax & par Asdrubal; le centre de la bataille étoit occupé
par les Celtiberiens ou Espagnols, qui passoient pour invincibles, & n'avoient
d'esperance que dans la viCtoire. Ils la conteflérent longtems aux Romains,
&
& par leur resistance ils donnèrent le tems à Syphax & à Asdrubal de se fau-
ver sans étre poursuivis par les Romains. *
Aprés ces deux vidoires il sembloit que Scipion auroit dû aller aill'éger XXVIII.,
Carthage. Cependant le conseil de guerre fut d'avis de s'emparer de toutes Prise de
les places des environs de Carthage, & en particulier de celle de Tunis. Elle Twnis par
fut prise sans résistance, la garnison Carthaginoise l'ayant abbandonnée à I'ap,- Scipion.
Ou attaque
proche de l'armee Romaine. Carthage trembloit, & n'ayant plus d'autre la flotte
ressource, elle avoit envoyé ordre à Annibal & à Magon de se rendre incef- Romaine.
samnlent en Afrique. En même tems on résolut de faire partir la flotte qui
étoit au port de Carthage, pour aller invertir & brûler celle des Romains,
qui étoit encore à l'abry du Promontoire où elle avoit passé l'hyver. Heu-
reusementScipion apperçut de la hauteur de Tunis le mouvement de la flotte
Carthaginoise. Il la prévint & sauva ses galères, en les mettant à couvert
dans le fond du port, pendant qu'il faisoit front
avec une multitude de flû-
tes, débarqués & de petits vaisseaux, qu'il joignit ensemble avec des cables,
& jetta par dessus des ponts de planche, sur lesquels il rangea environ mille
hommes armez de javelots, avec ordre de les lancer contre les eiinemis,
quand ils seroient à portée. En même tems il employa les balistes, les
;
tapultes & autres machines destinées à faire des siéges, & qui étoient alors
iur les plus fortes galères il les employa a lancer des traits & des pierres
tre les vaisseaux Carthaginois.
ca-
con-
»^s<^rU^a^ commandoit la flotte Carthaginoise, n'avoit pas fait toute XXIX.
j
la diligence qu'il auroit du faire pour surprendre la flotte Romaine. Il la Asdrubal
trouva rangée de la maniere que nous venons de dire,& ne put l'attirer remporte
en
pleine mer pour lui livrer batailles issut oblige de l'attaquer dans le port, & quelqu'a-
le premier jour il ne remporta aucun avantage. Le second jour il réussît à vantage
racher & désunir à sorce de harpons quelques vaisseaux Romains, qui for- ar- sur la flotte
Roinaiae-
moient la première escadre ; mais il trouva dans le reste de la flotte tant de
réfiHance, qu'il fut obligé de se retirer à Carthage, luy six
emmenant
vaisseaux de transport détachez de la flotte Romaine. C'était beaucoupavec
Scipion d'avoir pu conserver sa flotte, qui étoit si foible, comparée à pour celle
des Carthaginois, & Asdrubal compta pour beaucoup d'avoir entamé Scipion,
& d avoir remporte sur lui un leger avantage.
Cependant Maslmisfa & Lælius étoient à la poursuite de Syphax En XXX.
quinze jours de marche ils penétrérent dans les terres de Massinissa. Ce Prin- Syphax &
ce rentra sans peine en possession de ses Etats; ses sujets le reçurent ioye, son fils
avec
il en sorma bientôt une nombreuse armée, Syphax beaucoup plus puis. sont faits
sant encore en nombre d'hommes & prisonniers
en Chevaux, présenta la bataille à Mas- de guerre^
liniiia. (Jn se battit a la maniéré du pays, voltigeant & en caracollant;
en
mais quand Lælius fut arrivé avec ses Légions, la face du combat fut chan-
gée, & les troupes Numides qui ne savoient pas combattre de pied ferme
furent presque aussitost mises en déroute. Syphax lui-même & de ses fils
furent faits prisonniers par Massînissa. un
Sans perdre de tems Massinissa marcha diligence avec sa Cavalerie XXXI.
en
vers Cirthe Capitale du Royaume de Syphax, & Lxlius le suivit plus fente.. Psife de
meiif- ca-
patate de ment avec ses Légions. Dez-que les Grands du Royaume eurent Yeu leur
Numidie. Roy dans les liens, ils ouvrirent les portes à Massinissa, & ce Prince se saisit
Massinissa de tous les polies de la ville. Sophonisbe Epouse de Syphax s'étant renduë
épouse So- à luy, & Payant conjuré de
pboaisbe. ne la pas livrer aux Romains, le Roy luy donna
la main, & pour la tirer de la captivité où les loys de la guerre l'avoient ré-
duite, il la prit pour Epouse, espérant par-là la soustraire aux prétentions &
de Scipion & de Lselius. Laelius n'approuva pas le procédé de Massinissa,
mais il auroit été contre la prudence de lui ôter ce qu'il aimoit plus que lui-
même; il se contenta d'envoyer Syphax à Scipion, & luy remit la décision de
ce qui regardoit Massinissa.
XXX 11. L'armée Romaine regarda comme un triomphe l'arrivée de Syphax au
Massinissa
camp du Proconsul. Il y fut reçu par Scipion avec beaucoup d'humanité &
quitte So-
phonisbe. de politesse; le General Romain l'entretint souvent, & le consulta sur les af-
Elle se faires d'Afrique; Syphax rejetta la cause de son attachement pour Carthage
donne la & de tous ses malheurs sur sa femme; peu de jours aprés arrivèrent au camp
mort. Lælius, Massinissa & sa chere Sophonisbe. Scipion dissimula d'abord la peine
Liv. J. 30. luy faisoit ce mariage contracté avec tant de précipitation, & les inqui-
Appian. in que
Punicis. études que luy donnoit une femme Carthaginoise & fille d'Asdrubal au milieu
Zonar. 1. 9. de son camp. Il s'en ouvrit à Massinissa luy-même, & luy persuada de se dé-
tacher de Sophonisbe. Quelque grand que fut ce sacrifice, Massinissa n'hé-
sita point de le faire. Il alla annoncer à son Epouse l'arrêt du Proconsul. Elle
n'en parut nullement effrayée. Elle se fit préparer du poison, & le prit en
disant qu'elle s'estimoit heureuse de mourir libre, & d'éviter par sa mort les in-
sultes des Romains & les horreurs de la captivité. Massinissa lui fit des ob-
séques dignes de la Majesté Roïale.
XXXllI. Ce Prince auroit pu dans les transports de sa douleur se porter à quelque
Se i pi o n. extrémité. Scipion le consola, le soutint, le retint auprès de luy,l'entretint
donne le agréablement, & le lendemain pour faire diversion à là tristesse, il convoqua
nom de toute son armée avec celle des Numides, & ayant loué la valeur des troupes
Roy à Mar. Massinissa le num de Roy, le combla de
sinissa & le Romaines & Numides, il donna à
comble louanges, & luy,fit présent d'une couronne d'or , d'une couppe de même
d'hon- meta!, d'une chaise Curule , d'un bâton de commandement garni d'y voire,
neurs. d'une robbe en broderie, & d'une tunique ornée de palmes. C'étoient les
marques d'honneur que Rome accordoit aux triomphateurs, & que jusqu'
alors elle n'avoit accordé à aucun Prince étranger. Laelius ne fut pas oublié
dans la distribution des recompenses militaires; on lui donna une couronne
d'or. Peu de tems aprés il partit pour Rome , menant avec luy le Roy Sy-
phax, son fils Vermina & les principaux captifs faits en Numidie.
XXXIV. Asdrubal outré de douleur & de ressentiment parla mort de sa fille, &
Asdrubal la captivité de son gendre le Roy Syphax, cherchoit tous les moïens de s'en
veut faire venger sur Scipion. Il corrompit à force d'argent quelques soldatsEspagnols
mettre le quiservoient dans l'armée Romaine,pour les engager à mettre le feu pendant
fcu au
camp de la nuit aux tentes du Général des troupes
Romaines. Un domeltique d'un
Scipion. Chevalier Romain ayant découvert le complot, en donna avis à son Maître,
uîppian. in qui le découvrit à Scipion. Les Aruspices, soit par le secret de leur art, ou
par
<
par !e moïen d'un mauvais Genie, découvrirent la même conspiration,& don- Liv, l, 3<M
nèrent avis en même tems à Scipion, de se précautionner contre un incendie
dont-il étoit menacé. On prit les coupables, on les fit mourir, & on jetta
leurs corps hors du camp. Asdrubal avoit invité Hannon Général des trou-
pes de Carthage à se joindre à lui, pour venir attaquer le camp des Romains
pendant le trouble que devoit causer l'incendie projetté; mais Hannon aïant
appris que le coup étoit manqué, n'eut garde de s'avancer ; il publia même
qu'Asdrubal ne s'étoit approché du camp de Scipion que pour se rendre à
lui, & qu'il s'en étoit retiré surie refus qu'avoit fait le, Proconsul'de le rece-
voir. Ces faux bruits rendirentAsdrubal ociieux, & à ses troupes & auxCar-
thaginois.
Depuis la prise de Syphax & la conquête de la Mauritanie Carthage XXXV.
n'avoit plus d'espérance que dans Annibal & dans Magon son frere., En at- LesCartht*
tendant reur retour en Afrique , le Senat Carthaginois résolut d'amuser Sci- ginoisde feig-
nent
pion par des négociations feintes , & des propositions d'une paix simulée. souhaiter
On envoya donc auProconsul, qui étoit campé prés de Tunis, une ambassade la paix,
composée de trente des principaux Sénateurs de la Republique Carthaginoise. pour amat
Ils parurent devant Scipion dans la posture la plus refpedueuse., & lui parlé- 1er Scipi-
rent dans les termes les plus sournis. Le Proconsul leur repondit avec la on.
-
dignité & la hauteur, qui convenoient à sa qualité, & à l'état de prospérité,où
il se trouvoit. Il leur proposa de rendre à Rome tous les prisonniers de
guerre, les transfuges & les esclaves qui s'étoient retirez dans leurs terres, de
retirer leurs troupes de l'Italie & de la Gaule Cisalpine d'abandonner pour «
,
toujours l'Espagne & toutes les Isles qui sont entre l'Italie & l'Afrique de

, à
donner tous leurs vaisseaux, la réserve de vingt, qu'ils retiendroient pour
leur commerce, de fournir à l'armée Romaine cinq cens mille muids de fro-
,

ment, & trois cens mille muids d'orge;de payer à l'armée Romaine la solde
de deux années.
Scipion ne leur donna que trois jours pour délibérer sur ces proposi- XXXVI.
tions. Les Carthaginois, pour gagner du tems, exécutérent avec lenteur quel- Les Am-
ques unes de ces conditions, croyant par cette soumission feinte tromper la bassà(leun
vigilance du Proconsul. Ils firent embarquer avec les Ambassadeurs qu'ils de Cardia..
envoyérent à Rome, un petit nombre de prisonniers de guerre, de transfuges ge sfe ren-
dent à RCt-
& d'esclaves fugitifs; mais sous main ils soliieitérent Philippe Roy de Macé- me pour
doine, de reprendre pour Carthage ses premiers sentitnens de bienveillance, demandet
& de la secourir dans le besoin. Philippe se laissa gagner, & envoya Sopatre la paix.
avec une flotte chargée de quatre mille hommes de débarquement & de quel-
que argent, pour soûtenir la guerre contre Scipion.
Pendant que le Proconsul trompé par les soûmissions apparentes des XXXVlt.
Carthaginois, attend se succés de leur ambassade Laeiius arrive à Rome avec Laelius ar-
,
Syphax, & y est reçu avec des démonstrations d'une joïe universeHe. Le Se- rive à Ro..
nat ordonna que Syphax seroit gardé à Albe,dans le pays des Maries, jusqu'au me avec
les Ambar-
retour de Scipion, pour servir à la pompe de son triomphe. Les Amba{sa- sadeurs de
deurs que MasliniflTa avoit envoyez à Rome, reçurent une audience trés-fàvo- Massînissa.
rable. Le titre de Roy fut confirmé à leurMaître, & on y ajouta de riches
présens, & tout ce qu'on avoit accoutumé de fournir aux Consuls, lorsqu'ils
alloient en campagne. On distingua aussi les Ambassadeurs & les hommes
de leur suite par des presens, par une place honorable au Théâtre, & par une
somme de cinq mille as d'erain,qui furent donnez à chaque Ambassadeur , &
de mille as aux cens de leur suite.
xxxvm Annibal & Magon étoient toujours en Italie ; Le premier, confiné dans
Désaite de un coin du Brutium,fut obligé faute de secours de demeurer sur la défen-
Magon. Il sive, & même dans l'inadion ,
; l'autre fut vivement attaqué par Varus Pré-
meurt sur
Mer allant teur, & par Cethégus Proconsul, qui avoient
réünis leurs forces. Magon se
àCarthage. défendit avec beaucoup de courage, & sans la Cavalerie Romaine , il auroit
eu tout l'avantage de son côté Mais à son tour la Cavalerie Romaine sut
divisée par les Eléphans, & si Magon bleues la cuisse n'eût été obligé de
quitter la conduite de l'armée, il auroit peut-être remporté la victoire sur les
Romains. Il perdit cinq mille hommes & vingt deux étendards. Les Ro-
mains en perdirent deux mille trois cens. Dans ces entrefaites Magon re-
çut des ordres précis du Senat de Carthage, pour se rendre en Afrique. 11
obéît volontiers, mais il mourut sur Merde sa blessure, sans avoir pu gagner
Carthage.
XXXIX. Annibal fut obligé de partir presqu'en même tems ; mais il ne quitta
Départ l'Italie qu'avec une extrême répugnance , regardant son rappel comme son
d'Annibal grand malheur. 11 y commit avant son départ de grandes concussions
plus
pour (tat- & de grandes cruautez contre ceux qui lui avoient paru le plus attachez. Il
thagc.
laissa dans le Brutium quelque peu de troupes qu'il jugea inutiles à soutenir
la guerre en Afrique, & il les distribua dans le petit nombre de places qui lui
restoient dans ce pays. Il embarqua ce qu'il avoit de meilleurs soldats. Mais
les Brutiens réfutèrent de marcher,& se réfugiérent dans le Temple de Junon
Lacinienne. Annibal les y fit massacrer , sans considération pour la sainteté
du lieu. Enfin il s'embarqua plein de courroux & de rage, accusant les Dieux
& les hommes de sa mauvaise dessinée . Son départ fut pour le. commun du
peuple Romain un trés-grand sujet de joïe; Mais plusieursSenateurs des plus
fensez craignirent que Scipion ne succombât sous les forces de Carthage,réii-
nies sous deux Généraux d'une si grande valeur & d'une expérience si con-
sommée. Aussi le Senat avoit envoyé ordre à ses Généraux d'armées, de rete-
nir le plus qu'ils pourroient les deux freres en Italie, & le grand Fabius per-
sistoit à dire, Que Scipion avoit tout à craindre d'Annibal,ce redoutable enne-
mi de la Republique.
XL. Lælius étoit sur le point de partir, pour s'en retourner en Afrique, lors-
Arrivée que les Ambassadeurs de Carthage arrivèrent à Rome. On crut qu'il étoit de
desAmbas-
la prudence de ne leur pas donner audience sans consulter Laelius , qui étoit
fadeurs de des affaires d'Afrique. On le rappella à Rome & les
Carthage à parfaitement instruit ,
parlérentavec beau-
Rome. Ambassadeurs Carthaginois surent introduits au Senat. Ils
.Appian. in coup de marques extérieures de soumission , rejettérent sur Annibal seul &la
PI41zÍÇj¡ prise de Sagunte & le passage des Alpes & la guerre d'Italie , qu'ils l'accu-
pv. 1. 130. soient d'avoir entreprise de sa propre autorité. Après avoir parlé ils sor ti-
,
lent du Senat à l'ordinaire. On remarqua qu'ils étoient tous jeunes; Ce qui
fit
fit soupçonner de la mauvaise foy de leur part. Quelques-uns crurent que
ce n'étoit que d'honnêtes espions, que
Carthage leur envoyoit pourgagner
du tems; Ce qui confirma les Senateurs dans ce sentiment, fut l'arrivée des
Députez de Sagunte à Rome,qui. y amenoient des prisonnier? Carthaginois,
qu'ils avoient pris en Espagne, chargez de grosses sommes d'or & d'argent,
pour y faire des levées de soldats Espagnols. On renvoya donc les
Ambassadeurs de Cartihage sans autre réponse , si non qu'ils pouvoient ,

Afrique.
Le Consul Servilius Cæplo '
s'ils vouloient, accepter la paix sur le pié , que Scipion l'avoit proposee en
étoit paflg en Sicile
,
dans le dessein
qu'on disoit , de se rendre delà en Afrique, pour ravir à Scipion l'honneur Servilius
d'avoir terminé la guerre. On obligea le Consul Servilius Geminus. de nom- Gaepio
XLI.
, a ce Le 60 niai /
est
Dictateur,afin de contraindre Servilius Cxpio à retourner à Rome. empêché
mer on Ambassadeurs par le Sc"!
Carthage n'attendoit que le retour d'Annibal & l'arrivée de ses
nat de
pour rompre la paix. pafferen
Une circonstance impréveuë découvrit la mauvaise disposition des Afriquet
Carthaginois. Scipion avoit fait venir un renfort considérable de vaisseaux, LivJ. XL IL
30,
tant de Sicile que de Sardaigne. Ceux de Sardaigne arrivérent heureuse- Rupture
ment.Ceux de Sicile,au nombre de cent barques de transport, & de trente (re la tréve
galères armées en guerre, furent dispersez par la tempête, & obligez de se entre les v ,

refugier, partie sous le Promontoire d'Apollon proche d'Utique, les autres nois Carthafji-
&les
encore plus prés de la ville de Carthage, & pour ainsi dire sous ses murs. Le RomaiRs.
peuple de Carthage à la veuë de cette proye ne put se contenir, & força les
plus sages Senateurs à envoyer une flatte,pour s'emparer de tous ces vaifle-
aux ainsi dispersez.
A la nouvelle de cette rupture de la tréve , Scipion envoya à Carthage XLIII.
Perfkliedes
trois Députez, pour demander justice de cette violence exercée contre les Carthagi-
vaisseaux Romains, au préjudice d'une tréve demandée parles Carthaginois nois en-
eux-mêmes. La plainte des Députez fut mal reçue. A peine put-on les tirer vers les
des mains du peuple, qui voulait leur faire outrage. On les renvoya sans AmbaiTa-
satisfac-lioii & sans réponse; On résolut même de les perdre dans leur retour, Sciptoa. deurs de
,
& de les faire attaquer par des vaisseaux de la flotte Carthaginoise , qui étoit
.
au port d'Utique. On fit donc partir les Ambassadeurs Romains sous une
escorte de deux galères armées en guerre ; Lesquelles les abandonnérent
brusquement, lorsqu'elles furent à la veuë du camp de Scipion. Au même
moment on vit partir du port d'Utique trois galères Carthaginoises , qui
vinrent donner sur eux. Ils se défendirent avec toute la valeur imaginable,
& enfin allèrent échouër sur la grêve, dans l'espérance d'être secourus parles
soldats Romains qui étoient sortis du camp en grand nombre > Mais les Car-
thaginois plus promts & plus proches, tombèrent sur les Ambassadeurs & sur XL 1V.
leurs soldats,&en tuérent plusieurs. Les deux Ambassadeurs échappèrent, mais Arrivée
dangereusement blessez. d'Annibal
Peu de tems aprés arriva Annibal. Il étoit parti d'Afrique à l'âge de enAfriquc. Liv.l. 30.
neuf ans, & n'avoit pas veu sa patrie depuis trente trois ans. On dit M Appian.
qu'ayant apperçu l'Atrique , il demanda à un Matelot qui étoit monté sur in Punir.
la hune de son vaisseau, ce qu'il voyoit ; Je vois, repondit-il comme les
ruines d'un tombeau sur une éminence. Annibal allarmé d'un, si mauvais
présage ordonna de passer outre. On arriva à la petite Leptis, où il dé-
barqua. ,
Presqu'en même tems arrivérent Lælius & Fulvius; Celui-ci pour con-
tinuer d'être Lieutenant-Général dans l'armée d'Afrique ; Lælius pour y suc-
céder à Caton dans la charge de Questeur. Caton en s'en retournant à
Rome passa par la Sardaigne, & y ayant trouvé Ennius qui se distin-
,
gua dans la suite à Rome par la Poësie Latine, l'emmena avec, lui.
XLV. Le Diftateur Sulpitius Galba prends à l'élection des Consuls & l'on
Tiberius elut Tiberius Claudius Nero & M. Servilius Pulex. Le sort voulut ,
Claudius Consul Claudius Nero commandât , que le
Nero,&M. la flotte destinée pour agir en Afrique, &
Servilius que Servilius commandât l'armée en Etrurie. La Republique Romaine n'a-
Pulex voit jamais été si puissante sur Mer ; mais depuis la retraite d'Annibal & de
Consuls. Magon, elle licentia beaucoup de ses troupes de terre & se réduisit à seize
An de R. Légions. ,
i5I.du M. Annibal ne fut pas plûtost arrivé en Afrique, qu'il travailla à grossir son
3807.
avant J. C. armée d'autant de Cavaliers Numides qu'il lui fut possible. Il se souvenoit
19? • des avantages qu'il avoit remportez en Italie par le secours de cette Cavale-
XL VI. rie. Scipion de son côté se vengeoit avec éclat ,
de la perfidie de Carthage,
Scipion sc
difposcà prenant les. places, & les traittant dans toute la rigueur. Massinissa étoit dans
J'étiaer à la Numidie avec ses propres troupes & dix Compagnies de troupes Romai-
Annibal. nes, qu'il y avoit menées pour réduire à l'obéïssance ses provinces. Scipion
lui envoya Couriers sur Couriers pou$ l'obliger à revenir avec la plus groiïe
armée qu'il pourroit, qu'Annibal étoit en Afrique, & qu'il falloit lui opposer
autant de forces qu'on en auroit.
XLVll * En même tems arrivérent les Ambassadeurs de Carthage revenus de
Arrivée Rome, au port où étoit la flotte de Scipion. On les y arréta & on ne
desAmbaf- douta le Proconsul ne leur fit le même traÍttenlent que, Carthage
fadeurs fit pas que
Carthage avoit fait à ceux qu'il y avoit envoyez. 11 en usa tout autrement. Il voulut
aupo-rt qu'on les regalât , qu'on leur fît caresses, & qu'on les renvoyât en seûreté
rl'Utique; à Carthage. Cette modération lui fit honneur, & les Carthaginois même
Scipion les l'admirèrent.
reçoit avec Annibal reçut ordre de s'avancer vers l'armée Romaine.
honneur. Il envoya
Il renvoye quelques espians pour en savoir l'état & la disposition. On les reconnut
les Espions & on les amena à Scipion. Selon les loys de la guerre ils méritoient la mort.
envoyez Scipion ordonna qu'on en conduisît un par tout son camp, qu'on lui fit tout
nai Anni- voir qu'on leur donnât à manger & de l'argent
bal. pour s'en retourner , &
T.Liv.L 30. qu'onles renvoyât. * Ce trait de magnanimité fut admiré d'Annibal même,
,

Poiyb. Li ç. & on dit qu'il souhaitta d'avoir une entrevue avec Scipion. 11 employa
Jppian. in .M.assini(là qui étoit de retour au camp des Romains, & Prince obtint sans
Fttnkiî. peine du Proconsul qu'on fît de nouvelles propositionscede paix. Scipiou
demanda préalablement qu'on luy restituât les vaisseaux, les hommes & les-
effets qu'on avoit saisis pendant la trêve sur la flotte Romaine dispersée, &
qu'on
qu'on payât mille talens. d'indemnité pour la contravention au premier
traitté.
Annibal qui souffroit de la disette dans
, son
„ camp, & -rr
« qui coiMioiii&it XLVUÎ.
Le peuple
mieux que personne la grandeur des forces Romaines, & l'epuisement où étoit de C&r-
réduitte la République de Carthage, n'eut pas de peine à accorder ce que de- thage ne
mandoit le Proconiul, & qui après tout étoit juste. ' Les Senateurs ne furent veut peint
pas plus difficiles qu'Annibal ; mais le peuple de Carthage n'y
voulut pas en- la paix.
de Annibal, de- Mort mal-
tendre. Il crut que la Noblesse & le Senat concert avec f ne heureuse
mandoient la paix,que pour exercer leur tyrannie sur les citoïens. On s'imagina d-*Asdrit-
qu'Asdrubal étoit de complot avec le Senat, & le peuple en fureur à
courut bal.
sa maison pour l'en tirer & le faire mourir. Asdrubal les avoit prévenus &
s'étoit donné la mort par le poison dans le tombeau de son proprePère, où
il s'étoit réfugié. On luy coupa la tête, & on la porta fichée au bout
d'une lance dans toutes les ruës de Carthage. XL1X.
Ainsi la trêve fut entièrement rompue, & Annibal reçut ordre de livrer Entre vevr'é
incessamment 1a bataille aux Romains Scipion de son côté prit d'emblée la de Scipion
ville de Parthus, battit Annibal, selon Valerius d'Antium, & l'obligea à en <5f d'Annr-
venir à une conférence. L'on convint d'un lieu découvert, au milieu d'une- bal.
grande plaine, où ni l'un ni l'autre n'avoient à craindre aucune embuscade. Jippian in
Puni cis.
Les deux Généraux s'y rendirent avec une escorte de pareil nombre de Ca-
valerie; puis étant arrivez sur le lieu, ils se séparérent de leur escorte, & en-
trérent en conférence tête à tête, n'étant accompagnez que de leur truche-
ment. Ces deux Héros ne s'étoient jamais veu, & remplis d'estime & d'ad- JJv, 1.
miration l'un pour l'autre, ils demeurèrent quelques momens à se regarder
sans rien dire.
Annibal parla le premier, & témoigna que forcé de demander la paix, L.
Annibal &
il étoit charmé de n'avoir à la demander qu'à Scipion, que le sort de la guerre Scipion se
elt incertain, que la paix est un bien fiable qu'on ne sauroit trop estimer ; & séparent
promet que Carthage forcée à la demander» & interessée à la garder, sera plus sans rien.
consiante dans ses engagemens qu'elle ne l'a été jusqu'icy. Scipion se plaignit conclutc»
a Annibal du peu de bonne foy des Carthaginois qui après avoir agréé des
conditions de paix qu'il avoit proposées, & que le Senat Romain avoit con-
firmées, aprés avoir demandé une trêve qu'on leur avoit accordée, avoient
été les premiers à la violer, & que depuis l'arrivée d'Annibalr il n'étoit plus-

les avoit omis pour en substituer d'autres;


queition à Carthage des Articles les plus onéreux de la paix proposée ; qu'on
que pour lui,, il ne pouvoit rien
changer à ce qui avoit été agréé d'abord; que si Annibal vouloit l'accepter
y
Scipion délibéreroit s'il devoit s'en contenter.
On se sépara sans conclure autre chose, si non que chacun devoit se th
préparer à la guerre. Dez le lendemain Scipion fit paroître son armée dans Bataille
la plaine, & s'empara d'une éminence qui étoit importante à ses desseins. nibal entre AaH
&
Annibal envoya un détachement pour l'occuper; mais il étoit trop tard ; le Scipion.
détachement tut repoussé, & il se vit dans l'obligation de combattre. 11 pla- Liv. t. CF. G

ça ses Eléphans au nombre de plus de quatre-vingt à la. tête de son armée. Poljk. Lii*
A la seconde ligne il rangea les soldats étrangers Espagnols, Liguriens, Gau":
lois, Macédoniens. La troisiéme ligne étoit composée de Carthaginois &
d'autres Africains. A la queuê de toutes ces troupes étoient les soldats Ita-
liens, en qui Annibal ne crut pas devoir prendre beaucoup de confiance,
ayant à combattre contre les Romains. La Cavalerie Carthaginoiie étoit sur
la droite, & la Cavalerie Numide sur la gauche de l'Infanterie. Scipion disposa
son armée à l'ordinaire des Romains. LesHastates à la première ligne, les
Princes à la seconde, les Triaires à la troisiéme. Lælius étoit à la tête de la
Cavalerie Italienne à l'aile gauche, & Massinissa à la tête de la Cavalerie Nu-
mide à l'aile droite. Pour laisser un espace libre aux Eléphans, pour pénétrer
sans faire beaucoup de désordre dans les Manipules ou les Compagnies des
le
Légions, Proconsul y laissa de plus grands intervalles,qu'à l'ordinaire, avec
ordre aux soldats, quand ces animaux seroient entrez dans les intervalles, de
les prendre en flanc & de les percer.
Appiau, in D'abord les Eléphans s'ébranlérent pour fondre sur l'armée Romaine,
Punie. mais une partie effraïée par le cri des soldats Romains, rebroussa chemin, &
Lïv. /. 30. fondit sur l'Infanterie Maure & sur la Cavalerie
Numide du parti Carthaginois.
A ce moment Massinissa fonça sur la même Cavalerie que les Eléphans avoi-
ent ebranlée, & la mit en désordre. Le reste des Eléphans commença à en-
foncer le corps de bataille des Romains, & les Chevaux epouvantez reculoi-
ent à leur approche. Alors Scipion fait mettre pied à terre à sa Cavalerie
Italienne, descend luy-méme de Cheval; les deux ailes en font de même, &
font pleuvoir sur les Eléphans tant de traits, qu'ils les obligent d'entrer dans
les intervalles des Manipules, où ils patient sans causer aucun désordre; de-
là ces animaux se rabbattirent sur la droite de l'armée d'Annibal, & v mirent
en désordre la Cavalerie Carthaginoise. Lælius saisit ce moment pour ache-
ver de rompre cette Cavalerie. Il fondit sur elle & la renversa.
Lll. Alors l'Infanterie commença à combattre de pié ferme; les mercenaires
Viétoirc de l'armée d'Annibal résistérent d'abord avec assez de
courage; mais voyant
de Scipion
que les Africains dela se.conde ligne ne leur prétoient pas secours,& les lais-
contre An-
nibal. soient combattre seuls, ils tournèrent leurs armes contre les Africains, dont
ils se croyoient méprisez. Alors les Romains tombèrent sur les troupes Afd-
caines,qui se défendirent avec une valeur extraordinaire; elles furent toute-
fois enfoncées, & Scipion ne vit plus d'ennemis à combattre que la Phalange
où Annibal commandoit en personne. Elle étoit composée des vieilles ban-
des qui avoient si longtems fait la guerre en Italie, & qui avoient si souvent
fait trembler les Romains. Scipion marcha à eux avec les Haitates, les Prin-
ces & les Triaires réiinis & rangez sur une seule ligne. Le choc commença
avec une vigueur extraordinaire de part & d'autre; mais ce qui donna la vi-
ctoire à Scipion, fut le retour de Lælius & de Massinissa qui aprés avoir assez
longtems poursuivi la Cavalerie ennemie, vinrent à point ,
nommé donner en
queue sur la Phalange d'Annibal, & la mirent en déroute. Annibal luy-méme
fut obligé de prendre la fuite. Massinissa le poursuivit longtems, mais la
Vuit le déroba à sa poursuite.
-
Au
Au rapport d'Appien l'armée d'Annibal montoit à cinquante mille hom- L111.
mes; celle de Scipion étoit de vingt trois mille hommes d'infanterie, & de Combat
quinze cens hommes de Cavalerie, sans compter les troupes auxiliaires de singulier
Massinissa, & d'un petit Roy du pays nommé Lacumacés. Le même Auteur prétendu
entre Sci-
sait monter la perte des Carthaginois dans cette journée à vingt cinq mille pion 6c
hommes, qui demeurérent sur le champ de bataille; & le nombre des pri- Annibal,
sonniers à huit mille cinq cens hommes. Les Romains n'y perdirent que & entre
deux mille hommes, selon Polybe & Tite-Live & deux mille cinq cens, ce dernier
, Maill.
selon Appien. On leur enleva de plus onze Eléphans & trente trois drap- &
nilTa.
peaux. Zonare & Appien racontent qu'Annibal & Scipion combattirent en Zonar. 1. 9.
cette journée d'homme à homme, sans se faire d'autre mal; Scipion perça Appian.
d'un trait le bouclier d'Annibal couvert d'une peau d'Eléphant, & Annibal in Punicir.
blessà le cheval de Scipion. Les mêmes Auteurs font aussi combattre Anni-
bal & Massinissa, avec aussi peu d'effet, & de vraisemblance.
Annibal fit une si extrême diligence qu'en deux jours & deux nuits il LiV.
,
fit prés de cent vingt cinq lieuës, & arriva à Adruméte, où il ramassà tout ce Annibal
qu'il put de troupes des environs, qu'il joignit au corps de réserve qu'il arrive à
avoit laissé pour la garde de ses magazins de blé. Il ne songea plus qu'à IlAdruméte.
conseille
faire provision d'armes & de machines pour se défendre en cas de siége. aux Car-
D'Adruméte il fut rappellé à Carthage. Introduit dans le Senat, il déclara thaginois
qu'après la perte que la République venoit de faire, elle n'avoit point d'autre de Taire la
parti à prendre que de demander la paix aux Romains. Scipion de san côté paix.
la souhaitoit avec ardeur. Il vouloit avoir l'honneur d'avoir terminé cette
longue guerre de Rome contre Carthage.
Après donc avoir pris & pillé le camp d'Annibal, il se rapprocha de la LV.
Mer,& vint camper vers Tunis, pour y recevoir un gros renfort de vaisseaux Députa-
queLentulusPropréteurdeSardaignevenoit de luy amener. Avec ces vaisseaux tion du Se.
de Car-
qui étoient au nombre de cinquante armez en guerre, & de cent bâtimens nat thage pour
de transport chargez de munitions, ajoutez à la flotte qu'il avoit deja, il s'a- demandet
vança vers Carthage, faisant mine de la vouloir assiéger par mer & par terre. la paix i
A la veuë de ce formidable appareil, le Senat de Carthage fit partir en dili- Scipion.
gence une galére ornée de banderolles & de branches d'Olivier, Symboles
de la paix. Dix Députez de la plus illustre Noblesse s'y embarquèrent, &
s'approchant de la galére que montoit Scipion, ils luy demandèrent la paix
dans la poiture la plus humiliée, & dans les ternies les plus sournis. Scipion
leur répondit qu'il s'en retournoit à Tunis pour délibérer s'il leur accorderoit
leur demande. En effet il fit rebrousser chemin à son armée de terre, & ren-
tra luy-même avec sa flotte dans le port d'Utique.
Sur sa route il apprit que Vermina. second fils de Syphax amenoit un LVL
gros renfort de troupes aux Carthaginois. Il envoya à sa rencontre un gros Désaite de
détachement,qui l'atteignit & le défit entiérement. On lui tua quinze mille Vermina
fécond fils
hommes, on lui enleva quinze cens Chevaux de Numidie, soixante & douze de SyphaK.
étendards, & on fit douze cens prisonniers de guerre.
Ce nouvel avantage mit le comble à la gloire de Scipion & à la
con-
ster-
Lvn. sternation de Carthage. Elle fit partir en diligence trente nouveaux Députez
Arrivée de la premiere Noblesse, qui n'oublièrent aucune sorte de soumission pour
«IcS Dépu- fléchir le vainqueur. Son Conseil penetroit à la sévérité contre ville per-
une
tez de Car- fide. Scipion préféra le parti de la modération, & aprés avoir vivement re-
thage chez
Scipion. proché aux Carthaginois leur manque de parole & leur perfidie, il leur fit de
LVIII. nouvelles propositionsde paix. 1°. Que Carthage livreroit aux Romains les
Conditions déserteurs, les esclaves fugitifs, les prisonniers de guerre, & de plus les Italiens
de paix qu'Annibal a forcé à le suivre. 2°. Qu'elle remettrait en mains de Scipion
que Sci- dix galéres pour le com-
pion pro- tous ses vaisseaux de guerre & ne réserveroit que
pose aux merce: remettroit de même tous les Eléphans, & n'en pourroit dans la suitte
Cartha- en apprivoiser aucuns pour la guerre: n'entreprendroit aucune guerre ny au-
ginois. dedansniaudehors de l'Afrique,sans le consentement du peuple Romain.
Que les Carthaginois feroient alliance avec Massinissa, & lui reititueroient
tout ce qui avoit été usurpé sur luy, ou sur ses Ancêtres, qu'ils nourriroient
& soudoyeroient les troupes Romaines & auxiliaires jusqu'au retour des Am-
ba{[adeurs,qui seroient envoyez à Rome pour obtenir la ratification de la paix;
qu'ils donneroient aux Romains dix mille talens pour les frais de la guerre,
païables à termes & portions égales dans l'espace de cinquante ans. Four-
niroient cent otages depuis quatorze jusqu'à trente ans. Que l'armée Ro-
maine partiroit d'Afrique dans cent' cinquante jours après l'exécution du
traitté. Moïennant ces conditions Carthage jouïra de sa liberté, & vivra sé-
lon ses loys & uiagcs , & demeurera enpoiïesîïon des villes & Provinces dont
elle jouïssoit en Afrique avant la déclaration de la guerre.
.LIX. Ces conditions parurent d'abord insupportables au peuple de Carthage.
Annibal Giscon qui tenoit un grand rang dans la Republique, voulut parler pour
détermine les faire réjetter; mais Annibal le tira de la Tribune aux harangues, y monta
les Cartha- lui-même, & soutint par bonnes raisons,que dans les circonstances présentes
ginois à devoit balancer à accepter la paix telle qu'on la présentoit. On
accepter on ne pas
les condi- se rendit à ses raisons, & on fit partir des
Députez pour satisfaire aux Arti-
tions de cles préliminaires, qui concernoient la restitution des vaisseaux Romains &
paix pro. des efféts dont ils étoient chargez. Comme ces effets n'exif1:oientplus, &
potées par qu'ils consistoient
en provisions qui avoient été consumées ou dissipées, on
Scipion.
en fit l'estimation, qui se trouva monter & au poid de vingt cinq mille livres
d'argent, qui furent payées sur le champ, dez ce moment la tréve fut con-

d'Afrique..
clue; & on fit partir pour Rome des Ambassadeurs, pour obtenir la ratifica-
tion du traitté. Scipion joignit aux Ambassadeurs Lucius Scipion son frere,
& trois Officiers de son armée, pour informer le Senat des circonstances
des affaires
LX. f
Le Consul iberius Nero avoit projetté dez le commencement de ion _

Tiberius Consulat
1 de passer en Afrique, & d'y enlever à Scipion ou du moins de
Nero ne partager lui l'honneur de faire la paix avec Carthage. Sur la fin de
, avec
peut arri- l'année Consulaire il reçut ordre de s'embarquer & de passer en Afrique. Mais
ver en A- divers l'empêchèrent d'y aborder. Il ne put pas même arriver en
frique orages
la
'
Italie pour présider à l'election des Consuls. Il nomma pour cet effet Ser-
avant
Concluston vilius Népos sou frere, Dictateur, & le peuple choisit pour Consuls Caius
de la paix. Corne-
Cornelius Lentulus, & P. iEIius Ps&tus. Aussitost qu'ils furent élus, on donna
audience aux Ambassadeurs de Philippe Roy de Macédoine, & à ceux dfi la
Republique de Carthage. *
Les Ambassadeurs du Roy de Macédoine se plaignirent, qu'Aurelius,qui LXI.
avoit été laissé en Gréce avec quelques troupes, pour protéger les alliez des p. Cornéli-
Romains eût commis des hoÍtilitez contre la Macédoine. Furius envoyé lus, us Lentu-
, & P.
par Aurelius repondit, qu'Aurelius n'avoit fait que repousser la force par la Ælius Pe-
force ; que Philippe ayant attaqué les aliiez de la Republique, Aurelius s'é- tits Con-
toit trouve obligé de les défendre. Le Senat répondit qu'il approuvoit la fuls.
conduite d'Aurelius, & que Philippe ayant porté la guerre chez les alliezdes An du de R.'
M.
Romains, & ayant envoyé des Macédoniens en Afrique au secours de Car- çç2. 3808.
thage, devoit s'attendre d'avoir bientost la guerre dans son pays, comme vio- avant J. c.
lateur du traité qu'il avoit fait avec Rome. 192.
On introduisit aprés cela les Ambassadeurs de Carthage. Ils parlèrent Ambalîa-
des deurs de
en termes propres à attendrir le Senat. On les écouta favorablement,& Philippe
aprés quelques contestations, on résolut d'accorder la paix à Carthage. Le Roy de
Consul Lentulus ne fut pas de cet avis, & fit evoquer la décision de cette af- Macédoi-
faire au peuple, qui conclut qu'il n'accordoit qu'au seul Scipion de faire la ne à Rome#
paix avec Carthage, & de ramener l'armée en Italie. Le Senat rendit un ar- OnLXII.
rêt conforme à cette conclusion ; & alors on permit aux Ambassadeurs d'en- de laaccor- paix
trer dans Rome, &. d'y visiter quelques personnes de condition leurs compa- à Garthageu
triotes, qui y étoient en captivité. Delà ils partirent pour l'Asrique accom-
pagnez des Senateurs, qui furent envoyez à Scipion pour lui servir de Con-
seil dans l'affaire du traité de paix. On leur donna pour ajoints des Féciaux
pour consacrer par des ceremonies religieuses le traité qu'on alloit signer.
lis emportèrent d'Italie un caillou pour casser la tête de la vidime & de la
verveine pour s'en couronner durant le sacrifice. ,
Lorsqu'on fut arrivé au camp de Scipion prés de Tunis les Carthagi-
nois lui livrérent les transfuges, tant Romains que Latins. , LXIII.
Il fit crucifier Exécution
les premiers, & décapiter les autres. On rendit les prisonniers de & des arti-
guerre,
on conduisit une partie des Eléphans à Rome ; l'autre partie fut donnée à cles de la
Massinissa. Ce qui fit le plus de peine à Carthage, fut l'incendie de leurs paix COlt-
vaisseaux, qui furent conduits en haute mer, & consumez clue avec
par les flammes à
la veuë de toute la ville. Enfin il fallut payer comptant une partie de la Rome.
somme, qui devoit s'achever dans cinquante ans; lorsqu'il fut question d'im-
poser pour cela une taxe suries Senateurs comme sur le peuple, tous se mi-
rent a pleurer. Annibal n'en fit que rire, & quand on lui en eut demandé la
raison, il repondit que ce n'étoit pas cela qui devoit leur faire verser des lar-
mes ; mais qu'il falloit verser des larmes de sang lorsqu'on a brûlé leurs
vaisseaux, & qu'on les a réduit à ne pouvoir faire la ,
guerre, même en Afri-
que, sans le consentement du peuple Romain.
Scipion pour recompenser Massinissa fit agréer aux dix Commissàires LX/V.
, Fin de la
envoyez de Rome, que ce Prince jouïroit paisiblement du Royaume de ses- seconds
ancêtres, & des conquêtes que l'on avoit -faites sur Syphax. Ainsi finit la, guerre
Tom. III. S seconde Punique.
An du
î loa.
seconde guerre Punique, aprés dix-sept ans de durée , à les compter depuis
la tlescente d'Annibal en Italie.
Aprés Y exécution du traité de paix , Scipion ne songea plus qu'à re-
tourner à Rome. Il s'embarqua avec son armée , & aborda à Lilybée en
Sicile, où il remit au Consul Lentulus le commandement de la flotte. Delà
il se rembarqua avec autant de troupes qu'il en put charger sursesvaifleaux, &
se rendit en Italie. Aussitost que la nouvelle de son débarquement fut ré-
panduë, toutes les villes & les bourgades des environs accoururent pour le
voir & lui applaudir. Depuis le lieu de son débarquement jusqu'à son en-
trée dans Rome, ce fut sur toute sa route un concours infini du peuple, qui
ne pouvoit se rassasier de le voir ; Les Senateurs, le peuple Romain, tous les
ordres vinrent au devant de lui, & le félicitérent sur ses grands exploits & sur
son heureux retour.
LXV. Tout cela n'étoit qu'un prélude du triomphe, que le Senat & le peuple
Triomphe Romain lui dessinoient. On n'en vit peut-être jamais de plus superbe , ni
«ieSfiipion. de mieux mérité. Nous le décrirons avec un peu plus d'étendue que nous
Appian. in fait les précédens. Le victorieux harangua d'abord ses soldats qui
Punie. n'avons
assemblez au champ de
Zùnar. 1.9. étoient tous couronnez de branches de lauriers, &
Polyb. L16. Mars. Après quoy commença la marche. Elle étoit précédée des trompet-
Liv. 1. 30. tes en grand nombre ; suivoient plusieurs chariots chargez des dépouilles
de l'ennemi, & des brancards portans en relief les représentations des villes
conquises. On voyoit ensuite l'or & l'argent monnoïé, ou en lingots, qui
avoit été pris sur les Carthaginois , de même que les Vases prétieux, les
riches meubles , les tapis , les etoffes , le tout porté sur des Civieres.
Les victimes destinées pour les sacrifices , qui étoient d'ordinaire des
boeufs blancs ayant les cornes dorées & ornez de festons & de rubans , ou
de bandelettes, étoient suivis des Sacrificateurs dans leurs habits de cérémo-
nie. Les Eléphans pris dans les combats avec leurs tours & leurs équipa-
prisonniers de guerre superbe..
ges venoient ensuite. Aprés marchoient les
ment vêtus à la maniéré de leur pays, ayant les mains liées derriére le dos,
& chargez de liens. Le Roy Syphax, si l'on en croit Polybe, fut du nombre
des captifs ; d'autres croïent qu'il mourut à Tivoli avant la cérémonie du
triomphe.
Les joueurs d'instrumens & les danseurs habillez d'une maniéré grotes-
LXVJ. des d'or sur la tête, divertissoient les speftateurs par
Appareil que & ayant couronnes
-du triom- leurs geltes, leurs sauts, leurs
danses & leurs bouffonneries. Le char du Tri-
phe de omphateur étoit pécédé d'une longue suite de personnes , qui portaient des
licipiQII. cassolettes remplies de parfums, qui embaumoient l air. Scipion étoit assis
dans un char en forme de tour , attelé de quatre Chevaux blancs , montez
quelques parens du vainqueur. Quand il avoit des enfans, sur tout en
par
bas âge,ils étoient afl-is auprès de leur Pere dans son char.Ses habits étoient
; Il portoit
à la main un sceptre
ornez de palmes & de fleurs en broderie
d'yvoire surmonté d'une Aigle & une branche de laurier. Sur le même char
©n voyoit1 un esclaye , qui l'oûtenoit sur
la tête du vainqueur une couronne
d'or
d'or ornée de pierreries; Le Triomphateur ne portoit au doigt qu'un anneau
de fer.
Au tour du char
„ étoient ses Officiers de justice & ses Appariteurs, puis
les Consuls & les Senateurs àpié; enfin les armées de Cavalerie, & d'Infan-
terie fermoient cette superbe marche. Le soldat avoit la liberté de lancer
des traits piquans & satyriques contre celui qui triomphoit. On arrivoit en
cet ordre au Capitole.où l'on immoloit des vidimes solemnelles, pour ren-
dre graces aux Dieux des prospéritez de la Republique. La journée se ter-
mincit par un repas magnifique, que le vainqueur donnoit à sa famille & à
ses amis. L'on ne manquoit pas d'y inviter les Consuls ; mais ils ne s'y
trouvoient jamais, pour laitier au vainqueur tous les honneurs de la fête.
LXVII.
On allure que le peuple Romain en reconnoissance des importans ser- Honneurs
vices , que Scipion avoit rendus à sa Republique , lui offrit le Consu- déférez à
lat & la Dictature perpétuelle ; mais qu'il refusa constamment ces honneurs. Scipion.
Il ne put empêcher qu'on ne lui donnât le surnom d'Africain, qu'il conserva
toujours depuis, & sous lequel on le désigne ordinairement dans l'histoire.
C'est le premier des Romains à qui l'on ait donné le surnom d'un pays qu'il
ait vaincu par ses armes.
La vraïe cause de la décadence de Carthage , & de la supériorité que LXVlll.
Rome prit sur elle, vient sans doute, selon la remarque de Polybe,de ce qu'à Gauses de
Carthage le Senat n'avoit plus l'autorité de commander & de se faire écou- sa déca-
dence de
ter ; soit que ce corps manquât de grands hommes, & de têtes capables d'in- Garthage.
spirer du resped & de la vénération, ou qu'il eût perdu l'ascendant néctfsaire Pslyb. 1.16.
pour contenir la multitude, & pour luy faire entendre raison dans le besoin ;
& qu'au contraire le peuple s'étoit rendu maître des décisions, & ne consul-
toit plus le Sénat que par formalité. On en vit un exemple bien marqué,
lorsqu'il fut question de se saisir des vaisseaux Romains,que la tempête avoit
jettez suries côtes d'Afrique, pendant la trêve concluë entre Scipion & les
Carthaginois. Les plus sages des Senateurs étoient d'avis qu'on observât re-
ligieusement le traité.Le peuple avide de gain ne put se résoudre à abandon-
ner une proye que les Dieux sembloient lui offrir. On s'empara des vaide-
auxéchouëz & onlespilla;Maisonle paya bien dans la suite,comme onl'a veu.
Dans Carthage il y avoit deux partis dans le-Senat, comme dans la ville;
l'un favorisoit Annibal, l'autre lui étoit contraire. Cette division causa plus
d'un malheur à la Republique. On négligea les avis salutaires qui partoient
du parti opposé à Annibal , parcequ'ils paroissoient contraires aux intérêts
présens de l'Etat, & opposez à l'inclination du peuple. L'événément fit voir
que les victoires d'Annibal, & ses progrés dans l'Italie , étoient très-réelle-
ment fatales au repos & au bonheur de Carthage. Quand Giscon voulut
dissuader la paix avec Rome, il fut écouté favorablement.Annibal qui prévit
les suites de cette imprudente harangue, prit Giscon par le bras, & le jetta à
bas de la Tribune.Ce procédé excita un murmure universel parmi le peuple.
Annibal s'excusa en disant: sorti de Carthage âgé seulement de neuf ans,j'en
ai passé trente six au milieu des armées, je me flatte d'y avoir réiiffi : Pour
vos loys & vos coutumes , on ne doit pas être lurons , si je les
ignore ; Je viens icy pour m'en instruire auprés de vous. Ce discours ra-
doucit les esprits, & on l'écouta paisiblement.
i.xix. A Rome le Senat n avoit jamais été si fécond
en grands hommes, & en
Respeél gens également propres pour le Conseil, pour le maniment des affaires &
du peuple
Romain pour le commandement des armées. Quelque jaloux que fut le peupleRo- ,
main de ses priviléges & de son autorité dans le choix des Magiltrats , il
pour ie écoutoit la ,
Sénat. voix des plus sages. Plus d'une fois il a été arrêté dans la plus
vive ardeur de choisir un sujet tres-meritant lorsqu'on lui remontré
1 'éledion etoit contre les régles & les usages. ,
a que
Une Centurie des moins an-
ciennes, a qui il étoit échu par le sort de donner la premiere son sufirage)qui
entraînoit ordinairement celui de toutes les autres,avoit deux Con-
fiais, Sur la simple remontrance de Fabius qui fit entendre nommez
dans un tems d orage, comme étoit celui ou , au peuple que
l'on se trouvoit alors on ne
devoit point suivre son penchant dans le choix des Pilotes mais choisir ,
les
plus habiles & les plus expérÏ111entez,Ia Centurie retourna , suffrages&
aux nom-
ma d autres Consuls. que les Sages trouvent dans le peuple une pa.-
leille docilité, on est seûr de gouverner heureusement & avec succés.

LIVRE XXVIII.

L*'Hist,Dire Romaine va bientost occuper le Théatre


1 non seulement de
l'Hiftoirc l'Europe, mais aussi de l'Afrique & de l'Asie. L'abbaissement de Car-
Romaine thage sa rivale, la met en état de tout entreprendre : Et la Monarchie
depuis la d'Alexandre le Grand partagée entre un si grand nombre de Souverains,
seconde sera bientost réduite sous l'obéïssance de Rome.
guerre Ces divers Souverains
Punique, éprouveront tour à tour la valeur, & la puissance de cette invincible Répub-
zenferme lique; enfin on verra l'accomplissement de la Prophétie de Daniel, à qui Dieu
presque fit voir pierre détachée de la montagne, sans que la main de l'homme s'en
i'Histoire mêlât; une Cette pierre devient une grande montagne & remplit toute la terre
universcUe.
Dan. Il. 34 Elle brise & met en poudre comme la poussiére, toutes les autres Monarchies
-

40.4+45. désignées par l'or, l'argent, le fer, le cuivre & l'argile, & établit sur leur ruine
une domination qui ne sera point détruite.
Pour rapprocher tous ces grands objets sous les yeux de Lesteur
le mon
& mettre au fait de la Monarchie des Grecs partagée entre les Roys de
Syrie, d'Egypte & de Macédoine car pour les autres moindres Etats
, ie ne
m'engage pas à en suivre si exactement l'Hifloire,je vas reprendre les chores
depuis la mort d'Alexandre le Grand, où je les ai interrompuës,pour les
du ire jusqu7à la fin de la seconde guerre Punique ; Ce qui comprend cori
l'Hi-
stoire de cent vingt-deux ans.
IL L'Empire d'Alexandre le Grand fut d'abord destiné fils de Roxane
au
les fiicces- qu'elle mit au monde quelques mois aprés la mort de ce grand Prince.
seurs si"A- L'armee lui donna d'abord le
icxaiuisç nom d'Alexandre , & le reconnut pour Roy -
Les
Les Gouverneurs des Provinces & les Généraux des armées se partagèrent le Grand,
cette grande Monarchie, & s'établirent chacun dans sa province avec une de Gou-
autorité absoluë; néanmoins ils s'abstinrent par refped du non1 de Roys, & verneurs
qu'ils
ne prirent le diadème qu'après la mort des enfans d'Alexandre. Ptolemée, étoient,
qui avoit le Gouvernement de l'Egypte, s'y maintint par la maniere pleine devien-
d'équité & de douceur dont il gouverna ce pays, par les alliances qu'il con- nent Sou-
tracta avec les Princes voisins, & en particulier avec Antipater, & enfin par verains.
la force des armes, ayant levé de bonnes troupes avec une somme de huit 1.

mille talens, dont il se trouvoiten possession; & comme il craignoit avec c. 3.1. 11.
Daniel
quelque fondement, que Perdiccas, qui étoit comme le Regent des'Etats Xc.1.2. 4.
d'Alexandre, & le Tuteur de ses fils, Hercule fils de Barsine, & Alexandre An du M.
fils de Roxane, ne le dépossédât, il se mit en état de luy résister, & mit à 3681.
fan. in
mort Cleoméne, qui luy avoit été donné comme Lieutenant, parcequ'il Pau Aiticis
étoit trop dévoué à Perdiccas.
Alexandre un peu avant sa mort avoit écrit en Grèce, qu'il renvoyoit dans 111.
leurs villes tous ceux qui en étoient bannis. -
Sa lettre' fut luë aux jeux Les Athé-
Olympiques, où il y avoit plus de vingt mille de ces exilez, qui reçurent flattent niens se
de
cette nouvelle avec la joye qu'on en peut s'imaginer; mais les Etoliens & recouvrer
les Athéniens s'en trouvérent offensez; les Atheniens, parcequ'ils s'étoient l'empire
emparez de l'Isle de Samos, dans laquelle ils n'avoient pas envie de rétablir de la Gré--
les exilez. Les Etoliens craignoient le ressentiment d'Alexandre,qui les avoit ce.
menacé de venger luy-même les JEniades qu'ils avoient exilez de leur pays.
Tandisqu' Alexandre vécut, ils n'osèrent se declarer ouvertement. Mais
aussitost que la nouvelle de sa mort sut répandue, les Athéniens se flattèrent
de recouvrer l'empire de toute la Gréce, & de rétablir Athènes dans son an-
cienne splendeur. Ils avoient de grandes sommes d'argent de celuy qu'Har-
palus Gouverneur des trésors qu'Alexandre avoit àBabilonne, leur avoit en-
voyez. Ils employèrent cet argent à faire des troupes. Il y avoit huit mille
soldats d'Alexandre qui avoient été congédiez, & qui s'étoient retirez fort
mécontens dans la ville de Ténare au Peloponése, ainsy qu'on l'a veu plus
haut. Ils les attirèrent à leur service à force d'argent.
Ils envoyérent aussy de grosses sommes à Leosthénes. Athénien, homme IV.
d'une grande expérience dans le commandement des armées, avec ordre de Confédéré
lever autant de troupes qu'il pourroit. Il s'avança dans l'Etoile où on luy tion des
-donna encore sept mille hommes bien armez. Plusieurs villes Gréques en- Athéniens & de quel-
trérent dans l'alliance des Athéniens, & l'armée étoit déja trés-nombreuse, ques autres
lorsqu 'il attaqua les Beotiens, qui s'etoient emparez des champs des Thé- peuples
baïns, aprés qu'Alexandre eut renversé la ville de Thébes. Delà il s'avança de la
Thermopyles, où attendoit Gréce.
aux il quelques troupes des Macédoniens, qui se Leofthé-
devoient joindre à luy. nes est
Antipater qui avoit été envoyé par Alexandre pour gouverner la Grèce, choisi Chef
la Macédoine, & quelques provinces voisines, ayant appris cette confédéra- de cette
tion des Grecs, & qu ils marchoient contre la Macedoine, écrivit à Craterus Confédé-
ration.
qui étoit en Cilicie, & à Philotas qui étoit en Phrygie sur l'Hellespont, de
luy amener le plus d.e troupes qu'ils pourroient. En attendant
ce secours,
il laiffasipas pour gouverner la Macédoine en son absence, & marcha con.
tre Leofthénes avec une armée de treize mille Macédoniens & de six cens
Chevaux , ayant sa flotte qui étoit de cent dix galéres, qui côtoyoit le ri-
vage de la Mer. Il livra la bataille à Leofthénes, mais comme il étoit beau-
coup inferieur en nombre de troupes, il fut vaincu, & n'osant retourner en
Macédoine, il se jetta dans Lamie ville de Thessalie, où il se fortifia en atten-
dant le secours qui luy venoit d'Aile.
V. Leosthéne l'y assiégea, & sit d'abord ce qu'il put pour attirer les Macé-
Guerre doniens au combat; mais comme ils ne vouloient point s'y exposer, il les
Lamiaque. fatigiïoit par des attaques journalières, où il étoit toujours repoussé; enfin il
Leofthéne résolut
assiége de les réduire par famine, enveloppa la ville d'un bon mur &de fossez,
Antipater afin que personne n'en pût sortir, & qu'on n'y pût porter aucunes provisions.
dans La- Cependant lesEtoliens sous prétexte de quelques affaires qu'ils avoient dans
mie. leur pays, se retirérent de l'armée de Leosthénes, &Antipater ayant fait une
sortie sur les assiégeans, pendant qu'ils étoient occupez à creuser des fossez
ou des lignes, il les mit en déroute. Leosthénes accourut pour les soutenir,
mais il fut frappé d'une pierre à la tête , qui le renversa; on le reporta au
camp, où il mourut de sa blessure trois jours aprés. Les Athéniens lui don-
nèrent pour successeur Antiphile, qui étoit un Général de grande répu-
tation.
VI. Antipater pressé par l'armée des Grecs, & plus encore par la famine,
Leonat est envoyoit de tous côtez pour demander du secours à ses amis. Leonat un
défait par des Généraux d'Alexandre informé du danger où il étoit, pasle promtement
les Grecs. vingt mille hommes de pied & de
en Europe, & ayant ramassé une armée de TheiTalie,
deux mille cinq cens Chevaux, il vient en & s'avance vers Lamie.
Les Grecs informez de sa venue, levent le siége de Lamie, & marchent contre
Leonat, avant qu'Antipater l'eut joint avec ses troupes. L'armée des Grecs
n'étoit plus que de vingt deux mille hommes de pied, & de trois mille cinq
cens Chevaux, entre lesquelsil y avoit deux mille CavaliersThessaliens, qui
faisoient leur principale force &leur plus ferme espérance. L'action fut vive
entre la Cavalerie des deux côtez; mais les Thessaliens l'emportèrent sur les
IVlacédoniens. Leonat combattant vaillamment tomba dans un marais, où
il fut accablé de coups. On l'emporta mort au lieu où étoit le bagage.
La Phalange Macédonienne se voyant abbandonnée de la Cavalerie,
gagna les hauteurs, où la Cavalerie Thessalienne ne la put atteindre. Ainsy
les Grecs demeurèrent maîtres du champ de bataille, enterrérent leurs morts
& érigérent un trophée en cet endroit. Dez le lendemain Antipater arriva,
se mit à la tête de l'armée que Leonat luy avoit amenée, & qu'il joignit à la
sienne, & se retira en suivant les hauteurs & les défilez, de peur de donner
prise à ses ennemis, qui étoient les plus forts en Cavalerie. Pour Antiphile,
il demeura avec son armée dans la Thessalie, observant les démarches d'An-
tipater, pour en tirer avantage.
Vll. Bientost Craterus qui commandoit en Cilicie, vint aussi au secours
Graterus d'Antipater, & luy amena six mille hommes de pied, du nombre de ceux
vient au qui avoient passé
secours en Asie avec Alexandre. Il y joignit quatre mille soldats
qu'il
qu'il ramassa sur sa route, mille archers Persans & quinze cens Chevaux. Il d'Anti}?. '
joignit Antipater & campa avec luy sur le fleuve Penee. Avec ce renfort ter.
l'armée d'Antipaterse trouva forte de quarante mille hommes de pied pesam-
ment armez, cinq mille Chevaux, & trois mille archers ou frondeurs armez
à la légére. L'armée d'Antiphile n'étoit que de vingt cinq mille hommes
de pied, & de trois mille cinq cens Chevaux; mais commele.pays étoituni,
& que le combat se devoit donner en rase campagne, les Grecs cômptoient
beaucoup sur leur Cavalerie qui leur avoit déjà valu la premiére viétoire. Ils
engagèrent donc un combat de Cavalerie contre Antipater; mais celui-ci
ayant fait avancer sa Phalange, fit un grand carnage de l'Infanterie Gréque,
& l'obligea de se retirer sur les hauteurs où la Cavalerie la suivit. Ainsy An-
tipater demeura victorieux ; mais la perte des Grecs ne fut pas considérable.
Ils ne perdirent qu'environ cinq cens hommes, & les Macédoniens cent
cinquante.
Le lendemainMenon & Antiphile Généraux de l'armée des Grecs alliez VlIl.
tinrent conseil, pour délibérer s'ils devoient continuër la guerre, & attendre villesPaix (les
Gré-
les secours qui leur devoient venir de diverses villes,qui étoient entrées en con-
sedération des Grecs, ou s'ils devoient faire la paix avec Antipater. On ré- quet av.ec
Antipater.
solut de faire la paix, & en même tems on envoya des Députez vers Anti-
pater pour luy en faire la proposition. Il repondit qu'il ne vouloit point
traiter avec les Grecs en commun, mais qu'il falloit que chacune des villes
alliées luy envoyât des Députez, & en attendant il commença à assiéger les
villes de Thessalie, les unes après les autres, & à les réduire sous son obéïs-
sance. Les autres villes n'étant pas en état de résister, vinrent de même faire
leur soumission, & enfin elles obtinrent toutes la paix. Il n'y eut que les
Etoliens & les Athéniens qui voulurent à leur risque continuer la guerre.
Antipater marcha contre eux avec toutes ses forces, & les réduisit bientost
à luy envoyer des Ambassadeurs pour traitter de la paix.
Il leur fit réponse qu'il n'avoit point d'autres propositions à leur faire, IX. -
si non celles qu'ils luy avoient faites à lui-même pendant qu'il étoit assiégé Les Athé-
dans Lamie, de se remettre entre ses mains avec tout ,
qui leur niens se
ce appartenoit.
Les Athéniens furent obligez d'accepter ces conditions, & de remettre leur remettent les
puissance. entre
ville à sa Antipater en 'usa avec beaucoup d'humanité. Il leur mains
laissa leurs biens, & se contenta de changer l'état de leur République, voulant d'Anti-
que le Gouvernement en fut laide à ceux qui avoient plus de deux mille pater.
dragmes de revenus, (a) du nombre desquels on choisissoit les Magistrats; Ca) La mi-
que le reste du peuple seroit exclu du Gouvernement & des charges, & qu'ils ne attique
pourroient, s'ils vouloient, se retirer dans la Thrace, où l'on leur donneroit ejî de 4 $,
des champs, a cultiver. livres
Il y en eut environ vingt deux mille qui prirent ce parti. Les autres %.f.%.den.
X.
qui étoient au nombre d'environ neuf mille, gouvernèrent la ville sui vant les Antipater
Loys de Solon. Antipater leur donna pour Gouverneur un nomméMenylle, retourne
pour empêcher qu'ils ne fissent aucune nouvelle entreprise contre les Roys en Macé-
successeurs d'Alexandre. Antipater retourna ensuite en Macédoine où il fit doine ,
le mariage de sa fille ainée nommée Phila, avec Cratérus, à qui il ,avoit de Ccaterus
en Aite.
si
-
si grandes obligations. Craterus s'en retourna en Asie, & Antipater régla le
gouvernement des villes Gréques avec tant de douceur & de sagesse, que les
villes en reconnoissance luy envoyèrent toutes des couronnes d'or. Telle
fut la fin de la guerre qu'on nomma Lamiaque, à cause du siége de la ville de
Lamia.
XI. à
Harpalus cet infidele gardien des Trésors qu'Alexandre avoit Babilon-
Harpalus ne, s'étant enfui d'Asie avec de très-grandes richesses, & ayant emmené avec
cft mis à luy sept mille hommes de troupes, fut mis à mort en trahison dans l'isle de
mort par Créte,
Thimbron. par un nommé Thimbron, qu'il croyoit le meilleur de ses amis.
Ce dernier Avec l'argent, la flotte & les soldats d'Harpalus, Thimbron se rendit dans
se rend la Cyrénaïque, où il grossit son armée des exilez qui etoient dans ces pays.
maicre de Avec leur secours il battit les Cyrenéens & se rendit maître de Cyréne. Quel-
la Cyrénaï- tems aprés un de ses Commandans nommé Mnaficle se soûleva contre luy
que.
que
Diodor, & engagea dans sa revolte la ville de Cyréne. Thimbron attaque auflfytoffc
/. 18. cette ville; mais n'ayant pas assez de sorces pour s'en rendre maître par assaut.
p. 638. il se retira dans le port où étoient ses vaisseaux.
Cependant ceux de Cyréne faisoientdes courses dans le pays d'alentour,
qui tenoit le parti de Thimbron; Celuy-cy accourt au secours de les alliez.
Mnasicle informé de sa marche, entre dans le port & se rend maître de tout
ce qui s'y trouve de vaisseaux. Thimbron comprit combien cette perte luy
étoit préjudiciable; ensuite ayant pris de force la ville de Tariche, il reprit
courage, & recommença à faire la guerre aux Cyrenéens. M,pis comme les
soldats qui étoient sur ses vaisseaux manquoient de vivres, & qu'ils faisoient
des courses dans le pays des environs pour trouver leur subsistance, les Afri-
cains en prirent & en tuèrent un grand nombre. Les autres se sauvérent sur
leurs vaisseaux. Une tempête en fit perir plusieurs; ceux qui echappérent,
furent jettez par les vents, les uns en Cypre, & les autres en Egypte.
XlI. Tant de mauvais succès n'abbattirent pas le courage de Thimbron. Il
Thimbron envoya quelqu'uns de ses amis dans le Peloponése pour enrôler de ces sol-
est vaincu dats mécontens qui s'y étoient retirez d'Asie. On luy en amena deux mille
par les-
de cinq cens, qu'il joignit à ce qu'il avoit encore de troupes:les Cyrénéens de
gens
Ptolémée leur côté firent venir du secours de Carthage & des pays voisins de la Cyré-
Roy d'E- naïque, & formèrent une armée de trente mille hommes. Ils ne laissérent
gypte- pas d'être battus par Thimbron, qui leur tua bien du monde, & fit grand
Diodor. nombre de prisonniers. La guerre tirant en longueur, & Thimbron conti-
J. t3.
Arrian. nuant à assiéger Cyréne , la division se mit dans la ville, & les simples Bour-
apud Pho- geois en chassérent les plus notables & les plus riches. Ceux-cy se retirèrent,
tium. cod. les uns auprés de Thimbroll,& les autres auprès de Ptolemée Roy d'Egypte.
92. Ptolémée résolu de les rétablir dans leur patrie, envoya Ophellas un de ses
Généraux avec une bonne armée contre Thimbron. Ceux de Cyréne effra-
yez de l'arrivée de la flotte Egyptienne, se joignirent à Thimbron. Le com-
bat se donna, Thimbron fut fait prisonnier, frappé de verges & conduit au
port de Cyréne pour y étre pendu ou crucifié. Ophellas réduisit toutes les
villes en la puissance de Ptolémée, qui par ce moïen devint maître de toute
la Cyrénaïque.
Per..
Perdiccas du vivant d'Alexandre avoit fiancé Nicée fille d'Antipater Gou- :xIlL
verneur de Macédoine , dans le dessein de le mettre dans ses intérêts, & de veut Perdiccas
épouJ
vivre avec lui dans une parfaite intelligence ; Mais depuis la mort d'Alexan- ser Cleopa-
dre, se voyant comblé de richesses , & ayant la tutele du jeune Roy Alexan- tre soeur
dre, il porta ses veuës plus loin, & résolut d'épouser Cleopatre soeur d'Ale- d'Alexan-
xandre le Grand, persuadé que ce seroit un moïen infaillible de se concilier dre le
les coeurs des Macédoniens,& de se fraïer le chemin à la souveraine autorité. Grand.
DiodorJ.it
Il ne laissa pas d'époufer Nicée, pour ne pas aliéner l'esprit d'Antipater; Mais Arrian.
Antigone qui étoit auprés de Perdiccas , ayant pénétré ses veuës, Perdiccas
résolut de le faire mourir. Antigone le prévint & se retira en Europe auprés
d'Antipater. Celui-ci avec Cratére étoit alors occupé dans la guerre contre
les Etoliens, qui étoient les seuls des Grecs qui ne se fussent pas encore sou-
mis.
Antipater avoit une armée de trente mille hommes de pied, & de deux XIV.
mille cinq cens Chevaux. Les forces des Etoliens étoient beaucoup moin- Antipatei
dres; ils n'avoient qu'environ dix mille hommes de troupes. Aussi n'osérent- ravage le
pays des
ils tenir la campagne. Ils abandonnèrentle plat pays & les villes les moins £toliensf
fortes, mirent garnison dans les meilleures places & retirérent leurs vieil-
lards, leurs femmes & leurs enfans dans des lieux de, difficile accès. Antipater
& Craterus s'emparérent aisément des villes qu'ils trouvérent abandonnées,&
poursuivirent les Etoliens qui s'étoient jettez dans les montagnes. L'hyver
approchant, les Etoliens se trouvérent dans une extrême disette, & exposez An du M.
aux rigueurs de la saison. Ils n'avoient plus d'autre ressource que de recou- ;68;. -

rir à la clemence d'Antipater, lorsque le Ciel les tira de ce danger par un coup avant J. C.
tæpreveu. 317.
Antigone étant arrivé à l'armée d'Antipater & de Craterus leur exposa XV.
les desseins de Perdiccas, & qu'ayant épousé Cléopatre, il devoit, au premier Paix d'An-
jour passer en Macédoine avec une armée, pour s'en rendre maître &y établir tipaterles
avec
le siége de son Royaume. Sur cet avis, ils tinrent Conseil, & resolurent de Italiens.
iaire la paix avec les Etoliens, puis de faire passer leur armée en Aile, de dQn-
ner à Cratére le gouvernement de l'Asie, celui de l'Europe à Antipater, & de XVI.
dépêcher a Ptolémée Roy d'Egypte ancien ennemi de Perdiccas,pour le prier Perdiccas
d'entrer dans leur confédération. En même tems ils envoyèrent des Ambafla- sait la
deurs vers Euménes & Neoptoléme, pour la même raison. Euménes ne jugea guerre au
Roy
pas a propos d'entrer dans cette quérelle ; Mais Neoptoléme y donna les d'Egypte.
mains. Aprés cela on fit la paix avec les Etoliens, en attendant une meilleure
occasion pour les chasser de la Gréce, & pour les bannir dans quelques coins
de l'Asie.
Cependant Perdiccas tint Conseil avec ses amis, savoir s'il marcheroit
d abord contre Antipater & s'il passeroit en Macédoine,ou s'il commenceroit
Diodor.l.i&
la guerre par l'Egypte. On conclut qu'il salloit premièrement assûjettir Pto- tfujïin.
lemee, pour le mettre hors d'état de troubler le dessein qu'on avoit formé. Arrian. f
1.1

de porter la guerre en Macédoine. Ainsi Perdiccas Euménes pour se Plutarcb.


saisir des passages de l'Hellespont, afin qu'Antipater
envoya in Eumene.
ne pût passer enAûe,pen-
dant que lui-même avec ses Généraux prit la route d'Egypte pour attauer Pausan. Atticif.
in
,
Ptolémée dans sou Royaume. Il partit de Damas, conduisant avec soy le jeune
Roy Alexandre, fils d'Alexandre le Grand & de Roxane.
XVII. Antipater & Craterus partagérent leur armée. Craterus sut laissé en l\ia-
Bataille cédoine pour s'opposer à Euménes, avec ordre de passer en Afie ; Antipater
entre Eu- l'armée marcha vers la Cilicie, pour delà aller en Egy-
méne & avec l'autre partie de
Antipater, pte joindre ses forces à celles de Ptolémée contre Perdiccas. Neoptolénle
& contre qui s'étoit déclaré pour Antipater, attaqua Euménes; Ils le joignirent dans la
Craterus & Cappadoce ; Euménes craignant que ses soldats ne l'abandonnassent,s'il leur
Neopto- déclaroit l'ennemi qu'il alloit combattre feignit que Neoptoléme venoit de
léme. ,
nouveau les attaquer avec Pigris & une multitude de Cavaliers Cappadociens
& Paphlagoniens. Lorsque les armées furent en présence, Craterus prit le
commandement de l'aîle droite, & donna celui de l'aile gauche à Neoptolé-
me.
Euménes opposa à Cratére Pharnabaze fils d'Artabaze , & le Phénicien
Tenedius, avec ordre de s'attacher à la personne de Craterus sans rien dire ;
Pour lui, il se mit à la tête de trois cens Cavaliers d'élite, & poursuivit Neop-
toléme. Craterus se jetta avec un corps de Cavalerie à travers les ennemis ;
Mais son Cheval ayant fait un faux pas , il fut percé d'un coup de lance &
renversé par terre. Un des Officiers d'Euménes l'ayant reconnu le fit gar-
der, & on le porta hors de la mélée. D'un autre côté Euménes & , Neoptolé-
me après avoir combattu pendant quelque tems à la tête de leurs escadrons,
s'empoignèrent, & étant tous deux tombez de cheval,Euménes frappaNeop-
toléme dans le jarret & le renversa. Neoptoléme ne laissa pas de le deffen-
dre pendant quelque tems appuyé sur ses genoux , il blessa même Euménes
en trois endroits, mais aÍfez légèrement. Euménes enfin lui dechargea un
grand coup & lui abbattit la tête, environ dix jours aprés le premier com-
bat où Neoptolénle avoit été vaincu. Aprés cela Euménes accourut au lieu
où étoit Craterus, lui donna la main, pleura sa disgrace & aprés sa mort lui fit
faire de magnifiques funerailles.
Les deux Chefs de l'armée Macédonienne ayant ainsi été mis à mort,
la Cavalerie qui avoit été mise en fuite , se retira vers la Phalange qui étoit
encore entière. Comme ellê se trouvoit en un lieu d'où elle ne pouvoit sor-
tir malgré Euménes, ce Général leur fit promettre par serment qu'ils ne
porteroient point les armes contre lui , & leur pernlit d'aller chercher des
fourages & des alimens dans les campagnes voisines; Mais ces troupes ayant
pris de la nourriture, se retirérent secretement pendant la nuit vers Antipater.
Euménes brûloit d'envie de venger ce manque de parole & de poursuivre la
Phalange, mais les blessures qu'il avoit reçuës dans le combat, & la crainte
de se commettre avec un corps aussi nombreux & aussi vaillant, l'empêchérent
d'executer sa résolution.
:xVlIl. Cette victoire d'Euménes lui aquit beaucoup de gloire,&inspira beaucoup
Perdiccas de confiance à Perdiccas. Il arriva à Peluse menant avec lui les deux Roys
arrive en Aridée, & le petit Alexandre fils de Roxane. Il entreprit de nettoyer un des
Egypte. extraordinairement débordé, & ayant
ejodor.l. i8 canaux du Nil ; Mais ce fleuve s'étant
Arriau, ruiné ses travaux , & Ptolemée dont tout le monde cannoifloit la douceur,
l'affa-
l'affabilité, l'équité, ayant fait voir que Perdiccas lui faisoit la guerre sans fu-
jet, plusieurs des amis de Perdiccas l'abandonnèrent,& se
rangérent du parti
de Ptolemée.Perdiccas
craignant les suites de ces désertions, assembla [esGénéraux,les XIX.
combla de caresses & de présens , leur fit de magnifiques promesses & ra- Perdic-
leur bonne volonté à son égard. Il décampa sur le soir, & ayant mar- cas est
nima obligé de
ché toute la nuit, arriva au point du jour sur le bord du Nil. 11 fit paffer ce se retirer
fleuve à ses troupes & à ses Eléphans, & commença l'attaque du fort quiétait de l'Egy-
de l'autre côté. 11 fut repousse par Ptolémée, & obligé de se retirer dans son ptc.
La nuit suivante il décampa, & arriva vis-à-vis Memphis, en un lieu
camp.
où le Nil se partageant en deux bras,forme une Isle propre à contenir une ar-
mée. Il entreprit d'y faire passer son armée, quoiqu'à grande peine, à cause
de la profondeur du fleuve en cet endroit. Aprés avoir perdu bien du
monde , les uns ayant été noyez , les autres emportez par le coulant du
fleuve & entrainez vers les ennemis. Il y en eut plus de mille de dévorez
par les monstres marins, il fut obligé d'abandonner cette entreprise, où il per-
dit plus de deux mille hommes, entre lesquels on comptoit plusieurs grands
Capitaines, ce qui aliéna de plus en plus les esprits. Ptolémée aïant fait brû-
ler les corps des soldats que le fleuve avoit rejettés de son côté,& leur ayant
fait des funérailles honorables , renvoya les os des plus notables à leurs pa-
rens & amis ; ce qui augmenta beaucoup l'indisposition que les Macédoniens
avoient conçuë contre Perdiccas, & gagna les coeurs à Ptolémée.
La nuit suivante le camp retentit de pleurs & de gemissemens; &ceux Mort XX.
de
des principaux Chefs, entre lesquels étoit Pithon un des amis & des plus vail- Perdiccas.
lans Capitaines d'Alexandre, tout d'un coup se jettérent dans le parti de Pto-
lémée. La phalange entiére ne diffimuloit plus son chagrin, elle murmuroit
tout haut de la perte de tant de braves gens qui étoient morts, sans avoir seu-
lement tiré l'épée contre l'ennemi. En même tems quelques Cavaliers cou-
rurent en armes à la tente de Perdiccas & le percèrent de coups, latroisiénle
année de son Gouvernement.
Le lendemain Ptolemée paffe le Nil & se rend au camp où étoient les XxIi
deux Roys Aridée & Alexandre ; il les comble de présens, leur rend l'hon- Aridée Pithon &
neur qui leur est du, fournit abondamment des vivres à l'armée, qui en man- sont dé-
quoif, s'excuse & justifie sa conduite , s'empresse de faire plaisir à tous les clarez
Macédoniens,& de gagner leur amitié & leur confiance. Il n'agissoit point Gouver.
par des veuës basses d'intérêt; il lui auroit été facile aprés la mort de Perdic- ncurs des
deux Roy.
cas de se faire donner le Gouvernement Général & la tutéle des deux Roys. Il Alexandre
aima mieux s'employer pour la procurer à Pithon, & à Aridée , à qui il avoit & Aridée.
de trés-grandes obligations. Pithon avoit autrefois réduit à l'obéïssance les
Grecs de la haute Aiie, qui s'étoient revoltez, & Aridée avoit amené le corps
d'Alexandre le Grand en Egypte.
Deux jours aprés ces grands changemens arriva la nouvelle de la défaite xxii.
&de la mort de Craterus & de Neoptoléme, par les armes d'Euménes. A cette Euménes est déclaré
nouvelle les Macédoniens entrérent en fureur, sur tout à cause de la mort de ennemi
Craterus, & déclarèrent Euménes ennemi public, avec cinquante de ses Prin- public.
cipaux Officiers & amis, entr'autres Aledas frere de Perdiccas. De plus ils
firent mourir en Egypte sa soeur Atalante Epouse d'Attale, qui commandoit
à Peluse la flotte Macédonienne, & plusieurs autres amis de Perdiccas.Attale,
informé de la mort tragique de sa femme & de sonBeau-Frere, se retira avec
sa flotte dans la ville de Tyr, où il fut fort bien reçu par Archelaiis qui en
,
étoit Gouverneur, lequel lui remit fidélement huit cens talens que Perdiccas
lui avoit confiez.
XXil!. Eurydice Epouse du Roy Aridée étoit une Princesse ambitieuse & in-
Euryilicc quiète qui vouloit se mêler des affaires d'Etat,& prétendoit que Pithon &
,
Ipoufe du Aridée les deux Gouverneurs des Roys
RoyAridée ne feroient rien sans la consulter.
veut sc Dans les commencemens ils
déférérent à ses desirs ensuite voyant que la
,
mêler du chose alloit trop loin, ils la priérent civilement de leur laisser le soin des in-
gouverne- térêts du Roy, en attendant qu'Antigone & Antipater arrivaient. Ils arrivé-
apcat. rent bientost après, & les deux Roys avec leur armée quittérent l'Egypte, &
vinrent en un lieu nommé les trois Paradis, ou les trois Vergers où Pithon
,
ennuyé des empressemens qu'Eurydice témoignoif pour commander & des
complaisances que les Macédoniens avoient pour ses volontez, renonça pub- ,
liquement au Gouvernement & à l'employ dont on l'avoit chargé. Les Ma-
cédoniens choisirent en sa place Antipater, qui étant arrivé peu de jours aprés
aux trois Paradis, & ayant trouvé Eurydice , qui soûlevoit les Macédoniens
contre lui, les assembla & leur parla avec force & dignité , appaisa les esprits
emus, & fit entendre à Eurydice qu'il étoit en état de ne la pas craindre.
XXIV. Cependant Eurydice ne demeura pas en repos. Les soldats l'lacédoni-
Sédition ens aïant demandé en tumulte qu'on leur donnât les sommes qu'Alexandre
dans l'ar- leur avoit prcmises Antipater leur répondit que leur demande étoit juste,
mée. Anti-
pater
niais que n'ayant point
, d'argent
comptant, ilferait les recherches nécessaires
court ris- pour découvrir où étoient les Trésors du Roy , & qu'alors ils auroient satis-
que de sa fadion. Cette réponse sut mal reçuë de l'assèmblée, & la Reine aussi bien
îe. qu'Attalus ayant encore parlé contre Antipater peu s'en fallut qu'on ne lui
,
fit violence. Antigone & Seleucus ayant voulu prendre son parti furent
,
aussi en danger de leur vie. Antipater échappé de ce danger, se retira au
milieu de son armée, en attendant que la sédition fût appaisée.
XXV. Aprés cela Antipater fut obligé de faire un nouveau partage des Provinces
Antipater qui composoient la Monarchie d'Alexandre le Grand à cause des change-
fait an ,
mens qui étoient arrivez dans l'Empire depuis la mort de ce conquérant ; Il
nouveau
partage laissa néanmoins la plupart des Gouvernemens à ceux à qui ils avoient d'a-
des l'ro- bord été donnez ; Mais il y fit quelques changemens, ou y ajoûta quelque
vinces & chose selon les circonstances. Il laissa l'Egypte à Ptolçmée, qui en étoit en
des Royau- possession & qui pouvoit être considéré comme le nouveau conquérant,
mes de en
J'Empire par les guerres qu'il y avoit [oûtenuës. Il donna la Mésopotamie & le pays
d'Alexan- d'Arbéle à Amphimaque frere du Roy. La Babylonie fut donnée à Seleucus;
dre. Le pays des Parthes à Philippe; PAGe & la Drangiane à Stalàndre de Cypre;
Diodur.11818
La Baéhiane & la Sogdiane à Stasanor aussi de Cypre.
£.648- 649- Il ôta la Médie à Atropate Beau-Pere de Perdiccas, & la donna à Pithon
fils de Cratée ; Mais Atropate se maintint dans le petite tiédie & y régna
, de
de même que ses descendans, qui y subsistoient encore du tems de Strabon. Strabon-:
C'est de cet Atropate que le pays prit le nom d'Atropatie. On donna à An- 1.II.P 6z;
tigone Chef des Argyraspides, en recompense de ce qu'il avoit le premier
attaqué Perdiccas, on lui donna le gouvernement de la Susiane, & l'inten-
à
dance des tributs; la Perse fut donnée à Peuceste, la Carmanie Clepoléme,
le pays des Paropamisades à Oxyarthes Pere de Roxane. Les Indes qui con-
finent avec les Paropamisades à Pithon fils d'Agenor.On laissa à Porus & Ta- à
xiles les Royaumes qu'ils possédoient; le premier sur le fleuve Indus, & l'autre
sur l'Hydaspe.
Il établit Gouverneur de la Cappadoce Nicanor, de la grande Phrygie XXVI.
& de la Lycie Antigone; de la Carie, Cassander ; de la Lydie, Clytus; de la Nouveaux Gouver.
Phrygie sur l'Hellespont , Aridée; Antigone reçut le commandement de l'ar. neurs éta-
mée des Roys, qui étoit cy-devant sous le commandement de Perdiccas, avec blis par An-
ordre de combattre Euménes partout où il le rencontreroit. On lui confia tipater.
de plus la garde de la personne des Roys Aridée & Alexandre, & de peurqu'- Diodor. i. t8 .Ar~
Antigone revêtu d'une si grande autorité n'entreprît quelque chose au désavan- rian.
tage de l'Etat, Antipater luy donna son propre fils Cassander Gouverneur de
Carie, pour Lieutenant Général de la Cavalerie; enfin Antipater mit auprés
de la personne des Roys pour les garder, Autolyque fils d'Agathocle, Amyn-
tas fils d'Alexandre & frere dePeucestas, Ptolemée fils dePtolemée,& Alexan-
dre fils de Polysperchon. Cette disposition fit honneur à Antipater; & toute
l'armée Macédonienne lui en donna de grandes loiianges. Il prit ensuite
avec les Roys & son armée, le Chemin de la Macédoine.
Euménes informé qu'il étoit declaré Ennemi public par le Conseil des XXIiIl.
Macédoniens, & qu'Antigone avoit reçu la commission de lui faire la guerre, Euménes déclaré à
fut le premier a le déclarer à ses troupes, afin de prévenir les bruits publics qui son armée,
pourroient en apporter la nouvelle à l'armée & exagérer les choses, comme qu'il est
il n'arrive que trop souvent, & afin de prendre son parti sur les dispositions déclaré en-
qu'il remarqueroit dans ses soldats, il leur dit que si quelqu'un craignoit, il nemi pu-
pouvoit se retirer. Ce discours fit uneimpression si vive sur son armée, qu'elle blic.
ffujlin.l. 14.
luy renouvella ses protestations de fidélité & d'attachement, & luy promit c. 1.
d'effacer & d'annuller par le fer, l'arrêt du Conseil des Macédoniens.
Alcetas frere de Perdiccas, qui étoit enveloppé dans la même condam- xxvm.
nation qu'Euménes, se sauva dans la Pisidie & s'y fortifia, ayant gagné les retire Alcetas se
dans
cœurs des Grands du pays par ses manières honnêtes & insinuantes, & en la Pifidie.
partageant avec eux par moitié, tout ce qui se prenoit sur l'ennemi. D'un Attaîe veut
autre côté Attalus, qui commandoit la flotte Macédonienne, & qui comme s'emparer
de Rhodes
on l'aveu cy devant, s'etoit retiré àTyr, où il trouva huit cens talens que &c.
Perdiccas y avoit laissez, leva du monde, & se vit bientost une armée de dix An du M.
mille hommes de pied & de huit cens Chevaux, avec lesquels il entreprit 3 68 4. avant
de se rendre maitre des Isles de Cnide, de Caune & de Rhodes; mais Dema- J. G. 316;
rate qui commandoit la flotte des Rhodiens,le repoussa vigoureusement. En 1uflin.l.I4.
même tems Euménes envoya prendre desChevaux dans les haras du Roy, qui c.tarch. 1. Plu.
iTI.
étoient au mont Ida, pour remonter sa Cavalerie ; puis il s'avança vers Sar- Eumene.
des, où était Cleopatre soeur d'Alexandre le Grand, persuadé que sa présence
& son approbation seroient d'un grand poid pour affermir dans son parti les
Officiers & les soldats de ion armée.
XXIX. Antipater son Antagoniste marchoit aussi vers Sardes, & Euménes étoit
Euménes résolu de luy livrer bataille dans les campagnes de Lydie, parcequ'il se sen-
se retire à
Sardes. toit le plus fort en Cavalerie; maisCleopatre craignant qu'on ne lui en fit un
crime auprès des Macédoniens, persuada à Euménes de le retirer de Sardes.
à
Antigone y arriva quelque tems aprés, &fit des reproches Cleopatre de son
attachement au parti d'Euménes & de Perdiccas. Cette Princesse se défen-
dit avec plus de force qu'on n'en devoit attendre d'une personne de son sexe,
& fit à son tour de grands reproches à Antigone ; ce qui n'empêcha pas qu'ils
ne se quittassent en bonne intelligence.
XXX. Euménes au sortir de la Lvdie prit son chemin vers la Phrygie supérieure
Euménes & passa l'Hyver à Caléne; d'où il écrivit à Aleéte & à ses autres alliez de se
en Phrygie,' rendre auprès de luy, afin de réünir toutes leurs forces contre l'ennemi com-
puis en
Cappa- mun; mais cet avis si salutaire ne fut point écouté; Alede, Polemon & Do-
doce. cime voulant luy contester le commandement de l'armée, au lieu de songer
Plutarch. à repousser le peril qui les ménaçoit tous. Euménes aprés l'Hy ver prit le
in Eumene. chemin de la Cappadoce, où Antigone le suivit dans la résolution de luy
$uflin.l.14•t
I. livrer le combat. Comme les armées étoient assez proches, on trouva dans
s.
le camp d'Euménes plusieurs billets, portant cent talens de recompense & un
employ honorable dans l'armée Macédonienne, à celuy qui apporteroit la
tête d'Euménes. Dez le lendemain Euménes ayant assemblé ses soldats, leur
rendit graces de ce qu'aucun d'eux ne s'étoit laissé eblouïr par des promessès
ii flatteuses, puis il leur déclara que c'etoit luy-même qui avoit fait semer ces
billets, pour éprouver leur fidélité; ce qui fit redoubler l'attachement des sol-
dats pour leur Général, & les précautionna pour l'avenir contre de pareilles
tentations. En même tems on lui donna mille hommes choisis pour sa garde;
& Euménes recompensoit ses amis en leur donnant des tuniques & des man-
teaux de pourpre, par un privilége particulier qu'il en avoit, ce qui est de
droit réservé aux Roys dans la Macédoine.
XXXI Antigone avoit dans son armée environ dix mille hommes de pied d'ex-
défaite cellentes troupes Macédoniennes, & deux mille Chevaux, avec trente Elé-
d'Eurné- Euménes n'avoit pas moins de vingt mille hommes de pied & de
phans.
nes par nommé Perdic-
Antigone. cinq mille Chevaux ; mais Antigone luy avoit débauché un
cas qui commandoit trois mille hommes de pied & cinq cens Chevaux, &
etoit campé à trois journées du camp d'Euménes. Celuy-cy ayant été infor-
mé de la défeftion de Perdiccas, envoya contre luy Tenedius le Phénicien,
qui le surprit, le prit & ramena ses soldats ; Antigone avoit aunigagné à force
depromesses un autre des Officiers d'Euménes nommé Apollonide, qui com-
mandoit une troupe de Cavalerie; qui devoit passer durant le combat du côté
des Macédoniens. Ce dernier fut cause du gain de la bataille où Antigone
battit Euménes, dans les campagnes de Cappadoce. Euménes y perdit en-
viron huit mille hommes & tout Ion bagage.
XXXII. Mais il fit une action de hardiesse & de présence d'esprit admirable; il
présence arrêta Apollonide comme il passoit dans le parti d'Antigone, &le fit pendre;
& aprés sa déroute il revint sur ses pas avec ceux qui l'accompagnoient; & d'erprit
ayant pris un autre chemin que les ennemis qui le poursuivoient, il retourna d'Eumé-
sur le champ de bataille, fit amasser en monceaux les morts qui étoient, les nes.
y
Officiers d'un côté, les simples soldats d'un autre ; & ayant fait arracher les
portes des maisons dans les villages voisins, s'en servit pour les brûler; puis
fit enterrer leurs os & leurs cendres, & se retira en lieu de sureté. Antigone
à son retour au camp ne put s'empêcher d'admirer une adion si hardie & si
bien conduite.
Le même Euménes fit une autre chose qui ne mérite pas moins de loü- XXX111.
anges. Comme il se retiroit du champ de bataille, il tomba dans les ba- Euménes
gages d'Antigone, où il y avoit grand nombre de personnes de condition, use de Stra-
quantité d'esclaves & de grandes richesses ; au lieu d'en abbandonner le pil- tagéme
lage à ses soldats, il leur ordonna de repaître, de se reposer, de faire pour em-
man- pêcher ses
ger leurs Chevaux, aprés quoi ils marcheroient contre ceux qui gardoient gens de
le bagage; mais en attendant il fit avertir sous mainAlenandre qui commandoit piller.
les troupes gardiennes du bagage, de se retirer promtement sur les hauteurs; si Plutarcb.
non qu'il alloit être enveloppé par sa Cavalerie. Menandre le crut & les soldats in Eumene.
d'Eumenes furent frustrez du pillage qui les auroit enrichis, mais aussy qui les
auroit surchargez, & mis hors d'état de fuir,& en même tems les auroit rendus
plus timides, & moins courageux pour s'exposer aux dangers. Aussi Antigone
dit publiquement qu'il ne l'avoit pas fait par consideration pour les person-
nes qui étoient sous la garde de Menandre, maispourne pas retarder sa fuite
par tous ces embarras.
Il continua donc sa retraite avec peu de monde, ayant même conseillé XXXIV.
à la plupart de ses soldats de se retirer, n étant plus en etat de les entretenir Euménes
Il n'en retint qu'autant qu'il en falloit, non pour combattre l'ennemi, mais se retire
pour faire une retraite qu'on ne pût pas qualifier une fuite clandestine & de au Château
précipitée. Il arriva accompagné seulement de cinq cens Chevaux & de deux Nora.
Plutarch.
cens hommes de pied, au Chateau de Nora, sur les confins de la Lvcaonie ibid.
& ûe la Cappadoce il permit à tous les amis, qui ne pouvoient s'accon1-
;
moder d'un lieu si dépourveu de commodjtez, car il y avoit du blé, de l'eau
& du sel en suffisance, mais rien audela; il leur permit, dis-je, de se reti-
rer, les embrassa & leur fit toutes sortes d'amitié en les Quittant
Antigone vint bientost avec son armée pour l'assiéger dans
mais avant que d'en venir à la force, il lui fit proposer
une entrevue-
ce poste • XXXV.
Eu- Entrevcuë
ménes demanda des otages. Antigone luy sit dire qu'il eut àvenir,non com- d'Euménes
me à son egal, mais à son superieur. Je ne reconnois personne pour supe- & d'Anti-
rieur, répliqua Euménes, tandisque je feray maître de monépée. En même gonc.
tems il dit qu'il ne sortiroit point qu'on ne lui envoyât en ôtagePtoléméefils
de son frere. Antigone le luy envoya, & aussitost Eunléne descendit
au
camp d'Antigone. Ces deux Généraux s'embrassérent, se donnérent toutes
les marques d'une sincére amitié, eurent ensemble un long entretien; &
comme Euménes non seulement ne parloit ny de pardon, ni de paix mais
encore qu'il demandoit qu'on luy confirmât les Gouvernemens qu'il'avoit
eus auparavant, tout le monde en sut etonné & admira sa grandeur d'ame &
1a
sa résolution. Antigone en le quittant luy dit qu'il féroit rapport de ses dis-
positions à Antipater, & le fit reconduire enseureté dans sa forteresse. An-
tigone le fit envelopper d'un double mur & d'un double fossé, & ayant
laissé pour continuer le siége, une assez grosse armée, il s'en retourna vers
Antipater.
xx xvi Quelque tems aprés Euménes envoya des Députez vers Antipater, pour
Conduite traiter de la paix; cependant il demeuroit enferme dans Nora, saisant de
d'Euménes tems
en tems des sorties sur les ennemis & renversant leurs travaux. Il vivoit
dans Nora. milieu de ses gens avec autant de tranquilité & de gayeté, que s'il eût été
Diodor. au
/. 18. Plu- dans la plus grande
assûrance ; &. comme il craignoit que les Chevaux de ses
tarch. in Cavaliers ne s'engourdissent faute d'exercice, il les faisoit suspendre tous les
Eumewt. jours à certaines heures, de telle manière qu'ils avoient les pieds de devant
guflin.!.[4. l'air; etat il les faisoit mettre en mouvement jusqu'à la sueur; aprés
Æmil. en en cet
Prab. in quoy il leur faisoit donner de l'orge cuit dans l'eau, comme moins nourissant,
Eumene. plus léger & plus aisé à digérer ; par ce moïen il maintint ses Chevaux aussy
Frontin. beaux, aussy propres & aussy légers que s'ils eussent toujours été dans la
Jlratagem. plaine &
/. 4. c, 7- en liberté.
XXXVIL Pendant que ces choses se passoient au Chateau de Nora, Ptolemée fils
Ptolémée de Lagus, qui gouvernoit l'Egypte avec une autorité absoluë,quoi qu'il s'ab-
fils de La- stint encore du nom de Roy, jugea que pour se maintenir dans ce païs, il étoit
gus fait la pour lui de la derniére importance, de se rendre maître de l'isle de Cypre,
conquête de la Syrie creuse; il mit tout en oeuvre pour s'emparer
de la Syrie de la Phénicie &
& de la de tous ces pays. Il promit àLaomedon de Mitylane , qui en avoit été etabli
rhénicie. Gouverneur par Perdiccas, & ensuite par Antipater, de trés-grotïes sommes
pour le porter à les luy livrer. Laomedon futfitinflexible, Ptolemée fit mar-
cher contre luy Nicanor un de ses amis, qui priionnier Laomedon, & se
rendit en peu de tems maître de toute la Syrie & de la Phenicie, & en par-
ticulier de la Judée qui n'etoit pas alors une Province distinguée de la Phé-
nicie. Nous avons parlé ailleurs de cette conquête de Nicanor & de la prise
de Térusalem.
XXXVIII. D'un autre côté Antigone ayant laide la conduite du liège de Nora à
Vi&oire quelqu'uns de ses Officiers, se réndit en diligence en Pisidie, où il surprit
d'Antigo- Alcetas & les siens, & vint se montrer sur une éminence, avant que les enne-
ne contre mis eussent connoissance de sa venue. Il avoit dans son armée outre les Elé-
Alcetas.
An du M. phans, quarante mille hommes de pied & sept mille Chevaux. Alcete n'avoit
3 6 8 avant qu'environ seize mille hommes de
pied, & neuf cens Chevaux: Nonobstant
J.G. 315.
une si grandre inégalité de forces, Alcéte livra la bataille ; mais il fut alternent
Diodor.
/. 18. vaincu. Attale, Docime & Polemon furent faits prisonniers de guerre, &
Antigone incorpora toutes leurs troupes dans son armée, ce qui l'augmenta
trés-considérablement.
XXXIX. Alcete avec ses fils & environ six mille Pifidiens, qui luy avoient juré
Alcete est une fidélité inviolable, se sauva dans la ville de Termeiïe, où il fut bientost
livré à An- assiégé
par Antigone. 11 fit sommer ceux deTermesse de luy livrer Alcéte.
tigone. Les anciens en étoient d'avis, mais la jeunesse s'y opposa. Cependant les an-
çiens pendant la nuit firent dire à Antigone que s'il vouloit attirer leur jeunesse
assez
allez loin hors de la ville, par une fuite feinte & affedée, ils se saisiroient
d'Alcéte & le luy remettroient entre les mains. Antigone le fit, & Alcételui
fut livré parles anciens; mais ilse donna la mort^pour ne pas tomber entre
les mains d'Antigone. On luy envoya son cadavre qa'il traita indignement,
& le laissa sans sépulture. Aprés quoy il quitta la Pysidie, & vint avec Ion
armée enPhrvsrie. où il apprit la mort d'Antipater, & que Polysperchon lui
avoit succédé dans le gouvernement général de leiiipire.
En effet Antipater se voyant en danger de mourir, désigna pour lui Polysper- XL.
succéder dans cet important employ Polysperchon, qui étoit presque le plus chon succé.'
ancien des Généraux qui avoient servi sous Alexandre, & qui étoit en grande de à Anti.
estime parmi les Macédoniens, & donna à Cassandre son propre fils la charge pater dans
de Lieutenant-Général de la Cavalerie, qui étoit trés-considerable dans les ar- le Gouver-
mées LVlacédoniennes. Cassandre ne put souffrir la préférence que son Pere nement général de
avoit donnée à Polysperchon, & prétendit avoir à son exclusion la souveraine l'Empire
autorité. Il écrivit à Ptolemée Gouverneur d'Egypte & à plusieurs autres Diodor.
Gouverneurs de Province, pour les engager à prendre les armes pour soûte- 1. îS.Plu-
11 passa même l'Hellespont, & vint se rendre auprés
tarcb. iit
nir les prétentions. Eumcne.
d'Antigone dans le même dessein. Antigone qui avoit en veuë de se rendre
paître de toute l'Asie, reçut fort bien Cassander,& lui promit son sécours.mais
au fond il ne cherchoit qu'à l'engager dans une guerre longue & difficile,afin
qu'occupé de les propres affaires, il ne songeât pas à le trav.erser dans la ré-
solution qu'il avoit prise d'établir sa domination dans l'Asie.
La chose lui paroissoit facile, ayant sous son commandement une armée XLI.
de soixante mille hommes de pied , de dix mille Chevaux & de trente Elé- veut Antigone
s'em-
phans, & se trouvant en état d'augmenter encore son armée par de nouvelles parer du
levées dans toute l'Asie. Il tint sur cela Conseil avec ses amis, leur promet- Gouver-
tant les Gouvernemens & les Satrapies de ceux qui occupoient alors les nement
principales Provinces de ce vaste pays. Ces choses ne se purent conduire si Générai.
secrétement que les Gouverneurs des Provinces n'en fussent informez, & qu'ils
ne prissent leurs mesures pour se maintenir contre Antigone. Aridée Satrape
de la Phrygie qui est sur l'Hellepont, résolut de s'emparer de Cyzique qui
étoit une'ville grande, forte & opulente & trés-propre à faire une longue ré-
siitance en cas d'attaque. 11 l'assiégea avec une armée assez considéi able ;
mais les Cyziceniens sous prétexte de traiter de paix, tirérent la chose en
longueur, & pendant cet intervalle firent venir de Bizance des troupes, des
armes & des machines de guerre & quelques vaisseaux, qui leur servirent à
amener dans la place ceux des leurs qui étoient dans les champs sur la terre
serme ; par ce moïen Aridée fut obligé d'abbandonner son entreprise, & de se
retirer dans son Gouvernement.
En même tems Antigone qui étoit alors à Celame dans la Phrygie, accou-
rut au secours de Cyzique ; mais il la trouva délivrée, & envoya des Am-
basfadeurs à Aridée pour lui faire des plaintes & des reproches de sa conduite,
& le sommer de quitterson Gouvernement. Aridée méprisa ces ordres, &
ayant diitribué une partie de ses troupes dans ses places fortes, il envoya le
reste au secours d'jbuménes, qui étoit toujours assiége dans la forteresse de
Nora. On rapporte diversement la manière dont il en sortit; voicy comme
Plutarque & Diodore le racontent. -

JïLH. Antigone roulant daQs son esprit les moïens d'exécuter


# son grand
.
def-
Euménes fein de s'emparer de l'Empire de l'Asie, fit venir auprés de luy Jérome Car-
est (leli-vré dien, ami & Compatriote d'Euménes, qui étoit alors avec lui dans la forteresse
fie sa for-
de Nora. Il le pria de se charger de ses commissions auprés d'Euméne, &
terefTe de fui proposer de sa.part de faire alliance avec luy, sous promesse de le com-
Nora. Il se de
retire en bler de biens & d'honneurs, de luy donner un Gouvernement plus grand
Gappado*
que celui qu'il avoit auparavant, pourveu
qu'il voulût entrer dans ses desseins
le. & luy jurer amitié. En même teins il luy mit en main une formule de ser-
ment, qu'il souhaittoit qu'Euméne souscrivit. Jérôme exécuta sa commission,
& Euméne ayant changé ce qu'il jugea à propos dans la formule préscrite par
Antigone, y mit qu'il promettoit fidélité à Olympiade, aux deux Roys
Aridée & Alexandre & à Antigone, au lieu qu'Antigone avoit tout mis en
son nom, sans faire mention d'Olympiade ny des Roys.
Euménes fit voir les deux formules aux assiégeans, lesquels ayant trouve
la seconde meilleure que la premiere, levèrent le siége, aprés (ju'Euménes
eut fait le serment tel qu'ils l'avoient approuvé, & l'envoyèrent a Antigone.
Celuy-cy fut extrêmement indigné , & contre Euménes qui avoitLoig chan-
-
la forme du serment, & à ses gens qui l'avoient reçu. Il leur écrivit en
ger plus qu'auparavant ; mais il étoit
termes pleins d'aigreur, de resserrer Eumenes la Cappadoce, où il se
trop tard. Euménes s'étoit retiré chez ses amis dans
vit bientost avec une troupe de plus de deux mille soldats prêts à tout faire
pour son service.
XLIII. Antigone ayant ainsi manque son coup sur Euménes, envoya un de ses
Antigone Généraux avec des troupes, pour réduire à l'obéïssance Aridée Gouverneur de
se soûleve la petite Phrygie,, pendant que luy-méme marcha vers la Lydie, dans l'espé-
contre les d'en chasser Clitus qui en avoit le Gouvernement. Clitus fut informé
Roys Ari- rance
dée & de bonne heure de son voyage. Il mit de bonnes garnisons dans ses meilleu-
Alexandre. res places,& envoya en diligence des Couriers en Macédoine, pour informer
les Roys & Polysperchon de la défection d'Antigone, & pour leur demander
promt secours contre luy. Ephése se rendit à Antigone sans résistance,
un
ainsi que la plupart des autres villes du pays. En même tems il s'empara de
six cens talens d'argent qu'Eschyle de Rhodes conduisoit aux deux Roys, di-
fant qu'il en avoit besoin pour lever des soldats étrangers pour leur service.
XL 141r On ne douta plus alors qu'Antigone n'eût absolument levé l'étendard
lïiménecst dela rebellion contre les Roys. Aussy Polysperchon ecrivit en leur nomà
invité à Euménes, pour l'exhorter à demeurer fidèlement attaché au parti des Roys,
prendre
& luy proposa, s'il vouloit paffer en Macédoine, de partager avec luy les
parti con- Général, ou plutost de demeurer en Afie pour faire
tre Anti- foins du Gouvernement
la à Antigone; que s'il avoit besoin de troupes, luy-méme passeroit en
gcae- guerre
Asie avec les Roys, pour lui conduire toutes celles de l'Etat. En même tems
il écrivit aux Trésbriers.qui étoient dépositaires de l'argent que lesRoys avoient
à Quindes en Cilicie, d'en envoyer cinq cent talens à Euménes, pour lever
de nouvelles troupes ,& pour s'en servir dans les besoins de la guerre, il
écrivit
écrivit aussy à Antigone & Teutame, qui commandoient trois mille Argyra-
l'pides, de les remettre à Euménes & de luv obéïr, comme au Généraiiffime
des troupes d'Asie. Olympiade Mere d'Alexandre luy ecrivit de même &
,
l'exhorta vivement à prendre sa défense & celle des Roys.
Euménes n'eut pas plutost reçu ces lettres qu'il prit le chemin de la Ci- XLV,
licie, n'ayant avec lui que deux mille hommes, de pied, & cinq cens Che- Euménes arrivé dans.
vaux, car il ne prit pas même le loisir de ramaflfer tous ceux qui luy avoient la Cilicie r
promis de le suivre, lesquels après l'avoir suivi pendant trois jours, & ne l'ayant se met à la
pu atteindre, s'en retournèrenten Cappadoce. Euménes usa d'une diligence tête des
extraordinaire, & arriva dans laCilicie, où les Argyraspides avec leurs Chefs des. Argyrasl>i:-
se sournirent à son obéïsfimce; mais il craignoit avec raison que les Macédo- Diodor.
niens ne conçurent de la jalousiecontre luy, qui étoit étranger; car il étoit Plutarch.
né dans la Chersonése de Thrace, en le voyant à la tête des armées avec -iEmil.Pro-
une autorité si étendue; il dit qu'il avoit veu Alexandre en songe, qui luy bus.Polyan.
ordonnoitde dresser une tente au milieu de son camp, dans laquelle il vou- 1. 4. Jirata.
gem. u-
loit luy-méme présider à tous les Conseils. En effet il fit dresser une tente.fiÎH.i. 14.
Royale au milieu du camp avec un Trône d'or,le sceptre & le Diadème par-
dessus, & ordonna que tous les jours on s'y rendroit pour délibérer des af-
faires les plus importantes, comme en la présence du Roy qui présideroit
au Conseil. Il uSa de grands ménagemens, & envers les ,
Grands & envers les
soldats, les traitant avec honneur, relevant les grandes aCtions de valeur qu'ils
avoient faites sous Alexandre , leur disant qu'ils étoient les vainqueurs de
l'Orient, qu'eux seuls avoient surpassé les hauts faits des armées de Bacchus
& d Hercules. Par ces discours il désarma l'envie, & gagna l'amour & la
confiance du soldat & des Chefs.
Il distribua ensuite de grosses sommes à ses plus fidéles anlis, & les en- XLVl.
voya en differens pays pour lever des troupes. Comme ils n'épargnoient Ptolemée
fils de La-
pas l'argent, ils eurent bientost ramassé plus de dix mille hommes de pied
& deux mille Chevaux, sans compter ceux qu'Euménes avoit amenez avec tigone gus & An-
luy, &les Argyraspides qui s'étoient déja donnez à luy. Inutilement Pto- s'opporent
len1ée Gouverneur d'Egypte fit solliciter ces derniers à abandonner Eumé- à Eumé-
nes , comme un homme flétri & déclaré ennemi public par le Conseil des Diodor. nes.
Macédoniens.
luy pas livrer
11 écrivit aussy aux Trésoriers qui étoient à Quindes de
d'argent. On n'eut nul égard ni à ses invitations ni à ses
ne Jïcul. 1. 1,
ordres, parceque on savoit qu'Euménes étoit authorisé par Olympiade & par
les Roys, à faire la guerre à Antigone. Celuy-cy ne réüssit pas mieux auprés
des Argyraspides, en voulant les engager à trahir Euménes. Il est vrai
que Teutame Chef de ces troupes se laissa éblouir par les promesses d'Anti-
gone; mais Antigènes son Collégue lui fit comprendre qu'il y avoit s ns com-
paraison plus à espérer d'Euménes, qui étoit un homme solide, fidéle & d'une
fortune médiocre, que d'Antigone qui avoit une ambition infinie, & qui se
mettroit peu en peine de ceux qui l'auroient servi, dez qu'il se verroit par-
venu au point où il tendoit. Enfin pour un dernier effort Antigone envoya
Philotas à l'armée avec des lettres adressées aux Chefs à qui il ordonnoit
,
de luy envoyer sur le champ la tête d'Euménes, si non Qu'il viendroit avec
ses troupes & les tailleroit en pièces; mais Euménes les rassLi,-a., & les exhorta
à exécuter les ordres desRoys, plutost que ceux d',un homme, qui étoit vi-
siblement rebelle à ses Souverains.
.
XLVII. Euménes fit ensuite avancer ses troupes vers la Phénicie, où il s'appliqua
Euménes à former une armée navale, & à ramasser de toutes parts le plus grand nombre
assemble de vaisseaux qu'il luy fut possible, afin de rendre Polysperchon maître de la
une flotte iVler,& de le mettre en état de transporter en Asie ses troupes de terre contre
dans la
Phénicie. Antigone. Euménes demeura donc en Phrygie, & dans Pentretems Polys-
perchon envoya Clitus qui commandoit la flotte Macédonienne, croiser vers
l'Hellespont, pour empêcher que Antigone ne fit passer des troupes d'Asie en
Europe, & de prendre avec soy Aridée Gouverneur de la grande Phrygie,
qui s'étoit retiré avec ses troupes dans la ville de Cyane. Du côté d'Antigone
on nefaisoit pas de moindres préparatifs. Cassandre fils d'Antipater, ennemi
déclaré de Polysperchon, & qui comme on Pa veu cy-devant, s'étoit donné
à Antigone, avoit rassemblé toutes les galéres d'Antigone, & y avoit joint cel- -
les que luy avoit amenées Nicanor Gouverneur de la forteresse de Munichium
dans l'Attique, en sorte qu'il se trouvoit avec une flotte de prés de cent navi-
res. La bataille entre Clitus & Cassandre le donna dans
l'Hellespont. Clitus
'remporta la vidoire, coula à bas dix-sept galères ennemies, en prit quarante
de Calcé-
avec les soldats qui les montoient. Le relie se sauva dans le port
doine.
JCLVUL Clitus crut qu'après une telle perte Antigone ne songeroit plus a en ve-
la flotte nir à un combat, & que l'empire de la Mer étoit sans contredit aquis au parti
de Clitus de Polysperchon; mais bientost la face des choies fut changée. Antigone
cst défaite
emprunte de ceux de Bizance quelques vaisseaux de transport, & les charge
f ar Anti-
d'un nombre suffisant de soldats armez à la légère. Il leur fait passer la Mer
geme.
pendant la nuit; ils tombent sur les ennemis qui étoient sortis de leurs vaif-
seaux, & qui étoient campez sur les bords de la Mer. Leur arrivée jette
l'epouvante dans le camp. Les soldats de Clitus effrayez se retirent en tumulte
dans leurs vaisseaux. En même tems Antigone envoye ses meilleurs soldats
avec des galères armées en mer, & leur ordonne de donner hardiment sur
la
flotte de Clitus, avant qu'elle fut revenuë de son étonnement. Ils viennent
au point du jour donner sur ces galères dérangées, renversentles
unes,&
les heurtant, brisent les rames des autres, la plupart se rendent enfin, à l'ex-
ception de la galère que montoit Clitus. Tout le reste de la flotte est pris,
ou brisé, ou coulé à bas. Clitus se sauve à terre & prend le chemin de la
Macédoine; mais étant tombé entre les mains de quelques soldats de Lysi-
maque , il est mis à mort.
XLIX. Antigone étant ainsi devenu maître de la Mer, prend vingt mille hom-
J uménes
mes de ses meilleures troupes, & quatre mille Chevaux d'élite, & marche en.
se retire diligence vers la Cilicie pour comb ittre Euménes , avant que son armée fut
tlans. les
«ampagnes plu?
nombreuse. Mais Euménes ne l'attendit pas; il partit de la Phénicie &
de Babi- se retira à Carres dans les campagnes de Babilonne, où il passà l'hyver. Delà
lonne. il se rapprocha à 300. stades de Babilonne , d'où il comptait d'aller à Sures,
Dic;dor. dans le deiTein d'y raniafler les troupes qui étoient dispersées dans les Provin-
L 1».
ces
ces supérieures, & pour tirer de Suses l'argent dont il avoit besoin dans la
guerre présente ; Mais Seleucus faillit de noyer son armée, ayant rompu les
digues de l'Euphrate & inonda tout le camp d'Euménes. 11 fut donc obli-
gé de se sauver sur une hauteur, d'où il se tira heureusement avec le secours
de trente nacelles qu'il trouva aux environs. Seleucus qui ne craignoit rien
tant que de voir une armée séjourner dans sa province fit son accommode-
ment avec Euménes, & le laissa continuer son chemin vers , la Perse, où il ar-
riva à la tête de seize mille hommes de pied & de treize cens Chevaux. An-
tigone le suivit dans la Mésopotamie, & nous verrons bientot ce qui lui ar-
riva & à Euménes dans ce pays-Jà.
Il faut à présent revenir à Polysperchon & à Cassander fils d'Antipater, L.
dont nous avons interrompu l'histoire. Polysperchon ayant appris que Caf- On rend la
sander s'étoit joint à Antigone,prévit aisément les suites de la guerre qu'il au- liberté aux
roit à soutenir contre ces deux adversaires; Il ne douta pas que Cassander ne villes Gré-
dut se faire reconnoÍtre par les villes Gréques dont la plupart étoient gar- qucs. -
dées par les Garnisons qu'Antipater son Pere y ,avoit mises & dont les au-
tres etoient régies par des Créatures & des amis d'Antipater;, & qu'enfin aidé
d'Antigone & de Pcoleluée, qui ne manquoient ni d'argent ni de troupes, il
dût causer de grands embarras aux deux Roys. Dans un nombreux Conseil ne
qu'on tint sur ce sujet, il fut résolu qu'on rendroit la liberté aux villes Gré-
ques, & qu'on y rétabliroit le Gouvernement populaire, afin de les détacher
de Cassander & d'affoiblir d'autant sou parti; La chose fut executée au grand
contentement des peuples de la Gréce, & Polysperchon ordonna qu'on en-
voyât. en exil, ou même qu'on mit à mort, ceux qui sous Antipater avoient
eu le Gouvernement des villes à qui l'on rendoit alorg la liberté. En même
tems il invita Olympias, qui demeuroit en Epire par la crainte de Cassander,
de revenir en seureté en Macédoine ; & à Euménes de faire la guerre à An-
tigone.
En vertu de ces lettres de Polysperchon, les Athéniens voulurent se Ll
re-
mettre en liberté, & secouër le joug des Gouverneurs qu'Antipater leur avoit Frite de
donnez.Nicanor un de ces Gouverneurs qui commandoit dans Munithiunl, Munichie
exhortoit les Athéniens de garder à Cassander la fidélité qu'ils avoient promi- & dePyréc
sur les
se à Antipater; mais on n'eut aucun égard à ses remontrances, & l'on écrivit Athéniens
à Polysperchon que Nicanor s'étoit fortifié dans Munichie & refusoit de se par Nica-
soUmetrre aux ordres du Roy. Pendant que les Athéniens ,délibérent sur les nor.
moïens de réduire Nicanor, celuy-cy se rend encore maître duportdePyrée
tout prés d Athènes ; alors les Athéniens luy font une députation des Princi-
paux de la ville & de ses amis particuliers, pour se plaindre à luy-nlême de
ses entreprises, & pour le prier de les laisser jouïr de la liberté qu'on leur
avoit accordée. Nicanor sans s'expliquer davantage, leur dit qu'ils pouvoient
s'adresser à Cassander, que pour luy il n'avoit aucun caractère
pour leur ac-
corder ce qu ils demandoient.
En même tems Olympias écrivit à Nicanor,pour luy ordonner de rendre
Lll.
& Munichie & le Pyrée aux Athéniens'- Nicanor feignit de vouloir obéir Alexandc*
mais il chercha des prétextes pour différer l'exécution de Ces crûmelTes'-
fils de Po-
^ 3 Dans lysperchon
se rend Dans l'intervalle Alexandre fils de Polysperchon arrive dans l'Attique
maître de
une armée ; on crut qu'il venoit pour faire rendre Munichie & le Pyréeavec
Munichie,
& de Athéniens; mais il s'en empara lui-même,& promit qu'il les rendroit aprésaux
la
Pyrée. fin de la guerre contre Cassander; cependant les Athéniens chassèrent de leur
ville les Magistrats, qui l'avoient gouvernée sous Antipater. Ceux-cy se
tirérent auprés d'Alexandre fils de Polysperchon, qui les reçut fort bienre&
les recommanda même par lettres à son Pere. Polysperchon auroit fort sou
haitté pouvoir retenir le Port de Pyrée ,mais il n'osa si ouvertement
manquer-
a sa parole, il le leur rendit, & leur renvoya Phocion un des principaux Gou-
verneurs qui avoient été établis par Antipater, afin qu'ils le traitaient comme
jils ugeroient à propos. Ils le condamnèrent à boire de la Ciguë, de même
que les autres Gouverneurs qui avoient été établis par Antipater.
LIII Sur ces entrefaites Cassander entra dans le port de Pyrée.
Polyspe-r- vaisseaux de guerre & six mille hommes de débarquement. Nicanor luy
avec trente
chon vient le Pyrée, mais il se réserva le port & la forteresse de IHunichie, remit
dans l'Atti- où il avoit' des
puis troupes en suffisance pour s'y défendre. Polysperchon qui étoit alors dans
que, la Phocide avec les Roys Aridée & Alexandre, ayant été informé de la
dans le venue
Pélopo- de Casfander, vint dans l'Attique & résolut d'assiéger Cassander Son armée
néle. étoit de vingt mille Macédoniens & de quatre mille hommes de troupes alliées
Il avoit outre cela mille Chevaux & soixante cinq Eléphans. Mais
il manquoit de provisions, il partagea son armée, en laissa une partie comme
dans
l'Attique sous le commandement de son fils, & marcha avec le reste dans le
Péloponése, pour réduire à l'obéïssance ceux de Megalopolis, qui étoient
en-
trez dans le parti de Cassander: Tout le reste des villes de ce pays embrassé-
rent celui des Roys,& reçurent la liberté qu'on leur offroit.
'LIV. Polysperchon entreprit le siége de LVlegalopoIis. Il avoit de bonnes
Siége de troupes & des machines pour forcer la place. Aïant sait une larcre brèche,
Megalo- il donna 1 -'assaut. Les assiégez se défendirent
polis dans & pendant avec une vigueur extraordinaire
le Pélopo- que les uns faisoient tête à l'ennemi sur la brèche, les autres éle-
nése. voient un second mur derrière le premier ; La nuit fit interrompre l'assaut
Le lendemain Polysperchon résolut de faire applanir la brèche & d'y faire
marcher les Eléphans. Damis qui avoit servi sous Alexandre, & qui se trouva
dans la place, trouva un expédient pour arréter ces animaux. Il fit cacher
fous terre des portes armées de grandes pointes de fer tournées en haut,de sorte
qu'elles ne paroissoient point du tout. La place de la brèche fut laissée libre
Mais aux deux côtez il plaça des Archers, des soldats armez de javelots &•
ces maChines qui lançoient des pierres & des traits.Les Eléphans s'avancèrent
hardiment dans l'éspace qu'ils trouvèrent vuide ; Mais à peine y surent-ils
entrez, que les pointes entrant dans leurs pieds, qu'ils ont assez mous, leur
causérent des douleurs terribles. En même tems accablez de traits ils se
tournèrent contre les leurs & en écrasérent un grand nombre sous ,
leurs
,
pieds. Polysperchon se repentit trop tard de son entreprise ; Il n'abandonna
pas toutefois le siége de 1\legalopolis. 11 laissa une partie de son armée
pour le continuer , & se retira où des affaires plus sérieuses le rappelèr-
ent,
Le
Le mauvais succés de cette entreprise fit un tort infini à sa réputation. LTl.
La plupart des villes Gréques se donnérent à Ca-ssander ; & les Athéniens La plûpart
voyant que ni Olympias, ni Polysperchon n'avoient pû les délivrer des Gar- des villes
nirons que Nicanor avoit mises à Munichie & Cassander au Pyrée, ile résolu- Gréques
se donnent
rent de faire la paix avec ce dernier. Elle fut concluë à ces conditions, que à Gaffan-
les Athéniens demeureroient maîtres de leurs villes, de leurs champs,de leurs der.
revenus & de leurs vaisseaux, qu'ils seroient amis & alliez de Caflander;
que celui-cy jouïroit du port & de la forteresse de Munichie, & établirait
à Athènes pour Gouverneur qui il jugeroit à propos. Il y établit Demetrius
de Phalére, qui gouverna la ville avec beaucoup de douceur & de modéra-
tion.
Vers le mêmetems Nicanor ramena au Pyrée sa flotte ornée des prouës LVL
des navires, qu'il avoit brisés dans la derniere 3Clion contre Clitus, dont Caiiander
on
a parlé. Caflander le reçut avec grand honneur; mais voyant qu'il s'en fai- fait tuer
Nicanor.
soit trop à croire, parceque la fortéresse de Munichie étoit encore occupée
par ses soldats ; Cassander le fit tuër en trahison, Delà il prit le chemin de
la Macédoine, où il trouva bien du monde qui se rangea de son parti Polvs-
;
perchon étant absolument tombé dans le mépris, à cause de son de soin
peu
& d'application aux affaires : Ca{[ander au contraire se faisant aimer &
sidérer par sa valeur, par sa conduite & par son habileté. con-
Euménes cependant étoit toujours dans laSusiane, d'où il écrivit à tous LVll.
les Gouverneurs de Provinces, de luy améner tout ce qu'ils pourroient de trou- Euménes
pes. Peucestes, qui avoit été garde du corps d'Alexandre, & qui étoit Gou- assèmble
verneur de l'a Perse, luy amena dix mille Perses & trois mille soldats tirez une grande
d'autres nations ; six cens Chevaux Grecs ou Thraces ; & plus de quatre armée en
Perses Les autres Gouverneurs luy conduiiirent chacun selon les forcescens Orient
de contre An-
sa Province un nombre de troupes, qui toutes ensemble formoient armée tigone.
de cent quatre-vingt sept mille hommes de pied & de quatre mille six une
Chevaux. Ces grands hommes rauemblez, dont chacun se croyoit capable cens
de conduire une armée, se partagérent entre Peuceste & Antigenes,
voir qui des deux auroit le commandement Général. Euménes pour sa-
pour réunir
les esprits & pour les mettre d'accord, se servit du même moïen qu'il
déja employé quelque tems auparavant. Il dresla
avoit
une tente pour Alexandre
le Grand. On y mit son Trône,san epée & son diadème, & l'on s'y aflem-
bloit pour délibérer, comme en sa présence. Tout se passoit le Conseil
par
commun de Taflemblée & à la pluralité des voix.
Etant tous arrivez à Suses, Euménes sent donner autant d'argent
luy en falloit, il donna deux cens talens à Eudemon Satrape des Oxydraques qu'il
& des Malliens, qui luy avoit amené des Indes six-vingt Eléphans, qu'il
avoit
tirez du pays de Porus, aprés s'être défait de ce Prince. Les autres Satrapes
avoient soin de l'entretien chacun des troupes qu'ils avoient amenées
Cependant Eurydice Epouse du Roy Aridée frere du Grand Alexandre LVIII.
ayant appris que Polysperchon revenoit en Macédoine & qu'il avoit prie Euridice
la Reine Olympias Mere d Alexandre de s'y rendre aussy, ,
Eurydice dis-ie fait mettre
abuiant de la foiblesse du Roy son Epoux, écrivit
au nom de ce Prince à Po- Gaffander
la place
lysper- en
de Polys- lysperchon, qu'il eût à remettre à Caflsander le commandement de l'armée,
perchon. & le Gouvernement général de l'Empire ; elle donna avis de ce changement
tfuji'm L14. à Antigone qui étoit en Asie, & luy fit savoir que CasTander étoit mis la
Dio- en
c. place de Polysperchon.
dor.. l. 19. Cassander fier d'une fortune si peu attenduë, fit la guerre à plusieurs
P- 676.
LIX. villes de Grèce, qui ne l'avoient pas voulu reconnoître. Ce fut alors que
Lacedé- Lacédémone, qui jusqu'alors n'avoit pas cru avoir besoin de murailles, comp-
mone se tant uniquement sur la valeur de ses Citoyens prit la précaution de se fer-
ferme de ,
se défendre contre Caslànder; mais bientost Cassander fut rappellé
murailles. mer pour
Mort d'Ey- en Macédoine par les troubles de ce Royaume ; car comme Olympias reve-
rydice. noit d'Epire en Macédoine, accompagnée d'Eacide Roy des Molofliens, Eu-
rydice &le Roy Aridée se disposérent à lui disputer l'entrée de ce pays; les
troupes touchées de respeâ: pour la memoire de Philippe, dont Olympias étoit
Epouse, & d'Alexandre le Grand, dont elle étoit Mère, conçurent tant d'hor-
reur d'une conduite si indigne, qu'elles passérent toutes du côté d'Olympias,
qui fit tuer Eurydice & son Mari, six ans quatre mois aprés qu'il eut été re-
connu pour Roy. Philippe fut percé de coups par quelques soldats Thraces
qu'on envoya pour le tuer; pour Eurydice, Olympias lui fit porter une épée,
une corde & de la Ciguë, afin qu'elle choisit le genre de mort qu'elle voudroit.
Elle vomit mille imprécations contre Olympias, lui souhaita de pareils pre-
sens & prit la corde avec laquelle elle s'étrangla.
LX. Olympias ne jouït pas longtemsdu fruit de ce meurtre. Elle se gouverna
Olympias en Macédoine d'une manière si pleine de cruauté, qu'elle aliéna tous les
"encourt la esprits & changea leur amour en haine, & leur estime en mépris. Elle fit
haine des mourir Nicanor frere de Cassander, renversa le tombeau d'Jollas
Ma-cédo- ses un autre de
niens.
freres, & fit souffrir divers supplices à cent autres Macédoniens amis de
An du M. CasTander; de sorte, que quand il parut dans le pays, elle n'osa prendre con-
g 68 8. avant fiance aux troupes
Macédoniennes, ni paroître devant Cassailder, qu'elle
J. 6. ?i2 avoit si cruellement offensé en la personne des siens; elle s'enferma avec son
neveu Hercule fils d'Alexandre & de Barsine & plusieurs autres Dames, dans
la ville de Pydna, où elle fut aussitost assiégée par Cassander. Elle y souffrit
pendant quelque tems la faim & les autres incommoditez d'un siége, dont
elle se laira enfin & se rendit à Cassander, qui voulut bien luy accorder la vie;
Nous verrons bientost sa fin malheureuse & celle du reste de sa maison; la
providence ayant fait retomber sur la famille d'Alexandre, tant de sang in-
LXI. nocent qu'il avoit répandu.
Avantage Antigone & Euménes étoient toujours aux environs de Suses & de Ba-
que rem- bilonne, sollicitant chacun de leurs côtez les Gouverneurs des Provinces pour
porte Eu- se joindre à eux,&
méne sur pour leur fournir les troupes & les secours neceilaires. Pi-
les troupes thon Satrape de Medie, & Seleucus Satrape de Babilonie, se déclarèrent
d'Anti- pour Antigone, qui se rendit à Sufes & voulut forcer Xenophile, qui gar-
gone. doit.les trésors du Roy dans la citadelle, de les luy remettre; mais Xeno-
Diodor. phile se défendit & Antigone résolut de passer le Tigre & d'aller livrer la ba-
1. xp. Plu-
tarcb. in taille à Euménes. Celui-ci avoit placé des gardes le long du bord du fleuve,
Euméne. pour l'avertir du passage d'Aiitigone ; mais comme ces gardes étoient à une
trop
trop grande distance les uns des autres, ils n'apperçurent pas les troupes qui
pAraient. Euménes fut plus vigilant & plus clairvoyant. Il les attaqua au
Il tomba ensuite sur ceux qui étoient
p a liage & en tua un grand nombre.plusieurs
répandus dans les champs, en tua & en prit quatre mille prisonniers
de guerre. LXII.
Antigone qui voyoit tout cela du bord opposé, ne put donner aucun Antigone
secours aux siens, faute de navires ; & désespérant de passer le fleuve, il palTe ea
marcha vers Badaca ville située sur le fleuve Eulée. Delà il se rendit a Ec- Médie.
batanes, non par le droit chemin, à cause des chaleurs insupportables du cli-
mat, qui lui avoient déja fait périr beaucoup de soldats, mais par le pays
des Cofleens, dont l'aïr ett moins ardent, & dont le chemin est beaucoup
plus court; car il faut quarante jours par l'autre chemin, & il en faut beau-
coup moins par le pays des Cofleens ; mais aussi ne peut-on pa(fer par ce païs
qu'avec beaucoup de peine & de danger, de la part de ces peuples, qui pour-
roient aisément arrêter une armée dans les défilez, ou la faire mourir de faim
en lui refusant les vivres. Antigone perdit beaucoup de ses gens dans ce tra-
jét, & enfin au travers de mille dangers, il arriva aprés neuf jours d'une
marche trés-penible, dans les campagnes de Médie. Ce ne fut pas sans mur-
mure de la part de ses soldats, qui l'accusoient de les avoir dans l'espace de
quarante jours exposez à trois dangers trés-considerables.
Alors il envoya Pithon pour luy ramasser dans toute la Médie des trou-
pes, des Chevaux & de l'argent. Pithon n'eut pas de peine à le satisfaire.
11 luy ramena deux mille Cavaliers, & plus de mille Chevaux avec leurs equip-
pages, & outre cela cinquante talens d'argent. Antigone partagea les Che-
vaux à ceux de ses Cavaliers qui en manquoient, & donna des bêtes de
somme aux compagnies, qui en avoient le plus de.besoin, & par ce moïen
regagna l'affedion de ses troupes.
Euménes & les Satrapes, ou les Gouverneurs de Provinces, qui étoient LXIII.
luy, appris qu'Antigone & les siens étoient dans la Medie, Euménes
avec ayant campez avec les
tinrent Conseil sur le parti qu'ils avoient à prendre. Euménes, Antigenes& Satrapes
les autres qui étoient venus dedelà la Mer, étoient d'avis de descendre &de de son par-
se rapprocher de la Méditerranée. Les autres Gouverneurs, qui étoient descen- ti arrive à
dus des Provinces supérieures, disoient au contraire,qu'il falloit conserverces Persepolis.
Provinces, & s'en approcher pour les garantir des ennemis. Euménes qui
craignoit que les Satrapes ne l'abbandonnaflent, acquiesça à leur delir, &
ayant partagé l'armée en deux corps, chacun desquels en particulier n'etoit
pas assez fort pour livrer la bataille à l'ennemi, il quitta le voisinage du Pâti-
tigris & remonta vers la Perse. Ils arrivérent en vingt-quatre jours de marche
à Persepolis, où Peuceste qui étoit Satrape du pays, régala les Chefs & tous
les soldats avec beaucoup de magnificence. LXIV.
Aprés avoir offert aux Dieux, à Philippe & à Alexandre les sacrifices Festin don-
folemnels dans lesquels on diltribuë à chaque soldat une brébis pour vidi- né par
Peuceste fit festin à toute l'armée d'Euménes. Les conviez étoient Peuceste
me, un à toute
partagez en quatre grands cercles, qui se renfermoient l'un dans l'autre. La l'armée
plus grande enceinte qui étoit de dix stades, ou de 1240. pas, renfermoit les d'Euménes
Diodor. soldats étrangers, & les troupes auxiliaires. La seconde enceinte qui étoit
Zig.p. 682. de 8. stades, comprenoit les Argyraspides, & les autres soldats qui avoient
Plutarck. accompagné Alexandre dans ses conquêtes. Le troisiéme
in Elimine. cercle étoit de qua-
tre stades.dans lequel étoient renfermez les Chefs d'un sécond rang. Au mi-
lieu du tout, qui comprenoit un espace de deux stades, ou de 2S0. pas, étoient
dressées les tentes & les tables du Généralissime, & des principaux Gouver-
neurs, & des premiers Seigneurs de la Perse. Au centre de tous ces cercles
étoient placées les Autels des Dieux, & ceux de Philippe & d'Alexandre.
Les tentes étoient composées de fëuïllages,& de branches chargées de
verdure & couvertes de tapis & de rideaux de toutes sortes, que la Perie
fournissoit en abondance. Chaque enceinte étoit à une juste distance de l'au-
tre, de sorte qu'elles ne s'embarassoient pas l'une l'autre, & qu'on trouvoit
tout à propos & sous la main, sans être obligé de chercher ailleurs. Ce se-
Hin fit beaucoup d'honneur à Peucefle; & comme tout le monde relevoit sa
libéralité, sa magnificence & son bon goût, Euménes en conçut de l'inquié-
tude,& le soupçonna d'affefter la souveraine puissance. Il composa des let-
tres écrites en Syriaque, & feignit qu'elles luy avoient été écrites par Oronte
Satrape d'Arménie, ami de Peuceste. Ces lettres portoient qu'Olympias ayant
auprés d'elle Alexandre fils du Grand Alexandre,jouïssoittranquilenlent de la
souveraineté dans la Macédoine; qu'elle s'étoitdéfaite de CaiTander; quePo-
lysperchon avoit pasle la Mer avec la plus grande partie de l'armée &lesEl¿-
phans,& qu'il seroit incessamment dans la Cappadoce.
LXV. Ces lettres qu'on croyoit venir d'un des plus grands amis de Peuceste,
Stratagème firent
dont use tant d'impression sur les esprits des soldats,qu'on commença à régarder
Eurnénes Euménes comme l'arbitre de la fortune de tous les autres Chefs, & celui qui
pour se pouvoit tout auprés du Roy. Il usa encore d'un autre stratagéme pour se faire
faire respe- respecter, Ayant envoyé secrétement quelque Cavalerie pour enlever les ba-
&er par ses qui étoient sous la charge deSybirtus Satrape d'Arachosie, un des plus
gages
troupes. grands amis de Peuceste,
ce Satrape fut cité en jugement, comme ayant par
sa négligence laissé prendre les equipages de l'armée, & il couroit risque
d'être mis à mort par les soldats, s'il ne se sut secrétement retiré. Par ce
moïen Euménes scut se concilier de l'autorité, & en même tems il combla
de caresses & d'honnêtetez Peuceste & les autres Satrapes, & les disposa à luy
prêter toutes sortes de secours.
Il usa encore d'un autre stratagéme pour se les attacher. Il feignit d'avoir
besoin d'argent pour le service des Roys,& il pria les Satrapes de luy en pré-
ter. Ils luy prêtèrent quatre cens talens, & la crainte de perdre leur prêt, les
rendit affectionnez à son service, & intéressez à la conservation de sa personne.
Tel étoit le caractère d'Euméne, il employoit la ruse & la finesse, lorsque la
force luy manquoit, & il avoit dans la fécondité de son esprit mille ressour-
ces dans les occasions les plus imprévues.
LXVh Ayant appris qu'Antigone avoit pris le chemin de la Perse, dans la ré-
Les soldats solution de lui livrer bataille, il se disposa à marcher à sa rencontre; mais
d'Eumenés aprés avoir offert les sacrifices
accoutumez , s'étant trouvé à souper avec
réfusent
de marcher des Seigneurs qui aimoient à boire, il voulut leur tenir compagnie, & se trouva
in corn-
incommodé; de manière qu'il fallut retarder son départ de quelques jours. à moine
Ce qui jetta les troupes dans une grande consternation, n'ayant de confiance qu'il ne
dans Euménes, qu'ils regardoient le seul des Généraux capable marche
que comme à leur tête.
de bien commander. La santé luy étant revenuë, il partit. Peuceste&An-^An du M.
tigéne conduisoient l'avant-garde; Euméne sui voit en litiére avec les condu- ; 6 avant
cteurs des Eléphans. Etant arrivez à une journée de chemin d'Antigone, ils J. a. jii.
envoyèrent réciproquement leurs espions, pour savoir& le nombre des trou-
pes de leurs ennemis, & la situation de leur camp ; mais pour cette fois on
ne combattit pas, à cause des fossez & de la riviére qui séparoient les deux
armées. On ne laissa pas de ranger les troupes en bataille de part & d'autre;
& comme du côté d'Euménes les soldats ne vouloient point avancer qu'il ne
les conduisit, il alloit d'une aîle à l'autre dans sa litiére, pour donner ses
ordres; ce qui apprétoit à rire à Antigone & aux siens,qui n'etoient pas accou-
tumez à un tel spedacle.
Ils s'eloignérent donc l'un de l'autre d'environ trois stades, ou de trois LXV1V
Apologue
cens soixante & quinze pas, & passérent quatre jours à escarmoucher &à d'un Lion
fourrager la campagne. Le cinquiéme jour Antigone envoya des Députez à qui l'on
aux Satrapes ou Gouverneurs qui étoient dans l'armée d'Euménes, leur pro- promet
mettant de grands avantages, de grands employs, & sur tout de les laisser une fille
jouïr de leurs Satrapies; mais on renvoya les D.éputez avec menaces, & Eu- en ma-
riage, à
ménes rendit graces à ses Généraux de leur consiante fidélité, & leur raconta condition
une fable qui fut écoutée avec grand plaisir : un Lion demanda un jour en qu'il se
mariage la fille d'un Pere de famille. Le Pere répondit que très-volontiers laissèra
il lui donneroit sa fille, mais qu'il craignoit ses ongles & ses dents, de peur couper
qu'il ne dévorât sa fille, quand il l'auroit épousée. Le Lion se coupa les on- les griffes.
gles, & se fit arracher les dents; aprés quoi le Pere le tua aisément à coups
de bâtons. Ainsi, dit Euménes, nôtre ennemi vous fait de magnifiques promet
ses pour vous attirer à son service ; mais quand il aura vos troupes, & qu'il
vous aura en sa puissance, il vous opprimera.
La nuit suivante Euménes apprit qu'Antigone devoit partir de trés-grand LXVIII.
matin & avant le jour,pour s'emparer de laGabiéne,qui est une contrée éloig- Euméne &
née de trois jours de chemin où les armées n'avoient pas encore eté, & qui Antigone de
étoit remplie de toutes sortes ,de biens. Euménes résolut de le prévenir, & usent stratagéme
envoya sur le champ des hommes apostez , qui sous l'apparence de transfu- l'un con-
ges luy annoncérent qu'Euménesdevoit venir attaquer son camp la nuit même. tre l'autre.
Cette fausse nouvelle sut cause qu'Antigone n'osa décamper. Euménes partit
la même nuit pour la Gabiéne ; mais Antigone luy rendit la pareille. Il par-
tit aussi en diligence avec les plus alertes de ses troupes, & ayant donné
ordre àPithon de le suivre plus lentement avec le reste de l'armée 11 se
montra sur les hauteurs à portée d'Euménes, qui avoit déia gagné deux ou ,
trois marches sur luy, mais qui n'étoitpas encore arrivé à la Gabiéne. Il crut
qu'Antigone étoit accompagné de toute son armée, & s'arrêta pour ranger
ses troupes en bataille. Dans l'entretems le reste des troupes d'Antigone arriva.
Ainsyces deux grands Généraux faisoient voir dequoy ils étoient capables
en
fait de ruses de guerre, en attendant l'action décisive, qui devoit terminer leur
différend.
Dez que toute l'armée d'Antigone fut arrivée, il la rangea en bataille.
Il avoit plus de vingt huit mille hommes de pied,huit mille cinq cens Che-
vaux, & soixante cinq Eléphans. L'armée d'Euméne étoit de trente cinq
mille hommes de pied, de six mille cent Chevaux & de cent quatorze Elé-
phans. Les deux Généraux, comme pour faire montre de leur grande ca-
pacité en fait de guerre, rangérent leur armée d'une manière extraordinaire.
Diodor. On en peut voir dansDiodore de Sicile le détail & la disposition. L'armée
l.iy.p. 68 Ç. d'Antigone descendit de la hauteur dans
un appareil terrible. Il l'avoit ran-
gée de manière que l'aîle droite avoit beaucoup plus d'étendue que l'aile
gauche, afin que cette aîle combattît en cédant du terrain & reculant, &
l'autre en allant en avant pour envelopper l'ennemi.
LXIX. Lorsque les armées s'approchèrent, qu'on eut Tonné la charge, & que
Bataille les deux armées eurent jetté leurs cris l'une après l'autre, Pithon commença
entre An- l'attaque
tigone & avec sa Cavalerie legére. Il n'attaqua pas les Eléphans de front, mais
Euméncs. il les prit en flanc & les incommoda beaucoup , parce qu'ils ne pouvoient
Le siiccés ni avancer ni reculer; Euménes s'en étant apperçu, fit un détachement de la
en est in- Cavalerie légére qui étoit à l'aîle gauche, & l'envoya au lecours de l'aile droite;
certain.
ce qui obligea la Cavalerie de Pithon de se retirer au pied de la montagne.
Aprés ce combat de Cavalerie, où Euménes eut tout l'avjntage, l'Inf.ntme
donna & combattit longtems;les Argyraspides qui passoient pour invincibles,
lui procurèrent encore la victoire sur l'infanterie ennemie, quoiqu'ils ne fus-
sent qu'au nombre de trois mille. Antigone voyant son aile gauche & toute
sa Phalange mises en déroute, sut conseillé de se retirer sur la hauteur, pour
ramasser ceux qui avoient pris la fuite , mais voyant qu'il avoit encore la
moitié de son armée qui n'étoit pas endommagée,résolut de profiter du mou-
vement qu'avoit fait l'aîle droite d'Euméne, en poursuivant les suïards jus-
qu'au pied de la hauteur. k-?
Il entra par l'ouverture que les troupes d'Euméne avoient laissée vuide,
ic donna en flanc contre la Cavalerie ennemie, & la mit en fuite. En même
tems il envoya les mieux montez de ses Cavaliers pour rappeller ceux des
fiens qui s'étoient dispersez,& pour leur dire de se retirer au pied de la mon-
ta<rne. Euménes en usa de même envers les siens qui venoient d'être repouf-
lez; de sorte que des deux côtez les armées se retrouvérent en présence,&
rangées à peu prés comme auparavant, au commencement de la nuit. La
nuit étoit fort belle & la Lune étoit dans son plein; & on auroit dit que les
deux armées étoient de nouveau aux mains par le bruit des armes & des Che-
minuit on se trouva environ
vaux qui se faisoit entendre. Cependant vers labataille.
à3°. stades ou une lieuë & demie du champ de Euménes vouloit y
Teto'urner
pour s'en rendre maître & ensevelirles morts; mais ses sold ts ac-
cablez de fatigue & de faim, refusérent d'obéïr, & la circonstance ne per-
mettoit pas d'user de violence envers les désobéïlsans ; il fallut donc revenir
la nuit-
au lieu où étoient les bagages » & y passer le reste de Antigone
Antigone n'asa pas des mêmes ménagemens envers les siens. Il les coli- LXX.
traignit de camper prés le champ de bataille , & parla prétendit avoir rem- Antigone
porté la victoire, qui étoit certainement trés-douteuse, sur tout de Ion côté; se porte
vi-
Mais c'est une regle que celui qui demeure maître du champ de bataille, est pour étorieux
censé viétorieux. Il perdit 37°0. hommes de pied, cinquante quatre Che- & se retire
vaux: il eut plus de quatre mille blessez. Du côté d'Euméne on compta en Métlic»
cinq cens quarante hommes de pied , trés-peu de Cavaliers & plus de neuf
cens ble(Tez. Ainsi la plus grande perte fut du côté d'Antigone. Aussi trouva-
t'il son armée si peu disposée à tenter un nouveau combat , qu'il fut obligé
au commencement de la nuit du jour suivant de décampera la sourdine, &
de marcher à grandes journées, pour gagner Gamarga de Médie, où il elpé-
roit trouver tout ce qui est le plus nécessaire à une armée. Il y passa l'hy-
ver.
Euménes ne jugea pas à propos de le poursuivre, son armée n'étant plus LXXl.
Deux sem-
en état de s'exposer aux risques d'une bataille , ni à la fatigue d'une pour- mes d'un
suite. Il se mit tout entier à faire à ses soldats tuez dans le combat,de magni- Général
fiques funérailles. Il arriva dans cette circonstance unechose qui donna beau- Indien fc
coup d'admiration aux Grecs. C'étoit une ancienne coutume parmi les dtfpnten&
Indiens, que les jeunes gens se marioient uniquement par inclination , sans pour être
attendre ni l'agrément ni le jugement des parens ; & comme ces sortes de brulées
étoient d'ordinaire assez mal assortis, les mariez dégoûtoient l'un avec leur
mariages se mari.
de l'autre, & souventles femmes se défaisoient de leurs Maris par le,poi-son. Diodor.
Pour obvier à cet inconvénient , les Indiens firent une loy,qui vouloit que i.19. ty.
les femmes se brûlassent avec leurs Maris aprés leur mort, à moins qu'elles
ne fussent enceintes, ou qu'elles n'eussent des enfans. Dans la circonstance
dont nous parlons, Ceteus un des Généraux venus des Indes ayant été tué
dans le combat quand il fut question de brûler son corps , deux femmes
, se disputérent l'honneur d'être brulées avec lui. La
qu'il avoit épousées,
chose alla si loin, qu'il fallut assembler les Chefs de l'armée pour décider la
difficulté. La plus jeune de ces deux femmes, qui témoignoient rune &
l'autre un égal empressement pour mourir, avança que sa rivale étoit enceinte,
& par conséquent qu'elle ne devoit pas mourir.
1 Les Généraux la firent examiner & la chose s'étant trouvée véritable,
la plus jeune remporta la victoire, &, fut amenée comme en triomphe par
ses parens & amis au bûcher, ornée de tout ce qu'elle avoit de plus prétieux,
qui consistoit en grand nombre de colliers d'or, ornez de pierreriesran-
gez sur son cou par étages, & en quantité de braÍTelets aussi d'or, & enfin en
plusieurs petites étoiles d'or, ornées de même de diverses pierreries répan-
dues sur ses cheveux. Etant arrivée prés du bûcher, elle distribua tous ces
ornemens à ses proches,& entra dans le bûcher, où elle fut consumée , au-
prés du corps de son Mari, sans donner la moindre marque de foibldfe&de
douleur.
Euménes conduisit ensuite son armée dans la Gabiénediftantede vingt-
cinq jours du lieu où étoit Antigone. Il y passa l'hyver & y trouva abon-
damme-nt de quoy rétablir ses troupes.
LXXIL En Europe CasTander affèé1:ant la Royauté,entra Macédoine,& assiégea
Olympias de en
Mere d'A- nouveau Olympias dans la ville de Pydna. Elle s'y étoit renfermée
avec
lexand re Roxane & son fils le jeune Alexandre , Thessalonique fille de Philippe fils
est affligée d'Amyntas Dridamie fille du Roy d'Epire, Pyrrhis Soeur du fameux Roy
,
dans Pyrrhus & quantité d'autres personnes de condition fort peu capables de
Pydna. ,
defendre la place, mais propres a l'affamer, car il n'y avoit pas assez de
Diodor. viens & de soûtenir pro.
/. X .p.6VO. vivres pour un long siége. Olympias avoit fait garder
(Ô 697. & les Thermopyles, & avoit nommé pour Général de ses troupes Aristonoiis

tfujlin. Mais CasTander entra en Macédoine par Mer, Dinias
/.14. c.6. un de ses Généraux
s empara des Thermopyles,& prévint ceux qu'Olynipiasavoit envoyez pour
s'en saisir; Enfin il surmonta les défilez de Parrhebie,gardez par les gens de
Polysperchon, & vint assiéger Pydna par Mer & par terre. Olympias s'étoit
flattée que plusieurs des Grecs & des Macédoniens viendroientàson secours;
Mais CasTander ayant fait un mur & des fossez qui enveloppoient la place
depuis un bord de la Mer jusqu'à l'autre & ayant fait venir flotte
, une
dans le port, il mit la ville hors d'état de recevoir aucun secours ni par Mer,
ni par terre.
LXXlll. iEacides Roy d'Epire avoit levé une armée pour venir au secours
Extrême d'Olympias; CasTander le prévint,envoya Atharrie un de ses Généraux dans
famine l'Epire, & y causa de si grands troubles, que les Epirotes châtrèrent le Roy
dans iEacide de son Royaume, & firent alliance avec Cassander. Ainsi point de se-
PydJta.
cours à espérer pour Olympiade du côté de l'Epire. Restoit Polysperchon,
qui avoit une armée dans la Parrhebie; Mais Cassander lui débaucha la plus
grande partie de ses troupes ; Ainsi il ne demeura auprès de lui que ceux
qui lui étoient le plus attachez. Pendant l'hyver on ne put attaquer la
place; Mais aussi on n'y put faire entrer aucune provision de maniéré que
la disette y devint extrême. ,
On ne donnoit par mois à chaque soldat que
cinq Chœnix de froment. Or le Chœnix est la mesure qu'on leur donnoit
ordinairement chaque jour. On nourrissoit les Eléphans avec de la sciûre
de bois, & on tuoit les Chevaux & les bêtes de somme pour la nourriture
des personnes. Ainsi la plupart des soldats de la Garnison périrent de faim,
les Eléphans tombèrent de défaillance, les troupes des soldats étrangers que
les Grecs nomment Barbares, se nourrirent même de la chair des Cadavres
de leurs Camarades.
LXXIV. Le Printems étant venu, plusieurs soldats de la Garnison demandèrent
Olympias congé à la Reine; Ce qu'elle leur accorda sans
se rend a
peine, & CasTander les reçut
diseretionà humainement & leur permit d'aller où ils voudroient , persuadé qu'ils ne
CafTander. manqueroient pas de publier par tout que les affaires d'Olympiade étoient
absolument désesperées, & que ces bruits détacheroient d'elle tous ceux
qui étoient encore dans ses intérêts. En effet les Macédoniens, qui étoient
résolus de lui donner du secours, ayant pris le parti de Cassander il n'y eut
qu'Aristonoiis & Monime qui lui demeurèrent fidéles. ,
Le premier étoit
Gouverneur d'Amphipolis & l'autre de Pella. Olympias avoit sait venir
secrétement une galére à cinq rangs de rames au port dans l'esperance de
se sauver avec ses proches ; Mais Cassander en ayant, eu avis, se saisit de la
Ga
Galère, & la Reine fut obligée de se remettre à la discrétion du vainqueur,
qui ne lui accorda la vie qu'avec peine.
Aprés cela Cassander inspira sous main à ceux dont OlympIas avoit fait
périr les parens, de l'accuser dans l'assemblée générale des Macédoniens. Ils Mort LXXV.
d'O-
le firent avec véhémence, & quoiqu'Olympias n'y fut pas présente ni lympias -
per-
sonne pour prendre sa dfenie on la condamna sans l'entendre à ,perdre la Mere d'A-
,
tête. Cassander envoya ensuite quelqu'u lexandre.
ns de ses amis pour dire à Olympias,
que si elle vouloit se retirer a Athénes , il lui offroit un vaisseau pour l'y
transporter, tout cela dans la veuë de la saire considérer comme coupable, si
elle prenoit la fuite, & pour se disculper, si elle périssoit dans le trajet Car
il redoutoit encore & la dignité d'Olympias & l'inconstance des Macédo- -

j^e5s\ "-e\ne rejetta l'offre qu'on lui faisoit, & demanda qu'on lui permit
de se justifier devant 1 assemblee des .Macédoniens. Cassander connoissoit
trop le respect qu'on avoit pour elle, & l'effet que pourroient faire &sa pré-
sence & son discours sur l'esprit du peuple. Il
envoya sur le champ deux
cens soldats déterminez pour la mettre à mort.
Olympias s'avança audevant d'eux vétuë des Royaux & ap-
ornemens
puyee sur deuxde ses Dames d'honneur. ,
Ces soldats étonnez n'osérent
porter leurs mains sur une personne si respeélable. Ils se retirérent sans lui
faire aucune violence. Cassander y envoya ensuite les proches de
qu Olympias avoit fait mourir. Ils lui coupérent la tête sans qu'elle ceux
, té-
moignât la moindre fraïeur, ni qu'elle jettâc le moindre cri. On dit même
qu'en mourant elle ajusta ses cheveux & ses habits de telle maniére qu'on
ne put rien voir d'indécent en elle. Ainsi mourut Olympias Mere du Grand
Alexandre & Epouse de Philippe Roy de Macédoine, les deux plus Grands
Princes que la Macédoine & la Grèce entiére eussent porté Grand exemple
de 1 inhabilité des choses de ce monde de l'inconstancej des peuples &
des effets de 1 ambition d'un homme qui, ne consulte
, que son ressentiment
Cassander ne songea plus qu'à exécuter son grand projet
qui étoit de' LXXVI.
se rendre maître de la Couronne de Macédoine ,
Il épousa Thessalonique Gaiïander
:
fille du Roy Philippe,& soeur d'Alexandre
S il
Roxane
par son Pere, & il avoit résolu de épouse
&deson fils, afin que ne reliant plus personne de la fa- Theifalo-
m-n fl voulut atfp'n!! pût sanss0PP,0sltl0n ,se rendre maître
de la Macédoine; nique
Mais
lais il voulut attendre ce qu on diroit dans le public du meurtre d'Olym- Soeur d'A-
pias,&ceque la renommée lui apprendroit du succés des armes d'Antigone. lexandre,
Il fit donc mettre Roxane & le jeune Roy son fils sous bonne garde dans la
Citadelle d 'Anipliipolis , ne les traitant plus en Roy & Reine mais en
en
simples particuliers. Enmême tems il fit rendre les honneurs funèbres ,
à Eurydice à Philippe & à Cinnas qu'Alede qui
mourir.qu'à * S
avoit fait '
stacle
aux &Alexandre san fils étoient les seuls qui pussent faire
itacle aux deileins de Cassander. Le premier etoit assiégé de fort prés dans ob- LXXV1L
Caflander
!fhVl!i»enf a5Clum dans Patrhébie. Dez qu'il eut appris la triste Catastro paiïc dans
phe d "Olympias, il se sauva chez les Etoliens, où il se flattait
de
quîqul sa Pelopo-
nésc & s'y
chaa..
tend changement à son avantage. Caflander en même tems marcha contre Ale-
maître de
plut rieurs xandre, qui..étoit dans le Peloponése. En chemin il retablit la ville deThé-
Tilles. bes,qui avoit été rasée par Alexandre vingt ans auparavant; & comme Ale-
xandre fils de Polysperchon s'etoit fortifié surl'IHhme de Corinthe, Castan-
dre fut obligé de passer par mer dans le Peloponëse, où il obligea la plûpart
des villes à embrasser son parti, aprés quoi il se rendit dans la Macédoine,
laissant dans le Peloponése Molycus avec deux mille hommes.
LXXVlll. Tel etoit l'état des choses dans l'Europe; cependant Eumenes etoit
Antigone dans laGabiéne avec son armée, où les soldats, sans se mettre en peine des
marche ordres de leur Capitaine, se campérent comme ils jugèrent à propos, sans
contre Eu- réglé & sans garder aucune discipline, ayant leurs tentes tellement eloignées
ménes les derniers étoient éloignez de prés de mille stades,
dans la les unes des autres, que
Gabiéae. ou environ quatre ou cinq lieues des premiers. Antigone en ayant eu avis,
Plutai cb. résolut de les aller surprendre pendant qu'ils étoient ainsy dispersez. Il ré-
in Euméne pandit le bruit qu'il alloit dans l'Arménie; tout d'un coup vers le Sol!bce
JEmil. laGabiéne, ordonnant à ses gens de ne pas faire de
Prob. in d'Hyver, il tourna vers
Euméne. feu si non pendant le jour, afin que
les sentinelles qui étoient sur les mon-
Diodor. tagnes ne pussent étre informées de sa marche. Cependant comme il faisoit
1. 19. p.692. grand'froid, ses ordres furent mal exécutez, & Euménes fut informé de la
Polyœn* des ennemis.
jlratag. venuePeucestes & les autres Chefs en conçurent tant de fraïeur, qu ils vou-
1.
LXXIX. loient se retirer; mais Euménes les rassura, disant qu'il feroit en sorte que les
Stratagème ennemis ne viendroientque trois ou quatre jours plus tard qu 'on ne les atten-
d'Euménes
doit. Ils luy demandérent comment il pourroit exécuter sa promesse, Il
pour arré- leur'dit de prendre avec eux autant de soldats qu'ils pourroient, de faire
ter la mar- du feu, & de venir avec luy
che d'An- provision de vases dans lesquels ils porteroient
tigone. sur une hauteur que l'on pût appercevoir de loin. Ils marchèrent comme
il ravoit désiré, & ayant allumé des feux sur les hauteurs dans un espace d'en-
viron soixante & dix stades,où d'unelieue & demie, Euménes leur ordonna
d'allumer ces feux à distance de 30. pieds chacun, de les taire grands à la pre-
miére veille, moindres à la seconde & tres petits à la troisiéme veille. Tout
cela fut exécuté, & les feux ayant été apperçus comme d'une armée qui campe,
Antigone crut qu'il avoit été trahi, & ordonna à son armée de se détourner se refaire
à droite & à gauche, pour trouver plus commodément des vivres &
de ses fatigues, avant que de combattre un ennemi frais & qui les attendoit
de piedEuménes
profita de cet intervalle pour ramasser ses troupes, & les forti-
fier dans un camp où il fit venir tout cequiétait nécessaire à leur
subsittaiiec.
Antigone ayant appris que les Eléphans d'Euménes n'étoient pas encore ar-
rivez, les fit attaquer par un détachement dedusa danger.Cavalerie; niais Euménes
promtement à leur secours & les tira Les deux camps
envoya
n'étoient eloignez que d'environ quarante Hades ou une lieuë & demie , &
l'on s'attendoit de jour en jour à une action générale. Antigone avoit vingt
deux mille hommes de pied, neuf mille Chevaux, & soixante cinq Eléphans.
Euménes étoit plus fort, ayant trente six mille sept cens hommes d'Info
terie,
terie, six mille cinq cens Chevaux & cent quatorze Eléphans, La plus
grande force d'Antigone consistoit dans sa Cavalerie. Il la mit à l'a,le
^ droite
où il commandoit en personne; Euménes se plaça à l'aile gauche avec ce
qu'il avoit de meilleures troupes, pour se trouver opposé tête à tête à Anti-
gone.
Un peu avant le combat Antigenes Chef des Argyraspidesenvoya un des LXXX.
siens crier à haute voix à la Phalange d'Antigone; Malheureux que vous etes, Euménes
s'efforce
de combattre contre vos Peres qui ont eu part tout ce que
à Philippe & de débat*»
Alexandre ont fait de plus grand, vous verrez bientost s'ils dégénèrent de la cher les
gloire de ces grands Princes & de la réputation qu'ils ont aquise partant de Argyraspi-
combats. La plupart de ces Argyraspides étoient de soixante ans. d'autres des d'An-
tigone.
mêmes avoient soixante & dix ans & plus. Ces discours touchérent les sol-
dats d'Antigone, & plusieurs s'entredisoient qu'il étoit triste de se trouver
dans la dure nécessité de combattre contre des parens & des anciens amis;
mais la chose étoit trop avancée pour reculer; & du côté d'Euménes les
troupes criant qu'on les ménât promptement au combat, Euménes fit sonner
la charge, & le combat commença d'abord par les Eléphans, & ensuite par
la Cavalerie.
La campagne où la bataille se donna, étoit toute couverte d'un sable LXXXI.
trés-fin, en sorte qu'en peu de tems l'air en fut tellement rempli, qu'à peine seAntigone
rend
ceux qui étoient tant soit peu éloignez, se pouvoient-ils reconnoître. Antigo- maître du
ne profita de cette circonstance pour faire attaquer les bagages de l'armée bagage de
d'Euménes qui étaientJart malgardez.il fit un détachement de quelque Cava- l'armée
lerie Méde, qui sans être apperçuë alla donner sur ces bagages,& s'en ren- d'Eumé-
dit maitre sans difficulté. Cependant Antigone vint donner avec un gros nes, ce
qui luy
la
corps de Cavalerie sur Peuceste, qui en fut ébranlé &se tira de méléeavec procure la
quinze cens Cavaliers qui le suivirent. Euménes par ce moyen se vit presque YÎ&oire.
abbandonné, & ne laissa pas de combattre avec beaucoup de vigueur, jusqu'à
ce que le Capitaine des Eléphans ayant été mis à mort, il fut obligé de se re-
tirer à l'aîle droite avec ce qui luy restoit de Cavalerie.
Cependant les Argyraspides combattoient avec leur valeur ordinaire. Ils
mirent en fuite l'Infanterie d'Antigone, & luy tuèrent cinq mille hommes
sans aucune perte de leur part. Euménes avoit voulu ramener Peuceste au
combat, avec toute sa Cavalerie réünie; mais Peuceste n'y voulut pas en-
tendre, & se retira assez loin du champ de bataille. Euménes n'ayant plus de
resïburce,fut obligé de céder au tems. Antigone ayant fait attaquer les Ar-
gyraspides dénuëz dela Cavalerie, les contraignit de se retirer sur le bord de
la rivière. Euménes & les Gouverneurs des Provinces y tinrent Conseil;
Euménes étoit d'avis de donner une seconde bataille; les autres vouloient
qu'incontinent on reprit le chemin des Provinces supérieures; les Macédoniens
ne voulurent acquiescer n'y à l'un ny à l'autre Conseil; mais ayant appris
que leurs bagages, leurs femmes & leurs enfans étoient pris, ils n'écouté-
reraptis aucune raison, & se livrérent aux plaintes & au murmure contre
leurs Chess.
En même temsTeutame, sans rien dire à personne, envoya demander
LXXXIJ. la paix a Antigone. Leiuy-cipromit de rendre tout ce qui avoit été pris, pour-
Euméne est veu qu'on luy livrât Euménes, & que les troupes qu'il avoit commandées,
livré à An- prissent parti dans son armée. Les conditions agréées de part & d'autre,
tigone & Peuceste avec ses dix mille Perses & les autres Satrapes avec leurs troupes, se
mis à mort.
Diodor. rendent aussitost au camp d'Antigone. Les Argyraspides se jettent sur Eumé-
1. 19 sa* nes, luy ôtent son epée, lui lient les mains derrière le dos, & le livrent àNi-
jiin. 1. 14. canor, qu'Antigone avoit envoyé pour le recevoir. Il demande qu'on luy
c. 3. Plu- permette de passèr au milieu de ses soldats & de leur parler pour la dernière
tarch. in
Euwêns fois; aprés cela on le conduit au camp de son ennemi, suivi de ses gardes &
&c. de ses troupes. Les Eléphans mêmes & les troupes auxiliaires d'Orient
niarchent*en ordre aprés luy, comme dans la cérémonie d'un triomphe. An-
tigone par un reste de considération pour leur ancienne amitié, ne souffrit
pas qu'Euméne parut en cet état devant luy. Il le fit mettre en prison- sous
bonne garde. Il avoit quelque envie de luy conserver la vie , & de s'attacher
un homme de ce mérite par un tel bienfait, mais les Macédoniens ayant de-
mandé sa mort avec de trés.grandes instances, il le fit mourir; il fit brûler
vif Antigenes Chef des Argyraspides enfermé dans un cercueil. Il fit aussi
snourirEudemon qui luy avoit amené les Eléphans dePorns, & quelques au-
tres. Jerôme Cardianus qui avoit écrit l'PIistoire des descendans ou des suc-
cefîeurs d'Alexandre, fut blessé dans cette action. Antigone le traita avec
bonté. Il fit rendre les honneurs funébres a Euménes,& fit brûler son corps
en présence de toute l'armée sous les armes, puis renvoya ses os enfermez
à
dans un vase d'argent en Cappadoce, à sa femme & ses proches.
Diodor. Après cette victoire qui rendit Antigone maître de l'Asie, il conduisit
/. 19 Strabo son armée dans la Médie, pour y prendre ses quartiers d'hyver. Il passa l'hy-
txPoJJtdo-
J. Xl. ver prés d'Ecbatanes, & distribua ses troupes principalement dans la Satrapie
mo deRages, ainsy nommée à cause des tremblemens de terre qui s'y sont autre-
fois fait sentir, & ont renversé tout ceCanton.
LXXXIIT. En ce même tems ayant appris que Pithon Satrape de Médie employoit
Antigone promesses, pour luy débaucher une partie de ses meilleures
se saisît de: les presens & les
Pithon & troupes, il. feignit d'abord de n'en vouloir rien croire, afin de s'en mieux
le fait instruire, en cachant son dessein. Il fit courir le bruit qu'il vouloit laisser
mourir. Pithon pour gouverner & contenir dans le devoir les Provinces supérieures,
& sans luy parler de rien, il luy écrivit qu'il avoit des affaires de la derniere
conséquence à luy communiquer, & qu'il le prioit de se rendre auprés de
luy. Il y vint T & Antigonel'ayant introduit dans sonConseil en présence
de ceux qu'il avoit voulu suborner , il fut aisément convaincu de perfidie,
& sur le champ on le mit à mort. Après quoy Antigone nomma à la tête
de l'armée Orontobate Méde Satrape de Médie, & Hippostrate Général de
l'armée de ce pays-là, qui consistoit en trois mille cinq cens hommes de
pied.
ixxxir- Avant que de partir de la Médie, Antigone prit dans Ecbatanes troisrnille
Antigone talens d'argent nonmonnoyé, & semit
Mé- en marche pour aller en PerseJp'Ec-
va de batanes à Persepolis on comptoit vingt jours de marche. Lorsqu'il fut arri-
die en
Terse. vé dans la Perse, on luy rendit tous les honneurs qu'on ne rend qu'aux Roys;
&
Dans un
& en effet il étoit sans difficulté maître absolu de tout le pays.
grand Conseil qu'il tint pourrégler les Gouvernemens des Provinces, laissa
Ja Carmanie àTlepoléme, la Badriane àStasanor, la Paropamise à Oxiarthes
il
Pere de Roxane, parcequ'il voyoit qu'il seroit malaisé de les tirer delà. il
donna PArie à Evite, & celui-cy étant mort peu de tems après, il donna cette
Province àEvagore, qui étoit aussi distingué par sa prudence que par sa va-
leur. Il fit venir de l'Arachosie Sybertius qui luy avoit toujours été attaché,
& le confirma dans son Gouvernement. Il lui donna mille des plus remuans
des Argyraspides, en apparence pour s'en servir dans la guerre, & en effet Diodor.
pour les faire périr, en les exposant en des lieux, d'où ils ne pourroient ja- 1.tareb. 19. Plu.
mais revenir. Enfin Antigone se défiant de Peuceste, qui étoit trés-aimé i1i
dans la Perse, il luy en ôta le Gouvernement & le donna à un nommé Ascle» Eumêne. Po,j,r-;:'. 1.4.
piodore, avec un petit corps de troupes. firatagem.
Il s'avançoit vers Suses & et oit déja arrivé sur le fleuve Pasitigris lors- LXXXV:
,
que Xenophile, Gardien des trésors qui étoient à Suses, vint audevant de Antigone
saisit
Juy, envoyé par Seleucus pour luy remettre toutes les richesses qu'il avoit se
en mains. En effet dez - qu'il fut arrivé dans la ville, il se saisit
d'or, & de quantité d'autres vases de même métal, qu'on estimoit quinze à Sufei.
des trésors
d'une vigne qui etoieut
mille talens ; on luy fit aussi une somme de cinq mille talens, avec les cou-
ronnes d'or & autres presens qui se trouvèrent dans le trésor, ce qui joint à
cinq mille talens qu'il avoit ramassez dans la Médie, faisoit une tomme de
vingt cinq mille talens. En prenant le talent sur le pied de dix-,huit cens
Livres, qui est au plus bas, les mille talens font la somme de vingt mil-
lions vingt cinq mille Livres. Il fit charger toutes ces richesses sur des cha-
riots &des Chameaux, & les fit conduire à Babilonne, dans le dessein de
faire charger le tout sur des vaisseaux & de le transporteren Europe.
Arrivé à Babilonne après vingt-deux-jours de marche, Seleucus qui en LXXXYT.
etoit Satrape, le reçut avec tout l'honneur imaginable, & luy fit des présens Antigone
Roy il traita l'armée magnificence arrive à Ba.
comme à un ; toute avec une extraordi- bilonne.
liaire,& n'oublia rien pour mériter les bonnes grâces d'Antigcme.Il encourut Diodor.
toutefois sa disgrâce, ayant sans sa participation changé un des grands Offi- /. 19.^.61 j.
ciers ; Antigone en colére luy demanda compte des revenus de sa Province jippiaw. in
& des richesses qui étoient dans le trésor. Seleucus repondit fié*rehientqu'il Syriac.
n'etoit pas obligé de rendre compte des choses que les Macédoniens lui p. UL
avoient mises en main,& oui étoient la recompense des services qu'ils avoient
rendus à Alexandre. La dispute s'echauffant, & Seleucus craignant qu'Anti-
gone ne le fit périr, comme il avoit fait Pithon & tant d'autres, se sauva se-
crétement avec cinquante Cavaliers auprès de Ptolemée Roy d'Egypte, qui
étoit en réputation de recevoir trés-agréablement tous ceux qui avoient re-
cours à sa protection.
Antigone d'abord fut charmé que Seleucus se fut exilé luy.même,& luy LXXXvil,
eut épargné le chagrin de punir un homme, avec qui il avoit toujours été Seleucus
ami,& à qui il avoit les derniéres obligations. Cependant les Mages de Cal- Egypte. arrive en
dée luy ayant prédit que si Seleucus alloit en Egypte, il se rendroit un jour Diodor.
maître de toute l'Asie, & qu'Antigone luy-même perdroit la vie dans une ba... l. 1'.
p. 701. Ap-
taille qu'il luy livreroit : Antigone sur ces avis envoya après Seleucus; mars
ssan. Syri- ceux qui le poursuivoient, ne le purent atteindre; &pour luy, il fut très-bien
lie. &c.
An du M.
reçu de Ptolemée, à qui il rendit Antigone odieux, en luy racontant ce qu'il
avoit fait aux Principaux Officiers, qui avoient servi avec luy sous Alexan-
g6go.avant
J.C. ;Io. dre , sans épargner ses meilleurs amis, & ceux qui luy avoient rendus des
plus signalez services. Ces discours furent comme des étincelles qui allumé-
rent bîentost une terrible incendie.
LXXXVIU. En même tems Seleucus fit pader en Europe quelques-uns de ses amis,
Ptolemée, pour détacher Caiïander qui commandait en Macédoine, & Lysimaque qui
& Lyfima- gouvernoit laThrace, de
€a(Iandcr l'amitié d'Antigone. Celuy-ci se doutant de ce
que se Ii. queferoit Seleucus, envoye
de son côté des Ambassadeurs à Ptolemée, àCaf-
à
guent con- sander & Lysimaque,pour leur demander la continuation de leur amitié;
tre Anti- mais les sollicitations de Seleucus prévalurent,& Ptolemée, Caiïander&Ly-
gone. limaque firent une ligue, pour faire la guerre à Antigone, & pour s'opposer
à ses immenses progrés.
LXXXIX. Antigone quitta Babilonne aprés y avoir laiflepour Gouverneur Pithon,
Déclara- qui étoit des Indes, & prit le chemin de la (jilicie. Il y mit ses trou-
tion de la venu
de pes en quartier d'hyver, & tira de Quindes dix mille talens, outre onze
guerre
Fto/emée, mille talens qu'il tiroit des revenus annuels des Provinces d'Asie qui luy
Lysimaque obéïssoient.Il passa quelquesmois dans ce pays, & ayant pris le chemin de
lX: CafTan- la haute Syrie; il en reçut en chemin une anibaffade de Ptolemée, Lyfima-
der contre Caiïander, qui étant introduits dans le Conseil, demandèrent qu'An-
Antigone. que &
Diodor. tigone cédât la Cappadoce & la Lycie à Cassander, laPhrygie qui elt située
ty-p.102. sur l'Hellespont,à Lysimaque, & la Babilonie à Seleucus; de plus, qu'il par-
il
tageât avec eux l'argent dont s'étoitsaisi aprés la défaite d'Euménes, si non
qu'ils étoient résolu.s de joindre leurs forces pour luy faire la guerre. Anti-
fone répondit durement, qu'il étoit déja en marche pour faire la guerre à
tolemée; que pour le reste il ne prétendoit pas partager avec d'autres ce
qu'il avoit conquis lui seul.
XC. Cette réponse étant rapportée aux trois Gouverneurs, ils renouvellé-
Antigone rent leur alliance, & se disposérent sérieusement à faire la guerre à Antigone
fait allian- terre & par Mer. Antigone de son côté songea à se procurer des alliez
par
te avec parl1ti les Princes, les nations & les villes libres, qu'il crut les plus propres
plusieurs
Tilles &c. à luy donner du secours. Il envoya Agesilaus vers le Roy de Cypre, Idome-
née & Moschion vers lesRhodiens, Ptolemée son neveu en Cappadoce avec
une armée pour en chasser ceux du parti de Cassandre, Ariftodéme de Milet
à Lacédemone & dans lePeloponéle avec mille talens pour y lever des sol-
dats, & pour faire alliance avec Polysperchon & Alexandre son fils, afin qu'ils
joigiiiffent leurs forces aux siennes; aprés quoy il établit des espéces de po-
stes & des feux sur toute la montagne par toute l'Asie, qui étoit sous ion
obéïssance, pour étre informé à tems de tout ce qui se passoit,& pour donner
plus seûrement & plus promtement ses ordres.
xa: Antigone descendit ensuite dans la Phénicie pour y construireune flotte;
Antigone l'Empire de la Mer; Ptolemée ayant dans ses
,uonfltuit car ses adversaires possédoient
uns floue ports toutes les galères de Phénicie, au lieu qu'Antigone n'avait aucune flotte
en
en son pouvoir. Etant donc campé prés de Tyr, & ayant résolu d'assiéger dans la
cette place, il fit venir tons les petits Roys de Phénicie & tous les Gouver- phénicie.
neurs de la Syrie, & les invita à se joindre à luy pour equipper une flotte,
sans laquelle il ne pouvoit ny assiéger Tyr, ni faire la guerre aux Princes
confédérez. Il leur demanda deplus un million quatre cens mille mesures de
froment pour l'entretien de son armée pendant un an, aprés quoi il com-
manda huit mille hommes pour couper, scier & préparer les bois qu'il ti-
roit du Liban pour faire ses vaisseaux, avec mille bêtes pour les amener jus-
qu'à la Mer, ou jusqu'aux villes où il avoit de grands atteliers, dans lesquels
on travailloit continuellement à ces ouvrages. Ces villes étoient Tripolis,
Biblus & Sidon. Il y avoit encore un quatriéme attelier dans une ville de
Cilicie, & un cinquième dans l'isle de Rhodes.
Pendant qu'Antigone travailloit à cet armement, Seleucus venant d'E- XClt.
gypte, passa à la veuë de Tyr avec une flotte de cent vaisseaux, comme pour Antigone
insulter à Antigone, qui n'avoit aucunes forces sur Mer; mais ce Prince dit fait le siége
de Tyr,
à ses gens qui en paroissoient troublez, qu'avant la fin de l'été il auroit en prend Jop-
Mer une flotte de cinq cens vaisseaux. En même tems on luy rapporta que pé & Ga-
Nicocreon & les autres Roys deCyprequi étoient les plus puissans dans Pisle, za.
étoient entrez dans l'alliance de Ptolemée;mais que les autres s'étoient décla.
rez pour luy. Sur ces nouvelles il laisse Andronique avec trois mille hom-
mes pour continuër le siége de Tyr, & avec le reste de son armée marche
contre Joppé & Gaza, qui refusoient de luy obéir. Il prit ces villes & les
traita avec beaucoup de rigueur; il obligea les troupes de Ptolemée, qui
y étoient en garnison, de prendre parti parmi ses troupes, & laissa dans ces
places de ses soldats pour contenir les Bourgeois dans la soumission, aprés
quoi il retourna au siége de Tyr.
Arisiodéme, qui avoit été envoyé par Antigone dans le Peloponése, y XCUL
enrôla huit mille Lacédémoniens, & persuada à Polysperchon & à Alexan- Polysper.
dre san fils, de prendre le parti d'Antigone. Polysperchon demeura dans chon 6c
Alexandre
le Peloponése en qualité de Gouverneur. Alexandre vint joindre Antigone sou fils
en Phénicie. Antigone dans usse assemblée generale de ses troupes se de- prennent
clara vengeur de la mort d Olympias, & qu'il étoit résolu de tirer le jeune le parti
Roy Alexandre & sa Mere Roxane de la ville d'Amphipolis, où ils étoient d* Antigo-
assiégez; & qu'enfin il vouloit remettre tous les Grecs en liberté, & chasser de ne.
leurs villes les garnisons que Cafsander y avoit mises, aprés quoy il fit de
grandes promesses à Alexandre fils de Polysperchon, & le renvoya plein de
vastesespérances, avec 500. talens dans le Peloponése.
Jusqu'alors la ville de Tyr s'etoit assez bien défenduë contre Antigone; XCIV.
mais ce Prince ayant rassemblé un grand nombre de vaisseaux de ceux qu'il Prise de la.
avoit récemment fait construire, il serra la place de plus prés, & la réduisit ville de
bientost à une famine insupportable. Le siége dura un an & trois mois, & Tyr.
enfin la ville se rendit par composition. La garnisonque Ptolemée Gouver-
neur d'Egypte y avoit, en sortit avec ses effets ; & Antigone y fit entrer de ses
gens pour la garder,
xcv. Ptolemee ayant appris ce qu' Antigène avoit promis aux villes Gréquer,
Guerre en voulut faire vctër qu'il n'étoit pas moins afFeftionné à leurs intérêts-, & leur
Gypre & envoya un décret tout pareil à celui d'Antigone. Il gagna aussi à son parti
dans le le Satrape de Carie, qui avoit un bon nombre de villessous sa puissance, &
Pelopo-
nése. fit passer dix mille hommes de bonnes troupes en Cypre avec cent Galéres,
Diodor. outre trois mille hommes qu'il y avoit déja envoyez, pour soûtenir les Roys
I 19. qui s'étoient déclarez pour luy. Il donna le commandement de toutes ses
troupes à son frere Menelaûs.
Ces troupes étant arrivées en Cypre, on délibéra sur l'urage qu'on en
pourroit faire. Il fut résolu que Polyclite avec cinquante galéres passeroit
dans lePeloponése,&yferoit
^ la guerre à Aristodéme, à Alexandre &àPoIys-
perchon; que Myrmidon avec les soldats étrangers marcheroit au secours de
Cass,inder Satrape de Carie, attaqué par Ptolemée un des Généraux d'An-
tigone; qu'enfin Seleucus & Menelaûs demeureroient en Cypre, & réiinissant
leurs troupes avec celles du Roy Nicocreon & des autres alliez, feroient la,
guerre aux Princes qui avoient embrasse le parti d'Antigone. Seleucus rédui-
sit assez aisément sous son obéïssance les villes qui d'abord avoientpris le parti

XCVI.
d'Antigone. e
Sur la fin de l'été Antigone se trouva avec deux cens quarante galère:,
Antigone qui luy étoient venuës de différens endroits. Il
veut se
en envoya cinquante au se-
rendre cours de ses alliez dans le Peloponése; il donna le commandement des au-
maitre de tres àDioscoride son neveu fils de son frere, & l'envoya croiser sur la Mé.
l'Empire diterranée, pour donner du secours à ceux de son parti, par tout où il le ju-
de la Mer. geroit nécessaire, & pour attirer dans son alliance les villes & les Isles qui
ne s'étoient pas encore déclarées. Il arriva dans ce même tems un echec à
Antigone, qui dérangea ses projéts sur l'Empire de la Mer qu'il souhaitoit.
XCV2. Polyclite Ambassadeur de Seleucus étant parti de Cypre, & étant arrivé
Polyclite à Aphrodysiade de Cilicie, apprit
surprend que Theodote Général de la flotte d'An-
Perilaiis & tigone devoit
passer avec les vaisseaux de Rhode, & que Perilaüs côtoyoit sur
Thcodote terre les bords de la même Mer, pour le. soûtenir en cas d'attaque. Poly-
Généraux clite les surprit l'un & l'autre, & les attira dans ses pièges. Il débarqua une
du parti partie de ses soldats & les mit en embuscade dans un défilé, où Périlaüs de-
d'Antigo- voit nécessairement passer. Perilaiis tomba dans l'embuseade, fut
pris & ses
ne.
gens partie tuez, partie faits prisonniers. La flotte commandée par Théo-
dote voulut venir au secours de Perilaiis; mais Polyclite survint, le prit par
derrière, le mit en déroute, prit ses Galères, & Theodote luy-même cou-
vert de blessures tomba entre les mains de Polyclite, & mourut peu de jours
après. Delà Polyclite retourna heureusement en Cypre & ¡en(uite en Egy-
pte, où Ptolemée le combla de présens, de louanges & d'honneurs. Anti-
gone envoya répéter Perilaüs. Ptolemée le renvoya avec quelques autres
des prisonniers. Les, deux Princes Antigone & Ptolemée eurent une entre-
veuë dans un lieu nommé Ecregma; mais ils se séparérent sans rien con-
clure.
XCVIII. Cafsander étoit toujours en Micédoine, dont il avoit usurpé la Ro-
Caffander yauté, & n'oublioit rien pour abbaisser le parti d'Antigone son ennemi. 11

fit
fit ce qu il put pour détacher Polysperchon d'Antigone, mais n'y ayant
réüssi, il passa avec une armée dans le Peloponése, prit de force Cenchrée, pas paile cfans
le Pelopo-
qui elt le port de Corinthe, ravagea le pays d'alentour, se rendit maitre de nése.
la d Orchomene, & ayant parcouru une partie du Peloponése, retourna Alexandre
en Macédoine. Il ne fut pas plutost sorti du Peloponése, qu'Alexandre fils fils de Po-
de Polysperchon reprit les places qui s'étoient données à Cassinder. Celui- chon lysper-
s'at-
ci aima mieux gagner Alexandre que lui faire la guerre. Il luy proposa de tache au
quitter le parti d'Antigone, avec promesse de lui céder le Peloponése parti de
le Saflander»
commandement absolu de l'armée. Alexandre accepta avec
ces propositions, qui
ctuienc tout ce qUil pouvoit demander, & ce pourquoi il saisoit la guerre
Antigone informe de la défection d'Alexandre, envoya contre luy Ari- XCIX.
°denie qui l obligea à lever le siége de Cylléne, & ayant pris quelques vil- Alexandre
les du Peloponese, se rembarqua & se retira avec ses troupes dans l'Etoile fils de Po-
Quelque tems aprés Alexandre fils de Polysperchon sortant de Sicyone, fut lysper-
chon est
assassiné par un Sicyonien nommé Alexion, qu'il croyoit de ses amis. Cra- assassîné.
îf lipo J lexandre femme d'un rare mérite, & qui avoit de la
pru- Cratefipo-
dence & de la resolution plus qu'on n'en trouve ordinairement dans. les lis la tent.
sonnes de son sexe, prit la conduite de l'armée & le gouvernement du per- me i'oûti-
& se fit aimer des troupes par sa libéralité & par le soin qu'elle prenoit de pays, ent sOll
se- parti dans
courir les malheureux. Ceux de Sicyone ayant pris les armes pour récupérer le Peloeo-
leur liberté, elle leur livra bataille, les vainquit, en fit pendre trente des plus nése.
mutins, & força la ville de demeurer dans son obéïiîance. 1

dlldna5 longea enimte a anoiblir les Etoliens, qui étoient du parti C.


d' Aiitigone; & comme les Etoliens & les Acarnaniens étoient il Caffanfler
fit alliance avec les Acarnaniens, & leur donna du secours en guerre,
contre leurs ennemis. fait allian-
Delà il passe dans PAdrie & dans l'Illyrie, prend les villes de Leucade avec les
& ce Acarna-
d 'Apollonie, défait Glaucyas Roy d'illyrie, & fait alliance
avec luy, sous ni e1lS &
cette condition qu il ne prendra pas les armes contre les amis de Caîsander avec Glau-
Apres cela ce Prince retourna dans la Macédoine. Il envoya ensuite une cyas Roy
armée dans la Carie pour donner du secours villes qui étoient attachées d'illyrie.
aux
a Ptoemee & a Seleucus, afin de faire diversion des forces d'Antigone &
1 empêcher de passer en Europe. Les Généraux
qu'il avoit fait passer en Carie
nlfd'Antfrepn surprendre Pfolémrée qui commandoit dans
piys les An du M.
pes d Antigone , furent eux-memes surpris.&Jk'défaits parPtolemée, ce trou- 3 691. avant
lorme de leur dessein par quelques tramfufibk qui fut in- J. C. 309.

.'. r^i .T
son fils
'î T
repasserpouv,-,int Plus doliter quffCaflànder n'assedât l'Empire

Hp r£olUS rS Syrie,avec pour


miîh.
." cn ce pays
de
traverjfer ce dessein; mais il laissa Antigo ne
environ treize mille hommes de pied, pafféenafie
C7.

cinq mille Chevaux & quarante Elephans, pour s'opposer entreprises de pour s"op-
P o emee Gouverneur d'Egypte, qu'il soupçonnoit devoir aux poser à
entrer en Syrie Galfander.
avec son armée. Demetrius n avoit alors qu'environ 22. ans : mais Anti
luy donna pour Conseil quatre anciens Généraux, qui' avoient accompagné gone
Alexandre dans toutes ses expéditions ; Sçavoir Nearque Crétois, Pi
thon fils
d'Agenor, Andronique d'Olynthe, & Philippe.
Antigone avec le reste de l'armée entreprit de paNer
le mont Taurus;
xu:tis
eu. mais il y trouva une si grande quantité de neiges, qu'après avoir perdu beau-
Antigone coup de ses soldats, il fut obligé de rebrousser chemin, & de retourner en
paile le Cilicie ; il repassa ensuite les mêmes montagnes avec moins d'incommodité,
mont Tau- & vint'descendre en Phrygie, où il distribua ses troupes dans les quartiers
rus & vient d'hyver. En même tems il manda à Médius qui commandoit sa flotte, de
en Phrygie.
le venir trouver avec ses Galéres, qui ne luy etoient plus nécessaires au siége
de Tyr, la ville s'etant renduë après un an & trois mois de siége. Medius eut
à sa rencontre dans la traversée trente six vaisseaux partis de Pydnée. Il les
battit & les réduisit en sa puissance avec tous ceux qui les nl0ntoient.
Cassander Satrape de Carie, fort different de celuy qui possédoit la Ma-
cédoine, n'étant pas assez fort pour résister aux troupes d'Antigone, fit sa
paix avec ce Prince, à condition qu'on luy conserveroit sa Satrapie, & qu'on
accorderoit la liberté aux villes Gréques de Carie. Il donna pour gage de
sa parole son propre frere Agathon a Antigone; mais peu après il se repen-
tit , retira clandestinement son frere & ecrivit à Ptolemée & à Seleucusréduisit qu'ils
luy envoyassent un promt secours. Antigone prévint ce secours, &
par la force les villes de Carie à son obéïflfance. t Confédéra-
rY' entre/ dans la
ClIl. Lysimaque Gouverneur de Thrace étoit
« /. aussy 1 Cl J
Revolte de tion de Cassander, de Seleucus & de Ptolemée contre Antigone ; les Callan-
quelques tiens qui demeuroient sur les rives gauches duPont-Euxin,
peuples de
se révoltèrent con-
tre luy, chassérent la garnison qu'il avoit laissée dans la ville, & se mirent en
Thrace l'Istrie fit de même & peuples ayant attiré dans
contre Ly- liberté ; la Capitale de en ; ces
simaque. leur parti les Thraces & les Scythes leurs voisins, mirent sur pied une
grosse
il les ré- armée. Lysimaque marche incontinentcontr'eux, pasTe le montiEneus, ob-
dnit à l'on lige les Thraces à passer sous ses enseignes, défait les Scythes & les oblige
©béi'lTance.
de sortir du pays, & assiége Callante. En même tems il apprend qu'Anti-
& une de Mer au secours des rebelles. 11
gone envoye une armée de terre
laisse une petite partie de son armée pour continuër le siége de Callante, &
marche avec le reste contre l'armée de terre commandée par Pausanias. Il
force les défilez qui étoient gardez par le Roy Seutha, quis'etoit déclaré pour
Antigone, & vient fondre sur Pausanias, le met à mort, oblige une partie
de les troupes de prendre parti dans son armée, & renvoye les autres qui se ra-
chettérent par une rançon.
cn/. Antigone ne se laissa pas abbattre par ce mauvais succés. Il envoya
Antigone Telesphore avec quelques trouÉÉ &. cinquante Galères dans le Péloponéle,
rend la li-
avec ordre de remettre les villes aé ce pays en liberté, & d d'observerquel étoit
berté à Telesphore etant abbordé dans le Péloponése, n'eut pas
plufteurs l'état de Cassander. à l'exception de Sicyone
villes du beaucoup de peine à réduire les places de ce pays,
Péloponé- & de Corinthe, qui étoient occupées par Polysperchon & par les troupes.
se. Aprés cela Telesphore s'en retourna vers Antigone.
CV. Nous avons veu cy-devant qu'Æacides Roy d'Epire avoit_ été^ obligé de
iEacides sortir de ses Etats. Quelqu'uns de ses sujets le rappellérent dans son pays &
Roy d'Epi. résolurent de se joindre aux Etoliens leurs voisins,pour le soutenir contre Cai<
re & les sander, qui gouvernoit la Macédoine avec une autorité absoluë. Philippe
Etoliens le retour diacides, marcha incon-
sout vain- un des Généraux de Cassander, ayant appris
tinent
tinent contre luy, avant qu'il se fût joint aux Etoliens. II le combattit, le cas par
vainquit, fit grand nombre de prisonniers , & entr'autres cinquante de ceux Philippe
qui avoient engagé le Roy à retourner dans l'Epire. Philippe les envoya à nérauxun des Gé- -
tte
Catfander. Delà il marcha contre les Etoliens, auxquels s'étoient joints les Galfander.
Epirotes qui s'étoient sauvezde la premiére bataille avec leur Roy. Philippe
les battit encore & leur tua bien du monde, du nombre desquels fut le Roy
Æ.acides. Cette défaite jetta une telle épouvante parmi les Etoliens, qu'ils
abbandonnérent leurs villes, qui n'étoient pas bien fortifiées, & se retirérent
avec leurs femmes & leurs enfans dans les montagnes & dans des lieux inac-
cessibles.
Antigone eut une conférence avec Caflander dans l'Hellespont, avec aussi CVL
peu de su'ccés, que celle qu'il avoit euë avec Ptolemé-e. Ils ne purent s'ac- Entrevus
d'Antigo-
corder sur aucun article, & Casfander continüa à faire la guerre pour s'as- ne & de
sûrer de l'empire sur la Gréce. Il s'embarqua sur une flotte de trente Galé- GaHaud.©r.
res & fit le siége de la ville d'Orée dans l'Eubée, aujourd'huy Negrepont.
Il étoit sur le point de s'en rendre maître, lorsqu'Antigone y envoya du se-
cours, qui n'empêcha pas Caffander d'en continuër le siége. Il ne Pabban-
donna que quand Antigone eut envoyé une armée navale dans l'Eubée, dans
la veuë d'obliger la ville de Calcide de se déclarer pour luy; car c'étoit la
seule ville de l'Eubée où ses ennemis eussent garnison. Canander craignant
pour Calcide, leva le siége d'Orée, & vint pour s'opposer à l'armée navale
d'Antigone, commandée par Ptolemée.
Cependant Antigone voulant profiter de cette diversion, manda à Mé- CVI1.
die Commandant de sa flotte, de venir incontinent le joindre en Asie, & auf- Antigone faire
sitot que Médie fut arrivé, il fit veut
voile vers l'Hellespont pour entrer en Ma- une de-
cédoine, ne doutant pas que Calsander ou abbandonneroit la défense de Ca]. scente
cide & de l'Eubée, pour accourir à la défense de la Macédoine, ou que s'il dans IaM*«
continuoit à demeurer dans l'Eubée, lui Antigone se rendroit maître de la Caflanderce loine.
Macédoine deitituée de secours. Cafsander pénétrant son dessein, laisse Pli- le pré-
starque avec quelques troupes pour la défense de Calcide, part en diligence, vieat.
prend en chemin la ville d'Oropa, fait alliance avec les Thébains, conclut
une trêve avec les autres Béotiens, laisse Eupolemon pour la détente de la
Gréce & se rend en diligence en Macédoine. Antigone ne put arriver dans
Je pays aussitot qu'il se l'étoit promis. Ceux de Bizance intimidez par Ly-
simaque, rëfusérent de prendre son parti. Ce retardement fut cause qu'il ne
put débarquer à tems dans la Macédoine ; & comme l'hyver étoit proche,
il envoya ses troupes en quartier. Cependant la ville de Calcide se rendit à
Ptolemée, qui commandait la flotte d'Antigone; ainsi ce Prince réüssit dans
cettepartie de son projet.Ptolemée son Commandant fit aussi de grands progrés
dans l'Attique, dans la Béotie & dans la Phocide, & rendit la liberté aux
villes de ces Cantons-là.

,
Les Bourgeois de Cyréne s'étoient revoltez contre Ptolemée Gouverneur CF//&
d'Egypte, & ayant assiégé la Citadelle pour en chasser la garnison Ptolémée Révolte
leur députa des personnes de confiance pôur les porter à quitter cette entre- des Bour.
prise; mais ils les firent mourir & continuèrent le siége avec une nouvelle geois de
1Cyréne.
armée de terre commandée
Ptolémée ardeur. Ptolémée fit marcher contr'eux une par
les réduit Agis, & une flotte sous le commandement
d'Epénéte. Agis força la ville de
à i'obéïs- Cyréne & envoya à Alexandrie les Auteurs de la défection chargez de chai<
sance. né, désarma le reste de la Bourgeoisie, & ayant rétabli la tranquilité dans
Diodor. revint en Egypte.
/. 19.p.7Ii. le pays de Cyrene,
An du M. Peu de tems aprés Ptolemée s'embarqua en personne & descendit en Cy-
3-692. avant pre, où il fit la guerre à quelques petits Roys de ce pays qui ne
vouloient pas
J,C.?o8. luy obéïr. Il fit mourir Pygmalion qui traitoit avec Antigone. Il prit Pra-
CIX.
xippe Roy de Lapithie & Staeriaque Roy de Marie, & accorda leurs Etats &
Expédition été attaché. Delà
de Ptolé- leurs revenus à Nicocreon, qui luy avoit toûjours
mée en Cy- dans la haute Syrie, y prit quelques villes; puis enCilicie,où il prit Mallos
pre, en Sy- & en vendit les habitans à l'encan. Il fit le dégât dans le pays des environs
rie & en &
ramena son armée chargée de richesses en Cypre.
Cilicie.
Diodor. Demetrius fils d'Antigone étoit toujours dans la Syrie creuse, pour ob-
ibid.p.71 IÇ-. server les démarches de Ptolémée. Ayant été
informé de ce qu'il avoit fait en
ex. Cilicie, il y accourut avec sa Cavalerie, & fit une si extrême diligence , que
Bataille de personne
ne le pouvoit suivre. Aussi perdit-il beaucoup de Chevaux dans sa
Demetrius
marche & encore arriva-t'il trop tard. Ptolémée étoit déja retourné en Egypte.
fils d'Anti-
gène con- Il n'y demeura pas en
longtems repos. Seleucus le poussa à marcher con-
tre Ptolé- tre Demetrius & à luy livrer la bataille; il ramassa donc promtement une ar-
mée Roy mée de dix-huit mille hommes de pied & de quatre mille Chevaux. Il se ren-
d'Egypte.
dit prés l'ancienne Gaze, où Demetrius l'attendoit avec son armée. On s'é-
tonnoit qu'il ôsât se mésurer contre un ennemi aussi redoutable que 1 étoit
Ptolémée • & ses amis luy conseilloient de ne pas s'exposer avec une armée
& aussi expérimentez que
moins forte contre deux Généraux aussi célébres
l'étoient Ptolémée & Seleueus. On eut même quelque espece de coiiipallion
de sa jeunesse, lorsqu'on le vit paroître sur une Tribune pour haranguer
son
armée./
H rangea ensuite son armée de cette sorte. Il mit trente
Eléphans la à
tête de l'aile gauche où il vouloit combattre en personne. Entre ces Elephant
légère, armez d'arcs
il laissa des intervalles qu'il remplit de soldats armez à laCavalerie, & aprés la
& de dards. Derriére les Eléphans étoit rangée la
Cavalerie étoit la Phalange composée de douze mille hommes d'Infanterie.
Fithon devoit commander cette aile avec Demetrius. Andronique comman-
doit l'aîle droite, & avoit ordre de présenter un front-oblique a 1 ennemi,
attendant quel feroitle
& de combattre en se retirant, & comme enfuïant,
succés de la bataille à l'aîle gauche. L'aîle droite n'avoit que treize Eléphans,
qui étoient placez à la tête de l'Infanterie, avec les intervalles remplis de sol-
Seleucus
Ptolémée & avoient d'abord fortifié leur aile gauche, présumant
Demetrius commanderoit l'aîle droite ; mais ayant appris le contraire,
que
ils placèrent à l'aile droite tout ce qu'ils avoient de meilleures troupes, comme
trois mille Cavaliers, en qui ils avoient grande confiance, & au milieu desquels
Ils placèrent devant cette Cavalerie
ils vouloient combattre en personne.
des soldats qui avoient des piquets aimez de pointes de fer, & desctiaines^ ^
Revoit tendre d'un piquet à l'autre,pour arrêter l'impétuoftté des Eléphans.
Ils avoient de plus disposez grand nombre d'hommes armez de dards & de
flèches, qui devoient tirer en flanc contre ces animaux & contre ceux qui les
montoient pour les effaroucher & leur faire rebrousser chemin. exi ;
Les deux armées ayant jetté de grands cris, commencèrent le combat. Défaite d.
La Cavalerie de Demetrius valoit beaucoup mieux que celle des- autres; mais jeune D4m
les Cavaliers qui combattoient au tour dePtolemée & de Seleucus, ayant pris metrius
en flanc ceux de Demetrius, le combat sut rude & opiniâtre pendant assez par Ptolé-
longtems. Plusieurs furent blessez, & plusieurs renversez morts. Enfin on fit mée Roy
d'Egypte
Eléphans. Leur mouvement parut terrible, & il sembloit qu'ils
avancer les
alloient tout renverser ; mais ils furent arrêtez par ces pieux armez de pointes.
& par ces chaînes dont nous avons parlé. Les archers qui étoient placez ex- V

prés pour tirer sur ces animaux, & sur ceux qui les conduisoient, les effarou-
chérent & tuérent une grande partie des Indiens qui les gouvernoient ; de
sorte qu'enfin Ptolémée se rendit maître des Eléphans, & que la Cavalerie de
Demetrius fut mise en fuite. Ce jeune Prince luy-même fut obligé de les

avoient..
suivre, voyant qu'ils n'écoutoient plus ni ses ordres nises prières. 11 est vrai
qu'ils se retirèrent en bon ordre jusqu'auprès de Gaze; mais comme ils avoient
leurs équipages dans la ville, plusieurs se détachérent pour retirer ce qu'ils y
Dans cet embarras de gens & de Chevaux qui entroient & qui sortoient, tXIf.
survinrent les troupes de Ptolémée, qui s'emparèrent de la ville. Demetrius Hoïmête-
Azot sur le minuit, ayant fait dépuis la fin du combat deux cens tez dont
arriva à usa Ptolé-
soixante & dix stades de chemin, qui font environ douze lieues. Le lende- mée après
main il envoya demander qu'on lui permît d'enterrer les morts, dont plusieurs sa vi&oire
étoient distinguez par leurs merites, & par leurs longs services, entr'autres envers
jeune De-
le
Pithon, qu'Antigone avoit laissé auprés de lui pour lui servir de Conseil, & metrius
Béotus qui avoit vécu longtems avec Antigone, & étoit Confident de tous ses Piutarcb.
secrets. Le nombre des morts fut d'environ cinq mille; mais on fit plus de dit çooo.
huit mille prisonniers. Tel futlesuccés du premier combat que donna Deme- morts.
trius, qui dans la suite fut surnommé Poliorcetés, ou le preneur des villes. dore seule-
Ptolémée & Seleucus non seulement luy accordérent les corps de ceux qui ment joa.
Plu.
avoient été tuez dans la bataille, mais même luy renvoyèrent sa tente & tous voïe;a
tareb. in
ses meubles, ses amis & ses domestiques, disant qu'ils n'avoient pas livré la Demetri».
bataille pour remporter des dépouïlles, mais pour la gloire & pour le com- Dindor.
mandement. 119. fju-
Demetrius se retira à Tripoli ville de Phénicie, & écrivit à son Pere lejii1¡. /. i
malheur qui luy étoit arrivé, le priant de luy envoyer au plutôt du secours, c. CXlll
1.

& de lui permettre de tenter de nouveau la fortune d'une bataille. En attendant Antigone:
il fit venir tout ce qu'il avoit de troupes dan, la Cilicie & dans les provinces exhorte
YHines. Antigone, au lieu de reprendre son fils, l'encouragea, lui permit combattre
son fils 1
de combattre de nouveau, disant que Ptolémée avoit vaincu des jeunes hom- de nou-
mes sans barbe, mais qu'il alloit luy envoyer des hommes faits pour lui livrer veau.
bataille.
Ptolémée de son côté envoya en Egypte les captifs qu'il avoit faits sur
CXlV.Demetrius, & les fit distribuër sur ses galères ; puis il fit des funérailles ma-
Ptolémée gnifiques à ceux des siens qui étoient morts dans le combat. Enfin il s'avan-
se rend dans la Phénicie & se rendit maître de la plupart des places de cette Pro-
maître de ça
la plûpart vince. Andronique Gouverneur de Tyr fut fortement sollicité de luy rendre
des viLes sa place; mais il répondit couramment qu'il ne violeroit pas la foy, qu'il
le Phéni- avoit promise à Antigone & à Demetrius tes maîtres. Ptolémée ne l'en esti-
Me &e.
ma pas moins; & quelque tems aprés le même Andronique étant tombé entre
les mains de Ptolémée par une révolte de ses soldats, il le traita avec hon-
neur & l'admit au nombre de ses amis. Ces traits de l'humanité, de la cle-
mence, de l'équité, de la grandeur d'ame que tout le monde admiroit dans
Ptolémée, furent un des plus puissans moïens qui lui procurèrentla souveraine
puissance, & luy firent une infinité d'amis.
cxv. Seleucus fut un de ceux qui éprouvèrent le plus les effets de son amitié,
Seleucus & qui
en conserva plus de réconnoissance. Ptolemée lui donna seulement
retourne mille hommes de pied & deux mille Chevaux,
en Babilo- point de marcher dans laBabilonie, qui étoit son avec lesquels il ne craignit
nie pour ancien Gouvernement, &
F afruicttir. de tenter d'y rentrer. Etant arrivé dans la A/lésopotamie, il fit tant par ses
Diodor. persuasions & par ses menaces, qu'il obligea les loldats Macédoniens, qui
1•19. Ap-
étoient à Carrhes, à se joindre à sa troupe. Arrivé dans laBabilonie, les
pian, Sy-
riac. Celui- peuples du pays, qui luy étoient très.affectionnez, se rendirent auprès de luy
el» met mille de toutes parts, & lui promirent toute sorte d'assistance. Polyarque qui avoit
hommes de
un employ dans le pays, luy amena mille hommes. L'absence d'Antigone
fied; Dio- qui étoit éloigné de la Babilonie, favorisoit beaucoup son dessein, & l'Oracle
doreseule-
ment 800. de
le
Brunchide qui luy avoit autrefois promis Royaume, joint aux prédi-
ctions des Caldéens, dont on a parlé,& quelques autres indices qui luy pro-
mettoient une haute fortune, le soûtenoient dans cette entreprise & don-
noient cœur à ceux qui l'accompagnoient.
exVI. Les Babiloniens qui étoient dévoüez à Antigone, ne se trouvant plus
Seleucus se les plus forts, se refugiérent dans une sorteressè, dont Diphilus étoit Gou-
.Mnd maî- Seleucus les assiégea, força le Fort, & en tira ses amis qu'Antigone
tre de la verneur.
Babilonie. y avoit fait enfermer dépuis sa fuite en Egypte. Aprés cela il fait des levées
Diodor. de soldats, achéte des Chevaux, les donne à ceux qu'il croit propres à les
J.x 9. p.720. monter; enfin il se rend maître de la B1bilonie avec une facilité surprenante.
Appian.
Syriac..
Nicaner Gouverneur deMédie ayant marché contre lui avec une armée deplus
de mille hommes de pied, & de sept mille Chevaux, Seleucus n'avoit alors
f. 122.
qu'environ trois mille hommes d'Infanterie & quatre cens Cavaliers; il ne
laisse d'aller à la rencontre des ennemis, pifse le Tigre, cache ses gens dans
des lieux couverts & marécageux, sur le chemin par où devoient passer les
ennemis. Nicanor ne trouvant personnequi s'opposât à sa marche, crut que
Seleucus s'étoit éloigné. Il campe dans la campagne sans beaucoup de pré-
caution. Le mépris qu'il avoit pour un ennemi si foible, fit négliger de faire
garde avec la diligence convenable. La nuitfuivante Seleucus force le camp
de Nicanor, & y jette le trouble. Evager qui commandoit les Pertes, est mis
à mort. Ses soldats prennent parti dans l'armée de Seleucus. Nicanor abban-
donné des Perses .Jç sauve avec peu des fiens. Ainsy Seleucus se trouve tout
a coup
à coup à la tête d'une bonne armée, & sans danger entre en possession de la
Médie & de la Susiane, & de quelques pays voisins.
Ce fut alors qu'il écrivit a Ptolémée Gouverneur d'Egypte l'heureux
succés de ses armes; & c'est de cette année du monde 36^2. & 4402. de la
Période Julienne, que le second Livre des Maccabées prend le commence-
ment des années des Grecs ou des Seleucides. LesEdefféniens & les autres
Syriens commencent de-même en cette année l'Ere des Seleucides.
Aprés la vidoire remportée sur Demetrius, Ptolémée s'avança dans la CXTlll.
Cœle-Syrie, ou dans la Syrie creuse ; & ayant appris que Demetriusétoit avec Demetrius
ses troupes dans la haute Syrie, il donna commission à Cillen un de ses amis surprend
de le chasser de toute la Syrie, ou de l'envelopper avec ses troupes de ma- Cillen UI1
des Géné-
nière qu'il ne put luy échapper. Cillen partit avec un bon corps de trou- raux de
pes; mais Demetrius ayant sçu qu'il campoit àMiunte, & que son camp étoit Ptolemée. -
mal gardé, partit de nuit avec ses meilleurs soldats, & vint tomber vers la veille An du M.
du matin sur le camp de Cillen, prend le Commandant & tous ses soldats ?693. avant
C. 307.
sans combat, & rétourne triomphant au Gros de son armée, qui l'attendoit J.Diodor.
avec inquiétude. Ainsy il revalut à Ptolémée l'avantage qu'il avoit remporté 1. l.l'.1.p.72t.
sur lui prés la ville de Gaze. Plutarch.
Cet avantage ne luy fit pas oublier de prendre ses précautions contre in Derns»
Ptolémée, qu'il ne doutoit pas qui ne dut venir avec son armée l'attaquer trio. ''
dans son camp. Il le plaça de telle sorte qu'il avoit pour fossez & pour renl-
parts des lacs & des marais, & il y fit si bonne garde qu'il ne craignit pas
d'être surpris. Ecrivant à Antigone son Pere le succés de son entreprise, il
le pria ou de venir luy-même au plutôt en Syrie, ou de luy envoyer un
promc secours. Antigone étoit alors à Celénes dans la Phrygie. Il en partit
aussîtot & vint joindre ses troupes à celles de son fils, à qui il dit de
Cillen & Ptolémée, renvoy-
er ses amis à pour ne luy pas céder en politesse & en
générosité.
Ptolémée après la fonction des forces d'Antigone à celles de Demetrius,
ne jugea pas à propos de demeurer davantage en Syrie ; ses amis luy perstïa-| cxviii.
dérent qu'il luy seroit bien plus aisé de se défendre dans l'Egypte, que dans Ptolémée
se retire en
un pays où sa puissance n'étoit pas bien affermie. Il démolit donc les villes Egypte &
;r
qu'il avoit priies, savoir, Acé, qui fut dépuis nommée Ptolémaïde, Samarie, abbandon-
Joppé & Gaze, & se retira en Egypte chargé de toutes les dépouïlles qui se .ne la Syrie
pouvoient emporter. à Antigo-
Par sa retraite il laissa Antigone maître de toute la Syrie & de la Phéni- ne,
cie. Antigone résolut alors d'attaquer les Nabathéens, qui ne luy étoient CXIX.1
affeCtionnez. Ces peuples Arabes étoient alors allez à une espéce de foire, oùpas
Antigone
les fait la
peuples voisins venoient vendre & acheter ce qui leur convenoit. Ils avoient guerre aux
laissé dans un certain rocher leurs femmes, leurs enfans, leurs vieillards & Naba-
théens ren-
tout ce qu'ils avoient de plus prétieux. Ce rocher étoit fort par son assiette, fermez
mais sans aucune muraille, situé dans un desert, éloigné de deux journées dans Petra.
de chemin des terres habitées. C'est sans doute la ville de Petra Arabie
Antigone envoya un de ses amis nommé Athénée pour enlever le butin quien
étoit dans ce rocher, & luy donna pour cette expédition quatre mille piétons
armez à la légére, & six cens Chevaux. Il fit une si grande diligence qu'il
fit en trois jours & trois nuits deux mille deux cens stades, qui font quatre-
vingt de nos lieues, & arriva pendant la nuit au rocher dont on a parlé. Il
le prit sans trouver aucune résistance, & enleva beaucoup de myrrhe & d'en-
cens, avec cinq cens talens d'argent; aprés quoy il se retira en diligence , &
ayant encore fait deux cens stades de chemin, il donna quelque repos à sa
troupe. Il négligea de lui faire faire une garde exaéte. ne croyant pas que les
Arabes pussent parvenir au lieu où il étoit, à moins de trois jours de marche.
CXX. Mais les Arabes qui étoient assemblez à la foire dont on a parlé, ayant
Athénée appris ce qui s'étoit passé, quittent Paiïemblée, & se mettent à la poursuite
est surpris d'une fatigue si extraordinaire ne
parles Ara- des Grecs; & comme les soldats accàblez
fJes. Ceux- veilloient pas exactement à la garde du camp, quelques
captifs qu'on avoit
ci s'excu. pris à Petra, s'enfuirent pendant la nuit, & servirent ensuite de Guide aux Arar
sent auprés bes,pour venir surprendre le camp d'Athénée. Ils y arrivérent au nombre
il'Antigo- huit mille vers la 3e. veille de la nuit, & y mirent à mort tant ceux
ne.
d'environ
qui étoient encore couchez dans leurs lits, que ceux qui voulurent faire quel-
que résistance. Il n'en échappa aucun, si non environ cinquante Cavaliers,
qui portèrent à Antigone la nouvelle de la défaite d'Athénée.
Ensuite les Nabathéens envoïérentune lettre écrite en Syrhque à Anti-
gone, par laquelle ilsAthénée.s'excusoient d'avoir pris les armes contre luy, & en
rejettoient la faute sur Antigone leur répondit, qu'il désapprouvoit
beaucoup la conduite d'Athénée, qui n'avoit, disoit-il, reçu aucun ordre"
de la part d'Antigone, qui
pour cette expédition. C'étoit un déguisementplus facilement, lorsqu'ilsne
croyoit endormir les Arabes, pour les opprimer
seroient point sur leurs gardes. En effet il est trés-malalsé, pour ne pas dire
impossible, de dompter une nation qui n'a point de demeure fixe,& qui vol-
tige dans un désert aride & sans eau, où l'on ne trouve ni couvert, ni mai-
son, ni chemin, ni riviére, ni fourage, & où une armée ne peut jamais sub-
sister. Ces solitudes incultes & inhabitées tiennent lieu aux Arabes d'armées
& de fortereiïes. Toutefois pour n'être pas surpris, ils placent sur les hau-
teurs, d'où l'on découvre de fort loin, des sentinelles, qui les avertissent
des signaux, des feux, ou de la fumée de la venue des ennemis.
par
CXXI. Antigone ayant donc ainil amule les Nabathéens, &les ayant pendant
Demetrius quelque temstraitez en amis, résolut enfin de s'en venger. Il choisit environ
assiége Pe-
quatre mille piétons armez à la légére des plus alertes & des plus propres à
tra. marcher & à courir ; il leur joignit quatre mille Cavaliers, leur ordonna
de faire provision de nourriture cuite & séche pour plusieursjours, leur donna
Chef son fils Demetrius & les fit partir au commencement de la nuit,
pour des Nabathéens; mais ceux-cy avertis par leurs
avec ordre de tirer vengeance
sentinelles par le moyen du feu qu'ils allumèrent sur les montagnes, se mirent
dans le rocher, dont on a
en défense, & ramassérent dans la ville de Petra ou
parlé, leurs bagages. Comme on n'y peut entrer que par un seul endroit, ils
de bonnes troupes dans la ville;
y mirent une bonne garde, & rassemblérent
puis s'etant partagé entr'eux leur bétail, ils le conduisirent plus avant dans le
désert, & mirent une grande distance entr'eux & leurs ennemis.
Delue-
Demetrius arrivé devant Petra, & informé du transport du bétail & des exxn,
meilleurs effets des Nabathéens, attaqua vigoureusement la place; mais il y Remon-
trouva des gens bien résolus de se défendre; & après avoir combattu jusqu'à trances des Arabes
la nuit, il fit sonner la retraite. Le lendemain il vouloit continuër l'attaque; à Deme-
mais un Arabe paroissant sur le rocher, luy cria: Roy Demetrius, que venez- trius.
vous faire icy,& quelle raison peut vous porter à faire la guerre à un peuple qui
il
habite des déserts,où n'y a ni eaux, ni blé, ni vin, ni aucune des choses que
vous estimez nécessaires à la vie. Nous ne savons ce que c'est que l'assujettis-
sement, si l'on nous veut faire la guerre, nous nous retirons dans un pays in-
culte, inhabité, & destitué de tout ce que les autres hommes recherchent,
& nous y menons une vie sauvage, sans être à charge ni à vous ni aux autres.
Ainsy nous vous prions vous & vôtre Pere, de nous laisseren paix, & de vous
retirer aprés avoir reçu de nous quelques présens,. & nous avoir reçu au nom-
bre de vos amis. Aussi bien pourriez-vous subsister ici longtems, n'ayant
,
ni eau ni aucune des choses nécessaires à la vie? Et quand vous emporteriez
cette place, ne croyez point nous saire jamais changer de mœurs ; vous pour-
rez seulement nous enlever quelques captifs, de qui vous ne tirerez que peu
de service, étant accoutumez à une maniére de vie si différente de la vôtre.
Demetrius touché de ces remontrances, permit aux Arabes de luy envoy- CXX111.
er des députez. Ils luy envoyèrent quelques vieillards. Il reçut d'eux quel- Demetrius
ques otages, & des presens de ce qui est le plus prétieux dans le pays, puis paix accorde la
leva le siege & vint camper à deux cens stades ou environ dix lieues delà, Naba-aux
sur le Lac Asphaltite, ainsi nommé à cause de la quantité de bitume qui en théens.
sort, & de ses eaux bitumineuses, qui ne peuvent nourrir aucune sorte de
poisson. Il est nommé par les Hébreux la Mer salée, ou la mer bitumineuse ;
l'eau en est si epaisse que nul animal n'y peut enfoncer, soit qu'il sache nager,
ou non. Le Bitume, ou l'Asphalte qu'on en tire, sert principalement à em-
baumer les corps des Egyptiens ; & à moins qu'on ne le mêle aux autres ma-
tières dont on se sert pour embaumer, les corps ne peuvent guéres éviter la
pourriture. Demetrius étant de retour auprés d'Antigone, & luy ayant ra-
conté la paix qu'il avoit faite avec les Nabathéens, n'en fut pas approuvé. Il
dit que ces peuples ne manqueroient pas de s'imaginer qu'il ne leur avoit ac-
cordé la paix, que parcequ'il ne pouvoit les réduire par la force, & qu'ils
n'en deviendroient que plus insolens.
En meme tems il reçut des nouvelles des progrés étonnans qu'avoitfait CXXIV.
Seleucus dans la Babilonie & dans la Médie; il fit partir aussitost son fils De- Demetrius
metrius avec ordre de réduire ces Provinces sous l'obéïssance,& de retourner va faire la
ensuite promtement, dans un tems qu'il luy prescrivit, guerre
vers la lYler, pour ne dans la Ba-
pas trop séparer leurs forces. Demetrius partit de Damas à la tête de quinze bilonie.
mille hommes de pied & de quatre mille Chevaux. Diodor.
Patrocles que Seleucus avoit laissé pour Gouverneur dans la Mesopota- 1. 19. Piti.
mie, n'ayant pas assez de monde pour tenir la campagne, dépêcha tareb. iîz
en dili- DemetrifJ.
gence à Seleucus qui étoit en Médie, pour luy donner avis de la venue des
ennemis, & le prier de luy envoyer un promt secours. En attendant il fait
sortir tes troupes de Babilonne, en fait passer l'Euphrate à une partie & l'en-
voye
voye dans les déserts, envoye les autres au delà du Tigre & dans la Susiane;
pour luy, accompagné d'une petite troupe de bons soldats, il demeure dans
la Province, se tenant dans les marais & derrière les fossez & les Lacs, qui
luy servoient comme de remparts, & dressant de tems en tems des embûche!
à ses ennemis.
exxv. Demetrius trouva la ville deBabilonne abbandonnée; mais les deux Ci-
Demetrius tadelles étoient défenduës par des garnisons de Seleucus. Demetrius en força
prend Ba- l'abbandonna au pillage, & y mit garnison de tes troupes. Il assiégea
hilonc. Il une,
se retire l'autre; mais n'ayant pu la réduire dans le tenis qui luy étoit prescrit par ion
verslaMer. Pere, il laissa pour continuer le siége un de ses amis nommé Archelaiis, &
ayant donné à ses soldats la liberté de piller tout ce qu'ils pourroient dans le
il
pays, descendit promtement vers la Mer, fortifiant par ce moïen la domina-
tion deSeleucus au lieu do l'assoiblir, puisque c'étoit déja abbandonner un
pays, que de le ravager comme ne luy appartenant plus. C'elt delà que les
Caldéens prennent l'Epoque de l'Ere des Seleucides, l'an du monde 3693.
exxvi. Demetrius s'étant rembarqué, délivra Halicarnasse qui étoit assiégée par
Paix entre Ptolémée, après quoi il se rendit auprés de son Pere. Dans ce même tems
Antigone, Antigone, CaiTander, Ptolémée & Lysimaque firent la paix entr'eux sous ces
Callander, réconnu pour Gouverneur de l'Europe avec
Ptolémée conditions ; que Caflander seroit
& Lysima- la souveraine Puissance, jusqu'à ce qu'Alexandre fils de Roxane fût en âge de
que. gouverner; ;que Lysimaque seroit maître dela Thrace,&Ptolémée de l'Egypte,
Diodor. de la Lybie & de l'Arabie voisine de l'Egypte, & qu'Antigone auroit pour Ion
1, ip.^.727. l'Asie, & que les villes Gréques jouïroient de leur liberté &
728. partage toute
An du M. vivroient felon leurs Loys. On ne
parla point de Seleucus, qui possédoit
269?. avant une partie de l'Afie. On le laissa se défendre comme il pourroit contre An-
J. a. 307. tigone.
CXXV IL Cafsander voyant que le jeune Alexandre fils de Roxane grandifloit, &
,Mort d'A-
lexandre que quelques personnes faisoient courir le bruit parmi les Macédoniens, que
& de Ro- bientost on verroit ce jeune Prince sorti de la ville où il étoit retenu comme
xane. en prison, monter sur le Trône, en conçut tant d'inquiétude, qu'il ordonna
àGlauciasqui l'avoit sous sa garde, de mettre à mort laMère & le fils, de ca-
cher leurs corps & de n'en rien dire àpersonne; ce qui fut inhumainement
exécuté, & ainsy périt le seul rejetton qu'Alexandre le Grand avoit laissé. Dé-
An du M. puis cette mort Ptolémée , Antigone, Lysimaque & Ca(ïander n'étant plus re-
3694.ava.nt tenus parle resped du Roy, se regardèrent comme absolus dans leurs Provin-
J. C. 306.
ces, & sans avoir égard aux articles de la paix qu'ils avoient conclue peu de
tems auparavant, ils commencèrent sous divers prétextes à faire de nouvel-
les conquêtes & à aggrandir leurs Etats; & ainsy la guerre recommença de
toutes parts.
cxxvui Dans le Peloponése Ptolemée, qu'Antigone y avoit établi Gouverneur,
Ptolémée abbandonna le parti de Prince & se donna à Cassander, & en même tems
ce
Gouver- écrivit àPhénice ion ami, à qui le même Antigone avoit confié le Gouverne-
neur duPe-
loponése ment de la Satrapie del'Hellelpont, de ne plus reconnoÍtre Antigone, & luy
se donne envoya des troupes pour se maintenir dans les villes & les forteresses de ce
à Caffàu- pays.
der.
pays. Antigone informé de la défedion dephénice, envoya contre luy dans D;Odor. -
l'Hellespont, Philippe le plus jeune de ses sils. 1. 20. p. 74%.

D'un autre côté Ptolémée Roy d'Egypte sous prétexte qu'Antigone ne exxlX. --
vouloit pas rendre la liberté aux villes Gréques, & qu'il avoit même mis des Nouvelle
garnisons en quelques unes conrre la foy du dernier traite,lui déclara la guerre tre guerre en-
Ptolé-
& envoya Leonides un de ses Généraux, avec-des troupes dans la Cilicie, où mée & Aa«
il prit les villes qui obéïssoient Antigone ; mais celui-cy envoya son fils De- tigone.
metrius dans le même pays, où il vainquit les Généraux de Ptolémée & re-
prit sur eux les villes dont ils s'étoient emparez.
Polysperchon qu'on avoit négligé dans le traité précédent, & qui étoit CXXX.
toûjours dans le Pdoponëie, accusoit hautement Cassander du meurtre du Polysper-
chon en-

.
J
jeune Alexandre & de Roxane, & ayant fait venir de Pergame auprés de luy treprend
Hercule autre fils d'Alexandre & de Badine lequel avoit alors environ dix-sept de mettre
ans, ne cessoit d'ecrire à ses amis & aux ennemis de Cassander, pour les exhor- Hercule
ter à mettre ce jeune Prince sur le Trône de ses Peres. Il sollicita en même fils d'Ale- —-
xandre sue
tems les Etoliens de se joindre a luy, pour l'aider. dans ce projet 3 leur promet- leTrônede
tantd'en conserver une réconnoissance éternelle. Les Etoliens &plusieurs Macédoi- -
autres peuples voisins selaissérent persuader, &:formérent une armée de -prés ne.
de vingt mille hommes de pied & de mille Chevaux. Polysperchon de son Idem Ibid.
côté ramalïbit de l'argent de tous côtez & l'envoyoit-à ceux des Macédoniens, P. 74^746* -
qui étoient bien intentionnez, pour les faire entrer dans le parti du jeune '2141~rid.11.
Roy.
Luy-même ne tarda pas a venir se mettre à la tête de son armée, & s'a
vança jusqu'à la ville de Stymphalie, où Cassander vint aussi camper avec se
troupes. Les deux camps n'étoient pas éloignez l'un de l'autre; & Cassan
der s'apperçut aisément que les Macédoniens de son armée auroient veu avel
plaisir le jeune Roy rentrer dans les Etats de son Pere. Comme il se défiaitde
leur constance & de leur fidélité, & qu'ilrraignoitqu'ils ne le quittassent pou3
passer du cdEé'de Polysperchon ; il envoya une ambassade à celui-cy pour lu)
Il
remontrer ^e -,eM"ïandmeme viendroitàbout de mettre Hercules sur le Trône,
r

il ne pourroit espérer que de luy obéïr; mais que s'il vouloit faire mourir ce cxxxi !

jeune Prince, il avoit tout à attendre de lui Cassander, qui joindroit ses trou- Mort
siennes,pour le possession du Péloponése.,&, d'Hercule
pes aux mettre en qui luy pro- fils d'Ale-
mettait de partager avec luy tous les honneurs de la Souverainetédela Macé- xandre le
doine- Polysperchon se laissa eblouïr par ces promesses, fit alliance avec Grand
Caffander & fit secretement mourir le jeune Prince. Nous verrons cy.aprés An du M.
la suite de cette funeste histoire. ;69\-
Toute l'islede Cypre obéïssoit à Ptolémée Roy d'Egypte; Nicocles Roy CXXXIh
de Paphos ne lSKt pas sousmain d'entretenir des liaisons avec Antigone. Nicocles
Ptolémée en aya^Ré informé, envoya deux de ses amis, Argée & Cailicra- phos Roy de Pa-
te, avec ordre d^|f ôter la vie. Ils arrivent dans l'isle, prennent des sol- Cypreencst
dats que commandoit Menelaùs, enveloppent le Palais de Nicocles & luy û- mis à mort
gnifient les ordres du Roy. Nicocles demande d'abord à se justifier; mais Diodar.
ce rayant pu obtenir, il se donne la mort. AXl0thee son Epouse ayant ap- b XX.
/.
pris la mort du Roy son Mary, égorge ses deux filles, & sollicite les Belles- 741.
Sœurs du Roy à se donner la mort avec elle, quoyquePtolémée n'eût rien or-
donné contr'elles. Les freres de Nicocles ferment les portes de leurs maisons,
y mettent le feu &se donnent aussila mort. Ainsi la maison Royale desroye
de Paphos fut éteinte en un seul jour.
cxxxiii. Ptolémée sur la nouvelle que ses Généraux avoient été défaits dans la
Conquêtes Cilicie, & qu'Antigone avoit repris sur lui les villes qui luy obéïssoient dans
de Ptolé-
mée Roy ce pays-là, fit avancer sa flotte vers
la Lycie, fit le siége de Phalèlide,& s'en.
d'Egypte. rendit maître. Delà il marcha contre la ville de Xanthe, qui étoit défenduë
An du M. par une Garnison d'Antigone. Il la prit de force ; il abborda à Caune &:reçut
269<r.avant: la ville à composition. Il démolit Heraclée ; & la garnison de Persique luy
3- G. 301.
Diodor. remit la place. Delà il abborda à l'Isle de Cos, où il fit venir Ptolémée Ne-
/.'1,0.P.746. veu d'Antigone, qui avoit abbandonné le parti de son
Oncle, pour joindre
ses forets à celles du Roy d'Egypte. Ce Prince l'ayant donc fait venir de
Calcide où il commandoit, en l'Isle de Cos, il l'y reçut avec toute sorte d'hu-
manité; mais s'étant apperçu qu'il prenoit des airs de hauteur, qu'il sollicitoit
les Chefs des troupes par des présens & des entretiens secrets, craignant qu'il
n'eût envie de le trahir, il le prévint, l'arrêta & le sorça de boire de la Ciguë;
après quoi il fit prendre parti à ses gens parmi ses troupes.
CXXXIV. Delà il abborda à Minde où il passa l'hyver; puis parcourant les Isles de
Iltolimée la Mer Egée, il se rendit maître d'Andros, & étant allé vers l'Ultime deCorin.
prend l'Is- Cratesipolis luy réünit cette ville & celle de Sicyone. Son dessein étoit
le d'An- the,
«iros, Sicy- de remettre de bonne foy les villes
Gréques en liberté; mais voyant que ces
one & eo.. villes peu touchées de la grace qu'il leur procuroit,
refusoient de luy fournir
jrinthe. An l'argent & les vivres qu'elles avoient promis, il fit sa paix avec Ca{sander à
•iuMpnde
ces conditions, que chacun d'eux jouïroit paisiblement de tout ce qu'il posfë-
3696. a-
6. doit alors. Apres quoy ayant mis bonne garnison a Sicyone & à Corinthe,
Tant J.
304. il s'en retourna en Egypte. Quelque tems aprés il entra en jouïssance de la
Diodor. Cyrenaïque, dont Ophellas s'étoit emparé aprés la mort deThimbron. Nous
dans la vie d'Agathocles.
avons parlé de la mort d'Ophellas fille de Philippe Roy de Macedoine &
J.2.0,p.7)1.
CXXXV. Vers le même tems Cléopatre
Mort de sœur d'Alexandre le Grand, peu satisfaite d'Antigone, qui la faisoit garder
Cléopatre Sardes, résolut d'en sortir, & de se transporter en Egypte au-
sœlir d'A- dans la ville de
lexandre prés du Roy Ptolémée, de qui elle espéroit un traitement plus
humain & plus
le Grand. conforme à sa condition; peut-être même a voit-elle envie de l'époufer; car
An du elle avoit été recherchée par CaITander, par Ptolemée, par Lysimaque & par
a696. Antigone; qui espéroient par le moïen de ce mariage parvenir aisément à
Dioder.
J. IS(X. l'empire, ayant épousé la sœur du Grand Alexandre; & cesespérances étoient
dg ce Conquérant
1.751- mieux, fondées, que jamais, tous les enfans & les freres
p&ur Ptolémée que
ayant été mis à mort; Cleopatre avoit plus de penchant
pris ses mesu-res jMmr s s'échapperde
pour aucun autre, & elle avoit assez bien Egypte;
Sardes, & pour se rendre secretement en mais le TOuverneur de Sar-
des l'arrêta; & Antigone ordonna qu'on la fit mourir par bs mains de quel-
d'elle. Toutefois il ne voulut pas qu 'on le
ques femmelettes qui étoient autour fit périr quelqu'unes de ces femmes, &
crût auteur d'une adion si noire. Il
fit de magnifiques fuaéraille& à CléoFatre.
Antigone
Antigone voulant faire voir que mal à propos on vouloit le rendre suspeét cxxxvr.
aux Grecs, comme refusant de leur rendre leur liberté, envoya son fils De- Demetrius
metrius avec une puissante armée & les machines nécessaires pour saire un Poliorcc-
tes rcud.Ia
siége Il l'envoya d'Ephése à Athènes, & delà aux autres liberté à
par mer & par terre.
villes Gréques, pour les mettre en parfaite liberté. Athènes étoit encore oc- Athènes.
cupée par une garnison que Cassander y avoit mise; Demetrius abborda au An uu M.
' Pyrée,& aussitost après la publication de l'edit, qui rendoit la liberté à la vil- J.gtfSrô.avatii
G, 302.
le il commença à battre la forteresse de Pyrée. Denys qui commandoitdans Diodor.
le ,sort de Mumichie, & Demetrius de Phalére, qui étoit Gouverneur de la Uo.p
ville, la défendoient avec beaucoup de vigueur; mais quelques soldatsd'An-
tigone étant montez sur les murs du côté de la Mer ; ils se rendirent maîtres
du Pyrée. Denys qui s'y étoit enferme, se sauva à Mumichie, & Demetrius
se retira dans la ville d'Athènes. Dez te lendemain Demetrius fit sa compo-
sition, & ayant rendu la ville, se retira en Egypte auprés du Roy Ptolémée.
Il y avoit dix ans qu'il avoit pris le Gouvernement d'Athènes, & la ville étoit
dépouillée de sa liberté dépuis 1). ans, c'est-à-dire, dépuis la guerre de
Lamie.
Demetrius fit ensuite le siége de Mumichie, & y mit utilement en oeuvre CFXXpM.
les machines de guerre qu'il avoit amenées. Le fort sut pris de force & ruiné, Athènes
est rétablie
& par ce moïen Athénes fut rétablie dans son ancienne liberté. Les Athéniens dans son
firent alliance avec Antigone & firent un decret solemnel, par lequel il étoit ancienne
ordonné qu'on feroit deux Statues d'or, l'une à Antigène & l'autre à Deme- liberté.
trius, toutes deux sur un char, chacune avec une couronne de deux cens ta-
lens; que ces deux Statues seroient placées prés de celles d'Harmonius &
d'Aristogiton, qui avoient autresfois délivré Athénes de la Tyrannie de Pisi-
strate; deplus qu'on leur dedieroit un Autel sous le nom des Dieux Sauveurs;
qu'on ajoûteroit deux nouvelles Tribus aux anciennes, & qu'on leur feroit
porter le nom d'Antigonides & de Demetrienne. Enfin qu'on feroit tous les
ans en leur honneur des jeux & une pompe ou procession, & que leur visage
seroit représenté en broderie sur le voile de Minerve. Lorsque les députez
d'Athènes qui devoient présenter cet édit, furent arrivez auprés d'Antigone,
& qu'ils lui eurent parlé du blé dont ils auroient bèsbin, & du bois pour la con-
stru&ion des Vaisseaux; le Roy leur accorda cent cinquante mille mesures de
blé, & du bois pour faire cent galères.
Demetrius rendit de même la liberté à la ville de Mégare, & ayant fait CXXXV7H.
*

sortir la garnison qui étoit dans l'Isle & dans la ville d'Imbros, il en donna Conseil des -
la garde & le Gouvernement aux Citoyens. Dans le même tems il reçut des villes Gré-
lettres du Roy Antigone sonPere, qui lui mandoit d'établir un Conseil com- ques pour
délibérer
posé des principaux Sénateurs des villes Gréques alliées, lesquels s'assemble- de leurs
roient pour délibérer ensemble sur les intérêts communs de la Grèce ; & aprés affaires
cela de partir au plutost pour se rendre en Cypre & y faire la guerre à ceux, commu-
qui commandoient de la part de Ptolémée Roy d'Egypte. nes.
Demetrius obéït sans retard à ces ordres, se rendit dans la Carie, &
exhorta les Rhodiens à faire la guerre à Ptolémée. Les Rhodiens s'en ex-
cusérent, disant qu'ils vouloient garder une exacte neutralité. Ce aui fut la
source de la haine qu'Antigone conçut contre eux, & qui éclata bientost
par une guerre ouverte.
CXXXIX. De la Carie Demetrius paÍsa en Cilicie, où il prit de nouvelles trou-
Demetrius & de nouveaux Vaisseaux, avec lesquels il se rendit en Cypre, ayant en
paffe en pes
Cypre & tout quinze
mille hommes de pied, quatre cens Chevaux, cent dix galères
îaitlc siége à trois rangs de rames fort légéres, & cinquante trois plus pésantes toutes
de Salami- armees en guerre, sans compter une multitude de Vaisseaux de transport ,
ne. pécessaires pour le service d'une si nombreule armée. Il abborda d'abord à
Carpafie ville maritime de Cypre, campa au voisinage de la place, fit tirer à
terre ses Vaisseaux & les mit en seureté dans un camp muni de terrasses &
de fossez, puis commença à attaquer les villes voisines, qui l'olit Uranie & Car-
pasie, dont il se rendit maître^fens beaucoup de peine. Aprés quoy ayant
laisse du monde autant qu'il en falloit pour garder ses galères, il marcha con-
tre Salamine Capitale de l'Isle, où Menelaus qui commandoit dans Cypre,
s'étoit enfermé avec tout ce qu'il avoit pu ramasser de troupes des garnirons
des diverguhateaux des environs. Quand il vit l'ennemi à quarante stades de
sa place, il en sortit- & mit son armée en bataille; mais Demetrius lui tua en-
viron mille hommes, lui en fit trois mille prisbnniers&Ie repoussa dans Sala-
mine. Menelaus aprés cet echec écrivit en diligence à Ptoléraée pour le
prier de lui envoïer un promt secours. Cependant Demetrius pressoit vive-
ment le siége de la place, & y employa des machines terribles, sur tout celle
qu'on apelloit Helepolis) ou preneuse de villes, qui étoit de son invention,,
des béliers d'une grandeur extraordinaire, desBalistes, des Catapultés & tou-
tes les machines qui étoient alors en usage dans les siéges ; mais les assïégez
y mirent le feu pendant la nuit, dans le tems que la brèche étant déjà assez
grande, on se disposoit à donner l'assaut,
eXL. Demetrius ne se rebuta pas. Il poussa le siége avec une ardeur nou-
Ptolémée velle par mer & par terre; Menelaiis ne témoigna pas moins de à se
Roy d'E- courage
bien désendre. Sur ces entrefaites le Roy Ptolémée instruit du danger ou étoit
gypte
vient. au Salamine, abborda en Cypre.avec une flotte de cent quarante Vaisseaux de
secours guerre, dont les uns étoient à cinq rangs de rames, les moindres à quatre
de Salami- rangs. Ils étoient accompagnez de plus de deux cens Vaisseaux de trans-
30 port La flotte portoit environ dix mille combattans. Menelaiis en avoit en-
core soixante au port de Salamine,, que Ptolémée lui fit dire de lui envoyer
pour joindre à ses autres galères & en compoÍèr une flotte de deux cens Vair..
seaux de guerre. Ptolémée avoit abbordé à Paphos, d'où il se rendit àCit-
tium, qui n'essqu'à deux cens stades de Salamine, résolu d'obliger Deme-
trius, qui étoit beaucoup moins fort en nombre de Vaisseaux, de lever le
iiëge.
exn. Demetrius informé du dessein de Ptolémée, laisse une petite partie de son
Bataille armée au siége de la ville, prend tous ses Vaisseaux, les remplit de tous ses
navale en
tre Ptolé-
meilleurs soldats, & les charge de Catapultes & d'autres machines propres à
mée& De- lancer des pierres & des dards, s'avance à l'entrée du port à la longueur de
metrius. la portée du trait, & ayant jette l'ancre, il y paflc la iluit, Le jour vew..
JXoÂor.- Ptolémée paroit en ordre de bataille. Sa flotte pitrouroit innombrable. De-
maiiu
nfetrius laisse Antisthéne qui commandoitses galéres, à l'entrée du port de Sa- 1.20.
lamine avec dix Vaisseaux a cinq rangs de rames, afin d'empêcher queMene- tfujlm.l. p. f6o.
1 ç.
laûs n'en sit sortir ses soixante Galéres, pour joindre celles de Ptolémée; il C. 2. Plu*
ordonna de plus à sa Cavalerie de se tenir à Cheval sur le rivage, afin, s'il tarch. in
arrivoit quelque échec, d'être à portée de secourir ceux qui iroient à bord. Dsmetrw.
Aprés ces précautions Demetrius range sa flotte qui n'étoit
que de cent huit
galéres, dont quelques unes étoient à sept rangs de rames & la plupart à cinq
rangs. Il commandoit l'aîle gauche, Hegesippe d'Halicarnasse, & Pleistias
commandaient l'aile droite. Themisos & Marnas étoient au centre.
Ptolémée s'étoit avancé sur le soir dans le dessein de prévenir l'ennemi, CXL1L
& d'entrer de grand matin dans le port de Salamine, avant qu'il se fut mis Victoire de
en défense ; mais ayant trouvé Demetrius avec sa flotte rangée en bataille, il Demetrius
y rangea aussi la sienne, & se mit à l'aile gauche, où étoient ses- meilleurs contre Ptolémée.
Vaisseaux. Comme l'a<:1ion étoit de la dernière conséquence l'un &
l'autre parti ; ils n'oublièrent rien pour s'aiïurër la victoire. Ilspour
commencé-
rent à faire des vœux & des prières aux Dieux. Les Prêtres à qui cet office
étoit réservé,les prononcèrent à haute voix, & les soldats les répétérent après
eux. Aprés quoi ils ele.vérent chacun de leur côté un bouclier doré, à di-
verses reprises & de main en main, afin que chacun le put voir. Enfin l'air
retentit du son des trompetes, & les deux armées s'avancèrent à force de
mes. Les Vaisseaux se heurtent, se brisent, 'se percent, se démontent On
ra-
voit mille manières de combats; Demetrius y fait des prodiges de valeur;&
enfin il met en fuite l'aile droite de Ptolémée. Celuy-cy de son côté met
aussi en déroute l'aile gau-che de Demetrius. Mais
comme il revenoit viéto-
rieux, croïant venir aisément à bout de l'aile gauche, où commandoit Deme-
trius.. il vit ce Prince qui poursuivoit son aîle droite, & les autres Vaisseaux
de la flotte entraînez avec les premiers. Alors il n'eut point d'autre parti à
prendre que de se retirer à Cittium avec ce qui lui restoit de navires.
Demetrius ayant donné ordre à Neon & à Buriches de poursuivre
les CXLIII.
vaincus
^ & de ramasser les galéres qui étoient dispersées, les fiennes des Prise de Sa-
orna
débris de celles des ennemis, & ramenant au port celles qu'il avoit prîtes il lamine par
rentre triomphant dans son camp & dans son port. Pendant combat
Demetrius,
val le Gouverneur de Salamine fit sortir du port sous le commandement ce na-
l\Ienœtius les soixante galeres qu'il y avoit. Elles obligérent les dix Vaisseaux de
que Demetrius avoit laiÍfez à l'entrée du port, à regagner
iiœtius étant arrive trop tard, ne put servir de rien à Ptolémée,
la terre; nlaisMe-
& fut obligé
vr^ port Salamine. Il rendit bientost après & la ville & les
V
aisseaux a Demetrius., & Ptolémée s'en retourna en Egypte, n'ayant
huit galeres de reste d'une si belle & si nombreuse flotte. Le fruit de que
victoire fut la conquête de toutes les villes HP l'Td^ cette
-
Demetrius prit dails cette bataille plus de cent Vaisseaux de transport CXLIV.;
dans lesquels étoient environ huit mille hommes. Il prit Manière
longs. il y en eut environ quatre-vingt de gâtez quarante Vaisseaux
que les vi&orieux ramené noble &
rent dans e port. Enfin l'on prit toute la flotte les équipages,lesraméné..escla- généreuse
*soidats> les amis de Ptolémée.. Il eu ,incorpora dans ses dont Oe-
troupes nie trios
fait la seize mille hommes de pied tsc environ nx cens chevaux, il donna une lé-
guerre. pulture magnifique même aux ennemis qui étoient morts dans le combat, &
gufiin. renvoya sans rançon les prisonniers de guerre. Il envoya aux Athéniens des
/. 15. c. 2.
armes pour armer douze cens soldats. Leontisque fils de Ptolémée, & Mene-
tantù hone- Egypte avec leurs effets & leurs
fliùs tune laüs frere de ce Prince furent renvoïez en
belhi gere- meubles, & avec cela chargez de presens. Alors on faisoit la guerre selon la
bantur, remarque de Justin, avec plus de politesse & d'honnêteté, qu'on ne cultive
qtiàm nunc aujourd huy l'amitié de ses amis.
amicitia envoïa porter la nouvelle de cette vi&oire à Antigone,
eoluntur.
Demetrius pour
CX LIT. quelqu'uns de ses amis, entr'autres
Aristodéme de Milet,quiétoitundesplus
Aristodé- finsCourtisans & des plus grands flatteurs de Ibntems. Ils étoient montez sur
me porte à une des plus grandes galéres de la flotte. Arrivez auprès d'Antigone, Aristo-
Antigone
déme le tint longtems en suspens,& enfin s'écria: Je vous saluë, Roy Anti-
la nou- Ptolémée dans un combat naval. Nous som-
velle de gone, nous avons vaincu le Roy
la victoire mes maîtres de FIde de Cypre; nous avons fait seize mille huit cens prisonniers.
de Deme- Antigone lui répondit; je vous saluë à mon tour, Aristodéme, mais puisque
trius. si longtems languir, je vous en ferai porter la peine, & je
Plutarcb. vous nous avez fait
in Deme- vous feray
attendre longtems larécompensede cette bonne nouvelle. Dépuis
trio. vide cette viCtoire ses amis lui mirent le Diadème sur la tête & le saliiérentRoy, & il
Jlppian. envoïa aussi un Diadème à son fils Demetrius, &lui donna le nom de Roy.
Syriac. Ptolémée malgré sa défaite ne rabbattit rien de sa grandeur d'aIne; il ne le
gujtàz. & prit comme lui le Diadème & le titre de Roy. Les
/. iS. Dio- céda pas à Antigone,
dor. /. 2.0. autres Gouverneurs comme Seleucus, Cassander & Lysimaque en usérent de
P. 761. même, & furent réconnus Roys dans leurs Etats, n'y aïant plus personne dela
race d'Alexandre, qui pût leur contester ce titre.
CXLVI. Seleucus poussoit toujoursles
* l,
r Conquêtes. a _i. M o_ 1_ Tir '
Outre ila_ T>Babilonic&IaMedie,
Seleucus il se rendit encore maître de laBaétriane & des autres Provinces qui s'étendent
Nicator ou dépuis ce pays jusqu'au fleuve Indus; il prit le Diadéme comme les autres
Nicanor, Gouverneurs de Provinces ; & on lui donna le surnom de Nicator, ou Hicanor,
se rend soit pour avoir tué de sa main dans un combat Nica-
des c'est-a-dire, vainqueur,
maître
Provinces nor, à
quiAntigone avoit confié le Gouvernement de la Médie, ou plutost à
d'Afie dé- cause des frequentes victoires qu'il avoit remportées sur ses ennemis.
puis la Ba* Antigone étoit occupé dépuis quelques années à bâtir la ville d'Antigo-
étriane jus- l'Oronte. Il n'y épargnoit ni soins, ni dépense, voulant la rendre une
qu'au fleu- nie sur
Indus. des plus considérables villes de Syrie, puis qu'elle avoit soixante & dixstades
ve lieues; mais cette ville ne sub-
An du M. de circuit, c'est-à-dire, un peu plus de trois
3699 avant fista pas longtems. Ce fut-là qu'il reçut la nouvelle de la victoire remportée
J.G. 301.
par son fils Demetrius sur Ptolémée Roy d'Egypte, & qu'il perdit le plus jeune
Diodor.
Vufiin. de les fils, à qui il fit des funérailles avec une magnificence Royale. En même
1. 1s.Ap- tems il envoïa les ordres
à Demetrius,dele venir trouver à Antigonie, &d'yraf..
pian. Sy- sembler toutes ses forces,pour aller faire la guerre au Roy
Ptolémée.
riac. 11 se mit luy-mênle à la tête de son armée de terre,
composée de quatre
CXLVII. pied, de quatre vingt trois Eléphans & d'environ dix
Antigone vingt mille hommes de
bâtit lavil- mille Chevaux; pendant que Demetrius son fils
conduisoit sa flotte forte de
le d'AntL- 1)0. Vaiflfeaux de guerre le long des bords de la Phénicie. Arrivé à Gaze, il
' ordonna
ordonna a ses troupes de prendre des vivres pour dix jours * &aïant fait venir gonie S
d'Arabie une multitude de Chameaux, il les chargea de cent trente mille me- dor. 1. 20.
sures de froment. Il fit porter sur les Chevaux grande quantité de foin, & p. 758.
chargea sur les chariots les machines, les dards & les Javelots, & commença eXLVill.
à marcher vers l'Egypte avec beaucoup d'incommodité, à cause que le long Antigone
va faire la
de la mer, sur tout aux environs de Barathra, ou des abymes, le pays est ex- guerre au ' -

trêmement marécageux & boueux ; mais l'envie qu'avoit Antigone de pré- Roy Pto-
venir Ptolémée, lui fit surmonter toutes ces difficultez. lémée,
Demetrius étant parti de Gaze avec sa flotte, jouït pendant quelques
jours d'un assez grand calme ; mais au coucher des Pleïades vers le commen-
cement d'Avril, les vents du Nord s'etant élevez, il eut beaucoup à souffrir;
quelqu'unes de ses galéres aïant été obligées de regagner Gaze & les autres
Rhinocorures; d'autres furent brisées & submergées. Le plus grand nombre
à force de rames, arriva à la hauteur du montCasius; mais comme cette côte
n'a point de port, & que l'ennemi en étoit maître, il n'étoit pas seûr pour
lui d 'y abborder; ainsi on demeura à l'ancre environ à deux stades
ou 2^0.
pas de bord. L'armée navale y souffritbeaucoup; sur tout par ladisetted'eau
potable. Heureusement le vent contraire diminua, & Antigone parut avec
son armée, & vint camper vis à vis la flotte, & la mit en état d'aller faire de
l eau, & d attendre tranquilement le retour des Vaisseaux qui avoient été té..
parez du gros de la flotte. Il ne périt toutefois que trois galères à cinq rangs
de rames.
Antigone s'avança ensuite vers le Nil, & campa à deux stades de fleuve. CXLîX.
ce
Alors P tolemee envoïa des batteliers avec des nacelles, avec ordre de crier Antigone
soldats du camp, quePtoléméepromettait deux mines (a) à chaque soldat.qui aux se retire
quitteroit le service d'Antigone &un talent à chaque Officier. Des offres si en Syriey
avantageuses tentérent plusieurs soldats & plusieurs Officiers qui dérertérent; sans avoir
rien fait ca
n1ah Antigone fit rechasser à coups de traits ces batteliers, & fit arrêter quel- Egypte.
ques-uns des transfuges qu 'il fit mourir dans d'horribles tourmens. Après Ca)
quoy il tenta de faire sa descente premièrement à l'embouchure du Nil nommée la mineAt-
rleudoitomon, c'est-à-dire, la fausse embouchure, & ensuite à l'embouchure tiqueeftde
Livres
nommee Phagnetique ; mais il fut obligé de se retirer, & le vent duNord s'étant 46. 5. sols
élevé, jetta contre les bords quelques galères d'Antigone, qui furentprises ç. Gen.
par
les gens dePtoiemee, qui avoit mis à chaque embouchure du Nil quantité de Le talent
Nacelles ou de petits Vaisseaux, chargez de traits & d'hommes experimentez Attique cst
de 600.
a s en servir, de maniéré que la flotte d'Antigone lui devenoit inutile, & ses
cens, ou
troupes de terre ne pouvaient faire aucun progrés, arrêtées à chaque pas par les même de
Canaux & les bras du Nil; deplus il commençoit à manquer de blé & defou- 2$i?.livreç
rages; ce qui 1 obligea a retourner promptement en Syrie. Il. sols
à
conçut î.ant de qu'il en rendit grâces aux Dieux paF5.
den.
des sacrifices, & qu 'il fit a ses amis un festin solemnel, & qu'il écrivit à Seleu-
cus ' Caffander a Lysimaque pour leur faire part de cet heureux succés. Il
regarda cette année comme le commencement de son regne Egypte, &re-
en
tourna glorieux a Alexandrie; & c'est de cette année du monde
3699. &
dix
dix-neuvième dépuis la mort d'Alexandre, que Claude Ptolémée compte les
années des Roys d'Egypte.
CL. L'Isle & la ville de Rhodes étoient alors en guerre contre Antigone. On
Guerre de a vu cy-devant que lesRhodiens avoient refusé à Demetrius de prendre les ar-
Demetrius contre Ptolémée Roy d'Egypte. Ils refulerent aussi d'envoïer du secours
contre les Ines
Rhodiens. à Demetrius dans la guerre qu'il fit dans l'Isle de Cypre. Tout cela avoit of-
An du M. fente le Roy Antigone & l'avoit détermine à leur declarer la guerre. Les
3699.3700. Rhodiens avoient essaïé de fléchir Antigone par de grands honneurs qu'ils lui
Diodor. rendirent & par de trés humbles priéres qu'ils lui firent de ne les pas obliger
Sicut. 1.10, à se déclarer
contre Ptolémée leur biensaiteur. Enfin forcez par la nécessité,
p.776.777. & craignant d'entrer
en guerre avec un Roy puissant, ils promirent d'envoïer
des Vaisseaux à Demetrius contre le Roy d'Egypte, mais ce Ptince exigea de
plus qu'ils lui donnassent cent otages des plus qualifiez de leur ville, & qu'jls
reçussent ses Vaisseaux dans leurs ports. Ces conditions parurent si dures
aux Rhodiens, qu'ils aimèrent mieux s'exposer aux risques de la guerre.
Demetrius vint donc devant Rhodes avec une flotte de deux cens Vaif-
seaux de guerre, de cent soixante & dix Vaisseaux de transport, portant
quarante mille hommes de pied , y compris la Cavalerie, & les Pirates qu'il
avoit pris à son service; outre cela il y avoit plus de mille petits Vaisseaux
de marchands & de vivandiers, qui suivoient l'armée pour faire leur commerce.
Comme l'Isle de Rhodes dépuis plusieurs années jouïssoit d'une profonde paix,
n'ayant pas voulu prendre part aux guerres de ses voisins, elle étoit pleine de
toutes sortes de biens, & on étoit accouru de toutes parts pour profiter de
ses dépouïlles. Le nombre des Vaisseaux ennemis étoit si grand, qu'il rem-
plissoit tout l'espace qui est entre l'Isle & la terre ferme. Après avoir ainsi
étalé ses forces aux yeux des habitans, Demetrius mit ses troupes à terre &
vint camper hors de la portée du trait des murs de Rhodes, & en ménie teins
envoya tes Pirates pour faire le ravage dans l'Isle.
CLI. Les Rhodiens à la veuë de ce terrible appareil, envoyèrent des Anlbaf-
Les Rho- sadeurs à Demetrius
diens de- pour lui demander la paix ; mais on n'eut aucun égard ni
mandent à leurs prières, ni à leur soumission. Ils dépêchèrent donc des Couriers vers
du secours Ptolémée, Caiïander & Lysimaque, pour implorer leur secours, & pour leur
à Ptolémée remontrer que c'etoit à leur occasion qu'on leur faisoit la guerre. Ils mirent
à Gaffan- hors de la place les bouches inutiles, & permirent aux étrangers & même
der & à
Lyfima- aux enclaves de prendre les armes. Ils trouvèrent dans la ville six mille Bour-
que. geois & mille étrangers. Ils promirent la liberté aux esclaves qui témoigné..
roient du zéle pour la défense de la patrie, & on publia que l'on nourriroit
aux dépens du public les enfans de ceux qui seroient tuez dans la guerre, qu'on
dotteroit leurs filles, que ceux qui mourroient les armes à la main , seroient
enterrez honorablement au dépens du public, & que s'ils avoient des fils en
âge, on les couronneroit dans le Théatre aux fêtes de Bacchus, & on leur
donneroit une armure complette.
CL Il. Ces promesses & le danger présent inspirérent du courage aux assiégez ;
Belle dé- tout le monde mit la main à l'œuvre, les uns s'occupèrent à faire de machines
fente des des armes, d'autres à réparer les murs. Demetrius
Rfeodiens de guerre, d'autres forger
à
qui
qui s'étoit déja acquis de la réputation dans l'invention des machines & dans assiégez
les siéges des villes, & à qui l'on avoit pour cela donné le nom de preneur de par Dcmc'
villes, employa toute son industrie & toutes les forces pour réduire Rhodes; trius.
on ne vit jamais une ville attaquée plus régulièrement, ni désenduë avec plus
de valeur. On mit en oeuvre tout ce qui étoit alors en usage dans les siéges,
tant de la part des assiégeans, que de celle des assiégez; la ville fut assiégée par
mer & parterre; mais les premiers efforts surent du côté de la mer. Ensuite
Demetrius fit agir ses machines, sur tout celle qu'il avoit inventée, & qu'onL
nommoit Helepolis, ou preneuse de villes, qui l'emportoit sur toutes les autres
par sa grandeur, son elévation & ses effets. Les Rhodiens de leur côté, nonl
feulement re"sifloient avec courage à tous ces efforts, ils bâtirent même au de-
dans de leur ville un second mur, pour leur servir au cas que Demetrius dé-
truisit le premier ou s'en rendît maître. Ils firent aussi sortir de leur port
quelques VaiMeaux;& comme ils étoient fort expérimentez, & que leurs Vais-
seaux étoient excellens, ils firent plusieurs prises sur les ennemis & leur bri-
sérent bon nombre de galères.
Un de leurs Chefs d'Escadre nommé Ménedéme ayant fait voile de la ville CZ./;L
de Patare en Lycie, & croisant sur cette mer avec trois galéres, arrêta une Les Rho-
galére à quatre rangs de rames, qui venoit de Cilicie, & qui apportoit à De- diens pro-
metrius des habits Royaux & d'autres meubles, que Phila sonEpouse lui en- renverser porentde
voïoit Ménedéme ayant pris ce Vaisseau, l'envoya avec sa charge à Ptolé- les ftatuié#
mée Roy d'Egypte, ennemi de Demetrius. Ce Prince fut extrêmement piqué d'Antigo.
de cette insuite, & les Rhodiens non contents d'autoriser cette conduite si ne & de
Deme-
peu respectueuse de Ménedéme, proposérent dans une assemblée publique trius.
de renverser lesstatuës d'Antigone & de Demetrius, qui étoient dans leur vil-
le, n'étant pas raisonnable, disoient-ils, d'honorer des Princes comme bien-
faiteurs, pendant qu'ils les réduisoient aux derniéres extrémitez; mais le peuple
plus sensé que ceux qui avoient mis la chose en délibération, ne permit
pas
qu'on fit outrage aux statuës, ni qu'on manquât au resped qui est dû aux
Princes.
Déja Demetrius avoit pénétré dans l'intérieur de la ville des con-
par
duits souterrains qu'on avoit creusez par dessous les murailles, lorsque quel-
ques transfuges en donnérent avis aux Rhodiens; ceux-cy firentaussitost creu-
ser au dedans de la ville, autour de l'enceinte des murailles, foOè si pro-
une
fonde qu elle découvrit les mines & empêcha les mineurs de pouffer plus
avant leurs travaux ; & ainsi ces mines devinrent inutiles aux assiégeans.
Demetrius fit ensuite proposer à Athenagore del\Iilet, le Roy Pto- CLlK
que
lémée avoit envoyé à Rhodes, & qui y commandoit les troupes étrangéres, Athenago-
de trahir la ville, & d'y introduire un des Chefs de l'armée des assïégeans. Athé- re deMilet
trahit le se-
nagore donna sa parole, & promit de donner entrée dans la place à un nomme cret de De-
Alexandre ami du Roy, qui devoit se présenter a un des conduits souterrains, metrius.
dont on a parlé. Alexandre s'y présenta en effet, mais il fut arrêté sur le Les Rho.
champ par les assiégez, à qui Athénagore avoit découvert le complot. Les diens ea
Rhodiens le recompensérent magnifiquement, & lui firent présent d'une profitent.
cou-
ronne d'or & de cinq cens talens d'argent.
Ni la ruse, ni les moÏ-ens secrets n'ayant pas réuni, Deniettitis réso]ut
CLV.
t'Isle de d'employer la force. Il fit avancer toutes tes machines & donna un assaut
€nide sain- général par terre & par mer. Au même moment arrivèrent des Ambassadeurs
te refle à la de l'Isle de Cnide, qui priérentDemetrius de suspendre les attaques, promet-
conserva- les Rhodiens à lui donner satisfadion. On eut égard à leurs
lion d« tant d'engager
Hho^les. prières, & l'on entra en confërence, mais on ne put convenir de rien, &
l'attaque recommença.
CLV1. Sur ces entrefaites arrivèrent aux Rhodiens de trés-grands convois • de fro..
LesRbo- ment & d'orge, envoïez par les RoysPtolémée, Cailander &Lysimaque; ce
lieas font qui rendit le assiégez en mettant l'abondance dans la place. Les
cœur aux
lune nou-
Telle mu- Rhodiens qui étoient extraordinairement
incommodez des machines de De-
raille der- metrius, resolurent d'y mettre le feu. Ils prirent pour cela le tems de la nuit,
rière l'an- & l'effet de leur feu fut tel, que Demetrius fut obligé pendant quelques jours
cienne. d'interrompre les attaques, pour donner le tems à les blessez de se soulager,

ville..
& à ses ouvriers de réparer les machines. Les assiégez profitérent de ce tems
pour faire une troisiéme muraille en forme deCroissant, par derriére la muraille
qui étoit la plus exposée, & en même tems ils firent un' profond folle par
devant la brèche, pour empêcher que le Roy n'entrât parlà d'emblée avec
ses troupes dans la
Demetrius redoubla ses efforts pour l'emporter. Il fit jouër ses beliers,
Provisions & tirer ses machines,&abbattit un grand pan de murailles. On vitsur labrèche
CLVII.
fie bouche
une espèce de bataille où il y eut plusieurs morts de part & d'autre. Ananias
envoyées commandoit les troupes des Rhodiens, y perdit la vie. Dans
Amynias qui
a ux Rho- ou Ptolémée Roy d'Egypte envoïa de nouveau des provisions de
diens. le même tems
bouche aux assiégez, & en même tems quinze cens bons soldats, fouscon-
duitfd'Antigone^^Macédonien. Ce renfort vint fort à propos à la ville & plus
,
à propos encore on vit arriver des députez des Athéniens & de plus de cin-
villes Gréques, qui vinrent trouver Demetrius, pour le prier de don-
quante d'abord pendant laquelle on
ner la paix aux Rhodiens. On fit une treve,
sans aucun succés.
fit beaucoup de propositions de part & d'autre; mais
elviii» On raconte que Demetrius avoit pris dans un des faubourgs de Rhodes
Demetrius peinture de la main deProtogénes, qui représentoit Jalysus, (c'etoit, dit-
épargne une d'autres, un Satyre, ou un Chasseur que l'on repre-
13acchus, ou selon
une pein- on lemoit Chien) Cette piéce n'étoit pas encore achevée, & néanmoins
ture de la avec un
main de il y avoit sept ans que
Protogénes y travailloit. Les Rhodiens envoyèrent a
JProtog<ane• Demetrius une ambassade pour le prier d'épargner cet ouvrage. Il repondit
qu'il aimeroit mieux faire outrage à l'image de son Pere, que de détruire un
qui avoit tant couté à l'on ouvrier. Il manquoit toutefois quelque
ouvrage
chose à cette peinture, puis qu'ApeHes, qui étoit si bon juge & qui ne avoit
l
surprise, avoüa qu'elle n'avoit pas les graces, quidonnoient

curer.1_'.
pû voir qu'avec
pîll'immortalité' siennes. Aule-Gelle dit que Demetrius sut si touché de
aux le le pro-
l'ouvrage de Protogénes, qu'il fit la guerre a la ville d 'jalize pour
-m i
eLlX. Cependant Demetrius avoit pris la rélolut.on d'attaquer ia v.u ..

soldats nuit) & avoit choisi pour cela quinze cens ues p.us rsfolus de tes soldatspour
la
deDcsos-
la seconde veille; & en même tenis avoit triu,; eu-
pour se présenter à la brèche versqu'elle
donné ordre à son armée, lors verroit un certain signal, de jetter un trent dans
grand cri, & de donner l'assaut général à la place par mer & par terre. La Rhodes sont
3c

chose s'exécute à point nommé. Les troupes de Demetrius entrent dans la y


vaincus.
place, & se saisissent des postes qui étoient au tour du Théâtre. Les Rho-
diens accourent au bruit, donnent les ordres, afin que chacun se rende à son
poste, tant au port que dans la ville. Ils forment un corps de ce qu'ils avoient
de meilleurs soldats, & de ceux qui étoient récemment arrivez de l'Egypte,
& tombent sur les troupes de Demetrius, qui venoient de se rendre maîtres de
la ville. On vit alors dans le centre de Rhodes un rude combat où il périt
bien du monde. A la fin Alcin1e un des Chefs du côté de Demetrius ayant été
mis à mort, les soldats furent obligez de succomber & de se rendre.
Ainsi dans un moment Demetrius se vit maître de Rhodes, & un mo- CLX.
avancé qu'auparavant. Il étoit néanmoins résolu Paix entre
ment aprés il se vit aussi peu Demetrius
de continuër le siége; mais le Roy Antigone son Pere lui ayant écrit de faire & les Riia-
la paix avec les Rhodiens aux meilleures conditions qu'il pourroit, & les aieQi.
Etoliens lui ayant envoïé une députation pour le prier de s'accommoder
avec eux, il saisit cette occasionpour rénouër les conférences. Les Rhodiens
de leur côté se rendirent d'autant moins difficiles, que Ptolémée dépuis peu
leur avoit écrit qu'il leur envoïeroit incessamment beaucoup de blé, & trois
mille hommes de troupes, que néanmoins il leur conseilloit de faire la paix
aux conditions les moins désavantageuses qu'ils pourroient. Ainsi la paix
fut concluë à ces conditions : que Rhodes jouïroit de sa liberté & de ses re-
venus & ne reçevroit aucune garnison étrangère ; qu'elle préteroit son secours
au Roy Antigone dans toutes les guerres qu'il pourroit avoir, à l'exception
de celles contre Ptolémée Roy d'Egypte; & qu'ils donneroient à Demetrius
cent ôtages à son choix, sans néanmoins y comprendre ceux qui étoient en 1

charge.
Ainsi les Rhodiens après un an de siége firent une paix honorable, & CLXJ.
acquirent beaucoup d'honneur par leur brave résistance. Pour réoonnoître Honneurs
Divins rea-
les services que leurs esclaves leur avoient rendus durant le siége, ils leur ac- dus à Pto-
cordérent la liberté. Ils érigérent des statuës aux Roys Seleucus & Cafsan- lémée Roy
der & aux Commandans qui s'étoient distinguez pendant le siége. Quant-au d'Egypte
les
Roy Ptolémée, comme ils lui avoient des obligations singuliéres, ils résolu- par Rhodiens.
rent de lui donner des marques distinguées de leur réconnoissance. Ils en-
voyérent des Députez à l'Oracle de Jupiter Ammon , pour luy demander s'il
jugeoit à propos qu'on rendît à Ptolémée des honneurs Divins. L'Oracle ré-
pondit conformément à leur désir, & en conséquence ils consacrérent à ce
Prince un bois sacré environné de quatre portiques en quarré, longues cha- Pausan. itt
cune d'une stade ou de 12). pas, & donnérent à ce lieu le nom de Ptolémée, Attici*
&au Roy le surnom de Soter, ou Sauveur, en memoire du secours qu'il leur P- 7.
avoit donné contre Antigone & Demetrius.
,
Seleu-cus ne borna pas ses conquêtes au fleuve Indus; il passa ce fleuve & CLXIL
fit la guerre à Sandrocotte ou Androcotte qui régnoit alors dans les Indes, faitiaguetf» Seleucus
dont il avoit mis les peuples en liberté, en leur persuadant de faire mourir re dans
les Indes. les Gouverneurs qu'Alexandre leur avoit donnés; mais aprés s'étre défait de
An du M. ces Gouverneurs, Sandrocotte s'étoit luy-même emparé de la souveraine
3701. avant puissance. On dit que dans le commencement de la
J. G. 299. guerre qu'il ht aux Gou-
3njliv. verneurs de ces Provinces , un Elephant sauvage d'une grandeur extraordi-
/. Iç.c. 15. naire vint se présenter à lui, se tailla monter & lui fut d'un grand
usage dans ses expéditions. Plutarque dit qu'il étoit à la tête de six cens
Plutareh. mille hommes, lorsqu'il entreprit la conquête des Indes. Seleucus donc
in Alezan- ayant enfin réduit Sandrocotte à faire la paix, il lui céda les
dro, pays qui sont
situez surle fleuve d'Inde, qu'Alexandre avoit autrefois pris sur les Ariens,
& en echange Sandrocotte donna à Seleucus cinq cens Eléphans, qui lui
servirent beaucoup dans la guerre qu'il fit dans la suite contre Antigone &
Demetrius.
CLXUI. Ce dernier Prince aprés avoir fait la paix avec les Rhodiens, n'avoit
Demetrius plus rien tant à cœur que de rendre la liberté aux villes Gréques; il
assiége Cal- porté y étoit
cifié & fait par deux motifs, l'un d'acquérir do la gloire, & de se procurer l'ami-
alliance tié des villes Gréques, l'autre d'abbaisser la puissance de Polysperchon, &
avec les de Calfander, qui dépuis assez longtems n'étant plus retenus par la présence
Itoliejns. d'Antigone, faisoient de grands ravages dans diverses parties de la Grèce.
Demetrius commença son expédition par la ville de Calcide dans l'Eubée.
Il la prit, en chassa la garnison Béotienne, & obligea les Béotiens à renoncer
à l'alliance de CaŒander. Ensuite il se ligua avec les Etoliens, & résolut de
faire conjointement avec eux la guerre à Caslànder & à Polyspcrchon, qui,
comme on l'a pu remarquer, avoient juré ensemble une étroite alliance.
ci,xiv. La ville de Sicyone étoit possédée par Ptolémée Roy d'Egypte, qui y
Sicyone tenoit une bonne garnison. Demetrius surprit la ville pendant la nuit. La
transférée
dans un garnison se jetta dans la Citadelle; mais Demetrius ayant fdit mine de l'asîïé-
lieu plus ger, la garnison se rendit à composition & se retira en Egypte. Il remit les
commode. Sicyoniens en liberté, & leur persuada de transférer leur ville dans la Cita-
delle, qui étoit belle, spatieuse, ayant des eaux en abondance, & avec
eela d'une situation, que la nature sembloit avoir pris plaisir à fortifier. Les
Sicyoniens sçurent si bon gré à Demetrius de leur avoir inspiré cette pensée,
& de les avoir aidez à l'exécuter , qu'ils donnérent à leur ville le nom de
Demetriade, & l'en regardérent comme leFondateur & la Divinité Tutébiire.
Tel étoit alors le gout des Grecs, leur baflèfse d'ame & leurs indignes flatte-
ries. Ils avoient apparemment rapporté ces sentimens de la Perlé, où l'on
accorde communément aux Roys les honneurs Divins. Alexandre & ses
Successeurs eurent l'ambition de passer pour des Divinitez, & les peuples
eurent l'impie complaisance de les en flatter.
CLXV. De Sicyone Demetrius passa à Corinthe, où il y avoit une garnison qui
Demetrius obéïssoit à CaŒander. 11 fut intioduit dans la place par une poterne. La
prend Co-
ïinthe & Garnison se sauva partie dans le fort nommé Sisyphium, & partie dans l'A-
«quelques cro-Corinthe, ou la haute Corinthe; mais il força l'un & l'autre, & ayant
autres vil- tendu la liberté à la ville, il laissa néanmoins garnison dans la citadelle de
les du Ié- la ville, & cela du contentement des Bourgeois, qui demandèrent quon
lo£ oneie. les laissât ne
pas sans défenie, taadisque la guerre contre CasTander neseroit p.is
inle.
finie. Il prit ensuite les autres villes d'Achaïe, & enfin se rendit maître de tout
le Péloponése, sans que ni CaIrander ni Polysperchon se missent en devoir d'y
envoyer du secours pour le défendre.
Le progrés des armes de Demetrius dans la Gréce, & l'augmentation cz.xn.
Cairander
de ses forces qui alloient tous les jours en croissant, par les alliances qu'il fai- fait sa paix
soit avec tant de villes qu'il mettoit en liberté, donnérent de grandes inqui- avec Anti-
études à CaIsander. Il craignit que bientost tout le poid de la guerre ne tom- gone. An
bât sur lui, & envoya des Ambassadeurs à Antigone pour-traiter de la paix. duM.?7oz.
Antigone luy fit reponse qu'il n'y avoit point de paix à espérer pour lui, à avant J. 6.
moins qu'il ne remit tous ses intérêts entre ses mains. • CasTander qui ne s'at- 298. Diodor.
tendoit pas à une telle déclaration, pria le Roy Lysimaque son voisin de le 1. XX.
venir trouver, pour en conférer avec lui, & délibérer ensemble surlesmoïens ; 8 1-
de réprimer l'arrogance & les hauteurs d'Antigone. Ils conclurent qu'il falloit
à
envoyer Ptolémée Roy d'Egypte & àSeleucus Roy de Babilonie & des Pro-
vinces iuperieures, pour les inciter a joindre leurs armes pour
nemi commun; car ils ne doutoient point que si Antigone ôtoit la Macé-
rier a 1 en-

doine à Cassander, il ne fît tous ses efforts pour dépouïller de même les autres
Roys de leurs Etats, & pour établir une espèce de Monarchie universelle,
comme étoit celle d'Alexandre le Grand. Ptolémée & Seleucus entrèrent
aisément dans ces raisons, & résolurent de mettre de bonnes troupes sur pied,
pour faire tous ensemble la guerre à Antigone.
CasTander aprés avoir pris les mésures dont nous venons de parler, jugea CLXVll.
qu'il salloit prévenir ion ennemi ; & ayant donné une partie de ses troupes à CaÍfa-nder
Lysimaque, il le pria de porter la guerre en Asie, pendant que lui-même en- affiégeAby-
de il se
treroit en Thessalie & attaqueroit les villes Gréques. Lysimaque marcha d'a- 5
rend maî-
bord contre Lampsaque & Parium, qui se donnérent à lui, & à qui il rendit la tre de la
liberté; ensuite il assiégea Sygée, & l'ayant pris, il y mit garnison. Delà il Phrygie.
sépara ses forces, & ayant donné six mille hommes de pied & mille Chevaux.
à Prepelaüs, il lui ordonna d'aller dans l'Eolide & dansl'Jonie, pour attirer
dans son parti les villes de ce pays.. Pour lui, il s'attacha au siége d'Abyde;
mais Demetrius ayant envoyé au secours une armée navale considerable, Ly-
simaque fut obligé d'abbandonner son entreprise. Il se contenta d'assujettir
la Phrygie qui est sur l'Hellespont, & de prendre la ville deSynade où étoient
les bagages du Roy Antigone, & la citadelle dela même ville, où étoient ses
trésors. Ce fut Docime un des Gouverneurs établis par Antigone, qui rendit
& la ville & le CHateau, s'étant détaché du parti de ce Prince, pour entrer
dans celui des trois Roys liguez.
..
Prepelaüs de son côté prit Adran1ytte sur son passage, & ayant assiégé CLXVÎIL
Ephése, s'en rendit maître par composition, & renvoya à Rhodes les otages Prepelaiis
de cette ville qu'il y trouva. Il donna la liberté aux Ephésiens, mais il brûla prend Ephése,
tous les Vaisseaux qui étoient dans leur port , parcequ'Antigone étoit maître Têtes, Co-
de la mer, & que le succés de cette guerre étoit encore trop douteux. De- lophon &
là il marcha contre les Villes de Teïes &deCoIophon, qu'il subjugua. Il Sardes.
n'attaqua point Clazoméne & Erythrée, parcequ'ii kur étoit venu du secours
par mer; maïs il fit le dégât dans leurs campagnes. Sardes se rendit à lui;
mais la citadelle demeura attachée au parti d'Antigone.
CLXIX. Pendant ce tems-là Antigone étoit occupé dans sa nouvelle ville d'Ait-
Jeux célé- tigonie à célébrer des jeux solemnels, dans lesquels il avoit proposé des prix
brez par à
Anti gone usitez tous ceux qui excelloient dans les arts ou dans les divers genres de combats
à ARtigo- dans la Gréce, ce qui y attira une infinité de personnes. Lorsqu'il fut
nie. informé du passage de Lysimaque en Asie, & de la défe&ion des garnisons
qu'il avoit dans les villes de ce pays-là; il rompit tout à coup ces jeux; &
aprés avoir donné les prix & les récompenses aux Atlétes & aux autres qui
les avoient méritées, il part brusquement, & marche à grandes journées ven
l'ennemi. Arrivé à Tharse Capitale de Cilicie, il donne la paie à ses soldats
pour trois mois; il réserve encore trois mille talens pour les bésoins impre-
nlontTaurus, il arrive enCappadoce, & oblige
veus. Aprés avoir passé le
ceux de la Lycaonie, &de la haute Phrygie, qui avoientquitté son alliance,
d'y rentrer de nouveau.
CLXX. Lysimaque informé de la marche d'Antigone, délibère avec les liens
Antigone s'il doit donner bataille, ou attendre que Seleucus ait joint ses forces aux
sait la guer- fiennes. On résolut d'attendre Seleucus, & cependant de fortifier de bons
re à Lysi-
foficz & de barriéres les endroits les plus importans, & les passages les plus
maque.
difficiles. Antigone approche avec son armée, & la range en bataille ; mais
personne ne paroissant de la part de Lysimaque, il lui coupe les vivres. Ly-
simaque décampe & se retire environ à cinq ou six lieues delà aux environs
de Dorylée. Antigone l'y poursuit & se dispose à l'y assiéger comme l'on
alliége une ville. Lysimaque se retire de nouveau dans les campagnes de Sal-
monie pas loin d'Héraclée, & y met ses troupes en quartier d'hyver. Anti-
gonefut obligé d'en faire de même. Les pluies, le mauvais tems, le froid
& les bouës ne lui aïant pas permis d'aller plus avant, & comme il apprit
que Seleucus venoit à lui avec une puissante armée, il écrivit à Demetrius
CLXXI.
Demetrius
eu,
Demetrius faisoit alors la guerre à Cassander Roi de Macédoine; il
son fils de lui amener d'Europe, tout ce qu'il avoit de troupes autour de lui.
avoit
étant à Athènes, la dévotion de se faire initier aux mystéres d'Eleusis, &
se fait ini-
sa considération avoient anticipé le tems de l'initiation,
tier aux les Athéniens en
mystéres en changeant d'abord le nom du mois Munichion, en celui à'Anthefterion, pour
d'Eleusis. l'initier aux petits mystéres ; puis ils changérent le nom d'AntheJlerion en celui
de Boëdromion, pour l'initier aux grands mystéres; passant. ainsi sur toutes les
règles pour faire initier l'homme du monde qui le méritoit le moins; car on
convient qu'il étoit trés-dérèglé dans ses moeurs.
D'Athènes il passa dans l'Eubée nommée aujourd'huy Negrepont, & y
assembla sa flotte. Comme Cassander étoit maître des passàges de Thessalie,
Demetrius alla par mer àLarissa & rendit à cette ville sa liberté. Il prit Prone
&Ptelée, & empêcha les habitans de Die & d'Orchoméne de transporter leurs
demeures à Thibes; comme le vouloit Casfander. Celuy-ci pour s'opposer
aux progrés de Demetrius, assemble son armée qui étoit de vingt-neuf mille
hommes de pied & de deux mille Chevaux, & se campe à portée des villes
de Phéres & de Thébes, où il avoit mis garnison. L'armée de Démétrius
étoit
étoit de quinze cens Chevaux & de vingt-trois mille hommes de pied, sans
compter environ huit mille Pirates & pillards qui suivoient l'armée. Les
deux armées étoient à portée; sans néanmoins que de part ni d'autre on son-
geât à donner bataille, parcequ'on étoit dans l'attente de ce qui se passeroit
en Aue entre Lysimaque & Antigone.
Sur ces entrefaites Demetrius reçut les lettres dont on a parlé, qui lui CLXXII.
enjoignoient de se rendre au plutost en Asie auprès de son Pere avec toutes ses Demetrius
& CafTan-
troupes. 11 fit donc la paix avec CaIrander, à condition que toutes les villes der font la
Gréques, tant de l'Asie que de la Gréce, jouïroient de leur liberté i le tout sous paix.
le bon plaisir de son Pere, qui pourroit ratifier, ou caÍser le traité de paix.
Demetrius étoit bien persuadé qu'Antigone nese croiroit pas obligé à l'obier.
ver; mais il vouloit colorer sa retraite, & sortir de l'Europe sans s'exposer
au danger d'un combat avec CaŒander; il pana donc heureusemeut en Asie;
& aïant abbordé à Ephése, il en chassa lagarnison que Lysimaque y avoit mise,
&lui permit de se retirer où elle voudroit. Delà s'étant rembarqué,il s'avança
vers l'Hellespont & reprit les villes de Parie, deLampsaque & les autres que
Lysimaque avoit assujetties, & enfin aïant passé le détroit, il fortifia le temple
de Calcédoine, & y laissa trois mille hommes de pied & trente Vaisseaux de
guerre; il répandit son armée dans les autres villes des environs pour y pas-
ier l'hvver.
CasTander avoit aussi ses veuës dans la paix qu'il fit
avec Demetrius. Aprés CLX)(JII
le départ de ce Prince, il fit la conquête de plusieurs villes considérables, & Caffander
envoïa un gros renfort de troupes à Lysimaque sous la conduite de Pleistarque. seconrs envoye d",
Ce Général avoit douze mille hommes de pied & cinq cens Chevaux. Mais Lysimaque. à
aïant trouvé le détroit du Bosphore occupé par les gens d'Antigone, il fut
obligé departager son armée en trois corps, dont il n'y eut qu'un seul qui pé-
nétrât heureusement en Asie, l'un aïant été pris par les ennemis, &
ruiné par la tempête. Pleistarque se sauva à demi mort sur un autre
un débris de son
Vaisseau, & arriva enfin àHeraclée & delà se rendit auprés de Lysimaque, qui
étoit en quartier d'hy ver, & qui avoit perdu par la désertion deux mille Aura-
riates, & huit cens tant Lyciens que Pamphiliens, qui se rendirent
d'Antigone. au camp
Dans ce même tems Ptolémée Roy d'Egypte profitant de l'absence d'An- CLXXlV.
tigone & deDemetrius, marcha à la tête d'une puissante armée dans la Syrie Conquê-
creuse, & s'empara de toutes les villes de ce pays-là. tes de Pto-
Sidon fut assiégée ; mais lémée
un faux bruit s étant répandu que Lysimaque &Seleucus avoient été battus par Syrie. Ilense
Antigone, & que ce Prince retournoit victorieux en Syrie, Ptolémée fit retire en
trève de cinq une
mois avec les Sidoniens, & aïant mis de bonnes garnisons dans Egypte.
ses nouvelles conquêtes, il retourna en Egypte.
Enfin Seleucus arriva dans laCappadoce, avec une armée de vingt mille CLXXV.
hommes de pied, de douze mille Chevaux, y compris les Archers à Cheval Présages
de quatre cens quatre vingt Eléphans, & de plus de cent chariots de de la dé-
iaulx. Il fit camper ses troupes sous des baraques pendant l'hy armez saite & de
préparoit ver. Assisitout ia mort
se à une guerre terrible pour l'été suivant. On raconte Pytha- d'Antigo-
que
gore TAruspice colisultant pour Antigone les entrailles des victimes immolées, ne.
&
Icy finit le & n'y aïant point trouvé de fibres dans le foïe, lui prédit sa mort prochaine,
Livre XX.
comme il avoit fait longtems auparavant dans un cas pareil à Alexandre & à
dediodore Perdiccas. (a) On dit aussi qu'Alexandre le Grand
de Sicile.Le ayant apparu bien armé
à
reste de son Demetrius en songe, & lui aïant demandé quel mot il dorneroit aux trou-
ouvrage pes le jour de la bataille; Demetrius repondit: Jupiter & la vifJoire: Je m'en
est presqu' vais donc à ennemis, repartit Alexandre ; Car ils me donneront pour mot à leurs
entière vos
soldats. (b)
ment per- Au commencement Antigone se vantoit qu'il dissiperoit ces Roys qui
du.
Ca) s'assembloient pour lui faire la guerre, comme on chassepar un cri ou par un
Arrian. de coup de pierre, les oiseaux qui viennent ramasser les grains que l'on séme.
vxpedit. Cependant quand il vit les armées ennemies s'approcher , on remarqua qu'il
Alex. I. 7-
i6o.
étoit taciturne & pensif, & qu'en parlant aux troupes il leur montroit son fils,
p. De plus il lui parloit seul
Ch) & le leur recommandoit comme son Successeur.
Plutarcb. à seul dans sa tente & lui communiquoit ses desseins, quoiqu'auparavant il
in Deme-
ne les découvrit ni à lui ni à aucun autre; les armées étant deja en bataille, il
trio.
tomba sur son visage, & se relevant il leva les mains au Ciel,& demanda aux
Dieux qu'ils lui accordassent ou la victoire, ou une mort sans douleur avant
qu'il fut vaincu.
CLXXVI. Le combat se donna au commencement du Printemsprés la ville d'Ipsus
Désaite & en Phrygie. L'armée réünie d'Antigone & de Demetrius étoit de soixante
mort frAn- dix mille hommes de pied, de douze mille Chevaux & de soixante quinze
ugone. Eléphans. Lysimaque &Seleucus étoient beaucoup plus forts. Ils avoient
soixante quatre mille hommes de pied, dix mille cinq cens Chevaux, quatre
cens Eléphans, six vingt Chariots armez de faulx. Demetrius s'attacha à
Antiochus fils & héritier présomptif du Roy Seleucus. Il le mit en déroute,
& se laissant entraîner à sa vivacité, il le poursuivit si loin, qu'au retour il lui
fut impossible de rejoindre son Infanterie, devant laquelle on avoit sait avancer
les E!éphans, pour coupper Demetrius. Il avoit en sa compagnie Pyrrhus
Roy d'Epire, qui n'étoit alors âgé que de dix sept ans, & qui aïant été chasle
de tes Etats par ses sujets, s'étoit attaché à Demetrius, dont il avoit épousé
la sœur Deidamie, qui étoit destinée au jeune Alexandre fils du Grand Ale-
xandre & de Roxane.
Seleucus aïant veu l'Infanterie deDemetrius abbandonnee de ^
r Cavaiei-ie,
, sa

marcha contre elle avec ses Cavaliers, & fit mine de la vouloir enfoncer, &
passer dans son parti ; ce qui fut accepté par
en même tems lui fit proposer de d'Antigone. Le reste fut mis en déroute.
la plus grande partie de la Phalange
Antigone étoit cependant poursuivi par une multitude de soldats. On lui dit
gens en vouloient à sa personne; il repondit: Demetrius viendra à
que ces exposé à une grêle de traits
mon secours, & au lieu de se sauver, demeura
Porl'h."1t'. il
dans Euseb. faus lesquels il succomba & mourut : tout le monde l'abbandonna, à la ré-
Cronic. serve de Thorax Laritséen, qui demeura auprés de son corps. Il avoit alors
Grttc.
moins quatre-vingt un ans. Son corps fut enterré avec honneur. Deme-
p. iz6. lui au mille hommes de pied, & de quatre mille
donne 8 6. trius son fils accompagné de cinq
ans. Lucien Chevaux se sauva à Ephése,
d'où il se retira à Salamine en Cypre, menant
in Macrob. avec lui sa mère Stratonice & tous les tresors d'Antigone.
gi. am. Les
Les Roys vainqueurs Ptolémée, Seleucus & Lysimaque, se partagérent
les vasses Etats d'Antigone, & en prirent chacun une partie. Au reste Deme- Partage CLXXVII.
trius avoit toujours beaucoup compté sur l'amitié des Athéniens, qui luiavoient des Etats
témoigné beaucoup d attachement, & qu'il avoit comblez de bienfaits il leur d'Antigone
avoit laisse en dépôt sa flotte & son EpouseDeidamie; mais il futfort ; surpris entre Pto-
lorsqu après sa défaite les Athéniens lui envoyérent des députez lémée, Se-
Isles Cyclades, pour le prier de ne pas venir dans leur ville, vers les leucus &
parceque le Se- Lyfima-
nat avoit fait un decret de n 'y recevoir aucun des Roys. Ils lui renvoïérent que.
Deidamie à IVIegarej avec les honneurs & la suite convenables à sa dignité.
Le trait d ingratitude le toucha audelà de ce cju2on pourroit croire CLXXVlU.
& quoiqu'il eût soûtenu le reste de sa disgrace avec fermeté & une gran-;*
Ingratitu-
une
deur d'aine extraordinaires, il ne put dissimuler son chagrin de se voir ainsi de des A-
trompe par les Athéniens , qui 1 avoient comble de tant d'honneurs & de théniensDe-
envers
tant d'éloges. Il ne connoissoit pas assez le genie des peuples, qui souvent metrius.
h;ufient réellement ceux à qui ils décernent des honneurs
comme il n'étoit pas alors en état de.se il
venger,
outrez; mais
dissïmula son ressentiment,
& envoia des Ambassadeurs a Athénes avec ordre de leur demander sa flotte,
dans laquelle etoit une galere a treize rangs de
rames; & quand il l'eût reçue,
il fit voile vers 1 Ifthrrfe, ravageant sur sa route les terres de Lysimaque, &
enrichi fiant ainsi sessoldats, il en augmentoit tous les ionrs le nnmhrp CL XXIX.
Seleucus après cette vidoire détruisit la ville d'Antigonie, qu'Antique Seleucus
avoit bâtie & embellie avec tant de soin; il en transféra les habitans à Aikio- bâtit An-
chie qu il bâtit, & a qui il donna le n001 de son fils Antiochus- & tiochi.e
nour les Seleucie.
matériaux, il les fit descendre à Seleucitf, qu'il bâtit aussi surl'Oronte)
Slîll n"a ? Tîi Ie? & à Vide Uirer.
l6ïïême tems,il demanda en mariage Stratonice Annal. ad
fille de Demetrius & de Phila. Demetrius la lui
amena en Syrie, & Seleucus hune ari-
la vint recevoir a Oroffe. Seleucus reçut Demetrius dans sa tente, & De- num M.
nletrius reçut ensuite la visite de Seleucus son gendre dans sa galére à treize 3704. ants
rangs de rames. Ce fut-là que ces deux Princes eurent seuls à seuls de lon- Ghrist. 296.
Qat.
gues conférences, & firent une alliance ofFensive & défensive; aprés CLXXX.
Seleucus conduisit sa nouvelle Epouse en grande quoy
pompe à Antiochie & De- Mariage
111etriusde s étant empare dela Cilicie, qui étoit possédée par Plistarque frere deSeleucus
tvtr n
Hitler Demetrius
V • !fVOia r11 Epouse Phila vers Caffander son frere, avec Stra-
pour ju- tonice fille
des accusations que Plistarque avoit formées
contre lui. En de Deme-
meme teins Deidamie seconde femme de Demetrius, le vint joindre de Me trius.
Au du M.
Dpeu ?70ï.avan6
j-G.
duquelquemariagede ^ 6 u?''aïa'n d'e'lui don-lui Plutarch.
1
ma Demet ri t réfuté ïh Deme-
nei a Cilicie pour une somme d argent, & de lui céder les villes de Tyr trio.
de Sidon, ils commencèrent à entrer en guerre, & Demetrius MrUrJ & CLXXXl.
dÚt-on lui livrer six cens batailles, il n'acheteroit jamais l'alliance , Brouïlic-
cus a prix d'argent. • uc Seku
de ries entre
Deieu- Seleucus <&
Ptolémée & Lysimaque s'étoient aussi alliez quelque, Demetrius
tems
par le ménage d'Arsinoë fille duRoy Ptolémée quequelqueLysin1aque époXanmr-v.w
Ama' An du !vI.
Toru. III, Cc ?7o6.avant
J. stris C. 2^4.
CLXXXii. stris première femme de Lysimaque, se retira à Heraclée sa Patrie, où elle
Mariage de vécut d'une maniére digne de sa condition. Elle fonda la ville d'Amastris sur
Lysimaque le Pont.Euxin; & la peupla de citoïens tirez des villes deSesame, de Citore,
avec Arft- de Cro
nOt: fille de m ne & de Theïe.
Ptolémée Quelques années après mourut Caffander Roy de Macédoine. Il avoit
fils de La- gouverné le Rovaume de Macédoine pendant 19. ans. Il laissa de Theflalo-
gus. Plu- nique sœur du Grand Alexandre qu'il avoit épousée, trois fils; Philippe, An.
tareb. in tipater Antigone,& Alexandre. Le premier mourut peu de tems après
Demetr. ou
son pere, les deux autres se disputérent le Royaume. Antipater croïant que
CLXXXllI. sa mere Thessalonique étoitplus portéepour son frère que pour
lui, la tua in-
Mort de humainement, quoiqu'elle lui demandât la vie en lui montrant fës mamniel-
Caflander allaité. Alexandre fils de Thessalonique entreprit de venger
Roy deMa- les qui l'avoient
cédoinc sa mort, & appella dans la Macédoine à son secours Pyrrhus Roy d'Epire,
An du M. & Demetrius le preneur de villes. Lysimaque Roy de Thrace, à qui l'arrivée
^7 07.avant de ces deux Princes dans un Royaume voisin de tes Etats, devint surpcél:e,
j. C. 293. persuada Prince Antipater son gendre de s'accommoder avec son frere
tfujlin. au
Alexandre, plûtost que de faire venir dans la Macédoine Demetrius l'ennemi
paujan. du feu Roy son pere.
in Beoticis En même tems Lysimaque ne doutant pas que Pyrrhus ne fit toutes
&c. choses en considération de Ptolémée Roy d'Egypte son Beau-Pere (il avoit
CLXXXIV.
Mort de épousé Antigone fille de BereniceEpouse de Ptolémée, & de Philippe pre-
Theffalo. mier mari de Berenice) Lysimaque donc écrivit à Pyrrhus une lettre Íous le
nique Rei- nom de Ptolémée, par laquelle il lui conseilloit de récevoir trois cens talens
ne de Ma- d'argent qu'Antipater lui offrit pour se désister de cette entreprise; mais Pyr-
cédoine. la faussctc; car Ptolémée en lui
An du M. rhus à l'ouverture de la lettre en reconnut
son fils au lieu que Lysimaque avoit
3710. tes écrivant avoit coutume de mettre Pere à
le
; donc dans sa résolu-
deux fils se mis; Le &oy Ptolémée au Roy Pyrrhus. Celuy-ci continüa
t'ontestent tion, & Demetrius étant entré dans la Macédoine, & aïant fait mourir en
le Royau- trahison le Prince Alexandre, qui l'avoit fait venir à son secours, il s'empara
nxe. De- pendant sept ans.
metrius le du Royaume de Macédoine, qu'il gouverna
preneur de La même année Ptolémée Roy d'Egypte reprit sur le Roy Demetrius
villes fait toutes les villes de l'Isle deCypre. 11 fit le siége de Salamine, où Demetrius
.mourir A-
lexandre avoit laissé sa mere&[es enfans, & pétant rendu maître de la ville, il ,les ren-
fils de Cas- voya avec honneur & chargez de
présens vers Demetrius.
sander, & Lysimaque engagé d'honneur à soutenir les intérêtsd'Antipater [ongen-
s'empare dre faisoit la guerre à Demetrius, qui avait usurpé sur lui le Royaume de
de la Ma- Macédoine;,
mais comme il avoit en même tems sur les bras Dromichaetes Roy8
cédoine.
des Gétes, il fit sa paix avec Demetrius, en lui cédant cette partie de la LVIa-
An du M.
;
*7io.avant cédoine, qui étoit echuë à Antipater. Lysimaque
J.C. 290. ses forces contre le Roy desGétes
tfuftin. traita
marcha alors avec toutes
mais il fut pris par ce RoyBarbare) qui le
toutefois avec tant d'humanité, que Lysimaque lui donna sa fille en
I.16. Plu-
mariage & lui céda cette partie de la Thrace, qui est audela de l'Isser, ou
tareb. Íll
Pyrrbo (4 du Danube. 0'panarr AOe,
in Deme- L'année suivante Lysimaque equippa une flotte & en ou il•1 se
triv. rendit maitre def; villes qui ayoïcut aiiparavftût à J},l1tigoue. Comme il
asiiégeoit Ephése, il gagna un nommé Mandron fameux Chef des Pirates, CLXXXY.
fort connu à Ephése, où ilavoit accoutumé d'amener vendre ses captures. Il Paix entre
convint donc avec Lysimaque qu'il introduiroit dans la ville un certain Lysimaque & Deme-
nombre de soldats Macédoniens, les mains liées derrière le dos comme pri- trius. An
sonniers de guerre, qu'ensuite il leur donneroit des armes tirées de la citadelle, duM.3711..
& les mettroit en état de lui livrer la place. Ainsi fut prise la ville d'Ephése. avant J. C.
Cette ville aïant dans la suite été submergée avec la plûpart de ses Citoïens 289.,7ujîin.
1. 16. Stra-
par une inondation de la mer, Lysimaque la transféra dans un lieu plus elevé bo 1. 7.
& moins sujet à ces sortes de débordemens,&lui donna le nom d'Arsinoë son P- 02.?Of.
Epouse; mais elle reprit aprés son ancien nom d'Ephése. CLXXXV!.
C'étoit alors une espèce de mode de changer les noms des villes an- paffe Lysimaque
ciennes ou d'en bâtir de nouvelles. Alexandre le Grand en avoit usé ainsi; Afie, en &
ses Successeurs suivirent son exemple; Seleucus en bâtit ou rebâtit jusqu'à s'empare
trente cinq à qui il donna des noms nouveaux. Il en dénomma seize An- des villes
tiochies, du nom de son Pere Antiochus; six Laodicées du nom desamère; quiavaient
.neuf Seleucies, de san nom, trois Apamées,du. nom de là femme; &une Stra- tigone. obéi à An-
totiice, du nom de 1a [econdc femme. Pausan•
Amastris première femme du Roy Lysimaque, qui s'étoit retirée, comme Attic. Plti*
on l'a veu, dans la ville d'Héraclée, avoit eu trois enfans de Denys Roy d'Hé- tarch. in
raclée son premier mari, savoir Clearque, Oxathre, & une fille nommée Demetri.
comme elle Amastris. Clearque l'ainé de ses fils gouvernoit alors la ville & firatag.
le petit Royaume d'Héraclée, où il avoit donné plusieurs preuves de sa va- I. 3-c.
Front .
leur dans différentes guerres où il s'étoit trouvé. Il avoit même accompa- An du M.
gné Lysimaque dans celle qu'il eut contre le Roy desGétes,oÙ il fut pris de 3712. avant
même que Clearque. Lysima«|ue le tira de captivité & le rétablit dans ses J.G. 288.
CLXXXVII.
Etats. Cette bonne intelligence fut troublée à l'occasion de la mefrt d'Ama- Lysimaque
stris, que ses deux fils Clearque & Oxathre firent périr, aïant donné ordre s'empare
qu'on submergeât leVaisseau où elleétoit. Lysimaque indigné de cette bar- d'Hé-
barie, résolut d'en tirer vengeance ; mais il déguisa ses sentimens & n'en fit raclée. An
du M. 3 71 £.
rien paroitre, que quand il fut entré dans la ville où il s'étoit fait ,
introduire Memnon
sous prétexte du bien public. Alors il fit mourir premiérement Clearque, in Excerpt.
puis son frere Oxathre complice de son parricide. Aprés quoi il s'empara des c.6,7, apud
biens de ces Princes; & ayant rendu à Heraclée sa liberté, il se retira dans FbOt-c-224*
ses Etats.
CependantDemetrius le preneur de villes faisoit des préparatifs immen- CLXXXVlit.
ses pour rentrer dans l'empire que son pere avoit possédé Grands
en Asie. Dépuis préparatifs
Alexandre on n'avoit pas veu de si grandes forces, On comptoit dans son Deme-
armée quatre,vingt dix mille hommes de pied, environ douze mille Chevaux, trime de
& cinq cens Vaisseaux, dont quelqu'uns étoient d'une grandeur extraordiniare; Plutarcb. - .

car il y en avoit de quinze & seize rangs de rames. Pour ne rien laisser der'' * in De».re-
riérelui qui put lui donner de l'inquiétude, il fit alliance avec Pyrrhus Roy trio # Pyr.
d'Epire sou voisin. Les Roys Ptolémée, Seleucus & Lysimaque inquiéts de rbo.du
M.
voir un tel armement, se liguèrent contreDemetrius, & ayant réunis leurs An 37i7.avant
troupes, lui firent la guerre en Europe, pour lui ôter l'envie depJ{fer enAfie J.C-28
& en Afrique. En même t.ems ils députérent vers Pyrrhus pour le détacher Vide Mem-
-
non. apud
Phot. cod. de l'alliance de Demetrius, n'étant pas obligé, disoient-ils, de garder des
224. promenés qu'on n'avoit exigées de lui, que pour faire la guerre à qui il ju-
geroit à propos, sans se mettre en peine de conserver la paix, ni les allian-
ces jurées. Pyrrhus entra donc en Macédoine, gagna par promenés les trou.
pes de Demetrius, le mit en fuite lui-même, & s'empara du Royaume de Ma-
cédoine.
CLXXXIX. En même tems Demetrius se vit attaqué de toutes parts par Lysimaque,'
Demetrius Pyrrhus & par Ptolémée. Ce dernier l'attaqua par mer du côté de la Gréce,
attaqué de par
côtez. &sollicita les villes qui lui obéïflbientà se ranger de son parti. Pyrrhus atta-
tous
6. qua la Macédoine &Íe saisitdeBerée.
Lysimaque entra en Macédoine & s'em-
c. 2.Plu- para d'une partie de ce Royaume; & comme Antipater son gendreseplaignQit
tarch. in de cette usurpation, il le mit à mort & retint sous bonne garde Euridice sa
~ Demet. fille Epoused'Antipater, qui crioit de même qu'Antipater qu'on leur ravissoit
le Royaume qui leur appartenoit. En la personne d'Antiparer fut éteinte
toute la maisonde Ca[[ander, par une juste punition des violences qu'il avoit
exercées contre la famille d'Alexandre.
exc. L'armée de Demetrius ayant appris queBerée de Macédoine étoit prise,
Demetrius ne garda plus de mesures. Ce ne fut que plaintes, que murmures, qu'impré-
esi ahban' Demetrius; ils vouloient tous s'en retourner, ditbient.ils,
donné par cations contre
effet ils vouloient se rendre à Lysimaque. De-
son année. dans leurs maisons; mais en
metrius s'en douta, & les éloigna tant qu'il put de Lysimaque & s'approcha
de Pyrrhus. Mais aussitost qu'il fut prés de Pyrrhus, son armée se débanda
premièrement par petites bandes, ensuite tous ses soldats se mirent en émo-
tion, & il y en eut qui eurent l'insolence d'aller dire à Demetrius qu'il pou.
voit se retirer & songer à sa seûreté; que les Macédoniens étoient las de com-
battre pour ses plaisirs.
Demetrius dans cette occasion ne parut plus semblable à lui-même. Il
entre dans sa tente, change son habit de guerre, prend un manteau noir & se
retire furtivement. Aussitost les soldats entrent dans sa tente & la pillent, cha-
cun tirant à soi & déchirant ce qui lui du convient. Pyrrhus arrive sur ces en-
Il
trefaites & arrête le solElat. s'empare camp & du Royaume de Macédoine
qu'il partage ensuite avec Lysimaque. Demetrius se retire à Cassandrie, où son
Epouse Phila ne pouvant survivre à sa propre disgrace & à celle de son mari,
se donna la mort par le poison.
exCI. Une telle Catastrophe n'abbattit pas entièrement Demetrius. Il songea
il
Demetrius à ramasser les débris de son naufrage, & étant allé en Gréce, yrassembla tout
assiége A-
ce qu'il avoit d'Officiers & d'amis, & se remit bientost en état de paroître en
thénes, &
léve le équippage Royal. ' Il entra dans Thébes & y rétablit l'état Républicain. Les
siége à la Athéniens qui lui avoient paru si attachez, l'abbandonnérent & envoyèrent
persuasion inviter Pyrrhus à leur secours. Demetrius les assiégea & les pressa vigoureu-
duPiiilofo"' sement. Les Athéniens rentrérent en eux.marnes, & lui envoyèrent le Phi.
phe Grates. losophe Crates, qui lui persuada de lever le siége. Il s'embarqua donc, ayant

,
environ onze mille hommes de pied & quelque Cavalerie,& fit voile vers la Carie
&laLycie, qu'il étoit résolu d'enlever à Lylimaque.Etant arrivédans ce pays,
Eurydice soeur de Phila lui amena vers Milet la PrincessePtolémaïde qui étoit
fille
fille du Roy d'Egypte ,& qui lui étoitpromise dépuis quelque tems; il l'épousa,
& en eut un fils nommé Demetrius, qui régna ensuite à Cyréne.
Aprés son mariage il attaqua les villes du pays, qui se sournirent à lui pour cxcii.
la plupart, les unes de bonne volonté, les autres par force. Il y eut même Demetrius
des Chefs de troupes quise rendirent à lui avec leurs soldats, & lui apportérent vient en
Gilicie. Il
de l'argent. Il s'avança delà dans la Phrygie résolu de pénétrer dans la Mé- écrit à Se-
*
die& l'Arménie, & dans les Provinces supérieures; mais il fut traversé dans leucus &
son dessein par Agathocle sils deLysimaque, qui étoit passé dans slAsse avec lui deman-
une armée. Il y eut beaucoup à souffrir, tant de la famine que dela peste, de des vi-
des incommoditez du voyage, & des escarmouches continuelles qu'il eut à. vres.du M.
soûtenir de la part d'Agathocle. Enfin il fut obligé de retourner sur ses pas A'n 37i8.avant
& de venir dans la Cilicie. Il auroit fort souhaitté que ses soldats n'y com- J. 6. 282.
missent aucun dégât, pour ne pas offenser Seleucus ; mais dans l'accablement Vide Plu-
& la disette où étoit son armée, il ne pouvoit l'empêcher. Il écrivit donc tàrcb. in
;t Seleucus dans des termes trés-touchans, lui disant qu'il étoit réduit Demstrie»
en un
état capable d'attendrir même ses ennemis. Seleucus en eut compassion, &
étoit sur le pointd'écrire à ses Gouverneurs de Province delui donner dequoy
s'entretenir sélon sa condition, & de donner à ses troupes la subsistance, & ce
dont elles auroient beso'in.
Mais Patrocle ancien ami de Seleucus & qui passoit pour homme d'ex- CXCUI.
cellent Conseil, lui dit que l'ondevoit compter pour peu de chose la depense Demetrius
pourroit faire l'armée Demetrius demande
que de en Cilicie, mais qu'il étoit de la der à Seleucus
niére conséquence de ne pas laisser dans ses terres un Prince du caradére de d'al ler faire
Demetrius, qni avoit toujours été un des plus ardens ennemis des Roys, & laConque-
qui ne faisoit aujourd'huy des soumissions, que parcequ'il n'étoit pas en état ûe de quel-
de faire laguerre. Seleucus touché de ces raisons, changea tout à coup d'a- ques peu-
ples Bar-
vis, & Demetrius fut obligé de se sauver dans des endroits dumontTaurus, barcs.
où l'on ne pouvoit le suivre avec une armée. Delà il écrivit: à Seleucus
pour le prier de ne le point traverser dans la résolution qu'il avoit prise de faire
la conquête de quelques pays des peuples Barbares non encore assujettis, où
il put passer en repos le rette de ses jours, ou du moins qu'il lui fournît de-
quoy nourrir ses troupes dans ces delerts pendant l'hyver, & qu'il ne l'exposât
pas dénué & sans secours à la merci de ses ennemis.
Seleucus à qui tout cela éfoit suspeét, lui fit reponse qu'il pouvoit hy- cxciv.
verner pendant l'hyver dans la Cataonie, en lui donnant pour ôtages ses prin- Demetrius
cipaux amis; en même tems Seleucus fit occuper les défilez qui conduisent de enfermé
en Syrie, & tintainsi Demetrius enfermé comme une bête farouche dans une teztous co-
tombe
Caverne, d'où il ne pouvoit sortir sans trouver du côté de la Cilicie le Roy malade.
Seleucus p; et a le recevoir, & à s'opposer à ses entreprises. Dans cette extré- An du M.
mité il le vit contraint d'employer la violence pour subsister. Il fit le ravage ?7i5».avant
dans les terres de Seleucus, & remporta divers petits avantages sur ses gens. Il J. C. 28 C.
Plutarcb.
mit pius d'une fois en déroute ses Chariots armez de faulx, & enfin serendit in Deme-
maitre des defilez qui conduisent en Syrie. Il commençoit à concevoir de ¡tri..
grandes espérz¡nccs,&. songeoit même à en venir à une action avec Seleucus,
l,ucsqu ',Il tomba dangereusement mahcle. Alors ses soldats se débandérent,
les uns passant dans l'armée deSeleucus, & les autres désertant absolument &
se retirant où ils jugeoient à propos.
cxcv. Aprés quarante jours de maladie il se mit à la tête de ce qui lui reltoit
Bataille de troupes, & feignit de vouloir entrer en Cilicie, puis tout d'un coup il dé-
entre Se- côté,il passa le mont Amanus & fit 1-e dé-
leuclls, & campa sans bruit, & tournant de l'autre
Demetrius. gât dans le pays jusqu'à la Cyrrhestique. Seleucus le suivit & vint camper prés
de lui. La nuit suivanteDemetrius fit marcher ses troupes contre Seleucus,
quiétoit endormi &ne songeoit à rien moins qu'à soûtenir une attaque. Au
bruit il se leve en sursaut, & se chaussant crie qu'il est assailli par une bête fé-
p
il
roce; en même tems fait sonner la charge ; & tout le Camp se met en mou-
vement. Demetrius se voyant découvert; se retire en diligence.
Le lendemain Seleucus parut en bataille. Demetrius quoyque beaucoup
moins fort, sedispose à lui tenir tête. Il met à une de ses ailes un de ses Ofsi-
ciers & se met à l'autre. Il fonce & renverse tout ce qui se rencontre devant
lui; mais la partie n'étoit pas égale. Seleucus mit pied à terre, ôte sonCasgue
& le montrant à découvert aux soldats de Demetrius, les exhorte à passer à ion
armée, leur criant que s'il ne les avoit pas poussé à l'extrémité, c'étoit par
ménagement pour eux & non pour Demetrius. En même tems ils le salüé-
rent comme leur Roy & payèrent dans son parti.
CXCVI. Demetrius ainsi abbandonné, se sauva vers les défilez du mont Amanus,
Demetrius accompagné de quelques de ses amis; il y passa la nuit dans une forêt
se rend à uns
Seleucus. epaisse, espérant le lendemain de prendre le chemin de Caune,& delà de gagner
la mer, où il espéroit trouver une flotte. Il n'avoit pas même dequoy se nour-
rir pendant ce jour-là. Heureusement arriva un de les amis nommé Sofigenes
avec quatre cens piéces d'or, avec lesquelles ils comptoient d'achetter des
vivres jusqu'à leur arrivée à la mer. Ils s'avancèrent donc pendant la nuit pour
gagner les hauteurs; mais y aïant remarqué quantité de feux qui marquoient
qu'il y avoit des troupes, ils furent obligez de retourner en arriére, non pas
tous; car il y en avoit qui s'étoient secretement retirez, & d'autres étoient
trés-peu résolus. L'un d'entr'eux lui aïant dit qu'il devroit se rendre à Seleu-
cus, il tira son epée pour s'en percer; mais ses amis l'ayant arrêté, & lui ayant
remontré en quel état étoient ses affaires, il se laissà enfin persuader)&envoÏa
à Seleucus pour lui remettre & sa personne & ses intérêts.
CXCVIl. Seleucus repondit que Demetrius seroit1rés-bien reçu, ,& qu'il s'estimoit
Demetrius heureux qu'il lui procurât cette occasîon de lui donner des marques de sa
est envoyé clémence & de sa bonté. En même tems il donna ordre à, ses gens de lui pré-
dans une à Roy, &dedisposer toutes choses pour le traiter
Peninsule parer une tente comme un dignité. Il
de Syrie. d'une manière conforme à sa envoïa Apollonides ancien ami de
Demetrius, avec ordre d'aller au devant de luf,& de le recevoir comme pa-
rent & gendre du Roy. Bon nombre d'autres de ses anciens amis accompa-
gnèrent ou suivirent Apollonides, de maniére que les ennemis deDemetrills
en prirent occasion de jetter des soupçons dans l'ameduRoy, disant que De-
metrius ne seroit pas plutost arrivé à la Cour, qu'il chercheroit à brouïller.
Seleucus envoyadoncPausaniasavec environ mille hommes tant à pied, qu'à
Cheval, qui environnèrentDemetrius & sans lui donner la consolation devoir
le
le Roy, le conduisirent dans une Peninsule de Syrie (a) où il ne manquoit Ca)
de rien ni d'argent, ni de compagnie, ni de jardins, ni de parcs pour la pro- Diodor.
menade &pour la chasse. On permettoitmême àses amis de demeurer avec cul.i. XL in
envoïoit Excerpt.
lui, & Seleucus lui de tems en tems des visites de civilité, lui pro- Vales.
mettant un changement de fortune, dez que la Reine Stratonice sonEpouse p. 262. dit
& san fils Antiochus seroient arrivez. Cependant il étoit toujours gardé de que Deme-
fort prés. trius fut
Ce Prince infortuné craignant qu'on n'abusat de l'état où il se trouvoit, gardé à Pella.
pour lui faire faire des choses contraires à ses intérêts, écrivit à Ion fils & à ses CXCV111.
amis qui étoient à Athènes .& a Corinthe, de ne pas ajouter foy à ce qu'on Seleucus
pourroit leur mander, quoique scellé de son sceau; mais de le regarder comme flinément refuse ob-
un homme mort, & de conserver les villes & ce qui restoit entre leurs mains,
la Ijberfié
à Antigone son fils. Celui-ci aïant appris la détention du Roy son Pere, en à Demo-
fut si touché qu'il prit des habits de deuil, & écrivit à divers Roys pour les trius.
engager à s'employer pour lui procurer la liberté. Il écrivit aussi à Seleucus
dans les termes les plus sournis, lui offrant tout ce qui lui ressoit, & s'offrant
lui-même pour otage de la fidélité de son Pere. Plusieurs villes libres & plu-
:sieurs Potentats lui firent aussi des instances pour le même sujet.
Lysimaque fut le seul qui écrivit contre lui. Il avertit Seleucus de se CXC1X.
bien garder de mettre en liberté un Prince inquiet, qui avoit toujours été Lysimaque demande
l'ennemi juré des Roys. Il lui offrit même deux mille talens, s'il vouloit la dç
Seleucus qui n'avoit jamais aimé Lysimaque, mort
lui ôter la vie. commença à le Demetrius»
détester comme un Barbarè, & reprocha sévérement à ses Ambassadeurs leur
inhumanité & leur cruauté, qui le faisoient solliciter à commettre une action
aussi détestable,& à violerla foy publique contre un Prince qui le touchoit de
si prés. Il écrivit à Antiochus son fils, qui étoit en Médie, & lui demanda
son avis sur le sujet deDemetrius; car il avoit dessein de le tirer du lieu où il
étoit, & de le rétablir dans ses Etats, mais il vouloit queDemetriusen sçtit gré
à Antiochus, qui avoit épousé sa fille Stratonice.
Comme tout cela alloit en longueur, Demetrius s'accoutuma, on du CC.
moins feignit de s'accoutumer à la vie qu'il menoit dans le lieu de sa retraite, Mort de
a
s'exerçant lachasse , à lacourte, & à la fin s'abbandonnantà la bonne chère,
à la paresse & aux excés de bouche, disant qu'il avoit jusqu'alors bien peu An du M,
Demetrius
Ca)

connu le vrai bien, qui consiste à jouïr des plaisirs des sens, & que les con- 3^21.avant
quérans recherchent en vain dans les empires,les conquêtes & les grands biens; J. 6 . 279,
qu'il ne l'avoitbien goûté que dépuis qu'il s'étoit guéri delà maladie de l'am- Plut in
arch.
bition & de l'envie de commander aux autres. Il mourut âgé de f 4. ans, aprés trio.Deme-
trois ans d'exil, (a) Seleucus se repentit beaucoup d'en avoir usé avec tant de
dureté envers un si grand Prince. 11 renvoïa ses cendres à son fils Antigone,
qui leur fit rendre tous les honneurs imaginables par tous les lieux où il'passa.
Il accompagna les cendres enfermées dans une urne d'or, avec toute sa flotte
jusqu'à Demetriade, ville fondée par Demetrius, où il les déposa. Revenons
à l'histoire des autres Roys, que nous avons interrompue pour donner de
fuite celle de Demetrius.
Lylimaque pendant U détention deDemrtrius, fit la guerre à Pyrrhus,
qui
CCL \ qui étoitRoy de Macédoine. Il le chassa de ce Royaume &s'en rendit luaitre,:
Guerre de Il y regna cinq mois & demi.
;
Lysimaque Ptolémée se sentant prés de sa fin, déclara Ptolémée Philadelphe son fils,
contre Pyr- qu'il avoit eu de Bérénice, (b) sonsuccessetir, & rendit compte au peuple de
rhus.
!suflin. sa conduite & du choix qu'il avoit fait. Demetrius de Phalére avoit été
l. 16. c. v d'un sentiment contraire, & lui avoit conseillé de laisser le Royaume au fils
plutarch. d'Eurydice sa première femme; mais Ptolémée fils de Lagus n'aquiesça pas
in Pjrrbo. à[on[entiment, il régna deux ans avec son fils, & voulut même faire auprès
CCll de lui l'office de garde du corps, disant qu'il ne connoissoit point d'honneur
Mort de
PtOlémée au dessus de celui de se pouvoir dire Pere de Roy; cependant Ptolémée sur-
Roy ci'E- nommé Cerannus, ou la foudre, fils aîné d'Eurydice & du Roy Ptolémée,
gypte.Ch) ' indigné devoir que son Pere lui avoit préféré son Cadet, se retira d'Egypte &
Çf-uflïn.
s'enfuit auprès deSeleucus, qui le reçut & le traita selon sa condition lui
,
qu'après la mort de Ptolémée son Pere, il le mettroit en poifes-
/. I6.C.2. ?. promettant
Paufan. in lion de son Royaume, Il ne tint pas sa parole. Philadelphe continüa de régner
Atticis. aprés la mort de sbnPere.qui arriva deux ans aprés, l'an du monde 3721.
An du M. Il y a apparence que c'est sous le régne du premier Ptolémée, & de
3719.avant Philadelphe son fils que l'on amena de Sinope à Alexandrie, le DieuSerapis,
J.G.281.
CC.' II. & qu'on y bâtit dans l'Isle dePharos prés la ville d'Alexandrie, le Phare, cette
Le Dieu Se'" Tour célèbre, sur laquelle on allumoit des feux qui servoient à eclairer les
rapis est Vaisseaux qui abbordoient la nuit en Egypte. Ce fut SoUrate de Cnide qui
amené Ca fut l'Architecte.
Egypte. en
Ujjer. ad
Seleucus & Lysimaque restoient seuls de 341. Généraux qui avoient ac-
an. ?7i0*
compagné Alexandre dans ses expéditions. Ils entrèrent en guerre quarante
CCIV. deux ans aprés la mort de ce conquérant. La bataille se donna danslaPhry-
Guerre en- gie qui est sur l'Hellespont. Lysimaque âgé de 74. ans selon quelques uns, ou
tre Seleu- de 80. selon d'autres, y fut tué dans la bataille combattant vaillamment.
tus & Ly- ans
simaque. Il avoit eu seize enfans qui étoient morts par diffërents accidens. On dit que
An du M. son Chien ne Pabbandonna pas & défendit son corps des Oiseaux & des bêtes
372?. avant carnaciéres.
J.G.277. Seleucus ajoûta les Provinces deLysimaque aux siennes, regarda comme
Paufan. in Dieux de se trouver seul vivant vainqueur des victorieux & des
Atticis Ap- un don des
pia;,i. $y- Compagnons d'Alexandre. Il ne iouït pas longtems de ce bonheur. Etant
riac. ffu* repasse en Europe dans le dessein de vivre tranquilement en Macédoine sa pa-
Jiin, 1.17. trie, étant surie chemin deLysimaquie, comme il s'informoit en paÍfctnt d'où
CCV. Autel qu'il voïoit se nommoit Argos, Ptolémée la foudre,
Mort de vient qu'un certain
Seleucus, fils du Roy d'Egypte dont on a parlé, le frappa par derriére & le tüa, environ
An du M. sept mois aprés la mort de Lysimaque.
3724. avant Aprés ce meurtre du plus grand de ses bienfaiteurs, Ptolémée la foudre
J.C.276.
courut à toutes brides à Lysimaquie, où aïant pris le Diadème ,il vintse présen-
ffufiin.
1.17. c. 2. ter à l'armée, accompagné d'une compagnie de gardes fort lestes. L'armée
Appian. n'eut point d'autre parti à prendre que de le recevoir & de le sàlüer Roy.
Syriac. Ptolémée colora une adion si noire du spécieux prétexte de venger la mort
p. 28.129.' deLysimaque; &pourse concilier l'amitié des enfans de ce Prince, il demanda
1
)11c1'm1011
sa propre soëur, veuve de Lysimaque & mere de ses en-
Excerpta en mariage Arsinoë
apiid F bot. fans
,
sans, que Ptolémée la foudre promettoit d'adopter. Il écrivit aussi à san frere
PtoléméePhiladelpheRoi d'Egypte, pour lui demander son amitié, & l'aslù-
rer qu'il ne l'inquiéterait plus sur le Royaume d'Egypte, qu'il avoit jusqu'a-
lors prétendu lui appartenir, enaïant acquis un autre par la mort de l'ennemi
de leur Pere commun.
Il s'assura aussi du côtéd'Antiochus fils de Seleucus, avec qui il fit la paix, cCVll.
& de Pyrrhus Roy d'Epire, à qui il préta seulement pour deux ans cinq mille Pyrrhus
hommes de pied, quatre mille Chevaux, & cinquante Eléphans; Pyrrhus épousa Roy d'E-
en même la
tems fille du même Ptolémée, à qui il recommanda la garde de
pire paiïc
enItalie.
son Royaume d'Epire, & la tutéle du Prince Ptolémée son fils âgé de 1). ans
qu'il laissoiten Epire, pendant qu'il emnlenOÍt avec lui en Italie ses deux autres
fils Alexandre & Hélénus, pour luiservir de délassement pendant cette longue
& ennuïeuse navigation.
Mais dequoin'est pas capable l'ambition de régner? Ptolémée la foudre CCVlU.
aïantépousé, comme on l'a dit, sa propre sœur Arsinoë veuve de Lysimaque, Ptolémée
la foudre
aprés lui avoir promis par les plus terribles sermens qu'il la recherchoitsincér^ fait
mou-
ment en mariage, qu'il vouloit la faire reconnaîtrepour Reine, qu'il n'épou- rir les en-
seroit jamais d'autre semme, & qu'il traiteroit ses enfans, comme s'ils luiap' fans de -
partenoient; sur ces promesses cette Princesse lui livra la ville deCaslandrie, lima que.
avecses enfans, Lysimaqueâgé de seizeans, & Phili ppe âgé seulement detreize An du M.
ans. Ce Barbare aprés s'être emparé de la citadelle de Cassandrie, fit
égorger 3724 avant
J. C. 276.
ces deux jeunes Princes dans le sein de leur mere, sans avoir égard ni à ses tfujlin.
cris, ni à ses larmes, ni aux efforts qu'elle fit pour les couvrir de son propre 1.24. c. 2.
corps. Elle-même ne put obtenir de faire les funérailles de ses enfans ; on l'ar-
racha du milieu d'eux, & on la traîna avec ses habits déchirez & ses cheveux
épars, accompagnée seulement de deux esclaves, dans l'Isle de Samothrace, où
elle demeura en exil. Nous verrons bientost la vengeance que Dieu tira de
tant de crimes & de parjures, dont ce Prince impie & cruel s'étoit chargé.
Antiochus Soter fils Successeur de Seleucus Nicator, entra alors en CCIX.
jouïssance des Etat^de son Pere, qui quelques années auparavant lui avoit donné Antiochus
!
le Gouvernement des Provinces d'Asie les plus éloignées des côtes de la mer, à]cède suo Soter
l'occasion que je vas dire. Antiochus étant devenu éperdument amoureux de ileucusà Se- Ni-
la Reine Stratonice sa Belle Mère, Epouse du Roy Seleucus sonPere, n'osa dé-4cator dans
couvrir sapaflion à qui que ce fut, & ne fit aucune démarche pour la satisfaire;1le Royau-
mais il en tomba malade, résolude se laisser mourir, plutost que de découvrir ]me de Sy-
rie &c.
la cause de sa maladie. Erasistrate Médecin du Roy Seleucus en réconnut sub- An du M.
tilement la cause, en observant les mouvemens de son malade lorsqu'on le 've- ?72ç.avan6
noit visiter. Toutes les fois que la Reine Stratonice entrait dans sa chambre,'J-G. 27?.
le jeune Prince sentoit quelque émotion, mais seportoit beaucoup mieux; &'Memnon
aussitost qu'elle en sortoit, il retomboit dans sa langueur. Erasistrate aïant!apud Phlt.
cod. 224*
remarqué la même chose plus d'une fois, voyant d'ailleurs que le jeune Prince c. « 16.
n'avoit rien de dérangé dans les humeurs, ny dans le temperamment, devina
aisément la cause du mal.
La difficulté étoit de la découvrir au Roy Seleucus, & de le porter à don- CCX.
ner Stratonice à Antiochus. Voicv comme il s'v Drit. ï) dif an Ei-aststrate
, nno 1'3 Médecin
Tom. Ill. Dd .maladie
duRoy Se- maladie du Prince étoit incurable, parcequ'il aimoit une femme qu'il ne pou-
leucus lui voit pas avoir. Le Roy répondit : qui elt donc cette femme ? Le Médecin ré-
découvre pondit: Il est épris de l'amour de ma femme. Quoy, ditSeleucus, apréstou-
la cause de les obligations que vous m'avez, vous laisseriez mourir mon fils, plutolt
la maladie tes
de son fils. que de lui donner vôtre femme? Erasistrate aprés avoir hésité quelque tems,
dit au Roy: vous-même, Sire, qui êtes son Père,lui donneriez-vous la vôtre,
s'il l'aimoit au point qu'il ne pût éviter la mort sans l'avoir? Je ne balancerois
pas un moment, dit le Roy, s'il s'agilToit de sauver un jeune homme, qui par
pudeur & par modestie, ne voudroit pas découvrir sa passion. Enfin le Alé-
decin dit au Roy, que la personne qu'Antiochus aimoit, étoit la Reine Stratonice
sa Belle-Mere, que le Roy pouvoit le guérir dans un moment.
eexi. Seleucus fit present de cent talens à son Médecin pour le service important
3e!eucus
donne sa qu'il avoit rendu à son fils, puis aïant determiné la Reine à épouièr le jeune
propre Prince, il assembla ses troupes, leur déclara le dessein qu'il avoit pris de par-
femme tager ses Etats, qui demandoientles soins de plus d'un seul homme, avec son
Stratonice fils, qu'il lui deitinoit le Gouvernement des Provinces qui étoient au fond de
pourEpou- fAlie, & les plus éloignées de la
se à son fils mer; en même tems illeur présenta san fils &
Antiolchus. la Reine Stratonice, & les maria en leur présence. Tout le monde applaudit à
la modestie du fils & à la bonté du Pere ; & cette action lui fit plus d'honneur,
que toutes les victoires qu'il avoit remportées sur ses ennemis. L'Empereur
tfulian. in Julien dittoutefois, que le jeune Antiochus ne voulut pas épouser Stratonice du
mifopogon. vivant de Seleucus, & qu'il
ne la prit qu'après qu'il fût mort.
ccxii. Après cette mort Antiochus entra en possession de tous les Etats de son
Antiochus Pere. Il prit le nom de Soter, ou Sauveur, aprés qu'il eut mis en fuite& dé-
5oter tâ- fait les Gaulois qui ménaçoient d'envahir toute l'Alie. Dans le troublè & la
che de ré- de Syrie & d'Asie, par
cupérer les confusion où étoient à la mort de Seleucus, les affaires
Provinces la mort de Lysimaque, de Seleucus & de Demetrius, il fallut livrer plusieurs
de ses batailles pour se mettre en possession de tant de Provinces si éloignées & occu-
S»açs. pées par différens Princes; & encore ne put-il jamais les récupérer toutes en-
tiéres. Il envoya Patrocle un de ses Généraux dans l'Afie.; Patrocle s'avança
jusque dans la Phrygie & laBithynie; mais étant tombé dans une embuscade
que lui avoient dressée les Bithyniens, il y fut taillé en pièces avec toute son
armée. L'année suivante Antiochus marcha en personne en Bithynie, mais
Nicomédes qui régnoit dans ce pays, ayant demandé & obtenu du secours
de ceux d'Héraclée,Antiochus ne put rien faire dans ce pays, & ceux d'Hé-
raclée aggrandirent même leurs Etats par l'acquisition de quelques villes, qu'ils
assujettirent à leur domination.
CCX111. Antigonus surnommé Gonatas, fils de Demetrius Poliorcétés, ou le
Antigonus preneur de villes, ne demeura pas non plus en repos; aprés la mort de Seleu-
G onatas
cus il porta la guerre enlVlacédoine, dans le desseinde prévenir Ptolémée Ce-
fait la guer-
Ma- raunus, ou la foudre. Il avoit une bonne flotte & une armée de terre; mais
cédoine. Ptolémée s'étoit deja affermi dans le Royaume, & avoit la flotte deLysimaque,
re en
An du M. avec laquelle il s'avança contre Antigone, & mit ses galéres en déroute. On
3 7 24. avant remarque que dans la flotte de Ptolémée il y avoit une Galère lurnommée la
J. G. 276. Lionne,
ou Porte-Lion3 qui étoit d'une grandeur merveilleuse. Elle étoit
con-
conduite par huit rangs de rameurs, cent à chaque rang;huit cent de chaque Àiemnan.
côté, seize cens en tout. Elle étoit montée par douze cens combattans, c. 14- iÇ.
commandez par deux Chefs Elle se distingua dans cette bataille, & con- apud Phit.
tribua beaucoup à faire remporter la vidoire àPtolémée. Antigone se retira
cod. 424.

dans JaJBéotie,'& Ptolémée demeura maître de la Macédoine, où il régna


deux ans cinq mois.

LIVRE XXIX.
LEs Gaules ont été de tout tems comme une pépiniére de guerriers, qui l.
se répandoient dans les autres parties du monde pour s'y établir, lors- Les Gau-
lois sejet»
que leur pays surchargé par le trop grand nombre de ses habitans, étoit tent dans
obligé d'envoyer sa jeunesse ailleurs, pour y chercher des habitations & y fon- la Grèce.
der des Colonies. Delà les grands établissemens des Gaulois dans les deux An du M.
extrémitez de l'Italie &dans la Galatie; delà la terreur de« leur nom qui faisoit 372 ç.avant
acheter leur amitié & leur alliance par les Princes mêmes qui en étoient JG.27?.
éloignez & n'en étoient pas menacez. Polyb. /. l. -
Dans le tems que Pyrrhus étoit en Italie, & au commencement de la 1. 24. Pau
seconde année de son arrivée dans le pays deTarente, un grand corps de guer-.san. in 0

riers sortit des Gaules & se partagea en trois bandes. La première marcha Ph0cicir
($c.
vers la Thrace & le pays des Triballiens sous la conduite de Cerethrius; la
seconde prit le chemin de laPannonie, sous le commandement deBrennus&
d'Acichorius; la troisiéme enfin vint dans la Macédoine sous la conduite de Bel-
gius. Ptolémée la foudre qui y régnoit alors,ne s'effraya ni de leur multitude,
ni de leur valeur; il vint à leur rencontre avec une armée peu nombreuse &
mal disciplinée. Les Daïdan-iens lui offrirent un secours de vingt n:ille hom-
mes. Il méprisa leurs offres, disant qu'il seroit honteux aux Macédoniens qui
avoient dompté l'Orient, de recourir au secours desDardaniens, ce qui ayant
été rapporté au Roy de cette nation, il prédit que le Royaume de Macédoine
seroit bientost renversé par la présomption de ce jeune hqpme.
En effet les Gaulois conduits par Belgius, lui offrirent premièrement la Il
paix, s'il vouloit leur donner une somme d'argent; Ptolémée s'en moqua & Ptolémée
foudre
crut qu'ils ne lui offroient la paix, que parcequ'ils craignoient d'en venir aux la
Roy de
mains. Il leur fit dire qu'il vouloit bien leur accorder la paix, sous deux con- Macédoine
ditions: la première, qu'ils lui donneroient leurs Princes pour otages, & la est vainca
sécondé, qu'ils lui remettroient leurs armes; qu'il ne pouvoit prendre con- 8c mis à
fiance en leurs promesses, à moins qu'ils ne quittassent les armes. Les Gau- mort par
les Gau-
lois quelques jours aprés livrérent la bataille. Ptolémée fut blessé de plusieurs lois.
coups, fait prisonnier, & sa têtenÛsèau haut d'une lance, &exposée à toute
l'armée. Les Macédoniens furent tuez ou faits prisonniers; il s'en sauvapeu
par la fuite. Tout le pays tombe dans la consternation ; on ferme les portes des
villes; Meleager frere de Ptolémée prend la conduite du Royaum'e; mais les
Macédoniens s'en dégoûtent bientost; ils le chassent au bout de deux mois, &
mettent en sa place Antipater fils de Philippe frere de Cassander.
m. Brennus autre Chef d'une armée de Gaulois, aïant appris les heureux
Quelques succés de Belgius,&jaloux de sa bonne fortune, qui l'avoit rendu maître si
Gaulois en
de tems des richesses de tout l'Orient accumulées dans la Macédoine,
s'empa- peu ramasse cinquante mille hommes de.pied, & quinze mille Chevaux, &
rent (Je la pr<.nd lecentchemin de la Macédoine ; mais l'armée Gauloise étant arrivée àDar-
Thrace.
ffuflin. d Jiium ville d'Illyrie.les soldats éxcitérent une sédition,& vingt mille d'entr'eux
J. 24. c. 6. aïant à leur tête Leonore & deux de leurs Roys, se séparérent de Brennus,
&
Liv. /. 8. se jettérent danslaThrace, où ils commirent de grands désordres, saisant la
guet re aux uns, vendant la paix aux autres. Ils parvinrent jusqu'à Bizance, se
rendirent maîtres des villes de cette contrée, & exigérent des tributs de toute
la Propontide. Ils s'emparèrent de Lyfimaquie & de toute laChersonése, &
résolurent de passer en Afie, dont ils n'étoient séparez que par un petit bras de
mer.
IV. Ils envoyérent donc à Antipater, qui commandoit sur les côtes d'Asie,
Passagedes pour lui demander passage ; mais la division s'étant mise parmi eux, Leonore
Gaulois retourna à Bizance avec la plus grande partie de l'armée, & Lutarius
«lansPAfie. avec le
reste demeura sur les bords de l'I-Iellespont,résolu de passer le détroit. Anti-
pater lui envoïa quelques Macédoniens,en apparence pour lui faire des propo-
sissons de paix, & en effet pourobserver l'état & le nombre de ses troupes;
mais Lutarius lui enleva deux Vaisseaux couverts & deux Vaisseaux de trans-
port, par le moyen desquels il fit pafser en peu de jours ses troupes en Asie;
.les Vaisseaux ne faisant que passer & repasser jour & nuit.
Nicomédes Roy de Bithynie fit son accommodement avec ceux de Bi-
zance, & il fut arrêté qu'ils demeureroient en toute seûreté en Asie sous ces
conditions; qu'ils seroient à perpétuité amis & alliez deNicoméde; qu'ils ne
feroient la guerre à personne sans son agréement,& qu'ils donneroient secours
à qui Nicomédes ledemanderoit par ses Ambassadeurs; qu'ils seroient amis de
ses amis, & ennemis de ses ennemis; qu'ils prendroient le parti desBizantins
dans l'occasion ; enfin qu'ils vivroient en bonne societé avec les villes de Tie,
d'Héraclée, de Calcédoine, & quelques autres qui avoient des peuples sous leur
jurisdiction.
V. Brennus aïanfc fait irruption dans la Macédoine, fit le dégât & dans les
Sosthénes champs & dans les bourgadesde ce pays. Softhénes Macédonien, qui n'étoit
reprime point de.Ia
les Gaulois race des Roys, mais qui d'une naissance peu relevée étoit parvenu à
qui syé- avoir quelque dignité dans les troupes, ramasse promtement une troupe de
toient em- gens de bonne volonté, & réprime par sa valeur les Gaulois de Belgius, ce
paré de la qui lui fit déférer la Royauté par les Compatriotes. 11 se contenta du titre de
Macédoi- Chef des Macédoniens, &
en cette qualité reçut le serment des troupes. Il
ne. étoit à leur tête, lorsque Brennus se présenta dans le pays. Sosthéiies lui
livra la bataille & la perdit, n'aïant pas assez de monde pour résister à la mul-
titude des Gaulois, ainsi il fut contraint avec les liens de lè renfermer dans
les villes fortes, & d'abbandonner la campagne à la fureur & à l'avidité de
Brennus.
VI. Après avoir pillé & saccagé la Macédoine, Brennus & Acichoriu*; avec
Brennus va leurs Àutariens, leurs Celtes, leurs Cimbres
ou leurs lllyrieus, (car on leur
donne
donne tous ces 0001S, )passerent de la Macédoine dans la Gréce à la tête d'un pour piller
million cinq cens vingt mille hommes de pied, & de vingt mille quatre cens le Temple
de Del-
Chevaux; chaque Cavalier aïant deux serviteurs aussi à Cheval, pour aider leur phes.
maître dans le combat, & pour leur succéder au cas de mort. Ils marchérent pausan. in
droit au temple de Delphes, où ils savoient qu'il y avoit des richesses immenses, PhfJcic. &
dont les Dieux n'aïant nulbesoin, & ne faisant aucun usage, ne devoient pas jiin. Attic. ffu- ç;
/. 24.
être jaloux, disoient-ils, que les hommes en profitaient. Or le temple de
6.7. 8.
(
Delphes est situé sur le mont Parnasse au dessus d'un rocher escarpé de tout c.Appian.
côté, sur lequel on a bâti une ville, qui n'a. point d'autre mur que les préci- lllyric.
pices qui l'environnent. Le milieu du rocher est naturellement taillé en Am- Diodor.
phithéatre, & forme un echo qui fait raisonner & multiplier les voix & les Eclog. Secl. 13.
1.2.2,
ions. A peu prés au milieu de la hauteur de la montagne & dans un recoin
du rocher se voit l'antre sacré, d'où fort un aïr froid, qui cause les transports
& les Enthousiasmes de laPrêtre{[e & des Prêtres d'Apollon, qui rendent les
Oracles de cette Divinité. C'est-là où étoÍeQt ces richesses immenses que la
libéralité des Roys, des villes & des particuliers y avoient accumulées dépuis
tant de siécles.
Brennus étant arrivé à la veuë de ce temple, délibéra s'il monteroit in- VIL
continent pour le piller, ou s'il laisseroit à ses troupes fatiguées le loisir de Ceux de
se reposer pendant la nuit. Emanus & Thessalorus, qui s'étoient joints à Delphes
font venir
Brennus, & qui lui lervoient de guides dans l'espérance de partager, le gain du secours
avec lui, étoient d'avis de monter surle champ à l'assaut, sans donner à ceux de contre les
Delphes le tems de se reconnoltre & d'appeller du secours; mais la plupart Gaulois.
des soldats Gauloisattirez par l'abondance du vin, & d'autres provisions dont
les villages & les bourgades étoient remplies, avoient quitté le gros de l'armée,
& s'étoient répandus dans les campagnes, & s'amusoient à piller & à se rem-
plir de vin & de viandes.. Pendant ce tems ceux de Delphes firent venir du
secours du voisinage,& ramassérent environ quatre mille hommes. C'étoit
peu pour résiste"r à soixante cinq mille hommes que commandoit Brennus.
Ce Général animoit les siens par la veuë des richesses du temple, de ces statuës
d'or massif, portées sur des chariots de même métal. Les Gaulois remplis de
l'espérance d'un si riche butin, montèrent à l'assaut sans considérer le péril.
Ceux de Delphes avec le secours de leurs alliez les repoussént, &par les Vlll.
Prêtres
armes & par des quartiers des rochers qu'ils, roulent contre eux. En même Les deDelphes
tems les Prêtres & les Devins avec leurs ornemens viennent se présenter à la feignent
tête des leurs, les cheveux épars, & commencent crier
à qu'Apollon, Diane qu'Apol-
& Minerve sont sortis de leurs Temples, & font venus en armes à leur secours; lon & Dia-
qu'ils les ont veus & ont ouï le bruit de leurs armes, que cesDivinitez sont à ne sont ve-
à leur
leurs têtes, qu'ils n'ont qu'à combattre seûrs de la victoire sous leurs auspices. nus
secours.
Pendant qu'on combat depart & d'autre avec une ardeur égale, tout d'un Défaite des
coup on sentit un grand tremblement de terre, qui détacha un quartier du Gaulois.
rocher & de la montagne & le renversa sur les Gaulois. Une grande partie
de leur armée en fut écrasée & froissée; les autres périrent de leurs blessùres
& du froid causé par une tempête qui survint en même tems. Brennus lui-
même ne pouvant résuta à la douleur de ses blessures, se perça d'un poignard.
L'autre Chef des Gaulois se retira en diligence avec environ dix mille hommet
qui luirestoient,&voulut sortir dela Grece; mais le froid, la faim, la fatigue
les veilles continuelles, (car personne ne voulut les loger, & la saison étoit trés-
avancée,)les gens de la campagne qui les attendoient sur le chemin, & nefài-
soient quartier a aucuns, achevérent de consumer ces malheureux fuïards, de
sorte qu'il n'en resta que trés-peu de cette grosse troupe.
IX. Quelques Gaulois Illyriens Autaires regagnèrent leur pays; mais la
Les Gau- geance de Dieu les y poursuivit; car encore qu'Apollon, Diane & Minerve
ven-
lois d'illy- susTent rien moins que de vrais Dieux; cependant le crime de
rie chassez ne ces soldats
de leur Gaulois n'en est pas moins grand, puis qu'ils étoient persuadés qu'en violant
pays par le Temple d'Apollon, ils outrageaient des Divinitez aux quelles ils croïoient.
des Greno- Appien raconte qu'arrivez dans leurs terres, ils furent infefl:ez
mUes. par une multi-
tude de grenouilles, qui venant à mourir, infedérent toutes leurs eaux, &
Appian.
suite corrompirent l'aïr & causérent en-
lllyric. la peste dans leur pays. Ce qui les ob-
t>7 58- ligea à l'abbandonner,portant avec eux la peste, qui les faisoit éviter par tous
les autres peuples. Aprés vingt-trois jours de marche, ils arrivèrent dans
une
terre inhabitée&marécageule prés le pays des Basternes, où ils bâtirent quel-
ques villes.
Les Celtes ne furent pas plus heureux. Aïant regagné leur pays, ils
furent obligez d'en sortir par des tremblemensde terre, qui renversérentleurs
villes; ils suivirent les Gaulois Illyriens, dont nous avons parlé, & les vain-
quirent alternent ; mais ils gagnèrent la peste en touchant ce qui leur avoit
appartenu, & quittérent de nouveau ce mauvais pays, pour se retirer aupio-
montoire de Pyréne. Tout cela paroit fort fabuleux, & nous ne le rapportons
que sur la foy d'Appien.
X. Une autre partie de ceux qui avoient accompagné Brennus dans son
Gaulois pédition contre Delphes, revint avec Comontorius leur Ches aux environsex- de
établis à Bizance & y fixa sa demeure; après
quoy aïant vaincu les Thraces, ils
Thylé.
Polyb. 4. 1.
lé,
établirent le siége de leur Royaume à Thy & jettérent les Bizantins dans de
Xl. trés-grands embarras.
Ptolémée PtoléméePhiladelphe Roy d'Egypte fils & SucceÍfeur de Ptolémée fils de
Philadel- Lagus, se distingua autant par son amour pour les lettres, les livres &
phe établit pour
pour les Savans, que son Pere avoit fait dans les armes. Il bâtit une Biblio-
une Bibli.
othéquc à thèque dans le quartier d'Alexandrie nommé Bruchium, & chargea Deme-
Alexan- trius dePhalére de lui chercher des livres de tous côtez. Ce fut lui, dit-on,
drie. qui inspira à Philadelphe de faire traduire d'Hebreux en Gréc les Loys des
An du M. Juifs. Il y emploïa, si l'on en croit Aristée, septante deux Doreurs Hébreux,
7 2.7. avant qui les traduisirent
J.C. 27J. avec une fidélité & une exaditude extraordinaires. C'est
Vitruv. ce qu'on appelle aujourd'huy la version des septante. On a revétu cette histoire
1.7. prafat. de circonstances si peu vraisemblables, que plusieurs Savans la regardent
comme fabuleuse; & quoyque l'on ne puisse douter que cette version n'ait
été faite vers le tems de Philadelphe, il est très-incertain qu'on y ait employé
soixante & douze interprètes, nique ces interprètes, supposé meme la vérité
du récit d'Aristée, aient traduit toute la Bible. Nous n'entrons pas icy dans ces
discussions de Critique. On peut voir ceux qui les ont traittées exprés.
Phila-
Philadelphe pour rendre sa Bibliothéque la plus complette, la plus nom- Xlh
breuse & la plus excellente qu'il étoit possible, institua des jeux en l'honneur Aristopha-
des Muses & d'Apollon, & proposa des honneurs & des prix à tous ceux qui y ne Genseur
rigide des
auroient excellé dans quelque sorte de Litterature. Le Roy aïant publié sesjeux, Poësies
& une infinité deSavans s'étant rendus à Alexandrie, pour y faire montre de pré rentées
leur savoir, on choisitsix juges pour examiner le merite de leurs ouvrages. auRoy
Il en falloit un septiéme, & on indiqua au Roy un nommé Aristophane, qui Ptolémée
avoit lû exactement la plupart des livres de la Bibliothèque. Les Poëtes com- Philadelr
mencèrent les jeux, & le peuple parses applaudissemens donna le prix à celui phe.
qui lui avoit plû davantage. Les six premiers Juges enuserént de même, mais /
Aristophane ajugea le prix à celui qui avoit eu le moins d'approbateurs, &
montra que tous les autres étoient des plagiaires, qui avoient pillé des anciens
Poëtes tout ce qu'ils avoient dit de meilleur; au lieu que celui qui avoit eu
peu d'approbateurs, étoit vraïement original. Ce jugement mérita à Aristo-
phane la charge d'Intendantde la Bibliothèque du Roy.
Quelque tems aprés, Zoïle, qui avoit passé sa vie à critiquer Homère & XIII.
à écrire contre ce Prince des Poëtes, étant venu à Alexandrie, dans l'espé- Zoïle célé-
rance de tirer quelque récompense de son travail, Ptolémée le fit long temps bre Criti-
attendre, & enfin lui fit dire qu'il avoit mauvaise grace d'attaquer un homme, mère que d'Ho-
arri
qui n'étoit plus en état de s'expliquer & de se défendre, & qu'il étoit encore ve à Ale--
plus inexcusable de demander quelque chose au Roy, puisqu'Homère dépuis xandrie.
mille ans qu'il étoit mort, avoit nourri tant de milliers de personnes, & que
lui qui faisoit profession d'en savoir plus qu'Homère, n'avoitpas dequoi vivre.
On assure que Zoïle finit misérablement sa vie. Quelqu'uns disent que Ptolé-
mée le fit mettre en croix, d'autres qu'il fut lapidé, & d'autres qu'il fut brûlé
vif à Smyrne, qui regardoit Homère comme son Compatriote.
Antigone Gonatas aïant été vaincu par Ptoléni-qWhiladelphe dans un XIV.
grand combat naval, fit sa paix avec lui & avec Antiochus Soter,& vint Défaite des
en
IVlacédoine, où son Pere Demetrius avoit regne quelque tems. Il avoit sur Gaulois en
y Macédoi-
les, frontières de ce Royaume un gros détachement de l'armée deBrennus,
Général que ne.
ce y avoit laissé pour en défendre les limites, lorsqu'il partit pour An du M.
son expédition contre le Temple de Delphes. Ces Gaulois, pour ne pas ?728. avant
demeurer oisifs, avoient armé quinze mille hommes de pied, & trois mille J. C, 272.
Cavaliers, qu'ils envoïérent contre les Gétes & les Triballiens. Aprés avoir gufiin.
mis les troupes de ces nations en deroute* ils marchèrent contre la Macé- 1. 2s. c. 8.
doine, & envoïérent des Ambassadeurs a Antigone, pour lui offrir la paix mo-
ïennant une certaine somme d'argent, & en même tems chargérent leurs Dé-
putez d observer son camp & l'état de ses troupes. Antigone les régala magni-
fiquement, & ces étrangers étonnez de voir tant de richesses & grand
nombre de vases d 'or & d'argent, sentoient leur cupidité s'allumer ce s'en
pour
mettre en possession. Le Roy crut les effrayer en leur montrant desEléphans,
animaux inconnus dans les Gaules, & en leur faisant voir sa flotte chargée de
soldats. Il ne voïoit pas que tous ces objets ne faisoient irriter leur ava-
qu
rice en sorte qu ils sortirent d auprès de lui beaucoup plus animez & plus àr-
dens, qu'ils n'étoient en arrivant.
Lors.
Lorsqu'ils furent de retour dans leur camp, ce fut d'exagérer les ri-
che sse s du Roy, sa négligence, son camp plein d'or & d'argent, mais sans
fossez & sans défense, comme si leur or leur devoit servir d'armes & de bar-
rières. A cela ils ajoûtoient l'exemple de Belgius, qui peu de tems aupara-
vant avoit taillé en piéces l'armée Macédonienne & tué le RoyPtolénlée. Sur
cela ils prennent unanimement la résolution d'attaquer la nuit suivante le
camp d'Antigone.
xv. Ce Prince prévoïant ce qui devoit arriver, àvoit donné le jour précédent
Stratagème ses ordres à ses soldats, qu'ils eussent à transporter tout ce qu'ils avoient, dans
du Roy de la forêt voisine, d'abbandonner le
Macédoine camp & de demeurer en repos cachez dans
le bois. Les Gaulois arrivez au camp,& le trouvant non seulement sans défen-
contre les
Gaulois. seurs, mais même sans garde, soupçonnérent qu'il y avoit de la surprise; ils
firent d'abord difficulté d'entrer; ensuite ils entrérent & prirent ce qu'ils jugè-
rent à propos. Delà ilb allérent droit au port pour piller les Vaisseaux. Ils
y trouvérent beaucoup de soldats, qui s'y étoient réfugiez avec leurs femmes
& leurs enfans, qui tombèrent sur les Gaulois, & en tuèrent un si grand nombre,
que dépuis ce tems Antigone fut en paix non seulement dela part des Gaulois,
qui n'oserent plus l'attaquer; mais même des Princes voisins qui rédoutérent
sa puissance.
XVI. Les Gaules étoient alors si fécondes en hommes, qu'ils remplissoient toute
Gaulois FAne, comme autant d'essains, & que les Roys d'Orient n'entreprenoient
dans pres- aucune guerre, qu'ils n'eurent dans leurs armées des soldats Gaulois, & tous-
que toutes ceux qui étoient cliassez de leur Royaume, n'avoient point de ressource plus
les Provin-
afsurée que d'appeller les mêmes Gaulois à leur secours. La terreur du 00111
ces d'O-
rient. de ces peuples, & leur bonheur dans la guerre étoient tels, que les Princes
ffuflin.
ne croïoient pas pouvoir ni conserver leur Majesté, ni la récupérer sans la
1. 2î. c. 2. valeur des armes de £es étrangers. Nicomédes Roy de Bithynie étant en guerre
Memnon
Excerpt. avec Zypée ouZipéte, qui étoit maître,remporta la victoire, & demeura
apud Phot. maître de toute la Bithynie; & les Gaulois qui l'avoient servi dans cette guer-
C. 20. re, aprés avoir ravagé tout le pays des environs, s'emparèrent d'une partie
Liv. 1. 38. des terres de Nicomédes, & y établirent un Etat qu'on nomma Gallo-Gréce.
D'autres de ces Gaulois qui n'étoient pas en tout plus de vingt mille hom-
mes, dont il n'y avoit qu'environ'dix mille en armes, jettérent une telle épou-
vante dans tous les pays qui étoient au deça du mont Taurus, qu'ils se ren-
dirent tributaire une grande partie de l'Asie. Les Toliitoboyens comman-
doient à l'Eolide & àl'Jonie. Les Troëmiens tiroient des tributs des bords
de l'Hellefoont, & les Teélosages, du centre de l'Asie mineure.
XV1L Le Roy Pyrrhus dont on a décrit ailleurs les expéditions en Italie & en
Pyrrhus re- Sicile, aprés avoir été vaincu dans un combat naval par les Carthaginois, en-
tourne d'I- voïa demander du secours au Roy de Macédoine, lui faisant entendre que
talie en s'il le lui refusoit, il chercheroit du côté de la Macédoine à s'aggrandir ne
Epire. réponse ,
An du M. l'ayant pu faire du côté de l'Italie. Antigone lui fit que dans la situa-
37*0.avant tion où étoient ses affaires, environné qu'il étoit de Gaulois, il ne pouvoit
J. G. 270. lui accorder ce qu'il demandoit. Pyrrhus dissimula le chagrin qu'il avoit de
Plutarch. refus, feignit qu'incelTamment il devoit recevoir de grands renforts de
in Pyrrbe, ce
Mace-
Macédoine, repasse de la Sicile à Tarente, exhorte les Tarentins & ses autres Paufan. im
alliez à pousser vigoureusement la guerre contre les Romains, met dans Ta- Atticis.
rente. son fils Hélénus & son ami l\'lilon,& s'embarque pour retourner enEpî- P. I 1. 12.
re, aïant avec lui huit mille hommes de pied & cinq cens Chevaux.
A peine est-il arrivé, qu'il marche contre la Macédoine, aïant joint à sa xvnr.
.

petite armée quelques Gaulois qu'il prit à sa solde. Il fit de grands ravages Viétoire de
dans ce pays, y prit quelques villes, & deux mille soldats Macédoniens étant PyrrhusAn-
contre
passez sous ses enseignes, il ne craignit point de livrer la bataille à Antigone. tigone Roy
Il mit en déroute toute l'armée de ce Prince. Les Gaulois qui composoient de Macé-
l'arriére-garde de son armée, furent presque les seuls qui firent résistance; ceux doine.
qui conduisoient les Eléphans, se voïant enveloppez, se rendirent eux &
leurs animaux. L'Infanterie Macédonienne consternée & troublée passadans
le parti de Pvrrhus, qui en connoissoit tous les Chefs & les invitoit, les appel-
lantpar leurs noms, de se ranger de son côté.
Le Roy Antigone accompagné de quelque Cavalerie,se sauva du côtéde X1Xo
la mer & arriva à Thessalonique,dans l'espérance de recommencer la guerre, Nouvelle
défaite
avec le secours des Gaulois qu'il vouloit prendre à son service? maisPtolémée d'Antigo-
fils de Pyrrhus le défit de nouveau si absolument, qu'il ne lui resta que sept Ca- ne Roy de
valiers, avec lesquels il se sauva comme il put, sans toutefois quitter l'habit de Macédoi-
pourpre, qui étoit la- couleur que portoient les Roys; ce qui fit dire à Pyr- ne.
rhus, qu'il fallait qu'il fût bien hardi &. bien impudent de conserver les orne-
mens Royaux, dans un dépouillement si total de cette dignité; que le man-
teau de Philosophe lui convenoit beaucoup mieux que la pourpre.
Pyrrhus par cette victoire se trouva maître de toute la haute Macédoine XX.
& de la Thessalie; il consacra les plus belles dépouillés qu'il avoit prises sur Pyrrhus
les Gaulois, dans le Temple de PallasItonienne, qui étoit situé entre Phére & maîtredemeure
de
Larisse, & les boucliers qu'il avoit pris sur les Macédoniens, furent envoïez la Macé-
& suspendus dans le Temple de Dodone. Il entra dans la ville d'Egée, qui doine &
étoit la demeure des Roys de Macédoine, où ils avoient leurs tombeaux. delaTkef-
Il la pilla & y laissa une garnison de Gaulois; mais ces soldats sans confidé- falie.
rer la Majelté, ni le respe&dû à ces tombeaux, les renversérent & pillérent
les richesses qui y étoient renfermées, à la manière des anciens; puis en ré-
pandirent & dissipérent les os avec insulte. On imputa ces profanations à
Pyrrhus, & il est vrai qu'il n'osa en punir les Auteurs, parcequ'il avoit be-
soin d'eux dans les guerres qu'il méditait; il ne se contentait pas de la con-
quête de la Macédoine, il songeoit à acquérir l'Empire de la Gréce & de l'Asie;
car ce Prince inconstant & ambitieux fut pendant toute sa vie le jouët de ses
projets immenses.
Comme il étoit occupé de ces grandes idées, Cléonyme qui étoit de XXI
la race Royale de Sparte, mais quelesLacédémoniens ne pouvoient souffrir, à Pyrrhus
cause de son humeur violente & de ses maniéres impérieuses, vint lui deman- patte dans
le Pélopo-
der son secours contre le peuple de Lacédémone,& contre Arée qui seul à son nése & va
la
préjudice possédoit Couronne deSparte. Pyrrhus nese fit pas beaucoup au secours
prier, se flattant qu'il pourroit se rendre maître de tout lePéloponése, àl'oc- de Cleo-
casson de la guerre contre Lacédémone. il partit donc avec vinsrt-cina mille nyme Roy
de Sparte.
du M. hommes de pied, deux
mille Chevaux, & vingt-quatre Eléphans. Il parois.
IU1
;u 2 avant soit assez qu'il avoit d'autres veuës que de rétablir Cléonyme sur le Trône,
J. C. 268. Aussi fit-ilréponse aux Ambassadeurs Lacédémoniens, qui le vinrent trouver
Plutar ch. à Mégalopolis, qu'il venoit pour rétablir en liberté les places qu'Antigone
in:Pyrrho. tenoit sous sois obéïiïance, & qu'il étoit si peu ennemi des Lacédémoniens,
Paufan. in
/Lttïcis qu'il auroit envie d'envoyer les plus jeunes de ses fils à Sparte, pour y être
f. 12. élevez dans les maximes & selon les Loys de Lycurgue, que par cette édu-
cation ils deviendroient les premiers Monarques du monde. C'est ainsi qu'il
amusoit les Spartiates avant qu'il fut arrivé dans leur pays.
XXII. Arée contre qui il avoit principalement entrepris cette guerre, étoit
Pyrrhus alors absent, & étoit allé en Crète, pour secourir ceux de Gortine. Dez-que
arrive de- Pyrrhus fut arrivé sur les terres de Lacédémone, il commença ses hostilitez;
vant Lacé- les Ambassadeurs qui l'accompagnoient, s'en plaignirent, disant qu'il faisoit la
démono.
guerre sans l'avoir déclarée. 11 répondit; vous autres, avez-vous accoutumé
de dire aux autres ce que vous avez envie de faire? Un d'entr'eux nommé
Mandracidas lui dit: Si vous êtes un Dieu, nous n'avons rien à craindre,
n'ayant rien fait qui puisse vous offenser. Si vous n'êtes qu'un simple hom-
me, il pourra s'en trouver de plus vaillans que vous. La ville de Lacédémo-
ne n'étoit pas encore entièrement fermée; elleLa étoit alors sans Chef & sans
soldats, le Roy & ses troupes étant en Créte. présence de Pyrrhus & de
son armée y jetta l'épouvante. Cléonyme étoit d'avis qu'on l'attaquât en ar-
rivant & qu'on la prit d'emblée. Pyrrhus craignit que ses gens ne la pillas-
sent, & dit, qu'il seroit mieux de remettre la chose au lendemain. On s'at-
tendoitsi fort à le voir entrer dans la ville, que les amis & les esclaves de
Cléonyme avoient préparé toutes choses dans sa maison pour le recevoir. Pyr-
rhus campa donc devant Lacédémone.
XX Ill. Au commencement de la nuit les Senateurs délibérérent sur ce qu'il y
Résolution avoit à faire dans une circonstance si délicate. Ils étoient d'avis d'envoyer
fies fem- toutes les femmes en Crète, & que les hommes défendroient la ville comme
mes de Las
cédémone ils pourroient, ou du moins feroient leurs conditions les meilleures qu'il serait
de résister possible; mais les femmes informées de cette résolution, s'y opposérent. Ar-
à Pyrrhus* chidamie vint au Senat l'épée à la main, fit aux hommes des reproches de
leur peu de courage, & leur dit, s'ils croyoient qu'elles pourroient se résoudre
à vivre aprés la perte de leur patrie. En même tems elles se chargérent avec
les vieillards de creuser un fossé autour de la ville , & de saire une barricade
les roues en terre jusqu'au moyeu,
avec des chariots, dont on enfonceroit
afifrd'empêcher l'approche des Eléphans. Le fossé fut fait en une nuit, large
de six coudées ou de neuf pieds, profond de quatre coudées ou de six pieds,
& long de huit arpens. Pendant que les femmes travailloient à cet ouvrage,
les hommes qui devoient combattre, prenoient du repos. Le matin elles livrè-
& à ne pas crain-
rent le fossé aux hommes, les exhortèrent à se bien défendre glorieux de mou-
dre de donner leur vie pour garantir leur patrie 5 qu il étoit
rir pour une si bonne cause entre les mains de leurs meres & de leurs fem-
nice. Chelidonis femme de
Cléonyme, dont les débauches étoient connues
de
fie toute la ville, s'étoit retirée, & avoit tait.proviiïon d'une corde pour s'é-
trangler, plutost que de reprendre son mari.
Pyrrhus fut surpris de voir le lendemain un si grand travail, & de trou- XXIV.
ver les Lacédémoniens en armes pour lui disputer l'entrée de la ville. Ptolé- Belle rést-
mée fils de Pyrrhus avec une troupe de Gaulois & d'autres soldats d'élite, Hance des
Lacédémo-
s'attacha à arracher les roues & à tirer les chariots dans la riviére; mais il fut niens.
attaqué par Acrotatus, accompagné de trois cens Spartiates, qui tombèrent
sur lui avant qu'ils enfu{[ent apperçus. Ils culbutèrent les Macédoniens dans
le sofle, & les taillèrent en pièces. Pyrrhus de son côté attaqua la ville avec
beaucoup de courage ; les Lacédémoniens lui résîstérent avec une valeur égale.
La nuit les obligea de part & d'autre de se retirer.
Pendant la nuit Pyrrhus eut un songe, dans lequel il lui sembloit qu'il XXV.
srappoit de foudres la ville de Lacédémone, laquelle en étoit réduite en flam- Vive atta-
de La-
mes, & qu'il en étoit dans des transports de joye. Il ordonna sur le champ que cédémone
à ses Chefs qu'on tint les troupes prêtes à marcher dez-le matin. Lysimaque Pyr-
voulut l'en dissuader, disant les lieux frappez de foudre étoient sacrez par
& rhus. Il est
que
inaccessibles, & que par ce songe Dieu vouloit lui marquer qu'il ne prendroit obligé de
pas Lacédémone. Il ne tint compte de cette explication, & dez-le matin il se retirer.
tait de nouveau donner l'assaut à la place. Les Lacédémoniens font des pro-
diges de valeur. Les femmes donnoient des dards & des traits aux hommes,
& leur apportoient à boire & à manger, afin qu'ils ne fussent pas obligez de
quitter le combat. Pyrrhus se fit jour, & entra dans la ville, accompagné de
quelqu'uns de ses amis. Ceux qui étoientaux environs jettérent un grand cri,
les femmes courent de tous côtez & remplissent l'aïr de leurs clameurs. Dans.
ce moment un soldat perce le Cheval de Pyrrhus d'une flèche de Créte. Le
Cheval se cabre & renverse Pyrrhus sur une éminence glissante ; ses amis accou-
rent & le couvrent de leurs armes. Les Spartiates les accablent à coups de
traits, Pyrrhus Conne la retraite , & chacun se retire.
Presqu'en même tems Ameinas, un des Généraux d'Antigone Roy de Ma- XXVI..
cédoine, arrive de Corinthe au secours de Lacédémone avec un renfort.de sol- Secours
dats étrangers, & Arée Roy de Lacédémone arrive de Créte avec deux mille heureuse-
hommes de bonnes troupes. Alors les femmes se reposérent sur les hommes vé ment arri-
à Lacé-
du soin de faire la guerre. Pyrrhus encore plus animé par le secours qui ve- démone.
noit d'arriver à Sparte, les attaqua de nouveau, mais sans succés ; il fut ob-
ligé de se retirer, & resolut de faire le dégât dans le pays, & même d'y paffer
rhyver.
Cependant le Roy Antigone reprit les villes de Macédoine dont Pyrrhus
s'étoit rendu maître, & marcha contre lui dans -le Péloponése, dans l'inten- Pyrrhus XX VIl.
tion de le retenir dans ce pays, afin qu'il ne pût revenir en Macédoine. En marche
ce même tems il survint une espèce de sédition à Argos, contre Aristippe qui ville contre la
d'Ar-
y commandoit, & qu'on croyoit fort attaché à Antigone. On pria Pyrrhus
de venir au secours de la ville. Sans beaucoup délibérer il y vole. Arée Roy gos. raufan. in
de Lacédémone le fait suivre & lui dans ,
des défilez, ou il avoit mis dts Atticis
tuë
embuscades, beaucoup de ses soldats Gaulois &Molomens. Pyrrhus envoie f. 12.
au secours de ses gens son fils Ptolémée, qui est tué dans le combat par un
nommé Orœsus Cretois. Pyrrhus en fureur tombe sur les Lacédémonnies&
en fait un carnage horrible. Delà il marche contre Argos & apprend qu'An-
tigone est déjà campé sur les hauteurs qui dominent la campagne. Pyrrhus
l'envoïe défier au combat. Antigone répond que si Pyrrhus est las de vivre,
il y a bien des moïens de finir sa vie; cependant les Argiens inquiets de voir
à leurs portes deux puissans Roys avec leurs armées, les envoient prier de se
retirer. Antigone promet de le faire & engage sa parole. Pyrrhus promet la
même chose, mais ne donne aucune assurance de sa promesse. Sur le minuit
il s'approche de la ville, trouve une des portes ouverte, ses soldats Gaulois y
entrent sans que personne s'en apperçoive. On veut y fdire entrer les Elé-
phans, mais comme la porte est trop petite pour qu'on puisseles y introduire
avec leurs Tours; pendant qu'on ôte& qu'on remet les Tours sur ces animaux,
les Argiens s'éveillent, & courent s'emparer des endroits les plus forts de la ville.
En même tems ils envoient vers Antigone, & lui donnent avis de ce qui se
pasle.
jcxvin. Antigone s'avance vers la ville, demeure à une certaine distance pour
embarras être à portée de la secourir, & fait entrer dans la place son fils
de Pyrrhus avec une partie
enfermé de l'armée ; d'un autre côté le Roy Arée arrive avec mills Crétois & tout ce
dans AI" qu'il y avoit de meilleures troupes Lacédémoniennes. Tout cecy se passoit
,gos. durant la nuit. Pyrrhus étoit engagé & ne pouvoit donner aucun ordre, ny
se faire voir, au milieu de l'obscurité. On ne vit jamais une pareille confu-
fion ; on sé. battoit sans se connoître, & tous attendoient le jour avec beaucoup
d'inquiétude. Pyrrhus aïant veu dans la grande place d'Argos un Lion de
bronze, figuré en posture comme pour se battre contre un Taureau; il en fut
sur pris & comme abbatu, parcequ'on lui avoit prédit qu'il mourroit, quand
il verroit un Lion se battre avec un Taureau. Il auroit voulu se retirer; mais
il étoit trop avancé. Il envoïa dire à son fils Hélénus, qu'il avoit laissé avec
une partie de ses troupes hors de la ville, de faire abbattre un pan de murail-
les, & de se mettre en état de recevoir ceux qui sortiroient, si le cas arrivoit.
JtXIX. Le messager ne s'étant pas bien expliqué, Hélénus fit entrer dans la ville
Pyrrhus est les Eléphans, & mena avec soi ses meilleurs soldats, pour venir au secours
J)lessé par
femme de son Pere. Celui-ci retournait en arriére pour regagner la porte avec ses
une
qui lui jette gens. Ceux que son fils amenoit, n'entendoient point les ordres qu'on leur
une tuile donnoit de reculer. Dans une telle confusion un Eléphant tomba au milieu
sur la tète. de la porte, & en ferma l'ouverture également à ceux qui y vouloient entrer,
& à ceux qui en vouloient sortir. Un autre Eléphant qui recherchoit son
Condudeur, qui étoit tombé percé de coups, renversoit tout ce qui se trouvoit
devant lui, & enfin l'aïant retrouvé, il l'enleva avec sa trompe, &le tenant en-
tre ses deux dents, il retourna en arriére en sureur, foulant aux pieds & écra-
sant tout ce qu'il rencontroit. Pyrrhus dans cet embarras, ôta la Couronne
Royale qui étoit sur son Casque, & la donna à un de ses amis; puis poussant
son Cheval à travers les ennemis qui le suivoient, résolut de se faire un pas-
sage. 11 fut en même tems frappé d'un coup de lance à tavers la Cuirasse, par
un jeune Argien fils d'une pauvre femme de la ville. La plaie n'étoit ni grande
ni mortelle. Le Roy se tourna contre ce jeune homme pour le mettre à mort.
Sa
Sa mere qui considéroit cela du hait de son toit, voïant le danger où étoit
son fils, jetta sur la tête de Pyrrhus une tuile qu'elle prit à deux mains.
Le Roy reçut le coup sur son Casque & les vertèbres qui sont à la nuque XXX.
du
,
du Col, en aïant été froissées, il tomba évanoüi, les rênes lui coulèrent des MortPyr-
mains,& lui-même fut renversé dans la foule, sans connoissance. Le peuple Roy rhus.
quil'environnoif.ne le connoissoit point; mais un nommé Zopire qui étoit
dans l'armée d'Antigone, & quelques autres soldats l'aïant réconnu, le tirérent
dans un vestibule, comme il commençoit à revenir à lui. Zopire aïant tiré son
épée pour lui couper la tête, fut si effrayé de l'on regard ménaçant, & de son aïr
impérieux & majestueux, qu'il fut longtems pour lui couper-la gorge, le
frappant par devant & par dessous le menton. Alcyonée fils du Roy Antigone
étant survenu sur ces entrefaites, prit la tête de Pyrrhus,& la vint jetter aux pieds
du Roy son Pere, qui ne put retenir ses larmes, se souvenant des disgraces de
l'on ayeul Antigone &de son Pere Demetrius. Il chassa son fils de sa présen-
ce, enveloppa la tête de Pyrrhus du voile qu'il portoit, & rendit au corps de
ce Prince les honneurs d'une sépulture magnifique.
Alcyonéeinstruit par les larmes & par la conduite de son Pere, aïant en- XXX1.
suite rencontré le jeune Prince Hélénus fils de Pyrrhus dans l'afflidion, & cou- Antigone
Roy de
vert d'une mauvaise Casaque, le prit par la main,& l'amena à son Pere Antigone. Macédoine
Celui-ci dit à Alcyonée: Mon fils, cela est beaucoup mieux que la première use modé- -

fois; mais vous n'en avez pas assez fait; il falloit ôter à Hélénus ce mauvais remment
habit, qui ne nous fait point d'honneur, à nous qui sommes victorieux, & de sa vi-
lui en donner un qui convint à sa naissance. Il reçut Hélénus avec bonté, lui dons.
releva le courage, le revêtit proprement, & le renvoïa en Epireavec les os de
son Pere enfermez dans une urne d'or. Il traita de même avec beaucoup d'hu-
manité les amis de Pyrrhus, aprés avoir réduit en sa puissance son camp &
toute son armée.
Telle fut la fin de Pyrrhus Roy d'Epire qui par sa valeur & son intrépi- XXXII
dité rendit l'Epire illustre &-çélébre, d'obscure & de peu renommée qu'elle Garaétére dePyrrhus»
étoit auparavant. Il y eut peu de Capitaines de son siëcle.qui le surpasTassent
dans la science de l'art militaire. Il avoit l'air terrible dans la guerre; & les
Historiens remarquent que toutes ses dents d'en haut tenoient ensemble, & ne
formoient qu'une espèce d'os contenu distingué par de petites rayes; ce qui
marquoit sa force extraordinaire. On lui reproche un peu de légéreté & d'iii-
«
constance dans ses entreprises ; mais on ne peut lui refuser la gloire de l'acti-
vité, de l'intrépidité, de la valeur dans les combats.
Aprés la mort de Pyrrhus on vit de grands troubles & de grandes guerres, XXXIII
non seulement dans la Grèce, mais aussi dans la Macédoine & dans l'Asie. Troubles
Le Péloponése sut réduit presqu'entiérement sous la domination d'Antigone; qui suilavi-
rent
les autres villes de la Gréce se partagèrent; les unes se livrèrent à ce Prince; mort de
les autres se firent la guerre entr'elles. Pendant ces mouvemens le Royaume Pyrrhus,
d'Epire fut envahi par un nommé Aristotime qui fit mourir une partie des tfujiin.
principaux Seigneurs du pays,& en exila plusieurs ,
autres. Les Etolien.s lui 1.26. initie*
envoyérent des Ambassadeurs,pour le prier de permettre aux femmes des exilés
jde se rendre auprés dÇ leurs maris. 11 en fit d'abord difficulté ; puis il le leui
permit; mais lorsque ces Matrones avec leurs enfans furent arrivées à laporte
de la ville, emportant avec elles ce qu'elles avoient de plus prétieux, il les fit
arrêter, les dépouilla de ce qu'elles portaient, fit massacrer les enfans dans le
sein de leurs meres jetta les Matrones dans d'étroites prisons, & abbandonna
leurs filles à l'impudicité de ses troupes.
XXXIV. Un des Princes du pays, nommé Hellanicus, assemble dans sa maison les
Hellanicus Principaux de ses amis, & leur propose de se défaire du Tyran. Voyant qu'ils
fait périr hésitent, il ordonne à ses serviteurs de fermer les portes, & dit à ses
Aristotime choitir, amis de
Tyran ou de se joindre à lui pour faire périr Aristotime, ou d'être eux-mêmes
d'Epire. massacrez par les mains du Tyran, à qui il va envoïer dire de venir prendre
dans sa maison une troupe de gens qui ont conspiré de lui ôter la vie. Aces
mots ils prennent leur résolution, & vont égorger Aristotime, cinq mois après
qu'il s'étoit emparé de la Tyrannie.
xxxv. Pendant qu'Antigone étoit occupé à la guerre contre Ptolémée Roy
Défaite des d'Egypte & contre les Spartiates, tout d'un coup il lui survint un nouvel en-
Gaulois nemi de la part des Gaulois établis en Gréce, ou des Gallo-Grecs; Antigone
par Anti- aussitost laissè une partie de ses troupes dans Ion camp, & marche contre les
gone Roy
de Macé- Gaulois, qui lui paroissoient les plus dangereux de ses adversaires. Il les trouve
doine. qui se disposent au combat, & qui immolent des hosties, pour tirer de leurs
entrailles des présages du bon ou du mauvais succés de leur entreprise. Les
Sacrificateurs déclarent que les entrailles des vidimes ne leur promettent qu'une
défaite entière. Sur cela ils entrent en fureur, & tournant leur rage contre
leurs femmes & leurs enfans, ils en font un carnage effroyable, s'imaginant
parla appaiser les Dieux, ou éloigner l'effet de leurs menaces. Aprés cela
tout couverts de sang ils marchent à l'ennemi; & comme sila colère de Dieu
eût voulu expier par leur mort tant de sang innocent qu'ils yenoient de ré-
pandre, ils sont tous taillez en pièces.
xxxvi A la nouvelle de cette vidoire les troupes du Roy d'Egypte & celles des
Antigone Spartiates se retirèrent, & Antigone mena son armée victorieuse contre les
est dépo- Athéniens. Il étoit occupé à cette
uillé du guerre, lorsqu'il apprit qu'Alexandre Roy
Royaume
d'Epire, pour venger la mort du RoyPyrrhus son Pere, s'étoit jetté dans la Ma-
de Macé- cédoine, & y commettoit une infinité de ravages. Antigone y vient en dili-
doine. gence; mais abbandonné de ses soldats qui passérent dans l'armée d'Alexan-
Demetrius dre, il fut dépouïllé du Royaume de Alacédoine. Demetrius son fils qui
son fils lui pied une nouvelle armée, & rappelle les sol-
succéde & étoit encore fort jeune,"met sur
fait la con- dats de son Pere, qui étoient passez dans le parti d'Alexandre. Avec cesecours
quête du non seulement il se remet en possession de la Macédoine, mais aussi dépouïlle
Royaume Alexandre du Royaume d'Epire. Telle étoit alo"rs la légèreté &Finconstance
d'Epire. des troupes; elles passoienten un moment d'une armée dans une autre, & un
Prince se trouvoit dans un moment Roy de particulier, & particulier de Roy,
qu'il étoit auparavant.
XXXVII. Alexandre qui venoit de descendre du Trône d'Epire y remonta bientost
,
Alexandre par le secours des Acarnaniens & de ses autres alliez, qui en chassérent Deme-
fils de Pyr- trius. Enfin
un autre Demetrius Oncle de celui dont nous venons de parler,
rhus rentre & frere d'Antigone Roy de Macédoine, fut invité à venis épouser Bérénice fille
tl,,-o¡ le
d'Agas
d'Agas Roy de Cyréne mort dépuis peu, & à prendre en même tems pàsses- Royaume
sion de son Royaume. Bérénice avoit été promise contre l'inclination de sa d'Epire.
mere au fils de Ptolémée Roy d'Egypte. Pour rompre ce mariage, la mere
avoit offert sa fille & son Royaume à Demetrius. Ce Prince arriva heureu-
sement & promtement en Cyréne, & épousa la Princesse ; mais aïant conçu
de l'amour pour sa Belle-LVlere au mépris de son Epouse, & aïant traité les trou-
pes avec trop de haut-eur & d'empire, il aigrit les uns &les autres; & comme
il étoit couché avec sa Belle-Mere, on le massacra, la fille étant à la porte &
ordonnant qu'on perçât l'adultère, que la Mere couvroit de son corps pour
lui sauver la vie. Bérénice fut ensuite donnée pour femme au fils du Roy
Ptolémée, selon la premiére intention de son Pere.
Antiochus Soter Roy de Syrie étant mort l'an du Monde 3743. eut pour XXXVlll.
Successeur Antiochus le Dieu son fils. Il reçut le nom de Dieu ou de Divin, aprés Mort d'An*
tiochus So-
avoir délivré les Milesiens du Tyran Lymarque, qui opprimoit leur liberté. ter Roy de
Il fit la guerre à Nicoméde Roy de Bithynie, qui avoit procuré à une partie Syrie. An- -
des Gaulois qui étoient echappé à la déroute de Brennus, le passage dans- tiochus le
rAfle, & qui emploïa ensuité ces mêmes Gaulois contre son frere Zipœtes. Dieu lui
succéde.
Ayant par leur moïen recouvré tout le Royaume de Bithynie, dont Zipœtes An du M.
occupoit une partie, il envoïa les Gaulois sur les terres du Roy Antiochus. 3743. avant
Ce Prince marcha contr'eux, & voïant dans ses soldats trop peu de résolution, J.:C. 2 s7-
il leur dit qu'il avoit veu en songe Alexandre, qui lui disoit de donner pour Strabo 1.1?.
An
mot à ses Tribuns la santé, & d'inscrire la même chose sur les habits de ses p.du624. Monde
soldats, que par ce moïen il remporteroit aisément la viétoire. En effet la 3742.
Cavalerie Gauloise des ennemis fut mise en déroute, & Antiochus remporta Pausan.
une vidoire complette. Il usa modéremment de sa bonne fortune, faisant Phocic.
réflexion qu'il devoit sa viétoire à ses Eléphans. Ainsi il dissipa les Gaulois, qui
commençoient d'inonder toute l'Asie.
Magas frere de Ptolémée Philadelphe Roy d'Egypte, né de la même X-XXIX.
Antiochus
mere Bérénice, mais d'un autre Pere nommé Philippe Macédonien, homme Soter mé- ;

de basse condition, aïant épousé Apamé fille du Roy Antiochus Soter, per- nace l'E-
suada à son Beau-Pere de rompre l'alliance que son Pere Seleucus avoit faite gypte. Il
autrefois avecPtolémée I. Roy d'Egypte, & de se rendre maître de ce pays; cft obligé
Antiochus assemblades troupes pour l'exécution de ce dessein; mais Ptolémée de se reti-
rer.
lui donna tant d'occupations ailleurs, envoïa des troupes dans toutes lesPro- Paufan.
vinces qui obéïssoient à son adversire, qu'il lui ôta l'envie de faire irruption Auicis.
en Egypte.
Antiochus son second fils surnommé le Dieu continua la guerre que son XL.
Pere avoit commencée contre l'Egypte, & y emploïa toutes les forces deBa- Mariage
bilonne & de l'Orient. Le Roy d'Egypte voulant mettre fin à cette guerre, deBérénice
fille duRoy
lui donna pour femme Bérénice sa fille ; Antiochus l'épousa, quoique sa femme d'Egypte
Laodicée fût encore vivante, & qu'il en eut deux fils,Seleucus & Antiochus. avecAntio-
La Reine Bérénice fut amenée par le Roy Ptolémée son Pere jusqu'à Peluse, chus le
& la dot qu'il lui donna, sut si grande en or & en argent, que l'on donna à la de Dieu Roy
Syrie.
Princesse le surnom de Douaïriére, ou porte-dot. On dit que l'attention 1eronym.
du in Dan.
Xl.
Atbena. du Roy Ptolémée pour Bérénice, alla jusqu'à faire porter à sa fuite de l'eau
/. 2. C. 2. du Nil, afin qu'elle n'en bût point d'autre.
XL 1. Pendant que les Provinces d'Orient étoientdénuées de troupes, & que
Commen- les Roys de Syrie & d'Egypte étoient acharnez à se faire la guerre, les Grécs,
cement du qui avoient été laissez dans la Baétriane, & qui ne pouvoient souffrir la hau-
régne des
Arsacides teur des Macédoniens, se révoltèrent. Euthyméde se mit à leur tête; mais il
en Perse. n'osa prendre le Diadème. Son Successeur Diodote ou Theodote fut plus
An du M. hardi; il prit le Diadème &la qualité de Roy ; cependant Arsacés & Tyridates
?714.avant freres qui gouvernoient cette Province
J. C. 246. au nom du Roy Antiochus le Dieu, ne
Memno1'z. pouvant
tenir contre Diodote, se retirèrent auprés d'Agathocle Macédonien
Excerpt. qui étoit Satrape de la Perse. Ce Satrape aïant voulu faire insulte au corps
apud Phot. d'un de ces deux freres, ils le mirent à mort, & se rendirent maîtres de la
Geolg. Syn- Parthie, qui étoit une Province si
cell. ffujïin. les Macédoniens l'avoient peu considérable que les anciens Perses &
/. 41. c. 4. comme méprisée, & l'avoient comprise dans la
Voyez M. Province d'Hircanie. Arsacés régna donc dans ce pays pendant deux ans, &
L'Abbé de jetta les fondemens de la Monarchie des Perses, qui doit faire une si graode
Longue- figure dans l'H.ifl:oire des Siècles suivans. Arsacés fut tué après deux ans de
rué Annal. régne. Il avoit établi sa demeure dans la ville d'Hecatonpylos,
Arsacid. & ou la ville à cent
Arsacid. portes. Il donna son nom aux Arsacides ou aux Monarques de la Parthie, ou
Imperium des Parthes qui lui succédérent. Il eut pour Successeur Tyridates son frere,
de M. Vail- qui prit aussi le nom d'Arsacés.
lant. Cependant Ptolémée Philadelphe Roy d'Egypte, qui s'étoit follement
Mr. L'Abbé
de Lon- mis dans l'esprit qu'il vivroit toujours, & que lui seul avoit trouvé le secret
gueruë en de l'immortalité, (a) mourut enfin après quarante ans de regne. Son fils
met le Ptolémée surnommé Evergétes ou le bienfaisant, lui succéda. Il étoit né d'Ar-
commen- sinoë fille deLysimaque, & regna quinze ans. Antiochus le Dieu Roy de Sy-
cement en rie aïant appris la mort de son Beau-Pere, répudia Bérénice & rappella Lao-
l'an de la
Période dicée sa première femme avec ses enfans; celle-ci craignant que san mari ne
jul. 44!8. se dégoûtât d'elle, comme il avoit fait de Bérénice, & qu'il ne reprit celle-ci
sixansplu- à son préjudice, fit empoisonner Antiochus, & aïant fait mettre dans le lit
tost que ne de
lametUf- ce Prince un nommé Artemon, qui lui ressembloit parfaitement, permit
serius. à tout le monde de le visiter; ainsi elle eut le loilir de mettre sur le Trône
XLU. Seleucus son fils aîné. Antiochus le Dieu avoit laissé quatre enfans, savoir
Mort de Seleucus, surnommé Callinicus qui lui succéda, Antiochus surnommé Jemx,
Ptolémée l'eprevier, une fille nommée Stratonice quiépousa Ariarathe Roy de Ci p-
Philadel- ou
phe Roy padoce. Nous verrons encore cy-aprés une sœur d'Antiochus mariée à De-
d'Egypte. metrius Roy de Cyréne&deLybie,tous trois nez deLaodicée;& un troisiéme
ptolémée fils né de Bérénice.
ï vergéte
succé-
Seleucus à l'instigation de sa mere Laodicée envoya Icadion & Gennée
lui
de. An du Gouverneurs d'Antioche, pour ôter la vie à Bérénice sa rivale. Celle-cy in-
M. ?718- formée des ordres qu'on avoit donnez de la faire mourir, se retira promte-
avant J. C. ment au Faubourg deDaphné prés d'Antioche, où elle trouva du secours de
242. la part des habitans. Seleucus l'y assiégea, & les villes d'Asie touchées de la
00 disgrâce de
Philarch. cette Princesse, lui envoyèrent à l'envi des secours de soldats. Son
biji. I 22. frere Ptolémée Evergétes Roy d'Egypte, y accourut avec toutes ses forces;
mais
l'ensant de Bérénice , & aptld Athe*
mais avant l'arrivée de ces recours Laodice fit enlever ville. Berenice en fureur na 1.1 z.
:

le fit à mort par Gennée Gouverneur de la


mettre d c. 17.
de geronym.
monte sur un chariot & poursuit le meurtrier. Elle le manqua un coup
javelot qu'elle lui lança, & le tua d'un coup de pierre quelle lui jetta;
& in Daniel.
sans considérer le péril, elle passe à travers les troupes armees de
Seleucus, X1. tfujli*.
7.27. Valer.
& court jusqu'au logis de Gennée, où elle croyoit trouver le corps de son Maxim.
I. 9. c. 10.
Prince, lui.en substituérent un
Ceux qui avoient mis à mort ce jeune XLIV.
peuple,lui don-,Mortd'An-
autre qui lui ressembloit parfaitement; & l'ayant fait voir au
nérent des gardes comme au Roy. Ils donnèrent en même tems a Berenice tioc:hns le
Dieu Roy
garde de soldats Gaulois, & la logérent dans l'endroit du Palais le plus de Syrie.
une
fort, & lui jurèrent fidélité par les sermens les plus sacrez. Bérénice par le Seleucus
conseil de son Médecin, se laissa gagner par ces apparences,& fit la paix avec Gallinicas
les cens de Seleucus; mais elle ne fut pas plutost en leur puissance, qu'ils XLV.
luisuccéde.
régcrgérent. Les femmes qui la servoient, se mirent en détente,&pluiieurs Mort de
perdirent la vie en combattant. Trois d'entr'elles couvrirent promtement Bérénice &:
de terre le corps de la Reine, & aïant mis dans son lit une autre femme, per- du Prince
suadérent au peuple qu:)elle n'étoit pas morte de ses blessures, & qu il y avoit son i fils.
Fo{ry.tn.
lieu d'espérer qu'elle en guériroit. Stratag.
Cependant PtoiéméeEvergétes arriva d'Egypte avec son r
armée. Les vil-
i §.
1.
les de Syrie qui avoient pris le parti de Bérénice, craignant le ressentiment de xi,VI. '
Seleucus & de Laodice, équippérent une grande flotte & se donnèrent àPto- Ptolémée
lémée. Ce Prince entre en Syrie, fait mourir Laodice, & aïant. Evergétes
de Bérénice & de son fils, comme s'ils eurent été Roy d'E-
écrit des lettres au nom gypte fait
Provinces voisines, il sans combat, & sans
encore envie, à toutes les s empare
la Celé-
la Conquê-
trouver la moindre résistance, de toute la Syrie jusqu'à Babilonne, del'Empire te de la Sy-
Syrie, de la Cilicie; en un mot de presque toutes les Provinces de rie.
du M.
de Seleucus; il donna le Gouvernement de la Cilicie à son ami Antiochus, lin 37Ï*-
& celui des Provinces dedelà l'Euphrate, à Xantippe un de ses Généraux.
Il garda pour lui la Celé-Syrie, & enleva du Royaume de Seleucus des riclies-
ses infinies. On compte qu'il en tira quarante mille talens d'argent, des vases
prétieux & des Statues de prix, au nombre de deux mille cinq cens, entre les-
quels étoient les Statues que Cambyse avoit autrefois enlevées de l'Egypte,,
& les avoit transportées en Grèce. Les Egyptiens en réconnoissance de ce qu'il
leur avoit rendu leurs Dieux aprés tant d'années d'absence, lui donnèrent le
surnom d'Evergétes ou de bienfaisant.
Il fut rappellé en Egypte par une sédition de ses sujets. Sans ce contre- Ptolémée XLVII.
tems il auroit subjugué tous les Etats de Seleucus; tant ce Prince étoit devenu
Ptolertiee, Evergéte.
odieux par le parricide commis sur Berenice. Aprés le départ de retourne
Seleucus équippa une grande flotte, qui fut entièrement perduë par un naufrage; en Egypte.
& à peine put-il se sauver avec très-peu de ses gens. Ce malheur qui devoit Seleucus est rétabli
mettre le comble à ses disgraces,produifrt un effet tout contraire; car les peu- dans tes
ples qui s'étoient rangez du parti de Ptolémée, touchez de la disgrace de
Etats. An
Seleucus, rentrèrent d'eux-mêmes dans leur devoir, & reconnurent ce Prince du M.?75 9.
pour leur légitime Souverain. Ceux de Smyrne & deMagneiie, qui lui avoient avaut J.G.
Tom. III. F f toujours 241.
toujours garde une InViOlable naeiite, en turent magnifiquementrecompensez
par de nouveaux priviléges qu'il leur accorda', sur tout en conlidération de
ce qu'Antiochus le Dieu son Pere, & la Reine Stratonice son Ayeule, étoient
honorez chez eux d'un culte qui approchoit de celui qu'on doit rendre à la
Divinité. Il leur donna la liberté,& ordonna que leur ville fût regardée comme
un lieu sacré & inviolable.
J(LVllI. Seleucus ne se contenta pas d'être rétabli par un bonheur inespéré dans
Seleucus son Royaume; il déclara la guerre à Ptolémée Evergétes; mais il perdit la ba-
cfrvaincu taille & fut obligé de dansses Etats, un peu moins mal accompagné
par Ptolé- retourner
mée Ever- qu'ilne Fétoit aprés la perte de son armée navale. Il revint donc à-Antioche
gétes. & écrivit à son frere Antiochus, qui avoit quelques Gouvernement en Allé
An du M. (il paroit qu'il regnoit en Mésopotamie) p,our lui demander son secours lui
3760.avan1 offrant
en recompense les Provinces d'Asie qui sont renfermées audelà, du
J. G. 240.
fyuftin. mont Taurus. Antiochus n'avoit alors qu'environ quatorze ans, mais il-avoit
1.27. une avidité de regner beaucoup au dessus de son âge;. il promit de. recourir
Seleucus; mais fort résolu de le déposséder,- s'il pouvoit, il vint daasjun
esprit de brigand; d'où vient qu'on lui donna lefurnom d'eprevier, en Grec;.
Jerax, & on dit même qu'il aimoit qu'on le lui donnât, tant il avoit de sym-
pathie avec cet oiseau vorace & voleur.
Ptolémce ne voulut pas s'exposer^à la fois à soûtenir là guerre contre
deux ennemis. Il fit la paix pour dix ans avec Seleucus. Cette paix ne sut
pas du goût d' Antiochus, qui avoit fait la dépense de lever une armée de
Gaulois. Il fit la guerre à sôn frere & le traita en ennemi. Seleucus fut
battu & obligé de se sauver, en habit de Garde ou d'Ecuyer d:)Arnaffyon
Gouverneur du Palais. Il reprit ensuite ses habits Royaux, se montra à ceux
qui avoient pris la fuite avec lui, & se retira à Antioche. La nouvelle s'étant
répandue qu'il étoit mort, Antiochus quitta les ornemens Royaux, prit uti
habit de deuïl, & pleura son frere. Les Gaulois qui faisoient la principale
force de son armée, croïant Seleucus mort, tournèrent leurs armes contre
Antiochus, dans l'espérance de piller impunément toute PAsse après la mort
des deux freres. Antiochus fut obligé de leur donner de l'argent, pour ra-
cheter sa vie & le pillage de son pays. Quelque tems aprés il apprit que son
frere étoit vivant. Il en témoigna beaucoup de joye, offrit aux Dieux des
sacrifices, & ordonna à ses sujets d'en faire de même, & de se couronner de
fleurs; mais lorsqu'il apprit que le même Seleucus se disposoit à lui faire la
guerre, il fit un nouveau traité avec les troupes étrangères, qui l'avoient déjà
servi. ^
XLIX. Quant-au Roy Ptolémée, il mit à profit les dix années de paix qu'il avoit
Bibliothé-
que dale- concluë avecSeleucusCallinicus.Il les emploïa à augmenter & ^perfectionner
la Bibliothèque, que Ptolémée Philadelphe son Pere avoit commencée- il invi-
xandrie
augmentée toittous ceux qui abbordoient en Egypte sur des Vaisseaux, de lui apporter tou-
par Ptolé- tes sortes de livres qu'il avoit soin de faire transcrire trés-propremeut. Il ren-
mée Ever- doit les Copies à
gé te. Ga- ceux qui avoient apporté les originaux, & metteit !es ori-
dans sa Bibliothéque avec cette inscription r Ils viennent des Vaijjeaux.
ien. com- ginaux
ment. 2. On raconte qu'aïant emprunté des Athéniens les Originaux de Sophocles,
d'Euri-
d'Euripides & d'Eschyle, il leur donna quinze talens en gage pour aliurance adHippen.
de leurs livres, & les aïant fait copier dans la dernière propreté sur le plus beau Epidem.
veliti qu'on put trouver, il retint les Originaux, renvoïa les Copies, & laissa
s
les quinze talens, qui font environ vingt sept mille livres.
Antio-one Gonatas Roy de Macédoine étant mort âgé de 80. ans, après L.
avoir régné 34. ans en Macédoine, & quarante-quatre ans en Grèce, De- Mortd'Aa- tigone Go-
metrius son fils lui succéda. Il avoit regné dans toute la Lybie & la Cyré- natas. De-
iialque, & avoit épousé la soeur d'Antiochus Jerax ou l'Eprevier Roy d'Asie metrius lui
fille de Pyrrhus Roy d'Epire succéde.
ou de Babilonne (a) & de MefopotamietOlympias
aïant perdu son mari Alexandre, qui étoit aussi son propre frere, prit leGou- An du M.
vernénient du Royaume d'Epire& de ses fils Pyrrhus &Ptolémée; mais lesEto- J.3762.avant C. 238.
liens lui aïant prisune partie de FAcarnanie , elle eut recours à Demetrius Roy Ca)
de Macédoine & lui fit épouser sa fille Phtia. La prémiére femme de Deme- Vide UJJèr.
trius se sépara d'elle-même, & se retira auprès de son frere Seleucus, qu'elle ad au. M.
anima à faire la guerre à Demetrius. Nous ne voyons pas les suites de cette 9762.
guerre ; & il y a assez d'apparence que Seleucus tourna ses armes contre son
trere Antiochus, ainsi qu'on l'a veu cy-devant.
1
Pendant que les deux freres Antiochus & Seleucus se font la guerre, les LI.
peuples d'Asie se so'ûlévent de toutes parts. Nous avons veu cy-devant la re- Révoltes
voltedeDiodote &d'Arsacés, que quelques Savans reculent en ce tems-cy. Ar- rASe. par toute
iacés aprés s'être emparé de la Parthie, s'empara aussi de l'Hircanie ; & Eumé-
nes qui commandoit dans laBithynie; profitant de la discorde des deux freres,
la
attaqua Antiochus & les Gaulois qui faisoient meilleure partie de son armée,
le désit aisément & le mit en fuite, ses troupes n'étant pas encore guéries des
blessures des premières batailles.
Par cette vidoire Euménes se vit maître de la meilleure partie de FAne. LII.
Ces pertes ne firent pas rentrer les deux freres Seleucus & Antiochus en bonne Guerres
intelligence; au lieu de joindre leurs forces pour détruire leur ennemi com- deux entre les
freres
mun, ils levérent de nouvelles armées pour ruiner.
se Seleucus vint attaquer Antiocbas
son frere dans l'Asie, & le poussa jusque dans la Macédoine. Antiochus passe &Seleucus.
les montagnes d'Arménie, & elt reçu par Arsacés; les Généraux de Seleucus Polyœ.ï.
le poursuivent avec des armées nombreuses sans lui donner le tems de respi- Stratag. L 4. c. i.$%
re.r. Antiochus tout blessé est contraint de se sauver sur les montagnes, pen.
dant que son armée en désordre campe au pied des mêmes montagnes. Le
bruit: s'étant répandu qu'il étoit mort dans la bataille, il fit monter une bonne
partie de son armée pendant la nuit sur la hauteur, sans que les ennemis s'en
apperçussent. Le jour suivant les soldats d'Antiochus envoyérent demander
le corps de leur Prince, pour lui rendre les devoirs de -la sépulture, offrant de
se rendre avec leurs armes. On leur repond que le corps d'Antiochus n'est
pas encore trouvé, qu'ils le pouvoient rechercher eux-nlêmes parmi les
prisonniers; qu'en attendant on envoyeroit du monde pour recevoir les sol-
dats d'Antiochus & leurs armes.
On envoyeen effet quatre mille hommes, croyant qu'il n'y avoit qu'à LUI
recevoir des soldats prisonniers de guerre. Les Envoyez étant au milieu de Antiochus
la hauteur,se voient tout d'un coup assaillis par les gens d'Antiochus, qu'il obligé est enfin
de
céder à son avoit fait monter la nuit précédente sur la hauteur, & qui en firent un grand
frere Se- carnage. En même tems Antiochus reprend les ornemens Royaux, & se
kucus. mon-
tre vivant & victorieux à ses ennemis. Toutefois il fut dans la suite vaincu
par son frere Seleucus, & obligé après une fuite de plusieurs jours, de se re-
tirer auprés d'Ariarathes Roy de Cappadoce. Seleucus se voïant ainsi délivré
d'un ennemi facheux & opiniâtre" bâtit en memoire de sa vidoire la ville de
Célliiïicopoiis en Mésopotamie.
' LIV. Antiochus aprés avoir vécu quelque tems tranquile dans la Cour du Roy
Horcd'An-* Ariarathe, reconnut
tiochus Je- qu'on en vouloit à sa vie, & qu'on lui tendoit des pièges.
iax, & de Il résolut donc de prendre secrettement la fuite, & de se retirer auprès dePto-
Seleucus lémée Roy d'Egypte son ennemi, craignant moins sa mauvaise volonté que
Callinicus. celle de son frere; mais Ptolémée répondit mal à la confiance de
An du M. il le traita ce Prince;
5778.avant tit parl'adresseen ennemi & le fit renfermer dans une étroite prison, d'où il sor-
3. G. 222. d'une Courtisane qui trompa ses gardes; mais étant tombé
tfuftin, durant sa fuite entre les mains des voleurs, il fut mis à mort.
/. 27. c. 3. Peu de tems aprés Seleucus aïant, selon les apparences, fait de nouveau
(a) la guerre à Arsacés, fut fait prisonnier par ce Prince, qui le traita avecIhon-
jàthenœ. ex
Poffid. /. 5. neur & avec une magnificence Royale, & fit enfin la paix avec lui. (a) Justin
Ch) (b) dit expressément qu'il mourut en exil & dépouïtlé de son Royaume. Il
tfujîin. avoit régné 20. ans. Il laissa deux fils & une fille de son Epouse Laodice,
7.27. c. 1. Ses fils furent Seleucus & Antiochus, qui regnérent successivement aprés
lui.
La fille fut mariée à Mithridate V. Roy de Pont ; son Pere lui donna pour
doüaire la haute Phrygie.
LV. Du débris de la Monarchie de Seleucus Callinicus, se formèrent divers
Commen- Etats dansl'Asie. Nous
tement du celui de Bithynie & de Pergameavons veu les commencemens de celui des Arsacides;
Royaume commencèrent vers le même tems. Aprés
d'Attalu» la mort d3Euménes fils d'un autre Euménes, frere de Philétére, Attalus lui
Roy de succéda. Cet Attalus étoit fils d'un autre Attalus aussi frere puiné de Philé-
Pergame tére. Par le bon usage qu'il fit de sa bonne fortune & de ses richesses, il mé-
An dn M. fonder une Monarchie qui passa à ses hé-
2763. avant; rita de porter le nom de Roy, & de
J. C..2.37. ritiers jusqu'à la troisiéme génération. Il fut le seul & le premier des Princes
Liv. 1. 38. d'Asie qui osa refuser aux Gaulois une pension ou une espèce de solde que
,
Polyb. /.iS. leur payaient
tous ses voisins. Il leur fit la guerre, & contre l'opinion de
in Excerft.'
Vales. tout le monde, il les vainquit. On raconte (a) que ce Prince voïant ses sol-
f. 102. dats frappez du grand nombre de Gaulois qu'ils avoient à combattre, & de la
5uid. in réputation de valeur que ces peuples s'étoient aquise, écrivit dans le creux
Atlams* de sa main de droite à gauche mots Grec; la vi(.iuire est au pendant
iôc. ces en
(a) que leSacrificateur& le Devin considéroient attentivement toutes les parties
PoJyæn. intérieures de la victime, le Roy empoignant l'endroit le plus mol & le plus
hi*. 15. chaud du foye, y laissa imprimez les Caractères qu'il avoit écrits audedans
de sa main, sans que personne s'en apperçût.
Quand leSacrificateur vint à considérer cette partie, il y vit avec éton-
nement les deux mots dont on a parlé; le Roy les considéra lui-même &
en parut surpris; il invita toute l'armée à les venir lire. Chacun crut que
c'étoit une déclaration miraculeuse du décret desDieux, Les soldats deman-
dèrent
dérent avec empressement qu'on les menât à l'ennemi. Ils combattirent avec
tant de cœur & de résolution , que les Gaulois, quelques nombreux qu'ils
fussent, furent mis en déroute.
Demetrius Roy de Macédoine mourut l'an du monde 3772. & laissa le ZF7.
de
Royaume à son fils nommé Philippe, qui n'étoit qu'un enfant. On lui donna Mort Demetrius
pour Tuteur Antigone, surnommé Dofon, ou celui qui donnera, parcequ'il pro- Roy de
mettoit beaucoup & donnoit peu ; Antigone épousa la Mere du jeune Roy Maeérloi-
pupille, & prit le nom de Roy de Macédoine. 11 y regna douze ans. .
ne. Philip"
Seleucus III. surnommé Ceraunus, ou la foudre, fils de Seleucus Callini- pe son fils
cusRoy de Syrie, étoit un Prince foible, qui manquoit de santé &de riches- lui suc-
céde. An
ses. Il entreprit la guerre contre Attalus Roy de Pergame, quis'étoit rendu du M.? 772.
maître de toute l'Asie, qui est au deça du mont Taurus; & aïant mené une avantJ. G.
armée nombreuse audelade cette montagne; il n'eut pas assez d'autorité pour 228.
la contenir dans le devoir; enfin il fut empoisonné en trahison par trois de ffujlin. 1.28. c. 3.
ses Officiers, savoir, Apaturius, Galate& Nicanor. -Sa mort fut sur le champ LVII.
vengée par Achée fils d'Andromaque son allié, qui fit mourir les meurtriers. Mort de
L'armée étoit alors en Phrygie. Andromaque en prit le commandement, & Seleucus
se conduisit avec tant de sagesse, de grandeur d'ame & de désintéressement, III. Roy de
Syrie. An
que les peuples lui aïant offert le Diadéme & la souveraine autorité, & lui d'uM. 373 r.
étant en état de se rendre maître des Etats de Seleucus III. il les conserva à avant J. C.
Antiochus frere de Seleucus ,& lui reconquit toutes les Provinces qui sont en 119.
deça du mont Taurus. Appian.
Les troupes de Syrie appellérent donc au Royaume Antiochus frère Syriac. ($c.
131.
de Seleucus III. & qui fut dépuis surnommé le Grand ; mais comme il n'étoit p.Polyb. l. 4.
pas encore en âge de gouverner, sur tout dansuntems de trouble, il donna (Ô Ç.
à Achée le Gouvernement de tout le pays de deça le mont Taurus qu'il venoit LV111.
de reprendre; Molon fut établi Satrape de Medie; & Alexandre son frere Sa- le Antiochus
Grand
trape de Ja Perse; Hermias le Carien avoit l'intendance de la maison du Roy, succéde à
employ dont il s'aquitta avec insolence, opprimant par ses calomnies & ses Seleucus
injustices ceux qui avoient des affaires auprés de lui. Epigénes qui étoit à la Ill. dans le
téte de l'armée que Seleucus avoit menée en Asie, la ramena en Syrie. On de Royaume
Syrie.
doute que Seleucus ait été marié. Il ne regna qu'environ trois ans.
Cependant Molon & Alexandre frères,qui, comme on Padit, étoient LIX.
Satrapes, l'un de Medie & l'autre de Perse, méprisant la jeunesse d'Antio- Révolte de
chus, & se flattant qu'Achée ne manqueroit pas de se joindre à eux, mais sur Molon d'Alexan-
&
tout craignant les calomnies & les mauvais offices d'Hermias, résolurent de dre contre
se sb'ustraire à l'obéïssanceduRoy, & de s'ériger en Souverains dans leurs Gou.. Antiochus
vernémens. Le jeune Roy informé de leur dessein, assembla sonConseil pour le Grand.
délibérer sur ce qui étoit à faire dans cette occasion, & témoigna qu'il laissoit An du M.
782.avant
une pleine liberté à chacun de dire ce qu'il croïoit le plus avantageux. Epi- J.C. 1
2lg.
génes parla le premier, & dit que cette àffaire ne lui paroissoit pas à mépriser, Polyb. i,
& qu'il conviendroit que le Roy se montrât dans ces pays-là, pour dissiper
par sa présence ce nuage qui commençoit à se former. Hermias qui vouloit
se rendre nécessaire, s'éleva contre ce sentiment d'Epigénes, disant qu'on
vouLoit livrer le Roy entre les mains de ses ennemis, en l'éloignant ainsi de la
Syrie; qu'il valoit beaucoup mieux marcher au plutost contre le Roy d'E-
gypte, & lui faire la guerre pour recouvrer la Celé-Syrie. Il fut donc résolu
d'envoyer contre Molon deux Généraux, savoir Xénon & Hérodote cfHer-
niole, pour le réduire à l'obéïssance.
LX. En même tems Hermias fit voir au Roy des lettres comme aïant été
Antiochus écrites à Achée
prend la par Ptolémée Roy d'Egypte, par lesquelles il l'exhortoit à
résolution s'emparer de la souveraine puissance à l'exclusion d'Antiochus, & lui offroit
de. faire la des Vaisseaux, de l'argent & des troupes pour se faire déclarer Roy, dont
guerre au aussi bien il avoit toute l'autorité, quoiqu'il n'en voulût pas prendre le tître,
Roy d'E- qui lui êtoit, pour ainsi dire, offert par la fortune. Le jeune Roy se laissa
gypte- persuader par ces lettres, & résolut de pousser la guerre contre Ptolémée.
LXI. -
Dans ces entrefaites, comme Antiochus étoitàZCllgnla ville situéesur
Mariage
d'Antio-
l'Euphrate, Diognéte envoyé par Mithridate Roy deCappadoce, arrivaà
chus avec Seleucie ville de Syrie, avec une flotte, lufaménantLaodice fille de ce Prin-
la fille de ce, qui lui étoit destinée pour Epouse. Aussitost qu'Antiochus fut insormé
Mithridate de son arrivée, il vint avec une trés-nombreuse suite pour recevoir la Prin-
Roy de cesse. Il fit la cérémonie de ses noces avec la magnificence convenable, aména
(Sappa-
doce. sa nouvelle Epouse à Antioche & l'y fit reconnaître pour Reine; aprés quoy
.. il se donna tout entier à faire les préparatifs de la guerre contre l'Egypte.
LXU. En même tems Molon disposoit toutes choses pour résister aux forces
Supériorité qu'Antiochus envoïoit contre lui. Il
de Molon gagna les peuples de son Gouvernément,
surles Gé- en leur
faisant espérer de grands avantages du changement dénomination.
néraux du Il contrefit des lettres comme envoyées par le Roy, où les Grands étoient
Roy Antio-• menacez des derniéres violences; il s'assura des Gouverneurs des Provinces
ehus. voisines par des largesses & des présens qu'il leur fit ; enfin soutenu de son
frere Alexandre Gouverneur de la Perse, il marcha hardiment avec une puif-
sante armée contre Xenon & Hérodote, que le Roy Antiochus, ou plutost
Hermias avoit envoïez contre lui.
Les Généraux d3 Antiochus n'osérent paraître en campagne, & se retirè-
rent dans les forteresses. C'étoit donner victoire à Molon, qui ne manqua
pas de se prévaloir de leur foiblesse. il voulut passer le Tigre & assiéger Se-
leucie; mais Zeuxis qui avoit arrêté toutes les barques, lui en aïant été les
moyens, il se retira à Ctesiphon, & y campa pendant l'hyver. Le Roy An-
tiochus étonné des progrés de Molon & de la retraite de ses Généraux,
vouloit marcher contre Molon & remettre la guerre contre l'Egypte à un
autre tems; mais Hermias l'empêcha, sous prétexte qu'il n'étoit pas de sa di-
gnité de se commettre avec des rebelles. Il donna donc le commandement
de l'armée avec un pouvoir absolu àXenaetas Achéen, & l'envoya en Asie con-
tre Molon. Pour lui, il rassembla son armée à Apamée, dans le dessein de
faire vigoureusement la guerre au Roy d'Egypte.
- LXIll. Xensetas rassembla son armée à Seleucie sur le Tigre, &y aïant mandé
Xenaetas Diogéne Gouverneur de la Susiane,& Pithyade Gouverneur du Pays qui est
est envoyé
situé sur la mer rouge, ou sur le Golphe Persique, il se mit en campagne, &
contra
Molon. parut devant l'ennemi, aïant le Tigre qui le couvroit. Plusieurs déserteurs
vinrent du camp deMolonàceluideXensetas, & l'alTurérent que s'il vouloit
passer
paier le Tigre , Parmee de Molon se rendroit à lui, que la plupart des soî-
dats étoient trés-bien disposez pour le Roy, &que plusieurs ne pouvaientre-
garder Molon qu'avec,beaucoup de jalousie— Sur ces avis Xenaetas fait passer
le fleuve environ dix mille pas au dessous de Molon, à tout ce qu'il avoit de
meilleur dans son armée; & aïant choisi un camp propre à son dessein, il
y demeura. Molon aussitost envoye contre lui sa Cavalerie, partie pour em-
pêcher le reste de l'armée de passer, & partie pour donner sur ceux qui étoient
déja passez.
Xenaetas qui ne doutoit point que les troupes de Molon ne dûssent in- LXIV.
ceiïamment venir se rendre à lui, se fortifie dans son camp; mais la nuitfui- Défaite de
vante Molon décampe à la-sourdine, laisse les bagages dans son camp & se Xenaetas
retire comme en suïant vers la Médie. Xenastas s'empare aussitost du camp de par Molon.
Molon, exhorte les siens à prendre du repos & de la nourriture, afin que le
lendemain ils puissent poursuivre l'ennemi dans sa retraite. Les soldats se
trouvant dans l'abondance, & n'ayant aucune défiance de l'ennemi, se mirent
à boire & à faire bonne chère. Molon aprés avoir fait repaître ses troupes,
revint à san camp, & aïant trouvé les soldats de Xenaetas sur l'aurore acca-
blez de sommeil, & incapables de se défendre par l'yvresse, les égorgea dans
leur camp. Xenaetas aïant voulu faire quelque résistance avec une petite par-
tie des siens, fut contraint de se sauver du côté du Tigre, & voulant pas-
ser ce fleuve, il fut englouti dans les eaux. Molon se rendit ensuite maître du
camp des ennemis, prit d'emblée Seleucie, que Zeuxis & Diomédon avoient
abbandonnée, & parcourant laBabilonie & les Provinces voisines, s'empara
de toutes les villes qui sont dans la Mesopotamie jusqu'à Dura, & de celles
qui sont sur l'Ëuphrate jusqu'à Europe, peut-être Tbapfaque, ou même
,
batane de Médie.
Pendant que ces choses se passoient dans la haute Asie, Philippe Roy de LXV.
Macédoine aprés la mort d'AntigonesonTuteur & san Beau.Pere, commen- Philippe
ça à regner seul, âgé de quatorze ans ; & il régna quarante deux ans. Après Macédoine
Roy de
il
la mort du même titigonelesEtoliens &les Lacédémoniens étant également
animez contre les Macédoniens & les Achéens, Cléoménes Roy deLacédé- àcommence regner.
mone, qui deux ans auparavant avoit été vaincu & dépouïllé de son Royaume An du M.
par le même Antigone Dofoti, dont on vient de parler, voulut profiter de ces 3784-avant
favorables circonltances, & demanda avec beaucoup d'empressement àPtolé- J.C.216..
méeEvergétes Roy d'Egypte, qui lui avoit donné libéralement un Azyle & guflin. 1. 28. cap.
à toute sa famille, qu'il lui plût
^ lui donner quelques troupes, & lui permettre ult. L 2 »
de partir pour se remettre en possession du Trône de ses ancêtres. Le Roy c. 1.
Ptolémée ne tint compte ni de ses prières ni de ses remontrances,.& commença
même à se défier de lui; Sofibius son Favori l'aïant dépeint auprés du Roy
comme un homme farouche & intraitable , si on le retenoit malgré lui, &
comme un homme hardi & capable de tout entreprendre, si on le laissoit al-
ler, informé comme il étoit de l'Etat chancellant de l'Egypte.
Présqu'en même tems arriva à Alexandrie un nomméNicagoras deMes- LXVl.
séne, à qui Cleomene devoit quelque chose, pour une terre qu'ii avoit ache- Cléoméne
tée de lui, & qu'il n'avoit pas jusqu'alors été en état de lui de La-
payer. Après le Roycedémone
premier
demande premier salut, Cléoméne lui demanda ce qui l'amenoit en Egypte. J'y amène,
du secours dit Nicanor, de trés-beaux chevaux de bataille pour le Roy. Vous seriez
auRoy d'E- mieux vôtre Cour, dit Cléoméne, si vous ameniez des joüeurs d'instrumens
gypte. & des Comédiens. Nicagoras rit de la répartie, & on le sépara. Quelques
An du M. Nicagoras aïant demandé son payement, & Cléoménes lui aïant
3784-avant jours aprés
J. C. 216. témoigné qu'il n'étoit pas alors en état de le satisfaire, Nicagoras alla dé-
Polyb. I. ç. couvrir à Sosibius la réponse que Cléoménes lui avoit faite sur le port d'A-
Plutarch. lexandrie. Sosibius fut charmé d'avoir cette occasion de perdre Cléoménes;
in Cleo- il engage Nicagoras d'écrire au Roy Ptolémée, pour lui donner avis que Cléo-
ment.
ménes étoit résolu, aussitost qu'on lui auroit donné des troupes & des Vaif-
séaux, de s'emparer de Cyréne. La lettre fut montrée au Roy aprés le départ
de Nicagoras, & sur le champ on renferme Cléoménes & les Tiens dans une
grande maison, où le Roy lui faisoit fournir dequoi vivre sélon sa condition.
LX!'lI. Un jour qu'un Courtisan nommé Ptolémée lui vint rendre visite, après
Cléoméne
est enfer-
l'avoir entretenu pendant quelque tems, & avoir tâché d'excuser le Roy, il
mé par les sortit de la maison, & Cléoménes le conduisit jusqu'à la porte, sans que Pto-
ordres du lén1ée s'en apperçut. Alors ce Courtisan reprit aigrement les Gardes de ce
Roy d'E- qu'ils negardaient pas comme il faut cette bête farouche; Cléoméne l'enten-
gypte. dit, rentra promtement & raconta la chose à ses amis, qui résolurent de faire
mourir le Roy. Ils choisirent un jour que le Roy devoit aller à Canope, &
ils
pendant son absence publiérent que Ptolémée vouloit les mettre en liberté
& les faire sortir de prison, & que selon la coutume, il devoit leur envoyer
des présens & dequoi se bien régaler. Les amis de Cléoménes qui étoient
du secret, lui firent passer quantité de choses propres à faire un bon repas.
Tout cela n'étoit que pour tromper les gardes, à qui l'on fit part de la bonne
chère. Sur le midy les Gardes étant endormis, aprés avoir bien bû, Cléo.
ménes &ses amis au n-ombre de treize sortirent l'épée nuë à la main. Hippo-
tas l'un d'eux qui étoit boiteux & ne pouvoit suivre les autres, les pria de le
tuër, & de ne pas différer à son occation ce qu'ils avoient résolu, mais on
trouva un Cheval d'un Bourgeois qu'on lui donna pour aller plus vite. Ar-
rivez dans la place, ils invitérent le peuple à se mettre en liberté; maispersonne
ne répondit à leur invitation. En même tems aïant veu sortir du Palais ce
même Ptolémée qui avoit repris les gardes de leur négligence, ils le percè-
rent de coups. Ils en tuèrent encore un autre qui étoit Gouverneur de la
ville, & qui venoit à eux avec ses gardes & ses Licteurs pour les arrêter. Ils
coururent ensuite à la citadelle dans le dessein d'y mettre les prisonniers en
liberté; mais on en avoit promtement fermé les portes au bruit de leur sor-
tie dans la ville.
LXVUl. Cléoménes ifespérant plus de porter les Alexandrins a se mettre en li-
Gléoméne berté, résolut de se donner la mort les siens. Hippotas fut le premier
& les siens avec
donnent qui se fit tuër par un des plus jeunes de leur Compagnie. Les autres se don-
se
la mort. nèrent la mort à eux-mêmes. Le Roy pria Pantée qui étoit jeune & bienfait,
d'attendre à se la donner que tous les autres fussent morts. Alors Pantée les
aïant tous piquez de la pointe de son épée, vit qu'ils ne remuoient plus;
mais aïant piqué Cléoméne à la plante du pied, il fit encore quelques niou-
vemens.
Yemens. Pantée l'embrassa, lui donna le dernier baiser, puis se perça & se
renversa sur lui. Le Roy Ptolémée aïant sçu ce qui s'étoit passé, fit écorcher
te corps de Cléoménes, & le fit attacher à une croix; puis il fit mourir sa
mere, sa femme & ses enfans. Ils firent tous paroître une constance incro-
iable. sur tout PEpouse de CIéoménes, qui étoit d'une rare beauté, d'une
taille avantageuse, & d'un courage audessus de son sexe. Elle vit mourir sa
Belle-Mere & ses propres enfans sans se plaindre, prenant soin de les couvrir
& de les envelopperdécemment après leur mort. Elle-même se composamo-
destement pour recevoir le coup de la mort, sans témoigner la moindre foi-
bleue.
Ceux qui gardoient la croix où Cléoménes étoit attaché, remarquèrent LXIX.
quelques jours après sa mort, un grand serpent, qui enveloppoit sa tête, & Un grand
empêchoit que les oiseaux ne le dévorassent. La superstition fit croire aux veloppe serpent en*
la
Egyptiens que ce Prince étoit un Héros, ou un demi Dieu, qui étoit parti- tête du ca-
culièrement protégé des Dieux. On voulut user d'expiations pour éloigner davre de
ks effets dela colère de laDivinité; mais les Docteurs firent remarquer que les Cléomé-
abeilles se forment dela chair corrompuë des Bœufs, lesguespes de celle des j$cs. i

Chevaux, &les escarbots de celle des ânes, ainsi la moelle de l'homme pro-
duit des serpens; d'où vient, dit Plutarque, que le serpent est consacré aux
Héros. Peut-être seroit-il plus naturel de dire que ce serpent s'étoit attaché
à la tête de Cléonlénes, pour en manger les chairs; car les serpens sont trés-
carnaciers. Cléoménes avoit regné seize ans.
Ptolémée Roy d'Egypte dont nous venons de parler, étoit Ptolémée LXX.
furnomméPhilopator, ouTryphon, fils de Ptolémée Evergétes. Ce dernier Mort de
Ptolémée
avoit reçu Cléoménes à Alexandrie, & lui avoit promis de le rétablir dans ses Evergéte.
Etats ; mais il mourut avant que d'executer sa promesse. Philopator son fils Philopator
fut un Prince perdu de débauches, qui passoitsa vie dans des divertissemens ouTry-
indignes de laLVlajesté Royale, dans le vin, dans les excès de bouche, dans phon lui.
débauche outrée; lui donner iuccéde.
une ce qui fit le nom de Tryphon ou voluptueux; An du M.
le
on trouve aussi appellé Gallus, parceque comme les Galles ou Prêtres de la 3783.avanC
Mere des Dieux, il alloit couronné de feuïlles de lierre pendant les fêtes de J.G. 217.
Bachus; enfin on lui donna le nom de Philopator, aimant tonPère, par ironie,
ou par antiphrase,- parcequ'il avoit fait mourir son Pere & sa Mere, & que
pour comble de cruauté il se défit aussi de son frere Magas, qui avoit beau-
coup de crédit parmi les troupes. Philopator n'aïant plus rien qui le gênât,
se livra tout entier à ses plaisirs, & toute sa Cour aussi bien que son armée,
suivit son exemple.
Antiochus le Grand aïant appris les progrés que Molon faisoit en Asie, LXXI.
résolut contre le sentimentd'Hermias,d'abbandonner
Roy d'Egypte,& de passer ses forces
le projet de faire la guerre Expédition
Asie, s'opposer d'Antio-
au avec toutes en pour à chus Roy
Molon, & pour contenir dans le devoir les Provinces dont la fidélité étoit de Syrie
chancellante. Hermias avoit toujours eu en but Epigénes excellent Général, contre
& en qui le Roy avoit beaucoup de confiance; Hermias le fit mourir en fai- Molon. An
sant cacher parmi ses papiers une lettre comme à lui écrite par Molon, par duM.?784*
J. G.
laquelle il paroissoit qu'il y avoit entr'eux de l'intelligence contre les intérêts avant 216.
Eolyb.L 5. du Roy. Hermias ayant produit cette lettre, fit aussitost mourirEpigénes &
tâcha de persuader au Roy qu'il étoit coupable; mais toute la Cour étoit bien
t
persuadée du contraire, & que c'étoit un trait de fourberie de la part d'Her-
mias.
LXXlI. Antiochus partit d'Apnmée,& arriva sur l'Euphrate vers le commencement
Antiochus de l'hyver; il passa cette facheuse saison à Antioche de Mygdonie. Au commen-
passe le
&
cement duPrintems il se mit à la tête de son armée, & s'avança vers Liba ,où
Tigre il arriva aprés quarante jours de marche. Molon étoit du côté de Babi10nne.
marche
contre Hermias étoit d'avis que l'armée suivît le Tigre, étant couverte d'un côté par
Molon, ce fleuve, & de l'autre par la rivièreLycus &Caprus en delcendant vers Ba-
bilonne. Zeuxis quoyqu'effrayé par le malheur d'Epigéncs, à qui il avoit coûté
la vie pour s'être opposé aux conseils d'Hermias, ne put s'empêcher de dire
qu'il falloit absolument passer le Tigre, sans quoi l'armée courroit risque de
périr dans des pays où elle manqueroit absolument de toutes les choies né-
cessaires à la vie; qu'au contraire, en passant le Tigre, on fenlleroit à Molon
toute espérance de retour en Médie, & d'en tirer des recours & des vivres, &
qu'ainsi on le réduiroit à la nécessité d'en venir à un combat, ou de perdre
son crédit parmi les troupes, qui l'abbandonneroient pour rentrer sous l'o-
béïssance du Roy. Ce sentiment fut approuvé de tout le monde.
LXXIII. On partagea l'armée en trois corps, & on passa le Tigre en trois endroits.
Inquiétude On prit le chemin de Dura, & on obligea un des Chefs de Molon, qui l'af-
de Molon, siégeoit, d'en lever le siége. Delà
se voyant en huit jours de marche ils arrivèrent à Apol-
fermé le Ionie. Molon craignant que l'armée du Roy ne lui fermât le retour dans la
retour en Médie , fit faire un pont sur le Tigre, & résolut de s'emparer des hauteurs du
Médie. pays d'Apollonie, avant que le Roy s'en fut saisi. Les avant-coureurs des
deux armées s'étant rencontrez, il y eut entre eux quelques escarmouches,
après lesquelles ils se retirèrent chacun au gros de leurs armées, qui cam-
pérent à cinq mille ou environ deux lieues l'une de l'autre. Molon comprit
fort bien qu'il risquoit beaucoup de présenter la bataille au Roy, avec une
armée de rebelles, qui pourroientbienau plus fort du danger se donner au
Roy pour mériter le pardon de leur défedion. Il résolut donc d'attaquer
Antiochus pendant la nuit & de le surprendre dans son camp. 11 ordonna
à ses troupes de marcher par des chemins écartez vers les hauteurs, afin de
1 tomber delà sur l'armée du Roy ; mais ayant sçu que dix jeunes hommes des
siens s'étoient rendus dans le camp ennemi, il retourna dans le sien, où son
retour jetta l'épouvante parmi ceux qui y étoient reliez, dans la croïauce qu'il
avoit été battu.
LXXIV. Antiochus de grand matin rangea son armée en bataille. Il commandoit
Défaite & en ptrsonne avec Ardyes à l'aile droite; Hernlias & Zeuxis comniandoient
mort de l'aile gauche. On ne nous dit pas le nombre de ses troupes. Il n'avoit que
molog. dix Eléphans. Molon fit de même sortir du camp son armée concernée &
1 fatiguée à cause de la marche de la nuit précédente. Il donna le comman-
dement de son aile gauche à son frere Neolaüs, & se mit à la tête de l'aile
droite. Il avoit un nombre de chariots armez de faulx, qu'il plaça à la tête
de son armée. L'aile droite où il commandoit en personne, combattit avec
fc'wftU-
1 aile gauche
beaucoup de courage, & lui conserva une inviolable fidélité; mais
fut plûtôt la présence du Roy qu'elle passa sous ses Enseignes & se
ne pas en ,
rendit. Ce qui jetta un si grand effroy dans l'ame de Molon, qu'il se perça
de ion épée; tousceuxqui étoient complices de sa rébellion,se retirèrent prom-
tement, chacun dans sa maison, & prévinrent par Perse, une mort volontaire
,
les supplices qu'ils avoient méritez. Neolaüs se sauva en ou il mit a mort
la femme & les enfans de Molon son frere & se tua luy-même, aprés avoir per-
suadé à Alexandre son autre frere d'en faire autant.
Antiochus abbandonna au pillage le camp des ennemis, & fit mettre en ^ntiochns LXXV.
croix le cadavre de Molon dans l endroit de la Médie le plus élevé.accordé Il re- rétablit
la
prit sévérement les soldats de l'armée de Molon; & aprés leur avoir paix dans
le pardon, il les renvoïa en Médie, donnant ses ordres que l'on rétablît la paix La Médie,
1

dans cette Province; aprés quoi il revint à Seleucie, où Hermias voulut exi-
mille talens des Bourgeois, p our les punir de leur attachement à Molon;
ger
mais le Roy les réduisit à cent cinquante. Il laissa pour Satrape en Médie Dio.
gènes, & enSushne Apollodare. Il envoïa dans les environs de la mer rouge
Tichon, qui étoit son premier Sécretaire, & qui commandoit son armée. LXXVl..
Le Roy de Syrie pour s'assurer de la fidélité des Gouverneurs de Provin- Antiochus
marcha contr'eux,&commen- réduit Ar-
ces, qui avoient favorisé la rebellion de Molon,
passoit pour le plus puissant & le plus accrédité tabaze à
ça par attaquer Artabaze, qui
de tous, & qui avoit sous sa puissance les Atropatiens & les autres nations du l'obéïffan- An du
voisinage, Hermias n'eut pas beaucoup de peine à consentir à cette expédi- ce. M. 3785.
tion , s'imaginant que s'il arrivoit quelque chose au Roy, il auroit la tutelle
avant J. G.
du jeune Prince qui lui étoit né, & qu'ainsi il se verroit maître du Royaume. 215.
Antiochus passa donc le mont Zagre, & entra dans le Gouvernement d'Artabaze, Pal.Yb. /. )é
qui étoit limitrophe à la Médie. Le Satrape effrayé de l'arrivée du Roy, & se
sentant d'un âge décrépite & incapable de soûtenir le poid de la guerre , fit sa
paix avec lui aux meilleures conditions qu'il lui fut possible.
Bientost aprés ApollophanesMedécin du Roy, craignant pour la personne du
Roy & pour la sienne, rendit Hermias suspect au Roy, qui le fit mourir.
Les femmes d'Apamée firent périr la femme du même Hermias, & les enfans
de la même ville lapidèrent ses enfans. LXXV11.
Pendant qu'Antiochus faisoit la guerre à Molon, Theodote Etolien Theodote
Gouverneur de la Celé-Syrie, aprés un voyage qu'il fit à Alexandrie, où il fut se révolte
témoin de la vie déréglée & indigne, que menoit Ptolémée PhilBpator, le contre Pto-
regardant comme un homme perdu, & craignant les Courtisans qui étoient lémée Phi-
dans sa faveur, se mit en possession de Ptolemaïde, & fit saisir la ville deTyr lopator.
par Panetole, résolu d'aller trouver Antiochus à Antioche, & de lui livrer la
Celé-Svrie. C'est ce qu'il exécuta bientost après, comme nous l'allons voir.
Antiochus étoit de retour à Antioche, où il apprit qu'Achée, dont on LXXVIII.
a parlé, & à qui il avoit donné le
commandement de ses troupes,.aprés avoir Achée se
révolte
obligé Attalus de se renfermer dans sa ville de Pergame, & avoir réduit en contre Atl-
sa puissance tous les pays des environs, s'étoit ligué avec le Roy d'Egypte, tiochus &
& avoit luy-même pris le Diadéme & s'étoit fait donner le nom de Roy aprés prend le
Qu'il fut arrivé à Laodicée de Phrygie; Antiochus, dis-je, ayant appris toutes Diadème.
ces choses, écrivit à Achée des lettres ménaçantes, lui ordonnant de rentrer
dans luy-même, & de se ranger à son devoir. Achée étoit alors en chemin &
s'avançoit vers la Syrie, ne croïant pas qu'Antiochus y pourroit arriver affez-
tost pour l'empêcher d'en faire la conquête, enjoignant ses forces avec celles
dePtoléméeRoy d'Egypte. Il étoit déjà prés de laLycaonie, lorsque ses trou-
pes voyant qu'on les ménoit contre leur Roy légitime, se soulevérent & re-
fusérent de marcher. Achée fit ce qu'il put pour leur persuader qu'il n'avoit
jamais pensé à faire la guerre à Antiochus, changea sa route, entra dans la
Pisidie & en abbandonna le pillage à ses soldats, dont il gagna l'amitié par ce
moïen.
Ixxix. le
Cependant Antiochus ne perdoit point de veuë dessein qu'il avoit for-
Antiochus mé de se rendre maître de la Syrie creuse & de laPhénicie. Dez-le
marche commen-
contre cement du Printems étant avec Ion armée à Apamée, il assembla sonConseil,
Seleucie pour savoir comment il s'y prendroit, & par où il commenceroit pour faire la
de Syrie. conquête de ce pays. Aprés beaucoup dediscours, Apollophanes, dont on
a déja parlé, dit au Roy qu'il étoit inutile depenser à la conquête de la Syrie
creuse, tandisque Seleucie de Syrie seroit entre les mains des Egyptiens; car
le Roy d'Egypte y tenoit garnison dez le tems qu'il étoit venu en Syrie pour
secourir sa soeur Bérénice Epouse de Seleucus 11. Roy de Syrie. L'avis d'Apol-
lophanes fut suivi, & Antiochus le Grand envoya contre Seleucie Diognéte
avec sa flotte, & Théodote un de ses Généraux, avec une arn1ée pour se rendre
maître des défilez de la Celé-Syrie. Pour lui, il vint camper environ à cinq
stades de la ville.
LXXX. Avant que de rien entreprendre, il envoya dans Seleucie pour offrir aux
Seleucie Principaux des sommes d'argent, avec promesses de plus grands bienfaits pour
cst prise l'avenir, s'ils vouloient lui rendre la ville sans combat. Il n'en put gagner
par tra-
hilôn. aucune des premiers ; mais quelqu'uns des subalternes lui promirent leurs bons
offices. Il partagea son armée, & ordonna qu'on donnât l'assaut par trois en-
droits. Ardys un de ses Généraux fut assez heureux pour se rendre maître du
faubourg. Aussitost ceux qui avoient été gagnez par Antiochus, vinrent trou-
ver Leontius qui commandoit dans la ville, & le pressérent d'envoïer au plu-
tost pour traitter avec Antiochus avant que la ville fut prise de force. Leon-
tius qui ignoroit la trahison , traita avec Antiochus, qui promit de conser-
ver la liberté à toutes les personnes libres qui étoient au nombre de six mille.
Le Roy tint sa parole, & accorda de plus la liberté à la ville de vivre lelon
ses propres Loys, & aux exilez de retourner dans la ville, & Initia chacun dan,
la joüissance de ses biens; mais il mit une bonne garnison dans la citadelle
& dans le port, pour s'assûrer de la fidélité des Bourgeois.
LXXXI. Antiochus étoit occupé a cette importante con-quête, lorsqu'il reçut
Tyr & l'to- des lettres
lémaïdc dela part de Théodote, qui étoit alors assiégé ddiis Ptolémaïde, &
sont li- qui le prioit instamment de venir à son secours, lui promettant de lui remettre
vrc.*s à An- bientoit toute la Celé-Syrie. Antiochus partit en diligence, & palïànt par
tiochus par la gorge qui est entre le Liban & l'Antiliban & qui est nommée Marsyas, il se
Théodote rendit à Géra, où
& Pane- ayant laissé ses troupes pésamment armées pour le suivre
tole. plus lentement, il s'avança le plus promptement qu'il put vers la vi:Ie de
Ptoïc'
Ptolemaïde. Nicolas qui affiégoit la place, aïant sçu que le Roy marchoit
contre lui, ?envoïa à sa rencontre pour se saisir des avenuës prés de Beryte.
Antiochus battit les gens de Nicolas & se campa dans les mêmes défilez où
le reste de son armée le vint joindre. Un peu plus loinThéodote & Pane-
tole avec leurs amis vinrent audevant de lui , & lui livrèrent Tyr & Ptolé-
maïde, & en particulier quarante Vaisseaux, qui furent remis à Diognctes,
qui commandait la flotte d'Antiochus.
Ce Prince vouloit aller de suite attaquer Philopator dans l'Egypte > mais LXXXlI.
aïant; appris que Philopator s'étoit retiré à Memphis, que ses troupes étoient Antiochus
rassemblées à Peluse, qu'on avoit rompu les digues du Nil, qu'on bouchoit sait la con-
marcha ré- quête de la '
toutes les sources d'eau douce, il changea de résolution, & pour Ctlé.Syrie.
duire à ion obéïssance les villes de la Celé-Syrie. Celles qui n'étoient ni bien
sortifiées ni bien munies, se rendirent sans peine; mais les autres fermèrent leurs
portes; ce qui futcause qu'Antiochus fut assez longtems occupé à les réduire;
Dora ville de Phénicie située sur la mer, soûtint un assez long siége, sans
qu'Antiochus la pût forcer, parce qu'elle recevaitde tems entenIS dusecours
de Nicolas, Général des troupes de Ptolémée. Comme l'hyver approchoit,
il accorda au Roy d'Egypte quatre mois de trêve, & se retira à Seleucie, bis-
sant à Théodote le Gouvernement de la Celé-Syrie & la conduite de tout ce
qui regardoit ses nouvelles conquêtes. Il envoïa ses troupes en quartier, sans
se mettre en peine de les exercer ni de leur faire observer la discipline mili-
taire, ne s'attendant pas à combattre contre Philopator, & croyant que tou-
tes les villes de Phénicie se rendroient d'elles-mêmes, dez-qu'il se mettroiten
campagne.
Ptolémée au contraire, ou plutost ses Ministres, car ce Prince négligeoit LXXXllL
Préparatiss
absolument ses affaires, donnoient tous leurs soins à lever denouvelles trou- de
guerre
pes, à les exercer continuellement, & àles tenir sous une bonne discipline. entre Pto--
Ils avoient attiré au service de Philopator d'excellens Généraux, qui ne négli. lémée Phi-
geoient rien pour former leurs troupes, 6c à qui l'on fournissoit en abondance lopator,
Antiochus
<5e

tout ce qui étoit nécessaire pour l'entretien & la nourriture des soldats. Ainsi le Grand.
Philopator avoit sur pied une bonne & nombreuse armée. L'hyver se passa en Aa du M.
conférences avec Antiochus pour tâcher de conclure une bonne paix; mais 37P6 avant
comme des deux côtez on ne vouloit rien relâcher, & que Ptolémée soutenoit J.Polyb. G. 214.
1. %,
qu'on ne pouvoit sans injustice lui ôter la Phénicie & la Celé-Syrie,, qu'An-
tiochus prétendoitlui devoir appartenir, on se mit en campagne au commen-
cement du Printems, & la guerre recommença aussi fort [que jamais. Antio-
chus étoit résolu d'attaquer par mer & par terre tout ce qui lui restoit à con-
quérir sur les côtes de la Phénicie ; Ptolémée de son côté avoit une puissante
armée de terre commandée par Nicolas, & une grosse flotte sous la conduite
il
& le commandement de Perigéne. Gaza étoit le lieu où avoit ramassé les
provisions pour la nourriture des troupes.
Antiochus s'avança jusqu'à Murath, où il reçut les Ambassadeurs desAra- LXXXIV,
diens qui firent alliance avec lui. 11 accommoda le differend qu'ils avoientavec Anuochus
ceux de la côte, qui est vis à vis leur Jsle ; delà il vint à Beryte, prit Bothrys, entre en
l
& brûla nere & Calame. Il envoya dtlà Nicarque & Théodote pour se saisir Qr force les
Phénicie
passages des défilez qui sont sur la rivière de Lycus, & pour prévenir les ennemis, qui
gardez par auroient pû s'en emparer. Il se campa sur la rivière d'Amura, & alla en per-
les Géné- sonne accompagné de Theodote & de Nicarque,pour considérer le poste qu'oc-
raux de cupoit Nicolas Général des troupes dePtolémée, & qui s'étoit campé au lieu
Philopa- nommé la plâne, prés la ville de Porphyrion qui étoit un endroit fort serré,
tor.
& qu'il avoit encore fortifié par des forts gardez par de bonnes troupes, cro-
yant arrêter là Antiochus & l'empêcher de passer plus avant.
Antiochus dez-le lendemain partagea son armée en trois corps, sans
compter sa flotte commandée par Nicarque, qui faisoit sur la mer les mêmes
mouvemens que son autre armée faisoit sur la terre ; ces deux armées ne se
quittant point de veuë. Theodote fut chargé d'un corps de troupes qui devoit
côtoyer le Liban, & faire tous ses efforts pour forcer l'ennemi. Ménédéme
commandoit le second corps, & avoit ordre de tenter le passage par le milieu
du côteau entre la mer & la montagne. Enfin le troisiéme corps avoit à sa
tête Diodes Satrape de la Parapotamie sur l'Euphrate. Il devoit soûtenir la
flotte & agir sur les côtes de la mer. Antiochus se plaça au milieu d'eux avec
sa compagnie, pour être témoin de tout ce quisepassèroit, & pour envoyer du
secours où il verroit qu'il y en auroit besoin. Les deux armées de terre &
de mer commencèrent le choc en même tems. Magré l'avantage de la situa-
tion, Théodote força les troupes qui occupoient la hauteur; & les aïant mi-
ses en déroute, tomba sur Nicolas & l'obligea à se retirer. Il y eut environ
deux mille hommes de tuez du côté de l'armée dePhilopator, on en prit en-
viron autant; le reste se sauva à Sidon. Epigénes qui commandoit la flotte
du même Prince, & qui se flattoit de la viéloire, fut obligé de sè retirer aussi
comme les autres.
LXXXV. Antiochos s'avança jusqu'à Sidon; mais il ne jugea pas à propos d'en
Prise de faire le siége. Elle étoit trop bien munie, & la garnison en étoit trop forte.
Philoterie, Il marcha droit àPhiloterie ville située à l'embouchure du Jourdain dans le Lac
de Scytho-
polis, d'i- à
de Genezanth, & donna ordre Diognéte de conduire sa flotte devant Tyr;
thabyrium delà il passa à Scythopolis, qu'il réduisit à son obéïssance, & ensuite àltha-
&c. byrium, ville située sur le montThabor qu'il prit aussi, aïant par stratagéme
attiré les habitans & la garnison dans la plaine, & aïant placé ses gens dans
des embuscades, d'où ils se jettérent dans la ville. Il pana le lourdain & prit
les villes de Pella, de Canion & de Gephron; puis étant entré dans le pays
de Galaad, il réduisit Abila &Gadara. Enfin il marcha contre Rabbat-Amon,
Capitale des Ammonites, qu'il réduisit de même; mais avec beaucoup plus
de peine, à cause de la situation de la place & de la multitude d'Arabes qui
s'y étoient réfugiez. Un transfuge montra un conduit souterrain par lequel
les habitans alloient puiser l'eau. Le Roy le fit boucher, & ainsi la ville se
rendit.
LXXXVI. Presqu'en même tems Kcereas & Hippoloque, qui commandoient quel-
- K:ereas
&
ques troupes dans l'armée du Roy d'Egypte, vinrent lui offrir leurs services.
Hippolo- Antiochus les reçut fort bien, & leur donna eommission d'aller dans le pays
que se quis'étoient sournis à son
donnent deSamarie, & de protéger ceux de cette Province,
à Antio- empire.r
chus. Au
Au commencement de la campagne suivante les deux Roys Ptolémée LXXXVll.
Philopator & Antiochus le Grand se disposérent à en venir à une adion générale. Ptolémée
Philopator
Ptolémée avoit soixante dix mille hommes de pied, cinq mille Chevaux, & marche
soixante & quinze Eléphans. Il se mit le premier en mouvement. Antio- contre An-
chus avoit dans son armée des Daés, des Carmaniens & des Ciliciens, armez tiochus.
à la manière des troupes réglées des Grecs. Il en avoit donné le comman-
dement à Byttacus Macédonien. Le reste de son armée consistoit en Macé-
doniens, en Grecs, en Agriens, en Perses, en Thraces, enModes, en Cis-
fiens, Caduiiens, Crétois, Lydiens, Arabes, faisant en tout soixante douze
mille hommes de pied, six mille Chevaux & plus de cent Eléphans. Ptolé-
mée s'avançq jusqu'à Peluse ; il y campa & y attendit ceux qui n'avoient pu
suivre. Il leur fit distribuër à tous des vivres & des provisions pour quelques
jours, à cause qu'au sortir delà ils devoient entrer dans un pays stérile & in-
habité avant que d'arriver à Gaze. L'armée du Roy y arriva heureusement,
,
& delà se rendit à '.°. stades, ou environ trois lieuës de Raphia, qui est la
premiere ville de Syrie, qu'on rencontre après Rhinocorure.
Peu de jours après Antiochus arriva a Raphia & passa audelà, jusqu'en- Théodote LXXXVUl.
viron à dix stades de l'armée de Ptolémée ;quelques jours aprés il s'en appro- entre dans
cha encore de cinq stades, ou 625. pas; de forte que presque tous les jours le camp
il y avoit des escarmouches entre les Cavaliers des deux armées, qui alloient de Plolé- v
abbreuver leurs Chevaux, ou qui alloient au sourage. Pendant ce temsTheo- mée dans
dote, dont on a parlé, qui s'étoit donné à Antiochus, & qui aîant été sou- le
dess-,irl

vent à la Cour de Ptolémée, en connoinbit toutesles maximes & les usages,


de le met-
tre à mort.
seglissa avec deux autres de grand matin dans camp le du Roy, & la nuit sui-
vante il entra dans la tente de Ptolémée , résolu de le tuër & de finir ainsi la
guerre; mais Dosithée fils de Drimyle qui étoit alors Juif, & qui quitta ensuite
sa religion, aïant fait coucher Ptolémée hors de sa tente, & aïant mis dans
son lit un particulier sans nom, Theodote entra de force dans la tente, mas-
sacra André le premier Médecin, blessa deux autres qui y couchoient, & s'en
retourna sans danger au camp d'Antioçhus.
Les armées s'étant reposées pendant cinq jours dans leurs camps, on ré- Bataille Lxxx/r.
solut de donner bataille. Ptolémée le premier fit sortir son armée & la ran- entre Phi-
gea de cette sorte. Polycrate commandait l'aile gauche avec sa Cavalerie & lopator &
--

la Phalange. L'aile droite étoit sous le commandement d'Echecrate Thessalien; Antiochus


le Roy devoit combattre à l'aile gauche. On y avoit placé 4o. Elephans; & le Grand.
seulement trente trois à l'aîle droite. - Les deux Phalanges & les autres trou-
pes armées à la Macédonienne, étoient vis à vis l'une de l'autre. Antiochus
avoit placé à la tête de l'aile droite 60. Eléphans avec Philippe son frere de
lait, qui les commandoit; les autres Eléphans avec leur ChefMyrsem furent
mis à l'aile: gauche. Le Roy devoit commander à l'aîle droite ; il alloit ac-
compagné de Théodote, de Nicarque, de ses-Généraux & de ses amis à la
téte des différentes troupes, les exhortant à bien faire; Ptolémée avec An-
dromaque & Sosibius, & la Reine Arsinoë sa sœur, alloient de même à la g. Maccab.
tête de leurs troupes pour les animer à bien combattre; la Reine Arsinoë les /. 5.6. -

cheveux épars conjuroit avec larmes les soldats à défendre leufllltberté & P,7lyb,!. f.
celle
celle de leurs femmes & de leurs enfans, leur promettant par tête deux mi-
nes d'or, qui font plus de treize cens livres pour chacun, s'ils remportoient
la victoire. Les deux Roys parloient tantost avec truchement & tantost sans
truchement, selon la diversîtédes nations, auxquelles ils vouloient se faire en-
tendre.
Le combat commença par les Eléphans, qui se jett-érent les uns contre
les autres avec beaucoup de vigueur. Or voicy la manière dont ces animaux
se battent les uns contre les autres. Ils s'embrassent fortement l'un l'autre,
engageant les dents les uns dans ceux des autres, sassànt tous leurs efforts pour
se taire quitter la place l'un à l'autre. Celui qui succombe & qui est obligé
de céder & de prêter le flanc, est aussitost poussé par le victorieux, qui lui
donne des cornes dans le ventre & dans les cotez, comme un Taureau qui
en frappe un autre. La plûpart des Eléphans dePtolémée qui étoient deLy-
bie, refusérent de combattre contre ceux d'Antiochus qui étoient Indiens, par-
ceque les Eléphans deLybie ne peuvent supporter ni Içpdeur, ni le cri, ni mê-
me la force de ceux des Indes. Ainsi Ptolémée eut le déplaisir de voir que
ces animaux & ceux qui les conduisoient & les accompagnoient, furent ob-
ligez de se retirer.
Antiochus profitant de ce désordre, fondit sur Polycrate, sur sa Cava-
lerie & sur les soldats Gercs mercénaires qu'il commandoit, & les ayant trou-
vez déja ébranlez par la fuite des Eléphans, les mit aisément en fuite. Ainsi
toute l'aîle gauche de Ptolémée fut entièrement renversée. Echecrates qui
commandoit l'aile droite, attendoit avec inquiétude le succés du combat de
l'aîle gauche; mais aïant apperçu une grande poussîére comme d'une armée
qui est en déroute, & voyant que ses Eléphans ne vouloient point avancer
contre ceux des ennemis, ordonna à Phoxide qui commandoit les Grecs
mercenaires, de donner sur l'Infanterie ennemie qu'il avoit en front, pen-
dant que lui avec sa Cavalerie alla par derrière les Eléphans d'Antiochus, don-
ner sur sa Cavalerie. Il l'attaqua de front & en flanc, & la renversa sans beau-
coup de difficultez. Phoxide en fit autant contre les troupes qu'il avoit en
tête, & mit en fuite les Médes & les Arabes de l'armée d'Antiochus. Ainsi ce
Prince gagna la vidoire à l'aîle gauche, & perdit la bataille à l'aile droite.
Les deux Phalanges n'avoient point encore combattu, & se trouvoient l'une
& l'autre en présence dénuées du secours de leur Cavalerie, en attendant ce
qu'il plairoit aux Princes d'ordonner.
xc. Antiochus qui étoit jeune & sans beaucoup d'expérience poursuivoit
,
Antiochus sa victoire avec vivacité, s'imaginant qu'il étoit victorieux par tout; mais Pto-
cst vaincu lémée qui s'étoit retiré dans sa Phalange,
& obligé ayant paru entre les deux armées,
de le reti. inspira un nouveau courage aux siens & beaucoup de fraïeur à ses ennemis
rer à An- qui ne voyoient point leur Roy. Andromaque &Sosibius baissant leurs lan-
tioche. ces, donnérent avec impétuosité sur les ennemis. Les Syriens firent d'abord
quelque résistance; mais ceux qui étoient commandez par Nicarque, soûtin-
rent à peine la premiére attaque, & prirent aussitost la fuite. Antiochus fut
enfin averti de ce qui se passoit à son aîle gauche, il y voulut accourir avec ses
gardes j mais il trouva qu'il étoit impossible de rallier les siens, & fut obligé
de
de se retirer avec les relies de fou armée à Raphia. Il perdit dans cette action
environ dix mille hommes de pied, six cens Chevaux, trois Eléphans, sans
compter deux autres Eléphans qui moururent ensuite de leurs blessures. On
lui fit plus de quatre mille prisonniers. Ptolémée perdit quinze cens hom-
mes de pied, 700. Chevaux, 16. Eléphans; on en prit encore un bien plus
grand nombre.
Antiochus envoïa le lendemain demander les corps des liens pour leur XCI.
rendre les devoirs de la sépulture. Aprés leur avoir rendu cet office, il par- Les villes
tit de Raphia & retourna à Antioche de Syrie. Raphia & les autres villes de creuse de la Syrie
âc
Phénicie & de la Celé-Syrie se rendirent à l'envi à Ptolémée, & lui offrirent de la Phé-
des couronnes & des Sacrifices, & lui érigérent des Autelfccomme à une Di- nicie ren-
vinité; cartel est le genie de ces peuples bassement flatteurs, & poussant le trent sous
reiped pour leurs Roys jusqu'à l'impiété & l'idolâtrie. Ptolémée de son côté l'OI)éiflàn-
n'oublia rien pour s'attacher les peuples par ses marques de bienveillance, & lopator. cede Phi-
par les riches presens qu'il fit à leurs temples.
Aussitost qu'Antiochus fut arrivé dans Antioche, il députa Antipater XC11.
fils de Ion frere, & Ihéodote d'Hemiole vers Ptolémée pour traiter de la paix. Paix entre
Ce Prince n'aimoit point la guerre, & n'avoit que trop de penchant pour le les Roys
Philopator,
&
repos pour le plaisir; aprés quelquesreproches qu'il fit à Antipater des torts & Antio.
qu'Antiochus lui avoit faits, il accorda d'abord une trêve pour un an, puis chus le
envoïa Sosibius-enSyrie pour affermir la paix avec Antiochus; Ptolémée aprés Grand.
trois mois de séjour dans la Phénicie, la Celé-Syrie & la Judée, se rendit avec
sa fœur à Alexandrie, où il recommença à se plonger dans la mollesse & dans
la volupté, comme auparavant.
Antiochus aprés avoir arrêté avec Sosibius tous les articles de la paix, XCllL
mit tous ses soins à faire les préparatiss de la guerre qu'il vouloit faire la cam- Grands
pagne suivante à Achée, qui, comme on l'a veu, s'étoit révolté contre lui. progrés d'Achée
Achée avoit fait la guerre l'année précédente contre les Selgiens, qui affié- dans P A-
geoient ceux de Pedrulle en Pamphilie. Il contraignit ceux de Selga à lui sie* ,
donner comptant 300. talens, & à lui en promettre encore 300. autres paya-
bles à quelque tems delà. Ainsi Achée aprés s'être rendu maître de la l\lilyade
& delà meilleure partie de la Pamphilie, vint à Sardes,étant toujours en guerre
avec Attalus. Celui-ci profitant de l'absence d'Achée, qui étoit occupé à la
guerre contre Selga, reprit la plûpart des villes de l'Asie, qui t'étoient aupa-
ravant données à Achée; & de peur que les Gaulois qu'il avoit dans son ar-
Inéc,ne se n1écontentafTent & ne le quittassent,pour prendre parti dans les trou-
pes d'Achée, il les ména sur FHellespont, & leur aïant donné des terres à
cultiver il les y laissa en repos, leur promettant, que si jamais ils avoient be-
,
soin de sa laveur, ils le trouveroient prêt à leur rendre service dans ce qui
seroit de justice.
Antiochus donc voulant faire la guerre à Achée, commença par saire la XCIV.
paix avec Attale, & marchant contre Sardes, y assiégea son ennemi. Le siége Guerre
dura prés de deux ans, pendant lesquels il y eut de part & d'autre quantité d* Antio-
de petits combats, dans lesquels on mit en oeuvre tout ce que Part militaire chusAchée. con-
subtilité d'adresse,pour surprendre tre
a de & se & tirer avantage des fautes l'un An du M.
Tom. III. H h u de g7 8 8. avant
J. C. 212. de l'autre. Lagoras de Créte, qui avoit remarqué j>our rurdindin.: les
Pelyb. 1. s. places les plus fortes sont prises par la négligence des aihégez, qui ne tien-
& /. 7. nent compte de faire garde, ou qui la font nonchalamment, de même aussi
que les meilleures places sont emportées par les endroits les plus forts & les
mieux fortifiez, parceque on le repose sur leur sorce , & qu'on ne s'imagine
pas que les ennemis en doivent même tenter l'attaque.
XCV. Lagoras donc s'étant douté que les assiégez ne faisoient pas garde en un
Prise de la lieu nommé la scie, & qui joint la citadelle à la ville, & ce qui le persuida
ville de qu'en effet il n'y avoit point de gardes en cet endroit, c'est que comme il étoit
Sardes sur inaccessible, & qu'au bas il avoit prosonde vallée, dans laquelle on jet-
Achée. y une
toit les charognes, les corbeaux & les vautours, aprés avoir mangé, alloient
tranquilement se reposer sur les murailles, ce qu'ils n'auroient pas fait, s'il y
avoit eu du monde pour garder les parapéts. Il s'approcha ensuite de l'endroit
pendant la nuit, & en ayant diligemment considéré tous les cantons, il re-
marqua un endroit où l'on pouvoit aisément monter avec des echelles. Il en
fit ouverture au Roy, & le pria de lui donner pour ajoints ThéodoteEtolien,
& Denys Capitaine de ses Gardes, qu'il croyoit capables d'entreprendre la
chose & de l'exécuter. Ils choisirent une nuit où la Lune ne parut qu'au
commencement, & non sur la fin de la nuit ; & le jour pris pour l'exécution,
ils choisirent quinze des plus robustes & des plus vaillans soldats de l'armée,
pour dresser les échelles & pour monter avec eux sur lesles murs. A un petit
premiers, & pour
espace delà, ils en placérent trente autres pour soùtenir
rompre les portes en dehors, tandisque les autres romproient les barres &
les liens qui les tenoient.
xcvi. Enfin ils en commandèrent deux mille autres pour le jetter dans la viile,
Stratagème lorsque les portes
en seraient ouvertes, & pour s'emparer du haut du Théâtre,
,de Lagoras
qui dominoit & sur la ville & sur la citadelle; & afin qu'on ne se doutât de rien
pour pren-
dre la ville dans l'armée, ils firent courir le bruit que c'étoitpour empêcher quelques Eto-
de SÓudes. liens qui devoient entrer dans la place par un certain égoût, comme ils l'a-
voient 3ppris des-erpions. Ainsi au commencement de la nuit, & lorsque la
Lune commença à paroître, ils se glissérent avec leur echelle derriére une roche
qui les couvroit, & le jour commençant à poindre, les gardes aïant été chan-
gées, & l'armée d'Antiochus aïant été rangée en bataille à l'ordinaire dans
l'Hippodrome, on apperçut les deux echelles dressées contre les murs, sur
l'une desquelles Denys montoit le premier & Lagoras sur la seconde. Tout
le monde fut dans l'étonnement & dans l'attente du succés de cette hazardeufe
entreprise ; car pour Achée& ceux qui étoient dans la ville & dans la citadelle,
ils ne pouvoient voir ce qui se passoit de ce cote-la, a cause d une grossè roche
qui leur en dérobait la veuë; mais on les voyoit alternent du camp d Antio-
xevii. Ce Prince pour faire diversion du côté de la ville, fait approcher ses trou-
Antiochus d'un autre côté, comme s'il y eût voulu donner l'assaut; & Achée se dou-
entre dans pes de quelque chose, envoïa du monde vers la porte, que lesassiégeans vou-
Sardes. tant
Achée se loient forcer; mais comme on n'y pouvoit parvenir que par un sentierfort
retire dans étroit, ils y vinrent trop tard. La porte étoit déja foncée, & les deux mille
la citadelle» nommes
hommes étaient entrez dans la ville, & s'étoient saisis du haut du Théâtre.
CependantAribaze, qui commandoit dans la place, étoit accouru à la porte
qu'il croyoit devoir être attaquée par l'armée d'Antiochus; mais ses précau-
tions furent vaines. L'ennemi s'empara de la place & de tous les postes avant
qu'il sçût disiinélement à quoi l'on en vouloit. Ainsi la ville de Sardes fut
prise & abbandonnée au pillage.
Achée se maintint encore quelque tems dans la citadelle, & n'en fut tiré XCVllU
Trahiion
que partrahison. Voicy comme la chose arriva. Bolis Crétois avoit été long- de Bolis
tems dans la Cour du Roy Ptolémée, & s'y étoit acquis la réputation d'hom- contre
me.de beaucoup de cœur & de prudence. Sosibius lui fit ouverture du des- Achée.
sein qu'il avoit de délivrer Achée, & le pria de s'y employer; qu'il ne pouvoit An du M..
rien faire qui fût plus agréable au Roy, ni qui dût lui mériter de plus grandes 37 G. 8 p. avant.

récompenses. Bolis aprés y avoir réflechi pendant quelques jours, s'engagea J. an.
Polyb. 1.7,
à ce qu'on souhaittoit de lui, enexposa les moïens à Sosibius, reçut de gran-
des sommes & des marques de créance pour ceux à qui il s'addresseroit, &
il
partit pour Rhodes, où trouva Nicomaque, qui dévoit être un deses corre-
spondans pour faire savoir à Sosibius tout ce qui se passeroit; delà il se ren-
dit à Ephéle, où il s'ouvrit aussi à Melancomas, qui devoit encore lui servir de
correspondant. D'Ephése il envoïa un de ses serviteurs nommé Arien au camp
d'Antiochus, avec des lettres pour Cambyle Général des Crétois qui étoient
dans l'armce d'Antiochus. 11 lui marquoit qu'il étoit venu de la part du Roy
Ptolémée, pour faire des recrues de soldats étrangers, & qu'il avoit à lui commu-
niquer des choses de la dernière conséquence, qu'illeprioitde lui marquer un
lieu, où ils se pulsentvoir seul à seul. Cambyle renvoïe Arien, & lui donne
des lettres pour Bolis, où il luimarque le lieu & l'heure où il le pourroit voir. XClX.
Bolis &
Bolis arrive, & au lieu de concerter des moïens de sauver Achée, convient Cambyle
avec Cambyle de partager avec lui les dix talens qu'il avoit reçus d'avance de conspirent
Sofibius, de découvrir l'intrigue au Roy Antiochus, de tirer de lui de l'argent, de livrer
& de s'engager de lui livrer Achée. Que Cambyle auroit soin de faire entrer Achée à
Arien dans la citadelle avec des lettres de créance de Nicomaque & de Melanco- Antiocbduw.
lnas; que si Achée prenoit confiance en Arien, il agiroit lui-même en person-
ne, entreroit dans la citadelle & prendroit son tems pour lui mettre Achée
entre les mains. Bolis & Cambyle découvrent leur projet à Antiochus, qui «
les comble de présens, & leur fait de grandes promesses, s'ils réüssissent dans
leur dessein. Arien entre dans la citadelle. Achée s'informe curieusement de
toutes choses auprés d'Arien, qui lui en rend un fidel compte, comme étant
parfaitement informé de tout, hors du complot formé entre Bolis & Cambyle.
Après plusieurs allées & venuës, Achée prend enfin sa résolution de se C
Prise d'A.
livrer à Bolis. Il l'introduit dans la citadelle, & aprés l'avoir curieusement chée
interrogé & observé ses réponses, son visage, son aïr ; il lui dit qu'il ne pouvoit Bolis par
Cré-
encore sortir, qu'il n'eût envoyé quelques personnes de sa part à Melancomas, tois. An dL¡
pour savoir encore plus précisément le fond de cette intrigue. C'étoit une M. 378p.
ruse, afin que Bolis lui-même ne sçût pas si Achée étoit sorti. Il envoïa donc avant J.&
devant Bolis & Arien à la porte de la citadelle, & quelque tems aprés il les Polyb. 211.
/.
suivit déguisé en serviteur mal &
couvert, prenant tout l'aïr d'un esclave. De
plus il avoit donné ordre à un des siens de répondre toujours à ce que diroit
Arien, & de lui demander ce qui conviendroit, & de dire que les autres étoient
des Barbares qui ne parloient pas Grec. Comme il faisoit une nuit fortsombre,
Bolis ne pouvoit distinguer qui d'entr'eux étoit Achée, ne sachant pas même
certainement s'il étoit de la compagnie ; cependant comme le sentier étoit
très-serré, glissant & dangereux, il remarqua qu'on avoit si grande attention
si
pour ce prétendu esclave mal mis, qu'on l'attendoit, qu'on le soîlteiioit,
qu'on ne le quittoit point, il ne douta plus que ce ne fût Achée lui-même.
Cl. Arrivez au lieu où Cambyle avoit place son embulcade, Bolis donne le
Achée est lignai par un coup de sifflet. Au même instant
mené à An.' pagnie, & Bolis arrête lui-même le misérable Achée, on saisit tous ceux de laCom-
tiochus. lui prend les mains, de
peur qu'il ne se défende, ou même qu'il ne se tuë avec l'epée qu'il portoit.
On l'enveloppe de toute part & on le lie, puis Cambyle le conduit à la tente
d'Antiochus, qui attendoit avec impatience le succés de cette conjuration.
Ce Prince fut si étonné de voir Achée à ses pieds lié & immobile, qu'il ne put
retenir ses larmes, en considérant l'incertitude des choies humaines; car
Achée étoit fils d'Andromaque, frere de la Heine Laodice, qui avoit épousé
Seleucus Roy de Syrie; il avoit lui-même pour Epouie Laodice Hile du Roy
Mithridates, & avoit été réconnu Roy de toute l'Asie, qui étoit audelà du
mont Taurus. Dez-que la nouvelle de sa prise fut répanduë dans le camp,
on eut d'abord peine à la croire, & lorsque le Conseil du Roy fut assemblé,
on délibéra sur le genre du supplice qu'on lui feroit ibuiirir; enfin il fut con-
clu qu'on lui couperoit les extrémitez des pieds & des mains, & qu'ensuite
on lui arracheroit la tête, & on l'enfermeroit dans une peau d'âne, & qu'en-
fin on attacherait son tronc à une potence.
Peu de tems après on envoya un Héraut à Laodice Epouse d'Achée, pour
€11.
le
Prise de la lui annoncer
citadelle repondit à
malheur de son mari & lui ordonner de rendre la citadelle. On
de Sardes. tout cela par des cris & des lamentations; mais on ne prit pour lors
JPttyb. J. 7. aucune résolution ; ensuite la division s'étant mise dans la garnison, les uns
étant pour Laodice, & les autres pour Ariobaze Gouverneur de la ville de
Sardes, ils se rendirent enfin à Antiochus, qui par cette conquête devint maî-
tre des grands Etats que possédoit Achée en deçà du mont Taurus.
Cili. Quelques années aprés le Roy Antiochus marcha contre Arsacés, autre-
Guerres ment Artabanus Roy des i\1édes, fils d'un autre Arsacés, qui, comme on l'a
d' Antio- cy-devant, avoit fondé le Royaume des Parthes sous le regne de Seleu-
chus con- veu
tre Arsacés. cus II. Roy de
Syrie. Arsacés étoit maître de la Médie &' des Provinces voisi-
An du M. nes, sur tout de l'Hircanie, qui est d'un très-difficile accès, à cause des mon-
3792. avant tagnes qui lui servent comme de barriéres. La Médie eit un excellent pays,
J. e. 208. qui abonde
Polyb. /. X. en toutes sortes de biens, & qui nourrit des Chevaux en très-grand
/.83I. nombre, & des hommes trés-propres pour la guerre. Nul autre pays n'est
y
plus propre pour fonder une Monarchie; aussi Alexandre connoissant rim-
portance de cette Province pour conserver les conquêtes qu'il avoit faites en
Orient, y avoit établi grand nombre deColonies, &l'avoit, pour ainsidire,
environnée de villes peuplées par des Grecs.
£çbatane étoit au milieu de ces villes. C'étoit l'ancienne demeure des
Ruys
Roys de Médie. Elle n'avoit point de murs. Le palais des Roys avoit sept av.
stades ou environ mille pas de circuit. Tout y brilloit d'or & d'argent. Les Richeflcs
ouvrages étoient de cédre ou de Cyprés; mais les Colomnes, les poutres & Ecbata-
(I,
les Lambris étoient couverts de lames d'or ou d'argent. Les tuiles mêmes ncs.
qui en couvroient les toitures, étoient d'argent. Aprés la Conquête qu'Ale-
xandre fit de la Médie, on enleva la plus grande partie de ces lames & de
ces tuiles. Le reste fut pris sous le regne d'Antigone & de Seleucus Nicanor.
Du tems d'Antiochus le Grand le temple de la Déesse Ené, ou Nannée, étoit
encore rempli de colomnes couvertes de lames d'argent, &on y voïoitquel-
ques tuiles d'or & plus grand nombre d'argent, dont ce Prince fit frapper
de la monnoïe d'argent à son coin pour la valeur de quatre mille talens d'ar-
gent.
Arsacés ne doutoit point qu'Antiochus ne pénétrât dans la Médie, & CV.
Arsacés se
jusqu'à Ecbatancs; mais il ne pouvoit s'imaginer qu'il pût paÍfer dans les retire
Provinces voisines, àcause de la difficulté deschemins, & sur tout à cause de Hircanie. en
la disette d'eaux; car encore qu'il y ait bon nombre de ruisseaux & de puits
cachez sous terre, les étrangers n'en peuvent avoir connoissance , à moins que
les gens du pays ne les leur découvrent. Arsacés donc voïant qu'Antiochus\
s'avançoit plus avant, & que sans craindre la disette des eaux, il avoit entre-
pris d'entrer dans le désert, envoïa ses gens avec ordre de gâter ou de bou.
cher tous les puits & toutes les fontaines ; mais Antiochus fit quelques dé-
tachemens pour donner la chasse aux gens d'Arsacés qui prirent la fuite sans
,
rendre de combat. Le Roy arriva à Hecatomphylos ou Cent-portes , ville
r-

célèbre, ainsi nommée, à cause qu'étant située au mileu du pays des Parthes,
elle a grand nombre de portes, qui conduisent aux cfifférens Cantons de ce
pays.
Antiochus fut étonné de trouver ce pays sansdéfënse, & jugea qu'Arsa. cri,
cés se sentoittrop faiblepour lui résister puis qu'il abbandonnoit un terrain Antiochus-
,
si propre pour lui livrer bataille. Il résolut donc de le suivre dans l'Hircanie
paffe en
Hyrcajue.
où il s"étoit retiré. Il envoïa devant Diogénes avec des Archers, des fron-
deurs & des payians montagnards, pour écarter les Barbares qui occupoient
les défilez, & pour préparer le chemin au gros de Tarmée. Diogénes s-«"aquitta
à merveille de cette commission; il éloigna ceux qui voulurent lui disputer
le passage, & le Roy passa enfin, quoiqu'avec beaucoup de difficulté les
montagnes qui sont très-longues, & dont les chemins sont étroits & trés, em-
bar;isl,èz par les rochers & les bois. En huit jours de marche il arriva aux
hauteurs, où les Barbares s'étoient rassemblez dans la résolution de lui livrer
la bataille; mais Antiochus aïantfait monter pendant la nuit par un long cir-
cuit, des soldats armez à la légère, il les prit par derrière & par devant & les
à
mit aisément en déroute. Delà il entra en Hyrcanie, & arriva Tambrace,
ville très-grande, mais sans murailles, où l'on voyoit le Palais des anciens
Roys du Pays.
Aprés y avoir donné quelque repos à son armée, il marcha contre la CVlt.
ville de Syringe, qui n'en est pas loin.1 & où la plupart de ceux qui avoient Prise de
été deitinez à la garde des montagnes, s'étoient retirez. Antiochus en fit le Syrings
H II 5 dansi'Hfr-
flége caaic.
siege, & les Barbares vôïant une partie de leurs murailles renversées par la
sappe, désespérent de conserver la ville. Ils égorgèrent tous les Grecs qui
se trouvèrent dans la place, enlevèrent tous leurs meilleurs effets, &sesauve-
rent pendant la nuit. Le Roy en fut informé, fit courir après eux Hyperba-
tis avec un gros détachement, & les obligea, après avoir jette tout ce qu'ils
portoient, de rentrer dans la ville. Ils furent forcez de se rendre à compo-
sition.
CVIII. Arsacés parut enfin avecson armée forte de cent mille hommes de pied,
Bataille en- &de vingt mille Chevaux. Le combat se donna, & Arsacés combattit
tre Antio- une valeur extraordinaire. Antiochus fit alliance avec
chus & .Ar, avec lui, & lui accorda la
facés. Ils paix; à condition qu'il se joindroit à lui pour faire la guerre à Euthydéme
fout la Roy de Baâriane.
paix. Euthydéme avoit usurpé dépuis quelques années le Royaume sur Dio-
Epitome dote II. à qui il avoit ôté la couronne & la vie. Euthydéme envoïa ton
Trogi
fils Demetrius auprés d'Antiochus pour lui faire des propositions de paix.
n. 41. Antiochus fut si contentde l'esprit & des manières du jeune Demetrius, qu'il
ClX.
Guerre lui accorda la paix, lui promit sa fille en mariage, & lui permit de prendre la
d'Antio- qualité de Roy. Euthydéme livra tous ses Eléphans à Antiochus, @& se fou-
chus con-
Euthy- mit aux conditions de paix qu'il lui préscrivit.
tre Il paflaensuite le montCaucase, entra dans les Indes, renouvella l'al-
déme.
FtJlyb. liance avec Sophagaséne Roy de ce pays, reçut de lui quelques Eléphans, en
fragment. sorte qu'il en avoit dans son armée jusqu'au nombre de cent cinquante. Il
IXLçMi- songea alors à retourner en Syrie. Il passa par l'Arachosie, & vint
An du M. par la
g7og.avant Drangiane en Carmanie, où il mit
ses troupes en quartier d'hyver. Apres
J.4$. 201. l'hyver il revint en Syrie avec une armée prodigieuse, aprés avoir sournis tous
,
les Satrapes qui gouvernaient les Provinces de la haute Asie, & avoir établi
son empire & sa réputation non seulement dans l'Asie, mais aussi dans i Euro-
pe, ce qui lui mérita à juste tître le nom de Grand.
ex. Ptolémée Philopator aprés la victoire qu'il remporta à Raphia sur An-
Révolte tiochus, retourna en Egypte & y persécuta les Juifs, comme il est rapporté
des Egy- au long dans le troisiéme livre des Maccabées, & comme nous l'avons raconté
ptiens con- ailleurs. Il continua à vivre comme auparavant dans la débauche & dans
tre Philo- toutes sortes de derèglemens; ce qui le rendit odieux & méprisableà ses peu-
pator. An ples, & sur
du M, 3 7 89. tout aux troupes qui se tenant fiéres de l'avantage remporté à Ra-
avantJ.C. G. phia, dédaignoient d'obéïr à un Prince qui ne prenoit aucun soin de ses Etats,
*11. qui n'avoit nulle considération pour ses soldats, & qui passoit sa vie dans la
XJjfer. ad & dans des actions indignes de son rang. Les troupes se ré vol-
dissolution,
fin, M. lui. Les Juifs qu'il avoit comblez de grâces, après
2789. E:Jf. tèrent hautement contre
3. Maccab. les avoir exposez aux derniers dangers, prirent son parti & s'c)pposérunt aux
è Eufeb. rebelles. On assûre même qu'ils perdirent dans une action loixante mille
Çhronico. hommes. On ignore les autres particularitez de cette guerre.
ex1. Philopator, apparemment pour jouïr d'une plus grande licence dans
Mortd'Ar- ses infamies, fit mourir Arsinoë qui étoit à la fois sa sœur & son Epouse. 11
finoé sœur emploïapour cette indigneaction Sosibius qui étoit son Ministre d'Etat. Après
& Epouse
dePtolt- quoi il se livra à l'amour d'uneMusicienne nomméeAgathoclie, & de son frère
jréf Agatho-
Agathocles, qui n'etoit pas moins corrompu que sa soeur.- Ils avoient une Philopa-
Mere nommée £nanthe qui abusoit de l'aÍleétiol1 que le Roy avoit pour ses bles tor. Trou-
enfans. Toute l'Egypte vit avec étonnément &avec indignation que le Roy Egypte. en
donna l'Intendance de toutes les grandes affaires du Royaume à Agathocles, An au M.
qui disposoit à son gré de tous les employs militaires & civils, tout cela de 3797-avant
concert avec sa Mere & sa sœur; en sorte que le Roy étoit celui qui avoit le J. 6- 20
Polyb. l.i%»
moins d'autorité dans ses Etats. Agathocles commença par éloigner du Palais ffuftin.
tous ceux qui lui pouvoient faire ombrage, & par arrêter la fureur dusoldat, J. 30.
en lui païant tout ce qui lui étoit redû ; aprés quoi il se plongea sans crainte &
sans considération pour qui ce fut, dans toutes sortes de désordres, n'épar-
gnant ni la pudeur des filles, ni l'honneur des femmes mariées.
Comme il-agissoit avec une insolence & une hauteur insupportables, il CXIL
encourut bientoit la haine publique, &on ne manqua pas de lui imputer tous MinistreAgathocle
dit
les malheurs & toutes les disgraces de l'Etat. Il ne manquoit au peuple qu'un Roy Philo..
Chef &un homme de résolution, pour faire éclater son mécontentement par pator.,
une révolte ouverte. Il n'y avoit dans le pays que Tlepoléme qui les soûte-
n oit & relevoit leurs espérances. Tlepoléme etoit un jeune Seigneur, qui
avoit passé sa vie avec honneur dans les armes ; car il étoit capable de com- Po/yb. Lr6.
mander les troupes, aïant beaucoup de cœur & de valeur, & de plus une Excerpt.
éloquence militaire propre à gagner les soldats; mais personne n'étoit moins ValeJ.g.m
propre que lui à gouverner & à manier les finances d'un Royaume, étant
naturellement dissipé & peu capable d'attention, d'ordre & de régie; aussi
bientost il gâta ses propres affàires, & fit tort à celles du Royaume d'Egypte;
car il passoit une partie du jour au jeu ou dans les exercices militaires, & le
reste dans les festins & dans des occupations aussi peu férieuses*Si quelque-
fois il entroit dans l'examen des comptes, ou des affaires, c'étoit pour di-
itribuër, ou plutoit pour dissiper l'argent de l'épargne, en le donnant à des
gens de Théâtre, aux soldats, aux Capitaines, qui étoient à la Cour, ou à des
Ambassadeurs qui venoient de la Gréce en Egypte;
Ces largesses lui attiroient des louanges. On ne parlait que de lui dans eXITI.
les compagnies & dans les festins; on chantoit dans les rues des vers-en sa lou- Tlepolé-
ange. Tout cela flattoit infiniment sa vanité, & l'engageoit à augmenter me sup-
ses largesses. Sosibius au contraire qui ëtoitDëpositaire d-e Panneau du Roy, plantefibius.
So-
B: qui étoit chargé de la garde du corps de sa Majefcë, étoit dans l'estime
des Courtisans, & onloiioit sa gravité, sa sagesse & le soin qu'il prenoit de la
personne de Philopator. Toute la ville d'Alexandrie & toute la Cour étoient
partagées entre Tlepoléme & Sosibius; & les choses allèrent enfin à un point
qu'on accula Tlepoléme comme dissipateur des deniers de l'épargne, qu'il ma-
nioit, disoit-on, non commeadministrateur, mais comme maître & proprié-
à
taire. Tlepoléme répondit sesaccusateurs, & les accusa àson tour, de telle
rnaniére que l'on ôta les sceaux à Sosibius & qu'on les donna à Tlepoléme,
qui par cemoïen se trouva chargé de toutes les affaires d'Egypte, & en quel-
que sorte plus Roy que le Roy même.
Quelquetems aprés Ptolémée Philopator mourut à Alexandrie, &Iaifla eXiV.
le Royaume à Ptolémée son fils âgé de quatre ou cinq ans, Il fut. surnommé Mort de
Epiphfl.. Ptol émé8
Philopa- Epiphanes, & quelquefois Philopator.' La mort du Roy fut cachée quelque
tor. l'tolé- tems, pendant qu'Agathoclie & sa Mere pilloient l'argent du Trésor Royal,
mee Epi- & qu'Agathocles prenoit des mesures avec d'autresscelerats, pour s'emparer
phanes son de la souveraine puissance. Enfin il assembla les Principaux des Macédoniens,
fais lui suc-
céde. An & leur fit voir le jeune Roy, qu'il disoit avoir été remis entre les bras de sa
dnM.3800. sœur Agathoc1ie par le Roy moribond, qui leur avoit aussi recommandé de
avant J.C. prier les Macédoniens de prendre l'enfant sous leur protection. Il se mit en-
200. suite à haranguer l'assemblée, accusant Tlepoléme d'avoir pris jour pour
tfustin.
1. 30. C. 2.
monter sur le Trône, & produisant Critolaüs comme témoin des préparatifs
PolybJ. 1î. faits pour cette cérémonie. Le discours d'Agathocles ne fit aucune impres-
fion, & ne servit qu'à le rendre de plus en plus méprisable. 11 se mit aprés
cela à persécuter ceux qui appartenoient à Tlepoléme & ceux qui lui étoient
attachez. Il fit mettre en prison la Belle-Mere de Tlepoléme, & fit appliquer
à la torture Mseragénes un des affidez de Tlepoléme, l'accusantd'être l'espion
de Tlepoléme & le confident de ses secretes pratiques. Mœragéries fut livré
à Nicostrate Secretaire, qui le fit dépouïller pour lui donner la question,&
tirer de lui les prétendus secrets qu'il avoit découverts à Tlepoléme. Tout
étoit prêt pour l'exécution, lorsqu'on vint dire quelque chose à l'oreille à
Nicostrate , qui l'obligea sur le champ à se retirer sans rien dire, mais seule-
ment se frappant la cuisse en marchant. Les exécuteurs qui étoient présens,
après avoir attendu quelque tems, se retirèrent les uns aprés les autres, &
Maeragénes se sauva tout nud à travers le Palais, sans que personne l'arrêtât.
Il se rendit dans la tente de quelques Macédoniens qui dinoient, il leurraconta •
son avanture.&les exhorta avec larmes d'avoir compassion de lui, & d'eux-
mêmes, & sur tout de songer à mettre à couvert la peisonne du Roy, pour
lequel il y avoit tout à craindre de la violence d'Agathocles; que l'occalion
n'avoit jamais été& ne seroit jamais plus belle, pendant que tout le peuple
étoit animé contre lui, & n'attendoit qu'un Chef pour se déclarer;
Les soldats Macédoniens qui avoient leurs tentes dans un quartier de la
ville, émus par les paroles de Mseragénes, vont de tente en tente exciter leurs
Camarades. En moins de quatre heures toute la ville fut en rumeur, & les
soldats aussi bien que les Bourgeois étoient prêts à prendre les armes. Dans
le même tems on apporta une lettre aux soldats qui portoit que Tlepoléme
alloit arriver. Agathocles dans ce danger perdit la tête, & sans prendre au-
cune précaution pour se tirer du danger dont il étoit menacé, se mit à faire
bonne chère à son ordinaire avec ses amis. Cependant sa Mere iEnanthe étant
entrée dans un temple de Cerés &deProserpine, pour implorer le st cours de
ces Déesses, d'autres femmes y entrèrent aussi comme pour la consoler; mais
elle les renvoya avec indignation, les dévouant à toutes les Furies, & ordon-
nant aux femmes qui la suivoient avec des verges pour écarter la foule, de
les frapper, si elles ne se retiroient. Les femmes d'Alexandrie à leur tour la
chargérent de malédictions, & étant retournées chez elles, animèrent leurs
maris à tirer vengeance des insultes qu'iEnanthe leur avoit faites.
La nuit venue toute la ville fut remplie de tumulte, d'indignation, de
menaces, de mouvemens, de lumières. Toutes les places des environs du
Palais
Palais étaient pleines :de monde; Agathocle qui ne savoit rien de tout cela,
dormoit profondément; on l'eveille. il court à l'appartement du Roy, fait.
de grandes plaintes de son malheur, prend le Roy par la main, & le conduit
dans une galerie qui étoit fermée de trois portes; Agathocles se retira derriére
la ttoisiéme porte qui étoit un grillage. Dans ce moment on entendit de
grands cris d'hommes, de femmes & d'enfans qui demandoient le Roy.
Quand il fut jour, lessoldats aïantsçu que ce Prince étoit dans ce portique,
enfoncèrent la prémiere porte. Ils étoient prêts à forcer aussi la sécondé,
lorsqu'Agathocles ouvrant les yeux sur le danger qui l'environnoit, pria
que l'on proposât aux Macédoniens de sa part, qu'il renonçoit à tous sesem-
1 ploys, ses biens, sapuissance,
pourveu qu'on lui conservât la vie, &dequoi
le sustenter. Un nommé Aristoménes qui étoit là, se chargea de rapporter la
chose auxsoldats Macédoniens, qui lui répondirent qu'il eût à leur remettre
la personne du Roy, ou qu'il ne se présentatpas devant eux, s'il ne vouloit
être sur le champ luis à mort. En même tems ils foncérent la seconde porte
du portique. *
Alors on leur fit passer le Roy avec ses gardes. Ils le mirent sur un
Cheval, & ensuite le placèrent sur le Trône d'où le Roy avoit accoutumé
de regarder les spectacles. Le peuple le vit avec de grands cris dejoïe, mais
en même tems il témoigna son indignation de ce que les coupables fussent
échappez. Dez-que le jour sut venu, Sosibius fils de Sosibius un des Gardes,
qui remarqua que le jeune Roy étoit inquiet de se trouver ainsi au milieu de
gens qu'il ne connaissoit pas, & qu'il n'avoit pas accoutumé de voir, lui de-
manda s'il n'étoit pas disposé de livrer au peuple ceux qui avoient offensé
ou lui ou saMère. Le jeune Roy aïant témoigné que c'étoit-là son intention,
Sosibius aprés avoir dit à quelques uns des gardes de déclarer au peuple les
volontez du Roy, il prit le jeune Prince & le conduisit dans son appartement.
Le peuple satisfait témoigna sa joïe par de grandes acclamations ; & en mê-
n1e tems Agathocles & Agathoclie se retirérent dans leurs demeures; mais r
bientost on amena Agathocles chargé de liens, puis Nico & Agathoclie
nue, avec ses sœurs, & enfin Enanthé nuë & montée sur un Cheval. D'abord
qu'on vit Agathocles, on le perça de coups & on le mit à mort; sa Mere
Es loeurs & toutes ses proches furent exposées à tout ce que la fureur du peu-,
ple a de plus barbare & de plus cruel; on les mordit de rage, on leur arracha
les yeux, on les mit en pièces. Quelques femmes qui avoient été élevées
avec la Reine Arsinoë, coururent en même tems à la maison de Philammon
. qui avoit été chargé de tuer la Reine Arsinoë. On l'accabla de pierres & de
coups de bâtons; on étrangla son fils qui n'étoit qu'un enfant, ils traînèrent
sa femme toute nuë dans la place & l'y massacrérent. Ainsi périt Agathocles,
qui sans mérite, sans naissance, sans conduite, sans valeur, s'étoit élevé au
comble de la faveur, en favorisantles passions d'un Prince déréglé & vitieux;
Exemple pour ceux qui par de semblables voïes parviennent à une fortune,
dont ils ne sont pas capables de sbûtenir l'éclat & la grandeur.
Après la mort d'Agathocle, on confia le ministére & le Gouvernement
des affaires de l'Etat au même Arifloméne, dont on a parlé, qui fut chargé
d'aller faire des propositions aux soldats de la part d'Agathocle. Aristoméne
étoit Acarnanien de naissance; il s'acquitta de l'important employ de Regent;
avec. beaucoup de prudence &
de sagesse.

LIVRE XXX.
1.
LA Gréce n'a rien dontsesellePhilosophes.
se flatte davantage, ni dont elle se fasse tant
Elle cesse de les vanter, & de
Origine de d'honneur, que de ne
la Philoso- se donner la préférence par dessus les autres nations,qu'elle nomme B3r-
phie. Elle bares, l'excellence de la Dodrine & la sublimité de la morale de ses Phi-
vient des par
Barbares. losophes.. Il faut toutefois avouer que parmi les
Grecs même il s'en est trouvé
Vide Dio- d'assez équitables, pour réconnoître que la Philosophie leur vient des Barba-
gen. Laert. res, des Indiens, des Caldéens, des Egyptiens,des Juifs, des Gaulois. Tous
t
Protm. * de la sagesse, avant que les
ces peuples ont eu leurs Sages & leurs amateurs
Grecs eussent produit ny Thaïes ny Linus, ni .Nlenée,ni Pithagores, ni Ana-
xagores, qu'ils regardent comme les Auteurs dePeres leur Philosophie. Aristote
lui-même réconnoit cette vérité, & les anciens de l'Eglise Chrétienne
se sont appliquez à la demontrer. L'Orient a été peuplé, policé, instruit
dans les sciences, tant spéculatives que prâtiques, avant que la Gréce fut 1 or-
tie de sa Barbarie, & de la profonde ignorance où elle étoit dans ces tems
d'obscurité, dont nous parlent & leurs Poëtes & leurs Historiens.
Il est vrai que dépuis qu'elle a commencé à cultiver les sciences & la
IL
Morale Philosophie, elle a poussé afezloin ses connoissances, en comparaison de la
des Philo- plûpart des autres peuples; mais pour la Morale, n'ayant pas eu la connoif-
iophes de la vraie religion, elle n'a jamais connu les vrayes régles des mœurs.
trés-impar- san ce
Elle n'a jamais connu comme il faut l'obligationd'aimer Dieu sur toutes cho-
,&ite.
ses, de lui rapporter tout ce que nous sommes & tous ce que nous faisons,
d'aimer le prochain comine soy-mênie; de chercher par la foy, l'esperance
& la charité une vie eternelle, d'aimer la croix, 1 'huniilité', la patience, de
mettre en Dieu toute sa confiance, d'avoir une soumission parfàite à ses vo-
1
lontez, de ne compter pour bon, pour méritoire, pour utile au salut éter-
nel, que ce qui est non seulement moralement bon, mais encore produit
pa/un principe surnaturel de la charité de l'esprit de Dieu.
m Les Philosophes Payens ont beau nous debiter les maximes les plus re-
Maximes levées de leur Morale; elles sontfausses & erronées dans leur bouche. Il faut'
de Morale les rectifier
par les principes de la Philosophie Chrétienne. J'en dis autant de
des Philo-
sophes , la science de tous les peuples qui n'ont pas connu Dieu, ny l'on verbe & sa
faillies sagesse, & qui n'ont point été animez de son esprit, ni éclairez de ses lumiè-
dans leur res surnaturelles. Dans leurs écrits les plus brillantes véritez n'ont qu'une
bouche. fausse lueur & un vain éclat; leur morale ne proposeque des motifs humains,"
des veuës naturelles. Elle est toûiours defectueuse, n 'aïant pas pour objet &
nôtre repos. *
pour sin celui qui seul peut faire nôtre bonheur & Qu *
ant

* • "'t
* •
&
.
Mant-aux véritez specnlàtives, dont les anciens Philosophes de la Gréce
se sont crû les inventeurs, j'y vois très-peude certitude. Les variétez infi-
nies d'opinion, qui se remarquent entre leurs différentes sedes, sont une preu-
des Pyrrhoniens qui nient ,tout, des Aca-
ve de leur peu de solidité. J'y vois
démiciens qui doutent de tout, des Acatalepticiens qui soutiennent qu'on ne
peut rien comprendre, des Scepticiens qui disputent de tout. Quant-aux Ma",
thématiques, onpeut alTûrer que dépuis unsiécle on a plus fait de progrés dans
cette partie de la Philosophie, qu'on n'en avoit fait pendant trois mille ans
auparavant; ir.
Mais venons à l'histoire des hommes célébres qui ont paru dans-, cet Anaximan.- .

espace de'tems dont nous venons d'écrire l'histoire. Thaïes Chef de la seltejo-- der de Mi..
nienne, ainsi nommée, parceque ce Philosophe étoit Jonien; nous avons letSucc^-
donné le précis de ce qu'on sait de lui dans les livres précédens. Il seur de
Successeur Anaximander de Milet son Compatriote, son disciple, Thaïes, né,
eut pour la troiilé-
& son ami. il naquit ia troisiéme année de la quarante-deuxième Olympiade.
me acnéô
On allure qu'Anaximander est le premier qui ait donné une table Géographique dé la 42-
de la terre & de la mer. Il est aussi corifidéré comme l'inventeur des montres Olymp. -
du M...
solaires, des équinoxes, dessolstices,- de l'obliquité du Zodiaque. 11 aver- An avant
tit lesLacédémoniens d'un tremblement de terre qui devoit arriver, & qui ar- J.33976 o?.
riva effe&ivement & renversa toute la ville de Sparte , l'extrémité de la mon- Lai!rt. L Z.
tagne de Taygetteaïant été arrachée &renversée par ce tremblement; en sorte c. 1.
sous les ruines de leur ville, s'ils
que lesLacédémoniensauroientété ensevelis
ne s'étoient retirez'à la campagne suivant le co'nseil a'Anaximander. Il s'éloigna
du sentiment de son maitre Thalés, qui tenoit l'eau pour principe de toutes
choses. Anaximander prétendit que c'était rinfini, ou l'infinité de la nature,
sans expliquer ce qu'il entendoit par cet infini. 11 tenoit qu'il pouvoit y avoir
des mondes, qui naissoient & se corrompoient les uns après les autres à l'in-
sini. Ilcroyoit de même que les Dieux se succédoient les uns aux autres,
& étoient comme autant de mondes successifs ? que les hommes é toi eut sortis
d'animaux d'une autre espèce, parceque les autres animaux étant en état dés
leur naisctnce de se pourvoir de nourriture, l'homme seul abésoin du secours
d'autrui pour se nourrir. Tout soa Systén1e du monde est infiniment impar-
fait, & montre qu'alors chez les Grecs la Philosophie ne faisoit encore que
béaer. v.
y

Anaximénes de Milet disciple & Suceesieur d'Anaximandertenoitque


Anaximé-
l'air étoit le principe de toutes les choses naturelles, qu'elles sortoient de l'air nes disci-
& y retournoient par une succession perpetuelle; que nôtre allie& Dieu même ple d?Ana-.
n'étoit qu'un air; que ce Dieu n'étoit autre que l'espritqui pénétre & qui ani- ximander
me toutes choses. Les Cieux, les Astres,les nuës, la pluye, les Météores vivait v-ers
, la 6. ~0-
tout cela s'expliquoit par le moïen de Pair dilaté, condensé, comprime, gèle, 1
Jymp. du
durci &c. M. §4ço. ,

Anaxagore disciple & Successeur d'Anaximénes, étoit deClazoménesen avant J. G*


Toniedans.l'Asie mineure. 11 avoit de grands biens, qu'il abbandonnaparun çço.
généreux-mépris, pour s'adonner entièrement à la recherche de la vérité, dont La'êrt. 1. z.
il faisoit son unique plaisir. Quelques autres Philosophes le blamoient d'avoir c. VI.
li 2 ainsi Anaxagoro
disciple & ainsi absolument abbandonné le soin de tes propres biens & desintérêts de la
SuccetTeur République; mais il repondit,
d'Anaxi- & qu'il se en montrant le Ciel, que c'étoit.là sa patrie,
ménes na- croyoitné pour contempler le Ciel & les Astres. Ainsi quand il di-
quit en la soit quele Ciel étoit sa patrie, il le prenait dans un sens bien différent de celui
première d-s plus parfaits du Christianisme. 11 se transporta aAthenes âgéde20.
année de y demeura trente ans. On lui donna le surnom d'esPrit, ans, &
la 7°. 0- ou dJintelligence, par-
lymp. du cequ
il est le premier des Philosophes qui ait joint l'esprit à la mstiére,
pour
M. en former un des principes de sa Philosophie. 11 enseignoit que de rien rien
L air1./. a. n'etoit fait, & que de tout ce qu'on peut concevoir, se pouvoient saire tou-
s. 6. tes choses, & que toutes choses se peuvent résoudre & redevenir toutes
tres choses; que l'intelligence, ou l'esprit, étoit Dieu qui se meut par lui- au-
même, qui est infini, qui n'est point renfermé dans le corps, & qui est la
#
cause debout ce que l'on voit.
Vll. On prétend qu'Anaxagore avoit le don de prédire l'avenir. Il prédit
Pierre en- en quel jour tomberoit du Ciel
flammée une pierre enflammée, qu'il prétendoit être
qui tombe. détachée du Soleil. Elle tomba en effet dans la Thrace sur le fleuve Aigos.
du Ciel., Pline dit qu'on la montroit encore de san tems de la grandeur d'un chariot,
Plin. bijl, & d'une couleur brune; que dans le même tems on voyoit
natural. le Ciel. Plutarque ajoute que cette pierre est en grande vénérationune Comète dans
1. 2. c. î % parmi les
Plutarch. peuples de la Chersonése de Thrace. Anaxagore croyoit que c'étoit une pierre
in L:JJan.. detachée de quelque corps céleste, lesquels ne sontautres que de grands corps
dro. massifs & enflammez. Damachus cité par Aristote, disoit, que pendant les
,
soixante quinze jours qui précédérent la chute de cette pierre, avoit veu
on
Arijlot. en l'airun grand corps comme une nuë enflammée, qui flottoit & puroissoit
Meteor. en différens endroits,& qu'enfin on vitplulieurs morceaux de
1- 1. c. 7- ce corps s'en
détacher, & tomber en terre en formes d'étoiles errantes.
Vill. On a pu remarquer dans ce que nous avons rapporté du fameux Péri-
Divers sen- cles, qui gouverna la République d'Athènes
timens sur qu'il étoit disciple|d'Anaxagores avec tant de succés & de sagesse,
la mort qui lui avoit enseigné plusieurs secrets de
d'Anaxa- Physique, & l'avoit guéri de plusieurs erreurs populaires & de plusieurs super-
gore. stitions.
Plutarch. Nous avons veu qu'Anaxagore étoit mort de misere & de foiblesse,
in Plricle. man-
quant de toutes choses & accablé de vieillesse. Péricles en ayant eu avis, ac-
courut au lieu où il étoit, & Anaxagore développant sa tête, lui dit: ceux
qui ont bésoin de la lampe pour s'éclairer, doivent aussi avoir soin d'y mettre
de l'huile; d'autres disent qu'il fut accusé devant les Athéniens d'avoir nié
le Soleil fut un Dieu, & d'avoir soutenu que ce n'étoit autre chose qu'une que
plaque enflammée; que Péricles prie sa défense, ce qui n'empêcha pas qu'on
ne le condamnât à cinq talens d'amende & qu'on ne l'envoyât en exil;
D'autres racontent qu'il fut accusé comme impie, & comme aïant ré-
solu de Mvrer la ville d'Athènes aux Perses ; & qu'ayant été condamné quoiqu'-
absent, on lui annonça tout à la fois & le jugement qu'on avoit porté
lui, con- •.
tre & la mort de les deux fils. Il répondit au premier , qu'il y avoit
longtems que la nature avoit porté la sentence de mort, & contre les Athé-
*
* *. niens
* <.
hiens & contre lui; & à l'égard de ses enfans, qu'il ne s'étonnoit point de
leur mort, sachant qu'il les avoit engendrez mortels; & qu'ensuite il les en- *

sevelit de ses propres mains.


-
D'autres enfin racontent qu'il fut obligé de quitter Athènes, & qu'il se Lotirt.1.fc.
retira àLampsaque.où il vecut encore vingt-deux ans ; & comme on lui té- c. 40.
moignoit qu'on prenoit part à sa peine de se voir ainsi éloigné d'Athènes,
il répondit: Les Athéniens auront plus de peine de se passer de moy, que
moy de ille pafser d'Athènes.
On lui demandoit s'il n'avoit pas envie d'aller
mourir à Clazoménes sa patrie; il n'est pas riécessaire, dit-il, il y a également
d'icy aux enfers, de quelque part qu'on y aille. Le Senat deLaaque lui
demanda ce qu'il souhaitoit qu'on fit pour lui aprés sa mort ; il pria que ce
jour-là on donnât congé de l'école aux enfans; ce qui s'observoit encore du
tems de Diogéne de Lsërce. ^ IX.
De tous les disciples de Platon, celui qui a le plus acquis de réputation, AristoteJ sa
est Aristote, Chef des Peripatéticiens de Lycée. Il étoit natif deStagire ville vie, ses
située sur le fleuve Strymon, qui sépare la Thrace de la Macédoine; d'où vient écrits. 11
la Macédoine,& par les autres à la Thrace. naquit vers
que Stagire est attribuée par les uns à
Si l'on iuivoit ce dernier sentiment, on leroit contraint de dire qu'Aristote est l'an du M.
5 61-8.avant
né Barbare & non Grec. Il étoit fils de Nicomaque Médecin célébre 5 qui de- J.C.382.
{cendoit de Machaon, dont Homère vante la science en fait deMédecine; 11 se rendit
la mere d'Aristote étoit Phasitide, qu'on disoit aussi descenduë d'Esculape, de disciple/dc
même que Machaon. 11 naquit la première année de la nonante neuvième Platon en
Olympiade, qui revient a l'an du Monde 3618. 6,,6.
Aprés la mort de ses Pere & Mere il fut élevé trés-soigneusément par (a)
nommé Proxéne; & on dit (a) qu'après avoir dissipé son bien en débau- Athena.ht.
un des & ensuite celle de la Medecine, & JElian. I.j.
ches, il suivit la profession armes, c. 9. var.
qu'enfin il s'attacha à Platon & devint célèbre par son esprit. D'autres (b) disent biji.
qu'ayant consulté Apollon sur le genre de vie qu'il devoit choisir, l'Oracle Ammon. 00
lui ordonna de s'adonner à la Philosophie, & qu'étant venu a Athènes à l'âge vit. p. 4.
de dix-sept ans, il s'attacha à Platon. Ce Philosophe charmé d'avoir un disciple Vide La'i-rt.
de ce mérite, l'appelloit l'ame de son école, & quand Aristote en sortoit, I. ?. c. 6.
il disoit; l'esprit est parti; l'école n'a plus d'Auditeurs, (c)& en le compa- (0
Vide J1 pla-
rant à Xenocrates un autre de ses^ disciples ; il disoit : quel âne & quel Che- cet apud
val ay-je mis ensemble? L'un a bésoin d'eperon pour le pousser, & l'autre de Sfawleybijl. *
frein pour l'arrêter. Aristote lisoit sans celle, & une preuve de ses vastes le- Pbiiojopb.
aures, elt le grand nombre d'Auteurs qu'il cite dans ses ouvrages. 1.1.^.412.
Quelques anciens (d) ont écrit que Platon & Aristote ont été mal en- X.
semble d'allez bonne heure ; que la source de leur mésintelligence venoit de Platon &
hautement l'air, les manières, l'habit d'Aristote; Aristote
ce que Platon désapprouvoit
habits & des chaussures fort portoit des ont- ils été
- que
celuy-cy avoit des propres, an- mal en-
neaux aux doigts, avoit grand soin de sa chevelure, choses qu'on n'approu- semble? '
voit point dans les Philosophes; qu'Aristote aimoit à contredire Platon, & Cd)
« ne vouloit pas se
rendre à ses raisons ; ce qui faisoit que Platon lui préféroit Ælian. I. ?.
c.I.Latrt. 1
Xenocrates, Speulippe &Amyclas; qu'Aristote pour se venger de son inépris, I. j. c. a.
-
érigea dans le Lycée une école contraire à la uellne, où il avoit les disciples;
*
d'où vient que Platon disoit en parlant de lui, qu'il imitoit les poulains qui
regimbent contre leurs meres.
Ce) Quoiqu'il en soit, car on ne convient pas de ces faits, qui pourroient
AriJfot. bien avoir été avancez par Aristoxéne son ennemi, qui en haine de ce qu'A-
Rhetoric. rjstotelui avoit préféré Theophraste, avoit affecte de le déchirer
1.1. c. 17. par les calom-
Probîem. nies. On a d'ailleurs des preuves certaines de la considération qu'il avoit
J. J. c. 30. pour Platon, dont il fait mention honorable dans ses ouvrages, (e) 11 lui
- Lib. de érigea même un Autel, avec une inscription, & composa un discours à sa
Mundo. loüange; Apollodore (f) & Denys d'Halycarnatte (g) marquent expressément
(0
ApoIIodor. qu'il lui demeura fidèlement attaché pendant 20. ans, & qu'il ne quitta son
ii nu ci Laert. ecole qu'après la mort de
Platon. Il est vrai qu'il avoit accoutumé de dire;
,:f.c. 9. nous aimons & nous estimons Socrate; mais nous lui préférons la vérité.
Cg) Après la mort de son maitre, Aristote se retira auprés d'Hermias sonCon-
JDionyf.
.Episi. ad disciple qui étoit alors Tyran de Mysie; il demeura trois ans auprés de lui &
Ammaum. lui donna des leçons de Philosophie. Aprés la mort funeste d'Hermias, qui
Vide Stan- fut décapité par le Roy de Perse, Aristote épousa sa sœur nommé Pythaïde,
ley Loc. cit. qui étoit
4H-& une persônne de très-grand mérite, & qu'Hermias avoit fait son hé-
f
jiq.
- ritiére. Aristote l'aima avec tant de passion, qu'il lui sacrifia, de même que
les Athéniens sacrifioient à Cérésd'Eleusis. Diogéne de Laërce dit qu'il lui
rendoit ces honneurs même pendant sa vie; d'autres croient qu'il ne le fit
qu'après le decés de Pythaïde. On ne s'accorde pas non plus sur la condition
de cette femme; les uns la font sœur, les autres niéce, les autres femme,&
les autres Concubine d'Hermias, qu'ils conviennent avoir été Eunuque.
Xl. En ce même tems PhilippeRoy de Macédoine jetta les yeux sur Aristote,
Annote est pour le mettre auprés de son fils Alexandre. Il lui écrivit, dit-on, en ces ter-
mis auprès mes: Je suis bien aise de vous apprendre que j'ay un fils. J'en rends graces
d)Alexan. aux Dieux, non pas tant de ce qu'ils me l'ont donné, que de ce qu'il est né de
dre vers vôtre tems; J'espére que par vos instruftions il deviendra digne de vous &de
raM 36^9.
avantJ. a. moy & du Royaume dont il est héritier. Alexandre avoit alors quinze ans.
;AuL
4l- Aristote n'oublia rien pour le former non seulement dans laPhiloiophie, mais
Gell. aussidans les règles du Gouvernement, & dans les maximes dela plus profon-
1.9. C. 3. de sagesse, &111ênle dans la Médecine, dont Alexandre savoit plusieurs secrets.
Plutarcb.
in Alexan- Aristote lui corrigea un exemplaire de l'Iliade d'Homère, qu'Alexandre con-
dra. serva toujours tres-prétietiseiiient. il composa pour lui un livre, intitulé, du
regne ou des devoirs d'un Roy, & c'est dans cet ouvrage qu'Alexandre avoit
pris la maxime qu'un Prince devoit regarder comme perdu tous les jours, aux-
quels il ne faisoit du bien à personne. Je n'ai pas régné aujourd'hui , disoit-il,
quand il n'avoit obligé personne.
Xl]. Le Roy Philippe & Alexandre son fils, & la Reine Olympias avoient pour
Aristote se Aristote une considération trés-particuliére. Philippe lui fit ériger une fll--a tuë,
retire à & lui donnoitune autorité présqu'égale à la sienne dans le Gouvernement de san
Athènes Royaume; Autorité dont Aristote faisoit usage, que pour faire plaisir à
ne
vers l'an
duM.3G67. tout le monde. Le Roy à sa considération rétablit Stagire si patrie, & lui
éri-
gea une école prés la ville de Mieze'en Macédoine. Alexandre disoit qu'il
devoit la vie à son Pere; mais que s'il savoit bien vivre, il le devoit à Arittote.
Après
Après la mort de Philippe, Alexandre ayant résolu de porter la Petre en Asie
contre les Perses, Aristote se retira de la Cour, après y avoir étéhonnête environ huit
& vint à Athènes pour y passer le reste de ses jours dans un loisir.
ans,
Il laissa auprés d'Alexandre le Philosophe Callisthéne, qui fut accusé d'avoir
a
Ter
à
contre
aprés avoir
la vie
été
du
Lions..
conseillé Hermolaiis, Sonate, Antipater, & quelques autres , dé conspi- Laert. I. f.
Roy.
longtems
fut enfin exposé aux
Les Conjurez furent mis à mort, & Callisthénes,
enfermé dans une cage, comme une bête farouche,

Aristote s'occupa à Athénes à enseigner là Philosophie a tous ceux qui ju-


geoient à propos de l'entendre. Il prit pour son école le Lycée, lieu situé
r. 5»

dans le Faubourg d'Athènes, & bâti autrefois par Péricles, pour y exercer les
jeunes soldats. 11 s'y promenoit s'entretenant avec ses disciples, d'où leur
vint le nom de Péripateticiëw, ou promeneurs, du Grec Peripatein, se prome-
ner. Le matin Aristote donnoit entrée à son école à tous ceux qui venoient
l'écouter; il enseignoit alors principalement la Rhétorique, il n'admettoit
studieux & déjà avancez, & leur montroit ce que
que des disciples choisis,relevé
la Philosophie a de plus & de plus caché. Il ne se borna pas- aune seule
partie de la Philosophie. 11 les embrassa toutes. ^ XIII. -
Alexandre n'oublia pas Aristote dans ses expéditions. -Il lui écrivoit (SonMé-
quelque fois, - & nous avons encore- quelques unes de ses lettres à Aristote, par rationd'À-
exemple celle où il se plaint à lui-même qu'il ait donné au public ses livres, in- lexaarîre
titulez Acroatiques, & qui contenoient ce qu'il y a de plus secret dans sa doctrine; pour Ari-

car en quoi différons-nous des autres, disoit-il, si vouS-£ommuniquez vos se- Rote. 7

crets à tout le monde? Je préfére la superiorité que me donne la sagesse, à


celle que me donne la puissance. Aristote luirépondit3que ces ouvrages Acro-
atumes étoient de telle nature, que
trés-peu de ceux qui les liraient, en au-
roient l'intelligence ; qu'en les publiant, il n'a pas laissé de les tenir cachez
& secrets.
C'est à la priére du même Philosophe qu'Alexandre fit -faire des recher-
ches par toute l'Asie& par toute la Gréce, pour envoyer à Aristote des animaux B..17. Àthenatis
de toutes les espèces, oiseaux, poissons, animaux à quatre pieds, pour lui ï.$.
procurer la facilité d'en connoître la forme, la nature & les propriétez, afin
de composer avec une plus parfaite connoissance les cinquantè livres des ani-
maux qu'il a écrits, & dont il ne nous reste que dix livres. -On dit qu'il em-
ploya à cette recherche plusieurs milliers d'hommes, & qu'il y dépensa jus-
qu'à huit cens talens,qui font un million quatre cens quarante mille livres, à
prendre le talent sur le pied de 1 goo. livres:
Aprés la mort d'Alexandre, Aristote aprés avoir enseigné treize' ans à xiv.
Aristote sc
Athénes, fut obligé par la jalousie de sés- ennemis de se retirer à Calcide dans retire à -
VJsle de. Negrepont. On conspira contre sa vie, & on l'accusa d'impiété, d'a- Caléidc.
voir enseigf1é des sentimens sur la religion contraires à ceux des Athéniens,
d^avoiiftcfeposé un hymne à la loüange d'Herrhias,& de lui avoir dressé une
statuë dans le temple de Delphes, avec une inscription comme à un Dieu.
On dit qu'il fut obligé de se défendre de cette accusation pardevant les Juges
de l'Areopage. Ses amis luiaïailt demandé pourquoi il &'étbit retiré d'Athènes,

il
il répondit: pour ne pas exposer les Athéniens à commettre un second meur-
tre sur un Philosophe, insinüant le premier meurtre qu'ils avoient commis sur
Socrate.
XV. Comme il étoit prés de sa fin, ses disciples le prièrent de leur désigner
Mort d'A- celui de ses disciples qu'il croyoit le plus capable de lui succéder. Les deux
ristote. An plus capables de ses disciples étoient alors Theophraste Lesbos, &Méne-
du M. g,6 8 1.
avant J. G.
déme de Rhodes. Aristote leur dit qu'il s'expliqueroit sur cela, quand il en
919. auroit le loisir ; qu'en attendant ils lui apportaient du vin deLesbos & du vin
Theophra. de Rhodes, pour savoir lequel des deux seroit plus de son goût, parcequ'il
ste lui suc- commençoit à perdre le goût du vin. On lui apporta
céde. ce qu'il demandoit; &
Aul Geil. ayant goûté le vin de Rhodes, il dit : ils sont bons tous deux ; mais celui de Les-
1. 1 Ç. C. Ç. bos est plus agréable. On ne douta point qu'en donnant la préférence au vin
Laërt. I. 5. de Lesbos, il ne la donnât aussi à Theophraste qui étoit de cette Isle. Menedéme
c. ç. lui sçut toujours mauvais gré de cette préférence, qu'il avoit donnée sur lui à
Theophraste, &il affeda de le noircir par ses medisances.
Vide Stan- Il mourut à Calcide âgé de soixante trois ans. On trouve son testa.
le y 1. 1.
p.*4*7- t
ment dans Diogéne de Laërce. Le genre de sa 11101 n'est pas bien connu.
Quelqu'uns disent qu'il se fit mourir en buvant de la Ciguë, comme avoit fait
Socrate. D'autres qu'il se précipita dans la mer, n'ayant pû expliquer le flux
&le reflux de l'Euripe deNegrepont, qui fluë & reflue sept fois en vingt-qua-
tre heures, & qu'après en avoir inutilement étudié la cause, il se jetta dans la
mer, endisant: Puisqu'Aristote n'a pû comprendre l'Euripe; que l'Euripe le
comprenne & le retienne. D'autres croyent qu'il mourut d'une foiblesse
d'estomach, à laquelle il étoit trés-sujet, & qu'il avoit contractée par son as-
siduité à L'Etude, qui étoit telle, que quand il se couchoit,il tenoit en main
une boule de cuivre, qui tomboit d'elle-même dans un vase de même métal,
dont le bruit l'éveilloit, afin de se remettre aussitost à l'étude.
Aristote est loue par les uns comme un prodige de la nature, comme le
Prince des Philosophes, comme un genie supérieur.qui a sçû tout ce que l'esprit
humain est capable de savoir. D'autres en portent iiii jugement beaucoup
moins avantageux. On peut voir ce que M. deLaunay en a ramasse dans son
livre de varia Arijlotelis fortuna in Academia Parifienfi; ce Phi<losophe avoit bs
yeux petits, le nez relevé, les jambes menues, la voix grêle, & dans sa jeu-
nefle il avoit de la peine à parler. Il sçut conserver sa santé, malgré son
mauvais estomachpar une grande tempérance, & en tenant sur saneHomach
une boëtte d'étain pleine d'huile chaude pour le rechauffer.
XVI. Ses écrits sont en si grand nombre qu'on en peut compter jusqu'à cinq
ïcrits d'A-
ristote. cens treize, dont la plûpart sont perdus. Aristote les avoit laissèz en mourant
à Theophraste son dilciple, avec quantité d'autres livres qu'il avoit ramassez,
& dont il avoit compote une Bibliothèque considérable. Strabon ditque c'elt
le premier qui ait fait de ces amas de livres, & que c'est à son exemple que
Strabo l.il. les Roys d'Egypte formèrent leur Bibliothéque à Alexandrie. Theophraste
p. 60 à sa mort légua ses livres & ceux qui lui venoient d'Aristote, à Neicus de
Scepsis, qui les porta dan>: sa patrie, & qui les laissa à les héritiers, gens sans
aucune teinture de lettres. Ceux-cy étant informez que les Roys de Pergame
cher-
cherchoient des livres de toutes parts, pour remplir leur Bibliothèque, &
craignant qu'ils ne leur enlevafTent ces trésors, ils les cachèrent dans une ca-
verne souterraine, où ils demeurérent cent trente ans, & souffrirent beau-
coup de l'humidité & des vers. Quelques uns des descendans de Theophra-
ste les vendirent à Apellicon riche citoyen d'Athènes, qui fit transcrire les
ouvrages qui étaient les plus endommagez, &fit suppléer, comme il put, les
lacunes & les endroits corrompus. Après la prise d'Athènes par Sylla, les
mêmes écrits surent transportez à Rome, où le Grammairien Tyrannion obtint
la permission de les lire & de s'en servir. On en tira bientost des copies,
qui n'étant pas exactes, donnèrent lieu à de nouvelles fautes & à rendre ces
éciits toujours moins corrects.
Speusippe Successeur de Platon dans son école de Philosophie, étoit .A V u.
fils de sa sœur nommée Potone. Platon prit un soin particulier de le former, Speufippe
Successeur
& d'en faire un excellent Philosophe. 11 lui donna pour compagnon d'étude de Platon.
& de société Dion, qui dans la suite délivra la Sicile de la Tyrannie de De- Laïrt. 1. 4.
nys; Speusippe étoit d'une humeur.douce & aisée, & très-propre à modérer Plutarch. c. 1. 2. &c.
la rigueur & la dureté de Dion. Speusippe accompagna Platon son Oncle
second qu'il fit Sicile, & il étoit plus populaire vit. Dionis.
au voyage en comme que Il mourut
Platon, il sçut s'insinuër dans l'esprit des Syracusains, qui lui découvrirent le vers l'an
dcflfein qu'ils.avoient formé de secouer le joug de Denys le Tyran, & priè- du M. 3 664,
rent Speusippe de dire à Dion, de ne se mettre en peine ni de flotte ni de che- avantJ C.
336.
vaux, ni d'armes, ni de soldats, mais de venir seulement se mettre à leur
tête. Lorsqu'il sut de retour à Athènes, il s-acqt,,itta fidélément de sa commit
sion, & inspira à Dion de ne pas différer à voler au secours de sa patrie.
Aprés la mort de Platon, Speusippe se chargea du soin de son école,
& en orna la place des statuës des Grâces qu'il y mit. Il eut grand nombre
de disciples, & même quelques femmes qui fréquentoient son école, ainsi
que Platon en avoit euës. Il exigea quelques salaires de ses écoliers, ce que
n'a vait pas sait son Oncle. Il écrivit grand nombre d'ouvrages, dont on trouve
la line dans Diogéne de Laërce. On dit (a) qu'Aristote les acheta pour le 00
prix de trois talens. On le taxe d'avarice & d'incontinence. Denys le Ty- Phavorbl. 1.2. Corn-
ran (b; dans une lettre qu'on a de lui, lui en fait des reproches. 11 étoit d'une txentar.
san'é si foible qu'il se faisoit porter à son école dans une litière. Ayant un (b)
jour rencontré Diogéne le Cynique, il le lalûa de dedans sa voiture: Diogéne Apudjlthe-
L Vil.
ne lui rendit pas le lalut, mais lui dit: N'étes-vous pas honteux de vivre ac-~ ?læ XllI.
cablé d'infirmitez comme vous êtes ? On dit en effet qu'il se laissa mourir de Laïrt. 1.4..
douleur ; d'autres qu'il mourut de la maladie pédiculaire. Il tint huit ans c. 1. 2.
l'école de Platon, & la remit à Xenocrates.
:X:enocrates étoit natif de Calcédoine. Il étoit d'un esprit solide, mais XV 11 L
un peu pesant; d'où vient que Platon le comparoit à un âne, qui a bésoin XtesenDisci- ocra»
d'éperons. Son air étoit sombre & sévére, & le même Platon lui disoit quel- ple de Pix-
quefois agréablement, qu'il devoit sacrifier aux graces, manière de parler dont on ton.
le servoit pour exciter ceux qui avoient des manières peu gratieuses, à se com- Laïrt. 1. 4.
poser & à montrer un filage gay, ouvert & prévénant. Quand Aristote revint c. 6. 7. 8.
de Macédoine & qu'il trouva Xenocrates à la tête de l'Academie, où il avoit
autrefois veuPlaton, il ne crut pas qu'il fut de Ion honneur de demeurer dans
le silence ; il ouvrit aussi lui-même une école dans le portique de Lycée.
00 On raconte (a) qu'Alexandre le Grand aïant envoyé cinquante talens à
La'êrt.l 4. Xenocrates, & celui-ci n'en aïant retenu que trente mines Attiques, renvoya
c. S. Stob. le rette à Alexandre, disant qu'il avoit assez de cinquante mines, que de la ma-
Serm.
niére dont il vivoit, cinquante talens seroient plus que suffisans pour toute sa
"vie. Lorsqu'on rendit cet argent à Alexandre, il demanda si Xenocrates n'a-
voit point d'amis, car pour moy, ajouta-t'il, quand j'aurois toutes les richef-
ses de Darius, je n'en aurois pas assez pour les miens. Xenocrates vivoit d'une
manière si retirée, que quand il paroissoit dans quelque compagnie, tout le
monde se tournoit vers lui pour le considérer.
La fameuse Courtisane Phryné avoit gagé de le tenter en couchant au-
près de lui au sortir d'un repas où il avoit bien bu; elle le trouva insensible à
ses caresses, & le lendemain elle dit: J'avoisgagé de coucher avec un homme,
& non avec une statuc. Il fut un jour condamné à faire serment & de rendre
témoignage à quelque chose. Les Juges se levèrent tous & lui dirent que sa
parole suffisoit, qu'on le quittoit de son serment. Philippe Roy de Macédoine
disoit de lui, que c'étoit le seul de tous ceux qui étoient venus vers lui, qu'il
n'eut pu corrompre par ses présens. Il disoit qu'il s'étoit souvent repenti
d'avoir parlé, mais jamais de s'être tu. 11 étoit si pauvi-e- e.qu'il ne put payer le
droit de Bourgeoisie d'Athènes qu'on exigeoit de lui. Les Athéniens le ven-
dirent pour satisfaire à ce droit ; mais Demetrius de Phalére le racheta.
Il mourut âgé de quatre-vingt-deux ans, étant tombé la nuit dans unbas-
sin plein d'eau d'où il ne put sortir. On peut voir le Catalogue des ouvra-
,
ges qu'il avoit écrits-en prose & en vers, dans Diogéne deLaërce. Il ne nous
enreste aucun, que je fâche.
XIX. Polemon qui lui succéda dans l'Académie de Platon, étoit Athénien , &
Polemon d'une fort bonne maison, mais d'une vie si libertine & si licentieuse, qu'il se
disciple de
Xenocra-
faisoit gloire de ses infamies & de ses débauches. Un jour qu'il revenoit d'un
tes succéde festin où il avoit pafsé toute la nuit, il entra, comme il
étoit encore parfumé,
à Xenocra- aïant une couronne de fleurs sur la tête, un habit d'e fête & transparent sur
tes vers le corps, & plein de vin, dans la maison duPhilosopheXenocrates,qu'il trouva
l'an du M. pleine de serieux & sav,.eiis qui écoutaient ses leçons. Toute i'assémblée
?690.avant gens
J.C. 310. témoigna son indignation de voir un homme en cet état au milieu d'une école
Laërt. 1. 4. si respettable. Xenocrates sans changer de visage, au lieu de continuer le
c. 16. 17. discours qu'il avoit commencé, parla delamodestie&delatempérance d'une
&c. manière si persuasive, que Polemon touché de ses raisons, commença d'abord
Valer. Ma-
xim. I. VI. à jetter la couronne de fleurs qu'il portoit; puis il mit modestement sa main
£. 9' sous son manteau, ensuite il quitta cet air gay & dissipé qu'il avoit apporté du
00, festin; enfin il abbandonna toute sa vie libertine, & fut tellement changé, qu'il
jithmœ L % devint des plus assidus & des plus l'iges disciples de Xenocrates, auquel
»
Ântigo- un
,.'"e
Cary- il succéda la première année de la cent seizième Olympiade. On dit (a) que
no
Jlio* dépuis Page de trente ans, il ne but plus de vin.
XX. Sa principale maxime étoit qu'on doit vivre sélon la nature, se conten-
Maximes ter de ce que la nature demande, ne lui point refuser ce qui lui est necessaire, se
COIl-
conformer à laloy naturelle , & alalumière de la rairon. Ce qui seroit ad- de <
Pole-
mirable, si l'homme étoit aujourd'huy tel qu'il est sorti des mains de Dieu dans mon.
1

sa création, dans son innocence & sa justice originelle. Il croyoit que Dieu
étoit le monde, il vouloit dire apparemment que l'univers dans toutes ses-
ties , & ce qui le conserve, qui le gouverne, qui l'anime en quelque sorte,
étoit la Divinité, erreur qui a eu grand cours, & qui n'estpas encore tombée.
Elle neroule-que sur l'équivoque du mot de monde, ou l'on confond lacause
première de tous les êtres, avec les êtres même., qui ont une rélation de
dépendance infinie avec leur cause essentielle, qui n'est autre que Dieu.
Polemon, dépuis qu'il se fut appliqué à laPhilosophie, conserva une si
grande consiance, & une si parfaite égalité d'ame, qu'on ne le vit jamais chan-
ger ni de visagenidetonde voix. line se paffionnoit pour rien du tout. Dans
les [peétacles il ne témoignoit pas la moindre sensibilité aux endroits les plus
touchans. Il se proposa pour modèle Xenocrates Ion maître, dont il imita
parfaitement la gravité, ,1a sévérité, l'intégrité. Il enseignait en se promenant, 1

&non assis, & presque toujours dans son jardin, autour duquel tes disciples
avoient bâti des Cabanes pour être plus à portée de l'entendre. Il mourut
fort âgé, & laissa quantité de monumens de son esprit. Il eut pour Succes-
seur Crates.
Crates s'attacha à Polemon, & se fit une obligation non seulement de XXL
Crates
suivre ses sentimens , mais aussi d'imiter ses manières; il vecut avec lui, lui Succeiïeun
succéda dans son Academie, & fut enterré dans le même tombeau. Il avoit de Pole-
écrit plusieurs ouvrages, tant de Philosophie que dePoësie, & des discours. mon Aca-
Il est fort différent d'un autre CratesPhilosophe Cynique, beaucoup pluscé- demicien.
lébre que le disciple de Polemon, dont nous'parlons ici.
Crates le Cynique étoit natif de Thébes, & avoit des biens assez con- XXII.
sidérablement. Il les vendit pour la somme de deux cens talens, qui font Grates le
à livres le talent. Il distribua Cynique.
au moins deux cens soixante mille livres i Soo. La'èrt. 1. 6.
cette somme à ses Concitoyens, disant qu'il se délivroit parla de cet argent, c. 8q. 86.
qui le tenoit en servitude. D'autres disent qu'il abbandonna ses champs à la 87. &c.
pâture des bêtes, & qu'il jetta ce qu'il avoit d'argent dans la 1.Vler. Demetrius fleurissoit la il?-
de Magnesie raconte qu'il mit son argent chez un Banquier, à charge de le vers Olympiade
rendre à ses enfans, s'ils vivoient dans le monde le
comme commun des hom- l'an du M.
mes, ou de le dislribûer au peuple, s'ils embrassoient la profession dedélicat, Philo- 3678.avant
sophes, parcequ'un Philosophe n'a bésoin de rien. Il étoit si peu J. G. 922.
pendant l'été il portoit un manteau gros & pesant, & pendant l'hyver il Vide La'èrt,
que /. 6. c. 88.
en portoit un trés-leger, pour s'exercer à la patience & à la tempérance. &c.
Demetrius de Phalére lui aïant envoyé du pain & du vin pour sa nourriture, Stob.
il dit à celui qui lui apportoit du vin : Plût à Dieu que les fontaines donnaientS p. 101---
au!]l du pain. Voulant marquer qu'iln'avoit bésoin que de pain & d'eau.
Passant un jour par le marché & voyant l'agitation des vendeurs & des
acheteurs : Que je suis heureux, dit-il, de n'avoir bésoin ny de vendre ny
d'acheter. Alexandre le Grand aïant détruit la ville de Thébes, & la mai-
son de Crates n'ayant pas été plus épargnée que le reste, il ne s'en mit pas
en peine; il disoit que toute la terre étoit
sa patrie, que toutes les maisons
& les palais étoient sa demeure. Le même Alexandre lui aîant demandé s'il
ne désiroit pas le rétablissement de sa patrie : Pourquoi le desirerois-je? re-
pondit-il, afin qu'il vienne un fécond Alexandre pour la renverser ? Il mou-
rut fort âgé dans la Béotie. ,
XXIII.,
Diogénes
Crates le Cynique, dont nous venons de parler, étoit disciple-
Cynique ; &Diogéne l'étoit d'Antisthéne, dont nous parlerons
le Gynique nés, fameux
né vers Pan cy-aprés. Diogéne étoit né à Synope dans le Pont, son Pere étoit Banquier.
36p?. morts Ayant été accusé de fausse monnoïe, lui & son fils Diogénès furent obligez
I

vers l'an de prendre la fuite. Celuy-cy étant venu à Athènes, s'attacha à Antisthéne
378?. • Chef de la secte des Cyniques & disciple de Socrate. Antiflhénes qui jusque
Vide La'èrt.
' alors n'avoit pu persuader qu'à trés-peu de disciples d'embrasser sa manière de
1. 5.
c. 2,0.
vie, rebuta d'abord Dipgénes, & comme ce disciple ne laissoit point de le
- rendre auprés de lui, Antifthénes le frappa d'un bâton sur la tête. Diogénes
sans s'émouvoir, lui dit: Frappez hardiment, vous ne trouverez point de bâ-
tons allez dur, pour me faire quitter. Pour lors son maître le reçut & le
traita avec une bonté singuliére, le regardant comme un cheval genereux, que
l'on forme doucement, tantost en lui lâchant la bride, & tantost en la lui reti-
rant, & Diogénes disoit qu'il a voit de grandes obligations à Antisthénes, de
lui avoir procuré au lieu d'une grande mailon un tonneau d'argile pour de-
,
meure , au& lieu de richesses, de l'avoir réduit a la mendicité. 11 commença
à porter le bâton après une maladie qu'il eut, & dépuis ce tems il ne le quitta
plus, non plus que sa besace, qui renfermoit toutes ses provisions.
XXlT1--' Dans le commencement il portoit un manteau doublé, qui lui servoit
Mœurs de d'habit pendant le jour & de couverture pendant la nuit; il n'avoit point de
Diogéne le demeure assurée;
cynique. il
mais couchoit où pouvoit, tantost sous un portique de
quelque temple, tantost sous un autre couvert, buvant & mangeant au lieu ou
au tems que la faim le prenoit. Il avoit demandé à quelqu'un qu'il lui pré-
parât une Cabane. La chose n'ayant pas été faite asieztost, il prit un tonneau
00 & s'en servit pour demeure. Ce tonneau étoit d'argile (a) à la manière des
luvenal. anciens. Pour s'exercer à la patience, il se rouloit tout nud
Satjr. au plus fort de
XÎV. verf. Pété dans le sable brûlant, & pendant le plus grand froid il embrafloit des
305. 310. statuës de marbre ou de bronze, couvertes de neige. Un Lacédémonien
lui
Payant veu dans cet exercice, dit: apparemment vous souffrez beaucoup
du froid ? Rien du tout, répliqua Diogénes. Si cela eit, reprit le Lacédé-
monien, que faites-vous de si merveilleux?
XXV. Etant surâgé il entreprit le voyage de FIsIed'Egine; mais il fut pris par
. Diogéne des Pirates, qui le conduisirent dans l'Isle de Créte pour le vendre. On lui
est vendit demanda quelle étoit sa profession. Il repondit: Je sais
commanderaux hom-
pour efcla- Si quelqu'un a bésoin de maître, il peut m'acheter. On ne vouloit
ve à Xeni- mes.qu'il s'affit,en attendant qu'il vint quelque marchand pour l'acheter, car
ades, Co- pas
rinthien. c'étoit la coutume de faire marcher & sauter ceux qui étoient exposez en vente.
La'èrt- l. 6. Il répondit:
ne vend-on pas les poissons, quoiqu'ils ne sâchent pas sauter? en-
f. 24.29. fin il vit un riche Corinthien nommé Xeniades, qui passoit, & il dit à son n1ê1Î-
3*. 074-
tre; vendez-moi à celui-là, car il a bésoin de maître; & quand Xeniades Peut
acheté, Diogéne lui dit ; C'est à vous à présent à m'ouïr: Ouy, répondit
Xeniades,
Xeniades, comme les fleuves & les fontaines remontent à leurs rources; mais,
répliqua Diogéne, si étant malade, vous aviez acheté un Médecin, ne lui
obéïriez-vous pas, & luidiriez-vous; je le ferai comme les fontaines retour-
nent à leurs sources? Ses proches le vouloient racheter; il leur dit: vous
n'êtes pas fages: Les Lions sont-ils les esclaves de ceux qui les nourrissent?
N'est-cepas plutost ceux-ci qui servent les Lions?
Xeniades étant arrivé à Corinthe, lui demanda de nouveau à quoi il étoit XXVI.
bon? Il repondit comme il avoit déjà fait; qu'il savoit commandera des honi. Education
que Dio-
mes libres. Son maître lui donna donc la liberté, & lui confia l'éducation de géne don-
ses enfans & le soin de ses affaires domestiques. Il s'en acquitta si bien que
ne aux en-
Xeniades avoiioit qu'il avoit introduit un bon genie, ou un bon Ange dans sans de Xo-
sa maison,en y faisant entrer Diogénes. A l'égard des enfans de son maître, niades.
il leur faisoit prendre autant d'exercice corporel qu'il en falioit pour conser-
ver leur santé & leur colorer le teint. 11 leur faisoit apprendre plusieurs sen-
tences des Poëtes, & même quelques unes de ses maximes, & pour leur en
faciliter l'intelligence, & soulager leurmémoire, "Ir"dLiisit-en en peu de paroles
toute sa doctrine. Il les accoutumoit àservir dans la maison, à se contenter
de peu de nourriture, à ne boire que de l'eau,à marcher dechaussez, sans tu-
nique, lans habits prétieux, en iilence, portant les cheveux courts & cou-
pez jusqu'au cuir. Il vouloit qu'ils s'exerçassent à la chassé. Par ce moïen il
s'attacha ces jeunes gens, qui le regardoient & le respectoient comme leur Pere.
Dépuis que son maître l'eût affranchi, il passoit une partie de l'année à XX VU.
Corinthe & une partie à Athènes, disant en plaisantant qu'il imitoit les Roys Diogénes
dePerle, qui passent l'hyver àSures ou àBabilonne, & l'été à Ecbatanes; que paue une
partie de
les oiseaux mêmes & quantité d'autres animaux changent de climats, & qu'il l'année à
ne tient qu'aux plus pauvres d'en faire autant. Aprés la mort d'Antisthenes Gorinthe,
il se fixa à Corinthe, ne trouvant personne à Athénes avec qui il daignât con- & l'autre
yerser; mais à Corinthe comme à Athénes il n'avoit point de maison, nyde àTÙOTÎ. Athènes.
Or at.
demeure assûrée; il passoit ordinairement la nuit aux portes du Cranion, où vL VllI.
il se trouvoit toujours grand nombre de petites gens &de personnes demau-
vasse vie, parceque c'étoit prés le port de Corinthe. On lui en faisoit des
reproches; mais il repondit qu'un homme sage devoit imiter le bon Médecin,
qui va dans les lieux où il y a beaucoup de malades. Ainsi le Sage doit cher-
cher ceux qui sont affectez des maladies de l'ame pour les guérir & les rendre
meilleurs; que le Soleil porte ses rayons dans les endroits les plus sales ,sans
en être sali.
Diogénes excelloit en reparties vives, spirituelles & mordantes. Il avoit XX VIIL
l'esprit beau & cultivé, & avoit écrit grand nombre d'ouvrages; mais il ou- Cara&ére
troit les choses & donnoit dans des excés honteux d'ordures, d'impudence, de Diogé-
d'orgueïl, se croyant fort audessus du commun des hommes, méprisant tout nes.
le 1110Iid::) sans pudeur, sans religion, sans goût pour la politesse &pour la
bienièance, se glorifiant vainement de sa science, de sa pauvreté de sonmé-
pris pour les richesses & pour les plaisirs. Tout cela n'étoit que, l'effet d'un
orgueil outré, & ne venoit nullement de l'amour de ces vertus dont il faisoit
parade.
XXIX.
Il mourut àCorinthe âge de quatre-vingt-dix ans. On varie beaucoup
Mort de sur sa mort. La plus commune précipita
opinion est qu'il se fit mourir en retenant sa
Diogéties respiration; d'autres disent qu'il se à bas d'urrpoht; on dit qu'allant
le Cynique. aux jeux Olympiques, la fievre le prit en chemin, & qu'il se coucha sur le
bord de, la grande route. Quelques uns de ses amis voulurent le mettre à
Cheval, ou sur un Chariot; mais il les remercia. Il alla se coucher à l'om-
1bre d'un arbre, & dit à ses amis; allez, je vous prie, & continuez vôtre che-

min; cette nuit me verra ou vaincu ou vidorieux, si je surmonte la fièvre, je


me rendray aux jeux Olympiques, si la fièvre me surmonte, je descendray
avec les morts. Au milieu de la nuit il se serra le gozier & expira. Il y en
a qui racontent qu'il pria qu'on
jettât son corps à la voirie, afin que tous les
animaux en eussent leur part ; d'autres qu'il demanda d'être jette sur un fu-
mier, afin que ses freres, c'estainli qu'il appelloit les animaux, tirassent quel-
que profit de son cadavre. Il est certain qu'on l'enterra prés la porte de Co-
rinthe, & qu'on érigea sur son tombeau une colomne, sur laquelle on mit un
chien de marbre de Paros. On dit que la lanterne de Diogénes fut achetée,
& que quelques jeunes gens ayant percé son tonneau, les Magistrats d'Athé-
nes punirent celui qui l'avoit fait, & lui en firent faire un autre.
JfXX Antisthéne étoit disciple de Socrate. Il naquit à Athènes, sa mere étoit
Antisthéne Phrygienne ; on lui en faisoit un reproche. Il repondit que la mere des Dieux
Disciple étoit aussi de Phrvgie. Les Athéniens se glorifioient de n'être pas venus
de Socrates leurs pays. Il leur dit que leshuitres & les sauterelles ne leur
Chef de la d'ailleurs dans
fcacdes cédaient point en cela en Noblesse. Il s'adonna d'abord a l'eloquence,
Cyniques. sous l'Orateur Gorgias. Ensuite il se livra tout entier a Socrates ; & quoi-
La'rrt. /. VL. qu'il demeurât au Pyrée à quarante stades, ou une bonne lieuë & demie d'A.
1.1. a. (f;c.¡ thénes, il venoit tous les jours pour prendre les leçons de son maître. Aprés
la mort de Socrates il fit envoyer en exil Anyte, & punir de mort Melite,les
deux accusateursade ce grand homme.
Il fut Auteur de la sede des Cyniques, dont la plupart dérivent le nom
de Cyonun chien, à cause de l'impudence & de la hardiesse de cesPhilosophes,
mais dont le nom vientplutost du lieu nommé Ky noriirgés, où. Anti{thénes tint
son école, à quelque distance des portes de la ville d'Athènes. Il se proposoit
Hercules pour modèle, ses travaux, ses forces, son mépris des plaisirs & de la
mollesse. Antisthénes est le premier qui doubla son manteau, car les Grecs ne
doubloient point leurs habits; il ne se servit point de tunique, ou d'habit de
dessous, & marcha communément avec un bâton & une bésace. Il faisoit
consite la fin de l'homme à vivre sélon la, vertu; méprisant les richesses, la
gloire/la Noblesse, les commoditez de la vie; de même que les arts qui ne
sont propres qu'à contenter la curiosité ou à procurer du plaisir, comme la
E Dialedique, la
Physique, la Géométrie, la Musique &c. On lui rapporta
C est une vertu Royale de bien
que Platon parloit mal de lui. Il repondit:
fairs, quoiqu'on parle mal de nous. Il faisoit si peu de cas des loüanges du
peupre, qu'il repondit à celui qui lui disoit que tout le monde parloit bien de
lui : 'Quel mill ai-je donc sist ? Comme si le peuple n'étoit capable d'approuver
& de louër que ce qui n'étoit pas bon.
Dio-aé.
Diogéne deLaërcenous a donné le Catalogue de ses ouvrages,quiétoient xxx7.
distribuezen dix Tomes. On dit qu'il avoit une éloquence si persuasive, & Mort d'An-
tifthenes»
si insinuante, qu'il persuadoit tout ce qu'il vouloit. Il mourut de maladie.
Diogéne le Cynique son disciple l'étant venu voir, lui demanda s'il n'avoit
pas bésoin d'un ami, apparemment pour le délivrer de la maladie ou même
de la vie; & comme Antiithénes crioit: qui me délivrera de cette douleur? Dio-
génes lui montra un poignard, & lui dit: Ce sera çela; Antisthéne répliqua:.
J'a y dit: qui me délivrera de la douleur; & non, qui me délivrera de la vie?
Aristippe disciple de Socrates, étoit de Cyréne en Afrique. Ayant ouï XXX11.
parler de Socrates, & de la manière dont il insinuoit la vérité à ses Auditeurs, Chef Aristippe
de la
par le rapport d'ischomaque, qu'il rencontra par hazard aux jeux Olympiques, se&e Cyre-
il n'eut point de repos qu'il ne l'eut veu, & qu'il ne se fut rangé sous sa di- naïque.
scipline. 11 languiiïbit, il maigrifloit, jtisqu-à ce qu'il vint à Athènes pour La'ërt. 1.2.
voir & entendre Socrates. 11 prit tant de plaisir à ses discours simples niais per- c.6j.
suasifs, qu'il se persuada que la fin dernière de l'homme étoit le plaisir; que
c'était sa souveraine félicité en ce monde ; sa vie avoit un parfait rapport à
des principes si peu conformes à ceux de Socrates, qui ne préchoit que la
ttlTlperance & la médiocrité. Socrates lui ayant un jour demandé, d'où vient
qu'il possédoit tant de biens ? Aristippe repliqua : D'où vient que si peu de biens
vous suffisent? -
11 se sépara de Socrates, & alla faire sa demeure dans l'Isle d\Egine,pour XXXI IL

y vivre avec plus de liberté dans les délices & dans la volupté; Socrates eut se Aristippe
beau lui faire sur cela des remontrances, il n'y fit aucune attention; Xeno- retire à
phon ayant composé un Dialogue entre Socrate & Aristippe, ce dernier nese Egine. Xenoph.
mitpas en peine qu'on le publiât. Laïs fameuse Courtisane de Corinthe étant i. 2. de
venue à Egine, Arisiippe conçut pour elle une passion honteuse. On lui en mem. Socr..
fit des reproches, il repondit; je suis maître de Laïs, mais elle n'a point d'em- initia.
pire sur moy, Il croyoitque Socrates auroit du sortir de -'prison, lorsque les Epistol.16.So-
Athéniens l'arrêtèrent injusiément& le condamnèrent à mort. Après le décès cr at.
Vide Stan-
de ce grand homme, les anlis de Socrates
à
& ses disciples se retirérent d'Athé- ley biss.
nes, de peur quil ne leur arrivât quelque chosedesemblable ce qui lui venait PhiloJopb.
d'arriver. Aristippe ne les imita pas. Il demeura encore quelque tems à Egi- 1.1.p. 24a.
ne , & enfin alla finir ses jpurs à Cyrène sa patrie, où il continua à enseigner,
& où il forma sa seue qui fut nommée Cyrenaïque, à cause du lieu de sa demeure,
ou I-Jedonique enGrec, c'est-à-dire, voluptueuses, parcequ'ilregardoit la vo-
lupté comme le souverain bien de l'homme.
Les Philosophes Cyrenaïques ténoient pour principe qu'il n'y a que le XXXIV.
sentiment intérieur, qui nous soit réellement connu; que tout ce qui se passe Principes
audehors est incertain à nôtre égard. La volupté, le plaisir, la douleur, sont de la -Phi..
choses dont nous avons des idées diflintles. Ce qui cause en nous ces sen- losophie
timens, est inconnu. Lespaflions sont des juges incapables de nous trOlll- Cyremii-
que.
per; les sens extérieurs les
& choses sensibles & corporelles qui frappent nos
sens, nous trompent souvent. La même personne diversement affeûée, juge
différemment d'une même chose qui la frappe; deuxpersonnes goûtent la même
chose, l'une la trouve inlipide & l'autre agréable. Il n'y a donc rien de certain
dans
dans les choses extérieures ; mais seulement dans ce que nous sentons & qui
nous touche intérieurement. Entre nos sentimens intérieurs, les uns sont
agréables, les autres désagréables, les autres mitoïens. Les premiers cau-
sent le plaisir, les séconds la douleur, les troisiémes tiennent le milieu & ne
font ni l'un ni l'autre. La nature abhorre la douleur, & cherche le plaisir
comme son souverain. Tel est le Systéme d'Aristippe. Ce n'est pas que ce
Philosophe rejettât la vertu. Il la regardoit comme un bien, en tant qu'elle
cause du plaisir; non qu'elle méritât par elle d'être recherchée, mais seule-
ment par rapport au plaisir & aux avantages, qui nous en reviennent.
XXXV. Denys Tyran de Syracuse aimoit les lettres & la Philosophie, & invî-
Aristippe toit sa Cour tous
fc rend au- Aristippea ceux qui étoient en réputation de sagesse & de science.
prés de De- y vint comme les autres. Denys lui demanda ce qui l'avoit ame-
nys le Ty- né; il repondit: Je suis venu pour vous faire part de ce que j'ay, & pour re-
ran. cevoir de vous ce que je n'ay pas. Aristippe étoit d'un caractère commode
Philofirat. & qui savoit se proportionner au tems, aux hommes,
vit. Apol- stancesdes affaires. Il demandoit aux lieux, aux circon-
lon, La'ërt. un jour de l'argent à Denys. Celuy-cy lui
l.z.c.7%.79. dit: ne m'avez-vous pas enseigné que le Sage n'a bésoin de rien? Donnez-
00 toûjours, reprit Aristippe, nous parlerons de cela cy-aprés. Denys lui don-
Ilo rat. 1. i. na, & Aristippe repartit; ne voïez-vous pas que je n'ay pas bésoin. Un autre
EPIJÎ- 17.
verf. 23. jour Denys le fit asseoir à sa table, mais en la dernière place. On en demanda
Omnis A- la cause à Aristippe. C'est, dit-il, pour rendre cette place honorable. Ces
rytippum manières aisées & agréables le rendirent cher auTyran,mais lui attirèrent l'en-
decuit co- vie des autres Philosophes, qui se railloient de lui dans toutes occasions; Dio-
lor, ôd'fla- génes le Cynique son-disciple l'épargnoit pas, l'appellant un chien Cour,
0
fus res. tisan. Un
ne
jour Diogénes lavoit Quelques herbes pour sa nourriture; il dit à
Aristippe quipassoit prés delà: si vous laviez userde ces sortes de choses pour
vous nourrir, vous ne seriez pas obligé de fréquenter le palaïs d'un Tyran ;&
vous, reprit Aristippe, si vous aviez appris à vivre avec les hommes, vous ne
seriez pas réduit à laver vos herbages.
XXXVI. Aristippe, aprés avoir demeuré quelque tems à Syracuse auprès de Denys
Mortd'A- le Tyran, s'embarqua pour retburner à Cyréne; il fut attaqué en-chemin de
ifictippe. la maladie dont il mourut dans l'Isle de Lipare. Il laissa une fille & un fils.
11 déshérita ce dernier, qui étoit un stupide, & incapable de tontes sortes d'é-
tudes. Sa femme lui fit quelques reproches d'avoir ainsi déshérité un fils, qui
etoit son sang. Il répondit, je n'en rejette pas moins les vermines & les ex-
crémens, parcequ'ils sortent de moy. Vôila à quoi conduiraient les raison-
nemens de cette belle Philosophie, à l'injustice, à la cruauté, à l'inhumanité.
Aristippe avoit écrit plusieurs ouvrages, dont Diogénes Laërce nous a conser-
véles titres. D'autres soûtiennent qu'il n'a laissé aucun écrit. Ses deux- prin-
cipaux disciples furent Hégésias qui donna son nom à une branche de Philo-
sophes nommez Hégésiaques, & Aniceride Auteur de la sede Anicerienne.
XXXVlI. Euclide de Megare ville située sur l'isthme de Corinthe, fut quelque tems
Euclidcs attaché àlaleéluredeslivres deParmenides; ensuite il vint à Athènes & se ren-
Auteur de dit disciple de Socrate. Quelque tems aprés son arrivée à Athènes, & comme
la secxcmé- il étoit déja étroitement lié à Socrates, les Athéniens publièrent
jgarique. ce fameux
édit
edit qui donna occasion à la guerre du Peloponese, & qui detendoit aux Me- La'ért. /. au*
gariens de mettre le pied dans Athènes. Euclide fut donc obligé de quitter C. 106.
GslL
cette ville & de reretirer àMégaresa patrie; mais la nuit ilen sortoit vétu en 1. 6.

femme, & venoit à pied à la longueur de prés de vingt mille pas ou de prés c. 10.
de sept lieuës, pour entendre Socrate, puis s'en retournoit de grand matin
dans le même equippage. Aprés la mort de Socrate, Platon & les autres
diicrples de ce grand homme, craignant un sort pareil au sien, se retirérent
à Mégare & y furent fort bien reçus par Euclide.
Euclide se fit Auteur d'une nouvelle sede nommée de sa patrie Mégarique,
à
ou de son inclination à disputer& contredire, Eraftique; c'est-à-dire, conten-
tieuse. Enfin on la nomma Dit1/eEfique, ou discoureuse, parcequ'elle consistoit
principalement en questions & en reponses. Une de ses principales maximes
était qu'il n'y avoit dans le monde, qu'un seul bien, & que tout ce qu'on nom-
moit bon.revenoit à une seule chose; ou plutost que tout ce qui étoit dans, le
monde,étoit bon en son genre & que rien n'étoit mauvais par soy-même.
On lui demandoit un jour ce que, c'était que les Dieux. Il repondit:.je ne
puis dire ce qu'ils sont ou qui ils sont, mais je sai certainement qu'ils haïssent
ceux qui sont trop curieux,
Euclide le Mathématicien, dontnous avons les élémens, est beaucoup xxxvut.
plus nouveau que celui dont nous venons de parler. Il vivoit sous le premier Euclide fa-
Géo-»
Ptolémée, ou sous Ptolémée fils de Lagus, sous lequel il vint en Egypte; meux métre &
par conséquent environ quatre vingt dix ans aprés Euclide de IHégare. Pro- Mathéma-
clus dit qu'il étoit sorti de l'école de Platon, c'est-à-dire, qu'il étoit Platoni- ticien.
cien; mais iln'avoit jamais veuPlaton, & c'est sans raison que Vslère Maxime xim. Valer. Ma.
1. 8.
les fait contemporains; il raconte que les entrepreneurs de l'Autel qu'on de-
c. 1 3. Pro-
voit placer dans le Temple de Minerve, consultérent Pla^n sur la manière de clus ad Eu-
leconstruire, & que ce Philosophe les renvoïa à Euclide, comme plus habile clid. 1. 2.
que lui dans les Mathématiques. D'autres Anciens ont avancé que ces entre- c. 4.
preneurs étoient venus à Platon ; mais Valere Maxime est le seul qui dise qu'il
les ait renvoyez à Euclide. x
Ptolémée fils deLagÜs le fit venir en Egypte, où il ouvrit une école de
Mathématique, qui devint si célébré, que jusqu'au tems de l'Empire des Sar-
razins, à peine trouve t'on un Mathématicien célèbre qpi ne soit Alexandrin,
ou sorti de l'école d'Alexandrie. Ses livres des Elemens de Geometrie sont trés- Ger. oh.
célébres &panent pour un chef d'oeuvre en ce genre. Proclus raconte que le qJJii deAr- TT

Roy Ptolémée lui aïant un jour demandé s'il n'y avoit point de methode plus tium natura
1. 3.
courte pour arriver à la connoissance des Mathématiques, que celle de ses c. Ii.
Elémens; il repondit; qu'il n'y en avoit point d'autre plus- abrégée. Il
écrivit aussi d'autres ouvrages sur la Musique, l'Optique, laCatoptrique,
des Principes, des Phénomènes, que nous avons encore. On ignore le tems
& le genre de sa mort.
Arcesilaiis, ou Arcesilas naquit dans l'Eolide dans la ville de Pitane. Il XXXIX.
étudia d'abord les Mathématiques à Athénes sous Autolyque; ensuite la Mu- Arcefilaiis
Autheur
fique sous Xanthu^Athénien, puis la Musique sous Hipponique. Enfin il de la mo-
t'attacha à la Philosophie de Platon. Apres la mort de Crates disciple de ïenneAca*
Tom. 111. LI Platon, demie.
La'¿rt. 1.4. Platon, Ârcesilas ouvrit une école à Athènes. Jusqu'alors les Platoniciens
22.28.32. enseignoientque nous ne connoissons que deux sortes de choses; les unes par
11c vers l'an les sens, les autres par la lumière de l'entendement. Ces derniéres formoient
tluM.3690.
ce qu'on appelle la science; les autres la simple opinion. Carneades & Zenon
chacun de son côté crurent devoir changer quelque chose dans ce Systéme.
Arcesilas soûtint qu'il n'y avaitriendu tout de certain en ce monde; pas mê-
me ce que disoit Socrates, qu'il y avoit au moins cela de certain, qu'il n'y
avoit rien de certain. Arcesilas prétendoit qu'on ne devoit rien aiïiïrer comme
indubitable; mais suspendre son jugement dans toutes choies, si l'on ne vou-
loit s'exposer à tomber dans l'erreur.
Ainsi il changea la manière d'enseigner qui avoit été usitée dans l'école
de Platon jusqu'àlors, & qui consistoit à interroger les personnes avec qui
l'on avoit à parler, asin de tirer de leurs reponses occasion de les instruire &
de développer leurs pensées. Arcesilas changea cette methode. Il interro-
geoit & contredisoit, pour faire voir qu'on se trompoit.ou du moins pour
t. faire naitre des doutes sur ce qu'on avoit avancé. On nomma son école la
moïenne Academie, comparée à celle de Platon qui étoit l'ancienne, & à celle
de Carneades qui étoit la nouvelle, & toutefois plus-ancienne que celle d'Ar-
cesilas. Les disciples d'Arcesilas differoient des Scepticiem en ce que ceux-cy
soûtenoient qu'il n'y avoit rien sur quoi l'on put disputer, en affirmant &en
niant avec un.e égale probabilité ; au lieu qu'Arcesilas disoit qu'il y avoit des
choses plus probables les unes que les autres, &que le Sagepouvoit & de-
voit suspendre son jugement, mais non pas nier la certitude des choses. Que
la vérité n'étoit pas perduë, & qu'on ne devoit pas absolument désespérer
de la découvrir; mais qu'elle étoit enveloppée de si épaisses ténèbres qu'il
étoit comme impossible à l'homme de la découvrir.
XL. Arcesilas éstimoitHomére &Pindare comme d'excellens modèles d'élo-
Maximes quence. Il étoit mordant & caustique, & son stile étoit court & sententieux.
d'Arcefi- Il avoit
las. un talent particulier pour persuader, quoique souvent il ne ménageât
point la délicatesse de ses disciples.. Il étoit libéral & bienfaisant, & aimoit
a cacher ses bienfaits. Il étoit connu sur ce pied-la ; & dans plus d'une oc-
casion il cacha industrieusement sous le chevet du lit de ion ami malade, des
sommes d'argent considérables; & celui-ci, lorsqu'on trouvoit cet argent, di-
soit: voila encore un des larcins d'Arcesilas. Il vivoit noblement & traitoit
magnifiquementses amis; imitant en cela Aristippe; étant d'ailleurs ennemi
du faite & de l'ostentation. Il disoit que de même que plus il y a de médi-
il
On met sa camens & de Medecins, plus il y a de malades; ainsi plus yadeLoys, plus
mort vers il y a de prévarications. Il mourut âgé de soixante quinze ans, dans le délire
l'an du M. causé Je vin qu'il avoit pris avec excés. Les Athéniens lui firent de ma-
3762.avant par
j.c.a*8.. gnifiques funérailles. Il eut pour Successeur Lacydes.
XL}. Lacydes Cyrenéen succéda à Arcesilas dans l'Academie, & continua d'en-
-Lacydes seigner comme son maître, que l'on ne pouvoit s'assûrer d'aucune vérité sur
1
SuccelTeur le
d'Arcesilas rapport des sens. Il rapportoit pour le prouver un exemple domestique.
dans laca- Lorsque je sors de ma maison, je crois appercevoir dans inon garde-manger
:

demie mo- je ne sais combien de choses, que je n'y trouve. plus lorsque j'y retourne.
-
;
Vcnae. Comment
Comment donc pourrois-je' affirmer quelque chose sur le simple rapport de Lciêrt. /. Sf*
mes sens? C'est qu'en effet en sortant de son logis, il avoit grand soin de scêl- c. f 9.60.
ler la porte de son garde-manger, après quoy il jettoit son anneau par une Euseb. prtf
fente dans le même lieu, de peur qu'on ne lui prit, ou qu'il ne le perdit; par. l.14.
c. 7- Ex
mais ses esclaves avoient le secret de retirer l'anneau, & d'ouvrir l'armoire, NumenÍo
d'où ils tiroient ce qu'ils jugeoient à propos; aprés quoi ils la scélloient de vers l'an
nouveau & y rejettoient l'anneau. Il mourut de paralysie, causée par son in- duM.?762.
tempérance. avant J. G.
'
Carneades étoit aussi de Cyréne &trés-subtil,connu né en Afrique; il suc- 238.
à
céda Egesin, qui étoit le quatriéme des maîtres qui avoient suivi Arcesilas. Carneades
Il étoit ardent défenseurde laréserve, ou de la retenue à décider, que les Pla- Académi-
XL 11.

toniciens nommoient Epoché, & qui faisoit comme le propre caradére des Aca- cien, Au-
démiciens. Carneadesensëignoit qu'il y avoit dans les choses les plus vraies, teur de la
nouvelle
certaines semences d'incertitudes, qui devoient empêcher le sagè d'affirmer Académie.
& de donner son consentement absolu; il alloit jusquJà soûtenir que l'on ne
pouvoit avancer comme certaine cette proposition; il n'y a rien dans le monde
que l'on puise parfaitement connoître ; quoiqu'elle parût liée à ses principes. Il per-
met toutefois à son Sage d'opiner, c'est-à-dire, de donner son consentement à
une proposition, dont la vérité lui paroit claire; mais cependant avec crainte
de se tromper. Aussi n'a-t'on jamais bien sçu ce que Carneades approuvait;
disputant tantost pour, & tanton: contre, prêt à soûtenir l'affirmative comme
la négative.
Dans une affaire que les Athéniens eurentàRome contre ceux d'Orope, XLlllr.
qui leur demandoient cinq cens talens, pour indemnité du tort qu'ils leur Députa-
avoient fait, les Athéniens députérent à Rome trois de leurs principaux Phi- tion de
losophes. Carneades tiré de l'Academie, Diogéne du nombre des Stoïciens, Carneades,
de Diogé-
& Critolaüs du nombre des Peripatéticiens. Carneades s'y fit distinguer
par nes
dessus les autres par la force & la rapidité de son éloquence. Critolaiis parloit Critolaiis,
& de
plus poliment & plus rondement. Diogénes avec plus de modération & de vers le Sé-
retenuë. Ils obtinrent une remise considérable de la somme qui avoit été im- ':nat Ro-
posée aux Athéniens. De cinq cens talens, on les réduisit à cent; main.
les payérent-t'ils pas. (a) Mais le vieuCaton craignant que Peloquence encore ne Plutar,c,b. •
de ces vita Caton.
Philosophes & l'applaudissement avec lequel ils avoient été reçus à Rome, Aul. Gell.
ne
portaient leur jeunesse à vouloir imiter les Grecs dans leurs études, & ne quit- L7.c. 14.
tassènt le soin des affaires & de la guerre, qu'ils regardoient Macrob.
comme choses in. SaturnaU
finiment plus importantes à leur République, il pressa le départ de ces étran- 11. c.
' gers, & leur fit donner incessammentl'audience du Senat, & la réponse àleur de-
mande. (a)
Carneades avoit tant d'ardeur pour l'étude, (a) qu'il en perdoit l'appétit PauJiln.
& négligeoit le soin de sa personne; en sorte que Melissa sa femme lui don- Achaïe.
noit à manger 7 car même à table il oublioit d'étendre sa main pour prendre c. Xi.
XLIV.
de la nourriture. Il avoit la voix grande, belle &sonore, & parloit Ardeur de
de grace & d'eloquence, que les Orateurs mêmes venoient avec tant Carneades
l'entendre.
Il étoit si fort en raisonnemens,sur tout dans la réfutation, pour pour l'étu-
voit résister.
L1 z ......
que nul ne lui pou..
On dit que voulant disputer contre Chrysippe, (b) il
orenoit de
de.
00
l:lelle- La'ért. 1. 4.
t.. S2. Va. l'ellebore pour se purger l'éstomach, & se mettre en état de parler avec plus de
1er. Â<îu- présence d'esprit & de vivacité. Quoiqu'il fut si sort dans le raisonnement, ii
vcim. I. 8.
avoiioit que laDialectique rd[embloitau Polype, qui mange ses propres pro-
c.7. ductions ; ainsi les Dialecticiens réfutent souver|t leurs propres sentimens.
(h)
Geii.1.17. Carneades dans son école disputoit toujours contre tout ce qu'on proposoit;
c. 1Ç. Plin. quelque clair qu'il fût.
1. XXV. 5.
&c.
Carneades mourut âgé de quatre-vingt-cinqans, fort à àre,c-,ret, difmtsou-
XLV. vent : fout-il que la nature décruise ce qu'elle-même a formé ; il devint aveugle
Mort de sans le savoir. Son valet lui aïant allumé de la lumière, il s'apperçut seulement
Carneades alors qu'il
ne voyoit rien. Antipater son ami s'étant donné la mort en
vers l'an prenant du poison, il résolut d'en faire autant; mais il se ravisa, & aïant dit
dnM.3962.
avant J. G. à ses gens: donnez moy, on crut
qu'il alloitdire, dit jus de Ciguë, mais il dit: dit
38. viri : du tems de Diogéne de Laërce onn'avoit plus aucun de ses ouvrages, que
les lettres qu'il avoit écrites à Ariarathes Roy de Cappadoce. Ce qu'on voyoit
sous son nom.ètoit des écrits de ses disciples. 11 eut pour Successeur Clitomaque,
autrement Asdrubal, Carthaginois. On comptoit plus de400. de ses livres;
dans lesquels il montroit autant d'esprit, mais moins d'eloquence que Carnea-
des; ilcomparoit la Dialedique à la lumière dusoleil, qui croit, ou décroît
toûjours.
XLVI. Theophraste disciple & Successeur d'Aristote dans son école de Lycée,
Theophra- étoit natif d'Eresbe ville maritime de l'Isle de Lesbos. Son premier nom fut
sie disciple Tyrtame. Ensuite il prit celui de Lucippe, enfin Aristote lui donna celui de
&Succef- son éloquence divine & extraordinaire. Quand Aristote
feur dari- Theophrafle, à cause de
flote. fut obligé de se retirer à Calcide, ses disciples le prièrent avec tant d'instance
Luïrt. 1 5. de leur nommer quelqu'un pour tenir sa place, qu'il leur nomma Theophraste.
1. 3 6. &c. Celui-cy prit donc soin de l'ecole d'Ariitote; & aprés la mort de ce Philoso-
phe, il continua à enseigner dans les Jardins de son maître. I-lerrnjppns ra-
conte que Theophraste se rendoit à son école à l'heure marquée avec un habit
Atbenaus éclatant, & qu'il parloit avec adion, sans manquer aucun des gestes qui
ex Hermip- convenoient au sujet qu'il traitoit. Le nombre de ses Ecoliers étoit d'envi-
19 /. 1.
ron deux mille ; du nombre desquels on met Demetrius de Phalére, Nico-
maque fils d'Aristote , le Medecin Erasistrate, dont on a parlé, Menandre le
Comique, & enfin Straton de Lampsaque qui lui y succéda..
XLVII. Les Athéniens avoient une, si grande considération pour Theophraste,
EstiIIIe qu'un certain Agnonide l'aïant accusé d'impieté, peu s'en fallut que lui-même
qu'on a- ne fût pùni comme coupable du même crime. Le Roy Ptolémée lui fit l'hon-
voit pour lui écrire le premier; & CaÍfander Roy de Macédoine avoit pour lui
Theophra- neur de
fie. une estime extraordinaire. Aïant veu dans un repas un jeune homme,qui de-
meuroitdans le silence, il dit: Si vous étes ignorant, voususez de prudence;
si vous ne l'étes point; vous ne faites pas prudemment. En voïant un autre
qui rougissoit de pudeur: Courage,lui dit-il, la rougeur ejl /,1 couleur (le la vertu.
XLVIII. Comme il avoit une trés-grande facilité d'écrire, & une trés-vaste éru-
écrits & dition, il écrivit une infinité d'ouvrages, dont Diogéne de Laërce a donné
mort-de le Catalogue. Il mourut âgé de 8). ans, & épuisé par son assiduité à écrire.
Théophra- Il se plaignit
fte. en mourant de la breveté de la vie des hommes, qui la quittent
dans
dansletenisoù ils commencent à avoir'quelque connoissance. II est étrange,
disoit-il, que la nature accorde une si longue vie aux Cerfs & aux Corneilles,
qui n'en font aucun usage utile à la Société : & qu'elle la refuse aux hommes,
qui pourroient, s'ils vivoient plus longtems, acquérir une infinité de con-
noiflànces utiles.- 11 ajoûtoit ; nous mourons, lorsque nous commençons à
vivre ; & il n'y a rien de plus vain que l'amour de la gloire, qui nous fait perdre
une infinité d'agréemens de la vie. 11 légua son argent aux assemblées des
Philosophes, afin qu'il servît non au luxe & à l'intempérance, mais à la so~
brieté & aux entretiens d'hommes sages & réglez. Tout le peuple d'Athè-
nes assisia par honneur à ses funérailles. Il eut pour Successeur Straton de
Lampsaque, qui fut Précepteur du Roy Ptolémée Philadelphe, & qui fut sur-
nommé le Physicien, parcequ'il s'étoit beaucoup appliqué à l'étude des cho-
ses naturelles.
Demetriusde Phalére futaussiup des principaux disciples deTheophraste. XL IX.
Demetrius
Il fut Archonte à Athénes en la 117. Olympiade, du Monde 3694. avant J. C. Plialercus
306. & gouverna la République d'Athénes pendant dix ans, avec tant de suc- disciple dtf
cés & de bonheur, qu'on lui érigea jusqu'à trois cens soixante statuës de Theophra-
bronze, dont plusieurs étoient élevées sur des Chariots à deux Chevaux. Il $e vivoit
embellit la ville de quantité d'édifices, & augmenta considérablement ses re- fousles
Quelques de le firent condamnera pendant son Iloys Pto».
venus. uns ses ennemis mort lémée fils
absence; mais il en fut averti à tems, & se sauva vers Cassandre Roy de Macé- de Lagus
doine. Ses ennemis n'ayant pû se saisirde lui, déchargèrent leur colére con- & Ptolé-
*
tre ses statuës, qu'ils renversérent. Demetrius n'en fit que rire, disant qu'ils mée phila;,.,
delphe.
n'avoient rien pû contre sa vertu, qui les avoit fait ériger. Tlid. La'èrt.
Aprés la mort du RoyCassander, il n'osa demeurer1 dans le pays, depeur Vois.
.duRoy Antigone; il se retira vers Ptolémée fils de Lagus Roy d'Egypte, qui I. i.debijf.
étoit en réputation d'un Prince benin, & qui recevoit parfaitement bien tous (jYtSC. /. l.
les étrangers qui recherchoient sa prôteftion. Ce Prince le considéroit beau- C. 12.
coup, & le consultois sur des affaires de la derniére importance. Il lui demain Mort de
da son avis s'il devoit laisser sa couronne aux enfans qu'il avoit eu d'Eurydice, Demetrius
ou à Ptolémée Philadelphe qu'il avoit eu de Bérénice : Demetrius aïant con- Phaîereus.
seillé de préférer les premiers aux derniers, encourut la disgracc, de Philadel- An, du M. v
phe, qui le fit arrêter aussitost aprés la mort de Ptolémée Soter sanPere, &le J.372ï.avanÉ
C. 279.
fit mettre en prison, où Demetrius se fit mourir par lamorsure d'un aspic.
Il avoit composé grand nombre d'ouvrages, non seulement en matière L1.
de Politique; mais encore de Poësie, d'éloquence & d'histoire; on en peut Ouvrages
voir le denombrement dans Diogénes de Laërce, qui n'a pas même été ex- trius de Deme-
Pha-
aéte dans le long Catalogue qu'il en a donné. On sait ce qu'Aristée, Joseph, lérens. *

Philon & trés grand nombre d'autres Auteurs ont écrit touchant la version
Gréque, que les septante Interprètes ont fait des livres hebreux des Juifs en
Grec, & du soin qu'il prit de la fameuse Bibliothéque de Ptolémée Philadel-
phe. Ce qu'on en dit ne s'accorde certainement guéres avec ce qu'on vient
de voir de la conduite que tint ce Prince envers Demetrius de Phalére dez-
qu'il fut monté sur le Trône. Quelques Savans veulent concilier ces contra-
riétez,en disant que Ptolémée Philadelphe s'employa à procurer cette version
pendant qu'il regnoit avec Ptolémée Soter sanPere, qui l'associa au Royaume
deux ans avant sa mort; mais cela ne sauve pas les autres difficultez qu'on
forme contre cette histoire, même indépendamment du tems où elle s'est faite.
Nous en avons déja parlé plus d'une fois.
LU Diogéne de Laërce louë le stile de Demetrius de Phalére comme grave
Jugement & élégant; mais Ciceron le trouve plus propre à flatter l'oreille de son Audi-
sur le ftilc
teur qu'à l'echauffer. Il étoit, dit-il, Philosophe subtil dans la dispute, &
de Deme-
trius Pha-
Orateur peu véhément, mais doux & agréable ; en quoy onlereconnoitpour
ler eus. disciple deTheophraste. On rapporte de lui cette sentence: Que les vrais amis
Tull. in dans la prospérité, ne viennent que quand on les a priez, mais que dans l'ad-
Bruto( versité ils se présentent d'eux-mêmes, & avant qu'on les prie. Les jeunes gens,
l!1.de Os- .disoit-il, doivent dans la maison respeder leur
fiPiis. parens, dans les rues tous ceux
qu'ils rencontrent, dans le particulier, ils doivent avoir du respect pour eux-
mêmes.
LUI. Zenon Auteur de la sede des Stoïciens, étoit natif de Cittium, ville de
Zenon de Chypre habitée par les Phéniciens. Son Pere étoit marchand, & lui-même
(Sittium exerça pendant quelque tems la même profession. On dit qu'ayant consulté
Auteur de l'Oracle sur le genre de vie qu'il devoit embrasser, laPrêtresse lui répondit.
la seëte des. prendre le teint & la couleur des morts. Ce qu'il interpréta com-
Stoïciens. qu'il eut à
La'ért L me si Apollon l'exhortoit à lire les livres des Anciens, & à en prendre la tein-
e. i. ture & les maximes. On dit qu'ayant fait naufrage vers le port de Pyrée, il
Suidas in dit sans s'émouvoir : J'ay obligation à la fortune de me mettre dans la necessité
Zeno¡¡I.
de m'appliquer à la Philosophie. Etant ensuite entré dans Athènes, & s'étant
aIRs prés la boutique d'un Libraire, il y lut quelque chose du second livre des
Commentaires deXenophon, puis demanda au Libraire où l'ontrouvoit de
ces gens dont parle l'Auteur, il lui montra Cratés qui passoitfortuitement, &.
lui dit de le suivre. Il le suivit & s'attacha à lui.
Cratés étoit Cynique, & un des principaux dogmes de cette sede, est
qu'il faut renoncer à la honte, & à certaine pudeur que la bonne éducation
inspire aux jeunes gens. Zenon ne pouvant s'accommoder de ces principes,
quitta Cratés ; mais ce ne fut qu'après avoir composé son livre de la République.
Plutarcb. qui lui fit beaucoup d'honneur. Il y montroit que les hommes étoient nez, non
de fortun. pour vivre séparez les uns des autres, mais pour vivre en societé, sous les mê-
Alexand.
mes loys & les mêmes usages, de même qu'un troupeau, qui jouït des patu-
Orat. i.
rages communsavec un droit
égal. Il s'attacha ensuite à Stilpon de Mégare,
qui étoit de la sede Mégarique, dont on a parlé sous l'article d'Euclide Auteur
de cette sede.
LJTi. Stilpon étoit l'homme du monde le plus porté naturellement au plaisir
Stilpon & a l'incontinence; mais il avoitsi bien sçu réprimer les mauvaises inclinations
Maître de de nature corrompue, que l'on ne remarqua jamais en lui aucun effet de ces
Zenon. dangereux penchans. Sa douceur, sa modération, sa sagesse l'avoient rendu
Lairt. 1. 2. Athéniens, que quand il palsoitdans les rues, on sortoit des boutiques
l
f. H. sicher aux
pour le voir. Quelqu'uns lui ayant dit; On vous admire comme une bête étran-
gère; point du tout, repliqua-t'il ; on me veut voir comme tal vray homme. J1 étoit
extrémement fort dans la dispute, & tout le monde admiroit san extrême
subti.
subtilité dans le raisonnement. Il regardoit comme lé souverain bien d'être
sans paillon ; c'est de-là qu'est venuë l'Apathie des Stoïciens dont nous allons
parler. ,
Zenon ayant donc été charmé, comme une infinité d'autres, des ma- L'Y.
niéres & de l'éloquence de Stilpon, abandonna Cratés, & s'attacha à Stilpon; Zenon
Cratés vouloit le retenir par le manteau, mais Stilpon lui dit: croyez-moy, quitte Cra-
retenez-le par les oreilles; attirez vos disciples par la persuasion; si vous les tache tes & s'at-
à
tenez par force, vous aurez les cotps, mais Stilpon aura les cœurs & les esprits. Stilpon.
Après avoir demeuré dix ans dans son école, il s'attacha à Xenocrates,&en. La'ért. /. 7-
fin se rendit disciple de Polemon. c. a. $r.
Aprés avoir étudié longtems, il voulut communiquer ses lumiéres aux LVI.
autres, & ouvrit une école dans le portique, ou la galerie couverte nommée Zenon a
la peinte, parcequ'elle étoit ornée de peintures de la main de Polygnote,& de s disci-
comme en Grec Stoa signifie un portique, on nomma l'école & la seéte de Ze- ples & en-
non, l'école & la secte des Stoïciens. Il enseignoit d'ordinaire en se prome- seigne dans'le
nant,& le nombre de ses disciples futtrés-grand. Les Athéniens avoient tant de portique
confiance en lui, qu'ils lui mirent en main les clefs de leur citadelle, & le peint par
rendirent parlà en quelque sorte dépositaire de leur liberté. Ils lui firent aussi Polyguote.
ériger une statuë de bronze & l'honorèrent d'une couronne d'or. Antigone
Pogonat Roy deMacédoine le considéroittrès-particuliérement,&nemanquoit
jamais de l'aller entendre, quand il venoit à Athènes. Il mangeoit même dans
sa maison. Il l'invita en termes pleines d'empressemens de venir en Macé-
doine, pour y donner des leçons de sagesse,& auRoy&àses sujets; mais Ze-
non s'en excusa sur son grand âge; car il avoit alors quatre-vingt ans. Il y
envoya en sa place Persée fils de Demetrius, & Philonide Thébain, deux de
ses disciples.
Il mourut âgé de 98. ans, sans avoir jamais été malade; il avoit été cin- LVII.
quante-huit ans à la tête de son école. On dit que sortant de l'Academie, Mort de
du portique où il tenoitson écôle, il tomba & seiompit le doigt. A ou Zenon.
ce mo- du M.
ment il frappa la terre avec la main & cita ce vers de Niobé, tiré d'une tra- An 3 74 4. avant
gédie: Me voila, pourquoi m*appellez-vozis ? & se donna la mort même en- J.S.2^6.
au
droit, s'y étant étranglé, ou selon d'autres, ayant refusé de manger. Le Roy La'irt. Vil.
Antigone Pogonate ayant reçu la nouvelle de sa mort, s'écria Quel fpeïïacle 10. 15.
:
fay perdu! On lui demanda sur quoi étoit fondée son admiration? C'est, dit-
il, qu encore que je lui aye fait beaucoup de biens, il n'a jamais changé de
sentimens; il n'est ni haussé ni baissé? Il envoya sur le champ uneambassade
aux Athéniens, pour les prier de lui donner la sepulture dans le Ceranlique;
ce qui futexécuté par une ordonnance du Sénat d'Athènes, qu'on peut lire
dansDiogénedeLaërce.On lui fit construire un tombeau aux dépens du public,
& on lui décerna une couronne d'or.
Rien n'étoit plus modeste, ni plus frugale que Zenon; évitanttoute LVlJ1.
sorte d'ostentation & de distinction, il alloit vétu d'une manière trés-simple, Caradiére
& vivoit de pain, d'eau & de quelques fruits. Les Poëtes Comiques lui de Zenon.
ont fait des reproches; mais en cela même ils ont fait son éloge. On trouve en Ses maxi-
dans les Anciens grand nombre de ses sentences mes.
; par exemple, il dit à un jeune VoyezStan-
homme ley, Hist%
Pbilosoph. homme quiparlait beaucoup: Vos oreilles sont descenduës dans vôtre lan..
1.2. p. 554* gue, & à un autre qui tomboit dans le même défaut : la nature nous a donné
deux oreilles & une seule langue, pour nous montrer qu'il faut plus écou-
ter que parler.
Comme Zenon a fait une fort grande figure parmi les anciens Philoso-
phes, & qu'il a eu grand nombre de disciples, on peut former de ses sentimens
un corps dePhilosophie complet; qui comprend la Dialectique, la Morale &
laPhysique; iladmettoit des Dieux,& croyoit qu'ils gouvernoient le monde, &
les choses humaines : Que le souverain bien de l'homme consistoit à vivre con-
formément à la raison; que rien n'étoit plus contraire à la raison, que de le
laitier emporter par la passion, & que vivre exempt de paillon, étoit un état
heureux; que la béatitude consistoit dans une vie heureuse; que le Sage étoit
toujours heureux, même au milieu des tourmens. Que les vrais Sages n'avoient
pour parens&pour amis, que ceux qui s'appliquoient comme eux à l'étude
de la sagesse; que les biens & les maux de cette vie sont choses indifférentes,
puisqu'on en peut faire un bon & un mauvais usage ; que les pechez sont égaux,
que le Sage seul est heureux. Dans son ouvrage de la République, il vouloit
que les femmes fussent communes.queles hommes & les femmes fussent habillez
de même; qu'il n'y eut ni temples, ny cours, ni écoles dans sa République.
r/y. Cleanthes qui succéda à Zenon, étoit natif de la ville d'Anus en Lycie.
Cleanthes Sa première profession sut celle d'Atléte,à la lettre, un homme qui se bât à coups
Succeflfeur
de poings, (a) Il vint à Athénes n'ayant que quatre dragmes (la dragme étoit,
de Zenon
dans l'é- dit.on, de sept sols 8. deniérs) il s'attacha à Zenon, & ne s'en sépara jamais.
Cole des Comme il n'avoit pas dequoi vivre, il s'étoitloué à un Jardinier pour lui tirer
Stoïciens. de l'eau pendant la nuit, & à une femme pourpaitrir la farine. A Athènes la
~~. /. 7- fainéantiie passoit pour un crime. Cleanthes fut cité devant les Juges de l'A-
(
c. 168.
Jeq.Ca) reopage pour lavoir dequoy il vivoit & quelle étoit sa profession. Il fit pa-
roitre avec lui le Jardinier & la boulangère, qui rendirent témoignage qu'il
WV/il
tlÇ' vivoit de son travail. Les Juges lui ajugérent dix mines à prendre sur le tré-
sor public; & encore Zenon ne vouloit pas qu'il les acceptât. Un jour comme
il menoit quelques jeunes gens au spedacle, le vent leva son manteau.& fit
voir qu'il n'avoit point de tunique, où d'habits de dessous. Les Athéniens
étonnez d'une telle pauvreté, lui en firent donner une du public. Il étoit ex-
traordinairement studieux; mais il avoit peu d'ouverture d'esprit; & comme
il n'avoit pas dequoi acheter du papier, il écrivit les leçons de son maître sur
des têts de pots cassez & sur des os de bœufs. Zenon lui donnoit le nom de
nouvel Hercule, à cause de son assiduité au travail, & de sa persévérance.
LX.. Cleanthes écrivit quantité d'excellens ouvrages, dont on peut voir le Ca-
Ecrits & talogue dans çeux qui ont écrit sa vie. Il vescut fort longtems. Selon les uns
niort de quatre-vingt
Cleanthc. ans, selon les autres quatre vingt dix neuf ans. Il lui étoit venu
n,n ulçére sous la gencive, ou sous la langue, ou
même dans les lèvres; car
les Historiens ne conviennent pas sur cela ; il consulta les Médecins qui lui
conseillérent de s'abstenir pendant deux jours de manger. Aprés ce terme ils
lui dirent qu'il pouvoit mangera l'ordinaire, il repondit: Je luis trop avancé
pour reçuler. 11 çontinua à jeûner encore deux jours, & mourut. Chry-
Chrysippe disciple de Cleanthes étoit natif de Soles en Cilicie. Sa pre- LX]..
mière proicllion sut l'exercice de la Lance ; ensuite ayant depensé son patri- Chrysippe
moine au service du Roy, il s'addonna à la Philosophie, & s'attacha, selon Philofopho
Stoicien
quelques uns à Zenon, sélon d'autres à Cleanthes, du sentiment desquels il (lirciple (le
:>'eloigna, même de leur vivant, se croyant assez de science& d'esprit pourse Cleanthes.
faire des routes nouvelles en fait de rationnement; il avoüoit toutefois que La'ërt. /. 7-
voulant argumenter contre Cleanthes, il ne s'en tiroit pas avec avantage; du c. 179.
reste il étoit si excellent Dialecticien, qu'on disoit communément que si les M*
Dieux vouloient se servir de Dialectique, ils n'en prendroient point d'autre
que celle de Chrysippe. Dans le particulier il disputoit assez tranquilement,
mais quand il parloit devant le peuple, il le faisoit avec une vehémence & une
vivacité extraordinaire. Il étoit très laborieux, écrivant chaque jour cinq
cens lignes, & si frugal qu'il ne se servoit dans le particulier que d'une vieille
servante, qui lui préparoit à manger. Il ne fit jamais la Cour aux Grands, &
ne dédia aucun de ses ouvrages auxRoys. Ptolémée Roy d'Egypte l'ayant in-
vité de venir dans son Royaume, il remercia ce Prince & y envoya Sphaerus
un de ses disciples. On lui reproche la trop grande idée qu'il avoit de sa suf-
fisance. Il disoit que s'il connoissoit quelqu'un qui en sçut plus que luy, il
iroit auprès de luy pour apprendre la Philosophie. On lui disoit un jour que
l'on parloit mal de lui. Je ne m'en mets nullement en peine, répliqua-t'il, & je
vie gouverneray de telle forte qu'on ne croira point ceux qui en parlent mal.
Ses ouvrages sont en si grand nombre, qu'on en comptoit jusqu'a sept LX1I.
cens cinq ; Diogéne de Laërce a laissé imparfait le Catàlogue qu'il en a com- Ecrits de
mence. M. Stanley dans son histoire de la Philosophie, y en a ajouté un grand ChryHppc.
Laifrt l, 7.
nombre tiré de différens Autheurs. On luy reproche d'avoir inséré dans ses c. 189.
livres tant de choses tirées des autres; que si on le dépouïlloit de ce qui ne lui Stan:ey
il
appartient pas, demeurerait presque nud. On lui reproche aussi d'y avoir H,st. Phi-
inséré des obscénitez indignes d'un homme d'honneur. Seneque porte ce lofopb. 1.2.
jugement des ouvrages de Chrysippe. Il est subtil & pénétré jusqu'au fond pSmec
S 2.
-O
de
des véritez. Une prodigue pas ses mots, il n'en met qu'autant qu'il faut pour Benefic.
faire entendre ce qu'il veut dire,mais, ajoute-t'il, sa pointe s'emousse quelque- /. J. c. ?.1
fois & se recourbe en elle-même, & souvent il pique & ne perce pas. Dans
son livre de la République il permettoit les mariages entre le Pere & la Fille.
Ailleurs il permet la nourriture de Chair humaine. Il dit que le sage doit
gagner sa vie.
Il mourut âgé de 83. ans, en la 143. Olympiade. On varie sur la ma- LXlIh
nière dont il mourut, les uns disent que ce fut en riant avec effort, voyant Mort de
Chrysippe
un asne qui mangeoit des figues ; il demanda du vin à sa vielle servante & mou- vers l'an
rut ainsi. D'autres disent qu'étant au milieu de ses disciples, qui l'avoient in- du Monde
vité à un sacrifice, il but du vin moût, & ses yeux s'étant troublez, il décéda 3800.
cinq jours après. Sa statuë qu'on voyoit dans la place d'Athènes, le repré-
sentoit comme un homme de petite stature, & aïant la main étendue.
Archytas de Tarente fameux Pythagoricien, vivoit du tems de Platon, & LXlV.
de Denys le Tyran. Ce Prince ayant conçu de la défiance de Platon à l'oc- Archytas
casson d'une révolte qui étoit arrivée entre les soldats. dont on foupçonnoit de Taren-
PytlÉ-
lom. ill. Mm Hera- te,
£oricien. Heraclide ami de Platon d'être Auteur. Il y eut à ce sujet quelqu'explicatidns
Jflato Episi. entre Denys & Platon, & enfinles ennemis de Platon firent entendre auTyran,
Vil.p. e48. que ce Philosophe animoit Dion & Tlieodote à abolir la Tyrannie en Sicile.
Ces discours déterminèrent Platon à se retirer le plus promptement qu'il pour-
roit de Sicile, de peur d'eprouver la cruauté d'un Prince défiant & soupçon-
neux. 11 écrivit donc à Archytas de Trente & à sès autres amis de ce pays-la,
le danger où il étoit, & les pria de l'en tirer leplutost qu'ils pourroient. Ar-
chytas qui avoit un fort grand crédit à Tarente, députa vers Dcnys un nom-
mé' Lamarque avec une galère à trois rangs de rames, pour repéter Platon,
comme s'etant rendu gannd de sa personne, lorsqu'il étoit venu à la, priére
deDenys en Sicile. Denys n'osa refuser ce qu'Archytas demandoit; & pour
témoigner qu'il n'avoit rien contre Platon, il le traita dans son palais avec
magnificence, lui donna toutes sortes de marques d'amitié, lui témoigna la
crainte qu'il avoit qu'il ne parlât mal de lui, quand il seroit au milieu de tes
amis; aux Dieux neplaile, repondit Platon, que dans l'Academie on toit
tellement dépourveu de matière d'entretien, que l'on y sbit obligé de parler
de vous.
LXV.. Tel fut le service qu'Archytas rendit à Platon dans cette circonfbnce.
Mœurs & Or Archytas n'étoit pas un simple Philosophe, qui est borné à discourir avec
caractère
d'Archy- ses disciples dans son Ecole. Il étoit homme d'état & fut nommé j"uf'qu",i ll-pt
tas. différentes fois Gouverneur ou Chef de la République de Tarente, quoyque
selon laLoy de la ville, il ne put l'être que pendant un an. Tandis qu'il com-
manda l'armée des Tarentins, elle ne fut jamais vaincuë; dez-qu'il en quitta
le commandement elle fut livrée aux ennemis.
Il avoit beaucoup écrit, & les anciens citent un assés grand nombre de
ses ouvrages, qui ne sont pas venus jusqu'à nous. Il s'appliqua beaucoup
aux Mechaniques. On vante sur tout un Pigeon de bois qui voloit par le
moyen des ressorts dont il étoit rempli, (a) mais qui ne pouvoit se relever,
(si)
phavorÍn
apud Gell-
- lorsqu'une fois il étoit tombé à terre. Il y a plusieurs autres Inventions qu'on
J.X. C. 12. lui attribue, & qui prouvent qu'il étoit grand Mathématicien.
11 étoit très sage & très modéré, & sur tout infiniment éloigné de toute
sorte d'obscénité, ne pouvant ni dire ni entendre aucune parole sale. Un
jour étant ému contre l'Officier qui avoit soin de sa maison de campagne; il
lui dit: Je vous traiter6is nial si je zi'etcis en colère. (b) Il tenoit la volupté com-
Flutarch.
me la chose la plus pernicieuse qui ait été donnée aux hommes, & la regar-
>

de pueris
lnflitu. doit comme la cause de tous les maux & de tous les désordres, que l'on voit
Cc) dans le monde. Athénée cite un ouvrage d'Archytas intitulé de la manière
tfamblic. d'apprêter à manger, & Jamblique (c) remarque que les Pythagoriciens sont
vit Pytbag.
& 34.
les premiers Philosophes qui ayent écrit sur la manière d'apprêter les viandes.
€. 29.
LXVl. Horace marque assez clairement qu'Archytas périt dans un naufrage,
Mort d'Ar - puisqu'il l'introduit dans une de ses odes, qui demande instamment qu'on jette
chytas. sur ion cadavre en passant, deux ou trois poignées de sable pour le couvrir.
Jioratius I-Ieraclite auteur de la sede Jonienne vivoit sous le regne de Darius fils
/. f .&od d'Hystaspe Roy de Perse. Il étoit natif d'Ephése, & fils d'un nommé Blan-
LX Vil.
Ireraclite son. 11 le fit admirer dez sa jeunesse par ses réflexions pleines de sens & de
jugement.
jugement. Il disoit des.îors, qu'il ne savoit rien ; quand il fut plus avancé Auteur dd
âge, il disoit qu'il n'ignoroit rien. Il y en a qui croient qu'il n'eut jamais la fe&e Jo-
en
demaître, & que tout ce qu'il sçut il l'apprit de luy-même & par de sérieuses nienne voit sous
vi-
reflexions sur ce qui se passoit dans soi-même. Il est vrai neanmoins qu'il étu- Darius fils
dia sous Xenophanes, sous Hippase le Pythagoricien, & même sous Orphée; d'Hyilar..'
si l'on en croit S. Clement d'Alexandrie. (a) Quand il disoit qu'il n'ignoroit pe, vers
du M.
rien, il n'entendoit pas qu'il sçut tout ce qu'un homme peut sçavoir ; mais l'an
qu'il connoissoit son âlue, &la maniére dontse gouvernoit l'Univers, regar- J.C. 48 ;.avaftt
p8.
dant tout le reste comme une erudition de parade & fort superfluë; aussi le LaPrt 19.
même S. Clement d'Alexandrie cite de luy cette sentence. (b) L'Erudition C. 1. $
mêlée de différentes choses n'instruit point l'ame. Il disoit qu'Homère& Ar- Clem.Aleit, (a)
chiloque mériteraient d'être chassez des Ecôles à coups de poings., (c) ap- 1. 6. Stra-
paremment parcequ'ils n'instruisojrtjffias l'ame de la façon que l'entendoit mat.
Cb) i.

Rempli de ces hauts sentimensestime de soy-même, il refuta la supré- idem lib. r.


autorité, les Ephésiens lui avoient déferée dans leur ville, & la Strom.
me que ren- TTiXvf^OiB-tOi
voya à son frere; disant qu'Ephèse étoit trop corrompue, & que les abus y
avoient jetté de trop profondes racines, pour pouvoir-les arracher. Les Ephé- Ó,J.ç-,w.
siens avoient banni de leurs ville Hermodore leur bienfacteur & ami d'Hera- co
clite, sur cet unique prétexte qu'il valoit mieux qu'eux; que personne ne de- Apud La.
meure parmi nous, disoient ils, s'il veut exceller en merites ; qu'il aille de- .
ert. 1. C.6.
LXVlll.
meurer ailleurs où il voudra. Heraclite outré de l'injure faite à son ami, pria Mépris des
les Dieux d'envoier la mort a tous ceux qui étoient en âge de puberté, afin honneurs.
que leurs enfans pu ffent devenir meilleurs, n'ayant plus leurs mauvais exem- clans Hera-
dite par un
ples devant les yeux. Le Roy Darius fils d'Hystaspe l'invita par lettres à se motif (I'Or-
rendre auprés de lui, lui promettant toutes sortes d'honneurs & d'avantages; gueïl.
mais notre Philosophe méprisa&ses invitations & ses honneurs & vescutpour
l'ordinaire dans les solitudes & les montagnes, se nourrissant d'herbes & de
légumes ; & quand il paroissoit en public, il ne pouvoit retenir ses larmes;
tant les choses de cette vie lui paroissoient dignes de compassion.
On a deux lettres attribuées à Heraclite, & écrites à Hermodore, dans LXIX.
lesquelles Heraclite se plaint à son ami de ce que les Ephésiens l'ont accusé Heraclite-
d'impieté, parcequ'il a mis son nom sur la base d'un Autel qu'il a consacré à accuse
Hercule Ephésien. Il s'estime malheureux d'avoir pour Juges des aveugles, d'impiété..
qui ne connoissent pas la Divinité; car, dites-moy, qui est ce Dieu que vous Apud Lu..
bin.p, ço.
enfermez dans des temples, que vous mettez dans les ténébres, que vous ti-
rez d'un rocher, ou d'une carriére dont vous composez sa figure ? Insensez
que vous étes, ne savez-vous pas que Dieu n'est parfait de la main des hom-
mes, qu'il n'a ni commencement, ni fondement ni circonférence & que tout
l'Univers est iOI1 temple? Si Hercules est Dieu pour ses grandes & belles ac-cloils,
pour ses travaux & pour ses vertus, pourquoi ne puis-je pas devenir Dieu au
même prix & pour les mêmes raisons. Ne suis-je pas homme de bien, n'ai-
je pas iurmonté de très grands ennemis; La volupté., la timidité, l'ambition,
la flatterie, l'orgueïl, les excés de bouche ? Si on n'érige point d'Autel à Dieu
cessera-t'il d'être Dieu pour cela? Et si l'on érige des Autels à celui qui n'ell
pas Dieu, le deviendra-t'il pour cela?
LXX. On rapporte plusieurs de ses Apophtegmes, qui montrent le peu de cas
Apophteg- qu'il faisoit des idoles & des Dieux duPaganisme. Les hommes s'imaginent se
me. d'He- purifier
raclite. en sacrifiant aux Dieux. Ils se louïllent au contraire par,le lang des
00 - . vidimes, comme ceux qui voudroient se laver en entrant dans une eau boiieu-
Proclus 1. 2. se; ceux qui s'addrenent aux Dieux & leurs font des vœux, ressemblent à

in Platon. ceux qui parlent aux murailles. Il disoit
Cb) que Dieu avoit sait le monde en se
Proverb. jouant j ce qui revient à ce que dit le sage dans l'Ecriture; (b) que la sagesse
VUA:}o.3i. se joue en présence du Createur en tout tems, & qu'elle se joiioit dans la Créa-
co . tion de Univers ; qu'il importe à tous les hommes de connoitre & de se con-
1

Stoba.„ duire avec prudence;que le solitaire est un Dieu ou une bête; (c) ce que les
serm. $. anciens moines addoucissoient, en diTint que le solitaire est un ange, ou une
bête; en effet s'il vit de la vie de Fefpnt, & s'il se répare du monde pour
s'unir à Dieu, il mène une vie Angeiiqife; mais s'il est solitai"e Amplement
de corps, par humeur & par Hupidiié; s'il eltséparé des hommes, sans s'éle-
ver aux choses divines & spirituelies, il mené plutôt une vie de bête qu'une
vie d homme sensé, sociable & raisonnable.
LXXI. Quant-àsés principes de philosophie ,il croyoit que le feu étoit le prin-
Principes - ,
de la Phi. cipe de toutes les choses du monde. Que le monde étoit éternel, & n'avoit
^

io'ophfe été crée ny par les Dieux, ni par les hommes. Que le feu ou la chaleur lui
d'Heracli- avoit donné le mouvement & avoit produit de la matière les étres animez,
te. vivans & mobiles ; que la cessation ou l'extinction de ce feu rétabliroit le
monde dans l inadion & dans un repos qui le réduiroit en une masse sans aé1:iol1
&sans beauté. Ce feu étoit sélon lui l'aIne du monde, la force Créatrice, le
Principe & la semence de toutes choses. Selon lui les Cieux sont comme
un'VaiiTeau Concave, dont la Concavité est tournée de nôtre côté, & dans
laquelle les vapeurs ramassées causent la flamme la lumière & la chaleur
des astres, lesquels sont nourris par les exhalaisons ,
(a) qui s'élevent de la terre.
Vide Got-
Ce qui prouve qu'il n'étoit pas excellent Physicien.On dispute si Heraclite à
frid. Olear. reconnu un Dieu Auteur & Créateur de toutes choses; & on rapporte desrai-
dissert. de sons pour & contre lui. S'il a cru que le feu, rame du monde, le destin ou
frineipio la nécessité, étoient ce que nous entendons sous l'idée de Dieu, il faut avouër
RiY. natu qu'il s'est assez mal expliqué & qu'il n'avoit
rai ex m en siinde de la Divinité, pas une connoissance claire & di-
te Heracliti ce qui ne doit pas surprendre dans un homme vivant
!. JC. Xh au milieu des plus épaisses ténébres du Paganisme.
XJl. La vie qu'Heraclite ménoit dans les montagnes, ne vivant que d'her-
LXxiî. bages & de racines, son humeur mélancolique, son application à l'étudelui
Mort
ri'He::radi. dérangérent le tempéramment. Il tomba malade d'Hydropisie &fut contraint
te. de retourner dans la ville pour y trouver quelque soubgeolent. Il y trouva
qui
des Médecins ne purent guérir sa,maladie , ny ôter la cause de son Hy-
dropisie, en tirant la sécheresse de la pluie, comme il le dit luy-même. Il écrivit
quelques lettres pendant ce tems-la, du moins on lui en attribue quelques
unes, où l'on voit toujours son orgueïl Philosophique, le mépris qu'il faisoit
des autres, sa haine & son ressentiment contre ses ennemis. Il dit que son
corps
corps succombera à la quantité de l'humeur qui y domine & descendra où le
dessin le conduit ; mais que soname immortelle & sublime s'elévera au Ciel,
où ellé sera recuë dans les demeures celestes. On dit que s'étant fait mettre
dans du fumier de bœuf & exposer au soleil, croiant que la chaleur de l'un
& de l'autre pourroit dissiper l'humeur qui causoitson Hydropisie; mais que
les Chiens ne le connoissant pas, le dévorérent.
Il mourut âgé de soixante ans, aprés avoir écrit quantité d'ouvrages
il
danslesquels affedoit une obscurité, qui leur donnoient un aïr de Mysté..
rieux & de Divin. On dit même qu'il les cacha exprés dans le temple de Diane,
afin que dans la suite on les publiât comme des écrits Divins. On assure qu'Eu-
ripide profita beaucoup de la lecture de ses livres, dont il sçut développer la
mystérieuse obscurité. Il les communiqua à Socrate, qui dit qu'il trouvoit
un grand Genied&ns ce qu'il entendoit; & qu'il croyoit que ce qu'il n'enten-
doit pas n'étoit pas moins relévé; mais qu'il faudroit un Apollon?pour les
interpréter.
Democrite étoit natif d'Abdére en Thrace, sélon la plus commune opi- LXXlll
nion. 11 descendoit d'un frere d'Hercule, & il y avoit de fort grandes riches- Democrite
ses dans sa maison, puisque son Pere pouvoit donner un repas à toute l'armée Abdcnte
né i.ierc
de Xercés. Diogéne de Laërce dit que ce Prince en reconnoissance des bon- ia (le
quelqu'uns année
nes manières des Abdérites, leur laissa de sespililosophes, mages la 80. O-
& Caldéens, auprès desquels Démocrite apprit les premiers élémens de la lympiade
1héologie & de l'Astronomie; ensuite il s'attacha a Leucippe; on dit même du inonde avant
qu'il vint à Athènes, mais qu'il ne s'y fit point connoître ayant bien connu J.3?4<S. C. 454.
,
Socrate, mais n'en ayant jamais été connu; mais Demetrius de Phalére son- La'irtd LX.
tient qu'il n'a jamais veu Athènes; il est assez extraordinaire qu'un homme si e 34. <($c. . .

studieux ait négligé de se rendre dans une ville si célébre, & où il auroit pu 1,7a1er. Ma.
se faire distinguer parmi lesSavans. L'on croit qu'il a eu pour Précepteur xim. 1. 8.
quelques Pythagoriciens, & on en juge par les principes de sa Philosophie, ley c. 7. Stan-
HiJL
qui ontuntrés grand rapport à ceux de ces Philosophes. Philofaph.
Après, la mort de ion Pere, Democrite choisit pour son partage le lot I 2. p. 8 8 -6.
qui rentermoit l'argent comptant, laissant tout le reste à ses deux freres ainez; 0c.
la somme étoit de cent talens, qu'il employa en voyages & à chercher les LXXIV.
Voyages
moyens de vivre heureux & content, comptant tout le reste pour rien. Il se de Demo-
rendit en Egypte pour entendre les Prêtres de ce pays; il alla aussi enCaldée, crue,
& il pénétra même jusques dans les Indes & dans l'Ethiopie, & conversa avec
les sages de tous ces pays. fay parcouru, disoit-il, (a) plus de pays qu'aucun hom- (a)
f
me de mon tems. fay objervé les vt1riétez des airs, des terres & des Climats; ai pro-
ApudClem.
filé des leçons des plm habiles hommes nul ne nfa JurpajJe, pas même les Afpedonaptesdes Alex /.i<

Stromat.
Egyptiens, dans lil sciencc de tracer des lignes, ou dans la Géométrie.
Aprés son retour de tous ses voyages, il se trouva fort dénué; mais Ion LXXV.
frere Damase le reçut fort bien & Democrite ayant fait quelques prédictions 1Jeteur de
qui surent suivies de leur effet,il fut reconnu dans sa patrie, comme une esoéce !Democrite
de Divinité; sa réputation augmenta encore beaucoup, quand il eut lû de- i Abdere.
vant set Citoyens son ouvrage intitulé le Grand Diacvrme, ou le grand ouvrage
de la description ou de la dijpojition du monde ; on lui fit present de cinq cens ta..
,
lens, & on lui érigea une .statuë de bronze. Il ne craignit plus alors qu'on lui
refusât les honneurs de la sépulture, comm'ayant consumé tout ion bien do
Patrimoine. Il fit voir dans une autre ôccasion que s'il n'étoit pas riche, ce
n'étoit pas qu'il ne sçûtramaiTer des richesses, s'il jugeoit à propos de s'y ap-
pliquer. Ayant préveu que les Oliviers manqueroient, il achetta toute l'huile
du pays à vil prix, parcequ'alors il y en avoit abondance; mais la reco!te sui-
van te les Oliviers ayant manqué, il fit de trés grosses sommes de son huile,&
se trouva riche en peu de tems.
LXXV1. Quelques anciens enseignent qu'il se priva volontairement de la veuë,'
Democrite
se prive de
pour être moins distrait par l'asped des objets extérieurs, & pour ne pas voir
la veuë. ceux qui troubloientsatranquilité&excitoientdans son aInedes pailions dan-
-Ag, II. 1 16. gereuses.
C'est un exemple rare & peu imitable, mais aussi peu croïable &
c. 7. Plu- qui est apparemment fondé sur ce que ce Philosophe par un effet de sa Mé-
tarcb. 7reg¡ lancolie, se retiroit dans les lieux les plus cachez & les plus obscurs, & illé-
Tr^c&yptrv- me dans des sépulcres, & il se tenoit comme un homme mort aux choses sén-
1

W-
Cicero Tu-
fibles, tout occupé de ses études. Des jeunes gens venoient quelquefois avec
fcul. quœjî. des habits noirs & de masques en forme de têtes de mort, pour l'effrayer;
1. 5. Ter- mais il ne s'en ebranloit point du tout.
tuit'. Apo- Une vie si extraordinaire fit juger aux Abderites qu'il avoit perdu l'esprit.
îog. c. 46. Ils étoient confirmez dans ce soupçon, parceque Democrite à la moindre ôc-
ca)
Lucian. in castan éclattoit de rire. Ils écrivirent à Hippocrates (a) en l'Isle deCô, pour
le prier devenir promtement au secours de leur ville, dont ils craignoient 1\1
LXXVll. perte & la chute, s'ils avoient le malheur de perdre Democrite leur citoyen,
On fait ve- qui sembloit s'être oublié lui-même, & tout le reste, se riant de tous les évé-
nir Hippo-
de la vie, soit qu'ils fussent tristes ou agréables. Hippocrates répon.
crates pour nemens
gucrir De- dit aux Abderites qu'il se préparoit à aller voir Democrite, & qu'il partirait an
mocrite plûtost. La nuit qui précéda le jour qu'il avoit destiné à l'on départ, Esculapc
qu'on cro- lui apparut en songe, & lui dit que cette femme qu'il lui présentoit, guériroit
yoit foiu Democrite,
00 pourveu qu'elle se trouvât avec lui dans la Chambre du malade;
Vide tfuter. ce que la femme lui promit. Ayant dit cela,Esculape disparut, & Hippocra-
Opera Hip- tes ayant demandé à la femme quel étoitson nom, elle repondit: LA vérité,
pocrat. 1 2. & lui montra une autre femme qui la suivoit, & qui se nommoit l'opinion.
p. 901.910. Le lendemain Hippocrate s'embarque & arrive à Abdére. Toute la ville
911. CC.
LXXVIII. étoit accouruë sur le port pour le recevoir, la tristesse étoit peinte sur leur vi.
Hippocra- sage. La présence d'Hippocrates les rasïïira un peu. On vouloit le mener
te arrive à chez Philopoemen pour y prendre sanlogis; mais il pria qu'on lemenat à De-
Abchsle.
mocrite. 11 y fut précédé, accompagné ou suivi par tous les Bourgeois, grands
& petits, criants, iauvez-le, guérissez-le. On approche de la ville; & on
montre à Hippocrate derrière la tour une colline élevée chargée de hauts peu-
pliers, noirs & touffus; d'où l'on voyoit la demeure de Democrite. Celui-
ci étoit assis sous un plane grand & épais, avec un habitgrosiier qui se termi-
noit autour des épaules. Il étoit seul, pâle, défait, assis sur une pierre, dé-
chaux, & ayant une grande barbe. Sur ses genoux étoit un gros livre bien
propre, & auprès de lui quelques autres livres, & grand nombre d'animaux
dilsequez, dont il avoit fait l'Anatomie; quelquefois il écrivoit avec quelque
elpccc
espéce de précipitation, puis demeuroit en repos, rêvant & méditant assez
lonotems. Aprés cela il se levoit & se proménoit, & considéroit les entrailles
deslmimaux qui étoient prés de lui. Ensuite il les remettoit & se rasseoit.
LXXI-Y.
Les Abdéritains qui considéroient tout cela de loin avec Hippocrates, lui Entreveuë
faisoient remarquer la folie de Democrite ; & l'un d'eux voulant encore faire & Confé.
connoître quel étoit l'excès de ce Philosophe, se mit à pleurer avec de grands rence de
cris, comme une femme qui a perdu son enfant; ou comme un voyageur qui &d' Democrite
Hip-
a perdu quelque chose. A tout cela Democrite ne faisoit que rire & battre
des mains ; cependant il li'éctivoit point & branloit souvent la tête. Hippo- pocrates.
crate leur dit: Demeurez-ici, & je m'approcheray plus prés, pour connoître
l'état de sa maladie. En même tems je descendis doucement, continue Hip-
pocrates dans sa lettre à Damagéte; & comme le lieu étoit rabbotteux & pen-
chant, j'eus assez de peine d'arriver en m'appuyant, au lieu où il étoit. Je
le trouvai qui écrivoit je ne sai quoi, avec rapidité & comme un homme in-
spiré de Dieu. Un peu aprés il quitta le stilet avec lequel il écrivoit, & m'a-
yantapperçu, il me dit; je vous saluë, ô étranger. Je lui repondis : je vous
saluë aussi, Democrite, le plus sage des mortels. Democrite lui demanda
honnêtement son nom, & ayantsçu que c'étoit Hippocrates, il lui donna de
grandes louanges, l'invita à s'asseoir sur l'herbe, & à prendre son logis ; &
Hippocrates lui ayant demandé à quoi il travaiiloit, Democrite repondit mo-
destement qu'il étudioit la nature & la cause de la folie; & c'est pour cela,
ajoute-t'il, que je fais l'Anatomie de ces animaux, pour découvrir le siége de
la bile; car vous savez que c'est elle qui cause la folie, lorsqu'elle est trop
abondante.
Hippocrates lui témoigna qu'il l'estimoit heureux de jouïr de cette tran-
quilité&de pouvoir ainsi étudier la nature-sans trouble; pour nous, nous ne
pouvons jouir de ce bonheur. Et d'où vient cela, reprit Democrite ?. c'est,
dit Hippocrates, que nos affaires domestiques,nos champs, nos revenus, nos
enfans, nos domestiques, la mort, les maladies & mille autres accidens, nous
dérobent la paix & nous jettent dans le trouble. A ces mots Democrite se
prit à rire avec de grands éclats. Du reste il paroissoit trés tranquile. Hip-
pocrates lui demanda si ce qu'il avoit dit étoit bon ou mauvais, pour en rire
de la sorte. Ilne repondit que par des ris encore plus grands; cependant les
Abderites qui voyoient cela de la hauteur, gémissoient, se frappoient la tête,
quelqu'uns s'arrachoient les cheveux; car ils avoüerent aprés, qu'ils ne l'avoient
jamais veu rire sifort: Hippocrates le pria de nouveau avec instancede lui dire
le sujet de ces ris si immodérez, afin, disoit-il, si j'ai mal parlé, que je me
corrige, ou si vous n'avez pas raison d'éclater ainsi, que vous vous reprinliez.
Par Hercules, reprit Democrite; si vous me prouvez que je n'ai pas raison,
vous pouvez vous vanter d'avoir fait la plus belle cure, que vous ayez jamais
faite.
Alors Hippocrates prît la parole & lui demanda, comment il pouvoit LXXX.
Democri-
rire entendant parler de mort, de maladie, demeurtre, de guerres ou d'autres te fait voir
choses facheuses & funestes, qui mériteraient beaucoup mieux des larmes, à Hippo-
que desmarques de joye; yousn'cz de même dans les choses les plus heureuses crates qu'il 1

&
n'apag tort & les plus sérieuses, comme les mariages, lanaisTance des enfans, les magi-
de rire des ftratures, les sacrifices ; comme si tout étoit égal & qu'il ny eut nulle différen-
sottises des " entre les biens & les maux. Democrite le prenant alors d'un ton furieux,
hommes. ce
lui dit; Hippocrates, vous ne connoissez point la raison de mon ris ; quand
vous la saurés, je m'assure que vous remporterez dans vôtre pays un remède
qu'on n'y connoit point, & dont on y a bésoin comme ailleurs, pour guérir
les maladies de Pâme ; ne voyez-vous pas que tous le monde est plein de ma-
lades & de gens dignes de risée. Je ris du bien & je ris du mal. Je vois un
homme qui vit sans régle & sans systéme de conduite, qui se tourmente en
vain; qui va fouïller dans les entrailles de la terre, pour en tirer l'or &
l'argent, & qui ne dit jamais: C'est assez ; & vous ne voulez pas que je rie de
sa folie? J'en vois d'autres qui achettent des Chiens, des Chevaux, des fonds
de terre, des Seigneuries, &qui ne savent pas se gouverner eux-mêmes. Ils
se marient, pour répudier leurs femmes peu de tems après, ils aiment & pas-
sent dans un moment de la haine à l'amour. Je vois des Roys qui en détro~
nent d'autres, qui font périr une infinité d'hommes dans la guerre; d'autres
amassent des richesses avec des travaux infinis, & puis les dissipent, ou les ca-
chent dans la terre, tout cela n'est-il pas digne de moquerie ?
LXXX1. Il continua à relever les sottises des hommes, & à faire voir que dans tous
Hippocra- les états on ne voit presque rien que de déréglé & de ridicule; il conclut en
tes recon- disantque dans la vie il n'y a rien de certain, nyd'assuré, &en disant ceschoses
noit la pro-
fonde sa- il paroissoit comme un personnage Divin, & comme un tout autre homme qu'il
gesse de n'avoit paru au commencement. Hippocrates le quitta plein d'admiration &
Democri- d'estime, disant qu'il avoit trouvé en làpersonneunvraiSage, quiavoit péné-
,
te. tré le fond de la nature humaine. Il le pria que le lendemain il put encore l'en-
tretenir au même endroit. Democrite se disposa à le suivre, & un homme
venu la à propos reçut les livres de Democrite &les serra. Lorsque Hippo-
crates fut arrivé prés des Abdérites qui l'attendoient, il leur dit: Je vousay
beaucoup d'obligation de m'avoir fait venir ici, pour y voir un des plus sages
hommes du monde, & le plus capable d'inspirer aux hommes, la sagesse &
la prudence de la vie.
Telle fut l'entreveuë de ces deux grands hommes, qui leur donna occa-
sion de lier ensemble une amitié dont on trouve des preuves dans les lettres
qu'ils se sont écrites l'un à l'autre , & qui se trouvent dans le recueïl de celles
d'Hippocrates; on y voit queDemocrite avoit envoyé à son ami le livre qu'il
avoit composé sur la folie, & qu'il étudioit la strudare du monde, les Pôles &
à
les Astres, lorsque Hippocrates le vint voir Abdere^ Hippocrates à l'on tour
lui envoya son livre de 1 usage deFHellebore,dont Democrite avoit badiné dans
sa lettre. 11 ne faut pas dillimuler que cette entreveuë de Democrite & d'Hip-
pocrate a bien l'air de fable, & nous n'avons garde de la garantir.
LXXXII. On trouve cités dans les anciens un trés grand nombre d'ouvrages de De-
Ouvrages mocrite
par lesquels il paroit qu'il étoit très instruit non seulement en Physique
de Demo-
crite. & en Médecine, mais aussi en Mathématique, en Méchanique &en Musique. Il
Ses princi- croyoit que les Atomes étoient les Principes
des choses naturelles; il admettait
pes. le plein & le vuide) le plein comme réel &exiftant, le vuide comme n'existant
pas
pas, ou n'étant pasun être. Les corps naturels se forment par le concours
des Atomes. Ils se détruïsent par leur réparation. Lanéceflïté, ou le mouve-
ment rapide des Atômes est la cause de tous les effets que l'on voit dans la na-
ture. Cette nécejjïté n'est autre que le destin, la providence, le mouvement,
la résistance la percùssion des Atomes ou de la matière. Voila les premiers
fondemens de ,
la sede de Democrite, qui fut dans la suite sotises-iuë par Epicure,
&qui l'a été dans le dernier siécle par quantité de fort habiles gens.
Il croyoit que l'ame étoit corporelle &compo!ee d'Atomes comme tout
le reste, & par conséquent qu'elle étoit mortelle & périssable. Quant-à la na-
ture des Dieux , Democrite s'étoit expliqué d'une manière peu distinde. Il
sembloit dire que les images des choses quifeprésententànotreésprit, étoient
ce qu'on appelloit Diexx, que leur nature étoit plus subtile & plus durable
que les autres êtres , mais que néanmoins ils étoient périssables comme tout
le reste. Quant-au bonheur de l'homme, ou à sa fin dernière, il la faisoit
consister non dans la volupté, mais dans un état tranquile, assuré, exempt de
crainte, d'ambition, de superstition, d'admiration & de toute passion capable
de troubler sa tranquilité. Il tiroit de ce principe de trés belles maximes pour
la conduite de la vie, & pour la pratique des vertus morales.
Il parvint à une trés.grande vieillesse, ayant vecu plus de cent ans. On LXXXIII.
ne convient pas du genre de sa mort. Diogéne de Laërce
dit,\u'il mourut Mort de
de pure défaillance. Hermippe racontoit, que ne lui restant qu'un souffle de Deinocrite*
vie sa sœur craignoit extrêmement qu'il ne mourut pendant les trois jours
,
que duroit la feste de Cerés, & que par sa mort il n'en troublât la joïe & la
.
célébrité ; Democrite la raslura& lui dit de lui apporter chaque jour du pain
chaud. Il l'appliquoit à les narines & sesustentoit de leur odeur; ainsi il pro-
longea sa vie de trois jours, & mourut ensuite sans douleur & sanssentiment.
Lepeuple d'Abdére fit les irais de les funérailles.
Protagoredisciple de Democrite étoit, dit-on, natif d'Abdére & portefaix LXXXIV-
de profession; comme il apportoit un jour dans la ville d'Abdere un fagot disciple Protagore
de plusieurs petites piéces de bois liées ènsemble par une corde assés courte, Democrite. de
Democrite le rencontra, considéra son fagot & la manière industrieuse dont La'trt. 1.9.
il étoit lié, & le pria de le délier &de le lier de nouveau devant lui : Prola- c. SO. &c.
gore le fit, & Democrite ayant remarqué dans cet homme une certaine ad- Gell. 1.
<iressenaturelle quin'étoitpas commune, il le prit auprés de lui& lui montra c. 3.
fleuri fl'oit
la Philosophie, dans laquelle il se distingua beaucoup dans la suite. Il suivit dans la 64.
les Principes de Democrite, quant-au concours des Atomes pour la produdion Olympiade
il
de tous les étres; tenoitpour maxime: que tout ce qui paroit à l'homme, tout du Mondé
ce qu'il voit, tout ce qu'il connoit, est quelque chose ; que ce qu'il ne voit point, J.3482.avant
G. çig.
& ce qui ne lui apparoit point, n'exiite pas.
Ilavoit commencé un de ses livres par ces mots : Je ne puis arurer s'il y a
des Dieux ou s'il ny en ii point; car & f extrême incertitude des choses la bréveté de la
vie, nous empécbent de le [avoir. Les Athéniens le bannirent de leur ville pour
avoir avancé une proposition sidangereuse, firent brûler son livre dans la place
publique, & firent de grandes recherches pour découvrir ceux qui en avoient
des exemplaires. Il prenoit cent mines par an de ses écoliers. On trouve le
Catalogue de ses ouvrages dans Diogéne de Laërce; il mourut par un nau-
frage allant en Sicile, âgé de quatre-vingt dix ans, aprés avoir enseigné la
Philosophie pendant quarante ans.
LXXXV. Anaxarque étoit d'Abdere, de même'que les deux precédens. On n'est
Anaxarque pas d'accord savoir sous qui il a étudie. Quelques uns croyent qu'il fut di-
AI);Is"iltc-
La,irt. 1.
sciple deDemocrite, d'autres de Dioménes deSmirne,& d'autres de Metro-
ç8. Va- dore de Chio, qui disoit : Je ne (ai rien & je ne fat pas même que je ne [ai rien. Il
c.
/cr. Ma- étoit ennemi juré de Nicocreon RoydeCypre. Un jour Alexandre le Grand
xim. 1.1. Payant invité à manger, ce Prince lui demanda ce qu'il lui sembloit de ce re-
c. 3. a fleuri pas; il n'y manque qu'une chose, répliqua t'il; c'elt-la tête d'un Satrape,
verslaiio.
Olympiade personne ne douta qu'il ne voulût parler de Nicocreon. Aprés la mort d'A-
du Monde lexandre Nicocreon pour se venger d'Anaxarque , que la tempête avoit jetté
3666. avant dans l'IsledeCypre, le fit arrêter & broyer avec des pilons de fer dans un mor-
J. G. 334' tier. Le Philosophe souffrit ce supplice avec une con11:ance incroïable, ré-
pétant souvent ces paroles célébrés : Frappez hardiment, vous broyez le Jac d'Alla-
xarque, mais pour lui, vous ne le frappez point. Le Prince pour réprimer son in-
solence, ordonna qu'on luicouppât la langue, mais il sêla couppa luy-même
avec les dents & la cracha au nez du Tyran.
Il fut un de ceux qui s'expliquérent avec plus de liberté contre l'entê-
tement d'Alexandre qui vouloit se faire paffer pour un Dieu. Ce Prince ayant
reçu une bleflsure, Anaxarque montrant le sang qui en sortoit, récita un vers
d'Homère qui porte, c'est du sang ordinaire , & non pas de cette liqueur cé-
leste qui coule dans les veines des Dieux immortels, & une autrefois Ale-
xandre étant malade & prenant quelque chose dans une cueïllere; voila, dit-
il nôtre Dieu qui met son espérance dans une prise de Liqueur. Anaxarque
en Cynique, & se livra à toutes sortes de plaisirs. On peut juger de^
, sa
vécut
Morale par ce qu'il dit à Alexandre qui étoit inconsolable de la mort de Cli-
tus; ne lavez-vous pas que lajultice & l'équité sont comme les deux Asies-
scurs.de Jupiter, & que tout ce que le Roy fait & ordonne, doit passer pour
juste & equitable.
LXXXV1. Pyrrhon fut disciple d'Anaxarque. Il étoit natif d'Elée& d'une naissance
Pyrrho Au- fort basse; dans le commencement il s'adonna à la peinture, où il ne réûffifloit
teur de la pas extrêmement bien. On montroit toutefois àElée quelques peintures de sa
se-ae des
pyrrho- main, qui n'étoient pas mal faites. Il s'^pliqua ensuite a la
Philosophie, sous
niens. différens maitres, & enfin se fixa auprès d'Anaxarque qu'il suivit dans ses voya-
Laërt. 1. 9. ges avec Alexandre le Grand; ce qui lui donna occasion de voir les Gymno-
e. 61. 62. sophistes des Indes &Jes mages de Caldée. Comme il avoit pour principe,
0c. vivoil>" rien comprendre, qu'il ni avoit rien de juste ou d'injuste,
fous Ale- que l'on nepouvoit
xandre le de bon ou de mauvais, d'honnête ou de deshonnête, & que les hommes ne
Grand. faisoient distinction de ces choses, que par habitude; ainsi il doutoit de tout,
& vivoit suivant ses maximes sans rien éviter, sans rien rechercher, prenant
chaque chose comme elle se rencontroit, sans se détourner ni d'un chariot,
ni d'un chien, ni d'un précipice, s'il s'en trouvoit en son chemin; ses amis
qui l'accompagnoient ayant soin de le garder & de l'empêcher de périr.
Il étoit toujours le même, même visage, même disposition, vivant soli-
taire,
taire, secommuniquant rarement, s'il entreprenoit un voyage, il ne disoit
à personne où il alloit. Anaxarque étant tombé dans une sofle, Pyrrhon pas-
sant auprès n'y fit pas même attention. Anaxarque l'en loua disant qu'il sui-
voit ses principes & ne devoit aller ni à droite ni à gauche. ,Il comparoit les
hommes aux mouches & aux oiseaux, qui meurent & se succédent les unes
aux autres; ou même il les comparoit aux feuilles des arbres qui tombent
tous les ans & en la place desquelles il en renait tous les ans de nouvelles.
Un jour étant poursuivi par un chien. il eut peur & se sauva derriére un arbre.
Les assistans l'en raillèrent, il répondit: Il est mal aisé de se dépouïller en-
tiérement de PhDmme: Comme il étoit dans un Vaisseau battu d'une violente
tempête, tous ceux qui y étoient avec lui trembloient de peur. Il étoit ce-
pendant fort tranquile & montrant à ses compagnons un jeune porc, qui
mangeoit cependant fort tranquilement, il leur dit: Voila comme doit être
un Philosophe. Pyrrhon mourut âgé de 90. ans sans avoir rien écrit. Il avoit
beaucoup d'estime pour Homère &pour Democrite & n'en parloit qu'avec
respeét. Il laia des disciples nommez de son nom Pyrrhoniens.
,
Timon disciple de Pyrrhon fut danseur dans sa jeunesse. Il alla ensuite LXXXPIU 1

à Megare & fut à l'école Stilpon. Delà il revint à Phlie sa patrie, où il Timon
se maria; puis il vint à Elide ou Elie pour voir Pyrrhon, auquel il s'attacha.
Pyrrho-
nien.
Il alla ensuite à Calcédoine où il professa la Philosophie; enfin il vint à Athé- La'ért. 1. y*
nes, où il demeura jusqu'à sa mort. Il avoit une grande facilité à écrire des c. 10j>.
poëmes dramatiques &des Comédies; mais comme il étoit fort indifférent en
toutes choses, il négligeoit&laissoittrâiner ses écrits, qui étoient parcemoïen
tout en désordre &souvent avec de grandes lacunes, qu'il étoit obligé dans
Poccasion de suppléer par memoire. L'ecole de Titnon n'eut point de Suc-
cessepr, jutqu'au tems de Ptolémée Cyrénéen, qui la rétablit. Timon étoit
plutôt Sceptique que Pyrrhonien. Il mourut âgé de °. ans.
Epicure étoit natifd'Athènes, ou plutôt d'un village de l'Attique nommé Lxxxmt,
Gargette & descendoit de Philée un des fils d'Ajax,son Pere s'appelloitNeocles, Epicure
& étoit, dit-on, maitre d'école. Il naquit la troisiéme année de la e] chefde la
Olympiade. Il fut conduit & élévé à Samos jusqu'à Page de 18. 109 Cette des
ans. Il se Epicuriens.1
vante de n'avoir eu aucun maître dans la Philosophie; mais on ne peut nier La'ert. /. X.
qu'il n'ait beaucoup pris de Democrite, d'Anaxagore & de Pyrrhon, quoi- c. I. &seq.
qu'il n'ait peut-être pas fréquenté leurs écoles, & qu'il n'ait Gajjend.
connu leur dog- vit. Epicur«
mes que sur le rapport des autres. Il s'appliqua à la Philosophie dez l'âgé de Il naquié
quatorze ans, & on raconte que ce fut à l'occasion d'un vers d'Hésiode, où l'an troisi'"
il parle du Chaos. Le Chaos fut fait le premier. Il demanda à son maitre ce me de la
que vouloit dire ce Chaos, & comment il avoit été fait, puis qu'il étoit le lympiade. I0ge, 0-
premier. Son maitre lui ayant répoadu qu'il étoit Grammairien &
sophe, il résolut de s'appliquer à la Philosophie. non Philo- An du M.
3667. avant
Quand il commença à avoir quelque réputation & qu'il se vit des di- J.C. 333,
sciples, il achetta de fort beaux jardins à Athènes, où il s'assembloit ses
amis & ses disciples, qui étoient en si grand nombre qu'il auroit fallu avec
ville entiére pour les contenir. Ils vivoient ensemble dans une
union si par-
faite, que tout étoit commun cntr'eux, & que sans quitter la une propriété de leur
biens, ils se communiquoient liberalément tout ce>dont ils pouvoient avoir
bésoin. Epicure ne se contentoit pas d'enseigner de vive voix ; il écrivoit
beaucoup, & il y a très peu de Philosophes qui ayent écrit autant que lui,
&, ce qui est remarquable, il écrivoit tout de son fond, sans rien tirer des
autres écrivains.
LXXXlX. o Le nom
seul d'Epicure & d'Epicurien, paffe pour une injure, & l'on auroit
Apologie honte aujourd'huy d'avouer qu'on est de la sede de ce Philosophe; ceux qui
d'Epicure.
au siécle dernier ont renouvelle ses sentimenssurlaPhysique) ont pris le n0111
Ca)
de Gassendifles, ou se sont parez du nom de Démocrite ou de Lucrece,
Diotimus plusieurs se sont déchainez
Stoicus, ayant honte deceluy d'Epicure. Parmi les anciens
Posidon Ils contre lui & l'ont accusé de crimes honteux; mais d'autres ont pris sa dé-
Stoïcus,Ni- sense. Diogéne de Laërce 'parmi les anciens, & M. Gassendi parmi les nou-
colas & So- se sont signalé par les Apologies qu'ils ont faites de sa doctrine & de sa
&c. veaux
apud Si a;vi- personne. Onnevit jamais plusde douceur,
tion plus d'humanité, plus demo-
ley Rift. destie, plus de tempérance que dans Epicure. An1i conitant & fidel, bon
Philos t. 2. parent, bon citoyen ; il n'usbit d'ordinaire pour sa nourriture, que de pain,
P- 4& d'eau & d'un peu de fromage. La plupart de ses amis & de ses disciples Ürj.
toient sa frugalité. S'il a mis le souverain bien dans la volupté, ce n'dl: pas
dans une volupté grossiére & honteuse; mais dans celle qui est exempte de
douleur & de peine; il dit qu'il faut éviter la douleur & la peine, à moins
qu'elle ne soit accompagnée ou suivie d'un plus grand plaisir, qu'il faut fuir la
volupté ou le plaisir, qui empêche un plus grand plailir, ou qui cause une
plus grande douleur, qu'enfin il faut embrasser une douleur, qui en éloigne
plus grande ou qui produit un plus grand plaisir. 11 reconnoissoit des
une
il
Dieux & qu falloit les adorer, mais il blamoit la superstition & les vaines ter-
reurs d'une religion mal entendue.étoient à
xc. Ses principes de Physique peu près les mêmes que ceux de
Principes Democrite, dont nous avons parlé ; scavoir le concours fortuit des Atomes,
d'Epicure ,; dans lesquels il admettait la grandeur, la figure & la pesanteur. Epicure
sa mort l'an la gravelle, aprés quatorze jours de maladie. Dans
duM.?7?4- mourut de la pierre ou de à Hermaque, il dit qu'il souffroit de si grandes
dans la ; 27.. une lettre qu'il écrivit alors
Olymp. douleurs de la vescie, & des Inteitins qu'on ne les peut pas imaginer plus gran-
jipud Tull. des, ni plus aiguës, mais qu'au milieu de tout cela il. jouït d'un plaiiir infini
J. 2. de si
Tiib. c. 30. par la
considération des Inventions qu'il a trouvées, des découvertes qu'il a
faites, & des raisons qu'il a données de ses Principes. On ajoute que ce Phi-
losophe étant entré dans le bain plein d'eau chaude & ayant demandé du vin
à boire, recommanda à ses amis qui étoient presens de n'oublier jamais ses
munies & exoira en finissant ces paroles.
XCI" Isocrates l'un des plus fameux Orateur de l'ancienne Grèce, naquit a
isocrates Athènes l'an du Monde 3570. avant J.C.43°. Il étoit fils d'un nommé Theo-
célébré dore dont le métier étoit de faire des instrumens deMusique, ou plûtost d'en
Orateur faire faire ses serviteurs; du bien qu'il aquit par ce commerce il eut de-
naquit la par
première quoy éléver Isocrates aussi bien qu'aucun autre bourgeois d'Athènes. Il s'ap-
année de pliqua d'abord à la Philosophie, & eut pour Maitres Prodicus & Gorgias &
la 86e. Tisias, qui étoient alors en réputation dans ce genre d'étude. Il étudia aussi
Olympe l'éloquence
l'éloquence sous Theraménes, célébre Orateur, qui fut mis à mort par les duM.?^a>
avantJ. C.
trente Tyrans. Isocrates fut toujours trés affectionné pour le service de sa 430.
Patrie, & chercha à la servir &par ses discours& par ses actions;mais comme Dionys.
la nature ne lui avoit pas donné ni la force, ni la voix nécessaire pour haran- Halicarn.
& à instruire des disciples dans les ma- de antiquis
guer en public, il s'attacha à écrire,
ximes de la sagesse & dans l'art d'éloquence, qu'il possédoit dans un dégré ordtoribus.
éminent; ayant joint la clarté, la force, l'élégance, la solidité, & la persua-
lion à la Majesté des sentences & à la beauté des maximes de Morale & de Po-
Ces qualitez luy attirèrent grand nombre de disciples de distindion &
lui procurérent des richesses plus considérables que n'en avoient eu jusqu'a-
lors aucuns de ceux qui avoient avant lui cultivé l'étude de la Philosophie &
de l'éloquence. Il vécut jusgu'à rage de quatre-vingt dix huit ans, & mourut
à Athénes sous le Préteur Charondas; on croit qu'il se laissa mourir de faim Mort d'I-
après la bataille de Chéro- socrates.
pour ne pas survivre aux malheurs de son pays, du M.
née gagnée par Philippe Roy de Macédoine, la troisiéme année de la I0ge. An 68,avant
Olympiade. Il ne nous reste qu'un petit nombre de plusieurs harangues qu'il J. C.432.
avoit composées.
Demosthénes étoit Athénien, fils d'un Perede même nom, homme de XCH
condition, mais qui entretenoit plusieurs esclaves qui exerçoient le métierde Dcmofthé-
fourbisseurs. Il perdit son Pere a Page de septant, & hérita d'une succession Grecne Orateur
na-
estimée quinze talens. Ses tuteurs en diflipérent une partie & négligèrent quit la
l'autre de sorte qu'ils ne payèrent pas même ceux qui avoient eu soin de l'é- quatrième
ducation de Demosthénes. Comme il étoit naturellement d'une complexion année de la
Olympe
fort foible & fort valétudinaire, on ne le pressa pas dans ses études; ce ne 94. du M.3622.
fut que par occasion qu'il s'adonna à l'éloquence. On parloit beaucoup avant J. C.
d'une causeque Cailistrate de voit plaider, & toute la ville étant àans l'attente 378.
du jugement qui devoit intervenir; Demosthénes eut la curiosité de l'enten- Plutarcb.
vit a De-
dre, & ceux qui avoient soin de son éducation lui procurèrent une place. com- msjîb. fô
mode, où il pouvoit entendre sans être veu. Il fut tellement touché & de Luciani
la beauté du plaidoyé, & de la solidité des raisons, & des applaudissemens vit. De-
qu'en reçut Callistrate, que dez ce moment il renonça à toute autre étude mojlh. ($c.
pour s'appliquer à l'éloquence.
Il s'attacha à Isée célébre Orateur de son tems, qu'il préféra même à XCII.
Isocrates le trouvant plus fort & plus nerveux, & en même tems plus arti- Education
de De-
ficieux & plus propre à amener l'auditeur à ses fins. On dit qu'il ne fut pas mofthé-
à Isocrates, n'étant pas alors en état de luy payer dix mines, comme faisoient nes, avec
les autres disciples de ce fameux maitre. line laissa pas de prendre de luy quelle ap-
comme à la dérobée quelque chose de son industrieuse éloquence. Il profita plication
étudie*
aussi des livres d'Hermippe, on le soupçonne même d'avoir été à l'école de il
Platon, & d'avoir étudié Callias & Acridamas qui étoient alors célèbres.
A Page de dix sept ans il attaqua ses tuteurs & plaida contre eux plu-
sieurs causes pour les obliger à lui rendre compte. Il n'en profita pas beau-
coup pour récupérer son patrimoine, qui étoit dissîpé; mais il gagna son
procès, & fit condamner ses tuteurs à luy rendre trente talents, qu'il leur
remit; le succés de cette affaire lui donna de la hardiesse & il osase produire
en public, & haranguer devant le peuple; mais d'abord il ne fut pas écouté
favorablement tant à cause qu'il avoit la voix foible, la langue embarassée&
la respiration courte, que parceque son discours ne paroissoit pas assez châtié,
ny assez digéré. Il corrigea ces defauts par un exercice assidu & opiniatre.
Il se fit bâtir une éspece de caveau dans lequel il s'enfermoit s'exerçant con..
tinuellement à parler, & à composer ses gestes & son visage; on dit même
qu'il déclamoit chez luy, devant un grand miroir pour acquérir l'habitude
de bien régler son geste. Il demeuroit quelquefois dans son caveau deux ou
trois mois de suite, se coupant la moitié des cheveux, pour s'empêcher de
sortir, quand même il en auroit eu l'envie. Delà vient qu'on lui reprochoit
que ses discours sentoient l'huile, & qu'il ne se hazardoit pas volontiers de par-
ler sans préparation, comme faisoient les autres Orateurs, qui «nettoient en
cela une partie de leur habileté ; maxime que Demosthénes n'observa pas né-
anmoins toujours ; car dans plus d'une occasion, il se livra à son enthoufiasu1o
& parla sur le champ avec un succés merveilleux.
XClV. On assure de plus que pour vaincre la difficulté qu'il avoit à prononcer
Demofthé- à cause du défaut de sa langue, il se mettoit de petits cailloux dans la bouche,
nes sur- courroit & montoit avec impétuosité sur une hauteur, en prononçant d'une
monte par haleine autant de vers qu'il pouvoit,par ce moyen il arriva à cette admirable
le travailla
pesanteur éloquence que l'on sent encore aujourd'huy dans ses Oraisons, & que le peuple
de langue. d'Athènes ne pouvoit se lasser d'entendre. On y trouve cependant je ne sai
quoi d'austére, d'amére, de piquant & de mordant.
XCV. Il commença à entrer dans les affaires publiques aprés le commencement
Demofl:hé- de la guerre de la Phocide, & ce furent ses harangues contre Philippe Roy de
lies entre Macédoine Pere d'Alexandre le Grand, qui le mirent le plus en honneur & en
dans les réputation à Athènes. Le Roy de Perse l'estimoit, & Philippe luy-même le
affaires
publiques. considéroit plus qu'aucun autre des Orateurs Athéniens. Il fut toujours in-
accessible aux presens de Philippe & des Macédoniens. Mais il ne tint pas
contre l'or desPerses. Ayant été envoyé Ambassadeur avec dix autres auprés
de Philippe, ce Prince écouta tous les autres, & ne repondit qu'aux raisons
du seul Demosthénes; mais pour l'accueïl & les caresses, il en fit beaucoup
plus aux autres députez qu'à Demosthénes. Celuy-cy s'en vengea en solli-
citant vivement non seulement les Athéniens mais aussi les autres villes de la
Grèce, à prendre les armes contre Philippe. Ce Prince ayant remporté de
grands avantages sur les Grecs à Amphipolis, & s'étant rendu maitred'Elaléo
& de toute la Phocide, les Athéniens ne sachant plus quel parti prendre,&
les Orateurs n'osant paroître pour parler, Demosthénes seul monta sur la Tri.
bune, releva le courage des Athéniens, leurs persuada d'inviter les Thébains
à entrer dans la quérelle commune. Il y fut député avec quelques autres,
& parla auxThébaïns, avec tant de force & d'energie, qu'ils sortirentde son
discours comme transportez hors d'eux-mêmes & résolurent de faire la guerre.
malgré les remontrances des députez, que Philippe y avoit aussi envoyez &
malgré le danger auquel ils s'exposoient.
Demosthénes se trouva à la bataille de Chéronée, dans laquelle il ne
soutint
fou tint pas la réputation d'intrépidité qu'il s'étoit aquise dans ses harangues XCVI;
contre Philippe. Il se sauvade la mélée, jetta son bouclier sur lequel étoit nes mau-
Demofthé* f

écrit : A la bonnefortune. Philippe aprés sa; victoire au sortir d'un grand repas vais soldat.
insultant aux vaincus & à Demosthénes, se transporta sur le champ de batail-
le, puis se levant sur un pied & élevant sa voix, récitoit les premiers mots
du conseil que Demosthénes avoit donné de lui faire la guerre. Toutefois le
lendemain ayant l'esprit plus rassis & refléchissant sur le danger auquel Pélo-
quence de Demosthénes avoit exposé & sa personne & son Royaume, il ne
put s'empêcher de l'admirer d'en rédouter les effets. Le Roy de Perse qui
craignoit Philippe & qui ne désiroit rien tant que d'empêcher qu'il ne passât
enAsie, avoit écrit à ses Satrapes de n'épargner pas l'argent là Demosthénes &
de déférer beaucoup à ses avis, afin de donner à Philippe tant d'occupation
dans la Gréce, qu il ne songeât pas à pafser dans l'Asie. C'est ce que l'on vit
dans la suite par certaines lettres de Demosthénes qu'Alexandre trouva enAsie
& par les comptes des Satrapes, qui rapportoient les sommes qu'ils avoient
données à cet Orateur.
Aprés la mort de Philippe, qu'il apprit le premier de tous les Athéniens xevn.
il parut en public en habits de feste & annonça cette nouvelle avec des dé- Demofthé-
se dé-
monstrations d'une joïe extraordinaire, & par ses discours leur irifpira de nes clare con-
nouveau l'esprit de la guerre, de même qu'aux autres villes de la Grëcfe. tre Alexan-
Il
envoya des armes aux Thébains qui égorgérent une bonne partie de la gar- dre.
nsson Macédonienne qui étoit dans leur ville.
Demosthénes s'étoit rendu maitre des esprits & les gouvernoit comme
il vouloit. Il écrivit aux Satrapes qui étaienten Asie,pour les exciter à pren-
dre les armes contre Alexandre, qu'il nommoit par dérision un petit garçon;
cependant Alexandre ayant mis ordre aux affaires de Macédoine, marcha con-
tre laBéotie. Les Athéniens demeurèrent confus & Demosthénes fut réduit
au silence. Les Thébains eurent l'imprudence de livrer la bataille à Alexan-
dre. Ils surent défaits, & leur ville rasée & détruite.
Les Athéniens craignant pour eux-mêmes, envoyérent des Ambassadeurs XCTllll.
pour traiter de la paix avec Alexandre. Demosthénes fut choisi avec les autres; Demades
mais il n'osa se présenter devant un Prince qu'il avoit si fort offensé; il n'alla obtientdela
grace
pas plus loin que Cithaeron. Alexandre demanda aux Athéniens qu'ils luy Demosthé.
livraient dix, ou selon d'autres, seulement huit de leurs Orateurs, dont le nes.
principal étoit Demoithénes. Dans cette occasion cet Orateur appiiqua aux
Athéniens la fable des bergers, qui livrérent leurs chiens aux loups, pour
en obtenir la paix. Cependant Demades obtint d'Alexandre la grace des Ora-
teurs, & les ramena dans la ville; mais Demo{thénes comme la cause de tout
ce qui étoit arrivé à Athènes , & à Thébes, vivoit dans l'obscurité & dans l'hu-
miliation, pendant que les autres triomphoient.
Quelque tems aprés Harpalus qui s'étoit sauvéd'Asie avec de grands tré- XC1X.
sors qu'il avoit enlevez à Alexandre, étoit arrivé à Athènes; Demosthénes Demofthé-
d'abord fut d'avis de ne le pas recevoir dans la ville, de peur de s'attirer une nes cist
banni d'A-
guerre facheuse; mais Harpalus ayant remarqué que Demosthénes avoit été thénes.
touché du prix & de la beauté de la ciselure d'un vase d'or qu'il avoit, luy
envoya
envoya la nuit suivante & le vase & vingt talents, ce qui luy fit changer de
langage, & quand il fut question de parler contre Harpalus, il feignit un
mal de gorge. Le peuple indigné obligea Harpalus de se retirer, & condamna
Demosthénes à une amende de vingt talents. Il fut mis en prison en atten-
dant qu'il eût payé; mais il en sortit de concert avec quelqu'uns de ceux qui
le gardoient, &se retira à Egine & à Trezéne, où il témoigna beaucoup de
foiblesse, ne pouvant retenir les larmes, ni s'empêcher de déplorer ion mal-
heur & d'accuser sa patrie d'ingratitude.
c. Aprés la mort d'Alexandre, il fut rappellé d'Egine à Athènes, & on luy
Demosthé- envoya une galére du public pour le ramener. On lui remit la plus grande
nes retour- partie de son amende, & il demeura quelque tems dans la ville > continuant
ne à Athé- à haranguer contre les Macédoniens ; m?is Antipater & Craterus s'avançant
nes. contre Athènes, le peuple condamna les Orateurs à mort. Ceux-cy se sau-
vérent où ils purent. Antipater aussi tôt envoya aprés eux uelqu)uns de les
gardes. Ils en tirèrent trois du temple d'Ajax, qui étoient a Egine & les en-
voyérent à Antipater qui les fit mourir. Archias fut chargé d'aller tirer De-
mosthénes du Temple de Neptune situé dans l'isle Calauria, où il s'étoit re";
tiré comme dansuh azyle. Archias l'exhorta d'en sortir& dese rendre auprès
d'Antipater, lui promettant qu'il ne lui seroit fait aucun mal. Demosthénes
se moqua d'Archias ; & celuy-cy ayant changé de langage & luy faisant de
grandes menaces, Demosthénes luy dit d'attendre un moment qu'il eût écrit
à sa famille, il se retira au plus secret du temple, & mordant l'extrémité de
son roseau à écrire, comme il avoit accoutumé de faire, quand il révoit à ce
qu'il avoit à écrire: il sucça du poison qui y étoit.
C7. Comme il tardoitun peu, Archias entra & l'exhorta à se reconcilier avec
Mort de Antipater; mais Demosthénes qui sentoit que le poison commençoit à opérer
Dernofthé. se découvrit & dit Archias qu'il pouvoit exécuter ses ordres, à
nes. a ne pouvant
plus se soûtenir; on le prit sous les bras & on le conduisit hors du Temple.
A peine étoit il paflfé la porte, qu'il expira le 16c. du mois Panepsion, qui re-
vient au io.de Novembre, sous la cent quatorziéme Olympiade, du monde
1682.avant J.C. 3 19. Peu de tems aprés sa mort les Athéniens luy érigèrent
une statuë de bronze avec cette Inscription ; si vous éussîez est Autant de force] que
d'esprit, la Grece rfauroit pas été assujettie par la Macédoine, & ordonnèrent que le
plus ancien de ses enfans seroit nourri au dépens du public. Demosthéne
avoit composé jusqu'à soixante cinqoraisons,dont il ne nous reste qu'une pe-
tite partie.
Cll. Eschines Athénien, Poëte & Orateur, fut le rival, ou l'émule, ou si l'on
Efchines l'ennemi de Demosthénes; mais quoiqu'il fût un des plus grands Ora-
Orateur
veut
Athénien teurs de la Gréce, & que les Grecs
donnaient le nom des trois Grâces à
fleurit sous> trois oraisons qu'on a de luy, & celuy des neufIHures à neuf de ses épitres.
la lo6. O- Il ne laissa pas de succomber sous la force de l'éloquence de Demosthénes.
lympiade Eschine accusa Ctesiphon ami de Demosthénes, à Poccasion d'une couronne
du Monde d'or, le peuple luy avoit décernée, à la persuasion de Ctesiphon. Les
2690. que
Plutarch. deux Orateurs mirent en oëuvre tout ce qu'ils avoient de talents. Le peu.
de Clar. 0- ple prononça en faveur de Ctesiphon, & Eschine fut condamné à une amende
r-atoribui. de
de mille dragmes; ne voulant pas, ou ne pouvant les payer, il se retira d'a-
bord à Ephése & dela à Rhodes, où il enseigna la Rhétorique. Un jour qu'il
lisoit devant les Rhodiens la piéce qu'il avoit composée contre Ctesiphon,
ce peuple ne pouvoit se persuader qu'il eût pu être envoyé en exil aprés avoir
fait une telle pièce ; il répondit qu'ils n'en auroient pas été surpris, s'ils eus-
sent ouï la réponse que cette bête, (il parloit de Demosthénes) y avoit faite.
Eschines mourut à Samos, où il s'étoit retiré quelque tems auparavant. Eschi-
nes avoit la voix grande & forte, & on dit qu'au commencement il servit sur
le
le Théâtre, & représenta des Tragédies. Comme il tenoit parti de Philippe
Roy de Macédoine, on ne doit pas être surpris qu'il ait toujours été opposé
à Demosthénes, qui étoit si fort déclaré contre ce Prince. On peut voir les
diverses vies d'Eschines, qui se trouvent dans le recueïl de ses oeuvres, avec
celles de Demosthénes.
Apelles le Prince des peintres, naquit dans l'Isle de Cos. Il fut instruit cm.
recevoit disciples des personnes de condition Apelles
par Pamphile, qui ne pour que peintre fa-
dont il prenoic pour instruire des sommes très considérables. Apelles excel- llleux, VI-
la dans presque toutes les parties dela peinture; l'ordre, le dessein, le co- voit dtt
loris, la proportion, les grâces, la liberté, la vivacité qu'on louë dans les tems d'A-
tableaux, tout cela se trouvoit dans les liens. Comme il étoit fort assidu au lexandre
le Grand,
travail, & que, comme il disoit luy-même, il ne passoit nul jour sans don- vers la 1
ner quelque trait, il fit grand nombre d'excellens ouvrages, dont on voyoit Olymp. dtt
encore quelques uns à Rome du tems de Pline. On louoit sur tout une Venus M. 3727-.C.
sortant de la Mer, & nommée pour cette raison, Anadyomené; il en avoit com- avant J. "

mencé une autre pour les habitans de Cos ses Compatriotes, laquelle surpassoit *74-
de beaucoup la première, tant dans la force du dessein, que dans la beauté
du coloris. On croit que la mort de cet excellent homme l'empêcha de l'a-
chever; mais l'ouvrage s'en trouva si excellent qu'aucun autre peintre ne fut
assez hardi pour entreprendre d'achever ce .qui en restoit à faire. On croit
00
que c'est de ce tableau,dont Ovide (a) a dit, que si Apelles n'avoit pas peint Ovid. de
Venus à ceux de Cos, cette Déesse seroit encore cachée sous les eaux de la arte am.
Mer. I. 5. v. 4ot<
On sait qu'Alexandre le Grand avoit une estime si particulièrepour Apel- av.
les, qu'il se faisoit un pbisir' de l'entretenir souvent, & qu'il ne vouloit pas Ouvrages
qu'aucun autre que lui le peignit, ni qu'aucun autre que Lysippe le représen- d'ApeUes.
tât en sculpture. On vante comme un des beaux ouvrages du pinceau d'Apel-
les, un portrait qu'il fit d'Alexandre tenant la foudre à la main, & qui fut mis
dans le Temple d'Ephése. On remarquoit que dans ce tableau Alexandre sem-
bloitsortir du tableau: aussi bien que la foudre. Pline dit qu'il eut vingt ta-
lents pour cette piéce. Un peintre jaloux de sa gloire l'accusa auprès du Roy
Ptolémée, comme étant la cause de la revolte de Tyr & delà prise de Péluse.
Ce Prince étoit résolu de le punir comme un traitre & un assassin; mais un
des complices le déchargea, étant appliqué à la question.
Quoique ce Grand homme tint le premier rang parmi tous ceux de sa
profeHion, il ne laissoit pas d'avouer qu'Amphion le surpassoit dans les Or-
donnances, comme Ascleplodore dans les propositions. Il rechercha même
la connoissance du Protogéne dont il estima tant les ouvrages, qu'il les recom-
manda aux Rhodiens, qui n'en connoiiloient pas allez le prix.
CTI. Nousavons déja dit un mot de ce Protogéne & de son tableau dejalysus,
Protogéne qu'il peignoit au faubourg de Rhodes, lorsqueDemetrius le preneur de ville
fameux en fit le liège. Protogéne etoit d'une ville de Cilicie nommée Caunus & lu jette
peintre. Rhodiens. On ne sait qui fut son maitre ; mais on dit que dans les com-
Ses ouvra- aux
ies. mencemens il vécut dans une grande pauvreté, n'étant pas connu pour ce
qu'il valloit, & mettant tout son tems à perfectionner ses ouvrages, dont peu
de gens connoissoient le mérite. Son portrait le plus fameux, & qui luy a
fait plus d'honneur, est celuy dejalysus, dont nous avons deja parlé, & qui
fut conservé longtems à Rome dans le tems de la paix. On écrit que pen-
dant qu'il y travailloit, il ne se nourrissoit que de lupins trempez, de peur
d'offusquer par d'autres nourritures plus lucculentes la liberté de son elprit
& la force de son imagination.
CVI. On dit que c'est ce tableau qui surprit si fort Apelles, qu'il confessa que
^Tableau c'étoit la plus belle chose du monde; il avoüa néanmoins qu'il y manquoit
de Ja'ysus
Proto- cette grace que lui seul savoit donner à ses ouvrages. Protogéne pour con-
par server la durée du sien, le couvrit de quatre couleurs, afin que si le tems en
§ene.
effaçoit une il s'en trouvât une autre au dessous, qui fut toute fraîche. Le
, Jalysus étoit remarquable. On dit que Protogénc
chien qui accompagnoit
fâché de ne pouvoir assez bien à son gré représenter l'écume qui sort de la
gueule d'un chien, lorsqu'il est fort échauffé, jetta par dépit son pinceau con-
tre son ouvrage, & le hazard produisit alors ce que son artn'avoitpu faire en
beaucoup de tems.
CVW Pendant le siége de Rhodes par Demetrius le preneur de ville, Proto-
il
Demetrius géne se tenoit hors de la ville dans une petite maison, où s'appliquoit à pein-
Tolioice- dre
refpe- un Satyre joüant du flageolet & appuyé contre une colomne. On dit qu'il
tes
éïeProto- avoit représenté sur cette colomne une caille si bien siste, qu'on vitplusieurs
¡énc. de ces oiseaux voltiger autour d'elle. Demetrius fit venir Protogéne & luy
demanda s'il osoit bien demeurer ainsi au milieu des ennemis & du bruit de
la guerre, comme s'il ny eût rien à craindre pour luy. Il répondit qu'un
grand Prince comme luy ne faisoit pas la guerre aux arts & qu'il se croyoic par-
faitement en seureté de sa part & de la part des fiens, par tout où il put étre.
€vni. Lysippe est ce fameux sculpteur, dont nous avons parlé, & dont Ale-
Lysippe fa- xandre le Grand faisoit tant d'estime, qu'il ne vouloit pas qu'aucun autre sta-
meux scul- tuaire que lui, le représenta en sculpture. Lvsippe fîeurisToit vers la 104. O-
pteur, fleu- lympiade. Le premier metier qu'il
rit vers la exerça, fut celuy de serrurier. Eniuite
104. Olym- à la persuasion du peintre Eupompe, il s'adonna à la peinture , qu'il
aban-
piade, du donna bientost pour s'appliquer à la sculpture. 11 y réussit de telle forte qu'il
Monde passe pour un des plus excellens sculpteur de l'antiquité. Il travailloit avec
3641.avant grand nombre
J C.H6. une facilité extraordinaire, & l'on a vû pendant longtems un
PîinJ. 24. de ses ouvrages. Il avoit fait une statuë du soleil placé sur un char à quatre
chevaux, qui étoit adoré à Rhodes. Il fit plusieurs statuës d'Alexandre &
de ses favoris, lelquelles furent transportées de Macédoine à Rome par lUe-
tellus, lorsqu'il subjugua de nouveau la Macédoine à l'empire Romain. On
renur-
remarque que ce,en quoi il réüssissoit le mieux, & ce qui le distinguoit des
autres sculpteurs, est, qu'il représentoit parfaitement bien les cheveux, & que
il faisoit leur têtes plus petites &
pour faire paroître ses statuës plus grandes, sculpteursreprésentoient
les corps moins gros; disantqueles autres les hom-
mes tels qu'ils étoient, que pour luy il les représentoit tels qu'ils paroissoient.
Menandre fameux poëte comique étoit natif d'Athènes, où il naquit la CIX.
troisiéme année de la cent neufiéme Olympiade. 11 fut disciple duPhilosophe Menandre-
Théophraste & composa jusqu'à cent huit piéces de Théâtre; cela montre son poëte Co-
mique na-
extrême fécondité; car il ne vécut que cinquante-un, ou S2. ans. Il eut quit la troi,
pour concurrent Philémon autre poëte comique natif'de Syracuse, écrivain née siéme an-
delà
de la moyenne Comédie, ainsi nommée en la comparant à l'ancienne, qui
étoit d'un autre gout, & de la nouvelle qui changea encore ; car les Grecs di- piade, 109. Olym^
du
ftinguent trois âges dans leur Comédie, de même que dans la Tragédie. Monde
Eschyle est considéré comme l'inventeur & le pere de la Tragédie. Au 366s, avant
lieu qu'au commencement la Tragédie n'étoit qu'un tissu de contes bouffons J. G.
faits en stile comique, mélé parmi les chants du chœur, qui entonnoit les Ancienne CX.
louanges de Bacchus; car c'est auxfestes de ce Dieu célebrées pendant les & nouvel»
vendanges, que la Tragédie doit sa naissance. Elle est nommée Tragédie, le Tragé-
parcequ'un bouc, en grec Tragos, étoit le prix du meilleur Adeur. Thespis die.
fit promèneras Acteurs sur une charette, & leur barbouïlla le visage de Lies,
afin qu'il pussent parler avec moins de honte ;& pour mêler un peu de serieux
avec le comique, il introduisit dans le chœur de ceux qui chantoient, un
personnage qui pour les délasser,récitoituneavanture de quelque personnage
illustre. C'est ce récit, qui dans la fuite donna lieu au sujet des tragédies,
tel étoit l'état de ce qu'on appelle l'ancienne tragédie.
Eschyle, qui vint après, fit de grands changemens dans la tragédie, & luy
donna une nouvelle forme. Il mit à ses Acteurs un masque, qui leur couvroit
tout le visage & représentoit non seulement le visage, mais les cheveux, la
barbe & les oreilles, il les habilla de robes trainantes, les chaussa de brode-
quins & au lieu de charette, leur fit construire un théatre médiocrement
élevé , & changea le stilè badin & enjoué de l'ancienne tragédie pour luy
,
donner plus & plus sérieux. ,
en un grave
Sophocle parut aprés Eschyle & porta la perfedion du théatre Athénien
au plus haut point, où il ait pu s'élever. Eschyle avoit un style grand, élé-
vé, enflé; il ne pouvoitparler comme les autres hommes, toujours quindé
au dessus du commun, il se"mbloit marcher sur des échasses. Sophocle sçut
mieux prendre le vrai point de la noblesse & de la dignité du poëme épique,
il sçut jetter sur san stile avec la douceur du stile, qui lui fit donner le nom
d'abeille, la gravité & la dignité du discours propre à la tragédie. Ainsi la
tragédie par dégrez parvint chez les Grecs à sa dernière perfection.
La comédie eût le même succés, & ne parvint que par divers dégrez à CXI
sa perfection. D'abord elle représentoit des faits véritables avec les noms, Ancienne,
les habits, les gestes, & les visages de ceux qu'elle joüoit, tout ce qui avoit moienne,
& nouvel-
lair d'ambition, de singularité, de fripponerie, étoit un objet propre à être le Coiné-
représenté par la Comédie. Les Généraux, les Magistrats, le Gouvernement, diç.
les Dieux nlêmes, tout étoit livré à la bile satyrique des Poëtes. Dans une
comédie d'Arfftophanes, non seulement le Prêtre de Jupiter paroit déterminé
à quitter son service, parcequ'on ne lui offre plus de lacrifices; Mercure même
mourant defaim, vient chercher condition parmi les hommes,& s'ossi"eàeux
pour leur servir de portier, de cabarétier, d'homme d'affaire,de guide,prêt
à tout faire, plutôt que de retourner au Ciel. Les Généraux d'armées revenus
triomphons de leurs expéditions comme Cléon, les Chefs de la République
comme Pericles, un homme aussi sérieux & aussi respe&able queSocrates,
ont été jouez sur le théatre en leur présence par le même Aristophanes, sans
que personne s'en soit formalisé. Eupolis & Cratinus en usérent de même
sous l'ancienne Comédie.
Ellesubsista jusqu'à ce que Lysandre s'étant rendu maitre d'Athènes, en
donna le gouvernement aux trente Tyrans, qui songérent sérieusement à arré-
a
ter le cours de cette licence. Ils obligérent les poëtes Comiques supprimer
les noms des personnes qu'ils joùoient surie théâtre. On leur permit de jOlier
les pallions & le ridicule des hommes sous des noms feints & empruntez.
C'est ce qu'on appelle la comédie moyenne ou mitoïenne, qui dura dépuis
Lysandre jusqu'autemsd'Alexandre Je Grand, c'est à ce tems qu'or, doit rap-
porter les comédies de Ménandre, qui nous a donné occasion d'entrer dans
ce détail, & de faire cette longue digression.
CX1L Philémon fut pendant sa vie assez souvent préféré à Ménandre qui vivoit
Menandre
est quel- en même tems, mais qui l'élllportoit de beaucoup sur luy-, par le moïen de ceux
quefois de sa faEdon, qui en étoienten grand nombre; en sorte qu'un jourMenandre
moins esti- l'ayant rencontré, luy dit: de bonne foy Philemon dites-moy, ne rougissez-
lI1é Que
vous pas de honte, quand on vous préfcre à moy? Car on aflfûre que de 108.
Philemon.- piéces
..nul. Gell. que Menandre composa, il n'y.en eut que huit qui remportèrent le prix.
J. 17. "/Josl. Quintilien rapporte en effet que de son tems on ne
luy rendit pas toujours juHi-
Attic. c. 4. ce, comme il est arrivé en beaucoup d'autres; mais qu'il en a été avantageu-
tonfer. A- sement dédommagé par le jugement favorable de la possérité à son égard.
pulei.florid. Une
S- 6.
preuve de sa grande facilité à écrire, c'est que quand il avoit trouvé le
Quintil. sujet de sa comédie, & qu'il en avoit disposé l'ordre, il disoit qu'elle étoit
/. z c. 6. déja faite.
PIin hisi. Pline remarque que les Roys d'Egypte & de Macédoine firent grand cas
n. 1-2 • c. 2,9. de I\rlenandre. On voyoitplusieurs lettres de ce poëteauRoy Ptolémée. On
assûre que Térence avoit traduit de Grec & Latin les !og. comédies de Menan-
dre; mais que tout cet ouvrage fut perdu dans un naufrage, où Térence luy-
même fut submergé.
exJI1. Philemon, dont on vient de parler, contemporain de Ménandre, & qui
Philemon remporta souvent le prix sur luy, composa grand nombre de comédies,
poete Co- qui
mique ne sont pas parvenues jusqu'à nous. On raconte sa mort fort divericment.
contem- Les uns disent qu'étant malade, & avantvû unânequi mangeoit des figues qu'on
porain de luy avoit préparées, se mit à rire & appella son serviteur pour donner encore
Menandre. du vin à boire à cet animal; riant avec effort il expira. D'autres, Piutar-
Lucian. in en
Jvlacrob. que dit qu'il mourut de joïe ayant remporté le prix & la couronne dans une
Ani'eni fit assemblée où il avoit représenté une de les pièces. Apulée dit encore la choie
autre-
Philemon ayant joüé une de ses piéces avec beaucoup de succés regen.'îâ
autrement. Respubl.
jusqu'au troisiéme ade, fut obligé luy & les speétateurs de quitter le théatre,
Apudfi&>-
Le reste fut remis au lendemain, le
tout rid.§* 16.
par une grande pluie qui survint.Ceux qui n'y avoient pas été la veille se fai-
monde s'empressa de revenir.
soient raconter ce qu'on avoit dit. Ceux qui y avoient été s 'en souvenoient
plaisir. Tout le Monde étoit dans l'attente de voir la conclusion de la
avec
piéce. Cependant le poëte ne paroissoit point; on court à son Logis & on
le trouve mort sur son lit. CXIV.
Suidas dit que Philemon ayant eu un songe, ou^ il lui sembla voir neuf Mort de
vierges qui sortoient de sa maison, il leur demanda pourquoy elles l'abandon- Philemon,
noient ainsi. Elles répondirent qu'elles sortoient, parcequ'il n'étoit pas per-
mis de les entendre, il raconta son songe à son valet. 11 acheva la comédie
qu'il écrivoit, se coucha tranquilement: quelque tems après on le trouva mort.
Il ne nous reste que quelques fragmens de ces deux Poëtes Philemon & Me-
iiandre. GXV.
Nous ne séparerons point Terence de Menandre, parcequ 'il a traduit Térence
qu'il l'a copié & imité en beaucoup de poète co-
en latin plusieurs de ses comédies, &
choses. Terence étoit Africain, natif de Carthage. On prétend qu'il fut ame- mique La-
né d'Afrique durant la seconde guerre Punique & qu'il fut esclave à Rome de tin. i'.m Morti
Terentius Lucanus Senateur, qui l'affranchit & luy fit porter Ion nom deTe- vers du M0TlJe-
rentius. Sestalens, son esprit & sa bonne mine lui procurérent la liberté.
g8s ï.avant
Il s'adonna à l'imitation de Menandre à composer quelques comédies, en quoi J.C.149"
il a tellement excellé qu'il passe pour le plus parfait modèle en ce genre chez
les Latins. On estime principalement son Euphormion & son Hecyre. juleCe.
mettoit Terence beaucoup au dessous de Menandre; il luy trouvoit de la
zar
douceur & de la pureté de Langage; mais non pas la force & la vigueur de
Menandre. Aprés avoir composé son Andrienne il fut obligé de l'aller réci-
ter, felr,n la coutume devant un des Ediles nommé Cœcilius. Il le trouva
qui commençoit à souper. On donna à Terence un bas siége auprès du lit
de tdble où étoit couché Cœcilius; le mauvais habit dont le poëte étoit cou...
vert ne donnoit pas une grande idée de sa capacité. Cependant aprés qu'il
eût récité quelques vers de sa pièce, Cœcilius le fit asseoir à table avec lui,
& après louper lui fit achever le telle; il en fut si content, qu'il en rendit un
témoignage trés avantageux, qui ne fut point démenti par celui du public.
On allure que Scipion l'Africain, Lælius son ami, &Furius qui étoient CX VU
alors les premiers hommes de la République, avoient une affidion particu- Testerence aidé pat
liére pour Terence, le menant souvent avec eux dans leurs maisons de plai- Scipion &
sance & le faisant mangera leurs tables. On dit même que Scipion & Lcelius par Lœ-
lui avoient beaucoup aidé à composer ses pièces, & Terence ne s'en défend lius &c. sa
pas dans le prologue de sesAdelphes. Cependant il mourut fort pauvre, mort.
n'ayant pas même, dit-on , (a) une maison où il y eut quelques danleihq-ues. Porcius. Ca)
Il étoit al'é en Gréce pour en rapporter les comédies de Menandre & pour les D'autre3
faire paroitre en Latin traduites de sa façon; mais il fit naufrage, & les comé- soûtieii.
dies de Menandre périrent dans la mer. Luy-même eut assez de peine de se nent le
sauver & mourut à Stimphale, ou à Leucade d'Arcadie, sous le Consulat de contraire
1
témoigna- Cneïus Cornélius Dolabella &Fulvius Nobilis l'ail du Monde 38) I. 11yant
ges qu'on J. C. 149. Il fleurit dans le tems qui s'écoula entre la s. & la 3. guerre Pu-
lit à la tête nique.
de ses Plaute vivoit quelque tems avant Terence, son nom est Marcus A&ius
ouvrages. ville d'Ombrie. On dit que s'étant voulu mêler
CX Vll. Plautus. Il étoit de SarGne
de négoce, il y perdit tout ce qu'il avoit, & fut obligé pour vivre, de se 10-

Plaute
Poète co- uër à un boulanger, pour tourner la meule & moudre son grain. Il profitait
mique des momens de relâche que lui donnoit ce pénible exercice, pour composer
mort vers
l'an du M. ses comédies, qui lui aquirent une trés grande réputation, non seulement
g g 22.avant pendant
sa vie, mais aussi aprés sa mort. Varron très bon connoisseur disoit
J.C. 178. de lui qu'il parloit avec tant de pureté & tant de grades, que si les Muses eussent
voiez les voulu parler Latin, elles n'auroient point emprunté d'autre langue que celle
témoigna-
ges des an-
dePlaute. On admire sur tout ses bons mots qui ont diverti les Romains pen-
ciens a la dant longtems; mais dans un siécle plus pur & de meilleur goût on les a me-
tête des prisés ou comme trop grossiérs, ou comme fades & insipides. Il est cer-
oeuvres de tainement beaucoup au dessous de Terence pour la régularité & la justesse
Plaute. qui doivent régler le cours d'une piéce de théâtre; mais on
livrât. de de l'œconomie,
Arte Po 'et. ne peut disconvenir que Plaute n'ait eu beaucoup de genie, de vivacité, d'in-
v. 270. vention, d'agréement naturel. Ilne nous relie que vingt comédies de Plaute,
entre lesquelles on donne la préférence à l'Amphytrion. On croit qu'il mou-
rut vers la 149. Olympiade, du Monde 3822. avant J. C. 178.
CXVIll. Avant Plaute & Terence, on vitàRomeGneiusNœvius qui écrivit quel-
Mœvius, ques comédies, & une histoire dela première guerrePunique, où il se trouva.
Ennius, On n'a plus ses ouvrages, mais ceux qui en ont parlé conviennent que c'étoit
Licinius,
peu de choses que ses vers. C'étoit alors, pour ainsi dire, l'enfance de la
Cœcilius,
Pacuvius, Poësie Latine.
Attius. Quintus Ennius parut peu de tems aprés; & donna un peu d'Elegance
Poëtes La- àlaPoëlie Latine. Ciceron (a) reconnoit qu'Ennius étoit fort superieur à
tins. Nœvius, quoiqu'il eut profité des ouvrages de celui-ci, dont il avoit em-
Ca)
Cicero in prunté
plusieurs morceaux. L'élévation de son genie, la vivacité & les heu-
Bruto. reuses saillies qui accompagnent ses déscriptions & ses images, font en quel-
que sorte disparoître la rudesse de sa versification. S'il n'eut pas le mérite de
la perfection, il eut au moins l'honneur de l'invention. On affure que Vir-
gile s'appropria plusieurs de ses vers, & qu'il les enchassa dans lès ouvrages
0», comme des perles qu'il avoit tirées du fumier d'Ennius. Horace (J?) dit de
.Ho?,at. /. 1.
ce poëte qu'il ne faisoit jamais de vers, qu'après avoir animé sa verve par du
Ep. 19. En- jus de Bacchus. Il passa
une partie de sa vie dans l'Isle de Sardaigne, où il
nius ipse
accompagna le Grand Caton, qui reçut de lui des insiruétiol1s sur les sciences
pater nun-
quam nisi & sur la langue Gréque.
potus ad Ennius est beaucoup inférieur à l'élégance & à la pureté de Terence qui
arma
Prosiluit vivoit presqu'en
même tems qu'Ennius. On ne sait que trés peu de choses de
diccnda. ces autres premiers poëtes Latins, Licinius Tegula, Cœcilius Comicus, Pa-
cuvius & Attius.
LIVRE
LIVRE xxxr.
PToîemée fils de Lagus Roy d'Egypte, aïant fait la conquête de la Phéni- 1.
cie & de la Judée, parNicanor un de ses Généraux, vint lui-mêlne à Jé- ptoléméo'
rusalem, & y étant entré sans résistance un jour de Sabbat, sous prétexte fils de La-
s'em-
d'y vouloir offrir des sacrifices, les Juifs vivant alors sans défiance & gus
aucune pare de 1a(
ne se croïant pas permis de prendre les armes ce jour là, Ptolémée les traita Judée.
comme il auroitfaitaune ville prise de force; il prit grand nombre de Juifs, gofeph.An.
les emmena en Egypte, & leur y donna des terres pour les cultiver; & comme tiq. 1.XlI.
2.
.il savoit que les Juifs étoient fort religieux observateurs de leur parole, il leur c.Ani. /(hl M
fit promettre avec serment qu'ils lui garderoient à lui &àIesSuccesleurs , une 5684.avant
fidélité inviolable; & après s'en être ainsi assurez, il leur confia la garde de J.a. 316.
plusieurs forteresses de l'Egypte, & leur accorda le droit de bourgeoisie dans
Alexandrie Capitale de son Roïaume.
Depuis que les Samaritains avoient obtenu d'Alexandre le Grand la per- Bizute
mission de bâtir un temple pour l'exercice de leur religion sur le mont Gari- entre les
Juifs & les
zim, ce temple devint un sujet continuel de dispute entr'eux & les Juifs : ceux-' Samaritains
ci lbutenant avec ralsonqlejérusaleiiiétoitleseul lieu choisidu Seigneur pour au sujet dl1
y recévoir le culte & les adorations de ses serviteurs; les Samaritains au con- temple de
traire prétendant que le temple de Garizim étoit le seul vrai temple du Dieu Garizim.
trés haut, & le lieu où les Patriarches & Josué luy-même avoit sacrifié aprés
son arrivé dans la terre promise. Ces disputes duroient encore du tems de
nôtre Sauveur, comme on le voit par le discours de la Samaritaine à J. C. (a) fohan, (a)
IV*,
les Samaritains pour donner plus de poid à leur prétensions ont même altéré 264 ait
le texte sacré de Moyse, en substituant lç mot de Garizim, à celui d'Hebal,
en quelqu'endroits du Pentateuque.
Ptolémée Philadelphe fils & Successeur de Ptolémée fils de Lagus Roy 11.
d'Egypte avoit beaucoup de bonté pour les Juifs ses sujets, tant pour ceux Histoire de
version
qui étoient en Egypte que pour ceux qui étoient en Judée, & il leur en donna la des[eptan..,
des marques dans plusieurs occasions, dont voici la plus éclatante. Ce Prince te.
aimoit infiniment les lettres & les sciences, & il attiroit dans ses états tousle's 1foseph.An...-'
iavans qu'il pouvoit, par les grands avantages qu'il leur fàisoit, & les hon- tiq. 1. Xlh '
C. 2.
neurs qu'il leur rendoit. Aïant conçu le dessein de former la plus ample & Vers l'an
la plus belle Bibliothèque qui fut dans le monde, il fit venir Demetrius de du :MOlldcr'
Phalére un des plus savans hommes de son siéclepour faire le choix des livres 3 727.avan$
& pour lui en ramasser de toutes parts le plus grand nombre qu'il pourroit. j. e. 2% 3~
Un jour le Roy lui demanda combien il avoit déja rassel11bléde volumes
dans sa Bibliothèque, Demetrius lui répondit qu'il en avoit déja deux cent
mille, & qu'il se flattoit d'en ramasser bientôt jusqu'au nombre de cinq cent
mille. Qu'il avoit apris que les Juifs en possédoient un bon nombre, qulcon-
tenoient leurs loys & leurs histoires, & qui méritoient d'avoir place dans sar
Bibliothéque Royale, mais qu'étant écrits en langage & en caradére Hébreux..-
il seroit nécessaire de les faire traduire en Grec; que l'entreprise n'étoitpâs
sans quel que difficulté, mais que le Roy pouvoit aisément la surmonter en foi-
sant pour cela quelque dépense.
Ptolémée
m. Ptolémée charmé de l'entendre, lui dit d'écrire au Grand Prêtre des Juifs
Ptolémée de lui faire traduire ces livres d'Hebreu en Grec. Aristée grand ami des Juifs,
Philadel- étoit présent à ce discours, en pritoccasion de suplier le Roy d'accorder
phe remet
qui
Juiss la liberté à ceux de cette nation, qui étoient en servitute dans les états. Sosibius
les eu
liberté. & André qui étoient avec le Roy & du nombre de ses gardes, appuiérent la
demande d'Aristée. Philadelphe les écouta avec bienveillance , & leur de- -
manda combien ils croïoient qu'il pouvoit y avoir de Juifs dans l'Egypte qui
pussent profiter de cette libéralité ; ils répondirent qu'il pouvoit y en avoir
six vingt mille. Est-ce donc la peu de chose, leur répondit-il, & comptez-
assistans luy aïant remon-
vous cela pour une petite libéralité? mais tous les
X

tré que la chose étoit digne de sa magnificence; il y conlcntit & ordonna Z't"
ces Officiers qui étoient présens, quand ils
donneroient le prêt à ses soldats,
de compter à chacun de ceux qui avoient des esclaves Hébreux, la [ol11niede
six vingt dragmes, afin qu'ils les n1Ï(sent en pleine liberté.
IV. La chose fut exécutée suivant les ordres du Roy, & ce Prince choisit
Le Roy entre ces hommes ainsi affranchis, ceux qui étoient les plus sorts & les mieux
ri'Egypte faits pour les faire servirdans ses armées & dans sa maison, & renvoïa les au-
demande écrire Grand prêtre Eleazar ce qu'il ve-
Grand tres en Judée. En même tems il fit au
au Grec
prêtre des noit de faire en faveur de sa nation,& le désir qu'il avoit de faire traduire en
Juifs des les saintes écritures, le priant de lui envoyer six hommes de chaque tribu pour
hommes travailler à cette tradudion. Il joignit à ses lettres de très riches présens pour
savans
le Temple, sa voir cinq cent talents pour en faire des coupes & des patéres pour
pour tra" prétieuses pour orner les habits sa-
duire en l'usage de l'Autel, grand nombre de_pierres
Grec les crdotaux du Grand prêtre; cent talents pour achéterdes vittilues & pour les
saintes
autres frais dessacrifices, qu'on devoit ofsrir pour la prospérité du Roy. J0-
écritures.
seph raconte que ce Prince fait faire en Egypte une table d'or pour être nuls
dans le Saint, & sur laquelle on devoit ossrir le parfum soir & matin, d'une ri-
chesse & d'une magnificence étonnante, qu'il jlonna de plus deux grands V2-
ses d'or en forme de coupes, & travaillez en écailles, le tout enrichi de plus
de cinq mille pierres prétieuses. Eleazar reçut les lettres & les présens de
Philadelphe avec le respect convenable, lui fit réponse qu'il exécuteroit ses
ordres, mais qu'il le suplioit de lui renvoyer l'original hébreu de la loy,
après qu'il en auroit fait faire la version.
v. Le Grand prêtre Eléazar aïant donc choisi six hommes de chaque tribu;
Arrivée parfaitement instruits des deux Langues, l'Hébraïque & la Gréque, les en-
des 70s In- voïa à Alexandrie vers le Roy. Ils y arrivèrent le jour même que l'on faisoit
terprètes a grande fête à la Cour, en mémoire d'une bataille navale que le Roy avoit
Alexan- une
dre. gagnée ce jour là quelques années auparavant contre Antigone. Philadelphe
& leur dit qu'il
ffo'epb» les reçut avec des témoignages de joie tout extraordinairesil
de sa vie leur fit donner
Al1tiq,112. compterait
ce jour là comme un des plus heureuxpendant ;leur séjour à Ale-
C. 2. des logemens convenables, les entretint sou vent
l'an
Vers
duM.i727 • xandrie,
ayant J.C. fiions
&écoutant réponses...
& les fit manger plus d'une fois à sa table, leur faisant diverses que-
avec plaisir leurs
j
Ensuite il les fit conduire dans l'Isle de Pharos, qui est éloignée du bord
Manière
de la 111er d'environ mille pas, & les fit enfermer dans une maison éloignée de
dont on
tout bruit, afin qu'ils pûssent travailler plus tranquillement à leur ouvrage. Il dit que la
Loy des
y en a, qui croient qu'ils travaillèrent tous ensemble, d'autres veulent qu'ils Juifs fut
aient travaillé deux à deux, ou même chacun séparemment à leur traduction. traduite CET
Quelqu'uns prétendent,que chacun d'eux fit la traduction de toute la Bible, Grcc.
d autres, que deux firent ensemble la version d'un seul livre de l'écriture, d'au-
tres enfin so'utient-lent,qu'ils ne traduisirent que .les Livres de Moyse, & il yen
a qui soûtiennent,que toute cette histoire des septante Interprêtes n'est qu'un
Roman,ou une histoire embellie par Aristée, par Joseph, parPhilon, & par
les autres qui ont écrit aprés eux, que de tout cela il n'y a rien de certain &
d'indubitable, si non que du tems de Ptolémée Philadelphe on fit une tradu-
ction des Livres sacrez des Juifs d'Hebreu en Grec, mais que tout le reste des
circonstances est tout au moins fort incertain.
Quoi qu'il en soit, voicy comme Joseph continue de nous ràconter cet VI.
événement. La traduction de la Loy aïant été achevée en l'éspace de soixante Les Juifs
& douze jours, Demetrius dePhalére fit venir tous les Juifs qui étoient à Ale- approu-
la tra-
xandrie, & en leur présence& en celle des soixante & douze Interprêtes, il vent duétion de
leur lut la version qui venoit d'être faite, afin qu'ils pussent juger, si elle étoit la. Loy ca
conforme à l'original. Toute l'assemblée l'approuva, la trouva conforme au Grec.
texte sacré, & donna de grandes bénédictions à Demetrius., qui avoit inspiré
au Roy de la faire. Ils priérent qu'on la donnât encore à examiner aux prin-
cipaux d'entr'eux, afin que quand une fois elle auroit été solemnellement ap-
Ondonna,donc permission à
prouvée il ne fût plus permis à personne d'y faire le moindre changement.
la tous ceux, qui voulurent, de l'examiner & d'en
dire leur sentiment; mais elle se trouva si correcte, qu'on n'y changea rien.
Le Roy Philadelphe se fit lire aussi ces laintes Loys, & en admira la sa-
gesse & la beauté. Il demanda à Demetrius d'ou vient qu'aucun auteur Grec
ni poëte, ni historien n'a fait mention d'un ouvrage si Divin? Demetrius lui
repondit: Que personne n'avoit olel'entreprendre) parceque la chose étoit
un ouvrage plus qu'humain; que ceux qui a voient eu la témérité de vouloir
en insérer quelque chose dans leurs livres, en avoient été punis de Dieu. Que
Iheopompe en aïant mélé quelque chose dans son histoire, avoit eu l'esprit
troublé pendant trente jours, & n'avoit été guéri qu'a.prés avoir reconnu sa
faute. Que Theodecte aïant mélé dans une de ses tragédies quelques traits
de ces divins livres, avoit aussitôt perdu la veuë,& ne l'avoit recouvrée qu'a-
prés en avoir demandé pardon à Dieu.
Ces exemples de sévérité exercée envers ceux qui n'avoient pas eu allez VJJ.
de respeét pour les saintes écritures, en donnèrent encore au Roy une plus Retour des
haute idée. Il reçut ces livres de la main de Demetrius dans des sentimens prètes 7o. inter-
dans
d'adoration, & recommanda qu'on les conservât avec un trés grand soin. Il la Judée.
dit enluite adieu aux soixante & douze Interprêtes, les invitant de le venir
souvent visiter dans son Roïaume, que cela lui feroit beaucoup de plaisir, &
qu'il leur accordetoit tout ce qui conviendroit à leur sagesse & à sa magnifi-
cence Roïale. Il les renvoya avec de riches presens; il donna à chacun d'eux
trois paires d'habits, deux talents d'or, une coupe du poid d'un talent, &
des lits pour s'asseoir à table, sélon l'usage de ce tems-là.
Il envoya en même teins au Grand prêtre Eleazar dix magnifiques lits de
table, ayant les pieds d'argent, un vase de la valeur de trente talents, dix rob-
bes de pourpre, une trés riche couronne d'or, cent piéces de toile de fin lin
d'Egypte, plusieursvases à boire, des encensoirs & des coupes destinées pour
le service du temple. Il accompagna ces présens d'une lettre gratieuse, par
laquelle il prioît le Grand prêtre de permettre à ces hommes de le venir voir,
quand ils voudroient, témoignant qu'il n'avoit jamais plus de plaisir, que quand
il voyoit des hommes eclairez,\& quand il pouvoit s'entretenir avec eux.
VIll. Philon (a) assûre que l'ouvrage des septante interprêtes Grecs, fut si agré-
Fête inAl- able aux Juifs d'Egypte, qu'ils établirentune fête annuelle pour en célébrer la
tuée en memoire. On voit tous les ans, dit-il, une affluence non seulement de Juifs,
memoire qui passent dans l'ne de Pharos, pour y té-
de la tra- mais aussi de peuples étrangers,
-
duction des moigner leur resped envers ce lieu où la version des septante a pris naissance;
livres saints & aprés avoir rendu graces à Dieu d'une faveur si signalée, ils s'y réjouïssent
en Grec. dans des repas de piété, les uns dans des tentes dressées exprés, & les autres
Ca) sable de la mer.
Philo 1. 2. spus le Ciel & sur le
de vita Les Juifs qui ne parloient qu'hébreu eurent au contraire tant d'horreur de
Jvîojts. cette version (b), Qu'ils établirent un jeune au 8. jour du mois Thebet, pour en Il
Cb) témoigner leur douleur. Ils disent que le jour de cette traduction fut regardé ..
Scalig. not.
comme aussi fatal à Israël, que celui auquel Jéroboam fabriqua les veaux d'or,
adCkronk:. ténébres pendant 3. jours (c).
Euseb. ad qu'alors le Ciel fut couvert de
an. 1734. Après la mort de Seleucus surnommé la foudre, Roy de Syrie, l'armée
Cc) du pays déféra le Royaume à Antiochus, qui fut dépuis surnommé le Grand, i
Majjechet préjudice du jeune Antiochus fils de Seleucus Càllinicus, frère de Seleucus
Sopherim. au
surnommé la foudre. Antiochus vint donc de Babilonne, où il régnoit, en
IX,
Régne Syrie, & se trouva maitre de presque toute l'Asie qui est au delà du mont
d'Antio- Taurus. " 1
chns le La Célé-Syrie, la Phénicie & la Judée obéïiToient au Roy d'Egypte
Grand en
Ptolémée Philopator, fils & successeur de Ptolémée Evergétes. Antiochus
Syrie.
Vide Roy de Syrie , qui ne voïoit qu'avec peine ces Provinces, qui avoient autre-
eab. 1 g. fois dependu de son Royaume, entre les maïns de Ptolémée, mit tout en
Polyb. 1. ?.
œuvre pour les récupérer. Il conduisitson armée dans la Phénicie & dans
An du M. la ludée & Ptolémée Philopator de son côté s'avança avec ses troupes jusqu'à
Raphia ville frontiére de la Palestine & de l'Egypte. Les deux Roys su"ent
g787.avant
J. C.213.
Ptolémée cinq jours en présence, le cinquième jour le combat fut donne ; Antiochus
Philopator quoique le plus puissant & plus grand Capitaine, le perdit. Il fut obligé de
remporte rétirer en Syrie.

..*
une victoi-
Ptolémée profitant de sa victoire réduisit aisément sous son obéïssance
re sur le prises. Les peuples dela Célé-Syrie &
Roy de Sy- les villes que le Roy Antiochus lui avoit
rie. de la Phénicie retournèrent à luy. Les villes n'oublièrent aucuneluy [ortt'd'hoo.
flatter sa vanité; elles luy offrirent des couronnes érigèrent
neurs pour
des Autels & luy offrirent des sacrifices comme a un Dicu.LesJuits ne turent
pas des derniers à l'envoyer
féliciter sur l'heureux succes de ses armes & a luy
offrir de riches présens. Le Roy témoigna qu'il vouloit aller en penonne aje-
rufiilera,w & offrir au Dieutout puissant des sacrifices
d'aétionsde graces pour sa.
-• vidoire.
* *
v
vié1:oire. Il y vint en effet & rendit à Dieu ses actions de grâces. Les choses
le passerent d'abord dans la décence & le respect convenables au saint lieu;
mais ensuite le Prince touché d'admiration de tout ce qu'il voïoit de Grand &
de majestueux dans le service du temple, fut curieux de pénétrer dans le lieu
le plus sacré & le plus intérieur du temple.
. Les prêtres luy remontrèrent respectueusement que ce privilège étoit re- X.
servé au seul souverain sacrificateur, que nul Juif, & nul autre Prêtre n'avoit Philopa-
tor entre-
cette liberté. On luy fit voir l'endroit de la Loy qui le défendoit. On luy prend
fit même appréhender que s'il l'entreprénoit, Dieu ne le frap'at d'une manière , cî'entree
'fatale rien ne fut capable de l'arrêter; il protesta qu'il entreroit de gré, ou dans le
de force. Alors les Prêtres prosternez avec leurs habits de cérémonie, &jet- temple de
tant des cris perçants, prioient Dieu de lessecourir & de changer le cœur du jérufalenv
Roy; lesSenateurs de la ville qui accompagnoient ce Prince, joignirent leurs Ilpuni.en est
à
instances celles des Prêtres, tout le peuple accouru au temple adressoit à Dieu
des prières ferventes, pour détourner ce malheur & la profanation du lieu
saint. • o.
* ^
Dans ce moment le Seigneur frapa Philopator, il fut ébranlé comme un
roseau agité par les vents, & renversé par terre, sans pouvoir ni se soutenir
ni parler ; ses amis le relevérent, le conduisirent hors du temple & l'emmé- 1

nérent dans la maison qui luy avoit été préparée. Etant revenu à luy, au lieu
de reconnoître la puissànce de Dieu & d'adorer sa main qui l'avoit humilié,
il sortit de Jérusalem outré de colére & faisant de grandes menaces contre
ceux qui s'étoient opposez à son désir.
Arrivé en Egypte, il fit publier des édits pleins de blasphémes contre Dieu Xl.
& d'emportement contre les Juifs, avec ordre de sacrifier aux faulses Divini- Persécu-
tion exci-
tez qu'il adoroit, défendant sous de grandes peines l'entrée de son Palais à tée en E-
tous ceux qui n'offroient pas leurs sacrifices dans les temples du pays, privant gypte par
» du droit
de bourgecisie les Juifs d'Alexandrie, & ménaçant des plus rigou- le Roy Phi-
reux suplices ceux qui n'obéïroient pas à ses ordonnances. Elles furent sé- lopator
contre les
vérement exécutées ; ceux des Juifs qui obéirent à ces ordres impies, furent Juifs.
' maintenus dans leurs libertez & dans leurs privilèges; ceux au contraire qui
préférèrent les ordres de Dieu à ceux du Roy, furent marquez d'un fer chaud,
qui représentoit une feuïlie de lierre, comme pour faire voir qu'ils étoient de-
. venus esclaves du Dieu Bacchus, à qui le lierre est consacré.
Philopator voïant que la plupart des Juifs de l'Egypte étoient demeurez
constamment attachez à leur religion, & que malgré ses ordres & sesména-
ces, ils persistoient à mépriser les idoles, il donna contr'eux un second édit,
par lequel il enjoignait à tous ses sujets de luy envoïer chargez de chaines tous
les Juifs qui se trouveroient dans les lieux de leurs demeures, à peine de con-
fiscatioii de tous leurs biens, & de voir leurs maisons, où ils en auroient ca-
ché quelqu'uns, brûlées & abandonnées pour toujours. Suivant ces ordres
• on anléna' à
Alexandrie par le Nil une multitude de Juifs, hommes, femmes
& enfans, vieux & jeunes sans diltin&ion, onles débarqua à Schedia, qui étoit
comme le port d'Alexandrie, environ à quatre lieues de cette ville, & on les
^" enferma dans l'Hippodrome, à decouvert, & sans
aucune communicationavec
ceux de la ville. Toutefois les Juifs d'Alexandrie qui étoient demeurez fidé-
les a Dieu sortirent furtivement de la ville, vinrent consoier leurs freres, &
leurs apportérent quelques rafraichissemens; mais le Roy en aïant eu avis, com-
manda qu'on les cha1Tàt de la ville & qu'un les exposât dans l'Hippodrome
comme les autres.
XII. Philopator persiflant dans sa résolution de faire périr dans ses états tous'
Les Juifs les Tuifs qui refusoient de renoncer à la religion de leurs peres, ordonna qu'on
font con- On y travailla pendant plusieurs jours, sans
damnez à en fit un dénombrement exacte.
être écra- le pouvoir achéver, tantleur nombre étoit grand dans ce pays. Le Roy crut
sez fous d'abord que ses Officiers s'étoient laissez gagner par l'argent des Juifs; mais
les pieds aïant leurs registres chargez des noms d'une infinité de personnes de
des Elé- veu
4;1
phans. cette nation, il fut désabusé. Il fit ensuite venir Hermon , le maître ou le Gou-
g. Maccab. verneur
de ses Eléphans, & luy dit de donner le lendemain beaucoup de vin
An du M. pur, passé sur des paquets d'encens, à ces animaux & de les ennivrer, afin
.
3787 avant d'exposer sous leurs pieds les Juifs rebelles à lès ordres. Celt que l'Elephant
J.G.213. naturellement est fort doux, & que pour l'irriter on lui donne du vin, ou
d'autres choies capables de l'irriter & de le mettre en fureur..
Hermon obéit, & le Roy se plongea à son ordinaire dans la débauche
& dans le vin avec ses anlis. Le lendemain, qui étoit le jour destiné au su-
plice des Juifs, le Roy dormit fort tard, & on n'osa l'éveiller. Il s'éleva vers
trois heures après midy, & se remît à table sans songer aux Juifs, n'y aux
ordres qu'il avoit donnez à Hermon. Il ne s'en souvint qu'allez avant dans la
nuit. Alors aïant envoyé chercher Hermon , il lui demanda pourquoy on
n'avoit pas fait ce qu'il avoit commandé au sujet des Juifs ? Hermon répondit
que tout avoit été préparé pour cela, mais que sa Majeslé n'ayant pas paru de
tout le jour, on n'avoit rien osé entreprendre sans luy.
11 commanda qu'on ennivrât de nouveau les Eléphans & qu'on les tint
prêts pour écraser les Juifs sous leurs pieds. Hermon n'y manqua pas, & le
lendemain de trés grand matin il se rendit dans la cour du Palais avec ses Ele-
phans tout armez comme pour une bataille. Le Roy s'étant levé & ayant ou-
blié ce qu'il avoit commandé la veille, parut fort surpris de voir cet appareil,
il réprimenda fortement Hermon de ce qu'on vouloit ainsi faire périr des gens
qui luyavoient toujours été fidèles & qui n'avoient pas mérité ce châtiment.
Tout le monde admira ce changement dans le cœur du Roy, & nul n'olant
luy répliquer, on ramena les Eléphans.
Le même jour au soir le Roy étant à table, fit venir Hermon, & luy
dit tout en colère : Malheureux, jusqu'à quand vous répéteray-je la même
chose ? Allez tout à l'heure disposer les Eléphans, & que demain de trés grand
matin ils soïent prêts pour écraser les Juifs.
Ses amis qui étoient à table avec luy, prirent la liberté de luy dire; jus-
qu'à quand le Roy veut-il nous tenter? Déja trois fois il a commandé la mê-
me chose, & au moment de l'exécution, il change de sentiment. Philopa-
tor protesta avec serment que pour le lendemain la perte des Juifs étoit ré-
soluë, qu'après les avoir fait foûler aux pieds des Eléphans, il marcheroit en
Judée,
Judée, mettroit tout à feu & à sang, raseroit les villes, extermineroit lesPrê.
tres & bruleroit le temple de Jérusalem.dont on avoit osé lui refuser l'entrée.
Hermon ayant ennivré & mis en fureur les Eléphans, avertit le Roy &
conduisit ces animaux à l'Hippodrome. Philopator avec tous ses Courtisans
& toute sa suite, accompagné d'un grand nombre de Bourgeois d'Alpxaiv
drie, y vint aussi avec un superbe appareil. Les Juifs voyant de loin la jpçû£
siére qui s'élevoit en l'air, & entendant le bruit confus de la multitude qui
accouroit à ce speftacle,ne doutérent plus que Jeur derniére heure ne futve*.
nuë, ils poussérent des cris de douleurs, s'embrassérent les uns les autres, se
dirent le dernier adieu, & redoublérent leurs priéres au Seigneur, afin qu'il
fit éclater en leur faveur les effets de sa puissance & de sa miséricorde. XIII.
A peine le Roy'étoit arrivé que l'on vit tout à coup paroître deux anges Apparition
tout éclatans de gloire, & d'un asped formidable, lesquels se présentant de- de deux
vant cette multitude, les remplirent de fraïeur & les rendirent comme im- Anges- qui
défendent
mobiles. Le Roy futsaiu d'un tremblement universel, qui l'empéchoit de se les jttifs.
soutenir. Les Elephans se tournant contre ceux qui les conduisoient & con-
tre les troupes qui les environnoient, les terraiïérent & les foulèrent aux pieds.
Le cœur de Philopator fut subitement changé, & sa fureur se changea en mi-
séricorde. Il s'en prit à ceux qui n'étoient que les exécuteurs de ses ordres,
il les accusa d'en vouloir à sa vie & à sa Roïauté, & ordonna sur le champ
qu'on ôtât les liens aux Juifs, & qu'on les mit en liberté. XIV.
Delà il retourna à Alexandrie, s'estimant fort heureux d'avoir evité ce Philopato-r
' danger ; il envoya en même tems du pain, du vin & des viandes aux Juifs qui comble les
étoient dans l'Hippodrome, afin qu'ils fissent des festins pendant sept jours; Juifs de
& les renvoïant ensuite dans les lieux de leur demeures, il écrivit aux Gou- bienfaits &
verneurs des Provinces de les traiter favorablement, de ne souffrir pas qu'on de grâces. /
leur fasse aucun reproche de ce qui étoit arrivé, comme les tenant pour inno-
cents de tout ce qu'on leur avoit imputé. Les Juifs en mémoire de cette heu-
reuse délivrance érigèrent une colomne sur l'embouchure du Nil, où ils de-
voient s'embarquer pour leur retour, & instituérent une fête pour célébrer
tous les ans la grace que Dieu leur avoit accordée dans cette occasion. Cette
fête ne se fait plus parmi eux ; mais on assûre qu'on l'y a célébrée pendant
longtems. XV.
Le Roy Ptolémée Philopator eut bientôt bésoin des Juifs, qu'il avoit Les Juifs Ce "
délivrez du danger, où lui-même les l'avoit exposé. Ses sujets se révoltèrent déclarent >

contre luy; mais les Juifs luy conservérent une fidélité inviolable, & l'on en pour An-
compta jusqu'à soixante mille de tuez dans une bataille, qu'il livra à ses sujets tiochus
de Sy-
rebelles. (<0 Quelque tems aprés il mourut, &laissa ses états à Ptolémée Epi- Roy rie, contre
phanes son fils, âgé seulement de quatre ou cinq ans. Antiochus le Grand les Reys
Roy de Syrie & Philippe Roy de Macédoine luy déclarérent la guerre, résolus d'Egypte.
de le dépouiller & de se partager ses états. Les Juifs dePalestine se déclarèrent An du M..
3S00.
pour Antiochus Cb) reçurent dans Jérulalem son armée & ses Eléphans, & fa- avant J.c,
vorisérent de tout leur pouvoir ses Généraux qui assiégeoient la garnison E- 2,00.
gyptienne que le Roy d'Egypte avoit dans le temple, ou dans la citadelle de (a)
JérulàlenI. Eufeb.
Pp* 3 Antio- Cbronic.
s
00 Antiochus, pour reconnoître l'affedion des Juifs, écrivit au Général de
tfofepb. ses troupes ,00 qu'il étoit résolu de rétablir Jérusalem dans son ancienne splen-
jiniiq.1.12. deur, & d'y rapeller les habitans qui
i.faro- en avoient été chassez. Il leur assigna
c. de grandes sommes pour achéter des animaux qu'on devoit offrir en sacrifice,
7jym. in
D.m.xJ. & le vin, l'encens & l'huile qui devoient être employez dans le temple; il
Polyb f.r6. leur accorda quatorze centmesures de froment pour les farines nécessaires dans
Ca) les sacrifices, trois cent soixante & quinze mesures desel, pour le même uiaçe.
An dL1 M.
11 veut de plus que l'on fournisse de ses épargnes les sommes nécessàires
3807.avant pour
J.C. 193. réparer le temple, & qu'on donne tous les bois nécessaires pour l'entretien de
ces édifices, sans exiger aucuns droits royaux. Il permet aux Juifs de vivre
sélon leurs loys, & remet aux Prêtres, auxl\linistres du temple & aux Séna-
teurs de la nation, les tributs que l'on levoit pour le Roy. Il accorde des
exemptions à ceux qui viendroient habiter dans Jerulalem, & accorde la li-
berté à ceux qui avoient été pris dans la guerre.
Il fit de plus un édit pour interdire à tout étranger l'entrée dans le tem-
ple sans le consentement des Juifs, fait la même défense aux Juifs qui ne seront
pas purifiez. Il defend amener à jérusalem pour vendre la chair d'aucun ani-
mal déclaré impur par la loy, comme le cheval, le mulet, l'âne, le porc, la
W panthère, le renard, le lièvre &c. line veut pas même qu'on y en apporte les
An du M.
e8lî. peaux, ni qu'on y en nourrisse aucun.
XV h Antiochus donna encore dans d'autres occasions des marques de son af-
Mort d'An- fedion pour les Juifs, & de sa confiance en leur fidélité. Ce Prince passoit
tiochus le
Grand. pour le plus heureux, le plus vaillant &le plus puissant Prince de son siécle,
Cc) & il auroit pu jouïr en paix de sa bonne fortune, s'il n'eut point déclaré la
An du M. guerre aux Romains. Ceux-ci le vainquirent, lui ôtérent une grande partie
\
3817. avant de ses états, & lui imposérent un gros tribut (b il mourut quelque temsaprés
J.C. i8;. (c) laissant ses états à Seleucus Philopator son fils ainé; Antiochus Epiphanes
son autre fils demeurant à Rome en otage.
XVII Sous le régne de Seleucus Ca)la Judée jouïssoit d'une paix profonde, &
Héliodore la loy du Seigneurétoit religieusementobservée sous le bon gouvernement du
e st envoïé Grand Prêtre Onias III. Les Princes étrangers même honoroient le temple
à Jéru[a- par
lem par le leurs présens, & ce saint lieu étoit rempli de gloire & de richessès. Un cer-
Roy Seleu- tain Simon de la tribu de Benjamin ayant reçu quelque mécontentement du
cus. Grand Prêtre, alla trouver Apollonius Gouverneur de laPhénicie & luy dit
Ca) qu'il y avoit dans le temple de Jérusalem de riches trésors, qui étoient un ar-
2. Macc. gent mort & inutile & qu'il seroit aisé de les faire tomber
III.4. 1.6. entre les mains du
($C. Roy. Apollonius le fit incontinent savoir au Roy Seleucus, qui y envoya
An du M. Heliodore Surintendant de ses financés avec ordre de le saisir de tout l'argent
3818. avant qu'il trouveroit dans ce saint lieu.
J.C* 182. Heliodore arrive à Jérusalem, & demande au Grand Prêtre s'il étoit vrai
qu'il y eût dans le temple d'aussi grandes sommes que l'on disoit: Onias ne
le nia point, mais il dit qu'une partie de cet argent étoit des dépots que des
veuves & des orphelins y avoient mis, comme en un lieu sacré & inviolable,
que lereste appartenoit à un certain Joseph, qui étoit alors en grande considé-
ration
ration dans le pays; qu'il n'était pas permis de toucher à ces dépots, que ce
seroit violer la sainteté du temple respedé par tout le monde.
Héliodore insista & entreprit d'exécuter les ordres qu'il avoit reçus du xvnr.
Roy. Il se transporta au temple, & voulut de force se faire ouvrir le trésor. Héliodore-
Le Grand Prêtre & les Ministres du temple s'y opposérent, le peuple accou- prend entre-
rut au bruit. Au même moment que les gens d'Héliodore se mirent en de- d'entrer
' voir de forcer les portes, ils furent frappez d'une terreur soudaine qui les ren- dans le
versa & les mit hors d'eux-mêmes. Tout à coup il parut un homme à cheval temple.
richement vétu, qui se ruant avec impétuosité sur Héliodore, le frapa rude- Ilempêché en est
ment des pieds de devant, celui qui montoit le cheval, le ménaçoit en mê- par deux
• me tems
de luy ôter la vie, s'il persistoit dans sa résolution ; deux jeunes hom- Anges. '
aussi aux côtez d'Héliodore. Ils étoient tout éclatans de gloire r -
mes parurent
v
& superbement vétus, & le frapoient sans relâche. i
Héliodore fut abbattn par terre; on le réleva tout évanoui, & hors de
luy-même, & on le porta hors du temple. Il demeura quelque tems sans
voix & sans mouvement, comme un hon^rne mort. Efitile Grand Prêtre
Onias craignant les suites de cet événement, offrit au Seigneur une hostiesa-
lutairepour sa guérison; & lorsqu'Onias achévoit sa prière, les deux mêmes
«
jeunes hommes qui avoient si fort mal traitté Héliodore, luy apparurent de
nouveau & luy dirent: Remerciez le Grand Prêtre, car c'est à sa considéra-
"• tion que Dieu vous a conservé la vie; allez, annoncez par tout les merveil-
les de la puissànce du Seigneur. Ayant dit ces paroles, ils disparurent.
4
Héliodore ne demeura pas longtems à Jérusalem : Apré$ avoir offert des
sacrifices d'actions de grâces, il s'en retourna vers Seleucus, & luy raconta
ce qui luy était arrivé; & le Roy luy ayant demandé s'il connoissoit quelqu'un
'qu'on pût envoyer pour tirer cet argent du temple; il répondit: Si vous avez
quelqu'un dont vous désiriez vous défaire, vous pouvez lui donner cette com- *
t
mission; car certainément il y a quelque vertu divine dans ce temple.
Seleucus Nicanor désirant d'avoir auprès de soy sonfrere Antiochus qui -yIX.
était à Rome en otage, y envoya en sa place son propre fils Demetrius; mais Antiochus
Epiphanes
comme Antiochus étoit en chemin pour revenir en Syrie, Seleucus fut nlis revient
à mort par Héliodore, qui vouloit usurper la couronne. Syrie .&
en
Le Prince Antiochus étant heureusement arrivé dans le pays, fut réconnu y est cou-
Roy de Syrie, & surnommé Epiphanes, comme qui diroit, une Divinité qui ronné Roy.
paroit tout à coup & dans le plus pressant bésoin. Ce jeune Roy fut dans la App'ura.
suite le plus grand ennemi des Juifs & le plus violent persécuteur de la vraïe Syriac. 2.
Mucc. 1V.
religion, comme nous l'allons voir. Ses peuples mêmes le regardèrent com- 7. § 9. <&c.
• me un furieux & un extravagant, & quelqu'uns au lieu d Epiphanes, le nom- An du M.
moient Epimanes, l'insensé. 28.38a?.
* Il faut avouër que ce fut l'ambition de quelques Prêtres Juifs, qui donna avant J. G.
& 171.
occasion aux malheurs de leurs compatriotes. jalon fils duGrand Prêtre Si. 172XX.
mon II. &frère du Grand Prêtre Onias 111. qui jouïssoit alors de la souveraine Jason Lere
sacrificature, étant allé à Antiochie, acheta la charge de Grand Prêtre en don- dui Grand
* nant au Roy Antiochus trois cent soixante talents d'argent par an & outre cela niaslll.0-
Prêtte
b.. quatre vingt talents pour d'autres revenus qui apartenoient au Roy dans la achète la
* Judëe;
grande Sa. Judée. Il offrit de plus cent cinquante talents, si l'on voulaitaccorder à
crificature. ceux de Jérusalem le droit de Bourgeois d'Antiochie, & la liberté d'établir à
Jérusalem un Gymnase, ou lieu d'exercice, pour les jeux & les exercices pu-
blics, comme il se pratiquoit dans les principales villes dela Grece; les Grecs
qui étoient alors dominans dans presque tout l'Orient, étantpassionnez pour
ces sortes de jeux & les aïant mis en grand honneur dans tous les pays de leur
domination.
Les tommes que Jason offroit montoient à trois cent quatre-vingt dix
talents qui sont de nôtre monnoye un million neuf cent quatre-vingt dix huit
mille Livres, en l'expliquant du talent hébraique, & seulement neuf cent
quarante neuf mille Livres, en l'entendant du talent d'Athènes; nous verrons
ci-aprés qu'il se trouva un Prêtre, qui en donna encore trois cent talents da-
vantage. C'est qu'alors la charge de Gouverneur des Juifs étoit annexée à la
dignité de Grand Prêtre.
XXI. Jason étant de retour à jérusalem , inspira à plusieurs de ses compa-
Jason in- triotes l'estime & r'affection pour les exercices des Grecs, dont on a parlé;
spire aux & il
ne trouva que trop de gens qui le secondérentdans le dessein qu'il avoit
Juifs de
l'estime formé de détruire l'antipathie qui étoit entre les Juifs & les Grecs, & de don-
pour les ner aux Juifs du
goût pour les pratiques & pour la religion des gentils. Plu-
cérémo- sieurs habitans de Jérusalem le vinrent trouver & luy dirent: Allons, faisons
nies des alliance avec les nations étrangères; car dépuis que nous nous sommes sé-
Grecs.
parez d'elles, nous sommes tombez dans une infinité de disgraces. Ils bâ-
tirent un Gymnase à Jérusalem où l'on s'exerçoit tout nuds à la course, à la
lutte, au palet, & à diverses autres fortes d'exercices ; & pour ne pas différer
des gentils, lorsqu'ils paroissoient nuds, ils firent ce qu'ils purent pour ef-
S facer jusqu'aux marques de leur circoncision, emploiant pour cela l'art des
Chirurgiens.
XX II. Ainsi ils quittérent la religion de leurs Peres, renoncèrent à l'alliance
Plusieurs sainte, se joignirent aux payens, & se vendirent, pour ainli dire, pour faire
Juifs aban- le mal; se faisant honneur de ce qui les couvroit de confusion. Jason abulant
donnent la donnoit sa qualité de Grand Prêtre, dans laquelle il étoit
religion de de l'autorité que luy
leursPeres. entré d'une manière si profane , abolit les privilèges que les Roys mêmes de
Syrie, tout payens qu'ils étoient, luy avoient accordez; il renversa les loys
les plus sacrées & les usages les plus autorisez, pour leurs en substituer de
nouveaux. Ceux qui vouloient avoir part à ces beaux exercices du gymnase,
étoient obligez de passer sous le Petasus qui étoit une espéce de bonnet con-
sacré à Bacchus, pour marque qu'ils se dévouoient à cette sausse Divinité, à
laquelle le gymnase étoit consacré.
A l'exemple de Jason, les Prêtres inférieurs méprisant le temple & les
exercices du sacré Mmistére, accouroient au gymnase & s'étudioient à rem.
porter les prix qu'on y proposoit, s'employant à ces choses avec autant d'ar-
deur & d'émulation, que s'il eût été question des plus grands avantages.
XXJ11. Quelque tems aprés Cléopatre Reine d'Egypte, sœur du Roy Antiochus
Antiochus Epiphanes, étant morte, laissa le Royaume à Ptolémée Philometor son fils,
Epiphanes qui étoit encore jeune. Epiphanes aigri contre les conseillers du jeune Roy
Philo-
Philométor, qui prétendoient qu'il détenoit injuf1:ement la Cele-Syrie & la
ephénicie qui devoient apartenir au Pupille Antiochus Dieu,luy declara la guerre,
sous prétexte que la régence du Royaume d'Egypte luy étoit duë, comme
étant Oncle du jeune Roy, il s'avança dans la Phénicie,& dans la Judée avec
ses troupes; étant arrivé à Joppé, ville située sur la méditerranée, il voulut
voir Jérusalem, qui n'en eit éloignée que d'environ douze lieues. Il y fut
reçu magnifiquement & avec tous les honneurs possibles par jason & par toute
la ville. " Il y fit son entrée à la lumiére des flambeaux, & parmi les acclama-
tions de tout le peuple. Delà il retourna .en Phénicie avec son armée, &
alla en Egypte, comme on l'a veu ailleurs.
Trois ans après que Jason se fut intrus dans la grande sacrificature, il Metielaus XXIV.
envoya à Antioche un nommé Menelaus pour porter au Roy les sommes dont M
très achéte la
il luy étoit rédevable, & pour le consulter sur des affaires importantes: souveraine
fc
Menelaus profita de cette occasion pour se faire donner à luy-même la dignité facrificatu-
sa
dont jason étoit revêtu ; il en donna trois cent talents de plus, & obtint ce re ri: de Juifs.
qu'il souhaitoit. Etant arrivé à Jérusalem, Jason qui ne pouvoit plus y de- 2. a. J'dace.
IV. V.
nieurer avec honneur, en sortit & se retira dans les terres des Ammonites.
A du M.
An
Menelaus qui avoit promis des sommes exorbitantes pour se faire nom- 383g 2.avant
en peine d'y satisfaire, quoiqu'il
mer Grand Prétre, ne se mit pas beaucoup j. G. 168.
J.
en fut fort pressé par Sostrate
qui commandoit de la part du Roy dans la for-
terelsede Jérusalem. Antiochus manda à Antioche & Sostrate & l\'lenelaüs.
dépouïlla ce dernier de sa dignité, & chargea Lysimaque son frere d'en faire
les fondions jusqu'à ce qu'il eût satisfait. Ainsi la première, la plus sacrce.
la plus auguste des dignitezde la religion du Seigneur étoit en proye à l'am-
bition & à la cupidité des Prêtres. C'est ce qui attira sur le temple, sur eux-
mêmes & sur tout le peuple les malheurs que nous verrons bientôt.
LVlenelaüs, pour tacher de rentrer dans son employ, fit prendre par XXV,
Lysimaque dans le temple de Jérusalem grand nombre devases précieux,dont Mort J
Grand
du
il fit vendre une partie à Tyr & dans d'autres villes pour en faire de l'argent, Prêtre 0+
fit présent de quelqu'autres de ces vases à Andronique, qui avoit un grand T
nias
, Ill.
crédit auprés du Roy, & tacha de se faire des amis puissans à la cour, afin
qu'on lui rendit la souveraine sacrificature. Les autres Prêtres aïant été 111. in-
formez de cet enlèvement, le firent savoir au vray Grand Prêtre Onias
qui vivoit encore & qui demeuroit à Antioche dépuis les troubles surve-
grande sacrificature. Onias e!1 fit des re-
nus à Jérusalem à l'occasion de la d'en donner avis
proches à Menelaus, & le menaça au Roy. Menelaus le
prévint, & porta Andronique qu'il avoit gagné, à se défaire d'Onias. An-
dronique alla trouver ce vieillard, qui setenoit dans l'azyle deD -iphiie"^ prês
d'Antioche, dans la crainte des embûches de l\lenelaÜs. Il lui parla, le ras-
sura, lui promit avec serment qu'il ne lui seroit fait aucun mal, & l'aïant attiré An du M.
hors de l'azyle, le tua inhumainement. 9834.
XXT/l.
Toute la ville, tant les Juifs que les païens regardérent cet attentat avec Mort d'An-'
indignation, & aussitôt que le Roy Antiochus Epiphanes fut de retour de Ci- dronique
licie où il étoit allé pour réprimer une sédition, on vint lui faire des plaintes meurtriec
de l'affanmat d'Onias. Antiochus en fut touché de compassion)car il connois- d'Onias.
soitOnias, ne put retenir ses larmes entendant parler de la manière indigne
dont il avaitété traité, ordonna qu'Androtiique fut dépouillé de la pourpre,0
& qu'après l'avoir fait ignominieusement proméner par toute la ville pour
lui faire efliiier la hoQ-te de sa lâcheté, on le mit à mort au lieu même où il
avoit tué Onias.
XXVll. La même année Antiochus- Epiphanes résolut d'entrer pour la seconde
Prodiges fois
veus à Jé- gardoit en Egypte & de réduire ce royaume à ion obeïilànce. Cette guerre ne re-
rufalem. point les Juifs; mais elle ne lai(îa pas de leur être trés funeste par les
2. Macc. V. suites, comme on le verra bientôt. Dieu permit que l'on remarqua en l'air
1. 2. ? o. plusieurs lignes funestes qui étoient comme les avant coureurs des maux dont
An du M. la Judée étoit menacée. Toute la ville de jërula!em vit pendant
38?4.avant de suite l'air rempli de quarante jours
J 'C. 166. nuages qui reprétentoient des Cavaliers vêtus de drap
d'or, de cuirasses étincellantes, armoz de lances & des chevaux de bataille,
rangez les uns contre les autres en Escadrons, & s'avançans comme pour com-
battre en bataille rangée ; on y remarqua auŒ comme une multitude de gens
à pied, armez d'épéesnuës, de cnsques& de boucliers, combattant de main
à main, & lançant une infinité de dards, comme dans une bataille réelle.
Ces prodiges répandirent la frayeur dans tous les cœurs; on nedoutoit
point qu'ils ne fussent des présages dfj quelque guerre. Tout le monde étoit
dans l'attente & dans l'incertitude, & les plus pieux adre!soient leurs priéres
à Dieu, afin qu'il luy p'ût détourner les fuites funestes de la guerre de dessus
son peuple, ou du moins de lui donner un succésavantageux au pays.
\
XXVI]]. Antiochus Epiphanes etant entré dans l'Egypte avec une armée formi-
Jason vient dable, pendant
à Jérufa- que sa flotte attaquoit ce païs par mer, livra la bataille à son
lem & y neveu le Roy Ptolémée Philométor, le mit en fuite, sè rendit maître de la plu-
commet part des villes du pays, & s'attacha enfin au siége d'Alexandrie. Comme il
plusieurs presïbit cette puissante ville, il se répandit un bruit à jérusalem qu'il avoit été
violences. tué. A cette sausse nouvelle, Jalon qui avoit été dépouïllé de la souveraine
sacrificature, revint précipitamment du pays des Ammonites où il s'étoit re-
tiré, & se rendit à Jéru[¡den1 avec environ mille soldats, attaque la ville &
l'emporte malgré la résistance des bourgeois. Menelaiis se sauve dans la ci-
tadelle & abandonne la ville à la fureur & à la violence de Jason, qui y fit une
grande boucherie de ceux qui n'étoient point de san parti.
XXIX. Il ne demeura pas longtems à Jérulalem. Le bruit qui s'étoit répandu
Mort de de la mort d'Antiochus, s'étantdiffipé, il vit bien qu'il avoit tout à craindre
Jaion. du ressentiment d'Antiochus. Il se retira de nouveau dans les terres du Roy
d'Ammon. Ce Prince aïant conçu de violens soupçons de sa fidélité, le vou-
lut faire arrêter; mais J ion prit la fuite, & se sauvant de ville en ville comme
un banni, & un homme odieux à tout le monde; il se rétira enfin en Egypte,
&delà à Lacédémone où il crut pouvoir trouver un azyle, à cause de la pa-
renté qu'on prétendoit être entre les Juiss & les Lacédémoniens; mais il ny
put demeurer en seureté; il mourut enfin , & son corps fut jetté à la voirie.
XXX. Ce qui s'étoit passé à Jérusalem à l'occasion de la faulTe nouvelle de la
Antiochus mort d'Antiochus Epiphanes, aïant.été rapporté à ce Prince, il prit ce pré-
Ipiphines contenter la haine qu'il avoit conçue contre les Juifs, & pour piller
entrepat texte pour
les
richesses du temple, que la renommee publioit être encore plus grandes force à Jé-
les qu'il achevé Egypte, ru[alet1iilJ <Sc
Qu'eHes n'étoient en effet. Aprés donc eût sa campagne en
séditieuse y mét à
il nlarcha contre Jérusalem, menaçant de la punir comme une ville mort plu-
Les Juifs informez de ses mau- sieurs juifs.
& quis'étoitrejouïe de sa prétenduë mort.
vailes dispositions
les nnrtes. & se
i,
& craignant
préparaient a lui reflfter.....
les effets de son ressentiment, lui fermèrent 2. Mace. V*
S.6.7
ojèph. de
qui le favorisoient, lui aïant ouvert les portes, il y
Mais ceux de la ville baffe sur
Bello l. 1.
tout ce c. i.
entra tout en fureur, & ordonna à ses soldats de faire main
ou'S rencontreroient. Cet ordre fut exécuté avec tant d'inhumanité, qu'en An du M.
l'espacequ'ils
de trois jours on compta dans Jérusalem quarante mille morts ^au- 3834-avaat
emmenèrent & qu'Us vendirent prison- J.C. 165.
soldats comme
tant de captifs que le
niers Antiochnsde conduit temple Menelaus* intrus dans la grande XXXl.
fut au par Antiochus
La sans témoigner entre dans
sacrificature & un des premiers auteurs de ces maux.
moindre respeâ pour un lieu si saint & si vénérable, il prit avec ses mains le Temple
e
vases prétieux qui avoient été offerts & consacrez au Seigneur, & le pille*
prophanes les des choses
Kovs de Perse & de Syrie, & les maniant comme
r anciens
communes, il les fit enleverparfum; par ses gens. il ht emporter de cette lorte l au--
S d'or, où l'on offrait le le chandelier d'or a sept branches, avec
les'instrumens qui lui apartenoient; la table d'or ou l'on servoit les pains
tous les bassins, les les encensoirs d'or; le voile prétieux
de croposition, coupes,
les boucliers d'or; i arracha nlê-
qui fermoit l'entrée du saint, les couronnes,
jusqu'aux feuilles d'or qui couvroïent les portes du temple. Il entra dans
me
l'intérieur du temple, & fit enlever tous l'or & l'argent qui le trouva dans les
trésors de ce saint lieu, qui consistoienten huitsacrez cent talents, tant en or, qu en
jusqu'alors & inviolables.
argent, & oui étoient des dépôts piller le temple, il le souilla (a) en offrant sur XXXII
Il ne se contenta pas de Profana-
l'autel des holocaustes une truye, & répandant le sang de cet animal, que les
tion du
juifs regardent comme impur, sur L'autelsotiffrant alors,
&dans le temple, pour marquer un temple pac
plus grand mépris de ce saint lieu, Dieu pour des raisons con- Antiochus.
de lui seul cesimpiétez, qu'il auroit punies dans d'autres circonltari- Ca)
nues c'étoit apparemment pour marquer combien il avoit VideDio-
sévérité
ces avec tant de ;
commis ses prêtres intrus contre sa vo
dor Si cul.
d'horreur des sacriléges par propres t. ?4 Jo"
lonté dans la grande sacrificature & pour se venger du mépris qu'aïs avoient sepb. An4
tiq.1. Il.
témoigné pour son sacré miniitére, en préférant les vains honneurs du gym-
nafe à l'exercice de leur charge.
Après celaAntiochus s-' en retourna a An- c. i <>»

tioche, rempli d'une telle présomption, qu'il ne se croïoit rien d'impossible.


qu'Antiochus fit aux
Les hittoriens profanes Cb) qui parlent de cette guerre Vide Au-
.

juifs & du pillage qu'il fit des richesses de leur temple, en reconnoissent 1 m- thores a
justice & en attribuent la caule au bésoin qu'il avoit
d'argent, pour payer gojèphfJ
laudatos
les gros tributs qu'il devoit aux Romains. Judée Apol- l. 2. contrtl
Quelques années aprés (c) Antiochus envoïa en un nomme Appion.
des finances, armée de vingt deux
lonius Intendant des tributs, ou avec une
Juifs, les
XXXIII.
mille hommes. Ce n'étoit ni pour faire la guerre aux ni pour ré- Apollonius
*nrimer ' puisqu'ilsv ne faisoient aucun mouvement & qu'ils lui étoient tement. est
parfai- envoie
Qq z - en
Judée-
Cc) tement sournis. C'étoit pour ravager & désoler la province & ramasser de
An du M. l'argent. Apollonius étant donc entré dans la Judée sans trouver aucune ré-
p836. sistance, pilla les villes & les campagnes, fit main basse sur tout ce qu'il ren-
17oïe2 2.
contra de Juifs & ne reserva que les femmes & les enfans, dans le dessein de
j\4ucc. V.
& 1. Macc. les vendre comme captifs.
J. 30. Il vint ensuite à Jérusalem en apparence avec un esprit de paix, & y de-
meura sans marquer aucune mauvaise volonté jusqu'au jour duSabbath; alors
voïant les Juifs en repos tout occupez des exercices de leur religion, & ne
songeant pas même à se défendre, tout d'un coup il commande à ses gens de
prendre les armes & de tailler en piéces ceux qui s'étoient rendus au temple,
y
puis courant dans la ville, il l'abandonna au pillage, mit le feu, & abbuttit
les murailles & plusieurs maisons, tua tous ceux qu'il rencontra, prit plusieurs
captifs d'entre les femmes & les enfans, pour les réduire en esclavage, & les
vendre à prix d'argent.
XXXIV. Alors on vit le temple du Seigneur non seulement profané, mais entiére-
le temple ment abandonné, les sacrifices interrompus, le lieu saint profané & foulé
du Sei- pieds des gentils, & cette profanation dura trois ans & demi. Anrio-
est aux
gneur
riépou'iSlé chus fit bâtir dans la cité de David &
prés le ttmple, une citadelle qu'il sor-
& aban- tifia par de bonnes tours & de fortes murailles. Il y mit une grosse garnison
donné. de ses troupes qui faisoient de fréquentes sorties sur ceux des Juiss qui vou-
loient aller au temple, les dépouïlloient & les maltraittoient; de manière que
les Juifs quittèrent non seulementle temple, mais même la ville de Jérusalem.
les Macca- Pendant qu'on persécutoit ainsi les Juifs dans toutes leurs villes, les Sa-
bées se re- maritains craignant qu'on ne les confondit avec ce peuple dont ils suivoient
tirent clans les loys, & avec qui dans d'autres occasions ils sevantoient d'avoir la même
les déserts. s'adressérent à Antiochus, lui exposant qu'ils étoient Sidoniens &
a. Maee V.
origine,
*7• oJeph. nullement
Juifs, le priérent de ne pas permettre qu'on les enveloppât dans
Antiq. la aiiê me cause que ce peuple avec qui ils n'a voient rien de commun. Epi-
/. XlJ. c. 7. phanes éciivoit donc à Apollonius son Intendant, lui disant de ne pas con.
&c.
les Samaritains avec les Juifs, & de faire dédier à Jupiter le Grec un
An du M. fondre Garizim, & qui n'avoit été jusqu'alors de-
8897 avant temple qu'ils avoient sur le mont
J.C, 163. dié à aucune Divinité particulière.
On voit pourtant dans le deuxième Livre desMaccabées, que le temple
des Samaritains étoit consacré à Jupiter l'Hospitalier ou l'étranger ; c'est
qu'apparemment Apollonius avoit entendu ce Jupiter sous le nom de Jupi-
ter le Grec, ou plûtost qu'Antiochus changea de sentiment dans la suite.
Cependant plusieurs Juifs pour éviter les maux qu'on leur faisoit, & pour
n'être pai» obligez de se souïller parle commerce des gentils, le retirèrent en
differens endroits, les uns dans une solitude, les autres dans une autre. Les
Msccabées, dont on aura occasion de parler souvent dans la suite,se distin-
guérent pas leur attachement fidel à la religion de leurs peres. Ils étoient
prêtres du Seigneur, fils d'un vieillard nomme Mathasias de la race sacerdotale
de JOÏarib, voïant Ii désolation de la ville sainte & la profanation du temple,
ils se sauvérent de Jerusalem où ils faisoient leun fonctions, & se rendirent
àl\lodil1 leur patrie, petite ville situêe près Diospolis à dix lieuës envi'on de
Jéru-
férusalem. Mathafias avoit cinq fils ; savoir Jean surnommé Gaiâi; Simon
surnommé Thasi, Judas surnommé Maccabée, Eleazar surnommé Abaron,
& Jonathas surnommé Apphus.
,
On croit que le nomMaccabee est une abrège de certains mots hébreux,
à
qui signifient: Zuieji semblable vous parmi les Dieux. Paroles qui sont tirées du
livre de l'Exode. (a) Judas Maccabée donc avec neuf autres, s'étantsauve de Exod. XV.
0)
Térusalem, se retira dabord dans des montagnes inaccessibles, loin de la com- 11.
pagnie des hommes, iraïant pour toute nourriture que des herbes sauvages &
des racines, dans la crainte de se souïller par l'usage des choses impures & con-
sacrées aux Idoles.
Tout cela n'étoit encore que le prélude de ce que le Roy Antiochus de- XXXV.
Antiochus
voit faire endurer aux Juifs. Ce Prince fit publier un éditdans tous ses états Epïphanes
qui ordonnoit à tous ses sujets sous peine de la vie, de se réünir dans une seule ordonne
religion & de quitter leurs loys& leurs coutumes anciennes pour se conformer aux Juifs
à la religion & aux loys des Grecs. La plupart des payens peu attachez à leur d'aban-
donner
culte, & d'ailleurs persuadez que l'on pouvoitallier le culte de plusieurs Dieux lçurloy.
ensemble, & que les Grecs non plus que les Orientaux n'adoroient que0]e
soleil, la lune, les élémens, ou des hommes divinisez, ne le mirent pas beau-
coup en peine de s'opposer aux ordres d'Epiphanes. Il n'y avoit que les Juifs,
dela part de qui ons'attendoit de trouver de la contradiction, & c'étoit aussi
principalement à eux qu'on en vouloit
C'est pourquoy le Roy envoya en Judée un certain vieillard nommé A- XXXVI
thenée, avec commandement de consacrer le temple de Jérusalem à Jupiter cst Athénée
l'Hospitalier envolé
Olympien, & celui de Garizim à Jupiter ou l'étranger. Athé- enJudée
née appuyé de l'autorité des Gouverneurs de la Province, exécuta ses ordres. avec ordre
Les Gentils s'y sournirent sans peine. Les Samaritains obéïrent volontiers; de confa-
plusieurs Juifs craignant les mauvais traitemens & préférant la perte de leurs temple crer le
dtt
religion à celle de leurs biens & de leurs employs, se rendirent de même, Seigneur
& abandonnérent la religion de leurs pères. à Jupiter
Mais d'autres en allez grand nombre, craignant de succomber aux tour- Olympien.
mens, aimèrent mieux quitter leurs demeures & se cacher dans les antres &
dans les cavernes des montagnes, que de se rendre participans des sacrifices
impies, que l'onofFroit chaque mois aux faux Dieux, le jour de la naissance
du Roy, ou le jour de son avènement à la couronne.
Ón en offroit aussi de particuliers à laf", de Bacchus, que le Roy hon- XXXVlï.
noroit d'un culte particulier. Ce jour là on c'Ontralgnolt les Juifs d'aller par Fêtes de
les ruës couronnez de lierre en l'honneur de ce faux Dieu. De plus ceux de Bacchus célebrées
Ptolémaïde [uggérérentà Antiochus de publier un édit dans les villes des Gen- à Jérusa-
tils voisins de la Judée, qui leurs permit ou même qui les obligeât de con- lein.
traindre les Juifs qui demeuroient parmy eux, à sacrifier aux Dieux de ces
peuples, avec permission de mettre à mort ceux qui refuseroient de se sou-
mettre à ces ordonnances. C'étoit un piége qu'on tendoit aux Juiss, & c'étoit
mettre les armes en main aux païens, & les autoriser à leur faire tout le mal
qu'ils voudroient. Aussi dez lors on ne vit dans la Judée & dans toutes les
villes & les Provinces des environs que violences, & que tortures employées
contre ceux des Juifs qui avoient la con11:ance de demeurer attachez aux ioys
de leurs péres.
XXXVIII. Dépuis que le temple du Seigneur fut consacré à Jupiter Olympien, ce
Profana- lieu autrefois si pur & si vénérable, ne fut plus rempli que de dissolutions, de
tion du festins profanes & d'actions de débauche. Des hommes impudiques avec des
temple du
Seigneur. femmes perduës entroient dans ce sanctuaire, dont auparavant l'entrée étoit
2. Macc. 1. interdite non seulement aux païens, mais aux Juifs mêmes qui n'étoient pas
57- exactement purifiez. L'autel étoit chargé de viandes impures & interdites
An daM. la loy de Dieu. Il n'y avoit plus dans Jérusalem n'y observance de sàb-
3837. avant par
J. G. 163. bat, ni de jours de fête; il n'étoitpas même permis de le déclarer Juif & de
faire profession de la loy de Moyse.
XXXIX. Deux femmes aïant été accusées d'avoir circoncis leurs enfans, furent
Mort de menées publiquement par la ville, portant pendus à leurs nummelles ces mê-
plusieurs enfans, qui furent ensuite précipitez du haut des murailles qui donnoient
Juifs fidé- mes On usa d une pareille cruauté envers
lement at- sur des rochers afreux & éscarpez.
tachez au c&autres femmes, dont les enfans se trouvérent circoncis, & ceux qui leur
culte du avoient prêté leur secours pour cette adion, furent traitez de même. Quel-
Seigneur. ques Juifs s'étant assemblez dans des cavernes voisines de Jérusalem, pour y
célébrer le jour du sabbat; dezque le Gouverneur de la ville en eût connoil-
sance, il envoïa contr'eux du monde qui les enveloppa, & fit mettre le feu
à l'entrée de ces cavernes, en sorte que les Juifs furent tous consumez, sàns
ôser seulement se mettre en défense, à cause du respeCt qu'ils avoient pour le
repos du sabbat.
On avoit érigé des autels impies dans toutes les villes de Juda, & on
contraignoit chaque chef de famille de donner des marques de l'on attache-
ment superstitieux au paganisme, en offrant de l'encens sur des autels portatifs
ou des trépieds que l'on apportoit aux portes des maisons ou dans les places
publiques. On déchira les livres de la loy que l'on trouva dans les synago-
gues, ou dans les maisons particuliéres, & on les jetta au feu ; on punissoit
de mort ceux qu'on pouvoit convaincre de les avoir conservez ou cachez,
telle fut la rigueur dont on usa dans la Judée envers ceux des Juifs qui de-
meurèrent attachez à la loy du Seigneur.
XL. Ils n'étoient pas mieux traittez dans les autres villes de Palestine, de
Martyre du Phénicie & de Syrie. Antiochus étant informé que malgré l'es ordonnances
saint vieil- plusieurs Juifs persiftoient à ne vouloir pas manger des viandes défendues par
lard Elca- la loy, donna un nouvel édit, qui vouloit qu'on les y contraignit par les
zar. tourmens & qu'on enlploïât les derniéres rigueurs pour les y forcer. On
C a)
2. Macc. amena en saprésence à Antioche(Il) un vieillard vénérable, Úgé de quatre vingt
VI. 18.19. dix ans, d'un visage grave & dont la veuë seule inspirait du respt d, fort con-
&c. An du
nu dans la ville pour sa probité & célébre pour la connoissance profonde qu'il
M. 3837.
avoit des loys de sa religion, il étoit regardé comme le chef des Juifs, & il
les soûtenoit dans le devoir par son autorité & par ion exemple.
On présenta donc devant leRoy le vieillard EleJzar,& on voulut lui per-
fuader d'abord par douceur de manger de la chair de porc; comme on vit
qu'ilrésistoit avec courage, on entreprit de l'y forcer, & on lui ouvrit pour
cela la bouche avec force ; mais il refusa toujours constamment de goûter
d'une viande impure, aimant mieux endurer toutes sortes de tourmens, que
de violer la moindre des loys de son Dieu. Ceux qui étoient présens touchez
d'une fautre compassion pour son grand âge, &pour Pancienne amitié qu'ils
lui portoient, esTaïérent de le porter à feindre au moins de faire ce que le Roy
souhaitoit. Ils le prirent à part, & le priérent par tout ce qu'ils crurent le
plus propre à le toucher, de considérer ion âge, & de trouver bon qu'au moins
on lui apportât des viandes dont il eit permis aux Juifs de manger,& qu'il en
usât en la présence du Roy, afin qu'on put dire à ce Prince qu'il avoit obeï a
ses ordres, & qu'ainu on lui sauvât la vie.
Mais il répondit qu'il aimoit mieux souffrir mille morts que de consen-
tir à ce qu'on demandoit de lui; car il n'est pas digne de Page où nous som-
mes, ajouta-t'il, d'user de cette feinte, qui seroit un piège à plusieurs jeunes
gens, lesquels se persuadant qu -,Eleazar à l'âge de quatre vingt dix ans auroit
jucconlbé à la crainte de la mort, & auroit abjuré le Judaïsme, pourroient
se porter à suivre mon mauvais exemple. Ainsi je chargerois ma mémoire
d'un opprobre éternel, & j'attirerois sur ma vieillesse l'exécration de tous les
siécles.
Dez-qu'il eût proféré ces dernières paroles, on le traîna au suplice avec XLI.
une dureté impitoïable; les païens attribuérent à orgueïl les paroles que son Mort du
zéle lui avoit lait proférer. Et étant prêt de mourir sous les coups dont on St. vieillard
l'accabioit ,il jetta un profond soupir, en disant: Seigneur, vous savez qu'a- Eleazar.
yant pu me délivrer de la mort, en violant vos préceptes, ou même en feig-
nant de les violer, je souffre en mon corps ,de trés sensibles douleurs ; mais dans
1110n ame jesens une vraie joïe de les endurer pour vôtre crainte. Je vous prie
de recévoir tua vie comme un sacrifice ,& de recévoir mon esprit entre vos mains.
Ainsi mourut Eleazar liislant à tous les siécles & à sa nation en particulier, un
illuitee exemple de générosité & de mépris de la mort, & une excellente le-
çon pour ceux qui sont élevez audessus des autres, qu'il ne suffit pas que leur
vie & leur conduite soit pure & irrépréhensible, mais qu'il faut même qu'elle
paroisss telle aux yeux des hommes, auxquels ils doivent l'exemple.
Ap ré's le suplice du vieillard Eleazar on présenta au Roy Antiochus sept XLII.
freres, fils d'une même mere & dont le pere étoit apparemment décédé. Ces Martyre
sept freres avoïent toujours paru constamment attachez à leur religion & des sept
avoient refusé d'obéir aux ordres d'Antiochus. Ce Prince aprés les avoir, in- freres Mac-
terrogé les trouvant inébranlables, ordonna qu'on leur fit souffrir divers cabées de leur
6c
,
genres de suplices. D'abord on les frapa à coups de fouets & d'escourgées. mere.
Alors rainé dit au Roy: Qu'attendez-vous de nous par ces suplices; nous 2. Macc.
sommes prêts de mourir plûtost que de vicier les loys de nos peres & de nô- Vil 1. a.
tr$c. An
tre nation. Antiochus en colére fit chauffer sur un grand feu des poëles & duM.?8?7.
des ch udiéres & lorsqu'il es furent toutes brûlantes, il commanda qu'on cou- avant J' C.
pât la langue à celui qui lui avoit parlé si librement, qu'on lui arrachât la peau 1
de la tête, qu'on lui coupât les extrémitez des pieds & des mains, à la veuë
de la mere & de les itérés, & qu'après cela on le jettât dans la poêle ardente
pour
pour y être brûlé. A ce spe&acle qui faisoit frémir les assistans, les Maccabe'es
s'encourageoient, disant: Le Seigneur décharge à présent sur nous sa juste in-
dignation, mais le tems viendra qu'il nous regardera avec sa misericorde or-
dinaire.
Aprés la mort de ce premier, on prit le sécond des sept frères, & on lui
arracha la peau de la tête, en lui disant néanmoins qu'il pouvoit s'épargner ce
tourment, s'il vouloit obéïr aux ordres du Roy ; mais il répondit en hébreu :
Je n'en ferai rien, aprés quoi il fut traité comme son frere ainé. En mourant
il adressa sa parole à Antiochus & lui dit: Vous nous faites perdre la vie pré-
sente, mais le Roy du monde nous résuscitera un jour pour la vie éternelle.
Ensuite on prit le 3 e, & on lui dit de donner sa langue qu'il présenta
aussitôt; on la lui coupa, de même que; les mains qu'il offrit d'un air contint
& intrépide, de maniére que le Roy & tous les assistans ne pouvoient assez
admirer un si grand courage. Il mourut dans ces fuplices, de meme que son
quatrième frere ; lequel dit en mourant: Il vaut mieux souffrir de la part des
hommes, que de vivre en violant la loi de Dieu; nous espérons un jour ré-
suscïter pour une vie nouvelle, mais vous, dit-il, en parlant au Roy, vous ne
résusciterez point pour la vie.
Les bourreaux se saisirent du cinquième,
#r & on lui fit souffrir les memes
<

tourmens qu'à ses freres; & au milieu de sou suplice il adressa sa parole au Roy
& lui dit : vous exercez à present contre nous vôtre puissance, & vous croïez
être quelque chose au desuis de l'homme, mais ne vous y trompez pas; vous
êtes dans la main de Dieu, & vous sentirez bientôt les effets terribles de sa
vengeance & de sa colére contre vous. freres,
;
lorsqu'il fut
Le sixiéme aïant été amené & tourmente comme ses
prêt de rendre l'esprit, dit au Roy: Ne croïez pas que les maux que vous nous
faites souffrir soïent autre chose que la juste peine de nos péchez ; mais si nous
souîmes exposez à ces épreuves, ne vous flattez-pas de demeurer impuni, aïant
entrepris de combattre contre Dieu même & contre son temple saint.
La mere de ces SS. Martyrs les voïant ainsi expirer à ses yeux dans les
tourmens, non seulement ne plaignoit pas leur sort,disant mais elle les estimoit
heureux, les encourageant par ses discours, en leur que Dieu leur l'en..
droit un jour une meilleure vie en récompense de celle qu'ils n1éprisoient alors
cour son service & pour sa gloire. de
Antiochus étonné du courage ces jeunes hommes, eilaia de gagner
11 emploïa & les carets& les
au moins le septième qui etoit le plus jeune.
promesses pour tâcher de le vaincre. Il lui dit qu'il le combleroit de biens &
d'honneurs, & qu'il le mettroit au rang de ses favoris, s'il vouloit obeïr aies
du Roy, & témoigna encore plus de fermeté que ses freres..
ordres & abandonner laloy de ses peres ; mais le jeune homme méprisa les offres
On fit venir sa mere, & le Roy l'exhorta d'inspirer à son fils des sentimens
XLIII.
Martyre de plusraisonnables, qu'il épargnât sa jeunesse & qu'il profitât des bonnes volon-
lamere des tez qu'il avoit pour lui. La meres'aprochant, parla à son fils en hébreu, afin
scpt freres
que les assistans ne l'entendissent point, car tout ceci se passoit à Antioche.
Macca-
bées* où l'on parloit communémentgrec ; elle lui dit donc: Mon fils, souvenez-
vous
vous, que je vous ai porté pendant
neuf mois dans mon fein, que je vous ai
nourri pendant trois ans de mon lait, & que je vous ai élevé jusqu'à 1age où
à l'exemple de freres, afin que je
vous êtes. Souffrez courageusement la résurrection vos espéronb.
vous revoie de nouveau avec eux dans que nous
Comme elle parloit encore, ce jeune homme's'écria: Qu'attendez-vous
de moi? Jen'obeïs point au commandement du Roy, mais à la loy de Dieu,
qui nous a été donnée par Moyse. Mes freres qui sont morts, sont entrez
dans la jouïssance de la vie éternelle; mais pour vous, vous souffrirez au ju-
gement de Dieu la peine que vôtre orgueil a méritée. J'espére que la colére
de Dieu, qui est allumée contre nôtre nation, tombera à ma mort & à celle
de mes freres. Le Roy irrité commanda qu'on le traitât avec encore plus de
rigueur que ses freres, & le jeune homme rendit l'ame au milieu des suplices (a).
avec une confiance incroïable. La mere de ces saints martyrs mourut la der- Lib. -
de lm.
Ra-
niére. On dit 0) que voïant ses fils morts en sa présence, elle sejetta d'elle- 1perio tionis, in*
même dans un bûcher ardent qui étoit là, sans vouloir permettre qu'aucun ter opéra
homme 111Ît la main sur elle. ffofephi.
Ceux qui alloient de la part du Roy Antiochus Epiphanes dans chaque XL IV.
ville de Judée, pour y faire exécuter ses édits, qui portoient que tout le monde Matthatias de sa
sacrifiat Idoles, étant arrivez la petite ville de lVlodin, tue
sans exception aux à main un
s'adreif¿rent à Matthatias pere de cinq fils surnommez Maccabées, dont on a Juif qui
parlé ci-devant; & lui dirent: vous étes le premier & le plus considérable de v oui oit
cette ville; venez le premier exécuter les ordres du Roy, comme ont fait tou- sacrifier
&Jérusalem, aux Idoles,
tes les nations qui lui sont soumises; imitez Juda qui ont obeï à
serez & fils comblez de richesses & d'honneurs, i. Macc. Il.
les volontez, & vous vous &.vos
1.2. &c.
& le Roy vous recevra au nombre de ses amis ; mais Matthatias haussant sa voix, An du M.
leur répondit : quand toutes les nations du monde obeïroient au Roy Antio- 3 837.avaut
chus, & que toutlsraël abandonneroit la loy du Seigneur, mesenfans, mes J.G. 14},
freres & moy demeurerons toujours constamment attachez à la loy de nos
peres. A Dieu ne plaise que nous en usions jamais autrement. Nous n'obeï-
tons pas à ces ordres d'Antio chus, & nous ne violerons point la 10Y de nôtre
Dieu.
A peine eut-il cessé de parler, qu'un certain Juif s'avança pour sacrifier
aux Idoles devant tout le monde, sur l'autel qu'on avoit dreiTé dans la ville
de Modin. Matthatias l'aïant veu,se sentit pénétré de douleur & d'é.-Iioiow,>t
& son zéle s'étant allumé, il sejetta sur cet homme & l'égorgea sur l'autel
même où il étoit prêt de sacrifier. Il tua en même tems l'officier qui avoit été
envoyé de la part du Roy, pour contraindre les Juifs à sacrifier. La loy de
Moyse (il) vouloit qu'on mit à mort surie champ & sans forme de procés ceux Ca)
qui étoient convaincus de vouloir induire le peuple à abandonner le Seigneur Deut. XIII.
Se à suivre des Dieux étrangers. C'est ce qui autorise l'adion de Matthatias 9.
en cette circonstance.
En même tems il renverse l'autel profane & crie à haute voix dans la XLV.
ville: que tous ceux qui sont zélez pour la loy, & qui veulent demeurer fer- Matthatias
l'alliance du Seigneur, joignent suivent, & les siens
mes dans se à moy & me & sans' se retirent
plus délibérer, il quitte sa patrie, abandonne tout ce qu'il avoit dans la ville,dans les
Tom. III. Rr & déserts.
& s'enfuit dans les montagnes avec ses fils. Cet exemple de résolution in-
spira le courage à plusieurs Juifs, qui désiroient vivre selon la loy & la justi-
ce, lesquels se retirèrent de même dans les lieux escarpcz & inaccessibles avec
leurs femmes, leurs enfdns & leurs bestiaux, préférant cet espéce d'exil vo-
lontaire, au danger de succomber aux tourmens & aux sollicitations de ceux
qui les pressoient de se rendre aux intentions du Roy.
XLV1. Les Officiers des troupes d'Antiochus, qui étoient en garnison à Jérusa-
Les Macca- lem, ne furent pas plûtost informez de ce qui étoit arrivé dans Modin & de
bées la fuite des lsraëlites dans les lieux forts d'assiéte, qu'ils se mirent en cam-
aiment
mieux pé- pagne & marchérent incontinent contr'eux. Ils les joignirent le jour du
rir, que se sabbat, les sommérent de se soûmettre au Roy & de se rendre, mais les Juifs
défendre ne leur répondirent pas un mot, ne fermèrent aucune de leurs cavernes &
le jour du
sabbat. ne jettérent pas une pierre contr'eux, pour les empêcher de monter, comme
ils l'auroient pu faire aisément. Le respeâ qu'ils avoient pour la loy qui com-
mande le repos du sabbat, les retint, & ils s'exhortèrent à tout souifrir, en
se disant les uns aux autres; souffrons la mort dans la simplicité de nôtre
cœur, & le ciel & la terre seront témoins que nous mourons innocens. Ils
se laissérent donc égorger sans résistance, eux, leurs femmes & leurs enfans,
& il périt ce jour là jurqu'à mille personnes.
XLTill. La nouvelle de leur mort parvint jusqu'a Matthatias & ses fils, & ils en
Decret des firent grand deuïl. Puis réfléchissant sur les suites que pourroient avoir une
principaux telle conduite, ils se dirent les
de la na- uns aux autres: si nous saisons tous comme
tion pour ont fait nos freres, & que nous ne nous défendions point contre les nations qui
se défen- nous attaquent, elles nous extermineront en peu de tems de dessus la terre;
dre ,si on c'est pourquoy ils prirent en ce jour la cette résolution: qui que ce soit qui
les atta- le jour du sabbat, nous ne ferons nulle difficulté de combattre
quoit Je nous attaque
jour du contre lui. Ce fut dans la suite une loy dans lsraël, & ceux qui la firent
Jabbat. avoient pour cela l'autorité nécelf.tire, étant prêtres & juges dans la nation
& se rencontrant dans des circonstances, où l'on ne pouvoit assembler le
conseil des prêtres, ny les Juges du Sanhédrin, supposé qu'il fut alors sub-
lîstant.
JïLVllI. Dans ce tems là les Assidéens qui étoient les plus pieux & qui passoient
Les Afli- pour les plus courageux & les plus vaillans d'Israël, aïant sçu queMatthatias
déens se & ses fils s'etoient luis à la tête du peuple fidèle vinrent se joindre à
joignent , eux,
aussi bien que tous les bons Israëlites zélez pour l'observance de la loy; tous
aux Macca-
bées. ensemble ils formèrent une troupe assez nombreuse pour tenir tête à ceux
d'entre leurs freres qui s'étoient livrez à l'idolatrie, & qui avoient apostasié
de la religion Juive. Ils les attaquèrent & en tuèrent un grand nombre, &
obligèrent les autres à abandonner la Judée & à s'enfuir vers les nations in-
fidèles, pour y trouver leur seureté. Matthatias & les liens alloient par le pays
détruisant par tous les autels profanes qu'on avoit érigez aux idoles dans les
villes de Juda, & donnant la circoncision aux enfans auxquels jusqu'alors on
n'avoit ose la donner. Ce fut par le moïen de ce petit nombre de zélez dé-
fenseurs de la religion, que Dieu tira sa loy de la servitude des nations & la
délivra de i'oppression du Roy impie.
Mgttha-
Matthatias, que Dieu avoit suscité pour soûtenir les intérêts de la verité XL IX.
& de la religion durant ces tems de troubles, tomba malade, après avoir gou- Mort de
Matthatias»
verné pendant un an le petit nombre de Juifs qui étoient demeurez fidèles au Judas Mac-
Seigneur. Matthatias, étant prés de sa fin, assembla ses fils & leur dit: le cabée lui
régne de l'orgueil s'est affermi. Le tems de la colère & de l'indignation de succéde.
Dieu sur nous, est arrive; voici le tems de la desolation & de la punition. x.Macc, Il.
Soyez donc, mes enfans, les vrais zélateurs de la loy ; donnez vos vies pour 49. ?o. i(.
(Se.
soûtenir l'alliance de vos peres, & vous recevrez une gloire éternelle. N'ou- m. 1. 2. si
bliez point les œuvres & la conduite des saintes Patriarches vos ancétres. Rap- &c. %
peliez en vôtre souvenir l'obeissance d'Abraham , la fidélité & l'innocence de An du M.
Joseph, le zéle ardent de Phinées nôtre pere, le courage de Josué, la con- 38 8. avant «

Itance de Caleb, la clemence de David, l'ardeur d'Elie, la foy d'Ananias, d'A- J.C. 162..
zarias & de Misaël exposez au milieu des flammes, la simplicité & l'innocen-
ce de Daniel dans la fosse aux lions.
Affermissez vous par la veuë de ces grands exemples ; soyez bien persua-
dez que la confiance de ceux qui espérent en Dieu, ne ser.l point confonduë.
Ne craignez point les menaces de l'homme pecheur, parceque toute sa gloire
n'est qu'ordure, & qu'il n'est luy-même que la pâture des vers. Il s'éleve au-
jourd'huy & disparoîtra demain, & retournera en la terre d'ou il tire son ori-
gine. Pour vous, mes enfans, armez-vous de courage & de force pour la dé-
sense de la loy du Seigneur. C'est elle qui vous comblera de gloire. Vous
voïez ici Simon vôtre frere, je sai qu'il est homme de conseil, écoutez-
le, & il vous servira de pere. Judas Maccabée a toujours été homme de va-
leur & de conduite; qu'il soit chef de vos troupes. Rassemblez autour de vous
tous les defenseurs de la loy, & vengez vôtre peuple de ses ennimis, après
avoir dit ces paroles, il les bénit & fut réuni à ses peres.
Il ëtoitâge de cent quarante six ans. Tout le peuple fidel le pleura, & fit
grand deuïl à sa mort, ses enfans l'enterrérent dans le sépulcre de ses peres à
Modin. Judas aïant été reconnu pour chef du peuple, se mit à la tête des
Israëlites zélez pour la loy, & avec eux il commença à parcourir toutes les
villes de Juda, pour en chasser tout ce qui y restoit de prévaricateurs qui
avoient abandonné la loy de Dieu. Judas fut la terreur des méchans & la con-
solation des gens de bien. Il détourna la colére de Dieu de dessus son peuple,
& sa memoire sera éternellement ea-bénidiétion. Il affermit dans le bien ceux
que la persécution avoit ébranlez.
Le nombre de ceux qui se rassemblérent autour de lui, fut d'environ six L.
mille hommes de gens résolus & affedionnez à la religion, disposez a tout Exploits
sacrifier pour la conserver dans sa pureté. Avec cette troupe Judas attaquoit milita res
dr Judas
les ennemis quiétoient répandus dans les petites villes & dans les villages de Maccabée.
Judée, & les prenant à l'improviste, en tua un grand nombre, & se saisit de
plusieurs portes importans, ce qui augmenta le courage de ses troupes, & fit
que la réputation de ses armes se répandit bientôt dans tout le pays.
Apollonius gouverneur des Provinces de Judée & de Samarie,craignant Vittoire de.
que ces petites guerres n'eussent des suites tacheutes pour l'état des affaires du Judas con-
Roy Antiochus, crut qu'il falloit opprimer Juda avant qu'il se fortifiât davantage. tre Apol-
lonius.
Il assetnbla à la hâte une armée assez nombreuse composée de peuples Sama-
ritains & des nations voisines, & avec ce corps marcha contre Judas. Celui-
ci informé des préparatifs &de la marche d'Apollonius, le prévint, le battit,
le tua, mit son armée en déroute, & remporta de riches dépouïlles, & de
bonnes armes pour les siens; il garda pour lui l'epée d'Apollonius, dont il
se servit toujours depuis dans la guerre.
L7. Seron Général de l'armée que le Royavoit dans la Célé-Syrie, crut qu'il
Victoire de luy seroit glorieux de battre
Judas con- un ennemi de la réputation de Judas, & qu'An-
tre*; eron tiochus lui sauroit gré de la défaite de ce vaillant homme. Il s'avança avec
Général du ses troupes jusqu'à Bethoron ; il avoit avec lui un gros renfort de Juifs apo-
Roy An- stats qui étoient animez contre Judas, comme contre leur plus dangereux
tiochus. ennemi. Maccabée marcha contr'eux avec une assez petite troupe. Ses gens
furerit d'abord troublez à la veuë de l'ennemi beaucoup plus puissant & plus
nombreux qu'ils n'étoient; ils remontrèrent à leur chef le peril auquel ils
s'exposoient, sur tout étant affoiblis par le jeûne qu'ils avoient fait le jour
même; car Judas se préparoit d'ordinaire au combat par le jeûne & par la
prière.
Illes rassura & leur dit: quand Dieu est résolu de sauver, il n'y a point
de différence à son égard entrp un grand & un petit nombre de combattans.
La victoire ne dépend point de la force des armées, mais de la toute puissance
de Dieu; c'est du ciel que nous devons tirer toute nôtre force. Nous com-
battons pour la loy de Dieu, & pour la défense de nos vies & de nôtre liberté.
Le Seigneur est intéressé à nous défendre, il brisera les efforts de nos enne-
mis. Aiul1 ne les craignez point.En même tems il sejettasur les Syriens corn.
mandez par Seron; l'armée ennemi fut mise en déroute, le Généralrenversé,
& Judas poursuivit les fuiards jusque dans la plaine; huit censhommes des
ennemis demeurèrent sur la place, le reste se sauva chez les Philistins.
Lll. Le Roy Antiochus Epiphanes aïant appris les progrés que faisoit Judas
Voïagc Maccabée, & n'espérant plus de recevoir aucun tribut de la Judée ny des Pro-
d'Antio- voisines, qui étoient toutes combustion, résolut d'aller au dela de
chus Epi- vinces en
phanes au. l'Euphrate, pour en tirer les sonlnles dont il avoit
bésoin pour payer le tribut
dela de qu'il devoit aux Romains, & pour satisfaire à la depense de sa maison & à la
l' .Euphrate.
paye de ses troupes. Il emmena avec lui la moitié de son armée, & laissa à
1. Macc. Lyuas l'autre moitié avec le gouvernement de la Syrie & de tout le pays .qui
Ill. 27. 28. l'Euphrate & le Nil. Il ordonna à ce gouverneur d'exterminer la
29. ($c. est entre
2. Macc. nation des Juifs, & de faire
passer en leur place d'autres peuples dans leur
T11l1. io. pays.
il. &c. Lysias envoïa donc en Judée Gorgias & Nicanor, deux Généraux trés
An du M.
38 avant expérimentez, avec quarante mille hommes de pied & sept mille chevaux
J.C.itft. & leur donna ordre de ruiner ce pays & de faire périr autant de Juifs qu'ils en
Lill. rencontreroient. Ces deux Capitaines s'avancérent jusqu'à Enlmaüs dans la
Gorgias Se plaine le long de la méditerranée. Les marchands du pays informez du des-
Nicanor sein qu'on avoit d'exterminer les Juifs, & ne doutant pas qu'une telle armée
sont envo- grand nombre
yez en Ju- ne renversât tout ce qui voudroit s'opposer a elle, vinrent en
esclaves Juifs. Nicanor,
dée contre au camp des Syriens dans le dessein d'y acheter des
pour
les attirer, leur avoit fait dire qu'il donneroit quatre vingt dix escla. le
les Maccl.'
pour y
vesIsraëlites pour un talent, qui vaut environ 4866. livres de nôtre monnoye, bécs.
b<

supposé que l'auteur du livre des Maccabées parle du talent hébraïque, ou seu-
lement 608. s'il est question du talent de Syrie. Ces marchands avoient donc
apporté quantité d'or & d'argent, &avoient fait provision de cordes & de liens
pour attacher les captifs qu'ils auroient achetez; Nicanor se flattoit de faire
moien une somme considérable pour aider Antiochus à payer les dix
par ce
mille talents de tributs qu'il devoit aux Romains.
Mais les choses tournèrent tout autrement. Judas Maccabée aïantprom-
tementrassemblé sixousept mille hommes, leur dit quels étoient les desseins
des ennemis, qu'il ne falloit pas s'en effrayer; que Dieu étoit leur défenseur;
qu'il avoit autrefois défait l'armée de Sennacherib, sans qu'Ezechias Roy de'
Juda tirât seulement l'epée contr'eux, que depuis peu une armée de six mille
juifs avoit battu six vingt mille Gaulois ou Galates, qu'ils missent en Dieu
toute leur confiance. Et comme la ville & le temple rendre de Jérusalem étoient
alors occupez par les gentils & qu'ils nepouvoient s'y pour implorer
le secours du ciel, ils vinrent à Maspha, qui étoit anciennement un lieu
d'oraison. Ils y jeÚnérent, y prièrent, déchirérent leurs vétemens, confes-
sérent leurs pêchez & en demandèrent pardon au Seigneur, se revêtirent de
cilices, se mirent de la cendre sur la tête, étendirent devant Dieu les livres
de la loy, comme pour le conjurer deconserver sa parole & ses ordonnances,
apportèrent quelques ornemens sacrez sauvez du pillage du temple , Eleazar
frere de Judas fit laleéture de la loy. On offrit des décimes & des prémices,
accompli leurs vœux, enfin on fit au-
on fit venir des Nazaréens qui avoient
tant qu'il fut possible dans ce lieu & dans cette extrémité, l'exercice public
& solemnel de la religion Juive.
Après quoi ils élévérent leurs voix & pousserent leurs cris jusqu'au ciel
en disant: que ferons-nous à ces
Nazaréens, & comment pourront-ils offrir
les sacrifices ordonnez pour l'accomplissement de leur JSJazareat? Vôtre san-
duaire a été fouïllé, & foulé aux pieds, vos prêtres sont dans les larmes &
dans l'affiidion ; nous n'avons ny autels, ny lieu de sacrifices, les nations
se sont assemblées pour nous perdre, Seigneur, venez anôtre secours. En
même tems les prêtres firent retentir leurs trompetes sacrées, pour animer le
peuple, & pour implorer l'assistance du Seigneur (a). Ca)
Judas nomma ensuite des officiers subalternes pour commanderses trou- X.,.
pes. Il partagea sa petite armée en bataillons & en compagnies , renvoïa
selon la loy (b) ceux qui étoient nouvellement mariez, ceux qui venoient de Deut. XX.
bâtir des maisons ou de planter des vignes, & tous ceux qui étoient timi- 6.7. 8. -
des &leur permit de retourner chez eux; il se mit en marche & vint cam-
,
per quelque distance de l'armée ennemie. Il ordonna ses troupes de se te-
à à
nir prêtes pour livrer combat le lendemain matin ; car, leur dit-il, il vaut
mieux exposer nôtre vie, que devoir les maux de nôtre peuple, la ruine du
temple & la profanation des choses faintes, au reste que la volonté de Dieu
soit accomplie. LIV.
Gorgias aïant su l'approche de Judas, crut qu'il pourroit le surprendre Vi&oire
Judas Mac- pendant la nuit, & tailler en piéces sa petite armée. Il prit cinq mille hommcs
cabée con- de pied & mille chevaux choisis, & se mit en marche sur le soir, étant con-
tre Nica. duit par" quelques soldats de la garnison de Jérusalem, qui savoient les che-
nor. mins détournez des montagnes; il croïoit arriver de Judas sans être
! au camp
découvert; mais Judas alant eu avis de son départ, avoit décampé au milieu
de la nuit, & s'étoit avancé par une autre route vers Emmaiis, où l'armée
ennemie étoit campée.
Gorgias étant arrivé au camp de Maccabée, & le trouvant abandonné,
crut qu'il avoit pris la fuite, & se mit à le chercher dans les montagnes. Ju-
das de son côté partagea son armée en trois petits corps composez chacun de
quinze cent hommes, dont il donna le commandement à ses trois freres Si-
mon, Joseph & Jonathas ; il prit pour mot du Gué; par le secours de Dhu, &
s'étant mis à la tête de trois mille hommes qui étoient trés mal armez, il at-
taqua Nicanor en l'absence de Gorgias, lui tua sur le champ de bataille neuf
mille hommes, mit son armée ensuite, lui mit à mort dans la fuite trois
mille hommes & poursuivit les fuiards jusques dans le pays des Philistins.
,
LTl. Judas retourna ensuite au camp de ce Général, & défendit à ses gens de
Gorgias est se laisser emporter au désir des richesses & du butin, puisque Gorgias étoit
battu par prés dela
Judas Mac- avec un bon corps de troupes. Il parloit encore, lorsque Gorgias
cabée. parut sur le sommet des montagnes voitines. Ce Capitaine aïant veu l'armée
2. Macc. de Judas en état de le bien recevoir, les retranchemens de Nicanor occupez
Tili. 28. par les Juifs, &la fumée qui montoit du camp où Ton venoit de mettre le feu,
29. ne jugea pas qu'il fût de la prudence de descendre dans la plaine, ny de s'ex-
An du M. poser
3839,avant au combat contre une armée victorieuse. Il alla par des chemins ecar-
J.6.161. tez rejoindre l'armée de Nicanor qui étoit dans les terres des Philistins.
Pour Nicanor il ne demeura pas à l'armée, peut-être même ne la suivit-
il pas dans sa retraite précipitée & dans sa fuite; il se sauva à travers le pays,
aïant quitté les marques de Général, & arriva seul à Antioche, comme un
fugitif; chargé de confusion & y apporta la nouvelle de la défaite de l'armée
qu'il commandoit.
Judas Maccabée, aprés s'être ainsi défait des deux chefs de l'armée
d'Antiochus entra dans leur camp, & en abandonna le pillage à ses gens.
Ils y trouvèrent une infinité de dépouïlles, &en particulier l'argent des mar-
chands qui y étoient venus pour achéter les esclaves Hébreux. 11 fit même
un détachement des plus vigoureux de son armée, pour poursuivre ces mar-
chands; mais le soir, où commençoit le repos du sabbat, approchant, ils re-
vinrent au camp , sans avoir pu les atteindre. On se hâta de ramasser les ar.
mes & le butin pris sur l'ennemi, attendant que le sabbat fût passé pour le par-
tager selon la loy de Moyse.
LV l Après le repos du sabbat, ils firent entr'eux le partage des dépouilles
Avantages & en firent part aux malades qui n'avoient pu suivre l'armée, & aux orphe-
que Judas lins,Ca) & rendirent graces à Dieu de la vidoire qu'il leur avoit accordée. Cette
remporte défaite jetta la terreur dans les villes qui obeissoient aux Syriens, & donna
contre Ti-
mothée & une grande réputation aux armes de Maccabée. Ses troupes auparavant mal
Bacchidefc armées & craintives eurent tout le moïen de se bien armer, & aquirent une
supério-
supériorité & une hardiesse qui leur faisoit mépriser les périls. Maccabée at- (a)
taqua en différentes rencontres Timothée & Bacchide deux autres Généraux Numer.
des troupes Syriennes, & leur tua plus de vingt mille hommes ; ils se rendit XXXL
maitre de plusieurs bonnes places, & s'enrichit par le butin qu'ils fit sur les 27.
ennemis.
La campagne étant libre, & les ennemis ne paroissant plus en aucun
endroit, Maccabée & les siens rentrèrent dans Jérusalem & s'y rétablirent,
quoique la citadelle & le temple fussent encore occupez par les ennemis.
Lysias aïant sçu ce qui étoit arrivé aux troupes commandées par Gor- LVII.
gias&Nicanor, comprit que la guerre de Judée, étoit d'une toute autre con- Lysias est
vaincu par
séquence qu'on ne s'étoit d'abord imaginé, & qu'il ne seroit pas si aisé d'ex- JudasMac-
terminer la nation Juive qu'Antiochus l'avoit cru. Il prit la résolution de cabée.
venir en personne dans la Palestine, & d'attaquer les Juifs avec de si grandes 1. Macc
forces qu'ils en sussent opprimez. Il y marcha l'année suivante à la tête de JV.28. du]M.
soixante mille hommes de pied & de cinq mille chevaux de troupes choisies. An 40. avant
Comme le pays est presque tout coupé de montagnes & de défilez, il prit sa J.3 8Gr t6o.
route le long de la méditerranée, & retourna eniuiteparla partie méridionale
de Juda, qui étoit alors connue sous le nom d'ldumée.
Judas Maccabée sortit de jérusalem & marcha'à sa rencontre jusqu'à la
forteresse deBethsure, prés d'Eleutheropolis. Il n'avoit que dix mille honi-
-ï- ^
mes de pied, sans aucune Cavalerie, laquelle est de fort peu dTusage dans ces i
pays de montagnes. Avec ce peu de monde il ne feignit point, aprés avoir
invoqué le nom du Seigneur, d'attaquer Lysias, dont l'armée étoit si nom-
breuse. Il lui tua dabord cinq mille hommes, renversa le reste de ses trou-
pes & les mit en fuite. Lysias jugea par ce premier choc que les Hébreux V

étoient résolus de vaincre ou de mourir, & que de telles troupes étoient


invincibles; ïl se retira donc à Antioche dans le dessein de revenir une autre-
fois avec de plus grandes forces, du moins il le publioit ainsi, car il n'avoit
il
que trop de trouppes pour opposer à dix mille Juifs; mais craignait de perdre
l'armée du Roy en combattant contre des hommes que rien n'étoit capable
d'arrêter, & qui ne connoissoient point le péril.
Alors Judas & ses freres dirent : nos ennemis sont défaits & se sont retirez; Linii
allons à prélentpurifier & renouveller le temple du Seigneur. Ils montèrent Purifica-
donc tous avec leurs troupes à la montagne de Sion, & trouvérent les lieux Temple tion du
saints tout déserts, l'autel profané, les portes brulées &le parvis du temple
par Judas
rempli d'epines & de ronces, comme dans un bois, ou dans une montagne de- Maccabée*
serte. Les apartements & les magazins qu'on avoit bâtis autour du temple,
étoient détruits,tout ne présentoit aux yeux que l'image de la profanation&de
désolation. Les Maccabées &ceux qui les accompagnoient déchirèrent leurs
vétemens, jtttérent de la cendre sur leurs têtes, se prosl-eriié.-eiit le visage con.
tre terre & firent un grand deuïh Ils firent retentir les trompetes sacrèes,&
poussérent leurs cris jusqu'au ciel.
Ensuite Judas posta des gens armez entre la forteresse & le temple, pour
prévenir les alarmes & les attaques des Syriens, qui étoient en garnison dans la
citadelle, & dit aux pièces de purifier le lieu saint,& d'emporter dans un lieu
impur
j
impur, les pierres qui avoient été souillées ; quant aux pierres de l'autel
des holocaustes, qui avoit été profané par les sacrifices offerts à Jupiter Olym-
pien, Judas en aïant délibéré avec les autres prêtres, il futrélolu de le démo-
lir, & d'en déposer les pierres dans un lieu pur, en attendant qu'il vint un.
Prophéte, qui leur déclarât plus précilement la volonté de Dieu à cet égard.
LiX. Aprés qu'on eût purifié le temple & qu'on en eut ôté tout ce qu'il y
Nouvelle avoit de souïllé & d'indécent, on songea à rebâtir un autel nouveau, à ré-
Dédicace tablir le sanctuaire, enfin à faire une nouvelle dédicace du temple, & à le
du Temple état d'y faire de nouveau tous les exercices publics de la religion
de Jérufa- mettre en
lempar Ju- des Juifs. On prit
donc des pierres brutes que le fer n'avoit jamais touchées,
das Macca- & on en construisit un autel des holocaustes semblable au premier; on bâtit
bée. le temple proprement dit, cOlnpofédu sanduaire&du saint. On fit de nouveaux
i. Maec. vases sacrez, & on plaça dans lesaintle chandelier d'or à sept branches, l'au-
1Tr V.
& la table des pains de propositions ; onsuspendit les voiles
2.Macc.X. tel des parfumes, entrées
6- 7. (Ôc. qui fermoient les du saint & du santluaire, mais on ne lit pas qu'on
An du M. y ait remis l'arche d'alliance, laquelle apparemment ne parut plus dans le se-
g 8 4o. avant cond temple bâti depuis le retour de Babilonne.
J. G. 160.
Toutes ces dispositions étant achevées pour le vingt cinquième du mois
Casleu, qui répond à nôtre mois de Novembre, & qui entre quelquefois dans
Décelnbre-, qui est le même jour& le même mois que le temple trois ans au-
paravant avoit été profané, & les sacrifices interrompus, on fit la Dédicace
du nouveau temple avec toute la solemnité & les cérémonies que la circon-
stance du tems pouvoit permettre, au bruit des trompetes, au son des instru-
ments. Le peuple prosterné le visage contre terre faisant retentir l'air de ses
actions de graces & poussant des cris de joïe en reconnoissance de la faveur
Dieu leur faisoit, de revoir sa sainte maison de nouveau consacrée aprés
que
tant de traverses & de persécutions.
La Dédicace de l'autel se célébra pendant huit jours, on y offrit pendant
plusieurs victimes, on y ralluma le feu sacré, qu'on ne doit
tous ces huit jours
jamais laisser eteindre. On recommença à allumer chaque nuit les lampes du
le
chandelier à sept branches, àprésenter parfume sur l'autel d'or, & à servir
les pains, le vin, le sel & l'encens sur la table des pains de propositions. On
orna la façade du temple avec des couronnes
d'or, & des boucliers de même
métal.& ses freres,'de concert avec l'assemblée qui s etoit trouvée à la cé-
remonte , firent un statut que dans la suite des siécles on célébreroit la memoire
de cette Dédicace pendant huit jours, à commencer au vingt cinq du
mois Casleu. C'est cette Dédicace dont il est parlé dans saint Jean 0) & qui
C<0
X. est nommée Encœnia, d'un mot grec, qui signifie renouvellement ou Dédicace.
ff-ohan.
*2. L'Evangéliste remarque qu'elle se célébroit pendant l'hyver; en effet le mois
(b) Casleu répondoit à nôtre mois de Novembre. Les Juifs la célébroient en
lofeph. allumant plusieurs lampes, à cause dela brevête des jours en cette saison,
Antiq. l'apelloit aussi la fête des lampes (b).
1.XII. c.II . d'où vient qu'on
LX. Ce n'étoit pas assez d'avoir renouvellé & réparé le temple, & d'y avoir
Judas for- rétabli les sacrifices & l'exercice public de la religion Juive, si on ne le mettoit à
tifie U couvert
couvert des insultes des gentils, qui occupoient la citadelle bâtie prés delà, montagne
& sur la même montagne de Sion. Les freres Maccabées & leurs troupes de Sion, (5e
y met gar.
travaillérent donc en même tems à fortifier la montagne de Sion & à l'envi.. nsson..
ronner de hauts murs &defortes tours; ils y laisserent même bonne garnison
pour la défendre en cas d'attaque. De plus Judas fit fortifier Bethsure, qui
étoit un poste important & fort d'assiéte, pour défendre l'entrée du pays du
côté de l'Idumée.
Les nouvelles de ce que l'on venoit de faire à Jérusalem, causérent un
grand dépit aux peuples Idolatres des environs, qui dépuis les édits & les
persécutions suscitées par Antiochus Epiphanes, avoient regardé la religion Ju-
daïque comme anéantie, &les Juifs comme un peuple perdu sans ressource;
leur haine & leur animosité contr'eux se rallumérent. Ils conspirérent leur
pertes dans tous les lieux de leur demeures, & commencèrent àles pour-
suivre par tout où ils les trouvoient & à les mettre à mort.
D'un autre côté Gorgias, dont on a déjà parlé, aïant ramassé quelques L1.
des
troupes étrangères, fit la guerre aux Juifs attachez à Judas, & les attaqua Défaite
Iduméens
dans plusieurs rencontres. Les Iduméens anciens ennemis des Israëlites, dans l'A-
donnaient retraite aux Juifs renégats, que Judas chassoit de Jérusalem, & crabatènc.
cherchoient à tirer la guerre en longueur, pour avoir occasion de piller im-
punément le pays. Judas & les siens, sans se mettre en peine de ce grand
nombre d'ennemis, & appuiéz du secours du ciel, attaquérent les Iduméens
dans l'Acrabaténe, & en tuérent environ vingt mille.
Il fit attaquer les enfans de Bean qui faisoient mille maux aux Juifs fi- LXII.
dèles, & se tenoient dans des lieux forts d'assiéte; mais ceux qui affiégeoient Guerre
ennemis dans leurs forts, poussez par esprit d'avarice, aïant d'eux contre les
ces un reçu enfans de
soixante & dix mille dragmes,les laissérent échapper. Maccabée de retour Bean.
d'une autre expédition plus importante, l'aïant appris, les condamna à mort
dans une assemblée des anciens du peuple, comme coupables d'avoir venda
leurs freres pour de l'argent. Ensuite il força les tours ou les enfans de Bean
s'étoient retirez, & leur tua plus de vingt mille hommes. 11 dévoua à l'ana-
théme ceux qui restoient & brûla leurs forts.
Delà il passa dans le pays des Ammonites, qu'il trouva bien armez en
grand nombre, aïant à leur tête un Général de réputation nommé Timothée;
il leurs livra divers combats, les tailla en pièces, prit sur eux la ville de Ja-
zer & ses dépendances, & revint triomphant à Jérusalem.
Antiochus Epiphanes, qui comme on la veu, étoit allé au delà de l'Eu- LXll1.
phrate, aïant appris qu'il y avoit dans la Perse un temple fameux consacré à Antiochus
Venus E!ymëene dans la ville d'Elymaïte, & que ce temple étoit rempli de Epiphanes
richesses immenses, qu'entre autres choses on y voïoit des armes, des bou- le veut piller
temple
cliers, des carquois d'or massif, il prit la résolution d'enlever ces richesses. (V) de Venus
Ceux d'Eliniaii informez de son dessein, prirent les armes, & le contraigni- Rlymët;nc,
rent de se sauver honteusement vers Ecbatane. La il apprit les progrés que 2. Macc.
Judas Maccabée faisoit dans la Judée; que Nicanor & Timothée avoient été lX. t. 2.
battus par les Juifs; & comme il s'avançoit vers Babilonne, il reçut nouvelle X. ?. ('éc.

que Lysias lui-même avec son armée si nombreuse avoit été défait & contraint An du M.
avant J. C. de se retirer à Antioche; qu'après ces avantages remportez sur ses Généraux,
.160. Judas avoit purifié le temple de Jérusalem, renversé l'idole de Jupiter Olym-
(a) pien, rétabli les sacrifices, fortihé Sion & Bethsur.
Jippian.
Syriac. Sur ces fâcheux avis Antiochus en colère prit le parti de repasser l'Eu-
P- 117. 31.
1
phrate & de retourner en Syrie,menaçant de faire de Jérusalem le cimétiére
Porphyr. des Juiss &de les persécuter avec plus de violence que jamais. Il ordonna
apud ffero- à son cocher de hâter sa marche & de presser ses chevaux, afin d'arriver plus
vym. in à Antioche; mais le tems de la colére deDieu étoit arrivé pour
Daniel.X J. promtement
LXIV. lui. 11 se sesentitincontinent frappé d'une violente douleur d'entrailles, que
Alltiochus nuls remédes ne purent soulager; & comme son char alloit avec une rapi-
Epiphanes dité extraordinaire, il fut renversé de son chariot, & tout froide de sa chute.
tombe de On le mit dans
ion cha- une litière, &onle porta comme on put, dans la ville la plus
riot & se prochaine nommée Tabes, située dans les montagnes de Perse.
blesse dan- Bientôt la corruption se mit dans son corps; il fourmilloit de vers, qui
gereufé- le rongeoient tout vivant. La puanteur qui en exhaloit étoit insupportable;
ment. ses domestiques n'y pouvoient résister, & toute son armée en étoit infedée;
LXV. il nepouvoitfe souffrir lui-même; le dépit, la douleur, le chagrin, le dése-
Vaine pé-
nitence spoir lui rendoie'ntla vie ennuieuse. Accablé de tant de malheurs, il ouvrit
d'Ando- enfin les yeux sur luy-même, & reconnut que c'étoit la main de Dieu qui
chus Epi- s'ét.oit appésantie sur luy. Il fit venir tous ses amis, & leur dit, je vois à point
phanes.
que tout ce que je souffre, est la juste peine des maux que j'ay faitsoulfrir aux
Juifs, & de la persecution que je leur ay iuicitee, pour les contraindre de re-
noncer à leur religion. Il fit vœu en leur présence, si Dieu lui rendoit la san-
té, de donner à l'avenir aux Juifs toutes les marques de son affedion, de leur
laisser une entière liberté de suivre leurs loys & leurs usages, de combler de
riches présens le temple de Jérusalem, d'y rettituer les vasès qu'il en avoit
pris & d'en ajouter d'autres plus prétieux, de fournir de son épargne l'argent
pour achéter les animaux destinez aux sacrifices, enfin d'embrasser même la
religion des Juifs & de publier par tout le monde l'infinie puissance de Dieu.
Il écrivit même aux Juifs dans des ternies pleins de marques de bienveillan-
fils Eupator.
ce, leur recommandant d'être fidèles a son
LXVI: Une pénitence si tardive, des vœux si intéressez, des promesses si peu sin-
Mort céres ne furent point exaucées, ni agréables à Dieu. Le cœur du Prince
d'Antio- impieque , la crainte & l'amour propre faisoient parler, n'étoit pas converti;
chus Epi-
phanes. il sentit bientôt que ses forces l'abandonnoient & que sa fin étoit proche. Il
Antiochus apella Philippe le plus intime de ses amis, lui remit son diadème, ion anneau
Eupator & le manteau royal, qui étoientles marques de la souveraineté, & le pria de
son sils lui prendre la régence de ses états pendant la minorité de son fils Eupator, qui
succéde.
An du M. n'avoit encore que
neuf ans. Aprés cela il mourut à Tabès frontière de la
Babilonie, Philippe à qui il avoit donné la régence de ses pays & le gouver-

exclusion..
3 ii 40. avant &
J.C. 160. nement de son fils, fut obligé de se retirer en Egypte avec le corps de ce Prince,
parceque Lysias s'étoit fait reconnoître regeiit du royaume de
Syrie à son

LXVII. Timothée un des Généraux des troupes Syriennes aiant levé une nouvelle
péfaite de armée de troupes étrangères, & aflembié dela cavalerie d'Asie, vint de nouveau
en
judee réduire Judas & les siens à l'obéïssance ; mais Maccabée apres Timothlè
en pour temple, marcha contre Tinio- Général de
avoir inroloré lefecours du Seigneur dans son
deux l'année 4$
thée. Le soleil commençoit à se lever, lorsque les arme es se trouvè- Syris.
paroitre du ciel cinq cavaliers mon-
rent en présence. A ce moment on vit servoient de guide aux juifs.
tez sur des chevaux aïants des freins d'or,dequi
Deux de ces cavaliers marchant aux côtez Judas le couvraient de leurs ar-
le défendoientdes traits de ses ennemis. Les autres lançoient des traits
mes, &
qui combattoient contre lui,
perçants comme autant de foudres contre ceux
frapoient aveuglement les ennemis, les mettoient en desordre & les ren-
versoient en sa présence. Dans ce combat Timothee perdit vingt cinq mille
cinq cens hommes, & outre cela six cent chevaux.
Timothée prit la fuite & se sauva a Gazera, forterelie célébré dans le
des Philistins. Maccabée l'y assiégea pendant quatre jours. Le cinquiè-
pays l'armée de Judas gagnerent le haut de la mu-
me jour vingt jeunes hommes de
raille, & étant soutenus par d'autres de leurs compagnons mirent le feu aux
tours & aux portes, brûlérent vifs les ennemis qui y étoient renfermez, & tuë-
rent Timothée qu'ils trouvèrent caché dans une citerne.
Les vidoires que Judas Maccabée remportoit journellement contre les LXVlIK
Syriens, ne diminuoient pas le nombre des ennemis des Juifs; il sembloit au Gonfpira- tion des
contraire qu'ils se multiplioient, à mesure que les affaires des Juifs se rétablis-
peuples de
soient. Lajaloufie & la haine qu'on avoit conçuës contre cette malheureuse delà le
nation, étoient telles que de tous cotez on voïoit s'élever contr'elle de nou- Jourdain
persécuteurs, qui en vouloient également à leurs vie, à leurs biens & à pour ex-
veaux terminer
leur religion. les Juifs,
Au delà du Jourdain, les Arabes, les Ammonites & les Moabites s'aiiem- 1. Macc.V.
blérent en corps d'armée, pour exterminer les Juifs qui demeuroient dans le 9. 10 .
pays. Ceux-ci informez de ce complot, se retirèrent en un lieu fort nommé An du M.
Datheman, d'où ils écrivirent à Judas Maccabée le priant de venir promte- J.C. 3841. avant
149.
ment à leur l'ecours , parceque les nations de ce pays avoient conspiré leur
perte, & avoient déjà taillé en pièces plusieurs de leurs freres, qui avoient
eu le malheur de tomber entre leurs mains. Que les ennemis avoient à leur
tête un Général fameux nommé Timothée, différent de celui dont on a parlé
au chapitre précédent, qui aVOJtdeja fait périr les Juifs qui étoient dans le
pays de Tob, ou Tubim, & avoient emmenez captifs leurs femmes & leurs
enians.
On lisoit encore ces lettres, lorsqu'on vit arriver d'autres envoyez de la LXIX.
part des Juifs de Galilée, aïant leurs habits déchirez en signe de douleur. Ils- Les ples
peu-
de Ga-
rapportoient que les habitans des villes de Ptolémaïde, de Tyr & de Sidon, lilée se réii-
s'étoient réunis & avoient pris les armes pour les exterminer; que toute la r.iHent
Galilée étoit remplie d'étrangers qui avoient conspiré leur perte. On tint pour op-
sur ces différens avis un grand conseil, pour délibérer sur ce qu'il y avoit à primer lee-
faire dans une conjoncture si périlleuse. Il fut résolu que Judas & Jonathas Jnif,
son frere se rendraient au delà du Jourdain, où le danger paroissoit plus grand,
pour délivrer leurs freres renfermez dans Datheman; que Simon leur autre
trere troit dans la Galilée, pour secourir les Juifs de ce pays-là; ils laissérent
dans la JudéeJoseph & Azarias pour la garde du pays, mais leurs défendirent
expressément de livrer aucun combat avant leur retour.
LXX. Judas prit avec lui huit mille hommes, avec lesquels il passa le Jour-
Simon dain: Simon en prit trois mille pour aller en Galilée. il y attaqua les enne-
Maccabée
nlis, & les poursuivit jusqu'aux portes de Ptolémaide; leur tua environ trois
met en fui- millehommes &
te les peu- remporta sur euxde riches dépouilles; puis aÏantramarrétous
ples de les Juifs qui étoient en ce pays là avec leurs femmes & leurs entans, il les
Galilée. amena avec lui en Judée, où ils seroient plus en seureté.
Exploits de Judas de son côté aïantpasië le Jourdain avecJonathas son frere, furent
Judas Mac trois jours à marcher dans
cabée con un pays désert, firent rencontre des Nabathéens,
peuples de ces cantons là qui n'étoient pas entré dans le complot des autres
tre les
peuples d'e de ces quartiers, &,qui lesaïantreçu dans un esprit de paix , leur racontèrent
flelà le la manière dont on avoit traitté les Juifs, que pluneurss'ëtoient enfermez dans
Jourdain. les villes fortes du pays, & que les ennemis étoient disposez à les aller forcer
y
le lendemain, & à faire ainsi périr en un seul jour tous les Juifs qu'ils y ren-
eontreroient.
Cet avis ne fut pas inutile à Judas. Il marcha incontinent contre Bofor,
surprit la ville, la brûla, enléva toutes les richesses qu'il y trouva & fit passer
au fil de l'épée tous les mâles qui y étoient. Delà il partit en diligence & mar-
cha toute la nuit pour arriver à Dathéman, où plusieurs Juifs s'étoient retirez.
Il y arriva au point du jour & apperçut un grand nombre de gens portant des
échelles & des machines pour forcer cette fortéresse. Judas aussitôt partagea
son armce en trois corps, & s'avança en bataille contre les ennemis. Ceux-
ci attaquèrent la place & montèrent à l'assaut avec de grands cris. Judas ar-
riva presqu'en même tems, & faisant tout à coup retentir les trompéres sa-
erées, & jettant de grands cris pour invoquer le Dieu des armées, les enne-
mis s'apperçurent aisément que c-étoit Judas Maccabée; ils quittérent l'attaque
& prirent la fuite. Judas & les liens les poursuivirent, & en firent un grand
carnage, car il en demeura sur la place plus de huit mille.
Apres cette glorieuse victoire, il marcha de suite contre les autres villes
ouïes Nabathéens lui avoient dit que les Hébreux étoient enfermez & en dan-
ger deleurvie; il les prit,les brûla,y tua tous les mâles, emportales dépouilles
& mit ses freres en liberté. Tant de glorieux exploits ne lui coûtèrent que trés
peu de monde, le Seigneur combattant pour lui & bénissint ses entreprises.
LXX1.
6orgias
à
Joseph & Azarias qui avoient été laissez la garde de la Judée, aïantapris
l'heureux succés des armes de Simondans la Galilée & de Judas au delà du Jour-
met en fui- aussi desesîgnaler par quelque exploit confidtrable. Ils s'a-
te quel dain, résolurent
la ville de Jamnia dans le pays des Philistins;
ques J uifs vancèrent avec leurs troupes contre
comman- nlaisGorgias qui étoit dans la, place ensortit, & les mit en fuite; il en tua envi-
dez par deux mille & les repoussa jusque sur les terres de Judée. Telle fut la jusbe
Joseph & ron de leur témérité & de leur désobéïÍsance.
Azarias. peine
tysias Re- Lysias regent du royaume de Syrie, résolu d'effuier la honte de sa pre-
gent du; miére expédition contre la Judée, & de réprimer le&tnfreprises de Judas Mac-
Royaume cabée & de ses freres qui faisoient tous les jours de nouveaux progrés dan* la Ju-
de Syrie' dée* astembia une armée de quatre vingtmillehommes de pied avec toute la
yient
cava-
cavalerie & les elephans du jeune Roy Eupator & marcha contre la Judée. Jurîéc &
assiége '
Il se vantoit de chasser pour toujours de Jérusalem les Juifs qui y demeu-
demeure nations Idolâtres de piller le Bethfora,
roient, de donner la ville pour aux , 2. Macc.
temple' & de donner à prix d'argent la souveraine sacrificature. En effet il X1. 1.2.
Je-
s'avança par la partie méridionale de Juda, comme pour venir attaquer 3.&c.
rusalem • mais il rencontra sur sa route la fortéresse de Bethsure , à six lieuës An du Hit
de cette' capitale, qui l'arrêta, & dont il fut obligé de faire le siége.
1841 1
Dans cette extrémité Maccabée & tous les Juifs qui s'étoient rassemblez
autour de lui à Iérusalem, recoururent au Seigneur par de ferventes prières &
lui demandèrent avec larmes qu'il envoïât à leur secours son bon ange pour
le salut d'israëL Aprés quoy Judas rempli de confiance il exhorta ses gens: a
le suivre, & à exposer courageusement leur vie pour le salut de leurs freres &
& de la religion de leurs peres..
pour la conservation des lieux saints
A peine étoient-ils sortis de Jérusalem, qu'on vit paroître un homme LXXIl.
à cheval qui se mit à leur tête; il étoitvétu de blanc, avec des armes d'or, & Combat
de:

portoit une lance à la main * dont il paroissoit ménacer les. ennemis. Les tre Judas con-
les
spedacle trouvérent animées d'un nouveau courage, troupes dff
troupes de Juda à ce se
& rendirent graces au tout puissant du secours qu'il daignoit leur envoïer. Ils Lysias.
marchérent courageusement aux ennemis, & fondirent sur eux avec une im-
pétuosité pareille à celle des lions, qui se jettent sur leur proye. Une telle
hardiesse répandit la frayeur dans l'armée ennemie. Judas leur tailla en pié-
onze mille hommes d'infanterie & seize cent chevaux. Tout le restefut
ces
mis en déroute. Plusieurs furent blessez & abandonnèrent leurs armes pour
fuir avec plus de promtitude.
Aprés ce combat, où toutes les forces du royaume de Syrie n'avoient LXXUK
bien qu'il lui seroit Lysias sai#
pu tenir tête à une poignée de monde, Lysias compritflatté mal
impossible de réduire les Juifs parla force & qu'il s'étoit à propos de la paix
multitude de ses prit donc le parti de leur faire avec les*
les opprimer par la gens. 11
JnUs.
parler, & leur fit dire qu'il étoit disposé à consentir à toutes les justes con-
ditions de paix qu'on pourroit lui proposer, & qu'il porteroit même le Roy
à faire alliance avec eux & à leur accorder son amitié. Judas écouta les pro-
positions de Lysias & de son cote donna ses demandes & ses prétentions par
écrit. On les envoïa au Roy, & ce Prince qui n'agissoit que par l'organe &
les conseils de Lysias , lui accorda tout ce qu'il souhaitoit, & écrivit à Lysias
en ces termes : „ Le Roy Antiochus à Lysias son frere, salut. Le Roy nôtre
pere aïant été transfére entre les Dieux, nous désirons que tous ceux qui;
„ sont dans nôtre vivent en paix & s'occupent tranquillement du
royaume,
„ soin de leurs propres affaires & comme nous avons apris que les Juifs ne
;
„ peuvent se résoudre à suivre l'intention qu'avoit mon pere de leur faire eni-
„ brasser les cérémonies desGrecs, mais qu'ils demandent qu'on les conferve
„ dans, la pratique de leur ancienne religion, & qu'on leur permette de vivre;
„ sélon leurs loys, nous délirant que ce peuple vive en paix comme les autres
„ de nôtre ordonné que leur temple leur foit rendu, afin.
royaume, avons
„ qu'ils vivent selon les loys & les coutumes de leurs ancêtres. C'est
„ pour-
quoy vous ferez bien d'envoyer vers eux, afin que connoiilant nôtre bonne
u.
volonté, ils reprennent courage & qu'ils veillent à ce qui regarde leurs in..
„ têréts particuliers, Telle fut la lettre du Roy Antiochus Eupator Lysias.
„ a
L XXIV. Ce jeune Prince écrivit en même tems aux Juifs en cette manière:
„ Antiochus
Lettre

Le Roy au Senat & au peuple Juif, salut. Si vous vous portez
d'Eupator bien, nous en avons de la joïe; nous nous portons bien aussi. Menelaiis
aux Juifs. „ s'est adressé à nous, &nous a fait entendre que vous seriez bien aise de
„ nir trouver ve-
vos gens qui sont auprès de nous. Nous avons donc accordé
un passeport à ceux qui voudront venir icy de vôtre part depuis ce jour,
„ jusqu'au trentième du mois Xantique; de plus nous permettons juifs
9,
aux
d'user de leur viandes & de vivre felon leurs loys comm'auparavant, & leur
„ accordons amnistie
pour tout le passé ; nous avons envoyé Menelaiis, afin
qu'il en confère avec eux. A Dieu l'an 148. le 1)'. du mois Xantique. Ce
„mois Xantique repond à nôtre mois d'Avril, & l'an 148. des Seleucides re.
vient à l'an du monde 3841. Menelaiis étoit alors reconnu comme chef &
Grand prêtre des Juifs dans la cour du Roy de Syrie.
Lysias aïant reçu les lêttres du Roy, écrivit aux Juifs que saMajesté leur
accordoittout ce qu'ils demandoient, que lui-même étoit disposé à leur ren..
dre toutes sortes de bons services auprès d'Eupator, pourveu qu'ils lui de-
meuratsent fidéles & obeissants; en même tems il fit partir des députez pour
conférer avec eux sur leS' autres articles qui pourroient faire quelques difticul-
tez. Afin que les luits & ces députez se rendirent auprés du Roy Eupator &
qu'ils lui fussent leur propositions, les Legats Romains qui devoient le trou-
ver vers le même tems à Antioche, écrivirent aussi aux Juifs, qu'ils ratinoient
tout ce que Lysias leur avoit accordé & que s'ils vouloient envoyer de leur
gens auprés du Roy, ils soutiendroient leurs intêréts, & leurs procureroient
tous les avantages possibles.
LXXV. Les Juifs se flattaient de vivre désormais en paix dans leur pays & de
Les Bour- cultiver tranquillement leurs campagnes, à l'ombre de ces traitez de paix &
geois de de ces belles promesses du Roy & de Lysias; mais leurs ennemis troublèrent
Joppé font bientôt leur tranquillité & les obligérent de reprendre les
périr les armes. Les Géné-
iiiis,; qui raux des troupes Syriennes , qui étaient dans la fudëe& dans les Provinces voi-
demeu- sines, les harceloient & lesinquiétoientcontinuellement. De plus les bour-
roient geois de Joppé invitérent un jour les Juifs qui demeuroient dans leur ville, de
dans leur
venir avec leurs femmes & leurs enfans prendre avec eux quelque divertisfe-
ville.
a. Macc. ment
dans des barques, qu'ils avoiént préparées sur la mer & dans leur port.
XIL 1. 2. Les Juifs qui vivoient dans une parfaite assurance & qui n'avoient aucun dé-
g. (ôc. mêlé avec ceux de la ville, montérent sur ces barques, sans se défier de rien;
An du M. mais ils ne furent pas plutost sortis du port, que ceux de Joppé en noiérent
3841-
environ deux cens.
LXX VI. ludasMaccabëe aïant apris cette nouvelle, ne délibéra pl-s a en tirer ven-
geance parles armes. Il marcha contre Joppé;
Prise de surprit & brûla leur port pen-
Joppé par dant la nuit, mit le feu à leurs barques, la plupart de ceux qui étaient Sans les
Judas Mac- nnisonsduport&sur les barques, furent consumez par le tea; ceux qui s'échap-
cabés. réier-
pèrent des flammes, furent passez au fil de l'épée. Après cela il se retira,
vJntàune autre fois d'attaquer la ville & de punir les bourgeoisde leur perfidie.
Pres-
Presqu'en même tems ludas eut avis que ceux de Jamnia vouloient em-
ploïer une pareille supercherie contre lesluifs de leur ville; il les prévint,les
surprit pendant la nuit, & brûla leur port & leurs Vaisseaux. L'incendie fut
si grand, qu'on en vit lalueur jusqu'à Ielusalem, qUOlqUeloignee de dix
lieues.
Apres cette expédition il tourna ses armes contreTimothée, ce Général LXXVH:
contre qui il avoit déjà eu affaire plus d'une fois. A peine avoit-il fait une Défaite de
demie lieuë qu'il rencontra une troupe d'Arabes de cinq mille hommes de pied Timothée
& de cinq cent chevaux. par Jud/as
Il les chargea, & aprés un rude choc, il les con- Maccabée"
traignit-~4e lui demander la paix. Ils promirent de lui donner otages de leur
fidélité & de le servir dans toute occasion.
Delà il passa le Jourdain pour aller chercher Timothée. Il attaqua da-
bord Chasbin autrement nommée Hesebon, ville forte par les eaux qui la dé""
,
fendoient & par ses hautes murailles. La garnison étoit nombreuse, & la place
remplie de munitions. Ceux qui la défendoient, insultoient Maccabée &les
liens, leurdisantdesparolesde blasphéme & des injures exécrables. Ce Gé-
néral aïant invoqué le nom du Seigneur donna l'assaut à la"- ville, l'emporta de-
force, y fit passer par le ni de l'épée une si grande multitude d'hommes, que-
l'étang voisin, qui avoit deux cent cinquante pas de large, paroissoit teint du'
sang des morts.
Delà il marcha contre Timothée ,'qui avoit ramassé une armée trés nom-
breuse puis qu'elle étoit de six vingt nulle hommes de pied & de deux mille
,
cinq cent Chevaux. Il avoit jetté dans la ville d'Astaroth*Carnaïm les baga-
ges , les iemmes & les ensans, & s'étoit campé au delà du torrent Jaboc. Judas
envoïa du monde pour le reconnoitre, & on lui rapporta que l'armée de Ti-
mothée éroit trés nombreuse & composée de tous les peuples des Provinces
circonvoisines; que ce Général se disposoit à passer le torrent de Jaboc, & à
le venir attaquer, aïant dit à ses troupes si Maccabée nous prévient & passe
,
le torrent le premier, il aura l'avantage sur nous; mais s'il nous laisse paÍsër'
le torrent, & qu'il attende que nous l'allions attaquer, il est perdu.
Judas aïant donc été averti de ses dispositions, se hâta de passer le Jaboc,
& de marcher à l'ennemi. Il donna des ordres trés précis que l'on ne laissat
personne en deça du torrent, & toutle monde étant pafsé, il marcha têtebaissée'
à l'ennemi. Cette pronltitude & cette résolution étourdirent l'armée de Ti:..
mothée; elle ne put seulement soûtenir le premier choc des troupes de Judas;
elle prit la fuite, & se jet ta précipitament dans le temple d'Astaroth Carnaïm.
Maccabée les poursuivit, prit la ville, brûla le temple & tous ceux qui s'y
étoient retirez, ruina la place, y tua vingt cinq mille hommes, sans coin.
prendre dans ce nombre ceux qui avoient été mis à mort dans le premier choc,,
lesquels étoient demeurez sur le champ de bataille, partie tuez par les troupes
de Maccabée, & partie s'étant percez l'un l'autre dans le trouble & la confu-
sion où ils s'étoient trouvez.
Timothée leur Général prit la fuite & voulut gagnerles montagnes, mais
il fut pris par Dosithée & Solipatre deux capitaines de l'armée de Judas, qui
lui
a
lui donnèrent la vie & la liberté, condition qu'il relâcheroit un certain nom-
br,e de prisonniers Iuifs, qu'il avoit en sa puissance.
LXXVIII. ludas aïantainsi dissipé tous ceux qui avoient conspiré la perte des Juifs
Judas delà du Jourdain, ramassa tout ce qu'il y avoit de personnes de sa nation,
transporte au '
femmes&enfans, leurs persuada de venir avec lui au deça du Jour-
dans laj.u.- hommes,
J

dain dans la ludée, où ils seroient plus en repos, & plus en seîlrlté. ils se
dée les
Juifs de
delà le
a
rendirent alternent sa prière, & étant arrivez à Ephron où il falloitnéceilài-
passer, ils trouvèrent les portes dela ville non seulement fermées, mais
Jourdain rementmurées, & les habitans résolus de leur refuser le passage. Maccabée
même
ordonna que l'on attaquât la ville de toutes parts & chacun endroit soy. Aprés
unassàut qui dura toutlereste du jour& toute la nuit, la place fut prise, pil-
lée &saccagée. Tous les mâles mis a mort, la ville ruinée jusqu'aux fonde-
mens. Aprés cela il passa le Iourdain avec tous ceux qui l'accompagnoient.
LXXIX. L'armée Juive qui avoit fait la guerre au delà du Jourdain, & qui y avoit
Défaite de remporté tant d'avantages, fut si heureuse, qu'elle ny perdit pas un seul homme.
Gorgias. Elle se rendit pour la Pentecoste au Temple de Jérulalem , où elle remercia
2. Macc.
Xlh 31. Dieu de tant de faveurs. Delà Judas marcha contre Gorgias qui conimandoit
32 2.6-C. dansrldulnée, l'armée des Juifs n'étoit que de trois mille hommes de pied &
An elu M. de quatre cens chevaux. Celle de Gorgias étoit beaucoup plus nombreuse.
3841- Iudas & les siens soutenus de leur confiance au Seigneur, attaquèrent hardi-
ment Gorgias & mirent son armée en déroute. Gorgias lui. même fut contraint
de prendre la fuite. Un cavalier de l]armée de Juda, nomméDollthée sàisit ce
Général; & comme il le vouloit prendre vif, un autre cavalier de l'armée en-
nemie se' jetta à la traverse, coupa l'épaule à Dosithée, & donna lieu à Gor-
gias de se sauver à Maresa prés d'Eleutheropolis.
LXXX. Un autre corps de l'armée de Gorgias tenoit encore tête àE[drin ouEsdras
Défaite de un des Chefs des Juifs. Ceux-ci étoient accablez de fatigue & épuisez par la
l'armée chaleur. Judas accourut àleurssecours, &s'adressantauDieu des armées, par
de Gor-
gias. lechant des hymnes & des cantiques, Dieu exauça sa prière, lui accorda la
vidoire & répandit l'épouvante dans les soldats de Gorgias, qui pi irent la fuite.
Iudas aïant rassemblé ses troupes, les aména à Odollam, qui n'étoit pas éloignée
du lieu du combat, ils s'y purifiérent & y célébrèrent le sabbat, qui tomboit
le jour suivant, car le combat s'étoit donné le vendredy.
LXXXI. Dans la reveuë qu'il fit des siens, il remarqua qu'il en manquoit quel-
Quelques qu'uns, qui avoient eté tuez dans la bataille. Dez que le jour du sabbat fut
Juifs tuez passé, Maccabée alla avec les siens sur le champ de bataille pour en retirer
dans le ceux'des luifs qui y étoient demeurez, &pour leur donner la sépulture; mais
combat sous leurs habits certaines choies qui avoient été
pour avoir en les dépouïllant on trouva
détourné consacrées aux Idoles, & qu'ils avoient prises dans un temple deJamnia; ; ap-
des choscs paremment lorsqu'ils etoient allé brûler & piller le port de cette ville quel-
souiUees.
tems auparavant. Tout le monde attribua leur mort à ces dépouilles pro-
que de la loy, qui défend de
fanes qu'ils avoient retenues contre l'ordonnance
prendre des choses consacrées aux faunes Divinisez: Vous jetterez au seu leurs
dont elles sont faites, v«us
Ca) Idoles dit Moyse Ca), vous ne def;rerez ni l'or ni l'argent
Deut. Vli» 7 n'en
25. Z6,
n'en prendrez rien pour vous, de peur que vous ne tombiez Jans le crime;'Car ces chosl.r
sont en horreur devant le Seigneur votre Dieu.
Les soldats de Maccabée adorérent les jugements de Dieu, & bénirent LXXXlt,
sa justice qui avoit découvertce que ces gens avoient voulu câcher; & se met-
Judas fait
prières ils demandèrent à Dieu qu'il lui plÚt oublier le pêché de leurs une quête
tant en pour le sa-
freres. Judas profita de cette occasion pour exhorter le peuple à éviter le pê- lut de ceux
ché & à vivre dans l'exacte observance de la loy, puisqu'ils voïoient devant qui étoient
leurs yeux ce qui étoit arrivé à leurs camarades. Ensuite il fit faire une quête morts dans
le combat.
pour le salut de cespersonnes qui étoient mortes. On recueïllit douze mille
dragmes d'argent qui font environ 4896- livres de nôtre monnoye qu'il envoïa à
lérusalem, afin qu'on y offrit des sacrifices pour l'expiation du pêché de ces
soldats; faisant voir par la qu'il avoit de bons & religieux sentimens sur la ré-
surredion des morts, car s'il n'avoit pas espéré que ceux qui étoient morts ré..
susciteroient un jour, il n'auroit eu garde d'en user ainsi ; & il auroit regardé
comme une chose vaine & superfluë de prier pour eux. Ainsi il considéroit
qu'une grande recompense est réservée à ceux qui sont morts dans la pieté,
& que c'est une sainte &Nalutaire pensée de prier pour les morts, afin qu'ils
soïent délivrez de leurs péchez. Ainsi parle l'auteur du second livre des Mac-
cabées, ce qui fait voir l'antiquité de la pratique de prier pour les morts, &
les motifs qui y engageoient les hébreux, savoir l'immortalité de l'anle, ré- la
surredion des morts & l'état des ames séparées du corps, capables de profiter
des priéres & des aumônes des vivans.
Maccabée marcha ensuite contre les Iduméens, qui pendant la captivité LXXKUI.
de Babilonne, s'étoient emparez de la partie la plus méridionale du partage Guerre de
de Iuda. Il prit sur eux la ville d'Hébron, & ses dépendances, puis il vint Maccabée contre les
dans le pays des Philistins, & après dans celui de Samarie, sans quepersonne Iduméens
parût en campagne pour l'empêcher. Dans ces expéditions quelques prêtres & les Phi-
luifs s'étant imprudemment engagez dans le péril, y furent tuez par leur faute. liltins.
Iudas revint sur ses pas, rentra dans le pays des Phililtins, prit quelqu'unes
de leurs villes, renversa leurs autels, brûla leurs Idoles, & retourna à léru-
salem chargé de riches dépouilles.
Comme la citadelle de Sion étoit toujours occupée par les gens du Roy Maccabée
de Syrie, qui tenoient le temple comme inverti, & troubloient autant qu'ils assiége la
pouvoient les Israëlites dans l'exercice de leur religion, Iudas résolut de se citadelle de Sion.
rendre maître de cette forteresse & d'en chasser les troupes de Syrie. Il ramassa 1. Macc
tout ce qu'il put de soldats & fit le siége de cette citadelle. On emploïa pour VI. 18.
l'abattre les instrumens qui étoient alors en usage pour les siéges, desbalistes 19. &C.
à jetterdes pierres &d'autres machines de situation An du M.
propres guerre, .mais la de 3841. avant
ce lieu & la résistance de ceux qui la gardoient, aîant fait tirer le siége en J. C. 169.
longueur, quelqu'uns des assiégez en étant sortis, & quelques apostats d'Israël
s'étant joints à eux, allèrent trouver le Roy Antiochus Eupator à Antioche &
lui firent de grandes plaintes de la conduite de ludas, qui les persécutoit en
tout lieu ; en haine de ce qu'ils avoient renoncé à leur religion , pour obéïr
aux ordres du Roy son pere, & exagerérent le danger auquel étoit exposée
la citadelle, si l'on n'y envoïoitun promt secours.
],xxxrv. Antiochus Eupator, résolut de mener enJudée de si grandes forces, que
Le Roy Eu- Maccabée ne pût leur résister, & qu'il fut réduit en un état où il ne lui iüt
pator se pas possible de troubler ce pays. 11 assembla donc une armée de cent mille
rend en Ju- hommes de pied, de vingt mille chevaux & de trente deux Eléplians dressez
dée, & as- au
fiégeBeth- combat. Cette armée vint en Palestine & s'avança vers Iérusalenl, prit le che-
sure. min de ridumée, qui étoit le plus aisé pour une armée où il y avoit des Elé-
i Mace. phans & de la Cavalerie. Le Roy y étoit en personne, pluto.lt pour donner
V7. 28 29. de l'autorité & de la réputation à ses
armes, que pour autre chose, car il étoit
30 . trés jeune.
Macr.
Il s'attacha d'abord àBethsure, que luda avoit fortifiée &où il avoit mis
2.
XIII. 1.2.
3 &c- une bonne garnison de gens d'élite. Les assiégez firent une vigoureuse sortie,
An du M. battirent les ennemis qui se trouvérent devant eux, & brûlèrent leurs machi-
384I.
nes. ludas quitta le siége de la citadelle de léru'alem & accourut au secours
des siens. Il s'avança juCqu'à Bethiacar environ à deux lieuës de Bethlure, &
fort prés du camp du Roy. La nuit suivante il pénétra avec une troupe des
plus vaillans des siens jusque dans le.canlp des ennemis & se fit jour julqu'au
quartier & aux tentes du Roy, tua environ quatre mille hommes & un des
plus grands Eléphans de l'armée avec ceux qui le montoient ; & aïant ainsi
jetté l'épouvante dans toute l'armée, se retira avant que le jour parût.
LX'XXV. Eupator ayant apris que tout ce tumulte n'avoit été causé que par une
Eupator poignée de gens aïant ludas à leur tête, regarda cette entreprise comme une
marche
contre Ju-
insulte & une marque de mépris. Il résolut de s'en venger & fit marcher toute
das à Beth- son armée contre
ludas qui étoit, comme on l'a dit, aBethsacar, sur un défilé
,sacar. fort étroit. Les deux armées fort inégales en forces, car celle de Judas étoit trés
foible, se trouvant en présence, on se prépara au combat. Lasituation favo-
risoit ludas, qui sans cela couroit risque d'être enveloppé & accablé par la mul-
titude ; lestrompetes se faisoient entendre de toutes parts & l'écho des montag-
conducteurs des Eléphans mon-
nes rendoit encore leur ion plus éclatant. Les
trérent à ces animaux du jus de mûres, & du vin pour les animer & les accoutu-
dans chaque bataillons. Mille
mer àvoir lesang. Ils partagèrent ces animaux
hommes armez de cottes demailles, & decasquesd'érain, servoient de garde
à chaque Eléphant, & cinquant chevaux choisis a voient ordre de lessuivre &
de les soûtenir par tout où ils iroient. Sur chacun des Eléphans étoit une tour
de bois & des machines par deilus; dans chaque tour on avoit mis trente des
plus vaillans hommes de l'armée, qui lançoient continuellement des dards
contre ceux qui leur résifloient. Le reste de la Cavalerie fut rangé sur les ailes,
soûtenir l'Infanterie disposée par bataillons à la manière des Grecs.
pour
Lorsque le soleil eut frapé de ses raïons les boucliers d'or & d'érain, il en
réjaillit un grand éclat sur les montagnes voisines. Une partie de 1 armée du
Roy mai choit sur le penchant des montagnes, & l autre partie marchoit dans la
plaine en ordre de bataille, & chacun gardant son rang. C'étoit un ipectacle à
la fois agréable par sa variété & par sa belle ordonnance, & terrible parle bruit
des armes & par cet appareil guerrier. Les peuples des environs étoient dans
l'attente du succés de la bataille, &l'air retentilToit des cris des combattans qui
mar-
hommes..
marchoient fièrement a l'ennemi. Judas s'étant 111is en mouvement fondit
impétueusement sur ceux qui se rencontrerent devant lui & en tua six cent
Eleazar surnommé Abaron,un deses freres, aiant remarqué un Eléphant Eleazar
distingué parsa grandeur, par iabeauté &parlarichesse de sbnharnois, crut srere de
LXXXVr.

Il s'avança, se fit jour a travers les Judas tuC;


que c'étoit celui que montoit le Roy.
ennemis qu'il poussa, qu'il renversa, qu'il tua, & par une hardiesse inouïe, un Elé-
phant, &
s'étant g1iile fous le ventre de cette bête, la perça, latua&la fit tomber par est ecrasé
écrasé du poid de chute, & mourut ainsi généreu-
terre ; mais pour lui il fut sa
par la chu-
sement pour sa patrie & pour le salut de son peuple. Judas voïant qu'il étoit te de cet
résister animak.
trop foible pour tenir la campagne contre un Roy si puissant & pourdéfendre
longtems à une armée si nombreuse, se retira à jérusalem , résolu de
la ville & d'y soûtenir le siége.
Eupator aiant ainsi obligé les Juifs de se retirer, revint au siege de -Bethiu-
. , Prire de
Il demeura assèz longtems devant cette fortéresse sans y faire beaucoup Bethsure.
re.
de progrés , non seulement à cause de la brave résistance des assiégez, mais
aussi parceque Judas rafraîchiffioit de tems en tems la garnison par de nouveaux
renforts & par quelques vivres qu'il luy envoïoit. Le Roy. s'ennuiant de la
longueur du siége, fit faire aux assiégez de nouvelles propositions de paix. Il
leur accordoit la liberté de se retirer où ils voudroient avec les marques d'hon-
neur qu'ils pouvoient desirer. Ce qui les obligea de se rendre fut principale-
ment la disette de vivres, cette année étant une année sabbatique, :où les Juifs
ne faisoient point de moisson.
De Bethsure le Roy marcha contre Jérusalem. La ville étoit sans fosséz Siège LXXXviU
du
& sans murailles. Judas & les liens se retirérent dans le temple & s'y défendi- temple de
rent, ils étoient en petit nombre, & n'avoient que peu de vivres. Ils firent Jérusalem
toutefois une longue&généreusedéfense. LeRoy n'oublia rien pour se rendre par le Roy
maître de ce saint lieu. Il fitdrefler plusieurs machines & divers instrumens de Eupator.
guerre contre les murailles; il Pt lancer des feux, des pierres, des dards pour
réduire les assiégez à demander la paix. Ceux-ci opposérent travaux à travaux,
machines à machines, & soûtinrent les travaux du siége avec une consiance
étonnante.
Pendant qu'on étoit Te plus occupé au siége de Jérusalem, Philippe, 'Lxxxvm.
dont on a parlé cy-devant, & à qui Antiochus Epiphanes avoit donné la ré- Eupator
gence de ses états, se rendit à Antioche, avec de grandes forces, que lui avoit fait la paix
avec les
données le Roy d'Egypte, prétendant faire valoir ses prétentions contre Lysias Juifs.
usurpateur de la regence & du gouvernement. Lysias appréhendant les suites ï. Mace.
de cette affaire, persuada au jeune Roy Eupator de quitter le. sié&e de Jéru- VU14.
a
salem, de faire la paix avec les Juifs & de retourner promtement Antioche, 2. Macc.
pour s'opposer aux entreprises de Philippe. XIII. 29.
Eupator qui n'avoitque le nom de Roy, consentit tout ce que à voulut 24»
Lysias. On parla aux Juifs, on leur permit de vivre sélon les loys, & on An du M.
leur accorda amnistie générale. Ils n'en demandoient pas d'avantage, la paix J.?84ï avant
C. 1 69..
fut bientôt concluë; Judas ouvrit au Roy les portes du temple. Ce Prince
embrassa Judas, le déclara Prince & Chef du pays depuis Ptolémaïde lusqu'atI
pays des Gerreniens au midy de la Iudée vers l'Egypte. Il offrit des sacrifi-
ces dans le saint lieu, & y fit des offrandes dignes de la dignité royale ; mais
aïant veu les fortifications & la force des murailles du temple, il les fit raier,
pour prévenir les guerres & les brouïlleries que cette fortéresse pourroit occa-
iionner à l'avenir.
LXXXIX. Aprés cela Eupator partit pour se rendre en diligence à Antioche; mais
Eupator sur sa route étant entré à Ptolémaïde, ceux de cette ville témoignèrent hau-
s'en re- leur chagrin de ce que le Roy eût donné àludas le gouvernement de
tourne à tement
Antioche. la Province & qu'il eût fait la paix avec lesluifç. Lysias étant allé dans la place
Mort du publique, harangua ceux de Ptolémaïde, leur fit entendre les puissantes rai-
Grand Prê- sons qui avoient obligé le Roy d'en user ainsi, & calma
tre Mene- esprits de par ion discours les
laÜs. ceuæ de la ville. Eupator étant arrivé à Antioche, écouta les Chefs
d'acusations que Lysias proposoit contre Menelaus, qu'il accusoit avec raiÍan
d'être la cause &le boucefeu de toute la guerre contre les luifs. LeRoyrelégua
(a) Menelaiis
*. Maee. àBerée, & ensuite le fit précipiter dans une tour pleine de cendres
XI11. 4. 1. où il fut étouffé. Ca) Alcime ou lacime fut établi Grand Prêtre en sa place. Il
6 7. 8.
tfofepb.
étoit bien de la race d'Aaron, mais non pas de la famille des Grands Prêtres.
.Alztiq. Lysias aïant persuadé à Eupator qu'il étoit du bien de l'état de faite sortir la
l.Xll. c.iç. grande sacrificature de cette ancienne & illustre maison.
XC. En cetems la Onias IV. fils du Grand Prêtre Onias f!I. & légitime héritier
Onias IV. de la dignité de Grand Prêtre, voïant que par cette derniére disposition le sa-
bâtit un maison, sans espérance de l'y voir rentrer, se retira
temple en cerdoce étoit sorti de sa
Egypte en Egypte, & sçut si bien gagner l'amitié du Roy Ptolémée Philométor, &
pour l'ura- de la Reine Cléopatre son épouse, qu'ils lui accordèrent la permission de bâtir
ge des Juifs un temple sur le modèle de celui de léru1àlenl, dans la préfecture de la ville
.te ce pays. d'Heliopolis, sfin qu'il put
y exercer les sonctions de Grand Prêtre en fàveur
des luiss qui étoient établis en Egypte en si grand nombre.
tfofepb. 11 exposoit dans son placet adressé au Roy Philométor, qu'il avoit veu
J. 1 J. c. 6. des temples consacrez en différens endroits par les luifs en l'honneur du Dieu
qu'ils adoroient comme dans laPhénicie, dans laCèle-Syrie, dans la ville de
Leontopolis en Egypte, & que comme ces différens temples causoient une
espéce de schisme parmi ceux de sa nation, il avoit formé la résolution, sous
le bon plaisir du Roy, pour réunir les esprits & les tenir plus attachez au ler-
vice & à la fidélité qu'ils devoient à sa Majesté, de conitruire dans ses états
un temple qui fut commun à tous les luifs qui demeuroient en Egypte. C'eil:
pourquoi il suplioit le Roy de lui permettre de nettoyer la place d'un ancien
temple abandonné, & qui n'étoit dedié à aucun Dieu dans le Bourg de Bu-
baste, pour leconsacrer au Dieu d'lsraël. Il ajoutoit que ce qui l'avoir prin-
cipalement déterminé à cette entreprise, étoit un Oracle duProphéte Isaïe a)
qui avoit prédit que le Dieu des 1uifs auroit un jour un temple consacré en Ion
(a) honneur dans l'Egypte. En effet Isaïe (a) avoit dit: En ces tems Iii il y aura un
ifûi. X. lX. Autel dédié tiu Seigneur au milieu de la terre d'Egypte & il y aura un monument érigé
39,20. ,
en son nom sur ses frontières ils serviront deligne se de témoignage au Dieu des armées
,
dans les terres d'Egypte; mais cette prédiction regardoit plutost le tems de la venue
de J. C. & la conversion des Egyptiens, que ce que prétendoit Onias.
Le
Le Roy Ptolémée Philométor délirant favoriser Onias, lui accorda la xcr.
permission d'ériger le temple qu'il demandoit. Ce temple fut nommé Onion; Philomé-
il étoit bâti sur le modèle de celui de Jérusalem, mais il étoit moins vaste & tor Roy
d'Egypte
moins riche. 11 y avoit une tour haute de soixante coudées, construite avec permet à
grand foin, & on y avoit emploie despi,érres d'une grandeur extraordinaire; Onias IV.
on n'v voïoit point de chandelier d'or à sept branches, comme dans celui temple debâtir un
à t
de Jérusalem; mais seulement une lampe d'or suspenduë à une chaine d'or Héliopoli$.
qui éclairoit l'intérieur du lieu saint, il étoit environné d'une bonne muraille- (0
de briques, avec des portes de pierre. tfofepb.
Philométor avoit eu d'abord quelque scrupule de permettre l'érection de Lib. 7. de "
Bello c. 30.
ce temple dans un lieu, où il y avoit des animaux impurs ; mais Onias leva Lib. i?.
son scrupule en luy montrant la Prophétie dont nous avons parlé; ce Prince Antiq. 6.
accorda même aux Prêtres qui déservoient ce temple, une certaine quantité Lib. d14»
de terres pour leur entretien. Onias attira auprés de lui quelques Prêtres du c.. 14-
Seigneur de la race d'Aaron, qui firent les fondions de leure ordres dans le
temple d'Onion; mais les Prêtres de Jérusalem les traitérent comme des préva-
ricateurs & des schismatiques, &les mirent au rang de ceux qui sous le régne
des Roys de Juda avoient sacrifié sur les hauts lieux; on ne leur permettait
pas, lorsqu'ils revenoient à Jérusalem, démanger la chair des victimes offer-
tes pour le péché , ni d'offrir des holocaustes sur l'autel ; mais seulement de
lérvir dans les offices les plus bas de la 11uiion de Dieu, & de se nourrir des
revenus communs du temple.
Alcime, à qui le Roy Antiochus Eupator avoit donné la grande sacrifi- XCIl..
Alcime
cature, n'aiant pus'en mettre en possession, à cause de la haine que les Juifs Grand Prê-
lui portoient, d'ailleurs n'étant pas dela race des Grands Prêtres, alla en porter tre & Bac-
ses plaintes au Roy Demetrius Soter Roy de Syrie qui s'étoit emparé de ce chide Gé-
royaume parla mortd'Eupator son neveu. Demetrius lui confirma la dignité l'armée
, néral de
de Grand Prêtre & le renvoïa en Judée avec Bacchide, à la tête d'une bonne de
Syrie, vien-
armée pour le maintenir dans ses droits.
Etant arrivez en Judée, ils envoïérent à Judas & à ses freres pour leur Judée. nent en
faire des propositions de paix, dans le dessein de les surprendre, mais Judas 1. Macc.
se défia de leur parole & ne voulut pas les écouter. Néanmoins quelqu'uns VII 1.2.
de la compagnie des Assidéens, qui étoient une éspéce de gens qui faisoient 3.4.;l'lacc.
proîession d'une pieté particulière, ^ à peu prés comme les Religieux de la nou- 2. XIV. 1.
velle loy, résolurent comme d'eux-mêmes d'aller trouver Alcime & Bacchide, 2. Cc.
pour tacher d'entrer en traité & de frire la paix avec eux, car ils disoient.- An842?a®ant du M.
c'tst un Prêtre de la race d'Aaron, il ne nous trompera point. Alcime reçut J. %
G. 168.
leurs députez avec de grandes démonstrations de bienveillance & leur pro--,Alcimc
,
mit avec serment qu'il ne leur seroit fait aucun mal; niais aussitôt que les Affi- cherche à
déens furent arrivez, il en fit arrêter soixante & les fit mourir. La nouvelle surprendre
de cette indigne adion aïant été divulguée, le peuple disoit: Il n'y a ni vérité Judas Mac-
ni juitice parmi eux, puisqu'ils ont violé la parole qu'ils avoient donnée & le cabée.
serment qu'ils avoient fait. Cela fut cause que plusieurs Juifs se retirérent de
Jérusalem craignant un pareil traitement.
,
Bacchide n'aïaiit pu révillir par cette victoire à mettre Alcime en possession XClH.
t 3 de Bacchide
de con- de 'la grande sacrificature, à laquelle étoit alors attaché le gouvernement un
traint les pays, sortit de Jérusalem, & parcourant toute la Province, la réduisit toute
Juifs de re- par la force à obéïr à Alcime. Delà il retourna à Antioche auprès du Roy.
connoître Alcime de son côté rassembla autour de lui un grand nombre de Juifs bro-
Alcime uïllons & peu atfe&ionnez au bien public, lelquels se sentant appuiez des
pour plusieurs désordres dans le pays. & y tuèrent bien
Grand Prê- troupes du Roy commirent
tre. du monde. Judas Maccabée s'étant mis à la téte de ceux qui lui étoient at-
tachez, qui étoient les plus zelés pour la loy & pour la religion de leurs
peres, réprima les entreprises de ceux du parti d'Alcime, & allant de tous
côtez dans la Judée chatia ceux qui s'étoient séparez de lui, reduisit Alcime
à quitter Jérusalem, & fut luy-même reconnu pour Grand Prêtre à son ex-
clusion.
xciv. Alcime s'en retourna donc à Antioche, portant au Roy une couronne
Demetrius d'or, une branche de palmier d'or, & d'autres branches d'arbres formées de
est envoié même métal, qa'on doutoit pas qu'il n'eût enlevées du temple. Il ne fit
ne
en Judée d'abord aucunes plaintès. Mais un jour le Roy l'aïant appellé à un conleiî,
avec une
armée. & lui aïant demandé quels étoient donc les desseinsdes Juifs, en prenantainsi
les armes contre luy, Alcime parla sortement contre Iudas & contre les A Si-
déens, disant que c'étoit eux qui fomentaient la division dans le pays & re-
fusoient opiniâtrement de le reconnoître pour Grand Prêtre ; que les autres
Iuifs de Iudée gémissoient aussi fous l'oppressîon de ludas, qui étoit l'unique
cause de tous ces désordres.
Ce discours d'Alcime fut appuie de ses amis & de la plupart de ceux
qui étoient du conseil, &DemetriusenvoïaenIudéeNicanoravec des bonnes
troupes pour se saisir de ludas, pour dissiper le parti qui lui étoit étant
attaché &
sa dignité.
pour établir Alcime dans la jouïssancelesdegrandes Nicanor venu
dans le pays, y jetta l'épouvante par forces dont il étoit accom-
pagné; Ion armée fut encore conudérablement grossie par les gentils que lu-
das avoit chassez de la Iudée. Simon frere de ludas s'étoit avancé avec quel-
ques troupes au devant de lui, jusqu'au chateau
il
de Dessau; mais n'oza
hazarder le combat, avec le peu de monde qu'il avoit. D'un autre côté les
Iuifs fidéles mettant toute leur confiance au Seigneur, se rendirent au temple
& s'étant orosternez, se couvrirent la tête de poussiére , & implorèrent
avec beaucoup d'instance le secours
du tout puissant.
xcv. Nicanor qui connoissoit la valeur de Iuda$, & l'avantage que les troupes
Bonne in- du pays avÕient contre les étrangères dans un terrain tout coupé de montag-
telligence
nes & de défilez, ne jugea pas à propos d'emploïer d'abord contr'eux la voie
entre Nica. des il deputa à ludas & à ses freres trois personnes pour leur faire des
nor & Ju- armes; peuple les conditions qu'on lui
das Macca-. propositions de paix. Iudas aïant exposé au
bée. offroit, tous furent d'avis d'accepter la paix & de faire un accommodement,
c'est pourquoy on prit jour pour en conterer. ^ Iudas & Nicanor se donnèrent
rendés-vous en un certain lieu; on leur porta à chacun une chaise, ils s'afli-
rent, & conférérent tranquilement sur les matiéresposté qui faisoient le sujet de
la ouerre. Iudas craignant quelque surprise, avoit du monde à portée
dele secourir, s'il étoit attaqué mais sa précaution fut inutile; la contërence
>
s étant
s'étant faite très paisiblement, Nicanor demeura en paix dans Jérusalem, & con-
gédia même les troupes qu'il avoit nouvellement levées; il vivoit avec Judas
dans une grande union, jusque la qu'il lui conseilla de se marier & d'avoir des
enfans, & en effet Judas se maria en ce tems-là.
Alcime prenant ombrage de la bonne intelligence qu'il voïoi-t entre ces
deuz Généraux, alla à Antioche, & acusaNicanord'agir contre les intérêts du
Roy, en donnant la grande sacrificature à Judas & d'avoir ainsi augmenté le
mal, au lieu de le guérir.
Le Roy Demetrius aïant conçu de la défiance contre Nicanor, lui écri- xcvt.
ricaner
vit qu'il trouvoit fort mauvais qu'il eût ainsi traité avec Judas sans sa participa- essaye de
tion & qu'il lui ordonnoit de le lui envoïer chargé de chaines, à Antioche. Ni- surprendre-'
canor fut affligé de l'ordre qu'il reçut du Roy, car n'aïant reçu aucun sujet de Juda.
plainte de la part de Judas, il lui. fachoit d'user de violence envers lui, & d'en- 1. Jvlacc.
fraindre sans raison l'accord qu'il avoit fait avec lui ; mais ne pouvant résister Il11. 2.7.2.8.-
ordres du Roy, il commença à chercher quelqu'occasion favorable pour 29. <!6c.
aux 2. Macc.
sesaisir de Judas. Celui-ci s'étant aperçu de certains airs de dureté & de froideur XiV. 27.
que Nicanor n'avoit pas accoutumé d'avoir avec lui, entra en défiance, & ac- 28. 29..
compagné de quelqu'uns des liens il se déroba de- Jérusalem, & se jetta dans An du M-
des lieux forts à la campagne. 384?.avant
Nicanor au désespoir d'avoir manqué son coup, dissimula toutefois son dé- J.C.167.
pit, & aïant rassemblé son armée, il la fit venir à Jérusalem, & envoïa vers
Judas &les freres, leur disant : Je ne suis pas venu pour faire la guerre, mais
pour traiter de paix ; venez-ici avec peu de monde, & trouvez-vous en un
certain endroit, & nous parlerons d'accommodement. Iudas vint donc au
rendez-vous, & ils se saluérent comme amis. Mais s'étant aperçu que ce n'é-
toit que pour le surprendre, il se retira & ne voulut plus avoir de commerce
avec Nicanor. Celui-ci voïant bien qu'il ne réüffiroit pas parlaruse, résolut
d'emploïer la force. Il fit avancer ses troupes a Caphar-Salama où étoit lu-
das & les siens. Le combat se donna au même lieu, & Nicanor y perdit cinq
mille hommes.
Mais comme l'armée desMaccabées n'étoit pas capable de tenir. la cam- XCVIL
judas sort
pagne contre celle de Nicanor infiniment plus forte, ludas & les fiens se retiré- de Jérusa-
rent d,ns Iérufàlenl, & se fortifièrent dans le tempieT Nicanor y vint quelque lem & se
temsaprés, dansle dessein d'envelopperIudas & deleprendre.. Mais il le pré- retire avec
vint & en sortit avec ses gens avant l'arrivée de Nicanor. Celui-ci étant entré ses gens
dans lesaint lieu, quelqu'uns des Prêtres le vinrent saluër dansunesprit de paix, dans la
& lui firent voiries holocaustes qui s'offroient dansletenTpie^pûur leRoyDe- campagne.
metrius. Nicanor s'en railla, & traita les Prêtres sans resped, comme des per-
sonnesdu commun. En même tems il leur ordonna de lui livrer ludas. ils.
répondirent qu'ils ne savoient où il étoit ; qu'il étoit sorti la veille avec ses gens.,
& ils le lui assurérent avec serment; mais il leur dit en colére en jurant; Si
on ne me livre ludas avec son armée entre les mains, dez que je serai de re-
tour victorieux, je brûleray ce temple, & je le raseray jusqu'aux fondemens ;
je renverserai cet autei, & je consacrerai ce lieu au Dieu Bacchus. Aïant dit
ces paroles il se retira plein de fureur.
Les
Les Prêtres concernez élevèrent les mains au ciel & prièrent le tout
puissant de les protéger & de garantir de la profanation ion saint temple, qui
venoit d'être purifié, & qui étoit à peine sorti de la main des gentils. Seig-
neur, disent-ils, vous avez choisi cette maison, afin que vôtre nom y fût in-
voqué, & qu'elle fût une maison d'oraison pour vôtre peuple. Faites-donc
éclater vôtre vengeance contre cet homme & contre son armée; qu'ils tom-
bent sous le trenchant du glaive. Souvenez-vous de ses blasphémes & de ses
menaces, & ne permettez pas qu'il demeure impuni sur la terre.
XCVIII. En ce tems la on accusa auprés de Nicanor un des Senateurs de Jérulà-
Mort du lem, nommé Rhasis. C'étoitun vieillard vénérable & de grande réputation,
vieillard
Rhalis. qu'on appelloit le pere des Juifs, à caure de l'affedion qu'il portoit à son peuple.
Ca) Il ménoit depuis longtems dans le Judaïsmeune vie très innocente & trés éloi-
2. jvlacc. gnée des souïllures du paganisme, étant prêt d'abandonner son corps auxtour-
XIV. 37, mens&savie
33. 0ç. aux plus rigoureux suplices, pour soûtenir sa religion & pour en
conserver la pureté. Il avoit déjà autrefois été appellé en jugement devant
les gentils, comme trop zelé pour le Judaïsme & trop déclaré pour la liber-
té de sa nation. On le déféra de nouveau à Nicanor comme partisan de Ju-
das & opposé au gouvernement royal.
,
Nicanor à qui il importoit dans ces conjonctures de donner des marques
publiques de sa haine contre les Juifs, envoïa cinq cent soldats pour prendre
Rhasis dans sa maison. Rhasis fit résistance, les soldats firent effort pour en-
trer, voulurent rompre les portes & mettre le feu au logis. Le vieillard se
voïant sur le point d'être pris, se donna un grand coup d'épée, aimant mieux
mourir courageusement que d'être livré aux pêcheurs, qui en vouloient autant
à sa religion qu'à sa vie, & que d'être exposé aux outrages & aux insultes in-
dignes de sa naissance; & comme dans la précipitation dont il s'étoit frappe,
il ne s'étoit pas porté un coup mortel, lorsqu'il vit cette troupe de soldats
forcer sa maison, il court avec une fermeté incroïable au haut de laplatte for-
me de son logis, & se précipite du haut en bas sur le peuple, qui étoit ac-
couru à ce tumulte.
Tous s'étant promtement retirez pour n'être pas accablez de sa chute,
il tombe la tête la première; & comme il respiroit encore il fait un nouvel
,
effort & se releve; des ruisseaux de sang coulent de ses playes, il court avec
rapidité, & se faisant jour à travers la presse du peuple, il monte sur une pierre
elevie, & tirant ses entrailles hors de san corps par lablessure qu'il s'étoit tàite,
il les répand avec ses deux mains sur le peuple, invoquant le dominateur de
la vie , & le priant de le résusciter un jour. On peut croire qu'il suivit en
cela Pimpreffion du saint esprit, sans quoi il ne seroit pas aisé de le justifier de
s'être ainsi donné la mort. Les gens de Nicanor admirèrent son courage &
se retirérent.
XCIX. Nicanor aïantsçu que Judas Maccabée étoit dans le pays de Samarie, ré-
Défaite de solut de l'aller cherchera de lui livrer la bataille le jour duSabbath, croïant
Nicanor apparemment qu'il se laissérent attaquer sans se défendre ce jour la. Les Juifs
par Judas qui étoient dans l'armée de Nicanor prioient ce Général de révérer le jour du
Maccabée.
Apparitionl Sabbat, & de ne les pas obliger de prendre les armes ce jour la; mais il leur
demanda
demanda avec arrogance, s'il y avoit au Ciel un Dieu puissant qui eût ordonné1 de Jéré-
le repos du Sabbat? Ils lui répondirent, que le Dieu vivant, maitre & Créateur mie.
du Ciel & de la terre, avoit commandé que l'on gardât le repos du septiéme 1. Mace.
jour. Il répliqua: & moy qui suis puissant sur la terre, je vous commande VlI.Ée)c. 39.
de prendre
r les armes pour le service du Roy, & pourobeïr à ses ordres. 40.
2. Macc.
,
Eit même tems il marcha à Bethoron, & Judas s'avança à Adersa à une XV.i.i.
bonne lieuë de là. Maccabée mettant en Dieu toute sa confiance, exhorta ses ?. «C.
troupes à se bien defendre, leur donna des instrudions tirées de la loy &des An du M.
Prophètes, les fit souvenirdes combats qu'ils avoientdonnez autrefois, & où 984;-
Dieu leur avoit toujours accordé la victoire,leur rappella les prodiges opérez
en faveur de leurs ancêtres; enfin il leur rapporta une vision qu'il avoit eue, &
quil'avoit comblé de joïe & de courage. Il luy sembloitqu'Onias, qui avoit
été Grand-Prêtre, étendoit ses mains vers le Ciel, & priaitpour tout le peuple.
Qu'ensuite il avoit veu paroitre un- autre homme vénérable par son âge, tout
éclatant de gloire, & environnéd'une grande Ma jessé, qu'Onias avoit dit à Ju-
das enlui montrant ce personn age si respectable: c'e[t-là le véritable ami de ses
freres & du peuple d'Israël. C'est-là Jérémie, ce Prophéte de Dieu, celui qui
prie beaucoup pour ce peuple & pour la ville sainte. Judas ajoûtoit qu'en même
tems Jérémie étendant la main, lui avoit donné une épée d'or, & lui avoit dit:
recevez cette épée sainte comme un présent que Dieu vous fait, & avec laquelle
vous renverserez les ennemis de mon peuple d'Israël.
L'armée de Judas animée par ces discours, ne demanda plus qu'à attaquer
l'ennemi.. Lorsqu'on fut en pré(ence, Maccabée élevant les mains au Ciel,
fit à Dieu cette prière : C'est vous, • grand Dieu, qui avez envoyé vôtre Ange
(ousEzechias Roy de Juda, & qui par son moïen avez mis à mort cent quatre
vingt cinq mille hommes de l'armée de Sennacherib. Envoïez-nous aujour-
d'huy vôtre bon Ange, quiinspire la terreur de la puissance de vôtre bras dans
le cœur de nos ennemis. Aïaut ainsi parlé, il chargea l'armée de Nicanor.
Celui-ci fut tué tout le premier, & ses troupes voïant leur Général renversé
jettérent leurs armes & commencèrent à fuïr. Les Juifs en tuérent trente cinq,
mille, & les poursuivirent toujours battantjusqu'à Gazera,dans le pays des Phi-
listins. Les Juifs qui étoient dans les villes & les Bourgs des environs, se joigni-
rent à l'armée deJudas pour donner la chasse aux fuïards, de telle -torte qu'il ne
s'en sauva pas un seul.
Aprés le combat, comme on revintpour dépouïller les morts,
on trouva
le corps de l'impie Nicanor ; alors il s'éleva un grand cri de joïe de toute c
l'ar- Mort de-
niée; & ils commencèrent à benir Dieu, en chantant des cantiques de louanges Nicanor.
au Seigneur en langue hébraïque. Judas commanda qu'on coupât la tête à ce
Général, avec son bras, sa main & son épaule, & qu'on les portât comme
triomphe à Jérusalem, Il y vint luy-nlême avec son armée, & fit voir en
peu-
ple aKemble la tête de Nicanor en leur disant: voila la tête de ce Nicanor,au voila
cette main qu'il a osé étendre avec ménaces contre la maison de Dieu,disant
qu'il la raier oit & la profaneroit. Il montra ensuite ces membres Syriens
aux
qui étoient dans la citadelle, & leur apprit la victoire qu'il venoit de remporter
contre Nicanor.
Judas fit suspendre cette main vis à vis le temple, & ayant fait couper la
langue de cet impie en petits morceaux, il la donna a manger aux oiseaux; en-
fin il fit suspendre la tête au haut de laforteresse deSion, afin qu'elle fût expo-
sée aux yeux de tout le monde, commeun signevisible de la vengeance de Dieu
contre l'impiété, & de son secours en faveur de ses serviteurs. On ariYcad'un
commun contentement qu'à l'avenir on feroit memoire de ce grand événe-
ment par une fête solemnelle, qui se celébreroit tous les ans le 13. du mois
Adar, qui revient à peu prés à nôtre mois deFevrier. Cette fête ne se fait
plus aujourd'huy parmi les Juifs.
Ci. Depuis cette victoire les Maccabées demeurèrent maîtres de la ville sain-
Alliance & la Judée fut en paix pendant quelque tems. Judas attentif aux intérêts
de Judas te ,
Mac cubée de sa nation,
résolut de rechercher l'alliance des Romains contre le Roy De-
avec les metrius Soter. Il savoit quelle étoit la puissance & l'autorité des Romains par
Romains. tout le monde, & la protection qu'ils accordoient à leurs amis. Il envoya
J. Macc. donc à Rome Eupoléme fils de Jean, & Jason fils d'Eleazar, & les chargea
VIII. 1. 2. de demander Senat qu'il lui plût recevoir la nation des Juifs au nombre de
3. au
An du M. ses alliez.
?84?avant Les députez ayant exposé au Senat le sujet de leur ambassade, on leur
J.C, 157. accorda l'effet de leur demande, & on fit graver les conditions de l'alliance ré-
à
ciproque sur des tables d 'e"rain, dontonenvoya Jérusalen1la copie, pour être
exposée dans le temple & gardée dans les archives de la nation. Les Romains
s'engageoient à tenir les Juifs pour peuple ami & allié, à leur fournir en cas
de guerre, tous les secours d'hommes & d'argent dont ils auroient bésoin,
de n'accorder rien de pareil à leurs ennemis; à charge que les Juifs de leurs
cotez contraderoientles mêmes obligations envers les Romains. De plus, ceux-
ci écrivirent au Roy Demetrius Soter, qu'ils avoient reçus les Juiss dans leur al-
liance, & qu'il eût à les traiter à l'avenir comme amis du peuple Romain.
fil. Pendant que Iudas sollicitoit l'alliance avec les Romains, le Roy Deme-
fcacchidc trius Soter informé de la mort de Nicanor& de la défaite de son armée, envoya
& Aleime Judée Bacchide avec Alcime Grand-Prêtre desJuifs, à la tête de
Tiennent de nouveau en
en Judée vingt mille
hommes de pied & de deux mille chevaux. Etant arrivez dans
avec une la Galilée, ils campèrent à MesTaloth, delà ils vinrent à Arbéles trois
à lieues
armée. de la ville deLegion. Ils prirent cette dernière ville, & y tuérent grand nombre
1. Macc. de Juifs. Delà ils s'avancèrent droit alèrusalem, & y entrèrent sans difficulté,
JXi. 2. Judas & les siens en étoient sortis. Ils s'étoient retirez aux environs
&c. parceque
An do M. deBethel; Bacchide marcha alui& campa à Beroth, prés Bethel.
3 Judas n'a-
e84;.aVatilt voit que mille hommes choisis, & encore plusieurs se retirèrent,ayant veu la
J. i. 1 7. multitude des ennemis, de manière qu'il ne lui en resta que huit cens.
Dans une si grande extrémité , Judas ne pouvant ni rasH mbler une ar-
mée plus nombreuse, ni reculer avec honneur, anima ses gens & les exhorta
à combattre génèreusement malgré l'inégalité de les forces comparées à celles
des ennemis. Ils lui représentérent qu'ils étoient en trop petit nombre, qu'il
étoit de la prudence d'attendre quelque renfort, & de différer la bataille;
qu'il y avoit de la témérité de s'expoler ainsi au péril sans nécessité. Judas
leur répondit: à Dieu ne plaise que nous suyions devant nos ennemis. Si
nôtre
nôtre heure eflt venue, mourons généreusement pour nos frères,& ne souil-
Ions pas l'éclat de nôtre gloire par une fuite honteuse.
L'armée de Bacchide sortit de son camp partagée en deux corps. Les Mort Cili.
de
archers & les frondeurs marchoient à la tête; le premier rang étoit composé Judas Mac.,
de tout ce qu'il y avoit de plus vaillans soldats; Bacchide commandoit l'aîle cabée.
droite. Les trompetes commencèrent à sonner des deux armées, & les mon- An du M.
tagnes retentirent de leur bruit. Le combat dura depuis le matin jusqu'au J.384.}.avant
soir. Judas voïant que l'aîle droite étoit la plus forte, fit un effort avec les (5.1*7-
blus vaillans de ses troupes pour la forcer. Ils rompirent cette aile & la pour-
suivirent jusqu'à la montagne d Azot, qui elt environ a eux lieues ce tferot ou
se commença la bataille ; mais l'aîle gauche aïant enveloppé Judas &ses gens
par derriére, le combat recommença & fut très-long &
trèsopiniâtre. A la
fin Judas accablé par la multitude des ennemis tomba mort sur un tas de Sy-
riens qu'il avoit tuez. Ses gens se retirèrent & vinrent àJérusalem. Ses fre-
à l\Iodin dans le
res Jonathas & Simon enlevérent son corps, & l'enterrèrent
tombeau de ses Peres. Tout lsraël en fit le deuïl pendant plusieurs jours : on
chanta publiquement en son honneur ce cantique lugubre : comment est-
il tombé cet homme invincible, qui sati voit le peuple du Seigneur. Telle fut
la fin de ce Heros, dont on ne sauroit allez louër lafoy, la religion & la va-
leur.
Aprés cela Bacchide demeura maître de tout le pays; il avoit sous lui CIV.
des Lieutenans ou Sou-Gouverneurs, qui faisoient une trés-exa&e recherche Jonathas succéde à
des amis de Judas & les mettoient mort comme
à ennemis de l'Etat. Alors Judas Mac.
ceux qui avoient été attachez à ce grand homme, vinrent trouver Jonathas cabde.
son frere surnommé Apphus, & lui dirent : depuis que Judas vôtre frere est
décédé, nous n'avons personne qui tienne tête à Bacchide,& qui sc:!oppose à
nos ennemis: c'est pcurquoy nous vous avons choisi pour nôtre Prince &
nôtre Général dans toutes nos guerres. Jonathas accepta l'honneur qu'on o
lui faisoit, & semit à la tête des Juifs fidèles. Bacchide depuis cette heure cher-
J
cha tous les moïens de le faire périr; mais Jonathas & Simon son frere avec
ceux de leur parti, se retirérent prés deThecué dansledésert sur la Mer morte.
Delà ils pailerent le Jourdain, & Bacchide les suivit, résolu de leur livrer ba-
taille le jour du Sabbat, présumant qu'ils n'oseroient se défendre ce jour-là.
Jonathas instruit de son dessein, envoïa Jean son frere surnommé Gad- Cv:
dis, vers les Nabathéens ses alliez, pour les prier de retirer chez eux leurs Jean nommé
sur-
bagages & leur suite qui étoit grande, & qui ne pouvoit que leur causer de Gaddis est
l'embarras dans la guerre qu'ils avoient à soûtenir. Jean partit donc, mais tué par les
il arriva que les fils de Jambri de la ville de Medab^tombèrent sur Jean, le fils de Jain-
prirent, le tuèrent & enlevérent tout ce qu'il menoit avec lui. Jonathas ne bri de Mc...
différa pas longtems à en tirer vengeance. On lui dit que les mêmes fils de daba.
Jambri faisoient: un célèbre mariage, & qu'ils devoient méner en grande com-
pagnie une nou velle épouse de la ville de Gabatha à Me"daba ; ils allèrent donc
se mettre en embuscade derriére une montagne sur le chemin, & lorsque le
nouveau marié vint avec ses amis & ses parens armez, ménant l'épouse au
Ion des tambours & des instrumens de Musique, Jonathas & les liens fondi-
rent sur eux, en tuérent un grand nombre, firent un riche butin. Tout ce
qui put échapper, se jetta dans les montagnes.
cvi. Bacchide aïant pasfé le Jourdain, vint chercher Jonathas pour- le com-
Combat battre. Celui-ci étoit campé d'une manière
entre Bac- dain
ti és-désavantageuse, aïant le Jour-
chide, & par derriére, des marais & des bois à droite & à gauche, de manière qu'il
Jonathas ne pouvoit ny éviter le combat, ny se retirer, au cas qu'il auroit quelque
Maccabée. désavantage. Dans ce danger il eut recours au Dieu des armées; exhorta
ses gens à bien combattre, les rangea avec le plus d'avantage qu'il lui fut
possible, & en même tems livra la bataille. D'abord Jonathas courut sur
Bacchide & étendit le bras pour le, frapper; mais Bacchide évita le coup en se re-
tirant en arriére. Les troupes de Jonathas aprés avoir combattu quelque
,
tems avec beaucoup de vigueur,& avoir repoussé les ennemis à quelque distance
du Jourdain, se jettérent dans ce fleuve 6c le passérent à la nage à la veuë.de
l'armée ennemie. Bacchide perdit mille hommes dans ce combat, & Jona-
thas avec ses gens se retirérent dans les lieux forts du pays, &y demeurérent
quelque tems en repos.
CVlh Alcime se trouvant maître de la ville de Jérusalem & du temple, fit
Mort d-Al- ahbattre la muraille qui réparait le parvis du temple & celui des Piètres, &
cime G. P. qui
des Juifs. avoit été conltruit par les ordres des Prophètes Aggée & Zacharie. Mais dans
:1. Macc.
le même tems qu'il fit travailler à cette démolition, il fut frappé de Dieu &
IX. 14- 5 ne put achéver ce qu'il avoit commencé. 11 devint perclus & paralytique;
16. ($c- sa langue fut liée, sans qu'il pût proférer une seule parole, ni mettre
,i. Macc. ordre à sa maison.
aucun
JC. 1. 2. 3.
Il mourut ainsi dans de grandes douleurg. Apres cela
4.
Bacchide s'en retourna à Antioche, & le pays demeura en paix pendant deux
An du M. ans.
3 844. avant Au bout de ce terme les ennemis de la paix avertirent Bacchide que Jo-
J. G. 156. nathas & les siens vivoient
CVIII. en assurance, sans sè défier de rien, & que si Pon
® Guerre en- vouloit venir en Judée avec des troupes, on les surprendroit tous en une nuit.
tre Bacchi- Bacchide se rendit donc en Judée à la tête des troupes du Roy Demetrius,
de & Jo- & écrivit à ceux qui lui avoient donné cet avis, d'arrêter Jonathas avec ses
nathas. amis & de les lui envoïer. Mais les traitres ne purent venir à bout de leur
intention, parceque leur projet fut découvert. Jonathas quelque tems aprés
en prit cinquante, & les fit mourir. Ensuite pour se mettre à couvert de
pareilles entreprises, il se retira lui & Simon son frere avtfc ceux qui leur
étoient attachez, dans le désert de Jéricho où ils se fortifièrent. Bacchide
,
les y alla assiéger; mais après une longue re"sittaiice, Jonathas sortit de la for-
téresse pour amasser des troupes, & y laissa son srere Simon pour défendre
la place.
Jonathas avec ce qu'il avoit rassemblé de soldats défit plusieurs partis
ennemis & quelques Capitaines de l'armée de Bacchide, ce qui donna une
grande réputation à ses armes. Simon de son côté aïant fait une vigoureuse
sortie sur ceux qui l'asfiégeoient dans Betagla, brûla leurs machines de guerre,
défit les troupes ennemies & déconcerta Bacchide, qui déchargea sa colère
contre ceuæ qui l'avoient engagé dans cette entreprise, en fit mourir plulieurs,
& résolut de s'en retourner en Syrie avec les restes de sOD armée.
Jonathas
Jonathas Payant sçu dans ces dispositions, envoya lui faire des propo- PaixCiX.
entre
sissons de paix, avec offre de lui rendre les prisonniers qu'il tenoit. Bacchide Bacchide
fut ravi de trouver cette ouverture, afin qu'il ne parut pas que son voyage eût & Jona-
été inutile. Il promit à Jonathas avec serment de ne lui faire jamais aucun thtas^
mal, & de le laisser en paix dans le pays. Jonathas lui rendit les prisonniers,
& Bacchide s'en retourna en Syrie, & ne revint plus en Judee;ainsi la guerre
cessa dans lsraël. Jonathas fixa sa demeure à Machmas, & fut téconnu pour
Gouverneur du pays. Il jugea lsraël à peu prés avec la même autorité, qu a-
voient fait les anciens Juges avant le régne de Saül, & employa ses forces a
exterminer les Juifs impies & Apostats, quiétoient les plus grands ennemis
du rpnns nublic & de la famille des Maccabées.
Les brouïlleries qui arrivèrent alors dans le Royaume de Syrie,donnèrent Le Roy T)C-
CI-Y.,

lieu à de grands & heureux changemens dans les affaires des Juifs. Alexandre metrius rc..
Balles fils naturel d'AntiochusEpiphanes, s'étantenlparé de quelques places cherche
de la Phénicie, & s'étant fait réconnoitre par quelques troupes pour Roy de l'amitie de'
Syrie, le Roy DemetriusSoter accourut en Palestine avec une armée pour Jonathas.
Balles; écrivit même tems à Jonathas des i Maec.X-
s'opposer aux progrés de il en en
d'affection de c'onfiance, le retenir 1. 2. 3. (§c.
termes pleins de témoignages & pour An du M.
dans ses intérêts; il lui donnoit pouvoir de lever une armee, de faire forger avant
des armes, le déclaroit son allié, & lui rendoit les otages qu'il avoit dans la J. G. 14Y.
fortéresse de Jérusalem. C'étoit lui accorder une éspéce d'indépendance & le
droit de faire la guerre, que jusqu'alors les Roys de Syrie avoient refusé aux
IHaccabées.
Jonathas lut cette lettre devant le peuple assemblé à jérusalem , se fit
rendre les otages qui étoient dans la citadelle, arma des troupes & s établit
dansjérusalem. Il la rebâtit, la fortifia, fit environner la montagne de Sion
de bonnes murailles, & devint ainsi redoutable à ses ennemis ; les garnirons
que Bacchide avoit laissées dans la judée,
sortirent des villes où elles étoient
& se retirérent en Syrie. Il resta seulement dans la forteresse de Bethfure
quelques Juifs renégats, à qui ce lieu servoit de retraite; de maniére que le
pays se trouva assez tranquile. ex]"
Alexandre Ballés ayant seules grands exploits de Jonathas & de ses treres, JonathaS
résolut de le mettre dans ses intérêts, & de le detâcher du parti de Demetrius s'attache
Soter. Il lui écrivit en ces termes : „ Le Roy Alexandre à son frere Jonathas , au parti
salut: aïant apris que vous êtes homme de valeur & digne de nôtre amitié, d'Alexan^
„ établissons aujourd'huy Grand-Prêtre de vôtre nation , & nous dre Ba'iJéS
nous vous
,, voulons qu'attaché in- contre le
portiez la qualité d'ami du Roy, afin a nos
„ têréts que vousmainteniez dans nôtre amitié. il li^L£iivoïa avec cette lettre Roy de Sy-
„ vous vous rie.
robbe de & une couronne d'or.
» uneJonathas pourpre
aïant reçu cette lettre & ces prêtons, se revétit de la robbe sainte
& desornemens de Grand-Prêtre, le jour de la fête des tabernacles, neuf ans
aprés la mort de Judas Maccabée son frere, & sept ans aprés celle d'Alcime
Grand-Prêtre. En même tems il se déclara pour Alexandre Ballés contre le
Roy Demetrius, leva des troupes, & fit fabriquer une grande quantité d'ar-
mes: Demetrius de Ion côté écrivit à Ionathas & lui fit des offres encore
beaucoup plus avantageuses que ne lui en avoit faites son concurrent; mais
Jonathas ne voulut point recevoir ses lettres, ny sedépartir des engagemens
qu'il avoit pris avec Balles.
exil Les deux Compétiteurs, Alexandre Balles & DemetriusSoter, résolu-
Demetrius rent de vuider leurs différens par un combat. L'aile gauche de Demetrius
est défait battit l'aile droite d'Alexandre Ballés,
Ale-
& réciproquement l'aîle droite de De-
par metrius, où ce Prince étoit en personne, fut battuë.&Demetrius abandon-
xandre
Ballés. Sa né des siens résista encore quelque tems. A la fin s'étant jette dans un
mort. bourbier, son cheval s'abbattit; & le Prince fut percé de flèches combattant
i Mace.X. courageusement jusqu'au dernier soupir. Ainsi Alexandre Ballés demeura seul
47. 48. paisible possesseur du Royaume de Syrie.
49- &c.
An du M.
Quelque tems aprés il épousa Cleopatre fille de Philométor Roy d'E<
;8i4 avant gypte. La cérémonie des nôces se fit à Ptolémaïde. Les deux Roys s'y trou-
J. C. 147- vèrent, & Jonathas y fut invité. Il y vint avec un équipage superbe; il fit
CXI11. de grands présens
Mariage aux deux Roys & en fut fort bien reçu. Quelques faux
d'Alexan- Israëlites présentérent contre lui des mémoires au Roy de Syrie; mais ce Prince
dre Ballés les rebuta, & défendit publiquement qu'on lui fit des plaintes contre Jona-
avec CléO- thas. Ce qui déconcerta ses ennemis & les obligea de s'en fuir. Jonathas
patre fille parut dans cette cérémonie revétu de la pourpre; il s'assit auprés du Roy, fut
du Roy
d'Egypte- reçu au nombre de ses amis, & établi Général de l'armée que le Roy avoit en
Judée, &Grand-Maitreou Intendant de sa maison; aprés cela il s'en revint à
Jérusalem.
CXI V. On dit qu'en ce tems-là il survint une grosse dispute entre les Juifs &
Dispute les Samaritains qui demeuroient en Egypte. Les premiers soûtenoient que le
entre les temple de Jérusalem étoit le seul légitime, & les séconds que c'étoit celui de
Juifs & les Garizim. La cause fut portée
Samari- au Conseil du Roy Philométor, & ce Prince
tains au avant qu'on commençât à parler, déclara que l'Avocat de la partie qui per-
sujet de droit ion procès, seroit puni de mort. Les parties s'engagérent par serment
leur loy. de ne produire, pour soûtenir leurs prétentions, point d'autres preuves que
tfofepb. des passages tirez de leur loy. Les Samaritains prirent pour leurs Avocats
Antiq. Sabée & Théodose; & les Juifs choisirent Andronique fils de Messalani. An-
1. Xiii.
c. 6.
dronique parla le premier, & montra la supériorité, l'antiquité & la sainteté
An du M. du temple de Jérusalem par des preuves tirées des livres sacrez des Juifs, par
g8ï4-avant la suite non interrompue de leurs Pontifes, & parle resped qu'avoient eu pour
J. G. 146.
ce temple les Roys d'Egypte en y envoïant de riches présens, tandis qu'ils ne
songeoient pas même au temple de Garizim. Il ajoûta encore à cela quel-
qu'autres raisonsqui persuadérent tellement le Roy & la Reine, qu'après avoir
ouï les Avocats des Samaritains, ils déclarérent que le temple de Jérusalem
étoit le plus ancien & le plus légitime, & condamnèrent Sabée & Théodose
à perdre la vie. C'est ce que raconte Joseph, &dont je ne voudrois pas être
garand.
CXV. Alexandre Ballés ne fut pas plûtost monté sur le Trône de Syrie, qu'a-
Alexandre bandonnant à d'autres le soin des affaires, il se plongea dans toutes sortes
Ballés cst de dissolutions & de désordres. DemetriusSoter qui avoit été vaincu & mis
troublé
dans son à mort, avoit laissé deux fils, Demetrius Nicanor, & AntiochusSidétes, qu'il
avoit
avoit envoyez dans l'Asie mineure dez le commencement de la guerre, afin Royaume
de Syrie.
de les mettre en seureté au cas d'accident. Demetrius Nicanor aidé de ses
amis, revint en Cilicie, & prétendit se faire réconnoître pour Roy de Syrie.
à
Alexandre Balles étoit alors en Phénicie. 11 accourut en diligence Antioche
pour s'opposer aux entreprises du jeune Demetrius. En même tems Apollo-
nius, à qui Ballés avoit confié le gouvernement de la Célé'-byrie, se révolta,
& se donna avec ses troupes à Demetrius.
Cependant Jonathas demeuroit toujours fortement attaché au parti de Apollo- CXVI.
Balles. Apollonius marcha contre lui, & s'avança jusqu'à Jamnia ville située nius atta-
dans la plaine au pays desPhilistins, & envoya défier Jonathas au comÍyjt, di- que Jona-
sant qu'il ne demeuroit dans les montagnes, que parcequ'il n'osoit paraître thas Mac-
pleine Jonathas prix dix mille hommes de troupes choi- cabée &
en campagne. ayant
sies, partit de Jérusalem; en chemin Simon son frere lui amena encore quel- battu. eu efl
ques troupes. Ils descendirent dins la plaine, & campèrent prés de Joppé.
Ceux de cette ville leur ayant fermé les portes, parcequ'ils avoient reçu une
garnison du parti d'Apollonius; Jonathas quelque tems aprés attaqua & força
la ville.
Apollonius s'avança vers Azoth, & Jonathas l'alla chercher & le força a
se battre. Apollonius avoit trois mille chevaux & dix mille hommes de pied,
sans compter mille hommes qu'il avoit laissez dans son camp à Jamnia, dans
l'esperance que venant prendrelonathas par derrière,pendant qu'ill'attaquoit
de front, ils le battroient aisément. Jonathas, qui n'avoit point de Cavale-
rie, rangea ses troupes en quarré oblong, comme la phalange Macédonienne,
& faisant fâce de tous côtez, il soûtint pendant tout le jour les efforts de la
Cavalerie ennemie, qui ne cessa de le harceler & de lancer contre lui une
multitude infinie de traits.
Sur le soir Jonathas ayant veu que la Cavalerie ennemie étoit fort fatiguée,
fit avancer ses troupes, donna sur l'Infanterie d'Apollonius, laquelle étant
abandonnée de la Cavalerie, fut bientôt rompue, & prit confusément la fuite.
S'étant jettée dans le temple de Dagon qui est à Azot, Jonathas entra pêle
mêle dans la ville, y mit le feu, la pilla & brûla le temple de Dagon avec tous
ceux qui s'y étoient renfermez. Il prit ensuite les villes voisines & les traita
de même S'étant approché d'Ascalon pour l'assiéger, ceux de la ville sortirent
au devant de lui, & le reçurent avec grand honneur. Apollonius perdit dans
cette expédition environ huit mi!le hommes tant tuez dans le combat, que
brûlez dans le temple de Dagon, & dans la ville d'Azoth. Aprés cette victoire
Jonathas retourna à Jérusalem ; & le Roy Alexandre Balles, pour réconnoi-
tre le service qu'il venoit de luirendre, lui envoyaune agraffe d'or, telle
que la portoient les parens du Roy, & lui céda en propre la ville d'Ac-
caron.

LIVRE
L1VRE XXXII.
/. PToléméePhilô?1étÓr Roy d'Egypte & Beau-Pere d'Alexandre Balles, ayant
Philomé- formé le dessein de s'emparer des états de son gendre, & de le dépouïl-
tor Roy ler du Royaume, entra en Palestine à la tête d'une nombreuse armée & sut
d'Egypte sans resistance dans toutes les places du pays, parcequ'il feignoit d'aller
entre en reçu
Syrie & au secours d'Alexandre Ballés son gendre. Passant par Azoth, on lui mon-
dépouille tra le temple de Dagon brûlé par Jonathas, & les tas de morts de l'armée
Alexandre d'Apollonius qu'il avoit tuez, tout cela dans la veuë d'irriter Ptolémée contre
Bal1és de lui; tîïM- Jonathas étant
son Royau venu le lendemain voir le Roy à Joppé , en fut très-
m:. bien reçu & accompagna même ce Prince avec ses gens jusqu'au fleuve Eleu-
1. Macc. thére puis revint à Jérusalem.
,
XI. 1. Philonlétor ne découvrit son mauvais dessein que quand il fut à Seleu-
3. cie sur l'Oronte. Alors il envoya demander à Ballés la tête d'Ammonius,
An du M.
Royaume de Syrie sous son nom, disant qu'il l'avoit voulu
8.avani; qui gouvernoit le Ptolémaïde. Ballés Payant refusi, Philométor reprit sa
J. C. 142.. tuër en trahison à
a
fille Cléopatre qu'il lui avoit donnée pour femme, & l'offrit Demetrius Ni-
canor fils de Demetrius Soter; ensuite Philométor & Nicanorse rendirent à An-
tioche, d'où Ballés s'étoit sauvé pour se retirer en Cilicie. Il y ramassa des
11.
Demetrius troupes, avec lesquelles il vint présenterla bataille aux deux Roys; mais il fut
Nicanor battu & obligé de se sauver en Arabie auprés du Roy Zabdiel, qui peu de
demeure
paisible jours aprés le tua & envoya sa tête au Roy Philonlétor. Ce dernier mourut
polTefleitr trois jours aprés, desblessures qu'il avoit recuës dans le combat contre Ballés.
du Royau- Ainsi Demetrius Nicanor demeura seul paisible possesseur du Royaume de
me de Sy- Syrie.
rie. Cependant Jonathas mettoit à profit ces circonstances pour procurer la'
liberté à son peuple, & pour affermir son autorité dans la Judée. Il entreprit
le siége de la citadelle de Sion, qui étoit encore occupée par les troupes Sy-
riennes. Il fit faire à cet effet plusieurs machines de guerre, dont il battit la
fortéresse; mais quelques Juifs mal intentionnez & jaloux de la puilsmce des
Maccabées allérent trouver le Roy, & lui donnèrent avis de l'entrepriie de
,
Jonathas. Demetrius vint aussitôt à Ptolémaïde & y manda Jonathas. Ce-
lui-ci sans discontinüer le siége, prit avec lui quelques Prêtres & quelques
Senateurs, offrit au Roy de trés-grosses sommes d'or & d'argent, lui fit de
grands présens, & désarma ainsi sa colére. Ses accusateurs & ses ennemis
furent contraints de se taire & de se retirer confus. Demetrius traita Jona-
thas avec de grands honneurs, le confirma dans la grande sacrificature, & lui
donna la qualité de premier de ses amis. Jonathas de son côté promit de
donner au Roy trois cens talens d'argent par an, à çondition que la Judée
Ca) seroit exempte d'autres impolitions, & que les trois toparchies de Udda,
J. Macc. d'Apharema & de Ramatha Ca) que le Roy Demetrius Soter avoit offertes à
X. !0. Jonathas, demeurer oient unies à la Judée.
XI. 28.
III. Quelque tems après (b) un nommé Tryphon ancien Officier d'Alexandre
Revolte Ballés, entreprit de mettre sur le Trône de Syrie un fils de son maître, qui étoit
elevé
élevé auprés d'Emalchuël Roy des Arabes; & presqu'en même tems le peuple de ceux
d'Antioche se révolta contre Nicanor. Jonathas attentif à se servir des cir- d'Ant oche le
constances favorables, s'adrelD alors au Roy pour le prier de retirer ses trou- contre
Roy De-
pes qui étoient dans la citadelle de Sion, parcequ'elles incommodoient ex- metrius
trêmement les Juifs, & causoient de grands dommages à leur pays. Deme- Nicanor.
trius accorda à Jonathas tout ce qu'il demandait,& lui promit de le combler Cb)
de biens & d'honneurs lui & son peuple, mais à condition qu'il lui envoye- XL I. Macs.
?8.
rait du secours contre ses sujets d'Antioche, quis'étaient soûlevez contre lui. ;9. &c-
Jonathas n'y manqua pas, & fit marcher trois mille hommes de ses meilleurs sol. An du M.
dats. Le Roy fortifié par ce recours, entreprit de réduire à Pobéïssance ceux 86a.
d'Antioche & de leur ôter les armes ; mais non feulement ils ne voulurent pas avant J.C.
tumulte nombre de six vingt mille hommes I4t.$ 14®»
obéïr; ils vinrent même en au
assiéger le Roy dans son palais. Dans cette occasion tous les Juifs de la ville,
joints à ceux qui étoient venus de Jérusalem, prirent la défense du Roy, &
tuérent en un jour prés de cent mille mutins.
Nicanor délivré de .ce danger, ne tint compte d'exécuter ses promesses. Défaite IV.
de
Il laissa dans la citadelle la garnison qui y étoit, & prétendit que la Judée lui Demetrius
payeroitles mêmes tributs qu'elle payoitaux Roysde Syrie ses prédécesseurs. Nicanor.
Il exerça ensuite contre ses autres sujets tant de violences,, que toute la Syrie Antiochus
à
étoit pleine de mècontens.& que tout étoit disposé un soûlévement généraL le Dieu ré-
en sa
Tryphon, donton a parlé., sepréfenta dans ce même tems avec le jeune An- gne place.
tiochus fils d'Alexandre Balles, & le fit réconnoÍtre pour Roy de Syrie. De-
metrius Nicar.orayant voulu risquer .de lui livrer un combat, fut battu & ob-
ligé de se làuver à Selcucie. Ain1i le jeune Roy Antiochus surnommé le Dieu,
demeura maître d'Antioche. Il écrivit à Jonathas pour l'attirer dans son parti,
lui continua la grande Sacrificature., lui donna le gouvernement de quatre
villes, apparemment Ptolémaïde, Ledda, Ramatha & Apharelna, autrement
Ephraïm. De plus il lui donna des vases d'or pour san service, lui accorda
le privilège de boire dans une coupe d'or, de se revétir de pourpre & depor-
ter l'agraffe d'or. Il établit Simon frere de Jonathas Gouverneur de toute la
côte, d-puis Tyr jusqu'aux frontières de l'Egypte.
Jonathas irrité du peu de réconnoissance & de la mauvaise foy de Deme- Tf.

trius Nicanor«se détacha de son parti, envoya des Députez au jeune Antiochus Jonathas
prend le
le Dieu, pour le réconnoitre & pour lui faire offre de services, le remerciant parti d'Arv-
en même tems des présens qu'il lui avoit envoyez, & des honneurs qu'il lui tiochus le
avoit faits, à lui, & à son frere Simon ; en même tems il commença à faire la Dieu,
guerre aux Généraux de Demetrius , & à soûmettre à robeïiïarice d'Antiochus XI i /isducc.
* o.
les places de Phénicie & des environs, qui ne l'avoient-pas encore réconnu. ($c.
Delà il vint dans le pays des Philislins; Ascalon lui ouvrit se.s portes; mais 61.
Xll. 1. a.
Gaze lui refusa l'entrée. Il assiégea la ville, brûla les Faubourgs & fit le ra- ?•
M.
vage dans le pays. Ceux de Gaze demandèrent la paix , Jonathas la leur ac- An duîStfr.
corda, & leur fit donner des otages qu'il envoya à Jérusalem. Ainsi il rédui- }8<5o. J. C.
sit sous la domination d'Antiochus tour, le pays depuis Gaze jusqu'à Damas. avant&
39.
Les Officiers de Demetrius gagnérent les habitans de Cadés ville de Ga- 140 VI.1
lilée, & les portèrent à se soûlever contre Tonathas. Il y accourut, laiuant son Guerre
de Jona- frere en Judée. Simon assiegea eture, la prit & y mit garnison. Jona-
thas chns thas marcha en Galilée, s'avança sur le Lac de Genézareth, d'où il se rendit
la Galilée, dans la plaine d'Azor. J1 y trouva les ennemis, qui venoient

à lui, & avoient
placé des embuscades dans la montagne, pour le prendre par derriére. L'em-
buscade ayant paru, les gens de Jonathas prirent la fuite, & lui demeura seul
avec Mathatias & Judas fils de Calphi Commandant de ses troupes. Joseph
(a) 00 y ajoute cinquante des plus braves de l'armée. Jonathas se voyant ainsi
tfofepb. abandonné, jetta de lapou£l1ere sur sa tête, déchira ses vétemens, fit sa priere
Antiq. & animé d'un courage surnaturel, marche à l'ennemi
I XUL au Dieu toutpuissant,
1. 9. avec tant de fierté & de résolution, qu'il le met en déroute. Ses troupes qui
avoient pris l'épouvante, le voyant aux prises avec les Syriens, retournèrent
à lui, & combattirent avec tant de courage, que les ennemis furent repoussez
jusqu'à Cadés. Ils perdirent ce jour-là trois mille hommes. Après cette vi-
ctoire Jonathas revint à Jérusalem.
VIl. Il envoya vers le même tems des Ambassadeurs à Rome, pour renou-
.Alliance veller l'alliance des Juifs avec le Senat, & leur donna ordre de passer au re-
de Jona- tour par Lacédémone, & de témoigner au Senat ou aux Ephores de cette ville,
thas avec
les Ro- que les Juifs de Judée conservoienttoujours la mémoire de leur parenté & de
mains. l'amitié qui avoit été entre leurs Ancêtres & les chefs de leurs République,
Parenté qu'ils n'a voient jamais cette de faire mémoire de leurs freres les Lacédémo-
des Juifs niens dans leurs priéres & dans leurs sacrifices, qu'ils avoient eu de facheu-
& des La- ses
guerre8 & de grandes persécutions à essuyer, mais que le Seigneur les en
eédénio-
niens. avoit délivrez par sa miséricorde, qu'ayant envoyé des Députez veis les Ro-
mains, ils leur avoient donné commission de repasser par Lacédémone pour
renouveller avec eux l'ancienne amitié & alliance entre les deux nations.
LesSavans sont assez embarassez de montrer sur quoy elt fondée cette
parenté des Juifs & des Lacédémoniens; mais il elt certain qu'en ce tems-là
les deux peuples en étoient bien persuadez, & qu'ils se fai'oient honneur
d'avoir la même origine, quoique peut-être ils n'en eussent point de preuves
bien positives, & que l'on crut la chose plutost parcequ'elle faisoit plaisir &
honneur aux uns & aux autres, que parcequ'elle étoit bien certaine & bien
connue.
TUT..
Jonathas ne demeura pas longtems en paix a Jerusalem. Il apprit que-
Jonathas les Généraux de Demetrius se préparoient à le venir attaquer dans la Judée.
dissipe ses Il les prévint & alla les chercher jusqu'à Emath dans la Syrie. Ils avoient ré-
ennemis,& solu d'attaquer Jonathas & dele surprendre pendant la nuit; mais il découvrit
défait les les ennemis décampérent secrétement. Il ne s'apperçut de leur
Arabes Za- leur dessein, &
le lendemain. Il les fit poursuivre; mais ils avoient fait tant de di-
badéens. fuite que
ligence
j
qu'on ne les put atteindre. Jonathas marcha ensuite contre les Ara-
,
bes Zabadéens,
] les battit & prit siireux un grand butin. Il entra dans Damas
& revint enfin à Jérusalem, d'où il envoyoit des troupes, qui faisoient des
courses & jettoient la terreur dans tout le pays des environs.
Cependant les troupes Syriennes demeuroient encore dans la citadelle
de Sion, & ne manquoient aucune occasion d'incommoder les Juifs. Jona.
thas résolut de les réduire par la faim. Il sit bâtir entre la citadelle & la ville
une
très-haute & trés-forte muraille, afin d oter a la garnison du fort, toute
une
communication avec la ville, & empêcher qu'elle ne pût ny y vendre ny
achéter , & l'obliger ainsi a se rendre.... „
- le Irone a Syrie, lX.
Tryphon, qui avoit placé le jeune Antiochus sur de
-, •
Jonathas.
forma le dessein d'y monter luy-même, & de faire périr le Roy. Il résolut en est pris &
même tems de s'assurer de Jonathas, dont il redoutoit la valeur & la puissance. arrêté par
Il vint avec une armée à Scythopolis & y manda Jonathas. Celui-ci -s'y ren- àTryphon
Pwlé-
dit à la tête de quarante mille hommes. Tryphon étonné de ce grand nom- maïde.
bre de troupes, dissimula son mauvais dessein, reçut jonathas avec honneur, t. klacc.
le combla de présens, le recommanda a ses amis, donna ordre à ses gens Xll. 39-
de lui obéïr comme à luy-même, & l'invita de venir avec lui à Ptolémaïde, 40. 41.
dont il feignoit de vouloir lui remettre le gouvernement avec le commande- An du MI
386i. avant
ment de toutes les troupes Syriennes qui étoient dans le jpays.Jonathas donna J.G.139.
dans le piège, ne retint que mille hommes avec lui,& entra dans Ptolémaïde.
Il n'y fut pas plutost arrivé, qu'on l'arrêta & qu'on fit main basse sur ses trou-
pes. Tryphon voulut en même tems faire périr les troupes que Jonathas
avoit dans la Galilée ; mais elles se îrafsemblérent & s'en retournérent en
Judée.
Simon Maccabée frere de Jonathas ayant apris le malheur qui lui étoit X
arrivé, se rendit à Jérusalem. aîlembla tout le peuple & leur dit: vous savez Simon Maccabée
de quelle manière nous avons combattu m-es freres &moy& toute la maison est éluChef
de mon Pere, pour la defense de nos loys, de nôtre saint temple & de nôtre des juifs en
patrie. Mes freres ont constamment sacrifié leur fang pour cela, & je suis la place de
demeuré seul. Mais à Dieu ne plaise que j'épargne ma vie, tandis que je Jonathas
dans I)oppression je suis de meilleure condition son frere.
vous verray ; ne pas que mes
prêt défendre peuple, nôtre temple, 1. Macc.
freres, je fuis à comme eux mon .nos Xllb 1.2.
enfans & nos femmes. A ces mots tout le peuple fut animé d'un nouveau 3.
courage. Ils répondirent à haute voix : vous êtes nôtre Chef en la place de An du M.
Judas & de Jonathas. Commandez-nous dans toutes nos guerres, & nous J.C. 386.1. avant

vous obéïrons en toutes choses, comme nous avons fait à vos freres. Armez- 139.

vous de force, & combattez pour le Seigneur.


Cette elet1ion fut agréée de tout le peuple, & Simon fut réconnu non
seulement pour Chef & Gouverneur des Juifs, iiiais aussi pour Grand-Prêtre,
en attendant qu'il vint un Prophète fidéle, qui déclarât d'une manière précise
la volonté du Seigneur, car Simon étant bien de la race'd'Aaron, mais non
pas de celle des Grande Prêtres, il sembloit qu'on ne devoit pas sans un com-

; ,
mandement exprés de la volonté de Dieu, changeri^ordre établi dans la loy,
ni transférer le Sacerdoce dans une simple famille desPrêtres sans une révéla-
tion nouvelle, & sans l'avis des Prophètes mais les Juifs n'en reconnoissent
plus dépuis Aggée, Zacharie & Mélachie , qui sont les derniers dont nous
ayons les Prophéties.
Dés-lors Simon se revêtit de pourpre & porta l'agraffe d'or, ainsi qu'a- XL
voit sait Jonathas son frere, & acheva les ouvrages que ce dernier avoit com- Simon en-
mencez à Jérusalem. Cependant Tryphon s'avança vers la Judée, ménantavec voye cent
taleus à
lui Jonathas qu'il tenoit dans les liens, & Simonmarcha avec ses troupes vers T r)ho
avec les Adiaba à l'extrémité des montagnes, dans la disposition d'attaquer Tryphon.
.a. fils de Celui-ci lui envoya desAmbaŒadeurs pour lui dire: nous avons retenu Jona-
Jonathas.- thas vôtre frere, parcequ'il étoit redevable de quelques sommes d'argent
au
Roy; mais envoyez-moi cent talens & ses deux fils en otage, & je lui ren-
drai la liberté.
Simon comprit sans peine que Tryphon lui tendoit un piége, & que
dez'qu'il auroit l'argent & les deuæ fils de Jonathas, il les mettroit tous à
mort, & continueroit la guerre. Cependant pour ne pas s'attirer la haine
du peuple & les reproches de n'avoir pas voulu contribuer à la liberté de son
frere, il envoya les cent talens & les deux enfans. Tryphon les retint & con-
tinua sa marche dans les terres de Judée, faisant le dégat partout. Simon qui
ne vouloit pac s'exposer au risque d'une bataille, se coutentoit de le côtoyer
le long desmontagnes, &Tryphon n'osant s'engager dans les montagnes, tâ-
choit de gagner Jerusalem par le chemin de l'Idumée. Ceux qui étoient en-
.fermez dans la citadelle de Sion, le pressoient de venir à leurs secours,& de leur
envoyer des vivres , sans quoy ils feroient obligez de se rendre. Il se disposa
à marcher dez le lendemain & fit tenir sa Cavalerie prête; mais il tomba la
nuit une si grande quantité de neige, qu'il fut obligé de s'en retourner. 11
fit mine de vouloir aller au pays deGalaad, mais il ne passa pas même le Jour-
dain, & étant arrivé aBascaman, il y fit mourir Jonathas & ses deux fils, puis
reprit le chemin de Syrie.
JTll Simon ayant appris la mort de son frere & de ses deux neveux, envoya
à
Mort de- quérir leur corps & les enterra avec toute la solemnité possible Modin dans
Jonathas le tombeau de ses Peres,& fit élever sur leur sépulcre
& de ses un édifice qu'on voyoit
deux fils. de fort loin & qui étoit bâti de pierres polies de tous côtez. Il y fit dresser
An du M. six pyramides, une pour son Pere, une pour sa Mere,& quatre pour ses fre-
g#61. avant res. Tout au tour du Mausolée il y avoit un portique soutenu de colomnes,
3. C. ;9.
1 sur lesquelles il fit faire en sculpture des armes & des Navires, qu'on voyoit
Mausolée
des Macca- de dessus la Méditerranée.. Ce fameux Mausolée subllstoit encore du tems
bées à Mo- d'Eusébe & de saint Jérôme. Tout Israël fit le deuïl de Jonathas; les Ro-
diu. mains mêmes & les Lacédémoniens alliez des Juifs ayant seu la manière dont-
il avoit été mis à mort, en témoignèrent une grande indignation, & renou-
vellérent avec Simon l'alliance qu'ils avoient faite avec son frere.
XIII. Tryphon pour consommer son crime par la mort du jeune Roy Antio-
Tryphon chus son maître, fit mettre ce jeune Prince entre les mains de certains Méde-
fait mou-
rir le jeune
cins qu'il avoit gagnez par argent, & qui le firent mourir dans une opération
Roy Antio- de la taille, faisant accroire au
peuple qu'il étoit tourmenté de la pierre. En-
chus, & ré- suite Tryphon prit le Diadème, & se fit réconnoître pour Roy de Syrie. Si-
gne en sa mon justement indigné contre luy pour la mort de son frere Jonathas, lui
place. suscita un compétiteur en la personne de Demetrius Nicanor, cy-devant Roy
de Syrie, & lui offrit ses services & les secours de ses troupes, s'il vouloit ac-
corder l'immunité à la judëe,& confirmer les priviléges accordez aux Juifs par
les autres Roys de Syrie.
XIV: Nicanor embrassa de tout son cœur cette occasion, accorda à Simon tout
Demetrius (ce qu'il demandoit,,lui.don.na auimltie générale de toutlepatTé, l'exemption
des
des tributs & d'es autres importions, lui laissa en propre les places qu'il avoit Nicanor
fortifiées, le déchargea de la couronne d'orqu'il avoit accoutumé d'envoyer met la Ju-
les impôts qu'on payoit dans Jérusalem, &fitavec lui dée en li-
au Roy, & de tous une berté. An-
bonne & solide paix. De cette sorte la Judée fut mise en une parfaite liberté duiM.;8r,r,
& entièrement délivrée du joug de la nation étrangére, l'an cent soixante & avant J
dix des Grecs, qui revient à l'an du monde 3861. avant J. C. 139. & dépuis ce 139.
tems on datta les ades publics de cette sorte :fait une telle année fous le Grand-
Prêtre Simon r Chef ct Prince des Juifs.
La ville de Gaze qui étoit du gouvernement de Simon Maccabée, s'étant Xrr.
révoltée, & aïant voulu se soustraire à son obeïssance, Simon marcha contr'elle SimonMac- eabée
& l'assîégea. 11 la battit longtems avec les machines de guerre dont on usoit prend la;
enfin maître d'une tour. Les Bour-
en ce tems-là dans les siéges, & se rendit ville de-
geoisle croyant perdus, vinrent enfouie sur les murailles avec leurs femmes Gaze.
1. Maec.
& leurs enfans, ayant leurs habits déchirez & jettant de grands cris , ils prioient XUL
Simon de les recevoir à compétition. Ce Général touché de çompassion 4?..
Jujfs 44. 4 v* (ge.
leur accorda la vie, mais les chassa de la ville, pour y mettre des en leur XIV. 1.2.
place. Il y entra avec ses troupes, en chantant des hymnes & bénissant le 3.
Seigneur. Après avoir purifié la ville d(} tout ce qui la rendoit souillée par An du M.
3861.5862.
rapport aux usages des Juifs ,sur tout.aprés f.n avoir banni les Idoles & toutes
les marques d'Idolâtrie,- il y établit des Juifs gens attachez!à la loy & dont
il étoit seûr. Ensuite il enrépara les fortifications, & s'y bâtit à lui-même unL "
palais , où il alloit souvent, pour contenir dans le devoir par sa présence les
peuples de la côte, dont il avoit le gouvernement.
Cependant la GarnisbnSyrienne qui étoit dans la citadelle de jérusalem, XVI.
étoit investie dépuis deux ans , & ne pouvant rien tirer du dehors, souffroit Prise de la-'
°
extrêmement-de la faim. Voyant qu'il n'y avoit point desecours à espérer de citadelle de Jérufa-
la part du Roy Demetrius Nicanor,, & encore moins de Tryphon, fut enfin lem par St-
obligée de le rendre. Simon lui accorda la vie & la liberté de se retirer où mon Mac-
elle voudroit. Etant entré dans cette forteresse, il la nettoya de toutes les cabéc.
souïllures contraires à la loy, & en prit possession avec toutes les marques
ordinaires de réjouïssance, Elle avoit été entre les mains des étrangers pen..
dant vingt cinq ans. Les troupes Juives y entrèrent tenant des palmes à lav
main, joüant de toutes sortes d'instrumens de musique,.& chantant des can-
tiques à. la loiiange de Dieu.
Cette citadelle étoit une des choses qui avoit le plus incommodé les XVII>
Hébreux dépuis ses dernières persécutions. Elle dominoit sur la ville & sur Démoli-
le temple, & l'on ne pouvoit ni entrer dans le temple,^n^ep sortir sans s'ex- dtadelie tion de la
poser aux insultes & aux mauvais traitemens de la garnison. Simon ayant de Jérusa.
un jour assemblé le peuple & lui ayant exposé (a) les maux que ce Fort avoit lem.
causé à la ville, &le danger qu'ily avoit qu'elle ne devînt un jour fatale aleur Ca)
liberté, leur dit qu'il falloit la démolie Il n'eut pas de peine à le leur per- JoJèpb. Antlq,
suader; ils commencèrent à la détruire aussitôt après, & y travaillèrent pen. LXILL
dant 3. ans. Ils la rasérent entièrement &applanirent même la hauteur sur la- c. 11.
quelle elle étoit bâtie. Après cela Simon fortifia la montagne du temple,
qui étoit joignant la fortéresse & s'y bâtit une maison, où il fit sa demeure
ordinaire.
XVIII. L'année suivante le peuple Juif pour témoigner sa réconnoissance en-
Simon est
-confirmé vers Simon, qui les avoit affranchi de la domination des Grecs, & envers toute
dans la di- sa famille qui s'étoit si généreusement dévoüée au salut de leur nation & à la
gnité de défense de leur religion, résolut dans une assemblée solemnelle d'en dresser un
Grand Prê- monument qui pût passer jusqu'à la postérité. On fit donc graver ces paro-
tre & de les sur une table d'érain, qui fut mile dans une des galeries du temple. Le
Chef des „
Juifs. dix huitième du mois Elul (c'est à peu prés nôtre mois d'Aoust) l'an cent
„ soixante & douze (des Grecs, c'est-à dire du monde 3862.) la troisiéme
Macc. „
XIV. 24. année du Grand Prêtre Simon, cette déclaration fut faite à Asarmel, dans
2j- 26. &c.
„ la grande assemblée des Prêtres & du peuple, des premiers de la nation &
An du M. „ Tout le monde sait que le pays de Judée ayant été
des anciens du pays.
g 862. avant „
J.G. 138- „ affligé de beaucoup de guerres, Simon fils de Mathatias de la race sacer-
dotale de Jarib & ses freres se sont livrez au péril, ont résisté aux ennemis
„ de leur nation,
„ curé à leur peuple pour la défense du saint temple & de leur loy & ont pro-
*, une trés-grande gloire. Jonathas a rassemblé sa nation,
a été reconnu pour Grand-Prêtre, & s'est réüni à ses Peres. Les ennemis
„ ont voulu ruiner &
ravager le pays & étendre leur maincontre le Sanctuaire;
„ mais Simon leur résisté,
a a combattu pour son peuple, a donné de gnn-
!),
des sommes d'argent, a armé des troupes & les a entretenu: Il a fortifié les
3,
villes de Juda, & la forteresse de Bethsure & y amis une garnison de ses gens.
Il aussi fortifiée Joppé & Gazara, & en a chassé les anciens habitans & y a mis
„ desa Juifs. Il été choisi Chef & Grand-Prêtre de sa nation, a chassé les
a
s, gentils de la citadelle de Jérusalem.
0
XLY. ,, Ils continuent à décrire les grands biens que Simon a faits à son peuple,
Bonheur & parlent des honneurs dont le Roy Demetrius l'a comblé. Cette inscription
de la Judée
sous le fut placée dans les galeries du temple pour servir de monument à Simon & à
gouverne- sesenfans, dit l'Ecriture; ce qui insinue que la grande Sacrificature & le gou-
ment de vernement du peuple devoit être héréditaire dans sa famille. La Judée fous
Simon son régne prit une face toute nouvelle. Chacun y cultivoit sa terre en paix ;
Maccabée.
les campagnes étoient couvertes de froment & les arbres chargez de fruits.
f Les vieillards assis dans les places publiques traittoient & délibrroicnt sur les
affaires publiques & sur ce qui étoit le plus avantageux à la nation. Les jeu-
nes hommes se paroient d'habits magnifiques & d'armes de grand prix. Cha-
cun se tenoit paisiblement sous sa vigne & sous son figuier, & vivoit dans
.uneentière assurance, nul ennemi n'osant les attaquer. S 1110J1 avoit eu soin
de munir ses places, de faire de bons Arsenaux, & d'avoir toujours de bonnes
troupes entretenuës, ce qui le faisoit re[peéter de ses voisins & lerendoit re-
doutable aux Roys mêmes. Son nom vola jusqu'aux extivmitez de la Lefre.
Il protegea les pauvres de son peuple, & fut zélé pour l'observation des loysde
son pays; il extermina les méchants, &poursuivitlesApostats de h religion.
C'est l'éloge que le Saint Esprit même a consacré à la memoire de ce grand
homme.
' XX. Demetrius Nicanor invité par les Grecs, qui étoient au delà de l'Euphrate,
Demetrius alla
alla frire la guerre aux Parthes & remporta d'abord d'assez grands avantages Nicanor éil
sur eux ; enfin ayant été pris en. trahison, il tomba entre leurs- mains, & y fait prison-,.
demeura exposé à mille mauvais traitemens. Tryphon délivré de la crainte nier par les
Parthes.
de ce puissant adversaire, se livra à toutes sortes de dissolutions, & devint Antiochus.
premièrement méprilable, puis odieux à ses troupes, qui se donnérent à Sidetes lur
Cléopatre Epouse de Demetrius Nicanor. Cette Princesse n'espérant plus de fucccde
revoir le Roy san Epoux, envoya offrir la couronne de Syrie à Antiochus Si- dans le
détes frere de son mari, qui étoit alors dans l'Isle de Rhodes. royaume
de Syrie.
Antiochusqui savoit de quel poid avoit été à Nicanor son frere, l'amitié i. Macc.
& les secours de Simon & des Juifs, écrivit à Simon que dans le dessein qu'il XV. i. 2.
le
avoit formé de rentrer dans Royaume desesPeres, il étoit résolu de luidon-
An du M.
plus réelles de son amitié lui accordoit permission
ner lesmarques les ; qu'il la
de faire frapper de la monnoye à son coin danslajudée ; qu'il ordonnaitque avantJ.C.
-
? 86; 3 8^4»*

Jérusalem fut regardée comme ville sainte& libre;, qu'il demeurât maître de 1 37.13 8.
toutes les armes qu'il avoit fdites & de toutes les places qu'il avoit rétablies & Antiochl1sXXi.
qu'il occupoit, qu'il fut déchargé de toutes les dettes dont il étoit redevable. Sidetes
Antiochus ajoutoit que quand il seroit rétabli dans ses Etats, il le combleroit cherchere-
lui, son peuple, & le temple du Seigneur de tant de gloire, qu'elle éclateroit l'amitié de
par tout le monde. Simon.
Simon ayant reçu cette lettre, se déclara pour Sidétes, & commença à XX11.
user de la liberté que ce Prince lui avoit accordée, de frapper de la monnoye frappe Simon
de'
à son coin; mais ne il faut pas s'imaginer qu'il y ait fait graver san effigie; la mon-
cela n'étoit pis permis aux Juifs; il n'y fit pas mettre son nom par tout; seu- noye àsoifc
lement on en trouve quelqu'unes où se lit le nom de Simon, avec cette legende: propre
coin..
pour la délivrance de Jérusalem. D'un côté de ces médailles on voit tantôt une
gerbe liée, avec une grappe de raisin, ou une feuille de vigne. Tantôt un
palmier avec son fruit, & une feuïlle de vignes. Ailleurs on y voit une cru-
che antique, ou une coupe, avec le raisin, ou une couronne de laurier&c..
On n'en trouve que des quatre dernières années du gouvernement de Simon.
L e caradére de ces inscriptions ou de ces Legendes, n'est pas en hébreu tel qu'on
le voit dans nos Bibles hébraïques; mais en anciens caractères hébreux ou Phé;..
niciens, tels qu'ils étoient en usage avant la captivité de Babilonne, & qu'ils
le furent même encore depuis parmi lesSavans. Ce caractère est fort appro-
chant de celui dont les Samaritains se servent aujourd'huy dans leurs Bibles.
Antiochus Sidétes étant abordé en Syrie, épousa Cléopatre sa belle I'oeur, XY,iiii-1'
& se vit bientôt maître de la Syrie, par la désertion des troupes de Tryphon, Sidetes se
qui se rendirent à lui. Tryphon le sauva dans la Phénicie^Ufe jetta dans la renddemaî-
de Dora, où il fut aussitôt assiégé tre la.
ville par Sidétes. Simon envoya à ce Prince Syrie. Fuit©
deux mille hommes de troupes choisies avec quantité d'or & d'argent & plu- (tcTry- i
lieurs v,@ses prétieux; mais Sidétes refusa de les recevoir, prétendant dépouil- phon.
ler Simon non feulement de ce qu'il lui avoit accordé, mais même de ce qu'il i. Macc.
XV. 2)'.
avoit receu des Roys ses prédéceueurs, traitant d'usurpation les conquêtes qu'il (c. An dit
avoit faites dejoppé, deGazara & de la forteresse de Jérusalem, & prétendant M.
qu'il lui remettrait ces places & le dédommageroit de tous les dégâts qu'il avant J. C..
avoit faits dans le pays.. igf.
Eiï
xxiv. En même tems il envoya à jérusalem Athenobie un de ses Favoris, tvec
Athenobie commission de demander à Simon la restitution de toutes ces choses, ou la
est envoyé somme de mille talents d'argent. Athenobie arrivé à Jérusalem fut étonné
àJérutà- de voir la magnificence & la grandeur de la maison de Simon, l'éclat dans
lem par
Siçictes. lequel il vivoit & l'argent qui brilloit chez lui de tontes parts; il lui exposa
les ordres du Roy. Simon répondit: nous n'avons rien usurpé sur personne,
& nous ne retenons rien de personne; mais nous possédons 1 héritage de nos
Peres, qui avoit été occupé injustement pendant quelque temspar nos enne-
mis & que nous avons reconquis ; quant-à Jappé & à Gazara , nous ne nions
,
pas que nous les ayons prises; mais c'est qu'elles causoient de grands maux
à nôtre pays, & nous vous en offrons cent talents pour indemnité.
XXTT. Athenobie ne fit aucune réponse à ces propositions; mais il s'en retourna
Cendebée plein de colère vers Antiochus, qui étoit toujours occupé ausiége de Dora.
.Gouver- Tryphon trouva moyen de s'enfuir de cette ville, & se retira à Apamée sa
neur des patrie, où il avojt grand nombre d'amis. Antiochus s'en retourna à Antioche,
Côtes de
Phénicie laissant à Cendebée le gouvernement de la côte de la Phénicie & de la Pale-
inquiète fhne. Cendebée fortifia Gedor & y mit des troupes qui firent de grands dé-
les Juifs, gats dans le pays, tuërent plusieurs Juifs & prirent quantité de prisonniers.
J. Macc.
XV. ?7.
à
Jean Hircan, que Simon son Pere avoit laissé Gazara, accourut à Jérusalem,
38. 39- informa son Pere de ce qu'avoit fait Cendebée. Simon ayant fait venir ses
An du M. deux fils ainez Judas & Hircan, les établit Chefs de leur nation en sa place,
? 866. avant & leur dit que son âge ne lui permettant plus de conduire les armées, ni de
J. C. I34.
combattre, il étoit tems qu'à l'imitation de leurs Oncles & de luy-même,
ils exposassent généreusementleur vie pour leur loy.leur temple & leur peu-
ple. 11 leur donna sa bénédiction & les envoya à la tête de vingt mille hom-
111es de pied & de quelque
Cavalerie, pour s'opposer à Cendebée.
XXVI Iudas & Hircan fils du Grand-Prêtre Simon étant arrivez d .ns la plaine au
Combat dessous de Modin, aperçurent de loin une grosse troupe qui venoit à eux.
entre les C'étoit Cendebée avec ses gens. Bientôt les deux armées le trouvèrent cil
gens (le Les troupes d'Hircan n'olant
Cendebée, présence, n'étant séparées que par un torrent.
& les trou- y entrer, Hircan s'y jettale premier, le pasTi & fut suivi par tout i'on monde.
pes de Ju- 11 rangea son armée en bataille, mit son infanterie sur les deux aiks, & sa
das & Hir- cavalerie au milieu. Les trompetes sacrées ayant sonné la charge, l'armée
can.
MaCt:.
ennemie commandée par Cendebée prit la fuite, sans attendre le choc. Hir-
i. en tuèrent ou blelTërcnt grand nombre; mais
X Vi. c;. 6. can & les siens la poursuivirent,Général
7. 8. <($cm comme la plus grande force du Syrien consistoit en cavalerie, il s'en
An du M.. sauva plusieurs dans la fortéresse de Gedor qu'il avoit fair fortifier, lud .s frere
3^66.avant: d'Hircan fut blessé dans cette occ-fion. Grand nombre des ennemis s'étoient
J.C. 134,
jettez dans des tours qui étaient répandues dans les campagnes d'Azoth; lean
y mit le feu, & il y périt deux mille hommes des ennemis. Aprés cette heu-
reuse expédition Hircan ramena ion armée à jérusalem, sans avoir souffert au-
cune perte.
XX VU. Quelques années aprés le Grand-Prêtre Simon accompagné de ludas &
Simon ftc de Matthatias ses fils, étant allé pour visiter les villes de son gouvernement
sontt &pour rendre la ju1hce, comme c'étoit sa coutume, arriva à Jéricho & fut
lu ne 2 y
reçu
reçu parPtolémée ion gendre dans le chateau de JJog, ou il failoit'sa residence:t àjtfricfea»
& qu'il avoit fait fortifier.Simon lui avoit donné le gouvernement de la plaine I. Macc.
d-e Jéricho, mais l'ambition de Ptolémée n'étoitpas encore satisfaite. Il vou- XVi. 11.
loit avoir le commandement de tout le pays, & cherchoit à se défaire de Si- An 12.
du M.
mon pour gouverner en sa place. Il fit donc un grand festin à son Beau- ?86p.avan4
Pere, & ayant aposté des assassins, lorsqu'il vit que Simon & ses fils étoient J.C. 131.
dans la chaleur du repas & hors d'état de se défendre, il les fit égorger.
Dez-que Ptolémée eût commis cet assàssinat, il en écrivit au Roy Antio« xxvm.
diusSidétes, & lui promit de lui remettre toutes les places,dont Simon s'étoit Ptolémée
emparé, &de lui payer un tribut, pourveu qu'il lui envoyât des troupes & gendre Simon veut
de
,
qu'il le déclarât Gouverneur delà Judée. En même tems il fit savoir à Hircan surprendre
à
fils de Simon, qui était Gazara, de le venir trouver, sans lui parler de rien, Hircan &
& sollicita les troupes & les Officiers de l'armée des Juifs, dese donner àluy, la ville de
leur promettant de les combler de presens & de leur donner de l'or & de Jérusalem.
l'argent; il fit aussi partir diTmonde pour se rendre maîtres de Jérusalem &
de la montagne du temple, qui étoit c©moie la citadelle de la ville.
Mais ces mesures qui -p;îroisîoient si bien concertées furent dérangées
,
par un homme qui s'étoit enfui du Chateau de Dogdans le ,tems du massacre,
& qui courut à Gazara informer Judas de tout ce qui venoit d'arriver, & lui
d-ire que Ptolémée san Beau-Frere avoit massacré son Pere & ses freres & avoit
envoyé du monde pour le faire aussi perir. Ces gens étant arrivez, Hircan
les arrêta & les fit mourir (a) & sans perdre de tems il vient à Jérusalem, &y (a)
entre en même tems que Ptolémée., & ses gens se présentent à une autre porte Icy finit
pour y eiitrer. Hircan eut assez de tems pour faire fermer les portes àPtolé- l'histotre
niée, & ayant assemblé le peuple, il leur apprit l'indigne action de ce perfide. des livres
des Macca.
Toute TasTemblée frémit d'indignation, & reconnut Hircan pour Succes- bées,ce qui
seur de Simon dans la grande Sacrincature & dans le gouvernement du pays. suit est tiré
En même tems entrant en exercice de la dignité, il alla offrir des sacrifices de joseph
l'Hiftoricn»
au Seigneur, puis se mettant à la tête de l'armée, il marcha contre Ptolémée XXIX.
& l'alla assiéger dans la forteressè de Dog, ou Dagon. Joséph dit que Pto- Hircan fils
lémée n'avoit fait mourir que Simon dans le festin dont on a parlé; & qu'il de SimoJ1
avoit réservé sa Belle-Mere femme de Simon, & ses deux fils Judas & ftiattha est ré. onn«
tias. Qu'Hircan l'étant venu attaquer dans son Chateau de Dagon, dez rks^Juifs. pqur Chef
qu'Hircan approchoit des murailles & faisoit mine de monter àl'assaut, Pto- A d M.
lémée faisoit améner sur les murs sa mere &sesdeux freres, les frappant cruel- 38n6 9.uavant
lement à coups de verges, & menaçant de les précipiter, s'il ne se retiroit. J. C ijr.
A la veuëdecespeélacle Hircan nepouvait aviticer,--ypais sa mere lui fai- Ca)
sant ligne de la main, Pencourageoit & l'exhortoit à pousser son eiitret)rii'- ..IlYJtiq.
pour venger le sang de son Pere & l'insulte faite à sa mere & à ses freres. Hir- /. X111.
can ne put se résoudre à hater ainsi la mort de sa niere ; il aima mieux obliger c. 14. ir-
Ptolémée à se rendre par famine; mais l'annéeSabbatiqu.e qui est pour les juifs XXX.
Siège du
une année de repos, étant venue, Hircan fut obligé de lever le liège&de se Chateaude
retirer. Ainsi Ptolémée évita la vengeance & le supplice qu'il avoit mérité. Dagon par
Le quatriéme livre des Maccabées (b) raconte que ce fut la fête des Taber- Hircan.
nacles, qui obligea Hircan à lever le siége, pour aller faire les fondions de :
A-Macç.uu
sa dignité ce jour-là à Jérusalem, & en effet il n'y a nulle loy qui oblige les
J-tllfs à ne pas faire la guerre en l'année Sabbatique. Ptolémée ayant fait nlOU-
rir la mere & les deux fils d'Hircan, se retira au delà du Jourdain chez un
nommé Zenon surnommé Cotylas, qui avoit usurpé la tyrannie dans la ville
de Philadelphie, autrement Raab des Ammonites.
XX.JO. Antiochus Sidétes Roy de Syrie étant venu assiéger Hircan dans Jérusa-
Siége de lem, & ayant environné cette ville de fossez & de rédoutes, de telle maniére
Jérusalem
qu'on ne
par Antio- hors dela place
pouvoit ny en y
sortir, ny entrer, Hircan craignant la fai-nine,mit
chus Sidé- toutes les bouches inutiles; mais Antiochus les empêchant
tes. de passer au delà de ses retranchemens, ces malheureux périssoient miséra-
gofeph. blement, ne pouvant recevoir aucune assistance ny du dehors ny du dedans
Antiq. de la ville. La fête des tabernacles étant arrivée, les assiégez sensibles aux
J.XlJI. dans la ville & prièrent Antiochus
c.\G.& 4. maux de leurs concitoyens, les reçurent
Macc. c. de leur accorder une trève de sept jours, pour pouvoir solemniser cette fête.
<$c. Le Roy non seulement leur accorda cette grace, mais même leur envoya des
An du M. animaux
pour le sacrifice, des Taureaux ayant les cornes dorées, des pré-
3 870. vant des vases prétieux remplis de parfums.
J. C. Ï jo. sens d'or & d'argent,
XXXII. Hircan futsi touché de la générosité &dela libéralité de ce Prince, qu'il
Paix entre lui envoïa des Députez pour traiter de la paix. Elle fut conclue sous ces con-
Antiochus ditions: les Juifs livreroient au Roy les armes qu'ils avaient dans leurs Arse-
Sidétes &
Uircan.
que
naux; qu'ils abbattroient les murailles de leurs un
villes, qu payeraient tri-
but pour la ville de Joppé & pour toutes les autres places, qu ils possédoient
au delà des confins de la Judée ; & qu'ils
recevroient garnison Syrienne dans
leur ville. Ce dernier article ne passa point, les Juifs n'aïant pu se résoudre
de vivre au milieu des peuples infidèles; mais au lieu de cela ils offrirent au
Roy cinq cens talens, dont ils païérent trois cens comptant, & promirent de
donner au Roy des otages qui répondroient de leur fidélité.
XXX1JI. Pour trouver les souîmes qu'on avoit promises, Hircan fit ouvrir le tom-
On ouvre beau de David, & en tira, ditjoseph, trois mille talents, ce qui le mit en état de
le tombeau faire qu'aucun de ses prédécesseurs n'avôit fait, qui est d'avoir des trou-
de David, ce
& on en ti- pes étrangères à sa solde.
Après celaSidétes fut reçu dans la ville, Hircan le
séparérent avec promesse de s'entresecourir
re de gran- traita magnifiquement; & ils se
des richcs- mutuellement,
ses. Qyelqu:lannées aprés Antiochus Sidétes ayant déclaré la guerre au Roy
Hircan ac-
des Parthes, qui retenoit toujours prisonnier Demetrius Nicanor son frere,
compagne
le Roy An- Hircan joignit ses troupes à celles d'Antiochus & l'accompagna dans cette
tiochus à la expédition. Sidétes remporta trois vidoires sur les Parthes, & on raconte
guerre qu'après
contre les entiers
une de ces
endroit,
il
victoires, eut la complaisance de demeurer deux jours
consideration d'Hircan Prince des Juifs, qui
Parthes. au même en
Macc. pouvoit marcher ces deux jours-la a cause de la rencontre du jour du Sab.
4. 2. ne
tfoftpk. bat, qui étoit suivide la fête de la Penteco{te.
Antiq. Le peu de discipline qu'observoient les troupeg d'Antiochus au delà de
1.)(Jll.c.J6. l'Euphrate, fut cause
que les peuples résolurent de les égorger toutes dans
An jJu M. distribuées. Le Roy des Parthes ;,ï,lllt Içu c.s
387?-avant les quartiers où elles étoient
J.C. 127. dispositions, en profita pour attaquer Antiochus, & il le vainquit sans
coup
coup de pemeJ Le Roy,de Syrie périt dans ce combat; & l-Iitcan reprit le Mort XXXlP.
chemin de la Judée. Sur sa route il prit la ville d'Alep, & quelque tems après Roy Antio-' du
il se rendit maître de Sichem, démolit le temple de Garizim & fit, mourir les chus Side-
Prêtres Samaritains qui le déservoient. Il assujettit aussi à sa puissance plu. tes. An du
sieurs autres villes de Galilée, & dépuis ce tems la Judée subsista dans une M. 387?.
entiére liberté, ne dépendant plus des Roys de Syrie. avant J.G..
Dez-lors Hircan agit en Souverain, faisant la guerre & la paix en son 127. xxxV".
& portant ses conquêtes dans la Syrie, dans la Phénicie & danseles Hircan
nom, faire
a.
provinces voisines, sans crainte des Roys de Syrie, qui avoient assez à sujettit les
pour se défendre dans leur propre Etat. Hircan attaquacérémonies ensuite les Iduméens, Iduméens
& les ob-
des Juifs, lige
& les obligea à recevoir la circoncision & les autres à re-
les ménaçant, s'ils ne le vouloient pas faire, de les chasser de leur pays. Ils cevoir la
se sournirent à cette condition, & aimérent mieux renoncer à leur religion, circonci-
qu'abandonner leur patrie. Ils embrassérent donc les usages des Juifs & sson,
fréquentèrent comme eux le temple de jèrusalem, jurqu'au tems de la de.. 3ofepb. .Antiq.
strudion de cette ville; mais cela ne fut pas capable de leur faire surmonter ix m.
l'Antipathie, qu'ils avoient contre les Juifs & qu'ils n'ont jamais quittée. c. 17.
Vers le même tems Hircan envoïa à Rome trois Ambassadeurs pour An du M.
renouveller l'alliance avec les Romains, & les chargea d'un bouclier d'or de g875.
XXXVI.
la valeur de cinquante mille piéces d'or. Ils furent reçus du Senat avec hon- Renouvel-
neur, & outre le renouvellement de l'alliance, ils obtinrent la propriété de lement de
Joppé & de Ion port, de Gazare & des sources d'eaux (peut-être Amatha, l'alliance
ou Emmaus, où il y avoit des eaux chaudes propres à guérir les maladies) Juifs entre les
& les.
& des autres lieux qu'AntiochusSidétes avoit repris sur les Juifs. Le Sénat: fit Romains.
défense aux troupes de ce Prince de passer sur les terres des Juifs, & il fut ré-
solu qu'on lui envoyeroit des Ambassadeurs de la part des Romains pour l'ob-
liger à rendre ce qu'il avoit usurpé sur les Juifs &à les dédommager des per-
tes qu'il leur avoit causées. On dit (a) que dépuis ce tijps Hircan prit d'or- Mac&: (i)
dinaire le titre de Roy. Il est certain qu'il se fortifia déplus en plus dans sa 4.III.
nouvelle Monarchie, amassant de grandes sommes par les tributs qu'il tiroit
des terres de son gouvernement, laissant cependant les deux Roys Antiochus
l'un surnommé Gryphus & l'autre de Cizique freres, se disputer le Royaume
de Syrie & se ruiner par la guerre & les divisions domestiques.
Les Samaritains anciens ennemis des Juifs, aïant maltraitez les habitans xxxvu,
de Maresa alliez des Juifs, Hircan résolut de chatier Samarie & de la réduire Pri e de Sa-
sous son obeissance. Il forma le siége de cette ville^ l'environna de murailles, marie Hircan.
par
& d'un double fossé, dans la longueur de quatre vingt stades, ou de s -800 tfofefjb.
pas, afin qu'on ne pût sortir de la ville, & qu'on n'y pût jetter aucun secours. 1.Autiq.
Samarie fut bientôt réduite à une famine si horrible que les bourgeois furent X JIL
obligez desenourrir des choies qui passoient pour les plus impures, selon la c. Macc. 17.18.
loy de Moyse & les préjugez de ce peuple. Ils trouvèrent moïen de faire sa- 4. IV.
voir au Roy de Syrie le danger auquel ils étoient réduits, & le priérent de An du MT.
leur envoïer un promt secours. 3894.avan6
Cependant le jour du jeûne solemnel, ou la fête de l'expiation qui se J. G. 106.
célébre parmi les Juifs au commencement de l'année civile, étant arrivé, le Antiochu» xxxvm,
de Ciziqvie Grand-Prêtre Hircan fut
obligé de s'en retourner à jérusalem, pour y faire
Roy de Sy- les fondions de sa dignité, laiilant ses deux fils Antigone & Aristobule pour
rie est battu continuer le siége de Samarie. Pendant l'absence d'Hircan, Antiochus de
devant Sa- Cizique Roy de Syrie marcha au secours de Samarie. Aristobule sortit de ses
marie.
retranchemens & alla à sa rencontre. Le Roy de Syrie fut battu, & san armée
se sauva à Scythopolis; Aristobule étant de retour au siége, pressa la place
avec encore plus de vigueur qu'auparavant. Les Samaritains se voïant en dan-
ger d'être forcez, eurent de nouveau recours au Roy de Syrie, lequel ne pou-
vant y aller en personne, fit venir d'Egypte six mille hommes pour faire le
dégât sur les terres des Juifs &les obliger par cette diversion à quitter le siége
pour accourir à la défense de leur propre pays,
XXXIX. Ptolémée Lathure fils de la Reine Cléopatre conduisit lui-même ce se-
Ptolémée
cours mais s'il réulïit à faire diversion d'une partie des troupes d'Hircan, il
Lathure ,
Roy d'E- n'empêcha pas que le siége ne se poussât toujours avec vigueur par l'autre
gypte vientt partie. Ptolémée, aprés avoir perdu grand nombre de ses soldats par
les em-
au secours buscades qu'on lui dressa, fut obligé de se retirer à Tripoli, laissant la con-
de Samarie. duite de cette
' guerre à Callimandre &à Epicrate deux de ses Capitaines. Le
Prise de s'étant engagé témérairement dans un combat, fut défait & tué.
cette ville premier
de l'argent qu'on lui donna, remit entre les
par Hircan Epicrate s'étant laissé gagner par
qui la dé- mains des Juifs Scythopolis & quelqu'autres places;, ainsi les Samaritains ab-
molit. solu111entdénuez de secours, furent à la fin forcez de se rendre. La ville fut
prise aprés une année de siége. Hircan la pilla, la ruina, & aïant jetté les
débris & les démolitions dans le torrent qui passe aux pieds de la montagne
où elle étoit bâtie, elle fut réduite en un tel état, qu'il n'y restoit aucun ve-
stige de ville.
XL. On raconte que le Grand-Prêtre Jean Hircan étant dans l'interieur du
Révélation temple le jour de l'expiation solemnelle,ouït une voix qui lui dit que ce jour-
saite àjean là ses deux fils avoient remporté la victoire contre le Roy Antiochus de Cizi-
L
Hircan ttoit venuet&secours de Samarie, & qu'ils l'avoient poursuivi jllsclu'à
touchant que, qui
ses deux Scythopolis. On dit aussi qu'aïant un jour demandé à Dieu qu'il lui plût lui
fils. faire voir lequel de ses deux fils Antigone & Aristobule lui succéderoit dans
sa dignité, Dieu lui fit voir en ronge qu'un de ses fils qui n'étoit pas encore
né, mais qui naquit bientôt aprés, & qui fut nommé Alexandre , seroit san
Successeur; comn.' il aimoit tendrement Antigone & Aristobule, il fut af-
fligé de cette révélation, &pour tâcher d'en éloigner ou d'en détourner l'ef-
fet, il fit nourrir le jeune Alexandre dans la Galilée; mais il ne pût empêcher
les desseins de Dieu sur la personne de ce jeune Prince ne s'accomplis-
que
sent. Il monta sur le Trône aprés la mort d'Aristobule son frere ainé, comme.
on le verra dans la suite.
XLli Joseph Ca)ê¡ffure que le Grand-Prêtre Hircan, aprés avoir été, longtems
Hircan attaché à la secte des Pharisiens, se sépara d'eux avec éclat, & embrassa lafede
quitte la rupture Hircan ayant fÜit.
seue des des Saducéens; & voicy ce qui donna lieu cette demanda
à :

Pharisiens ungrandfestin aux principaux des Pharisiens, leur sur la fin du repas.
& embrasse ce qu'ils pensoient de sa personne,& s'Js avoient quelque chose a reprendre dans
celle des sa conduite, afin qu'il s'en corrigeât. Les conviez lui répondirent par de grands
Saducéens. éloges,
éloges, & lui témoignèrent qu'ils ne trouvoient rien.que de trés-louabledans (a"
son gouvernement: toutefois l'un d'eux nommé Eléazar, homme rustique & gofelib..
fons^complaisancelui dit: puisque vous voulez que l'on vous parle franche- Antiq.
1. Xiii.,
ment; Renoncez à la grande sacrificature, & contentez-vous de la dignité
c. I8.
de Prince du peuple, Hircan lui demanda pourquoy il lui faisoit cette pro-
portion; c'est, dit-il, que nous avons apris de nos anciens que vôtre Mere
a été esclave sous le
RoyAntiDchus Epiphanes, & que cette tâche est incom-
patible avec l'employ de Grand Sacrificateur.
Hircan se tint trés-offensé d'un pareil discours, &Jonathas Saducéenfui
aïant fait entendre qu'il s'étoit fait du consentement des autres Pharisiens , Se
que pour s'en convaincre il n'avoit qu'à leur demander de quelle peine il de-
voit punir un tel outrage. Hircan le fit, & comme ils ne sont pas fort sévè-
res dans leurs sentences; ils dirent qu'il méritoit seulement laprison &le fouet..
Cette réponse confirma Hircan dans son soupçon, & Jonathas profitant de-
cette disposition où il le voïoit, l'engagea à renoncer à leur sede & à env
brassèr celle des Saducéens. Il abolit même tous leurs statuts & fit punir ceux
qui les observoient.,
On rapporte au tems de fean Hircan l'origine des iedes des Pharisiens , XLU.
desEfseniens & des Saducéens, qui font les plus anciennes que l'on connoisse Se&e des
Pharisiens..
parmi les Juifs. Les Pharisiens se distinguoient des autres Hébreux par une Ca)
rnaniére de vivre plus exade plus religieuse & plus sevére. Ils admettoient gofepb.
le destin, (a) mais de telle manière qu'il ne nuisoit point à la liberté de faire ¡lutiq.
,

le bien ou le mal. On ignore qui étoit le Chef de leur sede. Leur nom si- /.f!j1.XV1U., X111. c. p.
gnifie des hommes séparez & distinguez des autres. Ils étoient répandus dans
c.2i
toutes les tribus. Le peuple qui se laisse facilement prendre aux- dehors d'une
vertu austére & d'une doétrinepeu commune, faisoit grand cas des Pharisiens,
dont l'extérieur étoit fort composé, la nourriture fort simple & fort frugale,.
& l'observance pour les loys ponctuelle jusqu'au scrupule. Ils avoient des*
traditions venues de leurs anciens,dont ils faisoient une estime particulière,
jusqu'à les égaler, & quelquefois même les préférer aux loys de Moyse. C'est:
dequoyle Sauveur leur fait de fréquens reproches dans l'Evangile.
Le vice dominant de cette sede étoit l'hypocrisie & l'orgueil. Ils affe-
doient de paroître grands jeûneurs, faisoient de longues & fréquentes prié.
res, & donnoient libéralement l'aumône; mais ils avoient grand soin de la;
donner avec ostentation, & à la veuë du peuple, pour s'attirer des aplaudif.
semens. Les franges de leurs manteaux étoient plus longues que celles des
autres Juifs, de même que les phylactères ou bandes de parchemin, qu'ils"
attachoient sur leurs fronts & sur leurs poicne-s.--Ils lavoient fréquemment
leurs mains, pour paroitre plus soigneux de la pureté que les autres, & les;
lavoient depuis l'extrémité des doigts jusgu'àu coude; ils en usoient ainssi
toutes les sois qu'ils rentraient de la ruë dans leurs maisons.
L'immortalité de l'anle & l'exrstence des Anges & des esprits étoient un;
dogme qu'ils admettoient & qui les distinguoit des Saducéens. Ils croïoient
qu'il y avoitune espéce de metenipsycolè pour les ames des gens de bien,.
Lefauelles assoient d'un corps dans un autre; &que pour celles des méchans,.
elles étoient reléguées aprés la mort du corps dans des lieux ténébreux oâ
elles étoient condamnées à des peines éternelles. Ils recevoient aulli la ré-
surredion des morts, avec toutes les conséquences de ce sentiment. Il y a
encore aujourd'huy parmi les Juifs bon nombre de Pharisiens ; & la plupart
de ceux qui se dif1:inguent parmi eux parleur science, font profession de cette
sede.
XLIlL Les Saducéens reconnoissent pour Auteur de leur seéle un nommé Sa-
Sette des dok, qui fut disciple d'AntigoneSochaeus, qui vivoit peu aprés le Grand-
Saducéens. Prêtre Simon le juste, qui nlourut vers l'an du monde 3711. Antigone en-
feignoit qu'il falloit servirDieu d'une manière désintéressée, & sans en atten-
dre aucune recompense. Sadok[on disciple outra cette maxime, en insérant
qu'il n'y avoit dans l'autre vienirécompenseàespérer, ni châtiment à craindre;
que l'ame mouroit avec le corps, & qu'il n'y avoit ni résurredion, ni Anges
nief'prits; ils n'admettoientpoint cette foule de traditions des anciens, dont
les Pharisiens faisoient leur capital, ny ces explications de la loy, qui sou-
vent en détruiCoient l'esprit & le véritable sens.
Les Saducéens étoient exads à remplir les devoirs de la vie civile, &
rigoureux à punir le crime, ce qui étaitune suite de leurs principes, qu'il n'y
avoit rien à craindre ni à espérer pour l'autre vie. Ils niaient le destin & se
moquoient de ceux qui attribuoient quelque chose à la providence, soûte-
nant que nous sommes seuls Auteurs de nos biens ou de nos maux, par le
bon ou le mauvais usage que nous faisons de nôtre liberté. Les Juifs d'au-
jourd'huy les regardent comme des hérétiques, mais anciennement ils poffe-
doient les premières charges de l'Etat, & plusieurs mêmes du nombre des
Prêtres étoient Saducéens.
XLIV. LesEsséniens faisoient profession d'une vie plus pure, plus parfaite, plus
Secte des retirée & plus pénitente, que les deux sedes dont nous venons de parler. Ils
Siréniens. vivoient entr'eux dans une trés-grande union, & dans une rigoureuse conti-
nence, aïant horreur de la volupté, comme d'un poison dangereux. Le ma-
riage n'eu: pas condamné parmi eux, mais il n'y est point en usage. Persua-
dez qu'il faut toujours être en garde contre l'intempérance & contre l'infidé-
lité des femmes, ils méprisent les richesses & mettent tous leurs biens en com-
mun, vivant comme freres dans une parfaite égalité. L'huile & les parfums
sont regardez chez eux comme choies souillées. Ils se purifient, aprés en
avoir seulement touché par hazard.
Leurs demeures sont distribuées en différens endroits de la Judée ils ont
grand soin d'éléver les enfans qu'on leur confie, & de leur inspirer ,les sen-
timens de la piété la plus pure. Ils n'achètent ni ne vendent rien entr'eux.
Tout leur commerce se fait par échange. Ils ne parlent pas avant le Soleil
levé, & n'ouvrent la bouche pendant la nuit, que pour louër Dieu, & pour
péciter des priéres qu'ils ont reçuës de leurs anciens. Nul étranger ne peut
entrer dans leurs cellules. Ils travaillent depuis le matin jusqu'à une heure
avant midy, puis ils se lavent dans l'eau froide, se revêtent d'habits blancs &
passent dans le refedoire commun, où ils demeurent dans un profond silence.
On leur sert à manger aprés la prière, &on rend graces à Dieu aprés le repas.
Delà
Delà ils quittent leurs habits blancs & retournent au travail, où ils demeurent
jusqu'au foir ; ils sont très-religieux observateurs de leurs paroles, trés-atta.
chez à l'étude des ouvrages de leurs anciens & trés- éclairez en matiére de
religion. Une grande partie des pratiques des Religieux de la nouvelle loy,
sont imitées des usages des Esseniens.
Jean Hircan mourut aprés avoir gouverné les Juifs pendant environ 29. XL1/.
Mort de
ans. Sous son régne on écrivit ce qui se passa de plus mémorable dans la Jean Hir-
nation, & c'est delà que Joseph & le quatrième livre des Maccabées, ont can. Ari-
pris ce que nous savons de l'histoire de' ce tems-là. Il laissa en mourant trois stobule lui
fils, Aristobule, Antigone & Alexandre, lans se déclarer en faveur d'aucun succéde
des trois au sujet de la souveraine puissance, parcequ'il avoit apris par une dans le Sa-
lumiére surnaturelle que les deux premiers de ses fils ne régneraient paslong- cerdoce &
dans le
&
tems, que ce seroit Alexandre le troisiéme qui jouïroit de la supréme auto- gouverne-
rité. Joseph lui donne cinq fils, & dit qu'Aristobule aïant associé son frere ment des
Antigone au gouvernement, il mit dans les fers ses trois autres freres avec sa Juifs.
Mere, qu'il eut la cruauté de laisser mourir de faim dans la prison. tfofepb.
Aristobule aïant déclaré la guerre aux Ituréens, envoïa çontr'eux son 1.Antiq. Xiii.
frere Antigone qui les vainquit & les contraignit de recevoir la circoncision C. 18. ! 20.
,
& les cérémonies Judaïques. A ion retour il monta au temple dans"un ap- fJoJeph.
pareil triomphant, à dessèin d'y rendre grâces à Dieu de sa vidoire. Quel- Antiq.
ques flatteurs firènt entendre à Aristobule qui étoit malade, qu'Antigone son AnIll. c. 9.
1.
du M.
frere étant allé en armes & bien accompagné dans le temple en un jour so- B898.avan'
lemnel, comme étoit celui-là, car c'étoit la fête des tabernacles, il donnoit J. C. 102.
assez à entendre que son dessein étoit de s'emparer de la Roïauté,&que preuve XLVI.
de cela, il devoit venir aussitôt accompagné d'un grand nombre de gens armez, Les Itu-
réens font
pour le mettre à mort. vaincus
Aristobule sans examiner davantage un avis de cette conséquence, en- par Anti.
voïa sur le champ prier san frere de le venir voir sans armes, ,& en même tems gone &
fit cacher ses gardes dans un lieu soûterrain & obscur,par 011 Antigone devoit contraints
passer, avec ordre de ne lui point faire de mal, s'il venoit sans armes, mais de recevoir?
circon-
de le tuër, s'il venoit armé. La Reine Epouse d'Aristobule, & les Jaloux la cifion.
d'Antigone gagnèrent l'Envoie & l'engagèrent à dire à Antigone que'le Roy XLTT11.
son frere aïant apris qu'il avoit les plus belles armes qu'on pût voir, ,
il le priait Aristobule
de venir armé comme il étoit, afin qu'il les pût voir sur lui. Antigone vint son fait tuer
donc à la cour avec ses armes, & étant entré dans la tour de Straton, dont Antigone* frere
l'entrée étoit obscure, les gardes le mirent à mort. An du M.
Ce même jour un EflTenien qui avoit le don de Prophétie, voïant Antigone ?898.avan£

,
monter au temple, dit à ses amis qu'il voudrait être mort, parcequ'aïant pré- J. C. 102.
dit qu'Antigone mourroit ce jour-là à la tour de Straton il le voïoitnéanmoins Prédictiorî
en sautedans Jérusalem à plus de huit ou dix lieuës de la tour de Straton, & la d'un F.ise-
XLI/Ilt.

plus grande partie du jour étant déja passée; que tout le monde Palloit défor- nien sur lx
mais regarder comm' un faux Prophéte. Quelque tems après on vint dire mort d'Au-
qu'Antigone avoit été tué dans la tour de Straton ; cette tour qui étoit joignant tigone*
le palais des Grands. Piêtrt s, étoit fort différente d'une autre tour de meme
située sur la Méditerranée, où l'on bâtit dépuis la ville de CtzaréedePaldiine: iioiii,
Ainsi
Ainsi fut vérifiée la prédiétion de cet Essénien, contre son propre sentiment,
n'aïant pas sçu déméler l'équivoque du nom quel'esprit de Dieu lui avoit dé-
couvert, car les Prophètes ne voient pas toujours toute l'étendue du sens de
leurs prédictions.
XLIX. Bientôt Aristobule réconnut la calomnie, & la douleur qu'il conçut
Mort(I' A- d'avoir-ainsi légèrement & sans raison fait mourir son cher frere, le plongea
rillobnle. dans la mélancolie, & augmenta considérablement sa maladie. Il vomit
quan-
tité de sang, & l'Officier qui portoit ce sang pour le verser au dehors, enaïant
répandu fortuitement dans je lieu où l'on voïoit encore les trâces de celui
d'Antigone, ceux qui le virent jettérent un si grand cri, qu'il fut entendu du
Roy. Il en demanda la cause, & comme on craignoit de lui dire, il les y
contraignit par ménaces. Alors pousfant un profond soupir & fondant eu
larmes,, il dit ces paroles: Je vois bien que la vengeance de Dieu me pour-
suit & qu'il a veu le sang de mon frere, que j'ai répandu sans sujet. Jl1rqu'à
quand ce misérable corps retient-il mon ame criminelle ? ne vaut-il pas mieux
mourir tout d'un coup que de voir répandu ainsi mon sang goutte à goutte
pour l'offrir comme un sacrifice d'expiation à l'ame de mon trere ; en disant
ces mots, il rendit l'esprit.
L. Il n'avoit régné qu'un an. La Reine Salomé sonEpouse nommée au-
Alex an dra trement Alexandra, mitauffitôt en liberté les Princes qu'Ariltobule avoit jet-
Mere d'A- tez dans les liens, & plaça sur leTrône l'ainé des trois & le plus modéré de
ri Lobule qui se nommoit Jannée ou Alexandre. Celui-cy fit tuer un de ses fre-
met sur le tous,
Trône A- res qui avoit affeâé laRoïauté & traitta fort bien l'autre, nommé Absalom,
lexandre qui se contenta de méner une vie privée.
Jannée. Alexandre Jannée étant affermi sur le Trône de Judée, &aïant reglé les
(a) affaires du dedans du Roïaume, marcha contre ceux de Ptolémaïde, il les
Antiq.
/. XILU
vainquit dans un grand combat , & ensuite assiégea leur ville. Ils eurent re-
C 2,0- cours à Ptolémée surnommé Lathure, qui régnoit dans l'Ile de Chypre, &
An du M. qui leur promit de leur méner des troupes; mais dans l'intervalle ceux de
;89 9. avant Ptolémaïde changérent de résolution, & envolèrent prier Lathure de s'épar-
j.e. 101. la peine de venir à leur secours. Ce Prince étoit déjà embarqué avec
LI. gner
Alexandre une armée de trente mille hommes, il aborda à Sicamynum tout prés de
Jannée Roi Ptolémaïde; mais ceux de la ville ne voulurent pas lui ouvrir les portes. Il
de Juifs at- en forma le siége; & cependant Alexandre Jannée se jettaavecses troupes sur
taque Pto- les terres de Gaze & de Dora, & y commit de grands ravages. Zoile petit
lémaïde.
tfofeph. Tyran qui régnoit à Dora, s'opposa à ses entreprises. Alexandre offrit quatre
Antiq. cent talents à Lathure afin qu'il lui livrât Zoïle. Lathure fit arrêter ce petit
1. xiu. Tyran;mais aïant sçu qu'Alexandre traittoit sous main avec CléopatreReine
C. iO- 2 (. d'Egypte sa Mere contre lui, il se jetta sur les terres de Judée, & y fit le
Cr. An du dégat.
M- 3899.
avantJ. C. Alexandre leva promtement une armée de cinquante mille hommes ,&
101. marcha contre Lathure. Celui-ci lui livra le combat prés d'1\soph sur le Jour-
LU
lexandr<
dain. Alexandre fut battu, perdit trente mille soldats, on fit sur lui un tres
A
Jannée est grand nombre de
.
prisonniers, lui-même fut obligé de se sauver par la fuite.
v,aiucu par Lathure ordonna à ses soldats qui
étlJicnt. répandus dans les Bourgades de
Gabier,
Galilée, de faire main basse sur les femmes & les enfans qu'ils y trouveroient, Ptoléméc

humaine..
de les couper en pièces, de les jetter dans des chaudiéres d'eau bouïllante, Roy Lathure
du combat dans Bourgades, d'E-
afin que les Juifs qui étoient échappez venant ces
nourris- gypte.
tùITent saisis d'une plus grande horreur, croïant que leurs ennemis se
soient de chair
Une si grande perte n'abbattit pas le courage d'Alexandre. Il mit sur LJIl.
pied de nouvelles troupes, & continua la guerre contre les ennemis des Juifs Révolte desJuifs
pendant plusieurs années; mais comme il eut assez de malheurs dans la plu-
entreprises, les Juifs ses sujets se mutinèrent contre lui, & jour contre A-
part de les un lexandre
comme 1i étoit prêt d'ossrir le sacrifice encérémonie qualité de Grand-Prêtre, à la fête Jannée
des tabernacles, où le peuple porte en des branches de palmiers leur Roy.
& des rameaux chargez d'oranges & de citrons; ils ne se contentérent pas
de lui jetter de ces fruits par maniére d'insulte, ils lui reprochérent en face
qu'aïant été captif, il étoit indigne de l'honneur du Sacerdoce, & ne méritoit
telle colére, qu'il en
pas d'offrir des sacrifices au Seigneur ; ce quiainsimit en
le
fit tuër six mille par ses gens, & se vengea de cette multitude inso-
lente; &pour prévenir à l'avenir une pareille insulte, il fit faire autour de
l'autel des holocaustes, & dû lieu saînt où les Prêtres seuls ont droit d'entrer,
une clôture de bois pour les séparer du peuple. fier Il prit de plus une gardede
soldats Pisidiens & Ciliciens, ne voulant pas se ny à ses propres sujets, ny
aux Syriens.
Il fit ensuite la guerre aux Arabes, aux Moabites & autres peuples de LIV.
delà le Jourdain; mais étant malheureusement tombé dans une embuscadeprés Guerre d'Aiexan-
de Godare en Galilée, il y perdit presque tout son monde, & eut assez de peine dreJannée
de se sauver àJérusalem. Ses sujets de longue main indisposez contre lui,lui contre les
firent la guerre pendant six ans. Il les traita avec la derniere rigueur, & en fit Arabes &
périr plus de cinquante mille. Leur animosité étoit si grande, que tout ce les Moa-
bites.
qu'il pouvoit faire pour les adoucir, ne servoit qu'à les irriter d'avantage,
jusque là que leur aïantun jour demandé ce qu'il pourroit donc faire pour les
satisfàire, ils s'écriérent tous , qu'il n'avoit qu'à se donner la mort.
Quelque tems après les Juifs rebelles engagèrent Demetrius Eucérus Alexandre LV.
Roy de Syrie à saire la guerre à Alexandre leur Roy. Ces deux Princes s'étant Jannée est
trouvez en présence avecleurs troupes, firent mutuellement, mais en vain tous vaincu par
leurs efforts pour se débaucher leurs soldats. Il fallut en venir à un combat. Demettius
Alexandre fut vaincu & obligé de se sauver dans les montagnes. La veuë de Eucérus
son malheur changea le cœur de plusieurs Juifs. Six mille l'allérent trouver, Syrie. Roy de
& le Roy de Syrie se retira. Les autres Juifs qui demeurèrent obstinez à lui
refuser l'obéïssance, furent battus par tout. 11 en fit un jour crucifier huit Gruautcz
égorger exercées
cens en sa présence, & fit à^leurs_yeux, pendant qu'ils vivoient en-
femmes & leurs enfans lui-même assista à leur supplice, faisant par Ale.
core , leurs ; xandre
pendant ce tems unfestin à ses concubines en un lieu élevé, d'où il découvroit Jannée
ce spectacle horrible. contre ses
Une exécution de cette nature jetta la terreur dans l'esprit des plus mu- propres sujets.
tins. Huit mille se retirérent dez la nuit suivante, & ne parurent plus dans le
pays. Depuis ce tems Alexandre régna assez paisiblement dans la Judée
mais sou ardeur guerriére le porta à faire la guerre à plusieurs de ses voisins.
Il le fit avec succés & mourut enfin l'an du monde 3926. aprés un régne de
29. ans.
LVI. AlexandraEpouse du Roy Alexandre Jannée, voïant son mari à l'extré-
Mort d'A- mité, & prévoïant les maux auxquels ses enfans & elle même couroient ris-
lexandre
Jannée. que d'être exposez, veu la haine secrete que plusieurs d'entre les Juifs con-
Son Epouse servoient encore contre la famille Royale, déclara son inquiétude au Roy,
Alexandra qui la rassura en lui disant: si vous voulez suivre mon conseil, vous pourrez
légne en aisément vous conserver le Royaume & à vos enfans. Cachez ma mort à mes
sa place. soldats, jusqu'à
go.fepb. ce que cette forteresse de Ragaba soit prise (car il l'affiégeoit
Jîntiq. actuellement &étoitluy-même au camp) quand vous serez arrivée àjérusalem,
J. A'/ [J. assemblez les Pharisiens, montrez-leur mon corps mort, & leur témoignez
<C. 2?. que vous êtes prête à le leur livrer pour en faire ce qu'ils jugeront à propos,
An du M. des maux que je leur ai faits. Assûrez-les ensuite que vous
-3 922. avant
en vengeance
J. C. 78. ne voulez rien faire que de concert avec eux pour le Gouvernement du Roy-
aume; que vous suivrez leur avis en toutes choses; donnez-leur une certaine
autorité, & assûrez-vous que si vous les pouvez gagner, ils vous rameneront
bientôt l'esprit de la populace, qu'ils gouvernent à leur gré, & à laquelle
ils inspirent l'amour ou la haine, sélon qu'il leur plait. Si vous en usez de
la sorte, vous verrez qu'au lieu de déshonorer ma mémoire, ils me feront
des obséques magnifiques, & vous régnerez avec uns. autorité absoluë.
LVIl. Alexandre mourut bientôt après qu'il eut dit ces paroles, & la Reine
laReine Alexandra aïant pris le chateau de Regaba, retourna à Jérusalem, parla aux
Alexandra Pharisiens, leur témoigna entiére confiance, leur dit qu'elle ne vouloit se
les une
111ct
Pharisiens gouverner que par leur conseil, & sçut si bien les gagner qu'ils
commencè-
dans son rent à donner de grandes louanges à Alexandre, & portérent le peuple à lui
parti, & faire des funérailles plus honorables, qu'il n'en avoit fait à aucun de ses pré-
régne pais- décesseurs.
siblement.
Ce Prince avoit laissé deux fils, Hircan & Aristobule, & avoit donné la
regence à la Reine sonEpouse. Hircan, qui étoit l'aîné, n'avoit aucune des
qualitez propres pour le gouvernement. C'était un homme de petit esprit,
lâche, fainéant, aimant le repos; Aristobule au contraire avoit beaucoup
d'esprit, de hardiesse & de valeur. La Reine Alexandra donna le souverain
Pontificat à Hircan; &pourlerestelaissà aux Pharisiens presque toute l'autori-
té, ordonnant même au peuple de leur obéir, & disant aux Pharisiens que si
Jean Hircan son Beau-Pere avoit fait quelque changement dans leurs tradi-
tions , ils pouvoient les rétablir. Elle ne laissoit pas de se faire craindre &
par ses sujets,& par les peuples voisins, entretenant toujours de bonnes trou-
pes étrangères, & s'assurant de la .fidélité de ceux qui lui étaient suspects, en
se faisant donner des otages. 1

LVlll., Les Pharisiens abusérent bientôt de la trop grande autorité que la Reine #

Gruautez leur avoit laissée. Ils voulurent faire mourir ceux qui avoient été le plus dans
des Phari- la confiance du feu Roy, & qu'on soupçonnoit de lui avoir donné lesconseils
siens exer- nombre de Juifs dont on
cées contre violens, qui l'avoient porté à faire mourir ce grand
ainsi exposez au
les amis a parlé. Les anciens & fidèles serviteurs du Roy se voyant
r effets
Gentiment des Pharisiens, vinrent trouver la Reine, aïant a leur tête le Prince <d'Alexaa-
re serviçes qu'ils avoient rendus au feu Roy & drej année.
Aristobule lui remontrèrent les
à la famille Royale, & la priérent de leur permettre, pour se soustraire a
, la
violence des Pharisiens, d'aller chercher leur seûreté hors de ses Etats. Ale-
xandra î ne trouva point d'autre iiioïes pour appaiser ces gens-là, que de les
éloigner en leur confiant la garde des principales forteresses du pays.
LIX.
Quelque tems aprés Alexandra étant tombée dangereusement malade, Aristobule
Aristobule se déroba secrétement de la Cour; & étant allé trouver ces anciens fils d'Ale-
serviteurs du Roy sonPere, il se rendit par leur moïen maître des principaux xandrejan-
Chateaux de la Judée, en sorte qu'en moins de quinze ou vingt jours il se née serend
possession de vingt deux places considérables. La | Reine sa Mere maître des
trouva en seure garde principales
qui prévit les suites de cette démarche, fit arrêter & mettre en places de
la femme & les enfans d'Aristobule; mais ce Prince profitant des heureules udéc.
circonstances du tems, prit les marques de la dignité Roïale, & amalla en
peu de tems une armee corisid érable.
Cependant Hircan accompagné de ses amis & des principaux des Pha-
risiens, vint trouver la Reine, pour concerter avec elle ce qu'il y avoit à faire LX.
dans une conjoncture si délicate. Alexandra leur répondit que l'état ou elle Mort de la
se trouvoit, ne lui permettoit pas de se fatiguer à chercher des moiens pour Reine Ale-
résister à Aristobule, qu'ils avoient des troupes & de l'argent, que c'etoit a xandra.
eux à voir ce qu'il y avoit à faire. Elle expira en achevant ces paroles, aprés Hircan est
avoir régné neuf ans & en avoir vécu soixante & treize. Hircan son fils aine réconnu Roy des
qu'elle avoit fait réconnoître pour Roy, avant qu'elle mourût, lui succéda.
Juifs.
Aristobule marcha contre lui, lui livra la bataille prés de Jéricho, ,& une tfoseph.
grande partie des troupes de Hircan se rangea du côté d'Aristobule, de ma- Antiq.
niére qu'Hircan fut obligé de se sauver dans la forteresse de Jérusalem, ou la LXlV.c.i. de BeU.
femme & les enfans d'Aristobule avoient été enfermez. Bientôt on parla d'ac- l. 1.c. 4.
commodement. Les deuxfreres firent la paix & la confirmèrentpar serment. An du M.
Hircan promit de se contenter de la joiiilsance de ses biens & de vivre en par- 39H.avant
ticulier. Aristobule lui succéda non seulement dans la Royauté, mais aussi J. C.6i.
dans la souveraineSacrificature, qu'Hircan avoit possédées pendant trois ans
& trois 010i5.
L'union des deux freres Hircan & Aristobule, fut bientôt troublée par LXI.
les intrigues des amis d'Hircan, qui désirant profiter de la foiblesse de ce Prince, Guerre en-
& régner sous son nom, lui inspiroientde continuelles défiances de son frere, & tre Hircan
Aristo-
en lui disant qu'il en vouloit à sa vie; Antipater Iduméen, dont il sera sou vent bule freres.
parlé dans la suite, étoit le plus ardent à souffler le feu de la division. Il fit gnfeph.
tant qu'il porta Hircan à se retirer auprès du Roy Aretas, quirégnait à Petra .l'intiq.
-de déclarer la guerre à Aristobule. Ce- XIV. c.u
1.
en Arabie; ensuite il persuada à Aretas <ô fiq-
lui-ci tilt vaincu & obligé de se sauver dans le temple, où il se vit bientôt assiégé An du M.
par le Roy des Arabes. 3 930. avant
La fête de Pâque approchant, les principaux des Juifs ne pouvant se ren- J- C. 61.
dre dans le temple pour y célébrer la solemnité, ie retirérent en Egypte,
apparemment pour faire la Paque dans le temple d'Onion. Dans ce tems-
là vivoit un nommé Onias, qui étoit regardé purmi les Juifs comme un Pro-
phéte; voïant la guerre allumée dans la ville sainte, il se retira dans une soJitu-
de, d'où on le tira par force, pour l'obliger de saire des imprécations contre
Aristobule, qui étoit avec les Prêtres dans le temple. Onias résista longtems.
A la finse voïant pressé, il adressa à Dieu cettepriere: Grand-Dieu, souverain
Monarque de l'Univers, puisque ceiW-ci sont vôtre peuple, &que ceux qui
font assiégez, sont vos Sacrificateurs, n'écoutez ny les uns ny les autres. A peine
eÙt-il proféré ces paroles, quequelqu'uns de ceux qui étoient présens, le tuè-
rent à coups de pierre.
LX11. Dans le même tems, les Prêtres manquant de viâimes pour la Pâque,
Aristobule Aristobule pria les Juifs qui l'aifiégeoient dans le temple, de leur
est assiégé en donner
dans le pour de l'argent une certaine quantité. Ceux-ci demandèrent mille dragmes
temple de pour chaque bête, & voulurent être payez d'avance. La sournie étoit excef-
Jérulaiern. sive. On ne laissa pas de Penvoïer & de la descendre par une corde le long
de la muraille; mais les assiégeans aïant reçu l'argent,se moquèrent d"Ariito"-
bule & ne voulurent point leur envoïer les vidinles promises. Les Prêtres
prièrent le Seigneur de punir leur mauvaise foy, & leurs priéres furent ex-
aucées. Dieu envoïa dans toute la contrée un vent impétueux qui gâta tous
les fruits de la terre, & réduisit les assiégeans à une très-grande disette. Peu
de tems aprés Scaurus Général des troupes Romaines en Syrie, aïant reçu de
l'argent d'Aristobule, fit savoir à Aretas que s'il ne quittoit le siége du temple
de jérusalem, il le traitteroit comme ennemi du peuple Romain. Aretas leva
le siege, & se retira dans ion pays.
LXIII. Aristobule delivré de cette inquiétude, leve incontinent des troupes,
Vi&oirc livre la bataille àHircan & à Aretas dans un lieu nommé Papyron, les met en
d'Aristo- fuite & leur
bule con- tuë environ sept mille hommes. Pompée qui étoit alors dans la
tre Hircan Syrie , & dont le nom seul faisoit la terreur de l'Orient, étant venu à Damas,
son srere Aristobule pourse concilier son amitié, lui envoïa une vigne d'or accompagnée
& Aretas de Lions, de Cerfs, de fruits de toutes sortes, & police sur espèce de
Roy des une
Arabes. montagne, le tout d'un travail exquis & d'or pur. Quelque tems aprés il dé-
puta au même Pompée un de ses confidents nommé Nicodéme, &H.ircafl lui
envoïa Antipater, par qui il se gouvèrnoit. Les Députez des deux fieres soû-
tinrentles intêréts de leurs maîtres avec tout le zéle dont ils étoient capables;
mais Pompée ordonna qu'Aristobule & Hircan paroîtroient en sa prél'ence,
& lui exposeroient eux-mêmes leurs raisons.
LXIV. Les deux freres se rendirent donc à Damas, où se trouvérent aussi quel-
deux
freres Hir- ques Députez dela nation des Juifs, qui se plaignaient d'Aristobule & d'Hircan,
Les

can & Ari-


& disoient que ces deux Princes vouloient changer l'ancienne forme du gou-
stobule vernement,en introduisant parmi eux la Monarchie & l'autoritéRoïa le,
comparois- que juIqu'alors ils n'avoient obéï, qu'aux Grands-Prêtres, priant Pompée de
au lieu
sents de réprimer Hircan & Aristobule, qui vouloient s'emparer de la souveraine au-
vant Pom-
pée. torité, & réduire leur nation en servitude.
Aa du M. Les deux Princes exposérent ensuite les raisons qu'ils avoient l'un contre
3940 avant l'autre, pour prétendre à la Roïauté & à la souveraine Sacrificature. Hircan
J. G. 60. fit valoir son droit d'aînesse, & releva les exçés & les violences d'Aristobule.
Celui-ci maintint que son frere étoit incapable de gouverner par sa lâcheté &
par
par son peu d'esprit. Pompée les aiant entendu, leur dit de s 'en retourner,
de vivre en paix, & qu'à son retour de l'expédition contre les Nabathéens il
termineroit leur différent. Aristobule se défiant de la bonne volonté de Pom-
pée, se retira & se jetta dans le chateau d'Alexandrion. Pompée marcha con-
tre lui, Aristobule sortit d'Alexandrion, & vint parler à ce Général jusqua
deux ou trois fois. Pompée lui'ordonna de désarmer, de lui remettre Ale-
xandrion & d'écrire aux Gouverneurs de ses places de les lui remettre. Ari-
stobule obéït, mais avec tant de regret, qu'il se retira dans Jérusalem, résolu
de s'y défendre.
Pompée l'y suivit dans le dessein d'assiéger la ville ; mais Aristobule ré- Pompée LXV:
fléchissant sur le danger auquel il s'exposoit, alla trouver Pompée , lui offrit marche
Jérusalem. Le Général Ro-
une somme d'argent & lui promit de lui livrer contre Jé.
main envoïa Gabinius pour toucher l'argent & pour entrer dans la ville; mais rusalem.
on lui ferma les portes, & les soldats d'Aristobule ne voulurent pas lui délivrer Aristobule
soumet
les sommes promises, en sorte que Pompée retint Aristobule prisonnier & se à Pompée,
marcha en personne contre Jérusalem. puis se re-
Lorsque Pompée arriva devant Jérusalem, toute la ville se partagea, les traite.
lui LXVI.
uns craignant d'entrer en guerre avec les Romains, disoient qu'il falloit dejé-t
ouvrir les portes :au contraire les partisans d'Aristobule soûtenoient qu'il falloit Siègeru[alem
les lui fermer & soûtenir la guerre, puisqu'il retenoit injustement leur Roy par Poin-
;
prisonnier. Ceux-ci sans délibérer d'avantage, se saisirent du temple, rom- pée.
pirent le pont qui le joignoit à la ville & se mirent en détente les autres re- fofeph.
çurent Pompée dans la ville, & dans le palais Royal. On commença l'atta- Antiq.
que du temple du côté du Septentrion, qui étoit le seul endroit par où ilétait 1.XlV.c.7..
('ôc.
acçessible, on fortifia quantité de maisons qui étoient au voisinage du lieu 8. An du M.
saint, & on cotiftruisitavecun travail it,-.crc)ïible des murs & des terrasses autour 394o.av2n£
-

du temple, pour empêcher que les aHiégez n'en sortisient, & qu'ils ne pussent J. G. 60.
reçevoir du secours de dehors. Pompée profita habilement du repos du Sab-
bat, auquel les Juifs n'entreprenoient rien, pour achever les ouvrages, &
quand ils furent à leur perfection, il fit plaçer sur les terrasses des machines
de guerre propres à ébranler les murs, & à en éloigner les assiégez.
La résistance des assiégez fut telle, que malgré la valeur & l'expérience
des Romains, le temple ne fut pris qu'après trois, mois de siége. On remar-
que que parmi les allarmes& les dangers du siége, les Juifs qui étoient dans le
temple, ne cessérentpas de célébrer le repos du Sabbat, & les Prêtres n'inter-
rompirent pas les sacrifices, qu'on offroit tous les jours lesoir & le matin sur
l'autel desholocaustes ; & lorsque le temple fut forcé, & que le soldat Romain
à
mettait mort tout ce qu'il rencontroit, la frayeur dela mort ne put empê-
cher ceux qui étoient occupez à ces Maintes cérémonies, de les cOl1tinuër..
Pompée luy-méme admira la consiance & Irréligion des Juifs.
Dez-que ce saint lieu fut pris, il fut incontinent rempli de corps morts, LXVlI.
les soldats Romains tuèrent un grand nombre de Juifs, qui se trouvérent, pour Profana-
ainsi dire, rassemblez sous leurs mains. D'autres se tuoient eux-mêmes, ou tion da
de
se jettoient dans les précipices, ou mettoient le feu dans les appartemens du Temple Jéruialem»
temple où ils se trouvoient. Douze mille Juifs y perirent. La fcinteté du
temple fut profanée en mille manières. Pompée accompagné de toute sa suite
entra dans le Sanétuaire, où les Juifs mêmes les plus saints n'osoient entrer, &
où le seul Grand-Prêtre avoit le privilége de paroître une fois l'année. 11 vit
dans le saint la table du parfum, celle des pains de propositions, le chande-
lier d'or à sept branches, plusieurs coupes d'or, & grande quantité de parfums.
Il se trouva dans le trésor sacré environ deux mille talents, auxquels ce con-
quérant ne voulut pas toucher. Il ne fit rien dans cette occasion qui ne fut
digne de sa religion & de sa vertu, respedant les choses saintes même d'une
religion étrangère.
LXVIII. Le lendemain il commanda aux Ministres du temple de purifier ce taint
Hircan est lieu, afin d'y faire offrir dessacrifïces. Il donna àHircan la dignitédeGrand-
rétabli Prêtre, en récornpense des services que ce Prince lui avoit rendus pendant le
dans la
grande Sa« siége , & de ce qu'il avoit empêché les Juifs de Jérusalem d'embrasser le parti
crificatlire. d'Aristobule. Il priva ce dernier de la dignité Royale, rendit la ville de Jé-
rusalem tributaire aux Romains, lui ôta les villes qui lui appartenoient dans
la Célé-Syrie, & réduisit la Judée en Province dépendante de la République
Romaine. 11 affranchit les villes de Gaze, dejoppé, de Dora, & la tour de
Straton, dépuis nommée Cezarée de Palestine, & les réiinit à la Province .de
Syrie.
LXIX. De cette sorte la division d'Hircan & d'Aristobule, fit perdre aux Juifs la
La Judée liberté, du moins elle les assujettit à unepUÍssance étrangère. Hircan fut laide
est réduite
en Provm-
dans la Judée, avec la qualité de souverain Sacrificateur, & de Prince des Juiss,
ce fous la mais avec défense de
prendre le Diadème & de porter le nom de Roy. Peu
Républi- de tems aprés les Romains exigèrent de la nation Juive en forme de tribut
que Ro- plus de dix mille talens. Pompée s'en retourna à Rome, ménant avec lui
maine.
Aristobule prisonnier; ce malheureux Prince parut au triomphe dePompée,
comme vaincu, & servit de spedacle à la ville de Rome. il demeura dans
cette ville environ sept ans.
LXX. Mais Alexandre son fils s'étant échappé des mains de ceux qui le condui-
Alexandre soient à Rome, revint dans la Judée, &yaïant ramassé des troupes, commen-
fils d'Ari-
stobule est ça à faire
des courses dans le pays, puis appuie des anciens amis desonPere, il
assiégé fortifia le chateau d'Alexandrion & celui de Macheron, qui lui servoient de
dans Ale- retraite & à ses troupes; car il avoit environ dix mille hommes de pied,& quinze
xandrion. cens chevaux. Gabinius quise trouvoit alors à la tête des troupes Romaines
An du M. dans la Syrie, marcha contre lui, lui livra la bataille prés de Jérulàlem, lui tua
3 941.avant hommes & prit plusieurs prisonniers. Alexandre se sauva avec les
J.C. ^ trois mille
:

restes de son armée. Il se retira dans la forteresse d'Alexandrion. Gabinius l'y


suivit, défit les troupes qu'il trouva hors du chateau, y laissades soîdats pour
la Judée, où il répara Samarie& quelqu'au-
en former le siége, & s'en alla dans
tres villes qu'il trouva minées, puis retourna au siége d'Alexandrion.
LXXI. Aristobule s'étant échappé de Rome, revint en Judée, dans le detleind'y
Aristobule rétablir le chateau d'Alexandrion, & de s'y fortifier de nouveau; mais Gabinius
s'échappe
envoya des troupes qui le prévinrent & l'empêchèrent de s'en rendre maître; il
de Kome contreJMacheron, il entra aprés avoir essuyé un sanglant combat
& revient s'avança où
judce. dans lequel les Romains lui tuérent cinq mille hommes. On ne lui laissa pas le
en ^ tems
tems de se fortifier dans Macheron, 011 l'y assiégea, & aprés une résistance de An duff.,
deux jours, il fut pris & blessé en plusieurs endroits & envoïé de nouveau à ? 948.avant
Rome avec son fils Antigone. Le Senat renvoïa bientôt aprés ses enfans en oJeph. J. G. s 2.
Judée, mais Aristobule demeura à Rome dans les liens. Antiq.
Alexandre son fils avoit ramassé une armée allez nombreuse, avec laquelle l. XIV.
il couroit le pays & tuoit autant de Romains qu'il en rencontroit. Les au- H.
tres se retirérent sur la montagne de Garizim. Il tes y assiégea. Gabinius Alexandre LXXII.
envoïa Antipater, qui faisoit les affaires d'Hircan, pour tâcher de rai-nénerles fils d'Ari-
Juifs qui étoient attachez à Alexandre; il réussit à en faire rentrer plusieurs flobu,le fait
dans le devoir; mais il ne put jamais gagner Alexandre. Gabinius marcha la guerre
contre lui; Alexandre lui livra la bataille au pied du mont^ Thabor, & y per- dee. dans la Jvt-
dit dix mille hommes.
Peu après Gabinius quitta le gouvernement de la Judée, & Crassus lui LXX11L
succéda. Crassus étoit le plus riche & le plus intéressé des Romains. Aïant Grassus en-
apris que dans le Temple de Jérusalem il y avoit des richesses immenses, il chesses léve les ri-
la qui-
forma résolution de s'en rendre maître. Il vint à Jérusalem, le
entra dans étoient
temple, enleva tout l'or que Pompée avoit épargné, prit outre cela huit mille dans le
talens d'or qu'il y trouva, & fit emporter une poutre d'or massif qui étoit temple de
cachée dans une autre poutre de bois. La poutre d'or pesoit trois cent mines, Jérutaiem..
& la mine pesoit deux livres & demie. On pendoit à cette barre les voiles
du Temple, lorsque tous les ans on ôtoit les vieux pour en mettre de neufs
à l'entrée du Saint & du Sanduaire. Ces voiles étoient d'un grand prix. •
L'on dit qu'il n'y avoit que le Prêtre Eleazar qui sçût que la poutre d'or
etoit en cet endroit ; & qu'il ne la découvrit à Crassus, qu'après avoir tiré
de lui parole confirmée par serment, qu'il se contenteroit de ce riche monu-
ment, & qu'il ne toucheroit ny aux voiles sacrez ny au reste des trésors du
temple; mais l'avidité de Crassus ne put tenir contre tant de richesses; il ou-
blia & son serment & ses promesses, & fit enlever toutes les richesses qui se
trouvérent dans le saintlieu, &qui étoient un monument de la libéralité non
seulement de tous les Juifs de l'Asie, de l'Afrique & de l'Europe, mais aussi
des Princes & des Roys étrangers qui y envoyoient souvent des dépouïlles,
qu'ils avoient prises sur leurs ennemis.
Le prétexte dont Crassus couvroit ces rapines, étoit la guerre qu'il alloit lxxiv.
faire aux Parthes. Cette guerre eut le mauvais succés que chacun sait. Ce Mort d'A-
Général y perdit la vie, & Cassius eut assez de peine de raméner en Syrie les riilobule.
du M.
débris de son armée. ^ Il y trouva Alexandre fils d'Aristobule, qui troubloit le Anï<>.avant
Il le réduisit demeurer g
pays. à en paix; & quelques années aprés juleCe. J.G.4K
zar mit en liberté Aristobule, & l'envoïa avec deux Légions en Syrie pour
s'affairer de cette Province ; mais les pârfisans de Pompée l'empoisonnérent, ,
comme il se disposoit à partir, & l'empêchèrent ainsi de retourner en Judée,
Ceux du parti deCezar embaumèrent Ion corps avec du miel, & mirentdansle
un cercueil, où il demeura jusqu'àce qu'Antoinel'envoïa en Judée pour être
mis dans les tombeaux des Roys.
Alexandre fils d'Aristobule fut encore plus malheureux LXXV..
son Pere, Alexandre
que
Scip.oal'aïantfait comparoitre devant Ion Tribunal à Antioche, pour répondre fils
d'Art-
sur
sur qu'il avoit fait en Judée contre les Romains, il le condamna à perdre
Itebule cst ce
décapité à la tête. Alexandre laissa deux filles dont
Ptolémée surnommé Mennée Roy
Antioche. de Calcide prit soin, aussi bien que d'Antigone fils d'Aristobule.
LXXVi. Cezar aïant mis fin à la guerre d'Egypte, vint en Judée, confirma la
Antipater grande Sacrificature à Hircan, qui l'avoit beaucoup aidé dans cette guerre,
cft fait Ministre d'Hircan, la qualité de citoïen Romain, en ré-
' Gouver- & donna à Antipater Antigone fils d'Aristobule &
neur de la compense de ses services. En ce nlême tems
Judée, & frere d'Alexandre, vint trouver Cezar, lui remontra qu'Aristobule son Pere
Hircan est avoit été empoisonné, 1pour avoir suivi son parti, que Scipion avoit traitté
confirmé
dans la indignement son frere enluifaisant trancher la tête, sans avoir égard à sa nait:
grande Sa- sance. Il conclut en priant Cezar d'avoir compassion de lui, & de lui faire
crificature, restituer la Principauté de la Judée, qui étoit l'Héritage de ses Peres, & qui
avoit été usurpée par Hircan & Antipater.
Ce dernier parla à son tour a Cezar & lui fit entendre qu'Aristobule avoit
toujours troublé la Judée, & fait la guerre aux Romains, que son fils Alexandre
étoit un séditieux, à qui Scipion avoit fait trancher la tête pour ses brigandages;
qu' Antigone suivoit leurs traces, & cherchoit à jetterconfirmale trouble dans la Province.
la grande iacrifi-
Cezar sans avoir égard aux plaintes d'Antigone,
le gouvernement de la Judée.
cature à Hircan, & donna Antipater
à
L'enchaînement de l'histoire des Juifs nous a conduit un peu trop loin &
fait pousser nôtre réçit bien au delà des tems de Phistoire Greque &
nous a
Romaine où nous en etions lorsque nous Pavons commencée. Nous espe-
rons que les Lecteurs nous pardonneront aisément cette digreHlon, en
considerant que les faits que nous venons de rapporter, quoique d'eux-mê-
trés importants & très interessans pour la Religion & pour l'histoire sacrée,
mes avions voulu les rap-
le sont assez peu pour l'histoire profane j & que ils nous
si
chacun dans leur ordre Chronologique, anroient être comme per-
porter événémens, qui leur auroient fàit perdre
dus & eclipsez parmi d'autres grans éclat. Les Juifs faisoient alors si peu de
partie de leur beauté & de leur
une
fiauredans le monde, qu'ils y étoient comme oubliez. On les confondoitavec
1-s peuples de Syrie & des
Phénicie, & ils sui voient ordinairement leur sort.
Toutefois au milieu de cette obscurité où ils vivoient, ils n'ontété pas laissé de
grandes choses, qui nous ont soigneuse-
faire sous les Maccabées de trés
conservez par leur historiens, pendant que les auteurs étrangers faisoient
ment consideré dans ce tems-là.
à peine mention d'un peuple peu
si

LIVRE XXXIII.

l.
NOus allons voir les Romains fortis de PItalie, porter désormais leurs
dans l'Afrique, dans l'AIle & dans la Gréce & attirer r.1t-
î'tûHppe conquêtes
Roy de tention de tous les peuples du monde, par leurs grands exploits. Les
Macédoi- Roys de Macédoine, de Syrie & d'Egypte, les villes libres de la Grèce & de
ne. l'Asie, les Roys d'Arménie & des Parthes
éprouveront tour a tour la force de
leurs armes; en sorte que l'histoire Romaine va devenir en quelque sorte l'hi-
Haire universelle de l'Europe, de l'Aile, &de l'Afrique.
Aprés la paix conclue avec les Carthaginois, à la fin de la seconde guerre La premié-
Punique, Rome mécontente de Philippe Roy de Macédoine, qui avoit favorisé re guerre
les Carthaginois, résolut de lui faire la guerre. Philippe étoitfils deDenle- finit Punique
trius i mais il n'avoit pas succédé immédiatement au Roy son Pere. Antigo- 9767.enla
nus Gonatas Roy de Macédoine étant mort l'an laissa du monde 3762. laissa le Roy- seconde
aumeà son fils Demetrius, qui régna dix ans,& son Royaume à Philippe commence
qui étoit fort jeune, & dont nous parlons ici, sous la tutelle d'Antigonus & en 3786,
finit en
Dofin, lequel ayant épousé la Mere du Pupille, prit la couronne & régna en
3803.
Macédoine pendant 12. ans. Enfin il laissa la couronne au jeune Philippe son Antigone
pupille, à qui elle appartenoit de droit, & qui étoit alors agé de quatorze Gonatas
ans. meurt l'au
Ce jeune Prince avoit reçu de la nature toutes les belles qualitez qui du Monde
37651.
peuvent rendre un Monarque parfait. Beaucoup d'esprit & de memoire, un Deoietrius
air deNoblesse, de grandeur & de Majesté, une valeur & une intrépidité ca- meurt en
pables de tout entreprendre. Il n'avoit que dix.sept ans lorsque lesAchéens, 3772.
les Lacédémoniens & les I\:lesséniens lui demandèrent son secours contre les Antigone-
Etoliens, qui ravageoientleurs campagnes --prenaient leurs villes & les déso- meurt Do[on
loient. Philippe vint donc en diligence, & s'avança jusqu'à Corinthe. Les 3784- en
Etoliens s'étoient déja retirez dans leur pays, & Philippe ne trouva rien de 1L,
plus important à faire dans lePéloponése que de rétablir la paix à Lacédémo- Garaftére
où elle étoit fort troublée, cette ville accoutumée dépuis son dePhilippe
ne, parce que Roy deMa.
origine être
à gouvernée par des Roys
,
avoit peine à s'accoutumer au gou- cédoine.
vernement des lUagistrats; car le Roy Antigone Beau-Pere de Philippe leur Polyb. 1.4.
ayant dépuis peu accordé la liberté, chaque bourgeois vouloit être maître, ,p.47 2. Idem
& toute la ville étoit pleine de trouble & de sédition. Les Lacédémoniens p. 400. ($c.
donc ne croïant pas Philippe, à cause de son bas âge, capable de rendre la
paix au Péloponése , étoient partagez entr'eux, les uns tenant pour les Eto-
liens, & les autres pour les Macédoniens.
Comme Philippe avançoit toujours, on égorgea un des Epho:es de La- 111.
cédémone, nommé Adimante, avec grand nombre de citoyens, qui avoient Philippe
tenu le parti de Philippe, & on envoya prier ce jeune Prince de ne pas pater te entre dans ^
Pélopo-
sa marche mais d'attendre que les affaires de la ville fussent un peu pacifiées. nése, épar-
,
Philippe leur fit dire qu'il alloit continuër sa marche & qu'ils eussent à lui grie la ville
,
envoyer des Députez pour traitter de leurs affaires. On lui députa dix des de Sparte.
principaux de la République, qui rejettérent la faute de tous les troubles sur
Adimante, qui avoit été mis à rt{ort, & promirent au Roy toute sorte de sou-
million & de fidélité. Ceux de san conseil étoient d'avis qu'il fit un exemple
de sévérité envers les Lacédémoniens, mais il aima mieux leur pardonner, &
se les attacher par les biensaits & par l'exercice de la clemence. Il envoya
donc à Lacédémone pour les exhorter à demeurer dans l'amitié des Macédo-
niens & pour leur faire faire serment de fidélité. Delà il revint avec son ar-
,
mée vers Corinthe.
Il y trouva les Députez des villes du Péloponése & de l'Achaïe qui se
-
lV. plaignoient chacunen particulier, des excés & des violences exercées contre
Guerre des eux par les Etoliens. Dans la même assemblée la guerre fut résbluë d'un
alliez con- consentement unanime contre les Etoliens. C'est cette guerre qu'on nomma
tre les Eto- Bellum foetale, la guerre des alliez. En même tems Philippe écrivit aux Eto-
liens. An i.
de la 140. liens que s'ils avoient quelques bonnes raisons à opposer à ce qu'on avoit
Olymp. avancé contr'eux, ils eussent à les produire. Les Etoliens demandèrent du
du Monde tems pour s'assembler, & pour repondre; mais ayant trop différé, on le dilpoia
?7 8 6. avant se rendit en Macédoine, où il fit tous les préparatifs de
J. C. 214. à la guerre. Philippe
Polyb. /. 4. la guerre; il se mit en campagne l'année suivante avec dix mille hommes
p. 410. d'infanterie pésamment armée, cinq mille soldats armez de boucliers, &huit
4ii .&c. cens Chevaux; mais les alliez ne firent pas la même diligence ; les Lacédé.
moniens demeurèrent en repos; d'autres villes du Peloponésé, & les Acarna-
niens n'osérent se déclarer.
V. y
Philippe ne laissa pas d'entrer en campagne & pour complaire auxEpi-
Prise de la rotes, la commença par le siége de la ville d'Ambracie. Pendant qu'il y étoit
villed'Arn- occupé, Scopas Général des troupes des Etoliens fit irruption dans la Ma-
bracie par
Philippe. cédoine, y fit des dégats infinis, entra dans la ville de Dium qu'il trouva
Les Eto- abandonnée de ses habitans, détruisit les principaux édifices publics, ouiy
liens sont mit le feu, gâta les provisions cyii y étoient ramassees pour l'usage des céré-
irruption monies de religion, & renversa les ornemens qui étoient dans la ville, & les
en Macé- statues de tous les Roys de Macédoine. Tout cela n'empêcha
doine. pas Philippe
de continuer le siége d'Ambracie, qu'il prit aprés quarante jours de liège, &
rendit la ville aux Epirotes.
VI. Delà il entra dans l'Etolie, & prit en deux jours la ville dePhérées. La
Conquêtes nuit suivante cinq
iePhiiippe cens Etoliens vinrent au secours de la place. Il les tailla
enItOlie. en-pièces, & ayant donné des vivres à son armée pour un mois, il marcha
vers la ville de Strate. En même tems il reçut une ambassade des Achéens, qui
lui demandoient son secours. Il retint auprés de lui les Ambassadeurs, &
ayant pris la ville de Metropole, qui étoit défenduë par une garnison d'Eto-
liens, il alla ensuite attaquer la ville de Canope, où les Etoliens s'étoient re-
tirez , n'osant plus tenir la campagne. 11 prit avec une extrême facilité tou-
tes les villes de ce pays, & aprés avoir fortifiéÆniades, il se disposoit à passer
dans le Péloponése.
Vil Dans ce moment on l'avertit que les Dardaniensétoient prets d'entrer dans
Il va an se- la Macédoine. Sur cette nouvelle Philippe retourne en diligence dans ion
cours de la Royaume. A peine étoit-il arrivé à Pella, que les Dardaniens informez de
Macédoine
menacée son retour, renvoyèrent leurs troupes & ne pensérent plus à la Macédoine.
par lesDar- Philippe permit aux tiennes de faire la moisson, & alla passer le reste de l'été
daniens. à Lari sf-e.
VIll. Cependant les Etoliens qui ne savent garder aucunes loys ni de paix ni
Philippe entrèrent dans la haute Epire, y mirent tout à feu & à sang, pil-
entre dans de guerre,
le Pélopo- lèrent le temple de Dodone, en brûlèrent le portique, gâtèrent les présens
nése pen- qu'on y avoit fait, puis retournèrent dans leur pays. Philippe de son côté
$ dant l'hy- partit de Larisse. L'hyver étant déja avancé & étant arrivé dans le Péloponé-
ver.. st, il fit avertir les Achéens de le venir trouver en armes. En même tems
Euripi-
Euripidas Chef des Eléens s'étoit mis en campagne avec quelques troupes, dans
le dessein de faire le dégât dans le pays deSicyone; mais ayant appris la ve-
.nuë de Philippe, il se retira & marcha vers Stymphale, par où Philippe de-
voit aussi palier pour aller à Caphyes, où il avoit donné rendés:vous aux A-
chéens. Euripidas fut suivi par l'armée de Philippe qui ne savoit pas que les
Eléens suss,-nten campagne. Ceux-ci abandonnez par Euripidas, furent ob-
ligez de se sauver, ou de se rendre. Cette vidoire surprit d'autant plus les
peuples du Péloponése, qu'ils n'étoientpas même informez que Phiiippe fût
dans leur pays.
Les Achéens conduits par le jeune Aratus le joignirent a Caphyes, & IX;
son armée se trouva forte de dix mille hommes, avec laquelle il s'avança vers Progrès de
Philippe
la ville de Psophis, la plus forte du pays des Eléens, où étoient leurs princi- dans le Pé-
pales forces, & dans laquelle Euripidas s'étoitktté. Philippe ayant fait atta- loponsse..
quer la ville de tous cotez, la força. Euripidas & les siens se retirèrent dans
la citadelle; mais comme ils y manquoient de provisions, ils furent bientost
forcez de se rendre ; & Philippe remit la place aux Achéens, ce qui leur fit
un plaisir infini. Delà il-alla plus avant dans le pays des Eléens, rien ne ré-
sittant à la force de ses armes. 11 arriva à Olympe, où aprés avoir saerifiéaux
Dieux, il donna trois jours de repos à ses troupes, & leur permit de piller
le -pays des Eléens, qui ét-oit le plus gras & le mieux cultivé du Péloponése.
Les Eléens accablez de toutes parts envoyèrent en diligence en Etolie X"
pour demander du secours. Pbylidas y accourut avec six cens hommes, aux- Philippe
quels il joignit mille Eléens, & cinq cens soldats mercenaires & quelques paffe l'hy-
à Ar-
troupes de Tarente, & suivit Philippe dans la Triphalie, qui est un Canton ver gos.
que les Eléens avoient dépuis quelques années assujetti à leur puissance. Phi-
lippe le leur reprit, & contraignit Phylidas à se retirer; enfin les Etoliens
perdirent entièrement leur crédit dans le Péloponése, & Philippe y fit de si
grands progrès, que presque tout ce pays réconnut la supériorité de ses ar-
mes. Apres ces conquêtes, il vint passer le reste de l'hyver à Argos.
La guerre des alliez dura encore quelque tems, & Philippe s'y condui- Xl.
sit avec tant de courage & de bonheur, que le Roy Ptolémée, & les villes On vade:
de Chios de Rhodes & de Bizance crurent devoir s'intéresser à procurer la de faire la
paix avec
paix entre, lui & les Etoliens. Il répondit aux Ambassadeurs qui lui en firent lesEto-
la proposition, que pour lui il n'étoit pas éloigné de faire la paix, mais qu'il liens.
falloit savoir les dispositions des Etoliens, & qu ils pouvoient leur aller parler. Po/yb 1. Ç.
Il étoit cependant tort résolu de profiter des avantages qu'il avoit eus jusqu'a- C. 6 il. <512;
lors, & de ne quitter les armes, que quand il en auroit quelque occasion fa-
vorable. Il ne savoit pas encore en ce tems-là, la défaite des Romains, qui
avoient été tellement abattus dans l'Etrurie par Annibal, que ce conquérant
étoit maitre de toute la campagne.
Philippe étoit sur le point d'entreprendre une expédition contre les Il- XII.
lyriens, qui exerçoient la piraterie sur les côtes du Pdoponése, lorsqu'il re- détermine
Philippe se
çut étant à Argos aux jeux Néméens, une lettre, qui lui apprenoit ce qu'An- à accorder
nibal venoit de faire en Italie & l'Etat où il avoit réduit les Romains. Il ne la paix aux
montra la lettre qu'à Demetrius de Pharos, qui étoit auprès de lui, & lui itoliens.
recommanda de n'en rien dire à personne. Aprés les jeuxDemetrius prit
casson de cette nouvelle, de dire à Philippe qu'il étoit tems de porter ses veuësoc-
plus loin que la guerre contre les Etoliens; que les peuples de la Gréce témoins
de ses exploits, n'oseroient rien entreprendre contre lui; que les Achéens
lui éfoienttout dévouez, que les Etoliens las de la guerre dans laquelle ils
avoient été si mal nIenez,seraient ravis de recevoir la paix; qu'il falloit pen-
ser à porter la guerre en Illyrie, & à pafser en Italie ; que c'étoit la route
la fortune lui ouvroit pour parvenir au comble des grandeurs; que la défaite que
des Romains lui en fournissc)it les moyens; que sa naissànce & son courage
l'appelloient à de plus grandes choses, que ce qu'il avoit sait jusqu'alors.
xi il Philippe jeune, vaillant, favorisé de la fortune, n'eut pas de peineàse
Paix entre laisser persuader au Conseil deDemetrius; mais il voulut
Philippe amis, sur la paix encore consulter ses
Roy de Ma
qu'on lui proposoit avec les Etoliens, sans leur parler de ses
cédoine & autres grands projéts. Il trouva tout le monde disposé comme il le souhait-
les Eto- toit, & sans attendre le retour des Ambassadeurs de Rhodes, de Chios, de
liens. Bizance & du Roy Ptolémée, qu'il avoit renvoyez vers les Eroliens; pour
Polyb. /. témoigner d'empressement ne
pas trop pour la paix, il s'avança vers l'Elée, com-
p. 611.
612.6eC. me pour y faire le dégât. Les Etoliens demandèrent une conférence, qui leur
An. de fut accordée; & en même tems le Roy dépêcha vers toutes les villes ailiées
la 140. pour les avertir de se trouvera Panorme, portduPéloponése, vis à vis Nau-
Olymp. paél:e, afin d'assister aux conférences pour la paix. Elle fut bientost conclue
du M. 3 7%9- à
ces conditions, que chacun retiendroit ce qu'il possédoitpar droit de con-
quête ou autrement.
XIV. Demetrius neceÍsoit d'exciter Philippe à pasfer en Italie; ce qu'il faisoit
Philippe moins pour procurer la gloire ou les intérêts de Philippe,
équippe que pour con-
tenter son animosité particulière contre les Romains, qui, comme on l'a veu,
n'le flotte
pour saire
l'avoient chassé del'Isle dePharos, & lui avoient ôté le gouvernement de l'Il-
paffer ses lyrie, qu'il gouvernoit presqu'enSouverain; mais comme Philippe ne pou-
troupes en voit exécuter ce dessein sans vaisseaux, non qu'il eût envie de combattre les
Italie. Romains sur LVler; car les Macédoniens n'étoient pas en état de leur résister,
n'ayant presqu'aucun usage de la marine; mais seulement pour transporter
ses troupes en Italie; il employa les Illyriens pour lui fabriquer centBrigan-
tins, sur lesquels il embarqua les soldats. Il passa l'Euripe, puis côtoyant la
Morée, ou le Péloponése, il s'arrêta vers les lsles de Cephalonie & de Leu-
cade attendant avec inquiétude des nouvelles de la flotte Romaine qui étoit
,
à Lilybée. Ayantappris qu'elle étoit à l'ancre, il fit mettre à la voile, comme
s'il vouloit aller à Apollonie,mais étant arrivé à l'embouchure du fleuve Loïus
ou Aoüs, qui coule prés la ville d'Apollonie, une terreur panique se répan-
dit tout à coup dans son armée, comme G la flotte des Romains devoit venir
fondre sur elle. Aussitost Philippe ordonna de mettre à la voile; on vogua
avec beaucoup de confusion pendant toute la nuit, & enfin on arriva le len-
demain à Cephalonie, où l'on se rassura un peu. Philippe tâcha de couvrir
la honte de cette fuite précipitée, sous le prétexte de certaines entreprises qu'il
]
méditoitsur le Péloponése.
Quelque tems aprés la bataille de Cannes, qui fut si funeste aux Romains,
Philippe
Philippe & Annibal firent ensemble une ligne offensive 8z défensive contre la XV.
République Romaine. Elle fut faite au nom d'Annibal Général des Cartha- Alliance
dePhilippe
ginois, de Magon, deMyreal, de Barmocal, du Senat de Carthage & de Roy deMa-
toute l'armée Carthaginoise, & au nom deXenophane fils de Cléomaque dé- cédoine
puté du Roy Philippe, & de ses alliez. Nous avons veu ailleurs que Xeno- avec Anni-
phanes se tira des mains des Romains, qui l'avoient pris dans le trajet, comme balgétiérai „

il passoit de Gréce en Italie. L'alliance fut faite en présence des Dieux des des Cartha-
Carthaginois & de ceux des Grecs, de Jupiter, deJunon, d'Apoilon, dela ginois. Polyb. 1. 7.
Déesse de Carthage, d'Hercules, d'Jolaüs, de Mars, de Triton, de Neptune, An du M.
des Dieux qui accompagnoient l'expédition d'Annibal, du Soleil, de la Lune 979o.avant
& de la Terre, des fleuves, des prairies & des eaux & de tous les Dieux qui J. C. 210.
président à Carthage, &en présence de tousles Dieux qui président la Gréce
a à
& à la Macédoine, &en présence des Dieux qui prendent la guerre. Voila
quelle étoit la superstition de ces peuples & leur aveuglement sur le sujet de
la Divinité.
Les Carthaginois, le Sénat, l'armée, les alliez de Carthage, Utique& XTn.
les autres villes qui leur sont soumises ou alliées, tant en Afrique, que dans Traité
l'Italie, dans la Gréce & dans la Ligurie, font alliance avec Philippe Roy de d'alliance entre les
Macédoine & ses alliez, à condition qu'ils n'agiront point les uns contre les Carthagi-
autres ni clandestinement, ni ouvertement, & qu'au contraire ils s'aideront nois & Phi-
contre tous ceux qui voudroient les attaquer en secret, ou autrement. Si la lippe Roy
de Macé-
guerre qui est commencée contre les Romains, réûssit aux Carthaginois, les lVla-
doine.
cédoniens préteront secours & assistance aux Carthaginois, ainsi qu'ils en se-
ront requis & qu'ils conviendront entr'eux. Si au contraire les Dieux ne fa-
vorisent point leur entreprise, & qu'ils soïent forcez de faire paix ou alliance
avec eux, ils ne la feront point que Philippe & ses alliez n'y soïent compris,
& que les Romains n'abandonnentCorcyre. Apollonie, Dyrrachium, Pharos,
Dimaile, Parthines & Atintanie, & qu'on ne rende à Demetrius de Pharos
tous ses proches ou ses alliez, qui sont dans les terres des Romains. Il sera
permis aux Carthaginois & aux Macédoniens d'ajoûter à ce traité, ou d'en re-
trancher de concert, tout ce qu'ils jugeront à propos.
y
En exécution de ce traité,le Philippe ne manqua pendanttout letems XVII.
que la guerre dura, d'avoir toujours une armée sur pied, qui obligea les Romains Philippe
de faire diverliorrrîeTeuts forces &de tenir une flotte dans la Mer Adriatique ou fait la
guerre aux
aux environs, pourtenir tête à Philippe & letraverser dans ses entreprises; en Romains &
même tems ils lui suscitérent des ennemis qui le mirent lui-même dans l'obliga- à leurs al- -

tion de se tenir quelquefois sur la défensive, ainsi qu'on l'a pu remarquer dans liez.
l'hifioire Romaine. Enfin les Carthaginois ayant été vaincus par Scipion l'A-
fricain & obligez de rappeller Annibal en Afrique, reçurent la paix des Ro-
,
mains aux conditions que nous avons vû ailleurs.
Philippe avoit fàit la tienne trois ans auparavant, & y avoit fait compren- XVI IL
;
dre Prusias Roy de Bithynie ; de même que les Romains y avoierit compris Atta- Philippe
lusRoy dePergame & ceux d'Ilium & la même année Ptolémée Philopator, fait lales
Roy d'Egyp'te étant mort, le même Philippe & Antiochus le Grand Roy de Romains. avec
paix

Syrie, conspirérent de dépouiller le jeune Ptolémée Roy d'Egypte surnommé An du M.


Aaa 3 * Epipha- gSoo.avaat
J. 6. 200. Epiphanes, & desepartager éntr'eux sesEtats; & cela sans aucune raisonmê-
Il se ligue me apparente de justice, & sans se mettre en peine de colorer leur ambition &
avecAndo- leur injustice; tant la passion de dominer &de s'enrichir du bien de jeune
chus le ce
Grand Roy, qui n'avoit alors que quatre ou cinq ans, les aveugloit. Nous avons par-
contre le lé ailleurs de la mort funeste d'Agathocles & d'Agathoclie sa sœur, qui s'étoient
jeune Roy emparé du gouvernement & de la tutelle du jeune Prince. Aristol11énes d'A-
Pto'émée carnanie fut mis
Epiphane. en bur place, & gouverna le Royaume d'Egypte avec beau-
Poyb. I iç. coup de prudence.;
LrJ. 1.31. Les deuxRoys liguez contre le jeune Epiphanes s'étoient proposé d'en-
tfuftin vahir, l'un, savoir Antiochus, laPhénicie, & la Célé-Syrie ; & l'autre, sa voir
1. 30. &c. Philippe, l'Egypte & la Carie. Ils se mirent en devoir d'exécuter ces grands
& injuresprojets, mais les Romains ayant pris ladéfense du pupille, les obli-
gérent d'y renoncer, ainsi leur ambition ne servit qu'à leur attirer la guerre dela
part des Romains, qui les forcérent à demeurer en repos, & abbattirent leur
puissance, ainsi qu'on le verra bientost.
XIX. Pour l'exécution de ses vastes desseins, Philippe avoit mis dans ses inté-
Commen- rêts l'Achaïe, Lacédémone & Corinthe; les Etoliens redoutant la puillànce
cement de du Macédonien,avoientpris le parti de la neutralité : mais les Acarnaniens leurs
la guerre voisins,
de Philippe irritez contre les Athéniens, demandèrent le secours de Philippe,
contre les pour venger une injure qu'ils avoient reçue dans la personne de deux jeunes
Athéniens. hommes de leur nation, qui par curiosité se glissérent dans le temple de Cerés
Liv. 1. 3 r. au tems delafêteniystérieufe de cette Déesse. On sait qu'il étoit trés-exprelsé-
c. 14- ment défendu d'assister à ces cérémonies, à moins qu'on n'y eût été initié. Les
deux Acarnaniens furent réconnus à leur langage, & convaincus de n'avoir
jamais été initiez, ils furent condamnez & exécutez à mort.
XX- La nation Acarnanienne pria Philippe d'entrer dans sa querelle avec Athé-
Alliance Ce Prince lui prêta ses troupes pour aller ravager l'Attique. Les Athé-
des Athé- nes.
niens avec niens déclarèrent la guerre à Philippe, &se liguèrent avec Attale Roy de Per-
Attale & game, & avec les Rhodiens, qui s'étoient deja déclarez contre ce Prince,
les Rho. dont ils craignoient le voisinage & les entreprises sur l'Asie. L'histoire nous
diens.
a détaillé les honneurs excessifs que les Athéniens rendirent à Attale & aux
Rhodiens; & qui font voir combien ils avoient dégénérez de leur ancienne
liberté, & de la grandeur d'ame qui les avoit rendus si glorieux.
XXI. Philippe pour exécuter son dessein sur la Carie, avoit bésoin de l'Isle de
Philippe Rhodes,du moins il lui importait que les Rhodiens ne lui fussentpas contraires,
veut faire & qu'ils le£1vorisa{sent, ou du moins qu'ils ne fussent pas en disposition de le
périr les
Vaisseaux traverser. Il envoya un nommé Heraclide, tréf-méchant homme natif deTa-
des Rho- rente, d'une trés-basse extraction, qui avoit livré aux Romains une des por-
diens. tes de la ville de Tarente ; mais, comme on s-apperçut qu'il entretenait encore
polybe 1.1?. des intelligences
du avec Annibal, il fut obligéde se refugier auprès de Philippe.
Au M.
g8oi.avant Ce Prince lui avoit tellement
donné sa confiance, qu'il faisoit auprés de lui tout
J. G. 199. ce qu'il vouloit. Ce fut donc cet Héraclide qui fut envoyé à Rhodes pour en
brûler les Vaisseaux dans le port, ou les faire périr par quelqu'autre moyen.
En même tems Philippe fît partir des Ambassadeurs pour l'Isle de Créte, afin
d'engager les Crétois à déclarer la guerre à ceux de Rhodes.
Il y
Ii y eut une bataille navale prés l'Islede Ladé,située vis avis Milet.dans xxit
laquelle quelques Historiens donnent l'avantage aux Rhodiens; mais Polybe Bataillena-
vale entre
tire de leur récit même une preuve que ce fut Philippe qui remporta la vidoire; Philippe
car ils conviennent que ce Prince prit aux Rhodiens cinq galéres à cinq rangs &ceux de
de rames, avec ceux qui les montaient; qu'un Vaisseau des Rhodiens ayant Rhodes.
à
été fort endommagé parles ennemis, & se voyant prêt à couler bas, se re- Polyb. Ex-
tira en diligence; que la plupart des autres à Ion exemple se sauvérent en pleine cerpt y. 72*
Mer, que le Chef de PEscadre en fit de même, que la tempête les jetta à Min- 73.
dye, & que le lendemain ils s'enfuirent àl'Isle de Cos; que les Macédoniens
ayant attaché à leurs galéres celles qu'ils avoient prises sur l'ennemi, les amé-
nérent à l'Isle de Ladé, où ils se reposérent; que ceux de Milet témoins de
la déroute des Rhodiens, vinrent offrir des couronnes, non seulement à Phi-
lippe mais aussi à Héraclides.
,
Aprés cette défaite des Rhodiens,rien n'empêcha plus Philippe de réduire XX Ill.
à son obeissance les villes de l'Asie mineure. Il s'avança jusqu'a Pergame; & Cruautez
eût été exercées
comme si le Roy Attale déja entre ses mains, il à
commença exercer par Philip-
sur ses terres toutes sortes de violences;Attale avoit eu soin de faire mettre en pe dans les
lieu de seûreté tout ce qui étoit à la campagne, ainsi Philippe déchargea sa terres du
rage sur les temples des Dieux, les brûlant, les renversant, détruisant les au- Roy Atta-
An du
tels, coupant les bois sacrez, & brisant même les pierres, afin qu'on ne pût lus. M. 3802.
à l'avenir rétablir les temples. Il parcourut une partie du Royaume d'Attale, avant J. C-
laissant par tout des marques de sa violence ; mais sans prendre aucune place, 198. ,

à
ny même trouver dequoy satisfaire son avidité. 11 demanda des vivres Zeu- Excerpt.Polyb. /. 16.
xis qui commandoit dans un Canton de ce pays de la part du Roy Antiochus allié Vales. p.6
de Philippe; nIaisZeuxis lui en refusa, voulant bien satisfaire aux engagemens 68, 6*.

de l'alliance qu'Antiochus avoit faite avec lui, mais ne voulant pas contribuer
à l'élévation de Philippe au désavantaged'Antiochus son maître.
Philippe s'attacha au siége d'une ville que Polybe ne nomme pas, mais XXIV.
qui est apparemment Pergame; & comme ce fiége\n'aîloit pas aussi vite qu'il Combat
auroit voulu, & que le Roy Attale & les Rhodiens tenoient la Mer avec une navale en-
à
grosse flotte, il résolut de lever le siége & de se retirer promtement Samos, & tre Attale
les Rho-
avant que les ennemis s'apperçussentde son départ; mais le Roy Attale &Theo- diens Coli-
philisque Général des Rhodiens, n'eurent pas plutost avis de son mouvement tre Phi-
qu'ils se mirent à le poursuivre avec une promtitude & une diligence extrême. lippe.
Attale donna sur l'aile droitte de la flotte de Philippe, & Théophilisque sur te
gauche. Le nombre des Vaisseaux de Philippe étoit de cinquante trois galéres
couvertes, & armées en guerre, & de quelques autres ouvertes & non armées;
il avoit outre cela cent cinquante petits Vaisseaux de transport. Les ennemis
avoient soixante cinq Vaisseaux longs & couverts, & douze autres Vaisseaux
dont trois étoient à trois rangs de rames. Les autres n'étoient que moitié de
ceux-là. Philippe ayant donné ses ordres aux Navires qui faisoient son aîle
droitte, se retira avec ses Brigantins dans quelques petites Isles,qui sont entre
Chio & le lieu d'où il étoit parti, y attendant le succés de ce combat
D'abord qu'Attale eut commencé la charge, toute la fiotte se mit en XXv.
mouvement, & le combat commença de toutes parts sans attendre qu'on don- Philippe
nât
n'orels'ex- nât le signal. Attale heurta si violemment une galére à huit rangs de rames,
perça au dessous de fleur d'eau, & bientôt elle fut coulée à fond.
poser au qu'il la
combat,
Une autre galère à dix rangs de rames quiétait la Prétorienne, ou la première
de la flotte Macédonienne, fut encore un peu après coulée à fond avec De-
mocrates Général de l'armée navale de Philippe. Cette perte n'empêcha pas
que le reste de la flotte de Philippe ne fît encore assés de résistance contre les
Valflèaux d'Attale. Les Rhodiens de leur côté ayant atteint les Vaisseaux de
Philippe qui étoient sortis les derniers du port, les attaquèrent avec beaucoup
de vigueur & en firent périr un grand nombre. Comme les deux armées,
ou plutost les deux parties des armées navales combattoient assez loinassez les unes
des autres; l'armée d'Attale avec l'aîle droitte de Philippe étoient prés
de la terre & de l'Asie; celle des Rhodiens combattoit contre l'aile gauche
dePhilippe, prés les côtes de l'Isle de Cos.
XXVI. Attale se considéroit déja comme vainqueur, & il approchoit des petites
Attale est Isles où Philippe s'étoit retiré; mais voyant une de ses trirèmes qui prenoit
obligé de
le sauver eau & couroit risque
d'être submergée, il courut à son secours avec deux de
à terre. ses galères, & poursuivit jusqu'au rivage le vaisseau ennemi qui s'étoit attaché
à sa trirème. Philippe qui vit Attale separé du gros de sa flotte, prit quelques
galéres & quelques Brigantins, qui étoient autour de lui & poursuivit Attale.
Celui-ci se jetta à terre & se retira à Erythres; Philippe pilla les Vaisseaux &
prit tout l'équippage& les meubles du Roy qu'il y trouva, & qu'Attale exprés
y avoit laissez exposez en veuë, afin d'amuser les gens de Philippe, & afin
qu'ils lui donnassent le tems de gagner Erythres. Cet avantage, tout petit
qu'il étoit, ne laissa pas de beaucoup flatter Philippe, qui fit élever un signal
pour rassembler ses navires, & fit publier parmi ses soldats, qu'il le avoit rem-
porté la victoire. En effet il mena comme en triomphe au port Vaisseau
sur lequel étoit le Roy Attale.
X,VTr 11. Mais Dionysodore un des Généraux du Roy dePergame, conjectura
Philippe se ce qui étoit arrivé au Roy, rassembla ses Vaisseaux & se retira sans trouver
vante vai- la moindre résistance sur les côtes d'Asie. D'un autre côté les Rhodiens aprés
nement avoir obligé les Macédoniens de se retirer les uns aprés les autres, se rendirent
d'avoir
-remporté àChios, traînant attachées à leurs galéres, celles des Macédoniens, & aban-
la victoire. donnant au gré des flots celles qui étoient rompues. Attale perdit dans ce
combat environ 70. hommes & les Rhodiens 60. Philippe y perdit trois mille
Macédoniens & six mille soldats des alliez; on fit prisonniers deux mille hom-
mes, tant Macédoniens,qu'alliez, & environ 700. grand Egyptiens. Le nombre des
Vaisseaux pris ou perdus fut aussi beaucoup plus du côté de Philippe,
que du côté de ses ennemis ; ce qui ne l'empêcha pas de se vanter de la vi-
stoire. Toutefois il n'osa le lendemain se mésurer avec les Rhodiens, qui
vinrent le défier, & se présenter devant lui en bataille. Les jours suivans lui
& les Macédoniens ne virent que trop clairement qu'ils avoient été battus,
par le grand nombre de corps morts & de débris de telle leurs navires, que la
Mer jetta sur le bord. Philippe n'avoit jamais fait une perte.
XXVIll. Voyant qu'il perdoit son tems au siége de Pergame, il l'abandonna &
Pril.e de forma celui de Prinasse. Cette ville étoit forte & bien défendue. Le Roy
l'rinaflç. la
la prît par siratagén1e. Il fit faire quelques creux sous terre prés les murs de Polyb. l.ïS%
la ville,& pendant le jour il y faisoit donner des coups comme de pionniers,
il
ou de mineurs qui creusent sous terre; & pendant la nuit amaIfoit autantde
terre qu'il pouvoit à l'entrée de ces creux, pour faire croire aux assiégez que
ces terres étoient tirées de dessous leurs murailles. En même tems il fit cou-
rir le bruit qu'il y avoit déjà prés de deux arpens de terre sous la ville soute-
nus par des pilotis, qu'incessamment on y mettroit le feu,& que la ville seroit
abymée dans la terre ou consumée par les flammes, que les assiégez devoient
prendre le parti de se rendre à compétition, avant que d'attendre l'extrémité.
Les assiégez se rendirent donc à Philippe, qui leur cônserva la vie.
Delà il marcha contre la ville deJa{[e en Carie ; il y mit garnison, de XXIX.
même qu'à Argile &à-Euromes; & comme si Attale & les Rhodiens eussent ou- Siége d'Abyde
blié la victoire qu'ils avoient remportée contre lui, ou que Philippe par sa par Phi-
grandeur d'ame & soncourage se fut mis au dessus de sa mauvaise fortune, il lippe.
parcourut tout le pays dépuis la Carie jusqu'à Abyde , sans que personne osât Pv4gib. Li6*
s'opposer à ses progrés. Tout le monde connoit la situation de Sesse & Liv.l.? i.
d'Abyde, qui sont deux villes situées vis à vis l'une de l'autre, à l'endroit le 1ujtin.I.JOe
plus étroit du détroit des Dardanelles, anciennement nommé de l'Hellespont.
Philippe étant arrivé devant Abyde, enveloppa la place de pallisades &de[of-
stz du côté de la terre, & l'assiégea par mer avec sa flotte; de maniére que les
assiégez ne pouvoient recevoir de dehors aucun secours, & n'avoient de res-
source-que dans leurs propre valeur. Ils se defiendirent d'abord avec beaucoup
* de courage, brûlant les machines des assiégeans qu'on emplovoit du côté de
la mer, ou les démontant avec leurs ballistes, ou leurs machines à lancer
des pierres; & du côté de la terre ils repou{Toient les attaques avec tant de
courage qu'ils se pronlettoientdeIa.ITer leurs ennemis^ & de les obliger a aban-
donner leur entreprise.
Mais ayant veu la première enceinte-deleurs murailles renversée par les XXX.
mines ou par la sappe, & qu'on travailloit encore à ruiner le sécond mur, Terrible
qu'ils avoient élevé derriére le prémier, ils députérent vers Philippe pour des résolutîon
Abydé-
traiter des conditions, auxquelles ils ofFroient de rendre la place; ils deman niens.
doient qu'il permit aux soldats qui avoient été envoyez par Attale & par les
Rhodiens, de se retirer la vie sauve, que les bourgeois de même se retiraflent
où ils pourroient & oÙ ils voudraient, sans emporter autre chose que leurs
habits. Philippe repondit aux envoyez qu'il falloit ou se rendre à discrétion"
ou se défendre jusqu'à l'extrémité. Sur cette reponse ceux d'Abyde s'aflem-
blérent dans la place pour délibérer sur la situation présente de leurs affaires.
Ils conclurent qu'il falloit premièrement mettre en liberté leurs esclaves, afin
de les avoir plusdisposez à exécuter leurs volontez, ensuite rassembler toutes
les matrones dans le temple de Diane, & toutes les nourrices avec leurs enfans
dans le gymuase, tout leur or& leur argent dans la place publique,& enfin
ce qu'ils avoient de meubles & d'habits prétieux, sur une galère de Rhodes à
quatre rangs de rames & sur une triréme de Cizyque.
Quand cela fut exécuté, ils s'assemblérent de nouveau & choisirent cin-
quant anciens des plus notables de la ville, & .à qui il restoitaflez de force de
Tom. 111, Bbb corps
corps pour mettre en exécution ce qui seroit ordonné. Ils leur firent jurer
que d'abord que l'ennemi auroit pris le second mur, ils egorgeroient les en-
sans & les meres, qu'ils mettroient le feu aux deux galéres dont on a parlé, &
qu'ils jetteroient dans la mer tout l'or & l'argent qui étoit en monceaux dans
la place. Aprés quoy les bourgeois se dévouèrent par un serment solem-
nelqui fut dissé par les Prêtres, qu'ils mourroient tous les armes à la main,
Enfin aprés avoir iIn-
ou qu'ils remporteroient la vidoire sur leurs ennemis.
molé leurs viftimes, ils contraignirent les Prêtres & les Prêtresses d'en faire
autant qu'eux, & de se dévouer à.la mort pour la défense de leurs liberté &
de leurs patrie..
XXXI., Dez ce moment ils interrompirent les ouvrages qu'ils faisoient aupara-
Derniére vant par des contremines contre fcles assiégeans; ils attendirent que le mur in-
attaque térieur fut renverf-é, & alors tout ce qu'il y avoit d'hommes capables depor-
d'Ahyde..
ter les annes,se mirent sur la brèche & firent une telle résistance que le Roy
Philippe, qui envoyoit à tous momens des troupes fraîches en la place de
celles qui étoient tuées, fut obligé à la nuit après une perte trés-considérable
de rappeller ses gens & d'interrompre l'attaque,, désespérant de vaincre des
hommes ainsi déterminez à mourir. Pendant la nuit Glaucides & Theagné-
tes, deux des principaux Senateurs, touchez du malheur de tant de braves gens,
& de la perte de tant d'innocens, qu'on étoit résolu d'égorger, prirent la
résolution d'envoyer le lendemain matin à Philippe les Prêtres & les Prétref-
sès avec leurs ornemens, pour demander au Roy qu'il lui plût d'épargner la
ville & les Bourgeois.
XXX 11 En même tems le Roy Attale informé du siege d'Abyde,accourutau secours
M.iEmilius par mer, & arriva à Tenedos; & les Légats Romains qui étoient envoyez vers
un des Le- lesRoysPtolémée& Antiochus, députèrent versPhilippe le plus jeune d'en-
gats Ro- tr'eux, nommé M. ^milius, pour le porter à abandonner le siége, & lui noti-
mains en-
tre en conr fier les intentions du Senat.
Le Legat signifia au Roy que le Sénat demandoit

Romains..
séren ce de lui, qu'il ne fit la guerre à aucune ville des Grécs,& qu'il ne s'emparâtd'aucun
avec Phi- pays appartenant au jeune Roy Ptolémée, & qu 'il fit justiçe au Roy Attale &
lippe. Que s 'il vouloit faire cela, il
aux Rhodiens, des torts qu'il leurs avoit faits.
pourroit j,ouïr de la paix ; si non, il devoit s'attendre à la guerre de la part des
Philippe répondit qu'il avoit lieu de se plaindre des Rhodiens, qui 1 a-
voient attaqué les premiers; comme il le vouloit prouver, Æmilius l'inter-
rompit & lui demanda: Que vous ont fait les Athéniens, ceux deCiane,&
les Abydéniens que vous poussez avec tant de violence ? Philippe répliqua :
trois raisons m'empêchent de vous faire mourir & de punir vôtre insolence.
La première que vous êtes jeune & sans expérience, la seconde que vous êtes
le mieux fait de vôtre ambassade, &latroisiéme que vous étesRomain. Pour
Romains ne violent pas 1 al-
moy, ajouta-t'il, je demande aux Dieux que les
liance que nous avons faite ensemble,& ne nous fassent pas la guerre : s ils nous
lafont avec le secours des Dieux nous nous défendrons bien., AinsiÆmilius
se separa & retourna vers les autres Légats.
Abyde ayant perdu tout ce qu'elle avoit de meilleurs soldats, fut bien-
XXXl 11.
tost forcée. Rien de ce qui avoit été résolu ne s'étoit exécute. L'of & l'ar- Prise
milieu de la place; le Roy s'en empara »

gent étoient encore en monceau au leurs femmes & d'Abyde.


sans peine ; mais les bourgeois en fureur mettoient à mort Les bour-
leurs enfans, qui se tuoient ou se précipitoient eux-mêmes dans les &
puits geois font
du haut des maisons. On ne voyoit de toutes parts que de trilles images leurs mourir
fem-
de ce que la mort, la rage, la fureur ont de plus terrible. Philippe étonne mes &
de ce courage, fit publier qu'il leur donnoït trois jours pour choisir entre leurs en-
la mort & la vie; mais ils se firent tous périr, excepté ceux qui furent pris sans.
& arrêtez, & grand nombre de femmes. & d'enfans, dont les peres avoient
été tuez combattant vaillamment sur la brèche. Telle fut la fin de cette mal-
heureuse ville. Attale & lesRhodiens auroient pûla garantir, s'ils s'etoient
plus hâtez; mais pendant qu'ils temporifoient, la ville fut emportée.
Les Légats Romains, dont on a parlé, étoient Caïus Claudius Nero, XXXIV.
Ro-
M. Æmilius Lepidus, & Publius Sempronius Tuditanus. Ils avoient ordre Legats mains en-
de faire part au jeune Roy PtolémeeEpiphanes, du traite de paix conclu en-
inviolable voyez en °
tre Rome &Carthage, de le remercier de son attachement aux in- Egypte.
térêts de la République, -de l'exhorter à conserver toujours cette bonne in- Liv. /. 91.
telligence , & de lui promettre le secours de la République contre les Roys ffujlin. 1.2,0. Polyb.
Antiochus & Philippe. iEmilius Lepidus étoit même chargé de demeurer
1.16. Valer.
auprés du jeune Roy Ptolémée, pour gouverner le royaume d'Egypte en Max. 1. 6.
qualité de tuteur; car on croit que le dernier Ptolémée pere d'Epiphanes en c. 6.
mourant avoit recommandé & son fils & son royaume au peuple Romain. An du M.
On -voit encore des médailles qui prouvent que Lepidus fut chargé de cette J. gSoj.avanS
G.197-
tutéle. Ces Légats étoient partis de Rome sur les plaintes continuelles que
l'on faisoit contre Philippe Roy de Macédoine; que ce Prince sollicitoit les
villes d'Asie à s'unir à lui contre les Romains, qu'il avoit envoyé du secours
à Carthage pendant la guerre, & depuis la paix conclue avec lui. Attale, les
Tlhodiens, & les Athéniens se plaignoien'Me la guerre qu'il leurs faisoit. On
savoit qu'il rassembloit des vaisseaux, & qu'il formoit di,-, grands desseins. On
n'ignoroit pas les engagemens qu'il avoit pris avec Antiochus pour s'emparer
des états du jeune Roy d'Egypte. Tout cela joint ensemble fit impression o
sur l'esprit des Senateurs. On donna ordre aux Légats en passant-ée voir le
Rov Philippe, & de lui témoigner le mécontentement du Sénat. G'est ce que
fit iEmilius, comme nous le venons de voir.
Delà les Legats se rendirent à Athènes avec le Roy Attale, & dans une XXXV.
grande aflfembléequi s'y tint,il fut résolu qu'on feroit la guerre au Roy Philippe. La guerre
La même chose avoit été résoluë à Rome., quoy qu'avec quelque répugnance estrésoltid le
Romains, qui Babius tribun du peuple, avoit fait entendre contre
de la part des à Roy ( hi-
que le Senat &laNoble(se,quitrouvoit son avantage dans la guerre, ne cher- lippe de
choit qu'à y engager le peuple, pour l'empêcher de jouïr du repos. La guerre Macédoi-
ayant donc été résoluë, il fut conclu qàoti envoyeroit un Fecialpour la dé- M. ne. An du
;8o;.
clarer en cérémonie à Philippe dans une des villes de ses états. Enffiemetems avintJ.
arrivèrent à Rome des Ambassadeurs du Roy d'Egypte, qui témoignèrent au 197-
Senat, que les Athéniens ayant evoyé lui demander du secours contre Philippe, -Liv. 1. ji.
il n'avoit rien voulu faire, sans en donner avis au Sénat. On fit reponse aux
Ambassadeurs que la République pourvoiroit aux bésoins de ses alliez;
si l'on avoit béloin du secours du Roy, on s'adre1seroit à lui, comme
ami, dont l'attachement & la fidélité étoient connues.
à que
un
XXX VL Sulpitius Galba un des Consuls de l'année de Rome ),3'avant son départ
Sulpitius la Macédoine, voiiades jeux publics & solemnels à Jupiter, dont la de-
Galba Con- pour
sul paisc en pense étoit laissée à la discrétion du Sénat; il ne partit de Rome que sur la fin
Macédoine de la campagne. Il s'embarqua àBrundusium, & arriva heureusement en Ma-
avec une cédoine. Sa flotte étoit nombreuse, & son armée étoit composée pour la
armée. meilleure partie d'un grand nombre de volontaires, quiavoientlervi en Asri-
que sous Scipion. La saison étoit trop avancée pour faire quelqu"entrcprite.
Sulpitius envoya sa flotte passer l'hyvernu port deCorcyre; pour lui
avec ses
troupes, il prit ses quartiers à Apollonie & aux environs. D'abord aprés son ar-
rivée, il avoit fait partir Claudius Centhon avec vingt galéres & un détache-

,
ment des Legions Romaines, pour aller secourir Athènes assiégée par un des
Généraux du Roy Philippe. D'abord que Centhon parut auPyrée Athènes
fut délivrée, & ses ennemis n'oLérent plus paroître autour d'elle, ni sur
iur terre.
mer
ni
XXXT/n. Aprés cela Centhon informé que la ville de Chalcide Capitale d'e l'Eubée,
Prise de ou de Negrepont, étoit mal gardée par la garnison Macédonienne &
Chalcide bourgeois par les
par Cen- ville les brigandages
,
prit la résolution de s'en rendre maitre, & de venger sur cette
thon.. qu'elle avoit commis contre Athènes. Il partit du Pyrée
&arriva sur le soir à l'entrée du détroit. Aprés le coucher du soleilil conti-
nua sa route & arriva devant. Chalcide avant le lever de l'Aurore. Aussitost
les Romains montent àl'escalade & se rendent maitres d'une tour mal gardée.
Ils entrent sans bruit dans la ville,& ouvrent une porte à leurs camarades, qui les
attendoient hors des murs. Ils mettent le feu à un quartier de la ville, & se
jettant dans les rues & dans les places, font main basse sur tout ce qui se pré-
sente, soit armé ou sans armes. Sopator Commandant de la place est mit
à mort. On ouvre les prisons& on met en liberté ceux que le Roy Philippe
y detenoit. Les statuës de ce Prince sont renversées, l'arsenal & les machi-
nes de guerre sont consuméespar les flammes. On porte sur les vaisseaux tout
ce qu'il y avoit de meilleures dépouilles,& on retourne auPyrée, sans aucune
perte.
JCXXVUl1 Pendant que ces choses se passoient en Grèce, l'Italie n'etoit pas tran-
Amilcar- quille. Amilcar Carthaginois, qu'Asdrubal aprés sa défaite avoit laissé en Ita-
joint aux lie, s'étoit mis à la tête de quelques peuples Gaulois & Insubriens,
Gaulois qui
& aux Li- avoient pris les armes contre les Romains. Ces revoltez s'emparèrent de
csl: plaisance&marchérent vers Crémone pour la surprendre;mais lesCrémonois
fattu par informez de leurs marche, leurs fermèrent les portes. Furius Purpureo qui
gurfcns,

Furius Pur- commandoit dans ce pays en qualité de Préteur, demanda du lècours , Sé-
pureo.. au
nat. On lui envoya des troupes, & il en composa une armée capable de te-
nir téte à Amilcar. Les Gaulois & les Liguriens alsiégeoient Crémone. Furius
s'avança à un mille & demi de leur camp. Il n'osa avec une armée accablée de
fatigue attaquer Amilcar, quoique celui-ci fut dégarni de la plus grande
'.'
tie. de ses soldats qui étoient répandus dans la campagne. Les Gaulois par
par-
de
de grands cris rappelleront leurs gens. Dez le lendemain Amilcar présente

Valerius..
la bataille àFurius,qui sans s'effrayer du grand nombre desGaulois,car ils étaient
environ quarante mille, rangea ses troupes, semet à la tête de l'aile droite, &
donne le commandement des Legions à Al. Cœcilius, & celui de la cavalerie
à L.
Amilcar donna d'abord sur l'aile droite, ou il fut reçu par Furius avec XXXIX...
une intrépidité & un courage qui étonna les ennemis.inferieur
lopper les Romains,dont le nombre était de beaucoup
Ils voulurent enve- Furias
au leur. Fu- vainqueur
d'Amilcar
rsus s'en apperçut,& fit avancer ses Legionaires de la première ligne à la se- obtient
conde, afin de présenter un plus grand front à l'ennemi; en même il
tems l'honneur
ordonne à Valerius qui commandoit sa cavalerie, de donner sur les deux phe. elu triom-

ailes des ennemis qui s'étoient fort élargis; Furius les enfonça & les mit en
déroute. Au même moment l'infanterie Romaine fit un nouvel effort con-
tre l'insanterie Gauloise & la renversa. De quarante mille combattans qu'ils
étoient, à peine s'en sauva-t'il six mille. On leur enleva quatre-vingt éten-
dards &plus de deux cens charettes chargées de bagages. Furius obtint l'hon-
neur du triomphe, mais avec quelque diminution de ce qu'on avoit accou-
tumé d'accorder aux triomphateurs, parceque Furius n'était que Préteur &
que l'armée qui l'avoit fait vaincre, n'était pas à lui.
Le Senat avoit envoyé à Carthage des Ambassadeurs pour se plaindre xr,.
Les Car-
d'Amilcar, qui malgré la paix s'était mis à la tète des ennemis de Rome. thaginois-
On demandoit qu'il fût rappellé à Carthage ou livré à la vengeance des Ro- condam-
mains. Les Carthaginois le condamnèrent à l'exil, & confisquérent tous ses nent Anul-
biens. Ils rendirent quelques transfuges, qui étoient restez à Carthage, & car à l'exil,,
envoyèrent deux cens mille muids de sroment à Rome,& autant à. l'armée Ro- & confis-
les Députez avoient ordre quent Tes-,
maine en Macédoine. Le Roy Masîinif&r, que eu biens,-
de visiter, promit un renfort de deux mijle hommes de cavalerie; la Ré..
publique n'en accepta que mille , & Massînissa se chargea des frais de leur
&
transport dans la Macédoine, joignit à ses troupes un présent de deux cens-
mille muids de blé & autant d'orge.
Vermina le plus jeune des fils de Syphax Roy deNumidie, avoit en- XLI.
Verminai'
voyé à Rome des Ambassadeurs pour demander au Sénat le titre de Roy &le filb de SY""
nom d'ailié du peuple Romain. Le Senat répondit aux Ambassadeurs le
que phax- ob-
jeune Prince devoit commencer par demander la paix & le pardan,& méri- tient la
ter par ses services & par sa fidélité d'être admis à l'alliance de la République. paix des;
Qu'ils pouvoient s'en retourner en Afrique, & que les Ambassadeurs Romains Romains1 le ti-
leur dideroient les conditions de la paix qu'ensuite ils viendroient les faire avec
; tre de Roy-
ratifier à Rome. Ils y vinrent en effet, & le Senat usa d'indulgence avec Ver- Liv. 1.1 £.
mina, & lui permit de prendre le titre de Roy & de régner sur les Provinces c. n.
de la in-lairesvlie, que l\lassini1sa n'avoit point conquises, dont il-n'étoit- ©

pas en possession.
Les Consuls de l'année suivante furent L. CorneliusLentulus,-&P. Vi!- XLIL
lius Tappulus. Ce dernier fut dessiné par le sort pour la guerre de Alacédoine; L. eorccv
lius
Lentulus relia en Italie, pour réprimer les restes des Gaulois rebelles. Sul- tulusLen- &
puius. demeura eu Macédoine en attendant l'arrivée, de Villius , qui ne s?y P. ViUitfs;
Tappulus rendit qu'allez tard, & donna lieu au Consul Sulpitius de se signaler. Au
Consuls. sortir du quartier d'hyver, il vint camper entre Apollonie &Dyrrachium sur
An de Ro- les frontiéres de la Macédoine. Apustius
du un de ses Lieutenans Généraux alla
me ravager les frontiéres de la Macédoine , y prit quelques places & vint attaquer
Monde
g 806.avant
Antipatris, qui fut prise de force, abandonnée au pillage & brûlée. Codron
J. C. 194. & Ilion furent obligées de se rendre. Comme il retournoit au camp du Pro-
Liv. l. ZI- consul Sulpitius, il fut attaqué par,quelques Macédoniens, qui le prirent
Guerre en
queue; mais ayant rangé ses gens, il mit aisément les ennemis en fuite.
contre En même tems Sulpitius fit dire au Roy Attaled'attendre à Egine la flotte
Philippe
Roy de Romaine pour agir de concert, & aux Rhodiens d'armer en diligence & de
Macé- se préparer à entrer dans la cause commune. Quelques petits Roys des en-
doinc< virons vinrent alors offrir leurs services aux Romains & faire leur civilité à
Su] pi tins.
XL III. Cependant Philippe ne demeuroit pas oisif. Il avoit dez la campagne
'Excès de précédente tenté de surprendre Athènes. Heureusement; les Athéniens furent
Philippe informez à tems de la venue de leur ennemi. Ils se mirent en défense, &
exercez Philippe les trouva rangez aux portes de la ville. Il fondit sur eux avec une
contre
Athènes. vigueur qui les étonna. Ils regagnèrent leurs portes & Philippe les suivit, mais
il n'osa entrer. Il se retira & vint camper à Cynofarges, prés d'un temple d'Her-
cules, Le lendemain les Athéniens parurent de nouveau en bataille, & soutenus
de quelques troupes Romaines & des soldats d'Attale, qui étoient venus du
Pyrée ausecours de la ville, ils attaquèrent Philippe & l'obligérent de se re-
tirer à trois mille d'Athènes. Il laissa par tout des marques de sa fureur &
de son impieté. Il n'epargna ni temples, ni tombeaux, ny Gymnases, ni
bois sacrez, ni maisons de plaisance. Il essaya nlême de piller le temple de
Cerés àEleusis, & il n'en fut empêché que par la garnison du chateau, &
par la veuë de la flotte Romaine, qui venoit à son secours.
XLIV. Delà il se rendit à Corinthe; & de Corinthe à Argos, où les Achéens
Philippe étoient assemblez pour régler le contingent que chaque ville devoit fournir,
dans le
Pélopo- pour faire la guerre à Nabis Usurpateur du Trône deLacédémone , qui faisoit
nése, le dégât dans les terres des Achéens. Philippe leur offrit de chasser Nabis, &
de le réduire dans la ville de Lacédémone, à condition que les Achéens lui
fourniroient des troupes pour lesgarnisons deChalcis, de Corinthe & d'Orée.
On s'apperçut qu'il ne tendoit qu'à engager les Achéens dans la guerre con-
tre les Romains, & à dégarnir leur pays pour l'exposer à la merci de leurs
ennemis. On lui répondit qu'on n'étoit assemblé que pour régler les contin-
gents, & qu'on n'avoit nulle envie de prendre aucun engagement. Il reprit le
chemin del'Attique & tenta de nouveau de surprendre le chateau d'Eleusis &
de l'emporter. Il ne réüssit ni dans l'un ni dans l'autre, & aprés avoir dé-
O
chargé sa colére sur tout ce qu'il y avoit de plus sacré, de plus inviolable,
de plus beau & de plus respeétable dans le pays, il se retira en Macédoine,
où le Lieutenant-Général Apustius avoit pénétré, ainsi. qu'on l'a veu cy-de-
vant.
XLV. Arrivé dans son Royaume, il pourveut à tout en grand Général, donna
Préparatirs ordre qu'on gardât & qu'on fortifiât les passages importants & les défilez; il
fit
fit démolir les villes de Sciathe & de Peparethe , de peur que les Romains ne cîePhilipp©'
s'en emparassent. Il envoya ses Ambassadeurs à laDiette des Etoliens, pour contre les
les attirer à son parti. Il n'y réunit pas, mais Democrite qui présidoit à la- Romains»
Diette & que Philippe avôit gagné par argent, empêcha qu'on n'y prît au-
cune résolution contre lui en faveur des Romains, & il comptoit cela pour
beaucoup dans les conjonctures présentes. Comme il supposoit que les flot-
tes des Romains & d'Attale se joindroient au commencement du printems à
Egine, pour commencer ensemble les' opérations de la campagne, il rassem-
bla ses forces maritimes à Demetriade de Thessalie, dont il avoitfait comme,
sa Capitale, & commanda à Héraclide Commandant de sa flotte de garder les
côtes. Il fit garder les défilez de la Pelagonfe par le jeune Persés son fils, ou
plutost par les Gouverneurs qu'il lui avoit donnez, pour le former dans I&
métier de la guerre.
Sulpitius ne pouvant pénétrer parla dans la Macédoine, y entra par le XLV1.
pays des Dassarétes, qui appartient à la Macédoine, & confine à l'Illyrie.- Proconsul
Sulpitius
Sulpitius n'y trouva aucune résistance & vjnt camper sur le Bevus,prés la ville entre dans,
de Lycus. Philippe s'avança de ce côté-là pour s'opposer aux progrés du Pro- la Macé-
consul. Deux troupes de Cavalerie l'une ROlllaine"& l'autre Macédonienne doine.
r
se rencontrèrent & se battirent. Les Romains y perdirent trente cinq hom- Liv. /. SIr
mes & les Macédoniens quarante. Philippe fit enlever les siens pour leurs don-
ner la sépulture. La veuë des playes qu'ils avoient reçues, effraya les Macé-
doniens; ils n'étoient pas accoutumez à une pareille boucherie. Pour grof-
sir son armée, Philippe rappella ses Gouverneurs & son fils Persés avec les trou-
pes qui gardoient les défilez de la Pelagonie. Son armée se trouva forte de
vingt mille hommes de pied, & de quatre mille chevaux.. Il prit son postes
à deux cens pas du camp Romain, presse bourg Atachus.
Les deux armées demeurèrent deux jours tans sortir de leurs retranche- XLVIK-
mens. Le troisiéme jour Philippe craignant avec raison de hazarder d'abord Escarmou- elles entre-
une adion générale & décisive, se contenta de faire sortir quatre cens Tral- les armées
liens, & trois cens Crétois tous gens de pied, & autant de cavalerie- pour de Sulpi-
aller escarmoucher dans la plaine. Sulpitius en fit sortir un pareil nombre de tius & Phi-^
son infanterie armée à la légére & de sa cavalerie. Les Macédoniens furent lippe.
surpris de voir les Romains combattre de pied ferme sans jamais reculer, &
une partie de leur cavalerie, aussitost qu'elle eût atteint la cavalerie enne-
mie, mettre pied à terre, & former un bataillon. Cette manière de com-
battre inusitée parmi les Grecs, surprit les Macédoniens, & contribua à don-'
ner la vicloire aux Romains. Le lendemain il y eut encore escarmouche,
où les Macédoniens ne furent pas plus heureux. Aprés cela Sulpitius rangea
toute son armée en bataille; mais Philippe ne jugea pas à propos de sortir de
ses retranchemens, & Sulpitius qui commençoit à manquer de vivres, décam-
pa, & alla camper à Odololphe pas loin des 1\lacédoniens.,
Sulpitius devenu plus hardi & moins circonsped, permit a ses troupes XLV Ill.
de se répandre dans la campagne, pour chercher des vivres & du fourrage. Sulpiti us
Philippe marcha contr'eux en personne, se mit sur les chemins pour arrêter est surpris
Romains par Phi -
ceux des qui voudroient regagner leur camp, & donna; ordre à les lippe.
gens-
gens de ne donner aucun quartier à ceux qu'ils rencontreroient. Il périt
grand nombre de soldats Romains. Sulpitius averti du danger des liens, ac-
courut à leur secours, avec toute sa cavalerie & ses Légions. Philippe em-
porté par l'ardeur qu'inspire la viétoire, poursuivittrop loin la cavalerie Ro-
maine. Dez-qu'elle se trouva à portée des Légions, elle tourna visage & fit
tête aux Macédoniens, qui à leur tour prirent la fuite. Le Roy de Macé-
doine fut luy-même en danger de perdre la vie. Son cheval ayant été bielle,
le renversa. Un de ses cavaliers mit pied à terre & lui donna son propre
<
,cheval, avec lequel le Roy regagna son camp. Si cette journée ne décida
rien, elle fit voir au moins que Sulpitius avoit trop compté sur sa supério-
rité, & que Philippe avoit moins consulté les loys de la prudence que son
courage & sa vivacité.
XLIX. Il songea aprés cela à se tirer de la proximité duProconsul, sur lequel il
Philippe se
retire par désesperoit de remporter aucun avantage considérable. Il usa de stratagéme
itratagéme. pour pouvoir se retirer sans danger. Il envoya sur le soir un de ses Officiers
portant le Caducée en signe de paix, pour demander les corps des cavaliers
de son parti, afin de leur donner la sépulture. Sulpitius ne put donner au-
diance au député que le lendemain matin. Pendant la nuit Philippe fit dé-
filer son armée & se retira par des défilez où il fut impossible de le suivre. Le
Proc Misul décampa aussi quelques jours aprés & se campa sur la riviere OsP,l-
dus, qui se dégorge dans l'Erigone, duquel Philippe s'approcha dansledes-
iein d'empêcher l'ennemi de se répandre dans la Province d'Eordée. il for-
tifia les défilez par des foflfez & des abbattis d'arbres ; mais le Proconsul les
força & entra dans l'Eordée* Il y sejourna quelque tems & y fit le ravage,
de là il passa dans l'Orestide vers l'Epire, puis dans le pays des Da(saretes, où
il prit d'allaut la ville dePellium, où il mugarnison, regardant ce poitecom-
me une porte de la Macédoine; enfin il revint à Apollonie.où il remit l'armée
au Consul Villius, qui n'y étoit arrivé que sur la fin de l'Autonne. La revolte
des vétérans, qui avoient autrefois servi sousScipion, & qui s'étoient engagez
volontairement dans cette expédition, aussi bien que la saison trop avancée
furent cause que Villius ne fit rien du reste de la campagne.
IL- Philippe ne fut pas en repos aprés le départ du Proconsul, les Darda-
Les Atha- niens leur Roy Pleuratus, les Etoliens conduits par leur Chef Democrite
mantes , avec
les Etoliens & les Athamantescommandez par leur Roy An1Ínander s'étoient déclarez con-
& les Dar- tre le Roy de Macédoine, & étoient entrez dans son pays. Il les prit les uns
daniens aprés les autres & en nettoya la Macédoine.
entiez de La flotte combinée du Roy Attale & de L. Apuftius, qui commandoit les
la Macé-
doine. Romains, ne fit pas de grands exploits. Les deux flottes se joignirent à la hau-
Ll. teur d'Hermione & arrivèrent au port de Pyrée. Alors les Athéniens encoura-
Vengeance gez pas la présence de ce secours se vengérent autant qu'ils purent des mauvais
des Athé- traitemens qu'ils avoient reçus de Philippe. Ils firent un decret qui portoit
niens con-
que
Philip- toutes les statuës de Philippe & de ses ancestres seroient renversées, & les in-
tre seriptions faites en leur honneur, effacées, que leurs autels seroient abbattus,
pe.
leur fêtes abolies, & leurs Prêtres dégradez; qu'à l'avenir lesPontifes pronon-
ceroient dans les aÍfemqlées de religion, des exécrations contre Philippe Se
contre
'
contre ses armées. Philippe à la vérité n'avoit gardé aucunes mesures en-
vers les Athéniens; mais ceux ~i n'en furent pas plus excusables de se venger
de lui d'une maniére si peu muuerée. Les amis mêmes des Athéniens bla-
mèrent leur conduite.
Attale & Apustius au sortir de Pyrée firent voile vers l'Isle d'Andros, Lll.
où ils prirent la ville de Gaurium aprés quelques jours de siége. Aprés quel- de Opération
la flotte
ques autres expéditions peu remarquables ils parurent devant Caflandrie, dont combinée
]agarnison lesobligea des'éloigner, & de revenir dans lIsle d'Eubée, oùils des Ro-
laiïrérent le gros de la flotte, & se rendirent à Héraclée de Thessalie, où l'on mains &
attendoit le député des Etoliens, qui y devoit conclure l'alliance avec les Ro- d'A t talus.
mains &avec Attale. Enfin Attale & Apustius revinrent joindre leur flotte,
qui étoit augmentée de vingt vaisseaux Rhodiens. Ce renfort fut destiné à
contenir la flotte Macédoniennecommandée par Héraclides, qui n'étoit pas
loin delà. Le reste de l'armée assiégea Orée, qui fut obligée de se rendre
aprés quelques jours de résistance. Attale prit pour lui la place, & Apuftius
prit pour les Romains les prisonniers de guerre. Ainsise termina la campagne
pour ce qui regarde la mer.
Rome se donna à l'ordinaire deux nouveaux Consuls, qui furent T. Quin. LUI.
dius Flaminius&Sext. iElius Catus. Tout au commencement de leur Con- T. Quin-
sulat, les Ambassadeursdu Roy Attale vinrent porter leurs plaintes au Senat con- étius Fla-
minius &
tre Antiochus Roy de Syrie, qui étoit entré à main armée surles terres d'Attale Sext../Eims.
en Asie, pendant que ce Roy étoit occupé avec les Romains à faire la guerre Gatus Con-
à Philippe deMacédoine. Sur les. plaintes d'Attale il fut résolu d'envoyer une fuls. An de
ambassade au Roy Antiochus, pour le prier de s'abstenir de faire la guerre à Rbine
du M. 3 807.
Attale occupé à aider les Romains contre Philippe Roy de Macédoine. An- avant J.C.
tiochus craignoit les Romains, & ne vouloit pas encore entrer en guerre avec 19J.
eux, & les Romains ménageoient Antiochus, quoiqu'ils n'ignorent pas ses Antiochus Liv, /. ? 2-
liaisons avec Philippe; mais ils ne vouloient pas s'attirer à la fois ces deux
puissans ennemis. Antiochus retira donc ses troupes de dessus les terres d'At- retire ses
tale, & celui-ci continua ses services au peuple Romain. troupes
des terres
Pendant qu'Antiochus occupoit ses troupes dans l'Asie à conquérir les du Roy de
places du RoydePergame; Ptolémée PhiladelpheRoy d'Egypte envoya Sco- Pergame.
du M.
pas Etolien Général de ses armées, dans la Célé-Syrie & dans la Judée, où An
il prit plusieurs places,& réduiiit ces deux Provinces à l'obéïssance du Roy 3806. LIV.
d'Egypte. Antiochus les reprit bientost, lorsqu'il eut fait revenir d'Asie les Ptolemée
troupes qu'il avoit envoyées sur les terres du Roy dePergame. Il se mit Roy d'£-
à leur tête, & marcha contre Scopas. Les deux armées se rencontrèrent à gypte
Panium, prés les sources du Jourdain. Antiochus y eut tout l'avantage, & prend sur
Antiochus
obligea Scopas à se retirer dans Sidon, où il l'assiégea. Ptolémée Roy d'E- la Célé-
gypte envoya à son secours trois Généraux de réputation, Æropus, Meno- Syrie & la
cles, & Damoscéne, qui ne purent pas toutefois obliger Antiochus à lever Judée.
le siége. Scopas fut obligé par la famine qui régnoit dans la ville, de se rendre frfepb.
Antiq l
& de se retirer en Egypte. J

c. î.ffeio*
Delà Antiochus assiégea Gaze, la prit & la pilla. IIréduisit à son o- nym in
béïflance laBatanée, la Samarie & les villes d'Abila & deGadara. Les Tuiis se Daniel XJ.
lom. 111. Ccc Liv. 1. 3î.
ren- -
Ân du M. rendirent d'eux-mêmes, reçurent le Roy, son armée & ses Eléphans dans Jé-
3807. Va- rusalem,& lui aidérent à réduire la garnison que Scopas avoit mire dans la
ie/. Ex- citadelle. Le Roy témoigna aux Juifs beaucoup de réconnoillance pour leur
cerpt. Po- attachement & leur fidélité, & en écrivit à ses amis d'une manière qui leur
{yb. P- 77..
Z. saisoit beaucoup d'honneur. Par ce moyen les Provinces de Syrie retourné-
LV. rent à l'obéï(sdnce de ce Prince, qui retourna paner l'hyver à Antioche,
Antiochus Le sort ayant destiné le Consul Flaminius pour la Macédoine, il ne dif-
reprend féra
sur Ptolé pas à s'y rendre. Il conduisit avec lui son frere L.QuincUu&, qui avôit
mée la Bé- commission de commander la flotte Romaine. Ils menèrent avec eux huit
le-Syrie & mille hommes de pied, &huit cens cavaliers qui avoient autrefois servi dans
la Judée. les guerres précédentes. Le Proconsul Villius s'étoit déja approché de la
An difM. Macédoine, & pour aller prendre le commandement de son armée, le Con-
3807.avant suI Flaminius fut obligé de traverser
J.C. 193. une partie de l'Epire.
LV 1. Philippe avoit exercé ses troupes pendant tout l'hyver, & tout au com-
Flamiiiius mencement de la campagne il avoit envoyé Athénagore pour s'emparer des
marche en défilez de la Chaonie, à l'extrémité Occidentale de l'Epire, dans le dessein
Macédoine de fermer le passage armées Romaines. Lui-même s'étoit campé sur le
contre le aux
Ko.y Phi- fleuve Aous, entre
deux montagnes, dans une vallée si étroite qu'il étoit pres-
lippe. que impossible à une armée d'y paflser, quand même elle n'auroit été ni gar-
Liv. I.32. dée, ni fortifiée., Pour la rendre Impraticable, il l'avoit coupée de fossez & y
Folyb. avoit bâti des tours avec des balliftes pour tirer sur l'ennemi. Villius avant
Leg. 72.
LVll.,
l'arrivée du Consul, étoit parvenu à cinq mille des retranchemens, dont on
Philippe vient de parler; pendant qu'il délibére sur le parti qu'il a à prendre , Flami-
«'empare nius arrive, & aprés avoir congédié Villius,& pris le commandement de l'ar-
des défilez, mée, il résolut de forcer les retranchemens de Philippe. On demeura ¡;.e-
& empê- pendant
che Flami- quarante jours, avant que de rien entreprendre, & dans cet inter-
le Consul Flaminius.
nius de pé- valle Philippe demanda & obtint une entreveuë avec
nétrer en Flaminius ne demanda rien pour Rome; mais il demanda que Philippe
Macédoi- rendît aux Grecs toutes les villes qu'il avoit prises sur eux, qu'il leur rcitituat
ne. ce qu'il avoit enlevé de ces villes, & qu'il les indenInifât au jugement d'ex-
LVIl!. causées. Philippe promit de remettre aux
Entreveuë perts, des pertes qu'il leur avoit
de Philip- Grecs les villes qu'il avoit conîuises sur eux, mais non celles qu'il avoit re-
pe & de çuës de ses ancêtres à titre d'heritage; il vouloit bien s'en rapporter aux ju-
Flaminius.
gemens des peuples neutres.qui eltiméroient le dommage qu'il avoit pu faire
aux Grecs; & comme Philippe demandoit quelles villes ilprétendoit qu'il re-
Liv. J. 32.
stitueroit aux Grecs? Flaminius répondit: La Thessalie entière. A ces mots
Philippe transporté de colére rompit la conférence, & peu s'en fallut qu'il
ne fît tirer ses machines sur Flaminius.
LIX. Après cela on commença l'attaque des, défilez. Le premier jour la chose
Flaminius se passa
avec allez peu de succés de la part des Romains. La nuit même qui
pénétre en suivit
Theilalie. l'attaque, un nommé Charops d'Epireadrella au Consul un berger, qui lui
Plutarch. promet que dans trois jours il conduiroit au somniet des montagnes un dé-
in Elami- tachement qu'on pourroit lui confier. Flaminius s'assura delà personne du
nia." berger, lui fit de grandes promesses,& le fit mener en lesse par ceux à qui il
devoit servir de guide.. Qyatre- mille hommes de piéd,,& trois, cens chevaux
fuient.
détachez sous la conduite d'un Tribun Legionaire. La Lune etoit alors
furent marcher que la nuit, & quand
dans son plein, & le Tribun reçut ordre de ne
il seroit parvenu au sommet des montagnes,rallumer des feux pour
donner
le signal de son arrivée. Le troisiéme jour après le départ du détacbement,
le Consul attaqua l'ennemi par trois endroits, & en nlême tems on apperçut
de courage les soldats Ro-
de la fumée sur les montagnes. Ce signal remplit
mains. Ceux qui avoient gagné la hauteur, en descendirent comme un torrent
de toutes parts prit la
& avec de grands cris. L'armée Macédonienneattaquée
des derniers a
fuite à travers les brossailles & les rochers. Philippe ne fut pas de
il
fuïr. Il ne s'arrêta qu'à cinq mille du champ de bataille, d ou envoya
ses gens pour recueillir tous ceux qui s'étoient
sauvez.
Il ne perdit qu'environ deux mille hommes dans le choc; mais . il fut ob-
L.
Philippe
lisé de se retirer dans la Thessalie, & le Consul se trouva maitre des plaines de la fait le dé..
Macédoine. Les Etoliens & les Athamanes se jettérent dans laThessalie & y son gât dans
prirent plusieurs places qu'ils pillérent, ils ravagèrent les campagnes; FIa- propre
minius d'un autre côté, prit sa route par l'Epire, & suivisse
Roy de Macedoi- pays.
mais avec une diicipline & une modération qui charmérent les peuples.
Philippe forcé d'abandonner la Thessalie, y fit plus de dégât que n'en auroit
11e,

fait l'ennemi; Flaminius s'avançoit toujours, sans -s-'éloigner beaucoup


de a
flotte dont il tiroit sa subsistance. Il arriva enfin en Theflaiie, & força la ville
dePhalorie, désenduë par deux mille Macédoniens; il l'abandonna au pillage
se rendirent a lui.
de ses troupes, puis y mit le feu. Plusieurs villes du pays
Philippe e,s'étoit fortifiédans la vallée de Tempé, sifameusepar sa beauté &
L. Quinciius frere du'Consul &-Général dela flotte Romaine, ayant joint Quinétius
LXI.
à sa flotte vingt quatre vaisseanx du Roy Attale, & vingt des Rhodiens,
alla
frere de
descendre a la pointedel'Isle d'Eubée ,v& le
ravagea pays des Caristiens. Delà Flaminius
il se rembarqua & alla faire le siége d'Eretrie ville voisine de l'Euripe. Les prend
Macédoniens, qui la défendoient, s'opposérent aux bourgeois qui vouloient villes quelques
rendre la place. Philocles Gouverneur de Chalcis parut avec quelques trou- dans l'Eu-
recourir Eretrie., mais il fut repousse & pendant qu'on amuie les bée.
pes pour ,
esperer, Quintius prend la place Liv. /. ;2.
habitans d'une composition qu'Attale leur fait
d'assaut. & la citadelle se rend à discrétion. Aprés la prise d'Eretrie la flotte
revient à la ville de Cariste, dont on a voit ravage le territoire. La place; le
rendit aux Romains, le bourgeois obtint la liberté & la vie, & la garni son
Macédonienne fut condamnée à payer trois cens sesterces par tesse , & a sor-
tir de la ville sans armes, pour être transportée dans la Béotie. Enfin les flot-
à
tes confédérées se rendirent par mer Cenchrée, un des ports deCorinthe;
pendant que le Consul Flaminius s'y rendit par terre avec ion armée.
Les deux freres attaquérent la ville par terre & par mer. Le jeune Quin- Siége LXII.
de
("tius emporta Cenchrée ; & le Consui fit avec le belier une brêche allez grande Corinthe
à la ville; mais lorsqu'il voulut donner l'assaut, la garnison quiétoit comparée par Flami-
de soldats Macédoniens choisis, &de transfuges Romains qui s'étaient sauvez nius & par
d'Afrique, se rangérent en bataille dans la ville & repoussérent les Romains. son srere
Qain-ctîus»
Flaminius croyant que l'embarras de la brêche avoit été cause du désavantage
des liens , la fat applamr, & fit avancer une tour roulante chargée de soldats&
de machines. Une des roues de la tour enfonça dans la terre & obligea les
soldats qui la montoient à descendre. Ils allèrent à l'attaque des assiégez &
furent repoussez. Le Consul ne s'opiniatra pas à pousser le siége, il condui-
sit ses troupes dans la Phocide, pour les y faire hyverner ; la flotte entra dans
le portd'Anticyrrha, & les troupes de terre dans la même ville &
aux en.
virons.
LXlll. Le jeune Quindius demeura dans le port de Cenchrée, & fut employé
Alliance le Consul son frere, à détacher les Achéens du parti de Philippe Roy de
des -Aché- par
Macédoine. Flaminius envoya à laDiette des Achéens des Députez,
ens avec
sa part que de celle d'Attale & des Rhodiens. Les Athéniens
tant de
les Ro- eurent aussi
mains. leurs Envoyez. Le jeune Quindius fit espérer aux Achéens qu'ilyleur rendroit
la ville de Corinthe, qui leur avoit autrefois appartenu. Aprés trois jours
de délibérations les Achéens prirent le parti des Romains, d'Attaledes Rho-
diens & des Athéniens. On fit partir des An1basiàdeurs
pour Rome, afin d'y
faire ratifier la confédération par le Senat.
LXIV. Sans attendre le retour des Ambassadeurs, les Achéens résolurent de pref-
No « y-tau ser
liège de le liège & la reddition de Corinthe, qu'ils a voient à de réunir à leur
cœur
Corinthe. Canton. Ils joignirent leurs troupes à celles de Quindius & d'Attale, & com-
mencèrent l'attaque par trois endroits. Quindius du coté du port de Cenchrée,
les Achéens par la porte de Sicyone, & les troupes d'Attale
l'opposite par le portLechée
a de Cenchrée. Ils se flattaient que la division se mettroit entre
les Macédoniens & les Corinthiens mais ils se trompèrent. Androsthénes
qui commandoit dans la place pour ,Philippe, avoit gagné l'amitié & la
fiance des Corinthiens ; & lorsqu'à force de machines &de travaux, le belier con-
si
eut fait brèche, les assiégez firent une vigoureuse résislail"ce que l'on fut ob-
ligé d'en abandonner l'attaque. Presqu'en même tems arriva Philoclés dts
Généraux de Philippe, qui entra dans la place avec quinze cens hommes de un
renfort. Ainsi on leva le siége de Corinthe. Attale avec sa fiotte se retira
fort de Pyrée, & Quindius à Corcyre, ou Corfou. au
LXV. Philoclés n'en demeura pas au secours qu'il avoit donné à Corinthe. Il
J'rifc d'Ar- marcha
gos par
contre Argos, où Enesidéme Achéen commandoit une garnison de
Philoclés. cinq cens hommes. Les Argiens étoient toujours afsedionnez au parti de
Philippe, & ils en avoient donné une preuve éclatante quelque tems
aupa-
ravant, lorsque le Heraut au commencémentde leur aiïemblée, aprés avoir
prononcé le nom des Dieux Jupiter, Apollon & Hercule, omit celui de Phi-
lippe, toute l'assemblée demanda à haute voix qu'on ajoutât à l'accoutumée
le nom de Philippe Roy de Macédoine. Lors donc que Philoclés parut de-
vant la place, la Bourgeoisie se mutina & prit les armes en faveur des Macé-
doniens, ce qui obligea Enesidéme à renvoyer les siens & àse laitier
de coup&, plutost que de se rendre. percer
LXVI, Pendant l'hyver Philippe craignant les suites de la guerre contre Rome,
Nouvelles
conférence demanda une nouvelle entreveuëavecFlaminius.Elle netutpasplus frl]dueuse
entre Phi» que la première. Flaminius ne voulut rien rabattre de ses premiéres deman-
lippe & des, qui contittoient à aire rétablir la liberté généralement dans toute la Grèce.
Philippe
Philippe en rejetta la proposition, &on se quitta sans rien conclure;au moins FlaminÍag..
les Grecs comprirent que les Romains ne cherchoient pas dans cette guerre Liv. 1. 32.
à s'aggrandir & à procurer leurs propres intérêts. Philippe n'en demeura Polyb. 1.17*
pas là. Il envoya à Rome une ambassade pour faire agréer au Senat sespro- P.
positions de paix. Flaminius y envoya demême pour traverser les desseins de
Philippe, & pourse faire proroger le commandementde l'armée dans la Grèce
& dans la Macédoine. Il rendit dans l'un & dans l'autre.
Les Consuls de l'année suivante furent Caïus Cornelius Cethegus & Lu- LXVII.
cius Minutius Rufus. Lorsqu'il fut question de tirer au sort lequel des deux G. Corne-
Consuls iroit continuer la guerre en Macédoine; deux Tribuns du peuple re- lius Cethe-
montrérent qu'il étoit de l'intérêt de la République de continuer Flaminius Minutiusgus & L.
dans le commandement de l'armée; le peuple renvoya l'affaire au Senat, & Rufus Con-
le Senat ordonna que Flaminius seroit continué dans son employ, qu'on lui suls. An de-
envoyeroitun renfort de cinq mille hommes de pied, de trois cens Cavaliers Rome çç5.
&de trois mille tant matelots que rameurs. On lui laissa son frere Quinctius du Monde
3807.avant:
pour commander la flotte, & on lui donna pour Lieutenans-Généraux Sul- J.G.193.
picitré & Villius) qui avoient déjà fait la guerre avant lui dans ce pays. Liv. L 32.
AvantqueFlaiiiinius sçutce qui avoit étéordonné à Rome sur son sujet, L XVIII'.
Philippe demanda une nouvelle entreveuë avec lui. C'est tout ce que le Pro- Troisiéme
consul souhaittoit le plus ; il trouvoit sa gloire quoiqu'il arrivât, où à donner entreveuë
,
la paix à Philippe, ou à mettre les choies en chemin de,Philippe:
d'accommodement. Le & de Fla-
rendez- vous fut donné pour la conférence à Nicée sur le Golfe Maliaque dans minius.
la Morée. Philippe s'y rendit par mer bien accompagné, & Flaminius /.iy,
par Polyb.
terre ayant à sa suite tous les Chefs des alliez de Rome, des Athamantes, des Liv. 1. 3z,
Etoliens, des Achéens, des Rhodiens<%d'un député du Roy Attale. Philippe
ne voulut pas descendre de son vaisseau quoiqu'il en fût prié par Flaminius;,
celui-ci lui dit que par rapport àRome, il n'avoit à lui demander que la resti-
tution des places d'illyrie qu'il avoit prises dépuis la dernière paix faite en
Epire, & la restitution de ce qu'il avoit pris surie Roy d'Egypte & sur les,
Etats de la Gréce alliez aux Romains.
Aprés que Flaminius eut parlé, les Chefs des Confédérez parlèrent à LXIX..
leur tour & demandèrent a Philippe les restitutions & indemnitez de tout Demandes
qui avoit été usurpé sur eux. La chose se passa avec assez d'aigreur de part ce des CoTt-
sédérez des
& d'autre; & Philippe demanda enfin que chacun lui donnât écrit ses Romains..
par
prétensions, disant qu'étant seul, & n'ayant personne pour l'aider de ses
seils, il vouloit se donner le tems pour y réfléchir. On se donna parole pour con-
le lendemain. Flaminius se rendit de bonne heure au lieu marqué. Philippe-
se fit attendre assez longtems. Il dit pour excuse qu'il avoit passé la nuit &
une bonne partie du jour à examiner les prétensiops des alliez & que pour
abréger il ne vouloit conférer qu'avec Flaminius. Les alliez, des Romains
aprés quelque contestation, y consentirent, & Philippe descendit à terre,
accompagné seulement d'Apollodore & de Demosthénes ses confidens. Fla-
minius ne retint qu'Appius Claudius. La conférence ne fut pas longue; bien-
tost Flaminius vint rejoindre ses alliez & leur dit que Philippe offroit derendre
Phailale&Larilse aux Etoliens; mais qu'il retenoitThébes: qu'il restituoit la
;
Perée auxRhodiens, mais qu'il se réservoit Ja(Tos & Bargylie; qu'il rendoit
Argos & Corintheaux Achéens,& au RoyAttaleles Vaisseaux qu'on luiavoit
enlevez, avec les pn[Ql1nIerS qu'on avoit faits sur celui.
LXX. A ces propositions les alliez se recriérent qu'il n'y avoit point de paix
Derniére à espérer, que Philippe n'eût évacué sans réserve toutes les places & les Pro-
conféren- vinces qu'il occupoit tant dans la Grèce que dans l'Asie. Philippe demanda
ce. Philip- qu3on se revît encore le lendemain prés la ville de Thronium, peu éloignée
pe se fou- deNicée. On s'y rendit d'assez bonne heure & Philippe après avoir exhorté
met à la paix, dit qu'il ,
soûmettroit
dé ci sion les intéressez à la se volontiers à la décision du
du Scnat Senat Romain. Sa proposition fut acceptée, & on envoya de part & d'autre
Romain. des AU1basfadeurs à Rome. On accorda à Philippe deux mois de trêve &
An du M. exigea de lui qu'il retirât ses troupes de toute la Phocide & du ,
des
8 07.avant on pays
J.C. ï?. Locriens.
3

LXXl. 1. Les Ambassadenrs arrivérent à Rome. On entendit d'abord les Ambas-


Le Senac sadeurs des nations alliées. Elles firent entendre au Sénat, que Philippe, quel-
ordonne promeUes qu'il fit, étoit résolu de ne rendre jamais ni Corinthe, ni
que phi- ques
lippe ren- Chalcis, niDemetriade enThesïalie, qu'il nommoit les entraves de li Gréce.
dra Corin- Corinthe tenoit en respeâ: tout lePéloponése; Chalcide étoit la maitrellè de
the, Chal- l'Eubée, de la Béotie, de la Phocide & de la Locride; Demetriade dominoit
cis & De- laThessalie &la Magnesie. Les Ambassadeurs de Philippe eurent audience à
metriade.
leur tour. Ils vouloient haranguer & exposer les raisons du Roy. On leur
coupa la parole endisant: Répondez en deux mots: Philippe est-il résolu
d'abandonner Corinthe, Chalcis & Demetriade? ils répondirent qu'ils n'a-
voient aucun pouvoir sur cela. On les renvoya & sur le champ oi*fit un
decret qui ordonnoit que Philippe rendroit incessamment ces trois villes, ou
qu'on l'y contraindroit par la voïe des armes. Philippe refuÍa de rendre les
LXX Il.
Confédé- Nabis Roy ou Tyran deLacédémone
ration de
Flaminius en vertu d'un
.
trois villes, &on se prépara à la guerre de part & d'autre.
La première action deFlaminius fut de conclure une Confédération avec
qui dépuis peu s'étoit emparé d'Argos,
traité qu'il avoit fait avec Philippe, qui y avoit ses troupes. Na-
bis avoit exercé contre les Argiens les dernières cruautez pour avoir leur or&
avec Nabis Quand il les eut dépouillez, il se moqua de Philippe, & se
Tyran de leur argent.
Lacédé- rangea du côté des Romains. Flaminius fit alliance avec lui sous ces deux
monc. conditions; la première, que les Lacédémoniens ne continueroient pas à faire
la guerre aux Achéens; la sécondé, que Nabis fourniroit son contingent de
troupes aux Romains &auxassociez contre Philippe. Nabis fit une trêve de
quatre mois avec les Achéens,& fournit aux confédérez six cens Crétois,
que Flaminius incorpora parmi ses troupes Auxiliaires.
LXXIII. Avec ce renfort Flaminius s'approcha de Corinthe, & eut un pour parler
Flaminius
avec Philoclés, qui y commandait pour le Roy Philippe. Philoclés donna
s'empare de belles paroles au Proconsul, qui se rendit ensuite à Anticyrrha, où il passà
de Thébe
capitale le rette de l'hyver. Dez que le tems de sortir en campagne fut venu , Fla-
de Béotie. minius s'approcha de Thébes capitale de Béotie dans le dessein de la déta-
cher du parti de Philippe. Le Proconsul s'approcha de la place, accom-
pagné du Roy Attale & d'une seule compagnie de soldats. Le premier Ma-
giltrat
giftrat de Thébes vint au devant deFlaminius, & presque tous les bourgeois:
ou étoient sortis de la ville, ou étoient montez par curiosité suries remparts,
la plupart sans armes. En même tems on vit arriver deux mille hastates des
Legions Romaines. Les Thébaïns les ayant veu, crurent que leurMaglstrat
avoit vendu la ville aux Romains; qui dans l'intervalle s'étoient avancez &
s'étoient rendus maitres des murs.
On ne1aiffa pas de tenir Vaiïemblée des Citoyens pour délibérer, si l'on LXX1V.
se rendroit aux Romains. Le Roy Attale parla le premier & se sentit tout Mort du
RoyAttale.
à coup frappé d'apoplexie & tomba comme mort. L'agitation le fit revenir, Euméncs
& il demeura perclus de la moitié de son corps. Flaminius le fit soigner & lui succé-
transporter sur une galére en Asie où il mourut âgé de soixante & onze ans. de.
Il laissa le Royaume dePergame àEunlénes son fils aine,qui fut toujours fort Liv. /.
attaché au parti des Romains & qui conserva la bonne intelligence avec ses initio Plu-
tarcb. in
trois freres. Chose assez rare dans les Monarchies d'Orient. Leur mere Apol- Flaminio.
lonide diloit qu'elle s'estimoit heureuse non pour les richesses dont elle jouïs-
soit, ni pour la dignité Royale qu'elle, avoit partagée longtems avec le Roy
son époux; mais pour la bonne union qu'elle voyoit régner entre ses quatre
fils, dont l'aîné avoit pour garde du corps ses trois freres puinez, & mac-
choit au milieu d"eux sans armes & sans crainte.
L'accident arrivé à Attale avoit interrompu les délibérations dans l'af- LXXV.
semblée des Béotiens. Lorsque l'on fut revenu de la premiére émotion que Bataille en-
l'armée
sa chute avoit causée, Aristhéne Chef des Achéens harangua les Thébaïns en tre de Philippe
faveur des Romains; Flaminius parla ensuite, & enfin le premier Magistrat Roy deMa-
de Platée ayant demandé au nom de sa ville d'être admis dans l'alliance des cédoine &
Romains, on ne put lui refuser sa del1\ande, & les Thébains se rendirent à Flaminius. celle de
leur exemple. Aînsi le Proconsul ne songea plus qu'à chercher Philippe pour
le combattre. Ce Prince manquoit de bonnes troupes. Au défaut de vieux
soldats, il avoit enrolé beaucoup de jeunesse qu'il avoit pris soin d'exercer;
il s'avança vers la Thessalie ayant environ vingtun mille hommes de troupes;
savoir seize mille Macédoniens qui .formoient sa phalange, &environ cinq:
mille hommes de troupes étrangères ou auxiliaires, & mille chevaux.
L'armée deFlaminius n'étoit guéres plus nombreuse & ne surpassoit celle'
de Philippe qu'en cavalerie. Il s'avança vers Phért's ville de Magnésie, ou il'
apprit que Philippe étoit campé à Lari1sa. On s'approcha insensiblement &
s'étant rencontrés,les deux'Généraux conduisirent leurs armées vers S'cotusâ:
sans en être convenus & sans s'appercevoir. Ils se rencontrèrent à Pimpro-
viste, à Cynocéphale, lieu a{sezinégal &parsetné de rochers. Les deux- ar.;..
mées s'y rangérent & le combat s'y donna. Philippe s'étoit emparé d'une'
eminence, où il avoit rangé son aîle droite. Elle tomba avec impétuosité'
sur l'aile gauche de Flaminius, qui étoit placée dans un terrain plus bas,&
qui ne put soûtenir l'effort de la Phalange. Mais à l'aîle gauche comme l'a,
phalange n'y étoit pas aussi serrée, à cause de 1 inégalité du terrain,, Flaminius
fit avancer contre elle ses Eléphans,dont Massinissa avoit fait présent à la Républi-
que, puis les hastates de sa première ligne. Ils donnérent contre cette partie d&'
la.Phalange avec tant de vigueurqu'ils renfoncement & la mirent en fuite..
Ainssi
LXXVI. Ainsi l'aile droite de Flaminius étoit viftorieuse ; mais son aile gauche
Victoire de ne se [oûtenoit qu'avec peine contre les efforts de Philippe, qui combattait
Flaminius
sur Philip- en personne à son aile droite. Un tribun legionaire de l'aîle droite de Fla-
minius suivi de quelques manipules, ayant mis en fuite, ce qui se trouva de-
pe Roy de lui,
Macédoi- vant retourna de son chef, & entreprit d'enfoncer l'autre partie de la
ne. Phalange, qui combattoit avec avantage contre l'aile gauche des Romains.
il la prit a dos & en fit un grand carnage. La Phalange entière s'ébranla &
prit la fuite. Les Romains vidorieux de toutes parts, poursuivent l'ennemi
& én tuent autant qu'ils en rencontrent. Philippe infiniment surpris de voir
en fuite son armée qu'il croyoit vidorieuse ; ratl1asse autant qu'il peut de ses
Macédoniens & de ses Thraces & prend la fuite comme les autres. Il envoye
en diligence pour retirer ses papiers qui étoient demeurez à Larissit, & polir
lui, il se retire dans la vallée de Tempé.
Le nombre des morts du côté des Macédoniens fut d'environ sept mille,
& les prisonniers de guerre cinq mille. La perte du côté des Romains, ne
fut que de sept cens hommes. Flaminius vendit les prisonnirs & en distribua
le prix à ses soldats, pour les dédommager du butin que lesEtoliens avoient
fait dans le camp des Macédoniens, où ils s'étoient jettez des premiers.
LXXVll. Quelques jours après Androsthénes, qui étoit demeuré à Corintheavec
AndroRhe- un corps de six mille hommes.pourgarder cette ville contre les insultes du parti
nes Gou- Romain, se mit en campagne & commença à ravager les terres des Achéens,
verneur de &des villes alliées aux Romains. Nicerate Général de la nation Achéene à la
Corinthe
est défait tête de deux mille hommes & de quelques soldats qu'il ramassa des garnisons
par Nice- des villes voifJnes, vint tomber sur Androfthénes campé sur le fleuve Nemée,
rate A- & le défit aisément ,la plupart de ses soldats étant répandus dans la campagne
cbécll. &dLlns les bourgades. Androsthénes perdit tant dans le combat, que dans
la retraite de ses gens, environ quinze cens hommes, ce qui augmenta encore
le chagrin de Philippe.
LXXVlll. Flaminius reçut aussiune petite mortification de la part des Etoliens de
Les Eto- son armée, qui firent des chansons qui furent chantées par toute la Gréce,
liens s'at-
tribuent dans lesquelles ils s'attribuoient tout l'honneur de la vidoire de Cynocéphale.
l'honneur Flaminius en témoigna son mécontentement avec d'autant plus de sujet, qu'il
de la dé- avoit tout l'intérêt du monde à ménager sa réputation & celle des armes Ro-
faite cie maines dans l'esprit des Grecs; & à son tour il mortifia lesEtoliens, affedant
Philippe.
d'accorder sans eux tout ce que Íouhaittoient les envoyez de Philippe, qui
demandoien*' une tréve de quelques jours pour enterrer leurs morts; il ne voulut
avoir pour témoins de l'audience qu'il leur donna, que les Officiers de l'ar-
mée Romaine. 11 leur accorda une tréve de quinze jours & promit que dans
cet intervalle il donneroit à leur maitre une entreveuë pour traiter de la paix.
Cetaïr d'indépendance piqua les Etoliens. Ils répandirent parmi les Grecs
que Flaminius s'étoit laissé, corrompre par l'argent de Philippe, & qu'il avoit
trahi les intérêts de la Gréce.
LXXIX. Le jour pris pour la conférence; Flaminius fit avertir ses alliez de s'y
Conséren- trouver, & on se rendit au défilé par où l'on entre dans le Vallon de Tempé.
ce entre le Philippe
Philippe sans autre préambule déclara qu'il acceptait tous les articles qu'il avoit Roy Phi-
refusez jusqu'alors, & que pour le reste il s'en rapportoit à l'arbitrage du Senat lippe &
Romain. Les Etoliens prétendirent qu'il rendroit donc Larisse, Pharsale, Flaminiu.
Echines & Thébes en Phtiotide; mais Flaminius soutint que Thébes s'étant &c. trêve
donnée aux Romains, elle devoit leur demeurer, & l'assemblée décida en sa de 4. mois-
saveur. On accorda à Philippe quatre mois de trève pour négotier sa paix à
Rome; maispour assurancede sespromesses on lui demanda pour otage son fils
Demetrius & quelques Seigneurs de sa Cour,& de plus deux cens talens d'argent;
à condition néanmoins, que si les articles n'étoient point acceptez, on lui
ren-
droit ion argent & les otages.
Les deux Consuls Romains qui étoient demeurez en Italie, n'y furent LXXT.
pas oisifs. Cethégus conduisit son armée dans I'lnstibrie, & Minucius dans la des Opératioa
Ligurie. Le premier donna la bataille aux Gaulois, qui avoient à leur tête deux
Gonsuls
Amilcar. Il les battit de telle sorte, qu'il resta sur la place trente cinq mille Italie. en
Gaulois; & qu'on prit sur eux cinq mille sept cens prisonniers, & entr'autres An du M.
Amilcar Carthaginois auteur dela révolte. On prit de plus cent trente éten- ?8o7.avant
dards & deux cens chariots fabriquez à la manière des Gaulois. Les Cenomans J. C. 193.
dont la capitale étoitBrixia, s'étoient vendus auxInsubriens sans la participa- Liv..i, i j-
tion des Chefs de leur nation. Dans le moment du combat ils se rangérent du
parti des Romains, & prirent à dos lesInsubriens, dont ils firent un grand maf-
sacre.
Minucius l'autre Consul ne trouva point d'ennemis à combattre en cam- LXXX1.
pagne. LesBoyens s'étoient retirez, & le Consul se rabattit sur leurs campagnes Les deux
& leurs bourgades, & y mit tout à feu & à sang. Les deux Consuls présenté- Consuls
deman-
rent leur requête ensemble pour triompher en commun. Il fut ordonné qu'ils, dent de
présenteroient leurs demandes sép a rempilent, & on accorda le triomphe triompher
au
seul Cethégus; mais Minucius authorisé par quelques exemples antérieurs, enfembie.
triompha de son chef sur la montagne d'Albe. Il fit à ses frais la cérémonie
de son triomphe, & fit marcher devant lui les dépouilles de la Ligurie., qui
n'étoient pas inférieures à celles del'Insubrie remportées par Cethégus. -
Pendant que Flaminius faisoit la guerre à Philippe Roy de Macédoine, LXXX11.
Antiochus le Grand, Roy de Syrie, allié de Philippe, prenoit des mesures Antiochus
donner du secoursauRoy de Macédoine, & pour s'emparer des places, quepour Roy de Sy-
Pto- rie 'paHe en
lémée Epiphanes Roy d'Egypte possédoit sur les côtes de la Cilicie & de la Afie.
Carie; c'e il pourquoy il envoya dez le commencement duPrintems ses deux An du M.
fils Ardués & Mithridates avec son armée de terre
vers les Provinces de la haute J.C.i93.
3807. avant
Asie, avec ordre de l'attendre a Sardes, pendant
que luy-même avec une Liv. 1. ; S-
flotte de cent vaisseaux couverts, & de deux cens autres vaisseaux legers,
côtoyait les rivages de la Cilicie & de la Carie, pour attirer dans son parti
les villes de ces quartiers-là, qui obéïssoient au Roy Ptolémée Epiphanes;
son principal dessein étoit en même tems de donner du secours à Philippe
Roy de Macédoine Contre le Proconsul Flaminius. Il prit passant, mais
en
sans combat, les villes de Zephyrie, de Soles, d'Aphrodisiade, de Selinun-
te, & les chateaux qui étoient sur ces côtes.
Etant arrivé à Coracefium, qui lui avoit fermé ses portes..'lesRhndipn<:
txixm. lui envoyérent des Amba{Tadeurs,pour lui dénoncer, que s'il ne contenoitses
Antiochus troupes au delà du promontoire de Niphelide en Cilicie, ils feroient avancer
assiége Co- leur flotte
racefium. contre lui, non qu'ils voulussent le traiter enennemi, mais pour
Il reçoit l'empêcher de joindre ses forces à celles du Roy Philippe, & de porter ob-
'une ambaf- stacle aux Romains, qui combattoient pour rendre la liberté à la Gréce. An-
fade des tiochus dissimula le dépit que lui causoit cette dénonciation, & répondit aux
Rhodiens. Rhodiens, qu'il envoyeroit des Ambassadeurs à Rhodes, pour renouveller l'an-
LivJ. cienne alliance avec cette ville, & pour les rassûrer contre la crainte, qu'ils
avoient conçue de ion approche, qu'il n'en vouloit ny à eux, ny a leurs alliez,
qu'il vouloit demeurer attaché à l'amitié des Romains, que l'ambassade qu'il
avoit dépuis peu envoyée à Rome, & les marques de disiinétion qu'il avoit
reçues du Sénat, étoient une preuve de la parfaite intelligence qui étoit entre
Rome & lui.
L XXXIV:. En même tems les Rhodiens reprirent sur Philippe la Perée, quien:une
Les Rho- contrée qui leur appartient, sur le continent opposé à leur ville. Ils en chaf-
diens font commandoit. S'ils avoient
quelques sérent Dinocrates avec les Macédoniens qu'il y
conquêtes- voulu sur le champ marcher contre la ville de Stratonice, ils auroient pu la
«a Aiie. prendre sans combat, mais ayant laissé à Dinocrates le loisir de la fortifier,
ils vinrent après inutilement pour l'attaquer. Ils furent repoussez par les Ma-
cédoniens; 'mais ils fournirent de grands secours aux villes de Caunes, de
Myndes, d'Halycarnasse & deSamos, & furent cause qu'elles conservérent
leur liberté; Antiochus non obstant les belles paroles qu'il avoit données aux
Rhodiens, ne laissa de s'emparer des villes de Coracefium, de Coryces, de
JLh.T. LÜnyre, d'Andriace, de Pathare, de Xante & enfin d'Ephése, qui étoient delà.
3ero12ym.
in Dan*XI* domination du Roy d'Egypte. Ephése, & travailla a> réduire
LXXXV. Antiochus passa l'hyver à toutes les villes
Antiochus d'Afie sur le même pied de gouvernement où' elles étoient anciennement, c'est-
entreprend à dire, à obeïr
aux Moys d'Asie ou de Syrie; comme il étoit le plus fort dans ce
de réduire villes ne dussent se soumettre à tout
les villes pays, il ne doutoit pas que la plupart des
d'Afie en ce qu'il souhaitteroit ; mais comme il se défioit des villes de Smyrne & de
leur an- Lampsaque, il envoya de ses gens pour les assiéger, au cas qu'elles feroient
eienne sor- difficulté de se soumettre de bonne grâce a ses volontez. Ceux de Smyrne &
me de
gouverne-
ments

" .Appian.\
Sryriac.
minius,

avons
pour
Li-o.liz. opprimer leur liberté..
'de Lampsaque & les autres villes qui refusérent d'obeïr, députérent versFla-
implorer le secours des Romains accusant Antiochus de vouloir

Pendant que le Proconsul Flaminius remportoit les avantages dont nous


parlé Lucius Quindius son frere travailloit à détacher 1 Acarnanie du
P..87.
parti du Roy ,
de Macédoine, & à l'attirer dans l'alliance des Romains. L'Acar-
LXXXVl.
Quin&ius nanie est située entre l'Etolie & I>Epire ; lesAcarnaniens seuls de tous les
Grecs
attire les étoient demeurez constamment attachez aux Macédoniens, & ils se faisoient
Acarna-. gloire de leur fidélité dans leurs traitez. Quin<3ius mit tout en oëuvre pour
niens dans d'abord Corcyre il etoit. & enfilite a Leucade Capitale
l'alliance les faire venir a où
des Ro- d'Acarnanie, pour délibérer sur le parti qu'ils avoient à prendre entre Rome
mains. & le Roy de Macédoine. Malgré les oppositions de plulleuls des principaux
Acarna-
AC(1rnanÍens, on fit un decret d'union avec les Romains; mais dans une autre
aifenlblée, on cassa ce décret.
QuinJ-ius pour punir leur inconstance assiegea & prit Leucade, par le
de quelques bourgeois de la place, qui étoient Italiens d'origine, &
moyen
qui y introduisirent les Romains. La prise de Leucade & la victoire que Fla-
minius remporta vers le même tems a Cynocéphale sur Philippe , obligèrent
les Acarnaniens à se soûmcttre à Quindius, & à embrasser le parti de Rome.
Les Ambassadeurs que Philippe Roy de Macédoine avoit envoyez a Ro- L. Lxxx'rn, Furius
arrivérent avec ceux de Flaminius au commencement du Consulat de
me y Claudius Marcellus. Les AmbaÍfadeurs Purpurco
Luc. Furius Purpureo, & de M. &M. Glati-'
demandoient la paix de la Macédoine, & ils furent introduits ensemble^au dius Mar-
Sénat. Flaminius qui s'étoit proposé pour modèle le Grand Scipion l'Afri- cellus Gon-
suls. An de
cain, vouloit finir la guerre de Macédoine, comme Scipion avait termine
la fois Rome -S ï 7-
celle de Carthage, & empêcher que le peuple Romain ne se trouvât a duM.380^
engagé dans la guerre contre Philippe , & contre Antiochus Roy de Syrie. Le avant J. G.
Conlul Marcellus qui aspiroit à la gloire d'avoir pacifié la Macédoine & la Liv. 192.
Grèce, soûtenoit que la paix que l'on témoignoit vouloir, n'étoit qu'une vide 1Plu- s
3-*

paix simulée, & qu'aussitost que les Romains auroient retire leurs troupes de tarch. in
la Macédoine, Philippe reprendroit les armes pour recommencerune guerre Flaminio*
plus dangereuse que la première. La proposition des Ambassadeurs, & I b. Polyb. Le-
jeé1:ion de Marcellus furent rapportées au peuple Romain, qui conclut à la gat. 7. &
Macédoine, pouvoir Legat.
psix. Ainsi Flaminius fut continué Proconsul en avec
de conclure la paix avec Philippe. On lui envoya de Rome dix Commislài-
res, pour l'assister, dans cette affaire, & régler avec lui l'état à
de la Gréce.
Dans l'entretems Flaminius fut occupé dans la Grèce regler certaines LXXXVlll.
Ingratitu-
affaires de conséquence. Les Béotiens llul avoient demandé qu'il s'employât de desBéo-
auprès de Philippe, pour qu'il renvoyât lès soldats de leur nation qui étoient tiens, re-
dans son armée. Philippe accorda cette grâce à Flaminius. Les Béotiens ne primée par
lui en témoignérent-aucuneréconnoissance, & n'en remercièrent que Philippe; Flaminius..
& dans la première eleLlion qu'ils firent d'un Chef de leur nation, ils préfé-
rèrent Brachyllas ennemi juré des Romains, à Zeuxippe & Pisislrate, deux
partisans déclarez de la faction Romaine. Ceux-cy prévoyant leur perte cer-
taine, si Brachyllas demeuroit en place, le prévinrent & le firent assi!ffiner.
Les Béotiens convaincus que le coup venoit de Zeuxippe & de Pisistrate,ar-
rêtèrent ce dernier, & le firent mourir dans les supplices; pour Zeuxippe, il
s'étoit retiré dans Athènes; & comme ces deuxSeigneurs étoient tout -devo-
liez aux Romains, les Béotiens vengèrent la mort de Brachyllas sur tous les
Romains qui tombérent entre leurs mains.
Flaminius en fut informé, & ordonna aux Béotiens de lui livrer les meur-
triers de ses soldats, & de lui payer cinq cens talens, sélon le nombre des
soldats qu'il avoit perdus. La Béotie ne se mit point en peine des demandes
du Proconsul; & celui-ci, après avoir fait goûter aux Grecs les raisons qu'il
avoit de se venger des Béotiens, envoya ravager les campagnes d'Acrepnies,
& fit mettre le liège devant Coronée ; ces deux villes étoient les plus cou-
pables de toutes celles de- la Béotie, & celles qui s'étoient le plus signalées
contre les Romains. Alors les Béotiens recoururent à la clemence du Pro-
consul, qui leur remit quatre cens l'oixante dix talens, de cinq cens qu'iHeur
avoit demandez , & se contenta de la punition de ceux qui étoient réconnus
pour meurtriers de ses soldats. L'indulgence du Procon'ul rétablit ld paix
dans laBéotie, & prévint l'émotion que sa rigueur auroit pu cauler dansl'esprit
des Grecs, qu'il étoit venu pacifier.
Lxxmx. Les Ambassadeurs de Philippe & les dix Commissaires Romains arrivé-
Articles de: rent enfin dans la Gréce. Ils abordérent à Anticyrrha, d'où ils se rendirent
la \jaix à Corinthe, qui fut choisie pour le lieu des conférences. On y proposa
avec la Ma.. tous
cédoine. de nouveau les articles dressez par le Senat. Ils portaient qye toutes les villes
An de Ro Gréques, soit de l'Asie ou de l'Europe, jouïroient à l'avenir d'une parfaite li-
]Me 517- du berté, & se gouverneroient sélon leurs loys; que Philippe retireroit ses
'M. gar-
nisons des places qu'il possédoit dans la Gréce, avant la célébration des jeux
avant J. C. Isthmiques; qu'il
.192. remettroit entre les mains des Romains les villes de Pedase,
Liv 1. 33. d'Euronne, de Bargylie, de jasse, deTa(fos, de Myrine, d'Abyde, de Pe-
Polyb. Le- rinthe, lesquelles demeureroient libres & indépendances; Philippe ren-
gat. 9. Plu- que
tarch, in
droit tous les prisonniers & les déserteurs des armées Romaines; qu'il livre-
Elaminio. roit tous ses vaisseaux, à l'exception de cinq,qu'il pourroit retenir; qu'il ne
tiendroit à son service que cinq mille hommes armez, & ne pourroit taire la
guerre hors de la Macédoine, si non du consentement des Romains; en par-
ticulier qu'il ne pourroit attaquer Euménes Roy de Pergame, fils & successeur
d'Attale, qu'il payeroit aux Romains pour les frais de la guerre mille talens,
moitié comptant, & le relie en dix payemens égaux dans le cours de dix an-
nées. Telles furent les conditions de la paix avec Philippe, qui se vit parla
réduit à la Macédoine seule.
XC.. Les Etoliens prirent défiance de ce qu'on n'avoit pas exprimé dans ce
"tes Eto- traité certaines villes comme Chalcis, Corinthe & Demetriade. Ils crurent,
liens se
plaignent & ils avoient raison, que les Romains avoient envie de les retenir comme les,
qu'on n'a trois Chefs dela Gréce: Flaminius opina fortement qu'elles fussent rendues
pas expri- comme tout le reste ; qu'il étoit de la dignité du peuple Romain de ne donner
mé toutes lieu aux Etoliens & aux autres Grecs de dire, qu'on ne les avoit flattez d'une
les villes pas
Gréques entière liberté, que pour s'emparer des meilleures villes de la Gréce. Enfin
dans les il fut conclu que toutes les villes Gréques, sans aucune exception, jouïroient
conditions de la liberté, que néanmoins la citadelle de Corinthe demeureroit quelque
lie la- paix. tems
en depôt entre les mains des Romains, de même que les villes de Chal-
cis & Demetriade, jusqu'à ce qu'on n'auroit plus à craindre le paÍfage d'An-
tiochus Roy de Syrie dans l'Europe.
JCCh Peu de tems après dans l'assemblée des jeux Isthmiques instituez par
Publics Thesée
de en l'honneur de Neptune,sur l'IIlhme de Corinthe, où se trouva une
tion trés nombreui'e assemblée de toutes les parties de la Gréce, fut publiée la dé-
l'affran-
chi liment cision de la conférence tenue à Corinthe, qui devoit décider du sort de tous
des villes les peuples de la Grèce. On fit faire silence, & lefferaut publia à haute voix:
Gréques. Le Senat & le peuple fymaïn, aprés avoir vaincu Philippe & pacifié la Macédoine, décla-
Plut. in libres & affranchis de toute Domination, les Corinthiens, les Phocéens, les Locriensy
Jtlaminio* rent
les E;ibéenç^les MagnefienSy lés Thejfciliens les Perrhehes les AJiéens & les PL tici es+
v t
Tous
Tous ces peuples vivront dans Vinàèpenàance^fàfélon leurs propres
loys. Comme tout
le monde n'avoitpas bien entendu la prémiére fois,, l'asscmblée demanda qu'on
lût une seconde fois la décision; ce qui ayant été fait, il s'éleva un si grand
cri, que des corbeaux, qui voloientpar dessus la place, en furent étourdis, &
tombèrent de peur. C'est ce que raconte Plutarque.
La jove lut telle que tout le monde s'emprelsoit à venir baiser les mains xcn.sa*
du Proconsul, qu'ils appelloient le Liberateur de la Grèce. La foule fut si voir On tait
au
grande, & on lui jetta tant de festons & de couronnes, qu'il pensa d'en être Roy An-
étouffé. On admiroit la généjrosité & le désintéressement des Romains, qui tiochus
venoient de si loin entreprendre une guerre avec des frais immenses, unique- qu'il- aÎt
ment pour procurer la liberté à la Grèce. Pour consommer ce grand àentrer ne pag
ouvrage, Flaminius fit venir les Ambassadeurs d'Antiochus, & lendit enpré-
Europe.
en.
fence des dix Commissaires envoyez par le Senat, de faire savoir à leurLVlaitre
qu'il eut à évacuer toutes les places qu'il tenoit en Asie, & qu'il avoit prises
sur les Grecs, ou sur le jeune Ptolémée Roy d'Egypte. Sur tout on l'avertit
de ne point passer en Europe, s'il vouloit conserver la bonne union avec
Rome.
On procéda ensuite à mettre le traité en exécution. Les Orestiens XCUl.
, Exécution
quoyque dépendans de la Macédoine, ayant été les premiers a se déclarer en du traité
faveur de Rome, furent affranchis de la domination de leur Roy, & mis en qui ren-
liberté. On accorda la même grace aux Perrhébes, aux Dolopes & aux Ma- doit la li-
gnesiens. Les Thessaliens furent mis dans une entiére franchise, & on aug,. berté aux-
menta leurs Etats de cette partie de la Phtiotide qui avoit été soumise aux Grecs.-
Achéens, à l'exception de Thébes & de Pharsale. Les Etoliens obtinrent
que la Phtiotide &la Locride leur seroiént rendues. Ils demandoient encore
Pharsale & Leucade, comme villes à euxppartenantes; mais comme il y
avoit contestation sur cela, la chose fut renvoyée au Senat Romain. On-
rendit aux Achéens Corinthe , la Triphilie & Herée., Les Athéniens recupé:"
rérent les Isles de Paros, Imbros, Delos & Scyros. Orée &Eréthrie furent
déclarées libres. Le Roy Pleuratus reçut comme une augmentation à ses Etats.
Lichnide &Parthos, quoyque ces contrées eussent autrefois été du Domaine
du Roy de Macédoine. Le Roy Aminander fut remis en possession de toutes
les places, que Philippe avoit usurpées sur lui.
Le Roy de Macédoine envoya ensuite une Ambaffa.de à Rome, pour de-
mander d'entrer dans l'alliance du peuple Romain; il y fut reçu, & pendant,
qu'Antiochus le Grand fit la guerre à la République, Philippe demeura dans
une exacte neutralité.
Antiochus au commencement du Printems partit d'Ephése sur sa flotte, xciv.
& prit le chemin de PHeUespont, pendant que son armée de terre s'avança Antiochus
dans.
jusqu'à Abyde, & passa le détroit pour entrer en Thrace. Son dessein étoit entre la' Thrace.-
de se remettre en possession de la Thrace, qui avoit été conquise parSeleucus An du M..
Nicator son Ayeul, sur Lysimaque Roy de ce pays. 11 vouloit rebâtir Lysi. 48og'avatit
maque, que les Thraces avoient détruite peu d'années auparavant , & y éta. J.Liv; G.
blir le siége du Royaume d'un de ses fils. Il prit de force Madytos, entra' -4epiI ? 3;.
dans la. Chersonéfe & occupa une bonne partie de son armée à rebâtir Lill- S,}'t"iac;. M.
*
D d d j. maquie. Il; 88-
maquie. Il y rassembla les anciens habitans, qui avoient été dispersez en di-
vers endroits, en fit venir de nouveaux des contrées voisines, leur donna des
privilèges, & leur fournit des animaux pour cultiver la terre, & des instrumens
de labourage.
xcy. Les Commissaires qui avoient signé la paix avec Philippe, notaient pas
Arrivée
des Gom- encore retournez à Rome. 11 en vint quatre de divers endroits a Lysimaquie,
missaires pour détourner le Roy Antiochus de son entreprise. D'abord les choses se
Romains passerent entr'eux avec beaucoup de politesse; ensuite on s'aigrit de pnrt &
auprès de d'autre. On demanda à Antiochus qu'il rendît à Ptolémée Roy d'Egypte, les
Philippe,. villes & les Provinces qu'il avoit prisessur lui; & en particulier les places qu'il
a voit envahies sur Philippe Roy de Macédoine, dont les Romains ses vainqueurs
étoient endroit de disposer. Antiochus répondit avec hauteur aux Commis-
sa:ires : qu'il ne réconnoissoit point l'autorité du peuple Romain dans
ce qui
regardoit ses affaires particuliéres, qu'il ne se méloit point des intérêts des
Romains, & qu'il les prioit de ne se point mêler des tiens ; que s'il avoit quel-
que chose à déméler avec le Roy d'Egypte, il étoit dans la disposition de lui
donner sa fille en mariage, & d'ajuster tous les différends à l'amiable; quella
Thrace lui appartenoit par droit de conquête de la part de son Ayeul Nicator,
& qu'il étoit en droit de la revendiquer sur les Roy s Ptolémée & Philippe,
qui l'avoient usurpée sur ses Ancêtres.
XCVI, Ces conférences auroient peut-être duré plus longtems, sans une nou-
Fausse velle qu'on reçut, que PtolëmëeËpiphanes Roy d'Egypte avoit étémis à mort.
nouvelle La nouvelle étoit fausse; mais il étoit vrai que ScopasEtolien Général des ar-
dela mort
du Roy mées d'Egypte, dont on a déja parlé cy-devant, avoit conspiré d'ôter la vie
d'Egypte. à ce jeune Prince. On tint diverses assemblées dans sa maison, & la chose ne
% Conlpira- put être si secrete, qu'Arisloméne Chef du Conseil du Roy n'en fut informé.
titan de Scopas fut cité à comparoître. Il fit d'abord difficulté de venir; enfin il parut
Scopas
contre ce
devant le Roy avec ses amis; il fut bientôt convaincu de haute trahi[ol1,& con-
l'rince. damné à finir sa vie par le poison. On fit souffrir la même peine à ses conl-
plices. DicœarquePun d'eux, impie réconnu, qui avoit autrefois érigé des
autels à l'impiété & à l'iniquité, & qui leur avoit offert des sacrifices comme à
Polyb.l. j7. des Divinitez, expira dans les tourmens.
Après cela on se disposa à la Cour du Roy d'Egypte, à célébrer son avé.
nement à la majorité, ou au tems auquel les Roys de ce pays commencent à
prendre par eux-mêmes le gouvernement de leurs Etats; on le persuadoit qu'a-
îlors les choses
en iroient mieux, & que le Prince procurerait à son Royaume
1une plus
grande tranquilité, qu'il n'en avoit eu sous les Regens, qui l'avoient
gouverné.
JCCV11. Le Roy Antiochus sur la fausse nouvelle de la mort de Ptolémée Epipha-
Antiochus ]nes, partit assez précipitamment & laissa en Thrace les Commissaires Ro-
quitte la mains, fort peu satisfaits des dispositions où ils l'avoient trouvé. Il y lai (Ta
Thrace aussi le Prince Seleucus son fils avec une armée de terre, pour continuer la
dans le *
dessein (
ponstru&ionde la ville de Lyfimaquie, & pour la défendre. L. Cornélius l'un
d'aller en <
3es dix Commissaires, qui étoit alors auprès d'Antiochus, vouloit le prévenir,
Egypte.
(
& arriver en Egypte avant qu'on y eut fait ny mouvement ny changement,
au
dn cas que J'à nouvelle du décés du Roy fut vraie; mais Antiochus avoit d'au- Liv. 1: if,
tres veuëS; & voulait s'emparer de l'Egypte, avant que les Romains y pussent Appian. Syriac.
mettre obitacle. Etant arrivé à Ephése , il envoya des Ambassadeurs à Q:Fla-
minius, pour le prier de le recevoir dans l'alliance des Romains, & tout de
fuite il passa en Lycie. Ayant appris à Patare que Ptolémée Epiphanes étoit
vivant & en santé, ilne songea plus à passer en Egypte. Il fit voile en Cypre,
dans l'eipérance de se saisir de cette Isle, qui obéïssoit au Roy d'Egypte.
La Hotte étant parvenuë au delà du promontoire des Isles Chelidoines, XCV1ÏL
les rameurs se mutinèrent, & l'obligèrent, de demeurer quelque tems dans la Antiochus.
Pamphilie vers le fleuve Eurymédon. Delà il prit sa route vers le fleuve Sa- est battu
d'une gros-
rus, où il fut battu d'une furieuse tempête, qui lui brisa ou coula à fond une se tempête
grande partie de sa flotte. Il y perdit une bonne partie de son armée ; non &Ie retire
seulement des soldats, & de ses rameurs, nuis aussi de ses principaux amis. en Syrie.
Liv. 1. 3 JI.,
Ayant recueilli les débris de sa flotte, il ne songea plus à la conquête de lIsle Appian.,
de Cypre ; il se retira dans ses Etats à Seleucie, où il s'appliqua à réparer son ar- Syriac,
mée navale. Il y fit le mariage de son fils Antiochus avec sa fille Laodicé, &
aprés la cérémonie des noces,, il fit mettre à terre ses vaisseaux, & alla passer
l'hyver à Antioche.
Cependant ses Ambassadeurs étoient arrivez auprés du Proconsul Flami-
nius, & lui avoient exposé leur commission de la part d'Antiochus,-pour ên;.,.
trer dans l'alliance de la République Romaine. Flaminius leur répondit quer
dépuis le départ des- dix Legats ou Commissaires, il ne pouvoit donner aucune
reponse à leur LVlaitre; qu'il devoit s'adresser à Rome ; que c'étoit au Senat
à accorder ou à refuser la grace qu'il demandoit.
Les dix Comn1iÍfaires ou Plénipotentiaires, dont on a souvent parlé %CÏX.
après avoir heureusement consommé leur ouvrage se rendirent à Rome où'-, Çjn accuse e
ils informèrent le Sénat des entreprises \¿,Antiochus, & de son retour en Syrie. , Annibal
des
En même tems les ennemis qu'Annibal avoit à Carthage, écrivirent, & firent d'avoir liaisons se-
courir le bruit dans Rome, qu'Annibal entretenait commerce avec le Roy crétes avec
Antiochus ; que ce Prince lui avoit même envoyé des Ambassadeurs pour l'in- le Roy An-
viter à le venir trouver. Tout cela étoit faux ; mais comme on le craignoit, tiochus.
on y ajouta aisément foy" & malgré les remontrances de Scipion l'Africain,
le Sénat envoya a Carthage des Ambassadeurs pour se plaindre des liaisons
qu'Annibal avoit avec Antiochus, & pour demander qu'on lui ôtât la vie. An-
nibal ne jugea pas à propos même dese défendre, & d'exposer sa personne aul
jugement du peuple & du Senat de Carthage. Il s'embarqua secretement &
se rendit à Tyr où il fut reçu comme dans r,iv. Il
, une autre patrie, Carthage étant gufiin; l:3l.
une Colonie de Tyr.
Il en partit bientôt pour se rendre à Antioche auprés du Roy Antiochus, c:
mais ce Prince étoit déja parti pour Ephése. Annibal fut fort bien du jeune Annibal se:
reçu
Antiochus, qui étoit alors à Daphné, où il faisoit représenter des jeux solem- rend au-
nels. Annibal n'y fit pas un long séjour. 1.1 s'embarqua & près'du
auprés du Roy An..
Roy a^ Ephése. Sa présence fut un des principaux motiss quiarriva engagérent ce tiochus.
Prince à faire la guerre aux Romains. 11 crut qu'avec Annibal il seroit invin. Liv. 1.
cible & il paroissoit plus occupé des suitesde ses viétoires" ad si;i. tfu-
, que de la guerre flin.l. JI.
meaie qp11 mèditoit.. On'
'c. 2.
On dit que Phormion fameux Péripatéticien, ayant fait un long & élo-
JEmil quent discours en présence d'Annibal, touchant les devoirs d'un Géneral d'ar-
Pmb. in mée & le commandement des troupes, Annibal ne put s'empêcher de dire,
Annibal. qu'il
Cicero de
avoit bien veu des vieillards raddotter, mais qu'il n'en avoit veu aucun
Orat. 1. 2. qui le fit comme ce Péripatéticien, qui se méloit de parler de choses, aux-
quelles il n'entendoit rien du tout.
Ci. En Italie, leConsul Marcellus,après avoir essuyé quelques traits de la vi-
v
Exploits vacité & de l'impétuosité des Gaulois Boïens, commandez par leur Roy Co-
du Confui rolan; il les réduisit enfin aprés quelques jours de resistance dans son
Marcellus camp,
en Italie.
à se retirer chacun dans leurs bourgades ; aprés quoi le Consul marcha contre
les Insubriens campez au delà du Po, sous la ville de Côme. Les ennemis
attaquèrent le Consul comme il étoit encore en marche, & culbutérent sa mi-
lice legére. Marcellus opposa ensuite aux Gaulois un Bataillon de Marses &
toute Ü1 Cavalerie Latine, laquelle soûtint avec valeur les deux premières at-
taques des Gaulois. Puis on fit avancer contr'eux les Légions, qui dans le
commencement se contentèrent de se défendre, pour laisser rallentir l'impé-
tuosité Gauloise; aprés quoy elles donnèrent avec furie sur les Insubriens, les
enfoncérent & les mirent en fuite. On leur tua sur la place, si l'on en croit
un auteur ancien cité par 1ite Live, quarante mille hommes, & on leur en-
leva cinquante lèpt étendards. On trouva au coû des Gaulois grand nombre
de colliers d'or. Leur camp fut pris & pillé; Côme fut prise aprés un siége
de peu de jours, & vingt places de la contrée se rendirent sàns résistancc.
CIl. Après ces heureux succés, Marcellus alla joindre son collégue Fufius,
Défaite des qui avoit pris sa route par l'Ombrie. Les deux armées Consulaires ravagérent
Boïens.
tout le pays des Gaulois Boïens. La ville de Felline aujourd huy Boulogne
le soumit, de même que presque tous les chateaux dupays. Les soldatsBoj'ens
se jettérent dans les bois & côtoyérent l'armée Romaine, pour l'attaquer au dé-
pourveu, dez qu'ils en trouveroient l'occasion. Ils crurent l'avoir trouvée,
ayant veu un corps de Romains séparé du gros de l'armée. I1k fondirent sur
eux avec impétuolîté; mais ils furetit repoussez avec tant de courage, qu'il
n'y en eut pas un seul de toute cette multitude de Boïens qui échappât. Aprés
cela les Gaulois ne paroissantplus en campagne, Marcellus retourna à Rome,
où on lui décerna les honneurs du triomphe.
CUL Bientôt aprés il présida à l'assemblée du peuple, dans laquelle on choi-
P. Valerius sit pour Consuls P. Valerius Flaccus, & M. Porcius Caton. On croit que ce
F1accus, & dernier avoit eu part, au moins à authoriser la loy Porcia proposée & publiée
M. Porcius
Caton par Porcius Lxcus,Tribun du peuple,par laquelle il étoit défendu de fouët-
Consuls. ter un Citoyen Romain. Les premiers soins des Consuls & du Senat, furent
Ande Ro • de pourvoir aux affaires d'Espagne. Ce pays étoit tout en feu, & les petits
me çç8
(!uM.5 809,
Souverains du pays ne cherchoientqu'à en chasser les Romains, pour se mettre
avant J.C. en liberté. Le département d'Espagne échut par le sort à Caton, & celui d'I-
191. talie, où les Gaulois remuoient encore, échut au Consul Valerius.
Liv 1. Avant le départ de Caton les Dames Romaines demandèrent avec des
Révoca- empressemens infiqis, la révocation de la loy Oppia, qui avoit été portée
tion de la
10J Oppia environ dix-huit ans auparavant, & qui modéroit le luxe des Dames Ro-
maines
,
mairies, leur défendant d'employer en bijoux plus de demie once d'or, de sur le faxe
porter des habits de diverses couleurs, & de se faire conduire en chariots ny des fèm-
dans la ville ny dans les bourgades. Le Consul Caton, & deux Tribuns du maines. mes Ro-
peuple s'opposérent à leurs demandes. Liv.L 34.
La chose fut debattuë pendant plusieurs jours dans l'assemble"o géné-
rale des Comices. Les Dames & les autres femmes parurent en public, & se
donnèrent tous les mouvemens possibles pour réunir dans leurs entreprises.
Le Consul Valerius les appuya; les deuxTribuns du peuple, qui d'abord s'é-
toient opposez, se désistérent de leur opposition, enfin la chose passa à la sa-
tisfadion des Dames Romaines, qui portérent dans la suite le luxe au plus
haut point.
Caton s'embarqua avec le Préteur Publ.Manlius, qu'on lui donna .pour civ.
le seconder dans son expédition contre PEspasme. Il avoit vingt vaisseaux de Porcius
guerre avec deux Légions, cinq mille hommes d'alliez& cinq cens chevaux. Consul
(¡atot1
il s'embarqua au port de Lune en Etrurie, sur l'embouchure du Macre, & arrive en
à
aborda à Rhoses en Catalogne , d'où il se rendit Empuries, où toutes les £sp agiie.
troupes qui étoient destinées à servir sur terre, débarquèrent. Empuries étoit Liv. 1. @4.
, alors partagée
comme en deux villes, séparées par un mur. Une partie des
habitans, Phocéens d'origine, étoit fidéle aux Romains, l'autre partie peuplée
d Espagnols, obéïflbit aux revoltez. Caton séjourna quelque tems à Empu-
ries pour y prendre connoissance des affaires d'Espagne ; il renvoya à Rome
,
ceux qui étoient chargez de pourvoir aux vivres de l'armée, disant que ses
soldats étant dans le pays ennemi, y vivroient aux dépens de ceux à qui ils
faisoient la guerre.
Comme il étoit campé prés d'Eppuries, arriva à son camp Helvius, CV.
cy-devant Préteur en Espagne, escorte de six mille hommes, qu3AppiusCIau- Helvius
dius son successeur dans la Préture lui avoit donné pour le conduire jusqu'au délaie les
lieu où il devoit s'embarquer. Sur sa route il fut attaqué par vingt mille Espa- Jtspagnols.
gnols, qu'il mit en fuite, leur tua beaucoup de monde, prit encore la ville Liv. 4 34.
d'illiturgis, & y fit un grand massacre des habitans. Caton reçut Helvius avec
honneur,&Rome pour recompenser sa valeur, lui décerna l'honneur de l'O-
vation. Il ne reçut toutefois cet honneur que deux ans aprés, ayant été re-
tenu deux ans en Espagne par une maladie, qui lui survint.
Bilistages Roy des Ilergétes envoya son fils avec quelques Ambassadeurs en.
à Caton, pour lui demander du secours contre les Espagnols revoltez, qui Bilistages
menaçoient de ravager ses Etats. Caton qui craignoit de partager ses troupes Ilergétes Roy des
& d'atfoiblir son armée, ne se hâta point de répondre aux Envoyez de Bilista- demande
ges. Pendant la nuit il lui vint en l'esprit un moyen de seeourir son allié sans du secours
diminuer son armée. Le matin il promit le secours, donne les ordres pour à Caton.
cela-, fait cuire le pain & équipper les galéres, on en porte la nouvelle Frontin.
Roy Ilergétes, firtxtag.
au des on embarque les troupes, le bruit de leur départ se ré- /.4.C.7.
pand partout, les ennemis prennent l'épouvante & se retirent. Les troupes Liv. 1.3 4.
embarquées aprés avoir vogué quelque tems, reviennent au port, disant qu'elles
y ont- été repoussées par un coup de vent. Bilistages eut ce qu'il souhaittoit,
sans qu'il en coûtât rien aux Romains.
CVII. Caton avoit à faire à des ennemis aguerris & nombreux. Son armée n'é-
Caton en- toit presque composée que de jeunes soldats levez à la hâte & peu façonnez
tre en cam- aux exercices militaires. Le Consul ne jugea pas à propos de les exposer
pagne , &
marche d'abord aux dangers de la guerre. 11 les occupa quelque tems dans le camp
contre les aux exercices militaires. 11 les envoya de tems en tems par bandes en cam-
Espagnols. pagne, pour les ralTûrer & les aguerrir; il se donna luy-même pour modèle
de vigilance, de sobriété,d'aŒduité au travail. Vétu Amplement, le premier
aux plus pénibles exercices , exposé sans ménagement aux incommoditez du
tems. Son vivre & sa boisson ne différoient point de ceux du dernier hlntaf:
sin; doux & affable aux soldats, il gagna leur confiance & leur affeé1:ion.
CVIII. Après avoir renvoyé sa flotte,, il harangua les Officiers de ses troupes, &
Vi&oire de leur donna ses ordres
Caton con- pour le départ. On partit au milieu de la nuit, & on
tre les E-
vint se porter au delà du camp des ennemis, sur une éminence qu'il avoit fait
sp.!gno!s. observer. Dez le matin il fit avancer trois compagnies jusqu'au pied des re-
Liv.l. ?4* tranchemens des Espagnols, & en même tems il range son armée en bataille.
Plut arch. Les Espagnols de leurs côtez se mettent en mouvement pour sortir de leur
in Caton.
maj. camp. Alors les trois compagnies dont on a parlé,comme frilies de fraïeur, se
retirent avec précipitation. L'ennemi 1 s poursuit avec ardeur, mais sans ordre.
A ce moment Caton fait sonner la charge. Sa cavalerie commença l'attaque
à l'aîle droite, & fut repoussée par celle des Espagnols. Caton fit avancer quel-
ques compagnies d'infanterie sur les flancs de l'armée ennemie, pour la tenir en
échec, & pour donner lieu à sa cavalerie de se rallier. A l'aile gauche des R o-
mains & au corps de bataille, ils poussoientvigoureusement les Espagnols. Lors-
il
que le Consul vit sa premiere ligne fatiguée, fit avancer la seconde, qui n'a-
voit pas encore combattu. Elle pénétra à travers les bataillons ennemis,& les
renversa. La seconde legion n'avoit pas encore donné. Le Consul la con-
duisit à l'attaque du camp, que ses autres troupes avoient déjà commencée.
Le camp fut forcé & l'on fit main basse sur tout ce qui s'y rencontra. Ceux
,
qui voulurent fuir, se pressérent de telle sorte à la porte du camp, qu'il y en
eut un grand nombre qui périrent. La perte des ennemis fut trés-grande, &
les suites de cette vidoire trés-considérables, par la reddition de la seconde
ville d'Empuries, & par la soumission des pays voisins, qui rentrérent dans
l'obéïssance des Romains.
C1X. Le Consul s'avança ensuite vers Tarragone. De tous côtez on luienvoyoit
Caton fait des Députez
abbattre pour se soumettre à ses ordres. Il ne pardonnoit qu'après avoir
un seul exigé des otages, afin de prévenir les brouïlleries& les révoltes futures. Il ula
en
jour les d'artifice pour faire démolir les murs de plusieurs villes, qui n'étoient pas ca-
/pluGeurs
ronrs fie pables de lui résister. Il leur écrivit à toutes séparemment le même jour des
lettres, portant ordre de renverser sur le champ leurs murailles; que leur prom-
villes «P£-
spagne ptitude à obeïr étoit le seulmoïen de gagner ses bonnes grâces. Chaque ville
Plut, in crut que cet ordre ne s'adressoit qu'à elle seule, & se hâta d obéir. Ainsi des
Caton. maj. Provinces entières se virent tout d'un coup sans défenlè, & obligées de se sou-
mettre au Consul.
CX. LesPréteurs L.Manlius & Appius Claudius de leurs cotez,faisoient la guerre
Caton re- dans l Elpagne Uiteriénne
aux Turdetans & aux Turdules, dont la demeure
tourne sur étoit
étoit vers la Lusitanie ou le Portugal. Quelques troupes des Celtibériens ré- l'ibre- <5:
alTujettit
putez braves s'étoient joints à eux. Les prémiers furent aisément vaincus; diverspetr
mais on crut la présence du Consul nécessaire pour combatte les Celtibériens. plesEipa-
Caton vint en personne avec ses troupes; mais il ne put attirer les ennemis gnols.
son ancien camp proche de PEbre. Liv. l. ;4.
au combat, & fut obligé de s'en retourner à
Sur sa route il se rendit maitre des .villes des Se"détans, des Ausétans,des Sues-
sétans & des Lucétans, & de la ville de Bergium, &par ce moyen rendit la
tranquilité à toute l'Espagne citérieure. Les richesses que le soldat Romain
tira de ce pays, furent trés-considérables. Outre le butin qu'il fit dans les vil-
les conquises, Caton distribua à chacun d'eux une livre pelant d'argent. Pour
lui, il ne s'en appropria pas la moindre chose, & revint à Rome aussi peu charge
d'argent, qu'il en étoit sorti. Il laissa même à son successeur en Espagtie, le
cheval que la République lui avoit donné en partant. On blama l'économie
trop sordide de Caton; mais on lui sçut gré d'avoir mis les affaires d'Espagne
en si bon état, qu'il ne fut plus nécessaire d'y envoyer une armee Consulaire.
Le Grand Scipion l'Africain regardoit avec raison l'Espagne comme sa CXI.
conquête. Il auroit souhaitté d'y aller comme Consul, afin de la pacifier & Scipion l'Africain
de la remettre de nouveau sous l'obéïssance de la République. Un peu de ;aloux dé
jalousie conçuë contre Caton, avec qui il avoit eu autrefois quelque ditferend la gloire
en Sicile, le porta à demander le Consulat. Caton en fut informé, & ne brigue de Caton,
le
lai ssa rien à faire à Scipion dans ce pays. Il revint à Rome comblé de gloire.
Consulat.
11 rendit compte au Senat de ses exploits en Espagne, & dit qu'il y avoit pris
Plut. in
plus de villes, qu'il n'y avoit été de jours; en esfet on comptoir jusqu'à quatre Catone ma.
cens places qu'il avoit soumises. Après son triomphe il reprit ses exercices jore.
ordinaires comme auparavant, plaidant/devant le peuple, quand le bésoin le
demandoit, servant dans les armées fous d'autres Généraux, s'appliquant à
l'agriculture & en donnant des préceptes. Il composa un ouvrage touchant
l'origine des villes d'Italie, & quelques autres écrits, dont il ne nous reste
que celui qui regarde l'agriculture.
Les Plénipotentiaires nouvellement revenus de Gréce, ayant fait connoî- CXll
tre au Senat l'importance de laisser Flaminius en ce pays avec une armée, tant Flaminius
est conti-
pour affermir ce qui avoit été réglé dans la dernière Diette au sujet des villes nué Pro-
Gréques, que pour prévenir les mouvemens du Roy Antiochus, le Sénat or- consul
donna que Flaminius continueroit à commander les troupes qui étoient en dans la -
Gréce, qu'on les augmenteroit même, s'il étoit nécessaire, & qu'en attendant Gséce.
que les Etoliens & le Roy Antiochus se déclarassent ouvertement, il feroit la
guerre à Nabis Roy de Lacédémone.
Nabis, dont on va parler, avoit succédé à Machanidas dans la Tyran- CX111.
nie ou dans le Royaume deLacédémone, àPexclusion dela postérité d'Her- Fiaininitis Guerre de
y
cules, qui avoit régné jusqu'à Machinidas. Nabis étoit d'une ambition dé- contre Na-
mésurée & d'une avarice insatiable. Il résolut de joindre l'Achaïe à son Roy- bis Roy de
aume,& commença par faire d.e grands ravages dans ce pays. Les Achéens Lacédémo-
avoient pour lors à leur tête un nommé Cycliades, beaucoup moins accré- éloitNabis?ne. Quel
dité que Philopoemen, qui les avoit commandez auparavant. Il ne put tou- Liv. l.i
Eee z mais ^8.
.
tefois pour cette fois s'en rendre maitre par la brave réslstance des Achéens; c.&)' L ïx. 1.
mais à quelques années delà Philippe Roy de Macédoine traitta
avec lui de
la ville dArgos; & les conditions du traitté furent, que Nabis demeureroit
mnitre d'Argos, au cas que Philippe succomberoit dans la guerre contre les
la
Romains, & qu'au contraire il rendroit ville à Philippe, s'il réùflilToit dans
cette guerre.
ex iv. Les Argiens refusérent résolument d'introduire Nabis dans leur ville. Il
Avarice de sut introduit frauduleusement
Nabis. y par Philoclés un des Généraux de Philippe,
qui avoit été l'entremetteur du traitté, & étoit maitre de la place. Nabis s'y
gouverna en vrai Tyran, confisqua à ion profit les biens des principaux ci-
toïens, qui s'étoient retirez delà ville à l'on arrivée. Il extorqua tout l'or &
l'argent des bourgeois ; mit à la torture ceux qui étaient soupçonnez d'en avoir
1 caché, annulla tous les anciens contracte, & ordonna un nouveau partage
des terres avec une entiére égalité. Ces nouveautez irritérent les Argiens à
un point, que Nabis comprit qu'il ne pourroit conserver la ville LIns la pro-
tection des Romains. Il recourut à Flaminius, qui le reçut pour confédéré,
à condition qu'il fourniroit son contingent de troupes.
CXV. Polybe raconte de ce Tyran une chose, qui paraîtra incroyable. La
Figure arti- troisiéme année de son usurpation
du trône de Lacédémone, il fit faire une
ficielle de
la Reine si à
machine à ressort, stl11blable sa femme Apéga qu'on l'auroicprise
pour
même. Lorsque Nabis vouloit tirer de l'argent de quelqu'un, il l'exhortoit
elle-
Apéga.
PIJbb.i. i 3. d'abord à se rendre sensible
aux bésoins de l'Etat. S'il fè défendoit sur sonim-
puissance, le Roy lui disoit de s'approcher de la Reine; & à ce moment la
itatuë s'avançoit & saisissoit le malheureux Lacédémonien, & le perçoit par
des poignards cachez sous la robbe dela fdufle Apéga. Comme le Tyran
ne
mettoit point de bornes à son ambition, & que placé au centre de la Gréce,
il méditait de s'en rendre l'unique Souverain, les Romains résolurent de le
prévenir.
€X VI 11 étoit rentré dans la ville d'Argos,
Flaminius occasion; Flaminius on ne sait ni quand, ni à quelle
eut ordre dela reprendre sur lui; mais il ne le voulut
engage les faire qu'avec le consentement des Grecs.
Grecs dans Il les assembla àCorinthe, & la guerre
ia guerre fut décernée contre Nabis d'un consentement commun; les seuls Etoliens
cuntreNa- ayant témoigné ne pas approuver qu'on attaquât Nabis ; seuls ils refusérent de
bis. donner leur contingent. Tous les autres Grecs envoyérent leurs troupes.
Uv. 1. 32. L'armée
des Confédérez jointe à celle des Romains, forma un corps trés-
nombreux; on arriva prés d'Argos. Pythagore gendre & tout à la fois beau-
frere de Nabis, défendoit la ville avec une nombreuse garnison. Un jeune
Argien nommé Democles avoit conspiré de chasser d'Argos Pythagore & sa
garnison ; mais le complot ayant été découvert, Democlés fut mis à mort
avec ceux de ses complices qu'on put attraper; car plusieurs sedescendirelit
par des cordes à bas des murs.
ex VIL Quand l'armée fut au pied des murailles d'Argos,Flaminius délibéra avec
Flaminius les alliez s'ils devoient se fixer ausiége
marche de cette place, ou aller attaquer Nabis
contre Na- dans Lacédémone. Ce dernier parti fut pris à la pluralité des voix, & l'on
bis & La- marcha contre Lacédémone, aprés avoir fait le dégât dans toutes les cam-
cédcmcme. pagnes des environs d'Argos. Flaminius voulut pas entrer dans la Lnco-
K ne
nie,
nie que tous les alliez ne sussent rassemblez, & n'eurent fourni les provisions
,
de bouche qu'elles de voient fournir. 11 s'arrêta a Carye sur les confins de
l'Arcadie, où il reçut des renforts de toutes parts, "Dlênle de Philippe Ray
de Macédoine; Agesipolis légitime héritier de la couronne de Lacédémone,
qui avoit été chassé de sa patrie encore enfant par Licurgue prenrier Usurpa-
teur du Royaume & prédécesseur immédiate de Machanidas ; ce jeune Prince
accompagné d'un grand nombre de Lacédémoniens exilez de leur pays, se
rendit au camp duProconsul, dans l'esp.erance, un, de remonter sur le trône
de sesPeres, & les autres, de rentrer dans la jouïssance de leur patrie & de
leurs biens.
Nabis ne fut point abbattu à la veue de ces grands préparatifs. Il fit ve- ex v lit.
nir de Créte mille combattans, & en fit lever mille autres chez les peuples Préparant de Nabis
voisins. Avec ces renforts il se trouva à la tête d'une armée de dix mille hom-
milice de païsans, qu'il fit marcher de pour rést-
mes, qu'il augmenta encore par une odieuse soup-
ster aux
toutes les bourgades de ses Etats. La Tyrannie est toujours & Romains
çonneuse. Pour prévenir les révoltes & les désertions, il fit assembler ses trou- & aux
dans le lieu des exercices de la course. Tous eurent ordre de s'y rendre Grecs Con..
pes les fédérés.
sans armes. Une troupe de gens affidez vint en armes après les autres, &
enveloppèrent. Le Tyran fit entendre à l'assemblée, que dans la crainte de
quelque revolte, il avoit jugé à propos de s'afsûrer de la personne de quelques
personnes,qu'il voulait garder pour otages de la fidélité publique. En même
tems il fait arrêter & méner en prison quatre vint jeunes hommes de la prin-
cipale Noblesse, & la nuit suivante il les fit égorger. Quelques Ilotes, ou escla-
d'avoir
ves Lacédémoniens, que Nabis avoiMagranchis, étant soupçonnez
voulu déserter, il les fit flageller par toutes les rues, puis les mit à mort. Ces
exécutions rendirent le Tyran de plus en plus odieux; mais elles continrent
ses troupes dans l'obéïssance.
Flaminius prend les devans & arrive devant Lacédémone avec un dé- CXIX.
tachement de cavalerie & d'infanterie, & commence à former son camp. Flaminius
Tout à coup les troupes auxiliaires de Nabis font une sortie de la ville, vien- assiége La-
cédémone.
nent fondre sur les travailleurs & les mettent en désordre. Les Légions arri-
vent, donnent sur les aggresseurs, & les repoussent d ^ns Lacédémone. Dez
le lendemain le ProconsuI passa de l'autre côté de la ville, par où il vouloit
l'attaquer. 11 lui falloit défiler par un endroit serré, entre la riviére Eurotas
d'un côté,"& le mont de Menelaiis de l'autre. Nabis sortit de la ville à la
tête de ses troupes mercenaires, en qui il seconfioit le plus, & donna en queuë
sur l'arriére garde des Romains. Appius Claudius qui y commandait, fit
volte face & renversa ces troupes. LesAchéens qui étoient dans l'armée Ro-
maine leur coupèrent le retour & en firent un trés-grand carnage.
,
Cependant Quinâius frere du Proconsul étoit sur les côtes deLaconie, CXX.
avec une flotte de quarante vaisseaux de guerre, auxquels s'étoient jointes dix Qu né1iui
de
huit Galéres de Rhodes, & dix autres qu'Euménes Roy de Pergame com- frere Flaminius
mandoit. Il s'empara de plusieurs bourgades des Lacédémoniens, qui étoient prend Gy..
situées sur la mer; après quoy il fit le siége de Gythie, q?ifétoit une place thie.
forte, qu'on pouvoit considéier comme le port de Lacédémone. ^ Quirditis
fit débarquer tout sou monde & ses machines pour battre la place, & pous-
ser le siége avec vigueur. Le bélier fit bientôt tomber tour & une partie
une
du mur. On se disposa a monter a l'alLut, & on fit une seconde attaque à
une des portes de la ville. Dexoridas un des Commandans de la place, en-
voya demander a capituler; son collégue nommé Gorgopas le fit assassiner:
Quindius désespéroit de prendre Gythie, lorsque Flaminius son frere arriva
avec un corps de quatre mille hommes d'élite. Gorgopas déconcerté ca-
pitula & rendit Gythie.
exx1. La reddition de cette place accabla Nabis; il se vit obligé de demander
Nabis de-
mande la la paix a Flaminius. Il envoya au camp des Romains un Heraut demander
paix à Fla- une entreveuë avec le Général. Flaminius du consentement des alliez s'y ac-
minius. corda, & on se rendit dans une plaine semée par intervalle de petits coteaux.
Nabis parut sur l'un de ces coteaux, accompagné de quelqu'uns des liens,
& Flaminius avec les chefs des alliez sur l'autre. Nabis parla .le premier &
fit valoir l alliance qu'il avoit faite auparavant avec les Romains. Flaminius
soutint qu'on n'avoit jamais traité avec Nabis, mais avec Pélops fils de Lycur-
gue ; que Nabis détenant injustement la souveraine authorité dans Lacédé-
mone, il étoit juste que les Romains venus pour mettre la Gréce en liberté,
affranchissent aussi la ville de Lacédémone, une des plus illustres de la Gréce.
On exhorta Nabis à quitter la Tyrannie & à se faire justice à luy-même. Il
convint de céder Argos, d'en tirer sa garnison, & de rendre aux alliez leurs
transfuges. Il ajouta que si Flaminius avoit d'autres prétentions, il pouvoit
les donner par écrit, afin qu'il en délibére avec ses amis. Ainsi finit la
férence. con-
CXXÎl Les Confédérez vouloient qu'on asîiégeât Lacédémone, & qu'on détro-
Conditions nât Nabis. Flaminius souhaitoit ardemment
de paix de retourner à Rome, & de ter-
proposees miner les affaires de la Gréce, avant qu'on entrât en guerre avec Antiochus.
à Nabis. Il feignit de consentir à faire le siége de Sparte, mais il en fit connoître les
Liv,4 34' difficultez aux alliez. Tous les sentimens se réünirent enfin' à le rendre maitre
de cette grande affaire. Il donna donc aux Ambassadeurs de Nabis les articles
suivans, afin qu'ils les portassent à leur maitre. 10. Qu'il y auroit une trève
de six mois entre les Romains, leurs alliez & Nabis; 2°. que durant cet in-
tervalle on envoyeroit de part & d'autre au Sénat de Rome, des Députez
pour demander la ratification du traité; 30. que dans la quinzaine Nabis éva-
cueroit Argos, pour la rendre aux Romains ; 4°. qu'il restituéroit tous les
vaisseaux pris sur les villes des alliez, & ne pourroit équipper que deux Bri-
gantins de seize rames chacun; 50. qu'il rendroit aux alliez leurs transfuges
& leurs captifs; 60. qu'il remettroit aux exilez de Lacédémone tous leurs biens
& ceux de leurs femmes, qui voudroient suivre leurs maris. 70. Qu'on ren-
droit aux Lacédémoniens ceux de leurs soldats mercénaires, qui, se seroient
refugiez chez les Romains, ou chez leurs alliez. 8°. Que les Lacédémoniens
remettaient aux Romains toutes les places qu'ils avoient dans l'Isle de Crète,
& qu'ils n'entretiendroient aucune intelligence avec les Crétois, ni ne pour-
roient leur faire la guerre; °. qu'ils ne bâtiroient ni villes, ni chateaux dans
le pays d'autruy, & n'en ériger oient aucun dans leur propre pays; 10°. qu'ils
donne-
donneroient cinq otages de leur fidélité, & entr'autres ¡le fils de Nabis,
110. qu'ils payeraient comptant cent talens, & encore cinquante autres ta-
lens dans l'espace de huit ans à termes égaux.
Ces 'conditions furent rejettées & de Nabis & des Lacédémoniens. Ceux- CXXIll.
cy recommencèrent à tirer sur les Romains & à escarmoucher. Le cinquiéme Combat
entre les
jour ils firent une vigoureuse sortie, qu'on auroit pû faire passer pour une ba- Lacédémo-
taille rangée; les Lacédémoniens furent repoussez avec perte, &plusieurs niens &
soldats Romains entrèrent dans la ville, par les brèches & par les intervalles les Ro-
qui n'étoient pas encore bien fermez de murailles; car, comme on l'a déja mans.
remarqué, dans lescommencemens Lacédémone n'étoit point fermée de murs,
& dans la suite elle ne le fut pas parfaitement de tous côtez, parcequ'en plu-
lieurs endroits elle étoit défenduë par des rochers quienrendoient l'accès ttés-
difficile.
Flaminius ayant donc bien considéré la situation de la ville, résolutde CXXIV.
la faire attaquer de tous côtez à la fois; son armée étoit de cinquante mille Les Ro-
hommes, & elle suffisoit pour présenter l'escalade de toutes parts. Des sol- mains font
repoussez
dats les uns portoient des echelles, les autres du feu ou des fallots; les autres hors de
des inltrumens propres non seulement à attaquer, mais aussi à inspirer de la Lacédé-
fraïeur. Aprés qu'on eut poussé un grand cri, tout le monde marcha à Pas- mone.
saut en même tems. Nabis à ce spectacle demeura comme immobile & hors Liv.1.34. 4.
" de luy-méme, sans pouvoir donner aucun ordre. Cependant les Lacédémo- c. 38.
niens se défendirent avec beaucoup de courage. A la fin les Romains péné-
trérent dans la ville, & se rendirent maîtres des principales ruës. Pythagore
gendre & beau-frere du Tyran, voyantJajvjHe en la pui£fJnce des ennemis,
ordonna qu'on mit le feu aux maisons dans les quartiers où se trouvoient les
Romains. Le feu, la fumée, la chute des maisons & des toitures empêchè-
rent ceux ie dehors d'entrer dans la place, & forcérent ceux qui y étoient en-
trez , d'en sortir avec précipitation.
Nabis peu rassûré par la rétraite des Romains, & plus touché du danger cxxv.
qu'il avoit couru & auquel il pouvoit être de nouveau exposé dez le lende- Nabis de-
main, envoya son gendre Pythagore vers Flaminius, pour le prier humble- mande &
obtient la
ment de lui accorder les conditions de paix, qu'il avoit rejettées peu de jours paix.
auparavant. Le Proconsul reçut avec hauteur l'Ambassadeur de Nabis, & le
fit sortir de sa tente. Il revint néanmoins, se prosterna à ses pieds, & par
bien des priéres obtint enfin ce que Flaminius souhaittoit ardemment de lui
accorder. Il se contenta des articles proposez dans le premier traité; mais
il conclut que sur le champ on lui livrât les otages, & qu'on lui comptât l'ar-
gent qu'il avoit exigé. Déjà la liberté étoit renduë à Argos. Dez qu'on y
eut reçu la nouveile du siége de Lacédémone, les Argiens prirent les armes
& chassérent la garnison Lacédémonienne & Timocrates qui la comman-
doit.
Par là la liberté paroissoit rétablie dans toute la Gréce. Flaminius se CXXVI.
vovoit delivré de la crainte qu'un successeur ne vint lui en ravir la gloire ; Flaminius
son frere Quin&ius partit aussitôt avec sa flotte, pour en aller porter la nou- publie l'en-
tière liber-
velle à Rome. Dans les jeux Néméens qu'on célébroit prés la forêt Nemée, té d'Argos.
& qui
& qui avoient été differez à cause de la guerre, Flaminius fit publier l'afFran-
chisTement d'Argos, & reçut des applaudissemens & des louanges outrées
dela part des Grecs. Toutefois les exilez de Lacédémone, & en particulier
le Prince Agesipolis, ne purent dissimuler leur ressentiment. Lesfitoliens se
joignirent à eux, & publiérent partout que le Proconsul s'étoit entendu avec
Nabis, en laissant le Tyran au milieu du Péloponese maitre de Lacédémone,
& AgesipoIis & les fiens hors d'espérance de recouvrer jamais ce qui leur
app irténoit. Flaminius eut beau dire qu'il n'auroit pu perdre Nabis sans
ruïner Lacédémone, on reçut ses excuses avec froideur & avec indifférence.
CXXVll. Enfin il quitta la Grèce pour s'en retourner en Italie. Avant son départ
Flaminius les Grées lui rirent présent de douze esclaves Romains, qu'on avoit ra-
quitte la:
cens
GrécÇ;: &
maflsez de différens endroits, & qui étoient du nombre de ces prisonniersde
triomphe guerre qu'Annibal avoit faits en Italie, & qu'il avoit envoyez vendre en Gréce.
à ILonje. Flaminius les ramena comme en triomphe dans leur patrie. Il passa parl'Eu-
bée, & retira lagarnison Romaine de Chalcide ; il en usa de mêmeenvers Dé-
nlétriade ville de Thessalie; enfin il arriva à Orienne, aujourd'huy la Valione,
ville située sur les côtes de la mer Jonienne.où il trouva Appius Claudius, qui
y avoit amène l'armée Romaine. il y embarqua ses troupes, & vint aborder
à Brunduse. Delà jusqu'à Rome toute sa route fut comme un triomphe con-
tinuel. Il étoit précédé des esclaves Romains qu'il avoit tiréz de captivité. Il
étoit accompagné des chariots chargez des richesses, qu'il rapportoit à Rome
au trésor public, & suivi de ses Légions. Il n'entra dans Rome qu'après
qu'on lui eût accordé le triomphe, & le Sénat ordonna par disiil1c1iol1 que
la marche en dureroit trois jours.
€X XV111. On remarque que sous le Consulat de Porcius Caton, ceux de Smirne
Premiers érigèrent un temple à la ville de Rome. C'est le premier
temple-ç que l'on connoisse
érigez à la de construit cette
à superbe ville. Ceux d'Alabande suivirent leurs exemples
ville de quelque tems aprés, & instituérent des jeux à son honneur, comme en l'hon-
ROjTIC. neur d'uné Déesse. L'aveuglement des Grecs & leur basse & impie flatterie
Tacit. An- n'avoient plus ni régle ni bornes. Ils surpassoient même les Orientaux dans
nal 1. 4. la profanation qu'ils faisoient du nom deDieu, le donnant
Liv. 1. 43. en aux hommes &
aux créatures inférieures à l'homme.
CXXIX. Scipion l'Afripain & Sempronius Longus succédérent à Caton & à Va-
,
P. Scipion lerius dans le Consulat. Scipion s'étoit promis de passer en Gréce & en
l'A&fcaia, Espagne,
& Tiberius pour y pacifier toutes choses; Caton en Espagne , & Flaminius en
Sempro- Grèce, ne lui avoient rien
laissé à faire. Il demanda au moins d'aller faire la
nius Lon- guerre à Antiochus. Le Senat ne le jugea pas à propos, parceque ce Prince
gus, Con- ne s'étoit pas encore déclaré. Ainsi Jesdeux C onsuls furent obligez de demeu-
lu!s. An de Italie pour continuer la guerre contre les Gaulois. Valerius qui v,,,-
rer en
Rome s îg. noit de quitter le Consulat, alla se remettre à la tête de son armée, aussitost
du M.?810.
avant J.C. qu'il eût présidé aux Comices,
où les deux nouveaux Consuls furent élÚs.
13.9. Il alla chercher les Gaulois Boïens, leur livra la bataille & leur tua dix mille
JJv- L 34- hommes. Boïorix Roy de ces peuples sans s'effrayer de cette perte ras-
,
sembla une nombreuse armée & attendit l'ennemi dans son propre pays.
,
Le Consul Sempronius marcha contre lui, mais étonné de la multitude
des
des ennemis, il n'osa leur livrer la bataille. Il invita Scipion a le venir join- GXXX.
dre. Scipion ne lè hâta pas de partir, jugeant apparemment que le danger Le Confuî
ne demandoit pas sa présence. Boïorix craignant d'avoir sur les bras les deux nius
SemprO'
armées Conlulaires, après avoir mis ses gens en haleine par quelques efcar- che mar- ~~
mouches contre les Romains, attaqua leur camp de tous côtez & avec tou- iesGaulofe. contre
tes ses forces. La porte Questorienne fut forcée, le Questeur L, Posthumius Défaite des
fut tué, aussi bien que quelques Officiers & deux cens soldats. Sempronius fit Gaulois. '
marcher contre eux un corps de reserve qu'il avoit toujours auprès de sa per-
sonne, & qui les obligérent d'abandonner le camp. En même tems le Consul
commanda à ses deut Légions de sortir par les deux portes principales suries
Gaulois. Elles firent des efforts extraordinaires pour sortir & pour repousser
l'ennemi. Le carnage fut terrible aux portes; cependant comme les Gaulois
ne cédoient point, deux tribuns militaires comme de concert jettérent deux
enseignes au milieu des bataillons ennemis. L'honneur des Légions étoit
engagé à les retirer. Les Romains renouvelèrent leurs efforts, & repoussé-
rent les Gaulois. Cependant ils raillèrent jusqu'a midy, & jusqu'alors la
vidoire parut douteuse, mais la soiff la chaleur, la lassitude obligérent enfin
les Gaulois de se retirer vers leur camp. Le soldat Romain les y poursuivit,
& s'efforça de le forcer; mais les ennemis firent sur eux une sortie si brusque,
qu'ils les repoussérent à leur tour jusqu'à leur camp. Onze mille Gaulois de-
meurèrent sur la place, & seulement cinq mille Romains.
11 y a apparence que Scipion n'arriva qu'après la bataille. Boïorix retira
ses troupes dans les villes de ion obéïssance, & abandonna son pays aux ta-
vages des armées Consulaires. Telle fut-lajin de cette campagne.

LIVRE xxxiv.
LE Consulatde L. Cornelius Merula,& de Quintus Minufius Thermus peut t.
4
L
être coniidéré comme l'époque de la guerre d'Antiochus Roy de Syrie con- Cornes
Hus Mem"
tre les Romains.Ce Prince avoit formé le projet d'une domination im- la, & Q^_
mense, & personne dans le monde n'étoit alors plus en état de soxitenir ces Mint'tius
projets & de les exécuter. Les Romains seuls étoient capables de lui faire Thermus
obstacle. Dez le commencement de cette année il avoit envoyé à Rome trois Consuls.
Amb 3 deurs, dont la commission portoit seulement de demander pour leur An de R.
560. du M.
maitre l'amitig & l'alliance du peuple Romain. Dans toute autre circonstance ?8u.avant
Rome se seroit tenue honorée d'une pareille députation; mais n'ayant alors J.Ç. 18 9-
aucun ennemi sur les bras, maitresse en Italie, en Espagne , en Sicile, assu- A TUbami"
rée de la Gréce qu'elle venoit de'rétablir en liberté, de Philippe & des Car- deurs dtl
thaginois, qu'elle avoit forcés à demander la paix, elle parut indissérente à la Roy Antio-
chus à
démarche d'Antiochus. Le Sénat ne rendit point de répond à ses Ambassa- me. Ra-
deurs. Il les renvoya pardevant les dix Commissaîres qui avoient été Dépu- JJv. 1. 34.
tez en Grèce pour terminer la paix. avec Philippe, & on leur fit entendre que Syriac,
Appian.
Rome demandoit certains préliminaires de la part d'Antiochus, qu'il retirât
ses garnisons de certaines villes, qu'il en abbandonnât d'autres.
#
11.
Lorsque les Ambassadeurs parurent devant les dix Commissaires, qui
Conditions avoient Flaminius à leur tête, Menippe qui portoit la parole, témoigna ion
#

fous les- étonnement sur les délais qu'on affedoit à leur égard dans une choie ii simple
quelles les '& si aisée, puisqu'il n'étoit question
Ro mains que de lavoir si le peuple Romain vou-
offrent (le loit recevoir le Roy Antiochus dans son alliance. Flaminius répondit qu'il
faire alli- alloit4ui donner une reponse courte & précise; que le peuple Romain n'ad-
ance avec mettroit le Roy Antiochus dans son alliance qu'à deux conditions; la pre-
Antiochus. mière, qu'il se contiendroit dans les bornes de l'Aile, la sèconde;que s'ilpaf.
Litv.I. 1-34-
soit en Europe, les Romains protégeroient en Asie les villes Gréques, & y
contraderoient des alliances; ainsi ajoûta-t'il, il faut qu'Antiochus choisisse,
ou de ne pas mettre le pied en Europe, ou qu'il s'attende que les Romains
lui feront la guerre en Afie.
Les prétensions des Romains étoient outrées ; qu'elle autorité avoient-
ils pour empêcher Antiochus d'entrer en Europe, pour s'y remettre en pos-
session de l'héritage de ses Peres; & par quel droit auroient-ils affranchi les
villes & les Provinces d'Afie, qui appartenoient à Antiochus, de l'obéïssance
qu'elles devoient à leur Souverain légitime? Les Romains comme bien d'au-
tres conquérans, InesuroieFlt la jull:ice de leurs armes sur leurs forces & sur
l'ascendant qu'ils avoient pris sur leurs voisins. Ils sembloient vouloir se rè-
ferver à eux seuls le droit de faire des conquêtes en Europe, & aprés avoir
humilié l'Afrique, ils vouloient encore réduire PAsse sous leur domination.
L'événément fera voir que c'étoit-là leur véritable but.
111. Antiochus s'étoit bien attendu que les Romains lui formeroient des dif-
Annibal ficultez. Il se préparoit de longue main à la guerre contre eux. Annibal
porte An- qui étoit auprés de sa personne,necessoit de l'animer, & de lui inspirer Li li,iiiie
tiochus à
déclarer contre Rome. Il lui disoit que le seul moyen d'opprimer les Romains, étoit
la guerre, de porter la guerre en Italie qu'il se faisoit fort de 4es réduire, si on vouloit
,
aux Ro- lui donner une flotte de cent vaisseaux de guerre, & une armée de seize mille
mains. hon^mes de pied, & de mille chevaux; qu'avec sa flotte il iroit en Afrique, &
M.
3. 4. qu'il se flattoit de porter les Carthaginois à secouër le joug des Romains ; s'il
G.
Liv. U 34.. n'y réÜflilToit pas, qu'il iroit débarquer en quelque endroit de l'Italie, & y
Appian. allumeroit la guerre contre Rome. Antiochus entra aisément dans ces rui'ons,
Syriae. & résolut de se servir d'Annibal pour l'exécution de ce grand projet.
1V. Toutefois Annibal ne crut pas qu'il fût avantageux pour lui d'aller en
Arifton est: personne à Carthage. Il y envoya un marchand Tyrien noniiiié-Ariston, qui,
envoyé à étoit alors à Ephése. Ce marchand, comme Tyrien, savoit la langue Cartha-
Carthage ginoi[e. Annibal lui donna connoissance de ses amis & de cebx de son
parti,
far Anni- & sàns lui laisser rien par écrit, il l'instruisit assez, & lui donnaanczd? lignes,
pour se faire connoître & s'attirer la confiance de ceux avec qui il avoit a né-
gotier. Il agit, il parla, il découvrit le projet qu'avoit formé Antiochus, d'en-
voyer Annibal en Italie, pour y recommencer la guerre. La chose ne fut pas
conduite avec tant de seeret, qu'il n'en tra-nspirât quelque chose dans le pu-
blic. Le Senat même fut informé des intrigues d'Arilton. On le cita, il
comparut, & soûtint qu'il n'avoit été porteur d'aucune lettre d'Annibal; mais
comme il étoit notoire qu'il avoiteu de fréquentes conférences avec les par-
tif,.Lï
tirans d'Annibal, & qu'il ne put rendre de bonnes raisons de son voyage à
Carthage, quelques Senateurs vouloient qu'on l'emprisonnât comme espion.
Pendant qu'on délibére, il se passe quelques jours, & le Tyrien profite de
cet intervalle pour s'échapper.
Avant son départ il eut la malice d'afficher secretement au haut de la chaise v:

du Président de Carthage , ces mots; Arifion n'a pas eu ordre de négotier avec des Ariftoll sauye de
particuliers de Carthage, mais avec le Senat. Le peuple ayant veu cette affiche, Carthage.
soupçonna le Senat de connivence avec Annibal; ceux du parti de ce dernier Les Cartha-
auroient voulu qu'on se déclarât pour Antiochus. Les autres redoutant la ginois en-
puissance Romaine, furent d'avis d'envoyer à Rome une amb-assade, pour infor- voient
de*
plaindre de quelques usurpations Ambatfa-
mer le Senat de ce qui s'étoit passé, & pour se deurs à
qu'avoit faites le Roy Massinissa sur les terres de Carthage. Il avoit pris Leptines Rome.
& le canton des environs nommé Emportes, qui étoit d'une si grande consé-
quence pour les Carthaginois, qu'ils en tiroient par jour un talent de tribut. i

IVIalfinilfa avoit adroitement prévenu les AUlbassadeurs des Carthaginois , &


avoit envoyé les Députez pour fomenter les soupçons contre éux, au sujet
d'Antiochus, d'Annibal & d'Ariiton. 0
VI.
Le droit des Carthaginois sur les Empories etoit ^ incontestable. Malli- Difficulté
nina n'avoit aucun bon titre pour -s'en attribuer la propriété. Cependant le entre les
Senat Romain mécontent de l'évauon d'Ariston, & soupçonnant qu'il y avoit Carthagi-
&Ma'
de l'intelligence entre Carthage & Antiochus, nomma trois commiilaires nois
examiner la choie sur les lieux, & décider la difficulté. Scipion l 'A- smitTades
au
pour sujet
fricain fut envoyé avec deux autres; mais ils ne jugèrent pas à propos de Empories.
afinde_laisser entre Massinissa & Car-
prononcer sur ce différend, sans doute
thage une semence de guerre & de division. Vil.
En Espagne Cornélius Scipion Nauca, connu dans Thistoire comme le Viftoirede
plus homme &debien qui fut dans la République, livra une bataille auxLtl- Scipion
iitaniens proche d'Ilipa, & aprés une vigoureuse résistance de leur part, quoi- Nasica sur
qu'ils su lient fatiguez d'une longue marche, Nasica remporta la victoire. Au les Lufita-
niens.
fort du combat, & dans un tems où la victoire étoit encore douteuse, il fit voeu Liv.1.2 4"
de célébrer de grands jeux en l'honneur de Jupiter.' La superstition.des Ro-
mains leur augmenta le courage. Ils fondirent sur Pennemi avec une ardeur
nouvelle, les firent plier, leur tuèrent douze mille hommes, leur prirent cent
trente quatre étendards, & firent cinq cens quarante cavaliers prisonniers de
du butin,
guerre. Le fruit de sa vidoire fut la prise d'Ilipa & la restitution
que les gens avoient pris appartenant aux bourgeois de cette ville.
VUh
M. Fulvius qui lui succéda dans la charge dePréteur , remporta aussi Victoire
une vidoire célébré sur trois nations Espagnoles réünies, les Vaccéens, les de Fulvius
Valons& les Celtibériens. Leur armée fut mile en déroute,&Hilennusun de inr plu-
leurs Roys fut fait prisonnier. Itenrs peu-
En Italie les deux Çonsuls Merula & Thermus firent la guerre avec suc- ples tfpa-
gnols»
cesaux Gaulois, qui malgré leurs pertes précédentes, avoient repris les ar-
mes , & pilloient les campagnes qui obéïssoient aux
Romains. Thermus mare
cha versPife, & sa présence en fit retirer les Liguriens; mais il n'osa hazar-
der contre eux un combat avec des troupes Romaines nouvellement levées &
sans expérience dans la guerre ; il crut que c'étoit allez faire que d'arrêter
leurs progrés.
IX. Merula son Collégue
te Con- il perdit cinq mille soldats, battit les Gaulois, mais sa victoire lui coûta cher;
tant Legionaires qu'alliez; vingt trois Centurions,
suI Merula
de les quatre Commandans des troupes auxiliaires, & deux Tribuns de la seconde
Gaulois. Il Légion. Jamais les Gaulois n'avoient rait une plus belle résistance. 11 n'y
ne peut eut que l'accablement de la lassitude & de la chaleur qui les fit succomber.
obtenir le Quatorze
triomphe. mille demeurèrent sur la place. On leur prit douze cens prison-
niers, & on enveloppa sept cens vingt-un de leurs cavaliers, avec trois de leurs
Généraux. On leur enleva deux cens douze drapeaux, & soixante trois
chars, ou caissons a la Gauloise, & remplies de bagages. Une viétoire si
considérable
^
ne fut pas récompensée de l'honneur du triomphe; Marcellusun
des Lieutenans-Générauxdu Consul, & qui avoit été autrefois Consul, écrivit
au Sénat que Merula avoit manqué de donner à tems le secours nécessaire aux
Gardes de l'autre Lieutenant-Général, nommé Sempronius Merula, & qu'il
avoit trop différé de faire agk la cavalerie Légionaire. Ces deux Chefs d'ac-
cusation furent cause qu'on ne lui accorda pas le triomphe.
X: Mais il présida à l'élection des Consuls, qui furent L. Quindius Flami-
I:.Quinét19
Flaminius nius, frere du fameux Flaminius vainqueur de Philippe, & Cneïus Domitius
& Cneïus Ænobarbus. Ils avoient eu pour concurrens Scipion Nasica,appi:vé du cré-
Domitius dit du grand Scipion l'Africain son cousin germain, & C. LœIius ami du même
iEnobar- Scipion, qui toutefois dans cette occasioneut le déplaH.iJde leur
bus Con- voir préférer
iu!s. An de ceux dont nous venons de parler, quoiqu'inferieurs en mérité; mais rien n'est
Rome 561. plus ordinaire dans les Etats Républicains, que ces sortes d'événémens. Sou-
du Monde vent le mérite même supérieur estun obstacle aux honneurs & aux dignitez,
£812.avant qui dépendent du choix des peuples.
J.C.I88. A peine les deux Consuls étoient élûs, qu'on apprit la défaite des Li-
Liv.1. 3 ç.
.xl. guriens par Thermus. Nous avons veu ce Consul enfermé dans son camp de-
Le Pro-
confui
la
vant Pise, sans oser hazarder bataille. L'armée Ligurienne l'attaqua jusque
dans son camp. Thernius ne s'y défendit qu'avec peine, & fut obligé d'en
Tbermus sortir. Comme il conduisoit
est tiré du
sa Légion à travers un bois, les ennemis le cou-
slaligerpar pèrent, &se rendirent maitres d'une gorge qui lui fermoit le passage. L'ar-
la cavalerie mée delhermus ile pouvant donc ni avancer ni reculer, le souvenir des four-
.
:Numide.
LifJ.1.3j
ches Caudines répandit la fraïeur dans le cœur des soldats. A
«Commandant des cavaliers Numides qui étoient
ce moment Je
au nombre de 800. vint pro-
poier a Thermus un expédient pour le tirer d'embarras; ce fut de faire pas-
sèrces cavaliers à travers les ennemis, & ensuite d'aller brûler les villages voi-
sins. Ala veuê de l'incendie les Liguriens accoururent
pour éteindre les flam-
mes, & laissérent le passage libre aux Romains. Thermus loiia le Comman-
dant, & l'exhorta à exécuter son projet.
ziv.1.3ï; Les Numides vont caracoller autour des Liguriens sans combattre, ni
meme lancer leurs javelots..C'étoit une espèce de jeu & de plaisanterie, que
les mouvemens qu'ils faisoient. Les cavaLers Numides en général n'ont rien
que.de. megruabicen apparence, L'homme petit, maigre & mince, le cavalier
sans
sans armes & sans baudrier, portant seulement quelques javelots. Leurs che-
ni grands, courent d'une sa.
vaux il ont point de brides, ne sont ni beaux, l'air.
agréable à voir, le coû roide, la tête en Dans cette CÍrconstance
çon peu
les Numides augmentoient encore exprés cette mauvaise grace des hommes &
des chevaux, tomboient de cheval, & fournissoient aux Liguriens un specta-
cle fort amusant; en sorte que la plupart quittérent leurs rangs & leurs armes,
& s'assirent sur l'herbe pour jouïr de ce spedacle. Cependant les Numides
ayant bien remarque l'endroit le plus mal garde du débouché, pouflfeient leurs
chevaux avec tant de promptitude, qu'ils passérent à travers les bataillonsLi-
guriens, & se jettérent dans la plaine.
En même tems ils se répandirent dans les bourgades & mirent le feu par
tout. Bientôt la fumée & la flamme annoncérent aux Liguriens l'embrasement
de leurs campagnes & de leurs maisons. Tous quittèrent leurtpÓsies & ac-
coururent à la défense deleurs biens. L'armée Romaine saisit- le moment pour
sortir du bois; elle reçutquelque tems aprés un renfort de quatre mille hom-
mes de pied,& de cent cinquante chevaux venus
de Rome, avec cinq mille
fantasims, & deux cens cinquante cavaliers venus du pays Latin. Avec ces
troupes Tlierniu!riè trouva en état ç1e défier les ennemis, & de leur livrer bataille.
Il leur tua neuf mille hommes, mit leur armée en fuite" assiégea leur camp,
les obligea d'en sortir pendant la nuit. Xltô
On a pu remarquer cy-devant, que les Etoliens avoient téu).oigné en plus
Les Eto- f
d'une occasion leur mécontentement contre les Romains. Dépuis le départ liens folli-
de Flaminius leur aigreur s'étoit encore augmentée, & enfin dans une Diette citent Na-
générale.qu'ils tinrent à Naupade.Thoas Chef-ekjem- nation fit passer sa haine bis, Philip-
contre les Romains d3ns les cœurs de toute l'assemblee, & il yfutrésolu d'en- pe & An-
des Députez chez tous les Princes qui étoient mécontens des Romains, tiochus
voyer Roy contre les-
pour les exciter à la guerre. Nabis Roy deLacédémone, Antiochus de Romains.
Syrie, Philippe Roy de Macédoine furent ceux à qui ils députerent leurs emis- Liv.l. '
saires. Democrite partit pour Lacédémone, remontra à Nabis qu'il n'étoit C, 12. I
plus Roy que de nom, privé de lés ports, & réduit dans sa seule ville de La-
cédémone. Dicéarque fit entendre à Antiochus, que sans les Etoliens les'
Romains n'auroient jamais vaincu Philippe Roy de Macédoine, qu'ils lui of-
froient tout ce qu'ils avoient de meilleurs soldats, qu'ils étoient tous prêts de'
prendre les armes; que Nabis & Philippe s'étoient déja déclarez. Ce der-
nier fait étoit faux; mais il leur importoit extrêmement qu'Antiochus entrât
dans leur dessein. Nicandre eut ordre de faire sentir à Philippe la différence
de l'état d'humiliation & de dépendance où il se trouvoit réduit par les Ro-
mains, de celui où il s'étoit vû, &où il pouvoit rentrer s'il vouloit se joindre
à Antiochus, à Nabis & à eux.
.Antiochus & Philippe ne voulurent rien précipiter; mais Nabis ne tarda Kal>isHoyf Xitli.
soûléven1ens dans de Lacédé--
pas à entrer en action. Il fit ce qu'il put pour exciter des
les villes maritimes, où les Achéens entretenoient des garnilons, & s'efforça mons ta-
de les en châtier. Il assiégea même Gythie que Flaminius avoit prise sur lui, de'clarr,-
il fit les essors pour engager dans son complot les principaux de Lacédémo- Romai&s»- contre lbsr>
ne. & fit périr ceux qui refuierent de se conformer à-ses volontez.
xiv. Home informée de tous ces mouvemens, & prévoyant la guerre, qui ak
Amballade loit s'allumer de toutes parts dans la Gréce & dansl'Afie,
des Ro- envoya des Ambai-
mains vers fadeurs à
Antiochus, qui furent P. Sulpicius, P.-'Villius&P.ÂE(ius, auxquels se
le Roy An- joignit Scipion l'Africain, mais sans commission, & uniquement pour voyager.
-tiochus. Ces trois Ambassadeurs eurent ordre de parcourir les côtes de l'Alie & de la Gré-
ce, & de visiter les Roys &les Républiques, qui paroissoientpeu fermes dans
le parti Romain.
XV. Cependant le Roy Antiochus passa l'hyver à Raphia ville de Phénicie,
Antiochus ou de Palestine, & donna sa fille Cleopatre en mariage à Ptolémée Epiphane
se fortifie
Roy d'Egypte. La dot de la Princesse fut la Phénicie, la Célé-Syrie, la Judée, la
contre les
Romains Samarie, Provinces qu'Antiochus avoit peu d'années auparavant enlevées à
par <.les' Ptolémée. lljes lui rendit, mais à condition que le revenu seroit partagé par
alliances. moitié entre le beau-pere & le gendre. Son premier dessein étoit d'engager
Liv. Liï. Ptolémée à demeurer neutre dans la
Appian. guerre qu'il alloit faire aux Romains, & de
Syriac. porter sa fille à lui aider à depouïller le Roy d'Egypte, & à se mettre en pof-
p. 88. o- session de tous ses Etats ; mais la Princesse préféra ce qu'elle devoit à son Epoux,
seph. An* aux desseins ambitieux de son Pere, & les Officiers du Roy Ptolémée le dé-
tiq. L 12. fiants d'Antiochus, se mirent
ffero- en garde contre ses surprises.
C. ?.
tfor- Antiochus aprés avoir célébré les noces de sa fille, retourna a Antioche,
nym.
tian. XL où tout occupé de la guerre qu'il vouloit faire aux Romains, il songea à se
XVI. fortifier contr'eux par de puissantes alliances, mariant ses filles aux Roys d'O-
Euménes rient les plus capables de le soûtenir. L'aînée fut'donnèe Roy d'Egypte,
Roy de au
Pergame comme nous
l'avons dit; la seconde nommée Antiochide fut envoyée en
refuse d'é- Cappadoce.où elle épousa AriaratheRoy de ce pays; la troisiéme fut destinée
p ou fer la i't Euménes Roy de Pergame; mais ce Prince prévoyant l'orage qui devoit fon-
fille duRoy dra sur le Roy de Syrie, ne jugea pas à propcs d'accepter l'offre que lui fai-
Antiochus. soit Antiochus. Il préféra l'alliance des Romains à celle du Roy Antiochus.
T'ide Polyb.
Legation. Bientôt aprés les Ambassadeurs Romains, accompagnez de Scipion l'A-
2 5. Liv. fricain, abordérent àElée dans le Royaume de Pergame, & trouvèrent le Roy
/. 7 Ap- Euménes très-attaché à la République, & déterminé à prendre pour elle les armes
pian. Sy- contre Antiochus. Celui-ci étoit parti d'An60che,& avoit envoyé Antiochus
rïac.p, 88.
89.
l'un de ses fils dans la partie supérieure de ses Etats, pour la régir& la garan-
XV1/. tir des irruptions des ennemis plus éloignez, pendant qu'il seroit occupé dans
Arrivée l'Asie mineure à réduire à son obéïssance les Provinces, qui ne le réconnois-
des Arrt- soient point pour maître. Il entra dans la Pamphilie, réduisit la Pifldie, &
baliadeurs est autour de Selga, ville située sur les bords du Cœstius. Delà
Romains tout le pays qui
flans le il se devoit rendre à Ephése, où Annibal l'attendoit.
Royaume Les Ambassadeurs Romains avoient ordre d'aller à Ephése, en apparence
•de l'erga- »
pour s'aquitter de leur ambassade envers Antiochus, & en effet pour voir ses
me.
XVIU.
préparatifs, & pour détacher de son parti lefameux Annibal, ou du moins pour
Les Ambas- le lui rendre
suspeét par leurs assiduitez & par leurs visites. Le Legat Sulpitius
sade; u r s demeura malade auprès d'Euménes à Pergame. Scipion l'Africain & Villius
Romains allérent à Ephése. Antiochus n'y étoit pas encore arrivé. JI étoit occupé à
"viiitcnt la guerre de Pisidie. Scipion fit quelques reproches à Annibal de sl sortie de
An":baL
ylA un.
Canhage; qu'il à
n'avoit rien y craindre, que les Romains l'y auroient défendu
contre
contre Ces ennemis; que le? ihimitiés doivent finir avec la guerre; que Rome Syriac. tsts-
aprés l'avoir regardé avec fraïeur, le considéroit avec estime & avec admira- flm. Lîi.
tion. Annibal ne fut pas insensible à ce discours. 11 traita toujours très- Liv.l.; f.
gratieusement avec Scipion ; il sortoit souvent avec lui en public.
On raconte qu'un jour ces deux grands hommes étant allé au Gymnase XiX.
pour se proméner, grand nombre d'Ephésiens s'assémblèrent pour les voir, de Scipion
Entretien
& pour les entendre. Scipion fit tomber l'entretien sur le merite des grands ,& d'Anni-
Capitaines, & demanda à Annibal à qui d'entr'eux .il donnoit la préférence. bat
Sans balancer le Carthaginois donna la préférence à Alexandre le Grand; & Liv.l. 3?'
qui mettez vous ail sécond rang? reprit Scipion; c'est Pyrrhus. IlJçut mieux que per.;. Plut. in
Q: Flami-
sonne l'art de prendre [es avantages dans un campement; & quand il fut queflion de ran- nio.Apnianr
ger line armée en bataille, sa bardiele & fin intrépidité le mirent au dejjus de tous
les
Syriac.
Généraux. Scipion ajouta: Qui placez-vous aprés ces deux grands hommes? moy.méme, p. 91.92.-
reprit-il. Alors Scipion soûriant lui dit; & en quel rang vous mettriez-votts, si
vous m'aviez vaincu? au dejjus d'Alexandre, repartit Annibal. Ce' trait surprit
tous les aiftstans, & on admira l'esprit & la délicate flatterie d'Annibal, qui
sans se dégrader, avoit sçu mettre Scipion au dessus de tous les Généraux,
& se placer luy-même en. quelque manière audessus d'Alexandre, Dez-lors
Scipion & Villius n'eurent plus d'autre logement que la maison d'Annibal, &
leur familiarité devint suspe&e à Antiochus, qui. se figura qu'Annibal s'étoit
reconcilié avec les Romains.
Villius & les autres Ambassadeurs se rendirent d'Ephése à Apamée en Pi:". Conséren- XX.
sidie, pour y attendre Antiochus. Le Roy s'y rendit, & entra en conférence des Am-
ce
avec les Légats. Elle roula sur les mêmes points queNcelle qu avoient euë à Rome baladeurs.
les A m b a Hadeu rs d'A n tio ch us avecFlaminius. La nouvelle que le Roy y reçut Rom:ûins.
de la mortdu Prince Antiochus son fils, qu'il avoit envoyé en Syrie, interrOlU- ayecleRoy
Antiochus.
pit les conférences. Les Légats Romains se retirèrent à Pergameauprésdu Roy Mort d»
Euménes, & Antiochus se rendit à Ephése; il s'y enferma dans son palais , jeune An-
sans parler à personne, pas même à Annibal, qui s'apperçut aisément des foup- tiochus fils
çons & du refroidissement duRoy à son égard. Minion confident du Roy fut du Roy de
le seul qui demeura avec lui. Antiochus fit revenir à Ephése les Ambassadeurs Syrie. -

Romains, & les pria d'entrer en conférence avec Million; ledeuïl dont il étoit JJv. I 1 ï*
c. i f .
accablé, ne lui permettant pas de se mêler d'affaires.
Minion soûtint que l'affranchissement des villes Gréques, & l'obŒacle XXI
que les Romains mettoient à ce qu'Antiochus se remit en possession de l'héri- Conféren-
tage de sesPeres, n'étoit qu'un prétexte de leur part, pour l'affaiblir, ou nion ce de Mi-
Romains plus avec
pour avoir occasion de lui faire la guerre ; que les n'avoient pas Tes Ambas-
de droit à tant de villes Gréques qu'ils possédoient en Italie,, comme Rhége, sadeursRo-
Naples, Tarente, & à la Sicile entière, qu'Antiochus en avoit sur les villes & matnsv
les pays dont on vouloit qu'il se dépouillât, ou dont on vouloit l'empêcher de L 'm. 1.3 î .
faire la conquête. Si les Romains veulent véritablement accorder la liberté
aux villes Gréques, que ne commencent-ils par celles dont ils sont en pof-
session? Sulpitius l'un des Ambassadeurs répondit, que la différence qu'il y
avoit entre les villes Gréques que les Romains possédoient en Italie ou en Si-
cil cile$.cantiitolt en ce que depuis la conquête qu'ils, en avaient faite, ils les avoient
posé-
pofledécs sans interruption, au lieu que la pofIéssiol1 des villes d'Asie parles
Roys de Syrie, avoit été interrompue, & que ces villes étoient passées en d'au-
tres mains.
XXJl. Ces raisons ne décidoient pas le foncf du droit. Si les villes '& les pays
Anttochus que Antiochus revendiquoit, lui appartenoient légitimement, l'usurpation
relâche aux qu'on
Romains en avoit faite sur lui, n'autorisoit pas les détenteurs à les retenir, ni
Rhodes, les Romains à les maintenir dans leur usurpation. Cependant Antiochus vou-
Bizance & lut bien relâcher l'Islede Rhodes, Bizance& Cizyque & laisser ces trois villes
,
Cizyque. dans la confédération des Romains. Les Ambassadeurs ne s'en contentérent
Appian.
Syriac. pas. Ils voulurent que rjonie, & l'Eolide jouïssent de la franchise, de même
que tout le reste de la Grèce. On se sépara sans rien conclure, & jes Ambas-
sadeurs se retirèrent en Italie. Smyrne & Lampsaque envoyérent ensuite leurs
Députez à Minion, pour demander leur affranchissement. ' Euménes Roy de
Pergame les avoit initruit à insister opiniâtrement sur leur demande. IVÎinioii
renvoya leurs Députez mécontens. Tout annonçoit la guerre prochaine.
XXlIl. Antiochus ne s'étoit pas encore déclaré ouvertement. Il voulut lavoir
Grand le sentiment des principaux Officiers de son armée, & assembla un grand
Conseil exclu. Le Roy leur pro-
<j'Ant!o- Con'seil où ils furent invitez. Annibal seul en fut
chus sur le posa s'il étoit expédient de faire la guerre aux Romains. Tous parlérent sui-
fait de la vant l'inclination du Roy, qu'on savoit bien désirer la guerre. Ainsi la guerre
guerre fut résoluë, Annibal dans un entretien particulier,qu'il n'obtint qu'avec peine,
qa'il vou- détrompa le Roy sur les fausses impressions qu'il avoit prises
loit faire contre lui. Il lui
aux Ro- raconta le serment qu'il avoit fait à Page de neuf ans, d'être l'ennemi irrécon-
mains. ciliable des Romains, ce qu'il avoit fait contr'eux, qu'il n'avoit quitté Car-
thage que pour leur faire li guerre, que s'il le quittoit, ce seroit pour aller
chercher la guerre ailleurs contre une République qu'il haïssoit, & dont il étoit
souverainement haï. Antiochus rabattit beaucoup de ses soupçons, lorsqu'il
eût entendu Annibal ; mais non pas jusqu'au point de prendre en lui une en-
tière confiance. Annibal eut beau lui dire que les Romains étoient invincibles
hors de l'Italie ; qu'il falloit les vaincre dans leur propre pays. Les courtisans
avaientpris le dessus, & l'Africain ne fut pas écouté.
XX1J'. Quoique la guerre ne fut pas encore déclarée de la part duRoy de Sy-
Préparatifs
des Ro- rie, Rome ne lailla de prendre ses précautions. Bibius Tamphilus Préteur fut
mains con- destiné à couvrir l'Italie Orientale vers le pays
des Bruttiens. Attilius Serranus
tre Antio- autre Préteur fut fait Amiral d'une flotte destinée à mettre à couvert les côtes
chus. de la Créce, des entreprises du Tyran Nabis. On envoya à Valerius Préteur
Liv. 1. 3 de Sicile trente vaisseaux pour ladéfensedefon Isle, avec ordre de lever douze
mille hommes de piéd, & cinq cens cavaliers pour défendre les côtes de Sicile,
au cas qu-'Antiochus se présentât pour les attaquer. Le Senat fit partir FlanlÎ-
nius pour la Grèce, avec trois Députez, afin de réconnoître l'état des choses
en ce pays, & pour s'opposer autant que les circonstances le demanderoient,
aux entreprises du Roy Nabis.
XXV. Ce Prince, comme on l'a veu, assiégeoit Gythie, & faisoit la guerre aux
Les Aché- Achéens, ravageant leurs terres & pillant leurs campagnes. Les Achéens invitè-
ens se de- à Sicyonne, pour demander
terminent rent Flaminius à une Diette qu'ils assemblérent
son
son conseiL II fut d'avis d'attendre l'arrivée de la flotte Romaine, que le à faire la
Préteur Attilius devoit amener sur leurs côtes. Philopœmen, qui présidoit à guerre aux
la diette, sans se déclarer ouvertement pour la guerre, dit que c'étoit àl'af- Plut. in
Achéens.
fembfée à prendre son parti, & àluy d'exécuter ce qui seroit arrêté. Il n'en PhilOpte,".
fallut pas davantage pour déterminer les Achéens a la guerre. Ils prirent Liv. 1. 3 f.
les armes, & Philopœmen se chargea de la conduite de l armee.
Philopœmen, dont on vient de parler, étoit né à Mégalopolis en Ar- XXVI.
cadie, de la dépendance des Achéens. Il eut pour maître dans la Philosophie Qui étoit
Demophanes, qui étoient célèbres, & dans la science Philopœ-
Académique Ecdemus &
maniment des grandes affaires. Quelqu'uns men Géné.
de la Philosophie, & daus le ral des A-
ont cru qu'il étoit mal fait & de mauvaise mine, parce qu'étant un jourmaî- allé chéens.
à Mégare, où il étoit attendu comme Chef & Préteur des Achéens, la Plutarcb.
tresse du logis qui le vit arriver aisez mal vêtu, le prit pour un de ses gens in Pbilop te-
où elle était rne*.
ou de ses avant-coureurs, &luy dit, de luy aider dans l'embarras,
à préparera manger à Philopœmen. Celuy-cy quitte son habit, & commence
à fendre du bois. Sur ces entrefaites entre le maître du logis, & lui dit; Que
faites, vous donc là Philopœmen ? Je porte, luy repondit-il, la peine de ma
mauvaise mine. On dit aussi que Flaminius raillant sa figure luy disoit
,
en riant ; vous avez de belles mains & de bonnes jambes ; mais vous n'avez
point de ventre,ce qu'on entendde sa taille,qui étoit trop déliée& tropgrêle; mais
Plutarque soûtient qu'il étoit bel homme, &il le prouve par la statuë qui se
voyoit à Delphes ; & quant à ce que luy reprochoit Flaminius , il prétend
qu'il ne vouloit dire autre chose.si non que ce Général avoitde bonnes trou-
pes de pié& de cheval, mais que souvent il manquait; d'argent, ce qu'il expri-
moit en disant qu'il n'avoit poiqt de ventre.
Quoiqu'il en soit de sa figure extérieure, on convient que pour la valeur, XXVJI.
la conduite, la frugalité, l'habileté & l'experience dans les armes, la pro- -Caraétére
était
à
bité, la droiture, il ne cédait aucun Capitaine de son tems; d'où vient qu'on de
Grecs personne l'égaloit dans l'art
corps &:
d'esprit de
a ditde lui,qu'il le dernier des ; ne Phil opoe-
que les Grecs appellent Tactique, qui consiste à bien ranger une Armée en ba-
men.
taille à saisir les postes avantageux, ordonner les
à évolutions en son tems &
,
à propos, à faire une attaque & une retraite dans les régies, à fabriquer des
machines de Guerre, & à les employer utilement. Ce grand homme avoit
réformé la milice Achéenne, en changeant la forme des armes offensives &
défensives des soldats de son pays, & en instruisant ses soldats à combattre
avec méthode de pied fernre. Sa cavalerie surtou^^f(Toit pour invincible,
par les mouvemens ausquels il l'avoit accoutumée; enfin dans un très-grand
nombre d'aétions, ausquelles il s'étoit trouvé , il avoit toujours rempli le devoir
d'un grand Capitaine & d'un bon soldat, & avoit assuré la vidoire à son
parti.
Dans le paralléle que Plutarque a fait de Philopœmen &deQuintus Fla- Plutarch.
minius il donne en plusieurs points la préférence au premier, & il faut avouer in (X
,
qu'il paroissoit dans le Grec plus de capacité & de genie pour la guerre & Flaminio
, pag. 3 s-t- g
qu'il ne devoit sa victoire qu'à luy-olême; Flaminius avoit trouvé des soldats
tout formez & accoûtumez à vaincre; Philopœmen avoit formé les tiens,&
leur avoit montré l'art de combattre de camper, de marcher de se servir
, ,
de leurs armes. La seule choie qu'on peut condamner dans Philopœmen ,
c'est son humeur emportée, brusque, impetueuse, qui le rendoit moins pro-
pre pour la societé , & pour la vie civile, & pour manier les esprits.
xxvm Tel étoit Philopœmen, qui entreprit de faire la guerre à Nabis Roy de
Philopœ- Lacédémone, qui afliegeoit Gythie. Il auroitfortsouhaité de
pouvoir atten-
mern mar- dre la flotte Romaine, qui auroit attaqué Nabis
che au se- par mer.tandis qu'il l'aurùit
cours de combattu par terre, mais il craignoit que-Nabis ne se rendit maître de Gy-
Gythie. thie, & ne fit paffer au fil de Pépée la garnison Achéenne qui y étoit. 11 p'.t:
Plutarch. donc la résolution de former flotte pour agir contre celle des Lacéde-
in Philo- une
pœm. Liv.
moniens, qui n'était pas forte, mais qui l'était allez pour éloigner lescon-
1, 35. vois qu'on auroit voulu faire entrer dans Gythie. Philopœmen se luuvint
qu'il y avoit au port de Corinthe un vieux vaisseau célébre autrefois,.qui ne
servoit plus depuis quarante ans, & qu'on avoit pris quatre-vingt ans i:Up:!-,
ravant , lorsqu'il transporto.it Nicée femme de Craterus. Il le ht rodoiiinr, &
le mit à la tête des Galères Achéennes. Le combat s'étant donne pics de
Gythie, un des meilleurs vaissèaux de Nabis vint lrapper celuy dont on vi-nt
de parler,qui fut incontinent fracassè. Tous ceux qui le montaient fuient
obligez de le rendre, &• le reste de la flotte Achéenneiedissipa. Philopœmen
luy-même prit la fuite ,& se sauva au port de Patras en Achaïe.
XXIX Nabis ne craignant plus qu'on vint secourir Gythie, changea le fie'ge
Philopœ- blocus, & ne lai ssa autour de la place que le tiers de son armée, fuifint
men met
en
le seu au camper le reste de ses troupes aux endroits par où l'on pouvoit plus aife-
camp de ment empêcher qu'on ne portât du secours à la ville. Il occupa sui tont
Nabis. un poste nommé Pleïes fort proche de la mer. La plupart de ses soldats
manquant de tentes, se firent des baraques couvertes de joncs. Phi!opœ-
men ramassa quelques barques qu'il chargea d'Achéens armez de traits & de
frondes, pour lancer des matières embraiées ; Ces barques avancent par eau
jusqu'à la hauteur de Pleïes, tandis que Philopœmen vient par terre au camp
des ennemis au fort de la nuit. Il les trouve endormis; & lorsqueles bran-
dons lancez de dessus les barques eurent mis le feu à leurs tentes, il tomba
sur eux & en fit un trés-grand carnage. 11 n'en échapa qu'un petit nombre,
qui se sauva au camp de devant Gythie. Delà Philopœmen fit le dégat
dans la Laconie , & se retira avant que Nabis pût le poursuivre.
XXX. Cépendant Gythie étoit extrêmement pressée; Les Achéens joints aux
Prise de Gy-
thie par Acarnaniens résolurenfc^fe faire diverlion, & d'attirer Nabis au secours de
INabis. Lacédémone, en faisant mine de l'assieger. Le jour même que l'armée Achéenne
parut devant Lacédémone , Gythie se rendit. En même tems Nabis apprit
la marche de Philopœmen, & se hâta de l'aller attaquer, pendant qu'il étoit
encore en marche- Il arriva à cinq cens pas de luy sur le soir. Le lende-
1 main matin il luy livra bataille. Philopœmen avoit fait embusquer dans un
vallon autant de ses meilleures troupes qu'il avoit pu. Sa cavalerie avoit
ordre de céder, & de mener en reculant l'ennemi jusqu'au lieu où étoit l'em-
1 buscade. Le stratagéme réunit, & les Lacédémoniens furent battus.
Nabis craignant qu'on ne luy coupât le passage pour rentrer dans La-
cédémone
cédémones'y rendit en diligencé avec une partie de ses troupes, bissant le XXXI.
Nabis&Py-
reste sous la conduite de Pythagore son gendre, avec ordre de regagner thagore
son camp. Pendant que Pythagore est en marche pour y arriver, Philopœ- sont con-
men l'attaque, & l'oblige de prendre la même route que Nabis, & de se re- traints de
tirer à-Lacédémone, abandonnant son camp aux Achéens. Ceux - cy donnè- se jetter *
Lacé-
rent sur l'arriére-garde de Pythagore, lui tuèrent bien du monde , & mirent dans délllone.
le reste en fuite. Les fuyards gagnérent les bois, attendant la, nuit pour se
jetter dans Lacédémone. Philopœmen fit cacher de ses gens sur les avenuës
de la ville, & lorsque les fuyards sortirentdu bois pour rentrer dans la ville,
ils furent arrêtez & taillez en piéces par les Achéens. Cette journée fit
beaucoup d'honneur à Philopœmen, & il seroit mal aile de trouver plus de
conduite & de présence d'esprit, qu'il n'en montra dans cette affaire.
Comme l'occasion ne se présentera peut-être plus de parler de grand hom- XXXIJ"
icy de quelle maniére il Dinocrate Meffénien Mort ' de
me, nous raconterons mourut. Philopœ-
vouloit s'emparer d'un bourg des Achéens nommé Colonides. On en avertit men. Plut,
Philopœmen , qui avoit alors la fiévre à Argos ; aussi-tôt tout malade qu'if in Philo-
,
étoit, il monta à cheval & avec une troupe de jeunes cavaliers fils des prin- pœmen.
cipaux de la ville, il arrive prés la ville de lVldféne & met en fuite Dino- du Vers Part
Monde
crates, qui étoit venu à sa rencontre; Mais en même tem's cinq cens hommes 3§i8*
qui étoient en garde au dehors de Messéne , ayant paru, ,& ayant ramené ceux
que Philopœmen avoit mis en fuite , celuy-cy craignant d'être em^eloppé,se
retira par des endroits serrez & difficiles, beaucoup plus inquiet de cette jeu-
nene qui l'avoit'suivi volontairement, que de-sa période. Il se mit à leur
queue , les couvrant & sai[ant de temsen temsmite-face contre les ennemis,
pour donner le tems aux siens de faire tranquillement leur retraitte. Nul des
ennemis n'osoit l'approcher, mais ils luy lançoient de loin leurs traits,, & le
poursuivoient dans des lieux raboteux & embarrassez. Son cheval deja fa-
tigué, ne pouvant se tirer de ces mauvais pas, se renyersa & Philopœmen
heurta si rudement de la tête contre une roche, qu'il demeura , évanoui &
sans voix.
Les ennemis étant accourus crurent qu'il étoit mort, & se disposéreil-t à
le dépouïller ; mais ayant ouvert les yeux & étant revenu à luy, on luy lia
les mains derriere le dos, & on luy fit souffrir toutes sortes d'indignitez &
d'insultes. Lorsqu'il fut arrivé aux portes de la ville, plusieurs furent tou-
chez de pitié de voir un si grand homme réduit en Cet état,, & vouloient qu'on
luy rendit la liberté en réconnoissance de la liberté qu'il avoit procurée à
Messéne, en la tirant des mains de Nabis. D'autres crioient qu'il falloit le
mettre à mort, comme un ennemi implacable. Enfin ou lejettadans un lieu
soÚterrain, où il ny avoit n'y fenêtre ny porte, mais dont l'ouverture se fer-
moit par une grosse pierre. On ferma donc cette ouverture, & on mit une
nombreuse garde au tour de ce cachot.
Les cavaliers qui avoient suivi Philopœmen, ayant appris sa mort, en XX)(/ll.
donnérent avis à tous les Achéens, qui s'affemblerent& envoyérent des Am- Dinocrates
bassadeurs à Messéne pour le répéter, & en attendant la réponse, se préparè- fait boire
du poison
rent à la guerre ; Mais Dinocrates craignant sur toutes choses qu'on ne rendît à Philop os-
G gg z la man.
la liberté à Philopœmen, envoya au commencement de la nuit un bourreau
dans le cachot où il étoit avec du poison pour le lui faire boire. Philo-
un homme avec dela lumiére, & un vase plein d'un
,
pœmen ayant veu entrer
breuvage.empoisonné, se leva sur sanséant, & lui demanda cequiétaitarrivé
à sa cavalerie & surtout a Lvcortas, & ayant appris qu'ils s'étoient retirez
,
pour la plupart sains & sauss, il répondit: a la bonne heure, nous n'avons pas
été entièrement malheureux. Il n'en dit pas davantage, prit le breuvage,
se.recoucha & mourut bientôt aprés.
Les Achéens le regrettèrent comme leur pere & leur protecteur. Leur
jeunesse prit les armes, & porta le fer& le feu dans toutes les campagnes des
Messéniens. La ville fut obligée de se soumettre à la domination des Aché-
ens, Dinocrate & tous ceux qui avoient conseillé sa mort, se tuèrent eux-
mêmes pour éviter les tourmens qu'on leur préparoit, Lycortas prit le
,
corps de Philopœmen, le fit brûler sur un bûcher, enferma tes cendresdans
une urne, &le raporta à Megalopolissa patrie , plûtot en triomphe qu'en équi-
page de deuïl; Car toute l'armée des Achéens l'accompagnoit en armes &
en ordre de bataille:Les peuples des environs accoururent de tous cÓtez sur
la route, & se faisoient un honneur de toucher & de manier son urne, &
de la couvrir de couronnes & de fleurs. On l'enterra avec grand honneur,
& on lapida prés de son tombeau, les captifs qu'on avoit pris sur les Messé-
niens. '
XXX IV. Les Etoliens aprés avoir fait éclater en plusieurs occasions leur mé-
Les Eto- contentement, se déclarèrent enfin contre Rome, malgré les sages remon-
liens se dé-
clarent trances de Flaminius, & envoyèrent Tfioas Chef de leur délibération à An-
pour le tiochus, qui étoit alors à Ephese , pour lui offrir le commandement de toutes
Roy Antio- leurs troupes, & l'exhorter d'entrer incontinent en Grèce, sans même attendre
chus. Liv. l'arrivée de l'armée qui lui venaitdu fond de l'Asie. Pour commencer l'éxé-
J. g5. Ap-
pian. Sy cution
de ce grand dessein les Etoliens crurent qu'il falloit se rendre maitre
,
jriac. tfu- deLacédémone, de Chalcis& de Démétriade, afin que le Roy trouvant ces
Jibi. 1. 30. trois importantes places déjà réduites, ne rencontrât plus de difficulté à faire
€ap. 4. é 1. rapidement la conquête de toute la Gréce.
32. C.1.
XXXV.
Diodes s'empara de Demetriade, sous le specieux prétexte d'y rame-
Diodes ner Eurylochus leur ancien che£ Il y entra accompagné de Diocles & d'une
s'empare petite troupe de cavalerie, qui menoit ses chevaux par la bride ; Mais elle
tle Démé- étoit suivie à quelque distance de presque toute la cavalerie Etolienne, qui
triade-. se jetta dans la ville, & s'empara des principaux postes, d'où l'on envoya des
soldats pour donner la mort à tous les chefs qui étoient contraires à Eury-
lochus & favorisoient les Romains. Ainsi Demetriade fut livrée au parti
Etolie".,
XXXVT. Lacédémone fut surprise par trahison. Depuis longtems Nabis de-
Mort du mandoit aux Etoliens un renfort de leurs troupes, pour grossir son armée.
Tiran Na- Alexamene Etolien y conduisit mille hommes de pied, & quelques jeunes
bis. l'agréable nouvelle dl1
Lacédémo cavaliers; il fut trés-bien reçu du Tyran, a qui il apprit
il persuada de disposer ses troupes
ne emhraf passage d'Antiochus en Europe, & à qui Nabis
se l'Etat Ré- à paroître devant le Roy. Pendant tiue
;
fait. faire l'exercice à ses sol-
publicain. dats
dats hors des murs deLacédémone, PEtolien prend son temsaperce & ren..
verse le cheval du Roy , & fait tuer le Tyran par sa troupe de cavalerie. En
même tems il rentre avec ses gens dans la ville, & pille le palais de Nabis.
L'étonnément qui avoit saisi les Lacédémoniens à la veuê du corps mort de
leur Roy, dura quelque tems; & comme Nabis étoit odieux à tout le mon-
de, on ne se mit pas en' devoir de venger sa mort; mais voyant que les Eto-
liens pilloient le palais de leurs anciens Roys, comme si la ville eût été prise
d'assaut, ils mirent à leur tête un jeune enfant qui étoit de la race Royale, &
firent mainbasse sur tout ce qu'ils rencontrèrent d'Etoliens. Alexamé.nes fut
mis à mort. Ceux qui ne purent se sauverpar la fuite, furent réduits en escla-
vage.
Philopœmen informé de la mort de Nabis & du perfide Etolien, se ren-
dit a Lacédémone, & exhorta les bourgeois à se remettre en liberté. Son
conseil sut suivi; Lacédémone embraŒaPEtat Républicain, & se joignit au
corps des Achéens.
Thoas qui s'étoit chargé de l'entreprise ^contre Chalcis, avoit engagé, ix.wr.
dans son parti Eutymidas grand ennemi des Romains & exilé de sa patrie „& Thoas t&-'
che en vai-is
un riche marchand nommé Hérodote ; ce dernier devoit fournir des troupes, de sur-
& des vaisseaux, & Euthymidas devoit employer les gens de san parti, qui prendre
étoient encore dans la ville. L'on découvrit l'intrigue , & les chefs de Chal- Chalcis»
cis se rendirent auprés de Thoas, pour lui demander pourquoi il se disposoit
à faire la guerre à.cette ville. Thoas répondit quec'étoit pour délivrer l'Eubéc
du joug des Romains, plus pesant encore que celui dont Philippe Pavait au-
trefois chargée. Les Députez remontrèrent que oslêjouïlToit d'une parfaite
'liberté, & n'avoit bésoin ni de vengeur ni de libérateur. Ainsi Thoas ne
comptant plus sur une surprise, se retira sans rien faire.
Antiochus, avant que de passer en Gréce, étoit résolu de réduire les vil- XX&IT7.
les deSmyrne, de Lampsaque & d'Alexandrie située dans la Troade. Il étoit AntiochuspaÍfe en
.

occupé à cette expédition^, lorsque Thoas ce chef des Etoliens, dont on a Europe.
parlé, arriva, & le pressa à ne différer pas un moment à passer en Europe, Liv. L 3 5.
pour y commencer la guerre. Antiochus se livra à son conseil, & négligea
celui d'Annibal qui inlistoit toujours à porter la guerre en Italie. Il se disposa
donc à transporter son armée en Grèce, & à aller débarquer à Demetriade. Il
n'avoit que quarante vaissèaux de guerre, deux cens bâtimens de transport
& un plus grand nombre de Fregates. Son armée n'étoit que de dix mille
hommes de pied, de cinq cens chevaux & de six Eléphans. Appareil peu
considérable pour un si grand Roy, & pour une telle entreprise. Il comptoit
sans doute sur les Etoliens, les Macédoniens, les Lacédémoniens. Eurylo-
chus le reçut à Demetriade, d'où il se rendit bientôt après à Lamie ville du
ressort des Etuliens.
Euménes Roy de Pergame envoya incontinent son frere Attalus àRonje,
pour donner avis au Sénat du passage d'Antiochus & des dispositions des Eto-
à
liens. LeSeart rendit grâces Euménes, & combla d'honneur & de présens
le Prince Attilus ion frere.
Dans une Diette des Etoliens où Antiochus fut invité, on lui déféra le
XXXIX.
commandement général des armées de la Grèce contre les Romains, & on lui
Autiochus donna pour Conseil trente personnes qu'il pourroit consulter, quand il le
est déclaré croiroit nécessaire. On engagea le Roy à venir en perlonne, pour pcrlilader
Généralis- à Chalcis d'entrer dans la Confédération ; mais Miction Député de la ville,
sime des
armées de s'excusa de faire cette démarche, n'ayant aucun sujet de se plaindre des Ro-
-la Gréce mains, & jouïssant d'une pleine liberté & d'une profonde paix. On flatta le
contre Roy d'un plus heureux succés envers les Achéens. Flaminius étoit encore
Rome. dans leur pays,& dans la Diette qu'on tint àiEgium, on ne fit que très-peu
d'attention aux promenés exagérées de l'Ambassadeur d'Antiochus, & du
Député des Etoliens. Flaminius renversa tout cela, en disantquêtons t ms ces com-
battansd'Antiochus, dont on faisoit parade, n'étoient aprés tout que des A-
siatiquestrés-mauvais soldats; que les Etoliens promettaient plus qu'ils ne pou-
voient tenir; que les richesses d'Antiochus étoient chimériques, qu'ils en
pouvoient juger par le nombre de soldats qu'il avoit amenez en Europe. Les
Achéens ne jugèrent pas à propos de se déclarer ni en faveur d'Antiochus, ni
des Etoliens. Ils envoyèrent même parle conseil de Flaminius, cinq cens
hommes à Chalcis, pour en fortifier la garnison, & cinq cens autres au pert de
Pyrée, pour affermir les Athéniens qui commençoient à chancelier.
Les Béotiens ne furent pas plus favorables aux prétensions des Etoliens;
ils répondirent que quand l'armée d'Antiochus seroit sur les frontiéres de
à
Béotie, ils verroient quel parti ils auroient prendre.
Aminander Roy des Athamantes avoit épousé une femme nommée Apa-
XL.
Aminan- mie, originaire de Macédoine, & dont le pere se disoit le véiitnble héritier
der se dé.. d'Alexandre le Grand. Aminander avoit laissé le gouvernement de son petit
clare pour
Je Roy An- Royaume à Philippe son beau-frere, qui se laissa persuader aux Agens du Roy
tiochus. Antiochus. Par ce moyen le Roy de Syrie se vit en état d'entrer sans réfi-
stance dans laThessaIie, & de s'en rendre maitre; mais la Thessalie étoit un
pays sans défense & tout ouvert, dont la conquête n'avançait en rien ses af-
faires.
XLI. Antiochus employa les forces qu'il avoit auprès de lui, à empêcher que
Mariage les troupes Romaines au nombre de cinq cens hommes commandez par l\li-
d'1\ntio- dion n'entrassent dans Chalcis, où les soldats du Roy Euménts &
chus dans ceux des
la ville de Achéens
étoient déja entrez. Il battit le détachement de Mission, tua plu-
Chalcis. sieurs soldats, en fit cinquanteprisonniers, & entra dans Chalcis, qui lui ouvrit
Polyb. L 20. ses portes. Parla il devint maitre de toute l'Isle d'Eubée. Ce Prince fit de
apud Atbê- Chalcis le lieu de sa résidence & y passa l'hyrer. Il s'y maria même,
nit 1. X-
quuv-
qu'âgé de plus cinquante ans,
de à la fille de Cléoptoléme son huce, & palfj
c. 12. Dio-
dor. Sicul. tout l'hyver dans des divertissemens peu conformes à l'état de ses ;uKiires. Son
Dio i7j armée en fit de même. Ce ne furent que festins & que réjouïssances.
Excerpt. Il ne laissa pas de faire solliciter divers Cantons de la Grèce; à se joindre
Vales.

609. Liv.
t
p.2b. à lui. LesAchéens,
contre les
1
Eléens & les Epirotes lui demandèrent du secours, les premiers
& les séconds" contre les Romains. Il en donna aux pre-
1. z6.2ip- miers, & en fit espérer aux séconds. Les Béotiens se donnèrent à lui & re-
pian. Sy- noncérent à la Confédération des Romains. Antiochus engagea Philippe
riac.f.yC» Regent du Royaume d'Atfiamanie, d'aller à Cynocéphale, & d'y faire
des ob-
98.
, seques
seques aux ossemens des Macédoniens de l'armée de Philippe, qui y étaient XLI!.
encore répandus sur la terre. Cette demarche irrita & allarma Philippe Roy les Les Eléens,
de Macédoine. Il donna aussîtôt avis aux Romains des progrés qu'Antiochus Epiro-
tes,lcs
commençait à faire dans la Gréce. Boebius promit qu'il entreroit bientôt en Béotiens se
campagne, & qu'il n'agiroit que de concert avec lui. donnent
Cependant Antiochus n'ayant personne qui lui résistât, prit les villes de à Antio-
Phéres, de Scotuse & s'avança vers LariiTa. Cette place se disposa à soûtenir chus.
le siége avec vigueur; Antiochus hésita s'il en formeroit le siége. Durant AntiochusXLIII.
cette irrésolution, le Préteur Baebius conduisit ses troupes de concert avec le jn'ose allié-
Roy de Macédoine à travers son pays, & arriva devant Gomes, ville située en- ger LariiTa.
viron à vingt mille de LariiTa. Il y fit une grande enceinte comme pour con-
tenir une armée beaucoup plus nombreuse que n'étoit la sienne, & ralluma
à
grand nombre de feux. Antiochus crut que l'armée Romaine jointe celle de
Philippe,alloit fondre sur lui. Il décampa, vint à Demetriade & delà passa
à Chulcis. /.
Dépuis la défaite du corps de cinq censR©m3ins conduits parMi&ion, XLIV.
le Sénat ne balança plus à faire la guerre à Antiochus. Rome ne fut pas fa- des Préparatifs
chée que ce Prince eût commencé à exercerdes hostilitez contre elle. On donna mains Ro-
pour
ordre aux Préteurs de faire équipper cent vaisseaux à cinq rangs de rames, faire la
pour les faire agir sur les mers d'Orient, & l'on prévint le tems ordinaire des guerre à
élections desConsuls, afin de pouvoir entrer de meilleure heure en campagne. Antiochus.
P. Cornelius Scipion Nasica, & M. Acilius Glabrio furent élévez au Consulat. P. XLV. Corné-
Aprés quoi on declara juridiquement la guerre à An^ochus. Le Senat la con- lius Scipion
seilla ; le peuple l'ordonna; aprés quoi les Consuls tirèrent au sort. Scipion Nasica, &
Nasica eut l'Italie en partage, la Grèce échut a Acilius. Lucius Quinâius, M. Acilius
qui sortoit du Consulat, fut nommé Lieutenant-Général de l'armée qui fut Consuls. Glabrio
dessinée pèurla Grèce. Nasica eut ordre de faire la guerre aux Boïens. C. Li- An de Ro-
vius Salinator fut nommé Amiral de la flotte quidevait agir contre Antiochus. me 562. 1
Caton l'ancien passa aussi en Gréce avec la seule qualité de tribun Légionaire. duM.?8i?. 1

Mais le Consul le fit un des Lieutenans-Généraux de son armée. avant J.C.


Le Consul Acilius sortit de Rome au mois de Janvier (tl) pour passer dans 187-JCLV1.
son département. Le rendez-vous général de ses troupes étoit à Brunduse. Le Consul
Avant qu'il partit, les Ambassadeurs de Philippe Roy de Macédoine & de Pto- Acilius
lémée Roy d'Egypte, vinrent à Rome offrir de la part de leurs maîtres, de part de
l'argent, des vivres &des troupes, pour la guerre qu'on alloit entreprendre Rome.] Ca)
contre Antiochus. Les Envoyez de Carthage & de Massinissa offrirent ausside Uffcr. ad
contribuer à cette guerre. On rendit graces à toutes ces puissances de leurs an. M, 3 81?.
offres & de leur bonne volonté. On leur répondit que quant-à présent, la ad ç. non.
République pouvoit se défendre par ses propres forces, qu'à l'avenir ellepour- m àias, qui
roit mettre leurs offres à profit, si le cas y échéoit. eo anno ut
ex an ni se-
Cependant Antiochus aveit indiqué une assemblée à Démetriade, où il quentis
invita les Chefs des Etoliens, Atiiinander Roy d'Athamanie, & Annibal qui n'avoit Eclipsi col-
ligitur, in
pas été appellé auConseil dépuis assez longtems. On délibéra de quelle ma- Januar.Ju-
niére on agiroit envers lesTheflaliens, qui ne s'étoient pas encore declarez. lianinci-
Les uns étoient d'avis de marcher surie champ contr'eux, d'autres vouloient dit.
qu'on
qu'on différât jusqu'au commencement de la campagne, d'autres, qu'on se cou-
XLVII. d'autres enfin, qu'il falloit faire mare'
Avis d'An- tentât de leur envoyer des Ambassadeurs,
nibal sur cher contr'eux toutes les forces du Roy Antiochus. Quand on pria Anni- j

la guerre bal de dire son sentiment, il témoigna que si dez le commencement il avoit
d'Antio- consulté, il auroit dit que l'Eubée, la Béotie, l'Achaïe, la Thessalie, ne
<hus. été |

Liv. 1. ;6- peuvent être que d'un très. petit


secours dans la guerre présente. Aujourd'huy
c-7- demain aux Romains, s'ils sont les plus forts. Le Roy de Macedoine
a vous
est le seul qui mérite qu'on l'attire dans son parti. Seul il a pu soutenir guerre
la '

contre Rome * les Etoliens quiPhilippe, ont fait pancher la vidoire du côté des Ro-
mains en combattant contre pourront la faire pancher de nôtre 1

côté en combattant avec Philippe. Que ne pourront pas vos forces jointes
fienatfs, puisque Pyrrhus Roy. d'Epire a pu faire trembler les Romains. j

aux ,

Philippe est comme un Lion dans les liens, qui frémit à& ne cherche qu'à se ;

liberté Brisons ses chaînes, & s'il s'obstine ne pas prendre parti
mettre en ;
de se.joindre à nos ennemis. Don-
contre les Romains, mettons-le hors d'état Envoyez Seleucus vôtre fils faire le de-
nousd'anslui de l'exercice dans sou pays. «

gât la Macédoine, Philippe ne manquera pas d'accourir au secours des


1CI1S à présent
Pour le reste de la guerre, si j'en avois été cru, Rome verroit qu'Annibal elt
la Li su rie l'Etrurie & la Gaule Cisalpine en feu, elle sauroit
' A présent, Seigneur, le parti que vous avez à prendre, est de par-
en Italie..
vôtre flotte, d'en faire partir une partie vers Corcyre, pour disputer le .

tager 1

pà,Tage aux Romains. Envoyez l'autre partie croiser entre l Italie & la Sar-

palliez..
dans le territoire
daigne. Pour vous avec vos troupes de terre, campez-vous
de ,Éullis vers la Macédoine Occidentale. Dans ce poste vous pourrez
pas-
ferez-vous craindre aux
fer en Italie, si l'occasion s'en présente; du moins ^
Romains que vous n'y Annibal ; mais Antio-
XLVin. Toute l'assemblée parut approuver le sentimertt dd'ordinaire d'excellens
Antiochus chus avoit pris d'autres résolutions. Annibal donnoit
marçhe conseils, mais ils n'étoient pas suivis. Un ancien Historien a dit de lui, qu il
vers.l'A-
étoit la Cassandre de son siécle. Antiochus prit sa route vers 1 Acarname, &
car,nanie.
prit quelques villes, pendant que Philippe Roy de Macedoine, & lePréteur
v la Thessalie; - mais tout cela n etoit que
tebius en prenoient d'autres dans affaire de la guerre.
de purs amusemens par rapport à la grande 1

Le ConstilAcUitis débarqua enfin ses troupes, qui etoient au nombre de


XLIX. mille chevaux & quinze Eléphans. Il envova
Exploits vingt mille hommes de pié, deux
daGonsul d'abord son infanterie aBsbius, qui campoit aux environs de Pellinee dans a ,
defendoit la
Acilius Thps^lip Philippe de Mégalopolis gendre du Roy Athamanes,
dans la
place avec deux mille cinq cens hommes des troupes d'Antiochus, cinq cens
Grèce.
Athanlanes & quarante cavaliers. Philippe
Roy de Macédoine ayant joint scs
de Mégalopolis , qui, comme
forces à Bœbius, emporta ces villes. Philippe j

l'a se disoit de la race d'Alexandre le Grand, & prétendait a la couronne j


on veu de Macedoine le traita de Roy
de Macédoine, fut fait prisonnier. Philippe
j

d ér sion so r t i r de la ville, & l'envoya au Consul, qui le fit paffer a Rome ]


mr i a u
chargé de chaînes. Les trois mille hommes de la garnilon de I ellinee ,
livrez |
livrez au Roy de Macédoine , qui les renvoya dans leur pays. Peu après
toute l'Atamanie se rendit à ce Prince, & Aminander se retira avec sa femme
& ses enfans à Ambracie en Epire. L.
Le Consul étant entré en Thessalie, se reposa quelque tems àLarissa, & La 1"heaa...
ne quitta point ce pays de toute la campagne. Les villes de Piara, de Me- lie se rend
tropolis, de Pharsale, deScotuse, de Phéres, de Prœrne se sournirent volon.. aux Ro-
tairement à luy. Les villes de Thaumaque, dont les habitans s'étoientjettez mains.
dans les bois & dans les montagnes, pour inquiéter les Romains au patsage5
furent taillez en pièces, & leur ville conQmée par les flammes. Enfin toute
la Thessalie se rendit aux Romains, àvec la même facilité qu'elle s'étoit don-
née a A ntiochus.
La grosse armée de ce Prince n'étoit pas encore passée d'Asie en Europe. -L1.-
H n'avoit dans toute la Grèce qu'environ dix mille hommes de pied, & cinq Antiochut
Etoliens se fortifie
cens chevaux ; Les ne purent faire de levées dans leur pays, la jeu-
nefle n'ayant pas voulu obéïr. Les Seigneurs de ce pays ne laissérent pas de des au défilé
Ther-
venir au rendez-vous, accompagnez d3envir811 quatre mille hommes de leurs mopyles.
valiaux ou de leurs domestiques. Avec ce peu de troupes Antiochus réso-
hit de se retrancher dans le fameux passage des Thermopyles, qui n'avoit
qu'environ vingt-cinq pieds de large, resserré entre la mer & le mont Oeta,
qui est impraticable. Ce passage est comme la porte pour entrer de la Pho-
cide dans la Locride. Ce fut-là qu'Antiochus forma son camp, qu'il fit en-
vironner d'un double fossé & d'un double rempart ; Pour les quatre mille
Etoliens qui luy étoient venus de renfort, il les envoya dans les villes d'Hy-
pate & d'Heraclée qui tenoient encore pour luy ; maisVétant apperçu que le
Consul avoit dessein de le forcer dans ce défilé, il rappella ces quatre mille
hommes, dans la résolution de les placer sur les trois hauteurs du mont Oeta,
qui dominoient son camp; mais il n'en revint que deux mille. Les autres
ne voulurent pas sortir d'Heractée. LlI.
Le Consul vit toute la difficulté de son entreprise, il en conféra avec ses Caton gag";
Lieutenans-Généraux. Caton s'offrit à conduire un détachement jusqu'aux ne la hau-
trois sommets de la montagne, pour en déloger les Etoliens. Acilius luy teur du
donna pour ajoint L. Valerius un de ses Lieutenans. Ce derniermontaavec mon tOeta
& chaf-
sa troupe, mais il fut repoussé avec perte. Caton fut égaré par son guide. se en les Eto-
Il alla luy-même accompagné d'un seul soldat à la découverte, pendant une liens
nuit trés-obscure & à travers mille dangers il trouva un rentier : il ymenasa
troupe; mais le sentier aboutissoit à un précipice. Il envoya de nouveau
quelques soldats qui arrivèrent au camp des Etoliens, & y mirent l'allarme.
l's ramenèrent un Etolien prisonnier, qui leur servit de guide, pour monter
sur in hauteur. Caton prit un détour; tombe sur les ennemis, & les met
end croûte.
En même tems le Consul Acilius commence l'attaque du détroit où étoit Attaque LIII.
du
Antiochus Son armée étoit rangée de maniéré que la prémiére ligne se camp
terminât en pointe & formoit un angle; Antiochus demeura derriére ses d'Antio-
retr;.ncliemens, & répandit ses archers & ses frondeurs sur le penchantde la chus aux
Thermo-
moiit: \r;ie, pour en écarter les Romains & lancer sur eux une grêle de traits pyles.
& de cailloux. Les Romains gagnérent un peu de terrain sur le penchant
de la montagne, & forcèrent les prerniers retrenchemens des Syriens, qui le
retirèrent dans la feconde enceinte, & derriereun mur composé de cailloux
à sec, &à hauteur d'appuy, d'où ils se défendirent avec beaucoup d'avanta-
ge, avec leurs longues piques armées de fer. Tout d'un coup les Etoliens
que Caton avoit chassez de leurs posses, parurent dans le vallon ; On crut
d'abord parmy les Syriens qu'ils étoient descendus au secours de l'armée &
pour avoir part à l'aftion ; mais quand Antiochus vit à mi-côte Caton suivide
sa troupe en bon ordre, il désespera de la victoire.
L)V. Presqu'en même tems, il reçut un coup de pierre dans la bouche, qui
désaite lui cassa les dents ; il se tira a l'écart, & Caton étant tombé sur le camp par
d'Antio- l'endroit le plus foible mit les Syriens en désordre. L'embarras du chemin
chus ; il se & les Eléphans les , de l'épée des Romains. La cavalerie ne put
retire à garantirent
Blatte. aprocher des Eléphans; & l'Infanterie ne put atteindre les fuïards ; aintiiln'en
perit guéres dans cette retraite que ceux qui furent noyez dans les marais.
Acilius abandonna le camp des Syriens au pillage, & embrassant Caton com-
me auteur de savictoire, il lui dit ces paroles remarquables ; vous venez de
rendre à la Republique un plus grand service que vous n'en avez reçu de
bienfaits, & ni moi, ni tout le peuple Romain ensemble ne sauroient vous
Plutarch. en
rendre assez d'actions de grâces, ni vous en marquer allezde réconnoissan-
le députa à Rome pour y en
in M. ca- ce. Aussi le Consul aussi-tôt aprés la victoire
ione. porter la nouvelle.
L V, Le lendemain de Faction dez les trois heures du matin, le Consul con-
Antiochus duifit son armée à la poursuite de l'ennemi. Antiochus s'étoit d'abord retiré
sa fauve à à Elatée; mais il
en étoit bientost parti pourse rendre à Chalcis, accompag-
Chalcis, & né seulement de cinq cavaliers. Les troupes Romaines firent main baile
delà à cens
Ephése. sur tout ce qu'ils trouvérent de Syriens sur les chemins. On compte que le
Roy y perdit toute son armée. Les Romains n'y perdirent qu'environ deux
cens hommes. Acilius entra dans la Phocide & delà dans la Béotie, résolu
de chasser Antiochus de Chalcis, & de réduire l'Eubée à son obéïiTance. An-
tiochus n'attendit pas que les Romains l'attaquassent. Il quitta Chalcis &
s'embarqua avec sa nouvelle epouse pour repasser en Asie, & se rendit à
Ephése. Chalcis & l'Eubée entiére se rendirent au Consul, qui retourna vers
y les Thermopyles. Il fut obligé de faire le siége d'Hcraclée défenduë par
deux mille Etoliens. Ce siége dura quarante jours, & les assiégez y firentdes
prodiges de valeur.
Aprés quarante jours de siége & de fatigues continuelles le Consul
LVl' assiégez. Il fit cesser les travaux à
siége d'Hé* donna quelque relache à ses gens & aux
laclée. minuit, & ne les fit recommencer que vers neuf heures du matin. Les allié-
Elle eftpri-
gez s'accoutument à prendre du repos, & à ne revenir prendre leurs postes
se par les qu'après
un long sommeil. C'est-là où le Consul les vouloit amener. Un
Romains.
jour dez trois heures du matin, il ordonna a Sempronius d attaquer la cita-
delle, & de faire grand bruit, afin d'attirer toute la garnison de ce côté-là.
Durant ce tumulte les autres Généraux présentent l'elcalade au corps de la
place. Pendant que les assiégez sont occupez à les repousser j un corps de
Légionaires
Légionaires, qui s'étoit caché dans le faubourg qu'on avoit démoli, se jetta
au point du jour dans la ville par une. courtine qui étoit sans défendeurs. Au
^ bruit que causa cette surprise, la garnison & les bourgeois pèle mêle, hom-
mes, femmes & enfans se jettérent dans la citadelle, oùcommandoit un nom*,
mé Damocrite Etolien dont on a parlé cy-devant.
Le Consul abandonna la ville au pillage, & le même jour à midy il LViI.
fit attaquer la citadelle , laquelle fut bientost forcée de capituler. Les Eto- Priso de 1.
citadelle
liens se rendirent à discrétion, & on remit entre les mains du Consulle Com- d'HcracMc
mandant Damocrite, qui s'étoit vanté en parlant à Acilius que ce seroit sur & de la
les bords du Tibre, ^qu'iLiroit déclarer la guerre aux Romains. Peu de jours ville de
aprés la ville de Lamie disante d'IIéraclée d'environ sept mille , aprés avoir Lamic.
souffert un assez long siége par l'armée de Philippe Roy de Macédoine, se
rendit aussi au Consul, préférant la domination des Romains à celle des Roys
de Macédoine.
La prise d'Héraclée & de Lamie, &la vidoire remportée parles Romains LVlU.
aux Thermopyles sur Antiochus, rabatirent bien la fierté des Etoliens. Ils Les Eto-
liens de-
ne parlérent plus que de faire la paix. Le Consul les reçut à son tour avec
hauteur, & envoya Valerius Flaccus à leur assemblée, pour leur faire con- mandentpaix <5c
I*
noitre ses volontez. Ils rendirent de grands honneurs à Valerius, & té- d'entrer
moignèrent un désir sincére de rentrer dans l'alliance des Romains. Valerius dans l'al-
leur conseilla d'avouer sincéren1ent leur faute, & de s'abandonner à la foy des liance de,
Romains. Ils feignirent de le faire ; mais Acilius ayant demandé à leurs dé- Eomaiûs»
putez, qu'on lui livrât les chefs^ de leur nation, lesaÙ(eun de leur revolte., &
le Roy des Athamanes, ils se récriérent qu'on exigeoiteeux ce qu'ils n'étoient
• pas en pouvoir d'accorder, qu'il falloit pour cela consulter la Diette dela
Nation, & qu'on leur donnât encore dix jours de trêve :ilsleur furentaccor-
dez. Dans l'assemblée générale de leur nation , ils résolurent la guerre, en-
couragez parNicandre, qui arriva d'Ephése sur ces entrefaites, avec degrosses
sommes d'argent envoyées par Antiochus. Ils aiïemblérent toutes leurs for-
ces à Naupade dans la rélolution de s'y maintenir jusqu'à l'arrivée d'An-
tiochus.
Le Consul Acilius résolut de les y forcer. Il envoya devant Appius LIX.
Claudius avec quatre mille hommes , pour garder les défilez par où l'année Siège de
Romaine devoit pafser. Elle arriva devant Naupaéte sans avoir trouvé la Naupafte
moindre opposition. Le siége fut long, & la résistance des assiégez fut trés parle Goti-
rigoureuse." Il y avoit deux mois que la place étoit allégée, lorique se célé- lul Acilins.,
bre Flaminius pacificateur de la Gréce arriva dans le camp. Il avoit appris
que Philippe Roy de Macédoine s'étoit rendu maitre de Démétriade , & qu'il
poussoit tes conqL:éces dans la Dolopie, dans l'Aperance & dans la Perrhelie.
Ces progrés l'allarmerent; Il vint au camp du Consul ; bientost il se fit voir
aux assiégez; ils implorèrent son assistance & sa protedion. Flaminius obtint
du Consul qu'il ne continueroit pas le siége, & qu'on donneroit trois mois
de trève à Naupade, pour envoyer à Rome des députez. Philippe Roy de
Macédoine y en envoya aussi, qui furent très-favorablement reçus. Rome
crai/rnoit de se faire de nouveaux ennemis : Elle dissimula même le mauvais
procédé de ceux d'Epire,& aitna mieux leur faire grace, que de les irriter
par un traitement rigoureux.
LX. La flotte Romaine dépuis san départ de Naples, s'étoit beaucoup grossis !If
Antiochus les vaisseaux que les Carthaginois & les autres alliez des Romains avoient
ordonne à par ...

Philoxeni- envoyez aux Préteur Livius. Il attendoit encore un renfort considerable des
fias de li- galéres des Rhodiens & du Roy Euménes. Cependant Antiochus vivoit à
vrer un Ephése dans une aussi grande sécurité , que s'il eût été assuré que les Romains
combat na- passeroient jamais enAsie. Annibal le tira de ion assoupissement, en lui re-
val aux Ro- ne
mains. montrant qu'ils n'avoient qu'un pas à fdire pour arriver en Asie , que des con-
quérans tels que les Romains ne s'arrêteroientpoint qu'ils n'eussent porté la
,
guerre dans le centre de ses Etats. Il ordonna à Philoxenidasde rassembler
toute sa flotte, & de la mettre en état de livrer aux Romains un combat naval.
Pour lui, il se rendit par mer dans la Chersonése, pour fermer aux Romains
le passage en Afie, s'ils entreprenoient d'y venir par terre.
LXI. Philoxenidas ayant appris que la flotte Romaine étoit à la hauteur de
Philoxeni- Delos,
das cst dé- en donna avis au Roy, qui revint auiTî-tôt à Ephése , où Pliiloxeiiidis
fait par les lui persuada la nécessité de donner une bataille navale , avant que lu flotte
Romains. Romaine fut devenue plus forte. Celle du Roy étoit de cent, ou sélon d'au-
jippian. tres , de deux cens voiles. La bataille se donna aux environs du camp de
Syriac. Coryce au voisinage d'Erythrée dans la mer Jonienne. Philoxenidas fit d'a-
Liv. 1. 36.
An du bord avancer trois galéres Syriennes sur deux galéres Carthaginoises. L'une des
inonde Carthaginoises attaquée par deux autres, fut brisée & mile en pièces. Livius
3&I4- fit ensuite avancer sa propre galère & ayant fait accrocher les deux gaiére-s
,
avant J. G. Syriennes dont on a parlé, les soldats Romains sautérent dans ces galères &
316. s'en rendirent maîtres. Alors de tout côté on s'accrocha, 011 se heurta de
l'éperon on se lança des traits , on se battit vaisseau contre vaisseau. L'aile
droite de, Livius avoit visiblement l'avantage, mais à la gauche le succés étoit
fort douteux. Pour lors Euménes fit avancer ses vingt-quatre vaisseaux, &
fixa le sort du combat. Les Syriens se retirérent à force de rames, & Livius
les poursuivit de même ; mais il ne put les atteindre. Les Syriens perdi-
rent dix vaisseaux dans le combat, & on leur en prit treize. Les Romains ne
perdirent que la galère Carthaginoise , qui fut brisée par ses deux galères
Syriennes.
LXIL Philoxenidas ne s'arrêta qu'au port d'Ephése, où il se retira avec sa flotte.
Acilius Livius le poursuivit & fut joint sur la route par vingt vaisseaux Rhodiens, qi i
poursuit venoient à son secours. Il vint invertir le port d'Epéhse & présenta le dési
Philoxeni- à la flotte ennemie ;mais elle n'osa
.as. accepter le combat. Livius ayant renvoyé
Euménes & les Rhodiens chacun chez soi, alla mettre la flotte en seureté à
Canes en Mysie. Il mit ses vaisseaux à terre, à la maniere de ce teins-là, &
fortifia le port de Canes par un bon fossé & un rempart.. Il fut honoré du
triomphe à son retour, & Rome vit avec admiration les richesses de la Gréce
& de l'Asie, qu'il avoit aportées avec luy.
LXII 7. Le Consul Scipion Nasica obtint le même honneur pour avoir dompté les
Triomphe Boïens, & obligé cette nére n'non à se soûm^tcre à la domination RUlnainc,
de Scipion & à voir
partager ses campagnes entre des Colonies Romaines qu'un y e 1-
\oya
voya. Le Senat accorda encore l'Ovation au Propréteur Fulvius N obilior, OvatïQftde
pour avoir vaincu en EspagnelesVedons&lesOretans.Thermusavoit vaincu Fulvius
les Liguriens ,& avoit aussi mérité l'honneur du triomphe. Toutefois on ne lit Nobiliar.
pas qu'il ait triomphé. Rome pouvoit compter cette année pour une des

',
plus heureuses & des plus glorieuses, qu'elle eût veu dépuis sa fondation.
On rapporte en ce même tems l'histoire d'un laboureur Romain, nom- 'LXIV'.
mé Furius Cresinus, qui après avoir été assez longtems esclave chez les enne- Histoire de
arc-.
luis, s'y étoit perfectionné dans l'art de l'Agriculture. Toujours ses champs Furius finus la-
étoient chargez d'abondantes moiflsons, tout réüssiflbit tout croissoit sous sa boureur
main. Ses voisins jaloux de son bonheur, le déférérent comme Magicien au accusé de
Tribunal de Spurius Albinus Edile Curule. On l'accusoit d'attirer par ses char- magie.
les moissons de ses voisins dans ses On croyoit la chose possible, r'lin. 1. 1 S.
mes terres. 6.
puisqu'elle étoit défenduë par les anciennes loys des douze tables. Furius c. -

comparut, & au lieu de grands discours, produisit les instrumens du labou-


.
rage dont il se servoit, des bœufs bien nourris & bien entretenus, sa fille puis-
sante, bonne ménagère, faite au travail, des socs de charuës, & des herses
solides, & en bon état;voila dit-il, au juge, les enchantemens dont je me
sers pour procurer la fécondité à mes champs. Heureux, si je pouvois aussi
vous exposer mes veilles, mes fatigues & mes sueurs ! on applaudit à son in-
dustrie & à ses travaux, & il fut renvoyé absoû.
L'année suivante L. Cornelius Scipion frere de Scipion l'Africain, fut LXV:
choisi Consul, avec Caïus Lselius ami intime du même Africain, & compagnon L. Corné-
lius Scipio*
de toutes ses entreprises. Le premier exercice queues nouveaux Consuls fi- &c. Latius
rent de leur dignité, fut de donner audience aux Ambassàdeurs Etoliens, qui Conruls.
etoient à Rome dépuis assez longtems. On les introduisit au Sénat, où ils An deRo-
parlèrent d'une manière fort soumise. On délibéra pendant quelques jours, me 5.63*
si on leur accorderoit la paix. Enfin on leur proposa deux conditions; la M. eS14.
à
première, de s'abandonnersans réserve la volonté du Senat, & la seconde, de 186.
avant J.C.
donner à la République mille talens, & de promettre qu'ils se déclareroient Liv.l. 37-
ennemis-de tous les ennemis de Rome. Les propositions n'ayant pas été
agrées, les Ambassadeurs Etoliens eurent ordre de sortir de Rome le jour mê-
me, & de l'Italie dans la quinzaine.
Le sort décidoit ordinairement du département des Consuls. Laelius qui LXVI.
avoit grand nombre d'amis au Sénat, proposa à Cornelius Scipion son Collè- mande Lælius de-
que
gue de remettre au Senat la décision du département des Consuls. Il se flat- le Sénat, &
toit d'être envoyé selon ses désirs, en Asie contre le Roy Antiochus; Corne- non le fort
lius consentit à ce qu'on remît la chose au Senat. Scipion l'Africain peu con- décide des
tent du procédé de Laelius son ami, s'offrit d'aller serviren Asie sous son frere Départe-
qualité de Lieutenant-Général. Il n'en fallut davantage incns des
en * pas pour porter deuxCoa-
les reres Conscripts à destiner la conduite de la guerre contre Antiochus au fuis.
Consul Cornelius Scipion. Laelius resta donc en Italie; & n'eut que la honte
d'avoir manqué de considération pour la famille des Scipions, auxquels il de-
voit la plus grande partie de son illustration.
Dez qu'on sçat en Italie que le Grand Scipion devoit aller en Asie avec LXV(L
le Consul sou .trere) bon nombre de vétérans qui avoient servi sous lui en Scipion
Hhh 3 l'Africain
Espagne
s'offre Espagne & en Afrique, vinrent s'offrir d'eux-mêmes pour l'accompagner. On
d'aller permit au Consul de lever seulement trois mille Romains & cinq mille alliez,
avec son pour rendre les Légions complettes, & remplacer ce qui manquoit aux troupes
frere L.
Gornel. auxiliaires ; ainsi le nombre de troupes qui s'embarquèrentpour passer en Orient,
Scipion y compris la cavalerie, fut de treize mille cinq: cens hommes. La conduite de
contre An. la flotte Romainefut donnée à Æmilius Regulus, & l'on augmenta ses vaisseaux
tiochus, de trente galéres à cinq rangs de rames, &de vingt trirèmes. Tout cela étoit
.'\ peudechose, en comparaison des immenses préparatifs qu'Antiochusfaisoit en
Aile & sur terre & sur mer.
LXV/Il.
" Les deux Scipions arrivérent heureusement à Apollonie, & passérent à
Les deux travers l'Epire &
laThessalie. Le Proconsul parcourut les côtes de Thessalie
Scipions jusqu'au Golfe Maliaque; l'Africain prit sa route vers AmphHTa qu'Acilius tenoit
arrivent en assiégée. Le Consul s'y rendit peu de tems aprés. Les Athéniens y vinrent aussi
Gréce. Les
pour rendre leurs devoirs à Scipion l'Africain, & pour intercéder en faveur des
> Etoliens Etoliens. Scipion l'Africain qui brûloit d'ardeur pour paffer en Asie, & qui
deman-
dent la étoit naturellement porté à la clémence, auroit souhaité qu'on donnât la paix
paix. aux Etoliens, mais Cornelius son frere fut inflexible. Ilne voulut rien rabattre
de ce que le Senat leur avoit demandé. Ce que purent faire les Etoliens, fut
d'obtenir une trève de six mois, pour aller à Rome faire de nouvelles tentati-
ves. Par la trève le siége d'Amphissa fut levé.
LX1X*
Aprés cela rien ne retint plus les Scipions dans la Gréce. Ils ne sondè-
disposer à passer en Afie. L'Africain craignant que le Roy de Ma-
Philippe rent qu'à se
Roy de cédoine ne chancellât, & ne mit obstacle au passage qu'on vouloitfaire, en me-
Macédoine nant l'armée par la Macédoine &par laThrace versl'Helleipont, envoya vers
donne pas-
sage aux lui un homme de confiance pour voir par ses yeux les disoositions du Roy &
ko mai n s du Royaume. Le Député trouva Philippe dans la joïe, & au milieu d'un grand
par san repas; il en fut reçu le plus gracieusement du monde. Tout cela lui fit com-
Koyaume. prendre que ce Prince n'étoitpas disposé à renoncer à l'alliance des Romains.
Occupé d'un tel dessein, il ne se seroit pas livré au plaisir. Le lendemain
Philippe lui fit voir les immenses provisions qu'il avoit faites pour la subsistance
des troupes Romaines, les chemins qu'il avoit préparez, les ponts & les
levées qu'il avoit faites, pour la commodité des troupes & des équippages.
Ces nouvelles rassurérent les Scipions; Philippeles reçut sur les frontières de
ses Etats, les accompagna, les combla d'honneurs, les mena iu[qu'a l'Helle-
spons. Les Généraux Romains sensibles à ses honnêtetez, lui remirent en eti-
tier la somme qui lui restoità payer, en vertu des conventions faites avecFla-
minius.
LXX. D'un autre côtéLivius qui avoit commande la flotte Romane pendant
Sestos se l'année précédente, & qui ne l'avoit pas encore remise à iEmilius son succes-
rend à Li- seur, partit du port de Canes en Mysie, où il avoit passé Fhyver, & sortifié par
vius. Aby- les renforts que lui amenèrent Euménes Roy dePergame& lesRhodL'ns, vint
de lui rési- s'assûrer du paIsage del'Hellespont; il laissa dix vaisseaux devant Abyde &vitit
ûc.
investir Sestos. La ville n'osa s'exposer au danger d'un siége. Elle fit partir une
troupe de Prêtres de Cybéle,quivinrent demander au Coniul qu'on accordât auxà
bourgeois la vie, la liberté, leurs biens & leurs murailles ; qu'ils étoient prêts
rendre
rendre la ville. Les conditions furent agrées. Delà on se rendit devant
Abyde. Livius en forma le siége. La ville sutpressée si vivement, que les
commandans de la garnison avoient déja demandé à capituler, & qu'il n'étoit
plus question que de savoir si la garnison sortiroit sans armes ou avec ses ar-
mes.
Sur ces entrefaites Livius fut averti que Polyxenidas Amiral de la flotte LXXl
d'Antiochus, avoitfait périr en trahison Pausistrate Commandant de l'Escadre polyxeni-
des Rhodiens, & que tous ses vaisseaux, à l'exception de sept galéres seule- dasPausi- fait p6.
rir
ment, qui -s'étoient sauvées & quiétoient venuës se rendre auprès de Livius, strate, &
avoient été pris. Celui-ci craignant pour le reste de sa flotte, qui étoit encore défait la
à Canes en Mysie, quitte bruiquement le siége d'Abyde, & accourt pour ap- flotte des
puyer les Rhodiens, pour couvrir sa flotte, &pour s'opposer aux progrés du 8.110dien.¡,.
Prince Seleucus fils d'Antiochus, qui avoit déjà pris Phocée, Cymé & quel-
ques autres places maritimes de l'Aile. Livius fit le dégât aux environs de
Phocée, & fit voile vers Samos , accompagné du Roy Euménes. Les Rho-
diens équippérenr-vingt nouveaux vaisseaux, & en donnérent le commande-
ment à Eudamus. / Romaine
Polyxenidas croyant que la flotte alloit joindre celle des Rho- LXXI!..
diens sort du port d'Ephése, dans le dessein d'attaquer les vaisseaux qui se- Le Préteur
roient, demeurez derriére; mais une tempête quisurvint, l'empêcha d'exécu- vient ^milius
ter son dc-ssein ; il rentra dans le port d'Ephése, & la flotte Romaine grossie dre le pren-
com-
de celles des Rhodiens & du Roy de Pergame, se présenta en bataille à la veuë mande-
de Polyxenidas, qui n'o(a accepter le défi. Le lendemain on fit débarquer les ment de la
troupes, &on présenta le combat sur terre; les Syriehsjje firent aucun mou- maÍne. flotte Ro-
vement; & la flotte Romaine se retira à Samos, où le Préteur Æn1ilius vint
aborder avec un cortége magnifique de vaisseaux, qui étoient allez audevant
de lui. Livius lui remit le commandement de la flotte.
Cependant Antiochus d'une part,& son filsSeleucus d'une autre, entre- LXXIII.
prirent de pénétrer dans le Royaume de Pergame, pendant l'absence du Roy Antiochus
Euménes, qui étoit avec ses vaisseaux auprès du Préteur jEmilius. Heureu- & Seleu- san fils;
sement ce Prince avoit laissé son frere Attalus, eus
pour veiller à la seûreté de ses font le dé-
Etats. Il soutint tant qu'il put les efforts d'un ennemi plus fort & plus nom- gât dans le
breux & en même tems fit informer le Roy son srere du peril de Pergame, Royaume
, de
que Seleucus ménaçoit d'assiéger. Euménes étoit alors à Samos avec jEmilius. me...Perga-
Il part aussitôt avec ses galéres & arrive à Pergame. La Flotte Romaine &
les vaisseaux Rhodiens le suivirent, & firent sans obstacle leur débarquement,
& dégagérent le Royaume de Pergame.
Antiochus en cemêmetems reçut nouvelle que lesScipions s'avançoient L}(XJJI:
à grandes journées vers l'Hellespont. La crainte de voir une armée Romaine Antiochus
dans l'Asie, lui fit prendre la résolution de demander la paix à jEmilius. Ce- ne peut
obtenir la
lui-ci auroit été ravi de terminer cette guerre d'une maniére honorable &avan- paix (V
tageuse à 1a République. C'auroit été pour lui le comble de la gloire. Eu- miiiuîi
ménes qui paroissoit le plus intêressé à la souhaitter, fut le plus ferme & le plus
clairvoyant. Il fit si bien connoitre les inconveniens & même l'impossibilité
défaire une bonne paix dans Ici circonitances présentes, que l'on renonça à
toutes
\
toutes nëgotiadons. Antiochus laissa sou fils Seleucus ravager le Royaume de
a
Pergame, dont il tenoit la Capitaleinvestie, & pour lui, il vint camper Adra-
mite au pied du mont Ida.
ncs LXXV.
Acheen mes
Diophanes Achéen venu au secours de Pergame avec seulementmille hom-
& cent chevaux, sçut si bien tirer avantage de l'indolence & dela sécurité
fait lever où vi voient les troupes Syriennes, qu'il obligea Seleucus de sortir de ce Roy-
le siége de aume, & d'abandonner le siége de Pergame. Antiochus ne futpas plus heureux
Pergame. à Adramite. Il fut forcé par le Préteur Æmilius de l'abandonner & de se re-
tirer à Sardes. La flotte Romaine n'ayant plus rien à faire de ce côté-la, re-
gagna Samos. Æmilius y demeura avec les siens. Euménes fit voile versl'Hel-
lespont pour faciliter auxScipions le palTage en Asie. Les Rhodiens se char-
gérent d'empêcher que les vaisseaux qu'Annibal avoit fait équipper dans la Sy-
rie & dans la Phénicie, n'allassent joindre l'armementque Philoxenidas avoit
au port d'Ephése.
>
LXXVh La disproportion entre la flotte Rhodienne, & celle que conduisoit An-
/Erriilius nibal étoit si grande, qu'il paroissoit de la témérité dans les premiers de vou-
bat la flotte loir se, mésurer
avec les autres. Annibal avoit au moins trente.sept vaissèaux
que con-
duiÍoit An- de la premiére grandeur, & dix trirèmes ou vaisseaux à trois rangs de rames.
nibal. Les Rhodiens n'avoient que trente-deux quadrirémes & quatre trirémes. Ce-
pendant par leur habileté & leurrésolution ils mirent en fuite la flotte Syrienne.
Annibal fut obligé de se sauver à force de rames en Pamphiiie, où les Rho-
diens le retinrent, & l'empêchèrent d'aller joindre la flotte de Polyxenidas
dans le port d'Ephése.
LXXV 11 Antiochus étoit toujours àSardes, où il demandoit du secours à toutes
Antiochus les puissances de PAsse. Il tenta Prusias Roy deBithynie; mais Scipion l'Afri-
tente en cain par ses lettres, & Livius Salinator envoyé vers lui enambaflade, le retin-
vain d'en-
gager dans rent
dans l'alliance des Romains, & firent échouër les espérances d'Antiochus
son parti de ce côté là. Ce Prince vint dont à Ephése & résolut de livrer une bataille
Prusias Roi navale aux Romains, afin de se rendre maître de la mer, & de les empêcher
deBithy- d'aborder
nie. en Asie. Il forma le siége de Colophon , dans l'espérance de faire1
sortir la flotte Romaine des ports de Samos, & de l'attirer au secours de cette
ville, qui avoit toujours été fidèle, à la République. En effet Æn1ilius par le
Conseil d'Eudamus qui commandoit la flotte Rhodienne, sortit du port de Sa-
mos, & vint dans les ports-de l'Isle de Théos, où on lui promit cinq mille
bariques d'excellent vin qui avoient été destinées- pour le Roy de Syrie.
LXXVUl. Polyxenidas informé des desseins d'iEmilius, vint avec sa flotte se mettre
Polyxeni-
. das est bat- à l'abri, dans la petite Isle de Macri, vis à vis Myonése, attendant le moment
le d'attaquer la flotte Romaine; mais iEmiliusne l'attendit pas dans les ports de
tu par
Préteur Théos. 11 en sortit, & vint se présenter en ordre de bataille à Polyxenidas;
iEmilius. celui-ci avoit quatre-vint-neuf vaisseaux de ligne; & les Romains feulement
quatre-vingt, y compris les vingt-deux vaissèaux des Rhodiens. Ces derniers
s'étoient munis de chaudiéres pleines de matières combustibles &. enflammées,
qui étoient suspenduës à la prouëde leurs galères. Nulle galère Syrienne n'osa
les approcher; & elles portoient le feu & la terreur par tout où elles s'atta-
choient. Quelques vaisseaux Syriens quittérent leurs rangs pour tirer sur les
brulots;
k
brûlots ; mais les Romains étant passez dans les vuides que ces vaisseaux avoient
laissez, a sl-ltillireiit les galéres Syriennes, & les accrochèrent, on vient à l'a-
bordage, & les soldats Romains tout autremeut vaillans que les Syriens, rem-
portèrent tout l'avantage à l'aile gauche. Polyxenidas désespérant de rétablir
les affaires, le sauva dans le port d'Ephése. Son aîle.droite qui n'avoitpref-
que point eu de part au combat, le suivit dans sa retraite. Ainsi Æmilius se
trouva maitre de la mer. 11 coula à fond au moins trente-neufvaisseaux enne-
nlis & en prit treize avec tout l'équipage. Il ne perdit de son côté que deux
,
vaisseaux, & un troisiéme qui fut conduit à Ephése.
Tant de contretems déconcertèrent Antiochus. Tout lui avoit mal réussî LXXJX.
durant cette campagne. La défaite de Polyxenidas, &la retraite de la flotte Découra-
d'Annibal en Pamphilie dérangèrent étrangement ses projéts. Il prit une gement
résolution qu'on ne peut, attribuer qu'au trouble de son esprit. Il rapella tou- chus. d'Antio-
Il sc
tes les garnisons qu'il avoit encore en Europe & fit évacuer Lysimaquie; Il fit retire en
lever le siége de Colophon, & se retira d'abord à Sardes, &delà en Cappado- Gappado-
ce, auprès du Roy Ariarathes san gendre. Là il mit tous ses soins à ramasser ce.
de toutes parts des trouppes de terre pour tenir tête aux Scipions au com-
,
mencement de la campagne prochaine.
Æmilius ayant fait un détachement de trente bâtimens pour aider LXXX.
l'armée Romaine à passer l'Hellespont, alla avec le reste de sa ,flotte assiéger Prise de la
Phocée, place importante & trés-attachée à Antiochus. Aprés avoirfait bré- ville ûJe
che, comme on étoit prêt de donner l'assaut, les assiégez demandèrent une Phocée par
suspension d'armes pour cinq jours. Pendant ce tems ils envoyérent deman- Æmilius.
du M.
der du secours au Roy, qui ne put pas même leur enpronlettre, bien loin An ? 8 if. avant
de leur en envoyer. Ils se rendirent donc & ou vrirentleursportes. Lefoldat J. G. i8f
.
entré dans la ville commença à la piller, sans respecïer les défenses du Gé-
,
néral qui fit ce qu'il put pour les en empêcher. Il sauva au moins la vie
,
aux Phocéens de condition libre, & leur rendit leurs champs, leur liberté
les murs de leur ville & la permission de vivre selon leurs loys. Æmilius choisit,
même les deux ports de Phocée, pour y passer l'hyver avec sa flotte.
Cependant les deux Scipions s'avançoient toujours au travers de laThrace.
Ils s'attendoient de trouver de grands obi1acles à leur passage en Asie de la LXXXI.
Les Scipi-
part des garnisons de Lysimaquie & d'Abydes; mais ils apprirent avec surpri- ons patient
se qu'Antiochus avoit abandonné ces deux places, qu'il avoit laisséaux Ro- en Asie san*
mains le passage libre en Asie; & qu'il s'étoit retiré en Cappadoce. A l'aide obstacle.
des vaisseaux Rhodiens & de ceux d'Euménes l'armée p:dsa sans le moin-
dre accident. Le Consul Cornélius Scipion paita ,
le premier en Asie. L'A-
fricain son frere n'y passa que quelques jours après
A cette nouvelle la crainte & les inquiétudes d'Antiochus se renouvelèrent L XXX
Il accusoit son mauvais sort ou quelque Divinité ennemie de son bonheur Antiochusii.
de tout ce qui lui arrivoit de contraire. Il ne songea plus qu'à faire sa paix sait des
avec Rome. Il députa un nommé Héraclide né à Bizance, pour aller au camp prop oli-
des Romains & faire de nouvelles propositions de paix; ses iiistrudionspor- paix. tions de
toient qu'il devoit negotier d'abord avec Scipion l'Africain, & lui faire assi- Liv. l.
duement sa cour; que quand ce Heros luy auroit donné des marnnpQ rtp rJ iïujli n.l. r.
Tom. Ill. lii bienveillance Poly0c.
%
b. legat.
2 i.
bienveillance, il luy déclareroit que le Roy étoit prêt à luy rendre sans rançon
son fils, qui peu de tems auparavant avoit été pris sur mer, comme il alloit
de Chalcis à Demetriade, & qu'Antiochus avoit reçu dans sa cour & traitté
à sa naissance ; de plus, qu'il étoit
avec toute la considération qui étoit duede Je rendre maître de tous sesEtats,
prêt de luy remettre tous ses trésors, &
pourvu qu'on luy conservat le nom de Roy. Alais qu'en public & devant
le Conseil des Romains, il eut à proposer la restitution des villes de Lamp-
saque de Smyrne & d'Alexandrie,situées dans la Troade ; de même que de
autres villes de l'Jonie & de l'Eolide ; & enfin le dédommagement
,
quelques
dela moitié des frais de la guerre.
LXXXIII Heraclides n'ayant pas trouve Scipion , l'Africain dans le camp, difséra
Conseil sa- sous divers prétextes jusqu'à son retour à demander son audience.
Lorsque
lutaire que Scipion l'ainé fut arrivé, l'Ambassadeur parla suivant ses instrudions , mais
Scipion
pour toute reponse on lui dit que le Roy son maître ne devoit esperer la paix
donne à
que sous ces conditions, 1°. de payer tous les frais de la guerre, 2°. de re^"
Antiochus.
tuer généralement toutes les villes Gréques de l'A sie qu'il possédoit; 30. de
réduire ses Etats à tout ce qui étoit au dela du montTaurus, qui lépare la
Cilicie de l'Asie septentrionale. L'Ambassadeur n'a voit garde de répondre à
de telles propositions. Il les crut exorbitantes. Il éxécuta les ordres qu'il
avoit pour Scipion l'Africain, & lui parla dans les termes qui luy avaientété
dictez par son maitre. Scipion lui répondit, qu'en bon citoyen il ne pouvoit
accepter ses offres; que le plus grand servicedans qu'il pouvoit luy rendre & le
meilleur conseil qu'il lui pouvoit donner, la situation présente de tes
affaires étoit de lui inspirer d'éviter sur toutes choses de se commettre avec
les Romains en bataille rangée ; que s'il avoit paru avec une armée sur les
bords de l'Hellespont, pour en disputer le passage aux Romains, il auroit
composition ; mais qu'àprésent les Romains
pu espérer une plus favorable maitres & du cavalier & du cheval.
étant entrez en Asie , ils se trouvoient
Ces réponses étant raportées à Antiochus, il ne songea plus qu'à sedif-
LXXXIV Thiatire, &
Antiochus poser sérieusement à la guerre. Il vint camper aux environs de
se prépare rassembla toutes ses forces. L'Armée Romaine de son côté quitta les bords
y
à la guerre. de l'Hellespont & s'avança vers la Alysse campa vers Dardanum & Ilium
Liv. l. 47. , d'Enée. Le Con-,
d'où les Romains croyoient être sortis comme descendins
tfufiin. 1.
sul manqua pas de visiter le temple de Minerve d'Ilium, & d'y offrir des
ne
sacrifices. En six jours de marche l'armée Romaine arriva à Elée. Le grand
311.

Scipion y étant tombé malade, Antiochus lui renvoya son fils avec une po-
litesse qu'on ne sauroit allez admirer, & Scipion après avoir chargé de mille
remercimens celui qui lui ramenoit son fils, fit dire au Roy que pour luy té-
moigner sa parfaite réconnoissance, il lui conseilloit de ne pas hazarder la
bataille, qu'il n'eût appris sa parfaite guérison.
Antiochus eut tant de détërence pour l'avis de Scipion, qua 1 approche
du Consul il décampa de Thijtire , & vint camper proche M agnelle à portée
du montSipyle, ayant le fleuve Hermus entre les Romains & lui. Il s'y rétran-
cha d'un fossé très profond, muni d'un double rang de palissades , & d'une
seconde enceinte fortifiée de tours & de bonnes murailles. Le Consul ne
lame
laissa pas de s'approcher' du camp du Roy, ayant nomme pour Lieutenant
Général en la place d'Africain son frere, Cneius Domitius. L'armee Consu-
laire n'étoit qu'à quatre mille de l'armée d'Antiochus. Mille Galates mêlez
de Scythes passérent le fleuve Hermus, & vinrent tomber sur les Romains;
niais ils furent repounez,& il en périt un bon nombre dans les eaux. L ar-
mée Romaine passa le fleuve , sans trouver aucune résistance. & vint camper
à deux mille cinq cens pas du rétranchement des ennemis.
Tous les matins les
& se rangeoient en bataille ,
troupes
mais
des
si
deux
prés
côtez
du
sortoientdes
camp, qu'on ne paroissoit
, pas
avoir envie de se battre ; à la fin le Consul impatient, résolut avec le con- taquer le
LXXXV.
Le Gonsul
Scipion sc
difposeàat-

seil deses principaux officiers, de forcer les retranchemens desennemis. An- d'Antio- camp
tiochus dont l'armée étoit de beaucoup supérieure en nombre ; car il avoit chus.
plus de soixante & dix mille hommes de pié, & douze mille chevaux ; &
l'armée Romaine n'étoit que de vingt-huit à trente mille hommes de pié&
deux mille chevaux. De part & d'autre on avoit des Elephans, & du cote
du Roy, on avoit même des Chameaux, & des chariots armez de faulx. Les
Romains n'a voient que quatorze Eléphants venus d'Afrique, beaucoup moins
courageux, moins gros, & moins forts que ceux du Roy, qui étoient au nom-
bre de cinquante-quatre, venus des Indes. Aussi les Romains ne daignérent
pas pour ainsi dire , employer les leurs, ils les
placérent comme un corps de
réserve à la queuë de leur Armée. La Phalange du Roy composée de dix
mille hommes, étoit au centre de la bataille ; le Roy commandoit en per-
sonne l'aile droite ; les Princes Seleucus & Antipater , dont l'un étoit fils
& l'autre neveu du Roy, commandoient à l'aile gauche. Minion, Zeuxis &
Philippe donnoient leurs ordres à la Phalange. LXXXVI
Le combat commença par les chariots armez. Le Roy Eumenes a la Combat
tête des gens de traits &des frondeurs, & de la milice legere des Romains, Romains entre les
rendit les chariots inutiles, ordonnant à ses gens de ne tirer que contre les & Antib-
chevaux, afin de les effrayer, de les effaroucher & de les blesser. Blessez & chus.
éffarouchez ils retournèrent sur les Arabes montez sur des Chameaux & des Liv. 1, %7.

Dromadaires, & sur la cavalerie qu'ils dérangérent & qu'ils endommagèrent Appiun Syriac.
considérablement. La cavalerie Romaine ayant le champ libre , vint tomber
sur les cavaliers Syriens que les chariots avoient commencé à ébranler. Elle
acheva de les rompre & en fit un grand carnage. Eumenes donna vigoureu-
sement sur l'aile gauche, ot', commandoit le Prince Seleucus, & la mit en
désordre. Le Lieutenant Général Domitius avec ses légionaires voulut for-
cer la Phalange, mais il fut obligé de réculer, repoussé par les piques des
Phalangites ; Il se rabbattit suries Eléphans qu'Antiochus avoit répandus
dans les intervalles de la Phalange. On les perça des traits,on leur couppa
la trompe, on les blessa, on les mit en furie, & on les fit marcher contre
ceux-même? à qui il devoient servir de défense. LXX.MI.
A l'aile droite où commandoit Antiochus ,les Romains avoient du dés- Victoire]
avantage. Denüez de leur cavalerie, qui étoit allée à l'aile gauche pour remportée
ennemis, furent d'Antio- par les Ro-
aider à pousser les ils attaquez par la cavalerie mains cou-
chus qui les renversa & les mit en fuite. Ils coururent droit à leur camp tre Antio.
, lii2 pour chus.
Liv. î. e7- pour y rentrer ; mais un tribun Légionaire nommé TEmilius, vint au devant
jippian. d'eux, leur presenta les armes , les ramena au combat & leur fit reprendre
Syriac. Zc- leur poste. En même tems Attalus frere du Roy Eumenes passa de l'aile
nar. droite à l'aile gauche avec deux cens cavaliers, & assura par ce moyen la
,
viCtoire entiére à l'armée Romaine, déja victorieuse à l'aile gauche. Antio-
chus vit sa défaite & se retira. Son armée le suivit & prit la fuite Eume-
nes avec sa cavalerie poursuivit les fuiards & en tua un grand nombre. Les
légionaires allerent attaquer le camp des Syriens & le pillerent ; ils y trou-
vérent des trouppes qu'il fallut combattre; mais elles furent taillées en pièces.
On recueillit dans ce camp des richesses immentesen or, en argent, en y voi-
re , en chevaux & en chameaux. On compte que le Roy de Syrie dans la
bataille de Magnesie perdit plus de cinquante mille hommes, y compris Jes
prisonniers. L'armée Consulaire ne perdit que trois cens hommes depié,
& vingt-cinq cavaliers. Eumenes ne perdit que quinze hommes. On re-
garda cette vidoire si sanglante d'une part, & si aisée de l'autre comme une
,
espéce de prodige.
LXXXVII. Cette défàite fit perdre à Antiochus sa grande réputation, & son nom de
Antiochus Grand. Il se retira à Sardes, & delà à Apamée où Seleucus son fils l'avoit
fit conduire son épouse qu'il avoit prise àChalcis. Le fruit
se retire à ,
Apamée.
précédé, & où il

,
de cette vi&oire fut pour les Romains la conqueste de tous les peuples voi-
sins. Ephése même se rendit au Consul & Polyxenidas Amiral de la flotte
du Roy, quitta le port d'Ephése& conduillt sa flotte àPatare; d'où il retour-
na par terre en Syrie. Dépuis cetteglorieuse journée le Consul prit le nom
d^Ajïatique, à l'imitation de son frere qui aprés la défaite des Carthaginois,
,
avoit pris celui d'Africain. L'armée Romaine vint camper à Sardes, & ce fut
delà qu'Antiochus envoya ses Ambassadeurs Antipatre & Teuxis, pour de-

son frere. ,
mander la paix. Ils eurent ordre de s'addresIer avec confiance à Scipion
l'aine & ce grand homme voulut être leur intercesseur auprés du Consul
,
Ils s'appliquerent aussi à appaiser le Roy Euolenes qui étoït ex-
trêmement irrité contre leur maitre, & qui avoit le plus contribué au gain
de la bataille de Magnesie.
LXXXIX, On assembla leConseil. Les Ambassadeurs y parlérent avec la soumission
Condi- qui convenoit à l'etat où Antiochus se trouvoit. Scipion l'Africain leur ex-
tions de pliqua les intentions de la compagnie. Qu'Antiochus
paix pro- renonce à toutes tes
poséesà prétensions en Europe , qu'il se borne au mont Taurus en Afie. Qu'il paye
Antiochus'• aux Romains quinze mille talents Euboïques pour les frais de la guerre,
P»lyb. cinq cens comptant, & deux mille cinq cens, lorsque le Senat & le peuple
Legat. 24, Romain
Liv. /. 37. auront ratifié les conditions de la paix, & chaque année mille talens
:Jufiin.l. pendant douze ans; Qu'il paye au Roy Eumenes les quatre cens talents qu'il
31 1.Appi, lui doit, & le reste d'une autre somme pour du blé , que le
Roy Attalus son
An. P.111. pere avoit fourni au Roy de Syrie ; Qu'il livre Annibal, Thoas l'Etolien, Phi-
IIZ. Ion & Eubolide tous deux Chalcidiens & auteurs de nos divilions, enfin qu'il
,
donne vingt otages au choix du Consul, entre lesquels fera le jeune Antio-
chus le dernier de ses fils.
Les Ambassadeurs se sournirent à tout ce qu'on voulut, & partirent
pour
pour Rome avec Marcus Aurelius Cotta Envoyé du plusieurs Consul. Euménes les xc
suivit bientost aprés, de même que les députez de villes Gréques Les Am..
ba(sadeurs
d'Asie, qui alloient remercier les Romains de la liberté qu'ils leur avoient pro- d'Antio-
curée. Annibal se retira avant qu'il pÚt être livré au Consul; mais Antio- chus se ren-
chusne différa pas d'envoyer ces séditieux qu'on luy avoit demandé, avec dent à Ro-
l'argent & les otages qu'il avoit promis. L'armée Romaine quitta Sardes & me avec le
hyver Magnesie sur le Méandre partie à Roy lin-
alla prendre ses quartiers d partie à
, menes,&c.
Tralles & le relie à Ephése , où les Scipions passerent l'hyver. XCi.
Les Etoliens avoient envoyé à Rome des Ambassadeurs pour demander M. Fulvius
la paix,& en même tems ils continuoient la guerre contre leurs voisins. Ami- & Nobilior.
Gne'ius
nlnder Roy d'Athamanie avoit été chassé de ses Etats & s'étoit retiré dans l'E- Manlius
tolie. Ses anciens sujets l'invitèrent à revenir prendre possession de ses Etats. VolsoCon-
il
Les Etoliens luy préterent mille combattans avec le secours desquels chassa suls. An de
Philippe Roy de Macédoine, qui s'en étoit emparé. Les Etoliens aprés avoir Rome 564.
Monde
rétabli AnÜnander sur le trône , se répandirent dans l'Amphilochie , Province du 381ç.avant
voisine de l'Epire qui leur avoit autrefois appartenu, & qui pour lorsobé- J.G. 18î.
iHàitau Roy de Macédoine. Delà ils s'avancerent jusqu'à l'Aperantie,& la Liv.l. 37.
,

sournirent, ils engagèrent ensuite les Dolopes à secouër le joug de Philippe,


eut toujours été de la domination des Roys de Macé-
quoyque la Dolopie entreprises
doine. Toutes ces étoient autant d'insultes faites aux Romains,
en la personne d'un Roy leur ami & leur allié. XCII.
Dans le même tems les Ambassadeurs de la nation Etolienne, qui étoient Fausse
à Rome répandirent le bruit que les deux Scipions s'étoient rendus à une nouvelle
, la prise
entrevue avec le Roy Antiochus, ce Prince les avoit arrétez, que leur armée sur deux
denuée de ses deux chefs, avoit été mise en déroute & chassée de son camp. des Scipions
Ils affûroient avoir reçu cette nouvelle des députez de leur nation. Ils répandue
croyoient sans doute rendre par là leur cause meilleure, & obliger le Sénat à à Kome
se relacher des conditions qu'il leur avoit d'abord proposées. Quoyque la par les
nouvelle de la victoire remportée sur Antiochus ne fut pas encore arrivée à Ambafla-
deurs des
Rome, le Senat ne laissa pas de traiter les AnlbaITadeurs Etoliens avec la Etoliens.
hauteur que méritoient leur insolence, & les excés qu'ils avoient commis Liv. 1. 37.
contre la République; on les renvoya sans réponse & .on résolut de faire la ex Valerio
Antmat.
guerre à leur nation. 48.
Bientost aprês arrivérent les Amba,,Tadeurs d'Antiochus, avec Aurelius c. XCIII.
Cotta député par les Scipions, qui apportérent les nouvelles de la défaite Condi-
d'Antiochus & les conditions de paix qui luy avoient été proposées. Le Se- tions de la
.
nat donna d'abord audience au Roy Euménes , puis à ceux de Smirne , à ceux paix clue:
con-
des Rhodiens & enfin à ceux du Roy de Syrie. On accepta les conditions le Royavec An-
proposées à ce dernier i on ajoûta seulement que le Roy changeroit ses otages tiochus.
tous les ans, excepté le fils d'Antiochus qui demeureroit à Rome, tant qu'il Liv. 1. 37
plairoit à la République. On donna au Roy Euménes en réconnoissance
de sou attachement & de ses services, la Lycaonie , les deux Phrygies & la
Myiie. On accordi aux Rhodiens pour les mêmes raisons laLycie, cette
part;e de la Carie , qui avoisine les Etats de Rhode & une partie de la
Lycie. Iii 3
Les
Les deuxConsuls partirent enfin de Rome pour leur département accom-
pagnez de Fabius Labio, qui devoit commander la flotte. Aprés cela iEmi-
lius qui avoit vaincu sur mer Polyxenidas retourna à Rome & obtint les hon-
neurs du triomphe. Les deux Scipions ne tardérent pas non plus à arriver,
& le même honneur leur fut déféré. Toutes les richesses de l'Asie, & les
dépouilles du grand Antiochus parurent à ce triomphe.
x civ. Le Consul Fulvius, qui étoit chargé de la guerre contre les Etoliens,
Siége commença campagne par le siége d'Ambracie. Cette ville étoit lituée à mi-
d'Ambra- côte. On descendoit par une pente douce jusqu'à la riviere d'Arethonte qui
cie par le couloit
au bas ; Elle étoit adossée d'une colline sur laquelle on avoit con-
Coniul
Fulvius. struit une forte citadelle. Les Epirotes, qui revendiquoient cette place,
Liv, lib.3S. comme leur ayant autrefois appartenu , joignirent leurs forces à celles du
Consul & formérent un camp à part. Le siége fut dressé dans les régies
,
ordinaires de ce tems-la.par des lignes de circonvallation & de contrevallation
au tour de la place & par des batteries de machines pour en battre les murs.
Les Etoliens envoyérent du sécours dans la place & mille de leurs gens y
entrèrent, avant que les lignes fussent achevées. L'on fit jouer le belier &
des faulx très solides attachées à des longues poutres, arrachoient les Cré-
naux des murailles & en écartaient les combattans.
XCV. Les assiégez mirent en usage certaines bascules , par le moïen desquelles
Résistance
on faisoit descendre des poutres, de grosses pierres, ou de maiïes de plomb,
des Eto- du belier, & pour les faulx on les attiroit dans la
liens dans qui amortiffoient le coup
Ambracie. ville par le moïe-n de certains ancres, ou de certains crocs disposèz le long
Liv. 1. 38, des parapets. Nicandre Général des Etoliens fit encore depuis entrer dans
la place cinq cens hommes de trouppes fraiches. Tout cela fut cause que le
siége traina en longueur. Ils firent de vigoureuses sorties, brulérent quel-
ques machines des assiégeans,&
quelqu'unes de leurs tentes. Ils attendoient
à tout moment le sécours que Nicandre leur avoit promis ; mais ce Général
occupé à repoulser Persés fils du Roy de Macédoine, qui étoit entré dans la
Dolopie, & Peuratus Roy d'Illyrie , qui avec sa flotte portoit la désolation
sur leurs côtes, ne put éxécuter ses projets ; Ambracie , malgré la résistance
des assiégez, étoit sur le point de se rendre; Nicandre convoqua les princi-
deTa nation. Tous opinèrent à demander la paix. Le Consul l'offrit,
paux
à condition que les Etoliens quitteraient les armes, qu'ils livreroient aux
Romains tous les chevaux de leur armée , & qu'ils païeroient mille talens,
moitié comptant & moitié aux termes dont on convint.
Xev1. Les députez n'osant prendre sur eux des conditions si dures , les rap-
Condi- portèrent à la Diette de leur nation, qui les renvoïa en diligence avec ordre
tions de de conclure la paix ; mais ils furent arrêtez par un parti Acarnanien , qui les
paix pro- conduisit à Tyrée. Le Consul Fulvius les répéta, & écouta la soilicitation
posée aux Rhodiens& celles d'Aminander Roy des Athamantes, qui
Etoliens. des Athéniens , des
Liv.A- 3S. s'emploïérent pour les Etoliens.
Aminander entra dans la ville d'Ambracie,
& l'engagea à capituler. On laissa la vie sauve à la garnison , & la ville fut
condamnée à païer cinq cens talens ; deux cens comptant, & le reste en
six paiements égaux; il fut arrêté qu'on rendroit au Consul les prisonniers&
les
les transfuges. Le Consul trouva dans Ambracie quantité de statuës de mar-
bre & de bronze , & grand nombre de peintures d'un grand prix que le
Roy Pyrrhus y avoit autrefois amassées. Il se les attribua, & les conduisit à Rome.
D'Ambracie Fulvius se rendit à Argos capitale de l'Amphilochie, où les
députez de la nation Etolienne , sortis des prisons de Thyrée, les vinrent LesXCVII. Athé-
trouver. Les conditions de paix proposées furent agréés, & on envoïa à
niens & les
Rome pour les faire ratifier. Les Athéniens & lesRhodiens envoïérentà Ro- Rhodiens
auprés des Sénateurs, qui laissérentlong- intercé-
me de leurs députez pourintercéder dent pour
tems les Envoïez d'Etoile languir dans la ville, avant que de leur accorder les Eto-
la ratification de la paix. On ajouta aux conditions arrétées par le Consul, liens.
que les Etoliens donneroient quarante ôtages durant six ans au choix du
Con-
sul & qu'ils renonceroient à toutes prétentions sur les villes & sur les ter-
,
ritoires que les Romains avoient conquis depuis le consulat de Flaminius,
quoyque ces villes eussent été auparavant sous la domination des Etoliens;
que la ville d'Æniades & son territoire resteroient anx Acarnaniens, que l'isle
de Cephalenie ne seroit pas compnse dans ce traite ; Les Romains avoient
dessein de s'en rendre maitres & de réduire parlà la Gréce dans la servitude.
C'elt ce que fit en effet bientost aprés le Consul Fulvius; Enfin il fut conclu
que les Etoliens regarderoient comme leurs ennemis tous ceux du peuple
Ronvin ; ainsi finit la guerre d'Etolie.
Le Consul Manlius qui avoit son départément en Afie, fit ce qu'il put XCVIIl.
,
l'on avoit faite Antiochus, & attirer Le Consul
pour troubler la paix que avec pour ce Manlius
Prince dans quelque embuscade; mais Antiochus informé des mauvais desseins marche
du Consul ne voulut pas entrer en conférence avec lui, & évita de le voir. contre les
Le Consul ,fit avancer lès troupes jusqu'au pied du montTaurus, & com- Galates.
Liv. 1. 33.
me le Roy ne fit paraître aucune troupe, Manlius fut obligé de se rétirer, & de
porter la geurre dans le païs des Galates, ou des Gaulois, pour les punir de
ce qu'ils avoient pris parti dans les troupes d'Antiochus contre les Romains.
,
Attalus frere du,Roy Eumenes servit de guide à l'armée Consulaire ; 11 vint
à la tette de douze cens hommes, & Athénée un autre de ses freres le joignit
avec tout le reste des troupes de Pergame. En chemin le Roy Antiochus en-
voïa son fils Seleucus avec un gros convoi de blé pour les trouppes Romai-
nes. Il y eutd'abord quelque difficulté au sujet de la distributionde ces grains ;
Seleucus prétendant qu'il n'en devoit point fournir aux soldats d'Attalus;
mais le Consul défendit aux siens d'en recevoir, que ceux d'Attalus n'eussent
reçû leur provision.
Arrivé à Tabes sur les confins de la Pisidie, il fut attaqué par la cava-
lerie Pisidienne; mais elle fut repoussée , & la ville de Tabes condamnée à
païer aux Romains vingt-cinq talents d'argent v & à fournir dix mille me-
dimnes de froment. Le Tiran Moagites qui s'étoit emparé de la ville de
Cibyra & de quelqu'autres places des environs, fut condamné d'abord à vingt-
cinq talents, puis à cinquante & enfin à cent, & à dix mille mines de blé.
Après une longue & pénible marche, Manlius se rendit sur les frontières de
la Galatie. Les Galates étoient des relies de l'armée de Brennus, dont on a
parlé ; Ils s'étoient extrêmement multipliez & exerçoient des holtilitez con-
tre
tre tous les peuples de l'Asie. Ils étoient partagez en trois espéces' de corps l
ayant chacun leurs Roys & leurs cantons. Les Tolistoboges s'étoient forti-
fiez sur le mont Olympe ; Les Teftosages sur le mont IHegJba, & les Troc-
miens avoient confié leurs femmes & leurs enfans aux Toliitoboges, & leurs
guerriers s'étoient joints aux 'Iedosages.
XCIX. Epossognatus un de leurs Roys plus moderé que les chefs de ses com-
Epoffo- patriotes , & qui avoit refusé de prendre les armes contre Euménes & contre
gnatus un les Romains pour Antiochus, s'offrit au Consul pour négocier avec les Roys
des Roys des Galates afin de les porter à la paix; mais ces négociations furent sans
des Gaia-
s'em- effet. Manlius marcha d'abord contre les Galates rétranchez sur le mont
tes
ployé pour Olympe. Il fit attaquer la montagne par trois endroits différens, la pente
procurer du côté de l'Orient étoit plus douce & le terrain moins embarrasse ; Manlius
la paix aux frere du Consul avec sa trouppe grimpa de ce côté-là, & arriva jusqu'a un
Galates. rocher escarpé & défendu par quatre mille Galates, qui lancérent une grêle
An du
Monde de traits & de pierres contre les assaillans; mais les traits & les pierres venant
38x6. avant à leur manquer, ils furent exposez aux coups des Romains qui les perçoient
J. G. 184. de traits sans qu'ils puisent s'en défendre. Bientost la trouppe de quatre
Liv. /. 3 3. mille fut, réduite à
un petit nombre, qui prit la fuite vers le haut de la
montagne, où ils se rangérent en bataille avec leurs compatriotes.
C, L'armée Romaine qui avoit trouvé des obstacles invincibles à cause du
Manlius terrain à l'occident oumidy de la montagne , se réunit enunfeul corps, qui
prend le étant arrivé haut du rocher, d'où l'on avoit chassé les Galates, le Consul
mont
au
Olympe & harangua ses troupes,
& leur ordonna de ramasser les traits, qu'ils avoient
les ennemis. Enfin ils arrivérent prés dusom-
y défait tes lancé en grand nombre contre
Galates. met de l'Olympe. La milice legere commença le choc par une grêle de
Liv. Uz%. traits qu'elle lança contre les Galates, qui bordoient toute la cime dela
montagne. Cette multitude rassemblée fut bientost mile en désordre & forcée
de régagner son camp. Les Romains arrivez sur la plaine de la hauteur, corn.
mencèrent à combattre de pié ferme contre les Gaulois qui étoient portez au
dehors du camp, pour en garder l'entrée ; mais les Romains les eurent bien-
tost forcez d'ouvrir les portes de leur camp où ils entrèrent avec eux. Ce
fut alors une déroute & un carnage affreux.^ La plupart furent précipitez
à bas des rochers, les autres périrent par l'épée des Romains. D'autres se
pouffant & se heurtant, étoient écrasez & froissez par les fuyards. La cavale-
rie Romaine, qui étoit restée au pied de la montagne , tomba sur ceux qui
étoient échappez aux premiers dangers, & les mit à mort, ou les fit prison-
niersde guerre. On ne convient pas du nombre des morts de la paît des en-
nemis. Les uns le font monter jusqu'à quarante mille. Le camp fut pillé,
les armes des Gaulois furent consacrées au Dieu Vulcain& consumées parles
flammes.
Parmi les femmes prisesdans cette journée, se trouva ChiomareEpouse du
Cl,
Histoire de Roy Ortiagon qui regnoit sur les Tolittoboges. Le Consul Manlius h con-
Chiomare fia à un Centurion qui luy fit violence ; ensuitte il luy proposa de la rendre
une des au Roy son mary moyennant une certaine somme. Le Roy envoya l'argent
Reines des Seigneurs Galates, qui se trouvèrent à un endroit marqué, Tandis
Galates. par deux
que
que le Centurion est occupé à compter l'argent, Chiomare dit dans san lan- Liv. 1. ; S.
gage à l'un de ces deux Seigneurs de frapper ce monstre de Romain, qu'elle Flor. 1. 2.
avoit en horreur. Elle fut obéïe, & le Galate d'un coup de sabre abbattit la c. II. Au.
tête au Centurion. Chiomare la releva, l'enveloppa dans un pan de sarobbe de Tel. Vicîor•

& l'emporta avec elle. Le Roy s'informa d'abord si on n'avoit pas fait d'ou- Wuji. viris
c. ïf.
trage à sa pudeur; elle répondit que si son corps avoit souffert quelque inju- Plutarcb.
re, elle en avoit tiré vengeance, &en même tems jetta à ses pieds la tête du mulierib. de claris
Romain. Polybe qui vit dépuis cette Princesse, & qui l'entretint à Sardes, en
fait un grand éloge, & dit qu'elle joignoit à une excellente beauté beaucoup ex Polyb,
de courage & de solidité d'esprit. ,
Le Consul Manlius alla camper dans les plaines d'Ancyre Capitale de la Cil.
Galatie. LesTéétosages & lesTrocmiens n'avoientpas encore paru en armes. Les Gau-
Ils envoyérent à Manlius une ambassade, pour le prier de n'avancer pas plus lois tâ-
chent de
avant, de faire cesser les hostilitez, que le corps entier des Galates étoit ré- surprendre
solu d'accepter sa paix aux conditions qu'il plairoit aux Romains de préscrire. Je Consul
Le lieu dela conférence fut marqué, & le Consul s'y rendit; mais les Galates ne Manlius.
s'y trouvèrent pas. Un autre jour ils y vinrent, & le Consul se contenta d'y Liv. 1. 3 8.
envoyer Attalus avec une escorte. La paix fut ébauchée, & on promit qu'au
premier jour tous les Roys de la nation se rendroient au lieu de la conféren-
ce , pour arrêter les articles & pour les signer. Pendant ce tems les Tettosa-
ges faisoient passer leurs femmes, leurs enfans & leurs meilleurs effets au delà
du fleuve Halys, & avoient dessein d'arrêter le Consul, & même de lui don-
ner la mort. Il se rendit au lieu marqué avec Attalus à la tête de cinq cens
chevaux; mais les Officiers de l'armée Romaine avoient eu la précaution
d'envoyer six cens cavaliers à portée du lieu de la conférence, pour lui prêter
secours en cas de bé[oin.
La précaution nefbtpas inutile. Les ennemis avoient posté mille honi. CIIL
mes de leurs meilleures troupes sur la route que Manlius-devoit tenir pour LesGalates
venir à la conférence. A peine eût.on perdu de veuële Consul, que les esca- qui avoient
voulu sur-
drons Galates vinrent fondre à toutes brides sur son escorte. Il soûtint cette prendre le
attaque avec intrépidité, & fut obligé de faire sa retraite sans cesser de com- Consul,
battre. Les Galates commençoient à envelopper le détachement du Consui; sont dé-
& la déroute
^ auroit été entiére, si les fourageurs Romains ne fussent accou- faits.
rus au bruit qu'ils entendirent. Pour lors les fuïards se ralliérent, & donnèrent
sur les Galates, qui a leur tour tournèrent le dos. On
en fit un si grand car-
nage, que nul n'échappa du combat.
Dez lors le Consul n'usa plus de ménagement. Il vint se porter à CIV.
de distance de la montagne de.Magaba, qui sèrvoit d'azyle peu
aux Tettosages, Prise delà
&aux Trocmiens. Leur armée étoit rangée régulièrement sur la cime de la deMagaba. montagne
montagne où il falloit grimper. Outre les troupes des Galates, il y avoit Défaite des
quatre mille hommes de troupes auxiliaires, qu'Ariarathe Hoy deCappadoce, Gaulois.
& Morzés Roy de Paphlagonie avoient envoyées au secours des Galates. Le
Général Romain partagea ses troupes en quatre colomnes, comme
eipece d'escalade. Le
pour ten-
ter une prémier choc fut semblable à celui du mont
Olympe & eut le même succés. Après que la milice légère eût accablé les
ennemis d'une grêle de traits de toutes les sortes, le Consul fit avancer tes Lé-
gionaires, qui inspirérent une telle fraïeur aux Gaulois, qu'ils se pressérent
de regagner leur camp. Plusieurs prirent la fuite par les endroits de la mon-
tagne, qui n'étoient pas occupez par les Romains; ceux-cy sans s'amuser à
les poursuivre, se jettérent dans le camp, & y firent main bâtie surtout'ce qu'ils
y trouvèrent. L'ardeur du pillage fut cause qu'il échappa un grand nombre
de Galates, qui passérent le fleuve de Halys & sesauvcrent. Les vainqueurs
ne trouvèrent pas un butin considérable dans le camp; les Galates avoient
transporté ce qu'ils avoient de meilleur en lieu de seureté; mais on trouva
dans leurs villes des richesses immenses, qu'ils y avoient amassées des dépo-
uïlles de tant de peuples qu'ils avoient pillez & fouragez. Le lendemain le
Consul rassembla le butin & les captifs. Ces derniers transportez de rage
mordoient leurs chaînes, & s'étouffoient l'un l'autre pour se délivrer des hor-
reurs de i'esclavage.
CV. Aprés ces deux défaites, & la prise de la plupart des villes des Galates,
Les Gau- lesRays de cette nation firent une députation, au camp deManlius, pour lui
lois de- demander la paix. L'hyver approchoit,& le Consul n'avoit pas dcssein de
mandent laisser ses
la paix aux: troupes dans ce pays. Il ordonna aux Galates d'envoyer leurs Dé-
conditions putez àEphése où il réconduisit son armée. Les Gaulois aprés ion départ fi-
qu'il plaira rent partir leursDéputez, avec ordre de demander la paix aux conditions qu'il
aux Ro- plairoit aux Romains. Presque tous les Roys, les villes libres & les petits
mains de Souverains de PAfiese rendirent auprés du Consul, &dépos¿rent à ses pieds
leur pré- un
scrirc. nombre prodigieux de couronnes d'or, en ligne de la joye qu'on avoit de la
réduction des Galates, qui par leurs courses & leurs brigandages avoient ré-
pandus la terreur dans toute l'Asie. Leurs Ambassadeurs demeurèrent asiez
longtems dans l'incertitude de leur destinée, & enfin on leur répondit que
l'on ne prendroit aucun parti sur leurs demandes, que quand Euménes & les
dix Commissaires de la députation de Rome seroient arrivez à Ephèse. ts y
arrivèrent quelque tems aprés, & l'on régla les articles de la paix avec les
Galates. On leur ordonna de vivre en paix avec le Roy Euménes, & on
leur défendit de faire des courses en armes sur les pays de leurs voisins.
CV1. Dans l'entretems les Romains s'étoient donné de nouveaux Consuls,
M.Valerius qui furent M.Valerius Meffala,&Caïus Livius Salinator. On continua Man-
)'1drala & lius dans la Province d'Asie, pour la gouverner en qualité de Proconsul, &
C. Livius Fulvius fut aussi confirmé dans le gouvernement de la Gréce. A 1 égard des
Salinator
Contais. Consuls, le sort régla que Meflfala iroit faire sa résidence à Pises, pour veiller
An de Ro- sur la Ligurie,&que Salinator conduirait une armée dans la GauleCisajpine,
me.)6). pour y contenir les peuples dans le devoir. Les Liguriens avoient assaiTmé un
du Monde Préteur Romain nommé Baebius, qui passoit sur leurs terres avec mille Lé-
\
g8 6.avant
J.C. 184. gionaires, cinquante Chevaliers
Romains, six mille hommes de pied, & deux
Liv, /. 3 cens chevaux de troupes alliées. Baebiusy fut bleiïetrès-dangereusément& fut
conduit à l\larseille, où il mourut trois jours aprés son arrivée. Avant le dé-
part des Consuls pour leurs départements, on fit le dénombrement des ci-
toyens Romains, où l'on en compta deux cens cinquante huit mille trois
cens vingt huit.
Au
Au commencement de cette année on vit à Rome un triomphe d'un CVII.'
genre tout nouveau. Q Fabius Labeo avoit Levant. été l'année précédente Com- Triomphe
Pour ne pas demeu- de QJ'a-
mandant de la flotte Romaine sur les côtes du biuc La-
le Consul Manlius portoit la dans le des
rer oisif, pendant que l'Isle de Crète,
guerre
où il savoit qu'il
pays
avoit
beo pour
Galates, il fit voile avec sa flotte vers y avoir dé-
plusieurs prisonniers qui avoient été faits sur les Romains & vendus aux Cré- livré de
tois. Dez-qu'il parut sur les côtes, sans qu'il parlât seulement de faire la captivité
mais à sa seule sommation, les Cretois lui remirent entre les mains quatre
guerre, Latins, Labeo réconduisit Italie mille Ro-
quatre mille captifs, tant Romains que que en mains.
sur la fin de la campagne. Il demanda & obtint le triomphe, malgré l'oppo-
sition de quelques tribuns du peuple. Le Senat rendit justice à Labeo, & lui
accorda ce qu'il demandoit, jugeant qu'il n'avoit pas rendu un moindre ser-
vice à la République, en lui rettituant un si grand nombre deses sujets, qu'en
mettant à mort un plus grand nombre de ses ennemis.
La haine qui étoit dépuis longtems entre les Achéens & lesLacédémo- Querelle CVllL
niens, se ranima peu d'années aprés la paix conclue par Flaminius. Les La. entre les
cédémoniens fâchez de se voir privez de quelques ports de iner, qui avoient Achéens
été autrefois de leur dépendance, & qu'on avoit attribuez aux Achéens, atta- & les Lacé-
quérent de nuit une des petites villes nommée LJS; leur entreprise ne réunit 'lémo-
pas; les bourgeois de Las, & les exilez deLacédémone prirent les armes &re- ]Liv. 1. 3S.
niens.
pouffèrent les Lacédémoniens.Philopœmen,dontnous avons parlé cy. devant,&
dont nous avons même raconté la mort, -étoit alors chef des Achéens ; il en-
voya à Lacédémone pour demander justice contre les auteurs de cette entre-
prise. Les Lacédémoniens au lieu desatisfaire à cette demande, prirent les
armes,& mirent à mort dans leur ville trente citoyens, qu'on connoissoit
comme attachez au parti des Achéens ;& en même tenis firent partir des Dé-
putez pour aller offrir à Fulvius, qui résidoit alors dans l'Isle de Cephalenie,
lasouveraine authorité sur leur République, & le priertfe venir au nom des
Romains prendre possession deLacédémone. Démarche insensée & presque
incroyable, qui fait voir jutqu'a quel excès peut aller l'esprit de vengeance.
Le Proconsul Fulvius voyant les esprits échaussez & prêts à se faire la CIX.
Cephalenie Péloponése, assemblé La cause
guerre, passa de l'Isle de dans le & ayant d'entre les
les Achéens & les Lacédémoniens à Elis, il leur ordonna de suspendre leurs Achéens &
hostilitez & d'envoyer à Rome pour demander au Senat la décit10n de leur les Lacé-
différend. Le Sénat aprés avoir ouï les parties, prononça d'une manière pleine démoniens
est renvo-
d'ambiguité, qui donna lieu à de nouveaux troubles. Les Achéens prirent yée Sé-
les armes, & ayant à leur tête le célébre Philopœmen, se rendirent prés de nat. au
Lacédémone, & envoyérent demander aux Lacédémoniens,qu'on leur livrât
les auteurs de l'attentat commis contre la ville de Las, avec promesse de ne
les juger qu'après les avoir entendus. Ceux qu'on demandoit allèrent au
camp des Lacédémoniens, &y trouvérent les exilez de Lacédémone, qui les
reçurent avec des huées & des injures; des injures on en vint aux coups &
malgré les Achéens, ces exilez firent main basse sur les Lacédémoniens,& en
tuèrent dix sept. Les autres furent condamnez à mort sans qu'on eût sérieu-
sément écouté leurs raisons.
ex. Cette exécution jetta la terreur dans Lacédémone. Philopœmen leur
Lacédé- ordonna d'abbattre leurs murs, de renvoyer tous leurs soldats mercénaires,
mone est de chasser de leur ville ce grand nombre d'esclaves, à qui les Tyrans avoient
soumise
Aché-
donné la liberté, de reçevoir dans la ville ceux qui en avoient été exilez,
aux
se de renoncer aux loys de Lycurgue,& de n'en suivre point d'autres que celles
ens re- Lacédémoniens se sournirent à ces ordres, démo-
nonce 3Tux des Achéens. Les laches
loys deLy- lirent les murs de leur ville, & abandonnèrent les loys de leur Législateur,
cur^ue. qu'ils avoient observées pendant environ sept cens ans. Les Romains virent
tout cela sans l'empêcher, & on peur, fixer ici la chute de la fameuse Lacé-
démone qui s'étoit soûtenuë jusqu'alors avec tant de dignité & de répu-
tation. ,
exi. Le Proconsul Manlius, aprés avoir passé l'hyver à Ephése, en partit, &
Le Procon-
en huit jours de marche arriva à Apamée. Il n'y sejourna que trois jours,
sul Manlius dans la Pamphilie, où il reçut au jour nommé les deux
fait sortir & en partit pour aller
la garnison mille cinq cens talens, &le blé qu'Antiochus s'étoit
engagé de donner aux
de IJerges. Romains. Le blé sut sur le champ distribué aux troupes, & l'argent fut en-
L/v. 1.3$. voyé à Apamée. Delà il s'avança vers Perges, ville située sur les bords du
fleuve Cettrius. Cette place étoit encore occupée par les troupes du Roy de
Syrie. Le Gouverneur vint au devant du Proconsul, & obtint un mois de
délay, pour donner avis au Roy Ion maitre de ce qui se passoit, & lui deman-

CXll. ,
der ses ordres pour l'évacuation de la place. Le Roy ordonna que Perges fût
renduë au Proconsul.
Sur ces entrefaites Manlius reçut la nouvelle que le RoyLumenes & les
Articles de dix Commissaires envoyez en Asie pour y régler les affaires, étoient arrivez à
la paix en- Ephése. Il se rendit à Apamée, où les Commissaires vinrent le trouver. La
tre lesRo- ils mirent la derniére main au traité de paix avec le Roy Antiochus. Le
mains & le
Roy Antio-- voici tel qu'il fut¡nvoyé de Rome. 10. Le Roy ne permettra le passage à
sur ses terres,&
chus. aucune armée ennemie du peuple Romain ou de ses alliez, passage sur leurs
Liv.lî 8. réciproquement, ni les Romains ni leurs alliez ne donneront
Appian. à armée pour faire la guerre à Antiochus.
Syriac. Po terres aucune tes prétentions sur l'Europe, & n'étendra
kyb. Légat, zo. Le Roy de Syrie renoncera à
h- pas ses conquêtes sur les isles voisines
derAfle.
30. Antiochus retirera ses garnisons de toutes
les places, villes, bour-
gades & chateaux qui sont en deça du mont Taurus, jusqu'au fleuve Halys,
&de toute la plains qui sépare la Pamphilie de la Lycie d'un côté, & de la
Lycaonie de l'autre ; & les garnisons en sortant de ces places, n en emporte-
ront pas les machines de guerre, &si elles en ont été tr,msportées, on les y
restituëra.
ses„ Etats a aucun transfuge des
40. Antiochus ne donnera retraite dans
,

Etats du Roy Eu mènes.


50. Les habitans des villes cédées par
Antiochus, se rendront au jour
marqué dans Apamée, pour être renvoyez à leur ancienne patrie.
60. Les Syriens qui voudront demeurer dans les
villes Romaines, ou dans
celles des alliez de Rome, le pourront en toute seureté.
7°. Antiochus remettra entre les mains du Proconsul Annibal le Car-
thüginois
thaginois, Mnesilochus PAcarnanien, l'Etolien Thoas, Eubulis & Philon
Chalcidiens , & quiconque aura eu quelque Magistrature dans l'Etoile.
80. Le Roy de Syrie remettra tous ses Eléphans aux Romains, & n'en
dressera à l'avenir aucun pour la guerre.
°. Le même Roy n'aura que dix vaisseaux à trente rames, & bornera sa
navigation entre les promontoires de Calicadne& de Sarpedon. Il remettra
aux Romains toutes ses galéres armées en guerre.
100. Il ne pourra lever aucunes troupes mercenaires dans le pays Ro-
main, & ne pourra même recevoir les volontaires qui se donneroient vo-
lontairement à lui.
110. Les bâtimens & maisons bâties par les Rhodiens ou par leurs alliez,
dans le pays du Roy de Syrie,demeureront au pouvoir de ceux qui les auront
bâties.
120. Chacun pourra se répéter & exiger l'argent qui sera dû, & les
usurpations qui auront été faites de part & d'autre.
130. Les villes données à d'autres par Antiochus, seront reflituées à leurs
anciens possesseurs.
140. Le Roy Antiochus payera chaque année durant douze ans aux Ro-
mains mille talens en argent, à la loy & valeur de celui d'Athènes, & à 80. Livres
pesant pour chaque talent, & cent quarante mille boisseaux de blé.
150. Il délivrera au Roy Euménes dans l'espace de cinq ans, trois cens
cinquante talens, & cent vingt sept autres talens pour le payément du blé
qu'il avoit reçu du Roy Attalus Pere d'Euménes.
Il donnera aux Romains vingt ôtages avec son fils Antiochus, lef-
quels seront changez de trois ans en trois ans, & ne seront que dépuis l'âge
de dix huit jusqu'à quarante cinq ans. Toutefois son fils Antiochus ne sera
point échangé. x
170. Si quelque allié des Romains fait la guerre à Antiochus, ce Prince
aura droit de se défendre en bataille rangée, mais non de leur-prendre aucune
ville, ni d'en débaucher aucune de leur service.
18°. On pourra si on le juge à propos, ajouter d'un commun consen-
,
tement quelques articles à ceux qu'on vient de lire.
Aprés que le Proconsul Manlius eût confirmé ces articles par le ferment ex 111.
usité parmi les Romains, en frappant d'un caillou la tête d'une truïe, & se Ratifica-
des
dévouant au même slippl;ce s'ilmanquoit à sa parole; il fit partir Q. Minu- tion articles de
,
tins Thermus l'un des dix Commissaires, avec L. Manlius son propre frere, la paix pac
pour porter les mêmes articles au Roy de Syrie, & l'obliger à les jurer de les Ro-&
même. En même tems Fabius Labeo Commandant de la flotte Romaine,se mains
rendit au port de Pâture, où il brûla ou mit en piéces les Galéres d'Antiochus. par Antio-
chus. La
Qiiant-à ses Eléphans, on en fit présent au Roy Euménes. Ce Prince venoit flotte de
de marier sa fille à Ariarathe Roy de Cappadoce. En conlidération de ce ma- ce dernier
riage, Manlius pardonna au Roy de Cappadoce ses anciennes hostilitez con- est brûlée.
tre Rome, & lui remit la moitié du tribut, auquel il avoit été condamné.
Annibal informé par Antiochus que les Romains par un des articles de exH'.
la paix voulaient l'obliger à le leur livrer, se sauva dans l'Isle de Créte à Retraite
d'Annibal.
Ca) Gorthyne ; (a) d'antres (b) croyent qu'il se retira en Armenie auprès du Rov
tfuflin. Artaxias, à qui il persuada entr'autres choses de bâtir la ville d'Artaxata Capi-
1. 32. c. 4. tale de ses Etats. Il est certain qu'Artaxias & Zariadres commandoient, l'un
Æmil. dans la haute, & l'autre dans la basse Armenie, sous l'autorité d'Antiochus;
Prob. m
Anni-bale. mais aprés la défaite de ce Prince, ils se donnèrent aux Romains, & prirent le
go Diadème; au reste Antiochus se consola assez aisément de ses grandes pertes;
Plutarcb. il disoit même qu'il avoit obligation aux Romains, d'avoir retranché quelque
in Lucullo. chose de ses vastes Etats que par le moyen de ce retranchement ils avoient
Strabo ,
de beaucoup diminué ses peines & ses soins. Quelques auteurs (c) écrivent qu'il
1.Xi.
CO s'abandonna à la débauche, & qu'il périt dans un repas, où plein de vin il
Cicero pro frappa violemment quelques Seigneurs qui étoient 'I'l table avec lui,& qui lui
Dejotaro. otérent la vie. (d) D'autres croyent que ce Prince pressé par lesRomains, qui
11aler. de lui des sommes exorbitantes, alla dans la Susiane & dans les
Max. 1.4. exigeaient
c. I.
parties les plus éloignées de ses Etats, pour en ramasser, & qu'ayant entrepris
cd) de piller le temple deBelus Elyméen, il l'attaqua avec ses troupes pendant la
Aurel. Vi- nuit; mais les habitans du pays insormez de l'on dessein, tombèrent sur lui
tfor. de vir, & le mirent à
llJufîr.c.34- mort avec toute son armée. L'Ecriture raconte a peu prés de
Ce) même la mort du Roy Antiochus Epiphanes son fils; ce qui fait conjecturer
qu'on a confondu Fun avec Fautre.
Strabo Antiochus le Grand laissa neuf enfans, cinq fils & quatre filles. Les fils
LXVUfe- furent Antiochus qu'il avoit marié avec Laodicé sa fille soëur de
in ce Prince;
ronym.
Daniel.XI. Seleucus qui lui succéda, Antiochus Epiphanes qui régna aprés Seleucus; Ardjes &
CXV. Mithridates; les filles sont Laodicé dont on a parlé, qui épaula Antiochus ion
Mort du frere, Cleopatre femme du Roy d'Egypte PtoléméeEpiphanes; Antiochidc frmme
Roy Antio- d'AriaratheRoy deCappadoce, &une quatrième qui avoit été proposée au Roy
chus. An Euménes. On écrit qu'Antiochus se servoit de la thériaque
du Monde pour se prémunir
3817. avant contre toute sorte de
poison; & il faisoit tant de cas de ce remède, qu'il en
J.C. 183. fit graver sur le marbre la composition dans le parvis du temple d'Esculape.
Plin. I. x. Ses premiers exploits le firent juger capable des plus grandes choies, & lui si-
rent attribuër le nom de Grand; mais dans la fuite il parut beaucoup inférieur
à lui-même, & à ce qu'on attendaitde ses belles qualitez. 11 eut pour suc-
cesseur Seleucus surnommé Philopator.
exVI. Le Proconsul Manlius & les dix Commissaires envoyez par le Sénat,
Le Procon- après avoir réglé en Asie le sort des Princes, des Républiques & des villes, &
sul Manlius aprés avoir assigné les limites du Royaume d'Antiochus, de celui d'Euménes
pafTc PHel-
lespont & &de
l'Etat des Rhodiens, enfin aprés avoir distingué par des franchises & des
vient en aggrandissemens de Domaines la ville de Dardane ,& celle d'}:ium, d'rù les
Europe. Romains se faisoient honneur de tirer leur origine par Enée, ils partirent d'A-
Liv. 1. 38. pamée avec l'armée Romaine, pour se rendre par l'Hellespont en Europe ; Man-
pglyb. Le- lius voulut
que les Roys de Galatie lesuivissent jusqu'au passage de l'Hellespont,
gat. g6.
faire mieux sentir leur dépendance, & leur faire attendre plus long-
An du M. pour leur
3817- tems la décisiondeleur destinée. Nous l'avons marquée plus haut par antici-
pation; ce qui leur fut plus à charge, fut la défense qu'on leur fit de se con-
tenir dftns leurs limites & de faire des courses sur les payscirconvoisins. Eu-
ménes
mènes avoit envoyé Athenée le plus jeune de ses freres, pour aider l'armée
Romaine à passer le trajet.
Manlius étant arrivé dans la Chersonése, marcha à petites journées vers exTRIL -
est
LysinlJchie, où il laissa reposer ses troupes pendant quelque tems; après Manlius attaquépar
quoy il prit sa route à travers la Thrace. Au sortir de Cypséle, il fallut entrer j
les Thra-
dans une forêt, où dix mille Thraces vinrent fondre sur les bagages de Par-, ces.
niée, qui étoient chargez des richesses de lasie. Ils en pillèrent quelques
chariots,&emmenèrent des chevaux chargez de butin. Il y eut pendant tout
le jour une vicissitude de combats, tantôt avantageux & tantôt désavantageux
aux uns & aux autres. Pendant la nuit les Thraces contents du butin qu'ils
avoient enlévé, se retirèrent chacun chez eux. On soupçonna Philippe Roy
de Macédoine d'avoir porté sous main les Thraces à cette entreprise.
Le lendemain l'ennemi n'ayant plus paru, les Romains reprirent leur
route avec plus de tranquilité & de précaution qu'auparavant. L'armée vint
camper sur les bords de l'Ebre. Le Proconsul eut encore une allarme à essuyer
dans un fécond défilé presqu'aussi dangereux que le premier, où une grosse
troupe de Thrausiens parut disposée à disputer le passage à l'armée Romaine.
Manlius les apperçut de loin, & rangea son armée en bataille. Les Thrausiens
s'avancérent; mais dez le premier choc ils furent repoussez & obligez de se
retirer dans leurs bourgades. Ce furent les derniers ennemis que les Romains
rencontrérent sur leur route. Ils entrérent dans la Macédoine, puis dans la
Thessalie, &dans l'Epire , & arrivèrent enfin à Apollonie, où ils passérent le
relie de i hyver.
Cependant on créa à Rome de nouveaux Consuls. Le choix du peuple cxviii.
tomba sur Marcus Æmilius Lepidus, & sur CaïusFlaminius; tous deux ils M./Emilius Lepidus <5c
furent destinez par le Sénat à réduire les Liguriens, qui dépuis si longtems G. Flami-
s'obftinoient à ne pas quitter les armes. La difficulté des chemins qui con- nius Con-
duifoient dans leur pays, & le pays même presqu'inculte, rabotteux, fuis. An de
de difficile accés, rendoient ces peuples presqu' indomptables^ Les deux Rome 566.
Consuls,chacun de ion côté, firent élargir & nettoyer les chemins, & y for- du Monde
3S17. avant
mèrent des routes militaires. Æmilius fit percer à travers la Gaule Cisalpine J.C.18?.
un grand & large chemin qui fut nommé La vote Emilienne, qui aboutissoit Guerre
d'un côté à Plaisance, & de l'autre à Rimini. Flaminius en fit autant dépuis dans la
Rome jusqu'à Rimini, & dépuis Aretium jusqti-à Boulogne. Par ce moïenles Ligurie. 1.38.
armées Romaines pénétrèrent sans peine jusqu'au centre du pays de ces peu- Liv.
ples mutins & inconstans, & les réduisirent à l'obéïssance.
Cependant le Proconsul Manlius avec les dix Commissaires qui avoient CXIX.
été députez en Asie, arrivérent à Rome. Manlius ne comptoit pas de ren- Manlius
à
contrer desobstacles pour obtenir le triomphe, aprés tant de grandes choses arrive &
qu'il avoit faites pour la gloire du nom Romain. On lui objefloit principa- Rome, a peine
lement d'avoir cherché à la
recommencer guerre contre Antiochus d'avoir d'obtenir
,
tendu des piéges à ce Prince, de s'être avancé comme pour passer le mont le tÍiom-
Taurus. On lui reprochoit encore d'avoir porté la guerre dans la Galatie, pha
sans aucun ordre du Sénat, & de s'être comporté dans cette expédition plutôt
en brigand qu'en Géuéral des armées Romaines. Enfin on lui fit un crime
de ce
de ce qu'il s'étoit laissé surprendre par les Thraces, qui lui avoient enlevé line
bonne partie du butin pris sur l'Aile. L'impreslîonque firent ces accusations»
fut d'abord si forte, que Maalius cpuroit risque de ne pas triompher; mais
la nuit étant survenuë, <& les amis de Manlius ayant veu les Senateurs, l équité
de la cause du Proconsul l'emporta sur la jalousie & sur les accusations de tes
ennemis.
cxx. le
Caton Censeur étoit dépuis longtems l'ennemi secret deScipion l'A-
Scipion fricain tandis que ce grand homme fut nécessaire aux Romains. Caton se
l'Africain donna ;
accusé de- bien de garde de l'attaquer; mais voyant l'Italie, l'Afrique, la Grèce
vant le & l'Alie pacifiées, il suscita contre lui deux tribuns du peuple, nommez Peti-
peuple lius, qui le citérent devant le peuple assemblé. Toute la ville fut occupée
Romain. pendant les vingt-sept jours dépuis l'ajournement jusqu'au jour de la coni-
Plutarcb. parition des réflexions que chacun faisoit & sur la personne de l'accule, &
in Catane. ,
jippian. sur celle des accusateurs. Le jour, auquel Scipion parut devant le peuple, sut
Syriac. pour lui une espèce de triomphe. Toute la noblesse Romaine l'accompagna
par honneur. Luy-même sans changer d'habit, ni de contenance,monte ;ur
la tribune, & au lieu de répondre aux accusations dePeti1ll1s , il commença
à étaller avec cette éloquence qui lui étoit naturelle, les victoires qu'il avoit
remportées en Espagne contre les Carthaginois & contre les Espagnols.
Aprés cela il se tût, & laissa à ses accusateurs le tems de parler. Ils lui
reprochèrent l'hyver passé inutilement en Sicile, avant que de passer en Afri-
que , & le pillage de Locres ; & enfin les honneurs que lui avoit rendus le Roy
Antiochus, le renvoi de sonfils, la conduite que Scipion avoit tenuë envers
le Roy vaincu; d'où l'on inféroitmaIignement, qu'il en avoit reçu de grands
présens. On vouloit l'obliger à rendre compte de ces femmes, & des dépo-
uilles qu'il avoit remportées d'Aile. Tout le jour se passa en accusations &
en plaidoyé, & la conclusion de l'affaire fut remise à une autre assemblée.
cxxi. Scipion s'y rendit avec le même appareil qu'auparavant; monta sur la
Scipion tribune, prit en n:¡ainle registre du compte qu'on lui demandait, & le déchira
conduit le en présence de l'assemblée, & sans répondre aux vaines accusations de tes ad-
peuple au versaires il dit peuple: à pareil jourqu'aujourd'huy je vainquis Annibal &
G apitoie
au
pour ren- je
domptav Carthage: suivez-nloy, Romains, allons en rendre graces aux
dre graces Dieux au Capitole. Demandez-leur qu'ils vous accordent lbuvent des Gé-
aux Dieux néraux qui me ressemblent. Si dépuis dix-sept ans vous m'avez comblé d'hon-
de sa vi- je n'en suis pas méconnoissant, & je les avois méritez par mes ferri..
ctoire sur neurs ,On le suivit &
Annibal. ces. on abandonna les tribuns qui demeurèrent seuls sur la
place. Ils ne quittèrent pas encore prise, & citèrent de nouveau Scipiun à
comparoître à vingt.sept jours delà.
CXXll. Scipion ennuyé de tant de chicanes, se retira dans une maison de cam.
Scipion se pagne qu'il avoit aux environs de Liternes, assez proche deNaples,
où il se con-
retire de fina pour le reste de ses jours. Il ne jugea pas à propos de comparoître au jour
Rome & marqué, &Ies tribuns ses adversaires voulurent le faire condamner par contu-
demeure mais Lucius Scipion son frere comparut pour lui, & dit que l'on frere
à la cam- mace;
pagne. étoit demeuré malade dans sa terre. Les tribuns se tinrent oftenlez de son
flbsence, qu'on ne doutoit pas qui ne fût affedée; & le peuple conclut à ce
qu'on
qu'on lui fit dire de retourner à Rome après sa convalescence ; mais Tibérius
Gracchus autre adversaire de Scipion, & tribun du peuple, d'une probité ré-
connue, mais d'un caractère fort différent de celui de Caton, quiétoitd'une
roideur inflexible & qui ne pouvoit revenir de ses préjugez ; Gracchus prit
à
le parti de l'accusé, & remontra rassèmblée,que si l'on condamnoit un hom-
me du mérite & de la réputation de Scipion, la honte en retomberoit sur le
peuple Romain & sur le corps de ses tribuns. Le peuple fut congédié, le Sé-
nat rendit grâces à Gracchus d'avoir sacrifié ses mécontentemens perlonelsau.
bien public, & les deux Petilius furent regardez avec mépris & avec indig-
nation par les plus honnêtes gens de la République.
Scipion ne vécut paslong-temsdanssaretraittedeLinterne. Toutletems cxxmt
qu'il y fut,sa maison fut l'abord d'une infinité d'étrangers, qui venoientou Mort de
le remercier des graces qu'ils en avoient reçues, ou admirerunfigrandhomme, Scipion l'Africain
ou Amplement pour le voir & l'écouter. 11 s'étoit fait de longue main une vers l'an
grande habitude d'être seul, & c'est de lui qu'est venue cette maxime si sou- du Monde
vent répétée, je ne fuis jamais moins seul, que lorjque suisseul. On dit, qu'à sa mort
Igue.le o»
il pria sa femme Emilie de ne pas conduire les os à Rome au tombeau de 3820.
,
ses peres. Elle lui érigea un Mausolée à Linterne, où elle mit sa Statuë, &
celle du Poëte Ennius, lequel apparemment servit de compagnie au vainqueur
de l'Afrique, dans les derniers tems de sa vie.
A peine le grand Scipion eut il les yeux fermez, que Caton se déclara CXXIV.
contre Lucius Scipion l'Asiatique son frere. Il le fit attaquer par les Petilius, de Accufatioa
Caton.
qui l'accusoient d'avoir diverti à son profitune grande partie de l'argent qu'on contre
avoit apporté de rAGe, soit qu'on l'eût reçu d'Antiochus ou des villes de ses Scipion
Etats. Malgré l'opposition des Mummius & les plaintes de Scipion l'Asiatique, rAttan-
on nomma pour Commissaire un certain Terentius Culeo , Préteur, ennemi que.
secret de la famille de Scipion, quoyqu'il dût sa liberté à '-Aicaiii quil'avoit
tiré des fers en Afrique & qu'il eut paru à son triomphe lèv bonnet sur la
,
tête en ligne de son affranchissement. Il avoit même au jour des funerailles
de son libérateur, fait distribuer du vin mêlé de miel, à ceux qui y avoient
assisté. Toutes ces démonstrations de gratitude n'étoient
que simulées. Culto
étoit un ennemi d'autant plus dangereux qu'il le paroissoit moins.
Il fit comparoître ensaprésence non-ÍèulenlentScipion l'Asiatique mais CXXV.
aussi Fusius son Questeur & Aulus & Lucius Hostilius les deux Lieutenans- Scipion
Généraux de son armée. , LePréteur aprés avoir examine la chose, condamna l'Asiatique,
Scipion à unegrosse amende, pour avoir reçu d'Antiochus, afin de luy ména- son Que-
fleur & ses
ger une paix favorable six mille livres pelant d'or, & quatre cens quatre- Lieutenans
,
vingt livres pesant d'argent. Aulus Hostilius fut aussi condamné à tinegrosse Généraux
amende, comme convaincu d'avoir reçu du même Roy quatre-vingt livres d'or condam-
en lingots , & quatre cens trois livres d'argent en barres. Enfin Fusius fut aussi nez par le
condamné à une amende, pour avoir reçu cent trente livres pesant d'or & Culeo. Préteur
deux cens d'argent. Hostilius & Fusius donnèrent sur le champ des cautions Liv. 1. 3s.
pour les l'ommes, auxquelles ils étoient condamnez. Scipion l'Asiatique n'a-
quiesça point aujugement, & soûtint toujours ion innocence, disant Qu'il avoit
remis au trésor public tout l'argent qu'il avoit apporté d'Asie. Culeô voïant
sa résistance, ordonna qu'on le conduisit
CXXVI. en prison.
Scipion Nasica appella de sa sentence au peuple, & lui representa les
Scipion n'a grands
services que les Scipions en général & celui-ci en particulier, avoient
pas de quoi
payer Pa- rendus à la République. Dans l intervalle Culeo
mende.
fit confisquer tous les biens
de l'Asiatique & fit faire inventaire de tout ce qui se trouvoit
Liv. /. g8. Il en sa maison.
ne s'y trouva pas assez d'effets pour satisfaire à l'amende. Nasica en prit
occasion de demander qu'étoient donc devenues ces grandes sommesquelon
parent avoitreçuës du lioyde Syrie, puisque ni ce qu'il avoitreçu de son Pere,
ni les amples successions, qui luy étoknt échues, ni ses épargnes, nifes terres,
ni ses meubles ne suffisoient pas à païerce qu'on exigoit de luy. Les tribuns
du peuple ne laissérent pas de confirmer la sentence du Préteur, & il fallut
païer l'amende. Mais Tiberius Gracchus un des Tribuns, dont on a déja par-
lé, s'opposa à ce qu'on conduisit en prison ce grand homme. & tout le Dell.
ple applaudit à son opposition.
CXXVII. La famille des Scipions réconnut la générosité de Gracchus, en lui don-
Tiberius nant quelque tems aprés femme la tameuse Cornelia fille cadette du
Gracchus grand Scipion l'Africain pour ,
épouse ; & le peuple Romain rendit justice à Scipion l'Asiati.
Cornelia que, en lui donnant dans la suite des emplois conside*rables,& meme desfonds
s fille cadet-• qui
rétablirent ses affaires. Tel est le genie des Etats Républicains. Lepeu-
à
te de Sci.- pie se plait humilier les grands hommes, qu'il ne peut s'empêcher d'e-stimer,
pion
l'Africain. & quand il a contenté sa passion, & exercé ion authorité , il en revient d'ordi-
Vide Plu- naire à la verité & rend justice au mérite.
tarch. in
Scipion
à
Fulvius qui avoit si bien fait en E'olie, étant deretour Rome, deman-
da le triomphe, en enl'absenced'ÆlniIius ion ennemi pelsonnel. Æmilius avoit
in Grac- gagné
chis. un tribun du peuple nommé Abutius, qui forma opposition à la deman-
CXXVIII.- de du Proconsul, diluant qu'Ambracie n'avoit pas été prise de force, & que
Fulvius de- Fulvius avoit pillé les temples de la ville aprés sa réduction. Tiberius Grac-
mande le chus appuïa Fulvius & obligea par ses remontrances le tribun Abutius à le
triomphe. désister. Le Senat décerna ,
donc le triomphe à Fulvius, & lui permit d'em-
Lm. /. 39.
ploïer vingt livres pesant d'or à célébrer des jeux qu'il avoit vouez à Jupiter.
Son triomphe fut remarquable par la multitude prodigieuse de couronnes d'or,
de statuës de marbre & de bronze, d'argent monnoïé, de machines de guerre
enlevées aux Grecs, qu'on y fit passer sous les yeux du peuple Romain. Les
jeux qu'il fitreprésenter, furent conduits & dirigez par les Grecs qu'il avoit
amenez avec lui, & qui excelloient en ce genre de représentations. Rome
vit alors pour la premiere fois des Athlètes combattre sur l'Arène, & des
chasses de Lions & de Panthéres.
CXXIX. L'année consulaire étant expirée, on choisit pour le Consulat Spurius
Spurius Posthumius Albinus, & Quintus Marcius Philippus; Le Senat ne jugea pas
Posthumi- leur présence fut nécessaire au dehors de l'Italie. Il leur assigna pour
us Albinus, que
& Mar- département la Ligurie. On donna pour départementà L. Quintius Préteur,
cius Phi- PEspagne citérieure, & à Caïus Calpurnius !'l:fpagne ultérieure. Ces deux
lippus Préteurs trouvérent de l'exercice dans la révolté des Celtiberiens & des Lu-
Confu!s. fitaniens. y Pour la Ligurie, les Consuls
An de &o- ne se presserent pas de s'y rendre,les
ennemis
ennemis ne songeant pas a attaquer, trop contents de défendre leur libertéen me 167. du
se contenant dans leurs forêts. Mais les Consuls furent occupez à purger Rome Monde
d'une insâme cabale; qui sous le nom de Bacchanale, corrompoit la jeunesse J.?8i?.avant
G. I«£.
par les plus honteuscs impudicitez.
Ces désordres venoient apparemment des Orientaux. Les Livres SS. CXXX.
parlent souvent des abominations des Egyptiens, des Moabites & des Ammo- Origine
, des Bac-
nites, trop souvent imitées par les Hébreux. Un Grec d'une naissance obscure chanales
& des mœurs trés-corrompuës aïant débarqué en Etrurie passa delà à Rome, dans l'Ita-
& se donna pour Prêtre des Mystéres cachez de ces abominables cérémonies. lie.
Il dogmatisa d'abord en secret, & attira quelques femmes dans son école. Il Liv. 1.3 i.
les institua Prêtresses & les initia dans ses affreux déréglemens. Il y admit Max. Valer.
/.
ensuite quelques hommes, qui tinrent leur assemblée dans uh bois consacré à c. 6.
la Déesse Simula ou Stimula, que quelqu'uns confondent avec Semelé mere de
Bacchus.
Dans ces conventicules on se livroit prémierément à l'intempérance,au
vin &a la bonne chere, puis quand le vin & la danse & le concours de per-
sonnes des deux sexes avoient allumé les plus honteuses passions, on faisoit
succéder les ténébres à la lumière, & la plus honteuse débauche à la plus ex-
ceflive intempérance;les impudicitez les plus contraires à la raison&àlanature,
les incestes, les adultéres, tout s'y permettoit.On y formoit même de faux con-
trats pour dettes, & des complots pour faire périr ceux dont on souhaitoit la
mort. On y affaffinoit bien de gens, dont on cherchoitenvainles meurtriers
& les corps. Les hurlemensde la trouppe Bacchique, & le bruit des cymbales
& des tambours, étouffoient la voix de ceux qu'on masfacroit, ou à qui l'on
faisoit violence.
Le.5enat ne sut informé de ces désordres , qu'assez tard & par un pur CXXXI.
hazard. Un jeune Romain nommé iEbutius aïant perdu son Pere, sa Mere JEbutius & H'fpals
nommée Duronie se remaria à un Chevalier Romain, qui eût bidntoftdissipé Fescenia
son propre bien & celui de son pupille. La mere & le Beau-Pe/e résolurent décou-
de se défaire d'iEbutius, pour se mettre à couvert des recherches de la justice, vrent les
mystéres
& pour éviter de rendre compte des biens du pupille. Celuy-cy s'étoit jette abomina-
dans le libertinage, & entretenoit une femme du voisinage nommée Hispala bles de
Fescenia, qui avoit pendant sa jeunesse amassé d'assez grands biens par des Bacchus
voies honteuses, & au dépens de son honneur. Duronie donc dit à son fils
à
qu'elle avoit fait vœu de le consacrer Bacchus, dans letems d'une dangereuse
maladie, dont il avoit été attaqué, & que pour se disposeràcette consécration
ildevait garder la continence pendant dix jours. Hispala qui avoit été autre-
fois initiée à ces mysteres d'iniquité1, aïant sçu d'ÆbutÍus luy-même la réso-
lution de sa mere, lui sit entendre qu'assurement on en vouloitàsa vie,& que
ces mystéres étoient un prétexte pour le faire mourir, qu'elle y avoit autre-
fois accompagné sa mgitreiïe, mais que dépuis qu'elle étoit libre , elle n'étoit
jamais rentrée; qu'il y fît attention, & qu'il se défiât de ce qu'on luy pro-
posoit.
JEbutius témoigna à sa mere la répugnance qu'il avoit a entrer dans ces CXXXIL
mystéres. Duronie devina sans peine que c'étoit Hispala qui l'en avoit dé- Le ConsuL
PoLthulw",
L 11 2 tourne,
tes apprend
tourné & le charra de sa maison. iEbutius se retira chez sa tente sœur de
éi Hifpala son pere, & nommée iEbutia qui engagea son neveu à découvrir au Consul
le détail Posthumius tout ce qu'il avoit, appris touchant
des abomi- ces Bacchanales. Posthumius
nations des aïant tiré d'Æbutius tout ce qu'il put, fit venir Hispala chez sa belle- mere
Bacchana- Sulpicia, pour savoir d'elle-même ce que c'étoit que ces mystéres afsseux.
les. Hispala parut d'abord trés-effcàyée & ne put se resoudre à parler, qu'après
,
avoir pris les Dieux à témoins, que c'étoit malgré elle qu'elle découvroitde
pareils désordres, & qu'elle violoit les plus sacrez sermens qu'on avoit exigez
d'elle; qu'elle s'exposoit, en trahissant le secret, aux ressentimens d'une trouppe
de furieux, qui ne manqueroient pas de la mettre en pièces ; qu'elle deman-
doit au Consul sa protection , & qu'il la relegât loin de Rome pour la dérober
aux violences des associez aux Bacchanales. Elle dit donc que dans les com-
mencemens on n'y admettoit que des femmes, & que leuranemblëene se tenoit
que trois fois l'année , qu'ensuite une nommée Pacula y introduisit des hom-
mes, & fit tenir les assemblées de nuit & cinq fois le mois.
Ceux qu'un reste de pudeur rendoit plus timides, étoient mis à mort.
Les hommes échauffez par le vin prenoient des javelines à la main, & après
divers tournoiemens aïant la tête étourdie, prononçoientdes espéces d'oracles.
Les femmes échevellées & semblables à desMénades en furie, portoicnt des
flambeaux allumez & composez de bitume, de soufre vif, & de chaux, les
,
alloient plonger dans le Tibre, sans que l'eau les éteignit. Ceux à qui la rete-
nue ne permettait pas de se livrer à ces excès , étoient subitement élevez en
l'air par des machines, & précipitez delà dans des sot'i terrains. d'où ils nerepa-
roissoient plus. On disoit que les Dieux les avoient attirez à eux. Elle ajouta :
Le nombre des initiez se multiplie tous les jours. On y voit des hommes &
des femmes d'une grande distindion & dépuis deux ans on n'y admet per-
,
sonne qui ait passé vingt ans. Ainsi parla
, Hispala, & se jettant aux pieds du
Consul, lui demanda comme une grace de la reléguer dans quelque païs
éloigné.
Pofthumius pria sa belle-mere Sulpitia de la retenir chez elle, & d'y retirer
- exxxni.
Xe Consul tous ses meubles. Pour iEbutius, il fut donné à des personnes de confiance,
rofthumi.. qui étoient attachez Consul. Celuy-cy fit au Sénat le rapport fidèle de ce
au
us décou- qu'il avoit appris. La découverte parut de la derniere consequence & on
vre au Se- deux Consuls de de plus amples ,
informations.
nat ce qu'il donna commission aux faire
a appris On fit de trés-sevéres deffenses aux Initiez de Bacchus, de s'assembler à l'avenir;
des Bac-
on engagea par des promesses ceux qui en savoient quelque chose,de le ve-
«feanaics.
nir déposer , & on ordonna dans toute l'Italie d'informer contre ceux qui
s'étaient souïHez par ces infamies. Les ordres furent donnez d'empêcher les
assemblées nocturnes, & de veiller à ce qu'on ne mit le feu à aucuns des quar-
tiers de Rome. Posthumius assemblale peuple, & leur déclara ce qu'il avoit
appris de ces fêtes abominables. Les Triumvirs arrêtèrent grand nombre
de coupables. On se saisit en particulier des quatre principaux Prêtres dela
secte impie. Le nombre de ceux qui s'enfuirent,fut tel, que dans une ville
aussi peuplée que Rome, l'on s'apperçut d'un vuide considerable. On en arrê-
ta.
ta grand nombre dans les bourgades, & les Consuls furent obligez de s'y trans-
porter pour les juger sur les lieux. CXXXlVr
On proportionna les peines à la qualité des coupables. Ceux qui n'a. Punition
voient pas encore prononcé la formule de la consécration , &qui ne s'étoient des Initiez
pas souïllez par les crimes de la secte, ne furent condamnez qu'à la
prison. aux Bac-
Ceux qui furent convaincus d'homicides, de falsifications, de fausses signa- chanaleSr
tures, de crimes monstrueux & abominables, furent exécutez à mort; ceux-
là furent le plus grand nombre. Les femmes furent livrées à la vengeance de
leurs familles. Les msisons où s'étoient tenues ces assemblées, furent dé trui-
tes; le bois où l'on avoit commis ces désordres, fut coupé & dégradé. L'on
renversa toutes les nouvelles statuës, & tous les nouveaux autels consacrez à
Bacchus; on ne permit le culte de cette Divinité qu'à certaines familles, qui
en étoient en possession, & encore sous diverses limitations. On
recompensa
lebutius & Hiipala, en leur donnant cent mille as d'érain, & en leur accor-
dant divers autres privilèges. Ainsi le culte de Bacchus introduit dan&Rome
sous des cérémonies étrangéres #fut banni de la République,
Pendant que Posthumius est occupé à purger Rome & l'Italie des restes exxxv.:
Cou sui
de cette secle abominable, le Consul Marcius marcha contre la Ligurie,& en- Le Marcius
le
tra dans pays des Apuans, qui étoit un pays pour lors sauvage & couvert Philippus
de bois. La manière de faire la guerreuntée parmi ces peuples, étoit de dres- marche
serdes embuscades à leurs ennemis, & de se retirer par des fuites simulées dans seul con-
les Li-
des forêts impraticables. AlarcÍus & ses Légions ne s'étant pas précautionnez tre guriens.
contr'eux, tombèrent dansjeurs pièges. Quatre mille hommes tant Romains Liv. 1. ~ 9,.,
qu'alliez, périrent dans un poste où ils furent attaquez. On enléva aux Lé-
gions trois de leurs en seigiies, & onze drappeaux aux troupes auxiliaires.
Les vaincus prirent la fuite & jettérent leurs armes pour fuïr^plps legérement.
Le Consul pour cacher la honte de sa défaite, congédia ses troupes aussitôt qu'il
fut hors du pays ennemi; mais les Liguriens Apuans éternisérent le souvenirde
sa défaite en donnant au lieu où ils l'avoient vaincu, le nom de champ de Mar-
cius.
Polthumius termina son année consulaire par laprésidence aux Comices CXXXVL
où l'on fit ele&ion des nouveaux Consuls, qui furent Appius ClaudiusPulcher, ;AppiusClaudius
& M.Sempronius Tuditanus. La plus importante affaire qu'eut alors la Ré- Puleher Se
publique, étoit la guerre d'Espagne, & la pacification des plaintes qu'on fai- M. Sem-
l'oit à Rome contre les usurpations de Philippe Roy de Macédoine. pronilu
Dépuis le départ de Flaminius de la Gréce, & l'éloignément des armes Tudita-
Romaines, l'ambition de Philippe s'étoit reveillée. Il avoit porté la guerre fuis, nus 6oIt-
chez les Athamantes & avoit conquis quelques villes dans la Thessalie, entr'.. cxxxvlt.
autres Demetriade, qui par sasituation procuroit de grands avantages à son Entreprises
Royaume. Il s'empara aussi de quelques villes Thrace, & attira dans ses Roy de Philippe
de
Etats p1uGeurs familles de cette nation, afin de repeupler la Macédoine & d'y Macédoine
remplacer le grand nombre d'hommes, qu'il avoit perdus dans les derniéres contre scg
guerres; on porta à Rome des plaintes contre Philippe, &dela part des voisins.
Affamantes & de celle des Thedalicns. Le Roy Euménes faisoit grand bruit A ndu M*
19 avant
au suiet des villes que Philippe avoit usurpées dans laThrace, & les citoyens j C.igi*
d'Enos & de l\laronée demandoient à rentrer en possession de leurs patries.
d'où Philippe les avoit fait châtier, pour s'être opposé auxgarnisons qu'il vou-
loity faire entrer par force. Philippe tout fier qu'il étoit, fut obligé de faire
partir ses Ambassadeurs pour se justifier auprès du Senat.
CXXXYlll. Le Senat députa en Gréce trois Commissaires pour examiner les plaintes
Députa- des accusateurs & les raisons des accusez sur les lieux. L'assemblée se tint à
tion pour Tempé en Thessalie. Philippe y fut cité, & y prit place non seulement aprés
connoître les Commissaires Romains, mais aussi aprés ses accusateurs. Chacun parla
cagréce y
des plain- sélon la passion qui l'animoit. Philippe à son tour, devint accusateur, & forma
tes formées diverses demandes contre les Thessaliens & les Etoliens. Les Commissaires
contre Phi- ordannérent,que les garnisons Macédoniennessortiroient des villes qu'elles oc-
lippe. cupoient dans la Thessalie, dans la Parrhebie, & dans l'Athamanie, & que le
Liv. 1.39.
POLYB. Le- Royaume de
Macédoine seroit réduit dans ses anciennes îimites.
GAT. 40. 42. Delà ils se rendirent à Thessalonique, pour y discuter les affaires de la
An du M. Thrace. Philippe & Euménes se disputoient la propriété des villes JENOS située
3319. sur la mer-Egée & Maronée sit.uée sur la mêmecôte, à l'embouchure du fleuve
EXcx"lcxlx. ,
Décision Scœnus. Philippe se trouva en personne à l'assemblée; Euménes y envoya
des Corn- des Députez. Les envoyez des deux villes représentérent aux Commis[¡ires,
missaires
que les deux villes en question & leurs citadelles étoient remplies de soldats
peu favo- Macédoniens, que les Macédoniens y dominoientsëuls,& 111ettoientle trouble
rable à Phi-
lippe. dans les délibérationspubliques, dont ils s'étoient rendus les niaitres. Ils re-
quéraient qu'il plut aux Commissaires, de décider que les Macédoniens sorti-
roient de ces villes, & qu'elles seroient restittiéesau Roy Euménes. Philippe
fit remarquer aux Commissaires que les dix Députez de Home n'ayant pas ac-
cordé ces deux places à Euménes, il nepouvoit y prétendre aucun droit.
,
Ainsi les Commissaires remirent la connoissance du fond de cette affuire au
Senat & par provision ordonnérent que Philippe en retireroit les garnisons.
Cette décision mortifia infiniment le Roy de Macédoine, & dés lors il forma
le dessein de s'en venger, en faisant la guerre aux Romains aussitôt que l'oc-
casson s'en présenterois.
CXL. Manlius qui avoit commandé l'année précédente en ErpJgne, & qui y
Affaires avoit battu en bataille rangée les Celtibériens, & leur avoit tué douze mille
d'Espagne. hommes proche de Caliguris, aujourd'huy Calahorra, étant arrivé à Rome.
LLV.L. 39.
demanda au Senat les honneurs du triomphe. La coutume vouloit qu'on
n'accordât le triomphe qu'à ceux qui ramenoient leur armée victorieuse dans
la Capitale, & qui laissoient la Province entiérement pacifiée. Manlius n'étoit
pas dans le cas. Il avoit été obligé de laisser son armée à son successeur dans
l'Espagne citérieure, & les Espagnols n'étoient pas entièrement domptez.
On n'accorda donc à Manlius que l'ovation. Mais la cérémonie en fut illustrée
par une grande quantité d'or & d'argent, & par grand nombre de couronnes
d'or, que l'on porta devant lui.
CXLl. Les deux Préteurs Calpurnius &Quinétius, à qui échut le commandement
Les Lusita- des armées en Espagne, joignirentleurs forces dans la Beturie Province de l'E-
niens rem- spagne ultérieure, entre les fleuves Bétis& Anas, LesLusitaniens ou Portugais,
portent
quelque au nombre de trente cinq mille hommes, s'étaientpoilez entre Tolède &Hip-
pone.
L'armée des Préteurs se trouva engagée à donner bataille par la rencon- avantage
pone. partis. On ne combattit pas en bataille rangée, sur les Ro-
tre des fourageurs des deux mains.
mais par pélottons. Les Romains y eurent du désavantage, & y perdirent
mille hommes. Ils n'osérent pas même demeurer dans leur camp, ils
cinq
décampèrent pendant la nuit, & l'abandonnérent aux ennemis, qui profi-
en Les deux
térent des armes & des dépouïlles des soldats tuez dans le combat.
Préteurs se retirèrent sur le Tage, où ils renforcèrent leurs armées parles gar-
nifons qu'ils tirérent des places, & par les troupes auxiliaires que leur envoyè-
rent les nations, qui leur étoient demeuréesLégions, fidéles.
& d'elles mêmes elles de- CXLll.
Ces renforts rendirent le courage aux Vittoire
mandèrent qu'on les menât au combat. L'ennemi étoit campé surie penchant des deux
d'une colline ayant le Tage devant eux. Ils laissérent passer ce fleuve d'ordre, aux Ro- Préteurs
mains & fondirent sur eux avec beaucoup d'ardeur, mais avec peu Légions Calpurnius & Quin-
n'ayant pas pris le tems de se ranger. Ils tombèrent sur les deux
firent incroïables les dius con-
qui étoient au centre de la bataille, & des efforts pour tre les Lu-
enfoncer. Les deux Préteurs s'appercevant du danger où étoient exposées iltanicns.
les Légions, accoururent à leur secours avec la Cavalerie, qui ébranla lesLu-
fitaniens. En même tems les Légions animées parleurs Centurions, donnè-
rent avec tantde vigueurcontre les ennemis, qu'elles les mirent en fuite, & les
obligèrent à regagner leur camp. Les cavaliers Romains les y suivirent, & y
entrérent avec eux. Ils y trouvérent des troupes fraiches, quiefforts n'avoient pas
jusqu'à
à terre, & soutinrent leurs
encore combattu. Ils mirent pied
l'arrivée d'une Légion, Alors il se fit un massacre horrible des Lusitaniens.
De trente cinq mille qu'ils étoient, il n'en échappa que quatre mille. On
leur prit cent trente trois drappeaux, & on passa la nuit dans4eur camp. Du
costé des Romains, on ne compta de morts que six cens, tàntJLégionaires
soldats alliez d'Italie, & environ Cent cinquante des alliez Espagnols. Une
que accordé aux
si glorieuse vidoire sut recompensée par l'honneur du triomphe
deux Préteurs Calpurnius & Quindius.
Les deux Consuls portérent la guerre contre les Liguriens, que leurs pertes Expédition CXLUI.
précédentes n'avoient pas encore réduits à l'obéïssance. Sempronius Tudita- des deux
Claudius Pulcher contre les Inganniens. Consuls
nus marcha contre les Apuans,les &
Le premier aprés avoir ravagé campagnes, & pillé les bourgades & les contre les
chateaux des Apuans, mit le feu à leurs forêts, & ouvrit une grande route dé- Liguriens.
puis le fleuve Macra jusqu'au port de Lune, ce qui obligea ces peuples à se Liv. 1. 39.
retirer dans leurs montagnes, lans oier paroitre dans la plaine. lAaUQIUS
livra plusieurs combats aux Jnganniens, leur prit six villes, & leur enleva grand
nombre de prisonniers de marque, entr'autrés quarante trois chefs de rébel-
lion, qu'il fit éxécuter à mort. Delà il partit en hâte pour se rendre à Rome,
afin de présider aux élections des Consuls,& appuïer de son crédit & de ses sol-
licitations Publius Claudius sonfrere, qui aspiroit au Consulat, & qui avoitpour
concurrens des hommes d'une très-grande distindion. Appius Claudius s'em-
ploya avec tant de zéle & de persévérance, rabaissant même la dignité con-
fulaire d'une maniére qui fit murmurer le Senat, qu'enfin Publius Claudius
Pulcher fut déclaré Consul avec Lucius Porcius Licinius.
La
CXLIV. La charge de Censeur fut briguée avec encore plus de vivacité par quatre
P.Glaudtus des principaux Senateurs Patriciens, & par trois célébres Plebeïens. Du nombre
Pulcher & des Patriciens étoient, dit-on, les deux Scipions, du moins l'Asiatique,
L. Porcius ou
Licinius
il est croïable
car l'Africain étoit décédé, Valerius Flaccus, Cn.
que Manlius
Consuls. Vulsb&LuciusFurius Purpureo;& du côté des Plébéïens on comptoit Marc.
An de R. Fulvius Nobilior, Tib.Marcus Sempronius, & M. Porcius Caton. Cedernier
,ç69. du
M. 5820. avec ValeriusFlaccus, qui autrefois avoit été Consul avec lui, l'emportèrent,
malgré la brigue de leurs competiteurs & l'apprehension de la noblesse, qui
avant J. C. rédoutoit l'humeur austére & la sévérité outrée de Caton.
180:
Liv. 1. 39. Les deux Censeurs rayérent sept Senateurs de la liste des Peres c01.Lripts,
Porcius entre autres Quinétius, frere du célébre Fiaminius. Caton se rendit luy-méme
Caton accl1[ateur de Quindius, convaincu d'avoir dans le vin tué de sa main un Gau-
Censeur.
lois, pour donner à un Africain qu'il aimoit d'un amour infâme, le plaisir de
voir un homme expirer d'un coup d'épée. Il fit le même affront à Manlius
qui avoit fait à sa lemme une légére caresse, en présence d'une jeune fille qu'il
avoit. Il fit tant de règlemens nouveaux & utiles, que le nom de Censeur
lui est demeuré, comme un nom d'honneur, & le peuple lui fit ériger une
statuë, pour perpétuer le service qu'il avoit rendu à la République dans cet
important employ. Il témoignoitsi peu d'estime pour ces marques d'honneur,
qu'il disoit que les statuës étoient moins des marques d'honneur, que des mo-
numens de l'habileté des fondeurs ou des sculpteurs, & qu'il aimoit beaucoup
mieux qu'on demandât pourquoy on ne lui avoit pas dressé de statuë, que
d'entendre demander pourquoy on lui en avoit dressé.
CXLV. Au reste Caton rassembloit dans sa personne des qualitez, dont l'affem-
Eloge de blage formoit un des plus grands hommes que la République Romaine ait
Caton le produits. Grand homme de guerre, il excelloit dans la conduite des armées,
Censeur.
lage dansles desseins,vaillant dans l'exécution, habile Jurisconsulte, il savoit
également & décider & interpréter les loys: célébre Orateur, il étoit maître
de ses auditeurs, soit qu'il accusât ou qu'il défendît; soit qu'il exhortât ou
qu'il inveftivât. Il fut accusé quarante fois devant le peuple, & autant de
fois renvoyé absoû. Grand homme d'Etat, il procura les avantages de sa
patrie, & la servit toujours avec un parfait désinterésIeluent. Il ne le fit pas
moins de réputation par son éloquence & par ses écrits, que par ses employs
civils & militaires. Dans son domestique il vivoit d'une manière frugale &
temperante, qui fut blâmée par quelques uns, comme un effet de son hu-
meur misantrope & de son avarice.
exLVI. On l'accusoit d'être jaloux, ambitieux, vindicatif, & rempli de lui-
JDétauts de même se vantant sans rèlërve, & donnant trop à ses préjugez. En effet, si
Êaton le , sérieusement sa conduite, on trouvera que tes vertus, comme
ficnlcur.
l'on examine
celles des autres païens, n'étoient que des vices déguisez sous quelque appa-
rence de bien, d'équité & de régularité; que l'amour propre, l'orgueïJ, l'am-
bition étoient l'ame de toute leur conduite. Tout rigide & sévére qu'il parut
au dehors sur le sujet de la pudicité, on dit qu'il entreténoit chez lui une
belle esclave, & qu'il la garda jusqu'à ce que la choie étant découverte, il se
jremaria à la fille d'un de les clkns, qui avoit été autrefois ion Secretaire.
Son
son fils lui en témoigna quelque déplaisir. Catonlui répondit, qu'il tr ou voit
sa conduite si sage, qu'il étoit résolu de lui donner des freres qui lui reffeni-
blafsent.
Les Commissaires qui étoient de retour de la Macédoine & de la Grèce, GXLVlI.
rendirent compte au Sénat des contestations qui étoient entre les Roys Phi- Nouveaux
lippe & Euménes, & des dispositionsoù ils avoient trouvé Philippe, tranquile Commit
faires
en apparence, mais intérieurement disposé à faire éclater son mécontentement -voyez en- en
à la première occasion. Le Senat députa de nouveaux Commissaires,pour voir Macédoi-
si Philippe avoit restitué aux Thessaliens, aux Rhodiens, & aux Parrhébiens ne. An dit
les villes qu'il leur avoit enlevées, & s'il avoit évacué les villes d'Ænos & de M. 3820.
Maronée, & les autres de la côte de Thrace, ainsi qu'il avoit été ordonné. avant J. G.
Appius Claudius,qui sortoit du Consulat, fut chef de la commission, & on lui IJ 180.
v. /. ? 99
donna deux ajoints. Leur arrivée jetta Philippe dans un étrange embarras. Il Polyb.'L*-
comprit bien qu'il faudroit obéir au Senat, & rendre à leurs anciens possef- §at. 42U
seurs les places qu'il retenoit. 11 s'en vengea sur Maronée & fit égorger en
une nuit par desThraces introduits dans la ville, les Chefs qui s étoient plaints
de son injuste possession, & quand les Commissaires, à qui l'on s'en étoit plaint,
lui en firent des reproches, il rejetta la chose sur une émotion populaire, &
soutint julqu'à la fin un nommé Ono1l1afte qu'il avoit employé pour faire faire
cette sanglante exécution. Les Commissaires l'avoient condamné d'aller à
Rome pour se justifier. Philippe le retint, & envoya à Rome son fils Deme-
trius, qui y avoit été.otage, & qui s'y étoit fait des amis, pour négotier son
accommodement, & travailler à sa justification auprés du Senat.
Les Achéens étoient devenus fort puissans dans le Pélofonése, dépuis CXLVll1.
que par le secours des Romains on leur avoit rendu leur ancie-n--d-oniai-ne, & Plaintes
qu'ils avoient réduit Lacédémone sous leur obéïssànce, par les armes de Phi- des Lacé-
lopœmen. Les Roys d'Egypte, de Syrie & dePergame recherchoient leur démoniens
amitié, & avoient envoyé des Ambassadeurs à leurs Diètes, pour renouveller contre les
Achéens.
l'alliance avec eux. Fiers de ces avantages, ils traitoient les Lacédémoniens Vide Po-
d'une manière pleine de hauteur & d'inhumanité; ces derniers en portérent lyb. Legat.
leurs plaintes au Senat. ^ Le Senat donna ordre aux Commissaires dont 37.41. 42,
on a Diodor.
parlé, aprés avoir réglé les affaires de la Macédoine, dese transporter auPe- Legat.
1 1.
lopan'ése pour y entendre les parties. Ceux que Lacédémone avoit
à Rome, étoient Arée &Alcibiade, tous deux du nombre des exilez,
envoyez Liv. 1. 39.
que les An du M.
Achéens avoient rétablis dans leur patrie. Avant l'arrivée des Commissaires 3818. £82®
Romains, les Achéens assemblérent une Diette de leur nation, & y condam-
nérent à mort Arée & Alcibiade,& tous ceux qui les avoient accompagnez à
Rome, comme coupables de haute trahison contre la République des Achéens.
L'arrivée des Commissaires Romains fit suspendre l'exécution de cette sèn- CXLIX.
tence. Appius témoigna d'abord dans l'assemblée des Achéens, qu'il désap- Lacédémo-
prouvoit le changement introduit par Pliiiopœmen dans les loys &le gouver- ne est re-
le
nement deLacédenl0ne,& massacre commis dans son camp contre les Envo- flituée
dans se
yez de cette ville. Lycortus Pere del'Historien Polybe étoit alors Chef de la anciens
nation Achéenne & ami de Philopœmen. 11 défendit avec force le procédé & droits,
de sa nation & de son ami; mais Appius n'en conclut pas moins Qu'il falloit Arec&
Alcibiade rétablir Lacédémone dans ses anciens droits, & casser l'arrêt de mort prononce
absous. contre Arée & Alcibiade. Le Commissaire fut obéï, & ainsifinit la commission
d'Appius & de ses associez dans la Grèce.
CL. Annibal aprés la défaite du Roy Antiochus s'étoit sauvé en Crète, de
Annibal enLpeur de tomber entre les mains des Romains, qui craignoient toujours son
Crète. esprit remuant & sa haine déclarée contre Rome. Il y demeura quelque tenis
FfuJbz.
1. 2. C. 4.
à Gortyne en repos, & y écrivit en Grec des commentaires sur la guerre que
Cornel. Ne-. Manlius Vulfo avoit faites en Asie. 11 avoit appris la langue Gréque d'un nommé
%

pos seu Sosibius d'Ilium, qui avoit écrit en sept livres l'histoire d'Annibal. Ce ruie
Æmil. Carthaginois avoit par devers lui grande quantité d'or & d'argent, & craignant
Prob. in Crétois ne le Ment périr, pour s'en rendre maitres, il fit remplir de
Annibal. que les
Diodor. plomb fondu plusieurs vases d'argile, dont il couvrit la superficie de feuilles
,Si cul. d'or & d'argent, & les mit en dépot dans le temple de Diane Gortynienne,
Eclog. 1.2.6, pour faire croire aux Gortyniens que tous ses trésors étoient en lieu public,
Eclog. 3. • dont il Cependant il
ne pouvoit les tirer, sans qu'ils en fussent informez.
travailloit en secret auprés de PrusiasRoyde Bithynie, pour trouver un azyle
dans sa Cour.
CLIo Prusias étoit entré en guerre, peut-être à la sollicitation d'Annibal, con-
Annibal se tre Euménes Roy de Pergame, qui étoit tout dévoüé aux Romains. Prusias
retire ati. qu'il pouvoit mieux faire dans cette circonitance, que de faire venir
prés du crut ne
Annibal. Celui-ci se disposa à partir de Crète; mais pour ne pas exposer la
Roy_ Pru-
sias. personne, il persuada aux Crétois qu'il vouloit les laisser dépositaires de ses
trésors, & en effet il laissa dans le temple de Diane, les cruches pleines de
plomb qu'il y avoit déposées, & cependant il fit fondre tout son or & son ar-
gent, & le fit couler dans desftatuës de bronze qu'il emportoit avec lui,
me ses Divinitez tutelaires. Arrivé enBithynie,il com-
apprit que le Roy Euménes
venoit de remporter une grande victoire sur Prusias. Toutefois Annibal ne
fut pas inutile au Roy de Bithynie. Il conseilla à ce Prince de former de nou-
velles alliances avec ses voisins, & de raffenlbler autant de vaisseaux qu'il pour-
roit, & se chargea d'en prendre le commandement.
CLll. Comme Euménes étoit superieur en forces,dépuis queles Romains avoient
Annibal si fort augmenté ses Etats, Annibal eut recours au stratagéme. Il fit remplir
jette des des vases d'argile d'un grand nombre d'aspies, de vipéres & d'autres reptiles
ierpens
dans le venimeux, & les fit jetter dans le vaisseau que montoit Euménes. D'abord on
vaidcau se railla de ce nouveau genre de traits quelançoient les ennemis ; mais on lut
él'fumé- bien surpris de voir le vaisseau fourmiller desérpens. Les Alatelots, les ioldats,
nes. An du le Roy prirent la fuite,pour gagner le port le plus voisin & pour se mettre à terre,
M. g821. La fuite précipitée du
tfujïin.l.%2. afin d'éviter les morsures mortelles
de ces animaux.
Roy donna la vidoire à Annibal. Mais les suites n'en furent pas considérables,

commission..
Æmil.
Prob. in parceque ç'avoit été une fuite précipitée plutôt qu'une défaite. La nouvelle
Annibal. de
cette action fut portée à Rome par Appius Claudius, qui y retourna de sa
CLIII. En même tems; l'on créa de nouveaux Consuls, qui furent Q. Fabius La-
Çl Fabius beo, & M. Claudius Marcellus. Leur premiere attention fut de donner au-
endroits. Le
aux Ambassadeurs, qui étoient venus à Rome de divers
Labeo âc dience
Roy
RoyEuménes y avoit envoyé son frere Athénée, avec une couronne d'or de M. Glau-
la valeur de quinze mille pièces d'or, pour se plaindre de Philippe Roy de dius Mar-
Macédoine, qui s'obltinoit à conserver certaines villes situées sur les côtes de cellus Con-
suls. An de
Thrace, & à les réfuter à Euménes, à qui les Romains les a voient cédées. Il Rome
se plaignoit deplus de ce que Philippe avoit envoyé des secours à Prusias Roy du Monde
de Bithynie contre le Roy Euménes. Demetrius fils du Roy Philippe, fut 38ziavant
embarasséde répondre à tant d'accusations formées contre son Pere ; car outre J.G. 179.
Liv. /. 39.
les plaintes d'Euménes, on en formoit de divers endroits beaucoup d'autres, Plaintes
sur lesquelles il n'avoit point d'instrutfions, parceque Philippe n'avoit pu les contre
prévoir. Philippe
Le Senat dit donc à Demetrius de faire ledure des instrudions qu'il avoit Roy cse
Macédoi-
reçuës. Il les lut; Philippe rejettoitune partie des accusations qu'on formoit ne.
contre lui sur les Généraux Romains, qui l'avoient autorisé à faire les invasions CLIV.
qu'on lui objedoit; les autres sur ses accusateurs. Demetrius accompagna Demetrius
cette ledure de soumissions & de protestafions pour l'avenir d'une conduite fils de Phi-
plus circonspede. La candeur du jeune Pnnce, & sa bonne foy touchérent lippe Roy
de Macé-
les Senateurs ; ils lui repondirent, qu'ils vouloient bien oublier tout le passé, & doine
considération qu'ils avaient personne, ap-
que par la seule pour sa ils envoyeroient passe le
une ambanade à Philippe, pour régler ce qu'il conviendroit de faire à l'ave- Senat.
nir, & pour prévenir les inconveniens pour la suite. Demetrius revint en Ma-
cédoÍne fort content de sa négociation. Tout le monde le regarda comme le
sauveur de la patrie, on lui fit la cour plus qu'à Philippe même ; & on ne douta
pas, qu'après la mort de son Pere, il ne dût monter sur le Trône de Macédoine,
étant aussi bien qu'il étoit dans l'esprit du Senat. Mais cela même indisposa
l'esprit de Philippe contre son fils, & le lui rendit susped. du verra bientôt
les funestes effets de la haine du Roy contre ce jeune Prince.
Le Sénat envoya donc en Macédoine Quintus Marcius, qui obligea CLV.
Philippe à céder les villes qu'il occupoit encore dans la Thrace, & dans la Q^Marcius-
Thessalie; delà il se rendit auPéloponése, pour achever de terminer les diffe- régIe lesde
affaires
rends, qui étoient entre les Achéens & les Lacédémoniens. Il fut ordonné Macédoine
que Lacédémone demeureroit pour toujours soumise à la domination des & celles
Achéens, & que les Lacédémoniens seroient compris dans la confédération des Lacé-
Achéenne, & l'on confirma la cassation de l'arrêt de mort porté contre Arée, démoniens
& contre Alcibiade. En ce même tems arriva dans le Péloponése la mort du avec les
Achéens.
célébre Philopœmen, dont nous avons parlé c/-devant. Marcius ne prit au-
cune part à cette affaire, & il fut simple spectateur des honneurs qu'on ren-
dit à Philopœmen aprés sa mort, & dela vengeance queLycostas exerça con-
tre les meurtriers de ce grand homme.
Annibal demeuroit toujours en Bithynie, où il étoit comme l'ame de la CLV 1.
guerre que Prusias faisoit à Euménes Roy de Pergame. Le Senat avoit nommé F'aminius
Titus Flaminius, Scipion PAGatique & àcipion Nasica, pour Ce rendre auprès insiste à de-
d'Emnénes & de Prusias, afin de les porter à la paix, & d'engager Prusias à.mander qu'on lui
livrer Annibal entre les mains de ses Députez. Annibal avoit, dit-on, à Li- livre An-
bysse proche de la mer une maison, sous laquelle il avoit fait creuser feptga. nibal.
leries iouterraines, qui de son logis aboutilsoient à autant d'issuës. car où il
pouvoit se sauver ou par mer, ou par terre. Il ne parut point à la Cour de
Prusias, tandis que les Légats Romains y séjournérent, mais il avoit placé
du monde sur les avenues pour s'informer de ce qui se passeroit à son égard.
On pressa vivement le Royrde Bithynie de livrer l'ancien ennemi de la Ré-
publique. Le Prince s'en défendit autant qu'il put, en disant qu'en le livrant
il s'exposoit à devenir l'opprobre de tous les siécles. On usa de ménaces, &
Prusias dit à Flaminius, que puisqu'on ne lui permettoit pas de garder lesloys
de l'hospitalité envers un Capitaine de cette réputation, il pouvoit l'arrêter
lui-même & s'en saisir.
€LVU. Flaminius prit donc les gardes du Roy, alla occuper toutes les avenues
Martd'An« du
jiibal. An logis d'Annibal,& mit des gardes tout autour de sa maison. Annibal fut
du M. 3822. averti de tout par un esclave affidé. Aprés avoir visité tous ses soûterrains, &
avant J. G. les trouvantobsédez, il prit du poison qu'il tenoit toujours prêt dans le chat-
-X78. Vide ton de sa bague, & mourut reprochant à Flaminius sa lâcheté,. & à Rome son
Vjjer. ad
hune ann. acharnement à poursuivre un vieillard, qu'elle avoit rédouté jusqu'au dernier
Liv. 1. 39. soupir. Les anciens varient assez sur le genre de l'a, mort. Les uns veulent
ffuflin. qu'il ait avalé une coupe pleine de poison, d'autres,qu'il but du sang de tau-
/. S 2. Plu- d'autres qu'il se fit étrangler par un esclave. Tout le monde convient
reau,
tarch. in qu'il
T. y eut dans son siécle peu de Capitaines qui l'égalasfent, soit pour la va-
fninig. leur, & la conduite, soit pour l'art de commander, & de se faire craindre &
aimer de ses troupes. Il fut un exemple de sobriété & de continence. Il sçut
également employer la ruse & la force; & plusieurs à Rome même, regardè-
rent l'adion de Flaminius envers ce grand homme, comme une tâche pour
le nom Romain.
CLVlîl Dépuis longtems les Gaules se sentant surchargées du trop grand nombre
Quelques de leurs sujets, les envoyoient
Gaulois ",de en d'autres terres pour s'y établir. Un essain
«leça les de douze mille Gaulois de deça les Alpes ayant paflsé ces montagnes, se fixa
Alpes veu. à Aquilée, & commença à y bâtir cette ville pôur sa demeure. Ils ne com-
lent s'éta- mirent dans ce pays aucunes hostilitez, & comme le terrain où ils s'êtoient
blir à Aqui- placez étoit inculte,
lée. An. on se contenta d'envoyer aux Gaulois, d'où ces nou-
étoient sortis, pour leur demander la raison du départ de leurs
a 820. fous veaux. venus
les Con- compatriotes. Ils répondirent qu'ils ignoroient l'intention de cette colonie,
suIs Spur. & que leur départ s'étoit fait sans autorité publique.Rome ne prit pour lors
Fosthumius ombrage de étrangers, & les laissa paisibles dans les terres qu'ils
Albinus & aucun occupées. ces
Q^Marcius avoient
Philippus. Quelques années aprés, le Consul Claudius Marcellus étant dans ces quar-
An de Ro- tiers-là, envoya contr'eux le Proconsul Porcius, puis y vint luy-méme en
me 567. personne. A la veuë d'une armée consulaire les Gaulois mirent bas les armes,
CL IX.
Le Ciônful
& protestérent qu'ils ne vouloient pas combattre contre la République. On
Marcellus leur enleva tous leurs effets, & on exigea qu'ils rendissent leurs armes. C'é-
oblige les toit leur demander une chose aussi insupportable que la mort même. Ils dé-
Gaulois à putèrent au Sénat, & remontrèrent, qu'ayant quitté les Gaules forcez par la
quitter la disette, ils s'étoient arrêtez dans
villo.d'A- un terrain inculte & inhabité; que Marcel-
quilée. An lus leur ayant fait deffense de continuer à bâtir une ville, ils avoient obéï; que
du M. 3 leur ayant commandé de quitter l'ltalieils étoient prêts de sa» retirer, qu'après
cela
cela on les avoit pillé & qu'on vouloit encore les désarmer, qu'ils n'avoient
pas mérité ce traitement. Le Senat leur fit rendre leurs armes & leurs effets,
& leur ordonna de repasser aussitôt les Alpes, On leur nomma des Députez
pour les réconduire dans leur patrie ; ils y furent reçus par leurs Magistrats,
qui blâmérent beaucoup cette transmigration faite sans leur aveu.
'
Peu de tems aprés Marcellus revint à Rome, pour présider l'el-edion des CLX.
nouveaux Consuls. Le choix tomba sur L. iEmilius Paulus, & Cneïus Bse- Paulus& L.
bius Tamphilus. La Republique n'avoit proprement aucune guerre au de- Gn, Baebiui
hors ; elle ne laissa pas d'avoir cette année sur pied jusqu'à six armées : trois Tamphilus
pour laLigurie: deux conduites par les deux Consuls, & une troisiéme fous- consuls.
le commandement de Fabius. Outre cela il y eut deux armées en Espagne An de R.
& une troisiéme au fond du Golphe Adriatique., Toutes ces forces étoient 171. du M.
3 8 22. avant
comme des préparatifs pour la guerre, que l'on méditoit de faire à Philippe J.G. r78.
Roy de Micédoine. Ce Prince n'osoit ouvertement se déclarer contre Rome,
mais il étoit aisé d'appercevoir qu'il étoit étrangement irrité, & qu'il ne mau-
queroit pas d'éclater, dez- qu'il y verroit jour.
Son fils le Prince Demetrius, parcequ'il paroissoit affedionné aux Ro- CLXt.
mains, & qu'il en étoit aimé &estimé étoit exposé à tous les effets du relfen- Commen- de
, cement
timent du Pere. Les famines les plus considérables du Royaume étoient tous la haine
les jours sacrifiées à la vengeance du Roy, si elles étoient convaincues ou de Philip-
même soupçonnées d'avoir jquelque attachement pour les Romains. Il fit paf- pe contre
ser dans la Thrace les plus nlufi:res samilles des villes- de Macédoine, qui étoient Demetrius"
Plutarch.
situées sur les côtes, &il les remplaça par des familles deBarbares qu'il croyoit in Arato
plus affedionnez à son service. Persés, que Philippe avoit eu de Gnatenie, Polyb. in
tianseuse ou couturiére d'Argos, & que la Reine Epouse de Philippe avoit LegaUn^m-
supposé & fait éléver comme son propre fils, ou même qu'on lui avoit adroi-
tement supposé à son insçu ; quoyqu'il en soi t, il y avoit de grands soupçons
sur la légitimité de Persés; mais Demetrius étoit réconnu de tout le monde
pour fils de Philippe. Persés, dis-je, mit tout en œuvre pour perdre Deme-
trius dans l'esprit de son Pere; il le lui rendit suspeét. Ses ennemis malicieu-
sément parloient mal en sa présence & de Rome & des Romains. Demetrius
prenoit feu, & soûtenoit sesamis. Déja Philippe avoit exclu Demetrius de sois
Conseil, toutes les fois qu'il s'agiroit des Romains. Persés l'avoit fait passer
dans l'esprit de son Pere comme l'espion de la République.
On avoit accoutumé, tous les ans en Macédoine de célébrer au mois d'Avril CLXlli,
Luftration1
une lustration de toute l'armée Macédonienne. Dans cette cérémonie r
on de armées
fendoit un chien en deux, & toute l'armée passoit entre les deux moitiés sé- Macédo*-
parées. Aprés la lustration suivoit un combat feint, où l'on faisoit les mê- nienn®^
mes évolutions que dans les combats véritables. L'armée fut divisée en deux.
Persés eut le commandement d'une partie, & Demetrius de l'autre. L'avan-
tage fut tout entier du côté de Demetrius. Aprés la fête celui-ci invita PerCés.
à louper chez lui. Persés le refusa d'un air de chagrin & de 111écontentement.-
Pendant le repas on plaisante sur quelques avantures arrivées dans la rêveur
& dans le combat» On. n'épargna pas même le Chef & les bandes qu'il avoit
Cr.X1l1. commandez. Quatre des convives ayant apperçu dans la sale un espion de
Perlés ac, Persés, le tirérent de la sale & le maltraitèrent.
cuse De- On étoit sur la fin du repas, lorsque Demetrius se leva, &dit à sa com-
metrins de
l'avoir pagnie, allons souper une sécondé fois chez mon frere. On y alla, & les
voulu as- quatre convives qui avoient frappé l'espion de Pertes, de peur d'être insulté
safliner. chez Persés, prirent des armes sous leurs habits. Persés fut bientôt informé
que Demetrius venoit chez lui, ayant quatre hommes armez en sa compagnie.
11 fit fermer les portes à son frere, & d'une fenêtre il lui cria qu'il n'ouvriroit
point à des assassins venus pour le massacrer. Demetrius cria à l'impoiture
& s'échauffa. Le lendemain de grand matin Persés alla porter ses plaintes à
Philippe, & lui dit nettement que Demetrius étoit venu la nuit,,à main armée
à ion Palais pour le mettre à mort.
A ces mots Philippe frémit d'horreur, fit venir Demetrius son fils, Ono-
maste & Lysimaque ses confidens, hommes d'une grande expérience. Les
deux freres parlérent l'un aprés l'autre pour leur juitification; Philippe après
avoir delibéré quelque tems avec ses deux amis, renvoya sès fils, & leur dit
qu'il veilleroit sur leurs démarches, & qu'il sauroit démêler l'innocence de la
calomnie. Onsesépara, mais les défiances de Philippe s'augmentèrent, &
bientôt Demetrius en sera la vidime.
CLX1V. Cependant Rome changea de Magistrats,&l'on élut pour ConsulsPub.
P. Corné- Cornelius Cethégus &M. Bsebius Tamphilus. Le Roy Philippe, pour avoir
lius Cethé-
gus & M. une apparence de juflice, dans la résolution qu'il avoit prise de saire périr son
îiaebius fils Demetrius, envoya à Rome deux espècesel'AmbaiTadeurs, Apelles & Phi..
T amphi- loclés, grands ennemis de Demetrius, avec ordre de s'informer des intelli-
lus Con- gences que son fils entretenoit à Rome, sur tout avec Titus Flaminius; &
suls. An &'il n'avoit point
ole R. S72. eu de parole des Senateurs, qu'on l'élevéroit sur le Trône
du M. esz3. de son Pere au detavantage de Persés. Demetrius se tint plus sur ses gardes
avant J.G. qu'il n'avoit fait auparavant, ne parla plus de Rome avec les mêmes epan-
177. chemens de cœur, interrompit tout commerce avec ses amis de ce p y s -là.
JLiv. 1- 40. Tout cela
ne guérit pas l'esprit de Philippe. Il entreprit de conduire tes trou-
pes dans la Mésie, qui confinoit avec la Thrace & la Macédoine..11 mena
les deux fils jusques dans la Péonie, d'où il renvoya Demetrius en Macédoine,
laissant auprés de lui des gens pour observer toutes ses démarches. Didas
Gouverneur de la Péonie fut chargé de l'accompagner jusqu'en Macédoine.
CLXV. Didas devint le plus dangereux espion de Demetrius: homm? adroit &
Didas trahit insinuant, il sçut
gagner la confiance du Prince, &Demetriuseut lasüsbstiTe
le Prince découvrir le dessein qu'il avoit formé de se rendre à Rome, pour se
Demetrius de lui
fils de Phi. dérober à la Cour de son Pere &aux mauvais offices que lui rendoient ses en-
lippe. nemis. Il pria Didas de lui accorder le passage libre par là Province, pour
se rendre à un port de mer, & delà à Rome. Didas promit tout, & en même
tems donna avis au Roy de la résolution de Demetrius. Philippe aprés avoir
satisfait sa curiosité qui le portoit de monter au sommet du mont Hxmus,
,
d'où il se flattoit vainement de voir la mer noire, le Golphe Adriatique, le
Danube &les Alpes,étoit descendu dans la Mésie,& il étoit occupé au siége
de Petra. Lorsqu'il reçut le courier de Didas, qui lui decouvroit le dessem
de
de Demetrius, sur le champ le Roy fit arrêter Hérodote ami déclaré de De-
metrius, & ordonna de garder ce Prince à veuë, & d'empêcher son évasion.
Philippe de retour de son expédition, ne se hâta pas de condamner son CL xvi.
de
fils. Il voulut attendre le retour de ses Ambassadeurs envoyez à Rome. Ces Mort Demetrius
perfides à l'instigation de Persés avoient contrefait la main & le cachet de fils du Roy
Flaminius, & avoient écrit en son nom une lettre à Demetrius conçuë en ces de Macé-
termes : Si le désir de régner a pu vous porter à quelque résolution contraire a vâtre de- doine. #
voir
, ne f
croyés point que entre dans vos intérêts. J'a) horreur des dejjeins impies que
Vambition a formez. On prétendit avoir intercepté cette lettre, & on la remit
à Philippe, qui ayant mis à la torture Hérodote ami de Demetrius, n'en put
rien tirer contre lui. Résolu de faire mourir Demetrius sans bruit, il l'en-
voya dans la Péonie, & le livra à Didas, qui le fit empoisonner dans un re-
pas qu'il lui donna, & acheva de lui ôter la vie, en le faisant étouffer par deux
assaflin,, qu'il fit entrer dans l'appartement où ce Prince s'étoit retiré. Ainsi
périt Denietrius, dont tout le crime étoit d'aimer Rome, & d'en être aimé.
Rome & l'Italie étoient infe&ées de la pelle, & l'on avoit allezde peine CLXVII.
de faire les levées ordinaires pour recruter les Légions. On ne laissoit pas Paul Emile
est assïégé
d'entretenir quatre armées dans la seule Ligurie, sans compter les Légions dans son
Prétoriennes de la Gaule Cisalpine & de l'Apulie. Paul Emile, qui avoit com- camp parf
mandé l'année précédente en qualité de Consul l'armée en Ligurie, en con- les Gaulois
serva cette année le commandementen qualité de Proconsul & s'avança sur la Ingau-
frontiéré des Ingauniens. Ces peuples firent quelques démarches auprès de niens. Liv. /.4°..
lui en apparence pour obtenir la paix, mais en effet pour observer la dispo-
sition de son camp, & le nombre de ses troupes. Ils demandèrent une trève
de dix jours, & qu'on s'abstînt de fourager au delà de leurs montagnes; tout.
cela leur fut accordé ; Et lorsqu'on s'y attendoit le moins, ils vinrent avec
une armée de quarante mille hommes assiéger le camp du Proconsul. Ils fi-
rent des efforts extraordinaires pour le forcer, & les Romains n'en firent pas
moins pour les repousser. Paul Emile ne pouvoit ny sortir en pleine cam-
pagne pour combattre, ni se retirer en lieu de seureté, environné qu'il étoit
d'ennemis de toutes parts.
Il prit le parti d'envoyer demander du secours àBæbius son Collégue de CLXVllL
l'année précédente, & au Sénat, afin qu'on fit incessamment partir les Con- Efforts des
Gaulois
suls avec leurs armées pour le tirer du danger où il étoit. Bsebius n'a voit for-
plus d'armée. Il l'a Préteur pour
voit remise au de Sardaigne, pour la faire passer cer le camp
dans cette Isle,afin de réprimer la revolte des Iliens. Les Consuls différoient de Paul
de partir jusqu'à ce que leurs Légions fussent complétés. Cependant le Se- Emile.
nat donna des ordres si précis, que les Consuls se rendirent à Pise avec une
armee levée a la hâte ; les Senateurs portérent leur prévoïance plus loin, ils
nommèrent deux hommes pour équipper une flotte, afin de porter des vivres
& du renfort à Paul Emile, & pour en cas de malheur servir de retraite à seu
troupes aprés leur déroute.
'Paul Emile n'eut pas bésoin de ces secours. Quoyque beaucoup infé- CLXIJ(,
rieur aux ennemis il résolut de les combattre & de sortir de son camp. II avoit Gaulois I)éfaitcclc%
remarqué que toutes les nuits les Jngauniens se retiroient dans leurs tentes. liv
En sam.Mca$
par Paul En leur absence il partagea son armée en quatre corps, qu'il rangea au de-
E dans de son camp à l'endroit des quatre portes. Les ennemis comme seûrs que
Lâv. /. 4o.) les Romains n'oseroient paroître, sortirent endétordre,& vinrent tumultuai-
rement attaquer les remparts des Romains. Tout d'un coup les quatre por-
tes du camp s'ouvrirent, & les troupes Proconsulaires comme un torrent qui
a rompu ses digues, tomba sur les Ingauniens & les mit en déroute. Ils ne
firent presque aucune résistance. Ils laiiïerent sur la place quinze mille morts
.& deux mille cinq cens furent faits prisonniers de guerre. Leurs deux camps
furent pris, & toute la nation des Ingauniens se sournit à la Domination Ro-
maine & fournit des otages. On leur enléva de plus trente deux vaisseaux,
& on l11Ïtenpri[on les Chefs de leurs Corsaires, qui infestoient les côtes d'Ita-
lie. Paul Emile eut permission de congédier ses troupes & de revenir à Rome,
£>ù il triompha.
? CLXX. Dans l'Espagne le Préteur Q_. Fulvius Flaccus sournit la nation Celtibé-
Viftoirc de rienne avec un bonheur presqu'égal. Il étoit campé proche d'Ebora
Fulvius sur tugal. en Por-
Les Celtibériens de beaucoup superieurs en nombre, se portèrent au
les Geltibé-
riens. pied d'une montagne à portée du camp des Romains. Fulvius aprés avoir pen-
Liv. 7. 4P,] dant quelque tems laissé rallentir l'ardeur des Celtibériens, les attaqua de deux
côtez; par derriere avec un détachement de sa cavalerie, qu'il avoit fait sortir
pendant la nuit, & embusquer derriére le camp des ennemis, & de front par
tout le reste de son armée, qu'il fit sortir de ses retranchemens pour donner
sur les Celtibériens, qui venoient avec impétuosité dans la résolution de fÓr-
cer les Romains dans leur camp. A peine le choc étoit commencé que les
-ennemis apperçurent la fumée & la flamme qui s'élevoient de leur camp,&
qui leur annonçoient la prise de leur retranchement.
L'on étoit aux mains, & les Celtibériens faifoientles derniers efforts pour
enfoncer les Légions Romaines, lorsque Fulvius fit avancer la septiéme Lé-
gion ; en même tems il reçut un renfort de la garnison qui étoit à Ebora, &
le détachement qui avoit emporté le camp des ennemis, vint encore tomber
à dos sur les ennemis. A ce moment ils le débandérent & prirent la fuite. La
cavalerie Romaine partagée en deux corps, les atteignit & en fit un massacre
terrible. Vingt cinq mille demeurèrent sur la place, & quatre mille huitcens
furent faits prisonniers, &avec eux plus de cinq cens chevaux. On leur en-
léva quatre vingt dix huit étentards. Les Romains ne perdirent dans cette
action que deux censLégionaires & sept cens alliez des troupes Latines,& deux
mille quatre cens Espagnols auxiliaires.
CLXXÎ. Après cette victoire Fulvius ayant laissé les blessez à Ebora, traversi le
Prise de la pays des Carpetans,& vint envelopper Contrebie, qui est la même
ville «e que Tor-
Contrebie toit dans la nouvelle
Castille. Cette ville étoit considérable, mais la garni-
par Ful-
son n'étoit pas assez forte pour tenir contre une armée victorieuse. Les peu-
vius. ples des environs se mirent en marche pour la secourir, mais les pluies &
le débordement des riviéres les arrétérent, & Contrebie capitula. Fulvius
y retira tes troupes. Cependant le secours arriva; il crut que les Romains
s'étoient retirez,& s'avança sans précaution vers la ville. Fulvius en ouvrit
deux portes, sondit sur eux, en tua douze mille, en prit cinq mille & parmi eux
quatre
quatre cens chevaux & soixante.deux étendards. Ces vidoires rendirent la
tranquilité à la Celtiberie , & méritèrent à Fulvius l'honneur du triomphe,
qu'il ne reçut que l année sui vante & après son retour à Rome,
Depuis quelques années Pharnaces Roy de Pont, qui étoit, ditPolybe, CL XXIL
un des plus médians Princes que l'on connut-, faisoit la guerre à Eumenes Guerre ite
Roy de Pont, & à Ariarathe Roy de Cappadoce. Ils'étoit emparé de la ville Roy Pharnaces
de
de Sinope, & avoit commis diverses hoftilitez sur les terres d'Eumenes. Ces Pont, coa:-
deux Princes envoyérent chacun de leurs côtez des Ambassadeurs à Rome, tre turne.
l'un pour se plaindre, & l'autre pour se défendre. Le Senat répondit qu'il en- nes Roy
vo.yéroit des Legats sur les lieux pour prendre connoissancede leurs différends; Pergame
& en esset Marcius fut envoyé, comme nous Pavons dit, & rendit compte au &theAriara- Roy
Senat des dispositions des deux Roys, louant beaucoup la modération d'Eu- de Cappa-
menés, & blamantl'avarice & l'orgueil insupportable de Pharnaces. La guerre doce..
continua, & Ariarathe y entra & joignitses armes à celles d'Eumenes, contre Poiyb.
Pharnaces. Légat, i 1.
- & apud
Ces troisPrincesenvoyérent de nouveau des Ambassadeurs à Rome, mais S? Vales. p.
Pharnaces sans attendre la décision des Légats, que le Senat promit.d'envo- 130, Liv.l.
yer de nouveau en Asie, fit entrer pendant l'hyver Leocrite un de ses Géné- 40. &c. An
du Monde
raux à la tête de dix mille hommes, dans la Galatie pour la ravager ; & lui- 2822.5823.
même au commencement du Printems rassembla toutes ses trouppes, pour &c.
saire la même choie dans Iâ Cappadoce. Eumenes, indigné de la mauvaise CLXXlih
foy de Pharnaces, qui au mépris du nom Romain, à qui l'on s'en étoit rapporté Pharnaces
pour la décision de leur difficulté., avoit recommencé les hosiiHtez, marcha Galatie entre cii
&
avec son frere Attale, qui étoit dépuis peu de retour de Rome, contre Leo-
recom-
crite dans la Galatie. Leocrite s'étoit retiré , & les Galates envoïérent prier mence les
Eumenes, de faire cesser les hostilitez, & qu'ils étoient prêts à faire tout ce qu'il hoftilitez.
voudroit. Le Roy n'eut point d'égard à leurs prières , puisqu'ils avoient Ait du
d'abord manqué de fidélité , & continua sa route avec toute son armée vers Monde 3H22.
les Etats de Pharnaces. Polyb.
Aprés six jours de marche ils arrivérent à Amise, où Ariarathe Roy Legat. H'.
.de Cappadoce se rendit avec ses trouppes. Apeineétoient-ils entrez dans la CLXXIV.
ville, qu'on vint leur dire que les Légats Romains étoient arrivez. Eumenes Le s,Légats
devant d'eux Attale son frere, & lui cependant mit tes Romains
envoya au troupes en portent
bon état, pour montrer aux Romains qu'il étoit en état de ne pas craindre Eumenes
Pharnace. Toutesfois les Légats ayant prié les deux Rois de retirer leurs troup- & Ariara-
pes du pays ennemi, promettant qu'ils feroient tout leur possible , pour porter tirer the à se re-
Pharnace à quitter les armes, ils se rendirent dans la Galatie, en attendant dessusdeles
la reponse du Roy de Pont. Les Légats Romains lui parlèrent, & le prié- terres de
rent, puisqu'il ne vouloit pas venir en personne au lieu de la conférence, d'y Pharnace,
envoyer des députez avec plein pouvoir de traitter, & de s'en tenir à ce que
les Légats auroient conclu. Les députez de Pharnacè vinrent au rendez-vous,
mais au lieu d'acquiescer au sentiment des Légats, ils leur firent assez enten-
dre par leur reponses & par leur conduite , qu'ils ne vouloient point la
paix.
Ainsi la conférence fut rompue, & la guerre recommença entre les trois CL XXK
Tom. 111. Nnn Eumenes
Princes. va
pren,-
Princes. Eumenes étoit tout occupé des préparatifs pour réduire Pharnaces,
dre' le lorsque les Rhodiens lui envoyèrent des Ambassadeurs, pour le prierde venir
comman- les Lyciens. Il ne put serefu-
dement de prendre la conduite de leurs trouppes contre
l'armée des ser à ses alliez ,&së rendit à Rhodes. Il revint quelque tems après, & tomba
Rhodiens malade à Pergame. Dans l'intervalle Leocrite Général des trouppes de Phar-
Polyb.
naces, ayant pris par composition la ville de Theïe sur le Pont, & ayant per-
Légat.
Diodor. mis à la garnison de se retirer où elle jugeroit à propos, Pharnaces lui écrivit
Sicul. de la faire mourir, & Leocrite les fit attaquer, comme ils s'en retournoient
-excerpt. dans la bonne foy , & les fit tous percer à coups de flèches.
Vales. Pharnaces avoit invité Seleucus Roy de Syrie à joindre ses forces aux
CLXXVI. siennes contre les RoisdeCappadoce &
p. g02. de Pergame, & Seleucus s'étoit avancé
avec une assez bonne armee jusqu'au mont Taurus; mais
Selcucus
réfléchissant que par
Roy de les conditions de la paix que le Roy Antiochus son pere avoit faite avec les
Syrie n'ose Romains, il ne lui étoit pas permis de palier cette montagne il s 'en retour-
paffer le
Tau- na dans son païs. Quelque tems aprés les Roys firent la paix ,
(a) à ces con-
mont n'entreroit point désormais dans la Galatie, & qu'il
rus, pour ditions : Que Pharnaces
venir au renollcéroit à toute alliance qu'il pourroit avoir avec les Galates; qu 'il quitte-
recours de roitde même laPaphlagonie, & y renvoyeroitleshabitans qu'il en avoittirez;
Pharnaces qu'il rendroit à Ariarathe toutes les places qu'il lui avoit prises ; qu'il renvo-
Diodor. & rendroit les captifs sans rançpn; qu'ilpa-
excerpt. yeroit les otages, & les transfuges,
Vales, yeroit aux Roys lVlarzia & Ariarathe neuf cens talens, & trois cens au Roy
p. J02. Eumenes, & que Mithridates Gouverneur d'Armenie donneroit au même Eu-
Ca) trois talens, pour avoir fait la guerre à Ariarathe contre l'alliance
An du menes cens
Monde qu'il avoit avec Eumenes. Dans cette paix furent compris Artaxias Roy de
382,. la haute Armenie , & Acusilochus, GathaleSarmate, & les villes dHera-Jee,
Polyb. de Mesembrie, & de Cyzique. Nous nous sommes un peu éloigné de ordre
Legat. w. des
tems , pour ne pas interrompre le récit de cette guerre.
On rapporte sous l'année 577. de Rome , la découverte qu'on y fit du
CLXXVII tombeau de Numa Pompilius & de ses écrits. Quelques manœuvres travail-
Découver- déterrèrent deux de pierre en forme de
lais au bas du Janicule, monumens
te du tom-
beau & des tombeaux, dont les jointures étoient liées avec du plomb ; tout
cela se trouva
écrits de dans un champ appartenant à un Citoyen Romain nomme Lucius Petilius.
Numa L'un & l'autre de ces deux sépultures avoit huit pieds de long sur quatre de
Pompilius,
large. L'inscription qu'on lisoit sur l'une & sur l'autre en grec & en latin,
&c. Liv. enfermé de Numa Pompilius, & dans
1. 4°. montroient que dans l'une étoit le corps
humain dans la
l'autre ses écrits. On ne trouva aucun vestige de corps ossemensavoient
pierre qui devoit contenir le corps de Numa, sa chair &ses écoulez depuis sa
été consumez dans l'espace de cinq cens ans qui s'etoient
mort, jusqu'au jour de cette découverte..
Les écrits de Numa étoient liez & serrez ensemble en deux
liasses avec
CLr,n"Ilt.
enduites d huile
Ecrits de des cordes cirées. Ces écrirs étoient gravez sur des tablettesL'écriture parois-
Numa con- de cèdre qui les avoit conservez malgré l'injure des tems.
traires à la , récente. Les sept livres compris dans la premiere halle, contenoient
pluralité foit toute
d&s Pieux. le droit des Prêtres, & étoient écrits en langue latine. Les autres étoientécrits
langue grécque a& renfermoient des principes de laPkilosopbie Pythago-
en nClenne.
ricienne. Lucius Petilius, dans le champ duquel les manuscrits avoient été
trouvez, les communiqua à plusieurs Citoïens, qui eurent la curiosité de les
Lire, & Quintus Petilius alors Préteur de Rome à qui Lucius Petilius avoit
des'obligations particuliéres, les lui demanda & aïant reinarqué que ces
,
livres blamoient la pluralité des Dieux, & ce grand nombre de cérémonies
superflitietit"es, dont on avoit surchargé l'ancien culte , il les regarda comme
livres dangereux & contraires à la Religion dominante ,& conclut à les faire
brûler.
Le Préteur toutefois ne voulut pas ravir ses écrits a Lucius Petilius, a CL XXIX
qui ils appartenoient. Il les lui remit, & celui-cy eut recours aux Tribuns du les On brûle
peuple, qui renvoyérent au Sénat la connoissancede cette affaire. Le Préteur de Numa. écrits
Petilius déclara, qu'il étoitprêt de faire serment que la dodrine de ces manu-
scrits étoit dangereuse. Sur sa parole les deux Halles de manuscrits furent con-
damnées au feu ;& le Senat ordonna qu'on païeroit à Lucius Petilius par
forme de dédommagement une certaine somme, suivant l'estimation qui en
seroit faite par les Tribuns & par le Préteur. Lucius refusa la somme, & les
livres furent brûlez dans la place publique par les mains du vidimaire, à qui
il appartenoit de droit d'égorgerles victimes. Nous avons suivi Tite Live dans
.le récit de cet événement qui est raconté par Plutarque par Pline, par Va-
,
lere Maxime , par St. Auguitin , & par quelques autres, avec certaines cir-
consiances différentes-de-ee que nous venons de voir.
Les Consuls de l'année de Rome 573. furent Aulus Posthumius Albinus, CLXXX.
& Caïus Calpurnius Piso; Le premier étant mort bientost aprés son éledion, Aulus Poft-
on lui lubiiitua Q. Fulvius Flaccus. On soupçonna Hofcilie mèrede ce der- humius Al-
hinus , &
nier , d'avoir empoisonné Calpurnius Piso son mary , Beau-Pere de Fulvius, Caïus Cal-
pour donner lieu à Fulvius de parvenir au Consulat, qu'il avoit manqué d'a- purnius
bord s'étant trouvé en concurrence_avec Calpurnius son Beau-Pere. Hosti- pico Con-
An de
lie fut, accusée & convaincuë d'empoisonnement, & enconséquence condam- suls. Rome 17;-
née à mort. Ces sortes de crimes étoient alors si communs à Rome & dans toute du Monde
l'Italie, que l'on donna commission à Claudius Pulcher Préteur de Rome, d'en 3 82 3. avant
faire des perquisitions dans la ville & à dix mille aux environs de Rome;& J.C. 177.
Maenius nommé Préteur de Sardaigne, eut ordre d'en faire la recherche dans Aprés Lhv. / 40.
la ?
tout l'Etat Romain avant son départ.
mort de
La Ligurie avoit été marquée comme le département des deux Consuls ; Calpurni-
mais la mort de Calpurnius & d'autres incidens aïant retardé leur départ, us Fulvius.
les deux Proconsuls Cornélius Cethegus & Baebius Tamphilus marchèrent fait Flaccus fut
Consul.
' contre
les Liguriens Apuans, qui se rendirent à eux sans combattre. Les CLXXXl.
*

Proconsuls en donnant avis au Senat de la soun1iffionde ces peuples, luisug- Les Ligu-
gérérent que pour finir absolument la guerre avec ces peuples indomptables, riens Apu-
le plus court & le pius seur moïen étoit de les transporter dans une autre ans trans-
dans
région. Le projet fut approuvé & exécuté. Les Liguriens Apuans quittérent férez le Sam-
donc leur pais avec toute la répugnance que l'on peut s'imaginer, & s'établi- mum. i

rent dans un Canton du Samnium nommé les champs Taurafiens. La Ré- Liv. /. 40»
publique fit les frais de leur transmigration. On leur distribuade trés-grosses
souîmes pour être distribuées entre quarante mille personnes de condition libre,
qui leur servirent à acheter ou à bâtir des demeures, & on leur assigna des
champs en propre pour les cultiver. Les deux Proconsuls triomphérent sans
avoir vaincu d'ennemis en bataille rangée. Exemple singulier & unique.
Aussi les soldats Légionaires refusérent d'accompagner le triomphe des Pro-
consuls. 11 ne fut suivi que des Liguriens qu'il amenoit dans le Samnium.
'CLXXXll. Les Consuls Pofthun1Ïus & Flaccus se mirent assez tard en campagne.
Les Con- Ils marchèrent dans la Ligurie, où il y avoit encore des mutins, qui refusoient
suIs Poft- de se soumettre. Flaccus
en investit une partie sur deux montagnes de PAp-
humius &
J"! accus penin , & les réduisit à se rendre faute de vivres ou à mourir de disette. lien
font la- transporta sept mille autres dans le Samnium, L'autre Consul ravagea les
guerre aux campagnes de ces malheureux peuples.
liguriens. En Espagne le Préteur Fulvius s'étant mis en chemin avec ses trouppes
lulviusdé. pour aller recevoir Sempronius ion successeur, qui devoit débarquer à
CLXXXUl. Tarra-
fait les Cel. gone, se trouva inopinément attaqué dans un défilé par les Celtibériens. Ful-
tibéaens vius rangea ses trouppes comme il put dans une rencontre si peu attendue
en Efpag- Les ennemis fondirent sur les Légions avec une vigueur extraordinaire; Ils
JttC-
formérent des bataillons en angles aigus pour les enfoncer. Les Légions étoient
sur le point de céder, lorsque Fulvius fit ôter les brides aux chevaux de la
cavalerie Légionaire, & lui ordonna de fondre sur les bataillons Celtiberiens.
Ils les enfoncèrent, brisérent leur angle aigu & culbuttérent toute l'armée
ennemie. La cavalerie des alliez en usa de même. Elle ôta les brides à fès
chevaux, & courut à travers les bataillons ennemis , leur passant & repaient
sur le corps. On leur tua dix-[ept mille hommes, & le -carnage auroit été
bien plus grand , s'ils n'avoient trouvé une retraite dans l'épaissèur du bois,
où le Général Romain ne jugea pas à propos de s'engager. On leur prit
mille deux cens
onze cens chevaux, soixante-dix-sept étendarts, & trois
prisonniers.
GLXXXIV.
Arrivé à Tarragone, il y trouva Sempronius débarqué dépuis deux jours.
sulvius, Il lui laissa une partie de son armée; le reste composé de vieux soldats, qui
^ésigné avoient achevé leur tems de service, s'embarqua avec Fulvius, & se rendit a
Consul & Rome. La valeur de
ce Général fut recompensée par l'honneur du Consulat,
honoré du le triomphe qui lui
8.iomphc. qui lui fut deferé avant qu'il fut arrivé à Rome , & par
fut accordé. On lui donna pour collègue dans le Consulat son propre frere
Manlius, forti comme lui d'un pere nommé Fulvius, mais adopté dans la fa-
mille des Manlius, ce qui luifaisoit porter le nom de Manlius. C'est le pre-
mier exemple qu'on ait veu à Rome de deux«sreres Consuls à la fois.
Dans le même tems Ptolemée Epiphane rechercha l'amitié des Achéens,
4LXXXK galéres
.^Fulvius & leur envoïa des Ambassadeurs , qui leur promirent en son nom dix
'-Flaccus & de cinquante raines, équippéesde toutes choses. Comme le prêtentëtoittres-
£. Mantins considérable, car on fellinioit environ dix talens, la République des Achéens
Acidinus
l'accepta avec plaisir & fit partir une Ambassade pour lui en rendre grâces,
Consuls. , de Polybe fut Chef de l'Ambaf-
.An de & pour amener cette flotte. Lycortas pere
JÇ.orac Ç74« sade & on lui donna pour ajoint Polybe
son fils, quoiqu'il n'eut pas l'âge
du Monde porté, par les Lois & Aratus fils d'Aratus le Sycionien. Mais la mort du
3S24 avant Roy Ptolemée qui, arriva sur ces entrefaites fut caule que l'amba!Tadefo.r ne
,
*
sortit point du Peloponése. Or voici comme on raconte la mort de ce Prin- Mort dfc"
à Seleucus Roy de Syrie, & avoit Ptoléméc*
ce. 11 étoit résolu de faire la guerre
cela ramassé quelques trouppes. Un de ses Généraux lui demanda où- Epiphane'
pour entreprise. Le Roy lui repondit ses Roy d'E-
il prendroit de l'argent pour cette que gypte.
amis étoient son trésor & sa ressource. Cette parole fit craindre aux peu- An dit
ples de sa domination, & aux Chefs de ses trouppes, qu'il ne les dépouillât Monde
de leurs biens; ils le prévinrent & l'empoisbnnérent. 3824-
Polyb. '
Ce Prince dans les commencemens avoit fait paroître beaucoup d'excel- Legat. Ç?v
lentes qualitez ; mais s'étant laissé corrompre par les courtisans & par ses flat- Diodor.
teurs, il fit mourir Ariston, qu'il dcvoit considerer comme son pere, en loi Sicul. in
faisant boire un breuvage de jus de ciguë ; il gouverna l'Egypte plutost en excerpt.
Tyran qu'en bon Roy, il s'attira la haine & le mépris de ses sujets. 11 laissa p.Vales. 294.
en mourant deux fils qui étoient encore fort jeunes. Le premier s'apelloit 267.
Philometor, & le sécond Physcon. Cleopatre fille du grand Antiochus & Sf-eronym.
,
sœur de Seleucus Roy de Syrie, eut la tutelle des deux Princes & le gouver- in Daniel
XV
nement de l'Egypte ; mais aïant conçu une aversion invincible contre son fils cLxxxri.
aîné, elle le relégua dans l'Isle de Cypre, du vivant même du Roy son ma- Ptolémée
c'efi-à.dire Pami de Philopiitor-'
ry; d'où vint à ce jeune Prince le surnom de Philometor,
la mere, par dérision. Le second des deux freres, le bien aimé de la niere régne en
qu'elle voulait placer sur le trône , & à qui elle avoit donné le nom d'A- Egypte.
,
lexandre fut dans la suit^le-meurtrier de sa propre mere, ainsi qu'on le verra
cy-sprés. , Pour Philometor malgré la mauvaise volonté de la Reine ¡sa mere ,
il fut réconnu Roy d'Egypte & régna 3 1. ans.
eLxxxvU:.
Aprés réledion des Consuls Romains , se fit celle des Censeurs : 011 M. Æmi-
choisit M. JEmilius Lepidus qui étoit Grand Pontife, & Fulvius Nobilior,. lius Lépi-
dont on a parlé plus d'une fois. Ces deux hommes illustres par leur naiffan- dus & Faï-
ce & par les grands services qu'ils avoient rendus à la République , on
savoit vius Nob-i--
lior Cen-
qu'ils conservoient l'un contre l'autre une haine invétérée. Toute fois on les seurs se re>
élut pour un employ où la bonne intelligence & le concert sont absolument concilient.-
necessaires. Les Senateurs & le peuple les convièrent à renoncer à leur mésmtel- Liv. 1.4Q. ç'a.
ligence. Ils le firent de bonne foy, & éxercérent leur emploi avec la satisfa- 46..
dion de tout le monde, ils ne retranchèrent que trois Sénateurs de la liste
du Sénat ; Le dénombrement des Citoyens Romains sous leur censure,futde-'
deux cens soixante & treize mille hommes en état de porter les armes.
Les deux Consuls eurent leur département dans la Ligurie. Aprés tant CLXxxvltr:.
de- guerres tous les peuples de ce païs n'étoient pas encore domptez. Fulvius
Avantagea
que les
alla à travers les bois & les rochers les chercher dans leur païs. Il les ren- deux (Son**
contra dans la plaine, leur tua trois mille deux cens hommes, contraignit suis rem-
toute la contrée à se rendre à discretion, & obligea ces peuples à quitter les portent sUts
montagnes & à n'habiter que dans le plat païs. Les montagnes leur étoient riens.- les Ligu-
une occasion de révolte. Delà il partit pour chasser d'Italie trois mille Gau-
lois, qui- vouloient s'y établir, & demandoient au Sénat qu'il leur fut perniis
d'y fixer leur habitation. On les renvoïa dans leur païs. Fulvius revint &
Ronte-& obtint le Triomphe. Manlius son- frété n'eut pas d'occasion de se
figualer.
Les Celtibériens en Espngtie n'étoient pas des ennemis moins fiers & moins
(LXXXIX. Italie. Le Préteur Sempronius réso.
Sempro- opiniatres que les Gaulois Liguriens en
nius rem- lut de terminer la guerre avec ces peuples d'Espagne. Aprés quelques au-
porte di- tres expéditions de moindre importance, il se rendit devant Certima, qui
vers avan- étoit la plus forte place du païs. Dez que les habitdns apperçurent les ma-
tages sur chines préparées pourlesiége, ils députérent
les Celtibé- vers Sempronius, & lui deman-
riens. dèrent avec franchise, d'aller demander du secours chez leurs voisins,avec
promené de se rendre, s'ils n'en pouvoient point obtenir. Ils allèrent & ra-
menèrent au camp des Romains dix députez de l'armée Celtibérienne. Comme
il faisoit fort chaud , ils demandèrent d'abord à boire, & burent. Ils en de-
mandèrent une seconde fois, & s'étant désalterez , ils dirent:Nous venons
voir si vos forces répondent à la grandeur de vôtre entreprise. On leur fit
voir l'armée en armes ; Ils retournérent dans leur camp, & sur leur recit les
Celtibériens demeurèrent en repos : envain ceux de Certima allumérent des
feux au haut de leurs tours. Le secours ne parut point, & la ville se rendit
à discrétion.
Après cela Sempronius marcha contre les Celtibériens campez au voisi-
CXC.
Prii'e d'Al- nage de la ville d'Alcé, ville
située entre le Tage & la Guudiana. D'abord le
cé. Dé- Préteur ne fit paroître dans la plaine qu'un corps de ses trouppes, que les en-
faite des nemis prirent pour l'armée entière. Ils sondirent sur ces bataillons & les
Celtibé- firent reculer. En même tems Semproniusfit sortir ses Légionaires , qui étoient
riens.
demeurez dans son camp rangez en bataille; Ils donnèrent sur les Celtibériens
avec tant d'impétuosité, qu'ils lesrenversérent, &leur tuérent neuf mille hom-
mes, avant qu'ils pussent regagner leur camp. Les Romains ne perdirent que
cent neuf hommes. La Celtibérie fut mise à feu & à srrng. Le vainqueur y
prit cent trois, tant villes que bourgades. La ville d'Alcé ne tint que deux
jours. A l'arrivée de l'armée Romaine les habitans se retirérent dans la Cita-
delle ; le lendemain ils capitulèrent & se rendirent. Un Seigneur Espagnol
nommé Turrus 'demanda en grace de servir avec les siens dans l'armée Romaine.
Il y su-t reçu & demeura toujours fidéle à la République.
ex CI. La ville d'Ergavice aprés avoir reçu Sempronius dans ses murailles, se
Sempro- rendit ensuite aux rebelles ; Le Préteur retourna vers Ergavice ; mais en che-
nillS gagne min il
trouva l'armée Celtibérienne qu'il fallut combattre. L'action ne fut
trois Ba- dés le lendemain. Sempronius demeura maitre
tailles sur pas décisive. Elle recommença
les Geld- du champ de bataille & dépouïlla les morts. Une troisiéme bataille obligea
laéricns. les Celtibériens à se reconnoitre vaincus. 11 resta sur la place vingt-deux mille
morts ; On prit trois cens prisonniers, & soixante-douze étendards. Les Cel-
tibériens d'un autre Canton assïégérent Carabis ville alliée des Romains. Sem-
niusfit entrer dans la place un de ses gens travestien Espagnol. La ville soutint
le siége plus longtems que les ennemis ne l'a voient attendu. Le Préteur pa-

CXCII.
Tri le de ,
rut avec ses trouppes, & l'armée ennemie se dissipa.
Une autre troupe d'Espagnols sortis des places que Caton avoit autre-
fois demantelées bâtissoient une nouvelle ville, à laquelle ils donnoient le
Compléta nom de Complega ; Ils employèrent la ruse pour surprendre Sempronius. Ils
défaite de!* prirent des branches d'oliviers, & cachant des armes sous leurs hahits, ils
Celtibé- s'approchèrent
riens.
s'approchèrent au nombre d'environ vingt mille hommes jusqu'aux retranchc-
mens du Proconsul. Puis tout à coup saisissant leurs armes, ils jettérent de
grands cris, & jettérent une grêle de traits sur les Romains. Le Préteur
teignit d'être efsraïé,& se sauva avec sesgens par une porte de son camp,&
quand il vit les ennemis acharnez au pillage de son camp, il y rentra & y fit un.
affreux carnage des Espagnols. La ville de Complega fut prise , la Celtibérie
mit bas les armes, & Sempronius y laissa pour la contenir un nombre de ses
soldats à qui il donna des fonds de terre à cultiver.
Poithumius Collègue de Sempronius ne remporta pas de moindres CX Cl IL
avantages sur les Vaccéens & les Lusitaniens. On dit qu'il leur tua prés de Triom-
quarante mille hommes, & à son retourj.l obtint avec Sempronius les hon- phes de
Sempro-
neurs du triomphe. nius & de
Dépuis la mort du Prince Demetrius, Philippe Roy de Macédoineson Pofthu-
Pere ne coula plus que des jours malheureux. Perles son fils ainé délivré d'un m:us.
competiteur, dont le mérité étoit de beaucoup superieur au lien, ne gardoit CXCIV.
plus de mesures même avec le Roy son pere. Il s'étoit fait une cour, gouver- des Inquiétu-
du
noit avec autorité, & laissoit à peine à Philippe le nom & la qualité de Roy. PhilippeRoy
Antigone neveu d'un autre Antigone, 'qui autrefois avoit été tuteur de i Phi- depuis la
lippe dans sa plus tendre jeunesse, étoit le seul qui étoit demeuré fidèlement mort de
attaché au Roy. Peut-être son attachementn'étoit-il pas entièrement désinté- son fils De-
ressé. Uni de parenté à lafanlille Royale, il pouvoit espérer aprés la mort metrius.
Liv. l. 4^»
de Philippe de monter sur le trône , à l'excluilon de Perfés, dont la
naissance n'étoit pas sans reproche ; Il prenoit à tâche de fomenter &
même d'augmenter les soupçons & les mécontentemens que Philippe avoit
conçus contre ion fils, n'omettant aucune occasion de le noircir dansl'esprit
du Roy.
Un jour aïant trouvé seul un nommé Xychus, qui avoit été Secretaire CXCTl.
de l'Ambassade qu'Apelles & Philœlés avoient faite à Rome par l'ordre de On décou-
vre la su-
Philippe, & dans laquelle on avoit produit la lettre prétenduë de Flaminius à percherie
Demetrius, d'où l'on inféroit que ce jeune Prince avoit conspiré d'ôterlavie de Persés
à son pere ou à son frere Antigone arrêta Xychus, le livra aux gardes du contre De-
,
Roy & dit à Philippe que s'il vouloit s'assurer de la vérité d'une chose qu'il metrius.
avoit, toujours eue sur le cœur, il le pouvoit en faisant parler Xychus. Phi- Monde An du
lippe le fit entrer, l'interrogea, & enfin Xychus avoua toute l'intrigue, à laquelle 3&:Zî.
il avoit été forcé de préter son ministére. Apelles informé de ce qui venoit
d'arriver, se sauva en Italie. Philocles confronté à Xychus fut forcé d'avouër
tout. Philippe conçut dés-lors contre Persés une haine implacable, & ré-
solut de saire passer la couronne à Antigone àson exclusion. Persés étoit en
Thrace, où il formoit une armée capable de soûtenir ses prétensions. Philippe
envoya Antigone chez les Batiarnes, dans la Sarmatie Européenne , afin d'en-
gager cette nation à venir s'habituër dans la Dardanie , dont les peuples luy
étoient I'Lispeds. Philippe comptoitque les Bastarnes qu'Antigone ameneroit
dans la Macédoine , luy serviroient contre l'armée que Persés rassembloit en
Thrace.
Antigone partit, quovqu'à regret craignant que la mort n'enlevât Philippe CXCVL
pendant Philippe
pendant son absence. Ce Prince
que les remords & le chagrin poursuivoient
par
envoye
Antigone tout.palIa de Démétri ideà Laodicée & delàà Amphipolis, s'imaginant h tout-
,
dans le moment voir l'ombre de Demetrius, qui luy reprochoit sa cruauté & ion
pais des injustice. Ces phantômes le tourmentoient jour & nuit, & affoiblissoient là
Buftarnes. santé. Persés avoit gagné Calligéne Médecin du Roy sonpere, qui voyant ce
Mort de
Philippe. Prince en éminent danger de mort, en donna promptement avis à Perlés, &.
An du luy fit dire qu'il étoit tems de venir se faire proclamer Roy. Peries accourut
Monde avec une diligence extraordinaire, & toute ibis le Roy étoit expiré avant son
3 S 2S. avant arrivée. Ou ne divulgua sa mort, que quand Persés fut en état de prendre
J. G. 175.
possession du trône vacant.
CXCVll. Antigone avoit passé le Danube h la tête d'une multitude prodigieuse
Mort deBastarnes, qui menoient avec eux leurs femmes & leurs enfans; déja il etoit
d'Antigo- entré en Thrace, lorsqu'il prit le devant pour venir annoncer au Roy l'arrivée
ne. Perfés de la colonie qu'il attendoit à quelque distance d'Amphipolis il apprit la
régne en Philippe, étoit ,
Macédoi- mort de que Persés reconnu Roy, & pour comble de malheur
.11 e.
il tomba entre les mains du nouveau Roy, qui le fit mourir. Pour les Battar-
pes , leur armée se fit donner passage à travers la Thrace - Les anciens peuples
du païs se sauvérent dans les montagnes. Les Bastarnes les y poursuivirent,
mais ayant été accueillis par un grand orage ils s'imaginèrent que les Dieux
,
en courroux s'opposoient à leurs entreprises. Ils se partagèrent. La plus
grande partie retourna sur ses pas, & repassà le Danube ; les autres au nombre
d'environ trente mille entrèrent dans la Dardanie & s'y établirent.
ICXCV]l7. Cependant Persés régnoit en Macédoine, & jouïssoit en paix du fruit
Persés en- de ses crimes & de ses impostures. Il envoya à Rome une Ambalfule pour
voye des faire part à la République de l'on élévation & pour lui demander Ion amitié,.
Ambaifa- & le ,
nom de Roy. Le Senat ne luy refusa rien, quoyqu'on fut bien informé
deurs à
-Rome. à Rome & du procedê de Persés envers Demetrius, & des démarches de Phi-
lippe & des préparatifs qu'il avoit faits jusqu'àia mort contre les Romains„
,
& qu'on ne doutât point que Perlés ne fut dans les mêmes dispositions envers
Rome qu'avoit été le Roy san pere, qui luy avoit laissé dans ses Arsenaux de
,
quoi armer soixante mille hommes dans ses Magasinshuit censmillemesures
,
de blé, & dans ses coffres assez d'argent pour soudoyer pendant dix ans dix
mille hommes de trouppes étrangères.

LIVRE XXXV.
I
M. Junius LEs Consuls de l'an de Rome 571. furent M. Junius Brutus, & Aulas
Brutus 6c Manlius Vulso. Leur département réglé pir le sort, sut pour Manlius
Aulus la Gaule, & pour Brutus la Ligurie. Ces deux Provinces étoient pai-
Manlius
Vulso Con.. sibles, & les Consuls n'avoient pas lieu d'espérer d'y faire de grands ex-
ï
suls. An de ploits de guerre. Manlius pour ne demeurer pas oisif porta ses armes con- »

Rome 57s. tre Gentius Roy d'Illyrie, & contre les peuples de l'Iltrie, qui étoient ou (
duM. ?826. Gaulois, ou du moins en partie venus des Gaules & de la Germanie. Les J
avant J. C. lllyrieus & les Istriens
ne s'étoient pas ouvertement déclarez contre Rome: J
1;
Lu,. 4°4l? Mais I
Mais le voisinage de la mer & l'appas du gain les avoient portez à exercer la
piraterie sur les côtes de l'Italie. Le Senat n'avoit point ordonné la guerre
contre ces peuples. Mais le Consul avide de gloire & une partie de ses Of-
ficiers passérent sur cette confédération, & résolurent d:Jaller en Istrie.
Manlius vint camper avec ses troupes de terre vers lessources du Tima- Il.
ve, & ordonna au Préfet, qui étoit destiné à garantir la côte, de conduire Manlius &
son escadre à l'embouchure de ce fleuve dans la mer Adriatique. Le Roy des son armée
Istriens rassemble promtement ses troupes & marche vers le camp du ConsuL quittentà le
camp
A la faveur d'un gros brouïllard il s'avance jusqu'à une garde avancée, qui l'approche
prit incontinent la fuite & arriva toute essouffîée au camp, & y jetta la fraïeur du lioy
& la confulion. Un soldat ayant imprudemment crié, à la mer; fotons à la mer, d'Istrie,
le cri passe de bouche en bouche, & une grande partie de l'armée Consu-
laire, comme saisie d'une terreur panique, court vers le port. Le Consul lui-
même fut obligé de suivre sou armée. Un seul tribunLëgionaire, avec trois
compagnies, ou trois manipules de sa Légion, demeurèrent dans le camp,
& y furent mis à mort par les istriens. qui y entrèrent sans résistance.
Le Roy des Iftriens & les siens ne sçurent pas profiter de leur avantage. 72A
Il leur auroit été aisé de défaire l'armée Romaine dans la confusion où elle Manlius-
étoit. Ils se mirent à piller, à boire, à manger, à se divertir. CependantrecouvrerOll camp
le Consul voyant qu'il qu'illuiétoit impossible de rassûrer ses gens dont la plÙ. & défait
,
part même étoient sans'armés, & les cavaliers sans chevaux, manda une Lé-]les lânens.
gion qu'il avoit passée sur le chemin d'Aquilée, & environ trois mille Gaulois
de troupes auxiliaires commandez par un Roy nommé Carmel. Avec ce ren-
le
fort,& peu desoldats armez qui restoient autour de lui, il s'avança vers l'en-
nemi qui étoit dans une entière sécurité. Chaque cavalier prit un fantassin
,
en croupe, & les vieux soldats montèrent deux à deux sur les bêtes de charge.
Arrivez au pied des remparts, Atius premier Tribun de la Légion qui avoit
pris la fuite, saisit une enseigne, la jette par dessus le rempart, entre le pre-
mier, est suivi par les siens, met à mort tout ce qui se présente; le Consul
rentre en possession de son camp. On y tuë huit mille Iftriëns, la plupart
sans défense, & noyez dans le vin.
Le Roy des Iftriens avec ce qui put s'eveiller & se sauver, prit la fuite. IV.
Il n'en couta aux Romains que deux cens trente sept hommes. Allarme
La renommée ayant porté à Rome la nouvelle de la perte du camp, & à Rome
de la fuite des soldats, y causa une telle allarme, que l'on ordonna précipi. àvelle la nou-
de la
tamment la levée de deux Légions dans Rome seule, & que le pays Latin fut prise du
taxé à dix mille hommes de pié & cinq cens cavaliers. La conduite du Con- camp de
sul fut infiniment blâmée & condamnée ; enfin la vérité ayant été connue, l'on Manlius.
se rafliira & on donna des contrordres pour la levée des troupes. Les Istriens
& les Illyriens demeurèrent en repos, Manlius reftaen Istrie en qualité dePro-
consul, &Junius son Collègue revint à Rome pour présider aux ele&ions.
La Lycie avoit été ôtée au Roy Antiochus après sa défaite par Scipion V.
PAsiatique, &avoitété cédée aux Rhodiens, en recompense de leur consiante Plaintes
fidelité envers les Romains. Rhode abusa de son pouvoir, & traita si mal les destyciens
Lyciens qu'elle les contraignit de porter leurs plaintes à Rome. Leurs Am- contre les
Rhodiens.
Fo/yb- in bafladeurs y arrivérent cette année, & détaillèrent au Senat les vexations &les
Excerpt. violences que les Rhodiens exerçoient contre eux. Elles étoient telles, que
Légat. 60. leur condition ne différoit en rien de celle des plus malheureux esclaves. Le
61. Liv. Senat
en fut touché & écrivit aux Rhodiens, que son intention en leur sou-
J. 41.
An du M. mettant des peuples libres, n'avoit pas
été qu'ils fussent réduits en esclavage,
a826. & qu'ils devoient se souvenir que les Lyciens en devenant leurs sujets, n'en
étoient pas moins les alliez du peuple Romain. Les Rhodiens prirent mal
ces avis; ils continuèrent leurs mauvais traitemens & obligérent les Lyciens
à se revolter.
VI. Le Consulat fut déféré pour l'année 576. de Rome à C. Claudius Pul-
6. Claudius cher, & à Tibérius Sempronius Gracchus. L'Istrie échut à Claudius Pulcher
Pulcher & & la Sardaigne à Sempronius. Ce dernier battit les Iliens revoltez, & les
Tiber. & en laissa douze mille sur le champ de ba-
Sempro- Baleares qui leur étoient joints, demeuré dans la mêmeIsle

hommes..
Mius Grac- taille; il prit leur camp, & l'année suivante étant
chus Con- en qualité deProconlu!, il y fit la guerre avec tant de succés, que dans une
fuIs. An de inscription,qui se lisoit dans le Temple de laDéesse Matuta, il étoit dit qu'il
ou fait prisonniers dans la Sardaigne jusqu'a quatre-vingt mille
Rome 6. avoit tué,
du M .-e8 7.
avant J.C.
17?- Claudius Pulcher emporté par son humeur bouillante, partit précipi- ,..
Liv. /.4. tamment de Rome pendant la nuit, sans avoir rendu ses vœux à Jupiter, &
reçu l'habit cse cérémonie, qui se donnoit aux nouveaux Conlùls,
Guerre en sans avoir
Sardaigne.
Vll. quand ils partoient pour l'armée. Il arrive sans lùite & sans lideurs au camp
Claudius d'Istrie, où étoient les deux Proconsuls Manlius & Junius, quiavaient déja
paire en remporté quelque avantage sur les ennemis. Le Consul harangue l'armée.,
Istrie. Ses invedive violemment
contre les Proconsuls, leur reproche tout ce qui s'é.
violences.
toit pafsé l'année précédente, sans faire attention que ces invedives retom.
boient sur lessoldats, auxquels il parloit, & dont il avoit bésoin de gagner
la confiance. Il conclut sa harangue en ordonnant aux Proconsuls de quit-
ter incessamment l'armée, & de retourner à Rome.
Vlll. Les soldats indignez devoir les emportemens de Claudius, crièrentqu'ils
Claudius lui obéïroient, quand ils le verroient revêtu des marques de sa dignité. Le
est obligé Consul
en fureur ordonna au Proquesteur, de donner les chaînes pour en char-
de retour Proconsuls. Il réfusa d'obeïr; les Légionaires couvrirent de
ner Ro-
à ger les deux
leurs corps les Proconiuls, & par leurs huées ils insultérent -ct Claudius. Ce
me.
Consul méprisé fut obligé de s'en retourner à Rome. Il s'y plaignit avec
beaucoup d'aigreur du procédé de Junius & de Manlius. Onl'écouta; mais
on ne précipita pas le jugement. On voulut
entendre les accusez.
lX. Claudius pour cettefois pratiqua ce que la religion & la coutume avoient
Claudius établi. Il partit le troisième jour aprés son arrivée, & arriva de nouveau au
retourne camp d'Issrie. Les Proconsu!s étoient occupez au siége deNesatium, où le
en istrie. Roy d'Istrie nommé lepuluii & la plupart des Seigneurs du pays s'étoient en-
fermez. Claudius trouva pour cettefois plus de soumission dans les C001-
mandans & dans les troupes, que dans son premier voyage. Les Proconsuls
retournérent à Rome avec leurs troupes, Claudius n'ayant pas voulu sen ser-
vire Il lui étoit arrivé deux nouvelles Légions
& des troupes alliées, avec
les-
lesquelles il continua le siége de Nesatium. Les efforts du Consul, la valeur
de les troupes, les machines qu'il y employa, ne firent que peu d'effet contre
une place, que Part & la nature avoient pris plaisir à fortifier. La ville étoit
située sur la riviére Arlia & ses eaux étoient les seules dont les assiégez se
, &
servissent pour eux-mêmes pour leurs animaux.
Claudius entreprit de detourner le cours de cette rivie're; il lui fit creu- X
ser un nouveau lit par ses troupes & en jetta les eaux dans la mer. Les affié- Prise de la
désespoir, commencèrent égorger leurs femmes & leurs ville deNe-
gez réduits au par fatium.
enfans, puis jettérent leurs corps dans les fossez de la ville. Une exécution L'Istrie est
si pleine de cruauté fit jetter des cris & des hurlemens dans la place. Clau- assujettie
dius saisit ce moment de trouble pour monter à l'assaut; la ville fut prise & aux Ro-
remplie de carnage. Le Roy iEpulon se perça de san épée; ceux qui sur- mains.
vécurent, furent réduits en esclavage.
La prise de Ndatiun1 fut suivie de celle de deux autres villes, qui fai-
soient toute la force du pay?. L'une s'appelloit Mutile & l'autreFaverie. On
les emporta d'assaut, & on les abandonna au pillage. Ainsi toute lMstrie fut
pacifiée & demeura soumise aux Romains.
Les Liguriens si souvent battus, n'étoient pas encore entièrement assa- XI.
jettis. Claudius apprit étant à Pise que les ennemis étoient campez sur les Les Ligu-
bords du Scultene, riviére qui coule entre Modène & Boulogne, & se dé- riens bat-
charge dans le Po. Claudius marche à eux, & avec f3 vivacité naturelle leur Claudius. tus par
livre le combat & les défait. Les Liguriens perdirent quinze mille sept cens
hommes, tant morts que pris prisonniers. Leur camp fut emporté, avec
cinquante-un étendards; les vaincus se retirérent dans leurs montagnes. Clau-
dius obtint sans peine les honneurs du triomphe, & présida à l'assemblée où
l'on élut de nouveaux Consuls.
On éleva au Consulat Cneïus Cornelius ScipionHispalus, & Q. Petilius Xli.
Spurinus. Avant que d'entrer dans l'exercice de leurs charges, les deux Con- Cnei Cor-
suis vinrent déclarer au Sénat,le premier,c'est-à-dire Cornélius, que le foye nélius Sci.
dela victime qu'il avoit immolée, s'étoit changé en eau, & n'avoit plus paru, pio & Hispa-
!us
lorsqu'on l'eût fait bouïller avec les autres viscéres; le sécond vint dire que Petilius
la partie supérieure du foye manquoit au taureau qu'il avoit fait immoler, & Spurinus
que la même chose étoit arrivée à trois animaux qu'il avoit immolez de suite. 6on[uls.
On immola des hosties à tous les Dieuæ, & les Dieux s'appaisérent. Il n'y An de Ro-
eut, diton, que laDéesse Salus, ou de la santé, qui demeura inflexible. Les me 577.
duM.3827.
deux Consuls moururent dans l'année. Ils ne laisserent pas de partir pour avant J. G.
leur département. Cornelius fut destiné à commander l'armée, qui campoit 173.
I 41.
vers Pifes, & Petilius alla faire la guerre en Ligurie. Nous racontons ces Liv.
événémens prétendus miraculeux, sans prétendre les garantir. Le Paganisme c. 18.J-
étoit plein de superstitions & de supercheries. Cornélius mourut d'apople-
xie avant que de sortir de Rome. On choisit en sa place Caïus Valerius Lx-
vinus.
Ciaudius Pulcher commandoit cependant en qualité de Proconsul l'ar- Xiii.
mée Romaine en Ligurie. Les Liguriens s'étoient emparez de Modéne, &en Exploits
avoiuit chassé la Colonie Romaine. Claudius en moins de trois jours reprend de Clau-
dia-, Pul-
O 00 z la
cher dans 1la ville, & y fait périr plus de huit mille Liguriens. Le Proconsul croyoit
la Liguric. avoir mis fin à la guerre, lorsque ces peuples excitérent de nouveaux troubles
dans le pays. Claudius parut, & ils se sauvérent dans leurs montagnes. 11 se
rabattit dans la plaine, & y fit périr environ quinze cens Liguriens. Leurs
compatriotes fortifiez dans les montagnes, massacrérent à leur tour tous les
Romains qu'ils avoient pris à Modéne. Claudius se disposoit à les forcer
dans leur retraire, lorsqu'il reçut ordre du Consul de lui améner son armée
sur les bords de laSechia. Claudius obéït, & bientôt aprés Lxvinus son Col-
légue le vint joindre, & les deux Consuls ayant partagé leurs armées, se ren-
XlV. dirent dans divers Cantons de la Ligurie. Petilius attaqua une des montagnes
Les Con- nommée Lituon, où les Liguriens s'étoient retirez, & y perdit la vie. Mais
fulsPetilius on cacha sa mort, & la montagne ne laissa pas d'être emportée, de même
&: Laevinus
qu'une autre montagne nommée Balista. Laevinus demeuré seul Consul mé-
entrent
dans la rita le triomphe par des exploits,dont lacen'estpas venue jusqu'à
Ligurie. nous.
XV. On a pu remarquer qu'Antiochus le Grand,Roy de Syrie avoit été obligé
Seleucus de donner pour ôtage à Rome son fils Antiochus. Ce Prince étoit alors Úgé de
Philopator Philopator Roy de Syrie, rtsolut de retirer Antio-
rappelle de 23.ans. Son frereSeleucus
Rome son chus auprès de !ui,& d'envoyer en sa place à Rome son propre fils Demetrius,
frere An- âgé feulement de dix ans. Un des articles de la convention entre le Grand
tiochus. Antiochus & les Romains étoit, que de tems en tems on échangeroit les ôta.
Mort de Roy demeurerait à Rome. Le Senat consentit néanmoins
Seleucus. ges, mais que le fils du
An du M. au renvoy d'Antiochus, & au remplacement de Demetrius. Mais à peine
g828 avant Antiochus étoit-il arrivé à Athénes,qu'il apprit la mort de Seleucus son frere.
J. G. 172. On dit qu'il fut mis à mort par ce même Héliodore qu'il avoit envoyé
jippian.
Syriac. pour enléver du temple de Jérusalem l'or & l'argent qui y étoit. Héliodore
p. 116.
étoit apparemment son Trésorier Général; il ne se contenta pasd'avoir ravi
Jvlacc. 1.11. la vie à ion maitre, il s'empara de sa couronne. Antiochus s'adressa au Roy
ffero7J.'Yln. Euménes, qui le conduisit dans son Royaume, & le rétablit sur le Ti one de
in Dan.XL lès Peres. D'abord Antiochus futassez mal reçu par ceux de ses sujets, qui
panchoient vers Ptolémée Philométor Roy d'Egypte. Mais Antiochus ayant
fait paroitre une bonté & une clemence extraordinaire, gagna les Syriens &
fut coufidéré dans le pays comme une Divinité tutelaire, qui leur étoit ve-
nue du Ciel, ce qui lui fit donner le surnom cfEpiphmies, c'est-à-dire, qui se
montre, & qui apparoit tout à coup, comme dans les apparitions surnatu-
relles.
XVI. Seleucus Philopator, auquel il succeda, fut un Prince peu digne de re-
Laodicé gner, parla nonchalance & son oisiveté. 11 laissa Demetrius, dont on a déjà
fille de Se- parlé, qui fut envoyé otage à Rome, & Laodicé qu'il donna en mariage
leucus en
épouse à Peries Roy de Macédoine. Elle fut conduite en Macédoine en grande pompe
Perfés Roy sur les navires des Rhodiens. Persés, pour réconnuitre ce service, fit pre-
de Macé- sent aux Rhodiens de tous les bois nécessaires pour la construdion d'une
doine. slotte, & donna à tous les soldats, qui avoient accompagné la Reine, une
Ca) étrille d'or, (Il) dont on se servoit dans les bains pour se frotter.
Polyb* Le-
gat. 60.
Rome se donna en 578. pour nouveaux Consuls, Publius Mutius S*"-ffl-
vula,
vola, & Marcus Ætl1ilius Lepidus. La peste désoloit alors la ville deRonle 5't,XY/J*&
& l'Italie. La corruption étoit si extraordinaire dans les corps qui en étoient Xçverqv.
XVIL
attaquez, que les chiens-mêmes, les corbeaux & les vautours ne vouloient P. Mutius
pas y toucher. Les deux Consuls tirèrent au sort pour leurScsevola. département; la Scævola &
Gaule Cisalpine échut à Lepidus, & la Ligurie maritime à Ils s'y M. iEmi-
gouvernèrent avec tant de valeur, qu'ils en méritérent le triomphe. lius Lepi-
Les Bastarnes, qui s'étoient emparez d'une partie de la Dardanie, de- dus Con-
suls. An de
vinrent bientôt à charge au Roy Perfés. Ce Prince pour les dégoûter, fit
Les Darda- Rome 578.
semer la division entre les Dardaniens & ces nouveaux venus. du Monde
niens se plaignirent à Rome des mauvais traitemens,qu'ils souffroient de la part 3828-avant
des Bastarnes. Le Senat députa Aulus Posthumius, pour s'informer de la vé- J.C.i71.. 1.41.
rité de ces plaintes, & pour savoir si Persés étoit auteur de ces troubles. Poft- Liv. XVIU.
humius rapporta que la Dardanie étoit en feu; mais qu'il n'avoit pu découvrir Les Darda-
quelle part le Roy Persés y avoitA Les Dardaniens n'espérant plus de secours niens char-
de la part des Romains, résolurent d'employer leurs propres forces à se dé- fent les Ba-
starnes de
faire des Baftarnes. Ils les prirent pendant l'hyver, dans un tems où ces peu- leur pays.
ples étoient séparez des Thraces & des Scordisques,avec lesquels ilsavaient Polyh, Le-
fait alliance. Les Dardaniens donc partagérent leur armée en deux corps. gat. 62.
L'un alla droit aux ennemis par le chemin le plus coure, l'autre prit un dé-
tour à travers les bois pour venir tomber à l'improviste sur les campemens
des mitâmes.
Le premier corps, arrivé avant le sécond, livra précipitamment la' bataille XIX.
& fut battu & repounë; il se retira à douze mille du champ de bataille, dans Défaite des
Bastarnes.
la ville même d'où il étoit parti. Les Baitarnes les y poursuivirent, & entre- Une partie
prirent de les y forcer. Cependant l'autre corps de Dardaniens arriva au camp est englou-
des Basiarnes, & l'ayant trouvé abandonné, y mit le feu, & sans s'amuser à tie dans les
le piller, marcha sur les traces des ennemis,& les vint surprendre comme ils Danube. eaux du
étoient occupez à forcer la ville, où leurs compatriotes s'étoient retirez. Les
Basiarnes effrayez & par l'arrivée des Dardaniens, & par l'incendie de leur
camp, prirent la suite, & se répandirent dans les campagnes, en tirant vers
le Danube, pour le paffer & retourner dans leur pays. En passant sur les gla-
ces duDanube, toute leurarmée fut engloutie dans les eaux, la glace s'étant
tout à coup ouverte sous leurs pieds. Ainsi périt toute cette multitude d'é-
tr,it-igers , que la politique du Roy de Macédoine avoit attirée dans la Darda-
nie, pour s'en servir dans la guerre contre les Romains.
Vers ce même tems Rome choisit de nouveaux Consuls, qui furent XX.
Spurius Pofthumius Albinus & Spur. Posi
Mutius Scaevola. La peste, qui faisoit des humius Al--
ravages infinis à Rome & dans les Provinces , rendit cette année stérile en binus, &
événéme ns militaires, mais les deux Censeurs firent de grands retranchemens Mutins
dans la liste des Senateurs & dans celle d-es Chevaliers Romains, & donnèrent Scævola.
de grands exemples de sévérité. FulviusFlaccus l'un des deux Censeurs effaça Gonsuls.
An de Ro-
du nombre des Senateurs son propre frere, pour avoir congédié sans l'ordre me 579. du
de son Général, une Légion dont il étoit Tribun. Jusqu'à ce tems la ville de M.?82£.
R me n'avoit pas été pavée, les Censeurs la firent paver, & rétablirent les avantJ. e..
grands chemins qui étoient devenus prefqu'imprâtiçables. Le même Cerv 171.,
ieur LivJ,\1-
, (j 00 5
Valer. Ma. seur Fuivius, ayant fait enlever du temple de Junon Lucinienne situé dans le
xim 1. 1- territoire de Crotone, quelques marbres, pour en orner un temple qu'il fai-
c. i. La- soit bâtir à Rome,en l'honneur de la fortune équestre, le Senat ordonna, qu'on
Fi.int. 1, 2.
Injiitt reporteroit ces marbres dans leur premiere place. Dans le dénombrement
que firent les Censeurs, les citoyens Romains se trouvérent au nombre de
deux cens cinquante sept mille deux cens trente-un.
XXI. En Espagne les Celtibériens attaquérent à l'improviste le camp du Pré-
Les Celti- teur Claudius, qui eut assez de peine de faire sortir les troupes & de les
bériens ran-
sont vain- ger en bataille, parceque les ennemis avoient déja occupé toutes les avenues
eus par
de l'on camp. Enfin en peu d'heures il les renverra, les poursuivit, prit leur
Claudius, camp, leur tua ou fit prisonniers quinze mille hommes, & enléva trente-deux
étendards. Cette victoire ne fut pas jugée suffisante pour lui accorder le
triomphe. On ne lui donna que l'ovation.
XXII. Persés Roy de Macédoine donnoit de jour en jour de nouveaux om-
Perlés Roy brages aux Romains. On savoit qu'il sollicitoit sous main les peuples de l'A-
de Macé- sie, de la Gréce & de l'Afrique à se joindre à lui,
doine sol- pour faire la guerre à la
licite les République. On assuroit que ce Prince avoitfait une députation àCarthage;
Grecs & que son député avoit été admis au Senat pendant la nuit, & qu'on ignoroit
les Car- & le sujet de sa députation, & la résolution du Senat de Carthage. Ce my-
thaginois stére augmentoit
à faire la encore les défiances. Rome, pour s'instruire à fond de tou-
choses, fit partir pour la Macédoine trois députez de la première consi-
guerre aujc tes
Romains. dération, qui ne trouvérent point Persés dans sa Capitale. Il étoit allé en ar-
Liv• 1, 4L- mes dans la Dolopie, pour la réduire à son obéïssance. Delà il prit la route
de Delphes, où il feignoit de vouloir s'acquitter d'un vœu qu'il avoit fait. Ce
voyage & le retour lui donnèrent lieu de voir & de préssentir divers peuples
& diverses villes de la Gréce. Il affeda de gagner leur affeâion, sur tout de
celles à qui le Roy Philippe son Pere avoit fait la guerre, ou qu'il avoit mal-
traitées. Il rechercha par des lettres circulaires l'amitié des villes libres de
Thessalie, & renvoya aux Achéens & aux Athéniens ceux de leurs esclaves,
qui s'étoient refugiez dans sesEtats, accompagnant ce present de lettres gra-
cieuses, pour les disposer à une parfaite réconciliation.
XXIII. Dans le Royaume de Syrie le jeune Roy Antiochus Epiphanes s'étant
Mœurs du affermi dans la Monarchie, donna le gouvernement de la Babilonie a Timarque,
Roy Antio. ' & l'intendance de ses finances à Héraclide frere de Timarque, qui étoient deux
chus Epi-
phanes. personnages trés-corrompus; le Roy lui-même fit bientôt paroître & la légé-
Liv. 1- 41- reté de son esprit,& labasfessede ses sentimens, & la dépravation de ses moeurs.
Diodor. Il se faisoit un plaisir de sortir la nuit secretement de son palais, & d'aller cou-
Situl. in rir par les rues, accompagné seulement d'une ou de deux personnes; il seplai-
Excerpt.
Faies. soit à boire, à manger & à converser avec des gens de la lie du peuple, & avec
p.goî. go6,. des étrangers sans nom & sans qualité. S'il apprenoit que quelques jeunes
/ithên. 1.S. gens fuslTent ensemble en quelque lieu pour se divertir, il s'y rendoit avec une
c. 4. /. 10. coupe &des joueurs d'in(frumens; ce qui obligeoit souvent ces convives, ou
($c.
c. 12.
jippian. à s'enfuir, de crainte d'offenser le Roy, ou de demeurer dans le silence, n'o-
Syriac. sant par resped lui adresser la parole. Souvent il quittoit les habits Royaux
p, 1 7. & se revétoit d'un habit blanc, comme il l'avoit veu pratiquer à Rome par
ceux
ceux qui briguoient les charges; puis prenant par la main & saluant ceux du
peuple qu'il rencontroit, leur demandoit ouPedlhte ou la dignité deTribun
du peuple, & l'ayant aisément obtenuë, il se faisoit apporter une chaise curule
d'ivoire à la Romaine, & rendoit la justice au peuple d'une manière sisérieuse
&avec tant d'application que les plus sages ne savoient ce qu'ils en devoient
croire; les uns regardant la chose comme une puérilité, les autres comme un
effet de folie.
Les Consuls de l'année suivante furent L. Posthumius Albinus, & M, XXIV.
Popilius Lœnas. Le premier fut destiné à marcher contre la Ligurie, &Po- L. Posthu- Albi-
pilius eut son département dans la Campanie, où il étoit nécessaire de faire mius nus & M»
restituer à la République certains fonds, dont les voisins s'étoient emparez. popilius
Sur sa route il obligea les Prenestins à lui fournir les voitures & les bêtes de lænas
charge, dont il avoit bésoin; il contraignit les Magistrats à venir au devant Consuls.
de lui, à lui meubler & préparer un logis pour le recevoir. C'étoit une An de Ro-du
ç8o.
nouvelle charge pour les villes des Provinces; les Consuls jusqu'alors ayant me M.3830.
fait leurs voyages aux frais de la République. Popilius suivoit en cela le avant J. G.
mouvement de son indignation contre ceux de Préneite, qui l'avoient autre- 170.
fois négligé, dans un voyage qu'il avoit fait dans leur ville. Son exemple Liv. J. 41.
eut des suites. Les autres Consuls à son exemple chargèrent les villes des 4*-
frais de leurs voïages. Il rétablit le Domaine du peuple Romain dans la Cam-
panie, & retourna à Rome.
Son Collégue attaqua les Liguriens enfermez dans la ville de Caryste, XXV.
située, comme l'on croit, sur le chemin de Tortone àGènes. Les Liguriens Défaite des
firent sortir leurs troupes & les rangèrent en bataille. Pendant trois heures Inhumani-Liguriens.
les Romains s'efforcèrent inutilement de les rompre. Elles demeurèrent té de Po-
inébranlables. Le Consul ordonna à sa cavalerie de s'élancer à toutes brides pilius en-
contre ces bataillons. Elle se fit jour à travers leurs rangs, les renversa, les vers eux.
foula aux pieds. Ceux qui voulurent regagner la ville, en trouvérent les Liv. 1- 42..
avenues occupées par la cavalerie , qui en fit une horrible boucherie. On
en compta dix mille de tuez sur la place & sept cens prisonniers. On leur
prit quatre vingt-deux étendards ; ce malheureux peuple réduit à dix mille
hommes, se remit entre les mains du Consul, qui les sournit a l'esclavage,
les vendit à l'enchère, démantela leurs villes, & livra leurs campagnes à qui
voulut les acheter.
Le Senat eut horreur de cette inhumanité. Il ordonna que Popilius ren- XXVI.
droit l'argent qu'il avoit tiré de la vente de ces malheureux, qu'il leur resti- Le Senat
tueroit la liberté, qu'il leur feroit donner de nouvelles armes , & qu'après rétablit en
les avoir rétablis dans leurs terres, il feroit sortir ses troupes de leur pays. Le liberté
Consul n'obéït pas, il envoya son armée aux environs de Pises, & étant ar- ceux que
Popilius
rivé à Rome, il fit assembler le Senat hors des murs dans le temple de Bello- avoit ré-
ne. Il commença à invediver sans ménagement contre Acilius Préteur, à qui duits à l'e-
il avoit envoyé sa lettre pour la lire au Sénat, & pour demander qu'on or- sclavage.
donnât des priéres & des adions de grace pour sa vidoire. Ses invedives ne
firent rien rabattre de la sévérité du Sénat. On lui parla à lui-même sans
mena-
ménagement. Il sortit de l'assemblée trés-mécontent, & retourna' dans sa
Province, sans se mettre en peine d'exécuter les ordres du Sénat.
XXVlI. D'un autre côté les Ambassadeurs qui avoient été l'année précédente en
Persés Roy Macédoine, étoient de retour à Rome, sans avoir pu obtenir audience de
de Macé. Persés. Tantôt c'étoit
doine se une absence, tantôt une maladie affedée, qui l'avoit
dispose à empêché de les entendre. De tous
côtez il arrivoit des Députez à Rome,
faire la qui annonçoient que ce Prince se disposoit à déclarer la guerre aux Romains;
guerre aux qu'il ne cessoit de solliciter les villes Gréques de se joindre à lui; qu'il leur
Romains. envoyoit de fréquentes ambassades, qu'il leur écrivoit des lettres flatteuses,
qu'il les combloit de caresses & de promesses immenses. Que plusieurs
villes penchoient plutôt pour lui, que pour Euménes Roy de Pergame,qui
de son côté sollicitoit les mêmes villes à s'attacher à Rome. Tout cela ne fut
pas capable de porter le Senat à prévenir Persés. Il députa de nouveau en
Macédoine cinq autres Ambassadeurs pour voir les choses de plus prés & par
leurs propres yeux.
xxvHI. La Reine d'Egypte Cléopatre, fille du Grand Antiochus, qui avoit porté
Antiochus pour dot au Roy Ptolémée Epiphanes son mari, la Celé-Syrie, lajudée, &
Epiphane la Samarie, avoit gouverné le Royaume d'Egypte comme Tutrice des deux
s'empare Princes Philométor & Phyfcol1 ses fils. Elle avoit pris en aversion Philo-
de la Célé-
Syrie & de métor son fils ainé, & l'avoit
rélégue dans l'Isle de Cypre. Physcon l'objet
lajudée. de sa prédilection, réconnut si mal l'amitié de sa mere, qu'il la tua de sa pro-
geron.'Ym.
pre main, & s'empara de la couronne. Antiochus Epiphanes Roy de Syrie,
in Daniel. dont
X1. Polyb. on a parlé, prit le parti de Philométor contre Physcon, & sous pré-
Légat. 72. texte de l'établir sur le
Trône d'Egypte, qui lui étoit dû parle droit de sa
naissance, entra dans la Célé-Syrie & dans la Judée & s'en empara. Eulaïus
& Lenaeus, qui gouvernoient l'Egypte, sous le nom & l'autorité de Philo.
métor, se plaignirent de cette invasion. Epiphanes prétendoit, quedépuis la
bataille gagnée par le Grand Antiochus son Pere à Panium vers les sources
du Jourdain, la Célé.Syrie avoit toujours fait partie de son Royaume de Sy-
rie, & n'avoit jamais été cédée pour dota la Reine Cléopatre. Les Regens
de l'Egypte soûtenoient le contraire. Ce qui fut le commencement d'une
grande guerre entre Philométor & Epiphanes, ainsi qu'on le verra cy-aprés.
XXIX. Ce fut en ce tems-la qu'on vit !dans la Judée l'impie Jason acheter à prix
Epiphanes d'argent & usurper sur Onias la grande sacrificature, & introduire dans son
cherche à
pays les coutumes des Grecs, ainsi qu'on l'a marqué^ plus au long dans un
se faire dé- Epiphanes avoit envoyé en Egypte Apollonius fils del\lnel1ée,
clarer tu- autre endroit. Philométor l'on neveu sur son avénément à la
teur du pour faire compliment au Royavancé ju[qu)à Tyr; dans l'esperance apparem-
jeune Roy Couronne; lui-même s'étoit
d'Egypte ment, qu'on l'appelleroit pour honorer cette cérémonie, & qu'on l'inviteroit
Philométor:. la tutelle du Roy son neveu; mais ayant appris que les Egyptiens,
soa neveu,["quia prendre
i.Macc.lV, étoient auprès du Roy, le regardoient comme ennemi, ou du moins
al. 22.
'
comme suspcd, il s'avança jusqu-à Joppé, & delà il vint à Jérusalem, où le
faux Grand-Prêtre Jason le reçut avec de très-grands honneurs. Enfin il re-
tourna en Phéniçie & en Syrie.
Fen-
Pendant que ces choses se passoient en Egypte & en Syrie, le Roy Ân- ,?Xx,
tiochusEpiphanes envoïa à Rome des Ambassadeurs, pour y porter leslommes F:piphan$
qui restoient à païer depuis la mort d'Antiochus le Grand. Ces sommes mon- envoyé des Aru-
toient à quinze mille talens. Le Roy y ajouta des vases d'or du poids de cinq baisà(leum
?
cens livres Il fit faire desexcuses au Senat de ce qu'il avoit tant tardé àsatis- à Rome.
faire à ce qu'il devoit, pria qu'on renouvellât avec lui l'alliance qui avoitété Liv. J. 4e.
faite avec son pere, témoigna beaucoup de réconnoissance des diftin&ions
qu'on avoit eues pour lui, pendant qu'il étoit en ôtage à Rome, & promit
de demeurerfidèlement & constamment attaché aux intérêts de la République.
Le Senat lui accorda ses demandes, chargea le Préteur Atiliusde dreflserl'ade
de confédération ; On fit de grands présens aux Ambassadeurs d'Epiphanes-,
& on les défraYa tant qu'ils furent en Italie.
Le tems de l'élection des nouveaux Consuls étant arrivé, Rome éleva à XXXI
-PubL Aoi-
cette éminente dignité deuxPlebeïens. Caïus Popilius Lœnas frere du Con- lius ligus,
sul de l'année précédente, qui avoit si hautement méprisé les ordres du Se- &c,. Ilopi.
le
nat, & Publ. Acilius Ligus. Ce dernier étoit d'avis de renouveller decret lius Lœnaç,
de l'année précédente, en faveur des Liguriens vendus pour esclaves, & d'en Consuls.
presser l'exécution ; L'autre Consul frere de Popilius refradaire aux ordres An de Ro-
*ç8 r. dit.
*du Sénat, s'y opposa; la chose ne fut point pouffée & le Senat mécontent me M. 38?2.
,
de la foiblesse & de la connivence des Consuls leur refusa la permission de avant J. 84
,
faire de nouvelles levées, & de marcher en Macédoine. Il se contenta de leur I6i.
assigner pour département la Ligurie ; encore ne s'y rendirent-ils pas. Ils
demeurèrent à Rome sous divers prétextes.
Sous le-urConsuht le Roy Euménes, toujours fidèlement attaché a Rome, XXXll
Le Roy
de qui il tenoit toute sa fortune, vint dans cette ville, pour rendre ses hom- Euménes
mages aux Dieux & aux hommes, qui l'avoient élevé à un si haut comble de vien t à Ro-
bonheur, qu'il n'auroitpas même osés'espérer. Le motiffécret & principal qui me. Liv. I.
l'amenoit, étoit d'avertir le Senat des procédés du Roy Persés, qui faifoitdes 4.2. -4ppian.,
préparatifs extraordinaires, pour faire la guerre à la République. Le secret Legat.
Vahr.
qui se garde à Rome sur ce qui s'étoit dit au Senat, & sur ce qui y avoit été Ajax. 1.2.
résolu, tut si profond, qu'on ne sçut qu'après la guerre finie, ce qui s'étoit c. 2.
passé dans cette audience. Euménes fut reçu & traité avec une distinction.
extraordinaire. On le combla d'honneurs & de présens, & on lui donna une
chaise curule & un baton d'y voire, comme en portoient les premiers Magi-
strass de la République.
Peu de tems aprés on donna audience aux Ambassadeurs de Persés Roy XXXUJ.
de I\IacédoÍne. Harpalus Chef de l'Ambassade parla d'une manière propre à Audience
imposer an Senat, Se à lever tous les soupçons qu'on avoit conçus contre son donnée
irmitre. l'lais le Sénat bien informé de tout ce que Persés avoit fait, réfuta aux Am-
tout ce qu'avoit avancé Harpalus, & celuy-cy n'a'iantrien de bon à répliquer, bassadeurs
de Macé-
sortit en disant : Puisque Rome veut la guerre, nous l'acceptons. Les Dieux doine
& nos armes décideront du succés. Liv. /. 42.
Les Rhodiens avoient aussi envoïé à Rome un Ambassadeur nommé Sa- XXXIV.
tyre. Il obtint par le crédit de les amis d'être admis au Sena-t, dans le tems Inventives
que le Roy Euménes y reçut sa derniére audience. Satyre accusa violemment de l'Ara-
batïadeur
lom. 111. Ppp Euménes de Rhodec
Euménes comme auteur du soulèvement des Lyciens contre Rhodes, &
contre le com-
Roy Eumé- me premiere cause dela guerre que les Rhodiens faisoient à ces peuples, pour
nes. les réduire à PobéïflTanee. Enfin il soutint qu'Euménes traittoit plus mal les
L'w. /. 42. peuples d'Asie,
Polyb. que n'avoit jamais, fait Antiochus. Ces invectives firent plailir
Légat. 61. aux
Asiatiques qui étoient à Rome & dont la plupart étoient déja
, gagnez
67. (ô par Persés. Mais elles n'eurent point d'autre effet dans l'esprit des Senateurs,
Diodor, que d'augmenter Pestime& l'affeftion qu'on avoit pour Euménes, & de rendre
Sicul. les Rhodiens suspects.
Legat.16. l-Iarpalus Ambassadeur de Macédoine étant de retour auprès du Roy ion
â Fulvia
Urjino maitre lui rapporta la disposition où il avoit trouvé le Senat à son égard;
,
edit. Qu'il devoit s'attendre à avoir au premier jour les H.ol11ains[urles bras. Persés
XXXV. ne douta point qu'Euménes n'eût découvert
Perfés Roy résolut de le faire périr. au Senat toutes ses intrigues. Il
de Macé- On savoit qu'Euménes au retour de Rome de-
doine fait voit passer par Delphes, pour y rendre ses adorations au Dieu qu'onyado-
assassïner roit. Persés y envoïa quatre fameux assassins accoutumez à de telles expédi-
tuménes- tions. Ils logérent chez une femme de condition nommée Praxo, à qui Perlés
les recommanda. Lorsqu'Euménes voulut monter au temple accompagné
de Pantaleon un des Princesd'Etoile, & de ses gardes, lesasTaffinspoitez
,
dans
une masure , située sur le penchant de la montagne & sur le sentier qui y
conduisoit, jettérent sur la tête du Roy une grosse pierre, qui le renversa
sans sentiment, & une autre sur son épaule qui en fut meurtrie ; Ils firent en-
suite rouler sur lui quantité d'autres pierres, & le croïant mort, ils se sauvé-
rent au haut du mont Parnaflse. Ilsmaflacrérent en chemin un de leurs com-

*
XXXVl.
Attalus
épouse
Persés étoit auteur de l'assassinat.
,
pagnons , qui n'avoit pû suivre , de peur qu'étant pris, il' ne découvrit que
Les amis & les Gardes d'Eunlénes^ qui d'abord avoient pris la fuite, s'étant
rassemblez au tour de lui, le découvrirent, & lui aïant trouvé un reste de
chaleur & de battement de coeur l'enlevèrent & le firent traitter. On le
Stratonice ,
femme du mit sur sa galère, & d'abord on le transporta à Corinthe, & delà à Egine, où

nes.
Retoui
,
Roy Eumé- on le traitta avec tant de succés, qu'il guérit parfaitement. Mais on garda
sur sa guerison un si grand secret que tout le monde le crut mort, & en Asie
& à Rome. Attalus son frere qui apparemment aimoit la Reine Stratonice
d'Euménes Epouse d'Euménes,
& qui en étoit aimé, l'épousa & prit le nom & l'autorité
à Pergame.
Liu.l. 42. du Roy. Peu de jours aprés il apprit que le Roy son frere retournoit Per-
Diodor. game en parfaite santé. Attalus se sépare de Stratonice, quitte le Diadème,
à :
j
Sicul. ilz vient au devant de son frere, portant à l'ordinaire la halle-barde comme un 1
Except. de ses gardes. Le Roy reçut Attalus & la Reine avec les mêmes marques de
Vales. p. 4
30 6.
cordialité & d'amitié que s'il n'étoit rien arrivé ; Il se contenta en plaisantant j
Plutarcb. de dire à l'oreille à Attalus ,
un vers grec, qui porte: Ne vous hâtez point d'é- "
j
Jlpophtegm. pouser
une femme, que vous ne sachiez que son mari est mort.
xxxv11. ches de
Derniéres
convi-
,
Valerius que le Sénat avoit député en Gréce pour observer les démar-
PerCés
,
.étant de retour à Rome y confirma tout ce que les bruits
publics y avoient déjà répandu ; touchant ,les entreprises de Persés & touchant
j
j
1
ctions des l'assassinat d'Euménes. Valerius avoit ramené de Delphes à Rome Praxo,
mauvais qui à la recommandation de Perlés,
elseins de avoit reçu dans son logis les quatre asfaC.. g
dersés. silis -3 F
fins; Il introduit aussi au Senat un nommé Rammius de Brunduse, dont la
maison servoit d'hospice à'tous les Officiers des armées Romaines, aux Am-
baffadeurs des Rovs,& aux Princes étrangers qui venoient à Rome, on qui
s'embarquoient pour le Levant. Persés l'avoit invité de venir en Macédoine,
& l'avoit voulu porter à force de promesses à empoisonner les Généraux que
Rome pourroit faire partir pour lui faire la guerre. Rammius découvroit au
benit tout ce que PerrÉs lui avoit dit.
Les deux Consuls de l'année n'aVoient pas les qualitez qu'on croïoit né- XXXVlll
cessaires pour aller porter la guerre en Macédoine. On attendit que les 6appa- Le Roy de
Comices leur eussent donné des successeurs dignes de cette grande entreprise. doceen-
On se contenta d'envoïer en Gréce Sicinnius, avec ordre de lever des trou- voye foa
pes , d'équipperune flotte, & de se saisir des villes maritimes, afin qu'un Con- fils à Ro.
sul y put aborder plus seûrement & plus con1111odél11ent. Sicinnius avant son me. Liv. 1.42.
départ eut commillion de faire donner un logis aux frais du public, au fils
héritier présomptif d'Ariarathes Roy de Cappadoce, que ce Prince envoïoit à
Rome pour y être élevé, & pour y servir de gage de sa fidélité,
Persés fit un dernier efsort pour suspendre les hostilitez & la déclaration xxxix.
de la guerre. 11 envoïaà Rome Solon & Hippias, pour essaïer d'excusérFen- Persés des en.
treprife contre la personne d'Euménes, & les mouvemens qu'il s'étoit donnez voye Ambaflà-
pour engager les villes & les Princes dans son parti. Le Sénat n'eut nul deurs à
égard à leurs remontrances-ni à leurs excuses. Il leur ordonna , aussi bien Rome
qu'à tous les Macédoniens arrivez depuis peu à Rome , d'en sortir à l'heure pours'ex* -,

cuser. -
même, & de quitter l'Italie dans trente jours.
Jusqu'alors les Consuls n'étoient point encore sortis de Rome, & les XL.
malheureux Statyelles Liguriens gémissoient encore dans l'esclavage. M. Les Con-
Popilius Lœnas auteur de ce desordre, non-seulement n'avoit pas obéï aux stils par-
ordres du Sénat, il avoit de nouveau porté les armes dans laLigurie, & avoit tent pour
la Ligurie.
tué seize mille Statyelles. Cette exécution contraignit les autres Liguriens à
reprendre les armes, & ce païs qui avoit tant couté à pacifier se trouva de
nouveau tout en feu. Le Sénat, il
dont avoitsisouvent bravé ,
les ordres, con-
traignit enfin les Consuls de partir de Rome & d'aller prendre le comman-
dement de l'armée, qui étoit demeurée sous la conduite de Popilius. Cet
homme ne voulut retourner à Rome qu'après un second arrêt du peuple,
qui ordonna de procéder contre lui par contumace, s'il ne se présentoit dans
certain tems. Le Consul Popilius fut obligé de remettre en liberté les Ligu-
riens Statyelles:, & de leur donner des terres à cultiver au-delà du Po. Ainsi
la paix fut rendue à cette Province.
Pour latroisiéme fois le Senat députa en Macédoine, pour demander à XLI.
Persés ce qu'il retenoit appartenant aux Romains ou en cas de refus, pour Rapport
,
renoncer à son amitié & lui déclarer la guerre. Ces députez furent mal reçus des Clépll.
à la Cour du Roy, & après une prémiere audience, qui se passa eninve&ives tez envo-
& en reproches mutuels, le Roy donna dans une seconde audience un billet cédoine. yez en Ma-
aux Ambassadeurs, par lequel il déclaroit, que le traité fait autrefois avec le
Roy Philippe son Pere , ne le regardoit point, que si Rome vouloit la paix
avec lui, il falloit faire un nouveau traitté ; Enfin on leur annonça que le Rot
renonçoit a l'amitié des Romains, & qu'ils eussent a sortir de la Macedoine
dans trois jours. C'est ce que rapportèrent ces députez.
XL IL On apprit en même tems que Gentius Roy d'Illyrie entretenait des in-
Gtntius telligences avec le Roy de Macédoine ; qu'ilétoit entré jusqu'à deux fois dans
Roy d'illy-
rie attaché l'Isle d'Ida, allieé des Romains, pour s'en emparer, qu'il avoit Rome des
à
au Roy espions sous le nom d'Amba (Fadeurs. Ces prétendus Ambassadeurs furent in-
Persés. terrogez, & ne rendirent pas de réponses satisfaisantes sur le su jet de leur vo-
ïage. Le Senat envoïa des Ambassadeurs à Gentius, mais ils ne purent le déta-
cher des liaisons qu'il avoit prises avec Persés.
XL11L D'un autre côté les Envoïez que Rome avoit députez en ACie , rappor-
Fidélité térent que Persés avoit inutilement sollicité le Roy d'Egypte & de Syrie; que
desRoys Princes, de même qu'Euluénes Roy de Pergame étoient fortement atta-
de Syrie, ces
<J,£gypte chez aux intérêts de la République; que Rhodes seule paroissoit chanceler;
oc des mais les Ambassadeurs Rhodiens qui étoient à Rome, faisoient bonne contenan-
Rhodiens. ce, & offroien t de justifier à plein leur République des soupçons. qu'on avoit for-
An du M.
38;3. mez contr'elle.
xi, 1V. Aussi-tôt que la saison fut favorable, Sicinniuss'embarqua avec sanarmée'
Départ de navale, composée de cinq mille hommes de pied , & de trois cens chevaux,
Scinnius & arriva à Apollonie, où il commença à faire quelques hoitilitez. Pretclu'en
pour l'illy- même tems on procéda à l'élection de deux nouveaux Consuls,qui furent
rie. Publ. Lucius Crassus & C. Cassius Longinus. Aprés avoir offert grand nom-
Liv. 1. 42.
P..Licinius bre de vidimcs, qui promettaient, disoit- on, d'heureux succez à la République,
Grassus & le peuple ordonna la guerre contre Perfés, & l'on tira au sort lequel des deux
C. Camus Consuls iroit commander
en Macédoine. Le sort la donna pour département
Longinus àLicinius, & l'Italie à Cassius. Ce dernier n'a voit point d'ennemis à combattre,
Gonsuls.
Jin de R. &ne reçut que douze mille alliez à pied, & six cens chevaux à commander.
-ig2. du M. Pour Licinius, on lui forma la meilleure & la plus nombreuse armée que l'on.
3,833. avant put. Pour cela on fit des députations en Créte, à Carthage& au Roy Ma-
3. C. 167. iinifla pour leur demander des trouppes, des archers, des cavaliers,desElé..
phans., On permit au Consul de lever parmi les Vétérans, ceux qui ne paf-
Liv.. J. 42.

soient pas cinquante ans, & de choisir pour servir dans ion armée les Tribuns
militaires qu'il jugeroit à propos.
XLV.- à
Tout se préparoit Brundu[epour rembarquement de Licinius oc de les
Trouvère trouppes, lorsqu'on vit arriver à Rome de nouveaux Ambassadeurs de Perlés.
,AinbajTadc On leur donna audience hors de Rome dans le temple de Bellone. Ils repré-
de Perfés sentérent Sénat,que le Roy de Macédoine étant prêt de faire à la Républi-
au Sénat. au
que telle fatisfaétion qu'elle pourroit exiger, il étoit inutile de faire passer une
armée en Macédoine ; mais le Senat demanda aux Ambassadeurs uneréponte
précité savoir, si leur maitre n'avoit pas fait des préparatifs pour Iatiguerre,
,
s'il n'avoit pas contrevenu aux traitez , en s'emparant de la Parrhébie , & en
prenant quelques villes en Thessalie. Les Ambassadeurs ne purent répondre
que d'une manière embarrassée. On les renvoïa en disant que leConrulLi-
einius seroit bientoit en Macédoine ; que le Roy pourroit traitter avec luy ,
XLVZ:
s'il desiroit sincérement la paix. Ainsi on les renvoïa avec ordre de ne plus
Alliez des. paroltre à Rome, & de sortir de l'Italie dans onze jours.
Romains Toute l'Europe & toute l'Aile avoicntles yeux arrêtez sur ce grand speda-
dar^sla cle
cle qui se préparoit. Rome comptoit dans son parti- les Roys de Syrie, de guerre
Cappadoce de Pergame & d'Egypte. Prusias Roy de BithynieaÏant épouié contre
,
la sœur deP'erscs,ne pôuvoit avec bienséance prendre les armes contre Ion rés.
beau-frere; il fit agréer aux Roui ains qu'il demeurât dans un? exade neutra-
lité. Les Rhodiens malgré les inftinces de Perfés, s'étoient déclarez pour
Rome. Les Achéens & les Etoliens & les Epirotes en firent de même Les- ;
députez que le Senat avait envoïez par toutes les Provinces de la Grèce , pour
attirer les peuples dans le parti de la République, se rassemblérent dans la.
Thessalie, où les députez de l'Acarnanie & de la Béotie se rendirent. Ils pro-
mirent de garder une exacte fidélité. Pour laThessalie, on loüa son invariable
attachement aux Romains.
Persés étoit réduit presque à sa seule Macédoine. Il est vrai que Gentius XLVIl:
Royd'Illyrie s'étoit déclaré assez ouvertement pour lui, mais c'étoit un Prince Pet ses de-
volage & inconibnt, que le moindre mécontentement pouvoit détacher de- mande une
entreveuë
son alliance. Il n'y avoit gueres que Cotys. Roy des Odryses en Thrace sur aux déput-
,
lequel il put compter. Dans cet embarras Persés résolut de faire une dernière tez de
tentative pour fà:re la paix avec Rome. Marcius un- des députez de la Ré- fcorae.-
publique, étoit d'une famille qui avoit eu d'anciennes liaisons d'hospitalitéavec
les Koys de Macédoine. Il lui envoïa des députez, pour lui demander une
entreveuë en Thessalie, où Marcius & Atilius étoient encore. Marcius répon-
dit que si Perlés vouloit je^ejidre au jour qu'ils lui marqueroient sur le bord
,
du fleuve Penéc,au pied du montOmolus, sur le chemin de Dium, ils s'y-
trouveroient aussi. Le Roy & les Commissaires chacun de leur côté, parurent k
la conférencedans un équipage superbe. Ce spectacle y attira une infinité de'
monde. Il y eut d'abord quelque difficulté sur le cérémoniel, savoir qui le'
premier palleroitle fleuve. Aprés plusieurs allées & venues, Marcius finit la con...
le
testation par une plaitanterie:jeporte nom du- Perede Persés (e n effet on lui donnoit:
le surnom de Philippe à cause de Philippe Roy de Macédoine ancienami de
sa mai ion ) il eji dans ,F ordre qtu le fils sa/Je les prémiéres démarches envers Jon Pere. xanih
,
Persés sè rendit donc, & passa le fleuve avec sa nombreuse escorte mais Conféren-
,
il donna pour otages cfe sa bonne foy, Hippias & Pantachus ses confidens; ce entre
Marcius & Attilius demeurèrent seuls avec Persés ; toutes les troupes des Perfés & less
deux côtez se retirèrent. Aprés avoir proposé de la part des Romains les su jets députez Romains*.
de mécontentement qu'on avoit contre Perles & de la part de Persés les excu-
ses pour justifier sa conduite il fut résolu que ,
le. Roy de Macédoine envoïe-
,
roit de nouveaux A-tiibafFadeurs à Rome, pour y déduire ses raisons. C'étoit \
un trait de la politique de À'1.arcius, qui vouloit procurer à sa République tout
le tenis nécessaire pour le disposer à agir efficacement contre Persés, & se don-
ner à luy-mênle les moïens de renverser tout ce que Persés avoit fait pour
s'attacher les peuples de la Béotie & de PAchaïe. xeix;.
En effet Marcius en vint à bout, & les détacha du parti du Roy de Ma- Marcius
cédoine. Les Rhodiens, dont l'attachement pour Rome avoit d'abord paru. engage ar-*
équivoque se déclarérent aussi pour Rome & répondirent aux AmbafiTa- tificieufe- Per-
deurs de Persés,
qu'ils prioient le' Roy de ne, leur rien demander, qui fût. ment fés à ervoi-
,
contraire aux intérêts de Rome. Les plus anciens Senateurs ne purent ap- yer de",
prouver lu conduite de Marcius & d' Attilius envers Perlés, ny rillulionqu'is Amba£fàl.-
detifS 1 avoit faite à ce Prince, tout ennemi qu'il étoit. Ils trouvoient ces artifices peu
Rome. dignes de la probité Romaine. Toute fois à la pluralité des voix leur con-
duite fut aprouvée. On les renvoïa en Macédoine, pour s'emparer de Larissa,
& on donna pour la forme audience aux Ambassadeurs de Persés. On leslaisra
dire ce qu'ils voulurent, & pour conclusion on leur ordonna de quitter Rome
àl'instant même, &de vuider l'Italie dans trente jours.
L. Le Consul Licinius alla descendre au port d'Apollonie, & se rendit au
Départ du camp de Nymphée, que le Préteur Sicinnius occupoit depuis quelque tems.

la Macé-
doine
,
Consul Li- Persés n'avoit pris aucune précaution pour fermer les passjges de la Macédoine
cinius pour & de la Thessalie se flattant toujours d'obtenir la paix. L'arrivée de ses Am-
bassadeurs & celle du Consul le reveillérent. Il assembla son armée à Citium.
Liv. /. 42. Elle étoit d'environ quarante mille hommes, moitié MacédoniensPhalangistes.
L'autre moitié étoit composée de Macédoniens armez d'une sorte de petits
boucliers, & d'autres soldats tirez des païs voisins de la Macédoine, que Persés
avoit pris à sa solde. Il avoit de plus mille Gaulois commandezpar Aiclepio-
dore, trois mille Thraces, environ autant de Cretois, & cinq cens Grecs, a
la tête desquels étoit Leonidas Macédonien, & une troupe d'environ cinq
cens tant Béotiens qu'Etoliens , commandez par Lico Achéen. Toutes ces
troupes étoient à pied; La cavalerie du Roy consistoiten trois mille cavaliers
Macédoniens & mille Thraces , envoîez par le Roy Cotys.
LI. Avec ces trouppes Persés marcha vers la Thessalie, pour combattre le
Persés arri- Consul Licinius dont l'armée étoit moins nombreuse. Le Roy de Macédoine

,
ve dans 12 entra dans le vallon de Tempé & y fortifia les villes de Gonne & d'Elatte.
1
Thessalie, ,
& campe
au pied dit
De là
partit
il
du
se
camp
,
rendit
de
au pied du
Nymphée,
mont
&
Ossa où il attendit Licinius. Celuy-cy
par des ,
chemins très-rudes ou des défilez
mont OiTa. pre[qu'Í1l1prâticables arriva enfin à Gomphes ville de Thessalie, où il fitre-
poserson armée. Tous les Officiers Romains convenoient, que Perlés avec
trés-peu de monde auroit pu beaucoup embarrasser l'armée Romaine, & lui
disputer long-tems l'entrée de la Thessalie. De Gomphes le Consul prit le
chemin de Larisse, & delà vint camper sur la rive gauche du Penée. Là il
reçut divers renforts, surtout de cavalerie du Roy Euménes, des Ltoliens, des
Achéens, des Thessaliens, & des autres alliez.
LU. La flotte Romaine rassemblée àChalcis dansrEubée, fut aussi renforcée
Etat de la par divers vaisseaux, qui lui arrivérent de Carthage d'Héraclée, de Samos,
flotte Ro- de Calcidoine & de Rhodes. Mais comme le Roy ,Persés n'avoit point fait
maine. paroître de forces maritimes, le Préteur Lucretius remercia ces alliez de leur
affe&ion pour le service de la République, & les renvoïa dans leurs ports.
Liii. Persés voulant profiter de la bonne volonté de ses troupes, sortit de
Première son camp & marcha contre les Romains. Licinius averti de sa marche , fit
bataille en- mettre toute son armée sous les armes & fit sortir de son camp undétache-
,
tre les Ro" ment de cent cavaliers des troupes d'Euménes, & un grand nombre de fan-
mains & taillns de traits. Persés étoit accompagné du Roy Cotys, de sa cavale-
les Macé- armez
doniens. rie , & de son infanterie -armée à la légére. Les troupes des deux parti-
es chargèrent avec beaucoup de vigueur. Le succés de cette premiere escar-
mouche fut à peu prés égal. Trente Macédoniens demeurèrent sur la place;
Il
Il en fut tué autant de cavaliers Gaulois avec leur Chef Casignatus de la
part des Romains. Persés & le Consul ne furent que speétateurs. On se re-
,
tira de part & d'autre. - & à la
Le lendemain le Roy de Macédoine
^ reparut au même endroit Liv.
Perfés pré-
même heure, c'étoit dire vers dix heures du matin. Mais le Consul retint ses fente la ba-
troupes dans ses rétranchemens, & Persés ne tira d'autre avantage de ce taille au
mouvement qu'il avoit fait, sinon qu'il augmenta la confiance de son armée. Consul.
Il fit la même chose plusieursjours de suite , sans que les Romains fissent mine
de vouloir accepter la bataille. Enfin il vint camper à cinq mille pas desre-
tranchemens de Licinius, & parut de beaucoup meilleure heure en bataille à
portée du camp du Co'nlul. Celuy-cy rangca/auni son infanterie dans l'en-
ceinte même de son c-mip , & différa de ranger sa cavalerie, jusqu'àce qu'elle
fut dans la plaine. Du côté des Romains C. Licinius frere du Consul com-
mandoit l'aîle droite opposée au Roy Cotys & à sesThraces. M. Laevinus
eut l'aîle gauche , & Qj Maetius le corps de la bataille. Euménes & Attalus
avec la cavalerie Pergaménienne, formèrent un corps de reserve, qui fut placé
entre l'armée & le camp.
Dans l'armée Macédonienne,le Roy étoit placé au corps de bataille ; L'aîle
droite étoit commandée par deux Généraux, Medon de Berée , & Menon
d'Antigonie. La cavalerie Macédonienne avec les archers Crétois, en faisoientla
principale force ; La cavalerie de la maison du Roy & l'élite des cavaliers
auxiiiaires flanquaient les deux ailes. Nous avons déja veu que Cotys com-
mandoit l'aile gauche. Ny la Phalange du côté de Persés , ny les Legions
du côté du Consul, ne parurent point dans cette action. Le Consul même
Licinius ny prit point de poste.
Les Thraces donnérent d'abord sur la cavalerie Latine de la droite avec LV.
Vi&oire de
tant d'impétuosité , qu'ils la culbutérent. Persés en usa de même envers les Persés sur
Grecs qui étoient à l'aîle gauche de l'armée Romaine. Sans les cavaliers Thes- l'armée
saliens, qui les sécoururent, & qui les couvrirent dans leur retraite, ils auroient Gonsulaire.
tous été taillez en pièces. En même tems Leonatus & Hippias firent sortir
la Phalange Macédonienne de leur camp. Mais Persés trop crédule au con-
seil d'Evander son confident, fit rentrer sa Phalange, & sonna la retraitte, ce
qui lui fit perdre tout l'avantage qu'il auroit pu tirer de cette journée, où il
ne perdit que vingt cavaliers, & quarante fantassins ; au lieu que du côté des
Romains il demeura sur la place au moins deux mille hommes de pied, &
deux cens cavaliers. Le Consul fut plus avisé que Persés, il suivit le conseil
d'Euménes, se retira pendant la nuit au-delà de la riviére Penée & mit ainsi
,
son armée en seureté. Mais en abandonnant & le champ de bataille & son
camp aux ennemis, il avoüoit son infériorité & sa défaite , ce qui le chargeoit
de honte & le remplissoit de dépit & de désespoir.
LVI.
Le Roy de Macédoine fit passer le Penée à ses troupes, & quoique vi- Perfés asse
ftorieux, longea
il à faire sa paix. Il fit partir des Ambassadeurs pour la deman- la rivière
der au Consul. Ils lui dirent de la part de leur maitre, qu'il promettoitde de Penée,
-

garder inviolablement le traitté fait avec san Pere , de pnïer le même tribut &demande
la paix,
que Philippe , & de rellituer aux alliez des Romains toutes les places que quoique
le Vi ;.iOÜC;;UL
le Roy même leuravoit cedées. Le Consul délibéra avecIon conseil sur des
popositions qui paroissôient si raisonnables. Il fut résolu qu'on continueroit
la guerre & que Philippe n'avoit point de paix à espérer, à moins qu'il ne
livrât & sa, perionne& ses Etats à la disposition du Senat. Une réponsesifiére
étonna Persés ; mais au lieu de s'en irriter, il résolut de foire une nouvelle
tentative. Il envoïa de nouveau à Licinius, & lui offrit de païer un tribut plus
fort que celui qui avoit été imposé à Philippe. Le Consul rebuta cette pro-
position & Pon ne pensa plus qu'à continuër la guerre.
,
Lvu. L'avantage que Persés avoit remporté sur les Romains, remplit de joïe les
Prise d'A- villes Gréques, intérieurement jalouses de la grandeur de Rome, & irritées de
liartc par le sa fierté. Le Préteur Lucretius affiégeoit depuis assez long-tems la ville d'Ha-
Préteur liarte dans la Béotie. Les assiégez se défendoient en désesperez , & leur
Lucrctius. grand nombre augmentoit leur
courage & leur confiance. Lucretius emporta
la place malgré leur résiflance, la rasa , tuê ce qui fut trouvé dans la ville, &
vendit pour esclaves ceux qui s'étant sauvez dans la citadelle, se rendirent
'à discrétion. Thébes n'osa résister. à
Lucretius y entra, & réduisit l'esclavage
les familles qui s'étoient déclarées pour Persés. Cessuccés rabbattirentunpeu
la joIe des Grecs, & l'audace des partisans du Roy de Macédoine.
Ce Prince forcé à soutenir la guerre malgré lui, mit en œuvre tout ce
LVII!.
Avantage que, la force ,
la ruse la prudence lui suggérérent pour traverserses ennemis.
,
que le Con- Le Consul avoit consumé
les fourages des environs du Penée. Il
quitta ce
iul rempor- fleuve, & vint camper sur la riviére Penée prés la ville de Crannone. Persés
te sur Per- le suivit & campa à Mopsum. Les Romains à leur tour, changèrent de po-

,
fés.
fte & se fortifièrent proche de Phaluna. Persés leur enleva quantité d'hommes,
de chevaux & de charretes chargées de gerbes. 11 attaqua un corps de Ro-
mains qui couvroit les moissonneurs & qui étoit commandé par un Tribun
nommé L. Pompeïus. Celuy-cy se fortifia sur un tertre, & s"y maintint contre
Perfés. Le Consul averti du danger de Pompeïus,accourt à Ton secours.
il
Persés au lieu de faire sa retraitte, comme l'auroitpu alternent, soûtintarec
ses gardes & le peu de soldats qui l'accompagnoient, l'effort de l'armée Ro-
maine. Il fit même venir la Phalange à son sécours; mais elle ne putarriver,
arrêtée dans le défilé par les charretes qu'on y conduisoit. Persés y perdit
une partie de ses meilleurs soldats , & le Consul eut tout l'avantage de cette
journée.
Le Roy de Macédoine en conçut tant de dépit, qu'il retourna dans laMa-
An du M.
paflerl'hyver. Le Consul aprés avoir réduit à son obéïssance
avant cédoine pour y
3734. ;
Euménes & Attalus rétournérent à Per-
J.G. 66. toute la Parrhebie, revint à Lariffi.
same ; Licinius congédia tous les alliez de la Grèce,l'Achaïe
hors les Achéens; Il de-
Phtiotide, & alla
n1eura maitre de la Thessalie, de l'Ambracie, & de
LIX.
passer l'hyver dans la Béotien
,
Quoyque le Roy d'îllyrie n'eut envoyé aucun secours à Perrés onn'ig-
Expédition noroit pas à Rome les liaisons qu'il avoit avec cet ennemi de la République.
de Minu- Le Consul envoya dans son pays Minucius, qui lui enleva de force deuxpla-
tius contre:,
ces les plus opulentes de ses Etats. 11 voulut aussi forcer Carnus , qui étoit
le Roy réüssit pas: pour s'en dédom-
d'iltyrie. une des meilleures forteresses du pays. Il n'y
mager,
il
mager, abandonna au pillage
d'abord épargnées.
les deux places qu'il avoit prises, &qu'ilavoit
Le Consal Cassius avoit, dés le commencement de son Consulat, témoigné Lix.
une trés-grande envie d'aller faire la guerre en Macédoine, ayant même fait CassiusLe Connut
un procès à son collègue, pour empêcher que ce département ne pût lui veut paf...
écheoir. Le sort & la volonté du Senat en ayant jugé autrement, CaHiusre- fer en Ma-
solut sur la fin de la campagne, de passer avec ses troupes par l'Illyrie jusque cédoine
dans la Macédoine. Le Senat fut informé de sa résolution par des Députez sans l'aveu
d'Aquilée, qui vinrent porter leurs plaintes contre les importunitez du Con- du Senat.
sui, qui sans ordre & sans nécessité fatiguoit leur pays par des passages de
gens de guerre. Le Sénat fit partir trois courriers, pour ordonner à Cassius
de retourner sur ses pas,& pour lui défendre de faire la guerre à d'autres en-
nemis, qu'à ceux qui étoient renfermez dans son département.
Pendant que ces choses se passoient en Macédoine & en Italie, les affai- LX.
res se brouïlloient entre les Roys d'Egypte & de Syrie. Les Gouverneurs Guerre en-
lesRoys
de l'Egypte sous le jeune Roy Ptolémée Philométor, étant résolus de reprendre tre de Syrie 6c
la Célé-Syrie, dont Antiochus Epiphanes s'étoit emparé, les deux Roys en- d'Egypte.
y
voyèrent à Rome des Ambassadeurs; Antiochus Epiphanes envoya Melagre, An du M.
So'fiphanes & Héraclides,pour se plaindre de Ptolémée, quivoulait l'attaquer, 38a?.avant
& contre la foy des traitez lui enléver le pays, dont il étoit en possession. Le J. C. 167.
Sénat repondit à Melagre--C-hefde l'ambassade, qu'il donneroit commission Polyh. Le-
gat. 71. 72.
à Q Marcius, d'écrire à Ptolémée ce qu'il croiroit convenable. Diodor.
Les Ambassadeurs de Philométor étoient venus, en apparence pour re- Sicul. Le.
ifouveller l'alliance & l'amitié avec Rome; mais en effet pour observer les gat. 18.
démarches des Envcyez de Syrie. Ils obtinrent tout ce qu'ils demandoient &
retournèrent à Alexandrie, où ils rendirent compte à Ptolémée, de ce que
les Ambassàdeurs d'Antiochus avoient fait entendre au Senat.
Bientôt aprés Antiochus s'avança avec ses troupes jurqu'aux frontières LXI.
d'Egypte. Les Chefs de l'armée Egyptienne marchèrent à sa rencontre. Le VW:oire du
combat se donna entre Peluse & le mont Cassus; Antiochus remporta la vi. Roy Antio-
croire, fit caresse au jeune Roy son neveu, vint à Memphis, prit le Diadéme, phaneschus Epi-
déclara qu'il ne gouverneroit l'Egypte que comme Tuteur du jeune Roy son ne. contre le
veu, & se rendit ainsi maitre de la plus grande partie de l'Egypte. Il est trés- jeune Roy
croïable qu'en ce même tems Ptolémée Macron fils de Doriméne donna à d'Egypte
Antiochus l'Isle de Cypre, dont il avoit le gouvernement, & que ce Prince son neveu.
Confer. z.
établit le même Macron Gouverneur de la Célé-Syrie & de la Phénicie, & Macc. X.
donna à Cratés le gouvernement de l'Isle de Cypre. Nous ne parlons pas icy 13 (4 IV.
de ce qui se passoit alors en Judée & à Antioche entre l'impie Menelaiis, & 29 (Ô Vill.
Onias III. qui fut mis à mort par les ordres d'Andronicus, qui commandoit 8.
a Antioche en l'absence du Roy Antiochus, pendant que ce Prince étoit allé
en Cilicie,pour appaiser une sédition qui s'étoit allumée dans les villes de Tarsé
& de Mallo. Nous avons raconté toutes ces choses plus ,au long dans l'hi-
stoire des Hébreux.
Antiochus retourna l'année suivante en Egypte avec toutes ses forces,
força pluiieurs villes & s'y comporta comme en pays ennemi. Le bruit s'étant Entreprise
lxil
Tom. Qiîq du Roy
111. répandu
Antiochus répandu qu'il y avoit été mis à mort, & que les Juifs s'en étoient rejoms,&
contre l'E- étoient prêts à se révolter contre lui, il vint à Jérusalem avec une armée, en
gypte. An forma le siége, prit la ville de force, & y commit toutes sortes de cruau-
duM.*8?4- tez,
en sorte qu'on y compta quarante mille morts & autant de captifs. Non
avantJ. G. de violences, il entra dans le temple , le dépouïlla de sestrésors,
166. content ces
Voyez le profana & immola des porcs sur l'autel sacré. On dit qu'il emporta du
2. Macc. V. temple dix-huit cens talens d'argent.
Nous ne touchons tout cela qu'en
ç. 8 10.11. paÍfant, parceque nous l'avons raconté plus au long dans un autre endroit.
jfosepb.il.
de Rome se donna de nouveaux Consuls en )83. On choisit Aulus Hosti-
.22 2?.
Belhfru* lius Mancinus, & Aulus Atiiius Serranus; la Macédoine échut à hoitilius, &
daic. 1. 1. la Ligurie à Atilius Serranus. On laissa à l'ancien Consul Licinius le comman-
<r.i dement de l'armée de Macédoine, en attendant l'arrivée d'Hostilius. Persés
Phot. Bi- passa tout l hyver à exercer ses troupes. Il n'avoit point d'Eléphans, & l'ar-
hliotb. ord.
mée Consulaire en avoit un assezbon nombre, que le Roy Masiniffa avoit en-
244. ex son infanterie des ef-
Diodor. voyez d'Afrique. Le Roy de Macédoine pour garantir & de doux les cas-
1.g4. forts de ces rédoutables animaux, fit garnir de pointes
fepb. An-
ques de ses soldats, pour empêcher les Eléphans de les fouler aux pieds &
tiq. /.i?. envelopper de leur trompes; & pour accoutumer les chevaux de ik
de les
c. 16.
LXIII. cavalerie à la veuë & à l'odeur des mêmes bêtes, il fit fabriquer des Eléphans
Aul Ho- de bois, qui se mouvoient par le moyen de certains ressorts. On leur fit don-
ftilius Man-
ner par artifice l'odeur des Eléphans. On accoutuma petit à petit les chevaux
cinus & & les mouvemens de ces animaux.
Aul. Atilius à voir la figure
Serranus La première expédition de ce Pdnce au commencement de cette .cam-
Consuls. fut contre les Thraces. On a veu que Cotys petit Roy d'un Canton
pagne >
An de Ro- de la Thrace, avoit hautement pris le parti de Persés, & avoit même contri-
me du bué plusqu'aucun autre à l'avantage qu'il avoit remporté contre les Romains.
avantJ.6. Euménes Roy de Pergame avoit suscité contre lui un Prince voisin nommé
M. 3834.

166. Atlesbis) & avoit envoyé dans la Thrace un corps de les propres troupes
LXIV, commandées par un nommé Corragus, pour saire diversion & obliger Cotys
Expédition à accourir à la défense de son propre pays. Persés sachant le danger de son
de Persés défait les Pergaméniens & les Thraces, reprend les villes qu'on
contre les allié, y vole,
Thraces. avoit enlévées à Cotys, & le rétablit dans son Royaume.
Il entre ensuite dans
la Dardanie,pays allié des Romains, met en fuite dix mille Dardaniens, qui
s'étoient assemblez pour lui résister, ravage leur pays, revient promtement
Macédoine, & se rend aussitôt dans la Thessalie, pour s'y opposer au Con-
en
sul Hostilius, qui y étoit arrivé dépuis peu.
Ce Consul essaya plus d'une fois de pénétrer en Macédoine; il en fut
LXV. offrit la
Persés toujours empêché par l'activité & la vigilance de Persés. Celui-ci
prend l'a- bataille au Consul. Hostilius réfusa de l'accepter. Le Roy essaya d'engager
fcendant les Battarnes dans son parti; il auroit pu les faire venir en Macédoine, s'il
sur les Ro-
avoit seu user des grandes richesses que lui & ses prédécesseurs avoient amas-
mains. mesures qu'il avoit prises avec ces peu-
Polyb. Lé- sées. Son avarice rendit inutiles les
gat* ples. Celles que Rome & le Consul Hostilius prirent contre Gentius Roy
d'Illyrie allié de Persés, ne furent pas mieux soutenuës. Appius Claudius
envoyé contre flllyrien)fut battu & mis en fuite devant Usca. La flotte Ro-
1 maine
maine commandée par le Préteur Hortensius, ne fit autre chose, que fatiguer
les alliez des Romains par ses exadions. Persés avoit pris manifettement l'a-
scendant sur les Romains. La Gréce entière, les Rhodiens, Euménes même
étoient ébranlez, & sembloient disposez à se déclarer pour lui.
Le Senat informé de tout ce qui se passoit dans la Grèce , y envoya deux LXVI.
Commissaires, pour savoir plus parfaitement 1 état des choses, & pour avertir Le Sénat
envoya
le Consul de retourner incessamment à Rome, pour y assister à l'eledion des des Dépu-
à tous les Senateurs absens tez en Ma-
nouveaux Consuls. En même tems on ordonna
de retourner incessamment à la ville, & défense aux autres de s'en éloigner cédoine.
de plus d'un mille. Tant on craignoit que le Roy de Macédoine ne prît le
de ssus & ne forçat la République à rabattre de sa fierté.
Cependant on venoit à Rome de toutes parts, pour être admis dansson Plaintes LXVIL
alliance, ou pour lui faire des plaintes de l'avarice & des vexations des Pré- contre les
teurs , qui presque dans toutes les Provinces fouloient les peuples alliez par Préteurs &:
des exactions inouïes. Les peuples d'Espagne, dés l'année précédente, s'é- autres Ma-
toient plaints amèrement de Canulcius & des autres Magistrats, qui l'avoient gistrats Ra.
précédé dans le gouvernement des Espagnes; Cincibilis un des Roys des mains.
- Gaulois établis au delà des Alpes, envoya son frere représenter au Senat les
ravages que le Consul Cassius avoit fait dans son pays.
Quelques Envoyez du
des Carnes, de l'istrie & de la Sapidie joignirent leurs plaintes à celles
pays
de Cincibilis.
L'année suivante les Athéniens accuserentle Prêteur / Lucretius,
. de les
avoir forcé à lui fournir cent mille muids de blé, quoyque leur pays fut un
des plus stériles de la Gréce. Le député de Chalcis déclama en plein Senat
contre les violences, les déprédations, les infamies que les Préteurs Lucre-
tius & Hortensius Romains avoient commises, ou permises à leurs soldats dans
leur ville: les temples dépouillez & profanez, les maisons particulières souil-
lées & déshonorées. Tant de plaintes firent impression sur resprit du Senat;
on contenta de paroles les plaignans, déchuë & on châtia les coupables. Tout cela
montre, combien Romeétoitdeslors de son ancienne probité, & les
mauvais effets que les richesses & la prospérité avoient produits dans ses Of-
ficiers.
En même tems les Députez deMiletvinrent faire les protestations d une LXVlll.
La ville de-
parfaite soumission aux ordres de la République. Ceux d'Alabande ville de Rome ho-
Carie annoncérent au Senat qu'ils avoient consacré un temple à la ville de norée com-
Rome, comme à uneDéesIë, qu'ils avoient:institué des jeux en sou honneur, me une
qu'ils apportoient une couronne d'or, pour être mise dans le temple de Jupi- Déesse à
Capitole qu'ils offroient à la République trois boucliers faits à la Alabandc.
ter au ; cens Liv. 1. 41-
manière de leur pays, & que pour toute grace ils ne demandoient que la
permission d'offrir des sacrifices au Capitole. Les Députez de Lampsaque
ville de 1\1ysie, venoient témoigner que leur ville avoit abandonné le parti de
Persés, & demandoit d'être admise dans l'alliance & la confédération de la Ré-
publique , sans pouvoir jamais rentrer sous la domination des Roys de Macé-
doine. Enfin les Ambassadeurs du Roy Masinissa, & de la République de
Carthage offrirent au Senat un million de muids de froment, & cinq cens mille
Q.q q z muids
muids d'orge. l\lasinUsa ajoutoit à cela douze cens chevaux & douze Elé-
phans. Le Senat reçut fort bien tous ces Députez, leur fit desprélens, &
leur répondit d'une manière pleine de dignité & de politesse.
LXlX. En Espagne un nomrrré Salondicus sedisant inspiré & envoyé des Dieux,
Salondicus porta les Celtibériens à la révolte. Il avoit pour associé un homme à peu
Fanatique prés de même caraétére,& portoit
Espagnol en main une lance d'argent, qu'il préten-
fait pren doit avoir reçuë du Ciel, comme le gage & l'instrument de ses viftoires. Une
dre les ar- multitude prodigieuse de Celtibériens se joignit à lui. Junius Pennus envoyé
mes aux Préteur en Espagne, marcha contre lui avec tes troupes. S.1londicus & ion
Celtibé qu'ils trancheroient la tête à Junius. Ils s'introduisi-
liens. Sa compagnon promirent
mort. rent dans son camp à la faveur de l'habit & de la Langue Espagnole, & se
Liv. 1.43- mêlèrent parmi leurs compatriotes, qui servoient dans l'armée Romaine. Ils
furent découverts & percez de coups. Les Celtibériens se dislipérent, &
leurs villes recoururent à la clemence du Préteur.
LXX. Le Consul Hoihliusde retour à Rome de son expédition de LVlacédoine,
0- Marcius préûda
Philippus aux Comices, où l'on choisit pour Consul Quintus Marcius Philippus,
& Cn. Ser- le même qui deux ans auparavant avoit eu une conférence avec Perles, &
vilius Cae- l'avoit trompé, le second Consul fut Cneïus Servilius Caspio. Aprés cela
pio Con- Hoftilius repartit pour la Macédoine & y passa l'hyver. En ce même tems
fuls. An les Achéens ayant fait un Decret, qui portoit qu'on abrogeoit tout ce qui
de Rome
S84. du M.
avoit été ordonné en l'honneur du Roy Euménes, contre lesLoys& la bien-
avant séance, lesRhodiens pour
satisfaire leur haine particuliére contre ce Prince,
J. G. 1 détruisirent dans toutes les villes du Péloponéte tout ce qui y avoit été fait
Liv. j. 43. & érigé en l'honneur du Roy de Pergame. Mais Attale frere de ce Prince
Polyb. Le- des Ambassadeurs dans la Diéte des Achéens, où à la persuasion de
gat. 74. envoya
Polybe l'HistÓrien, on fit un Decret contraire au premier, qui rétablit les
honneurs auparavant decernez au Roy Euménes, a moins qu'ils ne fussent
n?aniseltement contraires aux Loys du pays ou à la dignité de la nation des
Achéens.
LXXI. Philométor Roy d'Egypte souffroit très-impatiemment qu'Antiochus
Entreprise Epiphanes son Oncle demeurât maître de la Célé-Syrie. A l'initigation
duRoy An- d'Eulaïus Eunuque qui avoit grand crédit dans sa Cour, il lui déclara la
tiocbus E- guerre.
FiFh. con- Antiochus vint
jusqu'à Tyr, & marcha contre Ptolémée, ayant une groflse
tre l'Egy- flotte sur la Méditerranée, qui suivoit les côtes dePhénicie, pendant que ses
pte. troupes de terre s'avançoient vers l'Egypte. Philométor avoit ramasse une
Po/:¡b. Le. nombreuse armée, mais mal aguerrie. Antiochus la mit
gat.80. 81.
en fuite, & auroit
82. Diodor. pu
aisément la tailler en pièces: mais il aima mieux les conserver en vie
Sicul. in & les faire prisonniers, ce qui lui gagna l'afFedion du peuple, qui lui livra
Excerpt. d'abord Peluse & ensuite tout le reste de l'Egypte. Dans cette extrémité
Valej Philométor établit un conseil composé de tout ce qu'il y avoit de plus grands
p. 10.
in Capitaines dans ses armées, lesquels lui conseillérent d'envoyer pour de-
ronym.
Van. XI mander la paix à Antiochus, quelques Députez de sa part, avec les Grecs
étrangers qui étoient alors à sa Cour. Ces étrangers étoient des Ambailadturs
envoyez de la part des Acbéens, pour renouveler l'alliance avec le Roy
i'Egypte, & d'autres Ambassadeurs envoyez d'Athènes pour certaines affai-
res
res d'intérêt & de religion. Le Roy Philométor pria ces Ambassadeurs de se
joindre à Tlépoléme &Ptolémée qu'il députa de sa part vers le Roy de Syrie.
Ce Prince reçut fort bien ces Ambassadeurs, & le premier jour il les in- LXXII.
Philomé-
vita à manger à sa table. Le lendemain il leur donna audience. Les Am-,tor deman- ]

baiïadeurs d'Achaïe parlèrent les premiers, ensuite ceux d'Athènes, & en-<le la paix
fin Eudémus de Milet. Leur discours roula sur la jeunesse & le peu d'expé- au Roy de
rience du Roy Philométor,^ & sur les mauvais conseils que lui avoit donnez Syrie.
l'EunuqueEulaïus, disant qu'Antiochus ne devoit pas imputer à son neveu la
guerre qu'on avoit mal à propos commencée. Antiochus convint de tout ce-
la & aprés avoir longtems discouru pour prouver que la Célé-Syrie dépen-
,
doit de son Royaume, & n'avoit jamais été cédée pour dot à la Reine Cléo-
patre sa sœur, mere du jeune Roy Philométor, il justifia sa conduite devant
les Ambassadeurs & les renvoya, promettant de leur rendre réponse à Ale-
xandrie, lorsque Aristide & Theris ses Ambassadeurs seroient de retour. Ce-
pendant il s'avança vers Naucratis & prit la route d'Alexandrie. Le jeune
Roy Philométor accoutumé à une vie molle & voluptueuse, abandonna sans
combat son Royaume au Koy de Syrie.
Le peuple d'Alexandrie indigné contre Philométor, qui s'étoit ainsi lâ. LXXIll.
chement laine dépouiller de ses Etats, mit sur le Trône Ptolémée Evergéte Philomé-
tor est rlé-
son frere, qui fut dans la suite surnommé Pbyfcon à cause de son gros ventre. pouillé du
Il se méloit aussi de litérature & avoit été diiciple d'Arisfcarque. Il avoit écrit Royaume.
quelques mémoires historiques qu'Athénée (a) cite quelquefois. Justin Cb) Ptolémée
raconte que Philométor se voyant ainsi dépouillé par Antiochus, se retira Evergétes
à Alexandrie auprés de son frere Evergétes, qui le reçut fort bien, & les deux son frere
sur
freres regnérent quelque tems ensemble en bonne intelligence; mais les Ale- monte le Trône.
xandrins ayant ensuite chassé Philométor, ce Prince se retira auprès d'An- Porphyr.
tiochus Roy de Syrie son Oncle, qui fut ravi de trouver cette occasion de in Grœc.
faire la guerre à ceux d'Alexandrie, sous prétexte de rétablir son neveu sur Euseb.
le Trône de ses Peres. Il livra donc une bataille navale aux Généraux d'E- p. 22(«) 5.
vergétes & les défit prés la ville de Peluse, puis ayant fait à la hâte un pont Atben.
sur le Nil, il passa ce fleuve avec son armée, & vint iaire le siége d'Alexandrie. l. 2. c.
Dans cette extrémité le jeune Roy Evergétes & sa sœur envoyérent des Ch)
Ambassadeurs à Rome, pour implorer le secours & la protection du Senat, & fftiftin. ,
le prier d'envoyer témoigner au Roy Antiochus que Rome n'approuvoit pas 1.34. c. 2.
LXXIV.
qu'il fit la guerre à des Roys alliez du peuple Romain ; qu'ils ne doutoient A mb a (fade
pas que ce Prince ne déférâtaux intentions du Senat, dez.qu'elles lui seroient du Roy
notifiées. Ces Ambassadeurs n'eurent leur audience que l'année suivante. Mais Ptolémée
Antiochus ne se tentant pas assez fort pour forcer une ville aussi grande & Evergétes
Sénat.
aussi bien fortifiée qu'Alexandrie, en leva le siége, & envoya à Rome des Am- au Liv. 1. 44.
bassadeurs avec cent cinquante talens. Il leur donna ordre de faire faire une Polyb, Le-
couronne du poid & de la valeur de cinquante talents , pour l'offrir au gat. 8e.
peuple Romain, & de distribuër les autres cent talents à diverses villes de la
Gréce. *
Vers ce même tems arrivérent auprès du Roy Antiochus Epiphanes des LXXV.
Ambassadeurs de Rhodes, pour le prier d'accorder la paix Les Rho-
au Rov Evergétes. diens ï'cn-
dqqs lis
tre mettent Ils avoient
commencé un long discours, mais Antiochus les interrompit,
pour ré- disant que sans contredit le Royaume appartenoit l'aîné des deux frères;
à
concilier qu'il étoit d'accord avec lui ; que si les Alexandrins vouloient le rappeller &
Antiochus le rétablir sur le Trône, la guerre seroit finie. Il se retira ensuite dans ses
avecEver- Etats, laissant le Roy Philométor dansMemphis, avec la souveraine autorité
gétes. d'Alexandrie, qui étoit occupée par Evergé-
Polyb. Le- sur toute l'Egypte, à l'exception
gat. 84 tes. 11 mit une bonne garnison à Peluse, afin de se conserver l'entrée en
Liv. 1. 4)' Egypte, espérant que quand les deux freres se seroient épuisés en se faisant
u-iie guerre intestine, il lui seroit
aisé de s'emparer du Royaume sur celui des
deux, qui seroit demeuré viélorieux.
LXXVi. Cependant on negocioit toûjours pour réconcilier Persés avec les Ro-
Le Roy mains. Le Roy Prusias & les Rhodiens envoyérent chacun de leur côté à
Prusias & Rome des Ambassadeurs
pour prier le Senat d'accorder la paix au Roy Per-
les Rho- avoit épousé ,
la sœur de ce Prince, & les Rhodiens avoient eu de
diens en- sés. Prusias
voyent des longue main des liaisons d'amitié avec les Roys de Macédoine; on
vouloit
A mb a t,ra- même dire qu'ils favorisoient encore Persés, quoiqu'au dehors ils ne sissent
deurs à paroître qu'un grand dévouement au parti des Romains. Les Ambassadeurs
Rome
faire de Prusias protestérent au Senat que le Roy leur maitre ne se départiroit ja-
pour la République; mais qu'-
la paix en- mais de Rattachement qu'il avoit toujours eu pour
tre Pertes ayant dépuis peu reçu des Ambassadeurs de Persés son beau-frere qui le prioit
& les Ro- de s'employer pour lui obtenir la paix, il n'avoit pu se réfuser à ses empres-
mains. sémens.
Liv. 1.44.
Polyb. Le- Les Rhodiens parlérent d'un ton plus élevé. Aprés r avoir étalé les ser-

gat. So. vices qu'ils avoient rendus aux Romains, &sur tout dans la victoire que ceux-
ils remontrérent que dépuis
cy avoient remportée sur le Grand Antiochus ,
trois ans ils avoient beaucoup souffert à l'occasion de la guerre de Rome
contre Persés, par l'interruption de leur commerce; qu'ils avoient envoyé au
Roy de Macédoine une ambassade pour lui dénoncer que leur intention étoit
qu'il fit la paix avec les Romains, qu'ils en avoient fait autant envers les Ro-
mains ; que le Senat des Rhodiens aviseroit quel parti il auroit à prendre con-
tre celui des deux, qui réfuseroit des faire la paix.
(a) D'autres racontent la chose un peu autrement. Ils disent que Persés de-
< Légat,
D'io mandoit la paix aux Romains & qu'on étoit assez disposë à la lui accorder.
19. seu zc Mais que les Rhodiens joignirent leurs Ambassadeurs aux siens, dans la crainte

que ce Prince ne fit son accommodement avecl'on


Rome, & qu'ils parlérent au
Senat avec tant de hauteur&d'insolence,que ne douta plus deleurmau-
vasse volonté envers la République, & qu'ils empêchèrent que Persés n'ob-
tint la paix qu'il souhaitoit. Il est certain que dez auparavant la foy des Rho-
Vide Liv. diens étoit déja suspede à Rome, & il est trés-croïable qu'ils auroient sou-
1. 44. haité que Persés humiliât la fierté & la puissance excessive de cette Républi-
Senat rien répondu aux
que. Claudius Quadrigarius racontoit quefaitle réciter n'avoit
AmbassadeursRhodiens, mais qu'il avoit un Decret qui déclaroit
libres les Cariens & les Lyciens, & avoit ordonné qu'on écrivit à ces deux
peuples la résolution du Senat. Ce Décret fut comme un coup de foudre
qui renversa les Rhodiens.
D'autres
D'autres racontent que les Senateurs répondirent aux Rhodiens, que dez LXXVlî.
le commencement de cette guerre le peuple Romain avoit eu des indices Réponse
bien fondez que les Rhodiens avoient des intelligences avec le Roy Perfés du Senat
Rho-
leur ennemi; que quand la chose auraitété douteuse, ils venoient d'en
ner des preuves certaines. Que le Senat verroit ce qu'il auroit à faire leurs
après que Perfés seroit vaincu, la République sauroit réconnoître sélon
;don- aux
diens.
qu'- Liv. 1.44,

mérites, ceux qui lui aurÓient témoigné de l'attachement; l'on ne laissa pas
d'envoyer à chacun des Ambassadeurs un présent de deux mille piéces d'érainj)
mais i's les réfusérent. C'est ce que racontoient quelques Historiens cités dans
Tite-Live.
Le sort avoit donné le département de la Macédoine au ConrulQMar. LXXV11
cius; l'Italie demeura à son Collègue Servilius Csepio. Marcius étoit sexa- Marcius ar-
genaire, mais il lui restoit assez de force & d'adivité pour fournir une belle rive en
& laborieuse carriére. Il s'embarqua à Brunduuum,&arriva heureusem,ent Persés veut à Thessalie.
Aé1ium eji Acarnanie, où il débarqua ses troupes pour les conduire par porter la
,
terre en Thessalie. Sa flotte arriva à Creuse en Béotie, d'où elle se devoit guerre en
rendre à Chalcis. Rome avoit fait de très-grands efforts pour mettre les ar- Italie.
mées de terre & de mer, qui devoient servir en Macédoine, enétat de pren- \
dre la supériorité sur Persés. Ce Prince de son côté ne s'étoit pas contenté ") /-
.

de sermer les avenuës de la Macédoine, d'une façon que jusqu'alors les armées- iJ
Romaines n'y avoient pu pénétrer. Il avoit formé le dessein de pénétrer en
Illyrie, & de porter la guerre jusque dans le sein de la République. Pendant
les rigueurs de l'hyver il étoit entré en Illyrie & avoit pris Uscana malgré la
,
réG1tance de la garniron Romaine. Delà il marcha contre Daudrac & con-
tre iEneum, & les prit avec toutes les moindres places des environs. Il crut
qu'après cela le Roy Gentius ne pourroit réfuser de se déclarer en sa faveur.
Il lui envoya des Ambassadeurs. Gentius répondit, que si Persés vouloit lui
fournir les sommes nécessaires pour équipperdes Sottes,& pour mettre une
armée sur pié, il étoit prêt de faire pour lui tout ce qu'il souhaitoit. Persés
étoit esclave de son argent. Son avarice fut la cause de son malheur. Gen-
tius ne fit aucun mouvement pour lui.
Le Roy de Macédoine avoit parole d'un nommé Archidame Elolien de LXX1X.
lui livrer la ville de Stratos, qui étoit comme la clef de l'Etolie. Malgré, les Perfés tert.
frimats.Ies neiges & les mauvais chemins Perrés, à la tête de dix mille hom- te en vain
de se ren-
mes de pied & de trois cens chevaux, pénétre dans l'Etolie; Archidame vient dre maitre
à sa rencontre sur le fleuve Acheloüs. Persés s'attendoit à entrer sans diffi- de l'Etoli c.
culté dans Stratos. Mais les Citoïens de cette ville firent venir d'Ambracie
le Lieutenant-Général Caïus Popilius Romain, qui entra dans la place & se
mit en état de la défendre. Au même tems un nommé Dinarchus Etolien,
à qui Archidame avoit confié quelques troupes, se livra à Popilius, dez qu'il
le vit maitre de Stratos. Archidame brûloit d'envie' de réprendre Stratos &
pressoit le Roy de l'assiéger. Mais Persés prit le parti le plus sage, qui fut
de se retirer en Macédoine. Il laissa à Archidame le gouvernement de l'Ape-
rence, petit Canton dePEpire, qui s'étoit donné à lui.
Malgré les précautions que -Persés avoit prises pour rendre la Macédoine
inaccet.
LXXX. inaccesÇble aux troupes Romaines, leConsui Marcius entreprit d'y pénétrer.
Marcius Il délibéra avec ses Officiers Généraux, & enfin il se détermina à tenter le par-
entre sa^e proche d'Oftopole, vers l'endroit même où Philippe Roy de Macédoine
en Macé- trente-un ans auparavant avoit été vaincu par leConsul Sulpitius Galba.'Mar-
doine.
cius envoya son fils avec un détachement de quatre mille hommes, pour ob-
server les routes & se saisir des portes les plus importans. Aprés une marche
infiniment pénible, il arriva au bout de quatrejours sur une hauteur où ilse re-
trancha. Delà il dépêcha au Consul son Pere, pour lui annoncer le succés de
son voïage. L'armée Romaine arriva au même lieu qui n'étoit éloigné que
de mille pas du camp des Macédoniens. Il y donna un jour de répos à ses
troupes, & descendit dans la plaine pour y combattre une partie des troupes
de Persés ; car ce Prince n'étoit pas dans le camp ; il voltigeoit à la tête d'un
camp volant, incertain du lieu où les Romains tenteroient le passage. Hip-
pias Capitaine expérimenté ayant sçu le passage de l'armée Consulaire, vint se
mettre à la tête de l'armée Macédonienne.
Les premiers jours se passérent en petits combats de troupes armées à
la légére, parceque le terrain ne permettoit pas de ranger une armée en ba-
taille. Le Consul cependant ne pouvoit ni subsirter longtems au porte qu'il
occupoit, ni en décamper sans donner prise à Hippias; car Persés ne parut
point du tout dans ces divers chocs, quoiqu'il ne fût qu'à douze mille ou
quatre lieuës de l'endroit où tout cecy se passoit. Tout ce que l'armée Ro-
maine avoit souffert jusqu'alors, n'étoit rien en comparaison de ce qu'elle eut
à souffrir pour gagner la plaine. Les Officiers Romains convenoient, que si
Persés eût voulu profiter des circonstances, il auroit pu tailler en piéces plus
d'une fois l'armée Consulaire. Elle arriva enfin en Macédoine, allez prés de
la Province de Magnésie.
LXXXh Persés en reçut la nouvelle comme il étoit dans le bain à Dium. Il en
Avarice & fut si étourdi qu'il s'écria qu'il étoit vaincu sans avoir livré de combat, & en
impruden- même changeant à tout moment d'avis, & donnant des ordres qu'il ré-
de Per- tems
ce voquoit sur le champ , il fit enfin venir deux de ses confidens, & ordonna à
fés.
Liv. 1.44. l'un d'aller à Pella &de jetter dans la mer tout ce qu'il trouveroit d'or& d'ar-
gent dans ses trésors; il commanda à l'autre d'aller mettre le feu à tous les
vaisseaux Macédoniens, qu'il trouveroit au port de Thessalonique. Pour lui,
il fit charger sur ses vaisseaux les rtatuës d'un metal prétieux qu'il avoit à Dium,
abandonna cette place importante & se retira à Pydna.
LXXXII. Le Consul Marcius aprés avoir fait occuper le passage de Tempé dans
Marcius la Thessalie, & s'être ainsi assuré une retraite en cas de bésoin, s'avança dans
entre en le cœur de la Macédoine, sans que Persés y mit le moindre obstacle. Il ar-
Macédoi- riva jusqu'à Dium, qui lui ouvrit ses portes. La ville étoit pleine de provi-
ne, & est sions & de richesses,& l'on ne pouvoit se persuaderque le Roy de Macédoine
obligé d'enl
sortir faute l'eût abandonnée sans dessein. Marcius s'avança plus avant dans
le pays. Des
de vivres. provinces entiéres se rendoient à lui sans combat. La disette de vivres étoit
la seule chose qui l'inquiétât. Sa flotte n'étoit pas à portée, & le pays man-
quoit de provisions. 11 fallut revenir à Dium pour ne pas périr de faim.
Heureusement Popilius un de sesLieutenans-Généraux lui fit savoir qu'il avoit
trouvé
trouvé dans les places deThessalie toutes sortes de provisions & en abondance.
Marcius retourna sur ses pas, & rentra en Thessalie.
Persés feignit d'être fâché de voirson ennemi s'éloigner,& de ne pou- LXXXIIT
Persés se
voir lui livrer combat. Il rentre dans Dium , en repare les murs , marche rep ent d'a-
vers les bords de leiiipée & y campe. Cependant Marcius fit assiéger Hera- voir fait
clée par Popilius, qui l'emporta , nonobstant sa situation avantageuse sur un jetter ses
rocher escarpé de toutes parts. En même tems il faisoit applanir avec une trésors
diligence & un travail incroïable, les chemins qui conduisent de la Thessalie dans la
dans la Macédoine, afin d'en faciliter l'entrée aux troupes & aux vivres. mer. Liv. 1. 44-
L'inadion apparente de Marcius dans son camp rassura Persés; il se repentit
des ordres qu'il avoit donnez de brûler la flotte; celui qu'il en avoit chargé,
ne s'étoit pas hâté d'obéïr. Le Roy ne laisss pas de le faire périr; de même
que Nicias, qui avoit trop précipitamment obéï aux ordres de son maitre,
qui lui avoit commandé de jetter ses trésors dans la mer.
La flotte Romaine commandée par le Préteur Figulus, ne demeura pas LXXXlV.
oisive. Aprés avoir beaucoup contribué à la prise d'Héraclée, elle vint à Expédition
Thessalonique, & ravagea le pays des environs. Mais elle n'osa entreprendre de la flotte
Romaine.
le siége de la place, qui étoit trop bien défenduë. Le Préteur fit aussi une
descente à Ænia, à Antigonée & à Palléne, où il fit le dégat dans les cam-
pagnes. En cet endroit Euménes Roy deBithynie lui aména vingt cinq vais-
séaux. Avec ce renfort il réiolut de faire le liège de Cassandrée, ville située
sur l'isthme de Palléne & défenduë par quatre mille hommes de bonnes
,
troupes. Les Romains attaquérent la place du côté de la mer, & les Eumé-
niens du côté de la terre. Aprés avoir inutilement tenté de l'emporter par
la force, ils crurent qu'ils pourroient l'obliger à se rendre par famine ; mais
Persés y ayant fait entrer à la faveur de la nuit dix barques chargées d'hom-
mes & de provisions, ils furent obligez de se retirer. Ils parurent devant To-
rone, mais ils n'osérent l'attaquer, non plus que Demetriade. Ainsi finit cette
campagne.
Les soupçons que Rome avoit conçus contre la fidélité du Roy Eumé- LXXXT,R.
nes, n'étoient que trop bien fondez. Quoique ce Prince eut amené vingt- ménes Le Roy Eu-
cinq vaisseaux au Préteur Figulus, & qu'il eut fait compliment au Consul Mar- détachele
cius d'avoir pénétré dans la Macédoine, il ne laissa pas de renoncer à l'alliance des Ro-
qu'il avoit faite avec Rome, & de s'attacher à Persés. Attalus frere d'Eulllénes mains, Se
fut plus avisé, & meilleur Politique que lui. 11 cultiva l'amitié des Romains prend le
& s'attacha fidélément à leur service. parti de
Persés,

LIVRE XXXVI.
LE tems de l'éledion des Consuls étant arrivé, on choiutL. Æmilius Paulus
étoit
1.
& C. Licinius
Crassus. Le premier fils de ce Heros qui périt dans la L. -F-Cnilius
bataille de Cannes par la faute de Ion collègue. Après avoir passé parle Paulus &
G. Licinius
principales dignitez de la République, & avoir exercé le Consulat avec hon- GraflTis
neur il goutoit les douceurs d'une vie privée, lorsquele& prières & lessblli- Consuls.
,
An de Ro- citations
de sa famille, & les vœux du peuple l'élevérent de nouveau au Con-
me du sulat. Dans la harangue qu'il fit aux Romains dans cette occasion il parla
,
M. 9896. avec une dignité & une grandeur d'ame qui le fit admirer & respecter. Vous
avant J. e. m'avez vouluavoir pourCourul, &memettre à la tête de vos armées. Tenez-
164. accepté ces employs, & si vous avez confiance enmoy,
Vide Liv.i, moy compte d'avoir
44. Plu- laissez-moy gouverner vos armées, làns me censurer & sans borner mon pou-
tareb. ïn voir; modérez vos discours & vos murmures, & réposez-vous sùrmoy. Le
Paul. peuple prit en bonne part ce discours de Paul Emile, & le Sénat entra dans
Æmilio.
ces sentimens. Licinius Crassus son collégue lui laissa son département de la
Macédoine; mais avant que de partir pour se mettre à la tête des armées, il
demanda que l'on fit partir trois hommes intelligens dans le métier de la guerre,
pour savoir au juste si Marcius avoit franchi les montagnes de la Macédoine »
s'il étoit avancé dans ce païs, si les routes étoient applanies & les magasins
bien fournis, quels Roys & quelles Républiques étoient déclarées pour ou
contre la République. Jusqu'au rétour de ces députez, Paul Emile demeura à
Rome, tout occupé de la grande entreprise dont il étoit chargé.
Il. Les députez de rétour à Rome, firent leur rapport devant le Senat. Ils
retour des déclarèrent que Marcius étoit à la verité entré en Macédoine, où il étoit cam-
députez pé à portée du Roy Pertes, mais que ce Prince le laissoit morfondre dans ses
cnvovœz en dans
Macédoine. lignes, sans vouloir ni lui livrer bataille , ni lui permettre de s'avancer
Liv. 7.44. le païs, que le Consul n'avoit des vivres que pour huit jours. Que la flotte
Romaine étoit en trés-mauvais état ; que le Préteur Claudius couroit nique
de périr en Illyrie , s'il n'étoit pr0111pten1ent[ecouru; que la plupart des alliez
des Romains étoient ébranlez & chancellans ; qu'on ne devoit pas compter
surEuménes, sur lesRhodiens, ni sur le Roy d'illyrie. Sur ce récit Paul Emile
prit toutes les mesures convenables pour le succés de son entreprise, & peu
de jours aprés il sortit de Rome,& se rendit à Brunduse , où il s'embarqua
pour la Macédoine.
111. Persés étoit l'homme du monde le plus capable de former de grands pro-
Les Bastar.. jets. Mais son avarice les rendit presque toûjours sans effet. 11 avoit engagé
nes vien- les Baltarnes dont on a déjà parlé à venir à son sécours. Il avoit promis
rient au , pièces d'or, le .
double aux cavaliers, & mille piéces
à chaque fantassin cinq
sécours de
Persés. au Général qui les conduiroit. Vingt mille hommes de ces peuples niant à
Liv. L 44. leur tête Clondicusun de leurs Roys, s'étoient avancés jusqu'aux frontières de
la Macédoine. Persés alla au devant d'eux, leur fit fournir des vivres dans
toutes les villes par où ils devoient passer, fit quelques petits Il présens à leurs
Généraux , mais ne porta point d'argent pour les troupes. ne vint pas
même jusqu'à elles. 11 s'arrêta à Almana ville de LVlygdonie, & envoïa Anti-
gone à Desudaba, où les Baftarnes attendoient leur paiement, pour les invi-
ter à entrer en Macédoine.
IV. Clondicus demanda fièrement à Antigone s'il avoit de l'argent pour païer
JLesBaftar- ses troupes. Antigone hésita, & Clondicus lui dit de partir sur l'heure, & de
nes s'en re- dire à Persés, qu'il ne sortiroit point de Desudaba qu'on le lui eût compté
tournent les somines promises, & qu'on ,
ne lui eût donné des étages. Persés craignant
dans
pays.
leur
de débourrer une si gresse somnie, fit dire au Roy des Bastarnes qu'il se con-
tenteroit
tenteroit de cinq mille cavaliers; mais comme Antigone n'avoitpasmêmede
l'argent pour ces cinq mille hommes, toute l'armée de ces peuples reprit le
chemin du Danube , & en passant par la Thrace y mit, tout à feu &
fang..Gentlus
Roy d'Illyrie étoit toujours porté d'inclination à se déclarer pour v:
Persés; mais il lui demandoit trois cens talens pour équiperune flotte, & pour Gentius
Roy d'IIly-
lever des troupes. Persés usa envers lui d'une supercherie indigne d'un Grand rie sc décla-
Prince. Il lui députa Pantauchus pour dresserles articles de la confédération,
demandoit Gentius, étoit trois talens. re pour
& pour promettre l'argent que qui cens Perlés.
Gentius sur les promesses de Persés, au lieu de trois cens talens, leur en fit Liv, 1.44.
compter dix , & dit qu'il feroit transporter le reste par charrois. En effet il
fit partir les chariots, mais le plus tard qu'il put, & leur ordonna de marcher
à petites journées, & cependant il faisoit solliciter Gentius à rompre avec
les Romains par quelque coup d'éclat, afin de l'engager sans retour dans la
guerre contr'eux.
Gentius avoit alors auprès delui deuxAmbassadeurs Romains, l'un nom- VI.
mé Perpenna , & l'autre Petilius ; il les fit arrêter comme espions, & les jetta Superche-
dans un cachot. C'en fut assez pour Persés de lui avoir suscité les Romains rie de Per-r
ennemis, & de s'être assuré d'une diversion dans l'Illyrie. Il fitrebrousser sés contre
pour fortune. Gentius.
chemin à ses chariots & abandonna son allié à sa mauvaise
,
Le mêmeesprit de mauvaise foy & d'avarice anima Persés dans la négo- Vil.
tiation qu'il entama avec Euménes Roy de Pergame. 11 lui envoïa un Ambassa- Persés veut
deur nommé Cryphon, pour le porter à renoncer à l'alliance des Romains , engager le
lui faisant entendre que ces fiers Républicains ne visoient qu'à détruire les Roy dans Suraé-
Roys par les Roys mêmes, pour s'élever seulsau dessus de tous. Le Roy de nes son parti.
Pergame tout dévoilé qu'il avoit paru jusqu'àlors envers la République pro- Liv. /. 44.
,
mit à Persés de demeurer dans l'inastion, & de s'emploïer auprés du Senat
pour lui procurer la paix. Il se fit promettre quinze talens seulement pour
demeurer neutre. Quand il fut question de délivrer les tommes , ou du
moins de les mettre en dépôt, Perlés ne voulut les déposer que dans l'isle de
Samothrace qui lui obéïssbit ; Euménes demanda en vain qu'on les déposât
,
chez les Crétois, qui étoit un païs neutre ; Persés n'y voulut jamais consentir.
Ainsi Euménes perdit la confiance & l'amitié des Romains, & Persés ne tira
aucun profit de sa négotiation avec le Roy de Pergame.
Mais il fit bien repentir ce dernier de n'avoir pas condescendu à ses de- Viii.
Exploits
sirs. Persés arma une flotte de quarante vaisseaux legers soûtenus de cinq de la flotte.
groflfes galères qu'il envoïa croiser vers l'isle de Tenedos , & répandit par du Roy
,
ce moïen l'effroi sur toute la côte de l'Asie. L'escadre de Perlés donna la Macédo-
chasse à cinq galéres d'Euménes, qui portaient des chevaux & de la cavalerie niea.
à Attalus au camp Romain. Les vaisseaux d'Euménes furent forcez de venir
échouer prés de Chio. Les hommes & les chevaux gagnèrent la terre à la
nage comme ils purent ; mais les Macédoniens les ayant poursuivis, en tué-
rent environ huit cens , §c en firent deux cens prisonniers de guerre. Delà
l'Escadre Macédonienne tourna vers Delos, dans laquelle toutes hostilitez cet-
soient par resped pour la sainteté du lieu ; mais au sortir delà les Macédo-
niens prirent ou coulérent à bas tout autant de vaisseaux Romains qui ne Te
trouvérent pas en état de leur résister.
Ce fut à lors que les Rhodiens intimidez par Persés, s'engagèrent à
ne
prêter aux Romains ni vaisseaux ni soldats, & à les obliger autant qu'il seroit
en eux , de faire une paix avantageuse avec toute la Gréce.
lX.
Le Roy d'Illyrie ayant pris le parti de Perles, devint l'ennemi des Ro-
Expédition mains, & le Préteur Anicius qui remplaça Claudius Appius étant arrivé sur
d'Anicius le fleuve Genuse, autrement nommé Paniasus, prit le commandement ,
de l'ar-
Coutre mée Romaine. Dez qu'il fut arrivé, il accourut au secours de Ballante que
Gentius le Roy Gentius tenoit assiégé. Il dissipa d'abord par le moïen de ion escadre
Roy d'Illy-
rie. &
les pirates qui désoloient le païs de Dyrrachium d'Apollonie, & quiétoient
soûtenus par le Roy Gentius. Aprés cela plusieurs villes d'Illyrie se rangèrent
à son parti ; Le Roy d'Illyrie effraie abandonna le siége de Baflanie, & se
retifa à Scodra, aujourdhuy Scutari,, ville extrêmement forte, & d'un trés-
difficile accés, à cause des fleuves & des lacs qui la couvraient. Le Préteur
l'alla attaquer jusque dans cette place. Gentius en sortit avec Ion armée,&
livra la bataille. Dez leprémierchocles Illyriens prirent la fuite,&se jettérent
précipitamment dans Scodra. Gentius déconcerté demanda une trève pour
délibérer sur le parti qu'il avoit à prendre. On lui accorda trois jours.
-
x' il attendoit son frere Caravantius, qui devoit lui amener du secours.
l'rire du
Roy Gen- Voïant qu'il ne venoit point, il se rendit au camp du Préteur, se jetta à ses
tius, & de pieds, réconnut la faute qu'il avoit faite de se confier aux promesses du Roy
toute l'Il- Persés; Anicius le releva, le fit manger avec lui. Ils entrèrent ensemble dans
lyrie. Scodra, le Préteur en prit possessîon, puis livra le Roy entre les mains d'un
il
Tribun Légionaire pour le garder. En même tems mit en libertéPetilius
& Perpenna que Gentius avoir fait mettre en prison. Perpenna fut chargé
d'amener à Scodra, tous les Princes & Princesses Jde la famille Royale.
Toute l'Illyrie fut ainsi soumise en moins de trente jours & la nouvelle en
vint à Rome, avant que l'on y eût appris qu'Anicius y , eût commencé la
guerre.
XI. Le Consul Paul Emile étant arrivé en Macédoine, trouva le Roy Persés
Exploits de campé sur les bords de l'rielicon, & Marcius sur l'autre bord. Le Consul ar-
Paul Emile rivant au camp Romain, harangua son armée, & lui fit entendre qu'il préten-
en Macé- doit que chacun demeureroit dans sa sphére; qu'étant destiné pour comman-
,duinc.
der, il vouloit commander seul, avec le conseil de ceux qu'il croiroit les
plus capables de l'aider de leur avis; que tout le monde se rendit à son devoir,
1
sans delay, sans raisonner, sans censurerla conduite & les veuës du Général.
Ce discours fit impression, & n'offenla personne. il fit quelques changemens
dans la discipline & il fut approuvé. Les troupes prirent en lui une parfaite
confiance. Le Roy de Macédoine s'apperçut bientôt du bon ordre de la ré-
sorme que le nouveau Consul avoit apportée dans l'armée Romaine. Il quitta
son camp de Phila sur l'Helicon, & vint observer Paul Emile qui avoit aussi
décampé, & qui apparemment pour la commodité des givres, étoit allé camper
surl'Eti'Wée en Thessalie.
XU- Ainll l'armée Romaine après trois ans de guerre, étoit à peu prés aussi
A rivé e avancée
avancée que le premier jour, puisqu'elle étoit sortie de la Macédoine, & qu'il des Ars-
lui falloit de nouveau se sraïer un chemin à travers les montagnes pour péné- bassadeurs
dans païs. Persés s'étoit campé sur la riviére Enipée vis à vis Paul Emile, de Rhodes
trer ce dans le
& avoit retranché son camp & fortifié les bords de la riviére d'une manière qui camp de
en rendoit l'abord presque impraticable. PendantMacédoine que Paul Emile étoit tout Paul Emile.
occupé de la manière dont il pourroit pénétrer en des Ambafla-
,
deurs de Rhodes arrivérent dans son camp , pour negotier la paix entre Persés
& la République. Ils y furent trés-mal reçus, & pour toute réponseleCon-
sul leur dit qu'il leur repondroit dans quinze jours. Sur ces entrefaites on
apprit la nouvelle de la défaite du Roy Gentius, &de la reddition de l'Illyrie.
Malgré les précautions du Roy Persés, cette nouvelle se répandit dans son
camp, & y causa une étrange consternation.
Paul Emile pour savoir au juste la voïe la plus seu're pour pénétrer en XlII.
Macédoine, s'adressa à deux marchands Thessaliens, qui lui apprirent que la Paul Emile'
route de la Perrhebie Province de Thessalie, en Macédoine, n'étoit impra- détache- envoye un
ticable que parce qu'elle étoit gardée par des troupes Macédoniennes. Le Con- ment eu
,
fuIréfolur donc d'attaquer pendant la nuit ceux qui gardoient les passages, Macédoi-
& de s'en rendre maitre. Pour l'éxécution de ce projet, il ordonna à Oda- ne.
vius qui commandoit la flotte Romaine, de lui faire cuire du biscuit pour dix
jours à mille hommes de troupes de terre, & d'aller les attendre au portd'Hé-
raclée. En même tems il fit partir Scipion Nasica son gendre , & Fabius
iEmilius ion fils ainé à la tête de huit mille hommes de pied, & de trois
. dePrendre à Héraclée, oùils devoient trou-
cens vingt cavaliers ; avec ordre
ver des vivres, & delà aller à Thessalonique ravager la côte intétieure de la
Macédoine. Il leur donna aussi des lettres cachetées, qu'ils ne devoientou-
vrir qu'à Héraclée.
Dans l'intervalle, pour amuser Persés, Paul Emile fit mine de vouloir XlV-
passer l'Enipée & attaquer son camp. On escarmoucha avec assez peu d'avan- Nasica &
Nasica IF-!iiilius arrivèrent sans danger à Héraclée.. Fabius
tage de part & d'autre & & Æmilius
,
Là ils ouvrirent le paquet, qui portoit qu'ils eussent à partager leur détache- entrent
ment en deux bandes , & de marcher par différentes voies à Pythium, pour enMacé-
l'attaquer ensemble, quand ils seroient réünis. Ils se mirent donc en marche doine.
sur le champ & sans attendre le jour ; mais un déserteur ayant deviné leur dessein, Plut in
arch.
en informa Persés, qui fit partir un nommé Milon, qui à la tête de douzemille
hommes choisis, se rendit avec une diligence incroïable à une hauteur, qui
restoit aux Romains à franchir , avant que d'arriver au terme. Mais ces trou-
pes Macédoniennes se trouvérent si futiguées, que les Romains les aïant surpris
durant leur sommeil, ou du moins avant qu'elles eussent pu se reposer & repren-
dre haleine les taillérent en piéces Milo sesauva avecle débris de sa troupe,
& annonça ,à Persés la déroute de son détachement.
Ce Prince fut donc obligé de quitter son camp , de rentrer en Macédoi- XV-
ne , & de venir camper sous Pydna. Paul Emile le suivit, entra dans la Ma- Paul
Emile
cédoine & vint camper au pied du mont Olympe, sur lequel étoit situéePy- Macédoi- entre en
thium. On tenoit l'Olympe pour la plus haute montagne que l'on connût. ne sans op-
Un Géomètre de ce tems-là lui trouva dix stades, ou douze cens trente pas pOhtiOU.
Géométriques 'de hauteur. Les eaux des environs étoient améres& à demi
salées. Paul Emile ayant remarqué que certains arbres qui croissoient sur le
penchant de la montagne, étoient extrêmement verds, fit creuser en cet en-
droit & il en sortit de très bonne eau & en abondance. 11 fit ensuite mon-
ter son, armée jusqu'au sommet de l'Olympe, &y rejoignit Ton détachement.
Il en descendit sans opposition & côtoyant toujours la mer, il tiroit de sa
flotte les provisions nécessaires pour la nourriture de ses troupes.
XVI. Arrivé en présence de Perles, il rangea son armée en bataille, fort ré-
Paul Emile solu néanmoins de ne pas combattre ce jour-là avec ses troupes fatiguées d'une
réfuse de longue marche; &
donner pour tromper à la fois Perlés & ses gens qui s'attendoient
à combattre, il fit en diligence travailler bon nombre de pionniers à former
co !-Yll)at à
Persés. un camp derriére son armée. A mesure que les retranchemens se conltrui-
soient, il y faisoit entrer en reculant les lignes qui étoient les derniéres, &en
même tems les autres lignes se rapprochoient en cédant du terrain; la cava-
lerie demeura plus longtems dans la plaine, pour donner le loisir à l'infante-
rie de se mettre à couvert dans ses retranchemens. Enfin toute l'armée se
trouva renfermée dans un camp qui paroissoit comme sorti de terre.
XVII La nuit suivante survint une Eclypse de Lune, qui fut prédite & annon-
Eclipse de cée dans le camp Romain par Sulpitius Gallus tribun militaire, qui en avoit
Lune pré- supputé l'heure & le moment. Ce qui diminua beaucoup l'effroy que ces sor-
dite par
Sulpicius tes d'événémens causoient alors dans les esprits, persuadez qu'ils étoient des
Gallus, ar- signes de quelque événément funeste. En effet dans le camp de Persés ce
rivée la phénomène causa une consternation infinie; leurs Devins déclarant qu'il prr-
nuit entre iageoit la mort du Roy. Le Consul ne laissa pas, pour guérir l'esprit des
le ai. & le •
de Juin plus superstitieux & des plus foibles, d'offrir des sacrifices pour appailer les
ai. Pendant la durée de l'Eclypse le soldat srappa des bassïns & alluma
del'andu Dieux.
monde des torches à l'ordinaire, & dez que la Lune eut repris sa lumière, le Con-
38 avant sul égorgea en son honneur onze jeunes taureaux.
J. C. 164. Le lendemain avant que de livrer la bataille, il immola grand nombre de
Liv. 1. 44<
SfujiinJ.j j. bœufs à Hercules. Dans les entrailles des vingt premières de ces hosties, on
c \. Valer. ne trouva aucun vestige d'un heureux succès; mais à la vingt-unième lesA-
Maxim. ruspices promirent la victoire aux Romains, s'ils vouloient attendre l'ennemi
1. 8 c. il.
tful. Frvn.. sans l'attaquer.
Paul Emile profita de cet avis, qu'il avoit peut être suggeré,
tin, Stra. pour ne pas attaquer l'ennemi dans son camp. Persés rangea son armée en
tag. /. 1. bataille, & le Consul en usa de même, sans dessein toute- fois de combattre
#. 12. ce jour-là. Un incident le détermine à donner la bataille; un cheval qu'on
XV111.
Combat avoit méné abbreuver dans une rivière, qui couloit entre les deux csmps,
des Ro- étant échappé des mains du Romain qui le conduisoit, deux soldats ihraces
mains & de la garde ennemie se jettérent dans l'eau pour l'attirer à eux. Trois Ro-
des Macé- mains se mirent de leur côté dans la riviére, tuèrent un desThraces & recouvrè-
doniens. rent le cheval. Les Macédoniens qui gardoient le rivage, accoururent pour
Liv. 1.44.
Plut. in venger leur camarade. Les Romains s'ébranlèrent à leur tour. Il se donne
Pwlo. un combat fort vif entre ces deux corps. Paul Emile qui dormoit alors dans
sa tente, fut éveillé par le bruit, & résolut de charger tout de bon Fermée
Macédonienne.
Pertes
Persés de son côté lit avancer ses troupes en deçà du fleuve. Il avoit
environ quarante cinq mille hommes. Sa Phalange qui faisoit la principale
force de son armée, étoit de seize mille hommes, tous Macédoniens armez
de longues piques, & de boucliers, les uns blancs, les autres de cuivre, &
les autres d'argent. Ils marchoient serrez & s'avançoient à petits pas. Le
reste de les troupes étoient des Thraces & d'autres soldats étrangers, qu'il
avoit à sa solde. L'armée Romaine étoit inférieure en nombre. Les Légions ^

étoient placées au centre de la bataille, les troupes auxiliaires.ëtoient sur les


ailes, qui étoient flanquées par la cavalerie. Les troupes mercenaires de l'ar-
mée de Persés, furent aisément mises en déroute. La phalange résista long-
tems. Le soldat Romain ne pouvoit l'aborder sans s'exposer à une mort prés-
Aprés plusieurs
que certaine, à cause des piques dont ce corps étoit hérissé.
tentatives un Centurion nommé Salius jetta un drapeau de son bataillon au
milieu de la phalange, & s'élança avec les fiens pour retirer ce drapeau.
l'lais ils furent répoussez & obligez de se retirer.
On assure que Persés au fort de la melée, se retira à Pydna,sous pré- ViétoÍre XIX,
da
texte d'y faire un sacrifice à Hercules; d'autres avancent qu'il ne quitta, qu'- Paul Emile
aprés avoir reçu une contusion d'un coup de pied de cheval; toujours est-il sur Persés.
certain qu'il abandonna sa Phalange. Paul Emile s'apperçut que ce corps formi- Vide Plu-
dable faisoit de tems en tems certains mouvemens,qui pourroient donner lieu tareb. in
troupes Romaines de le pénétrer. 11 ordonna à ses soldats de se partager Paulo ex
aux poJJidQnin.
en divers pelottons, & d'observer les moindres ouvertures, pour se gli{fer dans
l'interieur de la Phalange & de ladésiinir. En effet ils formèrent divers bataillons
pointus, & la Phalanges'étant tant -foit peu délunie, ils s'insinuéren t dans
les vuides, & commencèrent à se battre d'homme à homme & avec l'epée.
Alors les Macédoniens furent obligez de plier. Ils combattoient cependant
par parties, & un corps de trois mille Macédoniens fit ferme avec tant de
courage, qu'il n'en échappa pas un seul. L'on fit nombre de vingt cinq
mille hommes de tuez sur le champ de bataille, & de cinq mille prisonniers.
de guerre, sans compter six mille autres, qui furent pris dans Pydna» cette
ville aïant été obligée de se rendre au vidorieux.
Persés abandonna cette ville & se retira à Pella, avec Cotys Roy des xx.
Pertes se
Odrysiens. Ces deux Princes étoient suivis de leur cavalerie, qui avoit eu retire de.
très-peu de part à l'aciion, dont on vient de parler. Comme ils passoient à Pydna à.
travers la forêt de Pierie, les deux Roys s'entretenant ensemble, prirent un Pella.
chemin pour l'autre, & s'égarèrent de telle sorte qu'il leur fallut passer une
partie de la nuit dans la forêt. La cavalerie arriva heureusement à Pella, &
n'y ayant pas trouvé les Roys, se dissipa & prit son congé. Persés arriva en-
fin sur le minuit, & ne trouva dans la ville que quelque cavalerie Crétoise.
Son palais même parut presque désert. Il ne se présenta pour le servir que
l'Intendant de sa maison & quelqu'uns de ses domestiques. Persés en fureur per-
de ses trésc)rsqui seprésenté'rentdevant lui.
ça de son poignard les deux gardiens
Pella ne lui parut pas une place aÍsez forte pour le garantir contre les -TXI.
Perdes se
Romains. Il fit charger la nuit même de son arrivée sur des Chariots son or, fauve avcc
son argent, ses pierreries, ses meubles prétieux, & sur les quatre heures du ses txélûEi
matin
à Amphi- matin il prit le chemin d'Amphipolis, accompagné du Roy Cotys, des Princes
polis. ses enfans, & de cinq cens cavaliers Crétois, qui le suivoient dans l'espérance
de trouver l'occasion de piller ses trésors. Diodore Gouverneur d'Amphipo-
lis ayant appris la défaite de Persés, & craignant que la garnison, qui étoit
composée de deux mille soldats Thraces, ne pillât la ville & le temple, fit
paroître un courier qu'il avoit aposté, & qui lui apporta des lettres qui portoient
que la flotte Romaine avoit débarqué dans PEmashie, & l'avoit mile au pil-
lage, qu'il eût à envoyer au plutôt la garnison d1Amphipolis, pour répousser
les Romains, & reprendre les dépouïlles dont ils étoient chargez. Les soldats
de la garnison ne furent pas plutôt hors des murs, que Diodore ferma les por-
tes & demeura maitre de la ville.
xxu. Cependant Paul Emile députa son fils Fabius & deux autres Officiers de
Paul Emile considération , pour aller porter à Rome la nouvelle de la défaite du Roy de
se rend Macédoine. Les principaux Officiers de ce Prince, Hippias, Milo & Pan-
maitre de tauchus vinrent d'eux-mêmes se rendre au Consul & lui offrir leurs services.
plusieurs
places de Ils lui livrèrent Berée,
Pydna, ThefIhlonique, Pella & beaucoup d'autres pla-
la Macé- ces moins importantes ouvrirent leurs portes au vainqueur. Amphipolis re-
Persés dans ses murs. Mais ce Prince infortuné ayant voulu haranguer le
doine.
PerCés se
retire
çut
peuple, & exhorter lesBisaltes, dont Amphipolis étoit la Capitale, lui don- à
la Tribune, ses larmes & ses
d'Amphi- ner du secours, il fut obligé de descendre de
PQlis. sanglots l'interrompant à tous momens. Evander Crétois, qui lui étoit de-
meuré fidel, monta sur la tribune & voulut continuer. Mais les bourgeois
le firent descendre, & le chassérent de la ville avec ses Crétois ; ce qui fit com-
prendre à Persés, qu'il ne seroit pas en seûreté dans cette place. Il en sortit,
& s'embarqua avec ses gens & ses richesses surle fleuve Strymon. Ce fut alors
que le Roy Cotys & les liens se retirérent aussi dans leur qu'ils pays.
XXIII. Persés connoissoit assez les Crétois, pour croire ne le suivoient
Perfés par intérêt, & uniquement dans la veuë de piller quelque jour ses riches-
que
trompe les ses. Il résolut de leur en abandonner la valeur de cinquante talens. (il) Il fit
Crétois qui rivage quantité de vases d'or & d'argent, & les leur abandonna
l'avoient exposer sur le
toujours au pillage. Quelque tems après étant arrivé à Galepsos, il fit
publier que par-
suivi. mi ces vases qu'il avoit livrez aux Crétois, il s'en trouvoit quelques uns qui
(a) avoient servi à Alexandre le Grand, qu'il fouhaiteroit qu'on les lui rendît en
Environ
payant au double, la valeur à ceux à qui ils appartenoient. On lui en rap-
pour
valeur porta environ la valeur de trente talens; mais il ne parla plus d'en rendre la
la
de neuf valeur. Delà il se rendit à Sanlothnce, Isle de son obéïssance, & soit respectée
cens mille des anciens, pour avoir été la demeure de Cybele Mere des Dieux. Il y fit sa
Livres, en residence dans un temple dédié à Castor & à Pollux, comme dans un Azyle
prenant le Romains n'oseroient violer. Pertes avoit encore avec lui deux mille
talent pour que les
lb. talens. Il laissa à Pella que les trois cens talens qui avoient été destinez
îtjoo. ne
pour le Roy d'illyrie. sçu sa fuite & sa retraite,
XXIV. Paul Emile ayant envoya le Préteur O&aviusr\n.
O&avius avec la flotte Romaine, pour invertir l'isle de Samothrace, & lui cependant
est!:envoyé
s'avança vers Pella, qui lui ouvrit ses portes ; il y trouva les trois cens talens
contre Per- dont
on a parlé, & y reçut des Ambassadeurs de tome la Gréce, qui venoient le
les à Samo-
thracc. com-
complitnenter sur l'heureux succés de ses armes ; II envoya devant lui Nasica
à Amphipolis avec un détachement, & lui-même y fut reçu comme en triom-
phe ; Enfin il parcourut toutes les Provinces de la Macédoine, & par-tout il
fut reçu comme vidorieux. Il étoit à Sires, lorsqu'il reçut une députation
de Pertes, qui lui demandait des choses indignes de la Majesté Royale. Le
Consut en tut touché, mais aïant lû l'inscription de la lettre qui portoit: Le
R&y Persés art Consul.,Ei.,iiiius, il renvOÏJ les Ambassadeurs sans leur faire deré-
ponlè. Persés réconnut sa faute & écrivit de nouveau en cet termes : Pertes
att Consul Paul Emile. Cette lettre fut reçuë gratieusement, & le Consul envoïa
à Persés trois de ses Officiers, Lentulus, Posthumius & Antonius, pour con-
erer avec lui lur l'état prétent de les affaires.
Ils lui demandèrent pour préliminaire qu'il renonçât à sa qualité, &que xxv.
pour le relte il se remît à la volonté du Senat & du peuple Romain. Pertes Persés in-
à
ne put se resoudre se dépouiller d'un nom & d'un caractère qu'il avoit reçu Samothra-
de les Peres, & quelque tems aprés Odavius avec sa flotte étant entré dans
veB:id.luç

fait
le port de Samothrace, & aïant fait sa, descente dans l'Isle, il emploïa la per- ce ,
massacrer
suasion pour engager Persés à remettre sa personne & sa fortune à la clemen- Evatuler le
, de
ce des Romains. ËnHn comme le Prince ne se laissoit pas persuader, Odavius Ministre
fit entendre aux Samothraces, que leur Isle étant ainsi sacrée qu'ils le publioient, ses cruau-
eile ne devoit pas servir d'azile à un a[[1ffin & à un sacrilége ; sous cester- tez.
mes il deiignoit Î'Jvander, instrument de l'assassinat commis à Delos contre le Roy
Euménes & Persés lui-même, auteur de cet attentat. Les Samothraces crai-
gnirent le, ressentiment & la sorce des Romains, & demandèrent qu'Evander
vînt se purger & se justifier devant le peuple. Perfés craignant que cet hom-
me ne découvrit le mystére de ses crimes, voulut lui persuader de se donner
la mort. Evander feignit de vouloir aller prendre du poison : mais le Roy le
fit uivre. & le fit massacrer ; puis Throndas le plus considérable des Samo-
thraces gagné par Perrés, publia qu'Evander s'étoit donné la mort.
Cela ne guérit pas les inquiétudes & les remords de Persés. Il apprit XXVI.
qu'un vaisseau marchand venu de Créte nioüilloitàl'abri du Promontoire nom- Perses cher.
mé Demetrium. Il traitta avec le Capitaine du vaisseau, pour le transportde che à se
sa personne & de ses effets sur les côtes de Thrace chez le Roy. Cotys son sauver. est trahi
Il
ami. On ,
convint que sur le soir le Roy feroit charger les caisses où étoient 1par un mar-
les trésors sur les vaisseaux, & que lui-même s'y rendroitpendant l'obscurité chand Cré-
de la nuit, pour s embarquer & mettre à la voile au point du jour; sedéfianttois.
il
du Crétois, n'envoya qu'une partie de ses richesses avant la nuit, mais il
envoïa allez pour tenter la fidélité du Commandant, qui mit à la voile avant
en
que Perlés fut arrivé. Ce malheureux Prince arriva au bord de la mer, accom-
pagne feulement de Philippe son fils aîné, & de trois de ses gens,&luividu
rette de les trélors, abandonnant ses autres enfans, & tout le reste de sa suite
à la merci des Romains. 11 fut donc obligé de rentrer dans le temple de
Cattor & Pollux, & de s'y tenir caché dans le plus profond du [anctuaire,
n'osant se montrer aux yeux de sa maison qu'il avoit indignement sacrifiée.
Odavius sçut profiter de l'imprudence de Persés. Il fit publier les XXVll
que
Pages du Roy & les autres Macédoniens, qui se rendroient volontairement !)crsés se
ioiu. III. Sss ivre à Oc- *
.
aux
tavius qui aux Romains, jouiroieat de la liberté. Aussi-tôt les Gouverneursdes jeunes
le remet à Princes fils du Roy, & ses Pages, qui étoient les fils de la plus illustre noblesse
Paul Macédonienne se mirent entre les mains - d'Odavius. Persés au désespoir
Emile. ,
demanda d'entrer en conférence avec le Préteur. Il fit entendre qu'il seren-
droit à Scipion le plus jeune des fils de Paul Emile ; mais ce jeune Seigneur
à
n'étant pas sur la flotte , Perlés fut contraint de s'abandonner Oélavius avec
le Prince son fils ainé, & le reste de ses richesses, qui surent transportées en
Macédoine dans la ville d'Amphipolis. Paul Emile s'y rendit avec son armée,
& Persés en s'approchantde son vainqueur, se proiterna & voulut lui enlbras-
ser les genoux. Mais le Consul s'avança quelques pJS au-devant de luy, lui
tendit la main , & l'invita à diner avec lui ; Il le combla de caresses & d'hon-
neurs , & le mit ensuite sous la garde d'iEUus, en attendant qu'il le fît conduire
à Rome.
Le Consul prit occasion de l'état où se trouvoit ce Prince infortuné,
XXVIII.
Ruine en- pour faire connoître
tière de la
à ses fils & à son gendre l'inconstance des choses humai-
leur montrant dans la personne de Persés le plus grand Monarque du
nes,
Monarchie monde, réduit dans
Macédon- un moment en l'état le plus humiliant & le plus triste.
ienne. Cy-devant il étoit la terreur de ses voisins, & des Romains même. Aujour-
d'hui dépoùillé'de ses Etats, de ses armées , de sa liberté , ilest devenu comme
le jouet de la fortune, & préparez-vous à soûtenir l'infortune sans baÍseÍse &
sans découragement. Ainsi finit la MonarchieMacédonienne, aprés avoir sub-
sisté sous dix-sept Roys, depuis la mort d'Alexandre le Grand, durant cent
quatre-vingt treize ans. De ce grand nombre d'Etats, qui s'étoient formez
des débris de la vaste Monarchie d'Alexandre, il n'en subsistoitplus que deux,
celle des Ptolemées en Egypte, & celle des, Seleucides en Syrie ; & encore
ne subsistoient-elles proprement que fous la dépendance , ou sous la prote-
ction de la République Romaine. Dépuis la fondation de Rome, onn'avoit
veu nulle année marquée par de si grands & de si glorieux événemens.
XXIX.
Ambaffa-
fleurs de ner
Rhodes à nouvelles certaines
,
Les Ambassadeurs Rhodiens, qui étoient venus à Rome pour moyen-
la paix avec Persés, furent introduits au Senat aprés qu'on y eût des
de la victoire remportée sur Persés ; Ils parlérent d'une
Rome. manière proportionnée aux circonstances du tems, & changèrent en felici-
tation les demandes qu'ils venoient faire en faveur du Roy de Macédoine.
Le Senat leur répondit d'un ton sevére, que n'étant venus à Rome que pour
l'intimider, ils pouvoient retourner dans leur patrie , & y annoncer l'inutili-
té de leur voyage, & l'indignation dela République. Ils partirent avec cette
réponse, & exhortèrent les Rhodiens à faire tous leurs efforts pour regagner
l'affeftion des Romains.
Presqu'en même tems que cecy se passoit à Rome, les Ambassadeurs en-
Arrivée des
voyez de Rome, pour mettre la paix entre les deux Roys de Syrie & d'Egypte,
Ambaffa- se-disposoient à passer Egypte; Ils étoient au port de Loryma, éloigné de
deurs de en
Rome dans Rhodes de plus de vingt mille , ou
de plus de six à sept lieuës, lorsque les
l'isle de principaux des Rhodiens vinrent les prier avec instance de descendre à Rho-
Rhode. des, pour y reconnoîttre par eux-mêmes ce qui s'y passoit, afin qu'ils en pussent
liv.1. 4 rendre compte au Sénat, & qu'on ne les y accusât passurdes bruits vagues &
incertains
incertains. Les Ambassadeurs ne s'y rendirent qu'avec peine. Popilius ha-
véhémence
rangua le peuple , & leur reprocha avec beaucoup d'aigreur & de favoriser Per-
tout ce qu'ils avoient fait, tant en commun qu'en particulier pour
sés ; Caïus Decimius l'autre Ambassadeur parla avec plus de modération, &
rejetta sur certains particuliers tout ce qui s'étoit fait. Les Rhodiens furent
si iatisfaits de son discours, qu'ils ordonnérent sur le champ, que tous ceux
qui seroient convaincus d'avoir fait ou dit quelque chose contre les Romains
Ce qui fut cause que plusieurs
en faveur de Persés, seroient punis de mort. donnérent
s'exilérent volontairement, & que d'autres se la mort.
Antiochus Roy de Syrie s'étoit déja avancé jusq'audelà du fleuve Leu- AntiochusXXXh
sine, à quatre mille d'Alexandrie , pourse rendre maitre de la ville dePelure, Roy de Sy-
lorsqu'il eut à sa rencontre les Ambassadeurs Romains. Popilius lui mit en rie est em-
main les lettres du Senat, dont il étoit chargé. Le Roy les lut & dit qu'il pêché par
délibéreroit avec ses amis sur le parti qu'il auroit à prendre ; Mais Popilius fairePopilius de
la
qui tenoit en sa main une baguette de bois de vigne, en traça un cercle sur guerre
au
le sable autour du Roy, & lui dit, qu'il eût à faire réponse, avant que de Roy d'E-
sortir de ce cercle. Antiochus étonné d'un commandement sTîmpéneux, ré- gypte.
pondit qu'il feroit ce que le peuple Romain souhaitoit, & qu'il ne continue- Liv. 1 4?'
roit pas la guerre. Alors Popilius lui donna la main, comme à un Prince ami Legat. Polyb.
& al ,lé ce qu'il n'avoit pas voulu faire auparavant; Antiochus fut obligé de :Juflin.
x
renvoïer, ses troupes en Syrie. En même tems les Ambassadeurs réconcilié- 1. ? 4. alii
rent les deux freres Ptolemée Philonlétor & Evergétes ; Philométûr demeura passim.
Roy d'Egypte, & Evergétes eut pour son partage la Cyrenaïque , & une par-
tie de la Lybie. Les Roys d'Egypte députérent à Rome Numenius, pour
rendre graces au Sénat de les avoir délivrez des entreprises d'Antiochus, &
d'avoir rendu la paix à l'Egypte; Antiochus y envoïa de même, pour témoi-
gner au Senat qu'il avoit reçu & exécuté ses ordres, comme il auroit fait ceux
des Dieux-mêmes, & pour féliciter la République de la vidoire remportée
sur Perjjps.
Cependant le tems de l'électiondes Consuls étant arrivé on choisitpour Q_ XXXll.
, /Elius
cette dignité Quint. Ælius P^etus, & Junius Pennus. On laissa en Macé- Paetus &
doine Paul Emile avec la qualité de Proconsul , & on continua Anicius en Il- Jun. Pen..
lyrie avec le titre de Propréteur, & Ochvius dans le commandement de la nus Con-
suis. An de
Hotte sous le même nom. Le Consul Junius -Pennus fut destiné à aller faire Rome
la guerre en Ligurie, & iElius Pastus fut chargé de marcher contre la Gaule du Monde
Ciialpine. Les peuples de ces quartiers étoient en paix. Mais la politique 3337. avant
Romaine vouloit qu'il y eût toujours des Légions en campagne, pour les J.G. 163.
tenir en haleine, & les conserver dans le goût & dans l'exercice des armes.
Politique injuite, ambition inhumaine, qui portoit ainsi le fer & le feu chez
des peuples paisibles & innocens.
Antiochus Roy de Syrie étant de retour d'Egypte dans ses Etats, & se XXX111-
trouvant dans l'obligation de renoncer à ses vastes projets, résolut de contrain- Antiochus
dre tous les peuples de sa domination à embrasser la religion des Grecs. Il rie Roy de Sy-
étoit assez indifférent aux Païens qui admettaient la pluralité des Dieux, contrain- veut
Qu'elle religion on leurproposât, puisquerienneles empêchoit d'admetre de dre tous Ces
os s 2 nouvelles sujets à fui--
nouvelles Divinitez avec les anciennes qu'ils adoroient déjà. Ainsi Antiochus
vre la reli-
gion des ne trouva point d'opposition à son dessein de la part des Gentils. Mais les
Grecs , ré- Juifs de Palestine firent une grande résistance, & s'il y en eut plusieurs quiab-
sistance des bandonnérent la Loy du Seigneur, il
Juifs, 1. y en eut d'autres qui s'opposérent conitan1-
ordres du Roy; ce qui leur attira d'étranges persécutions comme
Mace. 1. 43. ment aux ,
1J. q. &c. nous l'avons raconté ailleurs dans une juste étendue.
JVLacc. VI. En même tems le Roy Euménes envoïa à Rome son frere Attalus, pour
1.2.6. à
prier les Romains de lui aider réprimer lesmouvemens des Galates, & pour
XXXïV. féliciter le Senat sur la vidoire remportée sur le Roy de Macédoine. Le Se-
Attalus
frere du nat étoit fort indisposé contre Euménes, qui s'étoit laissé ébranler par les pio-
Roy Eumé- messes de Persés; Attale au contraire avoit témoigné dans toutes les rencon-
nes vient à tres un attachement & une fidélité consiante pour la République. Euménes
Rome. Liv. entra en quelque défiance de son frere, & mit auprès de lui un Medecin nom-
1. 45 Polyb.
Leg. 93.
mé Stratius avec ordre d'observer toutes ses démarches. Attalus fut reçu à
Rome avec des marques trés-particuliéres de diss:inéhon. On lui fit sentir com-
bien la République avoit de réconnoiiïance de son attachement & de les ser-
vices; ses amis lui firent même entendre que rien ne lui seroit plus aiië que
d'obtenir du Senat le Royaume de son frere, pour peu qu'il voulut aider sa
bonne fortune. Attalus se laissa toucher, & Stratius s'en étant apperçu, lui
parla, & lui remontra avec liberté le tort qu'il feroit à sa patrie, à ion frere ,
à sa propre réputation ; Il lui fit comprendre que le Roïaume de Pergame ne
pouvoit lui manquer aprés la mort du Roy son frere; il lui dit qu'il alloit al-
lumer une guerre inteitine dans son païs. Attalus touché de tes rations, se
contenta , quand il reçut son audience du Sénat, de demander des Com-
mifisaires pour réprimer les entreprises des Galates, de raconter Amplement
les servicis qu'il avoit rendus à la République, de parler avantageusement de
son frere, & de féliciter le Sénat sur la conquête de la Macédoine. Tout le
monde admira & loua la modération d'Attalus.
XXXV. Les Rhodiens inquiets surleur propresort,& sentant bien qu'ilsavoient
Les Am- encouru la disgrace des Romains, firent un dernier effort pour se jîistifîer &
bafTadeurs
pour rentrer dans les bonnes grâces de la République. Ils se présentérent à
Rhodiens la
mal reçus àt porte du Senat en habits de fête, comme pour le féliciter sur les avantages
ROlJle. reçus sur Persés. Mais le Consuljunius alla leur porter la décisiondu Sénat,
Liv. 1.45. qui portoit qu'on ne vouloitleur accorder nihospitalité ni audience. Jls eu-
rent beau s'humilier & demander qu'aumoins on les écoutât, le Consulne
voulut pas les entendre. Alors changeant d'hibits & de contenante, ils al-
loient de maisons en maisons pour chercherquelque protection chez les cito-
connoissance. Leur disgrace étoit si publique, qu'un
yens Romains de leur
Préteur nommé Juvencius Thelva, présenta sa requête au peuple Romain, ten-
dante à ce qu'il lui plût d'envoïer à Rhodes quelques Magistrats, pour y com-
mencer les hoftilitez, se flattant d'être nommé lui-même pour cette expédi-
tion. Mais deux Tribuns du peuple formèrent opposition à là demande, &.la
choie alla si loin, que l'un d'eux arrachaJuvencius de la tribune aux harangues,
où il étoit monté pour soûtenir sa requête.
Le Sénat voyant ces contestations s'échauffer, crut en devoir arrêter
les
Aftymédes un de leurs Àffl- xxxri.
les suites en accordant l'audience aux Rhodiens. Gatori
parla la justification de sa patrie, du moins il Pexcusa du
baffadeurs pour implorer clé- prend la-
mieux qu'il put, & se réduisit enfin à demander pardon, & à la défense
du Senat. Dez-qu'il eut cesse de parler, les Ambassadeurs & ceux de des Rho-
mence signe de diens & les
leur fuite se prosiernérent, & prérentérent des branches d'olivier enSenateurs réconcilie-
paix. On leur dit de se relever; ils sortirent de l'aiïemblée. Les années à la Répu-
délibérèrent sur la réponse qu'il y avoit à leur faire. Ceux qui les blique.
précédentes aVoient fait la guerre en Macédoine, opinoient en rigueur con- Polyb. Le-
modérez. Caton le Censeur qui était gat.3.Liv.
tre Rhodes, les autres étoient plus
alors fort avancé en âge, opina à son tour , & excusa les Rhodiens, en fai- 1.dor. 45. Dio-
SicuL.
fant voir qu'on ne pouvoit leur reprocher que des pensées & quelques paro- Legat. 19.
les, mais nulles hostilitez exercées contre la République, nul secours d'hom- Vide Ora-
à les ennemis, rien par conséquent qui méritât qu'on tionem Ca-
mes ou d'argent envoyezraisons & l'autorité de Caton firent qu'on ne parla tonis apud
leur fît la guerre. Les
plus de traiter les Rhodiens en ennemis, mais on confirma le decret, par le- Aul. Gell.
Lycie & de la Carie, la Républi- /. 7.«V3'
quel on leur avoit ôté le domaine de la que
que leur avoit autrefois
donné en récompense de leurs services.^
Les Rhodiens échappez du péril qui les ménaçoit, envoyèrent à Rome xXXVlT. Rho-
nouvelle ambassade avec une couronne d'or du poid de vingt mille piéces Les
une République leur réconnoissance, & lui de- diens sol-
d'or, pour témoigner à la ^
pour licitent en
mander son amitié & son alliance. Ils défendirent toutefois à leurs Députez vain l'alli-
de présenter aucune requête par écrit 7 de peur que s'ils n'obtenoient pas ce Romains.. ance des
qu'ils souhaitoient, on ne fît passer à la postérité la demande qu'ils auroient Liv. /. 4î-
ttite; car encore qu'ils eussent été liez d'amitié avec les Romainsleurs pendant Polyb. Le-
quarante ans, & qu'ils les eussent très-efficacement secourus contre en- gat, 93.
nemis, toutefois ils n'avoient point fait alliance avec eux, pour ne pas ôter Dio. Le-
autres puissances d'Orient l'esperance de leur secours; mais dans cette oc- gat.
aux l'alliance des Romains, non pour se mettre aut 22.
c ssion ils recherchèrent ardemment
couvert de leurs ennemis, car ils ne craignoient que les Romains; ils vou.
a
loient seulement par cette démarche leur ôter toute défiance quiis auroient
pû conserver contr'eux.
A peine cette ambassade étoit partie pour Rome, que ceux de Caune XXXV1TL
Carie, ceux de Mylassa, d'Eurome & d'Alabande se soûlévérent contre Les Rho-
en Rhodiens firent incontinent marcher les Cauniens, diens sont
Rhodes. Les contre obligez de
les lVlylasses & les Alabandes, un de leurs Généraux nommé Lycus, qui les quitter ab-
vainquit aux environs d'Orthosie. LVlaisleDecret du Senat Romain, qui leur folument &
Ótait le domaine de toute la Carie & de la Lycie, leur ayant été notifié, ils la Carie
la
Lycie.
furent contraints de retirer leurs troupes de ces provinces, & d'abandonner un Polyb. Lé-
pays, pour lequel ils avoient soûtenu trois guerres avec des dépenses immen. gat. 93. 99*
sus * & en particulier les villes de Caune, dont ils avoient payé deux cens 104.
aux Gouverneurs du Roy d'Egypte, & Stratonicéequ'ils avoient reçue
talens
desRays Seleucus & Antiochus,& qui leur rendoient par an six vingt talens
de revenus.
Thedéte leur Ambassadeur étant mort à Rome, avant que devoir ob- Polyb. Le-
tenu audience du Sénat; les Rhodiens envoyèrent en sa place un nouvel Am- gat. 100.
Ca) baflfadeur nommé Annote, qui
reçut pour toute réponse que ce n'étoit pas
,
«
Polyb. Le- au Sénat à accorder aux Rhodiens l'alliance qu'ils demandoient, sans diie un
gat. 104. mot qui les afliirât que le Sénat ou le peuple Romain leur accordassent leur
An du M. amitié. On ne leur fit cette grace que l'année suivante. (a)
3838.
XXXIX. Attalus frere d'Euménes fut accompagné à son retour par Publius Lici-
Les Gala- nius & par quelqu'autres Ambassadeurs, qui avoient commission de terminer
tes mépri- la guerre qui étoit entre Euménes & les Galates. Euménes avoit rassemblé
fent les
ordres des ses troupes à Sardes, & les Gaulois avec leur chef Solovettius étoient cam-
Légats Ro- pez prés de Synnade. L'Ambassadeur Romain & Attalus se rendirent à Syn-
mains. nade, & y eurent une conférence avec le Général des Galates; mais ils ne pu-
Liv.1. 4f.
rent rien gagner sur son esprit; le Gaulois n'en devint que plus fier, quand
il se vit recherché par un Ambassadeur Romain; ce qui parut d'autant plus
étonnant, que l'autorité de Popilius seul avoit pu d3une feule parole mettre
fin à la guerre entre les Roys d'Egypte & de Syrie, & que h s ordres du Se-
nat portez par Licinius, ne touchérent point ce Barbare. Cependant quelque
tems aprés les Galates envoyèrent leur Ambassadeur à Rome, & le Sénat les
confirma dans leurs privilèges & dans leurs Loys; mais à condition qu'ils de-
meureroient dans leurs limites sans en sortir, pourporter la guerre audehors.
Rome étoit bien aise de tenir Euménes occupé dans la guerre contre ces peu-
ples pour l'empêcher de songer à autre chose.
,
XL. PruliasRoy de Bithyniefut un de ceux dont l'arrivée à Rome se fit plus
PrusiasRoy
remarquer. Ce Prince y faisoit éléver son fils Nicomédes; & il s'étoit gou-
deBithynic verné
arrive àRo- pendant la guerre de Perlés d'une manière qui fut approuvée de la
me. An du
République. Dez-qu'on sçut qu'il étoit débarqué le Senat envoya au de-
, -
M. 3838. vant de lui jusqu'à Capouë le Quêteur Cornelius Scipion, avec ordre de le
avant J. G. défrayer lui & toute sa suite, de lui faire préparer dans Rome un logement
162. Liv.
1.4i. Valer.
le plus commode que l'on pourroit, & de lui faire par tout le meilleur accueïl
Max. 1. S. qu'il seroit possible. Prusias s'étoit fait raser la tête, & avoit pris l'habit, la
c. ï. Polyb. chaussure & le bonnet des affranchis, voulant marquer qu'il tenoit sa liberté
Legat. 97. du peuple Romain. Les Historiens Latins semblent avoir eu honte de ces avi-
Diodor. lissemens du Roy de Bithynie; ils les ont omis, dans leurs histoires. Mais
Legat. 22.
aut 23. Polybe & d'autres auteurs Grecs les ont écrit. Arrivé à la place publique, &
la foule du peuple fêtant assemblée autour de lui, il s'arrêta proche le tribu-
nal du Préteur, & déclara à haute voix qu'il avoit traversé les mers pour venir
rendre graces aux Divinitez Romaines, & féliciter le peuple Romain de leur
nouvelle victoire. Le Préteur lui ayant faitsavoir, que s'il vouloit, le Sénat
lui donneroit audience le jour même. Il demanda deux jours pour voir la
ville & visiter les temples & ses amis. On lui donna pour l'accompagner le
Questeur Cornelius Scipion. Toute la ville s'empressa à lui faire honneur.
XLI. Le troiiléme jour on l'introduisit au Senat. On entrant il baisa le [tuïl
BaiïelTe du de la & dans sa harangue il traita les Senateurs de Divinitez viables&
Roy Pru- porte,
fias envers bienfaisantes, il leur donna les noms de Sauveurs & Liberateurs (particularitez
le Sénat qui ont encore été omisespar les Latins) il fit son compliment sur la victoire
remportée sur Perfés, il fit le recit des secours qu'il avoit donnez aux Ro-
mains, demanda la protection de Rome pour lui & pour son fils, qu'on lui
permit
permit d'immoler dix victimes de la première grandeur au Capitole & une à
Préneste, & qu'on lui accordât la propriété d'un territoire qui avoit autrefois
appartenu au Roy Antiochus, & dont les Galates s'étoient emparez; on iui
répondit avec beaucoup de bonté, & on lui permit de faire les sacrifices,
dont les victimes lui seroient fournies aux frais du public. A l'égard du ter-
ritoire qu'il demandoit, on ordonna que l'on envoyeroit des Commissaires
sur les lieux, pour entendre les parties. On ajoûta à tout cela de trés-grands
présens en argent monnoyé & en vases prétieux, & on lui donna en pur don
deux cens vingt barques qu'on avoit enlevées sur Gentius en Illyrie. Prusias
partit pour la Bithynie, aprés avoir sejourné à Rome seulement trente jours.
Présque dans le même tems on annonça au Senat qu'Euménes Roy de XL 11.
Arrivée
Pergame venoit aussi à Rome. Cette nouvelle embarassa le Senat, qui n'étoit d'Euménes
nullement content de la conduite d'Euménes, & qui ne vouloit pas toute fois en Italie.
rompre avec lui d'une manière éclatante. On trouva un expédient, qui fut.Decretdu
de faire un Decret qui defendoit à tous les Roys de venir à Rome, s'ils n'y Senat qui.
étoient mandez. Dez que l'arrivée d'Euménes à Brunduse eut été annoncée, l'empêche
de venir
on fit partir un Questeur pour lignifier l'arrêt au Roy de Pergame, & pour à Rome.
savoir de lui ce qu'il désiroit & ce qu'il avoit à traiter avec le Senat. Eumé- Liv. 1.46.
nes sans répliquer un seul mot,si non qu'il ne demandoit rien, se rembarqua Polyb. La-
& retourna dans ses Etats ; ainsiRome se vengea indirectement de ce Prince, gat.97*
qui avoit sur les bras les Galates, lesquels sçurent se prévaloir de sa disgrace
& du refroidiÍfenlent de ses amis.
Pendant que ces choses se passoient en Italie, Anicius pacifioit Plllyrie, XLlll.
& Paul Emile la Macédoine, & régloient les affaires de ces Royaumes, en régle Anicius
les
attendant qu'il plût au Senat de les réduire en Provinces, ou de leur don- affaires
ner la liberté. Il prit ce dernier parti, on ignore par quels motifs, & nom- d'illyrie ;
ma des Commissaires pour y signifier leur ordonnance & donner les ordres on réduit
nécciïaires. Dans l'entretems Anicius avoit laine le gouvernement de Scodra l'Epire en
province.
en Illyrie à Gabinius, & celui deRhizOll & d'Olzinium à Licinius. Delà il Liv. 1. 45.
marcha contre l'Epire, qui s'étçit déclarée pour Gentius. La Province se
sournit d'abord, à la réserve de quatre ou cinq places, lesquelles toutefois
n'osérent soûtenir des siéges; elles se rendirent à l'approche d'Anicius,& l'E-
pire demeura tranquile. Delà le Préteur retourna à Scodra, où il trouva les
cinq Commissaires chargez des ordres du Senat. On les notifia à toute la
nation, représentée par les principaux de l'Etat, qui furent convoquez à Sco-
dra, & à qui l'on fit savoir que la République rendoit la liberté àl'Illyrie, que
les Romains en retireroient incessamment leurs troupes, & qu'ils se conten-
teroient de la moitié du tribut que le pays payoit auparavant aux Roys. On
partagea la Province en trois parties, & on accorda la liberté & l'exemption de
tributs à certaines villes, qui s'étoient volontairement données aux Romains
avant la guerre.
Au commencement de l'Automne, Paul Emile voyant la Macédoine xnr.
trnnquile, confia la conduite de l'armée à Sulpitius Gallus,.& entra en Thes- Paul Emile
la
falie, pour aller delà faire une visite pacifique de la Gréce. Il étoit accom- visite
Gréce.
pagné de son fils Scipion , & d'Athénée frere du Roy Euménes, & suivi de Liv. 1.4..
grand
grand nombre de chariots chargez des dépouïlles prises dans la Macédoine,
& qu'il vouloit distribuer dans les temples les plus fameux & dans les villes
les plus considérables. Il visita le temple de Delos, y fit des presens magni-
fiques; & ayant remarqué une colomne quarrée, sur laquelle on devoit pose-r
une statuë d'or de Persés, Paul Emile y fit placer la tienne. Il visita aussidans
la Béotie le temple ou la caverne soûterraine de Trophonius, célébre par ses
Oracles. Delà il se rendit à Chalcis dans l'Eubée, visita l'Euripe, & considéra
son reflux si vanté & le pont qui joignoit l'isle au Continent. Aulide port
,
fameux où Agamemnon immola sa fille Iphigenie, ne fut pas oubliée.
XLV. Athènes surtout le charma par les excellens restes d'antiquité qu'il y
Sage con- trouva par les morceaux de sculpture & de peinture, & par le souvenir de
duite de ,
de grands hommes qui avoientillustré cette célébré ville. D'Athènes en
Paul Emile tant
dans son deux jours il vint à Corinthe, puis à Sicyone & à Argos, & enfin à Oiym-
voyage pie, où il vit avec étonnement la fameuse ltatuë de Jupiter Olympien, ouvrage
en Grèce. de Phidias, qui avoit sçu donner à la figure du Dieu du tonnere, l'air ma-
jestueux qui lui convient. Dans les villes de son passage il dissimula prudem-
ment,& traita d'une manière égale, & les amis déclarez de Rome, & les amis
secrets de Persés & ne voulut recevoir aucune accusation contre ceux qui
s'étoient déclarez ,pour ce Prince. Tout son voyage fut marqué par des grâ-
ces, des bienfaits, des actes de justice & d'équité. Approchant d'Amphipolis,
il fut surpris de voir Persés venir au devant de lui avec quelques gardes. Il
le reçut avec bonté, mais reprimenda en particulier Sulpitius de lui avoir ac-
cordé cette permission.
XLVl.h
Les dix Députez du Senat étant arrivez a Apollonie, Paul Emile partit
Arrivée incontinent pour les accompagner à Amphipolis,où il indiqua une assemblée
des Dépu- de .tous les ordres du Royaume. Là il publia le Decret du Senat, qui portoit
à
tez du Se- que le Royaume de Macédoine jouïroit l'avenir de la liberté, & que chaque
nat pour ville se choisiroit ses Magistrats tous les ans, que les Macédoniens ne paye-
rendre la
liberté à la roient aux Romains que la moitié des tributs qu'ils payaient à leurs Roys.
Macédoi- On partagea la Macédoine en quatre Provinces, & on défendit aux Macé-
ne. doniens de se marier hors de leurs Provinces & de s'établir ailleurs. On leur
défendit de travailler aux mines d'or& d'argent, & on leur permit de travail-
ler seulement aux mines de cuivre & de fer ; défense de couper dans la Ma-
cédoine, ou de laisser couper par des étrangers, du bois propre à faire des
vaisseaux. Permis aux Dardaniens de faire commerce de sel avec les Macé-
doniens. Les Macédoniens furent charmez du recouvrement de leur liberté;
mais ils murmurèrent un peu de ce qu'on voulut les obliger à ne le marier
que dans leur Canton, & à ne pouvoir s'établir ailleurs, que dans ces mêmes
Cantons.
XLV 11 Les Commissaires écoutérent ensuite les accusations formées contre les
Règlement partisans de Persés. On en déféra & on en punit un grand nombre. D'au-
de Paul tres furent conduits à Rome, pour y être jugez. Paul Emile établit ensuite
Emile dans nombre de Magistrats, qu'il avoit choisis pour composer le Sénat particu-
Macé. un
la
doine. lier de chaque Canton,& en même tems il fit publier un règlement, quior-
donnoit à tous ceux qui avoient eu part à l'ancien gouvernement du Royau-
me,
me, d'en sortir; dans ce nombre étoient compris les Minières d'Etat, les
Commandans des armées, les Gouverneurs des Provinces, les Intendants,
les Ambassadeurs, les Favoris & les Courtisans de Persés. Cet ordre fit mur-
murer les interessez. Mais le peuple ne fut pas faché de se voir délivréede
cet sortes de gens, qui leur étoient odieux & à charge.
Paul Emile avant que departir pour Rome, voulutdonner quelquechose XLVlIl.
au gout des Grecs, qui étoient passionnez pour les speéfacles, & qui excel- Jeux fo-
lemnels re-
loient dans tout ce qui concerne l'ordonnance, la décoration, l'élegance, présentez
la beauté des jeux publics. Il ramassa à All1phipoIis tout ce qu'il y avoit dans à Amphi-
la Grèce d'Acleurs célébres, d'habiles Artisans, d'Athlètes fameux, d'hom- polis.
111es habiles dans la conduite des chariots, ou dans lacourse des chevaux, afin
de donner à ces jeux toute la beauté, la régularité, & la magnificence dignes
du nom Romain & de lal\lajeilé de la République, au nom de laquelle il les
donnoit. 11 y invita les Roys, les villes & les Républiques & îles pria de s'y
trouver, au moins par leurs Députez. Le concours y fut infini, & ce qui
s'y fit le plus admirer, fut le bel ordre, l'abondance, la paix, qui y régnè-
rent. Tout le monde y fut logé avec bienséance, & d'une manière conve-
nable à son rang, & à sa dignité. Personne n'y manqua de rien, parcequ'il
y avoit des provisions de toutes sortes & en abondance.
Aprés les jeux de toutes sortes, Paul Emile fit un sacrifice auDieuMars, XLIX.
àMinerve & à laDéefleLua, de diverses dépouilles qu'on avoit prises sur l'en- Paul Emile
brûle en
nemi. Elles étoient assemblées en un monceau, mais en bel ordre., boucliers, l'honneur
arcs, carquois, flèches, javelines, dards, armes de toutes sortes, rangées de Mars
comme en trophée. Le Proconsul accompagné des principaux Officiers de une trés-
son armée, y mit le feu en prononçant une certaine formule de consécration. grande
En même tems les Tribuns Legionaires de divers côtez y appliquérent des quantité
de
flambeaux allumez; la flamme s'éleva dans un moment, & la multitude des d'armes toutes for-
asIii1ans poussa des acclamations de toutes parts. tes.
On avoit étalé dans un endroit séparé tout ce qu'on avoit enlevé de L.
richesses, de meubles prétieux, de statuës, de peintures, de vases de prix, Richesses
qui devoient être transportez à Rome. Paul Emile permit à tous ceux qui de Perfés
étalées
étoient venus pour assister aux jeux, de les considérer à loisir, après quoi il aux yeux
les fit transporter sur sa flotte, pour être conduits à Rome. De toutes ces des Grecs.
richesses le Proconsul ne s'en attribua pas la moindre partie, & nepermitpas
que ni ses fils, ni ses gendres en emportaient autre chose, que ce qui leur
en avoit été donné pour récompense de leur valeur. Seulement il accorda
à Fabius & à Nasica d'emporter quelques Livres de la Bibliothèque de Persés,
& fit prêtent à Tuberon l'un de ses gendres, d'une coupe d'argent du poid
de cinq Livres. Tuberon étoit d'une des plus anciennes & des plus illustres
maisons de Rome, mais dans laquelle régnoit encore la primitive simplicité
des anciens Romains. On n'y voyoit encore ni meubles d'argent, ni d'or,
ni bijoux, même pour les femmes. Paul Emile y mit cette coupe pour ser-
vir aux sacrifices.
Etant sur le point de faire voile pour l'Italie, il reçut ordre du Sénat LI.

tt
d'aller mettre les villes d'Epire au pillage, & de les raser après les avoir sac- Saccage-
&
Tom. III. T cagtes. ment
pillage de cagées. Il exécuta ces ordres quoiqu'avec douleur, & ne les communiqua
rfpire. à personne, de peur de soulever les Epirotes. Arrivé à Spelée il détacha Na..
lÀVxl. 4î- sica & Fabius son fils pour aller achever le ravage de l'Illyrie, Pour lui, il
s'avança vers l'Epire, & ne déclara à ses Officiers que l'Epire alloit être aban-
donnée au pillage, que quand il fut arrivé à Paflaron, où le Préteur Anicius
étoit campé avec son armée. Les troupes qu'il envoya dans les principales
villes du pays, y furent reçuës agréablement,dans l'esperance qu'elles venoient
leur annoncer leur prochaine liberté, comme on venoit de faire en Macédoine.
Paul Emile manda les dix Chefs des Epirotes, quigouvernoient tout le pays,
& leur ordonna de lui apporter tout l'or & l'argent qui se trouveroit dans-leur
gouvernement. Ilfutobéï. Le pillage de la Province se commença par tout
au même jour & à la même heure. Tout le gros butin fut mis en commun
Ca) & vendu au profit de toute l'année, à qui l'on distribua deux cens deniers Ca)
Le denier à chaque fantassin, & le double à chaque cavalier. On vendit de plus cent
valoit en- cinquante mille personnes au profit de la République. Aprés cela on rasa
viron dix
&k. les murs & les fortifications des villes de ce malheureux pays, qui s'étoit at-
tiré ce châtiment par son attachement à Perles. Le soldat Romain murmura
beaucoup de ce que le Proconsul ne lui eût pas abandonné le butin de toute
l'Epire, &il en fit dans la suite éclater son mécontentement, en lui conte-
nant l'honneur du triomphe.
Llh. A l'imitation, & peut-être par émulation des jeux que Paul Emile avoit
Jeux fo fait représenter à Amphipolis, Antiochus Epiphanes Roy de Syrie, en fit re-
lemnelsre- présenter d'autres i') Daphné prés la ville d'Antioche. il les fit
présentez annoncer dans
à Antioche toutes les villes, & il s'y trouva une
infinité de spectateurs de toutes les par-
parle Roy ties du monde. Le spedacle commença par une marche de cinq mille hom-
Antiochus mes armez à la Romaine avec des cuirasses, ou cottes de mailles. Ilsétaient
Epiphane.. suivis d'un ,
corps de Mysiens de pareil nombre, aussi armez, puis venoient
Polyb. bisi.
I li.apud trois mille Ciliciens armez à la légére avec des couronnes d'or sur la tête;
Athen. /.<>. après on voyoit trois mille Thraces,& cinq mille Galates, & d'autres soldats
c. 4. l. 10- qui portoient des boucliers d'argent.
On remarquait ensuite deux cens qua-
*. 12. & rante paires de Gladiateurs, suivis de mille cavaliers montez sur des chevaux
.Diodor. in
Excerpt. denise, & trois mille montez sur des chevaux ordinaires, portant des cou-
Valis. ronnes, les uns d'or, & les autres d'argent. Leurs chevauxétoient étoient capara-
f, 3^1. 3*2. çonnez ou bardez d'or, de même que ceux des alliez qui au nom-
bre de mille. Outre cela on voyoit deux mille autres cavaliers ornez de mê-
me. la marche étoit fermée par fer,quinze cens cavaliers tout couverts, tant les
hommes que les chevaux, de ou de cuivre, & ayant des casaques de
pourpre brochées d'or. Enfin on voyoit cent chariots à six chevaux & qua-
rante à quatre chevaux, &deux chariots attelez d'Eléphans) outre trente-six
Eléphans qui étoient conduits seuls à seuls.
Aprés venoient huit cens jeunes hommes avec des couronnes d'or,
mille bœufs gras destinez pour les sacrifices, trois cens Autels, huit cens dents
d'Eléphans, les figures de tous les Dieux, Déesses, Héros, demi-Dieux,
ornez d'or, ou revêtus de robbes brochées d'or.- Les statuës du Jour,Denys de la
Nuit, da la Terre, du Ciel, de l'Aurore, duMidy, mille serviteurs de
Secre-
Secrétaire du Roy, portant des vases d'argent, dont le moindre pesoit mille 1

dragmes. Ils étoient sui-vis de six cens pages du Roy, chargez de vases d'or.
Venoient après deux cens femmes qui portoient des vases d'or, d'ou elles ré-
pandoient des parfums sur les Spectateurs. On voyoit aprés cela quatre-vingt
femmes, portées dans autant de litières, à pieds d'or, & cinq cens autres
femmes dans des Litiéres à pied d'argent.
Les jeux & les speftacles de Gladiateurs, les chasles & les combats du- Z77h
rèrent trente jours. Les Spedateurs furent tous les jours régalez de parfums Magnifi-
de diverses sortes, qui étoient contenus dans quinze grands vases d'or. On d'Ando- cence
traitoit à manger tous les jours grand nombre de conviez, tantôt à mille & chus dans
¡tantôt à quinze cens tables. Mais ce qui déshonoroit & la personne du Roy la repré-
& tout ce superbe appareil, étoit le Roy même, qui sans égar\l à sa dignité, sensation
conduisoit lui-même la pompe, comme un maitre de cérémonie, & faisoit de sesjeux.
servir les tables comme un maître d'Hôtel; monté sur un petit cheval il alloit
ça & là par les rangs de la marche, faisoit avancer les uns, arrêter les autres;
puis le tenant à la porte de la Sale où il donnoit à manger, faisoit entrer les
uns, rebuttoit les autres, mettoit ceux-ci en leur place, conduisoit ceux qui
apportoient les mets, tantôt Sasfeoiolt, & tantôt le couchoit à table, puis
quittant sa coupe & Ion manger , sortoit de table & alloit par la Sale pour
voir si tout étoit servi à sa volonté; il se joignoit à ceux qui divertissoient la
compagnie, & prenoit les coupes qu'on lui présentoit & buvoit les santez
qu'on lui portoiL Aprés le repas lorsque la plupart s'étoient retirez, il se fai-
soit apporter dans la Sale par les Comédiens ou les batteleurs, & demeuroit
couvert & couché parterre, jusqu'à ce que la symphonie l'éveilloit, & alors
isse levoit tout nud,& se mettoit à danser& à faire le personnage d'unacteur
de Théâtre, ce qui causoit tant de honte à l'assemblée, que tout le monde se
retiroit.
Dans tout cela on remarquoit la foiblesse de respnt de ce Prince, quise LlV.
rendoit ridicule & méprisable à ses sujets, & qui par ce pompeux étalage de Person-
ses richesses, iourniflbit aux Romains un apas pour s'en rendre maitres à la nage ridi-
cule & mé4
première occalion. Peu de tems aprés arriva à sa Cour Tiberius Gracchus prisable
Envoyé de Rome, pour examiner ses démarches & pour le sonder sur ses di- que fait
spositions envers la République & envers le Roy d'Egypte. Mais Antiochus Antiochus
sçut si bien se contrefaire, que Gracchus ne soupçonna pas même qu'il se ref dans ses
sentît de l'affront que Popilius lui avoit fait, ni qu'il conservât le moindre res. jeux.
sentiment contre les Romains, quoyqu'au fond de son cœur, il les regardât
comme ses plus grands ennemis, & que dez-lors il eut pris des mesures se-
cretes avec Euménes Roy de Pergame, pour leur faire la guerre; mais pour
lors il étoit obligé de dissimuler à cause de la résistance des Juifs de la Pale-
siine, qui réfusoient de se soûmettre à ses ordres, & qui occupoient une bonne
partie de ses troupes dans cette Province.
Cependant Paul Emile arriva à Rome porté sur une galére à seizerangs LV.
de rames, qu'il avoit prise sur Persés, dans un des ports de la Macédoine. Arrivée de
Cette galère remonta le Tibre à la veuë d'une infinité de personnes de tout Paul Emile
à Rome.
Úgc, qui s'étaientrenduës sur le rivage pour voit" arriver.
le Elle étoit ornée An de Ra...
Ttt z des me 586.
duM.3838. des plus beaux boucliers pris sur l'ennemi, & des plus riches' tapisseries du
avant J, (5. Roy de Macédoine. Ce Prince & Philippe sou fils aîné, avec le Roy Gentius
362. & une multitude innombrable de captifs Macédoniens, Grecs, illyriens,
Liv.l. 45" Epirotes, cy-devant gensde considération, êtoient débarquez quelques jours
auparavant. Peu de iours après arrivèrent aussi Anicius vainqueur de Gentius
Roy d'Illyrie, & le Préteur O&avius Amiral de la flotte Romaine, qui avoit
tirePertes de lIsle de Samothrace. Les honneurs du triomphe furent accor-
dez sans peine à ces deux derniers, mais ils furent longten1s contenez Paulà
Emile.
'LVI. le
Sulpitius Galba qui avoit servi en Macédoine avec- titre de Tribun
Le triom- Lpgionaire, soûleva contre Paul Emile les soldats qu'il avoit ramenez & qui
phe est étaient mécontens de la sévérité de leur Général, & de ce qu'il ne leur avoit
contesté
à Paul Emi- pas abandonnele pillage entier de toutes les richesses de l'Epire. Sulpitius
le. après avoir fait différer la décision du peuple,qui penchoit à accorder le triom-
JJv. l. 4Ç. phe a Paul Emile, fit assembler pendant la nuit sur la montagne du Capitcle,
Plutarch. le plus de soldats qu'il lui fut poffible-, & n'y laissa monter qu'un petit nom'
i1t Paulo.
bre de Citoyens, qui étaient de son complot. Déja la premiere tribu avoit
conclu à rétl1ser le triomphe au conquérant de la Macédoine lorsque Je
,
Sénat fut informé de cette séditieuse entreprise. Il dépufctquelqu'uns des plus
accréditez de son corps pour en arrêter les fuites. Un de ces Senateurs nom-
mé Servilius harangua & le peuple & tes-soldats, & les fit revenir à décerner
le triomphe à Paul Emile. Le jour eniut fixé au dernier jour de Novembre,
& il fut résolu que le triomphateur le jour de son triomphe donneroit seul
tous les ordres dans la ville.
LVIL PaulEmile avoit fait paffer par adoption les deux fils de son premier lit
Mort des dans les premiéres familles de Rome;, l'aîné fut transmis dans la famille des
deux fils Fabius, & le cadet dans celle des Scipions; il fut adopté parScipioa Nasica
de Paul
Emile. fils de Scipion l'Africain. Lefljjeux fils qui luirestoient & qu'il avoit eu d'une
seconde femme, lui furent enîévez par la mort. L'aine qui n'avoit que qua-
torze ans, mourut cinq jours avant le triomphe de .son Pere, & le second ne
survecut que huit jours à son frere. PaulEmile vit d'un oeil sec la mort de ses
enfans & le deuil de sa famille. Son triomphe se fit avec l'éclat & la pompe
ordinaire, pendant que dans le fond du coeur, ce grand homme faisoit vio-
lence à la nature pour dissimuler la douleur, dont il étoit pénétré; heureux
s'il eut sçu mettre à profit ces rudus épreuves, pour réconnoitre la main de
Dieu qui aime à faire sentir à ceux qu'il éléve aux plus grands honneurs ,leur
foible{[e> leur dépendance & son souverain dojnaine sur sa créature.
Ill.
LV Le triomphe de Paul Emile dura trois jours. Le premier jour on vit en-
x Triomphe trer par la porte triomphale deux cens cinquante chariots chargez de tout ce
de Paul qu'il y avoit de plus beau & de plus précieux parmi les "dépouilles prises sur
mile.
JE
Plut. in Perlés en sculpture & en ouvrages de peintures. Le fécond jour ou vit pas-
Paulo. Veil. ser les ,chariots chargez des armes qu'on avoit enlévées aux peuples vaincus.
Patercul. Aprés vinrent trois mille hommes, ayant sur dts brancards portez à quatre
iib. 1. c. 9, personnes, des urnes prétieuses qui renieraioient l'argent monnoyé qu'on
JJv, /» 4J.
avoit rapporté de l'Orient. Ces richefics furent si grandes , que dépuis Paul
i.nule
Emile jusqu'au tems d'Augure , il ne fut plus nécessaire de lever des impôts
sur le peuple. Enfin le troisiéme jour aprés les tambours, les cors &
les trompetes, on vit paroitre six-vingt taureaux gras couronnez de festons
Se ornez de guirlandes, conduits par autant de Sacrificateurs, portant
laha-
che sur l'épaule & parez d'une ceinture en broderie, & suivis de quantité de
jeunes garçons fort bien vêtus, qui portoient les vases propres a recevoir le
sang des vidimes.
A la suite de ces Ministres de la religion, venoient soixante & dix lept
urnes portées par quatre hommes, & qui renfermoient tout l'or qu'on avoit
pris sur l'ennemi. Ils étoient suivis d'hommes à pied, qui faisoient remarquer
au peuple les coupes d'or & d'argent de la
façon de Thericies fameux Or-
févre. Puis on voyoit le buffet & toute la plus prétieuse vaisselle de Persés,
san char, ses armes & son bandeau Royal. Les jeunes Princes fils de Persés
venoient ensuite, ilstendoient de tems en tems les mains vers lesassistans pour
les émouvoir à compassïon. Persés les suivoit vêtu de deuïl, chaussé à la Ma:"
cédonienne. L'excès de sa douleur & de son désespoir l'avoient rendu comme
Hupide & insensible ; ses amis & ses courtisans versoient des larmes. Les ca-
ptifs de diverses nations &Bétis fils du Roy Cotys, suivoient le Roy Persés.
On plaignoit moins son désastre, parcequ'il n'avoit pas eu le courage de pré-
venir cette ignominieuse cérémonie, par une mort volontaire. Enfin le char
de Paul Emile purottîb't, & ce grand homme avoit à ses côtez ses deux fils
Scipion & Fabius, montez à cheval à Ja tête de la cavalerie Romaine. L'in-
fanterie suivoit en bon ordre. La journée finit par les sacrifices accoutumez
& par les largesses qu'il fit a ses soldats.
Persés fut d'aburd confiné avec son fils dans une étroite prison à Albane; MortLIX.
de
il en sortit ensuite par le crédit de Paul Emile & deLepidus Prince du Sénat, Persés.
& demeura deux ans dans une espèce de liberté, mais toujours attaché parla Liv. 1.46.
main droite à la main gauche d'un soldat qui ne le quittoit point, & gardé à c. 16.
veuë par d'autres soldats. Les uns disent qu'il se laissa mourir de faim, ennuyé
d'une vie si triste. D'autres racontent que les soldats qui le gardoient, & qu'il
avoit offensez, le firent mourir par l'inlomnie. On ne nous dit rien de la mort
de Gentius Roy d'illyrie. Pour Betis fils de Cotys Roy des Odryses, son Pere
l'avant fait demander au Sénat & offrant de payer sa rançon, fut renvoyé à ce
Prince,dont Rome aima mieux se faire un ami, que de se venger des liaisons
qu'il avoit euës avec Persés. Alexandre fils infortuné de ce dernier Prince,
apprit un métier pour gagner sa vie, & à la fin il servit de Secretaire aux Ma-
gistrats d'Albe. AinE la Providence éléve & abaisse, enrichit & appauvrit,
dispose des Royaumes & des couronnes, avec une Souveraine puissance &
avec une sagesse impénétrable. LX.
Les Consuls que Rome se donna pour l'an ,87. de sa fondation, furent C. Sulpitius
Q. Sulpitius Gal'us, ce lavant qui avoit prédit l'Eclypse dont nous avons parlé, Gallus, &
& AI. Claudius Marcellus. Leur Consulat ne fut illustré par aucun exploit M. Clau-
considérable. Ils conduisirent leur armée dans la Ligurie & dans la Gaule dius Mar-
cellusGoa-
Cifilpine. Ils y sorre"tent quelques chateaux. On ne tailla pas de leur accor- luis. An(1;;
der le triomphe. R. 587.
duM.?8?. Dans l'Orient Antiochus Roy de Syrie donnoit toujours de l'ombrage
avantJ. G. aux Romains, par ses engagemens secrets avec Euménes Roy de Pergame.
16t. Prusias Roy de Bithynie ne cessoit de crier contre ce dernier Prince, disant
LXI, qu'il ravageoitlaBithynie & vouloit s'emparer de quelques places de ses Etats,
Prusias Roy
de Bithynie qu'il continuoit à molester les Galates, lans se mettre en peine des deffenses
se plaint à du Sénat. Quelques villes d'Asie envoïérent leurs Députez à Rome pour
Rome du former leurs plaintes. Le Senat ne s'expliqua point, mais se confirma dans
Roy leumé- 1-es défiances qu'il avoit contre les Roys Antiochus & Euménes. Ce
nes.
conçues
Liv. 1. 46. dernier fit partir quelque tems aprés ses deux freres Attale & Athenée à Rome
Polyb. Le- pour fè justifier. Le Senat les écouta favorablement & les reçut avec hon-
gat. 10 6 neur, mais il n'en diminua point pour cela les soupçons qu\l avoit contre
Diodor. Le- les deux Roys; & s'assurer de la vérité, il envoya en Orient Caïus Sul-
gat. 21.
pour
pitius Gallus & Mutius Sergius, pour s'informer exactement, si Euménirs &
Antiochus neformoient point de parti contre la République, s'ils ne faisoient
point de préparatifs pour la guerre; mais cecy n'arriva que l'année suivante,
puisque, comme nous venons de le dire, C. Sulpitius Gallus étoit Consul
cette année-ci.
LXll, Quelque tems auparavant le Roy Antiochus ayant donné la moitié de sou
Antiochus armée avec les Eléphans, à Lyfks pour combattre les Maccabées, prit le re-
Roy de ste de ses troupes, passa l'Euphrate & parcourut les Provinces de ces quar-
Syrie visite
les Provin- tiers là qui obéïssoient
à son Empire; il y fit la guerre à Artaxias Roy d'Ar-
ces supé- ménie, le vainquit, & le fit prilonnier.
ricures de L'année suivante on élut pour nouveaux Consuls Titus Manlius Tor-
son Roy- quatus, & Cneïus Odavius Nepos; leur Consulat ne fournit rien qui mérite
aume, 8c d'être transmis à la postérité. Ils marchèrent en campagne avec leurs trou-
défait Ar-
taxias Roy pes , plutôt pour les entretenir dans le goût & l'exercice des armes, que pour
d'Arménie. faire tête à aucun ennemi.
1
1.lvlar:c.Ill. On vit cette année parmi les Achéens le commencement des grandes
32.37. (ô btouïileries, qui leur attirèrent quelque tems après la guerre de la part des
Appian.
Syriac. Romains, & qui furent suivies de la ruine entière de leur République. Deux
f. 117.<(Ô hommes ambitieux Callicrates & Andronidas résolurent de se maintenir dans
131. Por- les premières charges de cette République, par le crédit des Romains. Pour
phyr. apud réüssir & écarter tous leurs Compétiteurs, ils les accusérent d'avoir
fferon. in y partisanspour du Roy Persés. On accusa enti'autres un Xénon homme fort
Dan. X 1. été
An du M. çonfidéré parmi les Achéens & grand nombre d'autres; comme ilsse[entoient
;S?. Lnnocens, ils se rendirent en Italie, pour plaider leur cause devant le Se-
LXIII. nat. Mais le Senat sans les vouloir entendre les partagea dans différentes
Tit. Man- villes d'Italie. En vain les Achéens envoyèrent ,
à Rome ambassade sur ambas-
lius Tor-
quatus & sade pour les repéter.
On les laissa se morfondre sans les'juger. La haine
Cn. 0&a- de ce procédé tomba principalement sur Callicrates & Andronidas, qu'on
vius Nepos regarda dans leur pays avec exécration; mais cela même rendit les Achéens
Consuls. plus suspects aux Romains.
An de R. choisit pour Consuls Au 1. Manlius Torquatus, &
588. du M. L'année suivante 011
l84o.avant Q. Cassius Longinus; qui ne trouvèrent pas plus d'occasion de se diitinguer,
J. C. 160. que les Consuls des deux années précédentes. Ils ne laiiïerent pas de con-
Commen- duire
duire leurs Legions dans la Ligurie, & dans la Gaule Cisalpine, où ils ne cemsntdes
rencontrèrent point d'ennemis. troubles
Les deux Roys d'Egypte Philométor & Physcon, ne vécurent pas long- de l'Acha-
tems en bonne intelligence. Cleopatre leur mere, toujours indisposée contre ïe, gl4tin.t 34.
Philométor, le fit chasser de l'Egypte & laissa leseul Physcon maître du Roy- Polyb. Le-
aume. Philométor se réfugia dans l'Isle deCypre, & y attendit une nouvelle gat. 103.
occasion de remonter sur le Trône. Il ne l'attendit pas longtems; Physcon ioç.
LXlVr
pour se défaire de sa mere, qui vouloit- régner sous son nom, la fit secrete- AuI. Man-
nient mourir. Les Egyptiens en furent informez, chassérent Physcon & rap- liusTor-
pellérent Philométor, qui fit la guerre aux Thébaïns,:qui s'étoient revoltez. quatus &
Il faut apparemment l'expliquer des Thébaïns de la haute Egypte & non CL-Caflius-
des habitans de Thébes en Béotie, que Pausanias a entendu en cet yendroit. Longinus
Sous les mêmes Consuls, Paul Emile fut nommé Censeur avec Q.Mar- Ande Go n i*Uls.
R.
cius Philippus. Rien de plus modéré que la conduite qu'ils tinrent durant 5 g. du M..
leur Censure. Ils ne retranchèrent que trois personnes du nombre des Sena- 3 840*avant
teurs, ils firent tracer dans la place publique un cadran solaire, plus jusie& J.G. 16o.
LXV.
plus proportionné au Climat de Rome, que ne l'étoit celui qu'on avoit ap- BromUe-
porté de Sicile, allez longtems auparavant. Dans le dénombrement du ries en
peuple Romain, il se trouva trois cens trente-sept mille cinq cens cinquante Egypte
deux hommes, en état de porter les armes. entre les-
On choisit cette année de nouveaux Consuls, & le' choix tomba surTi- Roys Phi-
lométor Se
berius Sempromus Gracchus, & Marcus Juvencius Thalna. Le sort destina Phy(con.
ce dernier à palier dans l'Isle de Corse, pour y réprimer une sédition que les Pausan. iie
Insulaires y avaient excitée. Gracchus fit une campagne stérile dans la Ligurie. Atticïs c. 9-
Comme les sujets de défiance que la République avoit conçus contre les Liv. 1.46.
Roys de Pergame & de Syrie & contre les Achéens subsistoient toujours, elle c LXVI. 21. 22.
députa en Orient quatre Ambassadeurs, savoir Sulpicius Gallus & Marcus Paul Emile
Sergius pour l'Achaïe & pour le Roy Euménes ; & Q Memmius & T. Ma.- Censeur
nilius pour le Roy de Syrie. Les premiers se rendirent d'abord en Achaïe, avec
Marcius
& au lieu de travailler à pacifier cette Province, ils y allumèrent de plus en Philippus,
plus le feu dela division. Ils renvoyérent à Callicrate, qui, comme on l'a Liv, L 46.
veu, étoit devenu l'horreur de sa patrie, la connoissance & la décisioil des Plin tus 17-
démélez entre Lacédémone &Mégalopolis. Ils permirent aux Etoliens, qui c. 60. Cen-
demandoient d'être séparez du corps desAchéens, de députer à Rome pour •jÕrilt. de
Die Natals
en demander la permission, qu'ils étoient bien seûrs qui ne leur seroit pas c. 19.
resusée. LXV]F,
Delà les deux Députez se rendirent au Royaume de Pergame, & y Tiher.Sezn-
publièrent un édit qui permettoit a tous les sujets d'Euménesyde porter leurs promus
plaintes contre lui devant les Ambassadeurs. Le nombre des plaignans sut in- & Gracchus
M.
fini. On les entendit pendant dix jours entiers, & Sulpitius se fit une espèce vendus.Jur-
d'honneur de les écouter favorablement, & de donner des marques publiques Thalna
de ion aversion contre Euménes. Consuls.
Les deux Àmbassadeurs qui étoient dessinez pour ITgypte & pour la An (.re R.
Syrie, trouvérent l'Egypte en trouble & la Syrie sans Roy. Antiochus Epi- 3840r Î90. cruy,
phanes étoit mort peu de tems auparavant comme nous l'avons raconté LXVU1,
>
ailleurs, AmtaS*-'
deurs au- ailleurs, & les deux freres
Roys d'Egypte s'étoient de nouveau brouillez.

ménes.
Polyb. apud Rome. Demetrius sils de Seleucus
Vales.p.141).
Ëij lib. 31.
,
prés d'iu- Physcon avoit chassé Philométor ,& ce dernier s'étoit fauvé en Italie presque
sans suite. 00 Il fit àpié le voyage dépuis le lieu où il étoit débarqué jusqu'à
& neveu d'Antiochus Roy de Syrie, qui
étoit en otage à Rome dépuis plusieurs années, ayant sçu l'arrivée du Roy
Polyb. d'Egypte en Italie,& le pitoïable état où il étoit réduit, alla au-devant de lui
LXIX. jusqu'à 26. mille de Rome, lui offrit un cheval, & des habits conformes à sa
A mb a ifa- dignité, lui ceignit le Diadème sur la tête, & l'exhorta d'entrer à Rome dans
deurs Ro- l'équippage qui lui convenoit. Mais Philométor lui renditgraces de sa bonne
mains en le laitier entrer à Rome sans appareil, & de s'arrêter dans
Egypte & volonté, le pria de
en Syrie. quelque ville sur sa route, de peur de le faire connoître. Pour lui, il alla pren-
- 2.. Macc. dre son logement chez un peintre d'Alexandrie.
lX. ç. io. Le Senat ne fut pas plutôt informé de l'arrivée du Roy Philométor, qu'il
Macc.
VI. 10. i?. lui envoya
faire des complimens & des excuses, de ce qu'on ne l'avoit pas
An du M. reçu sélon sa dignité, n'ayant pas
voulu notifier son arrivée^# On lui assi(Tiia
3 840. un logement convenable,& unQuefleur fut nommé pour faire les frais de Ion
(a) sejour. Il parut au Senat, on écouta tes plaintes contre son frère,& on lui
An du M. fit espérer prompt rétablissement. En effet l'année suivante le Sénat fit par-
3842. un
Vide Ujer. ^ tir deux Ambassadeurs Canulcius & Quintus, qui réconcilièrent les deux fre-
ad hune an. res Philométor & Physcon, & partagérent le Royaume de telle sorte, que Phi-
polyb. Le- lométor demeuroit maitre de l'Egypte & de l'Isle de Cypre, & que Phyfcon
gat. [07.
ou Evergéte régneroit dans la Cyrénaïque; mais Evergétes ne s'en tint pas à
Va.hr. Ma- rendit à Rome pour le faire casser; & Philométor y en-
xim. /. ce règlement. Il se
C. 1. Dio- voya un Ambassadeur pour leSyrie, [oûtenir, ainsi qu'on le verra bientôt.
dor. Sieul. Quant aux affaires de elles étoient dans un grand dérangement,
in Excerpt. principalement par la guerre que le Roy Antiochus Epiphanes avoit mal à
Vales.
propos allumé dans la Judée, & où.JudasLVlaccabée avoit dans plusieurs ren-
p. 322.
LXX. contres battu les Généraux qui y avoient été envoyez. Epiphanes en mourant
Troubles avoit donné son Diadème & son anneau à Philippe son confident, lui con-
en Syrie fiant le gouvernement de ses Etats & l'éducation de son fils Antiochus Eupa-
aprés la
tor, qui n'avoit qu'environ neuf ans. Mais Lysias à qui le Roy Epiphanes
d'An-
mort
tiochus avoit laissé en partant le gouvernement de ses Etats, ayant mis le jeune Eu-
Epiphanes pator sur le Trône, se fit confirmer dans son employ, & Philippe fut obligé
de se retirer en Egypte auprés du Roy Philométor, avec le corps du Roy
Antiochus qu'il rapportoit avec lui.
LXX1. D'un autre côté Demetrius fils de Seleucus Roy de Syrie, qui étoit alors
Demetrius en otage à Rome, & à qui le Royaume devoit appartenir de droit, s'adre-fïa
fils de Se-
au Senat, & lui demanda sa protection pour rentrer dans les Etats de ses Pè-
leucus de-
res. Les plus sensez & les plus équitables trouvèrent sa demande raisonnable,
mande au grand nombre, consultant plutôt la politique & l'intérêt de Ro-
Senat de mais le plus
retourner me, que la justicede la
cause de Demetrius, opinérent à laisser sur le Trône
en Syrie. le jeune RoyEupator, & de s'emparer du gouvernement
de ce Royaume sous
Liv. /. 46. le
nom de Tutéle. On envoya donc en Syrie, sans que ni le Roy défunt ni
Polyb. Le-
son fils, ni les Etats de Syrie l'euflfent demandé, trois Senateurs pour diriger
gat. 107. Ces Députez furent Cneïus Ottavius, Spurius
,Yt!flill-1-3 4 l'enfance du jeune Roy.
Lucretius,
Lucretius, & L. Aurelius. Ils partirent pour la Syrie, avec ordre de brûler Appiani
tous les vaisseaux qu'Antiochus avoit au-delà du nombre qui avoit été préscrit Syriac.
à Antiochus le Grand & de couper les jarrets à tous les Eléphans. On leur p. 117.
, du &L
ordonna aussi de passer par la Macédoine, pour y assoupir quelques diffé- An 334i.avan6
rends qui y étoient survenus, dépuis qu'elle avoit été remise en liberté, de J.6.
visiter la Galatie & la Cappadoce, & enfin de réconcilier les deux Roys d'E- Iii..
gypte. #
Cependant l'année Consulaire étant expirée, Tiberius Gracchus présida LXX14
à l'assemblée, & le peuple Romain choisitpourConsulPubl. Cornelius Scipio P. Corné-
x

Nalica, & C. Marcius Figulus. Il arriva que le premier qui porta son suffra- Nasica,
>
lius Scipio
&
ge , tomba mort après avoir donné sa voix. Cet accident interrompit Péle- C. Marcius
"

élion,&les Aruspices déclarèrentqu'il y avoit quelque défautsécret dansla con- Figulus


duite de Gracchus ; celuy-cy cria bien haut contre j^ette décision, & le Se-. ConfuJs,
nat ordonna qu'on continuerait l'éledion. Les deus-Consuls partirent pour An de Ro--
leur département, & Tiberius Gracchus fut envoie en qualité de Proconsul dans La me S"I..
même
l'isle de Corse, où le Consul son collégue de l'année précédente étoit mort. année fu-
Il y examina de plus prés les formalitez qui devoient s'observer dans les éle- rent élus P„
étions, & réconnut qu'il avoit commis quelques fautes dans cette rencontre. Cornelius
Il en donna avis au Senat. Les deux Consuls renoncérent à leur dignité, & Gneïus lentulus <$}
Do«
on élut en leur place PubL Cornélius Lentulus & Cn. Domitius iEno- mitius
?
barbus. iEnobar-
Les trois députez du Senat arrivérent d'abord en Cappadoce, où ils fu- bus.
LXXIII.
rent trés-bien reçus par Ariarathe fils du Roy de même nom, mort l'année pré- L'Àmbafla-
cedente. Ce jeune Prince offrit ses troupes aux Ambassadeurs pour les con- deur Oda-
duire en Syrie. Mais ils le remercièrent, persuadez que la Majesté du nom vius est mis
Romain & leur qualité d'Ambassadeurs, lesrendraient inviolables parmi toutes àmort a
les nations. Ils arrivérent à Laodicée sur l'Oron-k-e & Odavius commença Laodicée.
, Polyb.
par brûler les vaisseaux du Roy Antiochus, & à rendre les Elephans inutiles Légat, Il4.
à la guerre. Lysias Tuteur du jeune Eupator & son proche parent, indigné & 122. Ci-
,
de se voir ainsi dépouïllé de la tutelle du jeune Roy, apofta un assasfin qui ceroPhilipp.
poignarda Odavius comme il étoit dans le bain. Lysias fit faire d'honorables i Appian.
ob,sëques à Odavius & fit partir pour Rome une Ambassade, pour excuser Syriac. Li
, assurer p. 117.
cette adion, & pour le Senat le
que jeune Roy Eupator n'y avoit au- L 46. c. 29.
cune part. Le Senat écouta tranquilement les Ambassadeurs, & les renvoïa
sans leur donner de réponse; & pour honorer la memoire d'Octavius, il or-
donna qu'on lui érigeroit une statuë dans la place publique.
Pendant ces troubles l'espérance du Prince Demetrius se reveilla ; Il de- LXXIV.
manda conseil à Polybe l'Historien qui étoit alors à Rome, s'il devoit de Demetrius
,
nouveau s'adresser au Sénat, pour obtenir la permission de retourner en Sy- se retire de
rie, ou du moins de n'être plus retenu à Rome comme otage, puisqu'ilsavoient Rome.
confirmé le Royaume au jeune Eupator. Polybe qui étoit aussi grand hom- Polyb. Legat 114.
me d'Etat, & aussi grand Capitaine, que bonHistorien, lui dit de se garder %

d'aller heurter une sécondé fois contre cette pierre mais de prendre uneré-
solution digne de sa naissimce, l'excitant par-là à prendre ,
la fuite & à se ren-
dre en Syrie. Mais Demetrius aima mieux déférer au conseil d'Apollonius ,
Officier de sa maison, en qui il avoit beaucoup de confiance» Il parut de
nouveau au Senat, & n'en reçut qu'un refus, qui lui fut infiniment sensible.
Dés-lors il ne songea plus qu'à s'echaper de Rome. Polybe lui en sournit le
moïen par le secours de Menytille son ami. Celuy-cy fit marché avec le Ca-
pitaine d'un vaisseau Carthaginois, qui étoit à l'ancre au port d'Ostie, & qui
devoit incessamment porter à Tyr les premices & les présens que Carthage
envoïoit à cette ancienne ville, qu'elle consid'éroit comme sa mere. Il con-
vint d'un certain prix pour lui & pour sa fuite, qui devoit être d'environ seize
personnes. La veille du jour du départ, Menytille envoïa faire ses excuses
au Capitaine, & lui dire que de nouveaux ordres du Roy d'Egypte son mai.
tre l'obligeoient de demeurer à Rome encore quelques jours, mais qu'en sa
la
place il lui donneroitpour même somme d'autres passagers, qui l'oiit, diloient-
ils, des Officiers de conûdération,qui vont lervir dans l'armée du Roy Ptolémée
en Egypte.
LXXV. Le Carthaginois qui ne se défioit de rien, reçut sur son bord Demetrius
Demetrius sa compagnie, composée de seize personnes ;
part de Ro- avec ce Prince y arriva vers
me & arrive trois heures du matin, & on leva l'ancre au point du jour. Tout le monde
en Lycie. croïoit à Rome qu'il étoit allé à Anagnie & à Circé , où il avoit envoïé le
Polyb. jour précédent ses gens & son équipage de châtie sins leur rien dire de l'on
Legat. 114. dessein. On s'apperçut de son que ,
&ujl 1. 34. ne évaf10n quatre jours aprés ion embar-
Appian. quement. Le Senat s'assembla le cinquième jour, & croïanc que Demetrius
Syriaç. p. étoit trop éloigné pour le poursuivre, on attendit qu'il fut arrivé en Syrie
117.118. pour délibérer sur ce qu'il y auroit à faire. Cependant on envoïa de nouveaux
An du M. députez
384a. en Orient, pour voir ce que Demetrius & ce que les autres Roys
entreprenoient. Ces députez furent Tiberius Gracchus, LuciusLentulus, &
Servilius Glaucias.
LXXVI. Demetrius étant heureusement arrivé en Lycie écrivit au Sénat qu'il
Demetrius étoit parti de Rome, faire la ,
écrit au Se- non pour guerre à son neveu Antiochus, mais
nat, & se pour le dépouïller , & pour venger la mort d'Odavius. Delà il vint en Sy.
rend mai.. rie, & publiant que le Sénat Romain le renvoïoit pour rentrer dans le Ro-
tre du Ro- yaume de sesperes, il fut reçu à Tripoli & à Apamée, & marcha à la tête de
yaume de quelques troupes vers Antioche Capitale de Syrie. Le jeune Antiochus Eu-
Syrie 1.
Macc. VII. pator & Lysias vinrent au-devant de lui dans un esprit de paix, n'aïant osé
1. 4. 2. prendre les armes par respectpour le SénatRomain, dont ils supposbientque
Mau.XIV. Demetrius étoit autorisé. Ce Prince ne les voulut pas voir & les soldatsles
1. 2. &c.
,
mirent à mort ; ainsi Demetrius fut réconnu pour Roy de Syrie. Il ôta àHe-
Mort du raclides l'intendance des
jeune Roy revenus du Royaume, & fit mourir Timarque frere
Eupator & d'Heraclide, qui avoit mal gouverné la Babilonie; ce qui lui fit donner par
de Lysias. les Babiloniens le surnom de Soter ou Sauveur qu'il porta toujours de-
An du M. puis. , ,
994Z. Ap- Le partage du Roiaume d'Egypte fait par les Ambassadeurs Romains,
pian.
Syriac. entre les deux freres Ptolemées, ne fut jamais du goût du plus jeune. Il ne
p.IIH. s'y étoit sournis que forcé par la nécessité des tems. il demanda d'être remis
LX XVII. en possession de l'Isle de Cypre, d'où son frere l'a voit chassé. Le Sénat plus
Différends sensible à ses
entre les
propres intérêts , qui demandoient l'alibibUITemeiit du Roï-
aume
yanme d'Egypte, qu'à l'équité, qui vouloit que Philométor jouït en entier de Roys
Phi-
lometor «Se
1 héritage de ses pères, ou du moins qu'on s'en tînt aux premiers traittez, ac- Physcon.
corda l'Isle de Cypre à Physcon, comme un supplément ou une augmen- Polyb.Leg.
tation de son partage, & la joignit à la Cyrenaïque, qu'il possédoit déjà 1;- 114.
,
sous le titre de Royaume. On envoïa en Egypte des Commissaires pour faire LâvMttf* ®
éxécuter les ordres du Senat & pour mettre Physcgn en possession de l'Isle
de Cypre. Ce Prince résolut d'y entrer à main armée, & à cet effet prit à sa
solde de bonnes troupes de Gréce, dont il donna le commandement à Da-
masippe Macédonien. Mais les Ainbassadeurs Romains lui firent entendre
que le Senat aïant ordonné qu'il rentrât dans cette Isle sans guerre, il devoit
renvoïer ses troupes, & ne se présenter pour se mettre en possession de ce
nouvel Etat, qu'après qu'on auroit notifié les ordres du Senat à Phiîométor,
& qu'on l'auroit porté à y obéïr. Physcon congédia donc ses troupes, & se
rendit dans l'Isle de Crète avec Damaiippe & Cneïus Merula, qui étoit un des
Légats Romains.
Cependant les deux autres Légats Torquatus & Titus arrivérent à Ale- LXXTf111
xandrie & parlérent à Phi!omëtor, à qui ils tâchérent de persuader de se ré- Revolte de
conciUet', avec son frere & de lui céder l'isle de Cypre, suivant les désirs du la Cyrenai.."
Senat. Philométor promit ,
quelque chose en éluda d'autres, & en général que contrc:,
Ptolémée
,
parut peu disposé à exécuter le décret du Senat. Il avoit tramé sous main Physcou.
une revolte générale des Cyrenéens contre Physcon, & pendant que Philo- Polyb.
métor retint pendant quarante jours les Ambassadeurs Romains à Alexandrie, Legat. 11&
An du M*
la sédition de la Cyrénaïque éclata, & Physcon ne songea plus qu'à la répri- g84J.
mer. Il quitta le Port d'Apis où il étoit, & accourut à Catabathmos, dans
le dessein de se rendre à Cyréne. Mais il trouva les avenuës de Catabathmos
occupées par les Cyrénéens & les Lybiens. Ces troupes ne tinrent pas con-
tre celles du Roy, & il marcha contre Cyréne. Aprés sept jours de marche,
il trouva les Cyrénéens rangez en bataille, au nombre de huit mille hommes
de pied, & de cinq cens chevaux. 11 leur livra bataille ; mais il tut vaincu &
obligé de se retirer.
Dans l'intervalle les Consuls changèrent; M. Valerius MefTala, & C. LXXIX.
Fannius Strabo furent élevez au Consulat. Leur histoire n'en: guéres remar- M. Valerius
quable, que par la Loy Fannia qu'ils firent publier , & qui prit son nom du Meflala &
Consul Fannius. Elle modèreles dépenses des festins d'appareil, que les riches C. Fanniui
Straho
se donnoient à l'envi, & qui leur coûtaient des sommes conside"rabl.-Is. Il fut Consuls.
ordonné que dans ces répas, hors les legumes, le pain & le vin on ne dé- An de Ro-
penseroit que six-vingt as d'érain, & qu'on n'y feroit point- servir, de vins me 592. da
étrangers. La dépense des répas qui se donnoient aprés les jeux Plébéiens & M. 3842.
pendant les Saturnales, fut fixée à cent as d'érain ; on permit pendant dix avant J.C.
jours de chaque mois de dépe-nser trente as, & on régla la dépense des répas Liv. I. 46.
communs & ordinaires, à dix as. La même année on bannit de Rome les Aul. Gell.
maîtres étrangers de Rhétorique & de Philosophie , comme des nouveautez /. 2.. c. 24.
,
plus capables d'affoiblir le courage, que de conserver dans la jeunesse l'esprit
Martial. Cette Loy ne subsista pas long-tems. Rome dans la suite eut au-
tant de gout pour l'Eloquence & la Philosophie, qu'elle en avoit alors pour la
guerre.
LXXX. Demetrius Soter étant monté sans opposition sur le trône de Syrie, s'ef-
Demetrius força pour s'y maintenir de gagner Tiberius Gracchus.qui avoit été député
Ifby de Sy- en Cappadoce. Il lui envoïa des agents qui l'atteignirent enPamphilie, puisa
rie obtient Rhodes & lui témoignèrent par tout un dévouëment parfait, & un attache-
d.i Sénat le ,
inviolable les intérêts de la République. Gracchus qui avoit con-
nom de ment pour
Roy. nu Demetrius à Rome, lui donna le nom de Roy, & appuïa l'Ambassadeur
Polyb. que ce Prince envoïa pour demander la même grace au Senat. Demetrius
Legat. iao, chargea son Ambassadeur d'une couronne d'or d'un grand prix, pour en faire
12,2.
vius, & par un Déclamateur nommé Isocrates ,
présent à la République, & le fit suivre par l'aiïaflin qui avoit, ôté la vie à Géra-
qui l'avoit loué & approu-
vé. Ce dernier tomba dans un il grand découragement qu'il fallut le forcer
à prendre la nourriture ; il laissa croître sa barbe & ses ongles, & parut à Ro-
me plus semblable à un sauvage, qu'à un homme. Le Senat méprisa ces deux
malheureux, & ne daigna pas les châtier , réservant de tirer une plus grande
satisfaétion de l'attentat commis contre son Ambassàdeur. Pour Demetrius,
on reçut son present , Rome lui donna le nom de Roy, & lui accorda tou-
tes les marques d'une parfaite réconciliation.
Les nouveaux Consuls furent L. AniciusGallus, & M. Cornelius Cethe-
LXXXl Paul Emile, dont on a souvent parlé cy-
1. Anicius gus. Sous leur Consulat mourutdepuis long-tems suivi
Gallus, & devant. Ce grand homme avoit les maximes de la
M. Cornéli- Philosophie Stoïcienne, la plus rigide & la plus sevére du Paganisme. 11 n'a-

us Cethe- voit pas étudié pour faire parade de sa science, mais pour apprendre à bien
gus Con- vivre. Il fut toujours en réputation du plus honnête homme du meilleur
fiais. An de ,
Rome 59;. citoïen , & du plus habile homme de guerre qu'eut alors la République. Sur
du M.334?. la fin de sa vie, il fut attaqué d'une maladie de langueur qui l'obligea a sd re-
avant J. G. tirer loin du tumulte des affaires, dans la petite ville de Velia. J,e peuple
157-
Mort de Romain dans
les jeux publics avoit souvent regretté son absence. On l'enga-
Paul Emile. gea à se montrer encore une fois dans
* la ville. Il y vint pour offrir un ia-
Liv. 1. 46.1 crifice, auquel il devoit présider comme Chef de sa famille. Le lendemain il
Vide & en offrit encore un autre pour rendre gracesaux Dieux pour sa convalescence.
Plutarch• De sa maison il se mit à table, & tout à coup il fut frappé d'un
in Pauli. retour en ,
transport au cerveau, dont il mourut trois jours après.
Il n'avoit jamais été riche , & à sa mort à peine trou va-t'on dans ses meu-
bles dequoi faire la sons'1,1e deue à sa derniere femme pour tes reprises. Sci-
pion , iEmilianus son fils céda à Fabius jemilianus sonfrere,ce qui pouvoit
lui revenir de sa succession , & se chargea des frais des obseques de leur Pere.
Le Senat & les Tribunaux de justice vaquérent ce jour- là. IJ y eut un con-
cours infini, non seulement de Romains, mais aussi de Macédoniens, d'Ef-
pagnols & de Liguriens, qui le pleurnient comme leur pere& leur protecteur.
Ses fils donnèrent au peuple des jeux publics en l'honneur de leur Pere, &le
Poëte Terence y fit représenter ses deux Comédies des Adelphes & de
PHecyre.
,~c fut cette même année que Judas Maccabée demanda d'entrer dans
l'alliance
l'alliance des Romains & qu'il en obtint un Decret, qui défendoit au Roy LXXXIT.
Demetrius d'inquiéter la nation des Juifs, & le menaçoit s'il les molessoit, de Alliance
lui faire la guerre par mer & par terre. Ce Decret ne fut apporté en Judée des Juifs
avec les
qu'après la mort de Judas Maccabée, que nous avons racontée ailleurs. Il Romains.
eut pour Successeur son frere Jonathas. 1. Macc.
Les Consuls de l'année 5.94. de Rome, qui furent Cn. Cornelius Dola- Vlll.19.32.
bella & M. Fulvius Nobilior, ne se firent pas une plus grande réputation, Zfujim.l.36.
précédente. Les furent Scipion Nasica, & c 3. An du
que ceux de l'année Censeurs M. 3843*
Popilius Laenas. Un des plus remarquables événemens de leur Censure, fut LXKXIU.
le renversement des statuës de certains ambitieux d'un mérite trés-médiocre, Cn. Corné-
Dola-
qui s'en étoient fait éléver dansles places publiques. Elles furent renversées, & lius bella & M.
on n'épargna que celles qui avoient été érigées par l'ordre du Senat. Dans Fulvius
le dénombrement que l'on fit du peuple Romain, il se trouva trois cens trente Nobilior
huit mille trois cens quatorze citoïens, en état de porter les armes. Nasica Con suls.
de
se rendit aussi recommandable par le présent qu'il fit au peuple, en exposant An duR.
çç4- M.
aux yeux du public une Clepsydre, qui le
par moyen de l'eau quicouloitpar 3843-avant
certains canaux, & à raide de quelques roues qu'elle faisoit tourner, montroit J.C.1)7.
les heures tant du jour que de la nuit. L'invention étoit d'une grande utilité, Liv. 1.48.
sur tout dans le tems où le Soleil ne paroissoit pas. En ce tems hors les équi- Glcpsydrs
noxes, les heures du jour & dela nuit étoient inégales, & la maniére de les à Rome..
Plin. 1. 7.
marquer n'étoit pas aisée. c. 67. Vi-
Rome se donna ensuite pour nouveaux Consuls M. Æn1ilius Lepidus & C. truv. 1. 9.
Popilius Lsenas. Sous leur Consulat le Roy Ptolémée Evergétes ouPhyscon, c. 9.
ayant été vaincu par les Cyrénéens, &son frere Philométor s'obtenant à lui ré- M.l Æmilius
xxxi v.
fuser l'Isle de Cypre, que le Sénat lui avoit ajugée, envoya à Rome des A!11- Lepidus
bafsadeo-rs pour se plaindre du procedé de Philométor. Merula un des Légats C. Popilius
Romains ie joignit à eux. Ils exposérent au Senat les réfus, les délais aff?- Consuls. Laenas
dez & les tergiversations de Philométor, & implorèrent son secours en faveur An de R.
de Physcon. MenythillusAmbassadeur de Philométor voulut parler pour son 5 du M.
mérite. Mais Je Senat lui ordonna de se retirer dans cinq jours de toute l'I- 9844.
i.
talie, & fit un L^ecret qui cassoit l'alliance qui avoit été faite entre le peuple Liv, l 47.
Romain & Philométor. On nomma en même tems des Ambassadeurs pour c. 7. 8. 9.
porter ce Decret à Phr[con. Ce Prince appuyé du Senat commença à faire
des levées de troupes & £ous les préparatifs nécessaires pour faire la guerre à
son frere, & pour se mettre en possession de l'Isle de Cypre.
Ariarathes Roy de Cappadoce étoit monté sur le Trône aprés la mort de lxxxv.
son Pere, arrivée l'an du monde 3^42. Il faut reprendre son histoire d'un peu Ariarathes de
plus haut, pour bien entendre ce que nous avons à dire sur son sujet. Aria- Roy Cappado-
rathes Roy deCappadoce, Pere de celui dont nous parlons, avoit épouséAn- ce. Son hi-
tiochide fille d'Antiochus le Grand. Cette Princesse se croyant stérile feignit flaire. Dio-
deux grossesses & supposa deux enfans au Roy son mari. L'ainé de ces enfans dor. Si eu!..
Edog. L 31.
fut nommé AriJrathe, comme son Pere, & le cadet Orofernes. Dans la suite fuftin.
Antiochide par le recours des remèdes, devint féconde, & donna au Roy un /3 5. Pu{yb.
Prince & deux Princesses. Le Prince est celui dont nous parlons ici. On lui Légat. 126.
donna d'abord le n0111 de Mithridates, & la Reine sa mere ayant déclaré auLiv. I. 47.
14.
An du M. Roy que les deux enfans, qu'il regardoit comme ses fils aînez, n'étoient ni
g84f.avant de son sang, ni du sien; aprés qu'elle lui en eût évidemment prouvé la sup-
J. 6. if7. position, le Roy éloigna ces deux prétendus fils, & envoya Ariarathe l'anié
à Rome, & Orofernes dans l'Jonie.
Comme le jeune Mithridates avoit toutes les belles qualitez du cœur &
de l'esprit propres à lui gagner l'affection du Roy & de la Reine; le Roy lui
fit changer son nom de Mithridates en celui d'Ariarathes ; & de peur qu'après
son décés il ne trouvât quelques obstacles de la part de ses freres prétendus,
à monter sur le Trône, il voulut lui remettre de son vivant la couronne.
Mais le jeune Prince protesta qu'il souffriroit plutôt la mort, que de voir son
Pere se dépouiller en sa faveur. Ce qui lui mérita chez les Grecs le nom de
Philopator, ou affedionné à son Pere, qu'il porta toujours dépuis. A la mort
du Roy de Cappadoce, le jeune Ariarathe aidé de l'affeétiondes peuples, monta
sans opposition sur le Trône.
LXXXVI. Demetrius Roy de Syrie son proche parent, lui offrit sa sœur en ma-
Ariarathe riage, mais Ariarathe la réti1[a, craignant peut-être de se commettre avec les
dépouillé Romains, qui n'avoient pas alors encore réconnu Demetrius pour Roy de
delbn&oy- l'irrita, & il écouta les propositions que lui fit Orofernes de
aume, se Syrie. Ce réfus
retire à lui donner mille talens, s'il vouloit le rétablir sur le Trône de son Pere. Aria-
Rome. rathe de son côté implora le secours d'Attalus, qui gouvernoit alors le Roy-
' Liv.1. 47- aume dePergame dépuis la mort d'Euménes son frere, (a) qui avoit laissé un
Ca)
fils assez longtems inconnu, nommé Attalus Philométor, & qui n'étoit pas
An du M. donc du secours à Ariarathes;
384?. encore en âge de gouverner. Attalus envoya
Orofernes fut mis sur le Trône,
mais les sorces de Demetrius prévalurent. côté
& Ariarathe obligé de se réfugier à Rome. Orofernes y envoya de son
des Ambassadeurs. Les uns & les autres plaidérent leur cause devant le Sénat,
sous les Consuls Æmilius Lepidus & Popilius Lxnas.
Miltiade Ambassadeur du Roy Demetrius Soter à Rome , y sollicitoiten
faveur d'Orofernes,aussi bien que les amis que le Roy de Syrie s'étoit fait dans
de la lup-
cette ville, durant son sejour. Personne en Cappadoce ne doutoit
position d'Orofernes. Le Senat affecta d'en douter, trouvant son compte à
diviser & affoiblir les grandes Monarchies; il ajugea à Orofernes une partie
de la Cappadoce, & une autre partie à Ariarathe. Rome ne contenta parlà ni l'un
ni l'autre, mais elle ne craignoit guéres leur ressentiinent.
IJXXXVll. Les nouveaux Consuls furent Sextus Julius Caezar, & Lucius Aurehus
Sext. Juiiu:s Oreftes. Sous leur Consulat, Fannius, qui avoit été député par le Sénat pour
Caezar & L ' s'informer des procédez desDalmates, contre certains peuples d'illyrie leurs
-

Aureltus
voisins, fit son rapport,& dit qu'il a été trés-lllal reçu de ce peuple, qui lui
Orestes
Go n lui s. dit qu'il n'avoit rien à déméler avec Rome, qui ri arrêté ses chevaux & ceux
a accoutumé chez les
An de R. de sa suite, qui ne lui a rendu ni les honneurs qu'on a
596. du M" nations policées de rendre aux Ambassadeurs ,& qui ne leur a assigné ni lo-
3846.avanC
gement public ni aucune des ch ses nécessaires à leur subsistance. Ce récit
J. C. 1*4- , année déclarer la guerre
Liv. /. 47. irrita les esprits. Mais il ne suffit pas pour faire cette
étoient flattez, se virent ré-
aux Dalmates. Les nouveaux Consuls qui s'en duits
duits à conduire leurs troupes dans la Gaule Çisalpine, pour y demeurer sans
occupation*
La nlême année Caton le Censeur, qui vivoit encore, fut député en Afri- Caton LXXXVIII.
est
que, pour terminer un differend qui étoit entre Mafînifla Roy de Numidie & envoyé Ca
les Carthaginois. Au sujet d'un Canton nommé Tysca, qui appartenoit aux Afrique.
Carthaginois, &donc Mafinissa vouloit s'emparer, le Senat favorisoit d'in- Liv. /. 47,
clination le Roy l\lasin1Ífa, & il souhaitoit l'abbaissement & l'affbibJiuement
de Carthage; mais il vouloit observer les formes de justice. Caton fut donc
nommé Commissaire pour vuider ce différend. Les Carthaginos le récusérent
pour juge. 11 laissa Massinissa maître du Canton de Tysca, & pour se venger
de l'affront que lui faisoit Carthage, il vint dans cette fameuse ville & enob-
serva l'état avec des yeux malins. Carthage étoit pleine de richesses, ses ar-
senaux bien fournis d'armes, ses ports remplis de vaisseaux, son peuple extré-
mement multiplié. C'en fut assez à Caton mécontent, pour former la réso-
lution de la faire périr.
Lorsqu'à son retour il parut au Senat, il dépeignit Carthage comme de- Caton LXXXIX.
l'Emule de Rome, & prête, quand elle auroit fait la ex-
venuë de nouveau guerre horte le Sc..
à Massinissa, à prendre les armes contre rivale ; qu'elle étoit pleine de tous nat à la
sa
biens, peuplée au delà de ce qu'on pourroit croire, que la sagesse vouloit guerre
qu'on la prévint, & que tandis que Carthage subsisteroit, Rome ne seroit ja- contre Carthage»
mais en assurance. Il montra ensuite des figues fraiches d'une grosseur extra- Tit. Liv.
ordinaire, qu'ilavoit rapportées d'Afrique,& dit en les montrant à l'assemblée, /. 4.7. Plut,
le pays d'où naissent de si beaux fruits, n'est qu'à trois journées de Rome; & in Ca tonç-.
lorsqu'il opinoit sur quelque sujet que ce fût, ilfinissoit toujours par cesmots;
Je conclus aussi que Carthage Joit Jetruite. Ces discours firent beaucoup d'im-
pression sur les esprits, & si Scipion Nasica, qui avoit un grand crédit dans
le Senat, ne se fût opposé aux empressemens de Caton, on auroit peut-être
dés-lors résolu la guerre contre Carthage. Mais les affaires deDalmatie pref-
ioient d'avantage. La guerre fut résoluë contre cette Province.
On choisit pour nouveaux Consuls Q. Marcius Figulus, & L. Cornelius Q..Marciu$ xe.
Lentulus. Le premier fut destiné pour aller faire la guerre auxDalmates; le Figulus &
second fut envoyé dans la Ligurie. Le Senat voulut alors savoir ce qu'il y L. Corne-
avoit d'or & d'argent dans le trésor public, & on y trouva dix-sept cens vingt lius Lentu
sept livres d'or, & quatre vingt douze mille trois cens quatre vingt cinq livres lusConfuls. de R.
d'argent pesant. (a) Ce fond parut suffisant pour entreprendre de trés-gran- L'an ç97. du M.
des guerres sans lever d'impôts sur les Citoïens Romains. ?847iavamfc
La Dalmatie avoit fait autrefois partie de l'Illyrie; elle ne s'en separaque J.G. içg.
quand Gentius dernier Roy d'Illyrie monta sur le Trône. D'abord les Dal- Liv. /. 47-
vingt cinq villes sous leur domination. Ensuite ils s'ac- Ca)
mates n'eurent que Plin. /.
crurent par leurs Conquêtes, & dans le tems dont nous parlons, ils complotent
c. 3.
quatre vingt cinq mille villes dans leur Etat. De dix ans en dix ans tous Guerre
leurs champs changeoient de maîtres. Strabon assûre qu'ils ne connoissoient contre les
l'usage de l'argent monnoyé. Tout leur trafic se faisoit par échange. Fi- Dalmates.
pas
gulus étant arrivé dans l'illyrie sur la rivière de Naro, les Dalmates vinrent
fondre sur les troupes avant qu'elles fUÍfent ni campées ni rangées en bataille,
&
& les répouTerent jusqu'à la ville de Narona ; aprés quoy ils se retirérent dan»
leurs forêts. L'hyver qui étoit proche, obligea les uns & les autres de de-
meurer dans leurs quartiers.
xci.l Dez que la saison permit au Consul de se mettre en campagne, il prit
P. Corné- quelques places sur les Dalmates, les saccagea& les réduisit en cendres. Aprés
lius Scipio il revint à Rome, où l'on choisit pour Consuls P. Cornelius Nasica, &
Nasica oc quoy
G. Claudius C. Claudius Marcellus.
Le premier eut pour son département la Dalmatie ; Mar..
Marcellus cellus eut la Ligurie. L'un & l'autre méritérent le triomphe parleurs exploits.
Consuls, Nasica ayant remarqué que les maisons de Delminium Capitale de Dalmatie,
l'lin de R. n'étoient de bois, & n'étoient couvertes que de matiére aisée à enflam-
598. du M.
que
?847. mer, crut qu'il seroit aisé de s'en rendre maître, pourveu qu'il put en fàire
Nasica sortir une partie de la garnison qui étoit trèsnombreuse. Il feignit donc de
prend ne pas penser à Delminium, & marcha contre d'autres places de moindre im-
Delmi-
portance. Les Dalmates sortis de Ddnlinium,y accoururent pour les défendre,
nium & & invertit Delminium. Au lieu d'en
assujettit & à l'instant Nasica rebroussa chemin,
les Dalma- battre les murs avec les machines de guerre, dont on se servoit alors, il em-
tes. p-loïa ses ballistes à jetter des tisons allumez par un bout & longs de trois pieds,
dans la ville. Ces tilons s'enflammoient de plus en plus dans l'air par Fac-
tion, & tombant sur les toits & dans les maisons toutes de bois, y mettoient le
feu. Pendant que le bourgeois est occupé à éteindre le feu, ou à sauver ses
effets, & le soldat à piller & à profiter du trouble, le Consul monte à l'assaut,
& s'empare des murs & des remparts. Les Dalmates effrayez abandonnant
la ville & se sauvent dans leurs forêts. La prise de cette place, qui ne coûta
point de sang aux Romains, fut suivie de la réduction de tout le pays, & dit
triomphe du vainqueur.
XCIl. En Orient les deux freres Philométor, & Evergétes ou Physcon, étoient
Ptolémée toujours
en guerre ; Evergétes faisoit les derniers
efforts pour se rendre maître
Philomé. de l'Isle de Cypre, & Philométor l'empêcher. Les deux freres livrèrent
se ré. pour
une bataille où Evergétes fut battu. il se jetta dans la ville deLapithe, où il
tor
concilie
avec Phys- fut bientôt réduit à la derniére
extrémité, & obligé de se rendre à discrétion
con après à Philométor. Celui-ci le traita humainement. Il ne se contenta pas de lui par-
l'avoir donner tout ce qu'il avoit fait contre lui; ils firent ensemble un traité quipor-
vaincu. Philométor lui rendroit le Royaume de la Cyrénaïque, & qu'au lieu
toit que
polyb.(
Liv. 47.
1.
de l'isle de Cypre il lui donneroit quelqu'autresvilles, avec une certaine quan-
Diodor. in tité de blé chaque année, enfin pour cimenter de plus en plus leur amitié,
Exccrpt. Philométor promit à Evergétes sa fille en mariage. Ainsi se termina le uiiiè-
Vales.
rend qui dépuis si longtems divisoit ces deux freres.
P. 197 m-
337.
Le Decret du Senat Romain qui le
avoit partagé RoyaumedeCappadoce
JOSlll. entre Orofernes & Ariarathe fut mal exécuté. Ariarathes implora le se-
, de Pergame & son Successeur & Oro-
Guerre en- cours d'Attaius frere du Roy Euménes
,
tre Oro- fernes fut aidé parDemetrius Roy de Syrie. 11 avoit dans ses armées beau-
ferne, &
Ariarathes coup de troupes étrangères, qui nlénaçoient de le quitter & d'en venir à une
Roys de révolte, s'il ne leur donnoit la solde qu'il leur avoit promise. Pour les satis-
C.'pp ^do- faire, il enléva les richesses qui étoient dans le temple de Jupiter, au pied du
ce. Andu mont Ariadne; çe qui aliéna Jes elprits des Cappadociens, qui avoient un grand
H-SUS- respeét
respeB: pour ce temple, dont la sainteté avoit toujours été inviolable. Oro- Diodor. m
fernes fut attaqué & vaincu par Attalus & par Ariarathes, & contraint d'a- excerpt.
bandonner la Cappadoce,& de se retirer en Syrie auprés du Roy Demetrius Vales.
1. 17?.
Soter.
à
Ariarathes étant ainsi remonté sur le trône, fit répéter ceux de Priéne XClV.
ville d'Ionie une somme de quatre cens talens, qu'Orophernes avoit mise en Hoftilitez
,
dépôt chez eux, dans le tems qu'il étoit paisible possesseur du Royaume de exercées
Cappadoce. Ceux de Priéne lui firent réponse, que tout le tems qu'Orophernes contreceux de Priéne à
feroit envie ils ne rendroient le dépôt qu'à lui seul. La réponse étoit juste l'occasion
,
& raisonnable. Elle ne contenta pas Ariarathes, qui envoïa des troupes pour d'un dépôt
faire le dégât dans les campagnes de Priéne. Attalus Roy de Pergame,qui qu'ils
avoit quelques mécontentemens contr'eux, joignit ses troupes à celles d'A- avoient d'O.
riarathe, ce qui causa de trés-grands dommages Priéniens, qui voïoient reçu
anx roferne.
leurs campagnes ravagées, leurs hommes & leurs animaux tuez sous leurs y eux, Polyb- in
sans pouvoir leur apporter aucun secours. Ils s'adressérent inutilement aux excerpt.
Rhodiens, qui n'oierent prendre leur parti ; enfin ils recoururent à Rome. Vales.
Mais Ariarathes sans s'en mettre en peine, continuoit ses ravages, lors-même p. 171.
qu'il fut informé que les Priéniens avoient rendu à Orophernes le dépôt, qui
étoit l'occation de ces hoitilitez.
Les Athéniens avoient un différend avec ceux d'Orope ville de Béotie, XCV.
à cause d'une somme de cinq cens talens, à laquelle les Athéniens avoient été Différend les
condamnez par le Tribunal deSicyone, pour avoir autrefois pillé Orope. La entre Athéniens
somme étoit considérable,& les Athéniens croïant mal jugez, en
se appellérent & les O.o-
à Rome, & y envoïérent pour soûtenir leur cause, Carneades Critolaüs & piens.
,
Diogéne; tous trois célébres parleur éloquence & par leur science. Car. Liv. /. 47.
neade étoit Philosophe Académicien , Critolaiis Péripatéticien & Diogéne Cicero. TUj'cul.
Stoïcien. Ces étrangers, sur tout Carneades se firent admirer à Rome & qu.1. 4. $
tous les jours ils voïoient dans leur logis une foule de personnes, qui les ,.ve- lib. ii- de
noient entendre. Le Sénat ne désaprouva point ce concours ; il fut même Oyat.
bien aise que la jeunesse Romaine se polît & se cultivât par l'étude de la Piin. 1.2*
Philosophie & de l'Eloquence. UnSenateur nommé Acilius obtint l'agrément t\ 30.
du Sénat pour leur servir d'interprète.

comme gens dangereux, & capables d'énerver le courage de


,
Le vieux Caton, soit jalousie, soit caprice, entreprit de faire chasTerde X-CVl.
Rome ces Philosophes. 11 s'éleva contre eux en plein Senat les dépeignit Les
la jeunesse,
1 hiîo-
fophes ren-
& voyez de
de porter le déguisement & l'incertitude dans les choses les plus certaines & Rome.
les plus justes par l'art qu'ils avoient de parler sur toutes sortes de sujets, An du M.
,
pour & contre & de persuader tout ce qu'ils vouloient. Le Senat avoit du 849. avant
respect pour Caton ; 11 déféra à son jugement. Les Philosophes furent con- J.C.i!i.
,

gédiez, lans toutefois leur faire de commandement ; & en leur considération


on modéra l'amende de cinq cens talens, à cent talens d'indemnité pour les
Oropiens.
Cependant Rome se donna pour Consuls Q. OpimiusNepos, &L. Post- XCV11
humius Albinus. Ce dernier fut destiné à aller pacifier J'Espagne ou quel- QOpimius
, Nenos &
ques Cantons qui s'étoient revoltez, & Opimiuseut son département dans la L.
«
mius Albi- Gaule Transalpine. Posthumius mourut d'un poison lent, qui lui avoit été
nus Con- donné par sa femme & on lui substitua Acilius Glabrio, qui ne passa pas en
fuls. An de ,
Rome 598. Espagne ; Il marcha dans la Gaule Cisalpine & Opimius son Collégue passa
,
du M.?849» les Alpes, & porta la guerre dans la Gaule Transalpine, où les armes Romai-
avant J. C. nes n'avoient pas encore pénétré. Nous parlerons de ces exploits , lorsque
ifi. nous aurons exposé ce qui regarde la guerre que Prusias Roy de Bithynie fit
Guerre en- à Attalus Roy de Pergame, & qui dura trois
tre Prusias ans. Nous les mettrons ici tous
Roy de Bi. de suite en racourci, parce qu'elle finit sous le Consulat d'Opimius.
thynie & Prusias surnommé le Chasseur, Roy de Bithynie , étoit entré en guerre
Atta1e Roy
avec Attalus Roy de Pergame. Celui-ci plus foible, fut obligé de recourir à
de Perga- Rome,
qui étoit alors Pazile des opprimez . & le Tribunal où se décidoient
me. d'Atta-
Liv. /. 47- presque toutes les grandes affaires de l'Asie. Andronius Ambassadeur
Polyb. lus eut beau dire que Prusias étoit l'aggresseur';, LeSenatneputselepersuader,
Legat. i2R. s'imaginant que c'étoit Attalus, qui cherchoit occasion d'attaquer Prusias. Les
129. An du Ambassadeurs de Prusias le disoient ainsi. Le Senat avoit député des Com-
M. 3848-
334i?' 38*0.
missaires pnur prendre connoissance de ces démêlez, & pour accorder les
deux Roys. Malgré le rapport des députez, le fils de Prusias nommé Nico-
médes, qu'on élevoit à Rome, réfutait tout ce qu'on disoit contre ion Pere,,
& tournoit le tout contre Attalus ; cépendant Prusias ne cessoit de ravager
les terres'du Roy de Pergame, & de s'emparer deses villes. Attalus enfin aïant
été vaincu par Prusias, envoïa son frere Athénée avec Lentulus Ambassadeur
Romain, qui s'en retournoit à Rome ; Athénée parla aux Senateurs, & leur
fit voir si clairement que Prusias étoit i'aggresseur, & qu'il ne tenoit compte
des ordres du Senat, qu'on lui envoïa commandement de mettre bas les armes,
& de laisser Attalus gouverner en paix le Royaume de son neveu ; mais Pru-
sias s'en mit trés-peu en peine.
xcvin. Prusias aïant vaincu Attalus , entra dans Pergame, & se rendit avec un
Prusias. il
.
Impiété de magnifique
retourna
,
appareil au temple d'Esculape pour lui offrir des lacrifices ; puis.
dans son camp, il fit sortir ses troupes de la ville , & s'étant porté
Polyb. & de Pergame, il commença à piller les temples,,
Diodor. in
à Nicephorium prés les murs
Excerpt. à renverser les statuës des Dieux & à les dépouiller ; 11 enleva même & em-
Vales. p. porta sur ses épaules la statuë d'Esculape, à qui il avoit sacrifié le jour d'aupa-
169. ravant, & qui étoit l'ouvrage d'un Sculpteur fameux nommé Philomaque;,
Delà il marcha contre Elée ; mais ne l'aïant pu forcer , parce qu'elle étoit dé-
fenduë par Sosander frere de lait d'Attale, il se rabbatit sur Thiatyre. En che-

XC1X.
galères...
min faisant il pilla le temple de Diane, qui étoit à Hiera-cowé. Il en usa de
même envers le temple d'Apollon Cynius. Il ne se contenta pas de le piller,
il y mit le feu. Delà il se rendit dans son païs ; mais il perdit beaucoup de
son monde par la dysenterie, & par une tempête qui lui brisa plusieursde ses

, Les Ambassadeurs Romains qui furent envoïez vers Prusias, lui aïant lig-
Prusias mé- nifié les ordres du Senat
prise les
qui vouloit qu'il mit bas les armes, & ce Prince
faisant difficulté d'obéïr, les Ambassadeurs lui dirent qu'il pouvoit venir avec
ordres du: mille cavaliers sur les frontières, qu'Attalus s'y rendroit avec un pareil nombre
Scrut-
d'hommes * & que dans cette entreveuë on entendroit les. raisons des
deux
deux parties. Prusias au lieu de mille hommes y amena toute son armée.
Attalus & les Legats en ayant été informez , se retirérent avec tant de précipi-
tation, que les Romains laissérent leurs chevaux, qui furent pris & vendus
par Prusias. Ensuite il alla assiéger Attale dans Pergame.
Les Legats Romains retournérent à Rome en diligence, & racontérent C.
au Senat avec quelle hauteur Prusias les avoit reçus, & le mépris qu'il faisoit Amb Nouveaux
sre-
des ordres de la République. Aussi-tôt on fit partir dix autres Ambassadeurs, deursa Ro.
avec commission de terminer cette guerre, & de faire rendre justice au Roy mains en-
Attalus. Cependant celuy-cy s'étoit ligué avec Ariarathes ou IVlithridates, & voyez vers
avoit rassemblé une grosse armée pour faire la guerre au Roy de Bithynie. Sur Prusias.
Polyb. L,.
ces entresaites arrivérent les dix Légats, qui informérent Attalus des ordres gat, 133.
qu'ils avoient reçus du Senat;& tout de suite passérent dans le Royaume de An du-M.
Bithynie, & signifiérent à Prusias les volontez du Sénat. Prusias promit de ?8?o.avant
faire une partie de ce qu'on exigeoit de lui, & refusa le reste. Les Légats J. G, 1)0.
offensez de sa résistance lui dirent que le peuple Romain renonçoit à son ami-
tié & à son alliance, & ,en même tems se rétirérent auprés d'Attalus.
Prusias refléchissant surie danger auquel il alloit s exposer, courut aprés Ci.
les Légats pour leur demander pardon, & les prier de ne le point abandon- Prusias est
déchu de
ner. Mais il ne put rien obtenir, & se retira fort inquiet. Les Ambassadeurs l'amitié &
conseillérent à Attalus de tenir ion armée sur ses frontiéres, & de défendre de l'allian-
son pays, mais sans attaquer & sans commettre aucun ade d'hostilité contre ce du peu.
la Bithynie; delà ils se partdlgérent. Les uns prirent la route de l'Jonie, ple Ro-
d'autres celles de l'Hellespont & des quartiers voisins de Bizance, exhortant main.
à
les peuples de se séparer de Prusias, & de s'attacher Attalus. Cependant Polyb. Le.
Athénée frere d'Attalus avec une flotte trés-considérable, voguoit sur l'Helle- gat. ;6.
135-
spont, & faisoit des descentes dans tous les lieux, qui étoient du Royaume 1
de Prusias, & ravageoit tout ce qu'il trouvoit.
Le Senat ayant sçu les dispositions de Prusias, envoya en Orient trois cil.
nouveaux Légats, qui obligérent enfin ce Prince à faire la paix. Elle fut con- Fin de la
cluë sous ces conditions; 1°. que Prusias donneroit sans délay vingt vaisseaux guerre
contre
armez à Attalus. 2°. Qu'il lui payeroit cinq cens talens dans l'espace de vingt Prusias Se
ans. 30. Que chacun des deux Roys jouïroit des terres dont il jouïssoit avant Attalus.
la guerre. 40. que Prusias indemniieroit ceux de Methymne, de Cumes, Polyb. Le-
d'Egie, & d'Héraclée, des torts qu'il leur avoit faits pendant la guerre, & gat.13(.
qu'il leur donneroit cent talens pour leurs intérêts. Après que ce traité fut Appian.
Mithridat.
agréé & signé depart & d'autre, Attalus fit revenir toutes ses troupes de terre p 173. An
& de mer. Ainsi finit cette guerre qui avoit duré trois ans. Aprés cela le du M.3850.
jeune Attalus fils du Roy Eumènes, étant venu à Rome pour se recomman-
der au Sénat & pour demander son amitié, en fut reçu avec beaucoup de
distinftion & de marques de bienveillance, aprés quoy on le renvoya com-
blé d'honneurs dans ses Etats.
Sous le Consulat d'Opimius les deux freres Roys d'Egypte se brouillè- Cili.
rent de nouveau. Phylcon autrement Evergétes se rendit à Rome & fit de Nouvelles
grandes plaintes contre son trere Philométor, disant qu'il l'avoit voulu faire bro Liille-
ries en
périr en trahison, & montrant les cicatrices des plaies qu'il avoit reçues Ce Egypte
entre Phi- fpedacle & les plaintes d'Evergétes touchérent le Senat, & quand les Am-
lûmétor & balsadeurs de Philométor voulurent parler, on ne daigna pas les entendre.
Evcrgétes. Ils reçurent ordre de sortir incontinent de Rome, & on nomma cinq Le-
Volyb. Le-
gat. 132.
gats, à chacun desquels on donna une galére à cinq rangs de rames, avec
An du M. ordre de setransporter en Cypre, & d'y faire recevoir Evergètes. On écrivit
38.50. aussi aux alliez des Romains, qu'ils pouvoient aider ce Prince à sè mettre
en possession de cette Isle. Tite Live rapporte cecy avant ce que nous avons
raconté cy-devant. sous l'article CLXXIV. mais pour l'ordre du tems nous
avons suivi Usserius.
Ci HT. Demetrius Soter Roy de Syrie s'étant rendu extrêmement odieux par
Révolte de ses excés & par sa cruauté, les peuples d'Antioche sè revoltérent contre
la ville & Orofernes frere d'Ariarathe Roy de Cappadoce, dont on a parlé cy-
d'Ant:oche lui,
contre De- devant, & qui
étoit alors à la Cour du Roy Demetrius, attendant que ce
mdriusSo- Prince le rétablit sur le Trône, Oroferne, dis-je, sejoignit aux rebelles d'An-
ter. An du tioche, & entreprit par la plus noire de toutes les ingratitudes, de dépouil-
M. 3850. ler du Royaume celui même pui s'employoit à le rétablir sur le Trône qu'il
avant J. G. prétendoit lui appartenir Demetrius informé du mauvais procédé d'Oroter-
j';o. arrêter, mais ne voulut pas le faire mourir, pour ne pas délivrer
3,5. nes, le fit
Ariarathe Roy de Cappadoce son ennemi d'un concurrent qu'il craignoit.
Il envoya Orofernes chargé de chaines à Seleucie, où il le ht soigneusement
garder.
cv. La prise d'Orofernes, & sa détention ne découragérent pas ceux d'An-
Alexandre tioche. Soutenus par les Roys d'Egypte, de ,
Pergame & de Cappadoce, en-
Ballés con- nemis de Demetrius, ils firent venir
tesse le un nommé Alexandre surnommé Ballés,
Royaume qui avoit été élevé à
Rhodes, & qu'on voulut faire passer pour fils d'Antio-
à Deme- chus Epiphanes, quoyque ceux mêmes qui le sbûtenoient, ii"ignor;tffent pas
trius Soter. qu'il étoit d'une naissance trés-obscure & trés-incertaine; ils firent donc pa-
ce prétendu fils d'Antiochus, & lui donnérent tous les secours néces-
%-u.jlîn.Lî S. roître
iaires pour soutenir sa dignité. Ballés ne manquoit pas d'esprit, il se prêta
à
à sa bonne fortune, & soutint merveille le personnage qu'on lui faisoit jouer.
en. Il se rendit à Rome avec Laodicée fille indubitable du Roy Antiochus
Alexandre Epiphane,& étoient conduits par Héraclides, à qui Demetrius avoit ôté l'in-
Dallés ob- des tributs & des finances de Syrie, & qui par-là étoit devenu son
du
tient Sé-
tendance
nat le nom ennemi
irréconciliable. Héraclide, Alexandre, & Laodicée furent assez long-
4e Roy de tems à Rome avant que d'obtenir audience du Senat. Alexandre Ballés s'y
Syrie. conduisit comme un homme plein de grandes espérances, cachant adroite-
EoJyb. Le. son jeu, & tirant les choses en longueur, pour amener le Senat au point
gat. 13 8. & ment
An du où il vouloit. Dans le même tems Demetrius surnommé dépuis Nicator,
140.
M. 3B51. fils de Demetrius Soter Roy de Syrie vint aussi à Rome; il y fut reçu froi-
,
avant J. G. dement & sous beaucoup de cérémonies, parceque ce n'étoit qu'un enhmt,
149. & que son Pere n'étoit pas alors en faveur à Rome. Aussi le jeune Prince sans
prendre congé, aprés quelque sejour, s'en retourna en Syrie, & son retour
secret & précipité piqua le Sénat, & l'indisposa de plus en plus contre Deme-
trius son Pere.
Héraclides saisit ce moment pour demander audience pour Alexandre &
Laodicée
Laodicée. Etant introduits auSenat, Alexandre parla d'abord en peu de mots*
pria le Senat de se souvenir de l'amitié & de l'alliance, qui avoit été entr'eux
& le Roy Antiochus Epiphanes Ion Pere, qu'il les supplioit de
lui aider à
de s'en retourner en
rentrer dans sou Royaume, du moins de lui permettre
Syrie, & de ne pas empêcher que ses amis ne lui fournirent les secours né-
-ceiTaires pour cela.
Aprés cela Héraclides prit la parole, étala , , les
, louanges
* - j du nKoy Antio-
A *.•

chus Epiphanes, & conclut à ce qu'il plut au Sénat de permettre à Alexandre


& à Laodicée de retourner en Syrie. La plus saine partie des Senateurs re-
gardoient tout cela comme une fable, ,& avoient horreur de la fraude qu'Hé-
raclides vouloit faire au Sénat & au peuple de Syrie, mais le plus grand nom-
bre des Senateurs l'emporta, & il fut ordonné qu'Alexandre & Laodicée,
fils &
fille d'Antiochus Roy de Syrie, ami & allié du peuple Romain, pourroient
s'en retourner dans leur pays, & qu'on leuraiderait rentrer à
Héraclide n'attendoit que cela pour lever des troupes & pour
dans l héritage de
leur Pere.
former son parti. Il arrive à Ephése & fait tous les préparatifs de la guerre
qu'il méditoit contre Demetrius. CVïl
Ce Prince se tenoit cependant dans un chateau près
^ d Antioche, sans
Demetrirrs
admettre personne auprès de lui, vivant dans une espéce de solitude &d'oisi- est attaqué
veté,sans se mettre en peine du gouvernement du Royaume, ni de ramener par Ale-
les esprits de les sujets, aliénés par ses maniérés sauvages & hautaines. Ale- Hallés. xandre
-
xandre guidé par Héraclides, vint avec sa flotte se présenter devant Ptolé- Polyb.. Le*
maïde.qui lui ouvrit ses portes,les soldats qui lagardoient s'étant rendus sans gat. 140.
résistance. Demetrius marcha contre lui,mais craignant les événemens de la 1.Macc.X...
guerre, qui sont toujours douteux il envoya ses deux fils Demetrius Nica- I. tf ofepk'-
,
tor & Antiochus Sidétes, dans l'Isle de Cnide chez un de ses amis, avec de ..Ilntiq.
accidens de la & être I.XLIL
grandes sommes, afin de les soustraire aux guerre, pour
jour ses vengeurs, s'il lui arrivoit quelque malheur. En meme tems il écri-
un
vit au Grand-Prêtre Jonathan Maccabée, Chef des Juifs, lui faisant de gran-
des promesses pour l'engager dans sa défense. Jonathan profita habilement de
les murs du mont de Sion. Alexandre Balles
ce tems de troubles, & répara
de son coté encherit sur les promesses de Demetrius, & lui envoya un habit de
prix que ce fut
pourpre & une couronne d'or. Demetriusvoulant à quelque
s'asfurer de Jonathan & des Juifs, leur fit des promesses immenses & leur
accorda plus qu'il ne pouvoit donner. Aussi Jonathan se détiant de ces ex-
ceflives démonstrations d'amitié, s'attacha à Ballés. On a raconté ceci plus
au long dans un autre endroit. Consuls
11 est tems de revenir aux Romains. L. Opimius Nepos marcha cvm
Liguriens & passa même dans la Gaule Transalpine, faire la Opimius;
contre les pour y Consul f&îè
guerre aux Oxybiens. Voicy l'origine de cette guerre. Les Marseillois & la guerre
les Liguriens étant entrez en guerre, ces derniers prirent sur les Marseillois aux Ligu'--
les villes de Nice, & d'Amibes. Marseille même étoit menacée. C'étoit riens & au&
une
envoya
ville alliée
trois
les terminer à.
des
Députez
Romains.
l'amiable.
pour
Les
Elle
prendre
envoya
Liguriens
implorer
connoissance
sans
du
attendre
le secours
différend
les
du
des
Deputez
Sénat,
,
parties
de
qui
&
Oxybicrfsv
Liv. Lifl*
Polyb. Le-
Rome gat., 1;",*
,
le mirent en devoir d'assieger Marseille. Sur ces entrefaites les Députez dé-
barquérent à Egithne ville des Liguriens, qui prirent les armes pour empê-
cher les Ambassadeurs de débarquer sur leurs terres. Flaminius un des trois
Ambassadeurs, qui étoit déja à terre, fut maltraité, deux de ses gens furent
mis à mort, son équippage fut pillé, & lui-même fort blessé fut bien heu-
reux de regagner sa galère, & de couper les cables de ses ancres ,pour se sau-
ver promtement à Marseille.
Un attentat si criant obligea le Senat à faire partir le Consul Opimius,
pour châtier les Liguriens. Son armée se rendit à Plaisance, d'où elle con-
tinua sa route le long de l'Apennin, jusqu'au pays des Oxybiens dans la Gaule
Narbonnoise, aux environs deFrejus & de Draguignan. Le Consul sè campa
il
sur la rivière d'Apton, où attendoit les ennemis. Comme ils neparoissoient
point, il allaassiéger Egithna & la prit de force, réduisit les bourgeois à l'e-
sclavage, & envoya à Rome les auteurs de l'attentant commis contre Flami-
nius; delà il marcha contre quatre mille Liguriens, qui étoient dans un val-
lon où ils attendoient un renfort des Décéates, peuples des environs d'An-
tibes, & de Grasse. Les Liguriens furent aisémentdéfaits, & les Décéates étant
survenus quelque tems aprés, furent de même taillez en pièces. Opimius prit
leur Capitale, & assujettit tout leur pays, dont il donna une partie aux Mar-
seillois. Aprés la campagne, il mit les troupes en quartier d'hyver dans le
pays des Oxybiens & des Décéates.
CIX. le
En Espagne
Revolte en firent tant
Préteur Calpurnius Piso & son Questeur Terentius Varro,
);spagne. par leurs exactions & par leur rigueur, exercées sans raison, qu'ils
Liv. 1.47' obligérent les peuples de
Lusitanie à se révolter & à prendre les armes. Ils
choisirent pour Chef un Carthaginois d'origine, qui tua dans une bataille le
Préteur Calpurnius & le Questeur Terentius, défit leur Légion, & porta l'eiprit
de rébellion dans le pays des environs. LesBlastophéniciens quitenoient pour
les Romains, furent pillez & saccagez. On dessina pour faire la guerre aux
rebelles le Consul Posthumius. Mais étant mort sans avoir pu passer en Espagne,
on attendit la création des nouveaux Consuls pour y envoyer du secours.
ex. Ces nouveaux Consuls furent Q. Fulvius Nobilior,& T. Annius Luscus.
Q. Fulvius Leur élection se fit le premier jour de Janvier, & l'usage de les faire ce jour-là
Nobilior, fin de la République. Auparavant les Consuls necommen-
& T. An- continua jusqu'à la
nius Luscus çoient à entrer en exercice que le quinzième de Mars. Le département de
Consuls. I'Espagne échut à Fulvius, & celui de la Gaule Cisalpine, à Annius. Ful-
An de R. vius trouva toute l'Espagne en feu. Les Segedans, après plusieurs tentatives
5 99. d\l M. obtenir la permiflionde se fermer de murailles, voyant qu'au lieu de leur
36, avanc pour
J.Co 1A9. accorder leur demande, on les accabloit de tributs, se révoltèrent, & n'étant
Lu* <.47- pas en état de se défendre dans une ville sans murailles & sans défense, ils se
jettérent dans le pays des Arevaques leurs voisins Ils choisirent ensemble pour
Général un nommé Carus, fort habile dans le métier de la guerre. D'abord
à la tête de vingt cinq mille hommes, il se va placer dans un bois par où le
Consul devoit nécesfJirementpa{ser. Fulvius sans s'en défier entre dans le bois,
& Carus lui tuë six mille hommes.
L'ardeur des soidats Espagnols les fit poursuivre les Romains jusque hors
du
du bois. Alors la cavalerie Romaine, qui n'avoit pu agir, tomba à son tour cxi.
sur les Espagnols, & leur tua environ cinq à six mille hommes. L'armée Ro- Guerre ett co
maine n'étoit pas accoutumée à de pareils revers. Elle regarda pour l'avenir Espagne.
Vulcain, réputez malheureux. An du M.
ce jour, qui étoit dédié à de
comme un ces jours avant
LesEspagnols encouragez par cet avantage, se rassemblérent sous la ville de J.C.i,149.
Numance, & le jour même choisirent deux nouveaux Chefs Ambon&Lucan.. SÎppian. in
Fulvius les suivit, & quelques jours aprés leur présenta la bataille. Il avoit Ibericis.
reçu dépuis peu quelques Eléphans & quelques cavaliers Numides, envoyez
par LVlaHlniîfa. Il ordonna qu'on ne fit paroître les Eléphans, que quand il
auroit donné le signal. LesEspagnols, dont nous parlons, n'avoient encore
point veu de ces animaux. Dez qu'ils parurent, la cavalerie Espagnole prit
la- fuite & l'infanterie la suivit. Fulvius profite de leurs désordres & veut en-
trer avec eux dans Numance, ou du moins prendre la ville d'assaut.
Il fait approcher les Eléphans & veut se servir des tours qu'ils portoient
pour écarter l'ennemi de dessus les remparts. Une pierre jettée sur la tête
d'un Eléphant met cet animal en fureur, il crie, il s'agite, il recule, ses com-
pagnons en font de même & mettent l'armée Romaine endésordre. En même
tems les Espagnols font une sortie, & achèvent de culbutterlestroupesdeFul-
vius. Il perdit dans cette occasion quatre mille hommes & les ennemis deux
mille. Le Consul pour réparer ses pertes, fait partir Biasius, un de ses Offi-
ciers, pour faire de nouvelles levées parmy les Espagnols demeurés fidèles-
à la République. Mais il est défait & mis à mort; son escorte est taillée en
pièces, & les nouvelles levées se retirent, sans que les autres Espagnols se
mettent en devoir de les poursuivre. Ocilis où le Consul avoit mis ses vivres,
le
sesprovisions & sa caisse militaire, rendit d'elle même aux ennemis. Il fut
obligé de passer Phyver comme il put dans un camp où son armée souffrit
beaucoup, & ou il perdit bien du monde, parle froid T
& la disette.
Dans la Lusitanie, le Préteur Mummius trouva le Chef des rebelles nom- CXlll
mé Caesaras, à la tête d'une bonne armée de Lusitaniens. Il le battit & le mit Guerre CJ1t
Lusitanie.
en fuite ; mais comme il le poursuivoit avec peu de circonspeétion, les enne- Appian. m
mis revinrent à la charge, lui tuèrent neuf mille hommes, prirent son camp Ibsrtih*
& le pillérent. Réduit à cinq mille hommes, il se tint sur la défensive, & at-
tendit quelque renfort. Il reçut quatre mille hommes & avec [es, neuf mille1
hommes, il paÍsa.le leTage & marcha contre un rebelle nommé Caucenus qui
avoit pris quelques places & afliégeoit Ocilis.. Mummius lui fit lever le siége,
& lui tua quinze mille hommes, répandus dans les campagnes pour les sac-
cager. Ainft la. campagne ne fut nullement heureuse pour les Romaine el]L
Espagne.
Aussi choisit on pour Consùl M. Claudius, Marcellus pour la troisiéme cxim
fois, dans l'espérance qu'il rétabliroit les choses dans ce pays. On lui donna M. Clau-
dius Mar-
pour Collègue L. Valerius Flaccus; on ignore ce que fit ce dernier. Mais cel lu s &r
Marcellus partit pour l'Espagne avec le PréteurAttilius. Le Consul fit la guerre L. Valerius;
dans l'Espagne citerieure, & Attilius contre les Lusitaniens, dans l'Espagne Flaccus
ultérieure. M -ircellus ayant joint l'armée qu'avoit commandéeFulvius, aux Consuls.
nouvelles troupes qu'il avoit amenées* se présenta devant la ville d'Ocilis, An de
do-fctktM*
qui
5
qui se rendit d'abord à discretion. Les Nergobriges voisins d'Ocilis rentré-
J.-C.I4*- rent aussi dans le devoir, & fournirent au Consul cent de leurs cavaliers; ceux-
Folyb. Le. ci s'étant jettez sur le bagage des Romains, commencèrent à le piller, sa-
gat. 14t. chant rien, disoient-ils, des conventions du Consulavec les Chefs de leurs ne
Liv. /.4 H. na-
c. ç.
tions. On les enveloppé3, on les réduit en servitude & on les vend , puis on
Guerre en fait le ravage dans tout leur pays. Le Consul aprés cela assiége Nergobrix Ca-
Espagne. pitale de
ces peuples. Craignant les suites d'une résistance opiniâtre, ils en-
voyent un de leurs Officiers vêtu d'une peau de Loup , pour demander quar-
tier. Cet habillement étoit parmi ces peuples ce que le caducée ou le rameau
d'olivier étoit chez les autres nations. Marcellus leur accorda la paix, à con.
dition que toute la contrée rébelle mettroit bas les armes; & ces conditions
furent acceptées. Il exigea de plus qu'ils iroient à Rome pour y faire ratifier
le traité.
CXIV. Plusieurs nations Espagnoles y envoyèrent leurs Députez. Les Belles &
Députa- les Tites anciens «& fidéles amis des Romains, furent reçus & logez dans la
tions de ville. Les Arevaques eurent défense de loger ni dans la ville ni dans les Fau..
plusieurs
nations bourgs. Ils se campèrent sous des tentes au-delà du Tibre. Le Sénat donna
à Rome. une audience favorable aux premiers; & il renvoya les Arevaques sans répon-
Liv. 1.48. se; de plus' ayant remarqué que les Envoyez du Consul Marcellus parloient
-en faveur de ces peuples, on les soupçonna, aussi bien que Marcellus, de ne
pas agir sincérement, & de vouloir laisser à l'Espagne une paix doirteuse &
incertaine, pour mériter la gloire d'avoir pacifié ce pays, pour obtenir l'hon-
neur du triomphe. Ainsi le Senat se contenta de dire aux Espagnoh, que
Marcellus leur déclareroit sur les lieux les intentions de la compagnie, &
sous main on fit dire aux Officiers de Marcellus de pousser la guerre à outrance
contre les Arevaques. Marcellus passa l'hyver à Cordouë, & malgré ses prj-
jéts de pacifications, PEspagne fut menacée d'une guerre plus cruelle que
jamais.
CX V. Le Préteur Atilius fit la guerre avec assez de succés dans li Lusitanie.
Exploits Il réduisit sous PobéïflTance la ville d'Oxtrace qui étoit une des plus fortes du
du Préteur Delà il porta ses armes contre le pays des Vettons, & après avoir sorcé
Atilius pays.
dans la Lu- bien des villes, il ramena
son armée en de bons quartiers. Tels furent les
sitanie. succés des armes Romaines dans les Espagnes.
Liv. /- 47* Le succés qu'avoit eu dans la Syrie Alexandre Ballés prétendu fils du Roy
CX VI. Antiochus Epiphanes, fit naitre l'envie à un nommé Andriscus, qui se fàisoit
Andriscus appeller Philippe, de se donner pour fils du RoyPersés de Macédoine,
autrement aussi
Philippe, C'étoit un homme de la plus vile ex'radion, natif de la ville d'Adramythe.
veut se fai- Croyant trouver créance parmi les Macédoniens, qui n'avoient alors point
rc patter de Monarques, il feignit qu'il étoit fils d'une concubine du Roy Peisés
pour si'?
J)essés Roy
de
,
quel l'avoit fait éléver auprès d'un de ses amis, qui demeuroit à Adramythe
le-

de Macé- dans la Troade. Ce Crétois s'appelloit Cyrtheses, & il passa pour son Pere
doine. An aÍfez longtems. A la fin Andrisque ayant atteint l'âge de douze ans, & Cyr-
du M.g8$ 2. these se voyant prés de sa fin, lui déclara sa véritable origine, & en mê;ne
Liv.1. 49.C
Zonar. tems lui mit en main un écrit scellé du sceau du Roy Persés, par lequel ce
49. Prince déclaroit qu'il lui laissoit deux grosses sournies d'argent. La femme de
ex Jtiont*
Cyrthe.
Cyrthése,
au
en
plutôt
eut
en
hiltoire..
qui avoit jusqu'àlors passe pour sa Mere, lui conseilla de se retirer
lieu de
connoissance,
racontoit son
seureté
de peur
,
avant
qu'il
que.le
ne
Roy Euménes ennemi de Persés,
le fit mourir. C'est amsi qu'Andriscus

Il se retira donc auprès de Demetrius Soter Roy de Syrie,dont la


avoit épousé Persës, espérant que ce Prince lui donneroit du secours pour est envoyé
CX Vil.
iœur hnrlrifquc
Mais Demetrius aïant examiné à Ko par
rentrer dans les Etats du Roy de Macédoine. de lafaus-
nie
la choseà fond, envoïa Andrisque à Rome, avec toutes les preuves Demetritts
seté de ce que cet homme avançoit. Le Roy de Syrie crut sans doute faire Soter. Att
sa cour au Sénat , en luy renvoïant Andrisque , & lui
donner par la des preu- du M.: Sf $.
République; La lui fit voir effet avant J. Oh
ves qu'il prenoit à cœur les interêts de la te en 147.
essentiel qu'ilrendoit à Rome, lui remettant main
que c'étoit un service grands
en
troubles, & dans la Macedoine
en
un homme qui devoit causer de
& dans la Thrace. Mais comme Andrisque n'avoit rien qui le fit ni craindre ,
ni considérer, & qu'il connoît qu il n etoit pas fils de Periës , le Senat n en
tint compte , & négligea de s'affurer de sa personne.

LIVRE XXXVII.
DEpuis long-tems Carthagenommé
& le Roy Massinissa étoient
Thyfca, dont
en dispute au tëommen*
1.

lu jet d'un certain terrain nous avons parlé Ca) que cernent de
LVlassinifLl vouloit s'attribuer, & dont il s'étoit emparé par la force. la troissé-
Carthage en avoit souvent porte ses plaintes au Sénat, & le Senat avoit plus rae guerre
envoïé des Commissaires sur les lieux pour examiner les choses, contre Car-
d'une fois thage.
&en faire leur rapport, & toujours Rome ou avoit éludé les demandes de Car. Liv. 1. 49.
thage avoit jugé en faveur de Massinissa, ou enfin avoit laissé ce Prince ,Nri du M.
ou
jouïssance de son usurpation, sans rendre dejugemens définitifs. Les moins 3^? avant
en J.;C.147.
clairvoïans de Carthage s'appercevoient de la partialité de Rome , & de son Ca)
envie d'humilier & d'affaiblir sa rivale. Le Senat Carthaginois ne voulant Liv. 36.
pas rompre avec Rome, engagea
Archobarzanes Roy de cette partie delaNu. art. 83.
midie, où regnoit autrefois Syphax, à prendre les armes contre Massinissa,
& à attaquer ses Etats. Rome en fut bientôt informée , & le plus grand nom-
bre desSenateurs regarda cette démarche comme une contravention au traitté,
qui portoit que ni Carthage ni les deux Rois de Numidie ne pourroient pren-
dre les armes sans le contentement de Rome.
Caton avec son ardeur ordinaire vouloit que sans différer on portât la Nasica Il.

guerre en Afrique, & qu'on renversât la puissance de Carthage. ScipionNa-
envoyé à
iica qui n'avoit pas moins d'autorité que lui dans le Sénat
,
fut d'avis de ne Carthage,
rien précipitér ; Nasica lui-même fut député vers Carthage, & étant entré dans Rengage
le Senat Carthaginois , il parla avec la liberté & la superiorité quiluiconve- Malilnifla.
noit, reprochant aux Carthaginois leur grand armement de vaineaux,& les
hofiilitez d'Archobarzanes contre Massinissa. Le Sénat s'excusa sur le peu
d'égard que jusqu"alors on avoit eu à Rome pour leurs plaintes, & sur les
entreprises continuelles de Massinissa. 11 se rendit auprés de ce Prince , &le
porta à restituer le terrain contesté. La querelle étoit finie, & Carthage étoit
garantie du malheur qui la ménaçoit.
Ill. Un nommé Giscon Carthaginois, homme d'un esprit brouïllon, fit en-
Gifcja tendre au peuple,-que Nasica n'étoit venu que pour sacrifier les intérêts de
trouble Carthage à ceux de Rome& de l\Iailinissa; que ceux desSenateurs quiavoient
Carthage approuvé la paix
& lui attire que Nasica avoit conclue avec Massinissa, étoient des enne-
la guerre. mis de la patrie; Il eut le credit de les faire condamner à un bannissement
perpetuel, sans esperancede retour. Nasica lui-même auroit éprouvé la fureur
du peuple Carthaginois, s'il ne s'étoit promptement rembarqué. De retour
à Rome,il ne put dissïmuler les mauvaises dispositions de Carthage, & dez-
lors la guerre contre cette République auroit été concluë, si l'on n'avoit eu
sur les bras celle d'Espagne, qui n'étoit pas à négliger.
lTT. Cependant Rome changea de Consuls, & elle éleva au Consulat L. Lici-
L. Licinius nius Lucullus & Aul. Posthumius Albinus. Avant que de tirer au fort pour
Lucullus,
& A. Post- les départemens des Consuls, on vit & dans les vieux soldats & dans la jeu-
humius Al- neue Romaine , une espèce de mutinerie, tous réliisant absolument d'aller
binus Con, servir en Espagne. Les Consuls même ayant témoigné qu'ils ne seroient
fuis. An de
graces à personne, furent sur le point d'être menez enprison. Le Sénat étoi t
du M. 3054. dans un extrême embarras, ne pouvant ni réduire le peuple à l'obéïITànce,ni
Rome 602..
avant j. G. punir les mutins, parceque leur nombre étoit trop grand. Dans cette fa-
146- cheuse circonsiance,l'an10ur dela patrie, & la gloire du nom Romain sus-
citérent Scipion iEmilianus fils de Paul Emile , qui étoitdeveiiu paradpption
II
petit fils du Grand Scipion l'Asricain; n'avoit encore que trente-trois ans,
& san âge ne lui avoit pas encore permis d'avoir part aux grands emplois. Il
se présenta à l'assemblée du peuple, demanda permission de haranguer,& s'of-
frit de palier en Espagne avec les Consuls , pour y servir en quelque dégré
de la milice que l'on voudroit.
F. Son exemple & son discours ranimèrent l'ardeur des vieux soldats & de
Scipicn la jeunesse ; 11 y eut de l'émulation à demander les employs militaires & à
,iEmi]ianuc; tirèrent sort leur département L'Espagne échut à
excite la s'enrôler." Les Consuls au
jeun else Lucullus &àSulpitius Galba Préteur, qui devoit aller relever Attilius; & la
Romaine à Gaule Cisalpine à Posthumius. iEmilianus suivit Lucullus en Espagne, on en
s'enrôler qualité de Lieutenant-Général, ou en qualitéde Tribun Legionaire, car la cho-
pour l'£f- se n'est pas sans difficulté; mais on convient qu'il s'y acquit une gloire im-
pagne.
Liv. h 48. mortelle. *
Lucullus étant arrivé en Espagne trouva tout le pays en paix. Marcel-
lus dans l'Espagne citerieure,ou dans laCeltiberie, & Attilius dans l'Espagne ul-
térieure, ou dans la Lusitanie, avoient mis tous leurs soins à pacifier ces pro-
vinces. Cependant la ville de Numance ne pouvoit se résoudre à quitter les
armes. Marcellus s'étoit campé à cinq stades de cette place. Les Numan-
tins avoient fait une sortie, & avoient été repoussèz. Litenno qui comman-
doit dans la place, demanda une entrevue avec Marcellus. On conclut que
lesArevaques payeloient trois cens talens de tributs aux Romains. Numance
avoit donné des otages. Marcellus s'étoit rembarqué pour retourner à Ro-
me, plein d'elpérance d'obtenir le triomphe, mais il périt en mer vers les
côtes
côtes d'Afrique. Le Préteur Atilius après avoir pacifié la Lusitanie, s'étoit
retiré en quartier d'hyver.
Le Consul Lucullus à ion arrivée en Espagne, ayant- trouvé les choses VI
en cet état, résolut, pour ne pas demeurer oisif, d'aller porter la guerre chez Le courut
les Turduies & chez les Cantabres, peuples qui jusqu'alors n'avaient pas été Lucullus
entamez par les armées Romaines. L'avarice du Consul eut pour le moins l'Espagne trouve
autant de part à cette entreprise, que l'amour de la gloire. Il passe le Tage pacifiée.
& vient devant Cauca ou Caucia dans la vieille Camille, entre Segovie & Val- Liv. 1. 49.
ladolid & prend pour prétexte qu'il vient pour venger les Carpetans, à qui
,
les Caucéens avoient fait la guerre. Sur cela Cauca ferme ses portes & prend
le parti de se défendre. LesCaucéens furent bientôt contraints de se soumettre
au Consul, qui leur demanda cent talens ex; des otages. Aprés cela il exigea
qu'ils reçuflTent une garnison Romaine, & la garnison ne fut pas plutôt dans
la place, qu'elle en ouvrit les portes à l'armée Consulaire, qui fit main basfe
sur tous les habitans sans distindion. Il y périt vingt mille Caucéens, & le
pillage de la ville fournit au Consul deqUQY satisfaire son avidité.
Cette barbare exécution jetta l'alarme dans tout le pays. Lepaïsan aban- F77.
donna sa bourgade, y mit le feu, ravagea les campagnes, & se sauva dans Siège J'fll-
des lieux inacceffibies, Le Consul arrivé à Intercatie ville des Vaccéens, ii tercatie par
s'y étoit rassemblé prés de vingt deux mille hommes bien résolus de se dé- Lucullus..
fendre. Marcellus somnieles Intercatiens de se rendre. L'exemple de Cauca
les avoit rendus fages. Ils lui reprochérent son manque de parole & sa cruau-
té. Il afliégeja ville, & tâcheen vain d'attirer la garnison en campagne.
Ils ne sortent que par pelottons &par détachement. Un Vaccéen de taille
gigantesque venoit tous les jours braver l'arméeRomaine, & défier quelqu'un
à un combat singulier. Le jeune Scipion iEmilianus monta le premier sur
à
les murailles d'Intercatie, & il ne tint pas à son intrépidité & sa valeur, que
la place ne fut emportée. La disette étoit extrême & dans la ville &dans le
camp des Romains. On parla de capituler; maison sedéfioit de la bonne foy
du Consu!. iEmilîanus se rendit garant de sa parole, & Intercatie se rendit.
Quelque tems aprés le Consul envoya iEmilianus enNumidie pour demander
des E!éphans àIHafIinissa, ou plutôt pour éloigner un jeune Heros, qui lui
causoit de la jalousie, & qui l'efiacoit.
D'Intercatie le Consul marcha contre Palentia ville puissante & riche ;
Viii.
c'en: la réputation de ses richesses qui y attira Msrcellus. l\'1a;s il trouva tant Lucullus
y
d'obstacles, & la misére fut si grande dans son armée, qu'il fut obligé de se fait la pair
re-
tirer dans le pays des Tllrdctans, d'où il passa dans la Lusitanie ,oiî le Préteur avec ceux
Sulpitius Galba s'étoit laissé battre par les Lusitanlens, qu'il avoit provoquez de l'alen-
tia.
ll1al à propos; car la Lusitanie étoit en repos aussi bien que la Celtiberie, & Barbarie
les Généraux Romains auroient beaucoup mieux fait de travailler à y affermir de Sulpi-
la tranquilité, qu'à l'y troubler. Lucullus remporta quelques avantages sur titis Galba
les Lulitaniens, & Galba à son imitation obligea par ses violences & ses contre les
par Lufîu-
ravages les peuples à lui demander la paix. Il la leur accorda, à condition niens.
que le tiers de leurs habitans pasferoient dans un pays voisin, où il Lur assigna
du terrain à cultiver,& des lieux pour y fixer leur demeure. A oeine vétnient-
ils arrivez, que Galba s'y rendit, en apparence pour leur distribuer le terrain,
mais leur ayant fait rendre leurs armes, & les ayant enfermez dans un terrain
fermé de barricades, où ils devoient bâtir leurs maisons, il les fit environner
par ses gens armez, & les massacra presque tous. Il périt dans ce carnage,
selon les uns, trente mille hommes, sélon d'autres, seulement neuf mille. De
ce carnage se sauva un jeune Espagnol nommé Virici^^iîr^ans la suite fera
bien des maux aux Romains, ainsi qu'on le verra cy-;prés.
lX. de
On annonçait tous cotez à Rome que tout se préparent à Carthage,.
On délibé- pour une rupture ouverte contre Rome. GulusTa fils du Roy A,làiiiflà arrivé
re sur la dépuis peu en Italie, augmentoit les soupçons & les allarmes. 1i racontait
guerre
contre que à
lui & son frere Micipsa étant allez Carthage, pour y solli/¡iter le retour
Gartbagc. des exilez, n'avoient pu être admis à l'audience du Senat, pàs"'*niélile entrer
Nasica la dans la ville, & qu'à leur retour on avoit failli de les prendre & de les mettre
fait su (pen- à mort dans
une embuscade qu'on leur avoit dressée. Caton toujours lui-même
dre. soûtenoit que Rome ne seroit jamais en seùretë, que Carthage ne fût renver-
Liv. 1. 43.
sée; Nalica d'un caradére tout différent, fut d'avis de ne rien précipiter, &
d'envoyer sur les lieux, pour sa voir si les préparatifs & les dispositions deCar-
thage étoient telles qu'on les publioit. Les Députez allérent & revinrent
bientôt, ils rapportèrent que la flotte Carthaginoise était nombreuse & bien
équippée, que son armée étoit trés-considérable, & que selon tout ce qui
paroissoit, cette République pensoit à porter la guerre en quelque endroit.
On étoit sur le point de conclure qu'il falloit prévenir Carthage. Mais
ScipionNGdlca remontra qu'il n'était pas de la magnanimité Romaine, d'agir
avec précipitation dans une affaire de cette importance. Que Carthage pou-
voit se ranger au devoir sans en venir aux voïes de rigueur. Qu'on pou voit
lui ordonner de congédier ses troupes & de brûler ses vaisseaux. Si elle ré-
fufoit d'obéïr, on seroit en droit dela poursuivrepar les armes. Cetemperanl.
ment fut agréé, & on verra l'année prochaine la suite de cette affaire.
X. Dans la Syrie Alexandre Ballés soûtenu des Roys Attale, Ariarathe, Pto-
Alexandre lémée Philométor, & des troupes de Syrie,qui avoient abandonné Demetrius
Ballés (lé- d'une puissante armée, & présenta la bataille à De-
fait Deme- Soter, se trouva à la tête
trius Soter. metrius. L'aile gauche de l'armée de ce Prince renversa l'aîle droite de
Bal-
,
Ce dernier les & après ravoir longtems poursuivie, elle se rendit maitresse de son camp
Prince e& & le pilla. Mais l'aile droite de Demetrius Soter, où il combattait en per-
tué dans sonne, fut & prit la fuite. Ce Prince soûtint asiez longtems l'effort
une ba- rompue
taille. des en-nemis, & se désendit comme un Lion, contre ceux qtli le poursuivoient,
\,J,îacc.X. retournant de tems en tems sur eux & les repoussant. Enfin il tomba avec
48 ttc-tfo- son cheval dans un bourbier, d'où il ne put sortir; il y fut percé de mille coups
seph.Antiq. & y mourut. Il avoit regné douze ans; il laissa deux fils, Demetrius
/. 1?. c.
de traits
tfnfiin 1.?i. &Antiochus, qui régnèrent aussi en Syrie, comme nous le verrons
<>. cy-aprés. J

Appi-*n. Après cette vidoire Alexandre Ballés se voyant paisible possesseur du


Syriac. Royaume de Syrie, envoya des Ambassadeurs vers Ptolémée Philométor Roy
131. An d'Egypte, pour lui demander sa fille Cléopatre en mariage. Philométor l'ac-
duM
Xl. corda sans peine & l'amena jusqu'à Ptolémaide, où les noces se célébrérent
Mariage avec la pompe & la magnificence qui convenoient à cette cérémonie entre de
si grands ]
si grands Princes. Jonathas Maccabee Chef & Grand Prêtre des Juirs s'y ren- d'Alexan-
dit, & fut trés-bien reçu des deux Roys, à qui il fit de grands présens. Les dre Ballés Cléo-
ennemis de Jonathas étoient venus pour l'acculer auprés du Roy; mais ce avec
nulle attention à leurs accusations, & combla Jonathas d'hon- patre fille
Prince ne fit du Roy
neurs & de caresses. Philo mé-
Rome éleva au Consulat T. Quin&ius Flaminius & M. Acilius Balbus. tor.
L'on continua le commandement des armées d'Espagne àLucullus, & à Gal- i.Maec.X.
52. ,8.
ba & les deux Consuls de Pannée ne furent chargez d'aucune expédition 51. An du M-
,
militaire. La ville de Rome leur fournit de quoi exercer leur autorité sur une 3 8 1 4. avant
infinité de semmes qui furent convaincues d'avoir empoisonné leurs maris. J.C.146.
On raconte à ce sujet un événement remarquable, & qui mérite de trouver XII.
place dans l'Histojre. Une femme Romaine de condition libre, mais de trés- T. QEin-
<5tius Fla-
basse extraction, étant condamnée à mort pour crime de poison, fut ren- minius &
fermée dans un cachot, ou elle-devoitêtre étranglée. Le geôlier aima mieux M. Acilius
l'v laisser mourir de faim. La fille de la prisonniere obtint permission de voir Balbus
ConCuis.
sa mere. Avant que de lalaiÍfer entrer, on la foùïlloit exactement pour voir
si elle ne lui portoit point de nourriture. Le geolier étonné de voir cette AndeR.
603. du M.
femme vivre si longtems, soupçonna quelque fraude de la part de la fille. Il 385 ç. avant
l'observa si curieusement, qu'il découvrit qu'elle donnoit son lait à tetter à J.C. 14*.
sa mere. La chose fut rapportée au Préteur & du Préteur aux Juges, qui ac- Liv. 1.4.9.
cordérent la grace à la mere, en considération de la charité de la fille. La pri- Plin- I. 7.
c.36.Va/cr.
san même fut changée en une chapelle consacrée à la piété, & le Senat or- xax. 1. e.
donna une pension alimentaire à la mere & à la fille. c. 4.
Cependant tout se préparoit à la guerre dans l'Afrique. Rome ne s'étoit XJll.
déclarée. Mais Massinissa outré de l'insulte faite Hoftilitez
pas encore ouvertement à
Maf-
d'assiéger Oroscopa ville de l'Etat de Carthage. entre
ses fils, résolut A cette nou- finifla-Se les
velle Carthage envoye Asdrubal à la tête de vingt cinq mille hommes d'in- Carthagi-
fànterie, & de quatre cens cavaliers, a la rencontre de Massinissa. Ce Prince nois'.
ayant été obligé de réprimander deux Officiers de sa cavalerie, ils deserté- Liv. 1. 48.
Appiavu it$
rent, & emmenèrent avec eux six mille hommes de sa meilleure cavalerie. Punie.
Cette désertion affoiblit considérablement son armée,& mit Asdrubal en état
de tout entreprendre; il suivit MafEnida, qui se retiroit à dessein de l'attirer
dans quelque défilé, où il put lui livrer la bataille avec avantage. On arriva
dans une plaine seche, sablonneuse & environnée de collines elcarpées. C'est-
là où Massinissa attendoit Asdrubal. 11 laissa prendre à celui-ci tous les avan-
tages qu'il voulut. Pour lui, il prit les liens d'une manière qui lui assûroit
en quelque sorte le gain de la bataille.
,
On n'attendcit que le signal du combat, lorsqu'on lui annonça la venue xm
deScipion Etn'ilian,.is qui, comme on l'a dit, avoit été envoyé vers Mas- Bataille
finiffa pour lui demander quelques Eléphans, afin de les faire pafser en Espagne. cnïreMzs- finii'fà & les
Le Roy envoya pour le recevoir les deux Princes ses fils, & lui fit dans san Carthagi-
camp tout l'accueïl que lui inspira sa réconnoissance pour le nom des Scipions. nois.
IEmilianus ne crut pas qu'il lui fût permis d'avoir part au combat qui se de- Li'U x 4e
voit donner le lendemain. Il en fut simple speflateur de dessus une mon-
tagne, où il s'étoit placé. Les deux armées étoient de prés de cent dix mille
hommes. Elles combattirent dépuis le matin jusqu'au soir, & la victoire
après avoir longtems balancée, se déclara enfin pour le Roy de Numidie. iEmi-
lianus sur le soir descendit & vint féliciter Massinissa sur id viétaire. Les Car-
thaginois informez de son arrivée, le prièrent d'étre Médiateur de leur diss
férend.
xv. Il se rendit à leurs desirs, & écouta les propositions des deux parties.
vEtnilianus Massinissa demanda qu'on lui cédât le terrain dépuis si longtems
cttchoiri contesté qu'on lui donnât deux en propre
médiateur ,& de cens talens comptant pour les frais de la
entre les guerre, plus huit cens talens à divers termes; enfin qu'on lui rendit ses
Numides deux Officiers, & les cavaliers qu'ils lui avoient débauchez. Asdrubal
& les Car- vint de tous les articles, hors de la reddition des transfuges. con-
thaginois. sépara sans rien conclure.
Ainll l'on se
iEmilianus obtint tout ce qu'il voulut de Aiafli-
nifsa, & s'en retourna en Espagne.
Les deux armées demeurérent chacune dans son porte, espérant l'une
& l'autre que forcées par la disette, l'une des deux seroit obligée de décam-
per la premiere, & que l'autre la poursuivroit dans là retraite. Les Cartha-
ginois furent les premiers qui éprouvèrent toutes les horreurs de la plus hor-
rible famine, & de la peste qui en est une suite naturelle.
XVI. Asdrubal fut donc obligé de délivrer les sommes demandées par le Roy,
Cruauté de de rendre les transfuges, & de recevoir dans Carthage les exilez
Gulufla qui en avoient
exercée
été bannis. A ces conditions l'infanterie Carthaginoise épuisée, presque
aprés patté nuë,
envers les
sans armes & avoir sous le joug, eut permission de s'en retourner
Cartha- à Carthage; & encore le Prince Guluiîa, en vengeance de l'embuscadequ'on
ginois. 1ui avoit dressée à son retour de Carthage, poursuivit ces mallieurelix, & les
égorgea sans trouver la moindre résistance. On ignore si Massinissa permit
ou approuva cette perfidie. Carthage ne sentit bien la grandeur de sa perte,
que quand elle se vit attaquée ^
par les Romains.
XVII. Elle crut pouvoir prévenir la guerre, en envoyant à Rome des Ambaf-
Ambassade sadeurs, avec ordre de s'abandonner à la discrétion duSénat, & de
de Cartha- ne réfuter
aucune des conditions qu'on leur proposeroit. Ils parurent au Sénat dans un
ge au Senat état d'humiliation, avouèrent leur foiblesse, implorèrent la clémence, & se
Romain.
soumirent à tout ce qu'on voudroit demander d'eux. Aprés qu'ils furent sor-
tis, on vint aux opinions. Caton soûtint fortement qu'il falloit entièrement
détruire Carthage, que de là dépendoit le salut de Rome. Nasica s'efforça
de prouver au contraire que Carthage n'étoit pas inutile aux Romains, qu'elle
lestenait en haleine & en respecl- ; que si on la détruisoit, la dépravation des
moeurs inonderoit Rome, qu'il falloit l'humilier & PafFoiblir, mais non pas
la ruiner. La guerre fut conclue, & on dit en secret aux nouveaux Consuls
de ne pas quitter les armes que Carthage ne fût détruite.
XVIII. Ces Consuls furent L.Marcius Censorinus, & M. Manilius Nepos. Le
L.Marcius premier
Censorinus eut le commandement de la flotte, & le second fut chargé de la con-
& M. Ma- duite de l'armée de terre. Les Carthaginois crurent pouvoir appaiser Rome
nilius Ne- en condamnant à mort Asdrubal, & Carthalan son Lieutenant-Général. Ils
pos Con- envoyérent de nouveaux Ambassadeurs pour y notifier la juilice qu'ils avoient
fuis. An de faite de
R. e04,du ces auteurs de la guerre contre Massinissa. Mais on savoit que l'arrêt
de
de mort n'avoit pas été exécuté, & que toutes ces démonstrations de repentir M. 38??.
n'étoient que fidioris. On leur répondit qu'ils n'avoient point de pardon à avant J. C.
espérer, à moins qu'ils ne fissent une jujle satisfa&ion. On crut à Carthage que ï4?..
Liv. 1.49-
cette satisfadioti n'iroit qu'à augmenter le tribut, & à laisser jouïr Ivlaffinissa Appian.
i1J
du terrain qui avoit été si longtems en contestation; on députa de nouveau Lyjïc.p.4*.
à Rome pour s'en éclaircir, mais le Senat répondit d'une manière aussi vague Utique se
que la première fois; que personne ne savoit mieux qu'eux quelle satisfaftion Romains. rend aux
méritoit leur faute. Toutes ces réponses n'étoient propres qu'à augmente-r
les inquiétudes des Carthaginois.
La défeé1:ion d'Utique, qui dans ce même tems se donna aux Romains, XIX.
fut pour eux un nouveau sujet de chagrin. C'étoit la ville la plus confidé- (Sarthage
rable de leur Etat aprés Carthage. Le Sénat Romain accepta l'offre que lui fait une
firent ceux d'Utique, & résolut de pousser la guerre avec la dernière rigueur. dition entière de-
Carthage en fut effrayée. Elle prévit sa pêrte entière, & pour la prévenir, elle tre les en-
envoya des Ambailadeurs à Rome, pour témoigner qu'elle renonçoit à sa li- mains des
berté eX. se livroit aux Romains. Arrivez au Senat, ils firent entendre avec lar- Romains.
mes qu'ils faisoient une entiére dédition entre leurs mains. On leur témoigna
qu'on étoit content de leur soumission, & on leur rendit même la liberté,
leurs biens, leurs campagnes, l'usage même de leurs loys, à condition qu'ils
envoyeroient en Sicile aux Consuls qui étoient déjà partis, trois cens otages
tirez des familles de leurs Senateurs, ou de leurs plus considérables citoyens.
Cette reponse combla de consolation & d'espérance les Ambassadeurs; XX.
ils furent d'abord reçus à Carthage comme envoyez des Dieux. Ensuite on Arrivée
refléchit & on craignit que la réponse du Senat ne fût captieuse & n'enfer- des Con-
sul& cn Afri-
mât des engagemens auxquels ils ne s'étoient pas attendus. Mais on étoit que.
trop avançé. Il fallut faire partir les trois cens otages pour Lilybée, où les Liv. 1. 49.
Consuls étoient à l'ancre. La consternation des principales familles fut ex- Appian. in
trême au départ de cette jeunesse. On la conduisit de Lilybée à Rome, & on Punie.
les y garda avec grand soin. Bientôt aprés la flotte Romaine, qui portoitles
deux Consuls, arriva àOtique. On n'avoit point encore veu un pareil arme-
ment. Il consistoit en cinquante galères à cinq rangs de rames, suivies d'une
multitude innombrable debarques, de batteaux plats, de brigantins. L'armée
étoit de soixante quatorze mille hommes, tant d'infanterie que de cavalerie.
Le Consul AiuuiliUS ne fut pas plutôt débarqué, qu'il s'empara du même ter-
rain, où Scipion l'Africain avoit campé, lorsqu'il investit Carthage. On peut
juger des inquiétudes & des frayeurs des Carthaginois à la veuë des deux ar-
mées Coniutaires. Le parti qu'ils prirent, ce fut de demeurer dans leur ville,
en attendant que les Consuls déclarassent leur volonté.
Il envoyérent la leur demander ,& les Consuls reçurent les Ambassadeurs XX1.
dans l'appareil de guerre, le plus capable de leurinspirer de la crainte. Toute lesCartha-
l'armée Romaine étoit sous les armes & formoit deux hayes dépuis la porte ginoisleurs li-
du camp, jusqu'au quartier des Consuls. Ceux-ci étoient assis sur des Trônes vaisseauxvrent
fort élevez, environnez des Lieutenans-Généraux& des Tribuns de leur armée, & leurs ar-
& réparez de la foule par une balustrade, au dedans de laquelle les AmbasTa- mes aux
deurs n'eurent pas la liberté d'entrer. Ils parlèrent, lorsqu'on le leur eut per- Romains.
mis,
mis, & le Consul leur répondit, que puisqu'ils s'étoient livrez de bonne foy
à la République, il falloit lui remettre les armes & les machines de guerre
dont leurs Arsenaux étoient remplis, & les vaisséaux qui étoient dans leurs
ports. Les Ambassadeurs formèrent quelque difficulté sur la nécessité où
étoit Carthage, d'avoir des armes pour se défendre contre d'autres ennemis
que les Romains. Les Consuls répondirent que Rome auroit soin de les
défendre, & en même tems ils firent partir deuxQuesteurs avec ordre de faire
brûler les vaisseaux de Carthage, & d'amener au camp tout ce qu'ils y trou-
veroient d'instrumens de guerre. Ils furent obéïs, & l'on transporta au camp
une si grande quantité d'armes & de machines de guerre, qu'on en auroit pÚ
armer une trés-grande armée. Les Prêtres de tous les temples de la ville &
les plus respedables vieillards, accompagnoient les chariots sur lesquels tout
cela étoit chargé.
xxn. Le Consul Marcius sans être touché de cespeftacle, signifia enfin à cette
Ordre aux respedable
Carthagi- troupe les derniers ordres du Senat & du peuple Romain. C'é-
nois d'a- toit d'abandonner entièrement Carthage, d'en ruiner les murs & les maisons
bandonner & d'en aller bâtir une autre dans quel endroit ils jugeroientà propos, à une
& de dé.. distance au moins de quatre vingt Hades ou quatre lieuës de la mer. A ces
truire leur mots les Carthaginois entrèrent fureur, hurlant, criant, se frappant la tête,
propre
en
ville. s'arrachant les cheveux, se roulant par terre & la mordant de rage, faisant
mille imprécations contre les Romains, & irritant exprés les soldats pour les
porter à leur donner la mort. Ce speétacle toucha les soldats mêmes; Han-
non un des plus conlidérables des Carthaginois,obtint permission de taire de
très-humbles remontrances. Le Consul Marcius lui fit entendre qu'il n'étoit
pas permis aux Consuls de reformer, ni de changer, ni même de suspendre
les ordres du Senat; qu'il n'y avoit point d'autre parti à prendre, que celui
de l'obéïssance; qu'après tout ils n'en seroient que plus tranquiles& plus heu-
reux dans une nouvelle Carthage.
xxnides Les Envoyez de cette malheureuse ville craignant qu'on ne les mit en
Retour pièces, lorsqu'ils rapporteroient à leurs concitoyens la derniére résolution
Envoyez
de Cartha- des Consuls, les priérent de faire avancer dans la rade de Carthage une partie
ge dans la de la flotte Romaine pour contenir les bourgeois & les empêcher de se por-
fille, ter aux derniéres extrémitez. Le Consul Marcius s'embarqua lui-même sur
la galère Prétorienne & fit avancer vingt quinquerémes à la veuë de la ville.
Le retour des Députez jetta le peuple dans la consternation, voyant qu'ils
demeuroient dans un morne silence & que il douleur & le désespoir étoient
peints sur leurs visages. Ils furent introduits seuls dans la salle du Sénat, &
lorsqu'ils eurent rapporté l'arrêt de la ruine de Carthage, il s'éleva un cri dans
l'assemblée, qui se fit entendre au dehors, & auquel le peuple répondit par
d'autres cris encore plus aigus & plus lugubres; & comme on n'ouvroit pas
les portes du Sénat assez tôt au gré du peuple, ils foncérent les portes & en-
trèrent comme des furieux.
XX1V. Ayant appris le résultat de la députation, ils s'en prirent d'abord aux
Les Cartha- Députez qu'ils chargérent d'injures & de coups. On leur jetta des pierres,
ginois
on les traîne par les rues, ensuite ils se jettérent sur les négociants d'Italie,
prennent qui
»
qui étoient en grand nombre à Carthage ; on pilla leurs maisons, on leur la résolu-
tion de
fit souffrir mille mauvais traitemens. Les Senateurs les plusviolens s'assem- défendreCe
biérent, & résolurent la guerre. La fureur arma les citoyens. Ils portérent contre les
des pierres sur les remparts pour éloigner les Romains, s'ils se présentoient Romains
aux portes. On donna grace aux criminels enfermez dans les prisons, on ac-
corda la liberté aux esclaves, & on les incorpora dans les milices. Asdrubal
qui avoit été condamné à mort, fut rapellé & invité à venir avec les vingt
mille hommes qu'il avoit rama{sezau secours de sa patrie. Un autre Asdru-
bal dont la mere étoit fille du Roy Massinissà, fut nommé pour commander
dans, la ville. On envoïa au camp des Consuls une nouvelledéputation pour
obtenir une trève de trente jours, afin d'envoïer des Ambassadeurs à Rome.
Les Consuls furent inflexibles, & les Carthaginois résolurent de porter les
choses aux derniéres extrémitez plutôt que de ruiner leur patrie.
Que ne peut pas la nécessité, & la crainte d'un dangerextrême! Carthage XXV.
Industrie
trouva assezde ressources pour fabriquer de nouvelles armes, & pour mettre des Gartha-
une bonne armée sur pied. Les hommes & les femmes capables de travailler ginois pour
furent distribuez dans les temples, dans les portiques, & dans tous les endroits se mettre
couverts & spacieux de la ville, pour y travailler chacun sélon son talent & défen£&.
en état de
ielon ses forces ; les uns forgeoient des cuirasses, d'autres des épées, des dards,
& des fers de lances & de javelots, les autres préparaient les bois pour les
boucliers, les fléches & les dards. On leur apportait à boire & à manger
certaines heures réglées, afin qu'ils ne perdissent point de tems. On faisoit
par jour cent quarante-quatre boucliers, trois cens épées , cinq cens tant lan-
ces que javelines , & mille traits à jetter à la main , ou avec les machines.
Au lieu de fer & d'acier on mit en œuvre l'erain, l'or & l'argent, on fondit
,
les statuës, les vases prétieux, & jusqu'aux utensilles des maisons particuliè-
res ; 011 manquoit de cordes & de matières pour en faire aux arcs & aux
machines de guerre; on y emploïa les cheveux. Les femmes esclaves d'abord,
puis les femmes libres & enfin les Dames, se firent raser & donnérent leurs
cheveux.
Afin de procurer l'abondance dans Carthage, Asdrubal se donnoit tous XXVI.
les mouvemens imaginables pour y ramasser des vivres, & pour les y faire Ararubal
conduire seûrement. D'un autre côté le Roy Massinissa, qui auroit pu être réconcilié Car.
d'une si grande utilité aux Romains, paroissoit refroidi & indifférent, parce- avecthage.Mas.
que les Consuls paroissoient affeder de ne le pas emploïer , comme s'ils se linilfa re-
fussent défiez de sa fidélité & da sa bonne volonté. Il s'en plaignit, & quand froidi en-
vers les Ra-
on le voulut sonder sur les secours qu'il pourroit donner à la République, il mains.
repondit qu'il en donneroit, quand il le jugeroit nécessaire , à quoi l'on ré-
pliqua fiérement, qu'on lui en demanderoit, quand il seroit tems.
Cependant les Consuls laissoient jetter à Carthage le premier feu de sa X XVIL
colère ne pouvant s'imaginer que dans l'état où ils ravoient reduite , elle Siége de
, Carchage
pût songerà se défendre; Ils attendirent donc quelque tems qu'elle vînt faire les Ra«
résolurent par
les soumissions. Mais voïant qu'elle différoit trop , ils de presen- mai us.
ter l'escalade à la ville & de la forcer. LeConsul Marcius devoit l'escilader
du côté de la mer; ensorte qu'il plantât ses échelles sur les galères qu'on feroit
approcher du mur; & Manilius devoit l'escalader du côté de la terre ou de
l'Isthme, à l'endroit où la place étoit fortifiée d'une triple enceinte de murail-
les. D'abord que l'armée Romaine approcha, on vit les remparts couverts
d'une multitude innombrable de Carthaginois, bien armez & résolus de se
défendre jusau'aux derniéres extrémitez. A cespedacle le soldat Romain re-
cula, jugeant qu'il étoit impoiïjble d'emporter d'assaut du premier coup une
place de cette conséquence & si bien défenduë. En vain les Consuls les ra-
mènent & les font approcher des murailles. La veuëdu danger les en éloig-
ne de nouveau. On prend donc la résolution d'en former le siége dans les
formes.
XX VIII. Carthage comptoit sept cens mille ames dans son enceinte , & trois cens
Man lius villes dans sa dépendance Elle avoit armé un grand nombre de ses citoïens,
en tlieé qui combattaient leur vie pour leur liberté, pour leur patrie , pour
d'abandon.' pour ,
leur religion, pour tout ce que les hommes ont de plus cher. Asdrubal au
ner l'atta.
que du mut• dehors avoit une
armée nombreuse toujours alerte pour affoiblir # & traverser

de Cartha- les Romains. Les deux Consuls se campèrent à portée l'un de l'autre , Mar-
ge. cius plus prés du port, & Manilius plus proche de l'Isthme. Comme il man-
quoit de bois pour construire les machines, dont on se servoit alors dans les
lièges, il envoya un détachement de ses gens pour en couper dans la forêt la
plus voisine. Mais Asdrubal fit marcher eontr'eux de la cavalerie, qui en tua
cinq cens, dont il prit les armes & les fit passer à Carthage, où elles servirent
à armer ceux qui n'en avoient point. Manilius à Faide de deux batteries qu'il
éleva renversa un pan de la premiere muraille. Mais voïant que celle-cy
,
étoit sui vie d'une seconde, & celle-là d'une troisiéme , il fut obligé d'aban-
donner l'entreprise & de se retirer.
XJ/X. Marcius de son côté fit jouer le bélier, & fit une aflfez grande brèche;
Marbras e st niais les soldats qui voulurent entrer par-là dans la ville, furent repoussez, &
contraint la nuit fui vante on répara la brêche le mieux qu'on put ; l'on fit même une
de se reti- sortie, & l'on mit le feu
aux béliers, de manière qu'on ne put plus s'enservir.
rer. Comme la brêche n'étoit pas entiérelnet rétablie , Marcius commanda quel-
Elles y entrerent, mais elles
ques compagnies pour entrer dans la place.
furent preiqu"en même tems obligées de se retirer en desordre & avec perte.
jEmilianus qui servoit dans l'armée Romaine en qualité de tribun , les garantit
d'une défaite entière, en possant ses Légionnaires au pied du [mur en dehors,
pour favoriser la retraite des fuïards.
XXX" Cependant les vivres devenoient rares dans l'armée Romaine, par l'acti-
Afd.ubal vité d'Asdrubal, qui coupoit les convois par sa nombreuse cavalerie ; Marcius
Commun-
dant de- sur tout souffroit de l'indigence , & la maladie s'étant mise dans Ion camp,
Carthage r il résolut de transporter ses malades dans un lieu plus sain. Il les fit monter
met le feu sur sa flotte, & les conduisit à quelque distance de la ville. Asdrubal qui
à quelques cotnmandoit dans Carthage observa le lieu où elle se mettroit à l'abri, en-
vaiiTî;aux , Carthaginoises, qui se trouvérent dans le
Romains voya contre elle les vieilles barques
port & aux environs, & qui avoient été négligées place. par les Romains comme
choses inutiles au commerce & a la détente dune On les remplit de
de bitume, & d'autres matiéres combustibles , & on les
I
i•aaots, d'étoupes.,
° f poussa |
i
furent presque toutes confu-
oouffa contre les galéres des Romains, qui en
à Rome, pour présider al e-
mées. Peu de tems aprés Marcius s'en retourna
leâi "de lahardiesse des Carthaginois. Ils fi- XXXI.
L'absence ce Consul augmenta
pendant les ténébres, dans l'espérance de penetrer dans le camp Scipion Æ...
une sortie
rentennemis, une de surprendre les soldats endormis. Ils furent découverts, milianusdé.
des & prendre concerte
Manilius delibére sur le parti qu'il "doit
& pendant que le Consul de cavalerie, prend
les Cartha-
Scipion ?lianusfaitfortir du camp quelques dans la ville. Cet accident ginois
escadrons par
derrière, & les oblige de rentrer Üt vigilan-
les ennemis par
rendît le, Consul plus circonspect; il ajouta de nouvelles fortifications a son cc.
même fort, qui dominoit sur une partie du Golphe de
Sase
camp & Y bâtit un
afin d'y recevoir les provisions qui lui venoient du cote de la mer.
de ce chateau. Ils firent
Les Carthaginois entreprirent de se rendre maîtres
sortie pendant une nuit obscure, avec de grands cris de tous côtez, pour
une Scipion JEmihanus a son tour
faire croire qu'ungros détachementétoit sorti. des flambeaux a la main, avec
fit partir du camp quelques escadrons portant
fitordre de se disperser,camp
pour faire croire que l'armée Confulai.e étoit en mou-
, réussit, & les Carthaginois rentrèrent dans la
vement Ce stratagéme
ville.Asdrubal XXXII.
étoit posté fous la ville de Néphéris éloignée de Carthage de Maniliu
située sur
vingt-quatre mille , ou d'environ huitlieues. Nepheris étoitseul endroitune attaque
^ la
pis, de lieuës. Le par ville de Né-
montagne haute de quinze mille ou cinq phéris, &
où l'on y pouvoit monter , étoit colipé par une rivière ,& embarrasse de ro- est obligé
chers , qu'Asdrubal faisoit soigneusement garder. Manilius imprudemment de se reti-
résolut d attaquer cette place , & de brusquer Asdrubal. Il fait passer la riviére rer avec
à son armée, sans prendre la précaution de s'assurer du passage, en y fortifiant perte.
le lui avoit suggeré Scipion Æmilianus. Asdrubal vit venir
un camp, comme
l'armée Romaine , rangea ses troupes & descen&t de sa montagne au devant
du Consul. Le combat fut sanglant, mais il ne fut pas décisif Les Romains
firent leur retraitte, sans se laisser entamer. Lorsqu'ils furentendroits, arrivez au bord
de la rivière, conmme elle n'étoit quéable qu'en certains lesquels
etoient gardez par les troupes d'Asdrubal, les Romians furent contraints de se
de guez a traverser.
partager & de soutenir autant de combats, qu'il y eut d'être entièrement
Ils y perdirent beaucoup de monde , & couroient risque cavaliers qu il
défaits, si le brave Scipion iEmilianus, à la tête de trois cens
avoit sous ses ordres, & quelques autres qui se joignirent à lui, n'eulient
soûtenus seuls partagez en deux bandes, qui se succédérentles uns aux autres,
l'effort de l'armée d'Asdrubal. Pendant ce tems l'armée Romaine palla
tout elle.
le fleuve , & les cavaliers d'iEmilianus se jettérent dans l'eau aprés l'on
XXXllI.
Pendant que ces choses se passoient en Afrique, & que y faiioit Commen-
la
assez de succés Viriathe jeune Espagnol, dont on a déjà par- cement. de
guerre avec peu , Viriathe en
lé & qui de chasseur étoit devenu Chef de brigands, venoit d'être choisi par E{pagne.
les'Lusitaniens révoltez pour être leur Général dans la guerre qu'ils faisoitnt Liv A52.
avoit poussé Viriathe, & l'avoit renfermé
aux Romains. Le Préteur Vetilius c. 24.
dans un lieu de la Province Turdetanie, d'où il ne pouvoit lui échapper. Un
jour le Général Lusitain feignit de vouloir livrer la bataille à VetiIius. Il ran-
gea son armée CDmposée de dix mille hommes, sur un fort grand front, & sur
un¿- ieule lig e. Il en reserva dix mille cavaliers, à la tête desquels il se mit.
Il avoit dit à Ls gens, d'observer le moment auquel ils le verroient monter à
cheval, & à ce signal de prendre la fuite, & de se jetter dans la ville deTri.
bola qui n'étoit pas éloignée. La chose s'exécuta avec tant de promptitude,
que le Préteur qui n'avoit pas encore donné le signal pour le combat, n'eut
pas le tems ou la hardiesse de les poursuivre , de peur que ses Légionnaires
il
nese debuiidç-,flèiit. Mais tomba iur Viriathe. CelllY-cy qui savoit les chemins,
& dont la cavalerie étoit extrémement agile, fit sa retraitte avec tant d'adresse
& de bonheur qu'il arriva sans perte avec sa cavalerie à Tribola, où sonin-
,
fanterie l'attendoit.
xxXII,r. Vetilius attribua la fuite de la petite armée de Viriathe à une terreur pa-
Victoires nique, & vint droit à Tribola pour s'emparer de la place. Le Capitaine Lusitanien
de Viriafhe
contre les embusca les troupes dans la forêt où Vetilius devoit palier, & tailla en piéces
Px é' mrs la plus grande partie de l'armée duPréteur. Il y fut fait prisonnier,puis mis à mort,
R.<-tm.tms. & de dix mille hommes qu'il avoit, à peines'ensauva-t'ilsixmille. Ces avantages
rendirent le nom de Viriathe célébre en Espagne, & son parti grossissoit tous
les jours ; Rome envoïa du renfort en Espagne sous le Préteur Plautius, qui
1le fut guéres plus heureux que son prédecesseur. Il étoit entré dans le pays
des Carpetms, où Viriathe étoit alors. Celui-ci feignit de fuir devant le Pré-
teur , qui envoïa contre lui quatre mille hommes. Mais il n'en revint qu'un
petit nombre. Le reste fut mis à mort. Viriathe passa le Tage & vint cam-
,
son armee y périt presque toute entière ; Il abandonna la campagne à
per sur une hauteur nommée le mont de Venus. Plautius l'y attaqua , mais
qui fit main-basse sur tout ce qu'il y rencontra, & mit le reste à contribu-
Viriathe,
tion.
XXXV. Andriscu?, ou Philippe, cet imposteur qui vouloit se faire passer pour fils
Andrifcus de Perfés Roy de Macédoine, s'étanr échapé de Rome vint
foulevé , en Macédoine,
& y raconta Ion histoire, ainsi que nous l'avons raporté cy-devant. Les Ma-
une partie cédoniens
de la Macé- naturellement sont fortaffedionnez à leur Roy, & comme ces peu-
doine. ples n'étoient point encore accoutumez à l'état de liberté où Rome les avoit
Liv, 49. S-o. mis, & qu'ils n'étoient nullement affedionnez
Vellei. aux Romains, ils n'eurent pas
'Patercul.
de peine de se persuader que le prétendu Philippe étoit un rejetton de leurs
/. i. anciens Roys. Ils n'osérent toutefois se déclarer aussi-tost. Philippe leur laissa
An du M- le tems de réfléchir, & alla se montrer dans la Thrace, pays encore moins
38ÇÇ. avant ami de Rome, que ne l'étoit la Macédoine. Quelques petits Roys de
J.G»I45. luy fournirent du secours, s'alliérent ce pays
avec lui, & luiaidérent à faire la conquête
de la Macédoine. De la Macédoine il passa en Thessalie, où il trouva pres-
que autant de facilité pour s'en rendre maître, que danslaMacédome.
:XXXTn. Rome ignoroit la vraïe situationdes affaires de ce pays-là. Elle nepou-
Andrisque voit se persuader que Philippe eût fait d'aussi grands progrés en si peu de tems.
cst cluiifé Elle y fit passer Scipion Naslca à la tête d'une députation, pour remédier à
de la
ThcfTaiie. ces désordres. Dcz qu'il fut débarqué en Gréce, & qu'il eut apris l'état des
Défaite de choses en Macédoine, & en Thessalie, il en informa le Sénat & demanda du
Tbulna, secours
secours aux Achéens", qui lui envoyérent quelques troupes avec lesquelles An du M. il
chassa Philippe de la Thessalie ; mais il n'osa pénétrer en Macédoine avec 856.avaiit ;
J. G. 144.
une armée si peu aguerrie & sur la fidélité de laquelle il ne pouvoit beaucoup
,
compter. L'année suivante le Senat y en-voïa P. Juventius Thulna avec une
armée Prétorienne. Il tenta ce que Nasica n'avoit osé tenter. Il voulut pas-
ser en Macédoine; mais son armée fut taillée en piéces dans les défilez , &
lui-même y perdit la vie. Ainsi. Philippe sè trouva maître non seulement de
la Macédoine, mais aussi de la Thessalie, où il rentra , & dont il fit aisement
la conquête.
Prusias Roy de Bithynie, dont on a parlé plus d'une fois, avoit à Rome XXXVII.
qu'il se défioit Prusias Roy
un de ses fils nommé Nicomédes, qu'il y avoit envoyé, parce de Bithy-
de lui, & qu'il craignoit que les Bithyniens ne l'abandonnaient, pour placer nie veut
sont fils sur le trône. Ce jeune Prince gagna bientôt l'affedion des Romains , faire mou-
il avoit fait celle des Bithyniens, & son Pere voulant mettre à profit rir son fils
comme Nicomé-
la faveur, dont Nicomedes joûiisoitt à Rome, lui écrivit de demander au Se- des. Appi-
nat qu'on lui remît les sommes dont il étoit encore redevable à Attalus, par an. in Ivîi-
le dernier traitté qui avoit été arrêté entre ces deux Prillçes. Prusias envoya rbridat. p.
7Zsfuftin.
en même tems un nommé Menas en Ambassade à Rome , pour appuyer la de- î.x c. 4.
mande de son fils, & avec ordre, s'il obtenoit la grace qu'il demandoit, de
ne lui rien faire ; mais de le faire mourir, s'il ne réùflifloit pas dans sa négo-
ciation. Attalus de son côté envoya à Rome Andronique pour loûtenir ses
à
prétentions, & pour remontrer au Senat que la somnie laquelle Prusias avoit
été condamné, n'égaloit pas le dommage qu'il avoit causéà Attalus. Aussi le
jeune Prince Nicomedes ne put rien obtenir du Sénats
Menas qui avoit reçu ordre de le mettre à mort, n'osa en venir à l'exé. xxTtvm.
cution; voyant qu'il étoit en grande considération auprés des principaux du Kicomédes & Menas
Sénat ; il n'osa non plus retourner en Bithynie, de peur d'être exposé au conspircat
,
ressentiment de Prusias. Nicoméde qui avoit eu vent du mauvais dessein de contre
son Pere vint trouver Menas, & l'engagea avec Andronique Ambassadeur Pruúal. ,
d5 Attalus, de conspirer avec lui contre Prusias & de le prévenir.
,
Andro-
nique se chargea de persuader Attalus de mettre Nicoméde sur le trône de Bi-
thynie. Ils partirent tous trois de Rome, & arrivérent à Bernice petite ville
d'Epire, d'où ils se séparérent. Andronique prit le devant, & vint au devant
de Niconlédes, qui avoit déja pris le Diadéme & les ornemens Royaux. An-
dronique lui donna centsoldats qu'il commmdoit, pour lui servir de gardes.
Menas faisoit semblant de ne rien savoir du complot, & exhortait les deux
mille hommes qui lui obéïssoient, à prendre le parti le plus feur; que Prusias
étoit un vieillard odieux a ses peuples, par ses crimes & par sa cruauté , que
Nicomédes au contraire étoit un jeune Prince, aimé des Romains souhaité
,
par les BithynÍen<;, & orné d'excellentes qualitez. Par ces discours il enga-
gea aisément ses deux mille hommes à s'attacher à Nicomédes.
En même teins Attalus prenant le parti de Nicoriiédes, somma Prusias XXXlX.
AttaJus|
de donner à ce jeune Prince des villes & des campagnes pour son logement prend le
& pour Ion entretien. Prusias répondit fièrement qu'il lui livreroit bientôt le parti de
Royaume d'Aiïalus^ en même tems fit partir des A1ilbassadeurs pour accurer
"Nicomédes Attale & Nicomédes auprés du Senat Romain. Cependant Nicomédes & At-
contre talus entrérent dans la Bithynie, & tirent vigoureusement la guerre à Prusias,
Prusias.
qui se vit bientôt abandonné des tiens, & obligé de prendre trois censThra-
ces pour sa garde.
XL. Les Ambassadeurs de Prusias ne furentintroduits au Senat, qu'après avoir
Ambaifa. assez long-tems séjourné à Rome, le Préteur ayant exprés différé de lesintro..,
deurs de duire, pour faire plaisir à Attalus. Le Senat ayant ouï les plaintes de Prusias,
Prusias à permit à ses Ambassadeurs de choisir des Legats pour aller sur les lieux, afin
Rome. d'examiner les raisons des parties. Ils en choisirent trois, dont l'un ne pou-
An du M.
3 8i 6. avant
voit marcher, l'autre étoit comme imbécile, & le,',troisléme avoit de grosses
J.C. 144- cicatrices à la tête, ce qui fit dire à Caton le Censeur, qui mourut bien-tost
1. 50. aprés âgf de 83. ans, qu'ils avoient choisi des Legats qui n'avoient ni piésni
Plutarch. tête.
i,Z Cutme
mai. Ces Legats arrivez en Bithynie, ordonnérent aux deux Roys de quitter
XLI. les armes. Attalus & Nicomédes feignirent de déférer aux ordres des Légats;
Mort de mais les peuples de Bithynie qu'on avoit "gagnez , témoignèrent hautement
Prusias. qu'ils ne pourroient se résoudre à vivre déferais sous la domination de Pru-
An du M. sias qu'ils pouvoient plus souffrir ses cru^utez ni s'exposer à son refsen-
m*. , ne ,
uippian. timent, surtout depuis qu'ils s'étoient si ouvertement déclarez contre lui. Ainsi
Mithridat. les députez furent obligés de s'en retourner à Rome, sans avoir rien fait en
p. 174. faveur de ce Prince. Alors Prusias se retira à Nicomédie pour s'y défendre
17 5. Dio- contre Attalus & contre Nicomédes. Mais les bourgeois le livrèrent à sesen-
dor. Bibl. Ce malheureux Prince eut beau se !au-
Phot.cod. nemis, & leur ouvrirent leurs portes.
244* Liv.1. ver dans le temple
de Jupiter pour y trouver un azyle, il y fut tué ou par sou
%o.Polyh' fils ou par Attalus, ou enfin par ses propres sujets, car sur cela les Historiens
in Excerpt. ,
ne conviennent pas entre eux.
Vales.
Jamais peut-être la République n'avoit eu plus de besoin de Consuls d'un
p. 174.
AL II. mérite superieur que dans cette année, où la guerre étoit allumée en Afrique,
Sp. Pofthu- en Macédoine & en Espagne. Toute fois elle choisit pour Chefs deux hom-
mius Albi-'
mes qui n'étoient pas en état de soûtenir le poids de si grandes affaires, ni de
nus Mag- rétablir les choses au point où elles étoient avant ces guerres. Ces deuxCon-
tius , & L. &Luc. Calpurnius Piso CEe<
Calpurnius suis furent Spurius Posthumius Albinus Magnus,
Piso Gxso- sonius. Ce dernier fut destiné pour faire la guerre en Afrique, & en attendant
nius Con- son arrivée, Manilius fut continué dans le Généralat, en qualité de Pro-
fuls. An de
c 01.1 sul
Sur ces entrefaites Massinissa Roy de Numidie tomba malade, delama-
Rome 6oç,
duM.jB'j^
avant J. G. ladie dont il mourut. Il avoit environ quatre vingt
' dix ans, & laissoit trois
144. fils légitimes, & au moins quarante autres enfans, qu'il avoit de
différentes
XL111.
femmes d'un moindre rang. Durant sa dernière maladie , il envoya prier
Mort de Scipion iEmiliarius, pour l'engager à se charger du par-
Massinissa. Manilius de lui envoïer
Partage en- tage de ses Etats , &
del'établififement de ce grand nombre de fils qu'il laisroit.
tre ses en- jetnilianus ne peut arriver qu'après le decés du Roy. Il ne jugea pas pro-
à
sans.
pos de diviser le Royaume. Il le laissa aux trois enfans légitimes par indivis.^
Liv. 1. 5o.
L'aîné nommé Micipsa eut l'administration des finances; Le sécond nommé
.C,Uluifa fut chargé des affaires de la guerre & de la paix ; Le troisiéme nom-

mé Mastanabal, eut l'intendance de la justice. Ces trois freres eurent un
bonheur bien rare , qui est qu'ils vécurent toujours en bonne intelligence, &
qu'également Rovs, ils se servirentl'un à l'autre del\iinistres d'Etat. Pour
les autres enfans du Roy , iEmilianus leur assigna à chacun dix mille journaux
de terres cultivées , pour leur entretien & leur subsistance.
Gulussa suivit Emilianus avec quelques Eléphans & sa cavalerie Numi- XLIV:
de, & vint avec lui au camp devant Carthage. Manilius y commandoit & Général Phameas
de
employoit souvent iEmilianus à des expéditions contre les Carthaginois. Ce- la cavalerie
luy-cy se rendit maître de plusieurs chateaux, & soutint parfaitement la répu- Carthagi-
tation de sagesse & de valeur qu'il avoit acquise» Un jour s'étant trouvé à noise, se
portée de Phameas Général de la cavalerie Carthaginoise , il eut une courte ren(l aux
conférence avec lui, & le détermina à se séparer de Carthage & à se donner Romains.
aux Romains. Phameas exécuta sa promesse, pendant que Manilius étoit allé
pour la seconde fois attaquer la ville de Néphéris. Aprés dix joùrs de siége,
& au moment que Manilius étoit sur le point de se retirer, arriva au camp un
soldat Numide avec une lettre pour iEmilianus. La lettren'étoit paslignée.
Mais Scipion ne douta point qu'elle ne fut de Phameas. Elle portoit qu'un
tel jour celui qui écrivoit, occuperoit un tel posse, que Scipion s'y rendit avec
quel nombre de troupes il jugeroit à propos. Scipion s'y rendit ; Il y trouva
Phameas. On se donna réciproquement parole de fidélité.
Le lendemain JPhameas conduisit toute sa cavalerie au lieu marqué. Il XLV.
leur parla en présence d'iEmilianus, & leur sit entendre que l'obstination de Manilius
est obligé
Carthage ne pouvoit aboutir, qu'à sacrifier à l'épéedes Romains tous ceux qui d'abandon-
la servoient, qu'il étoit résolu d'abandonner un parti desespéré, qu'ils vissent ner l'entre-
s'ils le vouloient suivre. Ils le suivirent tous au nombre de deux mille deux prise de
cens hommes, un Officier nommé Hannon le Blanc, fut le seul qui refusa de Nephëris.
le suivre. 11 rentra dans Néphéris avec quelques cavaliers, Phameas fut reçu
dans le camp Romain aux acclamations de toute l'armée. Cela n'empêcha
pas que le Proconsul ne fût obligé de se retirer, & de voir son détachement
en danger de périr, faute- de vivres. Mais la cavalerie Numidienne de
Guluflà & celle de Phameas le tirèrent d'embarras, & lui procurèrent des
vivres.
Dez que Manilius eut appris que le Consul Calpurnius étoit parti pour XLVl-
venir commander l'armée de terre , & L. Holtilius Mancinus pour comman- /EmilianuS
der la] flotte en Afrique, il renvoïa Scipion'iEmilianus à Rome, avec Phameas, & Phameas
à
pour y recevoir l'un & l'autre les recompenses dues à leurs services. Æmi- envoyez par
lianus fut chargé de lettres qui rendoient un témoignage honorable à sa con- Rome Mauilitt».
duite & à ses services. Le Proconsul ne déguisa point qu'il ne fut redevable
à ses conseils & à sa valeur, de tout ce qu'il avoit fait de mieux depuis son
arrivée en Afrique. Toute l'armée Romaine l'accompagna jusqu'à son embar-
qUCl1..1ent, avec des vœux qu'il revînt bientost enAfrique, enqualité de Con-

marques de distindion qu'il méritoit. il présenta Phameas au Senat ;


sul, pour faire la conquête de Carthage. Il fut reçu à Rome avec toutes les
Sénat donna séance 'à Phameas dans son auguste corps. On lui sit présentde
& le
l'habillement des premiers Magnats de Rome. On le fit Chevalier Romain
&
& on lui donna un cheval superbement enharnaché une armure complette,
& une tente magnifique ; on le combla de louanges, & de présens.
Le Consul Calpurnius arrivé en Afrique ne jugea pas à propos de con-
®xLvn. le Carthage s'attacha ,
prendïe les places qui étoient de
Exploits du tinuër siége de ; il à
Consul Cal- sa dépendance , afin de la réduire à ne tirer du secours d'aucun endroit. II
purnius en attaqua Clupée & fut obligé de l'abandonner. Neapolis qui avoit une sauve-
Afrique. ,
garde Romaine) & qui n'avoit en rien violé la neutralité, fut traittée en enne-
Liv. I. S'o. mie & abandonnée pillage. Hippagrete ville maritime, fut assiégée par
c. 25. Ap- , au
pian. in filer & par terre; le Consul & la flotte Romaine y perdirent leur peine. Ainsi
Punie. se passa la campagne sans aucun exploit mémorable. Carthage reprenaittous
les jours de nouvelles forces, & la réputation des armes Romaines étoit tom-
bée en Afrique. Les Roys de Numidie ne lui donnoient plus les secours or-
donnez avec la même ardeur. AndriscusRoy de Macédoine reçut uneAm-
bassade du Sénat de Carthage, qui l'invitoit à se joindre à elle pour faire la
,
guerre aux Romains. Si la division ne se fut mite parmi les Chefs de cette
République Rome étoit en danger de ne la réduire de long-tems. Mais As-
,
drubal,qui commandoit les troupes au dehors de Cirthage ayant accusé
,
Asdrubal petit fils de Massinissa & neveu de Gulu(fct , de trahir les intérêts de
Carthage, ce dernier fut assommé dans le Senat même, par les Senateurs qui
lui jettérent leurs siéges à la tête.
Xl,Vlll. Andriscus avoit exercé tant de cruautez dans la Thessalie , & y avoit fait tant
Andriscus de brigandages,
par lui-même & par le moïen desThraces, qu'il amena dans
ou Philippe cette Province qu'il s'y rendit souverainement odieux. D'ailleurs il étoit
Roy ile Ma- ,
cédoine est d'un naturel farouche & cruel, fier, arrogant, & dans sa bonne fortune il étoit
vaincu & devenu insupportable à tout le monde. Il gouvernoit la Macédoine en Tyran
remis entre plutôt qu'en Roy légitime faifJnt mourir les plus riches & les plus confidé-
les mains rables du , de leurs dépouilles ; de sorte que quand Me-
pays pour s'enrichir
de Metel-
lus. telius, qui avoit été envoyé en Macédoine pour lui faire la guerre , parut
AnduM. dans ce pays, il y trouva les esprits tout disposez à le favoriser contre Andrif-
6. avant cus.. Attalus Roy de Pergame se joignit avec sa flotte au Préteur; qui débar-
J. G. 144-
qua sans opposition & entra en Macédoine. Andriscus s'étoit posté aux
Liv. 1, 50. , Il livra la bataille à Metellus & la perdit. La Thrace
Zonar. environs de Pydna.
Eutrop. lui servit de retraite, & le Préteur se trouva maître de la Macédoine. 11 re-
Flor. Diod- prit ensuite aisément tout ce qu'Andiiscus avoit pris en Thessalie. Delà il passa
in Ex&rpt,
en Thrace, où Andriscus fut de nouveau battu, & perdit prés de vingt-cinq
Vales.
mille hommes dans le combat. Il crut trouver un azyle dans la Cour de By-
p. 342.
sés un des petits Roys des Thraces ; mais ce Prince rédoutant le ressentiment
des Romains envoya Andrisque au Préteur ; qui le fit passer à Rome chargé
de chaînes. ,
XLIX. Alexandre Ballés Roy de Syrie n'eut pas un meilleur sort. Il est rare que
Alexandre des gens élevez tout à coup à un état fort élevé au-dessus de leur naissance
BallésRoy & de leur mérite, s'y maintiennent & sâchent user modérément de leur bonne
de Syrie ef1 fortune. Ballés n'avoit ni le courage ni la grandeur dame nécessaire, pour
auarlué palr soûtenir dignité la couronne de Syrie. 11 se déchargea des soins duRo-
Demetrius avec
fils du Rojr yaume sur deux Ministres, savoir Hierax & Diodote , & sur Ammonius
son
Favori
;
Favori, homme capable de plus grandes cruautez qui ôta la vie à la Reine Demettias
Laodicé, à Antigone fils de Demetrius, & à tous, les amis du feu Roy. Ce- Soter.
pendant Ballés s'étoit retiré en Phénicie, où il vivoit dans les derniéres infa- Liv 1 Ç2.
mies, plongé dans une molle oisiveté & dans toutes sortes de débauches. tfofeph. 1.
Autiq*
Demetrius surnommé depuis Nicator,, i i.
fils du Roy Demetrius Soter,qui c. 8. ffufttw.
avoit été envoyé d'abord dans l'Isle de Gnide, & qui s'étoit ensui'te retiré en /•?>.
Créte avec son frere Antiochus, étant informé du mépris danslequel étoit tombé An du M.
Ballés, & de la haine qu'on portoit à Ammonius & aux autres Ministresde 3816 avant
J. C 144.
ce Roy usurpateur, résolut de rentrer dans le Roïaume de son Pere, & d'en
chasser Ballés. Lail:henes Gouverneur ou Chef des Crétois l'exhorta à cette
entreprise, & lui fournit des troupes pour l'exécuter. Il passa donc de l'Isle
de Créte en Cilicie avec une armée. Ballés en fut bientost averti,& retourna
en diligence de Phénicie a Antioche, pour mettre ordre à ses affaires, & pour
résister au jeune Demetrius. Il avoit donné le gouvernement de la Célé-Sy/ie
à un nommé Apollonius Pavus, qui lui manqua de fidélité, & se livra d'abord
à Demetrius, puis ayant ramassé une bonne armée, attira au parti de
ce Prince
tout ce qu'il put de Syriens; & comme Jonathas LVlaccabéedellleuroitconsiant
dans l'alliance de Balles, Apollonius lui fit la guerre, mais il fut battu prés la
ville d'Azoth,& Jonathas se rendit maître de cette derniére place & de celles
dejoppé, & d'Ascalon. Ballés eut tant de réconnoissance pour les services
que Jonathas lui avoit rendus dans cette occasion, qu'il luy envoya l'agraffe
d'or, telle que laportaient les parens du Roy, & lui donna en propre la ville
d'Accaron.
Il sembloit que le dessin demandoit un Scipion pour terminer la L.
guerre
contre Carthage. Le peuple Romain avoit les yeux sur Scipion iEmilianus, P. Cornéli-
pour l'élever au Consulat; Les troupes d'Afrique le souhaitoient. Pour lui, /Enntianu'',
us Scipio
il se bornoit a l'édilité, ou a quelque autre charge, à laquelle sonâge luiper- & C. Livius
mettoit d'aspirer. Il n'avoit que trente-sept ans ; il en falloit quarante pour Drusiis
obtenir le Consulat. Cependant le peuple assemblé pour les éleél:ions, pen- Consuls.
choit visiblement pour Æmilianus. LeConsulPosthumius Albinus eut beau An de R.
du M.
remontrer que les Loys s'opposoient à l'inclination du peuple. 11 fallut cé- 606.
der & dispenser Scipion de la Loy Velia pour cette fois seulement, & sans 3J.3C.> 7.14;. avant
tirer à consequence. Scipion fut élu Cousus, & on lui donna pour Collégue Liv. 1. )T.
Caïus Livius Drusus. Ce dernier voulut lui contester l'honneur de passer Appian.
Afrique, prétendant que le sort en décideroit ; niais il fut obligéde consentir en Lybic. p.7 5-.
Consul 76. &c.
que le jeune par arrêt du Senat & du peuple, & sans tirer au sort, eût
l Afrique pour Ion département. On lui permit de plus de recevoir
tous les
volontaires qui le voudroient suivre, de demander du secours
République à tous les Roys & à tous les peuples alliez, & de au nom de la
faire les levées
necessaires pour rendre son armée aussi complette, que quand elle sortit
la premiere fois des ports d'Italie. Le Commandement de la flotte fut donné pour
à Serranus. Scipion mena avec lui l'Historien Poly be, & Lælius fils de Lælius
ce célébre ami du Grand Scipion. 11 devoitservir sous lui en qualité deLieu-
t-
tenan Général.
'Z7. Scipion Æn1ilianus entra p in3 le port d'Utiquesur le loir, & la nuit même
Scipion /E il dégageaMancinus Amiral de la flotte Romaine, qui s'étoit emparé de l\le-
milianus galie
arrive en
Afrique ,
sions
aux portes de Carthage, & s'y étoit enfermé sans vivres & sans provi-
avec trois ou quatre mille hommes. Scipion reçut sa lettre en l'ab-
An du M. sence de Calpurnius siso, quin'était pas au camp. A l'initant il fait embar-
38 17- quer ses troupes, se montre devant Carthage, & par sa présence inspira tant
de terreur aux Carthaginois, qu'ils cesserent d'attaquer Mançmus & se retirérent
dans leur ville. Mancinus & les siens furent heureusement delivrez dudjnger
sans tiier Pépée, & sans répandre du sang. Mancinus fut renvoïé à HOIne, &
M. Attilius Serranus prit le commandement de la flotte. Calpurnius Pito
revint bientost au camp , & remit à Scipion la conduite des Légions.
Lll. Ce nouveau Général ramassa toutes ses forces autour de Carthage,qu'il
5cipion ré- investit avant que de 1assiéger. AfJrubal de ion côté quitta son ancien posse
tablit la de Néphéris ,& vint camper presque sous les murs de Carthage. Les deux
discipline
militaire Généraux ne furent occupez pendant quelque tems, qu'à faire leurs prépa-
dans l'ar- ratifs, & à disposer touteschoses pour les opérations de la campagne. Scipion
mée. trouva son armée fort mal disCipHnée. LeÍüldat accoutume à sortir du camp
quand il jugeoit à propos, à piller les campagnes, à vivre dans l'oisiveté &
dans l'abondance; il ne connoilToit presque plus l'obéïflTance & la subordina-
tion aux Chefs. Scipion leur parla, les exhorta à une conduitte plus con-
forme à la discipline militaire. La confiance qu'on avoit en lui, & l'amitié
qu'on lui portoit, produisirent un prompt & sensible effet dans le camp.
Tout le monde se rangea sans peine à ion devoir.
LIll. Le poste de Megare, ou deMegalie, que Mancinus avoit été obligé d'a-
Scipion sur- bandonner étoit d'une grande importance pour se rendre maître de Cartha-
,
prend Me- de Scipion l'attaqua pendant une nuit, &aïant brisé une porte de ce fort,
gare , ou pendant que quelqu'uns de ses gens jettoient un pont sur la muraille, à la fa-
Megalie.
veur d'une maison abandonnée, qui étoit là auprès, il y entra & s'en rendit
maître. M <is on fut obligé d'abandonner pour une seconde fois ce poste,
qu'on ne pouvoit garder , parcequ'il n'étoit séparé de la ville que par un ter-
rain entrecoupé de ruisseaux , de hayes, de murs de jardins, propres à placer
des embuscades, & à couvrir la marche des ennemis qui seroient venus pour
le reprendre.
LIV. Asdrubal regarda la prise de Megare comme une insulte qu'on lui avoit
Asdrubal faite. Pour s'en venger, il prit tout ce qu'il trouva de prisonniers Romains
usurpe la dans Carthage, les conduisit sur les murs, les mutila, les écorcha, leur coupa
Tyrannie les pieds, les mains ou les oreilles & le nez, puis les jetta tout vivant dans le
dans Car-
thage. folle. Cette barbarie irrita les-Romains au point qu'on peut s'imaginer, &
fit désespérer les Carthaginois d'obtenir aucun pardon de leurs ennemis. C'étoit
justement ce que se proposoit Asdrubal, croyant par là les rendre plus courageux
&plus intrépides: mais il les rendit plus timides, & devint l'objet de l'horreur
& de l'indignation des soldats & du peuple,à qui il fermoit toute eipérance de par-
don. Asdrubal ne se soûtint plus dans Carthage, qu'en y usurpanc une espèce
de tyrannie, & y commandant sans aucune dépendance ni du Senat ni du
peuple.
Carthage
Carthage ne pouvoit plus recevoir ni secours ni vivres , que du côté de Ll".
la terre, la flotte Romaine étant mai trefle de la mer. Scipion lui ôta cette Scipion
unique ressource qui lui restoit, en détruisant le camp qu'Asdrubal avoitcon- yEmiliauns enferme
struit au pied du mur de la ville , & en tirant un double fossé depuis un bord Garthage
de la mer jurqu'à l'autre, tout le long de l'isthme, ou de la langue de terre, de deux 01\-
qui joignit la ville au continent; car on scait que Carthage étoit bâtie dans ceintes .(Ic
une presqu'lsle. Après avoir tiré ces deuxfoITez , il les environna d'abord de remparts & de fosscz.
palissades, puis d'un mur épais de six pieds & haut de douze, fortifié de distance
en distance par des tours saillantes. Au milieu du tout il érigea une tour-de
bois â quatre étages, d'où l'on découvroit ce qui se passoit au cœur de la
ville. Tout ce vaste ouvrage fut achevé dans l'espace de vingt jours. Par ce
moïen Carthage se vit réduite à une indigence, ne recevant plus que très-peu
de vivres de dehors, & encore à grande peine, & avec beaucoup de ri(que,
par le moïen des riviéres qui tomboient dans le port, ou dans ce qu'on apel-
loit l'étang, & sur lesquels on jettoit quelques batteauxchargez de grains que
l'on conduisoit furtivement dans la ville par le vieux port. Les marchands
de la côte attirez par l'espoir du gain, y transportoient aussi quelque fois;
cela soutenoit Carthage, & l'entretenoit dans son obstination , mais aggra-
voit les malheurs qui l'attendoient
Scipion résolut de leur ôter cette ressource, & entreprit de fermer entiè- zr/.
fer-
rement le vieux port. Il y réüssit par un travail assidu & opiniâtre. Il fallut Scipion le vieux
remplir l'entrée du vieu-port par des masses de pierres énormes. La base du me port de
mole qu'ilyconstruisit, avoit quatre-vingt-douze pieds, ilallaiten décroissant Carthage.
à mesure qu'il s'élevoit, & à sa superficie hors de l'eau la digue n'eut plus Les Cirthai
,
que vingt-quatre pieds de largeur. Les Carthaginois piquez d'émulation, & ginois font
pressez par la nécessité, entreprirent à leur tour decreuserun nouveau port, un nou-
veau port
& de construire une flotte & de la mettre en mer, pour l'opposer à celle des & équi-
Romains. Ils réunirent dans l'une & dans l'autre entreprise. Elle s'exécuta pent une
avec tant de secret queles Romains n'en purent avoir connoiffatlce, que quand nouvelle
le baffinfut creusé, & qu'une flotte de cinquantegaleresàtrOÍS rangs de rames, flotte. Appian. in
accompagnées de flutes, de batteaux longs & de chaloupes parut soudaine- Punie.
ment en mer, & se presenta en bataille devant la flotte Romaine. On pré- Fior.
tend que si elle l'eût attaquée, l'Amiral Romain ne s'attendant à rien moins, Epitom. 2.
ses soldats & sa chiourme étant occupez à différends ouvrages sur la mer, elle c. i ï.
l'auroit infailliblement battuë. Mais le bonheur de Scipion & de Serranus
voulut qu'ils se contentérent de se montrer en bravade, comme pour se faire
admirer des Romains.
Trois jours aprés les Carthaginois parurent de nouveau en ordre de ba- Combat LVIl.
taille & le Préteur Serranus ne réfuta pas le combat. Les vaisseaux Cartha- naval entre
ginois, qui avoient sur ceux des Romains l'avantage de la légèreté, gagnérent les Cartha-
le vent sur eux, leur brisérent bien de rames & de gouvernails, & leur tuè- ginois &
rent bien du monde. Les Romains ne leur causérent pas moins de domma- les Ro-
mains.
ge , & les Carthaginois résolus de tenter le lendemain un nouveau combat,
se retirérent sur le soir. Mais comme ils vouloient tous rentrer dans le port
à la fois. & Que chacun vouloit devancer son compagnon , l'entrée du port
se trouva si embarrassee, que les plus grosses galéres Carthaginoises n'y pou-
vant entrer, furent obligées de soûtenir un nouveau combat contre lesvais-
seaux Romains, qui les poursuivoient. Les Carthaginoisse rangérenr contre
unecerr-asse qui bordoit la iller du côté de la ville & présentérent la prouë

, ,
aux vaisseaux Romains, qui venoient fondre sur eux. Cette prouë étoit armée
d'un long bec de fer ou d'érain qui servoit à percer le flanc des galères, &
c'étoit en quoi consistoit alors la force des attaques. Les Carthaginois quoy-
que bien inférieurs en nombre , résistérent jusques bien avant dans la nuit, &
rentrèrent enfin dans leur port.
LVIll Le Consul qui avoit été témoin du combat, sans pouvoir y prendre au-
LesCar.ha- cune part, avoit remarqué que cette terrasse, contre laquelle étoit adossée '
ginois met- la flotte Carthaginoise, pourroit lui être d'un grand sécours battre la
tent ie feu pour
ville; Il y conduisit des troupes, fit jouër le bélier contre la terrasse ,' en fit
aux machi
nes des ébouler une partie, & résolut d'y donner l'assaut le lendemain & de l'emporter
Romains. de force. Mais durant la nuit une troupe de Carthaginois se mettent dans
l'eau tout nuds, portant des flambeaux éteints, arrivent au bord , y font du
feu & allument leurs flambeaux, puis courent avec intrépidité mettre le feu
aux machines des Roma ns. Ce spedacle d'hommes nuds portant des flam-
beaux allumez , comme sortis du milieu de la mer, étourdit tellement les
soldats qu'après quelque résistance, ils se feroient tous disfipez, si Scipion qui
étoit présent, n'eût commandé de faire main-basse sur tous ceux des liens qui
prendroient la fuite.
L1X. Les Carthaginois craignant que Scipion ne se rendît maitre du mole,
Æmilianus dont ils l avoient forcé de se retirer se pressérent d'en réparer la brèche &
fc rend , ,
même d'y bâtir des tours de bois, dans lesquelles ils mirent du monde pour
maître du défendre le terrain
mole ,& contre l'ennemi. Scipion ne s'eneffraïa pas. 11 ht bom-
s'y fortifie. barder ces tours avec des pots remplis de feu , 1 'ncez par ies balliltes , &
- obligea par l'embrasement qu'elles y causerent, les soldats àse retirer dans la
ville. Scipion y logea quatre mille hommes & y fit creuserun fossé, sur lequel
il bâtit un mur de briques , qui égalait la hauteur des murs de la ville ;ainfl
Carthage se trouva encore investie de ce côté-là. Les opérations du liège se
terminérent-là; la rigueur de la saison ne permettant pas de le continuer plus
long-tems.
LX. Pendant les frimats, le Consul ne demeura pas en repos. Il tenta lapri-
Prise de se de Néphéris, que Manilius son prédécesseur avoit manqué deux fois. Il
ISéphéris.
fit partir devant lui Laslius son ami & son Lieutenant-Général, avec un gros
détachement. Il le lui vit avec Guluiïa Roy de Numidie. Ils arrivèrent à deux
stades, ou trois cens pas du camp de Diogénes Général des troupes Cartha-
ginoiies, qui occupoit le potte qu'Asdrubal avoit occupé si long-tems. Sci-
pion se fortifia à portée du cairpde Diogénes, & chargea Lælius & Guluffa
d'observer les mouvemens de Diogénes , & d'en tirer tout l'avantage qu'ils
pourroient. Pour lui, il étoit tantôt dans ton c.imp devant Carthage, & tan-
tôt devant Néphéris, & se partagea ainsiavec une activité & une vigilance
merveilleuse.
Un jour étant au camp de Laelius, il fit battre avec le bélier deux tours
du
grande pour monter à l'assaut.
du camp de Diogénes. & y fit une brèche assez la fois.
Il attaquer camp
fit le par ces deux endroits, mais non pas tout a
A la tête de trois mille hommes
choisis il pénétra dans l'enceinte du camp
ennemi, puis quand il vit que tout l'effort des Carthaginois étoit tourne con-
tre ses trois mille hommes, il l'armée en fit entrer autre mille par l'autre brêche.
L es Africains croyant que toute
Romaine étoit entrée dans le camp ,
jettérent les armes & prirent la fuite. Gulufla avec ses Eléphans & sa cava-
horrible. Un
lerie attendoit les fuyards dans la plaine, & en fit un carnage dix mille prison-
dit qu'il y périt soixante dix mille Africains, & qu'on prit multitude de gens de
niers de guerre. Il s'étoit rassembfé dans le camp unequ'environ
' la camp :gne, qui furent mis à mort. Il n'en échappa quatre mille.
Après cda on Siégea Néphéris, qui tint encore vingt deux jours. C étoit
la seule ressource de Carthage pour des vivres. Apres sa reddition la ville
tomba dans la plus affreuse disette.
Asdrubal tout déterminé & tout inhumain qu'ilétoit, comprit bienque Famine LXl.
la famine obligeroit bientôt Carthage à se rendre, ou que dénuée de tout horrible
secours, elle seroit forcée par les Romains. Il demanda une entreveuë avec dans Car-
Gulussa & par son entremise avec iEmilianus. Il paria a Gulufsa & le pria thage. As-
d'obtenir d'Æmilianus seulement la conservation de Carthage. Gululla ensuitefai-
en drubal de-
mande une
parla à Scipion, qui rejetta d'abord les proportions de 1 Africain

consulaire allant expirer, il pourroitAfncam;


être rap- entreveue
sant attention que son année avec Sei..
pellé à Rom-, & laisser à un autre la gloire d'avoir réduit Carthage & pacifié pion.
fAfrique il tint terme pour le renversement de Carthage; mais il accorda a
Asdrubal' la vie & la liberté à lui, à sa femme & à ses enfans; il lui permit
il donna la vie &
d'emporter dixtalens de son bien, & en sa considération offres, ,& répondit
les b ens à dix familles à son choix. Asdrubal rejetta ces
fansronade, qu'il ne survivroit jamais à la deitrudion de Carthage.
L'année consulaire recommença en Janvier,& l'on choisitàRome pour Cn,Corne";
par une LXll.
Consuls CnL ïus Cornelius Lenmius, & L. Mummius Achaïcus. Le sort régla lius Lentu-
le département des Consuls. Mummius fut destiné pour l'Achaïe,le&Géné- lus,
Len- & L.
Mummius
tulus pour la Gaule Cssa!pine. On continua à Scipion Æmi1ia,nus
d'Afrique, qualité de Proconsul. 11 commença la cam- Achaicus
ralat des troupes en Consias.
nommée c'est-à dire petite langue Pu-
pagne par la pnse d'une son Isle Coton, en
projet, il fit une fausse attaque du côté deByrsa, 607. du M.
An de R.
nique. Pour réunir dans
qui étoit la citadelle de la ville, pendant que Lælius attaquoit Coton. 11 força 3858 avant
J.C.14,-4.
les retranchemens qui coupoient le terrain de l'Isle en différens endroits, & Liv. 1. 5 t.
s'en rendit maitre sans trouver beaucoup de résistance de la partétoit de ceux qui
la défendoient. Alors ses soldats jettérent un grand cri, qui le signal
dont on étoit convenu avec Scipion. A ce moment il abandonna l'attaque
de Bvrsa, & se rabattit sur une des portes de la ville, qu'il fit enfoncer mal-
gré les traits qu'on lui lançl du haut des remparts. Les soldats se logérent
dans une place qui étoit voinne, & n'osérent à cause de la nuit qui survint,
s'avancer plus avant dans la place Lxui
Le lendemain de grand matin Scipion rérolut d'attaquer Byrsa par dedans Scipion ;

la ville, où cette citadelle étoit beaucoup moins fortifiée. Il fit venir pour iËmiiiaaus
évoque les cela quatre mille hommes de troupes fraîches de son camp ; mais avant que
Dieux de de commencer cette entreprise, qui devoit décider du lort de Carthage, le
Carthage Proconsul évoqua les Dieux tutélaires de- la ville, & les pria d'abandonner
& dévoué Carthage & de se rendre parmi les Romains, où il leur promit des temples&
à la mort
les Car- des jeux publics ; ensuite il dévoüa à la mort & aux Dieux des enfers, les
thaginois. habitans de Carthage, & promit de leur immoler trois brebis noires. Aprés
IAv. 1. 5 1. ces superstitieuses ceremonies il ordonna à ses quatre mille hommes de mar-
cher à l'attaque de Byrsa. Le soldat avide ayant remarqué en chemin le Tem-
ple d'Apollon, dont la statuë étoit revêtue d'un manteau d'or, & la toiture
couverte de lames de même métal, se jetta sur cette proye, & le Général
fut obligé de dissimuler leur désobéïssance & de les laisser piller ce temple,
avant que de les méner à l'attaque.
LXlV. Pour parvenir à Byrsa il falloit passer par trois ruës bordées de maisons
Incendie fort élevées, d'où l'on lançoit sur les l'oldats une infinité de traits & de pierres.
d'une par- Scipion fut obligé de forcer maisons les unes aprés les autres, il y fit pé.
tie de Car- ces
thage. rir tout ce qui s'y trouva; lorsque son avant-garde fut arrivée devant la cita-
Liv. /. 51. delle, il fit mettre le feu aux maisons & donna p:]r ce moïen l'espace néces-
saire à son armée pour s'avancer en bataille & pour travailler plus aliment
aux opérations du siége & de l'attaque. 11 fallut six jours pour achever l'in-
cendie & les démolitions, aprés quoy on travailla à applanir la place. Sci-
pion fut pendant ces six jours & six nuits toujours sur piéd sans prendre de
repos. Alors on vit sortir de la citadelle vingt ou vingt cinq mille femmes,
ayant des bandelettes sur les mains & demandant au nom d'Esculape, qu'il
plut au Général de leur accorder par grace la vie & l'esclavage. Scipion en
fut touché & leur accorda leur demande.
LXV. Le bon accueïl que le Proconsul avoit fait à ces malheureuses, fit naître
Plu sieurs aux hommes renfermez dans Byrsa, la consiance de se rendre aussi à Scipion.
Carthagi- Trente mille, selon les uns, ou quarante mille selon les autres, accablez de
nois se ren- douleurs & extenuez
par la faim, vinrent se présenter devant lui, ne deman-
dent à Sci-
pion. Prise dant que la vie. Il la leur accorda, à la réserve des transfuges Romains,
de Bvrra. dont le nombre étoit de neuf cens. Ce fut à ces gens déterminez à mourir
Liv. Í. 11. & qui n'espéroient point de pardon, qu'Asdrubal confia la garde de sa femme
& de ses enfans, à qui il n'avoit pas voulu permettre de le joindre aux autres
femmes, pour implorer la clémence du vainqueur, pendant que lui-même
eut la foiblesse de venir secretement se jetter aux pieds de Scipion. 11 lui

accorda la vie, & le réserva pour servir d'ornement à son triomphe.


LXV1. Déja Byrsa étoit rendue, & il ne rcHoitàforcer que le Temple'd'Escu]ape
Prise du situé au milieu de la forteresse ,sur un rocher inaccdhble, & où l'on ne pou-
temple .
d'Esculape neuf
voit monter que par un escalier de soixante marches. Là s'étoient jettez les
transfuges, la femme & les enfans d'Asdrubal. Ce dernier
dans .Byria. cens avec
demeura aux côcez de Scipion & fut témoin du reste de cette expédition.
Sa femme se fit voir au haut du perron du temple, & aprés avoir fait à son
lâche mari les plus sanglans reproches, elle rentre dans le temple, se pare
de ses plus beaux habits & monte sur la platte forme, qui servoit de toiture
degrez, avoient enfin mis
au Temple. Les transfuges poussez de degrez en le feu
le seu à l'édifice. Quand la flamme eut gagné la toiture, la femme d'Asdru-
bal apottropha de nouveau l'on mari, enfonce un poignard dans le sein de
ses deux fils, les jette dans les flammes & s'y précipite après eux. La prise
de Byrsa entraîna celle de Carthage.
Scipion ne put voir tant de sang répandu, tant de cruautez exercées Pillage LXVII.
de
le soldat, la chûte d'une ville si riche & si puissante, sans jetter des sou-
par considéré l'inconstance choses humaines, Carthage.
pirs. Aprés avoir sérieusement des Jîppian. in
il récita deux vers d'Homère, en ces termes : Il viendra un tems que la superbe Ljbic.p.%%
Ilionfera renversée, & que Priam & son peuple tombera sous le trenchant de l'épée. Po-
lybe l'Historien, qui étoit toujours à ses cotez, lui demanda ce qu'il enten-
doit par Ilium & par le peuple de Priam. Scipion par sa réponse lui fit en-
tendre qu'il avoit en veuë Rome & le peuple Romain. La suite de l'Histoire
ne vérifiera que trop la prédiction de ce grand hOlll111e. Il permit aprés cela
à ses soldats de piller Carthage. Mais la chose se fit avec ordre. Il aban-
donna aux troupes les meubles du bourgeois & la monnoye de cuivre qu'il
trouveroit dans les maisons bourgeoises. Il fit mettre à part au profit du tré-
sor public l'or & l'argent qui se rencontra dans la ville, & les statuës & les
dons précieux qui avoient' été faits aux temples des Dieux ; à charge toutefois
de reilituer aux villes d'Italie, d'Afrique & de Sicile , ce qui leur avoit au-
trefois appartenu.
11 n'oublia pas de distribuer les prix de valeur à ceux quis'étoient distin- LXVlll.
quelques actions de mais il les quatre mille hom- Scipion fait
guez par courage; en priva
annoncer
mes, qui sans ses ordres avoient pillé le temple ci>Apo;lon , & qui avoient sa vi&oire
manqué au respeCt & à l'obéïiTance qu'ils devoient à leur Général. 11 fit char- à Rome.
ger sur une galére partie du butin pris dans la ville, l'envoya à Rome avec
des Députez qui devoient annoncer la prise de Carthage, la fin de la guerre,
& demander de nouveaux ordres au Senat,ne voulant pas prendre sur luiseul
la destruction de tant de Palais, de temples,d'édifices publics & particuliers
d'une ville si renommée & autrefois si illuitre.
' La nouvelle de la prise de Carthage causa à Rome une joïe inexpri- LXIX.
mable. Le Sénat sur le récit que lui fit l'Envoyé de Scipion, ordonna que Car- Destru-
thàge seroit absolument rasée, de même que Byrsa & MégaJie, sans qu'il fut tale ssion to-
de
permis d'y rétablir aucune maison. Toutes les villes qui ont prêté du secours Carthage,
à Carthage seront démantelées ; le pays qui formoit l'Etat de Carthage, sera An du M.
réduit en Province & gouverné à l'avenir par un Préteur envoyé de Rome; gsçg.
tous les Africains sujets de Carthage payeront à Rome une capitation annuel- Liv. 1. çf.
le. On envoyera de Rome en Afrique dix Commissaires pour régler avec le
conseil de Scipion les affaires & l'état de la Province. On ordonna de plus
des rccompenses pour les villes qui étoient demeurées fidélement attachées à
la République. Sur ces ordres Scipion fit passer la charuë au tour des murs
de Carthage, pour en marquer l'enceinte, puis fit mettre le feu dans tout ce
qui y étoit renfermé. L'incendie dura dix-sept jours, rien ne demeura en
son entier.
Le triomphe d'Æmilianus se fit avec tout l'éclat que méritait une con- LXX.
quête de cette iûipoi tance à on y vit un très-grand nombre de Seigneurs T rian,î-,be
de
! Africains, ictpioa
An du M. Africains, enteautres les deux Asdrubals l'un Général desarmées Carthagi-
3 8i 8. avant noises, & l'autre
Grand-Maitre de la cavalerie; ils furent ch.¡rgez de chaînes
J.6. 142. & précédérent le char du victorieux. On étala les statuës, les vases, les ta-
bleaux & les autres meubles prétieux, qui avoient été trouvez dans la ville,
dans les temples & dans les édifices publics & particuliers, & on les donna
en ipeéfocle au peuple Romain. Quatre mille trois cens quatre vingt livres
pelant d'argent y furent portées sur des brancards. Scipion mit au Capitole
une urne remplie des cendres de Carthage, comme un présent fait à Jupiter
auteur de sa victoire. On donna à iEmilianus le surnom de sécond Africain;
il obtint du Senat qu'on laisseroit la vie à Asdruba! & à Scythias. Le rette des
prisonniers ou fut vendu à l'encan, ou périt dans les prisons. Telle lut la
fin de la troisiéme & derniére guerre Punique.
LXXI- Pendant que Metellus étoit occupé à pacifier la Macédoine, la Répu-
Guerre blique des Achéens se brouïlloit avec Athènes & avec Lacédémone, Les
contre Athéniens avoient pillé la ville d'Orope, qui étoit sous la protection des
l'Achaïe. Lacédémoniens qu'on vouloit loumettre au jugement de la
An du M. Achéens, & les
g8ç8.avant Diette Générale de l'Achaïe, même dans les affaires criminelles, s'en défen-
J. C. 142- doient, sans toutefois vouloir prendre les armes. Menalchidas de la part des
Liv.l. 51. Lacédémoniens, & Dixus de la part des Achéens, furent députez à Rome,
p..
pour exposer leurs prétentions au Senat. Ils sçurent si bien embrouiller l'af-
faire que le Senat n'en pût démêler la vérité; il envoya des Commissaires
dans ,le Péloponnése, pour informer suries lieux & prononcer sur lacontelta-
tion. Dans l'intervalle les Achéens livrérent bataille aux Lacédémoniens.
Ceúx-cy perdirent mille de leurs soldats, le reste sesauva dans la ville. Me-
tellus informé de ces brouïlleries, fit prier Diseus Chef des Achéens, de s'ab-
stenir des voyes de fait envers les Lacédémoniens, & d'attendre l'arrivée des
Commissaires Romains.
LXXW Ils arrivèrent un peu trop tard. Les esprits étoient extrêmement aigris
Aurelius de part & d'autre, & Aurelius Orelles Chef de la de"putation Romaine, aug-
Orestes dé- menta l'aigreur au lieu de l'appaiser. Le Sénat lui avoit ordonné de dénon-
clare la Achéens s'ils ne mettoient bas les armes, & ne cessoient de trou-
Ligue cer aux que
Achéenne bler le répos du Péloponése, Rome employeroit son
autorité à rompre la
dilïoûte & ligue & la Diette des Achéens. Aurelius au lieu d'exposer ainsi les ordres du
détruite. Senat, dit d'un ton absolu & décisif, que Rome rompoit la ligue Achéenne &
Pn .yb. Le-
en détachoit les villes qui la composoient, pour vivre désormais sélon leurs
gat. 14?.
loys, indépendamment de toute confédération. Ce fut à Corinthedans une
aiïèniblée générale des principaux & de la Diette Achéenne, qu'Aurelius leur
tint ce dilcours.
LXXW. A peine Aurelius l'eut-il achevé, que les principaux des Achéens , se reti-
Nouvelle rérent & convoquérent une seconde assemblée dans la place publique. Toute
Députa- la ville fut dans l'émotion. On imputa tout le mal aux Lacédémoniens, &
tion en où ils parurent, ils furent insultez, dépouillez, ou mis à mort. Les
Achaïe. par tout
Ambassadeurs Romains eux-mêmes ne furent pas respectez; on les contraignit
de prendre la fuite. A leur retour à Rome ils rapportérent la manière dont
ils avoient été traitez. Carthage n'étoit point encore rendue. On ne voulut
pas
pas s'attirer de nouveaux ennemis sur les bras. On fit partir trois nouveaux
Commissaires pour ]-'Achaïe avec ordre d'user de modération & de dou..
, à la paix
ceur, & d'amener les Achéens par toutes les voyes les plus mo-
dérées.
Julius Chef de la députation s'acquita de sa conlmiffion avec beaucoup LXXIV..
de sagesse. La Diète futconvoquee àEgie, il excusa tout ce qui s'étoit fait, (EritolaUs
& Dioeus
& exhorta les Achéens à observer la paix, & à ne point attaquer les Lacédé- excitent le
moniens. Les plus raisonnables de l'assemblée applaudirent beaucoup à ce trouble &
discours. Mais Critolaüs, qui venait de succéder à Diseus dans le gouverne- allument la
ment de l'Achaïe , & ceux de son parti brouillèrent tout. Ils répandirent sous guerre
main parmi des gens qui leur étoient attachez & qui leurre{fembloient, que chaïe. ans l'A-
Rome, ne témoignaittant de clémence, que parce qu'elle craignoit de s'atti- PoLybe
rer les Achéens pour ennemis, tandis que Carthuge n'étoit point encore ré- Legat. Paujaq.
144.
duite que sa douceur affectée n'étoit que pour les endormir. Il indiqua in
une
,
à
Diette Tegée où il invita les Ambassadeurs, & au jour marqué Crito-
laiis s'y trouvaseul, ,comme pour jouer les Romains. Il le faisoit exprés, afin
.dcbaie.

d'irriter les Ambassadeurs. Il les laissa partir pour Rome, sans leur faire la
moindre sutisfoction, & sans y envoyer personne pour justifier un tel procé-
dé. Aprés leur départ, il continua à inveé1:iver & à se déchainer contre
Rome.
Sur ces entrefaites abordérent à Corinthe quatre députez, que le Préteur LXXV.
Metellus envoyoit de Macédoine pour faire un dernier effort sur l'esprit de Nouveaux
Critolaüs & des Achéens. On ne tint point de Diète pour les entendre & Ambaffa-
Critolaüs fit en sorte qu'ils ne parlèrent que devant la populace de Corinthe, , deurs Ro-
mains vers
composée de quelques bourgeois turbulents, ou d'artisans fadieux. Le dis- les Aché-
cours de Papirius Chef de la députation , fut assaisonné de toute la modéra- eas.
tion qu'on pouvoit attendre de l'homme du monde le plus pacifique. Crito-
laüs l'imputa à foiblesse & à timidité. Les Ambassadeurs furent insultez, char-
gez d'ordures & obligez de se sauver dans leur logis. Avant que l'assemblée
tut [éplrée , Critolaüs fit déclarer la guerre aux Lacédémoniens. C'étoit la
déclarer aux Romains, & c'étoit-là tout le but de Critolaüs.

Athènes,
Les Commissaires Romains voyant leschoses désespérées, & qu'il n'étoit LXXVI.
plus possible de ramener les esprits, se séparérent. Papirius alla d'abord à Metellus
& de là partit pour Lacédémone, afin d'observer les démarches des marche
Achéens. iElius se rendit à Naupade, afin de favoriier la marche des troupes contre
Romaines vers le Péloponése; Gabinnius & Fannius retournèrent au camp de
rAchâie.
Metellus en Macédoine & l'exhortérent à porter ses armes en Achaïe, & à
,
châtier la Ligue Achéenne de son insoience. Aussi-tost Metellus se mit en
marche, ou p!utosi il hâta sa marche, car il s'étoit déjà avancé vers la Thessa-
lie pour s'approcher du Peloponése.
Critolaüs pour fortifier son parti, y avoit attiré les villes de Thébes LXXVlk
& de Chalcis, qui avoient reçu quelques mécontentemens des Romains. La Thébes <3c
jon&ion de leurs troupes avec celles de Critolaüs étoit déja faite, & elles Chalcis eni-
afliégeoient déjà Heraclée, ville de la ligue d'Achaïe, qui refusoit d'entrer dans brassent le
des
la guerre contre Rome. Metellus joignit Critolaiis au delà du fleuve Soerchius partiAchéens.
& le défit entièrement. Il fit mille prisonniers de guerre, & Crito!aûs se don-
na la mort par un coup de desespoir. C'étoit une Loy parmi les Achéens,
que quand le Préteur, ou le Chef de la nation mouroit dans l'année de san
gouvernement, celui quil'avoit précédé prenoit la place du mort. Ainsi
Diaeus sans autre cérémonie, prit le commandement de l'armée , & le gou-
vernement de la nation. 11 envoïa quatre mille hommes sous la conduite
d'un nommé Alciméne pour arrêter Metellus sous 1\legare. Metellus entra
dans l'Arcadie & s'approcha de Thébes, qu'il trouva ouverte & presqu'aban-
,
donnée;il pardonna
,
à ce petit reste d'habitans, qui y étoient demeurez &
fit trancher la tête à Pythias qui avoit engagé les Thebains à se déclarer
pour CritolaÜs. D là il s'avança vers Megare. Alcaluénes l'avoit abandon-
,

née, & s'étoit retiré à Corinthe, où Diseus s'étoit déjà enfermé.


LXXVlll. Metellus auroit fort souhaité de terminer la guerre d'Achaïe, & de rap-
Mummius porter à Rome la gloire d'avoir pacifié la Macédoine & ie Peloponé[e ; mais
fart le siége d'opposition de L1 part deDiaeus & des autres mutins, qu'il
de Coria- il rencontra tant
the. fut obligé de laisser à Mummius Consul de l'année, qui étoit destiné pour cette
I>aufan. in guerre, 1 honneur de prendre Corinthe, & de réduire l'Achaïe dans le devoir.
jîcbaic. Mummius arriva de Rome avec une puissante armée , composée de trois mille
cinq cens chevaux & de vingt-trois mille hommes d'infanterie , sans compter
,
un corps d'archers Crétois, & les troupes qu'Attalus Roy de Pergame avoit
renvoyées au Consul. Ainsi il renvoïa Metellus en Macédoine, avec le corps
qu'il commandoit, les troupes qu'il avoit amenées étant plus que suffisantes
p ur cette guerre. Diaeus n'étoit pas moins fort en nombre de soldats, mais
il n'étoit nullement Capitaine, & ses troupes n'avoient ni l'expérience ni la
valeur des Romains. Il n'osa tenir la campagne, & se renferma dans Corinthe.
Toute la guerre se termina à ce siége.
L.V XIX. Disus ayant d'abord remporté quelque petit avantage sur les Légionai-
Viftoi.,e de
res, qui n'étoient pas sur leur garde, eut la témérité de présenter le combat
Mummius Consul, qui d'abord feignit ds n'oser en venir aux mains; il attira Dixus
contre les au
Achéens. dans un vallon nommé Leucopetra, à l'extrémité del'Isthme, qui joint l'Atti-
invité
que au Peloponése. L'Achéen se tenoit si seùr de vaincre, qu'il avoit demIs
jusqu'aux femmes & aux enfans de Corinthe de venir voir l'aétion de
les hauteurs , & qu'il avoitLit .it suivre son armée par grand nombre de chariots,
pour emporter le butin. Le Consul avoit grande eu la précaution dez-le soir d'au-
paravant, de mettre en embuscade la plus partie de sa Cavalerie dans
un lieu caché, d'où elle ne devoit sortirLes qu'au fort de l'adion, pour venir
prendre en flanc la Phalange Achéenne. deux armées étant donc entrées
celle des ennemis, qui ne fit qu'une
en action, la cavalerie Romaine donna sur
trés-légére résistance. Leur Phalange soutint le choc avec plus de vigueur;
nids elle fut bientôt enfoncée, & mite en fuite ; tout ce qui put tomber fous
l'épée du soldat,fut mis à mort, Diaeus se sauva à Megalopolis sl patrie, y
mit le feu à sa maifen , jetta sa femme dans les flammes# le donna la mort par
le poison. Les d,élxis de son armée destituez de Chefs, & ne làch-,t,,ii. où se
retirer, se jettérenisW uns dans Corinthe, les autres dans les campjgnes, ou
dans les villes le plus à portée.
i
Corintlle.
Corinthe qui étoit une des plus fortes villes du monde, devint bientôt LXXX.
,
comme un desert par la fuite & des soldats& des habitans. Mummius ne pou- Prise de
vait se persuader qu'une place de cette importance fût ainsi abandonnée. Il Corinthe
y soupçonna de l'artifice, & qu'on lui dressoit quelque embuche. Aprés avoir mius. par MUID"
pendant trois jours pris toutes les précautions nécessaires, il y entra & sit Liv. 1. ft.
main basse sur tout ce qui y étoit en état de porter les armes. Les femmes & Vellei.
les enfans furent vendus pour esclaves ; aprés quoy Corinthe fut abandonnée Paterc. /. 1.
au pillage. C'étoit la plus riche ville du monde en toutes sortes d'ouvrages uJIÙ'1'Paustln
34.
d'or, d'argent & de cuivre. C'est à Corinthe où l'onfondoit&où l'on travail. Achaïe. in
loit tout ce qu'il y avoit de plus exquis en tout genre de statuës, de vases pré- m 2.21.
tieux & d'ouvrages de metal.
Polybe qui avoit accompagné Scipion iEmilianus dans son expédition Straba 1. g.
contre Carthage, accourut au secours de sa patrie, dez-qu'il sçutquele Con-
ful Mummius y étoit arrivé'avec une armée. Il vit avec une extrême douleur,
que des soldats Romains joüoient aux dez sur des tableauxd'une valeur inesti-
mable. Il en nomme deux en particulier, celui d'Hercule tourmenté par une
robbe envoyée par Dejanire, & dont il s'étoit revêtu & l'autre d'un Bacchus
peint par Aristide, qui étoit pafsé en proverbe, & dont ,
on disoit; rien n'est
au dessus du Bacchus d'Aristide. (a) Le Roy Attalus ayant acheté ce tableau .)
pour la somme de six mille sesterces, ou de cent deux talens, comme le dit 0 .viïiy 'redq
Pline, (b ) Mummius le racheta augre)nd déplaisird'Attalus, & leplaçaàRome. ru» Aiovvrer,
On afltlreque ce Consul avoit si peu de goût pour ces sortes de beautez, qu'il Ch)
fit dire à ceux qui se chargérent de porter à Rome ces chefs d'oeuvre de l'art, Plin. 1. Il.
c. 4.
que s'ils les perdoient, ils en rendroient d'autres ; (c) comme si des copies Cc)
pouvoient jamais égaler de pareils originaux. Vellei.
Après le pillage restoit de réduire la ville en cendres, pour exécuter les Paterc. 1.1.
ordres du Sénat. On mit donc le feu à Corinthe, & cette ancienne & superbe
. ville fut bientost conlumée. Du mélange des métaux qui avaient échappé à
l'avidité du soldat, se forma l'érain Corinthien, si estimé& si vanté parmi les
anciens; Il étoit composé du mélange de l'or, de l'argent & du cuivre, qui
furent fondus ensemble & qui fut ramassé dans les rues aprés que le feu fut
éteint. Ainsi dans une seule ,
année Carthage & Corinthe, les deux plus célé-
bres & les deux plus riches villes du monde, furent réduites
en cendres. Rome
sJIlS le lavoir, exécutaitles ordres du Tout-Puissant, & punissoitles désordres
de ces deux villes si corrompues.
Les dix Commissaires envoyez de Rome ordonnérent que lePeloponése LXXXI.
seroit réduit en Province, & gouverné par un Préteur Romain que les villes Le Pelopo-
;
qui étoijnt cy-devant dela ligue Achéenne, jouïroient de leur liberté, &seroient nése réduit
regies par leursLoys; que la nationentiére payeroit un certain tribut auxRo- en Provin-
mains, & que les riches ne posséderoient de fonds de terre ailleurs que dans ce. An du
M. 38 8.
le pays. Polybe de Mégalopole, célébre Historien Achéen,qui avoit mérité Pausan. tn
l'estime & l'amitié de Scipion iEmilianus, obtint plusieurs graces Achaic*
en faveur
de l'Achaïe. On lui accorda les statuës des grands hommes, qui avoient
illustré ce païs; 11 fut chargé d'établir la nouvelle forme de gouvernement
donné parle Sénat. Il s'acquitta de toutes les -comniifflons qu'on lui donna or-
%
au gré des Romains & de ses compatriotes,qui lui érigérent une statuë avec cette
inscription: à la mémoire de Polybe, dont les conj-tils auroient fauvé PAchaïe,st (,ii les
avoit suivis, & qui la soulagea danssa disgrace. Les triomphes de Metellus & de
Mummius terminérent cette année il glorieuse pour la République; Metellus
prit le surnom de Macédonien, & Mummius celui d'Achaïque.
LXXXII. Dans la Syrie les choses n'étoient nullement tranquilles. Ptolémée Phi-
Ptolémée lometorRoy d'Egypte se repentit d'avoir accordé sa fille Cleopatre en mariage
Philometor à Alexandre Ballés Roy de Syrie. Il résolut de la lui ôter & de la donner à
fait laguer-
jre à son
Demetrius Nicafor, fils de Demetrius Soter. Il avoit même projetté de s'em-
gendre parer du Royaume de Syrie & de le joindre à celui d'Egypte. Il leva une
Alexandre grande armée, ,
en aparence pour donner du secours à Alexandre Ballés l'on
Ballés. An gendre & celuy-cy donna ordre qu'on le reçût
du ; comme ami dans toutes ses
avant J. G.
places. Philometor y mettoit par tout des garnisons de ses troupes, comme
142. pour les garder à Balles. Jonathas Chef & Grand-Prêtre des Juifs, le vint joindre
1. Macc. à Azoth , & l'accompagna jusqu'au fleuve Eleuthérc, au-delà de Tyr. Phi-
xi. I.l. ?. lometor arriva à Seleucie, où il commença à le plaindre de Ballés, disant qu'il
tefcq- go-
sepb. Antiq. l'avoit voulu faire pédr à Ptolémaïde, par les embûches d'Ammonius , & qu'-
1. n. c. 8. ayant demandé Ammonius à Balles, pouren faire justîce, on le luiavoitrefusé.
Liv. J. 52. Ce fut alors que Philometor se déclara hautement contre lui, & qu'il donna
sa fille en mariage à Demetrius Niaator, promettant de le rétablir sur le Trône
de ses Peres.
LXXXIII. Dans le même tems le peuple d'Antioche mécontent d'Ammonius, qui
Ptolémée lui avoit fait de grands
IJhilome- maux, se révolta & se déclara pour le Roy d'Egypte.
tor s'empa- Ammonius se dégnisa, & ayant pris un habit de femme , cherchoit à se sauver.
xc du Ro- Mais il fut arrêté & mis à mort. Philometor entra dans Antioche & mit sur
yaume de sa tête les deux Diadèmes, celui de Syrie avec celui d'Egypte. Ensuite il
Syrie. témoigna au peuple d'Antioche , qu'il se contentoit du Royaume d'Egypte &
qu'il les prioit de donner le Diadème à Demetrius son gendre, sans avoir égard '
à l'inimitié qui avoit été autrefois entre lui & Demetrius Soter Pere du jeune
Roy. Le peuple y consentit, les soldats passérent sans peine dans le même
à
parti, & firent un nouveau serment de fidélité Nicator, en haine des ma-
niéres hautaines d'Alexandre Ballés.
LXXXIV. Ce dernier étoit alors en Cilicie, d'où il revint en diligence avec une grosse
Mort d'A- armée
lexandre en Syrie. Mais il fut battu & mis en fuite par les Roys Philometor
Ballés, & & Demetrius ; Il se sauva à Abas ville d'Arabie, auprès de Zabdiel petit Roy
de Ptolé- decepaïs. LesGénéraux qui avoientservi dans l'armée de Ballés ,1e trahirent
mée Philo- & le mirent à mort. Dans la bataille où Balles fut vaincu, le Roy Philome-
metor. tor fut jetté à bas de son cheval, qui s'etoit cabré au bruit du cri d'un Elephant.
j. Mace. Les soldats ennemis l'environnèrent, & lui portèrent plusieurs
Xi.14.18. coups. Ses
Po'yb. in gardes le retirérent à demi mort; il demeura quatre jours sans connoissance
Eeccerpt. & sans pouvoir ni parler ni entendre. Dans cet intervalle Zabdie1 Arabe lui,
Vales. p.
Ù envoya la tête d'Alexandre Balles, & Philometor étant revenu à lui, le cinquiè-
2 94.
1. f2. me jour aprés sa blessure, prit beaucoup de plaisir à voir la tête de son ennemi
tfoftph. entre ses mains. Trois jours aprés il mourut lui-même entre les mains des
Jbitiq. Médecins, qui le vouloient trépaner. Alexandre Ballés avoit regné environ
cinq
cinq tins. Demetrius Nicator demeuré seul maitredu Royaume de Syrie, chassa l.i%. e. 8.
mit à mort toutes les garnisons que Philométor avoit laissées dans les vil- &c.
ou An du M.
les de sa dépendance. 58 avant
Les Consuls que Rome se donna pour l'an 60g. dépuis
^ sa fondation , J.c. 141.
furent Q. Fabius Æmilianus, & L. Hostilius Mancinus. Ce dernier avoit Q.LXXXV. Fabius
commandé la flotte Romaine deux ans auparavant devant Carthage, & comme yEmilianus "

il avoit un grand tableau où cette ville étoit représentée, il eut la complai- & L. Hofli.
sance de le faire voir au peuple dans la place publique, & de lui expliquerles lius Manci-
attaques qu'on y faisoit. Cette complaisance lui valut, dit-on, (a) le Con- nus Con-
sul s. An de
sulat. Fabius son Collégue fat destiné pour aller faire la guerre à Viriathe en R. 6c8. du
Espagne, & Laelius l'ami de Scipion iEmilianus, fut envoyé pour aller gou- M. ?8!P.
arriva avant que avantJ.e.
verner l'Espagne citérieure, avec la qualité de Préteur. Il y firent
le Consul fût en état de partir de Rome, où les enrôlemens se avec assez 141. Liv.
de peine & de lenteur, Fabius voulant épargner les vétérans qui a voient servi L 52.Ca)
dans les guerres précédentes. Avant son arrivée Lselius avoit repris l'afcen- Plin. /. K*
dant sur Viriathe, & ce Général Lusitanien, qui dépuis six ansravageoit les c. 4-
Provinces soumises aux Romains, &leur enlevoit des nations entières, trouva Guerre en
dans Lælius, & ensuite dans Fabius, des Généraux qui réparèrent l'honneur Eipagne.
du nom Romain.
Fabius à son arrivée dans la Bétique, aujourd'huy nomméel'Andalou-
sie, n'avoit qu'environ quinze mille hommes de pied & deux mille chevaux;
auxquels il joignit les renforts, qui lui furent envoyez par quelques peuples
Espagnols demeurez fidèles. Comme les troupes venues d'Italie, étoient de
nouvelles levées, le Consul ne se hâta pas de les exposer à un ennemi tel que
Viriathe.' Il les exerça & les accoutuma peu à peu à la fatigue & aux dangers.
Il étoit arrivé assez tard en Espagne, & le reste de l'été se passa dans ces exer-
cices, sans en venir a aucune action déciilve.
Aprés la mort de PtoléméePhilométor Roy d'Egypte, Cléopatre sa sœur Ptolémée LXXXVI.
&son Epouse appuyée de la faveur des Grands du Royaume, travailla detout Evergétes
son pouvoir à ,apurer la succession de la couronne, au jeune Prince tils de Phi- ouPhyfcont
loiné,,or ; mais Evergétes autrement Physcon, dont on a souvent parlé, qui s'empare
régnoit dans la Cyrénaïque, vint promtement en Egypte à sa sollicitation des de la Cou- d'E-
Egyptiens & s'opposaaux"desseins de la Reine. Arrivé à Alexandrie, il con- ronne gypte. An
traignit cette Princesse à l'épouser, & le jour même de ses nôces fit massacrer duM.g8>.
dans le sein de sa mere, le jeune Prince légitime Héritier du Royaume. Ayant avantJ. C.
commencé par le crime, il continua de même, donnant aux soldats étrangers, tfullin. 141.
qu'il avoit à sa solde, toute sorte de licence, même contre les Egyptiens ses 1. g8. fo-
sujets, qui l'avoient placé sur le Trône, au préjudice de son neveu. 11 e- sepb.
1. l.
xerça contre eux toutes sortes de cruautez, envoyant les uns en exil, & op- (;ontra Ap-
primant les autres par de faulses accusations, pour avoir lieu de colorer son pian. Va-
avarice, & de s'emparer de leurs biens. ler, Max.
1.9. c. 1.
Demetrius Nicator Roy de Syrie se voyant bien affermi dans le Royaume, Diodor.
& n'ayant plus rien à craindre ni de la part du Roy d'Egypte, ni de celle de Sicul. in
Ballés, congédia tous les anciens soldats qui l'avoiént servi si utilement, & Excerpt-
Va/ej:
Que les Roys ses prédécesseurs entretenoient même en tems de paix, pour les î o.
Bb bb 3 avoir .
lxkxvu. avoir toujours auprès d'eux en cas d'accident inopiné. Ces soldats ainsi li-
Demetrius centiez se répandirent par la Province trés-mécontens, & n'attendant qu'une
Nicator occasion pour prendre parti contre Demetrius. Une certain Diodote cy-devant
Roy de
Syrie con- Ministre d'Alexandre Ballés, voyant cette disposition des soldats, alla trouver
gédie ses Elmalchuël Roy des Arabes, qui avoit auprés de lui un jeune enfant nommé
anciennes Antiochus fils de Ballés; Diodote lui raconta le mécontentement des soldats
troupes, & du Roy Demetrius, & le pria avec beaucoup d'instance de lui confier le jeune
donne
toute l'au-
Antiochus, lui promettant de le placer sur le Trône de Syrie. Demetrius
torité à La- cependant exerçoit mille cruautez contre ceux, qui dans le commencement
fthénes. avaient été contraires à son parti; Lasthénes, qu'il avoit établi premier Mi-
An du M. nistre de son Royaume, l'excitant continuellement à commettre de nouvel-
gg19.avant les violences.
J. C. 141.
1. Macc.
Dans l'intervalleJonathas Maccabée Chef des Juifs envoya une dépu-
.
XI. 38. ? tation à Demetrius, pour le prier de faire sortir ses garnisons de la citadelle
goflph.An- de Jerusalem, &des autres forteresses de la Judée. Demetrius qui savoit la
tiq. I. 13. mauvaise disposition des soldats vétérans à ion égard consentit, promit
, y
c. 8. d'élever Jonathas plus grand dégré de gloire, qu'il voulût lui
L X'XXVIII. à un pourveu
Demetrius envoyer quelques troupes. Jonathas lui envoya à Antioche trois mille hom-
attaqué par
mes, qui lui furent d'un grand secours; car ayant voulu contraindre les bour-
<]' .-\11-
ceux
tioche, & geois de cette grande ville
de lui remettre leurs armes, ils refusérent de les
fou te nu lui donner, & se revoltérent ouvertement. Ils se raiïemblérent au nombre de
par les six vingt mille en armes dans la place, & voulurent faire violence au Roy & •
juifs. An du lui ôter la vie. Demetrius fut obligé de se sauver dans le Palais, où il se vit
M. 3660. bientôt assiégé par les séditieux.
avant J. G.
140.
Alors les Juifs d'Antioche prirent les armes pour sa défense, & s'étant
i. Macc. répandus par la ville, tuérent en un jour prés de cent mille hommes, mirent
XI. 41.44. le feu à la ville, la pillérent, tirèrent le Roy de danger, & obligérent le
( Jerl.
peuple à recourir à sa clémence. Les Juifs aprés cette expédition revinrent à
Jérusalenî chargez de butin. Le Roy fit mourir les-auteurs de la sédition &
confisqua leurs biens,& au lieu de ramener les autres par la douceur, il les
traita avec beaucoup de sévérité;ce qui en obligea un grand nombre de s'exi-
ler de leur pays, & de porter leur mécontentement par toutes les villes de
Syrie, n'attendant que le moment & l'occasion de se venger. Demetrius fo-
mentait & augmentoit même ces mauvaises dispositions des peuples, par les
violences qu'il exerçoit contre ses sujets, par le sdng qu'il répandoit, par la
confiscation des biens & par toutes sortes d'excès, & au lieu de réconnoitre
le service qu'il avoit reçu de Jonathas Chef & Grand-Prêtre des Juifs, il menaça
de lui faire la guerre, s'il ne lui payoit les tributs qu'il pay oit aux Roys ses pré-
décesseurs.
LXXWX. Dans l'intervalle Diodote obtint du Roy Elmalchuël le jeune Antiochus
Antiochus fils de Ballés, & l'amena en Syrie, le montra aux peuples mécontens, &anx
le Dieu vétérans, qui avoient servi sous Ballés, qui vinrent en foule se ranger
chaise De- soldats
metrius de auprés de lui & lui offrir leurs services. Diodote lui fit prendre le nom de
son Royau Roy ,& lui en donna les ornemens. Il se trouva bientôt à la tête d'une bonne
mé. An du armée, & commença à faire la guerre à Demetrius, qui fut vaincu dans un
M. 3860. combat
combat & obligé de se retirer à Seleucie. Diodote se rendit maître des Elé- avant J.C.
phans, entra dans Antioche, & assujettit toute la Syrie & la Cilicie. Il com- 140. Dio-
bla de biens &' d'honneurs Jonathas IHaccabée, pour l'attirer à Ion parti, & dar. Sicul.
pjur le détacher de Demetrius. Ce Prince s'étoit retiré de Seleucie à Laodi- inVales. pt.
Excel
cée, où il passoit son tems dans l'oisiveté & dans la bonne chère, peu sensible p: 346.
à son propre malheur, & se mettant peu en peine de corriger ce qui le lui avoit 1 Ma ce.
attiré. Il entretenoit cependant encore une armée en Syrie, avec laquelle il Xl. u-Çi.
exerçoit quelques hostilitezcontre les partisans du jeune Antiochus, à qui l'on 1.($c, Liv.
1 2. Jo-
a voit donné le surnom de Dieu. fepb.l. 1 3.
Rome toute occupée des affaires d'Espagne, se donna pour Consuls Ser- c. 9.
vius Sulpitius Galba & Lucius Aurelius Cotta. Le premier étoit extrêmement Xc.
riche & avare, & le second extrêmement pauvre, mais n'aimant nullement Scrv. Sul-
uitius Gal-
la pauvreté. Tous deux avoient envie de passer en Espagne,dans l'espérance ba, & L.
d'y trouver de quoy contenter leur avidité pour les richesses. Le Senat con- Aurelius
sulta Scipion iEniilianus sur la destination qu'on pouvoir faire des deux Con- Cotta Con-
sais. Il répondit que l'Espagne ne convenoit ni à un Général avare, ni à un JUIS. An de
Général indigent. Ainsi les deux Consuls demeurérent en Italie & menèrent duM.?8ç. Rome 609.
leurs troupes dans la Gaule Cisalpine. Fabius fut continué dans le comman- avant J.C.
dement de l'armée en Espagne, avec la qualité de Proconsul. 141.
La République n'avoit plus d'ennemi que le seul Viriathe, qui se soû- XCI.
tenoit toujours avec réputation en Espagne, & avoit même remporté quelqu'- Avantages
avantages sur les Romains, en l'absence de Fabius iEmilianus, qui étoit allé remporte» Fabius
à Gades pour s'acquitter d'un vœu qu'il avoit fait à Hercules. Mais à son re- par Æmilia-
tour il livra bataille à Viriathe & le mit en fuite; dans un sécond combat il nus, contre
fut encore plus heureux & lui tua beaucoup de monde, prit deux villes sur Viriathe.
les révoltez, en brûla l'une & pilla l'autre. C'est tout ce qui se passa de plus Liv. /. 5 3.
remarquable pendant cette campagne en Espagne. Fabius mit ses troupes en C. 25»
garnison à Cordouë, & revint à Rome mais n'obtint pas le triomphe.
On choisit ensuite pour nouveaux, Consuls Qui i-i,,-us Cecilius Metellus, XCII.
& Appius Claudius Pulcher; c'est le même Metellus que nous avons veu ter- Q_Cecilius
miner la guerre en Macédoine contré Andriscus. Le départementde l'&spagne Metellus & Appius
échut à Metellus, & au Préteur Quintus Pompeïus. Le Consul Appius Clau- Claudius
dius alla commander dans la Gaule Cisalpine, où dépuis si longtems on fài- Pulcher
soit palier quelques Légions plutôt pour les entretenir dans l'exercice de la Consuls.
guerre, que pour combattre des ennemis. An de R.

dans plulieurs 3
Provinces
,
Viriathe non content d'avoir soulevé la Lusitanie, & une grande partie 610. du M.
de l'Espagne ulterieure avoit porté l'esprit de revolte au delà de l'Ebre & J.3 8^0. avant
G. 140.
Tarragonoises. Q Pompeiu- qui étoit arrivé en Guerre en
Espagne avant le Consul Metenus, se trouva dans la nécessité de resister à Espagne.
,
redoutable ennemi. Il l'attaqua & le repoussa vers les Pyrénées aux envi-
ce
rons du Promontoire d'Aphrodysium. Viriathe retourna à son tour contre
le Préteur, le battit, prit son camp, lui enleva quelques étendards, & lui tua
bien du monde, il ravagea le pays des Bartesans, vers les sources du Betis,
& put la ville d'1tuca) dans l'ilildaloulie. Enfin Metellus arriva en Espagne,
&
& reprit la superiorité sur Viriathe. On ne sait pas toutefois le détail de see
exploits.
JCCUl. Le Consul Appius Claudius avoit son département dans une Province
Appius paisible. Cependant il y alluma le feu de la guerre, plutôt pour y acquérir
Claudius de la gloire, que pour aucun sujet légitime. Les Salasses peuples Gaulois
est battu
par lesSa.
d'origine, habitoient dans les montagnes vers lessources du Po. Lariviere
laiïes. Duria, qui rouloit quelque sable d'or dans ses eaux, couloit dans leur pays,
Liv. 1. ? 3. & ils avoient l'adresse de le pêcher & d'en faire profit. Les Insubriens peu-
Cicero pro ples du voisinage, jaloux de cet avantage des Salasses, portèrent quelques
Cœlio. Va*
plaintes contr'eux au Consul, qui sans autre formalité conduisit ses Légions
ler. Mux.
L ç. dans leur pays. Les Salasses attaquez prirent les armes & se détendirent. Le
Consul perdit dans une bataille cinq mille hommes. Dans une féconde adion
il eut sa revanche, & tua cinq mille hommes à ses ennemis. A son retour
à Rome il demanda le triompiie, & il ne put l'obtenir.
Il entreprit néanmoins de triompher malgré le Sénat & le peuple ; &
sur le réfus qu'on lui sit des sOl11nles nécessaires pour l'appareil du triomphe,
il fit les préparatifs à ses dépens; & au lieu que quelques Consuls avoient au-
trefois triomphé sans l'agréement du peuple, mais seulement sur la montagne
d'Albe, Claudius entra superbement dans Rome par la porte triomphale. Un
Tribun du peuple voulut l'arrêter dans sa marche, mais uneVeUale fille du
Consul reflua au Tribun, monta dan3 le char de son pere & l'accompagna
jU[qU'3U Capitole. On loüa la générosité de la Vestale; mais on détesta l'am-
bition du Consul.
XCIV. Pendant que ces choses se passoient à Rome, Jonathas Maccabée s'étoit
Jonathas déclaré pour le jeune Antiochus contre Demetrius; nous avons raconté ces
Maccabée détail, de même que l'alliance que ce
renouvelle guerres ailleurs dans un plus grand
l'alliance même Jonathas renouvella cette année avec Rome. Il donna ordre à ses Al11-
avec Ro- bafsadeurs, après avoir achevé leur commission à Rome, de
repasser par La-
me, & fait cédémone, & d'y renouveller aussi l'ancienne alliance entre les Juifs & les
la guerre Lacédémonie-ns, qui se connoistbient alors réciproquement pour parens &
&Dcm:- Question qui a beaucoup partagé lesSavans, &
trius. An fortis de la même origine.
duM.?86o. qui n'est pas encore décidée aujourd'huy.
avant J. e. Rome changea de Magistrats au commencement de l'an 6n. de sa fon-
140- dation. Les nouveaux Consuls furent CL Fabius Servilianus, & L. Cecilius
tfofepb.
Metellus. On laissa en Espagne Metellus le Macédonien. L'on choisit pour
Antiq.
1.q. c. 9. Censeurs Scipion
le
Æmilianus fécond Africain, & Mummius l'Achaïque de-
1. Maco. ftrudeur de Corinthe. Scipion apporta autant de réforme dans la Républi-
X11. i-itf.
que, que les tems en pouvoient souffrir, & il commença ses fondions par
&c. il fit voir que les conquêtes & les prospéritez
xcv. une harangue, dans laquelle
QJ'ahius de la République,avoient apporté plus de préjudice aux bonnes nlœurs,que
d'avantage pour la gloire & l'étendue de la domination. Dans le dénombre-
Servilia-
nus, & L. ment qui termina cette Censure,
aecilius
il se trouva quatre cens vingt huit mille trois
Romains, en état de porterles armes. Scipion
Metellus cens quarante deux citoyens offrant le
Consuls. réforma l'ancienne formule de priéres que-Pon fitisoit aux Dieux en
An de R. sacrifice ordinaire d'un taureau, d'un belier & d'un verrat après la cérémonie
du
du lustre. On y lisoit: qu'il plaise aux Dieux tutelaires de Rome, £augmen- 611. da M.
ter sa prospérité & d'étendre sa Domination Il y substitua ces paroles: Dieux tute- J. .
i86'i.avant
(e.13
laires de la République, consèrvez-la dans l'état de gloire où vous l'avez mise.
Le sort régla les départemens des deuxConsuls. Fabius Servilianus fut Liv. 1. 5 3.
destiné à marcher en Espagne , & L. Metellus frere de Metellus le Macédo- 54-)(ev/.
nien, demeura en Italie. Viriathe se faisoit toujours craindre en Espagne; Guerre en
le Pr-oconsul Metellus désespérant de l'engager à accepter une bataille , s'ap- f,sougne.
pliqua à affaiblir son parti en lui enlévant des villes. Il fit le siége de Con- l'rire de
Contrebie.
trebie. Le bélier ayant abattu un pan de murailles , cinq manipules de Lé- Liv. /. 5 3.
gionaires furent commandez pour monter à Palsaut. Ils furent repoussez.
Metellus les commanda de nouveau. Ils firent tous leurs testamens qu'on
appelloit in procinfJu, parcequ'il se faisoit au moment de l'adion, & qu'il sui-
fisoit d'y déclarer sa dernière volonté en présence de trois ou quatre témoins.
Après cela ils montèrent de nouveau à l'assaut avec tant de résolution, que les
assiégez furent obligez,de plier, & que la place fut emportée,
Comme ellepassoit pour imprenable, les Romains parurent invincibles, XCVIU
& plusieurs autres places se rendirent à Metellus. Il fit une autre conquête qui Prisc de
Nerto-
ne lui fit pas moins d'honneur. Nertobrige étoit investie, & Retogene un brige & de
des Seigneurs du pays se rendit au camp du Coniul, ayant laissé dans la ville quelques
sa femme & ses enfans. Lorsque la brèche fut assez grande, les assiégez ex- autres pis'
posérent sur la brèche les jeunes enfans de Rétogéne. Leur'pere résolut d'aller ces. Liv.
le premier à l'assaut, & de ne pas épargner sespropres enfans. Metellus aussi
touché du péril des enfans, que de lagénérositédupere, leva le siége & aban-
donna une conquête certaine. Le bruit de cette action lui fit infiniment d'hon-
neur. Plusieurs villes & Nertobrige même, se sournirent & rentrèrent dans
l'alliance des Romains. Il ne demeura dansl'Ëspagne citérieure, que les deux
villes de Termancie & Numance , qui persistérent dans leur résistance.
Le Consul Fabius Servilianus arriva entin en Espagne, avec une armée XCVIII.
de dix huit mille hommes de pied, & de seize cens chevaux. Il avoit prié Le Consul
Micipsa Roy de Numidie de lui faire passer quelques Eléphans, Il les reçyt vilianus Fabius Ser-
avec 300. Cavaliers Numides à Ithuca, où il avoit amené ses troupes pour les fait la
y faire reposer. Avec ce renfort il marcha contre Viriathe. Celuy-cy étoit guerre à
beaucoup moins fort en nombre de soldats. Le Consul l'accabla par le nonl- Viriathe.
bre: les Lusitaniens furent obligez de reculer. Mais Viriathe voyant l'armée
Romaine débandée, & poursuivant en confusion les fuyards leur fit face, &
ch Les Légionaires fuite ,
retourna à la arge. prennent la & se retirent dans leur
camp. Viriathe les y poursuit, renverse tout ce qui se présente devant lui,
& fait des efforts plus qu'humains, pour forcer les retranchemens du Con-
sul. Un jeune Officier Romain nommé Caïus Fannius les garantit, & se
mettant à la tête des Légionaires, les conduit contre Viriathe & le force de
se retirer sur le soir. Les Romains perdirent dans cette journée plus de trois
mille hommes. Servilianus ne tarda pas à réconduire ses troupes à Ithuca.
Viriathe de son coté se retira en Lusitanie. Le Consul profita de son absence
pour lui enléver quelques villes, puis il alla passer l'hyver dans un Canton de
la Lusitanie nommé Cuneus, situé entre le Guadiana & l'Océan.
XCIX. Dans le même tems il parut dans la Macédoine un nouvel imposteur,
Philippe qui se donnoit pourfils de Perlés, & se faisoit aussi appeller Philippe. 11 com-
prétendu posa
fils de Per- une fable sur son origine & son éducation, & son parti fut bientost
sés Roy ds trés.considérable dans le païs. Des Macédoniens mécontens en grand nom-
Macédoi- bre & des Grecs qui ne cherchoient que le trouble, se joignirent à lui,& com-
,
ne , tait ré posérent une armée de dix-sept mille hommes. Le Préteur Licinius Nerva
volter ce étoit alors absent du païs ;fbn Questeur nommé Cneïus Turnellius prit le
pays. com-
Liv. 1. mandement des troupes Romaines, & leur dit par une espèce de plaisanterie,
e, 29.
qu'il alloit dissiper les ennemis avec la même facilité qu'une truye éloigne lès
,
petits trop avides de têter. Cette comparaison lui fit donner dans la lutte le
nom de Seropha, qui signifie une truye. Il marcha donc à l'ennemi, le renversa
& le mit en fuite du premier choc. Philippe mourut dans la bataille, com-
battant avec beaucoup de valeur.
c. En Syrie Diodote, nommé autrement Tryphon, résolutde s'emparerde
Tryphon la Royauté, & de faire périr le jeune Roy Antiochus, qu'il avoit lui-même
fait périr
Ant ochus placé sur le trône. Il lavoit que Jonathas Maccabée étoit le plus puissant
le Dieu, & appui du jeune Prince ; il l'invita à venir avec lui à Ptolémaïde & à renvo-
s'empare yer les quarante mille hommes qu'il lui avoit amenez à Bethfar., Jonathas
du Royau- le suivit accompagné seulement de mille hommes. A peine fut-il entré dans
me de <y- la ville
rie. An du que Tryphon fit fermer les portes, arrêta Jonathas & fit main basse sur
M. ?861. tous ceux qui Pavôient suivi. Le peuple de Jérulàlem choisit Simon frerede
avant J. G. Jonathas pour gouverner la nation, & Tryphon feignit de n'avoir retenu Jo-
1?. nathas que pour assurance d'une somme de cent talens qu'il de voit; il ht dire
Macc. ,
lui envoyât cette sournie avec les deux fils de Jonathas pour otages, &
1. qu'on
xit. 39. 52. qu'il le remettroit
oseph. en liberté. Mais quand il eut l'argent & les deux jeunes
Antiq. /. 1?. Princes, il ne voulut point exécuter ses promesses, & peu de tems aprés il
a. Il. &c. mit à mort Jonathas ; puis ayant fait accroire aux Syriens que le jeune Roy
Antiochus étoit travaillé de la pierre ; il le fit tailler par des Médecins qu'il
avoit gagnez, & qui lui donnérent la mort.
CL
. Tryphon se fit d'abord réconnoître par la ville d'Apamée, qu'il regardoit
Tryphon se sa patrie, parce qu'il y avoit été nourri, ensuite par les villes voilines,
fait confir- comme
Larisse, LVlegare, Apollonie; Delà il s'avança dans la Syrie & s'y fit récon-
mer dans la noitte
Royauté pour Roy. Ensuite il envoya à Rome une Victoire d'or, du poids
par le Sé- de dix mille pièces d'or, se flattant que le Senat lui accorderoit le nom de
nat. Divdor. Roy. Mais le Sénat reçut le present, & au lieu d'y mettre le nom de Tryphon,
Sicul.
Légat. 3lE. fit
inscrire au bas de la statuë, que c'étoit un don du jeune Roy Antiochus
le Dieu. Cela n'empêcha pasTtyphon de prendre le Diadème, & de faire
frapper de la monnoye à son coin , avec cette Légende ; du &oy Tryphon , ou
du 1\0) abjoltt Tryphon.
Cll. Sarpedon un des Généraux de Demetrius Nicator, ayant livré la bataille
Tempête de Tryphon, à qui les Bourgeois de Ptolémaïde s'étoient donnez,
qui fait pé- aux gens
rir l'armée fut vaincu, & obligé d'abandonner aux ennemis les côtes de la Méditerranée,
de Try- & de ie retirer dans les terres qui réconnoissoient encore Demetrius ; Mais
phon.
une tempête s'étant élevée dans la Méditerranée , poussa les flots avec tant
Strab0.I.16. d'impétuolité surie rivage, qu'ils engloutirent
Athcn. I. 8. ou entraînèrent dans la mer
<2. oZ.
l'armée
l'armée de Tryphon, puis rejettérent surie bord,&les corps dessoldats noyez,
& une quantité prodigieuse de poissons. Les gens de Sarpedon informez de
cette avanture, revinrent sur leurs pas; ramassérent du poisson tant qu'ils en
voulurent, & érigèrent un Autel au Dieu Neptune , en réconnoissancede la
vengeance qu'il avoit exercée contre leurs ennemis.
Simon Chef & Grand-Prêtre de la nation Juive, considérant que toute cm
la conduite de Tryphon n'étoit qu'un pur brigandage, se réconcilia avec De- MaccabéeSimon
metrius Nicator, lui envoïa une couronne d'or , en signe de dépendance, ,& prend le
le pria d'accorder à la Judée la remise des tributs. Demetrius fut ravi de parti de
détacher Simon du parti de Tryphon, surtout aïant appris que les Romains Demetrius
avoient fait alliance avec la nation des Juifs. Il écrivit à Simon , lui accorda délivre
Nicator,
la
un amnistie générale de tout le passé, l'exemption de tribut, & de tout péage Judée du
pour tout ce qui entreroit à Jérusalem , renouvella tous les traitez faits avec joug des
lui, & le laissa maître de toutes les forteresses qu'il avoit bâties. Ainsilsraël nations.
fut entiérement affranchi du joug des nations, & on inscrivit les actes publics I. Macc.
du nom de l'année première, du gouvernement du Grand-Prétre Simon. L'an- xi II. 34.
née suivante, la garnison Syrienne, qui étoit dansla Citadelle de Jérusalem, ;7- 10.
42- xiv.
fut obligée de se rendre & d'abandonner cette forteresse ; ce qui fut comme le ilosepb.
sceau & la consommation de Paffranchissement du païs. Antîq.L\%.
La même année Rome choisit pour Consuls Cn. Servilius Caepio, & Çh c. 11.
Pompeïus Nepos. Ce dernier étoit un homme nouveau, quiparses intrigues An duavant M.
& ses souplesses étoit parvenu jusqu'à pouvoir prétendre au Consiilat. Il l'em- J. G. 138.
porta mêtne sur Caïus Lxlius, surnommé le Sage , cet ami inséparable de CIV.
Scipion iEmilianus , en feignant de briguer le Consulat pour lui, & le sort tën. Servi-
Ciepio
lui assigna le département de l'Espagne , d'où Metellus le Macédonien fut Uns ôt ÇM'om-
rapellé à son grand regret, & malgré les sollicitations de ses amis. Avant peïus Ne.
l'arrivée de Pompeïus, & avant le printems , Metellus voulut essayer ses for- pos Con-
ces contre Viriathe. Il marcha contre lui, entra en Lusitanie, battit tout ce suls. An de-
Rome 612.
qui voulut s'opposer à son passage , reprit grand nombre de villes , fit périr du M,3862.
sous le tranchant de l'épée, les Chefs de la revolte, vendit les autres à l'encan ; avant J. 6.
On en compta jusqu'à neuf mille cinq cens. Tout cela ne fut pas capable q8.
d'attirer Viriathe en campagne. Il laissa faire Metellus, sans ôser se commet- Liv.l. çj.
tre avec lui. c. 3}.
Cependant Pompeïus arriva à Tarragone de fort bonne heure ; alors Me- err.
tellus fît éclater Ion dépit d'une manière peu digne de la grandeur d'ame qu'il Arrivée de
avoit témoignée jusqu'alors. Il permit à tous les Vétérans de se retirer. Il Quintus
Pompée en
ruina les magazins de son armée , & les abandonna au pillage, il lailîamou- Espagne.
rir ses Eiephans, & brisa ou jetta dans la riviére les faisceaux de fléches defii- Numance
nez pour les Crétois. L'armée qu'il laissa à Pompeïus, touteaffaibliequ'elle & Ter-
étoit, se trouvoit encore forte de trente mille hommes de pied, & de deux mantie lui
mille chevaux. C'en étoit assez pout réduire au devoir toutes les Provinces font (i es rl-
d'Espagne, qui avoient pris les armes contre les Romains. Les deux villes de propo rions de
Termantie & de Numance qui étoient les plus considérables, prévoyant les paix.
suites d'une longue guerre, & ré doutant la puissance d'un Consul à la tête
d'une armée si nombreuse, envoyèrent des députez à Pompeïus, pour lui faire
des propositions de paix. Ils offrirent d'abord de remettre ces deux^ places
aux Romains, de fournir des habits pour neuf mille soldats de l'armée Coii-
sulaire trois mille cuirs de bœaf pour leur chaussure, huit cens chevaux de
bataille, & trois cens otages.
fTn. Pompeïus ajoûta à ces offres, que ces peuples renonceroient au mani-
Pompéius ment des armes, & qu'ils lui remettroient tout ce qu'ils avoient d'épées, de
est obligé dards, de flèches & de javelines. Ces propositions leur parurent plus insnp»
de quitter Us sortirent du camp plus animez que
Je siége de portables que la mort & l'esclavage.
Numance. jamais à faire la guerre. Il n'y eut pas jusqu'aux femmes & aux enfans,qui
ne témoignassent leur indignation. Le Consul s'avance versNumance &Fin-
vestit. Les Numantins & les Termantins n'avoient qu'environ huit ou dix
mille hommes sur pied. Avec ce petit nombre de soldats, ils tinrent tête à
l'armée Consulaire, & remportérent souvent de grands avantages sur elle, sur-
tout
1 en Pabsence du Consul, qui après avoir placé ses troupes aux
environs
de la ville, étoit allé vaquer à d'autres affaires. A ion retour il résolut de
finir cette guerre par un combat général. Il rangea ses troupes dans un val:"
10n assez spatieux pour combattre à l'aise. Le Général des Numantins qui
n'avoit pas assez de force pour combattre de pied ferme contre les Légions,
plaça ses troupes par pelottons sur les hauteurs, qui donnoientsur le vallon ,
& les fit tomber par intervalle , & de divers côtezsur les troupes Consulai-
elles fu-
res, qui en furent fort endommagées, & enfin aprés quelques jours
rent obligées de décamper & de se retirer vers Termantie.
evïi Les Termantins n'étoient pas moins courageux, que ceux de Numance.
Valeur des Dés-que le Consul parut devant leur ville, les Bourgeois fondirent sur ses
Terman- tuérent sept hommes. Le même jour ils battirent un
tins, Légions, & lui cens
tribun, qui conduisoit un convoy avec une escorte ; sur le soir la cavalerie
ennemie tomba sur celle des Romains, & la poussa jusqu'au bord d'un précis
pice , où il y eut plusieurs hommes & plusieurs chevaux de perdus. Le len-
demain dez le point du jour , le combat recommença & continua jusqu'au
soir. Le nombre des morts fut à peu prés égal des deux côtez; mais les Ter-
mantins inférieurs en nombre , furent contraints de céder &desë retirer dans
leurs murailles. Pompeïus n'osa lesassiéger. Il se rabattit sur Malie, où les
Numantins avoient mis garnison.. Les l\1aIiens égorgèrent la garnison, & se
donnèrent au Consul.
CTTlll; Les Sidetans étoient des voleurs, qui ravageoient le païs. Pompée les
Pompeïus investit & les força à se rendre. On les vendit à l'encan. Plusieurs se don-
prcndles nérent la mort, pour éviter l'esclavage; d'autres étranglérent les maîtres qui
Sidetans &: les avoient achetez. Une autre partie qu'on avoit embarquée, complotia de
les Lau- ,
les vaisseaux, & de faire périr avec eux leurs acheteurs, les matelots
siens. percer
& les passagers. Le Consul pour s'ouvrir un passage au siége de Numance,
.
assiégea la ville de Lauci. Les Numantins lui envoyérent un secours de quatre
censsoIdats.' Quelques jours aprés les Lauciens intimidez, demandèrent à
capituler; mais à condition qu'on permettroit aux Numantins de s'en retour-
dans leur ville. Pompeïus refusa cette condition, & continua depresîer
ner
la. ville. La brèche étoit faite, & les Lauciens envoyérent secretement dire
au-
au Consul, qu'ils étaient résolus de se défaire de 400. Numantins. Ceux-cy
en eurent vent, & prévinrent les Lauciens. Au cri des mourans , le soldat
Romain entre dans la ville, & le Consul par un trait assez bizarre de clé-
mence & de cruauté, donna la vie à deux cens Numantins qu'il trouva en-
core en vie, & fit mourir tous les Lauciens que le fer des Numantins avoit
épargnez. Tels furent les exploits de Pompeïus dans l'Espagne citérieure.
Le Proconsui Servilianus remporta d'abord quelques avantages sur Vi- ClX.
riathe dans l'Espagne ultérieure ; il le força à lever le siége de Baccia , & se fait
Viriathe
rendit maître de quelques Chateaux aux environs. Connobas Chefde bandits avecsa Servi- paix
se rendit à lui. Le Proconsul fit grace à tous ceux qui le suivoient ; mais il lianus.
fit couper les mains à tous les Romains transfuges qui se trouvérent parmi Diodor. in
eux. Aprés cela il vint mettre le siége devant Erisane. Viriathe y entra pen- Edog. l. 32.
dant la nuit, & dez le lendemain il vint fondre sur les Romains occupez à Appian. i6
lberÙ:iI..
faire leurs lignes de circonvallation , & les mit aisément en désordre. Les Lé-
gions auiïi-tôt sortirent du camp pour donner sur les ennemis. Viriathe les
amena adroitement dans un lieu où ils se trouvèrent envelopez du reste de'
l'armée Lusitanienne, que Viriathe y avoit embusqué. Le Proconsul se trou-
vant sans ressource, ne songeoit plus qu'à sauver sa vie & celle de son armée
en passant sous le joug, ou à périr par un massacre général, sans espérance
de sortir de ce lieu.
A ce moment Viriathe députa à Servilianus, pour lui fair-e des proportions
de paix. Il demandoit que les Lusitaniens demeurassent maîtres du pays T
qui leur obéïssoit alors, & les Romains du reste de l'Espagne. Le Procon-
sul agréa & reçut comme un présent du Ciel, les conditions qu'on lui offroit,
& les fit ratifier par le Senat & le peuple Romain ; & Viriathe s'estima fort
heureux d'être réconcilié avec les Romains, espérant de se rendre bientôt
Souverain de la Lusitanie. Mais Rome n'avoit garde de le souffrir, & on-
verra bientôt qu'elle sçut faire évanouïr toutes ces espérances.
On choisit de nouveaux Consuls, & l'on rendit cette année-là justiçeà ex:
Caïus Lælius surnommé le Sage, de lui déférer cette dignité, qu'il avoit man- C. Laelius"6t.
quée l'année précédente. On lui donna pour Collégue ÇX ServiliusCaepio, Sapiens Q.ServiliuS;
frere de Cn. ServiliusCaepio, Consul de l'année précédente , à qui il succéda C?epio
dans le département de l'Espagne ultérieure, pendant que Lælius demeura Consuls Arit
presque inutile dans l'Italie. Ainsi le sort faisoit souvent tomber à dessujets deRorne
trés-indignes,des employs, dont d'autres se seroient beaucoup mieux acquittez. 613. du
avan»
On continua à Pompeïus le commandement de l'armée, qui devoit faire la, J.3863. G. 137-
guerre à Numance ; mais on lui ôta une partie de ses meilleurs soldats, &on yJppia-'jJjn
lui envoya quelques Senateurs, pour lui servir de conseils & pour modérer Iberic,.
les saillies de sa vivacité.
Le Proconsuî sentit l'affront qu'on lui faisoit. Avant l'arrivée des Se'na-' CX H.
teurs , il entreprit de détourner les eaux du fleuve Durius, qui: arrosoit la ville Pompeius;
détourna
de Numance , & donnoit la. fécondité aux campagnes du voisinage. L'en- les
eaux dt»

imœ
treprise étoit digne de la grandeur Rom une. Pompeïus en vint à bout à force fleuve. D\n-
de travail, Mais les eaux rép indues dans les vallons & dans les ciiiipignes., riUSi.
y causérent la stérilitéx& les bouës rendirent le païs qui ne:
fut pas moins dommageable à l'armée Romaine, qu'aux Numantins mêmes,
qui pendant que les Légions étoient occupées à ce ,travail, remportérent beau-
coup d'avantages sur elles, & leur tuèrent beaucoup de monde. Les Sena-
teurs qui devoient servir de Conseil à Pompeïus, trouvérent les choses en cet
état, lorsqu'ils arrivérent au camp, avec des troupes nouvellement levées,
qu'ils lui aménoient. Ils congédiérent les anciens soldats qui servoient dé-
puis six ans, & les remplacèrent par de nouveaux, qui n'étant accoutumez
ni à l'air, ni à l'eau, ni à la nourriture du pays, ni aux travaux qu'on exigeoit
d'eux, tombèrent bientôt dans de facheuses maladies, qui en firent périr un
trés-grand nombre, sans compter ceux que les Numantins tuérent dans dif-
férentes rencontres.
exil Pompeïus fut enfin obligé d'envoyer ses troupes en quartier d'hyver ;
raix avec puis réfléchissantsur le mauvais état de son armée, & sur le peu de succés de
Numauce. ses entreprises, il fit sous main entendre
aux Numantins qu'il ne seroit pas
éloigné de faire la paix avec eux. Numance lui envoya des Députez, qui
obtinrent tout ce qu'ils voulurent Toutefois le Proconsul dans le Conièil
avec les Senateurs, qui étoient venus en Espagne, faisoit le difficile, voulant
faire entendre que c'étoit contre son gré & contre son avis que l'on concluoit
une paix, qu'il avoit plus d'intérêt que personne , d'accorder aux Numantins.
Ceux-ci promirent seulement de rendre aux Romains leurs transfuges & de
leur payer trente talens à divers termes.
CXIII. Viriathe étoit en paix, mais il n'avoit point quitté 'les armes, ne pou-
Mariage de vant beaucoup compter sur les paroles des Romains, qu'il avoit forcez à lui
Viriathe accorder tout ce qu'il vouloit. Il songeoit à se faire Roy de Lusitanie, & il
avec une falloit qu'il s'y procurât de l'appui, par une alliance avec un des plus puis-
riche Luft- sa fille en mariage, & il l'obtint aiséolent.
tanienne. sans du pays. Il luy fit demander
Diodor. Si-• Le Beau-Pere aména sa fille au Général, & apporta avec elle de très.grandes
cul. in Ex- richesses dans le camp de Viriathe, où se de voit faire le mariage. Viriathe
cerpt. Va- s'y rendit en armes à la tête de ses troupes,& au lieu d'admirer l'or, l'argent,
lef. p. ; si.
les vases, les étoffes, les tapis & les meubles prétieux, qu'on y avoit étalez,
il n'en témoigna que du mépris, & levant avec le bout de sa lance une piéce
d'étoffe prétieuse: Quelle folie, dit-il, d'estimer ces sortes de choses,& d'y
mettre sa confiance, puisqu'elles sont sujettes à tous les accidens & à tous les
hazards de la guerre. Nos armes, nos boucliers, voila nos uniques & vé-
ritables parures. Dans le repas qui suivit la cérémonie des nôces, & dans
tout le reste, il fit paroître la même tempérance & la même sobriété qu'il
avoit pratiquée toute sa vie. Il ne vit sa nouvelle Epouse qu'en public & la
fit conduire hors du camp dans un chateau, dont il étoit maître dans les
montagnes voisines.
exIV. Le Consul Q. Servilius Cœpio, à qui le département de l'Espagne ultéri-
Le Consul
eure étoit échu, brûloit d'envie de venger l'affront que son frere l'année der-
S-ervilius
C-,-er)to re-
niére avoit reçu de Viriathe. La paix qui avoit été faite avec ce Général Lu-
commence: sitanien, étoit ratifiée par le peuple Romain.
C'étoit un obstacle au desir du
la guerre Consul; il fit entendre au Sénat que Viriathe n'avoit point quitté les armes,
co itre Vi- & n'attendoit que le moment derenouveller les hostilitez. On lui écrivit qu'il
li.g.thç. pouvoit
pouvcrt indirectement agir contre Viriathe & le porter par quelques mécon- Appictn. Ío
tentemens à recommencer la guerre; mais qu'il ne devoit pas charger la Ré- lberic. Li.v.
publique de la haine, d'avoir manqué à sa parole, ni contrevenu à un traité 1.i3.
passé & agréé. Cœpio n'y manqua pas ; il chercha querelle ; il affecta de don-
11er des dégoûts à Viriathe. Celui-ci sçut
se modérer. LeConsul revint à la
charge, & à force de sollicitations il obtint du Senat & du peuple Romain,
que le Général des Lusitaniens seroit de nouveau solemnellement déclaré en-
nemi de la République. C'étoit violer toutes les régies de l'équité & de la
bonne foy ; mais alors les Romains étoient devenus beaucoup moins rigides
& moins scrupuleux qu'autrefois sur l'exercice des vertus morales, dont la
pratique leur avoit fait tant d'honneur, avant que la prospérité & l'ambition
eussent corrompu leurs cœurs.
Le Consul s'avança vers Arsa ville de la Bétique, où Viriathe étoit alors. eXv.
Il abandonna la place, qui quelques jours aprés se rendit aux Romains, &se Nouvelle
,
retira dans son camp où son armée l'attendoit. Delà il alla dans le pays des contre guerre
Carpetans, où il fortifia ; le Consul l'y suivit. Viriathe qui n'avoit pas assez riathe.
VI*

de troupes pour en venir à une bataille rangée, s'empara d'une hauteur, sur Frontin,
laquelle il porta sa cavalerie sur un grand front, laissant son infanterie derrière StratRg,
& hors de la veuë des Romains. Pendant que ceux- cy font effort pour ga-
gner la hauteur, l'infanterie de Viriathe défile en diligence, & par pelottons
va se rendre en un lieu où elle devoit se rassembler. Quand les Romains
furent arrivez à la portée du trait, la Cavalerie Lusitanienne.dont les chevaux
étoient sans comparaison plus legers que ceux des Romains, disparoit en un
moment & va rejoindre l'infanterie. Ainsi Cœpio vit tout d'un coup dispa-
roître une proye, qu'il croyoit tenir entre ses mains. Les cavaliers Romains
en plaisantérent au dépens de leur Général, disant qu'il t'amùsoit à faire la
guerre à des Phantomes, qui s'évanouïiTent, quand on les approche.
Le Consul plus irrité que jamais, décharge sa colère sur le pays des Vet- CXVL
tons, où il fit un dégât terrible. Viriathe ou craignant les suites de la guer- Viriathe
demande
re, ou emporté par l'ambition de régner, envoye de nouveau des Députez la paix.
pour demander la paix au Consur. Celuy-cy demanda d'abord qu'on lui livre Appian.
les auteurs de la revolte des villes qui avoient quitté le parti des Romains. lberic,, LirA
Viriathe obéït, fait mourir une partie de ces Lusitaniens & livre les autres à /. î 4»
Cœpion. On dit que sonBeau-Pere fut du nombre de ceux, qu'il sacrifia au
delir de Cœpion, qui leur fit couper la main droite à tous sans exception. Ce
ne fut pas tout, il demanda que Viriathe désarmât tous ses loldats& qu'il fît
transporter dans le camp des Romains toutes leurs armes liées en faisceaux;
la seule proposition révolta ces braves ; ils se résolurent à tout souffrir plutôt
que de livrer leurs armes. Ils étoient campez sur des montagnes inaccessibles
& avoient devant eux un fleuve qu'on ne pouvoit pafser sans danger.
Le Consul piqué des plaisanteries qu'avoient faites de lui les Chevaliers Ro- ex vil.
mains, qui étoient au nombre de six cens, leur ordonna d'aller couper du eCon1ul
bois, dont on manquoitdans le camp, dans les montagnes de delà laRivière. cour:deris-
l
sa
Malgré les remontrances des Lieutenans-Généraux & des Tribuns, il fallut que vie. Li-v.
obéïr. La cavalerie des alliez sans attendre le commandement du Général, se i. 54. c zi.
joignit
joignit à la cavalerie Romaine, & même quelques compagnies d'infanterie les
suivirent, pour les soûtenir. Le détachement devint si nombreux, que Vi-
riathe n'osa s'exposer à les attaquer. Mais les soldats Romains échappez dti
danger, résolurent de se venger de leur Général. Ils prirent des fagots & en-
vironnèrent le Prétoire pour y mettre le feu. Cœpio avec le secours de les
amis se sauva à grande peine, & n'osa reparaître de quelques jours.
€XV111. Cependant Viriathe ne perdoit pas Pespérance de faire une paix avanta-
Mort de geuse. Il employoit auprés du Consul trois hommes, sur la fidélité desquels
Viriathe. il comptoit. Cœpio les sonda & les ayant trouvé aisez à corrompre, il em-
Liv. 1. 5 4. ploya les présens, & les promesses pour les engager à tuër leur Général. Ils
Appian. qu'il voulut. Viriathe d'ordinaire dormoit très.peu &
iberia. An. lui promirent tout ce
duM:.3863. toujours armé; les trois amis avoient une entrée libre dans sa tente à toutes
les heures du jour & de la nuit. Ils trouvérent Viriathe couché par terre,
n'ayant de découvert que la gorge, ses armes lui couvroient tout le rette du
corps. Ils lui coupèrent le col, & se retirèrent sans que l'on s'apperçut de
rien, & se rendirent au camp du Consul, pour demander la récompense de
leur perfidie. Cœpio joignit l'ingratitude & l'insulte, à la trahison. Il ré-
pondit à ces gens que Rome n'avoit jamais approuvé ceux qui donnoient la
mort à leur Général; qu'ils pouvoient s'adresser au Sénat,qui seul étoit diitri-
buteur des graces." Mais personne ne fut pris à ces discours, & on ne douta
pas qu'il ne fut auteur de cette action il noire & si déshonorante ; ce qui con-
firma tout le monde dans cette pensée, fut la retraite que les trois complices
étoient allez chercher dans le camp des Romains, & la protection que leur
Consul leur accordoit.
CXlX. Ainsi périt un des plus grands hommes que l'Espagne eût produite Les
funérailles Lusitaniens aprés avoir témoigné leur douleur par toutes les marques que leur
de Viriathe. 'affeét¡on pour Viriathe leur inspira, érigérent un bûcher, sur lequel on mit
le corps du défunt; on l'arrosa du fang d'un grand nombre de victimes; les
Cavaliers firent autour du feu un grand nombre d'évolutions ; l'infanterie dansa
à la manière du pays. Lorsque le feu fut éteint, deux cens paires de gladia-
teurs se battirent, & ceux qui moururent dans ce combat volontaire, s'efti-
mérent heureux d'aller à la suite d'un si grand Capitaine, dans le lieu du re-
pos des morts illustres.
CXX. Les Lusitaniens ne perdirent pas courage. Aprés la mort de Viriathe,
Continua- ils choisirentun nouveau Chef nommé Tantane,ou Tantale. C'étoit un homme
tion de la plein de courage & de valeur, mais qui ne savoit pas mesurer ses forces à ses
guerre en entreprises. 11 se mit en tête de prendre la ville de Sagunte, dont on a parlé
Lusitanie. La chose étoit impraticable, à ne la regarder même que du
/inpian. in plus d'une fois.
lberic. Liv.. côté ..de l'éloignement où elle étoit de la
Lusitanie. Tantale conduit son ar-
/. !4. mée à travers les Provinces , qui séparent la Lusitanie de l'Espagne Tarrago-
noise. Souvent le Consul l'inquiéta au passage des rivières, & enfin'il le dé-
fit & le mit en déroute après le passage du Betis. Tantale se rendit à discré-
tion, & le Consul envoya les Lusitaniens cultiver les terres qu'il leur diltri-
bua. Rome fut ravie de se voir délivrée de la guerre de Lusitanie; mais elle
Viriathe.
ne put approuver l'indigne conduite que Cœpio avoit tenue envers On
On lui réfusa les honneurs du triomphe. Il demeura une feconde année en
Espagne en qualité de Proconsul, pour continuer la guerre contre Numance.
La sévérité étoit le caractère propre de la famille des Manlius. On sait CXXl
T. Manlius
la rigueur qu'un pere de cette maison exerça envers son fils, à qui il fit tran- Torquatus
cher la tête, pour le punir de sa désobéïssance envers son Général. Un Se- condamne
nateur de la même famille condamna son propre fili , qui étoit passé dans la à 11a exil
famille Junia par adoption. Il le condamna à un exil perpétuel de la maison perpétue?,
fils
paternelle & de toutes les terres de la République, pour avoir exercé une ava- sonconvaincu
rice sans bornes dans la Macédoine, qu'il avoit gouvernée en qualité de Pré- de Péculat.
teur. Cette peine fut si sensible à junius, que la nuit suivanteilse pendit de° Liv.l. 14.
desespoir. Son pere en parut si peu touché qu'il ne daigna pas assister à ses c. 9.
obséques, & ne fit pas paroîiire sur son visage le moindre ligne de douleur.
Demetrius Nicator Roy de Syrie soûtenoit avec peine dans son pays un CXXII.
reste de domination chancellanie contre Tryphon, qui avoit usurpé la Roy- Guerre de
Demetrius
auté, & qui se fortifioit de jour en jour par la défedion des villes de Syrie, Nicator
qui abandonnoient le parti de Demetrius, pour se donner à lui. Deme- contre Ar-.
trius cependant étoit sollicité par de fréquentes ambassades, qui lui venoient faces Roy
des provinces superieures, c'est-à dire, des Provinces situées au delà de l'Eu- des Par-
phrate, & qui lui demandaientun promt secours contre Arsaces Roy desPar- ffufilnd thes.
g4.
thes, & lui promettoient de secouër le joug & de se joindre à lui, dez qu'il c i. <&l 41*
paroitroit dans le pays. Il assembla donc une puissante armée passa l'Eu- C. 5. 4.
phrate, vint en Mésopotamiè, & s'avança vers Babilonne, dans le, dessein d'y
établir le siége de sa domination, espérant, s'il venoit à bout de ce dessein,
de châtier bientôt Tryphon du Royaume de Syrie.
On a veucv-devant sous l'an du monde 37^4. avant la naiflartce de J. C. CXXlll.
246. & sous le Consulat de Manlius Vulso, & d'Attilius Regulus, le commen- Successïon
des Roys
cement de l'Empire des Arsacides, par Arsacés I. Il eut pour successeur Ar- Arfaci,les,
sacés II. autrement nommé Tiridates; aprés lesquels Artabanes ou Arsacés III. ou des Par-
Phrapatius ou Arsacés IV. Phraates ou Arsacés V. & enfin Mithridates ou Arsa- thes. Voiez
cés VI. regnérent sur les Parthes. Aprés la mort d'Antiochus Epiphanes, la M. /'A-¿,bé
plupart des peuples qui obéïssoient à l'Empire de Syrie, s'en séparéreÍ1t & se de Longue-
Annal.
donnérent des Roys particuliers; Ainsi les Modes, les Etyméens, les Pertes& rue Arsacid.
quelques autres peuples formèrent autant de Monarchies particulières. Ces P- 6 7. 8-.
Monarques furent attaquez & vaincus pour la plupart par Mithridates ou Ar- "ail..
sacés VI. qui réduisit en servitude les lbétriens, poussa ses conquêtes jusqu'aux lant ArJa.
cid. Impe-
Indes, & se trouva maître de tout le Païs où Porus avoit autrefois regné, & rium
p. 3 a.
qui sont lituez entre les fleuves Indus &Hidaspes. Il attaqua aussi les Etats qui ~.
s'étendoient jusqu'à la mer rouge, ou au Golphe Persique, & assujettit le Roy Qrêf, /. r.
des Perses qui lui demeura tributaire. c. 4.
Ces Roys nouvellement vaincus par Mithridates Roy des Parthes, souffri- CXXIV.
rent très-impatiemment le joug de ce nouveau maître, qui les traita avec une Guerre do
hauteur & une cruauté à laquelle ils n'étoient pas accoutumez. C'en; ainsi Demetrius
Nicator
que Justin le raconte ; quoyque Diodore de Sicile louë beaucoup la modé- contre MU
ration & la douceur de Mithridates. Ql0yqu'il en soit, ces peuples & ces thridate»
Roys ou Gouverneurs regrettèrent la domination des Macédoniens & appel- ou Açsa*
10111. 111, Dddd lérent, ces yt.
lérent, comme nous l'avons dit, Demetrius Nicator, pour les venir délivrer
i. ?6. & .!8 de ce nouveau Monarque. En effet dez que Demetrius parut dans le païs,
Diodor. Si- il lui vint de
CM/. in Ex
tous côtez des renforts, avec lesquels il battit plus d'une fois le
cerpt. Va-
Roy des Parthes. A la fin il fut pris vivant par un des Princes du pays, qui
Jeff. e19. l'attira dans une embuscade, sous prétexte d'entrer en conférence avec luy
i. Macc. pour traiter de paix. Demetrius donc fut arrêté, & toute son armée futobli-
X / si.1 2.?. gée de se rendre. Ce malheureux Prince fut donné
gosph.An- en Ípeétacle à tous les
tiq.l. 1$. peuples, qui s'étoient déclarez pour lui, aprés quoy il fut chargé de chaînes
c. 9-
& renfermé sous une bonne garde. Mais bientoit aprés Arsacéstouché defo.i
An du infortune, le fit venir dans son palais, l'y traita sélon sa dignité lui donna
M. 3863'. ,
en mariage sa fille, sélon les uns, ou sa sœur Rhodogune, sélon d'autres; 11 y

en a même qui disent qu'il lui donna le gouvernement de l'Hyrcanie,& qu'il


lui promit de le rétablir dans le Royaume de Syrie aprés en avoir chassé
Tryphon. ,
CXXV. L'année suivante Rome choisit pour Consuls L. Calpurnius Piso, & M.
L. Calpur- Popilius LaEnas. Le premier eut Rome & l'Italie pour ion département, & le
nius l'ito &
M. Popilius second fut envoyé en Espagne, pour y achever la guerre , qui duroit depuis
LsenasCoK» quinze ans. Caepio fut continué dans l'Espagne ultérieure avec la qualité de
fuis. An de Proconsul. C'étoit foire trop d'honneur au meurtrier de Viriathe. La paix que
Rome 614. Pompeïus avoit faite avec les Numantins, quoique d'abord authorilëe à Ro-
du M 3864.
avantJ. C. me, n'étoit pas revétuë de toutes les formalitez requises. Le Consul Popilius
136. Liv. partant pour l'Espagne, eut ordre de continuer la guerre contre Numance,
- J.S4. sans avoir égard au traité de paix;-
d.u moins il cira les Numantins devant
Pompeïus & devant l'armée; pour savoir si véritablement la paix avoit été
concluë. Les Numantins soûtinrent l'affirmative, & tous les loldats de Pom-
peïus la soûtinrent de même. Il étoit notoire que les transsuges avoient été
livrez, les otages fournis & les sournies dont on étoit convenu, délivrées;
Pompeïus seul soûtint qu'il n'avoit point conclu de paix. Pompeïus fut ren-
voyé à Rome avec les Députez des Numantins, pour plaider leur cause de-
vant le Senat.
CXXVh Pompeïus trouva le secret d'embrouiller l'affaire, & le Senat jugea que
Les Nu- Pompeïus n'avoit fait avec les Numantins qu'un traité illusoire, & qui ne
mantins pouvoit subsister. Comme cette décision n'étoit pas du goût de tous les Se-
font con-
damnez à nateurs, on renvoya l'affaire au Peuple Romain, espérant qu'au moins il con-
Rome, & damneroit Pompeïus à être livré aux Numantins, comme les ayant jettez
la guerre dans l'erreur au sujet du traité en question. Le peuple décida que le traité
recom- de Pompeïus avec les Numantins étoit nui & informe. Celtainsique l'equité,
men ce*
l'honneur & la bonne foy étoient traitées à Rome, par les intrigues d'un par-
ticulier & par des veuës interelfies d'une République ambitieuse, à qui rien
ne suffisoit..
CXXV11. Cet incident suspendit les hostilitez en Espagne; Caepîo rétablit la paix
Antiochus dans l'Espagne ultérieure & dans la Lusitanie; 1: Consul Popilius demeura en
frere de
Demetrius repos, attendant le jugement du Senat & du peuple : Numance se disposa à
Nicator & la guerre à tout événement.
fils de De- En Syrie Tryphon délivré de son concurrent Demetrius Nicator, qui
étoit
molle metrius So-
etoit prisonnier chez les Parthes, s'abandonna aux plaisirs & a une vie 1 mdi- ter est ap-
& licenrieuse. Ses soldats en conçurent d'abord du mépris, puis de
livrérent Reine Cleo- pellé sur
gnation & de l'horreur. Ils l'abandonnèrent & se a la le Trône
Cette Princesse étoit enfermée dans
pâtre semme du Roy Demetrius Nicator. plus de revoir son mari; ses enfans goslph.
de Syrie.
Seleucie avec ses enfans. Elle n'espéroit t.
n'étoient pas en âge de gouverner. Elle put donc le parti d'envoyer vers An- .A'i'Jtiq.l.1 gu-
tiochus son Beau-Frere, qui étoit apparemment alors dans la ville de Rhodes, C. 12.
ftin. 1 3 6.
placer sur le Trône de Syrie. Antiochus
pour lui offrir de l'épouser &-dedelaleReine, & dez lors il prit le titre de Roy, Syriac.
• Appian,

accepta avec plaisir les offres


& écrivit en cette qualité à Simon Maccabée Grand-Prêtre des Juifs, pour pAn132. du M.
l'engager dans ses intérêts. Antiochus fut surnommé le pieux, ou Siclétes,
e861.
c'est-à dire le Chasseur, ou même Soter, le Sauveur, car on lui donne tous
Syrie & épousa Cleopatre sa Belle-Soeur, piquée , dit-

Tryphon...
ces noms; il rentra en
Mari eut reçu pour femme Rhodogu-
on , de ce que Demetrius Nicator son sous l'année suivante ce que de-
ne, fille du Roy des Parthes. Nous verrons
vint ^ cxxvni.
Les nouveaux Consuls de l'année furent Publius Scipio Nasica, &De-
cius junius Brutus; le sort assigna à Brutus le département de l'Espagne
ul- P.Scipio
Lænas fut continué dans l'Elpagne Nasica &
térieure, & à Nasica l'Italie. Popilius De dus Ju-
citérieure avec le titre de Proconsul. Comme.les enrôlemens se firent avec nius Brutua
quelque rigueur, on remarqua queplusieurs soldats étoient revenus d'Espagne Conrals.
à Rome, &avoient quitté la milice sans avoir obtenu de congé; on les recher- An deduR.M.
cha & on en punit quelques uns avec une extrême sévérité. Ce jugement 61 S.
l'exclusion des Consuls, les 3865.avant
s'exerça parles seuls Tribuns du peuple, à que J.C.m.
mêmes Tribuns accusérent de faire les enrôlemens avec une rigueur outrée, Liv. 1. ç f.
& demandèrent au peuple qu'il fût ordonné qu'à l'avenir chaque Tribun put
soustraire dix Citoyens des sermens militaires. Les deux Consuls s'y oppo-
sérent, & les Tribuns du peuple ordonnérent qu'on les conduisit en priÍon.
Ce qui fut exécuté malgré les remontrances des plus sages & des plus quali-
fiez de la République. Lorsqu'ils furent sortis de prison, ils ne témoignèrent
que plus de fermeté à réprimer les entreprises des Tribuns, qui essayérentde
faire soûlever le peuple, sous prétexte -de la disette dont on étoit menacé dans
la ville. Nasica sçut se faire écouter & respeder dans l'assemblée du peuple,
& réduire au silence le nommé CuraÜus, le plus insolent des Tribuns. CXXlX.
Le Proconsul Popilius n'eût pas plutôt appris que la guerre étoit réso- Popilius
luë contre Numance, qu'il fit approcher ses troupes pour assiéger la ville. Il attaque
fut fort sur pris de ne voir ni autour de la place, ni sur les remparts aucuns Numance,
soldats, & de rencontrer par tout le silence & la solitude. Le soldat Romain & est re-
crut que les Numantins avoient abandonné leur ville, & à l'insiant voulut mon- poussé &
pénétré le dessein des ennemis, qui étoit vaincu.
ter à l'escalade, mais Popi!ius ayant Liv. 1. 5 f.
de massacrer tous ceux qui les premiers entreroient dans la place, contreluanda
l'escalade, & les Légionaires retournèrent au camp avec allez de désordre.
A ce moment Mégéru". qui commandoit dans Numance, fit une sortie si à
propos sur l'arriére-g^rde, qu'il la mit en déroute, puis tomba sur le rette de
l'armée, la battit & la mit hors d'état de rien entreprendre de tout le restede
la campagne.
CXXX. Junius Brutus arrivé enLusitanie, exécuta les ordres qu'il avoit reçus du
Exploits Senat. 11 congédia d'abord les vétérans,qui avoient servi le temsprescritpar
de Brutus
dans laLu- les Loys,&leur donna un terrain fertile & agréable, où ils construisirent la ville
sitanie. de Valentia, qui est aujoud'huy la capitale du Royaume de Valence. Aprés
Liv. 1. ç. cela il entra dans le pays qui est en deça du fleuve Durius, où étoit la demeure
Appian. de certains Bandits qui désoloient les plus belles Provinces de la Lusitanie. 11
iberie.
les trouva en armes avec leurs femmes & leurs ensans. Les femmes sc mélé-
rent avec les soldats & combattirent avec un courage & une intrépidité éton-
nantes. Ils furent néanmoins forcez de se sauver dans les montagnes, ou le
Consul les enveloppa & les obligea de se soumettre. Il leur accorda la vie.
CXXXI. Ensuite il arriva sur les bords du Lethé, c'est-à dire Oubli. On sait que
Brutus par. les Poëtes ont fait du Lethé un fleuve d'enfer. Les soldats Romains se croyant
se le fleuve déjà arrivez
d'Oubli. au bord du sejour des morts, & craignant d'y entrer, refuiérent
Appian. absolument de paflser. Le Consul eut beau les exhorter. 11 fallut qu'il ar-

Ihtrie. rachât des mains d'un porte-enseigne une Aigle Romaine, qu'il la jettât au-delà
du fleuve, & qu'il le passàt le premier, pour engager ses troupes à en taire
de même. L'armée n'avança pas plus avant, & là se terminèrent les opéra-
tions de la campagne.
exxx1J. Cependant Tryphon Usurpateur de la Couronne de Syrie, se voyant
Tryphon abandonné de presque toutes ses troupes, qui s'étoient données à Antiochus
cst dépo-
uillé du Sidétes, se retira à Dora ville maritime de Phénicie. Antiochus l'y idlk-ga
Royaume avec une armée forte de six vingt mille hommes de pied & de huit mille ciis-
de.Syrie. taux, sans compter sa flotte quitenoit la mer, & qui resserroit la ville de si
An du M. prés, qu'elle ne pouvoit recevoir aucun secours,& que personne ne pouvoit
g 8 avant ni
J.C. 13ç. y entrer ni en sortir. Toutefois Tryphon s'échappa & se rendit par mer
1. Macc.
dans la ville d'Orthoûade, sur la côte de Phénicie. Antiochus Sidétes l'y
XV. t0. poursuivit, & le contraignit de s'enfuir à Apamée sa patrie; on peut rappor-
14 14.37-:Jo- ter à cette fuite ce qu'on raconte de lui, (a) qu'étant poursuivi par des Ca-
siph. An- valiers du Roy Antiochus, il sema de l'argent d.ms le chemin, pour arrêter
Jiq. /.i?.
Ap- ces soldats & les empêcher de l'atteindre. On ne convient pas du genre de
C. 12.
pian. Sy- sa mort. Symelle dit qu'étant sorti d'Orthosie, il s'étoit jetté dans le feu &
riac.p 1;2. y étoit péri. D'autres ques'étant enfermé dans un Château,
(a)
il fut contraint
de se donner la mort. (b) D'autres enfin (c) qu'il fut tué dans Apamée, qui fut
F ro;;tin. prise de force trois ans aprés la captivité de Demetrius Nicator.
Stratag.
L 2. C. i J. Cette même année Rome élut pour Consuls M. Æmilius Lepidus, &
Cb) C. Hoililius Mancinus. Ce dernier eut l'Espagne pour son département, & sut
Str&bol.14. chargé de la
guerre contre Numance. Lepidus demeura en Italie. Junius
f.66%, fut continué dans l'Espagne ultérieure. Il semble que pendant quel-
(0 Brutusannées Rome avoit un peu négligé les affaires d'Orient. Elle y envoya
tfofepb. ques
l
Antiq.l ? cette année trois Ambassadeurs pour prendre connoissance de ce qui s'y paf:
e.I2. An du soit, sçavoir Scipion iEmilianus l'Africain, Mummius l'Achaïque, & L. lVle-
M. q866.
CXXXIll. tellus; Scipion ne mena avec lui que Panaetius , & cinq esclaves pour le ser-
UiEmwtts vir. ils se rendirent d'rtbortf en Macédoine, où ils trouvérent la Province
troublée
troublée par un nouvel imposteur, nommé Persés qui se disoit fils du Roy Per- Lepidus, &
sés. L'Achaïe étoit tranquile ; mais en Egypte le Trône étoit occupé par Pto- C. Hoftilius
lémée Evergétes, autrement nomme Phylcon, (a) dont on a souvent parlé. Mancinus
Il avoit usurpé la couronne sur son neveu fils de Ptolémée Philométor Ion Consu'is, ds R. 6i6.
An
frere, & gouvernoit l'Egypte en Tyran, plûtôt qu'en Roy, s'étant rendu du M. 3
odieux à tout Ion peuple par ses cruautez, son avarice, ses débauches & ses avant j. e
infamies. A l'arrivée de Scipion le Roy & les Alexandrins accoururent au 134-
Ca)
port pour voir ce grand homme, dont la réputation avoit rempli toute initance la terre.
Voyez
Comme il s'étoit couvert le visage.lesEgyptiens le firent prier avec XJJjer. ad
de se découvrir, afin de leur procurer le plaisir de le considérer.
ann. mundt
Le Roy fit dans cette circonstance un personnage peu digne de son^ng. 3&68. cù il
Il étoit fort court, & fort gros, avoit un ventre énorme, la tête grofle& mas- marque diversité
la
five ,le visage large & difforme. Il étoit vétu d'un linge si tranlparent'& si des fCIltÍ.
délié, qu'il laissoit voir toute la difformité de son corps, & les choses que mens surie
l'on a le plus de soin de cacher. Il n'y a sorte de respects & de sotimiffions tems de
qu'il ne rendit aux Ambassadeurs, jusqu'à se rendre méptisable. Tout occupé cette Am-
baffade.
.de ses plaisirs, il avoit abandonné le loin du Royaume à U11 nommé Hierax, CXXXIV.
homme trés-humain & trés-afFabîe, & avec cela grand Capitaine, qui dans Portrait de
une occasion ,où les troupes Egyptiennes
n'étant pas payées, étoient sur le Ptolémée
point de se donner à Galaste, Hiergx les paya de ses deniers, & appaisa la Phyfcon j_

sédition. D'ailleurs les Egyptiens n'avoient que du mépris pour leur Roy, Roy d'fi-
dont ils connoissoient les excès, le petit génie& l'incapacité dans l'art de ré- gypte. Diodor.
gner. Les Ambassadeurs Romains virent tout ce qu'il y avoit de plus beau & Sicul.
de plus riche dans le palais du Roy d'Egypte, Physcon se donnant la peine Excerpt.
de leur montrer toutes choses, quoique à cause de sa grosseur & de'son em- Vales.p.
bonpoint, il eut beaucoup de peine à marcher. Il leur fit grande chère, Liv.J. 361. ?62.
1;.
mais ceti'esl pas là ce qui toucha les Romains. Ils visitérent tout ce que
c. 19. ao.
l'Egypte a de plus admirable en fait d'antiquité; ce qui les frappa le plus, ce
futla multitude de villes, la fécondité du pays, les commoditez que le Nil
y produit, le nombre infini
de peuples; ce qui leur fit juger, que ce pays
seroitle plus propre du monde pour y établie une puissante Monarchie, s'il s'y
trouvoit des grinces qui eussent les qualitez pour la former & pour la soû...
tenir.
.
D'Egypte les Ambassadeurs passérent en Aile, dans le Royaume de Per- CXXXV..
game. Attalus fils du fameux Roy Euménes, dont nous avons tant parlés y yaume Etat du Ro-
régnoit alors. Il avoit succédé à son Oncle Attalus, qui avoit gouverné le Pergame.de
Royaume sous si minorité. Ce Prince étoit d'un esprit foible & d'un tem- tyujhn.l.16.
péramment mélancolique.La Reine lamère nommée Stratonice,& sa femme Confer.
Berenice étant mortes , il se mit dans l'esprit que les Seigneurs de sa Cour les Diodor.
avoient fait mourir. Il les fit massacrer. Ensuite frappé de remords & croyant Sicul. irt
Excerf
voir leurs ombres, qui lui reprochoient sa cruauté , il tomba dans une noire Vales,. t.
mélancolie & laissant croître sa barbe & ses cheveux , se tint caché dans le 1. 370-
fond de son, palais, abandonna le soin de ses affaires, & ne s'occupa plus qu'à An du M.
cultiver de ses mains un jardin, où il noarrifloit des plantes utiles &medeci- 3866.
nales & d'autres venimeuses, qu'il envoyoit quelque fois en paquets à ceux
qui lui étoient suspects ; ensuite il se mit à faire des moules pour fondre des
statuës de métaux ; Il s'amusoit aussi à en faire de cire, & à en former au mar-
teau. Il se mêloit si peu du gouvernement, que les Romains demandoient
quelque fois en riant à ceux qui venoient d'Asie si Attalus avoit quelque cré-
( a) dit auprès de Philopaemen. (a) C'étoitle nom de, celui à qui Attalus avoit laide
Pltttarcb. le soin du gouvernement. Attalus s'amusa aussi à écrire des livres d'Agri-
Jib.a-n seni- culture. (b)
jît germda De Pergame les Ambassadeurs Romains prirent leur route vers la Syrie;
ReJpubl
(b ) Ils y trouvèrent les choses dans l'état où nous les avons décrites cy-devant.
Varro de Le Consul Hostilius Mancinus, malgré certains mauvais prognostics qu'il crut
Reruji.l. 1. devoir mépriser, passa Espagne avec ses troupes destinées pour la guerre
2. Cohi- en
mel. lA.c.i. contre Numance, & prit possession de l'armée ,quePopilius avoit commandée
C.

Plin.l. 19. jusqifalors. Cette armée manquoit de résolution & de confiance en ses Gé-
c. 3. néraux; Les Numantins avoient pris sur elle un tel ascendant, qu'elle n'osoit
c.,< XXVI. paroitre devant Le Consul jugea à propos de s'éloigner de Numance,
Le Consul eux.
Mancinus pour éviter des chocs qui étoient trés-fréquens entre les Romains & les enne-
passe eii mis, & qui tournoient toujours au desavantage des premiers. Il décampa
Bspagnc. pendant la nuit & à la sourdine, pour gagner un lieu retiré & hors d'atteinte
Liz) 1. S
*>• des Numantins. Deux jeunes Seigneurs qui recherchoient une jeune Espagno-
c 13.14.IÇ. le d'une
&c. rare beauté, s'étoient mis séparemment en embuscade pour se saisir
de quelque soldat Romain, & en apporter la main droite au. pere de la fille,
qui l'avoit promise à celui, qui lui donneroit cette marque de sa valeur. Au
lieu d'un Romain qu'ils attendoient,ilss'apperçurent que toute l'armée décam-
poit en désordre. Ils coururent en donner avis dans la ville.
Aussi-tôt toute la garnisonde Numance au nombre de quatre mille hom-
cxxxvn.
Défaite de mes, sortit de la ville, s'empara du camp des Romains, se mita suivrel'armée
l'armée de Consulaire. Elle en tua vingt mille, avant que le Consul se fut apperçu du
Mancinus. danger où il étoit. Le jour lui découvrit qu'il étoit investi de tous côtez, &
Paix avec
les Nu- que la plus grande partie de son armée étoit détruite. De trente mille hom-
jnantius. mes, il ne lui en restoit que dix mille. 11 envoya offrir la paix aux Numan-
tins, qui refusérent de traiter avec Mancinus , se souvenant de ce qui leur
étoit arrivé sous Pompeïus. Mais ils consentirentd'entrer en conférence avec
TiberiusSemproniusGracchus, qui servoit dans l'armée en qualité de Qjiefteur,
& dont le Pere avoit autrefois pacifié l'Espagne; Les conditions de la paix fu-
rent bientôt arrêtées. 11 fut dit que tant les soldats Romains que les Numan-
tins, se retireroient les uns & les autres de la plaine , & demeureroient bons
amis; & que ce traité seroit garantisous le serment du Consul, duQuelKur,
& des principaux Officiers de l'armée. Les Numantins rendirent à Gracchus
les Livres de ses comptes, qui avoient été pris dans le pillage du camp. Ils
eurent l'honnêteté de le rendre maitre de disposer de tout le butin qu'ils avoient
fait dans le camp. Mais il se contenta de ses papiers & d'une boëte pleine
d'encens, dont il se servoit dans ses sacrifices.
tXXXV111. La nouvelle de cette défaite & de la paix qui l'avoit suivie , étant arri-
La paix de vée à Rome, ordonna à iEmilius Lepidus fécond Consul de lever promp-
Numance on
clésaprou- tement une nouvelle armée & de partir pour
l'Espagne. Toute la ville cria
hautement
hautement contre Mancinus, comme contre l'auteur de tout le mal , & con- vée à Ro-
tre l'indigne paix qu'il avoit faite , ou faitfaire. On vouloit qu'elle fût déclarée ms.
nulle, & que tant les Consuls que le Questeur fussent renvoyez au?ç-Nu- Liv. I H..
mantins, comme coupables d'avoir trahi les intérêts de la République. A son
arrivée Mancinus trouva le Senat & le peuple étrangement indisposez contre
lui. 11 eue beau protester de son innocence , & représenter le danger où; il
s'étoit trouvé de perdre le reste de son armée; Le Senat fut inflexible. Il fut
résolu qu'on attendroit la fin de l'année Consulaire ; aprés quoy les nouveaux
Consuls présenteroient leur requête, pour faire annuller la paix avec Numan-
ce. Les Ambassadeurs Numantinsqui étoient venus à Rome pour qu'il
faire ratifier
le traité , n'eurent pas permission d'entrer dans la ville, de peur ne pa-
rut qu'on les traitoit en alliez. Ils demeurèrent dans les faubourgs ; on ne
laissa pas de leur faire lespresens ordinaires, comme aux autres nations amies,
du peuple Romain.
Dezle premier jour de Janvier de l'année suivante, les nouveaux Consuls cxxxir.
Pub. Furius
P. Furius Philus, & Sext. Attilius Serranus, ,commencérentleurs fonctions par Philus &
l'affaire de Numance. Les Ambassadeurs de cette ville furent ouïs. Ils par- Sext. Atti-
lèrent avec modestie & avec force, & firent valoir le traité qu'ils avoient de lius Serra-
bonne foi conclu avec le Consul Mancinus. Le Senat n'y eut aucun égard. nus Con-
Il décida que le traité fait avec Numanceseroit déclaré nul, comme étantfait fuIs. An de
sans le consentement de la République ; que Mancinus & les auteurs de ce du Rome 617-
M. 67-
traité, seroient conduits aux portes de Numance pieds & poings liez, depouïl- avant.3J.8 et.
lez de leurs armes & de leurs habits, & livrez auxNumantins. Tiberius Grac- 13g. Liv.
chus sit ce qu'il put pour empêcher que ce décret ne fut ratifié par le peuple, Epitome
Mancinus luy-même harangua, & s'offrit d'être dévoüé seul, & renvoyé l. 56.
Sa proportion fut acceptée Gracchus & les autres Offi- faite La paix
à Numance. , avec
ciers , qui avoient ligné le traité, furent déclarez absoûs, & la ruine de Nu- Numance
mance fut résoluë. est déclarée
Æmilius Lepidus, qui avoit été envoyé en Espagne en la place de Man- nuile.
cinus, ne voulant pas laisser son armée oisive , marcha contre les Vaccéens Guerre
qui demeuroient au voisinage des Numantins, & leur avoient fourni quelque contre les
, CXL.

secours d'hommes, d'armes & de vivres. Il sollicita Junius Brutus, dont il Vaccéens.
avoit épousé la fille, & qui venoit de terminer la guerre dans la Lusitanie, de
venir joindre ses forces aux siennes, & Brutus se rendit à ses desirs. Ils en-
trérent ensemble dans le pays des Vaccéens & le ravagérent. Ils se préparoient
à faire le siége de Palerne lorsque deux Senateurs députez du Sénat, leur
signifiérent de la part du ,Senat d'abandonner le pays des Vaccéens, , & de ne
s'attacher qu'à Numance, qui depuis seize ans bravoit les armes de la Républi-
que & les Généraux Romains. iEmilius ne se mit pas en peine d'obéïr à un
ordre que le Sénat, disoit-il, avoit donné, peu instruit de l'état des choses.
Il fit le siége de Placence. Mais les Vaccéens lui coupérent les vivres,& le
harcellérent de telle sorte , qu'il fallut enfin lever le siége. Brutus fut le pre-
mier qui voulut se retirer. Le départ sesit pendant la nuit. Les ordres des
deux Consuls causoient de l'embarras ; ils pressoient le départ ; Les Offi-
ciers subalternes poussoient les soldats à sortir du camp j Les malades. & les
blessez
blessez qui étoient en grand nombre, & qu'on ne pouvoit transporter, fauté
de voitures, crioient qu'on vouloit donc les sacrifierau ressentiment des enne-
mis. Les Vaccéens s'apperçurent delà retraite, & les poursuivirent. Ils en
tuérent six mille, & enauroient tué bien d'avantage, si la fatigue ne les a voit
empêché de les suivre plus long-tems.
Le Çonsul Furius arriva bientôt-après, & amena Mancinus cy- devant
CX Lit Numantins. On le mitenmain d'un Fecial,qui
Mancinus Consul, pour le livrer aux ^ Mancinus étoit nud
,cR livré aux le conduisit en cérémonie à une des portes de Numance.
NunMti- jusqu'à la ceinture, & denué de toutes les marques de Citoïen Romain. Ils
tins. trouvèrent les portes de la ville fermées; Les Numantins demandèrent qu on
Flar. 1. 2. leur livrât aussi avec Mancinus tous les Officiers & les soldats qui avoient été
c. 1 8. Oros.
I. ç. C.i. Ci épargnez & sauvez de la mort, au jour
du traité. Mancinus demeura un jour
çtro dt Ora- entier à la porte de Numance. A la nuit close le Consul Furius ayant
coniulté
fare 1.1. les auspices reçut Mancinus dans son camp , & lui fit tout l'accueil qu'il
put ; il le rétablit dans le droit de Citoyen Romain , & lui rendit même la
Liv. 1. se. ,
place qu'il avoit euë au Senat. Il retourna à Rome , & voulut à l'ordinaire
aller prendre sa place au Senat; mais un Tribun du peuple nommé Rupilius,
lui dit le plus poliment qu'il put, qu'il n'étoit plus Citoyen Romain , qu'il
avoit été livré à Numance, qu'il n'étoit plus libre , qu'il apartenoit aux Nu-
mantins. La question fut portée devant le peuple assemblé par Centuries ,&
il fut décidé que Mancinus n'ayant pas été accepté par l'ennemi, il n'étoit
point déchu de ses anciens droits; que la donation n'est consommée que par
l'ade d'acceptation; Mancinus eut si peu de honte de ce qui lui étoit arrivé ,
qu'il voulut en transmettre la connoissance à la poitérité, en se faifint repré-
senter dans une statuë de bronze dans les mêmes habits d'esclave, eu'il avoit
Gracchus;
eus sous les murs de Numance. Il n'en fut pas ainsi de Tiberiusfaite à Man-
il conserva toute sa vie le ressentiment de l'injustice qu'on avoit
cinus & des injustes égards qu'on avoit eus pour luy-méme.
,
Le Consul Furius ne fit de toute la campagne aucune entreprise contre
JtXLIl. ses Lieutenans
Conquêtes Numance. On remarque qu'il demanda avec instance pour
de Brutus Généraux ses deux plus grands ennemis, Metellus & Pompeïus, afin qu'ils
en Luûta- sussent témoins de ses démarches. (a) Pour Brutus, il ne fut pas plutôt arrivé
,
nie. les peuples de ce pais-la, dont
Ca) en Lusitanie, qu'il recommença la guerre contre
Valer. une partie n'étoit pas encore connue aux Romains. Il porta ses conquêtes
Jtfaxirt/. L jusqu'aux extrêmitez de l'Océan , & vit,dit Florus, avec une horreur religieuse,
c. 7. Liv. le Soleil se coucher dans la mer & aller éteindre
ses iismes dJl1s l'Océan, (b)
La seule ville de Cinninia oia lui résister. Cc)Ir la fit sommer de le rendre, &
Â56.
Ch) sommes d'argent pour s'exempter du pilbgc. Lesha-
Flor. l. 2. lui demanda quelques
18. bitans répondirent que leurs Peres ne leur avoient point laisséd'argent, mai.
s.
Ce) du fer pour défendre leur liberté. Cette fierté denuée de force ne leur ftr-
Liv. /. S6. vit de rien. Brutus pacifia tout ce païs, & en raporta le nom de Galleàeny
six mille pri-
ayant tué en un jour cinquante mille Galcciens, & pris sur eux
CXI,LIII.
sonniers.
On élut Consuls pour l'année suivante, Servius T,Fulvius ,
, . &
Serv. Fvil- nius Piso. Celuy-cy eut ion département dans l'Espagne, & fut chargé de la
jrius Fi&c-
^ ^Lalpur-
„ Q. .

guerre
guerre contre Numance ; Flaccus demeura en Italie, jusqu'à ce que la révolte eus, &:
des Vardéens peuples d'Illyrie, l'obligea de marcher contre eux. 11 les en- Catonmius
ferma dans des détroits, où ils furentobligez de se donner lamort, ou des'ex- suls. 'ifo Co'¡>.-
An de
poser à périr par le fer des Romains. Delà le Consul fit le ravage dans leur Rome 619.
pays, & contraignit les peuples rebelles à quitter leur pays , pour en habiter du M. ? 86g.
un autre assez éloigné de la mer , où ils se trouvérent obligez de cultiver une avant J. C,
terre aride & ingrate, ce qui leur ôta & l'envie & les moyens de remuer. Ces Les i
Illy-
exploits méritèrent à Flaccus les honneurs du triomphe. riens ré-
Son Collègue Calpurnius Pisa arriva heureusement en Espagne; mais duus à l'o.
intimidé par les mauvais traittemens qu'on avoit fait souffrir à Pompeïus & à béilFancc.
rtlancinus, & parles mauvais succés qu'avoient eus en Espagne la p'ûpart de Liv J. 5
CA Li V.
ses prédecesseurs depuis quinze ou seize ans, il ne fit aucuneentreprise contre Calpurnius
Numance. Il fit subsister son armée dans le pays des Vaccéens, & alla palier Piro en Es-
l'hyver dans la Carpitanie. pagne.
Prolémée Evergétes ou PhysconRoy d'Egypte ne mettoit point de bor- Liv. 1.
On a veu de quelle manière il épousa PtolernéeexLV.
nes à ses cruautez & à ses infamies.
sa propre sœur veuvede son frere Philometor, & avec quelle cruauté ilmat'f;l- l'hyscoa
cra son neveu dans lesein de cette Princesse; 11 la répudia ensuite pour épJu- attire des
ser sa niéce fille de la même Cleopatre aprés l'avoir violée & corrompue. étrangers
Il fit mourir grand nombre de Citoyens , d'Alexandrie, & en obligea beaucoup àdrie, Alexan-
&
d'autres à s'exiler de leur Patrie. Comme il donnoit une entiére licence aux sait veniry
soldats étrangers, qu'il avoit à son service , on ne voyoit que meurtres dans des hom-
la ville, ce qui fut cause que le peuple se retira où il put, pour éviter la mort. mes do-
Ce malheur produisit un grand bien , qui fut le renouvellement des études. &es.
Phvscon invita les étrangers à venir s'établir dans Alexandrie & dans les Isles gufll:".I.~84
8. Athé-
voisines, & les y engagea par de grandes promesses. On y vit arriver de cN,e.l 4 t. 24-
tous côtez grand nombre de Grammairiens, de Philosophes, de Géomètres, An du M.
de Musiciens, de Peintres, de Medecins, de maîtres pour enièigner les en- 3868-386$!.
sans, lesquels répandirent leurs connoissances dans l'Egypte & y formèrent
,
ce grand nombre d'hommes doctes en tout genre de litérature que l'on y vit
,
dans la suite.
Scipion lemilianus l'Africain s'étoit chargé de recommander au peuple c'y un.
Romain son neveu Fabius Buteo pour la questure,-qu'il demandoit pour l'an- P. Corne-
née suivanre. Il fut fort surpris, d'entendre le peuple qui le demandoit luy- A^r lius 'Sc"pio
mêmepour Consul,& qui crioitque Numance ne seroit priseque p ir ledeitru- &c.canijç, Ful-
fteur de Carthage. Mais comme il y avoit uneLoy,qui défèndoit d'élever deux vius Flac-
fois la même personne au Consulat, il fallut que le Senat & lepeuple décla- cus Con-
raient que dins cette seule occasion & sans tirer à conséquence Cornélius fuis. An de
619.
Scipion seroit élu Consul. On lui donna pour Collégue C. Fulvius ,
FLçcus. Rome
du M. 870.
Par une suite de la premiére diihnétion qu'on avoit faite en faveur de Scipion, avant J. C.
on lui assigna l'Esp3gne sans l'obliger à tirer au fort. Fulvius Flaccus son o. 1

Collégue fut d'abord destiné pour l'Italie ; mais la révolté des esclaves en' Vo.J.'er.
Sicile, l'obligea à passer d -!ns cette Isle comme nous le dirons cy-aprés. Mjx. L 8.
c. 1 5. Ap-
Deux choses mortifièrent Scipion, lorsqu'il fallut passer en Espagne; plan. in
,
La première, qu'on ne lui fournit pas l'argent comptant nécessaire pour une iberic. IAv
Tom. ili. Eeee expédition 1. 6.c. i4/
1
& 1.
expédition de cette importance. La reconde,qu'on ne lui permit pas de faire
exLVJl. de nouvelles levées de troupes dans Rome. Pour de l'argent, il en trouva
Scipion Æ- dans les bourses de ses amis & on lui permit de demander aux Roys & aux
milianus peuples amis de la République, ,
-paire en
des troupes en suffisance, pour former une ar-
ïfpagnc. mée capable de réduire les Numantins & les autres tspagnols rebelles. Bien-
LivJ. 57.. tôt sa réputation, l'amitié qu'on lui portoit, &la confiance qu'on avaiten lui,
lui aménérent un corps de cavalerie de cinq cens hommes, qu'il appella toujours
depuis l'escadron de ses amis ; Il reçut quatre mille volontaires des villes
d'Italie; Micipfa Roy de Numidie lui envoya des Eléphlns & de la cava-
lerie.
CXLVllL A son arrivée en Afrique il trouva l'armée sans discipline ; l'oisiveté,
,
Reforme la licence, le mépris pour les Chefs, l'avo1ent énervée. On n'y trouvoit ni
dans l'ar-
courage, ni valeur, ni émulation, ni résolution. Il lui fallut un an entier
mée Ro. le bon ordre. 11 employa la sévérité pour en bannir lamol.
maine par pour y remettre
Scipion. lette ; On voyoit dans le camp jusqu'à deux mille femmes; il les en châtia,
Epitome. de même que les baigneurs, les marchands les vivandiers, les diseuses de
Liv. /. 57.. bonne avanture & toutes les autres sortes de, superstitions en furent bannies,
€. 1.2. ,
46c. comme propres à affoiblir le courage. Un brave Romain ne doit craindre
ni le danger à venir, ni le danger présent. Il ne souffrit ni lits ni ustensiles
de cuisines non nécessaires. Il réduisit tous les mets des tables au roti &
au boüilli. Il vuida son camp de ce nombre innombrable de chariots, de
charettes & de bêtes de charge, qui servoient à porter les fardeaux & les
hardes dont les soldats Romains devoient être chargez dans leur marche. 11
falloit tout. le crédit & l'autorité de Scipion pourorer entreprendre une telle
réforme. Il la fit sans y trouver d'oppositioiisconsidérables.
Il songea ensuite a les endurcir au travail II les fàisoit sortir du camp,
marcher par des chemins rudes & boüeux, potier des riviéres sans quitter leurs
habits creuser des fbnez& sur le champ les remplir, élever des murs & des
,
remparts, puis les renverser.. Il n'épargnait ni. les Officiers ni les Tribuns.
Il n'ignoroit pas qu'ils étoient les auteurs, ou les fauteurs du desordre. Par
ce moyen il rétablit petit à petit la discipline militaire, dont on ne voyoit pres-
que plus aucun veflige dans les armées d'Espagne, & dont le défaut avoit
causé toutes les disgraces & tous les affronts qu'a voient soufferts les Généraux
Romains depuis Pompeïus.
CXLIX:. Aprés quelques mois il s'approcha de Numance, & tint exactement ses
Scipion dans le camp sans les exposer à des ennemis rusez & accoutumez à
s'approcht, troupes ,
I vaincre. Aprés avoir ravagé les campagnes des Nu maintins, il proposaàson
de Numan.
ce & sait conseil si l'on devoit passer dans les plaines de la Numance pour les tourager
le dégat. aussi Les Officiers de l'armée en étoient d'avis. Il fut d'un sentiment con-
dans le traire. Il n'estpas encore tems, disoit-il, d'exposer l'armée aune adiongéné-
pays. rale, ni de risquer un combat avec des troupes dont la valeur est si peu s Hu-
rée. Il passa donc dans le païs des Vaccéens & y fitInoissunner tous les grains
Tout ce qu'on ne put emporter, fut mis en monceau avec les pailles & brû-
le,. Par ce moyen il ôta.aux. Numantins une. ressource dans leur besoin; car
c'étoit
c'é'oit chez les Vaccéens qu'ils prenoient leurs principales provisions de
froment.
soil armée danslepaisdes Numantinspour y passerl'hy- Jugurtha
CL

ver. Ce ne furent plus les


mêmes troupes qu'auparavant. La frugalité , la arrive d'A-
subordination, la vigilance, l'amour du service avaientpris la place de l'oi- frique air
fiveté, de la molesse,de l'independance. Ce fut dans ce tems-là que jugurtha, camp Scipion
de
dont on parlera souvent dans la suite , amena le secours que l\tlicipsrl son on- l'Africain.
cle Rov de Numidie , envoyoit à Scipion son ami. Jugurtha étoit né fier& Son cara-
entreprenant, & dans toute occasion il affe&oit de l'emporter sur sescousins &ére.
Adherbal & Hiempsal. Le Roy Micipsa, à qui ce jeune homme parut dange- Liv. 1. )7.
l'envoya exprés à Scipion, dans la créance que son ardeur & sa vivacité c. 16. 17.
reux ,
k1i Numance, où il manqueroit de t'is.
feroient trouver mort
la devant ne pas
vouloir se signoler aux yeux du grand Scipion; Jugurtha sçut mériter l'estime
du Général & de la plupart des Officiers ; surtout il se lia d'une amitié trés..
étroite avec Marins, qui étoit alors jeune, mais qui devint dans la suite un
grand Général, & qui fut le vainqueur de Jugurtha » dont il étoit alors lç
compagnon & l'ami.
Pendant que Scipion se disposoità faire le siége de Numance , Attalus CLIo
Roy de Pergame lui envoya de trés-riches présens. Antiochus Sidétes Roy PrésensàCB-
de Syrie en fit de même. Les autres Généraux avoient coutume de ne pas voyez Scipion par
kire paroître ces présens & de se les aproprier. Scipion fitsavoir qu'ilneles les Roys
recevroit que monté sur son tribunal, & à la veue de toute l'armée. IL les de Pergame
fit mettre par compte sur les Registres du Questeur, & dit qu'il en feroit des & de Syrie.
Cicero pro
largesses à ceux qui le mériteroient par leur valeur contre les ennemis. Dejotaro.-
Ce fut sous le Consulat de Scipion & de Fulvius Flaccus, qu'éclata la Liv. 1. 7.
guerre des esclaves en Sicile. Depuis la conquête de Sicile, les plus riches CLII.
la
d'entre les Romains, & ies Siciliens aquirent les meilleures terres de la Sicile, Commen- do
& les firent cultiver par leurs esclaves. Ils multipliérent si fort ces sortes de cernent la guerre
gens, que leur nombre égalait presque celui des Siciliens naturels. Les plus des e:da.-
robustes étoient employez au labourage. Les plus jeunes & les moins forts, ves en Si-
étoient occupez à la garde des troupeaux. Cette multitude d'escl-aves fai- cile. Liv.
soit la principale richesse des Romains & des Insulaires. Les maîtres par une 1.1. î6. Florm
épargne sordide, laissoient souvent. manquer à leurs enclavesleschoses lesplus Di"o3.doc.r.19.
nécessaires; &les esclaves de leur côté cherchoient à se les procurer par des /. 4. apud
moyens criminels, pillant & volant les passans & les maisons de campagne, Phot. Cod..
en sorte que dans toute la Sicile on ne parloit que de meurtres & de brigan- 244. 11ft

dages. On avoit beau renfermer les esclaves dans desespèces de cachots pen- Excerf ValeJ.
t.
dant la nuit & les tenir enchaînez, ils rompoient leurs liens , forçoient les p.169. 37®-
cachots & se répindoi-,iit dans les villages où ils commettaient mille sortes obse~
de violences. Les Préteurs qu'on envoyoit tous les ans en Sici!e, disliaiuloient quens de
les desordres des esclaves, par considération pour les maîtres , qui étoient Pi odigii-r.
pour la plupart des Chevaliers Romains & des premiers de la République; L'im-
punité augmenta la licence, & la licence produisit l'e[prit d'independance &
de revolte.
Un nommé Eunusesclave d'Antigènes, Seigneur Sicilien, se mit à leur. CLU\
fceee z tête Révohc
des escla- tête & leva l'étendard de la rébellion. Il étoit d'Apamée en Syrie, & aïant
ves fous la été sait p:isonnier de guerre il avoit été acheté
, pour esclave par Antigène.
conduite Parmi fcs camarades il passoit pour Magicien contrefaisant l'homme inspiré,
d'Eunus. & disant qu'il avoit les Dieux.,
Lin. 1. 1 6. commerce avec Ce qui confirmoit cette pen-
t.Z%.
sée, c'est qu'on voyoit de tems en tems l'ortir le feu de sa bouche. Il y met-
toit une noix creusée exprés & remplie desouffre & d'étouppes, auxquelles
il mettoit le seu. Les autres esclaves n'y regardoient pas de si prés & pre-
noient ces flammes pour des preuves de son inspiration. Eunus leur disoit
la bonne avanture, les amusoit par des promesses de liberté, & se vantoit à
toute occasion qu'il deviendroit Roy. Antigéne son maitre s'en divertissoit
avec ses amis,& faiÍoit quelque fois venir Eunus dans ses festins, pour l'en-
\
tendre discourir sur sa Royauté future.
CUV. Il y avoit dans la ville d'Enna un nommé Damophile, homme fort riche,
Prise de & qui avoit grand nombre d'esclaves de l'un & de l'autre sexe Il les traitoit
Damophi-
le & dtMé- avec la dernière dureté; sa femme Mégallis exerçoit sur les esclaves de son
ga!!is par sexe une rigueur qui surpassoit encore celle que Damophile exerçoit sur les
leurs ecla- hommes. Leur fille unique étoit la seule consolation de ces malheureux.
ves, Elle soulageoit leur misere de tout son pouvoir. Le mécontentement passa
des femmes aux hommes. Ils résolurent de s'affranchir de cette malhl:ureu(e
condition, & allérent consulter Eunus, qui leur dit d'un ton de Prophéte,
que les Dieux approuvoient leur projet,& qu'ils ne différassent point de l'exé-
cuter. 11 se mit à leur tête, & au nombre de quatre cens hommes armez de
fourches, de faulx & d'autres instrumens rustiques, ils marchent contre Enna,
entrent dans la ville, la pillent, font main basse sur les habitans & n'épargnent
personne. Damophile & si femme n'étoient pas dans la ville. On les va
çhercher dans un jardin où ils étoient. On leur fit souffrir toutes sortes d'ou-
trages & d'inhumanitez. Leur fille fut épargnée, & traitée avec respeâ:.
CLV. Quoyque transportez de fureur, ils voulurent observer quelques forma-
Mort de litez de justice dans la condamnation de Damophile & de lVlégallis. Eunus
Damophi- s'affit
le & de comme Juge sur un Tribunal. Les deuxaccusez comparurent. Ils fo-
Mégallis. rent accusez; ils reçurent permission cje parler. Deux esclaves craignant que
leurs compagnons ne se laissassent toucher de compassion, l'un perça Damo-
phile d'un dard ; l'autre lui déchargea sur la tête un grand coup de bâche.
Mégal!is par le jugement que rendit Eunus, qui dans l'intervalle s'étoit fait
couronner Roy, fut livrée aux femmes esclaves, qu'elle avoit si maltraitées.
Elles lui firent souffrir tous les supplices dont elles purent s'imaginer, puis
la jettérent dans un précipice, où elle mourut miscrablement. Eunus mar-
cha ensuite contre Antigéne & Pithon, qui avoient été successivement ses
maitres, & les mit à mort. Aprés quoy il prit le Diadème, & changea l'on
nom d'Eunus en celui d'Antiochus, & fit réconnoître sa femme pour Reine.
Elle étoit esclave & Syrienne comme lui.
CLVl Bientôt le nombre de ses sujets s'augmenta, & il établit parmi eux une
Progrés de forme de gouvernement. Il se donna pour gardes des esclaves Asiatiques
*
la sé(llt*on il confia la conduite de ses troupes à vieux soldat Athéen d'origine, trc's-
des cfc!a- un
ves en
instruit dans le métier des armes. Il forma son Conseil d'hommes qu'il crut
habiles
habiles aux affaires. La réputation de ce nouveau Royaume lui attira de nou- Sicile.
veaux esclaves de toutes parts. Il lui en vint à Enna, qu'il choisit pour Ca-
pitale de ses Etats, plus de six mille, qu'il arma comme il put d'épées, de
broches, d'outils du labourage. Eunus ou Antiochus envoya ses gens dans
les campagnes pour les ravager. Ils saccagérent des Bourgades, surprirent
des villes, j'ettérent l'effroy dans toute la Sicile. Ce désordre commença l'an
dçRome6K. le Préteur Manilius qui étoit Préteur de Sicile l'an 616. futbattu
& Ion camp pillé. En 617. Cornelius Lentulus fut de même repoussé & dé-
fait; en 6ig- Caïus Calpurnius Pilon ne fut pas plus heureux que ses prédé-
cesseurs. La révolte menaçait toute l'Isle.
Presqu'en même tems un nommé Cléon se fit aussi Chef de bandits en CLVU.
Sicile, & ramassa autour de lui environ cinq mille hommes. Il surprit & pilla Cléonà se
la ville d'Agrigente. Eunus qui se croyoit Monarque absolu de tous les escla- fête met la
d'au-
ves de Sicile, l'envoya sommer de lui amener tout son monde, & il fut obéï. tres escla-
Par ce renfort Eunus devint formidable, & sa révolte ne fut plus une chose à ves en Si-
négliger. En cette année de Rome 619. le Préteur Plautius Hipfeus, qui fut cile.
envoyé dans cette Isle, trouva qu'Eurius avoit sous les armes soixante & dix
mille esclaves, sans compter un bien plus grand nombre qui étoient répan-
dus par troupes par tout le pays. On dit qu'il y en avoit environ deux cens
mille. Le Préteur Hipsxus n'avoit qu'environ huit mille hommes, qui ne
purent tenir contre tant d'ennemis. Ils surent vaincus, dissipez & obligez
d'abandonner leur camp aux esclaves. Ceux-ci maîtres de la campagne, ils
portèrent le ravage par tout, & s'emparèrent dela ville de Taurominium, qui
étoit sorte par sa situation & dont ils firent leur place d'armes.
Rome informée de l'état des choses, fit paffer en Sicile leConsulFulvius, CLYlll.
pour réprimer ces séditieux. On ignore quel fut le succésde ses armes. Mais Fulvius Le Consul
on sait que le bruit de la révolte des esclaves de ce pays & le succés des armes passe en
d'Eunus inspirérent aux esclaves de plusieurs autres Provinces la hardiesse de Sicile. An
se révolter. Dans l'Isle de Délos le commerce de la vente des esclaves étoit duM.3370.
si grand, qu'en un jour on auroit pû y en acheter, ou en vendre jusqu'àdix avantJ. G.
mille. (a) Ils s'étoient soûlevez contre leurs maîtres ; mais on les réprima 130.CM)
de bonne heure. En Macédoine des esclaves attroupez avoientiait Strabo1.
14.
un ravage terrible. En Italie leshabitans de Sinuesse en avoient fait périr en- P. 66%.
viron quatre mille. Athénes en avoit condamné au dernier supplice mille
de ceux qui travailloient aux mines. On en avoit mis en croix à Minturne,
quatre cens cinquante.
L'année suivante Rome eut pour Consuls P. Mucius Scxvola, & L. Cal- P. eux: Mucillt;
purnius Piso surnommé Frugi, ou l'homme de bien. Celui-ci fut destiné à Scaevola&
aller en Sicile continuer la guerre contre les esclaves révoltez. Son Collégue L. Calpur-
demeura en Italie. On continua Scipion leiiiiliatius en Espagne, pour y nius iJiso
réduire les Numantins. Il s'y prit autrement qu'on ne l'auroit cru; ce ne fut Consuls.
qu'il An de R.
pas à sorce ouverte entreprit d'assujettir Numance, mais par la famine; 620. du M.
résolu d'épargner les troupes Romaines, autant qu'il pourroit. 11 commença 3 871.avant
sa campagne par ravager à droite & à gauche les campagnes qui fouriiifloient J.C.11..
Exploits la subsistance à Numance. Les Nnmantins voulurent s'y opposer, mais ils
de Scipion s'apperçurent bientôt que c'étoitbien le même troupeau, mais non le
pas
en F.fpa- mêmePafteur, comme ils s'exprimoient eux-mêmes. Scipion ramassa ensuite
#ne. tout ce qu'il put de troupes des alliez, &avec ce renfort il se trouva à la tête
Liv. 1.
de soixante mille hommes, avec lesquels il se rendit devant Numance. La
place n'étoit pas grande, mais elle étoit {huée[ur une colline de difficile accés,
& enfermoit dans son enceinte un terrain allez vaste, qui contenoit des prai-
ries & quelques terres, qui servoit au pâturage des bestiaux; tout le contour
de la ville & de ce terrain, étoit d'environ trois mille pas. Le fleuve Durius
panait aux pieds des murs & de la colline; la garnison étoit d'environ huit
mille hommes.
CLX. bcipion partagea son armée en deux camps, l'un sous sa conduite,&
Siège de l'autre sous celle de Quintus Fabius son frere, qui lui servoit comme de Lieu-
Numance. tenant-Général. Les NÜn1antins firent de nouveau quelques proposions de
.Appian. in
lberic. paix. Mais le Proconsul demanda pour préliminaire, qu'ils se rendissent à
Lïv.l. 57. discrétion. Les Numantins n'avoient garde d'accepter cette condition. Ils
se présentérent en bataille devant la ville, croyant attirer les Romains ai.! com-
bat. Scipion ne daigna pas se présenter,& laissa murmurer tes troupes, qui
auroient voulu en venir aux mains. Il négligea même de faire périr des Nu-
mantins qui étoient sortis de la place. Il les laissa y retourner. C'en: autant
de bouches qui y consumeront les vivres, disoit-il, & qui en hâteront la
reddition.
CLX 1. Il employa donc res soldats àcreuser deux larges fossés autour de la place;
Numance derriére le second il fit élever un rempart palissadé, soûtenu d'un mur large
cst enfer- de huit pieds & haut de dix pieds sans comprendre le
mée de parapet; des tours hau-
toutes tes & massives posées de six vingt pieds en six vingt pieds l'une de l'autre,for-
parts. tifioient le mur; & pour empêcher qu'il ne sortit rien de la. ville & qu'il n'y
entrât rien par la rivière le Proconsul fit jetter au fond des poutre-s & des
,
mats garnis de madriers armez de fer, en long & en large, avec des ouver-
tures pour laisser écouler l'eau. Ainsi non seulement on n'y put faire ni de-
scendre ni monter aucun vaisseau, ni barques; les hommes mêmes n'y pou-
voient passer ni à la nage ni entre deux-eaux; & aux deux bouts de cette
estacade, il y avoit deux Chateaux de bois pour la défendre. Les assiégez
n'oublièrent rien pour franchir ces fossez & pour rompre les barricades. Mais
bcipion avoit donné de si bons ordres, qu'ils furent toujours repou(Ez.
CLX11. A la fin se voyant sans ressource, un nommé Rhotogénes Officier Nu-
Les Nu- mantin s'offrit à passer chez les peuples voisins & alliez, pour les exhorter à ve-
mancins nir à leur secours. Il prend avec lui cinq de sestamis aussi résolus que lui,
implorent & de chevaux & de valets qu'il y avoit de maitres. Ils se munissenc
vainement autant
le fccours d'un pont portatif composé de planches désunies, mais aisées à rallembler.
de leurs Ils arrivent pendant une nuit obscure au premier fossé, surprennent la garde
vojfins. & la massacrent. Delà ils passent au fecond fossé, sur lequel ils jettent leur
pont, & le patient de même ; ils escaladent le rempart, & écartent les Romains
qui le bordoient de ce côté-là. On fait monter les chevaux par les planches
du pont, qui étoient garnies d'espace en espace, de guindés qui forinoient*
des
des espèces d'echellons pour la facilité de ceux qui montoient. Les valets
retournent à Numance porter la nouvelle de ces heureux succés, & les mai-
Arevaques, & les ani-
tres se distribuent dans les meilleures villes du pays des Ils
ment à aider Numance, menacée du dernier malheur. n'en rapportèrent
La crainte du Général Romain tenoit

droite......
que des complimens de commileration. de la ville de Lucia avoient
tous les peuples en resped. Quelques jeunes gens Proconsul en eut avis, accou-
paru vouloir aller au secours de Numance. Le
rut à Lucia, se fit livrer les quatre cens rebelles, & leur fit à tous couper la;
main cLxm
Aprés cela les Numantins envoyérent au Proconsul cinq des principaux Les eu-
de leur ville, pour le prier, ou de les recevoir à composition, ou de leur per- mantins
mettre de défendre leur liberté dans une bataille rangée. Scipion réfusa l'un dent deman-
& l'autre ; il demanda qu'ils se rendissent sans réserve à discrétion, & qu'ils compofi- une
livraiïent leur ville, leurspersonnes & leurs armes, sans aucune réserve. Les tion ou
Ambassadeurs à leur retour furent impitoyablement massacrez par leurs com- uns ba-
patriotes, que la réponse de Scipion réduisoit au désespoir. taille.
Ils résolurent quelque tems aprés d'essayer de forcer les remparts qui en- CLXIV.
vironnoient leur ville de tous côtez. Ils firent une espèce de festin public , mantins Les Nu-
ef...
où une forte de bierre, dont ils- usoient ordinairement, & qui montoit à là
sayent de
tête, ne fut pas épargnée. Remplis de cette liqueur, & résolus de périr ou' forcerles
de vaincre, ils font une sortie par deux portes de la ville,& vont fondre comme ouvrages
des Lions sur les ouvrages, qui les environnent; mais ils sont repoussez mains. des Ra-.
a
avec perte. On ne jugea pas propos de les poursuivre.
Ils se retirérent
FIor. l. 2.
été
c. 10)
prémiére tentative auroit d'une
en bon ordre dans la ville. Cette
suivie oJV-

seconde.. si les femmes des Numantins n'eussent rompu les brides des che- ($c.
vaux de ceux qui vouloient s'échapper par la fuite. Il fallut donc se
resoudre
aux derniéres extrémitez de la plus cruelle famine ; la chair & les égorgez,, cuirs des.
animaux, la chair même des hommes, ou morts de maladies, ou
leur servirent quelque tems de nourriture. A la fin, il fallut en venir à une dé-
dition totale & absoluë. clxv
Plusieurs Numantins qui ne purent s'y résoudre r ou attendirent la mort Prise de
dans leurs maisons, où ils se renfermèrent, ou se tuèrent l'un l'autre. Il y a des Kurnaa-
Historiens qui soûtiennent qu'ils moururent tous d'une mort volontaire , & que ce.,
leur ville fut entiérement consumée par les flammes. (V) D'autres Ch) racontent An du Id'
qu'il en vint un grand nombre se rendre avec leurs armes ; que Scipion n'en 38?i. W
réserva que cinquante pour son triomphe, & qu'il fit vendre tout le reste a
Flor. 1.2.
l'encan, & rasa la ville. Ainsi périt Numance,- qui avoit résisté pendant vingt c. i8.
ans à la puissance Romaine, & qui quoique beaucoup'inférielIre à Carthage W"
& à Corinthe, fit. une résistance qui lui, à. mérite les éloges; des Romains: Appian;
Iberie.-
mêmes. CLX VI..
Pendant que Scipion nillianus étoit occupé en Espagne à réduire Nu- Comme n -
mance, & à régler les afsaires de cette Province, avec les Députez que Rome cement
y avoit envoyez; SemproniusTÍberius Gracchus son neveu r fils de la célébre uïilerie?
des bro.
Cornelia, qui étoit fille du grand Scipion l'Africain, jettoit à Rome les fé- excitées à
" menues d'une guerre civile,, qui coûta*bien dafang, à.l'Italie.. Tiberius.G'rac- Rome par
chus
TTiberius chus étoit né avec les plus excellentes qualitez dtf'Êorps, du cœur & de l'e-
Gracchus. sprit, & il les avoit cultivées avec grand soin, sur tout l'éloquence, dans la-
An du M. quelle il excelloit. Il eut un frere nommé Caïus SemproniusGracchus, dont
3871.avant il sera parlé dans la suite. Tiberius Gracchus épouia la fille d'Appius Clau-
J.C. 129. dius, qui étoit d'une des plus illustres familles de Rome. Gracchus étoit d'une
Liv. L s 8.
Plu/arcb. famille fort illustrée, mais originairement Plébéïenne. La famille Claudia
in Grac- étoit une des plus illustres de la noblesse. On a veû cy-devant que fous le
cbis. Ap. Consulat de Mancinus, Tiberius Gracchus fut celui avec qui les Numantins
ssan, L 1. voulurent traiter, & que le Senat mécontent de la paix qui avoit été faite,
de Bello
Civil. ordonna que Mancinus seroit livré seul aux Numantins. L'injustice de ce de-
cret aigrit tellement Tiberius Gracchus, que dezce moment il résolut d'hu-
milier le Senat, & de prendre les intérêts du peuple contre la noblesse.
CLXVll.
il
Pour exécuter sa résolution, brigua la charge de Tribun du peuple, &
Gracchus l'obtint aisément; puis il chercha les moyens de dépouiller la noblesse des
prend le biens immenses qu'elle possédoit, & qui tournoientindire&ement à la charge
parti d.u du peuple, parceque les riches faisoient cultiver leurs champs par des multi-
peuple tudes d'esclaves, qui ôtoient aux mercenaires decondition libre, le moïen
toutre la
noblçife. qu'ils avoient dans les commericemens de gagnerleur vie en cultivant les ter-
res des nobles. Dez l'an 380. de Rome, LiciniusScola Tribun du peuple
avoit fait porter une Loy,qui défendoit à tout citoyen Romain d'avoir en pro-
pre plus de cinq cens journaux de terre, de nourrir plus de cnqcens bêtes
de menu bétail, & plus de cent bceuss. La Loy fut mal ob[:rvée, ou plutôt
fut bientôt abrogée par le non.usage; la puissance des riches l'ayant toujours
emporté sur les plaintes & sur les remontrances des Tribuns. On dit que Lx-
lius l'ami du grand Scipion, avoit eu dessein de la renouveller; mais il jugea
l'entreprise si difficile & si perilleuse, qu'il n'osa l'entreprendre.
ctXV1l1. Tout hardi & tout accrédité qu'étoit Tiberius Gracchus, il ne voulut
Gracchus rien faire dans une affaire de cette conséquence, sans avoir pris l'avis des per-
e ni reprend sonnes fages & éclairées. Il consulta son Beau-Pere Appius Claudius Prince
de rétablir du Senat, & Crassus Souverain Pontife,& Mucius Scsevola,qui passoit alors
îa Loy Li- Juris-Consulte de Rome. Ces trois personnages r¡ui
cinia pour pour le plus savant
modérer étoient les plus respedables de la République,furent d'avis de rétablir la Loy
Licinia. Par malheur, Scipion iEmilianus étoit alors absent de Rome. il
les trop
grandes
richelles
auroit pu à
être d'un grand Íecours son neveu dans cette occalion; du moins
à quoi il s'exposoit en prenant sur lui un change-
des nobles. il lui auroit fait remarquer
ment si odieux, & en s'attirant la haine du Senat & de la noblesse. Gracchus
écouta trop d'une part san propre rell'entinie*nt,& de l'autre l'amour dela
gloire & le désir de lignaler son tribunatpar un changement d'éclat. La misére
des pauvres habitans de la campagne &du menu peuple de Rome, entra fli j 1

pour beaucoup dans l'exécution de son projét. Il connoisTnt leur béso'n,&


avoit été témoin à son passage dans l'Etrurie de l'extrême indigence,où les peu-
pies étoient réduits,non seulement faute de terres, mais aussi foute de travail,
où ils pussent gagner leur vie. Tous les jours on trouvoit sur les carrefours
des affiches qui l'exhortoient à tirer les pauvres de leur indigence.
Il dressa donc la Loy de cette for te : que ceux qui avoient au deià' de ci nq
cens
arpcns de terre, seroient obligez de se défaire de l'excédent, & que je CL XIX.
cens tresor public; chaque enfant de famine Loy de
prix en seroit remboursé par le que Gracchus
pourroit encore retenir en son prive nom, deux cens cinquante journaux
Peres. Que le surplus de champs se. pour le
à leurs ces
au dessus de ce qui resteroit partage des
cultiveroient de leurs terres.
roit reparti entre les plus pauvres Citoyens, qui les sur les lieux.
mains, ou les feroient cultiver par des hommes libres (apris
Quelque précaution qu'eut prise Gracchuspour motiver Loy d'une façon
qui ne choquât pas les riches, elle causa de grands nlécohtentemens parmi
les Nobles, les Senateurs & les Chevaliers Romains, & les plus riches Ci-
d'assauts à soûtenir de leur part dans le
toyens. Gracchus eut une infinité
public & le particulier. C'étoit tous les jours de nouvelles harangues, aux-
quelles le Tribun répondoit d'une manière à charger de confusion ses adver.
taires.
Comme l'on ne réüfliiToit pas par cette voye à decréditer Gracchus,on Calomnie* CLXX.
publia qu'il ne recherchoit la faveur du peuple, que pour parvenir à laRoy- répandues
auté * on voulut même, dit-on, attentera sa vie, & on aposta des assassins contre
pOUf le faire mourir, ce qui
l'obligea à ne pas sortir de sa maison, qu'ac- Gracchus.
compagné de quatre mille hommes, & à porter sur lui un bâton creux qui
enfermoit une epée. Cependant Rome le remplissoit de gens venus de la
campagne, qui regardoient Gracchus comme leur Sauveur; les Bourgades,
les colonies Romaines, les villes des Provinces d'Italie étoient divisées au-
dedans d'elles-mêmes, les riches s'élevant contre les pauvres, & les pauvres
contre les riches; en sorte que tout le pays étoit en feu & menaçoit d'une
rébellion ouverte. Le Consul Mucius, qui étoit demeuré à Rome, étoit
l'homme du monde le moins propre à remédier à de si grands maux. Foible,
irrésolu, & incapable de prendre un parti d'autorité & de fermeté ; il voyoit
le mal sans oser rien entreprendre pour en arrêter le cours.
Enfin le jour auquel la Loy devoit être proposée au peuple assemblé, CLxxi
pour l'admettre , ou la rejetter, étant arrivé, il ydes eut un concours extraor- O&avius
riches que des pauvres. CaecinaTri-
dinaire tant de la ville que de la campagne, tant hun du
Au moment qu'on voulut lire la Loy, Odavius Caecina un des Tribuns du peuple
peuple, qui jusqu'àlors avoit été lié d'amitié avec Gracchus, & avoit paru s'oppose à
dans ses sentimens, s'y «pposa formellement. C'en fut assez pour arrêter la Loy pro-
posée par
toute chose. Nulle Loy ne pouvoit passer, à moins que ce ne fut du con- <3racchuSr
sentement unanime de tous les Tribuns du peuple. La chose fut remise au
lendemain, & Cxcina s'y opposa de nouveau. Les deux contendants parlè-
rent l'un après l'autre; l'un pour soûtenir, l'autre pour abroger la Loy. Grac-
chus prit même à part Calcina, & luy offrit de le dedommager du sien , s'il
étoit dans le cas où la Loy proposée pût luy porter préjudice. T out cela fut
inutile. On étoit prêt d'en venir aux mains, & les partisans de Gracchus,
qui étoient les plus nombreux, n'attendoient que son signal pour entrer en
aétion. CLXXU*
Alors deux graves Senateurs Mullius & Fulvius parurent, & se jettant
de Gracchus, le conjurérent d'épargner le sangdes Citoyens, Le juge-
aux genoux ment de
& de remettre le jugement de l'affaire au Senat. C'étoit prendre les parties raSair< e&
renvoyé au intéressées pour Juges. Cependant le Tribun y consentit, tant il jugeoit sur
Senat, &: la bonté de sa cause. Le Senat fut partagé & la décision fut différée. Grac-
du Senat au chus n'augura pas bien de ce delai. Il rappella l'affaire devant le peuple, &
peuple. après avoir inutilement employé les caresses & les priéres envers Caecina, il
proposa de les déposer du tribunat lui ou son Collègue, & qu'en même tems
la Loy seroit authorisée, ou abrogée si lui Gracchus étoit destitué, confir-
mée, si Cascina perdoit sa place, & qu'on lui substituâtun autre Tribun.
CLXXIII. Le lendemain l'assemblée fut plus nombreuse que jamais. Gracchus fit
Caecina est de
déparé du nouveaux efforts pour fléchir Caecina; l'on recueïllit les voix, l'anêt pana,
Tribunatdu.CsEcina fut déclaré déchu du Tribunat, & la Loy fut acceptée, non telle que
Îeup!e. La Gracchus l'avoit proposée la première fois, c)e(t-àdire, avec les limitations
oy propo favorables aux riches, à qui l'on permettoit de donner deux cens cinquante
fée par arpensde terre à leurs enfans,au pardessus des cinq cens qu'on leur accordoit;
Gracchus
esi autho- mais absolumenttelle qu'elle avoit été autrefois proposée par Licinius Stolo.
gitée. Le Tribun Caecina fut donc obligé de descendre ignominieusementde la Tribu-
ne; Gracchus fit choisiren sa place un de ses affranchis nommé CLMummius.
Le peuple ne sçut se modérer; il fit in sui te à Caecina ; Gracchus fut obligé d'ac-
courir pour faire cesser le tumulte. Pour mettre la Loy nouvellementproposée à
exécution, le peuple choisit trois Commissaires, qui furent Tiberius Grac-
chus lui-même, AppiusClaudius son Pere.& Caïus Gracchus tonfrère.
CLXXlV. Ils partirent bientôt pour exécuter leur commission, Le Sénat pour leur
Exécution faire sentir les effets de son mécontentement,
de la Loy la
ne leur permit pas de campera
Licwja, campagne sous des tentes, & borna leurdépende à six sesterces, c'ell.àdire,
environ quinze sols par jour. Ils passerent une partie de Pété à faire des in-
formations. Dans cet intervalle mourut à Rome un ami de Gracchus; le peu-
ple prétendit qu'il avoit été empoisonné par les riches. Sur ces entrefaites
Gracchus arriva, & mit sa personne & sa famille fous la protedion du peuple,
disant qu'il n'étoit plus en seûreté. Il fit ajouter à sa première commission
ordre de rechercher les usurpées sur le Domaine de République.,
un terres la
C'étoit donner le dernier coup à la plupart des Senateurs, dont les plus gran-
des richesses ne venoient que des usurpations faites sur les fonds affedez au
trésor public. Avec tout cela le nombre des malheureux étoit si grand, que
Gracchus ne pouvoit suffire à leur donner à tous de. fonds à cultiver, & qu'il
faisoit malgré lui une infinité de mécontens.
CL XXV.
Heureusementpour lui Attalus Philométor Roy dePergarçie, qui, comme
Attalus en l'a veu, par un excés de mélancolie s'étoit retiré des affaires, & s'occupoit
Philométor à bâtir un mausolée magnifique à la Reine Stratonice samère, comme il con-
Roy de fidéroit ses ouvriers, fut frappé d'un coup de Soleil, dont il mourut au bout
Pergame de sept jours, aprés
institUé le un régne de cinq ans. Ce Prince laissa par son testament
peuple Ro- le peuple Romain héritier de ses biens; il n'avoit pointd'encans, & avoit fait
main héri- massacrer tous les Princes du sang Royal; il n'en étoit échappé qu'un fils na-
tier d- tous turel du Roy Eunlénes, nommé Aristonicus, né d'une mere Ephésitnne. At-
ses biens. talus le négligea & n'en fit
Plut, in aucune mention dans son testament; mais Aritlo-
Gracch. nicussaura bien faire valoir en son tems ses prétensions contre les Romains.Eu-
dime de Pergame apporta à Rome le testament d'Attalus, ses trésors avec le
Diadème
Diadème & l'habit de pourpre du feu Roy, & remit le tout entre les mains 170r.Liu. l. 2. e.
20.
du Tribun Tiberius Gracchus. »
J. S8-
Ce testament lui vint fort à propos pour contenter le grand nombre CLXXVI.
à cultiver. 11 sit donc paf- Gracchus
de prétendans, qui n'avoient pu avoir des terres
Loy qui ordonnoit que les richesses laissées par Atta/us, seroient di- partaga
ser une
stribuées entre les pauvres Citoyens, à qui l'on n'avoit pû assigner des terres; l'argent
le*
avoient Roy Attalus, n'etoitpas gué paj?
& qu'à l'égard des villes qui appartenu au ce Attalus auX
d'en appliquer revenu,
le mais au peuple ajiemble
au Sénat d'en disposer ni Loy mortifia extrêmement le Sénat il atten-
pauvres
derniére mais
en Comices. Cette eût quitté le tribunat ; Citoyens
doit que Gracchus pour lui faire porter tout le poid de Romains.
indignation. On répandoit sourdementque Gracchus affe&oit la Royauté,
son
& au'il gardaitdans samaison le Diadéme & le manteau Royal d'Attalus, pour
On Pattaquoit aussi sur
s'en servir, lorsqu'il se feroit saluër Roy dans Rome. T. Annius l'emba-
la manière dont il avoit fait déparer Cœcina, & le Préteur
rafla assez, lorsque dans une nombreuse assemblée du peuple il lui demanda;
si nous étions en quérelle ensemble, & que
j'appellasseun Tribun du peuple
à mon secours, seriés-vous -en droit de le faire dépoter, pour cela seul qu'il
seroit venu? Gracchus demanda du temspour répondre, &satissit le peuple
y l'accusation tomboit sur le peuple, beau-
par une harangue, où il fit voir que
coup plus que sur lui-même.à Tiberius Gracchus de se faire continuer dans le CLXXVll
Il importoit infiniment j
Gracchus
tribunat, pour se soûtenir contre ses adversaires, & pour achever les grandes <
entreprises qu'il avoit commencées. Il songea en même-tems à faire élever brigue le
Consulat
son Beau-Pere Appius Claudius au Consulat, & son frere Caïus Gracchus à îa
pour sou
dignité de Tribun du peuple. La factiondes Nobles & des Senateurs n'avoit ibeau-pere,
moins d'intérêt à le faire sortir de cet employ, & à n'y mettre que des & le tribu-
pas L'usage authorisé depuis trés-longtems étoit de nat pour fc
gens opposez à Gracchus. son srere
les Tribuns au dela d'une année. L'animosité des riches
ne continuër pas Le jour des élections étant arrivé, pour lui-
croissoit tous les jours contre Gracchus. meiue.
& les deux premières tribus ayant donné leurs voix à Gracchus, il s'éleva un
grand tumulte de la part des riches ; Lucius Rubrins Varro Tribun du peuple ,
qui présidoit ce jour-là à l'éleéhon, en fut étourdi & effrayé; LVlummius, que
Gracchus avoit tait subsister à Csecina, s'offrit pour remplir sa place. La
obligé de continuer l'af-
rumeur recommença & s'augmenta. Gracchus -fut
semblée.Ses
avoient pris le dessus,&ses défenseurs parurentdéconèertez. CLXXvllf.,
de
Luy-mênle tomba dans une espèce de découragement & de désespoir. Le Mort Tiberius
peuple fit garde à sa porte pendant toute la nuit ; Le matin Gracchus se ren- Gracchus^
dit" au Capitole. L'affluence du peuple y fut extraordinaire ; on
prévit bien An du M.
sans effusion de lang & Gracchus avoit don- j87i.âvanft
que la chose ne se passeroit pas qu'il faudroit venir , lz.
né pour signal à ses gens, au cas en aux armes, qu'il por- J.C. App an.Lu
neteroit
la main à sa tête. Les tribus aÍfemblées étoient trés. bien disposées de Bella
qu'il auroit été continué Tribun, sans
en sa faveur, & il y a toute apparence
de la part du Senat, qui tenoit actuellement son aiïem- 1. Î-
Civili Liv*
une émeute qui s'éleva
h\ér dans le temple de la foy , tout voisin de celui de Jupiter Capitolin. D'a-
bord le Senat conclut à permettre au Consul Mucius d'armer les Légions,
pour faire main basse sur le peuple. Mucius qui prévoyoit les suites d'une
telle résolution, réfuta de s'y prêter. Alors les plus passionnez des Senateurs
crièrent qu'il falloit donc se faire justice à soy-même ; Mais en même tems
Fulvius Flaccus ami de Gracchus, sortit de l'assemblée, & perçant la foule,
alla lui annoncer le complot tramé contre sa vie. Gracchus sè retroussa
com-
me pqnr se disposer à combattre, & fit signe à ceux de Ton parti en portant
la myin^à sa tête. Ses ennemis interprétèrent ce signe comme s'il demandoit
le Diadème, pour en ceindre sa tête,& en donnérent avis au Senat.
Scipion Nasica qui étoit un des plus emportez, s'avança avec nombre
d'autres Senateurs & fendant la presse,arrivejusqu'à Gracchus, frappant d'un
pied de banc, qu'il, trouva sous sa main tout ce qui se trouve devant luy.
Gracchus est arrêté par le pan de sa robe ,
,
qu'il abbandonne à celui qui la
tenoit, & s'enfuit couvert seulement de sa tunique En fuyant il trébuche
dans des bancs culbuttez & est renversé. A l'instant il se reléve ; mais même
en
tems il est frappé d'un coup à la tête qui le porte à terre. Un sécond coup
lui ôte la vie. On crut que Nasica étoit celui qui lui avoit porté le coup
mortel. D'autres l'attribuent à_deux Tribuns du peuple, Publius Satureïus &
Lucius Rubrius. Il périt dans cette occasion plus de trois cens Citoyens, à
qui l'on réfusa la sépulture. Leurs corps furent jettez dans le Tibre, de même
que celui deTiberius Gracchus, & le Senat authorisa & le meurtre de ce grand
homme & l'armement fait par les Senateurs. Les amis de Gracchus furent ou
assaflînez ou obligez de s'exiler eux-mêmes. LaLoy de Gracchus subsista
néanmoins & fut nommée la Loy Sempronia, & le peuple se maintint en
possession de ce qu'il avoit récupéré, & l'on nomma Crassus, qui avoit donné
sa fille en mariage à Caïus Gracchus, pour troisiéme Commissaire avec le même
Caïus Gracchus & Appius Claudius, pour achever la répartition des terres
des riches.

LIVRE XXXVIII.
1.
LA guerre contre les esclaves de Sicile continuoit :
LeConsul-Calpurnius *

Avantage Piso avoit remporté sur eux un avantage considerable devant la ville
remporté de Meflane qu'Eunus tenoit assiégée, en haine de ce que les esclaves de
par Fi fou ville n'avaient pas voulu embrasser son parti, n'ayant pas lieu de se plain-
sur les eC. cette
claves. An dre de leurs maitres. Piton vint donc présenter la bataille aux esclaves & à
du M 3871. leur Roy. Ils l'acceptèrent avec audace, mais ils furent mis en déroute. Il
avant J. C. en demeura six mille sur la place, on prit sur eux grand nombre de prison.
129. niers, qui furent mis en croix; le siége de MesTane fut levé, & Eunus avec
le débris de ses Syriens, c'est ainsi qu'il nommoit ses troupes, se sauva où il
put,
IL Aprés la mort de Gracchus on élut à Rome pour Consuls Publius Po-
PubliusPo pilius Lxnas, & Publius Rupilius. Celui-ci fut destiné par le sort, à aller
pilius Le.. prendre le commandement de l'armée Sicile, & son Collègue Popilius
un, & vu- en
relta
resta à Rome, pour contenir les Citoyens Romains , qui étoient encore en blius Ru-
émotion à cause de la mort de Tiberius Gracchus, qu'ils regardoient comme pilius Con-
leur Sauveur & comme le restaurateur de leur liberté. fuIs. An de
Rupilius arriva en Sicile, & prit le commandement de l'armée deCalpur- Rom3 duM
621.
niusPilon. Il avoit ordre du Senat de pénétrer jusqu'au plus ancien temple avant j.3972. U.
de Cerés qui fût au monde, afin d'y offrir l'offrande de la République, ainsi 128.
que le demandoient les Livres Sybillins qu'on avoit consultez. Ce temple tion Continua-
de la
étoit dans la ville d'£nna,dont Eunus s'étoit emparé. Il étoit malaisé de s'en des
rendre maitre, tandis que les révoltez seroient dans Taurominium, qui leur guerre esclaves es
avoit été abandonnée par Fabius gendre duConsul. Celui-ci,sans avoir égard Sicile.
à l'alliance qui l'unissoit à Fabius, le renvoya à Rome comme indigne depor- Liv. 1. 5f.
ter les armes pour la République, puis il s'attacha au siége de Taurominium, É4 S*
ville maritime, & d'une situation de trés.difficile accés. Il l'assiéaea par mer
& par terre, lui coupa tous les vivres, & la réduisit à la plus affieuse famine.
Un esciave nommé Serapion la vendit au Consul, qui précipita toute la gar-
nsson du haut du rocher, sur lequel la ville étoit bâtie.
Delà il marcha contre Enna, où Eunus & Cléon & l'élite des troupes re- 111
belles étoient renfermées. Le Consul employa cour la réduire les mêmes Prire de la
moyens qu'il avoit employez à Taurominium. Les assiégez firent quelques ville d'En-
sorties, où ils sè battirent en désesperez. Cléon tout couvert de fang & de na. Fmt<
blessures fut pris dans une de ces sorties. Il mourut bientôt après, & son d'Eunus.
corps fut exposé sur un poteau à la veuë des assiégez. La ville étoit très-bien
fortifiée,& d'une assiette trés avantageuse. Quelques esclaves mécontens la
trahirent & y introduisirent les Romains. Eunus suivi d'environ six cens
hommes se sauva^ dans un poste escarpé, résolu de s'y defendre jusqu'à la
derniére extrémité. Le soldat Romain fit dans Enna un massacre horrible, &
le Consul y rendit ses vœux & ceux de la République dans le temple de
Cerés.
Rupilius ne donna pas le tems au Chef dela rebellion dese réconnoitre; 1V.
il le suivit avec son armée. Les gardes d'Eunus se donnèrent la mort l'un à Prise d'Eu-
l'autre. Pour lui, il chercha à se cacher de caverne en caverne jusqu'à ce nus. Sa
qu'enfin il fut pris vivant, avec quatre des siens, qui étoient son , Cuisinier, mort.
son boulanger, son baigneur & son bouffon. On l'envoya en prison à Alur- p

gantie en Sicile, où il mourut de douleur & de maladie. Il ne restoit plus


aprés cela qu'à régler les affaires de la Sicile,& à reprendre les villes qui avoient
été occupées par les rebelles. La chose fut aisée au Consul, qui laissà dans
le pays une espèce de Code des Loys, qui devoient s'y observer, & qui y fu-
rent fidellement observées dans la suite. A son retour il ne jugea pas à pro-
pos d'accepter le triomphe,pour ne pas souïller les tables publiques par cette
inscription; Rupilius à triomphe des esclaves. Il se contenta de l'ovation.
Le teshn1ent par lequel Attalus Philométor avoit déclaré le peuple Romain V.
héritier de tous les biens, n'étoit pas regardé de tout le monde comme une Guerre
piéce sans reproche. Le Roy Mithridate dans une lettre qu'il écrit au Roy dans le
des Parthes, l'accuse d'impie & de faux; (a) les Romains mêmes s'en rail. de Royaume
laient; Aristonicus frere du Pere du Roy Testateur, s'en plaignit hautement m e.Perga-
Liv.l. eg. comme d'une injustice manifeste. Le Senat pour soustraire Nasica à la fureur
Iïcllei. Pa. du peuple Romain, qui leregardoit comme le meurtrier de Gracchus, l'avoit
tere. 1. 2. envoyé en Asie pour veiller sur le Royaume de Pergame. Le Senateur re-
9. 4. Flor. garda cette commission
L4. c. 20. comme un honnête exil, & aprés avoir parcouru ce
Appian. Royaume & y avoir fait réconnoitre la souveraineté de la République, vint
lis Bella Ci- enfin mourir à Pergame. Aristonicus trouva dans les Etats de son Pere des
viii 1, 1. amis & des protedeurs. Les peuples accoutumez aQ gouvernement Royal,
00 l'Etat Républicain, & au gouvernement des
Apttd Sai- avoient peine à s'accoutumerà
lujl. 1. 4. Préteurs Romains; il fit venir de dela leBosphore lesThraces; il enrôla quel-
hijior. ques Phocéens. Il ramassa bon nombre de Pergaméniens qui le tavorifoient.
( V) 11 donna la liberté aux esclaves; de tout cela il forma une puissante armée,
Jîorat, /. 2. laquelle il se rendit maître de Thyatire, d'Apolloniade, de Samos, de
avec
carue. od. Colophon, de Mynde & de plusieurs autres villes du Royaume de Pergame,
18 neque
Attali
îguotus Les villes qui tenoient le parti de Rome, NRoy
& se trouva ainsi en état de soûtenir !a guerre contre les Romains.
libres Re- Ariarathes Roy de Cappadoce, Pylœménes Roy de Paphlagonie, Mithridate
de Bithynie,
gram oc- Roy de Pont, envoyèrent
cupa'vi. aux Romains des secours contre Apiitonicus ; Rome
VI fit partir d'abord cinq Commissaires pour pourvoir à la seureté de ce Royaume,
Ariftonicus; en attendant qu'on envoïât unConsul avec une armée pour s'opposer au jeune
revendiqueprétendant.
le Royau- Le choix des Consuls tomba surPubl. Licinius Crassus & surLucius Va-
me de Per-
lerius Flaccus. Le premier étoit Grand-Pontife, & Chef de la religion Ro-
game. maine. Le second etoit Flamine Grand-Prêtre de Mars. L'un & l'autre
tfujlix.
, ou
L. 37. Lut. demandoient avec empressement d'être envoyez en Asie pour y commander
1.). les armées. Crassus mit à l'amende Valerius & lui défendit de quitter les
Tl}J.
P. Licinius fondions de son ministére. Il étoit en droit de lui faire cette défense comme
Crassus & Grand-Pontife. Valerius à son tour sôûtint que Crassus ne pouvoit aller com-
L Valer. mander une armée hors de l'Italie; que cela etoit sans exemple, & qu "on n a-
Flaccus voit jamais veu de souverain Pontife quitter l'Italie pour de pareilles expé-
Consuls. il s'éleva un troisiéme parti en faveur de
de Ro- ditions. Parmi ces contestations
An
me 6 22. Scipion l'Africain nouvellement revenu d'Espagne. Deux tribus lui donné-
du M 3 87?- rent leurs suffrages pour aller faire la guerre à Aristonicus; les autres opinè-
avant J.C. rent en faveur de Crassus, & par conséquent il fut decidé que le Grand-Pon-
127. tife pouvoit commander les armées au dehors comme au dedans de l'Italie.
Liv. fç. 1.
Crassus partit pour l'Asie.
Au!. GeU. Valerius demeura donc à Rome , &
1. c. n. La même année on choisit pour Censeurs QCecilius Metellus & Q. Pom-
C'scero Phi- peïus, tousdeuxtirez du corps des Plébeïens, chose nouvelle & inusitée jus-
iipp. c. 2. qu'alors. Dans le dénombrement du peuple Romain qui se sit sous leur ce-n-
Viii. mille huit cens vingt trois en état de
Q^Gaecilius sure il s'en trouva trois cens dix sept
&eteUus& porter les armes. On jugea nécessaire en ce même tems, pour arrêter le
Q^Pompe- progrés du libertinage & des attachements illicites, de porter une Loy qui
'ius Gcn- obligeoitprogrés
tous les citoyens d'un certain âge, de prendre des femmes légitimes.
seurs. Loy
La chose étoit importante pour le bien de la République & pour la conkrva-
pour les la licence des deux sexes.
mariages. tion des familles, qui s'éteignoient souvent par
Liv. I. 5 c Les murmures du peuple contre les riches, qui faisoient naître des ob-
l. 1 Î- nadei
ftacles continuels à l'exécution de la Loy Sempronia, augmentaient tous les IX.
jours. Caïus Gracchus frere de Tiberius, & Caïus Papirius CarboTribun du l'Africaiiï
Scipion
peuple, nece{foient de déplorer la mort de Tiberius Gracchus,& d'exposer ne fiés-
les obligations que le peuple lui avoit. Un jour que Carbo haranguoit avec aprouve
sa véhemence ordinaire, il ordonna qu'on fit parler Scipion iEmilianus l'A- pas la mort
fricain Beau Frere de Tiberius Gracchus, & qu'il s'expliquât sur le massacre de tiberius
Gracchus
de Tiberius. Scipion répondit froidement, que si Tiberius Gracchus avoit son Beau.
voulu causer la division dans la République, sa mort n'étoit point iniuste. Frere. Vieù"
A ces mots la multitude commença à murmurer. Scipion l'arrêta par ces pa- Piutarck.
roles d'autorité: Taisez-vous, peuple indocile, vous convient-il de répéter in Grae-
Valer.
dans la rigueur, les biens que la République vôtre mere posséde? croyés- chis. Max. 1. 6.
vous m'intimider par vos murmures, moi qui ai si souvent méprisé la fureur
c. :x. Ciser
de vos ennemis? Comme les criscontinuoient, Scipion élevant sa voix, leur pro Miijne,
dit: Que seriés-vous devenu sans Paul Emile monPere & sans moy? Efcce- (SOratore 1. 2. de

là le resped que vous devez à vos libérateurs? A ces mots tous demeurèrent ($c.
dans le silence, & l'assemblée fut dissoute.
Cependant Scipion fatigué de ces inconslances du peuple Romain & X.
rongé par des chagrins domestiques, ayaat une femme laide & de mauvaise Scipion âc
à
humeur, qu'il n'aimoit point, & dont il n'étoit pas aimé, se retira Gaëtte, retirent Lalius se
à
ou à Laurence, avec son ami LecHus où ils passoient leur tems,tantôt dans des
Gaëte.
entretiens serieux, ,& quelque fois se délassant à faire des ricochets sur l'eau de Cicer. de
la mer. Ils furent obligez de revenir bientôt à Rome, pour s'opposer aux Orat. Z. 1.
entreprises de Caïus Gracchus & de Carbo, qui avoient entrepris de faire
passer une Loy, qui permettoit de continuer les mêmes personnes dans le
collége des Tribuns, aussi longtems qu'il plairoit. au peuple. Scipion & Lae-
lius employérent toute leur éloquence, pour faire connoitre au peuple l'in-
convenient de cette continuation de pouvoir dans des hommes, dont l'au-
torité approchoit de la souveraineté & qui en avoient si souvent abusé pour
exciter des émotions dangereuses dans la République. Leurs remontrances
eurent leur effet. Le peuple rejetta la Loy proposée; la gloire en demeura
à Scipion; mais il augmenta l'aversion que sa femme & toute la famille des
Sempronius avoient conçuë contre lui.
Ces troubles qui agitoient la République au dedans, n'empêchèrent Xl.
point le Consul Crassus de partir pour l'Asie. Il savoit la langue Gréque & Le Confiai
Crassus
la parloit assez aisement. Il apprit même les cinq Dialedes de cette langue, paire
pouvoir entendre qui lui partaient dans chaque Province & en
pour ceux pour Àsie. Li."
pouvoir leur répondre à chacun felon sa dialecte ; ce qui lui acquit l'smitié de
ces peuples & contribua beaucoup à attirer leur confiance. Etant arrivé dans
le Royaume de Pergame, il fut aidé des Roys de Cappadoce,de Pont, de Paphla.
gonie, & deBithynie, dont on a déja parlé; & fit la guerre avec beaucoup
de vigueur & de sévérité. Comme sa passion dominante était l'avarice, il
ramaîa des richesses immenses dans les Etats du Roy de Pergame, dépouil-
lant les villes qui avoient suivi le parti d'Aristonicus, de tout ce qu'elles avaient
de plus beau & de plus prétieux.
Ariûonicus de son côté avoit une grosse armée, qui n'en étoit point
venue
XII. venuê aux mains avec celle de Crassus ; sots parti se soûtenoit encore dans
Mort de le pays, & il avoit auprés de lui un Philosophe nommé Blosius qui aprés
Crassus. avoir témoigné j»usqu'à la fin avec une constance admirable, san, estime &
Front in. son attachement pour Tiberius Gracchus, avoit quitté Rome & s'etoit retiré
Straiag.
1. 4. c. Í. en Asie auprés de lui, & lui étoit d'un grand secours par les Conseils qu'il
-,
lui donnoit. Comme Crassus vouloit retourner à Rome à la fin de son année
t' 4. Valer. Consulaire, il fit charger sur grand nombre de chariots les trésors qu'il repor-
Max. 1. 3. toitàRome. La saison étoit fort avancée, & les chemins presqu'imprâtica-
C. 2. Liv. bles. Ariltonicus lui fit dresser une embuscade entre Elée & Myrina; les alliez
7. 59.
de Crassus ayant pris la fuite, lui-même fut fait prisonnier par unescadron de
Thraces, qui leconduisirent comme en triomphe vers le camp du jeune Roy.
La honte & le désespoir devoir un Consul, unsupréme Pontife, un des plus iI-
lustres Senateursde Rome prisonnier d'un homme aussi méprifableque l'étoit
,
Aristonicus, portérent Crassus à se faire donner la mort. 11 frappa si fortement
au visageavec la baguette qu'il avoit en main pour conduire son cheval, le
Thrace qui le gardoit, qu'il lui créva un œil. Ce soldat sans délibérer lui
perce son épée au travers du corps & le renverse mort sur la place. Sa tête
seule fut portée au camp des ennemis. Son corps eut une sépulture hono-
rable à Myrina, ou a Smirne.
XIII. Apres la mort d'Arsaces Roy des Parthes, & vainqueur de Demetrius
Demetrius Nicator,ce dernier Prince n'ayant plus d'espérance d'être rétabli dans tes Etats,
Nicator
cherche à résolutde
prendre la fuite & de se retirer secretement en Syrie. Ce n'en: pas
s'échapper qu'il manquât de quelque choie. Le Roy des Parthes, qui lui avoit fait épou-
centre les ser sa fille, l'avoit mis à son aise dans l'Hyrcanie, dont il avoit le gouverne-
mains du ment; mais unPrince, qui a gouté dela iouveraineté,ne peut s'accoutumer
Roy des ni à la subordinatiou, ni à la captivité. Gallimander
Parthes. un de tesamis, qui
SfuJiin.l.îZ. l'étoit venu joindre dépuis sa prise, & qui étoit arrivé à Babilonne avec un
Vers l'an habit de Parthe, le sollicita fortement à s'évader, & s'offrit à lui servir de guide.
du M.3K70» Ils partirent &étoientdéjaa{fezloin, lorsqu'on s'apperçut de l'absence de De-
avant J. le
metrius; Phraates, qui avoit succédé à Arsaces, fitpoursuivre par des Cou-
reurs qui l'atteignirent & le raménérent. Phraates non seulement ne blâma
MO.

pas Gallimander; il loua même sa fidélité & lui fit des présens. PourDeme-
il
trius, le reprit fortement d'avoir ainsi abandonné sa fenime,&'ordonna qu'on
le gardât de plus prés.
XIV. Quelques années aprés le même Demetrius chercha de nouveau à s'é-
fiemetrius vader, tans que la considération de sa femme, ni de ses enfans pût le retenir;
Nicator mais il eut le même malheur que la premiére fois; il fut arrêté comme il étoit
tente une Phraates ne le voulut pas voir, & le
seconde sur le point de rentrer sur ses terres.
fois de se renvoya avec sa femme & ses enfans dans l'Hyrcanie, qui lui étoit donnée
sauve r comme un honnête exil. Phraates pour lui tàire honte de sa légèreté pueri-
dans son le, lui fit donner des dez d'or, pour l'amuser. Au reste on ne doit
Royaume.
comme
An du M. pas s'étonner
de la douceur avec laquelle le Roy des Parthes traitait Demetrius.
;372 avant Ce n'étoit ni par affection pour sa personne, ni par considération de la pa-
J. C. 128, renté ou de l'alliance ; comme il cherchoit à s'emparer du Royaume de
gu/fin. Syrie,
1" 19-
Syrie, il conservoit Demétrius pour s'en servir contre Antiochus Sidétes
son frere , sélon les conjonctures des tems ou les événemens delà guerre. XJ/'.
Antiochus Sidétes n'ignoroit point les desseins de Phraates ; il résolutde AntioHiu»
le prévenir, de lui faire la guerre , & de tirer son frere de captivité. Il avoit Sidétes va
une armée nombreuse & bien aguerrie, qu'il avoit longtems exercée dans la faire la
Syrie & dans la Judée, contre les villesrebellesde ses Etats & contre les Juifs, guerre au*
Parthes,
qu'il assujettit sous le gouvernement de Jean Hircan. Comptant donc sur ses pour
troupes,il marcha contre le Roy des Parthes ; mais son armée, que les uns tre sonmet-
font forte de cent mille hommes, & les autres de quatre-vingt mille, étoit re en liber-
fre-

suivie par deux ou trois cens mille hommes,partie vivandiers, partie cuisiniers, té.
& partie boulangers. Les autres étoient des farceurs & gens de Théâtre. Le An du M.
Roy donnoit tous les jours à manger à grand nombre de personnes;& après J.387?. avant
C. 127.
que chacun avoit fait bonne chère, il emportoit encore une quantité si pro- tfujim. 1.
digieuse de volaille, de gibier, de poilTon, qu'on en auroit pû charger un ?8. gg.
chariot. Aprés cela venoit le dessert, qui consistoit en délicatesses faites de Oros. 1.2.r,
Âthtn.
miel, en couronnes & autres ouvrages de myrrhe & d'encens à la hauteur d'un 10. 1. 12. C.
homme, d'où pendoient des rubans & des bandelettes prétieuses. L'armée à 17a 1er.
l'exemple du Roy, donnoit dans toute sorte de magnificence & de superfluité, Max. 1. 9,
plusieurs ayant des clous d'or sous leurs souliers, de la vaisselle d'argent pour C. 1.
la cuisine , & de la broderie dans les rideaux de leurs tentes.
Jean Grand Prêtre & Gouverneur des Juifs, sui vit le Roy Antiochusdans XTlI.
cette expédition , & l'on croit que c'est delà que lui vint le surnom de Hir- Les Roys
can. Plusieurs Roys d'Orient dégoutez de la domination des Parthes, & d'Aste fc
outrez de leurs manières hautaines & impérieuses, redonnèrent à Antiochus, donnent à Antio-
avec leurs Royaumes. iodates Général des troupes de Phraates ayant présenté chus Sidé-
la bataille au Roy Antiochus , fut vaincu , & le Roy de Syrie érigea un tro- tei.
phée au même lieu , & y séjourna deux jours en considération de Jean,Grand-
Ptêtre des Juifs, qui étoit retenu par une fête de sa religion. O ) Ce même Ca)
Grand-Prêtre étant entré en Hyrcanie, (b) l'assujettit au Roy de Syrie,ce qui
lui mérita-, dit-on, le surnom d'Ilyrcati , aprés quoy le Roy Antiochus le renvo- Antiq. 1.1 J.
honneur dans son c. 16.
ya avec pays.
Le Roy de Syrie poussa ses conquêtes bien avant dans l'Asie, battit les Sever.
(O
Parthes en trois combats, se rendit maitre de Babilonne, & réduisit Phra- Sulpit. L 2.
ates dans les anciennes limites de son Royaume de Parthie; de sorte que pour Bili. Euseb.
faire diversion, & pour rappeller Antiochus à la défense de ses propres Etats, Chronic. XV II.
Phraates renvoya Demetrius Nicator son prisonnier en Syrie avec une armée; Demetrius
Nicator n'osant attaquer Antiochus de vive force, lui dressa, des embuscades, Nicator
& essaya de l'affoiblir, en attaquant son armée par parties, & dans des déta rentre en
chemens. Mais le peu de discipline que le Roy de Syrie faisoit observer à ses Syrie avec
tout les vexations & les une a mfe.

,
troupes, & sur mauvais traitemens qu'Athénée un 1.
de ses Généraux exerçoit dans les lieux où il pairait, & où il avoit mis les An du M.
troupes en quartier d'hyver irritérent tellement les peuples d'Afie, qu'ils se e874 avant
soûlevérent contre luy, & prirent la résolution d'égorger en un seul jour, J. C. lits.
tous les soldats qui étoient répandus dans chaque ville, afin qu'ils ne puisent
pas s'entresecourir. La résolution fut exécutée, mais non toutefois avec tant
de secret qu'Antiochus n'en fût averti.
xvm. Ce Prince prit ce qu'il avoit de troupes autour de luy, & ayant euPhraates
Mort d'An' sa rencontre il lui livra bataille. Il combattit avec une valeur extraordi-
tiochus Si- anaire mais n'ayant ,
détes Roy ; pas été secondé par sessoldats, qui l'abandonnèrent,il fut
de Syrie. tué dans l'a&ion.(a) Il y en a qui disent que ce fut Phraates lui-même qui
An du M. lui ôta la vie. (b) D'autres qu'il se tua lui-même, (c) d'autres qu'il se précipita
3874* d'un lieu élevé & escarpé. (4) Athénée ce Général, qui étoit le principal au-
Ca) teur dela revolte, & du mécontentement des peuples d'Asie, fut le premier
gofeph.
gufiin. guI. à abandonner le Roy Antiochus. Il se sauva où il put ; mais par tout on lui re-
«bjequens. fusa le couvert & la nourriture, & il mourut misérablement de faimau milieu
Cb) des Bourgades que lui & ses troupes avoient si maltraitées. (e) Pour le Roy
Euseb. in Antiochus, Phraates lui fit faire des obséques dignes de sa magnificence; mais
Chrome. reprocha aprés mort(/) le viii& grand ,
Cc) on dit qu'il lui sa que son trop courage
Appian. l'avoient séduit, qu'il s'étoit imaginé en vuidant de grandes coupes, qu'il
Syriac. boiroit le Royaume des Parthes. Aprés les cérémonies des obséques, Phraates
épousa la fille du Roy Demetrius Nicator, que son oncle Antiochus avoit amenée
JElian. 1. lui. C'est apparemment à sa prière que Phraates renvoya le corps d'An-
10. de avec
Animal. tiochus en Syrie dans un cercueil d'argent pour y être inhumé.
€. 34. Antiochus Sidétes avoit régné neuf ans. C'étoit un Prince magnanime,
Ce) vaillant, humain, clément, passionné pour la chasse, d'où lui vint le surnom
Diodor. de Sidétes, qui lignifie en Syriaque chalseur& pêcheur. Il aimoit un peu trop le
Sicul. in.
Excerpt.
il
vin. On raconte qu'un jour étant à la chasse, se trouva éloigné de iesg..ns,
Vales. p. & obligé de passer la nuit dans une Chaumière; où iln'était nullement connu.
37*.?7 8. Ayant fait tomber le discours sur ce qu'on disoit du Roy , ceux qui demeu-
Cf) roient dans la chaumière, lui dirent que c'étoit un bon Prince , mais qu'il pre-
Atben.
J. 10. c. 12. noit trop
de confiance à ses Officiers & à ses Favoris; qu'il négligeoit souvent
XIX. les choses les plus nécessaires, pendant qu'il prenoit le divertissement de la
Caractère chasse. Le lendemain il avoüa que c'étoit-là la premiére fois qu'on lui eût dit
du Roy An- la verité. Cg) Ilsaisira de sonEpouse la Reine Cleopatre, qui étoitausli la Belle-
tiochus Si-
détes. Sœur, un fils nommé Antiochus de Cizique, qui regna quelque tems aprés
Cg) lui.
Plutarcb. Cependant le Roy Demetrius étoit parti pour se rendre en Syrie, & craig-
Apopbtegm. nant
que le Roy des Parthes ne se repentît bientôt de la permission qu'il luy
XX- avoit donnée, & l'envoyât rappeller, comme il arriva en effet, il usa d'une
JDemetrius ne
Nteaçor telle diligence qu'il atteignit ses Etats, avant que la troupe de cavaliers, qui
renti:,à,flaiis avoit été envoyée pour le faire retourner, y arrivât. Ainsi quoyqu'ils puiicnt
le Royaume faire ou dire pour l'obliger à revenir, ils furent obligez de retourner auprès du
de Syrie. Roy des Parthes sans rien faire. Demetrius entra donc de nouveau dans le
guflin.
ses Peres & il y entra comme en triomphe, & comme si lui &
1.
?8. c. io.
Royaume de
,
(!)l. 39. c. T. son frere eussent eu les plus heureux succés ; pendant que toute la Syrie étoit
An du M. dans les larmes pour la perte de l'armée Syrienne, qui fut ou maflâcréepar les
2874-avant Asiatiques, ou faite priionniére de guerre & traitée inhumainement par les
J.G. 12.6. Parthes
Pendant que ces chosesse passoiententre les Roys deSyrie& des Parthes,
les
CaïusClaudiusPulcher,&Mar- XXI,
les Romains changérent de Consuls, & élurent
Perpenna. Ce dernier n'étoit pas, dit-on, Citoyen Romain ; mais simple G. Claudius
eus département l'Asie & le Royaume de Per- Pulcher &
soldat de fortune. Il eut pour son M. Perpen-
occupé réprimer les troubles que assaire des
game. Pulcher demeura à Rome
à 1
na Consuls.
Gracchus continuoit à y causer. Perpenna passa en diligence dans ion dépar- An deduR.M*
tement & surprit Aristonicus, qui n'étoit occupé qu'à donner
de grandsrepas 623.
& à goûter le plaisir de sa victoire contre Crassus. Le Consullui donna tant ;274. 387T.
l'obligea combattre^en bataille avant J. G.
d'exercice, & le poussa si vivement, qu'enfin il à 126.
rangée : 4rHl:onicus y fut vaincu & réduit à sesauver dans la ville de Stratonice. Liv.
Perpennà l'y assiégea , l'enferma dans la place, qui fut bientôt obligée de e c. 48.
rendre par famine. Le Philosophe Blosius, qui s étoit attaché à Atissoiiicus , O)
voyant les affaires dësespérées, se donna la mort. (a)Le àPrince son
se rendit*., i.-
triomphe; Plutarch.
crétion à Perpenna, qui le fit garder pour faire honneur mais in Gracchis
il ne sa voit pas que la mort l'attendoit lui-même à Pergame, Pour Ariitani- Liv. 1.
saprison par ordre du Sénat , n étant pas jaste c. 70.
cus, on dit qu'il fut étranglé danscelui
qu'il parût dans le triomphe de qui ne l'avoit point vaincu. XXII.
Troubles 1
L'indolence des Tribuns du peuple croissoit tous les jours. Un certain Rome cau-
Caïus Atinius Labeo irrité contre le Censeur Cæciliu5 Metellus surnommé le sez par les
Macédonien , qui l'avoit rayé de la lifte des Senateurs, ou plutôt de ce qu'il Tribuns
son tems pour s 'en venger, & pour du peuple,
ne l'avoit pas inscrit dans cette liste, pritrevenoit
le faire mourir. Un jour que Metellus de la campagne en plein mi- Liff. 1. 19'
14. H.
dy, c'ef1-à-dire, en un tems où il ne paroissoit personneni au Capitole , ni dans c.
les rues, Atinius le fit arrêter par les gens de son escorte , & le condamna sur
le champ à être précipité à bas du rocTarpeïen. Un esclave qui suivoit Me-
tellus, n'eut que le loisir d'avertir quelqu'uns des parens de Metellus , de la
violence qu'on faisoit à son maître. Ces parens coururent au logis d'un des
dix Tribuns, & le priérent de former opposition à l'exécution de l'arrêt injuste
& précipité de Labeo. Il le fit, & Metellus fut tiré des mains de ces Satell tes.
Labeo n'en demeura pas là. Il fit confisquer & vendre en plein marché & à

ennemis..
son de trompe, les biens du même Metellus , a qui 1 'on avoit sauvé la vie.
Il eut encore le crédit de faire passer une Loy, que dans la suite les Tribuns
la République au.dedans ,
du peuple auroient séance & voix délibérative au Sénat. ^ Tel étoit l'état de
tandis qu'au dehors elle faisoit trembler tous ses
XXIII.
En Asie le Roy Phraates se disposoit a porter la guerre en Syrie, pour Guerre de
se venger de celle qu'Antiochus Sidétes lui étoit venu faire jusques dans ses Phraates
Etats. °Mais il ne put exécuter son dessein, arrêté par les Scythes qu'il avoit contre les
Scythes.
apellez à son secours contre Antiochus. Ces peuples étant arrivez dans son 4
Royaume, & voyant qu'on cherchoit de vains prétextes pour les frustrer des An du M.
sommes qu'on leur avoit promises, & qu'on leur reprochoit d'être venus trop ;8 7r avant
tard, se répandirent dans le pays des Parthes & se mirent à le ravager. Phra. J.C izï.
ates marcha contre eux à la tête de l'armée des soldats
Grecs qu'Antiochus
,
avoit amenez en Asie,&qui avoient été tàits prisonniers de guerre, & traitez
si indignement & si cruellement par Phraates lui-même. Ces troupes en
conservoient un vif ressentiment, & rrattendoientque le moment de s'en ven..
ger. Lors-donc qu'on en fut venu aux mains, & qu'ils virent que les Parthes
commençoient à plier , ils tournérent leurs armes contre eux se déclarèrent
,
pour les Scythes & vengèrent sur les Parthes & sur Phraates lui-même la ma-
niére inhumaine dont on les avoit traitez pendant leur captivité. Phraates
fut donc mis à mort, après avoir régné env iron dix ans. Les Parthes dans une
telle extrémité au lieu de prendre un des fils de Phraates pour l'établir Roy,
,
donnèrent la couronne à Artabane son oncle le dernier des fils d'Arsaces
,
Phriapatius, Prince qui avoit & l'âge & l'expérience pour gouverner un Etat
aussi ébranlé que l'étoit alors celui des Parthes.
-YX)V. Les Scythes aprés leur victoire, se contentérent de ravager les Provinces
les Scythes de l'Empire des Parthes, puis se retirérent dans leur pays. Mais d'autres Scy-
Nomades thes surnommez Nomades, parce qu'ils vivent à la campagne sans demeure
détruisent fixe , firent irruption dans la Bactriane &
les Grecs , , en exterminèrent les Grecs, à qui
de la Ba- les Parthes avoient donné la liberté. D'un autre côté Iiimerus, à qui Phraates
Ariane. avant que de partir pour son expédition contre les Scythes, avoit confié le
Çf-ujlinJ.42, gouvernement de son Royaume, affefta la Royauté, & fit la
Strabo /.xi. séniens, qui habitoient guerre aux Me-
une Isle du Tigre, maltraita les Babiloniens & les Seleu-
XXV. ciens, & se gouverna en vray Tyran, pillant, brûlant, renversant, prof.'m nt
5

Tyrannie les temples & les plus beaux bâtimens de la ville de Babilonne, & réduisuit
d'Himerus en captivité pour de legers sujets, plusieurs personnes de condition de cette
ufiin.1.42. fameuse ville. On ignore le tems & le genre de sa mort. Mais
Diodor. 011 raconte
Sicul. in
qu'Artabane ayant livré un combat aux Tochariens peuples de Scythie, qui
Excerpt. s'étoient emparez du pays des Baétriens & de celui des Sogduns, fut blessé
V ales. au bras & mourut aussi-tôt aprés sa blessure. On ne lui donne que trois
p. 377. ans de regne. 11 laissa un fils nommé Mithridates qui lui succéda.
Mort Le Royaume de Pergame n'étoit pas entièrement pacifié. Rome y en-
d'Artaba-
voya le nouveau Consul M. Aquilius, qui avoit été élu avec Caïus Sempronius
ne Roy des Tuditanus.
Parthes. Celuy-cy demeura à Rome, où il fut témoin des brouilleriez qui
XXVI. y furent excitées àl'occasion de la Loy Sempronia, publiée par Tiberius Grac-
G. Sempro- chus. Des trois Commissaires
nius Tudi- nommez d'abord pour juger des contestail()ns
qui naissoient du partage des terres , il ne restoit que le seul Caïus Gracchus.
tanus, & Appius Claudius étant
)1.Aquiiius mort de maladie , & Tiberius Gracchus aïant étémafla-
Consuls.An cré, ainsi qu'on l'aveu, on leur avoit substitué C. Papirius Carbo, & M.Ful-
de R. 624. vius Flaccus, tous deux animez du même esprit que Tiberius Gracchus. Toute
du M- 87 1- l'Italie retentissoit des plaintes
avant J. G. que formoient les pauvres de la campagne, con-
12J. tre la supercherie & la dureté des riches, qui employoient les moïens les plus
Liv.J. 59, injustes pour les frustrer des terres qui leur devoient avenir selon l'esprit &
70. l'intention de la Loy. Ils eurent recours à ScipioniEmilianus, qui seYaisôit
un honneur de proteger les opprimez. 11 fit valoir auprés du Senatles bon-
nes raisons des alliez & du peuple Romain , & vint à bout de faire nommer
le Consul Sempronius Tuditanus, pour distributeur des champs & pour juge
des différends qui naissoient dela dislribution. Le Consul s'en défendit &se
hâta de partir pour la Japidie, contrée de l'Illyrie, où il devoit comman-
der des troupes contre les habitans de ce pays, qui y avoient excité quelque
trouble.
Les
Les trois Commissaires nommez pour la distribution des champs, regar- XXVII.
dérent dez-lors Scipion comme leur plus grand ennemi, & resolurent de le Scipion M-
faire périr. Ils publiérent qu'il affedoit la Dictature &la souveraine autorité, soupçonné
milianus
faut avouer que Scipion avoit donné lieu d'aîfeéter
pour accabler le parti Plebéïen; ilsesdiscours,
ausoupçon par sa conduite & par soutenant en plein Senat qu'on la Dictatu-
à moins qu'on ne sup- re.
r ne pouvoit rétablir la tranquilité dans la République,
primât les trois Commissaires, & qu'on ne donnât à un seul l'autorité nécessaire Liv /.
pour appaisèr les troubles. Il fut vivement & violemment attaqué par l'un
des trois'Commissaires nommé Marcus Fulvius Flaccus, qui répandit contre
lui tout ce que sa bile & son dépit lui inspirérent d'injures & de reproches.
Scipion sortit du Senat trés-mécontent & très-inquiet. Cependant il fut
réconduit dans sa maison par le Senat en corps, par la bourgeoisie Ro-
maine , & par les alliez qui étoient à Rome. Ce concours avoit tout
i l'air d'un triomphe. On ne douta point que le lendemain il ne fût déclaré
u Dictateur. XX vlll.
Le lendemain il fut trouvé mort dans son lit. On n'a jamais sçu le genre Mort de
de sa mort > ni s'il fut étouffé ou étranglé, ou s'il mourut d'une mort naturelle. Scipion Æ.
On soupçonna beaucoup sa femme Sempronia , de lui avoir donné du poison, milianus.
d'avoir introduit dans son apartement des meurtriers pour l'étrangler. Elle Liv. /.
;; ou
n'étoit ni belle, ni féconde , ni gratieuse ; elle étoit extrêmement attachée au c. 79'
parti contraire à celui de son mari. On dit quesesesclaves confessérentqu'on
î l'avoit fait mourir, & on remarqua dans sa gorge &sur ses lévres des marques
! de violence d'où vient qu'on le porta au bucher le visage couvert, afin que
A
ces indices ,
ne se vissent point. Les Triumvirs publièrent partout qu'il étoit
* mort de déplaisir, voïant qu'ilne pouvoit procurer aux alliez d'Italie ce qu'il
! leur avoit promis. Il mourut âgé de cinquante-six ans, regretté de tous les
3
ordres de la République , comme un des plus grands hommes que Rome eût
produits. Il ne laissa à Ci Fabius Maximus son héritier que trente-deux livres
h d'argent , & deux livres & demie d'or. Ce qui forme une belle partie de son
éloge qu'un Général qui avoit eû tant de moïens légitimes de s'enrichir, eût
,
i vécu dans un aussi grand désintéressément. Malgré les soupçons violens qu'on
avoit de l'assassinat commis sur Scipion, Rome ne fit aucun mouvement pour
rechercher, ni pour en faire punir les Auteurs. Ainsi dans les Etats Ré-
|5 en
publicains les services des grands hommes sont presque toûjours oubliez ou
I mal recompensez.
$ Pendant ces troubles le Consul Sempronius faisoit la guerre dans le pays Exploits XXIX.
| des Japides dans l'Jll'yrie. Au commencement il eut du désavantage & fut
Lu- Sempro-
de

.I battu par ces peuples. Mais Junius Brutus qui


, à
avoit si bien fait
sitanie & dans la Galice, le rassura & l'exhorta tenter un nouveau combat, tanus
dans la nius Tudi-
dans
dans lequel il remporta sur eux une victoire complette. Il fit ériger surie lieu l'japi,lie.
même une statuë , sur la base de laquelle on lisoit qu'il avoit conquis à la Ré- c. 8?.
Liv, /..
publique mille stades de païs, c'est-à-dire,environ quarante-cinq lieuës,de- Slppiax. in
I puis Aquilée jusqu'au fleuve Titius, aujourd'huy Keska. A san retour on lui Zfbericiz
M:

I* .
décerna l'honneur du triomphe.
Son Collègue M. Aquilius trouva dans les Pergalnéniens, même aprés
xxx. la défaite d'Aristonicus, plus de résistance qu'il n'avoit lieu d'en attendre d'un
exploits païs qui apartenoit à la République , & qui étoit destitué de Chef pour soû-
d'Aquilius
dans le Ro- tenirla revolte. Cependant il fallut qu'il assiégeât presque toutes les villes
yaume de & qu'il les forçat les unes aprés les autres. Elles redoutoient le gouvernement,
Pergame. des Romains. Leur opiniâtreté obligea leConsul à employer contre elles un
Liv. 1. <; 9. genre de sévérité inusitée dans les guerres les plus cruelles. Ce futd'empoi-
e. 71.FlrH', sonner les eaux qui couloient dans les villes, & de faire périr les hommes &
/. 2. C. 20.
les animaux qui furent obligez de s'en servir. Stratagème barbare & contrai-
,
re à l'humanité & au droit des gens. Aquilius ne laissa pas d'être honoré à
Rome comme le vainqueur & le pacificateur du Royaume de Pergame. Le
Sénat députa en ce Royanme dix Commissaires pour le réduire en Province.
Elle fut composée de la Lydie, de la Carie, de l'Hellespont & des deux Phry-
gies.Pont, Le domaine utile de la grande Phrygie fut cédé à Mithridate Roy de
ont, qui avoit joint ses armes à celles d'Aquilius, pour réduire lesPergamé-
niens. Les enfans d'Ariarathe Roy deCappadoce, qui avoit été tué dans cette
guerre, obtinrent du Sénat la Lycaonie, & la Cilicie ; mais ces donations
ne habilitèrent pas long-tems. Les Romains les revendiquérent 'bientôt
après.
XXXl. Ptolémée Physcon Roy d'Egypte, aprés avoir obligé par ses cruautezla
Cruautez plupart de les sujets d'abandonner le pays, y avoit fait venir, ainsi qu'on l'a
de Ptolé- dit, des étrangers de toute la Gréce. Ces derniers n'y furent
mée Phyf- pas long-tems,
Roy sans éprouver encore les bizarreries & les violences de ce Prince. Ils s'en
con
d'Egypte. vengérent, en mettant le feu au palais Royal d'Alexandrie , & obligèrent Phys-
An du M. con à se sauver dans l'Isle de Cypre , ménantavec lui sonEpouse Cleopatre,
? 874*
& sa nièce, fille de la Reine Cleop.ltre sa belle fœur, & son filsMemphile,qu'il
3S75. avant avoit
J.G. 126. eu de sa sœur Cleopatre , cy-devant femme de son frere Philométor.
125.
Après son départ les Alexandrins déférérent la Royauté à cette même Cleopa-
Liv. 1. 59. tre,que Physcon avoit répudiée, & elle regna quelque tems à Alexandrie. Mais
-euflin.1 Phyfcon leva une armée de soldats étrangers, & ht la guerre à sa sœur &àses
Viodor. in
Jbxcerpi. propres sujets ; & de peur que les Egyptiens ne donnassent le Royaume à son
Vales. fils aîné, qu'il avoit laissé à Cyréne pour contenir ce païs dans la soumission,
t-*7A' il le fit venir auprès de luy, & quand il fut arrivé en Cypre, il le fit mettre
à mort ; ce qui irrita tellement les Alexandrins, qu'ils renversérentièsshtuës
& brisérent ses portraits. Physcon qui attribuoit tout cela à sa belle fœur, ne
pouvant s'en venger autrement, prit son fils Memphile qu'il avoit eu d'elle,
lui fit couper la tête , les mains & les pieds, les enferma dans une corbeille,
qu'il envoya bien couverte à Cléopatre, avec ordre de le lui présenter au jour
de sa naissance, pendant qu'elle seroit à table. A la veuë de ce triste spcch-
cle, toute la joye de la fête fut changée en un deuïl inexprimable. On mon-
tra au peuple le funeste présent que le Roy envoyoit à la Reine sa sœur &
sonEpouse le jour de sa fête, afin qu'il vit ce qu'il pouvoit attendre d'un tel
Prince.
XXX 11 Cleopatre avoit donné le commandement de ses troupes à un Général
Guerre nommé Marsyas. Le Roy Phyfcon envoya contre lui Hegelochus, qui com-
errre Tout le monde
Phyfcon &: mandoit son armée ; Marsyas fut défait & fait prilbnnier.
s'attendoit
s'attendoit que le Roy lui seroit souffrir le plus rigoureux supplice. Contre 1la Reine
le monde il lui pardonna, cherchant regagner 1 'affedion Gleopatre
l'attente de tout a Diodor. in
des Alexandrins par ces traits de clémence & d'humanité. Desoncote Cleopa- Excerpt.
Roy Syrie son gendre, lui
tre demanda du secours à Demetrius Nicator de Vaies,
promettant de le faire réconnoître Roy d'Egypte, s'il la délivroit de Phyl- jP,du377. M?87&
An
qui lui feroit la guerre à outrance. Demetrius sur ces esperances prit les
con l'Egypte, (a) & prit Peluse qui tenoit aparemment pour avant J. G.
armes, s'avança vers 124.
Physcol1,puisqu'il fallut emploïer la force pour la réduire. Ca)
Pendant l'absence de Demetrius , les peuples d'Antioche, d'Apamee, / & :JuJlin,l.38-
de la plupart des autres villes de Syrie, se révoltèrent contre lui, en haine des c. J.Par-
9.1. 39>

maniéres hautes & imperieuses qu'il avoit prises chez les Parthes, pendant son pbyr.
séjour dans leur païs.Acette nouvelle, il quitte promptement l'Egypte, & ac- j c.
Euslb.
apud

court en Syrie, pour mettre ses sujets à la raison. La Reine Cleopatre le suivit, Cbronic.
xxxiii.
emportant sur des vaisseaux toutes les richesses qu'elle put emporter de l'Egypte, Roy Revoltcdes
& se retira auprés de sa fille Cléopatre, & de son gendre Demetrius &
Reine de Syrie. On verra bientôt la suite de cette histoire.
-
Syrie COJl-
Les nouveaux Consuls de l'année furent Cneïus Odavius, & Titus An-
tre Deme-
nius Luscus Rufus. Comme la République étoit en paix de tous cotez, on trius. Are
vit durant le cours de cette année aucune expédition de guerre, quoiqu'on du M. 1877.
ne J. G.
entretint toujours les troupes sur pied à l'ordinaire, pour ne pas laisser refroi- avant 12?.
dir leur esprit guerrier. On vendit cette année à l'encan les meubles pre- fujiïn. L
tieux du Roy Attalus, & les Romains autrefois si modestes & d'une frugalité 3 9. c. 1.
si sevére, achetérent à grand prix pour leur usage, ce que leurs Peres auroiënt XXXIV.
Cneïus Oc-
à peine osé acheter pour la décoration des temples. tavins &
Sous les Consuls de l'année suivante, la République ne fut pas moins T. Anllius
tranquile. Les Phocéens durant la guerre d'Aristonicus s'étoient declarez Luscus R11-
contre les Romains. Leuca une de leurs villes avoit pris les armes pour soû- susConfuls» An de R.
tenir ce Prince. Le Senat, pour punir les Phocéens , avoit ordonné que la (2). du M.
ville de Leuca seroit rasée, & que toute la Phocide seroit mise à feu & à sang.
j877.avant
Les Phocéens employérent, pour demander leur pardon les Marseillois qui J. C. 123.
,
étoient une ancienne Colonie des Phocéens, & qui par leur attachement Liv. 1. 60..
constant & fidèle à la République, avoient mérité la bienveillance des Ro- Plin. I. 3 g*
mains. Ils eurent assez de crédit à Rome pour obtenir la grace de leurs c.ÏJrujiiTvJ.} 21.
6..
fondateurs. C ult.
On choisit l'année suivante pour Consuls M. iEmilius Lepidus, & L. XXXV.
Aurelius Orestes. Le dernier fut destiné à marcher contre les peuples de L. C.fitus-
Loiiginus, *
Sardaigne, qui s'étoient révoltez. On lui donna pour Quêteur Laïus Grac- &L.Corne-
chus frere deTiberius,dont on a veu la fun.este fin. Caïus étoit aussiéloquent lius Cinna
& aussi populaire que son frere , & soit imagination ou réalité, il disoit lui- Consuls.An
même que son frere lui avoit apparu en songe , & lui avoit prédit qu'il auroit deR. 626.
sort semblable au sien. Il passa donc en Sardaigne avec le Consul Aure- du M.??77.
un blé, Gracchus avant J. C.
lius & l'armée Romaine manquant à la fois & d'habits &de
12?. Les
,
en parcourant les villes,qui étoient demeurées soÚmises aux Romains, o btint Mar[eil'c)i>
d'elles par la force de son éloquence & par la voye de la persuasion, les se- obtiennent
le D.ndon
cours dont il avoit besoin, & que ces villes avoient refusés, quand on les
avoit
pour les demandés d'autorité. Il obtint aussi de Micipsa Roy de Numidie autant de
Phocéens. blé qu'il lui falloit pour remplir les magazins. Rome jalouse de, ce grand
en
Liv /. Go. crédit de Gracchus, & se défiant de ses deflfeins
.XXXVI. ambitieux reçut nul les
Ambassadeurs de Micipsa, &1eur sçut mauvais gré de leur libéralité.,
M. M mi-
lius Lepi- En Syrie le Roy Demetrius Nicator s'étoit rendu également odieux &
dus & L. méprisable à ses soldats & à ses sujets. Dez-qu'il fut arrivé d'Egypte
Aurelius en Syrie,
Oreflcs il trouva que les peuples de ses Etats avoient député vers Ptolemée Phylcon,
Consuls.An qui etoit retourné en Egypte , pour le prier de leur envoyer un Prince de la
de R.627' race de Seleucus, afin de le mettre sur le Trône en la place de Demetrius. Phyf-
duM.?878. con leur envoïa un jeune Egyptien nommé Alexandre fils de Protarque fameux
avant: J. C. négotiant, qu'il disoit avoir été adopté
par Antiochus Sidétes dernier Roy de
122.
Liv. 1.6o. Syrie. D'autres (a) disent que Physcon leur envoïa Alexandre surnommé
c.3 Zebina, qu'il disoit être fils d'Alexandre Ballés, & qu'on lui donna le nom
XXX Vil. de Zebina, qui signifie en Syriaque acheté, ou racheté, parce qu'il avoit été
Demetrius esclave de Physcon.
Nicator Quoiqu'il en soit, Zebina arriva en Syrie à la téte d'une grosse armée que
Roy fie Sy-
rie est mis Physcon lui avoit donnée; il fut reçu à Antioche & réconnu pour Roy. Djns
à mort. Ale- le même tems on raporta en Syrie le corps d'Antiochus Sidétes, que le Roy
xandre Ze- des Parthes renvoïoit dans la Syrie,
bina lui suc- pour lui donner la sépulture. Les peu-
cède. ples le reçurent avec de grands témoignages de respect, Alexandre Zebina se
9. distingua par
dessus les autres par les honneurs qu'il lui rendit, & par la dou-
tfafepb. leur qu'il témoigna de sa mort. Ce qui lui acquit la faveur & la bienveillance
Antiq. I.13. des peuples de Syrie.
c. 17.
An du M.
La plupart des villes de Syrie se rendirent à luy, & Physcon lui envoïoit
incessamment des renforts, qui le mirent en état delivrer bataille à Demetrius.
-3878..
Ca) y
Elle se donna aux environs de Damas. Deluetrius fut vaincu,& obligé de
Porphyre in prendre la fuite. Il se retira auprès de la Reine Cleopatre son Epouse à Pto-
Gracis. lémaïde;mais elle lui fit fermer les portes de la ville. Delà il se sauva accom-
E'iseb.
Scx'izer. pagné de quelques esclaves à Tyr, pour s'y mettre à couvert dans un temple,
P- 227- auquel Antiochus son frere avoit accordé le droit d'azile. On ne lui en per-
XXXVll1 mit pas l'entrée. Enfin étant entré dans un vaisseau, Joseph PHiltorien dit
Alexandre qu'il tomba
Zebina en- entre les mains de ses ennemis, qui lui firent souffrir divers suppli-
tre à Antio- ces,
puis le mirent à mort. Justin raconte qu'on le tua, comme il sortoit
che , & re- d'un vaisseau où il s'étoitjetté ; Tite-Live & Appian veulent qu'il ait été maflsa-
çoit le cré par l'ordre de sa femme Cléopatre. C'étoit la quatrième année de son
corps régne depuis son retour du païs des Parthes. Ainsi Alexandre Zebina demeura
d\\Mio-
chus Si- maitre du Royaume de Syrie.
détes. Les Consuls de l'année furent M. Plautius Hypsaeus, & M. FuIvius.C'est
XXIX. le même Flaccus qui s'étoit élevé avec tant de violence dans le Sénat contre
Demetrius Scipion Æmi1ianus, & qui futsoupçonné d'avoir trempé dans le complot de
est vaincu
Zebina. sa mort; Le Senat fit ce que la prudence lui inspira pour diminuer le credit
par de Caïus Gracchus, en le laissant en Sardaigne seulement en qualité de Pro-
Jtfpb.
A1ltiqJ /n. questeur & en rapellant à Rome les troupes qui y étoient & qu'on savoit
,
cA7- tfuftin. lui être toutes dévoüées. Fulvius Flaccus de son côté proposa une Loy, par
1. J.
laquelle le droit de bourgeoisie Romaine étoit accordé à tous ceux des Pro-
vinciaux
,
qui n'avoient pû avoir departàladistribution des campagnes qu'on XL.
Vinciaux, M.Plautius
cbndition. Le Senat corps Fulvius

Rome..
avoit reparties d'autres
à de même en pria Hypsaeus,
daigna lui repondre. Il
de supprimer cette Loy, mais le Consul ne pas y a & M. Ful-
.beaucoup d'apparence que la Loy auroit passé sans un incident, qui obligea viusCon- Flac-
"le Consul à sortir de cus
grands An de
Les Salyens, ou les Salviens, voisins de Marseille, avoient fait de
suls.
ville alliée des Romains, & menaçoient de l 'as. R.628. du
dégats aux environs de cette M 3379.
siéger. Les Marseillois implorérent le secours deRome, qui fit partir le Con- avant J.C.
les izi.
fal Fulvius avec son armée Consulaire, pour passer les Alpes & réprimer
-à dire, les peuples des environs d'Aix
-peuples de la Provence, de Vaison & de Die
,
Salvens. Le Consul trouva sous les armes non seulement les Salyens, celt. Guerre de
d'Arles & de Tarascon, mais au m es Flaccus
11 leur livra bataille & les
XL h

contre les
vainquit. 11 fut obligé de demeurer deux ans dans les Gaules, & laissa Rome Salyens, Liguriens
Icsl

en paix. & les Vo-


Mais les peuples de la campagne , qui n'avoient point eu de part aux contiens.
partages des champs, & à qui Fulvius avoit fait espérer le droit de Bourgeoisie XLU.
Romaine, se mutinèrent. Frégelles ville des Volsques avoit parû la plus Révolte
animée. Numitorius Pullus Chef de cette ville, fut cite a Rome devant le lans des Fregel-
punie.
Préteur, où la crainte du supplice lui fit découvrir le complot forme paries
être rasée, & donna Liv. /. 60.
compatriotes. Le Senat condamna Frégelles à grâce a Veil. Pater-
Numitorius. Celui-cy fut renvoyé comme absoû du crime dont on l'avait cul. &c.
chargé Le Préteur Opimius le suivit de prés avec des troupes. Frégelles
n'étoit pas encore en état dese défendre. Numitorius conseilla aux Bourgeois
de se rendre. On suivit son Conseil, & Frégelles fut rasée. Cette rigueur re-
tint les autres villes dans le devoir, au moins pour quelque tems. XL 111.
On raconte qu'il y eut cette année sur les côtes d'Asrique une si pro. Pesse causée
digieuse quantité de sauterelles, qu'elles dévorèrent les grains & les plantes en Afrique
jusqu'à la racine, & n'épargnérent pas même l'écorce des plus gros arbres. par de fau-
Un vent de midv les jetta dans la mer & les y noya. Les flots les ramene- terelles pourries.
rent par monceaux sur la gréve. On n'eut pas la précaution de les enterrer
quantité Liv 1 60.
étoient-elles si grande qu'on
ou de les brûler; & peut être en ne c 18. '9.
put se donner cette peine. La corruption de ces petits animaux infeda l'air, fful. obfe-
& causa la peste dans le pays dépuis la Cyrenaïque, jusqu'au-dela d'Utique. quens de
On compte qu'elle fit mourir plus de huit cens mille hommes dans le ieul Prodige Oros. 1.
Royaume deNumidie; & qu'il périt plus de trente mille hommes de l'armée
C. 11.
Romaine, qui étoit en Asrique.
Cependant Rome se donna pour Consuls Caïus Camus Longinus, # & XLIV.
C. Calïïus
C. Sextius Calvinus. On continua Fulvius dans le commandement des trou. Longinus,
pes de la Gaule Transalpine. Caïus Gracchus s'ennuyoit du scjour de Sar- &G. Scx-
daigne, où il n'avoit pas occasion de remuer. Il s'embarqua a l'insçu du tius Ca!vi- Con-
Proconlul Aurelius Orestes, & le rendit à Rome au tems où l'on devoit faire nU3 fuIs An de
l'eledion des nouveaux Tribuns du peuple. Le Sénat & le peuple même furent R. 62.3. du
indignez d'un procédé si contraire aux Loys & aux usages de la République. M. 3880.
,
Gracchus fut déféré aux Censeurs. Il comparut & plaida sa cause avec tunt avant J. G.
Tom. III. Hh hh carii- 120. 1.
Liv. 60..
d'artifice & d'éloquence, qu'il fut renvoyé absoù, & plus accrédité que ja-
mais parmi le peuple.
XLV. L'élection des Tribuns du peuple se devoit faire dans peu de jours. Ca-
Caïus Grac- ÏusGracchus se mit sur les
chus élu rangs parmi ceux qui briguoient cet employ. Le
Tribun du Senat & les riches mirent tout en œuvre pour le traverser, Sa niere Cornelie,'
peuple. qui dépuis la mort de Tibérius Gracchus son fils aîné, demeuroit retirée à
Plutarch. la campagne, se joignit à eux, & lui écrivit lettres sur lettres pour le détour-
in Gracch. ner d'entrer dans le tumulte des affaires publiques,qui avoient été si funestes
Liv. /. 60. à sa famille. Gracchus fut indocile & insensible priéres & aux larmes de
C. 28. 29. sa aux
mere. Il poursuivit sa pointe , & tout ce que purent saire le Sénat & les
nobles, fut d'empêcher qu'il ne fût nommé le premier des Tribuns du peuple.
Il ne fut nommé que le quatrième. Mais l'envie de lui faire honneur attira
à Rome une si grande multitude de peuple, que plusieurs ne purent pas trou-
ver de logement dans la ville; & quand il fallut s'assembler pour donner les
voix, on en vit un grand nombre placez suries toits & suries platte£-formes
des maisons qui environnoient la place, donner leurs voix par acclamations.
:xLVI. Le Consul Sextius Calvinus, à qui le sort avoit destiné le département
SextiusCal- de la Gaule Transalpine, ditfera assés longtems complaisance pour le Senat,
vinus dans par
la Çaule qui avoit intérêt à y laisser Fulviui, Flaccus, de partir pour son département.
Tranfalpi- Il ne s'embarqua qu'assez avant dans l'été, & Fulvius revint encore assez tôt
ne. Retour- à Rome pour y augmenter le trouble & pour soûtenir les entreprises de Caïus
de Fulvius Gracchus. Celui-
Flaccus.
ci obtint le triomphe pour Fulvius & ce fut encore un nou-
, bienfaiteur.
veau motif pour engager le triomphateur à appuyer son
XL VIL Aprés la mort de Demetrius Nicator, SeleucusFaîne de ses fils, prit le
Seleucus diadème sans attendre le consentement de sa mere. Il étoit sans contredit
fils de Dé-
le legitime héritier du Royaume de Syrie ; & quoyqu'Alexandre Zebina en
metrius
Kicator possédât la meilleure partie, Seleucus prétendit soûtenir ses droits contre lui,
Roy de Sy- ou du moins attendre quelque favorable conjonfture, pour s'en mettre en
rie. gujliui possessioil. Mais la Reine Cléopatre sa mere conçut tant de dépit de
J. 39. Liv. ce qu'il
Epitoji-2e l'eût fait sans elle, qu'elle le perça d'une fléche qu'elle -lui tira elle-même;
1. 6o, c. î4» craignant sans doute que ce jeune
Prince ne vengeât sur elle la mort de son
jippian* Pere Demetrius, que Cléopatre avoit livré à ses ennemis, en réfusant de le
Syriac. recevoir dans Ptolémaïde.
p. q2. An
du M.3880.
Elle établit sur le Trône en sa place Antiochus le plus jeune des fils de
388 r.avant Demetrius & d'elle,
dans l'esperance de regner elle-même sous le nom de
J.C.120. ôc ce Prince qui étoit fort jeune & qui étoit alors aux études à Athènes. 11 porta
xi 9- le surnom, de Gryphus &dePhilométor, &dans quelques unes de ses médail-
XLV111. les voit les visages de Cléopatre & d'Antiochus, mais celui de Cléopatre
Mort deSe- le on
leucus. An- premier, avec le nom de Reine, & le diadème en tête.
tiochus son Alexandré Zebina avoit toûjours pour lui la meilleure partie du Roy-
frcie lui aume de Syrie; & comme il étoit d'une humeur fort douée & fort populaire;
succéde. il se saisoit aimer de tout le monde. Cléopatre de Ion côté toûjours animée
XL IX. del'esprit d'ambition, & brûlant d'envie de dominer, follicitoit les peuples
Zebina
Roy deSy- & les villes à la révolte contre Zebina , & en effet trois de ses principaux
lie reprend Généraux Antipater" Cléonius,&iEropus se révoltèrent contre lui, & s'em-
<

parèrent
parèrent de la ville de Laodicée. Zebina les y assiégea, & les obligea à se ren- Laodicée
dre. Il auroit pu les traiter dans la derniére rigueur, mais il leur pardonna néraux ré-
sur ses Gé-
généreusement. voltez.
Cléopatre Reine de Syrie voyant que Ces efforts etoient
, inutiles contre Diodor. Si.
Zebina, & qu'elle ne pouvoit ni lui débaucher ses troupes, ni porter ses peu- cul. Ex-
ples à la revolte, prit le parti de se remettre bien avec le Roy PtoléméePhy- lef cerpt. Va-
p, 377.
Zebina; lui
scon son frere,
l'ouverture, &
qui avoit
Ptolémée
mis sur
voyant que
le Trône
Zebina
Alexandre
commençoit
forces &
le elle
méprisér,
indépendamment
en
comme
fit
An du M.
38fco.avant
se croyant capable de se soûtenir par ses propres J.G. 120.
du Roy d'Egypte, écouta les propositions de sa sœur, & résolut d'employer Cléopatre L.
toutes ses forces à dépouiller Alexandre du Royaume qu'il lui avoit procuré. se réconci-
Il envoya donc de grands secours à Antiochus Gryphus son neveu , & lui fit lie avec son
époufèr sa fille Tryphaenes ouGryphine. Les Syriens peuples peu constans, frerc Pto-
abandonnérent Zebina, & se rangérent sous l'obéissance d'Antiochus, aussitôt lémée Phy-
qu'ils le virent appuyé de toutes les forces de l'Egypte. sconRoy
d'Egypte.
Alexandre Zebina avoit encore une armée assez nombreuse; mais il ne ffujiin.1.3 9*
pouvoit s'y fier, non seulement, parcequ'il se défioit de sa fidélité, mais par- An du M.
cequ'elle n'étoit pas bien aguerrie. Il ne jugea pas à propos d'en venir à une 3881.3882.
bataille; il aima mieux se retirer en Gréce,& emporter avec lui les trésors de avant J.G.
la Couronne & les plus prétieux présens qui étoient dans les temples, afin 119.118. LU
d'y attendre un meilleur tems, ou du moins pour y vivre en paix & dans Zebina
l'opulence. Mais comme il se préparoit à piller par les mains de quelques cherche à
peuples Barbares de son armée, le temple de Jupiter à Antioche, le peuple y se sauve r
accourut, & peu s'en fallut qu'il ne sût massacré avec toute son armée. Il se Diodor. en Gréce.
Si-
sauva à Seleucie, mais les habitans déja informez du sacrilége qu'il avoit voulu cul. Ex-
commettre, lui fermèrent les portes. Delà il s'enfuit enPisidie, ne vou- cerPt. Va-
lant pas s'éloigner des côtes de la mer. lef p. 37S.
Il fallut enfin en venir à une bataille. Alexandre Zebina fut vaincu, & An du M.
avant
obligé de s'enfuir à Antioche. Comme il manquoit d'argent pour payer ses J.3882. G n8.
troupes, il enleva du temple de Jupiter une statuë d'or de la victoire .disant Lll.
que Jupiter la lui avoit prétée; mais quelques jours aprés ayant voulu enlever Bataille en..
la statuë même de Jupiter,qui étoit d'un trés-grand poid & d'une très-grande & tre Zebina
valeur, les habitans de la ville le chassérent. Il s'embarqua pour se retirer chusAntio- Gry-
dans quelque pays éloigné; une grande tempête l'obligea de relâcher; les phus.
siens l'abandonnèrent. Il tomba entre les mains de quelques voleurs, qui le guflin.1.39.
livrérent à Antiochus Gryphus, Ce Prince lui ôta la vie, selon Justin; Jo c.z. An du
seph dit qu'il fut tué dans le combat qu'il livra à Antiochus ; Porphyre cité M. 3882.
dans Eusébe, veut qu'il se soit donné la mort en prenant du poison, ne pou avart
J. G.
»8. g,-
1
vant survivre à sa défaite. fepb. An-
Antiochus Gryphus se vit ainsi sans concurrent, & maitre absolu du tiq 13. 1.

Royaume de Syrie. Cléopatre sa mere toujours animée du même esprit de pbyr. c. 17. Por-
cruauté & d'ambition, qui l'avoit transporté dez le commencement, craignit Gntc.inEu-
que son fils ne voulût se prévaloir de ses avantages,& ne l'exclût du gouver- seb. Scalig.
nement, Elle résolut de le prévenir & de s'en défaire. Un jour qu'il venoit P. 2.27.
de faire exercice, elle lui présenta à boire une coupe empoisonnée. Le Roy Mort Z.///.
Je:
Hh hh z qui
CIéopatre qui avoit été informé à tems de cet attentat, s'excusa de boire avant elle, &
Reille de par une politesse feinte lui renvoya la coupe. Comme elle réfusoit d'en goû-
Syrie. YU- ter, on fit venir la personne qui avoit mélé le poison. La Reine nia tout
Jiin. 1.
C. 2. Ap.
avec hauteur; son fils lui protesta qu'ilne la tiendroit jamais pour innocente,
pian, Sy- qu'elle n'eût goûté la première d'un breuvage qu'elle lui vouloit faire pren-
riac,,,D. 132. dre. Elle fut donc forcée de boire ce poison, & elle en mourut bientôt
aprés.
LIV. Quelque tems auparavant Rome avoit élû pour Consuls Q. Cæcilius IVle-
Qi Caecilius tellus, &T. Quindius Flaminius. Le premier fut envoyé aux IslesBaléares
Metellus
,
pour les réduire à l'obéïssance de la Ré-
&T. Quin- aujourd'huy Majorque &IVlinorque,
étius Fla- publique. Le second demeura à Rome, assez occupé àrésiH:er auxentrepri-
ses des Tribuns du peuple, & en particulier de Caïus Gracchus. Sextius Cal-
minius
Con ftils.
A!1 de R. de Marseille.
à
vinus étoit occupé dans la Gaule Transalpine dompter les peuples ennemis
6s \ du M. Gracchus ne perdoit point de veuë son grand objet, quiétoit de faire le
3882. avant
J. G. 118. - partage des terres d'Italie, entre les citoyens de Rome & les alliez indigens.

6.2l. 22.
à
Liv. /. 60. Il se fit nommer Commissaire pour travailler cette répartition, avecFulvius
Crassus. Il fit plus ; il fit passer deux Loys au profit du
&c.
Flaccus, &Licinius
ZJ/: peuple; la première, qu'on bâtiroit à Rome des gréniers publics, & qu'on
Diverses les rempliroit de grains aux frais du trésor public ; la seconde, que chaque
Loyspro- jour on distribueroit aux citoyens Romains autant de blé qu'il en faudroit
posées par
pour leur subsistance, moyennant le prix d'un demiaspartête. Il se chargea
GàiusGrac-
chus.. de la construflion de ces vaites gréniers, & pour fournir aux srais de ces
immenses provisions, il fit établir des impôts sur toutes les marchandises,qui
entroient dans les ports des villes d'Afie, qui appartenoient aux Romains.
De plus il fit ordonner que nul citoyen Romain ne seroit enrôlé avant l'age
de dix-sept ans, & que tous les soldats Romains, avant que de marcher en
campagne, seroient habillez aux frais du trésor public.
LVl. Tant d'entreprises si contraires aux anciens usages, & si favorables à la
Caraétére Commune, irritèrent étrangement les Senateurs & les Nobles contre le Tri-
de Caïus bun; mais elles lui conciliérent la faveur & l'affedion du peuple à un point,
Gracchus. malaisé d'exprimer. Gracchus étoit consideré comme le Chef de la
Vide Plu. qu'il est
tard;, in République. Toutes les affaires tant du dedans que du dehors se rapportaient
Graccb. à lui. Toûjours environné d'Ambassadeurs de diverses nations, ou d'entre-
preneurs des édifices publics, ou d'hommes dodes qu'il entretenait; au mi-
lieu de cette multiplicité d'occupations & de soins, il paroHsoittoÚjoursavec
de parler presque chaque jour en public,
un visage également serain, obligé soûtenir
pour proposer sesLoys, & pour les & contre ceux qui les attaquoient.
Il le faisoit toujours avec une action une force extraordinaires, marchant
à grands pas d'une extrémité de la Tribune à l'autre, les yeux enflammez,
les gestes animez par les plus vives passions; il avoit coutume, lorsqu il ha-
ranguoit le peuple, défaire tenir derriére lui un de ses esclaves, qui, lorsqu'il
élevoit trop sa voix, le ramenoit au ton,en joüant d'une espèce de flûte, qui
aidait a calmer sa trop grande vivacité. Avec de si grands talents Caïus Grac-
chus
dans le in-
chus n'eut pas de peine à se faire continuër une seconde année
bunat.Le Baléares, dans le dessein LV1L
Consul Cæcilius Metellus passa dans les Isles Expédition
delessubiuguer. Leshabitans qui y demeuraient, passoient pour les meilleurs de Metel-
frondeurs du monde; accoutumez dez l'ensance à ne manger que cetoutes qu ils lus dans les.
fronde, ils préféroient cette sorte d'armes a Isles Baléa-
avoient abbattu à coup de
point d'autres dans les combats. Ils en por- res. Liv.
les autres & n'en employoient des
1. 60. c.?2*

toient trois d'ordinaire à la guerre, l'une à la main, l'autre autour reins


forme de ceinture, & une troisiéme en guise de bonnet ou de bandeau.
en & 1 ar-
Ils ne manquoient dans leur Isle que de vin & d'huile; car pour 1 or
sent ils n'en tenoient compte, & ne daignoient pas en conserver danseur
maisons.On avoit fait quelques plaintes au Sénat qu'ils exerçaient la piraterie
sur la mer & sur les côtes, & qu'ils dérangeoient le commerce de l'Espagne. LVlll.
. Lorsque la flotte de Metellus approcha des Baléares, les habitans crurent & Défaite des
quelques vaisseaux le hazard amenoit sur leurs côtes, ac-
nue c'étaient que habitans
coururent à leur ordinaire pourles piller. D'abord avec leurs trondes ilsnrens des Isles.
pleuvoir une grèle de pierres sur les galéres du Consul. Mais celui-ci s etoit Baléares..
précautionné contre cette manière d'attaque,en faisant couvrir de cuirs de boeuis
les ponts de ses vaisseaux, ce qui les garantit & tint les soldats a couvert.
Apres cela la flotte Consulaire à force de voiles & de rames poursuivit vive-
le bord avec rapidité & je
ment les barques ennemies; les ennemis gagnèrent
jettérent dans des Cavernes & des creux de rochers qui leur servoient de
demeure, car ils n'avoient point alors de villes dans leur Isle. Le soldat Ko-
main étant débarqué, égorgea sans peine ces malheureux dans leurs retraites.
Ils ne parurent point en corps d'armée, & il n'en échappa presquepas unleui,
des trente mille hommes qui peuploient les deux Isles. LlX*
Dans les GaulesTransalpines le Proconsul Sextius Calvinus fit la guerre Exploits
de facilité contre les Salyens._ Ful- de Sextm'S
avec autant de succés, mais avec moins Sextius les dompta, les assujettit,. Calvinus
vius son prédécesseur les avoit entamez.
y
les poliça,& établit une Colonie Romaine, nommée Aquœ-Sextiœ,aujourd'hui. dans
bataille ran- Gaules.
les
Aixen Provence. Le Roy Tautomale avec l'on armée fut vaincu en Liv. 1. 6])..
gée , & la Capitale du pays prise de force. Sextius obtint les honneurs du
An du M»
3882.
Quelque tems après se fit l'eleétion des Consuls. Caïus Gracchus eut le LX.
crédit d'exclure du Consulat L. Opimius, qu'il n'aimoit point , & de le faire Cn. Domi-
tomber à Caïus Fannius Strabo, qui avoit sçu mériter son amitié. On lui tius Ai no-
deltiné barbus &
donna pour Collégue Cneïus Domitius Ænobarbus. Ce dernier fut C. Fannius
à paffer dans les Gaules, & à pacifier le pays des- Salyens; Fannius demeura en Strabo
Italie, où iln'agissoit presque que par l'impressîon qu'il recevoitde Gracchus. C onde sui s.
Ce Tribun du peuple pour la seconde année, avoit fçu mettre le corps des Che- 6?I. An R.
du Ml
valiers Romains de son parti, en leur attribuant la connoissance des Gaules-
l'exclusion Senat. C'étoit réduire l'autorité du Sénat dans ?8 2. a va ne
j particulières, à du J. C. T
f des bornes trés-étroites, Liv L 6 T-
j Gracchus pour insulter encore d'avantage au Sénat, & marquer d'une Brouilleries LXi.
il
maniére plus senûble le mépris qu'il en fessoit, changea la disposition de la. entre le
tin h h £ iribune
ConsulFan- Tribune aux harangues, & des bancs où les Plébéïens s'adcïoient pour enten-
nius & le dre les Orateurs. Auparavant ceux-ci avoient en face la Sale où les Sénateurs
Tribun tenoient leurs séances; Gracchus affeé1a de leur tourner le dos en parlant au
Gracchus.
Piutarch. peuple , & de ne porter la parole qu'à la Commune. Le Senat insulté ouvrit
in Grac- les yeux, & attira le Consul Fannius dans son parti. Gracchus avoit minuté
chir,t!)Vel- une Loy, qui portoit que non seulement les Citoyens Romains demeurans
hl. Pater- à Rome, mais aussi les simples- alliez, auroient droit de suffrage
cul. l. 2.C.6. ceptation des édits du Senat. Fannius pour l'ac-
&c. s'opposa vivement à l'entreprise de Grac-
chus. Il fut soûtenu par le Sénat,& par la plus saine partie des Citoyens
Romains. Gracchus avoit pour lui la multitude; & on vit accourir à laCa-
pitale de toutes les parties de l'Italie, une multitude innombrable d'alliez,
qu'on vouloit égaler aux Citoyens Romains, pour donner leurs suffrages dans
les assemblées, Fannius défendit à tous ceux, qui jusqu'alors n'avoient point
eu droit de suffrage, de demeurer dans la ville, ni aux environs, si non à cinq
milles de distance. Ils réfusérent d'obéir. Le Consul employa la violence,
Gracchus n'osa résister, & cette cohuë se dissipa.
LXIl. Ce ne fut pas assez au Sénat d'avoir gagné le Consul Fannius; il entre-
Livius Tri- prit de mettre dans ses intérêts
bun du un des Tribuns du peuple nommé Livius, pour
peuple balancer l'autorité de Gracchus. On lui inspira d'affecter autant de popularité
prsnd que Gracchus, de proposer comme lui des Loix agréables au peuple, & d'en-
aIroite- chérir même sur son Collègue ; cette voïe didée par la plus fine politique,
ment l'a.. réunit. Livius gagna l'affection du peuple, & affoiblit ou partagea celle qu'on
scendant
sur Caïus portoit à Gracchus. Les démarches de Livius étoient beaucoup plus indu-
Gracchus. rées que celles de son Collègue; ses harangues plus modérées; au lieu d'in-
Plutarch. vediver contre le Sénat, il avoit soin d'en parler avec respeé1:,& d'inlinuër que
4n Gracch. c'étoit par l'inspiration du Senat & de son consentement, qu'il enchérissoit
sur les bienfaits de Gracchus. Cette conduite diminua de beaucoup l'indispo-
sition du peuple envers le Senat, & Gracchus ne tarda pas à s'dppercevoir que
l'afFedion du peuple étoit partagée entre lui & Livius; il commença de son
côté à faire quelques den1arches pour se concilier le Sénat, &le Sénat enufa
bien avec lui, & il parut au dehors une espèce de réconciliation entre cet
Auguste corps & Gracchus.
LXIII. Cette réconciliation n'étoit pas sincére. Le Senat tendit habilement un
Députa- piège à Gracchus,en faisant proposer par Quintus Rubrius Tribun du peuple,
tiou pour de rebâtir Carthage,& de méner
aller rebâ- en Afrique six mille Romains pour y fonder
tir Cartha- une Colonie, & pour cultiver les champs de cette ancienne ville. On nomma
ge. Liv. dixCommissaires pour cette entreprise. Rubrius comme pour faire honneur
Epitom. à Gracchus, le nomma comme Chef & premier Conducteur de la Colonie.
/.6o. c-7?- Fulvius Flaccus fut nommé le sécond. Rubrius se nomma que le troisié-
74 7ï-
ne
me. Les Députez arrivèrent à Carthage; on nomma la nouvelle ville du
nom de Junonia, & Pon fut deux mois à en régler le plan. La crainte qu'on
eut que Gracchus ne voulût envoyer dans ce nouvel établissement, que des
gens devoüez à ses intérêts, engagea le Sénat, sous certains prétextes de re-
ligion, de rappeller les Commissaires, & de suspendre l'exécution de ce pro-
jet. Gracchus revint à Rome; mais il trouva que Livius avoit pris le dessus,
que
que le peuple étoit beaucoup revenu de ses préventions contre le Senat, &
que tout étoit disposé à élever au Consulat le même Opimius, que Gracchus
en avoit fait exclure l'année précédente. Il résolut donc de se faire conti-
nuër Tribun pour une troisiéme année, & pour se rendre plus populaire, &
se mettre plus à portée du peuple, il quitta sa maison qui étoit située sur le
mont Palatin, & vint loger au milieu de la plus vile populace, à l'extrémité
de la place publique.
Les Tribuns du peuple ses Collègues, jaloux de la trop grande autorité LXIV..
qu'il prenoit, & du peu de ménagement qu'il avoit pour eux, commencè- Brou'ille-'
ries de
rent à le regarder avec indifférence, & à chercher occasion de l'humilier. Quel- Gracchus
ques jours avant l'élection des nouveaux Tribuns du peuple, on devoit re- avec les
présenter à Rome un jeu de gladiateurs dans la place publique. Les Tribuns autres Tri-
pour faire plaisir à leurs amis, firent construire dans la place des estrades en buns du
forme d'Amphithéâtre, pour leur procurer le plaisir de voir le spe&acle avec peuple.
plus d'aisance. Gracchus s'en plaignit comme d'une entreprise qui alloit à Liv. 1.6o.
empêcher le .même peuple de voir les jeux & pendant la nuit il fit renver- c.tarch. go. Plu-
ser tous ces échaffauts, & nettoyer la place., Les Tribuns en furent extrême- Graeeb*
z'M

ment piquez, & dans la prochaine élection ils trouvérent moyen de l'ex-
clure du Tribunat, soit en ne rapportant pas fidélément le nombre de voix
qu'il avoit euës, ou en détournant le peuple de le choisir. Ainsi Gracchus
déchu de ses espérances, se vit réduit en l'état d'un simple particulier, & ex-
posé au ressentiment d'une infinité d'ennemis puissans qu'il s'étoit faits.
Pour comble de malheur L. Opimius son plus grand adversaire, & Q LXV.
Fabius Maximus furent élus Consuls. Tout à coup Gracchus se vit aban- L. Opimius;
donné de presque tous ceux qui lui avoient paru les plus dévouez. Fulvius & QJFa-
Flaccus & ses deux fils ne l'abandonnèrent jamais. Gracchus & lui partirent bius Ma*
de Rome, pour aller lever parmi les alliez six mille hommes de bonne x:mus
lonté, qui voulussent les suivre & établir leurs demeures à Carthage ou à vo- Consuls.
jti- An de R.
nonia. Pendant qu'ils étoient occupez a cette levée, on leur donna avis que 632. du M.
la Loy pour le rétablissement de Carthage alloit être abrogée. Ils accoururent 3^8?.avant
pour arrêter le coup, & la manière dont ils s'y prirent, acheva de les rendre J.C. Liv.
117.
1.61.
suspeéts. On crut qu ils avoient envie d'y établir
une espèce de Monarchie,
pour s y fortifier & s 'y maintenir. Gracchus parla du Senat d'une manière in-
fultante, disant qu 'il forgeait exprés des prodiges & des auspices contraires,,
pour avoir lieu d'empêcher un établissement avantageux à la République.
Le jour que le Conlul Opimius devoit abroger la Loy qui permtttoit le-
^
retablissement de Carthage, Fulvius & Gracchus se rendirent
au
LXVl
Capitole bien Opimills
accompagnez. Opimius offroit un sacrifice dans le temple de Jupiter. Un veut saire
de ses Licteurs nommé Antillius qui portoit les entrailles de la vidime, revoquer
m-
sulta Gracchus par un geite honteux. Un des domestiques de Gracchus le la Loy qui.
.1 tua de sa main. Ce coup affligea Gracchus. 11 descendit dans ia place publi- ordonnoit:
le rétaWif-
1 que pour s'en justifier , car on i'accusoit de l'avoir fait lui-même. Un orage sement del
j qui survint, dillipa l'assemblée; il ne trouva personnedans la place. Tout Cartha-gS:
ce-
la lui parut d'un mauvais augure. Il s'en retourna accablé de tristesse, & passa
la nuit dans de grandes inquiétudes. Le lendemain de trés-grand.
matin Opi-
mius
mius s'empara du Capitole par des troupes qu'il y envoya. Le Senat fut con-
voqué à la hâte. On apporta le cadavre d'Antillius. Le Consul exagtr.» le
crime commis sur son Lideur occupé à une fonction de religion. M. iÈmilius
Scaurus, qui opina le premier, fut d'avis qu'il falloit laisser au Consul tout le
soin de cette affaire. Opimius ordonna aux Chevaliers Romains de prendre
les armes & d'armer deux de leurs domestiques avec eux. Ils occupérent le
Capitole.
LXV1K FulviusFlaccus & les tiens aussi en armes, se rendirent maîtres du mont
Guerre in-
sestine Aventin. Gracchus malgré les priéres & les larmes de Licinia son Epaule,
dans Ro- s'y rendit aussi, mais en habit de ville, & n'ayant pour toutes armes qu'un
me. poignard caché sous sa robbe. Avant que de commencer une guerre civile,
on fut d'avis d'envoyer au Consul, pour tâcher d'entrer en négotiation. On
y députa le plus jeune des fils de Fulvius, âgé d'environ douze ans, qui étoit
d'une rare beauté, & qui avoit de l'esprit au dessus de son âge. Il parut devant
Opimius, le Caducée en main,& les bras enveloppez de bandelettes. Opi-
mius regarda cette ambasfjde comme une insulte qu'on vouloit luy faire,
& renvoya l'enfant en lui parlant avec douceur. Il revint, fit son rapport,
dit que le Consul demandoit que ceux qui l'avoient envoyé, se présentassent
eux-mêmes, & se soûmisTent au jugement du Senat. On dit que Gracchus s'oi-
frit d'y aller. Mais le peuple l'empêcha. Fulvius y renvoya une seconde Ibis
ion fils, & Opimius croyant que c'étoit pour le braver, envoya l'entant en
prison, & en même tems commanda à ses troupes de marcher contre Ils sé-
ditieux.
LXV} H. Le combat se donna au milieu de Rome avec l'animosité & l'ardeur que
Mort de la passion la plus violente peut inspirer. Deux cens cinquante Citoyens du
Fulvins &
de Grac- parti rebelle furent renversez par terre. Alors le Consul fit publier une amni-
chus. Plu- ilie pour tous ceux du peuple qui quitteroient les armes, & promit à ceux qui
tarch. in apporteroient les têtes de Gracchus ou de Fulvius, le pesant d'or de ces têtes.
Gracch. En un moment les mutins se retirérent, & les Chefs se trouvèrent abandonnez.
faiv. 1,61.
Fulvius avec son fils aînésesauva dans la maison d'un particulier de sa coilnoif-
sance, quile fit décéler par un autre Bourgeois. On lui coupa U tête & à son
fils.
Gracchus n'avoit point combattu. Il s'étoit retiré dans le temple de
Diane. Licinius son Beau-Frere & Pomponius qui ne le quittèrent point, lui
conseillérent desortir de Rome, & de palier le Tibre par le pontSublicius. A
ces mots il voulut se percer de son poignard. Ses amis lui retirèrent le bras.
Il déscendit avec eux, & arrivé au milieu de la ville, il demande un Chtval,
qu'on lui réfute. Il pa(Tehâtivement le pontSublicius. Ses deux amis pour
luidonner le loisir d'arriver en un lieu de seureté, arrêtent sur le pont l'impë-
tuosité de ceux quile poursuivent;mais ils[uccombent percez de mille coups.
Gracchus se jette dans un bois consacré à la Déesse Furinet& aussitôt il se fait
donner la mort par un de ses esclaves, qui ne l'abandonna jamais. Aprés quoy
l'esclave se perça luy-même, du même javelot dont il avoit percé son maitre.
LX/X. A l'inltant arrive dans ce bois la troupe qui le poursuivoit, & un Bour-
Suiteà de la geois se hâte de couper la tête à Gracchus, dans l'espérance d'en tirer la récom-
pense
pensepromise par le Consul, mais Levius Septitnuleïus, autrefois zélé parti- mort de
san de Gracchus, arrâcha la tête de Gracchus à ce Bourgeois, la prit lui- Gaïus
même & la porta au Consul. On dit que pour la rendre plus pésanùe, il y Gracchus.
fit couler du plomb. Il reçut pour recompense dix-sept Livres huit onces
pésant d'or, mais sa memoire fut en horreur parmi tous les honnêtes gens.
Le reste du Corps de Gracchus fut jetté dans le Tibre. 11 fut ensuite rendu
à Cornelie samère, qui racontoit avec auez d'indifference la mort de ses deux
fils, soit quel'âge Peut renduë moins sensible, ou que l'amour de la patrie
l'emportât sur la tendresse maternelle. Le peuple Romain ne réconnut l'ob-
ligation qu'il avoit aux Gracchus, qu'après leur mort. Il leur érigea des sta-
tuës, les honora comme des Divinitez, leur offrit des victimes, & institua
des fêtes en leur honneur.
Aprés la mort de Gracchus & de ses adhérans, le Sénat porta son atten- LXX.
tion à affoiblir & à annuller les Loys, qui avoient été portées à son désavan- Abroga-
tage. On commença par permettre aux pauvres de vendre la portion des hé- tion des
Loys de
ritages qu'on leur avoit ajugez. Ainsi les riches à peu de frais se remirent en Gracchus.
possèssion de ce que les Loys des Gracchus leur avoient fait perdre. Dans la Appianr.
fuite on supprima toutes les recherches faites pour la répartition des terres & Bell. Civil.
;
on contenta
se d'assigner une rédevance annuelle à ceux à qui ces terres avoient 1.1.
été données, payable par les anciens possesseurs. Enfin cette rédevance même
fut abrogée, & le peuple retomba dans son ancienne indigence.
Dans les Gaules après la réduction des Salyens le Proconsul Domitius LXX1.
iEnobarbus attaqua les Allobroges, qui habitoient entre ,
l'Isére & le Lac Guerre
Léman, ou le Lac de Généve. Et de peur que le Roy des Arvernes , les
ou des contre
Auvergnacs, ne se liguât avec les Allobroges, Domitius suscita contre le Roy Allobro-
des Auvergnacs, les Ediiens, qui sont les peuples des Evêchez d'Autun, de 1.61. ges .-Liv.
Châlons sur Saône, de Nevers & une partie de celui de Mâcon; ainsi il n'eut
affaire qu'aux Allobroges, & le motif de la guerre qu'il leur déclara, fut qu'ils
avptent donné retraite dans leurpays à Teutomale Roy des Salyens. Le Roy des
Ar\'ernes,nlécontentde l'alliance que les Edüens avoient saite avec les Romains,
envoya dans leur pays,& y commit des hostilitez. Les Eauens en portèrent
leurs plaintes au Proconsul, qui se disposa à attaquer les Allobroges & à péné-
trer jusqu'au pays des Auvergnacs. Le Roy de ces derniers peuples envoya
à Domitius un Ambassadeur, qui parut devant lui superbement vétu,
pagné de pluneurs grands Chiens, & ayant à ses côtez un Barde, Prêtre accom-
Gau-
lois, qui chanta en vers les louanges de son Roy, de son peuple & de l'Am-
bailadeur.
Le Proconsul ne fit nulle attention à tout cela. Il marcha contre les AI. LXXlh
lobroges, & arriva à Vindalie, ville aujourd'huy inconnue, & qui étoit située Victoire de
dans le confluent delaSorgne, & du Rhône. 11 livra la bataille aux -ennemis, Domitius
sur les Ar.
leur tua vingt mille hommes, & leur prit trois mille prisonniers. Biëntôtaprés lebrcges.
arriva de Rome le Consul Fabius, qui prit le commandement de l'armée. Bi- Liv 1.6
r.
tuite Roy des"Auvtrgnacs sentit que tout le poids de la guerre alloit tomber sur Vellti. Pa-
lui. 11 léve une armée de deux cens mille hommes, & marche à la défense terc Flor.
desAllobroges. Fabius n'avoit qu'environ trente mille hommes Domitius 1. 3. c. a.
Tom. 111, Iiii : (".
étoit
étoit demeuré auprés de lui. Les deux armées étoient séparées par le Rhône.
Le Roy Bituite fit palier ce fleuve à son armée, partie sur un pont bâti à la
hâte & posé sur des pilotis, & partie sur un pont de batteaux. Elle se ren-
dit dans les plaines qui sont vers l'embouchure de l'Isére. Ce terrain étoit
entrecoupé d.- fote z & de rochers, de hayes & de taillis, & par conséquent
peu propre à ranger en bataille une armée aussi nombreuse.
LXX11. Fabius avoit alors la fièvre. Le danger lui fit passer sur le sentiment de
nituiteRoy la maladie. Il rangea son armée en bataille, & sans attendre que toute l'armée
des Anvcr- Gauloise fût passée, il donna sur elle & la fonça. Les Gaulois regagnèrent
gnacs est
conduit à comme ils purent leurs ponts ; mais celui quin'étoit compote que de batteaux
Rome. attachez par des chaines de fer, fut rompu & coulé à fond; pluiieurs milliers
de Gaulois furent noyez; ils perdirent dans cette action jusqu'à six vingt mille
hommes. Bituite qui avoit crû qu'il n'y auroit pas assez de Romains, pour
les chiens qui suivoient son armée, fut invité parDomitius à venir dans la ten-
te de Fabius, qui dépuis l'éleétion des Consuls, qui s'étoit faite, n'étoit plus
que Proconsul;lui promettant que sa présence pourroit lui procurer des con-
ditions de paix plus avantageuses ; Bituite le crut, & s'y rendit: mais lePro-
cônsullui dit, qu'il n'y avoit point d'autre parti à prendre, que d'aller lui-même
à Rome,pour implorer la clémence du Sénat. Ce Roy eut beau réclamer la ju-
stice & la bonne foy, il fut conduit à Marseille & delà à Rome. Les Allo-
broges & les Arvernes demeurèrent soûmis aux Romains, mais sans payer au-
cun tribut. Domitius & Fabius érigérent dans le pays vaincu des trophées
de pierres; chose nouvelle parmi les Généraux Romains.. Bituite se plaignit
à Rome devant le Senat, comme il avoit fait dans les Gaules, du violement
de la bonne foy & du droit des gens. On n'écouta point ses plaintes. Il parut
dans la pompe du triomphe de Fabius,monté sur son chariot de bataille, qui
étoit orné d'argent, à la manière des Roys Gaulois. Son fils Congentiate fut
amené àROllle& élevé dans cette ville à la manière des Romains, à qui il de-
meura toujours dépuis fort attaché. Pour le Roy Bituite,on lui assigna pour
demeure la ville d'Albe, où il passa le reste de ses jours dans une honnête li-
berté.
LXXIV- Les nouveaux Consuls furent Publius Manilius, & C. Papirius Carbo.
P. Manilius Les troubles causez par la fadion de Caïus Gracchus, & de Fulvius Flaccus,
& G. Papi-
litis Carho
étoient appaisez, & le calme paroissoit rendu à la République. Les Tribuns
Co n sui s. du peuple avoient beaucoup perdu de leur autorité, & il étoit malaisé de la
An de R. rétablir. Decius Mus entreprit toutefois de le faire par une aftion d'éclat. Il
63?. du M. cita Opimius cy-devant Consul, en présence du peuple pour se justisier de
e984 avant ,
qu'il avoit fait dans la journée, où Fulvius & Gracchus furent mairacrez, &
J.C. 1.6. ce
Liv./.61. où il y eut un si grand nombre de Citoyens mis à mort sur le mont Aventin;
e. 4 9, on en comptoit jusqu'à trois mille. On l'accusoit de plus d'en avoir empri-
sonné plusieurs, & d'en avoir condamné quelqu'uns à la mort, sans attendre
que le peuple eût prononcé l'arrêt.
LXXV. Papirius Carbo cy-devant zéié défenseur des Gracchus, étoit alors Con-
Papirius sul & dans des sentimens bien différens de ceux où il étoit autrefois. Il se
Carbo de- chargea de parler Opimius, & il le fit avec tant de succés & de bonheur,
fend le pour
1,
qu'Opi-
qu'Opimius fut déclaré absoû par le peuple assemblé. Ainsi la pafx fut ren- Consul
due à la République. L'éledion desConsuls se fit tranquilement. Q,Caecilius Op!mms. LXXVI.
Metèllus & L. Aurelius Cotta furent choisis. Le premier marcha contre les Q^CacclHus
Selgestans qui s'étoient révoltez, & Cotta fut destiné à gouverner cette partie Metellus
desGaules qu'on avoit assujettie. Les Selgeftans furent aisément réduits au & L. Aure-
,devoir; mais Metellus pour mériter le triomphe, attaqua lesDalmates, qui Consuls lins Cotta
n'avoient nulle envie de faire la guerre, & fut reçu dans leur pays sans An de R.
combat. 654 du M.
Papirius qui avoit défendu Opimius, ne fut pas plutôt sorti du Consu- ?8S4 avant
lat, qu'il fut attaqué par L. Crassus, jeune Orateur, qui devint dans la suite J. C.116.
très-fameux & dont Ciceron a souvent parlé avec éloge. Crassus l'accusoit Guerre les
d'avoir ,
excité TiberiusGracchus contre
à demander le Tribunat pour une seconde Dalmates
10.
année, 2°. d'en avoir porté la Loy, pendant qu'il étoit Tribun; 30. d'avoir & les Sel-
été au moins complice de la mort de Scipion iEmilianus le sécond Africain. gestans.
Pendant que Crassus cherchoit des preuves de ces accusations, un esclave de Papirius LXXVIl.
Papirius vint lui apporter la cassette,où les papiers les plus secrets de son maî- Carbo ac-
tre étoient renfermez. Crassus eut horreur de cette trahison. Il renvoya l'e- cu curépar L.
sclave à Papirius avec la cassette cachetée. Il parla contre son adversaire avec CraÍfús Sa
tant d'éloquence,& fournit tant de preuves de ce qu'il avançoit, que Papirius 1.61. mort. Liv.
ou s'exila volontairement sélon les uns, ou se fit mourir en prenant les Can- LXXVllI.
tharides. Marius
CaïusMarius, dont il sera souvent parlé dans la suite, parvint cette an- Tribun du
née au Tribunat. C'étoit un homme d'une naissance obscure, né dans le pays peuple.
des Arpinates, d'un naturel féroce. L'éducation & la fréquentation des ar- Son cara-
&ére. An
mées l'avoient rendu impoli, hardi, entreprenant, intrépide, inflexible. Le du M. 884*
Grand Scipion iEmilianus, qui l'avoit dans son armée devantNumance, avoit Liv. 1.61.
pronostiqué qu'il deviendroit quelque jour un des plus grands Généraux de C.7g.79.
la République. Il exerça la charge de Tribun du peuple avec la même in-
trépidité, qu'il avoit fait les charges militaires, où il avoit été employé. Il
entreprit de faire retrécir les ponts que les Tribus des Romains traversoient
pour aller dans les enclos 011 elles donnoient leurs suffrages. Marius préten-
doit que les riches & les ambitieux plaçoient sur ces ponts des gens de leur
fJétion, qui corrompoient le peuple, à mesure qu'il passoit pour aller aux opi-
nions. Le Consul Cotta s'y opposa, & cita Marius à comparoître devant le
Senat. Marius comparut, tk. le Consul menaça de le faire arrêter, s'il ne re-
voquoit son decret. Metellus Président du Senat se joignit à Cotta, & opina
en sa faveur. Marius ordonna à un de sesHuiiliers de saisir le Consul, & de le
conduire en prison. Ainsi Marius l'emporta,& sa Loy fut ratifiée même par le
Senat. Un Tribun du peuple l'on Collégue avoit proposéde distribuër au peu-
ple indigent une certaine quantité de grains. Marius crut la chose préjudi-
ciable au trésor; il s'y opposa, & la Loy ne passa pas. Tel étoit Marius, qui
fera cy-aprés une si grande figure dans l'Histoire.
Peu de tems aprés Rome changea de Consuls, &choisitM.PorciusCato, LXXiX.
petit-fils de Caton le Censeur, né de sa première femme, & Q. 1\larcius Rex. M. Porcius
J
L'Afrique commençoit alors à être troublée par ugurtha,dont 011 a parlé cy Marcius
Cato &
Rex, Con- devant, & qui se trouva avec Scipion & Marius au siége de Numance. Il
suls. An de faut reprendre son Histoire d'un peu plus loin. LVlailinissa Roy de Numidie
Rome 6?1. laissa trois fils Manastabal, Micipsa- &Gulu1sa, qui possédérent le Royaume
duM.?88ç. Pere sans le partager, & vécurent toujours en bonne inrelligence. Mi-
avantJ.C. de leur
1iç. cipsa survécut à ses deux treres. Manastabal laissa deux fils naturels, qui tu-
JJv l 6 2. rent Jugurtha & Gauda.. L'autre frere Gulussa laissa aussi un fils naturel, qui
Sal/uli Beli, futIVhfIiva. Tous
ffugurtbin. ces enfans,n'étant pas nez en légitime mariage, ne pou-
Commen- voient
prétendre à la couronne. Micipia eut deux fils légitimes seuls Héri-
cement de tiers du Royaume. Cependant par affédion pour son frere Manan-abal, le
Juguaha. Roy Micipsa fit éléver Jugurtha dans son Palais avec les Princes ses entans.
Jugurtha parla supériorité de son genie, & parles heureuses dispositionsqu'il
.

avoit reçues de la nature, pritl'ascendant sar les fils du Roy, & les surpassa
de beaucoup dans tous les exercices propres à leur âge & à leur condition.
LXXX. Micipta en conçut de la jalousie, & envoya Jugurtha auprés de Scipion
Jugurtha iEmilianus au siége de Numance, comptant que sa valeur & la vivacité de sa
estenvoyé jeunessele porteroient à s'exposer, & délivreroient la famille Royale d'un dan-
en Espagne Princes ses deux fils. Jugurtha trouva le secret
auprès de gereux Concurrent pour les
Scipion de plaire à Scipion & à tous les jeunes Officiers Romains, qui lui inspirérent
Æmilia- de longer au Royaume de Numidie,& lui promirent du secours & de la pro-
nus. tection. Il revint en Numidie avec des lettres de Scipion, qui lui faisoient
beaucoup d'honneur, &rendoient témoignage à sa valeur & à sa sa,-,esse. Ju-
gurtha conçut dez-lors le dessein ambitieux de règner. Il ménagea l'elprit
du Roy Ivlicipsa, reprima les saillies de sa jeunette, respecta les Princes en-
fans du Roy,& effaça tous les soupçons de ce bon Prince, qui trois ans avant
sa mort l'adopta & le mit par ce moïen en état de posséder au moins une par-
tie de son Royaume. Il 1110urut quelque tems après, & en mourant recom-
manda à ses fils, & sur tout à Jugurtha qui étoit l'aîné, l'union & la con-
corde.
LXXXI. Quelques jours aprés la mort de l\1icipsa, les trois frères s'étnntassemblez
Division régler les affaires de la succession & celles du nouveau Gouvernement,
domesti- pour
entre
Jugurtha comme l'aîné prit la place du milieu & s'assit sur le Trône Royal.
que
les trois fils Hienlps,ll le plus jeune en fut offensé, & alla s'asseoir à côté d'Adherbal son
de Micipfa. tlÎrJé, pour lui donner la place du milieu qui étoit celle d'honneur. Mais
Adherbal plus pacifique, lui persuada de se mettre à la gauche de Jugurtha.
Celui-ci commença par proposer de casser tous les édits & ordonnances que
le feu Roy avoit publiées dépuis cinq ans. Hiempsal répliqua avec vivacité:
il faut donc commencer par casser l'ade de vôtre adoption, que mon Pere
n'a fait que durant sa prétendue imbécillité. Ces paroles réduisireat Jugurtha
au silence* & piqué au vif, ilrésolut dés-lors de tàire périr sans éclatun jeune
Prince capable de traverser ses projets. Aprés cela chacun des trois freres
mit sa principale application à s'emparer de l'argent du Roy, qui étoit dépoté
en differens endroits du Royaume. Hiempfal se rendit en diligence à 1 hir-
mida, où l'on disoit qu'étoit la meilleure partie des richesses du feu Roy.
LXXXiI. Jugurtha l'y suivit, lui livra la bataille & lui fit perdre la vie. D'autres
Mort après lui un alsalfm, qui entra dans la niaisoti
.tiennent que Jugurtha envoya
ailfficmp-Li où
où étoit Hiempsai, & fit main basse sur tous ceux qu'il y trouva. Le jeune Fier. Livl
Prince se sauva dans une misérable Chaumière, où il fut mis à mort à la fleur Sak'uji.
de ion âge,& regretté de toute la Numidie. Ce Royaume se trouva alors
partagé entre deux partis. Les esprits ambitieux & turbulens embrassérent
celui de Jugurtha, les plus pacifiques s'attachérent à Adherbal. Celui-ci com-
prit aisément que contre un Concurrent comme étoit Jugurtha, il lui seroit
impossible de se soûtenir, sans la protection de Rome. 11 envoya la deman-
dc:r, & exposa au Senat la manière dont Hiempsal avoit été assassiné. En at-
tendant le retour de ses Ambassadeurs, il leva quelques troupes pour résister
à Jugurtha, qui plus hardi & plus expérimenté prit des villes de force, en
reçut d'autres à composition, & se rendit maitre de la plus grande partie du
Royaume de Numidie.
Ce fut vers ce tems-la, & peut-être un peu auparavant, que le Consul LXXXIII.
1\1. Porcius Cato fut envoyé en Afrique, pour observer les démarches de Ju-
M. Porcius
Caton est
gurthi. Il y passi quelques mois, & sa mort l'empêcha de faire son rapport envoyé ea
au Sénat de l'état où il avoit trouvé les choies dans le Royaume de Numidie. Afrique.
Quant au Consul Marcius son Collègue, il marcha dans la Gaule Transalpine, lxxxiv.
& contint les peuples subjuguez dans l'obéïssance. 11 forma dez lors le pro- Metellus
l. Gæcilius
jet de passer le Rhône, & de fraïer une route aux Romains dépuis les Alpes & Q. Mu-
jusqu'aux Pyrénées; mais il ne l'exécuta que l'année suivante, & aprés la cius S en-
nouvelle élection des Consuls, qui tomba sur L. Caecilius Metellus & Q. lVlu- vola Con-
fuis. An de
cius Scxvo!a, dont toute l'occupation se borna à soutenir ce que le Procon- R,
626. du
sul Marcius avoit fait dans les Gaules. Il y avoit vaincu les peuples des Cé- M. g886.
vénes & du Gevaudan, qui défendirent leur vie & leur liberté avec une fé- avantJ. C.
rocité & un courage, qui étonnérent les Romains. Ils se donnèrent la mort, 114.
aprés s'être défendu jusqu'à l'extrémité. Ils mirent le feu à leurs maisons, &
aprés avoir tué leurs femmes & leurs enfans, ils sejettérent eux-mêmes dans les
flammes.
Pour tenir en bride une nation si fiére & si peu touchée de l'amour de LXXXV.
la vie, parcequ'elle en attendoÍtune autre aprés celle-.cy Marcius obtint du Fondation
de Colo-
Senat & du peuple Romain, d'établir une Colonie au lieu, où est aujourd'huy nie iade Nar-
Narbonne. Cette ville futconsidérable dez son commencement,& servit d'en- bOllne.
trepos aux armées Romaines, qu'on fit dans la suite passer plus aisément par
terre d'Italie en Espagne, & d'Espagne en Italie, qu'on ne l'avoit fait aupa";
ravant par mer.
On procéda l'année suivante à une nouvelle éledion des Consuls, Lxxxyi,
qui furent C. Licinius Geta, & Q. Fabius Eburnus. La même année est re- C. Licinius
marquable par la promotion de Marius à la Préture. Geta, & Q;
Pour y parvenir, il fit Fabius
entrer dans l'enclos même où les Tribus assemblées donnoient leurs voix, l'e- Eburnus
sclave d'un Senateur nommé Cassius Sabacon, qui par argent ou parpromet- COf1[uls.
ses gagna les sufïbges du peuple. Les Concurrens de Marius l'accusérent An (le: R.
d'être entré dans l'employ de Préteur par une voïe indigne. Sabacon inter- 6;7 du M.
rogé sur le fait de son esclave, répondit qu'il l'avoit fait entrer avec lui pour J3887 avaiit
C.rtg..
lui donner a boire dans la toit' dont il étoit pressé. L'excuse bonne ou mau- Marius
j vasse parut suffiiknte pour faire renvoyer Marius absoû; mais Sabacon n'évita PléUUE.
pas la peine de son action. Les Censeurs le retranchérent de la lifte des Séna-
teurs. Cependant Marius s'acquitta sans reproche de l'on employ de Préteur,
& l'année suivante il mérita d'être envoyé Gouverneur dans l'r.spaglle ulté-
rieure, où il aquit de la gloire par la voïe des armes.
1...YXXV!T. L'année suivante eut pour Consuls M. Æmilius Scaurus & L. Cecilius
M./Emilius Metellus. Scaurus étoit sorti d'une branche de la famille iEmilia ; mais son
Scaurus Se Pere étoit tombé dans une telle indigence, qu'il s'étoit vÚ réduit à exercer le
L. Cecilius né avec de grandes dispositions pour l'éloquen-
Metellus métier de Charbonnier. Le fils
Consuls. ce & pour la guerre, s'aquit beaucoup d'honneur & de réputation dans l'une
An de R. & dans l'autre, & enfin parvint par dégrez jusqu'au Consulat. Il lçut en soû-
<5? 8*
rju M. tenir la dignité contre
un Préteur insolent, qui ne lui avoit pas voulu céder
g 8 8 g. avant le Ses Licteurs obligèrent le Préteur de se mettre à pied
JC. 112. pas dans la ruë. ,
JLiv. /. 62. brisérent sa chaise curule & lui dechirérent ses habits. Le Consul interdit le
Préteur des fondions de sa charge, & défendit aux plaideurs de porter leurs
causes pardevant lui; pour comble d'honneur, il fut nommé Prince du Se-
nat par les Censeurs Metellus & Domitius.
LYXXVIIT.
Les deux Consuls tirèrent au sort pour leur département. Metellus fut
Belles envoyé en Sardaigne, d'où il ne revint que deux ans aprés pour triompher.
aftions de Scaurus fut destiné par le sort pour passer dans la Gaule Transalpine. Il y
Scaurus en fit la
Gaule &
L
guerre à des peuples aujourd'huy inconnus. A peine sait-on comme ils
italie. se nommoient. Les uns les appellent Carnes & les autres Gentriques. Aprés
en
cette expédition il repassa les Alpes, & occupa ses troupes à faire des chemins
praticables dépuis le port de Lune jusqu'à Dortone, & à creuser des canaux
pour recevoir les eaux, dépuis Plaisance jusqu'à Parme.
Les troubles continuoient cependant en Afrique. Adherbal s'étoit rendu
LXXXtX.
Jugurtha a Rome. Jugurtha
favoriié à sommes
y envoya des Ambassadeurs, à qui il donna de grandes
ordre de les distribuër aux Senateurs, qu'il croyoit les plus pro-
Rome. avec
Liv. 1. 62. pres à soûtenir ses
intérêts. Adherbal parut au Senat & y exposa ses raisons;
Saiïujt. Bell elles étoient sensibles, & les violences de Jugurtha n'étoient pas douteuses.
ffugurth. . Cependant la faveur & l'argent de ce dernier l'emportèrent, & malgré les
faisons de M.Scaurus Prince du Senat, il fut ordonné qu'on nommeroit dix
Commissaires qui pafleroient en Afrique, & partageroient le Royaume de Mi-
cipsa entre Adherbal & Jugurtha. Celui-ci sçut encore corrompre les Com-
miffaires, qui lui ajugérent la partie la plus peuplée & la plus fertile de laNu-
midie, c'est-à dire, la Numidie Occidentale. Adherbal eut la partie Orien-
tale qui étoit la plus ornée, la plus abondante en ports, mais la moins riche.
Il s'en contenta & ne songea plus qu'à y vivre en paix. Mais Jugurtha le
troubla bientôt, comme nous le verrons dans la suite.
XC. Ptolémée Evergétes ou Physcon Roy d'Egypte mourut l'an du monde
Mort de 3887. aprés vingt-neuf ans de régne; il laissa trois enfans, savoir,un fils natu-
Ptolémée nommé Ptolémée Apion, auquel il légua le Royaume de Cyréne, & deux
Evergétes, rel
l'hy fils légitimes nez de Cléopatre sa niéce & sonEpouse, fille d'une autre Cléo-
ou
scon. An dia patre sa sœur & aussi son Epouse. Le premier se nommoit Alexandre,& le sécond

M- ?S87. Ptolémée Lathure, ou Soter, ou Philométor, car on lui donne tous cessurnoms, *
avantj. C.
non à la fois, mais les uns lui en donnent un, & les autres un autre. Physcon
il?» en
mourant laissa la regence du Royaume à sa femme, & à celui de ses fils I.?
en
qu'elle voudroit choisir. Cléopatre préféra Alexandre, qui étoit le cadet, Liv.
1. 62.
té- Vide Ujjtr.
dans l'esperance qu'il lui seroit plus sournis. Mais le peuple d'Alexandrie ad hune
moigna tant de répugnance le à soumettre au cadet, qu'elle fut obligée de arinum.
rappeller l^îné, qu'elle avoit fait comme reléguer en Cypre, par le feu Roy An du M.
Physcon & de le mettre sur le Trône. Elle règna avec lui pendant dix ans. 3888.
que de lui donner le Royaume, elle l'obligea de répudier femme
Mais avant , sa
Cléopatre qui étoit aussi sa sœur, & d'épouser sa cadette nommée Seléne.
Dans, l'intervalle on choisit pour Consuis1\1. Acilius Balbus, & C. Porcius M. XCÏ. AciMm
Cato, qui étoit petit-fils de Caton le Censeur, & fils de Marcus Cato & d'E- Balbus &
milie sœur de Paul Emile. Le sort assigna pour département l'Italie à Bal- C. po:cius
bus & la Macédoine à Caton. Les ennemis qu'il avoit à y combattre, étoient Cato Con-
,
les Scordisques, peuples Gaulois d'origine, qui s'étoient établis dans la Thra- sais. An du de
la Macédoine, & commettoient mille brigandages. R. 639.
ce, & qui infestoient y M. ,88&.
Porcius Caton mena contre eux une armée Consulaire. Les ennemis l'attirè-
avanc J.G.
environné pré-
rent dans un terrain sensé de rochers, coupé de forêts & de 112. Liv.
cipices, & défirent son armée d'une maniére si absoluë, qu'il n'en échappa 1,Guerre 6l.
presque aucun. Caton eut beaucoup de peine de se sauver. Les Scordisques contre les
vidorieux pénétrérent en Macédoine, & delà dans laThessalie, & se répan- Scordif.
dirent jusques sur les bords de la mer Adriatique. Ne pouvant aller plus loin, ques. Flor.
ils déchargèrent leur colére sur la mer qui bornoit leur course , & lancérent 1. ?. c. 3.
Epitome.
contre elle une grèle de javelots. Liv, /. 62.
Titus Didius, qui gouvernoit l'Illyrie en qualité de Préteur, informe Diodoro.
des dégâts que les Scordisques faisoient dans sa Province, rassemble promte- Sicul. apud
ment sa Légion, & y joignit quelques autres troupes du pays, surprit les en- Ru/us. Vahj. Sext.
nemis les vainquit & les repoussa jusques sur les rives du Danube. Didius JCCll
obtint , sans peine l'honneur du triomphe. Pour Caton, il fut condamné com- Titus Di-
me concuffionaire, pour avoir reçu, étant en Macédoine,nôtre une somme de qua- dius re-
tre mille sesterces, c'est-à dire,environ 2250.Livres de monnoye.&re- pousse les
légué à Tarragone en Espagne, où il fixa sa demeure pour toujours. On at- Scordif-
tribÜa les guerres des Scordisques, & les autres guerres, dont Rome étoit cjul. ques.
Obfeq.
menacée, au sacrilége de trois Vestales, qui convaincues d'impudicité, furent c. 97. de
condamnées à être enfouies toutes vivantes, & leurs Complices à expirer sous prodig. alii.
les coups de fouëts.
Dans la Chersonésé Cimbrique, nommée aujourd'huy le Jutland, ha- XCIII.
bitaient des peuples barbares, descendus des Cimnieriens Asiatiques. Ces Irruption. des Cim-
peuples résolus de chercher un meilleur pays, se joignirent aux Teutons, bres (& des
qui demeuroient au voisinage; & vinrent tomber sur les Boïens, ou les Ba- Teutons.
varois, qui habitoient aux environs dela fotêt Hercinie. Les Boïens leurré- Liv. Epi-
siflérent & les chassérent de leurs terres. Delà les Cimbres se rabattirent sur tom. I. 6 ?.
Plutarc h.
les Scordisques, que Didius avoit repoussez sur le Danube. Comme il n'y in Mario
| avoit rien à gagner dans ce pays, ils s'avancèrent jusques dans la Vindelicie, p. 4JJ. y
qui comprend la haute Bavière, une partie du Tyrol, & une partie des Evé-
chez de Consiance &dePaflau; ils y commirent de grands ravages, & répan-
dirent l'effroy jusques dans l'Italie,
\ On
xciv. Oh étoit dans ces dispositions, lorsqu'on élut pour Consuls Q_ Caecilius
QXecilius Metellus, & Cneïus Papirius Carbo. Celui-ci eut pour département l'Illy-
Metelius & rie, où il devoit attendre les Cimbres & les Teutons; Metellus fut deltiné
Cnei. Papi- faire la guerre aux Scordisques en Macédoine. 11 poussa ces peuples &
rius Carbo pour
Consuls. les affaiblit tellement par divers combats, qu'il les mit hors d'état de faire des
An de R. courses suries terres des Romains. Ses troupes lui donnèrent le nom d'im.
640. du M. ptrator, c'est-à dire de Général, & Rome lui accorda l'honneur du triomphe.
38R. avant Le Consul Papirius vint camper à Noseïa ville de Carinthie, à quelque
J C. III.
Liv. Epi- distance d'Aquilée. Il y attendit les Cimbres, qui parurent dans les campa-
tom. 1. 6;. gnes des Norisques, qui comprenoient une partie de la Baviere, la haute Au-
triche, la Carinthie & la Stirie, & y exercérent leurs brigandages accoutu-
mez. Papirius envoya denoncer au Général des Cimbres qu'il éût à faire ces-
fer ses hostilitez, contre une nation qui étoit sous la protection des Romains.
Les Chefs des Cimbres répondirent que par respcd pour le nom Romain,
dont les conquêtes ne leur étoient pas inconnues, ils vouloient bien épargner
les peuples qu'ils protégeoient, mais que cela ne les empêcheroit point de
porter la guerre dans les contrées de Germanie, qui n'avoient nul rapport
aqx Romains. Papirius feignit de se contenter des promesses des Cimbres,
mais il corrompit les guides qui les devoient conduire, & les fit amener dans
la plainede Noseïa, où il étoit campé avec son armée.
XCV. Les Cimbres qui ne se defioient de rien, se reposérenttranquilement,&
Papirius se campèrent à leur manière, & sans retranchement dans cet endroit. Comme
Carbo est ils dormoient, Papirius les enveloppa & les fit charger
par ses Légions. Les
vaincu par
le s Cim- Cimbres courent aux armes & défendent endésesperez. Ils firent plier les
bres. Légions & les mirent en désordre. Le soldat Romain se jetta dans les forêts
voisines, & on fut trois jours à les rassembler. Les Cimbres ne sçurent pas
profiter de leur viCtoire; on croyoit qu'ils alloient inonder l'Italie. Rome
étoit dans la consternation. Ils prirent le che.l11in de la Suisse & de la Gaule
Transalpine, qu'ils remplirent de fraïeur, de désolation & de carnage.
XCVI. Sous les Consuls Livius Drusus & L. Calpurnius Piso, la République
M. Livius fit la guerre aux Scordisques, peuples d'Illyrie ou de Thrace, dont on a déjà
D ru sus & parlé. Drusus fut destiné à leur faire la guerre. Dez que ce Consul parut
L. Calpur- sur la Save, les Barbares désespérant de pouvoir résister Romains, se ré-
nius Piso aux
Confuts. tirérent partie volontairement & partie par force, au-delà du Danube, où ils
./-.n de R. demeurèrent toujours dépuis. Drusus de retour à Rome, y mérita les hon-
64 - du M. neurs du triomphe.
1

g8?o.avant Rome jouïssoit d'unetranquilité parfaite, tant au dedans qu'au dehors;


J.C. ltOp
Guerre le seul Jugurtha lui donnoit quelque inquiétude. A peine les Commissaires
contre les qui avoient été envoyez en Afrique pour pacifier les deux freres, s'étoknt
Scordif- rembarquez pour revenir à Rome, que Jugurtha sè mit à faire des préparatifs
ques. Liv. qui rendirent sa bonne foy suspecte. Il porta ses armes sur les frontières du
I. 6?, Adherbal, & chercha à l'engager dans un combat;
XCV IL Royaume de son frere
Jugurtha mais Adherbal se contenta d'envoyer à son frere une ambassade, pour se plain-
fait la guer- dre à lui-même de son procédé. Ils y furent mal reçus, & revinrent sans avoir
re à son fre- rien fait. Adherbal porta ses plaintes à Rome. Jugurtha s'en mit peu en
re Adher- peine,
bal,
peine, comptant de gagner les Senateurs à force d'argent. Il entre sur les ter- Livii Epi-
res d'Adherbal, & vient camper au voisinagc de Cirtha, Capitale de Numidie. SaUuft
tom. 1. 6?.
Ben,
Adherbal pousse à bout rassemble ses troupes, & paroit sur le soir à portée de
l'ennemi, & y fortisie son camp. Jugurtha l'attaque au milieu de la nuit, ffugurth.
force les retranchemens & diilipe. son armée. Adherbal se sauva dans Cir-
tha sa Capitale, à la faveur des tenèbres, & avec le secours de quelques sol-
dats Italiens qu'il avoit à sa solde.
La ville en même tems fut investie & aŒégée. Rome informée de l'en- XCVlll.
treprise de Jugurtha, envoya pour Commissaires en Afrique trois jeunes Ma- Siège de
giltrats, qui lurent chargez d'ordonner aux deux Roys de faire cesser les ho- Cirtha.
itilitez. Jugurtha répondit, qu'il éeoit seur d'être approuvé des plus anciens Liv. Epi-
tom. 1. 164.
du Sénat; qu'il ne faisoit la guerre à Adherbal, que pour prévenir les mau- Haflújt. Bells,
vais devins qu'il avoit formez contre sa vie. Pour Adherbal, les Commit ffugurtb.
saires ne purent lui parler, parcequ'il étoit enfermé dans la ville de Cirtha.
Ils s'en retournérent sans avoir rien opéré, & les hostilitez continuèrent.
Jugurtha résolut d'affamer la place,l'enveloppa d'un large fossé, de remparts
& de redoutes, & contraignit Adherbal d'envoyer à Rome donner avis de l'état
ou il le trou voit.
Le Senat fut partagé de sentimens. Les plus sages & les plus zelez pour jccix.
l'amour de la justice, étoient d'avis d'envoyer sur le champ une armée en Députa-
Afrique contre Jugurtha; d'autres, de lui faire son procès comme rébelle aux tion des
ordres du Sénat. Le plu.; grand nombre.qui avoit été gagné par l'argent de Commiffai.
Jugurtha, l'emporta & fut d'avis d'envoyer en Afrique une nouvelle aml-,a-fsa- res en
Afrique. '
de, à la tête de laquelle seroit Scaurus Président du Senat. Les Commiflai- SaUuft. de
Beilo :lu-
res arrivez à Utique, envoyèrent sommer Jugurtha de venir en leur présence gurth.
pour rendre compte de sa conduite. Cet ordre l'embarassa. Il prit la réso-
lution de donner un asskutgénéral à Cirtha, & de tenter d'emporter la place,
avant que de comparoître. Il donna l'assaut, mais il fut repoussé, & con-
traint de se présenter devantScaurus. Ce Prince du Sénat fit d'abord de grands
reproches à Jugurtha, & lui parla avec véhémence des attentats qu'il avoit
commis, en donnant la mort à un de ses freres, & voulant faire périr l'autre
par famine. Jugurtha avoit sait couler l'or & l'argent dans les tentes des Dé-
putez. Il fut écouté paisiblement dans ses justifications, & les Commissaires
retournérent à Rome, sans avoir rien fait en faveur d'Adherbal, qui fut ensin
obligé de livrer Cirtha à son ennemi, à condition que lui & ses soldats auroient
la vie sauve.
Jugurtha signa le traité, mais n'en observa aucun article. Les solda's, C.
la Bourgeoisie, les marchans mêmes, qui se trouvèrent dans Cirtha, furent Adherbal
mis à mort. Le Roy Adherbal aprés divers supplices éprouva le même sort. est misr à
Le Senat Romain en reçut bientot la nouvelle, & en frémit d'horreur. Les mort par
Jugurtha.
partisans de Jugurtha firent ce qu'ils purent pour extenuër l'horreur de son Sal'uji. de
adion. 11 fallut que la commune se déclarât pour faire agir le Senat Les cris Bello gu-
des citoyens & les déclamations deCaïus Memmius un des Tribuns du peuple gurth. Liv.
obligérent les Senateurs à rendre un Décret,portant que l'un des Consuls qui 1. 6 4.
seroit élu, auroit la Numidie pour département & y porterait la Ruerrc"
Cl. En effet on élut pour Consuls Publius Cornélius Scipio Nasica, & L.Cal-
P. Corné- purnius Piso surnommé Bestia: Ce dernier fut destiné à passer en Afrique, &
lius Scipio Nasica eut l'Italie pour son département. Bestia sit ses préparatifs, &Jugur—
Kafica, & tha informé de
L.Ca'pur- ce qui se passoit à Rome; y envoya son fils & deux de ses con-
J1ius Piso fidens, avec ordre d'y repandre l'or à pleines mains, sachant par une longue
Bestia Con- expérience que tout étoit venal à Rome. Le Consul Bestia craignant qu'ils ne
suls. An de réüssissc-nt à faire révoquer les ordres.qu'il ayoit de faire la
Rome 642. eut assez de crédit pour faire donner guerre en Numidie,
duM.3891. Prince de Numidie à sa un Décret du Sénat , qui ordonnoit au
avant J. G. & suite de sortir de l'Italie dans dix jours, & défense
109. d'entrer dans Rome, à moins qu'ils n'eussent une commission expresse de re-
Commen- mettre le Roy Jugurtha & tous ses Etats à la République, sans aucune limita-
cement de tion. Sur leur réfus, ils furent obligez de se retirer, & le Consul partit bien-
la guerre tôt aprés
des Ro- pour la Numidie.
mains con- -Sa passion dominante étoit l'argent; il se flattaitde trouver en Numidie
tre Jugur- de quoy satisfaire pleinement son avidité. Scaurus Prince du Sénat, qui sous
tha. une apparence de désintéressement cachoit une grande avarice lui parut pro-
SjUuJI de ,
le seconder & l'appuyer dans le dessein de dépouiller ce riche
Bello tfu- pre pour Royaume.
gurth. Liv. Il l'engagea à l'accompagner en Afrique. Ils y arrivérent & commencèrentla
i. 64. guerre avec beaucoup de vivacité. Jugurtha demanda une entreveuë, & l'ob-
CIl. tint.. Il connoissoit le caraftére avare de Scaurus, & ne doutait point qu*il ne .
Scaurus ac- pût aussi venir à bout de Bestia. Il se rendit au camp des Romains,
compagne
gagner
Bestia en & ne s'expliqua en public qu'assez supersiciellement. Mais dans les entretiens
Afrique. secréts qu'il eut avec Bestia & Scaurus, il fit ses conditions aussi avantageuÍes
Liv. é5 sai- qu'il voulut, moyennant les sommes qu'il leur promit, ou qu'il leur donna.
ïuji. Le Consul fit entendre aux Officiers Généraux, que Jugurtha se remettoit à la
discrétion de la République; & dressa les articles du traité. On se contenta
d'exiger du Roy qu'il donneroit trente Eléphans, certaine quantité deB^stiaux
& de Chevaux, & une somme d'argent assez modique.
Clll. Dez-qu'on eut publié les articles du traité, tout le monde en murmura;
Articles du le respedt que le Senat avúit pourScaurus, le retint & empêcha qu'on ne
traité avec caffâtun
Jugurtha ouvrage si peu honorable, & un traité passé sans la participation
du peuple Romain. Cependant le Consul Nasica étant décédé, Bestia fut ob-
' vez par le 'l,igé de se rendre à Rome pour y prJési?er à l'élection des nouveaux Consuls.
défapprou-
Sénat. Scaurus revint avec lui; tous deux étoient fort contents de leur voyage, par-
cequ'ils s'étoient enrichis des largesses de Jugurtha.
CiV. Les Consuls de l'année furent M. Minucius Rufus, & SpuriusPosshumius
3M. Minu-
Rufus
Albinus. La Numidie échut à Posthumius, & la Macédoine à Minucius. Ce..
cius luy.cy marcha contre lesScordisques, qui repalsoient tous les ans le Danube
& S pur.
Posthu- sur la glace, & joints aux Triballiens, portoient la désolation jusque dans la
mius Apn- Macédoine. Minucius les défit & les obligea de repasser l'Hébresur la glace;
lius Cém- elle fondit fous leurs pieds, & le fleuve engloutit une partie des fulards avec
suls. An de leur butin. Aprés deux
Rome 64?. ans de séjour en Macédoine, Minucius retourna à
du M.3892. Rome, & y obtint l'honneur du triomphe.
avant J. 6. Avant que Posthumius partit pour la Macédoine, CaïusMemmius ondes
10?- Tribuns du peuple, accusa publiquement ceux qui avoient traitez avec Jugur-
tha,
tha, de s'être
Si sa dédition
fuse d'obéïr, vous
laissé
n'est
corrompre,
pas une
serez
feinte
convaincu
,
& demanda
disoit
qu'il a fait
que
Memmius
une
ce
,
Prince

paix
il vous
fut cité à Rome. Guerre
obéïra;
frauduleuse, &
s'il re.
qu'il
contre
Scordif-
lect

ques. Liv.
l'a achetée à prix d'argent. Le peuple choisit ensuite le Préteur Cassius pour 1. 64. Eu-
peuple, & pour 1 engager trop. 1. 4.
aller en Afrique lignifier à Jugurtha la résolution du Cailias a son arrivée Frontin.
à venir librement subir le jugement de la République. Stratagème
de trés-glands dérangemens dans l'armee Romaine. De-
en Afrique trouva l.z.
puis les Officiers subalternes jusqu'aux moindres soldats, tous ne songeoient ev. -
qu'à s'enrichir. On avoit revendu à Jugurtha les Eléphans qu'il avoit promis. Jugurtha
On avoit rendu pour de l'argent la liberté aux transfuges, qui avoient e te re- est cité à
des peuples alliez. cornpa-
mis aux Romains. Tout étoit au pillage, même les terres roître de-«
Le premier soin de Cassius fut de gagner la confiance de Jugurtha, & de
vant le
entin
lui persuader de venir à Rome. Il eut bien des répugnances vaincre : à peuple Ro-
le Roy se rendit aux instances de Cassius & partit pour Rome. Il y entra sans main..W-
train, sans appareil, & avec un habit négligé. Il étoitpeuple, informe que toutes les fuji. de BïÛ
& qu'il gugurtb.
affaires de la commune dependoient des Tribuns du suffisoit
Liv. 1. 6 4.
d'en avoir un pour arrêter toutes les poursuites. Il sçut mettre dans ses in- CVL
térêts un nommé Caïus Baebius Sulca , homme sans honneur, & aussi auda- Jugurtha
cieux qu'il étoit intéressé. Le Tribun Memmius, qui étoit le premier Auteur vient à Ro-
devant le peuple Romain, lui reprocha ses crimes, son ingra- me & ga-
de sa citation gne le Tri-
titude, ses attentats contre Hiemplal & Adherbal ses fréres. Il ajoûta qu on bun Bas-
connoissoit ses complices, & ceux des Romains dont il étoit appuyé , & dont bius. Liv.
il avoit acheté la protection. A ce moment Bxbius se leva, & dit a Jugurtha: loco & SaUuft-
citat9.
ordonne de parler, & moy je vous le défens.
on vous CVIL
Tout le peuple jetta de grands cris,& marqua son indignation contre Mort Tu
Bœbius ; mais nul n'osa lui résister, ni passer par dessus son opposition. Be- PrinceMas-
stia & Scaurus s'attachérent de plus en plus à Jugurtha, & inspirérent à ce siva. Fuite
Prince une audace, qui alla juiqu'à attenter à la vie de Maniva Prince de la de Bomil-
des Rovs de Numidie, fils naturel deGulussa, & qui etoit alors a Rome. car & de
race Jugurtha.
Jugurtha s'en ouvrit à Bomilcar son ami, qui trouva dans Rome des assassins, Liv. L 64.
qui massacrérent Maffiva. Le coupable sut aussitôt arrêté & conduit devant Salluji. de
les Juges; il avoüa que Bomilcar l'avoit engagé à commettre cette aftion. EeII0 gu-
Jugurtha fit évader Bomilcar, qui se sauva en Afrique. Le Roy lui-même gurth.
craignant la vengeance & l'indignation du peuple Romain, se retira prom-
tement dans Ion pays, & l'on assure qu'en s'embarquant il tourna la tête
vers la ville de Rome, & s'écria : ville avare,il ne te manque qu'un marchand
pour t'acheter. Chez toy toutest venal. Bientôt tu&résolut te vendras toy-même.
de livrer le com- CrTlI1.
Le Consul Posthumius passa bientôt en Afrique,
bat à Jugurtha, ou de l'obliger par la voïe de la négotiation à se livrer une Le Consul
Poss:hu.
secoiide fois à la discrétion du peuple Romain. En même tems le Sénat an- mius pasle
nulla par un Décret solemnel, la paix honteuse que le Consul Calpurnius en Afrique
avoit concluë avec ce Prince. Poithumius entra en conférence avec Jugur- & en re-
tha, & ce Prince feignit de consentir à tout ce qu'on voulut, mais quand ce vientfaire. sans
vint à l'exécution, il tergiversa & chercha des prétextes, afin de gagner du rien Liv. Epi-
tems & de conduire le Consul jusqu'au tems fixé pour son départ. Il retourna to-1. 64t
donc à Rome aprés son année Consulaire, & laissa en Afrique Aulus Poslhu-
mius son frere, pour y commander l'armée.
eix. Cependant Mamilius Tribun du peuple fit ordonner qu'on insbrme-
Scaurus roit contre ceux qui s'étoient laissé gagner par l'argent de ,Jugurtha. Scau-
fait exiler tout soupçonné qu'il étoit d'être de leur nombre, eut l'adresse de se taire
quatre
rus
Confulai- nommer Chef de la commission. 11 l'exerça avec une sévérité extraordinaire.
res & un Il fit condamner à l'exil Calpurnius , Poithumius, Albinus, Caïus, Caton, &
souverain Lucius Opimius, & même Caïus Sulpicius Galba, quoyqu'il fut Gand-Pirê-
Pontife. tre; chose inouïe jusqu'alors dépuis la fondation dé Rome; mais le peuple
Liv. 1.64. étoit bien aise de faire sentir
Salluji. de au Senat les effets de son ressentiment contre ces
Bell" ffu- hommes si distinguez par leurs dignitez, parcequ'ils s'étoient hautement dé-
Çurth. clarez contre les Gracchus.
ex. Aulus Pofthulni-us frere du Consul ayant été laisse en Afrique à la tête de
Au'us Post.-
huimi'is quarante mille hommes, prit laré[olutioll avant l'arrivée d'un nouveau Con-
srere du lul, de tenter quelque expédition militaire, qui lui procurât de la gloire &
Consul des richesses. On dubit que Jugurtha avoit enfermé ses tréfcrs dans Suchul,
Spurius ville extrêmement forte, & d'une situation trés-avantageulè. Au milieu de
Posthu- l'hyver Aulus conduit ses troupes devant la place ,& la fait attaquer avec toute
mius est
- vaincu par la vigueur imaginable, & par toutes les machines qui étoient alors en ulage
Jugurtha. dans la guerre. 11 désespera de l'emporter,& s'apperçut trop tard qu'il avoit
SalluJt de mal pris son tems.
Bello Jugurtha résolut de mettre à profit le peu d'habileté de ce Général. Il
gurth.Liv. s'approche deSuthu], & feignant d'être effrayé à la veuë de l'armée Romaine,
L 64c 41..
CXI. il le retire, & Aulus Posthumius le suit inconfidéremment de poile c-n pUnI?,
L'armée & s'engage jusque dans l'intérieur de la Numidie. Alors Jugurtha a recours
Romaine à ses artifices ordinaires. Il répand l'argent parmi les troupes Romaines &
paire fous
le joug.. gagne deux Légions, l'une de Thraces, & l'autre de Liguriens; une partie
considérable même des Légionaires promet de passer dans son parti à la pré-
miére occasion. 11 donne durant une sombre nuit l'assaut au camp du Fro-
préteur. Ses Numides y pénétrent & y répandent la confusion. Une C o-
horte de Thraces & deux Cohortes de Liguriens se rangent sous les étendarts
du Roy de Numidie; le principal Officier dela troisiéme Légion lui ouvre deux
portes du camp Romain. Les Numidesfont main basse sur tout ce qu'ils ren-
contrent. Le Propréteur avec la plupart des fiens gagne une hauteur voisine,
& s'y fortifie. Jugurtha l'y assiége ; Aulus demande la vie sauve, ou offre à
Jugurtha une paix solide, qu'il s'engage de faire ratifier par le Senat; le Nu-
mide ne lui accorda la vie qu'à condition que lui & ses soldats passeront tous
le joug. La condition,toute honteuse qu'elle étoit, fut acceptée, & l'armée
Romaine avec son Général etluya cette ignominieuse flétrissure.
exil Quoyque les nouveaux Consuls fussent élus, ils n'étoient pas encore en-
l'ofthu- trezen exercice de leur employ. Posthumius avoit encore environdeux mois
miusrepaf-* deConsulat. Il fit d'abord casser l'accord son frere avoit fait avec jugur-
se en. Afri-
que
tha,.&sé rendit en diligence eu Afrique, pour réparer le tort queson frere a\ oit
que..
fait à laRépubJique les Tribuns, du peuple ne lui ayant pas permis de faire
les
les levées nécessàires pour recruter son armée , il ne put rien faire, & s'en re-
vint à Rome.suivi de ion frere chargé de honte.
Metellus un des nouveaux Conluls avoit été destiné pour la guerre de Q^Cseciîius. CXIII.
Numidie, & Junius Silànus son Collégue pour la Gaule Narbonnoise , pour Metei;us&
faire tête aux Cimbres, aux Tigurins & aux Teutons, quiménaçoientde faire M. Junius
irruption en Italie, & qui étoient au voisinage de cette partie de la Gaule Silanus
Transalpine, qui obéïiToit aux Romains, Ils deicendirentbientôt des Pyrénées C-onfuts. \a
de
dans la Province Narbonnoise, & envoyèrent demander au Consui Silanus des 644.Rome du M.
terres pour s'établir en Italie, si non qu'ils fixe? oient leur demeure dans le païs ?8y?.avap.t
où ils etoient alors. Silanus rejetta leur propûsition & leur livra bataille ; mais J. G. 107.
il fut mis en déroute, & les campagnes de la Gaule Narbonnoise demeuré- Combat <1$
Silanus
rent exposées aux ravages de ces barbares. les
Aprés la défaite d'Aulus Posthumius, Rome ne comptoit plus que sur contre Cimbres %
la valeur & le desintérefseinent de Metellus, pour effacer la honte que l'armée &c.
Romaine avoit soufferte de la part de Jugurtha. Metellus fit ses levées avec Fior. 1 2. c.
iuccés, & choisit Marius pour son Lieutenant Général, avec Publius Rutilius. Orojius. 2 Eutrop.
C'étaient deux personnages d'une valeur bien connue, & incapables de se Liv. Epito-
lainer gagner par l'argent du Roy de Numidie. Metellus trouva l'armée d'A- me l. 6ç.
frique dans un dérangement total. Nulle discipline nulle subordinationen- CXIV.
,
tre les Ch^fs & les soldats. Il commença par bannir du camp tous les bou- Metellus
langers & tous ceux qui vendoient de la viande appretée ordonnant au faitàlaJugufr- guer-
soldat de, préparer lui-même san pain, & le restede sa nourriture , re
; Il en chassa tha.
les vivandiers, & deffendit aux soldats d'avoir ni valets, ni chevaux, llchan- Sallujl de,
geoit souvent de camp, & ordonnoit à ses gens des marches longues & pé- Bello- 2u"
Livii'
nibles, pour les endurcir au travail ; il fortifioit son camp, comme si l'enne- rurth. Epitom..
mi eût toujours été au voisinage. Les Légionaires portoient eux-mêmes sur l. 6).,..
leurs épaules outre leurs armes, leurshabits, leurs ustensiles leurs pains, ou
le froment qu'on leur dittribuoit tous les mois. Son propre ,
fils, qui l'avoit
suivi dans cette campagne, ne fut exemt d'aucun de ces travaux mili-
taises
Metellus laissa passèr l'été sans faire aucune en?treprise. Il compta pour CXV,
Feintes
beaucoup d'avoir rétabli la discipline dans son armée. Cette conduite dé- fo umiiIion-s.
concerta le Roy de Numidie. 11 désespéra de gagner par argent, & de vain- de Jugut-
cre par la fuie ou par la force un Général si frugal & si circonsped. Il eut tha..
recours à la clémence de Metellus, & offrit de se rendre à lui & à la Républi-
que , par une dédition sincére, pourveu qu'on lui accordât la vie sauve pour
lui & pour ses enfans. Le Consui se défia des soumissions du Numide, & au.
lieu d'écouter ses propôsitions, il sollicita les Ambassadeurs de ce Prince à le
livrer entre ses mains ; Le projet échoua par la vigilance du Roy,. & l'on ne
songea plus qu'à faire la guerre. Metellus entra dans la Numidie ; Les villes,
lui ouvrirent leurs portes, & les peuples lui offrirent des vivres. Toutefois-
crainte de surprise il ne marchoit qu'en ordre de bataille conduisant lui-
,
même l'avant-garde, & laissant à Marius le commandementde, l'arriére-garde
comparée de la cavalerie Légionaire. »
Ils arrivérent devant Vacca, ville marchande & commode pour y établir
ex VI. des magasins. Elle reçut garnison Romaine, & Metellus y ramassa des vivres
Metellus
pour Ion armée à tout événement. Jugurtha voïant que ses offres & ses sou-
prend la missions étoient méprisées, prit les armes, & se posta sur une montagne située
ville de
Vacca. à quelques milles du fleuve Muthul ; Le Consul ne pouvoit éviter de palier
sur cette montagne, & les Numides devoient l'attaquer lorsqu'il en descen-
droit. Bomilcar avec ses Eléphans & une partie de l'infanterie occupoit le
penchant de la colline le plus proche du fleuve, & Jugurtha avec sa cavalerie
& quelques bataillons, s'étoit posté au haut de la colline, qui étoit au pied
de la montagne.
CX VI1. Metellus n'apperçut les ennemis _ cachez dans les broussailles, que qaiand
Combat il fut arrivé au haut de la montagne. Dans ce moment il commanda a Ru-
entre Me-
tellus & tilius de deseendreen diligence dans la plaine, & d'aller camper sur le fleuve,
Jugurtha. pour s'assurerdes eaux, & prévenir le danger de la sois pour les hommes & les
sa iluJ}. é animaux. Pour lui,il descenditduhautde la montagne parl'endroit le plus ra-
LiiJ. loco pide pour se rendre dans la plaine. Metellus etoit à l'aile droite, qui étoit la plus
citato.
exposée, &Marius étoit au centre de l'armée. A peine le Consul étoit arrivé un
peu plus bas que le haut de la colline, que Jugurtha détacha d.ux de
mille hommes
pour sesaisir du haut de la montagne, que les Romains venoient quitter, &
pour empêcher qu'ils ne s'y retirassentcausaaprés la bataille. Puis il fondit sur l ar-
riére-garde de l'armée Romaine, & y quelque confusion, parce que la CJ..
valeriene combattant pas depie ferme, &surpassantinfiniiiient en légéreté celle
des Romains, regagnoitaussi-tôt les hauteurs avec une rapidité extraordinaire,
puis retournoit au combat par pelottons, & attaquoit de plusieurs côtez lessol-
dats Romains, qui n'étoient nullement accoutumez a cette sorte de cotiibats.
Le jour étoit sur son déclin, & les deux Généraux avec une ardeur & une vivacité
égale, animoient leurs troupes au combat, résolus de ne pas quitter la mélée
qu'ils n'eussent remporté la victoire. Le Consul remontroit a les troupes que
la
n'aïant point de retraite pour y passer nuit, il falloitse résoudre a vaincre ou
à mourir. Le Numide avoit toute la supériorité du lieu, & voÏant FépuHe-
ment où étoient les Romains, il promettoit aux siens une victoire certaine, s'ils
vouloient profiter de leur avantage.
ex V111. Cependant Metellus ordonna à ses Legionaires de châtier les Numides
Vi&oire de qui occupoient le haut de la montagne.
Les Numides.qui n étoient pas exer-
Mete lus cez à combattre de pié serme , furent mis en fuite, & abandonnèrent la place
sur Jugur-
aux Romains, qui commencérent a respirer, aïant un lieu propre a y passer la
tÚa.
nuit en seureté. En même tems Jugurtha & les siens abandonnèrent le champ
de bataille, & se débandèrent.
Rutilius étoit heureusement arrive sur le bord du fleuve Muthu!, & com-
ex1x. travailler à ses rétranchemens, lorsqu'il apperçut Bomilcar qui ve-
Bomilcar mençoit à
est défait noit à lui avec une armée de Numides, &
grand nombre d'Eléphans. Rutilius
par Ruti." quitte ses travaux, & range ses gens en
bataille. Les Numides turent bientôt
l'arrivée des Eléphans, en qui ils fai-
lius.
rompus, mais ils se ralliérent attendantCes animaux s'étoient tellement
soient consister leur principale force. em-
barralsez dans l'épaisseur des broussailles, qu ils ne s 'en purent tirer , & les
Numides destituez de ce secours, prirent la fuite , & abandonnèrent leurs ar-
mes
chufla.

jours...
mes Air le champ de bataille, & se sauvérent sur

solitude où il prenoit
pour en former une
de force
nouvelle
ses troupes, que de vaincre un ennemi
tout ce
armée.
qu'il
Le
qui
Coniul
ne
la colline, d ou Metellusîes
Il descendit: ensuite avec son armée viC10rieuse , & marcha toute la
nuit pour se rendre au camp de Rutilius sur le fleuve Muthul, où il resta
quatre
Cependant Jugurtha abandonne de ses troupes, s'etoit retiré dans une ILa cxx.
trouvoitdepaïsans&debergers,
plus
pouvoit
soigneux
guéreslui
de conserver
opposer
Kuini-
die en
proye aux
que soldats Ro-
la ruse, ftisoit le ravage & portoit la désolation par toute la Numidie. Les mains.
peuples effrayez accouroient en foule pourse donner a lui, & lui fournir toutes
sortes de provisions. Jugurtha n'osoit paroître avec un corps d armée en
il donnoit sur les fou-
campagne, mais à la tête de quelque cavalerie legere ,
rageurs , f isoit main-basse sur tous les Romains qu'il rencontroit,pourroit re-
puis se
tiroit dans les lieux où il savoit bien que l'armée Consulaire ne le
poursuivre.
En Syrie le Roy Antiochus Gryphus ayant regné allez paisibîementpen- Antiochus CXXh
dant huit ans, fut troublé par son frere Antiochus de Cizyque , fils du Roy Gryphus
Antiochus Sidétes, & de Cleopatre Reine de Syrie, qui étoit aussi Mere de Roy de Sy-
Gryphus, mais qui avoit eu ce dernier Prince du Roy Demetrius Nicatorson rie entre en
premier m <ri. Gryphus étoit alors sur le point de faire la guerre aux Juifs, guerreson
mais aïant appris que son frere Antiochus de Cizyque armoit contre lui, il tour- avec frere An-
ses efforts de côté.là. On peut se souvenir que Cleopitre Reine d'E- tiochus de
ce
11a
gypte, & Mere de Piolémée, força ce dernier Prince à répudier sa soeur & sa
femme Cleopatre, & à épouser une autre de ses sœurs nommée Seléne. Cleo-
Cizyque.
.
[jz,,Jfhl.I.;
patre répudiée par Lathure, épousa Antiochus de Cizyque , dont nous venons c. 2. An dl1
M. 3890.
de- parler, & lui amena en Syrie l'armée que le Roy d'Egypte avoit e'n Cypre. avant J. G»
Antiochus de Cjzyque avec ces forces attaqua Gryphus, mais celui-ci remporta 110.
la-victoire, & assiégea Antioche, ou Cleopatre & Antiochus de Cizyque son
maris'étaient jettez.
La ville fut obligée de se rendre, & la Reine Tryphene Epouse de Gry- CXX1L

phus n'eut rien plus à cœur que de faire chercher la Reine Cleopatre sa sœur, Prise d'An-
pour l'assûter dans sa disgrace mais pour lui faire porter tout le poids tioche sur
non , qu'elle avoit su[citée à Antiochus.
d'une rude captivité, & pour venger sur elle la guerre de Cizique.
son mari, en épousant le frere de Gryphus ; elle lui reprocha d'avoir armé le juflin.ibid.
frere contre son frere, d'avoir amène des troupes étrangéres dans la Syrie, & An du M.
lui fit un crime d'avoir épousé hors de l'Egypte un Prince étranger contre la 3891.
volonté de sa Mere ; enfin malgré les priéres & les remontrances mêmes de
Grvphus ion mari, qu'elle attribüoit à l'amour qu'il avoit pour Cleopatre , elle
la fit arracher du temple où elle s'étoit retirée, & la fit percer de coups,après
lui avoir coupé les mains, avec lesquelles elle tenoit fortement embrassée la
j statuë de la Divinité qu'on y adoroit. Un attentat si criant ne demeura pas
long-tems impuni. Le Cizycénien livra un second combat à Gryphus, & aïant
remporté la victoire , fit mourir la Reine Tryphéne, comme pour appa;serles
I
\
alors
*<
mânes de ion Epouse Cleopatre. Antiochus de Cizyque commença
! *
CXXIII. à régner en Syrie, & son frere Gryphus, dépouillé du Royaume , se retira à
Antiochus Aspendum, d'où lui vint le surnom d'Aspendien.
de Cizyque
regne en
Syrie. An
du M.?892.
LIVRE XXXIX.
avant J. G.
Ioj PEndant que Metellus étoit en Afrique occupé à faire la guerre à Jugurtha,
tfujiin.1.39. Rome se donna pour Consuls ServiusSulpitius Galba, & Q: Hortensius,
Syriac.p. Pere du fameux Hortensius Orateur dutems deCiceron. Hortensius dont
i ? 2. Por- nous parlons, n'exerça pas le Consulat. 'On en ignore la raison ; mais on sait
fbyr. in qu'on lui substitua M. Aurelius Scaurus. Celuy-cy eut pour département la
Cyr.ec. Eu- Gaule Narbonnoise & Galba eut l'Italie. On laissa à Caecilius Metellus le
feb ,
commandement de l'armée Romaine en Afrique. Marius un de ses Lieute-
1.
ServiusSul- nans Généraux y devint son rival, & n'oublia rien pour
,
le décréditer, &pour
Gal- obtenir à son exclusion le commandement de l'armée, afin d'avoir la gloire de
ba,& M, terminer la & d'obtenir l'honneur du triomphe.
Aurelius guerre,
Scaurus
Jutqu'àlors Jugurtha avoit évité d'en venir aux mains, &s'étoitcontenté
Con(u!s. An de harceler Metellus & de lui dresser des embûches; Le Proconsul réiblut
,,le R. 64i. de l'attirer au combat en formant le siége de Zmia. Jugurtha en fut averti
du M.$89?. quelques déserteurs, & jetta dans la place une forte garnison de transfu-
avant J.C.
par
ges. En même tems Metellus détacha Marius pour tirer des provisions de
107.
Il bouche de la ville de Sicca. Le Numidéen accourt pour enlever le convoy,
,
Siége de mais Marius repousse les Numides, & contient ceux de Sicca dans le devoir.
Zima par Dez-que les vivres furentarrivez, Metellus investit Zama, enferma son camp,
Metelius. & conduisit ses
Sallufi. de troupes à l'assaut de la place. La garnison se défendit en
Bello, tfu- hommes qui n'espéroient point de quartier. C'étoit, comme on l'a dit, des
gurth. Liv. transfuges de l'armée Romaine.
Epitow. Pendant que Metellus est occupé à l'attaque de la place, Jugurtha s'em-
/. 6s.
pare d'une des portes du camp Romain, & y entre avec ses troupes. La
111.
Metellus plupart des soldats en étoient sortis pour voir les attaques de la ville. Les au-
léve le fié- tres se sauvérent. Il y en eut seulement quarante , qui prirent les armes, &
ge de Za- qui s'étant réunis sur un tertre qui se trouva dans l'enceinte du camp, s'y dé-
ina.
lbi
fendirent avecune valeur incroïable. Metellus averti que Jugurtha étoit dans
Idem ' son camp détache Marius avec toute la cavalerie de l'armée
dem. , l'attendit pour l'en chasser.
Jugurtha ne pas, il se retira dans les montagnes, & ne jugea pas
à propos de combattre. Metellus, aprés avoir inutilement attaqué Zama, re-
vint dans son camp & y passa la nuit. Le lendemain Jugurtha partit de nou-
veau , au moment que Metellus & Marius étoient arrivez devant Zama pour
en recommencer l'attaque. Ils avoient eu la sage précaution de poiler leur
cavalerie avec quelques manipules sur la route, par où Jugurtha pouvoit ve-
nir ; Ce Prince s'avança en bataille,ayant disposé quelque insanterie entre ses
escadrons ; La cavalerie Romaine le reçut avec valeur; mais la manière inusitée
dont les Numides combattoient, jetta d'abord la confusion parmi les Romains,
& sans le secours de l'infanterie Romaine qui survint, la cavalerie couroitris-
que d'être entiérement désaite.
De
f)e son côté Metellus attaquoit Zama avec tout le reste de son armée, m
mais la résistance des assiégez rendit tous ses efforts inutiles. Il fut obligé Bomilcar
de léver le siége, & d'aller prendre les quartiers dans la Province Africaine. engage Ju-
Il y ménagea une entreveuë avec Bomilcar confident de Jugurtha, & lui pro- rendre gtii tha i lç
à
mit l'impunité du meurtre de Maflïva, qu'il avoit fait mourir, & de grandes Metellus.
récompenses, s'il livroit Jugurtha vif ou mort entre ses mains. Bomilcar écou- Sallufl. de
ta ces propositions, & persuada à Jugurtha de se livrer sans réserve à Metellus. gurth.Bello
Le Roy lui dépêcha un Ambassadeur pour l'assurer de ses soumissions. Metel- Epitem.Lim,
lus assembla les principaux Officiers de son armée, & dans un grand Conseil de 1.6f.
guerre, il fut résolu qu'on obligeroit Jugurtha à donner aux Romains deux
cet^ mille Livres pésant d'argent, tous les Eléphans de son armée, tous les
transfuges & un certain nombre d'armes & de chevaux. Jugurtha ne balan-
ça pas d'accepter ces conditions; mais quand il fut question de se livrer lui-
même au Proconsul, & de se rendre à la ville de Tisidium, où il étoit mandé,
il ne put s'y résoudre. Il résolut de faire la guerre avec plus de force qu'au-
paravant.
11 rassembla des troupes, surprït, ou gagna des villes, débaucha des r.
alliez aux Romains, & engagea les Citoyens de Vacca à massacrer la garnison Jugurtha
Romaine qui étoit dans leur ville. Metellus n'en fut pas plutôt informé qu'il recom. la
marcha contreVaccapourentirervengeance. 11 mence
fit avancer devant lui un corps guerre.
de Cavaliers Numides, qui étoit suivi d'une Légion. D'abord les Vaccéens
à
prirent les Numides pour une troupe que Jugurtha amenoit leur secours, &
vinrent en foule au-devant d'eux pour leur faire honneur; mais les Cavaliers
firent main balle sur cette multitude, &r la Légion qui arriva bientôt après,
acheva de les défaire. La ville fut reprise, saccagée, & mise au pillage. Tur-
pilius qui avoit été Gouverneur de Vacca, & qui étoit le seul que les Vaccéens
épargnèrent, lorsqu'ils égorgérent leur garnison, fut condamné à mort, tout
ami qu'il étoit de Metellus, par la haine de Marius qui ne pouvoir souffrir Me-
tellus & qui vouloit à quelque prix que ce fût, le supplanter, obtenir le Con-
,
sulat & achever la guerre contre Jugurtha.
Pour parvenir à ses fins, Marius décria la conduite de son Général dans VI.
l'esprit du loldat, & le fit pafser pour un homme timide & irrésolu; le soldat Marius
écrivit à Rome sur pied-là. Gauda Prince du décrie la
en ce sang de Numidie, fils de
Manastabal, à qui Metellus avoit refusé certaines marques de dissinïtion, mit conduite
se rie Metel-
aussi de la partie, & écrivit en faveur de Marius. Celui-ci demanda au Procon- lus.
sul d'aller à Rome pour y demander le Consulat. Metellus l'en dissuada d'a-
il
bord, & enfin le lui refusa. Dez-Iors comprit que Marius avoit formé le def-
sein de le supplanter. Il renoüa ses conférences avec Bomilcar, & le pressa
d'exécuter la parole qu'il lui avoit donnée de lui livrer Jugurtha. Bomilcar
étoit devenu suspect à Jugurtha; il n'osa lui parler, mais il gagna un nommé N.b-
dalfa, homme puissant & ami de Jugurtha ; ils prirent ensemble des mesures pour
arrêter ce Prince dans une enlbuscade. Nabdalsa manqua le moment,& Bomilcar
lui écrivit pour reveiller son activité. La lettre fut trouvée ouverte surie che-
vet de Nabdalsa, par leSecretaire de ce dernier, qui la porta à Jugurtha. Nab-
dalià feignit que son premier dessein étoit de lui dénoncer Bomilcar. mais
qu'il avoit été prévenu par son perfide Secrétaire. Jugurtha feignit d'ajouter
toy à ces paroles, & fit mourir Bomilcar.
VII. Marius cependant insistoit toujours à demander à Metellus son retour à
Marins ar- Rome. Il ne l'obtint que douze jours avant la tenue des Comices où se de-
rive à Ro- voit faire l'élection des Consuls. Il arriva néanmoins à Rome le sixième jour
me & ob, dépuis son départ, & sçut si bien conduire son intrigue, qu'il fut élu Con-
tient le y
Cott fut at. sul avec L. Cassius Longinus, & qu'il se fit nommer ieul Général pour aller
Liv. 1. 6 faire la guerre à Jugurtha. Metellus, malgré le Senat & la plupart des Patrie
Fsllujl. R/!. ciens, tut rappellé, & Marius triompha de Ion rival
lugurtb. auroit fait de Jugurtha. avec autant de joye, qu'il
VIII. Camus Longinus eut son département dans la Gaule Narbonnoise. où
Défaite de il eut à combattre les Tigurins, qui sont ceux du Canton de Zurich, & des
l'armée Cantons voisins, qui vouloient passer le Rhône pour se joindre auxCimbres
Romaine dans la Gaule Narbonnoise. Cassius passa le Rhône le premier, & poursuivit
par les Ti- les ennemis,qui
gurins. en feignant de reculer, l'attirèrent dans une embufeade, où
Tacit. de il périt, avec Calpurnius Piso Ion Lieutenant-Général. L'armée Romaine
worib. destituée de ses deux Chefs, fut obligée de palfcr sous le joug avecCaïus Po-
German. pilius, qui sè
trouva à la tête de l'armée, après la mort des deux autres Généraux.
A son retour à Rome il fut accusé devant le peuple, & il prévint la condam-
nation par un exil volontaire.
IX. Pour Marius, aprés avoir f it ses recruës avec hauteur & avec une espèce
Marius paf- d'independance, il s'embarqua pour l'Afrique. Dans l'inter.vallc;LHetellus,qui
se en Afri- doutoit pas qu'il ne lue continué dans le commandement de l'armée, se
que.Metel- ne
luvprend mit en campagne & alla chercher Jugurtha. Il le rencontra dans un pays
la ville de presqu'inaccessible,& le battit.. ou plutôt dissipa son armée, qui ne put tenir
Thala. contre les troupes Romaines On fit sur lui quelques prisonniers, & on lui
Sallujl. de enleva bon nombre d'étendarts. La fuite sauva la plus grande partie de l'ar-
BeUo1u.
Zurtb.
mée Numidienne. Jugurtha se retira àThala, & y laiflfa une forte garnison,
qui se défendit avec allez de vigueur; tandis qu'elle ne vit point une partie
du mur renversée par le bélier. Alors elle ramassa dans la citadelle tout ce
qu'il y avoit de plus prétieux dans la place, y mit le feu, & s'y laissa coniu.
mer par les flammes. Ainsi Thala fut prise après quarante jours de siége.
X. Le Roy de Numidie presque dépouïllé de ses Etats, chercha dans laGe-
Jugurtha tulie &dans la Mauritanie de quoy ranimer son parti. Les Getules étoient
calage les de ces peuples d'Afrique, dont le seul métier étoit de paître des troupeaux,
Getules & ni villes ni demeures fixes , demeurant & couchant sous des tentes,
les Mauri- n'ayant
taniens qu'ils tendoient & détendoient selon le bésoin de leurs troupeaux, & sélon
dans son la commodité des pâturages. Jugurtha en ralsenjhla un bon nombre & en
parti. forma des soldats. Bocchus Roy de Mauritanie fut plus difficile à gagner.
Sûlluft dt Quovqu'il eût épousé fille de Jugurtha, il fallut employer les présens, les
Be/Jo 3u-
une
gurtb. sollicitations, les prières envers les amis de ce Prince,pour l'engager à faire
la guerre aux Romains, dont il rédoutoit la puissance. Bocchus fit une li-
gue offensive & defensive avec Jugurtha, & ils joignirent leurs forces pour
reprendre Cirtha sur les Romains.
Cepcn-
Cependant Metellus apprit que Marius avoit obtenu leCOJllfu1at & le dé- Xl.
Metellus
partement de la Numidie, pour achever la guerre contre Jugurtha: Quelque revientà
sensible qu'il fut à l'affront qu'on lui faisoit , il elsaïade détacher le Roy de îiome & y
Mauritanie du parti de Jugurtha , mais il n'y réiiffit pas. Il n'attendit pas triomphe.
l'arrivée de Marius; il s'embarqua pour l'Italie, & laissa à Rutilius le soin de
remettre au Consul l'armée d'Afrique. Arrivé àRomè,ildissipapar[aprésence
les mauvaises impressions que Marius y avoit données de sa conduite. On
lui décerna le triomphe , avec le surnom de NumMique.
Marius aïant pris le commandement de l'armée, passa une partie de la XII.
campagne à observer les deux Roys ses ennemis, & à exercer ses troupes Marius sait
à la maniere de combattre contre les Africains; Enfin il se détermina au siége' la guerre à
de Capsa , situéedansun lieu délicieux, mais dont les avenuës étoient prel- Jugurtha
inabordables, à causedes déserts & des sables, qui l'environnoientau loin. & prend la
que ville de
Il fit ses provisions de blé, d'eau & de viandes. L'armée ne marchoit que la Capià.
nuit, à cause de la chaleur insupportable du Soleil réfléchi sur les fables. Aprés Sa/lufi dt
deux nuits de marche , on arriva à deux mille de Capsa, en un lieu couvert, Bello su-
où l'armée demeura cachée & en silence jusqu'au jour. Les Capséens qui ne gurtb.
se défioient de rien, sortirent de leur ville à l'ordinaire sans aucune précaution,
pour cultiver leurs champs. La cavalerie Romaine les coupa & les enveloppa,
tandis que l'infanterie s'empara des portes. Les Bourgeois se rendirent à
discrétion, & ne demandérent que la vie sauve. Marius abandonna la ville au
pillage , rasa les murs & les maisons, fit main-basse sur tous ceux qui étoient
en état de porter les armes, & sournit tout le reste à l'esclavage.
Cette sévérité effraya les peuples. Ils se rendirent à lui, & lui ouvrirent XIIl.
leurs portes sans résistance. Marius s'avança jusqu'aux confins du Royaume Siège du
de Mauritanie. Tout se lbumit, à l'exception du Château de lVluluchus, t1tué Chateaurie
Mulucha.
sur un roc isblé& taillé de telle sorte,qu'on n'y pouvoit monter que par un petit Sallaji.ibidé
sentier pratIquedans le rocher, &si étroit qu'a peinedeuxhommesypouvoient
marcher de front. Le fleuve Mulucha couloit au pied du Fort. Marius en-
treprit de s'en rendre maître. Il fit avancer ses machines par le sentier , dont
on a parlé, mais les assiégez les rendirent inutiles, les brûlèrent & tuèrent bon
nombre de soldats. La saison étoit avancée ,& le siége étoitaussi peu avancé
que le premier jour. Un soldat Ligurien étant allé puiser de l'eau à une
source au pied du rocher, sur lequel étoit bâtie la forteresse, apperçut des
limaçons qui s'étoient glissez le long des fentes du rocher plus humide de ce
côté-là, à cause des eaux de la fontaine. Il ramassa de ces limaçons pour en
manger, &en s'avançant il grimpa jusqu'au haut du rocher,&parvint'aux aux pieds
des murs. Les assiégez qui n'étoient attentifs qu'à défendre le sentier, en
avoient abandonné la défense de ce côté-là- Le Ligurien curieux de voir ce
qui se passoit dans la ville, se guinda à lafaveur des branches d'un vieux chêne
jusqli'au haut du parapet, & aprés avoir examiné à son aise toute l'étenduë
de la forteresse, il descendit par le moyen du même arbre.
Le lendemain il fit là même chose, & prit des mesures encore plus justes XIV.
pour réconnoitre l'état & la situation de la place. Marius songeoit à se reti- Prise du
le
rer, & à lever le siége, lorsqu'on lui présenta soldat Ligurien. Sur son rap. Chateau Mulucha.
de
Liii 2 port
port on envoye des Officiers expérimentez pour examiner la chose. Les plus
hardis rapportérent que l'entreprise étoit aisée, &que les niques n'en étaient
pas considérables. La nuit suivante quatre Centuries furent commandées
pour aller se cacher proche la fontaine, ayant à leur tête le Ligurien , pour
tenter l'entreprise, quand l'atcaque du sentier seroitplus échauffée. Dez-le
matin le gros de l'armée donne l'assaut du côté du se'ntier. Toute la garni-
son y accourt. En même tems le Ligurien suivi des Centuries, & muni de
crocs, de cloûs,de crampons, montent à la file lans souliers pour être plus
légers jusqu'au pied du mur; Delà ils s'élévent jusque sur lerampart. Cinq
,
ou six trompettes en même tems sorment de toutes leurs forces. Lesafliégez
au bruit se retirent & rencontrent les soldatsqui s'étoient rendus maîtres de
la place & qui ne leur font aucun quartier. D'un autre côté les Legionai-
,
res enfoncent la porte du Fort, font main-basse sur la garnison , & pillent le
trésor de Jugurtha. Ainsi Marius s'empara sans beaucoup de peine d'une
forteresse, qui passoit pour imprénable.
XV. L'on avoit donné pour Questeur à Marius, L. Cornelius Sylla, qui devint
Arrivée de si célébre dans la suite. Aprés avoir passé sa jeunesse dans les plaisirs, il re-
1. Corne- chercha les honneurs, & parut aussi guerrier, aussi laborieux aussi frugal,
lius Sylla ,
Quêteur qu'il avoit paru voluptueux & dérangé dans sa jeunesse. Marius qui ne l'ai-
en Afrique. moit ni ne l'estimoit, le laissa exprés en Italie, sous prétexte de lui ramasser
Plutarcb in quelque sécours ; en sorte qu'il n'arriva en Afrique qu'après la prise deMulu*
Mario cha. Le Questeur se rendit à l'armée, & y changea de mœurs & de conduite
ir¿ Sylla.
Salluji. de à un point,qu)il n'étaitplus semblable à lui-même. 11 s'acquit l'estime & l'aSectioM
Bellotfu- non-seulement du soldat, mais aussi du Général.
gurth. Bocchus Roy de Mauritanie avoit conçu du dégoût pour Jugurtha, &ne
XVI. lui rendoit plus ses services avec le même zéle. Jugurtha le pressa par diffe-
Bataille
des Numi- rentes fois à se joindre a lui pour attaquer Marius. Bocchus cherchoit
des
des & des prétextes pour différer & pour se tenir éloigné de lui. Enfin Jugurtha lui
Maurita. offrit le tiers de son Royaume, & à ce prix !e Roy de Mauritanie se détermina
niens à marcher. Les deux Roys attaquérent les Romains dans leur marche & au
contre les dépourveu. L'attaque se fit sans ordre. Les barbares tombérent confuse-
Romains.
SaUuft. de ment sur les manipules Romains, & les eussentmisen déroute, si les plus bra-
Bello ffu- ves & les plus avisez ne s'étoient mis en defense, en attendant que la cavalerie
gurth. Livii Romaine arrivât pour tenir tête aux cavaliers Numides & aux Mauritaniens;
Epitome
l. alors lesLegionaires se réüni(sant, formèrent un corps rond, qui faisoit face de
tous cotez. Marius & Sylla firent dans cette occasion tout ce qu'on pouvoit
attendre des Capitaines les plus actifs&les plus expérimentez. Ils soutinrent
l'effort des Barbares sans se laitier entamer, & c'étoit beaucoup faire dans une
attaque aussi brusque & aussi impreveuë que celle-là.
XVII Sur le soir Marius se saisit de deux éminences assez voisines l'une de
Victoire de l'autre , au pié desquelles étoit une source
abondante d'eau pure. Sylla se
Marius chargea de garder cette source avec la cavalerie; Mariusrassembla son armée
remportée éparseen divers endroits & les posta sur le penchant des deux collines &
,
sur Jugur- dans le vallon qui les séparoit.
tha & sur ,
Unedifposition siavantageuse fit
perdreaux
jo.cc:hu£.. deux Roys l'envie d'attaquer l'armée durant la nuit, comme ils l'avoientpro-
jeué.
jette. Ils résolurent d'attendre le point du jour pour cela, & en attendant ils
environnérent les deux collines de ce nombre innombrable de troupes qui
composoient leur armée. Elles passerent la plus grande partie de la nuit h
danser & à se divertir. L'armée Romaine la passa dans un profond silence»
& le soldat se reposa de ses fatigues. Vers l'Aurore les Barbares vaincus par
lesommeil, se couchérent & s'endormirent. En même tems Marius fit avan-
çer ses troupes en iilence & en bon ordre.
Dez qu'on fut à portée de l'ennemi, les trompettes sonnérent la charge ,
& répandirent l'effroy parmi les Barbares; ils demeurèrent comme immobiles,
& reçurent la mort presque sans se défendre. Jugurtha & Bocchus se retiré-
rent, & Marius marcha vers les villes maritimes de l'Afrique, où il vouloit
palier l'hy ver. Aprés quatre jours de marche les ennemis parurent de nou-
veau; Jugurtha attaqua les Romains de quatre côtez; mais les Romains les
reçurent de même, & firent face de tous côtez. Jugurtha dans le fort de la
mêlée s'écria en latin, que Marius étoit mort,& montra son épée, qu'il disoit
être teinte de son sang. Cette nouvelle troubla les troupes Romaines; mais
Sylla étant survenu avec sa cavalerie, leur rendit le courage. Marius parut
peu de tems aprés, & acheva la déroute des ennemis. Bocchus & Jugurtha
prirent la fuite; on fit un carnage effroïable de leurs soldats. L'armée Ro-
maine entra dans Cyrthe, où elle se separa pour entrer en quartier. XVIIIL
Bocchus songea alors serieusement à faire son accommodement. Il en- Bocchus
voïa prier Marius de lui envoïer deux Officiers de confiance, à qui il put fait sa paix
faire des propositions de paix. Marius fit partir le Questeur Sylla & le Lieu- avec les
tenant Général Maiilius. Bocchus les reçut trés-bien, & leur témoigna l'en- Romains..
vie qu'il avoit d'entrer dans l'alliance du peuple Romain, & d'envoïer à Rome
des Ambassadeurs pour demander cette grace. 11 députa en effet cinq Ambafla-
deurs munis des instructions & des plein-pouvoirs nécessaires pour cette négo-
tiation. En chemin ils furent dépouillez par un parti deGetules, & obligez
aprés avoir attendu assez longtems Marius à Cyrthe, dé se rendre à Utique au-
prés de Sylla, qui malgré leur disgrace, les combla d'honneurs & de carei-
îes,& gagna leur confiance.
Marius étant de retour à Cyrthe, les Ambassadeurs Mauritaniens s'y ren-
dirent; &en présence d'une trés-nombreuse assemblée des prémiers Officiers
de l'armée, ils rendirent compte dusuiet de leurambassade. Ils demandèrent
à Marius la paix & l'alliance des Romains, & qu'on leur permît de se transpor-
ter à Rome pour y demander la ratification du traité. Par la médiation de
Sylla ils obtinrent tout ce qu'ils voulurent, même la suspension d'armes,,
. jusqu-'à leur retour d'Italie. Des cinq Ambassadeurs onenrenvoïa deux à Boc-
chus, pour lui porterles nouvelles de ce qui avoit été arrêté; & qu'on atten-
doit de lui, qu'il livreroit bientôt Jugurtha. Les trois autres s'embarquèrent:
pour Rome avec le Questeur Ocravius.
Ils y arrivérent aprés l'élection des nouveaux Consulsr qui furent C. XX,
C. Attilius;
Attilius Serranus, & QServilius Caepio. Celui-ci fut destiné par le sort pour Serranus
commander l'armée Romaine dans la Gaule Narbonnoise, oùles Cimbrescôn- & Q...Se-rv¡;" ,
tinüoient à faire du ravage^Serranus demeura en Italie. Marius fut continué Lm&Gatgi»
(tO"fll'C:. dans le commandement de l'armée de Numidie, souslenom de Proconsul, &
An le R. SylLt sous celui de Proquesteur. Les Ambassadeurs Mauritaniens obtinrent du
647. du M. Sénat la ratification de la paix & de la suspension d'armes ; mais on leur dé-
* g 4.. avant clara que le Senat n'accorderoit à Bocchus l'alliance avec le peuple Romain,
J. C. °106.
Liv l- 66. que
quand il auroit mérité cette grâce par d'importans services. Bocchus
Epitom. comprit que ce service qu'on attendoit de lui, étoit qu'il livrât Jugurtha. Il
pria Marius de lui envoïer Sylla, pour concerter avec lui la maniére de con-
sommer cette grande affaire, qu'on couvroit sous le nont de pacification.
XX. Jugurtha tout dépouillé qu'il etoit de la meilleure partie desesEtats) ne
Jugurtha perdoit pas l'espérance d'entrer dans le traité que Bocchus son gendre venoit
luit Sylla de conclure avec Rome. Il envoïa à la Cour du Roy de Mauritanie un ha-
dans son
voiage en
bile Négotiateur nommé Aspar, qui y arriva avant Sylla, & ébranla l'esprit de
Maurita- Bocchus en faveur de Jugurtha. Le Roy de Mauritanie envoïa son fils Volux
nie. avec un corps de mille hommes au devant de Sylla; celui-ci prit d'abord ces
gens pour des soldats de Jugurtha, & se mit en bataille avec son escorte. Lorf-
que Volux & Sylla furent arrivez au camp, on vint leur dire que l'armée de
Jugurtha paroissoit. Volux effrayé proposa à Sylla de se sauver avec lui, &
d'abandonner le camp à la mercy des ennemis. Sylla crut d'abord qu'il étoit
trahi, mais il dissimula son inquiétude. Il partit ensilence, & pour tromper
Jugurtha,il laissa plusieurs feux allumez dans son camp. Mais Jugurtha in-
formé de la vérité, alla se poster sur le chemin par ou Sylla devoit passer,
pour lui disputer le passage.
X Xi. On en avertit Sylla au point du jour, au moment que son armée se
Sylla & Vo- disposoit à prendre un peu de repos, aprés une marche très-longue & trés-
lux palseut pénible. Les soupçons contre Volux se renouvelèrent, & les soldats vouloient
à traversle le masifacrer, Sylla découvrit sa pensée, & lui dit qu'il pouvoit partir & aller
camp de
Jugurtha. avec ses gens joindre Jugurtha. Le jeune Prince le rassura, & lui dit
qU'a{su-
rement le Roy de Numidie n'en vouloit point à sa personne, que son inten-
tion ne pouvoit être que de se faire un mérite de l'avoir laissé passer suin &
sauf, pour mériter d'entrer dans le traité conclu avec le Roy de Mauritanie.
En même tems il engagea Sylla à venir avec lui dans le camp de Jugurtha,
lui promettant qu'ils y passeroient sans péril. Lachose arriva comme il l'avoit
dit; Sylla &Volux traversérent le camp ennemi, & arrivèrent heureusement
à la Cour du Roy de Mauritanie. Ce Prince envoïa au-devant de l'Ambassa-
deur Romain Dabar petit-fils de Massinissa Roy de Numidie, pour l'afsurer
que tout étoit bien disposé en sa faveur en la Cour de Bocchus, & qu'il termi-
neroit heur eusement l'affaire pour laquelle il étoit venu. Qu'il pouvoit choi-
sirle lieu & le jour de la conférence. Qu'en public le Roy de Mauritanie lui
parleroit à lui & à Aspar en peu de mots ; mais que dans le particulier il lui
donneroit d'audi longues audiences qu'il souhaiteroit.
XXII. Dans la prémiére entreveuë, qui se fit en présence d'Aspar, Sylla dit fim.
Intrctiens plement au Roy, qu'il étoit venu pour lavoir s'il vouloit la paix ou la guerre.
deBoccbu'5 Bocchus répondit,que dans dix jours il lui'déclareroit sa dernière résolution.
avec Sylla. Dez-la nuit suivante Sylla fut introduitsecrétement dans l'appartementdu Roy.
Dabar seul fut témoin & Interprete de l'entretien, &on lui fit faire serment
qu'il
qtisil garderoit un secret inviolable. Bocchus témoigna à Sylla une vive ré-
connoissance de tout ce qu'il avoit fait pour lui & pour ses Ambassadeurs; il
lui fit des protertations d'attachement & des offres de services, l'alfara qu'il
abanjonneroit absolument Jugurtha, & que désormais il vouloit s'appliquer à
mériter la confiance & l'amitié des Romains. Sylla répliqua que le moïen
d'y réüssir étoit de livrer Jugurtha. Bocchus se recria sur cette proposition,
& lui témoigna l'horreur qu'il avoit de trahir un' Beau-Pere, un Roy, un
voisin, un allié; qu'un pareil attentat le rendroit l'exécration de toute l'Afri-
que & de tous les peuples du monde. Sylla travailla à lever ses scrupules,&
enfin Bocchus promit de taire ce qu'on demandait de lui : il ne fut plus que-
ssion que de trouver des expédiens pour faire tomber Jugurtha dans le piége.
On lui fit entendre qu'il ne lui seroit pas malaisé d'entrer dans le traité de
paix que Bocchus avoit obtenu à Rome, s'il vouloit se rendre auprès de Sylla
pour négotier avec lui.
Bocchus proposi la choseà Aspar Envoïé de Jugurtha, & Aspar partit pour XXIII.
aller en faire la proposition à son maître. Celui-ci à son tour fit proposer à Jugurtha
demande
Bocchus de lui livrer Sylla, afin d'obliger Rome à lui accorder la paix, pour que Boc-
obtenir la délivrance de cet AmbaŒideur. Bocchus fut surpris de la demande chus lui
de Jugurtha , & promit de lui livrer Sylla. Jugurtha sur ces promesses s'ap- livre Sylla.
proche de la Cour du Roy de Mauritanie, & celui-ci après bien des mouvemens, SaUufi. dt
Bello
des agitations, des remords, des inquiétudes, fit enfin venir Sylla, & lui dé- gurth.
clara que sj dernière résolution étoit prise, & que ce jour-là même il lui re-
mettroit Jugurtha entre !es mains. En même tems il sit partir des troupes,
avec ordre de se mettre en embuscade autour d'un tertre, où les deux Roys
devoient se rencontrer pour entrer en conférence avec Sylla.
Jugurtha se rendit tans défiance & présque sans compagnie au lieu mar- XXIV.
qué; les soldats sortirent de leur embuscade. Jugurtha crut qu'elle étoit de- Jugurtha
Itinée pour arrêter Sylla; en même tems les soldats Mauritaniens se jettérent àestSylla, livré
sur lui, le saisirent, & le chargérent de chaines ; ils environnèrent ses amis Sallufi. Bell.
& leur coupérent la tête. En un moment Sylla voit entre ses mains le plus 1Jugurtb.,
grand ennemi du nom Romain; & sans effusion de tang.il remporte sur deux
Potentats une victoire qu'il ne doit qu'à son bonheur & à son adresse. Mais
aussi ne courut il jamais de plus grand danger qu'en se livrant au Roy de Mau-
ritanie, homme léger & irrésolu, & en s'exposant, comme il fit,entre les mains
de Jugurtha même, lorsqu'avec le Prince Volux il passa à travers son camp.
Les applaudissemens que toute l'armée donna à Sylla à son arrivée au XXV.
camp, & le peu de ménagément que Sylla eut pour le Consul Marius, aigri- Jalousiede
rent l'esprit de ce dernier, & répandirent dans son cœur les sémences de la Marius
contre
haine qui éclata dans la suite entre ces deux grands personnages. Sylla fit gra- Sylla.
ver sur une CornalineBocchus qui lui livroit Jugurtha, & dés-lors il n'employa Plutarcb.
plus d'autre sceau ni dans les lettres qu'il écrivit, ni dans les acres qu'il signa. in Sylla iS
Jugurtha sut amené à Rome, & gardé soigneusement dans les liens. Jamais in Alario.
Plin- 1-
on n'avoit témoigné tant de joïe pour la prise d'aucun Roy , parceque jamais e. x. J'l.
Roy ne s'étoit rendu aussi redoutable que Jugurtha. Par la prise la Républi-
que
que se trouva maîtresse de toute la Numidie, & delivrée d'une guerre trés-
dangereuse.
xxvi. Dans la Gaule Transalpine, le Consul Servilius Cafpion trouva que les
Le Consul Cimbres s'étoient emparez de la ville de Toulouse, & qu'ils dominaient dans
Cxpionrc» dépuis Narbonne jusqu'aux Pyrénées. Bientôt il les chassa de
prendTou- tout le pays
loufe sur Toulouse, par le moïen d'une intelligence qu'il avoit ménagée dans la ville.
les Gimmé- Il y avoit dans cette place un temple célébre consacré
riens.
à Apollon,dans lequel
avoit amaÍfé des richesses immenses. Le bruit couroit qu'une troupe de
tfujlin. on
Gaulois échappez de l'armée de Brennus, qui avoit pillé le temple de Delphes,
J. 3 2. c.
Diodor. étant rétournée de la Gréce dans leur pays,y avoit deposé l'or & l'argentqu'elle
Sicul. in avoit enlevé du temple d'Apollon de Delphes. Tout à coup ces sacriléges fu-
Excerpt. rent attaquez d'une maladie contagieuse, qui les fit rentrer dans eux-mêmes.
ValeJ; Les Devins consultez sur la çause de cette contagion, répondirent qu'elle ne
ceÍferoit que quand on .auroit jetté dans un lac voisin de Toulouse, les dé-
pouilles enlevées au Dieu Apollon. On obéït; mais dans la suite on tira du
lac une grande partie de ces richesses, & on l'emploïa à la décoration des
temples de la ville.
xxvII. Caepion se voîant maitre de Toulouse, résolut de s'emparer de ces gran-
cOrdeTou- des richesses: Il abandonna la ville au pillage, & s'enrichit lui & ses foidats.
louse ravi Pour sauver les apparences, il en envoïa une médiocre partie à Marseille, fei.
parGœ- de vouloir les faire transporter à Rome. Mais il disposa uneembu[ca.
pion. sa' gnant
Jiin 1.1%. de sur la route, qui enleva encore ce qui paroissoit deltiné pour le tire Ro-
Aul. Gell. main. Les malheurs qu'essuïérent les Gaulois premiers violateurs du temple
1. 3. Strœbo. de Delphes, &
ceux qui arrivèrent dans la suite à Caefpion lui-même, tirent
Paul. OroJ.
passer en Proverbe l'or de Toulouse, pour marquer une chose funeste à ceux qui
alii pajjîm.
l'avoient prise. On n'est pas d'accord sur la quantité d'or qui fut apportée
de Delphes a Toulouse. Les uns la font monter à cent dix mille livres d'or
pésant, & à cinq millions de livres de poid d'argent; d'autres à cent mille
livres pésant d'or, & à cent dix mille livres pésant d'argent. Selon Polido-
nius & Strabon,cette grande quantité d'or & d)argent,qu'on trouva dans le lac
de Toulouse & dans les temples, provenoit des mines du pays. On ne con-
noit plus aujourd'huy de lac prés Toulouse. On croit que les Romains deve-
nus maitres des Gaules, firent dessecher ces marais, & en tirérent des som-
mes immenses.
XXV111. Dans leRoïaume de Syrie, le Roy Antiochusde Cyzique se voï-lnt pai..
Dérègle- sible possesseur des Etats de son. frere, se plongea dans la volupté &dans des
ment du dérèglemens indignes de la Majesté Royale. Et ce qu'on auroit peine à croi-
Roy An-
tiochus de re, non-seulement il voïoit volontiers les Comédiens, les batteleurs & ces J
Cizyque. sortes de gens, qui sont d'ordinaire de la plus vile &de la plus méprilabie lie
Diqdur. Si- du peuple. 11 s'exerçoit dans leur métier, & se faisoit gloire de les imiter & de
cul. in Ex- former des machines hautes de cinq coudées,
ou delept pieds & demi, cou-
ce7 pt. Va-
?3. vertes de lanles d'or & d'argent, qu'il faisoit remuer par des ressorts cachez.
3
Quelquefois il alloit à la chasse pendant la nuit, & comme furtivement, ac.
An du M. compagné seulement d'un ou de deux serviteurs, attaquant imprudemment
a 992.1991 & té-
& témérairement'des Sangliers, des Lions ou des Léopards, qui le mirent sou- avant J
vent en grand danger de sa vie. iog. 107.
Antiochus Gryphus son frere ne montroit gueres / moins de dérèglement
/ r XXIX.
d'esprit. Nous avons veu qu'après sa défaite il s'étoit retiré à Aspendum. cez Luxe & ex-
d'An-
Delà il revint en Syrie avec des -troupes & s'étant accommodé avec son tiochus
,
frere, il eut pour partage la Syrie,& Antiochus deCizique eut laCélé-Syrie. Gryphu?.
Gryphus faisoit principalement consister sa magnificence dans la profusion Athen.
mal reglée des repas, qu'il donnoit dans le faubourg deDaphné proche d'An- 1.L 1. c. 9.
tioche. Il y traitoit tous les jours grand nombre de personnes,& après le ex Pqfîde* 12>c. Il..

de toutes^ sortes ; nia.


repas il les renvoyoit chargez de viandes toutes cuites grande quantité de -
Gibier, poissons , animaux terrestres & oiseaux ; avec mets
délicats & de friandises qu'on servoit au-dessert des couronnes d'encens &
, de la longueur d'un honi-
de myrthe des couronnes d'or, ou des guirlandes
, aussi à ses conviez des animaux vivans, desoyes, des liè-
me. 11 disi:ribüoit
vres , des chevreuïls, des vases d'argent, des esclaves, des chevaux,
des cha-
meaux; Il leur donnoit l'esclave qui leur servoit a table, & a son chacun un cha,
meau, à condition qu'il le monteroit, qu'il le garderoit avec équipage &
le garçon qui le conduitoit.
Cependant les deux Antiochus étoient toujours en guerre, & ne cefToien t d'e- XXX*
xercer des ades d'hoRilitez l'un contre l'autre; s'affoiblissant ainsi mutuellement
Jean Hir-
& se détruisant ; ce qui donna occasion à Jean Hircan Chef des Juiss de se Samarie. can afflége
soustraire entièrement à l'obéïssance desRays de Syrie, & à jouïr tranquile- goJeph.
ment des revenus qu'il tiroit de la Judée. Il osa même faire le siége de Sa- Antiq. l.is»
marie, quoyque la place fut très-forte & trés-bien munie; Ceux de Samarie c. 17.duIg.
implorérent le secours d'Antiochus de Cyzique, dans les Etats duquel leur M. An
3894.
ville étoit sxtuée. Le Roy y vint avec une armée; mais il fut vaincu parAn- ?89Ç.avafti
tigone & Aristobule sils du Grand-Prêtre Jean Hircan , qui le poursuivirent J. a. 1-06.
juiqu'à la ville de Scythopolis. 105.
. Ce Prince ne se sentant pas assez fort pour faire la guerre aux Juifs avec
ses propres troupes, pria Ptolémée Lathure Roy d'Egypte de lui envoyer six
mille hommes pour faire le dégât dans la Judée, & obliger par-là le Grand-
Prêtre Hircan de retirer son armée de-devant Samarie. Avec ce secours An-
tiochus fit irruption dans la Judée, & y donna liberté aux soldats Egyptiens
de fourager & de piller ; mais ils tombérent dans les embuches que les Juifs
leur dreiTérent, & perdirent beaucoup de monde ; de sorte qu'Antiochus
sut obligé de se retirer à Hierapolis de Syrie , laissant le soin de la guerre de
Judée à Callimandre & à Epicrate deux de ses Généraux. Callimandre fut tué
dans une rencontre où il s'étoit imprudemment engagé, & ses troupes furent
mises.ell déroute. Epicrate se laissa corrompre par argent, & livra aux Juifs
la ville de Scythopolis & quelques autres places. Ainsi Samari.e fut obligée
de se rendrexaprés un an de siége. Jean Hircan en fitraCer non seulement les
fortifications, mais même les maisons, & la réduilit en un monceau de
pierres.
La République Romaine aprés la guerre contre Jugurtha, eut pour nou- XXXI.
veaux Consuls P. RutiliusRusus,&LVlalliusIVlaximus. Celui-ci eut pour Rufus. &
P. Rutilil1S
Tom. 111. Mm m m département
Cn. Malli- département la Gaule Transalpine & la guerre contre les Cimbres, & Ruti-
us Maxi- lius Rufus demeura en Italie. Marius fut continüé en Afrique avec la qualité
mus Con- de Proconsul, & sous lui Sylla en qualité de Proquesteur& de Lieutenant
duis. An de
"R. 648. du
Général. On partagea les Etats dejugurtha entre Bocchus,qui eut la partie
M. 3896. la plus voisine de ses Etats; Hienlpfal & Mandrestal, les plus proches parens
avant J. C. du Roy Massinissa eurent chacun une portion de la Numidie; La Républi-
,
104. que se réserva celle qui étoit la plus voisine de la Province Africaine.
XXXII. Le Proconsul Caepion avoitété continué dans la Gaule Transalpine, pour
Mallius se tenir tête aux Cimbres. Lorsquele Consul Mallius y arriva avec une nouvelle
rend dans armée Gepion n'eut pas pour lui le respeâ: qu'il prétendoit lui être dû.
la Gaule , mésintelligence
Narbon-
Delà la entre les deux Généraux, & de suite entre les subal.
noise. ternes. La chose alla si loin qu'il fallut séparer les deux armées. Elles mi-
OroJ. 1. ç. rent entr'elles le fleuve du Rhône. Cette division fit augurer aux Cimbres, &
6.1 Epi- aux autres peuples qui s'étoient joints à eux de toutes les parties delaSuide,
tome Liv.
que la défaite de leurs ennemis étoit certaine. Ils devoiiérent à leurs Dieux
toutes les dépouilles qu'ils prendroient sur les Romains. D'abord les Gau-
1. 66. 67.

lois défirent un détachement Romain commandé parMarcus Aurelius Scau-


rus, qui trois ans auparavant avoit été Consul. Scaurus y fut fait prisonnier
de guerre. Le Consul Mallius craignant de succomber aux Gaulois, invita
Caepion de se joindre à lui ; celui-ci le refusa d'abord; Puis y ayant fait refle-
xion , passa le Rhône, & s'approcha de l'armée Consulaire, mais sans aucun com-
merce avec le Consul.
Les Cimbres craignant que la réunion des deux Généraux ne leurdevînt
xxxm. funeste, députèrent à Consul pour lui demander la paix. Ils furent obli-
Défaite du ce
Confut gez de passer au travers du camp de Caepion , qui les maltraittade paroles, &
Mallius êc fut sur le point de les faire massacrer. Mais les Officiers de son armée les
du Général garantirent, & obligérent même Cxpion à se rendre dans la tente du Consul,
Caepion. des Cim-
Epitom. pour assister aux délibérations qui se feroient sur les propositions
Liviil. 67. bres. Caepion s'y rendit, y combattit avec aigreur les sentimensdu Consul,
& poussa les choses jusqu'à l'insulte. Les Cimbres & les Gaulois informez
de la haine reciproque des deux Généraux Romains, prirent larésolution de
les attaquer chacun de leurs cotez. Les Gaulois forcèrent le-camp de Mal-
lius, & les Cimbres celui de Caepion. La défaite des Romains futsi entiére
que de quatre-vingt mille hommes, à peine en échapa- t'il dix
soldats, avec
les deux Chefs, pour en porter la nouvelle à Rome. On massacra de plus
environ quarante mille valets , ou vivandiers. Toutes les dépouïlles furent
consacrées à l'anathéme. Les habits & les meubles furent mis en pièces,
l'or & l'argent fut jetté dans le Rhône ; les chevaux furent noyez, & les pri-
sonniers pendus à des arbres. Ainsi crurent-ils venger l'honneur d'Apollon ,
dont le temple avoit été profané par Gepion.
XxxIV. La nouvelle de cette désaite arriva à Rome le même jour que celle de
Le Consul la défaite de l'armée Prétorienne taillée en pièces par les Lusitaniens ; Ce fut
Rutilius ré. la veille des Noues, ou le sixiéme d'Octobre : & le Senat mit ce jour au
tablit malheureux. Caepion fut ignominieusement déposé du
l'houaeur nombre des jours
^elaRépu- Généralat, & déclaré incapable de commander les armées Romaines. Il se
condamna
condamna lui-même à l'exil, où il mourut Selon quelques-uns, 1 périt en I)Iiqiie
&
,
lève une
Tou- armée
prison , selon d'autres,dans le lieu deltiné a l'execution des criminels. ^nou-
de Rome furent fermées, & tous les Citoyens quittèrent la
tes les boutiques velle.
Save,pour prendre l'habit militaire. On fit de nouvelles levées, tous ceux
&
qui se trouvèrent en âge de porter les armes, surent emojez. de Le Loniul
Rutilius s'acquit autant de gloire parle soin qu'il apporta à former nouvelles
& à préserver l'Italie de l'inondation des Barbares, que ion Collégue
troupes,
MaUius s'étoit attiré de deshonneur par son peu de valeur & de con-
dUlt<Les
Cimbres & les Gaulois ne sçurent pas profiter de leur viâoire. Au
XXXV.
lieu de pénétrer en Italie & d'attaquer Rome dans la consternation où ellese Seauru» cst
aprés la défaite de ses armees, ils délibérérent s ils pasïeroient les Al- GO n ful té
trouva
pes , où s'ils s'attacheroient à reduire à leur obéïssance la Province Romaine, pur les
Cimbres.
qui comprenoit les villes d'Aix, de N-arbonne & de Toulouse. Ils crurent Bojorix le
pourroit leur donner sur cela quelque
que Scaurus,qui étoit leur prisonnier, met à mort.
bon conseil ,& que pour recouvrer la liberté,il leur découvriroit le foible de
sa République. Scaurus leur parla avec une liberté qui les surprit, & leur
déclara que le meilleur conseil qu'il pût leur donner , étoit de le contenter
de la victoire qu'ils venoient de remporter , & dene songer jamais à attaquer
les Romains dans l'Italie, oùilsétÓient invincibles.. Un de leurs Roysnom-
mé Bojorix, offensé de la maniére dont ce prisonnier parloit, le perça de son
épée. Toutefois ils n'osérent passer les Alpes , & perdirent tout le fruit de
leur viétoire.
Dans l'intervalle Rome élut de nouveaux Consuls, qui furent C. Manus 6. XXXVI
Fimbria. On crut qu'on pouvoit dans Marius
vainqueur de Jugurtha, & C. Flavius & C. Flavi-
périlleuse passer dessus de la Loy, qui permettait
une conjoncture si
, au ne us Fimbria
qu'après dix ans d'intervalle. Ma- Consuls.
pas d'élever la même personne au Consulat
rius apprit étant en Afrique, l'honneur qu'on lui avoit fait, sans qu il le deman- An deduR.M.
dât, & se rendit à Rome en diligence. Il y triompha les premiers jours de 649. 897*avant
Janvier ; Jugurtha & ses deux fils parurent dans la cérémonie de son triom- J.G.to?.
phe, & attirèrent les yeux de tous les Romains. Ce malheureux Prince per- I.ivii
dit, dit-on , l'esprit durant cette marche. Il mourut dans sa prison six jours 1.67, Epitom.
aprés le triomphe de Marius, d'autres disent, qu'il y fut étranglé au retour d,e tareb. Plu-
cette cérémonie. Ses fils demeurèrent esclaves dans la ville de Venude,au- Mari,.
i7j

jourd'hui Venofa.
Le peuple Romain défera à Marius la guerre contre les Cimbres , & av xxxvii.
Fimbria le département d'Italie. Marius choisit pour cette importante expé- Marius pasfd dans
dition les soldats que le ConsulRutilius avoitdrenezaprèsladëraitedeMallius, les Gaules.
& laissa à Fimbria les troupes qu'il avoit ramenées d'Afrique. Sylla suivit
Marius en qualité de son Lieutenant.Général. ils passerent les Alpes, & trou-
vérent la Province Narbonnoise ravagée par les Cimbres ; mais ces peuples
s'étoient jettez dansl'Espagne,dans l'esperance d'y faire un riche butin. Ce
fut un grand bonheur pour Marius, de ne pas trouver les ennemis en cam-
pagne ; Son armée étoit nouvelle, & nullement aguerrie. Il la contint dans
la olus'exade & la plus sevére diseipline.
-YXXVIII. En attendant le retour des Cimbres, il ordonna à Svlla d'aller attaqueriez
Sylla défait Tedosages, afin d'accoutumer petit à petit les soldats a voir & à combattre
les Te&o- de plus redoutables ennemis. Sylla battit les Tedosages & fit prisonnier
sagcs* de leurs Roys nommé Copillus. Marius prévoyoit qu'il auroit bientôt suries
un
bras une foule innombrable d'ennemis.Gaulois, Cimbres, Teutons,Ambrons,
Tigurins, Tugenes, Urbigenes. Les troupes qu'il commandoitrn'étoient pas
assez nombreuses pour résister à cette foule d'ennemis. Il obtint du Senat
la permission de faire venir d'Orient dusecours dans son armée. Il en de-
manda en particulier à Nicomédes Roy de Bithynie fils de l'ancien Prusias.
Ce Prince s'enexcusa sur ce que les Publicains lui avoient ,
enlevé grand nom-
bre de ses sujets de condition libre, & les avoient réduits en servitude,&em-
menez en Italie, où ils gemiflToient dans l'esclavage. Le Senat eut égardaux
raisons de Nicoméde, & ordonna qu'on rendroit la liberté à toutes les per-
sonnes de condition libre, qui avoient étez enlevées parsorce des pays alliez
des Romains, pour être réduits en servitude & pour cultiver les terres que
la République faisoit cultiver à son profit, tant ,
en Italie , qu'en Sicile.
XXXIX. A la premiére nouvelle de cette ordonnance, les esclaves étrangers in-
Révolté de continent &
Vettius. Il par voïe de fait, se mirent en liberté. Jes prémiers qui osérent
arme les
le faire étoient à Nicerie aujourd'huy Noceradans le Royaume de Naples.
esclaves En même, tems un nommé ,Vettius, fils d'un Chevalier Romain extrémement
d'Italie. riche, après avoir dissipé la partie de son patrimoine qui lui devoitlécheoir,
Epitom. acheta à credit une jeune esclave dont il étoit amoureux. N'ayant pu payer
Livii l. 67. la somme,
An du M.
J. G. IrOO. Puis se répandant dans les campagnes
à contribution.
,
qui étoit de sept talens Attiques, dans le terns promis: il arma qua-
ggoo..avan-t tre ou cinq cens esclaves ; dont il employa les armes à faire périr ses créanciers.
il les désoloit & mettoit les villages
Sa troupe étant grossie jusqu'au nombre de sept cens hom-
mes, il se cantonna dans un endroit de difficile accés, dont il fit comme un
lieu d'azile pour tous les esclaves mécontens. Bientôt ilse vit à la tête de
,
trois mille cinq cens hommes , qui le proclamèrent Roy.
XL. Le Senat fit partir en diligence LuciusLucullus Préteur de Rome,pour
Lucullus étouffer la rebellion dans san origine. Lucullus attaqua Vettius & fut battu.
est envoyé Il
contré Vet- eut recours à l'artifice , & gagna par promesse & par récompense un nom-
tius. Liv. mé Apollonius , que
Vettius avoit fait Général de ses troupes, &quilelivra
ibid. à Lucullus. Vettius n'évita le dernier supplice, qu'en se donnant la mort.
Voila où le conduisit la débauche & une passion déréglée.
XLI. En Sicile le nombre des esclaves étoit plus grand que par-tout ailleurs;
Autre soû- Le Fisc Romain y possédoit toutes les meilleures terres, & les Publicains qui
N
lèvement
des escla- les faisoient cultiver , enlevoient sans scrupule tous ceux qu'ils croyoientles
ves en Sici- plus propres à les faire valoir. Aulli-tôt que l'ordre du Senat, dont on a
le. Liv. parlé fut publié en Sicile, le Gouverneur de l'Isle, nommé Publius Licinius
Epitom./ Nerva, le mit en exécution & délivra huit cens de ces esclaves, & fit an-
67. c. 29. , ,
&c. noncer que tous ceux qui avoient des remontrances à lui faire, pourroient le
venir trouver à Syracuse. Le nombre des remontrans fut si prodigieux, que
Licinius en fut étonné ; Les Publicains le gagnèrent à force de présens ; Il
Jrenvoya
les esclaves à leurs travaux iaus vouloir les écouter. Ces malheu-
reux
reux réduits ?u désespoir, se retirérent dans un bois consacré aux Dieux Pali-
ces, que les Païens faisoient fils de Jupiter & de Thalie. D'abord on crut
qu'ils ne s'étoient retirez dans cet azile, que pour obtenir quelque adoucisse-
ment auxchâtimens, qu'ils craignoient de la part de leurs maitres.
Mais se rencontrant ensemble, ils se communiquèrent leurs meconten- XLll.
temens & prirent les armes. Deux freres nommez Ancilius furent égorgez sait Salvius cst
pendant la nuit par trente de leurs esclaves. La nuit même ils se trouvèrent Ghesdes Roy &
en armes au nombre de cent cinquante; leur nombre s'augmenta bientôt, enclaves
& le Préteur Licinius n'osant les attaquer, composa avec un voleur de grands révoltez
chemins nommé Cajus Titinius, qui s'étant joint aux esclaves, les trahit & de Sicile.
livra aux Romains le Chateau où ils s'étoient retirez. Quelque tems après d'au- Liv. Epito-
I. 67-
tres esclaves au nombre de quatre-vingt,tüérent leur maitre, Chevalier Romain me
nommé Clonius. Le Préteur Licinius n'osa les attaquer. Sa timidité les ren-
dit plus hardis; en peu de jours ils se trouvérent au nombre de six mille. Ils
se donnèrent pour Roy & pour Général un Joueur deflûtes nommé Salvius,
qui se mêlait aussi de prévoir l'avenir par l'inrpeaion des entrailles des vidi-
mes. Aïant partagé sa troupe en trois bandes, il les envoïa sous trois Chefs
differens dans les campagnes pourramasser les mécontens Ils luiramenèrent
tant d'hommes & tant de Chevaux, qu'en peu de tems il se vit à la tête d'une *

armée de vingt mille homme de pied& de deux mille Chevaux, avec lesquels
il osa entreprendre le siége de Morgantie, ville située sur le bord du Simethe,
aujourd'huy la Jaretta.
Le Préteur Licinius approcha de Morgantie pendant la nuit, enleva aux XL Il!..
Rebelles tout le butin qu'ils avoient fait, & reprit leurs femmes qu'il remit en Viéloire de
-
captivité; de suite il tomba sur eux&lesdissipa. Salvius rassembla les fuïards, Salvius
contre le
& la nuit même fondit sur les Romains, quinese désioient de rien, & les ob- Préteur Li-
ligea à mettre les armes bas. Il ne périt dans cette action que six cens Ro- cinius.
mains. Mais Salvius leur fit quatre mille prisonniers de guerre. Aprés cet Liv. h 6 7.
avantage Salvius continüa le siége de Morgantie, qui fut si bien défendue par
les esclaves des Bourgeois, auxquels on avoit promis la liberté que Salvius fut
,
contraint de lever le siége. Le Préteur Licinius ne permit pas qu'on tint parole
aux esclaves de Morgantie, & par cette infidélité les mit dans une espèce
d'obligation de se joindre aux mécontents, & de se ranger fous l'obëïssance de
Salvius, qui étoit maitre de la canlpagnedépuîs Morgantie jusqu'àLeontium.
D'un autre coté un nommé Athénion né en Cilicie, & esclave d'un XIAV.
homme riche, qui lui avoit donné le commandement de ses autres esclaves, Ath'iniorî
& l'intendance de sa maison, se souleva, tüa son maitre, se m-it à la tête de se met à
tète des
deux cens esclaves de son maitre, en rassembla d'autres au nombre de mille, laesclaves
prit le Diadème & le nom de Roy, & forma une armée d'esclaves choisis, aux envi-
& pleins de résolution : car il ne recevoit à son serviceque ceux qu'il croïoit rons d'E-
les plus propres au métier de la guerre. 11 en ramana environ dix mille, gcrthe de
avec lesquels il entreprit le siége de Lylibée. C'étoit une vraie témérité de de Lylihée,
longer à prendre une telle place. Au sit Athénion contrefaisant l'inspiré, car LitJ. L (>7..
il le piquoit de prévoir l'avenir, dit à ses gens qu'ils étoient ménagez d'un
malheur prochain, s'ils, ne se retiroient. Ils levérent le siége, 4 prefqu'en
m: n^ tenr>, irrivjr Afrique une flotte envoïée par Bocchus Roy de
0'1 vit 1

Mauritanie au secours des Romains. Les Afriquains donnèrent sur l'arriére-


garde d'Athénion,& lui tuèrent quelques soldats. Leurs camarades n'en eu-
rent que plus de confiance pour leur Roy, qu'ils considérérent comme un
homme visiblement: favorite des Dieux.
XLV. Salvius comptoit alors trente mille hommes sous ses enseignes. Il lui
Salvius bâ- prit envie de bâtir une ville pour en faire la Capitale de son Royaume. Il
tit la ville choisitpour cet effet un lieu delicieux nommé Triocale, comme qui diroit, trois
de Trioca-
lc , & fiu-- fois beau; beau par sa situation avantageuse; par ses belles eaux; & par
ses
pread coteaux revêtus d'oliviers, de vignes & d'arbres fruitiers. Il en bâtie !a ci-
Athénion. tadelle sur les ruines d'un vieu chateau; il sorma l'enceinte de la ville par un
Epitome folle qui avoit mille pas de circuit. Salvius prit alors le nom de Tryphcn,
Lip. 67.
& invita Athénion de venir avec ses gens pour peupler la nouvelle cité. Athé-
1.

nion s'y rendit avec seulement trois mille hommes, lereste de sa troupe étant
demeuré dans les campagnes, où elle faisoit le ravage. A peine fut il entré
dans Triocale, qu'il fut arrêté & enfermé dans la citadelle , où il demeura
jurqu'à la mort de Tryphon.
XLVL Tel étoit l'état de la Sicile, tandis que le Consul Marius dans la Gaule
Marius ré- Narbonnoise, attendoit le retour des Cimbres, qui.comme on l'adit,avoient
cOIUpt:afe passè les Pyrénées & s'étoient jettez en Espagne. Un de ses neveux nom-
Trebonius
mé Caïus Lusius, ,avoit conçu une amour infâme pour un je-une soldat nom-
pour nne mé TrebÓnius. Comme il entreprit de lui faire violence, Trebonius le
a&ion de perça
ptidicité &: de son épée. Marius étoit alors absent. A son retour on lui raconta la chose.
de valeur. Trebonius prouva par témoins l'outrage qu'on avoit voulu lui faire. Le
Plutarch. Consul récompensa sa vertu & son & lui mit sur la tête une de ces
in M-irio. courage,
Valer. , couronnes,
qu'on n'accordoit qu'après une adion de valeur.
xïm. /. 6. Cette conduite de Marius lui valut le Consulat. Le peuple Romain le
e. 1. &c. choisit qnoiqu'absent Consul pour la troisiéme fois, avec L. Aurelius Oreltes.
XLV il. Celuy-cv demeura en Italie, avec commission d'en défendre l'entrée aux
(J. Marius
Conftri Cimbres & aux Gaulois, s'ils se présentoient pour y faire irruption. Marius
j^ourlatroi- resta dans la Gaule Trisalpine à la tête de san armée trés-considérablement
lié aie fois ' augmentée par les secours oue les Roys & les Provinces alliées lui avoit nt
& L. Aure " rnvoïez. Aussi avoit-il à resister à une inondation terrible de Gaulois, de
lias Ore- de Teutons, d'Helvétiens & de Cimbres, qui ménaçoient l'Italie.
stes. An de Germains,
R. 6so. du Ces Barbares étoient encore en
Espagne. LesEspagnols avoient réiini leurs
M 3901. forces avec celles de Marcus Fulvius Préteur, pour résister à l'ennemi com-
avant J. C. mun. Livrer une bataille à ce prodigieux nombre de Barbares, c'étoit une
59, Liv.
t entreprise trop périlleuse. Le Préteur ufa de stratagén.e. Tous les jC1urs il
Epitom.
1. 67. envoïoit la cavalerie Espagnole leur insulter jusqu'au pied de leur retmiche-
Les Cim.. ment; à l'instant les Barbares sortoient tous de leur camp,& poursuivoient
bres quit- la cavalerie qui fuïoit à toutes brides. Fulvius aïant remarqué qu'ils ne lais-
tent l'it- soient personne pour garder leur camp, se mit en embuscade avec une troupe
spagne.
Fronti;f de soldats choisis; les Cavaliers Espagnols étant venus à l'ordinaire à portée
%
Stratag. du camp, furent poursuivis par les Barbares. Au même moment Fulvius
1.2. e. ç. se jette dans leurs retranchemens & s'en rend maître. C'en fut assez pour
déterminer
déterminer les Cimbres à quitter l'Espagne, où ils ne pouvoient plus subsi-
ster que trés-difficilenient.
Ils ne rentrérent toutesois dans les Gaules qu'après le départ de Marius, x Lin IL
qui fut rappellé à Rome pour présider.à l'éledion des Consuls; L. Aurelius Marius ré-" à
Orestesson Collégue étant mort dans son camp, au pied des Alpes dans l'in- tourne Rome et
térieur de l'Italie, Marius entreprit de se faire élire Consul pour la quatriéme obtient un
fois. La choseétoit contre toutes les régies. Pour y réüssir il mit dans ses quatrième
intérêts un Tribun du peuple nommé L. Apuleïus Saturninus, qui fit entendre Confuse.
gloire de son honneur continuer le Consulat Vide Plu-
au peuple qu'il étoit de sa & de
tareb. in
à Marius, sans faire attention à l'usage ou aux Loys cbntraires,disant que les Mario,
circonstances présentes demandoient qu'on senlÎtau dessus des règles ordinai- Epitom.
res. Cependant Marius par une modestie affedée, feignoit de ne vouloir pas Lîv.1,67.
qu'on pensât à lui pour le Consulat. Dans ces entiefaites arriva à Rome la nou-
velle que les Cimbres passoient les Pyrenées & rentroient dans les Gaules.
L'extrémité du péril fit réunir toutes les voix à le nommer Consul. Il feignit:
de réfuser & de s'exculer, & le Tribun Saturninus qui s'entendoit avec lui
pour joüer ce personnage, alla jusqu'à le traiter dans ses harangues de traitre
à sa patrie, &de rebelle aux volontez du peuple.
On lui donna pour Collègue Q. Lutatius Catulus; Marius rétourna prom. XL IX.
Marius
ptement dans les Gaules ,& Catulus prit le commandement de l'armée d'Italie; G.
. Sylla quitta alors l'armée de Marius, avec qui il étoit mal, & servit dans pour
celle de Catulus, où il ne fut pas inutile. Les Cimbres &les Teutons an sor-
Gonful
la
quatrième
tir de l'Espagne, tinrent Conseil entr'eux 7/&aïant remarqué que leur grande fois, & Q:,
multitude leur étoit à charge, ils résolurent de se séparer, &de tenter lepas- Lutatius
sage en Italie par différens endroits, Les Cimbres y devoient entrer en traver- Catulus. AndeR.
sant la Germanie, cotoïant les Alpes, & passant par la partie Orientale du 6jo. du M.
Frioul, le Comté de Goritz & une petite portion de l'Istrie. Les Teutons, 3902, avant

,
les Ambrons & les autres nations Gauloises & Helvétiennes, devoient se faire J.C.jtf.
un passage à travers les Alpes Occidentales, & le pays des Liguriens Transal-
pins, qui s'étendoit dépuis leVar jusqu'au Rhône. Ils s'étoient de même
partagé par avance les Regions d'Italie où ils devoient s'établir. Les Cim-
bres devoient avoir pour partage l'Italie de delà le Po, & les Teutons celle
de deça le même fleuve. Après quoy ils se promettoient de réünir toutes
leurs forces pour aller assiéger Rome.
Selon cette disposition l'armée Romaine commandée par Marius eut af- E.
faire aux Teutons, & Catulus aux Cimbres. Marius avant que d'entrer en Lettre de
Marius aux
action contre les Teutons, voulut s'assurer de la fidélité des Gaulois dela Gaulois
Gaule Orientale, au milieu desquels il se trouvoit. 11 écrivit des Lettres cir- pour 1;'af-
culaires à chacune des villes, & dans le même paquet il avoit enfermé une surer de
seconde Lettre, cachetée de son sceau, avec ordre aux Magistrats de n'ouvrir leur atta-
cette dernière qu'à un certain jour determiné. Avant le jour marqué le Con- àchernent la fté
sul envoïa réprendre les Lettres, & par le cachet rompu où entier il jugea publique.
de l'attachement de ces villes au parti de la République, ou du peu de fonde. Liv. Ep/t-
ment qu'on pouvoit faite sur leur fidélité. me l. 69.
Marius pour se mettre à couvert de- la multitude des Barbares, qui cou- c. a.
vre ient
r LI. vroient, pour ainsi dire, toute la terre, vint se camper fort au delTous du con-
Marius fluent de risére dans le Rhône au dessous d'Arles * & afin de conserver à son
creuse un armée une communication avec la mer mediterranée, pour faire venir par le
Ganal prés Rhône les vivres dont il avoit bésoin, il entreprit
le Rhône. un Canal fort vanté parles
anciens, sous le nom de soffa Mariana, mais dont on connoit assez peu aujour-
d'huy la situation. On croit que le nom de Camarque que l'on donne à une
Isle formée par le Rhône en la ruer Mediterranée, dans la partie la plus Oc-
cidentale de la Provence, derive du nom Latin Cajlra Mariana, camp de Marius,
parcequ'il étoit campé en cet endroit. Ce fut-là qu'il attendit les Teutons.
Ll L Ceux-ci n'étoient point accoutumez à assiéger les places ; ni dressez à
Les Tcu- forcer un camp. Ils combattoient de pié-ferme & en rase campagne, sans
tous ne rufe, sans stratagéme. Ils venoient par troupes au pied des retranchemens
peuvent des Romains, poussant de grands cris,&avec un air menaçant les défier au com-
engager bat. Marius vouloit que ses gens se tinssent sur le rempart pour s'accoutu-
Marins au
combat. mer aux cris, au bruit des armes, à la veuë des visages farouches des Barba-
res, mais ne leur permettoitpasde sortir; cependant il lâchoit de tems en teiws
quelques manipules pour faire le dégât à la campagne; par ces lenteurs ilaf-
'foiblissoit son ennemi, qui seconsumoit faute de vivres, &en même tems il
afFermiiïoit ses propres troupes, qui commencèrent à mépriser les Barbares,
dont ils avoient d'abord rédouté la taille & l'air menaçant. Enfin les Teutons
furent obligez de décamper, & d'aller chercher ailleurs un passage à travers les
Alpes. On dit qu'ils furent six jours à défiler le long du camp des Romains,
tant leur multitude étoit grande,& qu'en passant ils demandoientaux soldats
s'ils n'avoient rien à mander à leurs femmes, & que bientôt ils leur porte-
roient de leurs nouvelles à Rome.
LllL Marius lui-même décampa, &suivit en queue l'armée des Teutons. Il les
Combat de atteignit proche la ville d'Aix.Ils étoient répandus le long de la rivière d'Arc,
Marius & Marius se campa plus haut dans un endroit sec & destitùé d'eaux. Il y for-
contre les tifia son camp, & ses soldats lui aïant demandé de l'eau, il leur montra la riviére
Teutons. d'Arc,
Plutarch. comme pour leur dire, qu'il en falloit aller querir l'épée à la main.
in Mario. Dans ce même tems les valets de
l'armée s'étant armez comme ils avoient pu,
Livii Epi- étoient allez puiser de l'eau dans la riviére. Les Teutons qui la gardoient,
tome 1. 68. fondirent sur les valets qui jettérent un grand cri. Les Légionaires accou-
rurent pour les défendre. L'armée ennemie prit les armes, & Marius rangea
son armée en bataille. Les A111brons qui faisoient la meilleure partie des trou-
mille hommes bie-n aguer-
pes confédérées, s'avancèrent au nombre de trente
ris , & frappant par mesure sur leurs boucliers, passérent la rivière & donnèrent
vigoureusement sur les Liguriens de l'armée Romaine, criant: Ambrons,
Ambrons. En peu de tems les Liguriens furent mis en déroute.Mais les Légions
s'étant avancées en bon ordre, les Ambrons à leur tour furent renveistz &
repoussez jusqu'au bord du fleuve.
LIV. Ils y furent presque tous massacrez. Une petite partie repassa la rivière;
Désaite des & voulut regagner leur retranchement, qui n'étoit composé que de quelques
Ambrons, charettes arrangées où les femmes étoient demeurées pendant le combat.
Dés-qu'elles virent ,revenir leurs maris en désordre, elles s'arment de tout
ce
ce qui se trouve sous leurs mains, & poussant de
grands cris, se jettent àcorps
perdu sur les ennemis & sur les amis indistindement. Aprés ce prémier em-
portement elles demandent la vie & qu'on leur conserve l'honneur. Leur de-
mande est méprisée. Réduites au desespoir,elles égorgent leurs enfans, puis
se donnent la mort à elles-mêmes.
La défaite des Ambrons n'étoit que le prélude de la bataille que Marius Combat LV,
avoit à soûtenir contre les Teutons, qui étoient en bien plus' grand nombre. contre les
Les Romains passérent la nuit dans des grandes inquiétudes , leur camp n'étant Teutons.
pas suffisamment fortifié ; Le lendemain les Teutons demeurèrent en repos, Plut4rch.h,
& donnèrent à Marius tout le loisir de mettre son camp en état de défense La Mario.
nuitsuivante le Conrul fit un détachement de ClaudiusMarcellus avec un corps Ltvii Epi tant,
d'infanterie, auquel il joignit en guise de cavalerie les valets de l'armée, llJOn- .i. 6î.
tez à cru sur ce qu'on trouva de bêtes de charge , & de chevaux dechurettes;
Marcellus alla s'embusquer derriére l'armée des Teutons, avec ordre de venir
fondre sur eux,lorsque l'adion seroit engagée. Au lever du Soleil Tentoboc-
chusRoy ou Général des Teutons, parut dans la plaine à la tête de son armée
rangée en bataille. Marius de son côté rangea son infanterie sur le penchant
du coteau où étoit son camp, & perm t à sa cavalerie de descendre dans la
plaine pour insulter l'ennemi, & l'attirer par une fuite simulée vers la colline,
où elle devoit revenir prendre les poltes sur leus deux aîles de l'armée Ro-
maine pour les couvrir.
Les Teutons s'avancent en bon ordre & malgré l'inégalité du terrain,
ils font des efforts prodigieux de valeur pour atteindre l'ennemi, & pour com-
battre de prés & l'épée à la main. On combattit jusqu'à midy avec un courage
qui rendit jusqu'alors la victoire indécise. La veuë du détachement de Mar-
cellus qui paroissoit une grosse armée, déconcerta les Teutons. Ils se trou-
vérent, tout à coup entre deux armées, qui en firent un carnage épouvantable.
Leur camp fut pris & pillé, & les soldats en donnèrent tout le burin à LVIa-
rius. On ignore quel fut le nombre des morts dans les deux combats.
Quelques-uns le font monter jusqu'à deux cens quatre vingt-mille hommes;
d'autres seulement à cent mille hommes- On dit que le nombre en fut si
grand, que les Marseillois formèrent avec leurs os des,hayes pour enferma
leurs vignes. Le Roy Tentobocchus fut fait prisonnier de guerre. Il étoit
d'une si prodigieuse hauteur, que quand il fut mené devant le char de Ma-
rius au jour de son triomphe, il surpassoit de toute la tête les trophées qu'on
portoit devant le triomphateur.
Lors qu'on reçut à Rome la nouvelle de cette victoire, le peuple désigna
Marius Conlul pour la cinquième fois. 11 en reçut les congratulations de Ion
armée, au moment qu'il alloit mettre le feu à un bûcher, ou piramide que
le soldat avoit élevé de tout ce qui s'étoit trouvé decombu.stible dans le camp
des Teutons. Le Consul Catulus n'avoit pas eu occasion de se signaler, par-
ce que les Cimbres n'étoient point encore parvenus jusqu'à lui Nous verrons
bientôt ce qui se passa du côté où il étoit avec son armée.
Cependant Rome donna pour Collégue à Marius, Manius Aquilinus, qui LVI.
fut destiné à aller faire la guerre aux esclaves en Sicile. Catulus étoit demeuré C Marius
Consul
Tom,
m Ill.
rf i N nnn au-
pour la au-deçi des Alpes avec la qualité de Proconsul, attendant que les Cimbres ar-
cinquième rivaffent dans le pays, pour leur livrer bataille. 11 s'étoit campé surl'Adige,
fois, & Ma- pour empêcher les Barbares de passer ce fleuve ; Ils ignoroient la défaite des
nius Aqui- Teutons leurs alliez & venoient remplis de confiance, descendantles Alpes
Jinus. An ,
de R. 6? 2. à travers les glaces & les neiges , & se laissant glisser assis sur leurs boucliers
duM.jyoj, sur les neiges jusqu'au bas des montagnes. Catulus avoit deux camps, l'un
avant J. G. situé sur un bord & l'autre sur l'autre bord de la riviére , communiquantrun
,
97- à l'autre par un pont de bois qu'on avoit jetté surl'Adige. Les Barbares alant
Liv. Epito.
1. 68.
trouvé que la riviére n'étoit pas guéable , entreprirent de combler son lier, ou
me c.
44. &c. du moins de le retenir de telle sorte qu'il fût aussi rapide qu'un torrent., &
qu'il emportât le pont que les Romains avoient construit pour la jondion de
leurs deux camps.
LVIK La hardiesse des Cimbres, leur grand nombre, l'appareil de leurs troupes jet-
L'armée de térent l'épouvante parmi les Romains. Ceux du grand camp où étoit Ca-
Catulus ,
tulus personne & qui étoit situé du côté de l'Italie furent les prémiers
prendla en ,
fuite. qui prirent la fuite,,
laissant le petit camp, qui étoit de l'autrecôté du fleuve, à
la merci des ennemis. Catulus voyant que malgré ses ordres & ses remon-
trances, ses soldats se rétiroient en détordre, alla se mettre à leur tête avec les
aigles Romaines, afin que sa fuite eût au moins l'air d'une retraite. Ceux
du petit camp furent bientôt assiégez par les Cimbres. Un de ces Barbares
d'une grandeur gigantesque présenta le défi au plus généreux des Romains:
Il fut défait & mis à mort par L. Opimius. Le plus grand nombre des Tri-
buns étoient d'avis dese faire jour à travers les ennemis, & de se retirer enlieu
de sureté. L'un d'eux s'opposa à cette résolution. Un Centenier nommé Per-
reïus le perça & l'étendit mort sur la place. Choisi pour commander dans le
petit camp , il obtint une capitulation honorable, &pour s'assurer de la fidé-
lité des Cimbres, il leur fit faire serment sur le Taureau qu'ils adoroient. La
Legion qu'il commandoit, alla heureusement joindre le gros de l'armée, qui
passa enfin le Po, & se mit hors d'insulte.
LTl]11. Les Cimbres avoient promis aux Teutons de ne rien entreprendre sans
Marius est eux ; Ils les attendirent long-tems, ne sachant pas leur défaite entière ; & par
rappdlé de leur négligence,ils donnérent aux Romains le tems de se précautionner con-
la Gaule Le Senat fit revenir Marius & son armée de déla les Alpes,
Tranfalpi- tre leur attaque.
& à & lui offrit le triomphe. Mais Marius le refusa , disant que les tems étoient
re mis
la tête de trop facheux,& le danger trop présent, pour songer à donner à la Républi-
l'armée de que un vain sped:acle. Il fut nommé Généralissime des deux armées, & s'é-
deça les tant rendu sur le Po, il ne craignit plus le grand nombre des ennemis. IVIa-
Alpes.
rius & Catulus repayèrent ce fleuve, pour être plus à portée de garantir l'Italie
Transpadane du ravage des ennemis. Ils campèrent séparément,mais toujours
à portée de se joindre dans le besoin.
LIX. Les Cimbres s'ennuyérent de ne pas voir venir les Teutons, ne pouvant
Les Cirn- se persuader qu'ils eussent été vaincus, & maltraitant ceux qui leur annon-
bres offrent çoient leur défaite. Ils envoyèrent au camp de Marius, pour lui demander des
le défi de la
bataille terres pour eux & pour les Teutons leurs treres. Marius leur répondit, qu 'il
écendussur lesterres
en avoit déja donné aux Teutons, qui étoient demeurez de
de Marseille ; que pour eux, il leur en donneroit bientôt. En même tems il mainc. aux Re-
fit venir devant eux Tentobocchus & les] autres Chefs des Teutons, qu il avoit Liv. Epi-
fait prisonniers. A cette veuë les Cimbres resolurent de donner la bataille sans tom, 1. 61.
plu s différer. Boïorix Roy des Cimbres vint en personne au camp de LVlarius.
lui demander le jour & le lieu du combat. Marius lui assigna la plaine de
Verceille qui n'avoit d'étendue qu'autant qu'il en falloit pour ranger les deux
,
armées Romaines & qui n'en avoit pas allez pour contenir la multitude in-
, Le combat fut fixé a trois jour delà, c'ett-a-dire,
nombrable des Barbares.
au dernier jour de Juillet. & celle de LX.
L'armée de Catulus étoit de vingt mille trois cens hommes, Combat
Marius de trente-deux mille combattans, L'armée des Cimbres paroissoit in- entre les
nombrable, & l'infanterie disposée en quarré, occupoit trente stades,ou envi- Romains &
de lieuë d etenduë. Leur les Cim-
ron trois mille soixante quinze pas , ou cinq quarts
cavalerie étoit de quinze mille hommes armez de cuirasses, d 'un bouclier blanc, bres. Liv. ibid.
d'un sabre & de deux javelots. Leurs casques étoient figurez d'oiseaux. Ma-
Vide Plu"
rius avoit placé l'armée de Catulus au centre de la bataille, & la sienne com- tarch. in
posoit deux aîles portées l'une à la pointe droite,& l'autre à la pointe gauche. Majii*
On crut qu'il vouloit enlever à Catulus l'honneur de cette journée, en tour-
nant sur tes troupes tout l'effort des ennemis. Mais le hazard en décida au-
trement. Un tourbillon de poussiére élevé par le vent, cacha aux Cimbres les
troupes de Marius, qui s'étoient avancées pour poursuivre la cavalerie des Cim-
bres. Il déroba aussi à Marius le mouvement des ennemis, qui vinrent fon-
dre sur Catulus & Sylla.
Les Romains les reçurent avec une valeur incroyable, & en firent périr , . LXI.
un trés-grand nombre. Les Cimbres pour mieux garder leur ordre de bataille, Victoire
des Ro-
& s'empêcher de se débander, s'étoient attachez avec des cordes les uns aux mains con-
autres parleurs boucliers, ce qui leur ôtoit la liberté de se séparer & de le tre les Cina-
défendre. L'ardeur du Soleil & la poussiére jointe au mouvement qu'ils se bres-
donnoient, les mirent bientôt hors d'haleine & hors de défense.^ On en fit
une boucherie effroyable. La cavalerie des Cimbres, aprés avoir été^ long-tems
poursuivie par Marius, revint sur ses pas, jetta le trouble parmi leur infanterie,
& contribüa beaucoup à leur entiére défaite. Après cela les Romains atta-
quèrent le camp des ennemis, où ils trouvérent des femmes aussi féroces que
leurs maris. Elles se défendirent avec tout ce que la fureur leur mit entre
les mains, après quoy elles étoufférent leurs enfans, & se donnérent li mort
en se pendant à des arbres, ou à leurs charettes, ou même s'attachant avec
des nœuds coulans au coû, à la queue des chevaux pour s'étrangler.
On compta de la part desCimbres six vingt mille hommes demeurez sur Suite LXIl
vendus pour de la
le champ de bataille ; On fit soixante mille prisonniers, qui furent viétoire
esclaves. Deux de leurs Roys se donnèrent la mort. Boïorix & Luig leurs contre les
principaux Chefs moururent dans la mêlée les armes à la main. Deux autres Cimbres.
Chefs Clodic & Selbrix furent faits prisonniers de guerre. De la part des
, On remarqua, que
Romains on ne perdit qu'environ trois cens hommes.
presque tous les traits,dont les ennemis avoient été percez,étoient inscripts du
nom de Catulus ; Ce Général remporta dans son camp trente-un drappeaux:
,
pris suries Citnbres & IeT T,ureaud'érain, que ces peuplesadoroient. Quoy-
que la plus grande gloire de la victoirefut due à Catulus & à Sylla , auxquels
1\1arius avoit voulu l'enlever par une basse jalousie; le peuple Romain l'attri-
büa seule à LVÍarius; faisant a peine mention de Catulus ; on eut même allez
de peine à accorder le triomphe à ce dernier. Pendant que les Romains .pro-
diguoient les honneurs à Marius, & qu'ils l'invoquoient au commencement
& à la fin de leurs repas, comme une Divinité, & le troisiéme fondateur de
Rome : ils daignoient à peine faire mention de Catulus. Tel est le genie du
peuple. Il ne juge du mérité que par le succés, &souvent il mesure lesuccés
à les préventions.
^
LXUL Retournons à la guerre des esclaves de Sicile. Tryphon Roy des escla-
Continua* revoltez rétenoit Athénion autre Chef de rebelles, dans sa forteresse de
tion de la ves
guerre des
Triocale lorsqu'en l'an 350. de Rome, le Preteur Lucius Licinius Lucullus, fut
,
esc'aves en envoyé en Sicile avec une armée de quatorze mille hommes. Dans cette
Sicil:. circonstance Tryphon délivra Athénion de la captivité où il l'avait réduit,
Livii Epi- & tint Conseil
avec lui & avec les principaux des tiens,, sur ce qu'il y avoit à
îom. 1.68. fdire. Athénion
Diodor. fut d'avis qu'il falloit marcher aux ennemis, & les combattre
Sicul Ec'np, en rase campagne. Ce lentimentfutsuivi. Tryphon demeura dans Triocale,
ï./. -76. & Athénien marché contre les Romains à la tête de quarante mille esclaves.
An du M. Les deux armées se rencontrérent assez prés ,
de Triocale & se campérent à
59o de quinze demie lieuë l'une de l'autre. , Le combat s'étant
Rome 650 cens pas, ou une
donné les Romains trouvérent une plus grande résistance & plus de disci-
, ,
pline dans ces esclaves, dont plusieu s avoient porté les armes avant leur cap-
tivité, qu'ils n'en attendoient. La viftoire fut long-tems disputée &l'auroit
été plus long-tems, si Athénion blessé aux deux genoux, n'étoit pastombéde ,
son cheval. Dez-qu'on ne le vit plus, les esclaves se debandérent. lien fut
tué plus de vingt mille, tant dans l'adion, que dans la fuite.
LXIV.. Tryphon n'attendit pas les ennemis. La nuit suivante il abandonna
Fuite de Triocile. Mais Athénion
Tryphon. tout bîefse qu'il étoit, se débarasfadu tas de morts
Athénion fous lesquels il étoit, & regagna Triocale, où le débris de son armée se réfu-
affiché gia aussi. La perte de la bataille les avoit jetté dans un tel découragement,
dans Trio- qu'ils ne parloient que de se rendre & de retourner au service de leurs an-
cale.. ,
>• ciens maîtres. Lucullus par trop de précaution perdit le fruit de sa victoire.
Il n'investit Triocale que neuf jours aprés, & fut obligé parla brave résistance
d'Athénion, de lever le siége, & de se rétirer à Syracuse où il demeura le
,
reste de l'année sans rien entreprendre, pendant que l'armée des rebelles
s'augmentoit tous les jours.
LXV. L'année suivante on envoya commander en Sicile, un nommé Caïus
c.Servi!ius Servilius qui fut battu & mis en fuite par Athénion, & son camp abandon-
envoyé en ,
Sicile en La né au pillage. Dans l'intervalle Tryphon étoit mort & Athénion se fit pro-
,
place de clamer Roy par son armée. Il quitta le centre de la Sicile, & mena ses trou-
Lucullus. sur les côtes, laissant par-tout des marques de ses violences & de[espil-
pes
An du M leries. Il entreprit de surprendre Meffane ; il fut repoussé. Mais il prit Ma-
gr'o?. de
Rome 651- cella, dont il fit comme sa place d'armes.
Les progrés d'Athénion firent peur au Sénat. Il envoya contre lui le
Consul
Consul Aquilius,qui n'employa Hi les armes, ni la force ouverte pour les ré- LXVL
duire. Il les affama ; la Sicile étoit demeurée sans culture. Les Rebelles ne Le Consul
Aquilius
softgeoient qu'à la piller. Ils furent les prémiers à ressentir les effets de leur cst envoie
peu de prévoïance. L'année suivante Aquilius demeura en Sicile en qualité
eu Sicile
de Proconsul ; il livra la bataille aux Rebelles. Les deux Chefs joignirent, contre les
se
& se battirent en combat singulier. Le Consul reçut d'abord une blessure à esclaves.
la tête; ensuite il porta un si grand coup à son ennemi, qu'il le renversa mort An duavant M.
3903.
entre les deux armées. En même tems les Romains fondirent sur les Rebel- J.69Z.
les,&eg tüérent un si grand nombre, qu'à peine s'en sauva-t'il dix mille dans
leur camp. Là ils se massacrérent l'un l'autre, ou périrent par la faim. Ré-
duits seulement à mille hommes, sous un Chef nommé Satyrius, ils deman-
dérent la vie. Le Consul la leur accorda, mais ils furent envoïez à Rome,
pour combattre contre les bêtes farouches amenées d'Afrique. Ils préférérent
la mort à ce supplice, & se tüérent l'un l'autre, plûtôt que de servir au diver-
tissement de leurs ennemis. On dit que cette guerre couta aux Romains un An tli-i M.
million d'esclaves. Le Proconsul Aquilius n'obtint pas le triomphe; on ne lui 3 904.avant
accorda que l'ovation. J.C.96.
En Egypte la Reine Cléopatre selassa de voir son fils Ptolémée Lathure Lxvr.
partager avec elle le gouvernement; elle soûleva le peuple contre lui, en fai- Cléûpatre d'E-
fant paroitre ses principaux Eunuques couverts de sang dans une assemblée, Reine fait
gypte
& accusantLathure d'avoir attenté à sa vie, & d'avoir blesle ses plus fidels ser- châtier son
viteurs. Les Alexandrins vouloient sur le champ se jetter sur ce Prince, & le fils Ptolé-
mettre à mort. Il s'echappa de leurs mains, s'embarqua & se sauva. Peu de mée thure.
La-
tems aprés les Alexandrins firent venir de Cypre Alexandre frere de Lathure, J,-,tjtlin
& le proclamèrent Roy d'Egypte. Il y avoit huit ans qu'il regnoit en Cypre, c. 4. Pau-
& il y en avoit onze que sa mére Cléopatre regnoit à Alexandrie. Alexan- san. in Ât~
dre fut un Prince tout plongé dans les delices & dans la bonne chère. il étoit ticis.p. 8.
si gros & si gras, qu'il ne pouvoit marcher, sans être soûtenu sous les bras Porpbyr.
in Gracia*
par deux de ses gens. Toutefois quand il étoit à table, & qu'il étoit question Euseb.
de danser,il sautoit à bas nuds pieds de son lit de table & dansoit avec plus An du M.
y
d'agilité & de légéreté qu'aucun autre. Ca) 3 898.avant
Cependant Ptolémée Lathure s'étoit retiré en Cypre, où il regnoitasiez J. C.00 10Z.
paisiblement, pendant que les Roys Antiochus Gryphus & Antiochus de Cy- Pnfidon"
zique regnoienten Syrie dans le trouble & dans la discorde. Alexandre Jan- apud
néeRoy des Juifs affiégeoit la ville de Ptoîémafde, & la ferroit de fort prés. Jitben.L 12-
Les deux Roys de Syrie n'étoient point en état de la secourir. Ceux de la c. 27.
ville invitèrent Ptolémée Lathure devenir à leur secours, lui promettant que Ptolémée LXVIII.,
d'abord qu'il paroitroit en Syrie, ceux de Gaze, de Sidon & de Ptolémaïde, Lathure
Zoile Tyran de Dor *, & de la Tour de Straton, & plusieurs autres se joindroient marche an
à lui. Ptolémée se laissa persjader, & se disposa à partir par mer avec quel- f::'ca,ur3 de
PtoJéma'i-
ques troupes. Mais sa mere Cléopatre, qui ne le pouvoit souffrir, envoyaune de. ïfcseph,
armée contre lui, le cbaila de l'isle, & fit mourir le Général de son armée, /. de Bell
1

.
qui lui avoit sauve la vie, l'ayant eu entre ses mains. Lathure quitta donc (Jud. (.
| l'Isle de Cypre,& se mit en nier pour aller au secours de Ptolémaïde- 1l11fi L i •?.
i LesBourgeois de cutte ville, sur les remontrances de Den1auæte le plus ¡fin. 6.19.
L 2O-
An du M. accrédité de leurs Mag'strass, changèrent bientôt de sentiment,& aimèrent
3899.a vaut mieux s'exposer aux risques de la guerre contre les Ju fs, que de s'attirer iur
J.G. loi. les bras les forces de la Reine Cléopatre, & de recevoir dans leur ville un mai-
1. XIX.
Ptolémée tre en la personne de Lathure. Ce Prince quoyque bien informé des dilposi-
Lathure tions de ce peuple, continüa sa navigation,& Jborda aSycaminum.aupied du
sait lever montCarmel, fort prés de Ptolémaïde. Son armée étoit d'environ trente mille
le siége de hommes. Il la partagea,
l'col é mai- en laissa une partie prés la ville de Ptolémaïde, &
(i <1:.gofeph. marcha avec
le reste du coté de Gaze & de Dora, au secours de ces villes, qui
I. ?. An-
1
étoient maltraitées par les troupes d'Alexandre Jannée. Celui-ci fut donc ob-
tiq 6-.20.2T. ligé d'abandonner le siége de Ptolémaïde, pour accourirau secours de son pays.
A a d u M- En même tems il promit à Lathure de lui donner quatre cens talens, s'ilvou-
3,900. avant loit lui livrer Zoile, & donner
j. C. 100. aux Juifs les terres que ce Tyran possëdoit. La-
thure le promit, & fit arrêter Zoile; mais ayant découvert en même tems qu'A-
:
lexandre Jannée traitoit avec sa mere Cléopatre contre lui il se jetta dans la
Judée, y fit de grands ravages, & battit Jannée dans une bataille, où il lui tüa
trente, ou sélon d'autres, cinquante mille hommes. Nous avons déja racon-
té ces mêmes choses dans l'hist )ire des Juifs.
LXX. D'un autre coté la Reine Cléopatre craignant que Lathure ne devînt trop
Cléopatre puissant,& qu'il ne formât quelqu'entreprisecontre l'Egypte, leva deux armées,
fait la guer-
une de terre & une de l'fer, & les envoya dans laPhénicie sous la conduite
re en Syrie. de deux Généraux Juifs, l'un nommé Chebrias & l'autre Ananie. ,
;JoJèph.An- Elle fit mon-
tiquit. I. H. ter sur sa flotte Ptolémée son petit-fils, fils d'Alexandre Roy d'Egypte. Elle
e.2'). An du voulut même être de cette expédition,&
l'vI. z()01.
fit le siége de Ptolémaïde, qui avoit
refusé de lui ouvrir les portes. Cependant Lathure avoit quitté la Judée &
avant J.C. la Phénicie, & s'étoit jette dans la Syrie, où Chebrias un des Généraux de
99. l'armée de Cléopatre, le poursuivit. Sur ces entrefaites Chebrias étant mort,
Lathure accourut en diligence en Egypte, se flattant de s'en rendre maitre en
l'absence de laReille, & que les villes du pays étant demeurées sans défense,
se rendroient aussitôt à lui. Mais il y trouva plus de résistance qu'il ne cro-
ïoit,& la Reine sa niere y ayant envoyé des troupes, le contraignit pour la
seconde fois d'en sort'r. Il se retira à Gaze & y passa l'hyver. Delà il se ren-
dit en Cypre où il demeura en repos.
LXX 1. Sa mere Cléopatre poussa le siége de Ptolémaïde, & força la ville à se
Cléopatre rendre. Alexandre Jannée Roy des Juifs l'y vint trouver, & en fut reçu comme
f>rend Pto-
un Prince presqu'entiérementdépouïllé de ses Etats, & réduit par Lathure à n'a-
Iémaide.
Çfofepk.An- voir
point d'autre ressource que dans la générosité de la Reine. Quelques
tiquit. Li 3. amis de cette Pnncesse voulurent lui persuader de profiter de l'occasion, & de
c. 21. An s'emparer de la Judée. Mais Ananiasun des Chefs de son armée, l'en dinuada,
y
du M.?O2. & lui remontra l'injustice qu'il auroit de surprendre un Roy ami & allié,&
avant J.G. de le dépouïller de ses biens; que cette conduite terniroit la gloire de la Reine,
98.
& éloigneroit d'elle & de son service, tous les Juifs du monde. Cléopatre se
rendit à ces raisons, & fit alliance avec Jannée. Aprés quoy elle revint en
Egypte.
LXXII. Le Roy Alexandre son fils, à qui elle n'avoitlaissé que le nonideRoy,
cléopatre craignant les effets de la cruauté de sa mere, se retira d'Egypte,& se rendit
rappelle en appareIll-
apparemment enCypre, auprès du Roy Lathureson frere. Cléopatre craignant Egypte sou
que Lathure n'employâtles forces d'Antiochus de Cyzique Roy Antiochus de Syrie, pour fils Alexan-
se rétablir sur le Trône d'Egypte, envoya de grands présens à Gry- dre qui
phus frere du Cyzicénien, avecSelénesœur &Epouse de Lathure , lui offrant retiré. s' en étoit
de la lui donner pour femme. En même tems elle fit inviter son fils Alexan- tfuJlin.Lîo.
dre à rétourner en Egypte. Par ce moïen elle alluma de nouveau, du moins c. 4. An du
elle fomenta la guerre entre les deux freres, qui se disputoient le Royaume M. 390?.
de Syrie. avant J. C.
Romeetoit sans ennemis au dehors; mais au-dedans le luxe, l'ambition, 97. LXXIII.
le dérèglement des mœurs, y causoient plus de ravages quen'aurait pu faire G. Marius
la guerre. Marius n'étoit pas content d'avoir obtenu le Consulat cinq fois; & L. Vale-
& que l'on eût quatre fois violé les Loys de la République en sa faveur. Il rius Flac-
cus Con-
brigua un sixiéme Consulat avec autant d'empressement & d'ardeur, que s'il suls. An de
n'eût jamais joiii de cette dignité. Il avoit pour competiteur Metellus, sur- R. 65 ?. du
nommé le Numidique. A force d'argent qu'il distribiia au menu peuple, il M. 3904-
vi'nt à bout de l'écarter, & de se faire élire Consul. Il eut pour Collégue L. avant J. C.
6.
Valerius Flaccus, homme sans crédit, qu'il fit plier sous son autorité.
LXXIV.
Le premier acte que fit Marius, aprés être parvenu au Consulat, fut de faire Apuleïus
donner une place de Tribun du peuple à un nommé Apuleïus, homme empor- d1 fait Tri-
té qui lui étoit dévoüé dépuis longtems. Toutefois les Tribus réfusérentleurs bun du
, à Apuleïus, & malgré les
voix mouvemens du Consul, le dixième Tribun du peuple par
peuple fut un nommé Aulus Nonnius. La rage d'Apuleïus & quelques soldats les intri-
de Marius le firent périr, sans que personne osât s'y opposer; & dez le lende- Marius.gues de
main dansune assemblée informe &tumultuaire on mit en sa place Apuleïus,
qui fut aussitôt confirmé par le Consul Marius;lesauasims de Nonnius ne furent
pas même recherchez. Tout trembla sous l'autorité du Consul & du Tribun
qu'il venoit de faire élire. Ils eurent le secret d'attirer dans leur parti le Pré.
teur Servilius Glaucia, qui étoit à peu prés de même caraélére, & parce mo- /
ïen toute l'autorité de la République se trouva entre les mains de ces trois
hommes, qui n'avoient d'autre but que d'humilier le Senat & de relever l'au-
torité du peuple, pour dominer seuls dans Romé:
Dans ce même tems Mithridate Roy de Pont en Asie, envoya à Rome Mithridate LXXV.
des Ambassadeurs chargez de grands présens, pour mettre le Sénat dans ses in- envoie ses
térêts. Apuleïus affecta de maltraiter ces Ambassadeurs, & de les charger d'in- Ambassa-
jures. Ils en portérent leurs plaintes au Senat, qui instruisit le procès d'A- deurs à Ro-
puleïus. Mais ce Tribun du peuple par une humiliation feinte & par un ex- me. Ils sont
térieur négligé, s'attira la pitié du peuple, qui s'assembla en si grand nom- maltraitez Apu!e-
bre autour de la Sale où le Senat étoit assemblé rendre lasentence, par
pour que ïus. T>ioûor»
les Juges étonnez le renvoïérent. absoû. Sicul. Le-
Apuleïus pour se venger du Senat, proposa une Loy, qui portoit que gat. 34.
tout le payslque les Cimbres avoient occupé au-delà des Alpes, ne seroit point Oro] 1. %,
17.&C.
restitüé aux Gaulois leurs veritables maîtres, mais distribüé aux soldats de c.LXX VJ.
Ma rius. On étendit cette Loy aux Provinces conquises en Afrique en 1hrace, Loy pro-
,
en Macédoine. On en frustra les anciens habitans, pour les donner aUX[01- posée par
; dats Romains. Cette Loy passa donc pour lors. Apuleïus en voulut faire Apuleïus rosit
passer au
des soldats palier une autre qui ordonnoit qu'on distribuëroit gratuitement aux familles
de Marius. Plébéiennes de Rome tout le blé nécessaire pour leur subsistance. Mais les
,
jippxan. de autres Tribuns du peuple y formérent opposition aussi bien queCœpion,qui
Bello Civili charge deQuesteurà ,
la Loy n'eut point de lieu.
1.1. Oros.
exerçoit alors la Kome, &
I. ç. c- 17- Pour la première Loy, le Cotil«ul Alarius, le Préteur Glaucia, & le Tribun Apu-
Liv. Epito- leïus entreprirent de la faire authoriser par le Senat, & cela dans cinq jours, &
me 1. 69 que les Senateurs s'obligeroient par serment à l'observer, sous peine d'être clias-
C.g.10.CC. sez du Senat,& de payer une amende de cinq cens gros sesterces; & que s'ils le
An du M
3 9,0 gavant
réfusoient, ils seroient bannis des terres de l'Etat Romain.
3. C. 96. Le peuple Romain qui ne trouvoit nul avantage dans la publication de
LX XV11. cette Loy, & les nobles qui n'y voïoientque de très-grands inconveniens, ne
La Loy empressement pour la faire récevoir. Apuleïus pour la
propolëe témoignérent aucun
par Apule-
faire passer, fit venir de la campagne les Tribus rustiques, pour donner leurs
ïus paile voix. Les Tribus Bourgeoises s'en offensérent,& quand on fut assemblé, fei-
malgré les gnirent d'avoir entendu un coup detonnère, afin de faire rompre l'assemblée.
Tnb.tsRo- Apuleïus n'en rabattit rien de son ardeur. Il répondit: si Jupiter tonné, il
a
iïi aines. grêlera bientôt. En effet il fit prendre aux Tribus rustiques des bâtons sous leurs
robes, & les aïant rassemblées, leur fit donner leurs luffrages pour l'accepta-
tion de la Loy. Marius la porta lui-même au Senat, pour l'authoriser, & dé-
clama beaucoup contre les excés d'Apuleïus. C'étoit un jeu pour perdre Me-
tellus le Numidique, qu'il haïssoit mortellement. Les Senateurs appuïez du
Consul, réfusérent de ratifier la Loy. Sur le soir du cinquième jour, qui étoit
fixé pour l'acceptation de la Loy, Marius revint au Senat, & dit, que réfléxion
faite, il étoit d'avis de recevoir la Loy & de préter le serment, pour ne pas
irriter les Tribus de la campagne, qui étoient demeurées dans la ville.
LXXVI11 A ce discours les Senateurs demeurèrent dans lesilence. Marius le prit
Metellus pour un consentement. Il sort du Senat, & fait faire le serment aux Quêteurs
le Numi- assemblez dans le temple de Saturne. Les Senateurs suivirent leur exemple.
dique est Metellus le Numidique seul réfusa de le faire,& souffrit qu'on lui interdit l'eau
banni de
Rome. & le feu, & qu'on l'envoya en exil. Il partit pour Rhodes, ou pour Smyrne,
où il passa quelque tems dans l'étude de la Philosophie.
LXXIX. Aprés avoir ainsi sacrifié Metellus à leur haine, Marius, Glaucia & Apu-
Brigues de leïus formérent le dessein, le premier, de se faire donner" l'année suivante un
Marius, de septiéme Consulat, le sécond,de se faire à la même dignité, & le
Glaucia & nommer
d'Apule- troisiéme,de se faire continuër dans leTribunat. Ils devoient s'appuïerl'un
ïus, l'autre dans ces prétenDons, & ils prenoient sous main & de concert les mesu-
res pour y réümi. Marius pour parvenir àses fins, menageoft& les nobles &
le peuple; le Senat de son côté ménageoit Marius. Un jour quelques Sena-
teurs étant allez chez ce Consul sur le soir, afin de lui faire des remontran-
ces sur les excés d'Apuleïus, la conversation fut poufsée assez avant dans la
nuit,& dura jusqu'autems,auquel Apuleïus avoit accoutumé de se fendrechez
Marius. On l'introduisit dans un autre apartement, pendant que le Consul
entretenoitces Senateurs. Dans cet embarras le Consul feignit une colique,
&,passa fréquemment de l'appartement où il étoit avec les Senateurs, dans celui
ou
tiù etoit Apuleïus.

sulat.
Quand le tems des élevions fut arrive,
pour être élu Tribun
pas même inscrit dans
du
la
peuple
liste ,
des
un nommé
Citoyens
..
Cette manœuvre découvrit aux uns & aux autres
ion peu de droiture. Il perdit leur confiance, & échoua pour le Con-

Equitius,
Romains.
dont
Marius
le
r .es rangs LXXX.
, Apuleïus fit mettre sur
nom
fut
n'étoit
contraint
Equitius se
fait Tribun
du peuple.
de le mettre en prison , avec ordre de l'y retenir jusqu'a la fin des élections. Metninius .
Mais au jour des élevions des Tribuns, Apuleïus fit forcer les prisons, & né, cst affatfi
Apu-
Equitius fut porté sur les épaules de la canaille, jusque dans la place , où on leïus asse&e
le proclama Tribun du peuple- Glaucia résolu de parvenir au Consulat, fit la loyauté.
mourir à coups de bâton Memmius son Competiteur. Un meurtre commis
publiquement sur une personnede la considération de Memmius, irrita tous
les Romains; Apuleïus pour se mettre à couvert du châtiment, se fit conduire
dans sa maison par une troupe de gens déterminez , à qui il inspira des sen-
timens séditieux, disant qu'il n'y avoit que Glaucia & lui capables de les affran-
chir de l'oppression des Senateurs & des Nobles. A ces mots l'assemblée cria :
soyez notre Chef; quelques-uns criérent même : soyez notre Roy; nom si
odieux à la République.
Dez-le lendemain les Chevaliers Romains & tout ce qu'il y avoit de gens LXXXI.
d'honneur dans la ville, se rendirent au Sénat, & se plaignirent des attentats Marius Les Consuls
d'Apuleïus & de Glaucia. Le Senat sur le champ rendit un arrêt, qui donnoit Valerius at-
pouvoir aux deux Consuls Marius & Valerius de pourvoir au bien public, taquent les
par tous les moyens qu'ils jugeraient les plus convenables. Marius se tint séditieux
honoré d'une commission qui ressembloit assez à la Dictature. Il se rendit au leretirez sur
pied du Capitole , où le peuple Romain s'étoit assemblé pour voir la fin de Capitole.
cette funeste scène ; Les séditieux s'étoient déjà emparé de cette Citadelle, prêts
à s'y défendre. Marius n'eut pas plutôt parlé à la multitude, pour l'animer

,
à s'armer contre les rebelles, que tout le monde courut aux armes. Les Ar-
senaux furent ouverts. Le Sénat, les Tribuns du peuple , les Préteurs , les
Chevaliers Romains les anciens Chefs qui avoient gouverné la République ,
parurent en armes autour du Capitole.
à Les Tribus rustiques qu'Apuleïus
avoit appellées son sécours, furent répoussées. Apuleïus fit une sortie pour
faciliter leur retraite dans son fort. Il invita les esclaves à se déclarer pour
lui, en élevant un chapeau au bout de sa lance, & par ce signe leur pro-
mettant la liberté. Nul ne s'ébranla en sa faveur.
Il fallut assiéger le Capitole. Marius posta Marc-Antoine Consul désigné LXXXIL
pour l'année, au dehors des murs de la ville, pour couper les vivres & les Mort d'A-
puleïus, de
nouveaux sécours aux assiégez. Il ordonna qu'on coupât les canaux qui por- Glaucia oc
toient l'eau au Capitole , & réduisit par-là Apuleïus & les fiens à la derniére des autres
extrémité. Sauffeïus, un des Chefs des rebelles, vouloit qu'on mit le feu au rebelles.
temple de Jupiter Capitolin. Apuleïus & Glaucia l'empêchèrent, &résolu-
rent de récourir à la clémence de Marius leur ancien ami. Marius leur pro-
mit la vie sauve , & leur permit de sortir du Capitole. Mais le peuple n'eut
aucun égard à ses promesses. 11 coupa la tête à Glaucia, qui s'étoit jetté dans
la maison de Claudius. Apuleïus & le reste de la troupe fut enfermé dans le
Palais de Tullus Hostilius. On enfonça les portes, & on écrasa à coup de
pierres & de tuiles tous ceux qui s'y étoient enfermez. Apuleïus, Sauffeïus,
Labienus & tquitius ce Tribun du peuple , qui étoit l'ouvrage de la vio-
,
lence d'Apuleïus, y perdirent la vie. Ce massacre arriva aux Nones , ou au
cinquième de Décembre.
LXXXlll Bientôt après on donna pour Collégue à Marcus Antonius désigné Con-
M. Antoni.! sul, Aulus Poithumius Albinus, qui fut, dit-on, chargé d'aller Macé-
en
us & Aulu;| doine terminer
Posthumiuî un reste de guerre contre lesThraces. Antonius demeura à
Albinus Rome, & ne fut occupé qu'à pacifier la ville, & à la purifier par certaines
Cor)su!s.Ar expiations que la superstition crut necessaires, afin d'écarter des malheurs dou-
de R. 614.
teux & chimériques; enfin l'Edile C. ClaudiusPulcher donna les plus beaux
du M. 3 go6,
avant J. G.
' spectacles & les jeux les plus magnifiques
, que l'on eût vûsju[qu'alors. An-
94. Eufeb. tonius
étoit un excellent Orateur, qui par la force & les charmes de son élo-
Chronic. quence, sçut modérer & rendre inutiles les intrigues & les saillies de Bitius
Tribun du peuple, qui remettoit à tout propos sur le tapis la Loy pour le
partage des pays conquis.
LXXXIV. L'exil deMetellus Numidicusétoit l'ouvrage de Marius & du Tribun Apu-
Rappel de leïeus. Un autre Tribun du peuple nommé Q. Calidius, pioposa au peuple le
Metellus rappel de
Kumidicus. ce grand homme. Toute la famille Csecilia, dont les Metellus étoient
s'interessa pour son retour. Metellus Pius fils de Numidicus
Liv. 1. 69. une branche , ,
Plutarch. n'oublia rien pour toucher le peuple ; prieres, larmes, prosternemens.ilmit
in Mario & tout en œuvre pour obtenir le rappel de son cher Pere. Marius y forma quel-
Diodor. iet
que opposition. Enfin le peuple réconnut l'iiijuf'tice qu'il avoit faite à ce grand
excerpt.
Vales- f
homme , & son retour fut ordonné à la pluralité des suffrages. Metellus étoit
3 90.

alors à Tralles en Lydie. Le messager qui lui apporta la nouvelle de sonréta-
bliflement, le trouva au Théatre qui écoutoit une piéce qu'on y représentoit ;
II lui dit à l'oreille en lui présentant ses lettres, qu'il y trouveroit un grand su-
jet de joye. Metellus ne changea pas de visage, ne se pressa pas d'ouvrir ses
lettres; il les lut aprés le speftacle avec la même indifférence, que si lachose
ne l'eût point touché. Il fut reçu à Rome aux acclamations de tous les or-
dres; Le jour ne suffit point pour lui faire compliment sur son retour. Il
rendit graces au peuple dans la place publique, dela faveur qu'il lui avoit faite.
Et au retour toute la ville le suivit par honneur jusqu'à son logis.
LXXXV. Marius ne put souffrir les honneurs qu'on rendoit à Metellus : ilse con-
Marius damna lui-même à une espèce d'exil, & sous prétexte d'aller acquitter un pré-
paffe en tendu vœu, qu'il avoit fait à la Mere des Dieux honorée à Pellinunte, il se
Afie. choqua par une parole pleine
Plutarch.in rendit en Asie auprés du Roy Mithridates, qu'il
Mariu. de hauteur qu'il lui dit : ou devenez plus puissant que les Romains, ou obéissez
LXXXV1. à leur commandement.
Ccecilius
P.
Metellus,& Marius n'étoit pas encore parti pour son prétendu pèlerinage, lorsque
Titus Di- l'on choisit pourConsuls P. Caecilius Metellus, &
Titus Didius. Le premier
dius Con obtint cette dignité à la recommandation de Metellus le Numidique ; Didius
suIs. An de s'étoit déja distingué pendant sa Préture par la défaite des Scordisqucs & par
R. 6i<;. du ,
un triomphe. Metellus demeura a Rome & Didius partit pour PEspagne,
M ;yo6 ,
où il étoit survenu de nouveaux troubles. Il conduisit avec lui Sertorius Ci-
avant J. G.
94. toyen
toyen Romain, natif de Murfie, qui s'étoit déja signalé dans la guerre contre
Dans
les Cimbres : Il étoit alors Tribun & commandoit mille hommes.
la suite il devint célébre, & nous le verrons faire une grande figure dans l'histoire
Rômaine.Consul
une campagne allez heureuse contre les Celtibériens |Premiers LXXXvh.

en Espagne : & Sertorius eut pour quartier la ville de Castulon dans la nou-
respeétant allez sa jeunesse, tombèrent dans exploits de
velle Castille. Ses troupes ne pas Sertorius
des excez, qui les rendirent odieux aux Castuloniens. Ceux-cy introduisi- en Espag-
rent la nuit dans leur ville les Girisénes leurs voisins, qui firent main basse Epi ne.
sur tous les Romains qu'ils rencontrérent. Sertorius en rallia une troupe,avec Livii tome
/. 7o.
laquelle il sortit de la ville ; puis faisant un tour autour des murailles, il y ren- Plutarck.
tra par la même porte qu'on avoit ouverte aux Girisénes. A sontour passa in Sertri,.
d'étrangers. Apres quoy
il
au fil de l'épée tout ce qu'il trouva de bourgeois &
il fit prendre à ses gens les habits des uns & des autres qu'il avoit mis à mort,
& les mena droit à Girisénium , 011 ils furent reçus aux acclamations du peu-
ple. Au même moment ses gens tombérent sur les Giriséniens, & taillérent
Les autres furent faits prisonniers
en pièces tous ceux qui firent résistance.
& vendus pour esclaves. Ce coup d'essay fit comprendre ce qu'on devoit
espérer de ce jeune Commandant.
Didius demeura cinq ans en Espagne, & avec le secours de Sertorius ,il LXXXVUl.
rendit enfin la paix aux Provinces de ce grand pays. Il y emploïala ruse& Didius cisse les
pa-
la force, & même la cruauté & le manque de bonne foy. Il attira daHsfon Bspagncs.
camp une peuplade d'Espagnols, à qui l'on avoit distribiié des terres , qu'ils
cultivoient dans la bonne foy. Didius leur fit espérer qu'il partageroit avec
eux les terres de la ville de Colenda , dont il venoit de fàire la conquête.
Arrivez dans le camp des Romains, on sépara les hommes par bandes, & les
femmes d'un côté & lesenfansde l'autre, & sous prétexte qu'on les soupçon-
noitde quelque mauvais dessein, on les massacra tous sans milericorde.
Cette felonie irrita les Celtibériens, qui reprirent les armes, & soûtinrent
l'effort des Romains avec une valeur extraordinaire. Di'dius pour ôteraux
ennemis la veuë de la perte qu'il avoit faite, fit retirer du champ de bataille
pendant la nuit la plupart des morts de son côté. Le lendemain les Celtibé-
riens étonnez de voir une si grande multitude des leurs étendus sur la terre,
& si peu de Romains, se rendirent à Didius aux conditions qu'il leur pré-
scrivit.
Les Publicains étoient parmi les Romains des Officiers tirez du corps LXJ(X1X.
des Chevaliers Romains, employez dans les Provinces à faire le récouvrement Réforme
des déniers publics. Ils levoient & administroient les finances de la Répu- des Publi-
dans
blique,& comme l'authorité des Chevaliers Romans étoit fort grande dans cains l'l'die par
la capitale, & qu'ils y rendoient la justice, les Publicains qui étoient tirez de Scævo\a.
leur corps, se tenant assurez de l'impunité, commettoient dans les Provinces Liv Epito-
mille sorte d'exaétions & de pilleries. Q. Mucius Scævola Proconsul clasie, mcl 69.
mit tous ses soins à réformer cet abus dans l'Asie , où il fut envoyé , & qu'il ad Cicero. 1
Attic.
trouva ruinée par les exactions des Publicains. Il commença la réforme par Valer.
sov-même & par sa maÍion; il n'exigea rien de ce que les autres Proconsuls Maxim.1. g,
o.i5. An du
avoient accoutumez d'exiger ; il punit sévérement les Chevaliers Romains qui
M. ?p!o. furent convaincus de malversation ; On le proposadans la suite pour modéle
avant J. C. aux Gouverneurs des Provinces , & les Aliatiques instituèrent: en son honneur
90.
Cicero in
une fête qui fut nommée Mucia. Domitius l'imita dans la Sicile ; il réprima
JTerrem.
les rapines & les vexations des Publicains, qui avoient occasionné la revolte
AH. 7. des eiclaves.
XC. Les Consuls de l'année suivante furent Cneïus Cornelius Lentulus, & P.
Cn. Corné- Licinius Crassus. Leur Consulat neit marqué d'aucune adion d'éclat. On
lius Lentu- seulement que Crassus étoit de retour à Rome, & que desespérant
lus & P. Li- remarque
cinius Cras- d'obtenir la dignité de Censeur, il feignit de ne la pas souhaiter , préférant,
sus Con- disoit-il, le plaisir de se rendre agréable au peuple &au Senat, à celui d'en de-
suls. &n de venir le Réformateur. Marius dans son voyage d'Asie avoit ses maniéres
R. 616. du , par
brusques & hautaines contre Mithridates jetté la sémence de la guerre, que ce
M. 3907.
avantj. G. Prince soûtint quelques années aprés contre la République. Les Censeurs de
93. Mort ..l'année furent L. Valerius Flaccus, & M. Antonius ce fameux Orateur, dont
d'Antio- on a déja parlé. La même année le Roy de Syrie Antiochus Gryphus fut tué
chus Gry-
phus. par la trahison d'Heracleon. 11 avoit vécu 45. ans, & en avoit regné 29. il
ffofeph. An- laissa cinq fils. 1°. Seleucus, 20. deux
Jumeaux Antiochus & Philippe, & encore
tiq. 1.1 ?. c. deux autres Jumeaux, Demetrius
Eucorus & Antiochus surnommé Diony-
21. Por- sius.
phyr. apud L'année suivante fut aussi une année de paix. Les Consuls Cneïus Do-
Euslb.
Cronic. mitius iEnobarbus & C. Cassius t.onginus gouvernèrent la République avec
XCI. douceur & dans une grande prospérité. Ptolémée surnommé Apion fils na-
Cneius Do- turel du Roy Ptolémée Physcon, aprés avoir régné vingt-un ans dans la, Cyré-
rnitius Æ- naïque laissa par son testament l'on Royaume au peuple Romain. Le Senat
nobarbus
&c.cassius traita ,
d'abord la
ce pays avec beaucoup de modération;Il déclara Cyrénaïque
Longinus Nation libre , avec obligation de paver seulement un tribut de Laser, qui est
Consuls. An une plante, nommée par les Grecs Silphion & qui le vendoit au poids de
•Je R. 65 7. l'argent, à cause des excellentes proprietez ,qu'on lui attribuoit dans la Mé-
du M.?o8. décine.
avant J.C. Rome contente de ses vastes Etats & de l'abondance dont elle joiiissoit.
j> 2.
Mort de sembloit avoir perdu le goût de la guerre. Elle choisit encore cette année
Ptolémée pour Consuls, des hommes pacifiques ; L. Licinius Crassus & Q; MutiusScx-
Apion Roy vola Le prémier célébre par son éloquence, & le sécond
de Cyréne. ; par sa profonde
Liv, Epito- science
des Loys. Ils entreprirent de corriger un abus, qui consistoit en ce
mel.70 &c. que plusieurs alliez des Romains, nez dans les Provinces d'Italie s'étoient
XCl t. établis à Rome, & par voye de fait s'étoient insensiblement donnez, pour Ci-
L Licinius toyens Romains. Les Consuls portèrent
Graffhs & une Loy,qui ordonnoit qu'on infor-
Q.Mutius meroit contre ceux qui sefdisoient Citoyens Romains sans titre, & qu'on ren-
Sc^vola voyeroit dans leurs demeures ceux qui auroient jouï de ce privilège, sans en
Consuls. An avoir ni droit ni titre. Cette Loy passa sans difficulté, mais ellecausa de grands
de R. mécontentemens parmi les alliez, & donna naissance, contre l'intention des
du M gpoç. Législateurs, à la
avantj. guerre des Alliez, dont on pariera dan. la suite.
Origine de L'on avoit assigné pour département au Consul Scævola la Gaule Tran-
la guerre falpine, & à Craisuo la Gaule Cisalpine. Le premier ne trouvant ni ennemi
des Alliez. in
ni matière de guerre dans son département, ramena à Rome les Légions qui xcni
étoient au-dela des Alpes. Crassus chercha occasion d'aquérir de la gloire, Sc3evol&
combattant certains brigands, qui n'avoient point de demeures fixes & dans la
en Gaule
portoient le ravage par tout où ils alloient. A son rétour il demanda le triomphe. Tranialpi-
Scaevola son ami & son Collégue s'y opposa par pur amour pour l'équité, & ne Craf-
5

pour ne pas laisser avilir ce que la République avoit de plus glorieux, &On la sus dans la
plus brillante récompense qu'elle pût donner aux services & au nlerite. Ci falpine.
auroit Pedian. in
eut égard aux oppositions de Scaevola, qui de sa part avoüa que Crassus lih. 2. Rbe-
mérité de triompher, s'il avoit trouvé des ennemis dignes de sa valeur. Ainsi torieorurx.
une grande ame, sans manquer au devoir de l'amitié, sait conserver les droits
de la justice & de l'ordre,
Crassus n'étoit pas moins recommandable que Scsevola, par son amour X.ClfT.
l'équité. Il avoit autrefois accusé Papirius Carbo, soupçonné d'avoir Intégrité
pour deCrafTus.
assassiné dans son lit le second Africain. Le fils de Carbo avoit suivi Crassus Va 1er. ]\ium
dans son expédition, dans la veuë d'observer ses démarches, & de trouver oc- xim, /. 3.
casion de le faire bannir à son tour. Crassus s'apperçut du dessein de Papirius, C. 7.
& au lieu de l'écarter & dese cacher de lui, il l'admit dans tous ses Conseils,&
lui permit d'observer jusqu'à ses moindres démarches. Papirius fut enfin con-
traint d'avoüer qu'il fallaitbien que son Pere fût coupable, puisqu'il avoit été
condamné par un homme aussi intègre que Crassus.
Les Consuls de l'année suivante n'eurent aucune occasion de signaler XCV.
ni leur valeur, ni leurs qualitez militaires. Ils passérent à Rome une année L. Dorni-
tranquile ; on remarque sous leur Consulat, qu'on porta une Loy qui défendoit barbus tius M no-
&
de préter de l'argent aux Crétois, apparemment en haine de leurs pirateries. C. Cælius
Les Consuls qui succédérent à ceux dont nous venons de parler, ne furent Caldus
pas plus occupez qu'eux. Sous leur Consulat,P. Rutilius Rufus ancien Con- Coniuls.
fuI, fut accusé devant les Publicains, comme coupable de concussion. Il An de R.
accompagné Scævola dans Ion célébre Proconsulat d'Asie, dans lequel 659. duM.
avoit gglo avant
il avoit fort
si maltraité les Publicains. Ceux-ci résolurent de s'en venger sur J.C ço.
Rutilius, qui étoit l'homme du monde le plus désinIerelTé & le plus innocent. Pedian. in
Lorsqu'il fut accusé, dépuis le jour auquel il fut cité, jusqu'à celui auquel il Orat. pro
Cornelio.
devoit comparoître, il ne changea ni d'habits, ni de manières, comme sai- CXCVL
soient les autres accusez. Il porta son habit de Senateur à l'ordinaire, se fit C. Valerius
la barbe & les cheveux, réfusa même les secours que lui offroient les plus sa- Flaccus, &
vans Orateurs de Rome pour le défendre. Il se contenta d'exposer simplement nius M.Hercn-
Con-
le fait, & d'établir l'on innocence. Il fut condamné à l'exil, par les Publi-
suis. An de
cains qui étoient ses parties & ses Juges. R. 660. du
On lui imposa une grosse amende. Il abandonna tous ses biens, qu'il M. ? gg11.
prouvoit lui appartenir à titre legitime. On les vendit, & ils ne produisirent avant J. G.
pas la somme qu'on l'accusoit d'avoir tirée d'Asie par ses prétendues concus- /.89. Liv.
sions. Il se retira volontairementen Afie, où il trouva non seulement plus de dian 70. Pe-
in di-
tranquilité, mais aussi plus d'honneur, que dans sa patrie. Les Roys & les villes vinat. con-
decepays-la lui envoïoient à l'envie pour le complimenter,&lui offroient tou. tra. Veï-
tes soïtes de présens, de manière qu'il se trouva dans son exil beaucoup plus Hm. V a 1er4
à son aise, qu'il n'étoit dans Rome t-nt.-me. Q. Mutius Scævola fournit abon- Max. l. 6.
c.4. <&c.
à
damment aux frais de son voyage. Les uns ont dit qu'il s'étoit retiré Smyrnej
d'autres à Mityléne. Quelques tems aprés on voulut le rappeler à Rome.
Il réfusa d'y rétourner.
XCV1L Rome se donna pour nouveaux Consuls au commencement de cette an-
e. Claudius née , C. Claudius Pulcher & M. Perpenna. Leur gouvernement fut assez pa-
pulcher & cifique; il paroit que l'un fut envoyé dans la Gaule Cisalpine, moins
M. Perpen- faire la
pour y
Conduis. guerre, que pour en prévenir les mouvemens. L'autre fut deitiné à
na à Rome. On sait si peu ce qu'ils y firent, qu'on ne peut pas même
An de R. demeurer
661. dl1 M. dire auquel des deux ces départemens furent.assignez. L. Cornelius Sy lia fut
39ii.avant envoyé en qualité de Préteur, ou de Gouverneur dans la Province d'Atle, c'est-
J. C. 89. à dire, dans l'ancien Domaine du Roy de Pergame. Il y trouva une occupa-
Commen-
cement
tion digne de son grand genie, &de son ambition. Mithridates Eupator sur-
des trou- nommé le Grand, fils de Mithridates Evergétes, qui s'étoit signalé par son at-
bler. causez tachement envers la République Romaine, dans les guerres qu'elle eut en Asie
par Mithri- contre Aristonicus; Mithridates le Grand, dis-je, aigri contre les Romains par
dates Roy les manièreshautaines deMarius,& poussé
de Pont. par son ambition & son gr.nd cœur,
avoit formé le dessein de se rendre maitre de toute l'Asie, & de se délivrer de
la dépendance, dans laquelle les Romains vouloient tenir les Roys d'Orient,
les obligeant de désarmer, ou de se s'emparer de leurs conquêtes,Jor[qu'iIs
le jugeoient à propos, & que ces Princes leur donnoient quelque ombrage
par leur aggrandisTement, ou par la puissance& la superiorité de leurs armes.
XCVll). Mithridates dans la veuë d'exécuter lésimmenlés proiéts,comptoitpour
Premiers rien les plus grands crimes. Il consacra les sept premières années de sa vie à
exploits la chasse & à une vie dure & pénible, pour acquérir une santé robuste & ca-
de Mithri. pable des plus rudes travaux de la guerre. De retour en sa Capitale, il sacri-
dates.
Voyez 'Ju-
fia à ses soupçons les plus illustres têtes de son Royaume, & ses plus proches
siin. /. ?8. parens. Il massacra inhumainement son propre frere, & fit périr de faim &
Appiall in de misére sa mere dans une prison. Il commença ses conquêtes par des piys
Mi,,I.,,rida- éloignez %
peu connus des Romains. Il conquit le pays des Scythes, & les
te. Mem- Etats de Périsades Roy du Bosphore; il étendit ses Etats au-delà de la Colchide &
non. apud
Photium. du mont Caucase. Rome ne fut pas plûtôt informée de ses grands progrés,
Liv. 1. 62. qu'elle ordonna à ce Prince derestituër à leurs anciens maitres, ces vastes ré-
gions, dont il s'étoit emparé. Il n'étoit pas alors en état derésister à la puis-
sance des Romains. Il rendit'aux Scythes les pays les plus éloignez de ses Etats
& les moins à sa bienséance.
On assûre que dans la veuë de subjuguer l'Asie mineure, il se deroba
XCIX.
Mithridate secrétement de sa cour, & parcourut sans se faire connoître, toutes les Pro-
parcourt vinces decevaste continent, pour en réconnoitre les villes, les forces, & les
toute l'A- qualitez, afin de se mettre en état d'y faire la guerre avec plus de succés. A
sie mineu-
son retour dans sa Capitale, il trouva qu'il lui étoit né un fils; mais il eut le
re. déplaisir d'apprendre que la Reine Laodicé son Epoule & sa soeur en même
tems, étoit tombée dans de grands dérèglemens. CettePrincenc rélolut pour
éviter la peine de son libertinage, d'empoisonner le Roy son Mary ; Mi'hrida-
tes informé de son dessein, la prévint & sa fit mourir, avec les complices de san
crime.
Dans
Dans le dessein de faire la conquête de laPaphlagonie, il s'associa avec c.
Nicomédes fils de Prusias, contre Pyleméne qui étoitSouverain de ce pays. Ce Mithrida-
Prince ne put résister aux deux Roys liguez. Ils se rendirent maitres de la tes fait la
Paphlagonie,& la partagérent entr'eux. Pylenléne eut récours aux Romains, de conquête
la Pa-
Le Senat envoya des Ambassadeurs pour sommer Mithridates & Nicomédes à phlagonie
restituer la P^phlagonie à son légitime Seigneur. Mithridates répondit avec & de la Ga-
hauteur aux Ambassadeurs, qu'il s'étonnoit que le Senat prétendît dominer latie.
lur les têtes couronnées : qu'il n'avoit point à leur rendre compte, que bien- tfuflin 1.38.
tÓt il leurferoit sentir qu'il ne leur convenoit point de lui donner la Loy. Pour
leur faire sentir encore davantage son mépris, il conduisit ses troupes dans la
Galatie,& fit la conquête de ce pays.
Nicomédes Roy de Bithynie parla d'une manière plus mesurée. Il pro-
mit de rendre la portion qu'il tenoit de la Paphlagonie au Prince Pyléméne :
mais comme pour ajouter l'insulte à la mauvaise foy, il fit changer de nom à
son propre fils, lui donna celui'de Pyléméne, & le fit couronner Roy de Paphla-
gonie.
Mithridates vouloit encore joindre le Royaume de Cappadoce à la Paphla- C7.
gonie, & à laGalatie, qu'il avoit conquises. Il avoit employé un scélérat nom- Mithrida-
nlé Gordius,pour assassiner AriaratheMaride sa sœurLaodicé, & Roy de Cap- re tes s'empa-
de la
padoce. La Reine veuve faisoit élever sous ses yeux les deux Princes ses en- Cappadoce»
sans, craignant que Mithridates leur Oncle neleurôtât la vie pour s'emparer An du M.
de leur Royaume. Nicomédes Roy de Bithynie fit proposer à la Reine de l'é- 3912.
pouser. Elle y consentit, dans l'espérance de trouver dan-s ce Prince un
appui contre Mithridates; celui-ci feignit de s'intéresser à conserver le Roy-
aume à son neveu, entra avec une armée dans la Cappadoce; les villes du pays
lui ouvrirent les portes. Il établit son neveu Ariarathe sur le Trône de ses Pe-
res. Quelques tems aprés dans une entreveuë qu'il eut avec ce jeune Prince,
il l'assassina de sa main, & en même tems fit réconnoitre un de ses propres
fils âgé de 8. ans, à qui il fit prendre le nom d'Ariarathe, pour Souverain de
ce Royaume; il lui donna pour Tuteur ce mémeGordius, qui avoit été juf-
qu'alors le principal instrument de sescruautez.
LesCappadociens lassez de la Tyrannie d'Ariarathe &de Gordius, mirent Cil
surle Trône le second fils de leur Roy légitime & deLaodicé. Au premier Mort d'A-
riarathe se-
bruit de la révolte, Mithridates entre à main armée dans la Cappadoce, & force cond fils du
le jeune Prince d'abandonner ses propres Etats. Il ne survéctitpaslong'Llei-iis à Roi deCap»
sa disgrace. Du chagrin que lui cauicrent les malheurs de sa maifon&deson padocc.
Royaume, il tomba malade d'une maladie de langueur, & mourut à la fleur de An du M.
son âge. 3913. avant
NicomédeIII.
,
Roy de Bithynie, qui, comme on l'a veu, avoit épousé Cili.
Laodicé Reine de Cappadoce, craignant pour tes propres ensans & que l\lithri- Suppofj-
dates accoutumé aux meurtres, ne fit encore périr les fils du Roy de Bithynie tion d'un
J.G. 87.

troissé-
pour s'emparer de tes Etats, convint avec la Reine son Epouse de prendre un me fils
,
bel enfant, de lui donner le nom d'AriaraLhe de l'eléverdans leur Palais, & de à Ariarathe
,
le saire passer pour un troisiéme fils du Roy de Cappadoce. La Reine Laodicé Roi deCap*
se chargea de conduire elle-même à Rome ce prétendu fils-de son premier mari, p ado ce.
Vide flu-
puur ftin. 1. 3 8.
^
2. pour engager les Romains à lui faire restituër le Royaume de ses Peres. Mi-
Strabo1.T
intrigue&
i
thridates fut averti de cette à Rome ion confident Gordius,
envoya
avec ordre de soûtenir que l'enfant donné par Mithridates pour Roy aux Cap-
padociens, aprés la mort du premier fils d'Ariarathe, étoit le vrai fils de ce
Prince & de la Reine Laodicé. Le Sénat à qui la connoissance de cette con-
teftation fut portée, réconnut de la fraude dans l'une & dans l'autre partie,
& déclara le Royaume de Cappadoce vacant; on permit aux Cappadociens de
demeurer en liberté, & de choisir des Magistrats tels qu'ils jugeroient à pro-
pos.
civ. Les Cappadociens accoutumez au gouvernement Monarchique,nepurent
Atiobar- longtems état. Ils demandèrent de rentrer sous la puissance
demeurer en cet
zarie créé d'un Monarque, &
Roy de on leur permit d'en choisir un selon leur inclination. Ils
Cappado- délibérérent d'abord s'ils ne placeroient pas sur le Trône Gordius, qui les
ce. An du avoit gouverné en qualité deRégent ; sesliaisons avec Mithridates le rendirent
M. 391g. sl1[petl aux Romains, qui ne voulurent point qu'il régnât. Les Cappadociens
2 14. avant
J.yC-87- offrirent donc la Couronne à un Seigneur de leur pays nommé Ariobarzane.
JJv. /. 70. Mithridates lui suscita un puissant adversaire en la personne de Tigrane Roy
Plutarch. d'Arménie son gendre, qui fit entrer dans la Cappadoce une grosse armée sous
in SyPz- le commandement de deux Chefs Mithras &Bagoas. Ariobarzane se sentant
jippian. in résister à ce Prince, s'embarqua pour l'tta'ie, & vint im-
Mithrida- trop foible pour
te.p. 20S- plorer le secours
des Romains. Le Sénat ordonna que ce Prince seroit réta-
&c. bli sur le Trêne, & donna à Sylla la commission de travailler à son rétablif-
sement, & de veiller sur les déportemens de Mithridates, dont la fidélité étoit
trës-suspede aux Romains.
ev. La Syrie n'étoit pas plus tranquile, que l'Asie & la Cappadoce. Nous
Troubles
avons veu cy-devant la mort d'Antiochus de CyziqueRoy de Syrie. Seleucus
cnSyrie en-
si:s son fils aîné lui succéda. Il attenta à la vie d'Antiochus le pieux Ion neveu,
tre les Cléopatre fille dePtolémée Physcon
duRoy An- fils unique d'Antiochus Philopator, & de
tiochus de Roy d'Egypte. Antiochus le pieux fortifié par les troupes de son Pere, qui
Cyz'qnc. se rangèrent de son parti, prit le Diadème, & marcha contre Seleucus son Cou-
sfcjtpb.An- la mort de son Pere & la mauvaise vo'onré de Se-
sin Germain, pour venger
îiq. i. *3* le battit & le chassa de toute la Syrie. Seleucus se sauva en Cilicie,
Liv. leucus. Il
c. 21.
Evitam. & fut reçu par la ville de Mopsueste. Mais comme il vouloit exiger quelque
t. 70. Ap- tribut de cette ville, à qui il avoit tant d'obligation, les Bourgeois mirent le
pian. Sy- feu à son palais & le brûlérent lui & ses amis. Appien dit qu'il fut brûlé
riac.p'\i%' dans le Gymnase dans le lieu des exercices publics. Porphyre dit qu'il se
133. sec. ou
An du M. Hia, sachant que ceux de
Mopsueste le vouloient brûler vif.
JS;ii,?i2. Quoyqu'il en soit du genre de sa mort, il est certain que deux de ses fre-
avant J.G. res, Antiochus & Philippe ayant marché avec une armée contre la ville de
88.
Cf/l.
Mopfuefte, la prirent & la ruinèrent. Antiochus le pieux survint, les com-
Vi[toire battit, les vainquit. L'un des deux freres nommé Antiochus, poussant son
d'.\ntio- Cheval, se noya dans l'Oronte; son frere Philippe se sauva, & rama ssa une
chus le grande armée, avec laquelle il fit la guerre à Antiochus le pieux; ce dernier >
pieux con- étant allé
au secours de la Reine des Galadéniens, qui faisoit la guerre aux
tre Antio- Parthes, fut tüé sélon Joseph, (a) ou plutôt, il se retira auprès du Roy des
chus & y
lhilippc. Parthes,
Parthes, qui le rétablit dans ses Etetfs, & en chassa Philippe qui s'en étoit
emparé. Philippe pour réparer sa perte, se joignit à ses freres Demetrius &
Antiochus, & avec leur secours se rendit maître du Royaume de Damas & du
reste de la Syrie. Ces guerres durérent environ huit ans; A la fin les Syriens
ennuyez de tant de maux & de troubles, se donnèrent lorsque à Tigranes Roy d'Ar-
ménie. Tel étoit l'état des choses en Asie & en Syrie, Sylla arriva en
Cappadoce.
Il débarqua dans la Cilicie , ménant avec lui le Roy Ariobarzane, & assez SyllaCV1L réta-
de
peu troupes d'Italie. Il y rassembla une nombreuse armée composée des
Gordius les blit Ario.
Nations alliées du peuple Romain. Il marcha contre que Ar- bar.zau.e
,En
méniens avoient mis en possession du Sceptre de la Cappadoce. une seule dans le Ro-
bataille il défit Gordius & ceux de son parti, & leréduisità aller chercher un yaume: de
azile dans le Royaume de Mithridates. Ariobarzane fut rétabli sur le Trone, Cappado-
& la Cappadoce pacifiée. Mithridates lui-même fut contraint de dissimuler ce.
son mécontentement, & joignitses applaudissemens à ceux des Cappadociens, Liv. Zpito-
meî. 7°.
sur le retour d'Ariobarzane. La conjondure ne lui paroissoit pas encore pro- Sext. Ruf.m
BreviarltJ.
pre pour se déclarer.
Sylla étoit dans la partie la plus orientale du Royaume de Cappadoce, cviii.
lorsque les Ambassadeurs d'ArsacesRoy des Parthes arrivèrent, & lui deman- Sylla don-
dérent l'amitié & l'alliance du peuple Romain. Sylla les reçut avec des ma- ne audien-
niéres pleines de hauteur, qui les offensérent. Il fit placer son siége au milieu, ce aux Am-
celuy du Roy Ariobarzane à sa droite, & celui d'Orobaze Chef del'ambassade baladeurs des Par-
des Parthes à sa gauche. Le Roy des Parthes fut si mécontent de la foiblesse thes. Liv.
de son Ambassadeur, qui s'étoit réduita une place si peu honorable, qu'à son Epitome 1.
retour il lui fit trancher la tête. On raconte qu'un habile Physionomiste de tareb. 70. Plu-
la suite d'Orobaze, ayant attentivementconfideré Sylla,dit,qu'il s'étonnoit qu'un SJlla. in
à
tel homme ne fût pas encore la tête de la République Romaine, & qu'il n'é-
toit pas possible qu'il ne parvînt pas à tout ce qu'il y avoit de plus grand & de
plus excellent. Sylla se flattoit d'obtenir le triomphe à son retour. Il ne l'ob-
tint pas. Il fut même accusé d'avoir détourné degrosses sommes à^ son profit.
Il ne comparut pas, & laissatomber l'accusation.
Au reste Ariobarzane ne joüit pas long tems du Royaume de Cappadoce. CIX.
A peine Sylla fut-il parti pour s'en retourner à Rome, que Mithridates suscita Ariobarza. est dé..
ne
Tigranes Roy d'Arménie, à qui il avoir donné sa fille en mariage „ à lui décla- possédé par
rer la guerre, 1\1ithras & Bagoas Généraux du Roy d'Arménie entrérent dans Tigranes
la Cappodoce, & assiégérent le Roy dans sa Capitale. Ariobarzane n'eut point Roy d'Ar-
d'autre parti à prendre, que celui de la retraite. Il alla à Rome pour y implo- menie. Liv. sfuftin.
rer la protection du Senat. La Cappadoce fut pour la -seconde fois soumise /. ? 8. ?.
au jeune Ariarathe siss de Mithridate. Appian. in
La République se donna cependant pour Consuls Sextus Juli-us Csesar, Mithrida-
qu'on croit avoir été Oncle deJulius Cæsar vainqueur de Pompée, &L. Mar- ticisp. du
176.
M.
cius Philippus. Ces deux Consuls n'eurent aucune occasion de se signaler An
391. i. avant
dans la guerre ; mais Livius Drusus, qui se trouva à la tête des Tribuns du J.C.8Ç.
peuple donna nssez d'exercice & aux Consuls & au Senat. Ce Tribun aïant
,
sérieusement réfléchi sur les divisions qui causoient tant de maux dans la Ré- Sext.JuL
c .
Gsefar & L. publique,forma le dessein de les faire xjefler , en réünissant tout le corps de
Marcius l'Etat, & rétranchant par ce moyen les racines de la discorde. Il étoit queltion
Philippus de rendre au Senat le droit de juger les procès des particuliers , au moins
Consuls. An 1°.
de R. 662. conjointement avec les Chevaliers Romains ; 20. de faire entrer les Chevaliers
du M. $91 ç. Romains au Senat, & de leur permettre de prendre séance parmi les Senateurs.
avant J. C. 3°. d'admettre les Alliez dans les comices, & dans le droit de donner leurs
si. suffrages, dans les élevions comme les Citoyens Romains, 40. d'accorder aux
Citoyens indigens la distribution des terres, qu'on leur avoit tant defoispro-
mises, & que ceux qui n'auroient pu avoir de part à cette distribution, re-
çussent gratuitement du public le blé pour leur subsistance.
£Xl. Ces projets étoient magnifiques mais l'exécution n'en étoit pas possible
Projets de dans où étoit ,
République. Les Senateurs & les Chevaliers#
Drusus la lituation alors la
pour con- qu'on avoit voulu réconcilier, en
proposant d'augmenter de moitié le nom-
cilier les bre des Senateurs, & de le composer de six cens Senateurs, au lieu de trois
esprits.
cens qu'ils étoient auparavant, & de permettre à chaque Senateur de choi-
jL~. /. 71. sir à son gré
un des principaux Chevaliers, pour l'adopter & l'admettre dans
l'ordre Sénatorial ; Ces deux corps se divisérent plus que jamais, lorsqu'on
proposa aux principaux Chevaliers de se déssaisir du jugement des caules ci-
viles ; & les Senateurs réfusérent d'admettre dans leur corps des gens qui de-
voient à leurs biens, plutôt qu'à leur naisifance , le second ordre qu'ils tenoient
dans l'Etat. Les esprits s'échaufférent. Q. Servilius Caepion se mit à la tête
,
des Chevaliers mëcontens,& le Consul Marcius Philippus &le vieuxScaurus
Prince du Senat soûtinrent le parti des Senateurs ; Philippus & le Tribun
Drusus s'étant trouvez ensemble sur la Tribune aux harangues , le Consul im-
posè silence au Tribun ; Le Tribun appelle du secours; à l'instantun des Cliens
du Tribun monte & saisit le Consul au collet, & lui fait sortir le sang parles
narines : en mêms tems il le fait conduire en prison, sans que le peuple s'y

CX11. L'affaire de la distribution gratuite an menu peuple, fut aussi fort con-
Mélange testée * mais enfin elle passa par le moyen d'un expédient qui fut proposé par
de l'érain le Tribun. Ce fut de multiplier l'argent du Fisc en mêlant dans la monnoie,
,
à la mon-
qu,i étoit d'argent pur la dixième partie de cuivre. L'on comptoit alors dans
cens vingt-neuf livres pelantd'or,
moye Ra- ,cens-vingt mille huit
maine. le Trésor public seize
sans compter l'argent qui y étoit en plus grande quantité.
.CXIII. Les peuples d'Italie alliez de la République , demandoient avec instance
Drusus l'exécution des promesses qu'on leur avoit faites d'être admis dans les comices,
hors d'état Drusus n'étoit plus en état de tenir sa parole, par les
d'exécuter
ses pro-
avec droit
oppositions
desuffrages
continuelles
:
que Cxpion à
ap,portoit ses desseins. Drusus tomb4
messes. dans une noire mélancolie, & but du fang de bouc , qui le fit retomberdans du
mal caduc , dont il avoit été autrefois attaqué. Cet accidentson lui arriva
logis. Lors-
PasTemblée de toutle peuple. On le rapporta comme mort à
cm'ensuite il parut sur la Tribune pour parler au peuple , il le trouva tout chan-
gé à son égard. Drusus n'osa plus promettre avec assurance ce dont il avoit
si souvent flatté les alliez. Ceux-cy se
détachèrent de lui, & complottérent
les deux
d'assassiner les deux Consuls dans la cérémonie des feries Latines, où
vOfl*
Consuls devaient se trouver sur la montagne d'Albe, pour y jurer l'observation
des anciens traitez avec les peuples d'Italie. Drusus fut informé de cette
résolution , & en avertit les Consuls, qui ne parurent point à cette céré-
monie.Bientôt
aprés Drusus odieux au Sénat, au peuple Romain & aux Alliez, Mort €XlV.
du
fut assassiné, comme il rentroit dans sa maison accompagné d'une troupe de Tribun
ses Cliens. Le Senat défendit de faire des perquisitions sur l'auteur de sa Drusus
mort ; Il y en eut même qui publièrent qu'il s'étoit tüé lui-même. A la re- & de Va-
quêtedu Consul Philippus, le Senat annulla toutes les Loix publiées par rius. Liv.
nommé Varius appuyé du crédit des Chevaliers Romains, osa Epitome 1.

,
Drusus. Un 71. Cicero
demander au peuple, qu'il fît informer contre ceux quiétoient entrez dans le 01'at.pr,
projet de Drusus pour accorder le droit de la Bourgeoisie aux alliez de Ro- Scauro.
illustres furent obligez de s'exiler VaUr.
me. Sous ce prétexte plusieurs personnages Maxim l.%>
eux-mêmes. Varius n'eut point de honte de faire comparoître Seaurus Pré- 17- A*-
sident du Senat devant le peuple ; Scaurus y comparut, & ne dit que ces pa- c.tbor de
roles pour sa justification : L'Hybride O) Varius m'accuse d'avoir causé le mé- viris
contentement de nos alliez ; Scaurus Prince du Senat le nie. Il n'y a point illujîrik. &c.
de témoins ; à qui- en doit-on croire? Scaurus fut renvoyé absoû. Varius (a)
quelque tems aprés périt dans les supplices par la main des alliez mêmes. Hybride en
Bocchus Roy de Mauritanie avoit fait présent à la République de quel- latin, ou
ques statuësd'or,repré[entant la Victoire; Il avoit fait représenter la ViCtoire p utôt
qui commandoit aux soldats de Bocchus d'enchaîner Jugurtha , & Sylla qui Hybris "ï^s est
recevoit ce Prince de la main de Bocchus. Le Senat reçut le présent, & le Grec,, fig-
fit placer dans le temple de Jupiter Capitolin. nifie un
Marius offensé de ce que le Roy de Mauritanie donnoit à Sylla l'hon- animal né
neur d'avoir vaincu Jugurtha , entreprit d'enlever du Capitole ce monument, d'un
mâle
& d'une
qui transportoit à son rival l'honneur qu'il nevouloit partager avec personne. fcmmelLe
Le peuple arrêta l'entreprise de Marius, qui menaçoit de remplir la ville de de différen-
iang& de carnage. Ce n'étoit-la que les étincelles d'un feu que l'on verra te espéce,
bientôt embraser l'Italie. parce que
étoit
Pompedius Silo, le plus accrédité des Marses, s'étoit mis à la tête de dix Varius né d'unPc-
mille hommes,qui craignoient de tomber entre les mains de la Justice; & leur re Romain
ayant donné à tous des épées qu'ils portoient sous leurs habits, s'avança vers & d'une
Home, résolu d'envelopper la Sale où se tenoit le Senat, de faire donner à tous Mere Es-
les Latins le droit de Citoyens Romains ; que si on le lui refutbit, il étoit dé- pagnole.
CXV.
terminé à mettre tout à feu & à sang dans la ville. Cneïus Domitius allant à Divisions
sa maison de campagne, rencontra Pompedius , & ayant sçu le sujet de son entre Ma-
voyage, lui fit entendre qu'il lui convenoit beaucoup mieux d'obtenir cette fa- rius &Sylla.
Vide Plu.
veur du Senat par la voye des priéres & des remontrances, que les armes à tareb. in
la main ; ce qui porta Pompedius à renvoyer ses gens & à s'en retourner dans Mario f#
sa maison. in Sylla.
La guerre n'éclata que l'année suivante, & aprés l'éledion des nouveaux Epitome
Consuls, qui furent L. Julius Csesar, & P. Rutilius Rufus. Sous leurConsu- Livii 1. 7t.
CXV1.
lat on vit les Marses , les Peligniens, les Samnites, les Campanois, les Luca- Pompcdius
niens, & d'autres peuples d'Italie, que la République avoit autrefois subjuguez Silo amène
dix mille avec tant de travaux,serévolter contre elle,&prétendre à la qualité de Citoyen*
Marses Romains, & à d'autres prérogatives, dont on les avoit si souvent & li vaine-
contre Ro- ment flattez. lis choisirent Corfinium ville située dans le
me. Diodor. , pays des Peligni-
SicuL lib. ens, pour leur Capitale , leur place d'armes & le lieu de leur assemblée &de
87. apud leurs Conseils. Ils y rassemblérent des ôtages de tous les peuples & de toutes
Excerpt. les villes, qui entrérent dans leur ligue, & y firent de trés-grands amas de vi-
Vales. p. & d'armes, Le Proconsul Servilius ayant sçu que ceux d'Ascoli avoient
399.
vres
CXVI!. envoyé leurs ôtages avec les autres à Corfinium, entra dans leur ville, & menaça
L. Julius le peuple assemblé au Théâtre, de la vengeance de Rome. Le peuple se mo-
CEsesar &
qua
P. Rutilius Général, &
l'oii
de ses menaces, se jetta sur lui ,1e massacra avecFonteïus Lieutenant-
Ru sus
tous les Romains qui se rencontrèrent dans leurs terres.
Consuls. Ce fut-là comme le lignai de la guerre; elle commença cette année con-
An de R. tre les alliez des Romains; & les deux Consuls avec leurs armées eurent leur
66 ?. duM. département, Coesar dans le Samnium, & Rutilius dans le des Marses.
pays
;g16. avant Chacun des Consuls prit un certain nombre d'Officiers de réputation,quide-
J. C. 84-
Liv. Epi- voient chacun en particulier commander un corps de troupes, avec la qualité
tome t. 72. de Proconsul. Rutilius choisit pour ses Lieutenans-Généraux, Cneïus Pom-
Vell. Pa- peïus, qui fut Pere du Grand Pompée, Cajus Marius vainqueur des Cimbres,
tercul. /. 2. Quintus Caepion, C. Perpenna, & Valerius Me{sala. De son côté le Consul
OroJ. L ç.
Caesar nomma pour ses prémiers Officiers P. Lentulus son Frere de Mere,
ex vin. le célébre Cornelius Sylla, T. Didius, P. Licinius Crassus, & M. Marcellus."
Guerre
contre les On ordonna à chacun de ces Générauæ d'aller oùlebesoiii l'appelleroit, &de
alliez. Veil. s'entre-iëcousirl'un l'autre selon les CÍrconftances.
Patercul. Les Confédérezélevérent au Consulat dans leur parti Q. Pompedius Silo,
1. 2 Liv.Epi.
tême l.yz. & G. Aponius Mutilus ;& nommérent des Préteurs pour commander chacun
CXIX. dans une des Provinces, qui étoient entrées dans leur révolte. Ils se don-
Préparatifs nérent aussi Senat composé de cinq cens personnes, qui dévoient présider
des Con- un
fédérez au Gouvernement de la nouvelle République. Avant que d'entrer en guerre,
contre les peuples alliez envoyérent une députation au Sénat, pour demander qu'on
les Ro- les reçut au nombre des Citoyens Romains qU'auŒ:bien avoient-ils toujours
mains. Liv. partagez avec eux les frais, les travaux, &, les périls de la guerre, & que ce
1. 72. VeUe.
n'étoit qu'avec leur sécours, que Rome étoit dévenuë ce qu'elle étoit. Cette
ius Pater- demande
tu'. Gros fut rebutée, & défenses furent faites aux Députez de paroître jamais
Dmdo r. à Rome, pour faire de pareilles propositions. Alors commencèrent les hoih..
Sieul Eckg. litez. Les territoires des Colonies Romaines & des villes qui démeurérent
f 37* attachées à la République, furent ravagez. Les Latins demeurérent fidels à
Rome & suivirent les Consuls dans cette expédition. Les Etrusques &les
r
Ombriens prirent le même parti : Sertorius qui étoit alors Questeur dans la
Gaule Cisa!pine, amena un renfort de Gaulois au sécours de sa patrie. Les
Roys d'Orient firent partir une multitude de soldats pour soûtenir Rome con-
tre les peuples d'Italie. Et encore avec tous ces sécours ce qu'elle put faire,
fut d'égaler les forces des Rebelles confédérez.
CXX: Le Consul Rutilius,qui, comme on l'a vu, faisoit la guerre dans le pays
Défaite du des Marses s'apperçut
que l'ennemi étoit informé de tous ses dessëins. Ilen
Consul Ru.. soupçonna LVlarius)
,
til'us. Qrofc ' & en écrivit au Sénat. Mais à la fin on trouva que c'étoit
i* des
des soldats ennemis, qui seméloient parmi les troupes Romaines, & qui en
découvroient tous les mouvemens. Jamais Marius.ni les autres Officiers Celui- qu'on
avoit soupçonnez de trahison, ne purent prendre confiance au Consul.
ci avoit dans son armée C. Perpenna, qui se laissa battre par les ennemis, &
perdit environ quatre mille hommes. Rutilius aussitôt le dépouilla de son
commandement, & joignit ses troupes à celles que commandoit Marius.
L'armée Consulaire ainsi partagée sous deux Chefs, campoit séparément
sur les rives duTelonius, aujourd'huy nommé Turano. Le Général desMar-
ses averti que le Consul devoit passer la riviére la nuit suivante, lui
dresse une
embuscade. Rutilius y donne imprudemment, & les ennemis lui tüent huit
mille hommes. Luy-même demeure sur la place. Marius a la veuë du grand
nombre de corps morts que le fleuve entraîne, apprend ce qui est arrivé, at-
taque cependant sans beaucoup de peine le camp des Rebelles.des Légions,
Le Sénat
Marius le commandement
en voye ordre à Cœpion de prendre avec
qui avoient été sous la conduite de Rutilius. Ce choix flatta Cœpion,. &le
remplit de vaine confiance. CXXl.
Pompedius le principal Chef des Rebelles , vint vers lui en posture de Défaite de:
suppliant, lui amena deux jeunes esclaves qu'il faisoit passer pour ses fils;: ils Cœpion.
portoient à leurs mains des masles de plomb, couvertes de feuilles d'or fort Marius
minces; ils les mirent aux pieds de Cœpion, comme des pré sens&qu'ils lui Comman.
apportoient. Pompedius par ces démonltrations gagna Cœpion, lui per- l'armée de seul
d.
suada de le suivre,pour aller surprendre les ennemis. Ils marchèrent enfem- Rutilius.
ble laissant dans le camp les deux prétendus fils de Pompedius. Arrivez au Liv. Epi-
lieu de Pembuscade, Pompédius donne le signal, lesMarges enveloppent les t&m* 72^
Romains, les taillent en pièces, & font périr Cœpion sous une grêle de traits.
Ainsi Marius demeura seul Chef de l'armée Consulaire de Rutilius. Mais seul
il ne pût empêcher que les ennemis ne fissent de grands progrés,& ne prissent
quelques villes, qui jusqu'alors étoient demeurées fidéles au parti Romain. CXXïl
Le Consul Lucius Julius Cæsar avoit en tête les Samnites, peuples de Avantagea
tout tems vaillans & belliqueux. Vettius Caton Chef des ennemis leobligé battit remportez
dans la plaine d'Esernie, & lui tüa deux mille hommes. Le Consul fut par L. Julius.
d'aller ensuite au secours d'Acerne ville de Campanie, assiégée par Aponius, sul. G:esarCon-
Liv.
des Généraux des Rebelles;celui-ci avoit tiré des prisons de Venufie, Oxyn-
un approchoit son armée, les Epitom.
tas fils de Jugurtha. Comme Julius Coesar avec h 7!. Orefi
Numides qui le suivoient en qualité de troupes auxiliaires, fabandonnèrent» L V-
& se jettérent dans le camp ennemi, où étoitOxyntas. Cette désertion affoi-
blit considérablement le Consul, & le contraignit de demeurer dans son camp,
,.
Aponius voulut se prévaloir de son inaétion & vint l'insulter jusque dans son
camp. Cx sar le laissa approcher, & pour lors fit sortir
sa cavalerie par la;
porte opposée à Aponius, avec ordre de prendre les ennemis par derrière;
pendant que lui-même feroit sur eux une sortie avec ses Légions. La chose
fut exécutée avec tant de bonheur & de conduite r que les Samnites laissérent
six mille hommes sur la place,' & que Cæsar eut toute la commodité de jet-
ter des vivres & du secours dans la ville d'Acerne.
Marius après avoir pendant quelques mois exercé ses troupes , & Les avoiT
CXXlll. rassurées par de fréquentes escarmouches contre les Marses commandez par
Succès d"c Herrius Asinius, en vint aux mains avec eux,& les poussa jusque dans des
Marius & vignes, où se croïant en seûreté, ils furent de nouveau attaquez par Sylla,
de Sylla sur fondre sur eux du haut de la colline, où il s'étoit fortuitement trouvé
les Marses qui vint
&: les Ma- campé. Il acheva ce que Marius avoit con1mencé,& rendit sa victoire com-
rucins. plété, par la mort d'Herrius Asinius, & de la plus grande partie de son armée.
Epitome Marius quelque tems aprés risqua une seconde bataille contre les Marses. Mais
Liv. 1. 73. ses soldats se défendirent foiblement, prirent la fuite, & se retirérent dans
Appian. de
Sello Civili leur camp.
Ce mauvais succés le dégouta de cette guerre, &il renonça au
/.i. commandement. Il avoit alors 68. ans, & étoit accablé d'incommoditez,
Plutarch. produites par les grandes fatigues qu'il avoit autrefois soûtenuës.
%M Mario Le Consul L.Julius Coesar se voyant seul à la tête de la République, &
in Sylla. présente ne pouvoient être que fune-
CXXIV. considérant que les suites de la guerre
Loix pour stes à la République, proposa une Loy qui fut ratifiée par le Sénat, & qui fut
accorder toûjours dépuis nommée la Loy Julia. Elle portoit, que l'on accordoit le droit
le droit de de Bourgeoisie Romaine, à tous les peuples d'Italie qui étoient inconteltable-
Bourgeoi- de Palliance du peuple Romain. Si cette Loy étoit venue plûtôt, elle
sie Romai- ment
aux auroit épargné biendusang & des inquiétudes à la République. On commen-
ne
peuples ça dés-lors a l'exécuter envers les peuples les plus voisins de Rome & qui lui
d'Italie. avoient témoigné le plus d'attachement. Dans la suite ce droit fut communi-
Lin. Eni- qué à toutes les Provinces d'Italie, à mesure qu'elles rentrérent dansl'obéïssance,
tom.1.. 74.
8. IIp. & qu'elles firent leur accommodement. Les Lucaniens & les Samnites furent
c.
pian. I. I. les plus opiniâtres dans leur révolte, & les seuls qui ne joüirent pas 'du privi-
de Belle lége de cette Loy.
Civil. La guerre continua donc encore sous les Consuls de l'année suivante.
CXXV. Pompeïus Strabo, & L. Porcius Cato aïant été élevez au Consulat,
€n. Pom. Cneïus
peïus Stra- eurent tous deux leur département en Italie. Porcius Cato fut dessiné pour
bo, &L. commander l'armée , dont Marius avoit eu le commandement; & Cneïus
Porcius Pompeïus rétourna au siége d'Asculum, qu'il avoit commencé l'année précé-

<3.
CXXV1.
Aponius
leve le fié-
d'armée..
Cato Coti- dente avant son Consulat. L. Cæsar Consul de l'année précédente demeura
suls. An de
Rome 664- en qualité
deProconsu! à la tête des mêmes troupes qu'il avoit commandées
du M. g 917* durant la campagne. Cornelius Sylla demeura de même à la tête de son corps
avant J.G.
Cæsar étoit au voisinage d'Acerne dans la Campanie, ou, il observoit
les démarches d'Aponius Chef des Marses, quiassiégeoit cette place. Sa prin-
cipale attention fut de couper les vivres à son adversaire, & à le forcer par-là
ge d'Acer- à lever le siége. Il y réùssit, Aponius décampa; Cœlar le poursuivit, mit
ns &est son armée en déroute, & lui tüa huit mille hommes. Delà Cæsar se rendit
battu par Asculum, ouAscoli. Pompée n'é-
au camp que Pompeïus avoit mis devant
toit pas encore arrivé au siége. Des affaires du Consulat leretenaient à Rome.
Ccesar.
iLiv. Epi-
eom. 1.74. Pompée tombe malade, & laisse le Commandement de son armée àCaïusBae-
bius l'un de ses Lieutenans-Généraux. Pompée arrive enfin devant Asculum,
& aïant appris qu'un nommé Francus venoit au secours des assiégez avec une
pUiÍfante armée, il repoussa les Asculans qui sur cette nouvelle avoient fait une
Tigou-
vigoureuse sortie ; & marcha contre Francus. Il le défit entièrement, & lui
tua dix-huit mille hommes. Toutefois Asculum ne se rendit pas.
Judacilius un des Chefs des Rebelles étoit natif d'Ascoli. Il résolut de CXXVII.
Belle
donner du secours à sa patrie, & avertit ses compatriotes, que dez qu'ils le.afèion de
verroient aux prises avec les Romains, ils fissent une sortie pour le soûtenir. Judacilius
Quelques Bourgeois d'Ascoli détournèrent les autres de seconder Judacilius, en faveur
& lorsqu'il se présenta devant la ville, aucun des assiégez ne se remua. Il1d* Asculurn.
laissa pasj'epée à la main, de se faire jour,& d'arriver à la porte de la ville AppiaM' de
ne Bello Sivilt*
qui lui fut ouverte. Entré dans Ascoli,il fit égorger ceux qui s'étoient oppo- 1. i. -Livii
sez à ce qu'on se joignit à lui par une vigoureuse sortie; puis aïant invité ses Epitem.
amis à un grand repas, quand la-bonne chère & le vin l'eurent un peu échauf- /. 74 »
sé, il se fit apporter une coupe pleine de poison & l'avala, pour n'être pas
témoin de la profanation des temples de sa patrie & de la captivité de ses
compatriotes. Aprés quoy il se fit porter dans un Temple, où il avoit fait
préparer son bucher funèbre : Il y mourut au milieu de ses amis, & son corps
y fut réduit en cendres. Bientôt aprés Ascoli se rendit à Pompeïus.
A ces maux qui désoloient l'Italie, succéda la guerre, ou si l'on veut, la CXXVïlL
sédition des créanciers & des débiteurs. L'usure étoit devenue si commune, Troubles
Sempronius AJellio fatigué des procés dans Rome
que le Préteur continüels qu'on ap- à l'occa-
sujet, déclara ,
portait à son Tribunal sur ce se contre les usuriers en faveur slandes
des débiteurs, & les condamna à perdre tout l'intérêt de leurs prêts. Cette usuriers 8c
conduite irrita bien du monde, & le peuple même en craignit les suites. Il des débi-
Lw.
s'attroupa, attaqua Sempronius,qui sacrifioit à Caflor&Pollux dans la grande teurs. Epitom.
place de Rome, & le massacradans une tente voisine, où il s'étoit retiré cou- 1. 74. Ap-
vert de blessures. pian. de
Presqu'en même tems le Tribun du peuple M. Plautius Sylvanus fit paf- Bello Civili.
ser une Loy,qui défendoit au peuple,d'apporter des armes dans les Comices, /. CXXIX. l.
de troubler les Juges dans l'exercice de leur charge,& de causer aucun désordre Réforme
dans les assemblées. Il entreprit aussi de dépouïller les ChevaliersRomains du de certains
droit de juger les causes particuliéres ;droit dont ils abusoientnlanifeftement, abus parle
Tribun
en rendant des arrêts qui faisoient crier tout le monde. Le Tribun proposa au Plautius
peuple que chaque Tribu éliroit tous les ans quinze sujets d'entr'elles, à qui Sylvanus.
l'on confieroit le jugement des affaires communes. Par ce moïen les Juges Liv. Epi-
furent pris du nombre des Senateurs, des Chevaliers, & des plus équitables fIOm.L?4*
du peuple, & la justice fut administrée d'une maniére dont tout le monde eut
lieu d'être content. Enfin le même Tribun fit agréer au peuple la Loy que L.
Coesar avoit proposée, pour accorder le droit de Bourgeoisie Romaine aux
peuples alliez de l'Italie. Il voulut seulement que ces peuples fissent enregi-
strer leurs noms dans soixante jours, chez l'un des trois Préteurs de la ville de
Rome.
C'étoit le moïen le plus efficace qu'on pût employer pour terminer la cxxx.
guerre d'Italie. Mais on couroit risque de jetter le trouble dans les éledions, seurs Les Cen-
for-
en y admettant cette foule de nouveaux citoïens, qui surpassoit de beaucoup
le nombre des anciens. Pour remédier à cet inconvénient, on anticipa le nouvelles ment de
tems de l'éleclion des nouveaux Censeurs, qui furent L. Julius Çasar, & P.Li- Tribus
cinius
composes cînius Crassus, qui formèrent de nouvelles Tribus avec les nouveaux Citoïens,
des Italiens & ne leur permirent d'entrer dans le Parc, & de donner leurs voix, qu'après les
nouvelle- anciennes; de manière que les éleé1:ions étoient deja assurées, avant que l'on
ment ad. en vint aux suffrages de ces nouvelles Tribus. Les nouveaux citoiens sentirent
mis au
droit de ce coup, mais ils le diflïmulérent, en attendant qu'ils fussent plus affermis.
Bourgeoi- Cependant la guerre continuoit toujours en Italie. Le Consul Pompeïus
fie Romai- fournit les Vestins & les ramena à leur devoir. L'autre Consul Porcius Cato
ne. remporta de grands avantages sur les Marses. On dit même qu'il se vanta
CXXXI. d'avoir surpasse les exploits de Marius. Le jeune Marius qui étoit dans son
Mort dû
Consul armée, résolut de venger l'honneur de son Pere, inrult.é) diloit-il, par le Con-
Porcius sul. Dans une bataille qui se donnoit contre les Marses sur le lac Fucin, Por-
Cato. Liv. cius Cato fut tiié d'un trait envoie par une main inconnue ; mais que l'on at-
Epitom. tribüa au jeune Marius. Les Marses aprés la mort du Consul, mirent en fuite
/. 75 Dia-
dor. Eclog. les Romains,& leur tuèrent beaucoup de monde dans
leur retraite.
I 37. Le Proconsul Cosconius défit les Samnites dans deux occasions. Dans
x
les recher-
chent le
t
C X X /» la première, MariusEgnatius un des principaux Chefs des Rebelles, perdit la
Les Rebel- bataille & la vie; dans la retonde qui se donna sur le fleuve Autide , Tre-
batius autre Chef des mécontens, perdit quinze mille hommes & se sauva
secours de comme il put à Canuse. Les peuples voisins rentrérent dans l'obéïssance, &
Mithrida- les Rebelles craignant pour Corfil1iun1, qu'ils avoient choisie pour être la Ca-
tes Roy de pitale de leur nouvelle République, l'abandonnèrent & trantportérent leurs
Pont. Dio- provisions àesernie,datis le
chr. Si cul. pays des Samnites.
Eclog. I. J7. Les Rebelles confédérez maltraitez de toutes parts, résolurent de récou-
in Bibli- rir à Mithridates Roy de Pont, qui avoit commencé de se déclarer contre les
oib. Pho- Romains ; ils firent partir des Ambassadeurs pour l'Asie; en même tems Pom-
tii cod.2-44- pédius, qui étoit
comme l'ame de toute la révolte d'Italie, voulut s'attirer
d'un port de Mer, qui pût lui servir de communication avec les troupes de
Mithridates, & lui faciliter le trajet en Sicile, où il espéroit faire aussi pa(ser
la révolte d'Italie. Mithridates répondit aux Envoyez de Pompédius, qu'il
passeroit en Italie, dez qu'il auroit assujetti l'Alie; ce qui fit comprendre aux
alliez Rebelles, qu'ils ne devoient point compter sur son secours. D'ailleurs
Sylla avoit prisd'assaut la ville de Stabies en Campanie, & s'étant approché
d'une armée Romaine,qui venoit de mettre à mort Posthumius.qui lacom-
mandoit, sous prétexte qu'il méditoit une trahison; Sylla joignit ces troupes
mutines aux siennes, les traita avec une douceur qui ne fut pas approuvée;
& fortifié de ce gros renfort, alla former le siége de Pompeïes, ville mari-
time de la Campanie , à peu de distance du mont Vesuve.
CXXXlll. Cluentius un des Généraux des révoltez accourt au secours de la place,
Sylla défait livre la bataille à Sylla, pendant que la meilleure partie de sa cavalerie est au
Cluentius. fourage. Le combat est douteux jusqu'au retour de cette cavalerie. Alors
Liv. Epi" Cluentius est mis
en fuite avec perte. Bientôt aprés Cluentius fortifié par un
tem.l.yf*
renfort de Gaulois, qui lui vint de la Gaule Cisalpine, revint jusqu'à la portée
des retranchemensde Sylla. Alors un Gaulois de taille gigantesque vint dé-
fier à un combat singulier le plus brave des Romains. Sylla par mépris pour
It Gaulois, n'envoya contre lui qu'un soldatMaure, petit, laid, mais robuste
& adroit
& adroit à manier un cheval, & à lancer un javelot. Du premier coup il at-
teint le Gaulois & le renverse. Sa chute jette l'effroy parmi les Gaulois, ils
se débandent & prennent la fuite. Le reste de l'armée de Cluentius en fait
autant. Sylla les poursuit,& leur tuë trente mille hommes. Cluentius se jette
dans Noie, & Sylla se rend maitre de la ville de Pompeïes.
Delà il marche contre Cluentius, qui sort de Nole& accepte la bataille. Mort cxxxir.
de
Les Rebelles sont battus & taillez en pièces; on compta vingt mille enne- Clueatius.
mis sur le champ de bataille & aux environs. Cluentius périt dans la mêlée,
& l'on dit que Sylla ne perdit pas un seul homme dans une si memorable jour-
née. Le camp des ennemis fut abandonné au pillage, & Sylla pour récom-
penser la valeur de ses troupes, accorda une amnistie générale à ceux de ses
soldats, qui avoient mis à mort leur Commandant Polthumius.
CXXXV,
Il entra ensuite dans le pays des Hirpiniens, qu'il pacifia, puis se ra- Sylla
d-Esernie, où les Rebelles dans
battit sur le Samnium, & marcha contre la ville l'Hirpinie
avoient transporté les magazins qui d'abord avoient été à Corfinium. Mais & dans le
sur la route il se trouva dans un défilé, où Aponius Chef des Rebelles le tint Samniutn,
enfermé. Sylla eut recours au stratagéme. Il eut des conférences avec Apo- Liv. Epi-
/.7fc
nius, & convint avec lui d'une trève. Pendant une nuit que lesSamnites n'é- tom.
toient point sur leurs gardes, Sylla fit défiler les Légions les unes aprés les
autres en grand silence, & par de longs circuits revint prendre en queue
Aponius occupé à piller le camp des Romains. Les Samnites furent défaits
& mis en fuite. Aponius lui-même fut blessé à la tête,& s'estima heureux d'ê-
tre échappé, & d'avoir trouvé un azyle dans Esernie. La place étoit trop
forte pour que Sylla en pût entreprendre le siége. Il marcha contre Boriane,
autre place forte du Samnium, & l'emporta, Presqu'en même tems Pompe-
ïus força la ville d'Asculum, qu'il afliégeoit dépuis si longtems, & qui avoit
couté tant de sang aux Romains. Le Consul donna la vie & la liberté aux
Bourgeois, fit vendre les esclaves, confisqua leurs terres, & abandonna la ville
au pillage. CXXXVÎ.
„° Par cette expédition on peut dire que la guerre des alliez fut terminée. Fin de la
Les peuples d'Italie alliez de Rome, tout vaincus qu'ils étoient, obtinrent tout guerre les
contre
ce qu'ils demandoient. Ils furent enfin admis au rang des citoyens Romains alliez. L.
Le Consul Pompeïus obtint l'honneur du triomphe, & Sylla l'heureux, car c'est Cornélius
ainsi que l'histoire le désigne, & comme ilse qualifioit lui-même, obtint le Sylla Con-
Consulat avec ÇK Pompeïus Rufus son ami, dont le fils venoit d'époufer sa sui avecQ.
fille Cornelia. Pompeius
Rufus. An
Mithridatesîfétoitplus un ennemi caché &douteux;il s'étoit déclaré con- de:R 66)'0
tre la République,& avoit attiré dans Ion parti Tigrane Roy d'tlrnieiiie. En du M gg18.
même tems Nicoméde, Roy de Bithynie étant mort, Mithridates dépouïlla avant J.C.
du Roïaume son fils nommc aussi Nicomédes, lequel n'aïant point d'autre 82.
CX .V,VVIt.

,
ressource, alla à Rome implorer le secours du Senat & du peuple Romain, Sylla
Le Senat députa deux Commilïaires, avec ordre de rétablir dans leurs Royau- déminé
mes les deuxRoys que Mithridates avoit dépossédez, savoir AriobarzaneRoy pour
de Cappadoce, & Nicoméde Roy de Bithynie. Ce dernier avoit un frere So- faire la
cst

aller

crates, & surnommé Cbrejïtts, né d'une autre mere, qui s'étoit mis ious la guerre Mi-
Tom. 111. Q.q q q protection contre
thricuucs.
protection de Mithridates, &que ce Prince avoit mis en possession du Roy-
aume de Bithynie.
CXXXVlll. Les Députez du Senat Romain furent M. Aquilius ancien Consul, & le
Kicomé le Préteur Manilius LVlancinus. Ils arrivérent ,
en Alie & prirent pour ajoint
rét^li en L. Cassius qui gouvernoit alors le Royaume de Pergame ,
réduit en Province.
Ariobar- Avec les troupes qU'avoitCaHius& quelques autres qu'ils rassemblérent,ils for-
Bithynie &

zane en mèrent une armée, avec laquelle ils entrérent danslaBithynie,en châtièrent
Cappado- Socrates,& y rétablirent Nicomédes. De-làils passérent dans la Cappadoce,
ce. Appian. où ils rétablirent de même Ariobarzanes. Mithridates ne fit aucun mouvement
Belli Mi-
tb rid,atici ni en faveur d'Ariobarzane , ni en
faveur des Romains, Ceux-cy firent ce
L p. 177. qu'ils purent pour l'obliger à se déclarer, & à prendre un parti : il demeura
Liv. Epi- dans l'inaûion. Enfin les Cômmissaires Romains engagérent Nicoméde Roy
IQm.J. 76. de Bithynie, à faire des hostilitez sur les terres de Mithridates. Il entra dans
le Royaume de Pont,& pilla la ville d'Amestris. Le Roy de Pont ne s'ébranla
pas,& se contenta de se plaindre du procédé des Romains. Il n'eut même
aucun égard aux sollicitations,qui lui furent faites de la part des Rebelles d'I-
talie. Il ne vouloit pas commencer la guerre, & étoit bien aise de laisser les
Romains se consumer par des guerres intestines.
CXXXIX Cependant il prenoit des mesures secrétes,pour se fortifier par des con-
Mithrida- fédérations les Princes & les nations les plus puissantes d'Orient. 11 en-
tes s'em-
avec
pare de voya des Ambassadeurs chez les Roys de Syrie & d'Egypte, chez lesParthes,
nouveau les Médes, les Phéniciens,les
Sarmates,& les Scythes, pour les inviter à l'ai-
de la Cap- der dansla guerre contre les Romains. La jalousie qu'on avoit conçuë contre
padoce & la République,détermina la plupart de ces peuples àfavoriser son projet,cha-
fait la
guerre
aux Ro-
mains.
cun
/
selon les forces. Mithridates n'agissoit pas encore direétement contre
les Romains. Ariarathe son fils entra de nouveau dans la Cappadoce,& en
chassa Ariobarzane. Le Roy de Pont envoya en même tems Pélopidas vers
Appiallo les trois Commissaires de la République,pour se plaindre de leur procédé à eux-
Jvlitb rida- mêmes & les citer au Tribunal du Sénat Pélopidas s'acquitta de sa com-
Liv. pour
tic.
Epitom.
mission,& ,
parla avec insolence. Les Commissaires le firent sortirde leur pré-
i. 76. sence, & lui dirent qu'ils alloient rétablir Ariobarzane sur le Trône, & ex-
citer Nicoméde à exercer de nouvelles hostilitez sur les terres de Mithridates.
En effet ils lévérent une armée composée de peuples alliez de la Répu-
blique ; & avec une Légion Romaine qu'ils avoient, ils se préparérent à atta-
quer Mithridates, ou du moins à lui tenir tête. Ce Prince mit en campagne
deux cens cinquante mille hommes de pied, quarante mille Chevaux une
flotte d'environ trois cens vaisseaux couverts, ou avec des Ponts; & de cent
birèmes, ou vaisseauxà deux rangs de rames. Les Généraux Romains n'avoient
qu'environ quarante mille soldats. Nicoméde en avoit cinquante mille. A la
tête de cette armée formidable, Mithridates se présenta pour forcer l'entrée
qui conduisoit en Bithynie, gardée par Manilius Mancinus & par l'armée du
Roy Nicoméde.
C.VZ. Deux Généraux de Mithridates, Néoptoléme & Archelaüs s'avancèrent
Vidtoire de contre ce Prince. La bataille se donna dans une grande plaine sur les bords
Mithridatc de l'Aniiiius. D'abord Nicoméde eut de l'avantage ; il étoit supérieur en
sur le Roy
nombre.
chassa les deux Nicoméde.
nombre, parceque la Phalange n'étoit pas encore arrivée. Illeur
occupée,& enfonça
Généraux d'une hauteur qu'ils avoient aîle gauche, Liv. Epi
à son secours & la sauva. En meme tems les deux ailes tom. 1.76.
l'aile droite accourut chariots de AppianJib.
de l'armée ennemie se partagèrent, & donnèrent lieu aux armez de Betto
affreux.
saulx, d'agir contre les soldats de Nicomede. Ils y firent un ravage Mithridat.
Nicoméde voyant son armée en déroute,prit la fuite & se sauva en Paphlago-
nie. Son camp fut abandonné aupillage.fc
Mithridate renvoya les captifs sans
""^L'armée vi&orieuse s'approcha du
camp où commandoit ManiliusMan- Défaite CXLI.
de
cinus sur les confins de la Bithynie. Mancinus n'avoYtque douze mille hom-
Manilius
Il décampa pour éviter la bataille. Neoptoleme le suit, 1 atteint au Maucinus.
nies.
village de Pachium, le combat, lui tuë dix mille hommes,& lui fait trois cens
prisonniers de guerre. Mancinus se sauve à Pergame, où il arrive sans armée
& presque sans suite. Les deux autres Généraux Romains, Cassius & Aqui-
lius. réûnissent leurs forces, & viennent camper sous Leonto-cephale, unedes
meilleures places de Phrygie. Presqu'en même tems la flotte de Mithridate
dissipa celle des Romains commandée par Minutius Rufus, &C.Popilius; &
celle de Nicoméde se donna à l'Amiral de Mithridates.
Les Généraux Romains consternez par tant de pertes, & encore plus pour CXLU.
Conquêtes
avoir de leur chef, & sans ordre exprés de la République, déclaré la guerre au de Mithri-
plus puissant Roy d'Orient, furent poussez de poite en poste par le Roy date. Trai-
vainqueur, qui s'empara sans peine de toutes les Provinces que fleuve les Romains tément
possédoient en Afie. Appius se renferma dans Laodicée sur le Lycus. indigne
Mithridate somma la ville; elle livra aussitot le Proconsul, qui fut méné de fait qu'il
à Ap-
ville en ville, comme pour servir de speftacle aux peuples d'Asie. Aquilius pius & à
~

fut encore plus indignement traité. Les Lesbiens le firent conduire au Roy, Aquilius.
qui par dérition le traita comme le plus vil esclave, le fit charger de coups, Liv, 1. 76,
& mènera sa suite monté sur un âne, avec ordre de publier lUÍ-même a haute Mitbridat.Appian. in
voix, qu'il étoit ce fameux Aquilius, ci-devant Consul a Rome. Enfin il le Valer.
conduisit à Pergame, où pour insulter a l'avarice des Romains, il le fit mou- Max.!. 9.
rir, en lui versant de l'or fondu dans la bouche. c. q. Ex-
TouteFAlie mineure, leRoyaume de Pergame, & 1'.1onie se sournirent cerpt Vales.
à Mithridate. Les villes lui envoïuient en foule des Députez, pour l'asfurer P. ex 401.
Llll.
de leurs obéïssances, le traitant de Dieu Protedeur, Conservateur & Bienfa- PriCe de la
iteur, & lui prodiguant les noms deBacchus, de Bronius, d'Evius, deDio- ville de
nysius, qui sont comme des Synonimes du Dieu du vin ; qualité que Mithri- Stratonice.

quérant avoit campé..


dates reçut avec plaisir. Ilpassa à travers la Phrygie, & se fit un honneur de époufeMo-
suivre les traces d'Alexandre le Grand, & de camper dans les lieux où ce Con- nime.
Mit h ri di te

Plutarch.
Il trouva quelque lésistance à son retour d'Jonie dans la ville de Strato- in Lit cuil.
nice. 11 l'assiégea, l'obligea de se rendre à discrétion , & la rançonna. Il si,lithridat.
yippiun.
y trouva Monime.une des plus belles &des Milet,plus vertueuses filles desonsiécle.
Elie étoit fille de Philopémen, originaire de qui lui avoit cultivé l'esprit
beaux arts, & rempli le cœur des plus
par la connoissance des sciences &desépris,
nobles sentimens. Mithridates en fut & après ravoir inutilement tentée
par les caresses & les presens, il l'epousa & la mit au nombre de ses Epou-
ses. Elle ne trouva dans cette nouvelle condition que du dégout & de l'en-
nui, parce qu'elle n'y rencontra ni liberté honnête, ,
ni moïen de strperfe-
dionner resprit, ni les douceurs de la societé. On verra cyaprès que Mi-
thridates aprés sa chute, la fit mourir, de peur qu'elle ne tombât entre les
mains de ses ennemis.
exLIV. Pendant que le Roy de Pont poussoit ses conquêtes en Asie, sa ville de
Brouïlle- Rome étoit en feu par les fadions de Sylla & de Marius. Le prémier aïant
ries à Ro- été élevé au Consulat, fut d'abord destiné à marcher en Asie contre Mithrida-
me entre tes. Un Tribun du peuple nommé Sulpitius, dévoué au vieu Marius, entre-
Sylla &
Marius. prit de supplanter Sylla,& de faire donner à Marius la commission de faire la
Liv. l. 77. guerre au Roy du Pont. Il commença par avilir autant qu'il lui fut poffible»
l'autorité du Sénat, en proposant des Loix toutes favorables à la commune.
Ensuite il fit ordonaer que les étrangers, qui tout récemment étoient admis
à donner leurs suffrages dans les assemblées, les donneroient pêle-mêle avec
les anciens citoïens. Par ce moïen il se rendit maitre des voix, bien assuré
que cette multitude de nouveaux citoïens n'opineroit qu'à son gré. Enfin
ilproposa de rappeller de l'exil les amis & les partisans de Marius, & obtint
du peuple tout ce qu'il désiroit.
Tout cela n'étoit qu'un prélude des brouïlleries que Suilpicins & Marius
devoient causer dans Rome, pendant que Sylla soûtenu des Généraux des ar-
mées Romaines,achévoit de pacifier les Provinces d'Italie. Le ConsulPom-
peïus Rufus étoit demeuré dans la ville, où il étoit témoin des entreprises
de Sulpitius, sans pouvoir les réprÜner. Il en avertit Sylla, qui revint aufli-
tôt, car sa présence n'étoit plus si nécessaireen campagne, les principaux
Chefs de laRebellion Vettius & Pompédius ayant été mis à mort, & la re-
bellion ne subsistant plus que dans un coin de la Lucanie.
€XLV. Sylla étant arrivé à Rome,se joignit à son Collègue, & pour arrêter le
Violences progrés des mouvemens du Tribun Sulpitius, & les intrigues plus cachées de
exercées Marius, ils ordonnérent plusieurs jours de fériés, c'est-àdire, défense Juges
Tri- aux
par le
bun Sulpi- de tenir leurs assises,& au peuple de fréquenter les Tribunaux, & de tenir des
tius contre assemblées. C'étoit indirectement empêcher le Tribun d'assembler le peuple,
les Séna- & de lui inspirer par ses harangues l'esprit de sédition & d'indépendance.
teurs &les A peine les feries furent elles promulguées, que Sulpitius accompagné d'une
copisuls. mille hommes armez, qu'il avoit d'ordinaire à sa suite, alla
jippian. de troupe de trois Castor, où les Confuis haranguoient le Senat, qu'ils yavaient
J. I.P. ,
JBello Civil. au temple de
aÍsenlblé & demanda insolemment la cassation du décret Consul^ire, quior-
feq. Liv ii donnoit les fériés. Les Consuls le réfusérent, & au même moment les Satel-
Epitom.
I. 77. Plu-
lites du Tribun tirèrent leurs èpées.&se jettérent sur les Sénateurs. LeCon-
tareb. in sul Pompeïus faillit d'y perdre la vie. Son fils qui venoit d'épouser la fille de
Mario Sylla, futmassacré. Sylla s'échappa, sortit du temple & se jetta dans la mai-
in Sylla. son de Marius son plus grand ennemi. Marius le reçut, lui fit promettre avec
serment, qu'il révoqueroit le décret en question, & le fit sortir par une porte
de derriére. Sylla se rendit dans la place publique, assembla le peuple & cassa
le décret, qui avait causé cette émeute.
Sulpitius
Sulpitius ne se contenta pas de cette démarche de Sylla. Il fit décerner LeCXLVh Tribun;
Pompeïus seroit déchu du Consulat, & privé des fonCtions
par le peuple, que Noie Cam-
Sulpitius
de sa charge. Pendant que Sylla dans son camp aux environs de en fait donner
pallie, se dispose à palier en Afie,pour faire la guerre à Mithridate, meme à Mariu",
le la.
Sulpitius allemble le peuple Romain,& lui fait donner comme par force une co md'aller mi (li-
Loy, par laquelle il étoit statûé, que Sylla demeureroit en Italie , & que Ma- faire on
la
rius, tout particulier qu'il étoit, iroit commander l'armée en Asie. Sylla en à
guerre
fut bientôt informé. Il harangua son armée , dit Adieu à ses soldats, plaig- Mithrida-
nit son sort & le leur, & les toucha de telle manière, que deux Tribuns mi- tes, au dé-
savantage
a
litaires étant survenus de Rome,pour leur annoncer qu'ils avoient un nouveau de Sylla.
Général, ils les lapidèrent & demandèrent Sylla quelles conduisit a Rome,
pour venger l'insulte faite à sa personne & à sa dignité. au-devant de lui deux CXLVll.
Le Senat informé de la venue de Sylla, envoya sylla entre
Préteurs, Brutus & Servilius , pour arrêter sa marche. Ils furent mal reçus dans Roms
de Sylla , & ses soldats déchirérent les habits des Préteurs, & brisérent leurs avec une
armée.
faisceaux. La plupart des Officiers de l'armée de Sylla, craignant le relient!-
ment de Marius, desertérent ; Le Consul Pompeïus sortit de Rome^ramalla
tout ce qu'il put de soldats Légionnaires, & se joignit à Sylla. L'arméemille des
deux Coniuls étoit de six Légions. Plutarque la fait forte de trente
hommes de pied , & de cinq mille chevaux. Elle s'avança précipitamment
ramasser des
vers la Capitale. Sulpitius & Marius font tous leurs efforts pour de la
troupes. Ils invitent les esclaves à prendre les armes, sous espérance
liberté. Peu de gens se rangent autour d'eux. Ils envoyent faire à Sylla des
propositions d'accommodement pour l'alnutèr. Sylla à son tour les amuse,en
demandant que Sulpitius & Marius sortent de Rome, & se rendent auprès des
Consuls ; il leur donne rendez-vous au village de Piétés, à vingt-cinq ou trente
mille de Rome ; c'est-à. dire, environ à une lieuë de la ville. En même tems il
fait tracer un camp. Mais sans s'y arrêter, il fait doubler le pas à ses Lé-
v
gions & s'empare de la porte Esquiline, & y place une defes Légions. CXLVlïl,
Pompeïus se rend maître en même tems de la porte Colline ; une troi. Bataille
siéme Légion s'empare du pont Sublicius, & une quatrième Légion se posse
' donnée
auprès de la porte Celimontane. Les deux autres Légions pénétrent julqu'au1 dans Rome
t entre Sylla
centre de la ville. Marius se présente à la tête d'une troupe tumultuairement
rama!Tée,& livre le combat aux Légions. Le peuple monte sur les, toits, &j & Marius.
fait tomber une grêle de pierres sur les têtes des combattans indifféremment.
Sylla accourt au secours des Tiens, & le flambeauàlamain, ménaceles bour-
geois de biûler leurs maisons, s'ils ne se retirent. Marius eit poufsé de car-
retours en carrefours, & se retire avec sa troupe vers le Capitole, où il se loge.
Le Soldat avoit commencé a piller.Sylla s'en apperçut, fit punir les coupables,
& défendit aux soldats de toucher ni aux biens ni aux maisons des Citoyens.
Les deux Consuls furent toute la nuit sur pied pour empêcher le désor-
demandè- CXLlX.
Le lendemain ils convoquèrent le peuple rle haranguèrent Marius Se
,
rent l'abolition des Loix du séditieux Sulpitius ; Marius & lui furent obli- ses adhe-
[texte_manquant]
gez de quitter la ville, de peur de tomber entre les mains de leurs
ennemis. rans sont
proferits*
Le Senat préscrivit le Tribun Sulpitius les deux Marius, & environ dit
de leurs adherans. Sulpitius fut trahi par, un de sesesclaves, & on lui trancha
la tête, qui fut apportée à Rome,& affichée sur un pieu devant la Tribune
harangues. L'esclave qui l'avoit trahi,reçut de Sylla l'argent qui lui avoitaux été
promis, mais pour punir sa perfidie, il le fit précipiter du rocher Tarpeïus.
Marius s'étoit caché à Solonium, une de ses maisons de campagne, & le
cherchoit avec beaucoup d'empressement. Le jeune Marius son fils l'accom- on
pagnoit seul, avecun nommé Granius. fils de sa Femme &d'un premier mari.
Marius le Pere envoïa son fils lui chercher de la nourriture chez MuciusScas-
vola Pere de sa Femme- Il n'y trouva que le Fermier.
cl. Cependant le vieux Marius se voyant environné de la cavalerie de Sylla,
Dangersoù n'attendit
est expolé pas le retour de son fils. & se rétira à Ostie, accompagné du jeune
Marius. Granius. Il s'embarqua dans une barque qu'un de ses amis lui avoit prépa-
rée à tout événement. Arrivé vis à vis Terracine, il trouva que Leminiusun
de ses plus grands ennemis, commandoit dans la place,& s'en éloigna. Sa
barque agitée de la tempête fut jettée aux environs du port de Circé qui
étoit déja occupé par les gens de Sylla. Marius prit terre où il put,&, s'a-
bandonna au hazard de sa bonne ou de sa mauvaise fortune. Accablé de faim
& de fatigue, il demanda du pain à des pasteurs, qui ne purent lui
en don-
ner, parce qu'ils en manquoient eux-mêmes. Mais ils l'avertirent qu'il y
avoit du monde aux environs qui couroit la campagne. Il se traîna dans un
bois voisin, ou il passa la nuit. Le lendemain il se remit en marche avec les
siens, & cotoyant le rivage de la mer, il arriva environ à demie lieuë deMin-
turne, d'où ilsapperçurent de loin une troupe de cavalerie, qui venoit à eux
a toutes brides. A l'instant ils se jettérent dans l'eau & arrivérent à la nage à
deux vaisseaux,qui voguaient prés du bord. Ils y furent ,
reçus allez humaine-
ment, Marius dans l'un , & Granius dans l'autre.
CL 1. A peine y étoient-ils entrez, que les cavaliers arrivèrent sur le bord, &
Marius se commandèrent aux mariniers d'amener les préscrits à bord ou de les jetter
cache dans ,
Jes marais dans la mer. Le Patron ne fit ni l'un ni l'autre. Il fit transporter Granius
du Liris. dans l'Isle d'Enarie qui n'étoit pas éloignée & Marius à l'embouchure de
Liris, où son vaisseau, attendit un vent favorable.,
L'accablement, la tristesse,
la lassitude avoient tellementréduit Marius, qu'il ne put prendre aucune nour-
riture. Il se coucha sur le gazon,& s'endormit profondement. Cependant le
maître du vaisseau mit à la voile avec les domestiques de Marius, & laissa ce
vieillard seul endormi sur la terre. A son reveil se voyant abandonné, tes fra-
yeurs rédoublérent. Il se mit donc à marcher à travers les marais que forme
le Liris à son embouchure. A travers les eaux & les bouës, il parvint à la
cabane d'un manœuvre qui travailloit à dessècher les marais. Le païsan lui
fit offre de sa hutte pour s'y réposer. Mais Marius demanda qu'il le condui-
sît en un lieu encore plus caché. Il le ména dans une espèce de fossé rempli
de jonc, l'y fit coucher & le couvrit d'herbes seches.
eT:11. Bientôt son repos y fut troublé par une troupe de gens armez, que Ger-
Marius est minius Gouverneur de Terracine avoit envoyé
pris & con- usérent de ménace,pour obliger le païsan à découvrir pour le chercher. Ces gens
duit à Min.. Marius. Celuy cy en-
turne. tendant
tendant leur dialogue , se léve, sort du fossé où il étoit , sedépoüille &.vase
plonger dans le Lac de Mariça, ayant de l'eau jusqu'à la bouche , & s'étant
le
couvert la tête de roseaux. L'eau qu'il avoit troublée, découvrit. On lesaisit,
on lui met une corde au coû, & on le méneàlVlinturne, pour y étre exécu-
té sélon le décret du Senat. Toutefois les Magistrats de Minturne craignant
quelque changement dans la République, n'osèrent précipiter le supplice de
Marius. Ils le mirent sous la foy publique , & avec bonne garde , chez une
femme nommée Fannia, à qui Marius,étant Consulpour la sixiémefbis, avoit
rendu un service important, en lui conservant sa dot, que son mari Tinnius
vouloit lui faire ôter, pour se la faire adjuger à lui-même. Marius avoit dé-
couvert que Tinnius n'avoit épousé Fannia que pour avoir son bien,& qu'il
ne l'accusoit d'adultère que pour profiter de sa disgrace. cl 7.
Fannia reçut fort bien Marius, le régala, l'exhorta à prendre courage; Marius
mais elle ne put lui rendre d'autre service. Les Magif1:rats après avoir délibé- évite la
ré sur le parti qu'ils avoient à prendre, résolurent de faire conduire Marius mort, &
dans les priions publiques , & de le faire mourir. N'osant le faire exécuter s'embar-
par aucun de leurs Citoyens, ils envoyèrent dans la prison un Cimbre pour l'Afrique.que pour
lui trancher la tête. Le Cimbre frappé de la majesté d'un si grand homme,
& du feu qui brilloit dans ses yeux, se retira, & protesta qu'il ne porteroit pas
ses mains sur Marius. Cette circonstance toucha les Minturniens. Ils le fi-
rent sortir de leurs murs,& le conduisirent jusqu'au port, où ils lui firent don-
ner une felouque, la chargèrent de provisions & de présens, & lui souhaité-
rent une meilleure fortune.
Il ordonne à son pilote de prendre la route de l'Isle d'Enarie, où il arri- CLIV.
va heureusement,& y reioignit Granius son beau-fils, & quelques-uns de ses court Marius
grand
amis , qui s'y étoient retirez. Avec eux il prit la route d'Afrique. Mais ils risque
furent contraints de descendre en Sicile,pour faire proviilon d'eau. Toutes Sicile &enar-
les côtes de l'Isle étoient bordées de soldats, qui attendoient que quelqu'un rive eu
des proscrits y abordât. Ses gens allèrent puiser de l'eau dans une fontaine Afrique.
prés du bord de la mer. Le Questeur informé que Marius étoit dans le
vaisseau, fit main basse sur les matelots & en tüa seize. Marius fit voile en
toute diligence, & alla aborder à l'Isle de Meninx, vis-à-vis la petite Syrthe;
delà il se rendit dans le territoire de Carthage.
Il n'y fut pas long tems, que Sextilius Gouverneur de la Province Afri- CLV.
caine lui envoya signifier de se retirer ailleurs ; s'il ne vouloit s'attirer deplus Le jeune
mauvais traittemens. Marius répondit au Licteur : vous pouvez dire au Pro- Marius
préteur, que vous avez trouvé Marius assis sur les ruines de Carthage, & que la joint son
Pere prés
ressemblance de son sort avec celui de cette ville infortunée, lui a fait choisir Carthage.
cette rétraite.
,
des vivres les soldats deSylla y étoient survenus ,
Bientôt aprés son fils le jeune Marius y arriva, & raconta à Aventures
son Pere, qu'étant dans la maison de Mutius Scævola où il étoit allé chercher du jeune
&, que la femme du Fer- Marius.
mier.pour le sauver, l'enveloppa dans un char de féves encore enfermées dans
leur tiges, & le fit partir sur l'heure pour Rome; qu'après un séjour de quel-
ques heures,il sortit dela ville, & s'embarqua surie premier vaisseau, qu'il trou-
va, & qui le transporta en Afrique. Qu'il aborda sur les côtes de Nunlidie.

où il fut fort bien reçu par Manderstal fils du Roy Hyempsal, à qui MariuS
aprés la prise de Jugurtha , avoit laissé le titre de Roy, avec une portion de
la Numidie. Que cependant Manderstal, par ménagement pour Rome,l'avoit
reténu lui & Cethegus son compagnon de fortune, beaucoup plus longtems,
& dans une bien plus grande contrainte, qu'il n'auroit voulu. Qu'il n'étoit
forti de ce pays que par le moyen d'une Numidienne femme du Roy, qui lui
avoit procuré les moyens de sesauver.
CL VI. Ils étoient un jour;sur le bord de la rner lorsqueMarius le pereaperçut
Marderftal deux scorpions qui se battoient avec grande furie. ,
Il prit cela pour un mau-
envoye vais augure. Il exhorta son fils & Cethegus à fuïr, & se jetta avec eux dans
pour arrê-
Marius une barque de pêcheur „ qui étoit là , & dont il coupa le cable, A peine fu-
ter
quiie fau- rent ils en pleine mer,qu'ils virent le bord tout couvert de soldats envoyez
ve par mer par Manderstal pour arrêter le jeune Marius , & l'envoyer à Sylla : Marius &
.à Cerçine. sa compagnie arrivérent dans l'Isle de Cercine où ils trouvèrent Albinova-
,
nus, qui étoit proscrit comme eux & avec qui ils passérent l'hyver, allant
,
souvent d'une Isle en une autre, pour n'être pas surpris.
CL VU. Pendant que ces m -ilheureux proscrits cherchent à éviter la mort, Sylla
L. Corne- songe à élever au Consulat des personnages dévoüez à ses interéts. il pré-
Jius Cinna sente
& Cn. Odta- au peuple Nonnius fils de sa sœur, & Servius Sulpitius qui avoit cy-de-
vius Gon- vant servi sous lui. 'Le peuple ne parut pas disposé à seconder ses délirs. Il
suls. An de proposa L. Cornélius Cinna qui jusqu'alors avoit été fort attaché à Marius,
,
Rome 666. mais qui paroissoit s'en être détaché en faveur de Sylla. Ce dernier s'étoit
duM?i<5. même assuré de sa fidélité & de son attachement les sermens & les céré-
avant J. a. par
84.. monies les plus sacrées. Mais Cinna étoit un homme sans foy & sans réli-
gion. Sylla le laissa élever au Consulat, & il trouva bon qu'on lui donnât
pour Collègue Cmeïus O&avius , dont la probité & la sagesse lui parurent
propres à régler les saillies de Cinna.
Il restoit encore quelque mois avant l'expiration de l'année Consulaire;
Les deux Consuls Sylla & Pompeïus Rufus prirent ce tems pour marcher en
campagne. Pompeïus Rufus parut alors pour la première fois à la tête de
ses Légions ; Pompeïus Strabo Proconsul qui les avoit commandées pendant
toute la campagne, prétendoit au triomphe , & il ne pouvoit se résoudreà
voir Pompeïus Rufus venir moiltonner ce qu'il n'avoit point sémé. Il le fit
assassiner par ses soldats au moment qu'il offrit le sacrifice ordinaire, le lende-
main de son arrivée au camp. Pompeïus Strabo feignit de n'avoir aucune
part à l'assassinat ; Il inveéH'ya contre les assassins, mais ne les rechercha pas ; ni
ne vengea l'attentat commis contre le Consul.
€LVlll Sylla craignant un sort pareil, se hâta de passer en Asie, & d'y conduire
Départde ses Légions, faire la guerre à Mithridate. Les vents contraires & la len-
Sylla pouir pour
la guerre teur des
Officiers préposez à fournir & à équiper les vaisseaux l'obligèrent
après ,
contre de rester en Italie quelques jours le commencement de l'année Consu-
Mithridate laire de Cinna & d'Oftavius. Le prémier usage que Cinna fit de son autori-
An du M. té* fut de faire citer Sylla devant le peuple par un Tribun nommé Virginius,
J917.
pour rendre compte de son adminillration. Il n'étoit pas mal-aisé de don-
J1er une tournure odieuse à ce qu'il avoit fait contre Marius & contre le Tri-
bun
Imn Sulpitius. Pour prévenir les suites de son accusation, il précipita son dé-
aprt, appuïé sur une Loy qui défendoit de citer en jugement les Officiers
actuellement occupez dans les armées Romaines au service dela République.
Cependant Cinna demeuré maître de Rome, entreprit de faire donner el.lX.
aux alliez nouvellement aggregezaux citoïens Romains, les mêmes droits & ses Intrepri-
prérogatives dans les éledions, que celles dont jouissoient les anciens cito, daCou-
sulGmiia.
ïens. Il convoqua le peuple, & ordonna aux nouveaux citoïens de prendre
des dagues sous leurs habits. Les anciens citoïens en usérent de même. Le
Consul Odavitis, qui désapprouvoit ces entreprises, fut informé du dessein de
Cinna. Il vint aussi à la place où Cinna haranguoit. Les anciens citoïens
tirèrent leurs armes & chargèrent les nouveaux, qui se défendirentavec beau-
coup de vigueur. Les anciens remportèrent tout l'avantage, tuèrent environ
dix mille nouveaux citoïens, & les chassérent de la ville. Cinna aprés avoir
aisez longtems couru dans les rues, & invité les esclaves à prendre les armes
pour sa défense, fut contraint de se retirer au voisinage de Rome, accom-
pagné de six Tribuns du peuple. Il trouva dans la Campanie & dans le reste.
de l'Italie, des amis qui lui fournirent de l'argent & des troupes. Son parti
etoit encore pl1H1ànt à Rome, & tous ceux que Sylla avoit déspbligez, ou
offensez, de même que les amis & les partiians de Marius, lui étoient dé-
voüez.
Le Senat pour arrêter le progrés des entreprises de Cinna, le déclara CLY.,
déchu du Consulat, & nomma en sa place L. Cornelius Mérula, qui étoit Cinna est
Grand-Prêtre de Jupiter.. Cinna n'en fut que .plus irrité, & plus résolu de déchu da
Consulat.
pousser les choses à l'extrémité. Il gagna les troupes que commandoit Ap- Cornélius
pius Claudius prés la ville de Capouë; ilse présenta à elles en habit Confulai- Mérula
re, & en fut réconnu pour Chef. 11 leur fit prêter le serment ordinaire; les Prêtre Grand-
de
peuples Italiens flattez de l'espérance d'être égalez aux anciens citoïens Ro-
mains, se joignirent à lui, & augmentèrent coniidérablement son armée. Il sevit Jupiter lui
est fubfii-
à la tête de trente Légions, il invita Marius &les autres proscrits, à révenir fué.
& à se joindre à lui. Marius n'y manqua pas. 11 révint avec ceux qui s'étoient
rassemblez autour de lui. Pompeïus Strabo, qui étoit encore à la tête d'une
armée Romaine, voulut se faire un mérite de joindre ses forces à celles de
Cinna. On le méprisa,comme étant venu trop tard. Ainsi il fut encore trop
heureux de se donner à Odavius & à Mérula, qui étoient demeurez à Rome,
& qui étoient occupez à mettre la Capitale en état de défense
Cinna partagea son arnlée en trois corps. L'un commandé par lui même, CLXI.
fut destiné à bloquer Rome du côté du Tibre ; Sertorius la tenoit invertie par 1Rome affié-
le côté opposé; Marius, à qui Cinna avoit offert la qualité & les honneurs gée par
Cinna, Sel-
du Proconsulat, unis qu'il avoit réfuséepar politique, fut chargé de couper torius &
les vivres aux Romains. Le Consul Odavius ne voulut pas armer les esclaves Marius.
pour la défense de la République; il se contenta du secours des Bourgeois de
Rome & du Senat.
Au dehors de la ville étoit leProconsul PompeïusStrabo, qui se trouvoit Oros. I y.
assez prés du camp de Sertorius, & ce fut par-là 19. Epi.
que commencèrentles prémiers c.tom. LitJ.
astes d'hoitilitez. il se donna un combat, ou plutôt il se fit une escarmouche. -i,'
79- c. 16.
où demeurèrentenviron six cens hommes sur la place ; mais l'adion fut remar-
quable par la mort de deux frères, dont l'un aïant frappé son frère sans le
connoître, se donna la mort à soy-même, de déplaisir d'avoir tiiè la personne
du monde qui lui étoit la plus chère & la plus proche.
Cl,XlI. Comme la multitude des partisans de Cinna croissoit de jour en jour, il
Metellus forma une quatrième armée, dont il donna le commandement à Papirius
vient à Ro- Carbo. Le Senat de son côté longea à se fortifier, en attirant dans son parti
ire avec lesSamnites, & le corps de troupes que commandoit Q. Ocilius LVleteHus,
ses trou-
Il ré- fils de Metellus Numidicus. Alais Marius aïant enchèri sur les promesses du
pes.
fuse le Gé- Senat, gagna les Samnites. Pour Metellus, il se rendit au désir du Sénat, &
néralat des entra dans Rome avec ses gens. Il y fut reçu avec joïe, & la Bourgeoiiie
troupes
Romaines.
Romaine fat ravie d'avoir en sapersonne un General capable de les comman-
der: Car pour tes deux Consuls Odavius & Mérula , ils n'étoient nullement
guerriers. Metellus réfusa de commander le peuple Romain, par respeft pour
la dignité Consulaire; ce qui occasionna grand nombre de délertions, &attüi.
blit d'autant le parti. du Senat. Il se contenta du commandement des trou-
pes , qu'il avoit amenées duSamnium. Le Consul Ottavius avoit son armée au
pied des murs de Rome, & PompeïusStrabo avoit la sienne prés du camp de
Sertorius. * Mais ces trois corps n'égaloient pas à beaucoup prés les quatre
armées des assiégeans.
CLXlIl. Cinna, qui d'abord avoit rebuté Pompeïus Strabo & ses Légions, , . re-
Le jeune solut de le faire périr, & de faire passer ses troupes dans son armce. Il aposta
Pompée
un certain Terentius, qui étoit l'ami & le Compagnon d'armes du jeune
garantit Pompée fils du Proconsul, qui fut si connu dans la suite sous le nom du Grand
ienPeredc
la mort, & Pompée. Un ami du jeune Pompée l'avertit que Terentius étoit fé:ülu de
retient tes lui ôter la viqwa nuit même, & de soûlever tout le camp contre le Proconsul
Légions son Pere, & de l'égorger, ou de le brûler dans sa tente la nuit suivante. Le
dans le de-
jeune Pompée & Terentius soupérent ensemble à l'ordinaire, & couchèrent
voir. Lorsque Terentius fut endormi, le jeune Pompé e le
dans la même tente.
dérobe & va, sur le champ poser une garde autour de latente où logeoit ion
Pere, &, parcourt les tentes des Tribuns & des Officiers, qui avoient tait com-
plot dese rendre à Cinna. 'Déjà les soldats s'étoient emparez d'une des por-
tes du camp, &étoient prêts à déserter. Le jeune
Pompée aprés avoir employé
les priéres & les caresses, se coucha le dos contre terre, & leur dit, que s ils vou-
loient abandonner leur Général & violer leur serment, il fàlloit qu'ils lui
marchassent sur le corps. Par ces discours & ses caresses il les arrêta.
CLX1V. Cependant Terentius croÏantque le jeune Pompée étoit couché à l'or-
Le Janicule dinaire dans son lit, en perça les couvertures & les matelatsde plusieurscoups.
est défendu Le Proconsul évita aussile danger, & tonarmée demeura dans le devoir; il ne
par Oéta- perdit
que huit cens soldats, qui étoient déja sortis du camp pour se rendre a
vius & par sentir dans Rome, & que les aslîe-
Pempeïus. l'ennemi. Quoyque la famine se fit déja
Liv. Epi- geans conlpta1sent beaucoup sur ce moïen de réduire la ville, toutefois les
Um. /. ïo. assiégez ne manquoient ni de courage ni de résolution. Un nomme Appius
Claudius,Gouverneur dela forteressedu mont Janicule, avoit lailTe une parle
entr>auverte,& avoit averti Cinna de s'en approcher & de s'enfmfir. Les trois
armees
dit avec beaucoup de valeur ,
armées de Cinna, de Sertorius & deCarbo s'y

de Pompeïus d'accourir au secours. Elles


rendirent;lagarnisonsedéfen-
& donna le loisir aux troupes d octavius &
repouflTérentles ennemis, & con-
fervérentLaoesie,le "la
foudre & le feu du Ciel consumérentPompeïus Strabo & CLXV.
Ensuite la samine obligea Rome à venir demander à Cinna du Mort de
son arnlle. d'épargner la Pompeïus
pain & des alimens; le Senat lui fit une députation pour le prier Strabo. Ro-
ville. Cinna demanda si le Senat le réconnoîtrbit pour Consul. Les Dépu- me se sou-
'qui s'attendoient pas à cett.e question, priérent qu'on leur permit de met à Cin-
tez, ne se trouva embarassé, mais Merula nomme na. Liv.
rétourner vers le Senat. Le Senat 1. 80.
Consul le tira d'embarras, en abdiquant volontairement le Consalat, & fit
App. Bell.
agréer son abdication au peuple. Apres cela les Députez partirent, & retour- Civil,
nérent vers Cinna, qui promit verbalement, Romain mais ne voulut point faire de
serment qu'il ne feroit perdre la vie à aucun dans Rome ; mais il
dit qu'il'ne répondoit pas de la vie du Consul Oétavius, s'il paroissoit dans
la ville, jusqu'à ce que ces troubles fussent appaisez. Sur ces promesses le
Senat fit ouvrir les portes à Cinna; celui-ci fut suivi de Manus, de Sertorius
& de Carbo, & de toutes leurs troupes. Marius s'arrêta sur la porte de la ville,
parceque l'arrêt de sa proscription n'avoit point été cassé. Cinna ne fut pas
plutôt entré, qu'il convoqua le peuple pour l'obliger à révoquer le décret,
qui avoit proscrit Marius & ses adhérans. Aprés cela Marius ne mit plus de
bornes à sa vengeance. Il étoit suivi par une troupe de six mille scélerats ti-
des cachots des toutes les villes d'Italie. Il leur donnoit le nom infâme de
rez Il leur commanda d'égorger sans quartier
Barâiates ou débauchez insignes.
tous ceux qui le viendroient saluër, & a qui il ne
rendroit pas le salut. Il y
massacrez a ce signal funeste.
fn put un trés-srrand nombre deConsul O&avius de ne plus paraître dans Ro-. CLXV1.
Pour Cinna, il fit dire au Mort du
à de déférer à ordres. 11 se rendit
me Odavius ne jugea pas propos ces au Consul
Tanicule, y posa la chaise curule,& y parut en appareil de Consul. Cinna y 0£avius#
envoya Censorius avec un gros
détachement de cavalerie, qui trancha la tête
au Consul, lequel auroitpû se sauver,
s'il avoit voulu ne pas tant déférer aux
conseils des Devins & des Chaldéens, qui le rassuroient & disoient qu'il n'avoit
rien à craindre. Cinna & Sertorius malgré leur attachement pour Marius, ne
purent souffrir les débordemens, les brigandages & les excès €f|e commirent
dans Rome les Barâiates de Marius, Ils les firent tous périr en une nuit à coups
de flêches. CL XVIl.
Marius en fut au désespoir. Il n'osa s'en prendre à ceux qui en étoient les Marius
véritables auteurs. Il demanda une conférence avec eux, dans laquelle on re- veut qu'on
glât la maniére dont ils devoient désormais gouverner la République. Dé- extermine
puis l'abdication de Mérula & la mort d'Octavius toute l'autorité étoit dé- le Sénat.
volue à Cinna. Les quatre Chefs de la confédération, Cinna, Marius,Pa-
pirius Carbo & Sertoriu», s'assemblérent, & Marius comme le plus ancien,
prit la parole, & proposa d'exterminer le Senat. Sertorius parla avec plus de
modération. Il ne fut point écouté. La résolution fut prise de faire main
basse sur tous les"Senateurs, & en particulier sur tous ces célébres Orateurs,
qui -fq.souvent avoient ramené le peuple à des sentimens raisonnables ; Anto-
nius , Attilius Serranus, Lentulus, C. Caesar, L. Caesar ion fréce, Numitorius
& M. Bxbius, furent les vidimes de leur cruauté, de même qu'une infinité
d'autres personnes du prémier ordre; leurs têtes furent affichées sur des pieux,
au bas de la Tribune aux harangues. Metella femme de Sylla n'échappa qu'à
peine.avec ses enfans. On mit les biens de tous les Senateurs à l'enchère, &
on abandonna leurs maisons au pillage. Le peuple fespeéla ces niaisons com-
me des lieux sacrez,& ne voulut point profiter de cette permission.
eLxvIll. Fimbria Ministre des cruautez de Marius, poursuivoit P. Crassus le fils.
Mort de Crassus son Pere vint à sa rencontre,
Cl'ailus & bât
le tüa de sa main, de peur qu'il ne tom-
de Catulus entre les mains de Fimbria, puis se livra lui-même à la mort. Après avoîr
& dCMéru. exercé leur rage pendant, cinq jours dans la ville, les Satellites de Marius
la. Liv. cherchèrent dans les campagnes les plus illustres Romains qui s'y étoient ré-
Epitom. tirez. Marcus Antonius ce célébre Orateur, s'étoit résugié dans la maison
/. 8o. Ap- d'un
pian. Bell* pauvre homme, qui pour le régaler envoya chercher du vin dans un
Civil, cabaret voisin. L'esclave eut l'imprudence de dire que c'étoit pour ierv;'r à
Marcus Antonius, cet homme si recommandable. Marius en fut ausîîtoc in-
formé, & envoya un de ses gens pour lui ôter la vie. Les soldats qui l'ac-
compagnoien%n'osérentpar resped entrer dans sa chambre. Antonius leur
parla avec tant d'éloquence & de dignité, qu'ils n'osërent porter la main sur
lui. Anius entra lui- même, & lui trancha la tête, qu'il apporta à Marius ; celui-
ci la reçut avec joïe, la mania &Ia fit servir de jouet à la compagnie, qui étoit
à table avec lui.
Tant d'exécutions n'avoient pas encore satisfaitla vengeance de IHarÏL1s.
Il en vouloit à la vie de Lutatius Catolus, ami de Sylla, & à Cornelius IVlérula,
qui venoit d'abdiquer le Consulat. Il les fit citer .devant le peuple. Ils com-
prirent que leur condamnation étoit résoluë. Catulus s'enferma dans une
chambre nouvellement enduite de chaux, & y fit allumer un grand feu. Le len-
demain il fut trouvé mort. Mérula se rendit au temple de Jupiter, dont il
étoit Grand-Prêtre, se dépouilla du bonnet Pontifical, s'afsit dans le liège
destiné à sa dignité, se fit ouvrir les veines,& s'avançant vers l'autel, dévoüa
les Tyrans aux derniers malheurs, & expira.
ezxix. Le tenisde créer de nouveaux Consuls approchant, Cinna de son auto-
se
t. Corné- rité, sans aueune participation du peuple, nomma Conlul pour la seconde
lius Cinna
& C.Marius fois, & Marius pour la septiéme fois. Tant d'honneurs accumulez, & tant
lîonsuls. de sang répandu, ne firent qu'augmenter les peines, les inquiétudes, les ha..
An'de R. ïeurs, les remords de Marius. Il crúïoit à tout moment voir les personnages
667. du M. dont il avoit répandu le sang, qui lui reprochoient sa cruauté,& d'autres qui
egig.avant lui redemandoient la vie de leurs proches. Ces Fantômes le troubloient fur-
J. 6.82.
Liv. Epi- tout les nuits. Il les passoit sans pouvoir prendre aucun repos. Le jour il
tom. /. 80. passoit le tems à boire, pour essayer de chasser le chagrin qui le dévoroit.
Appian. ,
Enfin il tomba malade d'une fiévre chaude, qui ne^lui laissoit que quelques
Bell. Civil.
Plutarch, intervalles de raison ; pendant
ses transports on le voïoit s'agiter, menacer,
in Mario. frapper, comme un homme qui est aux prises avec ion ennemi. Sylla étoit
celui qu'il avoit le plus dans Tespnt, & qui lui donnoit plus d'inquiétudes.
Il mourut dans ces agitations treize jours selon les uns , ou dix-sept sélon les
autres, dépuis qu'il eut pris possession de son septiémeConfu lat. Cinnade-
meuré Jeul Consul, s'associa le jeune Marius, encore plus furieux que sonPe-
re. L'un & l'autre continuèrent à moissonner ce qui restoit de plus illustres
têtes dans le Senat & dans la Noblesse.
Toute la ressource de Rome, & surtout des Nobles & des Senateurs, CLXX.
Sylla mé.
étoit dans le seul Sylla , dont les grands exploits contre Mithridates se publi- nace de
oient tous les jours & dans la Capitale & dans toute l'Italie. Tout ce qu'il y venir punir
' avoit de plus grand & de plus qualifié dans la République , & qui avoit pu Ginna &
échapper à la fureur de Cinna & de Marius , s'étoit retiré auprés de lui, &le Marius.
pressoit continuellement de conduire son armée à Rome, &jde délivrer la Ré- Jippiau... Bello Qivit.
publique des Tyrans qui la tenoient dans l'oppression. Sylla étoit sensible aux
maux de sa patrie, & encore plus aux mauvais traittemens qu'on faisoit àcau-
se de lui,à sa femme, à ses enfans, & à ses amis ; il apprenoit avec douleur
qu'on avoit mis sa tête à prix, qu'on avoit rasé sa maison & confisquéses biens.
Toutefois il ne putse résoudre à quitter l'Asie, & à abandonnerune guerre glo-
rieuse & nécessaire à la République, pour venir à Rome venger ses propres injures
& celles de ses amis. Mais il écrivit .au Senat une lettre pathétique, dans la-
quelle il se plaint des outrages faits aux siens & à lui-même, & menace de Ve-
nir incessamment à Rome, & d'en punir les auteurs.
Lorsque Sylla aborda en Asie avec son armée il ne restoit plus dYamÍs Cruautez cLxxr,
fidèles aux Romains, que la ville de Rhodes, & une, petite contrée delaLy- de Mithri-
cie au pied du mont Sipyle. Le Roy Mithridates avoit fait la conquête de dates con-
,
tout le relie de l'Allé mineure , avec une rapidité étonnante ;& pour y exter- tre lesRo •

miner le nom Romain, il avoit envoyé des ordres secrets dans toutes les villes » fie mains d'A-
d'exterminer en un seul jour, qui devoit être le trentième aprés la réception tomeLiv.Epi» 1.78.
de les lettres, tous les Romains qui s'y trouveroient ; avec de grandes mena- c. 11. Ap-
ces contre ceux quirecéleroient unRomain vivant, ou qui lui rendroient les pian, de
devoirs funèbres aprés leur mort; deplus, il accordoit la liberté aux esclaves Bell. Mi-
qui découvriroient leurs maitres, ou qui leur donneroient la mort,& aux dé- thridat.
, Cî-
biteurs, des marchands Romains la moitié des sommés dont ils leur seroient pro cero Orau
Flacco »
rédevables. Ces ordres furent exécutez avec beaucoup de rigueur : Ephése, Lege
Pergame, Tralles, Adramite, Caunes, signalérent leur cruauté contre les Ro- Manilia.
VeHei. Pa-
mains & n'épargnérent pas même les aziles les plus sacrez où ils s'étoient tercui.
, , 1. z,
résugiez. La seule Isle de Cos les épargna. On compta selon les uns (a) C.I8.Floru$:
cent cinquante mille , sélon d'autres ( b ) quatre vingt mille Romains deniafTa- /.?. 6ec«
crez, par les ordres de Mithridates. Ca)
<Ceux qui s'étoient lauvez du maiïàcre, s'étoient rétirez à Rhodes, & se Plutare,b.i;t
Sylla. Dût
disposoient à la défendre contre l'armée de Mithridates. Ce Prince parut avec 'légat. 36.
une flotte formidable. Les Rhodiens lui opposérent leurs vaisseaux en bien vel 37.
moindre nombre rangez devant leur port. Mithridates voulut les envelopper. rh)
Ils se rétirérent doucement dans leur 'port, & en bouchèrent rentrée. Le Roy Mr»no;r
fit descendre une partie de ses troupes à terre; elles y furent souvent maltrait- apudrVlilf. Pbof,
C. ? 2
tées. La tempête dissipa une partie des troupes qui venoient drAfie sur des Max.. I y.
batteaux de trausport. Les Rhodiens en prirent grand nombre brûlèrent C. 2-
.
CLXXU. les autres, ou les coulèrent à fond , & prirent quatre cens prisonniers^
Le
Siige de la Roy fit ensuite présenter l'escalade à la ville , du côté où les murailles étoient
ville de moins fortes. Ses gens furent répoussez. Enfin contraintd'abandonnercdsiége,
Rho lis il alla se rabattre surPatare ville de Lycie. Son entreprise ne fut pas heu-
par Mlthri- Pergame, & envoïa Archelaüs son confident dans la
date. Il est reuse. Il se retira enfin à
contraint Grèce pour la soûlever contre les Romains.
, réüssit au-delà de son attente. Les Cyclades se déclarèrent
ds l'aball- Archelaus
donner. les prémiers pour Mithridates. Delos fut prise & pillée , & les richesses en-
CLXXlll. voïées à Athènes. Aristion Athénien de la Sede d'Epicure, appuie de deux
Mithrida-
soûléve mille hommes qu'Archelaiis lui donna s'empara de la puissance souveraine
tes ,
lapins dans Athènes, & y fit périr dans les supplices , ceux qui étoient attachez au
grande parti Romain. Les Achéens les Lacédémoniens, les Béotiens , presque
partie de la ,
tout le Peloponése se déclara pour Mithridates. Thespie seule demeura fidè-
Grèce con-
les le à Rome. Bruttius Sura sauva l'Isle d'Eubée, & tint tête à Archelaüs &
tre
Romains. à Aristion.
A!pia3l. Sylla arrive enfin enThessalieavec son armée composee de cinq Légions,
]vlithridat. de quelques compagnies de troupes Italiennes & d'un afïez petit corps de
Bell. ,
CLXXIV. cavalerie. 11 fut renforcé par des troupes auxiliaires de Thessaliens & d'Eto-
Arrivée de liens. Sa premiére expédition fut contre la ville d'Athènes. Il envoïa d'a-
Sylla en bord L. LucullusQuesteur de son armée,fermer le Pyrée, que Bruttius Sura
ThetîaUe. tenoit bloqué. Mais Archelaüs Général de l'armée de Mithridate, força le
Livii Epi- Pyrée & mit forte garnison. Sylla marcha en personne contre
tome 1. 8 f.
même , y une
jippian de Athènes. A son approche la Béotie & le Peloponése rentrérent dans le de-
A
Bello. Mi. voir. peine fut-il arrivé devant cette célébre ville, qu'Archelatis & Aristion
tbridat. lui présentérent la bataille. Ils la perdirent,& furent obligezde se renfermer,
p. 190.
du M. Archelaüs dans le Pyrée, qui étoit comme la Citadelle d'Athènes , & Aristion
An Sylla partagea ses troupes, & en envoya une partie assiéger la
9917. avant dans la ville.
pendant qu'il alla escalader le Pyrée. 11 échoua devant la ville, &
C. 83. place
devant, la citadelle. La rigueur de la saison l'obligea de changer le siége en
blocus, & de retirer ses troupes à Eleusis & à Mégare , villes situées au voifina-

CLXXV.
Syna dé.
ge d'Athènes.
vante.
,
11 s'y occupa à faire les préparatifs pour la campagne fui-

Comme ilmanquoitd'argent,il envoya un Grec nomme Caphis dans l'asTem-


bléedes Amphiftions, pour leur demander qu'ils lui permissènt d'enlever du
pouille les temple d'Apollon de Delos les richesses qui y etoient conservées,avecpromesse
temples la valeur. Le Dieu fut consulté, & on entendit au fond de
(J' Apollon. d'en restituër
& d'Êicu- l'antre sacré'.lesbn mélodieux de
la Lyre, que Sylla interpreta en sa faveur.
lape. Et comme il étoit à la tête d'une armée trés-considérable, on ne put lui réfu-
ser sa demande. Il s'empara de tout l'or, l'argent & le bronze qui étoit ramassé
dans ce fameux temple. Il fit mettre en piéces un tônneau d'argent d'un poids
énorme, que nulle voiture ne pouvoitporter. Il enleva de même lesrichesLs du
temple d'Esculape d'Epidaure, sans craindre la coière des Dieux, à lasolde def-
quels il disoit en plaisantant,qu'il alloit faire la guerre. L. Lucullus, alors encore
jeune & Questeur dans l'armée de Sylla, fut chargé de réduire en demonnoye succés,
toute cette grande quantité d'or & d'argent, & il le fit avec tant
que
sa beauté la monnoye de Lucul-
que longtems aprés on distinguoit encore pour
lus. C'est le même Lucullus dont on parlera cy-aprés, & qui fera une si belle
figure dans la guerre. & dans la paix.
Il fut envoyé par Sylla en Syrie , en Egypte & en Lybie, pour luirafsem- Lucullus (LXXVI.

bler de tous cotez des v3i1[eaux, afin de renforcer son armée navale. Il abor- ramasse
da d'abord en Créte, où il trouva quelque séc0urs: delà il vint dans la Cyre- une armée
naïque , où il rendit la liberté & la tranquilité à cette Province , opprimée navalele su
Juifs. Il palsaensuite en Egypte, pour
par deux Tyrans, & agitée pur les rébellions des obligé de combattre, qui cours de
& trouva sur la côte certains Pirates, qu'il fut & Sylla, dp-
lui prirent ou lui brisérent la plupart de ses vaisseaux. Enfin il arriva au port pian. Mi-
d'Alexandrie. Ptolémée Lathure regnoit alors en Egypte. On a veu que la thridat.
Reine Cleopatre sa Mere l'avoit toujours éloigné du Tronc , & l'avoit pour Plutarck.iii Lucullo.
ainsi dire relegué en l'Isle de Cypre, où il joüissoit des honneurs de la Royauté, ffosepb.
pendant que la même Cleopatre avec son fils Alexandre, possédoit à son ex- Antiq. /.i^
clusion le Roïaume d'Egypte. Mais Alexandre aïant mis à mort Cleopatre c. 12. An
sa Mere, les Alexandrinspoursùivirent le parricide, & le chassérent d'Alexan- duM-gfiH-
rappelèrent Lathure son frere, & le placérent sur le Trône de ses avant J. &
drie, puis 8;.
Peres.
C'est donc ce Roy Ptolémée Lathure, qui reçut Lucullus à Alexandrie, CLXWU.
& qui lui fit plus d'honneurs qu'on n'en avoit jamais fait à aucun Ambassa- Lucullus
deur. On lui donna un apartement dans le Palais Royal, & on assignapour Plutarch. en Egypte
le défraïer quatre lois autant, qu'on fournissoit d'ordinaire aux autres Ambassa- in Lucullo*
deurs. Le Roy lui offrit de trés-riches présens, quiallaient juiqu'a la valeur
-
de quatre vingt talens. Mais Lucullus n'en accepta aucun, & ne voulutpren-
dre que lesimple necessaire. Il réfusa même d'aller visiter Memphis & les
autres merveilles de l'Egypte, disant que ces sortes de curiositez & d'aniuse-
mens ne convenoient pas à un Officier, qui sentoit son Général, qui étoit
exposé au danger de la vie dans les travaux dela guerre. Le Roy ne jugea
pas à propos d'entrer dans la guerre contre Mithridate. Il se contenta de faire
eicorter Lucullus julqu'en l'Isle de Cypre ; en partant il lui offrit son portrait
gravé sur une éméraude prétieuse. D'abord Lucullus le réfusa , mais le Roy
lui aïant montré qu'il portoit son effigie, il le reçut, de peur que son réfus
n'aigrît le Roy, & qu'il ne lui fit tendre des piéges sur sa route. Il arriva en
Cypre,& delà à Rhodes, à travers mille dangers , parceque la flotte de Mi-
rhridate étoit maitresse de la mer.
Mais quelque diligence qu'il put faire, il n'arriva à Rhodes qu'après la cLxxvnr.
prise d'Athènes. Sylla coupa d'abord la communication entre la ville & le Siège 'PA-

,
Pyrée, qui étoit le port d'où elle tiroit sa subsistance ; ensuite il l'environna thénes
de foÍfez & de rédoutes afin de la réduire par la famine. Pendant cetems fian Mi-
il attaquoit le Pyrée à force ouverte , & y emploïoit toutes les machines qui tbridat,
Sylla.
par
Ap-

étoient alors en usage pour les siéges. Archelaüs se défendoit en grand Ca- Plutarch,
Sylla.
pitaine. Dans le Pyrée Sylla avoit gagné deux esclaves, qui l'avertissoient de in An du M,
l'état de cette place, en l'écrivant sur des balles de plomb qu'ils lançoient. 18 avztàt
avec la fronde. Par ce moïen Sylla ou prévénoit les desseins des ennemis,, J. c. 82.
oules rendoit Ínutiles. Aïant appris qu'Archatias autrementAriarathe, le plus
jeune
jeune des fils de Mithridates, aprés avoir sournis les Thraces, & dissipé le peu
de Romains qui gardoient la Macédoine , venoit au sécours d'Athènes avec
une armée de cent mille hommes de pied , de dix mille chevaux & de quatre
vingt-dix chars armez de faulx, il fit de nouveaux efforts pour réduire le Py-
rée, soit par la force, ou par la famine.
CLXXIX. Dans l'intervalle le jeune Prince Archatias étant surpris de la mort, Ta-
Brave ré- xile son Lieutenant-Général prit le commandement de Ion armée & lacon-
distance ,
duisit lentement au sécours d'Archelaiis. L'approche du sécours soûtenoit le
d'Arche- l'ardeur de Sylla. Les assiégez firent des
laus dans le courage d'Archelaüs , & rédoubloit
Pyrée. chemins soûterrains, pour aller par dessous terre renverser les machines des
jippian, assiégeans. Ceux-ci les contreminoient, & souvent il le donnoit des com-
JJlutarcb' bats entre les mineurs. Le bélier des Romains fit enfin une brèche conlidé-
Epitome
Liv rable que Sylla fit encore augmenter par la sappe. L'assaut se donna ; les
Romains, rebutez du travail, furent obligez de se retirer. Sylla n'espérant
plus de prendre le Pyrée par la force, résolut de le réduire par la famine. Il
l'investit donc par mer & par terre, & tourna tous les efforts contre Athè-
nes.
La ville étoit partagée en deux parties, qui n'étoient séparées que par
CLXX:X:.
V,rise de la une simple muraille. L'une se noinmoit Cecropie, du nom de Cecrops ion
ville premier Fondateur; & l'autre Athénes du nom de Minerve qui en étoit la
-d'Athènes Protectrice & laPatrone. La disette étoit extrême dans l'une & dans l'autre
;
par Sylla. Aristion qui les gouvernoit avec un pouvoir absolu, s'endurcissoitàlaveuëde
la misére du peuple; cependant vaincu par leurs priéres , il envoïa vers Sylla
une députation de ces frivoles Orateurs Grecs, que le Général Romain renvo-
ïa avec mépris. Ensuite averti par quelques espions qu'il avoit dans la ville,
il donna l'assaut par l'endroit nommé Heptacalque, qui étoit le plus foible&
le plus mal garde : Le bélier abbat un pan dela muraille.Il entre dans la ville
& l'abandonne au pillage , & à la fureur de ses soldats. Nul genre de cru-
auté ne fut épargné , Athènes fut remplie de sang & de carnage. Aristion &
quelques-uns des fiens se sauvent dans la citadelle de Cecropie. Bientôt ils
furent forcez de se rendre accablez parlasois, encore plus que par la faim.
Sylla revenu de son premier emportement, conserva la ville en ion entier,
pardonna au petit nombre d'Athéniens échappez du carnage, mais défendit
qu'on réparât la brèche. Aristion & les fiens furent condamnez à perdre la
vie. Mais l'exécution en fut différée à un autre tems.
CLXXXt. Sylla tourna ensuite tous ses efforts contre le Pyrée. Archelaiis après
Prise du l'avoir défendu avec un courage héroïque, fut enfin obligé de le rétirer au
Pyrée.Sylla port de Munichie, & dans les lieux circonvoisins. Sylla pour empêcher que
dans le la flotte de Mithridate ne se rétir{it dans le port de Pyrée, en fit détruire tous
jéotic.
les bâtinlens,les niagasins, l'arsenal, & les murs ; enfin il mena ses troupes
dans la Béotie, pour les rafraichir. Taxile étoit alors arrêté devant Elatée.ville
de la Phocide , qui lui disputa le passage; Sylla s'avança jusqu'àPatronick par
le mont Parnasse, oùHortensius lui amena quelques troupes Romaines venues
de Thessalie. Toute son armée avec le renfort ne se trouva encore que de
quinze mille hommes. Qu'étoit ce que cela en comparaison dela multitude
d'ennemis
d'ennemis queTaxi!e d'un côté, & Archelaüsde l'autre faisoient marcher con-
tre lui? Mais il se sentit animé d'un nouveau courage,en voyant arriver à son
camp un grandnombre de personnes delà première noblesse deRome, &des
principaux citoïens de cette grande ville, qui venoient chercher dans Ion camp
un azile contre les violences de Cinna & de Marius, Ce dernier étoit mort le
33. de Janvier; mais Cinna avoit associé le jeune Marius, aussi animé que son
Pere contre la Noblesse; il n'avoit ni le titre ni l'autorité de Consul, ni même
de Préteur. Cinna se contenta de se servir de son nom & de Ion bras, poqr exé-
cuter les desseins.
Peu après il prit pour Collégue dans le Consulat L. Valerius Flaccus., Cinna CLXXXfO,

homme turbulent, mais peu expérimenté dans le métier de la guerre; à qui prend
il donna de son autorité la commission d'aller remplacer Sylla, & de faire la pour Col-
guerre à LVlithridate. Il donna pour sécond, ou pour Lieutenant-Généralau lègue dans
le Confu-
Consul Valerius, un Senateur nommé C. Flavius Fimbria, qui s'étoit fort si- lat Valerius
gnalé par ses violences dans le parti de Marius. Il méprisoitValerius, & com- Flaccus.
ptoit bien de se rendre maître du commandement de l'armée, lorsqu'il seroit
arrivé en Asie. Ils partirent ensemble & se rendirent en Gréce. Mais avant
leur arrivée,Sylla qui n'ignoroit rien de tout ce qui se passoit à Rome, & qui
etoit résolu de se maintenir à la téte des armées , malgré Cinna & Valerius,
prit le parti de livrer la bataille à Archelaiis & à Taxile, qui avoient réunis
leurs forces, & se trouvoient avec une armée prodigieuse, & en comparaison
de laquelle celle de Sylla n'étoit qu'une poignée de monde. Archelaüs étoit
d'avis d'envelopper Sylla & de le faire périr de faim avec ses soldats. Les au-
tres Commandans opinèrent a livrer la bataille.
Les soldats de Sylla voyant cette multitude innombrable de nations, en fLxrzuï.
Mouve-
parurent étonnez, & le Proconsul ne crut pas qu'il fut de la prudence de les ment
exposer alors au combat. Il les retint pendant quelques jours dans leurs re- chelaiis(I' Ar-
à
tranchemens, situez sur une colline isolée, d'où ils voïoient plein tous les pour enga-
rnouvemens des ennemis qui étoient dans la plaine. Sylla lui-même témoigna éluCombat.
ger Sylla
quelque timidité, & pour mieux cacher son jeu, il envoya des Députez à
Archelaüs, pour traiter d'accommodement,& convint avec lui d'une trève de in Plutarco.
Sylla.
quelques jours. Il prit ce tems pour décamper, & vintse poster sur le fleuve Appian.
Cephise dans la Béotie. Là il accabla ses soldats de travaux, afin de les obliger Mrfhridat,
à demander qu'on les ménât à l'ennemi. Sylla visita ces travaux & exhorta Liv. Epi-
ses gens à les achever. Comme il faisoit sa ronde, les Chefs & les simples tom. 4 82.
soldats lui demandèrent de nouveau avec instance & comme une grace de les
méner au combat. A ce moment il leur montra de la main un rocher situé
dans le confluent des fleuves Cephise & Alsus, qui étoit un poste important
dont Archelaüs avoit voulu se saisir le premier. Mais il fut prévenu par l'a-
ctivité des soldats du ProconsuL
Archelaüs ayant ainsi manqué son coup, ne songea plus à donner bataille. CLXxxir.
Il prit la route de l'Isle d'Eubée, & en passant il résolut de s'emparer de la Archelaus
devant
ville deCheronée. Mais Sylla à la priére de quelques Cheroniens qui étoient Cheronée.
dans son armée, y envoïa des troupes, qui mirent la place en état de soûtenir Plut, in
iom. Ill. SsSS un SyUa.
un siége. Archelaiis s'en approcha, & prit poste dans un endroit nommé Thu-
rium, environné de montagnes & de rochers, où il se crut inaccessible aux
Romains. Cependant trois Bourgeois de Cheronée promirent à Sylla de mé-
ner des troupes par des chemins écartez sur les hauteurs qu'occupoit Arche-
laüs. Ils tinrent parole. Hislius suivi de quelques Manipules se rendit sur la
hauteur ; alors les Asiatiques prirent l'épouvante & se sauvérent en désordre.
Ils perdirent dans leur fuite environ trois mille hommes. En même tems Sylla
s'avance en ordre de bataille. Archelaüs range ses troupes, mais avec désa-
vantige à cause de l'irrégularité du terrain; & avec confusion, à cause de la
fuite précipitée de ceux qui venoient en désordre du haut de Thurium.
lLXXXV. Le Général Asiatique n'opposa d'abord à Sylla, que sa cavalerie, & ses
\'iétoîre de chars armez de faulx. Mais la cavalerie n'eut pas assez d'espace pour se déve-
SyJ1a sur les
île lopper, ni les chariots assez de jeu pour tomber rapidement sur les Romains,
troupes leurs rangs, pour les laisser passèr & s'en em-
Xi ith ri (,Ia- qui les voyant venir ouvroient
te s Plu- parer. Archelaüs voulut fermer l'entrée du défilé aux Romains, en leur op-
tar ch. Liv. posunt quinze mille esclaves, à qui l'on avoit promis ,la liberté. L'infanterie
Epitom. Romaine ne put enfoncer un si nombreuæ bataillon. Sylla fit avancer contr'-
1. h2.
eux ses gens de traits & ses frondeurs, qui les rompirent & les mirent en dé-
route. Après cela Archelaüs vint tomber avec sa cavalerie sur PaÍle droite dw
Sylla, où commandoient Galba & Hortensius. Ceux-ci craignant d'être en-
veloppez, se rangèrent en cercle, pour faire face de tous cÓtez. Sylla in-
formé du péril de cette aîle, y accourt, & oblige Archelaiis à passer à l'aile
gauche., où commandoit Murena. Sylla envoye Hortensius à ionsecours &
vint se remettre au centre, d'où il envoyoit du secours où il le jugeoit né-
ceiïaire. Murena enfonça les ennemis & les mit en déroute. Il en périt un
trés-grand nombre dans la fuite a travers les rochers & les défilez.
Archelaüs espérant de rallier les fuïards & les ramener au combat, leur
fit fermer l'entrée de leur camp. On en tua une infinité aux pieds des rempart";
alors Archelaiis touché de compassion ouvrit les portes du camp. Mais les Ro-
mains y entrèrent pêle-mêle avec les ennemis; le camp fut donc pris & pille,
& d'une armée de plus de six-vingt mille hommes, à peine s'en sauva-t'il dix
mille avec Archelaiis, qui se retira dans l'Isle d'Eubée. On assure que du côté
des Romains on ne trouva que quinze soldats de manque, encore de ces quinze
il en revint trois au camp.
tLXXXVI. Aprés cette victoire Sylla rétourna a Athenes, pourregler les affaires de
Sylla ré- cette malheureuse ville. Il y fit mourir Aristion & ses amis. Pour les cito-
tour ne à ïens d'Athènes, qui s'étoient déclarez contre Rome, il les condamna à mort;
Athènes & livres pésant d'or, & soixante
fait mourir on ne trouva dans le trésor public que quarante
Ariilion. il
livres d'argent, dont le Proconsul s'empara. Delà paÍsaàThébes, qui s'é-
toit livrée à Mithridate. Il punit les Thébains, en leur ôtant la moitié de
leurs terres, & en donnant le révenu, partie au temple d'Apollon deDelphes,
& partie à celui d'£sculape à Epidaure, en dédommagement des trésors que
Sylla avoit enlevé de ces temples pour s'en servir dans les bésoins dela
guerre. Cepen-
Cependant le Consul Valerius envoya devant lui une Escadre chargée de Quelques
choses pour soil
CLXXXVI! .
soldats Romains, afin de préparer les voïes & disposer toutes troupes du
débarquement. Ces soldats peu affeélionnez envers le Consul, se donnérent Coniril Va-
Que donnoittes
àSvlla & l'inssruisirent de l'état des choses en Italie; Cinna lerius arri-
ordres'dans Rome avec l'autorité d'un Didateur; que le Senat n'étoit com- véesen
Créatures: que les deux Censeurs lui etoient entiérement dé- Thessalie,
posé que de (es se donnent
la tête du Senat le frere du Consul Valerius Flac-
vouez- qu'ils avoient mis à à SyUa.
Que Marius Gratidianus fils adoptif de Marius, avoit fait agréer au
cus
peuple une Loy dont il n'étoit pas Auteur, qui étoit de réformer les abus
cuise commettoient dans lamonnoïe, foit en la rognant, ou enSenat l'altérant par
le mélange du cuivre; que le jeune Pompée étoit
attache au avec un

armée..
certain nombre de gens bien intentionnez, mais qui n'oloient se découvrir,
de peur d'irriter Cinna. Sur ces avis Sy11a comprit qu'il
tems de se montrer à Rome, & qu'il n'y
bonne
Gréce. Il envoya Dorylas un de ses Généraux à la tête de
n'étoit pas encore
devoit rétourner qu'a la tête d'une

Mithridates malgré ses pertes ne desesperoit pas de se îoutenir A . dans


quatre-vingt
, r CLXXXVIll.
'ta Dorylas
mille rive en
ar-

hommes de bonnes troupes, pour joindre Archelaus dans l'Isle d'Eubée, avec une nou-
Gréce avec
ordre de passer dans le continent & de continuër la guerre. Sylla étoitàMe- velle ar-
litée enThessalie, quand on lui vint annoncer l'arrivée de Dorylas &son paf- mée d'A-
fage dans lEube. fiatiques.
1

Le Proconsul aussitôt se met en marche pour chercher l'ennemi. Ils se Appian. .


Mithridat.
trouvèrent bientôt à portée l'un de l'autre, & Dorylas aprés avoir essayé la -
de tirer la Liv. Epi-
valeur des Romains dans quelques escarmouches, jugea à propos tom. 1. 82.
Romaine fatiguer & se consumer }

guerre en longueur, & de laisser l'armée


se An du M.
abord in- ? 919. a vaut
dans une terre étrangère. C'étoit le parti qu 'Archelaüs lui avoit d
,

spiré. Dorylas dans la suite conçut de l'ombrage contre Archelaüs, & s'etant i.i C, Si. ,
trouvé dans la plaine d'Orchoméne belle, spatieuse, favorable à une grande
armée, & propre à contenir ses nombreuses troupes, & a faire agir ses chars ar-
il
mez de faulx, résolut d'y livrer la bataille
à Sylla, qui se trouvoit à une ex-
trémité de la même plaine, & qui pour resserrer l'armee Asiatique & l'empê- front in.
Stratag.
cher d'agir dans toute son étendue, avoit fait creuser des fossez & élever des 1. 2 C.
fortins & des terrasses aux deux extrémitez de la plaine.
Il avoit deplus ordonné à ses gens de la seconde ligne de se barricader Victoire CLxXXlXt.
de
des pieux, qui fichez en terre enveloppoient les soldats rangez en ba-
avec de faulx. Lors donc Sylla con-
taille, & les rendoient inaccessibles aux chariots armez tre Dory-
rédoutables chars furent
que l'on eut donné le signal du combat, & que ces las. Plu-
partis avec une rapidité extraordinaire, les soldats de la prémiére ligne se re- tarch. in
tirérent dans les endos qui couvroient ceux de la seconde ligne, & les lais- Epitome Sylla. Liv.
férent palier ; & cependant les Archers & les frondeurs firent pleuvoir sur les l. 82. Ap-
chariots, sur les Chevaux & sur les conducteurs une grêle de traits & de pier- pian Mi-
res, qui effarouchérent les Chevaux, les écartérent & en obligèrent unepar- tilridat.
tie à rétourner sur les Asi'tiques, où ils causérent un grand désordre. Aprés
cela la cavalerie ennemie donna sur les Romains, & fut reçue par Sylla avec
beaucoup de valeur; aprés d'assez grands efforts elle fut obligée de se retirer,
& de gagner le camp deDoryla^ à Orchoménes. Leur fuite entraina celle
des Phalanges ou de l'infanterie; la déroute fut générale, & les ennemis y per-
dirent environ quinze mille hommes.
cxc. Dez le lendemain Sylla s'approcha du camp des Asiatiques, & se disposa
Seconde à l'assiéger l'enfermant defo{sez. Les ennemis firent une {ortie sur les tra-
bataille en
les
vailleurs, & furent répousstz. Comme Sylla ménaçoit de donner l'assaut au
entre retranchement, les Généraux de Mithridates rangent leurs troupes en bataille
Romains
& les gens dans leur camp, pen dant que des gens de traits rangez sur les remparts. s'ef-
de Dory- forcent d'écarter les Romains, Ceux-cy fàisant ce qu'ils appelloient la tortue,
Jas. s'approchent & ont bientôt fait une brèche considérable aux fortifications
Plutarch.
ili Sylla. qui n'étoient que de terre & de gazons. ils pénétrérent dans le camp, donnè-
uippian. rent sur les Phalanges & les renversèrent. 11 en pé.- it un trés-grand nombre
Mithridat. sur le champ de bataille, & le Lac, où le fleuve Mêlas décharge ses eaux, &
Cc. qui ét01t derriére le camp, en engloutit peut-être encore plus. On croit que
Dorylas y fut noyé. Archelaiis s'y tint caché dans l'épaisseur des rolL-aux pen-
dant deux jours, au bout desquels aïant trouvé une barque, il s'en servitpour
se sauver dans l'Eubée, où il demeura Sylla n'aïant pas alors de flotte pour
l'y poursuivre; car Lucullus n'etoit pas, encore de retour; on n'avoit pas mê-
me de nouvelles certaines du lieu où il étoit.
CXC1. Par le gain de la bataille d'Orchoménes le parti de Mithridate fut entiè-
Inquiétu- rement ruiné dans la Gréce; &il ne fut pas olal-aisé à Sylla de pacifier tout ce
des de Mi- & de le réduire au même état, où il étoit avant l'arrivée d'Archelaiis. Sa
thridates pays,
au sujet de
plus grande inquiétude étoit l'arrivée prochaine du Consul Valerius, qui lui
la. guerre. portoit les ordres de se demettre du Commandement, sous peine d'être traité
en ennemi de la République. Pour éviter la rencontre du Consul, il fit pré-
parer à tes frais dans la Thessalie autant de Vaisseaux qu'il lui en falloit, pour
transporter ses troupes en Asie, &y continuër la guerre contre Mithridates. Ce
Prince devenu odieux par ses cruautez & ses extorsions,& méprilable par les
grandes pertes qu'il venoit de faire, fut exposé plus d'une fois à perdre la vie,
par les conjurations formées contre lui par ses courtisans, & par ceux mê-
mes qu'il honoroit de sa confiance & de sa bienveillance. Il eut le bonheur
de découvrir ces embuches, & de les éviter. Il se retira de Pergame, mais
fort touché de ses pertes & du sort incertain de la guerre où il s'étoit engagé.
Sylla seul lui avoit défait plus de deux cens mille hommes; que sera-ce, difoit-
il', quand le Consul Valerius aura débarqué une nouvelle armée? Soit qu'ils
nie fàssent la guerre réünis, ou separez, que n'ai-je pas à craindre attaqué par
de si puissans ennemis? Il résolut donc d'envoyer ses ordes à Archelaiis pour
s'a.bboucher avec Sylla, & lui faire des propositions d'accommodement.
eyerr. Les deux Généraux se virent sur la l\'ler à la hauteur de Délos dans une
Propofi- barque, à la veuë des deux Escadres qui les avoient amenez. Archelaiis offrit
tions de
^iiir faites à. Sylla de la part de Mithridate des troupes, de l'argent & des Vaisseaux pour
a Mithrida- se venger des ennemis qu'il avoit à Rome. Sylla à Ion tour offrit à Arche-
tes par Syl- laüs de le soûtenir avec les forces de la République, s'il vouloit s'emparer du
la. Royau-
Royaume de Pont. Archelaus réfusa ces offres, & dit qu'il étoit chargé de de-
mander la p.ix pour le Roy ion maître. Sylia lui en dit en peu de mots les
conditions. Que Mithrid:;te livre les flottes & les Officiers qui les comman-
dent: qu'il rende les captifs & les transfuges; qu'il rétablisse dans leurs ter-
de l'isle de Chio & les autres qu'il en a chassez : qu'il abandonne les
res ceux
Royaumes & les Provinces dont il s'est emparé enAfie; qu'il demeure en re-
République des
pos dans son ancien Royautne de Pont; qu'il indemnité la
irais de la guerre, & les peuples qu'il a vexez des extorsions que ses Officiers
leur ont fait souffrir. Sur ce pied là on pourra lui accorder la paix. Arche-
laus convint de remettre sur l'heure à Sylla la flotte de Mithridates. Il pro-
mit de rendre la Bithynie à Nicoméde, la Cappadoce à Ariobarzane , de re-
tirer ses troupes de la Paphlagonie, & des côtes de l'Asie, & de payer aux
Romains deux mille talens pour les frais de la guerre.
Ces conférences durérent quelques jours, & elles duroient encore, quand Arrivée CXClll
Lieutenant-Général, aprés du
on apprit que le Consul Valerius, & Fimbria son Gonful Va-
bien des accidens fâcheux, étoient enfin arrivez à Bizance. Valerius se logea lerius à Bi-
commodement dans la ville, & laissa Fimbria avec les troupes dans le camp. zance.
La saison étoit rigoureuse. Aprés bien des murmures, Fimbria & les soldats .Appian. in
Mithridat.
abandonnérent le camp, & de leur autorité se logérent aussi dans la ville. Le Liv. Epi-
foible Consul fut obligé de dissimuler, & de s'accommoder au tems. Fimbria tom. 1. tz..
s'étoit rendu maitre des troupes,& Cinna étoit rélolu d'oter le commande- Diodor.
ment à Valerius, & de le lui donner. Fimbria n'attendit pas que Cinna le Excerpt. Sicul. ht
lui donnât. 11 le prit de son autorité; Valerius étant allé à Chalcédoine, & Faies.
aïant 1ailTé en partant le commandement des troupes à Thermus, Fimbria en- p. 6jo.
tra dans Bizance, se plaignit aux troupes de i'injustice de Valerius, dépouilla
Thermus des marques de sa dignité, & se fit réconnoitre Général par les sol-
dats. Valerius revint à Bizance, comme pour punir l'attentat de Fimbria,&
obliger les soldats à restituër ce qu'ils avoient pillé. Fimbria les soûtint con-
tre le Consul, qui fut obligé de céder & de se retirer à Nicomédie. Cette
ville fut bientôt investie & renduë. Valerius fut tiré d'un puits ou- il t'étoit
caché. Fimbria le fit mourir, jetta sa tête dans la Mer, laissa son corps sans
sépulture, & abandonna Nicomédie au pillage de ses soldats, à qui il permet-
toit tout pour se les attacher.
Au prén1ier jour de Janvier, Cinna sans se mettre en peine de I'aflTemblée C-V riV.
du peuple, se declara lui-même ConsiJl pour la troisiéme fois, & se donna lius L. Corné-
Cinna
pour Collègue Papirius Carbo, un des plus déterminez Partisans de LVlarius, vSc Cn. Pa-
& des plus acharnez à persécuter le Senat & les personnes de condition. Le pirius Car-
reste des employs de la République fut disi:ribüé par Cinna à ceux de son bo Con-
parti; les violences, les rapines, les voies de fait prirent la place de l'ordre, fuIs. An de
de l'équité, de la modération, qui jusqu'alors avoient distingué la Républi. M. K. 668.du
Metella femme de Sylla dépouillée de ses fonds, fut réduite ses 3919.
que. avec ljt>. Epi-
enfans à l'indigence, & fut obligée de passer la Mer & de chercher un azile au- tiJm.
prés de son Epoux. Des bandes entières des plus. illustres familles de Rome,
se rendoient journellement dans son camp, où il sembloit que la République («3
Veilti. Pa-
terri,, 1.7. même & la liberté Romaine s'étoient réfugiées; son camp ressembloit à une
aliemblée de Senateurs. (a)
CXCV. Cependant la paix avec Mithridates n'étoit pas encore signée, & l'on
Progrés 'se soupçonnoit beaucoup Archelaiis d'avoir trahi les intérêts de son maître, en
•Sylla & de livrant sa flotte à Sylla. Mithridate lui-même s'en plaignoit, & Sylla dans
Hucullu'.
Fide Ujer. ses memoires faisoit tous ses efforts pour éloigner ces soupçons. Mais ce qui
ad An. M. les confirmoit, c'est que Sylla lui a voit donné en propre dix mille arpens de
99 19. Plut. terre dans l'Eubée avec le titre d'ami & d'allié du peuple Romain, & qu'il le
in Lucutlo. traifoit & le caressois comme le meilleur de ses amis.
jippian.
jvlithrïdat. Il est vray que le présent qu'Archelaiis lui avoit fait de la flotte de Mi-
&c. thridate qu'il commandoit, étoit pour lui la chose du monde la plus avanta-
geuse, dans la conjoncture de ses affaires. Car elle le mettoit en état de
ne point craindre Fimbria, & d'attendre tranquilement le retour de
Lucullus; celui-ci avec la flotte qu'il avoit ramassée en Cypre, en Phénicie,
en Pamphilie, & à Rhodes, chassa les troupes de Mithridates del'Isle de Chio,
& obligea ceux de Cos & deCnide, de se joindre à lui pour attaquer Samos.
il rendit la liberté à ceux de Colophon, & attaqua & mit en fuite la flotte du
Roy qu'il rencontra vers Ledos Capitale de la Troade. Ainsi de tout côté
Sylla étoit victorieux.
CXCVl. Mithridates & Sylla étoient, comme on l'a veu, en termes d'accommode-
Mithrida- ment, & Sylla ne craignoit autre chose, linon que Fimbria ne le traversât,&
tes est at- ne rallumât la guerre contre Mithridates. En effet dez que Fimbria se vit
taqué par
Fimbria. maître absolu de l'armée de Valerius, il se disposa à combattre Mithridate, &
Lucullus entra dans la Bithynie. Le Roy de Pont envoya contre lui l'on fils nommé
lui donne atiffi Mithridate, & trois Généraux de réputation, Taxile, Ménandre & Dio-
iiioicn de phante. Dans la prémiére rencontre Fimbria eut du dessous. Mais bientôt
st sauver. il reprit la supériorité sur son ennemi. Il le surprit sur le fleuve Rhyndacus
Memnon.
c. 36. apud
1-lbot. Ap-
dans la Mysie, passa la riviére,& trouvant les ennemis encore endormis,
fit un grand carnage. Le jeune Mithridate s'enfuit, & se retira à Pergame,
il en
pian. ÎVti- auprès du Roy son Pere. Fimbria fier de sa victoire, s'approche de Pergame,
tb ridat. le Roy sort à sa rencontre à la tête de quelques troupes, qui prennent l'épou-
Plutarcb.
j-fl [,U(.Uuo. vante ,
& obligent Mithridate lui-même à se retirer à Pitane ville maritime de
Oros. 1. 6. l'Eolide.
É-ei Fimbria voyant ce Prince enfermé dans une place, ne douta plus qu'il
CXCVIL
ne l'obligeât bientôt à se rendre, parce qu'il n'avoit plus d'armées en cam-
Lùcullus auprès de lui pour se défendre. Mithridates envoya
réf'tlfc de pagne, ni assez de forces
secourir de tous cotez pour ramasser des Vaisseaux, afin de se rendre maître de la
Fimbria & LVler, & se sauver par-là des mains d'un ennemi ardent & victorieux. Fim-
df prendre bria de son côté aïant sçu que Lucullus avec là flotte tenoit la Mer, l'envoya
Mandate ' prier de venir bloquer le port de Pitane, & lui aider à réduire le plus dan-
Plutarcb.
in Luculla. gereux ennemi de la République. Lucullus auroit pu finir la guerre & arrê-
Oro]:1. 6. ter Mithridate; mais il haïssbit trop Fimbria pour contribüer à sa gloire, &
il étoit trop dévoué à Sylla, pour lui ravir l'honneur d'avoir fait la p.,,x avec
Mithri-
Mithridate, Ce Prince se sauva de Pitane, prit la route de Lesbos, & se ré-
fugia dans Mityléne, la principale ville de cette Isle.
La retraite de Alithridate & la prise de Pitane, rendirent Fimbria maître cxcvni.
de la campagne. Les villes partie degré, partie de force, se rendirent à lui. Ouautez
Par-tout il laissa des traits de sa cruauté, pillant, rançonnant, ruinant les vil- hriaque Fim-
exerce
les & les bourgades, & donnant a ses soldats toute liberté. On raconte qu'un dan si'Mie.
jour ayant sans aucune juste raison fait planter plusieurs piquets pour atta- Diofi ÎKEX-
cher des malheureux qu'il destinoit au supplice, & qu'il vouloit faire flagel- leIp cerptis JTd'
ler, comme c'étoitla coutume, avant que de les mettre en croix ; on l'aver- Diodor. -6s 3-
Si-
tit qu'il y avoit un plus grand nombre de pieux qu'il n'y avoit de gens à sup- cul ibid.
plicier; il ordonna qu'on prît les premiers qu'on rencontreroit, & qu'on les p. 409.
y attachât, aprés quoy on les mit en croix. C'est ainsi qu'il se joüoit du sang
& de la vie des hommes. La ville de Cizyque, où il étoit entré comme ami,
ressentit aussi les effets de sa cruauté & de son avarice. Il fit accuser les prin-
cipaux Bourgeois de différens crimes, les fit mourir , & confisqua leurs biens.
Il assiégea Ilium,que les Romains regardoient comme le berceau de leurs an-
cêtres. Sylla lui fit défendre par ses Députez de toucher à une ville amie & Strabo 1.1
alliée du peuple Romain. La défense du Proconsul ne fit qu'irriter Fimbria. Appia1'l. j
Il poussa l'attaque avec tant de vigueur, qu'en onze jours il se rendit maître Dio. Oros.
de la place. Il fit main basse sur tout ce qui s'y rencontra, pilla & profana les <&c.
temples les plusrefpe&ables, & ruina entièrement la ville. Il couronna cet ex-
ploit par le meurtre des Députez que Sylla lui avoit envoyez.
Sy lia étoit alors occupé à pacifier la Thrace & la Macédoine ; aïant ap- exax.
l'
pris les cruautez que'Fimbria exerçoit dans Asie, il n'eut point de plus grand SvEa traits
paix
empressement que définir la guerre avec Mithridates; il s'avança donc sur de la Mi-
avec
l'Hellespont, & pressa Lucullus de conduire sa flotte dans les ports de laCher- thridate.
sonése, & de l'y attendre. En même tems il reçut une ambassade de la part Plutar'h.
de Mithridate, qui lui faisoit sa voir qu'il étoit prêt d'accepter les conditions ÍÎz SrÍla Ç#
Luc'* Il.
qu'il lui offrait, mais qu'il -ne pouvoit se résoudre à abandonner la Paphla- Jppian.
gonie, ni à céder ses Vaisseaux. Qu'au reste Fimbria lui offroit des condi- r/io. 4.
tions plus favorables, que celles qu'il demandoit à Sylla. Celui-ci répondit Memnon.
avecémotibn,que Mithridate pouvoit traiter s'il vouloit, avec Fimbria; mais
qu'il verroit bientôt quel fond on pouvoit faire sur un tel homme, & qui
de lui ou de Fimbria pouvoit lui procurer une paix plus solide. Archelaüs qui
étoit présent, pria Mithridate de lui permettre d'être le Médiateur de la paix,
& lui promit d'amener Sylla au point où il souhaitoit, ou de se donner la mort
de sa propre main.
Archelaüs partit donc pour Lesbos, & Sylla rétourna en Macédoine. Ce.
A peine étoit-il arrivé à Philippe, qu'Archelaùs vint lui annoncer que Mi- Paix entre
Mithridate.
thridate ne vouloit traiter qu'avec lui; mais qu'avant que de conclure, il sou- & Sv'la.
haitoit d'avoir un entretien avecjui. Dardane fut choisie pour la conféren- A[: "du M.
ce; Lucullus eut ordre d'améner sa flotte à Abydos. Sylla & ses Légionss'en J3920 avant
servirent pour passer en Asie. Michridate y vint sur une flotte de deux cens fytemnon <i. 80.
voiles, qui portoit une armée de vingt six mille hommes. Sylla avoit avec apud poot.
lui c. 37. Plu<
tarch. in lui cinq Légions, qui faisoit àpeuprés le même nombre desoldats; car alors
Sylla Liv. la Légion étoit de cinq ou six mille hommes. Le Roy & le Proconsul lui-
lih. 83. Ap.' vis d'un trés-petit nombre de gardes, s'avancerént
pÙ;m. Mi4 au milieu d'une vaste plaine.
fit quelques pas versSylla, & lui tendit la main. Sylla parla le pré-
t bridat. Mithridate
VeUei. l'a- mier & demanda au Roy s'il vouloit sincérement la paix. Mithridate com-
tercul. 1. 2. mença un discours que Sylla interrompit, en lui disant qu'il falloit venir au
-

t. 2;. fait, & récevoir ou réfuser les conditions qu'il lui avoit offertes. Mithridates
répondit qu'il les acceptoit, & Sylla lui donna la main & l'embrassa. Nico-
méde & Ariobarzane furent sur le champ réconciliez avec le Roy de Pont, &
rénvoïez sous bonne escorte dans leursRoyaumes. Trois mills talens furent
délivrez sur l'heure à Sylla pour les frais de la guerre. On lui remit soixante
dix galères tout équippées, & les Romains qui avoient été faits
prisonniers dans cette guerre. Mithridates se retira dans

TABLE
TABLE DES MATIERES.
AByde, siége de cette ville par Philippe. 377. Æmilius Consul Romain tire ses soldats du
terrible resolution des habitans de cette danger & poursuit les Gaulois. 17. 18. il est
ville.ibid. dernière attaque de cette ville.3 78. à
bleile la bataille de Cannes. 47. sa mort. 48.
prise de cette ville. 379. les bourgeois de Æmilius M. Legat Romain entre en conférence
cette ville font mourir leurs femmes & leurs avec Philippe. 378.
enfans. ibid.prise de cette ville par leConsul Æmilius Commandant de la flotte Romaine.
Livius. 430. 431. il réfuse la paix a Antiochus. -ibid, il bat
Acerne, Aponius léve ^ le siége
f de cette la flotte conduite par Annibal. 4,2. il défait,
ville. 670. Polyxenidas Amiral dela flotte da Antiochus
Achaïe, commencement des troubles arrivés ibid. il prend la ville dePhocée. 4; 3.
dans cette province. 519. les peuples de Ænobarbus, (Cneïus Domitius) Gonsul. 412.
cette province se brouillent avec les Athé- 61 3,. 660.661."
niens & les Lacédémoniens. f 60. ils reçoi- Africain, surnom de Scipion. 139.
vent .une'flçrûViàedeputation de la part des Agathocle, Ministre de Philopator, son cara-
Roiiiains. ibid. âére. 247.
Achée se révolte contre Antiochus & prend le Agrigente, price de cette ville sur les Cartha-
-
Diadéme. 23 il est assiégé par Antiochus
dans la ville de Sardes. 242, Bolis Crétois le
ginois par Mutine Lieutenant-Général de
Hannon Général des Carthaginois. 91.
prend par trahison & le livrera Antio- Alabande, les habitans de cette ville honorent
chus. 243. la ville de Rome comme une Déesse. 491.
Achéens, alliance de ces peuples avec les Ro- Al cé, prise de cette ville par les Romains. 470.
mains. 3 88 ils se déterminent à faire la guerre Alcétas frere de Perdiccas se retire dans la Pisi-
à Nabis Tyran de Lacédémone.4I6. quérelle die. 149. il est vaincu par Antigone & livré
entre ces peuples & les Lacédémoniens.443. entre ses mains. 112.
ils renvoient au Senat Romain la déciuon Alcibiade est absoû. 4^8.
de leurdifterend. ibid leur puissance causede Al cime Grand-Prêtre & Bacchide Général de
l'ombrage aux Lacédémoniens. 4^7. l'armée de Syrie viennent en Judée, & tâ-
Marcius regle leur differend avec les Lacédé. chent de surprendre Judas Maccabée. 333.
moniens. 459. ils sont défaits & vaincus par Bacchides contraint les Juifs à réconnoître
le Consul Mummius. 562. Alcime pour Grand-Prêtre. 394. il vient en
il part de Rome
Acilius Glabrio Consul. 423.
pour la gnerrecontreAntiochus.ibid. il en-
Judée avec une armée. 338. sa mort. 340,
Alexandra,Mére d'Aristobule met sur le Trône
Alexandre jannée.
tre dans la Gréce.424. ses exploits, ibid. il at- 360.
taque Antiochus aux Thermopyles. 42^. il Alexandra Epouse d'Alexandre Jannée regne
,
ail1ége & prend la ville de Naupaéte. 427. il en la place de son Mari. 3 62. elle met lesPha-
defait l'armée navale d'Antiochus. 428. risiens dans son parti & regne paisiblement. ,

Adherbal, frere dejugurthaeft en guerreavec ibid. sa mort. 363.


lui.624. iléternisa mort parjugurtha. 621- Alexandre le Grand, ses Gouverneurs des Pro-
jEacides Roi d'Epire & les Etoliens sont vain- vinces deviennent Souverains aprés sa mort.
cus par Philippe un des Généraux de Caflan- ] 4T.onlui donne Ari1tote pourPrécepteur.
der. 176. 254. sa consideration pour lui. 2>
TEjnilianus, vúÏez, Scipion. 186. Alexandre fils d'Alexandre le Grand, on lui
donne Aridée, Pithon & Ari-
& à son frere Alliez, origine de la guerre contr'eux. 660. fin
dée pour Gouverneurs aprés la mort de Per- de cette guerre. 673.
diccas. 147. sa mort. 184. Allobroges,guerrecontr'eux. 6'17. victoire rem-
Alexandre fils de PoJysperchon se rend maitre portée sur eux parDomitius. ibid.
deMunichie & dePyrée. 157. il prend avec Altinius livre la ville d'Arspi à Annibal ; il est
son Pere le parti d'Antigone. 17-3. il s'atta- arrêté dans le camp des Romainsr 68.
che au parti de Cassander. 175. il est assaisi. Ambracie, prise de cette ville par Philippe 370.
né; Cratesipolis sa femme soûtient son parti siége & prise de cette ville par le Consul Ful-
dans lePéloponése. ibid. vius. 438.
Alexandre si.ls d^fyrrhus rentre dans le Roïau- Ambrons défaits par l'armée de Marius. 648»
me d'Epire. 222. Amilcar est battu parFurius Purpureo. 380. il
Alexandre fils de Cléopatre est rappelle en est condamné à l'exil & ses biens sont con-
Egypte par sa mere. fisquez. 381.
Alexandrejannée monte sur le Trône deJudée. AminanderRoi des Athamantes se déclaré pour
parla faveur d'Alexandra veuve d'Aristobule. le Roi Antiochus. 422.
360. il attaque la ville de Ptolémaïde.ibid. il Asaxagore disciple & successeur d'Anaximénes,
est vaincu par Ptolémée Lathure. 361. les sa vie. 2 5 2. divers sentimens sur l'a. mort. ibid.
Juifs se revoltent contre lui. ibid. il fait la Anaxarque Abderite, vie de ce Philosophe. 282.
guerre aux Arabes & aux Moabites. ibid. il Anaximander de Milet successeur de Thaïes, sa
est vaincu par Demetrius Eucerus Roi de Sy- vie. 25 T.
rie. ibid. Cruautez qu'il exerce contre ses pro- Anaximénes disciple d'Anaximander sa
,
pres sujets, ibid. sa mort. 362. son Epouse vie. 2fl.
Alexandra regne en sa place. ibid. .Andriscus autrement Philippe, veut se faire
,
passer pour le fils de Pertes Roi de Macédoi-
Alexandre fils d'Aristobule est assiégé dans le
château d'Alexandrion. 3 66. il fait la guerre ne S36. il est envoïé à Rome par Demetrius
dans la Judée. 367. il est décapiré à Antio- Soter. 537. il s'échappe de Rome & soûléve
che. 368. une partie de la Macédoine. 548- 570. il est
Alexandre Ballés fils naturel d'Antiochus Epi- chafléde laThessalie. 548. il est vaincu & re-
phanes, & Roi de Syrie tâche de détacher Jo- mis entre les mains du Preteur Metellus.
nathas du parti de Demetrius & réliHit. 341. »)'2.
il défait ce dernier. 342. )'40. il epouse CléO- Andronique meurtrier d'OniasIII. sa mort. 30
patre fille de Philométor Roi d'Egypte, ibid. Androsihénes Gouverneur de Corinthe eit défait
& 5 4 1. il est troublé dans son Roïaume de Sy- par Nicerate Général des Achéens. 392.
rie 342. il est dépouillé de son Roiaume par Anicius, ses expéditions contre Gentius Roi
Philométor son Beau-Pere. 344. il conteste d'Illyrie, dont il se rend maitre aussi bien que
à De-metrius le Roïaume de Syrie. 132. il ob- de son Roïaume. foo. il règle les affaires d'Il-
tient du Senat Romain le nom de Roi deSy" lyrie. 511.
rie. ibid. il attaque Demetrius Soter. ^33. Annibal Général des Carthaginoisest surpris par
il est attaqué par Demetrius fils de De- Mathos Chef des révoltez, & meurt en
metrius Soter. Ji2. Guerre entre ce Prin- croix. 7.
ce & Ptolémée Philométor. S64. [a mort. Annibal le chauve perd. sept vaisseaux dans un
344. 564. combat contre les Romains. 60.
ATexandrion château dans la Judée. 366. Annibal fils d'Amilcar fait serment d'être enne-
, mi irréconciliable des Romains. 9. tes pre-
Aliarte, prise de cette ville par le Preteur Lu-
cretius. 488* miers exploits en qualité de Général des Car-
thaginois.
thaainois. 22. il défait les Vaccéens & les Car- quelques tentatives pour favoriser les arme*
petans peuples d'Espagne. 23. il met le siége de ce Général Carthaginois. 64. il se read maî-
devant SaguFlte. ibid. il s'en rend maître, 24. tre de Tarente, 75. il assiége en vain la cita-
il se dispofèàlaire la guerre aux Romains. 2f. delle de Tarente, & transporte par terre les
il passe les Pyrénées.26. Scipionva à sa ren- galéres du port de cette ville. 77. il se rend
contre. ibid. il passe le Rhône. 27. il passe les maitre de LVletaponte& deThurie.78. il se re-
Alpes. 28. difficulté qu'il y rencontre, ibid. tire de devant Capouë, 79, il défait Centenius
les montagnards se tournent contre lui. ibid. &le Preteur Cneius Fulvius. ibid. il vient in-
il arrive enfin au sommet des Alpes, & les de- utilement au secours de Capoue ; il est même
scend avec de grands risques. 29. il casse les repoussé. 82. il prend le chemin de Rome,ap-
rochers par lemoien du vinaigre. 30. il arrive proche des murs de cette ville, & est repoussé.
en Italie, ibid. il se rend maitre de la ville de 83. il abandonne Capoue. 84. combat entre
Turin. ibid. il se dispose à donner bataille con- lui & Marcellus. 89 92. il vient trop tard au
tre Scipion 31. il remporte la viétoire. 3 2. de secours de la ville de Tarente 94. il cherche
même que sur Sempronius autre Consul Ro- à engager Fabius dans uneembuscade. ibid.il
p o
main. 33. Stratagéme dont il se sert pour n'ê- drelle une embu[cade û deux Consuls Ro-
tre pas réconnu dans son propre camp. 3 il mains qui y donnent. 97. il veut surprendre
veut passer l'Apennin, il est combattu par Salapie par le moïen du cachet du Consul

,
Sempronius. ibid. il traverse les marais pour
gagner l'Etrurie & perd un oeil. ibid. il attire
le Consul Flaminius sur le Lac Thrasiméne &
Marcellus. 98. il fait lever le liège deLocres
assiégée par les Romains. 99. il est obligé de
se retirer dans son camp avec perte. ior. le
remporte sur lui une victoire considerable. Consul Licinius & le Proconsul Cæcilius lui
36. il bat un détachement de l'armée duDi- font la guerre. 113. il est obligé de rester dans
dateur Fabius. 3 9. il met du feu aux cornes de l'inadion, 114.Sempronius remporte sur lui
mille bœufs,& se retire par ce stratagéme de la quelquesavantages. 121. il quitte l'Italie pour
Campanie. 40. il profite de la témérité de Mi- se rendre à Carthage. I30.il arrive en Afrique.
nucius Lieutenant-Général du Di&ateur Fa- 131. entrevueentre lui & Scipion. 133. ils se
bius & le bat. 42.43. stratagéme dont il se sert separent sans rien conclure, ibid. il lui livre
pour attirer les Romains au combat. 45.il se bataille, ibid. il laperd 134 combat Gnguliec
retire en Apulie prés de Cannes. ibid. il rem- prétendu entre lui, Scipion & Massinissa. 13
porte une victoire considerable sur les Ro- il arrive à Adruméte, il conseille aux Car-
mains prés de Cannes.47. il ne sait pas pro-
fiter de sa vi&oire en allant à Rome. 49. plu-
thaginois de faire la paix avec les Romains.
il
13)'. détermine les Carthaginois à accepter
sieurspeuples d'Italie se donnent à lui. 52. il les conditions de paix proposéespar Scipion.
gagne les Capoüans. ibid. conditions sous les- 136. il fait alliance avec Philippe Roi de Ma-
quelles il est reçu dans Capoue. ibid. Magius cédoine. 373. il est accusé d'avoir des liaisons
s'oppose seul à sa reception. ^3. il ne peut se avec le Roi Antiochus. 399.il se rend auprés
rendre maitredeNole 5^. il reçoit unechec du Roi de Syrie. ibid. il porte Antiochus à de.
devant cette ville. ibid. il assiége & prend la clarer la guerre aux Romains. 410. il reçoit
ville de Casilinum. ibid. Philippe Roi de Ma- une ambassadede la part des Romains 414.
cédoine lui envoye un Ambassadeur. f 7. il seconde entrevue entre lui & Scipion 41
léve le siége deCumes. 58- il assiége Noie. il commande la flotte d'Antiochus & est battu
ibid. Hieronyme Roi de Syracuse se ligue par ./Emilius. 432. il se sauve dans Pile de
avec lui. 60. Marcellus remporte sur lui une Créte. 44". il se retire auprès du Roi Prusias.
vidoire. 63. Philippe Roi de Macédoine fait 458* il jette des serpens dans le vaisseau
-
d'Euménes. ibid. Flaminius insiste qu'on le nie. 198. il fait la guerre à Lysimaque. ibid.
lui livre. 459. sa mort. 460. présagede sa défaite & de sa mort. 199. il
Antigone défait Parmée d'Euménes. 1 )0. il Ce meurt dans la mêlée. 200. partage de ses Etats
fait une entrevue entr'eux. 151. il remporte entre Ptolémée, Seleucus & Lysimaque. 201.
la victoire sur Alcétas qu'on lui livre entre AntigonusGonatas fils deDemerrius Poliorcé-
il
les mains. 1)'2. veut s'emparer du gouver- tes &Roi de Macédoine fait la guerre en Ma-
nement général. 15 3. il se soûlève contre les cédoine. 210. il se sert d'un stratagémepour
Rois Aridée & Alexandie. 1S4 lui & Ptolé- surprendre les Gaulois. 216. il est vaincu par
à
mée s'opposent Euménes. 155. il déftit la deux fois par Pyrrhus Roi d'Epire. 217. il
flotte de Clitus. 1 )6. il passe en Médie. 161. remporte la victoire sùr Pyrrhus,& en use mo-
il use de stratagéme envers Euménes. 163. il dérément. 221. il défait les Gaulois. 222 il est
se porte pour vi&orieux d'une bataille & se dépouillé de son Roïaume. ibid. Demetrius
retire en Médie. 165. il marche dans la Ga- son fils lui succéde,& fait la conquête de l'E-
hiéne contre Euménes. 168. Euménes s'ef- pire. ibid. mort d'Antigone Gonatas, Deme-
force de debaucher les Argyraspides qui lui trius lui succéde. 227.
étoient attachez. 169. il se rend maitre du ba- Antigone fils d'Hircan remporte la viétoire sur
gage de l'armée d'Euménes, ce qui lui pro- lesIturéens & les contraint à recevoir la cir-
cure la victoire. ibid. Euménes lui est livré, concision. 359. son frere le fait mettre à mort.
il le fait mettre à mort. 170. il se saisît de Pi- ibid. prédiction d'un Essénien sur sa mort.
thon & le fait mourir, ibid il va de Médie en ibid.
Perse. ibid. il se saisit des trésors qui étoient Antigone fils du tuteur de Philippe Roi de lYla-
à Sûtes, 171. il arrive à Babilonne. ibid. Pto- cédoine se rend auprés des Baftarnes pour les
lémée, Caflànder & Lysimaque se liguent engager às'habituër dans laDardanie.472.là
contre lui. Ï72. il fait alliance avec plusieurs mort. ibid.
villes, ibid. il construit une flotte dans la Phé. Antioche, ceux de cette ville se revoltent con-
nicie. 173. il fait le siége de Tyr, prend Jop- tre Demetrius Nicanor. 345. de même que
pé & Gaza. ibid. Polysperchon & Alexandre contre Demetrius Soter. 532. prise de cette
son fils prennent son parti. ibid. il se rend ville sur Antiochus de Cyzique. 631.
maitre de la ville deTyr.ibid. il veut se ren- Antiochus Soter succéde à Seleucus Nicanor
dre maitre de l'empire de la mer. 174. Poly- il
dans le Roiaume de Syrie. 209. épou[eStra-
clite surprend Perilaüs & Théodote ses Géné- tonice sa Belle.Mère du contentement de Se.
à
raux.ibid.il passe en AGe pours'oppo[er Cas- leucus Nicanor. 210. il tâche de recuperer les
sander. 175. il passe le mont Taurus & vient il
provinces de tes Etats. ibid. menace l'Egy-
en Phrygie. 176. il rend la liberté à plusieurs pte, il est obligé de se retirer. 223. sa mort.
villes du Peloponése. ibid. entrevue entre lui ibid.
& Carlander. 177. il veut faire une descente Antiochusle Dieu fils d'Antiochus Soter succéde
dans la Macédoine,Ca{sanderle prévient. ibid. à sonPere dans leRc iaume de Syrie 223. il
il exhorte son fils à combattre de nouveau. épouse Bérénice fille du Roi d'Egypte ibid. sa
179. il fait la guerre aux Nabathéensrenfer- mort. 22S. Seleucus Callinicus lui succéde.
mez dans Petra 181. paix entre lui, CaÍfander, ibid.
Ptolémée & Lysimaque. 1 84. guerre entre lui Antiochusle Dieu si!s d'Alexandre Ballés, charte
& Ptolémée. 185. il bâtit la villed'Antigonie. Demetrius NicanorRoi de Syrie de son Roi-
J90 il va faire la guerre au Roi Ptolémée. aume & regne en sa place. 345 566• Jonathas
191. il se retire en Syrie sans avoir rien fait en prend son parti. 345. il est tiïc parTryphon
Egypte, ibid. il fait célébrer desjeux à Antigu- qui lui suççéde. 348.570.
Antiochus
Antiochus Jerax, guerre entre lui & Seleucus alliance. 410. il envoyé vers les Carthaginois
son frere. 227. il en obligé de céder à son frere, & les excite en vain à secouër le joug des Ro-
sa mort. ^ 22§. mains. ibid. il est sollicité par les Et oliens con-
Antiochus le Grand succéde à Seleucus III. son tre les Romains. 41; - il reçoit une ambaiTade
frere. 229. Molon & Alexandre se revoltent de la part des Romains. 414. il se fortifie coti-
contre lui. ibid. il prend la resolution de faire tr'eux par des al liances. ibid. il confére avec les
la guerre au Roi d'Egypte. 230. il épouse la Ambassadeurs Romains. 415. mort de son
fille de Mithridates Roi de Cappadoce. ibid. il fils. ibid. il relâche quelques villes aux Ro-
marche contre Molon. 233. il remporte la mains. 416. il se propose ensuite 1e leur faire
victoire sur lui. 234. il rétablit la paix dans la la guerre, ibid. il pané en Europe. 421. il est
declaré Généralissime des armées de la Grèce
Médie. 235. il réduit Artabaze à l'obéïssànce.
ibid. Achée se revolte contre lui & prend le
Diadème, ibid. il marche contre Seleucie en
contreRome.422. il
42il
reçoit à son recours di-
n'oiè assiéger la ville de
vers peuples.
Syrie qu'il prend par trahison. 23 6. on lui Lariifa. ibid. il marche vers PAcarnanie. 424.
livre les villes de Ptolémaïde. ibid. il fait la il forme un camp dans le defilé des Thermo-
conquête de la Cel2-Syrie.237.ilfait de grands pyles. 425. il y est attaqué par l'armée Ro-
préparatifs de guerre contre Pto.émée Philo- maine. il est défait & contraint de pren-
ibid.
pator. ibid. il entre en Phénicie & force les paf.. dre la fuite. 426. il livre un combat naval
sages gardez par les Généraux de Philopator. aux Romains. 428* sa flotte est défaite par
ibid. il s'empare de Philoterie, de Scythopo- Acilius. ibid. il demande la paix à Æmilius
lis, d'Ithabyrium &c.238; Ksreas & Hippo- & ne peut l'obtenir. 43 1. il fait le dégât dans
loque se donnent à lui. ibid. bataille entre lui le Roiaume dePergame. ibid. il demande du
& Philopator. 239. il est vaincu & obligé de ie secours àPrusias Roi deBithynie. 432. il ten-
à il
retirer Antioche 240. fait la paix avec Phi- te en vain de l'engager dans son parti. ibid. il
lopator. 241. il fait la guerre à Achée. ibid. il tombe dans le découragement & se retire en
assiége la ville de Sardes, ibid. il s'en rend Cappadoce. 433. il demande la paix. ibid. il
maitre. 242 on lui livre Achtie. 244. il mar- rejette les conditions proposées parScipion.
che contre Arsaces Roi de Médie. ibid. il paile ibid.il se prépare à la guerre contre les Ro-
en Hircanie. 245. il prend la ville de Syringe.. mains.ibid. il est vaincu par le Consul Scipion.
ibid. il livre bataille à Arsàces & lui accorde la 43'.il envoyeune ambassade à Rome pour
paix. 246. il fait la guerre à Euthidéme. ibid. demander la paix au Senat. 437. il accepte les
son regne en Syrie. 298- il se ligue avecPhi- conditions qui lui sont proposées, ibid. il fait
lippe contre Ptolémée Epiphanes. 374. il re-
tire ses troupes dès terres du Roi Attale. 38).
la paix avec 1esRomains.44) .il
ticles du traité, ibid. sà mo rt.
ratifie les ar-
302. 446.
ilreprend sur Ptolémée la Celé-Syrie & laJu- Antiochus Epiphanes revient en. Syrie & y est
dée. 386-il passè en AGe.393. il veut réduire couronnéRoi. 303. il entre par force àjeru-
salem& y met à mort plusieurs Juifs. 307. il
les villes d'Alie en leur ancienne forme de
gouvernement 394. il assiége la ville deCora- entre dans le temple, le pille & le propha-
ce[mm. ibid. il reçoit une ambassade des Rho- ne. ibid. il ordonne aux Juifs d'aban-
diens. ibid. il entre dans la Thrace 397. il donner leur loi. 309. il envoye Athénée en
quitte la Thrace dans le dessein de pailèr en Judée avec ordre de consacrer le temple du
Egypte. 399 il eil: b1ttll d'une grosse tempête Seigneur à Jupiter Olympien. ibid. il fait cé-
&se retire en Syrie. ibid. irenvoyedes Ambai: lébrer à Jerusalem des fêtes de Bacchus. ibid.
sadeurs à Rome. 409 il rejette les conditions il fait un voïage en delà de l'Euphrate. 3 16. il
soLl.) lesquelles les Romains lui proposentleur veut piller le temple de Venus Elimeene. 32 r.
mœurs de ce Prince. 478. il s'empare de la Nicanor dans le Roïaume de Syrie. 3^1. il re-
Célé-Syrie & de la Judée. 480. il
cherche à se cherche l'amitié de Simon Maccabée. ibid. il
faire declarer tuteur du jeune Roi d'Egypte se rend maitre de la Syrie.ibid. il
envoye Athé-
sou neveu. ibid. il envoye des Ambassadeurs nobie enjudée. 312. il fait le ,siége de jerusa-
-
à Rome. 481 il marche contre le Roi d'E- lem. il fait la paix avec Hircan. ibid. il
3 1 4-
gypte & le défait. 489. il entre en Egypte & va faire la guerre aux Parthes pour mettre son
s'y empare de plusieurs villes, ibid. il passe à frere en liberté. 3^4. 601. les Rois d'Asie se
Jérusalem & y commet toutes sortes de cru- donnent à lui. ibid. sa mort. 3^5.602. son ca-
autez. ibid ses entreprises en Egypte. 492. ractère. ibid.
il fait la paix avec Ptolémée Philométor. Antiochus Gryphus succéde à Seleucus son frere.
493. il reçoit ce Prince chassé de son Roy- 61 o. bataille entre lui & Zebina. 611.il entre
aume par les Alexandrins, ibid. il profite de en guerre avec son frere Antiochus de Cyzi-
cette occasion pour faire la guerre à ceux que. 631. son luxe & ses excès. 641. sa mort.
d'Alexandrie, ibid il livre bataille aux Gé- 66o.
néraux d'Evergétes & les defait. ibid. il reçoit Antiochus deCyziqueRoide de Syrie est battu de-
une ambassàde de la part des Rhodiens pour vant Samarie. 3 5 6. il entre en guerre avec An-
le prier d'accorder la paix au Roi Evergétes. tiochus Gryphus .son frere. 6; 1. il regne en
494. il est empêché par Popilius de faire la Syrie. 63 2. ses derèglemens.640,troubles en-
guerre au Roi d'Egypte. °7 .il veut contrain- tre ses fils en Syrie. 664-
dre ses sujets à suivre la religion des Grecs. Antipater Gouverneur de la Grèce & de la Ma-
f 08. lesJuifs reflUent à ses ordonnances.ibid. cédoine pour Alexandre est ailiégé dansLamie
il fait réprésenter des jeux solemnels à Antio- par Leoilhénes. 142 Léonat un des Généraux
che. 5 T 4. il fait un personnage ridicule & mé- d'Alexandre vient à son secours, il est défait
prisable dans ces jeux. 515. il visite les pro- parles Grecs. ibid. Craterus vient aussi à son
vinces supérieures de son Roïaume & défait secours. ibid. les villes Gréques font la paix
Artaxias Roi d'Arménie. 5 18. il tombe de son avec lui. 143. les Athéniens se remettent en-
chariot & se blesle dangereusement. 3z2. sa tre ses mains. ibid. il retourne en Macédoine.
vaine pénitence, ibid. sa mort. ibid. Antio- ibid. il ravage le pays des Etoliens & fait la
chusEupator son fils lui succëde. ibid. trou- paix avec ces peuples. 14^. il courtrisquede
bles arrivez en Syrie aprés sa mort. f 20. sa vie. 148. il fait un nouveau partage des
Antiochus Eupator succéde à Antiochus Epi- provinces & des Ro'iaumes de l'Empire d'Ale-
phanes son Pere dans le Roïaume de Syrie. xandre. ibid. il est choisi pour être Gouver-
3 22. il écrit aux
Juifs. 3 26. il se rend en Judée neur des Rois Aridée & Alexandre fils d'Ale-
& assiége Bethsure. 330. il marche contre Ju- xandre le Grand. ibid. il établit de nouveaux
das à Bethsacar. ibid. il se rend maitre de Beth- Gouverneurs. 149- Polysperchon lui succéde
sure. 3, 1. il fait le siége de JeruCalenl. ibid. dans le gouvernement général de l'Empire.
il fait lapaix avec lesJuifs. ibid. il s'en retour- JÎ3-
ne à Antioche. 332. Antipater est fait Gouverneur de la Judée. 3 68.
Antiochus le jeune retourne vers son frere Se- Antiphile prend le gouvernement des armées des
leucusRoi de Syrie. 476. Athéniens aprés la mort de Lénflhénes. 142.
Antiochus frere deDemetrius Nicator est appel- Antisthénes disciple de Socrate Chef de la Sede
lé sur le Trône de Syrie. S78. des Cyniques. 262. sa mort. 263.
Antiochus le pieux gagne la victoire contre An- Antonius, (M-àrcus' Constil. 65 8.
tiochus & Philippe. 664. Apéga femme de Nabis, figure artificielle de
Antiochus Sidétes succéde à son frere Demetrius cette Reine. 404.
Apelles
Apelles Peintre fameux, ses ouvrages. 289.
Royaume & se
.
483,[onhi(taire. )'2)' il est dépouillé de son
retire à Rome. $26. Orofer-
Apion (Ptolémée) Roi de Cyréne meurt. 660.
Apollon, Sylla dépouillé ses temples. 680. nes lui dispute la couronne de Cappadoce.
Apollonius est envoyéen Judée par Antiochus.
^ iz8. hostilitez qu'il exerce contre ceux de
il dépouillé le temple. 3°8. il est vaincu Priéne àl'occauon d'un depôt qu'ils avoient
307.Judas
par Maccabée. 315. il attaque Jonathas reçu d'Orofernes. 5 29.
Maccabée & en est battu. 343.. Ariarathe sécond fils du Roi de Cappadoce
Appius Claudius Consulest battu parlesSalaces. meurt, 663. on lui suppose un troisiéme fils.
$68* ibid.
Appius Proconsul est traité indignementpar Mi- Aridée fils d'Alexandre le Grand, on lui donne
thri dates. & à Alexandre son frere, Pithon & Aridée
Apuleïus est fait Tribun du peuple. 655. il mal- pour Gouverneurs, aprés la mort de Per-
traite les Ambassadeurs de Mithridates. ibid. il diccas. 147-
propose une loi au profit des soldats deMa- Aridée & Pithon sont declarez Gouverneurs des
rius. ibid. elle est reçue malgré les Tribus deux Rois Alexandre & Aridée fils d'Alexan.
Romaines. 656.il affeéte la Roïauté. 657. sa dre le Grand. 147-
mort. ibid. Ariobarzane est créé Roi de Cappadoce. 664. il
Aquilée, quelques Gaulois dedeça les Alpes veu- est rétabli par Sylla. 665. il est depossédé par
lent s'établir dans cette ville, ils en sont chas- Tigranes. ibid. il est rétabli en Cappadoce.
sez par le Consul Marcellus. 460. 674.
Aquilius (M.) Consul. 604, ses exploits dans le Aristippe Chef de la Secte Cyrénaïque, Íà vie.
Roïaume de Pergame. 606. il est envoie en Si- 263. il se retire aEgine. ibid. principes de sa
cile contre les Etclaves. 653.il est traité indi- philosophie.ibid. il se rend auprés deDenys
le Tyran. z64. [a mort. ibi.d.
gnement par Mithridate. 675.
Aquilinus, (Manius,) Consul. 650. Aristobule succéde à Jean Hircan son Peredans
Arcésilails, Auteur de la moyenne Academie. le Sacerdoce & dans le Gouvernement des
.
261 ses maximes. 266. sa mort. ibid.
Arche1aüs,sa brave resistance dans le Pyrée. 688.
Juifs. 3 S 9. il fait tuër son frere Antigone ibid.
sa motta 360.
il tâche d'engager Sylla au combat. 689. il va Aristobule fils d'Alexandre Jannée ^ se rend maitre

devant Chéronée. ibid. des principales places de Judée 363. il fait la


Archiméde, vie de ce fameux Mathématicien& guerre à Hircan son frere. ibid. il est assiégé
Ingenieur. 69. il. rend inutiles les machines & dans le Temple dejerusalem. 3 64. il rempor-
les efforts de Marcellus Consul Romain, au te lavictoire contre Hircan & Aretas Roi àes
siége de Syracuse là patrie. 70- sa mort. 75. Arabes. ibid. il comparoit avec Hircan son
Archy tas de Tarente Pythagoricien, sa vie. 273. frere devantPompée, ibid. il s'échappede Ro-
ses mœurs, son caraétére& sà mort. 274. me où il étoit retenu & revient en Judée. 366.
Arée est abibu. 457* sa mort. 367-
Aretas Roi d'Arabie retire Hircan chez lui. 363. Ariilodéme porte àAntigone la nouvelle de la
il fait la guerre à Aristobule & en est vaincu. victoire de Demetrius. 190.
364. AriGon est mis à mort par l'ordre de Sylla. 690.
Argos, prise de cette ville par Philoclès. 388. Ariflonicus revendique le Royaume de Perga-
Ariarathe Roi de Cappadoce entre en guerre me. )98.
avec le Roi de Pont. 465. les Romains le Aristophane, Censeur rigide des Poësîespréfen-
portant à se retirer de dessus les terres de tées au Roi Ptolémée Philadelphe. 2 l,.
hainaçcs. ibid. il envoye son fils à Rome. Ariil:ote:» sa vie & les écrits. 2 1 3. sèntimenssur
-
sa
sa bonne ou mauvaise intelligence avec Pla- Asdrubal Commandant de Carthage se récon-
ton. ibid. il est mis auprès d'AJexandre.2)" 4, cilie avec les Carthaginois. 545. il
procure
il se retire à Athènes, ibid. considération d'A- l'abondance dans Carchage. ibid. il met le feu
lexandre pour lui. 255- il se retire à Calcide. à quelques vaisseaux de la flotte Romaine.
ibid. sa mort. 256. 546 il usurpela Tyrannie dans Carthage. 5 54.
Ariftorime s'empare duRoyauoied'Epire aprés il demande une entrevue avec Scipion. 557.
la mort de Pyrrhus. 231. il est mis àmor" par Asie, ses villes sont réduites en leur ancienne
Hellanicus. 222. forme de gouvernement par Antiochus Roi
Armée Romaine pafse sous le joug. 628. de Syrie. 3 94.
Arsaces Roi des Modes, Antiochus le Grand lui Assidéens, ils se joignent aux Maccabées. 314.
déclare là guerre. z44. il se retire en Hircanie. Astapa, villed'EspagneestpriseparMarcius.109.
245. Antiochus lui livre bataille. 246. cruelle resolution de Ces habitans. ibid.
Arsaces VI. ou Mithridates Roi des Parthes en Athamantes sont chassez de la Macédoine par
guerre contre DemetriusNicator. 577. Philippe. 3g4.
Arsacides, commencement de leur regne en Athénagore de Milet trahit le Secret de Deme-
Perse. 224.577. trius, & les Rhodiens en profitent. -193.
Arsinoë Elle dePtoléméeen: donnée en mariage Athénée Général d'Antigone est iùrpris par les
à Lysimaque. 2»2. Arabes, qui s'excusent auprès d'Antigone.
ArÍinoê femme de Ptolémée Philopator, sa 182.
mort. 246. Athènes est rétablie dans son ancienne liberté.
Arspi, ville d'Italie qu'Altinius livre à Annibal. 187. elle est assiegee par Sylla. 687. qui la
68. les Romains la reprennent sur lui. ibid. prend. 688.
Artabane Roi des Parthes meurt. 604. Athéniens, ils se flattent de recouvrer l'Empire
# ^

Artaxias Roi d'Arménie est défait par Antiochus I.


de la Gréce. 14 ils s'all ient pour ce sujet avec
pluiieurs peuples, & choifilstnt Léosthénes
Roi de Syrie. S18.
Asculum ou Ascoli, belle aâion dejudacilius en pour Chef de cette confédération, ibid. ils se
faveur de cette ville. 67 r. remettent entre les mains d'Antipater. 143.
Aidrubal frere(P Annibal &un des Généraux des Nicanor leur enléve les forteresses de Muni-
Carthaginois reçoit ordre de parler. d'Elpagne chie&de Pyrée. 1 57. leur ingratitude envers
en Italie, il est battu par les Scipions. 5 4. il est Demetrius. 2oi. Philippe leur fait la guerre.
obligé de se retirer pressé par l'armée Romai- 374. ils font alliance avec AttaleRoi dePer-
ne. 85-il est vaincu par Scipion le jeune. 95. game & lesRhotliens.ibid. ils se vengent con.
il prend le chemin d'Italie. 96. on surprend tre Philippe. 384, diiJèrend entr'eux & les
des lettres qui annoncent son passage. loi. OropieTis. 529. ils se brouillent avec les
il se retire dans l'Insubrie. 102. il est vaincu Achéens & leur déclarent la guerre. ç60.
ssir le fleuveMetaure, ibid. famort. 103. Athénion Chef desesclaves des environsd'Eger-
Asdrubalfilsde Giscon se retire à Gades. 104. son il
the& deLylibée 64). est surpris par Salvius.
armée esi défaite entièrement. 107. il se re- il
ibid. estasslézédansTriocale. 652.
tire à Gades. ibid. il est battu par les troupes Athénobie est envoyé à Jerusalem par Sidétes.
de Scipion. 124. il efi défait par Scipion, il 3Î2.
se retire à Anda, il est condamné à mort, il est Atilius, Preteur Romain ses exploits dans la.
,
battu une seconde fois par Scipion. 126. il Lusitanie. 536.
remporte quelqu'avantage sur la flotte Ro- AttaleRoi de Pergame veut s'emparer de Rho-
maine. 1 27. il veut faire mettre le feu ap camp des. 149. commencement de son regne. 228.
4e Scipion. 12g. sa mort malheureuse. 133e il donne du seçours aux Athéniens attaquez
par
de Macédoine. 374. il Biliftages Roi des Ilergétes demande du secours
par Philippe Roi
obligé de le sauver à terre aprés un combat. à Laton. 401.
des BituiteRoides Auverenacs est conduit à Rome.
376. operation de sa flotte jointe à celle
Romains. 3 8 > • sa mort. 39 *• 618.
Attalus épouse Stratonice femme d'Euménes Bizance, le Consul Valerius arrive en cette
son frere,& prend le nom & l'autorité de Roi. ville. - 69;
Bocchus efl vaincu par Marius. 636. il fait sa
-
482. il se sépare de Stratonice sur la nou-
velle de la vie de son frere. ibid. il vient à paix avec les Romains. 637. tes entretiens
Rome. )'08, guerre entre lui & Prusias. 5; 30. avec Sylla 638- Jugurtha veut l'obliger à lui
Attalus Philométor Roi de Pergame instituë le livrer Sylla. ibid.
peuple Romain héritier de tous ses biens. Boïens, les Romains leur font la guerre. 14.
)'94' voyez Gaulois.
Attius, Poëte Latin. 294* Boiorix met à mort Scaurus. 643.
Aurinx, price de cette ville d'Espagne par les Bomilcar vient au secours de Syracuse & s'en
Romains. 104. retourne à Carthage sans rien faire. 73. il se
BAccha'nales, fêtes instituées en Italie. 451. sauve avec Jugurtha. 627. il efl: défait par Ru-
leurs mystéres abominables découverts.ibid. tilius. 63o. il engage Jugurtha à se rendre à
punition des initiez aux Bacchanales. 4^3. Metellus 63 3
Bacchides, Général de l'armée de Syrie vient Brennus Chef des Gaulois va piller le Temple de•
Grand-Prêtre pour sur- Delphes. 213. son armée est défaite, sa mort.
en Judée avec Alcime
prendre Judas Maccabée. 333. il contraint les ibid.
Juifs à réconnoitre Alcime pour Grand-Prê- Brutus, (Decius Junius) Consul. 579. il passe
armée. le fleuve d'oubli. ibid. ses exploits dans la Lu.
tre. 334. il vient en Judée avec une
33S. il fait la guerre à Jonathas Maccabée. fitanie & ses conquêtes. )'80. 584.
540. il fait la paix avec lui. 341. CÆcilius Poëte Latin. 294.
Bacchus, on célèbre ses fêtes àjerusalem par Caecinna (Odavius) Tribun du peuple
ordre d'Antiochus Epiphanes. 309. s'oppose à la Loi deGracchus) 593. il efl de-
Balbus (M. Acilius) Consul. 623. posé du Tribunat par le peuple. 594*
Baléares, expédition de Metellus dans ces C2zpio ((LServilius) Consul reprend Toulouse.
isles. 613. 640. il est défait avec Mallius. 642. il périt
Barca se réconcilie avec Hannon. 7. voyezlla- dans la bataille contre les Marses. 660.
milcar. Csezar, (SextusJu!!us) Consu!. 665.
Bal1arnes sont défaits par les Dardaniens & Cazar (L Julius) Consul. 668. il remporte
chassez de leur pays. 477. Antigone les sol- divers avantages & défait Aponius. 669.
licite à venir s'habituer dans la Dardanie. 472. 6 70.
ils viennent au secours de Persés. 498. ils s'en Calcide, ville prise par Demetrius. 196*
retournent dans leur pays. ibid. Caldus (Caecilius) Consul. 661.
Béotiens, leur ingratitude reprimée par le Con- Calpurnius (C. L.) Consul arrive en Afrique.
sul Flaminius. 39 ï- )')2.
Bérénice fille de Ptolémée Philadelphe Roi d'E- Calpurnius (L. Piso) Consul deux fois. 578*
gypte donnée en mariage à Antiochus le Dieu )'8+.624.
Roi de Syrie. 223. sa mort & celle de son fils. Calvinus (C. Sextius) Consul. 609. son expé-
22f. dition dans les Gaules. 613.
Bethsura ville de Judée assiégée & prise par An- Cannes, viâoire d'Annibal sur les Romains
tiochus Eupator. 330. 331. proche de ce lieu. 47.
Canure sert de retraite à l'armée Romaine dé- sont traitez cruellement par GuIufTa. f 42. ils
faite par Annibal. j
0. envoyent une ambassade à Rome. ibid. ils
Capouë, cette ville reçoit Annibal. $2. Han- font une entiére dédition entre les mains des
non y fait passer des vivres. 77. elle est af- Romains. )'43. ils leur livrent leurs armes &
siégée par les Romains. 78.79- Annibal vient leurs vaisseaux. ibid. on leur ordonne d'aban-
à ion recours inutilement. 82,. elle est prise, donner & de détruire leur propre ville. 544.
81. ils prennent laresolution dese defendre. 54^.
Capsa, ville prise par Marius. 63 siége de Carthage. ibid. ils équippent une nou-
Carbo (C. Papirius) Consul defend le Consul velleflotte & livrent un combat naval aux Ro-
Opimius. 618» il accusé par Crassus, sa mains dont ils brûlent les machines.
mort. 619. ^6. famine dans Carthage. ^57. plusieurs
Carbo (Cneïus Papirius) Consul est vaincu par des Carthaginois se rendent à Scipion. ^8*
les Cimbres. 624. 693. incendie d'une partie de Carthage. ibid. pil-
Carnéades Auteur de la nouvelle Academie. 2,67. lage & destru&ion totale de cette ville. 5 ^9.
il est deputé par les Athéniens vers le Senat deputation des Romains pour aller rebâtir
Romain, ibid. sa mort. 268. Carthage. 614.
Carpetans, peuples d'Espagne défaits par An- Carthagéne, Scipion le jeune prend cette ville.
nibal. 89. il la livre au pillage. 90. Magon essaye
Carthage & Carthaginois, les soldats étrangers en vain de la surprendre. 112.
à sa solde se revoltent 3. on leur oppose Carthaginois, voyez Carthage.
Hànnon. 4. les Romains y envoyent une Cafilinum ville de Campanie assiégée & prise
ambassade. 13. les limites de ion empire en par Annibal. )S. Fabius en fait le siége.
Espagne qu'elle partage avec les Romains. 63.
16. ils perdent une bataille en Sardaigne con- Caflànder fils d'Antipater, la plupart des villes.
tre les Romains. 54. ils assiégent la ville d'In- Gréques se donnent à lui. 1^9. il fait tuer
dibilis en Espagne & sont battus par les Sci- Nicanor. ibid. Euridice le fait mettre en la
pions. 60. ils sont vaincus par les Esclaves de place de Polysperclion. ibid. il assiége Pyd-
Rome commandez par Sempronius. 63.. na dans laquelle Olympias s'étoit retirée. 166.
mauvais train de leurs affaires en Espagne, cette Princesse se rend à discrétion ibid. il
où Magon un de leurs Généraux est vaincu épouse Thessalonique sœur d'Alexandre le
par les Scipions. 67. teurs vains
efforts pour Grand. 167. il passe dans lePeloponése & s'y
secourir Syncuse. 73. ils défont l'armée des rend maitre de plusieurs villes, ibid. il se li-
Scipions en Espagne. go. ils feignent de sou- gue avec Ptolémée & Lysimaque contre An-
haiter la paix & envoyent à Rome à ce su- tigone & lui déclaré la guerre. 172. il paile
jet. 129. leur perfidie envers les Ambassadeurs dans le Peloponése, Alexandre fils de Po-
de Scipion jointe à la rupture delà trève. 1 3 1. lysperchon s'attache à son parti. 175. il fut
ils réfusent la paix. 133. ils la demandent à alliance avec les Acarnaniens & avec Glau-
Scipion par leurs Deputez. 13). Senat la cias Roi d'Rlyrie. ibid. entrevue entre lui &
leur accorde & ils en executent les condi- il
Antigone. 177. s'opposeà la descente qu'il
tions. 137. cause de la decadence de Cartha- veut faire en Macédoine, ibid. Ptolémée
ge. 139. Commencement de la
troisiéme Gouverneur du Peloponése se donnie à lui.
)
guerre contre Carthage. 37.NaGea envoyé 184. paix entre lui, Antigone, Lysimaque
dan} cette ville fait suspendre les délibérations & Ptolémée. 184. il veut faire sa paix avec
des Romains, ibid. 54O. hoflilitez & combat Antigone. 197. il assiége Abyde & se rend
entre les Carthaginois & MasEniiïa, 541. ils maitre de la Phrygie. ibid. il fait la paix avec
Deme-
Demetrius. 199. il envoye du secours à Ly- Chalcide, prise de cette ville par Centhon.
simaque. ibid. sa mort. 202.
Cassius Consul veut pafser en Macédoine sans Chéronée, Archelaiïs devant cette ville. 689.
l'aveu du Senat. 489* Chiomare, Reine des Galates, san portrait.
Caltulon, prise de cette vilLe d'Espagne par 44°.
Marcius. Chirurgien à Rome pour la prémiére fois. 22.
Caton vient à Rome. 118. il est envoyé en Si. Chrysippe, Philosophe Stoïcien disciple de
cile en qualité de Quêteur. 119. il ne fym- Cléanthes, ses écrits & sa mort. 273*
pathise pas avec Scipion, il revient à Rome. Cimbres, ces peuples font une irruption. 623.
il
ibid. arrive en Espagne en qualité de Con- ils remportent une victoire sur Cu. Papirius
Carbon. 624. ils sont combattus par Sila-
sul. 401. il marche contre les Espagnols. 402.
il remporte ssir eux une victoire complette. nus. 629. ils consultent Scaurus. 643. ils
ibid. il fait abbattre en un seul jour les murs quittent l'Espagne. 646. ils offrent le defi de
de plusieurs villes, ibid. il forme des accusa- la bataille. 650. 6fl. ils sont vaincus, ibid.,
tions contre Scipion l'Asiatique. 449. sOn suites de cette vi&oire. ibid.
éloge & son portrait. 456. il est envoyé en Cinna(L. Corn.) Consul. 607. 680. il assiége
Afrique. 527. il exhorte le Senat à la guerre Rome avec Sertorius & Marius. 681* il la
contre Carthage. ibid. il fait chanerlesPhilo- sbûmet. (<83. il est fait Consul pour la sécon-
sophes de Rome. S29. Consul. 619. 623. il de fois. 684- il prend pour Collègue Vale-
est envoyé en Afrique. 621. Consul. 670. sa lius Flaccus. 689.. il est fait Consul pour la
mort. 672. troisième fois. 69 3-
Catulus, soft armée prend la fuite. 6^0. Cirthe, Capitale de Numidie, Massinissa s'en
Catulus (QLutatius) Consul. 647. sa mort. rend maitre. 127. siége de cette ville. 62
684- Cyzique (Antiochus de) voyez Antiochus.
Catus (Sext. iElius) Consul. 38 i. Claudia (Quinta) Vestale fait preuve de sa ver-
Célé-Syrie conquise par Ptolémée Roi d'Egy- tu qui étoit soupçonnée. 117.
pte. 38^. elle est reprise par Antiochus. 386" Claudius Nero est dessiné à s'opposer à Anni-
elle est conquise par Antiochus Epiphanes. bal. 100. il va dans leBruttium.ibid. il joint
480. ses forces à celles du Consul Fulvius son
Celtibériens, peuples d'Espagne vaincus par Collègue. 101. il remporte une victoire
Fulvius. 464- 468. divers avantages rempor- complette sur Asdrtibal avec son Collègue
tez sur eux, & leur défaite par Sempronius. Livius. 102. il retourne à son camp de Ca-
nuse. 103. on lui accorde l'ovation. iOf.
470. ils sont vaincus par le Préteur Clau-
dius. ^ 478* Claudius Consul passe en Istrie & y commet
Cendebéê Gouverneur des côtes de Phénicie
^ in- plusieurs violences. 474. il est obligé de r.e-
quiète les juifs. 3J2. Judas & Hircan lui l tourner à Rome. ibid. il pasfe derechef en
livrent bataille. ibid. Istrie & l'a Hu)ettit aux Romains. 475. tes ex-
Censeurs forment de nouvellesTribus compo- ploits dans la Ligurie. ibid.
sées des Italiens nouvellementadmis au droit Claudius Préteur remporte la victoire sur les
de bourgeoise Romaine. 671. Celtibériens. 478.
Centenius, Centenier Romain est défait par Cléanthes successeur de Zenon dans l'école des
Annibal. 79 • Stoïciens, ses écrits & sa mort. 272.
Cethegus, (C. Cornélius) Consul. 389. il défait Cléoméne Roi de Lacédémone demande du
les Gaulois en Italie. 393. oa lui accorde secours au Roi d'Egypte. 231. il est enfer-
l'honneur du triomphe. ibid. mé par les ordres du Roi d'Egypte. 232. il
se donne la mort lui & les siens. ibid. un Cotta , (L. Aurel.) Consul. 619.
grand serpent enveloppe la tête de son ca- Crassus enléve les richesses qui étoient dans le
davre. 233* temple de Jerusalem. 367.
Cléon se met à la tête des Esclaves en Sicile. Crassus (P.Licinius) Consul. )98. il passe en
)89. Afie. 599. sa mort. 600.
Cléonyme Roi de Sparte est secouru par Pyr- Crassus (P. Licinius) Consul. 600. il va dans
rhus Roi d'Epire. 217* la Gaule Cisalpine. 661. son intégrité. ibid.
Cléopatre fille du Roi d'Egypte épouse Ale- samort. 684.
xandre Balles Roi de Syrie. 342. 541. elle Craterus Gouverneur de Cilicie vient au re-
épouse Demetrius Nicanor. 344' cours d'Antipater. 142. il est défait par Eu-
Cléopatre Reine de Syrie entre en guerre avec ménes & tüé dans le combat. 146.
Physcon. 607. elle se réconcilie avec lui. 611. Crates, Philosophe, persuade à Demetrius de
samort. ibid. lever le siége d'Athènes. 204.
Cléopatre Reine d'Egypte fait chasser son fils Crates Succeilèur de Palemon, sa vie. 2^9.
Ptolémée Lathure. 6^ 3. elle fait la guerre en Crates le Cynique, sa vie. ibid.
Syrie. 6^4. elle prend Ptolémaïde. ibid. elle Critolaiis excite le trouble & allume la guerre
rappelle en Egypte son fils Alexandre. 6^.
Cléopatre Cœur d'Alexandre le Grand, Perdiez
dans l'Achaïe. \
61.
Cumes, ville d'Italie devant laquelle Annibal
cas veut l'épouser. 145. sa mort. 186. met le siége & qu'il léve ensuite. )
8.
Clitus Commandant de la flotte Macédonien- Cybéle, on transporte sa flatuë de Galatie à
ne est défait par Antigone. 156". sa mort. Rome. 117.
ibid. Cyniques, Philosophes de ce nom, dont le
Cluentills, est défait par Sylla. 672. sa mort. 573. Chef fut Antifthénes. 262. origine de leur
Cneïus Fulvius Préteur Romain est défait par nom. ibid.
Ann.ibal.79 il s'exile volontairement. 82. Cyrénaïque, Se&e de Philosophie dont Ari-
Cnide, les habitans de cette île s'interessent flippe est le Chef. 263.
pour la conservation de Rhodes. 194. Cyrénaïque, cette Province se revolte contre
Comédie, ancienne & nouvelle, son origine. Physcon. 523.
291. Cyréne, les bourgeois de cette ville se revol-
Complega, prise de cette ville par les Ro- tent contre Ptolémée Gouverneur d'Egypte.
mains. 470. 177. ils sont réduits à l'obéïlîànce. 178.
Contrebie, prise de cette ville par Fulvius.464. Almates, les Romains leur font la guerre.
elle est prise par les Romains. 569. 527. ils sont vaincus) par Nasica. S28.
Corace-Gmu, siége de cette ville par Antiochus. guerre contr'eux. 619.
394- Damophile est pris par Ces esclaves. )88. sa
Corinthe est prise parDemetrius. 196. fiégede mort. ibid.
cette ville par Flaminius & Quinétius son Dardaniens, ces peuples sont châtiez dela
frere. 387. elle est assiégée de nouveau. 388. Macédoine par Philippe. 384. ils chassent
siége & prise de cette ville par Mummius. les Bastarnes de leur pays. 477.
S62. $63. David, on ouvre son tombeau, & on en tire
Cornelia fille de Scipion est mariée avec Ti- de grandes richeHcs. 3f4-
berills Gracchus. 4'"o. Débiteurs &Usuriers, troubles dans Rome à
Cofse, cetteile fefoîiléve contre les Romains, leur sujet. 671.
elle est réduite à l'obéïiTance par le Consul Delphes Brennus Chef des Gaulois va piller
,
Varus. Il. le temple de cette ville. 213. ceux de cette
ville
ville font venir du secours contre les Gau- écrit à SeleucuS' & lui demande des vivres.
lois. ibid. les Prêtres de Delphes feignent 20 il lui demande d'aller faire la conquête
qu'Apollon & Diane sont venus à leur se- de quelques peuples barbares, ibid. il tombe
ibid.^ malade, ibid. il livre bataille à Seleucus &
cours. se rend à lui : il est envoyé dans une penin-
Demetrius de Pharos veut usurper l'autorité
Romaine en illyrie. 21. les Romains lui font sule de Syrie. 206. on luirefuse obstinément
sa liberté. 207. Lysimaque demande sa mort
la guerre. ibid. il est vaincu & obligé de pren-
22. qui arrive naturellement. ibid.
dre la fuite.
Demetrius fils d'Antigone Gonatas Roi de Ma- Demetrius Soter Roi de Syrie aprés avoir fait
cédoine succéde à ion Pere. 222. 227. il fait tuer Eupator son neveu envoye Nicanor en
la conquête de l'Epire. 222. sa mort. 229. Judée avec une armée. 334. il recherche l'a-
Demetrius Phalereus disciple de Theophraste, mitié dejonathas. 341. il est attaqué par Ale-
sa vie, sa mort, ses ouvrages. 269. jugement
xandre Ballés qui lui cuntesse le Royaume de
sur son stile. 270. Syrie. ibid. & 532. la ville d'Antioche se re-
Demetrius Poliorcétes fils d'Antigone livre ba- volte contre lui. ibid. il est défait par Alexan-
taille a Ptolémée Roi d'Egypte. j 78. il est dé- dre Ballés. 342. î4c. il est tué dans une ba-
fait. 179. il surprend Cillen un des Généraux taille. ibid.
dePtolémée. 181.il assïége Petra. 182. il ac- Demetrius Nicanor ou Nicator fils 'de Deme-
corde la paix aux Nabbathéens. 183. il va trius Soter demeure paisible possèsseur du
faire la guerre dans la Babilonie. ibid. il prend Royaume de Syrie. 344. ceux d'Antioche
Babilonne & se retire vers la mer. 184. il rend se revoltent contre lui. 34f. il esi défait & ob-
la liberté à Athènes. 187* il passe en Cypre lige de se sauver en Seleucie. ibid. il met laju-
& fait le siége de Salamine. 188. Ptolémée dée en liberté. 349. il est fait prisonnier parles
vient au secours de cette ville, ibid. bataille Parthes 3 51. il attaque Alexandre Ballés Roi
navale entre ces deux Princes, ibid. Demetrius de Syrie. ))2. il congédie ses anciennes trou-
]agagne. 189. il se rend maitre de Salamine. pes & donne toute l'autorité à Lasthénes son
ibid.
21inaniére noble & genereuse dont il fait prémier1\.1iniA:re. )66'.il est attaqué par ceux
la guerre. ibid. il fait la guerre aux Rhodkns. d'Antioche & soutenu par les fuis's. ibid. il est
de la main de chasle de son Royaume par Antiochus le
192. il épargne une peinture Dieu. ibid. Jonathas Maccabée se joint aux
Protogéne. 194. lessbidats entrent dans Rho-
des & y sont vaincus, ibid. paix entre lui & Romains & lui fait la guerre. 568. Simon
les Rhodiens. 195. il assiége Calcide & fait Maccabée prend son parti. ^71. il fait la guer-
alliance avec les Etoliens. 196. il prend Co- re à Mithrisiates ou Arsaces VI.Roi des Par-
rinthe & que'ques autres villes du Pelopo- thes. 577. il cherche à s'échapper d'entre les
nése. ibid. il se fait initier aux mystéres d'E- mains du Roi des Parthes 6co. il tente une
il
leusis. 198. fait la paix avec Caflander. 199. seconde fois desefauver dans son Royaume.
ibid. il entre en Syrie avec une armée. 6oi. il
il donne Stratonice sa fille en mariage à Seleu-
cus. 201. il se brouille avec
lui. ibid. il fait remonte sur le Trône. 602. il est mis à mort.
mourir Alexandre fils de Caflander & s'em- 608.
paix avec Demetrius Eucérus Roi de Syrie remporte la
pare de la Macédoine. 202 il fait la
Lysimaque. 20,. il sait de grands préparatifs viâoire sur AlexandreJannée Roi des Juifs.
de guerre. ibid. il est attaqué de tous côtez. 361.
204- il est abandonné par son armée. ibid. il
léve le siége d'Athènes à la persuasion du Phr-
losophe Crates. ibid, il vient en Cilicie, il
.
Demetrius fils de Philippe Roi de Macédoine
appaise le Sénat Romain. 4'" commence-
ment de la haine de son Pere contre lui. 461.
il est accusé par roti frere Persés d'avoir Drutus (M. Livius) Consul. 624. tes projets
voulu l'assassiner.462. il est trahi parDidas. pour concilier les esprits. 666. il est hors d'é-
ibid. sa mort. 463. inquiétude de son Pere tat d'exécuter ses promesses. ibid. sa mort.
dépuis la mort de son fils. 471. on découvre 667.
la supercherie de Persés contre Demetrius. Dyrrachium, cette ville est prise par les Ro-
ibid. mains. 14.
Demetrius fils de Seleucus demande au Senat de "C Bre, fleuve d'Espagne qui sert de limites
retourner en Syrie. )'20. il se retire de Rome. *** aux deux Empires de Rome & de Cartha-
52 r. il arrive en Lycie , écrit au Senat «Se se 16.
il
rend maitre du Royaume de Syrie. 522. ob...
ge-
Eburnus (Q Fabius). Consul. 621.
tient du Senat le nom de Roi. 524* Ecbatanes, .description & richesses de cette ville.
Democrite Abdérite, sa vie. 277. Ces voyages. 245.
ibid. il retourne à Abdére. ibid. il se prive de Edescon un des Rois d'Espagne se rend à Scipion
la vue 278. on fait venir Hippocrates pour le le jeune. 95.
guérir de sa folie prétendue. ibid. conférence Egerthe, revolte des esclaves aux environs de
entre lui & ce Medecin. 279. il lui fait voir cette ville. 645.
qu'il n'a pas tort de rire des sottises des Eleazar Grand-Prêtre des Juifs envoye à Ptolé.
hommes. 280. ses ouvrages, ses principes. mée Pliiladelphe des Juifs pour traduire en
ibid. Grec les Livres Sacrez. 296. martyre de ce
Demosthéne célébre Orateur, son éducation, St. Vieillard. 310. sa mort. 311.
avec quelle application il étudie. 28^- il sur- Eleazar frere de Judas tue un Elephant & est
monte par le travail la pesanteur de sa lan- écrasé par la chûte de cet animal. 3 31-
il
gue 28Ó. entre dans les affaires publiques, Emile, (Paul) est assiégé dans son camp parles
ibid. il fait voir qu'il est mauvais soldat. 287. Gaulois Ingauuiens qu'il met en deroute.
il se déclaré contre Alexandre, ibid. Demades 463. ses exploits dans la Macédoine. 500.
obtient sa grace. ibid. il est banni d'Athènes, les Ambassadeurs desRhodiens arrivent dans
ibid. il retourne à Athènes. 288. sa mort. son camp. 501. il envoye un détachement
ibid. dans la Macédoine. ibid. il entre dans ce
Denier, sa valeur. 514* Royaume sans opposition. ibid. il refuÍe de
Didas Gouverneur de laPéonie trahit ^ le Prince donner le combat à Persés. 502. il remporte
Demetrius. # 4.62. laviéi:oire sur Perrés. 503. il se rend maitre Je
Didius, (Titus) repousse les Scordisques. 62'3. plusieurs places de Macédoine. )°+ on lui
il est choiÎ1 Consul. 6JS. il pacifie les Espa- mec Persés entre les mains. 506. il visite la
gnes. 6 S 9- Grèce. 511. sa Cageconduitedanssonvoyage.
Diogénes le Cynique, sa vie & ses mœurs. 259. ^12. ses règlemens dans la Macédoine. ibid.
il est vendu pour esclave à Xeniades Corin- il brûle en l'honneur de Mars une très-grande
thien. ibid. éducation qu'il donne aux en- quantité d'armes de toutes sortes. ç 1 3. il fait
sans de son maitre. 261. il passe une partie réprésenter des jeux solemnels à ilmphipolis.
de l'année à Corinthe & l'autre à Athénes. ibid. il étale ses richesses aux yeux desGrecs.
ibid. son caractère, ibid. sa mort. 262. ibid. ilarrive à Rome. 515. ojn lui conteste le
Divorce prémier à Rome. 12. triomphe. 516". mort de ses deux fils. ibid.
Dorylas arrive en Gréce avec une nouvelle ar- son triomphe. ibid. il est choisi pour exercer
mée d' Asiatiques. 691. il eil vaincu par Sylla. la charge de Censeur. 519. sa mort. 524.
ibid seconde bataille .entre les Romains & Enna, prise de cette ville. 597.
ses gens. 69Z. Ennius Poète Latin, ses ouvrages. 294.
Epicide,
Epicide, Gouverneur de Syracuse se campe Roi de Macédoine. 396. ils sollicîtentNabis,
dans Acradine. ^ ^ 72. Philippe & Antiochus contre les Romains.
Antiochus.
Epicure Chef de la Secre des Epicuriens, sa vie. 41 f. ils se declarent pour le Roi
2g3. Ion apologie, ses principes & sa mort. 420. ils demandent la paix aux Romains.
284' 430. ils forcent le Roi Persés à se retirer de
Ep!phanes, i^^Ptolémée. leur pays. 49 5 •
Epire,on le réduit en Province Romaine. ^11. Evandre, ce 1\;liniŒre descruautez de Persés est
maÍfacré par ses ordres. 5° S*
on le saccage & on le pille.
^ #
514.
Equitius se fait Tribun du peuple. 657. Euclides, Auteur de la Seâe Alégarique, sa
Erafiilrate Médecin du Roi Seleucus lui décou- vie. 264»
Euclides, fameuxGéom.étre & Mathématicien»
vre la cause de la maladie de son fils. 210. z6).
Esclaves djtalie, avantage remporté sur eux sa vie.
Evergétes voyez Ptolémée.
par Pison. 596. ils se revoltent. 644. Salvius
est fait leur Chef & leur Roi. (4)'autre re- Euménes Général des troupes deMacédoine sous
volte des esclaves aux environs d'Egerthe& la Regence de Perdiccas livre bataille à Cra-
de Lylibée. ibid. continuation de la guerre terus & à Neoptoléme & remporte sur eux
contr'eux. 65 2. le Consul Aquilius est envoyé la viâoire. 146. il est declaré ennemi public
contr'eux. 3. parles Macédoniens. 147. il déclare à ion ar-
Echine, célèbre Orateur, sa vie. 288. mée qu'il est declaré ennemi public. 149. il
Esculape, prise du temple de ce Dieu dans se retire à Sardes, delà enPhrygie puis en
,
Carthage. 558. Sylla dépouïlle ses temples. Cappadoce ; il est défait par Antigone. 150.
686. sa présence d'esprit, 151. il use de stratagéme
Espagne & Espagnols, ils font battus par le pour empêcher ses gens de piller, ibid. il se re-
Consul Caton. 402. ils sont contraints d'ab. tire au chateau deNora. ibid. entrevue entre
battre les murs de plusieurs de leurs villes. lui & Antigone. ibid. sa conduite dans le
ibid. plusieurs peuples de cette nation sont chateau de Nora. 1 Ç2.il sort de la forteresse
vaincus par Fulvius.411. affaires qui se paf. deNoraoù il étoit assiégé,& se retire en Cap-
sent dans ce pays. 45'4. revolte en ce pays padoce. 1 54. il est invité à prendre parti con-
contre les Romains. 34. ils y portent la tre Antigone. ibid. il arrive dans la Cilicie & se
guerre. 53^. Scipion iEmilianus engage la1 met à la tête des Argyraspides. 155. Ptolémcs
jeunesse Romaine à s'enrôler pour ce pays. fils de Lagus & Antigone s'opposent à lait
138. elle est pacifiée à l'arrivée du Consul ibid. il assèmble une flotte dans la Phénicie
Lucullus. 539. les Romains font la guerre en qui est défaite par Antigone. 156. il se retire
ce pays. )'69. dans les campagnes de Babilonne. ibid. ili
Esséniens, Secte parmi les Juifs, leur origine & assemble une grande armée en Orient contre
leurs sentin-iens. 3Ç7- Antigone. 1 ^9. il remporte quelquravaiitage
Etoliens, Antipater ravage leur pays. 14)" il fait sur lui. 160. il arrive à Persepolis, 161,. Peu-
la paix avec eux. ibid. les peuples de la Gréce- cestes regale sbn armée. ibid. il use de stra-
se liguent contr-eux & leur font la guerre. 370. tagéme pour se faire respeé[er par ses trou-
ils font irruption en Macédoine, ibid. Philip- pes. 162. ses soldats réfusent de marcher, à
pe leur accorde la paix. 37I. ils sont chassez moins qu'il ne marche à leur tête. 163. apo-
de la Macédoine par Philippe. 3-84 ils s'at- logue dont ilsçsert pour s'attacher les Prin-
tribuënt l'honneur de la défaite de Philippe. cipaux de son parti. ibid. il use de stratagéme
392. plaintes de ces peuples à l'occasion de contre Antigone. ibid. il livre 'bataiHe à An-
la paix faite entre les Romains & Philippe tigone dont le succés e1l incertain, 164- il u(e'
êî ârm_
de stratageme pour arrêter la marche d'An- Fabius Labeo (Q_) délivre de captivité quatre
il
tigone. 168. s'efforce de débaucher les Ar- mille Romains & est honoré du Triomphe.
gyraspides d'Antigone. 169. Antigone se 4+3.
rend maitre du bagage de Ton armée, ce qui Fabius entre en Macédoine. )"0£.
lui procure la victoire, ibid. il est livré à An- Fabius TEmilianus met en fuite Viriathe fameux
tigone & mis à mort. 170. brigand en Espagne. )
67'
Euménes Successeur d'Attale Roi de Pergame. Fabius Maximus (Q_) Consul. 61
Falisques, ils sont vaincus par les Romains.
391. il réfute d'épouser la fille du Roi An-
tiochus. 414. le Roi de Pont lui fait la guer- 1.9.10.
FimbriaConsul.643.ilattaqueMithridate.694.
re. 46). les Romains le portent à se retirer
dedessus les terres de Pharnaces. ibid. il va il exerce des cruautez en Asie. 69
prendre le commandement de l'armée des Flaccus (P. Valerius) Consul. 400.
Rhodiens. 466. il vient à Rome. 481. il est Flaccus (L. Valerius) Consul. 6ff. Collègue
chargé d'inveétives devant le Senat par l'Am- de Cinna dans le Consulat. 689.
bassadeur de Rhodes, ibid. il est attaqué par Flaccus (C. Valerius) Consul. 66I.
quatre assassins. 48Z. on le croit mort. ibid. Flaccus (Serv. Fulv.) Consul. 584.
il guérit de tes blessures & retourne à Perga- Flaccus (M. Fulv.) Consul fait la guerre con-
me. ibid. plaisanteriss de ce Prince à l'occa- tre lesSalyens & les Vocontiens. 609.
lion du mariage deStratonice sa femme avec Flaminius Consul Romain, son caractère. 3 6.
Attalus son frere. ibid. il se détache des Ro- Annibal l'attire sur le Lac Thrasiméne &
mains & prend le parti de Perles. 497. il arrive remporte sur lui une victoire complette.
ibid. il est tué dans cette bataille. 37. con-
en Italie; le Senat lui defend de venir à Ro-
sternation à Rome au sujet de cette défaite.
me. f 11. Prusias Roi de Bithynie porte ses
plaintes à Rome contre lui. )'18r ibid.
Eunus Chef des esclaves revoltezen Sicile. s 88. Flaminius (T. Qt-linâius)Con(ul. 385". il mar-
sa fuite & sa mort. 97. che en Macédoine contre le Roi Philippe.
Eupator voyez Antiochus. 386. il pénétre en TheiTalie. ibid. il ailiége
Euridice Epouse du Roi Aridée veut se mêler Corinthe. 387. entrevuê de ce Consul avec
du gouvernement. 148. elle fait mettre Caf- Philippe. 388. il confère avec Philippe pour
sander en la place de Polysperchon. 159. sa latroisiéme fois 3 89. il fait alliance avec Na-
160. bis Tyran de Lacédémone. 390. il s'empare
mort.
Euthydéme Roi de Ba&riane, Antiochus le de Thébes Capitale de Béotie. ibid. il rem-
Grand lui fait la guerre. 246. porte la victoire sur Philippe Roi de Macé-
FAbius Maxim us Dictateur va à la rencon- doine. 392. il confère avec Philippe & lui ac-
corde une trève de quatre mois. 393. il repri.
tre d'Annibal. 38.il donne quelques petits
combats. 39. on blâme sa conduite, ibid. il me l'ingratitude des Béotiens. 39 f. il eÍ1:con..
attend Annibal au défilé pour sortir de la tinüé Proconsul dans la Gréce. 403. il mar-
Campanie. 40, il est rappellé à Rome. ibid. che contre Nabis Roi de Lacédémone. ibid.
lui. il engage les Grecs dans la guerre contre Na-
on forme des accusations à Rome contre bis. 404. il marche avec les Grecs contre Na-
engagé dans un com-
4I. il delivre Minutius bis. ibid. il assiége Lacédémone. 4°" il
bat avec Annibal. 43. il assiége Casilinum
ville de Campanie. 63. publie l'entière liberté de la ville d'Argos.
Fabius fils du Grand Fabius Consul Romain 407. il quitte la Gréce & triomphe à Rome.
Soutient sa dignité & fait mettre pied à terre 4°8.
à son Père. 67. il fait le siége de Tarente. 93. Flaminius (L. Quintfius) Consul. 412.
Flami.
Flaminius (Titus ) infime à demander qu'on lui Gaulois, les Romainsleur font la guerre. .1O.
livre Annibal. 4S- bataille entre eux & les Romains 17. les Gau-
Flaminius(T.- Quinâius) Consul. 612. loisBoïens se soumettent aux Romains, 19.
Fregellans, leur revolte punie. 609. ils sont vaincus encore par ces derniers,ibid.
Fulvius Consul Romain est destiné à s'opposer à
,
les Gaulois Iniubriens sont en guerre avec les
Asdrubal. ^ 1 00.
Romains. 20. les Gaulois se jettent dans la
Fulvius Preteur remporte une victoire > célèbre Gréce. 211. ils remportent la victoire sur
ssir plusieurs peuples Espagnols. 41 f. il rem-il Ptolémée Ceraunus Roi de Macédoine, & le
porte la victoire sur les Celtibériens.464. mettent à mort. ibid. ils s'emparent de la
s'empare de la ville de Contrebie.ibid. il de- Thrace. 212 ils passent en A^e- ibid. Sosthé-
fait les Celtibériens. 468. il eftdesigné Con- nes reprime les Gaulois qui s'étoient empa-
sul & honoré du triomphe. ibid. rez de la Macédoine, ibid. ceux d'îliyrie sont
Fulvius Nobilior Consulaisiége & prend la ville chassez de leur pays par des grenouilles. 214*
d'Ambracie. 438. il demande le triomphe & quelqu'uns s-établissent à Thylé. ibid. ils sont
l'obtient. 4)0. il est choisi Conteur & se re- défaits en Macédoine, aiç. ils se répandent
concilieavec M. Æmilius Lepidus son Collé- dans presque toutes les Provinces d'Orient.
2i6.stratagème dont se sert le Roi de Macé-
glle.
Funerailles, deux femmes d'un Général
t f Indien doine contr'eux. ibid. ils sont défaits en Ita-
se disputent pour être brûlées avec leur Mari lie par le Consul Céthégus. 393. ils sont dé-
suivant une Loi de ce pays. i 6j. -
faits par le Consul Tiberius Sempronius. 409.
ils tâchent de surprendre le Consul Manlius.
Furius vainqueur d'Amilcar obtient l'honneur
du triomphe. 3 81 441 .ils sont défaits & taillez en piéces par l'ar-
.
Furius Cresinus Laboureur Romain est accusé mée Romaine,ibid. ils demandentla paix aux
de Magie. 429. son hifloire. ibid. Romains. 442. ils acceptent les conditions
CiAdesville d'Espagne, Marcius manque de proposées par le Sénat, ibid. quelques uns de-
s'en rendre maître. 109. deça les Alpes veulent s'établir à Aquilée; le
Galates, ces peuples sont défaits par le Consul Consul Marcellus les en chaise. 460. les Gau-
Manlius. 440. ilsméprisentles ordres des Lé- lois Ingauniens assiégent Paul Emile dans sort
gats Romains. )"10. camp j ils font tous leurs efforts pour le for-
Galba (Sulpitius) Consul pasle en Macédoine cer; ils sont défaits. 463. Marius leur écrit
j.
aveeune armée. 380. 38 escarmouche en.
il
pour s'assurer de leur attachement à la Ré-
publique. 647.
tre son armée & celle de Philippe. ibid. est
surpris par Philippe, ibid. barbarie qu'il exerce Gaza, Antigone se rend maître de cef"e ville 173.
prise de cette ville par Simon Maccabée. 349.
)
contre les LuGtaniens.
Galba (Serv. Sulp Consul.
Galilée, Jonathas porte la guerre dans cette
539.
632. Gentius Roi d'Illyrie se declare pour le parti de
Persés. 499. expédition d'Anicius contre lui.
Province. 46. )00. il est pris & toute l'Illyrie tombe en la
Gallus(Sulpitius) prédit l'arrivée d'une Eclipse puissance des Romains. ibid.
de Lune. GenUc1t1S Preteur Romain, fable inventée à son
Garizim, montagne de Samarie,sur laquelle on occasion. 1°.
bâtit un temple,qui dans la suite devint lefu- Geta (C. Licinius) Consul. 621.
jet de dispute entre lesjuifs & les Samaritains. Getules, Jugurtha les engage dans son parti.
29)'. 634.
Gaules, expédition de Sextius Calvinus dans ce Giscon Gouverneur de.Lylibee est mis à mort
pays. 613- par les Mercenaires.
Giscon Général des Carthaginois enEspagneest Hannon est établi Général de Carthage contre
défait par Martius.Sl. il trouble Carthage& les Mercenaires. 4. il eH révoqué, & Hamilcar
lui attire la guerre. 5 3 8-1 Barca prend sa place. ibid. il se réconcilie avec
Glaucia, ses, brigues avec Marius & Apuleius.. Barca.7. il fait palier des vivres dans Capo-
6j 6. sa mort. 6^7.
Gorgias est envoyé en Judée contre les, Mac-
i
uë il est défait par les Romains.
Hannon fils d'Asdrubal tombe dans une em-
77.
cabées. 316. il est battu parjudas Maccabée. hufcade des Romains i il est fait prisonnier.
318. il met en fuite quelquesJuifs comman- 124.
dez parjoseph & Azarias. 324. il est vaincu, Harpalus Trésorier d'Alexandre est mis àmort
par Judas Maccabëe. 328» par Thimbron. 144,
Gracchus. (Tiberius) épouse Cornelia fille de Heliodore est envoyé à Jerusalem par le Roi
Scipion l'Africain. 4^0. excite une guerre ci- il
Seleucus. 302. entreprend d'entrer dans le
vile àRome. sq r. il prend le parti du peuple temple j, il en est empêché par deux Anges,
contre la noblesse. 592. il entreprend deréta. 3°3-
blir laLoi Licinia,pour modérer les trop gran- Heliopolis, Onias IV. bâtit un temple dans
des richeises de la Nobl esse. ibid. il établit une cette ville d'Egypte. 333.
Loi pour le partage desterres. 5 93. calomnies Hellanicus fait périr Aristotime Tyran d'Epire.
repanduës contre luLibid, sa Loi ell: autorisée. 2z2.
S94. il partage l'argent lègue par Attalus aux; Helvius défait les Espagnols. 401.
pauvres citoyensRomains. f 91,... il brigue le Heraclée), prise de cette ville par les Romains.
Consulat pour son Beau..Pere & le Tribunat 42 6.
pour sonfrere & lui. ibid. sa mort. ibid. Héraclite Auteur de la Seâe Jonienne, sa vie.
G.laccl-,us,( Caïus) eil élu Tribun du peuple. 61o. 27 S- il méprise les hommes par orguèil. ibid.
il.propo[e diverses loix; 612. son caradëre.. il est accusé d'impieté. ibid ses apophtegmes,
ibid. brouilleries. entre le Consul Fannius & principes de sa Philosophie, sa mort. 274.
lui. 614. Livius Tribun prend adroitement Hercules fils d'Alexandre le Grand, Polysper.
l'ascendant sur lui. ibicL il se brouille avec chon entreprend de le mettre sur le Trône de
les autres Tribuns. 61 S- guerre civile a son Macédoine.. 8). sa mort. ibid.
oecalîon. 616. sa mort ibid. suites. de sa Herennius (M.) Consul. 661.
mort. 617. abrogation de ses loix. ibid. Iliempsal, sa mort. 620.
Grèce affianchiffement de ses villes accordé Hieron Roi de S'yracuse,, sa mort.. 60. on fait
,,
par les Romains. 11,7. 3 mourir ses filles à Syracuse. 6f.
Grecs* ils font leur paix avec Antipater. 14;. Hieronyme succéde à Hieron Roi de Syracuse
ils se joignent àFlaminius pour faire la guerre son Ayeul. 60. il se ligue avec Annibal con-
à Nabis.. 404. tre les Romains, ibid. il est déclaré ennemi
-
Grenouilles, ces animaux chassent les Gaulois des Romains. 61. sa mort. ibid.
d'Illyrie de leur pays< 214. Himerns, sa Tyrannie.. 604.
Gryphus, voyez Antiochus. Himilcon Carthaginois amène des troupes au
GulllfIà, cruauté qu'il exerce contre les; Car- secours de SyracuCe. 71.
thaginois. H2* Hippocrates Medecin vient pour guérir Demo-
Gythie, prise de' cette ville par Q-Uinâiu&
^ ^
40 crite de sa prétendue folie. 278' il est oblige
elle est prise par Nabis. 418- de réconnoître la profonde sagesse de celui
HAmilcarBarcaGénéralde l'armée deCartha- qu'il venoit traiter. 2&o.
Hircan fils de Simon est réconnu pour Chef
ge contre les Mercenaires. 4. il fait la guerre
des Juifk. j i a. il fait le siége du chateau de
eja Elpagne. S-
Dagon.
331. liège de cette ville par Antiochus
Sidc<
Dagon. ibid. il fait la paix avec Antiochus 3 ? 4.
Sidétes. 3 f 4, il l'accompagneà la guerre con- tes.
assujettit les Iduméens Jeux seculaires célébrez à Rome, le Roi Hie-
tre les Parthes. ibid. il
& les oblige à recevoir la
circoncision. 355. ron y affifle.
^ ^ & prise
il renouvelle le traité d'alliance des Juifs avec
Iliturgis ville d'Espagne, elle est assiégée
108.
les Ro mains. ibid. il se rend maitre de Samarie par Scipion.
& la fait démolir. 3 1 6. il a une revelationtou- Illyrie, elle se revolte contre les Romains t a la
sollicitation de Demetrius dePharos. 22. ex-
chant ses deux fils. ibid. il quitte laSeâe des
Pharisiens & embrasse celle des Saducéens. pédition de Minutius dans ce pays. 488. Ani-
ibid. sa mort. ^ 3)'.
Roi
ci us regle les affaires de cette Province. 5 il.
ils sont réduits à Pob6lsance. 58 V*
Hircan fils d'Alexandre Jannée est réconnu
^

des Juifs. 363. guerre entre lui & Aristobule Indibilis, un des Rois d'Espagne se rend à Sci-
son frere. ibid. il est vaincu. 364. il compa- pion le jeune. 1. il est vaincu par Scipion.
roit avec son frére Aristobule devant Pom- l11. il se revolte, il est défait par les Pro-
consuls. 116. sa mort. ibid.
pée. i bid. il est rétabli dans la grande Sacrifi-
Ingaunietis, voyez Gaulois.
cature. 3 66. il est confirmé dans cette qua- Iniubriens, voyez Gaulois.
lité. 368.
Hircan, (Jean) assiége Samarie. 64T. Intercatïe, liège de cette ville par Lucullus.
Hirpinie, rédudion de cette Province à^ l'obéif- 539.
sance des Romains. 93. Jonatlias succéde à Judas Maccabée son frere.
Hostilius (Aul. Mancinus) Consul pafledansla 339. il soûtient la guerre contre Bacchide.
Thessalie contrePersés. 49o. il réfuÍe d'accep- il
340. fait la paix avec lui. 341. le Roi De-
de Macédoine lui metrius recherche son alliance, ibid.il préféré
ter la bataille que le Roi ibid. le parti d'Alexandre Ballés,auquel il s'attache,
présente.
Ilypfmus (M. Plautius) Constil. 609. il
ibid. il bat l'armée d'Apollonius.343. prend
T Ambri, ses enfans mettent à mort Jean frere le parti d'AntiochusleDieu contre Demetrius
| de Judas Maccabée. 3,9, Nicanor. 34)' il porte la guerre dans la Gali- -
Janicule, il est defendu par Octavius & le jeune lée. 345.il fait alliance avec les Romains, ibid.
Pompée. ^ 682. il dissipe ses ennemis & défait les Arabes Zaba-
déens. ibid. il est pris & arrêté parTryphon à
Janus, son temple est fermé^ à Rome. 11.
Ptolémaïde, 347. on le met à mort avec ses
Japidie,exploits deSemproniusTuditanus dans
^ 605 • deux fils. 348.
ce pays. Joppé, Antigone Cerend maitre de cette ville.
jason frere du Grand-PretreOnias III. achete la
grande Sacrificature. 304. il inspire aux Juifs 173. les habitans de cette ville font périr les
de FeMme pour les cérémonies des Grecs. Juifs qui demeuroient avec eux. 326-Judasaf.
liège cette ville & s'en rend maitre. ibid.
ibid. il vient à Jerusalem & y commet plu-
fleurs violences. 3 06. sa mort. ibid. Isocrates célèbre Orateur, sa vie. 284. sa mort.
,
Iduméens, ils sont défaits par Judas Maccabée 28f.
dans rAcrabaténe.321. ils sont vaincus par lilriens, ils jettent l'épouvante dans le camp
Hircan & obligez de recevoir la circonci cion. des Romains & s'en emparent. 473. ils sont
3~). assujettis aux Romains. 47 V*
de Judas Maccabée est tiié par les fils lturéens, ils sont vaincus par Antigone & con-
Tean frere
de Jambri de Medaba. 339. traints de recevoir la circoncision. 319.
Jérémie apparoit a Judas Maccabee.^ 337. Judacilius fait une belle action en faveur d'A-
1eruCalem est assiegée par Antiochus Eupator.
sculum. 1671.
Judas Maccabée succede à Matthatias. 3 11. ses ctoire sur Aulus Poflhumius. 628. Metellus
exploits militaires, il remporte la viâoire sur lui fait la guerre. 629. tes feintes sOLI M'irions.
Apollonius. ibid. il remporte la victoire sur ibid. il livre bataille à Metellus. 630. il est
Seron Général d'Antiochus. 316. avantage vaincu, ibid. son frere Bomilcar l'engage à se
qu'il remporte contre Timothée & Bacchi- rendre à Metellus. 633. il
de. 318. il remporte la victoire sur Lysias.
recommence la
guerre, ibid. il engage lesGélules & les Mau-
3 19. il purifie le temple, ibid. il fait une nou- ritaniens dans son parti. 634. Marius lui fait
velle dedicace du Temple. 320. il fortifie la la guerre. 63 ç. il remporte laviétoire sur Ju-
montagne de Sion & y met garnilon. 321. il gurtha. 635. Jugurtha suit Sylla Maurita-
en
défait lesIduméens dans l'Acrabaténe. ibid. il nie. 638. il demande que Sylla lui soit livré.
fait la guerre aux enfans de Bean. ibid. il rem- 639. il est lui-même livré à Sylla. ibid. sa
porte la victoire sur Timothée Général de mort. 643.
l'armée Syrienne. 323. Ces exploits contre les Juifs, dispute entr'eux & les Samaritains ausu-
peuples dedelà le Jourdain. 324' il remporte
la victoire sur Lyiias. 325. il adiege la ville
î.
jet du T emple de Garizim. 29 ils sont
sécutez en Egypte par Philopator. per-
dejoppë& s'en rendmaitre 326. il transporte 299. ils
sont condamnez à être écrasez sous les pieds
dans la Judée les peuples dedelà le Jourdain. des Eléphans. 300. deux Anges les défendent,
328, il met en déroute l'armée de Gorgias. ibid. ils sont enfin comblez de bienfaits & de
ibid. quelques uns de ses soîdatssonttiiezdans graces par le Roi d'Egypte, ibid. ils se décla-
le combat pour avoir détourné des choses
souillées, ibid. il fait une quête pour le salut
rent pour Antiochus le Grand contre les Rois
d'Egypte. 301 plusieurs abandonnent la
de ceux qui étoient morts dans le combat. re-
ligion de leurs Peres. 304. AntiochusEpipha-
329. il fait la guerre.aux Iduméens& auxPh!- nes leur ordonne de quitter leur Loi. 309.
liflins. ibid. il aillége la citadelle de Sion. ibid. mort de plusieurs fidèlement attachez au cul-
il est réconnu Grand Prêtre des Juifs. 3 34- il te du Seigneur, 310. les peuples de-delà le
J
fort de t:ruCalem,&se retire avec tes gens dans Jourdain conspirent.pourlesexterminer.323.
la campagne, pour ne pas être surpris parNica- les peuples de Galilée en font de même. ibid.
11or. 33 il remporte la victoire sur Nicanor. dispute entr'eux & les Samaritains sujet de
au
335.' il fait alliance avec les Romains. 338. leur Loi. ,42. ils se réconnoissent
parens des
samort 3 39. Lacédémoniens. 346. i4 renouvellentleur al
Judée, elle est réduite en Province Romaine. lianceaveclesRomains1 -
366. elle est conquise par Ptolémée Roi d'E-
3)'''.
Junius Pennus Preteur est envoyé Espagne;2)'. )
en
gypte. 38)',eUe est reprise par Antiochus,386. Salondicus Fanatique Espagnol attente à sa
eh, est conquise parAntiochusEpiphanes.480. vie; on decouvre le complot, & l'Auteur
Jugurtha arrive d'Afrique au camp de Scipion est puni.
l'Africain. f 87. son caractère, ibid. tes com- T Abeo, voyez Fabius.
492.
mencemens. 620. il est envoyé en Espagne Lacédémone se ferme de murailles. 160.
awprésde Scipion Æmilianus. ibid. il est favo- cette ville est assiégée par Pyrrhus. 218. les
ri le à Rome. 622. il fait la guerre à sonfrere femmes de Lacédémone
Adherbal. 624. il le fait mourir. 62 com-
prennent la resolu-
i- tion deresisier 1 Pyrrhus, ibid. les assiégez (e
mencement de la guerre entre lui & les Ro- defendent courageuCement.219. chute de
cet-
mains. 626. les articles du traité fait avec lui te fameule ville 444. elle se soûmet aux A.
sont désapprouvez à Rome. ibid. il est cité chéens ibid. elle renonce aux loix de Lycur-
à Rome. 627. il y vient & gagne le Tribun gue. ibid. elle eil restituée dans ses anciens
Bxbius.ibid. sa fuite, ibid. il remporte un vi- droits.
Lacëdc-
Lacédémoniens, ils se réconnoissentparens avec Licinius (P.) ConCul est destiné pour passer erv
les Juifs. 346. ils rejettent les conditions de Macédoine contre Pertes. 484. il part pour la
paix proposées par Flaminius ; combat entr'- Macédoine, il arrive dans laThessalie. ibid.
ils embrassent l'Etat Persés lui présente la bataille. ibid. il est vaincu
eux les & Romains 407.
Républicain. 420. differend entr'eux & les par l'armée Macédonienne, 487, il remporte
Achéens ; ils en appellent au Senat Romain quelqu'avantage sur Pertes. 488.
& lui en demandent la décision 446. leurs su- Licinius le Preteur esi défait par Salvius Chef des
jets de plaintes contre les Achçens. 4^7. Esclaves en Sicile. 64J.
Marcius regle leur differend avec les Achéens. LIcurgue ses loix sont abolies. 444*
,
Ligurie ravagée par le Consul Minucius. 393.
4^9. ils se brouillent avec les Achéens, & leur Liguriens, les Romains leur font la guerre. 9.
declarent la guerre. f 60.
10. 12. 14. ils dressent des embuscades au
Academie, sa vie..
Lacydes Successeur d'Arcésilas dans la moyenne
266.
Lælius passe en Afrique avec sa flotte. 11 il ar-
Consul Marcius & le défont. 4^ 3. ils sont soû-
mis par les Romains. 45 <>. les Liguriens
rive à Rome avec les Ambassadeurs deMaflî- Apuans sont transférez dans le Samnium'467.
niiFa. 129. on leur fait la guerre. 468. les Consuls Ro-
Laelius Consul demande que le Senat décide des mains remportent divers avantages. 469. ils
départemens des Consuls. 429. sont défaits & traitez cruellementpar le Con-
Lænas (M.Popilius) Consul. 578. sul Popilius. 479. les Romains leur font la
Lamiaque, commencement de la guerre de ce guerre. 533*
^ 142.
Liris, Marius se cache dans ses marais.
_ 678.
nom. ^
Livius remporte une vi&oire complette sur As-
Lamie, cette ville se soumet à la domination
des Romains. ^ ^ 427* drubal frere d'Annibal. 102. on luidecernele
Laodicé fille de Seleucus épouse Persés Roi de Triomphe. 10)'.
Macédoine. 476. Livius Consul prend SeRos & Abyde. 43°.
Lentulus (L. Cornélius) est créé Consul. 381. Livius Tribun du peuple prend adroitement
il est dessiné par le Senat pour reprimer les l'amendant sur Calus Gracchus. 614.
Gaulois Rebelles en Italie. ibid. Locres liège de cette ville par les Romains. 97.
,
Lentulus (Cn. Cornelius) Consul. 660. Annibal fait lever le siége de cette ville. 99.
Léonat un des Généraux d'Alexandre vient au Scipion se rend maitre de cette ville. 116.
secours d'Antipater5 il est défait par les Grecs. Loi Licinia, retablissementde cette loi par Grac-
142. sa mort. ibid. chus; brouïlleries à ce fuj et. 92.
Leontium ville de Sicile est prise par Marcellus Loi de Gracchus pour le partage des terres. 93.
Consul Romain. 66. elle est autorisée & exécutée. )'94.
Léosthénes est choisi Chef de l'armée conféderée Loiproposée par Apuleius a profit des soldats
des Athéniens & de quelques autres peuples de Marins. 65^. elle est ucceptée malgré les
de la Gréce. 141. Tribus Romaines. a 6j6.
Lepidus (M iEmilius) Censeur.se réconcilie avec Loi pour accorder le droit de bourgeoisieRo-
FulviusNobilior ion Collègue. 469. il est créé maine aux peuples d'Italie. 670.
Consul. )"81.608. Longinus (L. Callius) Consul. 607. 609.
Levinus Proconsul Romain
_
ravage les côtes Longinus (C CalFius) ConsuL 660.
d'Afrique. 9. Longus (Tib. Sempr.) Consul marche contre
Licinius, Poëte Latin.^
^ ^ 294. les Gaulois & les défait. 403.
Licinius Consul Romain va faire la guerre à Lucanie, réduction de cette Province à l'o.
Atiuibal. 113. béïflance des Romain?, 93.
T*
Lucrètius Preteur prend la ville d'Aliarte. il demande la mortdeDemetrius. 207. il fait
488. la guerre à Pyrrhus Roi d'Epire.208. guerre
Lucullus Consul Romain trouve PEspagne pa- entre lui & Seleucus. ibid. sa mort. ibid. Pto-
cifiée. 539. il fait le siége d'Intercatie. ibid. lémée la foudre fait mourir ses enfans. 2og.
il fait la paix avec ceux de Palentia. ibid. MAccabées, ils se retirent dans les deserts.
Lucullus ramasse une armée navale pour le se- 308. martyre des sept freres de ce nom &
cours de Sylla. 687-il va en Egypte, ibid.il de leur Mere. 311. 312. ils aiment mieux pé-
donne moyen à Mithridates de se sauver.694. rir que se défendre le jour du Sabbat. 314- ils
il refuse de secourir Fimbria & de prendre prennent cependant la resolution de se dé-
Mithridate. ibid. fendre si on les attaque ce jour-là. ibid. les
Lusitanie, les Romains portent la guerre dans Assidéens se joignent à eux. ibid. le Roi An-
ce pays. 5 3 exploits du Preteur Atilius dans tiochus envoye Nicanor & Gorgias contr'-
ce pays. 53 6. les Romains continüentla guer- eux. 316. ils remportentla viâoire. 3 17. on
re dans ce pays. 576. exploits de Brutus dans éléve à leur memoire unMausolée Modin.à
ce pays. 58o. Brutus y fait des conquêtes. 348.
)84' Macédoine, Q. Marcius regle les affaires de ce
Lusitaniens sont vaincus par Scipion Nasica. Royaume. 459. arrivée des Deputez du Senat
411. ils remportent quelqu'avantage sur les Romain dans ce pays. 491. pkisieurs Provin-
Romains. 4^. ils sont enfin vaincus, ibid. ces de ce Royaume se soûmettent au Consul
barbarie de SulpitiusGalba contr'eux. 539. Marcius. 493. ruine entiére de sa Monarchie.
ils se revoltent & choisissent Viriathe pour 506. le Senat Romain envoye des Deputez
leur Gcneial. 547. ils défont les Romains, ibid. pour rendre la liberté à ce Royaume. 512.
Lutatius Proconsul reçoit l'honneur du triom- Magius (Decius) Capoüan s'oppose seul avec
phe.
-
2. courage à la reception d'Annibal dans Ca-
LyCiens, ils se plaignent desRhodiens.--473. pouë. 53.
Lycurgue, voyez Licurgue. Magon Général des Carthaginois est envoyé à
Lylibée, ses esclaves se revoltent. 645". Carthagepour demander du secours. fo- il est
Lysias Gouverneur de Syrie est vaincu par Ju- vaincu par les Scipions en Espagne. 67. il est
il
das Maccabée. 319. vient en Judée. 324. il défait en Espagne par Silanus Romain. 104. il
afliégeBethsura. 32)'. il fait la paix avec les est pris dans une bataille, ibid. il est mené à
Juifs. ibid. il fait tuër Odavius un des Am- Rome. 10)'. il eîTaye en vain de surprendre
baflàdeurs Romains en cette cour. 521. sa Carthagéne. 112. il débarque en Ligurie; il
mort. )'22. reçoit ordre de se rendre auprés d'Annibal.
Lysippe fameux Sculpteur, sa vie. 290. i 14. il ne peut se joindre à Annibal son frere.
Lysimaque Gouverneur de Thrace se ligue avec 121. sa défaite. 130. il meurt sur mer allant à
Ptolémée & Caisander contre Antigone,& lui Carthage. ibid.
il
déclarela guerre. 172. réduit à l'obéïssance MalliusMaximus Consul se rend dans la Gaule
quelques peuples de Thrace qui s'étoient re-
voltez. 176. paix entre lui,Ptolémée, CasTan-
der & Antigone. 184. Antigone lui fait la
)
Narbos.lnoise. 642. il est défait. ibid.
Mancinus (C.Hosiilius Consul. f 81.il passeen
ECpagne. f 8 2. défaite de sanarmée.ibid.il
fait
guerre. 198. Cassanderlui envoye du secours. la paix avec les Numantins qui est désapprou-
199. ilépouse Arlinoë fille de Ptolémée. 202. vée à Rome. ibid. il est livré aux Numantins,
paix entre lui & Denaetrius. 203. il passe en 584»
Afie & s'empare des villes qui avoient obéi Mancinus (Manlius) est défait. 67
à Antigone. ibid. il s'empared-'Heraclée. ibid. Manderstal envoye pour arrêter Marius. 680.
Mando-
Mandonius un des Rois d'Espagne se rend à S ci- & obtient le Consulat. 634. ilpaire en Afri-
pion le jeune. 91. il est vaincu par Scipion. &
que. ibid. il fait la guerre àjugurtha prend
la ville de Capsa. 635. il défait Jugurtha &
111. il se revolte ; il est défait par les Procon-
suls. 116. il est livre entre leurs mains. 117. Bocchus. 636. sa jalouGe contre Sylla. 639..
Manilius (P.) ConsuL 618. il est fait Consul. 643. il passe dans les Gaules.
Manlius marche contre les Galates& les défaite. ibid. il récompense Trebonius pour une
440. il entre dans la ville de Perges. 444. il action de pudicité & de valeur. 646. il est fait
repasse en Europe avec l'armée Romaine. Consul pour la troisiémefois, ibid il retour-
446. il arrive à Rome & a peine d'obtenir ne à Rome & obtient un quatrième Consu-
le triomphe, ibid. il quitte son camp à l'ap- sulat. 647. il écrit une lettre aux Gaulois pour
proche du Roi d'IUrie.. 47 il défait les s'assurer de leur attachementà la République.
Ii1riens. ibid. ibid. il creuse un canal prés le Rhône. 648. les
Manlius Torquatus condamne san fils à un exiL Teutons ne peuvent l'engager au combat.
perpétuel. S77* ibid. il leur livre bataille, ibid. il la gagne. 649.
Marcellus tué de sa main Virdomare Chef des. il est fait Consul pour lacinquiémefois. ibid. iL
Gaulois. 20. sou triomphe. 21. il remporte est rappellé de la Gaule Transalpine& mis à la
des avantages sur Annibal, & lui fait lever le. tête de l'armée de deça les Alpes- o. 0. il est fait
siége deNole. f.il remporte une vidoire sur Consul pour la sixiéme fois. 6j$. ses. brigues
Annibal. 63» il se rend maitre deLeontium. & celles de Glaucia & d'Apuleïus. 616. il' atta-
ville de Sicile. 66. une lettre qu'on lui sup- que de concert avec Valerius les séditieuxreti-
pose, détache les Syracusains des. Romains.. rez sur le Capitole. 6)"7.ilpaire enAGe. 6^ 8.
il se rend maitre de Syracuse. 74. il ne
ibid. division entre lui & Sylla. 667. il commande:
peut obtenir les honneursdu triomphe. 86. il seul l'armée de Rutilius après la défaite de Cae-
introduit à Rome le bon goût de la Sculptu- pion. 669. ses succës&ceux de Sylla sur les
re & de la peinture. ibid. il céde le commande- Marses &les. Marucins.670.brouïlleries àRo-
ment des. troupes de Sicile au Consul Levi- me entre lui & Sylla. 676. il reçoit la com-
nus- 87. il est accuséPar les Syracusains; le Sé- mission d'aller faire la guerre à Mithridate.
nat le déclaré innocent, ibid. combat entre 677. bataille dans Rome entre lui & Sylla.
lui & Annibal. 89.92. sa mort. 98* ibid. il est proscrit avec ses adhérans. ibid.
Marcellus (M. Claudius) Consul. 39S. ses ex- dangers où il eit exposé. 67 8* il secache dans.
ploits en Italie. 400. les marais du Liris. ibid. il est pris & conduit à.
Marcellus, (Claudius) Consul chasse les Gau- Minturne. ibid. il évite la mort & s'embarque
lois qui vouloient s'établir dans, la ville d'A- pour l'Afrique; 679. il court grand risque en
quilée. 460.. Sicile & arrive en Afrique, ibid. son fils le joint
Marcius se rend maître de Castulon & d'Astapa prés de Carthage. ibid. Manderstal est envoyé
-
villes d'Espagne. 109. il manque son coup pour le prendre i il se sauve par mer àCercine.
sur Gades. ibid. 6 8o, il as.siége R orne avecCinna & Sertorius»
Marcius Consul marche contre les Liguriens» 681* il veut qu'on exterminele Sénat.. 68 3. il
est. fait Consul pour la septiéme fois.684.[æ
4' 3. il regle lesaffaires de Macédoine & cel-
les des Lacédémoniens avec les Achéens. 4^9.
il arrive en Thessàlie.49f. il entre en Macé-
doine. 496. il est obligé d'en sortir faute de
mort.
.
6$%-
Mariusle jeuneJoint son Pere près Cartha,,,ae les
avantures. 679-
vivres. ibid. Marsèillois obtiennentle pardon pour les Plk*-
Marius (Caïus) (on caractère. 619. il décrie la céens.
r
607.
conduite de Metellus. 633. il arrive à Rome. Marses Pompedius. Silo en amène dix mille:
a
COûlCS:
contre Rome. 668. Sylla & Marius ont de Mégare ou Megalie, prise de cette ville
par le
l'avantage sur eux. 670. Consul Scipion Æmilianus. 554*
Martius (C.) met à téte l'armée Romaine Megarique, Sed.e de -Philoi.phie dont Euclide
en Espagne après la mort des Scipions. 81. il fut le Chef. 264.
défait Giscon Général des Carthaginois, ibid. Memmius est assassiné. 6)7.
Marucins, Marius 6c Sylla ont sur eux des avan- Menandre, Poete comique, sa vie. 294. il efl
tages. 670. quelquefois moins csiiméquePhilemon.292.
il
MassinissaRoi des Maflesiliens. 107. traite avec Meuelalis achéte la grande Sacrificature, sa mort.
Silanus & entre dans le parti des Romains. 332.
' ibid. conférence entre lui & Scipion. 111. Mercenaires, soldats revoltez contre Carthage.
Massinissa Roi de Numidie se voit attaqué par ' 3-
Syphax &Mezetule; il remporte la vié1:oire Merula (L. Cornelius) Consul & Grand-Prêtre
sur celui-cy & rentre dans la jouïssance du
Roïaume de ses Ancêtres. 122. il est vaincu
dejupiter. 4°. il défait les Gaulois 412. on
lui reTuse l'honneur du triomphe, ibid. il ea
par Syphax qui s'empare de ses Etats. ibid. il fait Consul à la place de Cinna. 681 sa mort.
.
ei1 défait une séconde fois & blessé dans la mê- 684.
lée. 123 il a un entretien avec Leelius. ibid. il Metaponfce tombe entre les mains d'Annibal.
feint d'avoir du panchant pour Carthage & 78-
prend cependant le parti des Romains dans Metellus Preteur defait AndriscusRoi de Macé-
une entrevuë avec Scipion. ibid.Syphaxtâche doine. 552. il marche contre l'Acluïe.
inutilement de le detacher du parti des Ro- Metellus (Q Cascilius) le Numidique est créé
mains. 124. il met le feu au camp de Syphax. Censeur. 598. son expédition dans les
12^. il se rend maitre de Cyrthe Capitale do lies Baleares.613. il est choisi Consul. 624.
Numidie. 127. il épouse Sophonisbe. i-8. il 629. il fait la guerre contre Jugurtha. 629. il
la quitte par le conseil de Scipion. ibid. Sci- prend la ville de Vacca. 630. il donne bataille
pion lui donne le nom de Roi & le comble à Jugurtha & le defait. ibid. il assiége Zama.
d'honneurs. ibid. il envoye des Amba'ilàdeurs 632. il léve le siége. ibid. Marius decrie sa
à Rome. 129. il restituë aux Carthaginois un conduite. 63 3. il prend la ville de Thala. 634.
terrain qu'il leur avoit enlévé. 537. il fait des il revient à Rome & y triomphe. 6j
1. il est
hostilitez contre les Carthaginois, auxquels il banni de Rome. 6^6 son rappel. 658.
livre bataille. 541. sa mort; partage entre ses Metellus (L. Cscilius) Conu.tl. 621.
enfans. 5fO. Metellus (P. Caecilius) Consul. 6j8.
Massiva., mort de ce Prince. 627. 1\fere11us (Q^Caecilius) vient à Rome
avec ses
Mathatias tuë de sa main un Juif qui vouloit troupes; il refusele Généralat des troupes'Ro-
sacrifier aux Idoles. 313. il se retire avec les maines. 6g2.
liens dans le desert. ibid. sa mort. 31 1. Mezetule fait la guerre à Massinissa Roi de Nll-
Mathos Chef des soldats étrangers revoltez midie. 122. il efl vaincu. ibid.
contre Carthage. 3. il surprend Annibal &le Micipfa, diviGon entre ses trois fils. 620.
fait mourir en croix. 7. sa mort. ibid. Minucius Général de la Cavalerie blâme haute-
Mauritaniens,Jugurtha les engage dans son parti. ment la conduite du Diéfateur Fabius. 39 il
6 3A. ils donnent la bataille aux Romains. 636. remporte quelques avantages sur Annibal. 41.
Maximus, voyez Fabius. on lui donne une autorité égale à celle de Fa-
Megallis esl pris par tes esclaves, sa mort. f 8 8. bius. 42. il est battu par Annibal &se réünit à
Megalopolis, siége de cette ville par Polysper- Fabius.
43,
chon. 158. Minucius Consul ravage la Ligurie. 393. il de-
mande
mande l'honneur du triomphe & en fait la cé- NAbathéens peuples Arabes, auxquels Anti-
rémonie à ses frais. # ^ ibid. gone fait la guerre. 181. ils surprennent
Minutius est envoyé contre leRoid'Illyrie. 488. Athénée & s'excusent: ensuite auprès d'Anti-
Mithridates ou Arsaces VI. est en guerre contre gone. 182* Demetrius assiége Petra leur re-
Demetrius Nicator. ^ SU- traite. ibid. remontrances qu'ils lui font 18 3 -
Mithridates envoye ses Ambassadeurs à Rome il leur accorde la paix. ibid.
qui sont maltraitez par Apuleïus. 6^. il corn.. Nabis Tyran de Lacédémone fait alliance avec
Flaminius. 390. portrait de ce Roi. 403. il fait
mence à causer du trouble. 662. ses premiers des préparatifs pour resifler aux Romains &
exploits.ibid.il parcourt toute l'A sie mineure.
ibid. il fait la conquête de laPaphlagonie&de aux Grecs conféderez. 40 f. il demande la
la Galatie. 663. il s'empare de la Cappadoce. paix à Flaminius. 406. conditions qui lui sont
ibid. il s'empare de nouveau de la Cappadoce proposes,ibid. il obtient la paix. 407. isse dé-
& fait la guerre aux Romains.674. il défait le clare à la sollicitation des Etolienscontre les
Roi Nicoméde. ibid. ses conquêtes. 6jf. il Romains. 413. il prend la ville de Gythie.
traite indignement Appius & Aquilius. ibid. il 418. il est contraint de se jetter dans Lacé-
prend Stratonice& épousel'fonime. ibid. ses démone. ibid. sa mort. ' 420.
cruautez contre les'Romains d'Afie.68)'. il Nsvius Poète Latin, ses ouvrages. 294.
atîiége Rhodes & est contraint de l'abandon- Narbonne, fondation de cette Colonie. 6ZI.
la
ner. 686. il soûléve plus grande partie
dela Nasica (Cornel.Scipio)eHeHimé le plus hom-
Gréce contre les Romains, ibid. ses troupes me de
, bien de il
tous les Romains. 117. rem-
font vaincues par Sylla. 6$0. ses inquiétudes porte une viâoire surles Lusitaniens. 411.ii
appelle au peuple de la sentence portée contre
au sujet de la guerre. 692. il fait des propo-
sions de paix à Sylla. ibid. il est attaqué par Scipion l'Asiatique. 4)'0. il entre en Macé-
Fimbria.694. Luculluslui donne moyen de doine. 501. il prend Delminium & assujettit
se sauver. ibid. paix entre lui & Sylla. 695. lesDalmates. 528- il est envoyé à Carthage
Modin ville & Patrie desMaccabées, on y éléve & engage Massinissa à reflituêr aux Carthagi-
un Mausolée à leur memoire. 348* nois un terrain contessé. f 37. il fait fu[pendre
Molon Satrape de Médie se revolte contre An- la guerre de Rome contre Carthage. 5 4o.
tiochus le Grand. 229. il remporte des avan- Nasica (P.Scipio) Consul. 579-
tages sur les Généraux de ce dernier. 230. NasicaCP.Cornel. Scipio) Consul. 423. 626.
Xenœtas est envoyé contre lui, ibid. il rem- il esi honoré du Triomphe. 428^
porte la victoire sur ce Général. 231. sa de- Naupaâe , cette ville est assiégée & prise par
faite & sa mort. 234. Acilius. 427-
Monime épouse Mithridates. 67 5"• Neoptoléme est défait parEuménes & tüé dans
le combat.

i
Monnoye Romaine, on y mêle de l'erain. 666. 146.
Mulucha, siége de ce château & sa prise. 63 1- Nepheris,cetteville efl attaquée par les Romains.
Mummius Consul assiége la ville de Corinthe. 547.elle efl prise parle ConsulEmilianus. f 6.
ç 62. il remporte la victoire sur les
Achéens. Nero, wyexClaudius.
ibid.il prend Corinthe. 563. Nero, voyez Tiberius.
Munichie, prise de cette forteresse parNicanor Nertobrige, prise de cette ville d'Espagne par
sur les Athéniens. 157. les Romains. 169.
Mutine Lieutenant-Général d'Hannon Com- Nicanor Gouverneur de Munichium forteressè
mandant de l'armée des Carthaginois livre des Athéniens, leur enlève cette place & le
par trahison aux Romaine la ville d'Agri- Pyrée. 1 f7. il est mis à mort par l'ordre de
eente. 91. Castander. i<o,
Nicanor est envoyé en Judée contre les Macca- Oâavius (Cneïus) Consul. 607. 6go. ses en-
bées. 316. il est battu. 318. il est envoyé en treprises. 681. il est déchu du Consulat. ibid.
Judée avec une armée par DemetriusRoide il défend le Janicule avec Pompée. 682. ct
Syrie. 334. il vit en bonne intelligence avec mort. 683.
Judas Maccabée. ibid. il essaye de surprendre Olympias encourt la haine des Macédoniens.
Judas. 3 3 5. il est défait. 3 3 6. sa mort. 3 37. 160. elle est assiégée dans Pydna & y souf1re
Nicerate Général des Achéens défait Androsthé- une extréme famine. 166. elle se rend àclif-
ties Gouverneur de Corinthe. 392. crétion à CaiTander. ibid. sa mort. 167.
NicoclesRoidePaphos en Cypre est mis à mort Onias III.Grand-Prêtredesjuifs, sa mort. 30^.
par l'ordre de Ptolémée. .
18)' Onias IV. bâtit un temple en Egypte pour l'liti-
Nicomédes échappe à la cruauté dePruHas [on ge des Juifs de ce pays. 352.
Pere qui veut le faire mourir. )'49. ilconspi- Onion temple bâti dans la ville d'Heliopolis
il
re contre Ion Pere. ibid. se joint à Attalus par Onias IV. 333.
contre PrulîasfonPere. ,)'o. il est rétabli en Opimius Consul Romain fait la guerre aux Li-
Bythinie. 674. il est vaincu par Mithridates.. guriens & aux Oxybiens. 533.
ibid. Opimius (L.) Con[u1.6I)'. il veut faire revoquer
Nobilior, voyez Fulvius.. la Loi qui ordonnoitle rétablissementde Car-
Noie Annibal met le liège devant cette ville: thage. ibid.
,
qu'il est obligé de lever. 55". il reçoit unéchec Oppia, revocation de cette loi sur le luxe des
dans cette place. ibid. Annibal assiége, une sé- femmes Romaines. 401.
conde. fois cette ville. 58, il enlève le siége. Orelles (L.Aurelius) Consul. 608. 64.6.
59. Orofernes ^ guerre entre lui & Ariarathes au su-
NumaPompilius, découverte de son tombeau jet du Ro'iaume de Cappadoce. ^28»
& de ses écrits. 466V on brûle ses écrits comme Oropiens, differend entr'eux & les Athéniens.
contraires à la pluralité des Dieux. 467.. ^29.
Numance, cette ville fait des: proportions de Oubli, passage de ce fleuve parBrutus. )'80.
paix à Pompée. 5 71. elle est attaquée parPo- Oxybiens, les Romains font la guerre à ces
pilius. 579. la paix faite avec cette ville esi dé- peuples. 533.
clarée nulle. 583. elle est assiégée par Scipion. PAcuvius, Poëte Latin. 294.
)'°. elle est prise. f 91 „ Palentia, Lucullus accorde la paix à ceux
Numantins, ils sont condamnez à Rome; la de cette ville. 139.
guerre recommence contr'eux. 578. ils font Parthes, commencement de leur Monarchie
la paix avec les Romains. 582. ils implorent sous Arsaces. ,77.
vainement le secours de leurs voisins. $90. Peloponése est réduit en Province par les Ro-
ils demandent une composition ou une ba- mains. 563.
taille. 191. ils essayent de forcer les ouvrages Perdiccas veut épouser Cléopatre sœur d'Ale-
des Romains. ibid. xandre le Grand. 145. il fait la guerre au Roi
Numides, les CavaliersNumides tirent du dan- d'Egypte. ibid. & 146.il est obligé de se reti-
ibid.
ger le Proconsul Thermus. 412. les Numides rer de l'Egypte. 147. sa mort.
& les Mauritaniens. livrent bataille aux Ro- Pergame, Etat de ce Royaume. fgi. guerre
mains. 636. dans ce Royaume. 597.
Ntt.-1'die en proye aux [oldatsRomains. 631. Perges, cette ville est renduë au Proconsul
OCtavius AmbalIàdeur Romain est mis à Manlius. 444-
mort par les ordres de Ly Cas Tuteur d'Eu- Perilaiïs Général du parti d'Antigone est surpris
pâ.tur Roi de Syrie. parPolydite. 174.
Péripa-
&
Péripatéticiens,Se&e de Philosophes,dontAri- tois qui l'avoient toujours suivi. )04. Paul
Emile envoye contre lui O&avius à Samo-
flote est le Chef.
thrace. ibid. il est: investi dans cette île.
Persés fils de Philippe Roi de Macédoine accule
il fait massacrer Evander MiniJ1:re de ses cru-
Demetrius son frere de l'avoir voulu aflàlïï-
462. découvre sa supercherie contre autez. ibid. il cherche à se sauver ; il est trahi
ner. on
Demetrius son frere. 471. il regne en Mace- par un Marchand Crétois. ibid. il est livré à
.
daine.472. il envoye des Ambassadeurs'a
Rome. ibid. il sollicite les Grecs & les Car-
O&avius qui le remet à Paul Emile. 5 06. sa
nlort. fi7*
thaginois à faire la guerre aux Romains. 478-
Perfés, un certain Andriscus autrement Philip-
il fait des préparatifsde guerre contre les
Ro- pe veut se faire passer pour son fils. 53 6.
pede causée en Afrique par des sauterelles pour-
mains. 480. il est convaincu d'avoir formé
ries. 609.
de mauvais desseins.482. il veut faire affaiIi.
Euménes. ibid. il envoye des Ambafla- Petra ville qui sert de retraite aux Arabes Na-
ner
à 3,
deurs Romepour s'excu[er.48 on n'a nul bathéens.
Peuceste Satrape de Persepolis donne un fcstin
182.
égard à leurs remontrances,ni à leurs excuses.
à l'armée d'Euménes. 161.
ibid. on leur ordonne de sortir d'Italie. ibid.
son parti Phameas Général de la Cavalerie Carthaginoise
il attire Gentius Roi d'Illyrie dans
contre les Romains. 484. il envoye une nou-
se rend aux Romains. ^
1. il pasTe à Rome
velle ambassade au Senat 484* conférence
de pour y recevoir les récompenses,dues à sei
des Romains. 485* * services. ibid.
ce Roi avec lesDeputez Pharisiens, Secte parmi les Juifs, leur origine
arrive dans laThessalie & campe au pied du
entre les & leurs sentimens. 357. cruautez qu'ils exer-
mont Ossà. 486. prémiére bataille centcontreles amisd'AlexandreJannée. 362.
Romains & les Macédoniens. ibid. Perses rem-
Con[u1aire'487. Pharnaces Roi de Pont fait la guerre à Euménes
porte la victoire sur l'armée ibid. il & à Ariarathe Roi de Cappadoce. 36)". il en-
il demande la paix quoique viâorieux.
il est battu dans une rencontrepar le Consul tre en Galatie & recommence les ho!lilitez.
il
Licinius. 488. quitte son armée de dépit &
expéditions
ibid. les Romains portent Euménes & Aria-
rathes à se retirer de dessus ses terres. ibid.
retourne dans la Macédoine. ibid. Philemon Poëte Comique Contemporain de
de ce Roi contre les Thraces. 490. il paflèen
Thessàlie pour s'opposerau Consul Hoftilius
Menander, sa vie. 292. on l'estime plus que
ibid. il empêche l'armée Romaine de pénétrer ce dernier. ibid. sa mort. 293.
offre la bataille au Con- Philippe Roi de Macédoine envoye un Ambas-
en l'vlacédoine.ibid. il sadeur à Annibal. )7. ses entreprises en faveur
sul quirefu(ede l'accepter. ibid. il veut porter
d'Annibal 64. il est forcé dans son camp&
la guerre en Italie. 495* il tente en vain de se
rendre maitre de l'Etolie. ibid. il se repent obligé de se retirer en Macédoine, ibid. plu-
d'avoir fait jetter ses trésors dans la mer. 497. fleurs peuples de la Grèce se liguent contre
le Roi Euménes se détache des Romains & lui en faveur des Romains. 8f. il est empêché
prend son parti. ibid. les Bastarnes viennent de faire la guerre aux Romains. 99. il efl em-
à son secours. 498. Gentius Roi d'Illyrie se
il
pêché de secourir Annibal. 10)'. fait la paix
declare pour lui ; il use de supercherie con- avec les Romains, conditions de cette paix.
tre ce Roi. 499. il veut engager
Euménes 118. il envoye des Ambassadeurs à Rome.
dans son parti. ibid. exploits de sa flotte. ibid. 137.
il est vaincu par Paul Emile. 503. il se retire Philippe succéde à Demetrius son Pere d ms le
de Pydna à Pella. ibid. il se rauve avec ses Royaume de Macédoine.229. il commence
trésors à Amphipolis. ibid. il trompe les Cré- à regner. 231. son (araétére. 369. il entre
T 1
dans le Peloponése &: épargne la ville de vaincu par Flaminius. 392. conférence de ce
Sparte. ibid. il se rend maitre de la ville Prince avec Flaminius. 393. on lui accorde
d'Ambracie. 370. les conquêtes en Etolie. une trève de quatre mois. ibid. conférence en-
ibid. il va au secours de la Macédoine me- tre ses Ambassadeurs & les CommissairesRo-
nacée par les Dardaniens. ibid. il entre dans mains. 396. il reçoit les conditions de paix
le Peloponése pendant l'hyver. ibid. ses pro- dressées par le Sénat, ibid. il est sollicité
par les
grés dans le Pcloponése. 371. il paslè l'hyver Etoliens contre les Romains. 413. il donne
à Argos. ibid. il accorde la paix aux Etoliens. passage, aux Romains par [onRoyallme.430.
il
ibid. équippe une flotte pour faire paiferses il inquiète ses voisins. 453. on lui ordonne
troupes en Italie. 372. il fait une ligue offen- d'abandonner ses injustes entreprises. ibid, il
five & defensive avec Annibal contre les Ro- commence à donner à Demetrius son fils des
mains. 373. il fait la guerre aux Romains& marques de [.1 haine. 461. il fait la lusiration
ensuite la paix. ibid. il sè ligue avec Antio- de son armée, ibid ses inquiétudes dépuis, la
chus le Grand contre le jeune Roi. Ptolémée mort de son fils Demetrius. 471. il envoye
Epiphanes. 374. il fait la guerre aux Athé- Antigone dans le pays des Baltarnes^ 472.. sa
niens. ibid. il veut faire périr les vaisseaux des mort. ibid.
Rhodiens. ibid. il remporte une nouvelle vi- Philippe prétendu
^ fils de- Peras, voyez An-
ctoire contre les Rhodiens. 37cruautez drilcus.
qu'il exerce dans les terres. du Roi Attalus. Philippe fils &Antiochus deCyzique efl: vaincu
ibid. ce dernier avec les Rhodiens lui livre un par Antiochus le Pieux. 664.
fécond combat, ibid. il se flatte d'avoir rem- Philocles prend Argos. 38.8.
porté la vi&oire quoiqu'il n'osât plus s'expo- Philometor, voyez Ptolémée.
fer au combat. 376. il se rend maitre de la Philopator, voyez Ptolémée..
ville de PrinaŒe. ibid. il assiége la,ville d'A- Philopsmen Général des Achéens, portrait de
feyde. 377. il entre en conférence avec M.. ce Général. 417. il marche au secours de la
Æmilius Legat Romain. 378.ilreçoit unFe- ville de Gythie. 418. il met le feu dans.le
cial qui lui déclare Ja guerre de la part des Ro- camp de Nabis. ibid. sa mort. 419-
mains. 979. il tente de surprendre Athènes. Philo[ophes,leur morale trés-imparfaite & faus-
382. ses excès & cruautez contre cette ville., se dans leur bouche. 2io. on les chasse de
ibid. il entre dans le Peloponése. ibid. il fait
<!es préparatifs contre les Romains. 383» il
Rome.
Philosophie, son-origine;
î29.
2^0.
fiirprend & fait périr grand nombre de sol- Phocée, prise de cette ville par Æmilius. 43 3.
dats de l'armée Romaine. 384. il se retire par Phocéens-, les Marseillois obtiennent leur par-
il
firatagéme. ibid. chaire les Athamantes, les. don. 607.
Etoliens & les Dardaniens de la LVlacédoine. Phyfcon, voyez Ptolémée;
ibid.. les Athéniens se vengent de lui. ibid. il Piso (Q_Ca!purnius)Consul. f8f- il remporte
empêche Flaminius de pénétrer en Macé- des avantages sur les esclaves. S96.
doine. ^ 8^ entrevue de ce Prince avec Fla- Pithon & Aridée sont declarez Gouverneursdes
nlinius ibid. il fait le dégât dans Ion propre deux Rois Alexandre & Aridée fils d'Alexan-
pays. 5 87. nouvelle entrevue entre lui & Fla- dre le Grand. 147.
minius. 388. troisiéme entrevue entre lui & Pithon, Satrape de Médie, Antigone se saisit
Flaminius. 389. dernière Conférence de ce de lui' & le fait mourir. 170.
Prince' avec Flaminius. 3-90. il se soumet à la' Platon on ne sait s'il a été mal avec Aristote.
decision du Sénat Romai'libid bataille entre .,
2^3.
sumarmc"C &-celle- de Flaminius. 391. il est Plaute Poëte comique Latin, sa mort, 2 94.
, Pole mon
Polemon succede à Xenocrates, sa vie. 258 - Ces Afrique. 62 S»
maximes. 2,9' Pofihumius (Aulue) eîl vaincu par Jugurtha.
Polyclite Ambassadeur de Seleucus surprend 628..
Perilaus & Théodote Generaux du parti d'An- Prépelaiis Général de Lysimaque se rend maitre
tigone. 174- d'Ephése
Sardes.
{ de Teïes, de Colophon & de
l'olysperchonsuccéde à Antipater- dans le gou- 197.
vernement de la Macédoine. 15 3. son fik Ale- Priéne, Ariaratheexercediverres hostilite-z con-
xandre se rend maitre de Munichie & de Py- tre ceux de cette ville à Poccasion d'un de-
fée. 1 5 7. il vient dans PAttigue& dans le Pe- pôt qu'ils avoient reçu d'Orofeme. ,29.
loponése. 178- il fait siége de Megalopo- PrinaiTe, prise de cette ville par Philippe. 376.
lis.ibid. il prend le parti tPAntigone. 173. il Protagore di1êiple de Democrite, sa vie. 2 81
entreprend de mettre Hercule fils d'Alexan- Protogéne célèbre Peintre, ses ouvrages. 290.
dre le Grand sur le Trône de Macédoine. 181. son tableau de Jalyfus. ibid. respeâ que lui
il fait mourir ce jeune Prince. - ibid., porteDemetnus Poliorcétes. 194.290.
Polyxenidas Amiral de la flotte d'Antiochus dé- Prusias Roi de Bithynie refuse de donner du fe-
fait lesRhodiens.43 t.tl est battu par le Pre.. cours àAntiochus. 432.il donne une retraite
teur jEmitius. 43 à Annibal. 4)"8. il envoye des Ambassadeursà
Pompée (le Grand) fait comparoÎtre devant lui Rome pour réconcilier Persés avec les Ro-
Hircan & Aristobule son frere. 364, il marche mains. 494, il arrive à Rome; ses bassesses en-
contrejerusalem. 365. Aristobulesesoûmetà vers le Senat. 510. il se plaint à Rome d'Eu-
lui & se retraite ensuite. ibid. il fait le siége de ménes. i18. guerre enfrelui & AttaleRoide
Jérusalem & en profane le temple ibid. il ré- il
Pergame. 530. sonimpieté.ibid. mépriseles
duit la Judée en Province Romaine. 3 66. il ordres du Senat. ibid. les Romains envoyent
garantit son Pere de la mort & retient ses le- de nouveaux Ambassadeurs vers lui. 5 3 I.il est
gions dans le devoir. 68z. il defend le Jani- déchu de l'amitié & de l'alliance du peuple
cule. ibid. Romain. ibid. il veut faire mourir son fils N*I.-
Pompée (Q-) arrive en Espagne, Numance & comédes. ^49^. attentat contre sa personne-
Termantie lui font des propositions de paix. ibid. il envoye des Ambassadeurs à Rome.
il quitte le siége de Numance. S72. il 5 )'0. sa mort. ibid..
571.
force les Sidttans & les Lauciens. ibid. il Ptolémée fils de Lagus Roi d'Egypte fait la.
détourné les eaux du fleuve Durius. 573. il conquête de la Syrie & de la Phénicie. 1 )2. il
donne la paix auxNumantins. 574. ilest créé- s'oppose avec Antigone à Euménes. i ç 5. il ss
Censeur. ^98- ligue avec Caflànder & Lysimaquecontre An-
Popilius Consul défait les Liguriens & en fait un ¡¡igone & lui declare la guerre. 172. il réduit les
horrible carnage. 479. il en réduit un grand Cyréniens à l'obéi (Tance. 178. ses expéditions
nombre à l'esclavage, à qui le Sénat rend la li- en Cypre, en Syrie & en Cilicie. ibid. il défait:
berté. ibid. il est envoyé en ambassàde à An- Demetrius & le comble ensuite d'honnctetez..
tiochus Roi de Syrie, & l'empêche de faire la 179. il se rend maitre de la plupart des villes:
guerre auRoi d'Egypte. '°7' il attaque Nu- de Phénicie. 180. il se retire en Egypte & aban-
mance. ,79 il est repoussé & vaincu, ibid. donne la Syrie à Antigone i 8-t. paixentrelui^
l'osthumius Albinus (A ulus) Consul fait la guer- Antigone', Lysimaque & CaiTander., r%4!„
re aux Liguriens. 468 on lui accorde les hon- guerre entre lui & Antigone. i8"s. ses conq^ès-
neurs du triomphe. 471. tes en Egypte. r86. il prend' Pile d'Androy,
Pofthumius (Spurius) paÍfe en Afrique & en Sicyone & Corinthe. ibid'. il vient au secours:
levicut &as rien faire. 627. il repasse en de Salamine. 1illivre une bataille naxal'câ
Demetrius.ibid. il est vaincu. 189. il envoye 341. il fait la paix àvec Antiochus. ibid. ses su-
des provisions de bouche aux Rhodiens aC. jets se revoltent contre lui. 246. mort de [a
fiégez par Demetrius. 194. qui en réconnois. femme ArÍinoê. ibid. il entreprend d'entrer
sance lui rendent les honneurs divins. 195. dans le Temple deJérusalem; il en est puni.
ses conquêtes en Syrie. 199. il se retire en 299. il excite une persécution en Egypte con-
Egypte. ibid. il donne sa fille en mariage à tre les juifs. ibid. il condamne lesjuifs à être
Lylimaque. 202. il s'empare de lajudée. 29 écrasez sous les pieds des Eléphans. 3°0. deux
sa mort. ^ 208. Anges defendent les Juifs. 301. il comble les
Ptolémée Ceraunus ou la foudre Roi de Macé- Juifs de bienfaits & de grâces. 301. sa mort.
doine tuë Seleucus & prend son diadème. l-o8. 247.
il fait mourir lesenfans deLyumaque. 209. Ptolémée Epiphanes silccéde à son Pere Philopa-
il est vaincu & mis à mort par les Gaulois. tor. 247. Philippe Roi de Macédoine se ligue
211. avec Antiochus le Grand contre lui. 374.
Ptolemée Philadelphe établit une Bibliothéque conspiration de Scopas contre lui. 398. sa
à Alexandrie. 2i4.il remet les Juifs en liber- mort. 469.
té. 296- sa liberalité envers les Juifs. ibid. il Ptolémée Philométor succéde à son Pere Epi-
demande au Grand-Prêtre des Juifs des hom- phanes Roi d'Egypte. 469. il permet à Onias
Grec les Stes. IV. de bâtir un temple à Heliopolis. 333. il
mes savans pour traduire en
Ecritures. ibid. il prend sur Antiochus la Célé- entre en Syrie & dépouillé AlexandreBallés
Syrie& la Judée. 38?-sa mort. 224- de son Royaume. 344. 564.il prend la reso-
Ptolemée Evergétes [uccéde à son Pere Phila- lutiondefaire la
guerre au Roi de Syrie. 489.
delphe dans le Royaume d'Egypte. 224. il il est vaincu par l'armée d'Antiochus Epi-
fait la conquête de la Syrie. 225. il retourne phanes. ibid. il fak la paix avec le Roi de Sy-
la Bibliothèque rie. 49 3. il est dépouillé de son Royaume par
en Egypte, ibid. il augmente ses sujets qui mettent sur le Trône Evergé-
d'Alexandrie. 226. sa mort. 233.
Ptolémée Evergétes ou Physcon est mis ^ sur le tes ou Physcon son frere. ibid. il se retire au-
Trône d'Egypte à la place de san frere Philo- prés d'Antiochus Roi de Syrie, ibid. brouïl-
métor. 49 3.il est inquiété par Antiochus Roi leries entre lui & Evergétes son frere. 519.
de Syrie. ibid. il est défait dans une bataille na- ) j
2,.)' 1.il[e réconcilie avec Physcon aprés
vale. ibid. il envoye une ambassade à Rome & l'avoir vaincu. )28. (amort. 344.564.
implore laprotection du Senat contre le Roi Ptolémée Lathure Roi d'Egypte vient au recours
de Syrie. ibid. brouïlleries entre lui & Philo- de Samarie assiégée parHircan. 35*6. il rem-
n1étor au sujet de la Couronne d'Egypte. 519. porte la victoire sur AlexandreJan née. 361.
23
lui.
- 23.531. s'empare
il
Cyrénaïque revolte contre
la se
couronne d'Egypte.
de la
il est chassé par sa mere Cléopatre. 653.il mar-
che au secours de Ptolémaïde. ibid. il en fait
5
c 65. son
portrait. "81.il attire des Etrangers
do-
lever le siége.
Ptolémée Gouverneur du Peloponése se donne
à Alexandrie & y fait venir des hommes
.
âes. "8) ses cruautez en Egypte. 606. guerre
Cléopatre.607.ilseréconcilie avec
àCassander.
Ptolémée gendre de Simon veut surprendre
184.
entre lui &
elle. 6 11 sa mort. 622. Hircan& laville delertisalem. £53.
Ptolémée Philopator ou Tryphon succéde à
Ptolémée Evergétes. 233. il marche contre
Antiochus. 239.. il remporte la vicroire sur
lui. 240.298. les la Célé-Syrie &
vola..
Ptolémée Apion, voyez Apion.
Publicains, ils sont reformez en Asie parScee-

Punique,Commencement de la féconde guerre


de ce nom 26. sa fin. 137. commence-
659.

de la Phénicie rentrent sous son obéîssance.


ment
ment dela troisieme guerre Punique. ^37. vins à Ptolémée. ibid. ils donnent du recours
sa fin. 5^°* aux Athéniens attaquez par Philippequi veut -
Purpureo (L. Furius) Consul. 39S* faire périr leurs vaisseaux. 574. ils livrent à ce
Pydna, siége de cette ville par CalTander. dernier un combat naval & le perdent. 37V.
16j. ils lui livrent un sécond combat naval. ibid. ils
Pyrée, prise de cette forteresse des Athéniens envoyent tineambassade à Antiochus Roi de
defend en Syrie. 394.. ils font quelques conquêtes en
par Nicanor. 157. Arche1aüs s'y
brave. 688.priee de cette forteresse par Sylla. Alie. ibid. leur flotteeil défaite par celle d'An-
ibid. tiochus. 431. ils envoyent un Ambassadeur
Pyrrho, Auteur de la Seâe des Pyrrhoniens, à Rome ; invectives de cet Ambassadeurcon-
sa vie. 283. tre le Roi Euménes 401. ils demeurent fidels
Pyrrhoniens Philosophes dont Pyrrho fut aux Romains. 484. ils s'entremettent pour ré-
l'Auteur. 282. concilier Antiochus avec Evergétes. 494. ils '
Pyrrhus Roi d'Epire passe en Italie. 209. il re- envoyent des AmbalTadeurs à Paul Emile
tourne d'Italie en Epire. 216. il gagne deux )'01. ils envoyent un Ambassadeuf à Rome
batailles sur Antigone & demeure maitre de en faveur de Persés. 506. leurs Ambassadeurs
la Macédoine & de la TheifaIie. 217. il pâlie sont mal reçus à Rome. 5^08. Caton prend
dans le Peloponése & va au recours de Cléo- leur defense & les réconcilie à la République.
nyme Roi de Sparte, ibid. il arrive devant La- 509. ils sollicitent en vain l'alliance des Ro-
cédémone. 218. les femmes de cette ville mains. ibid. ils sont obligez de quitter abso-
prennent la resolution de lui resister. ibid. il lumentla Carie & la Lycie.ibid. leur ville est
Pattaque vivement; il est obligé de se retirer. assiégée par Mithridates qui est obligé de
219. il marche contre la ville d'Argos. ibid., l'abandonner. 686.
embaras où il se trouve étant enfermé danS- Rhone, Marius creuse un canal sur ce fleuve
cette ville. 220. il est blessé par une semme 648*
qui luijette une tuile sur la tête. ibid. sa mort. Rome & Romains, ils font la guerre aux Fa-
221. son caractère, ibid. troubles qui suivent lisques & les réduisent 1. ils accordent la paix
sà mort. ibid. aux Carthaginois 2. une partie delà ville est
QUinétius (L.) Général de la flotte Romai- consumée par le feu. ibid. ils font la guerre-
ne. 387. ses conquêtes dans l'Eubée. ibid. ~ aux Gaulois, aux Faliiques & aux Liguriens.
il prend la ville de Gythie. 405V 9. ils portent la guerre en Sardaigne & en.
REbelles, ils cherchent le secours de Mi- Corse. 12 ils envoyent une ambassàde à Car-
thridates. 672» thage. 13. ils réduisent les îles de Corse & de
Rhflfis, mort de ce Vieillard. 33 6- Sardaigne qui s'étoient revoltées. ibid. ils
Rhodes & Rhodiens, Demetrius leur^fait la font la guerre aux Boïens. 14. & en Illyrie.
guerre. 1 92. ils demandent du recours Pto- à ibid. ils se rendent maîtres de Dyrrachium.
lémée, à Caflander & à Lylimaque. ibid ils ibid. ils font la paix avec le Roi d'Illyrie. 15;.
se defendent courageusement. ibid. ils propo- ils envoyent des ambassàdes aux Etoliens,
sent de renverser les statuës qu'ils avoient aux peuples d'Achaïe, d'Athènes & de CCJ-
fait élever <'t Antigone à Demetrius. 193- rinthe. ibid. limites de leur empire en Efpa<-
ils profitent du secret de ce dernier, ibid. ils gne qu'ils partagent avec les Carthaginois.
font une nouvelle muraille derriére l'ancien- 16. ils font enfouir un Gaulois & une Gall-
ne. 194. Ptolémée leur envoye des provi- lai[e, un Grec & une Greque tout vivans. ibid.
fions de bouche ibid. ils font la paix avec bataille ëntr'eux & les Gaulois ; le Consul
Deaietnus 195.ils rendent les honneurs di- -
/F.mUius tire lesRomaillsde danger, & pOiJa-
suit
fuit les Gaulois. 17. ils font la guerre enllly- jointe à celle d'Attalus. 38 V» ils acceptent
ï
rie contre Demetrius de Pharos. 2 • on dé- l'alliance que les Achéens leur offrent. 388.
demandes que leurs conféderez font à Phi-
molit par ordre du Senat les temples des
Dieux Egyptiens. 22. superstition des Ro- lippe. 389. ils ordonnent à Philippe de ren-
mains ; ils consultent les livres Sybillins. 3 8- dre les villes de Corinthe, de Chalcis & de De-
leurs heureux succés en Espagne. 43. ils pren- metriade. 390. bataille entre leur armée &
nent la ville de Sagunte. 44. ils sont défaits par celle de Philippe. $91. articles de paix propo-
Annibal dans la bataille de Cannes. 47. on fait sées à Philippe. 396. ils declarent les villes
dans Rome des expiations cruelles & supersti- Gréques libres & affranchies de toute domina-
tieufesaprés la perte de cette bataille. 50. ils tion. ibid. leurs Commissaires arrivent auptés
gagnent une bataille dans l'île de Sardaigne d'Antiochus. 398. ils avertissènt Antiochus
iur les Carthaginois. 54. le Senat emprunte de de ne point palier en Europe. 397. ils met-
l'argent des Publicains, pour subvenir aux tent en execution le traité fait en faveur des
frais des guerres. 59. les Dames Romaines ne Grecs. ibid. combat entr'eux & les Lacédé.
peuvent avoir en bijoux qu'une once d'or. moniens qui les repoussent hors de Lacédé-
62. désinteressement des Officiers de l'armée; mone. 407. prémiers temples érigez dans Ro-
tous les particuliers contribuent pour l'entre- me. 4°8. ils envoyent des Ambassadeurs à
tien des flottes ibid. mortalité dans leur camp Antiochus. 414. arrivée de leurs AmbaÍfa-
devant Syracuse.73. ils font le siége de Ca- deurs dans le Royaume de Pergame. ibid. ils
stratagéme de passent auprès d'Annibal. ibid. conférence
poue. 78. ils le continuent. 79.
leur cavalerie pour combattre les Cavaliers entre leurs Ambassadeurs & Antiochus. 41
Numides. 82. ils envoyent un renfort con- ils font des préparatifs contre Antiochus.
siderable en Espagne pendant même qu'An- 416.423. ils défont Antiochus & l'obligent à
nibal est devant Rome. 84, plusieurs peu- prendre la fuite. 42 6. ils assiégent & prennent
ples se liguent pour eux contre Philippe Roi la ville d'Heraclée.ibid. ils prennent la ville de
de Macédoine. 8 S-le Senat & les Nobles don- Lamie. 427. ils accordent la paix auæ Eto-
liens. 438-ils defont les Gaulois & en font un
nent leur or, leur argent & leurs ornemens
font le grand carnage. 441. ils accordent la paix aux
pour la République. 88. les Romains Gaulois. 442. ils mettent la dernière main au
siége de Locres. 97. ils gagnent une bataille
sanglante sur les Carthaginois, prés du fleu- traité fait avec Antiochus. 444 articles & ra-
ve'Metaure. 103. ils s'emparent de la ville tification de ce traité, ibid. ils remportent la
d'Aurinx en Espagne. 104. ils font la paix vidoire sur les Lusitaniens & les Liguriens.
Macédoine & à quelles ibid. ils envoyent de nouveaux Commiflai-
avec Philippe Roi de
conditions. 118- paix avec Carthage. 137. res ep Macédoine. 457. ils remportent divers
leur respeâ: pour le Senat. 140. leur histoire avantages sur les Liguriens. 469. allarme dans
dépuis la seconde guerre Punique renferme Rome causée par la prise du camp de Manlius.
presque l'histoire universelle. ibid. renou- 473. on reçoit dans Rome des Ambassadeurs
vellementde leur alliance avec les Juifs. 3 5
Philippe de Macédoine leur fait la guerre.
. de la part d'Antiochus Epiphanes. 481. au-
dience donnée à ces Ambassadeurs. ibid. le Se-
373. & ensuite la paix.
ibid. ils envoyent nat rejette les remontrances & les excusesdes
des Legatsen Egypte. 379. ils prennent la re- Ambassadeurs du Roi de Macédoine,&leur or-
solution de faire la guerre à PhilippeRoide donne de sortir de Rome. 483. rapport des
Macédoine, ibid. ils accordent la paix & le Deputez envoyez en Macédoine. ibid. con-
titre de Roi à V ermina fils de Syphax Roi férence entre leurs Deputez & Perses. 48 Ç.
fie Numidie. 381. operation de leur flotte. conditions sous lesquelles ils proposent de
, faire
faire alliance avec Antiochus. 490. la ville Rufus (L. Minucius) ConsuL 389.
de Rome est honorée comme une Déesse à Rufus (T. Annius) Consul. 607..
Alabande. 491. le Senat en voye des Deputez Rusus (M. Minucius) Consul. 6z6.
Rusus (P. Rutilius) Consul.
en Macédoine, ibid. arrivée des AmbaJfadeurs 641.
d'Evergétes dans Rome. 493, discours de ces Rufus (Q^Pompeïus) Consul.
Ambassadeurs pour engager le Senat à don- Rupilius (Pnblius) Consul. 5*97.
Rutilius defait Bomilcar. 630. il rétablit l'hon-
ner du secours à leurmaitre contre le Roi de
Syrie. ibid. le Senat reçoit les Ambassadeurs neur de la République & léve une nouvelle
;du Roi Prusias & des Rhodiens envoyez armée. 64;
pour faire la paix entre le Roi Persés &les Rutilius Rufus (P.) Consul. 667. sa défaite &
Romaine. 494. reponse du Sénat à ces Am- sa mort. 669.
bassadeurs. ibid. combat entr'eux & les Ma- Aducé-.ns, Sede parmi les Juifs, leur ori-
cédoniens. )'02. ils ènvoyent des Ambassa- ^ gine & leurs sentimens. 3^7.
deurs en Egypte pour appaiser les troubles Sagunte siége &.prise de cette ville d'Espagne
entre Philométor & PhyTcon. 520. ils ad- par Annibal. 23. Z4- elle estprifè par les Ro-
mettent les juifs dans leur alliance. ^2Ç. ils mains. 44.
font la guerre en Espagne & en Lusitanie. .:Salamine, cette ville estaffiégée par Demetrius.
S3S' 536 plusieurs Nations envoyent des 188. elle est secouruë par Ptolémée. ibid.
Deputez à Rome. f 36. la ville d'Utique Ce Salapie, Annibal veut surprendre cette ville
rend aux Romains. 543. Carthage fait une en- par le moïen du cachet du Consul Marcel-
tiére dédition entre leurs mains. ibid. leurs lus^\ g.
Consuls arrivent en Afrique & reçoivent les Salafles, ces peuples défont le Consul Appius
vaisseaux & les armes des Carthaginois, ibid.
ils leur ordonnent d'abandonner & de dé-
Claudius.
Salondicus Fanatique
^
)
68.
Espagnol coiaspire contre
truire leur propre ville. S44. ils assiégent la le Preteur Junius Pennus. 492. il est décou-
ville de Carthage. )46. ils sontcontraints de vert & mis à mort. ibid.
se retirer, ibid. ils déconcertent les Carthagi- Salvius Chef & Roi des Esclaves revoltez de Si-
nois par leur stratagéme. 547. ils assiégent la cile. 64^. il remporte une vi&oire contre le
ville deNepheris& sont contraints de sereti- Preteur Licinius. ibid.il bâtit la ville de Trio-
rer avec perte. ibid. ils sont défaits en Espa- cale & surprend A thénion. 646.
gne par Viriathe. ^48- combat naval entre Salyens, le Consul M.Fulvius Flaccus leur fait
leur flotte & celle des Carthaginois. f f ç. ils la guerre.^ 509.
se rendent maitres du Mole &s'y fortifient. Samarie, siége & prise de cette ville par Hir-
ils prennent la ville de Nepheris. ibjd. car^ 3H-3Ï6.641.
ils forcent le temple d'Esculape. f 5 g. ils en- Samaritains dispute entr'eux & les Juifs au su-
,
voyent de nouveaux Ambassadeurs aux jet du temple de Garizim.295'. dispute avec
Achéens. 561. ils réduisent le Peloponéseen les mêmes au sujet de leur Loi. 342-
Province. 563. ils font la guerre en Espagne. Sardaigne,révolte & guerre dans cette île. 8 les
leurs exploits en Espagne. 5^9. ilscon- Romains s'en emparent sur les Carthaoinois.
tinüent la guerre dans la Lusitanie. '76. ils ibid. elle se revolte contre les Romains. 11.
sont défaits par les Tigurins. 634. Rome est
assiégéepar Cinna, Sertorius & Marius. 68
cette ville se soûmet à Cinna.
.
683.
les Romains gagnent une bataille dans cette
île sur les Carthaginois. 14, guerre dans
Royaume. 474.
ce
Roxane, Epouse d'Alexandre le Grand, sa Sauterelles pourries causent une pelle en Afri-
mort. 184- que. 609.
-Scaevola, (P. Mucius) Con(ul. )'89. croire contre Afdrubal fils deGiscon en Espa-
-
Scævola (Q Mucius) Consul. 621 il reforme
fait Con-
gne. 106. il aHiége & prend la ville d'Ilitur-
gis en Espagne. 108. il tombe malade, suite
les Publicains en Asie. 659 il
sul. 660. il va dans la Gaule Transalpine. de cet accident par rapport aux affaires d'E-
661. spagne. 110. ses troupes se revoltentpendant
Scaurus (M. jEmilius) Consul. 622. Ces belles sa maladie ; punition des Chefs de la rebellion.
avions en Gaule & en Italie. ibid. il accom- ibid. il défait Indibilis & Mandonius Rois
pagne Bestia en Afrique. 626. il fait exiler d'Elpagne.i 1.conférence entre lui &MaiIi-
quatre Consulaires & un souverain Pontife. nitra. ibid. il est rappellé à Rome. 112. il ne
628. peut obtenir du Senat de faire la guerre en
Scaurus (M.Aurelius) ConsuL 632. il est con- Afrique. 11 3. il Passe en Sicile, ibid. il choi-
sulté par les Cimbres. 643. il est tüé par fit trois cens jeunes Cavaliers pour sa garde.
Boïorix. 114. ses préparatifs pour passer en Afrique.
Scipion (Publ. Cornel.) marche audevant d'An- 1 i
1)'.eflàrtsde de Carthage pour empêcher son
nibal. 26.il le manque. 27. il se dispose à li- départ, ibid, il se rend maitre de Lucres, 1 16.
vrer bataille à Annibal. 3r. il la perd. 32. il le Senat envoye des Commissaires en Sicile
remporte en Espagne de grands avantages pour examiner ce qu'on disoit de lui. 119.
sur les Carthaginois. 53. il défait trois Géné- stratagéme dont il se sertpour passer en Afri-
raux Carthaginois. 59. il remporte une vi- que. 120. son depart pour l'Afrique. 121. il
doire sur Magon. 67. avantages qu'il rem- arrive en Afrique j ses prémiers exploits dans
porte sur les Carthaginois en Espagne. ibid. ce pays. 123. il assiége Utique, & en léve le
il envoye en Afrique pour engager Syphax siége à cause de la proximité d.e l'hy ver. 124.
.
dans son parti. 68- son malheur en EÍpagne. il fait observer l'état & la disposition du camp
80. sa mort. ibid. de Syphax & des Carthaginois,auxquels il fait
Scipion, (Cneïus Cornelius) ses conquêtes en mettre le feu. 12)'. il défait deux fois l'armJe
Espagne. 34, il remporte en Espagne de d"AsdrubaI &de Syphax. 126. il se rendmai.
grands avantages sur les Carthaginois. 5 3.67. tre de Thunis. 127. sa flotte reçoit quelqu'.
il défait trois Généraux Carthaginois. 59. il echec. ibid. il fait Syphax & son fils prison-
remporte une victoire sur Magon. 67. il en- niersde guerre.ibid.il donne le nom de Roi
voye en Afrique pour engager Syphax dans à Massinissa & le comble d'honneurs. 128*
son parti. 68. son malheur en Espagne. 80. Asdrubal veut faire mettre le feu à son camp.
il est poursuivi par les Carthaginois, ibid. sa ibid. les Carthaginois, feignent de souhaiter la
mort. si. paix pour l'amuser. 129. le Senat Romain par
Scipion (Cneïus ou l'Afriquain) belle aâion égard pour lui empêche le Consul Servilius
,
qu'il fait à Canuse. 49. il est envoyé en Cs:pion de passer en Afrique. 131. perfidie des
Espagne en qualité dePreteur. 8 6. il marche Carthaginois envers ses Ambassadeurs. ibi_d.
contre Carthagéne & s'en rendmaître. 89.il il se dispose àresifter à Annibal. 132. il reçoit
renvoye les étages qui etoient à Carthagela avec honneur les Ambassadeurs des Cartha-
neuve. 90. sa belle aâion envers une capti- ginois à leur retour de Rome. ibid. il ren.
ve d'une beauté extraordinaire. 91. il exerce voye les espions envoyez par Annibal ibid.
ses troupes dans les travaux de la guerre 94. entrevue inf'rtiâtieuse entre lui & Annibal.
Ede(con un des Rois d'Espagne se rend à lui. 13 3.il livre bataille à ce dernier. ibid. il rem-
^
de même qu'Indibilis & Mandonius. ibid. porte la vicroire sur Annibal. 134. combat
il remporte la victoire sur ACdrubal Général singulier prétendu entre lui & Annibal. 1 3 f.
des Larthaginois. ibid. il remporte la vi. Carthage députe vers lui pour lui demander la
paix
paix. ibid. conditions de paix qu'il propose Scythes Nomades détruisent les Grecs de la
à Rome Ba&riane. 604.
aux Carthaginois. 136.il triomphe
Punique. Seleucus Nicanor ou Nicator Satrape de Babi-
aprés avoir fini la seconde guerre
13 8. appareil de son
triomphe, ibid. hon.. -
lonne se retire en Egypte. 171 il retourne en
neurs qu'on lui rend. 1 139.il brigue le
Con, Babilonie pour se l'assujettir, & il s'en rend
sulat. 403. il est fait Consul. 408. il s'entre- maitre. 180. il se rend maitre des Provinces
tientavecAnnibal.41)'. ilpalle en Asie con- d'Asie dépuis la Baâriàne jusqu'au fleuve In-
dus. 190. il fait la guerre dans les Indes. 19).
tre Antiochus. 430. il arrive en Gréce. ibid. il
entre en Asie & donne à Antiochus un con-
ilbâtit Antiochie & Seleucie. 201. il épouse
4. il est accusé devant le peuple
seil salutaire.43 Stratonice fille-de Demetrius avec lequel il Ce
brouïlle ensuite. ibid. bataille entre lui & De-
Romain. 448- il se retire de Rome aprés avoir
confondu ses accusateurs. ibid. sa mort. 449. metrius sanBeau-Pere. 206. il Penvoye dans
Scipion, (L. Cornelius) PAsiatique, Consul. une péninsule de Syrie. ibid. il lui refuse ob(U-
429. il attaque Antiochus & remporte sur nement la liberté. 207. guerre entre lui 5c
lui une victoire signalée. ibid. il est accusé Lyfitnaque. 208. il soulage la maladie de son
condamné fils en lui donnant Stratonice sa propre femme
par Caton le Censeur.449, il est
à une grosse amende. ibid. pour Epouse. 21 o. sa mort. 208.
Scipion iEmilianus excite la jeunesse Romaine Seleucus Callinicus succéde à Antiochus le
à s'enrôler pour l'Espagne. , 38. il est choisi Dieu. 22". il est rétabli dans ses Etats que
Ptolémée Evergétes avoit conquis. ibid. il
pour médiateur entre Massinissa & les Car-
thaginois. 542. il arrive en Afrique. 5 54 il ré- est vaincu par Ptolémée Evergétes. 226.
tablit la discipline militaire dans l'armée Ro- guerre entre lui & AntiochusJerax son frere.
maine. ibid. ilsurprend la ville de-Mégare ou 227. sa mort. 228.
Megalie. ibid. il enferme Carthage de deux Seleucus III. Roi de Syrie, sa mort. 229.
enceintes de remparts & de fossez. ^ 5 5. il fer- Seleucus Philopator envoye Heliodore à Jeru-
salem. 302. il n'ose passer le mont Taurus,
me le vieux port de cette ville. ibid. il évo-
que les Dieux de Carthage & dévouë à la mort pour venir au recours de Pharnaces. 466. il
les Carthaginois. 558. il fait annoncer sa vi- rappelle de Rome son frere Antiochus. 476.
ctoire a Rome. )). son triomphe, ibid. il
passe en Espagne. 5 8 6- -il reforme l'armée Ro-
sa mort. ibid.
Seleucus fils de Demetrius Nicator Roi de Sy.
maine. ibid. il s'approche de Numance & fait rie, sa mort. 610.
le-degâtdans le pays. ibid. il reçoit des présens Sempronius Longus (Tib.) Consul Romain,
de la part des Rois de Pergame & de Syrie. 5 87. ses expéditions. 26. il remporte quelqu'avan-
ses exploits en Espagne. )'90. il ne désapprou- - tage sur Annibal. 32. il livre bataille à Anni-
vepas la mort deTiberius Gracchus s99. il
bal. 3 3. son armée est défaite, ibid. il défait les
il
se retire à Gaëte avecLadius. ibid. ea[oup- Campanois attachez au parti d'Annibal. ^8*
çonné d'afiefter la Diâature. 6oi. sa mort. il remporte la viâoire sur les Carthaginois
ibid. avec ses Esclaves Volons, auxquels il donne
Scipion Nasica, voyez Nasica. la liberté pour recompense. 63. sa mort.
78.
Scopas Général des armées d'Egypte conspire Sempronius Tuditanus (P.) Consul Romain
contre Ptolémée Epiphanes.' 358. remporte quelques avantages sur Annibal.
Scordisques, guerre contr'eux. 623. ils sont i2r.
repoussez par Titus Didius. ibid. seconde Sempronius Preteur remporte divers avantages
guerre contr'eux. 624- troisiéme guerre con- suries Celtibériens 47o..il gagne trois batail-
tr'eux. 627. les sur eux. ibid. son triomphe. 471.
Septante, histoire de leur version. 29S. ils arri- Sosthénes Chef des Macédoniens reprime le,
vent à Alexandrie. 296. maniére dont on Gaulois qui s'étoient emparez de la Macé,
dit qu'ils traduisirent la Loi des Juifs. 297. doine. 212"
les juifs approuvent cette traduction. ibid. Soter, voyez Demetrius.
ils s'en retournent dans la Judée. ibid. fête in- Speufippe Successeur de Platon sa
, mort.
stituée en l'honneur de cette traduction. 298.
Se:apis) ce Dieu est amené en Egypte. 208.
217.
Spondius Chef des soldats étrangers revoltez
Seron Général du Roi Antiochus est vaincu par contre Carthage. 3. il est défait.
Judas Maccabée.
Sertorius,ses prémiers exploits enEspagne.6)
il assiége Rome avec Cinna & Marius, 68 1.
316.
. Stoïciens ; Seâe de Philosophes dont Zenon fut
l'Auteur.
Strabo, (C. Fannius) Consul.
270.
613.
Servil-ianus- (Fabius) Consul Romain fait la Strabo (Cn.Pomp.) Consul. 670.
guerre à Viriathe, 69. Strabo,, (Pompeius) sa mort.. 683.
Servilius(C.) est envoyé en Sicile en la place de' Stratonice fille de Demetrius est mariée avecSe-
Lucullus. 652. leucus. 201. elle épouse Antiochus Soter fils
Sestos, cette ville [e[otll1J.etau Consul Livius. de son Mari Seleucus, avec le consentement
430. de ce dernier.
210.
Sextus Attilius Serran us Consul. ) 83. Stratonice femme d'Eumenes épouse Attalus.
Sicyone est transférée dans un lieu plus com- 482.
mode. 196. Sulpitius Galba, voyez Galba.
Sidétes, voyez Antiochus. Sulpitius Gallus, voyez Gallus.
Silanus (M. Junius) Consul. 629. il combat SLllpitius.Tribun exerce des violences contre
contre les Cimbres. ibid. les Senateurs & les Consuls. 676. il fait don-
Silo (Pompedius) améne dix mille Marses con- ner commission à Mariusd'aller faire la guerre
tre Rome. 66 7. è Mithridate au désavantage de Sylla. 677.
Simon Maccabée met en fuite les peuples de Sylla (L. Cornelius) son arrivée en Afrique.
Galilée. 324. il est élu Chef des Juifs en la 636 il est suivi de Jugurtha dans son voyage
place de Jonathas son frere. 347. il envoye en Mauritanie. 63 8- il pastè avec Volux à
cent talensàTryphon pour la rançon de Jo- travers le camp de Jugurtha. ibid. ses entre-
nathas, & deux de ses fils pour servir d'otages, tiensaveçBocchus. ibid. Jugurtha est livré en-
348. il prend la ville de Gaze. 349. il serend tre ses mains. 639.jalouGe de Marius contre
maitredela citadelle dejerusalem & la fait dé- lui. ibid. il défait les Teéèofages. 644. ih ré-
molir. ibid il est confirmé dans la dignité de tablit Ariobarzane dans le Royaume de Cap-
Grand-Prêtre & de Chef des Juifs. 3)0, bon- padoce. 66î.il donne audience aux Amba&i-
heur de la Judée sous son gouvernement, deurs des Parthes. ibid. divifi©n entreMarius
ibid. Antiochus Sidetes recherche son amitié. & lui. 667. Ces succés sur les Marses & les Ma-
351. il frappe de la monnoye à son propre rucins. 670. il défait Cluentius.672* il va dans
coin. ibid. il prend le parti de Demetrius Ni- l'Hirpinie & dans le Samnium. 673. il est créé
catOT & delivre laJudée du joug des nations.. Consul. ibid. il est dessiné pour la guerre
con-
f 7 r. lui & fesfils font afsasfinez. 3SZ. tre Mithridates. ibid brouïlleries entre lui &
Sophonisbe. fille d'Asclrubal est donnée en ma- Marius. 676. il entre dans Rome avec
une
riage à Syphax Roi de Numidie. 120, elle armée. 677 bataille donnée dans Rome
en-
tombe entre les mains de Massinissà qui l'é- tre lui & Marius. ibid. son depart pour la
poufe & la quitteenfuite. 128. elle se donne guerre contre Mithridate. 68o. il menace de
k moit, ibid venir punir Cinna & Marius. 68 iUrriveen
Theflalic.
Thessalie. 686. il dépouillé les temples d'A- TAppulus (P. Villius) est cr',.ConsLil. 38r.
pollon & d'Esculape. ibid. il assiége Athènes. il est destiné par le Senat pour la guerre de
Macédoine. ibid.
687. il la pçend. 688. il va dans la Béotie.
ibid. Archelaus tâche de l'attirer au combat. Tarente, Annibal se rendmaitre de cette ville.
689. sa victoire sur les troupes de Mithrida- 7 5. il assiége en vain la citadelle. 77. les pro-
tes.690.il retourne à Athénes & fait mourir visions destinées pour cette ville sont prises
Ariflon. ibid. sa vidoire contre Dorylas. 691. par Annibal. 88. liége de cette ville par Fa-
il fait des proportions de paixàMithridates, bius. 93. elle est prisë par la trahison du Ches
69 2. ses progrés. 694. il fait la paix avec Mi- des Bruttiens. 94. Annibal vient trop tard au
thridate. ^95* secours de cette ville. ibid. on permet aux ha-
Sylvanus (M. Plautius) Tribun reforme plu- bitans de rester dans leur ville jtisqu'à nouvel
sieurs abus. 67I. ordre. 97..

Syphax Roi desMaflesiliens, entrevuë entre lui, Teâosages,ces-peuples sont défaits parSylla.644.
Scipion & Asdrubal. 107. Tenta Reine d'Illyrie fait massacrer lesAmbaC-
Syphax Roi de Numidie,les Scipions envoyent sadeursRomains. 14.
vers lui pour l'engager dans leur parti. 68. il
Terence Poëte Comique Latin, sa vie. 293»
épouse Sophonisbe & se déclaré pour Cartha- il est aidé par Scipion &Laïliusdansla com-
ge. 120. il fait la guerre à
Massinissa. Roi de position de ses pièces, ibid. sa mort. ibid.
Numidie & s'empare de sts Etats. 122. il feint Terentius Varro,Consul Romain sa préem-
,
d'avoir du penchant pour Rome. 123. il veut ption. 4)'. il est reçu à Âome avec honneur
détacher Massinissa du parti des Romains. aprés la perte de la bataille de Cannes,
Termantie villed'Eipagne fait des proportions
p,
124. Scipion fait observer l'état & la dispoG-
tion deson camp. ii-j. Massinissa y met le de paix à Pompée. S71. valeur de ceux de
feu. ibid. il se retire avec Asdrubal à Anda cette ville. 572»
proche Carthage & sont défaits par Scipion. Teutons, ces peuples font une irruption. 623.
126. lui & son fils sont faits prisonniers de ils ne peuvent engager Marius au combat.
guerre. 127. 648-Marius leur livre bataille, ibid. leur dé-
Syracuse fait mourir les filles d'Hieron & choi- faite. ibid.-
sit pour Gouverneurs les deux Agens d'An- Thala.prise de cette ville par Metellus. 634,
nibal qui font romprel'accord que cette ville Thébe, Capitale de Béotie est prise parFlanii-
avoit fait avec Rome. 65. rupture entre cette nius. 390.
ville vSc les Romains. 69. inutilité des efforts Thébes embrasse le parti des Aehéens. 6I.
Theodote Gouverneur de la Célé-Syrie se ré-
)
des Romains contre cette ville. 70. continua-
tion du siége de cette ville par Marcellus.71. volte contre Philopator. 23
Marcellus se rend maitre de la partie de cette Theodote Général du parti d'Antigone est sur-
ville qu'on nomme Epipole, 8c deTyché. 72 - Polyclite..
pris par
Théophraste succéde à Aristote.
174..
& deNeapolis.73. vains efforts des Cartha- 2^6. sa vie.
ginois pour secourir cette ville. 73. famine 268. estime qu'on avois pour lui. ibid1. ses
dans cette ville. ibid. Bomilcar vient inutile- écrits & sa mort. ibid.
ment au secours de cette ville. ibid. paixentr'. Thermus (Q Minuticis) Confut 409, il est tiré
eux & Marcel-lus, la ville est livrée à ce der- du danger par la Cavalerie Numide, 4.12.
nier. 74. Thessalie, les peuples de cette Province se ren-
Syrie, ce Royaume demeure attache aux in- dent aux Romains. 42arrivée du Ccra&l
terêts des Romains. 484. Marciusdans ce pays. f49).
Thessalonique sœur d'Alexandre le Grand, se Tunis, Scipion se rend maitre de cette ville.
marie avec Cafsander, 167. sa mort. 202. 127.
ses deux fils le contestent le Royaume, ibid. Tyr, Antigone assiége cette ville & la prend.
Thimbron se rend maitre de la Cyrénaïque, il 173.
est vaincu par les gens de Ptolémée Koi d'E- "\7*Acca, priCedecettevilleparMetellus.630.
gypte. 144. * Vaccéens peuples d'Espagne; ils sont dé-
Thraces, ces peuples sont défaits par le Roi Per- faits par Anlilibal. 23. la guerre est declarée
sés. 49°. contr'eux. 583.
Thurie, cette ville est prise par Annibal. 78. ValeriusPropreteur, son triomphe. 2.
Tiberius Gracchus , voyez Gracchus. Valerius Consul attaque les séditieux retirez sur
Tiberius Nero ne peut arriver en Afrique avant le Capitole. 7. il arrive à Bizance. 69 3.
la conclusion de la paix. 136. Varius Hybride ess mis à mort. 667.
Tigranes Roi d'Arménie déposséde Ariobarzane Varus Consul Romain réduit l'île de Corse à
du Royaume de Cappadoce. 66 l'obéissance des Romains. 11.
Tigurins défont l'armée Romaine. 634. Vermiua fécond fils de Syphax Roi deNumi-
Timon, Pyrrhonien, sa vie. 283- die est défait par Scipion. 131. il obtient la
Timothée Général des troupes d'Antiochus Epi- paix des Romains avec le titre de Roi. 181.
phanes est défait par Judas. 323. Vettius, sa revolte; il arme les Esclaves d'ita-
Torquatus (T. Manlius) réfute le Consulat. lie. 644. Lucullus est envoyé contre lui.
87- ibid.
Toulouse est reprise sur les Cimmériens par le Virdomare Chef des Gaulois est mis à mort
Consul Caepion. 64o.or de Toulouse ravi par de la main de Marcellus Consul Romain.
C$pion. ibid. 20.
Tragédie ancienne & nouvelle, son origine. Viriathe Chef de Brigands en Espagne estchoisi
291. Général des Lusitaniens revoltez. 547. il dé-
Trebonius est récompensé par Marius pour une fait les Romains,ibid. il est mis en fuite par Fa-
action de pudicité & de valeur. 646. bius iEmilianus f 67. les Romains lui font la
Tribuns du peuple, troubles causez à Rome à guerre. ^69• il fait sa paix avec Servilianus.
leur sujet. 603. 573 il épouse une riche Lusitanienne. 574. le
Tribuç nouvelles établies à Rome par les Cen- Consul Servilius Cspio recommencela guer-
seurs, & composées des Italiens nouvelle- re contre lui. ibid. il demande la paix. 575. sa
ment admis au droit de bourgeoisie Ro- mort & ses funerailles. ^76.
maine. 671- Vocontiens, le Consul M. Fulvius Flaccusleur
Triocale ville bâtie par Salvius.
^ 646. fait la guerre. 609.
Tryphon, voyez Philopator. Volons, esclaves qui s'étoient engagez volon-
Tryphon arrête Jonathas à Ptolémaïde. 347.il tairement à servir dans les armées de la Ré-
fait mourir le jeune Antiochus & regne en publique Romaine 57. ils remportent la vi-
sa place. ;48. )'7°. Simon frere de Jonathas âoire surles Carthaginois sous la conduite
lui envoye cent talens & ses deux fils qu'il de Sempronius. 63.on leur donne la liberté
fait mettre à mort. ibid. il est obligé de s'en- pour técompenfè. ibid.
fuir. 3 s 1. il fait confirmer sa Royauté par le Volux & Sylla passent au travers du camp de
Senat. 570. une tempête fait périr son armée. Jugurtha. 63 8.
ibid. il est dépouillé du Royaume de Syrie. Usuriers & débiteurs,
^ troubles dans Rome à
,go. sa fuite. 6î:z. leur sujet. 571.
Tuditanus, voyez Sempronius. Utique, Scipion assïége cette ville & en léve
le
le siége à cause de l'hyver qui approchoit. Sidétes. ibid. il reprend Laodicée sur ses Gé-
124. cette ville se rend aux Romains. 543. néraux revoltez. 610. il cherche à se sauver
XEnocratis d'isciple de Platon, sa vie. en Gréce. 611. bataille entre lui & Antio-
2Î7- chus Gryphus. ibid. sa mort. ibid.
Xenophanes AmbaÍfadeur de Philippe Roi de Zenon de Cittium Auteur de la Secre des Stoï-
Macédoine,vers Annibal Général des Cartha- ciens sa vie. 270. il eut pour maitre Stilpon
ginois, est pris & mené à Rome. ^7. auquel, il s'attache préférablement à Crates.
ZAbadéens, Arabes de ce nom, ils sont dé- 271. il a des disciples & enseigne dans le por-
faits par Jonathas. 346. tique peint par Polygnote.ibid. sa mort, Cori
Zama est assiégée par Metellus. 632. caraâére & ses maximes. ibid.
à
Zebina [uccéde Demetrius Nicator. 6o8. il en- Zoïle célébre Critique d'Homère arrive à Ale-
tre àAntioch*& reçoit le corps d'Antiochus xandrie. 21 j.

F I N.

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